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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Tuesday, February 18, 2020 - Vol. 45 N° 48

Special consultations and public hearings on Bill 52, An Act to strengthen the complaint examination process of the health and social services network, in particular for users receiving services from private institutions


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Table des matières

Remarques préliminaires

Mme Marguerite Blais

Mme Monique Sauvé

Mme Catherine Dorion

M. Harold LeBel

Auditions

Conseil pour la protection des malades (CPM)

Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU)

Protecteur du citoyen

Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)

Fédération des centres d'assistance et d'accompagnement aux plaintes (FCAAP)

Autres intervenants

M. Luc Provençal, président

Mme Nancy Guillemette, présidente suppléante

Mme Marilyne Picard

Mme Isabelle Lecours

Mme Suzanne Blais

M. Jean Rousselle

*          M. Paul G. Brunet, CPM

*          M. Daniel Pilote, idem

*          Mme Marielle Raymond, idem

*          M. Claude Ménard, RPCU

*          Mme Patricia M. Gagné, idem

*          Mme Marie Rinfret, Protectrice du citoyen

*          Mme Nancy Bédard, FIQ

*          Mme Sonia Mancier, idem

*          Mme Manon Fortin, FCAAP

*          M. Ian Renaud-Lauzé, idem

*          Mme Nathalie Dubois, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Note de l'éditeur : La commission a aussi siégé en soirée pour l'étude détaillée du projet de loi n° 43, Loi modifiant la Loi sur les infirmières et les infirmiers et d'autres dispositions afin de favoriser l'accès aux services de santé. Le compte rendu en est publié dans un fascicule distinct.

Journal des débats

(Dix heures une minute)

Le Président (M. Provençal)  : À l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue à tous, et bon matin. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques. Je vais commencer par donner l'exemple.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 52, Loi visant à renforcer le régime d'examen des plaintes du réseau de la santé et des services sociaux notamment pour les usagers qui reçoivent des services des établissements privés.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Benjamin (Viau) est remplacé par M. Rousselle (Vimont); Mme David (Marguerite-Bourgeoys), par Mme Sauvé (Fabre); M. Zanetti (Jean-Lesage), par Mme Dorion (Taschereau); M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), par M. LeBel (Rimouski).

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la secrétaire. Nous débuterons ce matin par les remarques préliminaires, puis nous entendrons par la suite les organismes suivants : Le Conseil pour la protection des malades et le Regroupement provincial des comités des usagers. La dernière présentation se fera par visioconférence. C'est la première, hein? Donc, je corrige, ce sera la première présentation qui sera faite par visioconférence.

Remarques préliminaires

J'invite maintenant la ministre des Aînés et Proches aidants à faire ses remarques préliminaires. Mme la ministre, vous disposez de six minutes. La parole est à vous.

Mme Marguerite Blais

Mme Blais (Prévost) : Je dispose de...

Le Président (M. Provençal)  : Six minutes, Mme la ministre.

Mme Blais (Prévost) : M. le Président, merci. Aujourd'hui s'amorcent les consultations sur le projet de loi n° 52, qui vise à renforcer le régime d'examen de plaintes du réseau de la santé et des services sociaux notamment pour les usagers qui reçoivent des services des établissements privés. En premier lieu, j'aimerais remercier les groupes que nous entendrons pendant ces trois jours et remercier aussi les collègues députés de leur contribution à l'amélioration des services.

Ce projet de loi vise à accroître la protection offerte aux personnes en situation de vulnérabilité ou qui vivent de la maltraitance, notamment les aînés, soutenir le respect des droits des usagers, consolider leur confiance envers le régime d'examen des plaintes. Pour ce faire, nous traiterons principalement de la partialité et neutralité des commissaires dans l'exercice de leurs fonctions, de l'indépendance de ces derniers et du portrait des plaintes déposées afin de pouvoir avoir un regard juste et équitable de tous les établissements, qu'ils soient publics ou privés. Ce sont toutes des conditions essentielles et concrètes pour améliorer la qualité des soins et des services du réseau de la santé et des services sociaux.

Le projet de loi ne vise pas l'ensemble du processus de traitement des plaintes. Cependant, je tiens à vous rassurer qu'à la lecture des mémoires j'ai colligé diverses demandes et recommandations concernant d'autres mesures et orientations non prévues par le projet de loi. Toutes ces recommandations ont été prises en note et feront l'objet d'une analyse par le ministère. Ce projet de loi, c'est un premier pas vers l'amélioration du processus de plainte. Nous sommes fermement engagés à changer les choses. D'une action à l'autre, nous améliorons les services, trouvons des solutions pérennes.

La Loi sur les services de santé et services sociaux prévoit un régime d'examen des plaintes pour les usagers du réseau de la santé et des services sociaux s'appliquant dans les établissements de santé et de services sociaux publics et privés. Le régime, qui se veut accessible, permet à un usager qui s'estime lésé dans ses droits d'exprimer son insatisfaction ou de déposer une plainte auprès d'un commissaire local aux plaintes et à la qualité des services ou auprès d'un médecin examinateur, et ce, en toute confidentialité et sans crainte de représailles. Nommé par le conseil d'administration d'un établissement, le commissaire est responsable envers lui du respect des droits des usagers et du traitement diligent de leurs plaintes. Il traite également les signalements effectués dans le cadre de la politique de lutte contre la maltraitance adoptée en vertu de la loi qui vise à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité. Dans le cas d'une plainte concernant un médecin, un dentiste ou un pharmacien, ce rôle incombe à un médecin examinateur ainsi nommé par le conseil d'administration.

Les plaintes et les mesures correctives qui résultent du régime d'examen des plaintes témoignent de sa pertinence et constituent un intrant important dans l'amélioration de la qualité des services rendus par les établissements. Néanmoins, certaines situations préoccupantes touchent le traitement des plaintes, ont été portées à mon attention, et nous avons décidé d'agir au bénéfice des usagers. En effet, nous devons assurer la neutralité, l'impartialité et l'indépendance du commissaire et du médecin examinateur dans l'exercice de leurs fonctions. Nous souhaitons aussi donner des leviers nécessaires aux CISSS et CIUSSS pour assurer une vigie dans le contexte de la responsabilité populationnelle qu'ils assument. Nous voulons avoir un portrait complet de l'examen des plaintes traitées dans le réseau de la santé et des services du Québec.

Nous désirons, par ce projet de loi, nous concentrer sur l'indépendance des commissaires pour le bénéfice des usagers et une uniformisation des procédures afin de mieux répondre aux plaintes, mais avoir un meilleur regard des rapports déposés annuellement. Il prévoit, notamment, que le traitement des plaintes des usagers qui reçoivent des services d'un établissement privé serait confié au commissaire et au médecin examinateur du CISSS ou du CIUSSS à l'égard de toute installation d'un tel établissement situé sur son territoire. Le commissaire serait aussi responsable de traiter les signalements faits dans le cadre de la politique de lutte contre la maltraitance dans un établissement privé.

Dans ce contexte, le projet de loi ajoute l'obligation des établissements privés d'informer les usagers et de toute autre personne qui visite l'établissement de leur droit de porter plainte. Ainsi, ils devraient rendre disponible l'information relative à la procédure d'examen des plaintes en affichant à la vue du public un document explicatif sur la procédure de plainte et indiquer les coordonnées du commissaire. Le projet de loi précise des critères d'indépendance pour sa nomination et pour toute la durée du mandat des commissaires afin d'empêcher le conflit d'intérêts. Le projet de loi prévoit qu'un représentant du CISSS et du CIUSSS serait ajouté au comité de vigilance et de la qualité des établissements privés. Ce comité est notamment responsable d'effectuer le suivi des recommandations qui sont formulées par le commissaire, le médecin examinateur et le Protecteur du citoyen à la suite du traitement des plaintes.

Le projet de loi ajoute l'obligation des établissements publics d'utiliser un actif informationnel en vue de gérer les dossiers de plainte des usagers. Pour ne pas créer de confusion au niveau de la qualité des services, le projet de loi prévoit aussi que le centre intégré de santé et de services sociaux qui serait responsable du traitement des plaintes d'un établissement privé devrait présenter les informations relatives à ces plaintes de manière distincte dans les rapports relatifs à la procédure d'examen des plaintes dont la production est exigée par la loi.

À ces mesures prévues par le projet de loi s'ajoute en parallèle la création d'une fonction de commissaire-conseil au ministère de la Santé et des Services sociaux. Tout en respectant l'autonomie et l'indépendance des commissaires locaux, ce commissaire-conseil va assurer le leadership afin de mobiliser les différents acteurs du régime d'examen des plaintes. Son rôle consistera à établir un réseau de communication entre le ministère de la Santé, les commissaires et les médecins examinateurs, à s'assurer que les mesures recommandées seront mises en place, à conseiller les commissaires, notamment sur les meilleures pratiques à adopter et leur harmonisation, à recommander la mise en oeuvre de solutions quant aux enjeux portés à sa connaissance en matière de plainte.

Je remercie encore toutes les personnes qui participent à cette commission. Je souhaite des échanges constructifs afin d'améliorer les services à tous les usagers du réseau. Je vous remercie, M. le Président.

• (10 h 10) •

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle et députée de Fabre à nous faire part de ses remarques préliminaires pour une durée de quatre minutes. La parole est à vous.

Mme Monique Sauvé

Mme Sauvé : Merci beaucoup, M. le Président. Je serai très brève. Dans un premier élan, je veux saluer la ministre et son projet de loi, qui s'inscrit dans une intention louable. Ça sera avec grand plaisir que nous serons dans un mode de collaboration à vouloir, tel que notre rôle nous le suggère à chaque fois qu'on siège dans une commission parlementaire, s'assurer qu'on évolue et qu'on contribue au projet de loi pour en faire le meilleur projet de loi possible, alors c'est dans cet esprit où nous travaillerons en collaboration. Je veux saluer les collègues de l'équipe gouvernementale, mon cher collègue, bien sûr, de Vimont, les collègues de Rimouski et de Taschereau. Alors donc, ce sera un travail constructif, tous ensemble, parce qu'il faut bien le dire, M. le Président, au coeur de tout ce débat et ces discussions que nous aurons, ce sont les soins aux aînés qui nous préoccupent tous autour de cette table.

Alors, le moment précieux qui est devant nous, c'est d'entendre, d'être à l'écoute de tous les groupes qui ont bien sûr analysé le projet de loi avec beaucoup d'attention, mais qui auront à exprimer leurs préoccupations pour qu'on contribue tous ensemble véritablement. Mais soyez assuré, M. le Président, que nous serons bien souvent les porte-voix, les messagers de préoccupations que les groupes nous exprimeront.

Alors, voilà pour mon petit mot. Donc, je laisserais... je vous redonnerais la parole, M. le Président. Merci pour ce temps, et que le travail commence.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la députée. J'invite maintenant la porte-parole du deuxième groupe d'opposition et députée de Taschereau à énoncer ses remarques préliminaires pour une durée d'une minute. La parole est à vous.

Mme Catherine Dorion

Mme Dorion : Merci, M. le Président. Bonjour à tous, je vous salue tous, et merci d'être là et de vous pencher sur ce projet de loi, qui m'apparaît important, et répondre à un réel besoin. C'est toujours intéressant de comprendre ça et de lier ça à la réalité des gens qui souffrent, qui ont des besoins, qui ne trouvent pas de réponse, souvent.

Donc, on est en mode écoute avec tous les intervenants qui vont venir nous parler. C'est pour moi quelque chose d'assez nouveau. Donc, même chose, on va se faire le porte-voix de ce qu'on entend et des préoccupations légitimes qui émergent dans la société, en espérant faire le meilleur projet de loi possible. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. J'invite maintenant le porte-parole du troisième groupe d'opposition et député de Rimouski à formuler ses remarques préliminaires pour une durée maximale d'une minute. La parole est à vous.

M. Harold LeBel

M. LeBel : Merci, M. le Président. Bonjour, tout le monde. On m'a dit qu'on allait parler d'indépendance ici, aujourd'hui, ça fait que ça m'a intéressé tout de suite, j'ai dit : Il fallait que je vienne, il fallait que je vienne faire un tour.

Sérieusement, sérieusement, j'avais participé au projet de loi sur la maltraitance et il y a eu... il y avait un bon sentiment de travail. Tout le monde, ensemble, voulait travailler, c'est la députée des Mille-Îles qui avait déposé le projet de loi, et tous les partis politiques, on a bien travaillé ensemble, puis je pense que ça va être la même chose aujourd'hui, je suis convaincu que ça va être la même chose. Mais ça va nous servir aussi, cette commission-là, à évaluer aussi ce que cette loi a pu faire, la loi sur la maltraitance, évaluer un peu l'avancement, qu'est-ce que ça a pu faire puis peut-être faire des corrections qu'il faut.

C'est sûr que, moi, c'est un dossier qui me touche beaucoup, le dossier de la qualité de vie des aînés, et je vais poser beaucoup de questions pour connaître un peu, dans l'ensemble, la réalité. Moi, j'ai déposé un projet de loi, récemment, sur la création d'un protecteur des aînés, je pense qu'on serait rendus là, mais ça va me permettre, cette commission-là, de mieux comprendre la situation et d'avancer là-dedans, ça fait que merci tout le monde, puis bon travail.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député, pour ces remarques préliminaires.

Auditions

Nous allons maintenant débuter les auditions. Comme spécifié, la première présentation se fera en partie par visioconférence. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Conseil pour la protection des malades. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. Je vous cède la parole.

(Visioconférence)

Conseil pour la protection des malades (CPM)

M. Brunet (Paul G.) : Merci, M. le Président, Mme la ministre, messieurs dames les membres de l'Assemblée nationale. Paul Brunet, du conseil.

Depuis 45 ans, nous oeuvrons à la défense des droits des usagers du réseau de la santé. Je suis accompagné, Mme Marielle Raymond, présidente du comité d'usagers de Rivière-du-Loup, elle s'est déplacée ce matin en voiture toute seule, et aussi d'un autre collègue du conseil d'administration, M. Daniel Pilote, qui est lui-même résident de CHSLD. Lui, là, il vit les plaintes par en dedans, il va nous en parler dans quelques instants. C'est pour ça que je l'ai invité, parce que, lui, il sait pas mal comment ça se passe, et surtout comment il subit les délais trop longs, le croyons-nous, du régime.

Le régime existe depuis 2001, hein, on est dus pour faire un peu de ménage solide. Et la ministre, je prends au bond son invitation parce qu'elle dit qu'elle est ouverte à plus d'affaires qu'il y en a dans le projet de loi, et c'est évidemment à ça qu'on invite le gouvernement à passer, faire un ménage et avancer dans ce régime-là qui le mérite certainement.

Alors, je survole quelques éléments. Les délais sont trop longs, 45 jours. On a franchement l'impression qu'en plus de subir les affres d'une situation qu'a vécue un résident une résidente ou un usager tout simplement, qu'en plus il doit être puni par le délai trop long qu'on passe à analyser. Je dois dire, à la décharge des commissaires, que, souvent, les rapports sont bien faits, sont étoffés, mais, au bout du compte, là, quand ça fait 63 jours, là, qu'on attend, bien souvent on accouche d'une souris. Alors, la qualité, la profondeur, l'exhaustivité des rapports des commissaires sont parfois impeccables, mais avec très peu de résultats pour le résident, très peu de résultats pour l'usager.

Et c'est là-dessus que je passe tout de suite la main... la parole à mon collègue et ami Daniel Pilote, qui a déposé des plaintes. On les a déposées en annexe du présent mémoire. Bonjour, Daniel.

M. Pilote (Daniel) : Bonjour, tout le monde. Je suis bien content, en tout cas, de pouvoir participer avec, c'est sûr, ma condition de handicap qui ne me permet pas, là, de venir jusqu'à Québec facilement, et puis, grâce aux visioconférences, bien, je suis bien content. Je vais... vu que je n'ai pas l'habitude, là, de faire ça, on va commencer.

Mmes, MM. du comité directeur de la commission, j'aimerais vous remercier pour m'avoir permis de participer à la vidéoconférence pour le projet de la loi n° 52. Donc, je suis directeur administratif du CPM depuis trois ans et usager au CHSLD du Centre d'hébergement Champagnat à Saint-Jean-sur-Richelieu. J'ai une condition de handicap sévère causé par la dystrophie musculaire Becker avec une perte d'autonomie depuis l'âge de neuf ans. Mon expérience est assez variée, entre autres, avec le maintien à domicile, relations avec mes proches aidants qu'entrepreneur et formation en services financiers. Je crois que ma participation est importante pour le projet de la loi n° 52 et j'ai constaté qu'il y a beaucoup de difficultés avec le système de plainte dans le système de santé, et j'ai pris des notes durant un an que je vais vous soumettre pour analyse. En fait, elles ont été déposées dans le système de plainte et cela va vous donner une petite idée, là, pour améliorer le temps pour résoudre et solutionner.

Je crois que les plaintes avec le centre d'hébergement privé est une bonne idée parce qu'aucun système de plainte n'existait auparavant avec les centres intégrés de santé. Par contre, je crains un alourdissement du système de plainte, que l'on doit améliorer. Imaginez-vous que, présentement, une plainte est traitée au-delà de 45 jours, c'est vraiment trop long pour le traitement, surtout que les conclusions de plaintes ne mentionnent pas d'excuses à l'usager. Je pense que l'on doit exclure les commissaires aux plaintes dans les centres intégrés de santé pour éviter le favoritisme et complicité.

En conclusion, je pense que nous devons inclure un système de plainte au centre d'hébergement privé. Cependant, nous devons exclure les commissaires des centres intégrés pour une indépendance, ceci pour éviter des conflits d'intérêts et diminuer les ententes secrètes ou peut-être de l'aveuglement volontaire qui pourrait subsister.

J'aimerais vous remercier, chers membres du comité directeur de la commission.

• (10 h 20) •

M. Brunet (Paul G.) : Je veux juste revenir très rapidement sur une plainte que Daniel a faite en juin 2019, laquelle plainte a été rejetée. Daniel s'est plaint qu'un matin, à 9 heures, l'administration a décidé de faire une rencontre de tous les préposés. À 9 heures le matin, en centre d'hébergement, là, c'est le moment critique où on donne les soins d'hygiène, les soins de chevet. Eh bien, non, l'administration a décidé, elle, qu'elle scrapait tout ça, qu'elle envoyait les bénéficiaires. Il a fait une plainte, ça a été rejeté.

Ma conclusion, c'est que la gestion l'a emporté sur la mission de l'hébergement. Et ça, ça, je trouve ça scandaleux qu'encore aujourd'hui les administrations continuent à prendre de telles décisions. Je trouve ça difficilement acceptable.

Je ne veux pas aller trop en détail, puisque le temps va nous manquer, mais je veux tout de même attirer votre attention sur des affaires bien simples qui ne coûtent pas cher qu'on a observées, nous autres, depuis toutes ces années. C'est-à-dire que d'abord les commissaires devraient relever désormais du ministère de la Santé, peut-être le commissaire-conseil au ministère. Parce que c'est trop proche, j'ai trop vu d'apparence, peut-être pas dans les faits, mais d'apparence de conflits d'intérêts entre la direction générale... Demander que les bureaux des commissaires ne soient plus dans la section administration, direction générale. Vous seriez surpris combien des usagers nous ont dit qu'ils n'osent pas aller faire une plainte parce qu'il faut qu'ils passent devant le bureau du D.G., en 2019, là, pas en 1958! Il y a encore ces problèmes-là très simples. On ne devrait pas partager nos systèmes de communication. Quand on appelle au bureau du commissaire, ça ne devrait pas répondre : Direction générale, bonjour! Comme le... comme le médecin examinateur, dis-je, ces gens-là sont non seulement responsables de faire fonctionner le système de plainte, mais ils sont aussi imputables. Et je pense qu'ils mériteraient, ils gagneraient à sentir qu'ils sont plus imputables que ce qu'on a vécu jusqu'à maintenant.

Aussi, dans une disposition du projet de loi, vous proposez que l'établissement doit informer l'usager qu'il peut porter une plainte, encore faut-il s'assurer qu'on lui facilitera le moyen de la formuler, ladite plainte, surtout quand l'usager est accablé de perte de mobilité importante.

Évidemment, le principal but de notre présentation, c'est de raccourcir les délais qui, à notre avis, éventuellement conduisent à l'injustice, hein? Les Anglais disent : «Justice delayed, justice denied», c'est vraiment et souvent le cas chez beaucoup d'usagers qui ont porté plainte et qui finissent par s'adresser à nous.

Je ne veux pas finir sans vous dire que désormais on devrait demander au commissaire d'user de plus de son initiative, aller au-devant des usagers, pas attendre qu'ils appellent, il y en a qui n'ont pas de mains pour appeler, que désormais les rapports annuels des commissaires comprennent au moins 25 % de ses interventions qu'il aurait faites ou qu'elle aurait faites de sa propre initiative. Aller au-devant des usagers.

Je ne veux pas finir sans donner la parole à ma collègue, Mme Raymond, qui a beaucoup plus d'expérience que moi dans toutes sortes de choses.

Le Président (M. Provençal)  : 30 secondes, madame, mais vous pourrez déborder un petit peu.

Mme Raymond (Marielle) : Bonjour, tout le monde. Je salue tous les gens membres de l'Assemblée nationale qui sont ici et qui font un travail formidable. Et vous êtes là pour être notre porte-parole quand on n'en a pas.

Et je vais vous dire une chose. Peut-être que, dû à mon âge, hein, j'ai 77 ans... et je travaille encore à plein temps comme bénévole. Hier, j'étais à Rimouski, au comité de gestion des risques du CISSS du Bas-Saint-Laurent, et, aujourd'hui, je suis ici. Je me véhicule encore. Il y en a qui disent : Tu vas encore à Québec puis à Montréal? Bien oui, je vais à Boston, ce n'est pas l'âge qui m'arrête, mais c'est l'âge... Vous savez qu'un vieux assis, ça voit beaucoup plus loin qu'un jeune debout. Je ne veux pas insulter les jeunes qui sont ici, mais c'est ça, c'est parce que c'est l'expérience.

Et je vis avec des gens qui sont dans des résidences, parce que je fais des visites ministérielles dans les résidences, là, les CHSLD, je vais dans des résidences intermédiaires, je vais dans des résidences privées mettre mon nez pour voir. Je ne vais pas pour me faire voir — comme disait un certain directeur général de CISSS, à un moment donné, quand il se promenait, c'était pour se faire voir — moi, je vais pour voir qu'est-ce qu'il se passe vraiment. Et les commissaires aux plaintes, je peux vous dire que je les verrais beaucoup plus avec une autonomie, un peu comme la Protectrice du citoyen, pas parce qu'ils sont mauvais, pas parce qu'ils ne font pas un bon travail, mais parce que, justement, de passer devant le bureau... J'ai fait même déplacer un bureau de commissaire aux plaintes, à un moment donné, dans un établissement parce qu'on passait devant la direction générale, puis tout ça. Bien, qu'est-ce que c'est que vous faites, hein?, vous encensez, à ce moment-là. Donc, c'est ça.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, madame. Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. Mme la ministre, je vous cède la parole.

Mme Blais (Prévost) : Merci beaucoup, M. le Président. Je vais poser une question et, après, laisser la parole à mes collègues. Et peut-être remercier aussi le sous-ministre et les membres de l'équipe ministère de la Santé et des Services sociaux qui nous ont aidés pour l'élaboration de ce projet de loi.

Tout d'abord, je vous ai bien entendus, M. Brunet, Mme Raymond, M. Pilote — très heureuse, M. Pilote, que vous soyez là — je vous ai entendus concernant le délai, c'est quelque chose... une question qu'on va poser aux commissaires aux plaintes quand ils vont venir. J'entends très bien ce que vous êtes en train de dire, M. Brunet, et on va garder ça en mémoire, là. Si vous trouvez que, 45 jours, c'est trop long, on peut peut-être trouver une voie de passage.

La question que j'aimerais vous poser, c'est : Vous avez mentionné que vous aimeriez que les commissaires aux plaintes relèvent du commissaire-conseil, pouvez-vous élaborer un peu plus? C'est quoi, votre vision, par rapport à ça?

M. Brunet (Paul G.) : Bien, ce que je sens, ce que j'entends, ce que j'ai vu, c'est souvent qu'il s'établit une certaine familiarité entre le commissariat et la direction générale pour toutes sortes de raisons qui ne sont pas nécessairement mauvaises mais qui, à un moment donné, finissent par empêcher le commissaire de faire un travail qui soit le plus indépendant possible. Je le sais qu'ils ne peuvent pas être aussi indépendants qu'un juge, il y a une question de principe d'inamovibilité et une question de rémunération. Alors, toutes ces questions-là sont importantes, mais je crois que, si la personne qui est vraiment responsable, qui est le boss des commissaires, était au ministère, on risquerait d'avoir moins de chance de trouver cette proximité qui, parfois, à la longue...

J'ai vu en Beauce un commissaire écrire à un usager pour lui dire qu'après étude il ne pense pas que sa plainte serait fondée et il met le directeur général en copie. Ça ne se fait pas, mais c'est une pratique. Alors, est-ce que c'est parce qu'ils sont trop habitués ensemble? Ce que je sais, c'est que, si le patron ou la patronne était au ministère, peut-être qu'on se garderait une petite gêne dans notre travail. C'est une proposition.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Soulanges.

Mme Picard : Merci, M. le Président. J'aurais une question, je ne sais pas lequel de vous trois voudrait bien y répondre. Si le projet de loi, comme tel, est adopté, croyez-vous que les patients vont être un petit plus en confiance de faire une plainte? Pensez-vous que ça va augmenter un petit peu le... pensez-vous qu'ils vont être plus enclins à faire des plaintes, ils vont se sentir plus en sécurité?

M. Brunet (Paul G.) : C'est-à-dire qu'on vise beaucoup les établissements privés. Nous, on vous propose de le mettre partout. Ce n'est pas normal que, quand tu vas dans une clinique qui accepte l'assurance maladie, l'usager n'ait pas un recours pour faire une plainte contre le professionnel ou la professionnelle concernée. Nous, on voudrait que votre projet de loi aille... il s'applique partout où la carte d'assurance maladie s'applique, pas juste à certains endroits — d'ailleurs, je sens qu'il y a une définition qui est peut-être défectueuse dans le projet de loi — mais on devrait couvrir partout où des gens reçoivent des soins payés par l'État, avoir possibilité de porter plainte plutôt que d'être obligés d'aller au Collège des médecins ou je ne sais trop à quel saint se vouer.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Roberval.

Mme Guillemette : Oui, merci, M. le Président. Vous avez parlé d'exclure des CIUSSS et d'enlever du côté des administrations. Est-ce que vous verriez les bureaux mêmes du commissaire à l'extérieur carrément des CISSS, des CIUSSS?

M. Brunet (Paul G.) : Tu sais, depuis 2001 que ça existe, là, le régime de plainte, commençons par les sortir de là. Puis à la prochaine réforme, si ça ne marche pas encore, on les sortira physiquement des lieux. Mais je sais qu'il y a des places que le commissaire, la commissaire sont vraiment loin de l'administration, et je pense que ça, on n'a pas besoin d'en dire plus, c'est important. Et là où ça se fait, là où on a sorti le commissaire des lieux de l'administration, de la direction, on sent qu'il y a une sérénité accrue dans son travail.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la ministre.

• (10 h 30) •

Mme Blais (Prévost) : Vous avez mentionné qu'il faudrait que la question des plaintes soit dans tous les endroits où il y a des soins et des services, mais, dans le projet de loi de la Santé et des Services sociaux, effectivement, les résidences privées font partie... peuvent aussi porter plainte aux commissaires aux plaintes.

Actuellement, dans ce projet de loi, n° 52, ça vise 91 établissements privés et privés conventionnés, entre autres 40 CHSLD privés et 54 CHSLD privés conventionnés et quelques autres établissements, comme L'Hôpital chinois, là, qui est un CHSLD, mais les commissaires aux plaintes ont aussi cette capacité à pouvoir traiter des plaintes des résidences privées, là, où il y a des soins et des services.

Peut-être aussi mentionner, parce que M. Pilote semblait inquiet, on va embaucher aussi plus de commissaires aux plaintes et des commissaires aux plaintes adjoints, là, pour être en mesure de pouvoir gérer mieux les plaintes, parce que sinon ce serait impossible, là. Si on demande aux établissements privés de se délester de leurs commissaires aux plaintes puis ne pas en engager d'autres, je pense qu'effectivement, on a un problème.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Lotbinière-Frontenac avait demandé la parole.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Bonjour. Moi, j'avais une question concernant... Bien, vous disiez que l'analyse des dossiers était trop longue. Vous disiez que, par contre, la qualité des rapports était appréciable mais les résultats étaient minimes. Est-ce que vous pouvez nous parler de ça? Puis vous aviez... je pense que vous disiez aussi que le pouvoir d'intervention des commissaires aux plaintes... ils n'utilisaient pas assez leur pouvoir. Donc, j'aimerais ça que vous nous parliez de ça.

M. Brunet (Paul G.) : O.K. Alors, la première chose, vous me dites que vous souhaitez entendre parler de l'intervention. Oui, il y a des places où ils sont vraiment interventionnistes, les commissaires, et on le voit puis ça se sent. Puis il y a d'autres places, on ne les voit pas, on ne les voit pas assez, puis, si les gens veulent faire une plainte, bien : Appelez-moi. Tu sais, depuis que, maintenant, c'est le conseil d'administration qui les embauche, bien, c'est une personne, souvent, avec certains délégués. Mais ils ne circulent pas assez.

Moi, j'aimerais ça que les commissaires aillent au-devant des usagers. Et c'est pour ça qu'on dit qu'on aimerait imposer, respectueusement, un certain pourcentage d'interventions, de l'initiative même. J'ai osé dire ça à Saint-Michel, une fois, dans une conférence, et la commissaire s'est levée, elle a dit : Moi, je vais là tous les jours puis je vais partout. Alors, il faut faire attention, il y en a qui le font, mais on sait que c'est une minorité des nos commissaires, que l'on apprécie par ailleurs.

Le Président (M. Provençal)  : Ah oui! Allez-y, madame. Complémentaire.

Mme Raymond (Marielle) : Bon, concernant ces choses-là, là, moi, je vais vous donner un petit exemple. Il y a quelques années, donc en 1994, il m'est arrivé quelque chose, dans le Bas-Saint-Laurent, de très triste, à L'Isle-Verte, où il y a des gens qui sont brûlés. Avant que cette chose-là arrive, il y avait l'agence régionale. Ce n'était pas les CIUSSS, c'était l'agence régionale qui visait... pour les commissaires. Il y avait un commissaire aux plaintes régional qui, lui, avait le droit d'aller dans des résidences privées et qui avait le droit aussi pour les ambulances, et c'est lui qui réglait ça.

Moi, j'avais vu quelque chose, à cette résidence-là, que je n'aimais pas, mais que je ne pouvais pas rien faire. Qu'est-ce qu'on pouvait faire à ce moment-là? C'était de voir le commissaire régional un petit peu en catimini puis dire : Bien, moi, j'aimerais ça que vous alliez faire un petit tour. Grâce à M. Delage, pas Cyrille mais l'autre M. Delage, qui était commissaire aux plaintes régional et qui était allé faire un petit tour au mois de novembre 1993, il y a au moins une personne qui a été sauvée du feu de L'Isle-Verte. Elle est décédée au CHSLD De Chaufailles l'année passée, à Rivière-du-Loup, à l'âge de 103 ans. Et la famille m'a remerciée d'avoir sauvé leur mère, parce que, quand le président régional était allé, il y a une personne qui frappait dans une porte, puis on a demandé au monsieur : Mais qu'est-ce qui se passe? Pourquoi qu'elle frappe comme ça? Parce qu'elle faisait un peu d'errance, on l'embarrait dans sa chambre. Il dit : Vous n'avez pas le droit de faire ça. Et il dit : Vous avez deux jours pour la sortir d'ici. Elle s'est en allée à un CHSLD chez nous, et il l'a sauvée.

Voyez-vous, l'indépendance... il avait un peu plus d'indépendance à ce moment-là, le commissaire aux plaintes régional qui était à Rimouski et qui a été capable de faire des choses comme ça. Donc, quand je pense... L'indépendance, là, c'est un peu une petite chose comme ça. C'est qu'aujourd'hui les commissaires aux plaintes qui sont là, c'est sûr qu'ils ont... On ne mord pas la main qui te nourrit, hein, et ils ont un petit peu une indépendance, et, quelquefois, bien, on ferme un peu les yeux parce qu'on manque de places dans les établissements.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la ministre aimerait...

Mme Blais (Prévost) : Oui, j'aimerais vous dire qu'entre autres la raison du commissaire-conseil, même s'il ne fait pas partie du projet de loi, c'est, entre autres, M. Brunet, pour harmoniser les pratiques, mieux communiquer, parce que les commissaires aux plaintes sont assez isolés d'une certaine façon, hein, ils sont seuls dans les établissements. Donc, ça va permettre une meilleure harmonisation des pratiques. Le commissaire aux plaintes peut très bien dire : Allez au-devant et n'attendez pas. Donc, on peut améliorer ces pratiques-là. Et la raison du projet de loi n° 52, c'est pour être en mesure de donner aussi plus d'indépendance aux commissaires aux plaintes et peut-être de trouver des voies de passage pour y parvenir.

Et peut-être, en terminant, vous dire qu'il y a un total de 13 400 mesures correctives qui ont été émises en 2018‑2019. De celles-ci, 9 184 ont été recommandées lors de la conclusion des dossiers de plaintes par les commissaires aux plaintes et à la qualité des services et 2 991 autres à la suite de leurs interventions. Quant aux médecins examinateurs, c'est 725 mesures. Donc, il y a quand même beaucoup de plaintes qui sont quand même réglées par les commissaires aux plaintes, mais essayons le plus possible d'améliorer pour faire en sorte qu'ils aient encore plus de liberté d'agir.

M. Brunet (Paul G.) : Oui, mais peut-être aussi, grâce peut-être au commissaire-conseil, être moins vite sur la demande d'extension de délai, tu sais, parce que, là, on parle de 45, mais souvent ça finit par 60, 63, là. Vous avez deux exemples où Daniel a fait une plainte, et le plus triste, c'est que, dans la deuxième plainte, on lui demande encore un délai, alors que c'est la même plainte qu'un an auparavant. Alors, ça ne fait pas sérieux, et, évidemment, c'est l'usager qui paie pour pendant tout ce temps-là. Moi, je disais à la blague un jour : Toutes les plaintes reliées aux menus puis aux repas, là, pendant le délai durant lequel traîne l'étude, il faudrait que tous les administrateurs de l'établissement mangent la même affaire qui est l'objet de la plainte. Peut-être que ça se réglerait plus vite. Je ne sais pas.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci, M. le Président. Excusez ma voix. Alors, merci à vous trois. M. Brunet, vous avez parlé, dans le projet de loi n° 52, qu'il y avait une définition qui semblait problématique. J'aimerais que vous élaboriez, s'il vous plaît.

M. Brunet (Paul G.) : En fait, elle est trop restrictive, selon nous. C'est la définition d'«établissement» où, nous — la ministre nous connaît depuis un certain temps — on pense qu'encore une fois, partout où quelqu'un reçoit des soins avec la carte d'assurance maladie, il devrait y avoir un recours, une plainte, le droit de faire une plainte. Dans une clinique privée où vous donnez votre carte d'assurance maladie, si vous n'êtes pas content, «tough luck», il n'y en a pas, de recours. Ce n'est pas normal que de l'argent, des deniers publics qui servent à vous soigner où que ce soit au Québec ne puissent pas vous permettre de porter plainte contre le professionnel ou contre l'établissement, pas normal. Là, je les envoie aux petites créances. Ce n'est pas assez. Il faut pouvoir porter plainte quand c'est de l'argent public qui sert à donner le soin, où que vous soyez, où que vous vous trouviez au Québec.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Oui, Mme la députée.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : J'aimerais, au niveau des statistiques, savoir combien est-ce qu'il y a de plaintes par année.

M. Brunet (Paul G.) : Je ne le sais pas, je n'ai pas trouvé de rapport consolidé au ministère. Il y en a par région, mais je n'ai pas trouvé de rapport consolidé.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Et quelles sont les plaintes les plus fréquentes?

• (10 h 40) •

M. Brunet (Paul G.) : Les plaintes les plus fréquentes, Daniel pourrait en témoigner, c'est souvent le manque de soins ou la baisse du niveau de soins, surtout depuis la réforme, moins la réforme que l'objectif de déficit zéro. Oui, la pénurie a aggravé des affaires, mais je trouve, des fois, que la pénurie a le dos large. J'ai parlé avec la présidente de l'ordre des infirmières auxiliaires. Ils sont 15 000 membres. Elle me dit que 40 % des filles qui travaillent comme infirmières auxiliaires sont obligées d'avoir un deuxième emploi parce que le réseau ne leur donne pas assez d'ouvrage. C'est 6 000 personnes, ça, madame, qui sont disponibles maintenant. Ne me parlez pas de pénurie tant qu'on n'aura pas dit à ces filles-là, ces 6 000 personnes-là : Entrez dans le réseau, on va vous donner plus d'heures. Il y en a, du monde qui est prêt à travailler, présentement. Parlez à la présidente de l'ordre des infirmières auxiliaires, elle m'a dit ça il y a quelques semaines à peine. Il y a des filles qui travaillent au St-Hubert. Je n'ai rien contre St-Hubert Bar-B-Q, mais on a besoin de gens dans le réseau puis en CHSLD. Il y a du monde de disponible, faisons-les travailler.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de... non, excusez, de Fabre.

Mme Sauvé : De Fabre.

Le Président (M. Provençal)  : 11 minutes.

Mme Sauvé : Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, je veux saluer M. Brunet, je veux saluer Mme Raymond, très admirative de votre sagesse, madame, et je veux saluer le courage de M. Pilote. Merci d'être avec nous aujourd'hui et de nous parler de votre témoignage, qui est au coeur de ce projet de loi.

Il y a plusieurs questions qui ont été amenées par la ministre et les collègues. Moi, il y a un élément clé sur lequel j'aimerais vraiment vous poser des questions, au-delà du projet de loi et de son intention. Vous avez bien nommé tantôt, entre autres en lien avec une des vos recommandations de votre mémoire, la recommandation n° 5, je pense... la 4, pardon, quand vous dites que «le bureau du commissaire et de son délégué ne doit jamais être aménagé dans la même section d'établissement que celle dans laquelle loge l'administration et la direction», ce que vous êtes en train de nommer quand vous nommez ça, c'est vraiment la peur de dénoncer, hein, la peur de la démarche de la plainte pour l'aîné, la famille aussi.

Alors, je veux vraiment vous entendre là-dessus, au-delà de votre recommandation n° 4 puis l'intention du projet de loi. Est-ce qu'on va régler... est-ce que c'est suffisant pour redonner confiance aux aînés, pour faire en sorte que leurs familles aussi vont vouloir dire : On y va, on y va de l'avant? D'abord, parce qu'évidemment il y a eu cette réalité préoccupante qu'on tente de régler, mais, dans l'esprit des gens, ça demeure présent. Alors, ça, c'est très important. Puis aussi parce que, comme vous l'avez si bien dit, souvent, on accouche d'une souris. On est en train, après la plainte... D'ailleurs, M. Pilote, dans le détail de tout ce qu'il a vécu, on voit bien que, le résultat de la plainte, c'est un rappel au personnel. Alors, moi, je veux vous entendre là-dessus. Est-ce qu'on est en train de véritablement régler la peur de dénoncer?

M. Brunet (Paul G.) : Veux-tu parler, Daniel?

M. Pilote (Daniel) : S'il vous plaît. Très important. Les personnes qui sont en perte d'autonomie, qu'est-ce qui arrive, c'est qu'ils n'ont plus d'intérêt à se plaindre, d'accord? Même s'ils subissent de la maltraitance, ils se disent : Bah! à l'âge que je suis rendu ou, même, ils ne s'en aperçoivent pas. C'est ça, la difficulté là-dedans, ils ne s'aperçoivent pas qu'ils sont en maltraitance. Et ça, c'est grave, là.

Qu'est-ce qui arrive, c'est que certains membres du personnel peuvent peut-être abuser de ça. De toute façon, elle ne s'en apercevra pas. Ça fait que, donc, c'est des gestes précipités, surtout ça, surtout des gestes rapides. Donc, c'est sûr que, quand tu fais des gestes rapidement, bien, tu risques de faire de la maltraitance. Donc, là-dessus, le problème, c'est qu'ils ne se plaignent pas, malgré la maltraitance.

M. Brunet (Paul G.) : Je peux aussi ajouter aux propos de Daniel le fait que c'est très difficile... on est devant la Cour supérieure, présentement, avec un recours collectif pour le passé, et trouver un résident, une résidente de CHSLD qui veut parler comme Daniel le fait... À ma mémoire, moi, moi, il y a Claude Brunet qui l'a fait — il a payé cher, hein? — en 1997, 1998... pardon, en 1988. Daniel ose parler. C'est très difficile. On cherche des résidents, des gens qui peuvent parler, malgré la lourdeur de leur handicap. C'est très difficile. Et je salue encore avec admiration, là, ce que Daniel fait. Et je lui dis à chaque fois que je lui parle : Si tu sens que tu te fais tasser ou... comme mon frère Claude l'a senti avant qu'on le jette par terre et qu'il en meure en... je ne me souviens plus, en 1988, en 1988, Claude est mort en 1988...

Une voix : En 1998.

M. Brunet (Paul G.) : Non, il est mort le 23 juin 1988. Peu importe. Alors, c'est ça, comme vous le dites, là, cette sensation-là qu'on est aussi bien... Et, de toute façon, comment voulez-vous vous plaindre de quelqu'un qui, malgré toute sa bonne volonté... J'étais à Saint-Charles-Borromée récemment. Je sais que Mme la ministre y était aussi il n'y a pas si longtemps. Quelqu'un qui est lourdement handicapé, qui ne peut pas bouger, un préposé rentre, puis il lui dit, au préposé : Je ne veux pas être lavé aujourd'hui. Le préposé lui dit : Laissez-moi faire mon travail, puis il le lave quand même. Il ne peut pas bouger. On a fait une plainte. Ça a pris des mois. Finalement, il a eu une suspension de quelques jours.

C'est l'usager qui a le droit de décider ce qui va lui arriver, et c'est très difficile pour des gens qui ont besoin vital de ces soins-là de se plaindre. On a de la misère à le comprendre, nous autres. Mais je commence, moi, après toutes ces années, à comprendre la délicatesse de ce dont on parle et l'importance d'avoir des commissaires qui vont au-devant des usagers. Ça va être une loi, un projet de loi encore plus fort, si vous l'adoptez.

Le Président (M. Provençal)  : Député de Vimont...

Mme Raymond (Marielle) : Excusez-moi...

Le Président (M. Provençal)  : Oui, madame.

Mme Raymond (Marielle) : ...j'aurais voulu rajouter quelque chose. Vous savez, ce n'est pas seulement les gens qui sont hébergés ou les gens qui reçoivent des services dans les centres hospitaliers, mais ce sont souvent leurs parents qui n'osent plus parler. C'est la loi de l'omerta parce qu'on a peur des répercussions sur nos usagers. Ça, je vois ça encore régulièrement parce que moi, au comité des usagers, on m'appelle. On m'appelle des Laurentides parce qu'on veut déménager une personne à 50 kilomètres de chez elle pour être hébergée puis qu'on n'a personne pour aller la visiter tout près, et, tu sais, des choses comme ça, puis on n'ose pas. Et les comités de résidents qui sont dans les CHSLD ont aussi cette difficulté-là à faire parler les gens. Ils ont peur pour leurs personnes hébergées. Ça, c'est la loi de l'omerta qui arrive un peu partout.

Puis je vais vous dire une chose, je ne les blâme pas, j'ai fait ça vis-à-vis de ma propre mère, à un moment donné, la loi de l'omerta, parce que j'avais peur que ça se répercute contre ma mère. Et c'est pour ça que je suis venue au comité des usagers il y a 15 ans, parce que je vivais le regret. Par contre, quand ma mère a été décédée, j'ai mis le pied à terre puis j'ai fait des choses pour ça. Mais, vous savez, hein, je comprends les familles, on a toujours peur que nos parents soient maltraités par ricochet.

Le Président (M. Provençal)  : M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Merci, M. le Président. Écoutez, je voudrais me servir de votre expérience, que ça soit M. Pilote, que ça soit M. Brunet et vous, Mme Raymond. Justement, je m'en vais dans le même sens, d'aller au-devant des usagers. Vous parlez que c'est la loi de l'omerta, puis je peux comprendre qu'à un moment donné tu ne veux pas que quelqu'un de ta famille soit brimé dans ses droits, mais là je réfléchissais, à un moment donné, je me disais : Ceux qui n'ont pas de famille, ceux qui ont de la difficulté à communiquer, que ça soit une autre langue, ou ceux qui sont tout simplement muets, ou... tout dépendant, il arrive quoi, à eux? Donc, je vois vraiment, dans «aller au-devant des usagers», l'importance de ça. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Brunet (Paul G.) : C'est tellement important, ce que vous dites, parce que des gens sont lourdement handicapés, il y en a qui ne parlent pas, il y en a qui ne voient pas et... Mais soyons un peu positifs, rappelons-nous qu'avec un bon rapport, et ça fait partie d'une des formations qu'on donne, comment intervenir en CHSLD au sein d'un comité, je pense que, quand on a des interlocuteurs en autorité sur les unités, en général, avec les gens bien intentionnés, de bonne... on règle les problèmes, pas besoin de faire une plainte. Et, grâce à beaucoup de gens, beaucoup de femmes et d'hommes qui travaillent sur les planchers, on règle des affaires simples, mineures, qui peuvent se régler rapidement. Mais, quand on est rendus à porter plainte, là, on a peur, la famille hésite, et c'est là où le commissaire, la commissaire peuvent jouer un rôle déterminant, d'abord pour aérer tout ça, pour rendre plus transparent ce qui se passe. Et c'est en allant sur les unités qu'on sait qu'est-ce que ça sent, on entend ce qui se passe et on voit. Et que tout le monde convienne... et c'est ce que je dis souvent aux membres des comités, de convenir de votre patinoire sur les unités et dans les CHSLD si jamais on vous empêche d'y aller tous azimuts, ils vous empêchent de jouer votre rôle. Le principal rôle des comités, c'est de défendre les droits collectifs des usagers de l'établissement. Si vous ne pouvez pas aller voir personne, c'est sûr que ces gens-là, qui vous empêchent de le faire, contreviennent à la loi.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Mme la députée de Fabre, oui, il vous reste 1 min 30 s.

• (10 h 50) •

Mme Sauvé : Parfait. Merci, M. le Président. Alors, je vais faire rapidement. J'aurais bien d'autres questions mais, si je vous ai bien compris, dans votre demande n° 9 de s'assurer que, dans le rapport aux autorités, il y a au moins 25 % des interventions qui sont issues des initiatives, dans le fond, avec cette recommandation-là, c'est un peu comme un indicateur de performance de votre 8, qui demande, justement, au commissaire d'aller sur les lieux. Est-ce que je me trompe quand vous allez dans ce sens-là?

M. Brunet (Paul G.) : Non, madame, vous ne vous trompez pas. Je pense, j'ai mis un... j'ai posé un geste de plus pour nous assurer que, formellement, dans les rapports annuels, on voit qu'il y a eu des interventions, de l'initiative, et c'est tout à l'honneur des commissaires, dont plusieurs le font, rappelons-le, mais ce n'est pas assez nombreux pour les endroits que je visite. Alors, je pense que ça, oui, 8 et 9 vont ensemble pour que nos commissaires, leurs délégués aillent plus auprès des usagers.

Mme Sauvé : Parfait, merci. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Taschereau.

Mme Dorion : J'ai combien de temps?

Le Président (M. Provençal)  : 2 min 45 s.

Mme Dorion : Merci. Merci, M. Brunet, merci, Mme Raymond, merci, M. Pilote. Déjà, ça nous fait voir de façon plus concrète un peu le monde dans lequel on a à se plonger.

Il y a eu des critiques aussi par rapport à l'indépendance des commissaires aux plaintes dans le réseau public. Ça existe, il y a eu... bon, la question d'indépendance se pose aussi là. Selon vous, qui connaissez bien ça de l'intérieur, dans le mode de nomination de ces commissaires-là, donc, ils vont être plus nombreux si le projet de loi va de l'avant, qu'est-ce qui est important qu'il se passe ou qu'il ne se passe pas? Qu'est-ce qu'il est important d'éviter ou qu'est-ce qu'il est important de favoriser dans ce mode de nomination là des commissaires aux plaintes?

M. Brunet (Paul G.) : Bien, pour avoir une idée sur comment on est indépendants, je suis juriste moi-même puis je sais comment on nomme des juges, il faut éloigner le plus possible le lieu ou la personne qui nomme du lieu où la personne va oeuvrer.

Évidemment, tu sais, idéalement, on devrait dire : Le ministère devrait les nommer. Mais les dernières quatre années, là, j'ai été terrifié, moi, par les nominations centralisées, que là je n'ose plus dire ça. Tu sais, je veux dire, on a scrapé littéralement le peu de ce qu'on voulait ou pouvait faire de bien à cet égard. Alors, je me méfie des nominations centralisées, on sait pourquoi, et j'abonde dans le sens où on aurait un commissaire-conseil, au ministère, qui jetterait un regard sur ces gens-là. Peut-être les nommer localement, il y a des gars et des filles qui font de très belles jobs, là. Mais on a besoin de renforcer.

Ça a parti en 2001, cette affaire-là, et je pense qu'on a ce que ça prend aujourd'hui, au gouvernement et chez les ministres que j'ai rencontrés, pour dire : O.K., on va poser un geste courageux — il faut le faire, hein? — poser un geste courageux, mais c'est un régime de plaintes qui va valoir la peine de continuer à être encouragé.

Nous, évidemment, dans un monde idéal, on vous a déjà dit qu'un vrai régime de plaintes, c'est nous, au Conseil pour la protection des malades, qui devrions le gérer, mais je sais que nos politiciens sont hésitants là-dessus puis je le respecte, mais, en attendant, améliorons ce que l'on a.

Mme Dorion : Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Provençal)  : 30 secondes.

Mme Dorion : O.K. Et, concrètement, quelle forme ça pourrait prendre, que les commissaires aillent au-devant des malades, aillent au-devant des aînés pour prendre le pouls dans une situation où eux n'osent pas? Concrètement, comment on peut faire ça?

M. Brunet (Paul G.) : Bien, ils sortent de leurs bureaux puis ils se promènent dans les installations, dans les établissements où ils ont juridiction, mettent moins de posters «Appelez-moi». Allons-y. Et je sais qu'il y a des filles et des gars qui le font. Puis, savez-vous, là où j'entends qu'ils le font, ça va mieux. Pourquoi? Parce que les intervenants connaissent mieux la commissaire, le commissaire, ils savent de quel bois ces gens-là se chauffent, quelle autorité ils et elles ont, et, finalement, il s'instaure un climat de confiance, d'intervention où chacun a un rôle, et, tu sais, ça crée une présence. Moi, je m'occupe des droits des usagers. Vous, qu'est-ce que vous faites? Sans le dire, on prend notre place. Et, à chaque fois que j'ai vu ça, évidemment, comme à Saint-Michel-des-Ha! Ha! où la commissaire est extraordinaire, j'ai vu que ça faisait du bien aux usagers.

Le Président (M. Provençal)  : Je cède maintenant la parole au député de Rimouski pour 2 min 45 s.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Bonjour, tout le monde. Comme je n'ai pas beaucoup de temps... Je ne veux pas jouer au chauvin Rimouskois, mais je suis très fier de vous, madame, très fier.

Vous avez parlé deux, trois fois du commissaire-conseil. La ministre aussi en a parlé. Vous trouvez qu'il aurait un rôle important sur assurer l'indépendance, mais le commissaire-conseil, il n'est pas dans le projet de loi. Est-ce que vous pensez qu'on devrait l'intégrer puis préciser son rôle dans le projet de loi?

M. Brunet (Paul G.) : Je pense, ça vaudrait la peine d'élaborer quelque chose là-dessus. Remarquez que la plupart de nos recommandations non plus ne sont pas dans le projet de loi. J'en ai profité, parce que je connais Mme Blais un peu plus, tu sais, d'ouvrir un peu les horizons dans ce qui m'apparaît une opportunité extraordinaire de revoir puis d'améliorer l'indépendance puis les moyens d'action du ou de la commissaire. Et c'est pour ça que je dis : O.K, ouvrons ça puis ayons quelqu'un au ministère qui regarde ça d'en haut puis qui essaie d'uniformiser.

Savez-vous qu'il y a des commissaires, dans le nord de la ville de Montréal, qui m'ont dit : M. Brunet, nous, on ne défend pas les malades, là, non, non, non, nous, notre rôle, c'est de vérifier si, après analyse, le droit d'un usager a été compromis. Eh, Seigneur! je te dis que c'est restrictif. C'est plus restrictif que ce que la loi prévoit en regard de leur autorité, d'ailleurs.

M. LeBel : Mais, comme le commissaire-conseil semble être important, il me semble qu'on pourrait comme préciser son rôle dans le projet de loi, et ça pourrait aider à l'indépendance.

M. Brunet (Paul G.) : Oui, d'accord.

M. LeBel : Madame, vous parliez d'omerta. L'omerta, c'est autant, bon, dans le privé, on peut le deviner, mais c'est aussi dans le public, l'omerta. Ça veut dire oui, ça?

Mme Raymond (Marielle) : Je veux vous dire une chose. La commissaire aux plaintes... Moi, j'ai déjà visité, un jour, une résidence intermédiaire avec une commissaire aux plaintes qu'on avait à ce moment-là. Puis on est arrivées, là, sans être invitées, là. On s'est dit, dans l'après-midi, que les gens avaient un beau petit biscuit puis le jus Tropicana, etc., et c'était trop beau pour être vrai, hein? Quand on est sorties, toutes les deux, on s'est regardées, elle m'a dit : Qu'est-ce que vous en pensez? J'ai dit : Vous? Trop beau pour être vrai. Bien, six mois après, on avait fait fermer la résidence, parce que c'était juste un indice qu'il y avait quelque chose sous roche qui... C'est de voir qu'est-ce qui se passe vraiment. Vous savez, il faut avoir des yeux tout le tour de la tête quelquefois.

L'année passée, je vais vous dire une chose, j'ai fait fermer une résidence à La Pocatière que je n'aurais pas été adopter un petit chien là. Et j'ai été obligée de me fâcher avec mon CISSS. Puis la commissaire aux plaintes allait, mais c'est parce qu'il n'y avait pas de place pour les mettre, les gens, ils ne savaient pas où les envoyer. Mais quand ça coule, là, puis que, tu sais, les seaux sont à terre puis les choses ne sont pas bien nettoyées... Puis, je vous dis, là, hein, bien, à un moment donné, bien, là, on a eu peur que j'aille dans les journaux ou à la télévision, et on l'a fermée. C'est ça, là. Vous savez, la commissaire aux plaintes, elle était liée un peu avec le CISSS, parce qu'il n'y avait pas de place pour envoyer les gens.

M. LeBel : Là, j'aurais une question là, là.

Mme Raymond (Marielle) : Bien, c'est ça, c'est ça, la loi de... c'est ça, d'être sur place.

Le Président (M. Provençal)  : Je remercie Mme Raymond, MM. Brunet et Pilote pour leur contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 58)

(Reprise à 11 h 02)

Le Président (M. Provençal)  : Nous allons reprendre nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du regroupement provincial du comité des usagers. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter puis à initier votre exposé.

Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU)

M. Ménard (Claude) : M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, mon nom est Claude Ménard. Je suis le président du Regroupement provincial des comités des usagers et je suis accompagné de la directrice générale, Mme Patricia Gagné.

Créé en 2004, le Regroupement provincial des comités des usagers regroupe aujourd'hui la majorité des comités des usagers et de résidents du Québec, ce qui en fait un acteur incontournable dans la défense des droits des usagers auprès de la population et de partenaires, dont le ministère de la Santé et des Services sociaux. À deux reprises au cours des dernières années, son taux de membership a été évalué par une firme d'experts certifiant, dans un premier temps, son taux d'adhésion à 71 % et, dans un deuxième temps, à 86 %.

Régulièrement, le RPCU entend les préoccupations des membres des comités des usagers et de résidents, qui sont des acteurs de proximité, grâce aux activités récurrentes et structurantes qu'il a mises en place. Ces dernières permettent d'entendre la voix des usagers et surtout celles de leurs défendeurs. L'offre de services du RPCU comprend les formations dispensées partout au Québec, les consultations périodiques, des échanges avec ses membres et un soutien quotidien dans leur mandat ainsi que des congrès nationaux qui rassemblent, chaque année, plus de 500 participants venant de toutes les régions du Québec.

Pour la rédaction de ce mémoire, le regroupement a procédé à une consultation de ses membres par voie électronique, en dépit du court délai imposé. Dans un deuxième temps, le mémoire a été soumis aux membres du conseil d'administration pour être bonifié et validé. Porter plainte est un geste constructif qui assure le respect des droits, donc l'objectif fondamental du régime d'examen des plaintes est l'amélioration continue de la qualité des soins et des services du réseau de la santé et des services sociaux.

Nous considérons que les principes suivants devraient guider les élus de l'Assemblée nationale du Québec dans leurs réflexions, discussions et prises de décision, entre autres : la neutralité du commissaire aux plaintes et à la qualité des services, la crédibilité du régime d'examen des plaintes, la prise en considération de la vulnérabilité des personnes vivant en CHSLD, sans égard au statut public ou privé de l'établissement, et le risque de maltraitance dont elles peuvent être victimes.

Depuis de nombreuses années, l'indépendance du commissaire aux plaintes et à la qualité des services est soulevée, et, de ce fait, son impartialité et sa neutralité. Nous entendons régulièrement cette réflexion venant de nos comités. Nous ne remettons pas en cause la qualité du travail professionnel et la sincérité et l'engagement des commissaires, y compris ceux en CHSLD privés. Plusieurs ont d'ailleurs enrichi nos congrès lors de leur présence comme congressistes, conférenciers et animateurs d'ateliers de formation. Or, même s'il est qualifié comme personne indépendante, le commissaire aux plaintes et à la qualité des services est un employé de l'établissement. De ce fait, il est juge et partie.

Le regroupement souhaite que le régime d'examen des plaintes soit revu de façon à garantir aux usagers une entière objectivité dans le traitement de leurs plaintes. Nous proposons une neutralité balisée des commissaires aux plaintes et à la qualité des services et que ceux-ci relèvent dorénavant d'une organisation indépendante des CISSS ou des CIUSSS, cette organisation étant du ressort du ministère de la Santé et des Services sociaux. Les commissaires ne seraient donc plus des employés d'un établissement qui dispensent des services, mais des employés de l'État, lequel a l'obligation de garantir une neutralité absolue et une équité dans ses relations avec tous les citoyens. Il devrait en être ainsi pour le médecin examinateur, qui devrait également relever d'une organisation autre que le prestataire de services.

Mme Gagné (Patricia M.) : M. le Président, Mme la ministre, bonjour. Alors, la défense des droits est ainsi à géométrie variable. Les comités des usagers et de résidents ont pour fonctions légales, entre autres, de faire la promotion de l'amélioration de la qualité des services, ce qui correspond, en fait, à la finalité de l'objectif du processus de plaintes, et d'accompagner un usager, à sa demande, lorsque celui-ci entame une démarche en ce sens.

Alors, dans le secteur public, ce qu'on voit, c'est qu'il y a des comités de résidents dans chaque établissement de soins de longue durée chapeautés par un comité d'usagers qui, eux, sont chapeautés par des CUCI, des comités d'usagers des centres intégrés, alors que, dans le secteur privé, donc, ils ne reçoivent pas de subvention gouvernementale, et la promotion et la défense de droits, elle est incertaine, elle est approximative et souvent au bon vouloir de la direction des ces dits établissements.

Alors, ce qu'on souhaite, c'est que les mécanismes de soutien soient les mêmes, c'est-à-dire que la défense de droits soit équivalente, qu'un usager soit en établissement privé, privé conventionné ou public, donc les mêmes droits, et que le ministère de la Santé et des Services sociaux s'assure de la présence et du bon fonctionnement de comités de résidents et de comités d'usagers, donc supervisés par un comité d'usagers dans les CHSLD privés et privés non conventionnés.

Finalement, alors, nos recommandations en synthèse, c'est que les commissaires aux plaintes et à la qualité des services ainsi que les médecins examinateurs relèvent dorénavant d'une institution indépendante du prestataire de services qui a une reddition de compte locale à faire, parce que ce qu'on craint, c'est la concentration, un peu, des pouvoirs, alors que cette organisation-là ait des comptes à rendre au niveau local, régional, que le ministère de la Santé et des Services sociaux s'assure de la présence et du bon fonctionnement des comités des usagers et de résidents dans tous les CHSLD, que le délai de 45 jours concernant le traitement d'une plainte soit respecté et que le gouvernement mette sur pied une vaste campagne d'information en vue de faire connaître le régime d'examen des plaintes et son application.

Finalement, M. le Président, je me permets de demander, au nom aussi des comités des usagers, s'il vous plaît, d'avoir davantage de temps la prochaine fois, lorsqu'il y a des consultations des commissions parlementaires. Nous avons été aussi consultés, récemment, en ligne pour des politiques de soins de longue durée et proches aidants. Alors, d'avoir plus de temps, ça nous permet de faire une meilleure consultation de nos membres, ce qui, pour nous, est important, est primordial, en fait. Merci.

• (11 h 10) •

Le Président (M. Provençal)  : Très bien reçu. Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. Alors, Mme la ministre, à vous la parole.

Mme Blais (Prévost) : Oui, je vous remercie pour votre présence. J'ai beaucoup d'admiration pour le regroupement des comités des usagers, qui doit faire respecter les 12 droits des usagers, vous avez un rôle important. Et d'ailleurs, avec la nomination d'un commissaire-conseil, on va s'assurer qu'il y aura un lien important entre les commissaires aux plaintes et les comités des usagers. Ça m'apparaît tout à fait concordant.

Vous mentionnez, M. Ménard, que vous aimeriez une plus grande indépendance des commissaires aux plaintes. Qu'est-ce que vous faites avec le lien avec les deux... l'ajout de deux critères qu'il y a dans le projet de loi, soit qu'il n'y ait pas de lien familial avec le P.D.G., le P.D.G.A., président-directeur général, et pas de lien financier également? Ce n'est pas suffisant pour vous? Vous aimeriez vraiment que les commissaires relèvent, un peu comme le mentionnait le comité de la protection des malades, du commissaire-conseil?

M. Ménard (Claude) : Oui, oui, effectivement. Trop souvent, on entend de la part des différents comités : On ne retrouve pas cette impartialité-là. On a beau dire, ce n'est plus... Parce que, dans le passé, on a eu des commissaires qui étaient le beau-frère, la belle-soeur, le cousin, la cousine ou même la conjointe, là, d'un propriétaire. Ça, on ne voit plus ça aujourd'hui, mais les gens requestionnent encore de nouveau cette impartialité-là. La grande majorité des gens qui siègent à titre de commissaire, effectivement, le font de façon indépendante, mais trop souvent ce sont des gens qui viennent également du réseau. On a beau entendre : C'est important de connaître le réseau pour être capable d'intervenir, mais, à un certain moment donné, excusez l'expression, mais ce qu'on entend : Ils sont trop collés, ils sont trop près de toute cette gestion, là, de la mécanique. Alors, le fait de sortir complètement de l'organisation, bien, les gens jugent que, un, on y retrouverait davantage cette indépendance.

Pour moi, c'est nouveau d'entendre, là, ce que vous venez de proposer. Est-ce qu'on serait en faveur d'une telle orientation? Dans toute éventualité, j'oserais amener une suggestion, c'est que, un, dans l'éventualité où on met ce mécanisme en place, bien, qu'on l'évalue après deux ans, et, de là, dire : Bien, est-ce qu'il faut aller encore plus loin? Bien, de... Et c'est un petit peu là où, dans le fond, il y aurait toute cette indépendance-là, là.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Mme la députée de Soulanges.

Mme Picard : Bonjour. Merci beaucoup pour votre présence. Mme Gagné, vous avez mentionné la promotion de ce qui va changer, surtout avec le nouveau projet de loi. Selon vous, c'est quoi, la meilleure façon d'aller rejoindre la population? Comment mieux passer le message? Puis comment les amener à faire plus de plaintes?

Mme Gagné (Patricia M.) : En fait, ce qu'on constate, c'est que l'accessibilité du processus d'accompagnement des insatisfactions et de la gestion des plaintes est méconnue encore, malgré les affichages, là, dans les institutions. Alors... Et même que, cette année, le conseil d'administration, il y a quelques semaines, nous a demandé de faire des représentations auprès du ministère afin que la semaine des droits, tenue à chaque automne, soit aussi publicisée par le ministère, c'est-à-dire soit faite avec nous, le regroupement, parce que c'est méconnu, parce qu'on a l'impression... Nous, on est à l'intérieur, on pense que c'est acquis, que tout le monde est bien au fait des processus, de ses droits, et tout ça, mais c'est vraiment loin d'être cela.

Mme Picard : À propos de l'obligation d'un signalement, est-ce que vous croyez que... Pour les personnes qui ne sont pas capables de s'exprimer ou qui n'ont pas de famille, j'aimerais vous entendre aussi à propos de ça pour faire passer le message au niveau de la plainte, là.

Mme Gagné (Patricia M.) : Au niveau de...

Mme Picard : Bien, en fait, quelqu'un qui ne peut pas s'exprimer ou quelqu'un qui ne peut pas... ou qui n'a pas de famille, l'employé, l'infirmière pourrait faire un signalement. Est-ce que vous croyez que ça roule rondement dans le réseau, en ce moment, à ce niveau-là?

Mme Gagné (Patricia M.) : C'est une bonne question, en fait, puis c'est une bonne préoccupation. Je n'ai pas vraiment de documentation à ce sujet-là, on pourrait sonder nos membres, mais une chose est certaine, c'est qu'il doit y avoir un processus pour que les personnes qui ne peuvent pas exprimer leurs droits, faire valoir leurs droits, puissent le faire, tout à fait. Sous quelle forme?

M. Ménard (Claude) : En complément d'information, on le sait qu'au niveau de la maltraitance, si je suis un employé puis je vois un de mes confrères ou une consoeur, là, qui pose un geste de maltraitance, je pense que la démarche de dénonciation, elle est présente. Mais, en lien avec les droits des usagers, les 12 droits, de mettre cette pression-là au niveau du personnel, dans le contexte actuel, où on se retrouve avec une pénurie de membres du personnel, je pense que ça serait, là, un peu beaucoup demander, là, au niveau du personnel.

Et c'est là où le rôle des gens qui siègent au sein des comités de résidents ou de comités des usagers ont un rôle, là, primordial à jouer, d'être les yeux, les oreilles et la voix de ces personnes-là qui ne sont plus en mesure, là, à cause d'une perte d'autonomie majeure, ou etc., mais, en même temps, je pense que la présence, là, du commissaire sur place, ce qu'on entend puis ce qu'on voit au niveau des différents rapports, c'est que le commissaire est invité une fois par année, dans l'installation, lors de l'assemblée générale annuelle du comité. Si je veux faire valoir mon rôle puis que... un, qui est un des mandats des commissaires aussi de faire la promotion des droits, je ne pense pas que c'est la présence une fois par année dans l'installation qu'il est en mesure de jouer son plein rôle, là.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Roberval.

Mme Guillemette : Merci, M. le Président. Merci de votre présence ici aujourd'hui, c'est très éclairant pour nous. Vous parlez, dans votre document, de soutien aux familles et aux proches aidants. J'aimerais vous entendre un petit peu plus là-dessus.

Mme Gagné (Patricia M.) : En fait, pour nous, dans un processus d'amélioration continue et d'accompagnement au niveau des insatisfactions et de gestion des plaintes, les proches jouent un rôle vraiment majeur et surtout en hébergement de soins de longue durée. Alors, nous pensons, et nous l'avons écrit mais pas dit ce matin, on a fait un résumé, là, qu'il devrait y avoir des mesures, là, dans la politique nationale pour les proches aidants afin de les outiller pour un meilleur accompagnement des usagers.

Mme Guillemette : ...exemple de mesures qui pourraient être prises pour faciliter...

Mme Gagné (Patricia M.) : Bien, ça pourrait être, par exemple, soit des outils, de l'information, de la formation et inclure l'accompagnement des comités d'usagers pour les proches aidants plus spécifiquement, donc accroître le mandat du comité d'usagers, par exemple.

Mme Guillemette : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la ministre.

Mme Blais (Prévost) : Oui, juste une question pour m'assurer que vous êtes tout à fait d'accord, en accord avec le fait que, dorénavant, les commissaires aux plaintes relèvent du public et non plus du privé. Je mentionnais, en ouverture, qu'il y avait 91 établissements privés, donc des établissements qui embauchent leur propre commissaire aux plaintes, mais, maintenant, les commissaires aux plaintes relèveraient du public puis, selon le projet de loi, des établissements, là, nommés par le conseil d'administration. Donc, vous êtes en harmonie avec cette prise de position là?

• (11 h 20) •

M. Ménard (Claude) : Entièrement en accord avec, là, cette décision-là, en n'oubliant pas qu'il faut que, un, le nombre de commissaires, là, soit présent, soit augmenté aussi, là. Pourquoi? Parce que, un, il y a, à certains endroits, des difficultés qui se vivent actuellement, là. Un de nos comités des usagers, entre autres, le comité des usagers du Centre-Ouest-de l'Île-de-Montréal, dans son rapport annuel, démontrait que huit usagers sur 10, leur délai de réponse a été au-delà de 45 jours. Alors, si on augmente la surcharge au niveau de ce commissariat-là puis que les effectifs ne sont pas augmentés, comment on va venir à bout d'en arriver à dire que, dans un délai raisonnable de 45 jours, on va être en mesure de répondre aux besoins puis aux attentes, là?

Mme Blais (Prévost) : Juste pour vous rassurer, M. Ménard et Mme Gagné, évidemment, il y aura l'ajout de commissaires, parce que, sinon, ce serait impensable. Je veux juste vous rassurer là-dessus.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Mme Gagné, M. Ménard, merci beaucoup de la présentation. Au niveau de vos comités, il semble y avoir un grand questionnement : De quelle façon seront traitées les plaintes formelles ou informelles? Alors, j'aimerais que vous élaboriez sur ce questionnement-là.

M. Ménard (Claude) : Si j'ai bien compris, c'est : De quelle façon les plaintes sont formulées auprès des comités?

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Oui.

M. Ménard (Claude) : Alors, bien, un, les gens nous parviennent, là, soit l'usager lui-même ou un faible pourcentage nous vient des proches.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Souvent?

M. Ménard (Claude) : Oui. Pourquoi? Je dis un faible pourcentage, parce que, un, ce qu'on remarque de plus en plus dans le réseau public, c'est que les gens qui arrivent en CHSLD sont là pour une courte période de temps comparativement à 15 ans passés où les gens arrivaient en CHSLD avec leur voiture, allaient passer six mois par année en Floride et revenaient tout bronzés, puis là on fait un autre six mois, là, etc., mais ce n'est plus la réalité aujourd'hui. Alors, ce qui fait que, un, le court temps de présence... Dans le fond, là, les membres de famille ou les proches sont de moins en moins présents dû à ça.

Et l'autre facteur également, c'est la distance. Pourquoi? Parce qu'aujourd'hui on veut que notre parent ou notre enfant reçoive des soins de qualité. Alors, la place qui est disponible est à 50 ou 80 kilomètres. Est-ce que, moi, j'ai les moyens? Est-ce que le transport en commun est là? L'accessibilité pour, dans le fond, accompagner mon parent vers les derniers jours, ce n'est pas nécessairement présent, là.

Alors, ce qui est certain, c'est que les membres de comités de résidents ont un rôle, là, majeur à jouer dans le sens de l'importance d'observer ce qui se vit puis ce qui se passe à l'intérieur. On le sait qu'un comité de résidents ou un comité des usagers ne peut pas déposer une plainte, mais d'amener l'usager ou le membre de famille, bien, je pense que c'est son rôle majeur à jouer, là.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Mais il semble, là, que le questionnement aussi, c'est de la façon qu'elles vont être traitées, les plaintes, face aux comités. Ils semblent inquiets de la façon que nous allons les traiter.

M. Ménard (Claude) : Bien, lorsqu'on parle que, un, le délai est plus de 45 jours, c'est cette préoccupation-là. Si on prend l'installation CHSLD, de plus en plus, la moyenne des gens sont là pour une durée, là, entre six mois, neuf mois. Alors, si je dépose une plainte aujourd'hui, et là le commissaire est surchargé, demande de prolonger le temps, est-ce que je vais avoir ma réponse avant de quitter ce monde?

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Et ma dernière... O.K.

M. Ménard (Claude) : Alors, toute la question de peur de représailles aussi rentre en lieu, là.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Parfait, merci.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la ministre.

Mme Blais (Prévost) : Oui, je vous entends bien, M. Ménard, Mme Gagné. Moi aussi, je suis préoccupée par les délais, et je crois que c'est inacceptable et que nous allons devoir faire un effort pour faire en sorte que les commissaires aux plaintes soient en mesure de déposer les rapports le plus rapidement possible. Même 45 jours, ça peut sembler long, là. Il y a peut-être des raisons pour lesquelles c'est plus long, et on va poser la question aux commissaires aux plaintes quand ils vont venir. Mais, avec le dossier informationnel, ça va permettre... ce sera une obligation. Actuellement, il n'y a pas d'obligation de déposer les plaintes dans un dossier informationnel, et ça va permettre d'avoir un éclairage sur l'ensemble des plaintes, même si ces plaintes-là sont confidentielles, là, confidentielles, il faut bien le dire. Mais on va pouvoir savoir si, dans tel, par exemple, établissement, il y a beaucoup plus de plaintes, ça va nous permettre d'avoir un regard différent, mais on va avoir un dossier, au moins. Il va y avoir cette obligation, et ça, je trouve que c'est important.

M. Ménard (Claude) : Excellent.

Le Président (M. Provençal)  : Ça va? Il reste une minute.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : ...plaintes, quel genre de plaintes qui sont formulées? Est-ce que ce sont des plaintes, souvent, d'atteinte psychologique, harcèlement ou physique?

M. Ménard (Claude) : Ça se rapproche, là, quand même, là, très, très près de gestes qui sont posés... Le geste qui est posé, est-ce que c'est un geste de maltraitance? Est-ce que c'est un geste qui est posé parce que, un, on a tant de résidents ou de résidentes à combler leurs besoins dans un délai très, très court? Je ne voudrais pas mettre la responsabilité au niveau d'une pénurie de personnel, parce que le personnel qui est là actuellement, je pense que, pour la grande majorité, les gestes qui sont posés, c'est des gestes qui sont attentionnés et avec un «caring» extraordinaire au niveau des résidents puis des résidentes, là, tu sais, mais, des fois, ça peut être un geste parce que, un, on est précipité à poser le geste, là, tu sais. C'est beaucoup plus, là, dans ce sens-là qu'on va entendre, là, des préoccupations.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Fabre.

Mme Sauvé : Merci, M. le Président. Alors, M. Ménard, Mme Gagné, un plaisir de vous entendre. Merci pour votre éclairage. Et on a bien entendu que vous aviez eu des délais courts, donc on comprend bien, mais il n'en reste pas moins que votre mémoire, il est d'une grande qualité. Merci pour vos recommandations.

On vient de parler, il y a eu une discussion autour de la notion du délai, du délai prescrit, des 45 jours, ce qui n'est pas nécessairement respecté, vous l'avez constaté. Moi, je trouve, je vais vous dire très honnêtement, là, c'est fort intéressant d'entendre les groupes et de vous entendre parce que vous avez eu toute cette analyse très fine de l'ensemble d'un processus de démarche au-delà du projet de loi, puis ça nous amène des éclairages additionnels. Le but, c'est : oui, bien sûr, il y a le projet de loi devant nous, mais, on l'a dit d'entrée de jeu, on veut bonifier. Puis de traiter de tous les aspects du processus de la démarche de plainte, pour nous, là, ça fait en sorte qu'on se dit : Il y a peut-être des éléments, effectivement, qui ne sont pas là puis qui pourront être ajoutés au projet de loi. Donc, merci pour cet éclairage sur le délai, parce que ça fait deux groupes, vous êtes le deuxième, puis il est clairement question de ce délai non respecté. On l'a vu dans un témoignage précédemment, on était dans les 63 jours. Alors, c'est des inquiétudes de plus. C'est une démarche qui prend beaucoup de temps puis qui mérite d'être respectueuse du délai qui est prescrit.

Moi, je vais vous parler de quelque chose qui m'interpelle beaucoup, c'est le lien entre le comité des usagers résidents et le commissaire actuellement. Moi, pour moi, c'est très important de se dire que l'aîné, sa famille développent un lien significatif avec des gens, il faut être en confiance. Et, bien que votre rôle ne soit pas de déposer et de faire la démarche de la plainte, l'aîné peut s'identifier à vous, vous parle de la situation, et il y a ce lien de confiance là qui s'établit. Comment ça se passe, dans la transition, là, au niveau du lien de confiance entre des aînés qui vous racontent leur histoire et leur situation difficile, entre vous et le commissaire local qui est présentement en place, par rapport à ce lien de confiance là?

• (11 h 30) •

M. Ménard (Claude) : O.K., comme je disais tantôt, un comité des usagers ou de résidents ne peut pas déposer une plainte, mais il n'y a rien qui l'empêche de sensibiliser le commissaire. Et je pense que la grande majorité du temps, c'est ce qui se fait, là. Il y a un contact, là, quand même très, très direct, là, avec le commissaire. Dans certains établissements, le local ou le bureau du comité des usagers est à côté du bureau du commissaire, alors le lien est direct, là, tu sais.

Et je ne crois pas qu'un membre de comité ou un comité de résidents ou des usagers s'empêcheraient de sensibiliser le commissaire par rapport à une situation qui se vit actuellement, là. Notre rôle, effectivement, c'est d'encourager l'usager, le résident, le proche, les membres de famille à déposer la plainte, mais il n'y a rien qui nous empêche, là, de sensibiliser.

C'est fort possible qu'il y ait une famille qui va venir faire une plainte concernant, là, tel geste qui a été posé ou telle action qui n'a pas été posée. Alors déjà, le commissaire peut être en attente de dire : Bien, c'est fort possible qu'au niveau de cette installation-là, je vais recevoir une plainte.

Mme Sauvé : Je vous entends très bien, puis ça me rassure. Avec votre réponse, vous me rassurez, mais, en même temps, vous dites : On ne s'empêchera pas, ils ne s'empêcheront pas de le faire. Est-ce qu'on pourrait aller plus loin et dire : On souhaiterait qu'ils le fassent? Parce que, dans les faits, je reviens là-dessus, puis pour avoir été une grande partie de ma vie en intervention, c'est sûr que ce lien significatif là qui doit se transférer, il est essentiel pour la confiance de l'aîné qui vit une situation difficile, alors, est-ce que vous ne souhaitez pas qu'il y ait ce lien-là presque obligatoire de dire : On amène la famille, via le comité d'usagers, de résidents, à rencontrer, à parler au commissaire? Est-ce qu'il n'y a pas un lien vraiment souhaité, plus que ne pas s'empêcher de le faire?

M. Ménard (Claude) : Je serais entièrement d'accord avec cette façon de procéder, mais il faut tenir compte qu'un comité de résidents, ce sont des bénévoles. Un comité de résidents, avec un budget de 1 000 $ par année, ne peut pas s'embaucher une personne-ressource pour, dans le fond, jouer ce rôle-là, tu sais.

Par rapport au comité des usagers, dans le gros établissement, au niveau de la santé ou dans une mission de réadaptation, qui a un budget qui est complètement différent, alors, eux peuvent s'embaucher une personne-ressource qui, dans le fond, peut être présente, là, de façon beaucoup plus régulière ou journalière au niveau de l'installation que demander à des bénévoles d'assurer une permanence sept jours par semaine dans une installation CHSLD. Je pense que c'est beaucoup demander au niveau des bénévoles.

Mme Sauvé : Est-ce que j'ai encore du temps, M. le Président?

Le Président (M. Provençal)  : Oui, il vous reste 5 min 30 s.

Mme Sauvé : Bien heureuse. Merci. Vous avez mis, dans vos recommandations, l'évaluation de l'impact de ce projet de loi. Et je trouve ça très important parce que, malgré la bonne volonté de vouloir réviser le processus, il y aura des mécanismes qui seront prévus qui s'ajouteront à ce qui se fait déjà. Puis, au coeur du projet de loi, on s'entend qu'il y a toute la notion de neutralité, il y a toute la question d'uniformité aussi.

Ça pourrait être quoi, les indicateurs de mesures? Qu'est-ce qui pourrait faire en sorte que vous dites : On a un projet de loi qui est concluant, ça a donné un impact positif? Je voudrais vous entendre là-dessus.

Mme Gagné (Patricia M.) : Bien, je pense que des statistiques sur la hausse du nombre de plaintes en CHSLD privés, déjà, ça va être un bon indicateur.

Mme Sauvé : Je voulais voir... (Interruption) ...pardon, je me suis étouffée. Je voulais voir aussi avec vous le parcours, le parcours, donc, entre le comité de résidents, d'usagers, le commissaire local. Ça, on en a parlé. On a parlé aussi du 45 jours. Vous, est-ce que vous craignez vraiment qu'il va y avoir un alourdissement? Parce que, là, on est en train de confier, dans le fond, vraiment... puis vous n'êtes pas entré dans la question de la pénurie, je vous ai bien entendu, mais il n'en reste pas moins que, dans la réalité, on va confier à des commissaires locaux publics, du réseau public, donc, un mandat additionnel, alors qu'il y a déjà des délais qui ne sont pas respectés. Je veux revenir, là, sur la notion de crainte de l'alourdissement. Il ne faudrait surtout pas que ça se prolonge.

Mme Gagné (Patricia M.) : Bien, c'est sûr qu'il ne faudrait pas que ça se prolonge. Mais, en tout cas, moi, je suis rassurée avec la réponse de la ministre, là, qui a bon espoir que... en fait, qui fait en sorte que les délais ne se rallongent pas, mais même se rétrécissent avec l'ajout de commissaires.

Mme Sauvé : Ça va.

Le Président (M. Provençal)  : Ça va?

Mme Sauvé : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Je vais maintenant céder la parole à la députée de Taschereau.

Mme Dorion : Merci, M. le Président. Je suis curieuse. Dans votre mémoire, vous dites : Les commissaires seraient donc... Vous suggérez que les commissaires pourraient ne plus être des employés d'un établissement qui dispense des services, mais des employés de l'État. Est-ce qu'un peu comme les intervenants qui étaient là avant vous, dans l'idéal, ce serait des personnes nommées par l'État, un peu comme le Protecteur du citoyen, ou est-ce que là, ça ne serait pas nécessaire d'aller jusque là? C'est quoi votre avis là-dessus?

Mme Gagné (Patricia M.) : Oui. Bien, nous, en fait, justement, lorsqu'on discutait des positions, là, du regroupement, on pensait à une organisation comme le Curateur public, ce n'est pas dans son mandat, ou Protecteur du citoyen, effectivement, donc aussi autonome et indépendante que ça.

Mme Dorion : Ça serait le degré d'autonomie et d'indépendance idéal, là, qui serait...

Mme Gagné (Patricia M.) : Oui.

Mme Dorion : O.K.

Mme Gagné (Patricia M.) : Oui.

Mme Dorion : Et on parle beaucoup du fait du manque d'information ou d'à quel point l'information, quant aux plaintes, ne se rend pas jusqu'aux bénéficiaires. Est-ce que ça serait une bonne idée d'inclure, dans la description de tâches du commissaire, de se rendre ponctuellement sur les lieux, de se rendre et de parler, voire faire la tournée un peu des usagers de façon indépendante, là, pour aller tâter le pouls un peu, étant donné que, pour beaucoup d'usagers, juste l'idée de se plaindre est très loin dans leur esprit, malgré le fait qu'ils vivent des abus parfois?

Mme Gagné (Patricia M.) : Bien, ça peut être intimidant, pour une personne aînée, de voir arriver le commissaire aux plaintes. Je pense que donner plus de moyens et de ressources aux comités de résidents en place, ça serait déjà une bonne amélioration pour... Parce que ce sont eux qui ont une proximité régulière avec les résidents, donc ils sont en mesure aussi de créer un lien de confiance et de faire le lien avec le commissaire, comme on disait tout à l'heure.

Mme Dorion : O.K., merci beaucoup.

Mme Gagné (Patricia M.) : Plaisir.

Le Président (M. Provençal)  : Alors, je vais céder la parole maintenant au député de Rimouski.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Bonjour. Je vais aller dans le même sens que ma collègue, parce que, là, tantôt, je pense qu'il y avait... ce n'était pas très clair, là. Dans votre mémoire, là, pourtant c'est bien dit : «Nous proposons une neutralité balisée des commissaires aux plaintes et à la qualité des services, et que ceux-ci relèvent dorénavant d'une organisation indépendante des CISSS ou des CIUSSS, cette organisation étant du ressort du ministère de la Santé et des Services sociaux.» Bref, vous voulez que ce soit indépendant des CISSS, des CIUSSS et du ministère, indépendant complètement. Pourquoi vous arrivez à cette conclusion-là? Est-ce que vous avez des exemples qui nous dit que ça ne peut pas marcher quand un commissaire aux plaintes est attaché aux CISSS ou aux CIUSSS ou au ministère?

M. Ménard (Claude) : Pour ne pas faire de bris de confidentialité, je ne me permettrai pas de présenter des situations, là, question d'identifier soit des personnes ou des actions qui ont été posées. Mais, un, qu'une personne dépose une plainte, le, la commissaire demande un délai, et, après 120 jours, émet son rapport en disant : Aucune recommandation. Il y a une insatisfaction de cette personne-là, s'en va en deuxième instance au niveau du protecteur, et un an et demi après le 90 jours, on dit : Monsieur, madame, vous aviez entièrement raison. Et on demande à l'établissement de rétablir, là, telle, telle, telle chose.

Alors, c'est quasiment deux ans, là. Alors, pour nous, c'est inconcevable, là, tu sais. Et si on s'attarde plus en fonction du CHSLD, la plupart des gens qui arrivent en CHSLD aujourd'hui, après deux ans, ils ne sont plus là, là.

M. LeBel : O.K., mais, pour vous, c'est clair, les commissaires aux plaintes ne doivent pas relever du ministère de la Santé et des Services sociaux.

M. Ménard (Claude) : C'est la recommandation qu'on émet. Dans toute éventualité où cette recommandation-là n'est pas retenue, je pense que la suggestion de la ministre est intéressante.

Mais je vais en ajouter une, recommandation, que, dans un délai de deux ans, on puisse évaluer le rôle de cette personne-là, et s'il y a place à amélioration, au niveau du régime, bien, qu'on y aille, de l'avant.

M. LeBel : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je vous remercie pour votre participation à nos travaux.

La commission suspend ses travaux à après les affaires courantes, vers 15 h 30. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 11 h 40)

(Reprise à 15 h 37)

Le Président (M. Provençal)  : Bonjour, tout le monde. La Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 52, Loi visant à renforcer le régime d'examen des plaintes du réseau de la santé et des services sociaux notamment pour les usagers qui reçoivent des services des établissements privés.

Cet après-midi, nous entendrons les organismes suivants : le Protecteur du citoyen, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec et la Fédération des centres d'assistance et d'accompagnement aux plaintes.

Comme la séance a commencé à 15 h 37, j'ai besoin du consentement pour que nous puissions poursuivre nos travaux jusqu'à 17 h 52 afin de pouvoir donner le temps requis aux groupes qui viennent nous visiter. Consentement?

Des voix : ...

• (15 h 40) •

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Maintenant, je souhaite la bienvenue au Protecteur du citoyen. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. Je vous cède la parole.

Protecteur du citoyen

Mme Rinfret (Marie) : Merci, M. le Président. Mme la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Mmes, MM. les députés, membres de la commission, je me présente, Marie Rinfret, Protectrice du citoyen. Je suis accompagnée cet après-midi, à ma droite, de M. Claude Dussault, vice-protecteur aux Services aux citoyens et aux usagers, et de M. Nicolas Rousseau, coordonnateur des enquêtes du secteur Soutien à l'autonomie des personnes âgées à la Direction des enquêtes en santé et services sociaux.

Je remercie la Commission de la santé et des services sociaux de nous avoir invités à participer aux consultations sur le projet de loi n° 52. Je souhaite rappeler que le Protecteur du citoyen intervient principalement en deuxième recours auprès des instances du réseau de la santé et des services sociaux. Nous agissons habituellement à la suite des conclusions du commissaire aux plaintes et à la qualité des services de l'établissement dans lequel les usagers et les usagères ont obtenu les services qui font l'objet de leur insatisfaction.

Nous pouvons aussi toujours intervenir au premier niveau à la suite d'un signalement par un tiers ou de notre propre initiative. C'est ainsi que nous veillons au respect des droits des personnes dans le réseau de la santé et des services sociaux.

Le régime d'examen des plaintes de ce réseau revêt une grande importance pour la population. En effet, il constitue un moyen d'assurer le respect de leurs droits et d'obtenir une amélioration constante de la qualité des soins et des services qui y sont dispensés.

D'entrée de jeu, je souscris entièrement aux objectifs du projet de loi n° 52, qui vise le renforcement du régime d'examen des plaintes du réseau de la santé et des services sociaux. Je suis en effet d'avis qu'il devrait favoriser l'indépendance des commissaires aux plaintes et à la qualité des services et accroître la protection des personnes aînées en situation de vulnérabilité.

Toutefois, je souhaite vous faire part de certaines préoccupations relatives à des dispositions particulières de ce projet de loi. J'aborderai aussi le rôle du commissaire-conseil, dont la création a été annoncée en parallèle du dépôt du projet de loi n° 52.

Rappelons d'abord que le projet de loi prévoit qu'en premier recours les plaintes et les signalements des personnes hébergées dans les CHSDL privés seraient dorénavant examinés par les commissaires aux plaintes et à la qualité des services ou par les médecins examinateurs des centres intégrés de santé et de services sociaux et des centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux plutôt que par ceux des établissements privés, comme c'est le cas actuellement.

Ce sont 91 établissements privés qui sont visés par le projet de loi n° 52. À titre indicatif, entre le 1er avril 2019 et le 31 janvier 2020, soit sur une période de 10 mois, le Protecteur du citoyen a traité 61 motifs de plaintes et de signalements concernant des CHSLD privés. Cela représente environ 25 % du nombre total de motifs de plaintes et de signalements traités dans des milieux de type CHSLD. 36 % des plaintes ou signalements visant les CHSLD privés étaient fondés.

À l'occasion de signalements ou d'enquêtes de notre propre initiative, nous avons constaté que, dans certains cas, les CHSLD privés n'ont même pas de commissaire, et ce, malgré leur obligation légale d'en désigner un. Et, lorsqu'il y en a un, la petite taille de certains de ces établissements peut donner à certaines personnes une impression de trop grande proximité avec la direction.

Nous y avons aussi constaté que des établissements privés ne prenaient que peu ou pas de mesures pour informer les personnes qui y résident ou même leurs proches de la possibilité de formuler une plainte. À cet égard, le projet de loi n° 52 prévoit une obligation pour les établissements privés d'informer les personnes hébergées et leurs représentants légaux à propos du régime d'examen des plaintes. Le Protecteur du citoyen s'en réjouit, mais je souligne qu'il sera essentiel de bien faire connaître, à toutes les personnes concernées dans chaque établissement privé, la possibilité de déposer une plainte au commissaire aux plaintes et la qualité des services du centre intégré de santé et de services sociaux ou du centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du territoire où est situé cet établissement, la procédure de traitement de cette plainte, ainsi que la possibilité de s'adresser au Protecteur du citoyen si l'insatisfaction demeure ou à défaut d'une réponse dans les 45 jours du dépôt de la plainte.

Une disposition transitoire, soit l'article 11 du projet de loi, prévoit que le délai maximal de 45 jours inscrit dans la loi sur la santé et les services sociaux pour le traitement des plaintes auprès du commissaire ou du médecin examinateur du CISSS ou du CIUSSS qui a compétence recommencerait à courir à compter de la date de l'entrée en vigueur de l'article 1 du projet de loi n° 52. Je rappelle que la loi sur la santé et les services sociaux prévoit que le défaut du commissaire de communiquer ses conclusions dans ce délai de 45 jours donne la possibilité d'un recours auprès du Protecteur du citoyen.

Pour assurer une transition harmonieuse et équitable du régime d'examen des plaintes, les commissaires aux plaintes et à la qualité des services des CISSS ou des CIUSSS qui auront compétence devront prendre les mesures nécessaires afin de répondre aux personnes plaignantes le plus tôt possible à l'intérieur du nouveau délai de 45 jours, compte tenu du temps déjà écoulé.

De plus, j'estime essentiel que les commissaires aux plaintes et à la qualité des services des CISSS et des CIUSSS informent par écrit les personnes touchées du transfert de leur dossier, de ses effets, notamment sur le nouveau délai, et de leurs droits, et ce, dès la réception de leur dossier. J'en fais une recommandation.

La présentation du projet de loi n° 52 s'est également accompagnée d'une annonce visant la création d'un poste de commissaire-conseil au sein du ministère de la Santé et des Services sociaux. Le Protecteur du citoyen salue l'arrivée de ce nouvel interlocuteur. Je souligne cependant la nécessité de respecter en tout temps l'indépendance des commissaires aux plaintes et à la qualité des services.

Ma préoccupation à cet égard concerne le fait qu'en relevant administrativement du ministère, le commissaire-conseil pourrait être placé dans une situation délicate entre son devoir de loyauté et le respect de l'indépendance des commissaires, qui leur permet d'exercer leurs fonctions en toute impartialité. Il devra donc faire preuve de doigté pour maintenir cet équilibre afin que la création de cette fonction de commissaire-conseil soit l'occasion de réaffirmer l'indépendance et de garantir l'autonomie de fonction des commissaires aux plaintes et à la qualité des services dans le traitement des plaintes.

En somme, le Protecteur du citoyen souscrit aux objectifs poursuivis et accueille favorablement le renforcement proposé du régime d'examen des plaintes. Les constats et les préoccupations que je vous présente aujourd'hui visent à bonifier le projet de loi n° 52 afin de renforcer ce régime ainsi que l'indépendance de la fonction de commissaire aux plaintes et à la qualité des services.

Enfin, un fort leadership du commissaire-conseil sera nécessaire et devra s'exercer dans le respect de l'indépendance des commissaires aux plaintes et à la qualité des services. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie pour votre exposé. Nous débutons maintenant la période d'échange. Mme la ministre, je vous cède la parole.

Mme Blais (Prévost) : Merci beaucoup, M. le Président. J'aurai trois courtes questions. Je vous remercie, Mme Rinfret, M. Dussault, M. Rousseau, pour ce mémoire qui me réconforte beaucoup dans ce projet de loi n° 52.

Mon collègue de Rimouski a déposé un projet de loi récemment demandant un Protecteur du citoyen pour... protecteur pour les aînés. Croyez-vous que le Protecteur du citoyen couvre justement la question du protecteur des aînés?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, bien sûr que le Protecteur du citoyen a non seulement compétence en ce qui concerne tous les services qui peuvent être offerts dans le réseau de la santé et des services sociaux, mais également en ce qui concerne les services publics offerts par les ministères et les organismes. Cette double compétence, je vous dirais, nous permet donc de régler des dossiers de plaintes qui pourraient nous venir de personnes aînées, par exemple, visant tant Retraite Québec qu'un service offert dans un CHSLD, par exemple. Donc, à cet égard-là, je considère qu'en raison de la mission, des mandats qui nous sont confiés, tant en vertu de la Loi sur le Protecteur du citoyen qu'en vertu de la Loi sur le Protecteur des usagers dans le réseau de la santé et des services sociaux, nous sommes une institution tout à fait, je vous dirais, adaptée ou justifiée pour faire en sorte que les droits des personnes âgées, aînées, nos aînés, soient respectés, tant dans le réseau de la santé et des services sociaux qu'à l'égard des ministères et des organismes publics.

Mme Blais (Prévost) : Mme le Protecteur du citoyen, vous saluez aussi l'arrivée d'un commissaire-conseil, mais, en même temps, vous nous mettez en garde parce que le commissaire-conseil serait au ministère de la Santé et des Services sociaux. Avez-vous une idée où vous placeriez ce commissaire-conseil ou comment il pourrait avoir un peu plus d'indépendance?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, je mets en garde... Et l'objectif qui est visé... Parce que je n'ai pas de solution comme telle sinon que peut-être le placer dans l'organigramme du ministère, un peu comme le Commissaire à la santé et au bien-être. Maintenant, au-delà de ça, ma préoccupation est vraiment de faire en sorte qu'il n'y ait pas et qu'il n'y ait pas apparence également d'ingérence du commissaire-conseil dans le traitement des plaintes. À cet égard-là, nous avons pris connaissance de la description d'emploi du commissaire-conseil qui était proposée, et, à ce titre-là, la prudence sera de mise dans les interventions que pourra faire le commissaire-conseil à l'égard des commissaires aux plaintes et à la qualité des services.

• (15 h 50) •

Mme Blais (Prévost) : J'aimerais vous rassurer parce qu'on ne veut pas qu'il y ait de conflit entre les deux. C'est surtout pour harmoniser les pratiques, pour aider à la communication, pour faire en sorte que, partout sur le territoire du Québec, dans les établissements, on puisse offrir la même qualité de soins et de services par le biais des commissaires aux plaintes et à la qualité des services.

Et en terminant, ce matin, on a entendu des personnes qui disaient que ce serait mieux que les commissaires aux plaintes et à la qualité des services relèvent du ministère de la Santé et des Services sociaux plutôt que des CISSS et des CIUSSS, des établissements et des conseils d'administration. Quel est votre point de vue là-dessus?

Mme Rinfret (Marie) : À cet égard-là, et ce n'est pas la première fois que je vais énoncer cette position devant vous, les parlementaires, les commissaires aux plaintes et à la qualité des services, en étant désignés par le conseil d'administration des CISSS et des CIUSSS et en relevant des conseils d'administration leur donne somme toute une indépendance par rapport à l'administration, par rapport aux établissements qui sont sous la responsabilité du CISSS ou du CIUSSS.

Je vous dirais que l'ajout de l'article 30.1 également dans le projet de loi n° 52, qui vient ajouter des conditions, en fait, qui viennent garantir l'absence de conflit d'intérêts du commissaire par rapport à l'établissement qui pourrait être sous sa compétence, nous offre également des garanties qui nous permettent, ma foi, d'être rassurés quant à l'indépendance des commissaires.

Par ailleurs, je tiens à vous dire également qu'à titre de Protecteur du citoyen nous sommes compétents pour recevoir toute plainte qui viserait un commissaire aux plaintes et à la qualité des services, donc, nous en avons à l'occasion, et, à ce titre-là, on fait les recommandations qui s'imposent pour corriger le préjudice, s'il y avait préjudice, ou encore on opère une médiation entre les parties pour s'assurer qu'effectivement non seulement y a-t-il une indépendance de la part du commissaire aux plaintes et à la qualité des services, mais que cette indépendance-là, elle est bien comprise de la part de la partie plaignante.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Mme la députée de Lotbinière-Frontenac, vous m'aviez signifié votre intention de poser des questions.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Bonjour. J'aimerais ça que vous nous parliez un petit peu plus de l'indépendance de la fonction de commissaire puis favoriser de manière adéquate l'indépendance de la fonction du commissaire aux plaintes. J'aimerais ça que vous élaboriez là-dessus.

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, encore une fois, le fait que le commissaire aux plaintes et à la qualité des services soit nommé par le conseil d'administration, qu'il relève du conseil d'administration, qu'on ait, dans le cadre du projet de loi n° 52, ajouté l'article 30.1 qui vient donner les qualités nécessaires aux personnes pour agir comme commissaire aux plaintes, ça nous donne, nous, les garanties suffisantes pour asseoir l'indépendance de cette personne dans le traitement des plaintes, notamment des CHSLD privés.

Il y a un élément également qui permet à toute personne qui serait insatisfaite de la décision rendue par le commissaire aux plaintes ou encore qui jugerait que le conseil d'administration n'apporte pas... ou encore que l'établissement visé par les recommandations du commissaire n'y accorde pas suffisamment d'intérêt pour mettre en oeuvre ses recommandations : toute personne peut nous transmettre leurs plaintes à cet égard-là, et, d'entrée de jeu, le Protecteur du citoyen non seulement... En fait, on a une compétence de regarder cette plainte-là non pas avec l'enquête qui a pu être faite par le commissaire aux plaintes, mais on ouvre un dossier qui nous est propre et on va recueillir les faits, bien sûr, auprès du commissaire aux plaintes et à la qualité des services qui a fait enquête, mais tout fait qui serait pertinent à poser nous-mêmes notre jugement et à émettre les recommandations nécessaires, le cas échéant.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Mme la ministre.

Mme Blais (Prévost) : Oui. Mme le Protecteur du citoyen, je crois que, d'un point de vue de perception, perceptuel, il y a des personnes qui sont inquiètes parce que les P.D.G. des CISSS et des CIUSSS siègent au conseil d'administration, et on demande à ce que le P.D.G. ou le P.D.G.A. soit à l'extérieur du conseil d'administration. Pensez-vous que le commissaire aux plaintes, lorsqu'il fait son exposé devant le conseil d'administration, devrait demander au président-directeur général de sortir de la salle pour que le commissaire aux plaintes se sente encore mieux, plus à l'aise d'exprimer ce qu'il ressent, ce qu'il vit?

Mme Rinfret (Marie) : Oui. Bien, ma réponse sera la même que celle de tout à l'heure, le commissaire aux plaintes et à la qualité des services ne relève pas du P.D.G., il relève du conseil d'administration.

Mme Blais (Prévost) : ...

Mme Rinfret (Marie) : Oui. Il relève du conseil d'administration du CISSS ou du CIUSSS. Donc, à cet égard-là, toute personne du conseil d'administration qui pourrait se sentir en conflit d'intérêts par rapport aux recommandations du commissaire aux plaintes et à la qualité des services, bien, aura l'obligation de dénoncer soit ce conflit d'intérêts là ou de sortir lors de la présentation. Mais le P.D.G. n'a pas d'autorité sur le commissaire aux plaintes et à la qualité des services.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci, M. le Président. Mme Rinfret, après lecture du p.l. n° 52, quelle serait la bonification à apporter?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, on en... il y en a une particulièrement, là, pour laquelle je fais une recommandation et qui est de modifier la disposition transitoire pour y ajouter une obligation pour les commissaires aux plaintes et à la qualité des services d'informer par écrit les parties plaignantes de leurs nouveaux droits pour bien leur expliquer la transition entre l'ancien régime et le nouveau. Ça, c'est une mesure que nous proposons.

Maintenant, dans le cadre du projet de loi, mes préoccupations sont de faire en sorte que soit sauvegardée l'indépendance du commissaire aux plaintes et à la qualité des services dans le traitement des plaintes. Et, à ce titre-là, pourquoi cette indépendance, elle est si importante? C'est pour garantir aux personnes qui vivent une insatisfaction, en l'espèce dans les CHSLD privés, d'avoir la garantie que le traitement de leurs plaintes va être fait de manière impartiale. Et donc, à ce titre-là, il faut que le commissaire aux plaintes ait les coudées franches pour examiner leurs dossiers et l'examinent en toute impartialité.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions de la part... des questions? Oui, Mme la députée de Lotbinière.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Vous parlez du commissaire-conseil, qu'il exerce un fort leadership mais tout en respectant l'indépendance des commissaires aux plaintes. Donc, j'aimerais que vous élaboriez là-dessus.

Mme Rinfret (Marie) : Vous savez, l'apparence de non-ingérence est aussi importante que la non-ingérence, et, à ce titre-là, la position du commissaire-conseil à l'égard des commissaires aux plaintes et à la qualité des services doit en être une de grande prudence pour ne pas intervenir dans le traitement d'une plainte qui serait soumise à l'attention d'un commissaire aux plaintes et à la qualité des services.

Alors, en ce sens-là, on salue l'arrivée de ce commissaire-conseil parce qu'il peut apporter au ministère, au réseau, des éléments systémiques d'amélioration dans le traitement des plaintes, mais on ne veut pas, et ce, d'aucune façon, qu'il puisse, d'une manière ou d'une autre, s'ingérer dans le traitement d'un dossier soumis à un commissaire aux plaintes et à la qualité des services.

Mme Blais (Prévost) : Une fois de plus, Mme la protecteur, je veux vous rassurer, ça ne fera pas partie du rôle du commissaire aux plaintes. Ce matin, on a entendu différentes personnes nous dire que le délai de 45 jours, c'était trop long et que, même, parfois, ça dépassait 45 jours. On nous a proposé 15 jours. Vous avez beaucoup d'expérience, est-ce que vous trouvez que 15 jours, c'est trop court? Est-ce que vous trouvez que 45 jours, c'est un délai raisonnable? J'aimerais vous entendre là-dessus.

• (16 heures) •

Mme Rinfret (Marie) : Moi, j'ai envie de vous répondre là-dessus que le 45 jours, c'est un délai maximal. Dans la loi, c'est comme ça, et ça veut donc dire qu'un dossier qui peut être traité à l'intérieur de cinq jours devrait être traité dans un délai de cinq jours.

Vous savez, quand on reçoit, chez nous... Je vous ai parlé de mon pouvoir d'enquête de notre propre initiative. Quand on reçoit des signalements de la part d'un tiers, par exemple, qui juge qu'une situation dans un CHSLD privé serait préjudiciable par rapport aux usagers et aux usagères, nous en fait état, bien, nous évaluons immédiatement, par le biais d'une préenquête, si nous devons intervenir. Et, au cas où, effectivement, la situation est urgente, on y va immédiatement et on règle le dossier le plus rapidement possible pour faire en sorte que la situation préjudiciable soit corrigée. Il doit en être de même pour les commissaires aux plaintes et à la qualité des services à qui on dépose des plaintes. J'imagine qu'ils doivent établir un ordre de priorité et conséquemment, à l'intérieur du délai qui ne peut dépasser 45 jours, prioriser les dossiers et intervenir le plus rapidement possible lorsque c'est nécessaire.

Maintenant, j'ajouterai que, lorsque le délai de 45 jours est dépassé, on peut, nous, déposer une plainte, ce qui arrive. Et, dès lors, nous, avant d'ouvrir le dossier, on prend contact avec le commissaire aux plaintes et à la qualité des services pour vérifier avec lui s'il est sur le point de rendre sa décision. Auquel cas, on rappelle la personne qui a porté la situation à notre attention, on lui explique qu'il devrait recevoir sa décision dans les jours qui suivent et que, s'il ne l'a pas, bien, ma foi, qu'il nous rappelle à nouveau, et là on va intervenir.

Donc, je vous dirais, ce qui est extrêmement important dans tout ça, c'est de gérer les attentes des personnes qui déposent des plaintes, leur expliquer, leur dire où on en est rendus dans un dossier. Nous, c'est comme ça qu'on procède quand les gens nous soumettent un signalement ou une plainte, on leur indique le délai de traitement, on les tient informés au fur et à mesure de nos enquêtes, et généralement les gens sont satisfaits.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la ministre. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de Fabre.

Mme Sauvé : Merci, M. le Président. Alors, bon après-midi. Merci à vous, Mme Rinfret, M. Dussault, M. Rousseau, pour votre présentation et toute la réflexion que vous avez faite. J'ai beaucoup apprécié, entre autres, parce qu'évidemment le projet de loi, il est issu d'une préoccupation et d'un état de situation, donc, quand vous nous nommez les 61 motifs de plaintes, la réalité des CHSLD privés, tout ça. Alors, pour moi, ça constitue un peu les éléments du portrait qui font en sorte qu'on est devant ce projet de loi.

Moi, la question que je vais avoir, puis il y a eu beaucoup de questions précédentes qui ont permis de clarifier certains de vos propos, mais moi, je reste encore préoccupée, entre autres, par rapport à la notion de transition, les mesures transitoires. À partir du moment où ce projet de loi... Les règles auront changé, la gouvernance aura changé, on s'entend, évidemment, puis j'en ai parlé ce matin, de ma préoccupation, à savoir : Les gens auront-ils toujours peur de dénoncer même si la loi existera? Je sais que vous avez nommé, dans votre mémoire, des mesures transitoires. Vous avez nommé, entre autres, le transfert du dossier, ça, c'est absolument important. Vous avez nommé aussi des campagnes d'information. Mais est-ce que vous pensez que ça va être suffisant? Parce qu'en même temps il va falloir évaluer le projet de loi, voir les impacts. Et, si les comportements n'ont pas changé, au-delà des actions qui seront dans cette loi, bien, finalement, on n'est pas plus avancés.

Alors, moi, je trouve intéressant ce que vous proposez, mais la question que j'aimerais vous poser : Est-ce qu'on ne peut pas aller plus loin, alors qu'on a entendu, pas plus tard que ce matin, d'autres mesures, d'autres suggestions? Est-ce qu'on ne devrait pas aller un petit peu plus loin dans les mesures transitoires?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, pour moi, quand vous parlez d'un besoin d'information, j'ai envie de vous dire que ça ne devrait pas être transitoire. Un besoin d'information, l'information, ça doit être continu. On doit constamment informer les personnes qui résident notamment dans les CHSLD privés mais également leurs proches de leurs droits et également de la façon qu'ils ont pour les exercer, ces droits-là, donc à savoir, d'entrée de jeu, de déposer une plainte à un commissaire aux plaintes et à la qualité des services. Également, on parle, si vous n'êtes pas satisfait de la décision du commissaire aux plaintes et à la qualité des services... le recours au Protecteur du citoyen.

Un élément qu'il est intéressant que vous sachiez, c'est que, présentement, dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, dès le moment où un commissaire aux plaintes et à la qualité des services rend une décision à une personne qui a déposé une plainte, il doit l'informer du deuxième recours au Protecteur du citoyen. Donc, à cet égard-là, l'information, elle est connue de la personne qui dépose une plainte.

Malgré cela, vous avez raison de faire état de crainte de représailles. Il faut donc agir en amont également. Et, à ce titre-là, dans le projet de loi n° 52, on prévoit, au comité de vigilance et à la qualité... je pense que...

Une voix : ...

Mme Rinfret (Marie) : ...et de la qualité, on ajoute une personne. En fait, il y aura maintenant deux personnes d'un établissement du réseau public qui vont siéger au comité de vigilance et de qualité. Donc, ça, pour nous, c'est une plus-value parce que ça va permettre aux personnes notamment des CISSS ou du CIUSSS d'agir de manière proactive par rapport à des situations qui pourraient être portées à l'attention du comité de vigilance — je vais l'appeler comme ça, tout simplement, là — et donc leur permettre d'intervenir d'une manière plus adéquate et donc de manière plus proactive par rapport à des situations qui pourraient être portées à leur attention, ce qu'ils n'ont pas nécessairement, actuellement.

Parce que ça, c'est un des constats qu'on a également, dans ces CHSLD privés qui sont souvent des petites installations, il n'y a pas nécessairement de comité de vigilance et de qualité. Alors, nous, là-dessus, on souhaite qu'il y ait une mise en place de ces comités lorsqu'ils n'existent pas et, lorsqu'ils existent, que leur fonctionnement soit très, je dirais, efficient dans la mesure où c'est là un endroit où on peut s'assurer, lorsque notamment il y a des ententes de services entre les CHSLD privés et les CIUSSS, que les personnes qui y sont, qui y résident obtiennent les soins dont elles ont besoin compte tenu de leur situation.

Le Président (M. Provençal)  : M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Merci. Merci, madame, merci, messieurs, d'être ici, premièrement, puis merci de votre mémoire — que j'ai regardé — vraiment. Écoutez, c'est la première fois que je vais être d'accord avec mon collègue de Rimouski concernant l'indépendance, mais pour les commissaires. Écoutez, on parlait tantôt avec le Conseil de la protection des malades, qui disait : Allez au-devant des usagers. Vous le savez comme moi, des personnes âgées, bien souvent, qui n'ont pas de famille, donc sont comme démunies, et, bien souvent, les personnes âgées, vous devez savoir, justement, sont comme intimidées devant les procédures. Donc, est-ce que vous avez regardé ce côté-là?

Parce que c'est bien beau mettre de l'indépendance, et tout, là, mais ces gens-là, qui ont besoin d'assistance... Puis, des fois, vous le dites, là, il n'y a même pas de commissaire assigné, justement, à certaines résidences ou encore trop petites, et puis, bien souvent, ça fonctionne... en tout cas, ils sont vraiment intimidés. Est-ce que vous avez regardé ce côté-là?

• (16 h 10) •

Mme Rinfret (Marie) : D'abord, un, vous avez raison de souligner l'importance d'intervenir en amont. Il y a, au sein de ces installations, de ces établissements, des comités des usagers. Il y a également les centres d'accompagnement et d'assistance aux plaintes qui viennent accompagner les personnes. Donc, à l'intérieur de chaque établissement, de chaque installation, les personnes qui ont besoin d'être informées de leurs droits peuvent se tourner vers des regroupements de gens qui vont les supporter pour bien les diriger soit pour un dépôt de plainte ou encore, puis là je pense aux comités des usagers, les aider dans l'organisation de leur vie au sein de l'établissement ou de l'installation.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Oui, trois minutes.

Mme Sauvé : Merci, M. le Président. Je voulais poursuivre avec la notion d'indépendance, et vous en parlez dans votre mémoire, à la page 3. Tantôt, vous en avez parlé, l'indépendance des commissaires aux plaintes. Puis là j'ai un peu une pensée opérationnelle, là. Comment est-ce que, dans les faits, on s'assure de l'indépendance? Il y a une définition qui est prévue au projet de loi qui est, entre autres, bon, l'absence de relation d'intérêt susceptible de nuire à sa neutralité, les liens familiaux, les liens financiers, mais comment on s'assure de ça? Est-ce que c'est dès le début du mandat, quand la nouvelle loi, si elle est adoptée... Donc, est-ce que, déjà, on demande des déclarations d'intérêt dès le départ? Est-ce qu'on a une définition un peu plus élargie pour s'assurer... Parce que ce n'est pas très, très, très poussé comme définition.

Alors, est-ce qu'on va un peu plus loin, au-delà des liens familiaux et des liens financiers, pour assurer l'indépendance? Donc, est-ce qu'il y a une déclaration dès le départ dans le mandat des commissaires aux plaintes ou bien c'est en cours de mandat, au fil des décisions, où, là, le commissaire désigne s'il est en conflit d'intérêts ou pas? Je voulais voir un peu, là, dans la procédure, l'opérationnalisation de ça.

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, d'abord, un, comme vous le soulignez, on ajoute l'article 30.1, qui vient définir, là, les qualités nécessaires puis surtout ce qui donnerait une non-indépendance, là. Et la loi, également, la loi sur la santé et les services sociaux prévoit que le conseil d'administration doit prendre les mesures pour préserver, en tout temps, l'indépendance du commissaire, qui agit sous leur autorité, dans l'exercice de leurs fonctions. Donc, sur le plan législatif, là, je vous dirais, il y a ces mesures-là.

Maintenant, il faut voir, dans les établissements, s'il y a un code d'éthique, de déontologie. C'est le type de mesure qui pourrait renforcer l'indépendance, le cas échéant. En ce qui nous concerne, je vous dirais que, toute mesure qui viendrait appuyer l'indépendance des commissaires aux plaintes et à la qualité des services, on est toujours favorables, là, à cela.

Le Président (M. Provençal)  : Merci.

Une voix : ...

Le Président (M. Provençal)  : 32 secondes, oui.

Mme Sauvé : Un commentaire, simplement.

Le Président (M. Provençal)  : Oui, allez-y.

Mme Sauvé : Alors, je voulais juste vous dire que vous avez deviné ma pensée, parce que je trouve ça intéressant, l'idée d'aller jusqu'à un code d'éthique, alors, simplement. Merci. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Alors, merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Taschereau.

Mme Dorion : Merci, M. le Président. Je n'ai pas de question particulière pour nos intervenants à ce moment-ci. Si vous êtes d'accord, si tout le monde est d'accord, je laisserais peut-être mon temps au député de Rimouski. Avec deux minutes, on n'a pas le temps souvent d'aller en profondeur, donc ça lui permettrait de le faire.

Le Président (M. Provençal)  : Ça me prend le consentement. Merci. Alors, la parole est au député de Rimouski.

M. LeBel : On est encore un peu dans le temps de la Saint-Valentin, c'est important, ça. Merci.

Bonjour. Ce matin, des gens nous parlaient de l'omerta au niveau privé comme public. Selon votre expérience, ça se traduit comment? Est-ce que vous croyez à ça, qu'il y a un sentiment d'omerta dans nos institutions?

Mme Rinfret (Marie) : Est-ce qu'il y a une crainte de représailles? Parce que c'est ce que je décode quand on parle d'omerta. Je vous dirais que, chez nous, on n'a pas ce sentiment-là. En fait, puis il faut être bien clair aussi, là, quand les gens font appel au Protecteur du citoyen, ils savent que leur plainte, leur demande ou leur signalement va être traité de manière confidentielle. Et, à ce titre-là, donc, ils ne craignent pas de nous faire état de la situation qu'ils vivraient ou qu'ils constateraient à l'intérieur d'un CHSLD privé, par exemple. C'est certain que, si on a un dossier particulier d'une personne, à ce moment-là, on va lui dire, nécessairement, que... bien, on va dévoiler son nom parce qu'on a besoin de travailler avec l'instance pour savoir... obtenir son dossier, par exemple, etc. Mais, à ce titre-là, la personne sait aussi que, si, dans ce contexte-là, elle est victime de représailles, et ça, on l'a fait rarement, mais on a dû le faire, nous sommes intervenus auprès soit du ministère ou soit de l'instance visée pour que cesse toute mesure de représailles, que ce soit à l'égard d'un membre du personnel ou encore d'un usager ou d'une usagère.

M. LeBel : Parce que moi, j'ai participé à l'adoption de la Loi visant à lutter contre la maltraitance, là, il y a deux ans, là, mais, des fois, j'écoute, là, puis j'écoutais les... j'ai l'impression qu'on a des choses où qu'on n'a pas avancé, là. On disait qu'il manquait d'information, il fallait en donner, qu'il fallait concerter des groupes, des comités d'action aux plaintes, des comités d'usagers, on disait ça il y a deux ans. Qu'est-ce qui s'est passé? Est-ce qu'on a avancé ou il y a encore des choses à faire? Comment on arrive, encore aujourd'hui, à se dire qu'il manque d'information?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, et puis c'est pour ça que je répondais sur la question dans un contexte transitoire, moi, je vous dirais qu'il faut que ce soit vraiment de manière continue, hein? Les gens, les résidents des centres d'hébergement et de soins de longue durée, qu'ils soient publics ou privés, sont là de passage. Il faut donc que les personnes qui y résident, dès le moment de leur entrée, de leur arrivée, que...

Une voix : ...

Mme Rinfret (Marie) : Oui, c'est toujours à recommencer. Il ne faut pas se lasser de le recommencer, de le dire à nouveau, de l'expliquer. Quand on se retrouve en situation de penser devoir déposer une plainte, on se sent souvent victime ou, en tout cas, à tout le moins, insatisfait du service qu'on a rendu. Et, à ce titre-là, il ne faut pas être gêné de déposer une plainte.

M. LeBel : Je comprends l'idée. Il y a un roulement, ça fait qu'il faut toujours recommencer le travail de...

Mme Rinfret (Marie) : Absolument, absolument.

M. LeBel : Le commissaire aux plaintes, vous parlez de l'importance du commissaire-conseil, qui va... mais le commissaire-conseil ne se retrouve pas dans la loi, il n'est pas inscrit dans la loi, son rôle n'est pas précisé. Est-ce que vous pensez qu'on devrait travailler là-dessus avec la ministre, voir comment on pourrait préciser le rôle du commissaire-conseil dans la loi pour aider les commissaires?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, ça vous appartient. Ma réponse sera celle-ci. Pour nous, c'est un interlocuteur privilégié pour le ministère puisque le régime d'examen des plaintes relève du ministère de la Santé et des Services sociaux. Donc, d'avoir un tel interlocuteur, ça ne peut qu'être un bénéfice pour le ministère.

Le Président (M. Provençal)  : 40 secondes.

M. LeBel : 40 secondes. L'indépendance, il faut que je parle d'indépendance. Lors du projet de loi, là, il y a deux ans, je parlais beaucoup de la maltraitance organisationnelle. On avait de la misère, du côté gouvernemental, à expliquer que ça... à avouer qu'il pouvait y avoir de la maltraitance organisationnelle, mais c'est sûr qu'il y a de la maltraitance organisationnelle. Là, l'indépendance du commissaire est importante, parce que, s'il manque de préposés puis on ne donne pas les bons services, le commissaire, comment il fait pour intervenir contre son propre ministère ou contre le CISSS? Et c'est là que je trouve qu'il faut absolument trouver la façon de rendre le commissaire le plus indépendant possible.

Ce qui me permet aussi de dire qu'éventuellement... Moi, j'avais déposé un projet de loi pour créer un vrai protecteur des citoyens complètement indépendant. Je sais que mon projet de loi ne sera jamais appelé, mais, en même temps, ce que je voulais, c'est créer une réflexion là-dessus. Il y a beaucoup d'aînés, de plus en plus, dans mon coin de pays, une personne sur quatre qui a 65 ans et plus. Ils sont dans des villages, isolés dans des villages. Il faut trouver des façons pour permettre à ces gens-là, d'une façon facile, d'atteindre, de rejoindre la personne qui va les aider, qui va défendre leurs droits.

• (16 h 20) •

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député.

M. LeBel : Je m'excuse de la question qui finit comme ça.

Mme Rinfret (Marie) : Oui, la réponse est en deux temps. D'abord, le deuxième bout. N'hésitez jamais à faire la promotion du Protecteur du citoyen, parce que, dans l'hypothèse où je n'aurais pas compétence, je vais toujours référer la personne au bon endroit, toujours, en toute circonstance. Ça fait partie des devoirs inhérents d'un protecteur du citoyen, d'un ombudsman parlementaire, ce que je suis, et mon institution est très soucieuse de cela. Et on demande aux gens, s'ils n'ont pas obtenu la réponse qu'ils voulaient, de nous rappeler, à ce moment-là, pour qu'on les redirige à nouveau vers la bonne personne. Et, le cas échéant, on va intervenir si jamais quelqu'un était vraiment dans une situation intolérable.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, Mme Rinfret. Merci à vous tous pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 21)

(Reprise à 16 h 24)

Le Président (M. Provençal)  : Nous écouterons maintenant les représentants de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. Et je vous cède la parole.

Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)

Mme Bédard (Nancy) : Alors, bonjour, M. le Président, Mme la ministre, MM., Mmes les députés. Alors, on va commencer par les remerciements. Merci vraiment pour cette invitation à ces audiences qui portent sur la commission sur le projet de loi n° 52. Alors, j'aimerais vous présenter les gens qui m'accompagnent : Sonia Mancier, qui est la présidente de FIQ, secteur privé, et Suzanne Prévost, qui est une conseillère syndicale au secteur sociopolitique de la fédération.

Donc, nous représentons les professionnels en soins qui oeuvrent au sein des établissements publics et privés, et ce, sur la vaste majorité du territoire du Québec. Nous avons, au sein de nos rangs, plus de 1 800 professionnels en soins qui oeuvrent dans les établissements privés du Québec. Donc, ce n'est pas un secret pour personne, les actions que mène notre organisation sont motivées par le souci d'offrir constamment des soins de qualité sécuritaires à la population du Québec tout en revendiquant les conditions de travail puis les conditions d'exercice pour que les professionnels en soins puissent y arriver, bien sûr.

Aujourd'hui, nous accueillons, M. le Président et Mme la ministre, favorablement toutes les bonifications apportées au régime d'examen des plaintes des usagers, car nous croyons que ces derniers et leurs proches sont en droit d'exprimer leur mécontentement, leurs inquiétudes et leurs attentes qui sont liés aux soins et aux services reçus dans notre réseau. Cependant, on va souhaiter attirer votre attention et vous soumettre, bien sûr, quelques commentaires qui sont relatifs à votre projet qui est à l'étude.

Donc, tout d'abord, on prend acte et on salue la ministre d'allouer de nouvelles sommes d'argent pour embaucher, nécessairement, des commissaires de plus pour que ces derniers puissent vraiment accomplir les nouvelles responsabilités qui leur seront confiées, mais cependant nous restons quand même fortement préoccupés par la charge de travail des commissaires locaux qui ne cesse d'augmenter au fil du temps. Un examen rapide des données contenues au rapport annuel des dernières années démontre que la tâche des commissaires s'alourdit constamment. Outre les plaintes des usagers ou de leurs représentants, le nombre d'interventions par les commissaires est en hausse dans la très grande majorité des établissements.

De plus, depuis l'adoption de la loi sur la maltraitance, les commissaires sont aussi responsables de recevoir les plaintes et les signalements qui découlent aussi de cette loi, et nous ne connaissons pas encore toute l'ampleur réelle du travail à accomplir, notamment, par cette loi parce que certains établissements n'ont même pas encore déployé de politique concernant cet enjeu. Le journal La Presse rapportait, en octobre dernier, que près de 866 dossiers de cette nature, liés à cette loi, ont été traités par les commissaires locaux. Donc, sans présumer de l'avenir, on peut facilement déduire que le nombre de plaintes et de signalements pourrait progresser. Ce n'est pas ce qu'on souhaite, c'est pour ça qu'on a une recommandation 3, qui est fort importante, dans notre dossier, notamment.

Nous demandons au législateur, dans notre première recommandation, de s'engager, après avoir consulté les commissaires — ça, c'est important — à fournir suffisamment de ressources financières, humaines et matérielles pour accomplir l'importante tâche qui leur est confiée.

Donc, pour la prochaine portion, je vais laisser la présidente de FIQ, secteur privé, Sonia Mancier, vous parler de notre deuxième préoccupation.

Mme Mancier (Sonia) : Bonjour. Notre deuxième préoccupation est celle qui touche l'impartialité des commissaires. En ce sens, nous saluons la volonté du législateur de vouloir renforcer le régime par le dépôt du présent projet de loi. Parce qu'il relève directement du conseil d'administration, le commissaire local occupe une place particulière au sein de l'établissement. Cette absence de lien hiérarchique avec la direction générale de l'établissement permet au commissaire d'exercer sa fonction en toute impartialité.

Nous sommes toutefois interpellés par l'annonce de la création d'un poste de commissaire-conseil au sein du ministère faite au moment du dépôt du projet de loi. Dans un premier temps, nous convenons que la création de ce poste peut démontrer l'importance que l'on accorde au régime d'examen des plaintes, cependant, nous nous questionnons au sujet de certaines responsabilités confiées au commissaire-conseil.

Par exemple, ce nouveau commissaire-conseil aura la responsabilité de faire une vigie systémique des mesures correctives recommandées par les commissaires locaux. Il pourra aussi être appelé à soutenir les commissaires locaux dans le cas de situations complexes. Comment les membres des comités de vigilance au sein des établissements vont-ils interagir avec le commissaire-conseil dans le cadre de la vigie sur les mesures correctives à implanter? Quel sera le lien hiérarchique entre le commissaire-conseil et les commissaires locaux? Voilà autant de questions qui nous laissent perplexes quant aux réelles motivations sous-jacentes à la création de ce poste.

Sans pour autant s'inscrire en faux contre cette initiative du gouvernement, initiative faite de façon concomitante avec le dépôt du projet de loi, nous voulons tout de même vous souligner que certaines fonctions du commissaire-conseil ainsi que son intégration au sein du ministère sont susceptibles de miner en partie l'indépendance et l'impartialité des commissaires locaux. Conséquemment, nous vous recommandons de maintenir cette indépendance et cette impartialité des commissaires, car elles sont le gage de l'efficacité du régime d'examen des plaintes.

• (16 h 30) •

Mme Bédard (Nancy) : Finalement, on veut profiter de l'opportunité qui nous est offerte aujourd'hui, bien sûr, pour vous mentionner aussi l'importance d'agir en amont. Alors, il faut améliorer la qualité des soins, des services aux patients puis ainsi contribuer à diminuer la charge des commissaires locaux. Alors, ça, ça doit être l'objectif ultime, nécessairement.

Depuis quelques années, notre organisation propose et expérimente les ratios sécuritaires professionnels en soins patient dans les établissements de santé du réseau. Nous ne sommes pas les seuls à vouloir promulguer cette solution, ça a été fait ailleurs dans le monde, ça a généré des résultats probants, notamment sur la diminution efficace au niveau des plaintes, et aussi, avec tout ce qui a été essayé ailleurs dans le monde, il y a plus de 15 ans d'écrits scientifiques qui est fait. Donc, ce n'est pas qu'une lubie syndicale, je vous l'assure, cette lutte. Les ratios syndicaux... les ratios sécuritaires des soins permettent d'attirer les professionnels en soins dans le réseau, de les retenir en santé. Ils améliorent la qualité et la sécurité des soins pour l'ensemble des patients en plus d'assurer une meilleure efficacité du réseau.

Plus de 500 000 incidents, accidents ont été déclarés au cours de la dernière année au sein des établissements de la santé. Les plus fréquents, vous le savez, sont les chutes et les erreurs liées à la médication, et ce, très générateur de plaintes au niveau de nos commissaires. Nous croyons raisonnable que ce nombre ne reflète même pas la vraie réalité, parce que, vous en avez parlé, on le sait, la loi qui règne, la loi du silence, la loi de l'omerta génère aussi beaucoup de retenue par rapport à ça. Alors, 500 000 incidents, accidents, ce n'est probablement même pas la réalité. Donc, ces situations déplorables causent des souffrances, des souffrances aux patients, des souffrances à leurs proches en plus de donner lieu à un volume important de plaintes ou de demandes d'intervention auprès des commissaires aux plaintes.

Par ailleurs, le Bureau du coroner a conclu, à la suite d'enquêtes liées à des événements tragiques, que diminuer le ratio de patients par infirmière aurait pour effet d'augmenter la sécurité des soins, et particulièrement dans les CHSLD. Le Bureau du coroner... La Protectrice du citoyen, dans son dernier rapport, souligne l'intérêt de la solution à mettre en place au niveau des ratios.

Nous croyons qu'il faut agir aussi à la source du problème, revoir la composition de l'équipe de soins ainsi que le nombre de professionnels en soins qui s'occupent des patients. L'implantation des ratios professionnels en soins patient va permettre une augmentation de la capacité à réaliser l'ensemble des activités professionnelles et une plus grande qualité et sécurité des soins, et ce, pour le plus grand bénéfice de la population et des patients. En somme, nous vous recommandons de fixer par une loi des ratios professionnels en soins patient et de les implanter au sein des établissements de santé sur l'ensemble du territoire québécois.

Nous estimons que nos propositions vont contribuer vraiment positivement à renforcer le régime d'examen des plaintes des usagers en plus d'améliorer la qualité et la sécurité des soins de nos patients. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie pour votre exposé. Mme la ministre, à vous la parole.

Mme Blais (Prévost) : Merci, M. le Président. Merci beaucoup, Mmes Bédard, Mancier et Prévost.

Mme Bédard, vous parlez souvent avec la ministre de la Santé et des Services sociaux concernant les ratios, ça fait que je sais que vous avez une très bonne communication avec elle. Mais, tout à l'heure, je crois que vous étiez présente quand le député de Rimouski a parlé d'information. Et l'une des raisons de ce projet de loi n° 52, c'est particulièrement pour les établissements privés, où vous mentionniez qu'il y a des établissements qui n'ont pas encore de politique de maltraitance. Il y a des établissements qui n'ont pas cette information. Depuis que la loi n° 115 est adoptée, il faut que tous les établissements soient à jour et possèdent cette politique en maltraitance et obtiennent l'information nécessaire, et c'est très, très, très important. Et c'est l'une des raisons pour lesquelles on suggère, dans le projet de loi n° 52, qu'il y ait l'obligation de déposer, dans un dossier informationnel, toutes les plaintes. Évidemment qu'il y aura plus de plaintes parce qu'il y a des plaintes qui n'ont pas été déposées dans le dossier. Alors, oui, il y aura certainement plus de plaintes, mais c'est comme ça qu'on va être en mesure, je crois, de faire des corrections avec le temps.

Vous parlez du commissaire-conseil. Vous avez certaines inquiétudes par rapport au commissaire-conseil, par rapport à l'ingérence qu'il pourrait y avoir avec le comité de vigilance. Il n'aura aucun lien avec le comité de vigilance. Au contraire, il y a des établissements privés, actuellement, qui n'ont pas de comité de vigilance. C'est la raison pour laquelle, en quelque sorte, on va forcer le comité de vigilance puisqu'il y aura des représentants des CISSS et des CIUSSS qui seront présents.

Le commissaire-conseil, je crois, se veut plus comme... conseil pour harmoniser les pratiques, pour faire en sorte que le commissaire aux plaintes et à la qualité des services se sente moins seul, parce qu'ils se sentent très seuls. Puis je veux vous rassurer, si jamais, si jamais les commissaires aux plaintes et à la qualité ont trop de travail... Parce que je sais que, dans la loi n° 115, ils n'ont pas été avisés, ils n'ont pas été consultés concernant l'obligation de s'occuper des plaintes en matière de maltraitance. Donc, oui, il y a eu une charge supplémentaire au niveau de leur travail, donc on va devoir veiller là-dessus, c'est très important.

Ma question, hein, j'ai fait un long préambule, puis je veux laisser mes collègues... Parlez-moi un peu plus du commissaire-conseil. Est-ce que vous l'accueillez favorablement, finalement? S'il a cette indépendance, est-ce que vous l'accueillez favorablement?

Mme Bédard (Nancy) : Bien, la zone de difficulté qu'on avait, considérant que ça ne fait pas partie du projet de loi, c'était nécessairement de ne pas trop savoir l'objectif, avec tout l'ensemble de ses rôles, qu'est-ce qu'il allait jouer... qu'est-ce qu'on allait lui donner comme fonction. Donc, c'était difficile pour nous de se dire : Est-ce qu'on est favorable ou non à ça?

Ce qu'on comprend, c'est que, vous, comme ministre, vous avez des besoins. Notamment, si ce commissaire-conseil là peut répondre et faire en sorte que vous ayez une lecture plus juste de ce qui se passe, c'est une chose, mais, effectivement, il ne faut pas que ça ait l'air d'une centralisation. Il ne faut pas que ça ait l'air... que le comité de vigilance de nos établissements sente qu'il y a une confusion dans les rôles. Alors, ça, je pense que tous les acteurs l'ont dit aujourd'hui, l'impartialité, il faut s'assurer que tout ce qui se passe au niveau local, on ait le plus possible d'objectivité. Alors, ce commissaire-conseil là, on doit s'assurer de bien comprendre son rôle et ne pas avoir de confusion pour ne pas non plus que... et autant le conseil d'administration, le comité de vigilance, le commissaire local sentent qu'il y a quelqu'un au-dessus de lui qui pourrait venir influencer ou apporter des éléments.

Donc, c'est tout autant de questions qui nous permettaient difficilement d'apprécier ce nouveau rôle là. Donc, c'est difficile pour moi aujourd'hui de venir totalement vous dire le positif de ça, comment on le voit, parce qu'il nous manquait énormément d'informations. Puis on aurait apprécié, potentiellement, qu'il soit dans le projet de loi.

Mme Blais (Prévost) : ...le député de Rimouski qui pose la question très souvent par rapport à ça. Mme Bédard, en terminant, le commissaire-conseil n'est pas un commissaire à la ministre. C'est vraiment un commissaire-conseil pour les commissaires aux plaintes afin de mieux communiquer, puisque les commissaires aux plaintes et à la qualité se sentent souvent seuls dans leur établissement à cause de leur rôle et à cause de leur distance aussi. C'est pour harmoniser les pratiques, mieux communiquer, mieux faire en sorte qu'ils soient davantage outillés. Mais vous avez raison de le préciser, et nous allons en tenir compte. Je vous remercie.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Roberval.

Mme Guillemette : Merci, M. le Président. Merci beaucoup d'être ici, ça nous donne un bon point de vue.

Vous parliez de votre inquiétude sur la charge de travail des commissaires locaux. Est-ce que le fait d'avoir des commissaires-conseils pourrait les soutenir... En se sentant mieux soutenus, en ayant des pratiques standardisées, comme le disait la ministre, est-ce que ça pourrait faire en sorte de diminuer la charge de travail des commissaires?

Mme Bédard (Nancy) : Deux éléments. J'imagine que ce que la ministre vient de nous donner comme information, ça émane d'une demande des commissaires. Ça fait que si les commissaires locaux se sont sentis seuls puis qu'ils ont dit : On aimerait ça avoir quelqu'un, puis que ça émane d'une demande des commissaires, j'imagine que ça pourrait potentiellement les aider, mais est-ce que c'est ce qu'on veut? Est-ce que ça prend quelqu'un du ministère? Puis il faut toujours penser que le diable est dans les détails, hein? Un commissaire-conseil qui vient du ministère, s'il y a des orientations, des éléments, c'est toujours difficile, là, pour savoir comment ça fonctionne, des orientations. Parfois les gens osent, n'osent pas. L'indépendance va faire en sorte que, si on pense que nos commissaires sont en fardeau, c'est la solution que le commissaire-conseil va venir les aider dans les dossiers, comment il va faire les... comment ils vont travailler ensemble. Je ne pense pas que ce soit une des solutions nécessairement. Donc, je suis comme plus d'avis qu'il faut voir avec les commissaires locaux leurs besoins pour y arriver.

Ce qu'on constate, c'est... on parlait des délais de 45 jours, il y a quand même beaucoup de plaintes qui dépassent le 45 jours. Donc, c'est un des indicateurs qu'on peut potentiellement dire qu'ils sont en fardeau de tâche, effectivement. Donc, moi, je me fie sur la ministre et les gens pour qu'eux viennent nous dire qu'est-ce que ça prend pour les aider pour arriver dans le délai de 45 jours. Ce qui doit se traiter de façon plus rapide doit être traité de façon plus rapide, mais il ne doit certainement pas y avoir de dépassement. Donc, je suis d'avis que c'est eux qui devraient être en mesure de venir nous le dire.

Et je ne porterai pas cette parole-là pour dire que c'est le commissaire qu'on parle ici, là, qui pourrait venir du ministère, qui va venir travailler les dossiers dans un CISSS ou dans un CIUSSS donné, là. Pour moi, ça m'apparaîtrait assez particulier comme fonction.

• (16 h 40) •

Le Président (M. Provençal)  : Mme la ministre.

Mme Blais (Prévost) : J'aimerais juste rectifier une chose, qui n'a rien à voir avec vous, mais ce ne sont pas les commissaires aux plaintes et à la qualité des services qui ont mentionné qu'ils avaient besoin d'un commissaire-conseil, là. Ça vient du fait qu'il faut harmoniser les pratiques. Et, si on fait en sorte qu'il y a un dossier informationnel, ça prend plus de communication. Et c'est vrai, quand vous représentez des infirmières, des infirmiers, il y en a plusieurs dans un établissement, mais, dans un établissement, il n'y a pas plusieurs commissaires aux plaintes, donc c'est beaucoup plus difficile. Et à cause de leur indépendance et à cause des plaintes que ces personnes traitent, c'est beaucoup plus difficile, les interactions. On ne peut pas commencer à dire à tout le monde qu'est-ce qui se passe par rapport aux plaintes, c'est confidentiel. Alors, c'est beaucoup plus dans cet ordre-là de pouvoir les accompagner pour harmoniser, pour mieux communiquer, pour faire progresser les pratiques qu'un commissaire-conseil serait nommé. Je voulais seulement rectifier.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Soulanges.

Mme Picard : Moi, je me pose la question : Comment, vous, les infirmières, pouvez promouvoir les changements du projet de loi? Comment, sur le terrain, vous pouvez en parler aux patients? Comment qu'on pourrait faire le lien?

Mme Bédard (Nancy) : Ça, c'est une excellente question, et c'est extrêmement difficile, parce que je vais vous donner un seul exemple et c'est la loi de l'omerta. J'ai entendu tantôt, j'ai participé un 15, 20 minutes, là, il y a des préoccupations par rapport à ça. Puis moi, j'ai des professionnels en soins qui échangent avec les patients à tous les jours sur certaines difficultés, des constats que les patients viennent dire. Et souvent les professionnels en soins, leur réflexe, c'est de se dire : Bien, tu sais, si vous avez une plainte à formuler, je peux vous aider, je peux vous donner le document, je vais apporter le pamphlet. Et je peux vous dire que plusieurs professionnels, quand qu'ils font cette démarche-là, ils se font taper sur les doigts d'avoir fait ça. On a des exemples, et c'est extrêmement difficile.

Donc, votre question est pertinente. Si, dans le projet de loi, vous pouvez réussir à écrire quelque chose pour protéger les gens qui veulent promouvoir comment on fait des... c'est quoi, le chemin pour aller faire des plaintes, je vais être extrêmement intéressée à le regarder. Mais malheureusement, actuellement, l'état du réseau ne permet pas aux professionnels en soins, en tout cas, de faire la promotion, parce que tout est regardé, puis la ligne est mince entre tu déclares une situation, tu as parlé au patient, tu l'as comme presque... pas soutenu, mais, tu sais, tu as peut-être dit : Bien oui, vous devriez peut-être faire une plainte là-dessus ou non. Parce que, tu sais, les patients nous parlent puis ils veulent savoir aussi ce qu'on en pense. Ce n'est pas si évident que ça. On est des confidents pour eux, ils se fient sur nous. Et je peux vous dire une chose, on est regardés, puis c'est extrêmement difficile.

Alors, moi, je veux bien vous dire comment on pourrait faire la promotion, mais j'ai envie de vous dire : Protégez-nous, Seigneur! Parce que je peux vous dire une chose, c'est extrêmement difficile, dans le réseau, actuellement, d'échanger à ce niveau-là sur tout, tout. À tous les jours, les professionnelles en soins souhaitent être à la défense des droits et des intérêts des patients et à tous les jours, quand elles font autre chose qu'une tâche réellement où on les confie, elles se font taper sur les doigts. Et, vous le savez, c'est à toutes les semaines qu'on entend, dans les médias, qu'est-ce qu'on a fait, qu'une professionnelle en soins qui a osé dénoncer une situation. Pourquoi? Pour que son patient puisse être bien soigné.

Alors, malheureusement, je suis obligée de vous dire que ce n'est pas aujourd'hui que je vais vous dire comment je vais faire la promotion. Mais je vais vous demander de m'aider pour qu'on puisse faire cette promotion-là puis qu'on soit vraiment protégés pour la faire.

Mme Picard : Est-ce qu'il me reste du temps?

Le Président (M. Provençal)  : Oui, oui.

Mme Picard : J'aurais une autre question par rapport, un petit peu, à ça : Est-ce qu'on pourrait, supposons, dans un établissement hospitalier... (panne de son) ...admission du patient en chambre, en hospitalisation? Concrètement, est-ce que ça pourrait se faire pour les infirmières lors des admissions?

Mme Bédard (Nancy) : Moi, je pense que oui. Toute politique, tout élément qui renforcera ça, qui permettra, à ce moment-là, de le faire, et c'est surtout de garder ce temps-là pour être capable de bien accueillir le patient. Mais il va falloir que ça vienne... et soutenu par des politiques qui, malheureusement, ne devraient pas... On ne devrait pas avoir besoin de ça pour être dédouané de faire ça. Mais, aujourd'hui, je suis obligée de vous dire que, si ça fait partie du protocole puis si on l'ajoute... Mais, encore là, il va falloir qu'on travaille quand même pour être très à l'aise à ce qu'une portion de l'admission que la professionnelle en soins fait avec le patient puisse être dédiée à ça puis qu'on lui laisse... qu'on lui fasse confiance de ce que ça veut dire. Actuellement, c'est difficile.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la ministre.

Mme Blais (Prévost) : ...très, très, très préoccupée par ce que vous venez de dire, Mme Bédard, par rapport au fait que... Protégez-nous, Seigneur! C'est ça que vous avez dit. Aidez-nous à nous protéger. Vous savez, il y a la loi n° 115, où ça a été un petit peu difficile d'obtenir le signalement obligatoire. Et, avec ce signalement obligatoire, vient le fait qu'on doit protéger aussi l'employé, que l'employé ne peut pas perdre son travail s'il signale, s'il dénonce. Et pourtant ce que vous êtes en train de dire, c'est que vous vous faites taper sur les doigts. Malgré cette loi-là, vous vous faites taper sur les doigts. Qu'est-ce qu'on va faire de plus?

Mme Bédard (Nancy) : Encore pire qu'avant la loi. Encore pire qu'avant la loi. Moi, je peux vous dire qu'aujourd'hui la loyauté, le conflit de loyauté et l'exigence de loyauté des directions envers eux et l'établissement plus qu'envers notre patient... Nous avons un code de déontologie. À tous les jours, on nous demande de ne pas suivre notre code de déontologie. À tous les jours, mes membres, que je représente, s'ils ont voulu divulguer, même si on fait toutes les choses correctement au départ, là, il y a toutes les politiques, comment on fait les éléments... À un moment donné, il y a des limites quand ces gens-là ne sont pas entendus pour protéger leurs patients, ce qu'on leur dit toujours, c'est : Vous avez manqué de loyauté envers l'établissement. Alors, c'est la loyauté envers les cadres, la loyauté envers l'établissement plus qu'envers le patient, et nos professionnels en soins sont en conflit de loyauté continuellement. Et vous avez raison... et, pour moi, cette loi-là, elle a été là, mais, aujourd'hui, pour plein de raisons, la situation est encore pire qu'elle l'est par rapport à cette loi-là et à ce que mes professionnels en soins vivent.

Mme Blais (Prévost) : Mme Bédard, aidez-moi maintenant à vous aider.

Mme Bédard (Nancy) : Oui.

Mme Blais (Prévost) : Qu'est-ce qu'on devrait faire?

Mme Bédard (Nancy) : Bien, j'aurais aimé... Depuis un an, j'ai demandé le plus souvent possible que l'ensemble des établissements m'avisent sur tous les cas qui sont portés à l'attention des syndicats locaux pour que j'aie tous les dossiers sur mon bureau et que je sois en mesure soit d'en faire part à la ministre, soit d'être capable de faire des sorties média pour dénoncer ça et demander de rétroagir sur les sanctions faites. Et je fais le maximum que je peux faire. J'ai écrit, dans un établissement, dernièrement, dans le temps des fêtes, en mettant... l'Estrie, je vais le dire, pour ne pas le nommer, en mettant la ministre en copie. Je ne sais pas, là. Je dénonce. Je suis dans les médias. Je mets la ministre en copie.

Il faut travailler en amont avec les dirigeants puis leur dire que les professionnelles en soins, elles ont... elles sont à la défense des droits et des intérêts des patients. Et, quand elles dénoncent, quand elles disent ce qu'elles ont besoin, qu'est-ce qu'elles n'ont pas pour soigner adéquatement leurs patients, on doit les écouter, on doit faire en sorte... Et ça, c'est les dirigeants, ça fait partie de leurs obligations, leurs devoirs, bien plus que nous ici, c'est l'obligation et le devoir, selon la LSSSS, de nos directrices de soins infirmiers, de nos dirigeants. Alors, je pense qu'il faut leur rappeler leurs obligations, leurs devoirs et l'écoute qu'elles doivent avoir auprès des professionnelles en soins. Au lieu de leur taper sur les doigts, elles doivent les féliciter quand elles montent aux barricades pour s'assurer qu'on donne les moyens de bien soigner les patients. Mais on n'est pas là actuellement.

Moi, je rêve du jour où on va voir les professionnelles en soins, qui, outre leur rôle d'aller prendre une pression, viennent dire qu'est-ce que les patients ont de besoin pour être bien soignés, pour diminuer les plaintes, pour qu'on ne manque pas de soins, pour donner les soins selon les standards, selon les normes. C'est ce qu'on tente de faire. C'est ça, l'«advocacy», c'est ce qu'on travaille actuellement. Mais les professionnelles en soins, malheureusement, on dirait que ce n'est pas bien reçu, ça ne fait pas comme... ils ne veulent pas nous voir dans ce rôle-là.

Alors, je pense qu'à la base il faut rappeler aux établissements tout le rôle des professionnelles en soins, qu'ils devraient prendre ça, à la base, comme étant tous les éléments pour travailler ce qu'il y a à travailler pour être capable de donner les soins.

Mme Blais (Prévost) : En 2009, quand j'ai déposé un plan d'action pour combattre la maltraitance envers les aînés, on disait qu'il n'y en avait pas, de maltraitance envers les aînés, c'était envers les femmes, les enfants. Quand j'ai parlé de maltraitance dans les établissements, on a dit : Ça n'existe pas, les établissements ne maltraitent pas. Puis aujourd'hui on est rendus à parler de commissaire aux plaintes. On est rendus... Écoutez, on a beaucoup de travail à faire. Je vous remercie, Mme Bédard.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la ministre. Je vais maintenant céder la parole à la députée de Fabre.

• (16 h 50) •

Mme Sauvé : Merci beaucoup, M. le Président. Mme Bédard, Mme Mancier, Mme Prévost, merci pour votre cri du coeur, parce qu'il faut dire les choses et se rappeler qu'on est tous là pour les soins aux patients et aux aînés, alors merci pour ce cri du coeur.

Moi, je veux vous amener sur... J'ai deux grandes questions à vous poser. Vous avez parlé, dans votre mémoire, vous l'avez exprimé tantôt, l'alourdissement que ça peut représenter pour les commissaires locaux d'avoir à agrandir le territoire, évidemment, en incluant les établissements privés. Vous vous préoccupez de ça. Vous demandez, dans les recommandations, votre recommandation 1 de votre mémoire, plus de ressources financières, de ressources humaines.

Il faut se rappeler que, quand on a parlé, depuis ce matin, du délai du 45 jours, qui n'est pas toujours respecté, c'est autant au niveau public que privé. Alors, quand on prend acte de ça, on est en train de se dire que, même au niveau public, on n'y arrive pas nécessairement. Et là on est en train d'ajouter, malgré la vertu du projet de loi, des tâches, des mandats importants. Alors, je vous rejoins beaucoup dans la préoccupation que vous avez par rapport à l'alourdissement et l'historique que vous en faites.

Je vois que, dans cette recommandation-là, vous nommez aussi que, pour connaître les besoins d'ajout de personnes, les besoins financiers, vous souhaitez que soient consultés les commissaires. Comment ça pourrait se faire, cette consultation-là? Qui la ferait, finalement, toujours dans un souci d'être près des besoins, mais dans le respect de la neutralité? Alors, comment ça se ferait cette consultation?

Mme Bédard (Nancy) : Bien, à mon avis, la ministre qui présente ce projet de loi, si elle veut être en mesure de mettre l'ensemble des éléments qui sont... Bien, c'est sûr que ça serait intéressant qu'elle entende, certainement, les commissaires. Mais, tu sais, ce n'est comme pas à moi de décider, nécessairement, qui sont les acteurs les mieux placés pour entendre ces commissaires-là. Mais ma préoccupation, c'est que les meilleures personnes pour venir dire leurs réels besoins au niveau des ressources financières, matérielles, avec ce qu'on leur a donné dans les dernières années, la tâche, ajouter les privés maintenant... C'est eux qui vont venir mettre l'ensemble des éléments pour que la ministre ou le législateur soit en mesure de mieux, finalement, cerner le réel besoin sur l'augmentation, notamment, là, des commissaires.

Mme Sauvé : Merci beaucoup. Autre préoccupation que j'ai, puis vous l'avez bien exprimée, bien que puisse être intéressante la notion de l'ajout du commissaire-conseil, vous vous questionnez, parce que, dans le projet de loi, ce n'est pas vraiment mentionné, le rôle, le mandat. Moi, je vais vous dire, là, vous avez utilisé des mots qui me rejoignent quand vous parlez de confusion de rôles, là, parce qu'entre le comité de vigilance puis le commissaire-conseil, qui n'est pas vraiment défini dans le projet de loi... Là, tantôt, on a entendu la ministre dire que les deux ne se parlent pas vraiment, parce que le comité... le commissaire-conseil va y aller dans la vigie systématique. Mais, en même temps, l'autre fait la vigilance. Moi, franchement, je m'y perds un peu. Je veux voir avec vous, si vous aviez, vous, à définir un rôle distinct, une valeur ajoutée en mettant en place ce commissaire-conseil, ça serait quoi, le mandat précis qui pourrait être en vrai soutien aux commissaires locaux, et tout ça?

Mme Bédard (Nancy) : Bien, je vais rester un peu sur la même ligne que j'étais. Je pense que les commissaires locaux, là... Tu sais, moi, je ne les ai pas consultés. Donc, si les commissaires locaux, il y a une valeur ajoutée pour eux d'avoir un commissaire-conseil, bien, c'est à eux, un peu, de définir leurs besoins et la valeur ajoutée qu'il pourrait y avoir, tout en étant très conscients qu'ils doivent avoir les coudées franches constamment, et que ce commissaire-conseil-là ne doit aucunement, dans son rôle, miner cet espace-là qu'ils ont besoin, de toute leur impartialité, l'objectivité. Si c'est pour du soutien, de l'harmonisation, de les aider, et ça répond à leurs besoins, alors ce commissaire-là devrait avoir ce rôle-là. Donc, je n'ai pas autre chose à dire que c'est eux, finalement, qui devraient définir le besoin. Et puis la ministre me le disait tout à l'heure, ce n'est pas pour elle, ce n'est pas dans ce but-là, ce n'est pas... c'est vraiment en soutien. Alors, c'est à eux de définir ça, mais toujours dans la réelle impartialité et, dans son rôle, bien, de ne pas avoir de confusion.

Le comité de vigilance, tu as un conseil d'administration, tu as une commissaire. Alors, cette personne-là, ça doit extrêmement important qu'on sache... Et, après ça, tu as... bien, on a la Protectrice du citoyen. Je veux dire, à un moment donné, il faut s'assurer que l'ensemble des acteurs qu'on met à la disposition d'un processus ait leur valeur ajoutée puis leur rôle bien à eux. Alors, c'est surtout ça, l'intervention qu'on voulait faire par rapport à ce poste-là ou ce nouveau rôle là qu'on voit apparaître.

Mme Sauvé : Combien de temps me reste-t-il?

Le Président (M. Provençal)  : Six minutes.

Mme Sauvé : Six minutes. Merci, M. le Président. Il y a un élément qui n'a pas été souligné, mais j'aimerais ça vous entendre puis que vous ameniez votre réflexion là-dessus. On connaît la réalité, préoccupante, évidemment, les commissaires locaux qui sont là ou qui n'existent pas, le manque d'accompagnement des résidents, dans les CHSLD privés, l'imperfection de la situation, et tout ça, alors, qui a amené le projet de loi n° 52. Est-ce que vous pensez que ce qui est proposé, là, la solution qui est amenée par la ministre avec le projet de loi n° 52... Moi, je me préoccupe... Bien qu'imparfait, le modèle actuel, on est en train de mettre peut-être un peu de côté la proximité de la réalité des besoins. Je pense à des CHSLD privés qui font leur travail, qui font bien leur travail et qui sont accompagnateurs des aînés et des résidents vers des démarches de plaintes. Est-ce qu'on n'est pas en train de perdre, en même temps, avec le projet de loi, un petit peu de proximité par rapport aux besoins des résidents des CHSLD privés?

Mme Bédard (Nancy) : Ça va me faire plaisir de laisser la présidente du secteur privé vous répondre à ce sujet-là.

Mme Mancier (Sonia) : Moi, je pense que vous avez soulevé quelque chose qui était très important, tout à l'heure, c'est les rôles des personnes, parce que ce que je peux vous dire, pour me promener dans une quarantaine de CHSLD privés puis privés conventionnés, bien, les privés, c'est de voir le fait que les gens ne connaissent pas les moyens qui sont à leur disposition pour dénoncer telle ou telle situation. Ça, c'est compliqué. Quand vous voyez des familles qui s'adressent à la première personne qu'ils trouvent, que ce soit une professionnelle en soins, que ce soit quelqu'un du comité des résidents, parce qu'on ne sait pas à qui s'adresser, ça pose vraiment problème. Et là vous le dites, alors, ce sont souvent des petits établissements. Et, dans ces petits établissements là, tout le monde se connaît, donc tout le monde se parle très, très facilement, ce qui est bien aussi, mais, à un moment donné, il faut que chacun ait son rôle.

Et, si vous me permettez, je voudrais reprendre ce que vous demandiez tout à l'heure, Mme Blais, concernant la promotion. Moi il y a quelque chose qui me choque régulièrement dans les CHSLD, c'est de voir la semaine de promotion des droits des aînés.

Une voix : ...

Mme Mancier (Sonia) : C'est quelque chose — des usagers, pardon — c'est quelque chose qu'on ne voit pratiquement pas ou, quand on voit une affiche, elle est dans un ascenseur. Alors, si vous n'avez pas la chance d'avoir quelqu'un au deuxième étage, vous ne le voyez pas. Je trouve ça difficile. Les gens ne savent pas à qui s'adresser. Par contre, on a vu des situations où, quand vous avez accès à la commissaire locale ou qu'elle intervient dans des enquêtes et qu'elle a la possibilité de discuter avec le monde du plancher pour mener à bien son enquête, ça peut donner parfois des résultats surprenants.

Donc, cette proximité-là, oui, quelque part, elle est importante aussi, parce qu'aujourd'hui Mme Bédard vous l'a dit : Les professionnels sont sous la loi de l'omerta. Et, oui, il y en a. Il y en a, ça n'arrête pas. Et ce qui me gêne encore plus, c'est de voir que certains établissements font signer des codes d'éthique, où, effectivement, il est fait état de cette loyauté qu'on doit avoir vis-à-vis de l'établissement. Donc, on vous rappelle indirectement qu'il y a des choses qu'on ne doit pas dire puis qu'on est tout le temps liés à la confidentialité, mais on a quand même des choses qu'on peut dire. Mais les familles elles-mêmes, les familles qui ne déclarent pas les plaintes non plus et qui vont juste le dire à la professionnelle en soins parce qu'ils ont peur de ne plus avoir de services, ça, c'est la réalité du plancher.

Vous savez, je disais, il y a toujours trois sortes de familles, enfin, un peu, pour moi. Je vais essayer d'imager... d'imaginer ça un petit peu de la façon suivante : Vous avez des familles qui voient aller les professionnels toute la journée, courir, puis ils savent très bien que les soins ne sont pas donnés, que les soins sont superficiels, parce que, comme vous l'a dit Mme Bédard, tout à l'heure, les ratios, c'est une aberration. On fonctionne sur des ratios de Philippe Voyer, aujourd'hui. De mémoire, c'est de 2013. La réalité est complètement à côté de ce qu'il faudrait aujourd'hui comme ratio pour travailler correctement et donner l'ensemble des soins. La clientèle possède, en général, on va dire, une dizaine de pathologies. Et quand on voit des cas complexes comme ça, on s'entend que ça demande du monde pour gérer tout ça. Donc, il est clair que même si la personne donne tout ce qu'elle peut donner dans une journée, c'est clair qu'il y a des soins qui ne seront pas donnés. Ça, c'est quelque chose de régulier. Ce n'est pas pour rien que les CHSLD font la une des journaux continuellement. C'est vendeur, ce genre de choses.

Donc, la proximité, oui, ça, c'est clair, il faut qu'elle soit... qu'il y ait quelque chose où les gens puissent se retrouver, sachent où aller, à quelle porte il faut frapper quand on a besoin de dénoncer quelque chose. Je vous dis, c'est une aberration de voir que les gens, que ce soit l'usager lui-même, ne savent pas à qui s'adresser.

Donc, la promotion, oui, je suis d'accord. Mais je pense qu'elle devrait relever du ministère, mais ça, c'est mon avis. Mais il faudrait imposer aux employeurs qu'il y ait une meilleure promotion aussi. C'est une semaine importante, ça.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Alors, je vais maintenant céder... Il reste, excusez, 25 secondes.

• (17 heures) •

Mme Sauvé : Bien, écoutez, je veux simplement remercier, parce que j'ai pris note, ici, des éléments que vous avez amenés, puis de nous parler du terrain comme vous le faites, c'est très important pour cette commission. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Alors, je vais céder maintenant la parole à Mme la députée de Taschereau.

Mme Dorion : Merci, M. le Président. Mme Bédard, dans votre exposé, vous avez fait un lien entre les ratios et la possible, probable augmentation des plaintes dans les prochaines années en disant : Si les ratios ne s'améliorent pas, ça ne risque pas de s'améliorer non plus du côté des plaintes. Donc, ce qu'on cherche à faire, puis c'est très bien, c'est de favoriser, de rendre ça plus simple, plus facile, plus connu, le processus de plaintes pour les usagers. Mais moi, j'aimerais ça savoir, en contrepartie, parce que, si on ne touche pas à ça, on va se retrouver avec un problème où les soignants vont être squeezés un peu entre deux mondes, c'est quoi... Qu'en est-il, en ce moment, du traitement des plaintes du personnel soignant dans les CHSLD privés?

Mme Mancier (Sonia) : Je vais vous demander de reformuler, là, juste la dernière partie.

Mme Dorion : On parle souvent de plaintes d'usagers, et c'est ce qu'on essaie de... on travaille là-dessus, mais les plaintes... si le personnel soignant doit se plaindre de quelque chose dans la gestion, dans la direction, dans la façon dont le travail se fait ou lui est imposé, dans un CHSLD privé, comment ça se passe? Et c'est quoi, la situation, bonne santé, mauvaise santé, comment... tu sais, de ce processus-là?

Mme Mancier (Sonia) : Je vous dirais que c'est compliqué parce que les plaintes... On a l'impression que les gens sont toujours bâillonnés, déjà, à la base, et qu'on ne peut pas déposer une plainte. Et moi, je vais vous dire, ça va être cru ce que je vais vous dire là, mais quand une professionnelle en soins dépose une plainte, c'est marrant, hein, mais, parallèlement, on a souvent la... on voit souvent ça, on va vous monter un dossier sur vos compétences professionnelles, quelque part, pour vous faire taire.

Il y a des choses qu'il faut dénoncer. Et, comme on le disait, on a des obligations déontologiques, on doit dénoncer. La loi sur la maltraitance fait qu'on doit dénoncer aussi. Et on devrait pouvoir le faire tout le temps, sans se poser de question : Est-ce que je fais bien, est-ce que je ne fais pas bien? C'est une obligation déontologique de le faire, c'est humain de le faire, on ne peut pas constater une situation et ne pas la dénoncer, mais, je vous dis, c'est très fermé, c'est très, très compliqué. On le voit dans les plaintes qui touchent nos membres.

Et puis je pourrais vous parler d'un exemple très rapide auquel j'ai assisté au mois d'août dernier. Une plainte est déposée par une famille, la famille demande une sanction exemplaire contre la professionnelle en soins. L'employeur contacte le syndicat pour dire : La personne va être congédiée et va être dénoncée à l'ordre. Parce que ça aussi, c'est une chose très facile qu'on fait, on dénonce à l'ordre. Bien, je vous dirais que, cette journée-là, quand on est arrivés en version de faits, j'étais très contente d'avoir la commissaire aux plaintes qui était là pour entendre ce qui se disait, parce qu'on a été obligés de faire la démonstration, enfin, le syndicat à dû faire la démonstration de toutes les tâches qu'avait la professionnelle en soins, qui est déjà... parce que cette professionnelle en soins s'était déjà plainte qu'il y avait des situations inadmissibles. Vous savez, quand vous avez 40 patients à qui vous devez distribuer des pilules, le soir, et que vous avez une infirmière qui est responsable de 220 patients, c'est inadmissible, c'est inadmissible.

Aujourd'hui, là, puis c'est un secret pour personne, là, j'ai hâte d'entendre les autres associations en parler, d'ailleurs, une infirmière pour 150 patients, est-ce qu'on trouve ça normal? Dans une chaîne de production, on ne ferait jamais ça.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, madame. Je suis obligé de vous interrompre. Alors, je vais céder la parole au député de Rimouski.

M. LeBel : Bonjour. Moi, je n'en reviens pas, là, quand vous dites que les gens ne connaissent pas à qui d'adresser. Tu sais, on a tout parlé de ça il y a deux ans sur le projet de loi... Ça, je tombe en bas de ma chaise.

L'autre élément, ce qu'on parlait il y a deux ans, c'est la maltraitance organisationnelle. Puis ça, personne ne voulait le reconnaître. Ça fait que, quand, ils disaient, une infirmière ou un préposé pouvait voir quelqu'un de la famille voler un aîné, ça, il faut que tu dénonces. Mais j'ai l'impression que les législateurs, à l'époque, on avait juste ça en tête, mais on n'avait pas en tête que quelqu'un pourrait dénoncer le manque de personnel puis le manque de ratio, mais, tu sais, c'est ça qui fait qu'aujourd'hui ça pète, tu sais, ça ne marche pas.

Puis là on vous demande, à vous autres... on vous met de la pression puis on vous dit : Vous vous devez la loyauté. Puis vous êtes déchirés par ça, puis il y a des... Et vous ne pensez pas que les commissaires aux plaintes vont avoir la même pression de loyauté?

Mme Bédard (Nancy) : Bien, c'est ce qu'on veut s'assurer qu'il n'arrive pas. Puis il faut absolument que le législateur, que la ministre soit intransigeante à ce niveau-là. Dans tous les éléments du projet de loi, on doit s'assurer de sécuriser l'ensemble des commissaires aux plaintes pour s'assurer que jamais elles ne vivent ça.

Est-ce qu'elles vivent le conflit de loyauté à certains égards? Bien, moi, je... Il y a certains établissements qui sont beaucoup plus durs que d'autres, justement, sur ce qu'ils ont comme effet sur nos professionnels en soins quand ils parlent. Donc, je peux peut-être prétendre qu'ils sont de même pour tout l'ensemble des gens qui oeuvrent dans leur établissement. Alors, peut-être qu'on devrait lever, de temps en temps, des drapeaux, si on voit que, dans un établissement, il y a certaines difficultés ou il y a beaucoup moins de plaintes, ou comment le traitement des plaintes... Il faudrait peut-être regarder si ce n'est pas harmonisé, certains éléments puis des drapeaux, pour se dire : Qu'est-ce qu'il se passe dans cet établissement-là? Mais, certainement, la question est tout à fait pertinente à ça. Mais, en plus, la commissaire, elle devrait même avoir le temps de pouvoir se promener dans les centres d'activité. Et c'est surtout ça, l'affaire. C'est que, là, elle est tellement juste sur les plaintes, mais, dans son rôle, elle devrait être en mesure d'aller voir ce qui se passe et d'émettre des recommandations, et ce rôle-là n'est à peu près pas fait, ce qui est dommage. Alors, c'est un peu pour ça qu'on se disait : Peut-être, effectivement, pour arriver à ce que vous disiez, on devrait faire en sorte que, dans un volet qu'elle a à faire, la commissaire, elle puisse même le faire en toute liberté. Mais ça, j'ai hâte de voir ça.

M. LeBel : Mais il faut qu'il y ait une équipe avec, qu'il y ait du monde.

Le Président (M. Provençal)  : M. le député, je vais être obligé de vous interrompre. Merci. Alors, je remercie les représentantes de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec pour leur contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place, et je vais vous demander de reprendre place rapidement, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 17 h 07)

(Reprise à 17 h 10)

Le Président (M. Provençal)  : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Fédération des centres d'assistance et d'accompagnement aux plaintes. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à débuter votre exposé.

Fédération des centres d'assistance et d'accompagnement
aux plaintes (FCAAP)

Mme Fortin (Manon) : Bonjour. Mon nom est Manon Fortin. Je suis directrice générale de la Fédération des centres d'assistance, d'accompagnement aux plaintes, et ça nous fait plaisir d'être ici aujourd'hui. Pour les besoins de la cause, je suis accompagnée de Mme Nathalie Dubois, à ma droite, qui est directrice générale adjointe de la fédération, et de M. Ian Renaud-Lauzé, directeur général du centre d'assistance, d'accompagnement aux plaintes de la Capitale-Nationale.

Donc, merci pour votre accueil. Pour nous, c'est un moment privilégié pour pouvoir, dans le fond, intervenir en regard du régime d'examen des plaintes, sur les propositions du projet de loi, mais également sur... On profite de l'occasion pour examiner de plus près le régime d'examen des plaintes et attirer votre attention sur certains éléments qui, à notre avis, mériteraient une bonification.

Donc, dans un premier temps, on vous a remis des pochettes. Les centres d'assistance, d'accompagnement aux plaintes ont pour mandat, de la part de la ministre, d'accompagner et d'assister les usagers du réseau de la santé et des services sociaux, en vertu de l'article 76.6 et 76.7. Leur existence... Depuis plus de 25 ans, ils oeuvrent dans chacune des régions du Québec. Ce sont des organismes communautaires. Et, au cours de la dernière année, plus de 10 000 demandes de service... On est le secret le mieux gardé, mais, par contre, les usagers nous trouvent, donc c'est une bonne nouvelle. On travaille particulièrement en collaboration avec les commissaires aux plaintes, les professionnels de la santé, qui sont notre source de référence principale. Donc, les professionnels de la santé viennent voir les CAAP et réfèrent les usagers. Donc, c'est une nouvelle, je pense, qui est importante à vous donner.

Donc, au niveau de notre mémoire, différentes recommandations. Je vais commencer dès à présent, étant donné que nous avons seulement 10 minutes. Nous accueillons favorablement, bien sûr, le projet de loi qui est déposé. D'ailleurs, au niveau de l'indépendance du commissaire aux plaintes, au niveau des CHSLD privés, c'est quelque chose que nous avions noté dans le cadre d'un mémoire déposé, je crois, dans le cadre du projet de loi n° 115. Donc, c'est certain que la question de l'indépendance du commissaire est importante afin d'être en mesure d'avoir les coudées franches pour émettre des recommandations et des conclusions. Donc, le fait que le commissaire aux plaintes, dans les CHSLD privés, relève directement de la direction générale était problématique.

Donc, de plus, nous, nous souhaitons aller un peu plus loin au niveau de l'indépendance du commissaire. On dit : Oui, effectivement, il y a des mesures, des éléments que vous mettez en place dans le projet de loi au niveau de l'indépendance liée à la personne du commissaire, et nous, on dit : Au niveau de l'établissement comme tel, le conseil d'administration, particulièrement depuis la réforme de 2015 où le président-directeur général, qui assure aussi la direction de l'établissement, doit être en mesure, là, de... siège au sein du conseil d'administration en ayant droit de vote, donc, et le commissaire aux plaintes relève du conseil d'administration, donc, on dit : Il doit y avoir des mesures qui soient mises en place pour garantir cette indépendance-là, mais du côté de l'établissement. Donc, ça, c'est bien important.

Pour le prochain point, qui touche plus l'aspect de la maltraitance, je vais donner la parole à mon ami Ian Renaud-Lauzé.

M. Renaud-Lauzé (Ian) : Oui. Bonjour. Merci de nous recevoir. Pour ce qui est de la maltraitance, depuis l'introduction du projet de loi visant à lutter contre la maltraitance, ce qu'on peut constater, c'est qu'on a donné un double chapeau au commissariat aux plaintes, et c'est sûr que ça donne une nouvelle voix, un nouveau sujet à aborder. Cependant, on est devant une situation où on a des gens avec un double chapeau, un chapeau régime examen des plaintes et un chapeau maltraitance, ce qui fait qu'une fois rendu sur le terrain, des fois, là, on a de la confusion un peu sur : Quand on s'adresse au commissariat aux plaintes? On s'adresse au commissariat aux plaintes à quel sujet et de quelle façon?

Donc, on a vraiment nos deux recours qui sont superposés, parce qu'il y a des éléments de maltraitance qui ne pourront pas être traités par le commissariat, nécessairement. Quand c'est une histoire d'une famille qui exploite une personne âgée, ça doit sortir du commissariat. On s'entend que ce n'est pas la personne la plus appropriée pour le faire. Mais, à d'autres occasions, quand on parle, justement, de maltraitance organisationnelle, notamment, on a vraiment une confusion entre le régime d'examen des plaintes, je dirais, et la lutte à la maltraitance. Peut-être que cette superposition-là est nécessaire et même souhaitable, cependant, dans les processus, ça mérite d'être clarifié. C'est ce qu'on constate beaucoup à ce niveau-là.

D'un autre côté, étant donné que la question de la maltraitance est traitée à même le régime d'examen des plaintes, il y a la question du recours au Protecteur du citoyen. Est-ce que le Protecteur du citoyen est prêt à accueillir des plaintes où la nature est la maltraitance? Puis ça, c'est comme, on pourrait dire, une page blanche dans la loi, actuellement, qui mène, justement, à de la confusion, alors que, normalement, toute plainte dans le régime d'examen des plaintes devrait pouvoir être soumise en deuxième instance au Protecteur du citoyen. Ça, c'est une des choses qui nous préoccupe.

Mme Fortin (Manon) : Oui. De plus, ce qu'on se rend compte, c'est qu'au niveau de la maltraitance, souvent, la maltraitance, ça prend la forme d'un droit. Donc, je pense qu'une des volontés du projet de loi n° 115 c'était de... puis Marie Beaulieu, de la chaire de recherche, l'amenait beaucoup, c'était de rendre visible cette maltraitance-là, au Québec, pour qu'on puisse, justement, «agir sur». Et là, ce qu'on constate, c'est que, souvent, cette maltraitance-là prend la forme d'un droit lésé et va se transformer comme ça dans la consignation des données au niveau des commissaires aux plaintes. C'est ce qu'on constate.

La difficulté aussi de nommer la maltraitance organisationnelle, donc de mettre une étiquette sur quelqu'un qui maltraite un patient, je vous dirais que c'est quelque chose de difficile au sein de l'établissement, ça. Donc, c'était pour compléter ce que M. Renaud-Lauzé disait. Je vais transmettre la parole à Mme Dubois, qui abordera l'aspect des plaintes médicales plus particulièrement.

Mme Dubois (Nathalie) : Merci. Donc, si l'indépendance des commissaires aux plaintes et à la qualité des services n'est pas toujours optimale, celle des médecins examinateurs nous préoccupe également. En effet, une étude avait été réalisée en 2016 auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux qui révélait que 60 % des médecins examinateurs exerçaient une autre fonction au sein même de l'établissement. Alors, le fait d'avoir comme ça un double emploi au sein d'un seul établissement, selon nous, nuit à la crédibilité du régime d'examen des plaintes, parce que ça freine bon nombre d'usagers qui souhaiteraient porter plainte. Il nous semble dès lors indispensable de mieux garantir l'indépendance des médecins examinateurs.

D'un autre côté, on est aussi conscients qu'il y a un problème au niveau du recrutement des médecins examinateurs. C'est quelque chose que les CAAP constatent sur le terrain. Et, ça aussi, ça entache la crédibilité du régime, parce que cette pénurie entraîne des délais importants au niveau de l'examen des plaintes. Dans l'un des CAAP, on a vu des plaintes qui allaient jusqu'à trois ans d'attente, alors que le délai de traitement, normalement, est de 45 jours. On invite donc le gouvernement à travailler de concert avec, notamment, l'ACMPD et le Collège des médecins afin de régler le problème de recrutement affectant le volet du régime d'examen des plaintes.

Enfin, on aimerait attirer votre attention sur les plaintes qui touchent les médecins qui exercent dans les établissements privés, tels que les groupes de médecine familiale ou les GMF-U, supercliniques également. Celles-ci ne peuvent pas être traitées par les médecins examinateurs parce que c'est en dehors du cadre du régime d'examen des plaintes. Et ça, ça prive les usagers du fait de faire valoir leurs droits. Nous aimerions que ce type de plaintes puisse être englobé dans le régime d'examen des plaintes, comme c'est déjà le cas pour certaines autres structures dites privées comme les résidences privées pour aînés ou même les organismes communautaires.

Mme Fortin (Manon) : Donc, en ce qui concerne, je vous dirais... Je pense qu'il y a une réelle possibilité d'interpeller le Collège des médecins et l'Association des conseils médecins, dentistes et pharmaciens pour le recrutement, par exemple, de médecins retraités. Je pense qu'ils ont un intérêt, d'après les discussions que j'ai eues avec eux, pour, justement, contribuer à amener une solution au régime d'examen des plaintes, qui est une démarche beaucoup moins lourde que celle au niveau de l'ordre professionnel.

Donc, le point suivant que j'aimerais aborder avec vous touche particulièrement la table des acteurs du régime d'examen des plaintes et particulièrement les acteurs du régime d'examen des plaintes qui concourent à l'assistance et à l'accompagnement, donc qui sont les commissaires aux plaintes, les comités d'usagers et les centres d'assistance, d'accompagnement aux plaintes. On croit qu'il y aurait matière à aller plus loin afin de préciser le rôle de chacun, parce que, même si on dit qu'ils font tous de l'assistance et de l'accompagnement, le travail qui est fait par chacun diffère d'une façon importante.

Il y a également la promotion du régime d'examen des plaintes. Tout à l'heure, Mme Bédard parlait et on entendait parler que, pour entreprendre une démarche de plainte, c'est vraiment difficile, donc, parce que les gens ne sont pas informés. Je vous dirais que ce n'est pas quelque chose qui est facile à promouvoir. Le milieu ne favorise pas ça. Je vais laisser la parole à Ian là-dessus.

Le Président (M. Provençal)  : 20 secondes.

• (17 h 20) •

M. Renaud-Lauzé (Ian) : Oui. Bien, c'est tout simplement... Pour faire très simple, on parle du volume de plaintes, présentement, que les commissariats ont de la misère à arriver. Imaginez quand ils ont la responsabilité, en plus, de s'assurer d'informer la population et les usagers de leurs droits. C'est la même chose en termes de lutte à la maltraitance. Ce qu'on constate, présentement, sur le terrain, c'est que, dans la législation, c'est très clair, il y a un devoir d'informer, de faire la promotion. Est-ce que ça se fait? Je vous laisse sur cette question-là.

Le Président (M. Provençal)  : Nous allons donc maintenant poursuivre nos échanges avec Mme la ministre.

Mme Blais (Prévost) : Je n'ai pas compris la question. Je n'ai pas compris votre question à la fin, là, mais merci, M. Renaud-Lauzé, Mme Dubois et Mme Fortin. C'est intéressant, ce que vous dites. Puis j'aimerais peut-être, d'entrée de jeu, faire une rectification, un rectificatif. Oui, les commissaires aux plaintes et à la qualité des services ont obtenu, je dirais, une responsabilité supplémentaire quand, dans la loi n° 115, on leur a imposé de prendre les plaintes concernant la maltraitance. Il n'y a pas eu de sommes additionnelles pour accompagner les commissaires aux plaintes. Ça, ça date de 2018. Je veux vous rassurer. Nous allons augmenter le nombre de commissaires adjoints pour permettre, justement, aux commissaires aux plaintes de pouvoir faire leur travail, parce que ce n'est pas vrai qu'on va enlever les commissaires aux plaintes dans les CHSLD privés, privés conventionnés, et donner toute la responsabilité aux commissaires aux plaintes et à la qualité des services sans ajouter des effectifs, parce que sinon ce serait impossible.

Moi, je crois que c'est possible de faire les deux, parce qu'une plainte, c'est une plainte. Et, dans les cas de maltraitance, c'est très subtil, la maltraitance, hein, c'est aussi la négligence, c'est aussi l'alimentation quand ça arrive froid, quand ce n'est pas donné, c'est très... tout ça, ça fait partie, je crois, d'un tout, il y a un deuxième recours, et vous l'avez mentionné, Mme Dubois, c'est le Protecteur du citoyen. Juste pour les CHSLD privés, le Protecteur du citoyen a quand même réglé 61 cas. Il y a 40 CHSLD privés et il y a 54 CHSLD privés conventionnés. Il en a réglé 61 en un an. Donc, ça, c'est au-delà des commissaires aux plaintes.

Ma question est la suivante : Maintenant, comment voyez-vous votre rôle à l'intérieur, je dirais, de... pas nécessairement de ce projet de loi, mais là où vous pourriez travailler en harmonie avec les commissaires aux plaintes, avec le centre d'accompagnement aux plaintes et aussi avec le commissaire-conseil? Quand vous parliez d'information... C'est aussi le rôle du commissaire-conseil de faire en sorte d'informer dans les établissements, de faire en sorte qu'on puisse connaître davantage le commissaire aux plaintes, mais votre rôle à vous?

Mme Fortin (Manon) : Bien, dans le fond, notre rôle à nous, c'est vraiment d'aider l'usager dans sa démarche, parce que, des fois, c'est compliqué. Donc, les gens qui sollicitent notre aide au niveau des différents centres d'assistance d'accompagnement aux plaintes, où on a des conseillers qui sont des professionnels en relations d'aide, là, qui accompagnent les gens, donc, on prend le temps de vraiment rédiger leur lettre de plainte, les accompagner tout au long du recours, que ce soit lors de la rencontre avec le commissaire aux plaintes, le cas échéant, ou, en deuxième instance, avec le Protecteur du citoyen.

Mme Blais (Prévost) : Donc, vous travaillez main dans la main...

Mme Fortin (Manon) : Absolument, oui, oui, on travaille avec les acteurs du régime. Au niveau des comités d'usagers, même chose. Leur travail est différent parce qu'ils sont plus au niveau bénévole, comme tel, mais il reste qu'on a un bon partenariat qui s'est établi, surtout avec la table des acteurs du régime d'examen des plaintes.

Au niveau du commissaire-conseil, je vous dirais que nous, on voit vraiment son rôle pour... Nous, on est au niveau national, comme Fédération des CAAP, et on est en mesure d'observer, parce qu'on représente les centres d'assistance du Québec, que le rôle du commissaire-conseil va être vraiment important. Je parlais avec Mme Charland, la responsable du regroupement des commissaires, et je sais que c'est un besoin qu'ils ont, d'avoir un vis-à-vis national qui prenne en charge certaines choses. Déjà, eux autres sont bien occupés. Je regardais, juste pour préparer le mémoire qu'ils vont venir présenter, bien, eux autres, là, pendant ce temps-là, ils ne traitent pas de plaintes, hein? Donc, il y a de plus en plus nécessité pour les commissaires d'avoir une normalisation de la pratique, d'avoir quantité d'actions qui doivent être posées au niveau d'une animation, je dirais, de la table des commissaires.

Donc, c'est un rôle qui, à mon avis, est vraiment important et qui aurait même dû être mis en place avant, avant. C'est un besoin que moi, je constate, puis que les commissaires ont nommé à plusieurs reprises, parce que je suis en contact direct avec eux très fréquemment.

Mme Blais (Prévost) : On vient de nous dire, certains groupes nous ont dit : Les commissaires aux plaintes devraient aller au-devant... Mais est-ce que c'est réellement le rôle du commissaire aux plaintes d'aller au-devant ou de recevoir la plainte?

Mme Fortin (Manon) : Oui, Mme la ministre, parce qu'au niveau de la loi santé et services sociaux, la loi prévoit que le rôle de promotion du régime d'examen des plaintes et des droits des usagers appartient au commissaire aux plaintes. C'est spécifiquement mentionné à l'article 33 de la loi santé et services sociaux. Donc, oui, ça fait partie de son rôle. Moi, je pense qu'on doit mettre de l'avant une campagne nationale de sensibilisation sur les droits en santé et sur le régime d'examen des plaintes qui appartiendrait au ministère.

Et on doit aussi donner les moyens, en termes de ressources financières, aux commissaires pour faire leur travail de promotion du régime d'examen des plaintes et de droits des usagers, parce qu'en ce moment... Nous, quand on faisait... Moi, j'étais directrice générale du CAAP—Capitale-Nationale, et, quand je faisais un travail de promotion en collaboration avec les commissaires aux plaintes, c'est les CAAP qui payaient, qui sont des organismes communautaires, parce que les commissaires n'avaient pas une cent. Non, ça, ça n'a pas de bon sens. Si on veut faire la promotion puis que ça ne soit pas juste lettre morte, on doit s'assurer de donner les moyens pour pouvoir le réaliser, les moyens en termes de ressources humaines, mais les moyens, aussi, en termes de ressources financières.

Mme Blais (Prévost) : J'ai 75 questions à vous poser, mais je vais laisser mes collègues...

Le Président (M. Provençal)  : Qui prend la suite? La députée de Soulanges.

Mme Picard : Merci. Bonjour. Vous avez parlé du recrutement des médecins examinateurs qui devrait se faire plutôt à l'extérieur de l'établissement. Donc, vous suggérez, si je comprends bien, que ce soit vraiment un médecin qui soit au niveau du ministère ou bien... Où vous le voyez, votre médecin examinateur, exactement?

Mme Fortin (Manon) : C'est-à-dire que, dans les faits, en ce moment, le médecin examinateur est nommé au sein de l'établissement. Mais la problématique, c'est le recrutement, c'est-à-dire qu'il n'y a personne qui veut faire cette job-là, parce que, contrairement aux autres, je dirais, médecins qui ont vu leur revenu augmenter, les médecins examinateurs, eux autres, ils ont vu leur revenu diminuer. Donc, il n'y a plus personne qui veut faire cette job-là. Donc, ça a de l'air bizarre à dire, mais il y aurait peut-être une révision de la rémunération qui serait nécessaire à ce niveau-là pour s'assurer d'avoir du monde qui veulent faire le travail.

Puis, aussi, étant donné qu'il n'y a personne qui se porte volontaire puis qui désire le faire, bien, je sais que le ministère a fait un travail de recrutement pour être en mesure de recruter des médecins. Ça a porté fruit, mais pas suffisamment, donc il y a un besoin de se doter de moyens. Puis, moi, je me dis... pour avoir parlé avec M. Gaudreault, du Collège des médecins, puis également M. Arata, de l'association du CMDP, conseils médecins, dentistes et pharmaciens, je leur ai dit : Je pense que vous avez avantage à ce que le régime d'examen des plaintes fonctionne, hein? On s'entend qu'eux autres ils aiment bien mieux que ça passe dans le régime d'examen des plaintes que ça débarque au collège. Je me suis dit, ils ont un intérêt, alors peut-être qu'on pourrait travailler ensemble pour que ça ne dérape pas, parce que, j'ai dit, en ce moment, là, il y a vraiment du plomb dans l'aile au niveau du volet plaintes médicales puis il y a une difficulté au niveau du ministère d'agir là-dessus, parce qu'on dirait que les docteurs, c'est comme Dieu le Père. Donc, moi, je pense que, si on veut que ça fonctionne, il faut faire quelque chose. Puis, moi, je pense qu'il y a une résonance. Quand on leur dit : Ça vous tente-tu que ça débarque au collège? Non, ça ne leur tente pas.

Bien là, moi, je fais ce travail-là, de contact avec eux, mais je pense que le ministère pourrait faire une bien meilleure job, parce que, moi... On est des organismes communautaires, là. Ils nous aiment bien, là, on va aller les voir, parce qu'ils sont en train de travailler l'assistance et l'accompagnement, là, qu'ils veulent... Donc, ils nous ont interpellés en ce sens-là, mais il demeure qu'il y a un travail à faire à ce niveau-là, puis je pense qu'ils ont des sensibilités. Donc, peut-être qu'ils pourraient nous fournir des médecins retraités.

Mme Blais (Prévost) : J'ai une question, puis, après ça, je passe la parole, peut-être une dernière question. Le Protecteur du citoyen, tout à l'heure, je lui ai demandé : Est-ce que le fait que les commissaires aux plaintes relèvent du conseil d'administration, et on sait que c'est dans un établissement puis le P.D.G... est-ce que ça vous dérange? Elle dit : Non, les commissaires aux plaintes ne relèvent pas des présidents-directeurs généraux des CISSS et des CIUSSS. Est-ce que ça, ça vous conforte?

Mme Fortin (Manon) : Bien, nous, ce qu'on a observé, en tout cas, quand on a scruté la loi, on a vu que le P.D.G. de l'établissement, il siège au conseil d'administration puis il a le droit de vote, puis c'est le conseil d'administration qui engage les commissaires. Donc, on s'est dit : Oui, il y a peut-être une petite affaire, là, qu'on a besoin de ficeler pour s'assurer de bien, bien baliser l'indépendance du commissaire, là.

• (17 h 30) •

Mme Blais (Prévost) : ...lui demander de se retirer quand le commissaire aux plaintes vient au conseil d'administration?

Mme Fortin (Manon) : Bien, je ne le sais pas. Puis, en tout cas, chaque conseil d'administration pourrait se pencher sur, justement, des moyens à mettre en place à cet effet-là.

J'aimerais revenir sur... Parce que, tantôt, on était en arrière puis on entendait : Au niveau du comité de vigilance, il y a-tu un danger, commissaire-conseil? Non, pas du tout, ce n'est pas du tout dans la même cour, là. Il faut s'entendre, les commissaires aux plaintes, au niveau du régional ou du local, ils sont sur le plancher des vaches puis ils travaillent avec les comités de vigilance. Le commissaire-conseil est au niveau du palier national puis il travaille avec les commissaires mais il ne s'en va pas dans le traitement des plaintes. Donc, vraiment, il n'y a pas de crainte à y avoir, c'est deux choses complètement différentes, ça.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Roberval.

Mme Guillemette : Merci, M. le Président, merci. Votre première recommandation, vous parlez de se doter de moyens concrets pour garantir l'indépendance. De quels moyens, outre la présence dans des lieux non administratifs, outre ça, quels moyens concrets on pourrait mettre en place dans ce projet de loi là pour...

Mme Fortin (Manon) : Bien, je pense que les conseils d'administration pourraient se pencher sur l'analyse de ce défi-là, je dirais, donc, pour, justement, mettre en place des mesures en ce sens-là. Je sens que mon ami Ian a quelque chose à dire.

M. Renaud-Lauzé (Ian) : À ce sujet-là, c'est juste... La chose qu'il faut conscientiser, le commissaire aux plaintes, c'est quand même quelqu'un qui va avoir une collaboration intensive avec les différentes directions d'un CISSS ou d'un CIUSSS. Cette personne-là, justement, par son rôle, quand même, qui est un rôle critique dans le réseau, il faut lui garantir que, dans son rapport avec les différents intervenants de l'établissement, il ait toutes les marges de manoeuvre pour faire son travail. Généralement, il y a des commissaires qui réussissent très bien à définir leur cour, leur carré de sable, mais est-ce que c'est uniformisé partout au Québec? Est-ce que le carré de sable est le même pour chaque commissaire au Québec? Là-dessus, on a pu voir des variations qui méritent, justement, de s'assurer que l'indépendance, du point de vue du rapport à l'établissement, soit aussi garantie, pas seulement qu'il n'y ait pas de conflit d'intérêts par rapport à la personne elle-même et son portefeuille d'actions.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Soulanges.

Mme Picard : Excusez-moi, j'aimerais savoir, au niveau de vos relations avec les usagers, avec les patients, c'est quoi, le plus grand enjeu que vous avez quand vous faites vos relations avec eux? La langue? Je parle... Est-ce qu'il y a une barrière qui est principale, là, que vous...

Mme Fortin (Manon) : Je vais te laisser répondre là-dessus.

M. Renaud-Lauzé (Ian) : Si je viens par rapport à la clientèle particulière qui est liée au projet de loi actuel — puis ça pourrait être la même chose pour les résidences privées pour aînés — la principale composante, le premier, le principal enjeu, c'est la peur, c'est les craintes, qu'elles soient fondées ou pas. Là-dessus, je ne veux pas... Des fois, c'est juste une crainte de représailles qui n'est peut-être même pas actualisée, qui n'est pas réelle, sauf que cette crainte-là est présente. Donc, lorsqu'on est devant une vraie situation, cette crainte-là est encore présente, donc c'est réussir à... (Interruption) ...excusez-moi, détricoter ces craintes-là pour pouvoir permettre à la personne de faire sa démarche.

Puis on a un enjeu, justement, quand on est dans la zone grise, où ce n'est plus une question... la personne est apte, elle n'est pas sous tutelle, elle n'est pas sous curatelle, mais elle est vulnérable. Puis justement c'est une zone grise, justement, qui demande, des fois, justement, qu'est-ce qu'on fait collectivement pour s'assurer que les droits de ces personnes qui sont vulnérables sont respectés. Puis on a encore un enjeu là à comprendre c'est quoi, la vulnérabilité, puis c'est quoi, les facteurs de protection qu'on donne aux personnes. Puis, les CAAP, c'est ce qu'on essaie de faire, justement, c'est de développer... Des fois, je dis à mon équipe : Comment qu'on fait pour mettre de la ouate autour des personnes pour mieux les accompagner, puis qu'elles se sentent bien dans leurs démarches? Mais on a vraiment un gros défi de dépasser les craintes de base.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la ministre.

Mme Blais (Prévost) : Oui. Il faut bien comprendre aussi que, dans nos établissements, actuellement, qu'ils soient privés, privés conventionnés, publics, 80 % des personnes hébergées ont des troubles neurocognitifs majeurs, donc il y a beaucoup de plaintes qui proviennent des familles et pas nécessairement des personnes. Écoutez, je visite des CHSLD régulièrement, je vois cette incapacité de pouvoir se plaindre, donc il faut que les familles soient présentes et que les familles puissent aussi porter plainte. Donc, c'est ce que vous voyez, également, à travers le travail que vous faites?

Mme Fortin (Manon) : Oui, absolument, beaucoup, quand on parle des aînés en CHSLD, absolument, ce sont souvent les familles, les représentants légaux qui vont faire la démarche vers nos...

(Interruption)

Le Président (M. Provençal)  : On va devoir suspendre. Vous allez m'excuser, madame, on est appelés au salon bleu. Mais, avant de quitter pour le salon bleu, je vais avoir besoin de votre consentement pour déborder du temps qu'on avait déjà prévu pour pouvoir permettre de terminer avec ce groupe. Consentement? Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 35)

(Reprise à 17 h 59)

La Présidente (Mme Guillemette) : Bonjour, tout le monde. Nous reprenons nos travaux. Donc, il nous reste 1 min 50 s à la partie gouvernementale. Avez-vous encore des questions?

Mme Blais (Prévost) : Écoutez, là, vous me prenez de court, hein? Je vais laisser Mme Blais, l'autre Mme Blais, poser la question.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Lorsqu'il y a une plainte portée par un bénéficiaire, au moment de la plainte — et puis le bénéficiaire va se sentir menacé — qu'est-ce que vous faites à ce moment-là? Est-ce qu'il y a des recours? Est-ce qu'il y a une protection? Parce qu'il y a souvent de l'intimidation, hein, suite à une plainte, alors quelles sont les procédures ou la façon de faire?

• (18 heures) •

Mme Fortin (Manon) : La loi prévoit, dans le fond, que le commissaire, dans le cas de représailles, doit intervenir sur-le-champ. Donc, c'est sûr qu'à partir du moment où il y a quelqu'un qui est présent qui regarde la situation, ça dérange un petit peu, hein, donc ça se replace, je dirais, les choses qui ne sont pas nécessairement correctes.

Par contre, des fois, les représailles se font de façon insidieuse. Donc, il arrive, particulièrement en milieu d'hébergement, où, là, la personne est captive pour ses soins et ses besoins, des besoins qui sont vraiment essentiels, donc, là, ça devient... c'est vraiment délicat, là, tu sais.

Donc, c'est pour ça que je vous dirais que le rôle des centres d'assistance est important parce que, ça, ça permet de rétablir l'équilibre des forces. C'est ce qu'on observe, là. Donc, quand on est présents... parce qu'on est quand même assez soft, nous, on ne navigue pas dans la défense de droits, on est vraiment dans l'assistance et l'accompagnement et on initie des moyens pour donner, je dirais, le pouvoir à la personne de pouvoir agir sur sa situation, quand c'est possible, ou son représentant. Donc, je pense que ça, ça peut faire une différence. Mais il reste qu'il y aura toujours cette situation-là, où la personne en hébergement, elle est plus vulnérable aux représailles, donc, puis on devra toujours avoir une vigilance à cet effet-là, toujours.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Je donnerais maintenant la parole à la députée de Fabre.

Mme Sauvé : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci à vous, Mme Fortin, Mme Dubois, Ian Renaud-Lauzé. Merci à vous, à vous trois, pour votre présentation. Désolée de cette interruption, mais nous avions un devoir à effectuer.

Alors donc, écoutez, moi, je veux revenir... parce que vous avez commencé à parler un peu du terrain, je crois beaucoup à la forme d'accompagnement que vous offrez via, bien sûr, votre mission, votre mandat d'organisme communautaire, et vous avez commencé à, bien sûr, dire que, quand vous rencontrez les aînés, les résidents ou leur famille, c'est beaucoup la réalité, la peur des représailles qui est un peu à l'avant-plan.

J'aimerais ça vous entendre vraiment, là, quand vous parlez à vos membres dans toutes les régions du Québec où il y a les CAAP, j'aimerais ça vous entendre vraiment sur d'autres réalités. Est-ce qu'il y a, par exemple, des besoins d'information? Parce qu'on l'a bien nommé depuis ce matin que parfois les rôles sont... il y a de la confusion, les rôles ne sont pas clairs. Alors, quels sont les autres besoins exprimés par les familles, les aînés, les résidents auprès de vos intervenants des CAAP?

Mme Fortin (Manon) : Une chose qui est sûre, j'aimerais revenir sur le fait... Il ne faut pas penser, là, qu'à chaque plainte il y a un risque de représailles. Ce serait faux de dire ça. O.K.? Donc, au niveau... Je vous dirais que les CAAP vont donner aussi beaucoup de séances d'information. À vrai dire, le rôle de promotion du régime en ce moment, là, c'est les centres d'assistance qui le font par des actions, des séances d'information auprès des organismes communautaires, auprès des groupes d'aînés, particulièrement en ce moment, là, aussi dans les résidences privées pour aînés. Donc, il y a un travail qui se fait au niveau des séances d'information.

Et peut-être que je laisserais Ian compléter par rapport à la question sur... plus au niveau de l'intervention. Pourriez-vous répéter, pour les besoins de M. Lauzé, la question?

Mme Sauvé : Certainement. Moi, je veux en savoir un peu plus sur les réalités terrain qui sont nommées par les résidents, les aînés qui vont vers les intervenants des CAAP, qui sont vos membres.

M. Renaud-Lauzé (Ian) : Bien, premièrement, il peut y avoir aussi les proches, hein, on en parlait tantôt, il y a souvent des représentants. C'est sûr que ça va être la qualité des services souvent, les rapports humains, le sentiment de se faire traiter comme un numéro, beaucoup, là, on s'entend, tu sais, justement, la distribution des médicaments, ces différents éléments là qui sont faits sous pression, rapidement, puis qu'on doit... le plus vite possible, et qui met souvent des risques d'erreur. Donc, c'est sûr que ces situations-là qui ont déjà été relatées vont revenir chez nous.

L'autre côté, je vous dirais, surtout quand on parle du secteur privé qui est à même le réseau, là, je parle des résidences privées pour aînés, les établissements, il y a aussi une relation d'affaires. Cette relation d'affaires là, je vous dirais, elle est assez brusque pour des gens qui sont vulnérables. Exemple, en résidence privée pour aînés, quand c'est le temps de signer un bail, il y a beaucoup de résidences, comment ça fonctionne, c'est qu'on fait la tournée des portes, puis : Signez votre renouvellement là. Dans la loi sur... dans le Code civil, c'est très clair, généralement, les gens doivent avoir un mois environ pour réfléchir : Est-ce que cette hausse de loyer, ces changements-là à mes services, ils sont-tu corrects ou pas? On ne donne pas ce temps-là. On ne s'assure pas que l'aîné est accompagné d'un proche pour bien comprendre les modifications qui ont été faites au contrat qui le lie à la résidence. Ça, c'est des exemples, justement, là, de situations qu'on peut avoir sur le terrain.

Mme Sauvé : Est-ce que, justement, quand vous avez des besoins qui sont exprimés comme ça, vous faites des liens de partenariat avec... je pense, par exemple, aux ACEF, par rapport aux questions financières? Est-ce qu'il y a d'autres liens de partenariat que vous élaborez en lien avec les besoins qui sont exprimés sur le terrain?

M. Renaud-Lauzé (Ian) : Bien, en fait, on a un mandat aussi, au niveau des résidences, pour les baux en résidence privée pour aînés. On a ce mandat-là. Mais c'est clair qu'on essaie justement d'améliorer notre collaboration avec le CIUSSS. Au-delà du... (Interruption) ...excusez-moi, du commissaire aux plaintes, c'est aussi les autres intervenants au niveau du CIUSSS qui vont agir à même les résidences, parce qu'eux aussi, c'est des gens qui sont témoins de situations. Même si c'est à l'extérieur du CIUSSS comme tel, exemple, ou du CISSS, un intervenant du maintien à domicile va se présenter dans les résidences privées pour aînés. Donc, ces gens-là aussi doivent faire partie de la solution, puis que l'information soit transmise, entre autres, dans un processus d'assistance, d'accompagnement, quand il y a une situation qui est inadmissible.

Mme Sauvé : Je pense que vous avez un rôle clé à travers tout le parcours, le cheminement de la démarche de la plainte, parce que vous êtes effectivement dans un mode d'intervention, ce qui peut vous distinguer par rapport aux autres acteurs. Moi, j'ai été, d'abord, très positivement surprise de voir le nombre d'accompagnements que vous faites. 10 000, là, c'est vraiment... c'est très éloquent.

Mme Fortin (Manon) : Ce sont des demandes de services. Donc, à l'intérieur de ça, il y a les accompagnements, il y a également les demandes d'information et les demandes de soutien-conseil. Donc, il y a trois types de services, c'est important de le spécifier.

Mme Sauvé : O.K., oui, merci pour la précision. J'ai été surprise, d'un autre côté, d'apprendre que la majorité de vos références, ça vient des professionnels de la santé.

Mme Fortin (Manon) : Et des commissaires aux plaintes.

Mme Sauvé : Et des commissaires aux plaintes.

Mme Fortin (Manon) : Numéro un, commissaires aux plaintes...

Mme Sauvé : O.K., d'accord.

Mme Fortin (Manon) : ...et professionnels de la santé, c'est les deuxièmes.

Mme Sauvé : O.K., c'est les deuxièmes.

Mme Fortin (Manon) : Oui.

Mme Sauvé : Vous avez, dans votre mémoire, à la recommandation 9, malgré les bons liens qui se tissent, et tout ça, vous souhaitez qu'il y ait une meilleure coordination par rapport à tous les acteurs du régime d'examen des plaintes. Alors, est-ce que vous pouvez qualifier vraiment des solutions qui permettraient concrètement de bonifier, parce qu'il y a un manque d'information, parce que ce n'est pas aussi fluide que vous le souhaiteriez, mais qu'est-ce qui, concrètement, pourrait améliorer cette coordination entre les différents acteurs?

Mme Fortin (Manon) : Bien, je vous dirais, premièrement, il faut savoir qu'il y a une étude comparée du régime d'examen des plaintes entre le Québec et la France, qui vient tout juste de sortir, en novembre 2019, qui nous a... qui va dans le même sens de ce qu'on amène, donc la nécessité de préciser le rôle des intervenants qui ont, je dirais, comme fonction d'assister et d'accompagner. Le Protecteur du citoyen disait : Le commissaire aux plaintes, il a un rôle d'assister, pour assister et accompagner. Mais, dans le fond, selon leur analyse, c'est 10 % des commissaires, c'est 10 % du travail des commissaires d'assister et d'accompagner, puis ils n'ont pas le temps, ils n'ont pas le temps, ça va vite.

Nous, notre rôle est vraiment concentré à ce niveau-là, et ce sont des professionnels. L'assistance et l'accompagnement des comités d'usagers, individuels, c'est plus des bénévoles. Donc, il y a le défi de la connaissance au niveau des droits, au niveau de l'assistance, au niveau de... donc, qui n'est pas la même. Donc, chacun a comme... Moi, je me dis : Bien, c'est sûr que les centres d'assistance, c'est leur tasse de thé, bien, pourquoi qu'on ne s'entendrait pas pour comment on va fonctionner ensemble? Quand ça devient trop complexe, là, puis c'est un comité d'usagers, pitche-le donc au CAAP, hein? Le CAAP, lui, c'est sa tasse de thé. Quand le commissaire, ça devient trop complexe... Par exemple, quand j'étais au CAAP—Capitale-Nationale, je ne sais pas si c'est encore comme ça, toutes les plaintes médicales étaient transférées au CAAP, systématiquement.

Donc, il y a comme des façons de faire qui pourraient être établies pour que chacun se sente bien. Parce que, moi, je sais qu'il y a des bénévoles de comités d'usagers qui ne se sentent pas à l'aise dans des plaintes complexes, puis assister, accompagner, pour eux, ça consiste en : Je vais aller mener l'usager au commissaire, mais on dit qu'on l'assiste, on l'accompagne. Tandis que, nous autres, l'assistance, l'accompagnement, beaucoup plus complexe que ça, là.

Donc, je me dis, c'est comme un fourre-tout, le mot «assistance et accompagnement». Peut-être qu'on aurait avantage à définir un peu plus les rôles pour, par la suite, en faire la promotion auprès des usagers. Parce que, là, en ce moment, vous rentrez dans un établissement, là... Je suis rentrée dans un centre hospitalier dernièrement, je cherchais les pancartes, moi, aucune pancarte Régime d'examen des plaintes, aucun dépliant. Où est-ce qu'ils sont? Il y a une difficulté importante d'atterrir sur le plancher des vaches pour informer les gens que ça existe, ça. Ça, c'est vraiment essentiel.

Puis ça fait longtemps qu'on en parle avec la Direction de l'éthique et de la qualité, avec qui on... c'est notre interlocuteur. Puis je pense qu'il y a une volonté, mais, en même temps, il faut débloquer des fonds pour faire ça. Et puis je pense qu'on a peur aussi que, si on met trop d'affiches, trop de dépliants, que tout le monde aille se plaindre. Bien, peut-être qu'il faut dépasser ça. Puis les gens, je veux dire, leur objectif, ce n'est pas nécessairement ça.

Puis il ne faut pas oublier que le régime d'examen des plaintes, sa vocation première, ce n'est pas l'amélioration de la qualité des services. On l'entend beaucoup dire, ça. Ce sont le respect des droits des usagers. Les législateurs, à l'origine, c'est ça qu'ils voulaient. Ça doit garantir le respect des droits des usagers et, par ricochet, l'amélioration de la qualité des services. Donc, il y a vraiment un travail de promotion important à faire.

• (18 h 10) •

Mme Sauvé : Est-ce qu'il me reste du temps?

Le Président (M. Provençal)  : Il vous reste 1 min 30 s.

Mme Sauvé : Ah mon Dieu! Je vais essayer de faire ça rapidement. Écoutez, vous parlez... puis c'est tellement important, l'information, la confusion des rôles. Moi, j'aimerais ça, là, pour les gens qui nous écoutent, vraiment, que vous nous expliquiez, là, le parcours type de quelqu'un qui s'adresse à vous, que ça vienne, la référence, d'un professionnel de la santé ou d'un commissaire, comment ça se passe, dans les étapes, pour nous expliquer un petit peu la complexité du parcours, mais, dans la réalité, ça ressemble à quoi au quotidien.

Mme Fortin (Manon) : Bien, je pourrais peut-être transmettre la parole à Ian, mais je vais commencer. D'abord, dans un premier temps, il faut savoir que les centres d'assistance et d'accompagnement aux plaintes, leur majeure, là, c'est les centres hospitaliers et la direction de la protection de la jeunesse. Donc, ça, particulièrement, là, il y a un gros volume qui vient à ce niveau-là. Il y a aussi... On est beaucoup identifiés aux aînés. Oui, il y a beaucoup d'aînés qui sollicitent notre aide, mais il reste que notre majeure, elle est à ce niveau-là. Mais dans les centres hospitaliers, on voit beaucoup d'aînés, hein? Souvent, les maladies chroniques, tout ça, souvent, ils sont bien là.

Donc, je pense que Ian est bien placé pour expliquer le parcours d'un usager. Je pourrais le faire, mais j'aime bien...

M. Renaud-Lauzé (Ian) : Eh, mon Dieu! Aïe! Un méchant défi.

Mme Fortin (Manon) : «Let's go».

M. Renaud-Lauzé (Ian) : Grossièrement, c'est que nous, on accueille la personne puis on écoute c'est quoi, son histoire. Puis l'idée, c'est de mettre en valeur son histoire, puis ne pas que la personne ait le tracas administratif de la démarche de plainte. Les conseillers prennent en charge le côté... le tracas administratif pour faire cheminer finalement l'histoire de la personne, justement, pour simplifier au maximum le poids de la démarche qu'a à faire la personne, juste ramener son histoire. Est-ce que c'est assez simple et court? Ça ressemble pas mal à ce qu'on va faire. Mais on va la suivre à toutes les étapes de sa démarche, justement, pour retirer ce fardeau administratif là.

Le Président (M. Provençal)  : Merci.

Mme Fortin (Manon) : Que ce soit préciser l'objet de sa plainte, que ce soit l'accompagner, la préparer pour la rencontre, souvent, expliquer les conclusions. C'est très... C'est difficile à comprendre. Donc, il y a ça aussi. Donc, il y a différentes choses, mais qui sont très, très concrètes, là.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, madame. Alors, je vais céder la parole au député de Rimouski.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Bonjour.

Mme Fortin (Manon) : Bonjour.

M. LeBel : Tantôt, vous avez dit que vous aviez de la difficulté pour attirer des médecins examinateurs, que c'était compliqué. On pourrait leur proposer de dealer la prime à l'oxygène. Pour eux autres, ça pourrait être pas pire, pour en amener quelques-uns.

Il y a deux, trois ans, là, quand j'ai... je ne me rappelle pas, c'est peut-être deux ans, là, la loi n° 115, là, on disait, au début, qu'il y avait au moins 12 à 15 portes d'entrée pour... puis qu'il fallait corriger ça puis essayer d'en ramener au moins une ou deux, gros max, pour que le monde soient démêlés. Aujourd'hui, là, comment... Si vous aviez à évaluer ça sur une échelle de 10, un, on n'a rien amélioré, puis, 10, on a amélioré des choses?

Mme Fortin (Manon) : O.K. Je ne suis pas sûre que ce système de pointage là permet d'apporter les nuances nécessaires, mais disons que... je dirais que... je mettrais peut-être une cote de trois, quatre sur 10 en ce moment, ce qu'on a amélioré...

M. LeBel : Ah oui?

Mme Fortin (Manon) : ...dans le sens qu'on a commencé à nommer ça. On sent qu'il y a un inconfort sur le terrain. On ne sait pas trop comment nommer ça, ce n'est pas toujours évident. Ça passe souvent dans la trappe du régime d'examen des plaintes, droits des usagers. Ce n'est pas évident, là, bon, et puis... Mais je pense qu'il y a une volonté d'essayer de mettre en place des choses. Mais je pense que la mentalité collective évolue, évolue. Donc, c'est un peu ça.

M. LeBel : ...

M. Renaud-Lauzé (Ian) : Je pourrais...

Mme Fortin (Manon) : Oui, peut-être, tu veux compléter?

M. LeBel : Bien, peut-être, rapidement, avant, tu sais, sur l'indépendance des commissaires, vous proposez d'avoir des enveloppes dédiées, que ça leur permettrait de travailler dans leur... L'enveloppe serait déterminée par qui?

Mme Fortin (Manon) : Bien, je pense que le ministère pourra déterminer l'enveloppe.

M. LeBel : Ce ne serait pas par les CISSS...

Mme Fortin (Manon) : Bien, c'est sûr que ça doit être probablement à même le budget des centres intégrés. En ce moment, c'est comme ça, là. Je pense que c'est des technicalités qui pourraient être définies plus par le ministère.

M. LeBel : O.K. Puis une dernière question rapidement, je n'ai pas beaucoup de temps, ça fait que j'y vais en rafale. Quand vous accompagnez des gens pour des plaintes, comment on peut prendre en considération les différences des personnes? On n'accompagne pas une femme ou un homme de la même façon. Et moi, j'ai rencontré des gens des communautés LGBTQ qui trouvent ça bien difficile, que, des fois, ils ont passé leur vie à sortir du placard, puis ça a été compliqué, puis là ils rentrent en résidence, ça recommence, ils ont... Comment vous... Comment on ajuste nos interventions?

Mme Fortin (Manon) : Bien, nous, on est très sensibles à ça, parce qu'on a des collaborations qui sont établies avec la Fondation Émergence, notamment, qui est directement liée aux gens qui... les personnes LGBT. Donc, nous, c'est vraiment... Ce sont des... Nos gens, nos conseillers, ce sont des travailleurs sociaux, des conseillers en orientation. Donc, ils ont un positionnement intérieur d'accompagnement, déjà, en partant, donc le jugement, ce n'est pas quelque chose qui fait partie, je dirais, de notre bagage.          

En plus, vous savez, nous, on accompagne beaucoup, beaucoup de parents au niveau de la direction de la protection de la jeunesse, on vient d'ailleurs de déposer un mémoire, là, et on fait ressortir des choses. Puis vous savez, dans ces cas-là, souvent, on voit toutes sortes de situations qui sont très, très difficiles. Donc, s'il y a eu un jugement à s'exercer, peut-être qu'on l'aurait fait là. Non, pas du tout, ça ne fait pas partie de notre ADN, comme organisation. Donc, cet accompagnement-là inconditionnel, en toutes circonstances... on est comme du bon pain, finalement.

M. LeBel : Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Je remercie les membres de la Fédération des centres d'assistance et d'accompagnement aux plaintes pour leur contribution à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30, où elle accomplira un autre mandat. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 18 h 16)

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