(Onze
heures vingt-neuf minutes)
Le Président (M. Provençal)
: Bonjour à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je
demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
La
commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et
auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative concernant
l'augmentation préoccupante de la consommation de psychostimulants chez les
jeunes et les enfants en lien avec le trouble déficitaire de l'attention avec
hyperactivité.
Mme la secrétaire, y a-t-il
des remplacements?
• (11 h 30) •
La Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Lafrenière (Vachon) est remplacé par M. Bachand
(Richmond); M. Benjamin (Viau), par Mme Nichols
(Vaudreuil); Mme David (Marguerite-Bourgeoys), par Mme Sauvé
(Fabre); M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), par
M. Gaudreault (Jonquière).
Auditions
Le Président (M. Provençal)
: Merci,
Mme la Présidente... Mme la secrétaire, excusez. Nous entendrons, ce matin, les organismes suivants : le Centre de psychoéducation du Québec
et la Chaire de l'Université du
Québec à Chicoutimi-Cégep de Jonquière sur les conditions de vie, la
santé, l'adaptation et les aspirations des jeunes.
La
première présentation se fera par visioconférence, et on me signale que la
personne ne peut nous voir, mais elle nous entend très bien. Donc, comme
spécifié précédemment, la première présentation se fera par visioconférence. Je
souhaite la bienvenue à la
représentante du Centre de psychoéducation du Québec. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la
période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à
vous présenter et à commencer votre exposé. À vous la parole, madame.
(Visioconférence)
Centre de psychoéducation du
Québec (CPEQ)
Mme Woods
(Geneviève) : Merci, M. le Président. Bonjour à tous. Est-ce que vous
m'entendez bien?
Le Président
(M. Provençal)
: Oui, on vous entend très
bien.
Mme Woods (Geneviève) : Alors, je suis heureuse d'être avec vous ce
matin, merci. Alors, Geneviève Woods, du Centre de psychoéducation du Québec. Je vous remercie tout d'abord de m'accueillir à
distance ce matin, le contexte étant que nous attendons l'arrivée d'un
petit bébé d'un moment à l'autre.
Alors,
le Centre de psychoéducation du Québec, notre rôle est de soutenir l'intervention auprès des enfants âgés entre
zéro et six ans. Donc, on soutient les professionnels, tant en milieu de garde qu'en milieu
scolaire, et, en fait, on s'inspire des
meilleures pratiques de recherche, qu'on vulgarise en personne,
notamment via le groupe de recherche en adaptation psychosociale. Et puis tout ce qui est vulgarisé
en personne est aussi accessible en ligne par le Centre
d'excellence pour le développement des jeunes enfants, via une
plateforme Web, à laquelle vous avez accès dès maintenant, qui s'appelle
l'Encyclopédie. Alors, tout le contenu dont on va discuter aujourd'hui... il y
a un super beau chapitre sur le TDAH sur l'Encyclopédie déjà.
Je
suis heureuse, et c'est un privilège, de faire le point en petite enfance quant
à la question du TDAH et la médication au Québec. Je crois que vous avez reçu un document,
je vous invite à le consulter. Si vous allez à la page 2, où on parle du
développement des tout-petits, qui est un cerveau en explosion... en fait, c'est que
je veux faire le pont, tout d'abord, dans un premier temps, sur le développement
normal du cerveau. Alors, si vous aviez une animation complète, là, on verrait que le cerveau qui se développe normalement va doubler de volume dans les trois premières années de vie de
l'enfant, jusqu'à se développer...
jusqu'à l'âge de 25 ans. On se rend compte qu'en contexte de TDAH, au niveau
des structures, du volume, de la
chimie, il y a des différences déjà qui apparaissent à la
petite enfance et qui se maintiennent dans le temps, tout comme l'organisation des synapses et puis des réseaux qu'on
travaillerait à la petite enfance, mais aussi des différences en
contexte de TDAH.
Si on va au
PowerPoint suivant, où est-ce qu'on voit des courbes... en fait, c'est qu'on
dit qu'il y a des fenêtres de continuité
dans le développement normal où il est pertinent de travailler une
certaine sphère. On se rend compte que la
raison, c'est une faculté qui se développe beaucoup plus tard que les
émotions, et c'est d'autant plus marqué en contexte de trouble du
déficit d'attention avec ou sans hyperactivité. Alors, c'est important de
s'adapter à ce contexte-là dans l'intervention qu'on va prendre, avec ou sans
médication.
À
la prochaine diapo, je mets ici l'emphase sur amener notre attention sur l'inattention.
À rebours, quand le diagnostic a été émis de déficit d'attention avec
hyperactivité, hein, c'est souvent à l'âge scolaire, bien, on se rend compte
qu'il
y a des traits qui étaient déjà
présents et observés à l'âge de deux, trois ans. Les éducatrices en milieu de
garde et éducateurs notent souvent les comportements d'agressivité, des
enfants qui mordent, de l'hyperagitation, des enfants qui sont éparpillés. Puis, ici, je mets l'emphase, parce qu'on se rend compte avec le temps que... Est-ce que notre angle est bon
de s'attarder tant au développement des comportements prosociaux puis de
diminuer l'agressivité? Parce que ce que la littérature nous dit, c'est que
l'inattention est une variable de prédiction qui est très, très importante au
niveau de la réussite, la réussite dans la
vie globale. Et puis, en fait, c'est très clair qu'au niveau de déficit d'attention avec hyperactivité, il y a un enjeu préoccupant au niveau
de la réussite académique, mais on se rend compte que ce n'est pas tant l'hyperactivité
puis l'agressivité que l'inattention qui a un impact plus tard.
Au mois de
juin, l'année passée, si vous allez à la diapo suivante, La Presse a fait état des données de notre collègue Sylvana
Côté. On dit que, pendant 30 ans, les chercheurs montréalais ont suivi un échantillon représentatif
de la maternelle, que l'inattention
est le problème qui a le plus d'impact 30 ans plus tard, que,
contrairement à des troubles de comportement comme l'agressivité, l'inattention mine autant les filles que les garçons...
les enfants les plus attentifs, les moins attentifs à la maternelle,
mais on se rend compte qu'il y a des impacts sur le conditionnement, dont sur
les revenus, c'est moindre de 20 %, soit de 6 000 $ chez les
gens qui ont un diagnostic versus ceux qui n'en ont pas.
À la diapo suivante, il y a une persistance,
hein? Donc, les faits qu'on observe sur la petite enfance, il y a une persistance qui continue à l'adolescence et puis à
l'âge adulte, avec d'autres problématiques qui sont très bien répertoriées :
consommation de substances et dépendances, comportements sexuels à risque, des
grossesses indésirables, des visites à
l'urgence plus fréquentes, des infractions de la route et éventuellement la
criminalité, qui représentent tous de coûts pour la population.
À la diapo
suivante, quand on se retrouve avec des enfants avec un TDAH à l'école, il y a
un enjeu pour suivre le groupe. Nos
études nous démontrent que le trois quarts des enfants qui ont un TDAH, surtout
dans une classe qui est régulière, ils
ont besoin de performer sans nécessairement avoir la maturité affective ni les
ressources disponibles, notamment au niveau des ratios d'intervention. On se rappelle que toutes les transitions,
c'est des moments qui sont extrêmement perturbants pour les enfants, qu'ils aient un TDAH ou qu'ils
n'aient pas de TDAH et, chez ceux qui ont un TDAH, ça exacerbe aussi ces
symptômes-là.
Donc, ça peut
amener des difficultés d'adaptation qui sont plus importantes pour les enfants
qui sont en contexte de diagnostic
puis qui perturbent plus la classe, et donc amènent aussi des méthodes
d'intervention qui sont préoccupantes. Pour
les enfants qui ont des symptômes qui persistent de TDAH, il y a souvent
l'enjeu que les parents ont peut-être compensé à la maison sans le
savoir, puis là on se rend compte que l'enfant, on a un réel besoin sur le plan
de l'autonomie, la responsabilisation, la maturité affective, etc.
Donc,
qu'est-ce qu'on fait avec tout ça? C'est sûr que la médication demeure une
première ligne de traitement — donc là, on est rendus à la diapo la médication, le TDAH — c'est une première ligne de traitement. Elle
est parfois essentielle, on connaît bien son efficacité. Elle s'inscrit
dans les meilleures pratiques, en combinaison avec une approche qui est psychosociale, idéalement. Malheureusement, il n'y
a pas de recette magique, hein, quant à la médication, tant chez les petits que chez les grands. Il y a une complexité
des cas et des variabilités, selon l'âge, le sexe, le tempérament qui devient
la personnalité, le contexte de vie peut changer.
À la diapo
suivante, je pose la question suivante : Est-ce qu'on attend que l'enfant
soit plus mature ou est-ce qu'on peut
déjà agir tôt en prévention? Je le répète : Lorsque le diagnostic qui est
mis, souvent à l'âge scolaire, hé bien, à rebours, on se rend compte que
des traits étaient présents à la petite enfance. Ces traits-là sont souvent
associés à des difficultés sur le plan des
fonctions exécutives, notamment la mémoire de travail, l'audition, la
flexibilité cognitive. Je vais vous donner des exemples dans les prochaines minutes. On connaît déjà les outils en
prévention. Donc, d'agir en amont, à des fenêtres de temps, hein, des
fenêtres d'opportunité du développement du cerveau qu'on a vues en début de
présentation, sont très claires et où est-ce
qu'elles sont... dans un contexte de présence de symptômes, soit de doute ou de
diagnostic d'un déficit d'attention avec hyperactivité chez nos
tout-petits.
• (11 h 40) •
Concrètement,
qu'est-ce qu'on peut faire? Au niveau des stratégies, toujours en ramenant le jeu au coeur de nos activités, hein, parce que c'est le mobile et
le canal de développement chez les enfants, puis d'apprentissage. Ce qu'on
va travailler chez nos tout-petits, c'est la même chose qu'on va
travailler chez nos plus vieux à l'âge scolaire : les habiletés de communication, développement de leur confiance en soi, capacité à se faire des
amis, entrer en relation, persévérer, avoir le goût d'apprendre, bref,
offrir une expérience qui est positive.
Nos
recommandations, concrètement, sont en trois axes. D'abord
et avant tout, continuer de former les enseignants puis les intervenants.
Concrètement, ce qu'on veut dire... faire une formation, c'est d'assurer une
continuité entre la garderie et l'école au niveau de la sensibilité, au niveau du soutien des jeunes dans leur ensemble
et particulièrement ceux qui sont en contexte de dépistage ou
de diagnostic de TDAH. Faire attention aux plus jeunes, qui, sans même avoir un
TDAH, peuvent avoir une maturité affective
plus marquée que les autres et amener des symptômes qui sont similaires à ceux
du déficit d'attention et hyperactivité.
On se rend
compte que, parmi les outils, toutes les techniques de relaxation, de retour au
calme, savoir s'arrêter, pour tous les enfants, c'est bénéfique, et c'est
d'autant plus marqué chez les jeunes qui ont un TDAH. La littérature, elle
demeure mince, sauf qu'on a beaucoup
espoir d'avoir des alternatives qui sont externes, notamment
en passant par l'activité physique aussi pour un bien-être
global chez les enfants, particulièrement ceux qui ont un déficit d'attention et
hyperactivité.
Notre
deuxième axe de recommandation, c'est de communiquer à grande échelle des lignes
directrices, qui sont très claires...
Le
Président (M. Provençal)
:
Mme Woods...
Mme Woods
(Geneviève) : ...et d'agir tôt.
Le Président (M. Provençal)
: Mme Woods, votre temps est écoulé. On va passer à la période
d'échange. Merci beaucoup. Nous allons maintenant commencer la
période d'échange. Mme la députée d'Abitibi-Ouest, s'il
vous plaît.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci, M.
le Président. Mme Woods, merci pour la présentation. Est-ce que vous m'entendez bien?
Mme Woods
(Geneviève) : Oui, bonjour.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Bonjour.
Alors, on parle de TDAH, on sait qu'il
y a eu, depuis 20 ans, une augmentation énorme diagnostiquée au
niveau du TDAH. Est-ce que,
selon vous, il y a des facteurs de société, des irritants,
l'alimentation... tout ça mis ensemble
fait que nos enfants... on va au plus court, on va voir le médecin, l'enfant
est agité, et on donne une médication.
Selon moi... Avez-vous une solution?
Mme Woods (Geneviève) : Je vois que votre question, elle est double.
Dans un premier temps, vous vous questionnez à
l'égard des questions de société.
Vous vous questionnez aussi à l'égard
de : Est-ce qu'il y a quelque chose qui a changé depuis 20 ans
qui fait qu'on a plus de cas?
Donc, dans un premier
temps, effectivement, on a une plus grande prévalence, on a une plus grande
incidence. Et puis on a aussi une meilleure connaissance, donc on plus
d'outils, hein, pour mieux comprendre les enjeux qui sont liés avec un
diagnostic de déficit d'attention avec hyperactivité. Donc, il y a comme une
roue logique qui se crée qu'on comprend mieux, on est mieux outillé, donc on
est capable de dire : Bon, bien, il y a peut-être plus de cas, O.K., alors
que ces cas-là ont peut-être été plus
présents, même dans le passé, c'est juste qu'on était moins outillé pour
comprendre, donc on... moins bien, dans un premier temps.
D'autre
part, à votre réflexion, est-ce qu'il y a des enjeux de la société, vous avez
même nommé des irritants, hein, peut-être l'alimentation, etc. Bien, c'est sûr
qu'il y a des enjeux qu'on dit environnementaux qui peuvent interférer avec l'apparition et surtout l'exacerbation des
symptômes. Donc, ce que je veux dire concrètement, c'est qu'on sait très bien
que, par exemple, un enfant qui est issu d'une famille où est-ce qu'il y a un
cadre chaleureux affectif, où est-ce qu'il y a réponse aux besoins dès les premiers instants de vie, même dès les
premiers instants de la conception, de quel milieu est issue la maman, son statut socioéconomique,
déjà là, on peut avoir une interaction... environnement, c'est-à-dire savoir
un petit peu si l'enfant, il va être protégé
ou plus à risque d'être dans cet environnement-là et être à risque de
développer, à plus ou moins grande intensité, des symptômes de TDAH.
Donc, on connaît que,
par exemple, s'il y a un enfant à naître, papa et/ou maman a un diagnostic de
déficit d'attention avec hyperactivité, les traits que cet enfant-là a, les chances
sont plus élevées que cet enfant-là ait aussi un diagnostic ou, du moins, des traits. Selon l'environnement dans lequel
il va être, est-ce qu'il va être
protégé ou est-ce qu'encore il va arriver des situations de vie qui
peuvent faire naître ces symptômes-là ou encore les exacerber? Bien sûr.
C'est sûr qu'il y a
des enjeux environnementaux puis des questions, vous nommez l'alimentation, on
parle beaucoup des écrans dans les derniers
mois, les dernières années, parce qu'on est très, très préoccupés chez tous les
enfants au niveau du développement du cerveau à l'usage des écrans. Et,
en contexte de TDAH, il y a des spécialistes auxquels il est intéressant de se pencher sur leurs ouvrages, qui se demandent
même est-ce que parfois il peut y avoir des faux cas de TDAH qui sont créés dû à une surutilisation des
écrans. Alors, nous, particulièrement dans un contexte de développement du cerveau chez les tout-petits, on y va avec
parcimonie, parce qu'effectivement on voit des liens, notamment avec
l'impulsivité puis le développement des fonctions cognitives chez les
enfants.
Une voix :
Merci beaucoup, je laisse la parole à ma collègue.
Le Président
(M. Provençal)
: Mme la députée de
Soulanges. À vous la parole.
Mme Picard :
Bonjour, j'espère que vous m'entendez bien aussi. Moi, c'est un sujet qui me
touche particulièrement, parce qu'on a un enfant à la maison que, à la
garderie, il était turbulent, on disait que... Il changeait souvent de
garderie, il n'était vraiment pas comme les autres, puis là, plus les temps ont
avancé, plus les gens nous disaient d'aller le faire diagnostiquer, que ça n'avait pas de bon sens, et tout, et tout. Arrivé
à l'école, il a commencé à avoir des difficultés, puis on s'est aperçu, justement, qu'il avait bel et
bien un TDA, pas un TDAH. Mais, à la suite de ça, on s'est aperçu dans quel
dédale du système on embarquait.
Et moi, je voudrais
vous amener particulièrement sur ce... en fait, toute la trajectoire qu'on a
avec une personne, avec un enfant qui a un
TDAH. À partir du moment où la garderie, où les parents pensent, suspectent
qu'il y a quelque chose de pas correct, je parle d'évaluation, je parle
de thérapeute, dans notre programme Agir tôt. Je veux bien cibler tout qu'est-ce qu'on peut faire pour aider les parents,
les enfants et les éducateurs. Donc, j'aimerais vous entendre vraiment sur
cette trajectoire-là de diagnostic.
• (11 h 50) •
Mme Woods
(Geneviève) : Merci pour
votre témoignage et votre authenticité, là, c'est très touchant. Je suis
perplexe et votre voix est celle de
combien de milliers de parents. Vous avez nommé... pour reprendre vos mots, il
y avait quelque chose de pas correct.
Puis, pour moi, ça devient paradoxal avec votre enfant avec des forces, votre
enfant chantonnait, votre enfant était dans le jeu, dans
un contexte de trajectoire de prise en charge, je pense que, dès la
constatation, les premières manifestations, hein, dans l'Agir tôt, c'est
de reconnaître les forces et les intérêts de ces enfants à grandir.
On est dans
un contexte de société où les exigences sont très, très élevées. On parle
beaucoup d'anxiété, hein, dans les manchettes dans les dernières semaines et
dans les derniers mois, et tant mieux. Puis on se rend compte que l'anxiété
amène aussi des symptômes d'inattention ou
parfois peuvent mimer ou peuvent s'associer... puis chez les enfants qui ont un
TDA particulièrement, souvent il y a une association, par ailleurs, bon,
curieusement, avec l'anxiété.
Alors, dans
la prise en charge, dans le continuum de soins, j'ai nommé les intérêts de
l'enfant... dans les meilleures pratiques,
toujours une approche qui est multidisciplinaire, donc, comment transmettre
l'information en milieu de garde aux parents de manière à ce que le parent
puisse ne pas agir seul en silo, mais en accompagnement avec d'autres acteurs.
En petite enfance et à l'école, on se retrouve, et je me fais la voix aussi, ce
matin, de nos chers intervenants, qui ont toute la bonne volonté, les bonnes intentions du monde et se retrouvent avec
souvent, trop souvent en fait, le discours de dire: Bien, il n'y en a
pas, d'outil, ou il n'y en a pas, de ressource, alors que les outils, en termes
de lignes directrices, sont si clairs. Pourquoi est-ce qu'ils ne sont pas
connus? Et, nous, notre réseau de la santé, là, il y en a, des ressources,
hein, il y en a, dans la première ligne, des médecins, hein, c'est
un processus, c'est un long processus à faire. C'est important
de faire connaître que ce
processus-là aussi, ça prend du temps, ça nécessite de prendre du temps pour le
dépistage, l'évaluation, des
semaines, voire des mois, pour bien comprendre, ne pas se tromper, tellement
c'est complexe le TDAH. Et l'évaluation
médicale ou finale par un médecin soit en
première ligne, donc omnipraticiens, ou encore en deuxième, troisième ligne,
au besoin, d'aller voir des spécialistes, toujours
en combinaison avec une évaluation qui est clinique, donc psychologues,
neuropsychologues, tout ce qu'on peut prendre pour étoffer la compréhension...
Et, à la
lumière de ce qu'on aura recueilli comme information, eh bien là, on va
être plus en mesure de comprendre comment fonctionne le cerveau de cet
individu-là, de ce petit être, qu'il soit petit ou grand, et donc de prendre
une approche qui est la plus personnalisée possible. Et c'est ça, la réussite
au niveau des meilleures pratiques, la littérature, elle est très
claire. Donc, je suis beaucoup dans le faire connaître. Est-ce que ça répond à
votre question?
Mme Picard : Oui, bien oui. Merci
beaucoup. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Je redonne la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Nous
parlons souvent de TDAH comme un problème, comme un handicap, comme une maladie, mais ce
n'est pas tout à fait le cas. Un enfant qui a un TDAH se sent très mal,
trouve que ça va vite dans sa tête.
Comment pouvons-nous canaliser toute cette énergie qui déborde de nos jeunes
afin d'en faire une force et non une faiblesse?
Et, vous savez, lorsqu'on donne certaines médications, on voit l'enfant qui
devient très calme, qui devient amaigri, qui devient même triste, ses
yeux sont tristes. Alors, que devons-nous faire?
Mme Woods (Geneviève) : Dans un
premier temps, le diagnostic d'un trouble déficitaire d'attention avec ou sans
hyperactivité est émis parce qu'il altère avec le fonctionnement global de
l'individu. O.K.? Les symptômes sont persistants, ils ne sont pas expliqués par
autre condition physique ou d'ordre mental ou contextuel. Donc, c'est une
condition qui est neurodéveloppementale. Donc, il ne faut pas minimiser qu'il
s'agit d'un trouble, O.K., qui se retrouve dans plus qu'une sphère de développement.
Donc, l'enfant a des difficultés à savourer la vie, à apprendre en contexte
social, parce que son cerveau est tellement en pleine ébullition, beaucoup plus
que les autres, qu'il fait des crises, par exemple, de colère, puis il n'est pas capable d'entrer en
contact avec les autres ou les autres ont peur de lui parce qu'ils pensent que
c'est un méchant. Mais ce n'est pas parce que c'est un méchant, c'est parce
qu'il n'est pas capable de reconnaître ses propres émotions puis de
s'arrêter, alors qu'un enfant qui n'aura pas de déficit d'attention avec
hyperactivité, il va être capable de le
faire parce que son cerveau lui permet d'avoir ces outils-là. Alors, on dit que
c'est incapacitant de par cet exemple-là, mais plein d'autres exemples,
ça va être à l'épicerie, ça va être chez grand-maman, ça va être à l'école. O.K. Donc, ça, c'est important de bien comprendre
qu'un diagnostic qui est émis, c'est parce qu'il y a une altération du
fonctionnement dans plus que deux sphères de vie du jeune.
Ceci étant
dit, vous faites référence au fait que, bon, ça peut être perçu négativement,
une maladie, et puis vous faites référence évidemment à l'usage thérapeutique,
l'usage pharmacologique, en fait, qui peut changer l'enfant. Bien sûr, la
médication, puis j'ai nommé dans la présentation, demeure la première ligne de
traitement, et puis, idéalement, elle est employée en combinaison avec
une approche qui est psychosociale, parce que la médication, puis je vais
laisser mes collègues dans le monde médical
parler un peu plus tard, la médication va venir altérer le fonctionnement
chimique du cerveau, sauf qu'il ne va
pas travailler tout seul. C'est comme si je vous dis : Bien, prenez une
pilule, vous êtes toujours en retard le matin, la pilule ne va pas
mettre le cadran à votre place pour vous lever plus tôt. Ça prend un peu d'aide
autour pour commencer à se pratiquer et à faire le geste de mettre l'heure plus
tôt du cadran. O.K.? Ce n'est pas magique.
Quant à votre
préoccupation des enfants qui vont être amaigris, effectivement, l'usage des
psychostimulants parfois est reconnu
pour couper la faim. De là l'importance d'avoir une approche
multidisciplinaire. Quand il y a un diagnostic qui a été émis, ce n'est pas
juste : Bien, ah! diagnostic de TDAH, vas-y mon loup, tu as un TDAH, on va
te donner une médication, puis on va te donner plus de temps pour tes
examens ou quoi que ce soit à l'école. Non, non, c'est important d'avoir un suivi qui est continu dans les
prochaines semaines, les prochains mois, qui seront déterminants pour trouver,
toi, c'est quoi, ta fenêtre de confort optimal au niveau de ta prise en
charge, dans un premier temps.
Puis, pour les jeunes, puis les adultes, même,
qui prennent une médication, moi, de manière vulgarisée, ce que je leur dis, c'est : Tu ne devrais pas te
sentir différent, de prendre une médication. La médication est là pour t'aider
à ouvrir les fenêtres de ta maison,
qui est renfermée depuis super longtemps, puis ça va arrêter ta petite patte
qui va trembler tout le temps. Ça va arrêter ton
cerveau, qui est comme une machine à popcorn à tout moment, mais ça va te
permettre d'être toi-même. Donc, si ça
altère la personnalité que tu es, on se pose des questions. Tout de suite,
c'est important d'avoir le contact
avec l'équipe médicale qui te suit. La même chose, si les effets secondaires se
maintiennent au point d'altérer ton poids,
bien, c'est de là qu'il est aussi pertinent d'avoir ton équipe médicale qui te
suit pour ne pas qu'il y ait des effets autres qui se maintiennent dans
le temps qui soient négatifs et risqués.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup. Ma dernière question, c'est :
Quels sont les accommodements mis en place dans les écoles afin d'aider
les jeunes atteints de TDAH?
Le Président
(M. Provençal)
: 30 secondes
pour répondre.
Mme Woods
(Geneviève) : C'est une bonne question. Alors, c'est très variable
d'une école à l'autre et même d'une garderie
à l'autre. On va proposer, selon le cas, des écouteurs pour bloquer le son,
parfois, on va isoler les enfants, malheureusement, du temps de plus
pour faire les travaux. Donc, il y a une panoplie d'outils, mais, de plus en
plus, et puis mes collègues, par exemple, de
la Clinique FOCUS ont des super trousses, je pense, qui gagneraient à être
mieux connues pour les accommodements à être introduits dans le milieu
scolaire.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci. Je cède
maintenant la parole à la députée de Fabre.
Mme Sauvé : Merci beaucoup, M. le Président. Mme Woods, c'est un plaisir de
vous entendre. D'entrée de jeu, je
voulais aussi dire que j'ai été sensible au témoignage de ma collègue, qui est
une maman, donc je voulais lui dire ma sensibilité par rapport à sa
situation, sa réalité.
M.
le Président, j'ai beaucoup de questions, alors je vais essayer d'être concise,
malgré tout, pour le temps que j'ai. J'ai une préoccupation liée à
l'étape entre... puis je vais parler des plus jeunes, des enfants d'âge
scolaire... J'ai une préoccupation importante par rapport à ce que peuvent
vivre, justement, les parents entre l'évaluation, parce qu'on ne parle pas de diagnostic par les enseignants, on
parle d'évaluation, d'observation, et le diagnostic qui vient ou qui ne vient pas, et, s'il vient, par le médecin, le
neuropsychologue ou le psychologue, il vient avec, souvent, un grand délai,
parce que, bon, évidemment ce n'est pas... l'accès n'est pas toujours
facile.
Alors,
moi, je me préoccupe beaucoup de la réalité, M. le Président, par rapport à ce
que peut vivre le parent entre l'observation, qui, parfois, malgré la bonne
volonté de l'enseignant, peut-être parce qu'il manque de formation, peut-être
parce qu'il est dans ce qu'on appelle, en psychologie, une généralisation hâtive,
il va conclure que, probablement, les comportements
de l'enfant sont liés à un TDAH. Alors, le diagnostic n'est pas encore posé de
façon médicale, mais tout ce temps-là
d'attente entre l'observation et le diagnostic, bien, le parent se retrouve un
peu dans un «no man's land» — excusez l'expression anglaise, mais... — et se retrouve dans une situation où,
finalement, le regard est déjà porté par rapport à l'enfant, alors que,
finalement, bien, on est dans une, peut-être, une interprétation, peut-être dans
une surévaluation, et donc le diagnostic de TDAH n'arrivera pas.
Alors,
je me préoccupe beaucoup de cette réalité-là, que dénoncent beaucoup, beaucoup
de parents. Alors, je voulais entendre Mme Woods là-dessus.
• (12 heures) •
Mme Woods (Geneviève) : Merci pour votre partage. Je partage personnellement et professionnellement votre
préoccupation. Je la vis, je la côtoie, et
ma vision, tant personnelle que professionnelle, hein, je suis maman aussi d'un
coco qui vient d'entrer à la l'école,
qui a cinq ans, et j'assiste à tous les défis des parents qui impliquent une
transition vers l'école, mais aussi
ceux qui ont des manifestations en trouble de déficit d'attention avec ou sans
hyperactivité, alors je suis aussi sensible de les accompagner là-dedans.
Parce qu'effectivement c'est une réalité, que le
temps est une denrée rare, par contre, une nécessité pour, justement, prendre le temps de bien observer, de bien
comprendre le tableau, d'impliquer différents professionnels à différents
égards pour vraiment avoir un tableau qui est le plus précis possible, le plus
proche de la réalité. Puis ce que vous nommez, hein, pendant ce
temps-là, bien, l'enfant, bien, comment lui se sent, comment est-il valorisé
pas ses pairs, comment est-ce que les parents
arrivent à gérer un peu tout ça puis surmonter les défis qui sont associés au
comportement de leurs enfants ou aux défis...
Dans
le processus de dépistage, hein, que vous nommez, de la peur des enseignants,
d'évaluations tant médicales que
professionnelles, cliniques, je pense que c'est vraiment important d'outiller
les parents. Notamment, on... Bon, il y a la psychoéducation, hein, qui
est une approche psychosociale qui est de plus en plus incluse dans la prise en
charge du TDAH, et on se rend compte qu'assez
rapidement ça donne des outils tant aux parents qu'aux enfants. Donc, ça donne
aussi l'impression, hein, dans la perception, aux parents, de se sentir
en pouvoir, de contrôler certains aspects de leur relation avec leur enfant, mais aussi, dans leurs
interventions, d'être plus efficaces. Donc, vous nommez, parfois, au niveau des
enseignants, on pourrait peut-être avoir une
meilleure compréhension de la situation, avoir plus d'outils, bien, c'est aussi
vrai pour les parents. Puis je pense que c'est important de ne pas sous-estimer
la consultation et/ou l'intégration d'un professionnel, tu sais, en
psychoéducation pendant tout ce processus de prise en charge là pour
l'évaluation puis le dépistage, qui est
fixé, ce professionnel-là, qui sera dans ce processus-là d'évaluation.
Pourrait-il continuer après l'émission ou non du diagnostic... mais aura
un portrait clair de la réalité de partout, des acteurs qui auront regardé,
observé, bien compris l'état de la
situation, pourra continuer, après, avec l'enfant puis la famille, pour cibler
ses interventions puis continuer dans l'efficacité, au profit du
bien-être, là, de la famille et puis de leur enfant.
Le Président (M. Provençal)
: Mme la députée.
Mme Sauvé : Merci, M. le Président. Merci pour votre réponse.
Vous avez nommé, puis il y a plusieurs, entre autres, le portrait et
l'analyse de l'INESSS, mais beaucoup d'autres documentations mentionnent
effectivement que de jumeler la médication
avec l'intervention psychosociale, ça augmente, bien sûr, l'accompagnement qui
est gagnant pour l'enfant qui a le TDAH.
Il y a très
peu d'études par rapport à l'intervention psychosociale seule, sans être
jumelée à la médication. Est-ce que
vous jugez que ce serait une alternative qui mériterait d'être poussée, autant
pour le développement des compétences sociales, pour, aussi,
l'adaptation au parcours scolaire? Est-ce que vous jugez que cette alternative
de l'intervention psychosociale prise à part mériterait d'être davantage
documentée, que la recherche devrait s'y intéresser davantage?
Mme Woods
(Geneviève) : Merci pour
votre question. Alors, il est certain qu'on connaît les
bienfaits des approches psychosociales. Oui, vous nommez que la littérature,
elle est mince, notamment en ce
qui a trait spécifiquement au TDAH et au développement des fonctions exécutives, notamment quand on parlait de développement des
compétences sociales,
compétences émotionnelles, bon, ça fait partie d'un tout, au niveau des
fonctions exécutives à développer. Et puis la littérature est mince.
Puis je pense que, oui, c'est pertinent de s'y attarder, sauf...
La
littérature qu'on a est tellement claire sur la combinaison, dans un cas de
TDAH sévère, la combinaison avec la médication et l'approche psychosociale, c'est vraiment ça qui bonifie. Aux États-Unis, tu sais, les
études du MTA, à Montréal, ici... qui travaille aussi dans différentes tranches
d'âge... on se rend compte que c'est vraiment une combinaison qui est gagnante.
Alors, moi, je me retrouve, sur le plan éthique,
un petit peu mal à l'aise de dire: Bien, on devrait accorder plus de temps à
uniquement se plonger sur une alternative psychosociale, alors que peut-être
que ça serait au risque... ou ça augmenterait les risques chez un enfant qui en
a réellement besoin, de la médication. Donc, il demeure que c'est vraiment
important, je pense, d'y aller cas par cas, de là
l'exploration qui est multidisciplinaire, pour avoir une vision éclairée.
Parce qu'effectivement ce n'est pas tous les... puis vous
avez nommé les travaux de l'INESSS, puis il y en a d'autres aussi, que ce n'est
pas tous les cas de TDAH qui nécessitent une médication, il y en a qui vont
faire le choix, de manière éclairée,
de ne pas prendre de médicaments. Il y a même des centres hospitaliers de la
grande région de Montréal, près de nous, qui décident, de manière consensuelle,
d'essayer sans médication un certain temps, puis de voir comment ça se passe, et d'essayer avec une médication un
certain temps, voir comment ça se passe, et, après ça, de faire un choix
éclairé, est-ce qu'on la prend, est-ce qu'on ne la prend pas.
Donc, le cas
par cas est d'autant plus justifié dans ce contexte de TDAH et gagnerait, je
pense, à être davantage exploré plutôt que d'essayer d'explorer chacune
des alternatives en silo.
Le Président (M. Provençal)
: Mme la députée.
Mme Sauvé : Merci, M. le Président. Je vais poursuivre un peu
dans ce que vous venez de dire par rapport à l'intervention psychosociale, et
je vous entends bien. À défaut de développer — puis l'intention, ce n'est pas de documenter
ou de faire de la recherche, seulement mettre de côté la notion de la
médication, mais c'est d'explorer un peu plus cette alternative-là, simplement — est-ce que vous ne pensez pas que, dans le
développement des compétences sociales, dans les différents aspects qui pourraient être inclus dans une approche
psychosociale, on ne doit pas mieux outiller les parents? Parce que je sais que les enseignants sont formés,
pourraient être mieux formés, mais ils ont des outils à leur disposition.
Est-ce que les outils sont suffisamment disponibles pour les parents?
Mme Woods (Geneviève) : ...la
question, en fait, est-ce qu'ils sont suffisamment disponibles, j'oserais dire qu'ils pourraient l'être davantage. Il y en a, des
outils, pour les parents, il y a des programmes au Québec, si on prend
l'exemple de Brindami, sur le
développement des habiletés sociales, dont nous sommes diffuseur, où est-ce que
c'est une modalité... c'est
multimodal, comme programme, donc l'éducatrice en milieu de garde fait
l'animation, l'intervention auprès de l'enfant, ensuite de ça, il y a une modalité pour les parents, puis on... Brindami
et d'autres programmes de développement des habiletés sociales démontrent leur efficacité quand il y a
l'implication des parents. Donc, il y en a, des programmes, qui sont déjà
disponibles à cet effet-là, qui gagneraient à être mieux connus et à être
utilisés dans leur ensemble.
L'enjeu, et
pour être sur le terrain toutes les semaines à accompagner et à soutenir ces
intervenants-là au développement des habiletés sociales chez les
enfants, dès qu'ils commencent à se sentir parfois sous la pression, ça devient un inhibiteur, donc ça arrête un
peu l'élan puis la motivation à essayer de faire le travail. Donc, ce qu'on
leur dit, c'est : Prenez le matériel qui est à votre disposition puis
assurez une continuité de l'information auprès des parents, mais prenez ce qui
fonctionne, parce que souvent ça crée des déceptions, puis les éducatrices puis
les professeurs voudraient avoir plus d'effet auprès des parents, puis de la
réponse, bien, ils n'en ont pas de la part des parents, donc...
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci. Donc, je vais être obligé de vous interrompre pour céder la parole au député
de Jean-Lesage, qui est le responsable du deuxième groupe d'opposition. M. le
député.
• (12 h 10) •
M. Zanetti : Merci, M. le Président. Merci beaucoup,
Mme Woods, pour votre présentation. Selon vous, quelle est la cause
du TDAH?
Mme Woods
(Geneviève) : Selon moi?
C'est une bonne question. Écoutez, je vais me fier à la littérature, hein,
pour répondre le plus adéquatement possible à votre question. Je l'ai évoqué, un
peu plus tôt en présentation, il y a des marqueurs génétiques et des marqueurs environnementaux
qui sont très clairs.
Donc, sur le plan génétique, notamment,
on a des allèles dans l'ADN à certains endroits qui auraient une différence.
Ensuite de ça, il y aurait des débalancements, peut-être, hormonaux, notamment au
niveau des systèmes de... hein, la fameuse drogue du plaisir. Il y aurait des
différences au niveau de la structure du cerveau quant au volume de la partie
frontale.
Est-ce que
c'est expliqué par ce qu'on mange? Est-ce
que c'est expliqué par l'usage des
écrans qu'on fait? Est-ce que
c'est expliqué par une molécule dans l'air qu'on respire qu'on ne connaît pas
encore?
Donc,
il y a beaucoup de questionnements, toujours, à savoir d'où ça vient, le TDAH. Il y a toujours
des études qui sont en cours, puis malheureusement on n'a pas mis le doigt encore... quand je dis «on», là, tous mes
collègues de ce monde, chercheurs qui
passent leur vie à essayer de se questionner, bien, justement, ça vient d'où puis c'est expliqué par quoi, on se rend
compte, dans l'ensemble, que c'est multifactoriel.
Puis
je pense que ça serait tellement génial, hein, de trouver d'où ça vient pour
pouvoir trouver peut-être la pilule magique. Mais, malheureusement,
actuellement, c'est encore difficile.
M. Zanetti :
Donc, dans les facteurs environnementaux, il y a l'usage des écrans. Il n'y a
que des hypothèses, là, si je comprends bien. Mettons, il y aurait
peut-être l'usage des écrans, peut-être l'alimentation.
Est-ce
qu'il a d'autres facteurs, mettons, psychologiques dans, je ne sais pas, la
famille ou l'environnement social qui peuvent... qui sont considérés
comme des hypothèses dans la littérature scientifique?
Mme Woods
(Geneviève) : Donc, ce qui est clair, au niveau de la littérature
scientifique, c'est, par exemple, in utero,
la nicotine, lors de la grossesse, va augmenter les chances de symptômes
d'hyperactivité de l'enfant à naître, les complications lors de la
grossesse, par exemple, un manque d'oxygène ou l'utilisation de certaines
interventions médicales... sont liés à,
hein, donc ce n'est jamais de cause à effet, mais il y a un plus grand niveau
de risque à l'apparition des symptômes plus tard dans la vie de
l'enfant, avec ou sans composante génétique.
Bien
sûr, s'il y a la présence de TDAH dans la famille, donc, premier niveau, donc,
au moins un parent, bien, ça augmente les traits d'irritabilité chez
l'enfant à naître aussi.
Au niveau social, ce
qui est très clair aussi, c'est d'être issu d'une famille de milieu
défavorisé...
Le Président (M. Provençal)
: Mme Woods, je suis obligé de vous interrompre encore une fois
parce que je suis le gardien du temps. Alors, je cède maintenant la
parole au député de Jonquière, du troisième groupe d'opposition.
M. Gaudreault :
Oui. Merci beaucoup, Mme Woods. Je vous souhaite bonne chance pour
l'accouchement à venir.
Mme Woods
(Geneviève) : ...
M. Gaudreault :
Maintenant, moi, je veux savoir... Quelle explication vous donnez quant aux
différences marquées dans la prévalence
au Québec versus le reste du Canada? Il y avait quand même des chiffres assez
impressionnants là-dessus qui avaient
été, entre autres... sur lesquels le groupe de pédiatres a mis un focus, là,
très important en début d'année.
Moi,
je comprends, là, les raisons que vous nous donnez, ou les causes, là, plutôt,
du TDAH, les gènes, l'environnement. Je
suis très, très préoccupé, entre autres, par les revenus familiaux, qui sont
différents. Mais, quand même, quand on voit les chiffres, si on prend les six... non, chez les 13 à 17 ans, là,
au Québec, on est plus que le double de la moyenne canadienne. Je veux dire, on n'est pas un pays beaucoup plus
pauvre que le reste du Canada, là. Donc, ce n'est pas juste la question des
revenus familiaux. Bon. Alors, avez-vous une explication pour ça?
Mme Woods (Geneviève) : Merci pour votre question, M. Gaudreault. En
fait, ce sont des réflexions, des hypothèses de... Pour être dans le réseau du TDAH depuis maintenant plus de
10 ans, les experts, même en termes de ratios dans le Canada, sont
très concentrés au Québec. Donc, ça fait aussi du sens que... il y a plus
d'experts, il y a peut-être plus une meilleure
connaissance, donc un plus grand intérêt. Ils accordent plus
d'attention, pour ne pas faire de jeu de mots, mais il y a une réalité qu'il
y a un très gros bassin d'experts hyperqualifiés au Québec, si on compare aux
autres provinces canadiennes. Donc, dans un premier temps, je
pense qu'il peut y avoir un effet.
Est-ce qu'il peut y avoir un effet de l'industrie aussi qui voit ça
comme une opportunité aussi, qui peut créer un biais? Autre hypothèse.
En termes de facteurs socioéconomiques, votre réflexion, je la partage également, hein,
il y a des réalités similaires dans
les autres provinces. Donc, pour moi, ce n'est peut-être pas suffisant pour
expliquer cette prévalence élevée. Donc, j'abonderais plus dans le sens
de la connaissance et de la popularité du diagnostic, à un moment donné, qui a
été comme un effet de société,
où est-ce qu'on gagnerait en prévention à venir adoucir, à calmer cet
intérêt-là par une meilleure connaissance de ce que c'est et que c'est
un trouble à ne pas minimiser. Ce n'est pas... mode, là.
Le Président (M. Provençal)
: Mme Woods, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.
Je vais devoir
suspendre les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de
prendre place. Merci énormément.
(Suspension de la séance à
12 h 17)
(Reprise
à 12 h 18)
Le Président (M. Provençal)
: Je souhaite maintenant la bienvenue à la représentante de la Chaire de l'Université du Québec à Chicoutimi, cégep de
Jonquière, sur les conditions de vie, la santé, l'adaptation et les aspirations
des jeunes. Je vous rappelle que vous disposez
de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous
présenter puis à commencer.
Chaire UQAC-Cégep de Jonquière
sur les conditions de vie, la santé,
l'adaptation et les aspirations des jeunes (VISAJ)
Mme Brault
(Marie-Christine) : Bonjour.
Je m'appelle Marie-Christine Brault. Je suis professeure de sociologie à l'Université
du Québec à Chicoutimi et
cotitulaire, donc, de la chaire VISAJ sur les conditions de vie, la santé,
l'adaptation et les aspirations des jeunes.
Donc,
chers élus, membres de la Commission
de la santé et des services sociaux, je tiens à vous remercier sincèrement
de vous préoccuper de la situation de
l'accroissement de la commission de psychostimulants chez les jeunes Québécois.
Je vous remercie aussi de m'avoir
invitée aujourd'hui à présenter mon point de vue sur le problème. Comme vous le
savez, j'ai déposé un mémoire. Donc,
ici, je vais prendre le temps qui m'est accordé pour vous parler des éléments
centraux, qui incluent le problème
tel que je le conçois, des constats tirés d'une recherche que je mène
actuellement puis quelques pistes de réflexion pour guider les actions
qui suivront.
D'abord,
vous avez raison d'affirmer que l'augmentation de la consommation de
psychostimulants associés au diagnostic
de TDAH pose problème. La consommation de psychostimulants n'est pas sans
conséquence pour les jeunes, car
plusieurs effets secondaires y sont associés, par exemple: de l'insomnie, de la
perte d'appétit, perte de poids, irritabilité, etc. Alors, il faut, à
tout prix, s'assurer que seuls ceux qui en ont vraiment besoin y recourent.
Par
contre, je ne voudrais pas que l'énoncé du problème s'arrête là, car le vrai
problème est le diagnostic médical qui
justifie que l'on ait recours à ces médicaments. Donc, le vrai problème est
plutôt l'accroissement du nombre d'enfants et de jeunes qui reçoivent un diagnostic de TDAH et, je précise, en
fait, qui reçoivent ce diagnostic-là pour les mauvaises raisons.
• (12 h 20) •
Donc,
ce sont des jeunes qui reçoivent le diagnostic mais qui ne devraient pas le
recevoir, soit parce qu'ils ont un autre
trouble qui prendra plus de temps à être identifié, parce qu'ils vivent des
épreuves individuelles qui se traduisent par des comportements qui ressemblent aux symptômes du TDAH, parce que leur
niveau de maturité n'est pas au même niveau que celui des autres
enfants, parce qu'ils ne cadrent pas dans les normes sociales attendues, etc.
Il
est difficile d'évaluer le nombre de mauvais diagnostics qui sont associés au
TDAH, parce que poser le diagnostic reste un processus qui est très subjectif.
La tâche est d'autant plus complexe qu'il n'y a ni test sanguin ni test
biologique qui confirme le diagnostic de TDAH, ce qui ouvre davantage la
porte aux mauvais diagnostics. C'est l'évaluation clinique des comportements et des conséquences qu'ils ont
qui détermine la présence du diagnostic, puis on sait que les pratiques
en ce sens sont très hétérogènes.
Les
comportements d'hyperactivité, d'impulsivité et d'inattention sont communs chez
les enfants, mais leur intensité et
leur fréquence sont variables. À prime abord, la présence de ces comportements
chez les enfants n'est pas pathologique, même chez ceux qui démontrent une activité plus forte que la moyenne, il
ne s'agit que de différences individuelles. D'un point de vue sociologique, c'est le contexte social et normatif qui
transforme ces comportements en maladie et qui les désigne sous un
registre de diagnostic pathologique.
Le
processus qui mène au diagnostic implique, dans le cas du TDAH, des normes
sociales qu'il nous faut comprendre. Qu'est-ce
qui est de l'hyperactivité, de l'inattention normales? De l'hyperactivité, de
l'inattention pathologiques? Les enfants qui transgressent ces normes ont-ils des caractéristiques particulières?
Il semble que oui, parce que ce sont principalement les garçons, les jeunes issus d'un milieu
défavorisé et les jeunes qui sont les plus jeunes de leur classe qui sont
davantage identifiés TDAH. On peut
aussi se questionner sur qui juge la transgression comme déviante, dans quel
contexte aussi c'est fait puis comment s'effectue le processus
diagnostic.
Le
processus qui mène au diagnostic de TDAH est complexe, mais fait toujours appel
au jugement d'un adulte ou d'un
groupe d'adultes à l'égard d'un enfant. Ces adultes, qu'ils soient un parent,
un enseignant, éducateur, intervenant, peu importe, identifie des comportements qui posent problème puis apposent
l'étiquette hyperactif, inattentif, TDAH, qui devient, par la suite, un
diagnostic quand il est validé officiellement par un professionnel de la santé.
Il
y a certains éléments, néanmoins, qui permettent de faire l'hypothèse d'un
nombre trop élevé de diagnostics chez certaines
sous-populations. D'abord, quand on constate qu'il y a un accroissement de la
prévalence ainsi que des distributions inégales
de prévalences basées sur le territoire, on peut se poser des questions. Par
exemple, on sait que la prévalence de la consommation de psychostimulants est
plus élevée au Québec qu'ailleurs dans le Canada. On sait aussi qu'à
l'intérieur du Québec, il y a des
différences entre les régions. Entre autres, la région de Montréal a des taux
très faibles, en deçà de la moyenne québécoise, alors que la région où
j'habite, le Saguenay—Lac-Saint-Jean,
figure parmi les régions québécoises où il y a le plus de diagnostics de
TDAH.
Et,
même à l'intérieur d'un même territoire, donc au Saguenay—Lac-Saint-Jean, on constate des différences entre les différentes villes au
sein de notre territoire. Par exemple, la ville de La Baie a des taux moindres
que la moyenne québécoise, alors que Jonquière et d'autres villes
au Lac-Saint-Jean ont des taux plus élevés. Donc, on peut se
questionner à savoir qu'est-ce qui se passe. Pour l'instant, les
facteurs sont encore méconnus.
Une autre
manière de se rendre compte qu'il y a des mauvais diagnostics, c'est de s'intéresser à
la probabilité d'avoir un diagnostic de TDAH selon le mois de naissance,
comparé à la date d'entrée à l'école. Au Québec, puis ces études-là, sont prouvées, en fait, sont... ces constats-là sont faits
partout dans le monde. Au Québec, on constate que les plus jeunes, ceux
qui sont nés entre les mois de juillet et septembre, ont 1,5 fois plus de
chances d'avoir un diagnostic de TDAH et de
consommer des psychostimulants, comparé aux élèves qui sont nés entre octobre
et décembre et qui sont les plus vieux de la classe. Donc, il y a des questions
à se poser puis il faut savoir si on donne des pilules pour contrer
l'immaturité développementale.
Ça fait longtemps que les études parlent du rôle
de l'école dans le phénomène du TDAH. Par contre, peu l'ont documenté, et aucune étude québécoise ne s'était
penchée sur le sujet avant la mienne. Depuis 2017, je collecte des données
au Québec et en Flandres, en Belgique,
auprès des écoles et des acteurs scolaires, pour mieux comprendre le rôle du
milieu scolaire dans l'étiquetage des
élèves sous la catégorie TDAH. J'ai bien expliqué l'étude dans le mémoire que
j'ai déposé, je vais reprendre ici des constats qui me paraissent les
plus importants.
Donc, mon premier constat, c'est de confirmer
que l'école, en tant qu'institution, contribue au problème de l'accroissement de consommation de
psychostimulants pour le TDAH et contribue
aussi à l'augmentation du nombre de diagnostics.
Puis cela s'effectue de plusieurs manières, entre autres, les difficultés
scolaires, peu importe qu'elles soient retard scolaire, faibles notes ou ne pas atteindre son plein potentiel,
constitue souvent un déclencheur du processus diagnostique. C'est le cas au Québec, mais pas en Belgique.
Je tiens à préciser aussi qu'il y a des énormes différences dans les taux de
prévalence. En Belgique, le TDAH est presque inexistant dans mon échantillon,
alors qu'au Québec il est de 17,5 %.
Les
enseignantes québécoises, bien, belges aussi, là, mais les enseignantes québécoises
participent, puis quand je dis
«enseignantes», c'est parce que c'est principalement des femmes, c'était au
primaire, donc je l'utilise à titre épicène. Donc les enseignantes participent à plusieurs étapes du processus
diagnostique. Certaines étapes relèvent de leurs champs de compétence, par exemple faire des
observations, identifier des comportements qui posent problème, mettre en place
des stratégies dans la classe. Par contre,
il y en a d'autres, tâches, qui ne
relèvent pas de leurs fonctions, par exemple de discuter de l'avantage
des médicaments avec les parents ou suggérer, même, le diagnostic aux parents.
Les
enseignantes, par contre, le font dans un but de bienveillance. Ils aiment les
enfants, ils veulent les aider et ils sont convaincus de faire ce qu'il faut
pour le bien des enfants. Entre autres, on le constate... les enseignantes le
savent, que c'est très long, avoir un
diagnostic, c'est très long, avoir des services. Pour avoir des services, il
faut souvent un diagnostic, alors leur objectif, c'est de contrer ce délai-là
en essayant de dépister le plus tôt possible les problèmes chez les
enfants. Mais ça fait en sorte qu'il y a peut-être des enfants qui reçoivent
des diagnostics trop tôt pour ces raisons-là, parce que c'est important, pour les enseignants, qu'il n'y ait pas
de retard ou qu'il n'y ait pas un écart qui se creuse entre les élèves et le
restant de la classe, en ce qui a trait...
en fait, par rapport aux apprentissages qui sont attendus pour leur âge et leur
cheminement.
Le deuxième grand constat que je peux tirer de
mes données, c'est le fait que le problème du TDAH n'est pas seulement créé par l'école. C'est plutôt un
problème qui se situe à l'intersection de la sphère scolaire, médicale et
familiale. J'ai interviewé aussi, en
plus des enseignants, j'ai interviewé aussi des professionnels de la santé,
puis ce qu'il ressort, c'est que les
professionnels de la santé sont conscients de contribuer au problème de
l'accroissement de la consommation de médicaments,
mais il leur arrive de baisser les bras et de diagnostiquer et de prescrire
quand même parce qu'ils trouvent que la pression des parents et de
l'école est trop forte.
On peut aussi penser que les alternatives aux
médicaments sont rares, coûteuses et peu disponibles.
Les pratiques
parentales sont également très souvent montrées du doigt par l'école et les
professionnels de la santé, puis il
est évident que les pratiques parentales ont évolué puis elles ne sont plus ce
qu'elles étaient, notamment en termes de
respect de l'autorité, des attentes aussi qui sont faites à l'égard des
enfants, de la discipline aussi. Donc, tout cela a évolué pour le meilleur et
pour le pire, mais je pense qu'il ne faut pas... Oui, il me reste une minute.
Je pense qu'il ne faut pas écarter cette option de la solution.
Bon, pour
conclure, j'aimerais que vous considériez l'importance de décloisonner le
problème, c'est-à-dire d'y réfléchir en incluant des acteurs de la
santé, de l'éducation et de la famille. Il faut aussi renverser la vapeur en ce
qui concerne la médicalisation des difficultés scolaires et, pour cela, il faut
mieux circonscrire le rôle de l'école et des enseignants
dans le problème, mettre moins l'accent sur les résultats scolaires dans le
cheminement scolaire et mieux former les
enseignants, mais aussi les directions d'école aux conséquences d'une médicalisation
et surtout offrir un soutien adéquat en contexte d'inclusion scolaire.
Merci.
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci pour votre exposé. Nous débutons les échanges avec la députée de
Roberval?
Mme Guillemette : Bien, tu veux
y aller?
Le Président (M. Provençal)
: Oui? Alors, le député de Dubuc.
M. Tremblay : Merci, M. le Président. Merci, bravo! Je tiens à
le rappeler, vous êtes un modèle fort, unique au Québec au niveau
mariage universitaire-collégial...
Mme Brault (Marie-Christine) :
Oui. Merci.
M. Tremblay : ...puis votre travail est vraiment remarquable.
Je le dis comme je le sens, on comprend qu'il fut un temps où
l'apprenant, l'élève, dans sa classe, qui perturbait la norme pouvait se
retrouver dans le coin ou...
Bon, la
société a évolué, puis j'ose imaginer qu'à un moment donné il y a quelqu'un
qui... puis vous évoquez, dans le mémoire, des symptômes, vous présentez des
symptômes... donc un premier élève bougeait les mains, avaient certaines
gestuelles qui perturbaient la norme dans la
classe. Puis, à un moment donné, on a créé un échantillon à partir de plusieurs
cas comme celui-là, et puis, finalement, il y a quelqu'un
qui a callé une shot, à savoir qu'on a étiqueté ça comme étant un trouble, un TDAH. Et puis, finalement, il y a une
médication, puis, bon, tout ce qu'on est train de comprendre à travers tout ça.
Maintenant,
vous évoquez le fait qu'effectivement c'est plus large qu'une réalité de santé, que d'identifier un élève dans la classe
puis dire : Toi, tu ne cadres pas sur la norme qui nous permet de
fonctionner de façon efficiente, on te catégorise,
on va te médicamenter, on va t'évaluer puis on te sort un peu du groupe,
finalement, on te marginalise, ou peu importe. À l'heure actuelle, au Québec,
en 2019, moi, je pense qu'effectivement c'est une réalité qui implique la
famille, la santé, l'éducation.
Est-ce que vous croyez qu'on est outillés? Est-ce qu'on est... est-ce qu'on
fait fausse route, par rapport à tout ça, dans le fond, comme société québécoise?
Comment vous le voyez?
• (12 h 30) •
Mme Brault (Marie-Christine) : Bien, je pense qu'à partir du moment où il y a
autant d'enfants qui consomment des médicaments, je pense qu'on fait
fausse route, puis ça concerne le TDAH, mais ça concerne aussi l'anxiété, plein
d'autres troubles, là. La santé et le bien-être
de nos enfants est en jeu, en ce
moment, parce que je pense qu'il n'y
a jamais eu des taux aussi élevés que ça de problèmes de
détresse psychologique et d'autres problèmes de santé mentale chez les
jeunes. Donc, oui, il se passe quelque chose, puis je ne pense pas que ce
soient les médicaments qui règlent la question, parce que les médicaments, ça reste une solution individuelle, mais là
on a un problème collectif, donc il faut trouver des solutions à
d'autres niveaux.
M. Tremblay :
J'aurais une autre question, M. le Président.
Le Président
(M. Provençal)
: Allez-y, M. le
député.
M. Tremblay : Dites-moi, et mon collègue de Jonquière, ma collègue de Roberval... Vous évoquiez une disparité entre La Baie, la communauté d'origine, et puis Jonquière,
finalement, on est des voisins, comment on peut arriver à des réalités aussi différentes? Le premier réflexe qui
me vient: Est-ce que c'est la réalité d'exposition industrielle
ou, peu importe, comment on peut expliquer ça?
Mme Brault
(Marie-Christine) : En fait,
c'est encore nébuleux. Je vous dirais, les chiffres que je présente, c'est ceux
de la santé publique, entre autres, du CIUSSS du Saguenay—Lac-Saint-Jean, et on se questionne encore, parce
qu'habituellement il y a une corrélation avec le statut socioéconomique, mais
là, dans les chiffres qu'on observe, il ne ressort
pas nécessairement... ce n'est pas les communautés
avec le plus faible niveau socioéconomique qui ressortent avec le plus de TDAH. En tout cas, la corrélation
n'est pas parfaite, donc on a encore de la misère à s'expliquer ça. Mon étude,
là, c'est des résultats préliminaires, je vais continuer de pousser mon
analyse, mais il y a peut-être quelque
chose aussi avec les services au
niveau des commissions scolaires, peut-être, ou les services qui sont mis en place dans les
écoles, parce que... en tout cas, je sais qu'il y a des cliniques dans
la région, des cliniques TDAH qui sont peut-être plus présentes dans certaines parties du territoire,
en fait, comparativement à d'autres. Donc, j'ai des collègues
qui diraient qu'à La Baie ils sont peut-être
sous-diagnostiqués, bon, peut-être, il faut voir. Mais ça reste qu'il y a
des très grandes disparités entre les... bien, dans notre territoire,
puis on ne s'explique pas encore les raisons tout à fait, donc on continue à
chercher.
M. Tremblay :
Merci. Merci d'être là.
Le Président
(M. Provençal)
: Mme
la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci. Donc, oui, merci d'être ici. On est très
fiers de vous et de la chaire VISAJ. Donc, moi, dans Roberval, j'ai une
pédiatre, Jessica Ricard, qui a développé un beau modèle, qui est très... en
tout cas, jusqu'à maintenant, là, qui est très porteur, c'est un modèle
collectif, elle rencontre les familles, les enfants, il y a
une infirmière, une éducatrice spécialisée. En tout cas, c'est vraiment
un beau modèle, là, pour chez nous.
J'aimerais
vous entendre parler un peu du dépistage. Est-ce que ça peut être là aussi la
différence des diagnostics? Parce
qu'à certains égards on m'a dit qu'un dépistage pouvait prendre plusieurs
heures, mais, des fois, on se rend
compte que c'est vite fait dans le bureau du médecin. Donc, j'aimerais
comprendre un peu, là, cette dynamique-là.
Mme Brault
(Marie-Christine) : En
effet. Bon, il faut dire que je ne me suis pas attardée à cet aspect-là dans
mon étude, mais, de ce que j'ai lu dans la littérature, ce qu'on constate,
c'est qu'il y a effectivement une hétérogénéité des pratiques des professionnels
de la santé à l'égard du TDAH. On dit qu'une bonne évaluation du TDAH devrait
avoir, entre autres, une évaluation faite par un neuropsychologue, ça pourrait
être une évaluation aussi où on prend en compte différents points de vue. Parce
que, quand on pose le diagnostic de TDAH, il faut que les symptômes soient
présents dans au moins deux environnements.
Donc, chez des jeunes, on peut penser que c'est l'école et la famille, ou
l'école et les activités parascolaires ou, bon, etc. Donc,
effectivement, moi, j'ai... Ma prochaine étape sera d'aller sonder les parents, là, mais j'ai quand même beaucoup d'échos
de parents, de manière non officielle, qui viennent me voir, et il y en a
plusieurs qui me racontent des épisodes de
15 minutes dans le bureau du médecin, qui ressortent avec un diagnostic.
Tu sais, je ne pense pas que ça soit nécessairement la norme.
Je
pense qu'il faut faire attention, là, il y a plusieurs études, aussi, qui
indiquent... Bien, en fait, ce qu'il faut savoir, c'est que, longtemps, le diagnostic de TDAH était
réservé, par exemple, aux pédopsychiatres, était réservé aux pédiatres,
puis, maintenant, c'est de plus en plus les omnipraticiens qui posent ce
diagnostic-là. Donc, peut-être qu'on pourrait... Peut-être que ça contribue au problème, là. Je ne le sais pas, mais,
très certainement, les pratiques diagnostiques sont très hétérogènes à
ce niveau-là.
Mme Guillemette :
Parfait. Dernière question, M. le Président.
Le Président
(M. Provençal)
: Oui.
Mme Guillemette :
Vers quel âge on pourrait porter un premier diagnostic?
Mme Brault
(Marie-Christine) : C'est une question intéressante. Dans mon étude,
on voit qu'il y a des enfants, dès deux ans, qui ont reçu un diagnostic
puis qui consomment des médicaments. En termes de consommation de médicaments, les guides de pratique, au niveau des
pharmaciens, disent qu'en deçà de six ans, on ne devrait pas prescrire
des médicaments à un enfant, parce que ces médicaments-là n'ont pas été testés
sur une clientèle, sur une population pédiatrique.
Au niveau du
diagnostic de TDAH, bon, moi, je ne suis pas médecin, hein, je reste
sociologue, mais, avec tout ce qu'on
constate, la méprise qu'il y a entre l'immaturité puis les symptômes de TDAH,
personnellement, je ne suis pas nécessairement pour une catégorisation
médicale des enfants, parce que ça fait en sorte que ça les fige rapidement
dans une certaine catégorie. Ça fait en
sorte qu'on se restreint, peut-être, ou qu'on les voit en termes de déficits,
aussi, on voit leurs déficits au lieu
de voir leurs forces. Un enfant, ça se développe très rapidement, on le sait,
là, ils évoluent rapidement. À l'intérieur d'un an, il peut y avoir des
bonds incroyables qui sont faits.
Donc,
moi, personnellement, je ne valoriserais pas une approche diagnostique très
tôt. Mais, en même temps, il faut
faire quand même une certaine prévention, parce que, oui, il y a des enfants à
qui ça bénéficie d'être pris en charge le plus tôt possible.
Mme Guillemette :
Merci.
Mme Brault
(Marie-Christine) : De rien.
Mme Guillemette :
Merci, M. le Président.
Le Président
(M. Provençal)
: Mme la députée
d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci, madame. Ma question est : Au niveau du
Québec, vous avez fait un sondage où
il y a le plus de taux de TDAH élevés. C'est la première question : Quels
sont les endroits où ce que c'est le plus élevé? Et est-ce que vous avez
étudié aussi, au niveau du Québec, les communautés autochtones?
Mme Brault
(Marie-Christine) : Merci. D'abord, mon étude au Québec portait sur la
région du Saguenay—Lac-Saint-Jean uniquement, puis je n'ai pas encore
regardé les taux, là, je n'ai pas isolé les taux par secteurs au Saguenay—Lac-Saint-Jean. Par contre, j'ai fait l'étude
comparative avec la Flandre, puis on constate, comme je l'ai dit tantôt,
en Flandre, je pense que c'est 2,5 % de diagnostics de TDAH dans mon
échantillon, là, ce n'est pas représentatif, nécessairement, de la population
flamande ou québécoise, puis, au Québec, c'était 17,5 % de jeunes, dans
mon échantillon, qui déclarent avoir un
diagnostic de TDAH. Est-ce que j'avais des populations autochtones? Pas de
manière spécifique, mais il y a
effectivement des autochtones qui ont répondu au sondage et qui se sont
déclarés comme autochtones dans la
déclaration, en fait, du groupe ethnique, puis j'ai regardé très rapidement,
mais ils ressortaient avec une prévalence plus élevée de TDAH que les
autres élèves québécois.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Ma dernière question, c'est que, au niveau de votre
travail de recherche, quelle a été votre plus belle réalisation à date?
Mme Brault
(Marie-Christine) : Bien, ma plus belle réalisation, je vous dirais
que c'est vraiment d'avoir pu m'entretenir
avec les enseignants. J'ai fait cinq groupes de discussion qui ont duré au
moins 3 heures par groupe de discussion, puis là j'ai fait une
vingtaine d'entretiens, là, avec des enseignants, des professionnels de la
santé en individuel, puis ça m'a vraiment
donné, je pense, un beau portrait. Puis ce que je constate le plus,
c'est : oui, l'école contribue au problème, mais les enseignants le font vraiment de bonne foi. Les enseignantes se
donnent à fond, mais elles sont en train de déchanter, actuellement, je pense,
au niveau de leurs conditions de travail et au niveau aussi du fait qu'elles
pensaient être enseignantes, donc
transmettre du savoir, puis elles se rendent compte qu'elles sont de plus en
plus en train de faire de l'adaptation scolaire, puis ça, ça les
dérange.
Donc,
ma plus belle réalisation, c'est de mettre un bémol aussi au fait de
dire : Bien, tu sais, ce n'est pas... en fait, oui... Donc, ce que je veux
qu'on retienne, c'est que, oui, l'école contribue au problème, mais les
enseignantes, il ne faut pas les accuser
à tort, tu sais, il ne faut pas... En fait, elles font ce qu'elles peuvent avec
les moyens qu'elles ont, là, aussi, à l'heure actuelle.
• (12 h 40) •
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup.
Le Président
(M. Provençal)
: M.
le député de Dubuc.
M. Tremblay : Oui, merci, M. le Président. Dites-moi, on
est au Saguenay—Lac-Saint-Jean...
Par rapport au Québec, peu
importe, si on considère qu'il y a des diagnostics qui sont donnés en
15 minutes, puis qu'on pourrait croire que c'est rapide, est-ce
que vous pensez que la Santé de la
société du Québec devrait renforcer les protocoles ou les
mécanismes de diagnostic, par rapport... Je donne un exemple : s'il y a un diagnostic qui est
donné en 15 minutes, ce qui est quand
même grave, en tout cas, dans la perspective où ça peut être un mauvais diagnostic, est-ce qu'on ne devrait pas obliger un deuxième diagnostic ou un resserrement
du protocole de diagnostic pour s'assurer finalement de...
Mme Brault
(Marie-Christine) : La validité, oui.
M. Tremblay :
Oui, puis donner de la sécurité à nos enfants aussi par rapport à ça.
Mme Brault
(Marie-Christine) : Bien, c'est intéressant, votre question, parce que
je pense que oui, puis les médecins qui vont
venir, que vous allez entendre, je
pense qu'ils vont très certainement vous parler de ça. Je sais que les
pédiatres, entre autres, ils ont soulevé la question, là, d'avoir vraiment des
tests de diagnostic peut-être plus fiables et qui s'appliquent peut-être
plus au Québec.
Mais
moi, j'ai le goût de vous dire : Avant d'arriver au diagnostic, il y a
plusieurs affaires qu'on peut faire aussi, hein, s'assurer que tout le monde, là, ait accès à des services. Puis on
essaie de mettre en place une approche inclusive dans les écoles au
Québec, mais faisons-la pour vrai. Donc, je pense qu'en faisant ça on va aider
à la fois les enfants qui ont peut-être des problèmes au niveau du TDAH, on va
aider tout le monde. Donc, j'aurais le goût d'essayer de dire... Oui, c'est ça, donc, de ne pas attendre d'être arrivé
au niveau du diagnostic pour agir, donc de mettre en place des ressources dès le
départ, puis peut-être avoir un milieu scolaire aussi plus flexible.
Je faisais état, dans
mon mémoire, du rapport qui a été publié par... de l'avis, en fait, qui a été
fait par le Conseil supérieur de l'éducation en 2017. Puis ils ont un chapitre
complet sur la médicalisation des difficultés scolaires, et ce chapitre-là est fantastique. Il donne plusieurs
pistes de solution, et je pense qu'on pourrait essayer ça aussi, et pas juste
faire des actions dans le milieu médical au niveau des pratiques, qui,
bien sûr, doivent être renforcées, mais... C'est ça.
M. Tremblay :
Merci.
Le Président
(M. Provençal)
: ...
Mme Picard :
Moi, j'aimerais vous entendre sur l'activité physique, comment ça peut aider
les jeunes par rapport à un TDAH. Est-ce que vous avez fait cette
évaluation-là?
Mme Brault
(Marie-Christine) : Bien, non. Je n'ai pas étudié ça. Mais, quand
même, je pense que l'activité physique est bénéfique pour tous les jeunes,
hein? Qu'ils aient un TDAH, qu'ils aient, en tout cas, des comportements d'hyperactivité et d'inattention. Moi, j'ai deux
garçons, puis je sais que, quand ils ne bougent pas assez dans leur journée, ça
paraît. Donc, je pense que l'éducation physique, très certainement, c'est un
facteur important, surtout, c'est un facteur important, mais c'est un facteur aussi qui... Quand on donne le goût aux
jeunes de faire du sport, bien, c'est quelque chose qui continue même à l'âge adulte, puis c'est bon,
là, à tous les niveaux de leur développement, personnel, professionnel, etc.
Donc, je pense qu'il faut effectivement
augmenter, bien, l'offre, le temps, la possibilité aux jeunes de bouger et
faire de l'exercice.
En
lien avec le TDAH, je pense que ça a été démontré que ça aidait, que ça pouvait
être une solution aussi pour, justement
diminuer la consommation de médicaments. De les faire bouger, je pense, que
c'était associé à une augmentation de... une amélioration de leur niveau
de concentration, entre autres.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci. La parole est
maintenant à la députée de Fabre.
Mme Sauvé : Oui, merci, M. le Président. Alors, Mme Brault, c'est un plaisir
de vous entendre. Merci pour les constats
éloquents qui viennent de votre recherche très documentée et très précieuse.
J'ai lu, avec beaucoup d'intérêt, votre mémoire et je suis... Dans le fond, à lire vos constats, et... Bien
humblement, je vous dirais que ça fait écho un peu à ce que j'entends,
ce que je vois et ce que je peux comprendre, avec, bien, sûr toute votre
science à vous.
Moi,
j'ai entendu des propos que vous avez nommés, puis qui... au-delà de ce que je
retrouve dans le mémoire, qui me jettent un peu par terre. Quand j'entends que
des professionnels de la santé ont baissé les bras parce que la pression de
l'école et des parents est tellement grande
pour aller vers la médication, alors ça me perturbe beaucoup. Et je voudrais
savoir, dans le fond, dans un premier
temps, est-ce que... puis vous avez nommé, bien sûr, que les médecins de
famille sont les principaux
professionnels qui font les diagnostics... Auparavant, il y a plusieurs années,
c'étaient davantage les neuropsychiatres, qui ont une formation,
évidemment. Parce qu'on s'entend que le TDAH, il n'y a pas de test médical et il y a une interprétation clinique, mais
il y a un aspect subjectif, tel que vous l'avez nommée dans votre mémoire.
Alors,
par rapport à la pression qui se vit des professionnels
de la santé, est-ce qu'on n'est pas aussi dans une compétence qui n'est
plus la même dans l'appréciation et la démarche vers le diagnostic? La démarche
vers le TDAH avec un neuropsychiatre,
on n'est pas dans le 15 minutes. Et là, quand on sait que la majorité
des diagnostics sont faits par les médecins
de famille, puis, sans faire le
procès de personne, mais, dans les constats, est-ce qu'on ne peut pas se questionner véritablement si la formation pour le diagnostic du TDAH par rapport aux médecins qui le font... est-ce
que la compétence est au rendez-vous?
Mme Brault
(Marie-Christine) : Oui,
vous soulevez un bon... bien, vous soulevez un bon point. Mais je pense
que les médecins, des fois, ils se disent : Essayons les médicaments. Si
ça fonctionne, bien, le parent va être content, le parent va être soulagé, l'élève va réussir à
l'école, l'école va arrêter de mettre de la pression. Ils voient ça peut-être
comme un moindre mal, je vous dirais.
Ceci
dit, je pense qu'il faut se questionner... puis je reviens
en amont, là, des professionnels de la santé, il faut se questionner
aussi pourquoi... Pourquoi on recherche ce diagnostic-là? La question
de la performance scolaire, elle est à la base de ce diagnostic-là. Quand on dit qu'il y a une pression, bien,
les parents sentent de la... les parents veulent que leur enfant
réussisse aussi. L'école veut que les enfants réussissent. On sait que le fait
d'avoir un diagnostic peut amener des
services, amène de la médication qui... En passant, la médication pour le TDAH
fait des effets sur tout le monde, qu'on ait
les symptômes d'hyperactivité ou d'inattention... on va tous être plus
concentrés en prenant ces médicaments-là. Donc, il y a très certainement
un bénéfice à prendre ces médicaments-là.
Donc,
je pense que les médecins, ils... comment dire, ils
doivent... Tu sais, ils voient ça comme une solution qui peut être un moindre mal, qui peut être de
dire : Bien, écoutez, on va donner une médication puis après on va
essayer de trouver la vraie cause,
aussi. Parce que j'ai vu ça aussi, j'ai eu ce discours-là, dans le
sens qu'on utilise souvent le TDAH aussi
comme une première porte d'entrée dans le système, comme une première...
Bon, on règle le TDAH puis, après ça, on
va aller creuser davantage pour voir si ce n'est pas un trouble
d'apprentissage, pour voir s'il n'y a pas quelque
chose d'autre en dessous de
ça. Donc, je ne sais pas si je réponds à votre question, mais...
Mme Sauvé :
Oui.
Le Président
(M. Provençal)
: Mme
la députée.
Mme Sauvé :
Merci, M. le Président. Écoutez, dans les autres constats... puis vous avez
nommé, et j'en suis, quand vous dites qu'il y a
des suggestions, il y a des recommandations qui pourraient permettre, entre autres, d'être plus dans une
approche globale, multiprofessionnelle dans les milieux scolaires... En même temps, quand je lis votre mémoire
et qu'on compare la situation
en Flandre et au Québec, on voit qu'en Flandre les professionnels
de la santé ne sont pas dans les
écoles, alors qu'au Québec ils le sont. Alors, finalement, il y a déjà une
présence, il y a déjà cette multidisciplinarité-là qui existe au
Québec. Alors, pourquoi on n'y arrive pas, alors qu'on devrait avoir une
longueur d'avance?
Mme Brault
(Marie-Christine) : Bien, je pense
qu'il y a des très grandes différences entre le Québec et
la Flandre, notamment au
niveau des croyances à l'égard
du TDAH. J'ai fait passer un questionnaire aux enseignants qui détermine, justement,
s'ils pensent que le TDAH est dû à l'environnement, à un problème plutôt d'ordre politique, moral, ou si c'est
vraiment lié à des déficits cognitifs, des déficits neurologiques, etc.
Puis
ce qu'on constate, c'est qu'au Québec il
n'y a pas une très grande variabilité
dans les croyances des enseignants à
l'égard du TDAH. C'est principalement la vision biomédicale qui domine. Donc, les enseignants pensent que le
TDAH, ça relève vraiment
d'un problème individuel, biologique, donc immuable, presque,
alors qu'en Belgique ce modèle-là ne ressort
pas en priorité. C'est vraiment l'environnement, c'est vraiment des stratégies d'apprentissage, des stratégies
dans l'environnement scolaire qui viendraient expliquer, selon eux, les
comportements associés au TDAH. Donc, c'est très intéressant, je pense, de
constater ça, d'une part.
D'autre
part, en Belgique, les psychologues ne peuvent pas diagnostiquer un TDAH, alors
qu'au Québec ils le peuvent, et d'autant plus qu'il n'y a pas de psychologue scolaire en Belgique. Ils sont vraiment
dans une approche d'inclusion scolaire, où ils essaient vraiment de faire tout en leur pouvoir pour faire des
stratégies dans la classe, et c'est juste une fois que les enseignants ont démontré qu'ils ont tout fait
qu'ils contactent une instance qui est comme affiliée au ministère de l'Éducation. Cette instance-là va même
venir dans leur classe vérifier qu'ils ont mis en place toutes les stratégies
possibles et impossibles, et, ensuite
de ça, ils vont faire une recommandation pour que les parents... en fait, ils vont faire
une recommandation aux parents d'aller consulter au médical
pour voir pour le problème.
• (12 h 50) •
Le Président
(M. Provençal)
: Mme
la députée de Vaudreuil.
Mme Nichols : Bien, je trouve ça intéressant, la comparaison,
puis évidemment on ne connaît pas ça, là, on vous écoute, on vous entend. Votre avis, par rapport à la comparaison, est-ce que vous trouvez que c'est plus avantageux peut-être de la façon qu'ils fonctionnent
en Belgique?
Mme Brault
(Marie-Christine) : Bien, je
pense qu'il y a des pour et des contre, puis il y a,
sans doute, des collègues qui
diraient que c'est sous-diagnostiqué en Belgique, très certainement, là, parce qu'il y a toujours des gens qui ont cette approche-là aussi.
Je
ne pense pas que ce soit nécessairement mauvais au Québec qu'il y ait
des psychologues dans les écoles, je
pense que ça peut aider plusieurs
enfants, ça devrait, en principe, même accélérer, tu sais, bien, l'aide, de donner les ressources
aux enfants, en fait, quand ils en ont besoin.
Là où je me
questionne, c'est qu'au Québec on est vraiment dans une approche médicale, puis
ça, je pense que c'est problématique, parce
que, comme j'ai dit tantôt, ce n'est pas la solution de donner un diagnostic
trop tôt, je pense que ça fige
l'élève, ça fige qui il est, ça peut avoir beaucoup d'impacts aussi
d'avoir un diagnostic inapproprié ou même un diagnostic
approprié, mais de l'avoir, ça peut amener une stigmatisation, ça peut amener
des effets sur l'estime de soi, la consommation de médicaments aussi, ça
a des effets secondaires.
Donc,
tu sais, je pense qu'il y aurait un peu des deux. Il faut apprendre
de la Belgique, il ne faut pas nécessairement jeter
le bébé avec l'eau du bain, hein, on a un modèle ici qui peut être intéressant, mais il faut quand même faire attention, je pense.
Le Président
(M. Provençal)
: Il reste deux
minutes.
Mme Sauvé : Merci,
M. le Président. Je voulais revenir
un peu sur la disparité régionale, parce qu'on essaie de comprendre, hein, on essaie, avec vous, de
comprendre davantage ce qu'il se passe. Et, quand j'entends effectivement la réalité de la prévalence d'une région à l'autre, c'est quand
même assez troublant, parce qu'on regarde la moyenne par rapport
aux autres provinces du Canada et ailleurs, mais, en même temps, de région en
région, ça vient teinter la moyenne. Alors,
est-ce qu'on peut... vous avez nommé un peu ce qui peut être sous-jacent, ce
qui peut expliquer, mais est-ce que ça ne mériterait pas qu'on puisse s'attarder davantage à mieux comprendre
pourquoi, d'une région à l'autre, il
y a cette disparité-là aussi
grande?
Mme Brault
(Marie-Christine) : Ah! tout à fait, il faut essayer de comprendre qu'est-ce qui se passe, mais je pense
que ça demande quand même plus de recherche. Moi, mon étude que je fais actuellement,
c'est un début, mais je pense qu'il faut mieux comprendre aussi comment l'école contribue
au diagnostic, comment les politiques scolaires, en fait... parce qu'il y a des
politiques scolaires, mais, après, il faut voir comment elles sont aussi mises
sur le terrain, tu sais, comment est-ce
qu'elles sont utilisées sur le terrain, ces politiques-là. Est-ce que
certaines écoles, dans une certaine région, ont des façons de faire qui
expliqueraient qu'ils ont moins de TDAH ou qu'ils en ont plus aussi?
Donc,
j'espère que mes analyses, quand elles vont être poussées davantage,
permettront de répondre peut-être à ces questions-là. Pour l'instant, je ne
peux pas vraiment m'avancer parce que je me questionne quand même, là, à savoir
qu'est-ce qui se passe.
Le Président (M. Provençal)
: Je céderais la parole au député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup, Mme Brault, pour votre exposé, c'est vraiment
éclairant. Quand j'enseignais au collégial,
quand il y avait des étudiantes ou étudiants qui avaient des
diagnostics de TDAH, avec des mesures
adaptées, on m'envoyait une lettre qui expliquait c'est quoi, le TDAH. Puis,
dans cette lettre-là, essentiellement, on
disait que c'est une condition... un problème neurologique. Est-ce qu'à votre connaissance cette façon-là de fonctionner est
largement répandue dans les institutions scolaires, autant présecondaires que
postsecondaires et puis secondaires, primaires, tout ça? Est-ce qu'à
votre connaissance, là, c'est répandu comme façon de faire?
Mme Brault
(Marie-Christine) : Vous
voulez dire si c'est répandu, le fait de penser que le TDAH est neurologique,
ou d'avoir des mesures d'adaptation?
M. Zanetti : De le présenter au
corps enseignant comme étant la vérité.
Mme Brault
(Marie-Christine) : Ah! oui.
Oui, tout à fait. Tout à
fait, là, dans mes entretiens avec
les enseignants... Tu sais, les
enseignants, ils me le disent, là, bien, le TDAH, c'est génétique. Puis, ils me
disent... hein, parce que c'est des petits milieux au Saguenay—Lac-Saint-Jean, souvent, les enseignants connaissent très, très bien les parents,
connaissent très bien la famille, parce qu'ils les ont comme voisins ou
parce qu'ils leur ont enseigné... puis ce qu'ils me disent souvent, c'est : Bien, on le sait, le parent,
il a un diagnostic de TDAH, donc l'enfant, oui, il en a un. Hein, les chats...
Ils m'ont dit : Les chats ne
font pas des chiens ou les chiens ne font pas des chats, là, quelque chose
comme ça. Donc, oui, là, pour eux, c'est vraiment médical.
M. Zanetti :
Quel avantage une société a à dire que ces comportements-là originent d'un
problème neurologique?
Mme Brault
(Marie-Christine) : Bon, moi, je suis sociologue, alors ça m'inquiète
beaucoup. Puis, en même temps, tu sais, je ne veux pas stigmatiser les
gens qui ont le diagnostic, là, bon, ou qui pensent autrement que moi, mais,
moi, personnellement, les étiquettes, je
n'aime pas ça, parce que ça oblige, on dirait, d'abord, l'individu à se
conformer à cette étiquette-là. Donc,
ça fait en sorte aussi qu'on recherche une certaine homogénéité dans les
comportements. L'individualité, l'unicité, elle est un peu mise à
l'écart, elle n'est pas valorisée.
Puis aussi je voulais dire... qu'est-ce que je
voulais dire? Ça m'échappe. Mais... oui, mon idée m'a échappé. Mais, bon, tout ça pour dire que je ne trouve pas
que c'est... en tout cas, je ne trouve pas que c'est une façon de faire. Je ne
nie pas qu'il y a des enfants qui ont besoin
d'aide, là, puis pour lesquels ça ne va pas bien, mais je pense qu'il faut
essayer de trouver la cause, en fait,
de qu'est-ce qui ne va pas bien. Puis je voulais juste porter votre attention,
ce matin, dans Le Devoir, hein, c'est la commission Laurent, actuellement,
puis ils ont interviewé ma collègue Delphine Collin-Vézina, qui dit vraiment
que le mauvais comportement est un symptôme plutôt qu'un problème, puis qu'on
doit être capable, comme adulte,
d'aller voir qu'est-ce qui se cache derrière ce symptôme-là, puis je pense que
ça s'applique totalement aux symptômes d'hyperactivité et d'inattention,
là. Donc...
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Alors, on complète avec le député de Jonquière.
M. Gaudreault :
Oui, merci. Je suis très fier d'avoir le représentant de la seule chaire cégep,
université, c'est le cégep de Jonquière, donc, côté chauvin très
exacerbé ici.
Moi, ça me
fait littéralement halluciner, là, de penser que parce que t'es un garçon né en
septembre, dans la MRC Lac-Saint-Jean-Est, tu as bien plus de chances
d'avoir une prévalence TDAH qu'ailleurs au Québec, ou ailleurs au Canada, ou en Flandre. Je
veux dire, il y a quelque chose de fou là-dedans. Puis, en même temps, pour
moi, le point fort de votre mémoire,
c'est que, d'un point de vue sociologique, c'est le «contexte social et
normatif qui transforme ces comportements en maladies et qui les désigne
sous un registre de diagnostics pathologiques». Alors, c'est une belle façon... bien, belle, en tout cas, c'est une façon
très bien exprimée de dire que d'un comportement sociologique, avec le temps... puis je sais que notre président est un
ancien prof de longue date, directeur d'école... avec le temps, ça s'est
transformé en maladie ou, en tout cas, on l'a perçu comme maladie.
Beaucoup d'enseignements dans ce que vous nous dites.
Là, vous avez
la chance unique de pouvoir vous adresser à des parlementaires en commission
sur le TDAH. Il faut qu'on pense déjà, nous, à nos recommandations à la fin de
cette commission parlementaire. Vous nous recommandez quoi de recommander? Si vous aviez, là, si vous
étiez assise à notre place et vous teniez le crayon, là, ou le clavier de notre
commission, ce serait quoi la première recommandation que vous nous suggériez?
• (13 heures) •
Mme Brault
(Marie-Christine) : C'est vraiment
difficile comme question, O.K., parce
que je me suis vraiment questionnée,
je me questionne encore, et je vais sans doute me questionner longtemps à
savoir c'est qu'est-ce qu'il faut
faire. Je pense que la première action, c'est de décloisonner, là, le problème,
comme je l'ai dit, c'est-à-dire d'inclure la Santé, et l'Éducation, puis la Famille dans l'équation. Donc, quand vous
allez réfléchir aux solutions, il faut que ces trois acteurs-là soient à
la table.
Ensuite de ça, je dirais, je dirais qu'il
faut... Je pense qu'on n'a pas le choix, comme société, de réfléchir à l'importance de la performance dans notre société.
Parce que, quand je dis qu'on a une médicalisation des difficultés scolaires,
ça veut dire que, quand il y a des faibles
résultats scolaires, on s'inquiète, puis on lève le drapeau, puis on pense que
ça peut être dû à un problème médical.
Donc, je
pense que la première étape serait de faire des actions dans le milieu
scolaire. Il faut faire attention, au Québec, on a un système à trois vitesses,
on a un système scolaire inégalitaire. Je pense que les résultats scolaires
doivent arrêter de limiter les chances des enfants, puis je m'explique, là,
dans le sens qu'au primaire, puis les enseignants, ils me le disent, c'est important, au primaire, d'avoir
des bonnes notes, parce que les jeunes, ils choisissent, au secondaire, un certain profil.
Puis ce n'est pas tout le monde qui ont les mêmes chances d'accéder à ces
profils-là. Donc, tu sais, si le public régulier était aussi stimulant
que le public enrichi ou que le privé, bien, peut-être qu'on ne serait pas à la
course au diagnostic puis à la course à la médication.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Merci, Mme Brault, pour votre contribution à
nos travaux.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
15 heures. Merci beaucoup de votre contribution.
(Suspension de la séance à 13 h 01)
(Reprise à 15 h 06)
Le Président (M. Provençal)
: La Commission de la santé et des services sociaux reprend
ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Nous poursuivons les consultations particulières
et auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative concernant l'augmentation préoccupante de la
consommation de psychostimulants chez les enfants et les jeunes en lien
avec le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité.
Cet
après-midi, nous entendons les organismes suivants : la Clinique FOCUS,
représentée par la Dre Annick Vincent, et le Dr Benoît Hammarrenger.
Alors, madame... Excusez.
Avant, étant
donné que, comme la séance commence à 15 h 06, y a-t-il consentement
pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue, c'est-à-dire
jusqu'à 16 h 36?
Des voix : Consentement.
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci. Je souhaite maintenant la bienvenue à Dre Annick Vincent,
représentant la Clinique FOCUS. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la
commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. À vous
la parole, madame.
Clinique FOCUS
Mme Vincent (Annick) : Bonjour.
Merci de m'avoir invitée. Donc, je suis médecin psychiatre spécialisée en TDAH. Je travaille à Québec au sein d'une clinique
multidisciplinaire. Dr Michel Sirois, qui est médecin de famille, qui
est cofondateur de la clinique, excuse son absence, il est actuellement à
l'extérieur du pays.
Alors, ce
qu'on a fait, c'est qu'on s'est dit : Bon, qu'est-ce qu'on voudrait vous
dire, ne sachant pas vos questions? Alors,
dans ce contexte-là, on s'est dit: En premier, ce qu'on pourrait peut-être
faire, c'est mettre la table sur qu'est-ce que le TDAH. Pour vraiment
cibler sur pourquoi c'est si important de le traiter, il faut savoir qu'est-ce
que le TDAH.
Donc, le
TDAH, c'est un trouble qui est neurodéveloppemental, qui entraîne une
difficulté de la modulation de l'autogestion au niveau des idées, au
niveau des mouvements, donc la bougeotte, des comportements, ce qui donne de
l'impulsivité, et parfois des émotions, de l'hyperréactivité émotionnelle.
Pourquoi
on en parle? Dans TDAH, il y a un T pour «trouble», et c'est, justement, à
cause des impacts fonctionnels qu'il est
si important d'être capable de faire un dépistage au moment opportun, le plus
précoce possible, pour bien outiller la personne à mieux vivre avec son
TDAH.
Première
chose, le TDAH entraîne des difficultés importantes au niveau des rythmes de
vie, au niveau, ne serait-ce que
mettre des routines en place, d'être capable d'autogérer son temps, son espace,
son organisation. Il y a 75 %
des gens qui ont un TDAH qui ont de
la difficulté au niveau de leur sommeil, donc ils retrouvent à être en
déprivation de sommeil. On a aussi
des troubles alimentaires associés au TDAH. Le TDAH est un facteur de risque au
niveau de l'obésité, je ne sais pas si vous le saviez.
On a, du côté
de l'activité physique, deux volets, soit qu'on en fait trop, donc on se blesse
et on continue au niveau de
l'hyperactivité physique, si je peux dire, ou on a l'autre volet... de
sédentarité. On peut avoir un problème dans l'autogestion de la consommation, que ce soit au niveau des
boissons énergisantes, du café, du tabac. Le tabagisme, entre autres, avant
l'âge de 12 ans est un facteur de
risque chez ceux qui ont un TDAH de s'en aller vers des problèmes de
consommation plus sévères au niveau de consommation de drogues,
consommation d'alcool aussi.
On a de plus en plus de littérature au niveau du
fait que le TDAH est un facteur de risque au niveau de la difficulté à gérer le temps d'écran. On sait que
c'est difficile, gérer le temps d'écran sans TDAH, mais c'est vraiment plus difficile
chez les jeunes et les moins jeunes qui ont un TDAH. Donc, on a plus de
problématiques au niveau de la gestion des
réseaux sociaux, l'utilisation d'Internet, le gaming et puis même le... addict
aux séries. Donc, de la difficulté, donc, à décrocher des écrans. On a
aussi des difficultés financières associées aux dépenses impulsives.
• (15 h 10) •
Si on regarde
des autres impacts, on a, pour la plupart des gens qui ont un TDAH, ces gens-là
performent en dessous de leur
potentiel, et ça, ça a un impact majeur autant pour la personne, ses proches,
et sur le plan sociétal. Souvent, on pense TDAH, on pense école, mais il faut aussi sortir le TDAH de l'école, penser aussi aux difficultés
relationnelles, aux difficultés familiales. L'impact que ça peut avoir, la
dépense énergétique, pour compenser les symptômes du TDAH est importante. On a souvent un épuisement au
niveau de la personne elle-même, au
niveau de ses proches et au niveau,
donc, du milieu. L'estime de soi,
c'est souvent le premier impact sur lequel, je dirais, il y a
un drapeau qui lève et pour lequel on va décider, on s'en va vers un
traitement.
Le TDAH est un facteur de risque au niveau de
développer des troubles anxieux, des maladies de l'humeur, dépression, et c'est même un facteur de risque
associé avec la maladie bipolaire. On ne connaît pas encore le risque, si
c'est génétique ou si c'est un qui impacte l'autre. On a parlé des problèmes de
consommation, la consommation amène aussi de
la délinquance. Si on regarde au
niveau de nos prisons, on a un estimé
qu'à peu près 25 % des personnes incarcérées ont un TDAH et autre chose, mais on sait aussi
qu'arriver à traiter le TDAH réduit le risque de délinquance. J'ai parlé de
l'obésité.
Au niveau
des accidents, on peut penser au
niveau des accidents de la route
comme conducteur, mais c'est aussi comme piéton. Donc, on a trois fois
plus d'accidents chez les gens qui ont un TDAH que dans la population générale.
On a plus de risques d'avoir des
traumatismes crâniens ou cérébraux. D'autres types d'accidents, qui se passent peut-être plus
sur le siège arrière de la voiture, c'est les grossesses non planifiées. Alors,
on a aussi plus de maladies transmissibles sexuellement dans la population
TDAH non traitée. Et pourquoi j'insiste pour le non traité, c'est qu'on a des
études qui nous montrent que, si le TDAH est
traité, on réduit ces risques-là. L'autre chose qui émerge actuellement au
niveau de la littérature, avoir un TDAH et une maladie chronique fait en sorte
que la maladie chronique est moins bien prise en charge. Alors, on a,
entre autres, une littérature au niveau du diabète et au niveau de l'asthme.
Ce que
j'aimerais que vous reteniez par rapport au TDAH : un, c'est un trouble
neurodéveloppemental. La fréquence du TDAH au niveau des statistiques de
la prévalence, c'est autour de 5 % à 8 %, peut-être même 10 %
chez les enfants, et au moins la moitié
conservent des symptômes assez significatifs à l'âge adulte. On a des impacts,
on vient d'en parler.
Le diagnostic, c'est compliqué, faire un
diagnostic de TDAH. On n'a pas de test médical, comme par exemple un test de grossesse ou une glycémie pour le
diabète. On se base sur des entrevues, sur des questionnaires, ça demande de
l'expertise de la part du clinicien et ça demande beaucoup de temps. Il y a
beaucoup de choses qui ressemblent au TDAH,
il y a beaucoup de choses qui peuvent compliquer le TDAH. Donc, ça aussi, ça
complique la démarche diagnostique. Et
pourquoi on traite? C'est justement pour réduire les impacts associés au TDAH
et permettre à la personne d'atteindre son plein potentiel.
Ceci étant
dit, la question qu'on se pose, c'est : Comment ça se fait qu'on a des
augmentations de prescriptions au niveau des ordonnances pour traiter le
TDAH? On ose penser qu'une partie de ça, c'est qu'on fait un meilleur dépistage
de nos jeunes qui ont un TDAH. On a aussi
des meilleures approches thérapeutiques aujourd'hui qu'on avait il y a
20 ans, avec des traitements qui sont mieux tolérés et plus efficaces, ce
qui fait que les gens atteints choisissent de continuer leur traitement par rapport à avant. On a aussi parfois
une combinaison de deux traitements, par exemple, un longue action pris le
matin et un courte action au besoin en fin de journée pour compléter la
journée.
Je crois que ce qui préoccupe les gens ici, ce
n'est pas cette partie-là, c'est : Est-ce qu'on fait un surdiagnostic et
qu'est-ce qui se passe dans certaines régions du Québec où on a un pattern de
prescription qui est différent? Par rapport au surdiagnostic, une des
interrogations c'est : Est-ce qu'on passe à côté de problématiques qui
miment ou qui aggravent le TDAH? Et on pourrait se poser la question sociétale
sur est-ce que notre rythme de vie actuellement aggrave les symptômes de TDAH. Et aussi, dans notre milieu scolaire,
est-ce qu'on n'aurait pas un milieu scolaire qui induit de l'anxiété chez nos enfants, qui challenge nos
enfants peut-être au-delà de ce qu'un enfant dit normal peut atteindre au niveau
performance?
Maintenant,
une question qui est importante, et ça ne touche pas que le TDAH : À quoi
ça sert, un diagnostic? Le diagnostic, il n'égale pas médication. Le
diagnostic est pour identifier le problème, engager la personne et ses proches dans le traitement et
intervenir avec des stratégies spécifiques, démontrées, efficaces, et j'insiste
sur le «spécifiques, démontrées, efficaces».
Parce qu'il y
a des choses qu'on peut faire en amont. En amont d'un diagnostic, quelqu'un qui
se plaint de fragilité attentionnelle
ou de problèmes de comportement, il y a des interventions non spécifiques qui
peuvent être faites et qui ne devraient pas avoir besoin d'avoir un
diagnostic pour être accessibles à la population québécoise.
Au niveau de
la démarche diagnostique, je vous rappelle que ça prend des gens qui sont
qualifiés pour le faire. On a souvent besoin d'une approche
interdisciplinaire pour faire la collecte d'informations, et un questionnaire
dit positif ne veut pas dire TDAH. Donc, il
faut aussi qu'on ait, donc, une démarche diagnostique et d'avoir un regard au
niveau de l'évaluation.
Une fois le
diagnostic fait, la première étape du traitement, c'est que la personne puisse
s'éduquer par rapport à son TDAH, que ses proches et lui-même puissent avoir de
la guidance par rapport aux stratégies parentales, par exemple, par rapport à tous les impacts qu'on parlait tout
à l'heure sur les rythmes de vie, les habitudes de vie, et avoir des stratégies
d'autogestion du temps, de l'espace et des
émotions. Il y a des stratégies spécifiques en psychothérapie qui peuvent être
très intéressantes pour les personnes
atteintes et il y a des mesures adaptatives qui peuvent être mises en place au
niveau du système scolaire et aussi
en milieu de travail. La place de la médication dans tout ça, c'est quand ces
stratégies-là ne sont pas suffisantes ou encore coûtent trop cher, non pas en
argent, mais en temps et en énergie pour arriver à compenser.
Et c'est là
où, du côté médical, on peut proposer ce que j'appellerais une paire de
lunettes biologiques pour aider à
traiter le TDAH. Mes lunettes que j'ai dans les yeux me permettent de voir les
lettres, elles ne me font pas lire. La médication, quand quelqu'un est TDAH, lui permet d'avoir la
stimulation, sur le plan neurobiologique, de zones cérébrales qui ont une
difficulté à s'activer quand on a un TDAH. Ça ne donne pas les stratégies
organisationnelles, ça ne te permet pas de travailler le côté relationnel, ça
ne donne pas des meilleures capacités parentales, O.K.? Donc, la médication
doit être complémentaire. Et j'aime bien,
excusez, c'est en anglais, mais l'expression des anglophones, «pills don't
build skills». Donc, la médication a une place, et les approches non
pharmacos ont une place aussi, et elles ne devraient pas être mises en
opposition l'une avec l'autre.
Les
stratégies, maintenant, rapido, c'est vraiment de mettre le jeune au coeur de
nos actions, d'adopter un modèle qui
est inclusif, avec un accès précoce au service, une approche qui est
collaborative. Et on se pose la question : Qui va faire quoi et
avec quelles ressources?
Juste vous parler de quelques pistes de
solution, on parle d'un programme qui serait universel, en amont d'un diagnostic pour le côté information, guidance et
soutien, un dépistage qui est précoce. On évite l'approche en silo, O.K., parce qu'il y a tellement de choses qui sont
concomitantes, on travaille en équipe. Vous allez avoir la présentation du
groupe CIRENE, je crois que c'est
quelque chose que... vous devriez porter une bonne attention. L'INESSS va venir
présenter, je suis sur le comité de rédaction pour le CADDRA, donc, si
vous avez des questions là-dessus.
Et je voulais
prendre les dernières secondes pour vous donner les outils qu'on a montés pour la Clinique FOCUS, qui
sont disponibles sur le Web. Si ça vous intéresse, je vous invite à aller les
visiter. Merci.
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci beaucoup, Dre
Vincent. Nous allons débuter l'échange avec la députée de...
Une voix : ...
Le Président (M. Provençal)
: Non, c'est... Chicanez-vous pas, là. La députée de Soulanges.
Mme Picard : Merci
beaucoup pour toute votre expertise
dans le dossier, qui va nous être vraiment profitable. Moi, à la lumière de ce que vous avez dit aujourd'hui, j'avais une question
par rapport à l'estime de soi. Vous avez dit que c'était
majeur, qu'il fallait s'occuper de l'estime
de soi. J'aimerais que vous m'en disiez plus à propos, vraiment,
de l'estime de soi des enfants.
Mme Vincent
(Annick) : Alors, au niveau de l'estime de soi, vous savez, le sentiment de compétence, il y a
plein d'éléments qui vont venir
affecter notre sentiment de compétence. Alors, imaginez-vous que vous sentez
que vous avez les ressources, mais vous n'avez pas les outils, vous n'y
arrivez pas. Vous vous sentez un peu comme un imposteur, ou encore on vous
reflète : vous n'êtes pas à la hauteur. Alors, quand quelqu'un
sait qu'il a un TDAH, quand ses proches savent qu'il a un TDAH, ils savent que son cerveau est tricoté
différemment. Et ils vont l'accompagner différemment. Plutôt de dire qu'il est paresseux, qu'il n'écoute pas,
qu'il est... Si vous saviez, là... J'ai une collègue qui est allée
observer en classe. Il y a
un jeune, en dedans d'une heure, son nom avait été mentionné plus de
50 fois. O.K.? Imaginez-vous ce que ça fait sur l'estime
de quelqu'un. Et, en général, les 50 fois, ce n'était pas pour dire :
Wow! Tu es champion. O.K.? Alors, quelqu'un qui vit comme ça au quotidien, avec le message
qu'il n'est pas à la hauteur, ou qui sent qu'il n'est pas à la hauteur, ça a un impact majeur. Et le traitement pour un
manque d'estime de soi, c'est quoi? C'est le succès. C'est de permettre à la
personne d'avoir les outils pour atteindre son potentiel.
Mme Picard : ...je peux
laisser... Je vais avoir une...
Le Président (M. Provençal)
: M. le député de Dubuc.
• (15 h 20) •
M. Tremblay : Merci,
M. le Président. Bonjour. Merci
d'être là. Dites-moi, on parle de TDAH. Croyez-vous qu'on est dans une réalité optimale de diagnostic? Vous
nous décrivez des réalités de diagnostics très précis, où on aurait tendance
à se dire : O.K., c'est plutôt clair dans des cas
comme ceux-là. Maintenant, on a entendu ma collègue de Roberval, qui questionnait un autre groupe, où il était question
de diagnostics qui avaient été donnés en 15 minutes, suite à une rencontre
chez le médecin. Je ne sais pas si ça a déjà été
porté à votre attention, ce type de réalité là. Maintenant, il y a
des cas précis. Est-ce que, quand je parle d'optimal, est-ce qu'on
diagnostique... vous avez dit : C'est compliqué, de... si quelqu'un
a un cancer ou une maladie x, il n'y a pas de nuance, c'est clair. Maintenant,
c'est compliqué. Ça veut dire qu'on n'a peut-être pas atteint l'objectif d'être en mesure de
vraiment encadrer tout ce phénomène, puis là on amène la
réalité, en se disant qu'en amont, on devrait travailler avec les
familles, le milieu scolaire pour mieux l'aborder. Est-ce que vous croyez que le TDAH a le dos large? Est-ce qu'on donne de
faux diagnostics, alors qu'on devrait être beaucoup plus spécifiques? Je ne sais pas si vous
comprenez.
Mme Vincent (Annick) : Bien, en
fait, au niveau de la démarche diagnostique, si on regarde dans la démarche diagnostique en tant que telle, quand la
personne se présente dans le bureau d'un professionnel, il arrive avec des
plaintes x, qui amènent le
professionnel à évoquer un diagnostic, que ce soit le TDAH ou autre chose. Pour
faire un diagnostic de TDAH, j'aimerais ça, rencontrer quelqu'un qui est
capable de le faire en 15 minutes, je vais lui demander des trucs, mais
c'est peut-être aussi quelqu'un qui connaissait l'individu puis qu'on en arrive à
la conclusion en 15 minutes, mais après l'avoir vu plusieurs fois et avoir... Tu sais, un médecin de famille
qui suit cette famille-là a beaucoup d'informations en cours de route, et peut-être que, dans ce 15 minutes là, à un moment donné, on arrive à, oui. Par contre, moi, si quelqu'un arrive dans mon bureau, je ne l'ai jamais vu de ma vie, je
peux vous dire que ça ne me prend pas 15 minutes, puis je ne fais que ça,
moi, dans mon travail.
Maintenant,
il y a des fois où le tableau est relativement clair, on appelle ça le TDAH
simple. Et, la plupart du temps, le TDAH est complexe parce qu'il est
complexifié par d'autres choses qui se sont ajoutées, par exemple, une problématique, soit de consommation, une problématique
d'anxiété ou d'autres problématiques, et, dans ce temps-là, c'est encore plus
complexe à faire l'évaluation. Ce qui est très complexe actuellement, c'est
tout ce qui est dans le registre du trouble d'apprentissage.
Donc, un jeune, par exemple, qui a des difficultés en classe, qui peut-être
ou pas un TDAH mais qui a vraiment des difficultés académiques, le TDAH
peut entraîner des difficultés académiques, mais, si on a de la difficulté à comprendre le sens de ce qui nous est donné, ça
aussi, ça donne la difficulté à suivre, et là l'interface est très difficile.
Et, en ce moment, les ressources pour
être capable de faire un diagnostic à
ce niveau-là, il y a une carence et
dans le public, et dans le privé, c'est majeur.
M. Tremblay : J'ai une autre question, M. le Président. Vous avez parlé de la médication versus les zones neuro... vous
pouvez m'aider à compléter le terme, mais qui ont été identifiées comme étant
mal stimulées ou sous stimulées.
Mme Vincent (Annick) : ...
M. Tremblay : Bien, dans le fond, oui, et je me demande :
Est-ce qu'il y a une culture scientifique ou il y a des études qui font
en sorte de comprendre ce pourquoi ces zones-là ne sont pas stimulées puis
pourquoi on doit maintenant intervenir pour les stimuler?
Mme Vincent
(Annick) : En fait, ce n'est
pas que la zone n'est pas stimulée, là, mais la zone... bien, en fait, les
zones... Il y a certaines zones dans notre
cerveau qui sont un petit peu comme un agent de circulation ou comme un chef
d'orchestre. Ces zones-là, normalement, s'activent de façon spontanée dans un
contexte où, là, par exemple, on entend plusieurs sons, on a nos propres idées, il y a le ventre qui nous
brasse, ah! il ne faut pas que j'oublie mon idée. Et donc, tout ça, il y
a une espèce de coordination qui se fait de façon presque spontanée par
l'activation de ce circuit-là.
Maintenant, celui qui a un TDAH, ce circuit-là
s'active moins facilement, et ça, on a des démonstrations scientifiques là-dessus au niveau de groupes de
patients. Donc, je ne peux pas en faire un test diagnostique. Je ne peux pas
prendre une personne puis lui faire passer
un scan cérébral. Mais, quand on prend plusieurs personnes qui ont un TDAH et
plusieurs personnes qui n'en ont pas et qu'on compare comment leur cerveau
s'active pendant une tâche attentionnelle, là, on voit des différences. Et ce qui est intéressant, c'est que, quand on
va traiter, avec un psychostimulant, la personne, et si le
psychostimulant fonctionne, on voit que les zones vont s'activer comme pour la
population générale.
M. Tremblay : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci, Mme Vincent, pour votre présentation.
Dans un premier temps, deux questions. Vos
études démontrent... Vous avez fait sûrement des études au niveau du Québec.
Est-ce qu'il y a des endroits qui sont plus stratégiques à avoir des
enfants de TDAH? Est-ce que vous avez fait des consultations au niveau des
autochtones?
Mme Vincent
(Annick) : En fait, il ne
faudrait pas me mettre sur le... Je cite des études. Je ne suis pas celle qui a
fait la recherche. Or donc, au niveau des statistiques, je vous inviterais à
poser des questions spécifiques à ceux de l'équipe de l'INESSS, qui vont venir vous voir. Moi,
j'étais consultante pour l'INESSS, mais je ne suis pas celle qui est derrière ces
études-là. Donc, je ne peux pas vous parler d'une prévalence particulière dans
une région ou dans une autre.
Je peux vous
dire que le fait d'avoir un TDAH peut attirer quelqu'un dans un certain type de
travail, puis certaines régions ont peut-être, justement, ce type de travail là. Une chose qui a été
remarquée, pas juste ici mais dans d'autres pays, par exemple
si on regarde nos militaires, si vous regardez une approche non
pharmacologique, pour bien traiter le TDAH, c'est un cadre avec une structure, des activités stimulantes, variées,
où est-ce que tu sais ce que tu vas faire, mais tu ne t'ennuies pas. Je vous décris les Forces armées canadiennes.
Donc, dans un contexte comme ça, on va retrouver une prévalence plus élevée de TDAH léger à modéré, peut-être
pas sévère, dans cette population-là. Et, si moi, j'étais, mettons, pédiatre à côté
d'une base militaire, bien, je verrais probablement plus de jeunes que dans la population
générale, vu que leurs parents, hein, sont
dans ce coin-là et qu'il y a un côté génétique très élevé. Donc, il y a
certains types d'industries qui attirent plus aussi les gens qui ont un TDAH, ou encore, si on regarde... si on
travaille en usine, ceux qui ont un trouble d'apprentissage et/ou TDAH,
des fois, il y a des corps de métier où on va en retrouver plus.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Bien, merci. Est-ce qu'on peut découvrir à l'âge de 30, 40 ans un TDAH?
Mme Vincent (Annick) : 80, si
vous voulez.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : 80?
Mme Vincent
(Annick) : Le cas rapporté
qui m'a été... La plus vieille personne dont j'aie entendu parler qui a consulté pour la première fois, elle avait
85 ans. C'était l'arrière-grand-mère d'un petit garçon qui venait d'être
diagnostiqué puis qui a dit :
Moi, là, les années qu'il me reste, là, j'aimerais ça, être capable d'avoir un
autocontrôle, d'être capable de jouer
au bridge avec mes amis, j'aimerais ça, être capable de... Et ce n'était pas de
la démence, là, c'était vraiment un TDAH. Donc, il n'y a pas d'âge en tant
que tel.
Donc, la question,
c'est toujours... quand on fait notre
démarche diagnostique, c'est de voir : Comment avez-vous fait, à date, pour vivre avec votre TDAH? En quoi
ça vous a bien servi? Qu'est-ce qu'il manque? Et c'est là où est-ce qu'on
va toujours avoir la réflexion, à toutes les
étapes de la vie, si c'est pertinent ou pas de faire un traitement
pharmacologique.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Très bien. Et les gens qui vous consultent,
sûrement, y vont avec une perte de mémoire. C'est quoi, les diagnostics d'une personne d'un certain âge? On dit:
30 ans et plus. Quel est leur symptôme pour aller vous consulter?
Mme Vincent
(Annick) : Je vous dirais
que c'est les mêmes que chez les jeunes, mais c'est le contexte qui est différent. Souvent, ceux qui n'ont jamais été
diagnostiqués avant ont un TDAH moins sévère, donc de degré léger à modéré,
et ont souvent pallié par toutes sortes de stratégies, dont, entre autres,
mettre plus de temps, se réviser davantage, se donner toutes sortes de stratégies qui demandent du temps et de
l'énergie. Et, tant qu'ils n'avaient qu'eux, eux-mêmes, à s'occuper ou leurs études, ils vont compenser.
Après ça, on va avoir un pic de consultation quand on arrive à la combinaison
travail-famille. On a aussi le passage de l'école vers le milieu du travail.
Pour certains, ça va être aussi la retraite, quand tu n'as pas... je m'excuse, messieurs, mais... la
secrétaire qui va t'aider à t'organiser, puis madame dit : Non, il n'en
est pas question, ce ne sera pas moi
qui vais le faire. Donc, je vois des gens aussi, des jeunes retraités qui
disent : Moi, je voudrais vivre une retraite beaucoup plus
agréable.
Donc, vous
voyez, la raison de consultation va varier. Mais on est toujours en fonction
d'où est l'impact. J'ai vu des chefs d'entreprise qui ont un TDAH, où est-ce
qu'à un moment donné ils ont dit : Dans le contexte où est-ce que...
là, je n'arrive plus à compenser, ce n'est
plus suffisant. Donc, ce qu'on appelle le fardeau compensatoire, dans notre
jargon, est très, très important quand on fait l'évaluation, de voir où ils en
sont, comment ils se sont rendus là et qu'est-ce qu'il manque.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Mme la députée de Soulanges.
Mme Picard : Oui, rebonjour. Je
crois qu'il y a tout un lien à faire avec l'anxiété des jeunes, avec le système
scolaire, qui demande beaucoup pour nos
jeunes, avec beaucoup de pression. Je voulais savoir... J'aimerais que vous
m'en disiez plus sur la trajectoire de services qui serait idéale pour
nos enfants.
• (15 h 30) •
Mme Vincent (Annick) : J'aime
cette question. Quand j'ai participé avec les travaux d'INESSS... J'adhère
complètement à ce qui a été produit, là, par INESSS, c'est-à-dire qu'on devrait
avoir, en amont d'un diagnostic, des interventions non spécifiques pour
l'ensemble de notre jeunesse. Je crois qu'actuellement nos jeunes sont mal
outillés dans la gestion des émotions en
général, que ça vaudrait la peine d'aider nos jeunes et nos moins jeunes aussi
dans la gestion de l'anxiété,
reconnaître c'est quoi, une émotion, comment, quand la vague d'émotions est
trop forte, on peut jeter l'ancre et se déposer. Et, quand l'émotion est
trop forte, on n'arrive pas à se concentrer, hein? Donc, ça, c'est la base.
Après ça, des
stratégies, je dirais, d'autogestion au niveau de la fragilité attentionnelle
en soi, sur le plan sociétal, tout ce
qui est s'occuper de son cerveau, prendre soin de son cerveau... Donc, on
parle, à ce moment-là, de bien s'alimenter, de politiques globales au niveau de l'activité physique, par exemple, le
sommeil, des stratégies au niveau, là, d'avoir une bonne gestion du
sommeil. D'avoir des services qui nous permettraient de donner de la guidance
parentale aux parents qui en ont besoin, au
moment où ils en ont besoin, et qu'ils ne se retrouvent pas sur une liste
d'attente de six mois à un an. Il y a des approches comme, par exemple,
le programme Équipe, qui est un programme très intéressant, vous pourriez
demander au Dre Leila Ben Amor, de Sainte-Justine. C'est un programme qui ne
coûte pas cher, qu'on peut installer dans plusieurs
milieux, qui ne demande pas un Ph. D. pour l'administrer et qui... il a été
démontré scientifiquement efficace pour
aider des parents en amont d'un diagnostic. Donc, il y a
plein de choses qui peuvent être faites en amont du diagnostic, incluant
des approches en classe.
Quelqu'un qui a une
fragilité attentionnelle, pourquoi j'aurais besoin d'un diagnostic pour mettre
en place des stratégies? Donc, ça, c'est quelque chose... si jamais il y a un élément qui pourrait changer à
ce niveau-là... La place du diagnostic,
elle devrait être là quand on a besoin de mettre en place des stratégies
spécifiques puis, peut-être, pour mieux engager la personne dans son
traitement. Mais il y a plein de choses qui pourraient être faites en amont
d'un diagnostic. Et je pense qu'avoir une
réflexion plus universelle sur qu'est-ce qu'on peut faire pour notre société,
nos jeunes... Parce que c'est important, hein, nos jeunes, c'est notre
avenir.
Mme Picard :
Il y a beaucoup de stigmatisation, surtout... En fait, on colle l'étiquette
d'une maladie TDAH avec des médicaments. À propos, justement, de la molécule,
là, du médicament comme tel, croyez-vous, selon vous, qu'il y en a trop qui
sont prescrits? Ou...
Mme Vincent
(Annick) : Je suis embêtée. La bonne question serait : Est-ce que
les gens qui en ont besoin ont accès au bon
traitement au bon moment dans leur vie? Je pense que c'est plus ça, la
question, que : Est-ce qu'on en prescrit trop? Parce qu'on n'a pas
nos chiffres de... on n'a pas des vrais chiffres de prévalence au Québec. Ça
coûterait une fortune, faire ce genre d'étude là. Mais, quand quelqu'un a
réellement un TDAH, ça lui prend combien de temps dans la trajectoire de
service, en ce moment, pour avoir accès à un diagnostic adéquat et avoir accès
à un traitement adéquat?
La RAMQ a fait, je
dirais, un bel exercice dans la dernière année et a accepté maintenant le
traitement avec un psychostimulant de longue action, plutôt que passer par une
longue action en étape préalable. Et ça, c'est vraiment un gros plus, parce qu'on avait beaucoup de jeunes
qui étaient exposés à du courte action. Dans un contexte comme ça, ça
c'est quand même quelque chose qui est un
plus par rapport à d'autres provinces. Alors, si on se compare... Parce que,
souvent, c'est une question qui
revient : Comment ça se fait qu'au Québec on en prescrit plus qu'ailleurs?
Ce n'est pas qu'on en prescrit plus qu'ailleurs, c'est qu'ailleurs ils
ne sont pas remboursés.
Donc,
ah! donc, on est la seule province où, dans notre programme, d'une façon ou
d'une autre, via le programme régulier,
médicaments d'exception ou patients d'exception, nos patients ont accès à tous
les traitements pharmacologiques au
Québec. Ce n'est pas le cas du reste des Canadiens ni le cas des Amérindiens
qui sont au Québec, parce qu'ils sont couverts par un autre programme
d'assurance.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : C'est intéressant. Il reste-tu du temps, monsieur?
Le Président (M. Provençal)
: Oui, il reste encore une minute, là. Oui. Monsieur... Oui, le député de
Richmond.
M. Bachand :
Je trouve ça très intéressant, ce que vous dites. Donc, vous êtes en désaccord
avec le titre du mandat de la
commission, qui est l'augmentation préoccupante de la consommation de
psychostimulants. Vous êtes en désaccord avec le fait que le Québec a une situation particulière au niveau de son
système de santé puis que l'augmentation n'est pas préoccupante : c'est parce qu'on a un système
de santé qui est différent. Donc, vous êtes en désaccord avec le pourquoi de
la commission aujourd'hui.
Mme Vincent (Annick) : Non, je ne suis pas en désaccord. Je suis très
contente que la commission se préoccupe du TDAH. Et je ne voudrais pas juste qu'on se préoccupe de la
médication. Je voudrais qu'on se préoccupe de l'ensemble de la
trajectoire de service, en prédiagnostic, les approches pharmacos et non
pharmacos.
M. Bachand :
Mais le mandat de la commission, c'est l'augmentation préoccupante, donc on se
base sur des études, etc., des articles... Donc vous, a priori, vous mettez,
sans, disons, le nier, vous mettez un bémol.
Mme Vincent (Annick) : En fait, je dirais, je... Ça reste préoccupant,
O.K.. Le mot «préoccupant» est correct, il est adéquat dans la
situation, mais je rajoute la préoccupation à pas juste la médication.
Le Président (M. Provençal)
: Ça va. Alors, je vais maintenant céder la parole à la députée de Fabre,
s'il vous plaît.
Mme Sauvé :
Merci beaucoup, bon après-midi, M. le Président. Alors, Dre Vincent, c'est un
plaisir de vous entendre et de pouvoir vous
poser des questions pour mieux comprendre ce qu'il se passe. Et je vais me
permettre de faire un peu du pouce sur ce que le collègue mentionnait
avant. Dans le fond, on doit, bien sûr, être préoccupé par la situation de la hausse importante de la médication auprès
des jeunes particulièrement au Québec, mais, en même temps, ce que vous dites, c'est : Ne pas se préoccuper
uniquement du médicament, mais du traitement dans une approche plus globale.
J'entends ça, puis ça me réjouit.
Moi,
je vous dirais que j'ai effectivement des préoccupations quant à la trajectoire
jusqu'au diagnostic. On sait très bien que la majorité des diagnostics sont
rendus par des médecins de famille au Québec. Et vous êtes, bien sûr,
psychiatre, et, tantôt, vous avez nommé... et c'est un premier élément que je veux
souligner, vous avez nommé... Quand vous recevez des clients qui, possiblement, auront le diagnostic du TDAH, vous
recevez une plainte. Vous avez utilisé le mot «plainte» tantôt, et ça
m'a marquée.
Alors, je
voulais revenir là-dessus pour bien comprendre. Quand vous parlez de
plainte, vous parlez d'une plainte qui provient soit de l'école soit des
parents, mais... puis je fais le lien avec, évidemment, tantôt, quand vous
parliez de l'estime de
soi. On parle non pas d'une demande de diagnostic sur la base d'observations,
c'est véritablement une plainte liée au comportement du jeune.
Mme Vincent
(Annick) : Si je peux me
permettre, le mot «plainte» est utilisé dans le sens : Il y a
une souffrance, hein? Quand on se plaint, c'est qu'on a mal ou qu'on a une
souffrance. Donc, la souffrance, elle peut être au niveau de l'individu, elle
peut être au niveau de ses proches, elle peut être au niveau
du système. Mais donc on a quelqu'un qui arrive dans notre bureau avec un... je
dirais, un drapeau en l'air en disant : Il y a quelque chose qui ne va pas
bien.
Des fois,
c'est le clinicien qui va reconnaître, derrière ce qui nous est dit dans le
bureau, des symptômes possibles de
TDAH, puis, d'autres fois, ça nous arrive sur un plateau d'argent, puis ce
n'est même pas du TDAH, O.K., et c'est là le travail de détective du
médecin.
Et, moi, ça
ne m'inquiète pas, qu'il y ait des médecins de famille qui fassent un
diagnostic. Nos médecins de famille, au
Québec, sont formés, en général, pour faire le diagnostic du TDAH. Ils font beaucoup,
beaucoup de santé mentale, nos médecins de famille, hein? Ça fait des années
qu'on a travaillé en équipe, et que les médecins de famille travaillent aussi
au niveau de la dépression, au niveau de l'anxiété.
Moi, ce qui
m'inquiète, c'est qu'ils travaillent tout seuls. Ils devraient travailler avec des
équipes, ils devraient une approche multidisciplinaire, on devrait mieux
appuyer le travail de nos médecins de famille, et puis, dans un contexte comme ça, le médecin spécialiste devrait être en
appui, mais aussi on devrait avoir accès à des psychologues, neuropsychologues,
quand on en a besoin, je dirais, valoriser
le rôle de l'infirmière dans le rôle de coordination, valoriser le rôle du
pharmacien dans le rôle des conseils
et de l'administration de la médication. Ces gens-là sont là. On pourrait mieux
travailler, avoir une approche collaborative. Ça serait vraiment quelque
chose d'intéressant.
Mme Sauvé : M. le Président,
merci pour ces précisions, parce que vous m'avez rassurée.
Dans le fond,
je veux juste aussi ramener... parce
que c'est la notion du diagnostic qui
me préoccupe encore, et vous parlez
d'une approche très collaborative, et je trouve ça fort intéressant, parce que,
dans les faits, on entend et on a même entendu ce matin... Il y a des
médecins de famille... puis, encore là, ils ont la formation, ils ont
l'expertise, mais il y a des situations que les parents nous nomment, on l'entend aussi,
où la consultation pour l'élaboration du diagnostic, c'est entre 15 minutes et une demi-heure,
alors que, souvent, quand on parle de démarches par rapport... de démarches
qui sont faites auprès d'un neuropsychiatre ou d'un psychologue... Bien,
d'abord, le psychologue ne peut pas émettre un traitement, il n'est pas médecin, mais tout ça pour dire qu'on entend, bien sûr,
des réalités qui font que bien que l'expertise est au rendez-vous avec
les médecins, qui sont formés, il n'en reste pas moins qu'il y a certaines
démarches qui me préoccupent. Ça, c'est la
première chose. Et vous avez parlé aussi de favoriser l'avant-diagnostic, donc
l'avant-diagnostic, qui peut passer, évidemment,
encore là, dans une approche collaborative,
soit multidisciplinaire entre professionnels, mais aussi de l'école vers
le professionnel.
Moi, je vous
dirais, puis je ne sais pas, j'ai... Vous avez parlé qu'il y a des outils qui
existent pour les enseignants, pour
les parents. Moi, j'ai mis la main sur un test, entre autres, un test qui
s'appelle le questionnaire Conners. Moi, quand je regarde la définition du TDAH — puis je vous entends tantôt, puis c'est
effectivement avec toute votre expertise, puis avec beaucoup de respect — quand je regarde la définition à ce qui est
un peu la bible de la définition des troubles liés à la santé mentale, le DSM, le DSM-5, il y a tous
les symptômes qui sont liés au TDAH, mais il y a la notion d'intensité et
de persistance.
Alors, un enseignant, par exemple, qui verrait
qu'un enfant a tel, tel, tel symptôme, bien, ce n'est pas deux ou trois symptômes de temps en temps qui font que cet
enfant-là a le TDAH. Alors, moi, quand je relie cette définition-là au DSM puis
que je vois que, par exemple, pour le volet de l'inattention, bien, ça prend
une persistance, une intensité de six ou plus symptômes qui sont nommés
là, la même chose pour l'hyperactivité...
Alors, je
regarde ça, je regarde la rigueur de la définition, je regarde l'expertise qui
pourrait bénéficier d'une certaine formation de plus, entre autres,
peut-être avec certains médecins. Mais je regarde aussi l'avant-diagnostic, je
regarde les outils qui sont en main, je
regarde le questionnaire de Conners, entre
autres, qui va avec une liste de
symptômes, c'est à la portée des parents et c'est à la portée des enseignants.
On répond «pas vrai du tout», «un peu vrai», «assez vrai», «très vrai». Et là je suis un peu inquiète dans
l'aspect un peu arbitraire de l'observation qui peut se faire,
alors que c'est tellement important d'être dans cette rigueur qui va mener au bon
diagnostic, comme vous l'avez dit, au bon diagnostic, le bon médicament
ou le bon traitement global.
• (15 h 40) •
Mme Vincent
(Annick) : ...le doigt sur
la problématique qu'on a en santé
physique aussi. Je ne sais pas s'il y en a d'entre vous qui avez déjà étudié,
un peu, au niveau, par exemple, des douleurs au niveau du dos, au niveau de...
Donc, on a, des fois, dans... il y a certaines problématiques en santé mentale
et en santé physique pour lesquelles on n'a pas ce qu'on appelle des marqueurs biologiques. Et, dans
un contexte comme ça, on va faire une démarche clinique la plus rigoureuse
possible, où est-ce qu'on va collecter de l'information. Un questionnaire,
c'est l'équivalent de prendre la température quand
quelqu'un nous dit : Je pense, je fais de la fièvre. O.K.? Donc, ça nous
donne une intensité de symptômes, ça ne nous donne pas un diagnostic. C'est notre rôle de clinicien d'aller voir
qu'est-ce qui se cache derrière le symptôme. Quelqu'un, par exemple, qui a une difficulté à se concentrer
pourrait avoir un problème de sommeil, puis il n'y a une vigilance en cours
de journée, pourrait être anxieux, puis ses
idées s'en vont dans une boucle anxieuse, pourrait avoir un TDAH et ses idées
se promènent tout partout et se perdent dans les sentiers, et c'est notre rôle
de faire cette évaluation-là.
Plus on a
d'information colligée de façon structurée auprès de différentes personnes,
plus on peut avoir de l'observation par rapport à ça, plus ça va être
facilitant. Il n'y a pas un test en neuropsy, O.K., qui nous permet de faire un diagnostic seul de TDAH. Si je ne pose
pas de question à mon patient et je lui passe la meilleure batterie de tests
neuropsy, dans
20 % des cas, je ne trompe. Dans 20 % des cas, ceux qui ont un TDAH
ont tout à fait une performance normale aux tests neuropsys, et, dans 20 %
des cas, quelqu'un qui n'a pas de TDAH va avoir l'air d'en avoir un dans un test
neuropsy. Alors, les neuropsys vont aussi
faire cette évaluation clinique là, et, quand on fait un test neuropsy, c'est
dans un contexte où je veux raffiner
ma démarche pour éliminer, dans mon diagnostic différentiel, d'autres
problématiques comme les troubles d'apprentissage, dont je parlais tout
à l'heure.
Le Président
(M. Provençal)
: ...poser
une autre question, Mme la députée.
Mme Sauvé : Oui, merci, M. le Président. Merci pour les précisions. En fait,
effectivement, l'expertise clinique, elle est au rendez-vous, et la
volonté et la bienveillance des enseignants aussi, et surtout celle, bien sûr,
des parents. Mais il n'en reste pas moins
que l'observation, si elle est faite en milieu scolaire, et malgré la
bienveillance de tous, si le regard
est posé, et on a nommé le mot «étiquetage», mais, si l'observation est peu
balisée et elle amène déjà à un presque diagnostic entre le milieu scolaire, et l'enfant, et les parents et
qu'on n'est pas encore dans l'expertise clinique, moi, ça me préoccupe
beaucoup. Et j'entends aussi les parents pour qui c'est une grande source de
préoccupation. Alors donc, oui, l'observation, oui, des outils, mais, sans
encadrement, on peut être dans une surobservation. On n'est pas encore dans
le surdiagnostic, on est sans la
surobservation, mais c'est le regard qui est posé sur l'enfant déjà, et ça
m'inquiète beaucoup.
Mme Vincent (Annick) : ...qui est préconisée pas l'INESSS, c'est qu'il y a
aussi tout un plan éducatif par rapport à la population en
général, au corps enseignant, au
personnel, aussi, de l'école, aux parents et sur le plan médical, pour, justement,
aller appuyer ça. C'est un peu ce qu'on a essayé de faire avec nos moyens quand
on a fait nos programmes de formation
comme TDAH VIP et VIP+. Moi, je rêve du moment où est-ce qu'un parent qui est à
la maison pourrait, au bout de ses
doigts, sur le Web, aller chercher de l'information qui est pertinente, adéquate et en temps opportun, que la
même chose puisse arriver à un
enseignant, mais qu'il y ait aussi, éventuellement, pas juste une interface Web
avec un site, mais un endroit où tu peux aussi avoir de la formation.
Et c'est dans ce
contexte-là qu'on a décidé de faire le colloque l'année prochaine. On reçoit le
colloque international en TDAH ici, à
Québec, et on a choisi de l'ouvrir à tous. Il est ouvert au grand public, il
est ouvert au monde de l'enseignement et il est ouvert au monde de la
santé.
Et
je pense que c'est par l'éducation, pas dans le sens éducation-école, mais dans
le sens enseignement, d'aider les gens
à faire la part des choses entre, justement, la fragilité attentionnelle de
quand je suis fatigué versus est-ce que c'est un vrai TDAH...
On a eu toute cette dynamique-là,
il y a plusieurs années, par rapport à la dépression majeure. Je ne sais pas si
vous avez assisté, un peu, à ce même genre de débat là. On peut avoir une
humeur triste sans être déprimé, hein? On peut avoir une difficulté d'attention
sans avoir un TDAH. Donc, on peut prendre cette analogie-là puis voir où est-ce
qu'on était en dépression il y a
20 ans et souhaiter qu'on prenne un petit peu moins de temps pour se
rendre là pour le TDAH.
Une voix :
Merci.
Le Président
(M. Provençal)
: Je vais maintenant
céder la parole au député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci,
M. le Président, merci beaucoup, bonjour. Le fait qu'il y ait plus de diagnostics de TDAH au Québec par rapport à d'autres régions du monde, par
rapport au Canada
aussi, est-ce que ça s'explique, selon vous, par des
facteurs génétiques, environnementaux ou sociaux, ou toutes ces réponses?
Mme Vincent (Annick) : Bonne question. En fait, est-ce qu'on a plus de diagnostics ou
on a plus de gens qui sont diagnostiqués et traités? Parce que, là,
actuellement, pour... quand on fait nos travaux, la façon qu'on fait nos études
statistiques, et là l'INESSS serait... M. Lesage
vient présenter, hein, Dr Lesage, je crois? Il pourrait mieux vous
expliquer, là, le détail au niveau... Quand on fait une étude épidémiologique, il faut qu'on essaie de se
baser sur des données. Donc là, actuellement, on n'a pas les données par
rapport au diagnostic, on a accès aux
gens traités. Alors, il y a une nuance par rapport à ça. Donc, on peut se poser la question,
sur le plan global, quand on va aux congrès internationaux en TDAH, ce qu'on voit, c'est qu'il y a
des disparités régionales sur le globe. On a à peu près la même prévalence,
c'est-à-dire que le nombre
de personnes atteintes du TDAH, qu'on soit ici, en Asie, en
Afrique, en Amérique du Sud, c'est à
peu près le même nombre de personnes.
Maintenant,
quel genre de services ces gens-là ont accès? Comment la société
les accompagne, qu'est-ce qu'ils ont
comme traitement disponible, comme ressources
diagnostiques, ça, ça varie régionalement. Il y a même des régions où les gens sont très prêts à aller chercher les
services, mais les services ne sont pas disponibles et d'autres régions du
globe où les services sont disponibles puis les gens ne sont pas
disposés à aller les chercher.
Alors,
ici, au Québec, il y a quand même un gros travail qui a été fait, je crois.
Encore, on peut s'améliorer, ça, c'est clair.
Je pense que les gens ont entendu un petit peu mieux parler du TDAH, il y a eu
des émissions de télé comme TDAH mon amour, il y a quelques
années, qui ont eu un gros boum pour essayer de démystifier. Il pourrait y en
avoir d'autres. Au niveau, je dirais, des
médias, les médias traitent mieux maintenant du TDAH qu'avant, je pense qu'on
est moins dans les mythes puis plus
qu'est-ce que c'est. Donc, est-ce que ça fait en sorte que des gens se
reconnaissent plus facilement et vont consulter? Peut-être.
Je
dirais, là où il y a une grosse difficulté au Québec actuellement, c'est
l'accès aux ressources, l'accès aux services, autant sur le plan
prédiagnostic, diagnostic que post-diagnostic. C'est dommage, mais à peu près
la seule chose qui est disponible, c'est la
médication. Et je ne veux pas dire que la médication n'a pas sa place, la
médication a sa place. Mais la médication ne fait pas tout, et je dirais
qu'actuellement, là où on devrait avoir un gros débat, c'est : Comment ça
se fait qu'on n'offre pas le reste?
Le Président
(M. Provençal)
: Merci beaucoup.
M. Zanetti :
Merci.
Le Président
(M. Provençal)
: Je vais céder la
parole au député de Jonquière.
M. Gaudreault :
Oui, merci, Dre Vincent. Êtes-vous d'accord avec l'affirmation de notre
invitée précédente, qui disait :
C'est le contexte social et normatif qui transforme ces comportements en
maladie et qui les désigne sous un registre de diagnostic pathologique?
Mme Vincent (Annick) : Je ne sais pas, parce que je n'ai pas le contexte
de toute la phrase, là, mais ce qu'on peut voir, c'est... Est-ce qu'on peut penser qu'il y a une médicalisation de
comportements normaux? Si c'est ça qu'elle pense, je crois que, dans certains cas, oui. Si on
regarde... Mais, quand on parle de vrai TDAH, la réponse, c'est non, O.K.? Mais
donc, ce qu'il faut voir aussi, c'est :
Est-ce qu'on laisse, par exemple... Qu'est-ce que la bougeotte significative?
Qu'est-ce qui est une impulsivité hors normes, hein? Qu'est-ce que je m'attends
du comportement dit «normal» d'un enfant? Est-ce qu'un enfant devrait être assis sur sa chaise, aussi immobile que la
chaise? La réponse, c'est non, hein? Alors, ça, c'est clair.
Alors,
est-ce qu'on a des attentes irréalistes? Est-ce que, par exemple, actuellement,
on demande à nos jeunes une capacité attentionnelle qui est hors normes,
ce qui fait qu'on a nos jeunes qui ont un TDAH, qui en arrachent, mais bien d'autres aussi? Ça, c'est une question qu'on
peut se poser, à laquelle je n'ai pas la réponse. Mais ce qu'on voit, par
contre, c'est qu'il y a une médicalisation
puis une déresponsabilisation dans d'autres problématiques. Moi, je le vois,
par exemple, en santé mentale adulte, au niveau des comportements impulsifs, au
niveau des... Beaucoup de gens se ramassent à l'urgence psychiatrique, alors
que ce n'est pas une maladie en tant que telle. Donc, je pense qu'il y a un
côté sociétal de ce côté-là.
• (15 h 50) •
M. Gaudreault :
Quand on regarde l'ensemble, disons, de pays qui nous ressemblent, là, en
Occident, êtes-vous capable de nous dire
ça serait quoi, le taux de vrai TDAH ou le taux normal de vrai TDAH... ça a l'air drôle de le poser comme ça, là, mais, quand on regarde dans les
autres législatures... les autres législations, plutôt, à travers le monde, les
autres pays, ça serait quoi, le taux normal moyen?
Mme Vincent (Annick) : Bien, en fait, si on regarde la prévalence, c'est
entre 5 % à 10 % chez les enfants et, pour parler d'une persistance des symptômes à l'âge
adulte, ça dépend de notre définition de la persistance. Donc, si on va jusqu'à
avoir assez de critères pour répondre encore
complètement au DSM-5, qui est passé de six à cinq symptômes dans chaque
catégorie, on est, selon les études, entre 50 % et 75 % de
persistance des symptômes.
M. Gaudreault :
...combien?
Mme Vincent
(Annick) : 4 % à 5 % des adultes qui ont un TDAH.
Maintenant, moi, ce que j'aimerais vous souligner,
c'est peut-être aussi penser à la personne au... Le jeune qui a un TDAH
aujourd'hui, O.K., avec les facteurs de risque dont je vous ai parlé, si on peut l'aider à ne pas avoir de
traumas crâniens, à avoir une estime de lui qui est solide, à être capable de faire son cursus académique
comme tout le monde, pas mieux, pas pire, mais comme comme tout le monde,
à avoir moins de problèmes de consommation,
à avoir peut-être moins d'anxiété, moins de problématiques relationnelles,
bien, ça va faire un adulte qui va être plus
épanoui plus tard, et, même si son TDAH s'atténue plus tard, il n'aura pas eu
les dommages collatéraux en chemin.
Et ça, c'est une chose importante, et c'est une chose qui, vraiment, transcende
quand on va aux congrès
internationaux, c'est l'importance d'agir au moment où la personne a son TDAH
et a des impacts pour son TDAH ici, maintenant, en pensant à demain.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci beaucoup, Dre
Vincent, pour votre contribution aux travaux de notre commission. Je suspends
les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre
place. Merci.
(Suspension de la séance à
15 h 52)
(Reprise à 15 h 54)
Le Président (M. Provençal)
: Je souhaite la bienvenue au Dr Benoît Hammarrenger. Je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à
commencer votre exposé. Je vous cède la parole.
M. Benoît Hammarrenger
M. Hammarrenger
(Benoît) : Bonjour. Merci de
l'invitation aujourd'hui. Mon nom est Benoît Hammarrenger, je suis neuropsychologue. Je pratique auprès
d'enfants depuis une quinzaine d'années, directeur d'une clinique, dans les...
bien, en fait, de deux
cliniques, Laval et Montréal. J'ai écrit également deux livres, un
livre, 10 questions sur le TDAH, et un livre sur le trouble
d'opposition chez les enfants, qui est souvent associé au TDAH.
Donc, je
débute ma présentation aujourd'hui, où on se rend compte, là, concernant le
surdiagnostic ou les taux élevés, en
tout cas, de médications de TDAH au Québec. Peut-être
commencer par revoir les chiffres, là. On a effectivement... il est sorti
un taux de médication chez les adolescents autour de 14 %, vous connaissez ces chiffres-là. Il est
sorti également... l'année précédente, ça a été un petit peu moins
médiatisé, là, mais l'Institut de la statistique du Québec a produit un document où 23 % des adolescents, là, donc on est près d'un sur quatre, disait avoir été
diagnostiqué, par un professionnel de
la santé, du TDAH. Donc, si on se fie à ces chiffres-là, là, donc, près d'un
sur quatre adolescents au Québec aurait été diagnostiqué du TDAH, et autour
de 14 % serait médicamenté pour le TDAH. Donc, ce sont des chiffres qui
sont excessivement élevés.
Il y a eu
beaucoup de comparaisons, dans les médias, sur le reste du Canada, hein, on est
plus élevés que le reste du Canada. Je suis un peu Dre Vincent, qui a été avant
moi, et... sur le fait de la prévalence, en fait, on ne devrait pas juste la comparer au Canada, mais à travers le
monde. À travers le monde, on a des chiffres, on a des méta-analyses, dont
une qui assez récente, 2017, là, si je ne me
trompe pas, qui va nous donner un chiffre, là, de 7,2 % de prévalence à
travers le monde, là, Asie, Europe,
Océanie, un petit peu partout, on est à 7,2 % de TDAH. 7,2 %, en
comparaison, donc, ça, c'est le taux de diagnostic qu'on devrait avoir
un peu partout dans le monde.
Également,
ces analyses-là nous montrent que c'est assez stable partout dans le monde. Il
n'y a pas tellement de variation d'un pays à l'autre. On ne peut pas se
dire : O.K., bien, on serait dans les pays, là, qui en ont le plus, comme d'autres, et d'autres en ont moins, ce qui donne
une moyenne à 7,2 %. On est à peu près partout autour de ça, 7,2 %, à
part chez nous, où il y a des
chiffres qui commencent à déborder ça. Si on compare le 7,2 % attendu au
23 % de jeunes qui se disent diagnostiqués, on est comme trois
fois, là, au-dessus de ce qui devrait être attendu.
Je veux donc
lancer, aujourd'hui, des pistes de réflexion sur le rôle de ceux qui posent des
diagnostics, en fait. Donc, il faut conclure que des faux diagnostics,
en fait, si le taux devrait être à 7 % mais qu'on est à 23 %, il faut
comprendre qu'il y a plus de faux
diagnostics que de vrais diagnostics de TDAH, et ça, c'est inquiétant. Il y a
plus de faux diagnostics, en ce
moment, il y a plus de jeunes qui ont une étiquette de TDAH et que ce n'est pas
vrai, là, c'est un faux diagnostic, que ceux qui la portent, cette étiquette-là, et que c'est vrai qu'ils l'ont,
ce diagnostic-là. Alors, il faut quand même se questionner. Il faut se
questionner sur, donc, qui pose ces diagnostics-là et quelles erreurs
pouvons-nous commettre? Ça implique un regard sur nous-mêmes, ça m'implique,
moi, et ma profession, les neuropsychologues, ça implique également les psychologues,
psychologues scolaires et les médecins, qui sont les trois grandes professions,
là, pouvant poser ce diagnostic au Québec.
Je commence
avec la partie, donc, au niveau des médecins. Le diagnostic posé par le médecin
est souvent basé sur une liste de
symptômes, la liste de symptômes que vous avez dans mon document, page cinq. On
a des symptômes d'inattention, des symptômes d'hyperactivité. Si on en a
six sur neuf, alors on remplit les critères soit d'inattention, soit d'hyperactivité, soit des deux. Ce qui est
bien connu de cette liste de critères là, c'est qu'il s'agit de critères non
spécifiques. Alors, le fait... je vous en lis un, par exemple, là : ne
parvient pas — le premier,
là, de... Ne parvient pas à prêter attention aux détails ou fait des fautes
d'inattention. Ce n'est pas obligatoirement quelqu'un qui a un TDAH qui fait
ça, là. Vous pouvez tous ici,
moi-même, avoir des moments, là, où on ne parvient pas à porter attention aux
détails, où on fait des fautes d'inattention. On peut avoir également... Donc
là, je parle de normalité. On peut avoir également des troubles où ça survient fréquemment. Quelqu'un qui est
dépressif, par exemple, va avoir de la difficulté à porter attention aux
détails puis à soutenir son
attention. Il va faire des fautes, des étourderies. Hein, quelqu'un de
dépressif va dire qu'il va avoir de la difficulté à soutenir son
attention sur une lecture, par exemple, qui oublie, au fur et à mesure,
qu'est-ce qu'il lit, qui s'en va à
l'épicerie et qui oublie qu'est-ce qu'il allait chercher. Alors, ces
critères-là, qui sont, en fait, des symptômes visibles... donc, je n'arrive pas à porter attention... ces
symptômes visibles, là, ne sont pas seulement attribuables au TDAH. Alors, ce
qu'il se passe, comme difficulté, c'est, quand on se base sur six sur neuf
critères, on risque d'avoir d'autres problèmes qui ressemblent ou qui
imitent très bien un TDAH sans en être un.
Dans le
bureau du médecin, bien, les médecins vont dire eux-mêmes, ils n'ont pas
d'outil pour évaluer l'attention chez
l'enfant. Ce qu'ils doivent faire, c'est de baser sur le rapport d'une tierce
personne, qui est le parent, ou d'une autre tierce personne, qui est l'enseignant qui a parlé au parent, et le parent
qui le rapporte au médecin, pour poser ces diagnostics-là. Il n'y a pas de mesure possible, dans le bureau d'un
médecin, de l'attention d'un enfant. Il y a une liste de symptômes où on
pose des questions aux parents, et où nous sont rapportés des symptômes de
l'école. Alors, des fois, on va avoir
également des listes de symptômes qui sont à cocher, dans des questionnaires,
où les professeurs vont donner leur
avis sur ça, où des parents vont pouvoir donner leur avis et cocher cette liste
de symptômes, mais on est dans une tierce personne qui rapporte les
symptômes de la personne qu'on diagnostique, qui est l'enfant, dans ce cas-ci.
• (16 heures) •
J'argumente,
ici, qu'il faudrait, pour avoir un diagnostic qui est précis, non seulement avoir ça qui me paraît pertinent, mais avoir également une mesure, comme on voudrait pour n'importe quelle autre
maladie, avoir une prise de sang, avoir une radiographie pour... On
voudrait une mesure chez le patient, ce que fait l'évaluation en psy ou en
neuropsy.
Ce qu'on va
rencontrer également comme difficulté... il y a eu une grande médiatisation du
TDAH dans les dernières années, ce
qui fait que le... pardonnez-moi l'anglicisme, mais le «spotlight», dans notre
société, a été posé sur ce trouble-là, parmi tous les troubles qui
peuvent exister chez les jeunes. Il y a en beaucoup, des difficultés qui
peuvent exister qui sont autres que le TDAH
et qui peuvent imiter ce qu'est le TDAH. Le «spotlight» étant tellement posé
sur ce trouble-là, ça va faire qu'au
moment où un enfant ne porte pas attention à l'école ou au moment où un enfant
ne réussit pas en classe, ou est agité, ou pousse un camarade dans la
cour d'école, la première chose qu'on pense, c'est là où est le «spotlight». On
le voit, c'est illuminé, alors on va penser TDAH. Le professeur va penser TDAH,
le surveillant dans la cour d'école va penser TDAH, les parents, en regardant les
devoirs, vont penser TDAH, vont se rendre dans le bureau du médecin avec ce
feeling biaisé, parce que c'est ça qu'ils connaissent et qu'ils voient, ils
vont dire: Je pense que mon enfant a un TDAH, donc déjà enligne vers... et ne rapportent seulement que les
symptômes qui fittent dans leur tête et qui ont été exposés par les médias du TDAH. Le médecin, qui ne dispose
que de cette information-là, dispose, en partant, d'une information biaisée, qui est une information d'un parent ou
d'un professeur qui a le «spotlight», je le répète, sur le TDAH, d'où l'importance, encore là, pour moi, d'aller faire
une histoire assez complète ce que qui pourrait être autre chose que le TDAH.
Je parle maintenant des psychologues. Les
psychologues scolaires vont faire une évaluation assez complète et qui se compte maintenant plutôt en heures, donc un
peu plus de temps à poser sur ce diagnostic-là. Mais les ressources dans nos
écoles font qu'ils doivent aller relativement vite et s'en tenir souvent au
diagnostic que du TDAH. Et je pense que ce
n'est pas une bonne pratique de dire: Je reçois dans mon bureau un enfant ou
même un adulte et ce que je vais évaluer, c'est que le TDAH. Ça, ça veut dire souvent ce qu'on va avoir, c'est une
évaluation qui est faite avec l'évaluation du QI et des tests d'attention. C'est déjà bien, on a une
prise de mesure, notre espèce de radiographie ou notre prise de sang, là, qui
est faite sur l'enfant, donc ce sont des tests qui sont passés à l'enfant, de
son attention.
Par contre,
il y a moins de temps pour aller voir, à l'extérieur de ces troubles-là, ce que
l'enfant pourrait avoir comme difficultés.
Est-ce qu'il rencontre un trouble d'apprentissage? Pensons-y. L'enfant qui a de
la difficulté à lire en classe parce qu'il
présente une dyslexie et non pas un TDAH, présente une dyslexie... Le nombre de
fois qu'un enfant doit lire en classe, lire
ce que le professeur écrit au tableau, lire dans son cahier, lire des questions
d'examen, le nombre de fois où il doit lire, pour lui, c'est une tâche qui est non automatisée par rapport à ses
pairs, ce qui fait que ça lui draine beaucoup plus d'attention, beaucoup plus difficile. Cet enfant-là vient vidé
de son attention beaucoup plus rapidement qu'un autre et a l'air de présenter
un déficit d'attention. Il ressemble, en
tous points, au jeune qui a un TDAH sans en avoir un. Donc, voilà l'importance
d'aller vers un diagnostic différentiel.
Je termine
avec les neuropsychologues, bien, peut-être deux dernières choses, les
neuropsys qui, eux, de leur côté, ont
une certaine pression dans la pratique privée, souvent un neuropsy va pratiquer
en pratique privée, il y a une pression du client payeur, que je
remarque — alors,
il y a peut-être quelque chose à réfléchir ici — que le client qui a
payé, ça ressemble à 1 500 $ à
2 000 $, une évaluation en neuropsy, et qui vient se chercher un
diagnostic de TDAH pourra mettre de
la pression et dire : Je le veux, ce diagnostic-là, j'ai payé pour. Et le
professionnel qui se fait payer reçoit une pression à le poser, le
diagnostic. Donc, il y a aussi également des enjeux liés au neuropsy.
Et, en
terminant, il y a une certaine banalisation, pour moi, de ce qu'est le TDAH en
ce moment. Quand on parle que c'est
seulement une différence individuelle entre les gens, que ça serait... Bon,
c'est sûr que le TDAH est accompagné de
belles forces et que c'est plutôt un... il y a de la créativité liée au TDAH, à
un moment donné, ça devient presque cool, d'avoir ce diagnostic-là. C'est presque un diagnostic qu'on recherche,
et il y a une certaine banalisation qui fait que, si on s'en tenait à un
trouble, peut-être qu'on réussirait plutôt à s'approcher du 5 % à 7 %
de prévalence.
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons procéder maintenant à la période
d'échange, alors la députée de Soulanges.
Mme Picard :
Merci beaucoup pour votre exposé.
J'ai complètement été sous le choc, parce que nous... Vous avez
parlé d'histoires complètes du patient que vous rencontrez. Nous, on a un petit
garçon à la maison qui était très turbulent à la garderie, et tout ça. Rendu à
l'école, on s'est aperçus qu'il avait des gros problèmes et, avant même de
creuser à savoir pourquoi il y a... on a tout de suite mis l'étiquette :
Il doit être TDAH, c'est sûr qu'il a quelque chose ce petit garçon là, il n'est
pas attentif, et tout ça. Mais, nous, de notre côté parent, on le savait, qu'il
a une petite soeur qui est supermalade, il y avait
eu une séparation de ses parents, puis là on disait : Bien, pas sûr que
c'est un médicament que ça lui prend.
Et puis là, finalement, on a succombé à la pression de tous, et on est
allés faire une évaluation en neuropsy, et puis on a payé le neuropsy pour avoir exactement le papier qui dit, enfin : Votre enfant est TDA et non
pas est TDAH. Donc là, je suis vraiment interpelée par votre exposé.
J'aimerais
savoir, selon vous, la trajectoire de service idéale. Qu'est-ce qu'il faut
améliorer, qu'est-ce qu'il faut enlever, dans un portrait global de ce
qu'il se passe en ce moment?
M. Hammarrenger
(Benoît) : Bien, je pense
qu'on devrait avoir plus systématiquement un travail d'équipe fait avec le médecin et peut-être le psychologue ou le
neuropsychologue, un peu comme le médecin qui va faire appel à un
spécialiste, justement, pour obtenir des informations pour son diagnostic,
aller chercher une radiographie pour savoir s'il
y a fracture. Donc, on envoie, on va chercher une information, et le patient
revient ensuite aller chercher une échographie, voir ce qu'il se passe au ventre, pour un enfant qui a mal au ventre.
Alors, on envoie en psy ou en neuropsy, passer des tests, donc passer une épreuve sur l'enfant, pour savoir
qu'est-ce qui se passe et outiller ensuite le médecin pour son traitement
ou pour la suite des choses.
Donc, on
devrait avoir un peu plus une espèce de façon de faire, de norme de pratique,
qui implique un travail comme ça,
fait avec l'enfant, et également une histoire complète, une évaluation
exhaustive, en fait, qui va faire une histoire de l'enfant, une histoire
de son développement, où les parents sont consultés. Il faut savoir, là, d'où
ça part. Vous m'avez parlé de... il y a une
séparation à la maison, il y a des difficultés avec les frères et les soeurs,
de la maladie dans la famille. Il
faut le savoir, parce que ça peut très bien imiter, ça aussi, un TDAH, un
enfant qui préoccupé par : mes parents sont en train de se séparer,
il n'écoute pas en classe. Il a l'air d'être inattentif. Il a l'air, mais il ne
l'est pas.
Alors, on
veut avoir une histoire complète. Et on veut avoir un diagnostic qui n'est pas
seulement celui du TDAH, mais un
diagnostic différentiel. On veut, je voudrais qu'à chaque diagnostic qui est
posé de TDAH, on me dise, à côté : C'est un TDAH, mais ce n'est pas de l'anxiété, mais ce n'est pas une dyslexie,
mais ce n'est pas... ou ça vient avec, parce que ça peut
aussi venir avec : c'est un TDAH, et il y a également de l'anxiété. Je
veux savoir qu'on l'a évalué, je veux savoir qu'on l'a regardé, qu'on
s'en est préoccupé, et qu'on s'est positionné. Est-ce que ça l'est, est-ce que
ça ne l'est pas?
Mme Picard :
Et, concernant les suivis, est-ce que vous pouvez m'en dire plus? Parce que,
souvent, on a des diagnostics, on a des
médicaments qui viennent avec, et puis je ne sais pas si, au niveau des suivis,
si la trajectoire, la procédure est correcte aussi. Est-ce que vous
savez s'il y aurait une amélioration à apporter?
M. Hammarrenger
(Benoît) : Bien, tout à fait. Je pense que, rapidement, une solution
rapide et facile est celle de la médication.
Et, parfois, elle est la bonne solution. Par contre, dans les bonnes lignes de
pratique, souvent pour les enfants plus jeunes, avant six ans, même
avant huit ans, un coaching parental peut être une façon très efficace de
faire.
Un
coaching parental, ce que ça vise à faire, c'est, en quelques séances,
«quelques» voulant dire deux, trois, quatre, cinq séances avec les parents, outiller le parent dans sa gestion d'un
enfant qui a des comportements plus difficiles. C'est ça, un enfant qui a un TDAH. Souvent, à la maison,
dans ces âges-là, deux, trois, quatre, cinq ans, c'est difficile qu'il respecte
les routines, c'est difficile de lui faire
faire les devoirs, il va s'opposer à l'heure des repas, il va être impulsif.
Comment on gère bien, on cadre bien
cet enfant-là pour essayer de ramener à l'intérieur de balises disciplinaires,
si on veut, là, tout en préservant un
bon lien parent-enfant, qui est important, qui est primordial, mais avoir de
bonnes balises disciplinaires qui guident notre enfant puis à
l'intérieur duquel l'enfant peut fonctionner? Puis j'ai l'impression qu'on a
une certaine quantité de jeunes soit qui sont TDAH ou qu'on aurait pensé qui
sont TDAH pour qui cela sera suffisant.
Le Président
(M. Provençal)
: Député de Richmond.
M. Bachand :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, docteur, d'être ici. Je vais
faire un lien avec celle qui vous a
précédé, sur le titre du mandat, et donc : augmentation préoccupante de la
consommation. Et ce n'est pas qu'on est
antimédicaments. C'est loin de là. Mais il reste que, si je... Et, avoir lu
votre mémoire, vous écouter, il y a une augmentation qui est plus que
préoccupante.
M. Hammarrenger
(Benoît) : ...commencer à dire alarmante.
M. Bachand :
Bien, alarmante. Et c'est nos enfants.
M. Hammarrenger
(Benoît) : Effectivement. C'est...
M. Bachand :
Non, mais, c'est nos enfants.
M. Hammarrenger
(Benoît) : Oui.
• (16 h 10) •
M. Bachand : Et puis, pour nous, c'est important.
Le mandat de cette commission-là, c'est de parler de nos enfants,
l'avenir de nos enfants, qui sont surmédicamentés pour la mauvaise chose, à
hauteur d'à peu près 6 %, 7 % des cas. C'est énorme. Qu'est-ce qu'on
fait? Il faut... On a un maudit problème, là.
M. Hammarrenger (Benoît) : Exact, et ça commence, je pense, avec la bonne
façon de faire le diagnostic, parce que
c'est suite au diagnostic qu'on trouvera une solution et qu'on passera à de la
médication. Je pense que ça commence par... Il y a trop de diagnostics en ce moment. Il y a également l'espèce de
diagnostic à l'envers, qui est fait également dans le bureau du médecin,
du type : Je ne sais pas ce que cet enfant-là a, il ne va pas bien à l'école,
il a des comportements difficiles. On va
essayer un médicament. Si ça marche, c'était, donc, un TDAH. Donc, l'espèce de
diagnostic qui est fait, on donne le traitement puis on regarde. Si ça
correspond, on vient de faire notre diagnostic. En faisant ça, on va avoir souvent des parents... Une fois que le médecin a
prescrit ou ordonné une médication, on a des parents qui partent avec ça
puis qui partent pour les 10 prochaines années, là, avec le médicament.
Donc,
on veut avoir, au départ, un diagnostic qui est fiable, qui est rigoureux, et
qui est complet, et qui est long. C'est
long, faire un diagnostic de TDAH. C'est comme ça, Qu'est-ce que vous voulez
que je vous dise? Il n'y a pas de raccourci, de «shortcuts».
M.
Bachand : Docteur, je suis d'accord avec vous que c'est
long, mais, lorsqu'on parle de la vie d'un individu qui est enfant aujourd'hui, qui... on le sait, ça a
été dit par les professionnels qui vous ont précédé, qu'il y a des conséquences
très graves au niveau de la consommation
d'alcool, de drogues et même d'implication dans des groupes... Exemple, les
cadets de l'Air. On va voir souvent, dans les cadets de l'Air, qu'il y a des
jeunes qui ont besoin d'une structure, qui sont là et qui seront, après ça, dans les Forces armées canadiennes. Mais le
coût du diagnostic par rapport aux coûts liés, coûts humains et
financiers liés aux enfants qui sont mal diagnostiqués, c'est ça aussi, le but
de cette commission, là.
M. Hammarrenger (Benoît) : Bien, je suis d'accord avec vous. Le coût qu'on
va investir, au départ, pour un bon diagnostic, visant un bon
traitement, on va le récupérer. On le prend à droite, on le récupère à gauche.
M. Bachand :
...juste pour terminer, M. le Président. Je ne dis pas que la maladie n'existe
pas. Elle existe.
M. Hammarrenger
(Benoît) : Tout à fait.
M. Bachand :
Et les gens qui souffrent de cette maladie-là doivent être suivis, bien
médicamentés pour très, très, très longtemps. Mais ceux qui n'ont pas cette
maladie-là, qui sont mal diagnostiqués, on leur fait mal, et ça, ça n'a
pas de bon sens, ça.
M. Hammarrenger
(Benoît) : Tout à fait. Je
vais ajouter une chose, hein, et ceux qui sont diagnostiqués, on le dit pour longtemps. Une chose qu'on ne fait pas au
Québec, ou pas suffisamment, c'est de la réévaluation. On sait maintenant
qu'on a environ 50 %... vous allez voir
les références dans mon mémoire... un sur deux de jeunes qui ont un TDAH dans
l'enfance qui ne l'auront plus rendus à
l'âge adulte. Ce qu'on sait, en fait, sur ces jeunes-là, c'est que c'est un
retard de maturation du cerveau. Au moment où est-ce qu'ils ont huit ans... pas
du cerveau au complet, de la partie qui s'occupe de l'attention... au moment où est-ce qu'ils ont huit ans, leur partie
qui s'occupe de l'attention équivaut à celle d'un enfant de six ans, et
ainsi de suite. On a un retard qui progresse.
Mais, au
moment où le cerveau atteint sa maturation plus finale, eux également arrivent
un peu en retard à cette maturation
finale, et qui fait que le TDAH disparaît. Il disparaît neurologiquement, dans
les scans qu'on fait, et il disparaît sur le plan de la symptomatologie,
donc les symptômes disparaissent, un sur deux, donc 50 %. Donc, le jeune
qui a huit ans, démarre une médication pour
le TDAH, il faudrait le réévaluer à l'adolescence et à l'âge adulte pour
savoir : Est-ce qu'on continue ou est-ce que la maturation nous a
aidés puis a réglé le problème? Un autre point important.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci beaucoup. Vous avez parlé de scans. Vous pouvez voir, par rapport à un
scan, s'il est diagnostiqué... s'il a une pathologie du TDAH, par rapport à un
scanner?
M. Hammarrenger (Benoît) : Pas
vraiment. Ça se fait par groupes d'enfants. Si je prends un groupe d'enfants qui ont un TDAH et que je moyenne le
fonctionnement de leur cerveau, il sera différent d'un groupe d'enfants qui n'a
pas le TDAH. Alors, je peux le faire
de cette façon-là. Je peux... bien, je peux... ou on peut le faire en science,
là. Ça a été fait de cette façon-là.
Par contre, un individu donné, on n'est pas encore rendus à pouvoir démontrer
le TDAH par le scan dans son cerveau. Il y a trop de variabilités.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Et, lorsqu'on parle de médication, on sait que, bon,
beaucoup d'enfants prennent les médications.
On sait qu'une médication peut engendrer des effets secondaires. Qu'arrive-t-il
avec ces effets secondaires là? Parce
qu'on sait qu'il y a des enfants qui n'ont pas le choix, ils doivent être
médicamentés et ils ont des très grands effets secondaires. Alors, que
faites-vous à ce moment-là?
M. Hammarrenger
(Benoît) : Bien, encore là,
ça devrait être géré avec le médecin. Mon avis sur ça, c'est qu'un
traitement qu'on va donner pour quelque chose doit régler plus de problèmes
qu'il n'en génère. Alors, si on règle une partie
de l'attention, mais qu'on génère un paquet d'autres problèmes... Par exemple,
on a un enfant qui est assommé, un peu
zombie, ou qui devient un peu plus tendu, irritable, colérique, un enfant qui
ne dort plus le soir ou un enfant qui ne mange plus et qui ne gagne plus en poids et en croissance, on a quand
même des effets secondaires significatifs. Et il faut se poser la question : Est-ce que notre effet
positif, qui est d'améliorer l'attention, en vaut le coup négatif? Et là il y a
un jugement à faire, qui est à chaque
enfant, mais, pour moi, il y a une certaine quantité d'effets négatifs qu'on ne
devrait jamais tolérer.
Le Président (M. Provençal)
: M. le député de Dubuc.
M. Tremblay : Oui, bonjour. Merci
beaucoup, M. le Président. Dans le fond, j'entends et puis je me dis... on
argumente sur des diagnostics périphériques qui... mais, finalement, vous
évoquez le fait d'avoir banalisé, presquement folklorique.
On a eu un état de stupéfaction sur ces quatre lettres-là puis on en a fait
presquement une affaire... Est-ce qu'on pourrait dire qu'à l'heure
actuelle on est en retard puis qu'on
manque de sérieux par rapport à la réalité du TDAH? Est-ce que les
structures organisationnelles scolaires, la famille, dans le pattern, tu sais,
de l'enfant qui est turbulent, on reçoit un
feed-back de l'école. On appelle à l'école, on va voir le médecin, ça
s'enchaîne. Est-ce qu'on est vraiment outillés pour faire face à cette réalité-là,
à l'heure actuelle, par rapport au constat?
M. Hammarrenger (Benoît) :
C'est une bonne question, est-ce qu'on est outillés. C'est certain qu'il y a un
manque de ressources dans le réseau en général,
d'où, d'ailleurs, la présence du privé, qui coûte cher aux parents. Il y a
un manque de ressources... il y a un manque de ressources.
M. Tremblay : Bien...
Le Président (M. Provençal)
: ...allez-y.
M. Tremblay : J'allais dire, par
rapport au privé, si je consulte dans le privé, est-ce qu'on est en mesure de signifier, au niveau des suivis, que ceux
qui auront eu le privilège d'aller dans le privé pour aller chercher davantage
de profondeur au niveau
des diagnostics, ou d'exactitude, est-ce que ça démontre que ces gens-là ont un
avantage par rapport à ce qui
est implanté au Québec?
M. Hammarrenger (Benoît) : Je dirais certainement ça, effectivement. Le fait de pouvoir aller avoir... chercher une évaluation au privé, auquel des coûts importants sont
associés, offre certainement un avantage : un diagnostic qui me paraît plus précis, plus fiable, plus complet,
plus détaillé, avec plus de temps passé avec l'enfant et la famille pour le
poser, ce diagnostic-là, plus d'investissement en temps et peut-être plus de recommandations dirigées dans le bon sens
pour aider le jeune.
Le Président
(M. Provençal)
: Mme
la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci, M. le Président. Est-ce possible qu'un jeune ayant un TDAH ait également
un autre trouble, ce qui fait parfois... peut mener à la confusion lors d'un
diagnostic? Est-ce que ça vous est arrivé souvent, cette pathologie-là?
M. Hammarrenger (Benoît) : Ah! c'est fréquent que des troubles se mélangent
ou que l'un a l'air de l'autre. Je vous dis que certains troubles ont l'air du
TDAH, un TDAH a l'air aussi de certains troubles, et, parfois, les troubles
viennent ensemble. Alors, on peut
avoir de la dyslexie, qui... les troubles d'apprentissage qui se mélangent au
TDAH, qui se mélangent à de l'anxiété chez l'enfant, à des difficultés
sociales, à des difficultés familiales qui sont présentes dans la vie de
l'enfant. Je parle pour ma part, en
neuropsychologie, pour moi, là, notre travail, mon travail à moi et à mon
équipe, c'est d'aller départager tout ça. C'est ça, notre job. C'est ça
qu'on devrait faire, c'est ça qu'on doit faire.
On
doit départager qu'est-ce qui est quoi et à quel niveau; qu'est-ce qui n'est
pas là, qui a l'air, mais qui n'est pas là; qu'est-ce qui est là; et qu'est-ce qui prédomine. Si je dis : J'ai
de l'anxiété et un TDAH, par exemple, qu'est-ce qui prédomine et qu'est-ce que je devrais traiter en priorité?
J'ai plutôt un enfant anxieux et, secondairement, TDAH, je devrais travailler
sur l'anxiété, inversement. Alors, c'est notre travail d'aller
départager ça.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : ...de départager tout ça, prend combien de temps?
M. Hammarrenger (Benoît) : C'est six heures dans notre cas, là, six heures d'évaluation avec l'enfant. Je vous dirais que ça ressemble à ça, d'un
neuropsychologue à l'autre, là. Six heures d'évaluation avec l'enfant,
incluant une heure avec les parents,
là, où on établit le décours de vie de cet enfant-là, on établit son histoire
et on fait le tour de son profil complet, là. Et ensuite c'est un bon
10 heures de travail, d'analyse de dossier, là, d'analyse de correction
des tests, analyse du dossier, rédaction de rapport. Nous, on investit
environ 17 heures et demie, en tout et partout : l'évaluation, le
temps qu'on la réexplique, on explique les résultats aux parents, hein, par la
suite. On les reçoit, on leur parle, on leur présente qu'est-ce qu'il faut
faire avec l'enfant, les pistes de solution. On évalue ça à 17 heures et
demie par semaine.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : ...est-ce
que... Les gens veulent vous rencontrer, est-ce que c'est une clinique privée?
Comment ça fonctionne?
• (16 h 20) •
M. Hammarrenger (Benoît) : Tout à
fait. Nous, on est dans une clinique
privée. Les gens peuvent accéder par eux-mêmes
ou par référence d'un médecin. Donc, voilà. Évidemment, déboursent de leur
poche ou c'est couvert par les assurances,
s'ils ont des assurances privées, et le processus se déroule, là, dans
nos bureaux. C'est un six heures d'évaluation; le
temps, ensuite, de rédaction est à l'extérieur et on revoit les parents une
autre heure, heure et demie pour expliquer les résultats, les coacher
sur quoi faire avec le TDAH.
Une voix :
...
Le Président
(M. Provençal)
: Merci. C'est
terminé. Merci beaucoup. Je vais maintenant céder la parole à l'opposition
officielle, et c'est Mme la députée de Fabre qui va avoir des échanges avec
vous.
Mme Sauvé : Merci beaucoup, M. le
Président. Alors, bienvenue, Dr Hammarrenger,
un plaisir de vous entendre. Et,
comme mon collègue l'a fait cet avant-midi, je vais me permettre un petit élan
de chauvinisme puisque vous travaillez dans la merveilleuse région de Laval.
Alors donc, magnifique, voilà. Alors, c'est dit.
Moi,
écoutez, je vous entends, puis la première question que j'ai, parce que vous
avez des constats assez bien affirmés, qui reprennent certains constats qu'on a
entendus lors de présentations précédentes, en lien avec le faux diagnostic,
le faux diagnostic important, et vous le liez, bien sûr, aux différentes
réalités des professionnels qui ont ce rôle-là, du diagnostic, que ce soient les psychologues scolaires, que ce soient les
médecins... Moi, je voulais voir, un petit peu, est-ce que c'est votre
grande expertise professionnelle... Sur quelle base, parce que vous êtes plus
que dans une hypothèse de travail, là, vous êtes dans une affirmation, sur
quelle base vous arrivez à ce constat-là très affirmé?
M. Hammarrenger
(Benoît) : Oui. Ce sont des pistes de réflexions, je vous dirais,
basées sur l'expérience. J'ai 15 ans
d'expérience en pratique avec les enfants, des rapports que j'ai reçus de
d'autres cliniques, de différentes... des gens qui m'ont consulté avec un diagnostic de TDAH déjà posé, et qui
remettaient le diagnostic en question. Donc, j'ai vu une grande quantité de jeunes passer, de
professionnels travailler. Et, comme je l'ai écrit, d'ailleurs, dans mon
rapport... et là j'ai dû précipiter
ma présentation dans le temps limite que j'avais... le but n'est pas, ici, de
critiquer ou de blâmer l'un ou l'autre
des professionnels, le but est de s'arrêter, et je le fais avec les
neuropsychologues également, de s'arrêter sur notre pratique et de se dire : Nécessairement,
c'est nous qui les faisons, ces diagnostics-là, là. C'est nous qui les faisons,
il y en a trop, on fait une erreur. Quelle est-elle?
Le Président
(M. Provençal)
: ...
Mme Sauvé : M. le Président,
merci. Moi, je voulais revenir aussi... parce que, dans le fond, dans le
traitement, il n'y a pas de multiple choix.
Il y a, bien sûr, le médicament, qui est vu, peut-être, puis je pense que vous
serez d'accord, qui veut un peu comme
la panacée universelle, bien que le traitement soit efficace à 60 %, 80 % des... en tout cas, c'est ce
que les statistiques démontrent. Alors, il y
a le médicament, il y a le médicament avec des interventions psychosociales,
puis c'est à peu près tout.
Moi, j'ai
beaucoup aimé votre notion du coaching parental, je vous l'avoue, et là je me
permets de vous adresser la question :
Est-ce que, face aux possibles faux diagnostics, tel que vous l'avez expliqué,
est-ce qu'on pourrait penser qu'un coaching
parental pourrait peut-être faire un certain grand travail de départager la situation
de l'enfant, et d'orienter, dans le
fond, l'évaluation, la première évaluation de l'enfant, vers un vrai
diagnostic? Est-ce qu'il y a un travail en amont avec le coaching
parental qui pourrait être envisagé?
M. Hammarrenger
(Benoît) : Tout à fait. Ça
clarifie la suite des choses. On le fait également à notre clinique, ce coaching-là, et, une fois qu'on a fait quelques
séances de coaching, qu'on a outillé les parents et qu'on a eu ce suivi-là de
comment ça se passe et qu'est-ce que ça
donne, finalement, ce coaching-là, on a une meilleure perception. Et,
évidemment, la personne qui a fait le
coaching, si elle peut transmettre ses informations à l'évaluateur en neuropsy,
par exemple, qui serait fait après, ou à un médecin, on a une
information pertinente qui est là.
Mme Sauvé : Je peux continuer? Merci, M. le Président. Vous
avez parlé des différents professionnels qui font le diagnostic, vous avez peu, bien... à vrai dire,
vous n'avez pas parlé des conseillers d'orientation, qui, depuis quelques
années, ont un rôle, un acte protégé
élargi avec la possibilité d'évaluer la santé mentale. Est-ce que'il y a un
rôle que pourraient jouer... parce
qu'ils sont présents, entre autres, dans les milieux scolaires... est-ce que
vous considérez qu'ils peuvent s'ajouter à l'expertise professionnelle
en santé?
M. Hammarrenger
(Benoît) : Oui, tout à fait.
Les conseillers en orientation et les... on pourrait ajouter les infirmiers,
infirmières, qui, dans certains cas, peuvent obtenir l'autorisation de poser ce
diagnostic-là. Ce n'est jamais arrivé, dans mes
15 ans de pratique, que j'ai vu un diagnostic posé par... donc, c'est pour
ça que je n'en ai pas parlé. Est-ce qu'ils pourraient avoir un rôle à jouer? J'ai l'impression que ces
professionnels-là ont d'importants rôles à jouer dans leurs domaines. Est-ce
qu'ils sont les meilleurs pour ce rôle-là? Je n'en suis pas certain.
Mme Sauvé : Vous avez mis
l'accent sur l'importance du suivi, qui ne se fait pas. Comment on peut changer
cette culture-là? Comment on peut faire en
sorte que... Parce que, si le suivi n'est pas fait, et que le diagnostic
est là, et que le traitement est en
place avec le médicament, bien, on... alors, l'enfant grandit, l'adolescence,
et puis, finalement, il n'a plus le TDAH.
C'est une
culture à changer aussi, là. Dans la prévalence, là, il y a
un élément assez clé qu'il faut peut-être regarder. Alors, comment on y arrive pour inciter, dans l'évaluation, l'importance
et l'obligation d'avoir un suivi peut-être aux cinq ans, ou peu importe, là,
l'espace-temps qu'on considère?
M. Hammarrenger (Benoît) :
Bien, chacun des professionnels devrait effectivement le véhiculer. Après une évaluation, il y a un diagnostic. Cette
idée-là d'avoir une réévaluation, qu'on ne part pas avec ce diagnostic-là pour
la vie, quand on l'a donné à six, huit ans, là, même à 10, 12 ans, là,
qu'il doit y avoir une réévaluation qui est faite...
Je dirais,
même au niveau des professionnels, il y a
encore beaucoup de professionnels pratiquant autour du TDAH
qui gardent l'idée... et c'est ce qui m'a
été enseigné dans mes études il y a 15 ans, là, on disait : Un TDAH, c'est
un trouble neurodéveloppemental qu'on
a pour la vie. Une fois qu'on l'a, c'est pour la vie. Et cette idée-là est
encore assez persistante chez les professionnels de la santé, alors que
nos nouvelles données nous disent plutôt que, dans un cas sur deux, là, 50 %, bien, ça disparaît, ça
s'estompe avec la maturation. Donc, aussi, une transmission des
connaissances... ces connaissances-là auprès des professionnels seraient
nécessaires.
Mme Sauvé : Pour poursuivre
dans votre idée auprès des professionnels mais aussi auprès des parents, est-ce
que
ça pourrait être une avenue aussi d'inciter les parents? On se dit : On va
chez le médecin à tous les deux ans ou à tous les ans, peu importe,
on... Il y a vraiment récurrence qui est déjà prévue dans la culture, et d'y
aller de façon régulière. Est-ce qu'on ne pourrait pas aussi inciter les
parents à exercer cette vigie-là au niveau du suivi?
M. Hammarrenger (Benoît) :
Absolument.
Le Président (M. Provençal)
: Vous pouvez y aller.
Mme Sauvé : Je peux continuer?
Le Président (M. Provençal)
: Il vous reste quatre minutes.
Mme Sauvé : Quatre minutes. Merveilleux. J'ai beaucoup
retenu, dans votre mémoire... et puis vous en avez parlé tantôt,
docteur, de cette réalité-là, qui est de trouver la bonne mesure. Parce qu'on
n'est pas dans une réalité... Il y a un traitement médical, qui est vraiment mis de
l'avant et qui fonctionne quand même bien, même s'il est peut-être lié à un
surdiagnostic. Au niveau de la psychologie,
est-ce qu'il y a des tests psychométriques reconnus qui vous permettent
vraiment de faire le lien direct, une corrélation directe entre le
résultat du test et le diagnostic du TDAH?
M. Hammarrenger
(Benoît) : Aucun test unique
n'a cette prétention-là, aucun test unique ne peut le faire, aucun test unique n'est documenté pour ça, surtout pas
les questionnaires, là. On a parlé des Conners, on a parlé de ces
questionnaires-là. C'est insuffisant pour poser le diagnostic.
Pour moi, ça
prend un ensemble de données, et c'est pour ça que l'évaluation prend du temps,
qu'on y met six heures, c'est parce
que ça nous prend beaucoup de données, les données étant des résultats de
tests, les données étant également nos observations
de l'enfant — c'est
une donnée subjective, mais c'est une donnée quand même — les données étant ce que les parents
nous rapportent de l'évolution de cet enfant-là, de ce qu'il se passe à la
maison — c'est
aussi une donnée subjective mais une
donnée — les
données étant un feed-back du professeur, qui peut être une lettre écrite, qui
peut être un questionnaire rempli — c'est, encore là, une donnée.
Et ce qu'on veut avoir, c'est une espèce de
nuage de points, un ensemble de données, un nuage de points qui pointent tous dans la même direction, et, de temps
en temps, on va avoir des points disparates. On va avoir des tests qui vont nous dire : Ah! pas de TDAH, ou un test
qui va nous dire : Oui, gros TDAH, mais qui va être disparate du reste des
données. Et ce qu'on veut, c'est un ensemble
de données, un nuage de points qui pointent dans la même direction, et là on
est plus fiable dans notre diagnostic.
Une voix : ...
Mme Sauvé : Oui, j'en aurais une. J'en aurais plusieurs,
mais... Je voulais savoir, dans le fond... Si on suit toute votre réflexion et votre présentation, votre
discours, dans le fond, par rapport à la préoccupation et le mandat qu'on a en
cette commission, si on arrivait à diminuer le faux diagnostic, on serait
probablement dans une médication globale qui diminuerait.
Alors,
comment on y arrive, là? Parce que vous avez fait les constats par rapport aux
professionnels, mais comment on y arrive? Quelles sont des pistes de
solution pour diminuer ce faux diagnostic?
• (16 h 30) •
M. Hammarrenger (Benoît) :
Alors, il faudrait probablement s'asseoir pour y réfléchir, peut-être former...
Je pense qu'il faudrait peut-être
former un groupe de réflexion sur des lignes directrices. Ça s'est fait en
psychologie, notamment, avec
l'Ordre des psychologues. Je pense... peut-être en association avec le Collège des médecins, là, pour certains diagnostics,
dont les troubles d'apprentissage, la déficience intellectuelle, le TSA, le
trouble de spectre de l'autisme. On a des lignes directrices pour la bonne
pratique de ça.
J'ai l'impression que, si on construisait des lignes directrices ou... qui seraient
suivies et qui devraient inclure une pratique
concertée des médecins et des psychologues, neuropsychologues, une pratique ensemble...
pour des lignes de bonne pratique, finalement, j'ai l'impression qu'on
pourrait s'approcher d'une solution intéressante.
Mme Sauvé : Très intéressant, merci
beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci,
M. le Président. Merci beaucoup
pour votre présence et votre présentation. Quelle forme prend la promotion auprès des professionnels
de la santé des compagnies qui produisent les médicaments utilisés pour le
TDAH?
M. Hammarrenger
(Benoît) : Dans le cas des
psychologues et des neuropsychologues, ils ne nous parlent pas parce qu'on ne prescrit pas. Donc, on n'en a pas, de ce genre de pression là. Il
faudrait vous informer auprès de médecins pour ça.
M. Zanetti : Et, même si vous
faites des diagnostics, par exemple, ça ne se passe pas?
M. Hammarrenger (Benoît) : Ça
ne se passe pas... Je mettrais peut-être une nuance à ce que je viens de dire. Dans les congrès où on va assister à des
conférences, on va avoir des présentations faites par des compagnies pharmacologiques
ou pharmaceutiques sur le TDAH, sur l'efficacité
des médicaments. Donc, évidemment, là, il
y a un biais chez le présentateur.
Souvent, ce sont des professionnels avec des doctorats qui nous présentent de
façon non biaisée, là, mais... Voilà.
M. Zanetti : Et vous avez parlé de la pression client payeur. Est-ce que
vous pouvez nous décrire le phénomène
davantage?
M. Hammarrenger (Benoît) : Bien
oui, tout à fait. Alors, oui, il y a de gros frais associés à une évaluation en
neuropsychologie. Je disais, tantôt,
1 500 $ à peut-être
2 500 $, les plus chères. C'est beaucoup d'argent. Certains parents
font de vrais sacrifices pour débourser ce montant-là.
Et certains
arrivent avec une idée très claire et préconçue de ce qu'a ou devrait avoir
leur enfant, et donc de ce que leur
donnera cette évaluation-là en neuropsy. Ils viennent avec l'idée un petit peu,
là, je ne sais pas si le terme est juste, mais de s'acheter un diagnostic, donc, de venir avec un certain montant et de
dire : Bon, bien je vais l'avoir enfin, mon papier. Je vais l'avoir, mon diagnostic.
Je vais partir avec ça et, grâce à ça, j'aurai soit accès à un médicament ou
accès à des accommodations à l'école.
Parce que notre rapport permet ça aussi, on va permettre, par exemple, d'avoir
plus de temps pour faire les examens,
d'avoir... D'ailleurs, dans les... On disait tantôt : Il n'y a pas
beaucoup de solutions au TDAH, là... Il
y a ces autres choses-là aussi, là, d'accommoder le milieu scolaire, de faire
bouger un peu l'enfant. Il y a un paquet de choses qu'on peut faire.
Donc, il y aura des accommodations qu'on peut mettre en place. Et les parents,
donc, viennent chercher ça.
Si, au terme
de ça... Les situations les plus difficiles, c'est si, au terme de ça, notre
conclusion est plutôt que, bien, l'encadrement
familial devrait être travaillé... ce n'est pas une réponse que le parent
payeur aime nécessairement entendre. C'est moins facile qu'un
médicament. Si on a, bon, juste un trouble d'apprentissage et que, là, il faut
investir sur de l'orthopédagogie ou de
l'orthophonie pour travailler le trouble d'apprentissage, on a d'autre argent à
investir. Là, le parent vient déjà de payer, il pensait, lui, avoir sa
solution, là, hein, à partir de là. Les autres services sont également payants.
Alors, on a
des parents qui... ils ont dit : Il n'y a pas de TDAH, là. On a des
parents, parfois, on l'a vu, là, à notre clinique, moi ou de mes collègues, où le parent va mettre une pression
et dire : Bien, comment ça se fait? Vous ne l'avez pas trouvé. Ou on entend, des fois : Vous
êtes incompétent, on va vous... on va aller faire une plainte au syndic de
l'Ordre des psychologues. C'est une
menace. Ce n'est pas le fun, comme psychologue, avoir une plainte sur notre
tête, hein? Il y a une pression à recevoir ça.
J'ai eu des
parents qui ont été... qui sont partis pas contents du bureau parce que j'ai
dit, il n'y avait pas de TDAH, ont
été dans une autre clinique, réévaluer. L'autre... psychologue,
neuropsychologue, peu importe, là, a dit : Oui, il y a un TDAH. Ils m'ont rappelé puis ils ont dit :
Vous êtes incompétent, l'autre l'a trouvé, lui, le TDAH. Alors, il y a un de
nous deux qui a raison, je ne sais pas lequel, là, mais...
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup.
M. Hammarrenger (Benoît) :
Voilà.
Le Président (M. Provençal)
: La parole est maintenant au député de Jonquière.
M. Gaudreault :
Oui, merci. Merci beaucoup. J'aimerais savoir, le dépistage et le diagnostic
ailleurs dans le monde, en quoi on pourrait s'en inspirer? Parce que, si
nous, on a le double des taux normaux, disons, de TDAH, ça veut dire qu'il y a
quelque chose ailleurs qui se fait de mieux ou de différent.
M. Hammarrenger
(Benoît) : Oui, ça, c'est
une bonne question, puis je pense qu'il y aurait une piste intéressante de
solution à aller voir qu'est-ce qui se fait ailleurs puis qu'est-ce qui
fonctionne ailleurs, aller voir également ce qu'il se fait dans les
écoles pour s'adapter à ces jeunes-là. Est-ce que j'ai une réponse pour vous
aujourd'hui? Pas vraiment. Qu'est-ce qu'il se fait de mieux ailleurs, de plus
efficace, je n'ai pas fait cette recherche-là.
M. Gaudreault :
On pourrait la faire, par exemple. Je veux dire, il y a... puis il y a peut-être
d'autres invités qui vont
venir dans les prochains jours, qui vont nous permettre d'aller plus loin
là-dessus.
M. Hammarrenger (Benoît) : Oui,
ça vaudrait la peine.
M. Gaudreault :
Oui. Vous parlez, dans votre mémoire, vers la fin, là, à la fin, en fait, de la
banalisation du diagnostic de TDAH.
Parlez-nous de ça, puis il y a un lien à faire, je pense, avec la question de
mon collègue, là, sur la pression du client payeur.
M. Hammarrenger
(Benoît) : Oui. Alors, on a
également — et je
trouve peut-être davantage chez l'adulte, mais c'est vrai aussi chez
l'enfant — une
espèce de banalisation, où le TDAH n'est véhiculé, en ce moment, plus tellement
comme un trouble — et
rappelons-nous que ça s'appelle trouble de déficit de l'attention, le TDAH,
là — plus
tellement comme un trouble, mais des fois on
entend plutôt : C'est une différence individuelle, c'est une différence
entre des enfants. Puis c'est presque
rendu... j'avais cette discussion-là avec des médecins et psychologues il n'y a
pas tellement longtemps, c'est perçu
comme une différence, comme il y en a qui ont les cheveux blonds, d'autres qui
ont les cheveux bruns, il y en a qui
ont les yeux bleus, d'autres qui ont les yeux bruns, il y a en qui ont des
difficultés d'attention puis d'autres qui n'en ont pas. On est dans une différence individuelle et non plus dans un
trouble. On est aussi dans... Ces jeunes-là ont un ensemble de belles qualités et de belles... de forces au
niveau du TDAH, et c'est des créatifs, etc., et on valorise un petit peu ce que
c'est que le TDAH. Et je me faisais la
réflexion que c'est probablement le seul trouble sur terre, la seule maladie
sur terre qui vient avec de belles
forces et de belles qualités et qui vient avec des aspects positifs et qu'on
cherche presque à obtenir comme diagnostic.
Quand on s'arrête à ce que moi, je pense qu'est
un TDAH, je pense que c'est un trouble qui correspond à un handicap. Un handicap, c'est une situation, là,
quand... La ligne de conduite qu'on a à notre clinique, c'est qu'un TDAH,
c'est un trouble qui nécessite des
accommodations tout comme un enfant paralysé des jambes devrait avoir droit à
une rampe pour rentrer à son école.
C'est une accommodation qui est nécessaire en raison du handicap. Sans rampe,
si on a juste des escaliers, ce
jeune-là ne peut pas être scolarisé. Alors, notre jeune TDAH a droit à des
accommodations, parce que, sans ces accommodations-là, il ne peut pas
être scolarisé. C'est ça, ma perception de ce qu'est un TDAH. Il ne peut pas
être scolarisé ou ne peut pas faire de liens
avec ses... de liens sociaux avec des amis. On a un réel boulet, de réelles
situations de handicap où le jeune vit une réelle
détresse et on n'est pas dans... Puis les parents qui vivent avec un jeune qui
a un vrai TDAH vous diront : Ce n'est
pas le fun, ce n'est pas des belles forces, ce n'est pas quelque chose de
positif. Le TDAH, c'est dur, c'est
difficile. Et le fait de banaliser l'espèce d'image du TDAH comme ça et de le
voir simplement comme une différence individuelle, on banalise et on
enlève une crédibilité au vrai TDAH.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux.
La commission
ajourne ses travaux jusqu'au jeudi 7 novembre 2019, à
8 h 30, où elle accomplira un autre mandat. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 16 h 38)