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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Friday, October 30, 2020 - Vol. 45 N° 67

Interpellation by the Member for D’Arcy-McGee to the Minister for Health and Social Services on the following subject: The need for public coverage of mental health care in Québec


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Table des matières

Exposé du sujet

M. David Birnbaum

Réponse du ministre

M. Lionel Carmant

Argumentation

Conclusions

M. Lionel Carmant

M. David Birnbaum

Autres intervenants

M. Luc Provençal, président

M. Samuel Poulin

Mme Émilie Foster

M. Gabriel Nadeau-Dubois

Mme Nancy Guillemette

M. Monsef Derraji

M. Joël Arseneau

Journal des débats

(Dix heures)

Le Président (M. Provençal)  : À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder à l'interpellation du député de D'Arcy-McGee au ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux sur le sujet suivant : La nécessité d'une couverture publique des soins de santé mentale au Québec. Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Blais (Abitibi-Ouest) est remplacée par Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré); Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac), par M. Poulin (Beauce-Sud); M. Ciccone (Marquette), par M. Derraji (Nelligan); Mme Montpetit (Maurice-Richard), par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee).

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Je comprends qu'il y a une entente à l'effet que le deuxième groupe d'opposition interviendra lors de la troisième série d'interventions, alors que le troisième groupe d'opposition interviendra lors de la cinquième série d'interventions.

M. le député de D'Arcy-McGee, je vais vous céder la parole pour qu'on puisse débuter cette interpellation. À vous.

Exposé du sujet

M. David Birnbaum

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. Je salue mes collègues, mon collègue de Nelligan, M. le ministre, l'équipe du ministre, chers collègues députés du côté ministériel ainsi que de deuxième opposition. Je veux reconnaître la présence et la disponibilité du ministre délégué pour cette interpellation que j'espère, et je m'attends à ce que ça soit constructif et à la taille de la problématique devant nous. Les Québécoises et le Québécois ne s'attendent à rien de moins de leurs élus qu'une approche concertée, des échanges des fois musclés, mais vers des réponses constructives aux difficultés devant nous.

Et évidemment, quand on parle des difficultés, nous sommes dans un contexte jamais vu dans nos vies, du jamais vu sur le plan de la crise sanitaire qui nous touche, et, de façon parallèle, de plus en plus évidente, une crise en tout ce qui a trait à la santé mentale. Ce n'est pas pour rien que notre formation a jugé nécessaire de poser, et c'était surtout moi, cinq questions au fil du dernier mois à ce sujet, qu'on a demandé des débats de fin de séance à trois reprises, un débat sur une motion du mercredi pour mettre l'accent sur cette crise-là et l'importance des solutions. Ce n'est pas pour rien qu'on entend, dans les tribunes libres, presque chaque jour, des interventions des experts, et le monde sur le terrain qui parle de leurs difficultés.

Je vais me permettre juste de prendre quelques exemples pour qu'on soit tous clairs sur l'ampleur de ce qui est devant nous et sur l'importance des réponses concertées, alimentées de débats, une recherche transparente assortie du diagnostic et des données probantes et assurées par une évaluation les dépenses appropriées et le déploiement du personnel approprié.

Quand on parle de l'ampleur du problème, on entend chaque jour qu'il y a quelque 60 % de nos jeunes qui sont en détresse, 34 % de nos enseignantes et enseignants qui songent quitter cette profession tellement importante, M. le Président, dû aux circonstances actuelles et le stress qu'ils vivent, 70 % des psychologues qui voient le retour de leurs anciens clients — ce n'est pas d'hier, les difficultés de santé mentale, on va en convenir, mais des gens qui reviennent avec des problèmes et des problèmes de l'ordre assez majeur. Ce n'est pas sans signification d'apprendre qu'il y a une augmentation de 20 % des demandes d'antidépresseurs. Premièrement, ce n'est souvent pas la bonne solution, mais la demande indique des problèmes majeurs. Ça serait probablement beaucoup plus élevé s'il n'y avait pas la liste d'attente pour avoir les médecins de famille et de voir les médecins, surtout en période de pandémie. Il y a des études, maintenant, qui démontrent que les nouveaux arrivants, les travailleurs, travailleuses de première ligne, ainsi que les Québécois d'expression anglaise qui démontrent des taux... le double d'anxiété, détresse, de penser au suicide, que la population en générale, pour ne pas parler de nos aînés qui vivent, en quelque part, toujours un quasi-confinement, M. le Président, et qui l'auraient vécu pour des mois, au total, comme plusieurs autres, et ce que ça signifie pour quelqu'un, souvent, atteint d'Alzheimer ou autonome, mais pas en mesure de voir leurs petits enfants. Je tiens à noter que les femmes sont surreprésentées dans toutes ces catégories que je viens d'identifier. Alors, l'étendu du problème devrait être... et est de plus en plus évident. Donc, est-ce qu'on va commencer, de façon structurée, à impliquer tout le monde dans les solutions?

Premièrement, et je comprends qu'on va parler des initiatives de prises, M. le Président, par le ministre et son équipe et le ministère, sont-ils, dans un premier temps, à la taille? Est-ce qu'ils répondent aux délais? Nous avons des questions sur les listes d'attente. Il y avait des constats de faits, mais pas tout à fait à l'appui de la documentation, de toute façon, la documentation connue et distribuée. Les délais, j'en ai plusieurs, lettres, qui parlent d'une grande inquiétude là-dessus. À titre d'exemple, Charles Roy, président de l'Association des psychologues, lors d'une correspondance avec moi, a dit, et je le cite : «Pour l'instant, la population est grandement pénalisée. [À titre d'exemple] il faut parfois plus d'un an d'attente afin de consulter un psychologue. Ces délais entraînent trop souvent des conséquences graves et parfois irréversibles [telle une tentative] de suicide, [de la] violence envers les enfants, [l'anxiété] qui empêche d'apprendre ou de travailler, [le] développement d'une dépendance, etc. [...]lorsque la personne réussit à rencontrer un psychologue, elle doit souvent faire le constat que le suivi est raccourci...»

Bon, alors, il y a des délais, et je veux prendre une seconde, on va en parler plus. Oui, oui, moi, je vais parler souvent des psychologues. Je comprends et je respecte le voeu du ministre d'assurer que les gens sont répondus quand ils ont un problème et que la solution soit à la taille. Et j'en conviens, j'en conviens, ce n'est pas toujours un psychologue qui est indiqué, mais, quand on parle des problèmes majeurs, oui, c'est souvent le cas. Et je trouve ça inquiétant qu'on n'en parle pas trop souvent, des psychologues. Il y en a plein qui aimeraient se rebrancher au secteur public, mais il faut que les conditions soient à la taille. Nous avons assez de psychologues, il faut qu'ils soient déployés de la bonne façon.

Le ministre, par ses actions, et sa bonne foi, et son expertise, m'indique qu'il comprend qu'on est devant un enjeu énorme. En même temps, il n'était pas prêt, l'autre jour, à qualifier ce qui est devant nous comme une crise. Il parlait des premiers pas quand il parlait de son programme d'intervention de 25 millions de dollars. Oui, nous sommes devant une crise, et j'espère que le ministre responsable va rectifier le tir en tout ce qui a trait à ça.

• (10 h 10) •

Quand on parle d'une crise, et je veux revenir là-dessus et je vais en parler davantage, hier, les députés de la CAQ, évidemment sur les instructions de leur leader, ont refusé notre main tendue pour un mandat d'initiative, devant cette commission, avec l'idée non partisane d'assurer que les experts, les chercheurs, les intervenants, les usagers, les parlementaires soient au rendez-vous pour accompagner ce gouvernement et ce ministre dans les gestes à poser. La réponse a été non. Et la réponse, «non», n'était pas juste offerte à moi, au député de Gouin, au député des Îles-de-la-Madeleine, qui étaient là, ça a été offert, pour commencer, aux 43 ordres, des psychologues, pédiatres, travailleurs et travailleuses sociaux, infirmiers, infirmières, qui m'ont écrit avec des lettres publiques pour dire comment c'était important d'aborder cette question de façon systémique. En tout cas, nous, on ne va pas lâcher, mais je tiens à noter qu'on a été très déçus par la réponse.

Bon, l'autre chose, et on va en parler, nous avons une proposition structurante et structurée pour l'accès à la psychothérapie universelle publique, et on va en parler, et on va être à la recherche des réponses, M. le Président, parce que ce n'est pas la panacée, mais les gens sont en crise, et nous sommes à la recherche des réponses. Le premier ministre nous invite, il nous donne le défi d'avoir des propositions claires et nettes. En voilà deux : notre mandat d'initiative, qui a été refusé, deuxième, cette proposition pour l'accès universel à la psychothérapie. On va être à la recherche des réponses ce matin. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député. M. le ministre, je vous donne un droit de réplique.

Réponse du ministre

M. Lionel Carmant

M. Carmant : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, tout le monde. Je tiens à saluer le député de D'Arcy-McGee, qui nous invite ce matin à une belle discussion, et j'apprécie le ton, et je vais faire de même, son collègue de Nelligan aussi, toujours un plaisir, député de Gouin, coleader, enchanté, Mme la députée de Roberval, plaisir de vous revoir ici ce matin, merci de m'accompagner, députée de Charlevoix, merci d'être là, et le député de Beauce-Sud, je vous remercie d'être là, ainsi que les gens du ministère qui nous accompagnent.

Oui, le problème d'accès aux soins en santé mentale, M. le Président, c'est un problème majeur. C'est un problème qui m'interpelle beaucoup. C'est un problème qu'il faut réussir à régler. Ce qu'il est important de savoir, c'est : Le problème d'accès aux soins, d'où vient-il? Puis, si on veut trouver des solutions, il faut comprendre le problème.

Le gouvernement précédent a fait une révolution de structure dans le réseau de la santé. Moi, j'ai accepté l'appel du premier ministre pour faire une révolution de culture dans le réseau de la santé. Puis ce que j'aimerais vous parler, pour répondre à la première question du député de D'Arcy-McGee, c'est un concept qu'on appelle l'interdisciplinarité, un concept que le Parti libéral a toujours ignoré.

Comment on est arrivés à des listes d'attente aussi importantes? Moi, je pense que la première chose... et, si la santé mentale était si importante, moi, je pense qu'il faut regarder les investissements qui ont été faits au fil des ans en santé mentale. 2015‑2016, après le Plan d'action en santé mentale 2015‑2020, aucun investissement, M. le Président, zéro, pas un sou. Quand même particulier. Quand on dit que le tiers des consultations sont pour des problèmes de santé mentale, comment, en une année, un gouvernement peut décider de ne pas investir un sou en santé mentale? Je suis tombé de ma chaise, quand j'ai vu ça, vraiment tombé de ma chaise.

2016‑2017, 30 millions de dollars pour des places en santé mentale, ça, c'était intéressant, 50 millions l'année suivante et un 25 millions en 2018‑2019. Et là-dedans, il y avait un 15 millions qui était investi pour les jeunes, pour l'accès aux psychologues pour les jeunes.

Là-dedans aussi, il y avait un projet qu'ils ont... que je vais revenir un peu plus tard dans le cours de mes discussions, qui s'appelle le PQPTM. C'est important de le positionner, le PQPTM. À l'époque, ça s'appelait le plan québécois de psychothérapie pour les troubles mentaux, et le but, c'était vraiment d'offrir des services en psychothérapie pour ceux qui avaient des troubles de santé mentale. Un petit peu ce qu'ils vont nous proposer aujourd'hui à un coût de 300 millions de dollars. Ce qu'il faut noter, c'est que, quand ça avait été proposé par les libéraux, à l'époque, l'investissement prévu était de 35 millions de dollars. Donc, comment concilier ces deux... ce qu'ils nous proposent aujourd'hui avec ce qu'ils avaient budgété auparavant?

Donc, moi, le travail que je me suis mis... ce que j'ai décidé de faire, puis j'ai pris mon expérience de clinicien quand j'étais neurologue à l'Hôpital Sainte‑Justine, c'est l'interdisciplinarité. Moi, quand j'ai commencé mon travail, je m'occupais des enfants avec des épilepsies très sévères, qu'on devait opérer pour contrôler leurs crises d'épilepsie. Puis j'ai remarqué, après 15 ans de pratique, que, oui, les enfants étaient guéris de leur problème épileptique, mais ils étaient pris avec des lourds problèmes de santé mentale, de très lourds problèmes. 35 % à 50 % des patients épileptiques ont des problèmes de santé mentale.

Je me suis mis à réfléchir à comment on peut améliorer ça, et la façon qui était la plus intéressante, c'était de créer des équipes multidisciplinaires, donc avec de nombreux spécialistes qui peuvent aider au niveau de la santé mentale, mais qui travaillent ensemble, pas une personne qui fait tout puis qui décide tout, des intervenants, des travailleurs sociaux, des psychologues, des psychoéducateurs, des éducateurs spécialisés, des infirmières, des infirmières spécialisées qui travaillent ensemble. Et chacun a son rôle dans l'équipe, chacun voit le fameux... le bon patient au bon moment. Donc, c'est ça qui est important pour améliorer le service et pour améliorer l'accès aux soins pour ces gens qui ont des problèmes de santé mentale.

Alors, quand on est arrivé et qu'on a voulu améliorer le réseau pour les patients qui ont des problèmes de santé mentale, on a voulu voir quelle est la liste d'attente pour introduire ce changement de mentalité. Bien, quand on a ouvert la porte, on a trouvé 28 000 personnes en attente de services en santé mentale, 28 000. C'est spectaculaire. Comment est-ce arrivé? Par manque d'investissement, M. le Président. Par manque d'investissement au cours des années précédentes. Alors, d'entrée de jeu, et ça, ça montre notre intérêt pour la santé mentale, dès le premier forum qui a été effectué, on a investi un 20 millions de dollars pour s'attaquer à cette liste d'attente là.

Et je suis très heureux de dire qu'on a réussi à la diminuer, mais elle est encore beaucoup trop longue. Elle est rendue à 16 millions... 16 000 personnes sur la liste d'attente. Mais qu'est-ce que l'on veut faire pour complètement l'éliminer? Alors, c'est ce changement-là qu'on veut introduire, l'interdisciplinarité. Ce qu'on dit, c'est qu'actuellement 70 % des gens qui sont sur les listes d'attente en santé mentale sont en attente pour un service en psychologie ou en psychiatrie. Donc, c'est pour ça que les délais d'attente sont si longs pour le psychologue ou pour le psychiatre. Les gens avaient créé les guichets d'attente en santé... les guichets d'accès en santé mentale, mais les portes ou les différentes options thérapeutiques sont relativement minimes.

Donc, nous, ce qu'on veut, c'est introduire cette interdisciplinarité-là, ajouter des gens dans les équipes de santé mentale pour qu'ils puissent voir les patients le plus rapidement possible. On veut inverser ce ratio de 70 %-30 % pour que 70 % des gens aient des services rapidement en première ligne. Et c'est pour ça qu'on a modifié le fameux PQPTM, un programme québécois pour les troubles mentaux, qui va nous permettre de vraiment donner un accès beaucoup plus rapide à toutes les personnes qui désirent avoir des services en santé mentale.

Maintenant, c'est sûr que la pandémie, c'est quelque chose qui nous a affectés et qui a augmenté les besoins, comme l'a si bien souligné le député de D'Arcy-McGee, mais, d'entrée de jeu, comme je vous dis, nous, on avait déjà investi 20 millions de dollars en santé mentale la première année, en 2019‑2020, et, cette année, on a fait un investissement dans notre budget régulier de 90 millions de dollars, un investissement significatif. Donc, en deux ans, on a investi plus que lors des quatre des années précédentes.

Même ma collègue, qui est maintenant ministre de l'Éducation supérieure et qui est travailleuse sociale de carrière, elle avait vu venir le coup de l'impact de la pandémie sur la santé mentale des Québécois. Elle l'avait bien vu venir. Donc, d'emblée, dès le 6 mai 2020, elle avait déposé un plan d'action pour la santé mentale dans un contexte de pandémie. Et ce plan d'action là était soutenu d'un budget de 31,1 millions de dollars, M. le Président, ce qui nous a permis de recruter 320 ressources interdisciplinaires en santé mentale : des travailleurs sociaux, des infirmières, des psychologues, des psychoéducateurs, toute la panoplie de gens qui sont requis pour soigner rapidement les Québécois.

• (10 h 20) •

En plus, on a investi dans les lignes d'accès téléphoniques, le 8-1-1, Info-Social, Tel-Jeunes, les ressources importantes, parce que ce ne sont pas les troubles mentaux qui sont accrus par la pandémie, c'est la détresse psychologique, et l'anxiété, et le stress, donc des choses dont on a besoin d'avoir de l'aide rapidement, et ces ressources-là, rapides, sont disponibles au téléphone pour tous les Québécois, et l'accompagnement se fait suite à ces appels, soit à Tel-Jeunes, soit à la ligne Info-Social, 8-1-1.

Par exemple, pour Tel-Jeunes, on a spécifiquement investi 1,4 million de dollars depuis le début de la pandémie. Pour les femmes et pour le réseau de la santé, on a investi 14 millions de dollars pour la santé psychologique des travailleurs du réseau de la santé, en augmentant l'accès au plan d'aide aux employés, en augmentant les séances de cinq à huit et, encore une fois, je le redis, les ressources sont disponibles, il faut que tous les Québécois se sentent à l'aise de les utiliser. N'attendez pas, si vous sentez de la détresse, si vous connaissez quelqu'un qui ressent de la détresse, dites-leur d'utiliser ces ressources-là, dites-leur d'appeler le 8-1-1, Info-Social, dites-leur d'appeler Tel-Jeunes, dites-leur de regarder au niveau des plans d'aide aux employés. Nous avons commencé à investir et nous allons continuer à investir. Et là on a fait une mesure ciblée pour les jeunes parce qu'on a pris un certain retard pour améliorer la condition des jeunes.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le ministre. Je me dois de céder maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.

Argumentation

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. Bon, écoutez, le ministre responsable a pris quelques minutes pour faire le procès de l'ancien gouvernement. Je ne vais pas embarquer. Je serais très fier de le faire, mais on est ici pour regarder de l'avant. Je me permettrai deux seuls commentaires, que les racines du programme très prometteur qu'on propose ont été semées de façon assez rigoureuse lors de notre mandat. Et on peut regarder toutes nos actions et trouver des racines de données probantes d'un genre de processus scientifique, ce qui est souvent absent dans les réponses, qui sont un petit peu à la pièce, actuellement. Mais on va rester sur ce qui est devant nous, parce que la question est trop sérieuse.

Je veux juste faire quelques autres allusions à l'étendue du problème, parce que quelques-uns des programmes dont le ministre responsable parle sont sûrement importants et nécessaires, mais, une autre fois, est-ce qu'il s'adresse... Trois choses. Est-ce qu'il s'adresse à ce qui est de plus en plus une réalité triste, c'est ce que nous sommes, devant une pandémie qui va perdurer? Deuxièmement, sont-ils conçus suite à un diagnostic avec deux caractéristiques : étendues et claires, et transparentes et disponibles aux experts, pour ne pas dire aux parlementaires? Nous avons quelques questions là-dessus. Et il faut se rappeler que la raison pourquoi on pose ces questions, M. le Président, c'est parce que ça commence à être difficile de voir du monde touché par la crise sanitaire, c'est-à-dire... presque 5 millions de Québécoises et Québécois, qui ne sont pas à la fois touchés par la crise de santé mentale.

M. le Président, je vais convenir avec le ministre que c'est primordial de faire un triage. Oui, des lignes 800, des Tel-Jeunes, ces services de même sont d'une importance capitale, et je n'aurai rien de mal à dire, c'est très important. Mais, deux choses, le suivi, à l'autre bout du téléphone, est-ce que c'est évident? On parle d'avoir à rejoindre 325 000 personnes. Au bout du téléphone, est-ce que le suivi est documenté? Est-ce qu'il y aurait des délais très dangereux pour faire en sorte que ces gens ont des risques de voir leur condition s'empirer? Voilà les questions. Et voilà pourquoi on cherche une réponse globale et à la taille de cette crise, comme je dis, qui va être avec nous pour long terme.

Ce n'est pas anodin, quand on voit les témoignages chaque jour qui touchent aux gens qui sont des piliers de notre société. Juste cette semaine, dans La Presse, et je cite : «Devant des statistiques troublantes sur la santé mentale et le suicide chez les policiers, l'une des plus importantes associations policières du Québec exige que le gouvernement [...] mette en place au plus vite une réforme afin d'offrir une aide psychologique adéquate à ses membres.» C'est la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec, et ça regroupe quelque 5 000 personnes.

Un expert en santé mentale d'Université McGill, et je le cite : « Au-delàde l'impact traumatique sur les familles dans les populations les plus touchées par le nouveau coronavirus, aînés, personnes souffrantes de maladie chronique, population en situation de précarité, les mesures de confinement des derniers six mois ont entraîné une perturbation sans précédent de la vie de tous les jours de nos citoyens. L'isolement, la peur, la polarisation et, pour beaucoup de Québécois et de Québécoises, la perte des moyens de subsistance, du support de leurs proches, de leur liberté de mouvement et du cadre de signification et fierté que leur vie leur apportait doivent être considérés comme une véritable urgence de santé publique dont l'ampleur surpasse de très loin la menace de la maladie. Dans ce contexte, il est d'une importance cruciale de déployer des ressources, du personnel, de la recherche et des campagnes d'information publiques pour remédier à la détresse de nos concitoyens.» Et ça continue, c'est Samuel Veissière.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Merci, M. le député. Alors, M. le ministre, à vous la parole.

M. Carmant : Oui, merci beaucoup. J'aimerais alors expliquer un petit peu à tout le monde ici qu'est-ce qu'on veut faire comme changement avec ce Programme québécois pour les troubles mentaux, et ça va faire du sens avec ce que je viens de vous expliquer.

Donc, on a un budget de 35 millions de dollars. On a beaucoup de personnes à voir. On a des délais d'attente. Comment on peut améliorer les choses? Alors, on parle de données probantes. Ce que les données probantes et la recherche ont montré en santé mentale, c'est que beaucoup des problèmes peuvent être réglés par ce qu'on appelle des autosoins. Beaucoup d'individus ont en eux des... malgré les inquiétudes ou malgré la détresse qu'ils ont, ils ont en eux beaucoup, très souvent, la solution pour répondre à leurs problèmes de santé mentale. Et, pour ça, il faut apprendre à travailler sur ses forces et à changer son approche face aux problématiques que l'on vit dans notre vie quotidienne.

Donc, ça... Donc, des programmes d'autosoins ont été développés, et nous, on veut les mettre de l'avant comme première étape de la prise en charge des problèmes de santé mentaux. Et, en plus, on a développé également des applications, des applications d'autosoins, qui sont disponibles. D'ailleurs, on a profité de la pandémie pour mettre la première sur notre site Web, qui s'appelle Aller mieux à ma façon, qui permet justement de reconnaître nos forces et de travailler dessus pour améliorer nos problèmes de santé mentale. Donc, avec ça, on pense qu'on va déjà régler une bonne proportion des problèmes que les gens vivent actuellement.

Ensuite, la deuxième étape, ça devient la thérapie individuelle ou de groupe, qui ne nécessite pas nécessairement des psychologues. Ça peut être fait par des travailleurs sociaux, ça peut être fait par des psychoéducateurs, ça peut être fait par des éducateurs spécialisés, des infirmières en santé mentale, des infirmières praticiennes également. Donc, on a un gros bassin de professionnels qui peuvent venir nous aider à régler les problèmes de santé mentale. Puis c'est évidemment... Je me suis informé à propos des thérapies de groupe. Malgré la pandémie, plusieurs ont transformé ces thérapies de groupe là en séances virtuelles, et ça fonctionne très bien. On a des données probantes claires là-dessus.

Et là, en troisième étape, arrive la psychothérapie. Et là, effectivement, on a besoin de l'aide des psychologues. D'ailleurs, je me suis fait un devoir de contacter Mme Grou, la présidente de l'Ordre des psychologues, et je lui ai expliqué ça. Je lui ai dit : Deux choses que je veux voir avec vous. Pourquoi les psychologues ne se joignent pas au réseau public? Qu'est-ce que je peux faire pour vous aider? Et ensuite comment vous allez nous aider à vider cette liste d'attente, qui, je l'avoue, est beaucoup trop longue? Mais, sur 16 000, il y en a peut-être juste 5 000 qui ont besoin de psychologues. Pas 15 séances pour tous les Québécois, M. le Président, là. 15 séances pour tous les Québécois, c'est... je veux dire, moi, je vais être le premier à me mettre en ligne si c'est offert, là. Mais ce qu'on veut, c'est vraiment aider ceux qui en ont besoin, avec les bonnes caractéristiques du soignant.

Donc, j'ai parlé à Mme Grou. On va travailler ensemble. Ce qu'on a décidé, c'est que, un, on allait... Elle m'a beaucoup parlé du manque d'autonomie des psychologues dans le réseau de la santé. Puis ça, je l'avoue, je l'ai vu moi-même quand j'étais neurologue, souvent, il se font imposer des approches, ils se font limiter leur liberté professionnelle, et moi, je suis d'accord avec elle, c'est quelque chose qu'on doit changer. Et je leur ai demandé de travailler sur une requête pour avoir accès aux services de psychologie dans le réseau public.

L'autre chose aussi, je leur ai dit qu'on allait travailler également pour les intégrer, incluant les psychologues qui sont dans le réseau privé, pour nous aider avec le programme PQPTM. D'ailleurs, le premier geste que j'ai fait — elles avaient offert un certain nombre d'heures pour nous aider avec le dépistage et la vaccination dans le contexte de la COVID — je leur ai dit, encore une fois : Ce n'est pas la meilleure façon d'utiliser vos caractéristiques et votre éducation. Nous, ce qu'on veut, c'est que vous veniez nous aider dans la santé mentale, et on s'est entendus là-dessus également. Donc, ça va être deux choses très importantes pour le déploiement du PQPTM au cours des prochains mois et parce que c'est un changement de culture qui va se faire sur à peu près une période d'un an ou deux.

Maintenant, juste pour aborder, parce que le temps passe vite, l'aspect «travailler ensemble», moi, M. le Président, j'ai été le premier à travailler avec les oppositions. Sur tous mes dossiers, on avait des rencontres régulières pendant la première vague et, tout récemment, on a eu un appel avec les différents membres de l'opposition pour parler du plan d'action interministériel en santé mentale. C'est ce qu'on avait débuté avec les forums et c'est ce qu'on va continuer tout le monde ensemble. J'ai mentionné mes objectifs, et je veux qu'on continue à travailler ensemble.

• (10 h 30) •

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je dois céder, maintenant, la parole au député de... Beauce-Sud, excuse-moi, pour la première intervention.

M. Poulin : C'est vous, M., le député de Beauce-Nord.

Des voix : ...

Le Président (M. Provençal)  : Beauce-Sud, s'il vous plaît.

M. Poulin : Mais, vous savez, c'est une grande Beauce, plus de 40 municipalités, deux comtés fort intéressants. Content de vous retrouver, chers collègues. Je veux saluer, évidemment, M. le ministre, les gens qui l'accompagnent... la personne, en fait qui l'accompagne, son directeur de cabinet, Mme la députée de Roberval, Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, les gens qui nous accompagnent. M. le député de D'Arcy-McGee, merci pour cette demande de nous réunir. M. le député de Nelligan, M. le député de Gouin, très content d'être avec vous aujourd'hui, effectivement, pour parler d'un sujet dont on a trop peu parlé au cours des dernières années à l'Assemblée nationale.

Et j'entendais le député de Gouin, ce matin, parler de fast-food de la santé mentale, qu'il attribuait au précédent gouvernement, et, effectivement, on n'a pas suffisamment abordé cette question-là au cours des dernières années, et on se trouve dans une situation, aujourd'hui, comme nouveau gouvernement, parce que, oui, après deux ans, on demeure quand même un nouveau gouvernement, de mettre en place toutes les balises afin de s'assurer qu'on puisse répondre aux besoins criants en matière de santé mentale au Québec.

Aujourd'hui, il y a deux circonstances qui sont assez importantes. Tout d'abord, vous savez, nous sommes la première journée précédant le jour du Souvenir, où les vétérans, nous leur rendons, de façon assez importante hommage. Alors, ça, je tiens à le souligner, M. le Président, parce que, lorsqu'on parle, évidemment, de santé mentale, de choc post-traumatique, de l'impact... qu'on peut avoir vécu certaines choses dans notre vie et qui nous suit par la suite, eh bien, nos vétérans, M. le Président — et je sais que vous êtes très près de votre légion également — sont des gens assez exceptionnels qui font beaucoup pour nos militaires ayant vécu des troubles dans différentes missions à l'étranger, ou autres. Alors, je tiens à saluer tout d'abord nos vétérans et nos militaires, et notre gouvernement, et je sais que le gouvernement fédéral aussi souhaitent être à leur écoute sur leurs besoins, surtout des gens qui ont combattu pour nos droits et libertés. Alors, ça, c'est un des premiers volets.

L'autre volet, bien, évidemment, on le sait, on est dans une pandémie mondiale assez importante, et la jeunesse québécoise a évidemment, comme nos aînés mais comme l'ensemble de la population, été extrêmement touchée par cette pandémie, peut-être pas au niveau du virus qu'est la pandémie, mais évidemment au niveau de la détresse et de l'anxiété.

Le souhait que les jeunes puissent trouver leur place dans la société québécoise, M. le Président, est un souhait qu'on doit tous partager, à la fois au niveau de l'éducation, à la fois au niveau du système de santé, et si l'anxiété a monté chez la jeunesse québécoise au cours des dernières années et que la pandémie vient exacerber ça, c'est qu'on doit davantage guider nos jeunes vers l'atteinte d'objectifs. Et, vous savez, je suis adjoint parlementaire au premier ministre, responsable des dossiers jeunesse — on déposera un plan dans les prochains mois — et, lorsque je rencontre les jeunes, la question qui revient souvent, c'est : Qu'est-ce que je veux faire dans la vie? C'est quoi, mon rêve? C'est quoi, mon objectif? Est-ce qu'on a suffisamment de modèles pour nos jeunes à travers le Québec? Est-ce qu'on sait exactement ce qu'ils veulent faire dans la vie? Et tout ça amène une anxiété et une détresse si on n'est pas capable très tôt, et parfois même dès l'école primaire ou dès l'école secondaire, comme on dit, d'aligner nos jeunes dans la vie, donc, et les jeunes nous disent : Comment voulez-vous que je fasse un choix de carrière en cinquième secondaire quand je ne me connais même pas? Et je trouve ça assez probant et assez important.

Alors, c'est pour ça qu'il faut mettre un climat, des outils autour de la jeunesse québécoise très tôt face à l'intimidation, face à la cyberintimidation, face au harcèlement que nos jeunes vivent, parce que, vous savez, il y a longtemps, l'intimidation à l'école, ça se terminait à 15 heures, 15 h 30, aujourd'hui ça se poursuit après 15 heures, après 15 h 30, et toute la soirée, et très tôt le matin. Je voyais récemment un humoriste qui disait : On devrait fermer Twitter à minuit. Je trouvais l'idée tout de même pas mauvaise de dire : On devrait se déconnecter le plus souvent possible. Et d'ailleurs mon collègue le ministre a fait un forum, justement, qui porte sur la santé mentale chez les jeunes mais aussi sur tout l'enjeu de déconnexion des jeunes, qui est aussi important et qui nous permet de nous rééquilibrer dans la vie, et ça, c'est important de le rappeler.

Le ministre y a fait allusion, Tel-Jeunes, je les ai rencontrés, l'été dernier, et j'ai visité leurs bureaux, une équipe exceptionnelle. Le ministre a ajouté 500 000 $ lors de la première vague. On vient d'ajouter un autre 900 000 $. Ce sont des professionnels à l'écoute, qui détiennent des données importantes pour les jeunes du Québec. On doit les appeler, on doit faire appel à eux. Et un service qui est peu connu, c'est la ligne info-parents. Parce que, quand les jeunes ont de l'anxiété, très souvent aussi les parents se posent des questions sur... comment agir, comment être à l'écoute, quoi faire. Alors, j'invite vraiment les gens à aller faire un tour sur le site Internet de Tel-Jeunes. On les supporte, on met les sommes financières au rendez-vous pour pouvoir les aider. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député. Alors, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. Le ministre responsable a parlé d'avoir tendu la main, qu'on a acceptée. Nous avons un briefing, une discussion, mais pour que le ministre de la Santé, en période de questions, m'offre ça et suggère, précis, comme réponse à notre demande, comme je dis, appuyée par toutes sortes d'intervenants pour le mandat d'initiative pour nous assurer que nos réflexions globales, y compris avec les parlementaires, sont à la taille du problème, de répondre qu'il y avait un appel très apprécié, et j'espère qu'il y en aura d'autres, constructifs, j'en conviens, ce n'est pas une réponse à notre demande. J'espère qu'il y aura d'autres opportunités de même. Mais de là, de là à impliquer du monde pour aider ce gouvernement à trouver les bonnes solutions à ce qu'il soit transparent, ça nous interpelle tous. Alors, je reste très déçu de la réponse de la CAQ contre un mandat d'initiative, surtout quand je me permets de citer le ministre responsable dans une autre intervention en Chambre.

Oui, il a noté que les conséquences psychosociales spécifiques à la pandémie de la COVID-19 sont actuellement inconnues. Premièrement, il y a de plus en plus de recherches là-dessus, mais est-ce que ce n'est pas un constat que nous avons la responsabilité, tous, de se mettre à l'oeuvre pour avoir les solutions qui vont toucher les gens en région, les agriculteurs, les entrepreneurs, dont va parler mon collègue tantôt? Y a-t-il des réponses systématiques? Le ministre responsable parlait de ces discussions, à juste titre, avec Mme la Présidente de l'Ordre des psychologues. Il faut... Il n'y a pas... Qu'on s'entende, et je ne suis pas ici pour livrer la marchandise pour des psychologues, je suis ici, comme est notre responsabilité, pour voir comment on peut être au rendez-vous pour les Québécoises et les Québécois en détresse.

• (10 h 40) •

Mme Grou a constaté publiquement que l'initiative annoncée par le ministre responsable cette semaine n'était pas assez et probablement trop tard. Donc, c'est un départ. Oui, c'est un départ, mais elle-même a constaté que ce n'était pas une réponse étendue et complète. On ne cherche pas des résultats miracles chaque matin, mais on cherche à savoir que chaque geste est fait de façon systémique, réelle et réaliste.

Et ça va coûter de l'argent. On parle du 31,1 millions de dollars qui a été, en quelque part, annoncé ou réannoncé le 6 mai par la vice-première ministre et ensuite redéfini et encadré dans les mois qui suivaient. Et, comme je dis, on parlait d'un objectif atteint de joindre quelque 325 000 personnes, mais de quelle façon, par qui? J'entends le ministre. J'entends le ministre, je ne veux aucunement dénigrer la qualité, le professionnalisme et le rôle à jouer des travailleurs, travailleuses sociales, des intervenants de première ligne, même les gens sensibles et bénévoles au sein de leur communauté qui sont à l'autre bout du téléphone, mais, quand on est devant de plus en plus d'exemples de dépressions majeures, il y a des réponses qui s'imposent. Pas nécessairement 15 sessions de psychothérapie — souvent, oui — mais que cette personne en crise soit identifiée et suivie de façon importante.

Des dons qui... des subventions qui ont été données à Tel-Jeunes, justement, très important, pour les maisons d'hébergement pour les femmes victimes de violence, très important, mais nous entendons sans arrêt des délais énormes. La ligne de Montréal, d'urgence, constate une augmentation de clientèle de 260 %. Ils parlent des délais de plus qu'une heure pour avoir une réponse au téléphone. Quand nous sommes en détresse, M. le Président, ce n'est pas suffisant. Donc, une autre fois, est-ce qu'on peut identifier les mesures de façon pérenne et nécessaire qui vont avoir leur étendue partout au Québec?

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Carmant : Merci, M. le Président. Peut-être... J'aimerais quand même dire deux petits points de correction ou d'ajustement, là. Je comprends ce que le député de D'Arcy-McGee a dit, mais il y a également des organismes communautaires qui nous ont demandé d'aller de l'avant et de continuer ce qu'on avait débuté l'an dernier pour arriver avec un plan d'action interministériel le plus rapidement possible. Puis, à la rencontre qu'on avait eue avec les oppositions, j'avais clairement établi c'est quoi, le... Parce qu'ils nous disent toujours... ils nous disent souvent qu'on n'a pas de vision à long terme, qu'on y va coup par coup ou petit bout par petit bout, mais la vision, elle est là. Et ce qu'on veut vraiment, c'est trois grandes choses : améliorer l'accès aux soins pour tous les Québécois en santé mentale, puis je vous ai expliqué un peu comment on voyait ça, à travers le PQPTM, intégrer, et c'est ça, l'aspect interministériel qui est si important, mieux intégrer les gens qui ont des problèmes de santé mentale dans toutes les sphères d'activité de la vie, et ça, ça va demander vraiment beaucoup de travail entre nous, et le troisième point, qui était très important pour moi, également, c'était l'aspect de déstigmatisation des problèmes de santé mentale, surtout en tenant compte de la composante ethnoculturelle, qui fait que beaucoup des gens des différentes communautés n'osent pas consulter pour des problèmes de santé mentale.

Maintenant, pourquoi avoir fait une action spécifique cette semaine, ciblée pour les jeunes? Encore une fois, il faut regarder les chiffres et voir qu'au cours des dernières... de la dernière année, nous avons diminué la liste d'attente de façon significative, comme je disais, de 28 000 à 16 000, mais la grande partie de cette diminution des listes d'attente s'est faite dans la clientèle adulte, où ça a reculé de près de 48 %. Malheureusement pour les jeunes, l'amélioration est plus d'autour de 20 %. Donc, nous, ce qu'on voulait, c'est vraiment entraîner un rattrapage très rapide de l'accès aux services pour les jeunes. Donc, il fallait vraiment ajouter des professionnels dans ces équipes-là pour, encore une fois, donner plus facilement l'accès aux services à tous les jeunes que l'on peut rencontrer avec des problèmes de santé mentale, qui vont du trouble d'attention jusqu'à la dépression, comme on a mentionné.

Puis l'autre chose qui était superimportante pour moi et puis qui n'est pas mentionnée dans l'investissement en santé mentale, parce que c'est plus un investissement en santé publique, c'est l'aspect éducatif sur la santé mentale. Moi, je pense que... Puis un des objectifs que j'avais dans ce changement de culture dont on parle, c'est d'apprendre à nos jeunes à mieux gérer leur santé mentale, leur apprendre c'est quoi, les six émotions de base, leur apprendre comment interagir avec les autres jeunes ou avec les adultes, leur apprendre à reconnaître ce qui est des signes temporaires d'avoir... de tristesse versus des signes plus permanents de dépression, leur apprendre à améliorer leur estime de soi, qui est quelque chose de superimportant pour nos jeunes si on veut lutter contre les problèmes de santé mentale, leur apprendre leurs droits à certains aspects fondamentaux de la vie.

Donc, c'est pour ça qu'avec le ministre de l'Éducation on travaillait depuis deux ans sur un plan, qui a finalement été approuvé cette année, de 30 millions de dollars pour amener des intervenants psychosociaux et des intervenants en dépendance dans toutes les écoles publiques et privées du Québec. Et pourquoi les deux aspects santé mentale et dépendance? C'est parce que c'est deux aspects qui sont extrêmement interreliés, M. le Président. Beaucoup de nos jeunes font de l'autosoin, quand ils ont des périodes difficiles, avec... en consommant des substances, et beaucoup de... bien, pas beaucoup, mais un nombre significatif de jeunes qui consomment très tôt vont avoir des problèmes de santé mentale. Donc, on voulait vraiment avoir un impact sur les deux aspects, et là je pense que, pour le long terme, ça regarde très bien pour nos jeunes. On compte déployer les services le plus rapidement possible, d'ici la fin de l'année scolaire ou, au pire, au début de la prochaine année scolaire, mais on veut vraiment avoir un impact sur la santé mentale de tous nos jeunes, donc leur apprendre à mieux comprendre ce qu'ils vivent à tous les jours et à combattre cette détresse qu'ils ressentent.

Donc, à ce niveau-là, c'est un gain significatif pour moi, et, encore une fois, je pense qu'on veut inclure les psychologues dans la lutte contre les délais d'attente pour les jeunes.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le ministre. Je vais céder la parole à la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.

Mme Foster : Merci, M. le Président. Très heureuse de vous retrouver, chers collègues, ce matin. Salutations au ministre et à son chef de cabinet. Salutations également à la députée de Roberval, le député de Beauce-Sud, les personnes qui accompagnent, également les collègues de l'opposition, donc député de Nelligan, M. le député de D'Arcy-McGee, qui nous permet ce matin, là, de se réunir pour parler du sujet très important qu'est la santé mentale, et M. le député de Gouin.

Vous savez, l'importance de l'interpellation ce matin, c'en est une, bon, qui parle de la santé mentale, mais, vous savez, pendant longtemps, là, les problèmes de santé mentale, là, ça a été tabou. Et, là-dessus, je rebondis sur ce que le ministre disait tout à l'heure, la déstigmatisation, parce que, vous savez, pendant longtemps, ça a été tabou, mais, encore aujourd'hui, tous les combats ne sont pas gagnés. Il suffit d'avoir quelqu'un... d'avoir une expérience personnelle, d'avoir quelqu'un dans nos proches, quelqu'un qu'on voit s'enfoncer, quelqu'un qu'on voudrait aider, mais qui ne veut pas consulter, pour toutes sortes de raisons... Ce ne sont pas des situations humaines qui sont nécessairement faciles. Ce n'est pas toujours facile de parler de sa détresse. Ce n'est pas toujours facile, parfois, d'admettre qu'on a besoin d'aide. Ce n'est pas toujours facile.

Vous savez, comme gouvernement, on est très, très sensible à la santé mentale. M. le ministre a eu l'occasion de vous décrire toutes les actions qu'on pose. On est dans le concret pour aider les gens. Mais je veux vous parler aussi de santé mentale avant de rebondir sur ce qu'on fait comme gouvernement.

L'Institut national de santé publique, au Québec, estime qu'il y a 12 % de la population qui est aux prises avec des troubles, des problèmes de santé mentale. C'est quand même un chiffre important. À l'international, l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé, estime qu'il y a une personne sur quatre qui est aux prises avec des problèmes de santé mentale. Et les problèmes de santé mentale se retrouvent, là, dans les principales causes de morbidité, d'incapacité, entre autres pour le travail, à l'échelle planétaire, et ces chiffres-là, c'est en temps normal. Alors, imaginez maintenant, dans le contexte de la COVID, avec l'isolement qui est généré par les mesures de confinement, ce n'est pas toujours évident. Encore là, comme je le disais, ce n'est pas unique au Québec, là, c'est une situation qui est internationale. Donc, on peut imaginer que les proportions peuvent être encore plus importantes suite à cette pandémie. Ça ne crée pas des conditions favorables, on va se le dire, à la santé mentale. D'ailleurs, selon l'OMS toujours, là, ils ont fait une enquête sur 130 pays, puis la pandémie, là, ça a causé des perturbations ou une interruption de services en santé mentale dans 93 % des pays, donc c'est quand même assez important. Mais à une échelle plus micro, c'est-à-dire dans nos comtés, on le sent, on le sent, ça, ce sont des chiffres nationaux, internationaux, que je vous ai cités, mais on le sent dans nos comtés, ce n'est pas évident, on sent la détresse chaque jour. Je pense que chaque collègue ici a certainement des exemples en tête, qui nous viennent en tête, bon, des gens atteints de schizophrénie qui voient, par exemple, leur situation se détériorer, qui refusent d'ajuster la médication, des femmes, aussi, qui sont aux prises avec des problèmes de violence conjugale et qui ne savent pas comment contrer l'isolement, des jeunes, également, sans antécédents, qui réussissaient bien, mais qui sombrent dans la dépression. Mon collègue de Beauce-Sud, tout à l'heure, a eu l'occasion de parler de la santé mentale chez les jeunes. Alors, ce sont des enjeux... Des gens qui nous appellent avec des idées noires, qu'on réfère à des centres de prévention du suicide, malheureusement, donc des gens, également, qui ont des attitudes plus agressives qu'à l'ordinaire. La pandémie crée des situations qui ne sont pas évidentes.

Et j'en profite au passage parce que, pour moi, c'est bien important, avant de rebondir sur ce qu'on fait comme gouvernement, je veux vraiment saluer mes gens sur le terrain, dans la circonscription de Charlevoix—Côte-de-Beaupré : La Marée, à La Malbaie, L'Éveil Charlevoisien, qui est à Clermont et à Baie-Saint-Paul, le Centre de prévention du suicide de Charlevoix, Libre Espace, sur la Côte-de-Beaupré, à Sainte-Anne-de-Beaupré. Bravo à toutes ces équipes-là qui se dévouent, parce que c'est vraiment exceptionnel. On leur parle régulièrement. Bien sûr, comme députés... comme gouvernement, on donne des sous, mais comme députés, également, nous avons des montants de soutien à l'action bénévole, qu'on leur octroie, parce que c'est important de pouvoir les soutenir. Et bravo, chapeau à ces gens-là qui, dans ma circonscription, se dévouent tous les jours. Votre travail est extrêmement précieux, il est très, très, très précieux. Continuez votre beau travail.

Vous savez, tous ces organismes-là de ma circonscription me le disent, la COVID, ça a amené... bon, ça a amené des... ça a amené une exacerbation de tout ce qui est problèmes de santé mentale, et, comme gouvernement, on a réagi. On avait déjà fait des investissements avant la pandémie, comme le ministre l'a bien décrit. Il y a eu un 90 millions dans notre budget normal. Le 6 mai dernier, on a déposé un plan d'action en santé mentale. Il y avait un 31 millions qui était soudé, là, cette enveloppe-là, au plan. On peut rehausser l'accès aux services psychosociaux et en services de santé mentale avec ça. On a annoncé cette semaine un 25 millions pour la santé mentale pour les jeunes. Il y a un plan interministériel qui est en cours. On a une vision. Alors, comme gouvernement, on agit. On sait que la détresse, la santé mentale... la pandémie, ça a augmenté la détresse chez les gens, la détresse psychologique. Et on agit, comme gouvernement.

• (10 h 50) •

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole au député de la deuxième opposition, le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. Je veux remercier d'abord le député de D'Arcy-McGee, qui a pris le leadership de convoquer cette interpellation ce matin. Je suis capable, c'est bien connu, d'être très critique des décisions de sa formation politique par le passé, mais il faut donner au député ce qui revient au député. D'initier ce débat aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, c'est une bonne idée. Je suis content d'y prendre part.

Je remercie, bien sûr, l'ensemble des députés présents, et le ministre, bien sûr, un ministre à qui je reconnais d'entrée de jeu qu'il est sensible à la question de la santé mentale. Je sens que c'est important pour lui. Par contre, je remarque un gouffre entre son niveau de sensibilité pour l'enjeu et les moyens qu'il prend, et c'est de ça dont je veux lui parler aujourd'hui. Je sens qu'il trouve ça important, d'un point de vue personnel, mais je constate que les actions qu'il prend pour atteindre ses objectifs sont absolument insuffisantes. Je pense qu'il faut être capable de nommer nos désaccords clairement sur cette question-là.

Le ministre a annoncé, plus tôt cette semaine, 25 millions de dollars d'investissement en santé mentale pour les jeunes. C'est une annonce que j'ai pris la peine de souligner, en disant que c'était une bonne nouvelle et que c'était une première réponse, une première étape. Ce dont je veux lui parler aujourd'hui, c'est des prochaines étapes. Parce que je suis convaincu qu'il est d'accord avec moi que cet investissement-là, à lui seul, ne réglera pas la crise historique de santé mentale qu'on vit actuellement au Québec. Sinon, il ne serait pas en train de préparer un plan d'action pour l'année prochaine s'il croyait que cet investissement-là réglerait tous les problèmes. Ça fait que je prends pour acquis qu'on est d'accord là-dessus et qu'on convient ensemble que c'est un geste intéressant, mais qu'il faut continuer, puis qu'il faut continuer à faire des annonces, puis qu'il faut continuer à poser des gestes.

Et la prochaine étape, selon nous, selon ma formation politique, c'est de s'assurer que, quand on annonce des sommes pour embaucher des gens dans le réseau public, puisque c'est ce qu'il a fait plus tôt cette semaine, bien, qu'on prenne les moyens pour qu'on embauche réellement ces gens-là et qu'on prenne les moyens pour que ces gens-là restent dans le réseau public, parce qu'entre 2008 et 2018 on a perdu des gens. Sous la gouverne libérale, là, on estime à, à peu près, 450 psychologues qui ont quitté le réseau public. Donc, il ne suffit pas de réouvrir des postes, il faut se poser la question : Pourquoi les gens qui sont partis sont partis, puis qu'est-ce qu'on fait pour les ramener et les garder cette fois-ci dans notre réseau public?

Et quand on tend l'oreille, quand on écoute ce que les psychologues et tous les professionnels de la santé mentale nous disent, ils nous nomment deux choses, deux facteurs importants pour les ramener dans le réseau public puis les garder dans le réseau public. Le premier facteur, c'est les salaires. Il y a un écart de 30 % en ce moment entre les psychologues qui pratiquent au public et ceux qui pratiquent au privé, qui est un écart trop grand. Et ça tombe bien, les conventions collectives sont ouvertes en ce moment.

Alors, ma première question, c'est : Qu'est-ce que va faire le ministre pour sensibiliser sa collègue du Conseil du trésor à l'importance d'écouter les revendications des professionnels de la santé mentale d'améliorer leurs salaires pour que, pour le dire très simplement, le secteur public soit plus attractif pour les psychologues et les professionnels de la santé mentale au Québec? Comment on fait pour les ramener? Bien, il y a les salaires, puis moi, je veux savoir, de la part du ministre, puis je pense qu'une interpellation doit servir à répondre à nos préoccupations respectives, qu'est-ce qu'il va faire pour améliorer les salaires.

L'autre enjeu, c'est l'autonomie, l'autonomie professionnelle, et je suis content qu'il en ait parlé lui-même. Qu'est-ce qu'il va faire pour améliorer l'autonomie professionnelle des psychologues et des professionnels de la santé mentale? Deux propositions que je lui fais, puis j'aimerais ça qu'il prenne la peine de me répondre là-dessus. D'abord, les limites de séances. On impose aux psychologues et aux professionnels de la santé mentale des limites de séances. On leur dit : Après 10 séances, après 15 séances, ton patient, il est censé être correct, tu fermes le dossier, puis, souvent, c'est très difficile d'obtenir une prolongation. Il faut argumenter, il faut justifier. Pourquoi ne pas respecter l'autonomie professionnelle et laisser les professionnels décider quand la psychothérapie est terminée?

Deuxième proposition : les quotas de patients. Ça aussi, c'est un héritage du règne libéral. Dans certains CLSC, on impose aux psychologues de prendre plus de 80... là, moi, on m'a indiqué, dans certains milieux, 82 nouveaux patients à chaque année. Est-ce qu'il est prêt, lui, à rompre avec cette logique du fast-food de la santé mentale? Est-ce qu'il est prêt à ce qu'on sorte de cette logique où on met la pression sur les professionnels de la santé mentale comme s'ils étaient sur une chaîne de montage? On parle de services sociaux, pas de fabrication de voitures. Est-ce qu'il est prêt à sortir de cette logique-là?

Le Président (M. Provençal)  : Merci. M. le ministre.

M. Carmant : Oui. Alors, bien sûr que je vais répondre aux questions. Ça me fait plaisir d'être là pour répondre à toutes vos questions. Puis moi aussi, je vois que le député de Gouin a une grande sensibilité à la cause de la santé mentale de la population.

La raison pourquoi je n'ai pas dit qu'on était en crise, c'est que je pense qu'il faut voir à plus long terme. Actuellement, comme j'ai mentionné, on est en train de rattraper les listes d'attente. Les choses sont en train de s'améliorer, malgré une croissance de la demande. Et ce qu'il faut prévoir, c'est que la demande, elle va continuer à croître pendant quelque temps. Ça s'est vu après toutes les autres catastrophes naturelles qu'on a vues au cours des dernières années, que la demande en santé mentale continue à croître jusqu'à deux ans après la fin de l'événement. Donc, effectivement, l'investissement qu'on a annoncé cette semaine ne peut pas être le dernier parce qu'il faut continuer à prévoir qu'il va y avoir de plus en plus de besoins.

Maintenant, je pense qu'il faut y aller... ça, c'est peut-être mon côté médical, là, mais il faut y aller de façon ciblée. Chaque chose doit avoir son intention, puis c'est ce qu'on a montré dans d'autres dossiers. Si je peux vous rappeler qu'avec le dossier de la protection de la jeunesse, votre collègue nous avait demandé un investissement de 270 millions dès le début, là, nous, on a préféré y aller point par point pour améliorer les choses. Puis, effectivement, on a réussi à faire un rattrapage majeur au niveau des listes d'attente. Et c'est pour ça qu'ici on vise vraiment la problématique des jeunes en premier parce que c'est là où le principal problème est.

• (11 heures) •

Maintenant, comment on ramène les psychologues? Très bonne question. Moi, je pense que l'aspect que j'ai approché beaucoup avec la présidente de l'ordre, c'est l'aspect de l'autonomie. Puis moi, comme directeur du service de neurologie, dans mon ancienne vie, c'était quelque chose qui était très important pour moi. On doit leur permettre de faire l'intervention qui est adéquate selon leur sens clinique, comme vous dites, et ne pas nécessairement l'arrêter après un nombre fixe de séances. On doit également leur permettre de voir les bons patients. Mais, encore une fois, vous seriez... on serait... M. le Président, on serait surpris de voir, quand on leur donne le choix, de voir le nombre de patients qui nous disent : Ah! mais ça, ce n'est pas pour moi. Ça, ce serait plus approprié d'être vu par la travailleuse sociale. Ça, ce serait plus approprié d'être vu par le psychoéducateur, pour des troubles de comportement, par exemple. Donc, c'est pour ça que le gros attrait qu'on veut mettre dans le système public, c'est cet aspect de multidisciplinarité et d'interdisciplinarité. Puis la bonne nouvelle ou la nouvelle qui m'encourage un petit peu, c'est qu'avec cette approche-là, parmi les 320 personnes qu'on a recrutées avec l'investissement du 31 millions, il y en a quand même 30 qui sont des psychologues, à peu près 10 %, donc c'est quand même encourageant, certains même qui sortaient... qui sont revenus du privé vers le public.

Bon, le dernier point qu'on mentionne, c'était au niveau de l'apport salarial, et ça aussi, j'en ai parlé avec Mme Grou. C'est un enjeu qui est très important, là, je pense que la disparité est significative. Mais je pense que notre... Comme je vous dis, le réseau public a quand même un certain attrait pour les psychologues, et la preuve, c'est qu'un des endroits où le recrutement se passe bien, c'est dans les centres hospitaliers universitaires, où la clientèle est... où le travail multidisciplinaire, interdisciplinaire est plus établi, où les problématiques sont plus ciblées, où chacune des intervenantes, peut-être, trouve mieux son rôle, et c'est ce qu'on veut étendre à tous les CISSS et les CIUSSS disponibles.

Maintenant, quant à la négociation, je ne veux pas commencer à négocier sur la place publique, mais j'ai extrêmement confiance que la présidente du Conseil du trésor se rend compte de cette disparité-là et qu'elle va travailler pour s'assurer que... bien, d'avoir une solution équitable pour tous les membres de... pour tous les professionnels du réseau de la santé, puis c'est quelque chose qui va être important pour nous pour la suite des choses.

Donc, je pense qu'en général on a un plan sur le long terme. On vient de régler la problématique pour les jeunes. Il reste beaucoup de choses à faire pour les aînés et pour les professionnels autres que ceux du réseau de la santé, et on compte regarder les choses à partir de maintenant selon l'évolution de la pandémie, évidemment, parce que ça pourrait changer d'un moment à l'autre, et c'est difficile de prédire la suite des choses. Mais, clairement, on veut faire plus d'investissements en santé mentale puis on veut améliorer le réseau à long terme.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à la députée de Roberval.

Mme Guillemette : Merci, M. le Président. Salutations au collègue le député de Taillon et ministre délégué à la Santé et Services sociaux, un homme de coeur, une personne véritablement investie pour améliorer la qualité de vie concrète dans la situation en matière de santé mentale au Québec, puis je me considère très chanceuse de pouvoir collaborer avec ce collègue-là. Il a une vision à long terme qui va nous permettre de défaire les silos dans lesquels les gens sont habitués de travailler sur le terrain directement et qui va aussi motiver les gens dans leur travail.

J'aimerais aussi prendre un petit moment pour saluer mes collègues, député de Beauce-Sud, députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, ainsi que les gens qui nous accompagnent, les collègues de l'opposition, député de Gouin, député de Nelligan et député de D'Arcy-McGee, très agréable d'être ici avec vous ce matin, M. le Président, Mme la secrétaire.

Donc, j'aimerais vous dire, suite à des choses que j'ai entendues ce matin, que le gouvernement est déjà en action. On a un groupe de travail interministériel qui a déjà rencontré une vingtaine de groupes, puis ça, ce n'est pas terminé. Pour ce qui est des agriculteurs, on a déjà investi 300 millions en décembre... 300 000 $ en décembre 2019, et 400 000 $ en juillet 2020, et ce 400 000 $ là est récurrent, M. le Président. Donc, oui, on est là. Oui, on est sur le terrain.

Vous savez, les soins de santé mentale sont un sujet qui mérite qu'on discute franchement, qu'on s'y attarde, surtout avec la situation qu'on vit présentement. Comme vous tous, j'ai passé une partie de mon printemps et l'entièreté de mon été dans ma circonscription, dans Roberval, et j'ai demandé à mon équipe pour être sur le terrain — et ce, dans les règles de la santé publique — de me concocter une tournée. C'est ce qui m'a permis de discuter avec les gens de mon terrain et de bien saisir les enjeux de la santé mentale qu'on vit présentement en contexte de pandémie.

Donc, M. le Président, les troubles de santé mentale, là, ça ne vient pas avec la pandémie, on les vit depuis longtemps. La dépression, l'anxiété, les troubles obsessionnels compulsifs, le stress post-traumatique, les troubles d'adaptation, et j'en passe, tout le monde, tout le monde ici est à risque un jour d'en souffrir. Un divorce, une perte d'emploi, la perte d'un être cher, un accident, une surcharge de travail, plusieurs facteurs peuvent influencer notre santé mentale, peuvent influencer notre équilibre.

Ça m'amène à vous parler de promotion et de prévention en santé mentale. C'est une avenue importante pour faire diminuer les listes d'attente aussi. En passant, depuis notre arrivée au gouvernement, comme l'a dit tout à l'heure le collègue, les listes d'attente ont diminué significativement, et on continue notre travail. Mais revenons à la promotion et la prévention. C'est des outils très importants. La promotion, c'est la capacité des individus et des collectivités de se prendre en main et d'améliorer leur santé mentale, c'est d'accroître les forces, les ressources et les connaissances en santé mentale. La prévention, elle vise à réduire et composer avec la présence de certains facteurs de conditions de vie.

J'aimerais vous ramener sur le terrain, sur ce que je connais bien et vous présenter deux organismes en santé mentale. Donc, les organismes que... Et ces organismes-là, M. le Président, ils sont soutenus par du personnel de qualité et dévoué, si je ne pense qu'à Revivre, au niveau de l'organisme... le programme de J'avance! au niveau de l'organisme Revivre, qui a un programme d'autosoin, de gestion de l'anxiété, de la bipolarité et de l'estime de soi et qui est offert via des organismes communautaires. Si vous voulez avoir plus de détails, vous pouvez aller sur le site javance.revivre.org. Vous voulez plus de renseignements sur la promotion, la prévention? Je vous invite à visiter Mouvement Santé mentale Québec, un organisme communautaire qui fait de la promotion et de la prévention sur les territoires

Et, en terminant, M. le Président, j'aimerais terminer en vous rappelant que c'est important d'écouter, parce que tout le monde, ici, on est à risque de santé mentale, qu'il est important d'en parler. Il est important de parler de notre santé mentale, de la nôtre, de celle des autres et de la vôtre. Le temps où demander de l'aide était tabou, bien, c'est révolu, ça. Aujourd'hui, je souhaite encourager tout le monde, ceux et celles qui en ressentent le besoin, à demander de l'aide. On a rien à gagner à jouer au plus fort. Donc, aujourd'hui, là, vous, vous êtes...

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Merci, Mme la députée. Je cède la parole au député de Nelligan maintenant.

• (11 h 10) •

M. Derraji : Merci, M. le Président. Je salue M. le ministre. Je salue aussi mon collègue pour son leadership. Je salue l'ensemble des collègues, que... je suis convaincu qu'on partage tous la même préoccupation par rapport à la santé mentale de nos concitoyens, concitoyennes québécois.

C'est mon premier face-à-face avec le ministre. Je sais que c'est un homme de science, je vais baser beaucoup mon intervention sur la science, et j'interpelle le neurologue en lui. Les faits sont les suivants, et je tiens à dévoiler l'angle mort que nous avons en face nous. Il le sait, M. le ministre, M. le Président, que je suis porte-parole des PME, et, pour moi, la situation des entrepreneurs me préoccupe énormément. Même chose pour mon autre dossier, emploi et travail, la santé mentale de nos travailleurs et nos travailleuses est aussi très préoccupante.

En 2015, quatre chercheurs de l'Université de Berkeley, Stanford et de la Californie à Los Angeles se sont intéressés à la question de la santé mentale des fondateurs de start-up. Pour ce faire, ils ont comparé un échantillon de 240 entrepreneurs avec un autre échantillon de 93 personnes choisies au hasard. Les résultats, sans conteste : les problèmes de santé mentale autodéclarés étaient présents chez 72 % des entrepreneurs de l'échantillon, une proportion considérablement plus élevée que celle observée dans le groupe comparatif. Pour les entrepreneurs, 49 % ont rapporté avoir vécu au moins un problème de santé mentale au cours de leur vie, pas besoin de vous le dire, il le sait, M. le ministre, 30 % beaucoup plus susceptibles de rapporter un épisode de dépression, TDAH, 29 %, abus de drogues, 12 %, troubles bipolaires, 11 % que leur groupe témoin. M. le Président, ça, c'est les faits. C'est une étude scientifique, utilisée par qui? Le ministère de l'Économie du Québec. Un autre fait. Devant l'ampleur du problème, le ministère de l'Économie a lancé un appel à projets de l'ordre de 150 000 $.

M. le Président, nos entrepreneurs souffrent, même avant la pandémie. La revue de presse, elle est énorme. On parle beaucoup de détresse psychologique au niveau de nos entrepreneurs. Nos PME ferment. Moi-même, j'ai vu beaucoup d'appels, sur les réseaux sociaux, de détresse de plusieurs entrepreneurs.

Je salue l'initiative du ministre, qui était un bon pas, un bon premier pas, mais, M. le Président, ce que je demande aujourd'hui, c'est une vision humaine à la problématique, la problématique de la santé mentale, et non pas une vision comptable. Quand je dis «une vision humaine», c'est que je sais que le ministre, il est sensible, et je le dis sincèrement. Je le sens dans ses paroles, je le sens dans la façon avec laquelle il traite la question, mais il y a des angles morts, M. le Président. Aujourd'hui, avec l'annonce qu'il a annoncée cette semaine, on répond probablement à un groupe particulier, les jeunes en bas de 25 ans. Mais, M. le Président, la détresse, elle est très présente chez nos entrepreneurs. Et ça date d'avant la pandémie, mais elle s'est exacerbée après la pandémie.

Un autre fait, M. le Président, et ça, j'en suis sûr et certain, que M. le ministre le sait, c'est l'utilisation des antidépresseurs. Ça a augmenté. Je vais chercher le chiffre exact. C'est 11 % à travers tout le pays, je parle au niveau du Canada, mais on parle de 20 %, l'augmentation du nombre de réclamations pour antidépresseurs effectuées auprès d'assureurs privés au Québec entre janvier et août 2020.

Donc, on peut faire des comparaisons avec le passé. C'est un homme de science. Quand on compare, on compare des choses comparables. La pandémie est factuelle, elle est présente en 2020. Est-ce qu'on s'est donné les moyens pour aider nos entrepreneurs et accompagner ceux qui créent la richesse au Québec? M. le Président, vous m'avez vu, depuis le retour dans cette session, me lever, parler au nom des entrepreneurs. Ce que nous entrepreneurs vivent, au Québec, est une réelle détresse. J'ai entendu la collègue parler, tout à l'heure, du programme pour les agriculteurs. C'est excellent, c'est très bien, mais ça, encore une fois, c'est un exemple concret qu'il y a un problème, parce que, s'il n'y a pas un problème, on ne va pas mettre de l'argent et d'une manière récurrente. Mais est-ce qu'on répond à 100 % à leurs doléances? Non. Et c'est là où j'interpelle l'homme de science mais aussi le ministre à avoir plus d'humanisme dans le traitement de cette question et non pas uniquement une vision comptable. Et je sais qu'il y a plusieurs demandes, et je sais que l'ampleur, elle est énorme, la pression est énorme sur nos finances publiques, mais je pense, M. le Président, le temps, il est venu de prendre en considération que la pandémie a des effets, qu'il y a des angles morts au niveau de la santé mentale, et l'angle mort que je vois aujourd'hui, c'est la détresse psychologique de nos entrepreneurs. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Carmant : M. le Président, j'apprécie les commentaires du député de Nelligan et son inquiétude pour les entrepreneurs qui, je l'avoue, sont habitués à vivre un grand stress, quand on démarre une entreprise, c'est vraiment quelque chose, et qui actuellement sont effectivement en train d'avoir une augmentation de ce stress-là. Mais, M. le Président, parmi cette liste d'attente dont je vous parlais tantôt, qui était, à notre arrivée, de 28 000, il y a probablement des entrepreneurs là-dedans, des pères de famille, des gens qui font partie de cette liste d'attente, et qu'il est important pour nous de voir le plus rapidement possible.

Puis, encore une fois, outre... ce n'est pas des considérations mercantiles qui nous animent ici, c'est vraiment une façon de modifier l'approche de l'offre de services et de permettre l'accès aux soins aux plus de Québécois possible. Parce qu'on s'entend que tout simplement offrir de la psychothérapie, on sait qui vont être les premiers servis, pas nécessairement ceux qui en ont le plus besoin. Nous, on a une sensibilité particulière pour les populations vulnérables, et c'est souvent les derniers qui ont accès à ce type de service là.

Donc, moi, encore une fois, je pense que l'approche que l'on a est la bonne. Ces gens-là vont pouvoir avoir accès à tous les programmes d'autosoins qu'on est en train de mettre sur pied, à toutes les applications d'autosoins qu'on est en train de mettre sur pied. C'est souvent des gens performants et, comme on mentionnait tantôt, qui sont craintifs du stigma associé avec la santé mentale.

Et c'est pour ça qu'on a investi, également, dans les organismes communautaires, 17,6 millions de dollars pour les aider à traverser l'augmentation de demandes qui viennent avec la pandémie. En fait, les chiffres sont assez marquants. On dit que 50 % des gens qui présentent de la détresse seulement vont oser consulter. Et c'est pour ça que, depuis le début, je le répète encore et encore, qu'il faut ne pas hésiter à consulter, utiliser les outils qui sont disponibles, incluant la ligne 8-1-1, Info-Social, et Tel-Jeunes pour nos plus jeunes.

Maintenant, ce qui est important aussi, c'est de voir comment on peut aider à plus long terme ces individus et changer la donne sur le réseau. Puis là, c'est... je pense qu'on rentre dans notre fameux plan d'action interministériel en santé mentale. Et, encore une fois, je compte poursuivre les discussions avec le député de D'Arcy-McGee, avec le député de Gouin, avec le député des Îles-de-la-Madeleine. Notre ministère a rencontré une vingtaine de groupes de représentants de patients, on a rencontré les différents experts lors des deux forums précédents. Et ce qu'il faut, c'est trouver des solutions robustes qui vont permettre d'offrir un accès rapide à tous les individus qui en ont besoin à travers... quelle que soit leur situation.

M. le Président, un autre point que j'aimerais mentionner, également, à ce moment-ci, parlant d'étude, c'est les travaux du Dre Généreux, qui est la spécialiste en santé publique qui a géré la crise du Lac-Mégantic. Et les quatre points qu'elle nous a soulevés, qu'elle nous a demandé de regarder, parce qu'on a demandé au ministère de la contacter et de travailler avec elle, c'est de déployer des équipes spécialisées en santé mentale au sein de la population, c'est de mieux outiller les services de première ligne, c'est de renforcer le soutien communautaire et d'adapter les services de base en implantant des mécanismes pour répondre aux besoins psychosociaux des groupes en situation de vulnérabilité. M. le Président, je pense que c'est exactement sur ces quatre points-là que nous focussons. C'est exactement ces quatre points-là que nous voulons remplir. En aucun temps ne mentionne-t-elle le besoin d'ajouter un programme universel d'accès à la psychothérapie. Moi, je pense que l'important, c'est de donner l'accès, à la population, aux psychologues au bon moment et pour le bon patient.

Le Président (M. Provençal)  : ...députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.

Mme Foster : Merci beaucoup, M. le Président. Dans ma dernière intervention, j'ai eu l'occasion, un peu, de vous jaser de la situation en santé mentale au Québec, ailleurs dans le monde, dans ma circonscription, également, également, un peu... J'ai fait état rapidement de quelques mesures que notre gouvernement avait mises en place pour la santé mentale. Maintenant, j'aimerais m'attaquer un petit peu plus au vif du sujet de l'interpellation, donc, à savoir la nécessité de mettre en place une couverture publique de santé mentale.

C'est évident que, depuis le début de la pandémie, on l'a tous mentionné ici ce matin, les sources d'anxiété se multiplient. La détresse psychologique est en hausse chez les Québécois. Il y a un sondage, cette semaine, de l'Ordre des psychologues qui a révélé que, bon, il y a près de 86 % des psychologues qui ont noté une hausse de la détresse chez leur clientèle, il y a 70 % qui disent avoir revu d'anciens clients qui reviennent en raison de la pandémie. Il n'y a personne ici qui est surpris de ces chiffres-là qui sont évoqués dans ce sondage. On sait tous que le contexte qu'on vit en ce moment, il n'est pas évident, et que tous les changements apportés par la pandémie peuvent forcer les gens à vouloir consulter, et ça augmente la détresse également. Mais, si on se permet de lire aussi entre les lignes, en observant le deuxième chiffre, on va constater quand même qu'il y a la volonté de plusieurs Québécois à vouloir utiliser des ressources d'aide psychologique pour les accompagner dans le traitement des maux dont ils souffrent. C'est quelque chose quand même qui est positif, selon moi, parce qu'on parlait tantôt de la déstigmatisation, ça fait qu'il faut que les gens puissent admettre leur détresse et demander de l'aide.

C'est certain qu'en premier lieu on s'interroge sur les services qui devraient être rendus à la population. Bon, la réponse immédiate de notre gouvernement, ça a été de commencer par augmenter la disponibilité, comme le ministre le disait, de certains services qui sont déjà offerts pour répondre à la hausse de la demande qui avait été observée. Bon, par exemple, lors de la première vague, on nous rapportait qu'il y avait un nombre plus élevé d'appels reçus aux lignes téléphoniques comme Info-Social 8-1-1, Tel-Jeunes, on en discutait tantôt, la ligne info-parents également. Bon, ça avait augmenté de façon considérable, soit près de 35 %. On a donc alloué un demi-million de dollars à ces deux organismes-là pour prévoir des ressources humaines supplémentaires, maintenir l'accessibilité du service.

• (11 h 20) •

Il y a une attention particulière qui a été accordée aux organismes communautaires également, parce que c'est la première ligne. J'en discutais tout à l'heure, c'est une ligne très importante, que nos services communautaires offerts, dans notre communauté, aux gens. Ils sont sur la ligne de front. Donc, il y a une aide de 17,6 millions qui a été prévue pour ces organismes-là, puis ça répond à une cible qu'on s'était fixés, d'ailleurs, dans le plan d'action en services psychosociaux et services en santé mentale en contexte de COVID-19.

Les lignes téléphoniques, vous savez, ça agit un peu à titre de soupape, si on peut dire, pour les individus qui vivent un moment difficile. Les lignes téléphoniques, c'est là pour écouter les gens, leur donner du réconfort, des conseils mais aussi, lorsque nécessaire, référer les individus en détresse à des organismes communautaires ou aux organisations adéquates pour leur situation. Donc, les organismes communautaires possèdent des expertises variées pour aider ceux qui font appel à leurs services à faire face à des situations spécifiques.

Maintenant que la disponibilité de ces services-là a été augmentée, on peut se poser des questions sur la possibilité d'inclure de nouveaux services dans la couverture publique de la santé mentale. Est-ce qu'on devrait, par exemple, fournir des services de psychothérapie à la population? Dans le sondage de l'Ordre des psychologues, je mentionnais plus tôt, là, bien, il était avancé que si un vaste plan d'aide psychologique public financé par le gouvernement venait à voir le jour, bien, une majorité de psychologues accepteraient de travailler encore plus pour soutenir la population. C'était le cas de 51 % des psychologues du réseau public, 58 % des psychologues du réseau privé. Bon, cette possibilité-là, on pourrait en débattre longtemps, j'espère qu'on aura l'occasion de le faire dans le futur, mais, dans le contexte de la pandémie du moment, ça semble être difficile à envisager dans un futur proche. Comme le ministre le disait, on vise davantage une vision avec des actions ciblées. Notre vision : augmenter l'accès aux soins, intégrer les gens avec les problématiques santé mentale dans toutes les sphères de la vie. Également, déstigmatiser les problèmes de santé mentale et mettre des sous pour que les gens aient accès immédiatement à des services.

Vous savez, la santé mentale, c'est notre capacité vraiment à pouvoir ressentir, à penser, à agir de manière à améliorer notre aptitude à jouir de la vie et relever les défis. C'est aussi notre capacité à tracer des lignes pour éviter d'en donner plus que ce qu'on est capable de donner, mais aussi à se relever quand la vie met sur notre chemin des obstacles qui ne sont pas toujours faciles à contourner. Donc, vous savez, la santé mentale, c'est quelque chose qui concerne tout le monde, ce n'est pas juste ceux qui concernent... qui passent des mauvaises périodes de leur vie.

Comme gouvernement, on va continuer d'être sensible à ça et on est vraiment en action, avec le plan d'action interministériel qu'on est en train d'élaborer et également avec les sommes qu'on met de l'avant pour augmenter les services.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je cède maintenant la parole au député de la troisième opposition, le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je remercie mon collègue de D'Arcy-McGee de nous donner l'opportunité, encore une fois, d'aborder le dossier de la santé mentale.

Ça fait plusieurs fois qu'on en parle au cours des dernières semaines, et heureusement, parce qu'on l'a dit à plusieurs reprises, c'est un peu l'angle mort de la pandémie, à l'heure actuelle. Et je pense qu'on n'en parle jamais suffisamment. Parce que, contrairement à l'évolution de la situation dans le cas de la COVID, on ne peut pas chiffrer le nombre de personnes qui sont atteintes, on ne peut pas chiffrer à chaque jour l'évolution du nombre de personnes qui s'ajoutent soit sur les listes ou dont la détresse psychologique s'accentue. Alors, c'est important d'en discuter, c'est important de trouver des solutions. Et j'apprécie la présence du ministre ici pour en discuter encore une fois, pour essayer de dégager des pistes de solution.

Alors, oui, on est d'accord, au Parti québécois, avec la mise sur pied d'une couverture publique la plus complète possible, la plus accessible, également, en santé mentale. Et j'en profite pour souligner également aujourd'hui, là, en plus de saluer mes collègues qui collaborent aussi à l'exercice, souligner la grande résilience des Québécois et des Québécoises en ces temps difficiles, extrêmement anxiogènes et incertains.

Alors, je pense qu'il faut admettre qu'il y a beaucoup de signes à l'heure actuelle qu'il existe véritablement une crise en santé mentale au Québec. Elle est perceptible dans différents secteurs, que ce soit dans le secteur évidemment de l'éducation, tant chez le personnel enseignant que chez les étudiants, dans le milieu hospitalier, bien entendu, qui sont évidemment au front depuis des mois, tout le domaine de l'entreprise, particulièrement celles qui sont touchées en zone rouge par des fermetures, les entrepreneurs qui voient l'ensemble, finalement, de leur investissement en temps et en argent, le capital d'une vie qui est menacé. Alors, il y a tout un contexte qui amène évidemment de l'inquiétude, de l'anxiété et qui suscite également, malheureusement, là, des périodes de déprime ou de dépression.

Donc, on a mis en place des moyens, on le reconnaît, que ce soit les fonds qui ont été investis pour permettre aux gens d'avoir accès à des lignes téléphoniques d'urgence, d'aide, de soutien, d'écoute, c'est bien. Les 25 millions qui ont été annoncés encore cette semaine, c'est un pas dans la bonne direction, mais je pense qu'il faut, au-delà de ça, admettre que le problème, il est très vaste et qu'on ne peut pas non plus strictement, là, à partir d'indicateurs comme les listes d'attente, dire que les choses sont sous contrôle, parce que ça lance, à mon point de vue, un message qui consiste un peu à nier la réalité des gens qui sont touchés par la situation qu'on décrit aujourd'hui. Donc, il faut voir plus loin que ces listes. Et d'ailleurs, moi, j'aimerais qu'on puisse vérifier, là, combien de gens ont quitté les listes parce que l'attente était trop longue, par exemple. C'était le cas déjà avant la pandémie et c'est sûrement le cas encore aujourd'hui. Et, quand on dit que les listes se sont réduites, quel genre de traitement leur a-t-on offert? En discussion avec certains psychologues, on m'a dit que la psychothérapie qui était offerte aujourd'hui était un peu une espèce de campagne à rabais qui visait effectivement à voir le plus de monde possible dans le moins de temps possible, mais avec des résultats assez aléatoires. Et il faut avoir une qualité de service aussi qui soit disponible pour l'ensemble des Québécois, et ça ne se fait pas du jour au lendemain, mais il faut pouvoir y travailler.

La question du délestage aussi, dont on entend parler de temps en temps, elle doit être abordée, et on doit lancer le message que soigner les gens dans leurs problèmes physiques, c'est une chose, mais dans leurs problèmes de santé mentale, c'est tout aussi important. Il faut travailler sur les deux fronts, déployer les équipes des deux côtés. Et je pense qu'il est important de tendre la main aux Québécois avec des services efficaces, rapides, les plus complets possible et évidemment couverts. Et on a proposé certaines solutions. Des escouades d'intervention psychosociale dans des milieux à risque, on pense que c'est encore une bonne solution. Si on peut déployer ce genre de moyens, ce serait certainement apprécié des Québécois les plus vulnérables.

Je vois que mon temps est écoulé, c'est bien ça?

Le Président (M. Provençal)  : C'est terminé.

M. Arseneau : Ça a passé tellement vite! Mon préambule étant terminé, je vais vous céder la parole.

Le Président (M. Provençal)  : M. le ministre.

• (11 h 30) •

M. Carmant : Bien, écoutez, merci beaucoup pour les commentaires, cher collègue. Je tiens à vous rassurer, on en a discuté, puis je vais revenir là-dessus, la qualité des services, c'est un enjeu primordial pour nous. On veut redonner plus d'autonomie aux psychologues pour, justement, les attirer dans le réseau public. Je pense que c'est une des grandes plaintes qu'elles ont, et on est très sensibles à cet aspect-là, à leur donner plus de place à leur jugement clinique, à leurs décisions cliniques. Et c'est le but de les intégrer dans des équipes interdisciplinaires où chacun, au mieux de ses connaissances, pourra influencer sur le... voir le bon patient au bon moment.

Un autre point sur lequel je tiens à vous rassurer, c'est l'aspect du délestage. Encore une fois, dès que j'ai su qu'on envisageait d'utiliser les gens... les psychologues dans le privé pour faire... pour offrir des services en santé publique, que ce soit la vaccination ou le dépistage, j'ai retiré les psychologues, les psychoéducateurs et autres intervenants en santé mentale de l'arrêté ministériel, parce que nous, on les veut... S'ils viennent dans le réseau public nous donner un coup demain, il faut que ce soit pour la santé mentale. Ça, c'est primordial.

Puis, encore une fois, je pense que le message d'aujourd'hui que je veux passer, ce qu'on veut, c'est modifier la façon dont les soins en santé mentale sont offerts. Puis je vais vous donner un autre exemple de cette modification que l'on veut amener, puis le député de D'Arcy-McGee va être heureux, parce que c'est un modèle que le Parti libéral avait commencé à implanter, les aires ouvertes. Ça, c'est un modèle pour les ados de 12 à 25 ans. Une des grandes problématiques, M. le Président, c'était qu'à l'âge de 18 ans, souvent, il y avait une interruption dans les services pour les gens en santé mentale. Parce que, quand on a une problématique adolescent, souvent, elle ne disparaît pas quand on devient... à l'âge de 18 ans, et on a besoin d'un suivi plus prolongé de cette clientèle-là. Donc, quand on est arrivés, il y avait un projet pilote en cours dans trois régions pour une période de trois ans, et c'est des projets conçus par les jeunes, pour les jeunes. Donc, c'est eux qui choisissent le lieu, c'est eux qui choisissent l'approche qui est faite. Il y a des pairs aidants, qui sont des jeunes de 12 à 25 ans, qui accompagnent d'autres jeunes qui ont des problèmes de détresse psychologique ou de santé mentale, santé sexuelle, également, qui sont souvent abordés par nos jeunes.

Puis ça, ça a été vraiment un modèle coup de coeur, et on a accéléré le déploiement de ces aires ouvertes là. D'emblée, dès la première année, on a rajouté quatre autres sites. On a fermé l'aspect pilote et on veut l'implanter à travers la province. Donc, il y en avait un au nord de Montréal, il y en avait un à Sept-Îles et il y en avait un troisième... en tout cas, j'oublie, ça va me revenir, mais on a ajouté quatre autres projets pilotes... trois, quatre autres projets qui devraient ouvrir sous peu en Montérégie, en Gaspésie... bon... Attendez-moi, là, je m'excuse, un blanc de mémoire. Mais, en tout cas, on a ajouté quatre autres projets, d'emblée, pour le déployer, et on a envoyé des ressources pour que ce soit national, pour nationaliser le projet des aires ouvertes, parce que c'est exactement ce que les jeunes demandent et ce qu'on veut leur offrir.

Sur place, quand ils se présentent aux heures d'ouverture, ils trouvent des psychologues qui sont présents sur place, ils trouvent des intervenants psychosociaux qui sont présents sur place. Et le fameux syndrome de la porte close disparaît. Donc, dès qu'ils arrivent, dès qu'ils ont besoin, ils trouvent de l'aide. Puis c'est vraiment le modèle qu'on veut mettre sur pied pour les jeunes adultes et pour les plus vieux.

D'ailleurs, j'aime beaucoup le point que vous avez mentionné, c'est un petit peu le point que Mme Généreux mentionne, d'envoyer des équipes sur le terrain. Parmi les équipes d'Info-Social qu'on a déployées avec l'investissement au début de la pandémie, une équipe, vraiment, ressort du lot, c'est celle de Mauricie—Centre-du-Québec, puis il y a eu beaucoup d'articles sur cette équipe-là, qui vont justement sur le terrain, interagissent avec les communautés, que ce soient les personnes vulnérables dans les parcs, qui vont dans les différents centres pour rencontrer les...

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Merci, M. le ministre, je dois céder la parole au député de Beauce-Sud.

M. Poulin : J'aurais laissé continuer M. le ministre, mais malheureusement je ne peux pas vous céder mon droit de parole. Merci, M. le Président.

Il y a beaucoup de choses qu'on a dites, quand même, depuis le début de l'interpellation, et je pense que ce qu'on peut retenir, c'est que la santé mentale ne dépend pas seulement... les enjeux de santé mentale ne dépendent pas seulement du ministère de la Santé et des Services sociaux, c'est interministériel, tout comme la jeunesse, ce n'est pas seulement l'affaire du premier ministre, ce n'est pas seulement l'affaire du ministre à la Santé ou le ministre de l'Éducation, ça concerne éventuellement la Santé publique, l'Environnement, la Culture, parce que l'enjeu de santé mentale, il déborde les salles de classe, il déborde le réseau de la santé. Et je pense à des professionnels, entre autres, la Sûreté du Québec, qui sont très présents sur notre territoire, et qui ont à intervenir souvent dans des situations de santé mentale, et qui travaillent avec le CLSC de l'endroit puis avec les différents intervenants du réseau de la santé. Et on ne réussira jamais à avancer dans la lutte... je dis la lutte à la santé mentale... peut-être pas le meilleur mot, mais la lutte à ces problèmes-là si on n'a pas de travail qui se fait en amont mais aussi de travail de collaboration avec les forces de l'ordre et également, les différents professionnels du réseau de la santé qui travaillent ensemble.

Et j'inclus le réseau de l'éducation, également. Ma collègue de Roberval, qui est issue du milieu communautaire puis qui a travaillé, j'allais dire toute sa vie ou presque, dans le réseau communautaire le sait très bien : quand un organisme communautaire appelle la Sûreté du Québec parce qu'il y a une urgence, parce qu'il y a un état de crise, il doit y avoir quelqu'un au bout de la ligne qui répond. Alors, le mandat que nous avons, qui n'a pas été fait dans les dernières années, c'est aussi celui de l'interministériel et de travailler ensemble.

Évidemment, on parlait des projets en prévention, en postdépendance, en milieu scolaire, c'en est un où on fait appel à l'interministériel. 17,6 millions pour les organismes communautaires, 3 millions pour les ressources communautaires ou privées offrant de l'hébergement en dépendance, ça fait aussi partie des outils pour pouvoir se sortir des problèmes de santé mentale. J'ai été sur le conseil d'administration, M. le Président, vous connaissez bien La Croisée des chemins, à Saint-Georges, qui est un organisme qui existe depuis plusieurs années, qui vise justement à remettre, entre autres, les gens atteints de toxicomanie ou d'alcool sur le droit chemin. Je salue Maryo Larouche, qui fait un travail exceptionnel depuis des années. 240 000 $ pour le programme spécial pour soutenir les personnes endeuillées, parce que, et mes collègues en parlaient tout à l'heure, par moment, il y a un choc dans notre vie qui fait en sorte qu'on développe un problème de santé mentale et auquel on ne s'y attendait pas. Alors, c'est important également de prendre en compte tous les gens qui sont autour des personnes endeuillées. J'ajouterais 2,5 millions pour les maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale aussi, parce qu'on a eu des drames épouvantables au Québec au cours des derniers mois et des dernières années qui touchaient la violence conjugale et le rôle que jouent ces maisons d'hébergement là auprès des femmes du Québec, et, encore une fois, en collaboration avec la Sûreté du Québec, parce qu'on sait qu'ils sont des alliés dans l'objectif des mandats des maisons de femmes victimes de violence conjugale, alors, l'interministériel, ce 2,5 millions là est important.

Et un sujet qui me tient énormément à coeur, et je sais, vous aussi, M. le Président, c'est le dossier des banques alimentaires du Québec où, encore une fois, notre collègue, le ministre, a annoncé 2 millions de dollars pour les banques alimentaires. C'est bien vous, hein, M. le ministre? Oui. O.K., c'était juste pour être certain, parce que... pour vous démontrer à quel point le dossier alimentaire mais le dossier de la santé mentale est important chez les jeunes, chez les jeunes mais chez notre gouvernement en général. Et quand on a une famille qui vit des moments difficiles et qui n'est pas capable de s'alimenter, M. le Président, c'est la base, on ne pourra pas régler nos problèmes de santé mentale, on ne pourra pas avoir accès à un psychologue et être prêt à accueillir ce que les professionnels ont à nous dire si on n'est pas en mesure d'avoir de la nourriture sur la table pour nourrir notre famille. Et le réseau des banques alimentaires, qui est dans toutes les régions du Québec, qui supporte également d'autres organismes, des Saint-Vincent-de-Paul ou autres, qui permet d'avoir de la nourriture sur la table, et, pendant la pandémie, on sait que les demandes ont été plus élevées au niveau des banques alimentaires, surtout à cause de la situation économique, bien, je peux vous dire une chose, M. le Président, le gouvernement demeure à l'écoute de la suite des choses au niveau des banques alimentaires. Vous comprenez qu'actuellement l'économie n'est pas la même que lors de la première vague. Les fermetures ne sont pas les mêmes, mais on reste attentif aux besoins qui se retrouvent dans toutes les régions du Québec. Puis je veux saluer les banques alimentaires parce que ce sont des bénévoles qui sont à l'écoute également des familles et qui peuvent détecter des problèmes de santé mentale à l'intérieur même des familles.

Et je sais que le ministre a également énormément à coeur le dossier de la DPJ, des centres jeunesse. Là aussi il y a un travail à faire afin d'accompagner nos jeunes qui ont des problèmes de santé mentale. Merci, M. le Président.

 (11 h 40)

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député. M. le député de D'Arcy-McGee, deux minutes.

M. Birnbaum : Oui. Merci. Bon, les contraintes frustrantes de nos règles parlementaires, je n'ai que deux minutes. Je veux bien vite saluer le constat très clair du ministre responsable sur le délestage, là, une garantie que les gens en place vont rester en place. C'est important et apprécié.

Je me permets d'utiliser le peu de temps pour reposer quelques questions sur les listes parce que ça continue à me troubler. Je cite le ministre délégué. En Chambre, premièrement, ce qu'on a annoncé ce matin, c'est basé sur les listes d'attente, il y a des données claires qui montrent qu'au niveau de la population adulte les listes d'attente en santé mentale sont en train de diminuer malgré l'augmentation de la demande, ont diminué de 50 % depuis la dernière année, 20 % depuis le début de la pandémie.

Je veux comprendre comment on aurait pu venir à ce constat pour trois raisons. Dans un premier temps, la Vérificatrice générale, dans son rapport, a noté qu'il n'existe actuellement aucun système d'information permettant d'avoir une vue complète de tous les services de santé mentale reçus par un même patient, et donc de suivre son cheminement. Deuxièmement, il n'y a pas une liste qui a été dévoilée sur le statut des chiffres en 2019. Alors, ces comparaisons se font comment? Troisièmement, d'être enlevé de la liste signifie quoi? Est-ce que c'est aussitôt qu'on aurait fait appel à 8-1-1 ou à Tel-Jeunes? Est-ce que c'est une fois qu'on est soulagé? Est-ce que c'est une fois qu'on aurait consulté tout simplement un site Web? Est-ce que c'est une indication qu'on a eu de l'aide sérieuse et compréhensive? Comment se confectionnent ces listes? Et comment le ministre est capable de faire son constat qu'ils sont réduits par 50 % dans le contexte actuel?

Conclusions

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député. M. le ministre, votre conclusion, 10 minutes.

M. Lionel Carmant

M. Carmant : D'accord. Dernier droit de parole? C'est vrai? O.K. Bien, écoutez, je vais commencer par répondre aux questions du député de D'Arcy-McGee. Effectivement, quand on a demandé... quand on a ajouté le 20 millions au budget de 2019‑2020, on s'est rendu compte qu'il n'y avait pas de liste d'attente centralisée en santé mentale. Les listes d'attente étaient dispersées à travers les différents guichets d'accès en santé mentale. Donc, on a dû centraliser toute l'information au niveau du ministère pour obtenir une liste d'attente centralisée et fiable. Donc, on reçoit cette liste d'attente depuis un an de façon mensuelle, et c'est ainsi que ça nous permet de suivre, sur une base mensuelle, l'impact de nos interventions sur les problèmes de santé mentale. D'ailleurs, c'est à se demander comment on faisait pour les suivre auparavant.

Maintenant, comment les gens sont retirés de la liste d'attente? C'est effectivement quand leur dossier est pris en charge. Puis, en fait, le député de D'Arcy-McGee soulève un bon point, est-ce que toutes ces interventions entraînent une résolution de la problématique, et je ne peux pas le garantir. Je vais être très transparent là-dessus. D'ailleurs, la chose que j'ai demandée à plusieurs CISSS et CIUSSS, c'est de fusionner deux directions, qui sont celle de la santé mentale avec celle des services sociaux généraux. Parce que la porte d'entrée est souvent via les services sociaux généraux, et on a besoin de savoir quel pourcentage sont résolus à ce moment-là ou quel pourcentage ont besoin d'un suivi en santé mentale. Malheureusement, actuellement, les données sur une base informatique sont très difficiles et j'ai demandé à notre direction générale des TI de pouvoir nous permettre de faire ce suivi-là pour qu'on sache effectivement si on résout le problème à la première étape ou si on doit aller plus loin. Évidemment, c'est dans cette deuxième étape-là qu'il y a des délais d'attente au guichet d'accès en santé mentale dont tout le monde parle depuis ce matin. Je pense que ça répond à vos questions.

Deuxième point que je voulais faire, je voulais m'excuser, là, de l'oubli tantôt. Donc, le troisième site des aires ouvertes qui est disponible, c'est celui de Laval, qui a été le premier, qui fonctionne très bien, et ceux qui sont en train de venir, il y en a un qui va être au Saguenay, à Jonquière, et puis un en Estrie également, en plus de la Gaspésie et de la Montérégie, mais, comme je vous dis, c'est un concept qu'on veut étendre dans toutes les régions.

Donc, pour conclure, ce que j'aimerais vous dire, c'est que le problème de la santé mentale, c'est un problème qui nous préoccupe depuis le tout début de notre mandat. C'est un problème qu'on veut... pour lequel on veut une approche vraiment non partisane, parce que tout le monde est affecté par ce problème dans chacun de nos comtés. Tout le monde veut des solutions qui sont durables et robustes pour tous les Québécois, quelle que soit leur localisation, quel que soit leur statut.

Peut-être un... (Interruption)... excusez-moi, peut-être un groupe dont on n'a pas parlé ce matin, c'est nos plus vulnérables, les personnes en situation d'itinérance. Moi, j'ai deux dossiers qui... trois dossiers, en fait, qui sont un peu interconnectés par la santé mentale : la protection de la jeunesse, l'itinérance et la santé mentale. Puis il ne faut pas voir ces dossiers de façon séparée, parce que chaque intervention consolide l'autre, et le plus bel exemple, je pense, c'est nos efforts qu'on a annoncés hier pour trouver des refuges pour les personnes en itinérance, mais, à plus long terme, ce qu'on veut, c'est vraiment de trouver des logements supervisés pour la proportion qui sont en état d'itinérance, mais qui ont également un problème de santé mentale. Je travaille très fort avec ma collègue à l'Habitation pour trouver des logements abordables, trouver des logements sociaux pour ces gens en situation d'itinérance et pour leur permettre, avec une supervision minime souvent, de pouvoir contribuer de façon optimale à notre société.

Une autre chose qui est importante aussi pour ces personnes itinérantes, c'est le syndrome des portes tournantes en santé mentale, une autre chose dont on n'a pas parlé beaucoup aussi. Puis on le voit tout le temps dans nos journaux, là, trop souvent, malheureusement, des gens qui ont consulté, par exemple, à l'urgence, et qui sont retournés chez eux, et qui n'ont pas de services ou n'ont pas rapidement les services par la suite. Donc, ça aussi, c'est quelque chose qu'on veut collaborer entre le réseau de la santé et les organismes communautaires pour s'assurer que ces portes tournantes là disparaissent, que quand quelqu'un consulte pour un problème de santé mentale, qu'il soit pris en charge rapidement, dès sa sortie de nos salles d'urgence. Donc, ça également, ça va demander une réflexion et un partenariat qui est important, un travail interdisciplinaire, qui est le mot clé de ce matin pour moi, qui va être important.

Un autre aspect également, au niveau de l'itinérance puis des portes tournantes, c'est la collaboration que l'on commence à voir s'établir et que j'aime beaucoup dans le réseau des CISSS et des CIUSSS entre la sécurité publique et nos intervenants psychosociaux. Je pense que les patrouilles mixtes qui s'étendent, là, qui ont commencé à Montréal, qui sont dans mon comté à Taillon, à Longueuil en général, et qu'on voit dans de plus en plus de régions, c'est un autre bel exemple de collaboration qui peut nous aider à résoudre des problèmes. Le chef de police de la ville de Longueuil m'expliquait que 70 % des appels qu'il recevait étaient pour des problèmes de santé mentale, que souvent ses officiers sont mal équipés pour répondre à ces situations-là. Donc, plaçons nos intervenants au bon endroit, en compagnie de ces patrouilleurs de la sécurité publique, et eux pourront intervenir au bon moment et s'assurer qu'au niveau des portes tournantes on puisse prendre en charge le patient pour le besoin qu'il ressent, qui n'en est pas nécessairement un de sécurité publique, mais plutôt de santé mentale.

Donc, pour conclure, moi, je reviendrais sur l'interdisciplinarité. Donc, ce qu'on veut, à long terme puis à court terme également, c'est d'établir ce programme qui va permettre de donner des soins par étape, qui va permettre de renverser la tendance qui veut qu'actuellement 70 % des gens soient vus par des psychologues ou des psychiatres, alors qu'on est en pénurie des deux, du moins dans le réseau public, parce que j'avoue qu'il y a suffisamment de psychologues au Québec en général. Et, pour ce faire, on va vraiment prioriser les autosoins en premier, que ce soit par des applications... et vous allez voir qu'on veut travailler sur un site Web du ministère qui va mettre en évidence ce type d'application, qui va mettre en évidence les endroits où on peut aller chercher les soins de façon adéquate au niveau du CLSC ou de différents... ou d'autres institutions, qui va mettre en évidence tous les liens que l'on peut faire pour avoir des services en santé mentale.

La deuxième étape, les thérapies individuelles. On a parlé beaucoup des psychologues pour la psychothérapie, mais il y a d'autres professionnels de la santé qui peuvent donner de la psychothérapie. Mais, avant ça, il y a d'autres professionnels qui peuvent donner des soins individuels ou des soins de groupe, et beaucoup de données probantes montrent que la situation peut se stabiliser, s'améliorer et même arrêter de façon terminale à ce niveau-là. Puis ce que ça va nous permettre de faire pour la problématique que l'on veut discuter aujourd'hui, vraiment, ça va nous permettre de donner vraiment les soins appropriés, la psychothérapie aux individus qui en ont le plus besoin et le plus rapidement possible, et là on pourra pleinement mettre en valeur le service de nos psychologues au Québec, de qui je reconnais tout à fait la compétence. Et d'ailleurs, lors de notre conversation avec Mme Grou, Mme Grou me disait : Oui, mais les psychologues peuvent aider au niveau de l'infosocial, les psychologues peuvent aider avec la psychothérapie en première ligne. Oui, je le comprends, elles ont toutes les compétences pour le faire, mais on veut vraiment s'en servir là où elles vont être le plus utiles au réseau de la santé, c'est-à-dire à cette étape de psychothérapie. Puis on pense que c'est de cette façon-là qu'on va pouvoir diminuer la consommation de médicaments, d'anxiolytiques ou autres par les Québécois. C'est un problème important. Mais je comprends nos médecins de famille qui, souvent, face aux délais, préfèrent prescrire des médicaments.

Donc, pour nous, la clé, encore une fois, et je terminerai là-dessus, c'est le bon soin au bon moment par le bon professionnel, M. le Président.

• (11 h 50) •

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, M. le ministre. La dernière intervention appartient maintenant à M. le député de D'Arcy-McGee, pour 10 minutes.

M. David Birnbaum

M. Birnbaum : Merci, M. le Président, et merci, M. le ministre responsable. Je n'ai aucun doute sur la sincérité ni le sérieux de vos réponses, et c'est apprécié. Vous allez comprendre que je ne reste quand même pas tout à fait satisfait des réponses.

Dans un premier temps, je veux qu'on s'entende sur une évidence, c'est-à-dire que c'est une crise devant nous. C'est important, les mots sont importants, et il y a des choses qui en découlent, c'est-à-dire des dépenses importantes de l'État. Il y en a... Je faisais partie d'un gouvernement. Il y a des demandes sans fin et des limites sur les ressources de l'État. Mais, quand on appelle une chose par son nom, une crise, il y a des choses qui en découlent et des gestes importants et à la taille de cette crise-là.

Des éléments de cette crise qui ont besoin de réponses? Des délais raisonnables, et j'ai toujours quelques questions là-dessus. Une offre de réponse à la taille de l'ampleur de la crise. Une offre de réponse avec des détails sur la disponibilité des ressources appropriées en région, pour les agriculteurs, les entrepreneurs, pour les aînés, oui, pour les jeunes, dont on a un geste structurant et sérieux de la CAQ cette semaine, pour les femmes, pour ne pas mentionner les cibles qui ont été identifiées cette semaine comme plus à risque, c'est-à-dire des Québécois de langue anglaise, des nouveaux arrivants, des femmes, des communautés autochtones, pour en parler, de quelques-uns, les travailleurs et travailleuses de première ligne, et tout ainsi.

Nous sommes devant une annonce cette semaine, comme d'autres annonces qui ont été faites à la semaine, de 25 millions de dollars pour les jeunes — à juste titre, les jeunes sont en crise, il y a toutes sortes de données à l'appui. Mais cette annonce-là les adresse et n'adresse pas les autres populations. Les autres dépenses qui s'ajoutent se chiffrent, en quelque part, à peut-être 125 millions de dollars, les dépenses annoncées par la CAQ. Intéressantes et importantes, mais, une autre fois, je ne sais pas si c'est à la taille du problème, et on va en parler dans les quelques minutes qui restent. Ce que nous proposons, pas une panacée, mais une solution majeure qui, même dans son implantation, donnerait le signal aux Québécoises et Québécois que nous les avons compris quand ils parlent de leur détresse, exprimée de toutes sortes de façons.

L'autre dépense du gouvernement, bon, quelque 31 millions suite au programme pour les troubles de santé mentale. Et, à plusieurs reprises, le ministre parle d'un virage pour assurer une approche multidisciplinaire. D'accord, d'accord, dans une crise, il faut que tout le monde soit mis à l'oeuvre et que les gens avec une capacité soient invités de l'exploiter. Nous... Je ne suis pas... Comme j'ai dit, je ne suis pas le porte-étendard des psychologues, mais, si les problèmes sont majeurs, il faut que l'expertise soit majeure, et disponible, et au rendez-vous, et souvent, souvent c'est des psychologues.

En ce qui a trait à la... multidisciplinarité de l'affaire — vous me comprenez, je n'ai toujours pas eu le mot — un psychologue qui serait invité à diagnostiquer, selon notre proposition, pas juste un médecin avec tous les délais, là. Un psychologue a la capacité de décortiquer le problème. Je crois que le ministre responsable va en convenir avec moi, si on constate que la personne à l'autre bout du téléphone ou, suite à une consultation, a les deux pieds sur terre, a des ressources autour de lui ou elle, est capable de se débrouiller avec des ressources, oui, multidisciplinaires et d'une haute qualité, tout de suite, qu'on le fasse, tout de suite, qu'on le fasse, mais que, comme je dis, une solution globale soit à la taille des grandes difficultés devant nous.

Et je tiens à noter qu'actuellement, en ce qui a trait à la psychothérapie, qui est indiquée quand on parle de la dépression majeure qui se manifeste partout, qui est indiquée quand on parle de l'augmentation de la toxicomanie, qui est indiquée quand on parle des femmes violentées qui sont devant des crises qui s'amplifient dans la pandémie actuelle, il faut que cette réponse sérieuse soit à une seule vitesse. Tous les groupes que je viens d'énumérer, il y en a une petite portion qui ont la chance d'avoir de l'assurance, de chercher de l'aide au privé, mais là on parle actuellement d'un système, dans ce cas-ci, qui est à deux vitesses.

La crise n'est pas moins amplifiée pour les gens qui ont des... certains moyens. Le besoin d'aide n'est pas plus amplifié parce que, oui, on a accès aux services privés. Il faut que ça soit à une seule vitesse, et, pour le faire, le ministre y a fait quelques allusions, il y a du travail à faire pour rapatrier les professionnels aptes au secteur public. En bonne foi, ils sont... ils vont être au rendez-vous si les conditions de l'exercice sont améliorées, et les lacunes là-dessus sont présentes depuis longtemps.

We've had an important exchange, and I respect and accept the seriousness and the sincerity of the answers the Minister responsible has offered, but we're before a crisis, and the Minister was not quite prepared to call it that, a mental health crisis. And that requires, M. le Président, clear and long standing and permanent solutions. We've put one forward, which is for universal access to psychotherapy. Yes, it's expensive. It would cost an estimated $300 million a year. All of the measures put together — and they're being kind of piecemeal in our estimation — from the CAQ are about 125 million. This is a crisis. Our independent workers, our small businesses, women under stress and facing conjugal violence, seniors, young people, there are deep, deep needs and deep indications of widespread depression, and anxiety, and other mental illnesses. And the response has to be at the level of that crisis.

Notre deuxième demande très concrète, on répond présent. On n'avait pas besoin du premier ministre pour nous inviter de le faire, mais on répond présent avec des propositions concrètes, concrètes dans ce dossier ainsi que dans les autres.

L'autre proposition concrète, et je tiens à le souligner en concluant, c'était pour une enquête en commission, un mandat d'initiative appuyé par les formations de l'opposition et, à juste titre, appuyé par les ordres des psychologues, des pédiatres, des travailleurs sociaux, par tout le monde afin que, devant cette crise qui risque d'être présente pour longtemps, on évoque l'expertise, dans un premier temps, je me permets de le dire, les parlementaires, les psychologues, les chercheurs, les usagers dans une discussion transparente et structurante, pas à fins partisanes, pour équiper comme il faut le ministre responsable et son équipe avec la meilleure des pratiques, avec les données probantes, avec les outils pour avoir une évaluation, un diagnostic étendu à chaque reprise, et de le faire en toute transparence, parce que c'est nécessaire pour avancer et faire avancer le dossier.

• (12 heures) •

Écoutez, M. le Président, je me permets l'arrogance, au nom de mes collègues des formations de l'opposition, de dire que, peut-être à ce côté de la Chambre, nos interventions, depuis un mois et demi, ont renforcé et vont renforcer la main du ministre responsable lors de ces discussions avec le premier ministre du Québec, lors de ses interventions au Conseil des ministres pour que les réponses à cette crise, et je suis confiant que le ministre est capable, pour que les réponses à cette crise soient à la taille des attentes des Québécoises et des Québécois qui nous écoutent. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, M. le député. Merci à tous.

Compte tenu de l'heure, je lève la séance. Et la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Je vous souhaite un bon retour en circonscription puis un bon week-end. Merci de votre collaboration et de votre contribution.

(Fin de la séance à 12 h 01)

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