(Onze heures trente-six minutes)
Le
Président (M. Provençal)
:
Bon matin à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services
sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie des leurs
appareils électroniques.
La commission est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative
concernant l'augmentation préoccupante de la consommation de psychostimulants
chez les enfants et les jeunes en lien avec le trouble déficitaire de
l'attention avec hyperactivité.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Lafrenière (Vachon) est remplacé par M. Bachand
(Richmond); M. Benjamin (Viau), par Mme Nichols (Vaudreuil); Mme David
(Marguerite-Bourgeoys), par Mme Sauvé (Fabre); M. Arseneau
(Îles-de-la-Madeleine), par M. Gaudreault (Jonquière).
Audtions (suite)
Le Président (M. Provençal)
: Merci, Mme la secrétaire. Nous
entendrons, ce matin, les organismes suivants : Mme Anne Hébert,
psychologue, et l'Institut national d'excellence en santé et services sociaux.
Comme la séance a débuté à 11 h 36, y
a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue, soit
13 h 06? Consentement. Merci.
Je souhaite maintenant la bienvenue à
Mme Ariane Hébert. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres
de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé.
Vous avez la parole, madame.
Mme Ariane Hébert
Mme Hébert
(Ariane) : Alors, bonjour. Je suis Ariane Hébert. Je suis
psychologue clinicienne. Je me spécialise dans l'évaluation de la santé
mentale auprès de diverses clientèles. Donc, traduction libre, je ne suis pas
spécialiste, parce que, pour évaluer la santé mentale, je me dois
d'être une bonne généraliste, donc je me dois de connaître le TDAH, bien entendu, mais aussi les autres
troubles pour être capable d'émettre des bons différentiels.
Alors, je vous ai transmis mon mémoire ce matin,
je viens davantage vous jaser de mon expérience clinique, donc de ce que je
vois, moi, dans mon bureau et de comment j'évalue le sujet qui vous préoccupe.
Donc, tout d'abord, il faut savoir qu'en étant en bureau privé je rencontre toutes sortes
de clientèles. Alors, en ce qui concerne
le TDAH, par exemple, je vais rencontrer autant les parents qui viennent se
faire interpeler pour une première fois par
un enseignant qui a nommé que peut-être l'enfant bougeait un petit peu plus que la
moyenne. Je rencontre aussi des parents qui... ça fait plusieurs années
qu'ils vivent des difficultés, qui se le font dire régulièrement, qui
rencontrent aussi des enjeux importants à la maison, alors... et, entre ça,
bien, ça va du gris pâle au gris foncé, là. Donc, pour ma part, c'est la
clientèle que je couvre.
Ce que je remarque, dans le contact parent,
première des choses, c'est que, comme les parents sont maintenant mieux
informés, hein, on peut aller trouver, sur Internet, les critères diagnostiques
du DSM, donc sur le TDAH, et puis les enseignants aussi, alors, d'entrée de jeu,
c'est plus facile pour eux d'attribuer ce trouble-là aux symptômes qu'ils observent.
Je ne pense pas que ce soit dans une intention malveillante, là, je me suis
diagnostiqué quelques cancers par Wikipédia cette année, alors je pense que c'est dans cette
lignée-là, hein? On sait, on connaît l'information, donc on tente de poser une étiquette sur
ce qu'on sait.
• (11 h 40) •
Maintenant, l'autre chose qui me saute aux yeux,
dans le contact parent toujours, c'est que les gens ont perdu de vue ou... non,
je devrais dire, les gens ne savent plus c'est quoi, la norme, donc qu'est-ce
qui est normal pour un enfant, en 2019, de ce qui l'est moins. Ce que j'entends
par là, c'est qu'aujourd'hui, dans notre vie actuelle, pour les jeunes à qui on
demande d'être dans un service de garde de 7 h 30 à 5 h 30,
à qui on demande d'aller en autobus et de
revenir... en fait, d'aller et de revenir à l'école en autobus, de dîner à
l'école, de rester assis, d'avoir un agenda de président des États-Unis, on se
demande maintenant si... Est-ce qu'un enfant qui n'est pas capable de rester
une demi-heure assis pendant le souper, c'est normal? Donc, on a un peu
perdu nos balises par rapport à ça et, donc, on tire des conclusions de comportements
qui ne sont plus nécessairement adaptées à notre ère de vie, là. Donc, je
reviens encore, là, la normalité s'est perdue en cours de route, on ne sait
plus.
Et puis ça, c'est
commun dans les... auprès des parents, c'est commun aussi auprès des enseignants,
puis j'ai envie de vous dire, quitte à me faire tirer des tomates, c'est aussi
commun pour les professionnels. Il y a beaucoup de professionnels qui ne savent pas, par exemple, où
devrait se tracer la ligne en 2019, qu'est-ce qui constitue de l'agitation
ou de l'inattention. Alors, ça, ça fait
partie, je pense, des causes qui peuvent conduire à un surdiagnostic. Enfin, ce
n'est pas la réponse, mais ça fait partie du problème.
D'autre part, j'ai
aussi évoqué, dans mon mémoire, qu'on manque de ressources pour mettre en place
des applications, des stratégies pour intervenir de façon différente,
intervenir autrement que par médication, c'est vrai. En fait, les parents...
vous savez, j'ai écrit un livre sur le déficit d'attention, il s'est vendu à 75 000 exemplaires
au Québec, il parle des stratégies autres que la médication. Ça fait que moi, je traduis, par là, une volonté
des parents à faire autrement que par la médication. Mais, en même temps, c'est
des parents qui ont souvent des enjeux eux-mêmes, hein? On sait que c'est une
maladie génétique, alors ce n'est pas rare que les parents eux-mêmes soient
atteints du TDAH. Et puis, comme il y a souvent des comorbidités, le
TDAH se présente rarement seul, ça fait que, donc, il y a des éléments anxieux, il y a des éléments de
dépression, il y a plein d'autres choses... il y a des troubles de
comportement, plein d'autres choses qui viennent avec et qui compliquent, en
fait, la mise en oeuvre des stratégies.
D'autre part, je suis
maman d'enfants TDAH et je suis très bien outillée et, néanmoins, je suis
capable de vous dire, puis permettez-moi l'expression, c'est «tough», ce n'est
pas facile de mettre en place des stratégies et d'assurer un suivi, de
personnaliser les interventions, même quand on a des bonnes connaissances. Ça
fait que, donc, oui, c'est sûr que la médication devient, à ce moment-là,
peut-être une solution beaucoup plus... je n'ai pas envie de dire fragile...
bien, facile, dans le sens où les parents mettent l'éponge, mais, dans le sens
où c'est abordable pour eux.
La mère qui arrive,
là, avec ses trois enfants, là, à 5 heures, puis il faut qu'ils soient
couchés à 7 h 30, puis qu'on lui dit : Fais un parcours moteur
pour tes enfants, pour les libérer de leurs tensions de la journée, pour qu'ils
puissent apprendre leur alphabet en sautant
dans les marches, elle n'a pas le temps, ce n'est pas réaliste pour elle. Ça
fait que, donc, c'est bien beau proposer des moyens, des stratégies,
mais encore faut-il réussir à aller les atteindre, et ce, à ce que ce soit
réaliste dans leur quotidien. Ça fait que, donc oui, on manque d'outils, en
fait, de stratégies, de ressources pour aider ces parents-là, pour mettre en
place des plans, etc.
Et, finalement, j'ai
aussi parlé de la pression de performance dans mon mémoire. La pression de
performance, là, il faut le voir, en fait, de deux angles : on peut penser
que notre société exige toujours plus, c'est vrai; on peut aussi penser que,
maintenant, l'enfant a pris une place tout à fait différente dans nos familles
versus il y a quelques années. Alors, la lunette est beaucoup mise sur nos
enfants. Écoutez, voilà 30 ans, là, je ne suis pas sûre que c'était commun
de trouver deux parents assis dans une pratique de hockey, à 5 h 30
le matin, pour assister, hein? C'était la mère qui ramassait les six enfants du
quartier. Maintenant c'est chose commune. Ça fait que, donc, on est vraiment
beaucoup plus centrés sur nos enfants et beaucoup plus fragiles ou... encore
là, on détecte beaucoup plus toute anomalie de comportement et on en tire des
conclusions. Parfois, là, j'ai la chance, si je peux m'exprimer ainsi, de voir
des parents qui viennent s'asseoir devant moi à titre préventif, ils me
disent : Écoute, on n'est pas sûrs qu'il a un TDAH, mais on aimerait ça, ne passer à côté de quelque chose.
O.K., alors, à ce moment-là, décrivez-moi les atteintes qu'a, cet enfant-là,
dans son quotidien. Mais il n'en a pas vraiment, mais s'il fallait qu'il
y en ait?
Alors, on me demande de diagnostiquer un trouble
préventif, mais ça, encore là, ce n'est pas exception, là. Ça fait que,
vous comprenez, l'idée, c'est de dire : On est dans une société où on
refuse toute souffrance à nos enfants. On le voit, d'ailleurs, à travers les
troubles anxieux et pleins d'autres choses, là, mais on ne veut tellement
qu'ils aient mal, on ne veut tellement pas que leur estime soit atteinte, que
les notes descendent, etc. Puis, encore là, ce n'est pas parce qu'on veut en
faire des chevaux de course, c'est parce qu'on a le souci que ces petits êtres
là ne souffrent pas, c'est noble, mais ça vient interférer avec notre jugement,
c'est sûr, O.K.?
Et, tout ceci étant
dit, je pense aussi qu'au Québec, là, on est vraiment bons. Je pense qu'on est
des bons professionnels, je pense qu'on est des bons parents, je pense qu'on
est très aptes à détecter, à déceler des troubles de comportements, des
troubles de santé mentale et du TDAH. Je pense qu'on connaît ça, dans notre communauté
scientifique, on en parle beaucoup, c'est connu aussi dans les médias. Ça fait
que, oui, peut-être qu'il y a du surdiagnostic, oui, peut-être qu'il y a trop
de médication. Vous les avez, les chiffres, moi, je ne les ai pas, moi, je suis
une clinicienne. Mais ce que je sais, c'est qu'on est bons, ça fait qu'il y a certainement
de ça aussi qui vient jouer dans l'augmentation.
Puis, vous savez, tu sais, en 1954, l'Asperger, là,
ou l'autiste, là, ça n'existait pas, il n'y en avait pas, ce n'était pas encore
inventé. Ça fait que, là, maintenant, le TDAH a été inventé, alors on en voit
partout. Peut-être, mais peut-être qu'il y en a réellement aussi
beaucoup. Puis, aujourd'hui, bien, de l'autisme, il y en a un sur 64.
Probablement que vous allez faire une autre commission, dans quelques années,
sur l'autisme, tu sais. Donc, mieux on connaît ça, mieux on peut le
diagnostiquer aussi, ça fait qu'il y a... Je ne suis pas capable de vous dire,
personnellement, est-ce qu'il y a du surdiagnostic. Peut-être, à cause de tout
ce que je viens de vous nommer, mais ça se peut aussi qu'on soit juste bien
bons. Voilà.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci beaucoup.
Mme Hébert
(Ariane) : Je vous en prie.
Le Président
(M. Provençal)
: Je vais maintenant
passer la parole à la députée d'Abitibi-Ouest pour commencer la période
d'échange. À vous la parole.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci, M. le Président. Merci, Mme Hébert. Vous
parlez de... Votre présentation est faite avec passion, merci beaucoup, on sent
que vous aimez ces enfants-là. Alors, moi, j'aimerais qu'on parle de... Il y a
une normalité qui s'est perdue en cours de route, et vous l'associez à quoi,
cette...
Mme Hébert
(Ariane) : ...rythme de vie, en fait, là. Tu sais, comme je vous dis,
les conditions actuelles, là... Est-ce que certains d'entre vous avez appris à
apprendre en lettres attachées sur un iPad? Donc, il y a une réalité qui est
maintenant là, actuelle, qui change de façon très, très rapide, et on a du mal,
à ce moment-là, à établir de nouvelles balises sur maintenant, c'est quoi, la
norme, là, tu sais. Écoutez, moi, j'ai des enfants de 18 et 16 ans et,
quand je compare mes vieilles avec les jeunes, qui sont maintenant au primaire,
on est dans deux mondes. Ça fait que... les changements vont tellement vite.
Donc, ce qu'on demande aux enfants aujourd'hui, ça n'a aucune commune mesure
avec ce qui était voilà 15 ans, voilà 10 ans, j'ai envie de vous
dire: Voilà quelques années. Donc, c'est quoi, un enfant normal, maintenant,
c'est quoi, un enfant qui... on devrait s'attendre à quoi d'un petit bonhomme
de sept ans, par exemple, qui a passé la journée à l'intérieur, qui a passé le
tiers de son temps rivé à l'écran, qui est... etc., là, tu sais, vous voyez. Ça
fait que c'est dans cette optique-là que je pense que la norme est rendue
confuse.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Vous, en étant clinicienne, tout ça, est-ce que vous avez été capable, avec vos
enfants, de mettre en application certains outils que vous offrez à votre
clientèle?
Mme Hébert (Ariane) : Oui,
bien, en fait, le livre, là, TDA/H—La boîte à outils, ça
venait surtout de cette idée-là, dire : Aïe! Moi, là, je pense que j'ai
tout essayé. Probablement pas, mais j'en ai essayé beaucoup. Et donc je voulais
rendre ça. J'en ai essayé. Malgré tout, mes enfants prennent une médication,
parce que ces belles stratégies là ont leurs limites, alors... Tu sais, c'est
là aussi qu'il ne faut pas se mettre la tête dans le sable, les stratégies
comportementales, là, c'est merveilleux, là, ça aide, puis ça ne devrait jamais
être indépendant de la médication, mais, des fois, ce n'est pas suffisant.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Et,
lorsque vous rencontrez certains clients, on parle de troubles préventifs.
Alors, qu'est-ce que vous leur faites et qu'est-ce que vous leur dites?
Mme Hébert (Ariane) : En fait,
là, ça, c'est... Tu sais, j'écoute, bien, entendu, je reçois leurs
préoccupations, mais je leur explique que, pour avoir un trouble, il faut
toujours bien que la personne qui est atteinte en vive des conséquences. Ça
fait que, même si on trouve sur papier que votre enfant a des fragilités
attentionnelles, si, dans la vraie vie, ça
ne s'articule pas, on ne peut pas lui donner un diagnostic de trouble. Par
contre, on peut déjà mettre en place des mesures préventives. Donc, tu
sais, tout ce qui est stratégie comportementale, les coquilles insonorisantes,
un coussin lourd pour qu'il diminue son agitation, faire plus d'exercice,
l'hygiène de vie, on n'a pas besoin de diagnostic pour faire ça, c'est ça, la
beauté de la chose. Ça fait que, donc, on va établir ça, on va... Autrement
dit, quand ça arrive, là, je fais du coaching parental.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : La
dernière question...
Mme Hébert (Ariane) : Allez-y.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : ...au
niveau de la médication, trouvez-vous qu'on médique trop les enfants?
Mme Hébert (Ariane) : Je pense
que je suis chanceuse, dans ma région, beaucoup de pédiatres me réfèrent pour
un diagnostic différentiel. Je pense que ce n'est pas comme ça dans toutes les
régions. Alors, je ne jette pas le blâme aux médecins ou à personne, là, mais
c'est possible. C'est possible qu'on attribue des traits d'agitation rapidement
à du TDAH ou des traits de... à l'enfant lunatique, ça se peut, oui.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci beaucoup.
Mme Hébert (Ariane) : Je vous
en prie.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Mme la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour. Merci
pour votre présence ici aujourd'hui. J'aimerais vous entendre par rapport vraiment
à l'écran, ce que ça fait à nos jeunes, selon vous, puis comment on peut
améliorer les choses.
• (11 h 50) •
Mme Hébert (Ariane) : En fait,
l'écran, là, c'est un des pires ennemis de l'attention, parce que le cerveau
est ainsi fait qu'on a un système de vigilance interne, si vous voulez, O.K.? Ça
fait que, donc, rapidement, on va aller repérer,
dans notre environnement, qu'est-ce qui est saillant. Ça fait que, si, disons, là, vous prenez une belle promenade dans un champ de
blé avec les arbres, et tout ça, et, tout d'un coup, il y a une tache noire qui
apparaît, rapidement, c'est ça qui va attirer votre attention.
Maintenant, les écrans, on est bombardé de
stimuli saillants. Ça fait que ça fait en sorte que, même si on veut se dégager
de ça, notre cerveau, par automatisme, retourne à aller vers les stimuli
saillants. Ça fait que ça, ça nuit à notre entraînement à cibler soi-même notre
attention. Ça fait que, donc, par exemple, là, si, disons qu'on est dans un
environnement à stimuli égal, là, le prof, l'écureuil sur l'arbre, mettons. Je
suis supposée, normalement, d'être capable de faire un
«shift», là, je cherche mon terme français, mais un déplacement d'attention
selon mon gré, selon ma volonté. Mais, par contre, les écrans, ils crient
tellement fort dans mon cerveau que, là, ce changement-là, là, il n'est plus
tout à fait dans mon contrôle. Ça fait que, ce faisant, bien, je perds
l'habileté à m'autoréguler par rapport à mon attention, là. Ça fait que, donc,
plus jeune on introduit les écrans et c'est présent dans la vie des enfants,
moins ils sont entraînés à cibler leur attention.
Mme Picard : Ça me fait penser,
justement, M. le Président, mon fils m'a déjà dit ça : Maman, c'est plate.
Dans la vie, il n'y a pas de gros dragons qui viennent attaquer notre maison.
Il n'y a pas...
Mme Hébert (Ariane) : C'est
exact.
Mme Picard : Il manque d'action
dans notre vie.
Mme Hébert (Ariane) : Tout à
fait.
Mme Picard : Et j'ai dit :
Bien, mon Dieu! Mon petit gars, c'est vrai qu'il n'y a pas de dragon dans la
maison.
Mme Hébert (Ariane) : Puis vous
dites ça puis, tu sais, j'ai envie de vous dire : C'est dur, là, pour un
dragon de rivaliser... C'est-à-dire, c'est dur, pour un prof, de rivaliser avec
le dragon, là, tu sais. C'est ça.
Mme Picard :
Voilà. Vous l'avez bien dit. À propos d'alimentation ou d'hygiène de vie,
est-ce que vous pouvez m'en dire plus, de qu'est-ce qui serait bien pour
nos enfants?
Mme Hébert
(Ariane) : Bien, en fait,
l'hygiène de vie, là, ça aussi, ce n'est jamais indépendant de la médication
ou des stratégies. C'est-à-dire que... Encore une fois, je dis souvent aux
parents : Vous savez, pilule, pas pilule, là, un enfant qui ne dort pas,
je vous promets qu'il va être inattentif. Ça fait qu'il y a ça aussi qu'il faut
toujours regarder. Donc, si un enfant ne
mange pas suffisamment, ne dort pas suffisamment, il a un rythme de vie
effréné, tu sais. Qu'est-ce que vous faites de vos fins de semaine?
Probablement que vous avez une liste d'activités, parce que chaque enfant en a
au moins trois pour bien s'épanouir, n'est-ce pas? Ça fait que, donc, tu sais,
c'est ce rythme-là qu'on impose aux jeunes qui... On oublie que se traîner les
savates un peu puis s'emmerder sur le divan, ça aussi, ça fait partie des
apprentissages qu'ils devraient pouvoir faire. Ça fait que, donc, quand ils
tombent dans la lune, on se dit : Bien voyons, il est supposé d'être tout
là. Le coach de hockey est en train de donner des instructions, puis, je le
vois, il est dans la lune. Il a eu combien de temps, lui, pour se déposer
aujourd'hui? Ça fait que, tu sais, vous voyez, le rythme de vie puis l'hygiène
de vie est hyperimportante, évidemment, là, tu sais. Ça fait que, oui, il faut...
Il y a une préoccupation à ce niveau-là aussi.
Mme Picard : Est-ce que vous
trouvez que la société met trop de pression sur nos enfants?
Mme Hébert (Ariane) : Ah! je le
répète, là, moi, je pense que ce n'est pas qu'on veut en faire des chevaux de course, c'est qu'on ne veut pas qu'ils souffrent.
Ça fait que, donc, si tu as des pas bonnes notes, tu risques de te décourager,
tu risques d'avoir une faible estime. Donc, tu sais, tout ça déboule. Ça fait
que, donc, je vais chercher à t'éviter ça à tout prix. Je pense, c'est plus
dans cette idée-là, tu sais, l'idée de dire : Bien, je ne te laisserai pas
souffrir si je peux faire autrement.
Mme Picard :
Concernant l'anxiété, j'ai l'impression que, des fois, on médicamente les
enfants qui ont un problème d'anxiété aussi ou des pressions, comme vous avez
mentionné au début. Est-ce que c'est votre impression aussi? Ou est-ce que...
Est-ce que vous pensez que la majorité des diagnostics de TDAH, c'est vraiment
des TDAH justifiés?
Mme Hébert (Ariane) : Bien, écoutez, c'est sûr que je peux seulement
vous parler de mon expérience. Ça fait que moi, en bureau, c'est mon travail,
de faire un bon différentiel. Maintenant, est-ce qu'il y a souvent des TDAH qui
viennent avec de l'anxiété? Ça, oui.
Est-ce qu'on médique les enfants anxieux? J'ai envie de vous dire : Je
crois que non. En tout cas, dans ma... Encore là, dans ma communauté, quand
j'établis un diagnostic de trouble anxieux, il n'y a pas de pédiatre dans mon coin qui recommande des
médications. Ça fait que hourra pour ça! Parce qu'à cet âge-là, d'ailleurs, les
stratégies comportementales sont hautement efficaces, là. Mais je ne pourrais
pas vous parler pour l'ensemble du Québec, certainement pas, là.
Mme Picard : Je vous remercie,
M. le Président.
Le
Président (M. Provençal)
:
Est-ce qu'il y a d'autres interventions de la part du gouvernement? Oui, Mme la
députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, M. le Président. Votre vision, c'est d'être une référence incontournable
pour éclairer les décisions et les pratiques. J'aimerais que vous élaboriez sur
ce sujet.
Mme Hébert
(Ariane) : Je m'excuse, j'ai perdu un bout de votre phrase.
Voulez-vous me le répéter?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Ah!
O.K. Je me disais qu'au niveau de votre vision c'était une vision éclairée pour
les enfants, et des incontournables, et des choses pratiques, des outils pour
eux. Alors, comment on peut élaborer à ce niveau?
Mme Hébert (Ariane) : Je ne
suis pas sûre de vous saisir, je m'excuse encore, là. Vous voulez que je vous
parle des stratégies?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Les
stratégies, la vision, la... oui.
Mme Hébert (Ariane) : Qui sont
autres que la médication?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Oui.
Mme Hébert (Ariane) : Bien, les
stratégies comportementales qui existent, c'est dont... ce vous...
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : S'il
vous plaît.
Mme Hébert
(Ariane) : D'accord. Bien,
en fait, les stratégies comportementales, premièrement, malheureusement, elles ne sont pas universelles.
Alors, par exemple, on va avoir des stratégies, disons, pour réduire
l'agitation motrice chez les enfants. Souvent, on va passer par les trucs
sensorimoteurs, disons, les coussins lourds, les... Je ne sais pas si vous êtes
familiers avec ça, on a des espèces de lézards qu'on dépose... ça a un poids,
on dépose ça sur les cuisses des enfants, ça permet de diminuer l'agitation.
Mais, comme je vous dis, ces trucs-là ne sont pas universels. Première des
choses, le lézard, dans certains cas, bien, ça devient un projectile, hein?
Dans d'autres cas, le lézard n'a pas cet effet calmant là. Ça fait que, donc,
il faut vraiment... Toutes les stratégies, il faut les essayer pour voir à les
personnaliser puis voir lesquelles correspondent le mieux aux symptômes qu'on
observe.
D'autre part, les stratégies se font quand même
demandantes, c'est-à-dire que tout ce qui est comportemental en termes de
gestion des émotions, par exemple, on ne fait pas ça en... Tu sais, la gestion
des émotions qui est inhérentes aux TDAH, là, ils ont des difficultés à inhiber
certaines émotions et réaction, et donc, là, c'est un long parcours
d'apprentissage de quelle émotion tu peux laisser passer et de quelle façon, et
on n'a pas une balle de stress pour régler ça, là. Donc, c'est vraiment de la
psychoéducation, de l'enseignement, etc. Ça se fait, ça se fait bien, je...
Encore là, je parie que peu d'entre vous avaient un coin doux, dans votre
classe de primaire, pour aller vous apaiser quand que vous vous sentiez en
colère. Alors, c'est de plus en plus en vogue, ça se fait de plus en plus. Mais
ce sont néanmoins des stratégies qui
demandent beaucoup d'énergie, et de connaissances, et de remise sur le
plancher, etc. Il y en a plein, il y en a toute une panoplie. Mais autre
chose que je dis souvent aux parents, là: Tous les trucs et stratégies du monde
ne sont adéquats que dans une seule condition, c'est d'être appliqués, et c'est
ça, l'enjeu le plus difficile.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci.
Mme Hébert (Ariane) : Je vous
en prie.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Il
nous reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Provençal)
: Sept minutes.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Sept minutes, parfait. Alors, dans votre document, vous mentionnez que l'usage des médicaments long terme, lorsque non
justifié... Pouvez-vous élaborer sur les conséquences néfastes de la médication
qui est non justifiée?
Mme Hébert (Ariane) : La médication à long terme, en fait, c'est ça. Ça,
c'est le point où, encore une fois, je le présente souvent aux parents, et il y
a des parents qui vont me dire : Bien, c'est génétique. Mon enfant est
TDAH, ça veut donc dire que probablement moi aussi. Je leur fais toujours la
mise en garde, parce qu'il y a des petits coquins qui essaient les médicaments
de leurs enfants pour voir si eux réagissent bien, hein, à la médication, et
si... donc, pourraient en conclure qu'ils ont un TDAH ou pas. Et je leur dis
toujours : Tu sais, si vous prenez une ou deux pilules de Ritalin, là, vous allez avoir une très belle
journée, vous allez vous sentir efficace, focus, etc. Par contre, après un
mois, vous risquez d'avoir des
symptômes qui sont nettement moins agréables, donc, des symptômes dépressifs,
une augmentation de l'agressivité, des traits anxieux, etc. Ça fait que, donc,
c'est comme, tu sais, si vous prenez deux Red Bull aujourd'hui, là,
ça se peut que vous soyez très alerte. Si vous prenez quatre Red Bull
pendant un mois, à tous les jours, votre
niveau de vigilance devrait avoir baissé pour laisser place à d'autre chose. Ça
fait qu'on est un peu là-dedans, là. Ça fait que, donc, quand ce n'est
pas justifié, ce n'est pas adéquat, là, à long terme.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Parce que les effets secondaires qu'on remarque
souvent, ce sont l'amaigrissement, tristesse, anxiété.
Mme Hébert
(Ariane) : Oui, c'est vrai que ça... Par contre, il y a des effets
secondaires, comme ça, où c'est simplement la famille de molécules qui ne
correspond pas à l'individu, là. Alors, il faut faire attention, ce n'est
pas... L'amaigrissement, l'effet coupe-faim du médicament TDAH, c'est le
premier effet secondaire qui est observé dans... je veux dire, à 99 % de
la population qui en prend ou à peu près. Ça fait que celle-là, c'est presque
une condition sine qua non, là, presque.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Et, idéalement, quelqu'un qui prend une médication
régulière doit avoir un suivi clinique à combien de temps, les prises de sang,
ces choses-là?
Mme Hébert (Ariane) : ...aux six mois, normalement, là. Une fois que la
médication est installée, bien entendu, dans la période, tu sais,
d'installation du médicament...
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Et on m'a déjà dit que, lorsqu'on prend une
médication comme ça, on ne doit pas la couper directement, on ne doit pas la
stopper, on doit y aller...
Mme Hébert
(Ariane) : Écoutez, je ne suis pas médecin, et les avis diffèrent à ce
niveau-là.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Oui?
Mme Hébert
(Ariane) : Oui, les avis diffèrent. Il y a beaucoup d'adultes qui se
permettent de jouer comme ça avec leur médication puis qui n'en subissent pas
de conséquence. Encore là, le discours que je tiens, de par ce que je sais,
c'est auprès des parents, pour des petits corps pas tout à fait formés encore.
Si vous choisissez d'arrêter, n'arrêtez pas
pour une fin de semaine, là. Si vous choisissez d'arrêter, arrêtez pour la
période d'été, peut-être, là. Parce que ça fait beaucoup de variation,
là, dans le système, ça fait que... Mais... Oui?
• (12 heures) •
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Est-ce que les intervenants, au niveau des
garderies, des commissions scolaires, sont avisés de certains comportements dus
à une médication, ou...
Mme Hébert (Ariane) : Non, pas vraiment. En fait, encore là, j'ai envie
de vous dire, là, la majorité des
enseignants que je côtoie connaissent ce qu'ils connaissent par
Internet, par ouï-dire. Ils n'ont pas de cours au niveau de leur bac, par exemple, là, pour leur parler des symptômes du TDAH ou... ni même des
stratégies à mettre en place, là. Alors, ils se renseignent aussi bien
qu'ils peuvent, là, mais c'est limité.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Et, selon
vous, est-ce qu'il y aurait place à information au niveau des commissions scolaires?
Mme Hébert
(Ariane) : Bien, j'ai envie de vous dire, la quantité de demandes de formation
que je reçois, là, je sens qu'il y a un désir d'en connaître davantage.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup.
Mme Hébert
(Ariane) : Je vous en prie.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci, M. le Président.
Le Président
(M. Provençal)
: Oui. Mme la députée
de Soulanges.
Mme Hébert
(Ariane) : Rebonjour.
Mme Picard : En fait, j'aimerais savoir, selon vous, dans le système
scolaire, est-ce qu'il devrait y avoir un ratio personnalisé pour les enfants qui ont un TDAH?
Est-ce qu'on devrait... Plutôt qu'un prof soit avec 25 élèves, est-ce qu'on devrait vraiment plus cibler
les ratios dans les...
Mme Hébert
(Ariane) : En fait, j'ai envie de vous dire, dépendamment des
symptômes, là... C'est sûr que ce n'est pas le... Ce n'est jamais le diagnostic
qui détermine les services que doit recevoir un élève, c'est plus les manifestations
qu'il présente. Parce que le TDAH, je le répète, là, ça va de gris pâle à gris
très foncé. Ça fait que, donc, dans certains cas, oui, ça va être nécessaire,
effectivement, d'avoir une aide supplémentaire ou ça serait bienveillant pour
le professeur, qu'elle puisse en avoir moins dans son groupe, là, tu sais...
Parmi les stratégies, tantôt, je vous disais, tu sais, des fois, je rencontre
des profs puis je leur dis : Bien, ton élève TDAH, essaie de le placer en
avant de la classe. Puis, tu sais, il y a des enseignants qui me disent :
Oui, mais, rendu là, la moitié de la classe va être en avant de la classe, tu
sais. Oui, O.K., je comprends, tu sais. Il y a des enjeux qui se vivent comme
ça, qui sont très difficiles.
Alors, est-ce qu'on
devrait attribuer plus de ressources? Dans un monde idéal, bien entendu, là.
Mme Picard :
Merci. Au niveau des évaluations, la chaîne d'évaluation, du point où la
garderie, l'école, s'aperçoit que l'enfant a peut-être une
problématique, un trouble, jusqu'au moment du diagnostic, voyez-vous une
amélioration qu'on pourrait apporter dans cette chaîne-là?
Mme Hébert (Ariane) : Bien, en
fait, comme je vous disais...
Le Président (M. Provençal)
: ...
Mme Hébert (Ariane) : Pardon?
Le Président (M. Provençal)
: Il va falloir être un petit peu rapide dans la réponse.
30 secondes.
Mme Hébert (Ariane) : Oui, on
pourrait faire une amélioration. En fait, oui, il y a un dépistage qui pourrait
être plus efficace, effectivement, si on connaissait mieux la norme de ce que
c'est, un enfant régulier.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Je vais céder maintenant la parole à la
députée de Fabre.
Mme Sauvé : Merci beaucoup, M. le Président. Merci,
Mme Hébert, un plaisir de vous entendre, vraiment. Et j'ai parcouru, un petit peu, bien sûr, tout ce que
vous avez fait puis les outils que vous avez développés pour les parents,
les livres que vous avez faits, et
c'est quelque chose d'assez exceptionnel. Alors, je vais vous féliciter,
d'abord, pour ça.
Tantôt, vous avez abordé la question parce
qu'une commission comme celle-ci, avec un mandat d'initiative comme celui-ci,
ça fait appel aussi à regarder, peut-être, d'autres situations puis des
diagnostics qui sont arrivés de façon un peu massive au fil des décennies,
hein? Vous avez parlé du syndrome d'Asperger tantôt, alors je pense que vous
êtes en faveur d'un mandat d'initiative comme celui-là, qui pourrait aussi, au
niveau de l'anxiété aussi, au niveau des jeunes, des enfants et des jeunes
adultes qui ont... qui souffrent de troubles du spectre de l'autisme, je pense
que vous seriez certainement en faveur de d'autres exercices tels que celui-là.
Écoutez, j'ai
beaucoup de questions, alors je vais essayer d'être assez concise, d'abord.
Vous avez parlé... puis je pense que
la nuance est tellement importante. C'est une chose, d'observer. C'est une
chose de dénoter des comportements. Puis
je me ramène un peu au DSM, qui est très rigoureux dans la notion de
persistance des symptômes, et les six symptômes, et pour l'hyperactivité
et pour aussi l'inattention. Alors, ce n'est pas un simple comportement qui n'a
pas d'impact sur la vie du jeune qui fait en sorte qu'automatiquement on doit
être dans l'observation vers un diagnostic du TDAH. J'ai vraiment beaucoup
apprécié ce commentaire-là, puis ça... je suppose, je fais un peu le lien que
vous adressez peut-être ce propos-là en lien avec la notion du surdiagnostic.
Est-ce que
c'est effectivement... Est-ce qu'il y a une corrélation entre l'observation,
qui peut être un peu arbitraire, malgré la bienveillance de tous, là, je le
répète, malgré la bienveillance de tous, et des parents, et des enseignants,
mais est-ce qu'on n'est pas dans une évaluation un peu trop rapide qui est liée
à une information et non pas une expertise?
Mme Hébert (Ariane) : Bien, en fait, tout à fait, c'est ce que j'ai
présenté dans le mémoire ou, en fait, ce que j'ai essayé de traduire, c'est que
le DSM,pour établir le diagnostic du TDAH, il nous présente des critères comportementaux. Bien, du
coup, c'est partir d'un comportement subjectif puis en faire un diagnostic
objectif. Alors, il y a beaucoup de gris dans les critères comportementaux et
c'est pour ça que c'est l'expertise du professionnel consulté qui détermine sa
capacité à établir le diagnostic. Donc, dans cet ordre d'idées là, encore là,
pas de façon malveillante, mais il y a des parents qui lisent ces critères
comportementaux là puis qui se disent : bien oui, bien oui, mon enfant parle
souvent, bien oui, mon enfant est agité au souper, bien oui. O.K., mais
l'est-il plus qu'un enfant de son âge en 2019? C'est là que ça devient délicat.
Le Président (M. Provençal)
: ...
Mme Sauvé : Je vais poursuivre,
merci, M. le Président. Vous savez, il y a un des éléments qui me préoccupe beaucoup
puis je sens que ça vous préoccupe avec toute l'expertise que vous avez et
encore davantage. La panacée universelle pour le TDAH, c'est, donc, le
médicament, dans la majorité des cas, prescrit par un médecin, mais, en même
temps, on n'est pas face à des tests sanguins puis on n'est pas en train de
pouvoir évaluer sur la base de test médicaux,
alors c'est vraiment l'analyse comportementale liée à des tests
psychométriques, entre autres, et tout ça. Ça fait qu'on est comme dans un traitement médical, mais, en même
temps, on n'a pas de mesures qui sont liées à la notion médicale. Alors, à mon
avis, c'est peut-être... puis je l'entends de vous, on l'a entendu aussi dans
les présentations précédentes, c'est un peu un problème qui peut être relié...
puis j'essaie de comprendre vraiment, encore
une fois, le surdiagnostic, de passer d'une notion d'observation, peut-être non
experte malgré la bienveillance, puis pas suffisamment vers l'évaluation professionnelle
clinicienne, puis l'aboutissement, bien, c'est le médicament.
Mme Hébert
(Ariane) : Mais, en même
temps, n'est-ce pas le cas de la majorité des troubles mentaux? Ce sont
des diagnostics comportementaux que l'on observe et qu'on traite par médication.
Mme Sauvé :
Oui, bien d'accord. Vous savez, vous avez parlé, tantôt, de la normalité, parce
qu'encore là, avec le diagnostic qui est beaucoup plus accessible du TDAH, on
vient définir qu'est-ce qui est normal, qu'est-ce qui ne
l'est pas, qu'est-ce qui est vraiment une réalité TDAH et des comportements
d'agitation, et tout ça, qui ne méritent pas
un tel diagnostic et qui sont certainement liés avec le surdiagnostic. On parle
de la notion, puis il y a des présentations précédentes qui l'ont nommée,
toute la notion de l'environnement de l'enfant qui peut faire qu'il ait des
comportements ponctuels. Il vit une crise à la maison, il vit une situation
difficile à l'école, alors ça peut faire en sorte que, oui, on observe, l'enseignant ou le parent observe
plusieurs comportements, mais on n'est pas dans le TDAH parce que c'est
vraiment circonstanciel, périodique et lié à ce que l'enfant vit.
D'ailleurs, j'ai vu,
dans un des articles, vos propos, puis, dans le fond, vous répondiez à la
question : Quels sont les plus gros défis des parents d'aujourd'hui? On
est bombardé d'information, de ce qui devrait être la normalité et de ce qui ne
l'est pas, et de comparaisons à travers des réseaux sociaux et des moyens de
communication qui sont beaucoup plus faciles.
On
a parlé beaucoup de pression scolaire, mais est-ce qu'il n'y a pas aussi une
pression des médias sociaux, où on
est toujours, l'enfant est toujours dans une comparaison, est toujours dans une
réalité où il faut être dans l'instantanéité? Est-ce qu'il n'y a pas
cette réalité-là aussi qui ajoute à la pression?
Mme Hébert (Ariane) : Bien, je ne sais pas si c'est seulement les médias sociaux, mais je sais que, maintenant,
l'information circule librement, hein? Alors, par exemple, si je rencontre des
difficultés avec mon fiston, mais je sais que la troisième voisine a vécu des
difficultés semblables et que, maintenant, son fiston est médicamenté et
qu'elle n'a plus besoin de mettre autant
d'énergie et d'efforts dans les devoirs et que lui siffle en allant à l'école,
etc., j'ai accès à ça, maintenant,
comme information. Et c'est sûr que je peux regarder ça avec envie, là, tu
sais. Ça fait que, oui, cette notion-là, elle vient jouer, là, les
parents, donc, sont au courant un peu de tout ce qu'il se passe dans le
voisinage et, quand... des fois, on entend
parler des histoires d'horreur de la médication, mais on entend aussi beaucoup
les «success stories», et ça donne envie de vivre la même chose, là.
• (12 h 10) •
Mme Sauvé : Vous savez, vous avez parlé, tantôt, puis c'est un principe que j'aime
beaucoup entendre, le coaching parental. On parle que, dans les
solutions pour l'enfant TDAH diagnostiqué, on a parlé beaucoup de la
médication, donc la prévalence qui a monté en flèche, évidemment, c'est,
d'ailleurs, au coeur du mandat qu'on a aujourd'hui et qu'on a dans les jours
qui sont liés à ce mandat-là de la commission.
Mais, honnêtement,
moi, je crois beaucoup à la modification du comportement, l'implication des
parents, des enseignants, une approche collaborative entre professionnels, et
tout ça. J'y crois beaucoup, beaucoup. D'ailleurs, j'ai étudié en psychologie
en modification du comportement. Et donc, pour moi, c'est... je trouve qu'il y
a un effort qui serait mérité et peut-être intéressant de faire valoir davantage
l'approche psychosociale, qui, malgré le manque d'études, a fait en sorte qu'on
passe, par exemple, d'une efficacité du traitement... quand on est dans le
médicament, on peut passer de 60 % à 95 % quand on y ajoute l'approche
psychosociale. Alors, comme clinicienne, c'est une approche, bien sûr, que vous
mettez en place avec le coaching parental. Je vois aussi, par exemple,
l'institut Douglas, à Montréal, qui a développé beaucoup, beaucoup cette
approche-là, psychosociale. Alors, est-ce que ça ne mériterait pas, cette
alternative, d'être davantage fouillé, d'être davantage documenté puis d'être
un peu mise de l'avant?
Mme Hébert
(Ariane) : En fait, tout à fait, moi, je suis 100 % d'accord avec
ce que vous dites, en mettant toujours le bémol, puis je ne veux pas être
négative dans mes propos, mais en vous rappelant que c'est difficile, c'est
beaucoup de travail, parce qu'on fait face à des familles dont les parents ont
souvent eux-mêmes ce type d'enjeu là, alors ça complique d'autant plus
l'intervention. Mais, ceci étant, on ne baissera pas les bras parce que c'est
difficile, n'est-ce pas? Alors, oui, tout à fait, je suis de cet avis-là.
Mme Sauvé :
Une autre question, d'ailleurs, je l'ai lu dans votre mémoire, vous avez
questionné le fait que le traitement par le médicament à long terme peut amener
des effets et sur la santé et sur le comportement de l'enfant ou de l'adulte.
Hier, on a entendu, de la part d'un autre clinicien, un neuropsychologue qui
est venu nous dire que, finalement, il n'y a pas véritablement de suivi, dans
la ligne du temps, là, il n'y a pas vraiment de suivi, de réévaluation de la
situation pour s'assurer que le médicament mérite encore... parce que, dans
plusieurs cas, il nommait que des enfants
diagnostiqués TDAH, rendus à l'adolescence, il y en a plusieurs qui ne l'ont
plus, et pourtant, parce qu'il n'y a pas eu de suivi et de réévaluation,
ils continuent à prendre le traitement. Est-ce que, pour vous, c'est un élément
important qui mériterait d'être corrigé?
Mme Hébert (Ariane) : Bien, en fait, c'est vrai, j'abonde dans le même
sens, là, il n'y a pas réellement de suivi. Et, même quand les parents vont me
dire : Est-ce que c'est nécessaire de revenir faire réévaluer l'enfant,
parce qu'on m'a dit qu'ultimement j'ai juste à essayer d'arrêter la pilule pour
voir s'il l'a encore ou pas?, je suis toujours un petit peu estomaquée. Donc,
oui, on devrait investir davantage dans ce suivi-là. Là, j'ai perdu le reste de
votre question. Est-ce que j'ai répondu?
Mme Sauvé :
Oui.
Mme Hébert
(Ariane) : O.K.
Mme Sauvé :
Je pense que vous avez bien répondu, très bien même. Est-ce que j'ai encore un
peu de temps?
Le
Président (M. Provençal)
: Une
minute.
Mme Sauvé :
Très rapidement, l'apport des tests psychométriques, il n'y en a pas qui sont
directement en corrélation avec le
diagnostic comme tel, mais ce sont des bonnes mesures à défaut d'autre chose.
Est-ce que... Parce que j'ai vu aussi
que, dans vos propos, vous disiez que... manque de ressources, et tout ça, vous
n'aviez pas toujours le temps, je ne parle pas de vous, mais de façon
générale...
Mme Hébert
(Ariane) : Oui, oui, je comprends.
Mme Sauvé :
...on s'entend, que, donc, le test psychométrique n'est pas toujours au coeur
de l'évaluation vers le diagnostic.
Mme Hébert
(Ariane) : Exact.
Mme Sauvé :
Est-ce que c'est important, pour vous, le test?
Mme Hébert (Ariane) : Bien,
en fait, les tests psychométriques, pour ma part, sont hyperimportants, mais,
en même temps, je le répète, ce sont des critères comportementaux,
donc... Et l'autre chose, c'est que les tests psychométriques peuvent montrer
des lacunes qui ne sont pas articulées dans la vraie vie. Alors, c'est là où je
disais : Tu sais, il faut faire attention, là, on ne donne pas un diagnostic
préventif. Donc, même s'il y a des lacunes très importantes au test, mais que
l'enfant siffle, est bourré de bonheur et puis qu'il n'y a pas d'atteinte dans
sa vie, il n'a certainement pas un trouble, cet enfant-là. Ça fait que c'est
dans cette optique-là, là, qu'il faut faire la part des choses avec les tests.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci beaucoup.
Mme Sauvé :
Merci, Mme Hébert, merci beaucoup.
Mme Hébert
(Ariane) : Je vous en prie.
Le Président
(M. Provençal)
: Je vais céder
maintenant la parole au député de Jean-Lesage.
M. Zanetti :
Merci. Bonjour, Mme Hébert. Merci pour votre présentation. À quel point,
selon vous, doit-on changer la société pour que diminue la pression de
performance qui est imposée aux enfants?
Mme Hébert
(Ariane) : Bien, écoutez, en fait, changer la société, c'est un gros
mot. J'aurais envie de vous dire qu'il faudrait, je crois, outiller les parents
ou les aider à comprendre que la souffrance contrôlée, c'est un processus
d'apprentissage nécessaire. Donc, ce n'est pas nécessaire de mettre son enfant
dans une bulle de verre pour s'assurer de sa
réussite, au contraire, ça lui nuit. Donc, dans cette optique-là, vivre des
enjeux, rencontrer des difficultés, surmonter des embûches, ça devrait faire
partie de l'éducation. Puis là je pense que notre courant va à l'encontre de
ça.
Et puis je me fie
beaucoup aussi sur l'augmentation des traits anxieux qu'on décrit aussi dans
les médias, hein, et, encore une fois, dans mon expérience clinique, là, j'ai
envie de vous dire, quand je pose la question aux parents : Est-ce que
votre enfant est anxieux?, une majorité va me dire oui. O.K. Maintenant,
comment? Comment voyez-vous ça? Bien, vous savez, il a mal au ventre avant sa
présentation orale ou il s'endort tard la veille de la rentrée scolaire. On est dans de la normalité, là, hein? Donc,
c'est... Et puis on ne veut pas intervenir. On veut que, la veille d'un examen,
il soit un peu anxieux, parce que peut-être qu'il va se mobiliser à étudier.
Ça
fait que, donc, c'est la même chose ici, à tous les niveaux, là. Donc, ce constat que
je fais dans mon bureau, je pense qu'il est répandu, là. On cherche à éviter le
déplaisir à nos enfants à tout prix. Ce n'est pas une bonne chose.
M. Zanetti :
Donc, c'est moins dans une optique de les faire avoir le meilleur résultat
possible que... ce que vous sentez, là, c'est qu'on veut leur éviter des difficultés,
des échecs.
Mme Hébert
(Ariane) : Exact. Tout à fait, oui.
M. Zanetti :
Le système d'éducation va aussi un peu dans ce sens-là. Je ne sais pas si j'ai
encore des secondes...
Le Président
(M. Provençal)
: Oui, il reste
40 secondes.
M. Zanetti :
O.K. Dans le système d'éducation, justement, on a beaucoup parlé de la question
des notes, hein, des notes, qu'on essaie de faire éviter l'échec le plus
possible et éviter de redoubler aussi. Est-ce que, selon vous, cette façon de
voir l'éducation va être un peu dans la même ligne que celle qui veut nous
faire éviter...
Mme Hébert
(Ariane) : Je pense que oui. Moi, je ne suis pas de cet avis-là, qu'on
ne devrait pas faire redoubler, tout ça. Puis, encore une fois, l'intention est
souvent très bienveillante, on ne veut pas que l'estime de l'enfant soit
fragilisée, etc., mais, encore une fois, si je peux me permettre l'expression,
là, «life is tough», puis c'est une bonne chose, de l'apprendre puis
d'apprendre à composer avec ça. Ça fait que, donc, en mettant en sorte... plein
d'interventions qui feront en sorte que l'enfant ne vivra pas ses difficultés,
moi, je ne crois pas qu'on est en train de l'outiller. Au contraire, je crois
qu'on peut lui nuire.
M. Zanetti :
Merci beaucoup.
Mme Hébert
(Ariane) : Je vous en prie.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci. La parole est
maintenant au député de Jonquière.
M. Gaudreault :
Oui. Merci, Mme Hébert.
Mme Hébert
(Ariane) : Bonjour.
M. Gaudreault : La question qui tue : C'est quoi, être normal, aujourd'hui, pour un enfant? Avez-vous... Si on n'a pas le temps dans le peu
de temps que j'ai, vous nous enverrez une annexe à votre mémoire, mais c'est
quoi, la normalité aujourd'hui?
Mme Hébert
(Ariane) : Bien, la normalité, là, c'est... dépendamment de quel âge
on parle, première des choses, là, mais la normalité, ce n'est certainement pas
ce que c'était voilà 15 ans. Ça, je suis capable de vous certifier ça. Maintenant,
est-ce que je suis capable d'établir toutes les balises de ce qui est normal?
Bien, peut-être en fonction d'un déficit d'attention, on pourrait en jaser,
mais je n'ai pas la réponse ultime.
M. Gaudreault :
Je m'y attendais. Mais, je veux dire, la normalité a changé partout : dans
le reste du Canada, en Belgique, on a entendu parler de la Flandre hier par une
autre spécialiste, mais les niveaux de TDAH n'ont pas explosé comme ici, au
Québec. Alors, pourquoi notre normalité à nous ferait exploser le TDAH puis pas
la normalité de d'autres sociétés occidentales comparables à la nôtre?
Alors,
moi, je suis bien prêt à dire : On est bons au Québec, comme vous l'avez
dit, peut-être qu'on décèle mieux puis on diagnostique mieux le TDAH,
mais je ne peux pas croire qu'on serait les seuls à bien faire ça. La normalité
a changé partout, là.
Mme Hébert (Ariane) : Probablement. Mais, vous savez, je suis
allée au salon du livre à Paris, là, puis les gens passaient à côté de moi puis
ils me disaient : Mais c'est quoi, ça, du TDAH?, chose qui n'arrive pas à
Montréal, là. Ça fait que je ne peux pas vous parler de tous les pays, mais, chose
certaine, je le redis et je pense qu'on connaît bien notre sujet au Québec et
qu'on est bons. Peut-être, peut-être qu'on surdiagnostique nos enfants parce
qu'on est encore plus préoccupés que d'autres pays ou d'autres cultures par
leur bien-être, ça se peut.
M. Gaudreault :
Il faudrait parler à un anthropologue.
Mme Hébert
(Ariane) : Exact.
M. Gaudreault :
Vous dites, dans votre mémoire, je pense, c'est vers la toute fin, là, vous
parlez d'un diagnostic — le
dernier picot — un
diagnostic rigoureusement posé. C'est quoi, un diagnostic rigoureusement posé?
Est-ce que c'est une contrevérification, est-ce que c'est une double
validation?
Mme Hébert
(Ariane) : Bien, pour moi, un diagnostic rigoureusement posé, ça veut
dire qu'on a fait le tour du jardin. Donc, on a observé les comportements, on a
pris en note les comportements, mais on est allé voir plus creux. Donc :
votre enfant est agité à table. O.K., il n'est pas capable de rester assis à
table. Comment ça se passe, le souper, chez vous? Ah! vous êtes sept, en
famille recomposée, la télé est ouverte, la radio joue? Ah! ça, c'est une
évaluation rigoureuse. Parce qu'être agité à table, là, ça ne dit pas
grand-chose. Ça fait que c'est pour ça que je vous dis ça. Dans le fond, ça
prend une bonne évaluation psychosociale. Il faut vraiment faire le tour du
jardin.
M. Gaudreault :
O.K. Merci.
Mme Hébert
(Ariane) : Je vous en prie.
Le Président
(M. Provençal)
: Alors, je vous
remercie, Mme Hébert, pour votre contribution à nos travaux.
Je suspends les
travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre
place.
(Suspension de la séance à
12 h 20)
(Reprise
à 12 h 22)
Le Président (M. Provençal)
: Maintenant, je souhaite la bienvenue aux représentants de
l'Institut national d'excellence en santé et services sociaux.
Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange
avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter puis à
débuter votre exposé.
Institut national d'excellence
en santé et en services sociaux (INESSS)
M. Boileau (Luc) : Très bien.
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je me présente, Luc Boileau, je suis le
président et directeur général de l'Institut national d'excellence en santé et
services sociaux, qu'on appelle l'INESSS. Je suis accompagnée de
Mme Sylvie Bouchard, qui dirige la Direction du médicament, et de
Mme Sylvie Desmarais, qui dirige la Direction des services
psychosociaux... non, des services sociaux. Parce qu'on a l'esprit psychosocial
aussi à l'INESSS.
Alors, permettez-moi, d'abord, de vous remercier
de nous permettre de venir rendre compte de nos travaux que nous avons faits
sur le TDAH et tous les éléments qui s'y associent au cours des quelques
récentes dernières années.
Comme vous le
savez sans doute, l'INESSS est une organisation assez jeune, elle a moins de
10 ans, et elle est le fruit d'une fusion du Conseil du médicament du Québec et
d'une agence d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé. Et,
dans l'exercice de ses fonctions, qui ont pour mission, pour l'essentiel, de
promouvoir l'excellence clinique et
puis une utilisation efficace des ressources, d'une façon très, très, très
sommaire, elle fait quatre types de produits. Le premier, ce sont des
états de connaissance, donc qu'est-ce qui est connu sur un sujet. L'autre, ce
sont des états de pratique, comment pratiquons-nous ici, au Québec, ou à
travers le monde, mais, mettons, au Québec, sur tel ou tel domaine? On produit
également des guides de pratique pour les cliniciens, qu'ils soient médecins ou
tous autres professionnels de la santé et des services sociaux. Et on produit
également des avis.
Alors, lorsqu'on fait un avis, ce ne sont pas
des avis qui sont faits par le personnel de l'INESSS. C'est soutenu par le
personnel de l'INESSS, mais c'est articulé autour de l'expression de plusieurs
grands experts qui sont mobilisés pour faire ces avis-là avec nous, et que
c'est délibéré, avec plusieurs perspectives qui sont également économiques,
éthiques et, bien sûr, spécialisées.
Alors, dans ce contexte-là et dans le cadre du
chantier de la pertinence clinique, que le ministère mettait de l'avant il y a
quelques années, on a été mandaté pour faire des portraits de prévalence de
l'utilisation des médicaments spécifiques au TDAH au Québec mais aussi en
relief avec ce qu'il se passe au Canada. Puis on a bonifié aussi ces
portraits-là de portraits des services psychosociaux qui sont utilisés dans le
traitement du TDAH pour les Québécois de moins de 25 ans, donc du zéro à
25 ans.
Alors, force de ces constats, on a aussi produit
un avis. Puis c'est ce que je vous disais, un avis, donc, ça va chercher les
opinions d'expertises élargies et avec un processus délibératif pour,
justement, favoriser... ou, en fait, non, un avis sur la trajectoire optimale
des services pour les enfants, les adolescents, mais également les jeunes
adultes qui ont un TDAH. On a aussi fait un état de connaissance sur le
Concerta, qui est très utilisé, puis les médicaments génériques qui y sont
associés.
Et, plus récemment, nos avis ont été faits, et
nos documents... Nos rapports ont été faits en 2017 et 2018, mais, plus
récemment, au cours du printemps, on a remobilisé toutes les données pour voir
s'il n'y avait pas eu une évolution encore plus récente sur, notamment, l'usage
des médicaments dans ce domaine-là.
Alors, le TDAH, c'est un trouble très fréquent.
Vous l'entendez, j'imagine, depuis un certain temps. Ça atteint probablement
une personne sur 20, un enfant sur 20, plus souvent chez les garçons, deux à
quatre fois plus souvent chez les garçons, et ça peut être important. Ça peut
affecter, bien sûr, le développement des enfants, vous l'entendiez, sur le plan
social, émotionnel, intellectuel, en plus de fragiliser, à l'occasion, bien
sûr, des relations avec son milieu ou sa famille. La gravité des symptômes, ça
peut varier beaucoup, et, à l'occasion, bien, ça peut être associé à des
comorbidités, que ce soient des troubles d'opposition, de délinquance ou même
de provocation. Ça en fait, donc, une situation
qui est assez complexe puis qui n'est pas homogène. Et on sait maintenant qu'au
moins 50 %, sinon les deux tiers des enfants diagnostiqués, les
symptômes principaux vont se poursuivre vers l'âge adulte.
De notre
côté, les études qu'on a faites démontrent que l'approche thérapeutique, d'une
façon générale, et il y a plusieurs façons de faire ça, mais, en
général, ce qui est recommandé, c'est d'avoir une approche qui est multimodale,
c'est-à-dire qui privilégie non pas uniquement des approches
pharmacothérapeutiques, donc des médicaments, mais qui le conjugue aussi avec
des interventions psychosociales.
De ce
côté-là, on a remarqué que l'approche nord-américaine, d'une façon générale, va
privilégier une approche médicamenteuse, donc pharmacologique, et pour
les enfants qui sont pris avec ce problème de... qui sont âgés de plus de six
ans, et puis qui peut être maintenue aussi en combinaison avec d'autres
services, ça va de soi. Par contre, quand on
se dirige vers l'Europe ou en Australie, on va voir que l'approche
pharmacologique est plus retenue pour un deuxième niveau
d'intervention : on va privilégier plus des approches psychosociales comme
point de départ puis on réserve ça pour des TDAH plus compliqués, plus sévères.
Alors, le Québec, comme le Canada, ce n'est pas très surprenant que ça
s'inscrive dans ce mouvement d'une utilisation un peu plus forte du médicament.
Quand on regarde
maintenant... Et vous avez les données, je crois, devant vous. Mais, quand on
regarde la prévalence de l'utilisation des médicaments pour le TDAH, au Canada,
elle se situe à autour de 4 %. En fait, c'est... nos données les plus
récentes, qui datent de 2017‑2018, c'est 4 %. Là, je ne veux pas vous
noyer dans des chiffres, mais ça va être important juste
de calibrer ça. C'est 4 %. Trois ans avant, c'était 3,3 %. Donc, ça a
augmenté d'une vingtaine de pourcent sur la scène canadienne. Quand on regarde,
au Québec, les données les plus récentes, quand on les prend pour 2017‑2018
dans ce programme-là, quand on se compare au Canada, c'est 8 %. Donc, on
est le double de la moyenne canadienne. Et là je vous parle pour tous les
enfants... bien, tous les enfants et les adultes de 18 à 25 ans, donc du
0-25 ans. Quand on exclut le Québec du Canada — là, c'est juste pour
des questions, là, de chiffres, là, bien sûr... Non, non, mais je viens juste
d'y penser en vous voyant, là. Mais, quand on exclut le Québec du Canada dans
les données, là, ça change, parce que le Québec a un poids important sur le
plan populationnel. Alors, on arrive à une distinction où, il y a un an ou deux
ans, c'était 2,9 % de tout le Canada excluant le Québec et, au Québec,
8,1 %. Donc, c'est plus que trois fois plus que le reste du Canada. Donc,
l'élément distinctif, ici, marque plus.
Quand on s'en va du
côté de notre programme, ici, le régime public d'assurance médicaments, alors,
on voit que, depuis 2012, 2012‑2013 jusqu'à 2018‑2019, donc le plus récent
qu'on a, on est passé de 5 % à 7,6 %, donc une augmentation de 50 % sur une période de six
ans, sur la médication au complet, là. Je vous parle du nombre de personnes
de 0-25 ans qui reçoivent un médicament comme ça.
• (12 h 30) •
Mais, quand on
regarde de façon plus fine qui a... pas bénéficié, mais qui a... où est-ce
qu'on a vu cette croissance-là, on voit que ça se distingue entre les groupes
d'âge. Donc, le zéro à cinq, six ans, il y a... c'est à peine 1 % ou
0,9 %, il n'y a pas eu de changement, à toutes fins utiles. Le cinq ans à
neuf ans, il y a eu un léger changement... bien,
léger, 12 % de plus sur l'espace de ces six, sept dernières années. Quand
on va sur la cohorte du 16... excusez-moi, du 10 à 12 ans, on a
augmenté de 13 %, et c'est dans ce groupe-là où on le prescrit le plus.
C'est 15 % des jeunes qui reçoivent ça, donc c'est un peu plus qu'un sur
sept. Mais c'est dans le groupe du 13 à 17 ans où là on a vraiment connu
l'augmentation de 50 % dans les derniers six, sept ans et c'est surtout
dans le groupe du 18 à 25 ans où, là, ça a passé du simple au triple,
O.K.? Donc, le poids de répartition de ces prescriptions ou ces utilisations-là
se différencie selon l'âge. Et, plus le temps
passe, plus on voit que les cohortes un peu plus âgées, là, ce n'est pas très
âgé, là, mais de 13 à 17 et 18-25, vient en reprendre beaucoup plus, le
reste étant en augmentation, mais jamais de l'importance de ces deux autres
groupes là.
Ce qu'on voit aussi
au Québec, c'est des disparités régionales importantes. Donc, on se retrouve
avec des profilages qui nous montrent que,
par exemple, le Saguenay—Lac-Saint-Jean,
la moyenne globale du 0-25 est, sur nos dernières données, 2018‑2019, ce
sont les plus récentes, est à 14,2 %; Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine, 13 %; le
Bas-Saint-Laurent, autour de 12,9 %; la Côte-Nord, 12 %. Donc, c'est
des pourcentages élevés. Ce que je veux vous faire remarquer ici surtout, pour le bénéfice de vos études, c'est que Montréal
est à 3 point... quelque chose comme 3 %, 3,1 %;
Montréal, là, ça se compare tout à fait avec ce qu'il se passe sur le reste du
Canada, l'île de Montréal; Laval, c'est 4,3 %. Donc, déjà, on passe de
Montréal à Laval, on va augmenter de 40 %, là, en moyenne. Et on traverse
puis on s'en va à Lanaudière, là, on tombe à 12 % pratiquement. Donc, on
passe du simple, au triple, au quadruple, en traversant des rivières. Il n'est
pas question ici d'un pont qui change tout ça, mais les comportements prescriptifs
ou les comportements des enfants, ce qui serait étonnant, se différencient, du
moins, dans la perception qu'on a et l'utilisation des médicaments. Donc là,
vous voyez l'expression de variation régionale importante.
Le Président
(M. Provençal)
: Conclusion.
M. Boileau
(Luc) : En conclusion. Je vous dirais qu'on utilise beaucoup le
Concerta, très peu le Ritalin, mais que, surtout, on a fait des études au
niveau des services psychosociaux, puis on a recommandé une trajectoire qui
tenait compte de toutes ces variations-là en, d'abord, centrant une approche
sur les besoins et les jeunes et leurs familles, en amont du diagnostic,
l'accès à des programmes d'entraînement aux habiletés parentales pour les
enfants d'âge préscolaire qui ont des difficultés apparentées au TDAH, l'accès
à des interventions sociales à chacune des étapes, un processus d'évaluation
qui prend compte du portrait psychosocial des enfants, tant le portrait
psychosocial, que la santé physique, psychologique et scolaire, et la mise en
place de mécanismes de liaison entre le milieu scolaire et les services sociaux,
et ce, même s'il y a des questions qui persistent.
Et la dernière touche
que je vous dirais, c'est qu'on le sait, que c'est... 70 %, ce sont des
prescriptions faites par les omnipraticiens qui n'ont pas toujours, comme c'est
témoigné, l'opportunité de faire des diagnostics complets, être appuyés par des
mécanismes de diagnostic qui sont plus disponibles pour ceux qui peuvent se les
payer, parce que le réseau, les réseaux de services sociaux, comme les réseaux
d'éducation, ne peuvent pas le fournir au complet, mais que, malgré tout, dans
nos efforts et avec les experts que nous avons consultés, on n'arrive pas à
dire s'il y a surmédication, surutilisation des médications, mais ce qu'on
sait, c'est qu'on l'utilise beaucoup plus qu'ailleurs. Il y a différentes
hypothèses pour expliquer ça, et ça va nous faire plaisir de répondre à vos
questions. Merci beaucoup.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci pour votre
exposé. Alors, la députée de Lotbinière-Frontenac va initier la période
d'échange.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Bonjour. Merci pour votre présentation. Moi,
je suis quand même très surprise de voir les
chiffres, puis, concernant les groupes d'âge, là, plus que la personne avance
en âge, plus qu'il y a de la
médication, puis aussi les disparités régionales. Comment vous pouvez expliquer
ça?
M. Boileau
(Luc) : Si vous me permettez, M. le Président, la première chose,
c'est que, plus on avance en âge, plus on voit qu'il y a une augmentation de la
prescription au fil du temps, mais il n'en demeure pas moins que c'est le
groupe de 10 à 12 ans chez qui on prescrit le plus.
Ce que nous notons, c'est que les
comportements prescriptifs n'ont pas beaucoup changé au Québec, pas beaucoup changé pour les enfants de zéro à
cinq, de six à neuf, et de 10 à 12, au fil des six, sept dernières années.
Toutefois, pour les 13 à 17 et les 18 et
plus, là on a vu une augmentation de la prescription, donc de l'utilisation de ces médicaments-là, mais ils demeurent moindres que ceux qui
ont 10 à 12 ans, d'une part. Juste pour bien clarifier ça, c'est qu'on
voit... tu sais, on dit souvent : Ça augmente sans fin. Bien, un instant,
ça augmente, oui, mais pas pour tous les groupes d'âge. On le voit plus marqué
chez les 13 à... je me répète, là, du 13 à...
Une voix :
10-12.
M. Boileau
(Luc) : Bien, 10-12, non, c'est... ça a augmenté de 13 %, le
10-12, au fil des dernières années, je crois. Peut-être, ma collègue va dire
que j'ai erré, et ça me ferait plaisir d'être corrigé si c'est le cas, bien,
plaisir, c'est un gros mot, mais...
Alors, le point,
c'est qu'on observe des variations régionales qui sont importantes, on n'arrive
pas à mettre le doigt là-dessus. Y a-t-il des variations chez les enfants d'une
région à l'autre? Ce serait extrêmement étonnant. On parle plutôt de d'autres
variables, peut-être la disponibilité d'autres services, le fait que les
familles peuvent vouloir se restreindre... dans des comportements différents,
selon des zones démographiques, mais on n'arrive pas à mettre le doigt dessus.
Ce qu'on sait,
toutefois, c'est qu'on est capable, sans doute, de pouvoir granulariser ça,
donc avoir des données beaucoup plus fines. Parce qu'une région, c'est grand,
hein, et il pourrait y avoir un groupe, une clinique qui prescrit plus qu'une
autre, puis on peut avoir des moyennes qui s'allongent. Donc, il y aurait moyen
d'approcher ça sur une base plus, je dirais, raffinée, plus locale, ce que nous
n'avons pas l'occasion de faire jusqu'à maintenant, mais nous serions disposés
à le faire.
Excusez-moi, M. le
Président, mais est-ce que mes collègues...
Le Président
(M. Provençal)
: Maintenant, M. le
député de Dubuc.
M. Tremblay : Bonjour. Merci pour la contribution. Dites-moi, on parle de la gratuité
des médicaments 18-25 ans inscrits au régime public d'assurance.
Comment, selon vous, on peut expliquer qu'on arrive à ouvrir le bar? Comment on
en arrive, historiquement, à se dire, comme société, en tout cas, au niveau de
la santé aussi : C'est gratuit? Est-ce que vous comprenez le sens de la
question?
M. Boileau
(Luc) : M. le Président, est-ce que... Mme Bouchard, qui est la
directrice du médicament.
Mme Bouchard
(Sylvie) : En fait, les assurés dans le régime public qui sont aux
études à temps plein et qui peuvent le démontrer ont accès à cette gratuité-là,
ça fait partie du régime public d'assurance médicaments. Et ça, c'est une
grande distinction, peut-être que ça peut expliquer des différences, notamment
avec d'autres juridictions ou d'autres provinces canadiennes qui n'ont pas ces
mêmes couvertures d'assurance médicaments.
M. Tremblay :
O.K. Avez-vous répertorié, dans le cadre de votre travail, l'évolution de ce
qu'on pourrait appeler une démarche ou un protocole, peut-être, vous avez les
meilleurs termes que moi pour l'exprimer, mais qui vont nous mener vers des cas
précis ou un échantillonnage jusqu'au diagnostic? On parle de disparités avec
les régions par rapport à des grands centres, par exemple. Est-ce que le fait
qu'en région on ait moins d'effectifs réduise la chaîne de travail qui va nous
mener vers une certaine rigueur de précision? Avez-vous travaillé sur ces
aspects-là?
M. Boileau
(Luc) : M. le Président, Mme Desmarais, qui est la directrice des
services sociaux, va répondre.
Mme Desmarais
(Sylvie) : En fait, dans nos travaux et dans les consultations qu'on a
faites auprès d'experts, auprès de professionnels, gestionnaires et auprès
d'usagers, ce qu'on remarque, c'est... d'abord, ce sont les médecins qui sont
consultés dans un premier temps pour avoir accès à un diagnostic. Alors, c'est
sûr que les familles qui n'ont pas accès à des médecins, déjà là, c'est plus
difficile. Mais, par ailleurs, on remarque aussi, dans le cadre de nos travaux,
que la tendance à la montée du diagnostic et de la médication... l'accès aux
services sociaux n'a pas suivi cette même tendance-là. Alors, dans nos travaux,
ce qu'on a pu relever de la part des familles et des experts, c'est que, très
souvent, après un diagnostic, ça peut prendre jusqu'à... pour 50 % des
gens, ça prenait jusqu'à un an pour avoir accès à des services psychosociaux,
et 23 %, ça pouvait prendre jusqu'à cinq ans. Alors, c'est sûr que l'organisation
des services dans les régions... sont très variables également et on a pu le
constater, là, dans nos travaux, et c'est cet accès-là aux services
psychosociaux qui est beaucoup plus difficile, dépendamment des régions aussi.
M. Tremblay :
Je continue?
Le Président
(M. Provençal)
: Je reconnais le
député de Richmond.
M. Tremblay :
Oui.
• (12 h 40) •
M. Bachand :
Merci beaucoup, M. le Président, c'est intéressant. Mais, malheureusement,
c'est intéressant. Alors donc, les chiffres que vous nous donnez, c'est
négatif. Et puis, lorsqu'on regarde la courbe, elle s'accentue, et, si on prend
comme prémisse que cette maladie est génétiquement... est dans les gênes, dans
15 ans, au Québec, on va se retrouver avec, quoi, le tiers de la
population qui va être médicamentée, si... c'est parce qu'il y a un aspect
exponentiel si on regarde la courbe et si on prend comme prémisse, encore une
fois, que c'est dans les gênes. Alors, c'est très... c'est dérangeant et,
encore fois, ce n'est pas un médicament sans conséquences secondaires. Il y a
des effets secondaires qui sont majeurs et
on en parlait hier avec d'autres intervenants, entre autres, des conséquences
de l'alcoolisme, l'usage des drogues, etc., après, dans l'âge adulte. Alors,
donc, c'est extrêmement important.
J'aimerais
vous entendre là-dessus, sur un, mais vous avez des recommandations super
intéressantes aussi, et ça, je pense
que c'est... Vous en avez plusieurs, alors, j'aimerais aussi que vous nous
parliez des recommandations principales que vous aimeriez voir
appliquées, et ça, bien sûr, à très court terme.
M. Boileau
(Luc) : M. le Président, je vais juste distinguer deux réponses. La
première, c'est qu'avec ce que nous vous
montrons, le côté exponentiel, il est juste lorsqu'on l'agglomère pour le
réseau... pour l'ensemble du 0-25 ans, c'est-à-dire, le mot
«exponentiel», mais une croissance importante, comme vous le soulignez, 50 %
depuis les six, sept dernières années. Mais, lorsqu'on le distingue par groupes
d'âge, on voit qu'il y a une augmentation beaucoup
moindre chez les jeunes enfants, le 0-5 ans, les 6-9 ans et les
10-12 ans. Même le 10-12 ans, ça a baissé un peu dans les deux
dernières, là, puis je ne veux pas dire que, voici, on a tout changé, mais on
voit que ça baisse un peu.
Là
où ça augmente, c'est sur les 13 ans et plus, 13 ans à 17 ans,
17 ans à 25 ans, et on n'a pas fait le 25 ans et plus, et
moi, je peux vous assurer qu'il y a de la consommation de médicaments. Il y en
a pour 200 millions actuellement au
Québec, là, pour les 0-25 ans. C'est 200 millions de dollars de
médicaments qui sont dépensés là-dedans, mais il y en a probablement en
haut de 25 ans et, si la tendance se maintient, il va y en avoir encore.
Alors,
c'est comme si la cohorte des enfants de 10-12 ans, après 12 ans, on
voulait continuer à leur en offrir, ou à
leur en donner... excusez-moi, on ne leur offre pas, mais on leur donne. Alors,
c'est ce qu'on voit, c'est une augmentation de ce côté-là. Et, après
l'âge adulte, ou à l'arrivée de l'âge adulte, on dit : Bien, je pense que
tu en as encore besoin, ça fait qu'on continue. C'est dans ces groupes-là où on
voit cette augmentation. Mais il n'y a pas de signe comme quoi on augmente de
plus en plus pour nos enfants, nos jeunes enfants. Ça augmente un peu, mais
jamais de façon aussi grande que ces deux autres cohortes-là.
Maintenant, nos
recommandations touchent beaucoup la prise en charge, et le diagnostic, et le
suivi, et je vais laisser Mme Desmarais les rendre plus explicites.
Mme Desmarais (Sylvie) : En fait, dans le cadre de nos travaux, on a fait
une revue systématique des meilleures pratiques aussi à travers le
Canada, mais aussi à l'étranger, et nos recommandations s'appuient vraiment sur
les meilleures pratiques qu'on a recensées. Et ces pratiques-là touchent
notamment l'importance d'une évaluation complète. Je pense que vous l'avez
entendu à plusieurs reprises, que le processus d'évaluation pour arriver à un
diagnostic mériterait d'être optimisé, je vais dire ça comme ça, pour vraiment
avoir un portrait à la fois psychosocial de
l'enfant, un portrait scolaire, et un portrait au plan clinique et
psychologique, pour pouvoir établir réellement un bon diagnostic pour
les enfants, et ensuite décider s'il y a nécessité d'avoir médication. Alors,
ça, c'est un premier volet de nos recommandations.
Un
deuxième volet aussi qui est ressorti à la fois dans notre recension, mais dans
nos discussions avec les experts, et les gens du réseau, et les parents,
c'est celui d'avoir une fonction de liaison entre le réseau de la santé et des
services sociaux et le réseau de l'éducation. Cette fonction-là, elle est
importante, parce que, parfois, ce sont des intervenants qui ne maximisent pas
la communication et pourraient davantage profiter d'un système intégré
d'évaluation et de prise en charge par la suite par le milieu scolaire ou par
le milieu de la santé et des services sociaux.
Autre élément dans
nos recommandations et celui d'une détection précoce aussi... Et on sait qu'au
Québec, actuellement, il y a un projet qui s'appelle Agir tôt, là, qui se met
en place dans les différentes régions. Il est espéré que ça permette,
justement, une détection précoce de ce côté-là, mais qu'on puisse, dès lors
qu'il y a des difficultés apparentées au TDAH, qu'on puisse offrir aux parents
des programmes d'habiletés parentales. Actuellement, ces programmes-là se retrouvent
dans l'ensemble du Québec, la plupart du temps, mais sont souvent ciblés pour
des clientèles très vulnérables. Alors, des gens qui présentent certaines
difficultés ne sont pas toujours éligibles à ce type de programme là. Donc, il
faudrait assurer une plus grande accessibilité pour les parents lorsque
l'enfant est plus jeune.
Bien sûr aussi, c'est
d'offrir des interventions psychosociales à toutes les étapes, qu'on pense à la
détection, qu'on pense à l'évaluation, mais aussi en cours de suivi de la personne
ou du jeune qui doit être aussi réévalué et non pas vu dans un contexte, là,
juste d'évaluation et de diagnostic.
L'autre élément
aussi, et je sais que la personne qui était avant nous l'a mentionné, l'importance
de la sensibilisation et de la formation des intervenants à la fois du réseau
de la santé et des services sociaux, mais également du réseau de l'éducation pour vraiment parfaire nos connaissances autour du TDAH
et s'assurer d'avoir une vision commune, ensuite, des interventions qui doivent être offertes, bien sûr,
dans le milieu scolaire, mais aussi par des intervenants de la
santé et des services sociaux... Alors, c'est l'essentiel de nos recommandations,
qu'on espère porteuses.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci. Mme la
députée de Soulanges.
Mme Picard :
Bonjour. Merci beaucoup pour votre présence aujourd'hui. Je me demandais s'il
n'y avait pas un lien entre le fait que le 10-12, il y ait une augmentation
assez forte. Est-ce que vous pensez qu'on peut quelquefois confondre les
symptômes, bien, en fait, les comportements liés à l'adolescence et le TDAH?
Mme Desmarais
(Sylvie) : Je peux me permettre de répondre?
M. Boileau (Luc) : C'est parce
que je pensais à mes enfants, mais allez-y.
Mme Desmarais (Sylvie) : Alors,
peut-être une petite nuance. Oui, il y a une augmentation, mais ce n'est pas la
plus grande augmentation dans cette strate d'âge là. Mais oui les experts, les
parents et les gens du réseau nous ont dit parfois qu'il y a une confusion
entre les différents symptômes et que toute l'importance d'un diagnostic
différentiel aussi, parce qu'on parle beaucoup des troubles anxieux aussi
actuellement chez les enfants, les adolescents, alors ça prend vraiment un
diagnostic différentiel et ça prend les bonnes interventions. Dr Boileau
vous l'a présenté tantôt.
Ici, l'approche, elle est davantage vers une
approche de première intention médicale et de deuxième intention psychosociale,
alors que, peut-être, il faudrait regarder aussi tout le volet psychosocial dès
le départ, pour voir à ne pas surmédicaliser non plus les enfants à cet
égard-là. Alors, ça a été relevé par les parents, cette inquiétude-là, de
différents diagnostics qui amènent une certaine comorbidité aussi dans
certaines situations.
M. Boileau (Luc) : Mais de
façon...
Le Président (M. Provençal)
: Oui, allez-y.
M. Boileau (Luc) : J'allais
dire : On ne soupçonne pas que les enfants au Québec soient différents des
enfants d'ailleurs au Québec ou d'ailleurs au Canada sur ces comportements, il
n'y a pas de logique qui nous permettrait de dire ça. Si c'est le cas, là,
c'est vraiment très bien camouflé.
Mais ici,
l'enjeu, c'est : il y a un accès à la médication qui semble plus rapide.
Et puis est-ce que c'est le reste du Canada
qui ne suit pas le pas, est-ce que c'est nous? Ça, les experts... écoutez,
c'est sérieux, là, les experts ne s'entendent
pas de façon absolue, de dire : C'est clair qu'il y a une surprescription.
Mais tout le monde s'entend qu'il y en a beaucoup puis qu'il ne faudrait
pas commencer à dire : Il me semble qu'il en manque, qu'ils en mettent
plus. Là, on n'est pas là. Mais cet espace de diagnostics, entre le diagnostic
qui est souvent fait dans des contextes un peu plus rapides, sans doute, n'est
pas outillé avec tout l'arsenal qui pourrait être pris, et cette tendance à
prescrire et à suivre ce qui peut être remis en question, je crois... et tous
les intervenants, très franchement, que nous avons eu à rencontrer à partir de
l'INESSS et à travers tous les travaux qu'on a faits, sont très ouverts à ça.
Donc, il n'y a pas une résistance à dire : Non, non, non, il faut
continuer, etc. Ce n'est pas ça.
Et, je me répète encore, le 10-12 ans est
relativement stable. Il reste élevé, on est à presque 15 %, donc
94,9 %, là, l'année passée, des enfants de 10-12 ans à travers le
Québec, qui utilisent ça et, bien sûr, il y a des régions que c'est plus
encore, mais... et donc c'est la plus forte cohorte, et l'augmentation, elle
est après. C'est comme si on se disait : Bon, il me semble que ça va bien,
là, alors je pense qu'on devrait le continuer. C'est ça qu'on voit dans le
comportement prescriptif.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous cédons maintenant la parole à la
députée de Fabre.
• (12 h 50) •
Mme Sauvé : Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, M. Boileau, Mme Breton,
Mme Bouchard, Mme Desmarais, un plaisir de vous avoir
aujourd'hui. À vrai dire, c'est un privilège de vous avoir à cette commission,
parce que votre expertise et votre portrait ont permis de sonner un peu, en
quelque sorte, l'alarme et puis de nous faire réfléchir collectivement à cette
situation et ce portrait excessivement préoccupants.
On a eu, depuis quelques jours, beaucoup
d'éclairages qui nous sont venus des professionnels de la santé et aussi des
cliniciens, et j'aimerais peut-être axer plus mes questions... Parce que vous
êtes dans des pistes de solution très concrètes.
Je suis très heureuse, dans ma vie, de m'être un
jour inscrite à un cours de lecture rapide, parce que ça a été très bénéfique aujourd'hui.
Alors, j'ai passé un peu à travers les différentes recommandations, et, évidemment,
ça va dans le sens de ce que vous avez constaté, mais je voudrais un peu les
passer rapidement avec vous, si vous me le permettez, parce qu'il y en a
tellement. Sur les 18, il y en a une grande majorité qui sont absolument
essentielles, puis j'aime beaucoup savoir qu'elles sont inspirées des bonnes
pratiques. Alors, on part de quelque chose qui fonctionne déjà très bien.
Quand je lisais votre coup d'oeil sur le TDAH,
évidemment, le constat, il était très clair qu'en termes d'approche collaborative entre les professionnels,
les gestionnaires des CISSS et des CIUSSS et le réseau scolaire il y a quelque chose à vraiment améliorer. Alors, je
pense que c'est au coeur de votre recommandation 1 et c'est effectivement
très important.
La recommandation 2, qui est autour de la
détection précoce, je vous dirais que j'ai une certaine préoccupation, un
certain bémol, parce que j'ai entendu ce que j'ai entendu depuis quelques
jours, et on a bien nommé la question, même tantôt, de la normalité, qu'est-ce
qui est dans la normalité. L'enfant qui vit une situation particulière,
ponctuelle, qui a peut-être quelques symptômes mais pas l'entièreté des
symptômes et donc pas de TDAH... Alors, comme l'observation n'est pas à ce
point rigoureuse, malgré le bon vouloir de tout le monde, moi, la détection
précoce, avec ce que j'ai entendu, sans dire que je suis contre... Je serai toujours
pour le principe, mais, dans les faits, je pense qu'il y a un autre
travail à faire pour que ça se fasse de la meilleure des façons.
La
recommandation 3, vous avez parlé de trajectoire, c'est tellement
important, entre le traitement médical, le médicament et l'intervention
psychosociale. Est-ce qu'il n'y a pas là...
Pour que cette recommandation-là puisse se vivre, est-ce
qu'il n'y a pas là une culture à changer? Un médecin de famille, qui va avoir,
devant, lui un patient qui est en dépression sévère, automatiquement... puis
qui est à risque de crise suicidaire, automatiquement, il va avoir une
référence vers un psychologue ou un psychiatre, mais on n'en est pas là par
rapport à la référence vers une intervention psychosociale de la part du
médecin de famille... en tout cas, je ne le pense pas, puis les constats
semblent assez clairs là-dessus. Ça fait que moi, je crois beaucoup à votre
recommandation 3 dans une approche globale, mais, en même temps, il y a un
grand travail à faire, je pense.
Je ne sais pas si
vous pouvez me clarifier un peu comment vous voyez l'application directe de
cette recommandation 3, comment on change la culture, comment on fait en
sorte que les médecins de famille vont avoir le réflexe de faire un traitement
qui inclut l'intervention psychosociale davantage.
M. Boileau
(Luc) : Je vais laisser Mme Desmarais expliquer plus à fond,
mais, somme toute, l'idée maîtresse, en arrière de ça, pour la détection, là,
si je reprends l'élément détection, ce n'est pas pour encourager le fait qu'on
vient de trouver quelque chose chez un enfant puis on va le médicamenter, c'est
vraiment pour favoriser un repérage plus facile et une habilitation des parents
dans des contextes qui ne sont pas de stigmatiser les enfants mais plutôt de
reconnaître que: ah! bien, il y a peut-être des habilitations que je peux aller
me chercher pour des situations qui pourraient s'avérer un petit peu plus
compliquées. Alors, Mme Desmarais pourra...
Mais la tendance dans
la trajectoire, c'est vraiment de resserrer les mailles. Elles sont... Il y a
un tissu de services qui est là, sans doute qu'il pourrait être rendu plus
visible et plus accessible dans certaines zones et pour certains cas, mais, de
resserrer les mailles, donc une coordination plus forte, que vous retrouvez à
un autre endroit... mais de faire en sorte qu'il n'y ait pas ces délais très
allongés qui ont été témoignés par les études que nous avons faites, par les
témoignages qu'il y a eu. Et les intervenants qui vous font ces
recommandations-là, qui sont portées par nous mais qui viennent des experts
mobilisés là-dessus, jugent qu'il y a... c'est vraiment ce tissu-là et c'est
possible de le faire.
C'est possible de le
faire, et on le fait dans d'autres contextes, soit le diabète type 2, la
prise en charge des maladies pulmonaires obstructives chroniques, qui sont dans
toute autre chose, là, mais c'est possible de le faire ici. C'est l'alliance
services sociaux et services, entre guillemets, médicaux. Là, je ne veux pas
faire une distinction massive, mais ce maillage-là, c'est ce qui est attendu.
Une voix :
Et scolaires.
M. Boileau
(Luc) : Et scolaires, effectivement, et scolaires.
Mme Desmarais (Sylvie) : C'est ça. Écoutez, Dr Boileau a
très répondu à votre question. J'ajouterais simplement, par rapport à la
détection... Je comprends très bien votre souci. Ce que les parents, les
experts et les gens du réseau nous ont dit, c'est toute l'importance d'offrir
des services dès que se présentent des difficultés ou des apparences de difficultés pour vraiment limiter les dégâts, si je peux m'exprimer ainsi, de façon...
Ce n'est pas d'avoir plus de détection de TDAH, mais bien s'assurer,
justement, qu'on peut offrir, à toutes les étapes, des services dès qu'une difficulté
est repérée pour soutenir les parents et soutenir les jeunes.
Mme Sauvé :
Combien de temps me reste-t-il? Cinq minutes? Je vais accélérer. La recommandation 4,
je voulais juste vous le nommer parce que j'ai une petite préoccupation quand
on parle d'un même processus pour le scolaire puis la santé, partager l'information
clinique. C'est parce qu'au niveau du réseau scolaire on n'est pas dans une
information clinique, à mon avis, ça fait que je voulais juste...
Écoutez, la majorité
des recommandations qui suivent, c'est extraordinaire, mais je voudrais
particulièrement vous dire à quel point c'est important, votre
recommandation 7, 8 et 9. L'intervention pharmacologique, l'approche
personnalisée. Puis j'imagine que vous inspirez de bonnes pratiques, comme vous
l'avez dit, dans d'autres endroits. Donc, c'est excessivement important. La 8,
qui parle de faire un suivi, une révision, je ferais un peu le lien avec votre
recommandation 14, où on dit... La transition vers l'âge adulte, on en a
parlé précédemment avec d'autres présentations, à quel point c'est quelque chose
qui est mis de côté pas mal. Donc, est-ce qu'on peut s'assurer qu'on suit le
jeune, le patient, et tout ça, pour s'assurer qu'il n'est pas surmédicamenté au
fil de l'âge? Et donc, ça, je trouve ça très important. Et, évidemment, la
place des interventions psychosociales, ça revient, ça revient beaucoup.
Moi, je vous dirais
que, dans la recommandation 11, vous avez fait une liste des interventions
psychosociales efficaces et vous avez mis, comme quatrième picot, les
interventions qui ciblent à la fois l'enfant et les parents. J'aimerais
tellement voir ça comme premier picot, parce qu'en même temps... en même
temps... Puis je ne sais pas ce que vous en pensez, mais, quand on est en train
de travailler de façon globale avec l'environnement familial, qui est tellement
important pour l'enfant, est-ce que vous ne trouvez pas que c'est effectivement
une priorité?
M. Boileau
(Luc) : Vas-y.
Mme Desmarais
(Sylvie) : Si je peux répondre à votre question, en fait, vous voyez,
la référence aux quatre petites étoiles,
c'est, en fait, qu'on n'a pas pu démontrer, dans cet énoncé-là, une
démonstration scientifique, c'est-à-dire dans la littérature
scientifique. Toutefois, ça a été vraiment un consensus d'experts autour de
cette importance-là d'avoir des interventions qui ne ciblent pas juste les
jeunes non plus, mais les parents. Et, un peu plus tôt, je vous parlais de
l'importance d'avoir accès pour les parents à des programmes qui développent
les habiletés parentales. Bien, c'en est une, manifestation, une intervention
possible.
Mme Sauvé :
Merci beaucoup. Il me reste...
Le Président (M. Provençal)
: Deux minutes.
Mme Sauvé : Deux minutes.
Alors, la recommandation 12, je sais que les données de la littérature ne
vous amènent pas à vous positionner pour des interventions psychosociales au
niveau de l'adolescence, plus en groupes ou individuelles. Mais ne croyez-vous
pas que le fait qu'à l'adolescence la pression par les pairs est tellement
importante, que la crise identitaire, et tout ça, que, malgré le manque de
littérature, l'intervention de groupe pourrait avoir un effet plus important?
Mme Desmarais
(Sylvie) : On n'a pas pu le
démontrer effectivement au plan scientifique, mais c'est des travaux qui
pourraient se poursuivre, parce qu'on le sait, que c'est démontré aussi dans
d'autres types de problématiques. Alors, oui, il y a une possibilité de voir à
mettre en place des interventions à la fois individuelles et à la fois de
groupe. Et, là encore, ça dépend aussi toujours de la situation d'un jeune. Et
parfois c'est préférable qu'il soit en individuel, ou parfois c'est tout à fait
adéquat qu'il puisse avoir une intervention de groupe.
Mme Sauvé : Parfait. Merci.
Alors, les dernières recommandations, comme je n'ai plus de temps, la 15, la
16, donc, l'approche personnalisée, très, très important. Écoutez, je pense,
j'ai fait le tour. J'ai réussi à passer à travers toutes les recommandations.
Quel plaisir de vous entendre. Merci beaucoup pour ces pistes de solution.
Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Alors, je vais maintenant céder la parole au député
de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci beaucoup.
Merci pour votre présence. Dans votre mémoire, vous dites qu'il est impossible
d'affirmer qu'on surprescrit. Est-ce qu'on peut affirmer, selon vous, avec les
données que vous avez, là, qu'on surdiagnostique? Et la question qui suit :
Est-ce que, si on surdiagnostique, on ne peut pas conclure, donc, si on
surdiagnostique, qu'on tend à surprescrire? C'est peut-être compliqué, hein? Je
vais recommencer. Non? Ça va? O.K.
• (13 heures) •
M. Boileau (Luc) : En fait, nos
données et les systèmes d'information ne captent pas des diagnostics aussi bien
que des prescriptions, parce que les diagnostics sont inscrits dans des
dossiers cliniques auxquels nous n'avons pas accès de façon globale au Québec,
et l'inscription d'un diagnostic, quand on veut donner un médicament, on est,
des fois, obligé, là, de le faire, et Mme Bouchard connaît bien ça, alors
le diagnostic est moins prévalent quand on va chercher les données
diagnostiques que la prescription.
Ce que je veux vous... ce sur quoi je voudrais
insister, et, peut-être, Mme Bouchard voudra insister encore mieux que moi, mais c'est certain que, quand on
regardait ça, on s'est dit : Bon, on imagine qu'il y a peut-être
une posture de surprescription. Et, là-dessus, les experts consultés,
qui sont de toute nature, ont dit : L'idée, ce n'est pas de dire qu'il y a
une surprescription, il y a des variations importantes et il y a visiblement
une prescription, beaucoup, et plus qu'ailleurs. Il y a de quoi descendre ça
puis de vérifier s'il n'y a pas des façons autres d'aborder le traitement et
l'accompagnement aussi en services psychosociaux, et donc de ne pas rejeter ça
sur le fait qu'on prescrit trop de ça, parce qu'il y a des occasions où c'est absolument
nécessaire, d'autres qu'il y a plus de doutes. Et là, sur ça, bien, bien sûr que les données ont tendance à montrer ça,
mais je veux quand même vous dire que les efforts de mes deux
collègues pour aller chercher ce consensus-là n'ont pas permis d'être établis
au moment où on les a faits, et je vous parle de 2017‑2018, c'est-à-dire,
surtout 2017.
Si on
reprenait le tout aujourd'hui, peut-être qu'il y aurait des... et surtout à l'issue de
votre exercice parlementaire, il y aurait peut-être des postures
qui pourraient s'ajuster. Mme Bouchard.
Mme Bouchard (Sylvie) : En
fait, ce qu'on voit, c'est que tant le DSM-V que les guides de pratique ou les
lignes directrices, notamment canadiennes, sur lesquelles les cliniciens au Québec
se basent beaucoup pour guider leurs pratiques, vont permettre, ou, en fait,
vont suggérer l'utilisation d'un médicament à partir du moment où on a un
diagnostic de TDAH.
On a eu plusieurs échanges, vous l'avez entendu
par d'autres intervenants, toute cette notion de diagnostic, diagnostic différentiel,
diagnostic ponctuel versus quelque chose qui serait plus chronique, donc il y a
probablement quelque chose à faire autour du diagnostic. Ce qu'on sait, c'est
que des personnes qui ont un TDAH, qui ne sont pas traitées, on connaît les
effets délétères, par exemple, des problématiques en termes d'absentéisme au
travail, les taux d'accidents d'automobile, l'équivalence en termes de
diplomation au niveau du secondaire.
Il y a des études avec l'utilisation des
médicaments. Donc, une personne qui a un TDAH et qui est traitée de façon
adéquate peut avoir des gains sur différents éléments, par contre, ce sont
souvent des niveaux de preuve qui sont faibles, et ce qu'il est important de
noter, c'est qu'on n'a pas ces données-là pour le Québec. Donc, est-ce que,
malgré la grande utilisation de médicaments... Puis on ne dit pas : C'est
trop, on dit que c'est plus qu'ailleurs. On voit qu'il y a une grande
utilisation de médicaments. Quels sont les réels impacts pour la population? Au
Québec, ce sont des données que nous n'avons pas. Donc, est-ce qu'effectivement
les enfants ou les personnes avec un TDAH traité ont une meilleure
scolarisation, ont moins d'accidents d'automobile, ont des meilleurs gains, là,
sur différents paramètres qui sont étudiés dans les études?
Le Président (M. Provençal)
: Merci.
M. Boileau
(Luc) : Et, si je peux me
permettre, M. le Président, on n'est certainement pas à dire, avec
les données qu'on voit, pour être en corollaire avec votre question, à
dire : On est inquiet, on trouve qu'on n'en prescrit pas assez à Montréal
ou à Laval. Ce n'est pas ça du tout, là. Donc, on ne peut pas jouer à l'inverse
non plus, pour corroborer ce qui est dit.
Le Président (M. Provençal)
: ...la parole au député de Jonquière.
M. Gaudreault :
Oui. Merci beaucoup d'être ici, c'est extrêmement, extrêmement instructif.
Est-ce qu'on n'est pas en train de transformer des comportements sociaux
au Québec en maladies?
M. Boileau (Luc) : Il n'y a pas
une autre question, là?
Mme Bouchard (Sylvie) : Bien,
tantôt, on a parlé, peut-être, si je peux me permettre, M. le Président, on a
parlé d'une maladie génétique. Alors, on sait qu'il y a de la recherche en ce
sens-là, on entend beaucoup... on voit beaucoup des enfants qui sont
diagnostiqués puis des parents. On a, d'ailleurs, des humoristes au Québec qui
en parlent largement. Donc, s'il se fait beaucoup de recherches en ce sens-là
et qu'on finit par trouver quelque chose, on aura peut-être des traitements
plus adaptés. Mais on a parlé, avec l'intervenante précédente, de normalité. Je
pense qu'on est dans une culture de productivité. Il y a probablement un beau
mélange de tous ces concepts.
M. Gaudreault : Il y a de ça là-dedans, oui. Je veux revenir sur le fait que... et là
c'est peut-être plus Mme Bouchard... que les
médicaments comme Concerta, Ritalin sont couverts par la RAMQ ici au Québec et
pas ailleurs. Est-ce qu'on est les seuls,
seuls, seuls, ou le Ritalin, et le Concerta, et autres médicaments du même
genre sont aussi couverts par des régimes d'assurance dans d'autres
juridictions, où on pourrait faire une comparaison? Je ne sais pas si vous
comprenez ma question.
Mme Bouchard
(Sylvie) : En fait,
peut-être juste pour corriger ou amener une précision sur ce que vous amenez,
les gens dans le régime public d'assurance médicaments ont une couverture
jusqu'à l'âge de 25 ans lorsqu'ils sont des étudiants à temps plein. Donc,
ça, il y a une gratuité à cette étape-là.
Ce qui est différentiel des autres juridictions,
des autres provinces canadiennes, c'est la couverture des longues actions.
Alors, au Québec, ces médicaments-là sont inscrits. Ce sont des médicaments
d'exception, donc le médecin doit écrire un code ou faire une particularité
avant que le patient puisse se procurer le médicament à la pharmacie, ce qui
est différentiel des autres provinces. Alors, souvent, dans les autres
provinces, ce qui est remboursé, ce sont les courtes actions, alors qu'au
Québec et les courtes et les longues actions sont remboursées. Donc, ça
pourrait peut-être expliquer un usage un peu plus grand au Québec.
M. Boileau
(Luc) : Et, au risque de
vous déplaire peut-être, M. le Président, c'est que nous ne pouvions pas,
jusqu'au mois... Jusqu'à cet été, on a recommandé à Mme la ministre de
permettre que les longues actions, les médicaments de longue action puissent être prescrits en première intention. Parce
qu'avant on devait commencer par des courtes actions. C'est en dehors
des cadres de recommandation au niveau canadien et international. Donc, on
favorise même, lorsque nécessaire, de commencer avec un longue action. Mais on
n'encourage pas, dire : Bien, donnez ça à tout le monde, là. C'est
juste : on n'est pas tenus, maintenant, de passer par une courte action.
Et, quant à
la question demandée préalablement, c'est comme s'il y avait un curseur, là,
qui est à placer. À quel moment ça devient utile, bénéfique, pour
l'enfant et pour la famille, qu'il puisse prendre des médicaments? Bien, il ne
semble pas y avoir de moment où c'est bénéfique tout seul de juste donner ça,
pas d'autre intervention. Il y a toujours un bénéfice à avoir une approche, tu
sais, bimodale ou multimodale, d'une part. D'autre part, il peut y avoir des
sensibilités qui vont osciller d'une famille à l'autre, d'un professeur à
l'autre, d'un médecin à l'autre, bien sûr. Et c'est cette base normative
sociale qui mérite d'être surveillée, bien sûr, et vous le faites, et, sans
doute, ramenée. Ou, en tout cas, être très vigilants sur cette croissance-là et
de vouloir ne pas la déplacer pour faire en sorte que tout, maintenant, qui
devient source d'inquiétude... et, sans doute, c'est légitime pour plusieurs
de... Ah! bien, je pense que oui, là, il mériterait de... que ce serait
bénéfique, pour lui. Donc, il faudrait que ce curseur-là se déplace ou n'ait
pas tendance à pousser de l'autre côté. Voilà.
Le Président (M. Provençal)
: Je vous remercie de votre contribution à nos travaux.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
16 h 30.
(Suspension de la séance à 13 h 08)
(Reprise à 16 h 30)
Le
Président (M. Provençal)
:
Bonjour. La Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux.
Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
Nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative
concernant l'augmentation préoccupante de la consommation de psychostimulants
chez les enfants et les jeunes en lien avec le trouble
déficitaire de l'attention avec hyperactivité. Cet après-midi, nous entendrons
les organismes suivants : la Dre Johanne Lévesque, neuropsychologue, et
le Mouvement Jeunes et santé mentale.
Je souhaite maintenant
la bienvenue à la Dre Johanne Lévesque. Je vous rappelle que vous disposez
de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et
à commencer votre exposé. Je vous cède la parole, madame.
Mme Johanne
Lévesque
Mme Lévesque (Johanne) : Merci
beaucoup. En fait, je suis vraiment
très heureuse et honorée d'être ici aujourd'hui pour
vous parler de ma clientèle préférée, les enfants qui ont un trouble déficient
de l'attention avec ou sans hyperactivité. Alors, effectivement, je suis neuropsychologue, ça fait bientôt
17 ans que je vois des enfants, et de plus en plus d'adultes, en fait, je dois dire, au cours des sept,
huit dernières années, qui sont aux prises avec cette problématique-là.
J'ai
fait, moi, mon stage postdoctoral sur une technique alternative à la médication
qui s'appelle le neurofeedback pour traiter des enfants qui avaient un
TDAH. Ce n'est pas par hasard que j'ai fait ça, en fait, c'est parce que mon
fils avait un TDAH incroyable, il était excessivement hyperactif et impulsif.
Il a 27 ans aujourd'hui puis il s'en est bien sorti, mais je cherchais une
solution pour lui. Et compte tenu de la longue liste des effets secondaires
associés aux psychostimulants, ça... on était au début des années 2000,
là, j'ai eu un peu peur, comme mère, j'ai eu peur, alors j'ai préféré retarder,
le plus possible, cette alternative-là et j'ai plutôt choisi qu'il fasse partie
de mon postdoc et j'ai entraîné son cerveau, on a corrigé sa situation, puis
moi, j'ai poursuivi comme clinicienne au lieu de devenir chercheure. Donc, ça,
c'est mon background à moi, comme mère, mais aussi comme professionnelle.
Suite à ça, bien,
j'ai juste continué à proposer le neurofeedback à des enfants, à des adultes,
pour corriger leurs problèmes d'attention et d'hyperactivité, avec quand même
assez de succès, je vous dirais, un taux de succès qui tourne autour de
60 %, 70 %, ce qui est excellent dans ce genre de problématique là.
Pour moi, le TDAH, c'est quelque chose qui a une
composante génétique, donc on vient au monde avec ça, par définition,
mais je pense que le contexte social actuel exacerbe les difficultés que ces
enfants-là vivent, c'est-à-dire que, dès leur plus jeune âge, ils sont soumis à
un rythme de vie, une pression constante qui est inhumaine, d'une certaine
façon, compte tenu de leur âge. Donc, ils sont pris en charge très tôt, du
matin au soir, vont courir sans arrêt d'une activité à l'autre, qui ont l'air
de périodes libres mais qui n'en sont pas vraiment. Alors, il n'y a plus
beaucoup de temps pour ces enfants-là pour apprendre à être patient, à tuer du
temps, à s'asseoir tranquille sans bouger parce que le contexte l'exige, comme
quand moi, j'étais petite. Ça a beaucoup changé, en fait. La société a beaucoup
évolué, et là tout va très, très vite. Moi, j'en suis rendue à un point où je
considère... je pense sincèrement qu'on est en train d'excéder notre capacité
d'adaptation en tant qu'être humain. La technologie nous permet d'aller
tellement vite, on est tellement bombardés que cette surstimulation-là fait en
sorte qu'on a beaucoup de difficultés à s'adapter. Alors, quand on prend quelqu'un qui a déjà des difficultés à
rester attentif, à rester calme, à suivre, puis qu'on ajoute cette pression-là,
bien, on se ramasse avec des enfants qui sont anxieux, qui est le prochain gros
problème auquel il va falloir s'attaquer dans notre société.
Quand les enfants
arrivent au primaire, il y a une pression qui est là, mais qui est... moi,
j'appelle ça une pression bienveillante, c'est-à-dire que, maintenant, on
souhaite que tous les enfants qui sont dans le système scolaire réussissent.
Alors, il y a comme une obligation de réussir. Tout le monde qui est dans le
système scolaire souhaite que chacun puisse exprimer son plein potentiel puis
atteindre ses objectifs. Alors, ce que ça crée, par conséquent, c'est que tous
les enfants qui semblent présenter une difficulté sont identifiés très
rapidement. On va les évaluer tant bien que mal, ça dépend des régions, ça
dépend des ressources disponibles, et ces enfants-là vont voir un plan
d'action, maintenant, qu'on appelle, être mis autour d'eux pour les aider. Mais
ce plan d'action là, souvent, va se limiter à la médication quand on identifie
un TDA ou un TDAH chez ces enfants-là. Parce que, d'une part, c'est facile, et,
d'autre part, il y a quand même une bonne efficacité à la médication. Il y a
des effets secondaires, mais les effets secondaires... Moi, je ne peux pas vous
dire combien de fois j'ai entendu dire des parents, et des professeurs, et des
orthopédagogues, et tous ceux qui gravitent autour des enfants dans nos
écoles : C'est vrai qu'il ne mange pas pour dîner, c'est vrai qu'elle a
mal à la tête toute la journée, mais, maintenant, au moins, elle réussit ou il
réussit. Moi, j'ai bien de la misère avec ça. Ça me brise le coeur. Il y a
comme une limite à ce que je trouve qu'un enfant devrait endurer pour réussir.
Ça
fait que, comme société, moi, je pense qu'on doit se questionner à ce
niveau-là, parce que des psychostimulants, ce n'est pas sans
conséquence. C'est une faible minorité d'enfants et d'adultes qui en prennent
qui n'ont pas d'effet secondaire à court, à moyen ou à long terme. Ça fait que
ça vient avec ses difficultés, ça fait que ça... Puis, ceci étant dit, je ne
suis pas du tout contre la médication, là, je tiens à l'établir aussi. C'est un
outil parmi tant d'autres, qui est, malheureusement, souvent le seul.
Et le problème qui vient avec ça, c'est que plus
un enfant prend une médication jeune dans sa vie, plus on se ramasse, maintenant, avec des enfants qui, rendus à la fin
du primaire, début du secondaire, sont au maximum de la dose de la médication
qui a fini par marcher puis donner des bons résultats, c'est-à-dire plus
d'effets positifs que d'effets secondaires, mais là ça ne marche plus, ce n'est pas assez encore, mais là
on ne peut pas augmenter la dose. Alors, ce que le médecin est dans
l'obligation de faire, c'est d'essayer une autre molécule. Mais il y
avait une raison initialement pourquoi cette molécule-là fonctionnait chez cet
enfant-là. Ils ne sont pas tous pareils, les médicaments. Alors, quand on
essaie une autre médication, bien là, des
fois, ça ne marche pas. Mais, si on n'a rien fait d'autre que de prescrire un
psychostimulant à l'enfant, qu'on ne
lui a pas montré à s'organiser, à planifier, à avoir une hygiène de vie qui est
adéquate, à faire attention à ce qu'il mange, à limiter le temps de jeux
vidéos, qui est excessivement néfaste pour un cerveau, bien, on se ramasse
devant un enfant qui est complètement démuni, qui n'a pas de ressource et qui
est rendu au secondaire. Donc, ça, c'est vraiment problématique, à mon sens.
Le
deuxième volet qui vient avec la prise de psychostimulants, ça ne concerne pas
les enfants d'âge primaire qui ont
des problèmes, ça concerne les étudiants du cégep et des universités qui n'en
ont pas, de problème, mais qui veulent aussi performer. Et ils se procurent un psychostimulant juste pour
ne pas être désavantagés, finalement, par rapport à ceux qui en ont, qui
n'ont pas plus de problèmes qu'eux autres, mais qui peuvent, grâce à ça,
étudier des heures et des heures. Vous le savez peut-être, mais il y a un
énorme marché noir de psychostimulants dans les cégeps, les universités, même
au secondaire, donc, des gens qui ont des prescriptions légales, qui les ont
obtenues, soit en exagérant ou en inventant
des symptômes chez leur médecin... puis, vous savez, les médecins, ils font ce
qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont. Ça
fait que, souvent, ils vont faire une bonne entrevue clinique, ils vont faire
passer des questionnaires. Les gens n'ont pas toujours les moyens
d'aller en évaluation au privé. Donc, un médecin, devant quelqu'un qui semble en
détresse, va prescrire le fameux psychostimulant. Mais, je peux vous le dire,
n'importe qui peut faker un problème de TDA ou de TDAH, même dans un test
d'évaluation neuropsychologique, là. On a juste à faire des erreurs, hein, ce
n'est pas compliqué.
Alors, c'est vraiment un problème plus large, en
fait, que de juste prendre les psychostimulants pour être attentif. Une
personne que je connais très, très bien, qui était dans le cercle d'amis de mes
enfants, elle voulait que moi, je lui crée un faux problème pour qu'elle puisse
se présenter chez le médecin, parce qu'elle disait : Ma technique est très
exigeante, puis, si moi, je ne peux pas prendre de Concerta — supposons,
un psychostimulant — bien,
je suis désavantagée par rapport à mes collègues qui le font. Ça fait
qu'accepterais-tu, s'il te plaît, de dire que j'ai un TDA ou un TDAH puis que
j'ai besoin de médication? Bien, évidemment, j'ai refusé. Mais ça, c'est
courant, c'est vraiment... Ça arrive tout le temps, je me fais... Moi, je me le
fais demander une dizaine de fois par année, là, par des gens qui me consultent
juste pour ça. Alors, en tant que tel, c'est un problème.
Puis il y a des gens qui soulèvent le fait qu'il
y a le contexte académique qui est peut-être inadéquat aujourd'hui, parce qu'il
y a de plus en plus d'étudiants qui doivent travailler. Il y a des contextes
sociaux qui sont aussi problématiques. La famille est plutôt éclatée. Les
enfants, des fois, ils sont un peu laissés à eux-mêmes aussi, donc ils
s'arrangent avec les moyens du bord. Ça fait qu'il y a comme tout un contexte
socioéconomique qui va faire en sorte que la pression est grande. Ils ont...
Les jeunes n'ont pas juste à aller à l'école, ils ont aussi à prendre soin du
reste de leur vie, puis, des fois, bien, il faut qu'ils le fassent eux-mêmes,
ça fait que, pour s'aider, ils vont vouloir avoir recours à un psychostimulant.
Avant, les gens prenaient du café en masse, beaucoup de café. Mais là,
aujourd'hui, les gens vont aller vers les psychostimulants.
• (16 h 40) •
Pour moi, les solutions, c'est toujours un
ensemble d'éléments. Les psychostimulants, la médication, c'est le dernier
item qui devrait être introduit quand on veut aider un enfant qui est aux
prises avec un TDAH. Avant, la première chose qu'il faut faire, c'est s'assurer
que cet enfant-là a des heures de sommeil adéquates, que son alimentation
comporte toujours un peu plus de protéines que de glucides à chaque repas, parce
que, souvent, ils répondent beaucoup mieux à la présence de protéines que de
glucides, puis là je ne suis pas du tout en train de parler du régime cétogène,
là, je parle juste d'avoir un plus plus de protéines, puis s'assurer aussi que
ces enfants-là bougent ou ont une activité qui les passionnent, parce que,
quand vous aimez ce que vous faites, même si vous avez un déficit d'attention,
vous allez produire naturellement beaucoup plus de dopamine, et la dopamine est
un neurotransmetteur fondamental dans l'attention, dans le contrôle moteur,
mais c'est toujours, toujours associé au plaisir puis à la motivation.
Le Président (M. Provençal)
: 30 secondes.
Mme Lévesque (Johanne) : C'est
pour ça que, si vous avez appris quelque chose facilement dans votre vie, c'est
probablement parce que vous aimiez énormément ce que vous aviez à apprendre.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup.
Mme Lévesque (Johanne) : ...plaisir.
Le Président (M. Provençal)
: Nous allons débuter la période d'échange avec le député de
Dubuc.
M. Tremblay : Merci, M. le
Président. Bonjour. D'abord, je ne sais pas si c'est parlementaire, mais...
ouf! C'est ce que j'aurais tendance à dire en tout premier lieu... C'est
parlementaire?
Une voix : Oui.
M. Tremblay : Merci, chère
collègue. Dites-moi... Bravo! Vous êtes vraiment magnifique. Vous dites que la
surstimulation qu'on vit par rapport à notre
réalité de société est en accéléré depuis un certain temps. On pourrait le croire par rapport aux médias,
par rapport aux communications, tout ce qui s'accélère. On voit nos jeunes qui
sont déjà avec l'appareil, comme ça, où on répète : Mets tes lunettes
ou... Puis on sait déjà que des études se pointent sur le temps d'usage. On parle de surstimulation, mais
nos enfants qui viennent au monde déjà dans l'ère numérique, est-ce qu'il
ne serait pas déjà à-propos, pas de réapprendre à vivre, mais est-ce qu'il ne
serait déjà à-propos d'encadrer tout ça puis de s'assurer que, s'ils entrent
là, ils vont être surstimulés dans pas long encore plus?
Mme Lévesque (Johanne) :
Absolument.
M. Tremblay :
Qu'est-ce que vous...
Mme Lévesque (Johanne) : Bien... tout
à fait, en fait, puis c'est... Tout
ce qui est téléphone, jeux vidéo, etc., c'est excessivement nocif, ça,
ça... Les jeunes, en fait, sont en train de perdre leur capacité même juste à
socialiser. Ils ne sont plus capables de se parler, ils s'écrivent. Mais, au
niveau de l'attention, c'est... on doit absolument, absolument limiter l'accès
à toutes ces plateformes-là parce que c'est excessivement nocif pour le système
nerveux. Ça crée, chez certains d'entre eux qui ont une propension à devenir
dépendants à la dopamine — et,
plus tard, la cocaïne, qui est le même... c'est le même circuit, là, dans le
cerveau — bien,
à devenir dépendants de ce téléphone-là ou de cet outil-là électronique du jeu
vidéo.
Puis c'est pour ça
que, si jamais vous avez des enfants qui jouent à un jeu vidéo et que, tout à
coup, vous limitez dans le temps, dire : Bon, O.K., là c'est assez, bien,
vous allez voir, il y a toutes sortes de réactions possibles à ça. Puis ceux
qui sont dépendants vont souvent être beaucoup plus agressifs, un peu comme si
on venait de leur enlever leur plaisir, mais de façon addictive, là, c'est
comme, on vient de leur enlever ce qui leur faisait tant de bien. Il y en a
d'autres, quand ça les affecte beaucoup au niveau attentionnel, vous allez
voir, ils sont beaucoup plus zombies. C'est comme
s'ils devenaient léthargiques suite à ça. Ça va leur prendre une demi-heure,
une heure, deux heures, des fois, à s'en remettre.
Puis
là je vous le dis, l'antidote, c'est du sport. Ça fait que, si jamais
vous avez des enfants qui font... qui jouent à des jeux vidéo, vous en avez,
là, bien, vous négociez, là, la demi-heure de jeu vidéo — qui
devrait être le maximum par jour pour n'importe quel enfant du primaire,
ça fait que... juste pour donner une idée — avec au moins une demi-heure
d'activité physique, pour refaire les provisions de dopamine suite à ça. Mais
c'est très important, gérer ça.
M. Tremblay :
Dites-moi, vous avez parlé aussi de la réalité des régions. Ce n'est pas la
première fois où on en entend parler. En tout cas, moi, je le réalise, là, puis
on se pose la question, il y a plusieurs hypothèses potentielles. Est-ce que
c'est une question du fait d'être éloigné? Ou on a moins d'effectifs? Ou la
culture... Qu'est-ce qui peut faire la différence entre des enfants dans une
région par rapport à des grands centres?
Mme Lévesque (Johanne) : En fait, j'étais, pour le plaisir, en fait, dans
le coin de Sept-Îles dernièrement. Et j'ai appris, avec étonnement,
qu'il y avait un taux de prescription qui avoisinait les 30 %, de
psychostimulants, et qu'ils venaient de perdre la dernière neuropsychologue qui
travaillait là, qui avait décidé de revenir dans les grands centres. Alors, ils n'ont tellement pas de ressource que
l'avantage de la médication, quand ça fonctionne, bien, ça fait que l'enfant
va automatiquement être plus attentif puis plus calme. Bon. Ça fait que, donc,
ça fait... On règle un peu le problème quand même, ça fait que ça devient une
solution qui est rapidement utilisée, faute de mieux, faute d'autres choses.
Puis, pourtant, dans
les régions, souvent, les enfants ont quand même une hygiène de vie qui est
meilleure que celle des villes parce qu'ils vont jouer beaucoup plus dehors, ça
fait partie du mode de vie, en fait, d'être à l'extérieur. Mais, après ça,
bien, c'est... moi, je pense qu'il y a un peu d'éducation à faire, pour avoir donné
des conférences dans les différentes régions du Québec, un peu d'éducation
qui... Je dirais que les gens, dans les régions, sont un petit peu moins
informés par rapport à toutes ces choses-là, un peu moins au courant. Ça
demeure plus du domaine de la psycho pop puis du folklore, là, il manque un peu
d'éducation. Ça fait que, des parents, des fois, faute de mieux, vont faire ça
sans trop savoir quoi faire d'autre.
M. Tremblay : Question : Est-ce
que... Il y aura l'éventualité d'un nouveau commissaire à la santé. Croyez-vous
que c'est un mandat qui pourrait être prioritaire, intéressant, pertinent pour
un éventuel commissaire à la santé qui va venir?
Mme Lévesque
(Johanne) : Oui, absolument. Puis, comme je le disais au début, je le
ferais conjointement... ce commissaire-là devrait s'adresser... s'occuper à la
fois du TDAH, mais de sa petite soeur, l'anxiété, qui est dévorante et
galopante, en ce moment, chez nos enfants.
M. Tremblay :
Moi, dernière question en ce qui me concerne, M. le Président. On a parlé de la
rigueur des diagnostics. Il y a une démarche avant d'arriver au diagnostic. Il
y a une réalité, on parle un peu de folklorique ou de... Le parent qui reçoit
l'input de l'école, l'enfant est agité, bon, puis ça démarre. Le médecin, on
nous a dit qu'il y avait des diagnostics qui
se donnaient en 15 minutes. Est-ce qu'on est rigoureux, au niveau des
diagnostics, au Québec? Est-ce qu'il n'y a pas beaucoup de travail à
faire pour s'assurer qu'on arrive à une démarche qui est précise puis qui est
efficace?
Mme Lévesque
(Johanne) : Bien, en fait, j'ai 17 ans de recul, ça fait que je
peux vous dire, ça s'est beaucoup amélioré. C'était vraiment pire au début de
ma pratique. Les diagnostics, c'était en cinq minutes que ça se donnait dans un bureau, là, c'était très, très
rapide, là. Ça prenait deux questionnaires, deux, trois questions, et c'était
réglé. Ça s'est beaucoup amélioré,
mais il y a encore du chemin à faire, définitivement. Juste pour vous donner un
petit exemple, quelqu'un qui aurait une hypersensibilité sensorielle au
bruit, bien, même si son attention est parfaite, aussitôt que quelqu'un fait un, vous savez, clic clic clic, avec un stylo, là,
cette personne-là va être complètement, complètement inattentive, là, va
focuser juste là-dessus. Elle ne peut pas faire autrement, là, elle a un
problème d'intégration perceptuelle. Ça fait que cet enfant-là, mettons qu'il
est dans la classe puis qu'il y a du bruit tout le temps, là, c'est impossible
de se concentrer. Puis, même si on lui donne un
psychostimulant, il ne sera pas plus concentré. Ça fait que c'est un problème,
ça fait que, oui, l'évaluation est très importante.
M. Tremblay :
Merci.
Mme Lévesque
(Johanne) : Bienvenue.
Le Président
(M. Provençal)
: Alors,
Mme la députée de Lotbinière-Frontenac.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Votre présentation était vraiment très
intéressante.
Mme Lévesque
(Johanne) : Merci.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Tout à l'heure, vous avez parlé d'une
meilleure hygiène de vie pour nos jeunes, puis vous avez parlé aussi du temps
que les jeunes passaient sur les appareils électroniques. Combien de... c'est
quoi, le temps idéal, là, que les jeunes devraient passer par jour?
Mme Lévesque
(Johanne) : Primaire... pour les enfants d'âge primaire, c'est maximum
une demie-heure par jour, secondaire, une heure par jour. Ça fait que, ça, je
sais qu'on est loin, loin, loin.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : On est très loin de ça, oui.
Mme Lévesque
(Johanne) : Quand moi, je dis ça à des parents là, mon Dieu! Mais je
pense qu'il y a un travail parental à faire aussi, là, il faut sensibiliser les
parents aux impacts négatifs de ça. Vous savez, un enfant... le pire scénario
pour un jeune, c'est: il se lève le matin, ouvre la télé, ou prend sa tablette,
ou embarque sur sa console de jeu vidéo. Il est déjà en train d'épuiser sa
réserve de dopamine. Il s'en va à l'école, revient dîner à la maison,
supposons, parce que sa mère, elle reste à la maison et qu'il y a quelqu'un qui
l'attend, peu importe, mange, embarque à nouveau sur sa console de jeu, sa
tablette, peu importe, continue à épuiser sa réserve de dopamine, retourne à
l'école, revient à la maison, refait la même chose. Bien, cet enfant-là,
finalement, n'est jamais optimal dans ses capacités d'attention parce qu'il a
utilisé un appareil électronique tout au long de la journée. Ça fait que c'est
vraiment problématique, puis il y a beaucoup d'éducation à faire à ce
niveau-là. Puis il faut accepter de passer pour le parent bizarre, je pense,
qui refuse l'accès à un téléphone à son jeune avant 15 ans. Tu sais,
c'est... il n'y en a pas, de problème, là, c'est juste dans notre tête, en
fait.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : O.K. Puis, concernant... comment on fait un
meilleur diagnostic? Parce qu'il y a beaucoup de... les jeunes sont
surmédicamentés. Comment on va réussir à faire un meilleur diagnostic?
• (16 h 50) •
Mme Lévesque
(Johanne) : Oui. En fait, il faut... Pour savoir si quelqu'un a un
problème d'attention, il faut évaluer l'attention. Ça a l'air drôle, dit comme
ça, mais c'est parce que ce n'est pas toujours fait. Alors, c'est comme ça
qu'on arrive avec des diagnostics qui ne tiennent pas debout au bout du compte,
qui étaient finalement ceux d'anxiété. L'anxiété... un enfant anxieux va être
très agité. On va penser qu'il est hyperactif, mais il est anxieux.
Donc, il faut que les
différentes régions au Québec, les différents secteurs aient accès à des gens
qui ont la capacité d'évaluer comme il faut les enfants. Les psychologues
scolaires peuvent le faire, les neuropsychologues peuvent le faire. Les
médecins, c'est vraiment un dernier recours, parce qu'eux ne sont pas à même
d'évaluer directement les capacités d'attention, ça fait que, souvent, c'est
pour ça qu'ils nous les réfèrent. Mais, en même temps, voyez-vous comment c'est
une boucle qui peut coûter cher? Moi, au fil du temps, j'ai développé une
évaluation, là, juste pour ça, qui coûte 500 $. Ce n'est rien puis c'est
beaucoup, là. Ça dépend à qui on parle. Mais, comparé à une évaluation globale
qui est à 2 000 $, bien, c'est quand même le quart du prix. Puis,
quand les gens ont des assurances, finalement, ils sont remboursés beaucoup.
Mais ce n'est pas tout le monde qui fait ça.
Puis
je pense qu'il y a une réflexion à faire aussi au sein des neuropsychologues,
puis de l'Ordre des psychologues du Québec, à savoir qu'est-ce qui est
vraiment nécessaire et utile pour qu'on puisse établir hors de tout doute que
cette personne-là a un TDA ou un TDAH. Il y a cette réflexion-là aussi à faire.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Parfait. Puis, dernière question, je voulais
savoir aussi, tu sais, il y a beaucoup de diagnostics, mais, après ça,
l'enfant, est-ce qu'il y a des suivis qui sont faits normalement avec le
médecin ou on laisse aller ça?
Mme Lévesque
(Johanne) : Ça dépend des fois. Mais ça aussi, ça s'est beaucoup
amélioré, je vous dirais sincèrement. Et, dans un monde idéal, l'enfant reçoit
son diagnostic, rencontre son médecin, se voit prescrire une médication, il y a
un suivi qui est fait une semaine après, deux semaines après, un mois après,
parce que la dose doit être ajustée, il faut savoir c'est quoi, les effets
secondaires que l'enfant va avoir, s'il y en a, et changer de molécule au
besoin. Mais ce suivi-là n'est pas toujours fait. Mais ça devrait être ça. Mais
ça, c'est mieux que c'était.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Parfait, merci.
Mme Lévesque
(Johanne) : Bienvenue.
Le Président (M. Provençal)
: Mme la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour.
Mme Lévesque (Johanne) :
Bonjour.
Mme Picard : Merci beaucoup
pour le témoignage. Ce matin, on a eu quelqu'un ici, en commission, qui nous a
parlé qu'on devrait peut-être revoir la normalité, parce que la normalité qui
est basée sur les tests, et tout, devrait peut-être être revue. J'aimerais
avoir votre impression sur où serait la ligne, ou comment vous voyez la...
Mme Lévesque (Johanne) : Oui.
Moi, je le vois dans un contexte culturel, en fait. On prend tous les enfants d'une classe qui ont un TDAH ici puis on les
transplante, je ne sais pas, moi, à Maui, puis... dans une école avec des murs
à moitié ouverts, dans un contexte qui est beaucoup plus relax. Je pense qu'il
y a moins de problèmes déjà. En fait, comme je disais au début, c'est qu'il y a
une grosse pression qui est exercée parce que tout le monde veut que nos
enfants réussissent. Mais ça peut être bien correct aussi de devenir plombier,
puis ça peut être bien correct de finir avocat, puis ça dépend...
Moi, je trouve qu'il va falloir se poser la
question éventuellement : On veut qu'ils réussissent quoi, nos enfants, au
bout du compte? On veut-u qu'ils réussissent leur vie, leur vie
professionnelle? C'est quoi, là, la vraie question qui est derrière ça? Puis,
oui, la normalité, c'est très relatif. Ça dépend beaucoup des contextes.
Mme Picard : Je voudrais
savoir, est-ce que vous pensez qu'on médicamente les jeunes qui dérangent?
Mme Lévesque
(Johanne) : Plus, en fait,
puis c'est démontré. Oui. Parce qu'en fait même les filles, là, ont passé
souvent sous le radar parce qu'il y a un peu
plus d'hyperactivité chez les garçons que chez les filles. Alors, la petite
fille tranquille, qui est dans la lune toute la journée, qui a un
certain type de TDA plus lunatique, va regarder droit en avant. Tout le monde pense qu'elle écoute, mais elle
n'est pas là, elle dans sa tête. Elle est ailleurs. Ça fait que, cette
enfant-là, ça va prendre plus de temps avant qu'elle ait... on détecte
qu'elle a peut-être un problème d'attention. Mais le petit gars qui bouge
constamment sur sa chaise, c'est assez rapide, puis oui...
Mais c'est toujours, ça, dans un contexte
de : Qu'est-ce que j'ai comme ressources de disponibles? Puis, vous savez,
il y a comme des petits ajouts qu'on peut faire. Il y a comme un rond en
silicone, qui s'appelle un Disco'sit. Ça se met sur l'assise de la chaise, ça
ne peut pas se lancer, l'enfant peut difficilement jouer avec ça comme un
ballon, mais, quand on est assis là-dessus puis qu'on est hyperactif, on peut
bouger. Et le fait de bouger stimule les mêmes régions du cerveau qui nous
permettent d'être attentifs. Alors, cet enfant-là, naturellement, va être plus
attentif. Ça fait qu'il y a des moyens alternatifs comme ça qui pourraient être
mis en place de façon beaucoup plus générale pour que les enfants tannants
puissent aussi bouger sans déranger.
Le Président (M. Provençal)
: M. le député de Richmond.
M. Bachand :
Justement, vous m'amenez sur les enfants tannants, alors je me souviens que
j'étais, il y a plusieurs années, jeune, et beau bonhomme... non, pas
vrai. Mais je vais vous parler des gars, hein? Quand j'étais à l'école, les
gars, normalement, étaient à l'arrière de la classe, les filles en avant de la
classe, les tannants étant vraiment dans la dernière rangée des classes.
Mais, à ce
moment-là, on avait un parcours différent. On avait... En secondaire III, les enfants... les garçons et
les filles pouvaient choisir un parcours long ou court, professionnel ou
pas, les fameux DEP. Donc, vous parlez de métiers, et tout ça. Et on a tout
sacré ça, hein? Les écoles d'arts et métiers qu'on avait, par exemple, ça
n'existe plus, et, souvent, probablement que des cas qui aujourd'hui seraient
médicamentés se retrouvaient dans... comme plombiers, comme électriciens, comme
ferblantiers, ou tout ça, mais ça n'empêche pas qu'il y a des cas réels qui
existent.
Mais je voudrais vous entendre sur le parcours
scolaire, parce que, souvent... Parce que, par expérience, ce que j'ai vu,
c'est qu'en secondaire II, secondaire III, les cas lourds, surtout
chez les garçons, c'est vraiment frappant. Les décrochages sont là, la violence est là. Je ne parle pas des petits gars
qui se battent dans la cour — je me suis battu dans la cour, ce
n'est pas grave — mais
il y a la violence au niveau des familles, et tout ça. Je veux vraiment vous
entendre sur l'âge, là, secondaire II, secondaire III, par rapport à cette
problématique de TDAH et aussi de parcours scolaire.
Mme Lévesque (Johanne) :
Absolument. Bien, moi, je suis quelqu'un de très idéaliste, à la base, puis,
dans mon monde idéal à moi, les enfants n'ont pas le même parcours, en fait,
ils ont un parcours qui est beaucoup plus individualisé. Puis je suis très
heureuse de voir qu'en ce moment, dans les écoles du Québec, il y a de plus en
plus de programmes particuliers dans les écoles publiques. Parce que ça répond
à un besoin, hein, ce n'est pas... les enfants ne sont pas tous les mêmes, on
n'est plus à l'époque où ma mère, par exemple, pouvait faire 20 heures de
français par semaine à recopier les mêmes phrases pour être sûre de ne pas
faire d'erreur. On n'est plus là, là, il y a énormément d'options, il y a plusieurs
intérêts. Puis c'est un peu ça que je voulais dire tantôt : On veut qu'ils
réussissent quoi, finalement, les enfants, à faire de l'algèbre ou à réussir
leur vie? Ça fait que les parcours scolaires individualisés, pour moi, font
partie de cette clé-là.
Le Président
(M. Provençal)
: ...M. le député.
M. Bachand :
Très rapidement, parce que... Le titre de la commission, c'est l'augmentation
préoccupante de la consommation des psychotropes... des psychostimulants. C'est
quand même grave. C'est à prendre au sérieux. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, je vais céder maintenant la parole à la députée de
Fabre.
Mme Sauvé : Merci, M. le
Président. Écoutez, Dre Lévesque, c'est un plaisir de vous entendre,
honnêtement, vous nous avez amené, aujourd'hui, des éclairages qu'on n'avait
pas entendus. Parce que les présentations précédentes ont été excessivement intéressantes, mais il y a eu, disons, un
éclairage plus lié à la petite enfance, avec la cellule familiale, le rôle d'évaluation, d'observation de
l'enseignant. Là, vous nous amenez une réalité de l'étudiant du collégial,
université. Honnêtement, je suis en bas de ma chaise, là, parce que je
trouve que c'est une réalité dont on doit tenir compte dans toute l'élaboration
du portrait de prévalence de la médication au Québec. Ça fait partie d'un volet
excessivement important, et vous êtes la première à le nommer.
Si je vous ai bien comprise... Vous avez nommé,
avec beaucoup de franchise, et j'apprécie ça, que, finalement, il y a peut-être
un grand problème de société dont on doit maintenant tenir compte si on veut
adresser véritablement la question et des pistes de solution. Et le problème de
société, c'est une pression de performance. Et c'est là où je tombe en bas de
ma chaise, quand j'entends que des étudiants du cégep, de l'université, vont
faker le TDAH pour être capables d'être en compétition et puis de gagner,
finalement, la performance de la journée au niveau des notes, et tout ça. C'est
excessivement grave. Et je ne sais pas comment est-ce qu'on peut travailler
dans des pistes de solution autres que le médicament, par rapport à ces
jeunes-là particulièrement, parce que les parents ne sont plus aussi près
d'eux, hein, ils sont dans l'adolescence, ils sont des jeunes adultes. Alors,
on n'a plus la même prise sur le coaching parental. Alors, comment on s'y prend
pour un peu trouver des pistes de solution pour ces jeunes-là?
Mme Lévesque
(Johanne) : Dans le fond, je
pense que ça va être difficile, en fait, parce que c'est un engrenage
qui est mondial, hein, ce n'est pas juste au Québec. Le marché du travail est
excessivement compétitif, les jeunes veulent de l'argent. Moi, ça m'a frappé
d'entendre à quel point, quand on demandait aux... Moi, je demandais tout le
temps... je m'intéresse beaucoup à ce que les gens veulent devenir, ça me
passionne, puis je demandais aux amis de mes enfants : Qu'est-ce que tu
veux faire plus tard? Qu'est-ce qui te tenterait? Ah! je ne sais pas encore,
mais je veux faire de l'argent, ça, c'est sûr. Ça fait que c'était... Puis ce
n'était pas parce qu'on est dans un milieu particulièrement aisé, c'est juste
du monde qui voulait faire de l'argent. Ça fait que faire n'importe quoi pour
faire de l'argent, ça vient avec ça aussi.
Probablement, diminuer la pression, c'est-à-dire,
on est-u vraiment obligé d'avoir deux, trois examens universitaires,
supposons, deux dans la même journée? On peut-u en avoir un par jour? Est-ce
qu'il pourrait y avoir une période de deux semaines sur laquelle on va
échelonner quatre examens au lieu d'avoir une concentration des travaux et
examens?
Juste de la façon dont les jeunes sont évalués pourrait faire
une différence, à mon avis, peut-être dans une perspective d'atteinte d'objectifs,
un peu ce que la réforme scolaire a voulu faire, et non pas de quantifier nécessairement,
arriver à une note. Parce que la cote R, hein, ils protègent toujours leur cote
R, les jeunes, si... ce qui est dramatique. Même dans mon domaine, en bas de 4,1, sur 4,3, on ne rentre pas en
neuropsychologie, là, ça fait que c'est très dur. C'est des A puis
des A plus tout le temps. Moi, ce n'est pas la voie que j'ai suivie, j'ai
fait la voie de la recherche en premier, mais ceux qui font la vraie voie,
c'est très exigeant.
• (17 heures) •
Mme Sauvé : Justement, je
reviens à ces jeunes-là et la pression de la performance que vous nommez. Maintenant,
aujourd'hui, un jeune en secondaire II se fait parler déjà des choix qu'il
devra faire en secondaire III, pour le
IV, et le V, et la suite de ses études. Alors, dans l'anxiété qu'il a puis dans
la performance qu'il doit avoir, est-ce
que ce n'est pas un élément qui fait
que les choix pour l'avenir sont de
plus en plus prématurés, beaucoup
plus précoces par rapport
à ce qu'on a déjà connu, devant un choix de carrière, devant un
choix de métier, alors que le jeune n'a peut-être pas la maturité émotionnelle pour faire tous ces choix
de vie là?
Mme Lévesque (Johanne) : Absolument.
Absolument. C'est difficile, en fait, puis c'est ce qui est explique aussi qu'il
y a autant de changements de programmes rendus au cégep, ou du décrochage,
puis, bien simplement, les jeunes pensaient que, mais, finalement, ce n'est pas
ça, ils seraient... Moi, je pense que la nouvelle génération a besoin de le
faire, a besoin de le vivre. Moi, j'emploie, personnellement, une trentaine
d'étudiants, puis ces jeunes-là... étudiants universitaires, fins de bac,
maîtrise ou doctorat, puis ils ont besoin de le vivre, ils veulent l'essayer,
ils veulent être exposés.
À toutes les
années, moi, j'ai des demandes de personnes qui veulent juste venir passer une
journée avec moi pour vivre ce que
c'est, que d'être neuropsychologue, vivre c'est quoi faire faire du
neurofeedback à quelqu'un, ils veulent comprendre. Ça fait qu'il y a
comme un... ils ont tellement d'options. Moi, il me semble, quand j'avais leur
âge, on en avait moins, des options, mais là c'est fou, ils ont... et, je
trouve, ça manque, ça, dans les écoles. Puis, effectivement, c'est très
prématuré, secondaire II, pour demander à quelqu'un de choisir ce qu'il va
faire dans la vie, là.
Mme Sauvé :
On commençait même à en parler au primaire, alors imaginez. Moi, c'est sûr que
je veux savoir un peu plus... connaître un peu plus tout ce que vous avez
développé, dans vos études postdoctorales, au niveau du neurofeedback, je veux
en savoir plus. J'aimerais ça, que vous nous expliquiez, parce qu'on est oui à
faire le portrait, puis à voir un peu l'ensemble des
constats, mais, bien sûr, entendre aussi des pistes de solution. Et,
clairement, ce qui ressort des présentations qu'on a, c'est que le médicament
est le premier traitement et bien au-delà des autres et bien au-delà des
interventions psychosociales, mais il faut peut-être, justement, valoriser
d'autres approches, que ce soient les saines habitudes de vie... Mais
j'aimerais vous entendre, m'expliquer ce qu'est le neurofeedback.
Mme Lévesque (Johanne) : Bien, en fait, c'est une technique qui a été
développée de façon fortuite en 1965-1966 pour traiter l'épilepsie.
Alors, je vais vous passer l'histoire parce que c'est trop long, parce que la
technique en tant que telle, c'est déjà assez compliqué. Mais, si on prend, par
exemple, le TDAH, il y a plus qu'une façon d'avoir un TDAH. Au niveau
neuroélectrique, il y a plusieurs types d'anomalies qui vont être responsables,
tu vois associées au TDAH dans notre cerveau.
Le
cerveau, vous savez, nos cellules nerveuses communiquent de façon électrique
puis de façon neurochimique. On peut mesurer, on peut enregistrer
l'activité électrique chez... n'importe qui, en fait, mais, une fois qu'on a
cette activité électrique là, on la compare à une base de données qui existe,
une norme, puis on peut voir s'il y a des anomalies et quelles sont-elles, ces
anomalies-là. Une fois qu'on les a... c'est comme une carte topographique de
notre cerveau qui nous montre ce qui marche puis ce qui ne marche pas sur le
plan électrique.
Mais,
une fois qu'on a identifié ce qui ne va pas, bien, on peut l'enregistrer. Donc,
je peux mettre une petite électrode sur la tête de la personne à l'endroit où
il y a le problème en lien avec le TDAH, je vais lier les fréquences que
j'enregistre à une chanson, donc quelque chose qui est à l'extérieur de lui, un
stimulus comme une chanson, et une animation, comme un vidéo, par exemple. Mais,
pour que la chanson et le vidéo se mettent à jouer, la personne, il va falloir
qu'elle trouve dans quel état elle
est quand sa chanson joue et que son vidéo bouge. Ça fait que, si elle est dans
la lune, bien, moi, les bandes de
fréquences que j'enregistre, au lieu
de diminuer, elles augmentent, ça fait que sa chanson, elle ne joue pas. Aussi,
à ses zones rapides, au lieu d'augmenter, pour remplacer des zones lentes qui
causent le TDAH, bien, si elle n'est pas assez attentive, elles n'augmentent
pas, ça fait que son vidéo ne bouge pas. Ça fait que la personne, elle a comme
un feedback en temps réel de ce qu'il se passe directement dans son cerveau,
puis, en ajustant son état, elle arrive à prendre le contrôle de ça et à le
renverser.
Ça fait que, techniquement,
là, c'est de la neuroplasticité pure, puis c'est une technique qui,
contrairement à la médication, prend du temps, on appelle ça un entraînement,
en fait. Pour un enfant, on parle d'une quarantaine d'heures, ça fait que ça ne se fait pas du jour au lendemain. Par contre,
il n'y a pas d'effet secondaire, c'est l'avantage, un peu
de fatigue au début. Puis, à la fin, tout ce qui est acquis est acquis pour le
restant de ses jours, c'est là où on se distingue de la médication. Puis ce
n'est pas parfait, ce n'est pas une panacée universelle, puis ce n'est pas tout
le monde qui réagit de la même façon au neurofeedback. Moi, j'ai travaillé peut-être
avec 10 000 personnes, depuis le début de ma carrière, puis j'ai un taux de succès, comme je disais, de 60 %,
70 % de remédiation des symptômes, ça fait que ce n'est quand même
pas négligeable.
C'est encore... sur
le plan scientifique, il y a encore une controverse qui est liée à la pratique,
je dois le dire, parce qu'il y a beaucoup
moins d'études où on mesure l'effet placebo, les études à double insu, parce
que c'est très, très dur à réaliser. Si j'entraîne quelqu'un qui
comprend le moindrement ce qu'il faut qu'il fasse puis que je lui présente
l'activité électrique de quelqu'un d'autre, bien, il va se rendre compte qu'il
est dans le groupe... dans le mauvais groupe, que ce n'est pas son activité
électrique. Ça fait que c'est très difficile, mais il y en a, des études de
double insu, qui ont montré l'efficacité, mais il y en a beaucoup moins que
pour les médicaments. Mais, bref, c'est ce que je peux vous dire.
Mme Sauvé :
C'est intéressant. Combien de temps me reste-t-il?
Le Président
(M. Provençal)
: ...
Mme Sauvé :
Deux minutes. C'est tellement intéressant. Écoutez, je pense que je vais vous
parler après parce que je veux en savoir encore plus. Est-ce que cette question
par rapport... que je veux vous poser par rapport au neurofeedback : Pour
des jeunes, des très jeunes qui n'ont pas... donc, le développement du cerveau
n'est pas complété, est-ce que c'est approprié?
Mme Lévesque
(Johanne) : On peut commencer à partir de l'âge de six ans, mais pas
avant ça.
Mme Sauvé :
O.K. À partir de l'âge de six ans. O.K. Parfait. Vous avez dit, toujours dans
les pistes de solution, que vous avez développé vous-même un outil. Vous
parliez évidemment...
Mme Lévesque
(Johanne) : Une évaluation.
Mme Sauvé :
Alors donc, un outil d'évaluation. Et puis, encore là, est-ce que ce sont des
propositions de pistes de solution? Est-ce qu'il y a des outils, comme celui
que vous avez développé, qui pourraient être mis au service des parents? Est-ce
que ce sont des outils qui pourraient être développés en lien avec le
développement des compétences sociales, aussi l'intégration scolaire, et tout
ça? Est-ce que ce sont des outils qui pourraient faire partie de nouvelles
avenues d'intervention psychosociale?
Mme Lévesque
(Johanne) : Pas directement ce que moi, j'ai fait, mais des choses qui
ne coûtent rien, que tout le monde peut faire, ce serait, par exemple, de faire
du sport. La cohérence cardiaque, tout le monde en a entendu parler, puis,
sérieusement, moi, je trouve ça vraiment plate, comme approche, comme
technique, mais c'est très, très efficace au niveau cérébral. Ça fonctionne pour vrai. Donc, ça amène
automatiquement un «reset» au niveau du système nerveux. Ça apaise et ça
oblige une présence, donc une attention.
Ensuite
de ça, la méditation dirigée dans les écoles, le yoga, pourquoi pas? C'est
démontré comme étant efficace. Alors, c'est quelque chose qui pourrait
être fait dans toutes les écoles, pour tous les élèves, peu importe le milieu,
favorisé, non favorisé. C'est assez facile à implanter, puis ça ne coûte rien
du tout.
Mme Sauvé :
Merci.
Mme Lévesque
(Johanne) : Bienvenue.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci. Alors, je
vais céder la parole au député de Jean-Lesage.
M. Zanetti :
Merci beaucoup. En début de présentation, vous avez dit quelque chose que
beaucoup d'autres ont dit aussi, c'est-à-dire que le trouble, là, du déficit de
l'attention et de l'hyperactivité, c'est d'origine génétique. J'aimerais savoir
un peu qu'est-ce qui... C'est quoi, la preuve scientifique de ça? Parce que ça
semble être pris vraiment comme quelque chose pour acquis par tout le monde,
là, mais qu'est-ce qui soutient cette thèse?
Mme Lévesque
(Johanne) : Bien, en fait, c'est qu'il y a des études qui ont démontré
que, chez les personnes qui avaient des difficultés mesurées d'attention et de
contrôle moteur, il y avait des anomalies au niveau de l'expression de certains
gènes, comme, par exemple, le gène D1, D4, en lien avec la dopamine,
d'autres gènes en lien avec la noradrénaline. Donc, c'est ce lien-là, c'est une
corrélation qui a été faite.
Puis, par définition,
un trouble neurodéveloppemental doit être génétique. Donc, ça, c'est un peu
comme le chien qui se mord la queue, là, il faut qu'on arrive à quelque chose
qui est inné pour pouvoir parler d'un trouble neurodéveloppemental. Donc, si
c'est inné, c'est génétique. C'est ça, la fameuse boucle. Oui, c'est ce que je
pourrais vous dire, c'est... La preuve, elle est là, je vous dirais.
Mais,
par contre, ce que les études ont pris beaucoup de temps à essayer de
comprendre, puis, à ma connaissance, il y en a juste trois qui l'ont
fait, c'est : O.K., on a un défaut génétique, mais il vient d'où, ce
défaut génétique là? Puis il y a... C'est
ça, il me semble, c'est trois études qui ont été publiées, la première, en
2015, la deuxième, en 2018, puis, je pense, une dernière, en 2019, si ma
mémoire ne me fait pas défaut, là, qui a montré... qui faisait une liste de
11 produits chimiques qu'on consomme quotidiennement, soit qu'on les respire, on les mange, on les boit,
et ils ont fait le lien, pour la
première fois, avec tous les troubles neurodéveloppementaux que les enfants
ont. C'était la première fois que c'était fait.
Parce que moi, je
trouve que de dire que c'est génétique, bien... oui, puis? Tu sais, c'est
comme... Au-delà de ça, là, ça veut dire quoi?
• (17 h 10) •
M. Zanetti :
Donc, c'est comme si, au fond, il y
aurait peut-être, pour... à cause de la plasticité, disons, des gênes,
une espèce d'influence environnementale qui peut s'exprimer dans des anomalies
génétiques.
Mme Lévesque (Johanne) : C'est ça. C'est que, pendant la conception, soit
à travers ce que la mère consomme ou à la naissance, dans les premiers
mois de la vie de l'enfant, bien, ces éléments-là environnementaux vont
façonner ou influencer le cerveau, de sorte qu'il va se produire un petit
déclic au niveau génétique qui va faire que l'enfant va être inattentif et
hyperactif.
M. Zanetti :
Donc, le fait qu'on nous dise... Ah! oui, c'est terminé.
Le Président
(M. Provençal)
: ...au député de Jonquière.
M. Gaudreault :
Oui, merci beaucoup de votre présentation. C'est très intéressant. On a reçu,
hier, un de vos collègues, un autre neuropsychologue, qui nous a parlé de la
pression du client payeur, qui payait puis qui voulait un résultat, comme moi,
si je veux m'acheter une auto rouge, je vais chez le concessionnaire puis, si
j'ai une auto bleue, je ne serai pas content parce que je veux une auto rouge.
Bon, bien là, il y a des gens qui paient 2 000 $, 2 500 $
pour avoir un diagnostic de TDAH, puis ils ne l'ont pas, puis, bon, ils ne sont
pas contents. Alors, est-ce que vous avez aussi senti cette pression du client
payeur?
Mme Lévesque
(Johanne) : Pas du tout.
M. Gaudreault :
O.K., pas chez vous.
Mme Lévesque
(Johanne) : Je n'ai jamais été confrontée à ça, vraiment pas.
M. Gaudreault :
Mais vous avez quand même des témoignages de gens, qui disent : Ah! ça
pourrait m'aider dans mon...
Mme Lévesque
(Johanne) : Oui, en fait...
M. Gaudreault :
C'est un autre genre de pression.
Mme Lévesque (Johanne) : Oui, c'est une pression, oui, mais pas au sens...
pas de parents qui s'attendaient à avoir
un diagnostic. En fait, quand moi, j'annonce aux parents que leurs enfants
n'ont pas de diagnostic, bien il y en
a qui sont vraiment surpris puis là je leur explique pourquoi l'enfant
est comme il est, puis là, bien, ils sont soulagés la plupart du temps. Tu sais, c'est vraiment... Mais, non, moi, je n'ai pas ça. Les seules pressions que j'ai eues,
c'était d'écrire un faux rapport, dans le fond.
M. Gaudreault :
Oui.
Mme Lévesque
(Johanne) : C'est ça.
M. Gaudreault : Maintenant, je veux revenir un peu sur la question
de l'aspect génétique de la chose. Au moins, est-ce que ça nous permet de déceler plus facilement ou plus rapidement
un TDAH? Parce que je comprends qu'il peut y avoir tous les
tests psychosociaux, les rencontres, etc., mais l'aspect génétique, il n'y a
pas un côté un peu plus mécanique à ça?
Mme Lévesque
(Johanne) : Bien, en fait, à ma connaissance, il n'y a aucun test
génétique, en ce moment, qui existe pour pouvoir dépister ça. Nous, en ce
moment, on travaille à développer, via l'intelligence artificielle,
l'identification, justement, précoce via l'activité neuroélectrique des
cerveaux, que j'ai en ma possession, pour pouvoir le prédire. Mais on n'est pas
rendus là. On en a encore, moi, je vous dirais, peut-être pour un an.
M. Gaudreault :
Ah! c'est à côté. Oui, oui, oui.
Mme Lévesque
(Johanne) : Ça fait que ce n'est pas si loin que ça, mais c'est...
oui. Mais ce n'est pas... on ne voit pas l'aspect génétique, mais on pourrait
arriver, avec un électroencéphalogramme, à dire : Opelaïe! Cet enfant-là
est à risque à 92 % de présenter des symptômes d'un TDAH.
M. Gaudreault :
O.K. Il me reste combien de temps?
Le Président
(M. Provençal)
: 30 secondes.
M. Gaudreault :
Bon. 30 secondes. Juste pour vous faire une recommandation d'un roman que
vous avez peut-être lu, Royal, de Jean-Philippe Baril Guérard...
Mme Lévesque
(Johanne) : Non.
M. Gaudreault :
...qui parle, justement, des étudiants en droit, qui ont énormément de pression
à l'université pour la course aux stages et qui prennent des...
Mme Lévesque
(Johanne) : Des psychostimulants.
M. Gaudreault :
...des psychostimulants, effectivement, pour être capables de bien performer
pour la course aux stages. Alors, ça me fait beaucoup penser à ça. Alors, c'est
en train de contaminer notre littérature également, ce qui peut permettre de
sensibiliser.
Mme Lévesque
(Johanne) : Oui.
M. Gaudreault :
Alors, voilà. Merci.
Mme Lévesque
(Johanne) : Bienvenue.
Le Président (M. Provençal)
: Merci
beaucoup, Dre Lévesque, pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Je vais demander à
l'autre... suspendre les travaux quelques instants pour permettre au prochain
groupe de nous rencontrer.
(Suspension de la séance à
17 h 14)
(Reprise à 17 h 16)
Le Président (M. Provençal)
: Nous allons terminer notre séance
de travail avec les représentants du Mouvement Jeunes et santé mentale. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je
vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. À vous la parole.
Mouvement
Jeunes et santé mentale
Mme Boucher
(Anne-Marie) : Merci.
Mme Benoit-Huneault
(Stéphanie) : Bonjour. Mon nom est Stéphanie Benoit-Huneault. Je suis
coordinatrice du Mouvement Jeunes et santé mentale.
Mme Boucher (Anne-Marie) : Je m'appelle Anne-Marie Boucher. Je suis
responsable des communications et de l'action sociopolitique au
Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec et membre
du comité de coordination du Mouvement Jeunes et santé mentale.
On voulait, d'entrée
de jeu, remercier les membres de la Commission de la santé et des services
sociaux de nous entendre aujourd'hui. On est très honorées d'être là. On veut
aussi remercier les jeunes qui militent au mouvement depuis ses tout débuts, en
2016, qui ont livré aussi leurs paroles pour qu'on l'amène en haut lieu
politique. Donc, vraiment, on remercie chacun et chacune de ces personnes qui
ont contribué.
On
aurait aimé qu'un jeune ou qu'une jeune soit présent avec nous aujourd'hui,
donc, quelqu'un qui milite avec nous, mais, compte tenu des délais de
convocation, ça a été difficile de faire une présentation qui aurait été
satisfaisante et pleine de sens pour nous. Donc, on a préféré venir sous cette
forme. Donc, bien désolées de ne pas pouvoir les entendre directement
aujourd'hui.
Pour ce qui est du
Mouvement Jeunes et santé mentale, en bref, c'est un mouvement qui existe
depuis 2016, qui a été lancé suite à une grande consultation qui a été menée un
peu partout au Québec. Ce qu'on souhaitait, c'était de comprendre, en fait, ce
qui se jouait quant à la hausse accrue des diagnostics en santé mentale, en
général, chez les jeunes, aussi, la hausse accrue de la prise de médicaments.
Et cette préoccupation-là, en fait, était née suite à un travail conjoint, si
on veut, autour du rapport, en 2009, de la commission de l'éthique sur les
sciences et la technologie, qui traitait de l'usage élargi des psychotropes. On
parlait de l'usage de performance tout à l'heure. Ça faisait partie de ce
rapport-là, mais aussi l'usage auprès des jeunes.
Donc, depuis 2016, on
a un mouvement pour, par et avec les jeunes, qui travaille sur différents
champs, sur différents dossiers. On n'est pas des spécialistes de la question
du TDAH à proprement parler parce qu'on ne travaille pas nécessairement avec
les diagnostics, mais plus largement avec les enjeux de la santé mentale. On
travaille évidemment sur l'enjeu de la médicalisation, des difficultés vécues
par les jeunes. Et des thèmes sur lesquels on travaille fortement, c'est
l'enjeu des droits en santé mentale et aussi les conditions de vie qui sont à
la racine souvent des difficultés en santé mentale.
Mme Benoit-Huneault
(Stéphanie) : Donc, de prime à bord, on aimerait ça, un peu, définir
ce qu'on entend par médicalisation, qui a tendance à être confondue des fois
avec le fait de donner des médicaments, qui est la médicamentation, deux
choses. La médicalisation, en fait, c'est vraiment le fait d'apposer un
diagnostic sur un comportement ou encore un événement, en fait, qui ne relève
pas du champ médical. On pourrait parler, entre autres, de la souffrance liée à
un deuil. Bref, en somme, là, la médicalisation, c'est vraiment le fait de
détourner l'attention de l'environnement social vers l'individu, en gros.
Mme Boucher (Anne-Marie) : Nous, donc, en 2016, c'était vraiment
une collecte d'information assez large sur la santé mentale, mais, pour les besoins de cette commission-ci, à
l'été 2019, on a mené un coup de sonde par des questionnaires en ligne pour essayer de recueillir une parole
plus diversifiée sur l'enjeu spécifiquement du TDAH. Donc, d'abord, on aimerait
vous ramener quelques enjeux qui sont ressortis de ce coup de sonde là qui a
été mené auprès de jeunes jusqu'à l'âge de 30 ans en lien avec le
diagnostic et la médication du TDAH.
Donc, premier aspect
qui est ressorti de cette consultation-là, c'est que le diagnostic de TDAH, il
s'inscrit dans un contexte social spécifique. On a parlé, tout à l'heure, de
pression de performance, c'est une pression que les jeunes subissent à l'école dans leur milieu, mais les
adolescents, les jeunes adultes et les parents aussi, hein? Donc, il faut
garder vraiment un oeil large sur tous les milieux dans lesquels les
jeunes évoluent.
• (17 h 20) •
Je
vous cite un des témoignages qu'on a reçu : «C'est un retour à l'école, à
28 ans, qui m'a amené à aller chercher le diagnostic. Avec le
boulot à temps plein, les cours du soir, j'étais incapable de porter attention
pendant les heures de classe. Aussi, le seul temps que j'avais pour faire mes
lectures et travaux était pendant les week-ends. Il m'était littéralement
impossible de rester concentré sur la tâche que je devais faire.» Ça, on a reçu
plusieurs témoignages qui parlaient de la pression puis la difficulté, en fait,
à atteindre un niveau de réussite ou un niveau de performance suffisant aux
yeux de la personne. Il y a vraiment un lien fort entre le diagnostic de TDAH,
je pense que vous l'avez vu depuis le début de la commission, et le milieu
scolaire, parce que le milieu scolaire, c'est vraiment un révélateur, des fois,
c'est un déclencheur de difficulté et d'anxiété. C'est vraiment en lien avec la
réussite et l'échec scolaire, mais c'est aussi en lien, parfois, avec de
l'intimidation. C'est ressorti beaucoup dans notre coup de sonde, il y avait
plusieurs jeunes qui disaient vivre de l'intimidation à l'école, et c'est suite
à ça qu'ils ont reçu leur diagnostic de TDAH. Donc, quand on parle de
diagnostic erroné, parfois, ça peut être une explication.
Finalement,
bien, ce qu'on a vu aussi dans notre coup de sonde, c'est que, dans certains
témoignages, l'école jouait un rôle dans la médicalisation des difficultés,
c'est-à-dire qu'il y avait une pression de la part du milieu scolaire,
que ce soit des enseignants ou de la direction, pour qu'un enfant prenne une
médication. Je cite : «L'école a forcé mes parents et leur a dit que, si
je n'étais pas diagnostiqué, elle refusait de me reprendre.»
Mme Benoit-Huneault
(Stéphanie) : Le deuxième
aspect qui est vraiment ressorti au niveau du sondage, c'est le mode d'attribution du diagnostic, c'est-à-dire
qu'il est très variable, c'est-à-dire une variété de professionnels qui peuvent
être impliqués, pas toujours les mêmes, pas toujours des
neuropsychologues, les temps de consultation qui varient de cinq minutes à trois
rencontres d'une heure, où on prend vraiment le temps avec le jeune de parler
de son parcours de vie et ce genre de trucs là.
Mme Boucher
(Anne-Marie) : Et ça, le
moment du diagnostic et de la prescription, ça ressortait beaucoup, parce que
les jeunes, dans notre coup de sonde, nous disaient... En général, ce
qui était rassurant pour nous, c'est qu'ils ont reçu de l'information, hein?
Ils recevaient le diagnostic, ils avaient un peu d'information sur le
diagnostic, de l'information sur leur médication. Par contre, ce qu'on a eu
dans notre consultation, c'est que ce n'est pas tous les jeunes qui avaient de
l'information sur les effets secondaires de la médication. Donc, ça, parfois,
c'était manquant. On se rend compte qu'il y a des jeunes qui prennent la
médication sans vraiment savoir ce qu'ils prennent ni ce que ça peut causer.
Presque tous les répondants de notre coup de
sonde ont fait état d'effets secondaires qui étaient nuisibles, de modérés à
plus graves. Donc, on parle vraiment de perte d'appétit, impulsivité et
troubles du sommeil. Il y a plusieurs répondants
qui ont nommé une perte du sentiment d'être soi. Donc, ce n'est pas à négliger,
le sens puis le sentiment de connexion face à nos émotions. Malgré ces
effets secondaires là, qui ont été nommés par presque tous les répondants, la
plupart disaient quand même que c'était contrebalancé par les effets positifs.
Donc, évidemment, ce n'était pas tout noir,
ils se disaient : Il y a plus d'effets favorables que défavorables, donc
je poursuis ma médication. Par contre, il y avait quand même plusieurs
répondants qui parlaient que les effets secondaires étaient plus nuisibles que
les symptômes pour lesquels ils prenaient initialement la médication, et ça, ça
nous interroge quant au suivi médical qui est offert à ces jeunes-là qui vivent
des effets secondaires néfastes importants.
Mme Benoit-Huneault
(Stéphanie) : Donc, en ce sens-là,
au regard de ces constats-là, pour nous, l'enjeu du TDAH est vraiment
indissociable, pour nous, d'une réflexion plus large sur la question de la
médicalisation, la médicalisation des
problèmes sociaux vécus par les jeunes, évidemment. On a parlé,
tantôt, d'une consultation qu'on avait menée en 2016 avec 50 organisations,
160 jeunes, 150 intervenants. Je souhaite vous présenter ici des
grandes lignes de ce qu'on nous a communiqué.
Dans un premier temps, les jeunes nous disent : Le diagnostic
tombe trop vite. Le diagnostic a un effet identitaire qu'on ne doit pas
négliger. On parle ici de stigmatisation, d'étiquetage. La médication est
parfois la seule réponse proposée, puis elle est présentée comme la vraie
solution rapide, accessible et efficace. Les jeunes n'ont pas toujours toute l'information,
que ça soit sur le traitement, les effets, les alternatives possibles, mais
aussi sur les interactions entre la médication et la consommation de drogue et
d'alcool. Et, finalement, les effets secondaires — justement, madame nous
l'a nommée précédemment : la médication peut être incapacitante, voire
même dépasser les effets bénéfiques attendus.
Mme Boucher (Anne-Marie) : Ce
qu'on avait reçu aussi dans notre coup de sonde en 2016, donc cette vaste consultation là qu'on a menée à l'échelle du Québec,
c'est qu'il y avait plusieurs jeunes qui disaient qu'ils avaient le sentiment puis la
sensation que les médicaments agissaient, oui, sur des symptômes reliés à un
état, mais qu'on ne s'adressait vraiment pas aux causes, aux conditions de vie
dans lesquelles ils évoluaient. Ça fait qu'il est vraiment question d'élargir le regard. Je vous cite :
«Des fois aussi, ce n'est pas juste les neurones qui ne fonctionnent pas comme
il faut, il y a une raison pourquoi les neurones ne fonctionnent pas
comme il faut. Des fois, c'est que nos parents, ils ont leurs problèmes, eux
autres aussi, puis des fois, nos problèmes, bien, ça vient de là.»
Il y avait
aussi l'aspect de l'enjeu de l'accès aux services psychosociaux, l'attente très
longue. On le sait, on n'a pas suffisamment
de professionnels dans les écoles, les services ne répondent pas toujours aux
besoins des jeunes. Il y a des jeunes qui nous ont dit, par exemple,
qu'il avait réussi à avoir un psy, mais très vite il a été dirigé vers des
thérapies de groupe, et ce n'était pas quelque chose qui lui convenait. Donc,
vraiment, l'enjeu d'écouter les besoins des jeunes était toujours central dans
ce qu'on recevait.
Mme Benoit-Huneault
(Stéphanie) : Donc, ce qu'on
souhaite vous transmettre aujourd'hui en termes de recommandations, c'est quatre grandes recommandations qui
touchent, oui, évidemment, l'enjeu d'aujourd'hui sur la question du TDAH, mais
aussi plus largement la question qui est en lien avec la médicalisation.
D'abord,
il faut vraiment un accès qui est gratuit à la psychothérapie, à
l'accompagnement, aux alternatives, de manière à ce que les jeunes aient
vraiment un réel choix face à ces différentes options là, pas juste les jeunes,
mais les familles aussi, et ça, c'est à la fois dans le réseau de la santé,
dans le milieu de l'éducation, mais aussi dans le milieu communautaire, et ce, sans nécessiter d'avoir un
diagnostic. Justement, en cette journée, là, de mise à jour économique, là, on
souhaite vraiment mettre de l'avant l'importance d'un financement accru des services
publics et communautaires pour que les citoyens aient vraiment accès aux
services auxquels ils ont droit.
Notre
deuxième revendication, c'est vraiment de s'assurer d'une participation, en
fait, égalitaire des jeunes sur les questions
qui les concernent. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire d'être à l'écoute
de leurs besoins réellement, de leurs aspirations,
de leur compréhension des difficultés qu'ils vivent, mais aussi de leurs idées
qu'ils transportent aussi avec eux pour
vraiment transformer les milieux dans lesquels ils évoluent, mais aussi les
politiques qui s'adressent à eux.
Mme Boucher
(Anne-Marie) : Troisième revendication qu'on porte depuis le début,
c'est vraiment de faire en sorte que
l'exercice du droit à l'information, à la participation, au droit à
l'accompagnement et au consentement aux soins libre et éclairé soit respecté et garanti pour tous les
traitements en santé mentale, y compris dans le cas du TDAH. Par exemple, les effets secondaires doivent être
connus et expliqués. La personne doit pouvoir participer pleinement aussi au
suivi médical en étant entendue, et ce, même quand il fait état d'effets
secondaires qui sont nuisibles à sa qualité de vie.
Finalement,
on recommande aujourd'hui qu'une commission parlementaire plus large soit mise
sur pied, de manière à traiter l'enjeu
de la médicalisation, que ce soit chez les jeunes, mais aussi chez les adultes
et les aînés. Il faudra en faire une
opportunité pour définir des solutions avec l'ensemble des acteurs concernés, y
compris les jeunes, et ça, pour le détail, dans notre mémoire,
pages 22, 23, vous avec le détail de ça. On croit qu'on devrait examiner
la médicalisation, ses causes et ses effets, aussi constater que la
médicalisation vient gommer les conditions de vie, les conditions sociales dans
lesquelles évolue une personne, parce qu'on se concentre, de façon très
limitée, et notre regard et notre intervention sur l'individu et sa biologie.
Donc, il nous manque une grande partie du tableau.
Le Président
(M. Provençal)
: Nous allons débuter
la période d'échange avec le groupe du gouvernement.
Mme Picard :
...permettrait de terminer ses quelques phrases, si vous lui permettez.
Le Président
(M. Provençal)
: Oui. Oui, oui.
Excusez.
Mme Benoit-Huneault
(Stéphanie) : On en était à notre conclusion.
Le Président
(M. Provençal)
: Allez-y.
Excusez-moi.
Mme Benoit-Huneault
(Stéphanie) : Ah! sans problème. Sans problème. Donc, dans le fond,
pour nous, en élargissant, là, vraiment la réflexion sur la question de la
médicalisation de manière générale, il ne s'agit évidemment pas de nier ici les
difficultés vécues par les jeunes et leur entourage ni même l'apport de la
médication que ça a pour certains jeunes. C'est plutôt, en fait, l'occasion de
nous demander collectivement : Comment on répond actuellement aux
difficultés vécues par les jeunes? Est-ce que ces réponses-là sont adéquates?
Comment on peut mieux faire face à ces problématiques-là dans le respect du
vécu des personnes, du vécu des jeunes, des... oui, c'est ça.
Pour nous, il faut
appeler vraiment une réponse plus large, plus généreuse, qui tiendrait compte
des difficultés sociales, économiques vécues
par les jeunes. Il faut s'attaquer, donc, aussi aux conditions de vie des
personnes vivant des difficultés plutôt que de proposer d'abord et
parfois seulement juste le médicament comme solution, parfois vu comme unique
ou magique.
Donc, il faut
vraiment procéder à un coup de barre, de manière à permettre à chaque personne
d'exercer ses droits et d'avoir accès à l'accompagnement et à l'aide dont elle
a réellement besoin, qu'elle nomme qu'elle a besoin. Donc, c'est à la fois un
enjeu de santé, mais c'est aussi un enjeu de justice.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous
pouvons, donc, débuter notre période d'échange avec le député de Richmond.
M. Bachand :
Il y a beaucoup de stock dans ça, hein?
Honnêtement, là. J'ai fait une lecture en diagonale, il y a beaucoup,
beaucoup de choses, mais, avec votre accord, cependant, je vais essayer de
ramener ça au mandat qu'on a à la commission aujourd'hui.
Alors,
dans l'expérience et l'expertise que vous avez au niveau des jeunes, par
rapport... et aux chiffres qu'on connaît maintenant, là, que le Québec est le
champion au niveau de la médicalisation, le Saguenay est le champion au Québec,
justement, pour ça aussi, malheureusement, alors donc qu'est-ce que les jeunes
vous disent? Parce qu'on parle de stigmatisation, et tout ça, mais les jeunes,
ils se disent quoi? Ils disent : J'aime mieux prendre le médicament puis
mieux vivre socialement ou au niveau de la famille? Parce qu'il y a une
pression. On connaît tous des familles qui disent : Mon enfant, là... qui
disent au médecin, ou au thérapeute, ou à un neuropsychologue : Ce n'est
pas vous qui vivez avec mon enfant à tous les jours. Hein?
La
quotidienneté des parents fait en sorte qu'il y a une pression directe ou
indirecte par rapport à la personne capable de faire le diagnostic. Mais les
jeunes vous disent quoi par rapport à ça? Parce qu'on a vraiment un problème.
S'il y a une commission aujourd'hui... puis je le dis depuis le début de la
commission, si on a une commission là-dessus, c'est parce qu'il y a un
problème. Il s'agit de le comprendre, de le définir et d'apporter des éléments
de solution, mais... surtout, vous êtes en contact avec les jeunes. Par rapport
à ça, qu'est-ce qu'ils vous disent spécialement, spécifiquement sur le problème
ici?
• (17 h 30) •
Mme Boucher
(Anne-Marie) : Sur l'enjeu spécifique du TDAH, nous, ce qu'on entend,
en général, en santé mentale ou quand on vit des difficultés, c'est sûr que les
gens souhaitent aller bien, ils souhaitent bien s'insérer dans les milieux sociaux, parce qu'on est des animaux
sociaux, on a besoin de se sentir bien intégrés dans nos milieux, on a besoin de sentir qu'on réussit, qu'on a notre place dans les
milieux dans lesquels on est. Ça fait que c'est sûr qu'en général les jeunes
nous disent qu'ils aimeraient ça que ça se passe bien, ils aimeraient ça
réussir, surtout qu'on est dans un contexte où les écoles sont de plus en plus
compétitives, et ça, tant au primaire qu'au secondaire.
On parlait des projets particuliers tantôt, évidemment,
il y a des effets positifs à ça, mais ça crée aussi un effet de compétition
scolaire, où il y a une pression sur les élèves à performer, parce que, dès le
secondaire, il faut être admis dans les bonnes écoles pour ensuite être admis
dans les bons programmes, et ainsi de suite.
Donc, c'est sûr que les jeunes ressentent cette
pression-là. Et ils veulent, évidemment, être les plus performants, les mieux insérés possibles. En même temps, il y a
une résistance de certains jeunes qui se disent : Il y a cette norme-là
de performance qui est très étroite. Mais, nous, c'est comme faire un entrer un
cercle dans un rond... un cercle dans un carré, pardon... ça, ça rentrerait...
un cercle dans un carré. Quelle image parlante! Un cercle dans un rond. Mais ils
disent : Vraiment, ce qu'on sent, c'est qu'on est différents. On est tous
différents, en fait. Puis la norme de ce qui est reconnu comme étant non pathologique est de plus en plus étroite. Et ça,
les jeunes, ils nous disent qu'ils se sentent à l'étroit là-dedans. Ils
aimeraient qu'on puisse valoriser différentes façons d'être au monde,
différentes façons d'être à l'école aussi et
différentes capacités. Il y a des personnes qui sont plus manuelles que
d'autres. Pourquoi est-ce qu'il y a des parcours qui sont moins
valorisés et qui se terminent en bout de route par des salaires aussi qui sont
très, très bas et qui font en sorte qu'on a de la misère à faire vivre notre
famille ou nous-mêmes? Donc, évidemment, les jeunes, ils ne sont pas dupes. Ils
savent qu'on est dans une société où il y a de la compétition et des
inégalités. Et ils espèrent s'insérer le mieux possible. Mais, en même temps,
il y a cette pression-là, de répondre à la norme.
M. Bachand :
Parce qu'il va avoir des cas très lourds qui méritent un médicament. Vous en
connaissez. C'est clair. Mais il y a d'autres façons de le faire. On a
l'impression, aujourd'hui, parce que... Je vais être honnête avec vous. Moi, il
n'y a pas de parent qui est venu me voir pour me dire que ça n'a pas de bon sens,
le nombre de diagnostics qu'on fait au
Québec. Des parents, il n'y en a pas, là, hein? C'est des experts comme vous et
des groupes comme vous qui viennent dire aux politiciens, aux
politiciennes : Il y a un problème. Mais on ne voit pas de... Il n'y a pas
500 000 personnes dans la rue pour
dire qu'on a un problème parce qu'on est deux fois plus diagnostiqués puis deux
fois plus de médicaments au Québec. Est-ce qu'on est en train de
banaliser en quelque part?
Mme Boucher (Anne-Marie) : De
banaliser?
M. Bachand :
Banaliser le fait que c'est correct, de prendre ces médicaments-là. En tout
cas... Je sens qu'il y a une problématique réelle, mais, à ce
moment-là... Parce que, si les parents, entre autres, mais c'est tout le monde,
là, moi inclus, tout... Si on se dit : Bah! Vaux mieux ça qu'autre chose...
Quelle est la motivation d'aller chercher autre chose, justement, qu'une
médication éventuellement? C'est ça. Ma crainte, c'est que je ne sens pas un
mouvement populaire très fort, à ce stade-ci, du moins.
Mme Benoit-Huneault
(Stéphanie) : Bien, je fais,
je pense que... Peut-être que des parents se sentent peut-être rassurés
par ce diagnostic-là. Mais, en même temps, je pense que les jeunes nous parlent
aussi des effets que ça a sur eux, tu sais. Puis non seulement ça, mais on
parlait tantôt de la question de l'accessibilité des services. Par exemple,
l'intervenante avant nous parlait de quand elle reçoit des gens en cabinet. Les
évaluations, on parlait tantôt, ça coûte entre 2 000 $, 2 500 $.
Quand tu n'as pas accès, quand tu n'as pas le 2 000 $,
2 500 $, et que tu es devant ton médecin de famille, et que tu dis : Je vis une problématique, mais que,
dans le fond, ta problématique, c'est peut-être qu'il y a des problèmes
qui se passent au niveau de ta famille, mais que... puis qu'il n'y a rien qui
est mis en place. Il n'y a pas de service auquel tu as accès, ou on te
dit : Bien, attends dans un an, deux ans, trois ans. Bien, c'est dommage,
parce que tu n'as pas d'argent. Si tu avais
de l'argent, je te dirais : Voici une référence et va consulter. Mais la
réalité est qu'en ce moment les services ne sont pas accessibles.
Mme Boucher (Anne-Marie) : Il y
a plusieurs familles...
Mme Benoit-Huneault
(Stéphanie) : C'est ça, tu
sais. On s'entend. Puis ce n'est pas parce que les gens ne veulent pas
les services, au contraire. Les gens veulent les services. Les gens veulent
aller mieux comme... Les jeunes veulent aller mieux, tu sais. Donc, je pense
qu'à ce niveau-là il faut vraiment écouter... Ça, ça a été vraiment quelque
chose qui est ressorti très, très fortement aussi de ce que les jeunes
voulaient, entre autres, particulièrement, des jeunes qui... Puis, des fois,
c'est des problématiques même au niveau de l'accès de base. En santé, par
exemple, on a discuté avec des jeunes, tu
sais, qui ont vécu ou qui vivent des situations d'itinérance. Avoir accès à un
médecin de famille, ce n'est pas quelque chose qui est facile ou de...
quand tu es constamment en déplacement, tu sais. De dire : Oui, je vais te
donner ma référence et voici mon numéro de téléphone... Tu es constamment en
déplacement, ce n'est pas quelque chose qui est nécessairement facile, tu sais.
Donc, il y a
des enjeux sociaux qui traversent tout ça. Il y a des services qui ne sont pas
accessibles. Puis je pense que ce qu'on essaie aujourd'hui de faire,
c'est vraiment de vous transmettre cette parole de jeune là et puis de faire...
Il faut agir au regard de pas seulement ce que les parents ou les experts disent,
mais en fait, principalement, ce que les jeunes disent. Ils disent : On
vit des problématiques et on veut.
Mme Boucher (Anne-Marie) : Peut-être que, sur la question de la
banalisation, vous avez raison de dire qu'il y a une culture biomédicale qui est très présente dans notre imaginaire, au
sens où, avant, on disait : Ah! lui, c'est un tannant. Lui,
c'est un petit... C'est un petit snoreau. Mais là, lui, c'est un hyperactif. On
a plus tendance à réfléchir les choses, les divergences de comportements
en termes de diagnostic. Puis ça, ça banalise peut-être un peu l'octroi de
diagnostics à des enfants puis la prise d'une médication.
Et
les parents, je pense que, s'ils avaient accès à des alternatives à la
médication qui seraient gratuites, accessibles rapidement, je suis
certaine que... pas tous les parents, mais plusieurs parents opteraient pour
ces alternatives-là plutôt que pour la médication, s'il y avait des
aménagements qui étaient plus facilement installés dans les écoles aussi. Ça
fait que c'est... Il y a cet attrait-là, je crois, pour d'autres réponses.
M. Bachand :
Merci, M. le Président.
Le Président
(M. Provençal)
: Mme
la députée de Soulanges.
Mme Picard : J'aimerais vous entendre surtout... Vous avez
parlé de la pression pour être dans les bonnes écoles. J'imagine que,
dans le temps de mon collègue, il y avait aussi une certaine pression pour
aller dans les bonnes écoles. Qu'est-ce que vous pensez qui a changé de ces
années-ci... le clash des générations, là? Il est où, le lien?
Mme Boucher (Anne-Marie) : Là, je mets mon chapeau de sociologue de
l'éducation. Ce qui a changé... En fait, l'école québécoise a changé
énormément depuis les années 80‑90. On assiste vraiment à une montée et de
la concurrence du privé et de la concurrence des établissements publics entre
eux. C'est quelque chose qui a changé en termes de culture scolaire. Les
syndicats le dénoncent depuis des années, les groupes de parents le dénoncent.
Il y a un changement de culture qui est à l'oeuvre, puis on dirait que là
c'est...
C'est quand même dans
l'arrière-plan de l'enjeu du TDAH. C'est que la classe régulière, où les jeunes
qui ont plus de difficultés face à l'école se retrouvent généralement, elle a
été écrémée de 40 % à 50 % des élèves qui ont le plus de facilité, et
ça, ça rajoute une pression sur la salle de classe, ça rajoute une pression sur
l'enseignante ou l'enseignant et ça crée une différence en termes de réussite scolaire
ou de décrochage scolaire. Ça fait aussi partie de l'arrière-plan de l'enjeu de
l'échec ou de la réussite, ça fait que c'est... Je dirais ça, en bref.
Mme Picard :
Moi, j'ai entendu aussi certains... J'imagine que vous l'avez déjà entendu, là,
qu'un enfant qui ne se fait pas médicamenter, quand il en aurait peut-être de
besoin pour son TDAH, s'automédicamente avec soit du cannabis ou d'autres
drogues. Donc, ça, ça peut ajouter aussi peut-être une pression aux parents, de
dire : Ah! mon Dieu! Je vais médicamenter mon enfant parce que je ne veux
pas qu'il soit intoxiqué plus tard. J'aimerais savoir, selon ce que vous avez
dans votre entourage, là, votre organisme, qu'est-ce que vous en pensez.
Mme Benoit-Huneault
(Stéphanie) : Les jeunes ne nous ont pas parlé de cette
problématique-là. En fait, ce que les jeunes souhaiteraient, c'est d'avoir des
renseignements. Est-ce qu'il y a des interactions... Advenant le cas où on me
prescrit, par exemple, du Concerta, est-ce qu'il y a des interactions qui
pourraient nuire si, disons, je prends du cannabis ou autre? Ce qu'ils veulent,
c'est l'information.
À
ce moment-là, un coup qu'ils ont l'information, on doit faire confiance à leur
jugement, puis, en fait, ils veulent qu'on leur fasse confiance. Ils
veulent l'information. Ils sont comme : Bien là, je ne veux pas... je
veux... On avait l'idée de... Je veux aller bien, là, mais, qu'on me donne
l'information en conséquence, là.
Mme Boucher (Anne-Marie) : Mais, tu sais, je pense, il ne faut pas tomber
dans un piège, de dire : Bien, il faut médicamenter pour éviter
l'automédicamentation. Je trouve que l'exposé juste avant le nôtre était très
convaincant, à savoir qu'il existe des alternatives sans effet secondaire
nuisible, qui peuvent aider à améliorer la plasticité du cerveau ou à
développer des stratégies pour gérer la question l'attention, justement.
Donc, c'est de
dire : Oui, il faut qu'il y ait une intervention et un accompagnement qui
soient plus généreux dans les écoles pour que le jeune ne se sente pas constamment
défaillant et pas suffisant face à l'école. Ça fait que c'est sûr que, oui, il
y a une nécessité d'accompagnement mais pas nécessairement seulement la
médication.
Le Président
(M. Provençal)
: M. le député de
Dubuc.
M. Tremblay : Merci, M. le Président. J'ai une question qui me vient à l'esprit. On
parle de revoir le modèle des écoles. Sans nommer de nom, sur les
intentions qui se présentent au niveau de la société, de revoir... Est-ce que
ce nouveau modèle d'école là n'est pas, selon votre avis, plus cosmétique?
Est-ce qu'il tient compte de cette réalité-là qui nous saute aux yeux, là, ou
est-ce que, finalement, le fait d'avoir une... je ne dirai pas une cuisine mais
un bistro, des aménagements x, y... Pensez-vous qu'on a intégré tout ça dans la
démarche qui est déjà en mouvement?
Mme Benoit-Huneault (Stéphanie) : Bien, je dirais... Je vous référerais, en fait,
au Conseil supérieur de l'éducation, qui avait écrit un avis sur... le
titre m'échappe...
Mme Boucher
(Anne-Marie) :
Une école riche de tous ses élèves.
Mme Benoit-Huneault (Stéphanie) : Voilà, merci bien... qui parlait, justement, de
comment on inclut les jeunes, entre autres, qui ont... qui sont diagnostiqués TDA, TDAH, puis de comment on doit...
comment il y a des mesures qui peuvent être faites pour,
par exemple, disons, un élève TDAH dans la classe, mais comment ça
bénéficie, en fait, à l'ensemble des élèves, ces mesures-là.
Non
seulement ça, mais, dans leur avis, ils disaient aussi : Il faut faire
attention aussi parce que, dans le milieu scolaire, il y a cette tendance à la médicalisation,
justement, parce que le modèle, il est ça, en classe, ça se passe de cette manière-là,
c'est comme ça qu'on fonctionne, puis, voilà, il faut que tu rentres dans ce
modèle-là, justement, le cercle dans le cercle...
• (17 h 40) •
Une voix :
Le cercle dans le cercle.
Mme Benoit-Huneault (Stéphanie) : ...le cercle dans le cercle. Donc, je crois que
c'est possible, même à l'intérieur des...
sans changer nécessairement, là...
Une voix :
Les bâtiments, là.
Mme Benoit-Huneault (Stéphanie) : Oui, c'est ça, là. Les bâtiments, je pense que
c'est une autre question, mais l'aménagement à même la formule dans la
classe, où, des fois, juste les affiches dans les salles qui peuvent, des fois,
peut-être... quand il y a beaucoup de stimuli, là, ce genre de truc là, là, ou
juste de... O.K., bon, ça fait une heure qu'on est assis, on va bouger un peu,
ou on va présenter les choses de manière plus interactive, on va travailler en
équipe ou on change en fonction des besoins qui sont présents au sein des
élèves de la classe en écoutant ce que les élèves nous demandent, qui ont
besoin aussi, tu sais.
Mme Boucher
(Anne-Marie) : Ça fait que ce n'est peut-être pas tant, en fait, dans
le type de bâtiment qu'ils vont être élaborés. Mais, par exemple, des mesures
comme des cantines scolaires, ça peut faire une différence. Si les élèves ont
un bon repas, justement, bien protéiné dans leur ventre versus un lunch très
sucré, peut-être que les cantines publiques auraient un impact dans les écoles.
Le fait que les profs, oui, sont sensibilisés au fait de prendre des moments, peut-être,
de méditation, de yoga, c'est sûr, c'est des mesures qu'on sait qui
fonctionnent, puis le fait d'avoir mangé, d'avoir bien dormi puis d'avoir des
espaces pour ventiler pendant la journée, c'est la base.
Mme Benoit-Huneault
(Stéphanie) : ...il y a malheureusement encore beaucoup d'élèves qui
vont à l'école et qui n'ont pas mangé parce qu'on est dans... par exemple, on
est dans un contexte familial où les conditions socioéconomiques ne sont vraiment
pas enviables. C'est une réalité encore aujourd'hui.
M. Tremblay :
On a parlé aussi de l'intervention de la famille, de l'intervention du milieu
scolaire, un réseau d'intervention, finalement, même au niveau de la santé.
Est-ce qu'on pourrait dire qu'il serait à propos de... Si vous aviez à
prioriser... qui devrait recevoir davantage d'outils, ou si ce ne serait pas
plutôt en simultané, ou on doit le voir de façon générale ensemble pour
améliorer la situation?
Mme Benoit-Huneault
(Stéphanie) : ...penser qu'on va travailler en silo et qu'on va régler
le problème. Je pense qu'il faut travailler de manière concertée dans
l'ensemble de ces milieux-là, c'est-à-dire, ces problèmes-là sont dans ces
différents environnements là et on doit agir dessus, on doit agir également non
seulement... on doit agir de manière générale sur les conditions de vie des
gens, c'est-à-dire sur les questions d'inégalités sociales, sur les questions,
justement, d'aménagement dans les classes, comme on parlait tantôt.
Mme Boucher
(Anne-Marie) : Puis, peut-être, en termes de priorisation, c'est sûr,
quand on parle des enfants, bien, évidemment, c'est des enfants qui sont dans
des familles, puis on a tendance, des fois, à dire : Ah! bien, il faut
mieux sensibiliser les parents. C'est sûr que... Disons, comme moi, présentement,
moi, j'ai un fils de 11 ans, j'ai une petite de trois ans. Quand je
travaille peu, j'ai des semaines plus allégées, tout ça, j'ai le temps de faire
mon épicerie, tout ça, bien, je suis plus disponible à mes enfants pour avoir
des moments de qualité, lire, aller marcher, aller courir au parc, mais, si
j'ai du travail jusque-là, bien, je vais dire aux enfants : Bon, bien,
faites votre écran, là, moi, il faut que je travaille parce que j'ai une commission
parlementaire dans deux jours, hein? Non, mais, il faut le voir... Quand on
parle d'une approche plus systémique ou globale, c'est aussi de se dire :
Bien, parler du TDAH, c'est aussi des enjeux de conciliation travail-famille,
de s'assurer que les familles aient suffisamment... lorsque les deux parents
travaillent pour pouvoir peut-être ne pas travailler à temps plein les deux,
mais penser à des horaires aménagés. Puis ça, c'est du temps de qualité qu'on
se dégage pour être avec nos enfants puis, justement, pouvoir aller marcher,
cuisiner des repas de qualité avec des protéines, et tout ça. Et tout ça, bien,
ça a un impact.
Donc, une approche
systémique, là, on a l'air d'être très... on va vous révolutionner le Québec en
son entier, mais, quand on parle de santé mentale, c'est directement lié aux
déterminants sociaux de la santé. Donc, oui, travailler avec les parents,
travailler avec les milieux scolaires, le milieu de la santé, le milieu du
logement, c'est vraiment transversal.
M. Tremblay :
Merci.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci beaucoup. Je
cède maintenant la parole à Mme la députée de Fabre.
Mme Sauvé :
Merci, M. le Président. C'est un plaisir de vous recevoir. Moi, j'aime toujours,
quand je suis en commission parlementaire, d'avoir l'éclairage un peu représentatif de l'ensemble des enjeux. Alors, on
a entendu beaucoup les professionnels
de la santé, les cliniciens et là on a la voix des jeunes qui s'expriment,
alors merci beaucoup d'être là. C'est
très apprécié, la vaste consultation que vous avez menée, parce
qu'effectivement il y a des réalités très importantes qui sont
exprimées.
On
revient un peu sur l'aspect... on a parlé beaucoup de la pression de la
performance, mais vous avez beaucoup mis l'accent aussi sur la réalité
de la famille. Alors, donc, il y a... Puis là je fais appel à votre expertise
comme sociologue aussi, cette sensibilité...
Une voix :
...
Mme Sauvé :
Les deux? Alors, toutes les deux. Donc, c'est évident que, dans l'évaluation
de... l'élaboration d'un diagnostic, ou même
à l'étape des observations, on a beaucoup nommé les différents experts, mais,
en même temps, quand il faut regarder la dynamique de la famille qui
peut être au coeur des symptômes de l'enfant et de l'adolescent, on n'a pas
peut-être suffisamment nommé le rôle important que pourraient avoir, par
exemple, les sociologues, les travailleurs sociaux. On ne les a pas entendus.
On ne les a pas nommés. Et, pour moi, c'est une expertise qui peut être très
pertinente parce que... Qu'est-ce qui fait que l'enfant a ces symptômes? Est-ce
qu'on est dans un épisode ou on est dans une réalité dysfonctionnelle
permanente de la famille?
Donc,
moi, je trouve que, entre autres, dans la recommandation que vous faites à la
page 19 de parler, bon, oui, de gratuité mais aussi d'accès à des
alternatives et des alternatives psychosociales, je pense qu'il serait
important d'avoir, peut-être, ce regard-là qui est lié directement à
l'observation de la famille. Donc, je trouvais ça important que vous l'ameniez.
Je voulais aussi vous
dire que votre dernière recommandation phare, je la trouve excessivement
importante, parce qu'il faut prévoir, évidemment, la suite. Cette
commission-là, elle est très importante, mais, en même temps, une fois qu'on a
le portrait, une fois qu'on a les constats, il faut regarder des pistes de
solution, on en a déjà eu beaucoup, et vous amenez, comme je vous l'ai dit, la
réalité du vécu des jeunes.
Moi, le seul bémol
que j'aurais par rapport à cette commission sur la médicalisation, pour moi, il
faut juste faire attention de bien distinguer la réalité des jeunes qui sont
dans des troubles d'anxiété versus le TDAH, parce qu'on est dans des réalités
différentes. Donc, oui, la commission permanente, dans le portrait, les pistes
de solution, mais juste faire attention de ne pas aller dans une globalité qui
ne tient pas compte des spécificités de réalités qui sont liées à ces deux
problématiques de santé mentale.
Écoutez, moi, je
salue vraiment votre intention d'amener... de faire en sorte qu'on est dans une
information accentuée, vous l'avez nommée. Il y a des jeunes qui, clairement,
n'ont pas toute l'information sur les effets de la médication. Je trouve ça
excessivement important d'amener ça. Et je pense qu'on a un défi, puis je veux
vous entendre là-dessus, quand vous voulez qu'il y ait une approche plus
globale, plus psychosociale, ce n'est pas simple d'essayer de mettre ensemble
les professionnels de la santé, le réseau scolaire et l'intervention
communautaire que vous avez nommée. Comment on fait ça?
Mme Boucher
(Anne-Marie) : Bien, en fait, c'est des choses qui se font déjà. Il y
a des collaborations très, très
intéressantes, comme, par exemple, il y a un organisme à Montréal,
Prise II, c'est du communautaire, ils font du soutien aux études
pour des étudiants aux études postsecondaires. Donc, il y a déjà des
collaborations entre établissements, organisations communautaires.
Ensuite
de ça, comment on fait en sorte qu'il y ait davantage de soutien? Bien, c'est
peut-être de vraiment être attentif
au besoin qui est exprimé. Puis, justement, des fois, dans le cabinet d'un
médecin, on est très attentifs aux symptômes
exprimés. Mais, on le sait, c'est des témoignages qu'on a reçus des jeunes, les
médecins ne font pas toujours le tour du jardin, hein? La personne est
anxieuse, elle est stressée, elle a de la misère à se concentrer : ah!
c'est tel trouble. Il y a des jeunes qui nous ont dit qu'ils avaient reçu
quatre, cinq, six diagnostics, des fois, dans le courant de certaines... sur le courant de huit, 10 ans.
Ces diagnostics-là restent dans leur dossier. Donc là, ils accumulent
diagnostics et médication, mais, au final, peut-être qu'il n'y a jamais
un médecin qui s'est assis une heure avec eux pour leur demander :
Qu'est-ce qu'il se passe vraiment, dans le fond? Parle-moi de ce qu'il se
passe. Peut-être qu'il aurait découvert des épisodes de violence, des histoires
d'abus, des traumatismes, un historique de pauvreté familiale. Il y a des
enjeux qui ne sont pas toujours entendus dans le cabinet du médecin, mais
c'est, des fois, la seule porte d'entrée vers le réseau de la santé et des
services sociaux. Et, s'il n'y a pas une écoute suffisamment longue, les causes
qui sont derrière toutes ces manifestations-là qui sont vues comme des
manifestations de troubles de santé mentale, on ne les entend pas. Ça fait que,
pour nous, c'est vraiment ce souci-là de se dire : Il faut qu'il y ait un
lieu d'écoute quelque part où le jeune peut se déposer, peut faire le tour du
jardin puis recevoir des soins et des services qui sont vraiment adaptés à ce
qui se joue derrière les symptômes qui sont exprimés.
Mme Sauvé :
M. le Président, je vais céder la parole à ma collègue.
Le Président
(M. Provençal)
: Oui. Alors, Mme la
députée de Vaudreuil.
Une voix :
...
Mme Benoit-Huneault
(Stéphanie) : Bien,
justement, sur cette question des symptômes, il y a des jeunes aussi qui nous
ont manifesté le fait que, pour eux, le diagnostic n'était pas nécessaire. Ce
qu'ils avaient besoin, c'était d'écoute maintenant. Le diagnostic, c'est
une grille de lecture pour, disons, du personnel médical, mais n'est pas
nécessaire, pas nécessaire en tout temps. Donc, à ce moment-là, je pense que
certains jeunes aussi sont peut-être aussi un peu réticents, là, par rapport
à... justement, quand c'est le troisième diagnostic que tu reçois en trois ans,
tu es comme : Oui, mais je n'ai pas
plus accès aux services, je n'ai pas plus... Ou, des fois, des... Oui, mais tu
ne peux pas avoir accès au programme si tu n'as pas un diagnostic, parce
qu'on doit savoir comment te traiter. Puis tu es comme : Oui, mais ça
dépend, moi, peut-être que mon besoin, c'est de parler à d'autre monde, comme
ça se peut que mon besoin, ce soit de parler en un à un avec quelqu'un, comme ça se peut que mon besoin, ce soit de
l'art-thérapie, ça se peut que... Les besoins sont divers, peu importe
le diagnostic avec ou sans diagnostic, là.
• (17 h 50) •
Mme Nichols :
Puis je rajouterais, ça se peut que ça soit aussi périodique. Vous en avez
parlé, là, un peu plus tôt, vous avez fait référence à un divorce, mais, donc,
ça se peut que ça soit une situation, une situation familiale, là, qui soit
juste un épisode.
Une voix :
Qui est transitoire.
Mme Nichols :
Oui. Donc, j'imagine que, dans ce temps-là, justement, juste le fait d'en
parler ou d'avoir ces soins-là, de pouvoir consulter, ça fait certainement une
différence.
Mme Benoit-Huneault (Stéphanie) : Puis, non
seulement ça, mais, quand ça fait... par exemple, dans le cas d'un deuil, on vit une période difficile, on vient
de perdre un être cher, on a peut-être besoin d'en parler. On n'a peut-être pas besoin d'en parler dans deux ans. Dans deux
ans, ça se peut que la problématique soit rendue pire, ça se peut qu'elle se
soit résorbée, mais, quand le besoin, il est maintenant, des fois, des
problèmes qui traînent ne s'améliorent pas nécessairement de soi. Donc, voilà.
Mme Nichols :
J'ai l'impression qu'on oublie aussi... on parle de deuil, là, il y a quand
même des étapes, hein, dans un deuil, qu'on doit suivre. Je pense qu'on ne doit
pas s'en aller tout de suite vers... tu sais, je pense qu'il y a des étapes que la personne doit vivre, puis...
Souvent, d'être accompagnée, ça peut être une des pistes de solution, là, plutôt...
Bien, tantôt, vous avez parlé : des fois, une personne a deux, trois,
plusieurs diagnostics. Donc, c'est des diagnostics pour avoir accès aux
médicaments ou... vous faisiez référence?
Mme Boucher (Anne-Marie) : Pas nécessairement. Au sens où on pourrait, mettons, imaginer un
jeune qui a des manifestations d'intensité ou d'impulsivité, qui
se fait diagnostiquer un TDAH à la fin du primaire, ensuite de ça, il
reçoit un diagnostic de la Tourette, ensuite de ça il reçoit un diagnostic de
trouble oppositionnel, ensuite de ça, il reçoit un diagnostic de trouble de
personnalité limite, tu sais, au sens où c'est... ce n'est pas nécessairement
assorti de médication, mais c'est juste une série de lectures sur des
manifestations, mais qui, au final, ces diagnostics-là, ils s'accumulent, ça ajoute des stigmates aussi dans
le parcours du jeune parfois et ça ne vient pas nécessairement avec une
aide qui est liée à ses conditions de vie, aux causes qui sont derrière toute
cette intensité-là que le jeune peut exprimer.
Mme Nichols :
C'est quand même assez... c'est troublant, hein? C'est troublant, d'entendre
ça. Je n'ai pas d'autres questions. Merci, M. le Président. Merci.
Le Président
(M. Provençal)
: Je vais céder la
parole au député de Jean-Lesage.
M. Zanetti :
Merci. Dans la commission, on aborde beaucoup, des fois, des enjeux, là, à des
causes de la situation actuelle, qui sont comme le diagnostic, la façon
dont on voit cette chose-là. Mais moi, j'aimerais qu'on parle davantage de la
société dans laquelle on est, de façon macro, là. On sait qu'on est au Québec
et on a le système d'éducation le plus inégalitaire au Canada et on est aussi
l'endroit où il y a la prévalence de consommation de psychostimulants qui est
la plus élevée. Est-ce que vous pensez qu'il y a un lien à faire entre les
deux?
Mme Boucher
(Anne-Marie) : Bien, moi, à ma connaissance, on n'a pas d'étude qui
montre une corrélation claire. Oui, il y a ces chiffres-là qui sont sur un même
territoire donné. Il y a des chiffres qui sont sortis cet automne, là, les chiffres de l'OCDE, qui nous disent que,
oui, c'est un système... le plus inégalitaire. C'est aussi l'endroit au Canada où il y a le plus de consommation de
médication psychostimulante. Je ne m'avancerais pas à faire une corrélation qui
n'est peut-être pas la bonne, il y a peut-être d'autres causes, tout à l'heure,
on parlait de facteurs environnementaux, l'incidence des pesticides, tu sais,
au sens où... Quelle est exactement la cause? On n'est pas sûr.
Mais
une chose est certaine, c'est qu'on a un système qui fait en sorte qu'il y a
davantage de décrochage de la part de jeunes qui éprouvent déjà de la
difficulté face à l'école parce qu'ils ont moins de chances de réussir que
s'ils étaient nés dans une autre province au
Canada. Ça fait que c'est sûr que cette situation-là, oui, peut créer une
pression à ce qu'il y ait une médication de performance qui soit prise
pour corriger cette adversité-là à laquelle les jeunes sont soumis.
Mme Benoit-Huneault
(Stéphanie) : Pour rebondir sur la question des inégalités sociales,
il y a un organisme communautaire qui s'appelle La Troisième avenue, à Montréal,
qui travaille beaucoup avec, entre autres, des parents issus de l'immigration
ou des personnes racisées, puis ils ont sorti un rapport, ils ont eu des
discussions entre parents sur la question, justement, des diagnostics qui
étaient donnés à leurs enfants, puis ils avaient vraiment l'impression que, au
niveau des différences culturelles, ces différences culturelles là étaient lues
sous un regard, en fait, qui était le regard diagnostique, au lieu de
dire : Il y a peut-être des différentes façons d'exprimer des émotions
peut-être différentes puis que c'est correct. Donc, les parents de ce groupe
communautaire là étaient vraiment préoccupés, en fait, en se disant :
Bien, nos enfants sont... on semble observer que nos enfants sont davantage
diagnostiqués, en fait... justement, c'est une lecture diagnostique sur, en
fait, des...
Mme Boucher
(Anne-Marie) : Des jeunes qui sont porteurs d'une différence visible,
par exemple, ça, c'est... Il y a des études
de Maryse Potvin, entre autres, je crois, qui travaille spécifiquement sur
l'enjeu du fait que, oui, il y a des
populations, des jeunes qui reçoivent davantage de diagnostics que d'autres,
là, qu'on pense aux garçons, aux jeunes qui sont plus jeunes, qui ont une plus
grande immaturité scolaire, les jeunes qui viennent de familles plus pauvres,
mais aussi des jeunes issus de l'immigration.
M. Zanetti :
Merci.
Mme Benoit-Huneault (Stéphanie) : On avait un témoignage, en fait, une enfant qui,
justement, venait d'arriver au pays
avec ses parents, qui venait de fuir une situation de guerre et qui vivait, en
classe, des situations d'anxiété. On aurait pu se dire, là : Ah, voilà! On
va lui donner un diagnostic. Et voilà! Mais, en fait, ce que l'école a permis
de faire, c'est: d'accord, pour permettre une meilleure intégration, on va
permettre à son parent d'être là un certain
temps, juste pour que cette figure parentale là, qui est, en fait, très
rassurante pour l'enfant, ça permette de faire cette transition-là entre
sortir d'une situation où c'était la guerre à un contexte scolaire qui est
nouveau, dans un nouveau pays, avec plein de
nouveaux codes, avec plein de nouvelles choses qui se passent. Puis, à ce niveau-là, ça avait vraiment été quelque chose qui avait vraiment favorisé,
en fait, la transition pour cette jeune-là. C'était tout simplement que son
parent puisse être présent pendant quelque
temps. Si elle vivait des épisodes où elle ne se sentait pas bien, elle pouvait
se retourner vers son parent. Puis son parent était là : Ça va. On
est là. Tout est sous contrôle. Et c'était tout simple, en fait.
Le Président
(M. Provençal)
: Nous allons
compléter cet échange avec le député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui. Merci. Merci beaucoup. C'est très
éclairant, très riche pour notre commission, ce que vous nous partagez. Je veux poursuivre un peu sur les liens territoire et
revenus familiaux. Pour moi, c'est comme fondamental. Votre mouvement,
bon, découle du Regroupement des Auberges du coeur, le Regroupement
des ressources alternatives en santé mentale, l'association des groupes
en défense des droits en santé mentale partout au Québec. Est-ce que vous
sentez cette différence-là entre à la fois les régions et, sur un autre niveau,
sur les revenus familiaux dans les jeunes que vous avez rencontrés ou que vous
avez sondés?
Mme Benoit-Huneault
(Stéphanie) : Tout à fait. En fait, particulièrement les... Si je veux
les séparer, ils ne sont pas nécessairement séparés, mais, si on veut, mettons,
les séparer, là, la question des régions, là, il y a beaucoup de jeunes qui
nous disaient : Bon, c'est bien beau, mais les services, dans ma région,
ils sont inexistants. Ou, encore, on a une psychologue à temps partiel pour six
écoles sur un territoire qui est grand comme ça. C'est impossible de la voir,
alors qu'il y a beaucoup de monde dans l'école qui en aurait besoin. Puis, bon,
si on ajoute à ça des questions d'inégalité sociale, si c'est déjà difficile
dans un contexte régional d'avoir accès à des services et qu'on n'a pas les
sous, là, on vient de rajouter d'autres couches pour avoir accès à des
services. Là, on se ramasse vraiment dans une situation qui est, ma foi, là, en
fait, catastrophique, en fait, là.
M. Gaudreault :
Oui. C'est comme si on était quasiment capable de géolocaliser avant qu'il soit
diagnostiqué, tu sais, c'est quoi, un jeune garçon né dans un quartier
défavorisé avec une famille à bas revenu. Puis, en plus, il est né tard dans
l'année, là, on a appris ça hier. C'est quasiment le cas parfait type, là, du
TDAH.
Mme Boucher
(Anne-Marie) : ...que vous nommez est intéressant. En fait, c'est le
fait qu'il y a des inégalités face à l'école.
Les jeunes n'arrivent pas tous égaux face à l'école. Et, si on a système
qui se veut réellement équitable, bien, il faut accueillir ces jeunes-là.
Sans nécessairement les diagnostiquer, les profs le voient. Les professeurs le
voient très, très rapidement. Quand il y a des élèves qui éprouvent plus de difficultés,
c'est possible, vraiment, de leur donner plus, beaucoup plus à ces jeunes-là
qui arrivent moins favorisés face à l'école et corriger ces inégalités-là. Mais
peut-être que, dans le milieu qui est... dans le système scolaire québécois, présentement,
malgré toute la bonne volonté des enseignants et des enseignantes, on ne
réussit pas, malgré la bonne volonté des professionnels aussi qui sont dans les
écoles, on ne réussit pas à donner assez à ces jeunes-là pour réduire les
inégalités face à l'école. Et le fait d'avoir de la difficulté face au contenu,
d'avoir de la difficulté à se concentrer, à un moment donné, bien, ça se
traduit en diagnostic, alors qu'il aurait pu en être autrement si le jeune
avait reçu davantage d'aide, et ça, je le répète, sans nécessairement les diagnostiquer.
On n'est pas obligé de dépister et de diagnostiquer à quatre, cinq ans,
mais on peut aider sans diagnostiquer parce qu'on voit qu'il y a un besoin
d'aide face à l'école.
M. Gaudreault :
Il me reste un peu de temps?
Le Président (M. Provençal)
: Prenez la minute qu'il reste.
M. Gaudreault : Merci. Mon Dieu! Je veux juste vous entendre sur
les liens entre les médecins en clinique et les intervenants jeunesse,
par exemple, dans le milieu communautaire ou d'autres types de professionnels.
Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir un genre
de protocole, un médecin de famille qui reçoit le parent un peu désorganisé
avec son enfant qu'il pense être TDAH, est-ce qu'il ne devrait pas y
avoir un canal de communication direct avec vous autres, quitte à rebondir plus
tard chez le médecin pour avoir un vrai diagnostic? Comment, ça, on pourrait
l'organiser?
Mme Boucher
(Anne-Marie) : Bien, c'est
sûr, il y a déjà des systèmes de référence au sens où, souvent, dans le
réseau, on va recevoir des personnes qui sont référencées par le réseau parce
qu'ils se rendent compte qu'un organisme communautaire pourrait davantage
accompagner les personnes, mieux les accompagner. Des fois aussi, il y a une
méfiance à l'égard du réseau de la santé et des services sociaux pour
différentes raisons dans certaines familles.
• (18 heures) •
Est-ce qu'il
y aurait un protocole strict? Je ne pense que ça serait nécessairement la façon
de faire, mais de s'assurer que le
réseau et le communautaire se
connaissent mieux, connaissent les rôles de chacun... Nous, on le sait, qu'il y a
des très bonnes collaborations dans certains cas. Dans d'autres cas,
c'est moins heureux. Ça fait que, oui, peut-être qu'on gagnerait à se parler davantage,
parce qu'au final tout le monde est là pour les mêmes raisons, on veut
s'adresser aux inégalités de santé, on veut améliorer la santé des Québécois et
des Québécoises puis, à ce niveau-là, on peut travailler dans la même
direction.
Le Président (M. Provençal)
: Je vous remercie beaucoup pour votre contribution à nos
travaux.
La commission ajourne ses travaux jusqu'au
vendredi 8 novembre, à 9 h 30. Merci énormément.
(Fin de la séance à 18 h 01)