Journal des débats (Hansard) of the Committee on Health and Social Services
Version préliminaire
42nd Legislature, 2nd Session
(October 19, 2021 au August 28, 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Wednesday, February 9, 2022
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Vol. 46 N° 5
Special consultations and public hearings on Bill 15, an Act to amend the Youth Protection Act and other legislative provisions
Aller directement au contenu du Journal des débats
Intervenants par tranches d'heure
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Provençal, Luc
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Carmant, Lionel
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Carmant, Lionel
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Provençal, Luc
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Picard, Marilyne
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Weil, Kathleen
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Robitaille, Paule
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Zanetti, Sol
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Provençal, Luc
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Carmant, Lionel
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Lecours, Isabelle
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Provençal, Luc
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Weil, Kathleen
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Zanetti, Sol
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Ouellet, Martin
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Provençal, Luc
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Carmant, Lionel
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Carmant, Lionel
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Provençal, Luc
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Lecours, Isabelle
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Weil, Kathleen
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Zanetti, Sol
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Ouellet, Martin
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Provençal, Luc
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Carmant, Lionel
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Guillemette, Nancy
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Weil, Kathleen
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Weil, Kathleen
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Provençal, Luc
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Zanetti, Sol
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Carmant, Lionel
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Carmant, Lionel
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Provençal, Luc
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Girard, Éric
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Lecours, Isabelle
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Weil, Kathleen
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Robitaille, Paule
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Zanetti, Sol
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Provençal, Luc
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Ouellet, Martin
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Carmant, Lionel
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Carmant, Lionel
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Provençal, Luc
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Guillemette, Nancy
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Weil, Kathleen
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Robitaille, Paule
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Zanetti, Sol
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Ouellet, Martin
11 h (version révisée)
(Onze heures seize minutes)
Le Président (M. Provençal)
:Bonjour à tous. Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services
sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les
personnes de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 15, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et
d'autres dispositions légales.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Derraji (Nelligan) est remplacé par Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce);
Mme Sauvé (Fabre), par Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé); M. Marissal (Rosemont),
par M. Zanetti (Jean-Lesage); et M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), par M. Ouellet
(René-Lévesque).
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Ce matin, nous
entendrons les personnes et groupes suivants : la Fédération québécoise
des directions d'établissement d'enseignement et Mme Geneviève Rioux.
Je souhaite à ce moment-ci la bienvenue à
la Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement. Vous
avez 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange
avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et je vous
cède la parole.
M. Prévost (Nicolas) : M.
le Président, M. le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, chers
députés membres de la commission, bonjour, je me présente, Nicolas Prévost,
président de la Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement.
Permettez-moi, d'abord, au nom des 2 100 membres
de la Fédération québécoise des établissements d'enseignement que nous
représentons, de vous remercier de nous recevoir aujourd'hui afin de vous
présenter le fruit de notre réflexion au sujet du projet de loi n° 15
concernant la protection de la jeunesse. Tout en sachant très bien que nous ne
sommes pas des spécialistes de la santé et <des...
M. Prévost (Nicolas) : ...
de
la santé et >des services sociaux, loin de nous l'intention de faire des
recommandations spécifiques sur les différents aspects du projet de loi.
Cependant, comme collaborateur de premier
plan, la fédération tient, d'entrée de jeu, à souligner la grande importance qu'elle
accorde à ce projet de loi. Ses membres étant d'ores et déjà engagés dans la
prestation de services éducatifs aux enfants, de leur sécurité et leur bien-être,
tout cela nous tient évidemment bien à cœur. Nous saluons votre souhait de
mettre l'enfant au cœur des actions et des futures décisions.
Nous pensons, toutefois, et c'est là l'essentiel
de nos propositions, qu'une meilleure collaboration entre le réseau de l'éducation
et la protection de la jeunesse pourrait s'avérer très utile à votre projet d'amélioration
du système actuel. Les constats du passé nous démontrent un travail colossal
des intervenants des services sociaux et du réseau scolaire, mais nous notons
de trop nombreux constats d'échec quant à l'aspect collaboratif. Les enfants
passant beaucoup de temps à l'école, le personnel de nos équipes-écoles est en
effet bien placé pour détecter tout changement dans l'attitude ou le
comportement des enfants susceptibles de subir de la maltraitance, et je sais
qu'il serait très heureux de pouvoir y contribuer davantage.
Mais, avant d'aller plus loin, j'aimerais
vous présenter ma collègue, Mme Élizabeth Joyal, secrétaire de la Fédération
québécoise des directions d'établissement.
• (18 h 20) •
Mme Joyal (Élizabeth) : M. le
Président, M. le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, chers
députés membres de la commission, bonjour. J'aimerais, moi aussi, vous
remercier de nous recevoir aujourd'hui afin d'apporter notre contribution au
perfectionnement de ce projet de loi si important pour les enfants issus d'un
milieu familial dysfonctionnel et non sécuritaire car la maltraitance peut
évidemment nuire aux résultats scolaires et à la réussite éducative des enfants
qui vivent dans un milieu familial inadéquat. Vous êtes bien placé pour le
savoir. Bénéficiant des compétences nécessaires pour diagnostiquer les
problématiques susceptibles d'affecter la vie des enfants que nous éduquons,
notre position privilégiée de proximité au quotidien peut s'avérer d'une grande
utilité pour celles et ceux qui ont la responsabilité de protéger leurs droits,
mais encore faut-il s'assurer de tirer avantage de cette position privilégiée.
Nous serons heureux de contribuer à l'émergence
d'un système plus efficace de protection de nos enfants en vous avertissant
formellement de toute situation potentiellement problématique que pourraient
vivre les enfants que nous côtoyons dans le cadre de notre mission éducative. L'école
peut, en effet, apporter son soutien aux enfants en difficulté, ne serait-ce
que par l'entremise d'un signalement. Des points de contact statutaires ou
automatiques lorsqu'un enfant change de milieu familial, par exemple,
permettraient également à nos réseaux respectifs d'assurer une transition plus
harmonieuse des enfants vers le nouvel environnement, incluant le réseau
scolaire.
Le meilleur suivi des enfants que
permettrait une plus grande collaboration entre le réseau de l'éducation et
celui de la protection de la jeunesse assurerait, nous en sommes convaincus, le
resserrement des mailles du filet de protection que nous souhaitons optimiser
ensemble tout en maintenant l'enfant au cœur de nos décisions. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre exposé.
Alors, nous allons débuter cette période d'échange avec M. le ministre. Alors,
je vous cède la parole.
M. Carmant : Et j'ai combien
de temps?
Le Président (M. Provençal)
:Vous avez 15 min 15 s.
M. Carmant : Quand même,
15 minutes, O.K., d'accord. Bien, merci beaucoup. Merci pour votre
témoignage. Je dois vous dire que je suis extrêmement touché de votre présence
aujourd'hui. Je pense que ça envoie un message puissant de l'implication puis
des liens qu'il faut tisser entre les services aux jeunes et les écoles
primaires et secondaires.
Moi, ce que j'aimerais vous dire, c'est qu'une
des choses qui me tient vraiment beaucoup à coeur, c'est qu'on puisse améliorer,
d'abord, peut-être, ces liens qui sont entre les services scolaires et les
services de première ligne. Pendant la pandémie, j'ai parlé quasiment à chaque
semaine, là, pendant la première vague, là, au directeur de la protection de la
jeunesse, et ils ont fait des… Ils ont créé des ponts avec le milieu scolaire,
mais je <pense...
M. Carmant :
...mais je >pense qu'il faut également créer des ponts avec les services
de première ligne.
Par exemple, dans mon comté, il y avait
très peu de liens entre les écoles et les services, les centres de pédiatrie sociale.
Les écoles ne connaissent pas les services de première ligne, les services SIPPE
pour les mamans qui sont en difficulté, le service CAFE pour les enfants qui
font des crises ou qui ont des pensées suicidaires, le service négligence pour
les enfants qui n'ont pas de lunch, qui n'ont pas de... qui sont mal habillés,
qui sont mal... tu sais, dont les soins personnels sont douteux. Puis, comment
on peut renforcer ces liens-là, faire qu'on passe par cette première ligne
avant d'aller à l'aide à la protection de la jeunesse, j'aimerais ça vous
entendre là-dessus.
M. Prévost (Nicolas) :
Bien, dans un premier temps, j'aimerais réitérer qu'on est nous aussi très
heureux d'être ici aujourd'hui et de représenter nos directions d'établissement,
parce que c'était effectivement très important. L'enjeu de nos jeunes
ressources, la protection de la jeunesse, là, c'est vraiment un enjeu qui nous
tient vraiment à cœur.
Maintenant, sur les services de... dans le
fond, c'est d'être… de travailler en amont, de travailler en prévention, je
comprends bien. Je pense qu'il se développe, dans les derniers temps, avec l'apparition
d'Agir tôt, entre autres, où il y a eu beaucoup de rencontres qui ont été mises
en place et, je vous dirais, un partage de connaissances entre ces divers
réseaux là… Je pense que le fait de mettre en place Agir tôt et de le mettre de
façon plus structurée va aider le milieu scolaire à justement faire appel à des
instances de premier niveau, de première ligne pour aller vraiment en
prévention, ce qui serait toujours mieux, bien entendu.
Bon, avec l'arrivée aussi de nos petits de
maternelle 4 ans dans les dernières années, je pense qu'il faut aussi
consolider cette présence-là vers des organismes qui existent déjà. Oui, on y
voit là une grande importance. Maintenant, comment le mettre en action, ça va
beaucoup avec des recommandations qu'on a faites, dans notre mémoire, d'approche
collaborative, que les instances puissent se rencontrer, apprennent à se
connaître et connaissent ce qui se passe dans les différents milieux. Donc, ça,
ça peut être un moyen qui va faciliter grandement comment on pouvoir aller vers
les services de proximité.
M. Carmant : Super, merci.
En plus, c'est Agir tôt qui vous aide à faire ça. Moi, je suis extrêmement heureux.
Je n'y avais même pas pensé.
M. Prévost (Nicolas) : Ah!
ça ne nuit pas.
M. Carmant : Super. Bon,
maintenant, au niveau de la protection de la jeunesse, l'enjeu qu'on a puis qu'on
vit, puis je pense que c'est un petit peu ce que je lis quand je lis votre
mémoire, c'est que, quand même, 60 % des signalements ne sont pas retenus.
Puis je vais vous dire qu'avec la pandémie les signalements ont augmenté, mais
le taux de rétention, lui, au contraire, il est en train de baisser. Donc,
comment, selon vous, on renforcit ou on clarifie les raisons qui vont faire que
la protection de la jeunesse va intervenir ou quels mécanismes on peut mettre
sur pied pour que tant de signalements ne soient pas rejetés? Puis je dois vous
dire que, tu sais, aux congés scolaires, c'est spectaculaire, là, tu sais, quand
l'école ferme, là, le nombre de signalements baisse drastiquement, là, il faut
se l'avouer, ça.
Donc, qu'est-ce qu'on peut faire pour s'assurer
que les signalements soient pas plus pertinents, parce qu'ils sont tous
pertinents, mais soient... vont être mieux reçus et ont plus de chances d'être
retenus? Parce que, vous le savez, je suis sûr, chaque signalement mérite du
temps terrain, mérite une enquête, mais, tu sais, même ceux qui ne sont pas
retenus ne sont pas juste : Ah non! On ferme, là. Il y a toujours quelque
chose qui se fait quand la DPJ reçoit un signalement. C'est pour ça que j'aimerais
que ce soit… au moins que ça passe par la première ligne, mais, si on est
vraiment inquiets, là, que l'enfant est compromis, qu'est-ce qu'on peut faire
pour clarifier les critères de compromission qui vont faire qu'un signalement
va être retenu?
Mme Joyal (Élizabeth) :
Encore une fois, par des tables où on pourra discuter de ces critères, où l'école
pourrait être partie prenante, en ce sens que nous observons des choses sur le
terrain qui, peut-être, seraient des indices supplémentaires s'il y avait un
échange, tout d'abord, pour ces indices-là, parce qu'au moment où un
signalement n'est pas retenu, une fois que l'école a fait le travail, c'est
difficile de savoir pourquoi selon l'enquête qui a été menée parce que les
détails de l'enquête ne sont jamais tous communiqués pour des raisons
évidentes. Donc, à ce moment-là, s'il y a une discussion sur pourquoi… Par exemple,
c'est nommé dans notre mémoire, mais les signalements que nous avons l'obligation
de faire en tant que direction d'école pour les enfants qui ne fréquentent pas
de façon assidue, régulière, c'est souvent un premier indice <important...
Mme Joyal (Élizabeth) :
...un
indice >important de problèmes à la maison, et, dans cette situation-ci,
il y aurait une autre instance qui pourrait y répondre dans les autres
programmes sociaux, là, qui supportent…
Donc, on comprend qu'il peut y avoir
beaucoup de situations qui sont portées à l'attention de la DPJ, mais ça, c'est
quand même un drapeau important, la non-fréquentation, qui est d'ailleurs une
obligation pour nous, mais qui n'est pas toujours une priorité du côté DPJ,
pour toutes sortes de motifs qui leur appartiennent puis qui ne me sont pas
communiqués, mais, d'un premier coup d'oeil, cet enjeu-là semble important.
M. Carmant : D'accord. Donc,
ces tables-là ne sont pas monnaie courante, alors?
Mme Joyal (Élizabeth) : Pas
du tout, en tout cas, pas à ma connaissance. Les tables ou les directions, de
façon régionale ou sectorielle, directement… Les directions qui sont
interpelées dans des dossiers directement, non. On est partie prenante. Une
fois qu'un dossier est ouvert, une fois qu'une enquête est en branle, à un
certain point, oui, mais il y a d'autres choses qui peuvent être faites, oui.
• (11 h 30) •
M. Carmant : J'espère que les
changements qu'on apporte à la loi, au niveau de la confidentialité, pourront
aider. Ça, c'est un très grand point. Bon, parlons-en, des absences répétées.
Quels sont les critères de non-fréquentation scolaire qui mènent à un
signalement? Parce que, pendant la pandémie, on a vu une explosion, là, de ces
signalements-là. Est-ce qu'il y a des... C'est quoi, c'est comme deux jours pas
à l'école sans avertir? Comment vous gérez ça ou est-ce que ça varie d'un
établissement à l'autre?
M. Prévost (Nicolas) : Il n'y
a pas de critère, là, écrit ou prescrit par aucune loi ou peu importe, donc c'est
vraiment par la gestion de chaque établissement scolaire. Bien entendu, bon, ça
peut effectivement varier d'un établissement à l'autre, mais je vous dirais… Là,
il faut... Quand on va faire un signalement au niveau de la protection de la
jeunesse concernant des absences des élèves, c'est vraiment dans des cas, là,
où on a une absence prolongée, là, sans motif raisonnable. Puis là on peut vous
parler, là, de semaines, là, un exemple, un deux semaines ou, encore là, des
absences ponctuelles, tu sais, une à deux journées par semaine, mais qui sont
sur une... tu sais, qui sont sur une durée quand même importante, et surtout
avec des motifs d'absence qui ne nous apparaissent pas justifiés.
Maintenant, il n'y a pas de... Il n'y a
pas… Mais je tiens à souligner que c'est effectivement, pour nous, une
problématique de... Pour faire un bon... Il n'y a pas de mauvais ou de bon
signalement. Ce n'est pas ce que je veux dire. Mais, pour s'assurer de faire
les choses correctement, il faudrait aussi connaître les critères, tous les
critères qui sont d'office. Là, nous, on y va avec le personnel qu'on a dans
nos établissements, qui ont des connaissances plus fines, nos psychologues, nos
psychoéducateurs, qui nous servent de référents à ce niveau-là, mais on n'a pas
de retour, comme Mme Joyal le disait tantôt, quand ce n'est pas retenu.
Pourquoi? Donc, ça nous aiderait peut-être à comprendre et à mieux... à faire
des signalements de façon différente.
M. Carmant : Puis, moi, les
DPJ me disent que, pendant la pandémie, un des gains qu'on a faits, c'est qu'on
a eu ce rapprochement entre la protection de la jeunesse et le réseau scolaire.
Êtes-vous d'accord ou il y a encore beaucoup de pas à faire?
M. Prévost (Nicolas) : Oui,
il y a eu un certain rapprochement, mais il y a encore beaucoup de pas à faire,
M. le ministre. Et la pierre n'est pas seulement dans la cour de la DPJ, là. La
pierre est aussi dans la cour du réseau scolaire, là. On n'est pas sans faute
ou sans tache dans tout ça, nous, non plus, là. Des fois, c'est dans notre
propre réseau qu'on aurait à clarifier et à stabiliser certaines choses pour
améliorer cette collaboration-là, parce que, qui dit collaboration… Ça se fait
à deux, là, ce n'est pas seulement de lancer la pierre dans les réseaux sociaux
puis dire… tu sais. Donc, nous aussi, on a des modifications à faire puis des
changements à faire. Je ne sais pas si, Élizabeth, tu voulais...
Mme Joyal (Élizabeth) : C'est
ça.
M. Carmant : Et, si vous
auriez une recommandation, une demande pour faciliter ce rapprochement, qu'est-ce
que ce serait?
M. Prévost (Nicolas) : Bien,
on voit, dans le projet de loi, que le directeur national a quand même un rôle
d'établir des forums, forums de discussion, bon, avec les différents
intervenants aux niveaux régionaux, entre autres, mais nous, on croit qu'il
serait pertinent que quelqu'un du réseau scolaire puisse... parce qu'on voit,
dans le projet de loi, qu'il y a quand même une certaine latitude au directeur
national de choisir les gens qui pourraient être présents. Je pense, ce serait
très pertinent qu'il y ait quelqu'un qui représente le réseau scolaire
justement pour qu'il y ait cet arrimage-là puis une discussion pour qu'on
puisse... que ça se répercute sur le terrain.
M. Carmant : D'accord, j'ai
bien entendu. Est-ce que…
11 h 30 (version révisée)
M. Carmant : ...d'accord, j'ai
bien entendu. Est-ce que... Comment on pourrait... Est-ce qu'on devrait... Mais
peut-être qu'ils n'ont pas le temps non plus, là, puis je comprendrais très
bien. Les... justement, les professionnels dont vous parlez, qui sont dans les
écoles, est-ce qu'ils pourraient contribuer plus? Est-ce qu'il y aurait moyen
de travailler avec eux, quand je parlais de collaboration de première ligne,
milieu scolaire, par exemple, ou...
Mme Joyal (Élizabeth) : Oui.
Il y a toujours façon de collaborer, j'ai envie de dire. Ce n'est pas qu'il y a
une non-collaboration, c'est qu'elle n'est peut-être pas sur une base
suffisamment fréquente. Puis ce qui s'échange, aussi, est très important. Donc,
vous en parliez tantôt, la portion de la confidentialité vient jouer, mais est-ce
qu'on peut impliquer davantage les professionnels? Assurément. Ils sont d'ailleurs
impliqués à chaque fois qu'il y a un dossier pour les élèves, ça ne relève pas
entièrement de la direction de l'école. Évidemment, ce sont tous les
intervenants de l'école qui sont impliqués à ce moment-là.
M. Carmant : D'accord.
Donc, les signalements sont... il y a un certain protocole pour signaler. Ce n'est
pas comme : le professeur prend le téléphone, là.
Mme Joyal (Élizabeth) : Ça
peut être le professeur prend le téléphone aussi, mais il y a toujours échange,
dans l'équipe-école, sur une situation pour un élève. Après ça, on détermine
qui doit faire l'appel, là. Mais ça, ça peut varier d'un établissement à l'autre,
ce n'est pas un protocole établi de façon formelle, dans les CSS ou au sein
même des établissements, ça peut varier.
M. Carmant : Parfait.
Merci beaucoup. M. le Président, avec votre consentement, je passerai la parole
à la députée de Soulanges.
Le Président (M. Provençal)
:Oui. Mme la députée, à vous.
Mme Picard : Merci, M.
le Président. Le projet de loi prévoit des mesures de transition et d'accompagnement
personnalisé pour les jeunes sous la protection qui atteignent l'âge adulte. On
connaît l'importance de l'éducation et de la formation professionnelle pour
assurer un avenir à ces jeunes et favoriser leur autonomie. Quel rôle peuvent
jouer les directions d'établissement dans ces mesures de transition et d'accompagnement
personnalisé?
M. Prévost (Nicolas) : Bien,
tout d'abord, il faut souligner que c'est une bonne nouvelle, maintenant, qu'il
y ait cet accompagnement-là qui se poursuit sur une plus longue période, là,
avec les élèves qui sont plus vieux et qui, oui, fréquentent nos
établissements, là, en formation générale des adultes et en formation
professionnelle. Le rôle de la direction d'établissement va être sensiblement
le même, que l'on... même si l'élève est plus vieux. Il y a quand même un rôle
important d'un suivi à travers ces établissements-là que sont la formation
générale des adultes et de formation professionnelle, de s'assurer quand même d'un
suivi, d'une mise en place des actions qui ont été déterminées par la
protection de la jeunesse et, souvent, des actions qui sont mises en place dans
l'établissement scolaire.
Et ça m'amène... la question est très
pertinente, ça m'amène sur l'enjeu de... collaboratif, encore, mais sur l'enjeu
de... Il y a des plans d'intervention, souvent, dans nos établissements
scolaires et il y a des plans d'action au niveau, souvent, de la protection de
la jeunesse. Et encore là, souvent, trop souvent malheureusement, il n'y a pas
de concordance entre les deux plans d'action qui devraient se parler, en
quelque part. Parce que les moyens qui sont mis en protection de la jeunesse
devraient se poursuivre dans le milieu scolaire, et ce qui est mis en place
dans le milieu scolaire devrait avoir un certain suivi au niveau familial, au
niveau de la santé et des services sociaux aussi.
Donc, on a deux... tu sais, deux gens qui...
deux instances qui travaillent très, très fort à mettre en place des choses,
mais malheureusement, pas assez souvent, les deux... il y a croisement dans les
plans d'action, et ça se répercute aussi aux adultes et en formation
professionnelle. Parce que, là, ce n'est pas parce que ces élèves-là sont plus
vieux qu'ils n'ont pas besoin d'un suivi et d'un encadrement de la part... Et c'est
le rôle de la direction de s'en assurer.
Mme Picard : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Il reste 20 secondes. Ça va?
Alors, merci beaucoup, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à la
députée de Notre-Dame-de-Grâce pour les 10 min 10 s suivantes.
Mme Weil : Merci, M. Prévost,
Mme Joyal. Et comme le ministre, je vais vous dire que... très, très
contente que vous soyez là. Et vous savez, comme députés, on est sur le
terrain, il y a des organismes communautaires et l'école... Ça va mieux, là,
comme ça? Et c'est l'école qui est vraiment le centre de vie dans une
communauté. Et j'ai découvert récemment, puis ce n'est pas le programme
provincial, mais c'est un programme de la ville de Montréal, qui identifie,
avec les commissions scolaires — ce n'est plus des commissions
scolaires, mais les centres — ...je pense c'était avec les
commissions scolaires, mais le programme existe toujours, pour identifier les
familles vulnérables. C'est comme ça que c'est dit. Et moi, je suis allée
visiter ce centre, je ne connaissais pas le programme. Et donc le centre
communautaire <organise...
Mme Weil :
...vulnérables.
C'est comme ça que c'est dit. Et moi, je suis allée visiter ce centre, je ne
connaissais pas le programme. Et donc le centre communautaire >organise des
événements pour l'été, ils font un peu de... C'est surtout beaucoup de jeunes
Noirs, mais plus anglophones. Donc, il y a des cours de français, ils font un
peu d'activité physique. En tout cas, c'est extraordinaire. C'est le centre
Loyola. Et c'est un organisme, vraiment, là, qui a toujours besoin de
financement, etc. Vous savez, tous les organismes communautaires cherchent de
l'argent, mais ça donne des résultats.
Alors... et il y a 20 ans, j'étais à
la régie régionale... Juste pour vous expliquer pourquoi je pense que nous deux,
le ministre et moi, et tous ceux qui sont ici, on est contents de vous recevoir.
Il y a 20 ans, quand on avait de la régionalisation, j'étais à la régie
régionale de Montréal, et on voulait faire, avec la Santé publique, qui était
régionalisée à l'époque, parce qu'on avait identifié les poches de
vulnérabilité partout à Montréal, un «reaching out» vers le système scolaire,
parce qu'on se disait : On ne peut pas faire ça tout seul. Ça n'a pas été
possible à l'époque. Donc, vous mettez le doigt sur quelque chose de bien
important, donc comment faire en sorte que...
Et c'est plusieurs partenaires. Il y a
DPJ, mais il y a la prévention, les organismes communautaires, comme disait le
ministre. Comment... Vous allez peut-être vous répéter, mais je veux bien comprendre.
Qui vous voyez à cette table, bien, c'est-à-dire, dans cet effort pour créer
cette société bienveillante, comme la commission spéciale nous recommande? Et
vous êtes au coeur de ça, hein, vraiment au coeur, vous voyez les enfants et
les parents tous les jours. Qui vous voyez, dans cette... les acteurs qui
peuvent faire une différence, s'ils sont en communication? Vous, vous avez
mentionné DPJ, ça, je le comprends, vous faites des signalements, mais parmi
les autres acteurs qui seraient importants pour vous, au-delà des
professionnels.
• (11 h 40) •
M. Prévost (Nicolas) : Bien,
je crois, comme vous l'avez mentionné, que l'école étant le milieu de vie de
ces enfants-là quotidiennement, bon, j'ai un peu... tantôt, en vous disant que,
sur le... bon, le directeur national, je pense que, oui, il devrait avoir... Puis,
quand je parle quelqu'un du réseau scolaire, je parle de quelqu'un du réseau
terrain. Et ce que je veux expliquer, c'est qu'il y a des gens qui sont dans
les centres de services, qui font de l'excellent boulot, mais ils ne sont pas
sur le terrain des vaches, à vivre des situations dans nos écoles.
Vous avez parlé des professionnels. Je
vois effectivement un lien quand même assez direct, c'est nos référents, on l'a
dit, c'est eux qui ont le plus de connaissances à ce niveau-là, donc ça peut
être eux. Mais, si on va au-delà de ça, moi, je vois vraiment le rôle aussi
d'une direction d'établissement qui a, je vous dirais, une vue d'ensemble,
aussi, de ce qui se passe dans l'établissement, qui a peut-être moins la vue
compartimentée que l'avis de l'enseignant, de l'éducatrice du service de garde,
donc, cette vue plus globale là. Puis, je vois aussi une présence, pas
seulement au niveau national, mais aussi au niveau régional, de vraiment
rapprocher les deux groupes.
Mme Weil : ...puis c'est sûr
que je ne pose pas trop de questions sur comment ils se sont retrouvés, mais
les travailleuses sociales des CISSS et CIUSSS qui sont aussi, des fois... ils
sont interpellés, parfois, ils connaissent... Bien, chez nous, en tout cas,
N.D.G, Côte-des-Neiges, ils semblent bien connaître leur milieu, mais ils
comptent beaucoup sur les organismes communautaires pour les allumer. Ils connaissent
la DPJ, ils sont... Donc, il y a des choses qui se passent dans certains... Il
faudrait repérer les efforts qui ont été faits.
Vous, est-ce que vous faites... Donc,
vous, vous allez à la DPJ surtout, hein, c'est ça, votre... Et je comprends, je
comprends, même s'il y a trop de signalements, mieux vaut être, comment dire,
sûr que de prendre des chances, hein? Alors, moi, je comprends tout à fait ce
réflexe. Et je l'ai appris lors de la COVID, la première vague, l'étude qui a
été faite, parce qu'il y avait eu une baisse de signalements, et, quand l'école
a repris, on a vu que l'école joue un rôle très important.
Donc, essentiellement, je vais laisser...
Je veux juste d'être sûre que... parce que c'est vraiment une occasion en or de
vous avoir, mais je vais... Oui, vas-y avec ta question. Avec la permission du
président...
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, à vous la parole.
Mme Robitaille : Merci, M. le
Président. Bien, Mme Joyal, M. Prévost, merci d'être là. C'est vraiment
important. Comme disait ma collègue, l'école est vraiment un centre de vie,
hein, pour nos jeunes. J'aimerais qu'on se parle de la confidentialité. Le
ministre en a parlé tout à l'heure, mais je pense que c'est une question très
importante. Et puis vous en parlez aussi dans votre mémoire, vous dites :
«La loi devrait empêcher qu'un parent <choisisse de ne pas...
Mme Robitaille :
...question très importante. Et puis vous en parlez aussi dans votre mémoire,
vous dites : «La loi devrait empêcher qu'un parent >choisisse de ne
pas divulguer certaines informations en prétextant leur confidentialité,
lorsque la sécurité d'un enfant est en cause.» Bien, évidemment, c'est un sujet
délicat. Il y aura des amendements, aussi, qui vont chercher à circonscrire
autrement la confidentialité. Jusqu'où... Est-ce qu'on devrait interpréter la
définition de «confidentialité» d'une façon plus large qu'elle l'était avant?
Puis jusqu'où on peut aller? Donnez-nous un petit peu des...
Mme Joyal (Élizabeth) :
J'ai envie de vous répondre qu'on veut être partie prenante de cette
confidentialité-là, comme direction d'école. Là, je m'exprime comme une
directrice. Nous allons tenir cette confidentialité-là, aussi, au regard des
informations qui pourraient nous être transmises. On comprendrait aussi qu'on
ne va pas nous donner la totalité des infos.
Ceci étant dit, les propos qui sont
mentionnés dans ce mémoire font référence à des situations vécues déjà. C'est-à-dire
un élève nous est confié, il change de milieu, il arrive dans notre école, et,
parce qu'un parent ne souhaite pas divulguer certaines portions d'informations,
on n'y aura pas accès. Et c'est à ce moment-là que, des fois, les interventions
qui peuvent être mises en place ou les réactions qu'on pourrait avoir dans le
milieu pour bien traiter le dossier ne nous seront pas acheminées, et ce sera
le parent qui en aura décidé.
Je questionne qui devrait être le gardien
de ce qui doit être communiqué ou pas. Dans ce cas-ci, ce que j'en comprends, c'est
que, maintenant, c'est le parent qui en fait le choix. Est-ce que ça ne
pourrait pas plutôt être l'intervenant, l'agent porteur du dossier, je
questionne ça, pour, au final, mieux traiter un dossier d'élève puis se
retrouver avec un dossier bien traité pour cet enfant-là, l'enfant au cœur de
la décision? Le parent, on comprend qu'il a des droits au regard de tout ça, mais
qu'en sera-t-il de ce que nous pourrons faire pour cet enfant?
Mme Robitaille : Est-ce
que l'enfant devrait avoir plus de pouvoirs? Je m'explique. Parce que c'est sûr
qu'au primaire peut-être que c'est plus délicat, mais, quand il est adolescent,
est-ce qu'il ne devrait pas avoir plus de pouvoirs à savoir quoi partager et,
si on lui pose des questions à l'école, pouvoir répondre librement aux
questions qu'on lui pose?
Mme Joyal (Élizabeth) :
Bien, tu sais, à l'école, l'enfant qui est questionné choisit de donner des
réponses ou de ne pas en donner. Quand nous, on fait référence à la
confidentialité, on parle de celle qui nous sera communiquée de façon
officielle et de façon vérifiée. Donc, les élèves, même au primaire,
choisissent de s'exprimer, des fois pas. Les propos ne sont pas nécessairement
invalides, mais ils valent toujours mieux... qu'ils soient vérifiés par un
intervenant qui est dans ce dossier-là et qui s'implique. Donc, à partir de là,
c'est plutôt quand le parent choisit de dire : Bien, je ne veux pas qu'on
dise ça. Si ça peut être nuisible au développement, au traitement, pourquoi
gardons-nous la chose confidentielle, alors qu'elle pourrait être utile? Dans
certaines autres situations, ce n'est pas grave qu'on n'ait pas l'info. On ne
veut pas nécessairement dire qu'on veut tout, mais on veut le maximum pour
pouvoir bien faire les choses.
Mme Robitaille : Donc,
si je vous entends comme il faut, le parent ne devrait pas avoir le pouvoir
absolu de décider qu'est-ce qui doit être dit et pas dit. L'intervenant
pourrait aussi avoir un certain pouvoir, dans certains cas, à confier, là, à l'école
certains éléments importants?
Mme Joyal (Élizabeth) :
L'enfant au coeur de la décision.
Mme Robitaille : En ce
moment, là, dans les... pratico-pratique, là, est-ce que les intervenants de la
DPJ ont souvent des rapports directs avec l'école?
M. Prévost (Nicolas) :
Avec les intervenants de l'école, à l'heure où on se parle, oui, mais très peu,
dans le sens où les intervenants de la protection de la jeunesse vont se
manifester, là, dans un établissement scolaire. Ils sont surtout là dans un but
de rencontre avec l'enfant, il y a très peu d'échange, très, très peu d'échange
avec les intervenants scolaires lors des visites de la protection de la
jeunesse. Et l'inverse est aussi vrai de notre côté, là, tu sais? Comme je vous
dis, nous, on a des affaires aussi à faire, on a des changements à faire aussi
pour transférer l'information qu'on a à l'école vers la protection de la
jeunesse aussi. Mais il y a très, très peu, très, très peu de communication.
Mme Robitaille : Donc,
vous en voudriez beaucoup plus, là, un changement de paradigme, là, pour qu'il y
ait plus d'échanges, plus de fluidité entre les différents partenaires?
M. Prévost (Nicolas) :
Écoutez, j'ai été direction d'établissement pendant 21 ans, et très <rarement
on sait...
Mme Robitaille :
...partenaires?
M. Prévost (Nicolas) :
Écoutez, j'ai été direction d'établissement pendant 21 ans, et très >rarement
on sait quand les intervenants de la DPJ vont venir à l'école, là. Un matin,
ils cognent, ils viennent voir notre secrétaire puis ils disent : Aujourd'hui,
je viens rendre visite à tel élève. Donc, on l'apprend là.
Mme Robitaille : Mais un
enseignant ne pourrait pas appeler un intervenant directement, disons qu'il
sent que quelque chose ne va pas ou... Il n'y a pas d'échange direct,
nécessairement?
M. Prévost (Nicolas) : Oui.
Bien, le personnel scolaire pourrait aussi, quand même, communiquer directement
avec l'intervenante, s'il y avait des modifications dans le comportement de l'élève,
exemple. Tu sais, souvent, on a le nom, quand même, de l'intervenante qui s'occupe
du dossier. Mais il y a très, très peu d'échange, là, des deux côtés.
Mme Robitaille : Merci. Donc,
ce serait à favoriser?
M. Prévost (Nicolas) :
Définitivement.
Mme Robitaille : O.K.
Parfait. Merci. Vas-y.
Le Président (M. Provençal)
: Merci.
• (11 h 50) •
Mme Weil : Je connais
moins... Excusez-moi, ça va... Je connais moins comment ça fonctionne dans le
système scolaire, mais donc... Parce qu'on a beaucoup parlé hier de, justement,
cette question de sensibilité par rapport à certaines informations et, tout de
même, protéger l'enfant à long terme, même, sa réputation, etc. Donc, ça a été
recommandé par des ordres professionnels qui sont venus hier, des
psychoéducateurs, qu'il y a moyen de faire en sorte de transférer l'information
d'un professionnel, membre d'un ordre professionnel, à l'autre. Parce que
chacun a cette sensibilité, cette formation pour savoir, O.K., quelle
information devrait être transmise et comment. Est-ce que vous voyez ça dans
votre milieu, éventuellement? Parce qu'il y aura certainement, bon, des
discussions au ministère, un règlement, etc., sur comment cette disposition de
la loi va s'actualiser. Que pensez-vous de cette approche-là, au lieu de
laisser ça entre les mains de la famille qui va peut-être vouloir peu dire, on
ne sait pas, mais de professionnel en professionnel, d'une institution à l'autre?
M. Prévost (Nicolas) : Sans
ouvrir les valves, là, complètement, il ne faut pas non plus être réfractaires
à... Tu sais, je comprends nos professionnels, là, on discute souvent avec eux,
puis, oh! tu sais, là, sous le couvert de l'ordre professionnel, de transmettre
les informations, puis qu'ils veulent le faire avec les bonnes personnes, au
bon moment... Mais il ne faut pas freiner ça non plus, là. Tu sais, il ne faut
pas ouvrir, bon, que ça devienne public, mais il faut encourager ce discours-là
que plus les gens seront au courant et mieux on va pouvoir intervenir avec l'enfant.
Donc, oui, bien, il y a encore du travail à faire à ce niveau-là. C'est, à
notre avis, encore assez fermé.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons poursuivre avec le député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup. Je voudrais continuer sur la question de la
confidentialité. Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples de choses
qui peuvent arriver parce qu'il y a un manque de communication ou parce que,
disons, la confidentialité a été, disons, interprétée avec des critères trop serrés,
là, puis qu'il vous a manqué de l'information, puis que ça a entraîné des
préjudices pour l'enfant?
M. Prévost (Nicolas) : Oui,
je peux vous donner des exemples très concrets.
M. Zanetti : Sans nommer les
noms, évidemment.
M. Prévost (Nicolas) : Non,
non, non. Très souvent, dans les milieux défavorisés, on voit l'arrivée de
nouveaux étudiants, dans nos établissements, parce qu'ils ont été placés dans
une famille d'accueil. Le dossier scolaire va suivre très rapidement, mais le
dossier d'aide, donc tout ce qui a trait aux services, justement, d'encadrement
au niveau psychosocial ou comportemental, lui, il ne suit pas ce dossier-là,
tant que les professionnels ne s'échangent pas l'information, parce que le
professionnel ne veut pas le faire avec la direction d'école ou ne veut pas le
faire avec l'enseignant.
Donc, on a un nouvel élève qui est là, j'ai
ses notes de bulletin, je sais que l'élève vit des difficultés, mais je suis...
je ne peux pas... le plan d'intervention ne suit pas, il y a des choses qui ne
suivent pas, parce que, sous l'aspect... sous la raison de la confidentialité,
les gens ne veulent pas transférer tout de suite. Et parfois je dois vous dire
que le transfert entre professionnels, ça peut prendre beaucoup de temps avant
que ça se fasse. Pas parce que ce n'est pas un souci qu'ils ont de le faire,
mais, bon, vous connaissez, comme nous tous, là, l'enjeu des professionnels
dans le réseau scolaire...
M. Zanetti : Ils sont dans le
jus.
M. Prévost (Nicolas) : ...qui
font parfois cinq, six, sept, huit établissements scolaires, là. Donc, on vit
avec cet enjeu-là de confidentialité qui part... et là on n'est pas capables de
mettre en place rapidement des choses qui pourraient aider l'élève dans son
cheminement.
M. Zanetti : Et, dans le
scénario, par exemple, ou le plan d'intervention suivrait le dossier de l'élève,
là, le dossier normal, comment est-ce que... qui aurait accès à ça? C'est-à-dire
que j'imagine que ce n'est pas : vous le recevez puis là vous le <mettez
sur votre...
M. Zanetti :
...aurait
accès à ça? C'est-à-dire que j'imagine que ce n'est pas : vous le recevez
puis là vous le >mettez sur votre site Internet, là. C'est dans un
dossier, puis là il y a les directeurs qui peuvent le voir. L'enseignant qui...
Dans le fond, comment est-ce que vous pouvez assurer la confidentialité de ces
données là confidentielles que vous recevriez?
M. Prévost (Nicolas) : Oui. L'accès
au dossier d'aide, là, elle est très... je vous dirais, elle est accessible seulement
aux intervenants, donc directions d'école, enseignants et les intervenants qui
sont... qui ont à travailler avec l'élève. Seulement ces personnes-là ont accès
au dossier d'aide. Sinon, ce n'est pas... il n'y a pas d'autre accès.
M. Zanetti : O.K. Puis ce que
ça permettrait de faire, si je comprends bien, c'est que ça permettrait de
mettre en oeuvre le plan d'action plus rapidement, de soutenir l'élève plus
rapidement, sinon, bien, il peut y avoir un trou de service de trois mois,
six mois, peut être?
Mme Joyal (Élizabeth) : ...
M. Zanetti : Des erreurs d'intervention?
Comme par exemple, mettons...
Mme Joyal (Élizabeth) : Bien,
je ne sais pas, tout dépendant ce qu'un enfant peut vivre puis la raison pour
laquelle on l'a déplacé. Il y a des enjeux importants de diverses natures. Il y
a des erreurs qui peuvent être commises involontairement par des intervenants,
en mentionnant des choses, en suggérant des choses, en ne sachant pas ce que l'élève
a vécu. Donc, à partir de là, je pense que, pour améliorer la qualité de l'intervention,
si l'info se transmet rapidement, nous, on évite ces erreurs-là puis on assure
la qualité des services auxquels on est tenus, là.
M. Zanetti : Puis, dans les
choses dangereuses qui peuvent arriver, là, qu'est-ce qu'on peut... Qu'est-ce
qui peut arriver, mettons, qui est... parce que vous ne savez pas qu'un tel
parent, mettons est violent, puis là, bien, vous le contactez, puis là, je ne
sais pas... Qu'est ce qui peut arriver de...
M. Prévost (Nicolas) : Bien,
qui a accès, qui peut contacter l'élève en question, déjà, là.
M. Zanetti : O.K. Ça, il
faut... Ça vous ne le savez même pas?
M. Prévost (Nicolas) : Bien
non, des fois, on l'apprend très tard, trop tard. Certaines interventions,
comme Mme Joyal le dit, interventions de niveau pédagogique, des fois, l'élève,
sur certains retards d'apprentissage ou qui ne sont pas connus ou soumis, qui
amènent des troubles de comportement, exemple... Mais, si on confronte l'élève
à ses troubles d'apprentissage directement, bien là, on fait exploser l'élève.
Donc, si on était en amont, bien, on éviterait ce type d'intervention là.
Puis j'attirerais aussi votre attention
sur une partie du mémoire, sur les enfants qui sont scolarisés à la maison, parce
qu'on en a de plus en plus, de demandes de scolarisation à la maison. Donc, l'enfant
fait une demande de scolarisation à la maison; pour nous, au niveau scolaire,
on n'a plus de suivi, aucun. Donc, je pense qu'il y aurait des choses
importantes à aller voir à ce niveau-là aussi.
Le Président (M. Provençal)
: Merci.
M. Zanetti : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, je remercie Mme Joyal et M. Prévost pour leur
contribution à nos travaux.
Je suspends les travaux pour pouvoir
laisser place à la prochaine intervenante. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 56)
12 h (version révisée)
(Reprise à 12 h 05)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux. Je
souhaite maintenant la bienvenue à Mme Geneviève Rioux, présidente de la
Fédération des familles d'accueil et ressources intermédiaires du Québec, et
Mme Rioux est accompagnée de Me Mylène Leblanc. Alors, vous disposez de 10
minutes pour votre présentation, et par la suite nous allons procéder aux
échanges. Alors, je vous cède la parole, puis je vous demanderais de vous
renommer, s'il vous plaît. Merci.
Mme Rioux (Geneviève) : Parfait.
Mme Geneviève Rioux, présidente de la Fédération des familles d'accueil et
ressources intermédiaires du Québec. La fédération tient à remercier les
membres de la commission de lui permettre d'exprimer les commentaires et les
demandes des familles d'accueil dans le cadre du projet de loi n° 15. Dans ce
contexte, la fédération fait de nouveau valoir la position de ses membres, mais
cette fois, particulièrement, elle se fait gardienne de l'intérêt des enfants.
Seul regroupement exclusivement dédié à la défense et au soutien des familles d'accueil
à l'enfance du Québec, la fédération représente 2 600 familles d'accueil,
mais surtout elle représente plus de 5 000 enfants partout au Québec.
C'est portés par nos familles d'accueil
inspirantes et bienveillantes que d'entrée de jeu nous constatons que le projet
de loi concrétise, sans plus, l'état actuel du droit de la jeunesse au Québec.
C'est insuffisant. Nous vous remercions d'avoir mis en avant et rapidement
cette priorité d'un grand changement nécessaire, mais nous déplorons que le
projet de loi n° 15 ne soit pas à la hauteur de l'intérêt
des enfants. Il n'est ni créateur de droits ni de mesures de contrôle des
agissements de la direction de la protection de la jeunesse et il relègue aux
oubliettes une réelle commission des droits des enfants. Les attentes des
familles d'accueil des enfants du Québec sont nombreuses et légitimes face à un
projet de loi qui doit être novateur.
Le but de ces consultations particulières
étant de bonifier le projet de loi, la FFARIQ propose dans son mémoire des
modifications que nous jugeons urgentes et essentielles pour les enfants. Afin
d'offrir un filet social sécurisant et bienveillant à nos enfants, chacun a un
rôle déterminant à jouer. La FFARIQ croit que les règles claires, précises
doivent être établies, et tous les acteurs entourant nos enfants se sentiront
concernés et concertés dans une société bienveillante pour eux. Les enfants d'aujourd'hui
sont l'avenir de notre société, nous devons les entourer et leur garantir un
bien-être. Les personnes investies dans le quotidien des enfants, dans leur
environnement propre doivent être impliquées et reconnues dans leur rôle de
protection. Afin que tous ces acteurs se sentent concernés, nous sommes d'avis
qu'un changement de culture significatif doit être apporté en lien avec <les
principes de divulgation des renseignements et de la confidentialité...
Mme Rioux (Geneviève) :
Afin
que tous ces acteurs se sentent concernés, nous sommes d'avis qu'un changement
de culture significatif doit être apporté en lien avec >les principes de
divulgation des renseignements et de la confidentialité. Tels que décrit dans
le rapport de la commission Laurent, ces principes sont complexes et mal
appliqués, les règles de la confidentialité nuisent à la collaboration. Il est
nécessaire qu'un réel transport d'informations à tous les acteurs puisse être
possible pour orienter des pratiques professionnelles centrées sur l'intérêt de
l'enfant.
Nous vous remercions de vouloir inclure
les familles d'accueil dans votre projet de loi, mais, pour nous, lorsque l'on
fait mention de toute personne, à l'article actuel, déjà, les familles d'accueil
ainsi que les professionnels entourant les enfants en faisaient partie.
Cependant, les directeurs de la protection de la jeunesse ne doivent plus être
les décideurs quant à la divulgation d'informations. C'est pourquoi vous devez
modifier le «peuvent» par un «doivent» clair et sans ambiguïté.
La CDPDJ, dans le cadre de son mandat,
possède de nombreuses responsabilités, incluant celle d'intervenir au débat
judiciaire comme si elle était partie. Toutefois, force est de constater que la
CDPDJ est quasi absente de la scène judiciaire telle que dénoncée par plusieurs
juges, auteurs et la communauté judiciaire. La FFARIQ est d'avis que l'organisme
chargé de la mission et investi des pouvoirs de la CDPDJ devrait être un
organisme dédié exclusivement aux enfants. En effet, la CDPDJ est loin d'avoir
comme unique mission d'assurer le respect des droits des enfants. Bien qu'à
première vue, il pourrait y avoir certains avantages qu'un même organisme
traite à la fois des plaintes en lien avec la charte ainsi que les demandes en
vertu de la LPJ, nous n'identifions aucune valeur ajoutée à cette situation
dans la pratique.
• (12 h 10) •
Dans un contexte comme le recommande le
rapport de la commission Laurent, dans un souci de cohérence et d'efficacité,
la fédération croit que l'ensemble des pouvoirs et mandats de la CDPDJ
devraient être transférés à un nouvel organisme pouvant se consacrer
entièrement et exclusivement à la défense des droits des enfants et
représentatif des nombreuses particularités de la jeunesse du Québec. Cet
organisme doit être autonome, indépendant et impliqué et voir le jour sans tarder.
Cet organisme doit être le réel gardien de nos enfants.
La FFARIQ recommande que la Direction de
la protection de la jeunesse soit indépendante des CISSS et CIUSSS et qu'elle
ait sa propre administration pour assurer à l'institution son impartialité et
son indépendance. Ainsi, elle aurait ses propres budgets, ses propres règles et
ne serait pas tributaire d'un autre organisme. Dans le but d'incarner davantage
la protection de l'enfant, le directeur devrait être imputable et devrait
rendre des comptes au ministre de la Santé et des Services sociaux.
Il ne faut pas oublier que le directeur de
la protection de la jeunesse intervient dans un contexte d'autorité, que le
pouvoir de l'État doit être adéquatement balisé, ce qui n'est pas le cas
actuellement. L'article 35 de la LPJ se lit ainsi : Le directeur et
toute personne qui agit en vertu des articles 32 ou 33 ne peuvent être
poursuivis en justice pour des actes accomplis de bonne foi. Dans ce contexte,
malgré l'existence de jugements de la Chambre de la jeunesse dans lequel sont
dénoncés de graves manquements du directeur, celui-ci n'est pratiquement jamais
tenu civilement responsable de ses fautes. Les dommages causés à des enfants, à
leurs parents et à toute personne, incluant des familles d'accueil, demeurent
ainsi trop souvent non assumés. Nous sommes d'avis que l'article 35 doit
être modifié afin que le directeur puisse répondre civilement de ses actes,
assurer le respect des droits et nécessairement une meilleure protection pour
nos enfants. Le DPJ a l'obligation de soumettre un portrait complet et franc de
l'ensemble de la situation d'un enfant, peu importe ses prétentions. Il n'a pas
de cause à gagner et l'intérêt de l'enfant doit toujours primer. En dernier
ressort, c'est le tribunal qui doit trancher, tel que mentionné dans un
jugement. L'omission d'informations ou son partage déficient sont aussi
publiquement dénoncés. Trop souvent, ces principes ont été bafoués au détriment
des enfants.
À notre avis, il est nécessaire que le
projet de loi n° 5 introduise un article faisant
de ces principes un pilier pour les directeurs de la protection de la jeunesse.
L'introduction du nouvel article 83, en 2016, a permis de bonifier la
preuve présentée au tribunal afin que le tribunal puisse entendre le meilleur
intérêt de l'enfant. Les années passées ont créé de la jurisprudence importante
et déterminante pour les enfants. La FFARIQ tient à souligner le travail
important de la magistrature dans leur intérêt. Certains flous demeurent,
parfois, et malheureusement, <ça crée des délais au niveau juridique...
Mme Rioux (Geneviève) :
...leur intérêt. Certains flous demeurent, parfois, et malheureusement, >ça
crée des délais au niveau juridique. Alors, encore une fois, nous proposons des
éclaircissements à apporter afin que la durée des débats à la cour qui ne
servent pas à l'intérêt des enfants... mais présentement, ce délai sert l'intérêt
du directeur. La FFARIQ propose de bonifier l'article 91 : «La DPJ assure
l'aide, conseils et assistance, non seulement à l'enfant et aux parents, mais à
toutes les personnes.» Actuellement, on offre l'aide aux enfants et aux
parents. Tous les gens qui s'occupent des enfants, bien, ont besoin d'aide,
conseils et assistance aussi. Il s'agit... Une fois hébergés, ce n'est pas une
réponse en soi aux besoins des enfants, il s'agit d'une mesure de protection.
Une fois l'hébergement donné, les besoins ne s'arrêtent pas là pour soutenir l'enfant.
La personne qui en prend charge doit être elle-même soutenue.
L'accompagnement des familles d'accueil
doit… tout comme celui des enfants est défaillant, les conseils inexistants et
l'assistance insuffisante. Si la stabilité de nos enfants est primordiale pour
le législateur, que le projet de loi en est le vecteur, l'aide, les conseils et
l'assistance doivent prendre un grand virage.
Depuis quelques années, on a vu apparaître
plusieurs termes : «confié à», «tiers significatif», «famille d'accueil»,
«famille élargie», «famille d'accueil de proximité»... En connaissance de
cause, on constate que ces différentes appellations et ses dérivés créent
différentes catégories d'enfants selon le statut administratif ou juridique de
la personne qui l'héberge, plus précisément, l'aide financière et le soutien
professionnel pouvant bénéficier à l'enfant varient en fonction de ce statut.
La Chambre de la jeunesse, l'une des divisions de la Cour du Québec, confie un
ou des enfants à une personne, mais c'est l'établissement qui détermine si
celle-ci peut devenir ou rester famille d'accueil. La FFARIQ est témoin quotidiennement
de situations où des enfants confiés à des personnes par les tribunaux ne
reçoivent pas de services, pas d'aide, pas d'assistance, car le directeur
refuse d'accréditer ou bien ferme sans raison valable les familles d'accueil,
malgré qu'un juge avec l'ensemble de la preuve ait choisi de confier l'enfant à
cette personne. La FFARIQ milite donc pour que l'obligation soit insérée dans
la LSSSS et les lois connexes afin que l'enfant confié à toute personne par la
Chambre de la jeunesse se voit octroyer le statut de famille d'accueil dès son
arrivée chez cette personne. Nous croyons fermement que lorsque la Chambre de
la jeunesse décide de confier un enfant à une personne, celle-ci doit
bénéficier, dans l'intérêt supérieur de cet enfant, des moyens pour lui donner
une qualité de vie digne et égale aux autres enfants hébergés en famille d'accueil
du Québec.
On propose aussi d'élargir la définition
du terme «enfant», afin de pouvoir venir aider nos petits devenus grands, c'est-à-dire
nos 18-21 ans. Une personne âgée de moins de 18 ans ou une personne âgée d'au
plus 21 ans qui consent à maintenir son hébergement, soit à son domicile soit à
l'endroit où il est à ses 18 ans, afin de compléter un projet vers l'autonomie,
notamment ses études ou un besoin d'accompagnement vers la vie adulte. La loi
doit être claire. Les jeunes adultes ont le droit à l'équité et au meilleur en
maintenant leur hébergement jusqu'à l'âge de 21 ans. Je vais laisser la parole
à Me Leblanc.
Le Président (M. Provençal)
: Je suis obligé de vous mentionner que... j'ai laissé
couler, étirer le temps, mais votre 10 minutes est déjà terminé depuis un petit
peu. Alors, je m'excuse, je suis obligé de céder la parole à M. le ministre. C'est
lui qui va diriger l'échange maintenant.
M. Carmant : Merci. Puis
merci beaucoup, Mme Rioux, puis je suis sûr que Me Leblanc va pouvoir
participer à la discussion. O.K., je prends bien note de ce que vous nous avez
dit. Je pense que, quand même, je suis fier du projet de loi qu'on dépose, mais
je comprends votre message qu'il faut aller plus loin, puis je pense qu'on est
tous là pour pouvoir aller plus loin.
Premièrement, je pense que je commencerais
par l'intérêt de l'enfant. Quels changements au projet de loi vous dites qui
seraient nécessaires pour l'améliorer? Puis, tu sais, de dire que ça
représente... Que le projet de loi représente l'État de droit actuel, je pense
qu'on a tous entendu des reportages ou des cas concrets où on nous dit que l'intérêt
de l'enfant n'est pas priorisé, là, ça fait que je ne pense pas que c'est
encore le droit actuel. Je pense que, ce qu'on vient faire, c'est l'asseoir,
mais je suis d'accord avec vous, <comment mieux l'asseoir, ça, je suis
prêt à vous entendre là-dessus, là...
M. Carmant :
...Je pense que, ce qu'on vient faire, c'est l'asseoir, mais je suis d'accord
avec vous, >comment mieux l'asseoir, ça, je suis prêt à vous entendre
là-dessus, là.
Mme Leblanc (Mylène) :
Je vais prendre la question. Merci de votre question. En fait, je m'exprime
comme ça, c'est sur deux pans, O.K.? Au niveau de l'intérêt de l'enfant, c'est
un grand concept. Ce qui est fait, actuellement, dans le projet de loi n° 15, effectivement, c'est très bien. Ça, je vais vous le
dire, c'est très bien.
Par contre, moi, je suis une praticienne,
hein, je suis sur le terrain. Donc, quand je vais à la cour, la difficulté avec
tout ça, c'est la portion application. Ce qui est présentement écrit, par
exemple le préambule, l'intérêt de l'enfant, la question de la stabilité, on
parle des articles 3 et 4, le travail que vous avez fait, c'est très bien,
finalement. Par contre, moi, comme juriste, ma difficulté, actuellement, c'est
quand je vais arriver au tribunal. J'avais déjà ça par la Cour suprême, par des
enseignements, et tout ça. Donc, oui, ça envoie un message clair à tous les
alliés pour les enfants. Mais, pour moi, comme juriste qui va aller à la cour
avec ça, ça apporte une tout autre connotation, puis c'est difficilement
applicable.
La proposition qu'on fait avec la FFARIQ,
puis c'est là-dessus que je pense qu'on pourrait...
Une voix : ...
Mme Leblanc (Mylène) :
Excusez-moi, excusez-moi. Qu'on pourrait développer tous ensemble, c'est de se
dire : Bien, allons plus loin. Et, en pratique, je m'excuse, c'est un
anglicisme, mais la «trick», c'est de dire : L'article 4, c'est le
copain de l'article 91.1, ça va ensemble. Donc, ça, ça ne peut pas... Le
principe, c'est 4, mais l'application, moi, quand je vais au tribunal, c'est
91.1. C'est ça, c'est ça... En fait, j'espère que je réponds bien à votre
question, mais c'est ça pour mettre du poids sur le terrain, voilà.
• (12 h 20) •
Une voix : ...
Mme Leblanc (Mylène) :
Je vais faire vite, O.K.
Une voix : ...
Mme Leblanc (Mylène) :
O.K. J'y vais vite. Je vous explique. Je ne saurais pas sans cacher que, ce que
la FFARIQ dit dans son mémoire, un, raccourcir les délais de placement. Les
délais de placement actuels dans 91.1, en fait, la durée que ça prend avant de
donner un placement à majorité est beaucoup trop longue. Parce que, quand on a
6 mois, tu sais, on entend souvent ça théoriquement, le temps. Mais, moi,
quand je représente un petit bébé qui a 10 jours puis que ça fait
10 jours qu'il attend, bien, il a attendu toute sa vie. C'est ça, c'est ça
qu'il faut prendre conscience. Donc, quand tu as six mois puis que ça fait six
mois que tu es en famille d'accueil, tu as attendu toute ta vie, ça fait que tu
as le droit à un projet de vie, toi aussi. C'est ça qu'il faut comprendre.
Donc, raccourcir ces délais-là. Puis je crois que la communauté judiciaire et
les juges sont ouverts à tout ça, la population est ouverte à ça. Puis
peut-être aussi, dans 91.1...
M. Carmant : Attendez.
Est-ce qu'il y a des dangers d'aller trop court, par exemple? Parce que j'imagine
qu'on l'aurait fait avant.
Mme Leblanc (Mylène) :
Oui. Le danger d'aller trop court, c'est de dire : Bien, ça va enlever la
possibilité à des parents, à des gens de se reprendre en main, O.K.? Donc, ce
qu'il faut dire, c'est qu'il faut laisser un temps, mais qui est variable selon
l'âge d'un enfant. Comme je l'ai dit comme exemple 6 mois, quand tu as
6 mois, c'est toute ta vie. 6 mois, quand tu as cinq ans, ça peut avoir
une autre connotation. 6 mois quand tu as presque 40 ans, bien, O.K., tu
sais, c'est... Bon. Alors, c'est dans ce sens-là. Donc, c'est pour ça que les
délais, les mois sont différents selon l'âge de l'enfant. Et c'est déjà le
principe dans la loi.
Maintenant, quand on parle, souvent la
crainte... Je vous explique, c'est une crainte, disons, qui est un peu de la
population générale, mais il ne faut pas oublier... C'est la crainte de se voir
enlever nos enfants, de dire : Ça va aller trop loin, cette loi-là, puis
tout ça. Puis tous les parents ont, un jour, cette réflexion-là. Mais ce qu'il
ne faut pas oublier, c'est que la Loi sur la protection de la jeunesse, c'est
une loi d'exception, donc elle ne s'applique qu'en cas d'exception. Alors, si
ça fait six mois que, par exemple, un enfant n'est plus dans son milieu
familial, donc on applique cette loi-là par exception, et ça fait six mois qu'il
est là, et, à un moment donné, il va falloir statuer. Son parent, il a le
temps, là, de se reprendre en main pendant ce temps-là. Il peut même se
corriger avant l'application de la loi. Et c'est les cas les plus graves aussi,
ce n'est pas des petits cas, c'est les cas graves, l'exception. Voilà. Je ne
sais pas si...
M. Carmant : Ah! c'est
très clair.
Mme Leblanc (Mylène) :
Oui? O.K.
M. Carmant : Est-ce qu'il
y a d'autres choses dans 91 ou on peut passer...
Mme Leblanc (Mylène) :
Oui, O.K. Non, dans 91, ce que je propose, et la FFARIQ aussi, c'est de dire, en
fait, c'est de dire : quand on parle du projet de vie d'un enfant, 91 dans
les derniers paragraphes, <ce n'est pas vraiment important pour l'explication,
mais c'est de dire : ...
Mme Leblanc (Mylène) :
...en fait, c'est de dire : quand on parle du projet de vie d'un enfant,
91 dans les derniers paragraphes, >ce n'est pas vraiment important pour
l'explication, mais c'est de dire : 91 doit... on doit statuer sur un
projet de vie. Alors, il faudrait éclaircir, c'est quoi, un projet de vie.
Est-ce que c'est une adoption? Est-ce que c'est une tutelle? Est-ce que c'est
un placement à majorité? Est-ce que c'est de poursuivre des contacts avec des
parents, même si l'enfant est en famille d'accueil? C'est de permettre au
tribunal qu'on lui présente l'ensemble de la situation et que le tribunal
puisse dire O.K. Cet enfant-là, son intérêt, c'est l'adoption. Cet enfant-là,
son intérêt, oh! c'est des contacts avec sa famille bio, puis d'être en famille
d'accueil en même temps. Oh! cet enfant-là, c'est de retourner dans sa famille
bio puis qu'il n'y a plus de compromis. Tu sais, c'est...
M. Carmant Mais qu'est
ce qu'on présente au juge actuellement?
Mme Leblanc (Mylène) :
En fait, quand on est sur 91.1, on ne présente, je veux dire, bien, finalement,
le projet de vie. Ça peut prendre... Je vais vous donner un exemple de... que j'ai
en tête parce que c'est un de mes dossiers que j'ai faits, ça peut prendre,
entre le placement d'un jour puis une adoption, quatre ans. Puis il n'y a pas
de raison quant à moi. Tu sais, c'est son projet de vie, à l'enfant, bref.
M. Carmant : Mais donc
le clarifier dès le début, ce serait le changement. Non?
Mme Leblanc (Mylène) :
En fait, c'est de clarifier... Quand les délais de placement sont expirés,
quand on va statuer sur le projet de vie, donc, on a laissé les chances et le
temps s'écouler, selon le début de 91.1, et là, on se dit : Et la
stabilité de l'enfant, il faut statuer là-dessus. C'est quoi son projet de vie?
Quand le délai est expiré, c'est malheureux, mais il faut aller de l'avant pour
l'enfant, pour l'intérêt de l'enfant.
M. Carmant : Compris.
91.1, c'est fait?
Mme Leblanc (Mylène) :
Oui, c'est fait.
M. Carmant : Modifier le
«peuvent» par «doivent». Ça aussi, on veut quand même laisser un peu d'autonomie
ou de l'autonomie professionnelle, je veux dire. On essaie d'avoir un bon équilibre.
Qu'est ce qui vous ferait dire que doivent... Parce que si on comprend tous la
loi, parce que le préambule est de... c'est clarifier, pourquoi on doit changer
«peuvent» par «doivent» selon vous?
Mme Rioux (Geneviève) : Ça
fait longtemps que la loi existe, ça fait longtemps que c'est un peuvent. Et c'est
encore problématique dans l'application. On a donné la chance. 91.1, là, le
délai de placement, il est écoulé. Les délais sont expirés. C'est des enfants
actuellement qui, par un manque de transparence, par un manque d'échange d'informations,
qu'on se retrouve avec des difficultés énormes sur le terrain à partager, à
remettre les... à donner les services aux enfants.
Alors, c'est vrai qu'on voudrait laisser
de l'autonomie aux directeurs de la protection de la jeunesse. Ils l'ont eue.
Maintenant, ce qu'on vient dire, c'est : Il faut encadrer. Il faut. Vous
disiez tantôt, 91.1, vous avez nommé. Est-ce que ce n'est pas un peu
inquiétant? Tu sais, les gens... Mais si ça vient avec tout ça, c'est ça vient
à... Quand on arrive en cour, puis qu'on a les bonnes preuves, qu'on a bien
aidé, bien conseillé les parents, bien soutenu l'entourage de l'enfant, qu'on a
tout mis en place, se pourrait-il qu'on n'ait plus besoin du 91.1? Parce que
rendu là, c'est utopique, vous allez me dire, mais si on met en place des
mesures, qu'on arrive dans un tribunal où que tout est clair, les débats sur l'application,
la transparence puis tout ça, ne sont plus utiles, bien, on va... on va centrer
directement sur l'enfant devant le tribunal, et ça va éviter aussi des
dépassements de délais.
Mme Leblanc (Mylène) :
Oui. Puis sur le «doivent» ou le «peuvent», là où le bât blesse, ça s'imbrique
un petit peu avec... Je vous ai écouté, tous, hier, évidemment, mais ça s'imbrique
un petit peu avec toute la question d'un directeur national de la protection de
la jeunesse et toutes ces questions-là parce que, tu sais, dans la question de
l'indépendance du directeur ou de la directrice, ce qu'il faut se dire, c'est
que la personne, en fait, qui détient l'information, en fait, c'est le DPJ. Et
quand il y a un tiers ou une personne comme une famille d'accueil qui la veut,
il devient dans ce processus-là juge et jury... juge et partie, excusez. Donc
ça fait en sorte que c'est aussi le directeur ou la directrice qui décide de
dévoiler ou non ce qu'elle a elle-même collecté ou non. Donc, c'est un peu
un... c'est toute cette transparence-là qu'il faut ouvrir. Bien entendu, ce
n'est pas du voyeurisme, ce n'est pas ça, <c'est dans l'intérêt de l'enfant...
Mme Leblanc (Mylène) :
...c'est toute cette transparence-là qu'il faut ouvrir. Bien entendu, ce n'est
pas du voyeurisme, ce n'est pas ça, >c'est dans l'intérêt de l'enfant.
Si, par exemple, je sécurise une maman d'accueil ou un papa d'accueil, bien, le
petit bonhomme va mieux aller. Donc, quel est l'intérêt de ne pas en parler? Il
n'y a pas d'intérêt à... cacher n'est pas le bon mot, mais à retenir cette
information-là.
M. Carmant : Je l'entends. Peut-être
avant de passer la parole, mais une dernière question. Vous dites qu'on ne
supporte pas suffisamment les familles d'accueil, une question très terrain,
là, mais on a ajouté comme de l'aide pour les familles d'accueil, avez-vous vu
une différence dans la dernière année?
Mme Rioux (Geneviève) :
Merci. En fait, quand ça a été annoncé cet été, la fédération était bien
contente. La semaine passée, on nous a indiqué le titre que ces intervenants
dédiés au soutien aux familles d'accueil allaient porter : il va se nommer
intervenant au soutien professionnel de l'usager. Comprenez- vous qu'on est
rendu sur le terrain, moi, je ne le comprends pas, malheureusement, c'est... La
volonté était claire du ministre, merci encore. Sur le terrain, actuellement,
aucune application à ce jour, on est dans la théorie, nommer le titre, ces
choses-là. Et quand on parle de clarté, de transparence et qu'on doit avoir un
chef qui va aller donner les directives très, très claires, c'est ce qu'on en a
besoin présentement.
• (12 h 30) •
M. Carmant : Merci. M. le
Président, je passerais, avec votre permission, la parole à la députée de
Lotbinière-Frontenac.
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Mme la députée.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Merci. Bonjour, moi, je voulais revenir sur ce que vous avez mis dans votre
mémoire, là, qu'«une personne ou une famille d'accueil soit admise à l'audience
entière de toute demande relative à l'enfant qui lui est confié», en ce moment,
comment ça se passe?
Mme Rioux (Geneviève) : C'est
particulier.
Mme Leblanc (Mylène) : Quel
chemin entre lorsqu'il n'y avait pas cet article et maintenant? O.K. Et la
raison en est fort simple, c'est que la personne qui voit quotidiennement cet
enfant-là, dans ce contexte-là, c'est la famille d'accueil ou la personne qui
en prend soin. Donc, elle est les yeux de tout ça, c'est d'une pertinence
incroyable, et il y a une bonne jurisprudence qui s'est établie en ce sens-là.
Par contre, là où le bât blesse, puis c'est un peu ce qu'on dit dans le
mémoire, il y a trois trucs qui sont un peu, pour nous, difficiles à
comprendre, parce que si on est là dans l'intérêt de l'enfant... Je vais vous
donner des exemples. Par exemple, on va avoir encore des directions de la
protection de la jeunesse qui vont faire le débat, à savoir : Moi, je veux
que la famille d'accueil témoigne, par exemple en premier, et qu'elle quitte
après, alors que l'article ne dit même pas ça. On sent, et on le vit, là, pour
être franche, sur le terrain, une envie de les sortir, et là, tout, tout, tout
est bon, la confidentialité, étirer le débat, etc. Donc, il faut venir, disons,
clarifier cet article-là, pourquoi? Parce que, quand on parle de ça, pour moi,
qui est avocate, parfois à l'enfant et parfois à d'autres parties, je me dis :
Mais, mon Dieu, on prend du temps de cour pour, disons, faire du millage. Tu
sais, il n'y a pas de partisanerie là-dedans, il n'y a pas... tu sais, on n'a
pas de temps ce cour à perdre, à savoir, bon, la famille d'accueil qui est là
depuis 5 ans, avec l'enfant, doit-elle rester, etc.? Ça n'a pas lieu d'être.
Moi, je pense que ces précisions-là, c'est dans ce sens-là.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Qu'est-ce que vous pensez de la représentation systématique des enfants par un
avocat?
Mme Leblanc (Mylène) :
Excellente question, je suis contente que vous me la posiez. Je me suis
vraiment questionnée, bon, de un, que ce soit dans le projet de loi, merci, c'est
correct. Par contre, avec les années, sur le terrain, bon, je n'ai pas la
science infuse, mais moi, ça fait 10 ans que je fais ça puis je n'ai jamais vu
de débat où est-ce qu'il n'y avait pas d'avocat à l'enfant, je n'en ai jamais
vu. D'office, c'est souvent la Commission des services juridiques et l'aide
juridique qui va représenter les enfants ou d'autres avocats. Donc, que de
venir cristalliser ce principe-là avec P 15, merci, et c'est nécessaire, et ça
prend aussi une formation pour ces avocats-là, pour moi, vraiment, c'est une
spécialisation, et ça prend, ça, oui.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Présentement, est-ce qu'il y en a une formation pour les avocats?
Mme Leblanc (Mylène) : Comme
a dit le Barreau, il est passé hier puis, oui, tous les avocats, bon, on ne
doit pas prendre des mandats qui ne sont pas, bon, auxquels on n'est pas, disons
en harmonie, là, puis qu'on n'a pas la connaissance et tout ça...
12 h 30 (version révisée)
Mme Leblanc (Mylène) : ...puis,
oui, tous les avocats, bon, on ne doit pas prendre des mandats qui ne sont pas,
bon... auxquels on n'est pas, disons, en harmonie, là, puis qu'on n'a pas la
connaissance et tout ça. On doit... mais est-ce qu'il y a spécifiquement
beaucoup de formation en droit de la jeunesse? Malheureusement, non. Je dois
dire que non. Et dans des débats très, très pointus, ça pourrait arriver que l'intérêt
de l'enfant, on l'échappe un petit peu.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup de votre réponse.
Alors nous allons poursuivre cet échange avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup pour votre présentation, surtout qu'on a une idée
claire, je pense que le ministre aussi, de comment ça se passe devant les
tribunaux et l'application de la loi, de la jurisprudence, qu'est ce que ça
crée puis où sont les failles, qu'est ce qu'il faut renforcer. Donc, je pense
que ce ne sera pas la dernière fois qu'on va avoir appel à votre expertise. J'ai
peu de temps, alors j'aimerais aller directement, page 14, 3.3, où vous évoquez
donc la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Il y
a eu un article la semaine dernière qui a créé beaucoup, beaucoup d'inquiétudes.
Et vous dites... bon, ce que vous dites, c'est que les juges, les avocats
disent que, depuis quelque temps, plus de 25 ans, bon, après cette fusion, là,
on voit une absence de plus en plus prononcée depuis un certain temps. La
CDPDJ, ils répondent que, bon, bien, c'est... quand le tribunal est saisi, il
doit se retirer, etc., et qu'ils sont limités par la loi. Et donc je vais en
vouloir venir à : Qu'est-ce qu'on fait pour créer une institution
indépendante pour bien représenter, surtout dans des cas de lésion de droits, l'enfant,
protéger l'enfant?
Mme Leblanc (Mylène) : D'une
part, j'entendais hier... tu sais, il y avait des commentaires, puis le mot
chien de garde est intervenu. Pour moi, comme juriste, puis, bon, les gens que
je côtoie en jeunesse, bon, souvent la CDPDJ, c'est vraiment pour nous le
dernier rempart. Le nombre de cas avec les familles d'accueil où est-ce... une
famille d'accueil, ce n'est pas une partie, mais elle a tellement d'informations
pertinentes que nous, souvent, moi, dans mes dossiers au privé, j'ai appelé la
CDPDJ pour des enfants et son rôle est d'une importance capitale. Et, bon, vous
allez dire : C'est moi qui dis ça, qui suis-je pour dire ça, mais moi, je
pense que l'idéal serait de scinder la CDPDJ actuelle et de dire, bien, qu'il y
aurait une commission des droits de l'enfant, de la jeunesse et, bon, une
CDP... en tout cas, pour les chartes, bref, d'un côté charte et d'un côté
jeunesse, que ce soit scindé. Et n'oublions pas aussi qu'avec le volet
jeunesse, bien, il y a risque que madame... la commission Laurent, bref, Mme
Laurent avait dans son rapport la question d'un sous commissaire aux Affaires
autochtones à l'enfance, qui est aussi important. Donc, moi, la solution, c'est
de le scinder.
Quant à la présence sur le terrain de la
commission, bien, écoutez, c'est ma vision juridique de mes connaissances à
moi. Quand j'ai lu, en fait, l'article de Mme Moisan, pour ne pas la nommer, je
n'ai pas été surprise. Ça existe, c'est vrai, c'est des choses qui sont constatées
sur le terrain et c'est réellement... ça arrive.
Maintenant, moi, ma connaissance
judiciaire, c'est que le volet jeunesse de la CDPDJ se divise en deux. Donc, il
y a les enquêtes et il y a aussi le côté judiciaire. Puis je dis en deux, mais
ce n'est pas vrai. En fait, c'est beaucoup plus que ça. Si on regarde l'article
23, 23 de la loi actuelle, c'est, en fait, tout ce que doit faire... Les
responsabilités de la CDPDJ sont toutes énumérées à 23 pour le volet jeunesse.
Là où le bât blesse, c'est qu'actuellement, ce que j'entends de l'article qu'on
a tous lu, c'est qu'il semblerait que la CDPDJ, elle, voudrait se concentrer
sur des volets plus systémiques, plus larges, mais c'est l'un de ces... je
pense qu'il y a cinq sous-paragraphes, c'est très, très long, cet article-là. C'est
une chose qu'elle porte dans sa mission, dans sa responsabilité en vertu de la LPJ.
Et la difficulté, c'est que... mais qu'est ce qu'on fait des autres? Et qu'est-ce
qu'on fait de nos dossiers, nous, les juristes, où est-ce qu'on se dit :
Oups, mais ils ne sont plus là, ils sont rendus où? Qu'est-ce... qu'est ce qui
se passe? Le citoyen, l'enfant qui voudrait les appeler, qu'est ce qui se passe
avec ça? C'est ça, la...
Mme Rioux (Geneviève) :
<Sur
le terrain,
présentement, c'est vraiment... ça a énormément sauvé. Tu
sais, dans les dernières années, la fédération, avec les... on accompagnait les
familles d'accueil...
Mme Leblanc (Mylène) :
...l'enfant
qui voudrait les appeler, qu'est ce qui se passe avec ça? C'est ça, la...
Mme Rioux (Geneviève) :
>Sur le terrain, présentement, c'est vraiment... ça a énormément sauvé.
Tu sais, dans les dernières années, la fédération, avec les... on accompagnait
les familles d'accueil. On a empêché des lésions de droits importantes. Et,
dans les derniers mois, la fin de non-recevoir, c'est dramatique, là.
Actuellement, on n'a plus personne où aller se tourner, là.
Mme Weil : On va en
venir, donc, à cette fameuse phrase, donc l'article 23 b. Lorsqu'on dit
que, bon, elle peut intervenir en vertu de la présente loi, à moins que le
tribunal n'en soit saisi déjà, et on dit qu'il n'y a pas de jurisprudence sur
ce que ça veut dire. Est-ce que vous... Est-ce que c'est dans ces cas là que
vous voyez le désistement, parce que le tribunal en a été saisi? Ou est-ce que
c'est plus large?
Mme Leblanc (Mylène) :
O.K. Dans ses responsabilités, si on regarde juste les enquêtes, O.K., et c'est
vraiment... c'est toute la mécanique. Ma compréhension, c'est que, dans son
volet enquête, et c'est normal, lorsque la CDPDJ fait une enquête et que le
tribunal en est saisi, est saisi de quoi, bien, la situation de l'enfant, il
fait lui aussi sa propre enquête, le tribunal. Donc, ce serait un peu... bien,
encore là, c'est mon opinion, mais une aberration de dire : Bien, on a une
CDPDJ qui enquête sur le même sujet qu'un tribunal hyperspécialisé. Donc, on ne
dédouble pas les ressources, et elle met fin à cette enquête-là. C'est mon
interprétation.
Maintenant, si on va plus loin dans d'autres
paragraphes de cet article-là, ce que ça dit, c'est qu'elle prend les moyens
légaux qu'elle juge nécessaires pour que soit corrigée la situation où les
droits des enfants sont lésés. Donc, elle a une fonction légale. Et ce n'est
pas acceptable, individuellement, pour un seul enfant, ou pour 10 enfants,
ou pour une communauté d'enfants, qu'elle ne soit pas là. C'est là qu'est la
difficulté. Les enquêtes, ça peut prendre deux semaines, quatre mois, six mois
et on n'oublie pas que le temps a une autre signification pour un enfant. C'est
ça un peu, la mécanique.
• (12 h 40) •
Mme Weil : Donc, il y a
certains cas où ils peuvent intervenir et doivent intervenir en vertu de leurs
obligations et puis... parce qu'il n'y a pas de jurisprudence, à moins que le
tribunal n'en soit déjà saisi, mais c'est interprété. Mais vous, les avocats...
parce que j'ai eu beaucoup d'avocats depuis un certain temps qui confirment ce
qu'on a vu dans cet article, mais la CDPDJ en vient à ça, et d'autres limites
qu'ils peuvent avoir. Est-ce que... Bien, la question, c'est : Que
pensez-vous de la création, justement... Bon, vous, vous parlez de scinder et
de créer une entité qui ressemblerait à ce commissaire qui est recommandé par
la commission spéciale?
Mme Leblanc (Mylène) :
Oui, tout à fait.
Mme Weil : Avec aussi un
rôle en amont aussi, parce que...
Une voix : Exactement.
Mme Weil
:
...Mme Laurent est venue le dire, c'est plus que juste judiciaire, c'est
aussi engager les jeunes, les enfants, des dialogues pour cette bienveillance, développer
sa bienveillance, mais, au besoin, les familles, l'enfant même pourrait
contacter. Et il y a une expérience en Ontario aussi où ils ont fait des études
là-dessus, où ça fonctionne bien, ce représentant de l'enfant.
Mme Leblanc (Mylène) :
Tout à fait.
Mme Rioux (Geneviève) : En
fait, la commission, nous, dans notre pratique, en tant que famille d'accueil,
ou maman, ou tante... parce qu'il faut comprendre la commission, ce n'est pas
juste pour les enfants hébergés, là, c'est pour tout petit Québécois qui a des
besoins, et tout le monde pouvait appeler parce qu'il y avait une lésion de
droit. Nous, au niveau des familles d'accueil, c'est lorsque les enfants ne
pouvaient pas avoir de traitement d'orthodontie, ne pouvaient pas avoir de
services particuliers, on transférait à la CDPDJ, puis eux, qui ont le droit,
le pouvoir d'aller au niveau de l'établissement, d'avoir des informations
confidentielles, tout ça... On recevait de notre côté un appel de l'établissement
qui disait : Ah! bien, en fin de compte, on va le payer, l'orthodontie,
tout ça. C'était ça, la mécanique. Et, même cette mécanique-là, là, on parle d'aller
devant les tribunaux ou ces choses-là... non, non. L'orthodontie, je vous le
rassure, on n'a jamais été devant les tribunaux. Mais aujourd'hui cette
implication-là, elle n'est même pas là parce que ce n'est pas un sujet
systémique. En effet, tout petit Québécois n'a pas besoin de broches, mais tout
enfant qui en aurait besoin, placé en hébergement, ne devrait pas se faire dire :
Bien, tes parents n'ont pas les moyens de payer, pourquoi nous, on le paierait?
Mme Weil : Vous faites
une recommandation aussi qui est très intéressante pour ceux qui sont à la fin
de leur enfance, de 18, 19, 20 ans. Pourquoi les familles d'accueil ne
pourraient pas jouer le rôle, comme nous, les parents qui ont eu des enfants à
cet âge-là et on sait très bien qu'ils ont besoin d'aide, d'accompagnement,
d'orientation. <Alors, ces enfants de la DPJ encore plus, parce qu'ils
n'ont pas grandi dans cet environnement...
Mme Weil :
...comme
nous, les parents qui ont eu des enfants à cet âge-là et on sait très bien qu'ils
ont besoin d'aide, d'accompagnement, d'orientation. >Alors, ces enfants
de la DPJ encore plus, parce qu'ils n'ont pas grandi dans cet environnement. Et
là aussi, je pense qu'il y a un projet, je pense qu'il y a eu un projet pilote
en Ontario qui a montré de... pouvez-vous en parler dans les minutes qui
restent?
Mme Rioux (Geneviève) : En
fait, pour nous, c'est important. Il faut comprendre que les cocos, qu'ils
soient placés en début, très jeunes, à 16, 17 ans, quand ils arrivent à leurs
18 ans, ils ont un train de retard. Puis ce n'est pas de leur faute. Ce n'est
pas une question d'intelligence, hein? Plus ton sac à dos est lourd d'expériences,
d'obstacles, plus ça... C'est plus long à avancer. Nous-mêmes... Moi, je me
rappelle, à 18 ans, là, ah, j'avais besoin de ma mère, et sur un temps,
disons-le. Et là, on leur dit : Non, non, prends ton petit sac à dos, là,
envoye, tu as 18 ans et un jour. Pas et deux jours, et un jour. Envoye, on te
pousse l'autre bord du nid. On va essayer de te trouver un appartement que tu n'as
pas les moyens de payer. Si on se rend compte qu'il est aux études, bien on
va... Puis il a-tu des prêts et bourses? Non. Bien, on va faire une demande de
solidarité.
Tu sais, on les équipe comme on peut, puis
on les garroche parce qu'ils veulent pouvoir en rentrer d'autres. Nous, on ne
peut pas dire : Non, non, je vais le garder plus longtemps, parce qu'on a
un contrat qui dit que ce lit-là appartient à l'établissement. Mais ces
jeunes-là, ils ont réellement besoin de nous. Puis encore aujourd'hui... Ça
fait 17 ans que je suis famille d'accueil. Mon frère, ça fait 16 ans qu'il est
famille d'accueil. Et ces jeunes de 30 ans viennent nous voir puis ils ont
encore besoin de nos conseils.
On ne vous demande pas de nous permettre
de les garder jusqu'à 30, 40 ans, là. Tu sais, je veux dire, on comprend, là.
Mais tout de moins, de respecter le rythme comme tout... On l'a nommé, hein?
Tout Québécois, petit Québécois, à 18 ans, est-ce qu'il y a une loi qui oblige
le parent à le mettre dehors, à dire : Bien, débrouille-toi? Tu sais,
comme les animaux, là, tu sais, on les pousse en bas de l'arbre, puis :
Apprends à voler. Non, ils ont besoin d'un accompagnement. Puis on a le
pouvoir, et c'est simple, hein? Changez la définition de l'enfant, amenez-le
jusqu'à 21 ans. Oui, c'est simple. Si on veut vraiment, oui, ça va apporter des
coûts, ces choses-là, je comprends, mais il faut les aider. C'est nos futurs
adultes.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Madame.
Mme Weil : Merci beaucoup. C'est
un investissement...
Le Président (M. Provençal)
:Alors, M. le député de Jean-Lesage,
vous prenez le relais?
M. Zanetti : Oui, merci.
Merci beaucoup pour votre présence puis aussi pour votre générosité, là, comme
famille d'accueil. C'est vraiment touchant cet engagement-là. J'ai peu de
temps. Je vais aller droit au but.
La question de la confidentialité est
soulevée souvent, je sais. Puis je pense que tout le monde comprend ici, là, la
pertinence puis l'importance que les familles d'accueil aient plus d'informations
pour intervenir de façon plus judicieuse pour l'intérêt de l'enfant, pour que
ça se passe mieux en général. La question que ça pose, c'est : Comment la
baliser? Tu sais, qu'est-ce qui... C'est jusqu'où la confidentialité doit aller
ou jusqu'où elle ne doit pas aller? Puis quel genre d'informations, disons,
vous voulez qui soient transmises aux familles d'accueil?
Puis, hier, il y avait l'ordre des
travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux qui disait : On peut donner
une information d'une façon qui aide à mieux intervenir, sans nécessairement
donner tous les détails crus de ce qui s'est passé dans l'expérience de l'enfant.
Je ne sais pas si vous avez entendu ce bout-là. Est-ce que vous trouvez que c'est
une position qui est balancée? Ou vous trouvez que c'est risqué que ça ne soit
pas assez? Ou comment vous avez reçu ça?
Mme Leblanc (Mylène) : Bon,
comment on a reçu ça? En fait, on est ici pour une discussion, là. En fait, moi
et la FFARIQ, on n'est pas nécessairement en accord avec cette image-là, au
sens que je crois que la dame a donné une expérience, bon... elle disait un
exemple qui disait, bon, il y avait une histoire de garde-robe dans l'exemple,
ou je ne sais trop, et là... Mais en fait, ce qu'il faut plutôt se demander, c'est :
Moi, actuellement, comme juriste sur le terrain, je me satisfais de ces
articles-là qui sont déjà là. Bon, j'aimerais ça qu'il y ait des petits plus, mais
la difficulté, en fait, c'est de se dire : Dans quel intérêt de l'enfant
on ne partagerait pas ça si c'est nécessaire? Tu sais, c'est de venir, encore
excusez... flipper la question. Mais pourquoi je ne dirais pas à la mère d'accueil :
C'est un enfant qui a été abusé puis c'est un enfant qui a peur des garde-robes
parce que c'est arrivé là? Dans quel intérêt de l'enfant on ne dirait pas ça?
Je crois que c'est ça, la clé de cette... de ça.
M. Zanetti : Bien, si,
mettons, je fais l'avocat du diable, je me mets dans la position de l'enfant. C'est
sûr que ça dépend l'âge qu'il a, là, mais je me dis : l'enfant il arrive
puis la famille d'accueil est super, elle est généreuse puis tout ça, mais il
ne l'a pas choisi, <il ne leur fait pas encore confiance...
M. Zanetti :
...l'enfant
il arrive puis la famille d'accueil est super, elle est généreuse puis tout ça,
mais il ne l'a pas choisi, >il ne leur fait pas encore confiance. Il
pourrait... Peut-être qu'à un moment donné il va leur faire confiance, puis il
va leur parler, puis leur dire tout ce qu'il veut. Mais peut-être qu'il veut...
peut-être qu'il préfère qu'ils ne sachent pas tout d'avance. Peut-être que,
quand tu as deux ans, tu ne penses pas à ces affaires-là, mais, quand tu
as neuf ans, huit ans, 10 ans, tu sais, peut-être que tu te dis :
Coudon, je vais leur dire à mon rythme, mais, en même temps, bon... Ça fait que
je me mets dans... C'est là que moi, je vois l'intérêt de l'enfant.
Mme Rioux (Geneviève) : Ma
mère disait souvent : Si jeunesse savait et si vieillesse pouvait. Je ne
sais pas si vous connaissez ce dicton, mais, quand j'étais jeune à dire :
On sait bien, les parents, on sait rien. Pourquoi je vous nomme ça? Parce qu'il
y a bien des affaires qu'on ne veut pas que nos parents sachent. C'est normal.
Puis il y a bien des affaires qu'on aimerait leur annoncer beaucoup plus tard.
Moi, ça a pris 30 ans avant de lui dire la première fois que j'ai fait du
pouce que... Puis c'était pour son bien. Je vous dirais... Mais l'important...
Tu sais, je vous comprends, il faut respecter le désir de l'enfant, mais est-ce
que, pour créer le lien avec cet enfant là, est ce que, si je l'immerge dans l'eau,
moi, l'expérience que j'aie, c'est un garde-robe ou c'est un bain, puis l'enfant
est en panique, puis, à chaque fois, je lui fais vivre un traumatisme, puis je
ne le sais pas… comment vous voulez qu'il développe un lien de confiance avec
moi? Je le traumatise à chaque fois que je le touche. C'est là un peu, c'est
que, oui, l'enfant, il va venir... Puis qui nous nomme des choses plus tard, à
son rythme, je n'irai pas lui dire : Ah! bien, je le savais déjà. Tu sais,
c'est le rôle de parent de savoir des choses puis de ne pas le nommer, mais par
contre de diriger là-dedans puis d'amener l'enfant à nous amener des
informations. C'est ça, le parent, c'est ça, les intervenants, services de
garde puis... Parce que ça, on le nomme pour tous les gens essentiels autour
des enfants...
M. Zanetti : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Alors, on va terminer cet échange avec le député de
René-Lévesque. À vous.
• (12 h 50) •
M. Ouellet : Merci. Bonjour,
mesdames. Bienheureux d'avoir eu l'opportunité de jaser avec vous avant parce
qu'il y a de la matière dans ce mémoire qui, malheureusement, avec le peu de
temps que j'ai, ne mérite pas que je n'aie pas assez de temps pour approfondir.
Puis le collègue de Jean-Lesage a parlé de confidentialité. On a eu l'occasion
d'en parler. Je suis convaincu du bien-fondé de votre demande. On a eu une
excellente discussion sur 91.1. On aura d'autres téléphones à avoir ensemble
parce que j'ai besoin d'autres précisions et j'aime le postulat que vous amenez
sur l'importance de fixer des délais finaux pour statuer sur le projet de vie.
Je pense que vous donnez une obligation, au législateur, d'agir dans ce sens là,
mais j'aimerais peut-être avoir une précision sur un point que j'ai vu dans
votre mémoire.
L'importance de bien communiquer l'information,
donc, la preuve. Ça, j'aimerais vous entendre là-dessus. C'est... Je suis un
peu tombé sur le derrière, disons-le, comme ça, là, c'est comme si je pensais
que c'était acquis, mais ça ne semble pas le cas. Ça fait que j'aimerais
peut-être vous entendre là-dessus brièvement. Qu'est-ce qu'on doit faire avec
ça, là?
Mme Leblanc (Mylène) : O.K.
Disons que je vais circonscrire très rapidement, là, cette difficulté-là, je
vais l'appeler comme ça, cette chose-là qu'il faut amener de l'avant. En fait,
la difficulté, c'est rapporté, là, par plusieurs jurisprudences, c'est un
constat, parfois, on n'est pas dans les cas généraux, on est dans les cas d'exception
de l'exception de l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse,
mais parfois il y a des situations où est ce que c'est la protection de la
jeunesse, c'est la DPJ qui va accumuler l'information, la recueillir puis tout
ça, parfois, selon l'idée qu'elle se fait de l'intérêt de l'enfant, avec
bienveillance et tout ça... on a tous des idées, c'est une table ronde, puis c'est
bien correct comme ça, sauf qu'avec sa perception de la chose ils vont
communiquer la preuve dans leur dossier de façon à respecter leur idée. Bon, et
c'est normal, c'est très humain et tout ça. Par contre, en toute bienveillance,
parce que le directeur de la protection de la jeunesse est un expert en la
matière, bien, il faut que les intervenants qui se présentent au tribunal le
soient à livre ouvert, ouvrent leur jeu. Ce n'est pas parce que, pour eux,
telle information qui n'était pas importante doit rester enfouie. Il faut la
révéler de façon complète parce que peut être que cette petite information-là
qui, pour eux, n'avait pas nécessairement beaucoup d'importance, juxtaposée
avec le témoignage de la famille d'accueil, va allumer toute une lumière et va
dire : Attendez, là, M. le juge, ça ne fonctionne pas, on a omis de faire
ça, on n'est pas dans l'intérêt de l'enfant. Quand on pratique en protection de
la jeunesse, c'est confidentiel, mais dans cette confidentialité-là, c'est à
livre ouvert. Et c'est là-dessus que... pour la majorité du temps, je le
répète, ça fonctionne bien, la protection de la jeunesse et tout ça. Mais, dans
les cas d'exception, c'est catastrophique. On est allé jusqu'à dire dans la
jurisprudence qu'on aurait caché des faits. Pour la majorité du temps, je le
répète, ça fonctionne bien, la protection de la jeunesse et tout ça. Mais, dans
les <cas d'exception, c'est catastrophique...
Mme Leblanc (Mylène) :
...pour la majorité du temps, je le répète, ça fonctionne bien, la protection
de la jeunesse et tout ça. Mais, dans les >cas d'exception, c'est
catastrophique. On est allé jusqu'à dire dans la jurisprudence qu'on aurait
caché des faits.
M. Ouellet : Donc, si je
comprends bien, ce que vous nous dites, c'est : Il ne faut pas... puis je
ne veux pas dire cacher, mais il ne faut pas omettre de transmettre l'information
si on pense qu'avec le jugement qu'on a porté, ça va venir contredire...
Mme Leblanc (Mylène) : Notre
théorie?
M. Ouellet : ...notre
théorie, c'est ça. O.K., O.K.
Mme Leblanc (Mylène) : Exact.
C'est exactement ça, là, mon idée, oui.
M. Ouellet : D'où l'importance
d'une libre circulation d'information dans un contexte confidentiel?
Mme Leblanc (Mylène) : Oui,
oui.
M. Ouellet : Ça, c'est
correct.
Mme Rioux (Geneviève) : ...de
l'article 83.
M. Ouellet : L'article 83.
Parfait. Y a-tu d'autres choses qu'on peut faire pour favoriser la circulation
de l'information, justement pour le bien-être de l'enfant? Parce qu'on parlait
de confidentialité tout à l'heure, là, de la transmission de la preuve. Est-ce
qu'il y a une autre chose qu'on devrait mettre de l'avant?
Mme Leblanc (Mylène) : Oui.
En fait, on a dans notre mémoire une portion... Parce que le corollaire, pour
nous, des grands pouvoirs qu'on accorderait, par exemple, tu sais, quand on
parle de clarifier les pouvoirs du directeur national ou de la directrice
nationale, etc., puis d'expliquer bien ce qu'il en est... Maintenant, dans la LPJ
actuelle, il y a une immunité, une immunité que je vais qualifier, tu sais,
dans mon langage, de blindée, de mur à mur, ceinture, bretelles, parachute.
Bref, quoi qu'il en soit ou presque, le DPJ ne pourra jamais, ou presque,
répondre de ses actes civilement, O.K., ce qui fait en sorte que, bien,
parfois, ça peut... puis, la majorité du temps, ça marche bien, les choses se
passent bien, mais ça peut, des fois, faire boule de neige et faire des
montagnes parce que, justement, on a retenu, pas malicieusement, mais de l'information
et on est imputable en plus... on n'est pas imputable de ce résultat-là. Donc,
au final, bien, quoi qu'on ait fait, bien, il n'y a pas de réparation pour cet
enfant-là, on n'a pas circulé l'information. C'est des lourds pouvoirs, puis il
faut que... Le pendant de ces lourds pouvoirs là, bien, c'est de pouvoir les
contrôler de...
M. Ouellet : ...ou l'amoindrir?
Mme Leblanc (Mylène) : L'amoindrir.
Pour moi, comme juriste, l'amoindrir, parce que... Je vais prendre un exemple :
par exemple, les policiers n'ont même pas ça, n'ont même pas cette
protection-là, les policiers au Québec n'ont pas ça. Donc.... Mais il y a des choses...
Évidemment, c'est un métier à risque, être intervenant. J'ai du respect, tu
sais, c'est... Ça prend une protection, mais pas mur à mur.
M. Ouellet : Merci beaucoup,
mesdames.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, je vais remercier Me Leblanc et Mme Rioux pour,
premièrement, votre présence et, deuxièmement, votre contribution à nos
travaux. Je suspends les travaux jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 56)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 08)
Le Président (M. Provençal)
:Bienvenue à la Commission de la santé
et des services sociaux. La commission est réunie afin de poursuivre les
consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi
n° 15, <Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et
d'autres dispositions législatives...
Le Président (M. Provençal)
:
...auditions publiques sur le projet de loi n° 15,
>Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres
dispositions législatives. Cet après-midi, nous entendrons les personnes et
groupes suivants : la Commission de la santé et des services sociaux des
Premières Nations du Québec et du Labrador, la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse, l'Ordre des psychologues du Québec et M.
Camil Bouchard.
Je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants de la Commission de la santé et des services sociaux des
Premières Nations du Québec et du Labrador. Vous avez 10 minutes pour votre
exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres
de la commission. Je vous invite à vous présenter et à débuter votre exposé. À
vous la parole.
M. Gray (Richard) : Kwei... (S'exprime
dans une langue autochtone) Richard Gray… I'm here with Leila
Ben Messaoud Ouellet, and she's our special advisor here on projects at the
commission. All my relations, my brothers and sisters… thank you for giving us
this time to share our voices today. Good afternoon, Mr. President, and welcome
to… today. Mr. Minister Carmant, ladies and gentlemen.
• (15 h 10) •
First, we want to
recognize that we are on unceded First Nations territory, and we take this
opportunity to salute all our brothers and sisters who are listening today on
this important subject that affects the well-being and future of our children
and families. As stated yesterday by AFNQL chief Ghislain Picard and chief
Mequish of the community of Obedjiwan, First Nations have never ceded their
rights, let alone the right to decide the future, education and well-being of
their children throughout the territory.
Let me be clear about our
position here today concerning our participation in this hearing. In no way does
thissignify that we are
promoting the Youth Protection Act over the federal law C-92, an act respecting
First Nations, Inuit and Native children, youth and families. On the contrary,
we have been working hard on trying to minimise the negative effects of the
Youth Protection Act in our communities, while promoting the principals of C-92
and encouraging communities to fully exercise their whole jurisdiction in child
and family services under the federal law or continue using the illimited economy
provincial model. This is their choice to make, hence the title of our brief :
For a law worthy of our children. Unfortunately, Bill 15 does not recognize the
economy and jurisdiction of First Nations nor that it addresses the choice of
which legal regime they may want to use, as recommended by the Laurent
Commission.
It was in a spirit of
collaboration that we actively participated in the work of the standing
committee on the application of the Youth Protection Act and working group on
the provisions specific to First Nations children and families. At the … our
participation in this committee, we were pulled to forget about bringing the
Youth Protection Act into harmonisation with C-92. I want to underline here, we
were very disappointed in receiving this kind of messaging from the bureaucrats
managing this committee. With regards to the bill, we applaud the efforts made
by Québec with the introduction of its bill, but it's clear there are limits to
the current bill for First Nations.
Yesterday, I heard many
questions about the community of Obedjiwan and their law now in force, and the
concerns of their law applying to their children off reserve. I'm sorry to say
this, but I must remind you that I never heard anyone on your commission
yesterday raise a red flag or concern that the community was never informed
about their 60 children living off reserve, located in the
Saguenay—Lac-Saint-Jean administrative region, that they were put into care,
some permanently. They were only recently made aware of this, because they were
exercising their jurisdiction and making efforts to collaborate for those off
reserve cases.
The Youth Protection Act
is pretty clear, and it says this is not supposed to happen, according to
section 72.6.0.1 and 81.1. How can you now raise concerns about their laws
applying off reserve when you see your Youth Protection Act failing them? I
think this is a perfect example of why communities are starting to look
seriously at creating their own laws. You place 60 of their children without
ever letting them know, and most of these cases concern children placed in
non-native foster care, and some have prohibitions of parent contact. How many
other children have escaped the communities in this broken system? This is a
question that has long been asked by all communities since the coming into
force of the Youth Protection Law, and more particularly since the introduction
of maximum placement periods. One must wonder if these amendments to the bill will bear fruit, will the situation really change? Allow
us to doubt this very much. <We raise this doubt because, despite our
repeated requests since 2006…
M.
Gray (Richard) :
...to the bill will bear fruit, will the situation really change?
Allow us to doubt this very much. >We raise this
doubt because, despite our repeated requests since 2006 and several calls to
action from various reports, the complete elimination for all indigenous
children from maximum placement periods is not found in Bill 15. We were
disappointed and we expected more. Currently, the bill mentions that we are not
limited by these placement periods, but only when a family council has been
formed while the continuity of care and stability of bonding for a child are
essential and already objectives that underpin maximum placement periods. The
need to avoid cultural breakdown of First Nation's children is clear and is
also a fundamental element to consider in the analysis of their interest.
Despite the importance of cultural continuity in the length of the healing
process for parents or guardians who have experienced multiple traumas which
maybe longer, all of these elements should be considered to explain the
exemptions of First Nations from the maximum duration set out in the new
protection act, as recommended in the call to action 108 of the Viens
Commission report.
Just a brief reminder for
those not aware, here in Quebec the majority of communities through their First
Nation's child and family services agencies take on certain responsibilities in
youth protection and they all offer preventive service developed and governed
by the communities themselves. I also want to highlight that these prevention
services have only been financed since 2009 from the federal Government, and
that current youth protection act does not recognize nor promote these services
as the preferred approach to dealing with negligence cases which are the
majority of cases that are being retained in youth protection.
We are encouraged to
finally see Bill 15 that these provisions are now finally being recognized. The
question remains though, will the youth protection services truly embrace the
cooperation aspects in Bill 15, or choose to continue questioning the ability
of these services? These cooperation aspects must be made stronger like the
principles outline in C-92. I now pass the messaging off to Leila.
Mme Ben Messaoud
Ouellet (Leila) :
Merci Richard. Hier, plusieurs questions ont été posées
concernant l'article 37.5 de la Loi sur la protection de la jeunesse, qui
prévoit la conclusion d'une entente établissant un régime particulier de protection
de la jeunesse entre le gouvernement du Québec et une communauté, regroupement
de communautés, nation ou regroupements autochtones. Nous tenons à vous
réitérer que, comme le chef de l'APNQL l'a mentionné hier, la loi C-92 va
beaucoup plus loin que l'article 37.5 en ce qu'elle affirme la compétence
des Premières Nations en matière de services à l'enfance et à la famille. Les
ententes du 37.5 ne sont qu'une autre forme de délégation. Ces ententes,
contrairement à la loi fédérale, peuvent s'échelonner sur plusieurs années
avant de se voir concrétiser. Pensons au Conseil de la nation atikamekw, le
sénat ou les communautés attikameks de Manawan et Wemotaci ont signé une
entente 37.5. Ces derniers avaient débuté leurs travaux sur le régime
particulier en protection de la jeunesse en 2002, mais ils n'ont signé une
entente qu'en 2018. Également, nous avons entendu, hier, le ministre Carmant s'inquiéter
que sous C-92, il pourrait y avoir plusieurs lois provenant d'une même nation.
Nous tenons à mentionner qu'il s'agit également d'une possibilité sous l'article 37.5.
D'ailleurs, en quoi avoir une loi qui répond aux besoins de la communauté même,
aux traditions, aux coutumes et aux... et aux pratiques, pardon, est
problématique? Au contraire, selon nous, cela fait toute la différence.
De plus, l'article 21 du projet de
loi n° 15 permet à un directeur ou toutes autres personnes qui agissent en
vertu des articles 32 ou 33, si elle l'estime nécessaire, pour assurer la
protection d'un enfant dont elle a retenu le signalement, pénétrer à toute
heure raisonnable, ou en tout temps dans un cas d'urgence, dans une
installation maintenue par un établissement dans un lieu tenu par un organisme
ou dans lequel un professionnel pratique sa profession afin de prendre connaissance
sur place du dossier de cet enfant et d'en tirer copie. Les centres de santé
sont considérés comme des organismes aux yeux de la loi. Nous craignons que
cette modification du projet de loi entraîne des effets pervers pour les
Premières Nations. En effet, les Premières Nations peuvent ressentir de la...
méfiance, pardon, envers le système de la santé. L'impact d'une telle
modification sur les Premières Nations envers les professionnels est, à notre
avis, trop important pour ne pas être considéré. Il existe tout un contexte
particulier pour les Premières Nations. Pensons aux pensionnats indiens, la
rafle des années 1960, a discrimination systémique auxquelles font face les
Premières Nations et j'en passe. Encore une fois, comme avec le projet de loi
n° 125 qui prévoyait la durée maximale d'hébergement, <le projet de
loi n° 15 ne prévoit pas d'extension pour les Premières Nations...
Mme Ben Messaoud Ouellet
(Leila)T :
...la discrimination systémique auxquelles font face
les Premières Nations et j'en passe. Encore une fois, comme avec le projet de
loi n° 125 qui prévoyait la durée maximale d'hébergement, >le projet
de loi n° 15 ne prévoit pas d'extension pour les Premières Nations. On
applique ainsi un article sans se soucier et se questionner sur les répercussions
négatives que cela peut engendrer sur les enfants et familles autochtones. Les
familles doivent sentir qu'elles peuvent aller chercher de l'aide sans qu'elles
se sentent menacées. Nous recommandons d'exempter les organismes des Premières Nations
de l'application de l'article 21.
Depuis le dépôt du rapport de la
commission Laurent, nous demeurons dans l'attente de la mise en œuvre de la
recommandation sur l'instauration d'un poste de commissaire adjoint et de son
équipe, consacré exclusivement aux enjeux entourant les enfants autochtones,
avec le commissaire au bien être et aux droits des enfants. Sachant qu'il
existe une surreprésentation des enfants autochtones en protection de la
jeunesse et que le besoin est criant, est urgent, le travail sur la mise en
œuvre de cette recommandation aurait dû déjà être entamé. Malheureusement, elle
a été reportée dans l'attente de l'adoption du projet de loi.
• (15 h 20) •
Et il me reste un paragraphe, M. le
Président. Finalement, la Loi sur la protection de la jeunesse ne comporte
aucune exigence précise quant à l'accès à des services dans une langue autre
que le français, à un interprète ou à des documents traduits, d'autant plus que
le projet de loi n° 96 ne vient pas modifier le règlement autorisant les
ordres professionnels à déroger à l'application de l'article 35 de la
Charte de la langue française. Et je cite : «pour étendre l'exemption à
tous les professionnels exerçant leur activité dans une réserve, dans un
établissement où vit une communauté autochtone ou sur les terres de
catégorie 1 ou 1-N au sens de la Loi sur le régime des terres dans les
territoires de la Baie-James et du Nouveau Québec, nonobstant leur lieu de
résidence, comme le recommandait la commission Viens à l'appel à l'action numéro
11... numéro 12», pardon. C'est pourquoi nous présentons aujourd'hui un
mémoire contenant nos principales recommandations. Nous vous remercions de nous
avoir écoutés. «Meegwetch».
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour la présentation de
votre exposé. D'ailleurs, votre mémoire, je pense qu'il est conjoint avec l'APNQL,
alors je tenais à le signaler. Maintenant, nous allons initier la période d'échange
avec M. le ministre. Alors, M. le ministre, je vous cède la parole.
M. Carmant : Merci
beaucoup, M. le Président. «Kwei», M. Gray, Mme Messaoud. Beaucoup d'informations
en 10 minutes. Premièrement, juste pour dire, hier, je n'ai pas mentionné ou
parlé, là, un fond de 37.5. et j'ai très bien compris le message, là, de chef
Picard, là, sur le C-92 puis la différence, là. On n'a pas besoin de revenir
là-dessus, je pense.
Hier, on a fait une discussion très
ouverte, là, avec M. Picard, le chef Mequish sur les différences et l'implication.
Aujourd'hui, on vous a pour avoir la chance de parler un petit peu du p. l. n° 15, qui m'a dit que ce serait le sujet de la
conversation aujourd'hui.
Premièrement, je pense que le projet de
loi est clair, les services de prévention et de première ligne vont être
reconnus. Pouvez-vous me dire quelles sont vos réserves par rapport à l'application
de cette partie-là du projet de loi?
M. Gray
(Richard) : Certainly. I think we mentioned,
earlier in our commentary, that we were happy to see that prevention services
are finally being recognized in Bill 15.
Just to let you know as
well, and I want to repeat this again, we're concerned about the cooperation
aspects that are cited in the articles of law. Because the articles of law say
yes, that there should be some collaboration, cooperation with the services,
but there is also an analysis of their ability to give services and we raise
this red flag again because what happens if youth protection workers aren't
familiar with these services, don't make the effort to understand theses
services in the community? Will they just continue using their youth protection
practices and avoid these kinds of collaboration mechanisms that are now in the
law?
You heard me earlier talk
to you about 60 children and… from the community of Obedjiwan that are residing
in Lac-Saint-Jean-Roberval area, and the community wasn't notified. And there
are specific articles of the law, 72.6.01, that speak to the fact that the
communities are supposed to be notified. So, here's an example of youth
protection workers or services not respecting the actual articles of law. We
already know there are some disputes or some trouble around collaboration
between protection services and prevention services that were <described
in the Laurent Commission and the Commission Viens report as well…
M. Gray
(Richard) :
...
or services not respecting the
actual articles of law. We already know there are some disputes or some trouble
around collaboration between protection services and prevention services that
were >described in the Laurent Commission and the
Commission Viens report as well. So, one hopes that the collaboration that's
highlighted in the Bill 15 will be really embraced by the workers within
the Youth protection services and collaborate with those First Nation
protection services. That's our wish. We hope that helps.
M. Carmant : O.K., je comprends très bien. Puis d'ailleurs, soyez
rassuré, là. J'ai déjà demandé de voir comment c'est... comment ça se fait que
ce n'était pas connu, là. On va aller au bout de la chose.
Deuxième chose que j'aimerais clarifier
avec vous. Moi, je suis un... j'ai été impressionné par le concept de cercle de
famille, à un point tel que j'ai demandé à toutes les DPJ du Québec de
réactiver un programme qui est inspiré de ça, qui s'appelle Ma famille, ma communauté
et qu'il faut mettre partout dans le Québec. Maintenant, je veux comprendre,
quand vous dites que la durée... qu'on élimine la durée maximale de placement,
mais seulement dans le cas où il y a le cercle familial, quelles seraient les
situations où il n'y aurait pas ce cercle familial? Parce que je pensais que c'était
la façon dont ça se faisait dans les communautés.
M. Gray (Richard) : Mais... I can explain to thatit's a... I think, a practice that comes from the model, present
model, from the... 37.5, where there's family councils put in place. I
appreciate the information you're sharing about Ma famille, ma communauté. It's
unfortunate though, when we're looking at maximum placement periods, that the
only time we can talk about getting rid of maximum placement periods, it's a
condition that these kinds of family councils have to be put in place.
In terms of customs and
practices, I don't want to generalize based on First Nations' customs and
traditions that everybody utilizes family councils as a generalization, I don't
want to make that a generalization, but I believe it's a concept, I think, that
First Nations could easily adopt if it's something that is not part of their
current customs practice or traditions, or something similar, like a family
council. I believe there is some openness around that as well and I'm happy to
see that the Ministry is trying to utilize, I guess, more community resources
in these instances, but again, I repeat, making that link to having to put this
as a condition in order to avoid the limitations on maximum placement periods,
I think it's a little bit of a shortfall of Bill 15. Leila, I don't know
if you want to add anything?
Mme Ben
Messaoud Ouellet (Leila) : Oui. Si je pouvais me permettre, là, M. le
ministre, aussi concernant, là, cette formation de conseil de la famille, ça
sera plus ou moins possible ou difficile dans des mesures provisoires ou c'est
urgent d'agir. On croit qu'il y a des difficultés, là, de former un conseil de
famille assez rapidement, puis de mettre en place, comme Richard le
mentionnait, des conseils de famille ou... présentement, je sais qu'il y en a
en Outaouais, dans certaines régions, auprès de certaines communautés, mais ce
n'est pas uniforme à l'échelle régionale. On va donc un peu échapper des
enfants, là, de ces durées maximales d'hébergement là parce qu'il n'y aura pas
de conseil de famille qui va avoir encore été mis sur place. Tu sais, il faut
penser aussi à la logistique, la composition de ce conseil de famille-là sur
communauté, là, comment ça va se concrétiser en réalité, les durées, l'animation
de ces conseils de famille là. Donc, il y a plusieurs choses aussi à voir
autour des conseils de famille. C'est pourquoi nous, on recommande d'exempter l'ensemble
des enfants autochtones, comme le recommandait la commission Viens, parce qu'il
y a un filet de sécurité pour un enfant autochtone, pas juste par le conseil de
famille. Il peut y avoir des révisions, des réévaluations plus serrées auprès d'un
enfant autochtone pour, justement là, permettre que... l'exemption des durées
maximales d'hébergement.
M. Carmant : ...vraiment
compris que c'est un processus plus généralisé, puis que c'était un filet de
sécurité comme vous dites. Moi, je suis très ouvert à l'adapter. Quand il n'y a
pas ce conseil de famille, c'est... comment ça se passe, pouvez-vous me l'expliquer.
Parce qu'on a quand même un certain temps pour l'implanter, ce n'est pas
comme...
M. Gray
(Richard) :
Well,
I think... I think, earlier, as I mentioned to you,
it's going to be important that communities have some openness to develop a <process
that meets their needs, that meets their traditions...
M.
Gray (Richard) :
...I think, earlier,
as I mentioned to you, it's going to be important that communities have some
openness to develop a >process that meets their
needs, that meets their traditions. I think that has the mandate of, you know,
giving the decision making to the community, rather than in informing the
director or Youth Protection. I think those are important elements that should
be maintained. But at the design and process, those are aspects that
communities should have input in and the Youth Protection system should respect
those processes and adaptations that they want to put in place in this regard.
M. Carmant : O.K. Puis le
point est bien fait. Autre point que j'aimerais vous poser comme question, puis
ça, c'est un enjeu, au niveau de la confidentialité, puis de l'échange d'informations.
Quelle est votre crainte par rapport à cette augmentation, là, de la capacité d'aller
chercher de l'information? Pouvez-vous le plus partager avec moi? Là, vous m'avez
parlé des agences. Pourquoi les exempter? Plus on a de l'information, mieux c'est,
non?
• (15 h 30) •
M. Gray (Richard) :
Well, I think I'll respond this way.
We've noticed that you now included «body» into the language of those entities,
where Youth Protection workers can go and get information. So, you've enlarged,
I guess, the definition of who is targeted here. And this raises a concern for
us, from a First Nation's point of view, because we have Health centers, in our
community. And I don't know if you're aware or if you understand how First Nations
services are organized. Normally, a lot of our members go to Health centers to
get information, to receive care, to do consultations, and a lot of these Health
centers are places where these prevention services are offered at the same
time.
And if you now open up
this definition, broad definition to include Health and social services centers
in First Nations communities, my fear is that there will be a lot of fears on
the part of First Nations members who are experiencing problems and wanting to
go to these Health centers that they view as sanctuaries, as places they can go
ans get healing, and not worried about anybody coming in to intrude into their
private matters. So, this is something that is very sacred, in First Nations
communities, even, you know, leadership, right now, in first Nations
communities, this is something taboo. We treat confidentiality very highly, in
our First Nations communities. So, now, if we're talking about opening doors
for somebody's preventative services and allowing protection workers to come in
to these kinds of settings, I think it will break the trust and confidence that
we're trying to achieve as part of the goal around Bill 15, in terms of
building better prevention services and more links between prevention and youth
protection services. I think there has to be a focus on that. But if you're
going to say, at the same time : We're trying to build better
collaborations, but we want to come inside and inspect your files, it's really,
I think, a little too much, in my opinion. I don't know, Leila, if you want to
add to that.
M. Carmant : Parce que, tu
sais, nous, le modèle...
Mme Ben Messaoud Ouellet (Leila) :
Bien...
M. Carmant : Go ahead, sorry.
Mme Ben
Messaoud Ouellet (Leila) : Je voulais simplement rajouter que,
justement, au niveau des centres de santé, ils collaborent déjà avec les
établissements, les CISSS et les CIUSSS, pour transmettre l'information aux
intervenants. Donc, ce n'est pas de transmettre l'ensemble du dossier, mais
transmettre le suivi des parents et des enfants. Donc ça, ça se fait déjà.
Comme Richard l'a mentionné, on s'inquiète
un peu au niveau du lien de confiance de l'intervenant avec les parents. Que l'intervenant
allochtone débarque avec ses gros sabots sur la communauté pour aller consulter
un dossier du centre de santé, j'ai peur qu'avec le contexte particulier des
Premières Nations, en sachant que certaines femmes autochtones qui sont
enceintes ne veulent pas obtenir, aller chercher des services, parce qu'elles
ont peur de se faire signaler, qu'avec tout ce contexte là, bien,
malheureusement, on fait que les parents, les enfants ne vont pas chercher des
services en prévention parce qu'ils ont peur que ces informations-là soient
retenues contre eux. Ça fait que c'est pour ça que, pour le contexte
particulier, malheureusement, qui entoure les Premières Nations, on demande, en
fait, une exemption au niveau des organismes Premières Nations .
M. Carmant : O.K. Je comprends
votre point. C'est juste pour donner l'image...
15 h 30 (version révisée)
Mme Ben Messaoud Ouellet (Leila) :
...qui entoure les Premières Nations. On demande, en fait, une exemption au
niveau des organes des Premières Nations.
M. Carmant : O.K., je
comprends votre point. Juste pour donner l'image que, moi, je... L'idée du
législateur, comme on dit, c'est, par exemple, à l'urgence, si le médecin fait
le signalement, bien, l'infirmière, elle, est n'a rien à dire, tu sais, pour
compléter l'information. C'était plus dans ces sens-là. Mais je vois où est
votre position. M. le Président, si vous permettez, je passerais la parole à la
députée de Lotbinière-Frontenac, s'il vous plaît.
Le Président (M. Provençal)
: Vous avez deux minutes, Mme la
députée.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Pardon? Combien de temps?
Le Président (M. Provençal)
:Deux minutes.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Merci. Bonjour. J'aimerais savoir pourquoi vous ne voulez pas qu'on modifie la
définition de «parents» qui se trouve à l'article 1.
M. Gray
(Richard) : Leila, I'll let you take this one.
Mme Ben
Messaoud Ouellet (Leila) : Parfait. Bien, merci, Richard. En fait, ce
qu'on trouve particulier avec cette modification-là, de «parents», c'est que le
projet de loi n° 15 crée vraiment une section au niveau des dispositions
particulières aux autochtones. Donc, on vient rajouter de prendre en
considération la continuité culturelle, la collaboration au niveau des services
préventifs de première ligne, mais dans un même temps, on vient restreindre la
définition de «parents». Actuellement, quand on regarde la Loi sur la
protection de la jeunesse, la façon dont c'est écrit, c'est que ça comprend
aussi le fournisseur de soins. Le fournisseur de soins, c'est qui? Bien, c'est
«kokom», c'est grand-maman, grand-papa qui s'occupe de l'enfant actuellement,
mais qui n'est pas tuteur, là, au sens de la loi, mais qui s'occupe de l'enfant
depuis sa naissance. Quand on regarde la définition de la loi actuelle, ça
inclut autant le père et la mère que la grand-mère qui s'occupe vraiment, au
jour le jour, de l'enfant, parce que les parents lui ont confié. Par contre,
avec le projet de loi, là, si je ne me trompe, là, c'est à l'article 2, on
vient restreindre cette définition pour inclure père et mère, ou tuteur au sens
vraiment de la loi, donc un tuteur datif, un tuteur qui a été nommé par les
juges. Puis on sait que les Premières Nations ne vont pas aux tribunaux, là,
pour faire nommer un tuteur, mais c'est cette modification, ce qu'elle fait, c'est
que les grands-parents devront se présenter en cour pour demander d'être partie
au dossier, d'être entendus, pour être entendus au dossier de l'enfant, tandis
que quand tu es un fournisseur de soins, quand tu es inclus comme parent de
facto, tu n'as pas besoin de faire une demande pour être entendu au dossier, tu
es déjà inclus de facto à l'audience, parce que c'est toi qui s'occupe de l'enfant
au jour le jour, c'est toi qui connais vraiment les besoins de l'enfant. Il s'en
occupe au jour le jour. Donc, c'est vraiment au niveau administratif, c'est
pour éviter aux grands-parents de devoir demander aux juges de se faire
entendre, d'être partie à l'audience. Donc, nous, on dit : Bien, on
devrait inclure, pour les Premières Nations, les fournisseurs de soins, ces
personnes-là qui s'occupent au jour le jour de l'enfant parce que les parents
auront confié la garde.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons
poursuivre cet échange avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Je vous cède la
parole, madame.
Mme Weil : Merci, M. le
Président. Alors, «kwei», donc, M. Gray et Mme Ouellet. I can
go in English, you know, for part of it, in French for the other part. I'm
going to start in English. Yesterday, we had a kind of very interesting
conversation because we went broad, we went broad and talked about Bill C‑92
and the impatience of the community. And I mentioned that there were a few numbers
of groups that came, you know,
sort of the regular groups have come, they represent civil society, and I was
struck by the… sort of a sense of understanding, where people have reached that
point now because there's been a lot of efforts and there's been a lot of
tragedies, and that it sensitizes people.
And so, I want to get to
Bill C-92 in the approach that is taken, and understand you're getting into the
technicalities, but I think it's useful to people to hear the bigger discussion,
and then, then, it's easier for most of us. We haven't really, you know, we don't have as much of an
understanding. So, I have lived a little experience with them when we went to
visit a nation, Lac-Simon, and it was a visit organised by the Government, and it was a wonderful
experience. And I've got to chat with a social worker for the whole evening and
she really explained to me everything. She… well, everything, she explained the
approach, she explained why they're in the best position, they help children
who've had trauma. She said : We can handle this, you
know. But it was a really wonderful discussion and it's
so concrete, kind of examples that helped people, and sort of move on. So, I
want to understand if you could just, and for those who was listening to us, en
français, en anglais, whatever. C-92 and what... because most of us are not, you know, <our studies have been in
other areas, there have been efforts though to sensitize all of us at the National Assembly...
Mme Weil :
...was listening to us, en français, en anglais, whatever. C-92 and
what... because most of us are not,
you know
, >our studies have been in other
areas, there have been efforts though to sensitize all of us at the National Assembly. We had a great course
that we all had to take. It was wonderful. Just explains it for the people. And
then, we can get in the things that rally need to change fast as you wait for a
bigger discussion on C-92. What is it about, you know, the insufficiencies obviously in Bill 16 that you are mentioning?
But big picture.
M. Gray (Richard) : Yes. Well, I think Chief Picard and Chef Mequish gave good
testimony yesterday about C-92. And the affirmation that jurisdiction for child
and family services rest with First Nations communities. And I want to
reiterate this to you and to everybody in the commission, and anybody who is listening, First Nations have inherent rights.
We have jurisdictions. We've been subject to colonization since founding of the
constitution, and we've never had discussions with First Nations around those
inherent rights. Provinces, now, act as colonial powers, want to keep those
powers and don't want to share. And when we talk about the Court of Appeals
challenge, we see Québec challenging the First nations through the Québec Court of Appeal process. Again, as an
example that we're not willing to really recognize those inherent rights.
• (15 h 40) •
So, for First Nations,
this is very hurtful, and very disrespectful. We've been pleading since…
telling it like it is over 30 years, now, saying : Look, we have to
have conversations about how we could better improve the Youth Protection Act.
It's a law that's being imposed on us. It's a colonial law. We didn't ask for
this. We see now C-92 as an opportunity for First Nations create our own laws
that govern us, by First Nations, for First Nations.
First Nations communities
like Obedjiwan have been experiencing and using the Youth Protection Act for
25 years now, for over 25 years. They know the shortcomings of the
Youth Protection Act. They have made the choice which the law allows under C-92
through the section 20 process on notification to get… to exercise your
jurisdiction, but also to get involved in coordination agreements. This process
allowed them to basically give notice to the Government about their intention. So, they exercise their right in terms of
serving notice about their intention to exercise their jurisdiction.
They also have another
process to go through to enter into a coordination agreement discussion. They
wanted to sit down with Québec
and have discussions with Québec about their law. They have a minimum of twelve months that they
have to wait before their law becomes force of law for their benefit, but they
also have to make reasonable efforts in order to reach that threshold before
their law becomes force of law within this twelve-month window. That's the
minimum. Because Québec chose
not to participate in these discussions and only in the end as observers, you know, it created a lot of uncertainty in
terms of how the jurisdictions would cooperate and speak with one another.
So, I'm getting back to
my point, here, about coordination agreements which is really an important
element within C-92. The health jurisdictions talk with each other about how
they're going to work with each one another, how they're going to cooperate,
how are they going to collaborate. Is Québec willing to even share resources to the First Nations communities?
So, those are some of the matters that are supposed to be discussed in these
coordination agreements.
The other element that's
in C-92 are these minimum standards, I call them. For instance, I believe there
is section… They're from section 10 to section 18 in law C-92. But just to give
you an example, the standards basically say that you're no longer supposed to
use poverty as a factor when it comes to deciding whether a case becomes a
protection case. The standard is pretty clear, saying : No. Stop using
poverty as an excuse to bring kids into care. Use prevention services to work
with those families and support them. The other element that the standards talk
about, I'm just naming a few of them here, but... <is priority of placement...
M. Gray (Richard) :
...that the standards talk
about, I'm just naming a few of them here, but… >is priority of placement. We finally see now in Bill 15 that Québec
has moved towards mirroring the C-92 standards when it comes to placement, I believe,
there's section 16 about priority of placement. You know, what we just… what
the community talked about yesterday in terms of having found out when they
asked Québec about these Youth Protection files of community and finding out
that 60 of the kids have been placed without the community being notified… you
know, I'm sorry, but I'm still having a hard time getting my head around this.
This is not supposed to happen now with this changes that Bill 15 is proposing,
but also because of the standards that exist in C-92. This shouldn't be
happening at all, you know. Service providers, First Nations, non-First Nations
should be working with the communities to make them aware that they're
interacting with First Nations families, regardless of their residency.
Mme Weil : Thank you. O.K. So, I have two minutes, but… Fascinating, thank you. That was very helpful. So, we
have Bill 15 before us, and if you were to make a recommendation… So, this is
obviously very outrageous what happened, and you would want to make sure that
there's an article in Bill 15, because that's what before us right now, I mean,
the housing other efforts are ongoing, but we have Bill 15 before us. Are there
measures in Bill 15 or is there an amendment that you would bring to make sure
that that never happens again? Obviously, the law is fuzzy right now if that
happens… with the practices.
M. Gray (Richard) : Well… Yes. Well, Bill 15 talks about now placements having to occur
in First Nations communities with extended family. So, I think this is an
important addition that's coming in Bill 15, and like I said it mirrors the
principles in C-92, which is very important.
The thing that we really
wanted out the Youth Protection Act completely was this whole notion of maximum
placement periods. We wanted that out. We've been arguing against this since
2006, when it was first introduced. You can imagine, in 2006, I mentioned
earlier in my speech that we had no investment of prevention services in our
First Nations communities, zero. The only service that was available for First
Nations communities to access were Youth Protection services. So, we had more
kids coming into care than ever before, and it's been… that door has been
there ever since. It's only now that we see the Youth Protection Act through
Bill 15 saying : O.K., First Nations communities now have prevention
services. We think we have to start working with them so that we can start
dealing with cases of negligence, start dealing with those cases where
prevention services can better deal with them than prevention services. And
First Nations communities now have these services.
So, getting rid of these
maximum placement periods, in my opinion, is something that's critical. Right
now, the way Bill 15 is reading, it's being contingent on a family council
being put in place. I think family… concepts of family councils are important
and are good, and that's for First Nations communities to decide if they want
to use them or not. But making that as a condition to put in place before you
get rid of these maximum placement periods, I think, is not respecting the
spirit of the commission Laurent report, it's not respecting the spirit of the
commission Viens report, and it's something we've been asking since 2006. And
you see in our brief the results of that, you know, First Nations kids are
still coming in the … care when you look at the number of cases, around 85% of
the youth protection cases are dealing with negligence. Youth protection is not
the best means to deal with negligence, prevention services are. So, that's
what I wanted to contribute to that.
Mme Weil : Thank you very much. It was very helpful. Thank
you.
Le
Président (M. Provençal) : Merci beaucoup. Alors, nous allons
poursuivre cet échange avec le député de Jean-Lesage. Alors, M. le député, je
vous cède la parole.
M. Zanetti : Merci, M.
le Président. Merci beaucoup pour votre présence et votre message.
Bon, moi, je suis un député de Québec
solidaire puis je suis en faveur non seulement de la souveraineté du peuple
québécois, mais aussi de la souveraineté des peuples autochtones. Et je veux
que... Je le dis pour que ce soit clair, pour que ma question soit bien
comprise, là. Nous aussi, on voudrait que le p.l. n° 15
aille plus loin puis aille jusqu'au bout, en fait, dans l'idée de remettre
entre les mains des peuples autochtones la protection de la jeunesse. Ma
question est la suivante : <Comment souhaiteriez-vous que
l'interaction...
M. Zanetti :
...la protection de la jeunesse. Ma question est la suivante : >Comment
souhaiteriez-vous que l'interaction... Souhaiteriez-vous qu'il y ait ou qu'il n'y
ait pas une interaction entre les systèmes de protection de la jeunesse
autochtones et les systèmes de protection de la jeunesse québécois, dans un
modèle où l'autodétermination des peuples autochtones serait reconnue? Par exemple,
parce que ça a été soulevé, puis je n'ai pas tout à fait bien compris ce que
vous avez dit en introduction par rapport aux enfants qui seraient en dehors du
territoire de la communauté. Est-ce que... Comment est-ce que vous voudriez que
ça fonctionne pour que vos services s'occupent de ces enfants-là?
M. Gray
(Richard) : Well, I'll return back to my
statement I made at the beginning for you. I said that the community, when they
created their law, they started collaborate… they wanted to collaborate with
the local centres jeunesse. The community of Obedjiwan is uniquely situated.
All lot of their members reside in La Tuque, a lot of them reside in
Roberval, so they deal with two centres jeunesse, le centre jeunesse Mauricie
et le centre jeunesse Saguenay—Lac-Saint-Jean. I think the chief explained yesterday that the collaboration,
discussions they were having were going very, very well. They were encouraged
that, at least on the ground, in those two regions, the CIUSSS were going to
collaborate with the community on the implementation of their law. They were
sharing files with the community that they had open for off-reserve community
members.
• (15 h 50) •
In the community, the
community, as I mentioned early, has been managing their youth protection
services under a delegation agreement for over 25 years. They know who's in
their community, they know how the youth protection act operates, they're
masters of it. They reached a point where now they feel like : Look, the
youth protection act is not meeting our needs. They saw an opportunity here to
create their own law that covers all of their members, regardless of their
residency. So, that's why they reached out to the CIUSSS and asked them :
Who are your files you have on our members that are off community. We want to
talk with them, we want to have discussions with them.
As a matter of fact, the
chief mentioned to us, in our conversation with him that when their law came
into force, off-reserve community were reaching to the chief saying : Help
us. Le centre jeunesse is ignoring your law, they're telling us : You have
to follow the youth protection law, instead of following your community law.
So, the community members were very traumatized by the fact that the protection
agencies were telling them : We're not… we're following Québec law, you have to listen to us. They
were totally ignoring the community's law.
For me, I think that
that's very disrespectful to the community, it's not respecting the rule of law
at all for the community. You know, I think that the Government should have shown leadership and said : Hey, this discussion is in the hand of the court of
appeal right now. Until that decision comes out, the rule of law stands, you
have to work with the community, and collaborate with them, and cooperate with,
and talk about how you're going to work together for the members that are currently in youth
protection off the community. That's not happening, that's what the chief said
yesterday. That's unfortunate. So, that's an obvious change we'd like to see,
if they… the mentality, the cooperation and collaboration by the Government when it comes to the community's
law.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons poursuivre maintenant avec le
député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci
beaucoup. «Kwei». Merci d'être avec nous. J'essaie de bien comprendre l'énorme
distinction que vous faites entre la loi C-92 et les dispositions
actuelles qui étaient permises à travers la Loi sur la protection de la
jeunesse, de l'article 32 et 33. Est-ce que vous pouvez me donner la
grande différence en matière de gestion ou la grande différence en matière d'application
des propres lois que C-92 permet aux communautés versus ce que l'article 32
et 33 permettrait ou au permet encore aux communautés? Quelle est la grande
différence?
M. Gray (Richard) : Mais
la grande différence, c'est le fait que le ministère Québec est responsable,
via les organisations, les institutions comme les CISSS, CIUSSS, qui nommaient
un directeur de la protection de la jeunesse pour la communauté. Ils vont
construire leurs propres lois et ils vont nommer les autorités par eux-mêmes.
Ça veut dire les «imputabilités» <est maintenant par la «community», et
pas le ministères de Québec, et pas la DPJ de Québec puis ses institutions, le
CISSS, CIUSSS...
M. Gray (Richard)T :
...nommer les autorités par eux-mêmes. Ça veut dire les «imputabilités» >est
maintenant par la «community», et pas le ministères de Québec, et pas la DPJ de
Québec puis ses institutions, le CISSS, CIUSSS. Ça, c'est la grande différence,
«the imputability». Le «imputability» reste avec les «community» et pas à
Québec. Ça, c'est la grande différence, c'est le fait que les juridictions pour
les Premières Nations ce n'est plus eux et pas eux, maintenant, via leurs
propres lois. Ça veut dire, il n'y a pas d'«imputability» à Québec. Quand il
fait le suivi des dossiers dans leur «community», ce n'est pas leur instance,
«authority», comme le chef est... via les institutions, ils ont créé, et ils
vont créer leurs propres services, et ils vont offrir ces services à la
population. Ça, c'est la loi comme la «community» d'Obedjiwan a créé
maintenant.
Les juridictions, évidemment, ils doivent
collaborer ensemble pour voir comment... s'il y a une personne qui vit hors
«community» et la loi «community», c'est pour tout le monde malgré la
résidence. Ça veut dire, les juridictions doivent collaborer ensemble et
discuter ensemble. Pour moi, la grande différence, c'est la reconnaissance,
l'affirmation des droits ancestraux qui permettent la «community» de créer
leurs propres lois. Maintenant, la loi protection de la jeunesse, c'est
vraiment une loi coloniale par la province qui a imposée sur la «community». Et
les pouvoirs restent avec le directeur de protection de la jeunesse qui va dire :
Oui, vous avez fait «responsibility» via section 32 ou 33 et qui peut
réitérer ça à n'importe quel moment ou décider... une décision, le «community»
n'aime pas.
Maintenant, j'ai mentionné, tout à l'heure,
ils ont prise en charge 60 enfants de la «community» hors «community»,
O.K., qui vivent hors «community», sans nommer... sans informer le «community»
qu'ils ont fait ça. Maintenant, avec la loi communautaire, c'est juridiction
affirmée par le «community» que : Aïe! C'est assez, vous ne pouvez pas
faire ça avec nos enfants, vous avez maintenant une obligation légale de parler
à nous quand ça touche nos enfants. Je pense que ça, c'est la grande
distinction que j'aimerais apporter, mais elle est là. Je ne sais pas si vous
avez d'autres choses... vous pouvez ajouter.
Le Président (M. Provençal)
: Bien, rapidement, s'il vous plaît.
Mme Ben Messaoud Ouellet (Leila) :
Non, ça fait le tour, Richard.
Le Président (M. Provençal)
: Bien, je vous...
M. Ouellet : ...comprends
bien, ce n'est pas juste de créer l'institution ou l'organisation qui s'en
occupe, mais c'est de décider aussi de quelle façon, dans quelle loi, dans
quelle obligation, la communauté peut exercer sa protection en matière de
jeunesse. C'est ce que je comprends, là.
M. Gray (Richard) : Oui.
M. Ouellet : O.K.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre contribution et votre
participation à nos travaux.
Je suspends les travaux pour pouvoir
accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 57)
(Reprise à 16 heures)
(Visioconférence)
Le Président (M. Provençal)
: Je souhaite la bienvenue aux représentants de la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je vous
rappelle que vous aurez 10 minutes pour votre présentation et par la
suite, nous procéderons aux échanges avec les membres de la commission. Alors,
mesdames, je vous cède la parole.
Mme Arpin (Suzanne) : M. le
Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je suis Suzanne Arpin,
vice-présidente de la Commission des droits de la personne et des droits de la
jeunesse, responsable du mandat jeunesse. Je suis accompagnée de Me Catherine
Gauvreau, Me Karina Montminy et Me Yiolaine Williams, conseillères juridiques à
la commission.
Je tiens d'abord à mettre de l'avant que
la commission inscrit son action dans une perspective globale de promotion et
de défense des droits des enfants en reconnaissant qu'ils sont des personnes à
part entière à qui il faut donner une voix en toutes circonstances. Elle érige
l'intérêt de l'enfant au titre de considération primordiale qui doit être au
premier plan dans toutes les interventions réalisées à leur endroit.
Pour la Commission, la protection des
enfants du Québec est une responsabilité collective qui revient à la fois aux
parents, à l'entourage des enfants, aux DPJ, aux acteurs du système judiciaire,
aux organismes institutionnels et du milieu ainsi qu'au gouvernement.
À titre d'institution publique gardienne
des droits des enfants, la commission fait partie de cet ensemble qui forme le
filet de protection de l'enfant. Elle y joue un rôle unique par la combinaison
des pouvoirs et fonctions que lui confèrent la LPJ et la Charte des droits et
libertés de la personne.
La commission exerce d'une part une
mission spécifique quant à la protection de l'intérêt de l'enfant et au respect
de ses droits qui lui sont reconnus par la LPJ, et étant une Commission des
droits de la personne, une mission plus large en droit de la personne qui
inclut la promotion et le respect des droits de l'ensemble des enfants en vertu
de la charte, dont le droit à l'égalité.
Comme le prévoit la LPJ, la commission
peut notamment intervenir sur demande ou de sa propre initiative lorsqu'elle a
des raisons de croire que les droits d'un enfant ou d'un groupe d'enfants dont
la situation est prise en charge par la DPJ sont lésés. Elle mène des enquêtes
individuelles ou systémiques et dispose du pouvoir de saisir le tribunal
lorsque l'intérêt des enfants le commande. La Commission peut d'ailleurs
utiliser la voie judiciaire lorsqu'elle juge nécessaire que soit corrigée la
situation ou les droits d'un enfant ont été lésés. Ces fonctions incluent
également celle de faire de l'éducation aux droits, des recommandations aux
différents acteurs institutionnels et gouvernementaux ainsi que de la
recherche.
Étant donné la mission et les
responsabilités fondamentales que la commission exerce afin de s'assurer que
les droits de l'ensemble des enfants du Québec soient pleinement respectés la
réforme de la LPJ l'interpelle au plus haut point. Elle constitue à ses yeux un
premier jalon de plusieurs chantiers annoncés par le gouvernement qui doivent ultimement
mener à une véritable reconnaissance des droits de l'enfant et de son intérêt. ...
16 h (version révisée)
Mme Arpin (Suzanne) : ...la
réforme de la LPJ l'interpelle au plus haut point. Elle constitue à ses yeux un
premier jalon de plusieurs chantiers annoncés par le gouvernement qui doivent
ultimement mener à une véritable reconnaissance des droits de l'enfant et de
son intérêt. C'est dans cette perspective et à la lumière des différents
travaux qu'elle a menés que la commission a analysé le projet de loi. Au fil
des ans, à travers de nombreuses enquêtes, elle a dégagé des problématiques
récurrentes d'application de la LPJ ayant comme conséquence de léser les droits
des enfants. La commission a formulé des recommandations de différente nature
aux DPJ, aux établissements de santé et de services sociaux ainsi qu'à divers
ministères.
La commission salue ainsi les ajouts
proposés à son préambule et à l'article 3 de la LPJ qui reconnaîtraient
explicitement que l'intérêt de l'enfant est une considération primordiale dans
toute décision prise à son sujet. La commission accueille de même avec
satisfaction l'énoncé dans le préambule à l'effet que le Québec s'est déclaré
lié par la Convention relative aux droits de l'enfant. Il doit largement
comprendre que les droits contenus à la LPJ doivent s'interpréter et s'appliquer
en tenant compte de cette convention. La commission recommande toutefois de
modifier l'article 3 de la LPJ pour ajouter les caractéristiques de l'identité
culturelle des enfants racisés et des enfants des minorités ethniques aux
facteurs à prendre en considération lorsque des décisions doivent être prises
en vertu de cette loi, et ce, dans l'intérêt de l'enfant et dans le respect de
ses droits.
Sur un autre sujet, la commission estime
essentiel dans le cadre du présent exercice de rappeler les grands fondements
de principe du maintien en milieu familial de l'enfant. Il prend sa source dans
la charte, et dans la LPJ, ainsi que dans la Convention relative aux droits de
l'enfant. Insistons ici sur le fait que la LPJ est une loi d'exception qui
constitue une intrusion dans la vie privée des familles. Des interventions
privilégiant que l'enfant demeure dans son milieu familial doivent d'abord être
évaluées et mises en place, et cela, en fonction de son intérêt. C'est pourquoi
la commission recommande de modifier le projet de loi pour qu'il soit clair que
l'objectif de l'intervention en matière de protection de la jeunesse prévu à l'article
4 soit que l'enfant demeure confié à ses parents, à moins que cela soit
contraire à son intérêt.
La commission est favorable à l'ajout des
termes «avec intensité requise» à l'article 8, qui porte sur les services, mais
juge essentiel que le gouvernement agisse dès maintenant plus largement pour
garantir la mise en oeuvre du droit aux services visés à cet article, sans quoi
la modification proposée risque de rater sa cible. Ainsi, la commission réitère
à nouveau les recommandations formulées dans son dernier rapport sur la mise en
œuvre de la LPJ, qui portait spécifiquement sur les délais d'intervention du DPJ
et sur l'accès aux services requis dans l'ensemble des missions des CISSS et
des CIUSSS.
La commission estime par ailleurs que,
malgré le progrès que la modification à l'article 9 de la LPJ représenterait
quant au droit de l'enfant à des contacts avec des personnes significatives,
elle s'avère insignifiante... insuffisante, je m'excuse, au regard du droit de
l'enfant à des communications confidentielles. À l'heure actuelle, elle
continue de constater que des enfants placés en milieu substitut se voient
refuser des contacts avec des tiers, incluant des personnes significatives pour
l'enfant, et ce, pour des motifs et en suivant une procédure qui ne sont pas
conformes à la loi. La commission recommande ainsi à nouveau de rendre la loi
plus claire et explicite quant aux pouvoirs du DPJ à ce sujet.
Dans un autre ordre d'idées, le projet de
loi propose d'introduire des mesures spécifiques à la LPJ pour tenir compte des
situations des enfants autochtones et de leurs familles. La position de la
commission est claire à ce sujet. Il est essentiel de reconnaître le droit à l'autodétermination
des peuples autochtones en ce qui concerne le bien-être de leurs enfants. Il
revient aux seules nations autochtones de savoir et de déterminer quel est le
meilleur intérêt des enfants autochtones et, par conséquent, de prendre en
charge leur propre système de protection de la jeunesse.
Depuis des années, la commission insiste
sur l'urgence d'agir pour modifier les pratiques des DPJ dans l'intervention
auprès des enfants autochtones. Elle a appuyé sans restriction les appels à l'action
proposés par la commission Viens en matière de protection de la jeunesse. Elle
considère que le gouvernement du Québec et les autorités autochtones doivent
les mettre en place afin d'offrir un système de protection respectueux des
droits des enfants autochtones. La commission fait part dans son mémoire de ses
observations et commentaires en lien avec le présent projet de loi.
La commission <traite…
Mme Arpin (Suzanne) :
...la commission >traite ensuite dans son mémoire d'autres sujets d'importance :
le partage des renseignements confidentiels et l'accès aux dossiers. Elle
explique la raison d'être du régime de confidentialité prévu dans la LPJ,
lequel repose notamment sur les risques reliés à la stigmatisation de l'enfant
pris en charge par le système de protection de la jeunesse ainsi que l'intrusion
dans la vie privée des familles que représente l'intervention en protection de
la jeunesse. Le principe de confidentialité n'est cependant pas absolu. Des
dispositions particulières de cette loi permettent déjà la divulgation de
renseignements qui sont nécessaires afin de garantir la protection de l'enfant
et le respect de ses droits.
Dans le cadre de ses interventions, la commission
a rappelé à plusieurs reprises l'importance de protéger les renseignements confidentiels
des enfants et de leurs parents, ceux-ci étant reconnus comme une composante du
droit au respect de la vie privée. Elle a notamment mis de l'avant que les
problèmes de communication en lien avec les renseignements confidentiels
résidaient dans l'application des règles de confidentialité et non dans la
formulation des dispositions applicables. L'ajout d'un principe d'interprétation
en faveur de la communication de renseignements, si elle est justifiée par l'intérêt
de l'enfant ou la protection d'un autre enfant, proposé par le projet de loi
répondrait en partie aux préoccupations de la commission à ce sujet. Ceci dit,
la commission indique dans son mémoire quelques réserves relatives à la portée
de certaines dispositions du projet de loi facilitant la divulgation des
renseignements personnels.
• (16 h 10) •
La commission se réjouit de la
reconnaissance du rôle du ministre à l'égard des enfants en protection de la
jeunesse, ce qui répondrait à sa recommandation de renforcer les
responsabilités ministérielles en vue de veiller au respect des droits des
enfants. Elle demeure toutefois convaincue de la pertinence d'attribuer à un
ministre la responsabilité de veiller au respect des droits de tous les enfants
dans la prise des décisions au sein de l'appareil gouvernemental, obligation
qui incombe au gouvernement quant à la mise en oeuvre des droits des enfants au
Québec. Elle invite ainsi le gouvernement à poursuivre ses travaux dans cette
visée.
La commission a, en outre, insisté sur la
nécessité d'uniformiser les pratiques des DPJ et relevé l'absence d'entité
nationale permettant d'assurer la cohérence de leurs actions au niveau de la… au
niveau du Québec. La commission actuelle accueille donc avec satisfaction l'institution
d'un directeur national de la protection de la jeunesse dont les
responsabilités seraient de cette nature. La commission entend poursuivre l'exercice
de ses mandats en collaboration avec cette nouvelle instance en regard de la
promotion et la défense des droits de l'enfant.
En terminant, la commission a rappelé qu'il
existe au Québec un ensemble d'acteurs qui oeuvrent auprès des enfants et de
leurs familles pour assurer la promotion et la défense de leurs droits. Le
rapport est nécessaire au fonctionnement effectif de l'ordre et de l'organisation
des services destinés aux enfants et à leurs familles au sein de la société
québécoise. La commission ne peut qu'insister sur l'importance de développer
une meilleure collaboration entre l'ensemble des acteurs concourant au bien-être
de l'enfant, de même qu'au respect de ses droits. Je vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre exposé, madame. Nous allons
maintenant débuter nos échanges avec le ministre. Alors, M. le ministre, je
vous cède la parole.
M. Carmant : Merci
beaucoup. Merci beaucoup, me Arpin. Merci à toutes d'être présentes aujourd'hui.
Le Président (M. Provençal)
: ...que le mémoire final est déposé sur Greffier maintenant
pour... le mémoire de la commission.
M. Carmant : Je l'ai lu
en diagonale, mais pas si vite que ça. Je vais partir de ce que vous avez dit
puis ce que j'ai pu voir rapidement dans vos recommandations, mais, je pense,
il faut aller directement dans le sujet.
Quand on lit la recommandation 1 où
vous dites qu'en matière de procréation... en protection de la jeunesse la
priorité soit le maintien de l'enfant dans son milieu familial, à moins que
cela soit contraire à son intérêt, ce n'est pas clair que ça va dans le sens
des recommandations de la commission spéciale. Êtes-vous en accord ou en
désaccord avec le… ce que... le rapport de la commission spéciale, sur la
primauté de l'intérêt de l'enfant?
Mme Arpin (Suzanne) : En
fait, ce que l'on dit, c'est qu'en droit il est bien reconnu qu'à moins que ce
soit contraire à son intérêt, qui doit être la considération primordiale dans l'application
de la LPJ, il devrait être auprès de ses parents. Tant la charte, que le Code
civil, que la loi de la protection de la jeunesse reconnaissent que les parents
sont les premiers responsables de leur enfant, et le projet de loi énonce des
devoirs et des responsabilités des parents. Donc, il faut mettre… Donc, entre
autres, il faut <mettre...
Mme
Arpin (Suzanne) :
...il faut >mettre en place des
services qui vont venir soutenir les parents pour assumer leur rôle de parents
et, dans le cas échéant, mettre fin à la situation de compromission, parce que
le principe la loi de la protection de la jeunesse, c'est est de mettre fin à la
situation de compromission et de voir à ce qu'elle ne se reproduise pas. Ça, c'est
la philosophie de base. Maintenant, quand il n'est pas... quand c'est contraire
à l'intérêt de l'enfant de demeurer auprès de ses parents, il ne sera pas
auprès de ses parents.
M. Carmant : O.K., la ligne
est fine, mais je vois votre point. Une chose que j'aimerais vous poser tout de
suite, c'est qu'il y a plusieurs des groupes qui sont passés qui nous ont
parlé, là, du rôle tellement important, là, de la commission des droits de la
personne, droits de la jeunesse, puis comment ça les a aidés avec des cas
problématiques, mais ils nous disent que, récemment, ils sentent que vous
semblez moins interactifs ou moins présents sur le terrain. Est-ce qu'il y a eu
un changement récemment ou est-ce que… Est-ce que c'est le cas? Pouvez-vous me
commenter ce que les gens ont dit hier et aujourd'hui?
Mme Arpin (Suzanne) : Oui,
tout à fait. Alors, non, il n'y a pas de changement de… Le mandat et la mission
de la commission demeurent toujours les mêmes. On a toujours deux grands axes
dans lesquels on peut se déployer, soit de faire des enquêtes, ce qu'on fait
depuis 40 ans, ou soit d'intervenir au niveau judiciaire. Et, au niveau
judiciaire, bien, nos mandats n'ont pas changé. Nous, notre niche, comme vous
le savez, M. le ministre, c'est vraiment les lésions de droit. Donc, quand on
intervient ou quand on enquête, c'est vraiment uniquement dans le but de...
quand on a des raisons de croire qu'il y a une lésion de droit.
Comme toute organisation agile, puis qui
veut faire plus, et qui se pose toujours la question : Qu'est-ce qu'on
peut faire de plus, de mieux pour les enfants, pour lesquels on a le mandat de
protéger en termes de lésion de droit?, bien, on réfléchit et on se dit :
Est-ce qu'il y a des actions qui pourraient être beaucoup plus porteuses que
de… Par exemple, on va toujours continuer à faire des dossiers individuels d'enfants
au tribunal en lésion de droit, mais ce qu'on est en train de regarder, c'est comment
est-ce qu'on pourrait avoir une plus grande portée pour nos enfants qui
seraient, par exemple, dans une situation de lésion de droit.
D'ailleurs, on fait une recommandation à
cet effet-là que le juge à la chambre de la jeunesse puisse, dans des dossiers
individuels en protection ou en lésion de droit, faire des ordonnances qui
seraient de nature systémique. Alors, on aurait un dossier d'enfant pour lequel
il y aurait un correctif qui serait apporté pour cet enfant-là, mais, en même
temps, on pourrait aller chercher un correctif préventif pour des centaines d'autres
enfants.
Donc, on va… On était au tribunal. On
continue à y aller. On va continuer à y aller. Mais, par exemple, il y a des
dossiers où, quand on réalise que ce n'est pas un dossier de lésion de droit,
là, on n'est pas dans notre mandat. La semaine dernière, une de mes collègues a
obtenu justement une... On a obtenu une homologation d'un jugement sur le fait
que la DPJ a reconnu devant le tribunal des lésions de droit. Donc, on a eu un jugement.
On va dans d'autres dossiers bientôt pour faire des conférences de règlement à
l'amiable et on va tenter d'amener le DPJ à reconnaître la lésion de droit,
parce que ce qu'on veut pour nos enfants, c'est que le correctif s'applique
rapidement. Je ne sais pas si j'ai été assez claire, M. le ministre.
M. Carmant : Oui, tout à
fait, tout à fait. Puis ça, ça m'amène vraiment à ma prochaine question, parce
qu'une des choses qu'on n'a pas incluse dans le projet de loi, justement, c'est
la notion de commissaire puis de charte, là, puis justement c'est parce qu'on
veut bien la comprendre et bien la placer. Puis évidemment la commission des
droits de la personne, droits de la jeunesse est… tu sais, vient spontanément
dans les discussions quand on parle de ça. Vous, comment vous voyez ça, le
commissaire qui est proposé par la commission? Puis comment vous vous
positionnerez par rapport à cette structure-là qu'on veut créer?
Mme Arpin (Suzanne) : Alors,
on s'était prononcés très rapidement à l'effet qu'on est tout à fait d'accord
avec le fait qu'ii y ait un commissaire au bien-être et aux droits des enfants.
C'est essentiel. On a besoin de cette loi-là qui va porter la voix des enfants,
pas juste des enfants en protection de la jeunesse, mais de tous les enfants du
Québec. Alors, ça, c'est essentiel. On a besoin de cette forme d'accompagnement.
Je ne dirai pas «représentation» parce que je ne veux pas mélanger avec les
termes légaux… mais d'accompagner les enfants dans des processus, que ce
commissaire-là puisse mettre en place des suivis auprès des ministères pour
voir si les programmes appliqués aux enfants sont correctement appliqués, qu'il
puisse avoir une voix à l'Assemblée nationale pour venir faire rapport.
Alors, c'est essentiel qu'on ait un commissaire
au bien-être et aux droits des enfants. Et, à la commission, on s'est mis très
rapidement en action. Nous sommes à redéfinir complètement notre capacité d'action
en jeunesse. On est vraiment en train de tout <revoir...
Mme Arpin (Suzanne) :
...de tout >revoir pour le mieux-être de nos enfants puis pour le
meilleur respect de leurs droits. On est en train de déployer nos orientations
jeunesse. Comme vous le savez, on est en train de déployer nos axes de
régionalisation. On a eu un budget pour pouvoir retourner en région, de pouvoir
aller travailler le plus près possible des groupes communautaires, des
organismes et de se déployer en région.
Donc, on est déjà au travail sur ça, et,
si, demain matin, le gouvernement nous disait, nous demandait de prendre, en
plus, ce mandat-là, nous serions tout à fait prêts et on répondrait présent, bien
sûr avec une autre structure qui serait... On a la structure où on fait la
protection de la jeunesse, LPJ, mais on aurait vraiment une structure, un
porteur, un commissaire qui porterait la voix de tous les enfants au Québec.
M. Carmant : D'accord. Et il
n'y aurait pas de paradoxe, là, entre le p.l. n° 15,
qui dit que nous, on veut tout faire pour l'intérêt de l'enfant, évidemment en
prenant pour acquis que tout a été fait en amont, là, au niveau du maintien
dans la famille, puis vous, votre recommandation n° 1,
qui dit quand même que la priorité doit être de rester dans le milieu familial.
Mme Arpin (Suzanne) : En fait,
pas la priorité, c'est que... Ce que le droit international et le droit interne
nous disent, c'est que le premier endroit où doit être un enfant, c'est chez
ses parents. C'est ce que la Convention relative aux droits de l'enfant aussi,
comme enseignement, nous dit. Les parents étant les premiers responsables de
leur enfant, l'enfant, normalement, il doit être chez ses parents. L'État ne
peut pas s'immiscer à retirer un enfant s'il n'a pas de motif. Alors, le
premier lieu où il doit être, c'est chez ses parents. Par contre, si c'est
contraire à son intérêt, qui est la considération primordiale, bien, il ne doit
pas être chez son parent.
• (18 h 20) •
M. Carmant : Au niveau de l'article 91
de la loi actuelle, on n'y a pas vraiment touché, mais plusieurs nous en ont
parlé. Quelles seraient les modifications ou les suggestions que vous nous auriez…
que vous auriez à nous faire pour l'article 91?
Mme Arpin (Suzanne) : Est-ce
que je peux passer la parole à Catherine ou...
Le Président (M. Provençal)
: Aucun problème, allez-y.
Mme Gauvreau (Catherine) : En
fait, on n'a pas fait de suggestion, là, dans notre mémoire par rapport à une
modification à l'article 91. Vous parlez, là, des ordonnances qui peuvent
être rendues par le tribunal, M. le ministre?
M. Carmant : Je n'ai pas eu
le temps de lire au complet votre mémoire, là, comme vous comprenez, mais je
pensais que vous seriez des bonnes... des bons intervenants pour nous discuter
des améliorations qu'on pourrait faire au niveau de l'article 91 et 91.1.
Mme Gauvreau (Catherine) : Bien,
en fait, la commission s'est prononcée en faveur, là, des durées maximales d'hébergement.
Et l'objectif, là, de celle-ci, là, c'est de permettre, lorsque celles-ci sont atteintes,
de déterminer un projet de vie, là, qui vise la stabilité des liens et la
continuité, là, des soins qui sont donnés à l'enfant.
Donc, la commission estime, là, qu'il est
important, là, de respecter, là, cette disposition et que, lorsque l'enfant se
trouve dans un milieu de vie qui est permanent, donc, souvent, c'est des
situations, là, où des enfants sont confiés en majorité, c'est, avant de le
déplacer, là, de s'assurer que c'est bel et bien dans son intérêt de le faire,
là, donc, de procéder. Il y a une recommandation, là, dans notre avis, qu'il
est important, là, d'évaluer la situation particulière de l'enfant, à savoir si,
oui ou non, il est dans son intérêt de le déplacer, et aussi, là, de tenir
compte, là, dans cette évaluation de son intérêt, là, le lien d'attachement qu'il
a eu… qu'il a développé, pardon, avec ses parents d'accueil.
Donc, on voit des fois des situations, que
ce soit dans des enquêtes ou des interventions judiciaires, où on retire des
enfants qui, pour eux… de leur milieu de vie substitut, mais, pour eux, c'est
leur milieu de vie. Ils ont été souvent plusieurs années au sein de ces
familles d'accueil. Et on comprend qu'il peut y avoir des situations où c'est
dans son intérêt de le retirer, mais on met une mise en garde ou, en fait, on
estime qu'il devrait y avoir une évaluation rigoureuse de sa situation avant de
le déplacer. Donc, ce serait peut-être la modification, là, qu'on propose. Je
ne sais pas si c'est à 91 ou 91.1, mais ce serait la modification qu'on vous
propose, M. le ministre.
M. Carmant : Merci. Puis un
autre point aussi au niveau législatif, judiciaire, là, c'était la
représentation de l'enfant par un avocat. Avez-vous des commentaires là-dessus?
Puis on nous a même dit que... d'aller <plus loin…
M. Carmant :
...d'aller
>plus loin puis d'aller même... quand c'est des mesures volontaires, que
l'enfant devrait être représenté, et ce, le plus tôt possible dans le
processus. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Gauvreau (Catherine) :
Bien, si je peux me le permettre, on n'est peut-être pas allés aussi loin que
de vous préciser, là, des moyens, mais c'est clair que le droit d'être
représenté ou même de consulter un avocat est déjà prévu, là, dans la Loi sur
la protection de la jeunesse et que la commission est d'avis, là, que ce
droit-là soit pleinement... que les enfants puissent pleinement exercer ce
droit-là. Donc, on serait... On verrait d'un bon oeil le fait que des
mécanismes soient mis en place ou, du moins, que vous réfléchissiez à la
question pour s'assurer, là, que ce droit soit bien... enfin, que les enfants
puissent avoir, dans tout le cadre du processus, là, parce que l'article 5 ne
limite pas au processus judiciaire, là, M. le ministre… donc, qu'ils puissent
avoir accès, s'ils le souhaitent, à un avocat ou, du moins, qu'un avocat puisse
leur être désigné. Mais en fait ça, c'est à déterminer, là, la façon de le
faire, mais on voit ça d'un bon oeil.
M. Carmant : O.K. Puis un
autre… Là, vous avez, vous aussi, insisté sur l'aspect de la prise en charge
pleine par les Premières Nations, puis je pense qu'on a été clairs aussi dans
le préambule. Nous, on a quand même des questions sur les Premières Nations qui
habitent hors communauté et le fait qu'il y aurait plusieurs lois sur... Tu
sais, par exemple, quelqu'un qui est à Montréal, et qu'il y a quelque chose,
comment… tu sais, comment on gère ça, là, concrètement, au niveau de la DPJ, telle
loi s'applique, comment...
Mme Arpin (Suzanne) : On n'a
pas regardé cette question-là. On s'est vraiment penchés sur le projet de loi
tel qu'il était. Mais je pense que ça… Peut-être, il faut continuer à réfléchir
à cette question-là, mais on ne s'est pas penchés de façon spécifique sur l'application
pour les établissements publics… de comment les soins, comment les services
vont être donnés, quelle DPJ va donner les services, de qui va relever... Ça,
on n'a pas regardé cet aspect-là de la question.
M. Carmant : D'accord. M. le
Président, je passerais la parole à la députée de Roberval, s'il vous plaît.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, une minute, Mme la députée.
Mme Guillemette : Merci.
Merci, M. le ministre. Merci, mesdames, d'être avec nous aujourd'hui. Donc,
très rapidement, je ne ferai pas un gros préambule, j'aimerais vous entendre
sur la confidentialité. Je pense qu'il faut assouplir, mais comment on fait
pour protéger quand même l'enfant, mais donner assez d'information aux
intervenants pour qu'ils puissent bien intervenir avec l'enfant?
Mme Arpin (Suzanne) : Je vais
céder la parole à ma collègue Catherine.
Mme Gauvreau (Catherine) : Alors,
bonjour, Mme la députée. En fait, peut-être rappeler ou préciser que la
commission estime qu'il est dans l'intérêt de l'enfant de partager les
renseignements personnels concernant sa situation, là, lorsque l'objectif... ou
les renseignements concernant ses parents lorsque l'objectif de la divulgation
est nécessaire pour assurer sa protection. Puis, comme mentionné, il existe
déjà plusieurs exceptions, là, qui sont prévues dans la loi, mais, notamment,
là, dans le cadre, là, du rapport sur la mise en œuvre, là, la LPJ, qui a été
déposé, là, en 2020 par la commission, on sait… on a constaté que, souvent, les
problèmes résident dans l'application des règles ou, du moins, la bonne
compréhension.
Donc, on peut assouplir des règles, mais,
si les intervenants qui vont devoir se partager, ou, du moins, obtenir un
certain renseignement, ou, du moins, les divulguer à qui de droit, bien, s'ils
n'ont pas compris quels renseignements, quels types de renseignements et dans
quelles circonstances ceux-ci doivent être divulgués, bien, on n'est pas avancés
plus loin, là, dans la protection, là, ou le respect du meilleur intérêt de l'enfant.
On met vraiment l'accent de… sur ce point précis.
Puis aussi peut-être rappeler que la confidentialité
a sa raison d'être aussi, là, dans le respect de l'intérêt de l'enfant puis
aussi dans son droit du respect à sa vie privée. Il y a quand même... Tu sais,
on s'entend que le dossier DPJ contient beaucoup d'informations très… de nature
très sensible, là, sur la situation, là, que vit l'enfant… ou, par exemple, un
parent, là, qui serait suivi, là, en désintoxication. Donc, on veut, là, qu'il
crée... L'objectif, là, c'est qu'il aille chercher des services et qu'il
puisse, par la suite, là, assumer pleinement son rôle auprès de son enfant.
Donc, on n'est pas contre l'élargissement,
là, de certaines règles de confidentialité. On <estime...
Mme Gauvreau (Catherine) :
...de confidentialité. On >estime qu'elle devrait être reprécisée. À
titre d'exemple, là, il y a une proposition dans le projet de loi, là, qui
mentionne qu'on va élargir aux professionnels qui ne travaillent pas au sein
des établissements, là, de santé et services sociaux de partager des
renseignements dans le cadre d'évaluation d'un signalement. Pour nous, c'est
très logique. Ce n'est pas logique qu'une infirmière qui travaille… je viens de
Montréal, là, donc, du CHU Sainte-Justine puisse divulguer des renseignements
au DPJ, mais que, si elle pratique de l'autre côté de la rue, dans une
clinique, elle ne pourrait pas le faire ou ce serait plus difficile pour elle
de transmettre ou de divulguer ces renseignements-là.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Merci pour votre réponse. Alors, nous
allons poursuivre avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Je vous cède la
parole, madame.
• (18 h 30) •
Mme Weil : Merci, M. le
Président. Merci à vous tous d'être ici. Je vais revenir à la question du
ministre, parce qu'on a eu des discussions sur la question du rôle des DPJ en
vertu de la loi, évidemment, mais aussi les commentaires des juges, ces
dernières années, commentaires des avocats.
D'ailleurs, on a eu des commentaires, la
perception — et un article de journal — qu'en gros la DPJ
se retire dans des cas de lésion en droit et tout ce questionnement par rapport
au mandat de la DPJ. On a parlé — donc, une avocate qui était là, qui
est souvent devant les tribunaux — que les juges s'en plaignent, je
pense que vous connaissez bien ça, l'historique de tout ça, c'est souvent
rapporté au fil des années, mais aussi que l'orientation, c'est d'aller plus
vers ce qui est systémique, donc, et ce qui est évoqué, c'est une question de
personnel, de ressources.
Alors, c'est de bien comprendre,
peut-être, la portée de cette entrevue, vous l'avez... et les choix que vous
faites… bien, l'entrevue, c'est un reflet d'une discussion, mais votre... Est-ce
que vous opérez actuellement une réorientation? Ce serait la première question.
En matière d'intervention devant le tribunal, sauf, évidemment, on comprend,
lorsque c'est déjà... le tribunal est déjà saisi, là, donc, selon une
disposition de la loi, vous ne pouvez pas… mais votre rôle d'intervenir pour
protéger un enfant, un enfant dont les droits ont été lésés, est-ce que vous
changez l'orientation? C'est ça qui semble... C'est la perception, c'est le
débat public, là, actuellement.
Mme Arpin (Suzanne) :
Alors, je vais vous répondre. J'imagine que vous parlez non pas de la
protection de la jeunesse, mais bien de la Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse, parce que...
Mme Weil : Oui, oui, oui,
CDPDJ, c'est plus facile, CDPDJ.
Mme Arpin (Suzanne) : D'accord,
ça, c'est la première chose. Deuxièmement, vous comprendrez que je ne
commenterai pas une chronique. C'est une chronique d'opinion. Alors, voilà, et
pour vous dire aussi les… Plusieurs acteurs du milieu juridique souhaitent nous
voir dans les salles d'audience dans tous les dossiers, mais notre mandat, ce n'est
pas d'être dans un dossier à faire de la protection de la jeunesse. La
commission ne se substituera pas aux enfants qui sont superbement bien
représentés par avocat, aux parents qui peuvent être représentés. Ce n'est
pas... Je n'aime pas ça, le dire de façon négative, mais ce n'est pas le mandat
de la commission. On ne représente pas les enfants. On ne représente pas les tiers.
On ne représente pas les familles d'accueil ni les grands-parents.
Ça, c'est vraiment le travail des avocats
à la cour, mais les avocats souhaitent nous voir dans les salles d'audience
pour être plus confortables à faire leurs dossiers, prétextant qu'on les aide,
que c'est plus facile quand on en est là dans les dossiers de protection.
Parfois, ils vont nous dire : Oui, mais, quand vous êtes là, ça nous
permet d'avoir des documents qu'autrement c'est très difficile… Bien là, on a
une belle occasion, Mme la députée, justement, de faire faire des modifications
à la loi pour que les accès que la commission a au dossier d'un jeune client, d'un
enfant, bien, que les avocats d'enfants puissent avoir le même accès, si c'est
ça vraiment, le problème, mais, comme notre mandat n'est pas d'être dans les
salles d'audience, dans les dossiers de protection, nous n'agissons que dans
les dossiers où il y a vraiment des lésions de droit.
Et, quand je vous dis qu'on regarde pour
des portées plus systémiques, ce n'est pas pour ne pas aller dans le dossier d'un
enfant. Bien au contraire, il faut rentrer dans un dossier pour avoir, avec la
recommandation qu'on fait aussi, que le juge puisse faire des ordonnances
systémiques… pour que ça puisse bénéficier à beaucoup d'enfants de façon beaucoup…
que les remèdes soient plus rapides...
16 h 30 (version révisée)
Mme Arpin (Suzanne) : …de
façon beaucoup... que les remèdes soient plus rapides et que ça profite à
beaucoup plus d'enfants. Un enfant, c'est important, mais si son dossier à lui
peut faire en sorte que d'autres sont protégés de lésions de droit, bien, je
pense que c'est une avenue qu'il faut regarder, et on est justement en train de
regarder ça. Mais il n'y a pas de... il n'y a pas de position à ne pas aller au
tribunal, on est en train de regarder comment on fait mieux et comment on fait
plus pour les enfants, justement, dans ces dossiers-là. Et, c'est ça, et si le
gouvernement voulait nous donner le mandat d'être assis dans chacun des
dossiers à tous les jours, bien, on ferait ce mandat-là. Malheureusement, ce n'est
pas ça, notre mandat.
Mme Weil : ...l'article 23
de la loi, qui dit, bon : «La commission exerce les responsabilités
suivantes, conformément aux autres dispositions de la présente loi : sur
demande ou de sa propre initiative, elle enquête sur toute situation où elle a raison
de croire que les droits d'un enfant — d'un enfant — ou
d'un groupe d'enfants ont été lésés par des personnes, des établissements ou
des organismes, même si, au moment de l'enquête, l'intervention en vertu de la
présente loi a pris fin, à moins que le tribunal n'en soit déjà saisi.» Donc,
on parle de cas individuels. Qui va vous interpeler pour intervenir ou comment
vous...
Mme Arpin (Suzanne) : Oui.
Vous me permettez? C'est vraiment dans les cas où on fait des enquêtes
administratives, c'est-à-dire que ça peut être un parent, un avocat, un enfant,
un grand-parent, un tiers qui nous dit : Moi, je pense que les droits de
mon enfant ont été lésés, j'ai cette conviction-là. Alors, nous, on fait une
enquête, on va cueillir des preuves. On fait une enquête en toute neutralité.
Et on fait, par la suite, on fait un exposé factuel qui est envoyé au mis en
cause, qui est ciblé. Et après, si, pendant tout ce temps-là... Je dois vous
dire qu'à 90 % des cas, quand on nous demande de faire enquête pour une raison
de croire à une lésion de droit, 90 % des cas, on a une admission du directeur
de la protection de la jeunesse à l'effet qu'effectivement des droits ont été
lésés, et des correctifs sont apportés. Si ce n'est pas possible d'avoir ce
genre d'entente là, bien là, il y a un rapport qui est soumis au commissaire à
la commission, et on fait des recommandations envers ce mis en cause là qui
suit nos recommandations.
Mme Weil : Et, s'il n'y a pas
de remède, ou il n'y a pas de changement, ou il n'y a pas de suite, qu'est-ce
que vous pouvez faire? Quels sont vos pouvoirs?
Mme Arpin (Suzanne) : On a le
pouvoir de saisir le tribunal si les recommandations n'étaient pas suivies.
Mme Weil : C'est ça. Et
est-ce que c'est fréquent que ça arrive ou... que vous...
Mme Arpin (Suzanne) : Non, ce
n'est pas fréquent. Non. Non, parce qu'habituellement les mis en cause, qui
sont habituellement les DPJ, là, c'est pas mal toujours le même bassin... Oui?
Mme Weil : Ce mandat-là
occupe quel pourcentage de vos ressources et de votre temps parmi tout ce que
vous faites en protection de la jeunesse, des cas semblables, qui sont des cas
individuels?
Mme Arpin (Suzanne) : Oui,
oui, mais comme la loi le dit, c'est soit des situations... le dossier d'un
enfant ou d'un groupe d'enfants. C'est pour ça qu'on fait des enquêtes
individuelles, on en fait plusieurs, et on fait des enquêtes systémiques ou des
audits quand les situations, là, sont assez semblables dans une région. Par exemple,
on est souvent alimentés par des avocats ou des juges qui nous disent :
Eh! là, on voit tel genre de problème. Et là, nous, ça nous permet de
déclencher un audit ou une enquête systémique. Alors, nous, on a des
enquêtrices, on va le dire, qui font vraiment les enquêtes dans les dossiers
de... quand on a des raisons de croire qu'il y a des lésions de droit, et on a
des avocates, des procureurs qui sont au contentieux et qui font les dossiers
au tribunal.
Mme Weil : Merci pour cette
réponse. Dans des modèles ailleurs au Canada, par exemple, je pense qu'il y a
un ombudsman en Ontario qui représente les enfants, donc, ils ont comme une
indépendance, ils ne sont pas liés nécessairement à leur... comment dire, le
pendant de la CDPDJ, c'est vraiment des institutions très indépendantes. Bien,
vous l'êtes aussi, mais vous avez plusieurs mandats, mais eux, ils ont juste ce
mandat, les enfants. D'après ce que... Je ne sais pas, peut-être vous
pourrez... Vous pouvez peut-être éclairer, là. Et la commission en parlait,
lorsqu'ils ont proposé le commissaire, donc ils ont donné quelques exemples d'autres
provinces qui ont des institutions semblables avec un commissaire, un genre de
commissaire, mais avec d'autres noms, qui intervient beaucoup avant qu'il y
ait... je veux dire, même sensibilisé, approche. On voit que c'est une mission
très, très large, selon la commission spéciale. Donc, si vous pouvez peut-être
comparer avec un modèle qui <ressemble...
Mme Weil :
...selon
la commission spéciale. Donc, si vous pouvez peut-être comparer avec un modèle
qui >ressemble à ça avec... donc, où on n'est pas une commission comme
vous l'êtes, sur les droits, nécessairement, mais un commissaire qui est là
comme un... moi, j'ai utilisé le mot «chien de garde», mais peut-être la voix
des enfants, une voix qui représente réellement les enfants en toutes
instances, et juste les enfants. Qu'en pensez-vous?
Mme Arpin (Suzanne) : Alors,
oui, bien, tout à fait. D'ailleurs, je fais partie de ce conseil, c'est le
Conseil canadien des défenseurs des enfants et des jeunes, et on a fait en
sorte, à la commission Laurent, justement, de présenter ces modèles-là. On a
beaucoup alimenté la commission Laurent pour les aider, là, à se faire une idée
et une tête sur cette question-là. Et ce que mes collègues du reste... de l'extérieur
du Québec nous envient, c'est justement le fait qu'on peut aller dans les
dossiers au tribunal, ce qu'eux n'ont pas. Ils sont plus des ombudsmans, plus
des commissaires au bien-être, mais ils n'ont aucun pouvoir coercitif, ce que
nous avons au Québec. Et c'est quelque chose qu'ils regardent toujours, à
chaque fois qu'on a des rencontres, c'est quelque chose qui nous différencie,
qui nous distingue, et c'est ça, c'est toute la différence. Et plusieurs des
défenseurs au Canada ont des mandats, ils ne sont pas tous pareils, on a un
excellent document là-dessus d'ailleurs, il y en a, ça va être les blessures
graves qu'ils vont enquêter seulement, d'autres vont enquêter sur des problèmes
scolaires. Chacun a un mandat très, très, très particulier.
• (16 h 40) •
Mme Weil : Combien... Deux
minutes. Moi, il me semble que... Parce qu'il y a... Je reçois beaucoup d'appels,
hein, d'avocats, de parents, etc. Et des fois on sent que, s'il y avait comme
une voix extérieure avant que les choses s'empirent, parce que des fois ça...
on regarde le dossier puis on se dit : Ouf! Il y a mécompréhension, etc.,
comme un intervenant qui arrive plus tôt dans... La mécompréhension, souvent, c'est
beaucoup ça, là, entre l'intervenante et la famille. Vous, vous n'êtes pas
encore là parce que c'est lésion de droit, donc on est vraiment rendu là où c'est
catastrophique.
Et je ne sais pas s'il y a un modèle
quelque part dans le monde, mais on dirait que même la DPJ pourrait en
bénéficier, c'est comme une voix neutre, un genre de médiateur, un genre de
médiateur. Parce que des fois on le voit, surtout s'il y a des enfants avec des
problèmes de développement, des fois, c'est un parent qui peut l'avoir, et ce n'est
pas reconnu. Il y a une avocate qui m'a dit ça, elle le voit souvent, ils ne
comprennent pas pourquoi le père agit de cette façon, puis ce n'est pas de la
violence, c'est juste... ils ne sont pas capables de communiquer, et c'est des
gens... ça peut être l'autisme, et autres. Et donc, dans ce système, ces
gens-là sont assez perdus.
Alors, je ne sais pas, là, mais moi, je
sens, dans ce que j'entends, ça prend quelqu'un qui serait un genre de
médiateur. Parce que ce que je remarque, même avec la protection de la
jeunesse, même l'intervenante est toute seule, souvent, dans un dossier, puis
avant qu'elle puisse avoir l'appui de quelqu'un d'autre pour prendre des
décisions, et les relations deviennent tendues, et ça devient un dialogue de sourds,
et ça devient... c'est de pire en pire, ils sont devant la justice, etc. Alors,
un genre de médiateur, mais en prévention.
Alors, je ne sais pas, vous n'êtes pas
peut-être nécessairement dans ça, là, parce que c'est vraiment le quotidien,
mais je l'entends beaucoup des avocats. Et les avocats sont là aussi. Peut-être
le fait d'avoir un avocat au dossier, avec le projet de loi, cet avocat peut
jouer ce rôle, ce n'est pas vraiment son rôle, mais les amener à la médiation
pour que les gens se comprennent et que les gens ne soient pas bocqués, parce
que des fois c'est beaucoup ça, on le voit, et c'est des dossiers qui reculent
de 10 ans, là, quand on regarde, et c'est de pire en pire. Puis là il n'y
a plus personne qui se comprend, puis, bon. Alors, ça, je ne sais pas... Et le
droit de l'enfant est toujours pris... Le droit de l'enfant est toujours en
question parce que, pendant tout ce temps-là, ses droits sont lésés.
Mme Arpin (Suzanne) : Alors,
si je peux me permettre, Mme la députée, nous avons à la commission une
excellente équipe de médiatrices. Et, dans nos fantaisies, on commençait à
regarder, justement, qu'est-ce qu'on pourrait faire de plus encore pour les
enfants, pour les familles. Vous voyez, bientôt, on s'en va dans des dossiers
en conférence de règlement à l'amiable, on va tenter d'aller chercher une
reconnaissance de la lésion de droit. Ça aussi, ce sont des outils intéressants.
Est-ce qu'il faut passer par la commission? Est-ce qu'il faut passer par des
organismes <communautaires...
Mme Arpin (Suzanne) :
...une reconnaissance de la lésion de droit. Ça aussi, ce sont des outils
intéressants. Est-ce qu'il faut passer par la commission? Est-ce qu'il faut
passer par des organismes >communautaires qui pourraient accompagner les
parents? Mais ça va prendre un chef d'orchestre qui va tout bien unifier ces
actions-là à poser, tant pour les enfants que pour les parents.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons maintenant faire la conclusion
de cet échange avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci beaucoup.
Merci pour votre présence. Est-ce que vous pourriez nous expliquer la
recommandation 17 de votre mémoire, celle qui dit : «La commission
recommande d'être rattachée directement à l'Assemblée nationale pour tous les
aspects de sa gestion, y compris les aspects budgétaires»? Je n'ai pas eu le
temps de tout lire, là, évidemment, mais, si vous pouviez nous l'expliquer, j'apprécierais.
Une voix : ...
M. Zanetti : On n'a pas le
son. Ça se peut-tu?
Mme Arpin (Suzanne) : C'est
mon erreur, parce qu'il devient rouge, enfin, bref, c'est compliqué. C'est une
demande qui est faite... qu'on fait depuis plus de 25 ans, d'être
rattachés à l'Assemblée nationale. En fait, on voudrait être rattachés à l'Assemblée
comme l'est la protectrice, comme l'est la Vérificatrice générale. Comme vous
le savez, nous sommes un organisme sous le ministère de la Justice. Alors, ce
qu'on demande, c'est de pouvoir être rattachés directement à l'Assemblée
nationale, tant pour les budgets que pour la reddition de comptes, comme le
fait la protectrice ou la Vérificatrice générale, entre autres. Étant un
organisme nommé aux deux tiers, on souhaiterait avoir cette même liberté de
pouvoir s'adresser aussi à l'Assemblée nationale pour notre reddition de
comptes et que les parlementaires puissent nous poser des questions sur ce qui
a été dans l'année, les recommandations qui ont été suivies, celles qui n'ont
pas été suivies, pourquoi, vraiment une reddition de comptes sur le travail qu'on
fait en jeunesse et en charte.
M. Zanetti : Si je comprends
bien, ça vous donnerait une plus grande indépendance, est-ce que c'est ça, ou
une possibilité de prendre des initiatives de communication davantage?
Mme Arpin (Suzanne) : Est-ce
que quelqu'un d'autre voudrait y aller? Sinon, je vais tout prendre le temps.
Mme Montminy (Karina) : Bien,
absolument, on est vraiment... C'est une garantie supplémentaire, puis c'est
vraiment dans les garanties, en droit international, là, qui nous permet, là...
qui nous permettrait d'être pleinement indépendants, de renforcer cette
garantie.
M. Zanetti : Parfait. Bien,
merci. Je vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, je remercie Mmes Williams, Gauvreau, Montminy
et Arpin pour leur contribution à nos travaux et à votre présence, bien
entendu. Alors, je vous souhaite une belle fin de journée.
Je vais suspendre les travaux pour que
nous puissions accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup de votre
collaboration et de votre contribution.
(Suspension de la séance à 16 h 46)
(Reprise à 16 h 52)
Des voix :
Le Président (M. Provençal)
:Madame, je vais vous... Simplement,
pour les gens qui nous écoutent, je vous souhaite la bienvenue de façon
officielle, aux deux représentantes de l'Ordre des psychologues du Québec, c'est-à-dire
la Dre Christine Grou et la Dre Isabelle Marleau. 10 minutes
pour votre présentation. Par la suite, on procède aux échanges. Alors là, je
vous cède vraiment la parole, madame.
Mme Grou (Christine) :
Merci. Je ne voulais pas perdre une fraction de seconde. Alors, merci, M. le
Président. M. le ministre, MM. et Mmes les députés membres de la commission, l'Ordre
des psychologues vous remercie pour l'invitation à cette audition particulière
sur la Loi modifiant la Loi de la protection de la jeunesse.
Alors, je suis Dre Christine Grou,
présidente de l'Ordre des psychologues du Québec, psychologue clinicienne et
neuropsychologue spécialisée en santé mentale, et je suis accompagnée de la Dre Isabelle
Marleau, directrice de la qualité et du développement de la pratique,
psychologue spécialisée en pédiatrie et spécialisée dans le développement de l'enfant.
Alors, d'entrée de jeu, l'Ordre des
psychologues salue le dépôt de ce très attendu projet de loi. Il traduit bien l'intention
d'améliorer, donc, la protection de la jeunesse. En décembre 2019, nous avions
présenté un mémoire à la commission Laurent sur les enjeux relatifs à la
sécurité et au développement des enfants, et nous sommes très heureux de
constater que le projet de loi s'inscrit en continuité avec notre mémoire, qui
faisait d'ailleurs écho à bien d'autres, et où on avait souligné l'importance
des enjeux d'attachement, de la continuité et de la stabilité des liens,
notamment, et de s'assurer que les besoins au regard du développement des
enfants étaient comblés, l'accessibilité aux services également, entre autres <choses...
Mme Grou (Christine) :
...besoins au regard du développement des enfants étaient comblés,
l'accessibilité aux services également, entre autres >choses.
Alors donc, cela étant dit, on souhaite
vous adresser certaines préoccupations, la première étant la notion du temps,
qu'on retrouve à deux endroits, donc aux articles 1 et 6. Alors, dans les
considérants, on ferait la suggestion de modifier le libellé, parce que la
notion du temps peut porter à confusion. On peut aisément penser que c'est
parce que la notion du temps est différente chez l'enfant et chez l'adulte,
alors qu'on fait surtout référence à l'impact du temps qui passe et au grand
préjudice pour le développement de ne pas agir en temps opportun ou de retarder
une décision difficile.
Dans un deuxième temps, sur la primauté de
l'intérêt de l'enfant, alors on salue le fait qu'il devienne primordial, on est
tout à fait d'accord avec ça. Cela dit, c'est dans l'application que tout reste
à voir parce qu'il va falloir s'entendre sur l'opérationnalisation de ce
principe-là. Il va falloir aider les intervenants dans l'appropriation du principe.
Il va falloir avoir une compréhension commune, ce qui va peut-être passer par de
la formation, du mentorat. Il va falloir soutenir les intervenants terrain dans
leur pratique clinique. Et, une chose très importante, il faudra que l'organisation
des services fasse en sorte que l'opérationnalisation du principe soit aussi un
intérêt premier des établissements.
À l'article 6, on suggère un petit
ajout, c'est-à-dire on mentionne que l'implication des parents doit toujours
être favorisée, et on suggère d'ajouter «à condition de ne pas contrevenir à l'intérêt
premier de l'enfant». Donc, ce que ça veut dire, évidemment, c'est que, quand l'enfant
a des liens significatifs avec ses parents, c'est dans son intérêt de les
maintenir, mais il faut s'assurer que cette continuité de l'implication ne
nuise pas à l'intérêt premier.
Ensuite, on vous amène aux enjeux de
confidentialité. Alors, on est tout à fait d'accord avec la nécessité d'une
circulation plus fluide de l'information, quand c'est dans l'intérêt de l'enfant,
pour assurer sa sécurité et son développement. Donc, on a besoin d'avoir les
leviers nécessaires. Et la confidentialité, pour nous, n'est pas une valeur
absolue. Mais, bien qu'on comprenne l'intention de vouloir rendre les choses
plus fluides, on a quand même certaines préoccupations, notamment aux
articles 6 et 21 du projet de loi.
Alors, commençons par l'article 6. On
a ajouté une clause interprétative qui risque d'engendrer une certaine
confusion, à notre avis, c'est-à-dire qu'on doit déjà divulguer les situations
problématiques. On comprend que ça se fait souvent à géométrie variable et que
les intervenants, les professionnels ont une interprétation restrictive de la
divulgation, mais le correctif risque d'augmenter la confusion. Parce qu'ici on
demande aux professionnels d'interpréter une loi, et c'est très différent d'interpréter
une loi, ce n'est pas du tout équivalent à porter un jugement clinique quant à
l'intérêt de l'enfant ou à sa protection. Alors, pour, justement, éviter toute
confusion, il vaudrait beaucoup mieux baliser, donc donner un cadre de
référence, donner des balises de pratique, indiquer les situations où il
convient de divulguer que de demander aux professionnels d'interpréter, donc,
de manière à favoriser la communication.
Ensuite, à l'article 21, donc, on
veut élargir l'obligation de communiquer les renseignements au directeur de la
protection de la jeunesse. Et actuellement, ce qui s'applique aux
établissements du réseau de la santé et des services sociaux, on veut l'élargir
à tous les organismes et aux cabinets de professionnels. Donc, on comprend que
ça peut concerner un renseignement pour l'enfant, sur un des parents ou sur une
autre personne et que la direction de la protection de la jeunesse pourrait
entrer en tout temps, s'il y avait urgence, pour prendre connaissance du
dossier.
On s'est questionné sur les motifs de cet
élargissement-là, sur qu'est-ce qui cause problème pour qu'on veuille élargir,
bien qu'on comprenne la nécessité de la fluidité. Et, s'il y avait un
élargissement aux cabinets privés de professionnels, par exemple, ou à d'autres
organisations, il faudrait vraiment se pencher puis réfléchir aux méfaits
potentiels que ça pourrait engendrer, donc, on peut imaginer plusieurs exemples,
mais il faudrait s'assurer ici que le mieux ne devient pas l'ennemi du bien.
Sur l'accompagnement jusqu'à majorité,
écoutez, on partage ce que d'autres vous ont dit, c'est-à-dire que, d'abord,
18 ans, c'est jeune, et les jeunes qui sont sous la protection de la
jeunesse sont moins outillés, plus carencés et souvent moins outillés pour
faire face à la vie adulte. Et ce qu'on souhaite, c'est qu'on évite une rupture
trop brutale puis trop <précoce...
Mme Grou (Christine) :
...la vie adulte. Et ce qu'on souhaite, c'est qu'on
évite une rupture trop brutale puis trop >précoce, donc, dans les
services de protection, éviter aussi une rupture du lien de confiance. À 17 ans,
avoir une seule rencontre, si l'enfant consent, avec un prestataire de services
qui demeure encore à définir, parce qu'on ne sait pas nécessairement c'est qui,
c'est périlleux. Alors, on est d'avis que le passage de la vie adulte, ça ne se
passe pas nécessairement dans la 18e année, mais plutôt entre la 18e et la
25e année, et que donc il faudrait peut-être aller plus loin dans l'accompagnement
des jeunes pour leur offrir du soutien.
Évidemment, sur le directeur national et
sur le Forum des directeurs, on salue l'intention. Encore une fois, c'est une
excellente mesure, mais nous espérons que ses responsabilités lui permettront
de rester à l'affût de la réalité des intervenants, de soutenir les pratiques,
de répondre aussi aux défis de l'accessibilité compétente et de la qualité, de
la continuité, de la stabilité des services.
En 2019, on avait mentionné qu'il fallait
s'assurer que les conditions d'exercice permettent une offre de services de
qualité, qu'il fallait favoriser une continuité essentielle au développement du
lien de l'attachement, qu'il fallait s'assurer aussi que les professionnels
aient une formation puis le soutien clinique nécessaire. Alors, sur la
direction et sur le forum, c'est une excellente chose, parce que cela va
permettre d'harmoniser les pratiques, ça va permettre aussi d'assurer la mise en
œuvre des perspectives et des orientations. Mais on souhaite que les réalités
ou les particularités, évidemment, de chacun, soient tenues en compte. On
souhaite surtout que le forum puisse aussi assurer du soutien aux intervenants
terrain.
Alors, on souhaite, en fait, que ce soit
une mesure qui ne soit pas uniquement «top-down», pour m'exprimer en bon
français, mais qui soit vraiment à deux sens, c'est-à-dire que le terrain
puisse remonter au Forum des directeurs et aux directeurs de la protection de
la jeunesse, tous les problèmes qui peuvent être rencontrés, pour s'assurer que
les jeunes ont ce qu'il faut pour assurer leur protection.
• (17 heures) •
En conclusion, donc, il y a beaucoup de
pain sur la planche encore qu'il nous reste collectivement à faire pour
protéger puis pour assurer... pour améliorer la vie des jeunes, pour les
protéger, pour assurer leur sécurité. La loi traduit vraiment une intention de
mieux faire. Il faut voir maintenant comment cette loi-là va se traduire auprès
d'eux, nos jeunes, nos enfants. Et je pense qu'il faut considérer qu'une loi
seule ne pourra pas changer la qualité de vie de ces enfants puis de ces
adolescents-là. Il y a tout un défi d'opérationnalisation auquel on va offrir
toute notre collaboration. Parce que c'est un défi qui n'est pas seulement
celui de la direction de la protection de la jeunesse, mais c'est un défi qui
est sociétal, collectif et qui nous concerne, nous, comme ordre professionnel.
Il est aussi impératif d'assurer l'accessibilité à l'ensemble des services
requis, à l'ensemble des services requis, la qualité et la continuité des
suivis, la qualité des liens qu'ils apprendront à développer et la priorisation
d'un développement harmonieux afin de les amener à une vie heureuse et à une
pleine autonomie. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Mme la présidente,
pour cet exposé. Nous allons maintenant initier la période d'échange avec M. le
ministre. M. le ministre, je vous cède la parole.
M. Carmant : Merci, M. le
Président. Bonjour, Dre Grou, Dre Marleau, très content de vous voir,
toujours un plaisir.
Mme Grou
(Christine) :Bonjour, Dr Carmant.
M. Carmant : Bonjour. Puis,
Isabelle, je ne dirai pas qu'on a déjà travaillé ensemble, mais quand même. Je
ne peux pas m'empêcher.
Mme Marleau (Isabelle) :C'était un plaisir, je dois le dire.
M. Carmant : Parce que le
premier point, justement, la clarification sur le temps, le neurologue en moi
est tout à fait d'accord avec vous, mais je ne sais pas si, au niveau des
juristes, là, est-ce que ça complique un peu la compréhension de l'article.
Donc, je pense qu'il va falloir regarder ça d'un peu plus près, mais l'intention,
je la comprends tout à fait, puis je pense que le point est bien pris.
Un point qui est important puis qu'on n'a
pas beaucoup parlé, puis j'ai entendu certains DPJ le mentionner, j'ai demandé,
il y a deux ans, là, quand on a commencé tout le processus, une des choses que
j'ai demandées, c'est que l'accès aux services professionnels pour les enfants
et les parents soit prévu dans les 30 jours, lorsque demandé par la
protection de la jeunesse. Puis ça, ce n'est pas toujours bien reçu, parce qu'il
y en a qui disent : Bien, quelqu'un à la protection de la jeunesse peut
avoir un problème moins urgent que quelqu'un qui n'y est pas. Mais, moi, je
suis convaincu que quand on regarde l'ensemble du problème, là, c'est important.
Certains m'ont mentionné : Est-ce que ça devrait être dans la loi, cet
aspect-là...
17 h (version révisée)
M. Carmant : ...l'ensemble du
problème, là, c'est important. Certains m'ont mentionné : Est-ce que ça
devrait être dans la loi, cet aspect-là? J'aimerais ça, vous entendre là-dessus.
Mme Grou (Christine) :Je vais me permettre de répondre puis je vais céder la parole
au Dre Marleau. Je pense que... En fait, pour un enfant, le passage du
temps a des effets dramatiques. C'est-à-dire que, si on n'intervient pas en
temps opportun, ça peut avoir des conséquences importantes. D'où la notion du
temps. C'est là que le temps est important pour un enfant.
Mais, cela dit, c'est évident que tous les
enfants n'ont pas nécessairement le même niveau d'urgence, mais... et ça, ça
demande une bonne évaluation. Mais je veux juste qu'on fasse attention quand on
parle de donner un service dans les 30 jours, parce qu'il ne faudrait pas
non plus aller vers toutes sortes de stratégies pour s'assurer qu'on a un
premier appel téléphonique à l'intérieur de 30 jours, mais qu'on ne donne
pas nécessairement le service requis. Et ce que ça veut dire, c'est que, si,
par exemple, un enfant a besoin de parler à un travailleur social, qu'il puisse
parler à un travailleur social, s'il a besoin et psychoéducateur, que ça puisse
être psychoéducateur, s'il a besoin d'un psychologue, que ce soit un
psychologue, mais que ce soit au-delà d'un premier appel pour qu'il disparaisse
d'une liste d'attente virtuelle.
Peut-être, Dre Marleau, vous avez
autre chose à dire là-dessus?
Mme Marleau (Isabelle) :Je pense qu'effectivement, un panier de services, c'est
absolument essentiel et... En fait, on pourrait aussi insister sur des
pratiques collaboratives puis de l'interdisciplinarité parce que l'ensemble des
professionnels et puis des intervenants peuvent offrir, là, un premier service.
Puis, parfois, l'intensité de service, comme on voit dans d'autres... dans
d'autres domaines, il y a des intensités de services qui, comme vous le
mentionnez, là, peuvent être distincts selon les problématiques, et là, à ce moment-là,
on offre le bon service à la bonne personne au bon moment, puis c'est ce qu'on
souhaite.
M. Carmant : D'accord.
Mme Grou (Christine) :Mais je pense que ce qu'on souhaite aussi, puis j'ajouterais, je
pense que ce n'est pas juste souhaitable d'offrir un service, mais vraiment d'offrir
le bon service, d'offrir le service dont l'enfant a besoin à ce moment-là.
M. Carmant : Oui. Puis je
suis bien conscient puis très intolérant face aux techniques, là, que vous
mentionnez, là. Tu sais, on s'assure que ce ne soit pas le cas.
Au niveau de la formation puis du forum,
je pense que c'est super important, l'harmonisation des pratiques, de la
connaissance, tout ça. Comment vous voyez le rôle de la directrice nationale de
la protection de la jeunesse là-dedans et aussi le rôle de l'ordre, qui est...
Tu sais, comment vous vous voyez positionnés par rapport à ça?
Mme Grou (Christine) :Bien, moi, je le vois comme un rôle partagé, c'est-à-dire que
je pense qu'il devrait y avoir une obligation de formation des intervenants,
mais en même temps une offre de formation. Puis, ça, c'est très important. Si
on veut garder une vraie interdisciplinarité puis une richesse des pratiques au
profit de l'enfant, il faut aussi assurer une formation spécifique à chaque
type de profession. Donc, il faut y avoir un tronc commun, mais il faut y avoir
aussi de la formation pour chaque professionnel.
Puis, cela dit, je pense que, dans un
contexte où on réfléchirait les besoins de formation ensemble, les ordres
pourraient faire tout un travail de formation de leurs membres. Mais je pense
qu'il faut que l'ensemble des intervenants... puis, quand je dis «l'ensemble
des intervenants», c'est aussi le forum des directeurs puis c'est aussi les
directeurs, soient formés à certaines réalités cliniques, aux enjeux
développementaux, notamment, aux enjeux de l'attachement qui sont fondamentaux pour
qu'un enfant puisse se construire.
Mme Marleau (Isabelle) :Absolument. Puis, quand on parle de formation, on parle aussi
de supervision, de consultation entre pairs. On pourrait bonifier aussi dans
la... En fait, les intervenants sur le terrain nous mentionnent ces besoins-là
dans le contexte des populations qui sont très difficiles à desservir. C'est un
travail émotionnellement intense. Donc, le soutien des pairs, là, p-a-i-r-s est
extrêmement important. Alors, il pourrait y avoir des programmes où on valorise
les professionnels ou les intervenants seniors qui pourraient avoir, dans leur
dans leur mandat ou tâches, là, de former les juniors. Ça pourrait faire
partie, là, de la formation de base qui serait offerte.
Mme Grou (Christine) :Oui. Puis, vous savez, j'ajouterais que, concrètement, ce n'est
simple pour un jeune professionnel qui commence, parce que, moi, je pense juste
à la notion de l'intérêt de l'enfant puis je peux imaginer des lieux où l'enfant
même a des intérêts en conflit. C'est-à-dire, parfois, il y a un lien d'attachement
avec une personne qui ne répond pas à ses besoins développementaux. Puis là
quel intérêt on va prioriser? Et tout ça, justement, peut se résoudre en
parlant à quelqu'un de plus senior ou à quelqu'un qui y a <déjà...
Mme Grou (Christine) :
...tout ça, justement, peut se résoudre en parlant à quelqu'un de plus senior
ou à quelqu'un qui y a >déjà réfléchi. Donc, le soutien, la formation,
la supervision doit prendre plusieurs formes, puis je pense qu'il ne faut pas
lésiner là-dessus.
M. Carmant : Superbien,
bien, bien entendu. Dernière petite question, là, pour moi avant que je passe
la parole à d'autres députés. Il y aurait la problématique de la
confidentialité. Les autres ordres aussi ont exprimé, là, peut-être, je dirais,
un certain inconfort ou... Est-ce qu'on va trop loin? Comment vous vous
positionnez? Tu sais, je veux dire, on ne veut pas rentrer dans les bureaux
puis s'en aller avec les dossiers, là. Ce n'est pas ça, l'idée. L'idée, c'est
vraiment d'aller chercher le plus d'informations possible. Par exemple, à l'hôpital,
si c'est le neurologue ou le médecin qui fait le signalement, bien, tu sais, ça
va être la seule personne qui va entrer en contact avec la DPJ. Tu sais, nous,
c'est vraiment élargir le bassin d'informations le plus possible qu'est le but.
Mme Grou
(Christine) : Mais, ça, on comprend très bien. Ce qu'on s'est
demandé, c'est quel était le problème qu'on voulait régler. Puis, en fait, on
craint toujours, dans un contexte comme ça, les dérives, hein, ou un retour
trop grand du balancier. Donc, on s'est demandé : Est-ce qu'il y a un
problème à régler? Parce que les professionnels ont déjà une obligation de
divulgation. Donc, qu'est-ce qui fait qu'on veut élargir aux cabinets privés?
Puis on s'est mis à penser à plusieurs situations où ça pourrait être risqué de
voir quelqu'un venir voir le dossier ou de voir une information partagée, puis
je pourrais donner certains exemples.
Mais prenez juste pour exemple l'adolescent
qui est ambivalent par rapport à sa famille d'accueil, qui dit, par exemple, à
son psychologue vouloir la quitter. Bon. Puis l'adolescent a 15 ans, il
veut la quitter, mais il est ambivalent, il n'est pas certain, puis etc. Ça se
retrouve au dossier puis finalement ça finit par aller aux yeux ou aux oreilles
de la famille en question, qui confronte l'adolescent. Mais qu'est-ce qui
arrive? L'adolescent, il risque de perdre un lien avec la famille d'accueil,
mais il risque aussi de perdre son lien de confiance avec le professionnel à
qui il l'a confié, puis heureusement qu'il pouvait le confier.
• (17 h 10) •
Et prenons un exemple encore plus probant
pour moi de la mère qui a un enfant qui a des problèmes de santé, puis, ça,
vous avez connu ça, Dr Carmant, des problèmes neurodéveloppementaux
majeurs avec des problèmes de santé majeurs. Et l'enfant se voit avec la mère
qui est épuisée, et la mère confie... a le réflexe de consulter, confie à son
psychologue, par exemple, qu'il y a des journées où elle s'imagine son enfant
mort parce qu'elle a besoin d'un répit, parce qu'elle ne respire jamais puis
parce qu'elle n'est plus capable de voir les souffrances de son enfant. Le fait
de le dire à quelqu'un, de le confier à quelqu'un est définitivement un facteur
de protection parce qu'on va pouvoir examiner les mécanismes à mettre en place,
justement, pour protéger la mère et son enfant. Mais, si cette information-là
risquait de faire en sorte qu'elle se voit retirer son enfant, elle ne le dira
pas puis elle n'aura pas d'aide.
Donc, c'est pour ça qu'on peut imaginer l'envers
de la médaille. Et on s'est demandé quel problème veut-on régler pour élargir
ce bris de confidentialité. Mais, encore là, je le répète, la confidentialité n'est
pas une valeur absolue pour nous. Il faut juste le réfléchir.
M. Carmant : Parfait.
Oui, tout à fait. Puis mieux le baliser, là, je comprends. Je pense que l'exemple
était bien choisi.
M. le Président, je passerai la parole au
député de Lac-Saint-Jean, s'il vous plaît.
Le Président (M. Provençal)
: Oui, avec plaisir. M. le député. Il reste, à titre
informatif, cinq minutes.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, M. le Président. Bonjour, Dre Grou, Dre Marleau. Écoutez, je ne suis pas
un spécialiste autant que vous, autant que mes collègues en la matière, mais c'est
quelque chose qui vient me chercher et qui me touche quand même
particulièrement. Et moi, j'aimerais ça, peut-être, revenir au niveau de la
notion du temps. On a entendu la Fédération des familles d'accueil qui en a
parlé beaucoup, la notion du temps, puis dans un contexte toujours de cas
exceptionnels, là, c'est quand même bien de le mentionner. Et est-ce que les
délais sont parfois trop longs? Parce qu'elle mentionnait que, dans la vie d'un
enfant de 10 jours ou de 6 mois, c'est toute une vie, hein? Donc, j'aimerais
vous entendre un peu là-dessus. Je sais que c'est difficile aussi parce qu'on
fait... on vient faire un lien avec l'article 91 aussi dans tout ça, mais
j'aimerais vous entendre là-dessus, au niveau de la... plus en profondeur, au
niveau de la notion du temps. Est-ce que c'est trop long quand on parle de cas
exceptionnels? Et qu'est-ce qu'on pourrait faire pour améliorer ces délais de
temps?
Mme Grou
(Christine) : Alors, cette fois-ci, je vais demander au Dre
Marleau de commencer.
Mme Marleau
(Isabelle) : Écoutez, on est absolument d'accord avec ce que
vous <dites...
Mme Marleau
(Isabelle) :
...écoutez, on est absolument d'accord avec
ce que vous >dites, que c'est une... Quand on parle d'un week-end, pour
un jeune enfant d'un an, bien, un week-end, c'est deux jours sur 365 et c'est...
On peut presque le calculer ou se faire une image de cet ordre-là. Donc... Et
les capacités aussi de s'ajuster pendant ces périodes-là sont également... ne
sont pas autant développés, là, chez des très jeunes enfants. Donc,
effectivement, il y a possibilité que, dans des cas plus extrêmes, effectivement,
oui, on pourrait dire que c'est trop long, dépendamment de ce qu'on entend par
trop long, là, et il faut agir.
Mme Grou (Christine) :
Non, mais l'exemple que je pourrais peut-être vous donner, c'est que, quand on
a des petits enfants, et, bon, j'ai eu des petits-enfants qui ont déjà été
petits, à un moment donné, on compte en nombre de dodos parce que c'est une
notion de temps significatif. Puis un dodo pour un enfant, là, c'est
interminable. Un enfant qui a peur, un enfant qui a mal, je veux dire, il n'a
pas développé, en dedans de lui, les ressources dont il a besoin pour se
contenir. Il a besoin d'avoir un adulte significatif, rassurant, qui va le
contenir. Un enfant qui est pris avec une problématique, par exemple, parce qu'il
ne veut pas aller à la maternelle, ce n'est pas dans deux jours puis dans trois
jours qu'il va avoir besoin de soutien, c'est maintenant.
Et, pour un enfant, vous comprenez que l'enfant
n'a pas un cerveau mature, donc un problème qui nous semble petit peut être la fin
du monde pour un enfant. C'est son monde qui s'écroule. Et c'est ça qu'il ne
faut pas perdre de vue. Parce que, si on veut que sa sécurité affective se
construise, si on veut que sa sécurité psychique se construise, puis si on veut
assurer sa sécurité physique... Vous savez pertinemment comme moi qu'un
nourrisson, je veux dire, vous le laissez dénutri deux jours, puis, écoutez, sa
vie va en dépendre.
Alors, c'est dans ce sens-là que la notion
du temps est déterminante parce... Puis ce n'est vraiment pas juste parce que
le temps est différent pour l'enfant et pour l'adulte, c'est parce que d'attendre,
donc, d'attendre une semaine, quand la sécurité d'un enfant est compromise,
quand il est mort de peur, quand il y a des... quand il est convaincu, par exemple,
que sa vie dépend de quelque chose, s'il n'y a personne pour le rassurer, je
veux dire, c'est déterminant. Et c'est beaucoup plus dommageable, c'est
beaucoup plus préjudiciable que si ça se passe dans la vie d'un adulte, qui y a
quand même une maturité, et un recul, et une capacité, donc, de trouver des
ressources ou d'aller les trouver ailleurs.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci.
C'est tout pour moi, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
: Il reste une minute, si la députée de Lotbinière-Frontenac
veut formuler.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Bonjour, mesdames. Tout à l'heure, vous en avez parlé brièvement, là, de l'importance
d'offrir aux jeunes un continuum de services. J'aimerais que vous précisiez qu'est-ce
que vous entendez par ça puis comment vous voyez ça, s'il vous plaît.
Mme Grou (Christine) :Bien, quand on parle d'un continuum de services... On parlait
de la transition à la vie adulte, hein? Parce que, quand il arrive à 18 ans, à
un moment donné, tout le cadre et les liens qu'il a pu développer.... puis
souvent, ce n'est pas facile de développer des liens, donc ça va se terminer. Et
c'est très jeune. Puis je vais même vous dire, 17 ans, là, il y a beaucoup
de jeunes qui veulent juste avoir les coudées franches, qui veulent voler de
leurs propres ailes. Ils ne voient pas la pertinence des services. Ils n'ont
pas encore eu à se trouver un logement, ils n'ont pas encore eu à gagner des
sous, ils n'ont pas encore eu à assurer leur autonomie puis à remplir leur
frigo. Quand ils vont devoir faire tout ça, la vie devient pas mal plus
difficile. Peut-être qu'ils vont avoir besoin d'aide, peut-être qu'ils vont
développer des problèmes d'anxiété, peut-être qu'ils vont développer des
difficultés d'adaptation, et là ils ne sauront pas où aller chercher ni l'aide
ni les services puis ils n'auront plus de liens significatifs pour être capable
de les orienter.
Et c'est en ce sens-là qu'on trouve que la
transition entre 18 et 20 quelques années... puis, bon, à vous de déterminer le
moment, mais ce qu'on dit, c'est que le passage à l'âge adulte... Je comprends
qu'à 18 ans on peut aller voter puis on peut rentrer dans un bar, mais ça
ne fait pas de nous des adultes accomplis. Et les jeunes qui sont sous la
protection de la jeunesse ont des besoins... D'abord, ils ont souvent moins d'adultes
significatifs autour d'eux, ils ont moins de références. Ils ont encore plus
besoin d'accompagnement puis d'être capable d'avoir des références stables dans
le temps pour les accompagner dans ce passage-là, qui ne sera pas finalisé
parce qu'ils atteignent leur majorité, leur majorité légale.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Nous allons maintenant...
Mme Marleau
(Isabelle) :
<...
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) :
...merci.
Le Président (M. Provençal)
:
Nous allons
maintenant...
Mme Marleau
(Isabelle) :>...
Le Président (M. Provençal)
: ...y aller avec Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce pour
10 min 10 s.
Mme Weil : Merci, M. le
Président. Bonjour, Dre Grou, Dre Marleau. C'est vraiment intéressant
de vous entendre parce que vous amenez des nuances dans des mots, des
expressions qu'on utilise presque depuis deux ans, là. Et tout le monde a
absorbé ces expressions, notion de temps, le temps de l'enfant, l'intérêt de l'enfant,
mais chacun peut avoir sa compréhension. Alors, vous amenez des précisions qui
font en sorte que, O.K., on comprend de quoi on parle.
Alors, si on revient sur votre précision,
l'article... donc, c'est l'article 6 du projet de loi n° 15 : «agir
avec diligence pour assurer la protection de l'enfant, compte tenu — donc
vous êtes beaucoup plus précis que la notion de temps — de l'impact — c'est
ça qu'on cherche — dont l'impact, chez l'enfant, du temps qui passe
sans prendre action».
Mme Grou
(Christine) : Exact. Exact.
Mme Weil
: Donc, les
conséquences sur son développement, l'anxiété que l'enfant pourrait développer,
des séquelles qui ne pourront pas être récupérées, là vous le voyez vraiment
comme comme des psychologues, et c'est... en fait, c'était l'objectif de cette
notion de temps, mais c'est la première fois, je pense, qu'on l'entend aussi
précisé comme ça. Alors, merci. Est-ce que vous avez un rajout?
Mme Grou (Christine) :
Non, je vous laisse continuer. Je pense que vous avez très bien saisi.
• (17 h 20) •
Mme Weil : Et donc, ensuite,
encore une fois, la primauté de l'intérêt de l'enfant, donc, «stipule que l'implication
des parents doit toujours être favorisée». Vous, vous dites : Attention au
«toujours», là. Le «toujours» est sans nuance. Ça fait comme l'absolu. Alors,
tout ça va vraiment alimenter notre réflexion.
Je voulais peut-être vous amener, parce que
ma collègue aura aussi des questions, l'accompagnement à la majorité. On en a
beaucoup parlé, je pense qu'il y a vraiment un consensus d'aller plus loin. Parce
qu'on a, certains, on a des petits-enfants, donc on a eu des enfants qui
avaient 18, 19, 20 ans, 21 ans. On les a accompagnés jusqu'à leur
baccalauréat, juste, bon... leurs études, toujours là comme conseil, bon, et
donc ça donne, évidemment, confiance, hein, aux enfants. Et ces âges-là sont
tellement importants. Et c'est de voir... de vous entendre là-dessus. Et, d'un
point de vue d'expertise psychologique, c'est : Qu'est-ce que ça peut
faire d'amener cet appui? Surtout des jeunes plus vulnérables, avec l'expérience
de vie qu'ils ont eue, et peut-être qu'ils n'ont pas eu tellement de personnes
dans leur vie en qui ils pouvaient vraiment avoir confiance. Et là on avait le regroupement
des familles d'accueil qui disaient : Nous, on pourrait jouer un rôle
important de 18 à 21 ans parce qu'on a déjà une relation de confiance. On
a des gens qui reviennent nous voir à 40 ans, 50 ans, donc... Bon, c'est
un peu l'histoire, et c'est intéressant, c'est la première fois que j'entends
ça comme solution. J'aimerais vous entendre sur comment vous voyez ça, ces
âges-là, 18, 19, 20 ans, des gens qui sont quand même assez vulnérables.
Mme Grou (Christine) :
Pour moi, l'âge de 18, 19, 20 ans, ce n'est pas, en termes de maturation
cérébrale — et là c'est la neuropsychologue qui parle, là — ce
n'est pas l'âge adulte, c'est-à-dire ce n'est pas le moment où le cerveau a
fini sa maturation. Donc, au niveau de ce qu'on appelle les fonctions
exécutives, la capacité de s'organiser, de planifier, d'anticiper les
conséquences de ses actions, d'avoir une flexibilité qui permet de voir un ensemble
de solutions à des difficultés, de savoir où aller chercher, donc les
références, d'être en rapport avec les institutions, par ailleurs, hein, d'aller
chercher un permis de conduire, de faire une transaction bancaire, d'aller
contracter... bref, quoi que ce soit, on sait à quel point les jeunes peuvent
avoir besoin de conseils. Puis on sait aussi qu'avant 24 ans il y a un bon
nombre d'hospitalisations en santé mentale, c'est-à-dire qu'on sait qu'il y a
une fragilité des jeunes quand ils ne sont pas bien pris en charge, et je pense
qu'il faut faire attention à ça.
Puis on sait aussi que les jeunes qui sont
sous la protection de la jeunesse sont encore plus vulnérables. Alors donc, ça
a été tellement difficile pour eux de développer des liens significatifs, ils
sont tellement plus à risque d'avoir des problèmes de confiance en eux puis des
problèmes d'estime d'eux-mêmes, je pense qu'il faut continuer à les aider à se
construire.
C'est comme si on les a amenés jusqu'à
majorité, et là on les amène au bord d'une piscine, puis on a le choix entre
les pousser jusqu'à l'autre côté de la rive ou encore les laisser tomber
dedans. Peut-être qu'il y en a qui vont nager, et peut-être une bonne
proportion, mais il y en a qui vont se noyer. Puis je pense que c'est ça qu'il
faut éviter.
Je ne sais pas si, Dr Marleau, vous
voulez ajouter quoi que ce soit?
Mme Marleau (Isabelle) :
Oui. En fait, parce qu'entre 18 et 25 ans, puis on peut très bien le lire,
là, dans le rapport Laurent, hein, il y a beaucoup de statistiques où on voit
qu'il y a beaucoup de troubles de santé <mentale...
Mme Marleau
(Isabelle) :
...dans le rapport Laurent, hein, il y a
beaucoup de statistiques où on voit qu'il y a beaucoup de troubles de santé
>mentale qui vont se cristalliser et puis... durant cette période-là.
Donc, ça s'ajoute aux vulnérabilités, à toutes les vulnérabilités qui se sont
potentiellement accumulées ou tous les traumas que ces jeunes-là ont dû...
auxquels ils ont dû faire face.
Puis c'est... Je voudrais faire écho, là,
à ce que... Je crois que c'était à Mme Laurent qui parlait de l'apprentissage
de la citoyenneté, hein? Alors, c'est effectivement durant cette période-là et
c'est extrêmement important. Et on est en train de laisser ces jeunes-là à
eux-mêmes alors qu'ils sont dans cette période-là, où ils font cet
apprentissage-là, qui est absolument essentiel, là, pour...
Mme Grou (Christine) :
Puis, tu sais, il faut ajouter que c'est l'apprentissage d'être capable d'avoir
une éducation, d'avoir accès à des qualifications professionnelles, d'avoir un
appartement, de garder un appartement, d'avoir un emploi, de garder un emploi.
C'est l'apprentissage aussi de la vie de couple, de la parentalité, pour
certains. Donc, on veut les aider à construire ça. On veut vraiment, je pense,
en tout cas, je souhaite, les aider à vraiment aller vers la vie adulte, mais
une vie adulte pleine et entière.
Mme Weil : Merci. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: ...minutes. Mme la députée.
Mme Robitaille : Merci,
mesdames. C'est extrêmement intéressant et c'est extrêmement pertinent. Puis merci
de parler de l'importance de suivre ces jeunes-là, d'entre 18 et 21 ans,
de suivre... justement de s'assurer... puis il faut le faire, il faut essayer
de trouver une façon, j'espère, avec le ministre de s'assurer d'une transition
pour ces jeunes-là.
Je veux juste vous dire, je suis sur la
députée de Bourassa-Sauvé, c'est Montréal-Nord, et il y a d'énormes problèmes
de marginalisation de ces jeunes-là qui sont, des fois, dans la délinquance. Et,
si on avait un soutien, un soutien, peu importe, ou s'ils pouvaient rester dans
leur famille d'accueil, évidemment, ça ferait une énorme différence. Je pense
aussi à France Labelle, la directrice du Refuge des jeunes à Montréal, qui en
accueille des jeunes qui ont entre 18 et 21 ans, là, et c'est extrêmement
problématique. Puis on le voit, puis c'est une nécessité. Alors, merci... merci
de nous dire ça et de nous le rappeler.
Je voulais, moi, revenir sur la question
de la confidentialité. Il y a... Vous le dites, il y a tout ce qui est
renseignement, là, tout ce qui est confidence dans une séance de
psychothérapie. Il y a ça. Mais on parlait aussi, ce matin, à la Fédération
québécoise des directions d'établissement scolaire, qui nous disait, par
contre, il y a de l'information qui ne circule pas, il y a... Et, quand on
parle d'élargir ce qui est confidentiel, c'est aussi... c'est aussi,
évidemment, les rapports ou le plan d'intervention de la DPJ qui devraient être
mieux communiqués aux écoles, par exemple, de façon plus rapide, plus efficace.
Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?
Mme Grou (Christine) :
Honnêtement, moi, j'aurais tendance à vous dire : Il faudrait se demander
quelle information devrait être à communiquer et qu'est-ce qui est pertinent de
communiquer. Parce que, quand on transfère de l'information à une école, par
exemple, au niveau du plan d'intervention, il y a énormément d'informations
sensibles. Puis, à certains moments, il y a une information qui n'est même pas
à la portée du jeune. Donc, il faut faire attention à qui on... qui va avoir
accès à cette information-là et quelle est l'information qu'on diffuse. Est-ce
qu'elle est pertinente? Puis ce qu'on veut, dans le fond, c'est que ce soit une
information... c'est que ce soit nécessaire, que ce soit pertinent, que ce soit
efficace. Donc, est-ce que c'est nécessaire à la protection de l'enfant et
est-ce que ça va être efficace pour qu'on puisse le protéger? Et toute
information ne sera pas nécessairement ni nécessaire ni efficace. Je vous
dirais même qu'il y a des situations où ça sera peut-être le contraire.
Alors, je pense que... Moi, je ne suis
pas du tout contre, on n'est pas contre la transmission de l'information. Il
faut juste ne pas ouvrir un buffet à la carte puis dire : Qu'est-ce que...
Réfléchissons sur comment transmettre, quoi transmettre et comment surtout ne
pas créer de préjudice.
Et je reviendrais peut-être à ce que vous
avez dit, d'entrée de jeu, c'est-à-dire que, quand vous dites que c'est... bon,
en fait, que nous vous avons rappelé l'importance d'assurer le suivi entre 18
et 25 ans, je veux juste revenir sur le fait que, oui, c'est important,
mais ce n'est pas la seule chose importante. Parce qu'il faut quand même qu'avant
18 ans on leur ait aussi donné accès à tous les services dont ils ont
besoin. Parce que s'ils n'ont pas ça... Tu sais, c'est une continuité, dans le
fond, hein? Et, s'ils n'ont pas <ça...
Mme Grou (Christine) :
...que s'ils n'ont pas ça... Tu sais, c'est une
continuité, dans le fond, hein? Et, s'ils n'ont pas >ça entre 0 et
18 ans, bien, on va arriver tard dans le processus. Et, s'ils ont tout ça
puis qu'on ne donne pas le 18 à 20 quelques années, bien, malheureusement, on
risque de compromettre, encore une fois, le processus. Alors, c'est vraiment
une continuité.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Merci beaucoup.
Mme Robitaille : Oui. Ah?
Le Président (M. Provençal)
:Je m'excuse, alors, même si l'échange
était très intéressant. Alors, on va continuer cet échange avec le député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci beaucoup.
Sur la question de la confidentialité, là, si je comprends bien votre position,
c'est : Ne soyez pas flous en remettant ça, au fond, au jugement
professionnel de chaque intervenant parce que c'est une patate chaude, puis
aussi ça peut mener à des abus, dans le sens que ça peut amener à un mauvais
jugement puis à trop de divulgation d'informations, mettons.
Mme Grou (Christine) :Bien, en fait, ce qu'on dit, c'est que les intervenants ont
déjà l'obligation de divulguer une information quand la sécurité de l'enfant
est compromise. O.K.? Donc, il y a déjà cette obligation-là. Et là on veut
élargir ça, c'est-à-dire qu'on veut que la direction de la protection de la
jeunesse puisse, outre les organisations du réseau de la santé et des services
sociaux, aller dans les autres organisations et aller dans les cabinets pour
aller chercher l'information lorsqu'il juge que l'intérêt de l'enfant est
compromis ou encore que son bien-être est compromis. Puis on n'a pas parlé du
mot «bien-être», qui jette aussi une confusion parce que, le bien-être, c'est
large.
Et donc c'est là où on se demande :
Mais qu'est-ce qui pose problème pour qu'on veuille élargir? Et est-ce qu'on ne
va pas, finalement... Et là, je le répète, notre position, c'est que la
confidentialité n'est pas une valeur absolue, mais, en même temps, quand on
veut lever la confidentialité, il faut savoir pourquoi on le fait. Et là, ce qu'on
dit, c'est : Mais pourquoi on veut élargir? On n'est pas contre du tout,
mais, si on élargit, il va falloir baliser, paramétrer pour ne pas que... pour
ne pas causer un préjudice plus grand que le problème qu'on essaierait de
régler.
• (17 h 30) •
M. Zanetti : Parce que, pour
reprendre, disons, faire de l'extrapolation sur un exemple que vous avez donné
tantôt, si, par exemple, il y a un jeune qui témoigne à son psychologue qu'il a
des idées suicidaires, par exemple, bon, là, vous, vous allez évaluer s'il faut
que vous le disiez. Si vous pensez vraiment qu'il va passer à l'acte, là vous
allez le dire. Si vous pensez que non, vous n'allez pas le dire. En même temps,
si lui, l'enfant, il sait que vous allez le dire s'il vous le dit, peut-être qu'il
ne vous le dira pas puis qu'il va passer à l'acte direct, ça fait que ce n'est
pas évident.
Puis, moi, j'ai l'impression que si, dans
la loi, on met une liste d'épicerie des choses qui peuvent être dites ou
doivent être dites, on risque d'en oublier ou d'en mettre peut-être trop. Alors,
il va falloir des critères. À un moment donné, il va falloir que ces
critères-là... si on parle de sécurité de l'enfant puis le bien-être de l'enfant,
nécessairement, on ne peut pas passer à côté du fait que ça interpelle le
jugement professionnel des intervenants. Où on trace la ligne? C'est... Je
trouve ça compliqué.
Mme Grou (Christine) :Bien, je pense qu'on ne peut pas... on ne peut pas aller
aussi loin que ça à l'intérieur d'une loi.
Mais, cela dit, il faut réfléchir à
pourquoi on veut élargir. Puis, si on élargit, là il faut baliser puis
paramétrer. Quand on parle du professionnel qui reçoit un jeune suicidaire dans
son bureau, ce qu'il doit évaluer, c'est le risque de passage à l'acte, hein? C'est
le risque de dangerosité. C'est ça qu'il doit évaluer. Et donc... Parce qu'il y
a une différence entre un risque de passage à l'acte suicidaire, des velléités
suicidaires, des idéations suicidaires. Puis il y a une différence entre quelqu'un
qui a un plan, quelqu'un qui n'en a pas, quelqu'un qui a des idées, mais qui
dit : Je ne ferai pas. Bon, ça fait la différence du monde.
Puis il y a un paquet de choses, puis on
parle de ça, mais on pourrait parler d'un jeune, par exemple, qui confie à un
psychologue qu'il a des fantasmes, je ne sais pas, moi, sur sa sœur adoptive
puis qui adresse ça. Bien, vaut mieux qu'il puisse adresser ça pour être
capable de traiter ça puis pour être capable d'avoir des comportements
adéquats. À partir du moment où il rentre dans le bureau... puis là on parle d'un
psychologue, mais ça peut être un autre professionnel — il rentre
dans un bureau, il y a un lien significatif avec quelqu'un, puis il ne peut pas
en parler, bien là on a muselé un ensemble de gens. Donc, que ce soit des
parents épuisés qui voudraient avoir une pause ou qui ont peur de perdre les
pédales avec leur enfant ou que... puis à qui on peut donner des moyens puis
des ressources. Donc, c'est sûr que, quand il y a un danger, quand il y a une
situation de compromission, l'obligation demeure. Mais, quand on n'est pas
là... puis, oui, le jugement clinique...
17 h 30 (version révisée)
Mme Grou (Christine) :...doit s'appliquer, et c'est très heureux que ça puisse s'appliquer,
puis c'est ça qu'on doit baliser, nous, avec nos professionnels. Quand il n'y a
pas une dangerosité immédiate, il vaut peut-être mieux laisser la personne
parler, pour que le traitement puisse être entrepris puis que, justement, on
puisse l'amener à évoluer vers autre chose sans qu'il y ait passage à l'acte.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons terminer
cet échange avec le député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci beaucoup, M.
le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, mesdames. Je vais continuer sur
la discussion que nous avons sur la confidentialité. Le regroupement des
familles d'accueil nous ont fait comprendre ce matin qu'il est important pour
eux, dans certains cas, d'avoir certaines informations pour permettre de
comprendre dans quels comportements passés le jeune s'est retrouvé, pour éviter,
comme familles d'accueil, de répliquer des situations qui pourraient être
traumatisantes ou, à la limite, là, qui pourraient causer colère et
débordements.
Ce que j'entends dans votre mémoire, c'est
que vous nous dites, comme recommandation, l'importance de produire et de
diffuser des lignes directrices, justement, pour baliser quel genre d'informations
qui peuvent être transmises mais surtout à qui et à quelle occasion. C'est bien
ça qu'il faut comprendre?
Mme Grou (Christine) :C'est exactement ça qu'il faut comprendre. Puis l'exemple
de la famille d'accueil est un excellent exemple. Parce qu'écoutez je suis tout
à fait d'accord qu'une famille d'accueil a besoin d'avoir de l'information sur
l'état de santé, sur les carences, sur un ensemble du vécu du jeune qu'ils vont
accueillir puis qu'ils doivent être partie prenante, de toute façon, des
interventions, c'est essentiel, c'est essentiel à la compréhension puis à la
capacité des familles d'accueil d'investir ce jeune-là. Mais encore là est-ce
que ça veut dire que tout doit être dit, que tout doit être divulgué, que tout
doit être diffusé?
Et c'est là où on se questionne sur :
Est-ce qu'on doit vraiment ouvrir les livres ou plutôt paramétrer? On est d'avis
qu'il faut paramétrer puis réfléchir à quelle est la bonne information, quelle
est la juste... Et c'est la même chose dans une école. Vous avez un enfant qui
a un trouble neurodéveloppemental, vous l'amenez dans une classe, il vaut mieux
que l'enseignant sache ce qu'il en est de cet enfant-là. Mais quelles sont les
informations qui doivent être dites? Qu'est-ce qui est pertinent au travail de
l'enseignante ou à l'accueil de la famille? C'est la question qu'il faut se
poser.
M. Ouellet : Est-ce que vous
aller aussi loin, dans le cas de jeunes qui sont bien conscients, là, c'est-à-dire
qu'ils sont en âge de comprendre par où ils sont passés puis par où ils vont
aller, de demander la permission de divulguer certaines informations? Est-ce qu'on
doit aller là, d'avoir l'autorisation du jeune en question? Je pense à un jeune,
peut-être, de 13, 14, 15 ans, là, qui ne veut peut-être pas dire ce qui s'est
passé, parce que c'est un lourd bagage, puis il ne veut pas se faire juger,
puis il est déjà passé au travers, puis il ne veut pas que cette histoire-là se
réplique. Est-ce qu'on devrait aller jusqu'à demander l'autorisation, dans
certains cas? Vous nous dites : Par devoir de précaution, allons-y?
Mme Grou (Christine) :Ah! mais moi, je vais vous dire, dans le meilleur des mondes,
puis je pense que ma collègue Marleau va vous dire la même chose... dans le
meilleur des mondes, tu es psychologue, tu as un jeune de 15 ans en face
de toi, si tu es convaincu que c'est dans son intérêt de divulguer, il vaut
mieux l'amener à le faire et donc il vaut mieux... C'est parce qu'il faut
comprendre que, si on le fait sans l'avoir amené, sans l'avoir amené à cheminer
sur les bienfaits de la divulgation, non seulement il va se rebiffer contre la
famille qui va avoir une information qu'il ne veut pas donner, mais il va se
rebiffer contre le professionnel avec lequel il a réussi à créer un lien
significatif puis qui va le briser. Et on ne veut pas ça. Alors que le
professionnel est bien placé pour l'amener à adresser un problème, par exemple,
ou même à divulguer une information qui va l'aider. Mais ça se travaille, ça,
en thérapie, et, si on va trop vite... Puis encore là je ne parle pas des
situations de danger, je ne parle pas des situations où la sécurité est
compromise, parce que, là, il faut, de toute façon.
M. Ouellet : D'accord.
Mme Grou (Christine) :Mais, dans toute autre situation, ça se travaille, et c'est
plus porteur.
M. Ouellet : J'ai encore du
temps, M. le Président?
Le Président (M. Provençal)
:Je vous permets une dernière question
avec une réponse rapide.
M. Ouellet : Avez-vous des
exemples, justement, d'informations qui ont été dites qui causeraient
préjudice? Parce qu'on a eu cette discussion-là, on essaie d'obtenir le genre
de comportements qui aurait été énoncé et qu'il n'aurait pas fallu parce que ça
cause préjudice.
Mme Grou (Christine) :Bien oui, une enfant, par exemple, dont les parents
auraient déjà mentionné à quelqu'un qu'ils ont déjà pensé à la placer, qui ne
le savait pas. Puis, finalement, l'enfant l'apprend par quiconque, dans quelque
milieu que ce soit, puis la personne ne le savait pas, puis elle dit : Ah!
mes parents ont déjà voulu me placer? Tu sais? Donc, un enfant qui aurait vécu
des traumas et qui n'en aurait pas souvenir; un jeune qui aurait besoin de
ventiler tout son fiel, <parce que...
Mme Grou (Christine) :
...placer? Tu sais? Donc, un enfant qui aurait vécu des traumas et qui n'en
aurait pas souvenir; un jeune qui aurait besoin de ventiler tout son fiel, >parce
que, quand tu es adolescent, de toute façon, il y a toujours des moments où tu
détestes tous les adultes qui sont autour de toi, et c'est normal, même quand
ils sont bienveillants, et tu as besoin de le dire. Donc, un jeune qui verrait
ça diffusé à la personne contre qui il en avait puis qui verrait la personne
revenir avec lui en disant : Bien, tu as dit tout ça de moi, tu sais, tu
as dit tout ça, ça pourrait être très préjudiciable pour la relation. Mais des
exemples comme ça, il y en a plusieurs, donc, c'est... puis Dre Marleau en a
certainement des tonnes aussi.
Le Président (M. Provençal)
: Malheureusement, il ne nous restera plus de temps pour
écouter le Dr Marleau. Alors, je tiens à vous remercier, Dre Marleau et Dre
Grou, là, pour votre contribution, puis votre collaboration, et votre présence
à nos travaux. Je vous souhaite une belle fin de journée.
Nous allons suspendre les travaux pour
faire place au prochain groupe. Merci beaucoup, mesdames.
Mme Grou (Christine) :
Bonne fin de commission. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 39)
(Reprise à 17 h 46)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux. Je
souhaite maintenant la bienvenue à M. Camil Bouchard, ex-président du Groupe de
travail pour les jeunes, Un Québec fou de ses enfants. Alors, je vous
rappelle que vous aurez 10 minutes pour votre exposé, et par la suite nous
aurons nos échanges avec les membres de la commission. Je vous cède maintenant
la parole.
M. Bouchard (Camil) : Merci
bien, merci, M. le Président. Bonsoir, tout le monde. Je sais que vous avez eu une
longue journée, j'essaierai d'être le plus clair possible. (panne de son)
...enfin le pouvoir aux enfants, c'est comme... j'ai l'impression que c'est ça,
l'objectif du projet de loi n° 15. Dans tous les cas,
le principe premier, le principe porteur du projet de loi, c'est l'intérêt de l'enfant,
et l'intérêt de l'enfant, dans le fond, c'est son pouvoir ultime, hein? C'est
le seul qui doit prévaloir dans toutes les décisions qui sont prises en
fonction de cette loi-là.
Les intervenants sociaux puis les juristes
ont dû trop longtemps, selon moi, composer avec une lourde ambiguïté. À l'article 3
de la Loi de la protection de la jeunesse, on affirme, et je cite, que «les
décisions prises en vertu de la présente loi doivent l'être dans l'intérêt de l'enfant
et dans le respect de ses droits». Fort bien, mais en contrepartie, à l'article 4,
on affirme avec autant de force que, et je cite, «toute décision prise en vertu
de la présente loi doit tendre à maintenir l'enfant dans son milieu familial».
Cela laisse sous-entendre que maintenir ce lien serait de facto dans l'intérêt
de l'enfant. Il fallait donc faire la démonstration, selon cette
interprétation, que le retrait de l'enfant de sa famille était dans son
intérêt.
Le fardeau de la démonstration est
désormais renversé dans l'énoncé suivant du projet de loi n° 15.
Je cite : «Toute décision prise en vertu de la présente loi doit viser la
continuité des soins et la stabilité des liens d'un enfant et des conditions de
vie appropriées à ses besoins et à son âge. En conséquence, le maintien de l'enfant
dans son milieu <familial doit...
M. Bouchard (Camil) :
...continuité des soins et la stabilité des liens d'un enfant et des conditions
de vie appropriées à ses besoins et à son âge. En conséquence, le maintien de l'enfant
dans son milieu >familial doit être privilégié à condition qu'il soit
dans l'intérêt de cet enfant.» On doit donc désormais démontrer que l'intérêt
de l'enfant est réellement mieux servi par son maintien dans le milieu
familial.
Alors, fort bien, mais j'ai trois réserves
concernant l'article 6 qui modifie l'article 4 de la loi. Au premier
paragraphe, dans, et je le cite, «en conséquence, le maintien de l'enfant dans
son milieu familial doit être privilégié», je recommande de remplacer le mot
«privilégié» par «pris en compte» ou alors «considéré dans l'évaluation des
conditions qui favorisent l'intérêt de l'enfant». Le législateur ne doit pas
faire du maintien dans le milieu familial un choix de préférence, selon moi,
mais une option à considérer. Cela, me semble-t-il, dissiperait tout doute
quant à l'intention de la loi et en faciliterait, je pense, l'application. Il
ne faut surtout pas inviter l'ambiguïté à se refaire un nid, ici et là, dans la
loi.
Deuxième réserve, au paragraphe deux,
dans, et je cite, «la décision doit tendre à confier l'enfant à des personnes
qui lui sont les plus significatives, notamment les grands-parents et les
autres membres de la famille élargie», fin de la citation. Cette invitation à
considérer encore une fois la priorité à la famille élargie, par le mot
«notamment», nous ramène subtilement mais encore une fois à la préséance des
liens familiaux. Par conséquent, je recommande la formulation suivante :
«La décision doit tendre à confier l'enfant à la personne ou aux personnes les
plus significatives de son réseau d'adultes et de préférence à une ou des
personnes avec qui l'enfant aurait pu développer un attachement sécuritaire.»
• (17 h 50) •
Troisième réserve, à 4.3, paragraphe d, on
peut lire, et je cite : «Les personnes à qui la présente loi confie des
responsabilités envers l'enfant ainsi que celles appelées à prendre des
décisions à son sujet en vertu de cette loi doivent, lors de leurs
interventions : d) tenir compte des caractéristiques des minorités
ethnoculturelles.» Fin de la citation. Alors, la question, c'est : Qu'est-ce
qu'on vise exactement par cet alinéa? Est-ce qu'on vise une meilleure prise en
compte des relations particulières de certaines communautés avec l'autorité,
avec l'État, avec les services sociaux?, une acceptation plus grande, de la
part des intervenants, des écarts à la normativité en matière de discipline, en
matière de soins d'enfants? Est-ce qu'on souhaite une pratique clinique
ethnodifférenciée? En quoi l'alinéa sert-il mieux les intérêts de l'enfant? Le
Québec urbain et périurbain devenant de plus en plus ethnoculturel, il m'apparaît
important de clarifier explicitement la portée de cet alinéa au regard de l'intérêt
de l'enfant. Par ailleurs, le terme «minorité» ne me semble pas des plus heureux,
là. Le terme renvoie à un dénombrement statistique, finalement. Pourquoi pas
«communautés ethnoculturelles», davantage reliée, cette expression, à l'appartenance
à un groupe culturel?
Alors, dans le cas où le législateur
maintient cet alinéa, moi, je recommande la formulation suivante, et je cite :
«Tenir compte des caractéristiques des communautés ethnoculturelles en
priorisant toujours l'intérêt de l'enfant. À cet égard...» Et je continue la
citation, que vous n'avez sans doute pas sur votre texte, là : «À cet
égard, sont obligatoires la formation des intervenants en contexte
ethnoculturel et l'accompagnement des enfants des familles dans les services de
protection par une ressource familière avec leur culture.» Fin de la citation.
Une autre réserve concerne, celle-là, l'article 91.1
de la présente Loi de la protection de la jeunesse. La présente loi prévoit que
le dépassement des durées maximales d'hébergement est permis en certaines
circonstances, comme par exemple un retour présumé, à court terme, dans sa
famille, l'intérêt de l'enfant ou encore, et je cite, «motif sérieux». À l'usage,
ces exceptions sont devenues quasiment une règle et le dépassement, chose
usuelle. Alors, pour respecter l'esprit du projet de loi n° 15, je
recommande fortement que le seul motif que l'on puisse invoquer pour un
dépassement à la durée d'hébergement soit l'intérêt de l'enfant, de cet enfant,
spécifiquement démontré, et que l'article 91.1 de la présente loi soit
modifié en conséquence.
Maintenant, le pouvoir des enfants et le
pouvoir des données de la DPJ. La DPJ, c'est l'urgence des services sociaux,
tout le monde sait ça. Mais ça ne signifie pas pour autant que les DPJ
devraient automatiquement être exclus du jeu en matière de prévention. Les
directeurs de la protection de la jeunesse peuvent, au contraire, y jouer un
rôle clé.
J'ai eu le privilège, durant ces dernières
années, de coopérer avec Éclore, un organisme de concertation pour les
tout-petits de la Côte-Nord, un territoire qui est aux prises avec des taux
extrêmement élevés, là, en protection de la jeunesse. Les actions menées par
Éclore et l'ensemble de ses partenaires ont abouti à la création des
communautés de bienveillance envers les <enfants...
M. Bouchard (Camil) :
...actions menées par Éclore et l'ensemble de ses partenaires ont abouti à la
création des communautés de bienveillance envers les >enfants, concept qui
a lourdement pesé dans l'approche adoptée par la Commission spéciale sur les
droits des enfants et de la protection de la jeunesse. Et la directrice de la
protection de la jeunesse de la région, Mme Gallagher, a joué un rôle
essentiel dans cette démarche-là. Elle a notamment mis à notre disposition les
données agrégées, les signalements traités et obtenus sur son territoire, par
sous-territoires, sur une période de cinq ans. Ces données nous ont non
seulement permis des calculs de taux de signalement par sous-territoires de MRC
ou de CLSC, mais surtout de bien circonscrire avec précision les contextes dans
lesquels ces signalements ont été faits, les dates de signalements, types de
signalements par alinéas et sous-alinéas, sexe et âge des enfants, sources de
signalement, adultes présumés responsables, etc. En tout, plus de
300 données pour chacun des enfants aident à cerner le contexte de chacun
des signalements.
Ces données permettent, comme nous l'avons
même expérimenté sur la Côte-Nord, de réunir les intervenants de chaque MRC, y
compris les élus, là, qui nous ont demandé ça spécifiquement : On veut des
données sur notre MRC, autour des mêmes réalités, des mêmes graphiques
éloquents, avec mission d'identifier des enjeux sur lesquels les efforts de
prévention locaux devraient porter.
Ces enjeux diffèrent souvent, de fait, d'un
sous-territoire à l'autre. Pour les uns, il s'agirait de prévenir les abus
sexuels, pour les autres, la négligence sanitaire ou la négligence éducative ou
encore des pratiques disciplinaires abusives. Dans certains cas, la
toxicomanie, les problèmes de santé mentale des parents seront des enjeux
priorisés, dans d'autres, la violence conjugale. Pour les autres, l'isolement
des familles ou le manque de logements abordables, ça s'est présenté, ou la
période entourant la tenue des festivals, ça se présente aussi et, ce n'est pas
rare, les changements importants, rapides et souvent imprévisibles dans la
dynamique économique des régions.
Nous avons pu constater l'impact de cet
exercice de mise en commun des données sur la cohésion des intervenants locaux
engagés à prévenir la maltraitance. Les facteurs de risque locaux associés à la
maltraitance leur apparaissent clairement à tous en même temps, et cerner
ensemble un ou deux enjeux rapproche de la solution, ce qui est souvent simple.
Cela réduit considérablement les tiraillements entourant les avenues de
prévention à emprunter, et ça réduit beaucoup, beaucoup le sentiment d'impuissance
vis-à-vis le problème, qui pourrait paraître autrement insurmontable. Et ça
donne aux enfants surtout, aux enfants signalés, aux enfants qui sont confiés à
la protection de la jeunesse, souvent... ça leur donne un pouvoir collectif
énorme, trop souvent occulté de révéler aux yeux même de leur communauté les
défis qu'elles doivent relever pour assurer leur bien être, leur sécurité et
leur développement.
Je recommande donc que le projet de loi n° 15
comporte des dispositions obligeant les DPJ à partager des données associées
aux signalements portés à leur attention avec l'autorité responsable et
imputable du développement et du suivi des programmes de prévention de la
maltraitance envers des enfants et envers les jeunes sur leurs territoires et
sous-territoires.
Et je recommande aussi que la maltraitance
envers les enfants, puisque j'y suis et étant donné que c'est un véritable
enjeu de santé publique, comme l'a d'ailleurs reconnu la Commission spéciale
sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse... que l'autorité
désignée par le ministre de la Santé et des Services sociaux comme responsable
et imputable du développement et du suivi des programmes de prévention de la
maltraitance envers les enfants et les jeunes soit le directeur régional de
santé publique de chacun des territoires.
Alors voilà, M. le Président. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Je vous remercie beaucoup pour votre exposé. Nous allons
débuter cette période avec le ministre. M. le ministre.
M. Carmant : Bien, merci
beaucoup, M. Bouchard. Toujours un plaisir de discuter de ce sujet avec
vous, qui, je sais, vous tient grandement à coeur. En fait, les explications
étaient vraiment très claires. Puis votre but, c'est quand même de... c'est
vraiment d'éliminer toute confusion au niveau de l'intérêt de l'enfant, qu'il
soit primordial, même, par rapport au fait de le maintenir dans sa famille. Il
y a des endroits où cependant, justement, la CDPDJ nous parlait, aujourd'hui,
puis ils parlaient de principe de droit, là, mais clairement, pour vous, je
pense que la clarté doit primer dans notre projet de loi.
M. Bouchard (Camil) :
Oui, tout à fait. Puis on a trop souvent... (Interruption) J'ai un effet
d'écho, excusez-moi. On a trop souvent vu cette... apporté cette ambiguïté
durant des années, dans l'énoncé du projet de loi sur la protection de la
jeunesse. C'est comme si, tranquillement, on avait dérivé vers une loi qui
protégeait les liens <familiaux...
M. Bouchard (Camil) :
...protection
de la jeunesse. C'est comme si, tranquillement, on avait dérivé vers une loi
qui protégeait les liens >familiaux et les enfants et qu'on avait
deux... on avait une espèce de dualité d'objectifs à poursuivre, dans le fond.
Et les premiers articles d'un projet de
loi, j'ai appris ça quand j'étais député, là, puis je m'en souviens encore un
petit peu, ça définit pas mal l'esprit de tout le reste de la loi. Et les
projets... les articles 3 et 4 sont extrêmement importants. Et, si on n'est
pas clair à ce moment-là, on ne le sera jamais dans le reste de la loi et on
oubliera que l'intérêt premier, c'est vraiment l'intérêt de l'enfant. Et c'est
le seul... c'est le pouvoir ultime de l'enfant qui est signalé, il n'y a pas d'autre
pouvoir. Et je trouve que le projet de loi n° 15 aborde cette question-là
avec lucidité et courage, dans le fond, parce qu'on revient souvent sur cet
élément-là. Mais on veut aussi donner la parole aux enfants, dans le projet de
loi, on veut les écouter, on veut les entendre, on veut leur faire une place.
On introduit aussi le concept d'un avocat pour défendre l'intérêt de l'enfant
en cour, etc. Je pense que cette intention-là doit être absolument protégée
tout le temps.
M. Carmant : ...peut pas être
plus clair. Merci beaucoup. Quand on a parlé des minorités ethnoculturelles, on
voulait toucher le point que, je pense... ça avait touché beaucoup Mme Laurent,
là, de la surreprésentation non seulement des autochtones, on en a parlé
largement, mais également des communautés noires, à la protection de la
jeunesse, et je voulais m'assurer qu'on adresse ce point-là. On nous avait
proposé le terme «racisé», mais, bon, «racisé», c'est... je ne sais pas si ça
va être un terme qui va persister à travers le temps, d'où le terme, d'où la
terminologie qu'on a utilisée. Puis, vraiment, on a, par exemple, dans notre
programme négligence, maintenant... on demande l'implication d'organismes
communautaires qui sont bien au courant de de ces notions-là. Donc, je voulais
voir avec vous quelle serait, selon vous, la meilleure façon, là, de s'assurer
que les réalités soient respectées, selon les différentes communautés.
Puis il y a un point que le député de
René-Lévesque a mentionné, plus tôt cette semaine, également, les disparités
territoriales, tu sais, que moi, je n'avais pas nécessairement adressées, mais
que je pense qu'il faut également adresser. Puis vous le mentionnez bien avec
Éclore, là. Je pense que ça va être important aussi que les services soient
enchâssés par rapport à cette réalité-là.
• (18 heures) •
M. Bouchard (Camil) : Oui. En
ce qui concerne les communautés ethnoculturelles, il y a toujours ce danger de
dérive du relativisme culturel, quand on aborde cette question-là, autrement
dit que l'intérêt de l'enfant soit tranquillement, discrètement et avec toute
la meilleure volonté du monde, relégué au second plan, quand on regarde la réalité
ou le contexte culturel de l'enfant.
Puis il y a des exemples qui nous viennent
à l'esprit, là. Il y a des pratiques disciplinaires d'une très grande violence,
dans certaines communautés, envers les enfants, qui ne sont pas acceptables du
point de vue de la norme qui prévaut chez nous et qui auront des impacts chez
tous les enfants qui en sont victimes. Et moi, ma crainte, vis-à-vis l'énoncé
qu'on voit dans le projet de loi, c'est qu'on dérive vers un relativisme
culturel en essayant de mieux accueillir ces communautés, de... comment dire,
de diluer l'intérêt de l'enfant dans l'accueil qu'on fait aux communautés, dans
l'espace qu'on donne aux pratiques culturelles.
Et, moi, ce qui m'a toujours guidé dans
mes décisions, c'est ce que la science nous enseigne à propos des pratiques et
des soins que l'on doit offrir aux enfants, à tous les enfants de toutes les
cultures. Par exemple, les pratiques éducatives abusives ne servent pas le
développement des enfants, puis on connaît très bien les conséquences que ça a
sur le développement, la santé mentale des enfants, ultérieurement et très
longtemps dans leur vie, de même l'absence de soins adéquats, aussi, etc. Alors
moi, j'avais une crainte par rapport à ça, et c'est pour ça que j'ai mentionné
qu'on devrait obligatoirement... à mon avis, le projet de loi devrait sans
doute ouvrir quelque chose là-dessus, on devrait obligatoirement demander aux
intervenants qui pratiquent dans les communautés culturelles qu'ils suivent une
formation dédiée à ces pratiques qui sont très spécifiques aux communautés
culturelles. C'est très important.
Et tout cet aspect aussi d'accompagnement
des familles, dans le processus de fréquentation de la Loi de la protection de
la jeunesse, par exemple, dans les services de protection de la jeunesse, est
extrêmement important aussi. Bien les entendre, bien les écouter, écouter leur
réalité, mais aussi en profiter pour établir des liens de compréhension de ce
qu'on entend par un contexte de développement...
18 h (version révisée)
M. Bouchard (Camil) : ...en
profiter pour établir des liens de compréhension de ce qu'on entend par un
contexte de développement sain pour un enfant et d'échanger avec ses parents à
ce sujet-là, et j'en ai souvent fait, moi, dans des rencontres avec des parents,
dans des communautés ethnoculturelles, puis c'est passionnant, mais il faut
toujours que l'intérêt de l'enfant soit mis en premier tout le temps, tout le
temps.
M. Carmant : Très, très, très
intéressant, là, ce que vous avez mentionné sur Éclore et puis le partage de
données. J'essaie d'amener ça au ministère, puis ce n'est pas une simple tâche,
l'accès aux données, mais comment... Je veux dire, c'est exceptionnel ce qui a
été fait sur la Côte-Nord. Comment peut-on reproduire ça à travers le Québec?
M. Bouchard (Camil) : Par un
article dans le projet de loi, parce qu'on peut, je pense, obliger les
directeurs de protection de la jeunesse, à point nommé, durant une année, à
partager ces données avec... Moi, j'ai une préférence, vous le savez, pour le
directeur de la santé publique comme étant le porteur d'un plan d'action de
prévention de la maltraitance envers des enfants. On pourra en discuter plus
longuement si vous voulez, mais je pense qu'il doit... Ces données-là doivent
être partagées avec le responsable… une personne imputable des programmes et
des services de prévention parce qu'il y a une mine d'information
extraordinaire autour de chacun des signalements qui est fait à la direction de
la protection de la jeunesse, et, lorsqu'on les examine attentivement…
Et c'est fou parce que c'était une
demande, ça, des élus municipaux. Quand on a fait les rencontres, on a commencé
par faire des rencontres régionales sur la Côte-Nord, et les élus municipaux
sont venus nous voir puis nous ont dit : Écoutez, c'est intéressant, mais,
dans ma communauté à moi, à quoi ça ressemble? Et, aussitôt qu'on répond à
cette question-là, vous avez tous les intervenants sur votre bord. Ils sont
assis autour de la même table. Ils regardent les mêmes graphiques. Ils regardent
les mêmes données. Ils ont les mêmes explications. Et ils parviennent à avoir
des discussions sur des enjeux précis sur lesquels ils doivent se pencher s'ils
veulent prévenir que ces signalements-là n'apparaissent de nouveau dans leur
tableau de bord à la fin de l'année. Et je pense, moi, que c'est quasiment un
devoir que de se pencher collectivement sur ces données-là parce...
Et c'est un pouvoir qui est... C'est le
pouvoir que les enfants apportent lorsqu'ils sont signalés à la protection de
la jeunesse. Ils nous disent : Dans le fond, si vous me regardez
attentivement et si vous prenez des notes sur ce pourquoi on a signalé ma
situation et qu'elle a été retenue à la protection de la jeunesse, vous allez
comprendre ce qu'il y a à changer autour de moi, vous allez comprendre ce qu'il
y a à changer autour de ma famille, vous allez peut-être mieux aider ma famille
au moment opportun, vous allez peut-être mieux pourvoir aux besoins de ma
famille en termes de logement, en termes de revenus, peut-être que vous allez
aménager le temps de travail puis le temps d'absence de mon père qui doit aller
travailler dans les mines puis qui s'absente… «Fly-in/fly-out», par exemple, sur
la Côte-Nord, c'est un problème.
Alors, moi, je pense qu'on doit ça aux
enfants. On doit… On leur doit de partager la réalité qui les a amenés à un
signalement de la protection de la jeunesse et s'en servir pour prévenir d'autres
signalements dans ces communautés.
M. Carmant : Super, merci beaucoup.
M. le Président, je passerais la parole à la députée de Roberval avec votre
permission.
Le Président (M. Provençal)
:Avec plaisir. Mme la députée.
Mme Guillemette : Merci, M.
le Président. Merci beaucoup, M. Bouchard, d'être avec nous aujourd'hui. C'est
un plaisir de vous avoir avec nous.
Écoutez, vous parlez de plus de souplesse,
de communauté bienveillante. J'aime beaucoup entendre ça pour nos plus jeunes.
Et vous dites que... Vous faites une proposition : «Que le p.l. n° 15 comporte des dispositions obligeant les DPJ à
partager les données associées aux signalements portés à leur attention avec l'autorité
responsable et imputable du développement et suivi des programmes de prévention
à la maltraitance envers les enfants et les jeunes sur les territoires et
sous-territoires.» Ça implique la confidentialité, le secret professionnel
aussi, j'imagine. Vous voyez ça comment, le partage de ces informations envers
tous les intervenants du territoire? Parce qu'on sait qu'il y a des intervenants
qui ont des ordres professionnels, mais <d'autres...
Mme Guillemette :
...mais
>d'autres intervenants n'ont pas d'ordre professionnel. Donc, quels
éléments on pourrait partager et comment on pourrait bien inscrire ça dans un
projet de loi?
M. Bouchard (Camil) :
Bien, je pense qu'on ne partage pas des données nominalisées. On ne partage pas
des données qui peuvent identifier des personnes, non plus que des rues et des
quartiers. On partage les données qui sont agrégées par sous-territoire de MRC.
Donc, c'est déjà assez large. Ces données-là sont... La confidentialité, l'anonymat
est, de soi, garanti parce qu'on s'éloigne vraiment du dossier individuel pour
arriver à agréger toutes les données d'un sous-territoire. Et c'est assez
fascinant de voir comment émergent, soudainement, quand on agrège ces
données-là, des profils de territoires par rapport à des types de signalements
qui sont prévalents sur ces territoires-là et le type de situations qui
apparaissent sur ce territoire puis qui n'apparaissent pas à
100 kilomètres plus loin sur un territoire administratif.
• (18 h 10) •
La réalité de la Haute-Côte-Nord, sur la
Côte-Nord, n'est pas du tout celle de Blanc-Sablon, hein? On se comprend là-dessus.
Et, quand on a des données agrégées pour tout le territoire, on n'y comprend
absolument... tu sais, c'est difficile de saisir la réalité, mais, quand on
commence à faire ça par sous-territoires de MRC, soudainement, ça devient
comme... pour les participants, pour les intervenants, pour les élus, ça
devient quelque chose de plus concret, de plus significatif puis de plus
engageant parce qu'ils se reconnaissent dans ces données-là, et ils valident
les données lorsqu'on les rencontre, parce qu'on teste les données avec eux :
Qu'est-ce que vous pensez de ce profil-là qui nous vient des signalements de
votre territoire, qu'est-ce que ça vous dit, quels sont les enjeux que vous
voyez prioritaires là-dedans?
Puis, tu sais, il y a des communautés où
les gars travaillent, ça n'a pas de bon sens, tu sais, en surtemps tout le
temps, 16 heures par jour, 12 heures par jour, ils sont fatigués, ils
sont sur les amphétamines, ils étirent la corde de la patience au bout.
Souvent, les femmes sont isolées, les mères sont isolées avec les enfants, arrive
un incident, bien, un signalement d'enfant, bon, alors, dans certaines
communautés, vous ne verrez pas ça du tout, mais, dans d'autres, oui, parce que
c'est ça, leur réalité socioéconomique. Alors, tout l'intérêt est d'arriver à
transférer ces données-là d'une façon graphique. D'abord, c'est des graphiques.
Vous pouvez aussi avoir des tableaux avec des nombres, mais vous n'arriverez
jamais à distinguer qui… dans ces données, qui cela concerne vraiment, jamais.
Mme Guillemette : S'il
me reste une petite minute, M. le Président… On a entendu la Fédération des
familles d'accueil aujourd'hui. Ils nous disaient que, souvent, il va leur
manquer d'information, eux, pour bien soutenir l'enfant qu'ils accueillent.
Est-ce que c'est possible de leur fournir de l'information? Mais comment on
fait pour bien équilibrer l'information à laquelle ils ont besoin pour bien
soutenir…
M. Bouchard (Camil) : Je
ne peux pas vous répondre clairement à cette question-là. Je ne me suis jamais
vraiment penché là-dessus puis, mon opinion, non, franchement, elle ne serait
pas très éclairante.
Mme Guillemette :
...merci beaucoup, M. Bouchard.
M. Bouchard (Camil) : Je
vous en prie.
Le Président (M. Provençal)
: Merci, Mme la députée. Nous poursuivons cet échange avec
la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Bonjour, M.
Bouchard, plaisir, plaisir de vous revoir.
M. Bouchard (Camil) : Ah!
bien, bonsoir, oui.
Mme Weil : On a été
députés en même temps. Je pense, ça a été juste un mandat, mais j'étais à la
régie régionale, peut-être même dans le réseau, à l'Association des centres
jeunesse, lorsque vous avez sorti votre magnifique recherche et document.
Je voudrais vous amener, parce que je sais
que vous avez une grande sensibilité à ça, c'est… Comment on fait pour
travailler tous ensemble, la première ligne, en prévention, et l'institutionnel?
J'ai quelques exemples où j'ai vu... c'est Batshaw, parce que, moi, c'est
Notre-Dame-de-Grâce, mais il y a Côte-des-Neiges là-dedans, puis il y a un vrai
mélange même si c'est des comtés différents, là, et il y a beaucoup de
diversité, et... parce qu'on dirait que, dans ce coin-là, les gens se
connaissent. Ils connaissent les organismes communautaires. Batshaw connaît les
organismes communautaires. Ils reçoivent des signalements. Puis, des fois, en
prévention, d'amener plus loin… ils veulent avoir l'écho de l'organisme
communautaire qui travaille dans un certain milieu, et on m'a parlé d'une
initiative, prendre le téléphone, puis on va se parler, là, et finalement… Je
n'irai <pas...
Mme Weil :
...je n'irai
>pas dans le détail, je ne connais pas le cas précis, mais ils ont pu
travailler ensemble, et c'était…
Certaines communautés qui rentrent, donc,
des nouveaux arrivants, ça peut-être des réfugiés, des demandeurs d'asile,
etc., puis c'est des profils différents, et donc on a beaucoup ça. On a
beaucoup ça à Montréal. Donc, comment il faut s'adapter? Et souvent, ces
organismes communautaires sur le terrain, ils le voient, puis ils sont en lien
avec l'école, puis il y a quelqu'un, la travailleuse sociale du CIUSSS ou du
CISSS, qui connaît l'école, ils ont tissé… Ils ont réussi à tisser, quand même,
un réseau de contacts, de communication, peut-être parce que la communauté est
plus petite. Je ne sais pas ce que c'est, mais il y a une tradition, aussi,
historique, d'il y a 60 ans, de se parler, tout le monde. Et, je l'ai vu
de mes yeux parce que j'étais en visite, le… c'était l'école d'été pour les plus
vulnérables, bon, qu'ils avaient créée avec un organisme communautaire, tout
ça, venant de l'argent de la ville de Montréal, qui avait de l'argent,
justement, pour désigner les enfants vulnérables généralement issus de la
diversité.
Donc, tout ça… Ça, c'est un exemple. Il y
en a partout, je pense, et comment on fait… et comment la protection de la
jeunesse peut… peut-être, c'est une formation, est-ce que c'est des visites sur
le terrain? Comment les sortir, peut-être, de peut-être partout, là, pour aller
à la rencontre de toutes ces ressources qui existent dans la communauté… et l'école,
aussi, qui joue un rôle important. Et je sais que la prévention, c'est quelque
chose qui est important pour vous. Je suis aussi une fan de la Santé publique,
parce qu'à l'époque les régies régionales faisaient des plans avec la Santé
publique. On avait toutes les données puis ensuite on faisait un plan d'action
pour... Ça, c'est dans les années 90, début des années 2000. Alors,
ça, ça a disparu de... Je pense qu'il n'y a pas ça maintenant. Il faudrait les
ramener parce qu'ils ont été des acteurs vraiment extraordinaires dans le
domaine.
Alors, je vous pose cette question et je
vous laisse aller, voir… J'aimerais ça, vous entendre sur tout ça et votre
expérience partout au Québec sur ces questions-là de tisser ces liens.
M. Bouchard (Camil) : Bien, j'ai
vu beaucoup de ces expériences-là aussi, Mme la députée, et je les ai vues s'effondrer
aussi, parce que ça tient à la bonne volonté souvent de quelques personnes, de
quelques acteurs importants dans les communautés et qu'une fois ces
personnes-là ou bien épuisées ou bien changées de territoire, etc., les liens
qu'on avait tissés et les projets ou les actions qu'on avait mis en place s'étiolent
tranquillement puis perdent de leur puissance, perdent de leur intensité,
perdent de leur continuité.
Et c'est pour ça, moi, que j'insiste
tellement pour qu'on puisse identifier une autorité sur le territoire
administratif qui peut avoir la responsabilité, l'imputabilité, aussi, le
pouvoir de rassembler toutes les personnes autour d'un même projet commun,
autour d'un même objectif, d'un même enjeu. Éparpiller les actions en
prévention parce que les uns ont des spécialités puis les uns ont des outils… (panne
de son) …etc., ça, c'est la loi de l'instrument, tu as un marteau et ça te
prend des clous, ça ne marche pas. Ça prend quelqu'un qui dit : Voici les
données dont nous disposons, voici une réalité à laquelle on fait face, et que
pensez-vous devons-nous faire durant la prochaine année pour faire diminuer
cette courbe-là de signalements ou de taux de signalement de nos enfants à la
DPJ?
C'est ça, c'est la seule question légitime,
en ce qui me concerne, en protection de la jeunesse, c'est comment faire pour
faire diminuer les courbes de taux de signalement à la protection de la
jeunesse, mais, si on n'a pas d'autorité locale pour le faire, si on n'est pas
capables d'identifier cette autorité locale pour le faire, on n'y arrivera pas.
On n'y arrivera pas. On va être à la merci, et tant mieux quelquefois, de la
bonne volonté de bien du monde, puis de la synergie, puis de la dynamique qui s'est
développée historiquement de cette communauté-là, mais, dans l'autre communauté
d'à côté, qui aurait tant besoin de ce type d'énergie-là et de dynamique, c'est
inexistant parce qu'il n'y pas… il n'y a personne pour rassembler les gens.
Alors, la Santé publique, le directeur de
santé publique, a ce pouvoir-là. S'il identifie une menace au bien-être et à la
santé de sa population, le directeur de santé publique a le pouvoir de
convoquer autour de sa table… (panne de son) …tous les organismes qui peuvent
avoir une influence pour diminuer les risques à la santé ou au bien-être de sa
population. Le client, là, le patient du directeur de la santé publique, c'est
la population. Alors, quand il identifie un risque, il a le pouvoir de
rassembler tout le <monde...
M. Bouchard (Camil) :
...tout
le >monde autour de lui, et il n'y a personne qui peut refuser, à moins
que ce soit un organisme gouvernemental, dans quel cas il faut que le ministre
ou le ministère soit d'accord.
Mais ce pouvoir-là, il est extraordinaire,
mais, en même temps, c'est une responsabilité épouvantable, parce qu'à la fin
de l'année le ministre peut se retourner, puis demander à son directeur de
santé publique régionale : Comment se fait-il que les taux ont augmenté, qu'est-ce
que vous n'avez pas fait ou qu'est-ce que vous avez fait qui aurait dû... qu'est-ce
que vous avez omis de faire ou qu'est-ce qui n'a pas fonctionné?, de telle
sorte à ce qu'on a encore des résultats qui sont navrants en ce qui concerne
les taux de mauvais traitements envers des enfants.
Et, tu sais, quand il y a une liste d'attente,
là, qui n'en finit plus à la protection de la jeunesse, bien, le ministre
délégué, il sait à qui s'adresser, c'est la directrice ou le directeur d'un centre
de jeunesse. Mais, quand il y a des programmes de prévention qui ne sont pas
mis en place, ou qui sont mis en place de façon maladroite, ou qui ne
respectent pas les règles qui sont prescrites par les expériences qui ont été
faites et qui font la démonstration que c'est comme ça qu'il faut faire, à qui
on s'adresse au niveau régional? Est-ce que quelqu'un peut me répondre? Moi, je
n'ai jamais trouvé la réponse. Je n'ai jamais trouvé la réponse et je pense que
c'est essentiel. Si on veut changer la donne, il faut que, dans chacun des
territoires, on ait une personne vers qui on peut se tourner et demander des
comptes, et cette personne-là doit avoir du pouvoir et des connaissances.
Mme Weil : C'est intéressant.
Il y a de la matière à réflexion, là. C'est formidable, c'est tellement vrai.
M. Bouchard (Camil) : Bien, regardez
ce qu'on a fait avec le tabagisme, le suicide chez les jeunes, les grossesses
adolescentes, les accidents mortels d'automobile. Qui a réglé les questions? C'est
la santé publique, en collaboration avec les ministères concernés. Ils sont
bons quand on leur donne les ressources puis le pouvoir pour le faire.
• (18 h 20) •
Mme Weil : Ils jouaient quand
même ce rôle un peu, là, en mobilisant, je vous rappelle de ça, là, avec les
régies régionales, parce qu'elles avaient cette autorité… régies régionales,
puis il y avait la dimension protection de la jeunesse, mais préprotection de
la jeunesse, moi, je représentais ce secteur-là, mais... Et donc il y avait,
comment dire, la main tendue pour essayer de commencer à dire... Ce n'était
pas... En tout cas, ils n'ont pas pu aller très loin parce qu'il y a eu
tellement de réformes dans le réseau de la santé et des services sociaux dans
les années qui ont suivi que la santé, vraiment, a prédominé, et finalement
tout ce qui était prévention... J'ai ma collègue... Bien, merci beaucoup. C'est
très intéressant.
M. Bouchard (Camil) : Je vous
en prie.
Une voix : …
Le Président (M. Provençal)
: Moins d'une minute.
Mme Robitaille : Bon, bien,
écoutez, très rapidement, quand même, les organismes communautaires... Une
partie intégrante, quand même, dans des secteurs comme Montréal-Nord, où… que
je… dont je représente… les organismes communautaires jouent un rôle majeur.
Est-ce qu'il ne faudrait pas… les faire partie de la solution en leur donnant
plus d'argent, en les finançant mieux?
M. Bouchard (Camil) : Bien,
je pense que c'est surtout l'instabilité qui est un problème chez les
organismes communautaires. On a beaucoup amélioré leur sort, je pense, du… Depuis
les années où j'ai écrit Un Québec fou de ses enfants!, là, il y a
quand même de l'amélioration dans ce domaine-là, et ils sont... L'organisme
dont je parlais tantôt, Éclore, c'est un organisme de concertation des gens qui
sont impliqués, engagés en protection de l'enfance, en développement des tout-petits
sur la Côte-Nord, ils font un travail formidable. Mais alors ce qui, moi, se
présente encore comme un problème des plus importants, c'est la stabilité dans
leur financement. Il y a des programmes qui viennent. Il y a des programmes qui
meurent. Ils sont remplacés par d'autres. Il y a des périodes de transition qui
sont pénibles dans les organismes, bon, voilà.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Nous poursuivons avec le
député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.
M. Zanetti : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup, M. Bouchard. Je trouve, ce que vous apportez,
extrêmement important par rapport à la prévention. J'aimerais avoir des
précisions sur votre vision de ce que devrait faire la DPJ comme prévention,
parce que vous avez parlé aussi du rôle de la santé publique régionale dans la
prévention, mais quelle devrait être la part de la DPJ?
M. Bouchard (Camil) : Bien,
la moitié de ma présentation, dans le fond, porte là-dessus, et c'est, je
pense, le partage des connaissances qu'elle cumule, la DPJ, sur les enfants qui
sont signalés à la protection de la jeunesse. Si on veut prévenir un problème,
il faut le connaître correctement, et on a cette capacité puis on a créé ça au
fil des ans, là. Les organismes <de subvention...
M. Bouchard (Camil) :
...
organismes >de subvention de recherche au Québec ont fait leur travail,
puis les chercheurs universitaires ont fait leur travail, puis les
gestionnaires du réseau des services sociaux ont fait leur travail. Puis on a
créé des banques de données importantes autour des signalements qui sont faits
en protection de la jeunesse, et la richesse de ces données-là est absolument
incroyable, et, par territoire de MRC ou par territoire de CLSC en milieu
urbain, on peut arriver à identifier, à partir de ces données-là, ce qui
importe le plus, les enjeux prioritaires, en termes de prévention, auxquels il
faut s'adresser durant un, deux, ou trois, ou quatre ans, peu importe, là, mais,
pour arriver à faire fléchir les taux de signalement envers les enfants dans
ces quartiers-là. On n'arrivera pas à faire fléchir les taux de signalement au
niveau national si on n'arrive à le faire aux niveaux local et régional. Les
acteurs locaux et régionaux là-dedans sont absolument essentiels.
Et, franchement, il n'y a pas d'autre réponse
que ça. La DPJ en a déjà plein les bottines. On ne va pas lui demander d'écrire
des politiques puis des plans d'action en prévention. Elle reçoit les enfants
pour lesquels tous les efforts antérieurs ou bien ont été inefficaces ou ont
été absents auprès d'eux. Elle reçoit ces enfants, c'est notre urgence. Alors,
tu sais, tu ne demandes pas à un urgentologue d'aller réparer la courbe
dangereuse sur une route en campagne. Tu ne lui demandes pas ça. Tu demandes au
ministère de Transport d'aller… La prévention, c'est d'aller réparer cette
courbe dangereuse, hein, de la... (panne de son) …mais, au bout du compte, il
va toujours... (panne de son) …puis ça va prendre une urgence au niveau social,
puis c'est la directrice ou le directeur de la protection de la jeunesse.
M. Zanetti : C'est très
clair. Merci.
M. Bouchard (Camil) : Je
vous en prie. C'est un plaisir de vous voir.
Le Président (M. Provençal)
:On conclut cet échange avec le député
de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci
beaucoup, M. le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, M. Bouchard. J'ai
participé à Éclore Côte-Nord pas plus tard qu'en 2018. Effectivement, on m'a
présenté les statistiques de ma région et ça m'a mis sur le cul. Le taux de
maltraitance des enfants de zéro à cinq ans était un des plus élevés sur
la Côte-Nord. Et, lorsqu'on a vu les chiffres, bon, c'est une prise de contact
et un constat frappant, mais ça nous a permis, à tous les acteurs, les
politiciens, que ce soit au niveau national, au niveau local, régional, de
prendre conscience qu'il existait une solution qui s'appelait la bienveillance,
d'être à l'écoute et de tout faire en notre pouvoir pour mettre les moyens en
matière de prévention pour faciliter justement le passage des enfants dans des
situations difficiles à des situations plus faciles.
Le ministre, tout à l'heure, vous
demandait la recette pour réussir Éclore Côte-Nord partout au Québec. Je pense,
M. le ministre, que ce n'est pas de le centraliser, mais bien de le
décentraliser et de donner un financement adéquat pour permettre la collecte de
données qui va permettre, par elle-même, la prise de conscience locale. Ce que
M. Bouchard nous témoigne aujourd'hui, c'est la volonté d'un milieu de
faire une différence. Ça peut être à l'échelle d'une MRC, d'un quartier, d'une
communauté, mais c'est au milieu de décider de quelle façon on doit le faire.
Alors, je suis content que vous l'ayez abordé, M. Bouchard, parce que ça a fait
une énorme différence chez nous. Je ne dis pas que nos taux sont beaucoup
meilleurs, mais ils s'améliorent avec les années.
Donc, je veux vous remercier de nous avoir
indiqué la marche à suivre et de nous indiquer quelles sont les prochaines
étapes à franchir. Donc, je laisserais mon dernier temps de parole à vous,
question de nous indiquer comment une communauté peut faire une énorme
différence dans la bienveillance à ses enfants.
M. Bouchard (Camil) : Oui,
bien, regardez, là, l'expérience que j'ai eue sur la Côte-Nord a été
déterminante, là, parce que... Vous me dites qu'elle a été déterminante chez
vous et pour vous, mais, pour moi, ce l'a été beaucoup, parce que le pas à
franchir, c'est celui de la conscientisation, et notre pire ennemi en
protection de l'enfance, c'est le déni, le déni, c'est toujours le problème de
quelqu'un d'autre ou c'est le problème... la première page du journal durant trois
jours puis c'est fini. Granby nous a sortis du déni.
Mais, quand on a fait cette expérience-là,
sur la Côte-Nord, de dévoiler les données sur la Côte-Nord, on a pris un risque
énorme. On ne savait pas... Tu sais, on est tous des apprentis sorciers
là-dedans, là, puis moi, je me disais : Ah! il ne faut pas stigmatiser la
région puis il ne faut pas... mais il y a eu un... ça a eu un effet
extraordinaire, parce qu'on a tous sortis du déni en même temps. On s'est tous
dit : Bon, O.K, très bien, voici la réalité.
Et c'est là que les élus locaux,
municipaux et régionaux sont arrivés puis ils nous ont dit : C'est
intéressant, c'est, en même <temps, troublant…
M. Bouchard (Camil) :
...en même >temps troublant, mais, dans ma communauté, comment ça se
présente et comment je pourrais faire une différence en tant qu'élu? Puis les
réunions qu'on a eu autour des données, là, les premiers à entrer dans la salle
puis les derniers à sortir de la salle, c'étaient des élus, c'étaient les
maires des MRC, parce que leur mission, c'est de veiller au bien-être de leur
communauté, puis de leurs citoyens, et les enfants, ça fait partie de leur
mission aussi. Tu sais, ce n'est pas un… Ils n'ont pas… Ils ne sont pas élus
avec ce mandat-là, mais ça fait partie intégrante de leur mission, puis ils
veulent avoir des éclairages sur ce qui se passe dans leurs communautés… (panne
de son) …pour moi, ça été un... ça aura été… parce que ce n'est pas fini, là,
le futur antérieur, c'est fabuleux, là, mais ça aura été une expérience très
révélatrice à ce niveau-là. On ne peut se passer des données qui sont
disponibles, mais on ne peut se passer en même temps d'un acquiescement, d'un
assentiment, d'une adhésion de tout le monde en regard de ces données-là.
• (18 h 30) •
Qu'est-ce qu'on... sur quoi s'accorde-t-on
lorsqu'on regarde tout ce qui se passe dans notre communauté, sur les priorités
qu'on doit adopter en vertu d'un objectif de diminution des taux de signalement
dans notre communauté. Et moi, je pense que ce qui nous manque maintenant, c'est
deux choses, au niveau national, qu'on se donne un objectif, qu'on se donne un
objectif de diminution des taux de signalement à la protection de la jeunesse,
et, au niveau régional, qu'on se donne des objectifs aussi local et régional,
et, une fois l'objectif fixé, qu'on identifie les moyens précis pour y arriver.
Et, là-dedans, là, il y a beaucoup à boire et à manger. Il y a plein de
connaissances qu'on peut mettre à contribution. Le problème n'est pas là. Le
problème, c'est d'abord de consentir à se donner un objectif et d'y tenir.
Et moi, je me rappelle, là, j'ai mentionné
tout à l'heure l'exemple du suicide chez la cohorte des jeunes. Il y a quelques
années de cela, peut-être une vingtaine d'années, on était les champions
mondiaux quasiment du suicide chez les jeunes. Bien, j'ai un collègue à l'Université
du Québec, Brian Mishara, qui a créé un centre de prévention du suicide, puis
un ci, puis un ça. Soudainement, il y a eu des gouvernements qui ont pris ça
par le chignon du cou puis ils ont dit : On va faire un plan d'action pour
réduire le suicide chez nos jeunes. Et là chacune des régions a adopté des
politiques, puis des plans d'action, puis des programmes, puis des services,
puis on s'en est sortis. Alors, il faut faire la même chose au niveau du
mauvais traitement envers les enfants.
Le Président (M. Provençal)
: M. Bouchard, je ne peux que vous remercier de ce
témoignage et de cette conclusion. Je trouve que ça conclut bien cet échange.
Alors, merci beaucoup.
Ceci étant dit, la commission ajourne ses
travaux à demain, jeudi 10 février, après les affaires courantes. Encore merci
pour votre collaboration et votre contribution, M. Bouchard.
(Fin de la séance à 18 h 31)