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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Friday, October 2, 2020 - Vol. 45 N° 63

Interpellation by the Member for Rimouski to the Minister Responsible for Seniors and Informal Caregivers on the following subject: The need to hold an independent public inquiry into the management of the COVID-19 pandemic in CHSLDs


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Table des matières

Exposé du sujet

M. Harold LeBel

Réponse de la ministre

Mme Marguerite Blais

Argumentation

Conclusions

Mme Marguerite Blais

M. Joël Arseneau

Autres intervenants

M. Luc Provençal, président

M. Joël Arseneau

M. Samuel Poulin

Mme Monique Sauvé

Mme Joëlle Boutin

Mme Isabelle Lecours

M. Sol Zanetti

Journal des débats

(Neuf heures cinquante-neuf minutes)

Le Président (M. Provençal)  : À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder à l'interpellation du député de Rimouski à la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants sur le sujet suivant : La nécessité de tenir une enquête publique indépendante sur la gestion de la pandémie de COVID-19 dans les CHSLD.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Blais (Abitibi-Ouest) est remplacée par Mme Boutin (Jean-Talon); M. Tremblay (Dubuc) est remplacé par M. Poulin (Beauce-Sud); M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), par M. LeBel (Rimouski).

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Je comprends qu'il y a... il n'a pas remplacé.

Des voix : ...

• (10 heures) •

Le Président (M. Provençal)  : On parle de remplacement. O.K. Donc... mais vous allez avoir les deux droits de parole, je vais le mentionner.

Des voix : ...

Le Président (M. Provençal)  : Oui, bien, on va s'assurer qu'il l'a présentement.

Je comprends qu'il y a une entente à l'effet que l'opposition officielle interviendra lors de la deuxième, quatrième et sixième série d'interventions, alors que le deuxième groupe d'opposition interviendra lors de la cinquième série d'interventions. Par ailleurs, je comprends qu'il y a consentement pour permettre au député des Îles-de-la-Madeleine de participer à la séance d'aujourd'hui et d'intervenir lors du premier bloc d'intervention du troisième groupe d'opposition et lors des remarques finales. Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix : ...

Le Président (M. Provençal)  : Consentement. Merci. M. le député de Rimouski, vous avez la parole pour 10 minutes.

Exposé du sujet

M. Harold LeBel

M. LeBel : Merci, M. le Président. Bon matin, tout le monde. Ce matin, l'idée... on appelle ça une interpellation, mais c'est de faire un débat sur ce qu'il s'est passé au printemps dernier dans nos CHSLD et de voir comment on peut répondre aux Québécois puis aux Québécoises de cette situation-là et comment on peut analyser tout ce qu'il s'est passé, mais d'une façon publique pour que tout le monde puisse voir puis participer à cette réflexion sur comment on a vécu ce printemps dans nos CHSLD. C'est pour ça qu'on demande puis qu'on va redemander, semaine après semaine, on ne lâchera jamais, une commission d'enquête indépendante, bien sûr, mais publique, pour que les Québécois puissent participer à cette réflexion-là puis puissent y assister, entendre des témoins qui viennent nous expliquer qu'est-ce qu'il s'est passé et qu'est-ce qu'ils pensent qui pourrait être amélioré pour l'avenir.

Il y a plein de raisons qui pourraient... qui font en sorte qu'on devrait avoir cette commission-là puis qu'on va l'avoir un jour, je suis certain, mais la principale raison, c'est 3 939 décès, près de 4 000 décès. On s'habitue, avec les points de presse, et tout ça, de nommer le nombre de décès, mais je le sais, puis la ministre, puis tout le monde ici, les députés, on le sait que, derrière le nombre, il y a des personnes, il y des gens, il y a des dames, il y a des monsieurs, il y a des familles, il y a des personnes qui sont parties, que le deuil n'est pas encore fait. Ça fait que, derrière les chiffres, il y a des MM. Tremblay, Nguyen, il y a des monsieurs... et c'est pour eux autres qu'on fait cette démarche. C'est ces gens-là, ces familles, ces gens qui sont décédés dans des situations... puis on l'a vu, là, dans des émissions tout dernièrement à TVA avec J.E. ou Enquête à Radio-Canada, des gens qui sont morts dans des histoires d'horreur, d'une façon épouvantable, et les familles doivent faire le deuil de tout ça. Et, maintenant, comment on fait? Comment on fait pour faire le... Ça va?

Le Président (M. Provençal)  : Oui, ça va. Allez-y, M. le député de Rimouski.

M. LeBel : Comment on fait pour faire la lumière sur tout ça, pour répondre aux citoyens? Parce qu'il y a des politiciens... comme politiciens, comme législateurs, on pose des questions, mais c'est surtout la population qui pose des questions. Pourquoi les mesures essentielles pour prévenir la propagation du virus ont été mises en place si tardivement dans les CHSLD? Pourquoi aucune directive n'a été envoyée dans les CHSLD quand on a su que les personnes pouvaient être asymptomatiques? Pourquoi les mesures de quarantaine des employés qui revenaient de voyage étaient non rétroactives? Pourquoi les équipements de protection n'étaient pas envoyés en priorité dans les CHSLD? Pourquoi il était impossible d'arrêter les mouvements de personnel? Pourquoi des experts, des médecins gériatres n'étaient pas écoutés par la Santé publique? Que le comité des aînés, le comité aîné a été créé un mois après le début de la tragédie? Surtout, comment se fait-il que des personnes soient décédées seules et, pour certaines personnes, de faim et de déshydratation? Toutes des questions, comme je dis, que les politiciens et politiciennes peuvent poser, mais c'est des citoyens, des professionnels de la santé, des proches qui n'ont pas pu vivre leur deuil, c'est des victimes collatérales du système.

Ma question hier ici, au salon bleu, qui redemandait encore à la commission d'enquête publique, la ministre a répondu, puis je cite : «Sylvain Gagnon a fait un rapport au CHSLD privé Herron, il est sorti. Yves Benoita fait un rapport sur les 100 morts au CHSLD Sainte-Dorothée. Et le gouvernement a demandé à Joanne Castonguay, la Commissaire à la santé et au bien-être, de faire une enquête qui sera indépendante.» En anglais, on dit du «name-dropping», tu sais, les gens ne nous suivent pas là-dedans, là, il y a différents rapports qui arrivent de partout.

Et le texte de Paul Journet dans La Presse aujourd'hui, c'est assez clair, là, la Protectrice du citoyen, elle dit : «Je ne laisserai pas se faire tabletter mon rapport.» Ce qu'elle dit, c'est que les derniers rapports qui ont été tablettés, ses rapports à elle. Le journaliste disait : «Or, le lendemain, un autre rapport a été déposé sur les résidences pour aînés sans même avoir droit à une conférence de presse. Il y a seulement eu un communiqué diffusé vendredi, après 15 heures, le moment de la semaine où les médias sont les moins attentifs.» C'est ça, les rapports. Les rapports faits comme ça, commandés par le gouvernement, déposés au gouvernement, qui passent à travers le filtre des conseillers en communication, qui nous dit : Bien là, ce rapport-là, on va sortir tel élément. On va sortir telle heure, une heure après la conférence de presse des ministres pour être sûr que le ministre ne répondra pas, c'est ce qui a été fait cette semaine.

On va s'assurer qu'il y ait une stratégie de communication pour que ça fasse le moins de mal possible. C'est ça, les rapports, c'est ça, les rapports, c'est comme ça que ça fonctionne. Et le texte du journaliste, ce matin, est très clair là-dessus et vraiment nous donne... quand j'ai vu ça, ce matin, j'ai dit : Ça tombe pile, c'est exactement ce qu'on dit. Ce n'est pas des rapports comme ça que ça nous prend, c'est vraiment... l'enquête est publique, publique, indépendante, qui va se faire à visière levée, qui ne sera pas gérée par les sbires en communication derrière les portes closes du cabinet du premier ministre. Ce n'est pas comme ça que ça doit se faire. Puis ça ne doit pas... Parce que ça prend... La population doit voir, doit comprendre, doit pouvoir, même, témoigner s'ils veulent témoigner. On pourrait les entendre, venir expliquer qu'est-ce qu'ils ont vécu et qu'est-ce qui pourrait être fait. Je pense, entre autres, à tous les proches aidants qui ont vécu cette situation-là.

Puis ce que je dis aussi, on le doit aux familles, on le doit à tout ce monde-là. Mais ça fait partie d'un genre de processus de guérison pour que les gens puissent vraiment participer à... on dit débriefer, mais participer à cette réflexion sur qu'est-ce qu'il s'est passé et comment ils peuvent... leur donner la parole, qu'il y ait une commission indépendante avec des commissaires qu'on pourrait nommer, qui pourraient aller dans les régions entendre les gens pour qu'on puisse évacuer ce qu'il s'est passé et expliquer pour... puis ça, je le répète, on le doit à toutes ces personnes, on parle de 4 000 décès... pour que ces 4 000 décès, ça ne soit pas juste un chiffre, parce que c'est des noms qu'il y a derrière ça puis qu'on doit être capable de leur donner des réponses.

Je ne peux pas croire qu'au Québec, après une tragédie aussi meurtrière qu'on a vécue, qu'on va finir ça par un rapport qui va être déposé au gouvernement et qu'il y aura une gestion politique du rapport. Je ne peux pas croire ça. Je pense qu'on est... Actuellement, on a vécu tellement de choses, un drame, qu'on doit être capable de se placer au-dessus de tout ça et de faire en sorte que tout le monde puisse participer à la cette réflexion, comment on a traité les aînés.

Actuellement, ce qu'on fait, puis je sais que la ministre est de bonne foi, là, puis la pression est énorme sur ses épaules, je le comprends, je le dis souvent puis je... Je le... Mais, quand la ministre nous dit en pleine télé que c'est un échec, ce qu'il est arrivé dans les CHSLD, puis qu'elle lève les épaules quand on lui dit : Est-ce que vous auriez pu faire plus? Je comprends son désarroi, mais, en même temps, la population qui voit ça, ils se disent : Là, on veut avoir des réponses. On veut avoir la vérité. On veut savoir qu'est-ce qu'il s'est passé. Pas pour donner des blâmes pour donner des blâmes. On sait, là, que cette pandémie-là, que c'est arrivé... N'importe quel gouvernement aurait été pris un peu là-dedans et c'est... On n'est pas jamais préparé à ça. On sait ça, mais on doit aller au bout des choses pour les gens, pour les personnes. On doit aller au bout de la... Donner la vérité. Et la vérité, ça ne peut pas être par des rapports qui vont être publiés sur Internet, des rapports qu'on va... qu'on va... Je ne peux pas dire manipuler, ce n'est pas un bon mot, mais c'est des rapports qui vont être gérés d'une façon de communication politique. Ça ne peut pas... Ça ne peut pas être ça. Je ne peux pas croire dans le plus profond de moi-même que c'est ça qu'on va avoir.

Il y a eu... puis je reviendrai plus tard, mais il y a eu d'autres commissions d'enquête sur des drames comme ça, et ça fait partie du processus de guérison.

Parce qu'on a été blessé, tout le Québec a été blessé, au printemps passé. On est capable, tous les partis politiques confondus, à arriver à se donner une façon pour répondre aux Québécois puis leur permettre de participer à la grande réflexion nationale qu'on doit se donner sur ce qui est arrivé à nos aînés, à nos familles. Je le sais... Personnellement, dans ma famille, je pense à des cousins, des cousines, je pense à eux autres en parlant, ils n'ont pas fait le deuil encore, puis je sais qu'il y a plein de monde de vous autres, que vous connaissez qui n'ont pas encore fait le deuil. Bien, pour ces gens-là, on a besoin d'une vraie commission d'enquête qui va faire... qui va lever tout doute, qui n'aura aucune... ça va être très clair pour tout le monde, on va prendre le temps de bien analyser qu'est-ce qu'il s'est passé au printemps pour faire en sorte que plus jamais ça n'arrive.

Et s'il faut changer des façons de faire par rapport à nos aînés, par rapport au traitement qu'on donne à nos aînés, bien, on pourra le faire ensemble, tout le monde. Il me semble qu'on est rendus là et il me semble qu'on est capable de faire ça, au Québec, on est capable de se donner cette façon de faire le deuil de ce qu'il s'est passé, en respect puis en mémoire de tous ceux qui sont partis, 4 000 personnes. C'est beaucoup. Merci.

• (10 h 10) •

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Mme la ministre, je vais vous céder la parole pour les 10 prochaines minutes, pour votre déclaration d'ouverture. À vous la parole, madame.

Réponse de la ministre

Mme Marguerite Blais

Mme Blais (Prévost) : Merci, M. le Président. Nous vivons l'un des pires moments de notre histoire. Et, tout d'abord, j'aimerais offrir mes plus sincères condoléances aux personnes et aux familles des personnes qui sont décédées lors de la première vague et aussi aux personnes qui sont décédées et qui décèdent actuellement dans cette deuxième vague.

Je vais parler avec mon coeur, du moins, pour la première partie. Je vais m'adresser à vous, je m'adresse à mes collègues, aux collègues des oppositions. Vous me connaissez, M. le Président, j'ai toujours eu à coeur le bien-être des aînés. Nous vivons une pandémie, et déjà, à notre arrivée, le réseau était brisé. Il n'y avait plus de garde-fou, plus de chien de garde, un réseau gargantuesque. Dès le début, les yeux du monde entier étaient tournés vers l'Asie et l'Europe, où les hôpitaux débordaient, où le personnel devait choisir entre soigner une maman ou une personne âgée. On ne voulait pas faire ces choix-là, au Québec, chaque être humain a le droit d'être soigné dans la dignité. On ne voulait vraiment pas faire ce choix au Québec.

Le réseau manque de personnel, et ce, depuis longtemps, des années à procrastiner sur l'embauche de préposés aux bénéficiaires, d'embauche d'infirmières, d'infirmiers, à fermer des cohortes universitaires, à faire des congédiements massifs, des mises à la retraite hâtives, et j'en en passe.

M. le Président, dans plusieurs établissements, dans les CHSLD, dans les résidences privées pour aînés, ce fut l'horreur. Oui, ce fut l'horreur. Nous avons demandé plusieurs inspections spécifiques afin de comprendre les drames. Nous avons mandaté des inspecteurs indépendants expérimentés.

Dans le rapport du CHSLD Herron, il est clairement défini que le contexte privé du CHSLD, la mauvaise collaboration et le manque de personnel ont été à la source du drame qu'ont vécu les résidents et les familles. Il y a des CHSLD privés qui vont mal. Il y a des CHSLD privés qui vont bien. Il y a des CHSLD publics qui vont mal, comme le CHSLD public de Sainte-Dorothée à Laval, où on a dénombré le plus grand nombre de décès, et des CHSLD publics qui vont très bien.

Avons-nous fait tout ce qu'il fallait? Nous l'avons espéré et nous avons appris en même temps que le virus nous rattrapait. Mon mea culpa, je l'ai fait, et, M. le Président, je le fais encore ce matin. Comme notre premier ministre l'a souvent mentionné, nous avons construit l'avion en plein vol. Tout était nouveau. Tout était à repenser, et vite.

Au début, nous pensions que nos hôpitaux allaient être débordés. Nous avons délesté des soins, retardé des chirurgies, sorti les aînés des centres hospitaliers, transféré dans des CHSLD où nous les avons crus en sécurité. Mais ce virus est pernicieux. Il est sournois. Il est vicieux. Il est meurtrier.

On voulait tellement protéger nos aînés dans les milieux vulnérables qu'on a empêché les proches aidants d'entrer. Cette décision était crève-coeur, mais elle était empreinte de bonne volonté et de bienveillance. Nous avons dû renverser le fardeau de la preuve. Plus jamais les proches aidants ne devront être mis à la porte, oubliés. Si un CHSLD, une RPA, une RI désire avoir une dérogation, elle doit en faire la demande au ministère, et un suivi serré sera effectué.

Chaque geste a été scruté, discuté, analysé. Vous devez vous en douter. Il y a eu de multiples cellules de crise à partir de tôt le matin jusqu'à tard le soir. Le devoir du premier... du gouvernement, c'est de protéger ses citoyens. C'est ce qu'on a voulu faire. Au moment où chaque décision était prise, nous pensions que c'était la bonne décision, celle qui ferait le moindre mal, car, à chaque décision, il y a l'envers de la médaille.

Au Québec, nous avons eu la tempête parfaite : la semaine de relâche plus tôt qu'ailleurs au pays, un manque criant de personnel, des négociations en cours, des frontières qui tardaient à fermer leurs portes. La semaine de relâche, M. le Président, a beaucoup joué contre nos actions, car beaucoup de personnes qui revenaient travailler dans nos milieux étaient asymptomatiques. On ne savait pas encore que cela était possible. On a appris en même temps que le monde entier qu'une personne asymptomatique pouvait être porteuse du virus. Cependant, plus on regardait vers l'Europe, plus les lits des hôpitaux débordaient, plus il y avait de morts.

M. le Président, j'ai eu de multiples questions, dans cette Chambre et ailleurs, surtout sur la mobilité de la main-d'oeuvre qui a été aussi un facteur déterminant et nommé dans les rapports des enquêteurs. Ils ont raison. Il faut empêcher le personnel de se promener d'un établissement à l'autre, d'un étage chaud à un étage froid, d'une zone à l'autre.

Au début, M. le Président, il manquait d'équipement. Des cargaisons entières ne sont jamais arrivées au pays avec le matériel. Il fallait devenir indépendant dans la production de notre matériel. Au début, on ne savait pas que le port du masque pouvait protéger des personnes asymptomatiques.

J'ai eu des critiques, des questions, avec raison, parce qu'il manquait de préposés aux bénéficiaires, qu'ils n'étaient pas assez payés. On y a remédié. 7 100 préposés ont été formés et engagés, et on est en train d'en former 3 000 autres. M. le Président, les Québécoises, les Québécois ont levé la main, se sont mobilisés, ont changé de carrière, sont sortis de leur retraite. On peut collectivement être fiers de leur engagement en temps de pandémie.

On a ajouté des primes COVID et, à la fin des négos, nos préposés aux bénéficiaires auront un meilleur salaire et de meilleures conditions. Nous avons été clairs et fermes : pour le réseau de la santé, la mobilité, c'est terminé. Seule une situation exceptionnelle, tel un bris de service, justifie un déplacement. Cette décision doit être documentée et approuvée.

M. le Président, je le disais il y a quelques minutes, la pénurie de main-d'oeuvre perdure depuis de nombreuses années. Nous avons tout mis en place pour recruter et valoriser les professions de la santé. Dans les derniers jours, c'est 3 523 candidats à l'exercice de la profession d'infirmières et d'infirmiers, dont 155 praticiennes spécialisées qui ont passé leur examen professionnel. Il s'agit de la plus grande cohorte connue de l'Ordre des infirmiers et des infirmières du Québec. Je tiens à les féliciter, à les encourager, et surtout à leur dire merci. Merci pour votre engagement personnel, professionnel et même familial.

En plus du personnel, un élément majeur manquait à notre réseau. Dans mes visites, nombre de fois, j'ai entendu des familles et du personnel me dire qu'il n'y avait pas de patron dans la bâtisse. Pendant la première vague, nous n'avons... encore pris davantage conscience du problème qu'avait créé le gouvernement précédent, où 1 300 cadres ont été coupés en 2015. Dernièrement, nous avons pris l'engagement de remédier à la situation et que chaque CHSLD aurait un gestionnaire sur place. Nous avons réglé le problème en quelques semaines. Chaque CHSLD a désormais un gestionnaire qui travaille sur place et qui sera imputable de sa gestion.

M. le Président, je suis en accord avec beaucoup de critiques de la part de mes collègues. Cependant, je ne suis pas en accord avec les propos concernant le Commissaire à la santé et au bien-être, et j'y reviendrai.

• (10 h 20) •

Le Président (M. Provençal)  : Nous allons débuter la période des échanges avec le député du troisième groupe d'opposition, le député des Îles-de-la-Madeleine, pour les cinq prochaines minutes.

Argumentation

M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, comme mon collègue l'a exprimé, la crise dans les CHSLD du printemps dernier, c'est une tragédie dont les Québécois vont se souvenir toute leur vie, parce qu'on l'a vécue essentiellement en direct à la télévision, sans compter ceux qui l'ont vécue directement, là, collés à la fenêtre des CHSLD desquels ils étaient exclus, exclus d'aller voir leurs proches, aller voir leurs parents.

Il y a des blessures qui ont été provoquées par les événements, là, qui prendront des années à guérir et à soulager, mais il y a un moyen de soulager la souffrance, c'est d'aller au fond des choses. M. le Président, l'hécatombe qu'on a connue, c'est beaucoup trop grave pour que cette analyse, là, des événements soit faite derrière les portes closes du gouvernement. Pour les familles et pour qu'on fasse collectivement la paix avec ce drame innommable, on doit avoir une enquête publique.

La ministre vient d'apporter un certain éclairage sur la situation, un certain jugement, certaines analyses. C'est malheureusement trop court. On ne peut pas se contenter de ces réponses. La ministre, je le regrette, et le gouvernement ne peuvent pas être juge et partie sur la situation du printemps et des 15, ou 25, ou 30 dernières années de décisions qui ont peut-être donné le résultat. Il faut aller beaucoup plus loin dans l'analyse, de façon beaucoup plus profonde. On doit faire la lumière sur ce qu'il s'est passé et répondre à de nombreuses questions, et j'en ai quelques-unes.

Pourquoi près de 4 000 de nos aînés sont morts dans les CHSLD, dans des conditions absolument inimaginables? Pourquoi plusieurs ont souffert de déshydratation, de malnutrition, de peur et d'anxiété? C'est ce qu'on pourrait appeler mourir dans l'indignité. Pourquoi des parents, des grands-parents ont rendu leur dernier souffle seuls, isolés de leurs familles et trop souvent dans d'atroces souffrances auxquelles on a été confrontés, tous, Québécois, ensemble, en direct à la télévision?

Comment peut-on se contenter d'un rapport produit par la machine bureaucratique? Comment peut-on parler, là, de négligence organisationnelle ou d'une série de décisions historiques, là, qui auraient mené à un hécatombe comme celui-là?

Il faut expliquer, il faut décortiquer, il faut pouvoir faciliter la compréhension de tous pour générer une certaine paix, une certaine acceptation et, pour toutes les familles endeuillées, favoriser le deuil.

Pourquoi nos professionnels de la santé en CHSLD ont-ils été majoritairement contaminés par la COVID-19, à la hauteur de 5 000 travailleurs au mois de mai, certains étant même décédés au combat et ayant contaminé des patients au passage?

Pourquoi est-ce que 1 000 militaires ont dû être déployés par l'armée canadienne, dans 20 CHSLD du Québec, en renfort pour combler le manque criant de personnel dans les CHSLD?

Pourquoi est-ce que le CHSLD Vigi Mont-Royal, au pire de la pandémie, comptait 100 % de ses patients infectés par la COVID-19? Pourquoi certains CHSLD ont-ils manqué cruellement d'équipements de protection individuelle? Pourquoi est-ce qu'on a forcé les professionnels à utiliser des équipements, des gants, des masques et des jaquettes souillés depuis deux, trois, quatre, cinq jours? Pourquoi est-ce que les CHSLD n'avaient pas de plan de remplacement des employés infectés et aucune stratégie pour faire face à une éclosion? Pourquoi est-ce que le CHSLD Sainte-Dorothée... les patients testés positifs, en zone rouge, étaient séparés par un simple rideau de douche des autres patients qui attendaient leur résultat de dépistage? Pourquoi les employés qui présentaient des symptômes de la COVID-19 ont-ils été forcés de continuer à travailler auprès des patients des CHSLD? Pourquoi des familles n'ont jamais été informées de l'état de santé de leurs parents avant qu'il ne soit trop tard, avant qu'ils cessent de manger, avant qu'ils tombent dans un état comateux? Pourquoi est-ce que la Colombie-Britannique a mieux fait que nous? Pourquoi est-ce qu'on a été incapable d'interdire la mobilité de personnel? Pourquoi aucune directive concernant la prévention et le contrôle des infections n'avait-elle été envoyée dans nos CHSLD avant la mi-mars, alors qu'on savait, depuis le mois de janvier, que c'étaient les aînés qui seraient les plus touchés par le virus?

M. le Président, la seule stratégie qu'on avait, c'est que le virus n'entre pas les CHSLD, mais il est entré, et on était mal préparés pour y faire face. Le gouvernement ne pourra pas faire obstacle à la vérité. Les familles ont le droit de savoir, et c'est uniquement avec une enquête publique indépendante que ce sera possible. Les familles ont surtout le droit d'être entendues, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député. Mme la ministre, je vais vous recéder la parole pour cette période d'échange.

Mme Blais (Prévost) : M. le Président, je l'ai dit, j'ai fait mon mea culpa, je prends ma part du blâme. Je suis en accord avec plusieurs critiques, mais je ne suis pas d'accord avec la critique concernant le Commissaire à la santé et au bien-être.

Tout d'abord, la loi constitutive sur le Commissaire à la santé et au bien-être, article 21, lui donne tous les pouvoirs d'une commission d'enquête, à l'exception de celui d'imposer l'emprisonnement. C'est dans la loi, M. le Président. D'ailleurs, Mme Joanne Castonguay l'a réaffirmé lors d'une entrevue à La Presse, le 19 août 2020. Elle dispose notamment du pouvoir d'astreindre les témoins à comparaître.

M. le Président, le Commissaire à la santé et au bien-être a été créé en 2005. Je n'étais pas en politique à ce moment-là, mais permettez-moi de souligner ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux de l'époque, M. Philippe Couillard, mentionnait lors de sa création. Donc : «La population, avec la mise en place de cette institution du Commissaire à la santé et au bien-être, disposera d'un rapport originant d'une institution crédible qui lui donnera l'état de la situation pour le système de santé et de services sociaux. Par ailleurs, il est important, pour le Québec, pour l'État du Québec, de disposer d'un tel mécanisme de reddition de comptes et d'imputabilité.»

Quelques années plus tard, lorsque le gouvernement a voulu abolir le poste de Commissaire à la santé et au bien-être, je me souviens que les oppositions ont vivement critiqué le gouvernement. Je vais rappeler à mon collègue de Rimouski, des Îles-de-la-Madeleine, mes collègues, quelques faits, des articles, des conférences de presse de sa formation politique et d'autres organismes qui dénonçaient l'abolition du poste de Commissaire à la santé et au bien-être.

Dès l'annonce du gouvernement précédent, l'ex-porte-parole du Parti québécois en matière de santé, l'ex-députée de Taillon, Mme Diane Lamarre, dénonçait la perte du seul organisme ayant l'expertise et l'indépendance requises pour amener le réseau à s'améliorer.

Le 24 décembre 2015, l'Ordre des conseillers et conseillères d'orientation du Québec était inquiet : «Comme organisation ayant pour but la protection du public, l'ordre ne peut que déplorer la perte d'un éclairage et d'une perspective uniques, indépendants sur les besoins de santé et de bien-être des citoyens et sur la manière dont on y répond. Aucune autre structure n'a rempli ce rôle et ne pourra le remplir avec la même indépendance.»

Le 21 mars 2016, le commissaire Salois répondait au gouvernement en mentionnant : «C'est l'indépendance de notre institution qui lui donne sa pertinence et sa force. Le priver d'un regard critique et neutre pour éclairer la prise de décision serait une erreur du point de vue d'une gouvernance qui se veut moderne et transparente. Le commissaire agit un peu comme un chien de garde indépendant pour notre réseau public de santé et de services sociaux, et c'est pourquoi il est essentiel de maintenir le poste.» Je m'arrête là.

• (10 h 30) •

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la ministre. Nous allons terminer la première série d'interventions avec le député de Beauce-Sud. Je vous cède la parole.

M. Poulin : ...Président. Cher collègue de Chaudière-Appalaches, c'est un plaisir de vous retrouver à la Commission de la santé et des services sociaux. Je tiens évidemment à saluer la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants et la personne qui l'accompagne, toujours un plaisir de vous retrouver. Ma collègue la députée de Jean-Talon, de Lotbinière-Frontenac, notre recherchiste, également, qui nous accompagne. Je veux saluer le député des Îles-de-la-Madeleine, le député de Rimouski, la députée de Fabre et, évidemment, les gens très professionnels qui les accompagnent. C'est un plaisir de vous retrouver ce matin.

Vous savez, le plus grand défi qu'on a, comme 125 députés à l'Assemblée nationale, nous qui recevons énormément de messages, énormément de courriels, où on est témoins d'énormément de situations qui sont difficiles, c'est de ne pas devenir insensibles aux préoccupations des Québécois, de ne pas devenir insensibles aux préoccupations de nos aînés. Et je le dis et je le répète parce qu'on vit un moment historique, une pandémie mondiale, où il arrive des choses qui ne seraient probablement jamais arrivées ou qui ne seraient certainement pas arrivées de cette façon-là, compte tenu de la situation assez exceptionnelle qu'on vit. Et, quand je discute également avec la fonction publique québécoise, je leur répète aussi ça. Je leur dis : Malgré qu'à tous les jours, vous voyez des gens, là, qui vivent des moments difficiles, malgré que, tous les jours, vous vivez des situations difficiles, vous ne devenez pas insensibles... ne devenez pas insensibles, gardez votre sensibilité.

Puis je le disais, cette semaine, au salon bleu, puis on en discute entre députés à l'Assemblée nationale : Est-ce qu'on parle trop fort au caucus, est-ce qu'on parle trop fort au Conseil des ministres, est-ce qu'on parle trop fort en comité ministériel? Non, non, parce qu'on est sensibles puis qu'on reste, d'abord et avant tout, les représentants de notre population et les guerriers de notre population. Et ça, bien, je pense que ça doit nous habiter, malgré la situation très exceptionnelle que l'on vit.

Vous savez, M. le Président, le premier ministre du Québec est un homme de résultats. Il axe son axe politique sur comment on peut faire la différence auprès des gens. Et l'un des plus grands problèmes qu'on a eus lorsqu'on est arrivés en fonction, c'est la rareté de main-d'oeuvre, c'est... qu'on savait depuis des années, là, qui n'est pas arrivée en 2014, qui n'est pas arrivée en 2010, là, qui existait au moins depuis les années 2000. Alors, quand on est arrivés dans nos CHSLD, bien, il en manquait, du monde, et le travail n'a pas été fait pour combler ces postes-là.

Et je me souviens, quand le premier ministre est arrivé devant les médias, il a dit : Nous, on va former 10 000 employés ou préposés aux bénéficiaires. Mais moi, je ne croyais pas, je disais : Bien, voyons donc, 10 000, est-ce qu'on va réussir à le faire? Bien, savez-vous quoi? On est en train de le faire puis on a réussi. Puis, déjà, c'est 7 000 préposés de plus qui est dans le réseau de la santé. C'est du jamais vu dans l'histoire du Québec. Puis le premier ministre le dit souvent : Bien, si j'ai l'occasion d'avoir juste fait ça dans le réseau de la santé, bien, je vais être fier. Bien, savez-vous quoi? Oui, on a toutes les raisons d'être fiers, puis on est en train d'en former de 2 000 à 3 000. Et, avec les années, évidemment, il y en aura davantage, parce qu'on a revalorisé le rôle de préposé aux bénéficiaires, ce que jamais les précédents gouvernements n'ont réussi à faire. Alors, ça, c'est un geste concret qui fait toute la différence.

On va vous parler, plus tard, des maisons de répit pour les proches aidants, sous l'impulsion d'une ministre des Proches aidants, hein, c'est le fun, avoir ça, et de pouvoir le mentionner, de pouvoir clairement l'indiquer, les choix qu'on a faits. Vous parlez des investissements également qu'on a faits dans les soins à domicile, qui sont importants, dans la rénovation des CHSLD, on va y venir aussi. Parce que ce n'est pas tout, de dire que des CHSLD... que c'était seulement un rideau qui les séparait, c'est parce qu'on ne les a pas rénovés puis il n'y a pas... l'argent nécessaire n'a pas été mis dans les dernières années. Et je trouve ça encore regrettable que les précédents gouvernements en... sont pas suffisamment occupé.

Puis évidemment, bien, on a construit... on va construire des maisons des aînés à travers tout ça. Je dis : On les construit présentement, parce qu'il y a déjà des appels d'offres qui sont en cours. Et elles ne seront pas vides, M. le Président, ces maisons des aînés là. Et la ministre des Aînés et des Proches aidants porte ce projet-là parce qu'elle sait qu'il y aura des aînés, ce sera peut-être vos parents, vos oncles, vos tantes, mais aussi ce sont des familles qu'on connaît qui vont profiter de ces espaces-là, qui sont nécessaires parce qu'il y a des gens sur les listes d'attente. Alors, quand j'entends le Parti libéral nous dire qu'ils sont contre les maisons des aînés, je ne peux pas concevoir qu'on est contre des espaces pour les aînés et les familles du Québec.

Alors, poser des gestes, c'est important. Puis, vous savez, on pourrait dire que les précédents gouvernements, M. le Président, n'ont peut-être pas posé les gestes nécessaires, mais, encore pire, on a coupé dans certains secteurs, et ça, ça fait mal au réseau de la santé et ça fait mal à nos aînés à travers le Québec. Alors, on pose des gestes, on est en action. Et la COVID-19 nous aura permis certainement de pouvoir mettre l'emphase sur certaines mesures et de mettre les sommes financières qui sont au rendez-vous. Et je pense que le bilan de notre ministre l'a démontré allégrement, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député. Nous allons maintenant à la deuxième série d'interventions, et je cède la parole à la députée de l'opposition officielle, la députée de Fabre. À vous la parole, madame.

Mme Sauvé : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je veux saluer la ministre, je veux saluer, bien sûr, mes deux collègues, et je veux remercier particulièrement le collègue de Rimouski, ce matin, pour la demande qu'il fait. Il sait qu'il a tout mon appui, et je serai avec lui dans sa ténacité à le demander aussi.

5 823 personnes, M. le Président, sont décédées au Québec, et, parmi eux, plus de 3 000 aînés en CHSLD. On entend des bribes d'information, mais le Québec doit savoir ce qu'il s'est vraiment passé, 3 954 familles qui sont éprouvées puis qui méritent qu'on leur dise vraiment tout ce qu'il s'est passé. J'ai demandé, tellement de fois, à la ministre responsable des Aînés, depuis des mois, des décisions qu'elle avait prises, et j'attends encore tellement de réponses. Je ne comprends pas, et, dans les propos qu'elle a nommés ce matin, je ne comprends pas pourquoi, aujourd'hui, on est là à encore demander une commission d'enquête indépendante et publique. Pourquoi ce n'est pas encore sur la table? La population, M. le Président, a besoin de savoir.

Vous savez, il y a eu beaucoup de questions qui ont été amenées par mes collègues, et c'est ça qu'on veut savoir, les décisions politiques, le processus politique qui a mené à des prises d'action. Je vais reprendre quelques propos qu'ils ont nommés, mais bien sûr, pourquoi? Pourquoi on a interdit aux proches aidants, alors que, après, on leur a donné l'accès? On nous nomme la Santé publique, mais, en même temps, quand on interdisait l'accès des proches aidants, on accueillait des bénévoles de Je contribue dans nos CHSLD. Pourquoi les délais à chaque fois? Pourquoi les réactions si lentes, si lentes dans chacune des décisions? Ce sont les décisions politiques qu'on a besoin de savoir.

Dans le reportage du 24 septembre à Enquête, il y avait un commentaire qui m'a marquée et qui nous faisait dire : Une semaine d'inactions, c'est des dizaines et des centaines de personnes décédées.

M. le Président, la ministre a tantôt nommé le mandat qui a été confié à la Commissaire à la santé et au bien-être, Mme Castonguay. Et, bien sûr, je reconnais toute sa compétence, mais je regarde aussi le mandat qui est le sien. Et, si vous êtes comme moi, très visuel, et que vous avez devant vous l'organigramme du ministère de la Santé et des Services sociaux, si l'organigramme était très complexe, il y a un lien qui est très simple à faire, le ministre de la Santé est ici et les deux ministres délégués est le lien direct, direct avec la Commissaire à la santé et au bien-être.

Alors, loin de questionner du tout la compétence de Mme Castonguay. Son mandat à elle et le mandat qui lui a été confié, c'est de regarder ce qu'il se passe dans le réseau de la santé, c'est de regarder les ressources qui sont en place, les services qui sont rendus et le mandat confié. Le mandat confié au mois d'août, c'était vraiment de dire : Est-ce qu'elle peut regarder l'ensemble du réseau de façon administrative, nommé par le Conseil des ministres, et donc en lien direct avec le ministre de la Santé? Nous ne sommes pas dans l'évaluation publique, indépendante et neutre des choix politiques qui ont été faits tout au long de cette gestion de la crise.

M. le Président, bien, bien, bien des citoyens, et bien des groupes, et bien des interlocuteurs fondamentaux autour de toute la question de la gestion de crise ont levé la main. Ils ont levé la main. Depuis le 17 avril, les deux recours collectifs envers, évidemment, le CHSLD Herron, il y avait déjà, au moment du recours collectif, 31 décès au CHSLD d'Herron; le recours collectif, le 20 avril, contre le CHSLD de Sainte-Dorothée, encore là, 67 morts... La Protectrice du citoyen, Marie Rinfret, lorsqu'elle a annoncé la tenue d'une enquête impartiale, on était déjà à 3 606 morts dans les CHSLD. Quand le gouvernement a rendu public le rapport des Forces armées canadiennes, on était, évidemment, dans cette montée des décès dans les CHSLD, et, lorsque Me Descary, la coroner en chef, le 17 juin, a ordonné la tenue d'une vaste enquête, nous étions rendus à 3 849 décès dans les CHSLD.

M. le Président, pourquoi la ministre ne répond pas à la question de mon collègue, à la question qu'on pose? Pourquoi elle se refuse à une commission d'enquête publique indépendante et neutre?

• (10 h 40) •

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, Mme la députée. Nous poursuivons cette deuxième série d'interventions avec Mme la ministre.

Mme Blais (Prévost) : M. le Président, je ne suis pas du tout d'accord avec la finale de cette première partie de la députée de Fabre. Écoutez, nous avons mandaté Mme Joanne Castonguay, qui est le Commissaire à la santé et au bien-être, et je suis actuellement en train de faire la démonstration qu'elle a toute l'indépendance voulue. Alors, je poursuis.

Toujours le 21 mars, c'était au tour de l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec d'être déçu. Et là je parle de l'abolition du Commissaire à la santé et au bien-être par le précédent gouvernement, le gouvernement libéral. Et là, on dit : «Avec l'abolition de ce poste d'observateur des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux, avec l'abolition de ce poste d'observateur indépendant, c'est un autre témoin de la qualité des soins et des services qui disparaît», Claude Leblond, président.

Le 2 avril 2016, la FTQ signe une forte lettre d'opposition et d'opinion, dont j'aimerais lire quelques passages :

«Pour les parlementaires, le Commissaire à la santé et au bien-être constitue une source indépendante de renseignements qui permet d'évaluer la performance du réseau et de proposer des solutions innovantes. Pour la population, le Commissaire à la santé et au bien-être fournit une information de qualité permettant de mieux comprendre les enjeux du système de santé. De plus, le commissaire recueille et transmet les préoccupations des citoyennes et des citoyens ainsi que leurs perceptions du réseau.»

Le 6 avril 2016, Me Paul Brunet — oui, celui qui critique les gouvernements en place, qui critique tous les gouvernements — de la protection des malades, il salue la qualité du travail du commissaire et de sa grande indépendance par rapport au ministère de la Santé et des Services sociaux, alors que les deux fédérations médicales sont en désaccord avec son abolition.  

Le 27 avril 2016, il y a une coalition qui réclamait le maintien du commissaire. Lors d'un important point de presse de cette coalition était présente Mme Diane Lamarre, au nom de son parti, le Parti québécois. À cette conférence de presse, il a été nommé, et je cite : «Je m'inquiète de la disparition de celui que je considère comme le vérificateur de la santé», je répète, là : «...que je considère comme le vérificateur de la santé...»

Je pense qu'on n'a pas compris. Je vais le répéter : À cette conférence de presse, il a été nommé, et je cite, c'est Mme Diane Lamarre, hein? «Je m'inquiète de la disparition de celui que je considère», et on considère qui?, le Commissaire à la Santé et au Bien-être, «comme le vérificateur de la santé et même plus, car il a une fonction bonifiée.» Et là, M. le Président, on est en train de dire, ici, dans cette Chambre, que le Commissaire à la Santé et au Bien-être n'a pas toute l'indépendance pour être en mesure de faire une enquête. C'est ça qu'on est en train de dire?

Je ne comprends pas, là. Je ne comprends pas, parce que les députés de Rimouski et des Îles-de-la-Madeleine veulent avoir une enquête indépendante, alors que son parti politique mentionnait que le vérificateur, avec toute l'indépendance, pourrait être en mesure de le faire, et même que c'était bonifié. Et je reviendrai avec la bonification.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la ministre. Nous allons conclure la deuxième série d'interventions avec la députée de Jean-Talon, dont c'est la fête aujourd'hui. Alors, je vous souhaite bonne fête, madame, avant que vous preniez la parole.

Mme Boutin : Merci, M. le Président. C'est vraiment un privilège d'être ici, honnêtement, à ma fête en plus, au salon bleu. On oublie un petit peu pourquoi on fait de la politique puis qui nous sommes. Dans le fond, on représente des citoyens. Puis moi, j'ai envie d'avoir une discussion, là, totalement... presque informelle, là, d'être transparente, puis qu'on se dise les vraies affaires. Parce que, des fois, la politique a tendance à être un petit peu une pièce de théâtre. Ça fait que je vais parler au nom des aînés de mon comté puis au nom des aînés que je connais qui... certains sont décédés, même, en CHSLD, pas en temps de COVID, mais avant.

Je pense qu'au Québec, collectivement, on l'a un petit peu échappé. On l'a échappé par rapport à nos aînés. Moi, si j'étais dans l'opposition, je serais un petit peu gêné même, aujourd'hui, un parti en particulier. Puis, je vous avertis, je vais être supertransparente. Oui, M. le Président.

Une voix : C'est ta fête.

Mme Boutin : Oui, c'est ma fête. Puis ce n'est pas grave, vous pouvez me chicaner, je suis un peu rebelle dans l'âme.

Les aînés sont vraiment les grands oubliés de notre société, moi, je l'ai souvent dit, puis j'en prends la responsabilité moi-même.

Je me souviens, ma mamie était dans un CHSLD. Elle a été transférée de deux, trois CHSLD. Plus son état se dégradait, plus elle devait être dans une résidence, dans le fond, qui demandait de plus en plus de soins. Puis elle était très, très, très lucide. Je regrette de ne pas être allée assez la visiter, parce que les aînés vivent une très grande solitude, souvent. Et son plus grand souhait, à la fin, c'était de décéder, en fait. Elle priait tous les jours que le petit Jésus vienne la chercher.

Parce qu'on les a un petit peu oubliés. On les a envoyés dans un CHSLD. On est très occupés, tout le monde. Puis les CHSLD, l'idée de base était très bonne. Il fallait que des gens s'occupent de nos aînés, une population vieillissante, et tout. Pourtant, nos aînés, c'est ceux qui ont construit le Québec. Ils ont construit notre système d'éducation, nos écoles, nos routes, le système de santé. Ils ont été là. Ils ont gardé nos enfants. Et, traditionnellement, souvent, c'était les grands-mères, s'occupaient de leur mère, s'occupaient de leurs enfants, de leurs petits-enfants. Elles ont été très, très, très présentes. Et beaucoup d'entre eux, finalement, bon, ils ont terminé leur vie dans un CHSLD, souvent très, très seuls.

Puis l'état des CHSLD, bon, varie d'un endroit à l'autre. Il y a des très bons CHSLD qu'ils soient publics ou privés, c'est assez variable. Mais je pense que, d'année en année, avec les coupures qu'il y a eu, les coupures au niveau du personnel soignant, le manque d'entretien, la vétusté des lieux, l'état s'est dégradé à un point tel qu'on en est venu à une catastrophe avec le COVID. Vraiment, là, c'est une catastrophe. Tout le monde se le dit. Mais le contexte était là bien avant notre arrivée puis bien avant le COVID.

Moi, j'ai un CHSLD, dans mon comté, il s'appelle Saint Brigid's Home. Quand j'ai fait ma campagne électorale en 2019, je suis allée les visiter, mais on ne pouvait pas rentrer parce qu'il y avait une éclosion de gastro. Il y a eu 13 personnes qui sont décédées de la gastro. Je ne savais même pas que des gens pouvaient mourir encore de la gastro. Puis une des grandes raisons de ça, c'est qu'au niveau des infrastructures les couloirs sont tellement petits qu'on ne peut même pas passer une chaise roulante puis un chariot alimentaire là-dedans.

Ça fait longtemps qu'on aurait dû réinvestir, qu'on aurait dû reconstruire des CHSLD, qu'on aurait dû rénover. Puis, s'il y a une personne, au Québec, qui est arrivée ici, en politique, là, avec l'intention de changer les choses — elle n'avait même pas besoin de revenir en politique, en passant, mais elle est revenue spécialement pour s'occuper des aînés, parce qu'elle avait vécu ça, elle, s'occuper d'un proche aidant, de son mari — bien, c'est la ministre des Aînés, qui est ici.

Elle est arrivée puis, tout de suite, elle s'est dit : Ça n'a pas de bon sens, il faut changer. Il faut changer la donne. Les aînés doivent vieillir dans la dignité, doivent avoir de meilleurs soins, mais aussi qu'on soit capable de briser leur isolement. Donc, le concept des maisons des aînés est venu.

Puis moi, j'étais un peu sceptique au début parce que je trouvais que c'était cher, tu sais. Je suis très transparente. Sauf que ce concept-là est absolument nécessaire, nécessaire pour que les aînés aient l'impression qu'ils vieillissent, dans le fond, comme dans des petites maisons, dans un environnement beaucoup plus humain, qu'ils aient un environnement beaucoup plus sécuritaire également, parce que, là, actuellement, ce n'est pas le cas.

Puis on voudrait changer ça du jour au lendemain, là, mettre à terre tous les CHSLD, en reconstruire des nouveaux, là, qui permettent une meilleure aération, de la meilleure sécurité. Ce n'est pas possible de faire ça en six mois. Ça prend du temps.

Puis l'action a été posée dès notre arrivée. Il y a un engagement qui a été fait, bien, 2 500 nouvelles places en CHSLD, 2 600 nouvelles places en maison des aînés. On est déjà en action. Puis j'étais très contente, d'ailleurs, d'avoir la première maison des aînés qui a été annoncée dans mon comté, parce que j'ai énormément d'aînés dans mon comté.

Donc, tout ça pour dire que, comme je le dis, on l'a un petit peu échappé au Québec. Tout le monde est responsable. Le gouvernement doit être le premier responsable, en tout temps, peu importe le parti politique, pour protéger nos aînés, pour protéger les populations vulnérables, puis c'est le temps d'être en action dès maintenant, puis c'est ce qu'on a commencé à faire, M. le Président, et c'est ce qu'on va continuer à faire. Merci.

• (10 h 50) •

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la députée. Troisième série d'interventions, et je cède la parole au député du troisième groupe d'opposition, le député de Rimouski.

M. LeBel : Merci, M. le Président. La ministre a parlé beaucoup de ma collègue, mon ex-collègue Diane Lamarre. Je veux la saluer, Diane. Pendant tout ce printemps dernier, elle était souvent à TVA à commenter. Elle donnait des réponses, elle était toujours présente, et je veux la féliciter pour son travail. Ça a aidé beaucoup de familles à comprendre ce qu'il se passait.

Aujourd'hui, la ministre essaie de nous montrer, démontrer, comme si je faisais un procès à la Commissaire à la santé. Je n'ai jamais fait ça. Je dis que ce n'est pas la bonne instance à cause de toute la tragédie qu'on a vécue. Ça fait que je ne comprenais pas pourquoi revenir toujours là-dessus. La question, c'est que ce n'est pas la bonne instance pour l'instant, mais ça ne remet pas en question le travail de la commissaire. Je n'ai jamais fait de procès.

Puis je ne fais pas de procès du gouvernement non plus. Les députés d'en face nous ramènent... Ah! la faute des libéraux, les péquistes, des déclarations des péquistes. On est... Je n'ai pas voulu faire ça. Depuis le début, je n'ai jamais voulu rentrer dans la partisanerie. Je me dis, ce qu'on a vécu comme drame doit nous placer, tout le monde, au-dessus de cette partisanerie-là. Je fais bien attention d'attaquer personnellement. Je ne veux pas faire ça. Je dis qu'on a besoin d'une commission d'enquête. C'est tout ce que je dis.

Au printemps dernier, l'Ontario répertoriait 1 400 décès dans les CHSLD, dans ses CHSLD. Chez nous, c'était proche 4 000. Alors que la COVID-19 a fait moins de victimes dans leurs CHSLD, l'Ontario a choisi de mettre en place une commission d'enquête publique, publique et indépendante. La commission ontarienne a le mandat d'enquêter notamment au travers de rencontres publiques sur la propagation dans les CHSLD et des mesures prises par le gouvernement. Leurs conclusions devront être présentées le 30 avril 2021.

La Commissaire à la santé et du bien-être fera son enquête de manière privée, c'est ça le mandat, pour fournir des recommandations au 1er septembre 2021. Elle devra évaluer la performance du réseau, seulement du réseau, incluant les interventions en matière de santé publique puis pour la gestion des soins. On connaît la performance du réseau. Le ministre l'a dit à la télé. C'est un échec. Bon, il faut aller plus loin. D'un côté, on a une enquête en Ontario avec des entrevues publiques et, de l'autre, au Québec, une enquête qui va se tenir derrière des portes closes.

On le répète, ce qu'on veut du gouvernement, c'est qu'il mette en place un processus transparent qui permette de faire la lumière sur la tragédie dans les CHSLD au nom de tous les décès. Dans les dernières années, il y a eu quelques commissions d'enquête, ça, pour des stratégies. La mine Belmoral à Val-d'Or dans les années 80, huit décès, commission d'enquête. L'effondrement du pont de la rivière Sainte-Marguerite à Sept-Îles dans les années 80, six travailleurs décédés, commission d'enquête. L'effondrement du viaduc de la Concorde, cinq décès, commission d'enquête.

Tous avaient des audiences publiques. Aucune commune mesure avec la tragédie nationale qu'on vient de vivre, là. C'était normal de faire ça. Mais là on parle de 4 000 décès et on hésite à mettre en place une commission d'enquête. On hésite. Je ne comprends pas pourquoi. Tous les décès, toutes les vies brisées, c'est un des pires drames qu'on a jamais vécus, puis on refuse de mettre en place... On a fait toute la lumière par une commission publique, publique et indépendante, et on nous revient en essayant de nous faire accroire qu'on fait un procès de la commissaire à la santé ou on fait... Non, ce n'est pas ce qu'on fait.

Moi, ce que je demande, là, pour le reste de la séance, ce que je demande aux gens d'en face, ce n'est pas de nous rappeler le passé, de nous rappeler des... Il faut sortir de ce... de tout ça, de la faute des libéraux, la faute des péquistes, la faute de Matusalem, la faute de je ne sais pas qui. Tu sais, ce qu'on a vécu au printemps passé, c'est... On n'a jamais vécu ça. Puis la ministre le sait, là, je ne fais jamais des cas personnels là-dessus. Puis elle le sait. On va... On peut travailler ensemble. Mais, pour travailler ensemble, pour sortir de là puis ne pas essayer de s'accuser mutuellement de différentes choses qui n'avaient pas été faites, puis qui avaient été faites, ou que... C'est une seule chose à faire, c'est une commission d'enquête publique indépendante, que les citoyens vont pouvoir suivre, qui vont avoir confiance à tout ça, qui vont pouvoir même témoigner. On va pouvoir suivre, avoir des réponses en direct, que les citoyens, les travailleurs de la santé, les élus aussi, dans les régions, pourraient intervenir.

Jamais on n'a vécu un drame aussi important qu'on a vécu au printemps. Les gens sont nerveux par ce qu'il va nous arriver à l'automne. Il faut déjà bouger, il faut déjà faire des choses actuellement, mais il faut prendre le temps, pour tout ce monde-là, de faire... d'aller au fond des choses et de sortir de l'accusation partisane et de sortir sur des procès que je ne veux pas faire sur un commissaire à la santé ou autrement. Ce n'est pas ça qu'on fait.

On demande une chose pour les Québécois, pour les Québécoises, pour notre société, pour l'avenir de ce qu'on veut prendre soin de nos aînés, une vraie commission d'enquête publique et indépendante qui va faire un rapport directement à la population sans passer par des stratégies gouvernementales ou partisanes. C'est ce que je souhaite du plus profond de moi-même et c'est ce que je propose. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député. Alors, Mme la ministre, je vous recède la parole.

Mme Blais (Prévost) : M. le Président, j'ai beaucoup trop d'admiration et d'estime pour le député de Rimouski pour penser qu'il y a une question, là, de procès par rapport au Commissaire à la santé et au bien-être. Mais j'essaie de faire la démonstration que le Commissaire à la santé et au bien-être, qui a été désigné par le gouvernement, pour faire justement une enquête sur ce qu'il s'est passé, est un bon véhicule pour le faire. C'est ça que je fais, et je suis bien obligée de parler un peu du passé pour comprendre le présent et me projeter dans l'avenir, par rapport à ça.

Et c'est la même chose, s'il y a eu autant de morts, il faut comprendre aussi qu'on avait des installations vétustes, qu'il manquait de personnel. Puis je pourrais épiloguer, là, longtemps, puis on le sait, qu'on a... c'est un peuple invisible, le peuple des aînés, puis je reviendrai là-dessus.

Mais permettez-moi de revenir sur le fait que le Commissaire à la santé et au bien-être, Mme Castonguay, l'a dit, dans La Presse, le 19 août dernier, qu'elle dispose du pouvoir d'astreindre des témoins à comparaître. Donc, elle peut le faire, elle est indépendante pour le faire. Si elle choisit d'avoir des témoins, elle va le faire. Ce n'est pas le premier ministre qui va dire à Mme Castonguay quoi faire, elle a cette indépendance.

Alors, je vais poursuivre. Dans un communiqué de presse du Parti québécois, le 20 mai 2016, Mme Lamarre dénonce des coupures au ministère de la Santé de 700 millions et se prononce comme suit au sujet du commissaire : «C'est sans compter le refus du ministre de laisser des experts indépendants — c'est des experts indépendants — évaluer les effets de ses réformes et de ses actions arbitraires.»

Le 24 mai 2016, Mme Lamarre, qui marrainait une pétition ici même, à l'Assemblée nationale, pour le maintien du poste de commissaire... Bien, je vais vous en lire un extrait, M. le Président, de cette pétition. Bien oui! «Considérant que l'abolition du poste de Commissaire à la santé et au bien-être est un recul démocratique sans précédent pour le milieu de la santé et des services sociaux;

«Considérant que le mandat du commissaire est d'apporter un éclairage pertinent au débat public et à la prise de décisions gouvernementale pour contribuer à l'amélioration de l'état de santé et au bien-être des Québécoises et des Québécois;

«[...]Considérant la nécessité d'évaluer, de façon critique et indépendante, les impacts des décisions du gouvernement sur l'accès aux soins et [aux] services de qualité...»

Puis là, après ça, on dit qu'on a choisi le mauvais véhicule pour faire une enquête? Moi, je ne comprends pas, là, M. le Président.

Le lendemain, en point de presse — on est rendu le 25 mai 2016 — au nom de son parti, Mme Diane Lamarre s'exprime ainsi : «Le Commissaire à la santé et au bien-être était une institution qui était essentielle pour la transparence, essentielle pour pouvoir apprécier, évaluer, analyser et, donc, corriger les problèmes de notre système de santé.»

Donc, que les gens, la CSQ aient vraiment compris l'importance de la mission de ce commissaire, son rôle de sentinelle, de chien de garde par rapport au système de santé... Écoutez, si mon collègue a oublié, là, j'aimerais lui rappeler que Mme Diane Lamarre a déjà travaillé de près avec le personnel du Commissaire à la santé et au bien-être. Dans le même point de presse du 25 mai 2016, elle qualifie le travail du personnel d'une grande indépendance.

Alors, je ne vois pas pourquoi on fait un débat politique sur le fait de vouloir une enquête indépendante, alors que le Commissaire à la santé et au bien-être a toute l'indépendance requise pour faire une enquête. Pourquoi on s'est tant battu, M. le Président, pour garder le Commissaire à la santé et au bien-être? Nous avons nommé Mme Joanne Castonguay. Et là, après toutes ces batailles, nous lui avons confié le mandat de faire cette enquête. Et là, maintenant, on dit que ce n'est pas le bon véhicule, ce n'est pas la bonne personne pour faire l'enquête?

Autre conférence de presse...

• (11 heures) •

Le Président (M. Provençal)  : Mme la ministre, je dois vous couper la parole. On finalise la troisième série d'interventions avec la députée de Lotbinière-Frontenac. Je vous cède la parole, madame.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Merci, M. le Président. Comme ma collègue l'a dit, ma collègue de Jean-Talon l'a dit, on l'a échappé au Québec. Mais la maturité d'une société se reconnaît dans sa capacité à admettre ses erreurs, et il faut avoir l'humilité et la rigueur de le reconnaître et de les réparer.

Notre gouvernement a reconnu sa part de responsabilité dans cette tragédie dès la mi-avril. Et je suis aussi très contente que la cheffe de l'opposition officielle a elle aussi reconnu, sur les ondes de Radio-Canada, que le Parti libéral du Québec était, en grande partie, responsable de la situation déplorable des CHSLD, qui perdure depuis des années.

Cependant, au-delà de la distribution des fautes, il faut souligner comment nous, comme gouvernement, nous avons corrigé la situation. Nous n'avons pas attendu des années avant de faire des ajustements. Nous sommes un gouvernement proactif, qui sait observer les lacunes, dresser des bilans et mettre en place des politiques pour y remédier.

Bien avant la pandémie de la COVID-19, une réflexion était déjà en cours au sein de notre gouvernement à l'effet de conventionner les CHSLD privés. Toujours dans l'optique d'harmoniser les pratiques et les conditions de travail dans l'ensemble du réseau, nous avons budgété, l'an dernier, 50 millions pour rehausser le per diem dans le secteur privé. L'important, pour nous, c'est d'offrir la même qualité de soins pour nos aînés, peu importe le type d'établissement qu'ils ont choisi.

Nous allons donc travailler sur deux fronts. Nous allons développer des places d'hébergement dans différents milieux, tout en créant 2 600 nouvelles places en maisons des aînés. Nous avons le souci de maintenir en opération une diversité de types d'hébergement. Dans le contexte pandémique actuel, notre mission principale est de nous assurer que tous les patients soient bien traités, qu'ils soient en CHSLD privé, privé conventionné ou privé non conventionné.

Je le redis encore, la santé et l'intégrité morale et physique des personnes vulnérables ne devraient jamais dépendre du statut administratif de l'institution qui les prend en charge. C'est pourquoi nous nous sommes empressés de rehausser la quantité de personnel disponible dans le réseau par l'ajout de plus de 8 000 préposés aux bénéficiaires. Nous pouvons aussi travailler à stabiliser les équipes et nous assurer que les soins appropriés sont donnés à chaque patient.

Nous travaillons aussi à rehausser les connaissances du personnel en matière de prévention et de contrôle des infections. En limitant l'apparition d'éclosion et en contrôlant mieux si elles surviennent, nous pourrons faire en sorte que la tragédie de ce printemps ne se reproduise pas cet automne. Cela se fait, en autre, par la mise en place de bulles de vie dans les CHSLD. Celles-ci vont permettre l'application des pratiques de prévention et de contrôle des infections tout en maintenant les activités régulières et la socialisation. La solitude et l'isolement ne devraient pas frapper encore plus durement que le virus.

Du côté administratif, nous allons nous assurer que soit désigné, pour chaque milieu, un gestionnaire responsable de l'application de ces mesures. Une fois ce lien de communication établi, le gestionnaire pourra soulever rapidement les difficultés éprouvées par l'établissement.

Nous allons aussi effectuer plus de surveillance auprès des institutions privées. D'ailleurs, notre parti déplore, depuis longtemps, la diminution importante des visites d'évaluation et d'inspection dans les milieux de vie pour aînés. Avant même la pandémie, nous nous étions engagés à reprendre le contrôle, et c'est ce qu'on a fait. En résidence privée pour aînés, on est passé de 190 inspections en 2018 à 554 inspections en 2019. Depuis le début de la pandémie, nous avons redoublé d'ardeur. À ce jour, près de 11 000 visites de vigie ont été effectuées.

Voilà à quoi ressemble l'action d'un gouvernement qui prend ses responsabilités, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la députée. Nous allons initier la quatrième série d'interventions avec la députée de l'opposition officielle, Mme la députée de Fabre. À vous la parole.

Mme Sauvé : Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais revenir sur la notion de l'imputabilité, l'imputabilité face à la gestion de crise. On se rappellera, on a eu un des pires bilans de la planète. Et, clairement, 3 954 aînés dans les CHSLD, qui sont décédés, c'est 3 954 familles qui sont encore éprouvées. Et, si mon collègue de Rimouski me le permet, je vais reprendre l'expression tantôt qu'il a amenée, ça nous prend cette commission d'enquête publique indépendante pour un processus de guérison pour l'ensemble du Québec, pour ces familles de 3 954 décès, leurs parents, qui sont morts seuls, qui sont morts dans la souffrance et qui sont morts souvent déshydratés.

Au Québec, quand on se compare aux autres provinces du Canada, on regarde, sur les aînés qui ont été contaminés, 26 % dans les autres provinces sont décédés, au Québec, 42 %. Quand on prend la case départ du début de la pandémie, au mois de mars, quand on compare à la Colombie-Britannique dans la gestion de crise qui était la nôtre, la Colombie-Britannique, M. le Président, partait du même, même, même endroit, une criante pénurie de personnel. Et, pourtant, la Colombie-Britannique, en trois mois, a su arrêter complètement le mouvement de personnel, et on en parle encore aujourd'hui, particulièrement en ce qui a trait aux infirmières.

M. le Président, on a besoin de cette commission d'enquête publique, la population en a besoin, les 3 954 familles en ont besoin, de cette transparence, de cette information complète, neutre, qui nous fait foi et qui nous fera foi des choix politiques, des décisions qui ont été prises avec l'information qu'ils avaient de la Santé publique. On a besoin de savoir ça.

Et j'ai besoin de questionner, bien sûr, l'imputabilité de la ministre dans cette gestion de crise, et je vais me permettre, si vous le voulez bien, de lire deux extraits. D'abord, un extrait qui provient du verbatim et des extraits de l'Assemblée nationale, le 20 février dernier, donc, quelques semaines avant le début de la pandémie, la ministre responsable des Aînés a dit ceci : «Je peux vous dire une chose[...], quand je demande au sous-ministre d'écrire une directive puis quand je la signe, directive qui va au P.D.G., je peux vous dire que c'est une directive qui vient du ministre et que cette directive doit être suivie. C'est comme ça que ça fonctionne. C'est comme ça que ça doit fonctionner. Le ministre a une imputabilité, tout comme les directeurs généraux ont une imputabilité, comme les personnes qui travaillent au ministère de la Santé et des Services sociaux, les sous-ministres, les sous-ministres adjoints. Nous avons une imputabilité envers le public. Moi, je prends mes responsabilités.» 20 février.

Lors du reportage d'Enquête, le 24 septembre, lorsque la journaliste lui demande si elle a assez de pouvoir au Conseil des ministres, la ministre dit : «Le pouvoir, c'est extrêmement relatif, le pouvoir, c'est celui que le premier ministre te donne, c'est le premier ministre qui a le pouvoir.» 20 février, 24 septembre, avant la pandémie, après, face à la gestion de crise. Comme le dirait ma cheffe de l'opposition officielle, vous savez, on est ministre ou on ne l'est pas.

Alors, j'ai besoin de savoir qu'il y aura une commission d'enquête publique indépendante qui fera la pleine lumière sur la réelle imputabilité de la ministre responsable des CHSLD. Parce que les 3 950 familles ont besoin d'entendre ça, M. le Président, ils ont besoin d'entendre quel est le rôle qu'elle a joué, quelle est sa responsabilité. On ne peut pas, à quelques semaines de la pandémie, dire qu'on est pleinement responsable et imputable et, après, c'est la faute du premier ministre du Québec.

Alors, moi, j'ai besoin, pour les aînés qui nous appellent dans nos bureaux de comté, pour les aînés qui sont morts dans des souffrances terribles et pour toutes ces familles qui ont besoin de réponses à toutes les questions auxquelles on ne répond pas, toujours, M. le Président... Alors, je souhaite cette commission d'enquête, et, avec mon collègue et avec mes collègues, on sera tenaces, parce que la population ne peut pas se contenter de ce bilan, une crise humanitaire au Québec. Et, en comparaison, nous sommes un des pires bilans de la planète. Nous devons cela à nos aînés et aux citoyens du Québec. Merci beaucoup, M. le Président.

• (11 h 10) •

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la députée. Mme la ministre, vous reprenez la parole.

Mme Blais (Prévost) : Je vais continuer par rapport au Commissaire à la santé et au bien-être parce que le sujet aujourd'hui, c'est une enquête indépendante versus ce qu'on dit qui ne serait pas indépendant de la part du Commissaire à la santé et au bien-être. Le gouvernement du Québec a choisi le Commissaire à la santé et au bien-être parce qu'il a toute l'indépendance pour faire une enquête.

On parle d'enquête, alors voici, je poursuis : autre conférence de presse du Parti québécois, Mme Diane Lamarre, le 4 décembre 2017, où étaient réunis Me Jean-Pierre Ménard, le Conseil pour la protection des malades, le regroupement Médecins québécois pour le régime public et le Réseau FADOQ.

J'ai également, aux fins d'informer les oppositions, un communiqué de presse de l'ex-co-porte-parole de Québec solidaire, le Dr Amir Khadir, qui décrivait l'abolition du poste du Commissaire à la santé et au bien-être comme suit : «La volonté du gouvernement libéral ne fait aucun doute : censurer une voix indépendante qui ne se gênait pas pour informer le public sur les lacunes du système de santé.»

M. le Président, il reste encore beaucoup, beaucoup d'autres témoignages sur l'indépendance et sur l'importance de cette institution, mais je vais terminer cette liste par les engagements électoraux du Parti québécois de 2018, où nous pouvons lire que l'ex-chef du Parti québécois, M. Jean-François Lisée, affirme qu'il va réhabiliter le commissaire. Il a inscrit à sa plateforme électorale : «Le commissaire, c'est le seul organisme à pouvoir apprécier et à pouvoir mesurer la performance de notre système de santé de manière neutre et objective.»

La commissaire est le seul organisme à pouvoir apprécier et mesurer la performance de notre système de santé de manière neutre et objective. On me demande ici de ne pas faire de partisanerie. Bien, je ne fais pas de la partisanerie. Je suis en train de répéter ce que tout le monde dit, que cette personne est neutre et objective pour être en mesure de faire une enquête. J'ai fait la preuve que cette personne était neutre et objective.

M. le Président, pendant plus de trois ans, le Parti québécois... puis j'aime beaucoup mes collègues, là, mais vous avez fait l'éloge du commissaire, de son indépendance, de son impartialité, de son expertise. Moi, je m'explique mal pourquoi vous avez changé d'opinion. Moi, je ne comprends pas pourquoi les opinions ont été changées.

Ici, aujourd'hui, le sujet, je le sais, qu'on veut parler de l'imputabilité de la ministre. On peut en parler. Si vous voulez savoir si je prends mes responsabilités, M. le Président, oui, je les prends, mes responsabilités. Je ne suis pas revenue en politique pour vivre la COVID-19. Il n'y a pas personne au Québec qui veut vivre la COVID-19. Il n'y a pas personne à travers le monde. Il n'y a pas personne qui avait un guide, comment traiter la COVID-19.

Oui, je les prends, mes responsabilités. Je ne me défie pas devant mes responsabilités. En conférence de presse, on m'a dit que je me défilais, en quelque sorte. Non, je ne me défile pas. Je suis ici, devant vous, M. le Président, pour dire que je prends l'entièreté de mes responsabilités et que j'ai dit : Oui, c'était un échec. Qu'est-ce que vous voulez? Quand on voit autant de morts dans nos CHSLD, il n'y a pas personne qui peut se réjouir, M. le Président. C'est d'une tristesse inouïe. Mais le Commissaire à la santé et au bien-être a été mandaté pour faire une enquête indépendante. Le commissaire peut faire ce travail.

Vous savez, il y a eu la première vague, il y a eu ces décès, mais, actuellement, là, on est encore dans la COVID-19, ce n'est pas fini. On est encore dedans. Il y a encore des morts à tous les jours. Alors, moi, je pense, là, qu'il faut laisser le rapport de la commissaire arriver et puis on va avoir encore à se questionner sur la deuxième vague, parce que c'est dans l'ordre des choses, M. le Président. Alors, je reviendrai ultérieurement.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Mme la députée de Jean-Talon, vous prenez la suite.

Mme Boutin : Oui, M. le Président. Mme la ministre a dit quelque chose qui m'a... un terme qui m'a quand même frappé, tout à l'heure, elle a parlé du peuple invisible. Ça me rappelle un certain reportage de Richard Desjardins sur un autre sujet. Mais elle a raison, les aînés sont le peuple invisible du Québec. Les aînés n'ont pas de grand lobbyiste pour les défendre, ils n'ont pas de grand syndicat pour les défendre puis amener leurs priorités au gouvernement. Pourtant... ma collègue députée de Prévost et ministre des Aînés est pourtant celle qui a amené cette priorité-là dans notre gouvernement en 2018. Elle s'est battue pour que les aînés deviennent une priorité gouvernementale, puis ça, c'était pour la première fois au Québec. Moi, j'en étais vraiment très, très fière. Parce qu'on s'entend, au Québec, la population est vieillissante, tout le monde, on en parlait déjà, de l'état des CHSLD au Québec, il y a eu plusieurs rapports qui sont sortis. C'est sûr que le COVID a vraiment mis à nu nos plus grandes fragilités puis a mis à nu... a donné naissance à une catastrophe. C'est arrivé au Québec, c'est arrivé ailleurs au Canada, mais ailleurs dans le monde, également. Ce n'est pas propre au Québec seulement.

Je pense que la ministre est très consciente de son imputabilité par rapport aux aînés au Québec. En partant, dès qu'elle est arrivée au pouvoir, avant même le COVID, elle avait pris en action... s'était mise en action pour lancer le chantier des maisons des aînés, chantier des CHSLD, le chantier des proches aidants, également.

Avant de parler de ça, juste dire également que toute la question des préposés aux bénéficiaires, on a commencé à y remédier, comme mon collègue de Beauce-Sud l'a mentionné tout à l'heure, mais, à notre arrivée, je me souviens d'un chiffre qui avait marqué mon esprit, on nous disait qu'il manquait 30 000 préposés aux bénéficiaires sur quatre ans, fait que c'est beaucoup, là... ou sur cinq ans. C'est énorme. C'est énorme, d'engager des gens, également, surtout que la profession, ce n'était pas vraiment une profession très attirante. Moi, je ne connaissais personne qui voulait devenir préposé aux bénéficiaires. Donc, rapidement, c'est sûr, sous l'impulsion de la pandémie, il a fallu rembaucher rapidement, donc rehausser les compétences, montrer que cet emploi-là, c'est un emploi qui est digne, c'est un emploi qui est complètement essentiel dans le réseau des CHSLD. Donc, on s'est mis en branle pour former — on en a 7 000 de formés jusqu'à maintenant — 10 000 préposés aux bénéficiaires qu'on va envoyer... qu'on est en train d'envoyer dans les CHSLD.

Ça, c'est en plus de l'embauche de gestionnaires. Ma collègue de Frontenac, tout à l'heure, l'a mentionné, on avait comme engagement de remédier à la situation du manque de gestionnaires, donc un gestionnaire par CHSLD. Le ministre de la Santé l'a annoncé hier, on a été capable d'atteindre la cible de 412 gestionnaires, donc un par CHSLD, pour qu'il y ait de l'imputabilité dans les CHSLD.

Ça, c'est en plus du plan d'action qui a été déposé en vue de la deuxième vague, un plan d'action qui vise à mieux contrôler les accès dans les CHSLD, un plan d'action qui vise à créer des zones rouges pour pouvoir contrôler la propagation dans les résidences pour personnes âgées, plan d'action qui vise à améliorer la communication pour être certain que les directives qui partent du ministère, qui partent du cabinet se rendent rapidement dans les CHSLD, qu'il y ait une meilleure coordination sur le terrain.

La ministre est extrêmement consciente de son imputabilité et de son rôle là. D'ailleurs, je trouve qu'elle en prend des fois peut-être un... je comprends qu'elle est ministre, là, mais ce n'est pas... elle n'est pas la seule responsable. Elle est en action dès maintenant. On peut faire toutes les enquêtes du monde, mais là on est dans une deuxième vague, il faut passer à l'action dès maintenant.

Par après... Il me reste juste 1 min 35 s pour parler des proches aidants. C'est quelque chose qui lui tenait à coeur dès son arrivée au pouvoir. Les proches aidants, c'est complètement essentiel. On l'a vu, le fait de fermer la porte aux proches aidants en CHSLD pour mieux contrôler la propagation, ça l'a un petit peu nui à certains aînés qui vivent déjà une solitude. Mais les proches aidants, justement, sont là pour amener un appui supplémentaire, s'assurer que les aînés — c'est très concret, là, comme travail, là — soient bien hydratés, mangent bien. Mais l'objectif était bien intentionné. Il était simplement pour contrôler la propagation.

Moi, je suis extrêmement fière de voir une ministre qui a déposé, au printemps dernier, le projet de loi n° 56. Un projet de loi qui — un des meilleurs au monde, pour vrai, il n'y a pas beaucoup de pays qui ont fait ça jusqu'à maintenant — qui va viser à mieux encadrer et permettre un meilleur soutien pour les proches aidants. Là, on est dans... On a une population qui vieillit. Moi, je fais partie de la génération sandwich. Donc, je m'occupe de mes enfants puis je vais m'occuper de mes parents. Puis, plus ça va aller, plus est-ce qu'on va avoir un immense besoin de soutenir les proches aidants, d'avoir des maisons de répit, des maisons Gilles-Carle, d'avoir des maisons des aînés qui vont être capables de recevoir nos aînés. Nos aînés, c'est notre plus grande richesse. Mais c'est aussi, puis c'est égoïstement que je le dis, pour soutenir les gens dans ma génération qui doivent payer pour l'éducation de nos enfants, s'occuper d'eux, mais également s'occuper des aînés tout en travaillant à temps plein. Moi, c'est sûr que je vais devoir faire ça.

Donc, la ministre des Aînés a une compréhension du terrain que peu de gens l'ont en ce moment au Québec. Puis elle est déjà en action. Puis on va poursuivre le travail. Moi, je... Elle a tout mon support. Elle va toujours l'avoir, tant qu'elle va être là. Alors, merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Merci beaucoup. Nous allons débuter maintenant la cinquième série d'interventions avec le député du troisième groupe... du deuxième groupe d'opposition, le député de Jean-Lesage. À vous la parole.

• (11 h 20) •

M. Zanetti : Merci, M. le Président. Merci à tout le monde d'être ici présent aujourd'hui pour discuter de cet enjeu important.

Évidemment, moi, ma formation politique est parfaitement en accord avec la tenue d'une enquête publique indépendante sur la gestion de la pandémie de COVID-19 dans les CHSLD, c'est sûr. Cela dit, il y a beaucoup de rapports qui ont été faits et il y a beaucoup de choses qu'on sait déjà qu'on peut faire. Alors, moi, je pense qu'on doit ne pas faire obstacle à de nouvelles enquêtes, bien sûr, mais il faut aussi rapidement passer à l'action, parce qu'il y a des choses qui sont urgentes.

Parmi les choses qui sont urgentes, il y a une suggestion qu'on a faite dont je voudrais parler, dans les dernières semaines, et c'est la question de la nationalisation des CHSLD privés. Ça a même été évoqué au printemps dernier, si je me souviens bien, par le ministre de l'Économie, qui a comme lancé ça de même, comme une piste de réflexion. Ensuite de ça, on a senti que, ah! ce n'était peut-être pas ça qui allait être privilégié. Mais je pense que c'est une intuition juste et je veux vous en parler aujourd'hui.

Les soins de longue durée pour les aînés, là, ce n'est pas quelque chose avec lequel il devrait être permis de faire de l'argent. Parce que, quand on permet de faire de l'argent avec ça, ce que ça a comme conséquence, c'est que non seulement ça nous coûte ce que ça coûte, mais, en plus de nous coûter ce que ça coûte, ça nous coûte le profit que du monde veulent faire avec ça. Et il n'y a pas de raison pour laquelle la société québécoise devrait payer pour du profit sur quelque chose. On devrait, pour ce genre de chose là, qui est un service public essentiel, qui assure la dignité humaine, juste payer ce que ça coûte.

Quand quelqu'un va essayer de faire du profit avec ça, là, qu'est-ce qu'il va faire? Je veux dire, la première chose qu'il va faire, là... C'est fou, parce que c'est ce que disait Karl Marx dans Le Capital. On ne le cite pas souvent, là, mais c'est exactement ça qu'il disait puis c'est exactement ça qu'il se passe Il coupe sur le temps de travail, il coupe sur les conditions des employés. Puis c'est là qu'il fait ce que Karl Marx appelait la plus-value, c'est là qu'il fait ce qu'on va dire qui est son profit.

Ça fait que, tu sais, on le sait depuis longtemps. Quand on regarde les conditions de travail dans les CHSLD, il y a du monde qui font ça à 13 $ de l'heure, près du salaire minimum. Et qu'est-ce que ça fait? Ça fait que le monde n'ont pas envie d'aller là. Et là ça crée de la pénurie, ça crée de l'exode. Et là ça fait qu'on n'est pas capable de donner le même niveau de service. Ça fait que, parce qu'à l'origine on a voulu permettre à du monde de faire des profits sur quelque chose, bien, ça finit par, tu sais, faire en sorte qu'on n'est pas capable de livrer la marchandise. Puis ce n'est pas bon. Je veux dire, on est responsable de ça.

Alors, je pense que la nationalisation des CHSLD privés... D'ailleurs, je pense que la... tu sais, il y a énormément de CHSLD qui sont publics, et puis ça marche bien. Tu sais, il n'y a pas de plus-value à dire : Quand il y a du monde qui font du profit avec ça, ça ne marche plus. Il n'y a pas de... ça n'existe pas, ces études-là, c'est des spéculations qu'on a faites à une certaine époque, là, dans les 20 dernières années où est-ce qu'on a dit : Ah! privatise, ça va être plus efficace. Bien, ce n'est pas vrai que c'est ça qu'il se passe. On est capable d'avoir un niveau d'efficacité extraordinaire dans le régime public quand on y croit.

Puis je prends un exemple hors CHSLD, mais, mettons, on regarde, là, l'IUCPQ à Québec, qu'on appelait, à l'époque où les hôpitaux avaient des noms dont on pouvait se souvenir, l'Hôpital Laval. Bien, ça, là, c'est un centre mondialement reconnu, un centre d'expertise d'une efficacité extraordinaire, si ce n'étaient pas des réformes Optilab qui viennent un peu entraver sa performance. Mais c'est une des preuves, puis il y en a plein d'autres, puis on pourrait trouver des CHSLD publics où c'est des exemples extraordinaires de bonne gestion, où il n'y a pas une cent qui se perd et où les qualités des services sont vraiment au rendez-vous.

Alors, je pense qu'on doit faire... une des choses qu'on doit faire, là, c'est, oui, faire des enquêtes, bien sûr, mais revenir à cette foi-là puis à cette confiance-là qu'on a envers le système public, qui est capable des meilleures pratiques de gestion, qui est capable surtout de nous donner un service au moindre coût possible, parce que personne n'essaie de se faire de l'argent avec ça.

Et donc c'est ça que... c'est à cette réflexion-là que j'invite nos collègues du gouvernement à réfléchir. Il y a quelque chose d'important. Il faut décentraliser le réseau, donner de l'autonomie de gestion localement dans ce qu'on appelle, aujourd'hui, les CHSLD. Il faut les nationaliser, ceux qui sont privés. Il faut aussi changer de modèle. Ça, j'entends bien que la ministre est d'accord avec cette idée et déjà a lancé d'autres choses en ce sens. Il faut investir massivement dans les soins à domicile...

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie, M. le député. Vous étiez... Vous aviez une très belle envolée, mais je dois vous couper. Mme la ministre.

Mme Blais (Prévost) : Bien, écoutez, M. le Président, j'avais l'impression que c'est moi qui parlais.

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Blais (Prévost) : Bien, tout à fait. Écoutez, j'écoute le député de Jean-Lesage... Peut-être pas avec les mêmes termes, hein? Mais, quand même...

Vous savez, j'ai visité 103 CHSLD. J'en ai visité, des publics. J'en ai visité, des CHSLD privés conventionnés. J'en ai visité, des CHSLD privés. Il y a des bons privés, mais j'ai vu des choses, là, je vais vous dire bien franchement, j'ai dit... je me suis questionnée.

J'ai appris que, dans des CHSLD privés, le per diem par lit était pas mal inférieur au per diem d'un CHSLD privé conventionné. Comment voulez-vous, si le per diem est de 165 $ ou de 185 $, comparativement à 250 $... comment voulez-vous donner la même qualité de soins et de services à la personne? C'est impossible. C'est impossible.

J'ai appris qu'au fil des ans ce qu'on faisait, on fermait les yeux, fermait les oreilles, on se bouchait la bouche, et on achetait des lits au plus bas soumissionnaire puis on plaçait des gens dans les CHSLD privés. On leur donnait des contrats pour un an. Pendant ce temps-là, les propriétaires, quand ils allaient cogner à la porte des banques pour avoir un prêt, pour être capables de rénover le CHSLD, ils ne pouvaient pas le faire parce que le contrat était d'un an. Comment on peut arriver? Le banquier, il ne voulait pas prêter de l'argent. Alors, c'était une roue. Alors, j'ai commencé à questionner, j'ai dit : Qu'est-ce qu'on peut faire? J'apprends que, depuis les années 80, il n'y a plus de CHSLD privé conventionné, on ne veut plus les conventionner. Ce sont des contrats privés qu'on achète, des places qu'on a achetées. J'ai dit : On ne peut plus faire ça. Mais ce n'est pas simple, il y a des contrats qui sont signés sur plusieurs années, il y a différents prix qui sont achetés, ce sont tous des contrats individuels. On a 59 CHSLD privés conventionnés, 41 CHSLD non conventionnés et 312 CHSLD publics.

Récemment, on a conventionné un premier CHSLD, depuis les années 80, à Waterloo, un premier qu'on a réussi à conventionner. On a 50 millions de dollars depuis deux ans dans le budget pour arriver à conventionner des CHSLD. Ce qu'on a fait, parce que c'est complexe, à la fois avec le Trésor, avec le gouvernement, avec l'orientation, on a quand même été en mesure de rehausser entre 15 et 17 millions de dollars, peut-être même un peu plus, les per diem pour des CHSLD privés, pour faire en sorte...

Puis ce qui était compliqué, M. le Président, c'est qu'on ne veut pas que l'argent aille dans la poche du propriétaire, on veut que l'argent aille dans la poche de professionnels de la santé. C'est de ça dont on doit tenir compte, parce que les professionnels de la santé étaient payés pas mal moins cher. Ça fait que, si tu reçois 185 $, comment tu veux payer ton personnel adéquatement et correctement?

Ça fait qu'on est en train de faire ça. Ça fait que je pense que ça va rassurer le député de Jean-Lesage, je pense comme lui. C'est la même chose dans plusieurs RPA. On a créé des milieux de vie, on en a 2 600.

Quand il y a eu le rapport sur l'Auberge des Trois Pignons, entre autres, que Sylvain Gagnon a fait une enquête indépendante, il s'est avéré, entre autres, qu'il y avait des personnes qui résidaient là qui étaient pas mal trop en perte d'autonomie pour vivre dans une résidence privée pour aînés. Ces gens-là auraient dû vivre dans un CHSLD ou dans une RI. Alors, j'ai dit : Qu'est-ce qu'on fait? Auparavant, les CISSS et les CIUSSS s'occupaient des RPA au niveau des inspections, mais c'était souvent quand le propriétaire fermait ses portes. Il fallait replacer les gens. Pendant la COVID-19, les CISSS et les CIUSSS ont dû aller prêter main forte. Ils se sont rendu compte que la qualité des soins et des services, pour certaines résidences n'était pas au rendez-vous.

Alors, on a mis en place un comité, rapidement, de P.D.G. de CISSS et de CIUSSS, entre autres, avec le P.D.G. du CIUSSS de la Capitale-Nationale, pour voir comment les CISSS et les CIUSSS pourraient travailler davantage pour être en mesure d'être à l'écoute, d'être présent pour des personnes qui ont besoin de plus de soins. Alors, on était en train... Oh! c'est déjà terminé?

• (11 h 30) •

Le Président (M. Provençal)  : Terminé, Mme la ministre.

Mme Blais (Prévost) : On est en train d'avancer par rapport à ça.

Le Président (M. Provençal)  : M. le député de Beauce-Sud, vous prenez la suite.

M. Poulin : ...je ne peux pas céder mon temps, malheureusement, à la ministre, mais j'aurais bien aimé continuer de l'entendre, parce qu'effectivement ça démontre tout le travail qui est accompli depuis deux ans pour améliorer notre réseau de la santé.

Puis, vous savez, on est sorti d'une des réformes les plus importantes du réseau de la santé, en 2015, qui a été pilotée par le député de La Pinière, et cette réforme-là, j'ai rarement entendu des gens nous dire que les effets à long terme étaient positifs, et qu'on a vu une différence, et que les conditions de vie de nos aînés se sont améliorées, que les conditions de travail de nos professionnels se sont améliorées, peut-être à part les médecins, mais, sinon, ça n'a pas été au rendez-vous. Alors, on arrive aussi de cette réforme-là qui était importante.

Puis je comprenais, tout à l'heure, les députés de l'opposition nous dire : Pourquoi vous revenez dans le passé? Bien, parce que ce n'est pas si lointain, 2015, ce n'est pas si lointain, 2016. Nous, on est arrivés en fonction il y a deux ans, avec un réseau de la santé qui sortait de l'une des plus grandes et l'une des pires réformes qu'il y a eu, avec également des gens qui se retrouvaient dans les CISSS, qui devaient mettre en place cette réforme-là. Alors, il faut se remettre dans ce contexte-là pour savoir tout le travail qui a été fait.

Puis, vous savez, M. le Président, dans le cycle d'un gouvernement, il y a des dates à ne pas manquer, il y a des rendez-vous à ne pas manquer, et la ministre des Aînés et des Proches aidants, elle ne manque jamais ces rendez-vous là. Entre autres, l'un, qui est très important, c'est, comme on dit dans le jargon politique, qui est plaider ses crédits, aller cogner aux Finances, aller voir le Trésor, mais surtout les Finances, aller voir le premier ministre puis dire : Moi, j'ai des projets, moi, j'ai des dossiers, puis il faut s'en occuper. Puis la moyenne au bâton de la ministre, là... je ne veux pas dire que nos autres collègues ne performent pas, mais elle est assez exceptionnelle, merci, dans l'argent qui a été investi auprès de nos aînés au Québec. Puis là je parle du futur, là, puis de ce qui s'en vient pour les aînés, grâce au travail, encore une fois, de la ministre, qui plaide ses crédits aux bonnes dates.

2,6 milliards pour une transformation majeure des milieux d'hébergement, je répète, 2,6 milliards de dollars, c'est 2 600 places en maisons des aînés, qui, je le rappelle, M. le Président, ne seront pas vides. Ce sera peut-être votre famille, vos parents, vos grands-parents qui en profiteront. Rénovation et reconstruction de 2 500 places en CHSLD, alors, on ne laisse pas de côté, M. le Président, les CHSLD du Québec, au contraire, on investit des sommes qui sont fort importantes.

200 millions pour embaucher du personnel dans le réseau de la santé, mes collègues députés de Lotbinière-Frontenac, Jean-Talon et la ministre en ont parlé abondamment, de ces préposés aux bénéficiaires là que nous avons formés rapidement et qui se retrouvent aujourd'hui même dans le réseau de la santé. Et j'aimerais entendre des oppositions qui trouvent que c'est une bonne idée puis qu'on a fait le travail à ce niveau-là.

280 millions de dollars pour les soins à domicile, parce que ce n'est pas vrai, M. le Président, que tout le monde va aller dans nos maisons des aînés puis que tout le monde va aller en CHSLD, alors il faut investir.

70 millions pour développer des lits d'hébergement en CHSLD, puis, des fois, le mot «million», on le dit tellement souvent qu'on a l'impression que ce n'est pas rien, mais ce n'est quand même pas banal.

50 millions pour le rehaussement des per diem des CHSLD privés non conventionnés, on en a parlé.

30 millions pour bonifier le programme des gicleurs dans les RPA.

5 millions pour améliorer l'environnement physique des CHSLD, parce qu'on sait que c'est important que nos aînés se retrouvent dans des lieux qui sont agréables et qui correspondent à leurs besoins. On révise la certification des RPA à travers tout ça puis, mes collègues en ont parlé, on augmente le nombre d'inspections dans les résidences privées pour aînés.

Ça, là, ça coûte des sous, M. le Président, et c'est des sous que ma collègue a été chercher pour le bien des aînés à travers le Québec. Puis moi, quand... Et c'est surtout le Parti libéral qui dit ça : Oui, on vous a laissé des surplus, on vous a laissé des surplus. M. le Président, c'est l'argent des Québécois. S'il y a eu une condition gagnante sur le plan financier au cours des dernières années au Québec, c'est parce que les Québécois en ont payé le prix, des choix des précédents gouvernements. Alors, ces surplus-là ont été faits sur le dos, par moment, des aînés. Alors, oui, il est normal, et la ministre le répète assez souvent, que cet argent-là revienne aux aînés au Québec.

On n'a pas eu de cadeau quand on est arrivés en fonction, c'était l'argent des Québécois que les Québécois paient à chaque semaine, sur leur «slip» de paie, quand ils reçoivent leur paie. Alors, ça, il faut se rappeler, ça que, malgré la situation économique lorsqu'on est arrivés, qu'il a fallu aller plaider les crédits pour que l'argent descende.

Puis, en plus de tout ça, ce n'est pas tout d'avoir de l'argent, est-ce qu'elle descend? Bien, à tous les jours, on s'assure qu'il y ait des patrons dans les CHSLD, qu'il y ait des gens sur le terrain qui s'assurent que l'information se rende bien, mais que les sommes financières descendent. On crée des postes. On invite les gens à appliquer et à les combler. Ça va permettre aux sommes qu'on a été chercher de s'assurer que les services se donnent.

Alors, on plaide les crédits, on s'assure que les services sont donnés puis que nos aînés puis que leurs familles soient rassurés par les soins qui sont offerts par le gouvernement du Québec. Et ça, je pense qu'on peut en être fiers, on peut en être heureux. Et ça, on va encore ressentir les effets positifs, au cours des prochaines années, du travail de la ministre et de notre gouvernement. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député. La dernière série d'intervention appartient à la députée de Fabre, pour quatre minutes. Madame.

Mme Sauvé : Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, clairement, je vais nous ramener un peu, là... parce qu'on est, aujourd'hui, face à une demande sur une commission d'enquête publique indépendante, alors on va se ramener à ça, et à la gestion de crise, et à l'imputabilité de ce gouvernement. C'est de ça dont il est question aujourd'hui. Vous savez, il y a eu beaucoup, beaucoup de mains qui se sont levées pour dire : Il faut un éclairage, il faut un éclairage. Puis l'éclairage complet, c'est la commission d'enquête indépendante.

On a eu des mains qui se sont levées dans nos bureaux de comté à travers cette pandémie puis qui veulent des réponses. On a des gens qui nous ont dit clairement : Il faut aller plus loin, parce que les questions que vous posez, on attend, comme vous, toujours les réponses. Les mains se sont levées, les reportages sont arrivés, et, je l'ai dit tantôt, depuis le 17 avril, que ce soient les groupes de citoyens qui ont fait des recours collectifs jusqu'au coroner en chef, le 17 juin, il y a eu toutes ces mains levées, très importantes, de dire : Il y a une crise, une crise humanitaire. Il faut la nommer, il faut avoir les réponses, il faut des enquêtes, puis, en même temps, en sachant très bien qu'il faut aller aussi, aussi plus loin.

M. le Président, il y a eu des reportages-chocs auxquels on a... qu'on a regardés très attentivement, le 24 septembre dernier, et il y a encore des images qui nous marquent, des images difficiles. Des images de drame humain, des aînés qui souffrent, des aînés qui sont morts seuls, déshydratés. Il ne faut plus jamais que ça arrive et, clairement, clairement, il faut comprendre tout ce qu'il est arrivé.

J'ai entendu, lors de l'émission J.E., les grands constats, les CHSLD qui n'étaient pas prêts, on le sait, le manque d'équipement, les gens du personnel de la santé qui ont continué à travailler alors qu'ils avaient des symptômes. On a revu cette histoire-là. On savait, bien sûr, des choses, mais on a appris aussi des nouvelles choses. Et c'est pour ça qu'il faut aller au bout, au bout de découvrir tout ce qu'il s'est passé, et non pas seulement dans la prestation du réseau de la santé, mais dans les décisions politiques qui ont été prises. Et ça, c'est la commission d'enquête publique et indépendante qui va permettre de le faire.

Alors, on a ces images qui sont très fortes. Et je vous dirais qu'il y a des mots... J'ai regardé encore... Encore hier, j'ai regardé le reportage de J.E. sur l'hécatombe. Et il y a des mots, là, qui sont tellement durs, les mots entre autres de M. Bédard. Imaginez qu'il a sorti 200 corps des CHSLD durant la première vague. Il a dit ces mots : «C'était l'antichambre de la mort. J'ai vu les traces de larmes séchées sur leur visage. Ils sont partis seuls, livrés à eux-mêmes, sans famille».

Il faut comprendre absolument, absolument ce qu'il s'est passé. Et j'entends tantôt... J'entends, bien sûr, la ministre, qui dit qu'elle est... Elle est imputable, comme elle l'a dit le 20 septembre. Donc, malgré les propos du 20... du... Pardon. Alors, qu'elle imputable, comme elle l'a dit le 20 février, malgré les propos qu'elle a tenus le 24 septembre. Alors, c'est tant mieux.

Alors, pourquoi? Pourquoi ne pas tenir une commission d'enquête? Qu'est-ce que la ministre responsable des CHSLD ne souhaite pas qu'on apprenne dans une commission d'enquête publique? Parce que je ne vois pas de raison pour laquelle on s'obstine à ne pas en vouloir une. Je ne comprends pas la raison, j'ai besoin de savoir.

Il y a 412 gestionnaires qui sont imputables, la ministre est aussi imputable. Allons vers une commission d'enquête pour toutes ces familles, les 3 950 familles qui attendent toutes les réponses. Merci, M. le Président.

• (11 h 40) •

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, Mme la députée.

Conclusions

Nous en sommes aux dernières interventions. Alors, Mme la ministre, vous avez la parole pour 10 minutes.

Mme Marguerite Blais

Mme Blais (Prévost) : Alors, M. le Président, je suis d'accord avec la députée de Fabre, il faut comprendre ce qu'il s'est passé. C'est la raison pour laquelle nous avons mandaté... c'est la raison pour laquelle j'ai voulu faire ce plaidoyer, pour faire la démonstration que le Commissaire à la santé et au bien-être, c'est une personne indépendante, c'est une personne qui est impartiale, c'est une personne qui peut faire une enquête, qui peut assigner des témoins. Alors, on est d'accord pour faire une enquête. Tout le monde est d'accord ici, on en fait une, enquête, on est en train d'en faire une.

Vous savez, ce n'est jamais drôle, là. On est assis ici aujourd'hui puis on ne veut pas mettre le blâme sur personne. Mais, quand on parle de nos aînés, puis ma collègue le mentionnait, parce que j'avais dit «le peuple invisible», ça m'a toujours frappé, M. le Président, de constater combien les aînés étaient invisibles au Québec. Ils sont devenus visibles avec la COVID. C'est-tu assez épouvantable?

La première fois que j'ai fait de la politique, je ne pouvais pas comprendre comment ça se fait qu'il y avait autant d'âgisme, comment c'était difficile. On se battait pour avoir de l'argent pour les aînés. Comment ça se fait que tout était compliqué par rapport aux aînés? J'avais déjà dit : Ce n'est pas sexy, vieillir. Puis là on avait dit : C'est effrayant, ce qu'elle dit là. Bien, c'est parce que, bien souvent, tu prends ta retraite, c'est comme si tu te retirais de la vie, c'est comme si tu devenais une personne qui n'est plus active dans la société, alors que c'est totalement faux. Puis il faut dire que c'est près de 90 % des personnes âgées qui vivent à domicile. C'est 2,8 % en CHSLD, c'est 8 % en résidence. Ces gens-là, là, paient des taxes et des impôts

Mais moi, là, je suis revenue, parce que, justement, je me suis dit : On ne voit pas les aînés puis on ne voit pas les proches aidants non plus. J'ai dit : Je vais revenir, pour qu'on les voie. J'ai découvert une personne qui s'appelle le premier ministre du Québec, qui a dit : Oui, on va en faire une, politique des proches aidants. Oui, on va rendre les milieux de vie des aînés plus attrayants, oui, on va faire de la gériatrie sociale; oui, on va faire des maisons de répit. Je suis sortie de ma retraite pour ça, puis on a commencé à le faire. Puis j'ai dit : Moi, là, avant de vraiment construire les maisons des aînés, il faut que je comprenne davantage les CHSLD. Ce n'est pas en faisant une visite ou deux visites dans un CHSLD qu'on sait comment ça fonctionne.

La députée de Fabre m'a déjà demandé mes rapports. Bien, les rapports, là, moi, je n'ai pas fait de rapports comme tels, mais les gens qui me suivaient, là, ils corrigeaient au fur et à mesure. Et je peux vous dire une chose : Je faisais des visites-surprises, mais je faisais des visites aussi avec les directions, puis, quand je voyais, par exemple, des fenêtres brisées — oui, j'ai vu un CHSLD ici, à Québec où l'air rentrait — j'ai dit : Ça n'a aucun sens, vous allez le réparer. Bien, on va le réparer, bien, c'est parce qu'on va le reconstruire. Bien, vous allez le reconstruire quand? Ça fait combien d'années que vous pensez de le reconstruire? Bien, ça fait 25 ans. Bien, on peut-tu, entre-temps, faire de quoi? On peut-tu faire des rénovations? C'est ça que j'ai fait quand j'ai visité des CHSLD.

On parle de la COVID-19. Oui, ça a atteint les personnes âgées; oui, il y a le personnel qui est rentré de vacances, qui était asymptomatique; oui, il a manqué d'équipement; oui, on avait coupé pour 44 millions de dollars en santé publique. Ça veut dire qu'on a coupé des cliniciens en prévention et contrôle des infections. Oui, il y a des endroits où tu as quatre personnes âgées pour une chambre avec une petite toilette. Oui, il y a des toilettes où on ne peut pas rentrer avec un fauteuil roulant, M. le Président. Oui, au CHSLD de Sainte-Dorothée, il y a un rideau qui sépare des lits. Comment voulez-vous que les gens ne se transmettent pas le virus? Oui, ma collègue a raison : on ne peut pas construire des CHSLD du jour au lendemain, mais on va en faire, des CHSLD, on n'a pas le choix. 

Oui, on va faire des maisons des aînés. Pourquoi? Parce que ça va être plus humain, parce qu'on va s'occuper des personnes vivant avec des troubles neurocognitifs majeurs. On va les construire où on va tenir compte, justement, de la pandémie de la COVID-19, pour qu'il y ait de la ventilation, de la climatisation, pour qu'il y ait une cuisine plus grande pour le personnel, pour qu'il y ait des lavabos. Le personnel s'infecte encore dans les cuisines, M. le Président, puis on est dans la deuxième vague. C'est ça, la réalité.

La réalité, c'est qu'on vit avec des années de décisions. Oui, je prends ma part de responsabilité, puis je l'ai dit, à Enquête, j'ai pris toute la responsabilité. Ils ont peut-être passé un bout, là, mais j'ai dit que j'ai pris toute la responsabilité et, je le redis aujourd'hui, je prends l'entièreté de la responsabilité. Je suis revenue en politique pour changer les choses, ce n'est pas vrai que je vais me cacher derrière un paravent, je ne suis pas faite comme ça, je vais la prendre, je les prends, mes responsabilités.

Ça a été difficile, on apprenait au fur et à mesure. Là, aujourd'hui, on a du matériel. Là, aujourd'hui, on a formé des champions en prévention et contrôle des infections. Là, on a un gestionnaire par CHSLD. Quand j'arrive... quand je suis arrivée au Conseil des ministres puis que j'ai dit au premier ministre : Les préposés ne sont pas assez payés pour la lourdeur de la tâche, aujourd'hui, ce sont des personnes extrêmement vulnérables qui vivent en CHSLD, bien, le premier ministre a dit : On va augmenter les salaires des préposés aux bénéficiaires. On va attendre avec les conventions au mois de mars. Bien, la COVID est arrivée avant. Mais le premier ministre a dit : On va en former 10 000, préposés. Tout le monde riait. Les gens disaient : Bien, ils vont former 10 000 préposés... Bien, hein? On en a formé 7 100 puis on est en train d'en former 3 000 autres, préposés. On ne peut pas former des infirmières de la même façon qu'on forme des préposés, ça prend trois ans. Mais là on a mis un gestionnaire par établissement. Comment voulez-vous... s'il n'y a pas de gestionnaire par établissement? Les CISSS et les CIUSSS, c'est tellement gros, M. le Président, c'est difficile de pouvoir contrôler localement ce qu'il se passe. C'est pour ça que ça prend un gestionnaire sur place pour contrôler ce qu'il se passe.

Donc, on a une meilleure pratique actuellement pour nos CHSLD. On veut aussi que le personnel arrête de se mobiliser. Ce n'est pas d'hier, ça, que le personnel, il se promène. C'était comme ça dans les CSSS, c'était comme ça dans les CISSS et les CIUSSS, ça fait partie de leur entente collective. Ça a pris un décret ministériel pour dire : Vous allez arrêter de vous promener. Ça se peut qu'il y ait des bris parce qu'il manque d'infirmières. S'il y a des bris, il faut que ça soit documenté, il faut que ça soit connu, il faut qu'on ait un registre, nous autres. Il faut que le ministre de la Santé et des Services sociaux ait un registre. Il y a un bris, pourquoi il y a un bris?

La même chose pour les proches aidants. Parce que, des fois, les consignes ou les directives sont interprétées différemment par les établissements. Là, maintenant, on a renversé le fardeau de la preuve. Vous ne voulez pas que les proches aidants entrent, vous devez faire la demande au ministère de la Santé et des Services sociaux. On va vous donner la permission ou non, parce que les proches aidants, là, on ne veut plus jamais, jamais, jamais que ça arrive que les proches aidants soient interdits, ne puissent pas aller là. Oui, quand on fait des erreurs, il faut être transparent, il faut le dire. On pensait bien faire, mais ça n'a pas été une bonne idée, ça a été une idée... On pensait que c'était pour être temporaire, ça a perduré dans le temps. À un moment donné, dans la balance, le Dr Horacio Arruda a dit : Écoutez, on ne peut pas mesurer l'angoisse, la détresse, les problèmes de santé mentale, mais effectivement ça a affecté les gens.

Puis, tout à l'heure, le collègue de Jean-Lesage, il parlait des milieux privés, des milieux publics, privés conventionnés. Qui plus est, on a un projet de loi qu'on étudie actuellement, le projet de loi n° 52. Pourquoi? Pour faire basculer les commissaires aux plaintes du privé au public. Écoutez, j'ai appris qu'il y avait des commissaires aux plaintes qui étaient embauchés par les propriétaires. Donc, comment tu veux, à un moment donné, te plaindre, apporter des plaintes quand tu es embauché par le propriétaire? On avait... On a un système où on peut déposer les plaintes, mais il y avait les CHSLD privés où il y avait zéro plainte. Bien, ça ne se peut pas, ça ne se peut pas, qu'il y ait zéro plainte. Alors là, on a un projet de loi, on essaie de changer les choses tranquillement, parce que... Pas tranquillement, vite.

Je suis pressée, M. le Président, je suis la plus vieille ici, à l'Assemblée nationale. C'est vrai que je pourrais retourner chez nous, à 70 ans, puis cultiver mes patates puis mes tomates. Mais j'ai décidé de me battre. Puis je pense qu'on peut bien se battre ensemble, le député de Rimouski puis le député des Îles-de-la-Madeleine ensemble, parce que le député de Rimouski, il a les mêmes valeurs.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la ministre.

Mme Blais (Prévost) : Je vais vous le dire, il a les mêmes valeurs.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la ministre.

Mme Blais (Prévost) : C'est terminé?

• (11 h 50) •

Le Président (M. Provençal)  : C'est terminé, Mme la ministre, malheureusement.

Mme Blais (Prévost) : Je ne pensais pas que... O.K.

Une voix : ...

Le Président (M. Provençal)  : Je demande au député des Îles-de-la-Madeleine de conclure cette interpellation. Merci.

M. Joël Arseneau

M. Arseneau : Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, je viens d'entendre la ministre passionnée sur un certain nombre d'enjeux que l'on partage, sur un certain nombre de constats que l'on partage. Ce sur quoi on ne s'entend pas, c'est sur les moyens d'arriver à nos fins. Et je relève un certain nombre de contradictions dans les propos de la ministre, qui dit, d'une part, être tout à fait d'accord pour comprendre, pour aller au fond des choses, pour faire une enquête, mais elle ne souhaite pas que l'enquête soit publique. C'est ce qu'il faut comprendre de la décision du gouvernement. Elle dit, de la même façon, qu'elle ne veut pas se cacher derrière un paravent. Mais pourquoi garder cette enquête derrière ce fameux paravent?

Vous dites vouloir prendre vos responsabilités. La responsabilité qui incombe à la ministre, c'est d'aller au fond des choses avec une commission d'enquête publique, où l'on pourra entendre, entendre les témoins tous azimuts, en particulier, les familles des victimes, qui pourront donner leur version des choses.

Parce que vous parlez, Mme la ministre, en tout respect, d'un peuple invisible, des aînés qui sont invisibles, et la solution que vous trouvez, c'est de les rendre encore plus invisibles en pelletant le dossier derrière les portes closes du travail d'une commissaire au bien-être et à la santé, dont on entendra parler que lorsque le dépôt de son rapport sera prêt à être fait. Et ce qu'on soupçonne, si on se fie au dernier rapport, le rapport pourra peut-être aussi être rendu public un vendredi après-midi, à 15 heures, dans un coin sombre du Web. C'est ce que l'on veut, à tout prix, éviter avec la proposition que l'on défend aujourd'hui.

D'autre part, on dit qu'on veut mieux comprendre ce qu'il s'est passé, pas seulement dans la gestion de crise, mais qu'est-ce qui nous a amenés à ce constat d'échec que l'on partage tous depuis 20 ou 25 ans. D'une part, on dit qu'on veut comprendre et, d'autre part, on nous dit que les constats sont là, les constats sont faits, et qu'il faut passer à autre chose, il faut se tourner vers l'avenir. Et on nous abreuve... Notre collègue de Beauce-Sud nous a inondés de chiffres tous plus intéressants et impressionnants les uns que les autres, mais je pense que le chiffre qu'il faut retenir, c'est 4 000, 4 000 victimes qui, actuellement, sont négligées dans le processus qu'on a mis en place, 4 000 familles qui ne sauront pas précisément pourquoi ce drame, cette tragédie est arrivée au Québec, pourquoi on figure au bas de l'échelle des pays, et des États, et des provinces canadiennes qui n'ont pas réussi... qui n'a pas... en fait, pourquoi on n'a pas réussi à endiguer, de la même façon que les autres ou de façon comparable, la COVID-19, particulièrement dans les résidences pour personnes âgées.

Deux chiffres, donc, 4 000 victimes, et le chiffre 1, une commission d'enquête. C'est ce dont on a besoin pour aller au fond des choses. Il faut pouvoir analyser et réfléchir publiquement à ce qu'il nous est arrivé comme Québécois et ce à quoi on a pu assister au cours des mois du printemps. Tous les Québécois ont été témoins de ce qu'il se passait. Ils ont été mis devant un fait accompli. On doit décortiquer les événements, aller derrière les chiffres, derrière les événements et mieux comprendre. Beaucoup de questions, on les a évoquées au départ, là, beaucoup de questions ont été posées. Elles doivent être posées et répondues publiquement. On ne veut pas d'un simple rapport, on veut un processus, une démarche d'enquête participative. Les Québécois ont subi un traumatisme sans nom au printemps. Il faut qu'ils fassent partie de l'expérience et du processus qui nous permettra — on l'a mentionné à quelques reprises — de guérir, de tourner la page ensemble en ayant tiré certaines conclusions, certaines leçons de ce qu'il s'est passé. Et je pense qu'il faut avoir le courage de le faire.

On a parlé beaucoup du fait que des décisions, dans le passé, pouvaient avoir généré la situation actuelle. Nous ne sommes pas là pour trouver des coupables dans la gestion de crise ou dans les gouvernements qui se sont succédé et qui ont précédé le gouvernement actuel. D'ailleurs, la ministre a déjà fait partie d'un autre gouvernement, qu'elle se plaît constamment à blâmer pour un certain nombre de ces décisions passées. Le premier ministre lui-même a fait partie d'un gouvernement du Parti québécois, où il a été ministre de la Santé, où il a pris des décisions, où il n'a pas pris certaines décisions. Nous ne voulons pas faire de politique partisane avec ce dossier-là, nous voulons savoir pourquoi le Québec et ses gouvernements successifs, incluant le gouvernement actuel, pourquoi le Québec a failli, pourquoi le Québec a subi un échec aussi important et qu'il fait porter sur la santé et sur la vie des personnes âgées les plus vulnérables de notre société.

Alors, on a, aujourd'hui, malheureusement, évité le sujet clé que l'on a voulu amener à l'interpellation, celui de débattre d'une commission d'enquête et de sa valeur. Pourquoi refuser une commission d'enquête, qu'on pourrait appeler une commission d'enquête vérité, passion et réconciliation avec ce peuple invisible que la ministre veut défendre? Nous voulons savoir, nous voulons voir, nous voulons entendre. Nous devons avoir à coeur... et conserver ce sens du devoir envers les victimes. Moi, l'image qui me vient actuellement, là, qui me vient, c'est l'image des singes de la sagesse, l'un se cachant les yeux, l'autre se cachant la bouche et le troisième se cachant les oreilles. C'est ce qu'on ne doit pas faire lorsqu'il est question d'aller trouver l'ensemble des réponses à toutes les questions qui sont posées depuis le début de mars 2020.

Et je veux revenir rapidement sur la question de la Commissaire à la santé et au bien-être. Nous ne critiquons pas, d'aucune façon, la mise en place... la remise en place de ce poste-là et la qualité de la personne qui a été nommée, mais on parle de deux choses complètement différentes. La commissaire a pour mission d'apporter un éclairage pertinent au débat public et à la prise de décision gouvernementale. C'est ça, le coeur de sa mission, et c'est une mission qui va se déployer, au cours des années, en temps normal, là. On va examiner... Et c'est son rôle, c'est son rôle, vous irez voir dans la définition de la mission qu'on lui a donnée, de voir et d'évaluer la performance du système de santé.

Ce dont il est question, c'est un événement extraordinaire, un événement qui a bousculé nos vies, un événement que la ministre a reconnu comme étant exceptionnel. Et, à événement exceptionnel, solution exceptionnelle. Et quelle est cette solution exceptionnelle? Elle existe dans la réglementation et dans les lois gouvernementales, c'est la commission d'enquête publique. Qui sert à quoi? Qui sert à enquêter de façon publique sur une question précise, un drame, par exemple — comment peut-on penser à un drame plus important que celui qu'on a vécu au printemps — et de faire rapport, évidemment, avec des recommandations, une commission qui a les mêmes pouvoirs et immunités qu'un juge de la Cour supérieure.

La différence, elle est là, elle est simple, mais elle est fondamentale dans la procédure qu'on doit mettre en place pour décortiquer les événements des derniers mois. On ne peut pas se contenter strictement d'examiner la performance du système, il faut voir quelle était l'organisation qui était en place, quelle était la planification qui avait été également mise en oeuvre, quelles sont les décisions qui ont été prises de façon successive au cours de la crise, qui se poursuit d'une certaine façon, il faut pouvoir surtout entendre non seulement la version gouvernementale, qu'on a entendue, là, ces dernières minutes, quand même, sur les causes, et les effets, et sur la façon dont on a agi avec les moyens qu'on avait, il faut pouvoir entendre les gestionnaires, il faut pouvoir entendre le personnel soignant, il faut prêter l'oreille à ce qu'ont vécu les préposés aux bénéficiaires, il faut surtout pouvoir donner la parole aux victimes et à leurs familles. Ce traumatisme-là, si on veut s'en remettre de façon positive et constructive, il faut pouvoir le décortiquer dans ses moindres détails, il faut jeter un éclairage complet sur ce qu'il s'est passé, en tirer des leçons, avoir un certain nombre de recommandations écrites par une commission indépendante qui aura fait le tour de la question, et, comme ça, on pourra tourner la page et regarder vers l'avenir sans oublier le drame du passé. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, M. le député. Merci à l'ensemble des gens qui ont contribué aux échanges aujourd'hui.

Compte tenu de l'heure, je lève la séance. Et la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux au mardi 6 octobre à 10 heures, où elle poursuivra un autre mandat. Bonne fin de semaine à tous. Merci.

(Fin de la séance à 12 heures)

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