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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Wednesday, April 14, 2021 - Vol. 45 N° 75

Special consultations and public hearings on Bill 83, An Act respecting mainly the health insurance plan and prescription drug insurance plan eligibility of certain children whose parents’ migratory status is precarious


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

M. Christian Dubé

Mme Marie Montpetit

M. Andrés Fontecilla

M. Joël Arseneau

Auditions

Observatoire des tout-petits

Document déposé

Médecins du Monde Canada

Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées
et immigrantes (TCRI)

Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé
et les services sociaux (ACCESSS)

Protecteur du citoyen

Autres intervenants

M. Luc Provençal, président

Mme Marilyne Picard

Mme Nancy Guillemette

Mme Isabelle Lecours

M. François Tremblay

Mme Lise Lavallée

*          Mme Fannie Dagenais, Observatoire des tout-petits

*          Mme Janet Cleveland, idem

*          M. David-Martin Milot, Médecins du Monde Canada

*          Mme Nadja Pollaert, idem

*          M. Stephan Reichhold, TCRI

*          Mme Marianne Leaune-Welt, idem

*          Mme Carmen Gonzalez, ACCESSS

*          M. Jérôme Di Giovanni, idem

*          Mme Marie Rinfret, Protectrice du citoyen

*          Mme Vicky Pageau, bureau du Protecteur du citoyen

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Provençal)  : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 83, Loi concernant principalement l'admissibilité au régime d'assurance maladie et au régime général d'assurance médicaments de certains enfants dont les parents ont un statut migratoire précaire.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Nadeau-Dubois (Gouin) est remplacé par M. Fontecilla (Laurier-Dorion).

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Ce matin, nous débutons par les remarques préliminaires puis nous entendrons par visioconférence le groupe suivant, l'Observatoire des tout-petits.

Remarques préliminaires

J'invite maintenant M. le ministre de la Santé et des Services sociaux à faire ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez de six minutes. À vous la parole.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Alors, M. le Président, premièrement, merci beaucoup d'avoir organisé cette commission. J'aimerais saluer mes collègues du gouvernement mais aussi mes collègues de l'opposition.

C'est un projet de loi qui est très important. Ce projet de loi là s'inscrit dans la continuité des travaux interministériels sur la couverture des enfants de parents à statut migratoire précaire, porte sur un sujet pour lequel beaucoup, beaucoup d'efforts ont été investis jusqu'à maintenant. En effet, la possibilité d'offrir une couverture de soins de santé, incluant les médicaments, aux enfants de parents au statut migratoire précaire a été examinée attentivement par une multitude d'intervenants de différents milieux.

Des groupes d'intérêts concernés par ce dossier définissent une personne au statut migratoire précaire comme étant une personne qui est présente au Canada, dont le statut migratoire n'a pas été régularisé de façon permanente. Ainsi, toute personne qui a un statut émis par les autorités canadiennes de l'immigration lui permettant de demeurer au Québec pour une durée déterminée et qui ne possède ni la citoyenneté canadienne ni le statut de résident permanent est considérée comme un migrant dont le statut migratoire est précaire, voire temporaire.

Donc, il important de préciser que le cadre législatif actuel permet à environ 87 000 personnes dites au statut migratoire précaire de bénéficier du régime d'assurance maladie du Québec. Les catégories de personnes au statut migratoire précaire non admissibles au régime d'assurance maladie sont des détenteurs d'un permis d'études qui ne sont pas originaires d'un pays avec lequel le Québec a conclu une entente de sécurité sociale, les détenteurs d'un permis de travail ouvert ou de visiteur ainsi que les personnes sans statut légal au Canada.

Avant d'aller plus loin, M. le Président, je tiens à souligner que le sujet dont il est question aujourd'hui, soit la santé et le bien-être des enfants, revêt une importance capitale pour mes collègues parlementaires et moi-même. Nous sommes tous conscients des enjeux avec lesquels certaines familles doivent composer lorsque leur enfant requiert des soins de santé auxquels il leur est impossible d'accéder gratuitement.

La situation de certains enfants de parents à statut migratoire précaire qui se trouvent sur le territoire du Québec et qui sont privés d'une couverture en assurance maladie est d'ailleurs dénoncée depuis quelques années par certains groupes d'intérêts, dont Médecins du Monde, Amnistie internationale et l'Observatoire des tout-petits. Le Protecteur du citoyen a, pour sa part, publié un rapport spécial, au printemps 2018, dans lequel il adresse à la Régie de l'assurance maladie du Québec des recommandations à l'effet d'offrir une couverture d'assurance santé à tout enfant né au Québec et habituellement présent sur le territoire, et ce, pour remédier aux problèmes soulevés.

Maintenant, M. le Président, comme le projet de loi à l'étude porte précisément sur les critères d'admissibilité au régime d'assurance maladie du Québec, je crois important d'en rappeler les grands principes.

Les personnes admissibles à ce régime sont regroupées en deux grandes catégories : les personnes qui résident au Québec et les personnes qui y séjournent. Toute personne qui souhaite bénéficier de la couverture offerte par le Québec doit rencontrer les conditions prévues à la Loi de l'assurance maladie et au règlement sur l'admissibilité et l'inscription auprès de la Régie de l'assurance maladie. Ainsi, M. le Président, ces conditions s'appliquent à tous, de fait, à vous, à moi ainsi qu'à l'ensemble des parlementaires.

Pour bénéficier de la couverture à titre de personne qui réside au Québec, les conditions sont de détenir un statut légal prévu à la Loi de l'assurance maladie et d'y être présent six mois ou plus par année.

En ce qui concerne les personnes qui souhaitent bénéficier de la couverture à titre de personnes qui séjournent au Québec, celles-ci doivent être également... détenir un statut légal prévu par le règlement. Ainsi, les personnes qui ne rencontrent pas les exigences correspondant à l'une ou l'autre des catégories ne sont pas responsables... admissibles, pardon, au régime.

Maintenant que ces éléments-là ont été établis, M. le Président, j'aimerais enchaîner en vous expliquant nos objectifs. Je sais que je n'ai pas beaucoup de temps. Je vais y aller assez rapidement. Il faut...

Le projet de loi propose ainsi un élargissement de la couverture en assurance maladie et médicaments pour des enfants actuellement non admissibles. Cet élargissement vise plus particulièrement à prévenir les conséquences sociales et économiques découlant d'une accessibilité limitée en santé pour les gens... en santé en bas âge et à assurer la cohérence du filet social par le Québec et, par conséquent, une meilleure cohésion sociale.

Les modifications législatives et réglementaires qui sont proposées dans le cadre du projet de loi ont donc pour objectif premier de donner un accès à la couverture publique d'assurance maladie à un plus grand nombre d'enfants sur notre territoire, car l'introduction des nouvelles dispositions… Par l'introduction des nouvelles dispositions à la Loi sur l'assurance maladie ainsi qu'aux règlements… aux différents règlements, tout enfant habituellement présent sur le territoire, peu importe son lieu de naissance, serait couvert par l'assurance maladie et médicaments selon les mêmes conditions que celles qui s'appliquent actuellement pour l'ensemble des personnes couvertes par le régime.

En effet, M. le Président, afin d'assurer une cohérence et une équité par rapport aux autres entités… aux autres clientèles actuellement admissibles, il est proposé que tout enfant visé par l'élargissement de la couverture rencontre les mêmes exigences que les clientèles déjà admissibles, soit à titre de personne qui réside ou de personne qui se…

• (11 h 40) •

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, M. le ministre. Votre temps est écoulé. Alors, j'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle et députée de Maurice-Richard à nous formuler ses remarques préliminaires pour une durée maximale de quatre minutes. Je vous cède la parole, madame.

Mme Marie Montpetit

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Bien, effectivement, on n'a pas beaucoup de temps. Donc, je vais en profiter pour saluer les collègues qui sont présents, le ministre, son équipe également.

Bien, écoutez, sur le dossier qui… sur le projet de loi n° 83, pour moi, c'est très, très clair, il faut… un enfant qui est né au Québec devrait avoir accès… devrait être couvert par la RAMQ et devrait avoir accès aux soins de santé, point. Donc, j'espère qu'on pourra collaborer pour que ce projet réponde de façon efficace, de façon simple, surtout, à cette problématique-là, et qu'on y mette un terme au niveau de l'interprétation, parce qu'on voit qu'il y a une interprétation qui a été faite au cours des dernières années par rapport à l'esprit de ce qui avait été mis en place. Donc, je pense qu'on doit vraiment travailler en ce sens pour s'assurer qu'il y ait l'élargissement de la couverture de l'assurance maladie et que ce soit clair, sans ambiguïté, pour ne pas qu'on se retrouve dans la même situation dans les prochaines années.

Vous me permettrez aussi, M. le Président, brièvement, sur un autre sujet, de profiter de ces remarques préliminaires pour demander au ministre d'inclure dans son projet de loi un amendement pour qu'il y ait une obligation du gouvernement de consulter les parlementaires et l'Assemblée nationale lors de chaque renouvellement de décret d'urgence sanitaire afin de respecter l'esprit de la Loi sur la santé publique. Je vous remercie.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député de Laurier-Dorion à nous partager ses remarques préliminaires pour une durée maximale d'une minute.

M. Andrés Fontecilla

M. Fontecilla : Oui. Merci, M. le Président. Je suis très content d'être ici. En quelque sorte, c'est un moment historique qu'on entame aujourd'hui. Je profite de l'occasion également pour saluer les collègues de la partie gouvernementale ainsi que de l'opposition. Et je voudrais aussi, pourquoi pas, féliciter le ministre de finalement avoir pris la décision politique de régler ce problème-là, ce problème lancinant qui, oui, n'occupe… ne concerne pas un nombre astronomique d'enfants, mais, ici, on n'est pas dans la quantité, on est dans la qualité. Ne serait-ce qu'un enfant concerné par cette question-là, il faudrait légiférer. Donc, je suis bien content que le ministre ait eu le courage de s'avancer sur cette question-là qui suscite une très grande préoccupation. Il s'agit de corriger une anomalie historique qui perdure à travers le temps et qui suscite de très grandes injustices.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup.

M. Fontecilla : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député. J'invite maintenant le porte-parole du troisième groupe d'opposition et député des Îles-de-la-Madeleine à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale d'une minute.

M. Joël Arseneau

M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, moi aussi, je suis heureux de voir que ce projet de loi là est maintenant devant nous, qu'on puisse l'étudier. Et j'espère pouvoir passer à travers rondement pour corriger ce qui apparaît comme une iniquité de traitement, là, pour des enfants qui devraient avoir des services de santé qui sont assumés par les pouvoirs publics, en particulier ceux qui sont nés sur le territoire du Québec. On pense qu'on aurait pu procéder depuis longtemps, qu'il y avait une interprétation de la loi qui était extrêmement restrictive et qui était injuste également, un traitement inéquitable, donc, qui était réservé pour ces enfants nés ici, au Québec, avec la citoyenneté canadienne. Cela dit, ce qu'on comprend dans le projet de loi, c'est qu'on va ratisser un peu plus large, qu'on va rendre des services universels et gratuits offerts à d'autres catégories de personnes, la fratrie, notamment. Alors, c'est intéressant. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, M. le député. Une minute, c'est très court. Merci pour ces remarques préliminaires.

Avant de débuter l'audition, j'ai besoin de votre consentement pour terminer trois minutes plus tard que prévu compte tenu de l'heure à laquelle nous avons débuté. Consentement? Merci.

Auditions

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentantes de l'Observatoire des tout-petits. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter puis à commencer votre exposé. À vous la parole.

Observatoire des tout-petits

Mme Dagenais (Fannie) : Oui. Bonjour. Alors, je me présente, Fannie Dagenais, directrice de l'Observatoire des tout-petits. J'aimerais d'abord remercier le président ainsi que les membres de la commission pour cette invitation à participer à la consultation. Très heureuse d'être là aujourd'hui.

Alors, l'Observatoire des tout-petits, pour ceux qui ne nous connaissent pas, est un projet de la Fondation Lucie-et-André-Chagnon, qui a pour mission de communiquer l'état des connaissances pour favoriser une prise de décision éclairée en matière de petite enfance et donner à chaque enfant la chance de développer son plein potentiel.

Alors, en 2019, on a produit un rapport complet sur la question de l'accès aux soins de santé chez les tout-petits migrants. Je vais vous présenter, dans les 10 prochaines minutes, les faits saillants de ce rapport-là et je ferai référence à une présentation PowerPoint qui vous a été remise. Alors, pour la période de la... pour la période de questions, pardon, je serai accompagnée de Mme Janet Cleveland. Et je vais la laisser se présenter.

Mme Cleveland (Janet) : Merci. Donc, Janet Cleveland. Je suis chercheure à l'Institut universitaire Sherpa, qui est un institut qui fait de la recherche sur la santé et le bien-être des personnes immigrantes et issues des communautés culturelles. Je travaille sur ces... dans ce domaine-là depuis 2003, en particulier sur l'accès aux soins pour ces populations. Nous sommes un institut affilié à McGill, l'UQAM et l'Université de Montréal. Merci.

Mme Dagenais (Fannie) : Merci, Janet. Alors, tout d'abord, nous souhaitons évidemment saluer l'intention du gouvernement d'élargir la couverture d'assurance maladie pour couvrir un plus grand nombre d'enfants de familles migrantes. Et, en tant qu'Observatoire des tout-petits, bien, c'est certain que, pour nous, il est essentiel que chaque enfant puisse avoir accès aux soins de santé, en particulier pendant les premières années de vie.

Alors, je vais commencer avec la première illustration qui est dans la présentation qu'on vous a remise, donc, un graphique qui illustre bien comment la petite enfance est une période clé sur le plan du développement de l'humain. On voit que, dès la période de la grossesse, le système nerveux se met en place. Il y a une multiplication des cellules nerveuses pour mener à ce qui va devenir les futures zones du cerveau. Et, à partir de la naissance, bien, on voit tout de suite que les différentes zones du cerveau se développent à vitesse grand V. Et, compte tenu que cette période-là est déterminante pour l'enfant mais également pour l'adulte qu'il deviendra, on souhaite que cette période se passe le mieux possible.

C'est pour cette raison-là qu'on recommande d'avoir des rendez-vous de suivi médicaux beaucoup plus rapprochés pendant la petite enfance. Au Québec, un enfant devrait rencontrer le médecin pour un rendez-vous de suivi au moins une dizaine de fois entre la naissance et l'âge de cinq ans, et, au cours de la première année de vie, c'est cinq visites de suivi médicales qui sont recommandées.

En plus de ces rendez-vous de suivi, bien, il y a évidemment tous les rendez-vous qui ne sont pas nécessairement prévus mais qui sont tout autant importants. Donc, l'enfant doit pouvoir se rendre à la clinique sans rendez-vous ou à l'urgence s'il est malade ou s'il se blesse. On peut penser à des otites, des infections urinaires, une chute au parc qui nécessite de réparer un bras cassé. Donc, évidemment, c'est important d'avoir accès aux soins de santé à ce moment-là.

Un enfant qui n'a pas accès aux soins au moment opportun pourrait donc vivre avec des handicaps, des troubles du développement ou des maladies chroniques non dépistées, et ça, évidemment, ça pourrait avoir des répercussions sur sa vie future.

Autre fait également, c'est que les petits bobos, si on ne s'en occupe pas, peuvent devenir des gros bobos, et, à titre d'exemple, un cas qui a été rencontré à la clinique de Médecins du Monde, une fillette qui avait des infections urinaires répétées qui n'ont pas été traitées et qui ont donné lieu à des problèmes rénaux, problématique de santé qui, évidemment, va hypothéquer beaucoup plus la santé et la vie de la fillette, en plus d'avoir des coûts de traitement beaucoup plus importants.

Je vous l'ai mentionné, la période de la grossesse est tout aussi déterminante sur le plan du développement. Alors, c'est pour cette raison-là qu'au Québec un suivi de grossesse normal devrait compter en tout une douzaine de rencontres avec le médecin ou encore la sage-femme. Les tests et les échographies réalisés pendant la période de la grossesse permettent de détecter les grossesses multiples, les anomalies foetales et d'autres conditions qui pourraient mener à des complications lors de l'accouchement. Tout cela pourrait effectivement affecter le développement de l'enfant, tout comme le bon déroulement de l'accouchement et la santé de la mère.

À l'heure actuelle, il y a des femmes enceintes, qui, pourtant, vivent et travaillent légalement ici, au Québec, qui sont non couvertes par l'assurance maladie et qui vont se priver de ces suivis qui sont pourtant essentiels parce qu'elles n'ont pas les moyens de payer. Certaines vont se présenter à l'hôpital pour accoucher sans jamais avoir été vues par un médecin ou encore en ayant été vues à une ou deux reprises, ce qui est nettement insuffisant, et tout ça rend le travail de l'équipe médicale beaucoup plus complexe et l'accouchement plus à risque tant pour l'enfant que la maman.

• (11 h 50) •

Selon une étude réalisée en Californie, le fait de ne pas subventionner les suivis prénataux chez les femmes migrantes à statut précaire se traduirait par une augmentation de bébés prématurés et de bébés de faible poids. Comme on sait qu'un plus grand risque de problématiques de santé sont associées à ces conditions-là, cela entraînerait des dépenses en soins de santé qui ont été évaluées à sept fois plus importantes que les sommes qu'on a épargnées au départ. Alors, couvrir les soins de santé pendant la petite enfance et la grossesse, c'est vraiment un investissement et non une dépense pour la société.

Alors, je vous présente ici nos premières préoccupations, d'abord, que chaque enfant habitant sur le territoire ait accès à la couverture d'assurance maladie. Et, bien qu'on comprend l'intention initiale du comité interministériel qui s'était penché sur la question, bien, on se rend compte que certains enfants seraient actuellement exclus de la couverture. C'est le cas, notamment, d'enfants avec des parents qui ont un permis de six mois ou moins ou qui sont en attente de renouvellement de statut.

Notre deuxième préoccupation est que la période de la grossesse, qui est tout aussi déterminante pour le développement de l'enfant, soit couverte par le projet de loi, et ensuite que les enfants soient couverts par l'assurance maladie sans interruption, y compris pendant les délais de carence de trois mois qui sont occasionnés lorsque la famille doit, par exemple, quitter le pays pour plus de 183 jours ou encore, au début, lorsqu'on reçoit notre statut de résident permanent. On souhaite également qu'il n'y ait pas d'interruption pendant les périodes de renouvellement de statut.

Alors, à qui faisons-nous référence ici? Quand on parle de période de renouvellement de statut, bien, c'est que ça peut être, par exemple, un résident temporaire qui… dont l'autorisation de séjour a expiré, et qui a adressé une demande de résidence permanente, et qui est en attente. Ça pourrait aussi être un demandeur d'asile dont la demande a été refusée, et, maintenant, sa deuxième option, c'est d'adresser une demande de résidence permanente. Et le traitement pour ce type de demande là peut prendre de plusieurs mois à quelques années. Évidemment, dans la vie d'un tout-petit, d'un nourrisson, dans le neuf mois d'une période de grossesse, c'est beaucoup trop long pour ne pas avoir accès aux soins de santé.

Autre préoccupation de l'observatoire, c'est qu'on évite l'adoption de processus administratifs qui pourraient devenir des barrières d'accès aux soins pour ces enfants-là. Donc, on sait que nos partenaires du terrain sont préoccupés par la demande de preuve de séjour ou de déclaration assermentée pour les parents sans statut ou avec un permis de séjour temporaire. Effectivement, ils craignent que ça fasse peur à certains parents.

Pour notre part, l'Observatoire des tout-petits aimerait qu'on puisse tirer profit des apprentissages qu'on a pu faire dans le passé, notamment ceux avec les services de garde éducatifs à l'enfance. On sait, effectivement, que les familles les plus vulnérables font face à des barrières administratives pour obtenir leurs places dans le réseau de places subventionnées, et ça fait en sorte que les familles les moins nanties, les plus vulnérables sont celles qui profitent le moins de ce service-là, alors qu'elles pourraient le plus en bénéficier.

On pense également qu'il serait intéressant de tirer profit des apprentissages des modifications qui ont été faites à la Loi sur l'instruction publique en 2017. Alors, quelle est-elle? Alors, en 2017, la Loi sur l'instruction publique a élargi le principe du droit à la gratuité scolaire à toute personne qui n'est pas résidente du Québec au sens de cette loi, mais dont le titulaire de l'autorité parentale demeure de façon habituelle au Québec. Par ailleurs, on a aussi des exemples, en Ontario et en Alberta, où l'on demande une déclaration, mais qui est non assermentée, ce qui demande beaucoup moins de démarches pour le parent. Alors, peut-être que ça peut être des sources d'inspiration.

Enfin, notre dernière préoccupation, c'est que l'on considère les conditions de grande vulnérabilité dans lesquelles vivent généralement ces familles et que l'on agisse sur celles-ci en favorisant l'intégration professionnelle et sociale de ces familles, l'intégration des enfants dans les services de garde subventionnés et la réduction de l'insécurité alimentaire en favorisant l'accès à un logement abordable, parce qu'il faut le rappeler, les familles ayant des statuts d'immigration précaires sont parmi les familles qui font face aux conditions de vie les plus difficiles au Québec.

Ici, on a quelques données d'une étude qui a été menée auprès de parents d'enfants…

Le Président (M. Provençal)  : 30 secondes, madame.

Mme Dagenais (Fannie) : …de moins de six ans, et on voit ici que, malgré le fait que 58,5 % d'entre eux ont un diplôme universitaire, eh bien, près de 50 % ne peuvent pas subvenir aux besoins de leur famille et 66 % ont dû renoncer aux soins de santé. Alors, ce qu'on souhaite, c'est, évidemment, de prendre soin adéquatement des enfants et des femmes enceintes de familles immigrantes, parce que ces enfants-là contribueront à bâtir activement la société de demain.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons débuter les échanges avec M. le ministre. M. le ministre, la parole est à vous. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Dubé : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Dagenais, merci beaucoup pour votre présentation. C'est très clair. Je vois qu'il y a eu beaucoup de réflexion et de préparation.

Moi, je sauterais dans le vif du sujet, entre autres, avec une… J'aimerais que vous nous aidiez à réfléchir, dans les prochaines semaines, là, lorsqu'on va attaquer le projet de loi comme tel, sur la question de la période de grossesse. Parce que vous avez des préoccupations. Vous avez clairement identifié que c'en était une. Vous savez qu'il y a beaucoup de gens qui sont préoccupés.

Le fédéral l'a adressée, toute la question, je vais l'appeler comme ça, là, du tourisme obstétrique, là, à défaut de meilleure terminologie. Comment vous pourriez faire pour nous aider à ce qu'on ne soit pas attirés vers ça si on voulait inclure la grossesse? Alors, je voudrais vous entendre là-dessus. Parce qu'ici c'est un peu différent de ce qu'on a aux États-Unis, parce que, quand on fait la comparaison avec les États-Unis et le système privé, etc., mais ce qui n'est pas notre cas ici, dans le système public… Alors, j'aimerais vous entendre un peu là-dessus, parce que je comprends que c'est une bonne idée de vouloir le faire, mais comment on pourrait se protéger pour essayer de trouver un équilibre correct de ce côté-là?

Mme Dagenais (Fannie) : Absolument. Et on comprend bien cette préoccupation-là. Je donnerais d'abord la parole à Mme Cleveland, qui s'est penchée sur cette question-là, puis je pourrai compléter au besoin.

M. Dubé : Très bien. O.K. Merci.

Mme Cleveland (Janet) : C'est ça, effectivement, je pense que ce qui se produit actuellement, c'est que les personnes, les femmes enceintes qui ne sont pas couvertes au niveau hospitalier, on les catégorise dans la catégorie non-résidents qui paient eux-mêmes ou qui sont sans assurance. Il y a une confusion qui se fait souvent au niveau, disons, des statistiques, par exemple. On va, au niveau hospitalier, au niveau de la facturation, mettre dans la même catégorie la femme qui est sans statut mais qui habite au Québec, peut-être, depuis des années, qui est en voie de régularisation, par exemple, de son statut… va être traitée comme une personne non résidente et va apparaître dans les statistiques de cette manière-là, alors qu'en fait, quand on parle de tourisme obstétrical, je pense que les personnes qui nous préoccupent, qu'on ne voudrait peut-être pas admettre à ces services-là gratuitement, c'est la madame fortunée qui arrive, qui prend son avion, qui est prête à payer une somme rondelette pour donner l'accès à la citoyenneté canadienne à son enfant. C'est vraiment une tout autre situation.

Donc, c'est pour ça qu'en fait le critère qui est préconisé, c'est vraiment un critère qui met l'accent sur la résidence au sens général, non technique du terme, c'est-à-dire de se trouver de façon habituelle sur le territoire, que ce soit pour les femmes enceintes, pour la mère ou que ce soit pour l'enfant, donc, de ne pas mettre l'accent sur le statut migratoire, parce que ça peut nous mener dans... ça peut mener à des exclusions de gens qu'on ne veut pas exclure, mais vraiment de dire : Est-ce que cette personne-là habite au Québec, paie un bail locatif, paie des factures d'Hydro, bon, etc., donc peut démontrer qu'elle est quelqu'un qui habite au Québec? Parce que ces personnes-là devraient avoir la couverture pour les femmes enceintes, et, quand elles ne l'ont pas, ça peut être vraiment dramatique comme conséquences, et on pourrait donner des exemples à ce niveau-là.

• (12 heures) •

Mme Dagenais (Fannie) : Absolument. Puis, peut-être, Janet, je pourrais ajouter que, selon le Protecteur du citoyen, la loi et les règles en matière d'accès aux soins de santé fournissent à l'administration les outils nécessaires pour contrer les situations d'illégalité et d'abus. Donc, ça, ça avait été déclaré dans le rapport.

Donc, bien sûr, comme bien d'autres systèmes, le réseau de santé n'est pas à l'abri de gens qui seraient tentés d'en profiter, mais, la question dont on parle aujourd'hui, il ne s'agit pas de ça. Il s'agit, comme je le mentionnais, de beaucoup de femmes qui vivent, qui travaillent légalement ici et qui, pour toutes sortes de raisons, vont être en statut irrégulier, sont en attente d'une réponse, vont devoir avoir accès à des services de santé parce qu'elles sont enceintes et elles ne pourront pas avoir accès à ces soins-là. Donc, éventuellement, elles vont s'établir ici. Leur enfant va avoir sa carte-soleil. Et il y a toutes sortes de problématiques qu'on aurait pu éviter, avec lesquelles on va devoir travailler, et ce sera beaucoup plus complexe de régler ces problématiques de santé là à ce moment-là.

M. Dubé : O.K. Très bien. Je voudrais revenir peut-être sur des… Je ne sais pas si vous pouvez nous aider, mais j'entends souvent, lorsqu'on me parle d'enfants à statut précaire, qu'on parle de milliers d'enfants, et le fait que la RAMQ a le nombre d'enfants qui sont assurés, mais on n'a pas le nombre d'enfants qui ne sont pas assurés. Mais, pour nous aider à avoir ces données-là, étant donné tous les travaux de recherche que vous avez faits, est-ce que vous avez une idée des enfants qui n'ont pas accès… le nombre d'enfants qui n'ont pas accès à la RAMQ? Puis, si vous ne l'avez pas, vous ne l'avez pas, mais nous… Je me retrouve avec un problème où on comprend très bien qui on assure en ce moment… n'assure pas, c'est plus difficile. Je le sais parce que... Le docteur… va peut-être vouloir poser des questions semblables, mais j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Dagenais (Fannie) : Bien oui. Bien, écoutez, nous, l'Observatoire des tout-petits, on est tout à propos des données.

M. Dubé : Voilà.

Mme Dagenais (Fannie) : Alors, quand on a commencé à travailler sur ce dossier-là, évidemment, on était à la recherche de données. Puis notre constat est le même que celui que vous venez de faire, c'est qu'il n'existe pas de données pour documenter de façon exacte le nombre d'enfants qui sont touchés par la problématique. Je vais vous partager les données que nous, on a pu rassembler lorsqu'on a produit notre rapport.

Donc, cette année-là, il y avait environ 56 nouveaux enfants sans carte-soleil qui se sont présentés à la clinique de Médecins du Monde à Montréal, puis, parmi eux, à peu près la moitié étaient nés au Québec. Donc, tu sais, ça, évidemment, ce n'est pas représentatif de l'ensemble du Québec, là, mais je vous donne les données qu'on a pu identifier. Donc, on a ces données-là. Médecins du Monde pourra sans doute, cet après-midi, vous mettre à jour ces données-là, là, selon la dernière année.

M. Dubé : Ce que vous me parlez, vous me parlez de Montréal, du Grand Montréal, Mme Dagenais, juste pour bien comprendre?

Mme Dagenais (Fannie) : Bien, la clinique de Médecins du Monde est à Montréal, effectivement. Donc, c'est très parcellaire comme portrait, mais ça vous donne quand même une idée de la clientèle de cette clinique-là. Il y a un chiffre qui circule sur le terrain, que les partenaires nous avaient partagé, mais on n'a pas pu réussir à trouver une étude qui appuyait vraiment avec précision ces chiffres-là. Mais on parlait... entre 300 à 1 200 enfants, au Québec, qui seraient touchés par la situation. Et j'ai une autre donnée aussi qui pourrait…

M. Dubé : Pour bien vous comprendre, vous n'avez pas dit 300 000. De 300 à 1 000.

Mme Dagenais (Fannie) : Non, non, c'est ça, exactement.

M. Dubé : De 300 à 1 000 au Québec.

Mme Dagenais (Fannie) : Exactement, exactement. Mais je vous dirais que le consensus… Puis on en a rencontré, des gens, là, quand on a préparé ce rapport-là, des gens qui travaillent sur le terrain directement auprès de la clientèle, mais des chercheurs également qui étudient le phénomène depuis de nombreuses années, puis je vous dirais que le consensus qui est très clair, c'est que ça représente une goutte d'eau dans le budget de santé au Québec, là. Ce n'est pas… On n'est pas dans des chiffres faramineux, là, de toute évidence, parce que, si on considère les chiffres du nombre d'enfants immigrants au Québec et que, là, on enlève tous ceux qui ont leur statut régulier et qui sont couverts par la RAMQ, bien, il ne reste pas… il ne peut pas rester tant d'enfants que ça au bout du compte. Mais effectivement on n'est malheureusement pas dans la possibilité de mettre un chiffre exact sur ce nombre d'enfants là.

M. Dubé : O.K. Mais, déjà, ça donne un ordre de grandeur. Puis on pourra le… Je reviendrai avec la même question à d'autres organismes qui pourraient peut-être aider à compléter la…

J'aimerais ça peut-être passer la parole. J'ai quelques collègues avec moi sur la commission, peut-être, députée de l'Abitibi, Marilyne Picard, M. Tremblay. Je vous laisse… Il nous reste encore du temps, M. le Président, du côté du gouvernement?

Le Président (M. Provençal)  : Effectivement.

M. Dubé : Et alors, peut-être, je ne sais pas, Marilyne… Bien, allez-y, Marilyne.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Soulanges.

Mme Picard : Bonjour, mesdames. Merci pour votre présence ici aujourd'hui. Je suis certaine que vous allez bien contribuer à nos travaux.

Je me posais une question. Comment le gouvernement puis le ministère de la Santé pourraient mieux rejoindre les personnes qui sont nouvellement arrivées ici, et les enfants surtout, ou ceux qui vivent sur le territoire québécois mais qui ont un statut précaire? Comment on pourrait mieux les renseigner sur leurs droits, leurs devoirs en matière de santé et services sociaux, selon vous?

Mme Dagenais (Fannie) : Janet, est-ce que tu veux commencer?

Mme Cleveland (Janet) : Je pense qu'une des façons importantes, c'est d'avoir un message clair et simple, et en fait c'est un peu notre plus grande préoccupation. Parce que le projet de loi, à la base, c'est formidable, comme intention, comme volonté, d'élargir de façon importante la couverture des enfants qui résident au Québec, qui sont au Québec, mais, malheureusement, pour les enfants nés hors Québec, le projet de loi est extrêmement alambiqué. Je pense que ça va être un cauchemar, au niveau administratif, pour l'application, telle que formulée actuellement, alors que le comité interministériel, initialement, avait fait une recommandation qui était très simple, qui était, essentiellement, dans les mêmes termes que la Protectrice du citoyen, de donner accès à la carte RAMQ, la couverture RAMQ à tout enfant habituellement présent sur le territoire, qui habite sur le territoire, je veux dire. Et, d'une part, si on accepte, si on adopte un critère simple sans égard au statut migratoire, simplement que la personne habite au Québec, ça va être beaucoup plus facile d'expliquer à tous les nouveaux arrivants et tous ceux qui sont établis déjà sur le territoire : Si vous avez un enfant, si l'enfant habite au Québec au sens ordinaire du terme, bien, ils ont droit à la couverture RAMQ, point à la ligne.

Mme Picard : Mais je me pose… Ah oui! Vous pouvez… Mme Dagenais.

Mme Dagenais (Fannie) : Absolument. Peut-être, je peux juste rajouter… Il y a des organismes et des réseaux d'organismes qui rejoignent ces familles-là au Québec. Je pense, notamment, au réseau d'ACCESSS, que, je crois, vous allez rencontrer, j'ai un petit doute, là, mais, bref, un organisme qu'il vaudrait vraiment la peine de rencontrer d'une façon ou d'une autre, qui a un réseau, un peu partout à travers la province, d'organismes qui travaillent auprès de ces clientèles-là. Donc, il y en a beaucoup d'autres, là, des organismes. Je pense qu'il faut passer par ces organismes-là qui sont déjà en proximité avec ces familles-là et qui ont déjà les canaux de communication. Puis peut-être que l'erreur, des fois, c'est de passer par les canaux de communication habituels, qui rejoignent moins bien ces familles-là.

Mme Picard : Je vais vous parler d'un enfant qui habiterait… qui serait habitant du territoire. J'aimerais savoir, selon vous, votre définition du mot «habiter», ce serait quoi dans ce contexte-ci.

Mme Dagenais (Fannie) : Bien, peut-être que je peux revenir avec l'exemple de l'Alberta et l'Ontario. Donc, pour eux, dans le fond, ils ont réglé la question en disant : Il suffit aux parents de se présenter avec une preuve d'adresse et une petite lettre dans laquelle le parent exprime son intention de rester pour plus de six mois. Donc, tu sais, habiter, bien, c'est, finalement, de demeurer au Québec, de faire sa vie ici en ce moment. Donc, pour moi ce serait un peu ça, la définition. Janet, est-ce que tu voudrais compléter?

Mme Cleveland (Janet) : Oui. C'est ça, effectivement, souvent, ce qui est demandé, c'est de présenter une copie du bail, des factures de l'Hydro... enfin, bon, c'est une preuve factuelle que la personne habite ici pour un temps… Bon, pour certains, ça va être… Je ne sais pas, les étudiants internationaux, c'est peut-être pour deux ans, ou cinq ans, ou… Enfin, bon, selon le cas, les travailleurs temporaires, les personnes sans… Tu sais, ça peut varier, mais c'est des gens qui habitent ici et qui ne sont pas simplement de passage.

Mme Dagenais (Fannie) : Puis, peut être, si je peux ajouter, il ne faut pas sous-estimer à quel point les processus administratifs peuvent devenir des barrières d'accès. Puis on l'a vécu pour les services de garde éducatifs à l'enfance. Le simple fait d'être capable de se débrouiller sur la plateforme Web, de comprendre comment ça fonctionne, quand on vient d'arriver, qu'on ne comprend pas encore tout à fait le fonctionnement du système de santé, du système de service de garde au Québec… Et, pour certains parents, même le seul fait de demander le certificat de naissance, ça pouvait devenir un problème. Parce que, parfois, le certificat était égaré, et là, pour le commander, il y a des frais associés. Et, comme c'est des familles qui sont très, très vulnérables, bien, certaines familles préféraient utiliser les sous pour faire l'épicerie ou payer leur loyer. Donc, au bout du compte, on se rendait compte qu'elles ne profitaient pas des places qui étaient réservées pour elles, même, dans certains cas. Alors, il ne faut vraiment pas sous-estimer à quel point des barrières administratives peuvent devenir des barrières d'accès pour ces familles-là qui sont très vulnérables.

Mme Picard : Merci beaucoup. Merci, M. le Président.

• (12 h 10) •

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Il reste encore 1 min 30 s. Est-ce qu'il y a d'autres questions à adresser aux deux représentantes?

Mme Guillemette : Oui. Je peux y aller, moi, s'il reste un petit peu de temps.

Le Président (M. Provençal)  : Oui, vas-y.

Mme Guillemette : Bonjour. Merci d'être présentes, et de nous soutenir, et de nous aider dans ce beau projet de loi là qui est tellement important pour ces gens-là. Donc, bien, c'est un projet de loi, comme je le dis, qui est important, puis on propose plusieurs changements dans ce projet de loi là. Est-ce que vous considérez qu'on va vers la bonne direction et que... Est-ce que vous êtes en accord avec le projet de loi, en fait? Puis est-ce qu'on va dans la bonne direction en faisant les modifications qu'on pense entreprendre, là, si le projet de loi est adopté, bien entendu?

Mme Dagenais (Fannie) : Bien, écoutez, comme je l'ai mentionné au début, c'est certain qu'on salue cette intention-là d'élargir la couverture d'assurance maladie pour ces enfants-là et pendant la période de la grossesse. Ça fait toute la différence pour l'adulte en devenir. Puis on a tout intérêt à ce que ces enfants-là, qui vont rester avec nous, dans la plupart des cas, deviennent des adultes qui sont épanouis, qui ont développé leur plein potentiel puis qui peuvent contribuer à notre société.

Par contre, est-ce qu'on a des préoccupations par rapport au projet de loi qui a été déposé? Bien, dans le cas de l'Observatoire des tout-petits, oui, et je vous les ai nommées, elles sont résumées à la fin de ma présentation PowerPoint aussi, donc, le fait que chaque enfant ait accès à la couverture d'assurance maladie — comme je vous le disais, il semble y avoir des exclusions en ce moment — que la période de la grossesse soit couverte, que les enfants soient couverts...

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie, Mme Dagenais. C'est intéressant, parce que, votre PowerPoint, je veux signaler à mes collègues qu'il est sur Greffier, alors, dans l'onglet Correspondance.

Mme Dagenais (Fannie) : Parfait.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le ministre. Alors, maintenant, je cède la parole à la députée de Maurice-Richard. Vous disposez de 11 minutes. À vous.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Merci beaucoup à nos invitées d'être présentes aujourd'hui.

Mme Dagenais, je vais vous laisser continuer, de toute façon, certainement, sur ce que vous aviez commencé à aborder parce que je voulais aller sur ces questions-là. Je vous dis, d'entrée de jeu, je ne sais pas si je prendrai tout le temps qui m'est alloué, parce que votre présentation était d'une clarté, d'une limpidité, et vous êtes allées... Vous faites la démonstration de chaque enjeu que vous avez soulevé par rapport au projet de loi, et c'est tout à votre honneur, et ça nous aide beaucoup, comme parlementaires, pour… quand viendra le temps de faire l'étude détaillée de ce projet.

Je voulais revenir sur la question des processus administratifs, parce que vous êtes plusieurs groupes, effectivement, à le soulever. Moi, c'est quelque chose qui me préoccupe aussi. Comme députés, c'est quelque chose qu'on voit quand même... C'est un problème auquel on est confrontés quand même assez régulièrement aussi, d'avoir des nouveaux migrants ou des gens qui en sont à leurs premières années, de voir à quel point ce qui peut nous paraître... Bien, j'allais dire : Ce qui peut nous paraître simple, mais les processus administratifs ne sont pas toujours simples, même pour l'ensemble d'entre nous. Mais ça peut devenir encore plus compliqué puis effectivement ça peut vraiment être une barrière à avoir accès, dans ce cas-ci, aux soins.

Moi, je voulais vous entendre davantage sur ces éléments-là, à quel point, effectivement, vous voyez ça comme un frein, dans le fond, qui... bien, qui limite mais qui va même, à la limite, à l'encontre de ce qu'on l'on recherche par le projet, et aussi si le fait... Bien, je vais commencer par cette question-là puis je continuerai par la suite, dans le fond.

Mme Dagenais (Fannie) : Bien, je peux peut-être tenter un début de réponse, puis, Janet, tu pourras compléter.

Bien, écoutez, c'est certain que, là... Bien, premièrement, je tiens à préciser que je ne suis pas une juriste. Alors, à l'Observatoire des tout-petits, on a une expertise dans le développement des tout-petits et les conditions qui permettent à chaque enfant de développer leur plein potentiel, mais je ne maîtrise pas le langage légal de fond en comble. Et évidemment, dans le projet de loi, donc, pour moi, ce n'est pas nécessairement évident, la lecture de ça, de quelle façon tout ça va s'opérationnaliser et, exactement, qu'est-ce qui va être demandé, finalement, aux familles en termes de processus administratifs.

Donc, pour nous... C'est pour ça que j'ai formulé… C'est une préoccupation, c'est-à-dire qu'on a connu des écueils. D'ailleurs, j'ai collaboré à la production d'un rapport, qui a été déposé au ministre de la Famille l'année passée, sur la question des barrières d'accès aux services en petite enfance, mais en fait les conclusions du rapport, c'est que ces barrières d'accès là s'appliquent à peu près à tout type de service. Dans la littérature scientifique, c'est démontré que, les services, bien, ceux qui en profitent le plus, c'est les plus nantis, parce qu'il y a toutes sortes de barrières d'accès qui font que les familles vulnérables ne peuvent y accéder.

Donc, pour nous, je n'ai pas quelque chose de plus précis à vous répondre que le fait que c'est… Les processus administratifs qui vont être demandés, plus ils vont être complexes, plus ils vont demander une maîtrise… un haut niveau de littératie, une maîtrise de comment fonctionnent les différents systèmes, bien, plus on augmente le risque que les parents ne se rendent pas à la ligne d'arrivée et que l'enfant ne bénéficie pas du service qu'on souhaite lui offrir et qu'on juge qui est essentiel pour lui, donc.

Et je sais que les groupes terrain sont préoccupés par le fait que la demande d'assermentation fasse peur à certains parents qui sont en attente d'une réponse à leur demande de régularisation de statut et qui ne voudraient pas se faire dénoncer aux autorités en immigration. Donc, ça, probablement que Médecins du Monde va vous en parler davantage, là, comme ils sont plus près de la clientèle, cet après-midi.

Mme Cleveland (Janet) : Si vous permettez, donc, je continuerai là-dessus. Ma première formation, c'est comme juriste, et je peux dire qu'on a été plusieurs à travailler ensemble pour décortiquer le projet de loi, des avocats chevronnés, professeurs de droit, moi-même, des experts en immigration. Et on a passé des heures et des heures de discussions et d'échanges de courriels pour essayer de clarifier le sens du projet de loi. Alors, déjà, c'est vraiment préoccupant. Donc, les barrières administratives, je pense, seront là principalement parce que le projet de loi lui-même est… crée trop de catégories, d'exceptions, etc. Il faut, à la base, que les principes soient plus simples.

Donc, pour ce qui est des enfants nés au Québec, c'est quand même relativement simple, dans le sens que tous les enfants nés au Québec sont couverts à condition que soit le parent ait une autorisation de séjour de plus de six mois ou que le parent fasse une déclaration assermentée. Là, la préoccupation, effectivement, comme Fannie vient de le mentionner, c'est que les personnes sans statut ou temporairement sans statut aient peur de faire une déclaration assermentée par crainte d'être dénoncées aux autorités de l'immigration, une barrière qu'on sait... est très importante et très réelle.

Mais là où c'est vraiment le plus problématique, c'est pour les enfants nés hors Québec qui accompagnent leurs parents. Le projet de loi est extrêmement complexe, mais ce qu'on comprend, c'est que les groupes exclus, c'est les familles qui ont une autorisation de séjour de moins de six mois et aussi les parents qui sont sans statut. Et, quand on parle de parents sans statut, ça peut être des gens qui habitent ici depuis des années. Certains, la majorité, sont en processus de régularisation de statut, mais ça, ça peut prendre des mois ou des années. Certaines personnes tombent hors statut, effectivement, là, quand ils demandent un renouvellement. Ils ont une couverture… un permis temporaire qui expire. Ils doivent attendre le renouvellement. Et tout ça, ça introduit beaucoup de complexité, alors que... parce qu'on s'attarde trop au statut migratoire des parents plutôt que sur la question factuelle que les enfants habitent au Québec. Et, c'est ça, si on revenait à un critère plus simple et plus inclusif qui inclut tous les enfants au Québec, ce serait également plus simple au niveau de l'application.

Mme Montpetit : Bien, vous me mettez la table pour ma prochaine question, parce qu'un des éléments qui avaient été notamment soulevés par la Vérificatrice générale, c'est le fait de lier l'accès aux soins de l'enfant au statut des parents. Est-ce qu'on ne demeure pas, avec le projet de loi qui est déposé dans sa forme, encore dans cette dynamique-là où l'enfant... Justement, le fait d'avoir à prouver l'intention de rester plus de six mois, est-ce qu'on ne demeure pas encore dans une dynamique où, justement, on lie l'entité, les droits de l'enfant, dans le fond, au statut de leurs parents? Moi, j'aurais aimé ça vous entendre davantage sur cet élément-là aussi.

Mme Dagenais (Fannie) : Janet, je vais te laisser répondre.

• (12 h 20) •

Mme Cleveland (Janet) : Oui, tout à fait. Tout à fait. C'est vraiment un des problèmes majeurs du projet de loi tel que formulé. Et effectivement ça va à l'encontre du principe que c'est l'enfant qui devrait avoir les droits en tant que tels, et que ce soit basé sur le fait d'habiter au Québec et non pas le statut migratoire.

Mme Montpetit : Parfait. Bien, je vous remercie. C'était important pour moi de vous entendre là-dessus, parce que l'enjeu fondamental… Puis on a eu... Bien, je sais que la vérificatrice sera présente dans les prochaines consultations aussi, mais c'est quand même l'élément majeur au niveau de l'interprétation, aussi, de l'esprit de la loi de départ, à savoir comment on doit l'interpréter. Est-ce que l'enfant a une entité juridique propre? Est-ce que le statut de ses parents devrait influencer ou pas son accès aux soins? Cette question-là, elle était assez claire. Le projet de loi devrait justement venir s'assurer qu'on ne clarifie pas... En fait, le projet de loi vient clarifier dans la direction contraire, dans le fond, que les parents ont vraiment à faire la démonstration qu'ils ont l'intention de rester pour plus de six mois, avec toutes les complications, effectivement, administratives que vous nommez bien. Je pense que notre priorité doit être de s'assurer que ces enfants-là ont accès aux soins de santé.

Moi, je vous remercie. Ce sera tout, M. le Président. Puis merci beaucoup pour votre présentation, très apprécié.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Fontecilla : Oui. Merci. Bonjour, Mme Dagenais. Écoutez, je vais y aller très rapidement. Est-ce que… Selon vous, est-ce qu'on pourrait qualifier les sans-papiers — on va y aller avec un nom générique, là — comme des personnes pratiquant le tourisme obstétrical?

Mme Dagenais (Fannie) : Janet, je vais te laisser débuter la réponse.

Mme Cleveland (Janet) : Pas du tout. Effectivement, ce sont des personnes qui habitent au Québec. Quand on parle des personnes sans papiers, c'est les personnes soit dont la demande d'asile a été refusée et qui sont restées sur le territoire — généralement, ils font une demande de résidence permanente pour motifs humanitaires, qui est très souvent accordée mais qui prend deux à trois ans pour un traitement administratif — ou encore c'est des personnes qui avaient un statut, un visa temporaire de travail ou d'études, notamment, qui est expiré, qu'ils n'ont pas pu renouveler, et, encore là, entre-temps, ils se sont établis ici, se sont mariés, ils ont eu des enfants, bon, bref, et qui veulent rester au Québec et s'y établir à long terme. Et donc c'est ça, quand on parle de personnes sans papiers, sans statut. Ce n'est pas du tout du tourisme obstétrical quand la personne... la femme tombe enceinte et a besoin de soins.

Mme Dagenais (Fannie) : Bon, puis peut-être que, dans le fond, je peux mentionner également… Puis je pense que ça a été mentionné par Janet au tout début, mais, quand même, je vais revenir là-dessus, c'est que le tourisme obstétrical, c'est un phénomène qui touche beaucoup moins qu'on le croit les pays occidentaux. Donc, comme l'a mentionné Janet, les rares cas de touristes médicaux originaires de pays du Sud qui choisissent de se faire soigner dans les pays occidentaux, bien, c'est généralement des personnes disposant de moyens financiers très importants, comme des chefs d'État, des diplomates, qui vont payer, de toute façon, pour les services.

Donc, on parle vraiment d'autres personnes ici. On parle de gens qui habitent ici, qui travaillent ici, que leurs enfants fréquentent nos écoles. Donc, on ne parle pas du tout du même groupe de personnes. Puis en fait, dans notre rapport, ce qu'on disait, c'est que les voyageurs provenant d'Amérique du Nord et d'Europe qui se rendent dans les pays du Sud pour recevoir des soins sont beaucoup plus nombreux, en fait, et c'est ça qui constituerait un marché en croissance exponentielle.

Donc, je pense qu'effectivement, comme l'a dit Janet au début, il ne faut pas confondre ces deux groupes-là. Puis je comprends... J'ai cru comprendre que les statistiques qui sont tenues ne font pas la distinction, mais, vraiment, ici, les personnes dont on parle, c'est des gens qui habitent ici.

M. Fontecilla :

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Merci beaucoup, M. le député. Votre temps est écoulé. Alors, je cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Arseneau : Merci beaucoup. Alors, merci pour votre présentation. C'est effectivement très, très clair.

J'aimerais vous entendre commenter un peu davantage le fait qu'on trouve des solutions ailleurs au Canada qu'on ne semble pas avoir la bonne idée d'emprunter ici, au Québec. Je fais référence, là, à l'idée de prouver qu'on est bel et bien résident du territoire. Est-ce que vous avez davantage d'information, à savoir si ça crée des complexités ou si ça génère des abus? Vous avez parlé de l'Ontario, je crois, et peut-être de l'Alberta.

Mme Dagenais (Fannie) : Bien, effectivement, ce serait très pertinent de tirer profit des apprentissages qui sont faits de ce côté-là. Je sais que Janet s'est intéressée un petit peu de plus près que moi à ce qui se fait dans ces provinces-là.

Mme Cleveland (Janet) : Quand même, en toute transparence, il faut dire que, donc, quand on fait référence à l'Ontario, l'Alberta, c'est pour les enfants nés en Ontario ou en Alberta qu'on... C'est possible de prouver la résidence, en quelque sorte, par le fait que la personne habite et, bon, produit des factures d'électricité ou des choses comme ça. Il y a quand même parfois des difficultés administratives. Il y a eu un rapport qui avait été produit là-dessus en Ontario, que je pourrais retrouver éventuellement au besoin. Mais, généralement, quand même, apparemment, ça marche assez bien pour... C'est des preuves qui sont de ce type-là. Ça fonctionne assez bien.

M. Arseneau : D'accord. Autre question. Concernant le fait que... Vous parliez, Mme Cleveland, du fait que c'est une loi qui est complexe pour les juristes. Elle risque de l'être encore davantage pour les fonctionnaires qui doivent appliquer la loi, et encore de façon magistralement plus complexe pour ceux qui veulent s'en prévaloir. Comment on pourrait la simplifier? Est-ce qu'il y a des articles, est-ce qu'il y a des propositions de libellés différents que vous pourriez nous proposer, là, un article en particulier?

Le Président (M. Provençal)  : 30 secondes.

Mme Cleveland (Janet) : Honnêtement, c'est toute l'architecture, la façon que ça a été créé, malheureusement. Et on fait référence au statut migratoire, justement, à la base, et ce n'est pas évident comment... Et, bon, je ne veux pas m'aventurer en 15 secondes là-dessus, mais ce serait vraiment à revoir, je pense, au niveau de la formulation du projet de loi.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup.

M. Arseneau : Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Je remercie les représentantes de l'Observatoire des tout-petits pour leur contribution à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 h 30. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 27)

(Reprise à 14 h 33)

Le Président (M. Provençal)  : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 83, Loi concernant principalement l'admissibilité au régime d'assurance maladie et au régime général d'assurance médicaments de certains enfants dont les parents ont un statut migratoire précaire.

Cet après-midi, nous entendrons par… par visioconférence, excusez — je vais aller un petit peu moins vite, puis ça va aller mieux — les organismes suivants : Médecins du Monde Canada, la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, l'Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux et le Protecteur du citoyen.

Avant de céder la parole à… et de souhaiter la bienvenue aux Médecins du Monde du Canada, M. le ministre, je pense, vous aviez un petit mot à nous dire.

M. Dubé : Bon, bien, je vais être rapide, M. le Président, là. Ce que j'expliquais, c'est qu'il y a eu des très bons commentaires de l'observatoire dans notre première audience ce matin, et où on débattait, là, le lien entre le statut migratoire des parents puis le statut migratoire ou l'admissibilité de l'enfant. Et, dans un petit tableau que je voulais rendre disponible, là, on voit très bien que, dans le cadre du projet de loi... et c'est notre objectif, c'est que l'admissibilité de l'enfant soit détachée de celle du parent. Puis ça, je pense que c'est très important. C'était un des commentaires. Puis à… je dis, à titre de preuve, là, suivant l'adoption de notre projet de loi, il y a plusieurs enfants qui seraient… qui vont être admissibles, alors que leurs parents ne le sont pas. Alors, je voulais juste apporter cette précision-là.

Puis on a montré, dans un tableau, là, je vais le dire, didactique, là, ces différentes situations. Ça fait que je voulais juste le rendre disponible aux membres de la commission qui sont là présentement et aux autres présentations qu'il y aura à venir. Alors, c'est tout.

Document déposé

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, il est maintenant disponible sur Greffier.

J'invite maintenant les gens du… les représentants de Médecins du Monde pour leur exposé de 10 minutes. Vous nous… Et par la suite nous procéderons à la période d'échange avec ses membres. Je les invite à se présenter et à débuter leur exposé.

Médecins du Monde Canada

M. Milot (David-Martin) : Excellent. Merci beaucoup, M. le Président, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, puis les députés membres de la commission, pour l'invitation pour nous entendre aujourd'hui. Je suis David-Martin Milot. Je suis un médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive. Je travaille en Montérégie. J'ai aussi le grand bonheur d'être le président de l'organisation Médecins du Monde Canada. Et je suis accompagné de notre directrice générale, Nadja Pollaert. Donc, je vais débuter, puis ensuite Nadja va s'entretenir avec vous.

Donc, Médecins du Monde, en gros, notre mission, c'est d'assurer un droit à la santé pour tous de différentes façons. Entre autres, on a une clinique de santé, donc, de première ligne qui est spécifiquement pour les migrants à statut précaire.

Puis, vraiment, on vous remercie, M. le ministre, d'avoir déposé le projet de loi dans l'objectif de trouver une solution au non-respect du droit à la santé de certains enfants au Québec. Ça fait 20 ans que ça dure et qu'on fait un plaidoyer à cet effet-là, puis on est là aujourd'hui pour parler d'un projet de loi. On est extrêmement heureux puis on vous félicite vraiment pour le courage politique derrière ce projet de loi là.

Donc, vous avez annoncé, à l'été 2020, que vous aviez l'intention de régler le problème du non-accès à la santé des enfants de parents migrants à statut précaire. Puis on était encouragés que cette injustice-là soit finalement résolue. Mais, comme tout projet de loi, chaque mot importe, puis ça peut faire toute la différence dans la vie des personnes, particulièrement celles qu'on voit dans nos cliniques, qui sont parmi les plus précaires par rapport à leurs caractéristiques, entre autres, migratoires.

Donc, on est convaincus que le projet va avantager plusieurs enfants, mais pas tous, puis c'est par ce souci-là, peut-être, d'inéquité qu'on est là aujourd'hui. Donc, on appuie la motion que vous avez mentionnée avant la présentation, parce qu'à notre connaissance il n'y a aucune loi qui discrimine les enfants à cause des caractéristiques de ses parents.

En tant que médecin spécialiste en santé publique, je me suis spécialisé spécifiquement sur les inéquités en santé. C'est quoi, en gros, les inéquités? C'est ce qui fait que l'espérance de vie va avoir une différence de 10 ans dans deux quartiers de deux bouches de métro différentes dans une même municipalité, c'est les déterminants sociaux de la santé qui ont un impact, finalement, sur la santé des gens. Puis comment est-ce qu'on brise ces inéquités en santé là? On doit rompre leur transmission de toutes formes, en fait. Puis rattacher le statut d'enfant à celui qu'on sait déjà précaire de leurs parents, c'est une façon de perpétuer les inéquités en santé.

Chez nos patients migrants à statut précaire, à Médecins du Monde, on voit qu'il y a 82 % d'entre eux qui vivent sous le seuil de la pauvreté, ce qui est énorme. Donc, on parle ici d'enfants qui sont au Québec et qui vont y rester, pour la plupart, peu importe leur lieu de naissance puis leur statut. Donc, une fois que l'enfant va devenir émancipé, à 18 ans, qu'il va finalement avoir la résidence, en fait, il va quand même garder les séquelles, si on veut, disons-le… ou on va demeurer responsable, en tant que société, de leur avoir laissé des barrières, là, d'accès à une offre de services de santé qui serait plus optimale, finalement, si on avait fait quelque chose. Donc, on ne voudrait pas avoir une loi qui discrimine les enfants à cause des caractéristiques d'un parent.

Puis nos propositions s'articulent beaucoup autour de l'intérêt supérieur de l'enfant, qui est un concept, dans le fond, qui dit que, s'il y a une disposition juridique, entre autres, qui se prête à plusieurs interprétations, bien, on doit choisir celle qui sert le plus efficacement l'intérêt supérieur de l'enfant. Puis aujourd'hui on se trouve face à un projet de loi qui est complexe, bien, qui propose des solutions pour certains enfants, mais pas pour d'autres qui sont davantage précaires, puis qui pourrait être interprété de différentes façons.

Donc, on est quand même préoccupés par la conséquence de cette complexité-là, la bureaucratisation aussi à outrance que ça pourrait engendrer, d'avoir autant de spécificités dues à différentes situations. Puis il faut garder en tête que, ce projet de loi là, on va devoir l'expliquer aux professionnels de la santé, aux institutions de soins mais aussi aux parents puis aux enfants pour lesquels on fait du travail de proximité pour tenter de leur expliquer toute cette situation complexe là.

Donc, même si on n'est pas des experts juridiques nous-mêmes, on a beaucoup d'expérience terrain puis on sait aussi... On a analysé le projet de loi avec des juristes de l'immigration, du droit administratif, des droits humains, puis le résultat, c'était qu'il y avait plus de questions que de réponses.

Donc, nos propositions aujourd'hui, ça vise aussi de l'efficience mais aussi une plus grande clarté, une meilleure adéquation aussi peut-être de la loi avec ce qu'on observe sur le terrain depuis plusieurs années. Mais c'est aussi autour des concepts de dignité humaine, de justice sociale, d'autonomie puis d'intérêt supérieur à l'enfant... bien sûr, pardon.

• (14 h 40) •

Donc, tout d'abord, pour les enfants nés au Québec, le projet de loi élargit l'admissibilité à la RAMQ à tous les enfants nés au Québec, sous réserve qu'on puisse démontrer soit une autorisation de séjour d'un des parents qui est valide pour plus de six mois dans l'année suivant l'inscription ou sinon que le parent signe une déclaration assermentée qui concerne son intention puis celle de son enfant de demeurer au Québec pour plus de six mois après l'année de l'inscription. Donc, ne seraient pas admissibles, finalement, les enfants de parents qui ont un permis de visiteur de moins de six mois.

Donc, ce qui est positif, c'est que maintenant, avec ce projet de loi là, on couvre les enfants qui ne sont actuellement pas admis parce qu'ils ne sont pas considérés établis au Québec. Donc, on peut parler d'enfants de parents avec des permis d'études, des enfants de parents avec des permis de travail ouverts ou des enfants de parents sans statut. Donc, s'ils produisent une déclaration assermentée, on serait corrects.

Mais il y a un manque de clarté par rapport à cette déclaration assermentée là, et on vit, justement, beaucoup cette complexité-là. Avec qui, comment doit être rédigée la déclaration assermentée? Est-ce que la RAMQ va contre-vérifier avec les autorités d'immigration fédérales le statut d'immigration des parents? On sait très bien que c'est une des façons, des pires façons, finalement, pour avoir un lien de confiance réel avec les personnes qui sont précaires et qui sont... qui ont peur, finalement, de se faire dénoncer, d'être déportées. Donc, de savoir que la RAMQ peut faire... parfois transgresser son rôle de gestionnaire de l'assurance maladie au profit de fonctions d'immigration, ça crée certainement une barrière d'accès additionnelle avec laquelle nous, on doit... du moins, qu'on doit pallier. Donc, on voit difficilement comment ça peut s'opérer.

Donc, notre proposition, à Médecins du Monde, c'est qu'il serait juridiquement puis administrativement plus cohérent d'octroyer automatiquement l'accès à la RAMQ à tout enfant né au Québec sur une simple présentation de certificat de naissance.

Rapidement aussi, un élément qui n'est pas dans le projet de loi, c'est les femmes enceintes. Je pense que vous en avez entendu parler aussi ce matin. Donc, le projet de loi n° 83 n'inclut pas une protection spéciale pour les femmes enceintes au statut migratoire précaire. Puis, bien, on sait très bien que la santé de l'enfant, pendant toute sa vie, dépend beaucoup des premières années mais aussi du temps qu'il a été dans le ventre de sa mère, que ce soit par rapport à ce que... le corps de la mère en soi, mais aussi les conditions sociales dans lesquelles la mère vit. Donc, le capital santé se joue beaucoup à ce moment-là.

Donc, notre proposition, ce serait, justement, de s'attarder aussi à la femme enceinte, donc, pour vraiment assurer la santé des enfants, connaissant tout ce qu'on sait, justement, sur les déterminants de santé, ce serait d'octroyer une protection spéciale pour les femmes enceintes au statut migratoire précaire pendant la grossesse, lors de l'accouchement et dans la période post-partum, donc les six semaines postaccouchement.

Mme Pollaert (Nadja) : Autre élément... Bonjour, messieurs dames, M. le ministre. L'autre élément qu'on voudrait ajouter, à notre humble avis, qu'il manque au projet de loi, c'est toutes les questions en lien avec le délai de carence. Donc, comme vous le savez certainement, le gouvernement du Québec a été très proactif, il y a quelques années, pour finalement donner accès à la RAMQ à des femmes qui sont en délai de carence si elles sont enceintes ou si elles sont victimes de violence conjugale. Et là la demande, ce serait de dire : Parfait, est-ce qu'on pourrait faire la même chose, à ce moment-là, pour les enfants, étant donné qu'on sait qu'il y a un risque, surtout dans un contexte d'immigration ou de retour au Québec après une certaine absence?

Et aussi qu'est-ce qu'il faut savoir, ce qu'on vit beaucoup, c'est que plusieurs personnes qui viennent nous solliciter à la clinique, elles ne savent pas qu'il faut s'inscrire pour avoir accès à la RAMQ, et ça crée des situations très difficiles. Et parfois on fait directement appel à M. le ministre pour régler ces situations d'une façon plutôt rapide, mais disons que c'est plutôt lourd, comme façon de fonctionner.

Autre élément dans le projet de loi : les enfants qui sont nés hors Québec. Et permettez-moi peut-être, rapidement, de juste clarifier quelque chose. Médecins du Monde, évidemment, on est pour l'accès à la RAMQ pour tous les enfants. Et je comprends que, pour des fins de simplification et pour le législateur, vous avez séparé les enfants nés ici et les enfants nés à l'extérieur du Québec, mais on s'entend qu'on parle des enfants... nonobstant le statut.

Donc, pour les enfants nés hors Québec... effectivement, aussi, une avancée très positive, parce que, par exemple, les travailleurs étrangers avec un permis ouvert, leurs enfants auraient accès. Donc, ça, c'est excellent, et on salue cet aspect dans la loi.

Par contre, comme Dr Milot vous a expliqué, nous, on est plutôt préoccupés par les enfants en grande situation de vulnérabilité, dont les enfants de parents sans statut qui n'auront pas un permis de séjour de plus de six mois. Ici, pour ces enfants-là, il n'y a pas la possibilité de la déclaration assermentée. Donc, ça, ça touche les enfants de parents sans statut, donc qui sont en attente soit d'une demande humanitaire soit de refaire une demande de séjour. Et vous connaissez les lenteurs du gouvernement canadien par rapport au processus d'immigration, je pense que ça a été assez décrié, ça peut durer plusieurs années.

Autre élément...

Le Président (M. Provençal)  : Il vous reste 30 secondes, madame.

Mme Pollaert (Nadja) : Parfait. Et autre élément, comme vous le soulignez, donc, c'est le problème de la régularisation. Nous, on invite les gens à se régulariser, mais on sait que les coûts sont astronomiques, de 5 000 $, voire plus.

Donc, pour finir, un autre critère additionnel, donc, qu'on ne comprend pas, par rapport aux enfants qui sont nés hors Québec, c'est l'obligation d'avoir résidé, vécu avec ses parents depuis la naissance. Et, à notre avis, il n'y a pas une logique vraiment de protection des enfants par rapport à cet élément.

Le Président (M. Provençal)  : Je suis… Je vais devoir vous interrompre, votre temps est écoulé. Je vais céder maintenant la parole à M. le ministre pour les 16 min 30 s qui suivent.

M. Dubé : Alors… M. le Président... Vous m'entendez bien? Oui, c'est bon?

Le Président (M. Provençal)  : Oui.

M. Dubé : O.K. Alors, bonjour à vous deux. Merci beaucoup. C'était une présentation qui était très attendue, de votre part, parce que je pense que c'est un sujet que vous connaissez très, très bien. Puis je pense que les questions que vous avez soulevées… Je vois que vous avez une excellente connaissance du projet de loi et de ses grands principes.

Je vais aller peut-être directement au but, sur des questions très spécifiques, là. Peut-être que c'est avec vous, M. Milot. Dans votre mémoire, vous faites référence, entre autres, là, à ce qu'on appellerait une... qui serait, de notre part, systématique, mais sauf pour les personnes dont le… utiliser notre expression, séjour est clairement temporaire. J'aimerais savoir, de votre part, comment vous pouvez nous aider à définir un séjour temporaire.

M. Milot (David-Martin) : Oui. En fait... Bien, en fait, je laisserais peut-être ma collègue, là, Nadja Pollaert, mentionner… Parce que, là, c'est des critères, en fait, avec lesquels on travaille habituellement à la clinique également.

M. Dubé : Bien, c'est parce que je veux vous entendre, parce que, quand on aura à débattre ça article par article avec les collègues... J'aimerais ça qu'on profite de votre présence pour que vous nous aidiez à définir ces critères-là. Alors, c'est un peu ça, le sens de ma question.

Mme Pollaert (Nadja) : Donc, excusez-moi, M. le ministre, je ne suis pas sûre que j'aie bien saisi le détail de votre question. Vous voudriez que…

M. Dubé : Dans votre mémoire, là, à la page 18, vous proposez d'offrir… Ce que vous, vous proposez, c'est une couverture qui serait systématique, hein?

Mme Pollaert (Nadja) : Oui.

M. Dubé : Sauf pour le séjour qui est clairement temporaire. Alors, moi, ma question que je vous retourne, c'est : Qu'est-ce qui vous aiderait, selon vous, si on allait vers ça... ou, en tout cas, si on discutait, là, quand on fera l'article par article? Qu'est-ce que c'est qu'un séjour qui est clairement temporaire, par opposition à d'autres critères?

Mme Pollaert (Nadja) : Je pense que, dans notre compréhension… Et je comprends, vous avez tout à fait raison, que c'est difficile. Et puis il y a des aspects, aussi, dans cette question-là, qui ne relèvent pas, malheureusement, du Québec mais qui relèvent du gouvernement fédéral. Parce que le séjour temporaire, à notre esprit — et ça, par exemple, c'est un facteur d'exclusion, aussi, des personnes qui sollicitent nos services au niveau de la clinique migrante — c'est des personnes qui sont clairement en visite, donc, de passage. Alors, ils sont venus ici pour rendre visite à leur fille, leur fils, et puis on sait qu'ils vont retourner dans leur pays, ils ont un billet de retour. Et donc, pour nous, ça, c'est des gens qui sont là de façon temporaire.

Par contre, ce qu'on constate, ce que Mme Cleveland a souligné ce matin aussi, c'est que la façon comment le système d'immigration est fait au niveau canadien, c'est que, quelqu'un qui est en attente de parrainage, le document officiel que cette personne va avoir, c'est un permis de visiteur, parce qu'il attend d'avoir la résidence permanente via le parrainage. Et donc c'est ça qu'on voit beaucoup. Et c'est effectivement difficile à déterminer parce que ça ne dépend pas juste du Québec, ça dépend du fédéral, et que, souvent, les gens n'ont pas les documents. Je ne sais pas si ça répond à votre question, mais en l'espérant.

M. Dubé : Bien, écoutez, oui, ça m'aide beaucoup à pouvoir peut-être, lorsqu'on sera rendus là, poser les bonnes questions aux collègues pour voir. Non, ça m'aide dans la... en fait, la différence, là, entre le genre de visiteurs dont on parle. C'est beau. M. Milot, voulez-vous rajouter quelque chose là-dessus?

M. Milot (David-Martin) : Oui. Bien, sinon qu'il existe quand même aussi, dans d'autres juridictions, des programmes, là, qui couvrent spécifiquement les personnes qui sont considérées migrantes à statut précaire. Entre autres, en France, il y a l'aide médicale d'État qui, justement, de par une crainte, là, du tourisme médical, a quand même présenté des critères intéressants. Donc, il y a quand même de la littérature ou des expériences vécues ailleurs, là, qui pourraient être pertinentes et intéressantes pour ce travail de raffinement là, peut-être de...

M. Dubé : Alors, j'en ai une autre facile pour vous, si vous permettez, puis après ça j'irai à mes collègues, là, c'est vos réserves concernant la protection des renseignements personnels. Ça, j'aimerais vous entendre, parce qu'on va se questionner beaucoup là-dessus. Parce que je comprends très bien le débat. Des gens qui sont ici, en ce moment, sur un statut, je vais le dire, non légal mais qu'en même temps voudraient faire une demande à la RAMQ, de ce que je comprends, la RAMQ n'a pas le droit d'utiliser cette information-là pour refuser ou non. Alors, je voudrais juste vous entendre sur ces réserves-là que vous avez de la protection des renseignements personnels, parce que la RAMQ ne peut pas dévoiler cette information-là. Alors, je voudrais juste bien comprendre la nature de votre... de vos réserves là-dessus.

• (14 h 50) •

Mme Pollaert (Nadja) : Très bien. Je pense que c'est important de mettre ça dans le contexte, c'est-à-dire que la RAMQ, lorsqu'elle tente de vérifier le statut d'une personne, elle peut, évidemment, appeler pour se renseigner sur le statut de la personne, mais, en le faisant, et ça peut être non intentionnel, c'est comme si elle réveille Immigration Canada. Et donc les gens ont très peur de cet aspect-là.

Et c'est aussi à cause de cette façon de faire qui a été introduite dans la loi que... Nous, on le dit, on ne détache pas le parent de l'enfant à ce moment-là, parce que, si l'enfant est né au Québec et que le parent fait une déclaration qu'il veut continuer à résider au Québec, le six mois et plus, pourquoi ça… Ça pourrait être contesté éventuellement, parce que, si la RAMQ voudrait faire une vérification pour dire : Parfait, j'ai le parent, d'un côté, qui me fait une déclaration assermentée, mais c'est quoi, sa situation, vraiment, réellement, au niveau de l'immigration?, bien, ça pourrait être contradictoire pour plusieurs raisons, notamment parce que le parent n'a pas les moyens de déposer sa demande de régularisation. Comme je disais, c'est 5 000 $, voire plus. Ça, ça peut être un élément. Et c'est ça, notre préoccupation par rapport à la déclaration assermentée.

Donc, ça pourrait arriver. Et c'est arrivé aussi dans le passé déjà, des expériences qu'on a eues. Mais ce n'est pas quelque chose que la RAMQ fait de façon intentionnelle pour nuire à la famille. C'est quelque chose qu'elle fait d'une façon non intentionnelle.

M. Milot (David-Martin) : Puis…

M. Dubé : O.K. Bien, je… Oui, allez-y, M. Milot.

M. Milot (David-Martin) : Bien, puis j'allais dire, au-delà de… Tu sais, il y a ce qui se fait réellement puis ensuite il y a aussi l'apparence de ce qui se fait réellement. On joue aussi également avec ce front-là, là. Des fois, de par le simple fait de représenter une institution, quand on sait qu'il y a de la collaboration interinstitutionnelle, même si c'est entre le provincial puis le fédéral, ça demeure… Parfois, on a des mythes à défaire, mais, des fois, il y a quand même des histoires passées qui créent, là, cette crainte-là, qui rendent... qui ajoutent une barrière d'accès, finalement, même à nos propres services, au niveau communautaire.

M. Dubé : O.K. Mais, en tout cas, je voulais vous entendre là-dessus, parce que ce sera sûrement... Comme vous savez, là, une des exceptions que l'on met, il n'en reste pas beaucoup, là, c'est le statut légal du parent, ça fait que c'est quelque chose qu'on pourra rediscuter avec la RAMQ, mais je voulais vous entendre au moins là-dessus. Je passerais peut-être, M. le Président, la parole à…

Le Président (M. Provençal)  : Oui. À la députée de Lotbinière... La députée de Lotbinière-Frontenac a demandé la parole. Alors, à vous.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Bonjour. Merci. Tout à l'heure, vous avez parlé, dans votre présentation, là, des femmes enceintes et du suivi de grossesse. Si la… De quelle façon envisagez-vous qu'on puisse soutenir les femmes enceintes sans que le Québec ne devienne une destination privilégiée pour le tourisme médical ou obstétrique?

M. Milot (David-Martin) : En fait, encore une fois, je pense qu'on peut voir à quel point... est-ce que les personnes peuvent assurer ou déclarer qu'elles vont rester au Québec, finalement, mais on… Il faut voir aussi… Je comprends la crainte, là, du tourisme obstétrique, mais je pense que, dans notre balance économique, disons, là, il faut voir… C'est parce que c'est certain que, pour n'importe quelle loi, on le sait tous, il y a parfois des personnes qui abusent. Donc, on sait que le pourcentage de ces personnes-là est relativement bas.

Après, on regarde la balance de tous les troubles qui ont pu émaner du fait qu'une femme n'a pas eu un suivi prénatal, et tout ce qui mène à l'accouchement, et la suite adéquate, sachant aussi les coûts énormes que peuvent entraîner, par exemple, une césarienne parce que les problèmes obstétriques n'ont pas été pris à temps à la charge d'un médecin ou d'autres professionnels de la santé, si on regarde cette balance-là et qu'on considère, finalement, que les coûts sont générés par le fait que les gens attendent beaucoup trop longtemps avant de pouvoir consulter, bien, on peut voir qu'il y a vraiment un grand, grand bénéfice à les couvrir, même si on sait que, peut-être, pour certaines personnes, il pourrait y avoir abus.

Mme Pollaert (Nadja) : Si vous permettez, Mme la députée, je vais ajouter quelque chose. Je mettrais au défi les gens qui parlent toujours de tourisme médical ou… d'accouchement, on a vu tout ça... Comment ils font pour déterminer ça? Parce que, concrètement, quand on regarde comment ça se joue au niveau des institutions hospitalières, dès qu'une personne arrive, qu'elle n'a pas une carte RAMQ, ils considèrent que c'est du tourisme.

Mais, parmi ces femmes-là, il y a, par exemple, des femmes, des étudiantes étrangères qui vivent ici et qui... maintenant, leurs enfants seraient couverts grâce au projet de loi de M. le ministre, et puis là l'hôpital, il dirait : Non, ça, c'est du tourisme. Non, ce n'est pas du tourisme. Ce n'est pas parce qu'elle est là pendant un certain temps et qu'elle n'est pas résidente permanente ou citoyenne canadienne qu'elle est touriste.

Donc, il n'y a personne qui peut déterminer ça. On n'a aucune statistique là-dessus. Donc, je ne sais pas d'où il sort, ce chiffre-là. Ça, je crois que c'est important à retenir, et que, dans le sac de tourisme médical, il y a… dans le concept visa de touriste, il y a plein de catégories de femmes qui rentrent là-dedans, donc, des femmes parrainées, des femmes en attente de statut, des femmes en attente… Donc, ce n'est pas forcément des gens qui sont de passage, alors, d'où notre réticence à parler de tourisme. Parce que, franchement, personne ne tient compte de ces chiffres-là, et les hôpitaux non plus, d'ailleurs. Ils ne peuvent pas vraiment, avec détail, vous défaire ces situations-là.

Le Président (M. Provençal)  : Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Dubé : J'aurais demandé... Est-ce que je peux voir… Est-ce que vous pouvez ouvrir votre caméra? Vous avez de très, très bons commentaires, mais j'aurais aimé ça vous voir. Je ne vous vois pas à l'écran. Puis, si jamais on a besoin de vous reparler, là… Parce que j'ai vu votre collègue, mais je n'ai…

Mme Pollaert (Nadja) : Excusez-moi, vous ne me voyez pas?

M. Dubé : On voit votre capsule, on voit votre nom…

Le Président (M. Provençal)  : Nous, on la voit, M. le ministre.

M. Dubé : Ah! O.K. Ah bon! Nous, on ne voit pas. Alors… O.K.

Mme Pollaert (Nadja) : Je suis désolée, je ne sais pas. Est-ce que c'est moi qui ai fait une mauvaise manoeuvre?

M. Dubé : Je suis capable de faire ça moi aussi, ne vous en faites pas. Alors…

M. Milot (David-Martin) : …un petit détail, en fait, dans nos journées de travail, à la clinique, on a une journée par semaine qui est dédiée spécifiquement aux femmes enceintes. Puis, si on regarde pour l'ensemble de nos patients, patientes, migrants à statut précaire, on voit qu'il y a 73 % de nos patients qui sont là depuis plus d'un an au Québec, puis on est à 13 % qui résident au Québec depuis 10 ans. Donc, on parle vraiment d'une minorité, finalement, même au sein de nos propres patients, qui sont des personnes qui pourraient utiliser nos services de façon avantageuse, de façon qualifiée de tourisme, là, par certains ou certaines.

Le Président (M. Provençal)  : Ça va? Autres questions? Il reste quatre minutes.

M. Dubé : Ces statistiques-là, M. Milot, que vous venez de… moi, je ne les avais pas vues dans votre… Puis peut-être que j'ai manqué, là. Seriez-vous capables de nous les envoyer?

Mme Pollaert (Nadja) : Oui, bien sûr.

M. Dubé : Ce serait très intéressant pour appuyer certains de vos points. Alors, je vois, M. le Président… Je pense que Marilyne avait peut-être une question. Il nous reste du temps?

Le Président (M. Provençal)  : Oui, trois minutes. Mme la députée de Soulanges.

Mme Picard : Oui. J'aimerais vous entendre sur la confidentialité. Vous dites qu'il semble y avoir un problème, là. Les gens n'ont pas tellement confiance au système nécessairement. J'aimerais juste que vous développiez un petit peu cette idée-là avec, peut-être, un témoignage, avec quelque chose de concret, si possible.

Mme Pollaert (Nadja) : Oui. Bien, écoutez, c'est une excellente question. Et je pense que ça s'applique au système de santé, mais ça s'applique à d'autres institutions gouvernementales aussi.

Donc, c'est sûr que les personnes que nous, on voit, c'est des gens qui ont vécu des situations souvent conflictuelles, difficiles, violentes avec les institutions dans leur propre pays, donc la police, tout ce qui est institutionnel. Donc, c'est sûr, quand ils viennent ici, ils viennent avec ce bagage que l'État… Nous, on est chanceux, je pense, au Québec — en tout cas, moi, j'ai immigré ici et je me trouve très chanceuse — d'avoir un système avec un État qui protège, un État-providence. Comme vous le savez, ce n'est pas le cas dans tous les pays. Donc, ça, c'est un problème.

L'autre élément, ce qu'on voit, et on l'a vu aussi avec la COVID, que, souvent, la communication, elle passe mal, parce qu'évidemment les gens sont en apprentissage du français, le niveau de littératie peut être plus faible, ils ne vont pas forcément sur Internet, ils n'ont pas les informations. Donc, ça, c'est des éléments qui aggravent la compréhension aussi de nos systèmes, donc, d'où une de nos recommandations, de dire : Bien, ce serait bien... On l'a vu pour le dépistage COVID, Médecins du Monde, on est intervenus au niveau des médias pour dire : Attention, là, c'est super que les gens puissent avoir accès au dépistage, mais c'est parce qu'ils ne sont pas au courant. Et là il y a ACCESSS, que vous allez rencontrer, qui a fait un travail extraordinaire de traduction, de diffusion. Donc, je pense qu'à plusieurs niveaux nous, on peut être votre partenaire, justement, pour rendre cette information accessible.

• (15 heures) •

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Mme la députée de Roberval.

Mme Guillemette : Oui. Merci, M. le Président. S'il nous reste un petit peu de temps, question très rapide, j'aimerais savoir : Est-ce qu'on sait il y a combien d'enfants qui ne sont pas couverts présentement? Est-ce qu'on a une idée un peu de combien d'enfants... à combien d'enfants ça va être utile, ce projet de loi là, présentement?

Mme Pollaert (Nadja) : Bien, je ne pense pas que nous, on est les spécialistes des chiffres. Moi, je vous donnerais l'exemple de notre clinique à nous. Donc, nous, on a à peu près une cinquantaine d'enfants par année qu'on voit à la clinique de Médecins du Monde, et il y a d'autres enfants que nous, on ne voit pas directement, mais qui sont vus par des médecins amis de Médecins du Monde dans les hôpitaux. Je pense que le comité interministériel avait avancé qu'il y aurait à peu près 700 enfants qui n'auraient pas accès à la RAMQ actuellement avec les critères actuels. Je crois que ce serait plutôt à votre niveau qu'il faudrait savoir qu'est-ce que vous êtes capables d'avoir comme chiffres. Et je pense que ça va être limité, parce qu'il y a des choses qui ne sont pas comptabilisées.

Mme Guillemette : Merci.

M. Milot (David-Martin) : D'ailleurs, le rapport interministériel, justement, il y a un tableau, là, si vous voulez le regarder, qui est très bien fait, avec le nombre que Nadja a mentionné puis pour lequel, justement, pour ce qui est des enfants nés hors du Québec qui n'ont pas de couverture, malheureusement, c'est ça, il n'y a pas de données disponibles.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Alors, je vais... Merci, M. le ministre. Je vais maintenant inviter la députée de Maurice-Richard. Vous disposez de 11 minutes.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Bonjour à vous deux. Merci d'être là avec nous cet après-midi. Même si c'est en virtuel, c'est toujours fort intéressant.

Essentiellement, je voulais revenir sur un des éléments de... bien, de votre présentation mais de votre mémoire, qui est très clair. Puis là je pense qu'il semble y avoir une petite... peut-être une... bien, je ne veux pas dire une ambiguïté, mais, justement, pour qu'on parte sur un bon pied puis... sur la suite des choses. Dans le premier point que vous faites au niveau des recommandations par rapport au projet de loi, c'est que l'accès au régime public d'assurance maladie soit octroyé automatiquement à tout enfant qui est né au Québec, et ce, dès sa naissance, sans égard à son statut migratoire ou à celui de ses parents. Ça, c'est la première recommandation que vous faites par rapport au projet de loi. Ça rejoint, bien, directement ce que la... entre autres, là, ce que la Protectrice du citoyen avait soulevé dans son rapport, dans... avait soulevé dans son rapport, justement, où elle mentionnait que la RAMQ faisait une interprétation trop restrictive de la loi, que l'intention du législateur, quand la loi avait été écrite, était pourtant claire, que... justement, que le législateur, ce qu'il souhaitait, c'était de distinguer le statut de l'enfant de celui de son admissibilité au régime, de celui du statut migratoire de ses parents. Donc, c'est la raison pour laquelle on se retrouve avec un nouveau projet de loi qui est déposé par le gouvernement, c'est toute cette question-là d'interprétation par rapport à la loi. Et l'intention que l'on souhaite tous parvenir, justement, c'est de régler cette question-là.

Et là je vois que, bon, encore là, dans votre mémoire, puis je vais me permettre de le citer, vous dites bien clairement : «Le p.l. n° 83 contient des ambiguïtés et prévoit des exclusions qui, à notre avis, risquent de reproduire certaines iniquités présentes dans la LAM actuellement ou d'en créer de nouvelles. Par exemple, l'exigence d'établir l'intention du nouveau-né dans certains cas est, à notre avis, une aberration.»

Donc, est-ce que je comprends que ce que vous recommandez, c'est de ne pas recréer la même situation actuelle, de venir clarifier cette question-là de l'accessibilité de l'enfant, sans égard au statut migratoire, que cette question-là, elle n'est pas complètement réglée par le projet de loi qui est déposé, là?

Mme Pollaert (Nadja) : Je vous remercie pour la question, Mme Montpetit. Je pense que vous avez raison. En 2001, quand Mme Marois, qui était alors ministre de la Santé et des Services sociaux... Elle avait demandé des changements, justement, puis elle était très claire, pour dire : Je ne veux pas exclure des enfants qui vivent au Québec, ils doivent être inclus.

Là, on est rendus en 2021. Je ne suis pas une star des maths, mais ça fait 20 ans. Et on a la chance d'avoir un projet de loi devant nous, mais pourquoi réintroduire une complexité? Parce qu'on a vu qu'à chaque fois... Et je ne connais pas l'opinion de M. le ministre là-dessus, mais il me semble qu'on aurait pu faire les choses quand même plus simples que passer par un projet de loi, si on avait tout simplement dit à la RAMQ d'appliquer correctement la volonté du législateur — c'est vous, les législateurs — au lieu d'eux faire leur façon de faire à l'interne, différente. Et, à mon avis, quand on lit le rapport de la Protectrice du citoyen que vous avez nommé, vous avez bien raison, et je la cite, c'est parce que c'est une phrase que j'ai beaucoup aimée, elle dit que «la RAMQ outrepasse ses pouvoirs».

Donc, à mon avis, dès qu'on introduit l'assermentation, bien, ça, ça ouvre à du discrétionnaire, et le discrétionnaire, disons que, jusqu'à maintenant, ça n'a jamais servi à ces enfants-là, donc, d'où notre recommandation de dire : Tous les enfants qui naissent ici, les enfants qui vivent ici doivent avoir accès à la RAMQ.

Et, je vous dirais, peut-être, je finirais là-dessus, la question qu'il faut se poser : On veut vivre dans quelle société? Et je pense que vous avez démontré, tout le monde, depuis les derniers mois, que la question de la protection et des droits des enfants tient à coeur à ce gouvernement et aussi à vous tous. Moi, je suis convaincue. Donc, il y a un geste important à faire, à notre avis, qui est déjà entamé. On y est presque, donc.

Mme Montpetit : Est-ce que vous n'avez pas l'impression, justement, que, de la façon dont le projet de loi est présenté, libellé, pour le moment, il ne vient pas, justement, soutenir l'interprétation qui est faite par la RAMQ plutôt que de venir répondre au rapport de la Protectrice du citoyen, qui, comme vous dites, vous l'avez cité... Mais c'est... Son rapport est sans ambiguïté par rapport au fait que, justement, non seulement la RAMQ outrepasse effectivement son mandat en faisant ça, ne respecte pas la volonté du législateur de l'époque. Et donc est-ce que le projet de loi, au lieu de...

Bien, en tout cas, nous, ce qu'on souhaiterait, c'est que le projet de loi réponde plus de cette question-là et qu'un enfant qui est né au Québec, justement, point à la ligne, ait accès, parce qu'il est citoyen canadien, qu'il ait accès aux mêmes soins, peu importe le statut de ses parents. Est-ce que le projet ne vient pas plutôt, justement, entériner ce que la RAMQ fait depuis plusieurs années au lieu de venir résoudre le problème de façon plus simple et plus juste?

Mme Pollaert (Nadja) : Si vous permettez, je pense qu'on vous fait confiance pour justement... Effectivement, pour nous, il y a un «disconnect» entre la volonté de M. le ministre de régler un problème et ce qu'on a devant nous aujourd'hui, jusqu'à un certain égard. C'est compliqué, là. Et, quand Dr Milot, il vous disait : On a consulté... Parce que moi, je suis politologue, lui, il est médecin spécialiste. Donc, oui, tous les deux, on n'est pas des juristes. Et j'ai des professeurs de droit de McGill, des avocats spécialisés en droit administratif qui ne comprennent pas le projet de loi. Bien, c'est des gens... Je me pose des questions. Alors, si eux, ils ne comprennent pas, comment les gens vont le comprendre et comment ça va être appliqué?

Il y a un vrai travail de simplification à faire, et c'est pour ça, je pense, qu'on est ici aujourd'hui, pour vous aider à faire ce travail de simplification, mais, à notre avis, il y a un «disconnect» entre la volonté initiale et ce qui a été produit comme projet de loi. L'esprit n'est pas forcément dans ce projet de loi.

M. Milot (David-Martin) : Peut-être pour rajouter, c'est dans ce sens-là que nos propositions vont aussi, pour ceux qui sont nés au Québec, finalement, de leur donner l'accès à la RAMQ immédiatement, puis, pour ceux qui sont nés à l'extérieur... bien, donc, d'octroyer à tout enfant vivant au Québec l'accès à la RAMQ et d'enlever des critères qui, selon nous, compliquent inutilement la chose, donc, pour que ce soit plus administrativement viable et plus, aussi, compréhensible, autant par les personnes qui travaillent dans les installations de soins, bien, que par les bénéficiaires eux-mêmes, donc, entre autres, en supprimant le critère que les enfants nés hors Québec de parents résidents doivent avoir vécu, depuis la naissance, avec leurs parents ou encore, bon, de supprimer le délai de carence aussi.

Donc, vraiment, il y aurait... Ce serait au bénéfice de tous et toutes, je crois, et vous incluant, de vraiment simplifier ce projet de loi là puis, justement, d'enlever toute la partie discrétionnaire de son application.

• (15 h 10) •

Mme Montpetit : Je vous remercie beaucoup. Puis moi, tu sais, qu'on m'entende bien, je salue pleinement la volonté du ministre de régler cette question. C'est extrêmement, extrêmement important. Je pense qu'on a l'opportunité de le faire, mais, effectivement, il faut se donner...

Puis je vous remercie pour vos commentaires puis l'analyse que vous avez pris le temps de faire avec des juristes, entre autres. Je pense que la dernière chose à laquelle... dans laquelle on veut se retrouver, c'est un projet de loi où il y a encore place à interprétation, pour qu'on ne perpétue pas le problème, qui, malheureusement, a duré trop longtemps, là. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Je comprends, Mme la députée, que vous avez terminé?

Mme Montpetit : Oui. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je vais céder maintenant la parole au député de Laurier-Dorion. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Fontecilla : Merci, M. le Président. Écoutez, j'ai très peu de temps, donc je vais poser deux questions en rafale. Tout d'abord, ce qu'on constate ici, c'est le spectre du tourisme obstétrique. Donc, j'aimerais connaître votre opinion sur l'ampleur, selon vous, de ce phénomène-là. Avez-vous accès à des données? Quelle est votre vision? Est-ce que c'est véritablement un problème qu'il faut régler? Est-ce que ça concerne le public visé, etc., là?

Et deuxième question, ça concerne les soins donnés aux femmes enceintes : Est-ce que vous pensez que ce projet de loi vient donner des soins aux femmes enceintes? Parce que les soins aux femmes enceintes, ça fait partie de la santé des bébés et des enfants également.

M. Milot (David-Martin) : Je laisserais ma collègue pour les données puis je pourrai continuer ensuite.

Mme Pollaert (Nadja) : Je vous remercie pour votre question. Je pense que... J'espère que j'ai répondu en partie quand je disais qu'à ce stade-ci aujourd'hui il n'y a pas une façon de déterminer réellement, d'un point de vue de chiffres, il y a combien de cas de tourisme obstétrical, parce que plusieurs personnes qui sont en attente d'un statut, dont les femmes parrainées, ont comme document un visa de touriste, par exemple. Donc, c'est ça, ce n'est pas clairement... C'est très difficile de faire le tri dans les différents cas pour les institutions de soins.

Pour le moment, ce qu'on a constaté, Médecins du Monde, avec le travail qu'on fait auprès des femmes enceintes mais qui sont généralement des grossesses à risque, c'est que, dès qu'elles arrivent à l'hôpital et qu'elles n'ont pas de carte RAMQ, elles sont surfacturées de 200 %. Ça, c'est suite à une note ministérielle qui date d'avant le gouvernement actuel, donc sous Dr Barrette. Et puis cette surfacturation, évidemment, ce n'est pas uniquement pour les femmes enceintes, mais c'est pour toutes les personnes qui ne sont pas couvertes par la RAMQ. Ça, c'est pour les frais. Ensuite, les médecins, ils ne sont pas tenus à la surfacturation. Eux, ils peuvent faire ce qu'ils veulent. Donc, ils peuvent charger ou ne pas charger.

Nous, ce qu'on voit à Médecins du Monde, c'est qu'on n'a pas le problème, ici, des femmes qu'on voit, le tourisme obstétrical. On voit des femmes, ici, qui sont des femmes dans une grande situation de vulnérabilité économique et sociale, des femmes souvent victimes de violence conjugale, des femmes qui ont des problèmes nutritionnels, des problèmes, comme Dr Milot l'a expliqué, de bien-être physique, psychologique, avec tous les effets que ça peut avoir sur l'enfant à venir.

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie de votre réponse, madame. Le temps est écoulé. Alors, je vais maintenant passer la parole au député des Îles-de-la-Madeleine pour 2 min 45 s.

M. Arseneau : Oui. Bonjour. Merci pour votre présentation. Je pense que vos solutions sont à la fois simples et concrètes face à la complication dans laquelle on semble vouloir s'enligner dans le projet de loi actuel.

J'aimerais vous entendre davantage sur la solution que vous avez évoquée, qui est mise en oeuvre en France. Vous pouvez élaborer là-dessus, sur les enfants qui sont avec des parents en attente de statut, si je me souviens bien?

M. Milot (David-Martin) : Oui. Bien, je pourrais y aller. En fait, c'est l'AME, et là je ne veux pas vous dire n'importe... l'aide médicale d'État, en fait, qu'il s'appelle, puis ça a été créé, donc, par la loi, là, en 1999. Puis, justement, bien, on sait que la France est sur un continent où qu'il y a beaucoup de migrations, quand même. C'était, justement, avec des critères particuliers pour s'assurer qu'il n'y ait pas de tourisme médical qui soit... bien, en fait, qui se passe à cet endroit-là.

Puis, dans le fond, il y a... On n'a pas beaucoup de temps, donc je vais vous épargner des détails, mais, en gros, ça a montré qu'il y a vraiment une pertinence économique à avoir un fonds spécifiquement pour traiter les personnes, justement, qui ont un statut migratoire précaire. Ça représentait seulement 0,6 % des dépenses publiques de santé en France. Puis ce n'est pas un budget qui a explosé ou qui est en croissance, c'est vraiment un budget qui est bien contrôlé. Puis donc ils ont élaboré des critères d'admissibilité précis, là, qui tiennent compte de la stabilité de résidence sur le territoire français, la vulnérabilité économique aussi des individus, puis avec différentes conditions cumulatives, là, pour pouvoir avoir accès à ce programme-là. Donc, c'est intéressant d'un point de vue autant économique que d'un point de vue sanitaire puis de protection.

Ils l'ont aussi fait d'un point de vue de protection de la santé de l'ensemble de la collectivité, ce qui est particulièrement important quand on voit tous les ravages que la COVID peut causer chez nous. Donc, de considérer les individus au-delà de leurs caractéristiques, telles que leur statut migratoire, est aussi important pour la santé collective de notre population.

M. Arseneau : Je suppose que je n'ai pas beaucoup de temps pour poser une deuxième question.

Le Président (M. Provençal)  : 30 secondes.

M. Arseneau : L'idée de reconnaître que les gens sont nés sur le territoire, les enfants sont nés sur le territoire ou l'habitent... Est-ce que vous partagez le point de vue de ceux qui ont parlé avant vous, là, pour prouver qu'on habite le territoire, simplement une preuve, là, de bail, ou compte d'Hydro-Québec, ou encore plus simplement?

Le Président (M. Provençal)  : 10 secondes.

M. Milot (David-Martin) : Bien, je pense qu'on peut s'inspirer de ce qui a été fait aussi ailleurs hors Québec, mais absolument. En fait, l'idée, c'est de simplifier autant que possible puis aussi de faire… tu sais, de faire confiance à la bonne foi des personnes mais aussi des organismes qui travaillent avec elles. Je pense que vous pouvez bénéficier de notre bonne volonté puis de notre… On se dévoue quand même aussi à ces populations-là. Donc, on pourra certainement travailler ensemble pour peaufiner le projet de loi, si ça vous intéresse.

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin que l'on puisse accueillir par visioconférence le prochain groupe. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 15 h 17)

(Reprise à 15 h 24)

Le Président (M. Provençal)  : Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter puis à débuter votre exposé.

Table de concertation des organismes au service des
personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)

M. Reichhold (Stephan) : Oui. Merci beaucoup. Est-ce que ça va, le son? Vous m'entendez?

Le Président (M. Provençal)  : Oui.

M. Reichhold (Stephan) : Alors, c'est ça, je suis Stephan Reichhold. Je suis le directeur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes — j'utiliserai le sigle TCRI par la suite, ça va me faire gagner deux minutes de présentation — puis ma collègue, Marianne Leaune-Welt, qui travaille avec nous, qui est vraiment spécialisée sur le dossier de l'accès aux services de santé.

Alors, pour ceux et celles qui ne nous connaissent pas, qui ne connaissent pas la TCRI, donc, on est un regroupement de 163 organismes au Québec, un regroupement communautaire qui oeuvre auprès des personnes réfugiées, immigrantes et sans statut depuis 1979. Et donc beaucoup de nos organismes qui sont en première ligne pour tous les nouveaux arrivants qui arrivent au Québec sont souvent pris avec des situations de drames familiaux, d'enfants non couverts, là, depuis de nombreuses années.

Donc, nous sommes vraiment très reconnaissants, là, au gouvernement, qu'on ait bougé sur la question de la couverture médicale des enfants canadiens dont les parents ont des statuts précaires. Ça va faire 25 ans, je pense, que je travaille sur ce dossier-là et qu'on demande, justement, que l'admissibilité de ces enfants, on parle d'enfants... Malheureusement, tous les gouvernements précédents ne sentaient pas le besoin de légiférer sur le sujet et maintenaient cette injustice envers certaines catégories d'enfants qui n'ont pas accès à des soins de santé gratuits.

Rappelons que le Québec est un des rares États occidentaux qui refusent encore aujourd'hui l'accès aux soins de santé à des enfants lorsque les parents ne sont pas en mesure de payer les factures. D'ailleurs, je me questionne encore aujourd'hui, là, pourquoi les partis d'opposition, dont deux sont autour de la table, qui ont été au pouvoir pendant des années, ont toléré cette situation, là. C'est vraiment... Beaucoup d'organismes se questionnent vraiment là-dessus.

Par rapport au projet de loi, je dirais que la complexité du projet de loi, dont on a… dont d'autres groupes ont parlé aussi, qui met le fardeau de la preuve sur l'enfant quant à son statut, et surtout pour ceux qui sont nés hors du Canada, ça soulève… Donc, nous, on… C'est un enjeu, là. La complexité et la façon d'appliquer ce qui est proposé nous semblent extrêmement questionnables, et de nombreux intervenants du milieu aussi. Donc, nous partageons cet aspect à l'égard du projet de loi. On se questionne beaucoup sur l'application, surtout sur la partie des enfants nés hors du Québec, hors du Canada. Donc c'est quelque chose qu'on... je pense, qu'on appuie aussi, là, de simplifier.

Pour les enfants nés au Canada, nous pensons que c'est une bonne avancée. Et nous félicitons le ministre, d'ailleurs, pour son courage d'avoir finalement crevé l'abcès, même s'il n'est pas médecin, mais, pour les enfants dont les parents sont en statut précaire, on a l'impression qu'on recule, avec les exigences qui sont… que propose le projet de loi.

Ce que les organismes de notre réseau recommandent, c'est que l'admissibilité aux soins de santé ne devrait pas faire référence au statut migratoire des enfants… pardon, des parents. Je pense que c'est un des aspects qui a déjà été discuté préalablement. Chaque enfant qui habite au Québec devrait avoir droit à des soins de santé gratuits, comme c'est la coutume dans la plupart des pays occidentaux.

Et par ailleurs nous sommes préoccupés aussi par toute la question des enfants de demandeurs d'asile, donc qui sont couverts par le PFSI, qui ne sont pas nés au Canada. Nous recommandons par ailleurs, par rapport aux enfants, là, on parle de milliers d'enfants, que ceci soit couvert aussi par la RAMQ, comme c'était le cas avant 1996.

Et donc c'est un peu… Vous avez vu nos recommandations, qui se convergent avec celles de Médecins du Monde, Médecins du Monde, avec qui nous travaillons étroitement. Donc, c'est ça.

Donc, nous sommes ouverts aux questions, si vous voulez passer à la partie questions.

• (15 h 30) •

Le Président (M. Provençal)  : Alors, je vous remercie pour votre exposé. Nous allons effectivement débuter la période d'échange avec M. le ministre. Je vous cède la parole pour les 16 min 30 s.

M. Dubé : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, premièrement, merci pour vos commentaires. Puis je pense que tous s'entendent sur votre point que des ajustements au projet de loi étaient dus depuis longtemps. Puis je pense que tous ceux qu'on a rencontrés, un peu comme vous, là, depuis ce matin confirment que ça va faire du bien de rafraîchir un peu cette législation-là. Puis je pense que les gens de la RAMQ vont être très, très heureux lorsque bien des choses vont être clarifiées. Alors, on est tous au même endroit. Maintenant, il s'agit de trouver les bonnes voies de passage pour que ce soit correct pour tout le monde. Ça fait que j'apprécie beaucoup vos commentaires. Je pense que notre gouvernement a démontré qu'on n'avait pas peur de retourner des cailloux qui n'avaient pas été retournés depuis longtemps.

Alors, maintenant, sur la question de cette dualité-là entre le fédéral et le Québec, là, quand vous proposez que les enfants qui sont couverts par le PFSI le soient également par le Québec, là, j'aimerais ça comprendre pourquoi ce besoin-là, parce que... Là, je ne veux pas juste regarder le côté monétaire de ça. Mais le fait qu'ils soient déjà protégés par le PFSI, quel serait l'avantage, là? J'essaie juste de vous comprendre, lorsqu'on ira dans l'article par article, ce qu'on devrait faire avec ça. Quel est votre objectif recherché de ce point-là?

M. Reichhold (Stephan) : Bien, je vais laisser ma collègue Marianne répondre. C'est vraiment elle, l'experte. Peut-être, un point que je voudrais soulever, c'est que, là, on va se retrouver dans des situations où des enfants, certains enfants de demandeurs d'asile nés au Canada vont être couverts par la RAMQ, et leurs fratries ne le seront pas. Donc, déjà, au sein de la famille, là, ça va créer un peu une confusion, là, je pense, en termes de simplification. Mais je vais laisser Marianne répondre à votre question, justement, là, les avantages du fait que ces enfants-là pourraient être couverts par la RAMQ.

Mme Leaune-Welt (Marianne) : Oui. Bonjour, tout le monde. Merci pour... la parole. Donc, effectivement, l'élément qui serait intéressant, selon nous, pour que les enfants demandeurs d'asile puissent avoir accès à la RAMQ, c'est de pouvoir diminuer les barrières d'accès que ces enfants-là font face avec le PFSI.

Donc, en fait, ce qu'on remarque sur le terrain depuis des décennies, c'est que l'accès aux services… aux soins de santé et services sociaux, avec le PFSI, est sous-optimal. Ça a été documenté à de nombreux égards. Au niveau de l'accès à la première ligne, les services de santé et services sociaux, c'est crucial que ça le soit pour tout le monde, mais encore plus pour nos enfants. Et donc on pense qu'avec la RAMQ cet accès-là sera plus facile, parce que c'est la façon dont la majorité de la population a accès aux services et comme ça que nos services sont organisés en majorité.

C'est sûr qu'on pense qu'effectivement il faudrait qu'il y ait des pourparlers qui soient faits entre le provincial et le fédéral pour s'assurer que ce soit fait adéquatement, que ces enfants-là ne perdent pas pour autant l'accès aux avantages que leur PFSI leur donne, que la RAMQ ne pourrait pas leur donner, par exemple. Donc, c'est sûr qu'il y a un arrimage à faire au niveau des gouvernements. Ça, on comprend. Mais, concrètement, sur le terrain, la raison pour laquelle on amène ça de l'avant, c'est que... Ce qu'on sait, c'est que l'accès aux soins de santé et services sociaux est très ardu lorsqu'on a un PFSI, et ceci est d'autant plus problématique lorsqu'on parle d'enfants.

M. Dubé : O.K. Bon. Bien, écoutez, c'est... Oui.

M. Reichhold (Stephan) : Bon, bien, d'ailleurs, je rajouterais aussi que le problème du PFSI est que... oui, comme le dit Marianne, est par rapport à l'accès. Et on a déjà la situation pour les réfugiés pris en charge par l'État. Les réfugiés parrainés par le Québec et par les groupes privés ont une couverture PFSI-RAMQ, et ça fonctionne très, très bien. C'est à l'avantage de tout le monde. Donc, le modèle existe déjà, là, tu sais, on n'a pas besoin de réinventer les choses, là.

M. Dubé : O.K. Parfait. Ça va pour moi. Puis je veux passer la parole à mes collègues. Vous allez me permettre de... parce que je veux vraiment que tout le monde puisse avoir quelques minutes avec vous.

Vous avez parlé, dans votre mémoire, aussi, de confidentialité de l'information. Qu'est-ce qui vous préoccupe? Quand vous dites... Vous écrivez que «le respect de la confidentialité assurerait la régularisation éventuelle des personnes à statut précaire». Je suis certain que vous avez des cas, là. Donnez-moi des exemples, là, de ce qui vous préoccupe en termes de confidentialité.

M. Reichhold (Stephan) : Est-ce que, Marianne, tu veux répondre?

Mme Leaune-Welt (Marianne) : Il y a deux éléments aux enjeux de confidentialité. Le premier élément, c'est que c'est sûr qu'il y a eu quelques cas, sur le terrain, qui ont pu être démontrés, qu'il y a eu des enjeux de respect de confidentialité, de là pourquoi plusieurs intervenants terrain vont avoir des inquiétudes à ce niveau-là. Ce n'était sûrement pas voulu. Ce n'était peut-être pas... Ce n'est pas du tout systématique, mais c'est des enjeux qui ont pu arriver. Et après ces... quand ces situations peut-être isolées sont arrivées, bien, ça circule dans les communautés, et ça se sait, et ça amène un niveau de peur.

Puis, au-delà de ça, qui... là, le deuxième élément, c'est que, quand on pense à toutes les personnes qui sont sans statut ou même les personnes qui ont peut-être un statut, en ce moment, qui est légal sur le territoire, mais qui sont en démarches de régularisation, il y a des très grandes peurs que les démarches de régularisation soient impactées par le fait de demander accès à des services ou soient impactées...

M. Dubé : O.K. Mais...

Mme Leaune-Welt (Marianne) : ...façon d'être en contact avec le gouvernement.

M. Dubé : Madame, moi, ce que j'aimerais beaucoup que vous m'aidiez, là, puis on va manquer de temps, mais je veux vous le demander : Comment on pourrait, pratico-pratique, aider ces familles-là, à leur dire : Voici comment vous devriez procéder si vous voulez enregistrer vos enfants à la RAMQ? Je comprends très bien cette crainte-là, là, mais comment on peut... Comment vous pouvez nous aider, avec votre expérience sur le terrain, de rendre ça pratique? Moi, c'est ça que j'aimerais comprendre. Comment ça pourrait se faire pour que, justement, ces gens-là n'aient pas la crainte d'enregistrer leurs enfants?

Mme Leaune-Welt (Marianne) : Bien, il y a, c'est ça, de communiquer comment ça va fonctionner, puis qu'ils vont avoir accès à quelque chose. C'est d'avoir une stratégie de communication qui soit adéquate, de s'assurer d'avoir des annonces officielles, de s'assurer de pouvoir former les gens sur le terrain, dans les ministères et dans les organismes communautaires pour accompagner adéquatement les gens.

Puis la deuxième partie, qui est de soutenir... enfin, d'adresser la peur associée à accéder à ces services-là, c'est un autre élément. Ça demande un accompagnement plus poussé, de s'assurer que ces personnes-là vont pouvoir avoir des personnes à qui poser des questions, qui vont pouvoir les accompagner, plus personnel, d'humain à humain, avoir accès aux services.

C'est ce qui serait l'idéal, c'est sûr, parce que, s'il y a une peur... Est-ce qu'elle est fondée ou qu'elle n'est pas fondée, bon, c'est à discuter, mais, si elle n'est pas fondée, bien, il y a des mythes à venir déconstruire, puis ça, c'est des choses qui doivent être faites avec la personne, de venir vraiment discuter de ça pour pouvoir ensuite...

M. Dubé : On n'est peut-être pas dans le législatif ici, mais on est peut-être dans la communication. C'est ça que vous dites, là. Il y a cet aspect-là.

Mme Leaune-Welt (Marianne) : La communication est très importante lors...

M. Dubé : O.K. Bien, je vais laisser... Merci beaucoup, parce que ça, ça me préoccupe beaucoup, cet aspect-là. Alors, je vais laisser mes collègues, qui ont des questions, sûrement, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Oui. Mme la députée de Soulanges.

Mme Picard : Oui. Bonjour. Merci d'être présents avec nous aujourd'hui. Moi, j'aimerais savoir comment on... lorsque l'application de la loi va être mise sur pied, comment informer le plus possible, là, les résidents ou les... ceux qui n'ont pas de statut non plus aussi, là, mais comment informer le plus possible la population, selon vous.

M. Reichhold (Stephan) : Bien, moi, je dirais, bon, dans un premier temps, c'est sûr que notre réseau de 163 organismes va être capable de...une fois qu'ils auront compris, là, si c'est compréhensible, là, pour l'instant, ça ne l'est pas, de... Comment tout ça va s'appliquer, va se décliner... Mais le plus... Bien, ce qu'on constate, depuis de nombreuses années, avec le PFSI, par exemple, l'application du PFSI est très mal comprise par le réseau de la santé et services sociaux au Québec, et beaucoup de cliniques, même des hôpitaux refoulent des patients qui viennent avec des PFSI. Disons que c'est trop compliqué, on ne peut pas vous traiter avec ça, allez voir ailleurs, ou allez, tu sais, dans des endroits spécialisés comme le PRAIDA, tout ça, qui sont plus familiers avec le... gérer le PFSI.

Donc, nous, notre crainte, c'est qu'on retombe vraiment dans un système où les préposés de première ligne, qui reçoivent les clients, ne comprennent tout simplement pas, tu sais, comment traiter, comment gérer tout ça, là.

• (15 h 40) •

Mme Picard : Et, selon vous, comment on pourrait arriver à... bien, que la formation en milieu de travail, là... Mais avez-vous d'autres idées pour mieux rejoindre notre personnel de la santé qui... avec ces personnes-là?

M. Reichhold (Stephan) : Bien, je ne sais pas si, Marianne, tu as des suggestions, mais, je pense, effectivement, il faut qu'il y ait... Bon, on l'a bien vu, hein, là, avec la pandémie, au début, au printemps dernier, quand il y a eu, bon, les premiers centres de dépistage, tout ça, où les personnes qui n'avaient pas de carte de RAMQ se faisaient carrément rejeter par les centres de dépistage, parce qu'ils disaient... ils exigeaient une carte de la RAMQ pour se faire dépister... Parce que l'information... Bien que le ministère, le cabinet nous avait confirmé qu'on n'avait pas besoin de carte de RAMQ, bien, ça ne s'est jamais rendu sur le terrain, sur les préposés qui accueillaient les personnes sur le terrain, quoi.

C'est toujours ça, le problème. C'est tellement immense, le réseau de la santé, là, c'est... Bien, je pense, M. le ministre est mieux au courant que moi, là, la complexité de la communication à l'interne de votre ministère.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Roberval aurait une question.

Mme Guillemette : Oui. Merci, M. le Président. Merci, tout le monde. Bien, en fait, vous dites que le PFSI est mal compris. De quelle manière on peut le faire mieux connaître, mieux comprendre? On comprend qu'il y a les milieux hospitaliers, il y a les bureaux de médecin aussi, les GMF, qu'on appelle. Est-ce qu'eux sont plus en mesure de comprendre le PFSI ou c'est vraiment dans l'ensemble du réseau qu'on a une problématique?

M. Reichhold (Stephan) : Je vais laisser Marianne répondre, parce que c'est l'experte du PFSI au Québec, là, depuis de nombreuses années. Toi, tu as travaillé avec le PFSI, là, pendant des années. Tu connais la situation sur le terrain, là.

Mme Leaune-Welt (Marianne) : Oui. Bien, je pense que cette question-là, c'est une large question qui mériterait d'être... d'avoir une discussion large en ce sens puis d'avoir ensuite une stratégie en ce sens et puis une mise en place de diverses initiatives qui pourraient être mises en oeuvre.

Mais donc, effectivement, on ne va pas pouvoir entrer dans tous les éléments, mais les difficultés d'accès aux soins de santé et services sociaux avec le PFSI, ça se situe à tous les niveaux, partout. Il y a certains endroits qu'au Québec ils vont peut-être être plus habitués de voir des gens avec des PFSI. Donc, ça va être mieux rodé dans leurs CLSC ou dans certains hôpitaux, par exemple, parce que, bien, il y a plus souvent de… il y a plus de populations issues... qui sont… qui ont un PFSI, qui sont là. Mais il y a d'autres régions au Québec qui ont moins l'habitude.

Donc c'est tout un travail qu'il y a à faire au niveau de… Puis ça, ça a été documenté par le Sherpa, notamment, par plusieurs chercheurs et par d'autres acteurs communautaires. Tout ça, ça a été documenté. Donc, il y a déjà une bonne base sur laquelle on pourrait se parler et travailler dessus, pour ensuite développer une stratégie plus globale. Et il faut vraiment adresser l'ensemble des enjeux.

M. Reichhold (Stephan) : La grande difficulté avec le PFSI, c'est que les médecins ne sont pas obligés de l'accepter. Donc, il y a… Il faut qu'il y ait une volonté. Et il y a beaucoup de cliniques qui trouvent ça très compliqué, parce qu'il y a beaucoup… il y a des formulaires à remplir, il y a des… tu sais, pour réclamer les frais, est-ce que… qu'est-ce qui est admissible, qu'est-ce qui n'est pas admissible, donc, qui ont décidé… qui ont une politique : Non, on n'accepte pas de patients avec le PFSI, carrément.

Bon, les services publics, les CLSC, les hôpitaux sont plus enclins à l'accepter, surtout dans la grande région de Montréal, mais moi, je reçois, des fois… À un moment donné, j'ai reçu un appel du CLSC de Blanc-Sablon, tu sais, qui avait un demandeur d'asile avec un PFSI. Ils n'avaient jamais vu ça de leur vie, là. Ils n'avaient aucune idée, là, quoi faire avec ça. Bon, on les a guidés, puis finalement ça a fonctionné, mais c'est un problème de communication et d'information, là.

Mme Guillemette : Merci. Et votre dernière recommandation, c'est de mettre en place un mécanisme de contrôle pour assurer le suivi de la mise en oeuvre.

M. Reichhold (Stephan) : Oui.

Mme Guillemette : Parlez-moi un petit peu plus de ce mécanisme-là ou des pistes, là, que vous pourriez avoir pour nous.

M. Reichhold (Stephan) : Bien, si on change, effectivement, l'admissibilité, ça va être surtout, pour la RAMQ, de... qu'on s'assure, qu'on soit sûrs que la RAMQ applique bien et comprend bien les... et voir les ratés aussi, là, de pouvoir évaluer un peu l'implantation et s'assurer que, bien, par rapport à tous les mécanismes qui sont proposés dans le projet de loi au niveau des… de donner les preuves de résidence de plus de six mois, donc il y a beaucoup de zones d'interprétation, et pour pouvoir s'assurer que ce soit bien interprété.

Ceci dit, nous, on privilégiait plutôt une simplification, ce qui a été proposé par Médecins du Monde aussi, de voir une… permettre l'accessibilité plus large à tout le monde, ça va être beaucoup plus simple, comme on l'a fait dans… par rapport à l'accès à l'éducation gratuite, peu importe le statut. Ça fonctionne très bien, c'est très efficace. Pendant des années, là, il y avait des problèmes, là, d'enfants qui étaient refusés, qui s'inscrivaient à l'école, parce que l'interprétation de leur statut, par les commissions scolaires, était mal faite, n'était pas comprise, n'était pas… Donc, on a peur de retomber un peu dans ce système-là. Et, depuis qu'il y a eu une ouverture universelle d'accès à l'école à tout le monde, peu importe le statut, ça a réglé le problème. Et on réglerait le problème aussi au niveau de l'accès à la RAMQ, là.

Mme Guillemette : Parfait. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Ça va?

Mme Guillemette : Est-ce que j'ai d'autres collègues qui ont des questions?

Le Président (M. Provençal)  : Le député de Dubuc, mais rapidement, par exemple, parce qu'il reste 30 secondes.

M. Tremblay : Très simplement, je me posais la question s'il y avait déjà une structure en place qui offre une formation dans les régions, sinon dans les organismes, ou sinon plutôt dans les milieux hospitaliers. Puis est-ce que la structure en question y va avec de la formation continue? Est-ce qu'il y a déjà des programmes qui existent?

M. Reichhold (Stephan) : À quel niveau, des programmes de…

M. Tremblay : Pour mieux informer…

M. Reichhold (Stephan) : …les statuts, et tout ça, ou plus l'accès?

M. Tremblay : Oui, exact, au niveau des centres hospitaliers, oui.

M. Reichhold (Stephan) : Pas à ma connaissance. Je sais que nous, on en offre énormément. Tous nos organismes, qui sont présents dans toutes les régions, ils passent leurs journées à expliquer aux institutions tout ce qui est statut d'immigration, qui a accès à quoi, qui est-ce qui est admissible, qui est-ce qui n'est pas admissible. Mais il y a un besoin immense par rapport à ça, parce qu'on sait que les…

Le Président (M. Provençal)  : Je vais vous remercier pour cette information. Ce que je retiens surtout, c'est qu'on peut vous consulter pour avoir certaines voies de passage.

M. Reichhold (Stephan) : Absolument.

Le Président (M. Provençal)  : Je vais maintenant céder la parole à la députée de Maurice-Richard pour les 11 minutes qui suivent.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Bonjour. Si vous voulez continuer votre réponse... Je sais qu'on est toujours pris dans des enveloppes de temps, mais, si vous voulez la continuer sur mon temps, il n'y a aucun souci, là.

M. Reichhold (Stephan) : Non, non, mais... Bien, c'est bon, là. Je pense que, oui, il y a un besoin, là, parce que, la complexité, vu que c'est des pouvoirs partagés entre le fédéral et Québec, au niveau des statuts, et surtout qu'on a... Depuis quelques années, le gouvernement a décidé de privilégier plus les statuts temporaires que les statuts permanents. Donc, on est pris avec des centaines de milliers de concitoyens qui ont des statuts temporaires précaires, qui sont en attente de régulariser. En plus, avec les délais qu'on connaît, hein, qui sont bien documentés, ça vient… c'est sûr que ça vient complexifier, là, la situation sur le terrain pour tout le monde.

• (15 h 50) •

Mme Montpetit : Bien, je vais en profiter pour vous remercier de prendre le temps de nous rencontrer puis d'avoir aussi fait une synthèse de vos recommandations.

Moi, ce que j'entends, là, des groupes d'aujourd'hui, puis les mémoires qui ont été déposés, il y a quelque chose qui est quand même assez unanime sur le fait que la complexité puis les… qu'il y a une certaine complexité puis des enjeux par rapport à des critères puis des mesures qui sont ajoutés dans le projet de loi. Ça, je pense que le ministre l'entend autant que nous, puis qu'on pourra travailler, en tout cas, je le souhaite, à des amendements qui viendront, justement, être facilitateurs, pour ne pas ajouter des barrières supplémentaires.

Je me posais une question, d'entrée de jeu, puis après ça j'irai directement sur votre mémoire. Mais vous avez fait référence… Bien, j'aurais aimé vous entendre, en fait, sur les commentaires qu'a faits la Protectrice du citoyen. Parce que vous nous disiez : Bon, c'est un problème qui aurait pu être réglé par le passé, puis j'étais curieuse de vous entendre sur l'interprétation qu'a faite la Protectrice du citoyen, à savoir que la RAMQ n'avait qu'à appliquer la loi, en fait, que c'était vraiment une question de… puis là je comprends qu'il y a d'autres enjeux, là, mais, par rapport à celui des enfants qui sont nés sur le territoire québécois, que la RAMQ, dans… a fait le choix d'outrepasser ses compétences, a fait une interprétation rigide de la loi qui existait, n'a pas respecté le législateur, et que ces questions-là auraient pu se régler, en fait, si la RAMQ avait respecté l'esprit de la loi en place, là.

M. Reichhold (Stephan) : Bien oui, je pense qu'elle a tout à fait raison, là. Je veux dire, c'est… Je pense que tout le monde est au courant que la RAMQ a une tendance à certaines rigidités, là, et sur… C'est vraiment du cas par cas, là, toujours, et c'est très difficile de faire valoir, des fois, ses arguments, là, face à la RAMQ. Toutes nos… Ces dernières années, on a eu énormément d'échanges avec la RAMQ sur des cas. Et je pense que Marianne aussi a travaillé sur beaucoup de cas, essayait de négocier, tu sais, l'admissibilité, là, quand il y avait des zones grises. Et c'est sûr que c'est important qu'il y ait une clarification légale pour que la RAMQ arrête d'avoir ses propres interprétations, là, maison par rapport à qui est admissible ou pas.

Mme Montpetit : Puis vous avez mentionné… Parce que vous mentionnez... Puis, tu sais, je le répète, là, c'est une belle opportunité qu'on a, justement, de venir régler certains enjeux, souhaitons-le, mais vous aviez mentionné que vous adhériez, dans le fond, aussi, aux commentaires qui ont été faits par Médecins du Monde. Donc, je comprends que vous voyez aussi des enjeux au fait que le… qu'il demeure certaines zones de flou, certaines zones d'interprétation qui pourraient faire perdurer des problèmes, justement, d'interprétation, là.

M. Reichhold (Stephan) : Oui. C'est clair que nous, on n'est pas des juristes, là. On ne peut pas, tu sais… Mais ce qu'on comprend, et on a vu les analyses des juristes de Médecins du Monde, c'est qu'il y a des éléments, là, que je pourrai… je ne pourrai pas rentrer dans les détails parce que je ne les maîtrise pas, voilà, mais c'est clair que, si la loi est adoptée telle quelle, on va avoir un gros problème avec les enfants nés hors Canada au niveau de l'accessibilité, là. Tu sais, ça va être un casse-tête absolument incroyable, là.

Mme Montpetit : Ce qu'on ne souhaite pas personne… (panne de son) ...y travailler avec…

M. Reichhold (Stephan) : Et c'est les intervenants de première ligne de nos organismes, en fait, qui vont être pris avec ça, en plus, là, qui vont passer des heures, et des heures, et des heures à essayer de comprendre, tu sais, qu'est-ce… c'est quoi, qu'est-ce que la RAMQ veut, c'est quoi, les documents. Essayer de négocier tout ça, là, c'est un travail... Pour les organismes, là, c'est vraiment très, très compliqué, là, ce genre de cas là.

Mme Montpetit : Puis, bien, c'est pour ça qu'on fait des consultations. Les projets de loi sont toujours perfectibles. Donc, c'est intéressant d'entendre des gens qui sont directement sur le terrain ou qui font ces analyses-là.

J'aimerais ça, en terminant, vous entendre sur la question de la couverture de santé pour les femmes enceintes. Vous l'avez abordée, là, dans votre présentation, mais je voulais vous entendre davantage là-dessus, entre autres, sur le type de situations qu'on peut… qui peuvent se produire, en fait, le type de… les enjeux que ça peut produire, finalement, qu'il n'y ait pas cette couverture-là, le type de cas qui se retrouvent au Québec. J'imagine... Par exemple, vous parliez du PRAIDA. J'imagine qu'il y a La Maison bleue aussi qui doit travailler avec elles. Mais, si vous pouviez nous en... j'allais dire «exposer», mais ce n'est pas le bon mot, mettre en lumière certains... ce serait apprécié, oui.

M. Reichhold (Stephan) : Bien, Marianne, qui a accompagné beaucoup de femmes enceintes à la clinique Médecins du Monde, je pense, pourra vous donner quelques exemples d'enjeux, là, auxquels on fait face actuellement, là.

Mme Leaune-Welt (Marianne) : Les femmes enceintes, j'en ai suivi plusieurs centaines, je vous dirais qu'elles ont toutes en commun un stress énorme durant l'ensemble de la grossesse. Au niveau du soutien social qu'on leur offre, on passe plus de temps, finalement, à devoir adresser cette peur-là et avoir des conversations du genre : Écoute, là, tu n'auras pas de suivi de grossesse, tu auras quelques affaires de ce que Médecins du Monde aura pu avoir été capable de te donner, puis là, quand tu vas perdre tes eaux, tu vas arriver à l'hôpital, mais, tu sais, si tu arrives un peu avant, ça se peut qu'ils te refusent parce que ça va être seulement en situation d'urgence que tu n'auras pas à payer le dépôt hospitalier, alors il va falloir que tu te rendes quand tu auras perdu les eaux puis que... là, il va falloir que tu demandes à voir un médecin, à ce moment-là, puis, comme ce sera une situation d'urgence, tu pourras être vue. Parce qu'en fait il est demandé de payer des dépôts hospitaliers lorsqu'on va à un suivi de grossesse ou qu'on veut planifier un accouchement dans un hôpital.

Comme moi, quand j'étais enceinte, j'ai pu aller à l'hôpital de mon choix, ouvrir mon dossier, et tout ça. Donc, pour une femme qui n'a pas de carte d'assurance maladie, si elle fait le même processus que moi, elle va devoir passer par le département de la comptabilité pour ensuite commencer par faire un dépôt hospitalier et ensuite planifier le reste. Par contre, ces dépôts hospitaliers, pour les femmes, du moins, celles que j'ai rencontrées, je peux vous garantir que c'est une impossibilité totale. Et donc, au moment d'accoucher... Bien, le seul choix qu'elles ont, c'est d'arriver au moment où est-ce que c'est le moment d'accoucher. Et ça, ce stress-là, qu'on parle aussi d'une première grossesse ou même d'une grossesse qui aurait pu être difficile, le stress est énorme. On passe plus de temps à devoir adresser ces peurs-là que de préparer à la parentalité.

Donc, les situations sont multiples. Elles sont toutes aussi uniques qu'il y a de personnes, mais c'est… Les conséquences sont dramatiques. Moi, j'ai déjà fait un accompagnement à l'hôpital parce qu'une femme avait perdu son enfant après avoir été refusée dans un hôpital. Dans le fond, son enfant était mort in vitro. Donc, des situations qui sont dramatiques.

On comprend qu'il y a des inquiétudes qu'on ne veut pas… J'ai écouté la commission avant. Il y a eu plusieurs questions sur le service obstétrical. Il y a des inquiétudes, je l'entends. Ceci dit, les drames sont réels, et les impacts sont réels. Moi, je les ai vus beaucoup et je ne suis pas la seule. Et donc c'est pour ça qu'on met ça de l'avant. On pense que, vraiment, c'est une situation qui est dramatique, qui ne devrait pas se produire. Puis il faut trouver des solutions pour que ça arrête.

Mme Montpetit : Je vous remercie beaucoup de nous sensibiliser avec autant d'empathie à… Je pense que c'est important pour nous de l'entendre. Puis effectivement, comme vous le dites, vous en avez suivi plusieurs. Ce n'est pas notre quotidien à personne, comme parlementaires. Mais je vous remercie pour le travail que vous faites, là, j'en profite pour vous dire ça, puis merci d'avoir pris le temps de venir exposer les différents enjeux auxquels on fait face. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion. Vous disposez de 2 min 45 s.

Une voix : Ton micro, Andrés.

Le Président (M. Provençal)  : Votre micro, monsieur.

M. Fontecilla : Oui. Là, vous m'entendez?

Le Président (M. Provençal)  : Oui.

M. Fontecilla : Merci. Bonjour, messieurs dames de la TCRI, un grand plaisir de vous retrouver. Je vais y aller avec une question, parce que c'est… j'ai très peu de temps, là. Vous soulevez la question du critère, là, des… que les enfants doivent avoir vécu avec leurs parents depuis leur naissance pour être admissibles à la RAMQ. Dans votre pratique quotidienne, est-ce que ça vous arrive souvent, les cas de figure où des enfants ont été séparés temporairement, plus ou moins de temps, de leurs parents, là? Quelle est la réalité que vous rencontrez sur le terrain? Et, ce critère-là, est-ce qu'il est approprié, selon vous?

M. Reichhold (Stephan) : Il n'est absolument pas approprié. Je veux dire, on vit quotidiennement, bien, on sait, aussi beaucoup de situations où les enfants vivent avec la famille élargie, pas directement avec les parents, pendant un certain temps, pour toutes sortes de raisons, surtout là, actuellement, la COVID aussi, là. On a des situations où les enfants ne peuvent pas habiter avec les parents parce que… à cause de la COVID ou qui sont en isolement.

Là où c'est, je pense, le plus dramatique, c'est… Il y a quand même un certain nombre d'enfants aussi de parents à statut précaire qui sont pris en charge par la protection de la jeunesse, donc qui sont placés dans les familles d'accueil. Est-ce que ça… vouloir être un critère : Non, vous n'habitez pas avec vos parents?

Et aussi l'aberration la plus totale, là, si on parle de la protection de la jeunesse, dont on parle beaucoup ces derniers temps, c'est qu'un enfant sans couverture de la RAMQ, en fait, c'est la protection de la jeunesse qui paie toutes les factures médicales au gouvernement. Les factures d'hospitalisation, et tout ça, c'est… le gouvernement facture ça à la DPJ. Ce serait peut-être plus simple de leur donner une carte RAMQ, là. Ça simplifierait la vie de la DPJ et ça réduirait le budget de dépenses de la DPJ aussi, là.

M. Fontecilla : Donc, ce que je comprends, là, c'est que, dans votre pratique, au-delà des cas aberrants de la DPJ, là... C'est assez intéressant, ce que vous nous dites là. Mais, dans la trajectoire migratoire, le fait de voir temporairement des enfants séparés de leurs parents, c'est quelque chose d'habituel?

• (16 heures) •

M. Reichhold (Stephan) : Bien oui, c'est tout à fait habituel, oui. Oui, oui, bon, ça, on le voit quotidiennement. C'est complètement… Ce n'est pas… À mon avis, là, c'est un élément, là, qu'il faut... Bien, si on maintient le projet de loi, au moins, enlevez ça, parce que ça n'a aucun sens, là.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Je vais céder maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Merci de votre présence et de nous apporter un éclairage terrain, là, sur ce qui se passe. Puis, justement, à ce propos, je ne sais pas si vous l'avez mentionné, moi, ça m'a peut-être échappé, parce qu'à un moment donné j'ai été distrait, selon vous, ça touche combien de personnes, ce projet de loi, là, s'il était adopté tel qu'on le présente aujourd'hui, là? Est-ce que ça réglerait le problème pour un certain nombre de personnes que vous accompagnez, des familles?

M. Reichhold (Stephan) : Bien, c'est très difficile à évaluer vu qu'on n'a pas vraiment de chiffre très précis sur les personnes sans statut. On connaît le nombre de demandeurs d'asile, on connaît le nombre de travailleurs temporaires et... Mais, bon, il y a des chiffres qui ont été avancés par le ministère, là, dans l'avis, là, mais c'est extrêmement difficile, là, d'évaluer. Mais c'est sûr qu'on parle de milliers d'enfants, là, qui sont touchés, qui, au moment où on se parle, n'ont pas accès à des services de santé, là, ce qui est complètement inacceptable.

Donc, moi, je pense qu'on devrait... Et puis surtout, bon, à quel point... sait qu'il y a un élément de budget financier. Je veux juste rappeler, là, pour ceux qui sont moins familiers avec l'accord Canada-Québec, que le transfert... Il y a un transfert d'argent qui se fait chaque année, là, qui, cette année, est évalué à 700 millions de dollars, pour financer les dépenses par rapport aux nouveaux arrivants. Donc, 700 millions de dollars, c'est quand même... par année, c'est quand même... Moi, je pense que ça pourrait couvrir facilement, là, les frais additionnels, parce que tout l'argent n'est pas dépensé vraiment par rapport à l'immigration, là. Ça va ailleurs, là, ça disparaît dans le fonds consolidé. Mais ça, je... c'est une autre histoire, là. Si, un jour, vous voulez que je vous en parle, là, je pourrai vous en dire plus, oui.

M. Arseneau : Un des éléments qui a souvent été entendu, c'est l'intention... en fait, c'est le fait que l'enfant, ou ses parents, ou les deux soient ici de façon temporaire. Et, dans un mémoire préalable, ce qu'on nous disait, c'est qu'il y avait au moins la moitié des enfants qui allaient, de toute façon, demeurer ici et qui étaient privés, là, d'accès aux services de santé universels et gratuits. Est-ce que c'est votre sentiment aussi, selon votre expérience?

M. Reichhold (Stephan) : Moi, je pense, la grande majorité, là... Parce qu'on ne parle pas de touristes, là. On parle vraiment de personnes qui sont arrivées ici par toutes sortes de canaux et qui essaient le Canada. En fait, une des beautés du système d'immigration canadien et québécois, c'est que tu peux régler ton statut une fois que tu es ici. Donc, c'est sûr que beaucoup de personnes viennent ici comme touristes, comme réfugiés, comme demandeurs d'asile, comme travailleurs temporaires avec l'objectif de vouloir rester ici et de régulariser ce qui est possible légalement. Et donc moi, je dirais, la grande majorité des personnes qui sont ici de manière temporaire souhaite rester, là. C'est...

M. Arseneau : Oui. Bien, en fait...

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député. Je m'excuse. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin que l'on puisse accueillir par visioconférence le prochain groupe. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 04)

(Reprise à 16 h 13)

Le Président (M. Provençal)  : Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de l'Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans la santé et les services sociaux. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter puis à débuter votre exposé. Je vous cède la parole.

Alliance des communautés culturelles pour l'égalité
dans la santé et les services sociaux (ACCESSS)

Mme Gonzalez (Carmen) : Merci beaucoup. Alors, c'est Carmen Gonzalez. Je vais faire la présentation. Et après ça je vais inviter Jérôme à venir pour répondre et faire des échanges.

Alors, je commence notre présentation en vous soulignant le fait qu'ACCESSS est le seul regroupement d'organismes des communautés culturelles en santé et services sociaux au Québec et que ses interventions et les programmes sont fondés sur l'analyse des demandes historiques faites par ses 136 organismes membres partenaires ainsi que sur une profonde connaissance du terrain.

Rappelons que la Loi canadienne sur la santé stipule l'accès aux services de santé sans discrimination pour tous les citoyens canadiens, soit l'article 3 : «La politique canadienne de la santé a pour premier objectif de protéger, de favoriser et d'améliorer le bien-être physique et mental des habitants du Canada et de faciliter un accès satisfaisant aux services de santé, sans obstacles d'ordre financier ou autre.»

Nous affirmons que le terme «autre» dans cet article inclut le statut des parents des enfants citoyens canadiens. Dans le cadre du projet de loi n° 83, nos interventions et nos propositions ont comme objet l'exercice de la citoyenneté formelle et effective des enfants nés de parents sans ce statut.

De plus, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec stipule que tout être humain a une personnalité juridique, soit article 1 : «Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne.

«Il possède également la personnalité juridique.»

Cette personnalité juridique s'applique également aux enfants nés au Québec, indépendamment du statut migratoire de leurs parents. En conséquence, ils ont droit aux services de santé et de services sociaux inscrits dans la Loi des services de santé et des services sociaux, comme aux citoyens canadiens résidant au Québec.

ACCESSS demande donc au gouvernement du Québec de respecter la Loi des services de santé et des services sociaux, notamment l'article 3 : «Pour l'application de la [...] loi, les lignes directrices suivantes guident la gestion et la prestation des services de santé et des services sociaux :

«1° la raison d'être des services est la personne qui les [demande];

«2° le respect de l'usager et la reconnaissance de ses droits et libertés doivent inspirer les gestes posés à son endroit;».

Article 5 : «Toute personne a le droit de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats sur les plans [...] scientifique, humain et social, avec continuité et de façon personnalisée et sécuritaire.»

Dans un contexte d'immigration, la définition de l'interculturel fait écho aux rapports entre groupes de cultures et de pratiques sociales différentes, menant à de nouveaux rapports sociaux et, notamment, à l'émergence d'une nouvelle culture de gestion des services publics. Ainsi, l'interculturel conduit à des transformations dans nos façons de faire et d'agir. Les relations interculturelles conduisent à la mise en place d'instruments de transformation sociale menant à la redéfinition de la société.

Ces transformations sociétales provoquent des réactions de résistance au sein de la société, car la stabilité et l'équilibre des rapports sociaux sont en constante transformation. En conséquence, il ne suffit pas d'élaborer une politique et d'édicter une loi, d'élaborer un plan d'action et de mettre en place de ces structures pour que les communautés ethnoculturelles puissent les utiliser en toute égalité. Il faut que le MSSS, la Santé publique et le réseau de la santé gèrent et développent le réseau différemment. C'est un changement de culture, un nouveau cadre de gouvernance, l'implantation de nouvelles pratiques de gestion, et une nouvelle orientation de la formation du personnel, et un nouveau cadre de recherche qui sont exigés ici, ainsi que le respect des engagements internationaux du Québec. Nous faisons ici la référence au pacte international des droits économiques, culturels et sociaux, le PIDESC.

Le Québec a adopté, au mois d'avril 1976, le décret 1438 pour marquer son adhésion au pacte international des droits économiques, culturels et sociaux. En adhérant à ce pacte, le gouvernement du Québec accepte de rendre compte de son application de façon périodique aux Nations unies. Il s'engage à adopter des moyens appropriés, en particulier des mesures législatives, pour assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus par ce pacte. Parmi ceux-ci, il y a le droit au travail et le droit de jouir de conditions de travail justes et raisonnables, le droit à un niveau de vie suffisant pour soi-même et sa famille, le droit de jouir d'un meilleur état de santé physique et mentale que l'on est capable d'atteindre ainsi que le droit à l'éducation.

ACCESSS souligne aux parlementaires le libellé de l'article 12 du pacte :

«1. Les États parties au présent pacte reconnaissent le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique ou mentale qu'elle soit capable d'atteindre.

«2. Les mesures que les États parties au présent pacte prendront en vue d'assurer le plein exercice de ces droits devront comprendre les mesures nécessaires pour assurer :

«a) la diminution de la mortinatalité et de la mortalité infantile, ainsi que le développement sain de l'enfant;

«b) l'amélioration de tous les aspects de l'hygiène du milieu et de l'hygiène industrielle;

«c) la prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contre ces maladies;

«d) la création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie.»

Pour illustrer ces situations, ACCESSS cite notamment en exemple, d'une part, le document du MSSS intitulé Accessibilité des services aux communautés culturelles Orientations et plan d'action 1989‑1991 et, d'une autre part, la charte de droits et libertés du Québec. Nous pouvons lire, à la page 6 du document du MSSS : «Ce profil de la population québécoise a un impact sur plusieurs aspects de notre société. Nous assistons à de nouveaux rapports socioculturels et économiques entre les différentes composantes de la société. Nous constatons de nouveaux besoins et surtout de nouvelles façons d'exprimer des besoins sociosanitaires. Des modifications sont nécessaires à plusieurs niveaux pour s'assurer que la clientèle issue des communautés culturelles, qui ne se reconnaît pas toujours dans le système actuel, puisse être desservie. Les pratiques de gestion et les pratiques professionnelles, ainsi que l'organisation des services, devront être révisées pour tenir compte de nouveaux contextes. C'est le défi posé par la problématique de l'accessibilité des services aux communautés culturelles.»

• (16 h 20) •

À la page 13, nous lisons également : «Les mesures du présent plan d'action visent essentiellement l'intégration de la dimension interculturelle dans tous les programmes du ministère, une meilleure communication avec la clientèle sur le plan linguistique et culturel, une reconnaissance du rôle de l'expertise culturelle des organismes communautaires des communautés culturelles, la diffusion d'une information adéquate aux communautés culturelles sur les services et le fonctionnement du réseau, la promotion de la recherche pour connaître les besoins particuliers en vue de développer des approches et des modèles d'intervention adaptés.»

Aujourd'hui, en 2021, à savoir 30 ans plus tard, ACCESSS constate que nous discutons des mêmes problématiques. Dans le passage de l'égalité de droit à celui de l'égalité de fait, la reconnaissance de préjugés est le premier pas dans la lutte contre la discrimination. Par conséquent, les changements de politiques et de programmes, la formation et la sensibilisation doivent être généralisés et doivent se faire dans un continuum incluant le personnel et le secteur public.

La charte énonce, dans le second considérant, que les citoyens québécois sont égaux en valeur et que les lois du Québec s'appliquent en toute égalité à tous les citoyens. Ce considérant stipule «que tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi».

Ce considérant explique à comprendre le fait que, dans la Charte des droits et libertés de la personne, on ait identifié des motifs de discrimination. En fait, ces motifs sont choisis à partir des principales composantes de la norme sociétale implicite : le sexe, la couleur de la peau, l'origine ethnique et nationale, le handicap, etc., caractéristiques qui constituent autant d'occasions d'être hors norme.

La conséquence est que les personnes qui ne répondent pas à la norme implicite risquent tôt ou tard d'être victimes d'exclusions ou de distinctions qui porteront atteinte à leurs droits et à leur épanouissement, en rendant l'exercice de droit à l'égalité plus difficile, à moins que l'on se donne la peine de relativiser cette norme ou d'adapter l'organisation des services pour neutraliser cet effet d'exclusion. Nous faisons ici référence à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

Ainsi, la charte stipule que... «Considérant que tout être humain possède des droits et libertés [inhérents], destinés à assurer sa protection et son épanouissement;».

Un enfant citoyen issu des communautés ethnoculturelles demande à la fois qu'on lui donne accès au cadre et aux services que l'on procure à une personne issue de la majorité et qu'on adapte ce cadre pour qu'il lui soit accessible et lui permette un plein accès aux services, en toute équité.

Rappelons que la discrimination systémique se définit comme suit : Des politiques, des lois, des procédures ou des pratiques apparaissant neutres mais qui ont ou peuvent avoir des effets d'exclusion en raison de caractéristiques appartenant à un groupe donné.

Dans le cas des communautés ethnoculturelles, ces caractéristiques sont la race, la couleur, la religion, la langue, l'origine ethnique et nationale. La charte...

Le Président (M. Provençal)  : Madame, je suis obligé de vous mentionner que le 10 minutes est déjà écoulé. Alors...

Mme Gonzalez (Carmen) : Je finis mon petit paragraphe et je finis?

Le Président (M. Provençal)  : Je vous donne la permission.

Mme Gonzalez (Carmen) : C'est bien gentil. Merci. La charte des droits et la Loi des services de santé et des services sociaux exigent des établissements de santé qu'ils créent les conditions permettant à chaque personne de bénéficier d'un accueil, d'un traitement et d'un suivi médical adaptés à sa situation, indépendamment de sa situation, de sa culture d'origine, de sa race, de sa langue, de son sexe, de sa religion ainsi que de sa situation sociale et économique. Ceci doit se faire dans le respect de son intégrité, sa dignité, et toute personne doit être traitée avec courtoisie dans le processus d'obtention de services de soins. Merci de m'avoir écoutée.

Le Président (M. Provençal)  : Ça fait plaisir, madame. Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter avec M. le ministre. C'est à vous la parole.

M. Dubé : Bien, écoutez, Mme Gonzalez, j'aimerais, premièrement, vous remercier, remercier votre invité qui est avec vous. Moi, avant de commencer à vous poser des questions, je voulais en profiter, là, juste quelques secondes, rapidement, pour vous remercier, le travail que vous faites durant la pandémie avec nous. Je vous le dis, c'est vraiment apprécié, la collaboration qu'il y a entre les gens du ministère, notre cabinet et le réseau ACCESSS. Je dois vous dire que vous nous permettez d'être très proches, puis c'est une aide qu'on apprécie beaucoup. Je voulais en profiter pour vous remercier, vous et votre équipe, premièrement.

Mme Gonzalez (Carmen) : Merci. Merci, merci.

M. Dubé : Je vais aller... Non, mais je le sais, puis on l'apprécie énormément. Bon, vous faites mention, dans votre rapport, que, bon, peut-être qu'on devrait gérer le réseau différemment pour répondre, puis je veux insister là-dessus, là, pour gérer ou répondre aux besoins des communautés culturelles. Pouvez-vous me donner un exemple, là, de ce que vous... on pourrait faire différemment, au niveau du ministère, pour nous aider dans ça?

Mme Gonzalez (Carmen) : O.K. Merci. Jérôme, je te donne la parole?

M. Di Giovanni (Jérôme) : Merci beaucoup des bons mots par rapport à ACCESSS puis la collaboration, effectivement. Et ce qu'on veut dire là-dedans, c'est qu'on a une loi de la santé et des services sociaux qui est excellente, mais c'est au niveau de l'application de cette loi-là qui pose problème.

Lorsqu'on dit qu'on doit gérer le réseau différemment, ce qu'on signifie, c'est que, lorsqu'on développe des programmes et des services... c'est qu'on tient compte du fait que, dans la population québécoise, il y a des personnes qui ne comprennent ni le français ni l'anglais, qui ont une notion de leur santé qui est complètement différente, qui ont une notion de la maladie qui était différente.

Donc, c'est vraiment là, c'est que le personnel de la santé, que ce soit au niveau du réseau, que ce soit au niveau ministériel... qu'il y ait une formation par rapport aux interventions interculturelles, qu'il y ait un plan d'accessibilité. Vous savez, votre article 349 de la LSSSS, qui dit que les établissements doivent développer des plans d'accessibilité au niveau des communautés culturelles, c'est ça qu'on signifie, c'est qu'il faut vraiment, là, qu'on mette en place ces façons de faire là.

Vous parlez de la santé publique. C'est... Lorsqu'on a des crises en santé publique, c'est de s'assurer qu'il y a une communication au niveau des communautés culturelles pour qu'ils puissent comprendre les consignes. C'est de ça qu'on... C'est ça qu'on veut dire.

M. Dubé : O.K. Puis je pense qu'on l'a vu dans la pandémie. C'est un bel exemple, vous faites bien de le rappeler, là, d'être capable de parler dans la langue des gens, puis etc., là. Je pense que... O.K.

Je vais revenir sur des cas, parce que je veux rester là-dessus, rapidement, puis je vais laisser la chance à mes collègues, là, de… du gouvernement de poser d'autres questions. Mais vous avez dit, dans… que la Régie de l'assurance maladie n'a pas donné suite à la recommandation du Protecteur du citoyen, là, concernant la façon de déterminer l'admissibilité d'un enfant canadien au régime d'assurance maladie. Expliquez-moi qu'est-ce que vous… si vous considérez que les propositions que l'on fait dans 83 sont suffisantes.

M. Di Giovanni (Jérôme) : Bien, nous, on a… Dans 83, le problème majeur qu'on voit, c'est dans votre note explicative, c'est le fait qu'on doit s'engager à rester au Québec plus de six mois. C'est ça qui cause, en fin de compte, un problème. Et ce que nous, on dit, la Loi canadienne de la santé, comme on s'est référés, les enfants nés au Québec sont des citoyens canadiens.

Mme Gonzalez (Carmen) : Citoyens canadiens.

M. Di Giovanni (Jérôme) : Ils ont droit aux services de santé, comme n'importe quel autre citoyen canadien vivant au Québec, qu'ils soient nés de madame et de monsieur… de Mme Lenoir, ou Lebrun, ou de M. Legault, ça ne change rien, là. C'est qu'il ne faut pas tenir compte de l'origine des parents, il faut vraiment les traiter comme des citoyens, du fait qu'ils sont déjà des citoyens. Pour nous, c'est ça qui cause le problème majeur.

Si, d'emblée, dès qu'ils sont nés au Québec, ils peuvent s'inscrire à l'assurance maladie, ils reçoivent leur carte et reçoivent les services, pour nous, on est corrects. On va vous appuyer. Mais, si vous maintenez le critère de plus de six mois, nous, on trouve que c'est problématique. Et, là encore, en fin de compte, vous créez une condition, un critère qui va les exclure, ces enfants-là.

Mme Gonzalez (Carmen) : On ne sera pas plus avancés que ça.

M. Dubé : Mais je vais revenir, parce que j'essaie, puis c'est… Je sais qu'on pose la question à tous les groupes, puis, des fois, on peut être surpris, mais vous pensez... De combien de personnes, en ce moment, supplémentaires qu'on couvrirait si on acceptait de changer le délai de trois mois à six mois ou neuf mois? De combien de personnes vous pensez qu'on manque en ce moment? Parce que c'est ça que j'essaie de comprendre, moi. Puis, si vous n'avez pas la réponse là, peut-être que vous pouvez vous informer, mais vous êtes tellement proches de ce que vous vivez dans votre quotidien. Dites-moi de combien de personnes on parle.

Mme Gonzalez (Carmen) : Attends, Jérôme. Et si j'inverse la question? Si je dis : À combien de citoyens canadiens je prive de l'assurance? Vous voyez, c'est ça, c'est qu'on est en train de priver des services de santé aux citoyens canadiens au Québec. Je ne sais pas, Jérôme...

M. Dubé : Oui, mais là vous me posez... vous me reposez une question ouverte, là. Moi, ce que je veux savoir… Je comprends, je comprends le lien, je comprends le lien avec la loi de la santé du Canada. Je comprends très bien. Mais ma question est… Parce que, lorsqu'on veut faire des ajustements, il faut comprendre de qui on parle et de quoi on parle, puis, en ce moment, moi, j'ai… On a beaucoup d'ouverture. D'ailleurs, on vous le montre. On fait quand même des élargissements assez importants à la loi actuelle. Moi, ce que j'aimerais, c'est... Quand vous nous dites : Bien, ça, on aimerait que la condition du six mois ne soit pas là... Mais de combien de personnes qu'on parle? Est-ce qu'on parle de 200 personnes ou on parle de 5 000 personnes?

• (16 h 30) •

M. Di Giovanni (Jérôme) : On ne pourrait pas parler de 5 000 personnes, là. On n'a pas un chiffre exact.

Mme Gonzalez (Carmen) : Non.

M. Di Giovanni (Jérôme) : Ça doit être une centaine d'enfants qui sont nés au Québec. Écoutez, on n'a pas la donnée. On peut s'informer pour vous la transmettre. Médecins du Monde ont une donnée, ils ont une information par rapport à ça. Le problème qu'on vit, pour vous répondre exactement à votre question, c'est que nous, on ne peut pas colliger, on n'a pas les moyens pour colliger l'information.

M. Dubé : Je comprends.

M. Di Giovanni (Jérôme) : Il faudrait voir si le ministère ou le réseau a les moyens pour colliger cette information-là. Mais ce qu'on peut s'engager, c'est de s'informer puis de vous transmettre l'information.

M. Dubé : Bien, je l'apprécierais beaucoup. Je l'apprécierais beaucoup, parce que je pense que ça nous aiderait à mettre en perspective les demandes que vous faites, là. Je ne peux pas aller trop loin pour ça aujourd'hui, mais, si vous aviez le temps de réfléchir à ça…

M. Di Giovanni (Jérôme) : Oui, oui. Parfait.

M. Dubé : O.K. Bien, moi, je vais laisser… Puis, encore une fois, là, j'apprécie beaucoup, beaucoup ce lien-là que vous avez avec ces communautés-là, qui sont très importantes pour nous. Ça fait que je l'apprécie.

M. Di Giovanni (Jérôme) : Merci.

M. Dubé : Je vais laisser, M. le Président, peut-être une autre personne de notre côté, peut-être...

Le Président (M. Provençal)  : Oui. Mme la députée de Repentigny.

M. Dubé : Bonjour, Lise. Lise, votre micro. Votre micro, Lise.

Mme Lavallée : Désolée. Merci encore pour votre présence puis votre présentation. Dans votre mémoire, vous dites : «Aujourd'hui, en 2021, à savoir 30 ans plus tard, ACCESSS constate que nous discutons des mêmes problématiques.» Puis vous avez fait part, un petit peu avant aussi, du décret adopté par Québec pour adhérer au pacte international des droits économiques, culturels et sociaux. Là, on comprend qu'il y a 30 ans qui s'est écoulé. Mais est-ce que vous considérez qu'actuellement le dépôt du projet de loi n° 83 est quand même une avancée par rapport à la façon dont les dossiers sont traités actuellement?

M. Di Giovanni (Jérôme) : C'est une avancée, mais il faut situer… Écoutez, oui, c'est une avancée. Mais par ailleurs on peut parler d'avancée puis on peut aussi parler qu'à l'intérieur de cette avancée-là il y a un critère qui va faire que les enfants, les citoyens canadiens nés au Québec vont être exclus, et c'est le critère du six mois. Puis ça, c'est important aussi à dire.

On peut élaborer une politique, on peut faire des avancées, mais, lorsqu'on arrive à l'application de cette politique-là, c'est là qu'il faut vraiment être extrêmement vigilant pour s'assurer que les critères d'application, en fin de compte, là, n'excluent pas et atteignent vraiment l'objectif. C'est le six mois qui nous cause problème.

Puis je vous réfère à une autre chose. On parle que, 30 ans plus tard, on parle des mêmes choses. C'est vrai. La loi de la santé et services sociaux a été adoptée en 2007, et aujourd'hui on est rendus en 2020. L'article 349, qui demande aux établissements d'établir des plans d'accessibilité pour les communautés culturelles, il y a... Aucun établissement au Québec, que ce soient des CISSS ou des CIUSSS aujourd'hui, et, avant, c'étaient les CRSSS, après ça, c'étaient des agences, n'ont appliqué cette législation-là. On parle toujours des mêmes choses.

Il y a une volonté politique que nous, on demande. Il y a, avec ça, une coordination ministérielle qu'on demande pour s'assurer que la loi soit appliquée. Et la loi est bonne, puis c'est dans l'application.

Mme Gonzalez (Carmen) : Oui. Et je peux ajouter que... Je pense, c'est en 2008 que nous avons fait un colloque, et on parlait déjà du document du ministère de la Santé, les documents 1989-1991. Et, à ce moment-là, on disait : Ils ont déjà passé à peu près... c'était huit ans, 10 ans que c'était, déjà, en 1989... non, 20 ans, parce qu'aujourd'hui on est en 2021 et on a toujours les documents. La volonté est là, mais ça reste dans l'écrit. Ce n'est pas appliqué. Les lois sont là. C'est l'adaptation qu'on demande.

Mme Lavallée : Je vous remercie.

M. Di Giovanni (Jérôme) : Il y a une expression québécoise, c'est : Le diable est dans le détail. Et c'est vraiment là... Et c'est là-dessus que nous, on est accrochés.

Le Président (M. Provençal)  : O.K. Mme la députée de Roberval.

Mme Guillemette : Merci. Il nous reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Provençal)  : 5 min 30 s.

Mme Guillemette : Merci beaucoup. Merci pour votre expertise et votre partage. Dans vos commentaires, vous mentionnez un endroit où l'exclusion au régime d'assurance maladie de certains enfants est basée sur une interprétation que vous jugez erronée. En quel sens vous jugez erronée l'interprétation sur la Loi de l'assurance maladie du Québec?

M. Di Giovanni (Jérôme) : Bien, c'est le concept de résident. En fin de compte, ces enfants-là sont exclus parce que la RAMQ dit : Du fait que les parents... Puis là on se fie sur le statut des... Les parents ne peuvent pas garantir la résidence au Québec du fait qu'ils sont en attente de statut. Il est clair que, si leur… C'est une attente de statut, O.K.? Donc… Mais ces enfants-là sont des résidents du Québec, sont des citoyens canadiens. Ils résident au Québec, indépendamment du statut, indépendamment que les parents puissent certifier qu'ils vont résider au Québec x nombre de mois ou x nombre d'années. Ils ne peuvent pas le faire.

Donc, pour nous, on dit : Un résident du Québec, du fait qu'il est citoyen, il est automatiquement résident du Québec. Mais ces enfants-là sont des citoyens canadiens. Le mot-clé là-dedans, c'est la citoyenneté puis la naissance au Québec.

Mme Guillemette : O.K. Et, au niveau de la communication et la confidentialité, est-ce que vous voyez un enjeu là, vous, ou, pour vous, ça va, là? On est dedans, comme on dit.

M. Di Giovanni (Jérôme) : Oui, oui.

Mme Guillemette : Il n'y a pas de problème, là, pour vous. D'accord.

M. Di Giovanni (Jérôme) : Pas pour nous autres. Nous autres, vraiment, la majeure… Ce qu'on voit, ce qu'on a dit tout à l'heure, il faut le reconnaître, qu'ils sont des citoyens et des résidents du Québec, pour que, dès la naissance, ils aient accès à l'assurance maladie.

Vous savez, il y a une chose là-dedans, là. Plus qu'on refuse ces enfants-là d'accéder à des services de santé, du fait qu'ils ne peuvent pas les avoir, ils vont développer des problématiques. Si on a une vision court terme, vous sauvez de l'argent. Si on a une vision long terme, ces enfants-là risquent de développer des problématiques, et ça va coûter plus cher.

Mme Guillemette : O.K. Et vous parlez aussi d'autres… Bien, en fait, d'autres modifications proposées, là, ce serait une meilleure communication avec la clientèle… sur le plan linguistique et culturel, mais comment on pourrait faire pour les soutenir encore plus?

M. Di Giovanni (Jérôme) : Effectivement, c'est… Vous savez, il y a un article dans la LSSSS, c'est… je crois que c'est l'article 2.5°, 2.7°, qui dit qu'on doit communiquer aux communautés culturelles dans le cadre… dans leur langue puis de… et, l'autre aussi, dire qu'il faut tenir compte des caractéristiques des communautés culturelles d'établissement.

Vous avez un réseau extraordinaire, c'est le réseau communautaire des communautés culturelles. Ça peut devenir un partenaire extraordinaire pour le réseau, pour communiquer.

Mme Guillemette : O.K. Parfait. Bien, je vous remercie.

Le Président (M. Provençal)  : Autres questions? Oui, Mme la députée de Soulanges.

Mme Picard : Bonjour.

Mme Gonzalez (Carmen) : Bonjour.

Mme Picard : J'aurais plutôt une question concernant comment les médecins, comment le personnel de la santé pourrait être plus au fait des changements dans le réseau. Avez-vous des idées, des suggestions de comment on pourrait les rejoindre pour qu'ils puissent être au courant des nouvelles dispositions de la loi?

M. Di Giovanni (Jérôme) : Si on parle... Si je comprends bien votre question, Mme Picard... Bonjour. C'est au niveau des professionnels de la santé puis des médecins, O.K., au niveau des... c'est par rapport à eux qu'est votre question?

Mme Picard : Oui, exactement.

• (16 h 40) •

M. Di Giovanni (Jérôme) : O.K. Oui. Ce que nous, on propose, c'est... Et on travaille actuellement avec le Collège des médecins, on a un partenariat avec la Fédération des médecins omnipraticiens, la Fédération des médecins spécialistes. Ce qu'on propose, c'est des ateliers de formation et de sensibilisation, même au niveau des infirmières, par rapport aux communautés culturelles, de les outiller pour qu'ils puissent mieux intervenir au niveau des communautés culturelles. Lorsque c'est des patients, c'est de s'assurer qu'on tient compte de leurs parcours migratoires, qu'on tient compte de leurs symptômes, de leur santé puis de la communication.

Je vais vous donner un exemple, qu'est-ce qu'on veut dire. Même si on parle français, ça ne veut pas dire nécessairement qu'on parle de la même chose. Un exemple, puis ça, on l'a vécu, à ACCESSS, au Québec, avoir mal au coeur, c'est avoir la nausée. Si vous allez en Afrique, si vous allez en Haïti, si vous allez dans un autre pays, en Côte d'Ivoire, si vous dites que j'ai mal au coeur, c'est un problème cardiaque. Vous voyez la différence qui existe par rapport à ça. C'est ces choses-là qu'on parle en termes de différence.

Mme Gonzalez (Carmen) : Est-ce que je peux ajouter quelque chose?

Le Président (M. Provençal)  : Rapidement.

Mme Gonzalez (Carmen) : Oui. En fait, je vous parle d'un exemple, ici, parce que c'est ça qu'on propose, mais, quand on vit dans le quotidien... Nous, ici, à COPSI, nous avons un groupe des aînés immigrants hispanophones. Alors, il y a quelques membres de ce groupe qui ne parlent pas du tout, du tout ni le français ni l'anglais, et les médecins appellent à COPSI, les pharmaciens appellent à COPSI pour donner des rendez-vous pour ces dames qui ne parlent pas la langue. Alors, vous voyez, ça passe par les organismes communautaires.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Je vais maintenant céder la parole à la députée de Maurice-Richard pour les 11 prochaines minutes. Je vous cède la parole, madame.

Mme Montpetit : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Merci d'être là aujourd'hui.

Mme Gonzalez (Carmen) : Bonjour.

M. Di Giovanni (Jérôme) : Bonjour.

Mme Montpetit : Merci de toutes les informations que vous nous communiquez aussi. Je commencerais peut-être juste en mentionnant... Puis je pense qu'on pourra faire un suivi avec ça, mais je suis sûre que ce sera... que, pour le ministre, ça pourrait être pertinent, mais... Puis on aura la Protectrice du citoyen avec nous après, mais qui, dans ses recommandations qu'elle avait faites à l'époque... Parce qu'il y avait une discussion tout à l'heure sur le nombre de personnes, justement, que ça pourrait concerner. On se rappellera que, la protectrice, dans les recommandations qu'elle avait faites, justement, c'était de s'assurer que la RAMQ uniformise le traitement des demandes d'admissibilité. Puis c'est sûr qu'à chaque fois qu'il y a une naissance qui est déclarée au Directeur de l'état civil... qu'il y ait vraiment un processus qui soit entamé, donc qu'il y ait une étude d'admissibilité de l'enfant qui soit faite systématiquement, sans égard, justement, au statut migratoire du parent, et que, dans chaque cas, il y ait une décision écrite qui soit communiquée également. Donc, je pense que ce sera certainement de bon augure de voir le suivi qui a été fait, de cette recommandation-là de la protectrice, pour voir où en est le… de quel ordre est le bilan, dans le fond, de combien d'enfants peuvent se retrouver dans cette situation-là.

Ce que je retiens de votre présentation, puis elle est très claire... Puis je partage pleinement votre prémisse de base qu'il ne devrait pas y avoir deux types, deux catégories d'enfants au Québec, ou nulle part ailleurs, mais concentrons-nous sur le Québec. En ce qui nous concerne, ce que je comprends, ce que vous nous dites, c'est que le projet de loi, tel qu'il est libellé, s'il n'y avait pas d'amendement qui était fait, il maintient cette problématique-là, d'avoir possiblement deux catégories d'enfants au Québec, des enfants qui ont accès à l'ensemble des services, donc aux services de santé, et une catégorie d'enfants qui est née aussi sur le territoire québécois, mais, de par le statut de leurs parents, n'ont pas accès aux mêmes services de santé. Je comprends que ça, pour vous, c'est quelque chose qui… Vous considérez que le projet, dans sa forme actuelle, maintient cette iniquité.

M. Di Giovanni (Jérôme) : Effectivement, oui. Oui, à cause du six mois.

Mme Montpetit : À cause du six mois, hein, c'est…

Mme Gonzalez (Carmen) : ...

M. Di Giovanni (Jérôme) : Effectivement, oui.

Mme Montpetit : ...pardon. Est-ce qu'aussi... J'aimerais vous entendre sur… On a eu le groupe, le groupe avant vous, qui nous a parlé de… bien, même, les deux ou les trois groupes avant vous, pardon, qui nous ont parlé de l'importance de reconnaître aussi la question des femmes enceintes, qui peuvent avoir un statut migratoire, mais qui n'ont pas les mêmes accès. J'aurais aimé vous entendre sur cet élément-là aussi, à quel point c'est un enjeu qui devrait être discuté, si on veut répondre à l'ensemble de la problématique, puisque ça vient, justement, avoir un impact aussi, indirect ou direct, là, chez les enfants à leur naissance, là.

M. Di Giovanni (Jérôme) : Bien, effectivement, moi, je crois que, là, vous ouvrez un dialogue qui est d'urgence à avoir au Québec avec le ministre de la Santé, c'est-à-dire les… tant les femmes qui sont enceintes que les personnes qui arrivent au Québec. Là, on touche au délai de carence de trois mois également, on touche… Vous savez, on touche aussi au Programme fédéral de santé intérimaire. Lorsque les gens se présentent avec la carte du Programme fédéral de santé intérimaire et les établissements refusent de reconnaître cette carte-là, qui est le financement du fédéral aux services, aux services de santé, bien, les gens doivent débourser de l'argent comptant pour avoir des services.

Moi, je crois que ce projet de loi n° 83... Et votre question, si l'Assemblée nationale ou le ministre de la Santé veut élargir leur conversation pour qu'on ait vraiment une conversation qui est due depuis très longtemps, comment traiter les immigrants au niveau de la santé et des services sociaux, puis réfléchir sur le statut... Il n'y a pas un seul statut au Québec. Il y a les personnes parrainées, notamment, les femmes qui sont parrainées qui n'ont pas le droit à des services santé. Mais, dans des situations de violence conjugale, elles peuvent avoir le droit. Et, tout à l'heure, on a parlé des médecins, c'est qu'on ne comprend pas non plus les subtilités des statuts d'immigration au niveau de l'accès aux services de santé et services sociaux.

Il y a une réflexion à faire, au Québec, par rapport à ça, puis elle est urgente, même, de la faire, là, parce qu'il y a des drames qui sont vécus. Il y a des gens qui n'amènent pas les enfants aux hôpitaux puis à se faire soigner parce qu'ils n'ont pas les moyens financiers pour le faire. Il y a des femmes qui ne se rendent pas dans les salles d'urgence, parce qu'elles ont besoin... Il y a des femmes enceintes qui soient refusées, des médecins, des cliniques sans rendez-vous, parce qu'elles ont le programme fédéral, puis on refuse d'accepter ça, puis on demande de l'argent comptant. Donc, il y a des drames.

Puis il y a un drame qui va surgir bientôt, puis c'est une étude qu'ACCESSS a faite, c'est les femmes immigrantes et racisées qui reçoivent des services gynécologiques. Il y a un gros problème qui est là. Nous, on vous l'annonce, là, on vient juste de terminer une étude avec l'École de santé publique, puis on va sortir bientôt l'étude, puis il y a un drame, là aussi, qui se fait.

Donc, ce qu'on vous propose, comme parlementaires, que, de manière conjointe, tant le gouvernement que l'opposition... qu'on ait cette réflexion-là.

Mme Montpetit : Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur les éléments... sur les conclusions auxquelles vient l'étude ou on attendra le bon moment?

M. Di Giovanni (Jérôme) : Oui. Je vais vous donner un exemple bien concret qui va peut-être vous choquer, vous, il paraît que c'est inacceptable puis impossible à voir : une femme qui est arrivée dans un hôpital pour accoucher, elle accouche, elle sort de la salle d'accouchement, les trompes ligaturées, sans son autorisation.

Mme Montpetit : Et, pour vous, c'était relié au fait que c'était une femme... Vous avez dit, donc, que ça concernait les femmes immigrantes ou racisées.

M. Di Giovanni (Jérôme) : C'était une femme immigrante. C'était une femme immigrante. Il y a une demande qui est faite actuellement. Le conseil d'administration d'ACCESSS a fait une demande à la Commissaire à la santé de faire enquête, dans son mandat, par rapport aux services reçus par les femmes immigrantes et racisées en termes de services gynécologiques et obstétricaux. La Commission des droits de la personne du Québec a reçu exactement la même demande et a accepté d'analyser la situation. Nous, on croit qu'il y a une réflexion à faire avec le politique et l'administratif du gouvernement par rapport à la santé et les immigrants.

Mme Montpetit : Je vous remercie de partager ça avec nous. Vous avez toutes les formations politiques, en plus du ministre, qui sont là pour vous écouter. Puis on prendra… On va attendre avec impatience ce rapport que vous allez nous communiquer.

Est-ce que je pourrais vous demander aussi… puis l'idée n'est pas de briser l'anonymat de qui que ce soit, mais de nous donner certains… Parce que je sais que vous êtes vraiment aux premières loges de ces problématiques qu'on essaie de régler, justement, avec… que le ministre veut régler avec son projet de loi. Est-ce que vous pourriez nous exposer, justement, des cas concrets du terrain, comment ça peut venir bouleverser la vie des gens, justement, de ne pas… le fait que des enfants qui sont nés au Québec n'aient pas accès à la RAMQ? Qu'est-ce que vous voyez dans votre quotidien?

• (16 h 50) •

M. Di Giovanni (Jérôme) : Bien, c'est que les gens, ils n'ont pas les services et ne sont pas soignés. Si les gens… Si les parents ne peuvent pas payer, ils ne sont pas soignés. Donc, les maladies s'aggravent, l'enfant est de plus en plus malade. Puis, à un moment donné, si jamais ces enfants-là sont reconnus par la RAMQ, bien là, on doit traiter des maladies qu'on aurait pu régler au tout début. Ça devient des maladies graves. Donc, la santé des enfants est aggravée, et la situation aussi. Il y a un problème psychologique qui arrive au niveau des parents.

Vous savez, quelqu'un qui immigre, indépendamment son statut, là, il immigre parce qu'il veut augmenter et il veut améliorer la situation de leurs enfants ou leur situation économique. S'ils voient que leur enfant est de plus en plus malade, puis il n'est pas capable d'aller chercher des services, pour eux, c'est un échec au niveau de l'immigration.

L'immigration, là, ce n'est pas un party, là, de vendredi soir ou une fois que les Canadiens ont gagné la coupe Stanley, puis on se fait un gros party, là. On coupe les liens historiques, familiaux, culturels avec sa famille, son pays d'origine. On doit s'adapter à un environnement complètement inconnu. Il y a un stress migratoire, il y a des problèmes d'adaptation, il y a des problèmes de compréhension de la langue, de la culture, de l'intégration. L'intégration, c'est un long processus qui est difficile. Si votre enfant est malade puis vous n'êtes pas capable de le soigner, comme parent, vous vous sentez de plus en plus coupable, et ça augmente les problèmes de santé, et ça devient plus coûteux pour le réseau de la santé, à un moment donné, en bout de piste, là.

Mme Gonzalez (Carmen) : Parce qu'il y a une autre situation, c'est qu'il y a beaucoup des immigrants, des demandeurs d'asile qui sont en appel. Alors, ils doivent payer les frais d'avocat. Alors, quand ça s'ajoute, une facture pour les médecins pour leurs enfants, son enfant, c'est... ils vont essayer le plus de rester à la maison avec l'enfant, jusqu'à quand la vie devient en danger, parce qu'ils vont garder les sous pour payer l'avocat.

Mme Montpetit : Je vous remercie de partager ça avec nous, parce que c'est... Puis l'idée n'est pas... C'est triste de savoir que, dans une société riche comme la nôtre, il y a encore ce genre de situation, puis ça, je pense qu'on en convient tous. Puis je suis convaincue qu'on va travailler tous ensemble, les formations politiques, pour faire du mieux qu'on peut pour que ni des enfants, ni des femmes, ni des familles ne continuent de se retrouver dans cette situation-là au terme du projet de loi du ministre.

Puis j'aurais une dernière question pour vous, en terminant...

Le Président (M. Provençal)  : Le temps est écoulé, Mme la députée.

Mme Montpetit : Ah! aucun souci. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je vais maintenant céder la parole au député de Laurier-Dorion. Vous possédez... disposez, excusez-moi, de 2 min 45 s.

M. Fontecilla : Oui. Merci. Bonjour, Mme Gonzalez, M. Di Giovanni.

Mme Gonzalez (Carmen) : Bonjour.

M. Di Giovanni (Jérôme) : Bonjour.

M. Fontecilla : Écoutez, il y a plusieurs intervenants qu'on a entendus aujourd'hui qui nous ont signalé la complexité de la loi, la création de plusieurs catégories et également, en parallèle, la difficulté, pour le système de santé, d'offrir les bonnes informations, de posséder les bonnes informations, etc., et donc des établissements qui refusent des gens parce qu'ils ne savent pas que ces personnes-là pourraient être admissibles aux services de santé, selon différents programmes, etc. D'après vous, cette complexité-là pourrait empêcher l'accès aux soins de santé pour des personnes à statut migratoire précaire.

M. Di Giovanni (Jérôme) : Oui. Effectivement, ça empêche l'accès aux services, tant... C'est à deux niveaux, là. Il y a l'information que la personne immigrante, la famille immigrante doit avoir et doit comprendre. Le réseau de la santé, au Québec, est extrêmement complexe. Nous, on intervient au niveau canadien, puis, lorsqu'on parle à nos collègues canadiens dans les autres provinces, des CISSS, des CIUSSS, des CLSC, des intervenants pivots, on doit passer par un omnipraticien pour aller à un médecin spécialiste... C'est extrêmement complexe. C'est de comprendre cette complexité-là qui est unique au Québec. Et ça, ça empêche, si elle n'a pas la bonne information adaptée par rapport à ça... Et malheureusement... Nous, on a fait une demande au ministère pour qu'on organise ce genre d'information là.

Puis il y a... L'autre problème, c'est au niveau des intervenants qui ne sont pas outillés, qui n'ont pas la bonne information par rapport au statut d'immigration, par rapport à la langue, par rapport à la communication.

Donc, ça se situe à deux niveaux. Puis, comme on dit, la loi est là, la loi prévoit ça, mais c'est au niveau de l'application. Est-ce qu'ils ont un problème, au niveau de l'administration du MSSS, pour appliquer cette loi-là? Les CIUSSS et les CISSS nous disent qu'ils sont laissés à eux-mêmes puis ils essaient de se débroussailler là-dedans. Donc…

M. Fontecilla : Et, d'après vous, qu'est-ce qui pourrait être… Est-ce qu'il faudrait davantage d'information, de campagne d'information ou ce serait peut-être plus facile une simplification de la loi?

M. Di Giovanni (Jérôme) : Non. Moi, je crois que, si on parle de façon large, il faudrait qu'il y ait un signe du ministère disant : On applique, on demande aux CISSS, aux CIUSSS d'élaborer des plans d'accessibilité en santé et services sociaux pour les communautés culturelles, tel que c'est prévu dans la loi, d'offrir les ressources nécessaires pour le faire. Et, là où on enclenche vraiment un processus, où on va à la fois former les intervenants, tant au niveau de l'administration puis au niveau de l'accueil, des services, puis tout ça, outiller les communautés culturelles à travers les organisations communautaires. C'est ça que ça prend. Tout est là. Il s'agit d'avoir des ressources, il s'agit qu'au niveau gouvernemental il y ait une volonté, puis cette volonté-là s'applique au niveau des CISSS et des CIUSSS.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup.

M. Fontecilla : Je vous remercie.

Le Président (M. Provençal)  : Nous allons maintenant céder la parole au député des Îles-de-la-Madeleine. Vous disposez, vous aussi, de 2 min 45 s.

M. Arseneau : Merci beaucoup. Alors, merci de votre présentation, qui est très, très large, sur le système de santé. Et, vers la fin, là, vous abordez la question qui nous occupe dans le projet de loi actuel.

Je vais continuer un peu sur la même lancée que mon prédécesseur Andrés, sur la question du système de santé en général. Vous dites qu'on a une excellente loi, mais que c'est la façon de l'appliquer qui fait problème, qui pose problème. Est-ce que, selon vous, c'est une question d'approche des fonctionnaires? Est-ce que c'est une commande politique qui devrait être lancée? Comment vous comprenez qu'on ne puisse pas agir de façon à être beaucoup plus ouverts et donc d'appliquer la loi tel que vous l'entendez?

M. Di Giovanni (Jérôme) : Est-ce qu'on peut être francs?

M. Arseneau : Oui.

M. Di Giovanni (Jérôme) : O.K. On va être francs.

M. Arseneau : La culture institutionnelle? Allez-y.

M. Di Giovanni (Jérôme) : On va être francs. On a…

Une voix : Vous êtes là pour ça.

M. Di Giovanni (Jérôme) : Oui. Non, mais parce que, tu sais, je ne veux pas non plus offusquer qui que ce soit... Écoutez, lorsqu'on rencontre le cabinet, puis on a des rencontres périodiques avec des conseillers politiques du ministre Dubé, on a rencontré le cabinet de Mme McCann, de M. Barrette, de Couillard, d'à peu près... de beaucoup de gens, il y a une écoute. Il y a une écoute, il y a une compréhension. On sort de cette réunion-là puis on se dit : Enfin, on a été écoutés, il y a une compréhension.

Puis, lorsque la demande descend au niveau de l'administratif, c'est là que ça bloque. Il y a un blocage au niveau administratif qui fait qu'on se fait dire : Bien, ACCESSS n'a pas sa pertinence, le réseau s'en occupe.

Puis je vais vous donner un exemple très, très concret, qu'est-ce qu'on veut dire. En février 2019, on a rencontré le cabinet de Mme McCann, et le conseiller politique, et le chef de cabinet, le conseiller politique responsable des communautés culturelles, et le chef de cabinet. On nous a demandé de soumettre un plan pour assurer l'accès à des services santé et services... aux communautés culturelles. Le plan avait quatre volets. Il y avait les plans d'accessibilité avec les CISSS et les CIUSSS, il y avait toute la question de la vaccination, c'est-à-dire d'augmenter la littératie au niveau de la vaccination auprès des communautés culturelles, parce que la vaccination, ce n'est pas uniforme à travers le monde, et, ici, il y a des lois... il y a des priorités. On avait soumis aussi, là-dedans... Le troisième volet, ça touchait le programme de dépistage du cancer du sein et des cancers gynécologiques, parce qu'on a lié ça ensemble, puis le quatrième volet, c'était d'organiser des ateliers d'information, sensibilisation à travers nos organisations pour informer, c'est comment que ça fonctionne, le réseau de la santé, pour les outiller, avec des outils multilingues, puis tout ça. Puis on s'est fait répondre, plusieurs mois plus tard, par une lettre que le réseau s'en occupait et que ce n'était pas nécessaire, qu'on voulait dédoubler le réseau. Qu'est-ce que nous, on disait : Voici le plan, on offre notre expertise, on veut travailler avec vous. Vous voyez, là?

Il y avait une écoute au niveau politique. Ça a descendu au niveau fonctionnaires. Les fonctionnaires ont remonté ça au ministre, à la ministre de l'époque. Puis la lettre, c'était venu de Pierre Lafleur, le sous-ministre de l'époque, disant : Bien, on s'en occupe, merci beaucoup, c'est bien gentil, qu'est-ce que vous avez proposé.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup pour votre réponse et votre franchise. Très apprécié par les membres de la commission. Et je vous remercie pour votre contribution aux travaux de notre commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin que l'on puisse accueillir par visioconférence le prochain groupe. Merci beaucoup.

M. Di Giovanni (Jérôme) : Merci beaucoup. Merci bien. Merci bien.

Mme Gonzalez (Carmen) : Merci. Merci beaucoup.

Une voix : Merci à vous.

(Suspension de la séance à 17 heures)

(Reprise à 17 h 10)

Le Président (M. Provençal)  : Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentantes du Protecteur du citoyen. Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter puis à débuter votre exposé.

Protecteur du citoyen

Mme Rinfret (Marie) : Merci, M. le Président. Mon nom est Marie Rinfret. Je suis Protectrice du citoyen. M. le ministre, Mmes, MM. les députés membres de la commission, je vous présente la personne qui m'accompagne, Mme Vicky Pageau, qui est coordonnatrice aux enquêtes en santé et services sociaux et responsable de ce dossier.

Je remercie la Commission de la santé et des services sociaux d'avoir invité le Protecteur du citoyen à participer aux consultations sur le projet de loi n° 83, Loi concernant principalement l'admissibilité au régime d'assurance maladie et au régime général d'assurance médicaments de certains enfants dont les parents ont un statut migratoire précaire.

Je rappelle brièvement que le Protecteur du citoyen reçoit les plaintes de toute personne insatisfaite des services d'un ministère ou d'un organisme du gouvernement du Québec ou encore d'une instance du réseau de la santé et des services sociaux. En plus de mener des enquêtes de notre propre initiative sur des situations préjudiciables à effets collectifs, le Protecteur du citoyen veille aussi à l'intégrité des services publics en traitant les divulgations qui s'y rapportent. Il participe ainsi à l'amélioration de la qualité et de l'intégrité des services publics.

Lorsqu'il le juge opportun et d'intérêt public, le Protecteur du citoyen propose des modifications à des projets de loi ou de règlement. C'est à ce titre que je présente aujourd'hui mes recommandations concernant le projet de loi n° 83.

Je me permets d'abord de rappeler que le Protecteur du citoyen a, le 30 mai 2018, rendu public un rapport spécial intitulé Donner accès au régime québécois d'assurance maladie aux enfants nés au Québec de parents au statut migratoire précaire. Ce rapport exposait la situation d'enfants qui, en raison du statut migratoire précaire de leurs parents, ne sont pas admissibles au régime public d'assurance maladie, bien qu'ils soient nés au Québec, y demeurent de façon habituelle et y soient présents plus de 183 jours par année. J'y recommandais que ces enfants des citoyens canadiens soient considérés comme admissibles.

En effet, à notre avis, l'application des textes législatifs et réglementaires en vigueur, tels qu'ils sont rédigés, permettait déjà de distinguer le statut de l'enfant né au Québec de celui de ses parents aux fins de son admissibilité. Cette interprétation était d'ailleurs conforme à l'intention du législateur lorsqu'il a adopté la Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives, en 1999. Elle respectait également la convention internationale relative aux droits de l'enfant, à laquelle le Québec s'est déclaré lié par décret en 1991.

Malgré cette recommandation, la Régie de l'assurance maladie du Québec a maintenu que la loi, telle qu'elle est rédigée, ne permettait pas aux enfants l'accès à des soins de santé et à des services sociaux.

Au printemps 2019, un comité interministériel a été mis sur pied à la demande de la ministre de la Santé et des Services sociaux alors en fonction. Ce comité avait pour mandat d'examiner les possibilités d'offrir une couverture de soins de santé aux enfants nés au Québec de parents au statut migratoire précaire.

En octobre 2020, la Commission de l'administration publique a entendu la Régie de l'assurance maladie du Québec et le ministère de la Santé et des Services sociaux sur les actions entreprises en vue de répondre à la recommandation du Protecteur du citoyen. De ces auditions ont émané trois recommandations, dont celle que la RAMQ et le ministère agissent le plus tôt possible afin d'octroyer aux enfants nés au Québec de parents au statut migratoire précaire l'accès au régime québécois d'assurance maladie.

Pour le Protecteur du citoyen, le projet de loi n° 83 constitue une réponse claire d'acceptation de la part du gouvernement de la recommandation-phare de notre rapport de 2018.

De plus, j'appuie aussi la proposition du projet de loi n° 83 d'étendre à des enfants qui sont nés à l'extérieur du Québec l'admissibilité au régime d'assurance maladie ainsi qu'au régime général d'assurance médicaments. En effet, le projet de loi n° 83 fait en sorte que pourront être admissibles, à certaines conditions, les enfants nés au Québec de parents au statut migratoire précaire qui prévoient demeurer au Québec pour une période de plus de six mois, les enfants détenant une autorisation de séjour de plus de six mois au Québec et les enfants nés hors du Québec lors d'un séjour avec leurs parents qui résident habituellement au Québec. Ainsi, les enfants qui ne sont pas nés au Québec et qui ne détiennent aucune autorisation de séjour sur le territoire ou ceux présents moins de six mois ne pourront bénéficier du régime d'assurance maladie ou du régime général d'assurance médicaments.

Considérant cela, il m'apparaît essentiel de mettre en place des mesures pour qu'un enfant qui a déposé une demande d'autorisation à se trouver sur le territoire canadien et qui, de ce fait, serait admissible reçoive des autorités responsables, dans des délais raisonnables, les documents nécessaires pour en attester. L'adoption de telles mesures est d'autant plus nécessaire que le Protecteur du citoyen a constaté que le ministère de l'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada peut prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois avant d'émettre, par exemple, la confirmation qu'une demande officielle a été déposée par une personne pour être légalement autorisée à être sur le territoire canadien. À ces délais peut s'ajouter celui pour l'obtention de la décision de sélection du ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration du Québec. Or, ces documents peuvent être nécessaires à la démonstration de l'admissibilité d'un enfant. Par conséquent, la personne qui ne reçoit pas le ou les documents requis pour faire cette démonstration n'a pas accès, pendant ce délai d'attente, au régime d'assurance maladie du Québec.

Or, l'accès au régime d'assurance maladie pour les enfants visés par le projet de loi n° 83 doit être effectif, rapide et sans égard à la capacité des autorités provinciales et fédérales d'immigration à délivrer, dans des délais raisonnables, les documents requis pour en attester. Pour cette raison, je recommande d'ajouter au projet de loi n° 83 une mesure législative afin que soient considérés comme provisoirement admissibles les enfants dont la régularisation du statut migratoire est en attente d'une réponse des autorités provinciales ou fédérales.

Je considère également que le texte du projet de loi n° 83 doit être modifié pour clarifier certaines propositions législatives dont le libellé porte à confusion. Il est essentiel d'éviter de reproduire la situation qui prévaut actuellement, soit celle où des divergences d'interprétation des textes nous éloignent de l'objectif poursuivi.

Dans le cadre de notre analyse du projet de loi n° 83, des difficultés d'interprétation de deux propositions législatives ont été constatées. Il découle en effet de la lecture combinée des articles 8 et 11 du projet de loi n° 83 que tout enfant non domicilié au Québec devra démontrer son intention d'y résider en fournissant un document que seule une personne de nationalité canadienne serait en mesure de fournir. Cela constitue un non-sens. En fait, l'enfant qui n'a pas la situation… la citoyenneté canadienne et qui n'est pas déjà domicilié au Québec devrait plutôt avoir à présenter le document attestant de son statut sur le territoire ainsi qu'un document attestant de son intention d'y être domicilié.

Je recommande donc que des modifications soient apportées au projet de loi n° 83 afin de clarifier quels documents il sera nécessaire de présenter à la Régie de l'assurance maladie du Québec pour démontrer l'admissibilité d'un enfant au régime d'assurance maladie.

En conclusion, en adoptant le projet de loi n° 83, la société québécoise s'assurera d'offrir aux enfants visés, dès leur naissance ou dès leur arrivée au Québec, les soins de santé requis et des services sociaux adéquats. Pour ces jeunes, les conséquences physiques et psychologiques ne peuvent être que positives tant au regard de leur développement que de leur intégration à l'école et à la communauté. D'un point de vue sociétal et de santé publique, il s'agit d'une avancée notable.

Par ailleurs, l'application des dispositions de ce projet de loi sera guidée par des directives administratives qui restent à déterminer. Je tiens à souligner l'importance, lors de l'élaboration de ces directives, de respecter l'intention du législateur d'élargir à davantage d'enfants mineurs la couverture offerte par le régime d'assurance maladie du Québec. Il est en effet primordial d'éviter qu'elles restreignent, comme c'est actuellement le cas, l'admissibilité des enfants que le projet de loi n° 83 vise à inclure. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant initier la période avec M. le ministre.

• (17 h 20) •

M. Dubé : Oui. Merci, M. le Président. Et bonjour, Mme Rinfret. Bonjour, Mme Pageau. Merci de… dans votre agenda, de prendre du temps pour nous, parce que, vous l'avez bien dit, là, il y a une suite logique à vos recommandations, à tout le travail qui a été fait, puis d'essayer de mettre en forme un projet de loi qui répond à plusieurs des recommandations que vous avez faites. Alors, je vais le dire comme ça, ce n'est pas 100 % parfait, mais c'est 100 % meilleur que ce qu'on avait avant. Mais on va essayer, comme l'ont dit d'autres députés tout à l'heure, de le rendre encore plus… de le rendre encore meilleur avec les différents témoignages que l'on reçoit.

Moi, j'aimerais vous dire que je suis très, très content de voir que vous trouvez qu'on va... je ne dirais pas plus loin, mais au moins qu'on rend admissibles les enfants à être sur le territoire, là, en autant qu'ils soient de plus de six mois. Je suis certain que vous avez entendu des commentaires des autres, ceux qui vous ont peut-être précédées, là. Je suis certain que... En tout cas, je ne devrais pas faire cette hypothèse-là, mais vous savez que ça semble causer un problème, hein, de... Nous, on a tranché à six mois, là, mais j'aimerais ça vous entendre, parce que vous avez... Lorsque vous avez fait votre rapport, vous avez dû avoir des cas pratiques ou des cas où vous avez justifié que, bon, il y avait des situations qui n'étaient pas acceptables. Puis moi, j'ai... Étant donné tout le travail que vous avez fait, j'aimerais vous entendre sur ce délai-là de six mois, là, où on a tracé la ligne puis... Parce qu'on veut écouter les deux côtés de la médaille, si je peux dire ça. Alors, j'aimerais ça vous... Ça, c'est ma première question.

Puis après ça il y en a une autre, là, qui est sur une de vos recommandations, que j'aimerais avoir... que l'article 11 du projet de loi soit modifié pour l'admissibilité, puis ça, c'est des choses qui se feraient avec la RAMQ... Ça va être ma deuxième question. Parce que je veux juste avertir mes collègues, là, puis je voudrais leur donner le droit de parole, mais moi, c'est les deux questions qui me préoccupent. Est-ce qu'on a tracé la ligne à la bonne place avec le six mois? Moi, je crois que oui, mais il y a des gens qui divergent d'opinion. Puis, la deuxième, je reviendrai sur l'article 11 du projet de loi, O.K.? Ça va?

Mme Rinfret (Marie) : Oui.

M. Dubé : S'il vous plaît.

Mme Rinfret (Marie) : Alors, M. le Président, M. le ministre, d'abord, à ce propos, de fait, j'ai entendu les personnes qui sont venues témoigner devant vous avant nous. Il y a une chose que je tiens à préciser d'emblée, c'est que le rôle du Protecteur du citoyen, c'était le rôle, la mission qu'on... C'est comme ça qu'on a regardé et qu'on a réfléchi le rapport qu'on a rendu sur les enfants nés au Québec dont les parents ont un statut migratoire précaire.

Vous savez, comme Protecteur du citoyen, je m'assure que les lois, telles qu'elles sont écrites, telles qu'elles doivent être interprétées, rendent aux citoyens et aux citoyennes du Québec les services dont ils ont besoin. Ça, c'est mon travail. Je ne suis pas là pour souhaiter qu'on élargisse la couverture, par exemple, de la Régie de l'assurance maladie à l'ensemble des enfants sur le territoire québécois.

Cependant, ce qu'il est important de noter à l'égard des enfants nés au Québec, et c'est la précision que j'aimerais apporter, c'est que, dès le moment où un enfant est né au Québec, il possède la citoyenneté canadienne. Et, de ce fait, je contestais l'interprétation de la Régie de l'assurance maladie de lier son statut, à l'enfant, à celui de ses parents. Bon, il n'en demeure pas moins qu'en vertu de la Loi sur l'assurance maladie et du règlement sur l'admissibilité... qu'un citoyen canadien, qu'une personne qui réside au Québec, pour avoir accès au régime d'assurance maladie, doit y être présent plus de 183 jours par année, d'où, j'imagine, le critère du six mois. Ici...

M. Dubé : Et est-ce que c'est un peu une cohérence avec ce qu'on demande aux autres Québécois, là? Peut-être que c'est simpliste, ce que je dis, mais...

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, là où il y a, pour moi, une certaine confusion avec le projet de loi n° 83, c'est que, par exemple, lorsque moi, Marie Rinfret, citoyenne canadienne, résidente au Québec, j'ai donné naissance à un enfant, mon enfant s'est vu immédiatement attribuer sa carte d'assurance maladie. En l'espèce, une personne qui a un statut migratoire précaire, comme, en l'espèce, donc, un enfant qui naît au Québec, qui va y résider, va devoir attendre 183 jours pour obtenir sa carte d'assurance maladie. Et c'est là où est la distinction entre une personne qui réside actuellement au Québec, qui a le statut de citoyen canadien, qui respecte les conditions d'admissibilité d'emblée par rapport aux enfants visés par le projet de loi n° 83. Et ça, à mon avis, c'est quelque chose qui pourrait être repensé, à savoir... bien, d'émettre...

Et c'est notamment la recommandation 2 ou 1, je ne m'en rappelle plus, là, excusez-moi, une des recommandations — je vais m'en sortir comme ça — que l'on fait dans le cadre de notre mémoire, de s'assurer que les enfants qui sont admissibles ou qui seraient admissibles par ailleurs ne soient pas pris en otage par des délais administratifs, que ce soit d'autorité fédérale ou provinciale, et qu'on puisse émettre immédiatement une carte provisoire, de manière transitoire, jusqu'à ce qu'on ait les documents officiels qui permettent effectivement d'attester et d'émettre une carte d'assurance maladie en bonne et due forme.

M. Dubé : Mme Rinfret, vous êtes très claire. Est-ce que je pourrais vous demander, là... puis je ne vous demande pas d'exemple de nom, mais est-ce que, dans ce que vous avez vu à date, c'est un peu là que j'allais tout à l'heure... des cas où des délais ont été vraiment trop longs puis que cette recommandation-là que vous faites... Parce que moi, je serais ouvert à regarder ça, là, puis en parler avec la RAMQ, parce que je comprends très bien le point, mais je voudrais... Vous avez eu ces cas-là de façon concrète, là, dans les cas que vous avez regardés?

Mme Rinfret (Marie) : Oui, oui. Écoutez... Puis là-dessus je pourrais laisser la parole à Mme Pageau, là, qui est responsable de ce secteur-là, mais peut-être juste à titre indicatif, en vue de la préparation de notre présentation devant vous, on a fait des démarches, et actuellement, au fédéral, pour une personne qui dépose les documents, d'obtenir un accusé réception, c'est 12 mois. Alors...

M. Dubé : Ça part mal.

Mme Rinfret (Marie) : C'est ce que je pense aussi. C'est ce que je pense aussi. Et ensuite, bien, c'est... c'est les documents en vertu... qui sont délivrés par le ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration.

M. Dubé : Puis, Mme Pageau, avez-vous... Parce que je ne veux pas prendre tout le temps de mes collègues, là, mais je voulais juste vous donner... Parce qu'on n'a pas beaucoup de temps. Mme Pageau, avez-vous une idée du nombre de... Bien là, ce que Mme Rinfret vient de dire, là, c'est assez clair, là, mais...

Mme Pageau (Vicky) : Bien, écoutez, pour le délai en tant que tel, il faut comprendre que l'immigration, c'est un grand système. Il y a plusieurs demandes d'autorisation qui sont émises et plusieurs délais qui s'y raccrochent. Ce qu'on a vu récemment dans des dossiers... Il y a eu des délais à cause de la pandémie, mais, de façon générale aussi, il y a d'autres délais. Le fameux 12 mois en est un de l'IRCC, au fédéral.

Par exemple, récemment, dans un dossier, la personne a fait une demande de permis de travail. Ce n'est pas qu'elle n'a pas de statut au Québec, elle en avait un. Elle est en renouvellement de permis de travail. Bon, il y a eu des... Or, il y a eu des... certains délais, mais ça a pris plusieurs mois avant qu'elle ait son nouveau permis. Quelque chose qui pouvait prendre 45 jours il y a quelque temps a pris quatre, cinq, six mois. Mais, pendant tout ce temps-là, les gens n'ont pas de carte. Ça, ça a été des cas actuels.

Puis sinon, en IRCC, bien, c'est sûr, au fédéral il y a énormément de délais. La pandémie, on a eu des plaintes à ce niveau-là. Pendant tout ce temps-là, les gens n'ont pas de soins. Donc, il y a des assurances privées, oui, qu'ils pourraient prendre, mais, dans des cas comme ça... Puis il faut comprendre aussi que l'assurance privée, c'est très, très cher. Donc, oui...

M. Dubé : Mais on en a... O.K. Alors, je vais arrêter ça là, parce que je pense qu'on a le message.

Mon deuxième point, puis je l'ai posée à peu près à tout le monde, des députés l'ont posée au cours de la première journée : Est-ce qu'on a une idée du nombre de personnes qu'il faudrait analyser? Parce qu'on sait le nombre de personnes qu'on sert. Je pense qu'on est capables d'avoir une idée de combien de personnes de plus la mouture actuelle du projet de loi pourrait... Mais avez-vous une idée... Comment vous pourriez nous aider à trouver le bon nombre de personnes qui ne sont pas servies, là, par exemple, de statuts... d'immigrants qui sont... (panne de son) ...puis qu'il faudrait servir, etc., si on allait plus loin? Comment on ferait pour avoir une idée de... Vous avez entendu les questions qu'on a posées. Êtes-vous capables qu'on puisse rechercher ça au cours des prochaines semaines pour... pendant qu'on se prépare à faire l'article par article, là?

• (17 h 30) •

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, à cet égard-là, puis je vais faire écho aux réponses que vous avez obtenues depuis le début de la journée, il n'y en a pas, de données précises. D'abord, il faut bien comprendre que ces personnes-là ont un statut migratoire précaire. Il n'y a pas eu d'enquête populationnelle de la part de Statistique Canada pour cibler. Lorsqu'on a fait notre rapport spécial, on s'est posé la question. On s'est retournés vers la Régie de l'assurance maladie, vers l'Observatoire des tout-petits. On a cherché à avoir des données très concrètes, et tout le monde convenait que… Écoutez, c'est… Compte tenu des statuts, compte tenu aussi que, bon, bien, à un moment x, une personne est sans statut, puis, le mois suivant, son statut s'est régularisé, donc elle sort de cette catégorie-là...

Mais je vous dirais... Puis là-dessus je vais faire écho, là, à l'Observatoire des tout-petits. Puis évidemment la marge est très, très, très grande, là, puis je sais que ça ne vous satisfera pas nécessairement comme réponse, mais on parle entre 300, 1 000 enfants. Le coût annuel moyen par enfant, ça avait été estimé, par la Régie de l'assurance maladie, à 892 $. Alors, si on traduit ça sur… Prenons 1 000 enfants, sur un budget de 38 milliards… millions, hein? Bon, voilà. Et, compte tenu des gains, aussi, qui sont associés à la couverture d'assurance maladie et d'assurance médicaments pour ces enfants-là… Et là on parle d'identifier des maladies qui, autrement, ne seraient pas identifiées, des problèmes de dentition, par exemple, des problèmes d'audition, des problèmes visuels. Ces enfants-là, quand ils ne sont pas vus par un médecin, bien, les parents ne sauront pas qu'il a un problème d'audition, et, partant de là, bien, ça peut se perpétuer. Si ça arrive, bon... au service de garde, s'il y va, sinon, c'est à l'école que c'est dépisté. Déjà là, il y a une côte à remonter.

Bref, on a vraiment une plus-value, comme société, de couvrir les enfants. Et moi, quand on me donne un coût annuel moyen par enfant, peu importe le nombre, là, de 892 $, bien, je me dis, le jeu en vaut la chandelle, là, pour la plus-value que ces enfants-là vont rendre à la société.

M. Dubé : Bien, c'est pour ça que je vous demandais le… quel lien avec le délai. Je vais terminer là-dessus, parce que je vais laisser mes collègues... Mais on pourra revenir sur cet aspect-là.

Mais est-ce qu'il y aurait un lien à faire avec l'état civil? Parce qu'il doit y avoir des statistiques, du côté de l'état civil, lorsque les naissances sont enregistrées. En tout cas, on devrait pousser ça un petit peu plus loin. Peut-être qu'on pourra s'en reparler, là, mais...

Mme Rinfret (Marie) : C'est intéressant. C'est intéressant, ce que vous dites, parce que, lors de l'audition à la Commission de l'administration publique, la RAMQ avait amené cet élément-là. Et ça fait d'ailleurs partie de la recommandation 2 du rapport de 2018, où on indiquait à la RAMQ de traiter les dossiers des enfants nés au Québec dont les parents sont à statut migratoire précaire jusqu'au bout. Parce qu'il n'y avait pas de décision, la régie arrêtait de traiter les dossiers.

M. Dubé : Bien, on va reparler avec la RAMQ pour voir si on ne pourrait pas faire un lien. En tout cas, à force de poser la question, on va finir par trouver un... Mais, en attendant, merci beaucoup pour vos points. Je laisse mes collègues, M. le Président, là, parce que je vois que j'ai pris peut-être...

Le Président (M. Provençal)  : Moins de deux minutes. Oui, Mme la députée...

M. Dubé : Désolé. Désolé, désolé. Est-ce que...

Mme Picard : Oui. Bien, je pourrais...

M. Dubé : Bien oui, vas-y, Marilyne. Excusez-moi.

Mme Picard : Merci, M. Dubé. Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Rinfret. Bonjour, Mme Pageau. Il y a plusieurs groupes qui nous ont mentionné que l'attestation est un problème en soi au niveau de la confidentialité. Les gens ont peur. C'est un processus qui est quand même assez lourd. Puis vous le recommandez dans vos recommandations, à la toute fin. Donc, je voulais savoir comment vous voyez ce processus-là, comment on pourrait l'alléger un petit peu.

Mme Rinfret (Marie) : Vous référez sans doute à la déclaration assermentée qui est proposée dans le cadre du projet de loi n° 83. Écoutez, il faut voir à qui on s'adresse, hein? On est en contexte de parents d'enfants, en fait, qui sont au Québec pour plus de six mois et on demande aux parents qui n'ont pas de statut régulier de faire une déclaration assermentée. À qui ils doivent s'adresser? Quel genre de déclaration va devoir être attestée? Dans quelle langue ça va devoir se faire? Donc, il y a tout un enjeu d'accessibilité et de facilité d'accompagner les parents pour compléter la déclaration.

On peut aussi se poser la question : Est-ce que ça doit être les parents qui... uniquement qui puissent faire cette déclaration assermentée, dans des contextes d'itinérance, par exemple? Puisque, bon, cette clientèle-là a plus de difficultés sur le plan... avec toutes les formalités administratives, de méfiance aussi avec les institutions au sein de l'administration publique, bien, on confie la possibilité à des organismes communautaires de la remplir pour eux et d'attester les faits qui y sont déposés.

Moi, vraiment, l'objectif que je vise... Et c'est ce qu'on a constaté beaucoup, je vous dirais, il y a de la méfiance, il y a de la méfiance à l'égard de la Régie de l'assurance maladie du Québec, qui, notamment, dans certains dossiers qu'on a reçus, et c'est documenté dans notre rapport de 2018, voulait régulariser le statut des parents. Et, en ce sens-là, bien, il y a une méfiance qui s'est installée de la part des organismes communautaires ou même des personnes qui faisaient affaire avec l'organisme. Donc, deux mots : faciliter l'accessibilité, donc, l'accessibilité et l'accompagnement de ces...

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup.

Mme Picard : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Je vais maintenant céder la parole à la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Rinfret. Merci pour votre présentation. J'imagine, M. le Président, puis je passe le commentaire, donc, qu'on aura peut-être accès aux notes d'allocution de Mme Rinfret. Ce serait apprécié. On avait votre rapport, qui est très éloquent, que vous aviez déposé en 2018, mais effectivement, si on pouvait avoir vos commentaires directement sur le projet, ce serait apprécié. Merci.

Vous avez fait référence à plusieurs reprises sur le fait que les directives administratives doivent être claires. Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que le fond du problème que vous avez souligné dans votre rapport en 2018, c'était... Puis on s'est rencontrées, on s'est rencontrées à l'automne, là, entre autres, dans le contexte de la Commission de l'administration publique, puis l'enjeu, il est un peu là. On ne refera pas toute la dynamique par rapport à l'interprétation de la RAMQ, mais il est quand même sur la question de... Le fond du problème, c'est la clarté. Est-ce que... Puis là les groupes... Vous nous disiez que vous aviez entendu des groupes qui sont passés avant vous aujourd'hui, ils ont fait référence à ces questions-là de flou, peut-être de zones grises, de possibilités d'interprétation.

Si vous aviez des... Un, premièrement, vous, à votre avis, est-ce que c'est suffisamment clair? Et, deux, si vous aviez une attention... si vous aviez des éléments à porter à notre attention, comme législateurs, justement, dans... des corrections ou des amendements qui devraient être apportés au projet de loi, pour ne pas qu'on se retrouve dans la même situation et que vous ayez à refaire un autre rapport qui redirait des... qui tirerait des conclusions similaires, quels éléments, là, devraient être corrigés ou, à tout le moins, précisés dans le présent projet de loi?

• (17 h 40) •

Mme Rinfret (Marie) : Je vous dirais d'abord que ma conférence, avant qu'on puisse vous l'acheminer, elle est déjà sur notre site Internet. À partir du moment où je vous présente une allocution, elle est déposée sur notre site. Mais, de toute façon, je vous la ferai parvenir.

Par ailleurs, il y a un constat qu'on faisait en 2018 et pour lequel je ne... que je ne veux pas revivre à la suite... dans le cadre du projet de loi n° 83, c'est la perspective d'une rigidité administrative. Il faut que ce soit clair que le projet de loi n° 83 vise à inclure des enfants pour les rendre admissibles au régime d'assurance maladie et au régime d'assurance médicaments. Il faut donc éviter toute ambiguïté et y aller avec des dispositions claires, transparentes, sur la base d'un principe. Et je n'ai pas besoin de vous référer, parce que je l'ai fait dans le cadre du rapport de 2018, ça me semblait suffisamment clair, où la ministre de la Santé d'alors avait clairement mentionné que les enfants nés au Québec de parents à statut migratoire précaire devaient être couverts par l'assurance maladie du Québec. Bon. Et ça ne s'est pas passé comme ça. Donc, il faut vraiment qu'à partir des libellés, de ce qui est écrit, de la façon dont c'est écrit... que ce soit clair.

Et je dois vous dire — et là j'ai ce défaut-là, je suis avocate — j'ai lu, j'ai relu le projet de loi n° 83, j'ai relu, hier soir, le règlement sur l'admissibilité, la loi actuelle sur l'assurance maladie et, je vous dirais, j'arrivais à toutes sortes d'interprétations que je pouvais faire, des enfants qui sont inclus, pas inclus, des conditions d'admissibilité. Et, à ce titre-là, bien, on vous fait une proposition, une recommandation, la recommandation 2, de rendre très clairs les documents nécessaires aux enfants qui ont une citoyenneté canadienne et ceux qui n'ont pas la citoyenneté canadienne pour éviter, là... vraiment, qu'on démêle notre tri là-dedans, et qu'on évite, là, de faire un petit mélange, puis que, ce faisant, bien, on exclue les gens du régime d'assurance maladie.

Moi, je pense qu'il faut que le message soit très, très fort qu'au Québec les enfants qui demeurent au Québec, y résident et… ou y séjournent pour plus de 183 jours sont admissibles au régime d'assurance maladie et au régime d'assurance médicaments, et qu'ensuite, bien, ce qu'on vient préciser dans le règlement, c'est qu'est-ce que ça prend en fonction de ce qui est vraiment nécessaire, pas, comme ils disent en anglais, le «nice to have», hein, mais vraiment ce qui est essentiel pour témoigner d'un séjour au Québec ou encore d'une citoyenneté. Et ça, ça m'apparaît essentiel, et ce n'est pas clair actuellement dans le projet de loi tel qu'il est soumis.

Mme Montpetit : Je me réjouis de finir la journée avec vous. Puis je suis certaine que c'est le constat de mes collègues aussi, vous êtes d'une clarté, puis je pense que c'est important de… Votre rapport, à l'époque, il était clair, puis je pense que vous nous… Puis je ne veux pas dire… J'allais dire vous nous rappelez à l'ordre, mais ce n'est pas ce que je veux dire. Mais je pense que c'est… Vous soulignez l'importance, vous nous prévenez d'adopter un projet de loi qui pourrait recréer des situations similaires. Puis, tu sais, je dis : Vous nous prévenez, parce que moi, j'ai toujours été de l'école qu'à partir du moment où il y a un projet de loi qui est déposé à l'Assemblée nationale c'est le projet de loi de l'ensemble des députés. Donc, je veux dire, on salue l'intention du ministre. On le remercie de nous donner l'opportunité d'en discuter. Après ça, c'est à nous de nous gouverner là-dedans, puis de s'assurer qu'on en fasse le meilleur des projets de loi, puis qu'on le bonifie dans la bonne direction.

Et là ce que j'entends, c'est que, comme les autres groupes, vous nous prévenez de recréer une situation qui pourrait mener à des interprétations de toutes sortes. Et ce que j'entends que vous nous dites, c'est que, si, dans les échanges que nous aurons lors de l'étude détaillée, on pourrait se retrouver à avoir des interprétations différentes, bien, déjà, ça devrait être un son de cloche de… Si on ne l'interprète pas de la même façon de chaque côté de la table ou entre nous, comme législateurs, bien, ça devrait être un drapeau rouge qui se lève, de… ça pourra recréer des situations similaires sur le terrain. Et je comprends que vous voulez certainement qu'on évite ça pour régler la question une fois pour toutes, là.

J'aurais une autre question pour vous, puis je ne sais pas si vous l'aviez… Bon, vous avez abordé un peu la question de la langue dans votre échange avec le ministre, mais je ne sais pas si, dans le cadre de votre rapport ou dans le cadre de vos enquêtes, c'est quelque chose que vous avez abordé, justement, les barrières, les barrières à la langue. Je sais qu'il y a beaucoup d'efforts qui ont été faits dans le réseau de la santé, mais ça demeure, à ma connaissance, un certain enjeu. On a des gens qui parlent toutes sortes de langues, qui... de première génération. Justement, chez les nouveaux immigrants, ça doit être encore plus un… c'est forcément plus une dynamique qui s'y retrouve.

Comment vous… Bien, un, est-ce que c'est quelque chose à laquelle vous avez porté une certaine attention dans vos travaux? Et est-ce que, justement, dans le projet de loi, de la façon dont il est libellé, c'est… vous voudriez nous prévenir de certains éléments, là, par rapport aux documents ou par rapport à la démarche que ces gens-là peuvent faire?

Mme Rinfret (Marie) : Oui. Écoutez, c'est à ça que je réfère quand je parle de l'importance à apporter aux directives administratives qui seront émises et à la façon, également, dont le projet de loi sera écrit et le règlement. Je vous dirais, il y a l'aspect de la langue, bien sûr, qui est rattachée aussi à un aspect culturel, et il ne faut jamais oublier ou minimiser l'impact d'une compréhension commune des mots.

Donc, quand nous, on réfère… Et, déjà, c'est compliqué entre nous, là, sur les statuts, hein, de réfugié, de sans-papiers, de séjour, de temporaire, de permanent. Il y a quelque chose là, là, à démêler. Alors, quand on aborde les personnes et qu'on cherche à les catégoriser, moi, je pense qu'il faut le faire en fonction des besoins et, comme vous le faites actuellement, et comme le ministre cherche à le faire par le projet de loi n° 83, revenir à l'objectif qui est d'assurer une couverture d'assurance maladie et d'assurance médicaments pour des enfants.

Mme Montpetit : Parfait. Bien, je vous remercie beaucoup du temps que vous nous avez consacré. Je le sais, que vous avez été très impliquée dans ce dossier-là par votre rapport, mais merci de nous apporter un certain éclairage au projet de loi qui est déposé. C'est vraiment apprécié. Merci.

Mme Rinfret (Marie) : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la députée. Nous allons poursuivre cet échange avec le député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Rinfret, Mme Pageau. Écoutez, je voudrais tout d'abord vous remercier de votre présence, mais non seulement de votre présence, mais de votre travail autour de ce dossier-là. Je suis d'avis que, si nous sommes rendus ici, c'est en grande partie grâce au travail que vous avez accompli en tant qu'institution de l'État québécois, là. Donc, il faut le reconnaître. Je vous en remercie personnellement.

Moi, j'aimerais vous entendre... J'ai très bien entendu vos explications concernant l'interprétation, la capacité d'interpréter. Ça a été soulevé par d'autres personnes, la nécessité de réduire au maximum la latitude interprétative de ce projet de loi, parce qu'on sait qu'en tout cas la RAMQ, vous l'avez souligné, interprète les choses d'une façon très restrictive jusqu'à présent. Donc, il faut s'attarder à réduire la possibilité d'interprétation.

Mais j'aimerais vous entendre en particulier sur deux catégories qui me semblent, en tout cas, problématiques. Entre autres, c'est toute la question des soins donnés aux femmes enceintes et la question du critère que les enfants aient vécu, depuis leur naissance, avec leurs parents, alors qu'on sait que, surtout, beaucoup, pour les personnes en situation d'immigration, la séparation des enfants avec le parent, là, pas que... ce n'est pas nécessairement quelque chose d'habituel, mais ça arrive, ce n'est pas rare. Et j'aimerais vous entendre sur ces deux cas-là.

• (17 h 50) •

Mme Rinfret (Marie) : Oui. Écoutez, d'abord, sur la couverture des femmes enceintes, notre rapport n'a pas porté sur cette question-là puisque la Loi sur l'assurance maladie ne les vise pas actuellement. Cependant, évidemment, nous intervenons lorsque nous avons des plaintes qui sont portées à notre attention par des femmes qui se voient facturer des montants qui seraient exorbitants des services qu'elles ont reçus.

Il y a une chose que je tiens à porter à votre attention à cet égard-là, c'est... Bien, une personne, par exemple, une femme qui... puis Mme Pageau en a donné l'exemple tout à l'heure, qui... pour une raison ou pour une autre, là, son permis de travail est expiré, se retrouve dans une situation, là, entre deux chaises, est-ce qu'encore là il ne pourrait pas y avoir une admissibilité provisoire pour cette personne qui est en territoire québécois depuis plusieurs années et donc, par ailleurs, pourrait se qualifier? C'est quelque chose que je porte à votre attention.

Nous, on ne l'a pas examiné, parce que, et je vous le répète, mon mandat en est un vraiment de m'assurer que les services publics qui sont rendus au Québec répondent aux besoins des personnes, et, en ce sens-là, bon, la couverture n'est pas prévue. Donc, voilà pour cet aspect-là.

En ce qui concerne, maintenant, le fait qu'un enfant doit être avec son parent depuis sa naissance, écoutez, de fait, la question se pose. Est-ce qu'on veut, effectivement... Parce que, là, il y a une notion de permanence. Est-ce que c'est ce que l'on veut? Écoutez, ce sera à vous, là, de le décider. Dans la mesure où... Et je reviens avec l'objectif de la loi, ce qu'on veut, c'est que les enfants... Puis je reviens avec la réflexion que le ministre portait lors de l'ouverture des travaux en après-midi, on veut que le statut soit vraiment lié à l'enfant et non à ses parents. Alors, voilà.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je vais être obligé de… Merci beaucoup. Nous allons terminer cet échange avec le député des Îles-de-la-Madeleine. À vous la parole.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Merci beaucoup, Mmes Pageau et Rinfret, pour la présentation claire. Et je pense que ça finit effectivement bien la journée, parce que, d'une part, vous nous ramenez à la base, c'est-à-dire que, si on est ici pour discuter de ce projet de loi là, c'est que l'interprétation qui en a été faite était extrêmement restrictive, même que, pour en avoir discuté avec vous lors de la Commission de l'administration publique, on estimait, même, que l'esprit de la loi, tel que les législateurs de l'époque l'avaient imaginé, n'était, à la limite, pas retenu comme… et respecté par la RAMQ.

Alors, si on rentre dans un nouveau processus législatif, bien, il est primordial que ce soit clair pour tous. Et, visiblement, pour des avocats, comme vous et comme d'autres qu'on a rencontrés aujourd'hui, il faut clarifier les choses pour qu'on se comprenne, d'abord, pour ceux qui sont au Québec de longue date, et, à plus forte raison, pour ceux qui viennent d'arriver, qui peuvent venir d'une culture différente ou avoir une langue qui n'est pas le français ou l'anglais et qui puissent avoir des difficultés d'interprétation de leur cru.

Maintenant, vous avez aussi la question du regard sur les coûts et les avantages des mesures qu'on met en place, et ça, je l'apprécie beaucoup, et surtout une solution. Sur la solution, sur les espèces d'imbroglio, sur le six mois ou sur l'intention de rester, ainsi de suite, en fait, l'admissibilité provisoire, j'ai le goût de vous demander : Est-ce que la RAMQ ne va pas, justement, trouver des moyens de faire en sorte d'exiger d'autres documents pour que la personne soit reconnue comme provisoirement admissible ou est-ce que ce serait une admission provisoire pour tous?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, moi, je pense que, si vous retenez cette proposition, bien, ça pourrait certainement se retrouver dans le projet de loi n° 83 et, conséquemment, éviter une discrétion, par ailleurs, que pourrait avoir la régie en cette matière-là.

M. Arseneau : Parce qu'on a entendu d'autres personnes dire : À partir du moment où on est sur le territoire, bien, on devrait admettre les gens. Si on le faisait de façon provisoire, est-ce que ça pourrait aller, selon vous, jusqu'à dire : Bien, vous êtes ici, donc vous êtes admissible jusqu'à preuve du contraire, enfin, jusqu'à ce que vous nous démontriez les preuves?

Mme Rinfret (Marie) : Absolument, absolument. Et ça, ça appelle à un changement de culture, où on inclut les gens dans notre régime d'assurance maladie plutôt que de les exclure, et ça, c'est fondamental, à mon avis, à l'égard des enfants, à l'égard des tout-petits qui arrivent, qui naissent au Québec. Et, bien, par conséquent, ils sont citoyens canadiens et obtiennent leur carte, devraient obtenir leur carte d'assurance maladie pour... de manière provisoire jusqu'à tant que, bien, il soit établi que leurs parents sont ici pour une période de 183 jours, que ce soit par une attestation délivrée par les autorités ou encore une déclaration assermentée de leur part.

M. Arseneau : Donc, plutôt inconditionnelle, là, comme... Parfait. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, M. le député. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

La commission ajourne ces derniers au mercredi 21 avril 2021, après les affaires courantes, où elle poursuivra son mandat. Je vous remercie beaucoup de votre contribution et de votre collaboration. Bonne fin de journée.

(Fin de la séance à 17 h 56)

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