(Onze heures seize minutes)
Le Président (M. Provençal)
: Bonjour à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous
souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission est réunie afin de poursuivre les
consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi
n° 15, loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres
dispositions légales.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Derraji (Nelligan) est remplacé par Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce); Mme Sauvé (Fabre),
par Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé); M. Marissal (Rosemont), par
M. Zanetti (Jean-Lesage); et M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), par M. Ouellet
(René-Lévesque).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci beaucoup. Ce matin, nous entendrons les personnes et groupes suivants :
la Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement et
Mme Geneviève Rioux.
Je souhaite,
à ce moment-ci, la bienvenue à la Fédération québécoise des directions
d'établissement d'enseignement. Vous avez 10 minutes pour votre
exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de
la commission. Je vous invite à vous présenter et je vous cède la parole.
Fédération québécoise
des directions d'établissement
d'enseignement (FQDE)
M. Prévost
(Nicolas) : M. le Président, M. le ministre délégué à la Santé
et aux Services sociaux, chers députés membres
de la commission, bonjour, je me présente, Nicolas Prévost, président de la
Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement.
Permettez-moi,
d'abord, au nom des 2 100 membres de la Fédération québécoise des
établissements d'enseignement que nous représentons, de vous remercier
de nous recevoir aujourd'hui afin de vous présenter le fruit de notre réflexion
au sujet du projet de loi n° 15 concernant la protection de la jeunesse.
Tout en sachant très bien que nous ne sommes
pas des spécialistes de la santé et des services sociaux, loin de nous
l'intention de faire des recommandations spécifiques sur les différents
aspects du projet de loi.
Cependant, comme collaborateur de premier plan,
la fédération tient, d'entrée de jeu, à souligner la grande importance qu'elle
accorde à ce projet de loi. Ses membres étant d'ores et déjà engagés dans la
prestation de services éducatifs aux enfants, de leur sécurité et leur
bien-être, tout cela nous tient évidemment bien à coeur. Nous saluons votre
souhait de mettre l'enfant au coeur des actions et des futures décisions.
Nous pensons, toutefois, et c'est là l'essentiel
de nos propositions, qu'une meilleure collaboration entre le réseau de l'éducation et la protection de la
jeunesse pourrait s'avérer très utile à votre projet d'amélioration du système
actuel. Les constats du passé nous démontrent un travail colossal des
intervenants des services sociaux et du réseau scolaire, mais nous notons de trop nombreux constats d'échec quant à
l'aspect collaboratif. Les enfants passant beaucoup de temps à l'école,
le personnel de nos équipes-écoles est en effet bien placé pour détecter tout
changement dans l'attitude ou le comportement des enfants susceptibles de subir
de la maltraitance, et je sais qu'il serait très heureux de pouvoir y
contribuer davantage.
Mais, avant d'aller plus loin, j'aimerais vous
présenter ma collègue, Mme Élizabeth Joyal, secrétaire de la Fédération
québécoise des directions d'établissement.
• (11 h 20) •
Mme Joyal (Élizabeth) : M. le
Président, M. le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, chers
députés membres de la commission, bonjour. J'aimerais, moi aussi, vous
remercier de nous recevoir aujourd'hui afin d'apporter notre contribution au
perfectionnement de ce projet de loi si important pour les enfants issus d'un
milieu familial dysfonctionnel et non sécuritaire car la maltraitance peut
évidemment nuire aux résultats scolaires et à la réussite éducative des enfants
qui vivent dans un milieu familial inadéquat. Vous êtes bien placé pour le
savoir. Bénéficiant des compétences nécessaires pour diagnostiquer les
problématiques susceptibles d'affecter la vie des enfants que nous éduquons,
notre position privilégiée de proximité au quotidien peut s'avérer d'une grande
utilité pour celles et ceux qui ont la responsabilité de protéger leurs droits,
mais encore faut-il s'assurer de tirer avantage de cette position privilégiée.
Nous serons heureux de contribuer à l'émergence
d'un système plus efficace de protection de nos enfants en vous avertissant
formellement de toute situation potentiellement problématique que pourraient
vivre les enfants que nous côtoyons dans le cadre de
notre mission éducative. L'école peut, en effet, apporter son soutien aux
enfants en difficulté, ne serait-ce que par l'entremise d'un signalement. Des
points de contact statutaires ou automatiques lorsqu'un enfant change de milieu
familial, par exemple, permettraient également à nos réseaux respectifs
d'assurer une transition plus harmonieuse des enfants vers le nouvel environnement,
incluant le réseau scolaire.
Le meilleur suivi des
enfants que permettrait une plus grande collaboration entre le réseau de
l'éducation et celui de la protection de la jeunesse assurerait, nous en sommes
convaincus, le resserrement des mailles du filet de protection que nous
souhaitons optimiser ensemble tout en maintenant l'enfant au coeur de nos
décisions. Merci.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci
beaucoup pour votre exposé. Alors, nous allons débuter cette période d'échange
avec M. le ministre. Alors, je vous cède la parole.
M. Carmant :
Et j'ai combien de temps?
Le Président
(M. Provençal)
: Vous
avez 15 min 15 s.
M. Carmant : Quand même,
15 minutes, O.K., d'accord. Bien, merci beaucoup. Merci pour votre témoignage.
Je dois vous dire que je suis extrêmement touché de votre présence aujourd'hui.
Je pense que ça envoie un message puissant
de l'implication puis des liens qu'il faut tisser entre les services aux jeunes
et les écoles primaires et secondaires.
Moi,
ce que j'aimerais vous dire, c'est qu'une des choses qui me tient vraiment
beaucoup à coeur, c'est qu'on puisse améliorer, d'abord, peut-être, ces liens
qui sont entre les services scolaires et les services de première ligne.
Pendant la pandémie, j'ai parlé quasiment à chaque semaine, là, pendant la
première vague, là, au directeur de la protection
de la jeunesse, et ils ont fait des... ils ont créé des ponts avec le milieu
scolaire, mais je pense qu'il faut également créer des ponts
avec les services de première ligne.
Par exemple, dans mon
comté, il y avait très peu de liens entre les écoles et les services, les
centres de pédiatrie sociale. Les écoles ne connaissent pas les services de
première ligne, les services SIPPE pour les mamans qui sont en difficulté, le service CAFE pour les enfants qui font des
crises ou qui ont des pensées suicidaires, le service négligence pour
les enfants qui n'ont pas de lunch, qui n'ont pas de... qui sont mal habillés,
qui sont mal... tu sais, dont les soins
personnels sont douteux. Puis, comment on peut renforcer ces liens-là, faire
qu'on passe par cette première ligne avant d'aller à l'aide à la
protection de la jeunesse, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Prévost
(Nicolas) : Bien, dans un premier temps, j'aimerais réitérer qu'on est
nous aussi très heureux d'être ici aujourd'hui et de représenter nos directions
d'établissement, parce que c'était effectivement très important. L'enjeu de nos jeunes ressources, la protection de
la jeunesse, là, c'est vraiment un enjeu qui nous tient vraiment à coeur.
Maintenant,
sur les services de... dans le fond, c'est d'être... de travailler en amont, de
travailler en prévention, je comprends bien. Je pense qu'il se
développe, dans les derniers temps, avec l'apparition d'Agir tôt, entre autres,
où il y a eu beaucoup de rencontres qui ont été mises en place et, je vous
dirais, un partage de connaissances entre ces divers réseaux là... Je pense que
le fait de mettre en place Agir tôt et de le mettre de façon plus structurée va
aider le milieu scolaire à justement faire appel à des instances de premier
niveau, de première ligne pour aller vraiment en prévention, ce qui serait
toujours mieux, bien entendu.
Bon, avec l'arrivée
aussi de nos petits de maternelle quatre ans dans les dernières années, je
pense qu'il faut aussi consolider cette présence-là vers des organismes qui
existent déjà. Oui, on y voit là une grande importance. Maintenant, comment le
mettre en action, ça va beaucoup avec des recommandations qu'on a faites, dans
notre mémoire, d'approche collaborative, que les instances puissent se
rencontrer, apprennent à se connaître et connaissent ce qui se passe dans les
différents milieux. Donc, ça, ça peut être un moyen qui va faciliter grandement
comment on pouvoir aller vers les services de proximité.
M. Carmant : Super, merci. En plus, c'est Agir tôt qui vous aide à faire ça. Moi, je
suis extrêmement heureux. Je n'y avais même pas pensé.
M. Prévost
(Nicolas) : Ah! ça ne nuit pas.
M. Carmant :
Super. Bon, maintenant, au niveau de la protection de la jeunesse, l'enjeu
qu'on a puis qu'on vit, puis je pense que c'est un petit peu ce que je lis
quand je lis votre mémoire, c'est que, quand même, 60 % des signalements
ne sont pas retenus. Puis je vais vous dire qu'avec la pandémie les
signalements ont augmenté, mais le taux de rétention, lui, au contraire, il est
en train de baisser. Donc, comment, selon vous, on renforcit ou on clarifie les raisons qui vont faire que la protection de la
jeunesse va intervenir ou quels mécanismes on peut mettre sur pied pour que
tant de signalements ne soient pas rejetés? Puis je dois vous dire que, tu
sais, aux congés scolaires, c'est spectaculaire, là, tu sais, quand
l'école ferme, là, le nombre de signalements baisse drastiquement, là, il faut
se l'avouer, ça.
Donc, qu'est-ce qu'on
peut faire pour s'assurer que les signalements soient pas plus pertinents,
parce qu'ils sont tous pertinents, mais
soient... vont être mieux reçus et ont plus de chances d'être retenus? Parce
que, vous le savez, je suis sûr, chaque signalement mérite du temps
terrain, mérite une enquête, mais, tu sais, même ceux qui ne sont pas retenus
ne sont pas juste : Ah non! On ferme, là. Il y a toujours quelque chose
qui se fait quand la DPJ reçoit un signalement. C'est pour ça que j'aimerais
que ce soit... au moins que ça passe par la première ligne, mais, si on est vraiment inquiets, là, que l'enfant est compromis,
qu'est-ce qu'on peut faire pour clarifier les critères de compromission
qui vont faire qu'un signalement va être retenu?
Mme Joyal
(Élizabeth) : Encore une fois, par des tables où on pourra discuter de
ces critères, où l'école pourrait être partie prenante, en ce sens que nous
observons des choses sur le terrain qui, peut-être, seraient des indices
supplémentaires s'il y avait un échange, tout d'abord, pour ces indices-là,
parce qu'au moment où un signalement n'est pas retenu, une fois que l'école a
fait le travail, c'est difficile de savoir pourquoi selon l'enquête qui a été
menée, parce que les détails de l'enquête ne sont jamais tous communiqués pour
des raisons évidentes. Donc, à ce moment-là, s'il y a une discussion sur
pourquoi... Par exemple, c'est nommé dans notre mémoire, mais les signalements
que nous avons l'obligation de faire en tant que direction d'école pour les
enfants qui ne fréquentent pas de façon assidue, régulière, c'est souvent un
premier indice important de problèmes à la maison, et, dans cette situation-ci, il y aurait une autre instance qui
pourrait y répondre dans les autres programmes sociaux, là, qui supportent...
Donc, on comprend qu'il peut y avoir beaucoup de
situations qui sont portées à l'attention de la DPJ, mais ça, c'est quand même un drapeau important, la
non-fréquentation, qui est, d'ailleurs, une obligation pour nous, mais qui
n'est pas toujours une priorité du côté DPJ, pour toutes sortes de
motifs qui leur appartiennent puis qui ne me sont pas communiqués, mais, d'un
premier coup d'oeil, cet enjeu-là semble important.
M. Carmant : D'accord. Donc,
ces tables-là ne sont pas monnaie courante, alors?
Mme Joyal (Élizabeth) : Pas du
tout, en tout cas, pas à ma connaissance. Les tables ou les directions, de
façon régionale ou sectorielle, directement... Les directions qui sont
interpelées dans des dossiers directement, non. On est partie prenante. Une fois qu'un dossier est ouvert, une fois
qu'une enquête est en branle, à un certain point, oui, mais il y a
d'autres choses qui peuvent être faites, oui.
• (11 h 30) •
M. Carmant : J'espère que les
changements qu'on apporte à la loi, au niveau de la confidentialité, pourront aider. Ça, c'est un très grand point. Bon,
parlons-en, des absences répétées. Quels sont les critères de non-fréquentation
scolaire qui mènent à un signalement? Parce
que, pendant la pandémie, on a vu une explosion, là, de ces signalements-là.
Est-ce qu'il y a des... C'est quoi, c'est
comme deux jours pas à l'école sans avertir? Comment vous gérez ça ou est-ce
que ça varie d'un établissement à l'autre?
M. Prévost (Nicolas) : Il n'y a
pas de critère, là, écrit ou prescrit par aucune loi ou peu importe, donc c'est
vraiment par la gestion de chaque
établissement scolaire. Bien entendu, bon, ça peut effectivement varier d'un
établissement à l'autre, mais je vous
dirais... Là, il faut... Quand on va faire un signalement au niveau de la
protection de la jeunesse concernant des absences des élèves, c'est
vraiment dans des cas, là, où on a une absence prolongée, là, sans motif raisonnable. Puis là on peut vous parler, là, de
semaines, là, un exemple, un deux semaines ou, encore là, des absences
ponctuelles, tu sais, une à deux journées par semaine, mais qui sont sur une...
tu sais, qui sont sur une durée quand même importante, et surtout avec
des motifs d'absence qui ne nous apparaissent pas justifiés.
Maintenant, il n'y a pas de... il n'y a pas...
Mais je tiens à souligner que c'est effectivement, pour nous, une problématique de... Pour faire un bon... Il n'y a
pas de mauvais ou de bon signalement. Ce n'est pas ce que je veux dire.
Mais, pour s'assurer de faire les choses correctement, il faudrait aussi
connaître les critères, tous les critères qui sont d'office. Là, nous, on y va avec le personnel qu'on a dans nos
établissements, qui ont des connaissances plus fines, nos psychologues,
nos psychoéducateurs, qui nous servent de référents à ce niveau-là, mais on n'a
pas de retour, comme Mme Joyal le disait tantôt, quand ce n'est pas
retenu. Pourquoi? Donc, ça nous aiderait peut-être à comprendre et à mieux... à
faire des signalements de façon différente.
M. Carmant : Puis,
moi, les DPJ me disent que, pendant la pandémie, un des gains qu'on a faits,
c'est qu'on a eu ce rapprochement
entre la protection de la jeunesse et le réseau scolaire. Êtes-vous d'accord ou
il y a encore beaucoup de pas à faire?
M. Prévost (Nicolas) : Oui, il
y a eu un certain rapprochement, mais il y a encore beaucoup de pas à faire, M.
le ministre. Et la pierre n'est pas seulement dans la cour de la DPJ, là. La
pierre est aussi dans la cour du réseau scolaire,
là. On n'est pas sans faute ou sans tache dans tout ça, nous, non plus, là. Des
fois, c'est dans notre propre réseau qu'on
aurait à clarifier et à stabiliser certaines choses pour améliorer cette
collaboration-là, parce que, qui dit collaboration... Ça se fait à deux,
là, ce n'est pas seulement de lancer la pierre dans les réseaux sociaux puis
dire... tu sais. Donc, nous aussi, on a des modifications à faire puis des changements
à faire. Je ne sais pas si, Élizabeth, tu voulais...
Mme Joyal (Élizabeth) : C'est
ça.
M. Carmant : Et,
si vous auriez une recommandation, une demande pour faciliter ce rapprochement,
qu'est-ce que ce serait?
M. Prévost (Nicolas) : Bien, on
voit, dans le projet de loi, que le directeur national a quand même un rôle
d'établir des forums, forums de discussion, bon, avec les différents
intervenants aux niveaux régionaux, entre autres, mais nous, on croit qu'il
serait pertinent que quelqu'un du réseau scolaire puisse... parce qu'on voit,
dans le projet de loi, qu'il y a quand même une certaine latitude au directeur
national de choisir les gens qui pourraient être présents. Je pense, ce serait
très pertinent qu'il y ait quelqu'un qui représente le réseau scolaire
justement pour qu'il y ait cet arrimage-là puis une discussion pour qu'on
puisse... que ça se répercute sur le terrain.
M. Carmant :
D'accord, j'ai bien entendu. Est-ce que... Comment on pourrait... Est-ce qu'on
devrait... Mais peut-être qu'ils n'ont pas le temps non plus, là, puis je
comprendrais très bien. Justement, les professionnels dont vous parlez, qui
sont dans les écoles, est-ce qu'ils pourraient contribuer plus? Est-ce qu'il y
aurait moyen de travailler avec eux, quand je parlais de collaboration de
première ligne, milieu scolaire, par exemple, ou...
Mme Joyal (Élizabeth) : Oui. Il
y a toujours façon de collaborer, j'ai envie de dire. Ce n'est pas qu'il y a
une non-collaboration, c'est qu'elle n'est peut-être pas sur une base
suffisamment fréquente. Puis ce qui s'échange, aussi, est très important. Donc,
vous en parliez tantôt, la portion de la confidentialité vient jouer, mais
est-ce qu'on peut impliquer davantage les professionnels? Assurément. Ils sont,
d'ailleurs, impliqués à chaque fois qu'il y a un dossier pour les élèves, ça ne
relève pas entièrement de la direction de l'école. Évidemment, ce sont tous les
intervenants de l'école qui sont impliqués à ce moment-là.
M. Carmant : D'accord. Donc,
les signalements sont... il y a un certain protocole pour signaler. Ce n'est
pas comme : le professeur prend le téléphone, là.
Mme Joyal (Élizabeth) : Ça peut
être le professeur prend le téléphone aussi, mais il y a toujours échange, dans
l'équipe-école, sur une situation pour un élève. Après ça, on détermine qui
doit faire l'appel, là. Mais ça, ça peut varier d'un établissement à l'autre,
ce n'est pas un protocole établi de façon formelle, dans les CSS ou au sein
même des établissements, ça peut varier.
M. Carmant : Parfait. Merci
beaucoup. M. le Président, avec votre consentement, je passerai la parole à la
députée de Soulanges.
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Mme la députée, à vous.
Mme Picard : Merci, M. le Président. Le projet de loi prévoit
des mesures de transition et d'accompagnement personnalisé pour les
jeunes sous la protection qui atteignent l'âge adulte. On connaît l'importance
de l'éducation et de la formation
professionnelle pour assurer un avenir à ces jeunes et favoriser leur
autonomie. Quel rôle peuvent jouer les directions d'établissement dans
ces mesures de transition et d'accompagnement personnalisé?
M. Prévost
(Nicolas) : Bien, tout d'abord, il faut souligner que c'est
une bonne nouvelle, maintenant, qu'il y ait cet accompagnement-là qui se
poursuit sur une plus longue période, là, avec les élèves qui sont plus vieux
et qui, oui, fréquentent nos établissements, là, en formation générale
des adultes et en formation professionnelle. Le rôle de la direction
d'établissement va être sensiblement le même, que l'on... même si l'élève est
plus vieux. Il y a quand même un rôle
important d'un suivi à travers ces établissements-là que sont la formation
générale des adultes et de formation professionnelle, de s'assurer quand même
d'un suivi, d'une mise en place des actions qui ont été déterminées par la protection
de la jeunesse et, souvent, des actions qui sont mises en place dans
l'établissement scolaire.
Et ça m'amène... la question est très
pertinente, ça m'amène sur l'enjeu de... collaboratif, encore, mais sur l'enjeu
de... Il y a des plans d'intervention, souvent, dans nos établissements
scolaires et il y a des plans d'action au niveau, souvent, de la protection de
la jeunesse. Et, encore là, souvent, trop souvent malheureusement, il n'y a pas
de concordance entre les deux plans d'action qui devraient se parler, en
quelque part. Parce que les moyens qui sont mis en protection de la jeunesse
devraient se poursuivre dans le milieu scolaire, et ce qui est mis en place
dans le milieu scolaire devrait avoir un certain suivi au niveau familial, au
niveau de la santé et des services sociaux aussi.
Donc, on a deux... tu sais, deux gens qui...
deux instances qui travaillent très, très fort à mettre en place des choses, mais, malheureusement, pas assez souvent,
les deux... il y a croisement dans les plans d'action, et ça se répercute
aussi aux adultes et en formation professionnelle. Parce que, là, ce n'est pas
parce que ces élèves-là sont plus vieux qu'ils n'ont pas besoin d'un suivi et
d'un encadrement de la part... Et c'est le rôle de la direction de s'en
assurer.
Mme Picard : Merci.
Le
Président (M. Provençal)
: Il
reste 20 secondes. Ça va? Alors, merci beaucoup, M. le ministre. Je vais
maintenant céder la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce pour les
10 min 10 s suivantes.
Mme Weil : Merci, M. Prévost, Mme Joyal. Et, comme
le ministre, je vais vous dire que... très, très contente que vous soyez là. Et vous savez, comme député, on est
sur le terrain, il y a des organismes communautaires et l'école — ...
Une voix : ...
Mme Weil : ...ça va
mieux, là, comme ça? — et
c'est l'école qui est vraiment le centre de vie dans une communauté. Et j'ai
découvert récemment, puis ce n'est pas le programme provincial, mais c'est un
programme de la ville de Montréal, qui identifie, avec les commissions
scolaires... ce n'est plus des commissions scolaires, mais les centres... je
pense c'était avec les commissions scolaires, mais le programme existe
toujours, pour identifier les familles
vulnérables. C'est comme ça que c'est dit. Et moi, je suis allée visiter ce
centre, je ne connaissais pas le programme. Et donc le centre
communautaire organise des événements pour l'été, ils font un peu de... C'est
surtout beaucoup de jeunes
Noirs, mais plus anglophones. Donc, il y a des cours de français, ils font un
peu d'activité physique. En tout cas, c'est extraordinaire. C'est le centre
Loyola. Et c'est un organisme, vraiment, là, qui a toujours besoin de
financement, etc. Vous savez, tous les organismes communautaires
cherchent de l'argent, mais ça donne des résultats.
Alors... et,
il y a 20 ans, j'étais à la régie régionale... Juste pour vous expliquer
pourquoi je pense que nous deux, le ministre
et moi, et tous ceux qui sont ici, on est content de vous recevoir. Il y a
20 ans, quand on avait de la régionalisation, j'étais à la régie
régionale de Montréal, et on voulait faire, avec la Santé publique, qui était
régionalisée à l'époque, parce qu'on avait identifié les poches de
vulnérabilité partout à Montréal, un «reaching out» vers le système scolaire, parce qu'on se disait : On ne peut pas faire
ça tout seul. Ça n'a pas été possible à l'époque. Donc, vous mettez le doigt
sur quelque chose de bien important, donc comment faire en sorte que...
Et
c'est plusieurs partenaires. Il y a DPJ, mais il y a la prévention, les
organismes communautaires, comme disait le ministre. Comment... Vous allez
peut-être vous répéter, mais je veux bien comprendre. Qui vous voyez à cette table, bien, c'est-à-dire, dans cet effort
pour créer cette société bienveillante, comme la commission spéciale nous
recommande? Et vous êtes au coeur de ça,
hein, vraiment au coeur, vous voyez les enfants et les parents tous les jours.
Qui vous voyez, dans cette... les acteurs qui peuvent faire une différence,
s'ils sont en communication? Vous, vous avez mentionné DPJ, ça, je le
comprends, vous faites des signalements, mais parmi les autres acteurs qui
seraient importants pour vous, au-delà des professionnels.
• (11 h 40) •
M. Prévost (Nicolas) : Bien, je
crois, comme vous l'avez mentionné, que l'école étant le milieu de vie de ces
enfants-là quotidiennement, bon, j'ai un peu... tantôt, en vous disant que, sur
le... bon, le directeur national, je pense que, oui, il devrait avoir... Puis,
quand je parle quelqu'un du réseau scolaire, je parle de quelqu'un du réseau terrain. Et ce que je veux expliquer, c'est qu'il
y a des gens qui sont dans les centres de services, qui font de l'excellent
boulot, mais ils ne sont pas sur le terrain des vaches, à vivre des situations
dans nos écoles.
Vous avez
parlé des professionnels. Je vois effectivement un lien quand même assez
direct, c'est nos référents, on l'a
dit, c'est eux qui ont le plus de connaissances à ce niveau-là, donc ça peut
être eux. Mais, si on va au-delà de ça, moi, je vois vraiment le rôle aussi d'une direction d'établissement qui
a, je vous dirais, une vue d'ensemble, aussi, de ce qu'il se passe dans l'établissement, qui a
peut-être moins la vue compartimentée que l'avis de l'enseignant, de l'éducatrice
du service de garde, donc, cette vue plus
globale là. Puis, je vois aussi une présence, pas seulement au niveau national,
mais aussi au niveau régional, de vraiment rapprocher les deux groupes.
Mme Weil : ...puis c'est sûr
que je ne pose pas trop de questions sur comment ils se sont retrouvés, mais
les travailleuses sociales des CISSS et CIUSSS qui sont aussi, des fois... ils
sont interpelés, parfois, ils connaissent... Bien,
chez nous, en tout cas, N.D.G, Côte-des-Neiges, ils semblent bien connaître
leur milieu, mais ils comptent beaucoup sur les organismes
communautaires pour les allumer. Ils connaissent la DPJ, ils sont... Donc, il y
a des choses qui se passent dans certains... Il faudrait repérer les efforts
qui ont été faits.
Vous, est-ce
que vous faites... Donc, vous, vous allez à la DPJ surtout, hein, c'est ça,
votre... Et je comprends, je
comprends, même s'il y a trop de signalements, mieux vaut être, comment dire,
sûr que de prendre des chances, hein? Alors, moi, je comprends tout à
fait ce réflexe. Et je l'ai appris lors de la COVID, la première vague, l'étude
qui a été faite, parce qu'il y avait eu une baisse de signalements, et, quand
l'école a repris, on a vu que l'école joue un rôle très important.
Donc, essentiellement, je vais laisser... Je
veux juste d'être sûre que... parce que c'est vraiment une occasion en or de
vous avoir, mais je vais... Oui, vas-y avec ta question. Avec la permission du
président...
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, à vous la parole.
Mme Robitaille : Merci,
M. le Président. Bien, Mme Joyal, M. Prévost, merci d'être là. C'est
vraiment important. Comme disait ma collègue, l'école est vraiment un
centre de vie, hein, pour nos jeunes. J'aimerais qu'on se parle de la
confidentialité. Le ministre en a parlé tout à l'heure, mais je pense que c'est
une question très importante. Et puis vous en parlez aussi dans votre mémoire,
vous dites : «La loi devrait empêcher qu'un parent choisisse de ne pas divulguer certaines informations en prétextant
leur confidentialité, lorsque la sécurité d'un enfant est en cause.» Bien,
évidemment, c'est un sujet délicat. Il y aura
des amendements, aussi, qui vont chercher à circonscrire autrement la confidentialité. Jusqu'où... Est-ce qu'on devrait
interpréter la définition de «confidentialité» d'une façon plus large qu'elle
l'était avant? Puis jusqu'où on peut aller? Donnez-nous un petit peu des...
Mme Joyal
(Élizabeth) : J'ai envie de
vous répondre qu'on veut être partie prenante de cette confidentialité-là,
comme direction d'école. Là, je m'exprime comme une directrice. Nous allons
tenir cette confidentialité-là, aussi, au regard
des informations qui pourraient nous être transmises. On comprendrait aussi
qu'on ne va pas nous donner la totalité des infos.
Ceci étant dit, les propos qui sont mentionnés
dans ce mémoire font référence à des situations vécues déjà. C'est-à-dire un
élève nous est confié, il change de milieu, il arrive dans notre école, et,
parce qu'un parent ne souhaite pas divulguer
certaines portions d'informations, on n'y aura pas accès. Et c'est à ce
moment-là que, des fois, les
interventions qui peuvent être mises en place ou les réactions qu'on pourrait
avoir dans le milieu pour bien traiter le dossier ne nous seront pas
acheminées, et ce sera le parent qui en aura décidé.
Je questionne qui devrait être le gardien de ce
qui doit être communiqué ou pas. Dans ce cas-ci, ce que j'en comprends, c'est que, maintenant, c'est le parent
qui en fait le choix. Est-ce que ça ne pourrait pas plutôt être l'intervenant,
l'agent porteur du dossier, je questionne ça, pour, au
final, mieux traiter un dossier d'élève puis se retrouver avec un dossier bien traité pour cet enfant-là, l'enfant
au coeur de la décision? Le parent, on comprend qu'il a des droits au regard
de tout ça, mais qu'en sera-t-il de ce que nous pourrons faire pour cet enfant?
Mme Robitaille : Est-ce que
l'enfant devrait avoir plus de pouvoirs? Je m'explique. Parce que c'est sûr
qu'au primaire peut-être que c'est plus délicat, mais, quand il est adolescent,
est-ce qu'il ne devrait pas avoir plus de pouvoirs
à savoir quoi partager et, si on lui pose des questions à l'école, pouvoir
répondre librement aux questions qu'on lui pose?
Mme Joyal (Élizabeth) : Bien,
tu sais, à l'école, l'enfant qui est questionné choisit de donner des réponses ou de ne pas en donner. Quand nous, on fait
référence à la confidentialité, on parle de celle qui nous sera communiquée
de façon officielle et de façon vérifiée. Donc, les élèves, même au primaire,
choisissent de s'exprimer, des fois pas. Les propos ne sont pas nécessairement
invalides, mais ils valent toujours mieux... qu'ils soient vérifiés par un
intervenant qui est dans ce dossier-là et qui s'implique. Donc, à partir de là,
c'est plutôt quand le parent choisit de dire :
Bien, je ne veux pas qu'on dise ça. Si ça peut être nuisible au développement,
au traitement, pourquoi gardons-nous la chose confidentielle, alors
qu'elle pourrait être utile? Dans certaines autres situations, ce n'est pas
grave qu'on n'ait pas l'info. On ne veut pas nécessairement dire qu'on veut
tout, mais on veut le maximum pour pouvoir bien faire les choses.
Mme Robitaille : Donc, si je
vous entends comme il faut, le parent ne devrait pas avoir le pouvoir absolu de
décider qu'est-ce qui doit être dit et pas dit. L'intervenant pourrait aussi
avoir un certain pouvoir, dans certains cas, à confier, là, à l'école certains
éléments importants.
Mme Joyal (Élizabeth) :
L'enfant au coeur de la décision.
Mme Robitaille : En ce moment,
là, dans les... pratico-pratique, là, est-ce que les intervenants de la DPJ ont
souvent des rapports directs avec l'école?
M. Prévost (Nicolas) : Avec les
intervenants de l'école, à l'heure où on se parle, oui, mais très peu, dans le
sens où les intervenants de la protection de la jeunesse vont se manifester,
là, dans un établissement scolaire. Ils sont surtout
là dans un but de rencontre avec l'enfant, il y a très peu d'échange, très,
très peu d'échange avec les intervenants scolaires lors des visites de la
protection de la jeunesse. Et l'inverse est aussi vrai de notre côté, là, tu
sais? Comme je vous dis, nous, on a des affaires aussi à faire, on a des
changements à faire aussi pour transférer l'information qu'on a à l'école vers
la protection de la jeunesse aussi. Mais il y a très, très peu, très, très peu
de communication.
Mme Robitaille : Donc, vous en voudriez beaucoup plus, là, un
changement de paradigme, là, pour qu'il y ait plus d'échanges, plus de
fluidité entre les différents partenaires?
M. Prévost (Nicolas) : Écoutez,
j'ai été direction d'établissement pendant 21 ans, et très rarement on
sait quand les intervenants de la DPJ vont
venir à l'école, là. Un matin, ils cognent, ils viennent voir notre secrétaire
puis ils disent : Aujourd'hui, je viens rendre visite à tel élève.
Donc, on l'apprend là.
Mme Robitaille : Mais un
enseignant ne pourrait pas appeler un intervenant directement, disons qu'il
sent que quelque chose ne va pas ou... Il n'y a pas d'échange direct,
nécessairement?
M. Prévost
(Nicolas) : Oui. Bien, le
personnel scolaire pourrait aussi, quand même, communiquer directement avec
l'intervenante, s'il y avait des modifications dans le comportement de l'élève,
exemple. Tu sais, souvent, on a le nom, quand même, de l'intervenante
qui s'occupe du dossier. Mais il y a très, très peu d'échange, là, des deux côtés.
Mme Robitaille : Merci. Donc,
ce serait à favoriser?
M. Prévost (Nicolas) :
Définitivement.
Mme Robitaille : O.K. Parfait.
Merci. Vas-y.
Le Président (M. Provençal)
: Merci.
• (11 h 50) •
Mme Weil : Je connais moins... Excusez-moi, ça va... Je
connais moins comment ça fonctionne dans le système scolaire, mais donc...
Parce qu'on a beaucoup parlé hier de, justement, cette question de sensibilité
par rapport à certaines informations et, tout de même, protéger l'enfant
à long terme, même, sa réputation, etc. Donc, ça a été recommandé par des ordres professionnels qui sont venus hier,
des psychoéducateurs, qu'il y a moyen de faire en sorte de transférer
l'information d'un professionnel, membre d'un ordre professionnel, à l'autre.
Parce que chacun a cette sensibilité, cette formation pour savoir, O.K., quelle
information devrait être transmise et comment. Est-ce que vous voyez ça dans votre milieu, éventuellement? Parce qu'il y
aura certainement, bon, des discussions au ministère, un règlement, etc.,
sur comment cette
disposition de la loi va s'actualiser. Que pensez-vous de cette approche-là, au
lieu de laisser ça entre les mains de la famille qui va peut-être
vouloir peu dire, on ne sait pas, mais de professionnel en professionnel, d'une
institution à l'autre?
M. Prévost
(Nicolas) : Sans ouvrir les valves, là, complètement, il ne faut pas
non plus être réfractaires à... Tu sais, je comprends nos professionnels, là,
on discute souvent avec eux, puis, oh! tu sais, là, sous le couvert de l'ordre
professionnel, de transmettre les informations, puis qu'ils veulent le faire
avec les bonnes personnes, au bon moment... Mais il ne faut pas freiner ça non
plus, là. Tu sais, il ne faut pas ouvrir, bon, que ça devienne public, mais il
faut encourager ce discours-là que plus les gens seront au courant et mieux on
va pouvoir intervenir avec l'enfant. Donc, oui, bien, il y a encore du travail
à faire à ce niveau-là. C'est, à notre avis, encore assez fermé.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons poursuivre avec le député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Je voudrais continuer sur la
question de la confidentialité. Est-ce
que vous pourriez nous donner des exemples de choses qui peuvent arriver parce
qu'il y a un manque de communication ou parce que, disons, la
confidentialité a été, disons, interprétée avec des critères trop serrés, là,
puis qu'il vous a manqué de l'information, puis que ça a entraîné des préjudices
pour l'enfant?
M. Prévost
(Nicolas) : Oui, je peux vous donner des exemples très concrets.
M. Zanetti :
Sans nommer les noms, évidemment.
M. Prévost (Nicolas) : Non, non, non. Très souvent, dans les milieux
défavorisés, on voit l'arrivée de nouveaux étudiants, dans nos établissements,
parce qu'ils ont été placés dans une famille d'accueil. Le dossier scolaire
va suivre très rapidement, mais le dossier d'aide, donc tout ce qui a trait aux
services, justement, d'encadrement au niveau psychosocial
ou comportemental, lui, il ne suit pas ce dossier-là, tant que les
professionnels ne s'échangent pas l'information, parce que le
professionnel ne veut pas le faire avec la direction d'école ou ne veut pas le
faire avec l'enseignant.
Donc, on a un nouvel
élève qui est là, j'ai ses notes de bulletin, je sais que l'élève vit des
difficultés, mais je suis... je ne peux
pas... le plan d'intervention ne suit pas, il y a des choses qui ne suivent
pas, parce que, sous l'aspect... sous la raison de la confidentialité,
les gens ne veulent pas transférer tout de suite. Et parfois je dois vous dire
que le transfert entre professionnels, ça peut prendre beaucoup de temps avant
que ça se fasse. Pas parce que ce n'est pas un souci qu'ils ont de le faire,
mais, bon, vous connaissez, comme nous tous, là, l'enjeu des professionnels
dans le réseau scolaire...
M. Zanetti :
Ils sont dans le jus.
M. Prévost
(Nicolas) : ...qui font parfois cinq, six, sept, huit établissements
scolaires, là. Donc, on vit avec cet enjeu-là de confidentialité qui part... et
là on n'est pas capable de mettre en place rapidement des choses qui pourraient
aider l'élève dans son cheminement.
M. Zanetti :
Et, dans le scénario, par exemple, ou le plan d'intervention suivrait le
dossier de l'élève, là, le dossier normal, comment est-ce que... qui aurait
accès à ça? C'est-à-dire que j'imagine que ce n'est pas : vous le recevez
puis là vous le mettez sur votre site Internet, là. C'est dans un dossier, puis
là il y a les directeurs qui peuvent le voir. L'enseignant qui... Dans le fond,
comment est-ce que vous pouvez assurer la confidentialité de ces données là
confidentielles que vous recevriez?
M. Prévost
(Nicolas) : Oui. L'accès au dossier d'aide, là, elle est très... je
vous dirais, elle est accessible seulement aux intervenants, donc directions
d'école, enseignants et les intervenants qui sont... qui ont à travailler avec
l'élève. Seulement ces personnes-là ont accès au dossier d'aide. Sinon, ce
n'est pas... il n'y a pas d'autre accès.
M. Zanetti :
O.K. Puis ce que ça permettrait de faire, si je comprends bien, c'est que ça
permettrait de mettre en oeuvre le plan d'action plus rapidement, de soutenir
l'élève plus rapidement, sinon, bien, il peut y avoir un trou de service de
trois mois, six mois, peut-être?
Mme Joyal
(Élizabeth) : ...
M. Zanetti :
Des erreurs d'intervention? Comme par exemple, mettons...
Mme Joyal
(Élizabeth) : Bien, je ne sais pas, tout dépendant ce qu'un enfant
peut vivre puis la raison pour laquelle on l'a déplacé. Il y a des enjeux
importants de diverses natures. Il y a des erreurs qui peuvent être commises
involontairement par des intervenants, en mentionnant des choses, en suggérant
des choses, en ne sachant pas ce que l'élève a vécu. Donc, à partir de là, je
pense que, pour améliorer la qualité de l'intervention, si l'info se transmet
rapidement, nous, on évite ces erreurs-là puis on assure la qualité des
services auxquels on est tenu, là.
M. Zanetti :
Puis, dans les choses dangereuses qui peuvent arriver, là, qu'est-ce qu'on
peut... Qu'est-ce qu'il peut arriver, mettons, qui est... parce que vous ne
savez pas qu'un tel parent, mettons est violent, puis là, bien, vous le
contactez, puis là je ne sais pas... Qu'est-ce qu'il peut arriver de...
M. Prévost
(Nicolas) : Bien, qui a accès, qui peut contacter l'élève en question,
déjà, là.
M. Zanetti :
O.K. Ça, il faut... Ça, vous ne le savez même pas?
M. Prévost
(Nicolas) : Bien non, des fois, on l'apprend très tard, trop tard.
Certaines interventions, comme Mme Joyal le dit, interventions de niveau
pédagogique, des fois, l'élève, sur certains retards d'apprentissage ou qui ne sont pas connus ou soumis, qui amènent des
troubles de comportement, exemple... Mais, si on confronte l'élève à ses
troubles d'apprentissage directement, bien
là, on fait exploser l'élève. Donc, si on était en amont, bien, on éviterait ce
type d'intervention là.
Puis
j'attirerais aussi votre attention sur une partie du mémoire, sur les enfants
qui sont scolarisés à la maison, parce qu'on en a de plus en plus, de demandes
de scolarisation à la maison. Donc, l'enfant fait une demande de scolarisation à la maison; pour nous, au niveau
scolaire, on n'a plus de suivi, aucun. Donc, je pense qu'il y aurait des choses
importantes à aller voir à ce niveau-là aussi.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci.
M. Zanetti :
Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, je remercie Mme Joyal et M. Prévost pour leur
contribution à nos travaux.
Je suspends les
travaux pour pouvoir laisser place à la prochaine intervenante. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
11 h 56)
(Reprise à 12 h 05)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue à
Mme Geneviève Rioux, présidente de la Fédération des familles d'accueil et
ressources intermédiaires du Québec, et Mme Rioux est accompagnée de Me
Mylène Leblanc. Alors, vous disposez de 10 minutes pour votre
présentation, et, par la suite, nous allons
procéder aux échanges. Alors, je vous cède la parole, puis je vous demanderais
de vous renommer, s'il vous plaît. Merci.
Fédération des familles d'accueil et ressources
intermédiaires du Québec (FFARIQ)
Mme Rioux (Geneviève) : Parfait. Mme Geneviève Rioux, présidente de
la Fédération des familles d'accueil et ressources intermédiaires du
Québec. La fédération tient à remercier les membres de la commission de lui
permettre d'exprimer les commentaires et les demandes des familles d'accueil
dans le cadre du projet de loi n° 15. Dans
ce contexte, la fédération fait de nouveau valoir la position de ses membres,
mais, cette fois, particulièrement, elle se fait gardienne de l'intérêt des enfants. Seul regroupement
exclusivement dédié à la défense et au soutien des familles d'accueil à
l'enfance du Québec, la fédération représente 2 600 familles
d'accueil, mais, surtout, elle représente plus de 5 000 enfants
partout au Québec.
C'est portés par nos
familles d'accueil inspirantes et bienveillantes que, d'entrée de jeu, nous
constatons que le projet de loi concrétise,
sans plus, l'état actuel du droit de la jeunesse au Québec. C'est insuffisant.
Nous vous remercions d'avoir mis en avant et rapidement cette priorité
d'un grand changement nécessaire, mais nous déplorons que le projet de loi n° 15 ne soit pas à la hauteur de l'intérêt des enfants. Il
n'est ni créateur de droits ni de mesures de contrôle
des agissements de la direction de la
protection de la jeunesse et il
relègue aux oubliettes une réelle commission des droits des enfants. Les
attentes des familles d'accueil des enfants du Québec sont nombreuses et
légitimes face à un projet de loi qui doit être novateur.
Le
but de ces consultations particulières étant de bonifier le projet de loi, la
FFARIQ propose, dans son mémoire, des modifications que nous jugeons
urgentes et essentielles pour les enfants. Afin d'offrir un filet social
sécurisant et bienveillant à nos enfants, chacun a un rôle déterminant à jouer.
La FFARIQ croit que les règles claires, précises doivent être établies, et tous
les acteurs entourant nos enfants se sentiront concernés et concertés dans une
société bienveillante pour eux. Les enfants d'aujourd'hui sont l'avenir de
notre société, nous devons les entourer et leur garantir un bien-être. Les
personnes investies dans le quotidien des enfants, dans leur environnement
propre doivent être impliquées et reconnues dans leur rôle de protection. Afin
que tous ces acteurs se sentent concernés, nous sommes d'avis qu'un changement
de culture significatif doit être apporté en lien avec les principes de
divulgation des renseignements et de la confidentialité. Tels que décrit dans
le rapport de la commission Laurent, ces principes sont complexes et mal
appliqués, les règles de la confidentialité nuisent à la collaboration. Il est
nécessaire qu'un réel transport d'informations à tous les acteurs puisse être
possible pour orienter des pratiques professionnelles centrées sur l'intérêt de
l'enfant.
Nous vous remercions de
vouloir inclure les familles d'accueil dans votre projet de loi, mais, pour
nous, lorsque l'on fait mention de toute personne, à l'article actuel, déjà,
les familles d'accueil ainsi que les professionnels entourant les enfants en
faisaient partie. Cependant, les directeurs de la protection de la jeunesse ne
doivent plus être les décideurs quant à la divulgation d'informations. C'est
pourquoi vous devez modifier le «peuvent» par un «doivent» clair et sans ambiguïté.
La CDPDJ, dans le cadre de son mandat, possède
de nombreuses responsabilités, incluant celle d'intervenir au débat judiciaire
comme si elle était partie. Toutefois, force est de constater que la CDPDJ est
quasi absente de la scène judiciaire, tel que dénoncé par plusieurs juges,
auteurs et la communauté judiciaire. La FFARIQ est d'avis que l'organisme
chargé de la mission et investi des pouvoirs de la CDPDJ devrait être un
organisme dédié exclusivement aux enfants. En effet, la CDPDJ est loin d'avoir comme
unique mission d'assurer le respect des droits des enfants. Bien qu'à première vue il pourrait y avoir
certains avantages qu'un même organisme traite à la fois des plaintes en lien
avec la charte ainsi que les demandes en vertu de la LPJ, nous n'identifions
aucune valeur ajoutée à cette situation dans la pratique.
• (12 h 10) •
Dans un contexte comme le recommande le rapport
de la commission Laurent, dans un souci de cohérence et d'efficacité, la fédération croit que l'ensemble des pouvoirs et mandats
de la CDPDJ devraient être transférés à un nouvel organisme pouvant se
consacrer entièrement et exclusivement à la défense des droits des enfants et
représentatif des nombreuses particularités
de la jeunesse du Québec. Cet organisme doit être autonome, indépendant et
impliqué et voir le jour sans tarder. Cet organisme doit être le réel
gardien de nos enfants.
La FFARIQ recommande que la Direction de la
protection de la jeunesse soit indépendante des CISSS et CIUSSS et qu'elle ait
sa propre administration pour assurer à l'institution son impartialité et son
indépendance. Ainsi, elle aurait ses propres budgets, ses propres règles et ne
serait pas tributaire d'un autre organisme. Dans le but d'incarner davantage la
protection de l'enfant, le directeur devrait être imputable et devrait rendre
des comptes au ministre de la Santé et des Services sociaux.
Il ne faut pas oublier que le directeur de la
protection de la jeunesse intervient dans un contexte d'autorité, que le
pouvoir de l'État doit être adéquatement balisé, ce qui n'est pas le cas
actuellement. L'article 35 de la LPJ se lit ainsi : «Le directeur et
toute personne qui agit en vertu des articles 32 ou 33 ne peuvent être
poursuivis en justice pour des actes accomplis de bonne foi...» Dans ce
contexte, malgré l'existence de jugements de la Chambre de la jeunesse dans
lequel sont dénoncés de graves manquements du directeur, celui-ci n'est
pratiquement jamais tenu civilement responsable de ses fautes. Les dommages
causés à des enfants, à leurs parents et à toute personne, incluant des
familles d'accueil, demeurent ainsi trop souvent non assumés. Nous sommes
d'avis que l'article 35 doit être modifié afin que le directeur puisse
répondre civilement de ses actes, assurer le respect des droits et nécessairement
une meilleure protection pour nos enfants. Le DPJ a l'obligation de soumettre
un portrait complet et franc de l'ensemble de la situation d'un enfant, peu
importe ses prétentions. Il n'a pas de cause à gagner et l'intérêt de l'enfant doit toujours primer. En dernier
ressort, c'est le tribunal qui doit trancher, tel que mentionné dans un
jugement. L'omission d'informations
ou son partage déficient sont aussi publiquement dénoncés. Trop souvent, ces
principes ont été bafoués au détriment des enfants.
À notre avis, il est nécessaire que le projet de
loi n° 5 introduise un article faisant de ces
principes un pilier pour les directeurs de la protection de la jeunesse.
L'introduction du nouvel article 83, en 2016, a permis de bonifier la
preuve présentée au tribunal afin que le tribunal puisse entendre le meilleur
intérêt de l'enfant. Les années passées ont
créé de la jurisprudence importante et déterminante pour les enfants. La FFARIQ
tient à souligner le travail important de
la magistrature dans leur intérêt. Certains flous demeurent, parfois, et,
malheureusement, ça crée des délais au niveau juridique. Alors, encore
une fois, nous proposons des éclaircissements à apporter afin que la durée des
débats à la cour qui ne servent pas à l'intérêt des enfants... mais, présentement,
ce délai sert l'intérêt du directeur. La FFARIQ propose de bonifier l'article 91 : «La DPJ assure l'aide,
conseils et assistance, non seulement à l'enfant et aux parents, mais à toutes
les personnes.» Actuellement, on offre l'aide aux enfants et aux parents. Tous
les gens qui s'occupent des enfants, bien, ont besoin d'aide, conseils
et assistance aussi. Il s'agit... Une fois hébergés, ce n'est pas une réponse
en soi aux besoins des enfants, il s'agit
d'une mesure de protection. Une fois l'hébergement donné, les besoins ne
s'arrêtent pas là pour soutenir l'enfant. La personne qui en prend
charge doit être elle-même soutenue.
L'accompagnement des familles d'accueil doit...
tout comme celui des enfants est défaillant, les conseils inexistants et l'assistance
insuffisante. Si la stabilité de nos enfants est primordiale pour le
législateur, que le projet de loi en est le vecteur, l'aide, les conseils et
l'assistance doivent prendre un grand virage.
Depuis
quelques années, on a vu apparaître plusieurs termes : «confié à», «tiers
significatif», «famille d'accueil», «famille
élargie», «famille d'accueil de proximité»... En connaissance de cause, on
constate que ces différentes appellations et ses dérivés créent différentes
catégories d'enfants selon le statut administratif ou juridique de la personne
qui l'héberge, plus précisément, l'aide financière et le soutien professionnel
pouvant bénéficier à l'enfant varient en fonction de ce statut. La Chambre de la jeunesse, l'une des divisions de la Cour du Québec,
confie un ou des enfants à une personne, mais c'est l'établissement qui
détermine si celle-ci peut devenir ou rester famille d'accueil. La FFARIQ est
témoin quotidiennement de situations où des enfants confiés à des personnes par
les tribunaux ne reçoivent pas de service, pas d'aide, pas d'assistance, car le
directeur refuse d'accréditer ou bien ferme sans raison valable les familles
d'accueil, malgré qu'un juge avec l'ensemble de la preuve ait choisi de confier
l'enfant à cette personne. La FFARIQ milite,
donc, pour que l'obligation soit insérée dans la LSSSS et les lois connexes
afin que l'enfant confié à toute personne par la Chambre de la jeunesse
se voit octroyer le statut de famille d'accueil dès son arrivée chez cette
personne. Nous croyons fermement que, lorsque la Chambre de la jeunesse décide
de confier un enfant à une personne, celle-ci doit bénéficier,
dans l'intérêt supérieur de cet enfant, des moyens pour lui donner une qualité
de vie digne et égale aux autres enfants hébergés en famille d'accueil du
Québec.
On propose aussi
d'élargir la définition du terme «enfant», afin de pouvoir venir aider nos
petits devenus grands, c'est-à-dire nos 18-21 ans. Une personne âgée de
moins de 18 ans ou une personne âgée d'au plus 21 ans qui consent à
maintenir son hébergement, soit à son domicile soit à l'endroit où il est à ses
18 ans, afin de compléter un projet
vers l'autonomie, notamment ses études ou un besoin d'accompagnement vers la
vie adulte... La loi doit être claire. Les
jeunes adultes ont le droit à l'équité et au meilleur en maintenant leur
hébergement jusqu'à l'âge de 21 ans. Je vais laisser la parole à Me
Leblanc.
Le Président (M. Provençal)
: Je suis obligé de vous mentionner que... j'ai laissé couler, étirer le
temps, mais votre 10 minutes est
déjà terminé depuis un petit peu. Alors, je m'excuse, je suis obligé de céder
la parole à M. le ministre. C'est lui qui va diriger l'échange
maintenant.
M. Carmant :
Merci. Puis merci beaucoup, Mme Rioux, puis je suis sûr que Me Leblanc va
pouvoir participer à la discussion. O.K., je prends bien note de ce que vous
nous avez dit. Je pense que, quand même, je suis fier du projet de loi qu'on dépose, mais je comprends votre message
qu'il faut aller plus loin, puis je pense qu'on est tous là pour pouvoir
aller plus loin.
Premièrement, je
pense que je commencerais par l'intérêt de l'enfant. Quels changements au
projet de loi vous dites qui seraient nécessaires pour l'améliorer? Puis, tu
sais, de dire que ça représente... que le projet de loi représente l'État de
droit actuel, je pense qu'on a tous entendu des reportages ou des cas concrets
où on nous dit que l'intérêt de l'enfant n'est pas priorisé, là, ça fait que je
ne pense pas que c'est encore le droit actuel. Je pense que, ce qu'on vient
faire, c'est l'asseoir, mais je suis d'accord avec vous, comment mieux
l'asseoir, ça, je suis prêt à vous entendre là-dessus, là.
Mme Leblanc
(Mylène) : Je vais prendre la question. Merci de votre question. En
fait, je m'exprime comme ça, c'est sur deux pans, O.K.? Au niveau de l'intérêt
de l'enfant, c'est un grand concept. Ce qui est fait, actuellement, dans le
projet de loi n° 15, effectivement, c'est très bien.
Ça, je vais vous le dire, c'est très bien.
Par contre, moi, je
suis une praticienne, hein, je suis sur le terrain. Donc, quand je vais à la
cour, la difficulté avec tout ça, c'est la
portion application. Ce qui est présentement écrit, par exemple le préambule,
l'intérêt de l'enfant, la question de la stabilité, on parle des
articles 3 et 4, le travail que vous avez fait, c'est très bien,
finalement. Par contre, moi, comme juriste, ma difficulté, actuellement, c'est
quand je vais arriver au tribunal. J'avais déjà ça par la Cour suprême, par des enseignements, et tout ça.
Donc, oui, ça envoie un message clair à tous les alliés pour les enfants. Mais, pour moi, comme juriste qui va aller à la
cour avec ça, ça apporte une tout autre connotation, puis c'est
difficilement applicable.
La proposition qu'on
fait avec la FFARIQ, puis c'est là-dessus que je pense qu'on pourrait...
Une voix : ...
Mme Leblanc
(Mylène) : Excusez-moi, excusez-moi. Qu'on pourrait développer tous
ensemble, c'est de se dire : Bien,
allons plus loin. Et, en pratique, je m'excuse, c'est un anglicisme, mais la
«trick», c'est de dire : L'article 4, c'est le copain de
l'article 91.1, ça va ensemble. Donc, ça, ça ne peut pas... Le principe,
c'est 4, mais l'application, moi, quand je vais au tribunal, c'est 91.1. C'est
ça, c'est ça... En fait, j'espère que je réponds bien à votre question, mais
c'est ça pour mettre du poids sur le terrain, voilà.
• (12 h 20) •
Une voix : ...
Mme Leblanc
(Mylène) : Je vais faire vite, O.K.
Une voix : ...
Mme Leblanc
(Mylène) : O.K. J'y vais vite. Je vous explique. Je ne serais pas sans
cacher que, ce que la FFARIQ dit dans son mémoire, un, raccourcir les délais de
placement... Les délais de placement actuels dans 91.1, en fait, la durée que
ça prend avant de donner un placement à majorité est beaucoup trop longue.
Parce que, quand on a 6 mois, tu sais, on entend souvent ça théoriquement,
le temps. Mais, moi, quand je représente un petit bébé qui a 10 jours puis
que ça fait 10 jours qu'il attend, bien, il a attendu toute sa vie. C'est
ça, c'est ça qu'il faut prendre conscience. Donc, quand tu as six mois puis que
ça fait six mois que tu es en famille d'accueil, tu as attendu toute ta vie, ça fait que tu as le droit à un projet de
vie, toi aussi. C'est ça qu'il faut comprendre. Donc, raccourcir ces délais-là.
Puis je crois que la communauté judiciaire et les juges sont ouverts à tout ça,
la population est ouverte à ça. Puis, peut-être aussi, dans 91.1...
M. Carmant : Attendez. Est-ce qu'il y a des dangers d'aller trop court, par exemple?
Parce que j'imagine qu'on l'aurait fait avant.
Mme Leblanc (Mylène) : Oui. Le
danger d'aller trop court, c'est de dire : Bien, ça va enlever la
possibilité à des parents, à des gens de se reprendre en main, O.K.? Donc, ce
qu'il faut dire, c'est qu'il faut laisser un temps, mais qui
est variable selon l'âge d'un enfant. Comme je l'ai dit, comme, exemple,
6 mois, quand tu as 6 mois, c'est toute ta vie. 6 mois, quand tu as cinq ans, ça peut avoir une autre
connotation. 6 mois, quand tu as presque 40 ans, bien, O.K., tu sais, c'est... Bon. Alors, c'est dans ce
sens-là. Donc, c'est pour ça que les délais, les mois sont différents selon
l'âge de l'enfant. Et c'est déjà le principe dans la loi.
Maintenant, quand on
parle, souvent, la crainte... Je vous explique, c'est une crainte, disons, qui
est un peu de la population générale, mais
il ne faut pas oublier, c'est la crainte de se voir enlever nos enfants, de
dire : Ça va aller trop loin, cette loi-là, puis tout ça. Puis tous
les parents ont, un jour, cette réflexion-là. Mais ce qu'il ne faut pas
oublier, c'est que la Loi sur la protection de la jeunesse, c'est une loi
d'exception, donc elle ne s'applique qu'en cas d'exception. Alors, si ça fait
six mois que, par exemple, un enfant n'est plus dans son milieu familial, donc
on applique cette loi-là par exception, et ça fait six mois qu'il est là, et, à
un moment donné, il va falloir statuer. Son parent,
il a le temps, là, de se reprendre en main pendant ce temps-là. Il peut même se
corriger avant l'application de la loi. Et c'est les cas les plus graves aussi, ce n'est pas des petits cas,
c'est les cas graves, l'exception. Voilà. Je ne sais pas si...
M. Carmant :
Ah! c'est très clair.
Mme Leblanc
(Mylène) : Oui? O.K.
M. Carmant :
Est-ce qu'il y a d'autres choses dans 91 ou on peut passer...
Mme Leblanc
(Mylène) : Oui, O.K. Non, dans 91, ce que je propose, et la FFARIQ
aussi, c'est de dire, en fait, c'est de
dire : Quand on parle du projet de vie d'un enfant, 91 dans les derniers
paragraphes, ce n'est pas vraiment important pour l'explication, mais
c'est de dire : 91 doit... on doit statuer sur un projet de vie. Alors, il
faudrait éclaircir c'est quoi, un projet de vie. Est-ce que c'est une adoption?
Est-ce que c'est une tutelle? Est-ce que c'est un placement à majorité? Est-ce
que c'est de poursuivre des contacts avec des parents, même si l'enfant est en
famille d'accueil? C'est de permettre au
tribunal qu'on lui présente l'ensemble de la situation et que le tribunal
puisse dire O.K. Cet enfant-là, son intérêt, c'est l'adoption. Cet
enfant-là, son intérêt, oh! c'est des contacts avec sa famille bio, puis d'être en famille d'accueil en même temps. Oh! cet
enfant-là, c'est de retourner dans sa famille bio puis qu'il n'y a plus
de compromis. Tu sais, c'est...
M. Carmant :
Mais qu'est-ce qu'on présente au juge actuellement?
Mme Leblanc (Mylène) : En fait, quand on est sur 91.1, on ne présente,
je veux dire, bien, finalement, le projet de vie. Ça peut prendre... Je vais
vous donner un exemple de... que j'ai en tête parce que c'est un de mes
dossiers que j'ai faits, ça peut
prendre, entre le placement d'un jour puis une adoption, quatre ans. Puis il
n'y a pas de raison quant à moi. Tu sais, c'est son projet de vie, à
l'enfant, bref.
M. Carmant :
Mais donc le clarifier dès le début, ce serait le changement. Non?
Mme Leblanc
(Mylène) : En fait, c'est de clarifier... Quand les délais de
placement sont expirés, quand on va statuer
sur le projet de vie, donc, on a laissé les chances et le temps s'écouler,
selon le début de 91.1, et là on se dit : Et la stabilité de
l'enfant, il faut statuer là-dessus. C'est quoi, son projet de vie? Quand le
délai est expiré, c'est malheureux, mais il faut aller de l'avant pour
l'enfant, pour l'intérêt de l'enfant.
M. Carmant :
Compris. 91.1, c'est fait?
Mme Leblanc
(Mylène) : Oui, c'est fait.
M. Carmant :
Modifier le «peuvent» par «doivent». Ça aussi, on veut quand même laisser un
peu d'autonomie ou de l'autonomie professionnelle, je veux dire. On essaie
d'avoir un bon équilibre. Qu'est-ce qui vous ferait
dire que doivent... Parce que, si on comprend tous la loi, parce que le
préambule est de... c'est clarifié, pourquoi on doit changer «peuvent»
par «doivent» selon vous?
Mme Rioux
(Geneviève) : Ça fait longtemps que la loi existe, ça fait longtemps
que c'est un «peuvent». Et c'est encore problématique dans l'application. On a
donné la chance. 91.1, là, le délai de placement, il est écoulé. Les délais
sont expirés. C'est des enfants actuellement qui, par un manque de
transparence, par un manque d'échange d'informations, qu'on se retrouve avec
des difficultés énormes sur le terrain à partager, à remettre les... à donner
les services aux enfants.
Alors, c'est vrai
qu'on voudrait laisser de l'autonomie aux directeurs de la protection de la
jeunesse. Ils l'ont eue. Maintenant, ce
qu'on vient dire, c'est : Il faut encadrer. Il faut. Vous disiez tantôt,
91.1, vous avez nommé. Est-ce que ce n'est pas un peu inquiétant? Tu
sais, les gens... Mais, si ça vient avec tout ça, c'est ça vient à... Quand on arrive en cour, puis qu'on a les bonnes preuves,
qu'on a bien aidé, bien conseillé les parents, bien soutenu l'entourage de l'enfant, qu'on a tout mis en place, se
pourrait-il qu'on n'ait plus besoin du 91.1? Parce que, rendu là, c'est
utopique, vous allez me dire, mais,
si on met en place des mesures, qu'on arrive dans un tribunal où que tout est
clair, les débats sur l'application, la transparence, puis tout ça, ne
sont plus utiles, bien, on va centrer directement sur l'enfant devant le
tribunal, et ça va éviter aussi des dépassements de délais.
Mme Leblanc
(Mylène) : Oui. Puis sur le «doivent» ou le «peuvent», là où le bât
blesse, ça s'imbrique un petit peu avec... Je vous ai écoutés, tous, hier,
évidemment, mais ça s'imbrique un petit peu avec toute la question d'un
directeur national de la protection de la jeunesse et toutes ces questions-là
parce que, tu sais, dans la question de l'indépendance du directeur ou de la
directrice, ce qu'il faut se dire, c'est que la personne, en fait, qui détient
l'information, en fait, c'est le DPJ. Et, quand il y a un tiers ou une personne
comme une famille d'accueil qui la veut, il
devient, dans ce processus-là, juge et jury... juge et partie, excusez. Donc,
ça fait en sorte que c'est aussi le directeur ou la directrice qui décide de dévoiler ou non ce qu'elle a elle-même
collecté ou non. Donc, c'est un peu un... c'est toute cette
transparence-là qu'il faut ouvrir. Bien entendu, ce n'est pas du voyeurisme, ce
n'est pas ça, c'est dans l'intérêt de
l'enfant. Si, par exemple, je sécurise une maman d'accueil ou un papa
d'accueil, bien, le petit bonhomme va mieux aller. Donc, quel est l'intérêt de ne pas en parler? Il n'y a pas
d'intérêt à... cacher n'est pas le bon mot, mais à retenir cette
information-là.
M. Carmant :
Je l'entends. Peut-être, avant de passer la parole... mais une dernière
question. Vous dites qu'on ne supporte pas suffisamment les familles d'accueil,
une question très terrain, là, mais on a ajouté comme de l'aide pour les
familles d'accueil, avez-vous vu une différence dans la dernière année?
Mme Rioux
(Geneviève) : Merci. En fait, quand ça a été annoncé cet été, la
fédération était bien contente. La semaine passée, on nous a indiqué le titre
que ces intervenants dédiés au soutien aux familles d'accueil allaient porter : il va se nommer intervenant au
soutien professionnel de l'usager. Comprenez-vous qu'on est rendu sur le
terrain, moi, je ne le comprends pas,
malheureusement, c'est... La volonté était claire, du ministre, merci encore.
Sur le terrain, actuellement, aucune application à ce jour, on est dans
la théorie, nommer le titre, ces choses-là. Et, quand on parle de clarté, de transparence et qu'on doit avoir un
chef qui va aller donner les directives très, très claires, c'est ce qu'on en a
besoin présentement.
• (12 h 30) •
M. Carmant : Merci. M. le Président, je passerais, avec votre permission, la parole à
la députée de Lotbinière-Frontenac.
Le Président
(M. Provençal)
: Oui. Mme la députée.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Merci.
Bonjour, moi, je voulais revenir sur ce que vous avez mis dans votre mémoire, là, qu'«une personne ou une famille
d'accueil soit admise à l'audience entière de toute demande relative à
l'enfant qui lui est confié». En ce moment, comment ça se passe?
Mme Rioux
(Geneviève) : C'est particulier.
Mme Leblanc (Mylène) :
Quel chemin entre lorsqu'il n'y avait pas cet article et maintenant? O.K. Et la
raison en est fort simple, c'est que la personne qui voit quotidiennement cet
enfant-là, dans ce contexte-là, c'est la famille d'accueil ou la personne qui
en prend soin. Donc, elle est les yeux de tout ça, c'est d'une pertinence
incroyable, et il y a une bonne jurisprudence qui s'est établie en ce sens-là.
Par contre, là où le bât blesse, puis c'est un peu ce qu'on dit dans le
mémoire, il y a trois trucs qui sont un peu, pour nous, difficiles à
comprendre, parce que, si on est là dans l'intérêt de l'enfant... Je vais vous
donner des exemples. Par exemple, on va avoir encore des directions de la
protection de la jeunesse qui vont faire le débat, à savoir : Moi, je veux
que la famille d'accueil témoigne, par
exemple en premier, et qu'elle quitte après, alors que l'article ne dit même
pas ça. On sent, et on le vit, là, pour
être franche, sur le terrain, une envie de les sortir, et là tout, tout, tout
est bon, la confidentialité, étirer le débat, etc. Donc, il faut venir, disons, clarifier cet
article-là, pourquoi? Parce que, quand on parle de ça, pour moi, qui est
avocate, parfois à l'enfant et parfois à d'autres parties, je me
dis : Mais, mon Dieu, on prend du temps de cour pour, disons, faire du millage. Tu sais, il n'y a pas de
partisanerie là-dedans, il n'y a pas... tu sais, on n'a pas de temps ce... à
perdre, à savoir, bon, la famille
d'accueil qui est là depuis cinq ans, avec l'enfant, doit-elle rester, etc.? Ça
n'a pas lieu d'être. Moi, je pense que ces précisions-là, c'est dans ce
sens-là.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Qu'est-ce que vous pensez de la
représentation systématique des enfants par un avocat?
Mme Leblanc
(Mylène) : Excellente question, je suis contente que vous me la
posiez. Je me suis vraiment questionnée, bon, de un, que ce soit dans le projet
de loi, merci, c'est correct. Par contre, avec les années, sur le terrain, bon,
je n'ai pas la science infuse, mais, moi, ça fait 10 ans que je fais ça
puis je n'ai jamais vu de débat où est-ce qu'il n'y avait pas d'avocat à
l'enfant, je n'en ai jamais vu. D'office, c'est souvent la Commission des
services juridiques et l'aide juridique qui va représenter les enfants ou d'autres
avocats. Donc, que de venir cristalliser ce principe-là
avec le p.l. n° 15, merci, et c'est nécessaire, et ça prend aussi
une formation pour ces avocats-là, pour moi, vraiment, c'est une
spécialisation, et ça prend ça, oui.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Présentement, est-ce qu'il y en a une,
formation, pour les avocats?
Mme Leblanc
(Mylène) : Comme a dit le
Barreau, il est passé hier, puis, oui, tous les avocats, bon, on ne doit
pas prendre des mandats qui ne sont pas, bon... auxquels on n'est pas, disons,
en harmonie, là, puis qu'on n'a pas la connaissance, et
tout ça. On doit... mais est-ce qu'il y a spécifiquement beaucoup de formation
en droit de la jeunesse? Malheureusement, non. Je dois dire que non. Et, dans
des débats très, très pointus, ça pourrait arriver que l'intérêt de l'enfant,
on l'échappe un petit peu.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci beaucoup de
votre réponse. Alors nous allons poursuivre cet échange avec la députée de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présentation, surtout qu'on a
une idée claire, je pense que le ministre aussi, de comment ça se passe devant
les tribunaux et l'application de la loi, de la jurisprudence, qu'est-ce que ça
crée puis où sont les failles, qu'est-ce qu'il faut renforcer. Donc, je pense
que ce ne sera pas la dernière fois qu'on va avoir appel à votre expertise.
J'ai peu de temps, alors j'aimerais aller directement, page 14, 3.3, où vous
évoquez, donc, la Commission des droits de la personne et des droits de la
jeunesse. Il y a eu un article la semaine dernière qui a créé beaucoup,
beaucoup d'inquiétudes. Et vous dites... bon, ce que vous dites, c'est que les
juges, les avocats disent que, depuis quelque temps, plus de 25 ans, bon,
après cette fusion, là, on voit une absence de plus en plus prononcée depuis un
certain temps. La CDPDJ, ils répondent que, bon, bien, c'est... quand le
tribunal est saisi, il doit se retirer, etc., et qu'ils sont limités par la
loi. Et donc je vais en vouloir venir à : Qu'est-ce qu'on fait pour créer
une institution indépendante pour bien représenter, surtout dans des cas de
lésion de droits, l'enfant, protéger l'enfant?
Mme Leblanc
(Mylène) : D'une part, j'entendais hier... tu sais, il y avait des
commentaires, puis le mot chien de garde est intervenu. Pour moi, comme
juriste, puis, bon, les gens que je côtoie en jeunesse, bon, souvent la CDPDJ,
c'est vraiment pour nous le dernier rempart. Le nombre de cas avec les familles
d'accueil où est-ce... une famille d'accueil, ce n'est pas une partie, mais
elle a tellement d'informations pertinentes que, nous, souvent, moi, dans mes
dossiers au privé, j'ai appelé la CDPDJ pour des enfants et son rôle est d'une
importance capitale. Et, bon, vous allez dire : C'est moi qui dis ça, qui
suis-je pour dire ça, mais moi, je pense que l'idéal serait de scinder la CDPDJ
actuelle et de dire, bien, qu'il y aurait une commission des droits de
l'enfant, de la jeunesse et, bon, une CDP... en tout cas, pour les chartes,
bref, d'un côté charte et d'un côté jeunesse, que ce soit scindé. Et n'oublions
pas aussi qu'avec le volet jeunesse, bien, il y a risque que madame... la
commission Laurent, bref, Mme Laurent avait dans son rapport la question
d'un sous-commissaire aux Affaires autochtones à l'enfance, qui est aussi
important. Donc, moi, la solution, c'est de le scinder.
Quant à la présence
sur le terrain de la commission, bien, écoutez, c'est ma vision juridique de
mes connaissances à moi. Quand j'ai lu, en fait, l'article de Mme Moisan, pour
ne pas la nommer, je n'ai pas été surprise. Ça existe, c'est vrai, c'est des
choses qui sont constatées sur le terrain et c'est réellement... ça arrive.
Maintenant, moi, ma
connaissance judiciaire, c'est que le volet jeunesse de la CDPDJ se divise en
deux. Donc, il y a les enquêtes et il y a
aussi le côté judiciaire. Puis je dis en deux, mais ce n'est pas vrai. En fait,
c'est beaucoup plus que ça. Si on regarde l'article 23, 23 de la
loi actuelle, c'est, en fait, tout ce que doit faire... Les responsabilités de
la CDPDJ sont toutes énumérées à 23 pour le volet jeunesse. Là où le bât
blesse, c'est qu'actuellement, ce que j'entends de l'article qu'on a tous lu,
c'est qu'il semblerait que la CDPDJ, elle, voudrait se concentrer sur des
volets plus systémiques, plus larges, mais c'est l'un de ces... je pense qu'il
y a cinq sous-paragraphes, c'est très, très long, cet article-là. C'est une
chose qu'elle porte dans sa mission, dans sa responsabilité en vertu de la LPJ.
Et la difficulté, c'est que... mais qu'est-ce qu'on fait des autres? Et
qu'est-ce qu'on fait de nos dossiers, nous, les juristes, où est-ce qu'on se
dit : Oups, mais ils ne sont plus là, ils sont rendus où? Qu'est-ce qu'il
se passe? Le citoyen, l'enfant qui voudrait les appeler, qu'est-ce qu'il se
passe avec ça? C'est ça, la...
Mme Rioux
(Geneviève) : Sur le terrain, présentement, c'est vraiment... ça a
énormément sauvé. Tu sais, dans les dernières années, la fédération, avec
les... on accompagnait les familles d'accueil. On a empêché des lésions de droits importantes. Et, dans les derniers mois,
la fin de non-recevoir, c'est dramatique, là. Actuellement, on n'a plus
personne où aller se tourner, là.
Mme Weil :
On va en venir, donc, à cette fameuse phrase, donc l'article 23b. Lorsqu'on dit
que, bon, elle peut intervenir en vertu de la présente loi, à moins que le
tribunal n'en soit saisi déjà, et on dit qu'il n'y a pas de jurisprudence sur ce que ça veut dire. Est-ce que
vous... Est-ce que c'est dans ces cas-là que vous voyez le désistement,
parce que le tribunal en a été saisi? Ou est-ce que c'est plus large?
Mme Leblanc (Mylène) : O.K. Dans ses responsabilités, si on regarde
juste les enquêtes, O.K., et c'est vraiment... c'est toute la mécanique. Ma
compréhension, c'est que, dans son volet enquête, et c'est normal, lorsque la
CDPDJ fait une enquête et que le
tribunal en est saisi, est saisi de quoi, bien, la situation de l'enfant, il
fait lui aussi sa propre enquête, le tribunal.
Donc, ce serait un peu... bien, encore là, c'est mon opinion, mais une
aberration de dire : Bien, on a une CDPDJ qui enquête sur le même
sujet qu'un tribunal hyperspécialisé. Donc, on ne dédouble pas les ressources,
et elle met fin à cette enquête-là. C'est mon interprétation.
Maintenant, si on va
plus loin dans d'autres paragraphes de cet article-là, ce que ça dit, c'est
qu'elle prend les moyens légaux qu'elle juge
nécessaires pour que soit corrigée la situation où les droits des enfants sont
lésés. Donc, elle a une fonction légale.
Et ce n'est pas acceptable, individuellement, pour un seul enfant, ou pour
10 enfants, ou pour une communauté
d'enfants, qu'elle ne soit pas là. C'est là qu'est la difficulté. Les enquêtes,
ça peut prendre deux semaines, quatre
mois, six mois et on n'oublie pas que le temps a une autre signification pour
un enfant. C'est ça un peu, la mécanique.
Mme Weil : Donc,
il y a certains cas où ils peuvent intervenir et doivent intervenir en vertu de
leurs obligations et puis... parce qu'il n'y a pas de jurisprudence, à
moins que le tribunal n'en soit déjà saisi, mais c'est interprété. Mais vous, les avocats... parce que j'ai eu
beaucoup d'avocats depuis un certain temps qui confirment ce qu'on a vu dans
cet article, mais la CDPDJ en vient à ça, et
d'autres limites qu'ils peuvent avoir. Est-ce que... Bien, la question,
c'est : Que pensez-vous de la
création, justement... Bon, vous, vous parlez de scinder et de créer une entité
qui ressemblerait à ce commissaire qui est recommandé par la commission
spéciale?
• (12 h 40) •
Mme Leblanc (Mylène) : Oui,
tout à fait.
Mme Weil : Avec aussi un rôle
en amont aussi, parce que...
Une voix : Exactement.
Mme Weil :
...Mme Laurent est venue le dire, c'est plus que juste judiciaire, c'est
aussi engager les jeunes, les enfants, des dialogues pour cette bienveillance,
développer sa bienveillance, mais, au besoin, les familles, l'enfant même pourrait contacter. Et il y a une expérience
en Ontario aussi où ils ont fait des études là-dessus, où ça fonctionne
bien, ce représentant de l'enfant.
Mme Leblanc (Mylène) : Tout à
fait.
Mme Rioux (Geneviève) : En
fait, la commission, nous, dans notre pratique, en tant que famille d'accueil, ou maman, ou tante... parce qu'il faut comprendre
la commission, ce n'est pas juste pour les enfants hébergés, là, c'est
pour tout petit Québécois qui a des besoins, et tout le monde pouvait appeler
parce qu'il y avait une lésion de droit. Nous, au niveau des familles
d'accueil, c'est lorsque les enfants ne pouvaient pas avoir de traitement
d'orthodontie, ne pouvaient pas avoir de services particuliers, on transférait
à la CDPDJ, puis eux, qui ont le droit, le pouvoir d'aller au niveau de
l'établissement, d'avoir des informations confidentielles, tout ça... On
recevait de notre côté un appel de l'établissement qui disait : Ah! bien,
en fin de compte, on va le payer, l'orthodontie, tout ça. C'était ça, la
mécanique. Et, même cette mécanique-là, là, on parle d'aller devant les
tribunaux ou ces choses-là... non, non. L'orthodontie, je vous le rassure, on
n'a jamais été devant les tribunaux. Mais aujourd'hui cette implication-là, elle
n'est même pas là parce que ce n'est pas un sujet systémique. En effet, tout
petit Québécois n'a pas besoin de broches, mais tout enfant qui en aurait
besoin, placé en hébergement, ne devrait pas se faire dire : Bien, tes
parents n'ont pas les moyens de payer, pourquoi nous, on le paierait?
Mme Weil : Vous faites une
recommandation aussi qui est très intéressante pour ceux qui sont à la fin de leur enfance, de 18, 19, 20 ans. Pourquoi les
familles d'accueil ne pourraient pas jouer le rôle, comme nous, les parents qui
ont eu des enfants à cet âge-là et on sait très bien qu'ils ont besoin d'aide,
d'accompagnement, d'orientation. Alors, ces enfants de la DPJ encore plus,
parce qu'ils n'ont pas grandi dans cet environnement. Et là aussi je pense
qu'il y a un projet, je pense qu'il y a eu un projet pilote en Ontario qui a
montré de... pouvez-vous en parler dans les minutes qui restent?
Mme Rioux (Geneviève) : En
fait, pour nous, c'est important. Il faut comprendre que les cocos, qu'ils
soient placés en début, très jeunes, à 16, 17 ans, quand ils arrivent à
leurs 18 ans, ils ont un train de retard. Puis ce n'est pas de leur faute.
Ce n'est pas une question d'intelligence, hein? Plus ton sac à dos est lourd
d'expériences, d'obstacles, plus ça... C'est plus long à avancer. Nous-mêmes...
Moi, je me rappelle, à 18 ans, là, ah, j'avais besoin de ma mère, et sur un
temps, disons-le. Et là on leur dit : Non, non, prends ton petit sac à
dos, là, envoye, tu as 18 ans et un jour. Pas et deux jours, et un jour.
Envoye, on te pousse l'autre bord du nid. On va essayer de te trouver un
appartement que tu n'as pas les moyens de payer. Si on se rend compte qu'il est
aux études, bien on va... Puis il a-tu des prêts et bourses? Non. Bien, on va
faire une demande de solidarité.
Tu sais, on les équipe comme on peut, puis on
les garroche parce qu'ils veulent pouvoir en rentrer d'autres. Nous, on ne peut
pas dire : Non, non, je vais le garder plus longtemps, parce qu'on a un
contrat qui dit que ce lit-là appartient à l'établissement. Mais ces jeunes-là,
ils ont réellement besoin de nous. Puis, encore aujourd'hui... Ça fait 17 ans que je suis famille d'accueil. Mon
frère, ça fait 16 ans qu'il est famille d'accueil. Et ces jeunes de
30 ans viennent nous voir puis ils ont encore besoin de nos
conseils.
On ne vous demande pas de nous permettre de les
garder jusqu'à 30, 40 ans, là. Tu sais, je veux dire, on comprend, là.
Mais, tout de moins, de respecter le rythme comme tout... On l'a nommé, hein?
Tout Québécois, petit Québécois, à 18 ans,
est-ce qu'il y a une loi qui oblige le parent à le mettre dehors, à dire :
Bien, débrouille-toi? Tu sais, comme
les animaux, là, tu sais, on les pousse en bas de l'arbre, puis : Apprends
à voler. Non, ils ont besoin d'un accompagnement. Puis on a le pouvoir,
et c'est simple, hein? Changez la définition de l'enfant, amenez-le jusqu'à
21 ans. Oui, c'est simple. Si on veut vraiment, oui, ça va apporter des
coûts, ces choses-là, je comprends, mais il faut les aider. C'est nos futurs
adultes.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Madame.
Mme Weil : Merci beaucoup.
C'est un investissement...
Le
Président (M. Provençal)
: Alors,
M. le député de Jean-Lesage, vous prenez le relais?
M. Zanetti : Oui, merci. Merci
beaucoup pour votre présence puis aussi pour votre générosité, là, comme
famille d'accueil. C'est vraiment touchant cet engagement-là. J'ai peu
de temps. Je vais aller droit au but.
La
question de la confidentialité est soulevée souvent, je sais. Puis je pense que
tout le monde comprend ici, là, la pertinence puis l'importance que les
familles d'accueil aient plus d'informations pour intervenir de façon plus judicieuse pour l'intérêt de l'enfant, pour que ça
se passe mieux en général. La question que ça pose, c'est : Comment
la baliser? Tu sais, qu'est-ce qui... C'est jusqu'où la confidentialité doit
aller ou jusqu'où elle ne doit pas aller? Puis quel genre d'informations,
disons, vous voulez qui soient transmises aux familles d'accueil?
Puis, hier, il y
avait l'ordre des travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux qui
disait : On peut donner une information d'une façon qui aide à mieux
intervenir, sans nécessairement donner tous les détails crus de ce qu'il s'est
passé dans l'expérience de l'enfant. Je ne sais pas si vous avez entendu ce
bout-là. Est-ce que vous trouvez que c'est une
position qui est balancée? Ou vous trouvez que c'est risqué que ça ne soit pas
assez? Ou comment vous avez reçu ça?
Mme Leblanc
(Mylène) : Bon, comment on a reçu ça? En fait, on est ici pour une
discussion, là. En fait, moi et la FFARIQ, on n'est pas nécessairement en
accord avec cette image-là, au sens que je crois que la dame a donné une expérience, bon... elle disait un
exemple qui disait, bon, il y avait une histoire de garde-robe dans l'exemple,
ou je ne sais trop, et là... Mais, en fait, ce qu'il faut plutôt se demander,
c'est : Moi, actuellement, comme juriste sur le terrain, je me satisfais
de ces articles-là qui sont déjà là. Bon, j'aimerais ça qu'il y ait des petits
plus, mais la difficulté, en fait, c'est de se dire : Dans quel intérêt de
l'enfant on ne partagerait pas ça si c'est nécessaire? Tu sais, c'est de venir,
encore excusez... flipper la question. Mais pourquoi je ne dirais pas à la mère
d'accueil : C'est un enfant qui a été abusé puis c'est un enfant qui a
peur des garde-robes parce que c'est arrivé là? Dans quel intérêt de l'enfant
on ne dirait pas ça? Je crois que c'est ça, la clé de cette... de ça.
M. Zanetti :
Bien, si, mettons, je fais l'avocat du diable, je me mets dans la position
de l'enfant... C'est sûr que ça dépend l'âge qu'il a, là, mais je me dis :
l'enfant il arrive puis la famille d'accueil est super, elle est généreuse,
puis tout ça, mais il ne l'a pas choisi, il ne leur fait pas encore confiance.
Il pourrait... Peut-être qu'à un moment donné il va leur faire confiance, puis
il va leur parler, puis leur dire tout ce qu'il veut. Mais peut-être qu'il
veut... peut-être qu'il préfère qu'ils ne sachent pas tout d'avance. Peut-être
que, quand tu as deux ans, tu ne penses pas
à ces affaires-là, mais, quand tu as neuf ans, huit ans, 10 ans, tu sais,
peut-être que tu te dis : Coudon, je vais leur dire à mon rythme, mais, en
même temps, bon... Ça fait que je me mets dans... C'est là que moi, je vois
l'intérêt de l'enfant.
Mme Rioux
(Geneviève) : Ma mère disait souvent : Si jeunesse savait et si
vieillesse pouvait. Je ne sais pas si vous connaissez ce dicton, mais, quand
j'étais jeune à dire : On sait bien, les parents, on sait rien. Pourquoi
je vous nomme ça? Parce qu'il y a bien des affaires qu'on ne veut pas que nos
parents sachent. C'est normal. Puis il y a bien des affaires qu'on aimerait leur annoncer beaucoup plus tard. Moi, ça a
pris 30 ans avant de lui dire la première fois que j'ai fait du
pouce que... Puis c'était pour son bien. Je vous dirais... Mais l'important...
Tu sais, je vous comprends, il faut respecter le désir de l'enfant, mais est-ce
que, pour créer le lien avec cet enfant là, est-ce que, si je l'immerge dans l'eau, moi, l'expérience que j'aie, c'est un
garde-robe ou c'est un bain, puis l'enfant est en panique, puis, à chaque
fois, je lui fais vivre un traumatisme, puis je ne le sais pas... comment vous
voulez qu'il développe un lien de confiance avec moi? Je le traumatise à chaque
fois que je le touche. C'est là un peu, c'est que, oui, l'enfant, il va venir... puis qui nous nomme des choses plus tard,
à son rythme, je n'irai pas lui dire : Ah! bien, je le savais déjà. Tu
sais, c'est le rôle de parent de
savoir des choses puis de ne pas le nommer, mais, par contre, de diriger
là-dedans puis d'amener l'enfant à nous amener des informations. C'est
ça, le parent, c'est ça, les intervenants, services de garde puis... Parce que,
ça, on le nomme pour tous les gens essentiels autour des enfants...
M. Zanetti :
Merci.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci. Alors, on va
terminer cet échange avec le député de René-Lévesque. À vous.
• (12 h 50) •
M. Ouellet :
Merci. Bonjour, mesdames. Bienheureux d'avoir eu l'opportunité de jaser avec
vous avant parce qu'il y a de la matière dans ce mémoire qui, malheureusement,
avec le peu de temps que j'ai, ne mérite pas que je n'aie pas assez de temps
pour approfondir. Puis le collègue de Jean-Lesage a parlé de confidentialité.
On a eu l'occasion d'en parler. Je suis
convaincu du bien-fondé de votre demande. On a eu une excellente discussion sur
91.1. On aura d'autres téléphones à
avoir ensemble parce que j'ai besoin d'autres précisions et j'aime le postulat
que vous amenez sur l'importance de fixer des délais finaux pour statuer sur le
projet de vie. Je pense que vous donnez une obligation, au législateur, d'agir dans ce sens là, mais
j'aimerais peut-être avoir une précision sur un point que j'ai vu dans votre
mémoire.
L'importance de bien
communiquer l'information, donc, la preuve. Ça, j'aimerais vous entendre
là-dessus. C'est... Je suis un peu tombé sur
le derrière, disons-le, comme ça, là, c'est comme si je pensais que c'était
acquis, mais ça ne semble pas le cas. Ça fait que j'aimerais peut-être
vous entendre là-dessus brièvement. Qu'est-ce qu'on doit faire avec ça, là?
Mme Leblanc
(Mylène) : O.K. Disons que je vais circonscrire très rapidement, là,
cette difficulté-là, je vais l'appeler comme ça, cette chose-là qu'il faut
amener de l'avant. En fait, la difficulté, c'est rapporté, là, par plusieurs jurisprudences, c'est un constat, parfois, on n'est pas dans
les cas généraux, on est dans les cas d'exception de l'exception de
l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse, mais, parfois, il y a
des situations où est-ce que c'est la protection de la jeunesse, c'est la DPJ
qui va accumuler l'information, la recueillir, puis tout ça, parfois, selon
l'idée qu'elle se fait de l'intérêt de l'enfant, avec bienveillance, et tout
ça... on a tous des idées, c'est une table ronde, puis c'est bien correct comme
ça, sauf qu'avec sa perception de la chose ils vont communiquer la preuve dans
leur dossier de façon à respecter leur idée. Bon, et c'est normal, c'est très
humain, et tout ça. Par contre, en toute bienveillance, parce que le directeur
de la protection de la jeunesse est un expert en la matière, bien, il faut que
les intervenants qui se présentent au tribunal le soient à livre ouvert,
ouvrent leur jeu. Ce n'est pas parce que, pour eux, telle information qui n'était pas importante doit rester enfouie. Il
faut la révéler de façon complète, parce que peut-être que cette petite
information-là qui, pour eux, n'avait pas nécessairement beaucoup d'importance,
juxtaposée avec le témoignage de la famille
d'accueil, va allumer toute une lumière et va dire : Attendez, là, M. le
juge, ça ne fonctionne pas, on a omis
de faire ça, on n'est pas dans l'intérêt de l'enfant. Quand on pratique en
protection de la jeunesse, c'est confidentiel,
mais, dans cette confidentialité-là, c'est à livre ouvert. Et c'est là-dessus
que... pour la majorité du temps, je
le répète, ça fonctionne bien, la protection de la jeunesse, et tout ça. Mais,
dans les cas d'exception, c'est catastrophique.
On est allé jusqu'à dire dans la jurisprudence qu'on aurait caché des faits.
Pour la majorité du temps, je le
répète, ça fonctionne bien, la protection de la jeunesse, et tout ça. Mais,
dans les cas d'exception, c'est catastrophique. On est allé jusqu'à dire
dans la jurisprudence qu'on aurait caché des faits.
M. Ouellet :
Donc, si je comprends bien, ce que vous nous dites, c'est : Il ne faut
pas... puis je ne veux pas dire cacher, mais il ne faut pas omettre de
transmettre l'information si on pense qu'avec le jugement qu'on a porté, ça va
venir contredire...
Mme Leblanc (Mylène) :
Notre théorie?
M. Ouellet :
...notre théorie, c'est ça. O.K., O.K.
Mme Leblanc
(Mylène) : Exact. C'est exactement ça, là, mon idée, oui.
M. Ouellet :
D'où l'importance d'une libre circulation d'information dans un contexte confidentiel?
Mme Leblanc
(Mylène) : Oui, oui.
M. Ouellet :
Ça, c'est correct.
Mme Rioux
(Geneviève) : ...de l'article 83.
M. Ouellet :
L'article 83. Parfait. Il y a-tu d'autres choses qu'on peut faire pour
favoriser la circulation de l'information, justement, pour le bien-être de
l'enfant? Parce qu'on parlait de confidentialité tout à l'heure, là, de la
transmission de la preuve. Est-ce qu'il y a une autre chose qu'on devrait
mettre de l'avant?
Mme Leblanc
(Mylène) : Oui. En fait, on a dans notre mémoire une portion... Parce
que le corollaire, pour nous, des grands
pouvoirs qu'on accorderait, par exemple, tu sais, quand on parle de clarifier
les pouvoirs du directeur national ou
de la directrice nationale, etc., puis d'expliquer bien ce qu'il en est...
Maintenant, dans la LPJ actuelle, il y a une immunité, une immunité que je vais
qualifier, tu sais, dans mon langage, de blindée, de mur-à-mur, ceinture,
bretelles, parachute. Bref, quoi qu'il en soit ou presque, le DPJ ne
pourra jamais, ou presque, répondre de ses actes civilement, O.K., ce qui fait en sorte que, bien, parfois, ça
peut... puis, la majorité du temps, ça marche bien, les choses se passent
bien, mais ça peut, des fois, faire boule de
neige et faire des montagnes parce que, justement, on a retenu, pas malicieusement, mais de l'information et on est
imputable en plus... on n'est pas imputable de ce résultat-là. Donc, au final,
bien, quoi qu'on ait fait, bien, il n'y a pas de réparation pour cet enfant-là,
on n'a pas circulé l'information. C'est des lourds pouvoirs, puis il
faut que... Le pendant de ces lourds pouvoirs là, bien, c'est de pouvoir les
contrôler de...
M. Ouellet :
...ou l'amoindrir?
Mme Leblanc
(Mylène) : L'amoindrir. Pour moi, comme juriste, l'amoindrir, parce
que... Je vais prendre un exemple : par
exemple, les policiers n'ont même pas ça, n'ont même pas cette protection-là,
les policiers au Québec n'ont pas ça.
Donc... Mais il y a des choses... Évidemment, c'est un métier à risque, être
intervenant. J'ai du respect, tu sais, c'est... Ça prend une protection,
mais pas mur à mur.
M. Ouellet :
Merci beaucoup, mesdames.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, je vais remercier Me Leblanc et Mme Rioux pour,
premièrement, votre présence et, deuxièmement, votre contribution à nos
travaux.
Je suspends les
travaux jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 56)
(Reprise à 15 h 08)
Le Président (M. Provençal)
: Bienvenue à la Commission de la santé et des services
sociaux.
La commission est réunie afin de poursuivre les
consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi
n° 15, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres
dispositions législatives.
Cet après-midi, nous entendrons les personnes et
groupes suivants : la Commission de la santé et des services sociaux des
Premières Nations du Québec et du Labrador, la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse, l'Ordre des psychologues du Québec et
M. Camil Bouchard.
Je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants de la Commission de la santé et des services sociaux des
Premières Nations du Québec et du Labrador. Vous avez 10 minutes pour
votre exposé. Par la suite, nous procéderons
à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous
présenter et à débuter votre exposé. À vous la parole.
Commission de la santé
et des services sociaux des Premières Nations
du Québec et du Labrador (CSSSPNQL)
M. Gray
(Richard) : Kwei... (S'exprime dans une langue autochtone) Richard
Gray... I'm here with Leila Ben Messaoud Ouellet, and she's our special advisor here on
projects at the commission. All my relations, my brothers and sisters... and
thank you for giving us this time to share our voices today. Good afternoon,
Mr. President, and welcome... Mr. Minister Carmant, ladies and gentlemen.
• (15 h 10) •
First, we want to recognize
that we are on unceded First Nations territory, and we take this opportunity to
salute all our brothers and sisters who are listening today on this important
subject that affects the well-being and future of our children and families. As
stated yesterday by AFNQL chief Ghislain Picard and chief Mequish of the
community of Obedjiwan, First Nations have never ceded their rights, let alone
the right to decide the future, education and well-being of their children
throughout the territory.
Let me be clear about our
position here today concerning our participation in this hearing. In no way
does this signify that we are promoting the Youth Protection Act over the federal
law C-92, An Act respecting First Nations, Inuit and
Métis children, youth and families. On the contrary, we have been working hard
on trying to minimise the negative effects
of the Youth Protection Act in our communities, while promoting the principles
of C-92 and encouraging communities to fully exercise their whole
jurisdiction in child and family services under the federal law or continue using the limited economy provincial model. This
is their choice to make, hence the title of our brief : For a Law Worthy
of our Children. Unfortunately, Bill 15 does not recognize the economy and
jurisdiction of First Nations nor that it addresses the choice of which legal
regime they may want to use, as recommended by the Laurent Commission.
It was in a spirit of
collaboration that we actively participated in the work of the standing
committee on the application of the Youth Protection Act and working group on
the provisions specific to First Nations' children and families. At the... our participation in this committee, we were pulled
to forget about bringing the Youth Protection Act into harmonisation with C-92. I want to underline
here, we were very disappointed in receiving this kind of messaging from
the bureaucrats managing this committee. With regards to the bill, we applaud
the efforts made by Québec with the introduction of its bill, but it's clear
there are limits to the current bill for First Nations.
Yesterday, I heard many
questions about the community of Obedjiwan and their law now in force, and the
concerns of their law applying to their children off reserve. I'm sorry to say
this, but I must remind you that I never heard anyone on your commission
yesterday raise a red flag or concern that the community was never informed
about their 60 children living off reserve, located in the Saguenay—Lac-Saint-Jean administrative region, that they were put into care, some permanently. They were
only recently made aware of this because they were exercising their
jurisdiction and making efforts to collaborate for those off reserve cases.
The
Youth Protection Act is pretty clear, and it says this is not supposed to
happen, according to section 72.6.0.1 and 81.1. How can you now raise concerns about
their laws applying off reserve when you see your Youth Protection Act
failing them? I think this is a perfect example of why communities are starting
to look seriously at creating their own
laws. You place 60 of their children without ever letting them know, and most
of these cases concern children placed in non native foster care, and
some have prohibitions of parent contact. How many other children have escaped
the communities in this broken system? This is a question that has long been
asked by all communities since the coming into
force of the Youth Protection Law, and more particularly since the introduction
of maximum placement periods. One must wonder if these amendments to the bill will bear fruit. Will the situation really change? Allow
us to doubt this very much. We raise this doubt because, despite our repeated
requests since 2006 and several calls to action from various reports, the
complete elimination for all indigenous children from maximum placement periods
is not found in Bill 15. We were disappointed and we expected more.
Currently, the bill mentions that we are not limited by these placement
periods, but only when a family council has been formed while the continuity of
care and stability of bonding for a child
are essential and already objectives that underpin maximum placement periods.
The need to avoid cultural breakdown of First Nations' children is clear
and is also a fundamental element to consider in the analysis of their
interest. Despite the importance of cultural continuity in the length of the
healing process for parents or guardians who have experienced multiple traumas
which may be longer, all of these elements should be considered to explain the
exemptions of First Nations from the maximum duration set out in the new
protection act, as recommended in the call to action 108 of the Viens
Commission report.
Just a brief reminder for those not aware, here in
Québec the majority of communities through their First Nations' child and
family services agencies take on certain responsibilities in youth protection
and they all offer preventative service developed and governed by the
communities themselves. I also want to highlight that these prevention services
have only been financed since 2009 from the federal Government, and that the
current Youth Protection Act does not recognize nor promote these services as
the preferred approach to dealing with negligence cases, which are the majority
of cases that are being retained in youth protection.
We
are encouraged to finally see Bill 15... that these provisions are now finally
being recognized. The question remains
though, will the youth protection services truly embrace the cooperation
aspects in Bill 15 or choose to continue questioning the ability of
these services? These cooperation aspects must be made stronger like the
principles outlined in C-92. I now pass the messaging off to Leila.
Mme Ben
Messaoud Ouellet (Leila) :
Merci Richard. Hier, plusieurs questions ont été posées
concernant l'article 37.5 de la Loi sur la protection de la jeunesse, qui
prévoit la conclusion d'une entente établissant un régime particulier de
protection de la jeunesse entre le gouvernement du Québec et une communauté,
regroupement de communautés, nation ou regroupement autochtone. Nous tenons à
vous réitérer que, comme le chef de l'APNQL l'a mentionné hier, la loi C-92 va beaucoup plus loin que
l'article 37.5 en ce qu'elle affirme la compétence des Premières
Nations en matière de services à l'enfance et à la famille.
Les ententes du 37.5
ne sont qu'une autre forme de délégation. Ces ententes, contrairement à la loi
fédérale, peuvent s'échelonner sur plusieurs années avant de se voir concrétiser.
Pensons au Conseil de la nation atikamekw, le
sénat ou les communautés attikameks de Manawan et Wemotaci ont signé une
entente 37.5. Ces derniers avaient débuté leurs travaux sur le régime
particulier en protection de la jeunesse en 2002, mais ils n'ont signé une
entente qu'en 2018. Également, nous avons entendu, hier, le ministre
Carmant s'inquiéter que, sous C-92, il pourrait y avoir plusieurs lois provenant d'une même nation. Nous tenons à
mentionner qu'il s'agit également d'une possibilité sous l'article 37.5.
D'ailleurs, en quoi avoir une loi qui répond
aux besoins de la communauté même, aux traditions, aux coutumes et aux...
et aux pratiques, pardon, est problématique? Au contraire, selon nous, cela
fait toute la différence.
De plus,
l'article 21 du projet de loi n° 15 permet à un directeur ou toutes
autres personnes qui agissent en vertu des
articles 32 ou 33, si elle l'estime nécessaire, pour assurer la protection
d'un enfant dont elle a retenu le signalement, pénétrer à toute heure
raisonnable, ou en tout temps dans un cas d'urgence, dans une installation
maintenue par un établissement dans un lieu tenu par un organisme ou dans
lequel un professionnel pratique sa profession afin de prendre connaissance sur place du dossier de cet enfant et d'en tirer
copie. Les centres de santé sont considérés comme des organismes aux
yeux de la loi.
Nous craignons que
cette modification du projet de loi entraîne des effets pervers pour les
Premières Nations. En effet, les Premières Nations peuvent ressentir de la...
méfiance, pardon, envers le système de la santé. L'impact d'une telle
modification sur les Premières Nations envers les professionnels est, à notre
avis, trop important pour ne pas être considéré. Il existe tout un contexte
particulier pour les Premières Nations. Pensons aux pensionnats indiens, la
rafle des années 60, a discrimination systémique auxquelles font face les
Premières Nations, et j'en passe. Encore une fois, comme avec le projet de loi
n° 125, qui prévoyait la durée maximale d'hébergement, le projet de loi
n° 15 ne prévoit pas d'extension pour les Premières Nations. On applique
ainsi un article sans se soucier et se questionner sur les répercussions négatives que cela peut engendrer sur les enfants
et familles autochtones. Les familles doivent sentir qu'elles peuvent
aller chercher de l'aide sans qu'elles se sentent menacées. Nous recommandons
d'exempter les organismes des Premières Nations de l'application de
l'article 21.
Depuis le dépôt du
rapport de la commission Laurent, nous demeurons dans l'attente de la mise en
oeuvre de la recommandation sur l'instauration d'un poste de commissaire
adjoint et de son équipe, consacré exclusivement aux enjeux entourant les enfants autochtones, avec le commissaire au
bien-être et aux droits des enfants. Sachant qu'il existe une surreprésentation des enfants
autochtones en protection de la jeunesse et que le besoin est criant, est
urgent, le travail sur la mise en oeuvre de cette recommandation aurait
dû déjà être entamé. Malheureusement, elle a été reportée dans l'attente de l'adoption du projet de loi.
• (15 h 20) •
Et il me reste un
paragraphe, M. le Président. Finalement, la Loi sur la protection de la
jeunesse ne comporte aucune exigence précise quant à l'accès à des services
dans une langue autre que le français, à un interprète ou à des documents
traduits, d'autant plus que le projet de loi n° 96 ne vient pas modifier
le Règlement autorisant les ordres professionnels à déroger à l'application de
l'article 35 de la Charte de la langue française. Et je cite : «pour
étendre l'exemption à tous les professionnels exerçant leur activité dans une
réserve, dans un établissement où vit une communauté autochtone ou sur les
terres de catégorie 1 ou 1-N au sens de la Loi sur le régime des terres
dans les territoires de la Baie-James et du Nouveau Québec, nonobstant leur
lieu de résidence, comme le recommandait la commission Viens à l'appel à
l'action numéro 11... numéro 12», pardon. C'est pourquoi nous vous
présentons aujourd'hui un mémoire contenant nos principales recommandations.
Nous vous remercions de nous avoir écoutés. «Meegwetch».
Le Président
(M. Provençal)
: Merci beaucoup pour
la présentation de votre exposé. D'ailleurs, votre mémoire, je pense qu'il est conjoint avec l'APNQL, alors je tenais à le
signaler. Maintenant, nous allons initier la période d'échange avec M.
le ministre. Alors, M. le ministre, je vous cède la parole.
M. Carmant : Merci beaucoup, M. le Président. «Kwei»,
M. Gray, Mme Messaoud. Beaucoup d'informations en 10 minutes. Premièrement, juste pour dire,
hier, je n'ai pas mentionné ou parlé, là, en fond, de 37.5. Et j'ai très bien
compris le message, là, de chef Picard, là, sur le C-92
puis la différence, là. On n'a pas besoin de revenir là-dessus, je pense.
Hier, on a
fait une discussion très ouverte, là, avec M. Picard, le chef Mequish sur
les différences et l'implication. Aujourd'hui,
on vous a pour avoir la chance de parler un petit peu du p.l. n° 15, qui m'a dit que ce serait le sujet de la conversation aujourd'hui.
Premièrement, je pense que le projet de loi est
clair, les services de prévention et de première ligne vont être reconnus. Pouvez-vous me dire quelles sont vos
réserves par rapport à l'application de cette partie-là du projet de loi?
M. Gray (Richard) : Certainly. I think we mentioned, earlier in our commentary, that we
were happy to see that prevention services are finally being recognized in
Bill 15.
Just to let you know as well,
and I want to repeat this again, we're concerned about the cooperation aspects
that are cited in the articles of law. Because the articles of law say yes,
that there should be some collaboration, cooperation with the services, but
there is also an analysis of their ability to give services and we raise this
red flag again because what happens if youth protection workers aren't familiar
with these services, don't make the effort to understand theses services in the
community? Will they just continue using their youth protection practices and
avoid these kinds of collaboration mechanisms that are now in the law?
You heard me earlier talk to
you about 60 children and... from the community of Obedjiwan that are residing in Lac-Saint-Jean—Roberval area, and the community wasn't
notified. And there are specific articles of the law, 72.6.0.1, that speak to the fact that the communities are supposed to be
notified. So, here's an example of youth protection workers or services not respecting the actual articles of law. We
already know there are some disputes or some trouble around collaboration
between protection services and prevention services that were described in the
Laurent Commission and the Commission Viens report as well. So, one
hopes that the collaboration that's highlighted in the Bill 15 will be really embraced by the workers within the Youth
protection services and collaborate with those First Nations prevention
services. That's our wish. We hope that happens.
M.
Carmant : O.K.,
je comprends très bien. Puis,
d'ailleurs, soyez rassuré, là, j'ai déjà demandé de voir comment
c'est... comment ça se fait que ce n'était pas connu, là. On va aller au bout
de la chose.
Deuxième chose que j'aimerais clarifier avec
vous... Moi, je suis un... j'ai été impressionné par le concept de cercle de
famille, à un point tel que j'ai demandé à toutes les DPJ du Québec de
réactiver un programme qui est inspiré de
ça, qui s'appelle Ma famille, ma communauté et qu'il faut mettre partout dans
le Québec. Maintenant, je veux comprendre, quand vous dites que la
durée... qu'on élimine la durée maximale de placement, mais seulement dans le cas où il y a le cercle familial, quelles seraient
les situations où il n'y aurait pas ce cercle familial? Parce que je pensais
que c'était la façon dont ça se faisait dans les communautés.
M. Gray (Richard) :
I can explain to that it's a... I think, a practice that comes from the model, present model, from the... 37.5, where there's
family councils put in place. I appreciate the information you're sharing about
Ma famille, ma communauté. It's unfortunate though, when we're looking
at maximum placement periods, that the only time we can talk about getting rid
of maximum placement periods, it's a condition that these kinds of family
councils have to be put in place.
In terms of customs and
practices, I don't want to generalize based on First Nations' customs and
traditions that everybody utilizes family councils as a generalization, I don't
want to make that a generalization, but I believe it's a concept, I think, that
First Nations could easily adopt if it's something that is not part of their
current customs practice or traditions, or something similar, like a family
council. I believe there is some openness around that as well and I'm happy to
see that the Ministry is trying to utilize, I guess, more community resources
in these instances, but again, I repeat, making that link to having to put this
as a condition in order to avoid the limitations on maximum placement periods,
I think it's a little bit of a shortfall of Bill 15. Leila, I don't know
if you want to add anything.
Mme Ben Messaoud Ouellet (Leila) : Oui.
Si je pouvais me permettre, là, M. le ministre, aussi concernant, là,
cette formation de conseil de la famille, ça sera plus ou moins possible ou
difficile dans des mesures provisoires où c'est urgent d'agir. On croit qu'il y
a des difficultés, là, de former un conseil de famille assez rapidement, de
mettre en place, comme Richard le mentionnait, des conseils de famille ou...
présentement, je sais qu'il y en a en Outaouais, dans certaines régions, auprès
de certaines communautés, mais ce n'est pas uniforme à l'échelle régionale. On
va, donc, un peu échapper des enfants, là,
de ces durées maximales d'hébergement là parce qu'il n'y aura pas de conseil de
famille qui va avoir encore été mis sur place. Tu sais, il faut penser
aussi à la logistique, la composition de ce conseil de famille là sur communauté,
là, comment ça va se concrétiser en réalité, les durées, l'animation de ces
conseils de famille là. Donc, il y a
plusieurs choses aussi à voir autour des conseils de famille, c'est pourquoi
nous, on recommande d'exempter l'ensemble des enfants autochtones, comme le
recommandait la commission Viens, parce qu'il y a un filet de sécurité
pour un enfant autochtone, pas juste par le conseil de famille. Il peut y avoir
des révisions, des réévaluations plus serrées
auprès d'un enfant autochtone pour, justement, là, permettre que... l'exemption
des durées maximales d'hébergement.
M. Carmant : ...vraiment compris que c'est un processus plus
généralisé, puis que c'était un filet de sécurité, comme vous dites. Moi, je
suis très ouvert à l'adapter. Quand il n'y a pas ce conseil de famille,
c'est... comment ça se passe,
pouvez-vous me l'expliquer? Parce qu'on a quand même un certain temps pour
l'implanter, ce n'est pas comme...
M. Gray (Richard) :
Well, I think... I think, earlier, as I
mentioned to you, it's going to be important that communities have some
openness to develop a process that meets their needs, that meets their
traditions. I think that has the mandate of, you know, giving the
decision-making to the community, rather than in informing the director or
Youth Protection. I think those are important elements that should be
maintained. But at the design and process, those
are aspects that communities should have input in and the Youth Protection
system should respect those processes and adaptations that they want to
put in place in this regard.
M. Carmant : O.K. Puis le point est
bien fait. Autre point que j'aimerais vous poser comme question, puis ça, c'est un enjeu, au niveau de la
confidentialité, puis de l'échange d'informations, quelle est votre crainte par
rapport à cette augmentation, là, de la capacité d'aller chercher de
l'information? Pouvez-vous le plus partager avec moi? Là, vous m'avez parlé des
agences. Pourquoi les exempter? Plus on a de l'information, mieux c'est, non?
• (15 h 30) •
M. Gray
(Richard) :
Well,
I think I'll respond this way. We've noticed that you now included «body» into the language of those entities, where Youth
Protection workers can go and get information. So, you've enlargened, I guess,
the definition of who is targeted here. And this raises a concern for us, from
a First Nations' point of view, because we have health centers, in our
community. And I don't know if you're aware or if you understand how First
Nations services are organized. Normally, a
lot of our members go to health centers to get information, to receive care, to
do consultations, and a lot of these Health centers are places where these
prevention services are offered at the same time.
And if you now open up this
definition, broad definition to include health and social services centers in
First Nations communities, my fear is that there will be a lot of fears on the
part of First Nations members who are experiencing problems and wanting to go
to these health centers that they view as sanctuaries, as places they can go
and get healing, and not worried about anybody coming in to intrude into their
private matters. So, this is something that
is very sacred in First Nations communities, even, you know, leadership, right
now, in first Nations communities, this is something taboo. We treat
confidentiality very highly in our First Nations communities.
So, now, if we're talking about
opening doors for somebody's preventative services and allowing protection
workers to come in to these kinds of settings, I think it will break the trust
and confidence that we're trying to achieve as part of the goal around
Bill 15, in terms of building better prevention services and more links
between prevention and youth protection services. I think there has to be a focus
on that. But if you're going to say, at the same time : We're trying to
build better collaborations, but we want to come inside and inspect your files,
it's really, I think, a little too much, in my opinion. I don't know, Leila, if
you want to add to that.
M. Carmant : Parce que, tu sais,
nous, le modèle...
Mme Ben Messaoud Ouellet (Leila) :
Bien...
M. Carmant : Go ahead, sorry.
Mme Ben
Messaoud Ouellet (Leila) : ...
M. Carmant : Vas-y.
Mme Ben Messaoud Ouellet (Leila) :
Je voulais simplement rajouter que, justement, au niveau des centres de santé,
ils collaborent déjà avec les établissements, les CISSS et les CIUSSS, pour
transmettre l'information aux intervenants. Donc, ce n'est pas de transmettre
l'ensemble du dossier, mais transmettre le suivi des parents et des enfants.
Donc, ça, ça se fait déjà.
Comme Richard l'a mentionné, on s'inquiète un
peu au niveau du lien de confiance de l'intervenant avec les parents. Que
l'intervenant allochtone débarque avec ses gros sabots sur la communauté pour
aller consulter un dossier du centre de santé, j'ai peur qu'avec le contexte
particulier des Premières Nations, en sachant que certaines femmes autochtones
qui sont enceintes ne veulent pas obtenir, aller chercher des services parce
qu'elles ont peur de se faire signaler, qu'avec tout ce contexte là, bien,
malheureusement, on fait que les parents, les enfants ne vont pas chercher des
services en prévention parce qu'ils ont peur que ces informations-là soient
retenues contre eux. Ça fait que c'est pour ça que, pour le contexte
particulier, malheureusement, qui entoure les Premières Nations, on demande, en
fait, une exemption au niveau des organismes Premières Nations.
M. Carmant : O.K.,
je comprends votre point. Juste pour donner l'image que, moi, je... L'idée du
législateur, comme on dit, c'est, par exemple, à l'urgence, si le
médecin fait le signalement, bien, l'infirmière, elle, elle n'a rien à dire, tu sais, pour compléter l'information.
C'était plus dans ce sens-là. Mais je vois où est votre position. M. le
Président, si vous permettez, je passerais la parole à la députée de Lotbinière-Frontenac,
s'il vous plaît.
Le Président (M. Provençal)
: Vous avez deux minutes, Mme la
députée.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Pardon? Combien de temps?
Le Président (M. Provençal)
: Deux minutes.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Merci. Bonjour. J'aimerais savoir pourquoi
vous ne voulez pas qu'on modifie la définition de «parents», qui se trouve à
l'article 1.
M. Gray (Richard) : Leila,
I'll let you take this one.
Mme Ben
Messaoud Ouellet (Leila) : Parfait. Bien, merci, Richard. En fait, ce
qu'on trouve particulier avec cette modification-là, de «parents», c'est que le
projet de loi n° 15 crée vraiment une section au niveau des dispositions particulières aux autochtones. Donc,
on vient rajouter de prendre en considération la continuité culturelle,
la collaboration au niveau des services préventifs de première ligne, mais dans
un même temps, on vient restreindre la définition de «parents». Actuellement,
quand on regarde la Loi sur la protection de la jeunesse, la façon dont c'est écrit, c'est que ça comprend aussi le fournisseur
de soins. Le fournisseur de soins, c'est qui? Bien, c'est «Kukum», c'est
grand-maman, grand-papa qui s'occupe de l'enfant actuellement, mais qui n'est
pas tuteur, là, au sens de la loi, mais qui s'occupe de l'enfant depuis sa
naissance. Quand on regarde la définition de la loi actuelle, ça inclut autant
le père et la mère que la grand-mère qui s'occupe vraiment, au jour le jour, de
l'enfant, parce que les parents lui ont confié.
Par contre, avec le
projet de loi, là, si je ne me trompe, là, c'est à l'article 2, on vient
restreindre cette définition-là pour inclure père et mère, ou tuteur au sens
vraiment de la loi, donc un tuteur datif, un tuteur qui a été nommé par les juges. Puis on sait que les
Premières Nations ne vont pas aux tribunaux, là, pour faire nommer un tuteur.
Mais cette modification, ce qu'elle fait, c'est que les grands-parents devront
se présenter en cour pour demander d'être
partie au dossier, d'être entendus, pour être entendus au dossier de l'enfant,
tandis que, quand tu es un fournisseur de
soins, quand tu es inclus comme parent de facto, tu n'as pas besoin de faire
une demande pour être entendu au dossier, tu es déjà inclus de facto à l'audience, parce que c'est toi qui
s'occupe de l'enfant au jour le jour, c'est toi qui connais vraiment les
besoins de l'enfant. Il s'en occupe au jour le jour. Donc, c'est vraiment au
niveau administratif, c'est pour éviter aux grands-parents de devoir demander
aux juges de se faire entendre, d'être partie à l'audience. Donc, nous, on dit : Bien, on devrait inclure, pour
les Premières Nations, les fournisseurs de soins, ces personnes-là qui
s'occupent au jour le jour de l'enfant parce que les parents auront
confié la garde.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Merci.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous
allons poursuivre cet échange avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Je vous
cède la parole, madame.
Mme Weil :
Merci, M. le Président. Alors, «kwei», donc, M. Gray et Mme Ouellet.
I
can go in English, you know, for part of it, in French for the other part. I'm
going to start in English. Yesterday, we had a kind of very interesting
conversation because we went broad, we went broad and talked about Bill C‑92
and the impatience of the community. And I mentioned that there were a few
numbers of groups that came, you know, sort of the regular groups have come, they represent civil
society, and I was struck by the... sort of a sense of understanding, where
people have reached that point now because there's been a lot of efforts and
there's been a lot of tragedies, and that it sensitizes people.
And
so, I want to get to Bill C-92 in the approach that is taken, and understand
you're getting into the technicalities, but I think it's useful to people to
hear the bigger discussion, and then, then, it's easier for most of us. We
haven't really... you know, we
don't have as much of an understanding. So, I have lived a little experience
with them when we went to visit a nation, Lac-Simon, and it was a visit
organised by the government,
and it was a wonderful experience. And I've got to chat with a social worker
for the whole evening, and she really explained to me everything. She... well,
everything, she explained the approach, she explained why they're in the best
position, they help children who've had
trauma. She said : We can handle this, you know. But it was a really wonderful discussion. And
it's so concrete, kind of examples that helped people, and sort of move on.
So,
I want to understand if you could just, and for those who are listening to us,
«en français, en anglais», whatever. C-92 and what... because most of us are
not, you know, our studies have
been in other areas, there have been efforts though to sensitize all of us at
the National Assembly. We had a
great course that we all had to take. It was wonderful. Just explain it for the
people. And then, then we can get in the things that really need to change fast
as you wait for a bigger discussion on C-92. What is it about, you know, the insufficiencies obviously in
Bill 16 that you are mentioning? But big picture.
• (15 h 40) •
M. Gray
(Richard) : Yes. Well, I think Chief Picard
and Chef Mequish gave good testimony yesterday about C-92 and the affirmation
that jurisdiction for child and family services rest with First Nations
communities. And I want to reiterate this to you and to everybody in the commission, and anybody who is listening,
First Nations have inherent rights. We have
jurisdictions. We've been subject to colonization since the founding of the
constitution, and we've never had discussions with First Nations around
those inherent rights. Provinces, now, act as colonial powers, want to keep those powers, and don't want to share. And when we
talk about the Court of Appeals challenge, we see Québec challenging the
First Nations through the Québec Court of Appeal process. Again, as an example that they're not willing to really recognize those
inherent rights. So, for First Nations, this is very hurtful, and very
disrespectful.
We've been pleading since...
telling it like it is over 30 years, now, saying : Look, we have to
have conversations about how we could better improve the Youth Protection Act.
It's a law that's being imposed on us. It's
a colonial law. We didn't ask for this. We see now C-92 as an opportunity for
First Nations to create our own laws that govern us, by First Nations,
for First Nations.
First
Nations communities like Obedjiwan have been experiencing and using the Youth Protection
Act for 25 years now, over 25 years. They know the shortcomings of
the Youth Protection Act. They have made the choice which the law allows under
C-92 through the section 20 process on notification to get... to exercise your
jurisdiction, but also to get involved in
coordination agreements. This process allowed them to basically give notice to
the government about their intention. So, they exercise their
right in terms of serving notice about their intention to exercise their jurisdiction.
They also have another process
to go through to enter into a coordination agreement discussion. They wanted to
sit down with Québec and have
discussions with Québec about
their law. They have a minimum of twelve months that they have to wait before
their law becomes force of law for their benefit, but they also have to make
reasonable efforts in order to reach that threshold before their law becomes
force of law within this twelve-month window. That's the minimum. Because Québec chose not to participate in these
discussions and only in the end as observers, you know, it created a lot of uncertainty in terms of how the jurisdictions would
cooperate and speak with one another.
So, I'm getting back to my
point, here, about coordination agreements, which is really an important
element within C-92. The health
jurisdictions talk with each other about how they're going to work with each
one another, how they're going to cooperate, how are they going to
collaborate. Is Québec willing
to even share resources to the First Nations
community? So, those are some of the matters that are supposed to be discussed
in these coordination agreements.
The other element that's in
C-92 are these minimum standards, I call them. For instance, I believe there is
section... They're from section 10 to section 18 in law C-92. But just to give
you an example, the standards basically say that you're no longer supposed to
use poverty as a factor when it comes to deciding whether a case becomes a
protection case. The standard is pretty clear, saying : No. Stop using
poverty as an excuse to bring kids into care. Use prevention services to work
with those families and support them. The other element that the standards talk
about, I'm just naming a few of them here, but... is priority of placement. We
finally see now in Bill 15 that Québec has moved towards mirroring the C-92
standards when it comes to placement, I believe, there's section 16 about
priority of placement. You know, what we just... what the community talked
about yesterday in terms of having found out when they asked Québec about these
Youth Protection files off community and finding out that 60 of the kids have
been placed without the community being notified... you know, I'm sorry, but
I'm still having a hard time getting my head around this. This is not supposed
to happen now with this changes that Bill 15 is proposing, but also because of the standards that exist in C-92. This shouldn't
be happening at all, you know. Service providers, First Nations, non-First
Nations should be working with the communities to make them aware that they're
interacting with First Nations families, regardless of their residency.
Mme Weil : Thank you. O.K. So, I have two minutes, but... Fascinating, thank you. That was very helpful. So, we
have Bill 15 before us, and if you were to make a recommendation... So, this is
obviously very egregeous, what happened, and you would want to make sure that
there's an article in Bill 15, because that's what's before us right now, I mean, there are... the other efforts
are ongoing, but we have Bill 15 before us. Are there measures in Bill 15 or
is there an amendment that you would bring to make sure that that never happens
again? Obviously, the law is fuzzy right now if that happens... with the
practices.
M. Gray
(Richard) : Well... Yes. Well, Bill 15 talks
about now placements having to occur in First Nations communities with extended
family. So, I think this is an important addition that's coming into Bill 15,
and like I said it mirrors the principles in C-92, which is very important.
The thing that we really wanted
to get out of the Youth Protection Act completely was this whole notion of
maximum placement periods. We wanted that out. We've been arguing against this
since 2006, when it was first introduced. You can imagine, in 2006, I mentioned
earlier in my speech, that we had no investment of prevention services in our
First Nations communities, zero. The only service that was available for First
Nations communities to access were Youth Protection services. So, we had more
kids coming into care than ever before, and it's been... that door has been
there ever since. It's only now that we see the Youth Protection Act through
Bill 15 saying : O.K., First Nations communities now have prevention
services. We think we have to start working with them so that we can start
dealing with cases of negligence, start dealing with those cases where
prevention services can better deal with them than prevention services. And
First Nations communities now have those services.
So, getting rid of these
maximum placement periods, in my opinion, is something that's critical. Right
now, the way Bill 15 is reading, it's being contingent on a family council
being put in place. I think family... concepts of family councils are important
and are good, and that's for First Nations communities to decide if they want
to use them or not. But making that as a
condition to put in place before you get rid of these maximum placement
periods, I think, is not respecting the spirit of the commission Laurent
report, it's not respecting the spirit of the commission Viens report, and it's
something we've been asking since 2006. And you see, in our brief, the results
of that, you know, First Nations kids are still coming in the... into care;
when you look at the number of cases, around 85% of the Youth Protection cases
are dealing with negligence. Youth Protection is not the best means to deal
with negligence, prevention services are. So, that's what I wanted to
contribute to that.
Mme Weil : Thank you very much. It was very helpful. Thank
you.
Le Président (M. Provençal) :
Merci beaucoup. Alors, nous allons poursuivre cet échange avec le député de
Jean-Lesage. Alors, M. le député, je vous cède la parole.
M. Zanetti :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présence et votre message.
Bon, moi, je suis un député de Québec solidaire
puis je suis en faveur non seulement de la souveraineté du peuple québécois,
mais aussi de la souveraineté des peuples autochtones. Et je veux que... Je le
dis pour que ce soit clair, pour que ma question soit bien comprise, là. Nous
aussi, on voudrait que le p.l. n° 15 aille plus loin
puis aille jusqu'au bout, en fait, dans l'idée de remettre, entre les mains des
peuples autochtones, la protection de la jeunesse. Ma question est la
suivante : Comment souhaiteriez-vous que l'interaction...
Souhaiteriez-vous qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas une interaction entre les
systèmes de protection de la jeunesse autochtones et les systèmes de protection
de la jeunesse québécois, dans un modèle où
l'autodétermination des peuples autochtones serait reconnue? Par exemple,
parce que ça a été soulevé, puis je n'ai pas tout à fait bien compris ce que
vous avez dit en introduction par rapport aux
enfants qui seraient en dehors du territoire de la communauté, est-ce que...
Comment est-ce que vous voudriez que ça fonctionne pour que vos services
s'occupent de ces enfants-là?
• (15 h 50) •
M. Gray (Richard) : Well, I'll return back to my statement I made at the beginning for
you. I said that the community, when they created their law, they started
collaborate... they wanted to collaborate with the local «centres jeunesse». The community of Obedjiwan is uniquely
situated. Their members... A lot of their members reside in La Tuque,
a lot of them reside in Roberval, so they deal with two «centres
jeunesse» : le centre jeunesse Mauricie and le centre jeunesse Saguenay—Lac-Saint-Jean. I think the chief explained yesterday that the collaboration,
discussions they were having were going very, very well. They were encouraged
that, at least on the ground, in those two regions, the CIUSSS were going to collaborate with the community on the
implementation of their law. They were sharing files with the community
that they had opened for off-reserve community members.
In
the community, the community, as I mentioned earlier, has been managing their
youth protection services under a delegation agreement
for over 25 years. They know who's in their community, they know how the youth
protection act operates, they're masters of it. They reached a point where now
they feel like : Look, the Youth Protection Act is not meeting our needs. They saw an opportunity here to create their own
law that covers all of their members, regardless of their residency. So,
that's why they reached out to the CIUSSS and asked them : Who are your
files you have on our members that are off community? We want to talk with
them, we want to have discussions with them.
As a matter of fact, the chief
mentioned to us, in our conversation with him, that when their law came into force, off-reserve community members were reaching
out to the chief, saying : Help us. «Le centre jeunesse» is ignoring
your law, they're telling us : You have to follow the youth protection law
instead of following your community law. So,
the community members were very traumatized by the fact that the protection
agencies were telling them : We're not... we're following Québec law, you have to listen to us. They
were totally ignoring the community's law.
For me, I think that that's
very disrespectful to the community, it's not respecting the rule of law at all
for the community. You know, I
think that the government
should have shown leadership
and said : Hey, this discussion is in the hand of the court of appeal
right now. Until that decision comes out, the rule of law stands, you have to
work with the community, and collaborate with them, and cooperate with them,
and talk about how you're going to work together for these members
that are currently in youth protection off the community. That's not happening,
that's what the chief said yesterday.
That's unfortunate. So, that's an obvious change we'd like to see, if they...
the mentality, the cooperation and collaboration by the government when it comes to the community's
law.
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci beaucoup. Nous allons poursuivre maintenant avec le député de
René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci beaucoup.
«Kwei». Merci d'être avec nous. J'essaie de bien comprendre l'énorme
distinction que vous faites entre la loi C-92 et les dispositions
actuelles qui étaient permises à travers la Loi sur la protection de la
jeunesse, de l'article 32 et 33. Est-ce que vous pouvez me donner la
grande différence en matière de gestion ou la grande différence en matière
d'application des propres lois que C-92 permet aux communautés versus ce que
l'article 32 et 33 permettrait ou au permet encore aux communautés? Quelle
est la grande différence, là?
M. Gray (Richard) : Mais la
grande différence, c'est le fait que le ministère Québec est responsable, via
les organisations, les institutions comme les CISSS, CIUSSS, qui nommaient un
directeur de la protection de la jeunesse pour la communauté. Ils vont
construire leurs propres lois et ils vont nommer les autorités par eux-mêmes.
Ça veut dire, les... est maintenant par la communauté, et pas le ministère de
Québec, et pas la DPJ de Québec puis ses institutions, le CISSS, CIUSSS. Ça,
c'est la grande différence, «the imputability». Le «imputability» reste avec
les «community» et pas à Québec. Ça, c'est la grande différence, c'est le fait
que les juridictions pour les Premières Nations, c'est pour eux et par eux,
maintenant, via leurs propres lois. Ça veut dire, il n'y a pas d'«imputability»
à Québec. Quand il fait le suivi des dossiers dans leur «community», c'est par
leur instance, «authority», comme le chef est... via les institutions, ils ont
créé, et ils vont créer leurs propres services, et ils vont offrir ces services
à la population. Ça, c'est la loi comme la «community» d'Obedjiwan a créé
maintenant.
Les juridictions, évidemment, ils doivent
collaborer ensemble pour voir comment... s'il y a une personne qui vit hors «community» et la loi «community», c'est
pour tout le monde malgré la résidence. Ça veut dire, les juridictions doivent
collaborer ensemble et discuter ensemble. Pour moi, la grande différence, c'est
la reconnaissance, l'affirmation des droits ancestraux qui permettent la
«community» de créer leurs propres lois. Maintenant, la loi protection de la
jeunesse, c'est vraiment une loi coloniale par la province qui est imposée sur
la «community». Et les pouvoirs restent avec le directeur de protection de la jeunesse,
qui va dire : Oui, vous avez ces «responsibility» via section 32 ou
33 et qui peut réitérer ça à n'importe quel moment ou décider... une décision,
le «community» n'aime pas.
Maintenant,
j'ai mentionné, tout à l'heure, ils ont prise en charge 60 enfants de la
«community» hors «community», O.K., qui vivent hors «community», sans
nommer... sans informer le «community» qu'ils ont fait ça. Maintenant, avec la
loi communautaire, c'est juridiction affirmée par le «community» que :
Aïe! C'est assez, vous ne pouvez pas faire ça avec nos enfants, vous avez
maintenant une obligation légale de parler à nous quand ça touche nos enfants.
Je pense, ça, c'est la grande distinction que j'aimerais apporter, mais elle
est là. Je ne sais pas si vous avez d'autres choses... vous pouvez ajouter.
Le Président (M. Provençal)
: Rapidement, s'il vous plaît.
Mme Ben Messaoud Ouellet (Leila) : Non,
ça fait le tour, Richard.
Le Président (M. Provençal)
: Bien, je vous...
M. Ouellet : ...comprends bien, ce n'est pas juste de créer
l'institution ou l'organisation qui s'en occupe, mais c'est de décider aussi de quelle façon, dans
quelle loi, dans quelle obligation la communauté peut exercer sa protection
en matière de jeunesse. C'est ce que je comprends, là.
M. Gray (Richard) : Oui.
M. Ouellet : O.K.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre contribution et votre
participation à nos travaux.
Je suspends les travaux pour pouvoir accueillir
le prochain groupe. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 57)
(Reprise à 16 heures)
Le Président (M. Provençal)
: Je souhaite la bienvenue aux représentants de la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je vous
rappelle que vous aurez 10 minutes pour votre présentation et, par la
suite, nous procéderons aux échanges avec les membres de la commission. Alors,
mesdames, je vous cède la parole.
Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse (CDPDJ)
Mme Arpin (Suzanne) : M. le
Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je suis Suzanne Arpin, vice-présidente de la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse, responsable du mandat jeunesse. Je suis accompagnée de Me Catherine Gauvreau, Me
Karina Montminy et Me Yolaine Williams, conseillères juridiques à la
commission.
Je tiens d'abord à mettre de l'avant que la
commission inscrit son action dans une perspective globale de promotion et de
défense des droits des enfants en reconnaissant qu'ils sont des personnes à
part entière à qui il faut donner une voix en toutes circonstances. Elle érige
l'intérêt de l'enfant au titre de considération primordiale qui doit être au
premier plan dans toutes les interventions réalisées à leur endroit.
Pour la commission, la protection des enfants du
Québec est une responsabilité collective qui revient à la fois aux parents, à
l'entourage des enfants, aux DPJ, aux acteurs du système judiciaire, aux
organismes institutionnels et du milieu ainsi qu'au gouvernement.
À titre d'institution publique gardienne des
droits des enfants, la commission fait partie de cet ensemble qui forme le
filet de protection de l'enfant. Elle y joue un rôle unique par la combinaison
des pouvoirs et fonctions que lui confèrent la LPJ et la Charte des droits et
libertés de la personne.
La commission exerce, d'une part, une mission
spécifique quant à la protection de l'intérêt de l'enfant et au respect de ses droits qui lui sont reconnus par la
LPJ, et, étant une Commission des droits de la personne, une mission
plus large en droit de la personne qui inclut la promotion et le respect des
droits de l'ensemble des enfants en vertu de la charte, dont le droit à
l'égalité.
Comme le prévoit la LPJ, la commission peut
notamment intervenir sur demande ou de sa propre initiative lorsqu'elle a des
raisons de croire que les droits d'un enfant ou d'un groupe d'enfants dont la
situation est prise en charge par la DPJ sont lésés. Elle mène des enquêtes
individuelles ou systémiques et dispose du pouvoir de saisir le tribunal lorsque l'intérêt des enfants le
commande. La commission peut, d'ailleurs, utiliser la voie judiciaire
lorsqu'elle juge nécessaire que soit corrigée la situation ou les droits
d'un enfant ont été lésés. Ces fonctions incluent également celle de faire de l'éducation aux droits, des
recommandations aux différents acteurs institutionnels et gouvernementaux
ainsi que de la recherche.
Étant donné la mission et les responsabilités
fondamentales que la commission exerce afin de s'assurer que les droits de
l'ensemble des enfants du Québec soient pleinement respectés... la réforme de
la LPJ l'interpelle au plus haut point. Elle constitue à ses yeux un premier
jalon de plusieurs chantiers annoncés par le gouvernement qui doivent ultimement mener à une véritable reconnaissance des
droits de l'enfant et de son intérêt. C'est dans cette perspective et à la
lumière des différents travaux qu'elle a menés que la commission a analysé le
projet de loi. Au fil des ans, à travers de
nombreuses enquêtes, elle a dégagé des problématiques récurrentes d'application
de la LPJ ayant comme conséquence de léser les droits des enfants. La
commission a formulé des recommandations de différente nature aux DPJ, aux
établissements de santé et de services sociaux ainsi qu'à divers ministères.
La commission salue ainsi les ajouts proposés à
son préambule et à l'article 3 de la LPJ qui reconnaîtraient explicitement
que l'intérêt de l'enfant est une considération primordiale dans toute décision
prise à son sujet. La commission accueille de même avec satisfaction l'énoncé
dans le préambule à l'effet que le Québec s'est déclaré lié par la Convention relative aux droits de l'enfant.
Il doit largement comprendre que les droits contenus à la LPJ doivent
s'interpréter et s'appliquer en tenant compte de cette convention. La
commission recommande toutefois de modifier l'article 3 de la LPJ pour
ajouter les caractéristiques de l'identité culturelle des enfants racisés et
des enfants des minorités ethniques aux
facteurs à prendre en considération lorsque des décisions doivent être prises
en vertu de cette loi, et ce, dans l'intérêt de l'enfant et dans le
respect de ses droits.
Sur un autre sujet, la commission estime
essentiel dans le cadre du présent exercice de rappeler les grands fondements
de principe du maintien en milieu familial de l'enfant. Il prend sa source dans
la charte, et dans la LPJ, ainsi que dans la Convention relative aux droits de
l'enfant. Insistons ici sur le fait que la LPJ est une loi d'exception qui
constitue une intrusion dans la vie privée des familles. Des interventions
privilégiant que l'enfant demeure dans son milieu familial doivent d'abord être
évaluées et mises en place, et cela, en fonction de son intérêt. C'est pourquoi
la commission recommande de modifier le
projet de loi pour qu'il soit clair que l'objectif de l'intervention en matière
de protection de la jeunesse prévu à l'article 4 soit que l'enfant demeure
confié à ses parents, à moins que cela soit contraire à son intérêt.
La commission est favorable à l'ajout des termes
«avec intensité requise» à l'article 8, qui porte sur les services, mais
juge essentiel que le gouvernement agisse dès maintenant plus largement pour
garantir la mise en oeuvre du droit aux services visés à cet article, sans quoi
la modification proposée risque de rater sa cible. Ainsi, la commission réitère
à nouveau les recommandations formulées dans son dernier rapport sur la mise en
oeuvre de la LPJ, qui portait spécifiquement sur les délais d'intervention du
DPJ et sur l'accès aux services requis dans l'ensemble des missions des CISSS
et des CIUSSS.
La commission estime par ailleurs que, malgré le
progrès que la modification à l'article 9 de la LPJ représenterait quant
au droit de l'enfant à des contacts avec des personnes significatives, elle
s'avère insignifiante... insuffisante, je
m'excuse, au regard du droit de l'enfant à des communications confidentielles.
À l'heure actuelle, elle continue de constater que des enfants placés en
milieu substitut se voient refuser des contacts avec des tiers, incluant des personnes significatives pour l'enfant, et ce,
pour des motifs et en suivant une procédure qui ne sont pas conformes à
la loi. La commission recommande ainsi à nouveau de rendre la loi plus claire
et explicite quant aux pouvoirs du DPJ à ce sujet.
Dans un autre ordre d'idées, le projet de loi
propose d'introduire des mesures spécifiques à la LPJ pour tenir compte des
situations des enfants autochtones et de leurs familles. La position de la
commission est claire à ce sujet. Il est essentiel de reconnaître le droit à
l'autodétermination des peuples autochtones en ce qui concerne le bien-être de
leurs enfants. Il revient aux seules nations autochtones de savoir et de
déterminer quel est le meilleur intérêt des enfants autochtones et, par
conséquent, de prendre en charge leur propre système de protection de la
jeunesse.
Depuis des années, la commission insiste sur
l'urgence d'agir pour modifier les pratiques des DPJ dans l'intervention auprès
des enfants autochtones. Elle a appuyé sans restriction les appels à l'action
proposés par la commission Viens en matière de protection de la jeunesse. Elle
considère que le gouvernement du Québec et les autorités autochtones doivent
les mettre en place afin d'offrir un système de protection respectueux des
droits des enfants autochtones. La commission fait part dans son mémoire de ses
observations et commentaires en lien avec le présent projet de loi.
La commission traite ensuite dans son mémoire
d'autres sujets d'importance : le partage des renseignements confidentiels
et l'accès aux dossiers. Elle explique la raison d'être du régime de
confidentialité prévu dans la LPJ, lequel repose notamment sur les risques reliés
à la stigmatisation de l'enfant pris en charge par le système de protection de
la jeunesse ainsi que l'intrusion dans la vie privée des familles que
représente l'intervention en protection de la jeunesse. Le principe de
confidentialité n'est cependant pas absolu. Des dispositions particulières de cette loi permettent déjà la divulgation de
renseignements qui sont nécessaires afin de garantir la protection de l'enfant
et le respect de ses droits.
Dans le cadre de ses interventions, la
commission a rappelé à plusieurs reprises l'importance de protéger les
renseignements confidentiels des enfants et de leurs parents, ceux-ci étant
reconnus comme une composante du droit au respect de la vie privée. Elle a
notamment mis de l'avant que les problèmes de communication en lien avec les
renseignements confidentiels résidaient dans l'application des règles de
confidentialité et non dans la formulation des dispositions applicables.
L'ajout d'un principe d'interprétation en faveur de la communication de
renseignements, si elle est justifiée par l'intérêt de l'enfant ou la
protection d'un autre enfant, proposé par le projet de loi répondrait en partie
aux préoccupations de la commission à ce sujet. Ceci dit, la commission indique
dans son mémoire quelques réserves relatives à la portée de certaines
dispositions du projet de loi facilitant la divulgation des renseignements
personnels.
• (16 h 10) •
La commission se réjouit de la reconnaissance du
rôle du ministre à l'égard des enfants en protection de la jeunesse, ce qui
répondrait à sa recommandation de renforcer les responsabilités ministérielles
en vue de veiller au respect des droits des enfants. Elle
demeure toutefois convaincue de la pertinence d'attribuer à un ministre la responsabilité de veiller au respect des droits de
tous les enfants dans la prise des décisions au sein de l'appareil gouvernemental, obligation qui incombe au
gouvernement quant à la mise en oeuvre des droits des enfants au Québec.
Elle invite ainsi le gouvernement à poursuivre ses travaux dans cette visée.
La commission a, en
outre, insisté sur la nécessité d'uniformiser les pratiques des DPJ et relevé
l'absence d'entité nationale permettant
d'assurer la cohérence de leurs actions au niveau de la... au niveau
du Québec. La commission actuelle accueille, donc, avec satisfaction
l'institution d'un directeur national de la protection de la jeunesse dont les
responsabilités seraient de cette nature. La commission entend poursuivre
l'exercice de ses mandats en collaboration avec cette nouvelle instance en
regard de la promotion et la défense des droits de l'enfant.
En terminant, la
commission a rappelé qu'il existe au Québec un ensemble d'acteurs qui oeuvrent
auprès des enfants et de leurs familles pour
assurer la promotion et la défense de leurs droits. Le rapport est nécessaire
au fonctionnement effectif de l'ordre et de l'organisation des services
destinés aux enfants et à leurs familles au sein de la société québécoise. La commission ne peut qu'insister sur
l'importance de développer une meilleure collaboration entre l'ensemble
des acteurs concourant au bien-être de l'enfant, de même qu'au respect de ses
droits. Je vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre exposé, madame. Nous allons maintenant
débuter nos échanges avec le ministre. Alors, M. le ministre, je vous
cède la parole.
M. Carmant :
Merci beaucoup. Merci beaucoup, me Arpin. Merci à toutes d'être présentes
aujourd'hui.
Le Président (M. Provençal)
: ...que le mémoire final est déposé sur Greffier maintenant pour... le
mémoire de la commission.
M. Carmant : Je l'ai lu en diagonale, mais pas si vite que ça. Je vais partir de ce
que vous avez dit puis ce que j'ai pu voir rapidement dans vos recommandations,
mais, je pense, il faut aller directement dans le sujet.
Quand on lit la
recommandation 1 où vous dites qu'en matière de procréation... en
protection de la jeunesse la priorité soit le maintien de l'enfant dans son
milieu familial, à moins que cela soit contraire à son intérêt, ce n'est pas clair que ça va dans le sens des recommandations
de la commission spéciale. Êtes-vous en accord ou en désaccord avec le...
ce que... le rapport de la commission spéciale, sur la primauté de l'intérêt de
l'enfant?
Mme Arpin
(Suzanne) : En fait, ce que l'on dit, c'est qu'en droit il est bien
reconnu qu'à moins que ce soit contraire à son intérêt, qui doit être la
considération primordiale dans l'application de la LPJ, il devrait être auprès
de ses parents. Tant la charte, que le Code civil, que la loi de la protection
de la jeunesse reconnaissent que les parents sont les premiers responsables de
leur enfant, et le projet de loi énonce des devoirs et des responsabilités des
parents. Donc, il faut mettre... Donc, entre autres, il faut mettre en place
des services qui vont venir soutenir les parents pour assumer leur rôle de
parents et, dans le cas échéant, mettre fin à la situation de compromission,
parce que le principe la loi de la protection de la jeunesse, c'est est de
mettre fin à la situation de compromission et de voir à ce qu'elle ne se
reproduise pas. Ça, c'est la philosophie de base. Maintenant, quand il n'est
pas... quand c'est contraire à l'intérêt de l'enfant de demeurer auprès de ses
parents, il ne sera pas auprès de ses parents.
M. Carmant :
O.K., la ligne est fine, mais je vois votre point. Une chose que j'aimerais
vous poser tout de suite, c'est qu'il y a plusieurs des groupes qui sont passés
qui nous ont parlé, là, du rôle tellement important, là, de la commission des droits de la personne, droits de la
jeunesse, puis comment ça les a aidés avec des cas problématiques, mais
ils nous disent que, récemment, ils sentent que vous semblez moins interactifs
ou moins présents sur le terrain. Est-ce qu'il y a eu un changement récemment
ou est-ce que... Est-ce que c'est le cas? Pouvez-vous me commenter ce que les
gens ont dit hier et aujourd'hui?
Mme Arpin
(Suzanne) : Oui, tout à fait. Alors, non, il n'y a pas de changement
de... Le mandat et la mission de la commission demeurent toujours les mêmes. On
a toujours deux grands axes dans lesquels on peut se déployer, soit de faire
des enquêtes, ce qu'on fait depuis 40 ans, ou soit d'intervenir au niveau
judiciaire. Et, au niveau judiciaire, bien, nos mandats n'ont pas changé. Nous,
notre niche, comme vous le savez, M. le ministre, c'est vraiment les lésions de
droit. Donc, quand on intervient ou quand on enquête, c'est vraiment uniquement
dans le but de... quand on a des raisons de croire qu'il y a une lésion de
droit.
Comme toute
organisation agile, puis qui veut faire plus, et qui se pose toujours la
question : Qu'est-ce qu'on peut faire de plus, de mieux pour les enfants,
pour lesquels on a le mandat de protéger en termes de lésion de droit?, bien, on réfléchit et on se dit : Est-ce
qu'il y a des actions qui pourraient être beaucoup plus porteuses que de... Par
exemple, on va toujours continuer à faire des dossiers individuels
d'enfants au tribunal en lésion de droit, mais ce qu'on est en train de
regarder, c'est comment est-ce qu'on pourrait avoir une plus grande portée pour
nos enfants qui seraient, par exemple, dans une situation de lésion de droit.
D'ailleurs, on fait
une recommandation à cet effet-là que le juge à la chambre de la jeunesse
puisse, dans des dossiers individuels en protection ou en lésion de droit, faire
des ordonnances qui seraient de nature systémique. Alors, on aurait un dossier d'enfant pour lequel il y aurait un
correctif qui serait apporté pour cet enfant-là, mais, en même temps, on
pourrait aller chercher un correctif préventif pour des centaines d'autres
enfants.
Donc, on va... On était au tribunal. On continue
à y aller. On va continuer à y aller. Mais, par exemple, il y a des dossiers
où, quand on réalise que ce n'est pas un dossier de lésion de droit, là, on
n'est pas dans notre mandat. La semaine dernière, une de
mes collègues a obtenu, justement, une... On a obtenu une homologation d'un
jugement sur le fait que la DPJ a reconnu devant le tribunal des lésions de
droit. Donc, on a eu un jugement. On va dans d'autres dossiers bientôt pour faire
des conférences de règlement à l'amiable et on va tenter d'amener le DPJ à
reconnaître la lésion de droit, parce que ce qu'on veut pour nos enfants, c'est
que le correctif s'applique rapidement. Je ne sais pas si j'ai été assez
claire, M. le ministre.
M. Carmant : Oui, tout à fait,
tout à fait. Puis ça, ça m'amène vraiment à ma prochaine question, parce qu'une
des choses qu'on n'a pas incluse dans le projet de loi, justement, c'est la
notion de commissaire puis de charte, là,
puis, justement, c'est parce qu'on veut bien la comprendre et bien la placer.
Puis évidemment la commission des droits de la personne, droits de la
jeunesse est... tu sais, vient spontanément dans les discussions quand on parle
de ça. Vous, comment vous voyez ça, le commissaire qui est proposé par la
commission? Puis comment vous vous positionnerez par rapport à cette
structure-là qu'on veut créer?
Mme Arpin (Suzanne) : Alors, on
s'était prononcés très rapidement à l'effet qu'on est tout à fait d'accord avec le fait qu'il y ait un commissaire au
bien-être et aux droits des enfants. C'est essentiel. On a besoin de cette
loi-là qui va porter la voix des
enfants, pas juste des enfants en protection de la jeunesse, mais de tous les
enfants du Québec. Alors, ça, c'est essentiel. On a besoin de cette
forme d'accompagnement. Je ne dirai pas «représentation» parce que je ne veux
pas mélanger avec les termes légaux... mais d'accompagner les enfants dans des
processus, que ce commissaire-là puisse mettre en place des suivis auprès des
ministères pour voir si les programmes appliqués aux enfants sont correctement
appliqués, qu'il puisse avoir une voix à l'Assemblée nationale pour venir faire
rapport.
Alors, c'est essentiel qu'on ait un commissaire
au bien-être et aux droits des enfants. Et, à la commission, on s'est mis très
rapidement en action. Nous sommes à redéfinir complètement notre capacité
d'action en jeunesse. On est vraiment en train de tout revoir pour le
mieux-être de nos enfants puis pour le meilleur respect de leurs droits. On est
en train de déployer nos orientations jeunesse. Comme vous le savez, on est en
train de déployer nos axes de régionalisation. On a eu un budget pour pouvoir
retourner en région, de pouvoir aller travailler le plus près possible des
groupes communautaires, des organismes et de se déployer en région.
Donc, on est déjà au travail sur ça, et, si,
demain matin, le gouvernement nous disait, nous demandait de prendre, en plus, ce mandat-là, nous serions tout
à fait prêts et on répondrait présent, bien sûr avec une autre structure
qui serait... On a la structure où on fait la protection de la jeunesse, LPJ,
mais on aurait vraiment une structure, un porteur, un commissaire qui porterait
la voix de tous les enfants au Québec.
M. Carmant : D'accord. Et il
n'y aurait pas de paradoxe, là, entre le p.l. n° 15,
qui dit que nous, on veut tout faire pour l'intérêt de l'enfant, évidemment en
prenant pour acquis que tout a été fait en amont, là, au niveau du maintien
dans la famille, puis vous, votre recommandation n° 1,
qui dit quand même que la priorité doit être de rester dans le milieu familial.
Mme Arpin (Suzanne) : En fait,
pas la priorité, c'est que... Ce que le droit international et le droit interne
nous disent, c'est que le premier endroit où doit être un enfant, c'est chez
ses parents. C'est ce que la Convention relative aux droits de l'enfant aussi,
comme enseignement, nous dit. Les parents étant les premiers responsables de leur enfant, l'enfant, normalement, il doit être
chez ses parents. L'État ne peut pas s'immiscer à retirer un enfant s'il n'a
pas de motif. Alors, le premier lieu où il doit être, c'est chez ses parents.
Par contre, si c'est contraire à son intérêt, qui est la considération
primordiale, bien, il ne doit pas être chez son parent.
• (16 h 20) •
M. Carmant : Au niveau de
l'article 91 de la loi actuelle, on n'y a pas vraiment touché, mais
plusieurs nous en ont parlé. Quelles
seraient les modifications ou les suggestions que vous nous auriez... que vous
auriez à nous faire pour l'article 91?
Mme Arpin (Suzanne) : Est-ce
que je peux passer la parole à Catherine ou...
Le Président (M. Provençal)
: Aucun problème, allez-y.
Mme Gauvreau (Catherine) : En
fait, on n'a pas fait de suggestion, là, dans notre mémoire par rapport à une modification à l'article 91. Vous parlez,
là, des ordonnances qui peuvent être rendues par le tribunal, M. le ministre?
M. Carmant : Je n'ai pas eu le
temps de lire au complet votre mémoire, là, comme vous comprenez, mais je
pensais que vous seriez des bonnes... des bons intervenants pour nous discuter
des améliorations qu'on pourrait faire au niveau de l'article 91 et 91.1.
Mme Gauvreau
(Catherine) : Bien, en fait,
la commission s'est prononcée en faveur, là, des durées maximales
d'hébergement. Et l'objectif, là, de celle-ci, là, c'est de permettre, lorsque
celles-ci sont atteintes, de déterminer un projet de vie, là, qui vise la
stabilité des liens et la continuité, là, des soins qui sont donnés à l'enfant.
Donc, la commission estime, là, qu'il est
important, là, de respecter, là, cette disposition et que, lorsque l'enfant se
trouve dans un milieu de vie qui est permanent, donc, souvent, c'est des
situations, là, où des enfants sont confiés
en majorité, c'est, avant de le déplacer, là, de s'assurer que c'est bel et
bien dans son intérêt de le faire, là, donc, de
procéder. Il y a une recommandation, là, dans notre avis, qu'il est important,
là, d'évaluer la situation particulière de l'enfant, à savoir si, oui ou non,
il est dans son intérêt de le déplacer, et aussi, là, de tenir compte, là, dans
cette évaluation de son intérêt, là, le lien d'attachement qu'il a eu... qu'il a
développé, pardon, avec ses parents d'accueil.
Donc, on voit des
fois des situations, que ce soit dans des enquêtes ou des interventions
judiciaires, où on retire des enfants qui, pour eux... de leur milieu de vie
substitut, mais, pour eux, c'est leur milieu de vie. Ils ont été souvent
plusieurs années au sein de ces familles d'accueil. Et on comprend qu'il peut y
avoir des situations où c'est dans son
intérêt de le retirer, mais on met une mise en garde ou, en fait, on estime
qu'il devrait y avoir une évaluation rigoureuse de sa situation avant de
le déplacer. Donc, ce serait peut-être la modification, là, qu'on propose. Je
ne sais pas si c'est à 91 ou 91.1, mais ce serait la modification qu'on vous
propose, M. le ministre.
M. Carmant :
Merci. Puis un autre point aussi au niveau législatif, judiciaire, là, c'était
la représentation de l'enfant par un avocat.
Avez-vous des commentaires là-dessus? Puis on nous a même dit que... d'aller
plus loin puis d'aller même... quand
c'est des mesures volontaires, que l'enfant devrait être représenté, et ce, le
plus tôt possible dans le processus. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Gauvreau
(Catherine) : Bien, si je peux me le permettre, on n'est peut-être pas
allés aussi loin que de vous préciser, là, des moyens, mais c'est clair que le
droit d'être représenté ou même de consulter un avocat est déjà prévu, là, dans
la Loi sur la protection de la jeunesse et que la commission est d'avis, là,
que ce droit-là soit pleinement... que les enfants puissent pleinement exercer
ce droit-là. Donc, on serait... On verrait d'un bon oeil le fait que des
mécanismes soient mis en place ou, du moins, que vous réfléchissiez à la
question pour s'assurer, là, que ce droit
soit bien... enfin, que les enfants puissent avoir, dans tout le cadre du
processus, là, parce que l'article 5 ne limite pas au processus
judiciaire, là, M. le ministre... donc, qu'ils puissent avoir accès, s'ils le
souhaitent, à un avocat ou, du moins, qu'un avocat puisse leur être désigné.
Mais, en fait, ça, c'est à déterminer, là, la façon de le faire, mais on voit
ça d'un bon oeil.
M. Carmant :
O.K. Puis un autre... Là, vous avez, vous aussi, insisté sur l'aspect de la
prise en charge pleine par les Premières Nations, puis je pense qu'on a été
clairs aussi dans le préambule. Nous, on a quand même des questions sur les
Premières Nations qui habitent hors communauté et le fait qu'il y aurait
plusieurs lois sur... Tu sais, par exemple, quelqu'un qui est à Montréal, et
qu'il y a quelque chose, comment... tu sais, comment on gère ça, là,
concrètement, au niveau de la DPJ, telle loi s'applique, comment...
Mme Arpin
(Suzanne) : On n'a pas regardé cette question-là. On s'est vraiment
penchés sur le projet de loi tel qu'il était. Mais je pense que ça... Peut-être,
il faut continuer à réfléchir à cette question-là, mais on ne s'est pas penchés
de façon spécifique sur l'application pour les établissements publics... de
comment les soins, comment les services vont être donnés, quelle DPJ va donner
les services, de qui va relever... Ça, on n'a pas regardé cet aspect-là de la
question.
M. Carmant :
D'accord. M. le Président, je passerais la parole à la députée de Roberval,
s'il vous plaît.
Le Président
(M. Provençal)
: Alors, une minute,
Mme la députée.
Mme Guillemette :
Merci. Merci, M. le ministre. Merci, mesdames, d'être avec nous
aujourd'hui. Donc, très rapidement, je ne ferai pas un gros préambule,
j'aimerais vous entendre sur la confidentialité. Je pense qu'il faut assouplir, mais comment on fait pour protéger
quand même l'enfant, mais donner assez d'information aux intervenants
pour qu'ils puissent bien intervenir avec l'enfant?
Mme Arpin
(Suzanne) : Je vais céder la parole à ma collègue Catherine.
Mme Gauvreau
(Catherine) : Alors, bonjour, Mme la députée. En fait, peut-être
rappeler ou préciser que la commission estime qu'il est dans l'intérêt de
l'enfant de partager les renseignements personnels concernant sa situation, là,
lorsque l'objectif... ou les renseignements concernant ses parents lorsque
l'objectif de la divulgation est nécessaire
pour assurer sa protection. Puis, comme mentionné, il existe déjà plusieurs
exceptions, là, qui sont prévues dans
la loi, mais, notamment, là, dans le cadre, là, du rapport sur la mise en
oeuvre, là, la LPJ, qui a été déposé, là, en 2020 par la commission, on sait... on a constaté que,
souvent, les problèmes résident dans l'application des règles ou, du moins, la bonne
compréhension.
Donc, on peut
assouplir des règles, mais, si les intervenants qui vont devoir se partager,
ou, du moins, obtenir un certain
renseignement, ou, du moins, les divulguer à qui de droit, bien, s'ils n'ont
pas compris quels renseignements, quels types de renseignements et dans
quelles circonstances ceux-ci doivent être divulgués, bien, on n'est pas avancé
plus loin, là, dans la protection, là, ou le respect du meilleur intérêt de
l'enfant. On met vraiment l'accent de... sur ce point précis.
Puis aussi peut-être
rappeler que la confidentialité a sa raison d'être aussi, là, dans le respect
de l'intérêt de l'enfant puis aussi dans son
droit du respect à sa vie privée. Il y a quand même... Tu sais, on s'entend que
le dossier DPJ contient beaucoup
d'informations très... de nature très sensible, là, sur la situation, là, que
vit l'enfant... ou, par exemple, un
parent, là, qui serait suivi, là, en désintoxication. Donc, on veut, là, qu'il
crée... L'objectif, là, c'est qu'il aille chercher des services et qu'il
puisse, par la suite, là, assumer pleinement son rôle auprès de son enfant.
Donc,
on n'est pas contre l'élargissement, là, de certaines règles de confidentialité.
On estime qu'elle devrait être reprécisée. À titre d'exemple, là, il y a une proposition
dans le projet de loi, là, qui mentionne qu'on va élargir aux professionnels
qui ne travaillent pas au sein des établissements, là, de santé et services
sociaux de partager des renseignements dans le cadre d'évaluation d'un
signalement. Pour nous, c'est très logique. Ce n'est pas logique qu'une infirmière qui travaille... je
viens de Montréal, là, donc, du CHU Sainte-Justine puisse divulguer des
renseignements au DPJ, mais que, si
elle pratique de l'autre côté de la rue, dans une clinique, elle ne pourrait
pas le faire ou ce serait plus difficile pour elle de transmettre ou de
divulguer ces renseignements-là.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Merci pour votre réponse. Alors, nous allons poursuivre
avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Je vous cède la parole, madame.
• (16 h 30) •
Mme Weil :
Merci, M. le Président. Merci à vous tous d'être ici. Je vais revenir à la
question du ministre, parce qu'on a eu des
discussions sur la question du rôle des DPJ en vertu de la loi, évidemment,
mais aussi les commentaires des juges, ces dernières années,
commentaires des avocats.
D'ailleurs, on a eu
des commentaires, la perception — et un article de journal — qu'en
gros la DPJ se retire dans des cas de lésion
en droit et tout ce questionnement par rapport au mandat de la DPJ. On a parlé — donc,
une avocate qui était là, qui est souvent devant les tribunaux — que
les juges s'en plaignent, je pense que vous connaissez bien ça, l'historique de
tout ça, c'est souvent rapporté au fil des années, mais aussi que
l'orientation, c'est d'aller plus vers ce qui est systémique, donc, et ce qui
est évoqué, c'est une question de personnel, de ressources.
Alors, c'est de bien
comprendre, peut-être, la portée de cette entrevue, vous l'avez... et les choix
que vous faites... bien, l'entrevue, c'est un reflet d'une discussion, mais
votre... Est-ce que vous opérez actuellement une réorientation? Ce serait la
première question. En matière d'intervention devant le tribunal, sauf,
évidemment, on comprend, lorsque c'est déjà... le tribunal est déjà saisi, là,
donc, selon une disposition de la loi, vous ne pouvez pas... mais votre rôle
d'intervenir pour protéger un enfant, un enfant dont les droits ont été lésés,
est-ce que vous changez l'orientation? C'est ça qui semble... C'est la
perception, c'est le débat public, là, actuellement.
Mme Arpin
(Suzanne) : Alors, je vais vous répondre. J'imagine que vous parlez
non pas de la protection de la jeunesse, mais bien de la Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse, parce que...
Mme Weil :
Oui, oui, oui, CDPDJ, c'est plus facile, CDPDJ.
Mme Arpin
(Suzanne) : D'accord, ça, c'est la première chose. Deuxièmement, vous
comprendrez que je ne commenterai pas une chronique. C'est une chronique
d'opinion. Alors, voilà, et pour vous dire aussi les... Plusieurs acteurs du
milieu juridique souhaitent nous voir dans les salles d'audience dans tous les
dossiers, mais notre mandat, ce n'est pas d'être dans un dossier à faire de la
protection de la jeunesse. La commission ne se substituera pas aux enfants qui
sont superbement bien représentés par avocat, aux parents qui peuvent être
représentés. Ce n'est pas... Je n'aime pas ça, le dire de façon négative, mais
ce n'est pas le mandat de la commission. On ne représente pas les enfants. On
ne représente pas les tiers. On ne représente pas les familles d'accueil ni les
grands-parents.
Ça, c'est vraiment le
travail des avocats à la cour, mais les avocats souhaitent nous voir dans les
salles d'audience pour être plus confortables à faire leurs dossiers,
prétextant qu'on les aide, que c'est plus facile quand on en est là dans les
dossiers de protection. Parfois, ils vont nous dire : Oui, mais, quand
vous êtes là, ça nous permet d'avoir des
documents qu'autrement c'est très difficile... Bien là, on a une belle
occasion, Mme la députée, justement, de faire faire des modifications à la loi
pour que les accès que la commission a au dossier d'un jeune client,
d'un enfant, bien, que les avocats d'enfants puissent avoir le même accès, si
c'est ça vraiment, le problème, mais, comme notre mandat n'est pas d'être dans
les salles d'audience, dans les dossiers de protection, nous n'agissons que
dans les dossiers où il y a vraiment des lésions de droit.
Et, quand je vous dis
qu'on regarde pour des portées plus systémiques, ce n'est pas pour ne pas aller
dans le dossier d'un enfant. Bien au contraire, il faut rentrer dans un dossier
pour avoir, avec la recommandation qu'on fait aussi, que le juge puisse faire
des ordonnances systémiques... pour que ça puisse bénéficier à beaucoup
d'enfants de façon beaucoup... que les remèdes soient plus rapides et que ça
profite à beaucoup plus d'enfants. Un enfant, c'est important, mais, si son
dossier à lui peut faire en sorte que d'autres sont protégés de lésions de
droit, bien, je pense que c'est une avenue qu'il faut regarder, et on est,
justement, en train de regarder ça. Mais il n'y a pas de... il n'y a pas de
position à ne pas aller au tribunal, on est en train de regarder comment on
fait mieux et comment on fait plus pour les enfants, justement, dans ces
dossiers-là. Et, c'est ça, et, si le gouvernement voulait nous donner le mandat
d'être assis dans chacun des dossiers à tous les jours, bien, on ferait ce
mandat-là. Malheureusement, ce n'est pas ça, notre mandat.
Mme Weil :
...l'article 23 de la loi,
qui dit, bon : «La commission exerce les responsabilités suivantes,
conformément aux autres dispositions de la présente loi : [...]sur demande
ou de sa propre initiative, elle enquête sur toute situation où elle a raison
de croire que les droits d'un enfant — d'un enfant — ou
d'un groupe d'enfants ont été lésés par des personnes, des
établissements ou des organismes, même si, au moment de l'enquête,
l'intervention en vertu de la présente loi a pris fin, à moins que le tribunal
n'en soit déjà saisi;». Donc, on parle de cas individuels. Qui va vous
interpeler pour intervenir ou comment vous...
Mme Arpin
(Suzanne) : Oui. Vous me permettez? C'est vraiment dans les cas où on
fait des enquêtes administratives, c'est-à-dire que ça peut être un parent, un
avocat, un enfant, un grand-parent, un tiers qui nous dit : Moi, je pense
que les droits de mon enfant ont été lésés, j'ai cette conviction-là. Alors,
nous, on fait une enquête, on va cueillir des preuves. On fait une enquête en
toute neutralité. Et on fait, par la suite, on fait un exposé factuel qui est
envoyé au mis en cause, qui est ciblé. Et, après, si, pendant tout ce
temps-là... Je dois vous dire qu'à 90 % des cas, quand on nous demande de
faire enquête pour une raison de croire à une lésion de droit, 90 % des
cas, on a une admission du directeur de la protection de la jeunesse à l'effet
qu'effectivement des droits ont été lésés, et des correctifs sont apportés. Si ce n'est pas possible d'avoir ce genre
d'entente là, bien là, il y a un rapport qui est soumis au commissaire à la commission, et on fait des
recommandations envers ce mis en cause là qui suit nos recommandations.
Mme Weil : Et, s'il n'y a pas
de remède, ou il n'y a pas de changement, ou il n'y a pas de suite, qu'est-ce
que vous pouvez faire? Quels sont vos pouvoirs?
Mme Arpin (Suzanne) : On a le
pouvoir de saisir le tribunal si les recommandations n'étaient pas suivies.
Mme Weil : C'est ça. Et est-ce
que c'est fréquent que ça arrive ou... que vous...
Mme Arpin (Suzanne) : Non, ce
n'est pas fréquent. Non. Non, parce qu'habituellement les mis en cause, qui
sont habituellement les DPJ, là, c'est pas mal toujours le même bassin... Oui?
Mme Weil : Ce mandat-là occupe
quel pourcentage de vos ressources et de votre temps parmi tout ce que vous
faites en protection de la jeunesse, des cas semblables, qui sont des cas
individuels?
Mme Arpin (Suzanne) : Oui, oui,
mais, comme la loi le dit, c'est soit des situations... le dossier d'un enfant
ou d'un groupe d'enfants. C'est pour ça qu'on fait des enquêtes individuelles,
on en fait plusieurs, et on fait des enquêtes systémiques ou des audits quand
les situations, là, sont assez semblables dans une région. Par exemple, on est
souvent alimenté par des avocats ou des juges qui nous disent : Eh! là, on
voit tel genre de problème. Et là, nous, ça nous permet de déclencher un audit
ou une enquête systémique. Alors, nous, on a des enquêtrices, on va le dire,
qui font vraiment les enquêtes dans les dossiers de... quand on a des raisons
de croire qu'il y a des lésions de droit, et on a des avocates, des procureurs
qui sont au contentieux et qui font les dossiers au tribunal.
Mme Weil : Merci pour cette
réponse. Dans des modèles ailleurs au Canada, par exemple, je pense qu'il y a
un ombudsman en Ontario qui représente les enfants, donc, ils ont comme une
indépendance, ils ne sont pas liés nécessairement à leur... comment dire, le
pendant de la CDPDJ, c'est vraiment des institutions très indépendantes. Bien, vous l'êtes aussi, mais vous avez plusieurs
mandats, mais eux, ils ont juste ce mandat, les enfants. D'après ce que...
Je ne sais pas, peut-être vous pourrez... Vous pouvez peut-être éclairer, là.
Et la commission en parlait, lorsqu'ils ont proposé le commissaire, donc ils
ont donné quelques exemples d'autres provinces qui ont des institutions
semblables avec un commissaire, un genre de commissaire, mais avec d'autres
noms, qui intervient beaucoup avant qu'il y ait... je veux dire, même
sensibilisé, approche. On voit que c'est une mission très, très large, selon la
commission spéciale. Donc, si vous pouvez peut-être comparer avec un modèle qui
ressemble à ça avec... donc, où on n'est pas une commission comme vous l'êtes,
sur les droits, nécessairement, mais un commissaire qui est là comme un... moi,
j'ai utilisé le mot «chien de garde», mais peut-être la voix des enfants, une
voix qui représente réellement les enfants en toutes instances, et juste les
enfants. Qu'en pensez-vous?
Mme Arpin (Suzanne) : Alors,
oui, bien, tout à fait. D'ailleurs, je fais partie de ce conseil, c'est le
Conseil canadien des défenseurs des enfants et des jeunes, et on a fait en
sorte, à la commission Laurent, justement, de présenter ces modèles-là. On a
beaucoup alimenté la commission Laurent pour les aider, là, à se faire une idée
et une tête sur cette question-là. Et ce que mes collègues du reste... de
l'extérieur du Québec nous envient, c'est, justement, le fait qu'on peut aller
dans les dossiers au tribunal, ce qu'eux n'ont pas. Ils sont plus des
ombudsmans, plus des commissaires au bien-être, mais ils n'ont aucun pouvoir
coercitif, ce que nous avons au Québec. Et c'est quelque chose qu'ils regardent
toujours, à chaque fois qu'on a des rencontres, c'est quelque chose qui nous
différencie, qui nous distingue, et c'est
ça, c'est toute la différence. Et plusieurs des défenseurs au Canada ont des
mandats, ils ne sont pas tous pareils, on a un excellent document
là-dessus, d'ailleurs, il y en a, ça va être les blessures graves qu'ils vont enquêter seulement, d'autres vont enquêter sur des
problèmes scolaires. Chacun a un mandat très, très, très particulier.
• (16 h 40) •
Mme Weil : Combien... Deux
minutes. Moi, il me semble que... Parce qu'il y a... Je reçois beaucoup
d'appels, hein, d'avocats, de parents, etc. Et des fois on sent que, s'il y
avait comme une voix extérieure avant que les choses s'empirent, parce que des
fois ça... on regarde le dossier puis on se dit : Ouf! Il y a
mécompréhension, etc., comme un intervenant
qui arrive plus tôt dans... La mécompréhension, souvent, c'est beaucoup ça, là,
entre l'intervenante et la famille.
Vous, vous n'êtes pas encore là parce que c'est lésion de droit, donc on est
vraiment rendu là où c'est catastrophique.
Et je ne sais pas s'il y a un modèle quelque
part dans le monde, mais on dirait que même la DPJ pourrait en bénéficier,
c'est comme une voix neutre, un genre de médiateur, un genre de médiateur.
Parce que des fois on le voit, surtout s'il y a des enfants avec des problèmes
de développement, des fois, c'est un parent qui peut l'avoir, et ce n'est pas reconnu. Il y a une avocate qui m'a dit ça, elle
le voit souvent, ils ne comprennent pas pourquoi le père agit de cette façon, puis ce n'est pas de la violence,
c'est juste... ils ne sont pas capables de communiquer, et c'est des gens...
ça peut être l'autisme, et autres. Et donc, dans ce système, ces gens-là sont
assez perdus.
Alors, je ne sais pas, là, mais moi, je sens,
dans ce que j'entends, ça prend quelqu'un qui serait un genre de médiateur. Parce que ce que je remarque, même avec
la protection de la jeunesse, même l'intervenante est toute seule,
souvent, dans un dossier, puis avant qu'elle puisse avoir l'appui de quelqu'un
d'autre pour prendre des décisions, et les
relations deviennent tendues, et ça devient un dialogue de sourds, et ça
devient... c'est de pire en pire, ils sont devant la justice, etc.
Alors, un genre de médiateur, mais en prévention.
Alors, je ne sais pas, vous n'êtes pas peut-être
nécessairement dans ça, là, parce que c'est vraiment le quotidien, mais je
l'entends beaucoup des avocats. Et les avocats sont là aussi. Peut-être le fait
d'avoir un avocat au dossier, avec le projet de loi, cet avocat peut jouer ce
rôle, ce n'est pas vraiment son rôle, mais les amener à la médiation pour que
les gens se comprennent et que les gens ne soient pas buckés, parce que des
fois c'est beaucoup ça, on le voit, et c'est des dossiers qui reculent de
10 ans, là, quand on regarde, et c'est de pire en pire. Puis là il n'y a
plus personne qui se comprend, puis, bon. Alors, ça, je ne sais pas... Et le
droit de l'enfant est toujours pris... Le droit de l'enfant est toujours en question
parce que, pendant tout ce temps-là, ses droits sont lésés.
Mme Arpin (Suzanne) : Alors, si
je peux me permettre, Mme la députée, nous avons à la commission une excellente
équipe de médiatrices. Et, dans nos fantaisies, on commençait à regarder,
justement, qu'est-ce qu'on pourrait faire de plus encore pour les enfants, pour
les familles. Vous voyez, bientôt, on s'en va dans des dossiers en conférence
de règlement à l'amiable, on va tenter d'aller chercher une reconnaissance de
la lésion de droit. Ça aussi, ce sont des outils intéressants. Est-ce qu'il
faut passer par la commission? Est-ce qu'il faut passer par des organismes
communautaires qui pourraient accompagner les parents? Mais ça va prendre un
chef d'orchestre qui va tout bien unifier ces actions-là à poser, tant pour les
enfants que pour les parents.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons maintenant faire la conclusion
de cet échange avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci beaucoup. Merci pour votre présence. Est-ce
que vous pourriez nous expliquer la recommandation 17 de votre
mémoire, celle qui dit : «La commission recommande d'être rattachée
directement à l'Assemblée nationale pour tous les aspects de sa gestion, y
compris les aspects budgétaires»? Je n'ai pas eu le temps de tout lire, là,
évidemment, mais, si vous pouviez nous l'expliquer, j'apprécierais.
Une voix : ...
M. Zanetti : On n'a pas le son.
Ça se peut-tu?
Mme Arpin (Suzanne) : C'est mon
erreur, parce qu'il devient rouge, enfin, bref, c'est compliqué. C'est une
demande qui est faite... qu'on fait depuis plus de 25 ans, d'être
rattachés à l'Assemblée nationale. En fait, on voudrait être rattachés à
l'Assemblée comme l'est la protectrice, comme l'est la Vérificatrice générale.
Comme vous le savez, nous sommes un organisme sous le ministère de la Justice.
Alors, ce qu'on demande, c'est de pouvoir être rattachés directement à
l'Assemblée nationale, tant pour les budgets que pour la reddition de comptes,
comme le fait la protectrice ou la Vérificatrice générale, entre autres. Étant
un organisme nommé aux deux tiers, on souhaiterait avoir cette même liberté de
pouvoir s'adresser aussi à l'Assemblée nationale pour notre reddition de
comptes et que les parlementaires puissent nous poser des questions sur ce qui
a été dans l'année, les recommandations qui ont été suivies, celles qui n'ont pas été suivies, pourquoi, vraiment une
reddition de comptes sur le travail qu'on fait en jeunesse et en charte.
M. Zanetti : Si je comprends
bien, ça vous donnerait une plus grande indépendance, est-ce que c'est ça, ou
une possibilité de prendre des initiatives de communication davantage?
Mme Arpin (Suzanne) : Est-ce
que quelqu'un d'autre voudrait y aller? Sinon, je vais tout prendre le temps.
Mme Montminy (Karina) : Bien,
absolument, on est vraiment... C'est une garantie supplémentaire, puis c'est vraiment dans les garanties, en droit
international, là, qui nous permet, là... qui nous permettrait d'être
pleinement indépendants, de renforcer cette garantie.
M. Zanetti : Parfait. Bien,
merci. Je vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, je remercie Mmes Williams, Gauvreau, Montminy
et Arpin pour leur contribution à nos travaux et à votre présence, bien
entendu. Alors, je vous souhaite une belle fin de journée.
Je vais suspendre les travaux pour que nous
puissions accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup de votre collaboration
et de votre contribution.
(Suspension de la séance à 16 h 46)
(Reprise
à 16 h 52)
Des voix :
...
Le Président
(M. Provençal)
: Madame, je vais
vous... Simplement, pour les gens qui nous écoutent, je vous souhaite la
bienvenue de façon officielle, aux deux représentantes de l'Ordre des
psychologues du Québec, c'est-à-dire la Dre Christine Grou et la
Dre Isabelle Marleau. 10 minutes pour votre présentation. Par la
suite, on procède aux échanges. Alors là, je vous cède vraiment la parole,
madame.
Ordre des psychologues du
Québec (OPQ)
Mme Grou (Christine) : Merci. Je ne voulais pas perdre une fraction de
seconde. Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, MM. et Mmes les
députés membres de la commission, l'Ordre des psychologues vous remercie pour
l'invitation à cette audition particulière sur la Loi modifiant la Loi de la
protection de la jeunesse.
Alors,
je suis Dre Christine Grou, présidente de l'Ordre des psychologues du
Québec, psychologue clinicienne et neuropsychologue spécialisée en santé
mentale, et je suis accompagnée de la Dre Isabelle Marleau, directrice
de la qualité et du développement de la
pratique, psychologue spécialisée en pédiatrie et spécialisée dans le
développement de l'enfant.
Alors, d'entrée de
jeu, l'Ordre des psychologues salue le dépôt de ce très attendu projet de loi.
Il traduit bien l'intention d'améliorer, donc, la protection de la jeunesse. En
décembre 2019, nous avions présenté un mémoire à la commission Laurent sur les
enjeux relatifs à la sécurité et au développement des enfants, et nous sommes
très heureux de constater que le projet de loi s'inscrit en continuité avec
notre mémoire, qui faisait, d'ailleurs, écho à bien d'autres, et où on avait
souligné l'importance des enjeux d'attachement, de la continuité et de la
stabilité des liens, notamment, et de s'assurer que les besoins au regard du
développement des enfants étaient comblés, l'accessibilité aux services
également, entre autres choses.
Alors donc, cela
étant dit, on souhaite vous adresser certaines préoccupations, la première
étant la notion du temps, qu'on retrouve à deux endroits, donc aux
articles 1 et 6. Alors, dans les considérants, on ferait la suggestion de
modifier le libellé, parce que la notion du temps peut porter à confusion. On
peut aisément penser que c'est parce que la notion du temps est différente chez
l'enfant et chez l'adulte, alors qu'on fait surtout référence à l'impact du
temps qui passe et au grand préjudice pour le développement de ne pas agir en
temps opportun ou de retarder une décision difficile.
Dans un deuxième
temps, sur la primauté de l'intérêt de l'enfant, alors on salue le fait qu'il
devienne primordial, on est tout à fait d'accord avec ça. Cela dit, c'est dans
l'application que tout reste à voir parce qu'il va falloir s'entendre sur
l'opérationnalisation de ce principe-là. Il va falloir aider les intervenants
dans l'appropriation du principe. Il va falloir avoir une compréhension
commune, ce qui va peut-être passer par de la formation, du mentorat. Il va falloir soutenir les intervenants
terrain dans leur pratique clinique. Et, une chose très importante, il faudra
que l'organisation des services fasse en sorte que l'opérationnalisation du
principe soit aussi un intérêt premier des établissements.
À l'article 6,
on suggère un petit ajout, c'est-à-dire on mentionne que l'implication des
parents doit toujours être favorisée, et on suggère d'ajouter «à condition de
ne pas contrevenir à l'intérêt premier de l'enfant». Donc, ce que ça veut dire,
évidemment, c'est que, quand l'enfant a des liens significatifs avec ses
parents, c'est dans son intérêt de les maintenir, mais il faut s'assurer que
cette continuité de l'implication ne nuise pas à l'intérêt premier.
Ensuite, on vous
amène aux enjeux de confidentialité. Alors, on est tout à fait d'accord avec la
nécessité d'une circulation plus fluide de l'information, quand c'est dans
l'intérêt de l'enfant, pour assurer sa sécurité et son développement. Donc, on
a besoin d'avoir les leviers nécessaires. Et la confidentialité, pour nous,
n'est pas une valeur absolue. Mais, bien qu'on comprenne l'intention de vouloir
rendre les choses plus fluides, on a quand même certaines préoccupations,
notamment aux articles 6 et 21 du projet de loi.
Alors, commençons par
l'article 6. On a ajouté une clause interprétative qui risque d'engendrer
une certaine confusion, à notre avis, c'est-à-dire qu'on doit déjà divulguer
les situations problématiques. On comprend que ça se fait souvent à géométrie
variable et que les intervenants, les professionnels ont une interprétation
restrictive de la divulgation, mais le
correctif risque d'augmenter la confusion. Parce qu'ici on demande aux
professionnels d'interpréter une loi, et c'est très différent
d'interpréter une loi, ce n'est pas du tout équivalent à porter un jugement
clinique quant à l'intérêt de l'enfant ou à sa protection. Alors, pour,
justement, éviter toute confusion, il vaudrait beaucoup mieux baliser, donc donner un cadre de référence, donner
des balises de pratique, indiquer les situations où il convient de divulguer
que de demander aux professionnels d'interpréter, donc, de manière à favoriser
la communication.
Ensuite, à
l'article 21, donc, on veut élargir l'obligation de communiquer les
renseignements au directeur de la protection de la jeunesse. Et, actuellement,
ce qui s'applique aux établissements du réseau de la santé et des services
sociaux, on veut l'élargir à tous les organismes et aux cabinets de
professionnels. Donc, on comprend que ça peut concerner un renseignement pour
l'enfant, sur un des parents ou sur une autre personne et que la direction de
la protection de la jeunesse pourrait entrer en tout temps, s'il y avait
urgence, pour prendre connaissance du dossier.
On s'est questionné
sur les motifs de cet élargissement-là, sur qu'est-ce qui cause problème pour
qu'on veuille élargir, bien qu'on comprenne la nécessité de la fluidité. Et,
s'il y avait un élargissement aux cabinets privés de professionnels, par exemple,
ou à d'autres organisations, il faudrait vraiment se pencher puis réfléchir aux
méfaits potentiels que ça pourrait engendrer, donc, on peut imaginer plusieurs
exemples, mais il faudrait s'assurer ici que le mieux ne devient pas l'ennemi
du bien.
Sur l'accompagnement
jusqu'à majorité, écoutez, on partage ce que d'autres vous ont dit,
c'est-à-dire que, d'abord, 18 ans,
c'est jeune, et les jeunes qui sont sous la protection de la jeunesse sont
moins outillés, plus carencés et souvent moins outillés pour faire face
à la vie adulte. Et ce qu'on souhaite, c'est qu'on évite une rupture trop
brutale puis trop précoce, donc, dans les services de protection, éviter aussi
une rupture du lien de confiance. À 17 ans, avoir une seule rencontre, si
l'enfant consent, avec un prestataire de services qui demeure encore à définir,
parce qu'on ne sait pas nécessairement c'est qui, c'est périlleux. Alors, on
est d'avis que le passage de la vie adulte, ça ne se passe pas nécessairement
dans la 18e année, mais plutôt entre la 18e et la 25e année, et que,
donc, il faudrait peut-être aller plus loin dans l'accompagnement des jeunes
pour leur offrir du soutien.
Évidemment, sur le directeur national et sur le
Forum des directeurs, on salue l'intention. Encore une fois, c'est une excellente
mesure, mais nous espérons que ses responsabilités lui permettront de rester à
l'affût de la réalité des intervenants, de soutenir les pratiques, de répondre
aussi aux défis de l'accessibilité compétente et de la qualité, de la
continuité, de la stabilité des services.
En 2019, on avait mentionné qu'il fallait
s'assurer que les conditions d'exercice permettent une offre de services de
qualité, qu'il fallait favoriser une continuité essentielle au développement du
lien de l'attachement, qu'il fallait s'assurer aussi que les professionnels
aient une formation puis le soutien clinique nécessaire. Alors, sur la
direction et sur le forum, c'est une excellente chose, parce que cela va
permettre d'harmoniser les pratiques, ça va permettre aussi d'assurer la mise
en oeuvre des perspectives et des orientations. Mais on souhaite que les
réalités ou les particularités, évidemment, de chacun, soient tenues en compte.
On souhaite surtout que le forum puisse aussi assurer du soutien aux
intervenants terrain.
Alors, on souhaite, en fait, que ce soit une
mesure qui ne soit pas uniquement «top-down», pour m'exprimer en bon français, mais qui soit vraiment à deux
sens, c'est-à-dire que le terrain puisse remonter au Forum des directeurs
et aux directeurs de la protection de la jeunesse, tous les problèmes qui
peuvent être rencontrés, pour s'assurer que les jeunes ont ce qu'il faut pour
assurer leur protection.
• (17 heures) •
En conclusion, donc, il y a beaucoup de pain sur
la planche encore qu'il nous reste collectivement à faire pour protéger puis
pour assurer... pour améliorer la vie des jeunes, pour les protéger, pour
assurer leur sécurité. La loi traduit vraiment une intention de mieux faire. Il
faut voir maintenant comment cette loi-là va se traduire auprès d'eux, nos
jeunes, nos enfants. Et je pense qu'il faut considérer qu'une loi seule ne
pourra pas changer la qualité de vie de ces enfants puis de ces adolescents-là.
Il y a tout un défi d'opérationnalisation auquel on va offrir toute notre
collaboration. Parce que c'est un défi qui n'est pas seulement celui de la
direction de la protection de la jeunesse, mais
c'est un défi qui est sociétal, collectif et qui nous concerne, nous, comme
ordre professionnel. Il est aussi impératif d'assurer l'accessibilité à
l'ensemble des services requis, à l'ensemble des services requis, la qualité et
la continuité des suivis, la qualité des liens qu'ils apprendront à développer
et la priorisation d'un développement harmonieux afin de les amener à une vie
heureuse et à une pleine autonomie. Merci.
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci beaucoup, Mme la
présidente, pour cet exposé. Nous allons maintenant initier la période
d'échange avec M. le ministre. M. le ministre, je vous cède la parole.
M. Carmant : Merci, M. le
Président. Bonjour, Dre Grou, Dre Marleau, très content de vous voir,
toujours un plaisir.
Mme Grou
(Christine) : Bonjour, Dr Carmant.
M. Carmant : Bonjour. Puis, Isabelle, je ne dirai pas qu'on a
déjà travaillé ensemble, mais quand même. Je ne peux pas m'empêcher.
Mme Marleau
(Isabelle) : C'était un plaisir, je dois
le dire.
M. Carmant : Parce que le
premier point, justement, la clarification sur le temps, le neurologue en moi
est tout à fait d'accord avec vous, mais je ne sais pas si, au niveau des
juristes, là, est-ce que ça complique un peu la compréhension de l'article.
Donc, je pense qu'il va falloir regarder ça d'un peu plus près, mais
l'intention, je la comprends tout à fait, puis je pense que le point est bien
pris.
Un point qui est important puis qu'on n'a pas
beaucoup parlé, puis j'ai entendu certains DPJ le mentionner, j'ai demandé, il
y a deux ans, là, quand on a commencé tout le processus, une des choses que
j'ai demandées, c'est que l'accès aux services professionnels pour les enfants
et les parents soit prévu dans les 30 jours, lorsque demandé par la
protection de la jeunesse. Puis ça, ce n'est pas toujours bien reçu, parce qu'il
y en a qui disent : Bien, quelqu'un à la protection de la jeunesse peut
avoir un problème moins urgent que quelqu'un qui n'y est pas. Mais moi, je suis convaincu que, quand on regarde l'ensemble
du problème, là, c'est important. Certains m'ont mentionné :
Est-ce que ça devrait être dans la loi, cet aspect-là? J'aimerais ça vous
entendre là-dessus.
Mme Grou
(Christine) : Je vais me permettre de répondre puis je vais
céder la parole au Dre Marleau. Je pense que... En fait, pour un enfant,
le passage du temps a des effets dramatiques. C'est-à-dire que, si on
n'intervient pas en temps opportun, ça peut avoir des conséquences importantes,
d'où la notion du temps. C'est là que le temps est important pour un enfant.
Mais, cela dit, c'est
évident que tous les enfants n'ont pas nécessairement le même niveau d'urgence,
mais... et ça, ça demande une bonne évaluation. Mais je veux juste qu'on fasse
attention quand on parle de donner un service dans les 30 jours, parce
qu'il ne faudrait pas non plus aller vers toutes sortes de stratégies pour
s'assurer qu'on a un premier appel téléphonique à l'intérieur de 30 jours,
mais qu'on ne donne pas nécessairement le service requis. Et ce que ça veut
dire, c'est que, si, par exemple, un enfant a besoin de parler à un travailleur
social, qu'il puisse parler à un travailleur social, s'il a besoin et
psychoéducateur, que ça puisse être psychoéducateur, s'il a besoin d'un
psychologue, que ce soit un psychologue, mais que ce soit au-delà d'un premier
appel pour qu'il disparaisse d'une liste d'attente virtuelle.
Peut-être, Dre Marleau, vous avez autre
chose à dire là-dessus?
Mme Marleau
(Isabelle) : Je pense qu'effectivement un panier de services,
c'est absolument essentiel et... En fait, on pourrait aussi insister sur des
pratiques collaboratives puis de l'interdisciplinarité parce que l'ensemble des
professionnels et puis des intervenants peuvent offrir, là, un premier service.
Puis, parfois, l'intensité de service, comme
on voit dans d'autres... dans d'autres domaines, il y a des intensités de
services qui, comme vous le mentionnez, là, peuvent être distincts selon les problématiques, et là, à ce
moment-là, on offre le bon service à la bonne personne au bon moment,
puis c'est ce qu'on souhaite.
M. Carmant : D'accord.
Mme Grou
(Christine) : Mais je pense que ce qu'on souhaite aussi, puis
j'ajouterais, je pense que ce n'est pas
juste souhaitable d'offrir un service, mais vraiment d'offrir le bon service,
d'offrir le service dont l'enfant a besoin à ce moment-là.
M. Carmant : Oui. Puis je suis bien conscient puis très
intolérant face aux techniques, là, que vous mentionnez, là. Tu sais, on
s'assure que ce ne soit pas le cas.
Au niveau de la formation puis du forum, je
pense que c'est super important, l'harmonisation des pratiques, de la connaissance, tout ça. Comment vous voyez le
rôle de la directrice nationale de la protection de la jeunesse là-dedans
et aussi le rôle de l'ordre, qui est... Tu sais, comment vous vous voyez
positionnés par rapport à ça?
Mme Grou
(Christine) : Bien, moi, je le vois comme un rôle partagé,
c'est-à-dire que je pense qu'il devrait y avoir une obligation de formation des
intervenants, mais, en même temps, une offre de formation. Puis, ça, c'est très
important. Si on veut garder une vraie interdisciplinarité puis une richesse
des pratiques au profit de l'enfant, il faut aussi assurer une formation
spécifique à chaque type de profession. Donc, il faut y avoir un tronc commun,
mais il faut y avoir aussi de la formation pour chaque professionnel.
Puis, cela dit, je pense que, dans un contexte
où on réfléchirait les besoins de formation ensemble, les ordres pourraient faire tout un travail de formation de
leurs membres. Mais je pense qu'il faut que l'ensemble des intervenants...
puis, quand je dis «l'ensemble des intervenants», c'est aussi le forum des
directeurs puis c'est aussi les directeurs, soient formés à certaines réalités
cliniques, aux enjeux développementaux, notamment, aux enjeux de l'attachement
qui sont fondamentaux pour qu'un enfant puisse se construire.
Mme Marleau
(Isabelle) : Absolument. Puis, quand on parle de formation, on
parle aussi de supervision, de consultation entre pairs. On pourrait bonifier
aussi dans la... En fait, les intervenants sur le terrain nous mentionnent ces
besoins-là dans le contexte des populations qui sont très difficiles à
desservir. C'est un travail émotionnellement intense. Donc, le soutien des
pairs, là, p-a-i-r-s, est extrêmement important. Alors, il pourrait y avoir des
programmes où on valorise les professionnels
ou les intervenants seniors qui pourraient avoir, dans leur dans leur mandat ou
tâches, là, de former les juniors. Ça pourrait faire partie, là, de la
formation de base qui serait offerte.
Mme Grou
(Christine) : Oui. Puis, vous savez, j'ajouterais que,
concrètement, ce n'est simple pour un jeune professionnel qui commence, parce
que moi, je pense juste à la notion de l'intérêt de l'enfant puis je peux
imaginer des lieux où l'enfant même a des intérêts en conflit. C'est-à-dire,
parfois, il y a un lien d'attachement avec une personne qui ne répond pas à ses
besoins développementaux. Puis là quel intérêt on va prioriser? Et tout ça, justement, peut se résoudre en parlant à quelqu'un
de plus senior ou à quelqu'un qui y a déjà réfléchi. Donc, le soutien,
la formation, la supervision doit prendre plusieurs formes, puis je pense qu'il
ne faut pas lésiner là-dessus.
M. Carmant : Superbien, bien,
bien entendu. Dernière petite question, là, pour moi avant que je passe la parole
à d'autres députés. Il y aurait la problématique de la confidentialité. Les
autres ordres aussi ont exprimé, là, peut-être, je dirais, un certain inconfort
ou... Est-ce qu'on va trop loin? Comment vous vous positionnez? Tu sais, je
veux dire, on ne veut pas rentrer dans les bureaux puis s'en aller avec les
dossiers, là. Ce n'est pas ça, l'idée. L'idée, c'est vraiment d'aller chercher
le plus d'informations possible. Par exemple, à l'hôpital, si c'est le
neurologue ou le médecin qui fait le signalement,
bien, tu sais, ça va être la seule personne qui va entrer en contact avec la
DPJ. Tu sais, nous, c'est vraiment élargir le bassin d'informations le
plus possible qu'est le but.
Mme Grou
(Christine) : Mais, ça, on
comprend très bien. Ce qu'on s'est demandé, c'est quel était le problème
qu'on voulait régler. Puis, en fait, on craint toujours, dans un contexte comme
ça, les dérives, hein, ou un retour trop grand du
balancier. Donc, on s'est demandé : Est-ce qu'il y a un problème à régler?
Parce que les professionnels ont déjà une
obligation de divulgation. Donc, qu'est-ce qui fait qu'on veut élargir aux
cabinets privés? Puis on s'est mis à penser
à plusieurs situations où ça pourrait être risqué de voir quelqu'un venir voir
le dossier ou de voir une information partagée, puis je pourrais donner
certains exemples.
Mais prenez juste pour exemple l'adolescent qui
est ambivalent par rapport à sa famille d'accueil, qui dit, par exemple, à son psychologue vouloir la quitter.
Bon. Puis l'adolescent a 15 ans, il veut la quitter, mais il est
ambivalent, il n'est pas certain, puis etc. Ça se retrouve au dossier
puis finalement ça finit par aller aux yeux ou aux oreilles de la famille en
question, qui confronte l'adolescent. Mais qu'est-ce qu'il arrive? L'adolescent,
il risque de perdre un lien avec la famille d'accueil, mais il risque aussi de
perdre son lien de confiance avec le professionnel à qui il l'a confié, puis
heureusement qu'il pouvait le confier.
• (17 h 10) •
Et prenons un exemple encore plus probant pour
moi de la mère qui a un enfant qui a des problèmes de santé, puis, ça, vous
avez connu ça, Dr Carmant, des problèmes neurodéveloppementaux majeurs
avec des problèmes de santé majeurs. Et l'enfant se voit avec la mère qui est
épuisée, et la mère confie... a le réflexe de consulter, confie à son
psychologue, par exemple, qu'il y a des journées où elle s'imagine son enfant
mort parce qu'elle a besoin d'un répit, parce qu'elle ne respire jamais puis
parce qu'elle n'est plus capable de voir les souffrances de son enfant. Le fait
de le dire à quelqu'un, de le confier à quelqu'un est définitivement un facteur
de protection parce qu'on va pouvoir examiner les mécanismes à mettre en place,
justement, pour protéger la mère et son enfant. Mais, si cette information-là risquait de faire en sorte qu'elle
se voit retirer son enfant, elle ne le dira pas puis elle n'aura pas d'aide.
Donc, c'est pour ça qu'on peut imaginer l'envers
de la médaille. Et on s'est demandé quel problème veut-on régler pour élargir
ce bris de confidentialité. Mais, encore là, je le répète, la confidentialité
n'est pas une valeur absolue pour nous. Il faut juste le réfléchir.
M. Carmant : Parfait. Oui, tout
à fait. Puis mieux le baliser, là, je comprends. Je pense que l'exemple était
bien choisi. M. le Président, je passerai la parole au député de
Lac-Saint-Jean, s'il vous plaît.
Le Président (M. Provençal)
: Oui, avec plaisir. M. le député. Il reste, à titre
informatif, cinq minutes.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, M. le Président. Bonjour, Dre Grou, Dre Marleau. Écoutez, je ne suis pas
un spécialiste autant que vous, autant que mes collègues en la matière, mais
c'est quelque chose qui vient me chercher et qui me touche quand même
particulièrement. Et moi, j'aimerais ça, peut-être, revenir au niveau de la
notion du temps. On a entendu la Fédération des familles d'accueil qui en a
parlé beaucoup, la notion du temps, puis dans un contexte toujours de cas
exceptionnels, là, c'est quand même bien de le mentionner. Et est-ce que les
délais sont parfois trop longs? Parce qu'elle mentionnait que, dans la vie d'un
enfant de 10 jours ou de 6 mois, c'est toute une vie, hein? Donc,
j'aimerais vous entendre un peu là-dessus. Je sais que c'est difficile aussi parce
qu'on fait... on vient faire un lien avec l'article 91 aussi dans tout ça,
mais j'aimerais vous entendre là-dessus, au niveau de la... plus en profondeur,
au niveau de la notion du temps. Est-ce que c'est trop long quand on parle de
cas exceptionnels? Et qu'est-ce qu'on pourrait faire pour améliorer ces délais
de temps?
Mme Grou
(Christine) : Alors, cette fois-ci, je vais demander au Dre
Marleau de commencer.
Mme Marleau
(Isabelle) : Écoutez, on est
absolument d'accord avec ce que vous dites, que c'est une... Quand on parle d'un week-end, pour un jeune enfant d'un
an, bien, un week-end, c'est deux jours sur 365 et c'est... On peut presque le
calculer ou se faire une image de cet ordre-là. Donc... Et les capacités aussi
de s'ajuster pendant ces périodes-là sont
également... ne sont pas autant développés, là, chez des très jeunes enfants.
Donc, effectivement, il y a possibilité que, dans des cas plus extrêmes,
effectivement, oui, on pourrait dire que c'est trop long, dépendamment de ce
qu'on entend par trop long, là, et il faut agir.
Mme Grou
(Christine) : Non, mais l'exemple que je pourrais peut-être
vous donner, c'est que, quand on a des petits enfants, et, bon, j'ai eu des
petits-enfants qui ont déjà été petits, à un moment donné, on compte en nombre de dodos parce que c'est une notion de temps
significatif. Puis un dodo pour un enfant, là, c'est interminable. Un enfant
qui a peur, un enfant qui a mal, je veux dire, il n'a pas développé, en dedans
de lui, les ressources dont il a besoin pour se contenir. Il a besoin d'avoir
un adulte significatif, rassurant, qui va le contenir. Un enfant qui est pris
avec une problématique, par exemple, parce qu'il ne veut pas aller à la
maternelle, ce n'est pas dans deux jours puis dans trois jours qu'il va avoir
besoin de soutien, c'est maintenant.
Et, pour un enfant, vous comprenez que l'enfant
n'a pas un cerveau mature, donc un problème qui nous semble petit peut être la
fin du monde pour un enfant. C'est son monde qui s'écroule. Et c'est ça qu'il
ne faut pas perdre de vue. Parce que, si on veut que sa sécurité affective se
construise, si on veut que sa sécurité psychique se construise, puis si on veut
assurer sa sécurité physique... Vous savez pertinemment comme moi qu'un
nourrisson, je veux dire, vous le laissez dénutri deux jours, puis, écoutez, sa
vie va en dépendre.
Alors, c'est dans ce sens-là que la notion du
temps est déterminante parce... Puis ce n'est vraiment pas juste parce que le temps est différent pour l'enfant et
pour l'adulte, c'est parce que d'attendre, donc, d'attendre une semaine,
quand la sécurité d'un enfant est compromise, quand il est mort de peur, quand
il y a des... quand il est convaincu, par exemple, que sa vie dépend de quelque
chose, s'il n'y a personne pour le rassurer, je veux dire, c'est déterminant. Et c'est beaucoup plus
dommageable, c'est beaucoup plus préjudiciable que si ça se passe dans la vie
d'un adulte, qui y a quand même une maturité, et un recul, et une capacité,
donc, de trouver des ressources ou d'aller les trouver ailleurs.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci.
C'est tout pour moi, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
: Il reste une minute, si la députée de Lotbinière-Frontenac
veut formuler.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Bonjour, mesdames. Tout à l'heure, vous en avez
parlé brièvement, là, de l'importance d'offrir aux jeunes un continuum
de services. J'aimerais que vous précisiez qu'est-ce que vous entendez par ça
puis comment vous voyez ça, s'il vous plaît.
Mme Grou
(Christine) : Bien, quand on parle d'un continuum de
services... On parlait de la transition à la vie adulte, hein? Parce que, quand
il arrive à 18 ans, à un moment donné, tout le cadre et les liens qu'il a
pu développer... puis souvent, ce n'est pas facile de développer des liens,
donc ça va se terminer. Et c'est très jeune. Puis je vais même vous dire,
17 ans, là, il y a beaucoup de jeunes qui veulent juste avoir les coudées
franches, qui veulent voler de leurs propres ailes. Ils ne voient pas la
pertinence des services. Ils n'ont pas encore eu à se trouver un logement, ils
n'ont pas encore eu à gagner des sous, ils n'ont pas encore eu à assurer leur
autonomie puis à remplir leur frigo. Quand ils vont devoir faire tout ça, la
vie devient pas mal plus difficile. Peut-être qu'ils vont avoir besoin d'aide,
peut-être qu'ils vont développer des problèmes d'anxiété, peut-être qu'ils vont
développer des difficultés d'adaptation, et
là ils ne sauront pas où aller chercher ni l'aide ni les services puis ils
n'auront plus de liens significatifs pour être capable de les orienter.
Et c'est en ce sens-là qu'on trouve que la
transition entre 18 et 20 quelques années... puis, bon, à vous de déterminer le
moment, mais ce qu'on dit, c'est que le passage à l'âge adulte... Je comprends
qu'à 18 ans on peut aller voter puis on peut rentrer dans un bar, mais ça
ne fait pas de nous des adultes accomplis. Et les jeunes qui sont sous la
protection de la jeunesse ont des besoins... D'abord, ils ont souvent moins
d'adultes significatifs autour d'eux, ils ont moins de références. Ils ont
encore plus besoin d'accompagnement puis d'être capable d'avoir des références
stables dans le temps pour les accompagner dans ce passage-là, qui ne sera pas
finalisé parce qu'ils atteignent leur majorité, leur majorité légale.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Merci.
Le
Président (M. Provençal)
:
Nous allons maintenant y aller avec Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce
pour 10 min 10 s.
Mme Weil : Merci, M. le
Président. Bonjour, Dre Grou, Dre Marleau. C'est vraiment intéressant
de vous entendre parce que vous amenez des
nuances dans des mots, des expressions qu'on utilise presque depuis deux ans,
là. Et tout le monde a absorbé ces expressions, notion de temps, le
temps de l'enfant, l'intérêt de l'enfant, mais chacun peut avoir sa compréhension. Alors, vous amenez des précisions qui font
en sorte que, O.K., on comprend de quoi on parle.
Alors, si on revient sur votre précision,
l'article... donc, c'est l'article 6 du projet de loi n° 15 : «agir
avec diligence pour assurer la protection de l'enfant, compte tenu — donc
vous êtes beaucoup plus précis que la notion de temps — de
l'impact — c'est
ça qu'on cherche, donc, l'impact — chez
l'enfant, du temps qui passe sans prendre action».
Mme Grou
(Christine) : Exact. Exact.
Mme Weil : Donc, les
conséquences sur son développement, l'anxiété que l'enfant pourrait développer,
des séquelles qui ne pourront pas être récupérées, là vous le voyez vraiment
comme comme des psychologues, et c'est... en fait, c'était l'objectif de cette
notion de temps, mais c'est la première fois, je pense, qu'on l'entend aussi
précisé comme ça. Alors, merci. Est-ce que vous avez un rajout?
Mme Grou
(Christine) : Non, je vous laisse continuer. Je pense que vous
avez très bien saisi.
• (17 h 20) •
Mme Weil : Et donc, ensuite, encore une fois, la primauté de
l'intérêt de l'enfant, donc, «stipule que l'implication des parents doit
toujours être favorisée». Vous, vous dites : Attention au «toujours», là.
Le «toujours» est sans nuance. Ça fait comme l'absolu. Alors, tout ça va
vraiment alimenter notre réflexion.
Je voulais peut-être vous amener, parce que ma
collègue aura aussi des questions, l'accompagnement à la majorité. On en a
beaucoup parlé, je pense qu'il y a vraiment un consensus d'aller plus loin.
Parce qu'on a, certains, on a des
petits-enfants, donc on a eu des enfants qui avaient 18, 19, 20 ans,
21 ans. On les a accompagnés jusqu'à leur baccalauréat, juste,
bon... leurs études, toujours là comme conseil, bon, et donc ça donne,
évidemment, confiance, hein, aux enfants. Et
ces âges-là sont tellement importants. Et c'est de voir... de vous entendre
là-dessus. Et, d'un point de vue d'expertise psychologique, c'est :
Qu'est-ce que ça peut faire, d'amener cet appui? Surtout des jeunes plus
vulnérables, avec l'expérience de vie qu'ils ont eue, et peut-être qu'ils n'ont
pas eu tellement de personnes dans leur vie
en qui ils pouvaient vraiment avoir confiance. Et là on avait le regroupement
des familles d'accueil qui disaient : Nous, on pourrait jouer un rôle important de 18 à 21 ans parce qu'on a
déjà une relation de confiance. On a des gens qui reviennent nous voir à 40 ans, 50 ans, donc... Bon,
c'est un peu l'histoire, et c'est intéressant, c'est la première fois que
j'entends ça comme solution. J'aimerais vous
entendre sur comment vous voyez ça, ces âges-là, 18, 19, 20 ans, des gens
qui sont quand même assez vulnérables.
Mme Grou (Christine) : Pour moi, l'âge de 18, 19, 20 ans, ce n'est
pas, en termes de maturation cérébrale — et
là c'est la neuropsychologue qui parle, là — ce
n'est pas l'âge adulte, c'est-à-dire ce n'est pas le moment où le cerveau
a fini sa maturation. Donc, au niveau de ce qu'on appelle les fonctions
exécutives, la capacité de s'organiser, de planifier, d'anticiper les conséquences
de ses actions, d'avoir une flexibilité qui permet de voir un ensemble de
solutions à des difficultés, de savoir où aller chercher, donc les références,
d'être en rapport avec les institutions, par ailleurs, hein, d'aller chercher
un permis de conduire, de faire une transaction bancaire, d'aller contracter...
bref, quoi que ce soit, on sait à quel point les jeunes peuvent avoir besoin de
conseils. Puis on sait aussi qu'avant 24 ans il y a un bon nombre d'hospitalisations en santé mentale,
c'est-à-dire qu'on sait qu'il y a une fragilité des jeunes quand ils ne
sont pas bien pris en charge, et je pense qu'il faut faire attention à ça.
Puis on sait aussi
que les jeunes qui sont sous la protection de la jeunesse sont encore plus
vulnérables. Alors donc, ça a été tellement difficile pour eux de développer
des liens significatifs, ils sont tellement plus à risque d'avoir des problèmes
de confiance en eux puis des problèmes d'estime d'eux-mêmes, je pense qu'il
faut continuer à les aider à se construire.
C'est comme si on les
a amenés jusqu'à majorité, et là on les amène au bord d'une piscine, puis on a
le choix entre les pousser jusqu'à l'autre côté de la rive ou encore les
laisser tomber dedans. Peut-être qu'il y en a qui vont nager, et peut-être une
bonne proportion, mais il y en a qui vont se noyer. Puis je pense que c'est ça
qu'il faut éviter.
Je ne sais pas si,
Dr Marleau, vous voulez ajouter quoi que ce soit?
Mme Marleau
(Isabelle) : Oui. En fait, parce qu'entre 18 et 25 ans,
puis on peut très bien le lire, là, dans le rapport Laurent, hein, il y a
beaucoup de statistiques où on voit qu'il y a beaucoup de troubles de santé
mentale qui vont se cristalliser et puis... durant cette période-là. Donc, ça
s'ajoute aux vulnérabilités, à toutes les vulnérabilités qui se sont
potentiellement accumulées ou tous les traumas que ces jeunes-là ont dû...
auxquels ils ont dû faire face.
Puis
c'est... Je voudrais faire écho, là, à ce que... Je crois que c'était à
Mme Laurent qui parlait de l'apprentissage de la citoyenneté, hein?
Alors, c'est effectivement durant cette période-là et c'est extrêmement
important. Et on est en train de laisser ces
jeunes-là à eux-mêmes alors qu'ils sont dans cette période-là, où ils font cet
apprentissage-là, qui est absolument essentiel, là, pour...
Mme Grou (Christine) : Puis, tu sais, il faut ajouter que c'est
l'apprentissage d'être capable d'avoir une éducation, d'avoir accès à
des qualifications professionnelles, d'avoir un appartement, de garder un
appartement, d'avoir un emploi, de garder un emploi. C'est l'apprentissage
aussi de la vie de couple, de la parentalité, pour certains. Donc, on veut les
aider à construire ça. On veut vraiment, je pense, en tout cas, je souhaite,
les aider à vraiment aller vers la vie adulte, mais une vie adulte pleine et
entière.
Mme Weil :
Merci. Merci beaucoup.
Le Président
(M. Provençal)
: ...minutes. Mme la
députée.
Mme Robitaille :
Merci, mesdames. C'est extrêmement intéressant et c'est extrêmement pertinent.
Puis merci de parler de l'importance de
suivre ces jeunes-là, d'entre 18 et 21 ans, de suivre... justement, de
s'assurer... puis il faut le faire,
il faut essayer de trouver une façon, j'espère, avec le ministre de s'assurer
d'une transition pour ces jeunes-là.
Je veux juste vous
dire, je suis sur la députée de Bourassa-Sauvé, c'est Montréal-Nord, et il y a
d'énormes problèmes de marginalisation de ces jeunes-là qui sont, des fois,
dans la délinquance. Et, si on avait un soutien, un soutien, peu importe, ou s'ils pouvaient rester dans leur famille
d'accueil, évidemment, ça ferait une énorme différence. Je pense aussi à
France Labelle, la directrice du Refuge des jeunes à Montréal, qui en accueille
des jeunes qui ont entre 18 et 21 ans,
là, et c'est extrêmement problématique. Puis on le voit, puis c'est une
nécessité. Alors, merci, merci de nous dire ça et de nous le rappeler.
Je voulais, moi,
revenir sur la question de la confidentialité. Il y a... Vous le dites, il y a
tout ce qui est renseignement, là, tout ce qui est confidence dans une séance
de psychothérapie. Il y a ça. Mais on parlait aussi, ce matin, à la Fédération québécoise des directions d'établissement
scolaire, qui nous disait, par contre, il y a de l'information qui ne
circule pas, il y a... Et, quand on parle d'élargir ce qui est confidentiel,
c'est aussi, évidemment, les rapports ou le plan d'intervention de la DPJ qui
devraient être mieux communiqués aux écoles, par exemple, de façon plus rapide,
plus efficace. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?
Mme Grou
(Christine) : Honnêtement, moi, j'aurais tendance à vous
dire : Il faudrait se demander quelle information devrait être à
communiquer et qu'est-ce qui est pertinent de communiquer. Parce que, quand on
transfère de l'information à une école, par
exemple, au niveau du plan d'intervention, il y a énormément d'informations
sensibles. Puis, à certains moments, il y a une information qui n'est
même pas à la portée du jeune. Donc, il faut faire attention à qui on... qui va
avoir accès à cette information-là et quelle est l'information qu'on diffuse.
Est-ce qu'elle est pertinente? Puis ce qu'on veut, dans le fond, c'est que ce
soit une information... c'est que ce soit nécessaire, que ce soit pertinent,
que ce soit efficace. Donc, est-ce que c'est nécessaire à la protection de
l'enfant et est-ce que ça va être efficace pour qu'on puisse le protéger? Et
toute information ne sera pas nécessairement ni nécessaire ni efficace. Je vous
dirais même qu'il y a des situations où ça sera peut-être le contraire.
Alors, je pense que...
Moi, je ne suis pas du tout contre, on n'est pas contre la transmission de
l'information. Il faut juste ne pas ouvrir un buffet à la carte puis
dire : Qu'est-ce que... Réfléchissons sur comment transmettre, quoi
transmettre et comment surtout ne pas créer de préjudice.
Et je reviendrais peut-être à ce que vous avez
dit, d'entrée de jeu, c'est-à-dire que, quand vous dites que c'est... bon, en
fait, que nous vous avons rappelé l'importance d'assurer le suivi entre 18 et
25 ans, je veux juste revenir sur le fait que, oui, c'est important, mais
ce n'est pas la seule chose importante. Parce qu'il faut quand même qu'avant 18 ans on leur ait aussi donné accès
à tous les services dont ils ont besoin. Parce que, s'ils n'ont pas ça... Tu
sais, c'est une continuité, dans le
fond, hein? Et, s'ils n'ont pas ça entre 0 et 18 ans, bien, on va arriver
tard dans le processus. Et, s'ils ont
tout ça puis qu'on ne donne pas le 18 à 20 quelques années, bien,
malheureusement, on risque de compromettre, encore une fois, le
processus. Alors, c'est vraiment une continuité.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Merci beaucoup.
Mme Robitaille : Oui. Ah?
Le
Président (M. Provençal)
:
Je m'excuse, alors, même si
l'échange était très intéressant. Alors, on va continuer cet échange
avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci beaucoup.
Sur la question de la confidentialité, là, si je comprends bien votre position,
c'est : Ne soyez pas flous en remettant ça, au fond, au jugement professionnel
de chaque intervenant parce que c'est une patate chaude, puis aussi ça peut
mener à des abus, dans le sens que ça peut amener à un mauvais jugement puis à
trop de divulgation d'informations, mettons.
Mme Grou
(Christine) : Bien, en fait, ce qu'on dit,
c'est que les intervenants ont déjà l'obligation de divulguer une information
quand la sécurité de l'enfant est compromise. O.K.? Donc, il y a déjà cette
obligation-là. Et là on veut élargir ça, c'est-à-dire qu'on veut que la direction
de la protection de la jeunesse puisse, outre les organisations du réseau de la
santé et des services sociaux, aller dans les autres organisations et aller
dans les cabinets pour aller chercher l'information lorsqu'il juge que
l'intérêt de l'enfant est compromis ou encore que son bien-être est compromis. Puis on n'a pas parlé du mot «bien-être», qui
jette aussi une confusion parce que, le bien-être, c'est large.
Et donc c'est là où on se demande : Mais
qu'est-ce qui pose problème pour qu'on veuille élargir? Et est-ce qu'on ne va pas, finalement... Et là, je le
répète, notre position, c'est que la confidentialité n'est pas une valeur
absolue, mais, en même temps, quand
on veut lever la confidentialité, il faut savoir pourquoi on le fait. Et là ce
qu'on dit, c'est : Mais pourquoi
on veut élargir? On n'est pas contre du tout, mais, si on élargit, il va
falloir baliser, paramétrer pour ne pas que... pour ne pas causer un
préjudice plus grand que le problème qu'on essaierait de régler.
• (17 h 30) •
M. Zanetti : Parce que, pour
reprendre, disons, faire de l'extrapolation sur un exemple que vous avez donné tantôt, si, par exemple, il y a un jeune qui
témoigne à son psychologue qu'il a des idées suicidaires, par exemple, bon,
là, vous, vous allez évaluer s'il faut que
vous le disiez. Si vous pensez vraiment qu'il va passer à l'acte, là vous allez
le dire. Si vous pensez que non, vous
n'allez pas le dire. En même temps, si lui, l'enfant, il sait que vous allez le
dire s'il vous le dit, peut-être qu'il ne vous le dira pas puis qu'il va
passer à l'acte direct, ça fait que ce n'est pas évident.
Puis moi, j'ai l'impression que, si, dans la
loi, on met une liste d'épicerie des choses qui peuvent être dites ou doivent
être dites, on risque d'en oublier ou d'en mettre peut-être trop. Alors, il va
falloir des critères. À un moment donné, il
va falloir que ces critères-là... si on parle de sécurité de l'enfant puis le
bien-être de l'enfant, nécessairement, on ne peut pas passer à côté du
fait que ça interpelle le jugement professionnel des intervenants. Où on trace
la ligne? C'est... Je trouve ça compliqué.
Mme Grou
(Christine) : Bien, je pense qu'on ne peut
pas aller aussi loin que ça à l'intérieur d'une loi.
Mais, cela dit, il faut réfléchir à pourquoi on
veut élargir. Puis, si on élargit, là il faut baliser puis paramétrer. Quand on parle du professionnel qui reçoit un
jeune suicidaire dans son bureau, ce qu'il doit évaluer, c'est le risque de
passage à l'acte, hein? C'est le risque de
dangerosité. C'est ça qu'il doit évaluer. Et donc... Parce qu'il y a une
différence entre un risque de passage
à l'acte suicidaire, des velléités suicidaires, des idéations suicidaires. Puis
il y a une différence entre quelqu'un
qui a un plan, quelqu'un qui n'en a pas, quelqu'un qui a des idées, mais qui
dit : Je ne ferai pas. Bon, ça fait la différence du monde.
Puis il y a un paquet de choses, puis on parle
de ça, mais on pourrait parler d'un jeune, par exemple, qui confie à un psychologue qu'il a des fantasmes, je
ne sais pas, moi, sur sa soeur adoptive puis qui adresse ça. Bien, vaut mieux qu'il puisse adresser ça pour être capable
de traiter ça puis pour être capable d'avoir des comportements adéquats.
À partir du moment où il rentre dans le bureau... puis là on parle d'un
psychologue, mais ça peut être un autre professionnel — il
rentre dans un bureau, il y a un lien significatif avec quelqu'un, puis il ne
peut pas en parler, bien là on a muselé un ensemble de gens. Donc, que ce soit
des parents épuisés qui voudraient avoir une pause ou qui ont peur de perdre
les pédales avec leur enfant ou que... puis à qui on peut donner des moyens
puis des ressources. Donc, c'est sûr que, quand il y a un danger, quand il y a
une situation de compromission, l'obligation demeure. Mais, quand on n'est pas
là... puis, oui, le jugement clinique doit s'appliquer, et c'est très heureux
que ça puisse s'appliquer, puis c'est ça
qu'on doit baliser, nous, avec nos professionnels. Quand il n'y a pas une
dangerosité immédiate, il vaut peut-être mieux
laisser la personne parler, pour que le traitement puisse être entrepris puis
que, justement, on puisse l'amener à évoluer vers autre chose sans qu'il y ait
passage à l'acte.
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci beaucoup. Nous allons
terminer cet échange avec le député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci beaucoup, M.
le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, mesdames. Je vais continuer sur la discussion que nous avons sur la
confidentialité. Le regroupement des familles d'accueil nous ont fait
comprendre ce matin qu'il est
important pour eux, dans certains cas, d'avoir certaines informations pour
permettre de comprendre dans quels comportements passés le jeune s'est
retrouvé, pour éviter, comme familles d'accueil, de répliquer des situations
qui pourraient être traumatisantes ou, à la limite, là, qui pourraient causer
colère et débordements.
Ce que j'entends dans votre mémoire, c'est que
vous nous dites, comme recommandation, l'importance de produire et de diffuser des lignes directrices, justement, pour baliser
quel genre d'informations qui peuvent être transmises mais surtout à qui
et à quelle occasion. C'est bien ça qu'il faut comprendre?
Mme Grou
(Christine) : C'est exactement ça qu'il
faut comprendre. Puis l'exemple de la famille d'accueil est un excellent
exemple. Parce qu'écoutez je suis tout à fait d'accord qu'une famille d'accueil
a besoin d'avoir de l'information sur l'état de santé, sur les carences, sur un
ensemble du vécu du jeune qu'ils vont accueillir puis qu'ils doivent être
partie prenante, de toute façon, des interventions, c'est essentiel, c'est
essentiel à la compréhension puis à la
capacité des familles d'accueil d'investir ce jeune-là. Mais, encore là, est-ce
que ça veut dire que tout doit être dit, que tout doit être divulgué,
que tout doit être diffusé?
Et c'est là où on se questionne sur :
Est-ce qu'on doit vraiment ouvrir les livres ou plutôt paramétrer? On est d'avis qu'il faut paramétrer puis réfléchir à
quelle est la bonne information, quelle est la juste... Et c'est la même chose
dans une école. Vous avez un enfant qui a un trouble neurodéveloppemental, vous
l'amenez dans une classe, il vaut mieux
que l'enseignant sache ce qu'il en est de cet enfant-là. Mais quelles sont les
informations qui doivent être dites? Qu'est-ce qui est pertinent au travail de
l'enseignante ou à l'accueil de la famille? C'est la question qu'il faut se
poser.
M. Ouellet : Est-ce que vous
aller aussi loin, dans le cas de jeunes qui sont bien conscients, là, c'est-à-dire
qu'ils sont en âge de comprendre par où ils sont passés puis par où ils vont
aller, de demander la permission de divulguer certaines informations? Est-ce
qu'on doit aller là, d'avoir l'autorisation du jeune en question? Je pense à un
jeune, peut-être, de 13, 14, 15 ans, là, qui ne veut peut-être pas dire ce
qu'il s'est passé, parce que c'est un lourd bagage, puis il ne veut pas se
faire juger, puis il est déjà passé au travers, puis il ne veut pas que cette
histoire-là se réplique. Est-ce qu'on devrait aller jusqu'à demander
l'autorisation, dans certains cas? Vous nous dites : Par devoir de
précaution, allons-y.
Mme Grou
(Christine) : Ah! mais moi, je vais vous
dire, dans le meilleur des mondes, puis je pense que ma collègue Marleau va vous dire la même chose... dans le meilleur des
mondes, tu es psychologue, tu as un jeune de 15 ans en face de toi, si tu
es convaincu que c'est dans son intérêt de divulguer, il vaut mieux l'amener à
le faire et donc il vaut mieux... C'est parce qu'il faut comprendre que,
si on le fait sans l'avoir amené, sans l'avoir amené à cheminer sur les
bienfaits de la divulgation, non seulement il va se rebiffer contre la famille
qui va avoir une information qu'il ne veut pas donner, mais il va se rebiffer
contre le professionnel avec lequel il a réussi à créer un lien significatif
puis qui va le briser. Et on ne veut pas ça.
Alors que le professionnel est bien placé pour l'amener à adresser un problème,
par exemple, ou même à divulguer une information qui va l'aider. Mais ça
se travaille, ça, en thérapie, et, si on va trop vite... Puis, encore là, je ne parle pas des situations de
danger, je ne parle pas des situations où la sécurité est compromise, parce
que, là, il faut, de toute façon.
M. Ouellet : D'accord.
Mme Grou
(Christine) : Mais, dans toute autre
situation, ça se travaille, et c'est plus porteur.
M. Ouellet : J'ai encore du
temps, M. le Président?
Le Président (M. Provençal)
: Je vous permets une dernière question
avec une réponse rapide.
M. Ouellet : Avez-vous des
exemples, justement, d'informations qui ont été dites qui causeraient
préjudice? Parce qu'on a eu cette discussion-là, on essaie d'obtenir le genre
de comportements qui aurait été énoncé et qu'il n'aurait pas fallu parce que ça
cause préjudice.
Mme Grou
(Christine) : Bien oui, une enfant, par
exemple, dont les parents auraient déjà mentionné à quelqu'un qu'ils ont déjà
pensé à la placer, qui ne le savait pas. Puis, finalement, l'enfant l'apprend
par quiconque, dans quelque milieu que ce soit, puis la personne ne le savait
pas, puis elle dit : Ah! mes parents ont déjà voulu me placer, tu sais?
Donc, un enfant qui aurait vécu des traumas et qui n'en aurait pas souvenir; un
jeune qui aurait besoin de ventiler tout son fiel, parce que, quand tu es
adolescent, de toute façon, il y a toujours des moments où tu détestes tous les
adultes qui sont autour de toi, et c'est normal, même quand ils sont
bienveillants, et tu as besoin de le dire. Donc, un jeune qui verrait ça
diffusé à la personne contre qui il en avait puis qui verrait la personne
revenir avec lui en disant : Bien, tu as dit tout ça
de moi, tu sais, tu as dit tout ça, ça pourrait être très préjudiciable pour la
relation. Mais des exemples comme ça, il y en a plusieurs, donc, c'est... puis
Dre Marleau en a certainement des tonnes aussi.
Le Président (M. Provençal)
: Malheureusement, il ne nous restera plus de temps pour écouter le Dr
Marleau. Alors, je tiens à vous remercier, Dre Marleau et Dre Grou, là,
pour votre contribution, puis votre collaboration, et votre présence à nos
travaux. Je vous souhaite une belle fin de journée.
Nous allons suspendre
les travaux pour faire place au prochain groupe. Merci beaucoup, mesdames.
(Suspension de la séance à
17 h 39)
(Reprise à 17 h 46)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos
travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue à M. Camil Bouchard,
ex-président du Groupe de travail pour les jeunes, Un Québec fou de ses
enfants. Alors, je vous rappelle que vous aurez 10 minutes pour votre
exposé, et, par la suite, nous aurons nos échanges avec les membres de la
commission. Je vous cède maintenant la parole.
M. Camil Bouchard
M. Bouchard (Camil) :
Merci bien, merci, M. le Président. Bonsoir, tout le monde. Je sais que
vous avez eu une longue journée, j'essaierai
d'être le plus clair possible. (panne
de son) ...enfin le pouvoir aux
enfants, c'est comme... j'ai l'impression que c'est ça, l'objectif du
projet de loi n° 15. Dans tous les cas, le principe
premier, le principe porteur du projet de
loi, c'est l'intérêt de l'enfant, et l'intérêt de l'enfant, dans le fond, c'est
son pouvoir ultime, hein? C'est le seul qui doit prévaloir dans toutes
les décisions qui sont prises en fonction de cette loi-là.
Les
intervenants sociaux puis les juristes ont dû trop longtemps, selon moi,
composer avec une lourde ambiguïté. À l'article 3 de la Loi de la
protection de la jeunesse, on affirme, et je cite, que «les décisions prises en
vertu de la présente loi doivent l'être dans l'intérêt de l'enfant et dans le
respect de ses droits». Fort bien, mais, en contrepartie, à l'article 4, on affirme avec autant de
force que, et je cite, «toute décision prise en vertu de la présente loi doit
tendre à maintenir l'enfant dans son
milieu familial». Cela laisse sous-entendre que maintenir ce lien serait de
facto dans l'intérêt de l'enfant. Il
fallait, donc, faire la démonstration, selon cette interprétation, que le
retrait de l'enfant de sa famille était dans son intérêt.
Le fardeau de la
démonstration est désormais renversé dans l'énoncé suivant du projet de loi n° 15. Je cite : «Toute décision prise en vertu de la
présente loi doit viser la continuité des soins et la stabilité des liens d'un
enfant et des conditions de vie appropriées
à ses besoins et à son âge. En conséquence, le maintien de l'enfant dans son
milieu familial doit être privilégié à condition qu'il soit dans l'intérêt
de cet enfant.» On doit, donc, désormais démontrer que l'intérêt de l'enfant
est réellement mieux servi par son maintien dans le milieu familial.
Alors, fort bien,
mais j'ai trois réserves concernant l'article 6 qui modifie
l'article 4 de la loi. Au premier paragraphe, dans, et je le cite, «en
conséquence, le maintien de l'enfant dans son milieu familial doit être
privilégié», je recommande de remplacer le mot «privilégié» par «pris en
compte» ou alors «considéré dans l'évaluation des conditions qui favorisent
l'intérêt de l'enfant». Le législateur ne doit pas faire du maintien dans le
milieu familial un choix de préférence,
selon moi, mais une option à considérer. Cela, me semble-t-il, dissiperait tout
doute quant à l'intention de la loi et en faciliterait, je pense,
l'application. Il ne faut surtout pas inviter l'ambiguïté à se refaire un nid,
ici et là, dans la loi.
Deuxième
réserve, au paragraphe deux, dans, et je cite, «la décision doit tendre à
confier l'enfant à des personnes qui lui sont les plus significatives,
notamment les grands-parents et les autres membres de la famille élargie», fin
de la citation. Cette invitation à considérer encore une fois la priorité à la
famille élargie, par le mot «notamment», nous ramène subtilement mais encore une
fois à la préséance des liens familiaux. Par conséquent, je recommande la formulation suivante : «La décision doit
tendre à confier l'enfant à la personne ou aux personnes les plus
significatives de son réseau
d'adultes et de préférence à une ou des personnes avec qui l'enfant aurait pu
développer un attachement sécuritaire.»
• (17 h 50) •
Troisième réserve, à
4.3, paragraphe d, on peut lire, et je cite : «Les personnes à qui la
présente loi confie des responsabilités
envers l'enfant ainsi que celles appelées à prendre des décisions à son sujet
en vertu de cette loi doivent, lors de leurs interventions : d)
tenir compte des caractéristiques des minorités ethnoculturelles.» Fin de la
citation. Alors, la question, c'est :
Qu'est-ce qu'on vise exactement par cet alinéa? Est-ce qu'on vise une meilleure
prise en compte des relations particulières de certaines communautés avec
l'autorité, avec l'État, avec les services sociaux, une acceptation plus grande, de la part des intervenants, des
écarts à la normativité en matière de discipline, en matière de soins
d'enfants? Est-ce qu'on souhaite une pratique clinique
ethnodifférenciée? En quoi l'alinéa sert-il mieux les intérêts de l'enfant? Le Québec urbain et périurbain devenant de plus en
plus ethnoculturel, il m'apparaît important de clarifier explicitement
la portée de cet alinéa au regard de l'intérêt de l'enfant. Par ailleurs, le
terme «minorité» ne me semble pas des plus heureux,
là. Le terme renvoie à un dénombrement statistique, finalement. Pourquoi pas
«communautés ethnoculturelles», davantage reliée, cette expression, à
l'appartenance à un groupe culturel?
Alors, dans le cas où le législateur maintient
cet alinéa, moi, je recommande la formulation suivante, et je cite : «Tenir compte des caractéristiques des
communautés ethnoculturelles en priorisant toujours l'intérêt de l'enfant.
À cet égard...» Et je
continue la citation, que vous n'avez sans doute pas sur votre texte, là :
«À cet égard, sont obligatoires la
formation des intervenants en contexte ethnoculturel et l'accompagnement des
enfants des familles dans les services de protection par une ressource
familière avec leur culture.» Fin de la citation.
Une autre réserve
concerne, celle-là, l'article 91.1 de la présente Loi de la protection de
la jeunesse. La présente loi prévoit que le dépassement des durées maximales
d'hébergement est permis en certaines circonstances, comme par exemple un
retour présumé, à court terme, dans sa famille, l'intérêt de l'enfant ou
encore, et je cite, «motif sérieux». À l'usage, ces exceptions sont devenues
quasiment une règle et le dépassement, chose usuelle. Alors, pour respecter
l'esprit du projet de loi n° 15, je recommande fortement que le seul motif
que l'on puisse invoquer pour un dépassement à la durée d'hébergement soit
l'intérêt de l'enfant, de cet enfant, spécifiquement démontré, et que
l'article 91.1 de la présente loi soit modifié en conséquence.
Maintenant, le
pouvoir des enfants et le pouvoir des données de la DPJ. La DPJ, c'est
l'urgence des services sociaux, tout le monde sait ça. Mais ça ne signifie pas
pour autant que les DPJ devraient automatiquement être exclus du jeu en matière de prévention. Les directeurs de
la protection de la jeunesse peuvent, au contraire, y jouer un rôle clé.
J'ai eu le privilège,
durant ces dernières années, de coopérer avec Éclore, un organisme de
concertation pour les tout-petits de la Côte-Nord, un territoire qui est aux
prises avec des taux extrêmement élevés, là, en protection de la jeunesse. Les
actions menées par Éclore et l'ensemble de ses partenaires ont abouti à la
création des communautés de bienveillance envers les enfants, concept qui a
lourdement pesé dans l'approche adoptée par la Commission spéciale sur les
droits des enfants et de la protection de la jeunesse. Et la directrice de la
protection de la jeunesse de la région, Mme Gallagher, a joué un rôle
essentiel dans cette démarche-là. Elle a notamment mis à notre disposition les
données agrégées, les signalements traités et obtenus sur son territoire, par
sous-territoires, sur une période de cinq
ans. Ces données nous ont non seulement permis des calculs de taux de
signalement par sous-territoires de MRC ou de CLSC, mais surtout de bien circonscrire avec précision les
contextes dans lesquels ces signalements ont été faits, les dates de signalements, types de signalements
par alinéas et sous-alinéas, sexe et âge des enfants, sources de signalement,
adultes présumés responsables, etc. En tout,
plus de 300 données pour chacun des enfants aident à cerner le contexte de
chacun des signalements.
Ces données
permettent, comme nous l'avons même expérimenté sur la Côte-Nord, de réunir les
intervenants de chaque MRC, y compris les
élus, là, qui nous ont demandé ça spécifiquement : On veut des données sur
notre MRC, autour des mêmes réalités, des mêmes graphiques éloquents,
avec mission d'identifier des enjeux sur lesquels les efforts de prévention
locaux devraient porter.
Ces
enjeux diffèrent souvent, de fait, d'un sous-territoire à l'autre. Pour les
uns, il s'agirait de prévenir les abus sexuels,
pour les autres, la négligence sanitaire ou la négligence éducative ou encore
des pratiques disciplinaires abusives. Dans
certains cas, la toxicomanie, les problèmes de santé mentale des parents seront
des enjeux priorisés, dans d'autres, la
violence conjugale. Pour les autres, l'isolement des familles ou le manque de
logements abordables, ça s'est présenté, ou la période entourant la
tenue des festivals, ça se présente aussi et, ce n'est pas rare, les
changements importants, rapides et souvent imprévisibles dans la dynamique
économique des régions.
Nous avons pu
constater l'impact de cet exercice de mise en commun des données sur la
cohésion des intervenants locaux engagés à prévenir la maltraitance. Les
facteurs de risque locaux associés à la maltraitance leur apparaissent
clairement à tous en même temps, et cerner ensemble un ou deux enjeux rapproche
de la solution, ce qui est souvent simple. Cela réduit considérablement les
tiraillements entourant les avenues de prévention à emprunter, et ça réduit
beaucoup, beaucoup le sentiment d'impuissance vis-à-vis le problème, qui
pourrait paraître autrement insurmontable. Et ça donne aux enfants surtout, aux
enfants signalés, aux enfants qui sont confiés à la protection de la jeunesse,
souvent... ça leur donne un pouvoir collectif énorme, trop souvent occulté de
révéler aux yeux même de leur communauté les défis qu'elles doivent relever
pour assurer leur bien être, leur sécurité et leur développement.
Je recommande, donc,
que le projet de loi n° 15 comporte des dispositions obligeant les DPJ à
partager des données associées aux
signalements portés à leur attention avec l'autorité responsable et imputable
du développement et du suivi des
programmes de prévention de la maltraitance envers des enfants et envers les
jeunes sur leurs territoires et sous-territoires.
Et je recommande
aussi que la maltraitance envers les enfants, puisque j'y suis et étant donné
que c'est un véritable enjeu de santé publique, comme l'a, d'ailleurs, reconnu
la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse... que l'autorité désignée par le ministre
de la Santé et des Services sociaux comme responsable et imputable du
développement et du suivi des programmes de prévention de la maltraitance
envers les enfants et les jeunes soit le directeur régional de santé publique
de chacun des territoires.
Alors voilà, M. le
Président. Merci beaucoup.
Le Président
(M. Provençal)
: Je vous remercie
beaucoup pour votre exposé. Nous allons débuter cette période avec le ministre.
M. le ministre.
M. Carmant : Bien, merci beaucoup, M. Bouchard. Toujours un plaisir de discuter
de ce sujet avec vous, qui, je sais,
vous tient grandement à coeur. En fait, les explications étaient vraiment très claires.
Puis votre but, c'est quand même de... c'est vraiment d'éliminer toute
confusion au niveau de l'intérêt de l'enfant, qu'il soit primordial, même, par
rapport au fait de le maintenir dans sa famille. Il y a des endroits où
cependant, justement, la CDPDJ nous parlait, aujourd'hui,
puis ils parlaient de principe de droit, là, mais, clairement, pour vous, je
pense que la clarté doit primer dans notre projet de loi.
M. Bouchard (Camil) : Oui, tout à fait. Puis on a trop souvent...
(Interruption) J'ai un effet d'écho, excusez-moi. On a trop souvent vu cette... apporté cette
ambiguïté durant des années, dans l'énoncé du projet de loi sur la protection
de la jeunesse. C'est comme si, tranquillement, on avait dérivé vers une loi
qui protégeait les liens familiaux et les enfants et qu'on avait deux... on
avait une espèce de dualité d'objectifs à poursuivre, dans le fond.
Et les premiers
articles d'un projet de loi, j'ai appris ça quand j'étais député, là, puis je
m'en souviens encore un petit peu, ça définit pas mal l'esprit de tout le reste
de la loi. Et les projets... les articles 3 et 4 sont extrêmement
importants. Et, si on n'est pas clair à ce moment-là, on ne le sera jamais dans
le reste de la loi et on oubliera que l'intérêt premier, c'est vraiment l'intérêt
de l'enfant. Et c'est le seul... c'est le pouvoir ultime de l'enfant qui est signalé, il n'y a pas d'autre pouvoir. Et je
trouve que le projet de loi n° 15 aborde cette question-là avec lucidité
et courage, dans le fond, parce qu'on revient souvent sur cet élément-là. Mais
on veut aussi donner la parole aux enfants, dans le projet de loi, on
veut les écouter, on veut les entendre, on veut leur faire une place. On
introduit aussi le concept d'un avocat pour
défendre l'intérêt de l'enfant en cour, etc. Je pense que cette intention-là
doit être absolument protégée tout le temps.
M. Carmant :
...peut pas être plus clair. Merci beaucoup. Quand on a parlé des minorités
ethnoculturelles, on voulait toucher le point que, je pense... ça avait touché
beaucoup Mme Laurent, là, de la surreprésentation non seulement des
autochtones, on en a parlé largement, mais également des communautés noires, à
la protection de la jeunesse, et je voulais
m'assurer qu'on adresse ce point-là. On nous avait proposé le terme «racisé»,
mais, bon, «racisé», c'est... je ne
sais pas si ça va être un terme qui va persister à travers le temps, d'où le
terme, d'où la terminologie qu'on a utilisée. Puis, vraiment, on a, par
exemple, dans notre programme négligence, maintenant... on demande
l'implication d'organismes communautaires qui sont bien au courant de de
ces notions-là. Donc, je voulais voir avec vous quelle serait, selon vous, la meilleure façon, là, de s'assurer que les
réalités soient respectées, selon les différentes communautés.
Puis
il y a un point que le député de René-Lévesque a mentionné, plus tôt cette
semaine, également, les disparités territoriales,
tu sais, que moi, je n'avais pas nécessairement adressées, mais que je pense
qu'il faut également adresser. Puis vous le mentionnez bien avec Éclore, là. Je
pense que ça va être important aussi que les services soient enchâssés par
rapport à cette réalité-là.
• (18 heures) •
M. Bouchard
(Camil) : Oui. En ce qui concerne les communautés ethnoculturelles, il
y a toujours ce danger de dérive du relativisme culturel, quand on aborde cette
question-là, autrement dit que l'intérêt de l'enfant soit tranquillement,
discrètement et avec toute la meilleure volonté du monde, relégué au second
plan, quand on regarde la réalité ou le contexte culturel de l'enfant.
Puis il y a des
exemples qui nous viennent à l'esprit, là. Il y a des pratiques disciplinaires
d'une très grande violence, dans certaines communautés, envers les enfants, qui
ne sont pas acceptables du point de vue de la norme qui prévaut chez nous et qui auront des impacts chez tous les enfants
qui en sont victimes. Et, moi, ma crainte, vis-à-vis l'énoncé qu'on voit
dans le projet de loi, c'est qu'on dérive vers un relativisme culturel en
essayant de mieux accueillir ces
communautés, de... comment dire, de diluer l'intérêt de l'enfant dans l'accueil
qu'on fait aux communautés, dans l'espace qu'on donne aux pratiques
culturelles.
Et, moi, ce qui m'a
toujours guidé dans mes décisions, c'est ce que la science nous enseigne à
propos des pratiques et des soins que l'on doit offrir aux enfants, à tous les
enfants de toutes les cultures. Par exemple, les pratiques éducatives abusives ne servent pas le développement des
enfants, puis on connaît très bien les conséquences que ça a sur le
développement, la santé mentale des enfants, ultérieurement et très longtemps
dans leur vie, de même l'absence de soins
adéquats, aussi, etc. Alors moi, j'avais une crainte par rapport à ça, et c'est
pour ça que j'ai mentionné qu'on devrait obligatoirement... à mon avis,
le projet de loi devrait sans doute ouvrir quelque chose là-dessus, on devrait
obligatoirement demander aux intervenants qui pratiquent dans les communautés
culturelles qu'ils suivent une formation dédiée à ces pratiques qui sont très
spécifiques aux communautés culturelles. C'est très important.
Et tout cet aspect
aussi d'accompagnement des familles, dans le processus de fréquentation de la
Loi de la protection de la jeunesse, par
exemple, dans les services de protection de la jeunesse, est extrêmement
important aussi. Bien les entendre, bien les écouter, écouter leur
réalité, mais aussi en profiter pour établir des liens de compréhension de ce qu'on entend par un contexte de
développement sain pour un enfant et d'échanger avec ses parents à ce sujet-là,
et j'en ai souvent fait, moi, dans des rencontres avec des parents, dans des communautés
ethnoculturelles, puis c'est passionnant, mais il faut toujours que l'intérêt
de l'enfant soit mis en premier tout le temps, tout le temps.
M. Carmant : Très, très, très intéressant, là, ce que vous avez mentionné sur Éclore
et puis le partage de données. J'essaie d'amener ça au ministère, puis
ce n'est pas une simple tâche, l'accès aux données, mais comment... Je veux
dire, c'est exceptionnel ce qui a été fait sur la Côte-Nord. Comment peut-on
reproduire ça à travers le Québec?
M. Bouchard
(Camil) : Par un article dans le projet de loi, parce qu'on peut, je
pense, obliger les directeurs de protection de la jeunesse, à point nommé,
durant une année, à partager ces données avec... Moi, j'ai une préférence, vous
le savez, pour le directeur de la santé publique comme étant le porteur d'un
plan d'action de prévention de la
maltraitance envers des enfants. On pourra en discuter plus longuement si vous
voulez, mais je pense qu'il doit... Ces données-là doivent être
partagées avec le responsable... une personne imputable des programmes et des
services de prévention parce qu'il y a une mine d'information extraordinaire
autour de chacun des signalements qui est fait à la direction de la protection
de la jeunesse, et, lorsqu'on les examine attentivement...
Et c'est fou, parce que c'était une demande, ça,
des élus municipaux. Quand on a fait les rencontres, on a commencé par faire
des rencontres régionales sur la Côte-Nord, et les élus municipaux sont venus
nous voir puis nous ont dit : Écoutez, c'est
intéressant, mais, dans ma communauté à moi, à quoi ça ressemble? Et, aussitôt
qu'on répond à cette question-là, vous avez tous les intervenants sur votre
bord. Ils sont assis autour de la même table. Ils regardent les mêmes
graphiques. Ils regardent les mêmes données. Ils ont les mêmes explications. Et
ils parviennent à avoir des discussions sur des enjeux précis sur lesquels ils
doivent se pencher s'ils veulent prévenir que ces signalements-là
n'apparaissent de nouveau dans leur tableau de bord à la fin de l'année. Et je
pense, moi, que c'est quasiment un devoir que de se pencher collectivement sur
ces données-là parce...
Et c'est un pouvoir qui est... C'est le pouvoir
que les enfants apportent lorsqu'ils sont signalés à la protection de la
jeunesse. Ils nous disent : Dans le fond, si vous me regardez
attentivement et si vous prenez des notes sur ce pourquoi on a signalé ma
situation et qu'elle a été retenue à la protection de la jeunesse, vous allez
comprendre ce qu'il y a à changer autour de moi, vous allez comprendre ce qu'il
y a à changer autour de ma famille, vous allez peut-être mieux aider ma famille
au moment opportun, vous allez peut-être mieux pourvoir aux besoins de ma famille en termes de logement, en termes de
revenus, peut-être que vous allez aménager le temps de travail puis le temps
d'absence de mon père qui doit aller travailler dans les mines puis qui
s'absente... «Fly-in/fly-out», par exemple, sur la Côte-Nord, c'est un
problème.
Alors, moi,
je pense qu'on doit ça aux enfants. On doit... On leur doit de partager la
réalité qui les a amenés à un signalement de la protection de la
jeunesse et s'en servir pour prévenir d'autres signalements dans ces
communautés.
M. Carmant : Super, merci
beaucoup. M. le Président, je passerais la parole à la députée de Roberval avec
votre permission.
Le Président (M. Provençal)
: Avec plaisir. Mme la députée.
Mme Guillemette : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup, M. Bouchard, d'être avec nous aujourd'hui.
C'est un plaisir de vous avoir avec nous.
Écoutez, vous parlez de plus de souplesse, de
communauté bienveillante. J'aime beaucoup entendre ça pour nos plus jeunes. Et vous dites que... Vous faites
une proposition : «Que le p.l. n° 15 comporte des
dispositions obligeant les DPJ à
partager les données associées aux signalements portés à leur attention avec
l'autorité responsable et imputable du développement
et suivi des programmes de prévention à la maltraitance envers les enfants et
les jeunes sur les territoires et sous-territoires.» Ça implique la
confidentialité, le secret professionnel aussi, j'imagine. Vous voyez ça
comment, le partage de ces informations
envers tous les intervenants du territoire? Parce qu'on sait qu'il y a des
intervenants qui ont des ordres professionnels, mais d'autres
intervenants n'ont pas d'ordre professionnel. Donc, quels éléments on pourrait
partager et comment on pourrait bien inscrire ça dans un projet de loi?
M. Bouchard (Camil) : Bien, je
pense qu'on ne partage pas des données nominalisées. On ne partage pas des
données qui peuvent identifier des personnes, non plus que des rues et des
quartiers. On partage les données qui sont
agrégées par sous-territoire de MRC. Donc, c'est déjà assez large. Ces
données-là sont... La confidentialité, l'anonymat est, de soi, garanti parce qu'on s'éloigne
vraiment du dossier individuel pour arriver à agréger toutes les données d'un
sous-territoire. Et c'est assez fascinant de voir comment émergent,
soudainement, quand on agrège ces données-là, des profils de territoires par
rapport à des types de signalements qui sont prévalents sur ces territoires-là
et le type de situations qui apparaissent sur ce territoire puis qui
n'apparaissent pas à 100 kilomètres plus loin sur un territoire
administratif.
• (18 h 10) •
La réalité de la Haute-Côte-Nord, sur la
Côte-Nord, n'est pas du tout celle de Blanc-Sablon, hein? On se comprend là-dessus. Et, quand on a des données
agrégées pour tout le territoire, on n'y comprend absolument... tu sais,
c'est difficile de saisir la réalité, mais, quand on commence à faire ça par
sous-territoires de MRC, soudainement, ça devient comme... pour les
participants, pour les intervenants, pour les élus, ça devient quelque chose de
plus concret, de plus significatif puis de
plus engageant parce qu'ils se reconnaissent dans ces données-là, et ils
valident les données lorsqu'on les
rencontre, parce qu'on teste les données avec eux : Qu'est-ce que vous
pensez de ce profil-là qui nous vient des
signalements de votre territoire, qu'est-ce que ça vous dit, quels sont les
enjeux que vous voyez prioritaires là-dedans?
Puis,
tu sais, il y a des communautés où les gars travaillent, ça n'a pas de bon sens,
tu sais, en surtemps tout le temps,
16 heures par jour, 12 heures par jour, ils sont fatigués, ils sont
sur les amphétamines, ils étirent la corde de la patience au bout.
Souvent, les femmes sont isolées, les mères sont isolées avec les enfants, arrive
un incident, bien, un signalement d'enfant,
bon, alors, dans certaines communautés, vous ne verrez pas ça du tout, mais,
dans d'autres, oui, parce que c'est ça, leur réalité socioéconomique.
Alors, tout l'intérêt est d'arriver à transférer ces données-là d'une façon
graphique. D'abord, c'est des graphiques. Vous pouvez aussi avoir des tableaux
avec des nombres, mais vous n'arriverez jamais à distinguer qui... dans ces
données, qui cela concerne vraiment, jamais.
Mme Guillemette : S'il me reste
une petite minute, M. le Président... On a entendu la Fédération des familles d'accueil aujourd'hui. Ils nous disaient
que, souvent, il va leur manquer d'information, eux, pour bien soutenir
l'enfant qu'ils accueillent. Est-ce que c'est possible de leur fournir de
l'information? Mais comment on fait pour bien équilibrer l'information à
laquelle ils ont besoin pour bien soutenir...
M. Bouchard (Camil) : Je ne
peux pas vous répondre clairement à cette question-là. Je ne me suis jamais
vraiment penché là-dessus puis, mon opinion, non, franchement, elle ne serait
pas très éclairante.
Mme Guillemette :
...merci beaucoup, M. Bouchard.
M. Bouchard (Camil) : Je vous
en prie.
Le Président (M. Provençal)
: Merci, Mme la députée. Nous poursuivons cet échange avec
la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Bonjour,
M. Bouchard, plaisir, plaisir de vous revoir.
M. Bouchard (Camil) : Ah! bien,
bonsoir, oui.
Mme Weil : On a été députés en
même temps. Je pense, ça a été juste un mandat, mais j'étais à la régie régionale, peut-être même dans le réseau, à
l'Association des centres jeunesse, lorsque vous avez sorti votre magnifique
recherche et document.
Je voudrais vous amener, parce que je sais que
vous avez une grande sensibilité à ça, c'est... Comment on fait pour travailler
tous ensemble, la première ligne, en prévention, et l'institutionnel? J'ai
quelques exemples où j'ai vu... c'est Batshaw, parce que, moi, c'est Notre-Dame-de-Grâce,
mais il y a Côte-des-Neiges là-dedans, puis il y a un vrai mélange même si c'est des comtés différents, là, et il y a beaucoup
de diversité, et... parce qu'on dirait que, dans ce coin-là, les gens se
connaissent. Ils connaissent les organismes communautaires. Batshaw connaît les
organismes communautaires. Ils reçoivent des signalements. Puis, des fois, en
prévention, d'amener plus loin... ils veulent avoir l'écho de l'organisme
communautaire qui travaille dans un certain milieu, et on m'a parlé d'une
initiative, prendre le téléphone, puis on va se parler, là, et finalement... Je
n'irai pas dans le détail, je ne connais pas le cas précis, mais ils ont pu
travailler ensemble, et c'était...
Certaines communautés qui rentrent, donc, des
nouveaux arrivants, ça peut-être des réfugiés, des demandeurs d'asile, etc., puis c'est des profils différents,
et donc on a beaucoup ça. On a beaucoup ça à Montréal. Donc, comment il
faut s'adapter? Et souvent, ces organismes communautaires sur le terrain, ils le
voient, puis ils sont en lien avec l'école,
puis il y a quelqu'un, la travailleuse sociale du CIUSSS ou du CISSS, qui
connaît l'école, ils ont tissé... Ils ont réussi à tisser, quand même,
un réseau de contacts, de communication, peut-être parce que la communauté est
plus petite. Je ne sais pas ce que c'est,
mais il y a une tradition, aussi, historique, d'il y a 60 ans, de se
parler, tout le monde. Et, je l'ai vu de mes yeux parce que j'étais en
visite, le... c'était l'école d'été pour les plus vulnérables, bon, qu'ils
avaient créée avec un organisme communautaire, tout ça, venant de l'argent de
la ville de Montréal, qui avait de l'argent, justement, pour désigner les
enfants vulnérables généralement issus de la diversité.
Donc, tout ça...
Ça, c'est un exemple. Il y en a partout, je pense, et comment on fait... et
comment la protection de la jeunesse peut... peut-être, c'est une
formation, est-ce que c'est des visites sur le terrain? Comment les sortir, peut-être, de peut-être partout, là, pour aller à
la rencontre de toutes ces ressources qui existent dans la communauté...
et l'école, aussi, qui joue un rôle
important. Et je sais que la prévention, c'est quelque chose qui est important
pour vous. Je suis aussi une fan de la Santé publique, parce qu'à l'époque
les régies régionales faisaient des plans avec la Santé publique. On avait
toutes les données puis ensuite on faisait un plan d'action pour... Ça, c'est
dans les années 90, début des années 2000. Alors, ça, ça a disparu
de... Je pense qu'il n'y a pas ça maintenant. Il faudrait les ramener parce
qu'ils ont été des acteurs vraiment extraordinaires dans le domaine.
Alors, je vous pose cette question et je vous
laisse aller, voir... J'aimerais ça vous entendre sur tout ça et votre
expérience partout au Québec sur ces questions-là de tisser ces liens.
M. Bouchard (Camil) : Bien,
j'ai vu beaucoup de ces expériences-là aussi, Mme la députée, et je les ai vues
s'effondrer aussi, parce que ça tient à la
bonne volonté souvent de quelques personnes, de quelques acteurs importants
dans les communautés et qu'une fois ces personnes-là ou bien épuisées ou bien
changées de territoire, etc., les liens qu'on avait tissés et les
projets ou les actions qu'on avait mis en place s'étiolent tranquillement puis
perdent de leur puissance, perdent de leur intensité, perdent de leur
continuité.
Et c'est pour
ça, moi, que j'insiste tellement pour qu'on puisse identifier une autorité sur
le territoire administratif qui peut avoir la responsabilité, l'imputabilité,
aussi, le pouvoir de rassembler toutes les personnes autour d'un même
projet commun, autour d'un même objectif, d'un même enjeu. Éparpiller les
actions en prévention parce que les uns ont des spécialités puis les uns ont
des outils... (panne de son) ...etc., ça, c'est la loi de l'instrument, tu as
un marteau et ça te prend des clous, ça ne marche pas. Ça prend quelqu'un qui
dit : Voici les données dont nous disposons, voici une réalité à laquelle
on fait face, et que pensez-vous devons-nous faire durant la prochaine année
pour faire diminuer cette courbe-là de signalements ou de taux de signalement
de nos enfants à la DPJ?
C'est ça, c'est la seule question légitime, en
ce qui me concerne, en protection de la jeunesse, c'est comment faire pour faire diminuer les courbes de taux de
signalement à la protection de la jeunesse, mais, si on n'a pas d'autorité
locale pour le faire, si on n'est pas
capable d'identifier cette autorité locale pour le faire, on n'y arrivera pas.
On n'y arrivera pas. On va être à la merci, et tant mieux quelquefois,
de la bonne volonté de bien du monde, puis de la synergie, puis de la dynamique qui s'est développée
historiquement de cette communauté-là, mais, dans l'autre communauté d'à côté,
qui aurait tant besoin de ce type
d'énergie-là et de dynamique, c'est inexistant parce qu'il n'y pas... il n'y a
personne pour rassembler les gens.
Alors, la
Santé publique, le directeur de santé publique, a ce pouvoir-là. S'il identifie
une menace au bien-être et à la santé
de sa population, le directeur de santé publique a le pouvoir de convoquer
autour de sa table... (panne de son) ...tous les organismes qui peuvent avoir une
influence pour diminuer les risques à la santé ou au bien-être de sa population.
Le client, là, le patient du directeur de la
santé publique, c'est la population. Alors, quand il identifie un risque, il a
le pouvoir de rassembler tout le monde
autour de lui, et il n'y a personne qui peut refuser, à moins que ce soit un
organisme gouvernemental, dans quel cas il faut que le ministre ou le
ministère soit d'accord.
Mais ce pouvoir-là, il est extraordinaire, mais,
en même temps, c'est une responsabilité épouvantable, parce qu'à la fin de l'année le ministre peut se
retourner, puis demander à son directeur de santé publique régionale :
Comment se fait-il que les taux ont augmenté, qu'est-ce que vous n'avez
pas fait ou qu'est-ce que vous avez fait qui aurait dû... qu'est-ce que vous
avez omis de faire ou qu'est-ce qui n'a pas fonctionné?, de telle sorte à ce
qu'on a encore des résultats qui sont navrants en ce qui concerne les taux de
mauvais traitements envers des enfants.
Et, tu sais,
quand il y a une liste d'attente, là, qui n'en finit plus à la protection de la
jeunesse, bien, le ministre délégué,
il sait à qui s'adresser, c'est la directrice ou le directeur d'un centre de
jeunesse. Mais, quand il y a des programmes de prévention qui ne sont
pas mis en place, ou qui sont mis en place de façon maladroite, ou qui ne
respectent pas les règles qui sont prescrites par les expériences qui ont été
faites et qui font la démonstration que c'est comme ça qu'il faut faire, à qui
on s'adresse au niveau régional? Est-ce que quelqu'un peut me répondre? Moi, je
n'ai jamais trouvé la réponse. Je n'ai
jamais trouvé la réponse et je pense que c'est essentiel. Si on veut changer la
donne, il faut que, dans chacun des territoires, on ait une personne
vers qui on peut se tourner et demander des comptes, et cette personne-là doit
avoir du pouvoir et des connaissances.
Mme Weil : C'est intéressant.
Il y a de la matière à réflexion, là. C'est formidable, c'est tellement vrai.
M. Bouchard (Camil) : Bien,
regardez ce qu'on a fait avec le tabagisme, le suicide chez les jeunes, les
grossesses adolescentes, les accidents mortels d'automobile. Qui a réglé les
questions? C'est la santé publique, en collaboration
avec les ministères concernés. Ils sont bons quand on leur donne les ressources
puis le pouvoir pour le faire.
• (18 h 20) •
Mme Weil : Ils jouaient quand même
ce rôle un peu, là, en mobilisant, je vous rappelle de ça, là, avec les régies
régionales, parce qu'elles avaient cette autorité... régies régionales, puis il
y avait la dimension protection de la jeunesse,
mais préprotection de la jeunesse, moi, je représentais ce secteur-là, mais...
Et donc il y avait, comment dire, la main tendue pour essayer de
commencer à dire... Ce n'était pas... En tout cas, ils n'ont pas pu aller très
loin parce qu'il y a eu tellement de réformes dans le réseau de la santé et des
services sociaux dans les années qui ont suivi que la santé, vraiment, a
prédominé, et finalement tout ce qui était prévention... J'ai ma collègue...
Bien, merci beaucoup. C'est très intéressant.
M. Bouchard (Camil) : Je vous
en prie.
Une voix : ...
Le Président (M. Provençal)
: Moins d'une minute.
Mme Robitaille : Bon, bien,
écoutez, très rapidement, quand même, les organismes communautaires... Une partie intégrante, quand même, dans des secteurs
comme Montréal-Nord, où... que je... dont je représente... les organismes
communautaires jouent un rôle majeur. Est-ce qu'il ne faudrait pas... les faire
partie de la solution en leur donnant plus d'argent, en les finançant mieux?
M. Bouchard (Camil) : Bien, je
pense que c'est surtout l'instabilité qui est un problème chez les organismes
communautaires. On a beaucoup amélioré leur sort, je pense, du... Depuis les
années où j'ai écrit Un Québec fou de ses enfants!, là, il y a
quand même de l'amélioration dans ce domaine-là, et ils sont... L'organisme
dont je parlais tantôt, Éclore, c'est un organisme de concertation des gens qui
sont impliqués, engagés en protection de l'enfance, en développement des
tout-petits sur la Côte-Nord, ils font un travail formidable. Mais alors ce
qui, moi, se présente encore comme un problème des plus importants, c'est la
stabilité dans leur financement. Il y a des programmes qui viennent. Il y a des
programmes qui meurent. Ils sont remplacés par d'autres. Il y a des périodes de
transition qui sont pénibles dans les organismes, bon, voilà.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Nous poursuivons avec le
député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Merci,
M. le Président. Merci beaucoup, M. Bouchard. Je trouve, ce que vous
apportez, extrêmement important par rapport à la prévention. J'aimerais
avoir des précisions sur votre vision de ce que devrait faire la DPJ comme
prévention, parce que vous avez parlé aussi du rôle de la santé publique
régionale dans la prévention, mais quelle devrait être la part de la DPJ?
M. Bouchard (Camil) : Bien, la
moitié de ma présentation, dans le fond, porte là-dessus, et c'est, je pense,
le partage des connaissances qu'elle cumule, la DPJ, sur les enfants qui sont
signalés à la protection de la jeunesse. Si
on veut prévenir un problème, il faut le connaître correctement, et on a cette
capacité puis on a créé ça au fil des ans, là. Les organismes de
subvention de recherche au Québec ont fait leur travail, puis les chercheurs
universitaires ont fait leur travail, puis les gestionnaires du réseau des
services sociaux ont fait leur travail. Puis on a créé des banques de données importantes autour des signalements qui sont faits
en protection de la jeunesse, et la richesse de ces données-là est absolument
incroyable, et, par territoire de MRC ou par territoire de CLSC en milieu
urbain, on peut arriver à identifier, à partir de ces données-là, ce qui
importe le plus, les enjeux prioritaires, en termes de prévention, auxquels il
faut s'adresser durant un, deux, ou trois, ou quatre ans, peu importe, là,
mais, pour arriver à faire fléchir les taux
de signalement envers les enfants dans ces quartiers-là. On n'arrivera pas à
faire fléchir les taux de signalement au niveau national si on n'arrive
à le faire aux niveaux local et régional. Les acteurs locaux et régionaux
là-dedans sont absolument essentiels.
Et, franchement, il n'y a pas d'autre réponse
que ça. La DPJ en a déjà plein les bottines. On ne va pas lui demander d'écrire
des politiques puis des plans d'action en prévention. Elle reçoit les enfants
pour lesquels tous les efforts antérieurs ou
bien ont été inefficaces ou ont été absents auprès d'eux. Elle reçoit ces
enfants, c'est notre urgence. Alors, tu sais, tu ne demandes pas à un
urgentologue d'aller réparer la courbe dangereuse sur une route en campagne. Tu
ne lui demandes pas ça. Tu demandes au ministère de Transport d'aller... La
prévention, c'est d'aller réparer cette courbe
dangereuse, hein, de la... (panne de son) ...mais, au bout du compte, il va
toujours... (panne de son) ...puis ça va prendre une urgence au niveau
social, puis c'est la directrice ou le directeur de la protection de la
jeunesse.
M. Zanetti : C'est très clair.
Merci.
M. Bouchard (Camil) : Je vous
en prie. C'est un plaisir de vous voir.
Le Président (M. Provençal)
: On conclut cet échange avec le député
de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci beaucoup, M.
le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, M. Bouchard. J'ai participé
à Éclore Côte-Nord pas plus tard qu'en 2018. Effectivement, on m'a présenté les
statistiques de ma région et ça m'a mis sur le cul. Le taux de maltraitance des
enfants de zéro à cinq ans était un des plus élevés sur la Côte-Nord. Et,
lorsqu'on a vu les chiffres, bon, c'est une prise de contact et un constat
frappant, mais ça nous a permis, à tous les acteurs, les politiciens, que ce
soit au niveau national, au niveau local, régional, de prendre conscience qu'il
existait une solution qui s'appelait la
bienveillance, d'être à l'écoute et de tout faire en notre pouvoir pour mettre
les moyens en matière de prévention pour faciliter, justement, le
passage des enfants dans des situations difficiles à des situations plus
faciles.
Le ministre, tout à l'heure, vous demandait la
recette pour réussir Éclore Côte-Nord partout au Québec. Je pense, M. le ministre, que ce n'est pas de le
centraliser, mais bien de le décentraliser et de donner un financement adéquat
pour permettre la collecte de données qui va permettre, par elle-même, la prise
de conscience locale. Ce que M. Bouchard nous témoigne aujourd'hui,
c'est la volonté d'un milieu de faire une différence. Ça peut être à l'échelle
d'une MRC, d'un quartier, d'une communauté,
mais c'est au milieu de décider de quelle façon on doit le faire. Alors, je
suis content que vous l'ayez abordé,
M. Bouchard, parce que ça a fait une énorme différence chez nous. Je ne
dis pas que nos taux sont beaucoup meilleurs, mais ils s'améliorent avec
les années.
Donc, je veux vous remercier de nous avoir
indiqué la marche à suivre et de nous indiquer quelles sont les prochaines
étapes à franchir. Donc, je laisserais mon dernier temps de parole à vous,
question de nous indiquer comment une communauté peut faire une énorme
différence dans la bienveillance à ses enfants.
M. Bouchard
(Camil) : Oui, bien, regardez, là, l'expérience que j'ai eue
sur la Côte-Nord a été déterminante, là, parce que... Vous me dites
qu'elle a été déterminante chez vous et pour vous, mais, pour moi, ce l'a été
beaucoup, parce que le pas à franchir, c'est celui de la conscientisation, et
notre pire ennemi en protection de l'enfance, c'est le déni, le déni, c'est
toujours le problème de quelqu'un d'autre ou c'est le problème... la première
page du journal durant trois jours puis c'est fini. Granby nous a sortis du
déni.
Mais, quand on a fait cette expérience-là, sur
la Côte-Nord, de dévoiler les données sur la Côte-Nord, on a pris un risque énorme. On ne savait pas... Tu
sais, on est tous des apprentis sorciers là-dedans, là, puis moi, je me disais :
Ah! il ne faut pas stigmatiser la région puis il ne faut pas... mais il y a eu
un... ça a eu un effet extraordinaire, parce qu'on a tous sortis du déni en
même temps. On s'est tous dit : Bon, O.K, très bien, voici la réalité.
Et c'est là que les élus locaux, municipaux et
régionaux sont arrivés puis ils nous ont dit : C'est intéressant, c'est, en
même temps troublant, mais, dans ma communauté, comment ça se présente et
comment je pourrais faire une différence en tant qu'élu? Puis les réunions
qu'on a eu autour des données, là, les premiers à entrer dans la salle puis les
derniers à sortir de la salle, c'étaient des élus, c'étaient les maires des
MRC, parce que leur mission, c'est de veiller au bien-être de leur communauté,
puis de leurs citoyens, et les enfants, ça fait partie de leur mission aussi.
Tu sais, ce n'est pas un... Ils n'ont pas...
Ils ne sont pas élus avec ce mandat-là, mais ça fait partie intégrante de leur
mission, puis ils veulent avoir des éclairages sur ce qu'il se passe
dans leurs communautés... (panne de son) ...pour moi, ça été un... ça aura été... parce que ce n'est pas fini,
là, le futur antérieur, c'est fabuleux, là, mais ça aura été une expérience
très révélatrice à ce niveau-là. On ne peut se passer des données qui
sont disponibles, mais on ne peut se passer, en même temps, d'un acquiescement,
d'un assentiment, d'une adhésion de tout le monde en regard de ces données-là.
• (18 h 30) •
Qu'est-ce qu'on... sur quoi s'accorde-t-on
lorsqu'on regarde tout ce qu'il se passe dans notre communauté, sur les priorités qu'on doit adopter en vertu d'un
objectif de diminution des taux de signalement dans notre communauté. Et
moi, je pense que ce qu'il nous manque maintenant, c'est deux choses, au niveau
national, qu'on se donne un objectif, qu'on se donne un objectif de diminution
des taux de signalement à la protection de la jeunesse, et, au niveau régional, qu'on se donne des objectifs aussi local et
régional, et, une fois l'objectif fixé, qu'on identifie les moyens précis pour
y arriver. Et, là-dedans, là, il y a beaucoup à boire et à manger. Il y a plein
de connaissances qu'on peut mettre à contribution. Le problème n'est pas là. Le
problème, c'est d'abord de consentir à se donner un objectif et d'y tenir.
Et moi, je me rappelle, là, j'ai mentionné tout
à l'heure l'exemple du suicide chez la cohorte des jeunes. Il y a quelques
années de cela, peut-être une vingtaine d'années, on était les champions
mondiaux quasiment du suicide chez les jeunes. Bien, j'ai un collègue à
l'Université du Québec, Brian Mishara, qui a créé un centre de prévention du
suicide, puis un ci, puis un ça. Soudainement, il y a eu des gouvernements qui
ont pris ça par le chignon du cou puis ils ont dit : On va faire un plan
d'action pour réduire le suicide chez nos jeunes. Et là chacune des régions a
adopté des politiques, puis des plans
d'action, puis des programmes, puis des services, puis on s'en est sortis.
Alors, il faut faire la même chose au niveau du mauvais traitement
envers les enfants.
Le Président (M. Provençal)
: M. Bouchard, je ne peux que vous remercier de ce
témoignage et de cette conclusion. Je trouve que ça conclut bien cet échange.
Alors, merci beaucoup.
Ceci étant dit, la commission ajourne ses
travaux à demain, jeudi 10 février, après les affaires courantes. Encore
merci pour votre collaboration et votre contribution, M. Bouchard.
(Fin de la séance à 18 h 31)