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Version préliminaire

42nd Legislature, 2nd Session
(October 19, 2021 au August 28, 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Wednesday, February 9, 2022 - Vol. 46 N° 5

Special consultations and public hearings on Bill 15, an Act to amend the Youth Protection Act and other legislative provisions


Aller directement au contenu du Journal des débats


 

Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures seize)

Le Président (M. Provençal) :Bonjour à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes de bien vouloir éteindre la sonnerie de leur appareil électronique. La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi numéro 15, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions légales. Madame la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, monsieur le président. M. Derraji (Nelligan) est remplacé par Madame Weil, Notre Dame de grâce, Madame Sauvé (Fabre), par madame Robitaille Bourassa-Sauvé, Monsieur Marissal Rosemont, par Monsieur Zanetti, Jean Lesage et Monsieur Arseneault Îles de la Madeleine par monsieur Ouellette René Lévesque.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Ce matin, nous entendrons les personnes et groupes suivants : la Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement et Mme Geneviève Rioux. Je souhaite à ce moment-ci la bienvenue à la Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement. Vous avez dix minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échanges avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et je vous cède la parole.

M. Prévost (Nicolas) : Monsieur le Président, Monsieur le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, chers députés membres de la Commission, bonjour. Je me présente, Nicolas Prévot, président de la Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement. Permettez-moi d'abord, au nom des 2100 membres de la Fédération québécoise des établissements d'enseignement que nous représentons, de vous remercier et de nous recevoir aujourd'hui afin de vous présenter le fruit de notre réflexion au sujet du projet de loi 15 concernant la protection de la jeunesse. Tout en sachant très bien que nous ne sommes pas des spécialistes...

M. Prévost (Nicolas) : ...de la santé et des services sociaux, loin de nous l'intention de faire des recommandations spécifiques sur les différents aspects du projet de loi.

Cependant, comme collaborateur de premier plan, la fédération tient, d'entrée de jeu, à souligner la grande importance qu'elle accorde à ce projet de loi, ses membres étant d'ores et déjà engagés dans la prestation de services éducatifs aux enfants, de leur sécurité et leur bien être. Tout cela nous tient évidemment bien à cœur. Nous saluons votre souhait de mettre l'enfant au cœur des actions et des futures décisions.

Nous pensons toutefois, et c'est là l'essentiel de nos propositions, qu'une meilleure collaboration entre le réseau de l'éducation et la protection de la jeunesse pourrait s'avérer très utile à votre projet d'amélioration du système actuel. Les constats du passé nous démontrent un travail colossal des intervenants des services sociaux et du réseau scolaire, mais nous notons de trop nombreux constats d'échec quant à l'aspect collaboratif. Les enfants passant beaucoup de temps à l'école, le personnel de nos équipes-écoles est en effet bien placé pour détecter tout changement dans l'attitude ou le comportement des enfants susceptibles de subir de la maltraitance, et je sais qu'il serait très heureux de pouvoir y contribuer davantage.

Mais avant d'aller plus loin, j'aimerais vous présenter ma collègue, madame Elizabeth Joyal, secrétaire de la Fédération québécoise des directions d'établissement.

• (18 h 20) •

Mme Joyal (Élizabeth) : Monsieur le Président, Monsieur le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, chers députés, membres de la commission, bonjour.

J'aimerais, moi aussi, vous remercier de nous recevoir aujourd'hui afin d'apporter notre contribution au perfectionnement de ce projet de loi si important pour les enfants issus d'un milieu familial dysfonctionnel et non sécuritaire. Car la maltraitance peut évidemment nuire aux résultats scolaires et à la réussite éducative des enfants qui vivent dans un milieu familial inadéquat, vous êtes bien placé pour le savoir.

Bénéficiant des compétences nécessaires pour diagnostiquer les problématiques susceptibles d'affecter la vie des enfants que nous éduquons, notre position privilégiée de proximité au quotidien peut s'avérer d'une grande utilité pour celles et ceux qui ont la responsabilité de protéger leurs droits, mais encore faut-il s'assurer de tirer avantage de cette position privilégiée.

Nous serons heureux de contribuer à l'émergence d'un système plus efficace de protection de nos enfants en vous avertissant formellement de toute situation potentiellement problématique que pourraient vivre les enfants que nous côtoyons dans le cadre de notre mission éducative. L'École peut en effet apporter son soutien aux enfants en difficulté, ne serait-ce que par l'entremise d'un signalement. Des points de contact statutaires ou automatiques, lorsqu'un enfant change de milieu familial, par exemple, permettraient également à nos réseaux respectifs d'assurer une transition plus harmonieuse des enfants vers le nouvel environnement, incluant le réseau scolaire.

Le meilleur suivi des enfants que permettrait une plus grande collaboration entre le réseau de l'éducation et celui de la protection de la jeunesse assurerait, nous en sommes convaincus, le resserrement des mailles du filet de protection que nous souhaitons optimiser ensemble tout en maintenant l'enfant au cœur de nos décisions. Merci.

M. Prévost (Nicolas) : Donc, merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup pour votre exposé. Alors, nous allons débuter cette période d'échanges avec monsieur le ministre, alors je vous cède la parole.

M. Carmant : Et j'ai combien de temps?

Le Président (M. Provençal) :Vous avez 15 minutes...

M. Carmant : Quand même, 15 minutes. O.K. D'accord.

Le Président (M. Provençal) :...15 secondes.

M. Carmant : D'accord. Bien, merci beaucoup, merci pour votre témoignage. Je dois vous dire que je suis extrêmement touché de votre présence aujourd'hui, là. Je pense que ça envoie un message puissant de l'implication puis des liens qu'il faut tisser entre les services aux jeunes et les écoles primaires et secondaires.

Moi, ce que j'aimerais vous dire, c'est qu'une des choses qui me tient vraiment beaucoup à coeur, c'est qu'on puisse améliorer, d'abord peut-être, ces liens qui sont entre les services scolaires et les services de première ligne. Pendant la pandémie, les... J'ai parlé quasiment à chaque semaine, là, pendant la première vague, là, au directeur de la protection de la jeunesse, et ils ont créé des ponts avec le milieu scolaire...

M. Carmant : ...mais je pense qu'il faut également créer des ponts avec les services de première ligne. Par exemple, dans mon comté, il y avait très peu de liens entre les écoles et les services, les centres de pédiatrie sociale. Les écoles ne connaissent pas les services de première ligne, les services SLIP pour les mères... pour les mamans qui sont en difficulté, le service CAF pour les enfants qui font des crises ou qui ont des pensées suicidaires, le service négligence pour les enfants qui n'ont pas de lunch, qui n'ont pas de... qui sont mal habillés, qui sont mal... tu sais, dont les soins personnels sont douteux. Puis comment on peut renforcer ces liens-là, faire qu'on passe par cette première ligne avant d'aller à l'aide à la protection de la jeunesse? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Prévost (Nicolas) : Bien, dans un premier temps, j'aimerais réitérer qu'on est, nous aussi, très heureux d'être ici aujourd'hui et de représenter nos directions d'établissement parce que c'était effectivement très important. L'enjeu de nos jeunes ressources, la protection de la jeunesse, là, c'est vraiment un enjeu qui nous tient vraiment à cœur. Mettant, sur les services de... Dans le fond, c'est de travailler en amont, de travailler en prévention, je comprends bien.

Je pense qu'il se développe dans les derniers temps avec l'apparition d'Agir tôt, entre autres, où il y a eu beaucoup de rencontres qui ont été mises en place et, je vous dirais, partage de connaissances entre ces divers réseaux là, je pense que le fait de mettre en place Agir tôt et de le mettre de façon plus structurée va aider le milieu scolaire à justement faire appel à des instances, là, de premier niveau, de première ligne pour aller vraiment en prévention, ce qui sera toujours mieux, bien entendu. Bon, avec l'arrivée aussi de nos petits de maternelle 4 ans dans les dernières années, je pense qu'il faut aussi consolider cette présence-là vers des organismes qui existent déjà. Oui, on y voit, là, une grande importance. Maintenant, comment le mettre en action? Ça va beaucoup avec des recommandations qu'on a faites dans notre mémoire d'approches collaboratives, que les instances puissent se rencontrer, apprennent à se connaître et connaissent ce qui se passe dans les différents milieux. Donc, ça, ça peut être un moyen qui va faciliter grandement le comment on pouvoir aller vers les services de proximité.

M. Carmant : Super. Merci. En plus c'est Agir tôt qui vous aide à faire ça. Moi, je suis extrêmement heureux.

M. Prévost (Nicolas) : Ça ne nuit pas.

M. Carmant : Je n'y avais même pas pensé.

M. Prévost (Nicolas) : Ça ne nuit pas.

M. Carmant : Super. Bon, maintenant, au niveau de la protection de la jeunesse, l'enjeu qu'on a, puis qu'on vit, puis je pense que c'est un petit peu ce que je lis quand je lis votre mémoire, c'est que quand même 60 % des signalements ne sont pas retenus. Puis je vais vous dire qu'avec la pandémie, les signalements ont augmenté, mais le taux de rétention, lui, est contraire, il est en train de baisser. Donc, comment, selon vous, on renforcit ou on clarifie les raisons qui vont faire que la protection de la jeunesse va intervenir? Ou quels mécanismes on peut mettre sur pied pour que tant de signalements ne soient pas rejetés?

Je vais vous dire que, tu sais, aux congés scolaires, c'est spectaculaire, là, tu sais. Quand l'école ferme, là, le nombre de signalements baisse drastiquement, là. Il faut se l'avouer, ça. Donc, qu'est ce qu'on peut faire pour s'assurer que les signalements soient... Pas plus pertinents parce qu'ils sont tous pertinents, mais soient... vont être mieux reçus et ont plus de chances d'être retenus? Parce que, vous le savez, je suis sûr, chaque signalement mérite du temps terrain, mérite une enquête. Mais, tu sais, même ceux qui ne sont pas retenus ne sont pas juste : Ah! Non, on ferme, là. Il y a toujours quelque chose qui se fait quand la DPJ reçoit un signalement. C'est pour ça que j'aimerais au moins que ça passe par la première ligne. Mais si on est vraiment inquiet, là, que l'enfant est compromis, qu'est ce qu'on peut faire pour clarifier les critères de compromission qui vont faire qu'un signalement va être retenu?

Mme Joyal (Élizabeth) : Encore une fois par des tables où on pourra discuter de ces critères, où l'école pourrait être partie prenante, en ce sens que nous observons des choses sur le terrain qui peut être seraient des indices supplémentaires s'il y avait un échange tout d'abord pour ces indices-là. Parce qu'au moment où un signalement n'est pas retenu, une fois que l'école a fait le travail, c'est difficile de savoir pourquoi, selon l'enquête qui a été menée parce que les détails de l'enquête ne sont jamais tous communiqués pour des raisons évidentes.

Donc, à ce moment-là, s'il y a discussion sur pourquoi. Par exemple, c'est nommé dans notre mémoire, mais les signalements que nous avons l'obligation de faire en tant que directions d'école pour les enfants qui ne fréquentent pas de façon assidue, régulière, c'est souvent un premier...

Mme Joyal (Élizabeth) : ...un indice important de problèmes à la maison et dans cette situation-ci, difficilement, il y aurait une autre instance qui pourrait y répondre, dans les autres programmes sociaux, là, qui supportent. Donc, on comprend qu'il peut y avoir beaucoup de situations qui sont portées à l'attention de la DPJ. Mais ça, c'est quand même un drapeau important, la non-fréquentation, qui est d'ailleurs une obligation pour nous, mais qui n'est pas toujours une priorité du côté DPJ pour toutes sortes de motifs qui leur appartiennent puis ne me sont pas communiqués. Mais d'un premier coup d'oeil, cet enjeu-là semble important.

M. Carmant : D'accord. Donc, ces tables-là ne sont pas monnaie courante, alors.

Mme Joyal (Élizabeth) : Pas du tout. Les... en tout cas, pas à ma connaissance. Les tables... les directions de façon régionale ou sectorielle, directement, les directions qui sont interpellées dans des dossiers directement, non, on est partie prenante une fois qu'un dossier est ouvert, une fois qu'une enquête est en branle. À un certain point, oui, mais il y a d'autres choses qui peuvent être... être faites, pardon, oui.

• (11 h 30) •

M. Carmant : J'espère que les changements qu'on apporte à la loi au niveau de la confidentialité pourront aider, là, ça, c'est un très grand point. Parlons en des absences répétées. Quels sont les critères de non-fréquentation scolaire qui mènent à un signalement? Parce que pendant la pandémie, on a vu une explosion, là, de ces signalements-là. Est-ce qu'il y a des... C'est quoi, c'est comme deux jours pas à l'école sans avertir? C'est comment... Comment vous gérez ça ou est-ce que ça varie d'un établissement à l'autre?

M. Prévost (Nicolas) : Il n'y a pas de critère, là, écrit ou prescrit par aucune loi ou peu importe. Donc, c'est vraiment par la gestion de chaque établissement scolaire. Bien entendu, bon, ça peut effectivement varier d'un établissement à l'autre. Mais je vous dirais, là, il faut... quand on va faire un signalement au niveau de la protection de la jeunesse concernant des absences des élèves,c'est vraiment dans des cas, là, où on a une absence prolongée, là, sans motif raisonnable, puis là on peut vous parler de semaines, là, exemple, un deux semaines ou encore là, des absences ponctuelles, tu sais, une à deux journées par semaine, mais qui sont sur une... tu sais, qui sont sur une durée quand même importante et surtout avec des motifs d'absence qui nous apparaissent pas justifiés.

Maintenant, il n'y a pas... mais je tiens à souligner que c'est effectivement pour nous une problématique de... pour faire un bon... il n'y a pas de mauvais ou de bons signalements, ce n'est pas ce que je veux dire, mais pour s'assurer de faire les choses correctement, il faudrait aussi connaître les critères, tous les critères qui sont d'office, là. Nous, on y va avec le personnel qu'on a dans nos établissements, qui ont des connaissances plus fines, nos psychologues, psychoéducateurs qui nous servent de référents à ce niveau-là, mais on n'a pas de retour, comme Mme Joyal le disait tantôt, quand ce n'est pas retenu. Pourquoi? Donc, ça nous aiderait peut-être à comprendre et à mieux... à faire des signalements de façon différente.

M. Carmant : Puis moi, les DPJ me disent que pendant la pandémie, un des gains qu'on a fait, c'est qu'on a eu ce rapprochement entre la protection de la jeunesse et le réseau scolaire. Êtes vous d'accord ou il y a encore beaucoup de pas à faire?

M. Prévost (Nicolas) : Bien, dans le fond, oui, il y a eu un certain rapprochement, mais il y a encore beaucoup de pas à faire, monsieur le ministre. Et la pierre n'est pas seulement dans la cour de la DPJ, là, la pierre est aussi dans la cour du réseau scolaire, là. On n'est pas sans faute ou sans tache dans tout ça nous non plus, là. Des fois, c'est dans notre propre réseau qu'on aurait à clarifier et à stabiliser certaines choses pour améliorer cette collaboration-là. Parce que qui dit collaboration, ça se fait à deux, là. Ce n'est pas seulement de lancer la pierre dans les réseaux sociaux, puis dire : Oh! Oh! Tu sais, donc nous aussi, on a des modifications à faire puis des changements à faire. Je ne sais pas si Élizabeth, tu voulais....

Mme Joyal (Élizabeth) : C'est ça.

M. Carmant : Et si vous auriez une recommandation, une demande pour faciliter ce rapprochement, qu'est ce que ce serait?

M. Prévost (Nicolas) : Bien, on voit dans le projet de loi que le directeur national a quand même un rôle d'établir des forums, forums de discussion, bon, avec les différents intervenants aux niveaux régionaux, entre autres. Mais nous, on croit qu'il serait pertinent que quelqu'un du réseau scolaire puisse... parce qu'on voit dans le projet de loi qu'il y a quand même une certaine latitude au directeur national de choisir les gens qui pourraient être présents. Je pense que ce serait très pertinent qu'il y ait quelqu'un qui représente le réseau scolaire justement pour qu'il y ait cet arrimage-là puis une discussion pour qu'on puisse... que ça se répercute sur le terrain...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

M. Carmant : ...entendu. Est-ce que... comment on pourrait, est ce qu'on devrait, mais peut être qu'ils n'ont pas le temps non plus, là, puis je comprendrais très bien, les... justement, les professionnels dont vous parlez qui sont dans les écoles, est-ce qu'ils pourraient contribuer plus? Est-ce qu'il y aurait moyen de travailler avec eux? Quand je parlais de collaboration de première ligne, milieu scolaire, par exemple, ou...

Mme Joyal (Élizabeth) : Oui. Il y a toujours façons de collaborer. J'ai envie de dire, ce n'est pas qu'il y a une non-collaboration, c'est qu'elle est peut-être pas sur une base suffisamment fréquente, puis ce qui s'échange aussi est très important. Donc, vous en parliez tantôt, la portion de la confidentialité vient jouer, mais est-ce qu'on peut impliquer davantage les professionnels? Assurément. Ils sont d'ailleurs impliqués à chaque fois qu'il y a un dossier pour les élèves, ça ne relève pas entièrement de la direction de l'école. Évidemment, ce sont tous les intervenants de l'école qui sont impliqués à ce moment-là.

M. Carmant : D'accord. Donc, les signalements sont... il y a un certain protocole pour signaler. Ce n'est pas comme le professeur prend le téléphone, là.

Mme Joyal (Élizabeth) : Ça peut être le professeur prend le téléphone aussi, mais il y a toujours échange dans l'équipe-école sur une situation pour un élève. Après ça, on détermine qui doit faire l'appel, là. Mais ça, ça peut varier d'un établissement à l'autre. Ce n'est pas un protocole établi de façon formelle dans les CSS ou au sein même des établissements. Ça peut varier.

M. Carmant : Parfait. Merci beaucoup. M. le Président, avec votre consentement, je passerai la parole à la députée de Soulanges.

Le Président (M. Provençal) :Oui, madame la députée, à vous.

Mme Picard : Merci, monsieur le président. Le projet de loi prévoit des mesures de transition et d'accompagnement personnalisé pour les jeunes sous la protection qui atteignent l'âge adulte. On connaît l'importance de l'éducation et de la formation professionnelle pour assurer un avenir à ces jeunes et favoriser leur autonomie. Quel rôle peuvent jouer les directions d'établissement dans ces mesures de transition et d'accompagnement personnalisé?

M. Prévost (Nicolas) :  Bien, tout d'abord, il faut souligner que c'est une bonne nouvelle maintenant qu'il y ait cet accompagnement des dettes qui se poursuit sur une plus longue période, là, avec les élèves qui sont plus vieux et qui oui, fréquentent nos établissements, là, en formation générale des adultes et en formation professionnelle. Le rôle de la direction d'établissement va être sensiblement le même que l'on... même si l'élève est plus vieux, il y a quand même un rôle important d'un suivi à travers ces établissements-là, que sont la formation générale des adultes et de formation professionnelle, de s'assurer quand même d'un suivi et d'une mise en place des actions qui ont été déterminées par la protection de la jeunesse et, souvent, des actions qui sont mises en place dans l'établissement scolaire.

Et ça m'amène, la question est très pertinente, ça m'amène sur l'enjeu de... collaboratif encore, mais sur l'enjeu de... Il y a des plans d'intervention souvent dans nos établissements scolaires et il y a des plans d'action au niveau, souvent, de la protection de la jeunesse. Et encore là, souvent, trop souvent, malheureusement, il n'y a pas de concordance entre les deux plans d'action qui devraient se parler, en quelque part, parce que les moyens qui sont mis en protection de la jeunesse devraient se poursuivre dans le milieu scolaire et ce qui est mis en place dans le milieu scolaire devrait avoir un certain suivi au niveau familial, au niveau de la santé et des services sociaux aussi. Donc, on a deux... tu sais, deux gens qui, deux instances qui travaillent très, très fort à mettre en place des choses, mais malheureusement, pas assez souvent, les deux... il y a croisement dans les plans d'action et ça se répercute aussi aux adultes et en formation professionnelle. Parce que là, ce n'est pas parce que ces élèves-là sont plus vieux qu'ils n'ont pas besoin d'un suivi et d'un encadrement de la part... et c'est le rôle de la direction de s'en assurer.

Mme Picard : Merci.

M. Carmant : Il reste 20 secondes. Ça va? Alors, merci beaucoup, monsieur le ministre. Je vais maintenant céder la parole à la députée de Notre-Dame de grâce pour les 10 minutes 10 secondes suivantes.

Mme Weil : Merci, M. Prévost, Mme Joyal, et comme la ministre, je vais vous dire que... très, très contente que vous soyez là. Et vous savez, comme députés, on est sur le terrain, il y a des organismes communautaires et l'école... Ça va mieux, là, comme ça? Et c'est l'école qui est vraiment le centre de vie dans une communauté. Et j'ai découvert récemment, puis ce n'est pas le programme provincial, mais c'est un programme de la Ville de Montréal qui identifie, avec les commissions scolaires, c'est plus des commissions scolaires, mais les centres, je pense c'était avec les commissions scolaires, mais le programme existe toujours, pour identifier les familles vulnérables. C'est comme ça que c'est dit. Et moi, je suis allée visiter ce centre, je ne connaissais pas le programme, et donc le centre communautaire...

Mme Weil : ...des événements pour l'été font un peu de... C'est surtout beaucoup de jeunes Noirs, mais plus anglophones. Donc, il y a des cours de français, ils font et font un peu d'activité physique. En tout cas, c'est extraordinaire. C'est le centre Loyola. Et c'est un organisme, vraiment, là, qui a toujours besoin de financement, etc. Vous savez, tous les organismes communautaires cherchent de l'argent, mais ça donne des résultats. Alors, et il y a vingt ans, j'étais à la Régie régionale. Juste pour vous expliquer pourquoi, je pense que nous, le ministre et moi, et tous ceux qui sont ici, on est contents de vous recevoir, il y a 20 ans, quand on avait de la régionalisation, j'étais à la Régie régionale de Montréal, et on voulait faire, avec la Santé publique, qui était régionalisée à l'époque, parce qu'on avait identifié les poches de vulnérabilité partout à Montréal, un «reaching out» vers le système scolaire, parce qu'on se disait : On ne peut pas faire ça tout seul. Ça n'a pas été possible à l'époque. Donc, vous mettez le doigt sur quelque chose de bien important, donc comment faire en sorte que... Et c'est plusieurs partenaires. Il y a DPJ, mais il y a la prévention, les organismes communautaires, comme disait le ministre. Comment... Vous allez peut-être vous répéter, mais je veux bien comprendre. Qui vous voyez à cette table? Bien, c'est à dire, dans cet effort pour créer cette société bienveillante, comme la commission spéciale nous recommande, et vous êtes au coeur de ça, hein, vraiment au coeur, vous voyez les enfants et les parents tous les jours, qui vous voyez dans cette... les acteurs qui peuvent faire une différence s'ils sont en communication? Vous avez mentionné DPJ, ça, je le comprends, vous faites des signalements, mais parmi les autres acteurs qui seraient importants pour vous, au-delà des professionnels.

• (11 h 40) •

M. Prévost (Nicolas) : Mais je crois, comme vous l'avez mentionné, que l'école étant le milieu de vie de ces enfants-là quotidiennement, bon, j'ai un peu, tantôt, en vous disant que sur le... bon, le directeur national, je pense que, oui, il devrait avoir... puis quand je parle quelqu'un du réseau scolaire, je parle de quelqu'un du réseau terrain. Et est-ce que je veux expliquer, c'est qu'il y a des gens qui sont dans les centres de services qui font de l'excellent boulot, mais ils ne sont pas sur le terrain des vaches à vivre des situations dans nos écoles. Vous avez parlé des professionnels. Je vois effectivement un lien quand même assez direct, c'est nos référents, c'est eux qui ont le plus de connaissances à ce niveau-là. Donc ça peut être eux. Mais, si on va au-delà de ça, moi, je vois vraiment le rôle aussi d'une direction d'établissement qui a, je vous dirais, une vue d'ensemble aussi de ce qui se passe dans l'établissement, qui a peut être moins la vue compartimentée que l'avis de l'enseignant, de l'éducatrice du service de garde, donc, cette vue plus globale là. Puis, je vois aussi une présence, pas seulement au niveau national, mais aussi au niveau régional, de vraiment rapprocher les deux groupes.

Mme Weil : J'ai aussi remarqué, puis c'est sûr que je ne pose pas trop de questions sur comment ils se sont retrouvés, mais les travailleuses sociales des CISSS et CIUSSS qui sont aussi, des fois, ils sont interpellés, parfois, ils connaissent, chez nous, en tout cas, N.D.G, Côte-des-Neiges, ils semblent bien connaître leur milieu, mais ils comptent beaucoup sur les organismes communautaires pour les allumer, connaissent la DPJ, sont... donc il y a des choses qui se passent dans certains... Il faudrait repérer les efforts qui ont été faits. Vous, est-ce que vous faites... Donc, vous, vous allez à la DPJ surtout, hein, c'est ça votre... Et je comprends. Je comprends. Même s'il y a trop de signalements, mieux vaut être, comment dire, sûr que de prendre des chances, hein? Alors, moi, je comprends tout à fait ce réflexe. Et je l'ai appris lors de la COVID, la première vague, l'étude qui a été faite, parce qu'il y avait eu une baisse de signalements, et quand l'école a repris, on a vu que l'école joue un rôle très important. Donc, essentiellement, je vais laisser... Je veux juste d'être sûr que... parce que c'est vraiment une occasion en or de vous avoir. Mais je vais... Oui, vas-y avec ta question. Avec la permission...

Le Président (M. Provençal) : Oui. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, à vous la parole. 

Mme Robitaille : Merci, M. le Président. Bien, Mme Joyal, monsieur Prévost, merci d'être là. C'est vraiment important. Comme disait ma collègue, l'école est vraiment un centre de vie, hein, pour nos jeunes. J'aimerais qu'on se parle la confidentialité. Le ministre en a parlé tout à l'heure, mais je pense que c'est une question très importante. Et puis vous en parlez aussi dans votre mémoire. Vous dites : «La loi devrait empêcher qu'un parent choisisse de ne pas...

Mme Robitaille : ...divulguer certaines informations en prétextant leur confidentialité lorsque la sécurité d'un enfant est en cause. Bien, évidemment, c'est un sujet délicat. Il y aura des amendements aussi qui vont chercher à circonscrire autrement la confidentialité. Jusqu'où... Est-ce qu'on devrait interpréter la définition de confidentialité d'une façon plus large qu'elle l'était avant? Puis jusqu'où on peut aller? Donnez-nous un petit peu des...

Mme Joyal (Élizabeth) : J'ai envie de vous répondre qu'on veut être partie prenante de cette confidentialité-là, comme direction d'école, là, je m'exprime comme une directrice. Nous allons tenir cette confidentialité-là, aussi, au regard des informations qui pourraient nous être transmises. On comprendrait aussi qu'on ne va pas nous donner la totalité des infos. Ceci étant dit, les propos qui sont mentionnés dans ce mémoire font référence à des situations vécues déjà. C'est-à-dire un élève nous est confié, il change de milieu, il arrive dans notre école, et, parce qu'un parent ne souhaite pas divulguer certaines portions d'informations, on n'y aura pas accès. Et c'est à ce moment-là que, des fois, les interventions qui peuvent être mises en place ou les réactions qu'on pourrait avoir dans le milieu pour bien traiter le dossier ne nous seront pas acheminées, et ce sera le parent qui en aura décidé.

Je questionne qui devrait être le gardien de ce qui doit être communiqué ou pas. Dans ce cas-ci, ce que j'en comprends, c'est que, maintenant, c'est le parent qui en fait le choix. Est-ce que ça ne pourrait pas plutôt être l'intervenant, l'agent porteur du dossier? Je questionne ça pour, au final, mieux traiter un dossier d'élève puis se retrouver avec un dossier bien traité pour cet enfant-là, l'enfant au cœur de la décision. Le parent, on comprend qu'il a des droits au regard de tout ça. Mais qu'en sera-t-il de ce que nous pourrons faire pour cet enfant?

Mme Robitaille : Est-ce que l'enfant devrait avoir plus de pouvoirs? Je m'explique. Parce que c'est sûr qu'au primaire peut-être que c'est plus délicat. Mais, quand il est adolescent, est-ce qu'il ne devrait pas avoir plus de pouvoirs à savoir quoi partager, et, si on lui pose des questions à l'école, pouvoir répondre librement aux questions qu'on lui pose?

Mme Joyal (Élizabeth) : Bien, tu sais, à l'école, l'enfant qui est questionné choisit de donner des réponses ou de ne pas en donner. Quand nous, on fait référence à la confidentialité, on parle de celle qui nous sera communiquée de façon officielle et de façon vérifiée. Donc, les élèves, même au primaire, choisissent de s'exprimer, des fois pas. Les propos ne sont pas nécessairement invalides, mais ils valent toujours mieux qu'ils soient vérifiés par un intervenant qui est dans ce dossier-là et qui s'implique. Donc, à partir de là, c'est plutôt quand le parent choisit de dire : Bien, je ne veux pas qu'on dise ça. Si ça peut être nuisible au développement, au traitement, pourquoi gardons-nous la chose confidentielle, alors qu'elle pourrait être utile? Dans certaines autres situations, ce n'est pas grave, qu'on n'ait pas l'info. On ne veut pas nécessairement dire qu'on veut tout, mais on veut le maximum pour pouvoir bien faire les choses.

Mme Robitaille : Donc, si je vous entends comme il faut, le parent ne devrait pas avoir le pouvoir absolu de décider qu'est-ce qui doit être dit et pas, que l'intervenant pourrait aussi avoir un certain pouvoir, dans certains cas, à confier, là, à l'école certains éléments importants.

Mme Joyal (Élizabeth) : L'enfant au coeur de la décision.

Mme Robitaille : En ce moment, là, pratico-pratiques, là, est-ce que les intervenants de la DPJ ont souvent des rapports directs avec l'école?

M. Prévost (Nicolas) : Avec les intervenants de l'école, à l'heure où on se parle, oui, mais très peu, dans le sens où les intervenants de la protection de la jeunesse vont se manifester, là, dans un établissement scolaire. Ils sont surtout là dans un but de rencontre avec l'enfant, il y a très peu d'échanges, très, très peu d'échanges avec les intervenants scolaires lors des visites de la protection de la jeunesse. Et l'inverse est aussi vrai de notre côté, là, tu sais. Comme je vous dis, nous, on a des affaires aussi à faire, on a des changements à faire aussi pour transférer l'information qu'on a à l'école vers la protection de la jeunesse aussi. Mais il y a très, très peu de communication.

Mme Robitaille : Donc, vous en voudriez beaucoup plus, là, un changement de paradigme, là, pour qu'il y ait plus d'échanges, plus de fluidité entre les différents partenaires?

M. Prévost (Nicolas) : Écoutez, j'ai été direction d'établissement pendant 21 ans, et très rarement...

M. Prévost (Nicolas) : ...quand les intervenants de la DPJ vont venir à l'école, là. Un matin, ils cognent, ils viennent voir notre secrétaire puis ils disent : Aujourd'hui, je viens rendre visite à tel élève. Donc, on l'apprend là.

Mme Robitaille : Mais un enseignant ne pourrait pas appeler un intervenant directement? Disons qu'il sent que quelque chose ne va pas ou... Il n'y a pas d'échange direct nécessairement?

M. Prévost (Nicolas) : Oui. Bien, le personnel scolaire pourrait aussi quand même communiquer directement avec l'intervenante s'il y avait des modifications dans le comportement de l'élève, exemple. Tu sais, souvent, on a le nom, quand même, de l'intervenante qui s'occupe du dossier. Mais il y a très, très peu d'échanges, là, des deux côtés.

Mme Robitaille : Merci. Donc, ce serait à favoriser.

M. Prévost (Nicolas) : Définitivement.

Mme Robitaille : O.K. Parfait. Merci. Allez-y.

Le Président (M. Provençal) : Merci.

• (11 h 50) •

Mme Weil : ...je connais moins... excusez-moi, ça va... je connais moins comment ça fonctionne dans le système scolaire, mais donc... Parce qu'on a beaucoup parlé, hier, de, justement, cette question de sensibilité par rapport à certaines informations, et tout de même, protéger l'enfant à long terme, même, sa réputation, etc. Donc, ça a été recommandé par des ordres professionnels qui sont venus hier, des psychoéducateurs, qu'il y a moyen de faire en sorte de transférer l'information d'un professionnel, membre d'un ordre professionnel, à l'autre. Parce que chacun a cette sensibilité, cette formation pour savoir, O.K., quelle information devrait être transmise, et comment.

Est-ce que vous voyez ça dans votre milieu éventuellement? Parce qu'il y aura certainement, bon, des discussions au ministère, un règlement, etc., sur comment cette disposition de la loi va s'actualiser. Que pensez-vous de cette approche-là, au lieu de laisser ça entre les mains de la famille, qui va peut-être vouloir peu dire, on ne sait pas, mais de professionnel en professionnel, d'une institution à l'autre?

M. Prévost (Nicolas) : Sans ouvrir les valves, là, complètement. Il ne faut pas non plus être réfractaires à... Tu sais, je comprends nos professionnels, là. On discute souvent avec eux, puis, oh! tu sais, sous... le couvert de l'ordre professionnel, de transmettre les informations, puis qu'ils veulent le faire avec les bonnes personnes, au bon moment. Mais il ne faut pas freiner ça non plus, là. Tu sais, il ne faut pas ouvrir, bon, que ça devienne public, mais il faut encourager ce discours-là que plus les gens seront au courant, et mieux on va pouvoir intervenir avec l'enfant. Donc, oui, bien, il y a encore du travail à faire à ce niveau-là. C'est, à notre avis, encore assez fermé.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup. Nous allons poursuivre avec le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci, monsieur le Président. Merci beaucoup. Je voudrais... sur la question de la confidentialité. Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples de choses qui peuvent arriver parce qu'il y a un manque de communication, ou parce que, disons, la confidentialité a été, disons, interprétée avec des critères trop serrés, là, puis qu'il vous a manqué de l'information, puis que ça a entraîné des préjudices pour l'enfant?

M. Prévost (Nicolas) : Oui, je peux vous donner des exemples très concrets.

M. Zanetti : Sans nommer les noms, évidemment.

M. Prévost (Nicolas) : Non, non, non. Très souvent, dans les milieux défavorisés, on voit l'arrivée de nouveaux étudiants dans nos établissements parce qu'ils ont été placés dans une famille d'accueil. Le dossier scolaire va suivre très rapidement, mais le dossier d'aide, donc tout ce qui a trait aux services, justement, d'encadrement au niveau psychosocial ou comportemental, lui, il ne suit pas, ce dossier-là, tant que les professionnels ne s'échangent pas l'information, parce que le professionnel ne veut pas le faire avec la direction d'école, ou ne veut pas le faire avec l'enseignant.

Donc, on a un nouvel élève qui est là. J'ai ses notes de bulletin. Je sais que l'élève vit des difficultés, mais je suis... je ne peux pas... le plan d'intervention ne suit pas, il y a des choses qui ne suivent pas, parce que sous l'aspect, sous la raison de la confidentialité, les gens ne veulent pas transférer tout de suite. Et parfois, je dois vous dire que le transfert entre professionnels, ça peut prendre beaucoup de temps avant que ça se fasse. Pas parce que ce n'est pas un souci qu'ils ont de le faire, mais, bon, vous connaissez, comme nous tous, là, l'enjeu des professionnels dans le réseau scolaire...

M. Zanetti : Ils sont dans le jus.

M. Prévost (Nicolas) : ...qui font parfois cinq, six, sept, huit établissements scolaires, là. Donc, on vit avec cet enjeu-là de confidentialité qui part, et là on n'est pas capables de mettre en place rapidement des choses qui pourraient aider l'élève dans son cheminement.

M. Zanetti : Et dans le scénario, par exemple, ou le plan d'intervention suivrait le dossier de l'élève, là, le dossier normal, comment est-ce que... qui aurait accès à ça? C'est-à-dire que... J'imagine que ce n'est pas, vous le recevez, puis là vous le mettez sur...

M. Zanetti : ...site Internet, là, c'est dans un dossier, puis là il y a les directeurs qui peuvent le voir, l'enseignant qui... Qui... Dans le fond, comment est ce que vous pouvez assurer la confidentialité de ces données là confidentielles que vous recevriez?

M. Prévost (Nicolas) : Oui. L'accès au dossier d'aide, là, elle est très... je vous dirais, elle est accessible seulement aux intervenants, donc directions d'école, enseignants et les intervenants qui sont... qui ont à travailler avec les élèves. Seulement, ces personnes-là ont accès au dossier d'aide. Sinon, ce n'est pas... il n'y a pas d'autre accès.

M. Zanetti : O.K. Puisque ce que ça permettrait de faire, si je comprends bien, c'est que ça permettrait de mettre en oeuvre le plan d'action plus rapidement, de soutenir l'élève plus rapidement, sinon, bien, il peut y avoir un trou de service de 3 mois, six mois, peut être.

Mme Joyal (Élizabeth) : Des erreurs d'intervention...

M. Zanetti : Des erreurs d'intervention. Comme par exemple, mettons...

Mme Joyal (Élizabeth) : Bien, je ne sais pas, tout dépendant ce qu'un enfant peut vivre, pour la raison pour laquelle on l'a déplacé. Il y a des enjeux importants de diverses natures. Il y a des erreurs qui peuvent être commises involontairement, par des intervenants, en mentionnant des choses, en suggérant des choses, en ne sachant pas ce que l'élève a vécu. Donc, à partir de là, je pense que, pour améliorer la qualité de l'intervention, si l'info se transmet rapidement, nous, on évite ces erreurs-là, puis on assure la qualité des services auxquels on est tenus, là.

M. Zanetti : Puis, dans les choses dangereuses qui peuvent arriver, là, qu'est ce qu'on peut... Qu'est ce qui peut arriver, mettons, qui est... parce que vous ne savez pas qu'un tel parent, mettons est violent, puis là, bien, vous le contactez, puis là, je ne sais pas, qu'est ce qui peut arriver de...

M. Prévost (Nicolas) : Bien, qui a accès? Qui peut contacter l'élève en question, déjà là?

M. Zanetti : O.K. Ça, il faut... Ça vous ne le savez même pas.

M. Prévost (Nicolas) : Bien non, des fois, on l'apprend très tard, trop tard. Certaines interventions, comme Mme Joyal le dit, interventions de niveau pédagogique, des fois, l'élève sur certains retards d'apprentissage ou qui ne sont pas connus ou soumis, qui amènent des troubles de comportement, exemple, mais, si on confronte l'élève à ses troubles d'apprentissage directement, bien là, on fait exploser l'élève. Donc, si on était en amont, bien, on éviterait ce type d'intervention là. Puis j'attirerais aussi votre attention sur une partie du mémoire, sur les enfants qui sont scolarisés à la maison parce qu'on en a de plus en plus, de demandes de scolarisation à la maison. Donc, l'enfant fait une demande de scolarisation à la maison. Pour nous, au niveau scolaire, on n'a plus de suivi... aucun, donc je pense qu'il y aurait des choses importantes à aller voir à ce niveau-là aussi.

Le Président (M. Provençal) : Merci.

M. Zanetti : Merci.

Le Président (M. Provençal) : Alors, je remercie Mme Joyal et monsieur Prévost pour leur contribution à nos travaux.

 Je suspends les travaux pour pouvoir laisser place à la prochaine intervenante. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 11 h 56)


 
 

12 h (version non révisée)

Le Président (M. Provençal) :Nous reprenons nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue à Mme Geneviève Rioux, présidente de la Fédération des familles d'accueil et ressources intermédiaires du Québec, et Mme Rioux est accompagnée de Me Mylène Leblanc. Alors, vous disposez de 10 minutes pour votre présentation, et par la suite nous allons procéder aux échanges. Alors, je vous cède la parole, puis je vous demanderais de vous renommer, s'il vous plaît. Merci.

Mme Rioux (Geneviève) : Parfait. Mme Geneviève Rioux, présidente de la Fédération des familles d'accueil et ressources intermédiaires du Québec. La fédération tient à remercier les membres de la commission de lui permettre d'exprimer les commentaires et les demandes des familles d'accueil dans le cadre du projet de loi 15. Dans ce contexte, la fédération fait de nouveau valoir la position de ses membres, mais cette fois, particulièrement, elle se fait gardienne de l'intérêt des enfants. Seul regroupement exclusivement dédié à la défense et au soutien des familles d'accueil à l'enfance du Québec, la fédération représente 2600 familles d'accueil, mais surtout elle représente plus de 5 000 enfants partout au Québec.

C'est portés par nos familles d'accueil inspirantes et bienveillantes que d'entrée de jeu nous constatons que le projet de loi concrétise, sans plus, l'état actuel du droit de la jeunesse au Québec. C'est insuffisant. Nous vous remercions d'avoir mis en avant et rapidement cette priorité d'un grand changement nécessaire, mais nous déplorons que le projet de loi 15 ne soit pas à la hauteur de l'intérêt des enfants. Il n'est ni créateur de droits, ni de mesures de contrôle des agissements de la Direction de la protection de la jeunesse et il relègue aux oubliettes une réelle commission des droits des enfants. Les attentes des familles d'accueil des enfants du Québec sont nombreuses et légitimes face à un projet de loi qui doit être novateur.

Le but de ces consultations particulières étant de bonifier le projet de loi, la FFARIQ propose dans son mémoire des modifications que nous jugeons urgentes et essentielles pour les enfants. Afin d'offrir un filet social sécurisant et bienveillant à nos enfants, chacun a un rôle déterminant à jouer. La FFARIQ croit que les règles claires, précises doivent être établies, et tous les acteurs entourant nos enfants se sentiront concernés et concertés dans une société bienveillante pour eux. Les enfants d'aujourd'hui sont l'avenir de notre société, nous devons les entourer et leur garantir un bien-être. Les personnes investies dans le quotidien des enfants, dans leur environnement propre doivent être impliquées et reconnues dans leur rôle de protection...

Mme Rioux (Geneviève) : ...afin que tous ces acteurs se sentent concernés. Nous sommes d'avis qu'un changement de culture significatif doit être apporté en lien avec les principes de divulgation des renseignements et de la confidentialité. Tels que décrit dans le rapport de la commission Laurent. Ces principes sont complexes et mal appliqués, les règles de la confidentialité nuisent à la collaboration. Il est nécessaire qu'un réel transport d'informations à tous les acteurs puisse être possible pour orienter des pratiques professionnelles centrées sur l'intérêt de l'enfant.

Nous vous remercions de vouloir inclure les familles d'accueil dans votre projet de loi, mais, pour nous, lorsque l'on fait mention de toute personne, à l'article actuel, déjà, les familles d'accueil ainsi que les professionnels entourant les enfants en faisaient partie. Cependant, les directeurs de la protection de la jeunesse ne doivent plus être les décideurs quant à la divulgation d'informations. C'est pourquoi vous devez modifier le «peuvent» par un «doivent» clair et sans ambiguïté.

La CDPDJ, dans le cadre de son mandat, possède de nombreuses responsabilités, incluant celles d'intervenir au débat judiciaire comme si elle était partie. Toutefois, force est de constater que la CDPDJ est quasi absente de la scène judiciaire telle que dénoncée par plusieurs juges, auteurs et la communauté judiciaire. La FFARIQ est d'avis que l'organisme chargé de la mission et investi des pouvoirs de la CDPDJ devrait être un organisme dédié exclusivement aux enfants. En effet, la CDPDJ est loin d'avoir comme unique mission d'assurer le respect des droits des enfants. Bien qu'à première vue, il pourrait y avoir certains avantages qu'un même organisme traite à la fois des plaintes en lien avec la charte ainsi que les demandes en vertu de la LPJ, nous n'identifions aucune valeur ajoutée à cette situation dans la pratique.

• (12 h 10) •

Dans un contexte comme le recommande le rapport de la commission Laurent, dans un souci de cohérence et d'efficacité, la fédération croit que l'ensemble des pouvoirs et mandats de la CDPDJ devraient être transférés à un nouvel organisme pouvant se consacrer entièrement et exclusivement à la défense des droits des enfants et représentatif des nombreuses particularités de la jeunesse du Québec. Cet organisme doit être autonome, indépendant et impliqué et voir le jour sans tarder. Cet organisme doit être le réel gardien de nos enfants.

La FFARIQ recommande que la Direction de la protection de la jeunesse soit indépendante des CISSS et CIUSSS et qu'elle ait sa propre administration pour assurer à l'institution son impartialité et son indépendance. Ainsi, elle aurait ses propres budgets, ses propres règles et ne serait pas tributaire d'un autre organisme. Dans le but d'incarner davantage la protection de l'enfant, le directeur devrait être imputable et devrait rendre des comptes au ministre de la Santé et des Services sociaux.

Il ne faut pas oublier que le Directeur de la protection de la jeunesse intervient dans un contexte d'autorité, que le pouvoir de l'État doit être adéquatement balisé, ce qui n'est pas le cas actuellement. L'article 35 de la... se lit ainsi : Le directeur et toute personne qui agit en vertu des articles 32 ou 33 ne peuvent être poursuivis en justice pour des actes accomplis de bonne foi. Dans ce contexte, malgré l'existence de jugements de la Chambre de la jeunesse dans lequel sont dénoncés de graves manquements du directeur, celui-ci n'est pratiquement jamais tenu civilement responsable de ses fautes. Les dommages causés à des enfants, à leurs parents et à toute personne, incluant des familles d'accueil, demeurent ainsi trop souvent non assumés. Nous sommes d'avis que l'article 35 doit être modifié afin que le directeur puisse répondre civilement de ses actes, assurer le respect des droits et nécessairement une meilleure protection pour nos enfants. Le DPJ a l'obligation de soumettre un portrait complet et franc de l'ensemble de la situation d'un enfant, peu importe ses prétentions. Il n'a pas de cause à gagner et l'intérêt de l'enfant doit toujours primer. En dernier ressort, c'est le tribunal qui doit trancher, tel que mentionné dans un jugement. L'omission d'informations ou son partage déficient sont aussi publiquement dénoncés. Trop souvent, ces principes ont été bafoués au détriment des enfants.

À notre avis, il est nécessaire que le projet de loi 15 introduise un article faisant de ces principes un pilier pour les directeurs de la protection de la jeunesse. L'introduction du nouvel article 83, en 2016, a permis de bonifier la preuve présentée au tribunal afin que le tribunal puisse entendre le meilleur intérêt de l'enfant. Les années passées ont créé de la jurisprudence importante et déterminante pour les enfants. La FFARIQ tient à souligner le travail important de la magistrature dans...

Mme Rioux (Geneviève) : ...intérêt. Certains flous demeurent, parfois, et malheureusement, ça crée des délais au niveau juridique. Alors, encore une fois, nous proposons des éclaircissements à apporter afin que la durée des débats à la cour qui ne servent pas à l'intérêt des enfants... mais présentement, ce délai sert l'intérêt du directeur. La FFARIQ propose de bonifier l'article 91: «La DPJ assure l'aide, conseils et assistance, non seulement à l'enfant et aux parents, mais à toutes les personnes.» Actuellement, on offre l'aide aux enfants et aux parents. Tous les gens qui s'occupent des enfants, bien, ont besoin d'aide, conseils et assistance aussi. Il s'agit... Une fois hébergés, ce n'est pas une réponse en soi aux besoins des enfants, il s'agit d'une mesure de protection. Une fois l'hébergement donné, les besoins ne s'arrêtent pas là pour soutenir l'enfant. La personne qui en prend charge doit être elle-même soutenue. L'accompagnement des familles d'accueil doit… tout comme celui des enfants, est défaillant, les conseils inexistants et l'assistance insuffisante. Si la stabilité de nos enfants est primordiale pour le législateur, que le projet de loi en est le vecteur, l'aide, les conseils et l'assistance doivent prendre un grand virage.

Depuis quelques années, on a vu apparaître plusieurs termes: «confié à», «tiers significatif», «famille d'accueil», «famille élargie», «famille d'accueil de proximité»... En connaissance de cause, on constate que ces différentes appellations et ses dérivés créent différentes catégories d'enfants selon le statut administratif ou juridique de la personne qui l'héberge, plus précisément, l'aide financière et le soutien professionnel pouvant bénéficier à l'enfant varient en fonction de ce statut. La Chambre de la jeunesse, l'une des divisions de la Cour du Québec, confie un ou des enfants à une personne, mais c'est l'établissement qui détermine si celle-ci peut devenir ou rester famille d'accueil. La FFARIQ est témoin quotidiennement de situations où des enfants confiés à des personnes par les tribunaux ne reçoivent pas de services, pas d'aide, pas d'assistance, car le directeur refuse d'accréditer ou bien ferme sans raison valable les familles d'accueil, malgré qu'un juge avec l'ensemble de la preuve ait choisi de confier l'enfant à cette personne. La FFARIQ milite donc pour que l'obligation soit insérée dans la LSSSS et les lois connexes afin que l'enfant confié à toute personne par la Chambre de la jeunesse se voit octroyer le statut de famille d'accueil dès son arrivée chez cette personne. Nous croyons fermement que lorsque la Chambre de la jeunesse décide de confier un enfant à une personne, celle-ci doit bénéficier, dans l'intérêt supérieur de cet enfant, des moyens pour lui donner une qualité de vie digne et égale aux autres enfants hébergés en famille d'accueil du Québec.

On propose aussi d'élargir la définition du terme «enfant», afin de pouvoir venir aider nos petits devenus grands, c'est-à-dire nos 18-21 ans. Une personne âgée de moins de 18 ans ou une personne âgée d'au plus 21 ans qui consent à maintenir son hébergement, soit à son domicile soit à l'endroit où il est à ses 18 ans, afin de compléter un projet vers l'autonomie, notamment ses études ou un besoin d'accompagnement vers la vie adulte. La loi doit être claire. Les jeunes adultes ont le droit à l'équité et au meilleur en maintenant leur hébergement jusqu'à l'âge de 21 ans. Je vais laisser la parole à Me Leblanc.

Le Président (M. Provençal) : Je suis obligé de vous mentionner que... j'ai laissé couler, étirer le temps, mais votre 10 minutes est déjà terminé depuis un petit peu. Alors, je m'excuse, je suis obligé de céder la parole à monsieur le ministre. C'est lui qui va diriger l'échange maintenant.

M. Carmant : Merci. Puis merci beaucoup, Me Rioux, puis je suis sûr que Me Leblanc va pouvoir participer à la discussion. OK, je prends bien note de ce que vous nous avez dit. Je pense que, quand même, je suis fier du projet de loi qu'on dépose, mais je comprends votre message qu'il faut aller plus loin, puis je pense qu'on est tous là pour pouvoir aller plus loin.

Premièrement, je pense que je commencerais par l'intérêt de l'enfant. Quels changements au projet de loi vous dites qui seraient nécessaires pour l'améliorer? Puis, tu sais, de dire que ça représente... Que le projet de loi représente l'État de droit actuel, je pense qu'on a tous entendu des reportages ou des cas concrets où on nous dit que l'intérêt de l'enfant n'est pas priorisé, là, ça fait que je ne pense pas que c'est encore le droit actuel...

M. Carmant : ...je pense que, ce qu'on vient faire, c'est l'asseoir. Mais je suis d'accord avec vous, comment mieux l'asseoir, ça, je suis prêt à vous vous entendre là-dessus.

Mme Leblanc (Mylène) : Je vais prendre la question. Merci de votre question. En fait, je m'exprime comme ça, c'est sur deux pans, O.K.? Au niveau de l'intérêt de l'enfant, c'est un grand concept. Ce qui est fait, actuellement, dans le projet de loi 15, effectivement, c'est très bien. Ça, je vais vous le dire, c'est très bien.

Par contre, moi, je suis une praticienne, hein, je suis sur le terrain. Donc, quand je vais à la cour, la difficulté avec tout ça, c'est la portion application. Ce qui est présentement écrit, par exemple le préambule, l'intérêt de l'enfant, la question de la stabilité, on parle des articles 3 et 4, le travail que vous avez fait, c'est très bien, finalement. Par contre, moi, comme juriste, ma difficulté, actuellement, c'est quand je vais arriver au tribunal. J'avais déjà ça par la Cour suprême, par des enseignements, et tout ça. Donc, oui, ça envoie un message clair à tous les alliés pour les enfants. Mais, pour moi, comme juriste qui va aller à la cour avec ça, ça apporte une tout autre connotation, puis c'est difficilement applicable.

La proposition qu'on fait avec la FFARIQ, puis c'est là-dessus que je pense qu'on pourrait...

Une voix : ...

Mme Leblanc (Mylène) : Excusez-moi, excusez-moi. Qu'on pourrait développer tous ensemble, c'est de se dire : Bien, allons plus loin. Et, en pratique, je m'excuse, c'est un anglicisme, mais la «trick», c'est de dire : L'article 4, c'est le copain de l'article 91.1, ça va ensemble. Donc, ça, ça ne peut pas... Le principe, c'est 4, mais l'application, moi, quand je vais au tribunal, c'est 91.1. C'est ça, c'est ça... En fait, j'espère que je réponds bien à votre question, mais c'est ça pour mettre du poids sur le terrain, voilà.

• (12 h 20) •

Une voix : ...

Mme Leblanc (Mylène) : Je vais faire vite, O.K.

Une voix : ...

Mme Leblanc (Mylène) : O.K. J'y vais vite. Je vous explique. Je ne saurais pas sans cacher que, ce que la FFARIQ dit dans son mémoire, un, raccourcir les délais de placement. Les délais de placement actuels dans 91.1, en fait, la durée que ça prend avant de donner un placement à majorité est beaucoup trop longue. Parce que, quand on a 6 mois, tu sais, on entend souvent ça théoriquement, le temps. Mais, moi, quand je représente un petit bébé qui a 10 jours puis que ça fait 10 jours qu'il attend, bien, il a attendu toute sa vie. C'est ça, c'est ça qu'il faut prendre conscience. Donc, quand tu as six mois puis que ça fait six mois que tu es en famille d'accueil, tu as attendu toute ta vie, ça fait que tu as le droit à un projet de vie, toi aussi. C'est ça qu'il faut comprendre. Donc, raccourcir ces délais-là. Puis je crois que la communauté judiciaire et les juges sont ouverts à tout ça, la population est ouverte à ça. Puis peut-être aussi, dans 91.1...

M. Carmant : Attendez. Est-ce qu'il y a des dangers d'aller trop court, par exemple? Parce que j'imagine qu'on l'aurait fait avant.

Mme Leblanc (Mylène) : Oui. Le danger d'aller trop court, c'est de dire : Bien, ça va enlever la possibilité à des parents, à des gens de se reprendre en main, O.K.? Donc, ce qu'il faut dire, c'est qu'il faut laisser un temps, mais qui est variable selon l'âge d'un enfant. Comme je l'ai dit comme exemple 6 mois, quand tu as 6 mois, c'est toute ta vie. 6 mois, quand tu as cinq ans, ça peut avoir une autre connotation. 6 mois quand tu as presque 40 ans, bien, O.K., tu sais, c'est... Bon. Alors, c'est dans ce sens-là. Donc, c'est pour ça que les délais, les mois sont différents selon l'âge de l'enfant. Et c'est déjà le principe dans la loi.

Maintenant, quand on parle, souvent la crainte... Je vous explique, c'est une crainte, disons, qui est un peu de la population générale, mais il ne faut pas oublier... C'est la crainte de se voir enlever nos affaires, de dire : Ça va aller trop loin, cette loi-là, puis tout ça. Puis tous les parents ont, un jour, cette réflexion-là. Mais ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que la Loi sur la protection de la jeunesse, c'est une loi d'exception, donc elle ne s'applique qu'en cas d'exception. Alors, si ça fait six mois que, par exemple, un enfant n'est plus dans son milieu familial, donc on applique cette loi-là par exception, et ça fait six mois qu'il est là, et, à un moment donné, il va falloir statuer. Son parent, il a le temps, là, de se reprendre en main pendant ce temps-là. Il peut même se corriger avant l'application de la loi. Et c'est les cas les plus graves aussi, ce n'est pas des petits cas, c'est les cas graves, l'exception. Voilà. Je ne sais pas si...

M. Carmant : Ah! c'est très clair.

Mme Leblanc (Mylène) : Oui? O.K.

M. Carmant : Est-ce qu'il y a d'autres choses dans 91 ou on peut passer...

Mme Leblanc (Mylène) : Oui, O.K. Non, dans 91, ce que je propose, et la FFARIQ aussi, c'est de...

Mme Leblanc (Mylène) : ...en fait, c'est de dire, quand on parle du projet de vie d'un enfant, 91 dans les derniers paragraphes, ce n'est pas vraiment important pour l'explication, mais c'est de dire 91 doit... on doit statuer sur un projet de vie. Alors, il faudrait éclaircir, c'est quoi, un projet de vie. Est-ce que c'est une adoption? Est-ce que c'est une tutelle? Est-ce que c'est un placement à majorité? Est-ce que c'est de poursuivre des contacts avec des parents, même si l'enfant est en famille d'accueil? C'est de permettre au tribunal qu'on lui présente l'ensemble de la situation et que le tribunal puisse dire O.K. Cet enfant-là, son intérêt, c'est l'adoption. Cet enfant là, son intérêt, oh! c'est des contacts avec sa famille bio, puis d'être en famille d'accueil en même temps. Oh! cet enfant-là, c'est de retourner dans sa famille bio puis qu'il n'y a plus de compromis. Tu sais, c'est...

M. Carmant Mais qu'est ce qu'on présente au juge actuellement?

Mme Leblanc (Mylène) : En fait, quand on est sur 91.1, on ne présente, je veux dire, bien, finalement, le projet de vie. Ça peut prendre... Je vais vous donner un exemple de... que j'ai en tête parce que c'est un de mes dossiers que j'ai faits, ça peut prendre, entre le placement d'un jour puis une adoption, quatre ans. Puis il n'y a pas de raison quant à moi. Tu sais, c'est son projet de vie, à l'enfant, bref.

M. Carmant : Mais donc le clarifier dès le début, ce serait le changement. Non?

Mme Leblanc (Mylène) : En fait, c'est de clarifier... Quand les délais de placement sont expirés, quand on va statuer sur le projet de vie, donc, on a laissé les chances et le temps s'écouler, selon le début de 91.1, et là, on se dit : Eh! la stabilité de l'enfant, il faut statuer là-dessus. C'est quoi son projet de vie? Quand le délai est expiré, c'est malheureux, mais il faut aller de l'avant pour l'enfant, pour l'intérêt de l'enfant.

M. Carmant : Compris. 91.1, c'est fait?

Mme Leblanc (Mylène) : Oui, c'est fait.

M. Carmant : Modifier le peuvent par doivent. Ça aussi, on veut quand même laisser un peu d'autonomie ou de l'autonomie professionnelle, je veux dire. On essaie d'avoir un bon équilibre. Qu'est ce qui vous ferait dire que doivent... Parce que si on comprend tous la loi, parce que le préambule est de... c'est clarifier, pourquoi on doit changer de peuvent par doivent selon vous?.

Mme Rioux (Geneviève) : Ça fait longtemps que la loi existe, ça fait longtemps que c'est un peuvent. Et c'est encore problématique dans l'application. On a donné la chance. 91.1, là, le délai de placement, il est écoulé. Les délais sont expirés. C'est des enfants actuellement qui, par un manque de transparence, par un manque d'échange d'informations, qu'on se retrouve avec des difficultés énormes sur le terrain à partager, à remettre les... à donner les services aux enfants.

Alors, c'est vrai qu'on voudrait laisser de l'autonomie aux directeurs de la protection de la jeunesse. Ils l'ont eue. Maintenant, ce qu'on vient dire, c'est : Il faut encadrer. Il faut. Vous disiez tantôt, 91.1, vous avez nommé. Est-ce que ce n'est pas un peu inquiétant? Tu sais, les gens... Mais si ça vient avec tout ça, c'est ça vient à... Quand on arrive en cour, puis qu'on a les bonnes preuves, qu'on a bien aidé, bien conseillé les parents, bien soutenu l'entourage de l'enfant, qu'on a tout mis en place, se pourrait-il qu'on n'ait plus besoin du 91.1? Parce que rendu là, c'est utopique, vous allez me dire, mais si on met en place des mesures, qu'on arrive dans un tribunal où que tout est clair, les débats sur l'application, la transparence puis tout ça, ne sont plus utiles, bien, on va... on va centrer directement sur l'enfant devant le tribunal, et ça va éviter aussi des dépassements de délais.

Mme Leblanc (Mylène) : Oui. Puis sur le doivent ou le peuvent, là où le bât blesse, ça s'imbrique un petit peu avec... Je vous ai écouté, tous, hier, évidemment, mais ça s'imbrique un petit peu avec toute la question d'un directeur national de la protection de la jeunesse et toutes ces questions-là parce que, tu sais, dans la question de l'indépendance du directeur ou de la directrice, ce qu'il faut se dire, c'est que la personne, en fait, qui détient l'information, en fait, c'est le DPJ. Et quand il y a un tiers ou une personne comme une famille d'accueil qui la veut, il devient dans ce processus-là juge et jury... juge et partie, excusez. Donc ça fait en sorte que c'est aussi le directeur ou la directrice qui décide de dévoiler ou non ce qu'elle a elle-même collecté ou non. Donc, c'est un peu un...

Mme Leblanc (Mylène) : ...c'est toute cette transparence-là qu'il faut ouvrir. Bien entendu, ce n'est pas du voyeurisme, c'est pour ça, c'est dans l'intérêt de l'enfant. Si, par exemple, je sécurise une maman d'accueil ou un papa d'accueil, bien, le petit bonhomme va mieux aller. Donc, quel est l'intérêt de ne pas en parler? Il n'y a pas d'intérêt à... cacher n'est pas le bon mot, mais à retenir cette information-là.

M. Carmant : Peut-être avant de passer la parole, mais une dernière question. Vous dites qu'on ne supporte pas suffisamment les familles d'accueil, une question très terrain, là, mais on a ajouté comme de l'aide pour les familles d'accueil, avez-vous vu une différence dans la dernière année?

Mme Rioux (Geneviève) : Merci. En fait, quand ça a été annoncé cet été, la fédération était bien contente. La semaine passée, on nous a indiqué le titre que ces intervenants dédiés au soutien aux familles d'accueil allaient porter et va se nommer intervenant au soutien professionnel de l'usager. Comprenez- vous qu'on est rendu sur le terrain, moi, je ne le comprends pas, malheureusement, c'est... La volonté était claire du ministre, merci encore. Sur le terrain, actuellement, aucune application à ce jour, on est dans la théorie, nommer le titre, ces choses là. Et quand on parle de clarté, de transparence et qu'on doit avoir un chef qui va aller donner les directives très, très claires, c'est ce qu'on en a besoin présentement.

• (12 h 30) •

M. Carmant : Merci. Monsieur le Président, je passerais, avec votre permission, la parole à la députée de Lotbinière-Frontenac.

Le Président (M. Provençal) : Oui. Mme la députée.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Merci. Bonjour, moi, je voulais revenir sur ce que vous avez mis dans votre mémoire, là, qu'«une personne ou une famille d'accueil soit admise à l'audience entière de toute demande relative à l'enfant qui lui est confié», en ce moment, comment ça se passe?

Mme Rioux (Geneviève) : C'est particulier.

Mme Leblanc (Mylène) : Quel chemin entre lorsqu'il n'y avait pas cet article et maintenant? O.K. Et la raison en est fort simple, c'est que la personne qui voit quotidiennement cet enfant-là, dans ce contexte-là, c'est la famille d'accueil ou la personne qui en prend soin. Donc, elle est les yeux de tout ça, c'est une pertinence incroyable, et il y a une bonne jurisprudence qui s'est établie en ce sens-là. Par contre, là où le bât blesse, puis c'est un peu ce qu'on dit dans le mémoire, il y a trois trucs qui sont un peu, pour nous, difficiles à comprendre, parce que si on est là dans l'intérêt de l'enfant... Je vais vous donner des exemples. Par exemple, on va avoir encore des téléphones de la protection de la jeunesse qui vont faire le débat, à savoir: Moi, je veux que la famille d'accueil témoigne, par exemple en premier, et qu'elle quitte après, alors que l'article ne dit même pas ça. On sent, et on le vit, là, sur le terrain, une envie de les sortir, et là, tout, tout, tout est bon, la confidentialité, étirer le débat, etc. Donc, il faut venir, disons, clarifier cet article là, pourquoi? Parce que, quand on parle de ça, pour moi, qui est avocate, parfois à l'enfant et parfois à d'autres parties, je me dis: Mais, mon Dieu, on prend du temps de cour pour, disons, faire du millage. Tu sais, il n'y a pas de partisanerie là-dedans, il n'y a pas... tu sais, on n'a pas de temps ce cour à perdre, à savoir, bon, la famille d'accueil qui est là depuis 5 ans, avec l'enfant, doit-elle rester, etc.?  Ça n'a pas lieu d'être. Moi, je pense que ces précisions-là, c'est dans ce sens-là.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Qu'est-ce que vous pensez de la représentation systématique des enfants par un avocat?

Mme Leblanc (Mylène) : Excellente question, je suis contente que vous me la posiez. Je me suis vraiment questionnée, bon, de un, que ce soit dans le projet de loi, merci, c'est correct. Par contre, avec les années, sur le terrain, bon, je n'ai pas la science infuse, mais moi, ça fait 10 ans que je fais ça puis je n'ai jamais vu de débat où est-ce qu'il n'y avait pas d'avocat à l'enfant, je n'en ai jamais vu. D'office, c'est souvent la Commission des services juridiques et l'aide juridique qui va représenter les enfants ou d'autres avocats. Donc, que de venir cristalliser ce principe-là avec...15, merci, et c'est nécessaire, et ça prend aussi une formation pour ces avocats-là, pour moi, vraiment, c'est une spécialisation, et ça prend, ça, oui. 

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Présentement, est-ce qu'il y en a une formation pour les avocats? 

Mme Leblanc (Mylène) : Comme a dit le Barreau...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

Mme Leblanc (Mylène) : ...puis, oui, tous les avocats, bon, on ne doit pas prendre des mandats qui ne sont pas bons... auxquels on n'est pas, disons, en harmonie, là, puis qu'on n'a pas la connaissance et tout ça. On doit... Mais est-ce qu'il y a spécifiquement beaucoup de formation en droit de la jeunesse? Malheureusement, non. Je dois dire que non. Et dans des débats très, très pointus, ça pourrait arriver que l'intérêt de l'enfant, on l'échappe un petit peu.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup de votre réponse. Alors nous allons poursuivre cet échange avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présentation, surtout qu'on a une idée claire, je pense que le ministre aussi, de comment ça se passe devant les tribunaux et l'application de la loi de la jurisprudence qu'est ce que ça crée puis où sont les failles, qu'est ce qu'il faut renforcer. Donc, je pense que ce ne sera pas la dernière fois qu'on va avoir appel à votre expertise. J'ai peu de temps, alors j'aimerais aller directement, page 14, 3.3, où vous invoquez donc la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Il y a eu un article la semaine dernière qui a créé beaucoup, beaucoup d'inquiétudes. Et vous dites... bon, ce que vous dites, c'est que les juges, les avocats disent que, depuis quelque temps, plus de 25 ans, bon, après cette fusion, là, on voit une absence de plus en plus prononcée depuis un certain temps. La CDPDJ, ils répondent que, bon, bien, c'est... Quand le tribunal est saisi, il doit se retirer, etc., et qu'ils sont limités par la loi. Et donc je vais en vouloir venir à : Qu'est-ce qu'on fait pour créer une institution indépendante pour bien représenter, surtout dans des cas de lésion des droits, l'enfant, protéger l'enfant?

Mme Leblanc (Mylène) : ...j'entendais hier... tu sais, il y avait des commentaires, puis le mot chien de garde est intervenu. Pour moi, comme juriste, puis, bon, les gens que je côtois en jeunesse, bon, souvent la CDPDJ, c'est vraiment pour nous le dernier rempart. Le nombre de cas avec les familles d'accueil où est-ce... une famille d'accueil, ce n'est pas une partie, mais elle a tellement d'informations pertinentes que nous, souvent,  moi, dans mes dossiers au privé, j'ai appelé la CDPDJ pour des enfants et son rôle est d'une importance capitale. Et, bon, vous allez dire: C'est moi qui dis ça, qui suis-je pour dire ça, mais moi, je pense que l'idéal serait de scinder la CDPDJ actuelle et de dire, bien, qu'il y aurait une Commission des droits de l'enfant, de la jeunesse et, bon, une CDP... en tout cas, pour les chartes, bref, d'un côté charte et d'un côté jeunesse, que ce soit scindé. Et n'oublions pas aussi qu'avec le volet jeunesse, bien, il y a risque que madame... la commission Laurent, bref, Mme Laurent avait dans son rapport la question d'un sous commissaire aux Affaires autochtones à l'enfance, qui est aussi important. Donc, moi, la solution, c'est de le scinder.

Quant à la présence sur le terrain de la commission, bien, écoutez, c'est ma vision juridique de mes connaissances à moi. Quand j'ai lu, en fait, l'article de Mme Moisan, pour ne pas la nommer, je n'ai pas été surprise. Ça existe, c'est vrai, c'est des choses qui sont constatées sur le terrain et c'est réellement... ça arrive.

Maintenant, moi, ma connaissance judiciaire, c'est que le volet jeunesse de la CDPDJ se divise en deux. Donc, il y a les enquêtes et il y a aussi le côté judiciaire. Puis je dis en deux, mais ce n'est pas vrai. En fait, c'est beaucoup plus que ça. Si on regarde l'article 23, 23 de la loi actuelle, c'est, en fait, tout ce que doit faire... Les responsabilités de la CDPDJ sont toutes énumérées à 23 pour le volet jeunesse. Là où le bât blesse, c'est qu'actuellement, ce que j'entends de l'article qu'on a tous lu, c'est qu'il semblerait que la CDPDJ, elle, voudrait se concentrer sur des volets plus systémiques, plus larges. Mais c'est l'un de ces... je pense qu'il y a cinq sous paragraphes, c'est très, très long, cet article-là. C'est une chose qu'elle porte dans sa mission, dans sa responsabilité en vertu de la DPJ. Et la difficulté, c'est que... mais qu'est ce qu'on fait des autres? Et qu'est-ce qu'on fait de nos dossiers, nous, les juristes, où est-ce qu'on se dit: Oups, mais ils sont plus là, ils sont rendus où? Qu'est-ce qu'est ce qui se passe? Le...

Mme Leblanc (Mylène) : ...l'enfant qui voudrait les appeler, qu'est ce qui se passe avec ça? C'est ça, la...

Mme Rioux (Geneviève) : ...c'est vraiment... ça a énormément sauvé. Tu sais, dans les dernières années, la fédération, avec les... on accompagnait les familles d'accueil. On a empêché des lésions de droits importantes. Et, dans les derniers mois, la fin de non-recevoir, c'est dramatique, là. Actuellement, on n'a plus personne où aller se tourner, là.

Mme Weil : On va en venir, donc, à cette fameuse phrase, donc l'article 23 b. Lorsqu'on dit que, bon, "elle peut intervenir en vertu de la présente loi, à moins que le tribunal n'en soit saisi déjà". Et on dit qu'il n'y a pas de jurisprudence sur ce que ça veut dire. Est-ce que vous... Est-ce que c'est dans ces cas là que vous voyez le désistement, parce que le tribunal en a été saisi? Ou est-ce que c'est plus large?

Mme Leblanc (Mylène) : O.K. Dans ses responsabilités, si on regarde juste les enquêtes, O.K., et c'est vraiment... c'est toute la mécanique. Ma compréhension, c'est que, dans son volet enquête, et c'est normal, lorsque la CDPDJ fait une enquête et que le tribunal en est saisi, est saisi de quoi, bien, la situation de l'enfant, il fait lui aussi sa propre enquête, le tribunal. Donc, ce serait un peu... bien, encore là, c'est mon opinion, mais une aberration de dire : Bien, on a une CDPDJ qui enquête sur le même sujet qu'un tribunal hyperspécialisé. Donc, on ne déploie pas les ressources, et elle met fin à cette enquête-là. C'est mon interprétation.

Maintenant, si on va plus loin dans d'autres paragraphes de cet article-là, ce que ça dit, c'est qu'elle prend les moyens légaux qu'elle juge nécessaires pour que soit corrigée la situation où les droits des enfants sont lésés. Donc, elle a une fonction légale. Et ce n'est pas acceptable, individuellement, pour un seul enfant, ou pour 10 enfants, ou pour une communauté d'enfants, qu'elle ne soit pas là. C'est là qu'est la difficulté. Les enquêtes, ça peut prendre deux semaines, quatre mois, six mois et on n'oublie pas que le temps a une autre signification pour un enfant. C'est ça un peu, la mécanique.

Mme Weil : Donc, il y a certains cas où ils peuvent intervenir et doivent intervenir en vertu de leurs obligations et puis... parce qu'il n'y a pas de jurisprudence, à moins que le tribunal n'en soit déjà saisi, mais c'est interprété. Mais vous, les avocats... parce que j'ai eu beaucoup d'avocats depuis un certain temps qui confirment ce qu'on a vu dans cet article, mais la CDPDJ en vient à ça, et d'autres limites qui peuvent avoir. Est-ce que... Bien, la question, c'est : Que pensez-vous de la création, justement... Bon, vous, vous parlez de scinder et de créer une entité qui ressemblerait à ce commissaire qui est recommandé par la commission spéciale?

Mme Leblanc (Mylène) : Oui, tout à fait.

• (12 h 40) •

Mme Weil : Avec avec aussi un rôle en amont aussi, parce que...

Une voix : Exact.

Mme Weil :  ...Mme Laurent est venue le dire, c'est plus que juste judiciaire, c'est aussi engager les jeunes, les enfants, des dialogues pour cette bienveillance, développer sa bienveillance. Mais, au besoin les familles, l'enfant même pourrait contacter. Et il y a une expérience en Ontario aussi où ils ont fait des études là-dessus, où ça fonctionne bien, ce représentant de l'enfant.

Mme Leblanc (Mylène) : Tout à fait.

Mme Rioux (Geneviève) : En fait, la commission, nous, dans notre pratique, en tant que famille d'accueil, ou maman, ou tante... parce qu'il faut comprendre la commission, ce n'est pas juste pour les enfants hébergés, là, c'est pour tout petit Québécois qui a des besoins, et tout le monde pouvait appeler parce qu'il y avait une lésion de droit. Nous, au niveau des familles d'accueil, c'est lorsque les enfants ne pouvaient pas avoir de traitement d'orthodontie, ne pouvaient pas avoir de services particuliers, on transférait à la CDPDJ, puis eux, qui ont le droit, le pouvoir d'aller au niveau de l'établissement, d'avoir des informations confidentielles, tout ça... On recevait de notre côté un appel de l'établissement qui disait : Ah! bien, en fin de compte, on va le payer, l'orthodontie, tout ça. C'était ça, la mécanique. Et, même cette mécanique-là, là, on parle d'aller devant les tribunaux ou ces choses-là... non, non. L'orthodontie, je vous le rassure, on n'a jamais été devant les tribunaux. Mais aujourd'hui cette implication-là, elle n'est même pas là parce que ce n'est pas un sujet systémique. En effet, tout petit Québécois n'a pas besoin de broches, mais tout enfant qui en aurait besoin, placé en hébergement, ne devrait pas se faire dire : Bien, tes parents n'ont pas les moyens de payer, pourquoi nous, on le paierait?

Mme Weil : Vous faites une recommandation... qui est très intéressante pour ceux qui sont à la fin de leur enfance, de 18, 19, 20 ans. Pourquoi les familles d'accueil ne pourraient pas jouer...

Mme Weil : ...comme nous, les parents qui ont eu des enfants à cet âge-là et on sait très bien qu'ils ont besoin d'aide, d'accompagnement, d'orientation. Alors, ces enfants de la DPJ encore plus, parce qu'ils n'ont pas grandi dans cet environnement. Et là aussi, je pense qu'il y a un projet, je pense qu'il y a eu un projet pilote en Ontario qui a montré de... pouvez-vous en parler dans les minutes qui restent?

Mme Rioux (Geneviève) : En fait, pour nous, c'est important. Il faut comprendre que les cocos, qu'ils soient placés en début, très jeunes, à 16, 17 ans, quand ils arrivent à leurs 18 ans, ils ont un train de retard. Puis ce n'est pas de leur faute. Ce n'est pas une question d'intelligence, hein? Plus ton sac à dos est lourd d'expériences, d'obstacles, plus ça... C'est plus long à avancer. Nous-mêmes... Moi, je me rappelle, à 18 ans, là, ah, j'avais besoin de ma mère, et sur un temps, disons-le. Et là on leur dit : Non, non, prends ton petit sac à dos, là, envoye, tu as 18 ans et un jour. Pas et deux jours, et un jour. Envoye, on te pousse l'autre bord du nid. On va essayer de te trouver un appartement que tu n'as pas les moyens de payer. Si on se rend compte qu'il est aux études, bien on va... Puis il a-tu des prêts et bourses? Non. Bien, on va faire une demande de solidarité.

Tu sais, on les équipe comme on peut, puis on les garroche parce qu'ils veulent pouvoir en rentrer d'autres. Nous, on ne peut pas dire : Non, non, je vais le garder plus longtemps, parce qu'on a un contrat qui dit que ce lit-là appartient à l'établissement. Mais ces jeunes-là, ils ont réellement besoin de nous. Puis encore aujourd'hui... Ça fait 17 ans que je suis famille d'accueil. Mon frère, ça fait 16 ans qu'il est famille d'accueil. Et ces jeunes de 30 ans viennent nous voir puis ils ont encore besoin de nos conseils.

On ne vous demande pas de nous permettre de les garder jusqu'à 30, 40 ans, là. Tu sais, je veux dire, on comprend, là. Mais tout de moins, de respecter le rythme comme tout... On l'a nommé, hein? Tout Québécois, petit Québécois, à 18 ans, est-ce qu'il y a une loi qui oblige le parent à le mettre dehors, à dire : Bien, débrouille-toi? Tu sais, comme les animaux, là, tu sais, on les pousse en bas de l'arbre, puis : Apprends à voler. Non, ils ont besoin d'un accompagnement. Puis on a le pouvoir, et c'est simple, hein? Changez la définition de l'enfant, amenez-le jusqu'à 21 ans. Oui, c'est simple. Si on veut vraiment, oui, ça va apporter des coûts, ces choses-là, je comprends, mais il faut les aider. C'est nos futurs adultes.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, madame.

Mme Weil : Merci beaucoup. C'est un investissement...

Le Président (M. Provençal) :Alors monsieur le député de Jean-Lessage, vous prenez le relais?

M. Zanetti : Oui, merci. Merci beaucoup pour votre présence puis aussi pour votre générosité, là, comme famille d'accueil. C'est vraiment touchant cet engagement là. J'ai peu de temps. Je vais aller droit au but. La question de la confidentialité est soulevée souvent, je sais. Puis je pense que tout le monde comprend ici, là, la pertinence puis l'importance que les familles d'accueil aient plus d'informations pour intervenir de façon plus judicieuse pour l'intérêt de l'enfant, pour que ça se passe mieux en général. La question que ça pose, c'est : Comment la baliser? Tu sais, qu'est-ce qui... C'est jusqu'où la confidentialité doit aller ou jusqu'où elle ne doit pas aller? Puis quel genre d'informations, disons, vous voulez qui soient transmises aux familles d'accueil?

Puis, hier, il y avait l'Ordre des travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux qui disait : On peut donner une information d'une façon qui aide à mieux intervenir, sans nécessairement donner tous les détails crus de ce qui s'est passé dans l'expérience de l'enfant. Je ne sais pas si vous avez entendu ce bout-là. Est-ce que vous trouvez que c'est une position qui est balancée? Ou vous trouvez que c'est risqué que ça ne soit pas assez? Ou comment vous avez reçu ça?

Mme Leblanc (Mylène) : Bon, comment on a reçu ça? En fait, on est ici pour une discussion, là. En fait, moi et la FFARIQ, on n'est pas nécessairement en accord avec cette image-là, au sens que je crois que la dame a donné une expérience, bon... elle disait un exemple qui disait, bon, il y avait une histoire de garde-robe dans l'exemple, ou je ne sais trop, et là... Mais en fait, ce qu'il faut plutôt se demander, c'est : Moi, actuellement, comme juriste sur le terrain, je me satisfais de ces articles-là qui sont déjà là. Bon, j'aimerais ça qu'il y ait des petits plus.

Mais la difficulté, en fait, c'est de se dire : Dans quel intérêt de l'enfant on ne partagerait pas ça si c'est nécessaire? Tu sais, c'est de venir, encore excusez... flipper la question. Mais pourquoi je ne dirais pas à la mère d'accueil : C'est un enfant qui a été abusé puis c'est un enfant qui a peur des garde-robes parce que c'est arrivé là? Dans quel intérêt de l'enfant on ne dirait pas ça? Je crois que c'est ça, la clé de cette... de ça.

M. Zanetti : Bien, si, mettons, je fais l'avocat du diable, je me mets dans la position de l'enfant. C'est sûr que ça dépend l'âge qu'il a, là, mais je me dis...

M. Zanetti : ...l'enfant il arrive puis la famille d'accueil est super, elle est généreuse puis tout ça, mais il ne l'a pas choisi, il ne leur fait pas encore confiance. Il pourrait... Peut-être qu'à un moment donné il va leur faire confiance, puis il va leur parler, puis leur dire tout ce qu'il veut. Mais peut-être qu'il veut... peut-être qu'il préfère qu'ils ne sachent pas tout d'avance. Peut être que, quand tu as 2 ans, tu ne penses pas à ces affaires-là, mais, quand tu as neuf, huit ans, 10 ans, tu sais, peut-être que tu te dis : Coudon, je vais leur dire à mon rythme, mais, en même temps, bon... Ça fait que je me mets dans... C'est là que moi, je vois l'intérêt de l'enfant.

Mme Rioux (Geneviève) : Ma mère disait souvent : Si jeunesse savait et si vieillesse pouvait. Je ne sais pas si vous connaissez ce dicton, mais, quand j'étais jeune à dire : On sait bien, les parents, on sait rien. Pourquoi je vous nomme ça? Parce qu'il y a bien des affaires qu'on ne veut pas que nos parents sachent. C'est normal. Puis il y a bien des affaires qu'on aimerait leur annoncer beaucoup plus tard. Moi, ça a pris 30 ans avant de lui dire la première fois que j'ai fait du pouce que... Puis c'était pour son bien. Je vous dirais... Mais l'important... Tu sais, je vous comprends, il faut respecter le désir de l'enfant, mais est-ce que, pour créer le lien avec cet enfant là, est ce que, si je l'immerge dans l'eau, moi, l'expérience que j'aie, c'est un garde-robe ou c'est un bain, puis l'enfant est en panique, puis, à chaque fois, je lui fais vivre un traumatisme, puis je ne le sais pas… comment vous voulez qu'il développe un lien de confiance avec moi? Je le traumatise à chaque fois que je le touche. C'est là un peu, c'est que, oui, l'enfant, il va venir... Puis qui nous nomme des choses plus tard, à son rythme, je n'irai pas lui dire : Ah! bien, je le savais déjà. Tu sais, c'est le rôle de parent de savoir des choses puis de ne pas le nommer, mais par contre de diriger là-dedans puis d'amener l'enfant à nous amener des informations. C'est ça, le parent, c'est ça, les intervenants, services de garde puis... Parce que ça, on le nomme pour tous les gens essentiels autour des enfants...

M. Zanetti : Merci.

Le Président (M. Provençal) : Merci. Alors, on va terminer cet échange avec le député de René-Lévesque. À vous.

• (12 h 50) •

M. Ouellet : Merci. Bonjour, mesdames. Bienheureux d'avoir eu l'opportunité de jaser avec vous avant parce qu'il y a de la matière dans ce mémoire qui, malheureusement, avec le peu de temps que j'ai, ne mérite pas que je n'aie pas assez de temps pour approfondir. Puis le collègue de Jean-Lesage a parlé de confidentialité. On a eu l'occasion d'en parler. Je suis convaincu du bien-fondé de votre demande. On a eu une excellente discussion sur 91.1. On aura d'autres téléphones à avoir ensemble parce que j'ai besoin d'autres précisions et j'aime le postulat que vous amenez sur l'importance de fixer des délais finaux pour statuer sur le projet de vie. Je pense que vous donnez une obligation, au législateur, d'agir dans ce sens là. Mais j'aimerais peut-être avoir une précision sur un point que j'ai vu dans votre mémoire. L'importance de bien communiquer l'information, donc, la preuve. Ça, j'aimerais vous entendre là-dessus. C'est... Je suis un peu tombé sur le derrière, disons-le, comme ça, là, c'est comme si je pensais que c'était acquis, mais ça ne semble pas le cas. Ça fait que j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus brièvement. Qu'est-ce qu'on doit faire avec ça, là?

Mme Leblanc (Mylène) : O.K. Disons que je vais circonscrire très rapidement, là, cette difficulté-là, je vais l'appeler comme ça, cette chose-là qu'il faut amener de l'avant. En fait, la difficulté, c'est rapporté, là, par plusieurs jurisprudences, c'est un constat, parfois, on n'est pas dans les cas généraux, on est dans les cas d'exception de l'exception de l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse, mais parfois il y a des situations où est ce que c'est la protection de la jeunesse, c'est la DPJ qui va accumuler l'information, la recueillir puis tout ça, parfois, selon l'idée qu'elle se fait de l'intérêt de l'enfant, avec bienveillance et tout ça... on a tous des idées, c'est une table ronde, puis c'est bien correct comme ça, sauf qu'avec sa perception de la chose ils vont communiquer la preuve dans leur dossier de façon à respecter leur idée. Bon, et c'est normal, c'est très humain et tout ça. Par contre, en toute bienveillance, parce que le directeur de la protection de la jeunesse est un expert en la matière, bien, il faut que les intervenants qui se présentent au tribunal le soient à livre ouvert, ouvrent leur jeu. Ce n'est pas parce que, pour eux, telle information qui n'était pas importante doit rester enfouie. Il faut la révéler de façon complète parce que peut être que cette petite information-là qui, pour eux, n'avait pas nécessairement beaucoup d'importance, juxtaposée avec le témoignage de la famille d'accueil, va allumer toute une lumière et va dire : Attendez, là, monsieur le juge, ça ne fonctionne pas, on a omis de faire ça, on n'est pas dans l'intérêt de l'enfant. Quand on pratique en protection de la jeunesse, c'est confidentiel, mais dans cette confidentialité-là, c'est un livre ouvert. Et c'est là-dessus que...

Mme Leblanc (Mylène) : ...pour la majorité du temps, je le répète, ça fonctionne bien, la Protection de la jeunesse et tout ça. Mais, dans les cas d'exception, c'est catastrophique. On est allé jusqu'à dire dans la jurisprudence qu'on aurait caché des faits.

M. Ouellet : Donc, si je comprends bien, ce que vous nous dites, c'est: Il ne faut pas... puis je ne veux pas dire cacher, mais il ne faut pas omettre de transmettre l'information si on pense qu'avec le jugement qu'on a porté, ça va venir contredire...

Mme Leblanc (Mylène) : Notre théorie?

M. Ouellet : ...notre théorie, c'est ça. O.K., O.K.

Mme Leblanc (Mylène) : Exact. C'est exactement ça, là, mon idée, oui.

M. Ouellet : D'où l'importance d'une libre circulation d'information dans un contexte confidentiel?

Mme Leblanc (Mylène) : Oui, oui.

M. Ouellet : Ça, c'est correct.

Mme Rioux (Geneviève) : ...de l'article 83.

M. Ouellet : L'article 83. Parfait. Y a-tu d'autres choses qu'on peut faire pour favoriser la circulation de l'information, justement pour le bien-être de l'enfant? Parce qu'on parlait de confidentialité tout à l'heure, là, de la transmission de la preuve. Est-ce qu'il y a une autre chose qu'on devrait mettre de l'avant?

Mme Leblanc (Mylène) : Oui. En fait, on a dans notre mémoire une portion... Parce que le corollaire, pour nous, des grands pouvoirs qu'on accorderait, par exemple, tu sais, quand on parle de clarifier les pouvoirs du directeur national ou de la directrice nationale, etc., puis d'expliquer bien ce qu'il en est... Maintenant, dans la LBJ actuelle, il y a une immunité, une immunité que je vais qualifier, tu sais, dans mon langage, de blindée, de mur à mur, ceinture, bretelles, parachute. Bref, quoi qu'il en soit ou presque, le DPJ ne pourra jamais, ou presque, répondre de ses actes civilement, O.K., ce qui fait en sorte que, bien, parfois, ça peut... puis, la majorité du temps, ça marche bien, les choses se passent bien, mais ça peut, des fois, faire boule de neige et faire des montagnes parce que, justement, on a retenu, pas malicieusement, mais de l'information et on est imputable en plus... on n'est pas imputable de ce résultat-là. Donc, au final, bien, quoi qu'on ait fait, bien, il n'y a pas de réparation pour cet enfant-là, on n'a pas circulé l'information. C'est des lourds pouvoirs, puis il faut que... Le pendant de ces lourds pouvoirs là, bien, c'est de pouvoir les contrôler de...

M. Ouellet : ...ou l'amoindrir?

Mme Leblanc (Mylène) : L'amoindrir; pour moi, comme juriste, l'amoindrir, parce que... Je vais prendre un exemple: par exemple, les policiers n'ont même pas ça, n'ont même pas cette protection-là, les policiers au Québec n'ont pas ça. Donc.... Mais il y a des choses... Évidemment, c'est un métier à risque, être intervenant. J'ai du respect, tu sais, c'est... Ça prend une protection, mais pas mur à mur.

M. Ouellet : Merci beaucoup, mesdames.

Le Président (M. Provençal) : Alors, je vais remercier Me Leblanc et Mme Rioux pour, premièrement, votre présence et, deuxièmement, votre contribution à nos travaux. Je suspends les travaux jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 56)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 8)

Le Président (M. Provençal) :Bienvenue à la Commission de la santé et des services sociaux. La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et...

Le Président (M. Provençal) :...auditions publiques sur le projet de loi numéro 15, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions législatives. Cet après-midi, nous entendrons les personnes et groupes suivants : la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, l'Ordre des psychologues du Québec et monsieur Camil Bouchard.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador. Vous avez dix minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à débuter votre exposé. À vous la parole.

M. Gray (Richard) : (S'exprime dans une langue autochtone) Richard Gray… I'm here with Leila Ben Messaoud Ouellet, and she's our special advisor here on projects at the commission. All my relations, my brothers and sisters… thank you for giving us this time to share our voices today. Good afternoon, Mr. President, and welcome to… today. Mr. Minister Carmant, ladies and gentlemen.

• (15 h 10) •

First, we want to recognize that we are on unceded First Nations territory, and we take this opportunity to salute all our brothers and sisters who are listening today on this important subject that affects the well-being and future of our children and families. As stated yesterday by APNQL chief Ghislain Picard and chief Mequish of the community of Obedjiwan, First Nations have never ceded their rights, let alone the right to decide the future, education and well-being of their children throughout the territory.

Let me be clear about our position here today concerning our participation in this hearing. In no way thissignify that we are promoting the Youth Protection Act over the federal law C-92, an act respecting First Nations, Inuit and Native children, youth and families. On the contrary, we have been working hard on trying to minimise the negative effects of the Youth Protection Act in our communities, well promoting the principals of C-92 and encouraging communities to fully exercise their… in child and family services under the federal law or continue using the… economy provincial model. This is their choice to make, hence the title of our brief : For a law worthy of our children. Unfortunately, Bill 15 does not recognize the economy… of First Nations nor that it addresses the choice of which legal regime they may want to use, as recommended by the Laurent Commission.

It was in a spirit of collaboration that we actively participated in the work of the standing committee on the application of the Youth Protection Act and working group on… specific to First Nations children and families. At the… our participation in this committee, we were pulled to forget about bringing the Youth Protection Act into harmonisation with C-92. I want to underline here, we were very disappointed in receiving this kind of messaging from the bureaucrats managing this committee. With regards to the bill, we applaud the efforts made by Québec with the introduction of its bill, but it's clear there are limits to the current bill for First Nations.

Yesterday, I heard many questions about the community of Obedjiwan and their law now in force, and the concerns of their law applying to their children off reserve. I'm sorry to say this, but I must remind you that I never heard anyone on your commission yesterday raise a red flag or concern that the community was never informed about their 60 children living off reserve, located in the Saguenay—Lac-Saint-Jean administrative region, that they were put into care, some permanently. They were only recently made aware of this, because they were exercising their jurisdiction and making efforts to collaborate for those off reserve cases.

The Youth Protection Act is pretty clear, and it says this is not supposed to happen, according to section 72.6.0.1 and 81.1. How can you now raise concerns about their laws applying off reserve when you see your Youth Protection Act selling them? I think this is a perfect example of why communities are starting to look seriously at creating their own laws. You place 60 of their children without ever letting them know, and most of these cases concern children placed in non-native foster care, and some have prohibition of parent contact. How many other children have escaped the communities in this broken system? This is a question that has long been asked by all communities since the coming… of the Youth Protection Law, and more particularly since the introduction of maximum placement periods. One must wonder if these amendments…

M. Gray (Richard) : ...the bill will… Will the situation really change? Allow us to doubt this very much. We raise this doubt because, despite our repeated requests, in 2006, and several calls to action from various reports, the complete elimination for all indigenous children from maximum placement periods is not found in bill 15. We were disappointed and we expected more. Currently, the bill mentions that we are not limited by these placement periods, but only when a family council has been formed while the continuity of care and stability of bonding for a child are essential and already objectives that underpin maximum placement periods. The need to avoid cultural breakdown of First Nation's children is clear and is also a fundamental element to consider in the analysis of their interest. Despite the importance of cultural continuity in the length of the healing process for parents or guardians who have experienced multiple traumas which maybe longer, all of these elements should be considered to explain the exemptions of First Nations from the maximum duration set out in the new protection act, as recommended in the call to action 108 of the Viens Commission report.

Just a brief reminder for those not aware, here in Quebec the majority of communities through their First Nation's child and family services agencies take on certain responsibilities in youth protection and they all offer… service developed and governed by the communities themselves. I also want to highlight that these prevention services have only been financed since 2009 from the federal Government, and that current youth protection act does not recognize nor promote these services as the preferred approach to dealing with negligence cases which are the majority of cases that are being retained in youth protection.

We are encouraged to finally see bill 15 that these provisions are now finally being recognized. The question remains though, will the youth protection services truly embrace the cooperation aspects in bill 15, or choose to continue questioning the ability of these services? These cooperation aspects must be made stronger like the principles outline in C-92. I'm now…  the… off to Leila.

Mme Ben Messaoud Ouellet (Leila) : Merci Richard. Hier, plusieurs questions ont été posées concernant l'article 37.5 de la Loi sur la protection de la jeunesse, qui prévoit la conclusion d'une entente établissant un régime particulier de protection de la jeunesse entre le gouvernement du Québec et une communauté, regroupement de communautés, nation ou regroupements autochtones. Nous tenons à vous réitérer que, comme le chef de l'APNQL l'a mentionné hier, la loi C-92 va beaucoup plus loin que l'article 37.5 en ce qu'elle affirme la compétence des Premières Nations en matière de services à l'enfance et à la famille. Les ententes du 37.5 ne sont qu'une autre forme de délégation. Ces ententes, contrairement à la loi fédérale, peuvent s'échelonner sur plusieurs années avant de se voir concrétiser. Pensons au Conseil de la nation atikamekw, le sénat ou les communautés attikameks de Manawan et Wemotaci ont signé une entente 37.5. Ces derniers avaient débuté leurs travaux sur le régime particulier en protection de la jeunesse en 2002, mais ils n'ont signé une entente qu'en 2018. Également, nous avons entendu, hier, le ministre Carmant s'inquiéter que sous C-92, il pourrait y avoir plusieurs lois provenant d'une même nation. Nous tenons à mentionner qu'il s'agit également d'une possibilité sous l'article 37.5. D'ailleurs, en quoi avoir une loi qui répond aux besoins de la communauté même, aux traditions, aux coutumes et aux... et aux pratiques - pardon - est problématique? Au contraire, selon nous, cela fait toute la différence.

De plus, l'article 21 du projet de loi 15 permet à un directeur ou toute autre personne qui agissent en vertu des articles 32 ou 33, si elle l'estime nécessaire, pour assurer la protection d'un enfant dont elle a retenu le signalement, pénétrer à toute heure raisonnable, ou en tout temps dans un cas d'urgence, dans une installation maintenue par un établissement dans un lieu tenu par un organisme ou dans lequel un professionnel pratique sa profession afin de prendre connaissance sur place du dossier de cet enfant et d'en tirer copie. Les centres de santé sont considérés comme des organismes aux yeux de la loi. Nous craignons que cette modification du projet de loi entraîne des effets pervers pour les Premières Nations. En effet, les Premières Nations peuvent ressentir de la... méfiance - pardon - envers le système de la santé. L'impact d'une telle modification sur les Premières Nations envers les professionnels est, à notre avis, trop important pour ne pas être considéré. Il existe tout un contexte particulier pour les Premières Nations. Pensons aux pensionnats indiens, la rafle des années...

Mme Ben Messaoud Ouellet (Leila) : ...La discrimination systémique auxquelles font face les Premières Nations et j'en passe. Encore une fois, comme avec le projet de loi 125 qui prévoyait la durée maximale d'hébergement, le projet de loi 15 ne prévoit pas d'extension pour les Premières Nations. On applique ainsi un article sans se soucier et se questionner sur les répercussions négatives que cela peut engendrer sur les enfants et familles autochtones. Les familles doivent sentir qu'elles peuvent aller chercher de l'aide sans qu'elles se sentent menacées. Nous recommandons d'exempter les organismes des Premières Nations de l'application de l'article 21.

Depuis le dépôt du rapport de la commission Laurent, nous demeurons dans l'attente de la mise en œuvre de la recommandation sur l'instauration d'un poste de commissaire adjoint et de son équipe, consacré exclusivement aux enjeux entourant les enfants autochtones, avec le commissaire au bien être et aux droits des enfants. Sachant qu'il existe une surreprésentation des enfants autochtones en protection de la jeunesse et que le besoin est criant, est urgent, le travail sur la mise en œuvre de cette recommandation aurait dû déjà être entamé. Malheureusement, elle a été reportée dans l'attente de l'adoption du projet de loi.

• (15 h 20) •

Et il me reste un paragraphe, M. le Président. Finalement, la Loi sur la protection de la jeunesse ne comporte aucune exigence précise quant à l'accès à des services dans une langue autre que le français, à un interprète ou à des documents traduits, d'autant plus que le projet de loi 96 ne vient pas modifier le règlement autorisant les ordres professionnels à déroger à l'application de l'article 35 de la Charte de la langue française. Et je cite: «pour étendre l'exemption à tous les professionnels exerçant leur activité dans une réserve, dans un établissement où vit une communauté autochtone ou sur les terres de catégorie 1 ou 1-N au sens de la Loi sur le régime des terres dans les territoires de la Baie-James et du Nouveau Québec, nonobstant leur lieu de résidence, comme le recommandait la commission Viens à l'appel à l'action numéro 11... numéro 12», pardon. C'est pourquoi nous présentons aujourd'hui un mémoire contenant nos principales recommandations. Nous vous remercions de nous avoir écoutés. «Meegwetch».

Le Président (M. Provençal) : merci beaucoup pour la présentation de votre exposé. D'ailleurs, votre mémoire, je pense qu'il est conjoint avec l'APNQL, alors je tenais à le signaler. Maintenant, nous allons initier la période d'échange avec monsieur le ministre. Alors, M. le ministre, je vous cède la parole.

M. Carmant : Merci beaucoup, monsieur le Président. «Kwe», M. Gray, Madame Messaoud. Beaucoup d'informations en dix minutes. Premièrement, juste pour dire, hier, je n'ai pas mentionné ou parlé, là, un fond de 37.5. et j'ai très bien compris le message, là, de chef Picard, là, sur le c-92 puis la différence, là. On n'a pas besoin de revenir là-dessus, je pense.

Hier, on a fait une discussion très ouverte, là, avec monsieur Picard, le chef Mequish sur les différences et l'implication. Aujourd'hui, on vous a pour avoir la chance de parler un petit peu du PL 15, ce qui... serait le sujet de la conversation aujourd'hui.

Premièrement, je pense que le projet de loi est clair, les services de prévention et de première ligne vont être reconnus. Pouvez-vous me dire quelles sont vos réserves par rapport à l'application de cette partie-là du projet de loi?

M. Gray (Richard) : Certainly. I think we mentioned, earlier in our commentary, that we were happy to see that prevention services are finally being recognized in Bill 15.

Just to let you know as well, and I want to repeat this again, we're concerned about the cooperation aspects that are cited in the articles of law. Because the articles of law say yes, that there should be some collaboration, cooperation with the services, but there is also an analysis of their ability to give services. We raise this red flag again because what happens if youth protection workers aren't familiar with these services, don't make the effort to understand theses services in the community? Will they just continue using their youth protection practices and avoid these kinds of collaboration mechanisms that are now in the law?

You heard me earlier talk to you about 60 children and… from the community of Obedjiwan that are residing in Lac-Saint-Jean-Roberval area, and the community wasn't notified. And there are specific articles of the law, 72.6.01, that speak to the fact that the communities are supposed to be notified. So here's an example of youth protection workers…

M. Gray (Richard) : ...or services not respecting the actual articles of law. We already know there are some disputes or some trouble around collaboration between protection services and prevention services that were described in the Laurent Commission and the Commission... report as well. So, one hopes that the collaboration that's highlighted in the Bill 15 will be really embraced by the workers within the Youth protection services and collaborate with those First Nation protection services. That's our wish. We hope that...

M. Carmant : OK, je comprends très bien. Puis d'ailleurs, soyez rassuré, là. J'ai déjà demandé de voir comment c'est... comment ça se fait que ce n'était pas connu, là. On va aller au bout de la chose.

Deuxième chose que j'aimerais clarifier avec vous. Moi, je suis un... j'ai été impressionné par le concept de cercle de famille, à un point tel que j'ai demandé à toutes les DPJ du Québec de réactiver un programme qui est inspiré de ça, qui s'appelle Ma famille, ma communauté et qu'il faut mettre partout dans le Québec. Maintenant, je veux comprendre, quand vous dites que la durée... qu'on élimine la durée maximale de placement, mais seulement dans le cas où il y a le cercle familial, quelles seraient les situations où il n'y aurait pas ce cercle familial? Parce que je pensais que c'était la façon dont ça se faisait dans les communautés.

M. Gray (Richard) : Mais... I can explain to thatit's a... I think, a practice that comes from the model, present model, from the... 37.5, where there's family council put in place. I appreciate the information you're sharing about Ma famille, ma communauté. It's unfortunate though, when we're looking at maximum placement periods, that the only time we can talk about getting rid of maximum placement periods, it's a condition that these kinds of family councils have to be put in place.

In terms of customs and practices, I don't want to generalize based on First Nations' customs and traditions that everybody utilizes family councils as a generalization, I don't want to make that a generalization, but I believe it's a concept, I think, that First Nations could easily adopt if it's something that is not part of their current customs practice or traditions, or something similar, like a family council. I believe there is some openness around that as well and I'm happy to see that the Ministry is trying to utilize, I guess, more community resources in these instances, but again, I repeat, making that link to having to put this as a condition in order to avoid the limitations on maximum placement periods, I think it's a little bit of a shortfall of Bill 15. Leila, I don't know if you want to add anything?

Mme Ben Messaoud Ouellet (Leila) : Oui. Si je pouvais me permettre, là, monsieur le ministre, aussi concernant, là, cette formation de conseil de la famille, ça sera plus ou moins possible ou difficile dans des mesures provisoires ou c'est urgent d'agir. On croit qu'il y a des difficultés, là, de former un conseil de famille assez rapidement, puis de mettre en place, comme Richard le mentionnait, des conseils de famille ou... présentement, je sais qu'il y en a en Outaouais, dans certaines régions, auprès de certaines communautés, mais ce n'est pas uniforme à l'échelle régionale. On va donc un peu échapper des enfants, là, de ces durées maximales d'hébergement là parce qu'il n'y aura pas de conseil de famille qui va avoir encore été mis sur place. Tu sais, il faut penser aussi à la logistique, la composition de ce conseil de famille-là sur communauté, là, comment ça va se concrétiser en réalité, les durées, l'animation de ces conseils de famille là. Donc, il y a plusieurs choses aussi à voir autour des conseils de famille. C'est pourquoi nous, on recommande d'exempter l'ensemble des enfants autochtones, comme le recommandait la commission Viens, parce qu'il y a un filet de sécurité pour un enfant autochtone, pas juste par le conseil de famille. Il peut y avoir des révisions, des réévaluations plus serrées auprès d'un enfant autochtone pour, justement là, permettre que... l'exemption des durées maximales d'hébergement.

M. Carmant : ...vraiment compris que c'est un processus plus généralisé, puis que c'était un filet de sécurité comme vous dites. Moi, je suis très ouvert à l'adapter. Quand il n'y a pas ce conseil de famille, c'est... comment ça se passe, pouvez-vous me l'expliquer. Parce qu'on a quand même un certain temps pour l'implanter, ce n'est pas comme...

M. Gray (Richard) : Well, I think...

M. Gray (Richard) : ...I think, earlier, as I mentioned to you, it's going to be important that communities have some openness to develop a process that meets their needs, that meets their traditions. I think that has the mandate of, you know, giving the decision making to the community, rather than in informing the director or Youth Protection. I think those are important elements that's hould be maintained. But at the design and process, those are aspects that communities should have input in and the Youth Protection system should respect those processes and adaptations that they want to put in place in this regard.

M. Carmant : O.K. Puis le point est bien fait. Autre point que j'aimerais vous poser comme question, puis ça, c'est un enjeu, au niveau de la confidentialité, puis de l'échange d'informations. Quelle est votre crainte par rapport à cette augmentation, là, de la capacité d'aller chercher de l'information? Pouvez-vous le plus partager avec moi? Là, vous m'avez parlé des agences. Pourquoi les exempter? Plus on a de l'information, mieux c'est, non?

• (15 h 30) •

M. Gray (Richard) : Well, I think I'll respond this way. We've noticed that you now included «body» into the language of those entities, where Youth Protection can go and get information. So you've enlargened, I guess, the definition of who is targeted here. And this raises a concern for us, from a First Nation's point of view, because we have health centers, in our community. And I don't know if you're aware or if you understand how First Nations services are organized. Normally, a lot of our members go to health centers to get information, to receive care, to do consultations, and a lot of these health centers are places where these prevention services are offered at the same time.

And if you now open up this definition, broad definition to inclue health and social services centers in First Nations communities, my fear is that there will be a lot of fears on the part of First Nations members who are experiencing problems and wanting to go to these health centers that they view as sanctuaries, as places they can go ans get healing, and not worried about anybody coming in to intrude into their private matters. So, this is something that is very sacred, in First Nations communities, even, you know, leadership, right now, in first Nations communities, this is something taboo. We treat confidentiality very highly, in our First Nations communities. So, now, if we're talking about opening doors for somebody's preventative services and allowing protection workers to come in to these kinds of settings, I think it will break the trust and confidence that we're trying to achieve as part of the goal around Bill 15, in terms of building better prevention services and more links between prevention and youth protection services. I think there has to be a focus on that. But if you're going ot say, at the same time: We're trying to build better collaborations, but we want to come inside and inspect your files, it's really, I think, a little too much, in my opinion. I don't know, Leila, if you want to add to that.

M. Carmant : Parce que, tu sais, nous, le modèle...

Mme Ben Messaoud Ouellet (Leila) : Bien...

M. Carmant : Go ahead, sorry.

Mme Ben Messaoud Ouellet (Leila) : Je voulais simplement rajouter que, justement, au niveau des centres de santé, ils collaborent déjà avec les établissements, les CISSS et les CIUSSS, pour transmettre l'information aux intervenants. Donc, ce n'est pas de transmettre l'ensemble du dossier, mais transmettre le suivi des parents et des enfants. Donc ça, ça se fait déjà.

Comme Richard l'a mentionné, on s'inquiète un peu au niveau du lien de confiance de l'intervenant avec les parents. Que l'intervenant allochtone débarque avec ses gros sabots sur la communauté pour aller consulter un dossier du centre de santé, j'ai peur qu'avec le contexte particulier des Premières Nations, en sachant que certaines femmes autochtones qui sont enceintes ne veulent pas obtenir, aller chercher des services, parce qu'elles ont peur de se faire signaler, qu'avec tout ce contexte là, bien, malheureusement, on fait que les parents, les enfants ne vont pas chercher des services en prévention parce qu'ils ont peur que ces informations-là soient retenues contre eux. Ça fait que c'est pour ça que, pour le contexte particulier, malheureusement...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

Mme Ben Messaoud Ouellet (Leila) : ...qui entoure les Premières Nations. On demande, en fait, une extension au niveau des organes des Premières Nations.

M. Carmant :  O.K., je comprends votre point. Juste pour donner l'image image que, moi, je... L'idée du législateur, comme on dit, c'est, par exemple, à l'urgence, si le médecin fait le signalement, bien, l'infirmière, elle, est n'a rien à dire, tu sais, pour compléter l'information. C'était plus dans ces sens-là. Mais je vois où est votre position. Monsieur le président, si vous permettez, je passerai la parole à la députée de Lotbinière Frontenac, s'il vous plaît.

Le Président (M. Provençal) : Vous avez deux minutes, Mme la députée. 

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :  Pardon? Combien de temps?

Le Président (M. Provençal) :Deux minutes.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Merci. Bonjour. J'aimerais savoir pourquoi vous ne voulez pas qu'on modifie la définition de «parent» qui se trouve à l'article 1.

M. Gray (Richard) : Leila, I'll let you take this one.

Mme Ben Messaoud Ouellet (Leila) : Parfait. Bien, merci, Richard.  En fait, ce qu'on trouve particulier avec cette modification là, de «parent», c'est que le projet de loi 15 crée vraiment une section au niveau des dispositions particulières aux autochtones. Donc, on vient rajouter de prendre en considération la continuité culturelle, la collaboration au niveau des services préventifs de première ligne, mais dans un même temps, on vient restreindre la définition «parent». Actuellement, quand on regarde la Loi sur la protection de la jeunesse, la façon dont c'est écrit, c'est que ça comprend aussi le fournisseur de soins. Le fournisseur de soins, c'est qui? Bien, c'est «kokum», c'est grand-maman, grand-papa qui s'occupe de l'enfant actuellement, mais qui n'est pas tuteur, là, au sens de la loi, mais qui s'occupe de l'enfant depuis sa naissance. Quand on regarde la définition de la loi actuelle, ça inclut autant le père et la mère que la grand-mère qui s'occupe vraiment, au jour le jour, de l'enfant, parce que les parents lui ont confié. Par contre, avec le projet de loi, là, si je ne me trompe, là, c'est à l'article 2, on vient restreindre cette définition pour inclure père et mère, ou tuteur au sens vraiment de la loi, donc un tuteur... un tuteur qui a été nommé par les juges. Puis on sait que les Premières Nations ne vont pas aux tribunaux, là, pour faire nommer un tuteur. Mais c'est cette modification, ce que'elle fait, c'est que les grands-parents devront se présenter en cour pour demander d'être partie au dossier, d'être entendus, pour être entendus au dossier de l'enfant, tandis que quand tu es un fournisseur de soins, quand tu es inclus comme parent de facto, tu n'as pas besoin de faire une demande pour être entendu au dossier, tu es déjà inclus de facto à l'audience, parce que c'est toi qui s'occupe de l'enfant au jour le jour, c'est toi qui connais vraiment les besoins de l'enfant. Il s'en occupe au jour le jour. Donc, c'est vraiment au niveau administratif, c'est pour éviter aux grands-parents de devoir demander aux juges de se faire entendre, d'être partie à l'audience. Donc, nous, on dit : Bien, on devrait inclure, pour les Premières Nations, les fournisseurs de soins, ces personnes-là qui s'occupent au jour le jour de l'enfant parce que les parents auront confié la garde.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Nous allons poursuivre cet échange avec la députée de Notre Dame de Grâce. Je vous cède la parole, madame.

Mme Weil : Merci, Monsieur le Président. Alors, «kwei», donc, M. Gray et Mme Ouellet. I can go in English, you know, for part of it, in French for the other part. I'm going to start in English. Yesterday, we had a kind of very interesting conversation because we went broad, we went broad and talked about Bill C-92 and the impatience of the community. And I mentioned that there were a few number of groups that came, you know, sort of the regular groups have come, they represent civil society, and I was struck by the… sort of a sense of understanding, where people have reached that point now because there's been a lot of efforts and there's been a lot of tragedies, and that it sensitizes people.

And so, I want to get to Bill-C92 in the approach that is taken, and understand you're getting into the technicalities, but I think it's useful to people to hear the bigger discussio, and then, then, it's easier for most of us. We haven't really, you know, we don't have as much… So, I have lived a little experience with them when we went to visit a nation, Lac-Simon, and it was a visit organised by the Government, and it was a wonderful experience. And I've got to chat with a social worker for the whole evening and she really explained to me everything. She… well, everything, she explained the approach, she explained why they're in the best position, they help children who've had trauma. She said: We can handle this, you know. But it was a really wonderful discussion and it's so concrete, kind of examples that helped people, and sort of move on. So, I want to understand if you could just, and for…

Mme Weil : ...wasn't listening to us, en français, en anglais, whatever. C-92 and what... because most of us are not, you know, our studies have been in other areas, there have been efforts though to sensitize all of us qat the National Assembly. We had a great course that we all had to take. It was wonderful. Just explains it for the people. And then, we can get in the things that rally need to change fast as you wait for a bigger discussion on C-92. What is it about, you know, the insufficiencies obviously in Bill 16 that you are mentioning? But big picture.

M. Gray (Richard) : Yes. Well, I think Chief Picard and Chief Mequish gave good testimony yesterday about C-92. And the affirmation that jurisdiction for child and family services rest with First Nations communities. And I want to reiterate this to you and to everybody in the commission, and anybody who is listening, First Nations have inherent rights. We have jurisdictions. We've been subject to colonization since founding of the constitution and we've never had discussions with First Nations around those inherent rights. Provinces, now, act as colonial powers, want to keep those powers and don't want to share. And when we talk about the Court of Appeals challenge, we see Québec challenging the First nations through the Québec Court of Appeals process. Again, as an example that we're not willing to really recognize those inherent rights.

• (15 h 40) •

So, for First Nations, this is very hurtful, and very disrespectful. We've been pleading since… telling it like it is over 30 years, now, saying: Look, we have to have conversations about how we could better improve the Youth Protection Act. It's a law that's being imposed on us. It's a colonial law. We didn't ask for this. We see now C-92 as an opportunity for First Nations create our own laws that govern us, by First Nations, for First Nations.

First Nations communities like Obedjiwan have been experiencing and using the Youth Protection Act for 25 years now, for over 25 years. They know the shortcomings of the Youth Protection Act. They have made the choice which the law allows under C-92 through the section 20 process on notification to get… to exercise your jurisdiction, but also to get involved in coordination agreements. This process allowed them to basically give notice to the Government about their intention. So, they exercise their right in terms of serving notice about their intention to exercise their jurisdiction.

They also have another process to go through to enter into a coordination agreement discussion. They wanted to sit down with Québec and have discussions with Québec about their law. They have a minimum of twelve months that they have to wait before their law becomes force of law for their benefit, but they also have to make reasonable leverage in order to reach that threshold before their law becomes force of law within this twelve months window. That's the minimum. Because Québec chose not to participate in these discussions and only in the end as observers, you know, it created a lot of uncertainty in terms of how the jurisdictions would cooperate and speak with one another.

So, I'm getting back to my point, here, about coordination agreements which is really an important element within C-92. The health jurisdictions talk with each other about how they're going to work with each one another, how they're going to cooperate, how are they going to collaborate. Is Québec willing to even share resources to the First Nations communities? So, those are some of the matters that are supposed to be discussed in these coordination agreements.

The other element that's in C-92 are those minimum standards, I call them. For instance, I believe there is section… They're from section 10 to section 18 in law C-92. But just to give you an example, the standards basically say that you're no longer supposed to use poverty as a factor when it comes to deciding whether a case becomes a protection case. The standard is pretty clear, saying: No. Stop using poverty as an excuse to bring kids in care. Use prevention services to work with those families and support them. The other element…

M. Gray (Richard) : ...that the standards talk about, I'm just naming a few of them here, but… is priority of placement. We finally see now in Bill 15 that Québec has moved towards mirroring the C-92 standards when it comes to placement, I believe, there's section 16 about priority of placement. You know, what we just… what the community talked about yesterday in terms of having found out when they asked Québec about these Youth Protection files of community and finding out that 60 of the kids have been placed without the community being notified… you know, I'm sorry, but I'm still having a hard time getting my head around this. This is not supposed to happen now with this changes that Bill 15 is proposing, but also because of the standards that exist in C-92. This shouldn't be happening at all, you know. Service providers, First Nations, non-First Nations should be working with the communities to make them aware that they're interacting with First Nations families, regardless of residency.

Mme Weil : Thank you. OK. So, I have two minutes, but… Fascinating, thank you. That was very helpful. So, we have Bill 15 before us, and if you were to make a recommendation… So… what happened, and you would want to make sure that there's an article in Bill 15, because that's what before us right now, I mean… efforts are ongoing, but we have Bill 15 before us. Are there measures in Bill 15 or is there an amendment that you would bring to make sure that that never happens again? Obviously, the law is fuzzy right now if that happens… the practices.

M. Gray (Richard) : Well… Yes. Well, Bill 15 talks about placements having to occur in First Nations communities with extended family. So, I think this is an important addition that's coming in Bill 15, and like I said it mirrors the principles in C-92, which is very important.

The thing that we really wanted out the Youth Protection Act completely was this whole notion of maximum placement periods. We wanted that out. We've been arguing against this since 2006, when it was first introduced. You can imagine, in 2006, I mentioned earlier in my speech that we had no investment of prevention services in our First Nations communities, zero. The only service that was available for First Nations communities to access were Youth Protection services. So, we had more kids coming in… than ever before, and it's been…  that door has been there ever since. It's only now that we see the Youth Protection Act through Bill 15 saying: OK, First Nations communities now have prevention services. We think we have to start working with them so that we can start dealing with cases of negligence, start dealing with those cases where prevention services can better deal with them than prevention services. And First Nations communities now have these services.

So, getting rid of these maximum placement periods, in my opinion, is something that's critical. Right now, the way Bill 15 is reading, it's being contingent on a family council being put in place. I think family… concepts of family councils are important and are good, and that's for First Nations communities to decide if they want to use them or not. But making that as a condition to put in place before you get rid of these maximum placement periods, I think, is not respecting the spirit of the commission Laurent report, it's not respecting the spirit of the commission Viens report, and it's something we've been asking since 2006. And you see in our brief the results of that, you know, First Nations kids are still coming… when you look at the number of cases, around 85% of the youth protection cases are dealing with negligence. Youth protection is not the best means to deal with negligence, prevention services are. So, that's what I wanted to contribute to that.

Mme Weil : Thank you very much. It was very helpful. Thank you.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup. Alors, nous allons poursuivre cet échange avec le député de Jean-Lesage. Alors, monsieur le député, je vous cède la parole.

M. Zanetti : Merci, monsieur le Président. Merci beaucoup pour votre présence et votre message.

Bon, moi, je suis un député de Québec solidaire puis je suis en faveur non seulement de la souveraineté du peuple québécois, mais aussi de la souveraineté des peuples autochtones. Et je veux que... Je le dis pour que ce soit clair, pour que ma question soit bien comprise, là. Nous aussi, on voudrait que le p.l. no 15 aille plus loin puis aille jusqu'au bout, en fait, dans l'idée de remettre entre les mains des peuples autochtones...

M. Zanetti : ...la protection de la jeunesse. Ma question est la suivante : Comment souhaiteriez-vous que l'interaction... Souhaiteriez-vous qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas une interaction entre les systèmes de protection de la jeunesse autochtones et les systèmes de protection de la jeunesse québécois, dans un modèle où l'autodétermination des peuples autochtones serait reconnue? Par exemple, parce que ça a été soulevé, puis je n'ai pas tout à fait bien compris ce que vous avez dit en introduction par rapport aux enfants qui seraient en dehors du territoire de la communauté. Est-ce que... Comment est-ce que vous voudriez que ça fonctionne pour que vos services s'occupent de ces enfants-là?

M. Gray (Richard) : Well, I'll return back to my statement I made at the beginning for you. I said that the community, when they created their law, that started collaborate… they wanted to collaborate with the local centres jeunesse. The community of Obedjiwan is uniquely situated. All lot of their members reside in La Tuque, a lot of them reside in Roberval, so they deal with two centres jeunesse, le centre jeunesse Mauricie et le centre jeunesse Saguenay—Lac-Saint-Jean. I think the chief explained yesterday that the collaboration, discussions they were having were going very, very well. They were encouraged that, at least on the ground, in those two regions, the CIUSSS were going to collaborate with the community on the implantation of their law. They were sharing files with the community that they had open for off-reserve community members.

• (15 h 50) •

In the community, the community, as I mentioned early, has been managing their youth protection services under… agreement for over 25 years. They know who's in their community, they know how the youth protection act operates, they're masters of it. They reached a point where now they feel like: Look, the youth protection act is not meeting our needs. They saw an opportunity here to create their own law that covers all of their members, regardless of their residency. So, that's why they reached out to the CIUSSS and asked them: Who are your files you have on our members that are off community. We want to talk with them, we want to have discussions with them.

As a matter of fact, the chief to us, in our conversation, within that when their law came into force, off-reserve community were reaching to the chief saying: Help us. Le centre jeunesse is ignoring your law, they're telling us: You have to follow the youth protection law, instead of following your community law. So, the community members were very traumatized by the fact that the protection agencies were telling them: We're not… we're following Québec law, you have to listen to us. They were totally ignoring the community's law.

For me, I think that that's very disrespectful to the community, it's not respecting the rule of law at all for the community. You know, I think that the Government should have shown leadership and said: Hey, this discussion is in the hand of the court of appeal right now. Until that decision comes out, the rule of law stands, you have to work with the community, and collaborate with them, and cooperate with, and talk about how you're going to work together for the members that are currently in youth protection off the community. That's not happening, that's what the chief said yesterday. That's unfortunate. So, that's an obvious we'd like to see, if they… the mentally, the cooperation and collaboration by the Government when it comes to the community's law.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup. Nous allons poursuivre maintenant avec le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci beaucoup. «Kwe». Merci d'être avec nous. J'essaie de bien comprendre l'énorme distinction que vous faites entre la loi C-92 et les dispositions actuelles qui étaient permises à travers la Loi sur la protection de la jeunesse, de l'article 32 et 33. Est-ce que vous pouvez me donner la grande différence en matière de gestion ou la grande différence en matière d'application des propres lois que C-92 permet aux communautés versus ce que l'article 32 et 33 permettrait ou au permet encore aux communautés? Quelle est la grande différence?

M. Gray (Richard) : Mais la grande différence, c'est le fait que le ministère Québec est responsable, via les organisations, les institutions comme les CISSS, CIUSSS, qui nommaient un directeur de la protection de la jeunesse pour la communauté. Ils vont construire leurs propres lois et ils vont...

M. Gray (Richard) : ...nommer les «authority» par eux-mêmes. Ça veut dire... est maintenant par la «community», et pas le ministères de Québec, et pas la DPJ de Québec puis ses institutions, le CISSS, CIUSSS. Ça, c'est la grande différence, «the imputability». Le «imputability» reste avec les «community» et pas à Québec. Ça, c'est la grande différence, c'est le fait que les juridictions pour les... ce n'est plus eux et pas eux, maintenant, via leurs propres lois. Ça veut dire, il n'y a pas d'«imputability» à Québec. Quand il fait le suivi des dossiers dans leur «community», ce n'est pas leur instance, «authority», comme le chef est... via les institutions, ils ont créé, et ils vont créer leurs propres services, et ils vont offrir ses services à la population. Ça, c'est la loi comme la «community»... a créé maintenant.

Les juridictions, évidemment, ils doivent collaborer ensemble pour voir comment... s'il y a une personne qui vit hors «community» et la loi «community», c'est pour tout le monde malgré la résidence. Ça veut dire, les juridictions doivent collaborer ensemble et discuter ensemble. Pour moi, la grande différence, c'est la reconnaissance... des droits ancestraux qui permettent la «community» de créer leurs propres lois. Maintenant, la loi protection de la jeunesse, c'est vraiment une loi coloniale par la province qui a imposée sur la «community». Et les pouvoirs restent avec le directeur de protection de la jeunesse qui va dire : Oui, vous avez fait «responsibility» via section 32 ou 33 et qui peut réitérer ça à n'importe quel moment ou décider... une décision, le «community» n'aime pas.

Maintenant, j'ai mentionné, tout à l'heure, ils ont prise en charge 60 enfants de la «community» hors «community», O.K., qui vivent hors «community», sans nommer... sans informer le «community» qu'ils ont fait ça. Maintenant, avec la loi communautaire, c'est juridiction affirmée par le «community» que : Aïe! C'est assez, vous ne pouvez pas faire ça avec nos enfants, vous avez maintenant une obligation légale de parler à nous quand ça touche nos enfants. Je pense que ça, c'est la grande distinction que j'aimerais apporter, mais elle est là. Je ne sais pas si vous avez d'autres choses... vous pouvez ajouter.

Le Président (M. Provençal) : Bien, rapidement, s'il vous plaît.

Mme Ben Messaoud Ouellet (Leila) : Non, ça fait le tour, Richard.

Le Président (M. Provençal) : Bien, je vous...

M. Ouellet : ...comprends bien, ce n'est pas juste de créer l'institution ou l'organisation qui s'en occupe, mais c'est de décider, de quelle façon, dans quelle loi, dans quelle obligation, la communauté peut exercer sa protection en matière de jeunesse. C'est ce que je comprends, là.

M. Gray (Richard) : Oui.

M. Ouellet : O.K.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup pour votre contribution et votre participation à nos travaux.

Je suspends les travaux pour pouvoir accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 15 h 57)

(Reprise à 16 heures)

Le Président (M. Provençal) : Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je vous rappelle que vous aurez 10 minutes pour votre présentation et par la suite, nous procéderons aux échanges avec les membres de la commission. Alors, mesdames, je vous cède la parole.

Mme Arpin (Suzanne) : M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, je suis Suzanne Arpin, vice-présidente de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, responsable du mandat jeunesse. Je suis accompagnée de Me Catherine Gauvreau, Me Karina Montminy et Me Yiolaine Williams, conseillères juridiques à la commission.

Je tiens d'abord à mettre de l'avant que la commission inscrit son action dans une perspective globale de promotion et de défense des droits des enfants en reconnaissant qu'ils sont des personnes à part entière à qui il faut donner une voix en toutes circonstances. Elle érige l'intérêt de l'enfant au titre de considération primordiale qui doit être au premier plan dans toutes les interventions réalisées à leur endroit.

Pour la Commission, la protection des enfants du Québec est une responsabilité collective qui revient à la fois aux parents, à l'entourage des enfants, aux DPJ, aux acteurs du système judiciaire, aux organismes institutionnels et du milieu ainsi qu'au gouvernement.

À titre d'institution publique gardienne des droits des enfants, la commission fait partie de cet ensemble qui forme le filet de protection de l'enfant. Elle y joue un rôle unique par la combinaison des pouvoirs et fonctions que lui confèrent la LPJ et la Charte des droits et libertés de la personne.

La commission exerce d'une part une mission spécifique quant à la protection de l'intérêt de l'enfant et au respect de ses droits qui lui sont reconnus par la LPJ, et étant une Commission des droits de la personne, une mission plus large en droit de la personne qui inclut la promotion et le respect des droits de l'ensemble des enfants en vertu de la charte, dont le droit à l'égalité.

Comme le prévoit la LPJ, la commission peut notamment intervenir sur demande ou de sa propre initiative lorsqu'elle a des raisons de croire que les droits d'un enfant ou d'un groupe d'enfants dont la situation est prise en charge par la DPJ sont lésés. Elle mène des enquêtes individuelles ou systémiques et dispose du pouvoir de saisir le tribunal lorsque l'intérêt des enfants le commande. La Commission peut d'ailleurs utiliser la voie judiciaire lorsqu'elle juge nécessaire que soit corrigée la situation ou les droits d'un enfant ont été lésés. Ces fonctions incluent également celle de faire de l'éducation aux droits, des recommandations aux différents acteurs institutionnels et gouvernementaux ainsi que de la recherche. Étant donné la mission et les responsabilités fondamentales que la commission exerce afin de s'assurer que les droits de l'ensemble des enfants du Québec soient pleinement respectés...


 
 

16 h (version non révisée)

Mme Arpin (Suzanne) : ...la réforme de la LPJ l'interpelle au plus haut point. Elle constitue, à ses yeux, un premier jalon de plusieurs chantiers annoncés par le gouvernement, qui doivent ultimement mener à une véritable reconnaissance des droits de l'enfant et de son intérêt. C'est dans cette perspective et à la lumière des différents travaux qu'elle a menés, que la commission a analysé le projet de loi. Au fil des ans, à travers de nombreuses enquêtes, elle a dégagé des problématiques récurrentes d'application de la LPJ, ayant comme conséquence de léser les droits des enfants. La commission a formulé des recommandations de différentes natures aux DPJ, aux établissements de santé et de services sociaux ainsi qu'à divers ministères. La commission salue ainsi les ajouts proposés à son préambule et à l'article 3 de la LPJ, qui reconnaîtrait explicitement que l'intérêt de l'enfant est une considération primordiale dans toute décision prise à son sujet. La commission accueille de même, avec satisfaction, l'énoncé dans le préambule à l'effet que le Québec s'est déclaré lié par la Convention relative aux droits de l'enfant. Il doit largement comprendre que les droits contenus à la LPJ doivent s'interpréter et s'appliquer en tenant compte de cette convention. La commission recommande toutefois de modifier l'article 3 de la LPJ pour ajouter les caractéristiques de l'identité culturelle des enfants racisés et des enfants des minorités ethniques aux facteurs à prendre en considération lorsque des décisions doivent être prises en vertu de cette loi, et ce, dans l'intérêt de l'enfant et dans le respect de ses droits.

Sur un autre sujet, la commission estime essentiel, dans le cadre du présent exercice, de rappeler les grands fondements de principe du maintien en milieu familial de l'enfant. Il prend sa source dans la charte et dans la LPJ, ainsi que dans la Convention relative aux droits de l'enfant. Insistons ici sur le fait que la LPJ est une loi d'exception qui constitue une intrusion dans la vie privée des familles. Des interventions privilégiant que l'enfant demeure dans son milieu familial doivent d'abord être évaluées et mises en place, et cela, en fonction de son intérêt. C'est pourquoi la commission recommande de modifier le projet de loi pour qu'il soit clair que, l'objectif de l'intervention, en matière de protection de la jeunesse, prévu à l'article 4, soit que l'enfant demeure confié à ses parents, à moins que cela soit contraire à son intérêt. La commission est favorable à l'ajout des termes «avec intensité requise» à l'article 8 qui porte sur les services, mais juge essentiel que le gouvernement agisse, dès maintenant, plus largement pour garantir la mise en oeuvre du droit aux services visés à cet article, sans quoi la modification proposée risque de rater sa cible. Ainsi, la commission réitère à nouveau les recommandations formulées dans son dernier rapport sur la mise en œuvre de la LPJ, qui portait spécifiquement sur les délais d'intervention de DPJ et sur l'accès aux services requis dans l'ensemble des missions des CISSS et des CIUSSS.

La commission estime par ailleurs que, malgré le progrès que la modification, à l'article 9 de la LPJ, représenterait, quant au droit de l'enfant à des contacts avec des personnes significatives, elle s'avère insignifiante... insuffisante, je m'excuse, au regard du droit de l'enfant à des communications confidentielles. À l'heure actuelle, elle continue de constater que des enfants placés en milieu substitut se voient refuser des contacts avec des tiers, incluant des personnes significatives pour l'enfant, et ce, pour des motifs et en suivant une procédure qui ne sont pas conformes à la loi. La commission recommande ainsi à nouveau de rendre la loi plus claire et explicite quant aux pouvoirs du DPJ à ce sujet.

Dans un autre ordre d'idées, le projet de loi propose d'introduire des mesures spécifiques à la LPJ pour tenir compte des situations des enfants autochtones et de leurs familles. La position de la commission est claire à ce sujet: Il est essentiel de reconnaître le droit à l'autodétermination des peuples autochtones en ce qui concerne le bien-être de leurs enfants. Il revient aux seules nations autochtones de savoir et de déterminer quel est le meilleur intérêt des enfants autochtones et, par conséquent, de prendre en charge leur propre système de protection de la jeunesse. Depuis des années, la commission insiste sur l'urgence d'agir pour modifier les pratiques des DPJ dans l'intervention auprès des enfants autochtones. Elle a appuyé, sans restriction, les appels à l'action proposés par la Commission Viens en matière de protection de la jeunesse. Elle considère que le gouvernement du Québec et les autorités autochtones doivent les mettre en place afin d'offrir un système de protection respectueux des droits des enfants autochtones. La commission fait part, dans son mémoire, de ses observations et commentaires en lien avec le présent projet de loi...

Mme Arpin (Suzanne) : ...La commission traite ensuite dans son mémoire d'autres sujets d'importance: le partage des renseignements confidentiels et l'accès aux dossiers. Elle explique la raison d'être du régime de confidentialité prévu dans la LPJ, lequel repose notamment sur les risques reliés à la stigmatisation de l'enfant pris en charge par le système de protection de la jeunesse ainsi que l'intrusion dans la vie privée des familles que représente l'intervention en protection de la jeunesse. Le principe de confidentialité n'est cependant pas absolu. Des dispositions particulières de cette loi permettent déjà la divulgation de renseignements qui sont nécessaires afin de garantir la protection de l'enfant et le respect de ses droits.

Dans le cadre de ses interventions, la Commission a rappelé à plusieurs reprises l'importance de protéger les renseignements confidentiels des enfants et de leurs parents, ceux-ci étant reconnus comme une composante du droit au respect de la vie privée. Elle a notamment mis de l'avant que les problèmes de communication en lien avec les renseignements confidentiels résidaient dans l'application des règles de confidentialité et non dans la formulation des dispositions applicables. L'ajout d'un principe d'interprétation en faveur de la communication de renseignements, si elle est justifiée par l'intérêt de l'enfant ou la protection d'un autre enfant, proposé par le projet de loi répondrait en partie aux préoccupations de la Commission à ce sujet. Ceci dit, la Commission indique dans son mémoire quelques réserves relatives à la portée de certaines dispositions du projet de loi facilitant la divulgation des renseignements personnels.

• (16 h 10) •

La Commission se réjouit de la reconnaissance du rôle du ministre à l'égard des enfants en protection de la jeunesse, ce qui répondrait à sa recommandation de renforcer les responsabilités ministérielles en vue de veiller au respect des droits des enfants. Elle demeure toutefois convaincue de la pertinence d'attribuer à un ministre la responsabilité de veiller au respect des droits de tous les enfants dans la prise des décisions au sein de l'appareil gouvernemental, obligation qui incombe au gouvernement quant à la mise en oeuvre des droits des enfants au Québec. Elle invite ainsi le gouvernement à poursuivre ses travaux dans cette visée.

La Commission a en outre insisté sur la nécessité d'uniformiser les pratiques des DPJ et relevé l'absence d'entité nationale permettant d'assurer la cohérence de leurs actions au niveau du Québec. La commission actuelle accueille donc avec satisfaction l'institution d'un directeur national de la protection de la jeunesse dont les responsabilités seraient de cette nature. La Commission entend poursuivre l'exercice de ses mandats en collaboration avec cette nouvelle instance en regard de la promotion et la défense des droits de l'enfant.

En terminant, la commission a rappelé qu'il existe au Québec un ensemble d'acteurs qui oeuvrent auprès des enfants et de leur famille pour assurer la promotion et la défense de leurs droits. Le rapport est nécessaire au fonctionnement effectif de l'ordre et de l'organisation des services destinés aux enfants et à leur famille au sein de la société québécoise. La Commission ne peut qu'insister sur l'importance de développer une meilleure collaboration entre l'ensemble des acteurs concourant au bien être de l'enfant de même qu'au respect de ses droits. Je vous remercie.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup pour votre exposé, madame. Nous allons maintenant débuter nos échanges avec le ministre. Alors, Monsieur le ministre, je vous cède la Parole.

M. Carmant : Merci beaucoup. Merci beaucoup, me Arpin. Merci à toutes d'être présentes aujourd'hui.

Le Président (M. Provençal) : ...pour informer l'ensemble des membres que le mémoire final est déposé sur Greffier maintenant pour.... le Mémoire de la commission.

M. Carmant : Oui. Puis j'ai lu en diagonale mais pas si vite que ça. Je vais je partir de ce que vous avez dit, puis ce que j'ai pu voir, rapidement, dans vos recommandations. Mais, je pense, il faut aller directement dans le sujet. Quand on lit la recommandation 1, où vous dites que en matière de procréation... En protection de la jeunesse, la priorité soit le maintien de l'enfant dans son milieu familial, à moins que... soit contraire à son intérêt. Ce n'est pas clair que ça va dans le sens des recommandations de la commission spéciale. Êtes vous en accord ou en désaccord avec ce que... le rapport de la commission spéciale sur la primauté de l'intérêt de l'enfant?

Mme Arpin (Suzanne) : En fait, ce que l'on dit, c'est que en droit, il est bien reconnu qu'à moins que ce soit contraire à son intérêt, qui doit être la considération primordiale dans l'application de la LPJ, il devrait être auprès de ses parents. Tant la Charte que le Code civil que la Loi de la protection de la jeunesse reconnaissent que les parents sont les premiers responsables de leur enfant, et le projet de loi énonce des devoirs et des responsabilités des parents. Donc, il faut mettre, donc, en...

Mme Arpin (Suzanne) : ...il faut mettre en place des services qui vont venir soutenir les parents pour assumer leur rôle de parents et, dans le cas échéant, mettre fin à la situation de compromission, parce que le principe la Loi de la protection de la jeunesse, c'est est de mettre fin à la situation de compromission et de voir à ce qu'elle ne se reproduise pas, ça, c'est la philosophie de base. Maintenant, quand il n'est pas... quand c'est contraire à l'intérêt de l'enfant de demeurer auprès de ses parents, il ne sera pas auprès de ses parents.

M. Carmant : O.K. La ligne est fine, mais je vois votre point. Une chose que j'aimerais vous poser tout de suite, c'est qu'il y a plusieurs des groupes qui sont passés, qui nous ont parlé, là, du rôle tellement important de la Commission des droits de la personne, droits de la jeunesse, puis comment ça les a aidés avec des cas problématiques. Mais ils nous disent que, récemment, ils sentent que vous semblez moins interactifs ou moins présents sur le terrain, est-ce qu'il y a eu un changement récemment, est-ce que c'est le cas? Pouvez-vous me commenter ce que les gens ont dit hier et aujourd'hui?

Mme Arpin (Suzanne) : Oui, tout à fait. Alors non, il n'y a pas de changement, le mandat et la mission de la commission demeure toujours le même. On a toujours deux grands axes dans lesquels on peut se déployer, soit de faire des enquêtes, ce qu'on fait depuis 40 ans, ou soit d'intervenir au niveau judiciaire. Et, au niveau judiciaire, bien, nos mandats n'ont pas changé. Nous, notre niche, comme vous le savez, monsieur le ministre, c'est vraiment les lésions de droit. Donc, quand on intervient ou quand on enquête, c'est vraiment uniquement dans le but de... quand on a des raisons de croire qu'il y a une lésion de droit. Comme toute organisation agile puis qui veut faire plus et qui se pose toujours la question: Qu'est-ce qu'on peut faire de plus, de mieux pour les enfants pour lesquels on a le mandat de protéger en termes de lésion de droit? Bien, on réfléchit et on se dit: Est-ce qu'il y a des actions qui pourraient être beaucoup plus porteuses que, par exemple, on va toujours continuer à faire des dossiers individuels d'enfants au tribunal en lésion de droit, mais ce qu'on est en train de regarder, c'est: Comment est-ce qu'on pourrait avoir une plus grande portée pour nos enfants qui seraient, par exemple, dans une situation de lésion de droit?

D'ailleurs, on fait une recommandation, à cet effet-là, que le juge à la Chambre de la jeunesse puisse, dans des dossiers individuels en protection ou en lésion de droit, faire des ordonnances qui seraient de nature systémique. Alors, on aurait un dossier d'enfant, pour lequel il y aurait un correctif qui serait apporté pour cet enfant- là, mais en même temps, on pourrait aller chercher un correctif préventif pour des centaines d'autres enfants. Donc, on était au tribunal, on continue à y aller, on va continuer à y aller, mais, par exemple, il y a des dossiers où, quand on réalise que ce n'est pas un dossier de lésion de droit, là on n'est pas dans notre mandat. La semaine dernière, une de mes collègues a obtenu justement... on a obtenu une homologation de jugement sur le fait que la DPJ a reconnu, devant le tribunal, les lésions de droit, donc on a eu un jugement. On va dans d'autres dossiers bientôt pour faire des conférences de règlement à l'amiable et on va tenter d'amener le DPJ à reconnaître la lésion de droit, parce que ce qu'on veut pour nos enfants, c'est que le correctif s'applique rapidement. Je ne sais pas si j'ai été assez claire, M. le ministre. 

M. Carmant : Oui, tout à fait, tout à fait. Puis ça, ça m'amène vraiment à ma prochaine question, parce qu'une des choses qu'on n'a pas incluse dans le projet de loi, justement, c'est la notion de commissaire puis de charte, là, puis, justement, c'est parce qu'on veut bien la comprendre et bien la placer. Puis, évidemment, la Commission des droits de la personne, droits de la jeunesse, tu sais, vient spontanément dans les discussions quand on parle de ça. Vous, comment vous voyez ça, le commissaire qui est proposé par la commission puis comment vous vous positionnerez par rapport à cette structure-là qu'on veut créer?

Mme Arpin (Suzanne) : Alors, on s'était prononcé très rapidement à l'effet qu'on est tout à fait d'accord avec le fait qu'il y a un commissaire au bien-être et aux droits des enfants, c'est essentiel. On a besoin de cette loi-là qui va porter la voix des enfants, pas juste des enfants en protection de la jeunesse, mais de tous les enfants du Québec. Alors ça, c'est essentiel. On a besoin de cette forme d'accompagnement, je ne dirai pas représentation, parce que je ne veux pas mélanger avec les termes légaux, mais d'accompagner les enfants dans des processus, que ce commissaire-là puisse mettre en place des suivis auprès des ministères pour voir si les programmes appliqués aux enfants sont correctement appliqués, qu'il puisse avoir une voix à l'Assemblée nationale pour venir faire rapport. Alors, c'est essentiel qu'on ait un commissaire au bien-être et aux droits des enfants. Et, à la commission, on s'est mis très rapidement en action, nous sommes à redéfinir complètement notre capacité d'action en jeunesse, on est vraiment...

Mme Arpin (Suzanne) : ...de tout revoir pour le mieux-être de nos enfants, puis pour le meilleur respect de leurs droits. On est en train de déployer nos orientations jeunesse. Comme vous le savez, on est en train de déployer nos axes de régionalisation. On a eu un budget pour pouvoir retourner en région, de pouvoir aller travailler le plus près possible des groupes communautaires, des organismes et de se déployer en région. Donc, on est déjà au travail sur ça. Et si demain matin, le gouvernement nous disait, nous demandait de prendre en plus ce mandat-là, nous serions tout à fait prêts, et on répondrait présent. Bien sûr, avec une autre structure qui serait... on a la structure où on fait la protection de la jeunesse, LPJ, mais on aurait vraiment une structure, un porteur, un commissaire qui porterait la voix de tous les enfants au Québec.

M. Carmant : D'accord. Et il n'y aurait pas de paradoxe, là, entre le p. l. 15 qui dit que nous, on veut tout faire pour l'intérêt de l'enfant en... évidemment, en prenant pour acquis que tout a été fait en amont, là, au niveau du maintien dans la famille. Puis vous, votre recommandation numéro 1 qui dit quand même que la priorité doit être de rester dans le milieu familial.

Mme Arpin (Suzanne) : En fait, pas la priorité, c'est que... ce que le droit international et le droit interne nous dit, c'est que le premier endroit où doit être un enfant, c'est chez ses parents. C'est ce que la Convention relative aux droits de l'enfant aussi, comme enseignement, nous dit. Les parents étant les premiers responsables de leur enfant, l'enfant, normalement, il doit être chez ses parents. L'État ne peut pas s'immiscer à retirer un enfant s'il n'a pas de motif. Alors, le premier lieu où il doit être, c'est chez ses parents. Par contre, si c'est contraire à son intérêt, qui est la considération primordiale, bien, il ne doit pas être chez son parent.

• (18 h 20) •

M. Carmant : Au niveau de l'article 91 de la loi actuelle, on n'y a pas vraiment touché, mais plusieurs nous en ont parlé. Quelles seraient les modifications ou les suggestions que vous auriez à nous faire pour l'article 91?

Mme Arpin (Suzanne) : Est-ce que je peux passer la parole à Catherine ou...?

Le Président (M. Provençal) : Aucun problème, allez-y.

Mme Gauvreau (Catherine) : En fait, on n'a pas fait de suggestion, là, dans notre mémoire par rapport à une modification à l'article 91. Vous parlez, là, des ordonnances qui peuvent être rendues par le tribunal, M. le ministre?

M. Carmant : ...je n'ai pas eu le temps de lire au complet votre mémoire, là, comme vous comprenez, mais je pensais que vous seriez des bonnes... des bons intervenants pour nous discuter des améliorations qu'on pourrait faire au niveau de l'article 91 et 91.1.

Mme Gauvreau (Catherine) : Mais, en fait, la commission s'est prononcée en faveur, là, des durées maximales d'hébergement. Et l'objectif, là, de celle-ci, c'est de permettre, lorsque celles-ci sont atteintes, de déterminer un projet de vie, là, qui vise la stabilité des liens et la continuité, là, des soins qui sont donnés à l'enfant. Donc, a commission estime, là, qu'il est important, là, de respecter, là, cette disposition. Et que lorsque l'enfant se trouve dans un milieu de vie qui est permanent, donc, souvent, c'est des situations, là, où des enfants sont confiés en majorité. C'est avant de le déplacer, là, de s'assurer que c'est bel et bien dans son intérêt de le faire, là, donc de procéder. Il y a une recommandation, là, dans notre avis, qu'il est important, là, d'évaluer... c'est la situation particulière de l'enfant, à savoir si oui ou non, il est dans son intérêt de le déplacer et aussi, là, de tenir compte, là, dans cette évaluation de son intérêt, là, le lien d'attachement qu'il a eu ou qu'il a développé, pardon, avec ses parents d'accueil. Donc, on voit des fois des situations, là, que ce soit dans des enquêtes ou des interventions judiciaires où on retire des enfants qui, pour eux, de leur milieu de vie substitut, mais pour eux, c'est leur milieu de vie. Ils ont été souvent plusieurs années au sein de ces familles d'accueil et on comprend qu'il peut y avoir des situations où c'est dans son intérêt de le retirer, mais on met une mise en garde ou en fait, on estime qu'il devrait avoir une évaluation rigoureuse de sa situation avant de les déplacer. Donc, ce serait peut-être la modification, là, qu'on propose. Je ne sais pas si c'est à 91 ou 91.1, mais ce serait la modification qu'on vous propose, M. le ministre.

M. Carmant : Merci. Puis un autre point aussi au niveau législatif, judiciaire, là, c'était la représentation de l'enfant par un avocat. Avez-vous des commentaires là-dessus? Puis on nous a même dit que...

M. Carmant : ...d'aller plus loin, puis d'aller même... quand c'est des mesures volontaires, que l'enfant devrait être représenté, et ça, le plus tôt possible dans le processus. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Gauvreau (Catherine) : Bien, si je peux me le permettre, on n'est peut-être pas allé aussi loin que de vous préciser, là, des moyens, mais c'est clair que le droit d'être représenté ou même de consulter un avocat est déjà prévu, là, dans la Loi sur la protection de la jeunesse, et que la commission est d'avis, là, que ce droit-là, soit pleinement ... ou que les enfants puissent pleinement exercer ce droit-là. Donc on serait... on verrait d'un bon oeil le fait que des mécanismes soient mis en place ou, du moins, que vous réfléchissez à la question pour s'assurer, là, que ce droit soit bien... enfin, que les enfants puissent avoir, dans tout le cadre du processus, là, parce que l'article 5 ne limite pas au processus judiciaire, là, M. le ministre, donc qu'ils puissent avoir accès, s'ils le souhaitent, à un avocat ou, du moins, qu'un avocat puisse leur être désigné. Mais, en fait, ça, c'est à déterminer, là, la façon de le faire, mais on voit ça d'un bon oeil.

M. Carmant : Puis un autre mot, là. Vous avez, vous aussi, insisté sur l'aspect de la prise en charge pleine par les Premières Nations. Puis je pense qu'on a été clair aussi dans le préambule. Nous, on a quand même des questions sur les Premières Nations qui habitent hors communauté et le fait qu'il y aurait plusieurs lois sur... tu sais, par exemple, quelqu'un qui est à Montréal et qu'il y a quelque chose, tu sais, comme comment on gère ça, là, concrètement, au niveau de la DPJ? Telle loi s'applique, comment...

Mme Arpin (Suzanne) : On n'a pas regardé cette question-là, on s'est vraiment penchés sur le projet de loi, tel qu'il était. Mais je pense que peut être qu'il faut continuer à réfléchir à cette question-là, mais on ne s'est pas penchés de façon spécifique sur l'application pour les établissements publics, de comment les soins, comment les services vont être donnés, quelle DPJ va donner les services, de qui va relever... ça, on n'a pas regardé cet aspect-là de la question.

M. Carmant : D'accord. M. le Président, je passerais la parole à la députée de Roberval, s'il vous plaît.

Le Président (M. Provençal) : Alors, une minute, Mme la députée.

Mme Guillemette : Merci. Merci, monsieur le ministre. Merci, mesdames, d'être avec nous aujourd'hui. Donc, très rapidement, je ne ferai pas un gros préambule, j'aimerais vous entendre sur la confidentialité. Je pense qu'il faut assouplir, mais comment on fait pour protéger quand même l'enfant et donner assez d'informations aux intervenants pour qu'ils puissent bien intervenir avec l'enfant?

Mme Arpin (Suzanne) : Je vais céder la parole à ma collègue, Catherine.

Mme Gauvreau (Catherine) : Bonjour, Mme la députée. En fait, peut-être rappeler ou préciser que la commission estime qu'il est dans l'intérêt de l'enfant de partager les renseignements personnels concernant sa situation, là, lorsque l'objectif... Ou les renseignements concernant ses parents lorsque l'objectif de la divulgation est nécessaire pour assurer sa protection. Puis, comme mentionné, il existe déjà plusieurs exceptions, là, qui sont prévues dans la loi, mais notamment, là, dans le cadre, là, du rapport sur la mise en œuvre, là, la LPJ, qui a été déposé, là, en 2020 par la commission. On a constaté que, souvent, les problèmes résident dans l'application des règles ou, du moins, la bonne compréhension. Donc, on peut assouplir des règles. Mais si les intervenants qui vont devoir se partager ou, du moins, obtenir un certain renseignement ou, du moins, les divulguer à qui de droit, bien, s'ils n'ont pas compris quels renseignements, quels types de renseignements et dans quelles circonstances ceux-ci doivent être divulgués, bien, on n'est pas avancé plus loin, là, dans la protection, là, ou le respect du meilleur intérêt de l'enfant. On met vraiment l'accent sur ce point précis.

Puis, aussi, peut-être rappeler que la... a sa raison d'être aussi, là, dans le respect de l'intérêt de l'enfant puis aussi dans son droit du respect à sa vie privée. Il y a quand même... tu sais, on s'entend que le dossier DPJ contient beaucoup d'informations de nature très sensible, là, sur la situation, là, que vit l'enfant. Ou, par exemple, un parent, là, qui serait suivi, là, en désintoxication. Donc, on veut, là, qu'il crée... l'objectif, là, c'est qu'il aille chercher des services et qu'il puisse, par la suite, là, assumer pleinement son rôle auprès de son enfant. Donc, on n'est pas contre l'élargissement, là, de certaines...

Mme Gauvreau (Catherine) : ...de confidentialité. On estime qu'elle devrait être précisée. À titre d'exemple, là, il y a une dans le projet de loi, là, qui mentionne qu'on va élargir aux professionnels qui ne travaillent pas au sein des établissements, là, de santé et services sociaux de partager des renseignements dans le cadre d'évaluation d'un signalement. Pour nous, c'est très logique. Ce n'est pas logique qu'une infirmière qui travaille, je viens de Montréal, là, donc, du CHU Sainte-Justine puisse divulguer des renseignements au DPJ, mais que, si elle pratique l'autre côté de la rue, dans une clinique, elle ne pourrait pas le faire ou ce serait plus difficile pour elle de transmettre... de divulguer ces renseignements-là.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup. Merci pour votre réponse. Alors, nous allons poursuivre avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Je vous cède la parole, madame.

• (18 h 30) •

Mme Weil : Merci, monsieur le Président. Merci à vous tous d'être ici. Je vais revenir à la question du ministre, parce qu'on a eu des discussions sur la question du rôle des DPJ, en vertu de la loi, évidemment, mais aussi les commentaires des juges, ces dernières années, commentaires des avocats, d'ailleurs, on a eu des commentaires, la perception, et un article de journal, qu'en gros la DPJ se retire dans des cas de lésion au droit. Et tout ce questionnement par rapport au mandat de la DPJ. On a parlé, donc, une avocate qui était là, qui est souvent devant les tribunaux, que les juges s'en plaignent. Je pense que vous connaissez bien ça, l'historique de tout ça, c'est souvent rapporté au fil des années. Mais aussi que l'orientation, c'est d'aller plus vers ce qui est systémique, donc. Et ce qui est évoqué, c'est une question de personnel, de ressources.

Alors, c'est de bien comprendre, peut-être, la portée de cette entrevue, vous l'avez... et les choix que vous faites. Bien, l'entrevue, c'est un reflet d'une discussion. Mais votre... Est-ce que vous opérez, actuellement, une réorientation? Ce serait la première question. En matière d'intervention devant le tribunal, sauf évidemment, on comprend, lorsque c'est déjà... le tribunal est déjà saisi, là. Donc, selon une disposition de la loi, vous ne pouvez pas. Mais votre rôle d'intervenir pour protéger un enfant, un enfant dont les droits ont été lésés, est-ce que vous changez l'orientation? C'est ça qui semble... c'est la perception, c'est le débat public, là, actuellement.

Mme Arpin (Suzanne) : Alors, je vais vous répondre. J'imagine que vous parlez non pas de la protection de la jeunesse, mais bien de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Parce que je ne suis pas...

Mme Weil : Oui, oui, oui. CDPDJ. C'est plus facile, CDPDJ.

Mme Arpin (Suzanne) : D'accord. Ça, c'est la première chose. Deuxièmement, vous comprendrez que je ne commenterai pas une chronique. C'est une chronique d'opinion. Alors, voilà. Et, pour vous dire aussi, plusieurs acteurs du milieu juridique souhaitent nous voir dans les salles d'audience, dans tous les dossiers. Mais, notre mandat, ce n'est pas d'être dans un dossier à faire de la protection de la jeunesse. La commission ne se substituera pas aux enfants qui sont superbement bien représentés par avocats, aux parents qui peuvent être représentés. Ce n'est pas... Je n'aime pas ça le dire de façon négative, mais ce n'est pas le mandat de la commission, on ne représente pas les enfants, on ne représente pas les tiers, on ne représente pas les familles d'accueil ni les grands-parents. Ça, c'est vraiment le travail des avocats à la cour.

Mais les avocats souhaitent nous voir dans les salles d'audience pour être plus confortables à faire leur dossier, prétextant qu'on les aide, que c'est plus facile quand on en est là, dans les dossiers de protection. Parfois, ils vont nous dire : Oui, mais, quand vous êtes là, ça nous permet d'avoir des documents qu'autrement c'est très difficile. Bien, là, on a une belle occasion, madame la députée, justement, de faire faire des modifications à la loi pour que les accès que la commission a au dossier d'un jeune client, d'un enfant, bien que les avocats d'enfants puissent avoir le même accès, si c'est ça, vraiment, le problème.

Mais comme notre mandat n'est pas d'être dans les salles d'audience, dans les dossiers de protection, nous n'agissons que dans les dossiers où il y a vraiment des lésions de droit. Et, quand je vous dis qu'on regarde pour des portées plus systémiques, ce n'est pas pour ne pas aller dans le dossier d'un enfant, bien au contraire, il faut rentrer dans un dossier pour avoir, avec la recommandation qu'on fait aussi que le juge puisse faire des ordonnances systémiques, pour que ça puisse bénéficier à beaucoup d'enfants...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

Mme Arpin (Suzanne) : …de façon beaucoup... que les remèdes soient plus rapides et que ça profite à beaucoup plus d'enfants. Un enfant, c'est important, mais si son dossier, à lui, peut faire en sorte que d'autres sont protégés de lésions de droit, bien, je pense que c'est une avenue qu'il faut regarder, et on est justement en train de regarder ça. Mais il n'y a pas de position à ne pas aller au tribunal. On est en train de regarder comment on fait mieux et comment on fait plus pour les enfants justement dans ces dossiers-là, et c'est ça. Et si le gouvernement voulait nous donner le mandat d'être assis dans chacun des dossiers à tous les jours, bien, on ferait ce mandat-là. Malheureusement, ce n'est pas ça notre mandat.

Mme Weil : ...l'article 23 de la loi qui dit, bon : La Commission exerce les responsabilités suivantes, conformément aux autres dispositions de la présente loi. Sur demande ou de sa propre initiative, elle enquête sur toute situation où elle a raison de croire que les droits d'un enfant - d'un enfant - ou d'un groupe d'enfants ont été lésés par des personnes, des établissements ou des organismes même si, au moment de l'enquête, l'intervention en vertu de la présente loi a pris fin à moins que le tribunal n'en soit déjà saisi. Donc, on parle de cas individuels. Qui va vous interpeller pour intervenir, ou comment vous...

Mme Arpin (Suzanne) : Oui. Vous me permettez, c'est vraiment dans les cas où on fait des enquêtes administratives, c'est-à-dire que ça peut être un parent, un avocat, un enfant, un grand-parent, un tiers qui nous dit : Moi, je pense que les droits de mon enfant ont été lésés, j'ai cette conviction-là. Alors, nous, on fait une enquête, on va cueillir des preuves. On fait une enquête en toute neutralité. Et on fait... Par la suite, on fait un exposé factuel qui est envoyé aux mis en cause, qui est ciblé, et après, si... pendant tout ce temps-là... Je dois vous dire qu'à 90 % des cas... Quand on nous demande de faire enquête pour une raison de croire à une lésion de droits, 90 % des cas, on a une admission du Directeur de la protection de la jeunesse à l'effet qu'effectivement des droits ont été lésés, et des correctifs sont apportés. Si ce n'est pas possible d'avoir ce genre d'entente là, bien là, il y a un rapport qui est soumis au commissaire à la commission, et on fait des recommandations envers ce mis en cause là qui suit nos recommandations.

Mme Weil : Et s'il n'y a pas de remède ou il n'y a pas de changement ou il n'y a pas de suite, qu'est-ce que vous pouvez faire? Quels sont vos pouvoirs?

Mme Arpin (Suzanne) : On a le pouvoir de saisir le tribunal si les recommandations n'étaient pas suivies.

Mme Weil : Et est-ce que c'est fréquent que ça arrive ou... que vous...

Mme Arpin (Suzanne) : Non, ce n'est pas fréquent. Non. Non parce qu'habituellement les mis en cause qui sont habituellement les DPJ, là, c'est pas mal toujours le même bassin. Oui.

Mme Weil : Ce mandat-là occupe quel pourcentage de vos ressources et de votre temps parmi tout ce que vous faites en protection de la jeunesse, des cas semblables qui sont des cas individuels?

Mme Arpin (Suzanne) : Oui, oui, mais comme la loi le dit, c'est soit des situations... le dossier d'un enfant ou d'un groupe d'enfants. C'est pour ça qu'on fait des enquêtes individuelles - on en fait plusieurs - et on fait des enquêtes systémiques ou des audits quand les situations, là, sont assez semblables dans une région. Par exemple, on est souvent alimentés par des avocats ou des juges qui nous disent : Eh! là, on voit tel genre de problème. Et là, nous, ça nous permet de déclencher un audit ou une enquête systémique. Alors, nous, on a des enquêtrices - on va le dire - qui font vraiment les enquêtes dans les dossiers de... quand on a des raisons de croire qu'il y a des lésions de droits et on a des avocates, des procureurs qui sont au contentieux et qui font les dossiers au tribunal.

Mme Weil : Merci pour cette réponse. Dans des modèles, ailleurs au Canada, par exemple, je pense qu'il y a un ombudsman en Ontario qui représente les enfants. Donc, ils ont comme une indépendance, ils ne sont pas liés nécessairement à leur... comment dire, le pendant de la CDPDJ. C'est vraiment des institutions très indépendantes. Bien, vous l'êtes aussi, mais vous avez plusieurs mandats, mais, eux, ils ont juste ce mandat, les enfants. D'après ce que... Je ne sais pas, peut-être vous pourrez... 

Mme Arpin (Suzanne) : Bien, oui. Bien, en fait...

Mme Weil : Vous pouvez peut-être éclairer, là.

Mme Arpin (Suzanne) : Vous pouvez vous renseigner...

Mme Weil : Et la commission en a parlé lorsqu'ils ont proposé le commissaire. Donc, ils ont donné quelques exemples d'autres provinces qui ont des institutions semblables avec un commissaire, un genre de commissaire, mais avec d'autres noms, qui intervient beaucoup avant qu'il y ait... je veux dire même, sensibilisé, approche. On voit que c'est une mission très, très large...

Mme Weil : ...selon la commission spéciale. Donc, si vous pouvez peut-être comparer avec un modèle qui ressemble à ça avec... donc... où on n'est pas une commission comme vous l'êtes, sur les droits, nécessairement, mais un commissaire qui est là comme un... moi, j'ai utilisé le mot "chien de garde", mais peut-être la voix des enfants, une voix qui représente réellement les enfants en toutes instances, et juste les enfants. Qu'en pensez-vous?

Mme Arpin (Suzanne) : Alors... bien, tout à fait. D'ailleurs, je fais partie de ce conseil, c'est le Conseil canadien des défenseurs des enfants et des jeunes. Et on a fait en sorte à la commission Laurent, justement, de présenter ces modèles-là. On a beaucoup alimenté la commission Laurent pour les aider, là, à se faire une idée et une tête sur cette question-là. Et ce que mes collègues du reste... de l'extérieur du Québec nous envient, c'est justement le fait qu'on peut aller dans les dossiers au tribunal, ce qu'eux n'ont pas. Ils sont plus des ombudsmans, plus des commissaires au bien-être, mais ils n'ont aucun pouvoir coercitif, ce que nous avons pour Québec. Et c'est quelque chose qu'ils regardent toujours, à chaque fois qu'on a des rencontres, c'est quelque chose qui nous différencie, qui nous distingue, et c'est ça, c'est toute la différence. Et plusieurs des défenseurs au Canada ont des mandats. Ils ne sont pas tous pareils. On a un excellent document là-dessus, d'ailleurs. Il y en a, ça va être les blessures graves qu'ils vont enquêter seulement. D'autres vont enquêter sur des problèmes scolaires. Chacun un mandat très, très, très particulier. Je m'excuse...

• (16 h 40) •

Mme Weil : Combien... Deux minutes. Moi, il me semble que... Parce qu'il y a... je reçois beaucoup d'appels, hein, d'avocats, de parents, etc. Et des fois on sent que, s'il y avait comme une voie extérieure avant que les choses s'empirent... parce que des fois on regarde le dossier puis on s'est dit: Ouf! Il y a mécompréhension, etc., comme un intervenant qui arrive plus tôt dans... La mécompréhension, souvent, c'est beaucoup ça, là, entre l'intervenante et la famille. Vous, vous n'êtes pas encore là parce que c'est lésion aux droits, donc on est vraiment rendus là où c'est catastrophique.

Et je ne sais pas s'il y a un modèle quelque part dans le monde, mais on dirait que même la DPJ pourrait en bénéficier. C'est comme une voix neutre, un genre de médiateur, un genre de médiateur. Parce que des fois on le voit... surtout s'il y a des enfants avec des problèmes de développement. Des fois, c'est un parent qui peut l'avoir et ce n'est pas reconnu. Il y a une avocate qui m'a dit ça, elle le voit souvent. Ils ne comprennent pas pourquoi le père agit de cette façon, puis ce n'est pas de la violence, c'est juste... ils ne sont pas capables de communiquer, et... ça, peut-être l'autisme, et autres. Et donc, dans ce système, ces gens-là sont assez perdus.

Alors, je ne sais pas, là, mais moi, je sens, dans ce que j'entends... ça prend quelqu'un qui serait un genre de médiateur parce que ce que je remarque, même avec la protection de la jeunesse, même l'intervenante est toute seule souvent dans un dossier. Puis, avant qu'elle puisse avoir l'appui de quelqu'un d'autre pour prendre des décisions... Et les relations deviennent tendues et ça devient un dialogue de sourds, et ça devient... c'est de pire en pire, ils sont devant la justice, etc.

Alors, un genre de médiateur, mais en prévention. Alors, je ne sais pas... vous n'êtes pas peut-être nécessairement dans ça, là, parce que c'est vraiment le quotidien, mais je l'entends beaucoup des avocats. Et les avocats sont là aussi. Peut-être, le fait d'avoir un avocat au dossier, avec le projet de loi, cet avocat peut jouer ce rôle, ce n'est pas vraiment son rôle, mais les amener à la médiation pour que les gens se comprennent et que les gens ne soient pas boqués, parce que des fois c'est beaucoup ça, on le voit, et c'est des dossiers qui reculent de dix ans, là, quand on regarde... et c'est de pire en pire. Puis là il n'y a plus personne qui se comprend, puis... Bon. Alors ça, je ne sais pas... Et le droit de l'enfant est toujours pris... Le droit de l'enfant est toujours en question parce que, pendant tout ce temps-là, ses droits sont lésés.

Mme Arpin (Suzanne) : Alors, si je peux me permettre, madame la députée, nous avons à la commission une excellente équipe de médiatrices. Et, dans nos fantaisies, on commençait à regarder, justement, qu'est ce qu'on pourrait faire de plus encore pour les enfants, pour les familles. Vous voyez, bientôt, on s'en va dans des dossiers en conférence de règlement à l'amiable, on va tenter d'aller chercher...

Mme Arpin (Suzanne) : ...une reconnaissance de la lésion de droits, ça aussi, ce sont des outils intéressants. Est-ce qu'il faut passer par la commission? Est-ce qu'il faut passer par des organismes communautaires qui pourraient accompagner les parents? Mais ça va prendre un chef d'orchestre qui va tout bien unifier ces actions-là à poser, tant pour les enfants que pour les parents.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant faire la conclusion de cet échange avec le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci beaucoup. Merci pour votre présence. Est-ce que vous pourriez nous expliquer la recommandation 17 de votre mémoire, celle qui dit: «La commission recommande d'être rattachée directement à l'Assemblée nationale pour tous les aspects de sa gestion, y compris les aspects budgétaires»? Je n'ai pas eu le temps de tout lire, là, évidemment, mais, si vous pouviez nous l'expliquer, j'apprécierais. On n'a pas le son. Ça se peut-u?

Mme Arpin (Suzanne) : C'est mon erreur, parce qu'il devient rouge. Enfin, bref, c'est compliqué. C'est une demande qui est faite... qu'on fait depuis plus de 25 ans, d'être rattachés à l'Assemblée nationale. En fait, on voudrait être rattachés à l'Assemblée comme l'est la protectrice, comme l'est la Vérificatrice générale. Comme vous le savez, nous sommes un organisme sous le ministère de la Justice. Alors, ce qu'on demande, c'est de pouvoir être rattachés directement à l'Assemblée nationale, tant pour les budgets que pour la reddition de comptes, comme le fait la protectrice ou la Vérificatrice générale, entre autres. Étant un organisme nommé aux deux tiers, on souhaiterait avoir cette même liberté de pouvoir s'adresser aussi à l'Assemblée nationale pour notre reddition de comptes et que les parlementaires puissent nous poser des questions sur ce qui a été... dans l'année, les recommandations qui ont été suivies, celles qui n'ont pas été suivies, pourquoi, vraiment une reddition de comptes sur le travail qu'on fait en jeunesse et en charte.

M. Zanetti : Si je comprends bien, ça vous donnerait une plus grande indépendance. Est-ce que c'est ça? Ou une possibilité de prendre des initiatives de communication, davantage.

Mme Arpin (Suzanne) : Est-ce que quelqu'un d'autre voudrait y aller? Sinon, je vais tout prendre le temps.

Mme Montminy (Karina) : Bien, absolument, on est vraiment... C'est une garantie supplémentaire, puis c'est vraiment dans les garanties, en droit international, là, qui nous permettent, là... qui nous permettraient d'être pleinement indépendants et de renforcer cette garantie.

M. Zanetti : Parfait. Bien, merci. Je vous remercie.

Le Président (M. Provençal) : Alors, je remercie Mmes Williams, Gauvreau, Montminy et Arpin pour leur contribution à nos travaux et à votre présence, bien entendu. Alors, je vous souhaite une belle fin de journée. Je vais suspendre les travaux pour que nous puissions accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup de votre collaboration et de votre contribution.

(Suspension de la séance à 16 h 46)

(Reprise à 16 h 52)

Mme Grou (Christine) :Ça va? Alors, M. le Président, M. le ministre...

Le Président (M. Provençal) :Madame, je vais vous... Simplement, pour les gens qui nous écoutent, je vous souhaite la bienvenue de façon officielle, aux deux représentantes de l'Ordre des psychologues du Québec, c'est-à-dire la Dre Christine Grou et la Dre Isabelle Marleau. 10 minutes pour votre présentation. Par la suite, on procède aux échanges. Alors là, je vous cède vraiment la parole, madame.

Mme Grou (Christine) : Merci. Je ne voulais pas perdre une fraction de seconde. Alors, merci, Monsieur le Président. Monsieur le Ministre, messieurs et mesdames les députés membres de la Commission, l'Ordre des psychologues vous remercie pour l'invitation à cette audition particulière sur la Loi modifiant la Loi de la protection de la jeunesse.

Alors, je suis Dre Christine Grou, présidente de l'Ordre des psychologues du Québec, psychologue clinicienne et neuropsychologue spécialisée en santé mentale, et je suis accompagnée du Dr Isabelle Marleau, directrice de la qualité du développement de la pratique, psychologue spécialisée en pédiatrie et spécialisée dans le développement de l'enfant.

Alors, d'entrée de jeu, l'Ordre des psychologues salue le dépôt de ce très attendu projet de loi. Il traduit bien l'intention d'améliorer, donc, la protection de la jeunesse. En décembre 2019, nous avions présenté un mémoire à la commission Laurent sur les enjeux relatifs à la sécurité et au développement des enfants et nous sommes très heureux de constater que le projet de loi s'inscrit en continuité avec notre mémoire, qui faisait d'ailleurs écho à bien d'autres, et où on avait souligné l'importance des enjeux d'attachement, de la continuité et de la stabilité des liens, notamment, et de s'assurer que les...

Mme Grou (Christine) : ...besoins au regard du développement des enfants étaient comblés, l'accessibilité aux services également, entre autres choses.

Alors donc, cela étant dit, on souhaite vous adresser certaines préoccupations, la première étant la notion du temps qu'on retrouve à deux endroits, donc aux articles 1 et 6. Alors, dans les considérants, on ferait la suggestion de modifier le libellé parce que la notion du temps peut porter à confusion. On peut aisément penser que c'est parce que la notion du temps est différente chez l'enfant et chez l'adulte, alors qu'on fait surtout référence à l'impact du temps qui passe et au grand préjudice pour le développement de ne pas agir en temps opportun ou de retarder une décision difficile.

Dans un deuxième temps, sur la primauté de l'intérêt de l'enfant. Alors, on salue le fait qu'il devienne primordial, on est tout à fait d'accord avec ça. Cela dit, c'est dans l'application que tout reste à voir parce qu'il va falloir s'entendre sur l'opérationnalisation de ce principe-là. Il va falloir aider les intervenants dans l'appropriation du principe. Il va falloir avoir une compréhension commune, ce qui va peut-être passer par la formation du mentorat. Il va falloir soutenir les intervenants de terrain dans leur pratique clinique. Et, une chose très importante, il faudra que l'organisation des services fasse en sorte que l'opérationnalisation du principe soit aussi un intérêt premier des établissements. À l'article 6, on suggère un petit ajout, c'est-à-dire on mentionne que l'implication des parents doit toujours être favorisée et on suggère d'ajouter «à condition de ne pas contrevenir à l'intérêt premier de l'enfant». Donc, ce que ça veut dire, évidemment, c'est que, quand l'enfant a des liens significatifs avec ses parents, c'est dans son intérêt de les maintenir, mais il faut s'assurer que cette continuité de l'implication ne nuise pas à l'intérêt premier.

Ensuite, on vous amène aux enjeux de confidentialité. Alors, on est tout à fait d'accord avec la nécessité d'une circulation plus fluide de l'information, quand c'est dans l'intérêt de l'enfant, pour assurer sa sécurité et son développement. Donc, on a besoin d'avoir les leviers nécessaires. Et la confidentialité, pour nous, n'est pas une valeur absolue. Mais bien qu'on comprenne l'intention de vouloir rendre les choses plus fluides, on a quand même certaines préoccupations, notamment aux articles 6 et 21 du projet de loi.

Alors, commençons par l'article 6. On a ajouté une clause interprétative qui risque d'engendrer une certaine confusion, à notre avis. C'est-à-dire qu'on doit déjà divulguer les situations problématiques. On comprend que ça se fait souvent à géométrie variable et que les intervenants, les professionnels ont une interprétation restrictive de la divulgation. Mais le correctif risque d'augmenter la confusion. Parce qu'ici on demande aux professionnels d'interpréter une loi, et c'est très différent d'interpréter une loi, ce n'est pas du tout équivalent à porter un jugement clinique quant à l'intérêt de l'enfant ou à sa protection. Alors, pour, justement, éviter toute confusion, il vaudrait beaucoup mieux baliser, donc donner un cadre de référence, donner des balises de pratique, indiquer les situations où il convient de divulguer que de demander aux professionnels d'interpréter, donc, de manière à favoriser la communication.

Ensuite, à l'article 21, donc, on veut élargir l'obligation de communiquer les renseignements au Directeur de la protection de la jeunesse. Et actuellement, ce qui s'applique aux établissements du réseau de la santé et des services sociaux, on veut l'élargir à tous les organismes et aux cabinets de professionnels. Donc, on comprend que ça peut concerner un renseignement pour l'enfant, sur un des parents ou sur une autre personne et que la Direction de la protection de la jeunesse pourrait entrer en tout temps, s'il y avait urgence, pour prendre connaissance du dossier. On s'est questionné sur les motifs de cet élargissement-là, sur qu'est ce qui cause problème pour qu'on veuille élargir, bien qu'on comprenne la nécessité de la fluidité. Et, s'il y avait un élargissement aux cabinets privés de professionnels, par exemple, ou à d'autres organisations, il faudrait vraiment se pencher puis réfléchir aux méfaits potentiels que ça pourrait engendrer, donc, on peut imaginer plusieurs exemples. Mais il faudrait s'assurer, ici, que le milieu ne devient pas l'ennemi du bien.

Sur l'accompagnement jusqu'à majorité, écoutez, on partage ce que d'autres vous ont dit, c'est-à-dire que, d'abord, 18 ans, c'est jeune, et les jeunes qui sont sous la protection de la jeunesse sont moins outillés, plus carencés, souvent moins outillés pour faire face...

Mme Grou (Christine) :...la vie adulte, et ce qu'on souhaite, c'est qu'on évite une rupture trop brutale puis trop précoce, donc, dans les services de protection, éviter aussi une rupture du lien de confiance. À 17 ans, avoir une seule rencontre, si l'enfant consent, avec un prestataire de services qui demeure encore à définir parce qu'on ne sait pas nécessairement c'est qui, c'est périlleux. Alors, on est d'avis que le passage de la vie adulte, ça ne se passe pas nécessairement dans la 18e année, mais plutôt entre la 18ème et la 25ème année, et que donc, il faudrait peut-être aller plus loin dans l'accompagnement des jeunes pour leur offrir du soutien.

Évidemment, sur le directeur national et sur le Forum des directeurs, on salue l'intention. Encore une fois, c'est une excellente mesure. Mais nous espérons que ses responsabilités lui permettront de rester à l'affût de la réalité des intervenants, de soutenir les pratiques, de répondre aussi aux défis de l'accessibilité compétente et de la qualité, de la continuité, de la stabilité des services. En 2019, on avait mentionné qu'il fallait s'assurer que les conditions d'exercice permettent une offre de services de qualité, qu'il fallait favoriser une continuité essentielle au développement du lien de l'attachement, qu'il fallait s'assurer aussi que les professionnels aient une formation puis le soutien clinique nécessaire. Alors, sur la direction et sur le forum, c'est une excellente chose parce que cela va permettre d'harmoniser les pratiques, ça va permettre aussi d'assurer la mise en œuvre des perspectives et des orientations. Mais on souhaite que les réalités ou les particularités, évidemment, de chacun soient tenues en compte. On souhaite surtout que le forum puisse aussi assurer du soutien aux intervenants terrain.

Alors, on souhaite, en fait, que ce soit une mesure qui ne soit pas uniquement top down, pour m'exprimer en bon français, mais qui soit vraiment à deux sens, c'est-à-dire que le terrain puisse remonter au Forum des directeurs et aux directeurs de la protection de la jeunesse, tous les problèmes qui peuvent être rencontrés pour s'assurer que les jeunes ont ce qu'il faut pour assurer leur protection.

• (17 heures) •

En conclusion, donc, il y a beaucoup de pain sur la planche encore qui nous reste collectivement à faire pour protéger, puis pour assurer... pour améliorer la vie des jeunes, pour les protéger, pour assurer leur sécurité. La loi traduit vraiment une intention de mieux faire. Il faut voir maintenant comment cette loi-là va se traduire auprès d'eux, nos jeunes, nos enfants. Et je pense qu'il faut considérer qu'une loi seule ne pourra pas changer la qualité de vie de ses enfants puis de ces adolescents-là. Il y a tout un défi d'opérationnalisation auquel on va offrir toute notre collaboration. Parce que c'est un défi qui n'est pas seulement celui de la Direction de la protection de la jeunesse, mais c'est un défi qui est sociétal, collectif et qui nous concerne, nous comme ordre professionnel. Il est aussi impératif d'assurer l'accessibilité à l'ensemble des services requis, à l'ensemble des services requis, la qualité et la continuité des suivis, la qualité des liens qu'ils apprendront à développer et la priorisation d'un développement harmonieux afin de les amener à une vie heureuse et à une pleine autonomie. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, madame la présidente, pour cet exposé. Nous allons maintenant initier la période d'échange avec Monsieur le ministre. M. le ministre, je vous cède la parole.

M. Carmant : Merci, Monsieur le Président. Bonjour, Dre Grou, Dre Marleau, très content de vous voir, c'est toujours un plaisir.

Une voix : Bonjour, Dr Carmant.

M. Carmant : Bonjour. Puis, Isabelle, je ne dirais pas qu'on a déjà travaillé ensemble, mais quand même. Je ne peux pas m'empêcher.

Mme Marleau (Isabelle) :C'était un plaisir, je dois le dire.

M. Carmant : Parce que le premier point, justement la clarification sur le temps. Le neurologue en moi est tout à fait d'accord avec vous, mais je ne sais pas si, au niveau des juristes, là, est-ce que ça complique un peu la compréhension de l'article. Donc je pense qu'il va falloir regarder ça d'un peu plus près, mais l'intention, je la comprends tout à fait, puis je pense que le point est bien pris.

Un point qui est important puis qu'on n'a pas beaucoup parlé, puis j'ai entendu certains DPJ le mentionner. J'ai demandé il y a deux ans, là, quand on a commencé tout le processus, une des choses que j'ai demandées, c'est que l'accès aux services professionnels pour les enfants et les parents soit prévu dans les 30 jours lorsque demandé par la protection de la jeunesse. Puis, ça, ce n'est pas toujours bien reçu parce qu'il y en a qui disent : Bien, quelqu'un à la protection de la jeunesse peut avoir un problème moins urgent que quelqu'un qui n'y est pas. Mais moi, je suis convaincu que quand on regarde...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Carmant : ...du problème, là, c'est important. Certains m'ont mentionné: est ce que ça devrait être dans la loi, cet aspect-là? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Grou (Christine) :Je vais me permettre de répondre, puis je vais céder la parole au docteur Marleau. Je pense qu'en fait, pour un enfant, le passage du temps a des effets dramatiques, c'est-à-dire que, si on n'intervient pas en temps opportun, ça peut avoir des conséquences importantes. D'où la notion du temps, c'est là que le temps est important pour un enfant. Mais cela dit, c'est évident que tous les enfants n'ont pas nécessairement le même niveau d'urgence, mais... et ça, ça demande une bonne évaluation. Mais je veux juste qu'on fasse attention quand on parle de donner un service dans les 30 jours parce qu'il ne faudrait pas non plus aller vers toutes sortes de stratégies pour s'assurer qu'on a un premier appel téléphonique à l'intérieur de 30 jours, mais qu'on ne donne pas nécessairement le service requis. Et, ce que ça veut dire, c'est que si, par exemple, un enfant a besoin de parler à un travailleur social, qu'il puisse parler à un travailleur social, s'il a besoin et psychoéducateur, que ça puisse être psychoéducateur, s'il a besoin d'un psychologue, que ce soit un psychologue, mais que ce soit au-delà d'un premier appel pour qu'il disparaisse d'une liste d'attente virtuelle. Peut-être, docteur Marleau, vous avez autre chose à dire là dessus?

Mme Marleau (Isabelle) :Je pense qu'effectivement, un panier de services, c'est absolument essentiel. Et, en fait, on pourrait aussi insister sur des pratiques collaboratives puis de l'interdisciplinarité, parce que l'ensemble des professionnels et puis des intervenants peuvent offrir, là, un premier service. Puis, parfois, l'intensité de service, comme on en voit dans d'autres domaines, il y a des intensités de services qui, comme vous le mentionnez, là, peuvent être distincts selon les problématiques, et là, à ce moment-là, on offre le bon service à la bonne personne au bon moment, puis c'est ce qu'on souhaite.

Mme Grou (Christine) :Mais je pense que ce qu'on souhaite aussi, puis j'ajouterais: je pense que ce n'est pas juste souhaitable d'offrir un service, mais vraiment d'offrir le bon service, d'offrir le service dont l'enfant a besoin à ce moment-là,

M. Carmant : Oui. Puis je suis bien conscient, puis très intolérant face aux techniques, là, que vous mentionnez, là. Tu sais, on s'assure que ce ne soit pas le cas. Au niveau de la formation puis du forum, je pense, c'est super important l'harmonisation des pratiques, de la connaissance, tout ça. Comment vous voyez le rôle de la directrice nationale de la protection de la jeunesse là-dedans? Et aussi le rôle de l'Ordre, qui... Tu sais, comment vous vous voyez positionné par rapport à ça?

Mme Grou (Christine) :Bien, moi, je la vois comme un rôle partagé, c'est-à-dire que je pense qu'il devrait y avoir une obligation de formation des intervenants, mais en même temps une offre de formation... Puis ça, c'est très important, si on veut garder une vraie interdisciplinarité puis une richesse des pratiques au profit de l'enfant, il faut aussi assurer une formation spécifique à chaque type de profession. Donc, il faut y avoir un tronc commun, mais il faut y avoir aussi de la formation pour chaque professionnel. Puis, cela dit, je pense que dans un contexte où on réfléchirait les besoins de formation ensemble, les ordres pourraient faire tout un travail de formation de leurs membres. Mais je pense qu'il faut que l'ensemble des intervenants, puis quand je dis l'ensemble des intervenants, c'est aussi le forum des directeurs puis c'est aussi les directeurs, soient formés à certaines réalités cliniques, aux enjeux développementaux, notamment, aux enjeux de l'attachement qui sont fondamentaux pour qu'un enfant puisse se construire.

Mme Marleau (Isabelle) :Absolument. Puis, quand on parle de formation, on parle aussi de supervision, de consultation entre pairs. On pourrait bonifier aussi dans la... En fait, les intervenants sur le terrain nous mentionnent ces besoins-là dans le contexte des populations qui sont très difficiles à desservir. C'est un travail émotionnellement intense, donc le soutien des pairs, là, p-a-i-r-s est extrêmement important. Alors, il pourrait y avoir des programmes où on valorise les professionnels ou les intervenants seniors qui pourraient avoir dans leur dans leur mandat ou tâche, là, de former les juniors. Ça pourrait faire partie, là, de la formation de base qui serait offerte.

Mme Grou (Christine) :Oui. Puis, vous savez, j'ajouterais que, concrètement, ce n'est simple pour un jeune professionnel qui commence, parce que, moi, je pense juste à la notion de l'intérêt de l'enfant, puis je peux imaginer des lieux où l'enfant même a des intérêts en conflit, c'est à dire, parfois, il y a un lien d'attachement avec une personne qui ne répond pas à ses besoins et développementaux. Plus là quel intérêt on va prioriser? Et tout ça, justement, peut se résoudre en parlant à quelqu'un de plus senior ou à quelqu'un qui a déjà...

Mme Grou (Christine) : ...réfléchi. Donc, le soutien, la formation, la supervision doit prendre plusieurs formes, puis je pense qu'il ne faut pas lésiner là-dessus.

M. Carmant : Superbien, bien, bien entendu. Dernière petite question, là, pour moi, avant que je passe la parole à d'autres députés. Il y aurait la problématique de la confidentialité. Les autres ordres aussi ont exprimé, là, peut-être, je dirais, un certain inconfort ou... Est-ce qu'on va trop loin? Comment vous vous positionnez? Tu sais, je veux dire, on ne veut pas rentrer dans les bureaux puis s'en aller avec les dossiers, là, ce n'est pas ça, l'idée. L'idée, c'est vraiment d'aller chercher le plus d'informations possible. Par exemple, à l'hôpital, si c'est le neurologue ou le médecin qui fait le signalement, bien, tu sais, ça va être la seule personne qui va entrer en contact avec la DPJ. Tu sais, nous, c'est vraiment élargir le bassin d'informations le plus possible.

Mme Grou (Christine) : Mais, ça, on comprend très bien. Ce qu'on s'est demandé, c'est quel était le problème qu'on voulait régler. Puis, en fait, on craint toujours, dans un contexte comme ça, les dérives, hein, ou un retour trop grand du balancier. Donc, on s'est demandé : Est-ce qu'il y a un problème à régler? Parce que les professionnels ont déjà une obligation de divulgation. Donc, qu'est-ce qui fait qu'on veut aller aux cabinets privés? Puis on s'est mis à penser à plusieurs situations où ça pourrait être risqué de voir quelqu'un venir voir le dossier ou de voir une information partagée, puis je pourrais donner certains exemples. Mais prenez juste pour exemple l'adolescent qui est ambivalent par rapport à sa famille d'accueil, qui dit, par exemple, à son psychologue vouloir la quitter. Bon. Puis l'adolescent a 15 ans, il veut la quitter, mais il est ambivalent, il n'est pas certain, puis etc. Ça se retrouve au dossier, puis finalement ça finit par aller aux yeux ou aux oreilles de la famille en question, qui confronte l'adolescent. Mais qu'est-ce qui arrive? L'adolescent, il risque de perdre un lien avec la famille d'accueil, mais il risque aussi de perdre son lien de confiance avec le professionnel à qui il l'a confié, puis heureusement qu'il pouvait le confier.

• (17 h 10) •

Et prenons un exemple encore plus probant, pour moi, de la mère qui a un enfant qui a des problèmes de santé, puis ça, vous avez connu ça, Dr Carmant, des problèmes neurodéveloppementaux majeurs avec des problèmes de santé majeurs. Et l'enfant se voit avec la mère qui est épuisée, et la mère confie... a le réflexe de consulter, confie à son psychologue, par exemple, qu'il y a des journées où elle s'imagine son enfant mort parce qu'elle a besoin d'un répit, parce qu'elle ne respire jamais puis parce qu'elle est plus capable de voir les souffrances de son enfant. Le fait de le dire à quelqu'un, de le confier à quelqu'un est définitivement un facteur de protection parce qu'on va pouvoir examiner les mécanismes à mettre en place, justement, pour protéger la mère et son enfant. Mais, si cette information-là risquait de faire en sorte qu'elle se voit retirer son enfant, elle ne le dira pas puis elle n'aura pas d'aide. Donc, c'est pour ça qu'on peut imaginer l'envers de la médaille. Et on s'est demandé quel problème veut-on régler pour élargir ce bris de confidentialité. Mais encore là, je le répète, la confidentialité n'est pas une valeur absolue pour nous. Il faut juste le réfléchir.

M. Carmant : Parfait. Oui, tout à fait. Puis mieux le baliser, là, je comprends. Je pense que l'exemple était bien choisi. Monsieur le Président, je passerai la parole au député de Lac-Saint-Jean, s'il vous plaît.

Le Président (M. Provençal) : Oui, avec plaisir. Monsieur le député. Il reste, à titre informatif, cinq minutes.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, monsieur le Président. Bonjour, Dre Grou, Dre Marleau. Écoutez, je ne suis pas un spécialiste autant que vous, autant que mes collègues en la matière, mais c'est quelque chose qui vient me chercher et qui me touche quand même particulièrement. Et moi, j'aimerais ça peut-être revenir au niveau de la notion du temps. On a entendu la Fédération des familles d'accueil qui en a parlé beaucoup, la notion du temps, puis dans un contexte toujours de cas exceptionnels, là, c'est quand même bien de le mentionner. Et est-ce que les délais sont parfois trop longs? Parce qu'elle mentionnait que, dans la vie d'un enfant de 10 jours ou de 6 mois, c'est toute une vie, hein? Donc, j'aimerais vous entendre un peu là-dessus. Je sais que c'est difficile aussi parce qu'on vient faire un lien avec l'article 91 aussi, dans tout ça, mais j'aimerais vous entendre là-dessus, au niveau... plus en profondeur, au niveau de la notion du temps. Est-ce que c'est trop long quand on parle de cas exceptionnels? Et qu'est-ce qu'on pourrait faire pour améliorer ces délais de temps?

Mme Grou (Christine) : Alors, cette fois-ci, je vais demander au Dre Marleau de commencer.

Mme Marleau (Isabelle) : Écoutez, on est absolument d'accord avec ce que vous dites...

Mme Marleau (Isabelle) : ...que c'est une... Quand on parle d'un week-end pour un jeune enfant d'un an, bien, un week-end, c'est deux jours sur 365 et c'est... on peut presque le calculer ou se faire une image de cet ordre-là, donc... Et les capacités aussi de s'ajuster pendant ces périodes-là sont également... ne sont pas autant développés, là, chez des très jeunes enfants. Donc, effectivement, il y a possibilité que, dans des cas plus extrêmes, effectivement, oui, on pourrait dire que c'est trop long, dépendamment de ce qu'on entend par trop long, et il faut agir.

Mme Grou (Christine) : Non, mais l'exemple que je pourrais peut être vous donner, c'est que, quand on a des petits enfants, et, bon, j'ai eu des petits enfants, ils ont déjà été petits, à un moment donné, on compte en nombre de dodos parce que c'est une notion de temps significatif. Puis un dodo pour un enfant, là, c'est interminable. Un enfant qui a peur, un enfant qui a mal, je veux dire, il n'a pas développé, en dedans de lui, les ressources dont il a besoin pour se contenir. Il a besoin d'avoir un adulte significatif, rassurant, qui va le contenir. Un enfant qui est pris avec une problématique, par exemple, parce qu'il ne veut pas aller à la maternelle, ce n'est pas dans deux jours puis dans trois jours qu'il va avoir besoin de soutien, c'est maintenant.

Et pour un enfant, vous comprenez que l'enfant n'a pas un cerveau mature, donc un problème qui nous semble petit peut être la fin du monde pour un enfant, c'est son monde qui s'écroule, et c'est ça qu'il ne faut pas perdre de vue. Parce que, si on veut que sa sécurité affective se construise, si on veut que sa sécurité psychique se construise puis si on veut assurer sa sécurité physique... Vous savez pertinemment, comme moi, qu'un nourrisson, je veux dire, vous le laissez dénutri, puis écoutez, sa vie va en dépendre.

Alors, c'est dans ce sens-là que la notion du temps est déterminante parce... Puis ce n'est vraiment pas juste parce que le temps est différent pour l'enfant et pour l'adulte, c'est parce que d'attendre, donc, d'attendre une semaine, quand la sécurité d'un enfant est compromise, quand il est mort de peur, quand il y a des... quand il est convaincu, par exemple, que sa vie dépend de quelque chose, il n'y a personne pour le rassurer, je veux dire, c'est déterminant. Et c'est beaucoup plus dommageable, c'est beaucoup plus préjudiciable que si ça se passe dans la vie d'un adulte qui y a quand même une maturité, et un recul, et une capacité, donc, de trouver des ressources ou d'aller les trouver ailleurs.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : ...c'est tout pour moi, monsieur le président.

Le Président (M. Provençal) : Il reste une minute, si la députée de Lotbinière-Frontenac veut formuler.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Bonjour, mesdames. Tout à l'heure, vous en avez parlé brièvement, là, de l'importance d'offrir aux jeunes un continuum de services. J'aimerais que vous précisiez qu'est ce que vous entendez par ça puis comment vous voyez ça, s'il vous plaît.

Mme Grou (Christine) : Mais, quand on parle d'un continuum de services, on parlait de la transition à la vie adulte, hein, parce que, quand il arrive à 18 ans, à un moment donné, tout le cadre et les liens qui a pu développer, puis souvent, ce n'est pas facile de développer des liens, donc ça va se terminer, et c'est très jeune. Puis je vais même vous dire, 17 ans, là, il y a beaucoup de jeunes qui veulent juste avoir les coudées franches, qui veulent voler de leurs propres ailes, ils ne voient pas la pertinence des services, ils n'ont pas encore eu à se trouver un logement, ils n'ont pas encore eu à gagner des sous, ils n'ont pas encore eu à assurer leur autonomie puis à remplir leur frigo. Quand ils vont devoir faire tout ça, la vie devient pas mal plus difficile. Peut être qu'ils vont avoir besoin d'aide, peut être qu'ils vont développer des problèmes d'anxiété, peut être qu'ils vont développer des difficultés d'adaptation, et là ils ne sauront pas où aller chercher ni l'aide ni les services puis ils n'auront plus de liens significatifs pour être capable de les orienter. Et c'est dans ce sens-là qu'on trouve que la transition entre 18 et 20 quelques années... puis, bon, à vous de déterminer le moment, mais ce qu'on dit, c'est que le passage à l'âge adulte, je comprends qu'à 18 ans on peut aller voter puis on peut rentrer dans un bar, mais ça ne fait pas de nous des adultes accomplis. Et les jeunes qui sont sous la protection de la jeunesse ont des besoins... d'abord, ils ont souvent moins d'adultes significatifs autour d'eux, ils ont moins de références, ils ont encore plus besoin d'accompagnement puis d'être capable d'avoir des références stables dans le temps pour les accompagner dans ce passage-là qui ne sera pas finalisé parce qu'ils atteignent leur majorité, leur majorité légale.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Merci.

Le Président (M. Provençal) :  Nous allons maintenant...

Le Président (M. Provençal) : ...madame la députée de Notre-Dame-de-Grâce pour 10 min 10 s

Mme Weil : Merci, M. le Président. Bonjour, docteur Grou, docteur Marleau. C'est vraiment intéressant de vous entendre, parce que vous amenez des nuances dans des mots, des expressions qu'on utilise presque depuis deux ans, là. Et tout le monde a absorbé ces expressions : notion de temps, le temps de l'enfant, l'intérêt de l'enfant, mais chacun peut avoir sa compréhension. Alors, vous amener des précisions qui font en sorte que, O.K., on comprend de quoi on parle. Alors, si on revient sur votre précision. L'article, donc, c'est l'article 16 du projet de loi 15 : «agir avec diligence pour assurer la protection de l'enfant compte tenu-donc, vous êtes beaucoup plus précis que la notion de temps-de l'impact-c'est ça qu'on cherche-dont l'impact chez l'enfant du temps qui passe sans prendre action.» Donc, les conséquences sur son développement, l'anxiété que l'enfant pourrait développer, des séquelles qui ne pourront pas être récupérées, là. Vous le voyez vraiment comme comme des psychologues, et c'est... En fait, c'était l'objectif de cette notion de temps, mais c'est la première fois, je pense, qu'on l'entend aussi précisé comme ça. Alors, merci. Est-ce que vous avez un rajout?

Mme Grou (Christine) : Non, je vous laisse continuer. Je pense que vous avez très bien saisi.

• (17 h 20) •

Mme Weil : Et donc ensuite, encore une fois, la primauté de l'intérêt de l'enfant, donc, stipule que l'implication des parents doit toujours être favorisée. Vous, vous dites : Attention au «toujours», là, le «toujours» et sans nuance, ça fait comme l'absolue. Alors, tout ça va vraiment alimenter notre réflexion. Je voulais peut-être vous amener, parce que ma collègue aura aussi des questions, l'accompagnement, la majorité. On en a beaucoup parlé et je pense qu'il y a vraiment un consensus d'aller plus loin, parce qu'on a... certains, on a des petits enfants, donc on a eu des enfants qui avaient 18, 19, 20 ans, 21 ans. On les a accompagnés jusqu'à leur baccalauréat, juste, bon... leurs études, toujours là comme conseil, bon, et donc ça donne, évidemment, confiance, hein, aux enfants, et ces gens-là sont tellement importants. Et c'est de voir... de vous entendre là-dessus. Et d'un point de vue d'expertise psychologique, c'est : Qu'est-ce que ça peut faire d'amener cet appui? Surtout des jeunes plus vulnérables avec l'expérience de vie qu'ils ont eue, et peut-être qu'ils n'ont pas eu tellement de personnes dans leur vie en qui ils pouvaient vraiment avoir confiance. Et là on avait le regroupement des familles d'accueil qui disaient : Nous, on pourrait jouer un rôle important de 18 à 21 ans, parce qu'on a déjà une relation de confiance. Il dit : on a des gens qui reviennent nous voir à 40 ans, 50 ans, donc... Bon, c'est un peu l'histoire, et c'est intéressant, c'est la première fois que j'entends ça comme solution. J'aimerais vous entendre sur comment vous voyez ça, ces âges-là 18, 19, 20 ans, des gens qui sont quand même assez vulnérables

Mme Grou (Christine) : Pour moi l'âge de 18, 19, 20 ans, ce n'est pas, en termes de maturation cérébrale, et là c'est la neuropsychologue qui parle, là, ce n'est pas l'âge adulte, c'est à dire ce n'est pas le moment où le cerveau a fini sa maturation. Donc, au niveau de ce qu'on appelle les fonctions exécutives, la capacité de s'organiser, de planifier, d'anticiper les conséquences de ses actions, d'avoir une flexibilité qui permet de voir un ensemble de solutions à des difficultés, de savoir où aller chercher, donc, les références, d'être en rapport avec les institutions, par ailleurs, hein, d'aller chercher un permis de conduire, de faire une transaction bancaire, d'aller contracter... bref, quoi que ce soit, on sait à quel point les jeunes peuvent avoir besoin de conseils. Puis on sait aussi qu'avant 24 ans, il y a un bon nombre d'hospitalisations en santé mentale, c'est-à-dire qu'on sait qu'il y a une fragilité des jeunes quand ils ne sont pas bien pris en charge, et je pense qu'il faut faire attention à ça. Puis on sait aussi que les jeunes qui sont sous la protection de la jeunesse sont encore plus vulnérables. Alors donc, ça a été tellement difficile pour eux de développer des liens significatifs, ils sont tellement plus à risque d'avoir des problèmes de confiance en eux puis des problèmes d'estime d'eux-mêmes, je pense qu'il faut continuer à les aider à se construire. C'est comme si on les a amenés jusqu'à majorité, et là on les amène au bord d'une piscine, puis on a le choix entre les pousser jusqu'à l'autre côté de la rive ou encore les laisser tomber dedans. Peut être qu'il y en a qui vont nager et peut être une bonne proportion, mais il y en a qui vont se noyer. Puis je pense que c'est ça qu'il faut éviter. Je ne sais pas si, docteur Marleau, vous voulez ajouter quoi que ce soit.

Mme Marleau (Isabelle) : Oui. En fait, parce qu'entre 18 et 25 ans, puis on peut très bien le lire, là, dans le rapport Laurent, hein, il y a beaucoup de statistiques où on voit qu'il y a beaucoup de troubles de santé mentale...

Mme Marleau (Isabelle) : ...Se cristalliser et puis... Durant cette période-là. Donc, ça s'ajoute aux vulnérabilités ou à toutes les vulnérabilités qui se sont potentiellement accumulées ou tous les traumas que ces jeunes-là ont dû... auxquels ils ont dû faire face. Puis c'est... Je voudrais faire écho, là, à ce que... Je crois que c'était à Mme Laurent qui parlait de l'apprentissage de la citoyenneté, hein, alors c'est effectivement durant cette période-là et c'est extrêmement important. Et on est en train de laisser ces jeunes-là à eux-mêmes alors qu'ils sont dans cette période là, où ils font cet apprentissage-là, qui est absolument essentiel, là, pour...

Mme Grou (Christine) : Puis, tu sais, il faut ajouter que c'est l'apprentissage d'être capable d'avoir une éducation, d'avoir accès à des qualifications professionnelles, d'avoir un appartement, de garder un appartement, d'avoir un emploi, de garder un emploi. C'est l'apprentissage aussi de la vie de couple, de la parentalité pour certains. Donc, on veut les aider à construire ça. On veut vraiment, je pense, en tout cas, je souhaite les aider à vraiment aller vers la vie adulte, mais une vie adulte pleine et entière.

Mme Weil : Merci, merci beaucoup.

Une voix : ...

Le Président (M. Provençal) : ...minutes. Mme la députée.

Mme Robitaille : Merci, mesdames. C'est extrêmement intéressant et c'est extrêmement pertinent. Puis Merci de parler de l'importance de suivre ces jeunes-là, d'entre 18 et 21 ans, de suivre, justement, de s'assurer... puis 'il faut le faire, il faut essayer de trouver une façon, j'espère, avec le ministre, de s'assurer d'une transition pour ces jeunes-là. Je veux juste vous dire, je suis sur la députée de Bourassa-Sauvé, c'est Montréal-Nord. Et il y a d'énormes problèmes de marginalisation de ces jeunes-là qui sont, des fois, dans la délinquance. Et si on avait un soutien, un soutien, peu importe, ou s'ils pouvaient rester dans leur famille d'accueil, évidemment, ça ferait une énorme différence. Je pense aussi à France Labelle, la directrice du Refuge des jeunes à Montréal, qui en accueille, des jeunes qui ont entre 18 et 21 ans, là, et c'est extrêmement problématique. Puis on le voit plus puis c'est une nécessité, alors, merci, merci de nous dire ça et de nous le rappeler.

Je voulais, moi, revenir sur la question de la confidentialité. Il y a, vous le dites, il y a tout ce qui est renseignement, là, tout ce qui est confidence dans une séance de psychothérapie. Il y a ça. Mais on parlait aussi, ce matin à la Fédération québécoise des directions d'établissement scolaire, qui nous disait, par contre, il y a de l'information qui ne circule pas, il y a... Et quand on parle d'élargir ce qui est confidentiel, c'est aussi, évidemment, les rapports ou le plan d'intervention de la DPJ, qui devraient être mieux communiqués aux écoles, par exemple, de façon plus rapide, plus efficace. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

Mme Grou (Christine) : Honnêtement, moi, j'aurais tendance à vous dire Il faudrait se demander quelle information devrait être à communiquer et qu'est ce qui est pertinent de communiquer. Parce que quand on transfère l'information à une école, par exemple au niveau du plan d'intervention, il y a énormément d'informations sensibles. Puis, à certains moments, il y a une information qui n'est même pas à la portée du jeune. Donc, il faut faire attention à qui on... Qui va avoir accès à cette information-là et quelle est l'information qu'on diffuse, est-ce qu'elle est pertinente. Puis ce qu'on veut, dans le fond, c'est que ce soit une information... C'est que ce soit nécessaire, que ce soit pertinent, que ce soit efficace, donc est-ce que c'est nécessaire à la protection de l'enfant et est-ce que ça va être efficace pour qu'on puisse le protéger. Et toute information ne sera pas nécessairement ni nécessaire ni efficace. Je vous dirais même qu'il y a des situations où ça sera peut-être le contraire.

Alors, je pense que, moi, je ne suis pas du tout contre, on n'est pas contre la transmission de l'information. Il faut juste ne pas ouvrir un buffet à la carte puis dire : Qu'est-ce que... réfléchissons sur comment transmettre, quoi transmettre et comment surtout ne pas créer de préjudice. Et je reviendrais peut-être à ce que vous avez dit, d'entrée de jeu, c'est-à-dire que quand vous dites que c'est... bon, en fait, que nous vous avons rappelé l'importance d'assurer le suivi entre 18 et 25 ans. Je veux juste revenir sur le fait que, oui, c'est important, mais ce n'est pas la seule chose importante. Parce qu'il faut quand même qu'avant 18 ans, on leur ait aussi donné accès à tous les services dont ils ont besoin. Parce que s'ils n'ont pas ça, tu sais, c'est une continuité, dans le fond, hein, et s'ils n'ont pas...

Mme Grou (Christine) :...entre 0 et 18 ans, bien, on va arriver tard dans le processus. Et s'ils ont tout ça puis qu'on ne donne pas le 18 à 20 quelques années, bien, malheureusement on risque de compromettre encore une fois le processus, alors c'est vraiment une continuité.

Le Président (M. Provençal) :Merci. Merci beaucoup.

Mme Robitaille : ...

Le Président (M. Provençal) :Je m'excuse. Alors, même si l'échange était très intéressant. Alors, on va continuer cet échange avec le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci beaucoup. Sur la question de la confidentialité, là, si je comprends bien votre position, c'est : ne soyez pas flou en remettant ça, au fond, au jugement professionnel de chaque intervenant, parce que c'est une patate chaude, puis aussi ça peut mener à des abus, dans le sens que ça peut amener à un mauvais jugement puis à trop de divulgation d'informations.

Mme Grou (Christine) :Bien, en fait, ce qu'on dit, c'est que les intervenants ont déjà l'obligation de divulguer une information quand que la sécurité de l'enfant est compromise, O.K, donc il y a déjà cette obligation-là. Et là on veut élargir ça, c'est-à-dire qu'on veut que la Direction de la protection de la jeunesse puisse outre les organisations du réseau de la santé et des services sociaux, aller dans les autres organisations et aller dans les cabinets pour aller chercher l'information lorsqu'il juge que l'intérêt de l'enfant est compromis ou encore que son bien être est compromis. Puis on n'a pas parlé du mot «bien être» qui jette aussi une confusion parce que le bien être, c'est large. Et donc c'est là où on se demande : Mais qu'est-ce qui pose problème pour qu'on veuille élargir, et est-ce qu'on ne va pas finalement... Et là, je le répète, notre position, c'est que la confidentialité n'est pas une valeur absolue, mais en même temps, quand on veut lever la confidentialité, il faut savoir pourquoi on le fait. Et là ce qu'on dit c'est : Mais pourquoi on veut élargir? On n'est pas contre du tout, mais si on élargit, il va falloir baliser, paramétrer pour ne pas causer un préjudice plus grand que le problème qu'on essaierait de régler.

• (17 h 30) •

M. Zanetti : Parce que pour reprendre, disons, faire de l'extrapolation sur un exemple que vous avez donné tantôt, si, par exemple, il y a un jeune qui témoigne à son psychologue qu'il a des idées suicidaires, par exemple. Bon là, vous, vous allez évaluer s'il faut que vous le disiez. Si vous pensez vraiment qu'il va passer à l'acte, là vous allez le dire. Si vous pensez que non, vous n'allez pas le dire. En même temps, si lui, l'enfant, il sait que vous allez le dire, s'il vous le dit, peut-être qu'il ne vous le dira pas puis qu'il va passer à l'acte direct, ça fait que ce n'est pas évident. Puis, moi, j'ai l'impression que si, dans la loi, on met une liste d'épicerie, des choses qui peuvent être dites ou doivent être dites, on risque d'en oublier ou d'en mettre peut- être trop, alors il va falloir des critères. À un moment donné, il va falloir que ces critères-là, si on parle de sécurité de l'enfant puis le bien être de l'enfant, nécessairement on ne peut pas passer à côté du fait que ça interpelle le jugement professionnel des intervenants. Où on trace la ligne? C'est... Je trouve ça compliqué.

Mme Grou (Christine) :Je pense qu'on ne peut pas aller aussi loin que ça à l'intérieur d'une loi. Mais cela dit, il faut réfléchir à pourquoi on veut élargir. Puis si on élargit, là il faut baliser puis paramétrer. Quand on parle du professionnel qui reçoit un jeune suicidaire dans son bureau, ce qu'il doit évaluer, c'est le risque de passage à l'acte, hein, c'est le risque de dangerosité. C'est ça qu'il doit évaluer. Et donc... Parce qu'il y a une différence entre un risque de passage à l'acte suicidaire, des velléités suicidaires, des idéations suicidaires. Il y a une différence entre quelqu'un qui a un plan, quelqu'un qui n'en a pas, quelqu'un qui a des idées, mais qui dit : Je ne ferai pas. Bon, ça fait la différence du monde.

Puis il y a un paquet de choses... Puis on parle de ça, mais on pourrait parler d'un jeune, par exemple, qui confie à un psychologue qu'il a des fantasmes, je ne sais pas, moi, sur sa sœur adoptive puis qui lui adresse ça. Bien, vaut mieux qu'il puisse adresser ça pour être capable de traiter ça puis pour être capable d'avoir des comportements adéquats. À partir du moment où il rentre dans le bureau... Puis là on parle d'un psychologue, mais ça peut être un autre professionnel. Il rentre dans un bureau, il y a un lien significatif avec quelqu'un, puis il ne peut pas en parler, bien là, on a muselé un ensemble de gens. Donc, que ce soit des parents épuisés qui voudraient avoir une pause ou qui ont peur de perdre les pédales avec leurs enfants puis à qui on peut donner des moyens puis des ressources. Donc, c'est sûr que quand il y a un danger, quand il y a une situation de compromission, l'obligation demeure. Mais quand on n'est pas là... Puis oui, le jugement clinique...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

Mme Grou (Christine) :...doit d'appliquer, et c'est très heureux que ça puisse s'appliquer, puis c'est ça qu'on doit baliser, nous, avec nos professionnels. Quand il n'y a pas une dangerosité immédiate, il vaut peut-être mieux laisser la personne parler pour que le traitement puisse être entrepris puis que, justement, on puisse l'amener à évoluer vers autre chose sans qu'il y ait passage à l'acte.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Nous allons terminer cet échange avec le député de René Lévesque.

M. Ouellet : Merci beaucoup, monsieur le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, mesdames. Je vais continuer sur la discussion que nous avons sur la confidentialité. Le regroupement des familles d'accueil nous ont fait comprendre ce matin qu'il est important pour eux, dans certains cas, d'avoir certaines informations pour permettre de comprendre dans quels comportements passés le jeune s'est retrouvé pour éviter comme familles d'accueil de répliquer des situations qui pourraient être traumatisantes ou, à la limite, là, qui pourraient causer colère et débordements.

Ce que j'entends dans votre mémoire, c'est que vous nous dites comme recommandation l'importance de produire et de diffuser des lignes directrices, justement pour baliser quels genres d'informations qui peuvent être transmis, mais surtout à qui et à quelle occasion. C'est bien ça qu'il faut comprendre?

Mme Grou (Christine) :C'est exactement ça qu'il faut comprendre, puis l'exemple de la famille d'accueil est un excellent exemple. Parce qu'écoutez, je suis tout à fait d'accord qu'une famille d'accueil a besoin d'avoir de l'information sur l'état de santé, sur les carences, sur un ensemble du vécu du jeune qu'ils vont accueillir, puis qu'ils doivent être partie prenante, de toute façon, des interventions, c'est essentiel. C'est essentiel à la compréhension et à la capacité des familles d'accueil d'investir ce jeune-là. Mais encore là, est-ce que ça veut dire que tout doit être dit, que tout doit être divulgué, que tout doit être diffusé? Et c'est là où on se questionne sur : est-ce qu'on doit vraiment ouvrir les livres ou plutôt paramétrer? On est d'avis qu'il faut paramétrer, puis réfléchir à quelle est la bonne information, quelle est la juste... et c'est la même chose dans une école. Vous avez un enfant qui a un trouble neurodéveloppemental, vous l'amenez dans une classe, il vaut mieux que l'enseignant sache ce qui en est de cet enfant-là. Mais quelles sont les informations qui doivent être dites? Qu'est-ce qui est pertinent au travail de l'enseignante ou à l'accueil de la famille? C'est la question qu'il faut se poser.

M. Ouellet : Est-ce que vous aller aussi loin dans le cas de jeunes qui sont bien conscients, là, c'est-à-dire qu'ils sont en âge de comprendre par où ils sont passés puis par où ils vont aller, de demander la permission de divulguer certaines informations, est-ce qu'on doit aller là, d'avoir l'autorisation du jeune en question? Je pense à un jeune peut-être de 13, 14, 15 ans, là, qui ne veut peut-être pas dire ce qui s'est passé parce que c'est un lourd bagage, puis il ne veut pas se faire juger, puis il est déjà passé au travers, puis il ne veut pas que cette histoire-là se réplique. Est-ce qu'on devrait aller jusqu'à demander l'autorisation dans certains cas? Vous nous dites : Par devoir de précaution, allons-y.

Mme Grou (Christine) :Ah! mais moi, je vais vous dire, dans le meilleur des mondes, puis je pense que ma collègue Marleau va vous dire la même chose, dans le meilleur des mondes, tu es psychologue, tu as un jeune de 15 ans en face de toi. Si tu es convaincu que c'est dans son intérêt de divulguer, il vaut mieux l'amener à le faire et donc vaut mieux... c'est parce qu'il faut comprendre que si on le fait sans l'avoir amené, sans l'avoir amené à cheminer sur les bienfaits de la divulgation, non seulement il va se rebiffer contre la famille qui va avoir une information qu'il ne veut pas donner, mais il va se rebiffer contre le professionnel avec lequel il a réussi à créer un lien significatif puis qui va le briser. Et on ne veut pas ça, alors que le professionnel est bien placé pour l'amener à adresser un problème, par exemple, ou même à divulguer une information qui va l'aider. Mais ça se travaille, ça, en thérapie, et si on va trop vite... Puis encore là, je ne parle pas des situations de danger. Je ne parle pas des situations où la sécurité est compromise parce que là, il faut de toute façon.

M. Ouellet : D'accord.

Mme Grou (Christine) :Mais dans toute autre situation, ça se travaille et c'est plus porteur.

M. Ouellet : J'ai encore du temps, M. le Président?

Le Président (M. Provençal) :Je vous permets une dernière question avec une réponse rapide.

M. Ouellet : Avez-vous des exemples, justement, d'informations qui ont été dites qui causeraient préjudice? Parce qu'on a eu cette discussion-là, on essaie d'obtenir le genre de comportements qui aurait été énoncé et qu'il n'aurait pas fallu parce que ça cause préjudice.

Mme Grou (Christine) :Bien oui, une enfant, par exemple, dont les parents auraient déjà mentionné à quelqu'un qu'ils ont déjà pensé à la placer, qui ne le savait pas. Puis, finalement, l'enfant l'apprend par quiconque, dans quelque milieu que ce soit, puis la personne ne le savait pas, puis elle dit : Ah! Mes parents ont déjà voulu me placer? Tu sais. Donc, un enfant qui aurait vécu des traumas et qui n'en aurait pas souvenir. Un jeune qui aurait besoin de ventiler tout son fiel...

Mme Grou (Christine) : ...quand tu es adolescent, de toute façon, il y a toujours des moments où tu détestes tous les adultes qui sont autour de toi et c'est normal même quand ils sont bienveillants, et tu as besoin de le dire. Donc, un jeune qui verrait ça diffusé à la personne contre qui il en avait, puis qui verrait la personne revenir avec lui en disant : Bien, tu as dit tout ça de moi, tu sais, tu as dit tout ça. Ça pourrait être très préjudiciable pour la relation. Mais des exemples comme ça, il y en a plusieurs, donc, c'est... puis Dre Marleau en a certainement des tonnes aussi.

Le Président (M. Provençal) : Malheureusement, il ne nous restera plus de temps pour écouter le Dre Marleau. Alors, je tiens à vous remercier, Dre Marleau et Dre Grou, là, pour votre contribution puis votre collaboration et votre présence à nos travaux. Je vous souhaite une belle fin de journée. Nous allons suspendre les travaux pour faire place au prochain groupe. Merci beaucoup, mesdames.

Mme Grou (Christine) : Bonne fin de commission. Merci.

Le Président (M. Provençal) : Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 39)

(Reprise à 17 h 46)

Le Président (M. Provençal) :Nous reprenons nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue à M. Camil Bouchard, ex-président du Groupe de travail pour les jeunes, Un Québec fou de ses enfants. Alors, je vous rappelle que vous aurez 10 minutes pour votre exposé, et par la suite nous aurons nos échanges avec les membres de la commission. Je vous cède maintenant la parole.

M. Bouchard (Camil) : Merci bien, merci, M. le Président. Bonsoir, tout le monde. Je sais que vous avez eu une longue journée. J'essaierai d'être le plus clair possible... (panne de son) ...enfin le pouvoir aux enfants, c'est comme... j'ai l'impression que c'est ça, l'objectif du projet de loi n° 15. Dans tous les cas, le principe premier, le principe porteur du projet de loi, c'est l'intérêt de l'enfant, et l'intérêt de l'enfant, dans le fond, c'est son pouvoir ultime, hein? C'est le seul qui doit prévaloir dans toutes les décisions qui sont prises en fonction de cette loi-là.

Les intervenants sociaux puis les juristes et journalistes ont dû trop longtemps, selon moi, composer avec une lourde ambiguïté. À l'article 3 de la Loi de la protection de la jeunesse, on affirme, et je cite, que «les décisions prises en vertu de la présente loi doivent l'être dans l'intérêt de l'enfant et dans le respect de ses droits». Fort bien, mais en contrepartie, à l'article 4, on affirme avec autant de force que, et je cite, «toute décision prise en vertu de la présente loi doit tendre à maintenir l'enfant dans son milieu familial». Cela laisse sous-entendre que maintenir ce lien serait de facto dans l'intérêt de l'enfant. Il fallait donc faire la démonstration, selon cette interprétation, que le retrait de l'enfant de sa famille était dans son intérêt.

Le fardeau de la démonstration est désormais renversé dans l'énoncé suivant du projet de loi n° 15. Je cite : «Toute décision prise en vertu de la présente loi doit viser la continuité des soins et la stabilité des liens d'un enfant et des conditions de vie appropriées à ses besoins et à son âge. En conséquence, le maintien de l'enfant dans son milieu familial doit...

M. Bouchard (Camil) : ...être privilégié à condition qu'il soit dans l'intérêt de cet enfant. On doit donc désormais démontrer que l'intérêt de l'enfant est réellement mieux servi par son maintien dans le milieu familial.

Alors... mais j'ai trois réserves concernant l'article 6 qui modifie l'article 4 de la loi. Au premier paragraphe, dans, et je le cite, «en conséquence, que le maintien de l'enfant dans son milieu familial doit être privilégié», je recommande de remplacer le mot «privilégié» par «pris en compte» ou alors «considéré dans l'évaluation des conditions qui favorisent l'intérêt de l'enfant». Le législateur ne doit pas faire du maintien dans le milieu familial un choix de préférence, selon moi, mais une option à considérer. Cela, me semble-t-il, dissiperait tout doute quant à l'intention de la loi et en faciliterait, je pense, l'application. Il ne faut surtout pas inviter l'ambiguïté à se refaire un nez, ici et là, dans la loi.

Deuxième réserve, au paragraphe 2, dans, et je cite, «la décision de tendre à confier l'enfant à des personnes qui lui sont les plus significatives, notamment les grands-parents et les autres membres de la famille élargie», fin de la citation. Cette invitation à considérer encore une fois la priorité à la famille élargie par le mot «notamment» nous ramène subtilement mais encore une fois à la préséance des liens familiaux. Par conséquent, je recommande la formulation suivante : «La décision doit tendre à confier l'enfant à la personne ou aux personnes les plus significatives de son réseau d'adultes et de préférence à une ou des personnes avec qui l'enfant aurait pu développer un attachement sécuritaire.»

• (17 h 50) •

Troisième réserve, à 4.3, paragraphe d, on peut lire, et je cite : «Les personnes à qui la présente loi confie des responsabilités envers l'enfant ainsi que celles appelées à prendre des décisions à son sujet en vertu de cette loi doivent, lors de leurs interventions, tenir compte des caractéristiques des minorités ethnoculturelles», fin de la citation. Alors, la question, c'est : Qu'est-ce qu'on vise exactement par cet alinéa? Est-ce qu'on vise une meilleure prise en compte des relations particulières de certaines communautés avec l'autorité, avec l'État, avec les services sociaux? Une acceptation plus grande de la part des intervenants des écarts à la normativité en matière de discipline, en matière de soins d'enfants? Est-ce qu'on souhaite une pratique clinique ethnodifférenciée? En quoi l'alinéa sert-il mieux les intérêts de l'enfant? Le Québec urbain et périurbain devenant de plus en plus ethnoculturel, il m'apparaît important de clarifier explicitement la portée de cet alinéa au regard de l'intérêt de l'enfant. Par ailleurs, le terme «minorité» ne me semble pas des plus heureux, là. Le terme renvoie à un dénombrement statistique, finalement. Pourquoi pas «communautés ethnoculturelles», davantage reliée, cette expression, à l'appartenance à un groupe culturel?

Alors, dans le cas où le législateur maintient cet alinéa, moi, je recommande la formulation suivante, et je cite : «Tenir compte des caractéristiques des communautés ethnoculturelles en priorisant toujours l'intérêt de l'enfant. À cet égard, et je continue la citation, que vous n'avez sans doute pas sur votre texte, là, à cet égard, sont obligatoires la formation des intervenants en contexte ethnoculturel et l'accompagnement des enfants des familles dans les services de protection par une ressource familière avec leur culture.» Fin de la citation.

Une autre réserve concerne, celle-là, l'article 91.1 de la présente Loi de la protection de la jeunesse. La présente loi prévoit que le dépassement des durées maximales d'hébergement est permis en certaines circonstances, comme par exemple un retour présumé à court terme dans sa famille, l'intérêt de l'enfant ou encore, et je cite, «motif sérieux». À l'usage, ces exceptions sont devenues quasiment une règle, et le dépassement, chose usuelle. Alors, pour respecter l'esprit du projet de loi 15, je recommande fortement que le seul motif que l'on puisse invoquer pour un dépassement à la durée d'hébergement soit l'intérêt de l'enfant, de cet enfant, spécifiquement à démontrer et que l'article 91.1 de la présente loi soit modifié en conséquence.

Maintenant, le pouvoir des enfants et le pouvoir des données de la DPJ. La DPJ, c'est l'urgence des services sociaux, tout le monde sait ça. Mais ça ne signifie pas pour autant que les DPJ devraient automatiquement être exclues du jeu en matière de prévention. Les directeurs de la protection de la jeunesse peuvent, au contraire, y jouer un rôle clé. J'ai eu le privilège, durant ces dernières années, de coopérer avec Éclore, un organisme de concertation pour les tout-petits de la Côte-Nord, un territoire qui est aux prises avec des taux extrêmement élevés, là, en protection de la jeunesse. Les actions menées par Éclore et l'ensemble de ses partenaires ont abouti à la création des communautés de bienveillance envers les enfants...

M. Bouchard (Camil) : ...qui a lourdement pesé dans l'approche adoptée par la Commission spéciale sur les droits des enfants et de la protection de la jeunesse. Et la directrice de la protection de la jeunesse de la région, Mme Gallagher, a joué un rôle essentiel dans cette démarche-là. Elle a notamment mis à notre disposition les données agrégées, les signalements traités et obtenus sur son territoire par sous-territoire sur une période de cinq ans. Ces données nous ont non seulement permis des calculs de taux de signalement par sous-territoire de MRC ou de CLSC, mais surtout de bien circonscrire avec précision les contextes dans lesquels ces signalements ont été faits. Les dates de signalements, types de signalements par alinéa et sous alinéas, sexe et âge des enfants, sources de signalement, adultes présumés responsables, etc. En tout, plus de 300 données pour chacun des enfants aident à cerner le contexte de chacun des signalements. Ces données permettent, comme nous l'avons même expérimenté sur la Côte-Nord, de réunir les intervenants de chaque MRC, y compris les élus, là, qui nous ont demandé ça spécifiquement : On veut des données sur notre MRC autour des mêmes réalités, des mêmes graphiques éloquents avec mission d'identifier des enjeux sur lesquels les efforts de prévention locaux devraient porter.

Ces enjeux diffèrent souvent, de fait, d'un sous territoire à l'autre. Pour les uns, il s'agirait de prévenir les abus sexuels, pour les autres, la négligence sanitaire ou la négligence éducative ou encore des pratiques disciplinaires abusives. Dans certains cas, la toxicomanie, les problèmes de santé mentale des parents seront des enjeux priorisés, dans d'autres la violence conjugale. Pour les autres, l'isolement des familles ou le manque de logements abordables, ça s'est présenté, ou la période entourant la tenue des festivals, ça se présente aussi. Et ce n'est pas rare, les changements importants, rapides et souvent imprévisibles dans la dynamique économique des régions.

Nous avons pu constater l'impact de cet exercice de mise en commun des données sur la cohésion des intervenants locaux engagés à prévenir la maltraitance. Les facteurs de risque locaux associés à la maltraitance leur apparaissent clairement à tous en même temps, et cerner ensemble un ou deux enjeux rapproche de la solution, ce qui est souvent simple. Cela réduit considérablement les tiraillements entourant les avenues de prévention à emprunter et ça réduit beaucoup, beaucoup le sentiment d'impuissance vis-à-vis le problème qui pourrait paraître autrement insurmontable. Et ça donne aux enfants surtout, aux enfants signalés, aux enfants qui sont confiés à la protection de la jeunesse, souvent, ça leur donne un pouvoir collectif énorme, trop souvent occulté de révéler aux yeux même de leur communauté les défis qu'elles doivent relever pour assurer leur bien être, leur sécurité et leur développement.

Je recommande donc que le projet de loi 15 comporte des dispositions obligeant les DPJ à partager des données associées aux signalements portés à leur attention avec l'autorité responsable et imputable du développement et du suivi des programmes de prévention de la maltraitance envers des enfants et envers les jeunes sur leurs territoires et sous territoires. Et je recommande aussi que la maltraitance envers les enfants, puisque j'y suis, et étant donné que c'est un véritable enjeu de santé publique comme l'a d'ailleurs reconnu la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, que l'autorité désignée par le ministre de la Santé et des Services sociaux comme responsable et imputable du développement du suivi des programmes de prévention de la maltraitance envers les enfants et les jeunes, soit le directeur régional de santé publique de chacun des territoires. Alors voilà, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) : Je vous remercie beaucoup pour votre exposé. Nous allons débuter cette période avec le ministre. M. le Ministre.

M. Carmant : Bien, merci beaucoup, M. Bouchard. Toujours un plaisir de discuter de ce sujet avec vous que je sais vous tient grandement à coeur. En fait, les explications étaient vraiment très claires. Puis votre but, c'est quand même de... c'est vraiment d'éliminer toute confusion au niveau de l'intérêt de l'enfant, qu'il soit primordial, même par rapport au fait de le maintenir dans sa famille. Il y a des endroits où cependant, justement, la CDPDJ nous parlait, aujourd'hui, puis ils parlaient de principe de droit, là, mais clairement, pour vous, je pense que la clarté doit primer dans notre projet de loi.

M. Bouchard (Camil) : Oui, tout à fait, puis on a trop souvent vu cette... apportée cette ambiguïté durant des années dans l'énoncé du projet de loi sur la protection de la jeunesse. C'est comme si, tranquillement, on avait dérivé vers un une loi qui protégeait les liens familiaux...

M. Bouchard (Camil) :  ...et les enfants et qu'on avait deux... on avait une espèce de dualité d'objectifs à poursuivre, dans le fond. Et les premiers articles d'un projet de loi, j'ai appris ça quand j'étais député, là, puis je m'en souviens encore un petit peu, ça définit pas mal l'esprit de tout le reste de la loi. Et les projets... les articles 3 et 4 sont extrêmement importants. Et si on n'est pas clair à ce moment-là, on ne le sera jamais dans le reste de la loi et on oubliera que l'intérêt premier, c'est vraiment l'intérêt de l'enfant. Et c'est le seul... c'est le pouvoir ultime de l'enfant qui est signalé, il n'y a pas d'autre pouvoir. Et je trouve que le projet de loi 15 aborde cette question-là avec lucidité et courage, dans le fond, parce qu'on revient souvent sur cet élément-là, mais on veut aussi donner la parole aux enfants dans le projet de loi. On veut les écouter, on veut les entendre, on va leur faire une place. On introduit aussi le concept d'un avocat pour défendre l'intérêt de l'enfant en cour, etc. Je pense que cette intention-là doit être absolument protégée tout le temps.

M. Carmant : ...peut pas être plus clair. Merci beaucoup. Quand on a parlé des minorités ethnoculturelles, on voulait toucher le point que, je pense, ça avait touché beaucoup Mme Laurent, là... de la surreprésentation non seulement des autochtones, on en a parlé largement, mais également des communautés noires à la protection de la jeunesse, et je voulais m'assurer qu'on adresse ce point-là. On nous avait proposé le terme «racisé», mais, bon, «racisé», c'est... je ne sais pas si ça va être un terme qui va persister à travers le temps, d'où le terme, d'où la terminologie qu'on a utilisée. Puis, vraiment, on a par exemple, dans notre programme Négligence, maintenant, on demande l'implication d'organismes communautaires qui sont bien au courant de de ces notions-là. Donc, je voulais voir avec vous quelle serait, selon vous, la meilleure façon, là, de s'assurer que les réalités soient respectées selon les différentes communautés. Puis il y a un point que le député de René-Lévesque a mentionné plus tôt cette semaine également, les disparités territoriales, tu sais, que moi, je n'avais pas nécessairement adressées, mais que je pense qu'il faut également adresser. Puis vous le mentionnez bien avec Éclore, là. Je pense que ça va être important aussi que les services soient enchâssés par rapport à cette réalité-là.

• (18 heures) •

M. Bouchard (Camil) : Oui. En ce qui concerne les communautés ethnoculturelles, il y a toujours ce danger de dérive du relativisme culturel quand on aborde cette question-là, autrement dit que l'intérêt de l'enfant soit tranquillement, discrètement et avec toute la meilleure volonté du monde relégué au second plan quand on regarde la réalité ou le contexte culturel de l'enfant. Puis il y a des exemples qui nous viennent à l'esprit, là. Il y a des pratiques disciplinaires d'une très grande violence dans certaines communautés, envers les enfants, qui ne sont pas acceptables du point de vue de la norme qui prévaut chez nous et qui ont des impacts chez tous les enfants qui en sont victimes. Et moi, ma crainte vis-à-vis l'énoncé qu'on voit dans le projet de loi, c'est qu'on dérive vers un relativisme culturel en essayant de mieux accueillir ces communautés, comment dire, de diluer l'intérêt de l'enfant dans l'accueil qu'on fait aux communautés, dans l'espace qu'on donne aux pratiques culturelles.

Et moi, ce qui m'a toujours guidé dans mes décisions, c'est ce que la science nous enseigne à propos des pratiques et des soins que l'on doit offrir aux enfants, à tous les enfants de toutes les cultures. Par exemple, les pratiques éducatives abusives ne servent pas le développement des enfants, puis on connaît très bien les conséquences que ça a sur le développement, la santé mentale des enfants ultérieurement et très longtemps dans leur vie, de même, l'absence de soins adéquats, outils, etc.

Alors moi, j'avais une crainte par rapport à ça et c'est pour ça que j'ai mentionné qu'on devrait obligatoirement... À mon avis, le projet de loi devrait sans doute ouvrir quelque chose là-dessus. On devrait obligatoirement demander aux intervenants qui pratiquent dans les communautés culturelles qu'ils suivent une formation dédiée à ces pratiques qui sont très spécifiques aux communautés culturelles. C'est très important. Et tout cet aspect aussi d'accompagnement des familles dans le processus de fréquentation de la Loi de la protection de la jeunesse, par exemple dans les services de protection de la jeunesse, est extrêmement important aussi. Bien les entendre, bien les écouter, écouter leur réalité, mais aussi...


 
 

18 h (version non révisée)

M. Bouchard (Camil) : ...en profiter pour établir des liens de compréhension de ce qu'on entend par un par un contexte de développement sain pour un enfant, et d'échanger avec avec ses parents à ce sujet là. Et j'en ai souvent fait, moi, dans des rencontres avec des parents dans des communautés ethnoculturelles, puis c'est passionnant. Mais il faut toujours que l'intérêt de l'enfant soit mis en premier tout le temps, tout le temps.

M. Carmant : Très, très, très intéressant, là, ce que vous avez mentionné sur Éclore et puis le partage de données. J'essaie d'amener ça au ministère, puis ce n'est pas une simple tâche, là, l'accès aux données. Mais comment... je veux dire, c'est exceptionnel ce qui a été fait sur la Côte-Nord. Comment peut-on reproduire ça à travers le Québec?

M. Bouchard (Camil) : Par un article dans le projet de loi. Parce qu'on peut, je pense, obliger les directeurs de protection jeunesse, à point nommé durant une année, à partager ces données avec... Moi, j'ai une préférence, vous le savez, pour le directeur de santé publique comme étant le porteur d'un plan d'action de prévention de la maltraitance envers des enfants. On pourra discuter plus longuement si vous voulez, mais je pense qu'il doit... ces données-là doivent être partagées avec le responsable et une personne imputable des programmes et des services de prévention, parce qu'il y a une mine d'information extraordinaire autour de chacun des signalements qui est fait à la direction de la protection de la jeunesse. Et lorsqu'on les examine attentivement... Et c'est fou parce que c'était une demande, ça, des élus municipaux. Quand on a fait les rencontres, on a commencé par faire des rencontres régionales sur la Côte-Nord, et les élus municipaux sont venus de voir puis nous ont dit : Écoutez, c'est intéressant, mais dans ma commune, autant à moi, à quoi ça ressemble? Et aussitôt, qu'on répond à cette question-là, vous avez tous les intervenants sur votre bord. Ils sont assis autour de la même table, ils regardent les mêmes graphiques, ils regard les mêmes données, ils ont les mêmes explications et ils parviennent à avoir des discussions sur des enjeux précis sur lesquels ils doivent se pencher s'ils veulent prévenir que ces signalements-là n'apparaissent de nouveau dans leur tableau de bord à la fin de l'année. Et je pense, moi, que c'est quasiment un devoir que de se pencher collectivement sur ces données-là parce que... et c'est un pouvoir qui est... c'est le pouvoir que les enfants apportent lorsqu'ils sont signalés à la protection de la jeunesse. Ils nous disent, dans le fond : Si vous me regardez attentivement et si vous prenez des notes sur ce pour quoi on a signalé ma situation puis qu'elle a été retenue à la protection de la jeunesse, vous allez comprendre ce qu'elle a changé autour de moi, vous allez comprendre ce qu'elle a changé autour de ma famille. Vous allez peut-être mieux aider ma famille au moment opportun. Vous avez peut être mieux pourvoir aux besoins de ma famille en termes de logement, en termes de revenus. Peut-être que vous allez aménager le temps de travail puis le temps d'absence de mon père, qui doit aller travailler dans les mines puis qui s'absente, «fly-in fly-out», par exemple. Sur la Côte-Nord, c'est un problème. Alors, moi, je pense qu'on doit ça aux enfants. On leur doit de partager la réalité qui les a amenés à un signalement de la protection de la jeunesse et s'en servir pour prévenir d'autres signalements dans ces communautés.

M. Carmant : Super! Merci beaucoup. Monsieur le Président, je passerai la parole à la députée de Roberval, avec votre permission.

Le Président (M. Provençal) :Avec plaisir. Mme la députée.

Mme Guillemette : Merci, monsieur le président. Merci beaucoup, monsieur Bouchard, d'être avec nous aujourd'hui. C'est un plaisir de vous avoir avec nous. Écoutez, vous parlez de plus de souplesse, de communauté bienveillante. J'aime beaucoup entendre ça pour nos plus jeunes. Et vous dites... vous faites une proposition que «le p.l. 15 comporte des dispositions obligeant les DPJ à partager les données associées aux signalements portés à leur attention avec l'autorité responsable et imputable du développement et suivi des programmes de prévention à la maltraitance envers les enfants et les jeunes sur les territoires et sous-territoires». Ça implique la confidentialité, le secret professionnel aussi, j'imagine. Vous voyez ça comment, le partage de ces informations envers tous les intervenants du territoire? Parce qu'on sait qu'il y a des intervenants qui ont des ordres professionnels, mais d'autres...

Mme Guillemette : ...Intervenants n'ont pas d'ordre professionnel. Donc, quels éléments on pourrait partager et comment on pourrait bien inscrire ça dans un projet de loi?

M. Bouchard (Camil) : Bien, je pense qu'on ne partage pas des données nominalisées, on ne partage pas des données qui peuvent identifier des personnes non plus que des rues et des quartiers. On partage les données qui sont agrégées par sous-territoire de MRC, donc c'est déjà assez large. Ces données-là sont... La confidentialité, l'anonymat est de soi garanti parce qu'on s'éloigne vraiment du dossier individuel pour arriver à agréger toutes les données d'un sous territoire.

Et c'est assez fascinant de voir comment émergent soudainement, quand on agrège ces données-là, des profils de territoire par rapport à des types de signalement qui sont prévalents sur ces territoires-là et le type de situations qui apparaissent sur ce territoire puis qui n'apparaissent pas à 100 kilomètres plus loin, sur un territoire administratif. La réalité de la Haute-Côte-Nord, sur la Côte-Nord, n'est pas du tout ça celle de Blanc-Sablon, hein, on se comprend là dessus.

• (18 h 10) •

Et quand on a des données agrégées pour tout le territoire, on n'y comprend absolument... tu sais, c'est difficile de saisir la réalité. Mais quand on commence à faire ça part sous-territoires de MRC, soudainement, ça devient comme... Pour les participants, pour les intervenants, pour les élus, ça devient quelque chose de plus concret, de plus significatif puis de plus engageant parce qu'ils se reconnaissent dans ces données-là. Et ils valident les données lorsqu'on les rencontre, parce qu'on teste les données avec eux: Qu'est ce que vous pensez de ce profil-là, qui nous vient des signalements de votre territoire, qu'est ce que ça vous dit? Quels sont les enjeux que vous voyez prioritaires là-dedans?

Puis, tu sais, il y a des communautés où les gars travaillent, ça n'a pas de bon sens, tu sais, en surtemps tout le temps, 16 heures par jour, 12 heures par jour. Ils sont fatigués, ils sont sur les amphétamines, ils étirent de la corde de la patience au bout. Souvent, les femmes sont isolées, les mères sont isolées avec les enfants. Arrive un incident, bien, un signalement d'enfant. Bon, alors, dans certaines communautés, vous ne verrez pas ça du tout, mais dans d'autres, oui, parce que c'est ça leur réalité socioéconomique.

Alors, tout l'intérêt est d'arriver à transférer ces données-là d'une façon graphique, d'abord, c'est des graphiques. Vous pouvez aussi avoir des tableaux avec des nombres, mais vous n'arriverez jamais à distinguer qui, dans ces données, que cela concerne vraiment, jamais.

Mme Guillemette : S'il me reste une petite minute, M. Le Président. On a entendu la Fédération des familles d'accueil aujourd'hui. Ils nous disaient que, souvent, il va leur manquer d'information, eux, pour bien soutenir l'enfant qu'ils accueillent. Est-ce que c'est possible de leur fournir de l'information? Mais comment on fait pour bien équilibrer l'information à laquelle ils ont besoin pour bien soutenir?

M. Bouchard (Camil) : Je ne peux pas vous répondre clairement à cette question-là. Je ne me suis jamais vraiment penché là-dessus. Puis mon opinion, non, franchement, elle ne serait pas très éclairante.

Mme Guillemette : ...merci beaucoup, monsieur Bouchard.

M. Bouchard (Camil) : Je vous en prie.

Le Président (M. Provençal) : Merci, Mme la députée. Nous poursuivons cet échange avec la députée de Notre-Dame de grâce.

Mme Weil : Bonjour, Monsieur Bouchard, plaisir, plaisir de vous revoir.

M. Bouchard (Camil) : Ah bien! Bonsoir. Oui.

Mme Weil : On a été député en même temps, que je pense que c'était juste un mandat.

M. Bouchard (Camil) : Bien oui.

Mme Weil : Mais j'étais à la régie régionale, peut-être même dans le réseau, à l'Association des centres jeunesse, lorsque vous avez sorti votre magnifique recherche et document. Je voudrais vous amener, parce que je sais que vous avez une grande sensibilité à ça... C'est comment on fait pour travailler tous ensemble, la première ligne en prévention et l'institutionnel?

J'ai quelques exemples où j'ai vu... c'est Batshaw. Parce que, moi, c'est Notre-Dame-de-Grâce mais il y a Côte-des-Neiges, là-dedans, il y a un vrai mélange, même si c'est des comtés différents, là. Et il y a beaucoup de diversité. Et... parce qu'on dirait que, dans ce coin-là, les gens se connaissent. Ils connaissent les organismes communautaires. Batshaw connaît les organismes communautaires. Ils reçoivent des signalements. Puis, des fois, en prévention... ils veulent avoir l'écho de l'organisme communautaire qui travaille dans un certain milieu. Et on m'a parlé d'une initiative: prendre le téléphone puis on va se parler, là. Et finalement...

Mme Weil : ...je n'irai pas dans le détail, je ne connais pas le cas précis, mais ils ont pu travailler ensemble, et c'étaient certaines communautés qui rentrent, donc des nouveaux arrivants, ça peut-être des réfugiés, des demandeurs d'asile, etc., puis c'est des profils différents, et donc on a beaucoup ça, on a beaucoup ça à Montréal. Donc, comment il faut s'adapter? Et souvent, c'est ces organismes communautaires, sur le terrain, il le voit, puis ils sont en lien avec l'école, puis il y a quelqu'un, la travailleuse sociale du CIUSSS ou du CISSS, qui connaît l'école. Ils ont tissé, ils ont réussi à tisser quand même un réseau de contacts, de communication, peut être parce que la communauté est plus petite, je ne sais pas ce que c'est, mais il y a une tradition aussi historique que, il y a 60 ans, de se parler en... tout le monde. Et je l'ai vu de mes yeux parce que j'étais en visite. C'était l'école d'été pour les plus vulnérables, bon, qu'ils avaient créée avec un organisme communautaire, tout ça, venant de l'argent de la Ville de Montréal qui avait de l'argent, justement, pour désigner les enfants vulnérables, généralement issus de la diversité. Donc, tout ça, ça c'est un exemple, il y en a partout, je pense.

Et comment on fait et comment la protection de la jeunesse peut peut-être... je dirais, c'est une formation, est ce que c'est des visites sur le terrain? Comment les sortir, peut être, de peut être partout, là, pour aller à la rencontre de toutes ces ressources qui existent dans la communauté, et l'école aussi qui joue un rôle important? Et je sais que la prévention, c'est quelque chose qui est important pour vous, je suis aussi une fan de la Santé publique parce qu'à l'époque les régies régionales faisaient des plans avec la Santé publique, on avait toutes les données, puis ensuite on faisait un plan d'action pour... Ça, c'est dans les années 90, début des années 2000. Alors, ça, ça a disparu de... hein, je pense qu'il n'y a pas ça maintenant. Il faudrait les ramener parce qu'ils ont été des acteurs vraiment extraordinaires dans le domaine. Alors, je vous pose cette question et je vous laisse aller, voire, j'aimerais ça vous entendre sur tout ça et votre expérience, partout au Québec, sur ces questions-là de tisser ces liens.

M. Bouchard (Camil) : Oui, bien, j'ai vu beaucoup de ces expériences-là aussi, madame la députée, et je les ai vu s'effondrer aussi parce que ça tient à la bonne volonté, souvent, de quelques personnes, de quelques acteurs importants dans les communautés, et qu'une fois ces personnes-là, ou bien épuisées, ou bien changées de territoire, etc., les liens qu'on avait tissés et les projets ou les actions qu'on avait mis en place s'étiolent tranquillement, puis perdent de leur puissance, perdent de leur intensité, perdent de leur continuité.

Et c'est pour ça, moi, que j'insiste tellement pour qu'on puisse identifier une autorité, sur le territoire administratif, qui peut avoir la responsabilité, l'imputabilité aussi, le pouvoir de rassembler toutes les personnes autour d'un même projet commun, autour d'un même objectif, d'un même enjeu. Éparpiller les actions en prévention parce que les uns ont des spécialités, puis les uns ont des outils, puis les uns ne les ont pas, etc., ça, c'est la loi de l'instrument, tu as un marteau et ça te prend des clous, ça ne marche pas. Ça prend quelqu'un qui dit : Voici les données dont nous disposons, voici une réalité à laquelle on fait face et que pensez-vous devons nous faire durant la prochaine année pour faire diminuer cette courbe-là de signalements, de taux de signalements de nos enfants à la DPJ? C'est ça, c'est la seule question légitime en ce qui me concerne en protection de la jeunesse, c'est comment faire pour faire diminuer les courbes de taux de signalements à la protection de la jeunesse.

Mais, si on n'a pas d'autorité locale pour le faire ça, si on n'est pas capable d'identifier cette autorité locale pour le faire, on n'y arrivera pas, on n'y arrivera pas. On va être à la merci, et tant mieux quelquefois, de la bonne volonté de bien du monde, puis de la synergie, puis de la dynamique qui s'est développée historiquement de cette communauté-là. Mais, dans l'autre communauté d'à-côté qui aurait tant besoin de ce type d'énergie et de dynamique, c'est inexistant parce qu'il n'y a personne pour rassembler les gens.

Alors, la Santé publique, le directeur de santé publique a ce pouvoir-là. S'il identifie une menace au bien être et à la santé de sa population, le directeur de santé publique a le pouvoir de convoquer, autour de sa table... tous les organismes qui peuvent avoir une influence pour diminuer les risques à la santé ou au bien être de sa population. Le client, là, le patient du directeur de la santé publique, c'est la population. Alors, quand il identifie un risque, il a le pouvoir de...

M. Bouchard (Camil) : ...tout le monde autour de lui, et il n'y a personne qui peut refuser, à moins que ça soit un organisme gouvernemental, dans lequel cas il faut que le ministre ou le ministère soit d'accord. Mais ce pouvoir-là, il est extraordinaire, mais en même temps, c'est une responsabilité épouvantable parce qu'à la fin de l'année, le ministre peut se retourner, puis demander à son directeur de santé publique régionale : Comment se fait-il que les taux ont augmenté? Qu'est-ce que vous n'avez pas fait ou qu'est-ce que vous avez fait qui aurait dû... qu'est ce que vous avez omis de faire ou qu'est ce qui n'a pas fonctionné? De telle sorte à ce qu'on en a encore des résultats qui sont navrants en ce qui concerne les taux de mauvais traitements envers des enfants. Et tu sais, quand il y a une liste d'attente, là, qui n'en finit plus à la protection de la jeunesse, là, le ministre délégué, il sait à qui s'adresser, c'est la directrice ou le directeur d'un Centre de la jeunesse. Mais quand il y a des programmes de prévention qui ne sont pas mis en place ou qui sont mis en place de façon maladroite ou qui ne respectent pas les règles qui sont prescrites par les expériences qui ont été faites et qui font la démonstration que c'est comme ça qu'il faut faire, là, à qui on s'adresse au niveau régional? Est-ce que quelqu'un peut me répondre? Moi, je n'ai jamais trouvé la réponse. Je n'ai jamais trouvé la réponse et je pense que c'est essentiel, si on veut changer la donne, il faut que dans chacun des territoires, on ait une personne vers qui on peut se tourner et demander des comptes et cette personne-là doit avoir du pouvoir et des connaissances.

Mme Weil : C'est intéressant, il y a de la matière à réflexion, là, c'est formidable. C'est tellement vrai... Oui?

M. Bouchard (Camil) : Mais regardez ce qu'on a fait avec le tabagisme, le suicide chez les jeunes, les grossesses adolescentes, les accidents mortels d'automobile. Qui a réglé les questions? C'est la santé publique en collaboration avec les ministères concernés. Ils sont bons quand on leur donne des ressources puis le pouvoir pour le faire.

• (18 h 20) •

Mme Weil : Ils jouaient quand même ce rôle, un peu, là, en mobilisant, je vous rappelle de ça, là, avec les régies régionales parce qu'elles avaient cette autorité, les régies régionales, puis il y avait la dimension protection de la jeunesse, mais préprotection de la jeunesse. Moi, je représentais ce secteur là, mais... Et donc il y avait, comment dire, la main tendue pour essayer de... commencer à dire... ce n'était pas... en tout cas, ils n'ont pas pu aller très loin parce qu'il y a eu tellement de réformes dans le réseau de la santé et des services sociaux dans les années qui ont suivi, que la santé vraiment a prédominé. Et finalement tout ce qui était prévention... J'ai ma collègue de... Bien, merci beaucoup, c'est très intéressant.

M. Bouchard (Camil) : Je vous en prie.

Le Président (M. Provençal) : ...moins d'une minute.

Mme Robitaille : Bon, bien, écoutez, très rapidement. Quand même, les organismes communautaires... une partie intégrante quand même dans des secteurs comme Montréal-Nord, où... dont je représente, les organismes communautaires jouent un rôle majeur. Est-ce qu'il ne faudrait pas les faire partie de la solution en leur donnant plus d'argent, en les finançant mieux?

M. Bouchard (Camil) : Bien, je pense que c'est surtout l'instabilité qui est un problème chez les organismes communautaires. On a beaucoup amélioré leur sort, je pense, depuis les années où... de ses enfants, là, il y a quand même de l'amélioration dans ce domaine-là et ils sont... L'organisme dont je parlais tantôt... c'est un organisme de concertation des gens qui sont impliqués, engagés en protection de l'enfance, en développement des tout petits sur la Côte-Nord. Ils font un travail formidable. Mais alors, ce qui... moi... se présente encore comme un problème des plus importants, c'est la stabilité dans leur financement. Il y a des programmes qui viennent, il y a des programmes qui meurent, ils sont remplacés par d'autres. Il y a des périodes de transition qui sont pénibles dans les organismes. Bon, voilà.

Le Président (M. Provençal) :Merci, nous poursuivons avec le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Merci, monsieur le président. Merci beaucoup, monsieur Bouchard. Je trouve ce que vous apportez extrêmement important par rapport à la prévention. J'aimerais avoir des précisions sur votre vision de ce que devrait faire la DPJ comme prévention parce que vous avez parlé aussi du rôle de la santé publique régionale dans la prévention. Mais quelle devrait être la part de la DPJ?

M. Bouchard (Camil) : Bien, la moitié de ma présentation, dans le fond, porte là-dessus, et c'est, je pense, le partage des connaissances qu'elle cumule, la DPJ, sur les enfants qui sont signalés à la protection de la jeunesse. Si on veut prévenir un problème, il faut le connaître correctement et on a cette capacité. Puis, on a créé ça au fil des ans, là, des organismes de...

M. Bouchard (Camil) : ...de recherches au Québec ont fait leur travail, puis les chercheurs universitaires ont fait leur travail, puis les gestionnaires du réseau des services sociaux ont fait leur travail, puis on a créé des banques de données importantes autour des signalements qui sont faits en protection de la jeunesse. Et la richesse de ces données-là est absolument incroyable. Et par territoire de MRC ou par territoire de CLSC en milieu urbain, on peut arriver à identifier, à partir de ces données-là, ce qui importe le plus, les enjeux prioritaires en termes de prévention auxquels il faut s'adresser durant un, deux ou trois ou quatre ans, peu importe, là, mais pour arriver à faire fléchir les taux de signalements envers les enfants dans ces quartiers-là. On n'arrivera pas à faire fléchir les taux de signalements au niveau national si on n'arrive à le faire au niveau local et régional. Les acteurs locaux et régionaux là-dedans sont absolument essentiels, et franchement il n'y a pas d'autre réponse que ça. La DPJ en a déjà plein les bottines. On ne va pas lui demander d'écrire les politiques puis des plans d'action en prévention. Elle reçoit les enfants pour lesquels tous les efforts antérieurs ou bien ont été inefficaces ou ont été absents auprès d'eux. Elle reçoit ces enfants. C'est notre urgence. Alors, tu sais, tu ne demandes pas un urgentologue d'aller réparer la courbe dangereuse sur une route en campagne, tu ne lui demandes pas ça. Tu demandes au ministère de Transport d'aller faire de la prévention... d'aller réparer cette courbe dangereuse, hein, de la... Mais au bout du compte, il va toujours... puis ça va prendre une urgence au niveau social, puis c'est la directrice ou le directeur de la protection de la jeunesse.

M. Zanetti : C'est très clair. Merci.

M. Bouchard (Camil) : Je vous en prie. Ça m'a fait plaisir de vous voir.

Le Président (M. Provençal) :On conclut cet échange avec le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci beaucoup, monsieur le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, monsieur Bouchard.

J'ai participé à Éclore Côte-Nord pas plus tard qu'en 2018. Effectivement, on m'a présenté les statistiques de ma région, et ça m'a mis sur le cul. Le taux de maltraitance des enfants de 0 à 5 ans était un des plus élevés sur la Côte-Nord. Et lorsqu'on a vu les chiffres, bon, c'est une prise de contact et un constat frappant, mais ça nous a permis à tous les acteurs, les politiciens, que ce soit au niveau national ou au niveau local, régional, de prendre conscience qu'il existait une solution qui s'appelait la bienveillance, d'être à l'écoute et de tout faire en notre pouvoir pour mettre les moyens en matière de prévention pour faciliter justement le passage des enfants dans des situations difficiles à des situations plus faciles.

Le ministre, tout à l'heure, vous demandait la recette pour réussir Éclore Côte-Nord partout au Québec. Je pense, monsieur le ministre, que ce n'est pas de le centraliser, mais bien de le décentraliser et de donner un financement adéquat pour permettre la collecte de données, qui va permettre par elle-même la prise de conscience locale. Ce que M. Bouchard nous témoigne aujourd'hui, c'est la volonté d'un milieu de faire une différence. Ça peut être à l'échelle d'une MRC, d'un quartier, d'une communauté, mais c'est au milieu de décider de quelle façon on doit le faire.

Alors, je suis content que vous l'ayez abordé, monsieur Bouchard, parce que ça a fait une énorme différence chez nous. Je ne dis pas que nos taux sont beaucoup meilleurs, mais ils s'améliorent avec les années. Donc, je veux vous remercier de nous avoir indiqué la marche à suivre et de nous indiquer quelles sont les prochaines étapes à franchir.

Donc, je laisserais mon dernier temps de parole à vous, question de nous indiquer comment une communauté peut faire une énorme différence dans la bienveillance à ces enfants.

M. Bouchard (Camil) : Oui. Bien, regardez, là, l'expérience que j'ai eue sur la Côte-Nord a été déterminante, là, parce que... Vous me dites qu'elle a été déterminante chez vous et pour vous, mais pour moi, ça l'a été beaucoup, parce que le pas à franchir, c'est celui de la concrétisation. Et notre pire ennemi, en protection de l'enfance, c'est le déni, le déni. C'est toujours le problème de quelqu'un d'autre ou c'est le problème... la première page du journal durera trois jours, puis c'est fini. Granby nous a sortis du déni, mais quand on a fait cette expérience-là, sur la Côte-Nord, de dévoiler les données sur la Côte-Nord, on a pris un risque énorme. On ne savait pas... Tu sais, on est tous des apprentis sorciers là-dedans, là. Puis, moi, je me disais : Ah! il ne faut pas stigmatiser la région puis il ne faut pas... Mais il y a eu un... ça a eu un effet extraordinaire parce qu'on a tous sortis du déni en même temps. On s'est tous dit : Bon, O.K, très bien, voici la réalité. Et c'est là que les élus locaux, municipaux et régionaux sont arrivés, puis ils nous ont dit : C'est intéressant...

M. Bouchard (Camil) : ...en même temps troublant, mais, dans ma communauté, comment ça se présente et comment je pourrais faire une différence en tant qu'élu? Puis les réunions qu'on a eues autour des données, là, les premiers à entrer dans la salle puis les derniers à sortir de la salle, c'étaient des élus, c'étaient les maires des MRC, parce que leur mission, c'est de veiller au bien-être de leur communauté puis de leurs citoyens, et les enfants, ça fait partie de leur mission aussi. Tu sais, ils ne sont pas élus avec ce mandat-là, mais ça fait partie intégrante de leur mission, puis ils veulent avoir des éclairages sur ce qui se passe dans leur communauté puis...  Écoute, pour moi, c'était un... ça aura été, parce que ce n'est pas fini, là, le futur antérieur, c'est fabuleux, là, mais ça aura été une expérience très révélatrice à ce niveau-là. On ne peut se passer des données qui sont disponibles; on ne peut se passer en même temps d'un acquiescement, d'un assentiment, d'une adhésion de tout le monde en regard de ces données-là.

• (18 h 30) •

Alors, qu'est-ce qu'on... Sur quoi s'accorde-t-on lorsqu'on regarde tout ce qui se passe dans notre communauté? Sur les priorités qu'on doit adopter en vertu d'un objectif de diminution des taux de signalement dans notre communauté. Et moi, je pense que ce qui nous manque maintenant, c'est deux choses: au niveau national, qu'on se donne un objectif, qu'on se donne un objectif de diminution des taux de signalement à la Protection de la jeunesse; et au niveau régional, qu'on se donne des objectifs aussi locaux et régionaux, et, une fois l'objectif fixé, qu'on identifie les moyens précis pour y arriver. Et là-dedans, là, il y a beaucoup à boire et à manger, il y a plein de connaissances qu'on peut mettre à contribution. Le problème n'est pas là. Le problème, c'est d'abord de consentir à se donner un objectif et d'y tenir.

Et moi, je me rappelle, là... J'ai mentionné tout à l'heure l'exemple du suicide chez la cohorte des jeunes, il y a quelques années de cela, peut-être une vingtaine d'années. On était les champions mondiaux, quasiment, du suicide chez les jeunes. Bien, j'ai un collègue à l'Université du Québec, Brian Mishara, qui a créé un centre de prévention du suicide, puis un ci, puis un ça. ... Il y a eu des gouvernements qui ont pris ça par le chignon du cou, puis il a dit: On va faire un plan d'action pour réduire le suicide chez nos jeunes. Et là, chacune des régions a adopté des politiques, puis des plans d'action, puis des programmes, puis des services, puis on s'en est sorti. Alors, il faut faire la même chose au niveau du mauvais traitement envers les enfants.

Le Président (M. Provençal) : M. Bouchard, je ne peux que vous remercier de ce témoignage et de cette conclusion, je trouve que ça conclut bien cet échange. Alors, merci beaucoup.

Ceci étant dit, la commission ajourne ses travaux à demain, jeudi 10 février, après les affaires courantes. Encore merci pour votre collaboration et votre contribution, M. Bouchard.

(Fin de la séance à 18 h 31)


 
 

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