(Quinze heures sept minutes)
Le Président (M. Provençal)
: ...à tous, nous allons débuter notre séance.
Alors, ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie
de leurs appareils électroniques pour la bonne marche de notre rencontre.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions
publiques sur le projet de loi n° 7, Loi concernant certaines conditions de travail applicables aux cadres
du réseau de la santé et des services sociaux.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Gaudreault
(Jonquière) remplace M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine).
Remarques
préliminaires
Le
Président (M. Provençal)
: Merci. Cet après-midi,
nous débuterons par les remarques préliminaires et nous entendrons, par
la suite, l'Association des gestionnaires des établissements de santé et de
services sociaux ainsi que l'Association du personnel d'encadrement du réseau
de la santé et des services sociaux.
Comme la
séance a débuté un petit peu plus tard, j'ai besoin de votre consentement pour
poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue, c'est-à-dire aux
alentours de 16 h 52. Ça va? Merci beaucoup.
Alors, j'invite maintenant la ministre de la
Santé et des Services sociaux à faire ses remarques préliminaires. Mme la
ministre, vous disposez de six minutes, la parole est à vous.
Mme Danielle
McCann
Mme
McCann : Merci, M. le Président. Alors, bonjour à tous. Il s'agit,
aujourd'hui, de mon premier projet de loi, et je voudrais d'abord rapidement saluer les équipes qui m'accompagnent
et également les députés de l'opposition qui seront présents avec nous
aujourd'hui.
Alors, en
résumé, ce projet de loi déclaratoire vient confirmer le pouvoir de la ministre
de la Santé et des Services sociaux
de déterminer la rémunération et les conditions de travail des cadres, tel que
prévu dans la Loi sur les services de santé
et les services sociaux. Rappelons qu'en février 2015 l'Assemblée nationale a
adopté la Loi modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau de la
santé et des services sociaux notamment par l'abolition des agences régionales,
communément appelée la loi n° 10. Cette loi a eu notamment pour effet d'abolir les postes de cadres et
de hors-cadres dans le réseau de la
santé et des services sociaux. La loi n° 10 a notamment modifié
des mesures de stabilité d'emploi prévues au règlement sur certaines
conditions de travail applicables aux cadres et aux hors-cadres des agences et
des établissements de santé et de services sociaux.
À cet effet,
l'article 135 de la loi n° 10 est venu énoncer que les mesures de stabilité
d'emploi des cadres et des hors-cadres ne peuvent excéder 36 mois.
L'article 136 de la loi n° 10 prévoit, quant à lui,
que, lorsqu'un poste est aboli, l'indemnité
de fin d'emploi relative au choix du départ du secteur équivaut à un maximum de
12 mois de salaire.
Il est
important de rappeler que les mesures de stabilité d'emploi prévues aux
conditions de travail du personnel d'encadrement
du réseau permettent à ce personnel de faire le choix d'être replacé dans le
secteur plutôt que de le quitter. Dans
ce contexte, les établissements doivent favoriser, autant que faire se peut, ce
replacement dans le secteur de façon diligente.
Or, à cet égard, suite à l'entrée en vigueur de la loi n° 10,
le ministère de la Santé et des Services sociaux s'était donné le mandat de soutenir les établissements
dans cet exercice de replacement par la mise en place de différentes
mesures venant prioriser le replacement des cadres et hors-cadres dans cette
situation.
• (15 h 10) •
Malgré la mise en place de ces différentes mesures, l'entrée en vigueur des dispositions de la loi n° 10 discutées précédemment a suscité bon nombre de débats entre
les représentants ministériels et certains représentants associatifs, dont l'AGESSS, notamment
sur les dates d'application des dispositions de la loi n° 10 ayant des impacts
sur les mesures de stabilité d'emploi du personnel d'encadrement.
C'est pour mettre fin au débat qui venait
générer une insécurité grandissante quant à l'application, par les établissements, des mesures de stabilité d'emploi destinées aux cadres et aux
hors-cadres que le ministère a déposé un projet de modification du règlement des conditions
de travail des cadres confirmant
l'interprétation ministérielle sur les dates d'entrée en vigueur de ces
mesures. Ce projet de modification fut adopté le 23 mars 2015. Par ailleurs,
l'AGESSS a maintenu sa position et a
contesté l'interprétation du ministère voulant que les modifications prévues à la loi
n° 10 aux conditions
de travail des cadres et des hors-cadres
soient applicables à ceux dont le poste a été aboli au 31 mars 2015 pour
les effets de cette loi. Cette contestation
a fait l'objet d'un recours en Cour supérieure puis d'une demande du ministère
en Cour d'appel. Étant
persuadé de l'intention du législateur quant à l'esprit de la loi n° 10, et ce, malgré la reconnaissance d'une erreur dans l'écriture des mesures transitoires de cette loi, l'objectif
de la demande d'appel était de faire reconnaître la validité du règlement
du 23 mars 2015.
Suivant
l'intention liée à la demande d'appel du ministère, plusieurs
objectifs sous-tendent le présent projet de loi : réaffirmer l'exercice du pouvoir réglementaire de la ministre prévu à l'article 487.2 de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux, réitérer l'intention du législateur quant à l'esprit de la loi susmentionnée,
permettre de mettre un frein aux procédures judiciaires.
En terminant,
je tiens à souligner que, contrairement au projet de loi n° 160 déposé par l'ancien gouvernement, le projet de loi n° 7 prévoit la reprise du processus réglementaire pour la modification des mesures de stabilité d'emploi, l'indemnité de fin d'emploi et les congés de
préretraite, et ce, selon les modalités de consultation des associations de cadres prévues par le règlement
sur certaines conditions de travail applicables aux cadres des agences et des établissements de santé et de services
sociaux. C'est un changement important
et considérable dans la manière d'aborder le dossier et l'étude du projet
de loi. Malgré nos différends,
j'espère que nos échanges seront constructifs et cordiaux. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci, Mme la ministre. À cette étape, j'invite le porte-parole de l'opposition officielle et député de
Pontiac à formuler ses remarques préliminaires pour une durée de quatre minutes.
La parole est à vous.
M.
André Fortin
M.
Fortin : Merci, M. le
Président. D'abord, permettez-moi, d'entrée de jeu, de saluer la ministre, la
féliciter pour le premier projet de loi qu'on a la chance de débattre
ensemble, saluer les collègues autour de la table, de la partie gouvernementale, mes collègues de Marquette et de
Viau qui sont ici, à mes côtés, comme toujours, dans cette commission,
le collègue de Jonquière et le collègue de Jean-Lesage.
M. le
Président, le projet de loi, on l'a reconnu, disons, et on en avait débattu
lors du dernier Parlement, entre autres, avec les gens qui sont aujourd'hui au gouvernement, qui s'étaient très
clairement, disons, avec le temps, là, prononcés en faveur de ce projet de loi, qui avaient dit que, pour
deux ans de salaire, suite à une cession de l'emploi des
1 300 cadres, c'était nettement
exagéré. Mais il faut se rappeler aussi de l'objectif de cette réforme-là,
l'objectif du projet de loi n° 10, qui était de prendre de l'argent qui était utilisé en
administration puis de l'utiliser pour donner des services. Et je pense
que cet objectif-là, encore aujourd'hui, évidemment, il est raisonnable, il est
viable.
Alors, la
seule chose, M. le Président, que j'aimerais dire d'entrée de jeu et que j'ai
trouvé désolant d'entendre au cours
des derniers jours, c'est le fait que les groupes qu'on entendra aujourd'hui
ici n'ont pas été consultés au cours des derniers mois, préalablement au
dépôt du projet de loi, n'ont pas été... il n'y a jamais eu de discussion à ce
niveau-là avec le nouveau gouvernement. Et je salue également... j'en profite
pour saluer les gens de l'Association des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux, qui ne sont pas avec
nous aujourd'hui mais qui nous ont transmis quand même leurs
préoccupations.
Mais, pour ce projet de loi là ou pour les
autres, M. le Président, je pense que c'est important d'écouter et d'entendre les perspectives des gens qui sont
touchés, de le faire en commission parlementaire, mais de le faire le
plus souvent possible également. Alors, peut-être, peut-être réitérer le point
qui a été fait par certains des groupes qui vont présenter aujourd'hui. Je pense qu'ils auraient aimé être consultés, je
pense que ça aurait été bénéfique de le faire avant de déposer un projet de loi, mais, bon, on
va les entendre aujourd'hui, on va être contents de le faire et évidemment
on va être, comme toujours,
une opposition officielle efficace et constructive pour la suite de nos
travaux. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Provençal)
: Merci, M. le député. J'invite maintenant le porte-parole
du deuxième groupe d'opposition et député de Jonquière à faire ses remarques préliminaires pour une durée d'une
minute. La parole est à vous.
M.
Sylvain Gaudreault
M. Gaudreault :
Oui, merci, M. le Président. Je n'ai pas beaucoup de temps, simplement vous
dire merci d'être ici, saluer les
collègues, la ministre, les députés de l'opposition officielle, député de
deuxième ou troisième parti, là, on ne sait plus, là, on va régler ça
demain, officiellement.
Je veux dire
surtout que la posture que nous avons, nous, à ce stade-ci, concernant le
projet de loi n° 7,
c'est celle d'écouter
les représentations par les groupes que nous allons avoir cet après-midi et
voir comment on peut, sur la base de ce qu'ils vont nous dire, bonifier
le projet de loi n° 7. Nous n'avons pas d'opposition au principe du projet
de loi n° 7, M. le Président, mais on
comprend que nous sommes dans les suites ou dans les dommages collatéraux, je
dirais, du projet de loi n° 10 qui avait été adopté par le
gouvernement précédent.
Donc,
à ce stade-ci, concernant ce que nous avons sous les yeux, moi, j'entends ce
que la ministre dit, mais je veux surtout entendre les commentaires des groupes qui sont ici, qui sont
directement concernés. Et, moi aussi, un peu comme le député de Pontiac, je déplore le fait qu'il n'y a
pas eu de préconsultations, à ce qu'on a pu comprendre à travers les
médias. Donc, on aura l'occasion de fouiller ça un peu plus. Merci.
Le
Président (M. Provençal) : Merci, M. le député. J'invite, pour conclure, le porte-parole du
troisième groupe d'opposition
et député de Jean-Lesage à faire ses remarques préliminaires pour une durée
maximale d'une minute. La parole est à vous.
M. Sol Zanetti
M. Zanetti : Merci, M. le Président. Alors, je
serai bref. Par rapport à ce projet-là, on n'est pas hostiles, en soi, au fait qu'il y ait une
diminution, par exemple, de cette... à la question de départ, là, chez les
cadres du système de santé. Par contre,
on est vraiment à l'écoute, on veut voir c'est quoi, les conséquences,
exactement, et puis on remercie aux groupes ici aujourd'hui de venir pouvoir parler de ça. Nous autres, on va voir, on a
des réserves sur la façon dont c'est en train de se faire, mais on va
réserver notre jugement pour le moment où on aura toute l'information puis...
pour pouvoir statuer là-dessus. Merci beaucoup.
Auditions
Le Président (M. Provençal) : Merci pour ces remarques préliminaires.
Nous allons maintenant commencer les auditions. Je souhaite la bienvenue aux
représentants de l'Association des gestionnaires des établissements de santé
et des services sociaux. Je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à
la période d'échange avec les membres
de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé.
La parole est à vous.
Association des gestionnaires des
établissements de
santé et de services sociaux (AGESSS)
Mme Marchand (Chantal) : Alors, merci, M. le Président, Mme la
ministre et membres de la Commission de la santé et des
services sociaux. Je me présente, Chantal Marchand, présidente-directrice
générale de l'Association des gestionnaires d'établissements de santé et des
services sociaux. Je suis accompagnée.
M. Roy (Stéphane) : Stéphane Roy, je suis secrétaire au conseil d'administration de l'AGESSS et aussi président de la
section Capitale-Nationale au sein de l'AGESSS.
• (15 h 20) •
Mme Marchand (Chantal) : Donc, je débute en vous remerciant de
l'invitation qui a été faite à l'AGESSS de présenter nos observations
concernant le projet de loi n° 7.
Quelques mots sur
notre association, donc nous sommes une corporation constituée en vertu de la
Loi sur les syndicats professionnels
et nous représentons près de 70 % des gestionnaires du réseau de la santé et des services sociaux, soit
près de 6 800 membres actifs et près de 1 200 membres
retraités répartis dans l'ensemble des régions du Québec.
Active depuis près de 50 ans, notre association est la plus grande force de représentation
des gestionnaires du réseau de la santé et des services sociaux. L'AGESSS est reconnue aux fins de relations de
travail comme représentante des gestionnaires et interlocutrice
principale auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux.
Cela
fait près de quatre ans que les gestionnaires dont les droits ont été bafoués
dans la foulée de la réforme de la santé
et des services sociaux imposée par le ministère — on parle de la loi n° 10 — espèrent et d'attendent à ce qu'au
terme d'un débat judiciaire légitime justice
soit rendue. On se rappellera que, le 20 juillet 2017, l'honorable Suzanne
Ouellet, juge à la Cour supérieure, a rendu une décision accueillant notre requête. Elle déclare notamment
que l'arrêté ministériel du 23 mars 2015 est invalide et nul, car il a
été adopté en violation de l'article 2d de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne, et ce, sans respecter la procédure
établie aux fins de modifications des conditions de travail des gestionnaires.
Or, malgré la
décision rendue en faveur des gestionnaires, nous nous retrouvons aujourd'hui
en commission parlementaire afin d'énoncer
haut et fort notre profond désaccord avec le projet de loi n° 7, et ce,
avec une impression de déjà-vu. À nos
yeux, le dépôt d'un tel projet de loi constitue un geste inacceptable, que nous
ne pouvons ni respecter ni tolérer. À
cet égard, nous souhaitons rappeler à la ministre son discours promettant un
changement de ton dans le réseau de la santé et des services sociaux et
auprès de l'ensemble de ses partenaires.
Les
membres de l'AGESSS partagent avec la ministre, et je cite, «l'objectif de
mieux prendre soin des Québécoises et
des Québécois et de nos équipes de professionnels qui sont engagés auprès d'eux
au quotidien», fin de la citation. Nous souhaitons porter à l'attention
de la ministre qu'il est aussi essentiel de prendre soin de ses gestionnaires,
sans qui cet objectif ne serait pas réalisable.
Or, pour atteindre
cet objectif, la ministre entend dégager... et je cite, là, «dégager certaines
sommes qu'elle réinjectera dans le réseau de
la santé et des services sociaux», fin de la citation. Cela ne devrait pas se faire
au détriment du respect des
conditions de travail de ses gestionnaires. À notre avis, il faut considérer
que le dévouement historique des gestionnaires et leur fierté de faire
partie du réseau sont nécessaires à son bon fonctionnement.
La
pression exercée sur le réseau de la santé et des services sociaux, accentuée
par la mise en oeuvre de la réforme découlant
de loi n° 10, a largement été exposée dans l'actualité ces derniers mois.
Cette charge est en grande partie portée par les gestionnaires, qui doivent soutenir des équipes en souffrance,
et ce, dans une structure qui ne leur permet, bien souvent, que
d'éteindre des feux.
Puisque
cela est toujours en partie possible, le gouvernement doit reconnaître les
erreurs du passé et prendre les actions nécessaires pour réparer les
torts causés aux gestionnaires. Il serait outrageux, en ces circonstances, que
le gouvernement agisse envers ses employés
d'une manière qu'il n'endosserait pas de leur part. Le gouvernement peut-il
encaisser les lourdes conséquences d'une
démobilisation de ses gestionnaires? L'AGESSS s'oppose vigoureusement à
l'adoption du projet de loi n° 7.
Nous
souhaitons, à ce moment-ci de notre présentation, vous faire part de deux
grandes observations à la lecture de
ce projet de loi. Premièrement, la relation d'emploi entre le gouvernement et
ses employés. Dans une société régie par la primauté du droit, nous avons une attente
légitime que le gouvernement, l'employeur, donne l'exemple et agisse de bonne foi et loyalement à l'égard de tous ses
employés en leur démontrant notamment une considération, une
bienveillance exemplaire. En contrepartie,
il pourra s'attendre à obtenir le respect et l'implication de ceux-ci. La
qualité de l'emploi et du travail est
au coeur même des préoccupations des gestionnaires du réseau de la santé et des
services sociaux. Il en va de même quant au respect de leurs conditions
de travail, lesquelles sont notamment prévues au règlement sur certaines
conditions de travail applicables aux cadres des agences et des établissements
de santé et des services sociaux.
Dans
ce contexte, il nous apparaît primordial d'indiquer que le dépôt du projet de
loi n° 7 par la ministre de la Santé
et des Services sociaux est un exemple éloquent du déséquilibre des forces existant
dans la relation d'emploi entre le
gouvernement du Québec et ses employés. En effet, plutôt que de respecter le
processus judiciaire présentement en cours, le ministère dépose le projet de loi n° 7 pour échapper aux
conséquences de ce qui est décrit dans le... du ministère à propos du dépôt du projet de loi comme une erreur commise
par le gouvernement libéral. Au lieu d'accepter cette erreur et de se conformer au jugement rendu en faveur de l'AGESSS,
la ministre dépose un projet de loi ayant pour objectif, et je cite, «de
terminer le travail», fin de la citation. Autrement dit, le ministère, comme
employeur, est représentant du pouvoir exécutif du gouvernement, tente
d'utiliser le pouvoir législatif de l'Assemblée nationale pour arriver à ses
fins. Il est d'ailleurs le seul employeur au
Québec qui, devant une décision rendue en sa défaveur par les tribunaux, peut
tenter de la contourner ainsi.
Ce
qui est en jeu ici, c'est le principe
de primauté du droit, qui veut que personne ne soit au-dessus des lois, y compris le gouvernement. Le respect de ce
principe est d'autant plus important dans le contexte où le gouvernement
se trouve à être aussi l'employeur, comme c'est dans le cas présent.
Nous considérons que
l'adoption du projet de loi n° 7 serait inacceptable et qu'elle
constituerait une pratique déloyale et
irrespectueuse envers les gestionnaires et tous les employés du réseau de la santé et des services sociaux ainsi
qu'envers tous ceux qui ont le gouvernement comme employeur.
En
définitive, l'AGESSS considère que, pour agir à titre de bon employeur, le
ministère devrait renoncer au projet de
loi n° 7 et respecter le processus judiciaire présentement en cours.
Également, le ministère devrait, à l'avenir, respecter le droit
fondamental des membres de l'AGESSS à la négociation collective de leurs
conditions de travail.
Comme
mentionné par la juge Ouellet au paragraphe 119 de sa décision, les
membres de l'AGESSS bénéficient de la protection constitutionnelle de la
Charte des droits et libertés de la personne concernant la liberté
d'association, ici l'article 2d,
laquelle comprend le droit à la négociation collective de leurs conditions de
travail. Ce droit est reconnu par la Cour
suprême et inclut indubitablement le droit à une consultation véritable
préalablement à la modification de conditions de travail de nos membres
qui sont prévues au règlement.
Le
deuxième élément est le caractère rétroactif et déclaratoire du projet de loi
n° 7. Nous devons également déplorer le caractère rétroactif et déclaratoire du projet de loi n° 7,
lequel porte atteinte au principe de primauté du droit. En effet, le premier article du projet de loi prévoit la
possibilité pour le ministère de porter atteinte au droit acquis des
gestionnaires dont le poste a été aboli par
l'effet de la loi n° 10, ce qui est source d'injustice. Au
paragraphe 105 de sa
décision, la juge Ouellet confirme que les articles 135 et 136 de la loi 10 entrent en
vigueur à compter du 1er avril 2015. Or, le deuxième article du projet de loi n° 7 fait complètement fi de
cette conclusion et impose plutôt l'application de ces articles
rétroactivement au 31 mars 2015. Au surplus,
le libellé du troisième article du projet de loi n° 7 prévoit que ces
dispositions sont déclaratoires et applicables malgré toute décision
judiciaire et toute décision d'un organisme de l'ordre administratif exerçant
une fonction juridirectionnelle ou non rendue avant l'édiction du règlement
visé au deuxième alinéa de l'article 1.
Nous
considérons que l'adoption d'une loi déclaratoire à portée rétroactive
représente l'exercice d'un droit extraordinaire
par le gouvernement et devrait, en conséquence, être une mesure exceptionnelle.
Nous sommes d'avis que l'utilisation à la légère de ce type de disposition
par le gouvernement pour annuler les jugements en sa défaveur aura un impact
négatif sur la confiance des citoyens envers leur système de justice.
Dans le
Regard du Barreau du Québec sur l'état de droit de 2012, le Barreau déclare ce
qui suit, et je cite...
Le
Président (M. Provençal) : Je vais vous demander
de conclure, Madame.
Mme Marchand
(Chantal) : Donc, merci beaucoup, excusez-moi.
Le Président (M.
Provençal)
: Non, il n'y a pas de
problème.
Mme Marchand
(Chantal) : Donc, je termine en définitive qu'au nom de tous les
gestionnaires membres de l'AGESSS nous
dénonçons vigoureusement l'utilisation de lois déclaratoires à portée
rétroactive, à plus forte raison dans le contexte de la relation d'emploi entre le gouvernement du Québec et ses
employés. Cette pratique est inacceptable, car elle exacerbe le
déséquilibre des forces existant en matière de relations d'emploi et ne
concorde pas avec les valeurs québécoises.
Donc,
nous recommandons que la ministre renonce à l'adoption du projet de loi
n° 7, que la ministre accepte les conditions
du jugement de la Cour supérieure, qu'advenant qu'elle n'accepte pas lesdites
conclusions, qu'elle permette au processus judiciaire de suivre son
cours devant la Cour d'appel du Québec.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons commencer la période
d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous pour... vous avez 16 min 30 s
qui est alloué. À vous la parole.
• (15 h 30) •
Mme
McCann : Merci, M. le Président. Merci, Mme Marchand, merci, M. Roy,
de votre présence. On vous a écoutés, je vous ai écoutés très
attentivement et je suis très contente de pouvoir dialoguer avec vous
aujourd'hui.
Je
veux vous dire d'entrée de jeu que j'ai oeuvré 30 ans dans le réseau de la
santé et des services sociaux, et j'ai été moi-même gestionnaire,
gestionnaire de premier niveau, de deuxième niveau, et directrice générale,
P.D.G. Les gestionnaires que vous
représentez sont vraiment un pilier pour le réseau de la santé et des services
sociaux. Je tiens à vous le dire
aujourd'hui et je tiens à vous dire que nous allons aussi prendre soin des
gestionnaires que vous représentez, vous
pouvez compter sur nous, maintenant, et vous dire également que ces
gestionnaires jouent un rôle majeur au niveau du réseau de la santé et
des services sociaux.
Dans le cadre
du projet de loi n° 7, ce dont nous discutons aujourd'hui, il est
important de se rappeler qu'il y a eu, dans
le processus, une forme d'erreur d'écriture et que l'intention du législateur
était claire. Nous arrivons au pouvoir et nous souhaitons corriger cette
erreur.
Mais il y a eu aussi une autre erreur dans le
processus et qui est importante, et ce que vous avez invoqué, un processus de consultation, et ce processus-là a
été évacué lors du dernier dépôt de projet de loi. Il est fondamental
que nous vous consultions dans le processus que nous enclenchons aujourd'hui.
Alors,
là-dessus, j'aimerais vous entendre sur ce que... votre positionnement par
rapport à la consultation que nous enclenchons avec le dépôt du projet
de loi n° 7 avec vos associations, votre association. Mme Marchand.
Mme Marchand (Chantal) : Alors,
j'entends bien ce que vous me dites, Mme la ministre, et c'est clair que l'AGESSS a toujours voulu s'asseoir pour discuter
puis être consultée. Ce que je trouve encore dommage, c'est que vous l'inscrivez dans un projet de loi qui est
déclaratoire et, en plus, rétroactif. On aurait pu s'asseoir et discuter avant
que tout ça s'écrive, avant que tout
ça se mette en place. On a toujours tendu la main. Et ma position demeure la
même, c'est que je suis très ouverte
à la consultation, et, en plus, ça fait partie de notre processus pour modifier
les conditions de travail. Donc, je trouve
ça quand même dommage de me retrouver devant un projet de loi... j'entends,
puis je lis comme vous, hein, oui, vous
allez nous consulter, mais vous l'inscrivez à l'intérieur d'une loi qui est
déclaratoire et qui est rétroactive. Donc, c'est sûr que ça n'envoie pas, là, nécessairement le même message, même si
j'entends très bien ce que vous me dites aujourd'hui.
Mme
McCann : Effectivement, il y aura un règlement, hein, évidemment,
suivant le dépôt du projet de loi. On a besoin d'échanger avec vous, de vous consulter, et ce processus-là, pour
nous, va être extrêmement important et, je le souhaite d'ailleurs, très riche, très... comment dire, qui va nous
amener plusieurs éléments. Donc, je comprends que vous avez une ouverture importante face à ce processus
de consultation. Nous allons nous assurer, là, qu'il est complet et que vous aurez vraiment la possibilité d'exprimer,
hein, vos intentions, vos souhaits, les positions de vos membres. Alors,
évidemment, nous, c'est là-dessus qu'on compte pour vraiment bien procéder dans
le cadre du projet de loi n° 7.
Sur la
question de vos préoccupations par rapport aux gestionnaires, j'aimerais vous
entendre davantage, parce que je veux
saisir cette occasion. Vous avez mentionné certains éléments qui me préoccupent
par rapport à l'état de situation actuel. Est-ce que vous pourriez
élaborer davantage?
Mme Marchand (Chantal) : Écoutez,
l'État... Présentement, la préoccupation des gestionnaires, c'est qu'on
respecte leurs conditions de travail. Et ceux qui ont quitté... qui n'ont pas
quitté mais qui ont eu leur poste aboli au 31 mars 2015 s'attendent à
ce qu'on respecte leurs conditions de travail.
Parce que le
contexte, présentement, il est difficile, là, la pression est là, c'est rendu
des mégas établissements, il y a du multisite, il y a du multitâche, il
y a les soutiens administratifs qui ne sont pas toujours au rendez-vous. Mais
les gestionnaires qu'on représente, ce
qu'ils souhaitent, c'est qu'on respecte leurs conditions de travail. Et ces
gens-là, depuis quatre ans, attendent, là, leur droit... tout est
cristallisé. Donc, pour nous, c'est important.
Puis je
reprends que, oui, la consultation, on va être disponibles pour le faire, mais,
quand on regarde à modifier des conditions de travail, habituellement,
on le fait pour le futur. On ne fait pas ça de façon rétroactive, là. Donc, je
veux réappuyer sur cette nuance-là, là.
Mais,
présentement, les gestionnaires, ils travaillent fort, ils n'ont pas quitté du
tout le navire depuis quatre ans, je vous
le dis, ils sont présents, ils sont là. Ils aimeraient avoir plus d'autonomie
décisionnelle, ils aimeraient avoir des moyens pour gérer. Tous ces éléments-là font qu'ils n'ont pas quitté le bateau.
Les gens veulent offrir de la qualité des services, ils sont là pour soutenir les équipes, comme je le
disais, et, surtout, ils veulent aussi qu'on respecte leurs conditions de
travail, comme on respecte les autres
employés de l'État, et qu'on ne vienne pas jouer de façon unilatérale dans
leurs règlements sans utiliser le
chemin qui est obligatoire, c'est-à-dire de s'asseoir avec nous et qu'on
discute de ça avant que les choses s'écrivent. Donc, c'est ça que
veulent les gestionnaires.
Mme
McCann : Mais j'aimerais vous entendre sur votre positionnement, comme
évidemment représentante, là, d'un
nombre important de gestionnaires. Deux années complètes d'indemnité, deux
années complètes d'indemnité de fin d'emploi,
il n'y a pas personne d'autre, là, qui a droit à une indemnité de deux ans dans
le secteur public. Comment vous vous
positionnez par rapport à ça, comment vos membres se positionnent par rapport à
ça? Parce que, dans la fonction publique,
il n'y a pas personne qui a deux ans. Ça va autour d'un an habituellement, là,
l'indemnité de fin d'emploi. Quelle est votre position par rapport à ça,
Mme Marchand?
Mme
Marchand (Chantal) : Ma
position est la suivante : c'est que ça fait des années que ça existe,
hein, dans le règlement, là, on
pense, à partir de 2001, si mes recherches sont bonnes, là, que le 24 mois
existait. C'est clair qu'avec l'arrivée
d'un projet de loi n° 10... Puis il faut se rappeler dans quel contexte
on a mis aussi ces mesures-là, c'est vraiment dans un contexte où le poste du gestionnaire est aboli, ce n'est pas une
prime pour qu'il s'en aille, là. Et, à ce moment-là, c'est sûr que
l'arrivée du projet de loi n° 10, avec
1 300 postes qui sont abolis, c'était du jamais-vu, là. Mais je vous rappellerai, Mme la
ministre, que, depuis le 1er avril, là, c'est 12 mois qui est versé aux
gens dont le poste est aboli, là, depuis le 1er avril 2015.
Donc, quand
je parle de tantôt qu'on peut modifier les conditions de travail, ça a été fait
à partir du 1er avril 2015. Bon, ça a
été fait sans nous consulter, à l'intérieur d'un projet de loi, là, on revient
toujours à ce principe-là. Mais il est important,
il est important qu'on respecte ce procédé-là. Donc, l'idée, c'est de
dire : Ça existait avant, effectivement, puis ça a été modifié, mais les gens qui étaient présents
au 31 mars 2015, là, ils veulent qu'on respecte les conditions de
travail qui avaient lieu d'être à ce moment-là, au 31 mars.
Mme McCann : Je comprends votre
point, mais en même temps, vous voyez bien que j'invoque une forme d'iniquité en termes, là, de l'ensemble des gens
qui travaillent dans le secteur public, sans nier, Mme Marchand, que, au
contraire, en reconnaissant le rôle
important des gestionnaires... Mais il demeure qu'il n'y a pas personne qui a
deux années d'indemnité, puis ça représente, quand même, certains moyens
budgétaires qui pourraient nous permettre de donner davantage de services aux patients,
d'ailleurs, aux patients dont les gestionnaires se préoccupent beaucoup.
Alors, c'est
sûr que c'est une question sensible, mais, vraiment, si on reporte à 2015, il y
a eu cette erreur d'écriture, l'intention
du législateur était assez claire, et il y a cette question de cette
différence, cet écart entre les gestionnaires, les conditions de travail des gestionnaires, et
l'ensemble des travailleurs du secteur public qui se dévouent, hein, tous,
dans le réseau de la santé et des services sociaux.
Alors, et je
voudrais vous poser la question : Vous, vous êtes la seule association,
là, qui a vraiment... qui s'est positionnée,
hein, de la façon dont vous l'avez fait. Il y a deux autres associations qui représentent les gestionnaires,
là, dans le réseau de la santé et des
services sociaux. J'aimerais vous demander, là-dessus, votre positionnement.
Pourquoi l'AGESSS s'est positionnée de cette façon-là?
• (15 h 40) •
Mme
Marchand (Chantal) : Bien,
l'AGESSS était convaincue, et la Cour supérieure nous a donné raison,
qu'on n'avait pas respecté le processus par lequel on voulait modifier les conditions
de travail des gestionnaires, là.
Puis, tantôt,
vous mettiez et vous me disiez, Mme
la ministre, que ça ferait une iniquité,
bon, entre les gens qui ont eu 12
mois, ceux qui ont 24 mois, mais, à chaque fois qu'on fait des changements dans
les conditions de travail, il y
a toujours un avant puis un après, là. Il ne faut pas regarder juste les conditions de travail des gestionnaires de la santé et des services sociaux.
Je veux dire,
ils étaient dûment négociés avec le gouvernement,
c'était comme ça. Je veux dire, ce
n'est pas un cadeau qui était donné
aux gestionnaires, ça faisait partie d'un ensemble de conditions de travail, puis, si ma mémoire est bonne, dans les 20 dernières années, il y a
certains secteurs qui avaient des sécurités d'emploi. Là, on peut se mettre
à regarder toutes les conditions de travail en détail, mais je regarde dans mon secteur et
c'est... Dans le réseau de la
santé et des services sociaux, c'étaient des conditions qui existaient et qu'on
a voulu modifier, mais faisons-le par la voie officielle. Puis c'est très bien inscrit dans le règlement,
qu'à chaque fois qu'il y a des modifications de conditions de travail qui doivent être faites, bien, on s'assoit avec les associations qui
représentent... par lesquelles aussi vous nous reconnaissez un décret
pour se présenter, aux fins de conditions... aux fins des discussions de
relations de travail.
Et c'est principalement pour ces raisons-là que l'AGESSS a déposé une requête en jugement
déclaratoire. Parce que ce n'est pas
la première grande fusion organisation, vous comprendrez, dans les 30... Moi
aussi, ça fait 30 années que je suis
dans le réseau de la santé et des
services sociaux, je suis rendue à troisième, parce que j'étais en poste, moi,
en 2015, quand ça s'est passé. Mais,
à chaque fois, les gestionnaires étaient des gens que le gouvernement amenait à
collaborer, c'étaient des collaborateurs.
C'est vos collaborateurs à tous les jours, les gestionnaires. Mais ce qu'il est
arrivé avec la loi n° 10, on est devenus des exécutants.
Ça ne marche
pas, ça. Et c'est ces valeurs-là, entre autres, et le non-respect d'avoir été
consultés pour modifier unilatéralement
les conditions de travail qui a fait que l'AGESSS s'est levée, et elle est
fière de ça, et elle a pris le chemin des
tribunaux, et qu'elle est encore là, là. Nous sommes à la Cour d'appel
présentement, et c'est ça, les valeurs, là, qu'on veut défendre.
Mme
McCann : Mme Marchand, moi,
je veux réitérer que je suis très heureuse que vous alliez vous inscrire
dans le processus de consultation qui s'entame avec le dépôt du projet
de loi n° 7. Nonobstant, je
comprends vos commentaires, mais votre volonté est là, j'en suis très
heureuse.
Nous allons
travailler ensemble. Et soyez assurée que le rôle des gestionnaires, le rôle
important de gestionnaires, qui
contribuent à l'offre de services, qui contribuent à la qualité, à l'innovation
dans le réseau de la santé et des
services sociaux, c'est une valeur qui m'est très chère, qui est
très chère au gouvernement actuel et que nous allons poser des gestes
concrets pour que ça se réalise et que ça devienne vraiment une culture à nouveau
dans le réseau de la santé et des services sociaux.
Je ne sais pas si mon temps est écoulé.
Le Président (M. Provençal)
: Il vous reste 1 min 30s, Mme la ministre.
Mme McCann : Deux minutes. Et,
encore une fois, je réitère que je suis certaine que nous avons des valeurs communes aussi, au niveau des soins aux
personnes, aux patients, aux citoyens. Et c'est un peu dans cet esprit aussi
que nous déposons le projet de loi n° 7, tout en vous disant que
nous voulons aussi prendre soin des gestionnaires et nous allons
vraiment nous assurer que le processus de consultation va être fait dans les
règles de l'art et que, pour nous, les gestionnaires,
et notre gouvernement, et notre ministère, ça sera un nouveau départ, sur de nouvelles bases, dans un nouveau cycle. Alors, nous allons évidemment faire ce passage. Nous
allons le faire ensemble de la façon la plus constructive possible. C'est ce que nous souhaitons, l'équipe
du ministère aussi, le sous-ministre en titre, l'équipe entière du
ministère, le gouvernement. Et ça nous
donne, aujourd'hui, l'occasion, dans un cadre spécifique, mais de vous dire
notre volonté vraiment de travailler
avec vous et de vous écouter, de vous entendre sur l'ensemble de la gestion du
réseau de la santé et des services sociaux.
Alors, je
vous remercie aussi d'avoir répondu clairement, je pense, là, à mes questions,
et donc on va poursuivre la discussion, et nous aurons l'occasion
certainement de nous revoir dans le futur.
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci, Mme la ministre. Je cède la parole au représentant de l'opposition
officielle. Vous disposez de 11 minutes pour vos échanges. M. le député de
Pontiac, à vous la parole.
M. Fortin : Merci, M. le Président. Bonjour. Bonjour,
Mme Blanchard. Bonjour, M. Roy. Merci évidemment d'être avec
nous pour nous partager votre point de vue par rapport au projet de loi
n° 7, qui évidemment a un impact important
sur plusieurs de vos membres. Et j'écoutais la ministre échanger avec vous et,
peut-être, lors de sa conclusion, il y a peut-être quelque chose que
moi, j'ai mal saisi, mais que peut-être que vous avez compris ça différemment.
D'abord,
d'entrée de jeu, je vous dirais, peu importent les lignes de parti, peu importent
les députés qui sont ici, les
formations politiques qu'ils représentent, je pense que tout le monde apprécie
travailler avec leurs cadres du réseau de la santé. C'est pas mal les gens les plus importants avec lesquels on fait
affaire pour comprendre ce qu'il se passe dans le réseau de la santé
chez nous de façon régulière. Qu'on soit au Saguenay—Lac-Saint-Jean, qu'on soit à
Montréal, en Outaouais ou ailleurs, c'est
des gens avec qui on parle de façon régulière. Et on a besoin d'avoir un lien
régulier et de confiance, jusqu'à un certain point, là, avec ces
gens-là. Alors, quand la ministre dit que c'est important d'avoir cette
relation-là, bien, je pense que tout le monde, en tant qu'élus, on partage tous
un peu cette perspective-là.
Maintenant,
la ministre a fait référence au processus de consultation, comme quoi c'était
important d'avoir votre perspective
dans le processus de consultation. Mais moi, je comprends que vous êtes ici
pour parler du projet de loi n° 7, pour parler de vos attentes, pour parler de votre
perspective. Mais il y a-tu un autre processus de consultation que je
n'ai pas compris ou est-ce qu'on parle... Est-ce que c'est pas mal votre seule
opportunité de parler du projet de loi n° 7, là?
Mme Marchand
(Chantal) : Dans le fond,
dans le règlement, on a un article qui parle qu'effectivement il y a un comité consultatif des relations professionnelles
qui existe et qui doit être utilisé quand on souhaite modifier les
conditions de travail des gestionnaires.
M. Fortin : Donc, vous, vous attendez à ce que ce soit
évidemment utilisé de façon régulière, de façon constante, de façon...
Mme Marchand
(Chantal) : L'historique
nous a montré, avant l'arrivée du dépôt du projet de loi n° 10, que
c'était utilisé, là.
M. Fortin :
Très bien.
Mme Marchand (Chantal) : Oui.
M. Fortin : Vous avez fait référence, dans votre
présentation, au fait que c'était important, si on veut, comme le gouvernement l'a dit, prendre soin des gens,
prendre soin des Québécois, prendre soin des malades, et ça, c'est
l'objectif de n'importe quel gouvernement, je croirais, mais qu'il faut prendre
soin des gestionnaires.
Mais, aujourd'hui, vous êtes ici pour faire une
représentation par rapport aux gestionnaires qui ne sont plus nécessairement dans le réseau. Si je comprends
bien, il y en a une grande partie, là, des gens qui sont affectés par ça,
et il y en a peut-être qui sont revenus dans
le réseau, il y en a peut-être... mais, pour la plupart, leur poste, en 2015, a
été aboli. Donc, quand vous
dites : Bien, ce sont des gens qui prennent soin des Québécois, il y en
a-tu beaucoup qui sont revenus sans
le réseau? Avez-vous une statistique là-dessus? Ou comment... et quel est le
lien que vous voyez entre les gens dont le poste a été aboli et leur
capacité de prendre soin des Québécois aujourd'hui?
• (15 h 50) •
Mme Marchand
(Chantal) : Dans le fond,
dans les 1 300 postes qui ont été abolis, les gens avaient trois
choix. Ils pouvaient être replacés, mais ils
pouvaient aussi prendre l'indemnité de fin d'emploi ou le congé préretraite.
Donc, il y a des gens qui sont restés dans le réseau.
Quand vous me
parlez que c'est vrai que les postes abolis au 31 mars, ça a touché un
groupe de personnes, ces gens-là se
doivent de s'assurer, et c'est pour ça qu'il y a un processus judiciaire aussi,
que leurs conditions de travail soient respectées.
Mais il y a tous ceux qui ont observé ça depuis 2015, qui sont restés dans le
réseau, qui ont été touchés par les réorganisations
subséquentes, puis il y a
tous ceux surtout qui voudraient peut-être venir travailler comme gestionnaires dans le réseau
de la santé et des services sociaux
puis qui se disent : Ils sont drôles, eux autres, dans ce ministère-là,
ils modifient littéralement les conditions de travail sans consulter les gens.
Je
veux dire, il y a tout cet aspect-là. Ça n'a
pas touché tout le monde, parce
qu'on touchait les gens administratifs,
mais c'est l'image et l'impact que ça a, là.
C'est ça que je trouve qu'il ne faut pas du tout perdre de vue puis
s'assurer qu'on ait le même traitement. Donc, les gens, au 31 mars — puis
je vais le répéter — les
gens, au 31 mars, ils avaient des conditions
de travail dûment négociées, et c'est ça qu'il faut respecter. Puis, quand on
veut les modifier, on s'assoit au comité consultatif puis on s'assoit avec les
associations qui sont représentantes, on fait une relation de travail. C'est
ça qu'on doit faire et c'est ça qui n'a pas été fait.
M. Fortin : Vous parlez des gens qui sont à l'extérieur du réseau qui voudraient
peut-être devenir cadres dans le réseau,
là. Quand on a un projet de loi comme celui qui est déposé aujourd'hui par la
ministre, disons, est-ce que... Ce que vous
êtes en train de nous dire, là, c'est que ces gens-là, ils hésitent à venir
travailler dans le réseau parce qu'ils pensent que la ministre pourrait modifier les conditions de
travail à n'importe quel moment. C'est ça que vous êtes en train de
dire? Je veux juste bien comprendre, là, parce que ce n'était pas 100 %
clair pour moi.
Mme Marchand (Chantal) : Mais ça envoie ce message-là. Les gens qui nous
observent... Parce que les gens de l'éducation,
les gens de la fonction publique, les autres associations de gestionnaires, ils
observent ça, là, ce qu'il se passe, là.
Les gestionnaires aussi qui sont peut-être en comptabilité présentement dans
une compagnie privée et qui se disent : Je pourrais peut-être devenir chef comptable au niveau de la santé et des
services sociaux, ils observent ce qui se passe aussi, ils les lisent...
M.
Fortin : Alors, quand la... Excusez-moi. Terminez votre pensée.
Mme Marchand (Chantal) : Oui. Donc, ils les lisent, ces informations-là. Et on va devoir... Ce qui est triste, c'est que, depuis quelques années, la fierté de
travailler dans le réseau de la santé
et des services sociaux, là, elle
s'effrite, elle s'effrite, par les
gestionnaires, par les employés. On peut-u retrouver cette fierté-là de
travailler dans le réseau de la
santé et des services sociaux? Mais ça
va partir aussi par des gestes
simples, mais celui aussi de respecter les conditions de travail des
gestionnaires, comme on respecte les conditions
de travail de tous les autres
emplois. S'il fallait aller jouer dans les conventions collectives sans
s'asseoir avec les syndicats... Oh «boy»!
M. Fortin : La ministre, tantôt, vous a posé la question : Est-ce que
vous reconnaissez que deux ans, c'est pas mal plus que n'importe qui d'autre dans, disons, la fonction publique? Il n'y a pas grand monde qui a ça. Donc, là, si les
gens... Parce que, depuis le 1er avril 2015, là, c'est un an. Les gens qui
arriveraient dans le réseau... Tu sais, si votre argument, c'est : Bien, il pourrait se passer n'importe quoi par rapport à une indemnité de départ, et ça retient quelques personnes de se mettre dans le réseau, la ministre
dit : Bien, deux ans, c'était peut-être excessif, là on ramène ça à quelque chose de
plus normal, pensez-vous vraiment qu'elle changerait un an, alors que c'est,
disons, plutôt la norme partout ailleurs?
Mme Marchand
(Chantal) : Bien, c'est déjà changé, c'est...
M. Fortin : Oui, mais passer à moins qu'un an? Parce que, si vous nous
dites : Bien, les gens hésitent à cause qu'il peut modifier les conditions
de travail un peu n'importe quand, un
peu n'importe comment, ce que les gens disent, c'est qu'ils ont peur que
ça devienne moins qu'un an, c'est ça?
Mme Marchand
(Chantal) : C'est parce que, là, on pointe les indemnités, mais il y
en a beaucoup d'autres, conditions de
travail. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a
un processus à respecter, et, si on modifie ça sans consulter puis de façon
rétroactive, bien, ça envoie ce message-là aussi à ceux qui pourraient venir
travailler puis qui sont peut-être
dans des... surtout dans les situations où leur contrat de travail, on les
respecte là-dedans, là.
M. Fortin : O.K. Le communiqué de la Coalition avenir Québec, là, quand... ou du gouvernement, en fait, là, quand ils ont
déposé le projet de loi — et je sais que vous l'avez lu, parce que
vous y avez fait référence dans votre mémoire, là — dans les
faits saillants, c'est marqué : «Ce projet de loi comporte de nombreux
avantages pour le réseau de la santé et
des services sociaux, notamment de consacrer davantage d'énergie et de temps à
l'amélioration des conditions de travail des cadres actuellement en poste dans le réseau de la santé et des
services sociaux», les gens que vous représentez. Le voyez-vous, ce lien-là? Et avez-vous senti,
disons, justement qu'on passe davantage de temps pour améliorer les
conditions de travail des cadres existants en ce moment? Avez-vous senti ça de
la part du gouvernement?
Mme Marchand (Chantal) : Bien, il faut le faire dans le processus de
consultation. Donc, depuis le
1er octobre, oui, il y a des discussions. On avait déjà des travaux qui
étaient...
M. Fortin :
Entamés, oui.
Mme Marchand (Chantal) : ...entamés. Mais ce que je comprends de ce fait saillant là, c'est de... quand on dit : Consacrer davantage d'énergie, les gens en poste, mais il ne faut pas oublier que les gens en poste d'aujourd'hui, c'est ceux
qui vont quitter demain, aussi. Donc, il faut s'assurer qu'on respecte les
conditions de travail en tout temps.
M. Fortin : Une dernière question de ma part. Vous avez parlé de la fierté de
travailler dans le réseau. Une des choses
qui fait en sorte qu'on peut être fier de travailler dans le réseau, c'est
d'avoir les budgets nécessaires pour améliorer les conditions de vie ou... les conditions de vie
des malades, des Québécois, des gens qui passent par le réseau de la
santé.
Avez-vous une attente
particulière? Demain, c'est une grande journée, avez-vous une attente
particulière par rapport à ce qui s'en vient? 4 %, 5 %, 6 %, 7 %? Qu'est-ce
qui vous permet, justement, d'avoir un petit peu plus de fierté, comme
vous l'avez dit, puis d'avoir les moyens nécessaires d'améliorer les conditions
des gens?
Mme Marchand (Chantal) : Quand je faisais référence au passé, là, elle
n'est pas complètement disparue, la fierté,
là. Mais je me souviens... puis ça va être très personnel, là, comme réponse,
là, mais je me souviens comment j'étais fière à l'époque de me dire et de voir qu'on avait des... je veux dire,
on participait au projet de changement qui se faisait au niveau des établissements, on était consultés, on
avait des mandats avec des délais qui étaient respectables, ce n'était
pas à la dernière minute tout le temps, on
pouvait utiliser notre créativité et on était fiers des choses qu'on réalisait
pour donner un meilleur service à la population.
Mais,
depuis le 1er avril 2015, c'est difficile, tout ça. C'est rendu des
mégastructures. Et, quand je vous dis que les gestionnaires du réseau de la santé et services sociaux, ils souhaitent
avoir les moyens pour gérer, ils veulent avoir une autonomie décisionnelle, et ça, ça s'est...
comment je dirais ça, effrité dans le temps, là. Et c'est ça qu'on souhaite,
là, ce n'est pas juste de l'argent.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci. Les échanges
se poursuivent avec le représentant du deuxième groupe d'opposition, le député
de Jonquière. 2 min 45 s, excusez.
M. Gaudreault :
Pardon?
Le Président
(M. Provençal)
: Pour
2 min 45 s.
M. Gaudreault :
O.K. Merci, M. le Président. Merci beaucoup d'être ici.
Moi,
ce qui me révolte, c'est que, dans le fond, on est en train d'essayer de
remettre la pâte à dents dans le tube d'une réforme qui a été mal foutue
puis bâclée. Quand je lis votre rappel des faits, là, le 5 novembre 2014,
vous étiez rassurés par le ministre, qui
disait qu'il n'y aurait... le projet de loi n° 10 n'aurait pas d'effet sur
les conditions de travail. Vous avez
eu un autre rappel le 2 décembre 2014. Puis là on est là puis on est tous
un peu pognés à travers ça parce que le travail a été mal foutu à ce moment-là, puis ils vous ont fait des
fausses représentations. Mettez-vous à notre place, là, on se retrouve
là, là, puis on essaie de... pourtant... puis on l'a décrié
1 000 fois, le projet de loi n° 10, là, à ce moment-là.
C'est
ça qui est enrageant, d'autant plus qu'il faut avoir un énorme respect envers
les cadres du réseau de la santé, les
cadres du... bien, il faut avoir un respect envers tous les employés de la
fonction publique, mais en particulier les cadres du réseau de la santé
parce qu'on vous a demandé de vous revirer sur un 10 cents pour organiser
un mégasystème, mégaréseau, comme vous venez
de le dire, alors qu'il était plus décentralisé avant. Dans les régions, on le
sent. Moi, j'ai un établissement
hospitalier dans ma circonscription, là. Je n'ai même plus de D.G., là. Je ne
sais plus à qui parler, là. Je suis obligé d'appeler, moi, comme député,
là, le P.D.G. du CIUSSS du Saguenay—Lac-Saint-Jean pour avoir un peu de nouvelles sur comment ça se déroule dans
l'établissement dans mon comté, là, et ce n'est pas grand, là, alors
qu'avant j'avais une réunion à peu près aux
deux, trois mois avec le D.G. de l'hôpital de Jonquière pour savoir comment ça
allait dans l'établissement. C'était de la proximité. Bon. Alors, c'est assez
choquant.
Sur
les... moi, je veux savoir... puis je n'ai pas beaucoup de temps, vous avez
entendu ça. Sur les 1 300 postes de gestionnaires qui ont été abolis, il y en a combien réellement qui ont
quitté le réseau, soit qu'ils ont pris leur retraite ou qu'ils sont
allés ailleurs, sur les 1 300?
Mme Marchand (Chantal) : Je n'ai pas le chiffre exact, là, parce que moi,
je peux parler des membres que je représente,
là. Donc, moi, de ce que j'ai vu des membres qui étaient justement membres de
l'AGESSS au 31 mars, là, je dirais
que sur... il y a possiblement, je dirais, un 30 % qui est resté, puis
l'autre 70 %, bien, il se divise en un deux tiers de... les gens
qui sont partis, qui ont pris le congé préretraite, puis un tiers que les gens
ont demandé de quitter le réseau.
• (16 heures) •
M. Gaudreault :
Pour votre association...
Mme Marchand
(Chantal) : Pour les membres que je représente.
M. Gaudreault :
Ça veut dire, ça fait combien? Combien de personnes à peu près, là?
Mme Marchand
(Chantal) : Là, qu'est-ce que je vous ai...
M.
Gaudreault : 70 %, 30 %, oui... non, mais...
Mme Marchand
(Chantal) : Oui, dans le fond, je regarde, 70 % de... peut-être,
ceux qui ont quitté, c'est peut-être... ah! mon Dieu, vous me demandez... je ne
suis pas une comptable, là...
M.
Gaudreault : Vous nous l'enverrez, vous pourrez vérifier.
Mme Marchand
(Chantal) : Oui, c'est ça. Je ne veux pas vous répondre, là, toutes
sortes de choses.
M.
Gaudreault : Mais, d'ici quelques jours, envoyez-nous ça.
Mme Marchand
(Chantal) : Oui, parfait, j'en prends bien note.
M.
Gaudreault : Merci.
Le
Président (M. Provençal)
: On termine cet échange
avec le député de Jean-Lesage, représentant du troisième groupe d'opposition. À vous
la parole.
M.
Zanetti : Merci. Est-ce que
vous pouvez nous dire un peu quelles sont les conséquences prévisibles,
selon vous, pour les autres travailleurs et travailleuses du domaine de la
santé si le projet de loi n° 7 est adopté tel quel?
Mme Marchand (Chantal) : Les conséquences?
M.
Zanetti : Oui. Qu'est-ce que
ça aura comme conséquence qu'on dise, bien, pour les cadres, on va faire
une loi déclaratoire rétroactive?
Mme
Marchand (Chantal) : Je vous
répondrais bien simplement qu'on envoie le message qu'on ne respecte pas
les conditions
de travail d'un groupe, qui est les
employés qui sont les gestionnaires. Puis ça brise le lien de confiance
aussi parce que c'est un contrat de travail
que les gestionnaires ont, comme tout employé qui travaille dans le réseau de la santé et des services sociaux.
Donc, oui, effectivement, ça peut envoyer un message d'un bris de confiance.
M.
Zanetti : Et est-ce que
c'est déjà arrivé, à votre connaissance, qu'on procède de
cette façon-là pour modifier les conditions de travail des cadres en
santé?
Mme
Marchand (Chantal) : Non,
c'est la première fois, et c'est pourquoi L'AGESSS a déposé un jugement
déclaratoire au mois d'avril 2015 pour dénoncer cette situation-là.
M. Zanetti : Et le précédent que ça
crée, est-ce que vous pourriez le décrire?
Mme Marchand (Chantal) : Celui de
déposer...
M.
Zanetti : Bien, si le p.l. n° 7, le projet de loi, est adopté tel quel, qu'est-ce que ça va avoir
comme conséquence, ce précédent-là, au fond, pour l'avenir?
Mme Marchand (Chantal) : Bien, ce
que je trouve qu'il envoie comme message, comme précédent, c'est... c'est que le ministère, le gouvernement étant l'employeur dans la situation, quand il est face à un jugement qui est en
sa défaveur, bien, vu qu'il est le législateur,
il peut utiliser ce pouvoir-là. Donc, comme je le disais, c'est un
déséquilibre au niveau, là, des relations entre un employé puis un
employeur, là, à ce niveau-là. Et c'est le seul employeur au Québec qui peut faire ça, là.
M. Zanetti : Est-ce que j'ai encore
du temps?
Le Président (M. Provençal)
: Une dernière question.
M.
Zanetti : Est-ce que, dans
un scénario où on laisserait le processus judiciaire suivre son cours, que le p.l. n° 7 serait retiré, puis
qu'on remettrait ce projet-là à plus tard, de diminuer l'indemnité de départ
des cadres, mettons, là, est-ce que vous seriez ouverts, ouvertes à
négocier, peut-être à la baisse, l'indemnité de départ des cadres dans la
santé?
Mme
Marchand (Chantal) : Bien,
l'indemnité, elle est déjà réduite à partir du 1er avril 2015, là, dans le
projet de loi n° 10, elle est déjà là, là. Nous, on parle
des gens au 31 mars 2015, là, et eux avaient cette indemnité-là qui
était dans leurs conditions de travail au 31... 2015. Donc, ce qu'on demande,
c'est que ça, ça soit respecté.
M. Zanetti : Je comprends. C'est
tout, merci.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci. Je remercie les
deux représentants de l'Association des gestionnaires des établissements de santé
et de services sociaux pour leur contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques instants afin
de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 4)
(Reprise à 16 h 7)
Le Président (M. Provençal)
: Je souhaite la bienvenue aux représentants de
l'Association du personnel d'encadrement du réseau
de la santé et des services sociaux.
Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter puis à
commencer votre exposé. À vous la parole.
Association du personnel d'encadrement du réseau
de la santé et des services sociaux (APER)
Mme
Chiquette (Anne-Marie) :
Bonjour, M. le Président. Alors, je suis Anne-Marie Chiquette, avocate
senior à l'APER santé et services sociaux. Je travaille auprès des cadres du réseau de la santé et des services sociaux pour et avec eux, je dirais, depuis 30
ans. Je suis accompagnée ici par un cadre actif, notre président, M. Armando Taddeo.
Alors, l'APER
est une association de cadres, comme l'AGESSS, qui représente les
cadres du réseau de la santé depuis 47 ans. Nous accompagnons les cadres depuis
47 ans parmi la multitude de réformes que nous avons vécues. Je peux dire que l'ancienne réforme, la dernière
réforme, le ministre n'était pas plus créatif que les autres — il
fusionne des bâtisses, il coupe des
cadres, ça a toujours été ça — à
l'exception de M. Rochon, qui a demandé aux syndiqués et aux cadres de quitter le réseau — en
1997, les retraites assistées — mais qui a bonifié les retraites de façon
équivalente pour l'ensemble de son personnel dans le réseau, les cadres
et les syndiqués.
Le projet de
loi n° 7, comme vous pouvez voir, on a fait la liste, puis j'aimerais vous
expliquer, parce que je vais parler
des vraies choses. Je vais sur le
terrain, puis ce n'est pas beau, O.K.? Des cadres, c'est comme vous autres, les
élus. Je vais vous le lire. Hein, c'est un
groupe monolithique pour la population.
C'est des élus, c'est des cadres. Ils
font des heures de fou, ne sont pas
payés pour le temps supplémentaire, ils sont sous-payés pour les heures qu'ils font,
ils ont des valeurs et veulent faire
une différence. Ils sont attaqués par les médias, ils ne sont que très rarement
félicités ou reconnus pour tout le
travail qu'ils font, et leur emploi aussi est précaire d'une élection à l'autre
parce que, quand on change de ministre de la Santé,
on a un risque d'avoir une réforme et des abolitions de poste de cadre.
• (16 h 10) •
Les cadres
sont régis par un règlement de conditions
de travail qui est d'ordre public, décision Richardson de la Cour d'appel. Donc, c'est au même titre que la loi des normes,
c'est un règlement de conditions
de travail qui est d'ordre public. Le règlement prévoit qu'on ne
peut pas négocier... n'est-ce pas, on ne peut pas utiliser le mot «négocier»
pour les cadres avec le gouvernement. Mais le règlement prévoit que les cadres doivent être consultés en ce
qui concerne leurs conditions de travail.
Alors, il y a
deux erreurs dans la loi n° 10. La première, c'est que les cadres n'ont pas
été consultés, et on a coupé de
moitié les modalités, ce qu'on appelle les mesures de stabilité d'emploi
lorsque les postes de cadres sont abolis. Ils n'ont pas été consultés. Il y
a eu une erreur d'écriture, et
l'AGESSS est allée en demande de jugement déclaratoire et a eu gain de cause. Mais c'est une succession de
décisions pour les cadres. J'aimerais vous rappeler, si vous ne le savez
pas, qu'en 2003 plusieurs associations de
cadres du gouvernement, que ce soient des ministères, la Société des alcools, les cadres de la santé, l'éducation, ont déposé une
plainte au Bureau international du travail en 2003. Je ne vais pas vous
lire la décision. Je vais vous l'expliquer.
Mais avant, hein, ça, c'est toutes les modalités qu'ont suivies les différentes
associations de cadres depuis 1977 pour avoir exactement le même
exercice de pouvoir négocier leurs conditions de travail et de rémunération
comme nos employés syndiqués.
Alors, la
plainte a été déposée officiellement le 18 mars 2003. Le 9 avril 2003, le BIT a
demandé au gouvernement du Québec d'avoir sa position. Pas de réponse. Juillet 2003,
même chose, le BIT n'a pas de réponse du gouvernement du Québec.
Décembre 2003, la même chose. Février 2004, même chose. Les associations
demandent au gouvernement de l'époque de donner sa position. 2004, avril 2004,
le conseil d'administration du BIT vient dire : Dans les cas n°s 21.11 et 22.57...
21.11, c'est le Pérou, 22.57, c'est le Québec. Le comité observe que, en dépit du temps écoulé
depuis le dépôt de la plainte ou le
dernier examen du cas, il n'a pas reçu les observations des gouvernements concernés, leur position. Finalement,
le gouvernement du Québec a envoyé sa position, et le BIT a rendu sa décision
en novembre 2004 et a dit au gouvernement du
Québec de modifier le Code du travail afin que les cadres puissent négocier
leurs conditions de travail et de rémunération. Il n'y a rien qui a été
fait, mesdames et messieurs.
En janvier
2015, la Cour suprême du Canada, notre plus haute cour, a rendu une décision
qui vient dire qu'en vertu de la
Charte des droits et libertés de la personne les policiers de la police montée,
qui ne font pas partie du Code du travail et qui ne peuvent pas, comme nous, négocier leurs conditions de travail et
de rémunération, la Cour suprême est venue dire : Ça ne suffit pas,
juste de consulter, il faut qu'il y ait une négociation véritable. Pourquoi
nous, en 2019, les cadres du gouvernement, les cadres du réseau de la santé et des services sociaux... ne peuvent pas négocier leurs conditions de
travail et de rémunération? Qu'est-ce que
ça a amené? Il y a quelqu'un qui posait la question. Le pendant, ça a amené la
réforme Barrette, où on n'a pas été
consulté, où, de toute façon, les médias ne prendraient pas fait et cause pour
nous, parce que c'est des
cadres, puis ce n'est pas grave.
J'aimerais
juste vous dire la violence... j'étais là, j'étais sur le terrain, à rencontrer
des cadres qui avaient un choix à faire dans l'espace de 30 jours. C'est
d'une violence inouïe. Ceux qui l'ont vécu, on va toujours s'en souvenir.
Je vais juste
vous donner une idée de l'ampleur de la réforme... Quand M. Gaudreault parlait,
tout à l'heure, de la grosseur des établissements... Ne bougez pas...
Oui. Dans Pontiac, M. Fortin, six de l'Outaouais, sept hôpitaux, dont un
en santé mentale, 19 CLSC, 16 CHSLD, centres d'hébergement pour les personnes
âgées, 19 centres de réadaptation, 10 Centres
jeunesse et de réadaptation pour les jeunes, une maison de naissance, deux
maisons de soins palliatifs, 51 cliniques et GMF, un centre multiservice, deux centres administratifs, 9 312
employés, sans compter médecins, résidents, étudiants, stagiaires, consultants, contractuels et
1 400 bénévoles. Il faut que quelqu'un les encadre. C'est immense. Vous avez un MBA; en termes de gestion, ce n'est pas gérable,
c'est beaucoup trop gros, on est beaucoup trop loin de nos
citoyens, de nos usagers, de nos patients.
La réforme a
été faite de façon inouïe. Le ministre
n'a pas consulté, c'était sa première erreur. Ça a été corrigé par la juge Ouellet, qui a suivi la décision de la
Cour suprême en disant : Ce n'est pas juste de dire qu'il y a de la
consultation, puis ce n'est pas juste de dire qu'on apprécie nos cadres, mais,
encore, il faut que les bottines suivent les babines.
Quand
vous trouvez que c'est beaucoup, 24 mois, nous autres, on travaille avec les
médecins. Ils sont les plus hauts
salariés... salariés, pardon, j'aimerais... j'aimerais qu'ils soient
salariés... ce sont les plus haut payés au Canada. Ils ont des primes jaquettes, ils ne l'ont plus
maintenant, mais c'est plusieurs millions de dollars pour mettre une
jaquette ou pour arriver à l'heure. Mes cadres, quand ils ont à se déplacer,
c'est 0,43 $ du kilomètre. Nos amis médecins, c'est 0,96 $. O.K.? Les syndiqués, nos employés,
sont sécuritaires. Leur poste est aboli, ils s'en vont chez eux, payés plein
salaire, jusqu'à tant qu'on leur trouve une job. Les cadres de tous vos ministères
ont la sécurité d'emploi. Quand on parle du Club
Med puis quand on parle des tablettes, avec tout le respect que j'ai pour ces
gens-là, bien, c'est aux ministères, c'est dans les ministères.
Dans mon
secteur à moi, j'ai des mesures de stabilité d'emploi, et le 24 mois, c'était
un «buffer», hein, pour ne pas qu'on
diminue les conditions de travail, pour qu'on arrête d'abolir les postes de
cadres à chaque fois qu'il y a une réforme. Le 24 mois, les syndiqués ont près de 60 millions en libérations
syndicales. Mon président, ici, il a pris une journée de vacances.
Alors, il faut se comparer dans notre secteur.
Puis l'autre chose qui est très, très, très
importante, ici, c'est le fait...
Le Président (M. Provençal)
: Dernier mot, madame.
Mme
Chiquette (Anne-Marie) :
...qu'on n'a pas été consultés. On n'a pas été consultés avec M. Barrette, et
le projet de loi n° 7
ne nous donne pas un droit de consulter, on l'a déjà. Le projet de loi n° 7 nous enlève nos conditions de travail, et, pour les gens et les
cadres qui sont sur le terrain, c'est encore un autre affront.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci, madame. Je vous
remercie. Et nous allons initier la période d'échange avec Mme la
ministre. La parole est à vous.
Mme McCann : Merci, M. le Président.
Merci, Mme Tiseo Duarte.
Une voix : ...
Mme McCann : Pardon?
Mme Chiquette
(Anne-Marie) : Mme Chiquette.
Mme
McCann : Ah! Chiquette. Ah! excusez-moi. Je m'excuse, je me suis
trompée. Mes excuses, Mme Chiquette, Me Chiquette.
Alors, oui, je vous ai écoutée attentivement.
Bien, d'entrée de jeu, je peux vous dire que le cycle que nous entamons, il n'y aura pas de réforme de structure,
il n'y en aura pas. C'est une réforme d'accès aux services, et c'est une
réforme qui va faire en sorte qu'on va
prendre soin de notre personnel et de nos gestionnaires aussi. Je voulais vous
le dire d'entrée de jeu parce que c'est
important de donner ce message à l'ensemble du réseau de la santé et des
services sociaux et de faire suivre ça, évidemment, avec des gestes
concrets. On a déjà débuté.
Sur la question qui nous occupe aujourd'hui,
moi, je voudrais vous poser une première question, à savoir : Pourquoi votre association n'a pas contesté
l'intention du législateur? Pourquoi vous avez pris cette position?
J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme
Chiquette (Anne-Marie) : À
l'époque, ce n'était pas Mme Marchand qui était présidente de l'AGESSS, c'était M. Yves Bolduc — pas le ministre, l'ancien ministre — et nous nous sommes rencontrés pour avoir
des actions communes parce qu'on
voyait la violence et l'acharnement à l'égard des cadres, hein? Quand on parle
de la réforme, c'est une chose, mais,
par la suite, même des gens de vos ministères trouvaient que le ministre pensait
qu'ils étaient des poules pondeuses, à force de faire des demandes aux
établissements. Les premiers six mois, ça a été l'enfer. Les demandes étaient
quotidiennes.
Alors, nous avons rencontré l'AGESSS. Parce qu'il
n'y avait plus de représentants patronaux non plus, là. Il a tout
éliminé. Tout ce qui pouvait être, hein, un contre-pouvoir n'était plus là. Et
la finalité de travailler en commun, à l'époque,
avec le président, était à l'effet que l'APER ne devait plus exister. Il ne
devait y avoir qu'une seule association. Alors, nous avons décidé de ne pas nous joindre à cette poursuite-là et
d'en avoir plusieurs. Mais ça ne nous empêche pas d'avoir, par la suite, travaillé en collaboration avec l'AGESSS par rapport à cette décision-là, qui est tout à fait fondée en droit, là.
• (16 h 20) •
Mme McCann : D'accord. J'aimerais vous demander aussi votre position,
en fait, vous demander... parce
que, vous, vous êtes juriste, donc, votre
compréhension de la différence entre le contenu du projet de loi n° 160 et le projet de loi n° 7.
Mme Chiquette
(Anne-Marie) : Bien, essentiellement, c'est à peu près la même
chose. C'est du copier-coller.
Vous nous dites : Bien là, on ne paiera
pas le 200 millions ou, «whatever», le montant, là, parce qu'il
y a des cadres qui sont quand même
revenus après le délai de 24 mois où ils ne pouvaient pas être dans le
réseau. Puis vous nous donnez le droit
d'être consultés. Bien, on est déjà consultés puis on avait déjà
commencé des consultations pour la modification
du règlement des conditions de travail en juin 2015 avec la prémisse de dire : On
ne modifie pas encore, on ne réduit pas encore. On est sortis de ces négociations — ce
n'est pas des négociations, je ne peux pas utiliser... — de ces consultations-là avec le ministère
en janvier 2018, parce que le ministère avait décidé qu'il réduisait encore.
Des
consultations, là, je ne négocie pas. Je n'ai pas de pouvoir. Je peux essayer
d'amener des éléments terrain pour essayer
de convaincre que ça serait mieux de cette façon-là, mais je ne suis pas en
train de négocier. Mes cadres ne vont pas aller faire la grève, ne vont pas être dehors à faire du piquetage.
Donc, si le gouvernement veut changer quelque chose, même si je suis assise à la table, il va le
changer comme il va vouloir. Il faut que ça soit une consultation véritable en
respect de vos engagements internationaux à
l'effet qu'on a une liberté d'association et une liberté de... la capacité de
négocier nos conditions de travail.
Donc, vous ne
nous donnez rien, Mme McCann. Au contraire, l'impact que votre loi a
malheureusement... Parce qu'effectivement
vous pouvez dire : Ah! bien, c'est juste ceux qui sont partis qui ont
l'argent. Ce n'est pas juste ça. Les mesures
de stabilité d'emploi ont été attaquées aussi. Le replacement a été aussi
attaqué dans ces modalités-là. Et c'est globalement... Les cadres sont tannés qu'unilatéralement on change leurs
conditions de travail. On l'a fait avec la réforme puis on n'a pas
arrêté après. On recevait des petites lettres : Il n'y a plus de prime de
disponibilité. Vous devez être disponibles
24 heures sur 24, 365 jours par année, à part vos vacances. On va
couper une semaine de vacances. Il n'y a plus de temps supplémentaire. La semaine de vacances... La semaine qui
était payée pour le temps supplémentaire fait par les cadres, hein, ça,
c'est enlevé. Telle chose était enlevée. C'était constant.
Alors, ils sont rendus... Moi, je fais des
estimations de rente à tous les jours. Hier, Mme McCann, j'ai parlé à un cadre qui a fait une tentative de suicide la
semaine passée à cause de son travail, un cadre qui est en arrêt de
travail, qui a une quarantaine d'années. Son
personnel l'a appelé : Reviens, reviens, c'est le bordel. Une autre cadre
qui a été forcée d'être mise en arrêt
de travail — ça,
c'est hier — en arrêt
de travail par son spécialiste, son médecin de famille. Elle ne voulait
pas arrêter. Un groupe de cadres qui est
venu me rencontrer parce que leur patron, il dit : Bien, tu sais, on
recommence. On va abolir des postes. On va changer la structure.
Pouvez-vous
juste leur laisser faire leur travail auprès des employés et de la population?
Il n'y a aucun, aucun modèle de gestion qui est parfait. On l'a essayé
en 40 ans. On les a tous essayés.
Mme
McCann : Mais vous me donnez quand même l'opportunité de vous dire
que, pour la première fois, et je sais
de quoi je parle parce que j'ai été dans le réseau pendant 30 ans, la
première fois depuis, des décennies — il y a eu peut-être une exception — on ne sera pas dans une réforme de structure
et on va s'occuper du personnel, des gestionnaires puis on va s'occuper
de l'accès aux services. Ça va être ça pendant quatre ans.
Mme Chiquette
(Anne-Marie) : Je suis contente de l'entendre.
Mme McCann :
Donc, Me Chiquette, oui. Bien, je suis contente que vous soyez heureuse de ça.
D'ailleurs, c'est... J'appuie sur le message, j'appuie constamment sur
le message. Parce que ça n'a pas été ça pendant certainement les quatre
dernières années.
Et autre chose que je veux vous dire, on dit que le ton a
changé. Oui, le ton a changé, mais c'est plus que le ton qui a changé.
C'est l'approche qui a changé. Et il faut absolument que vous compreniez que,
quand on parle de consultation, quand on parle de discussion, on veut dire ce
qu'on veut dire. C'est une consultation,
une discussion des deux côtés, et
que, là, nous, on est un nouveau gouvernement, on a une nouvelle approche, on a
beaucoup d'écoute. Il faut qu'on
soit, évidemment, aussi à l'écoute de notre population, des besoins, comme vous.
Comme vous, les gestionnaires sont à
l'écoute des besoins de la population. Mais on a une ouverture. Nous sentons
qu'il y a une ouverture certainement du côté des associations qu'on entend aujourd'hui. Et, nous, ce qu'on souhaite,
c'est que ces consultations, ces discussions soient un passage qui nous
amène vraiment vers un nouveau cycle, dans lequel on est actuellement.
Alors, vraiment, il faut que vous compreniez
que — M.
Taddeo aussi, je m'adresse à vous — l'approche est différente et qu'on puisse souhaiter que vous ayez
une certaine confiance. On peut comprendre qu'elle ne soit peut-être pas
complète, vous devez évidemment faire
l'expérience, mais que nous souhaitons que ces consultations-là soient
constructives et donnent des résultats concrets.
Mme Chiquette
(Anne-Marie) : Parce qu'on a beaucoup de travail. On a
beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail. Je comprends ce que vous dites, mais
ce n'est pas rendu sur le terrain. Je sais que les P.D.G. aiment beaucoup travailler avec vous. Ça, je le sais. Mais ça ne
descend pas sur le terrain encore. Au quotidien, j'ai des cadres qui
m'appellent pour me dire qu'il y a des
postes de cadre qui vont être abolis, puis pas juste à un endroit, à plusieurs
endroits. Ça fait qu'on est un peu encore dans le même moule précédent.
Puis on ne
respecte pas à l'interne. L'impact que ça a eu, c'est qu'à l'interne les
employeurs n'ont pas respecté ce qu'il
restait de conditions de travail. Moi, je me faisais dire : Écoute, elle
ne fait plus l'affaire, ça fait 24 ans. Je te donne un mois. Qu'elle se trouve une job, parce que les
P.D.G. se parlent. Tu n'iras pas en arbitrage. C'est ça qu'on me disait.
Je pourrais vous en conter, là. C'est ce que
ça a. C'est quand on ne respecte pas, ça n'entraîne pas le respect. Puis les
cadres, si votre premier geste à leur égard,
c'est le premier geste... c'est le même genre de gestes que nous avons eus en
2015, ils ne sont plus capables.
Puis
recruter, on ne recrute pas nécessairement à l'externe. On recrute à l'interne.
C'est nos infirmières, travailleurs sociaux,
les gens des relations de travail, nommez-les, qui deviennent des cadres. C'est
nos performants. Ça fait longtemps qu'ils
sont là, là. Ça peut faire 15 ans, 20 ans. On va les chercher, on va les
former. Ça ne leur tente pas, les syndiqués, de devenir cadres quand ils ont vu ce qu'il s'est passé. Pourquoi je
lâcherais la sécurité d'emploi? Pourquoi je ne serais pas payée en temps supplémentaire? Qu'est-ce qui est
avantageux de devenir cadre dans notre réseau dans un contexte où on est
en pénurie de
main-d'oeuvre au Québec? Moi, je travaille dans une entreprise, là, dans un
building, là, ils ont le skatepark, le
panier de bonbons, nommez-les. Moi, les jeunes qui vont visiter ces bureaux-là,
là, ils ont plus le goût d'aller là que dans le réseau de la santé en ce
moment.
Ça
fait que c'est toute cette réflexion-là qu'on doit avoir sur comment on traite
notre monde dans le réseau de la santé
et des services sociaux, Mme McCann. Parce qu'on traite les plus vulnérables,
du premier ministre au ti-pit de la DPJ. Ça fait qu'il faut prendre soin
de notre monde. On prend soin de nos concitoyens.
Puis
la loi n° 7 a un impact beaucoup plus grand que vous pensez
que le 200 millions parce que... La consultation, on l'a. Ça ne
donne rien, ça n'a rien donné. L'impact de la réforme de M. Barrette nous a
fait la démonstration que la consultation,
ça ne donne rien. Il faut changer nos façons de faire. On est en 2019. C'est
majoritairement des femmes, les cadres du réseau de la santé. Je suis en
train de faire des parallèles, avec ma collègue qui est ici, avec tous les
autres secteurs gouvernementaux et
municipaux. Les trois secteurs féminins, CPE, éducation, santé et services
sociaux, ça fait dur par rapport aux autres secteurs plus masculins.
Je
pense qu'on est rendus à une étape de se remettre en question, de s'asseoir,
tous les partenaires, puis de dire :
Comment on rebâtit? Ce n'est pas le temps de se chicaner. Vous pouvez vous asseoir avec l'AGESSS, votre
avocat peut s'asseoir avec l'AGESSS, le code de procédure le prévoit, que les
avocats doivent s'asseoir et négocier.
Moi,
je connais les cadres, je les connais depuis 30 ans. S'il faut qu'une partie de
l'argent aille pour qu'on ait des chariots
chauffants pour nos personnes âgées pour qu'il y ait des repas chauds sur les
étages, je suis sûre qu'ils vont dire : Oui, on met l'argent là-dedans. Ou que nos ti-pits de la DPJ aient des
sacs d'école neufs, ils vont le mettre là-dedans. Mais il s'agit de s'asseoir puis de négocier, puis ça,
c'est un mot que vous n'aimez pas. Mais il faut le faire, on est rendu en
2019, ça fait 40 ans qu'on le demande, ça fait que faites-le avec l'AGESSS,
assoyez-vous, il faut le changer.
Moi,
je fais des estimations de rentes et des formulaires de rentes tous les jours.
Au 30 juin 2019, on a une multitude de
cadres qui vont partir à la retraite. Combien qui sont partis, hein? Puis M.
Barrette, dans sa réforme, là, il a coupé les cadres administratifs. Ça
ne sert à rien, des cadres administratifs, hein, ça ne fait pas de paie, ça ne
s'occupe pas de remplacer une infirmière quand elle n'est pas disponible parce
qu'elle est malade, ça ne s'occupe pas de changer les ampoules, ou les machines, ou d'acheter tout le matériel qu'on a besoin
au bloc opératoire. C'est un tout. C'est une ville, hein? Les cadres administratifs sont aussi
importants que les chefs infirmiers. Tous les cadres sont importants, parce
qu'ils sont en support des autres. C'est un
peu comme un orchestre, vous voyez les musiciens puis le chef d'orchestre, mais
il y a du travail en arrière.
• (16 h 30) •
Mme McCann :
Bien, écoutez, je vous remercie de vos commentaires, Me Chiquette, parce que
vos propos résonnent beaucoup et vous
représentez les gestionnaires. Et ce que je comprends, dans vos propos, c'est
ce que je perçois aussi des
gestionnaires, qu'ils ont à coeur les services aux patients, qu'ils ont à
coeur... Et, dans le cadre de ce qu'on discute aujourd'hui, je perçois une ouverture de votre part de discuter de
différents enjeux. On parle des indemnités, mais des autres enjeux
aussi, et ça me donne confiance qu'on va arriver à bon port ensemble.
Je pense qu'il faut
se remettre dans le cadre qu'on a la possibilité, à l'Assemblée nationale,
d'adopter des lois déclaratoires, là, et que
l'exécutif peut adopter des règlements, là, pour déterminer les conditions des
cadres. On sait que les cadres, ce
n'est pas des salariés syndiqués, comme vous l'avez mentionné, puis que leurs
conditions sont déterminées différemment.
Mais
j'aime le fait que vous apportiez vraiment beaucoup d'eau au moulin, que vous
nous parliez des conditions actuelles d'exercice. Et notre volonté,
c'est vraiment d'avoir un bon dialogue avec vos associations et d'amener des changements, des changements nécessaires. On a
besoin non seulement d'attirer les nouveaux cadres, mais de les retenir,
de les retenir.
Et c'est pour ça que
je disais, tout à l'heure, et je le réitère encore plus fortement à la lumière
de vos commentaires, que le projet de loi n° 7, nonobstant l'ensemble des commentaires, ça peut être une certaine
opportunité de nous donner la possibilité de
dialoguer pour nous remettre sur un chemin plus constructif avec les
gestionnaires, ce qui est absolument nécessaire pour que notre réseau
fonctionne bien et que les services soient au rendez-vous.
Alors,
moi, je pense que le volet consultation — je vous le réitère encore — qui s'annonce va être extrêmement important, puis je vous rappelle, encore une fois,
que nous sommes un nouveau gouvernement, une nouvelle ministre, avec un
nouveau ton, une nouvelle approche, et qu'au fil du temps on va vraiment voir
la différence.
Mais
il faut d'abord réparer certaines choses dans ce dossier du projet de loi n° 7. Nous réparons certaines erreurs, une erreur de date, une erreur en termes de consultations, hein? Dans le
cadre d'un projet de loi, il fallait consulter. C'est ce que nous allons faire. Mais, encore plus, nous
parlons actuellement d'éléments beaucoup plus larges, qui sont l'état de
situation actuelle des conditions d'exercice des gestionnaires, et ça, pour
moi, c'est un point extrêmement important, et nous allons y porter une
attention particulière. Auriez-vous un commentaire additionnel à faire, Me
Chiquette?
Le Président (M. Provençal)
: Mme la ministre, le temps est terminé.
Mme McCann :
...est écoulé. Merci. Merci, Me Chiquette.
Le Président (M. Provençal)
: Vous m'excuserez. Nous poursuivons avec le député de Pontiac
de l'opposition officielle. Monsieur.
M. Fortin : Merci,
M. le Président. Bonjour, Me
Chiquette. Bonjour, M. Taddeo. Bien, je vais peut-être vous laisser répondre à l'affirmation ou la question de la
ministre, d'entrée de jeu, qui dit que le projet de loi n° 7 est
une opportunité pour un nouveau dialogue, disons. Je veux vous entendre rapidement
là-dessus en réponse à ce que la ministre a dit.
Mme Chiquette (Anne-Marie) : Alors, je ne pense pas, je pense que le dialogue
va être court parce qu'évidemment, si
la loi est adoptée, la plainte au Bureau international du travail est encore ouverte, le dossier est encore ouvert. Donc, nous irons, à Genève, déposer la loi
qui est adoptée. On bâillonne le judiciaire puis on me dit qu'on
veut corriger. On n'a pas consulté
préalablement, puis la réforme Barrette n'a pas consulté préalablement, je pense,
c'est ces deux éléments-là qu'il faut
corriger prioritairement. Puis il y aura possiblement des discussions avec l'AGESSS,
qui est partie prenante de la poursuite. Le dossier est en appel, ils
pourront toujours s'asseoir et discuter.
Mais je pense que l'erreur primordiale, c'est,
dans les deux cas, le gouvernement, comme employeur, n'a pas respecté une loi d'ordre public, qui est de
consulter ses cadres. Il ne l'a pas fait. C'est dans le règlement
qu'il doit le faire, il ne l'a pas fait pour le projet de loi n° 10,
puis on ne le fait pas pour le projet de loi n° 7.
M.
Fortin : Très bien.
Merci. Je veux profiter de certaines choses... bien, de votre expertise et de
certaines choses que vous avez
avancées pour aller un petit peu plus loin dans votre propos, je vais laisser
du temps au député de Marquette, mon collègue député de Marquette, parce
que, tantôt, je ne lui en ai pas laissé.
Mais, dans
votre mémoire, et vous l'avez dit aussi, d'entrée de jeu, là, vous
faites référence au fait que, malgré le changement de gouvernement, rien n'a changé, les employeurs ne se gênent pas
pour modifier unilatéralement et sans vergogne
les conditions de travail de leurs cadres. Vous avez fait référence au
groupe de cadres qui viennent vous voir puis qui disent : Bien, on est en train de changer des structures, mais,
en même temps, là, la ministre est ici aujourd'hui, et ce qu'elle a dit, c'est qu'il n'y en aura pas, de changement de structure.
Donc, vous me dites que, entre ce que la ministre dit puis ce qu'il se passe sur le terrain, il y a une
différence assez grande, si je comprends bien ce que vous êtes en train de
dire.
Mme
Chiquette (Anne-Marie) :
Bien, moi, ce que je peux vous dire à
l'heure actuelle, c'est que ça ne
descend pas sur le terrain. Moi, je suis sur
le terrain, je vais dans les établissements, ça ne descend pas sur le terrain. Je n'ai pas
juste la question que vous amenez, toutes les conditions de travail qu'on a
dans notre règlement, qui est d'ordre public, les employeurs doivent les respecter, ne le font pas. Je m'en vais en
arbitrage en Gaspésie parce que l'employeur ne veut pas le
respecter. Il ne veut pas respecter ce qu'il y a dans le règlement.
M.
Fortin : Moi, je suis ni
cadre du réseau de la santé, je ne suis pas médecin, je ne suis pas infirmier,
je ne suis pas préposé aux
bénéficiaires, je n'ai jamais travaillé dans le réseau de la santé, la
perspective que j'ai, c'est vraiment
celle d'un patient. Mais, si vous me dites,
avec votre expertise, avec celle... la vôtre, M. Taddeo, et je vous remercie
d'avoir pris une journée de vacances pour
être ici aujourd'hui, si vous me dites qu'il y a des changements de
structure qui se font à l'intérieur
du réseau de la santé, donc il y a des modifications importantes qui se font dans un CISSS ou dans un
autre, ou dans plusieurs, comme vous l'avez dit, et que la ministre nous
dit : On ne veut pas qu'il y ait de structure... de changement de structure, avec votre expertise,
est-ce que vous pensez que la ministre peut dire, demain matin : Bien,
ça suffit, il n'y en aura plus. Parce que, si, réellement, c'est la volonté de
la ministre qu'il n'y ait pas de changement de structure, pourquoi, d'après
vous, il se passe encore ce qu'il se passe?
• (16 h 40) •
Mme
Chiquette (Anne-Marie) :
C'est notre problème à tous, et il est pas mal plus grave que vous
pensez, parce qu'on a plusieurs
départs de cadres, on a une pénurie de main-d'oeuvre, on a des emplois attractifs bien ailleurs que
dans notre réseau de santé et des services sociaux pour les jeunes, on a un
problème générationnel.
Vous avez vu
la grosseur des établissements, ce n'est pas gérable, c'est immense, mais on ne
peut pas défaire, ça va être pire,
les gens qui sont à l'interne ont trop souffert. Il ne reste pas assez de
monde. Comme Mme Marchand disait, on court à gauche et à droite. On
n'est plus en train de créer des projets. Oubliez ça, là. On est à
gauche et à droite. C'est notre problème, c'est notre réseau de la santé et des services sociaux. Les ti-pits de la DPJ, là, ils ont des miettes! J'en ai un,
cadre, qui est obligé de partir parce qu'il a perdu deux ti-pits. ...peut pas
donner les services, ils sont sur la liste d'attente. L'hospitalier, plus on fusionne — moi, j'en ai vu, des fusions, hein, en 30 ans — plus on fusionne, l'hospitalier va
gruger tous les autres budgets.
Alors, on a
un fantôme de DPJ, on a un fantôme de première ligne, on a un fantôme en CHSLD.
On n'est même pas capables d'apporter
des repas chauds à nos personnes âgées. C'est trop gros. On a coupé les cadres.
Vous, vous avez un M.B.A., vous
agrandissez votre entreprise, vous allez aller chercher des cadres qui vont
embaucher le personnel. M. Barrette a
fait l'inverse : il a coupé des cadres qu'il appelait administratifs. Tous
les cadres sont administratifs, qu'ils soient aux soins ou à la paie.
Ils sont essentiels. Alors, il a coupé.
Ça fait que
les cadres vont éteindre des feux à gauche et à droite. Il y en a, pour la
plupart, passé 50 ans, ils sont brûlés,
ils sont brûlés. J'en ai tous les jours, moi, qui doivent prendre un arrêt.
J'en ai une qui était, elle ne l'est plus, elle était cadre dans un gros hôpital de Montréal à
l'urgence. Elle s'est retrouvée à
coordonner neuf urgences en Estrie. Pouvez-vous vous imaginer c'est quoi, coordonner neuf urgences? Ça n'a pas de base
de gestion ce qu'on a fait, là, mais le monde est tellement fatigué à
l'interne, tellement à bout, puis on est en manque de personnel, qu'on est
pognés avec.
M. Fortin : Très bien. Je vous remercie. Je pense que mon collègue a quelques
questions pour vous.
M. Ciccone :
Oui. Combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Provençal)
: Alors, je cède la parole au député de Marquette.
M. Ciccone :
Combien de minutes?
Le Président (M.
Provençal)
: Il vous reste 4 min
13 s.
M. Ciccone : Merci
beaucoup d'être là, Mme Chiquette et
M. Taddeo. Moi, j'accroche beaucoup sur les mots, puis vous avez dit quelque
chose tantôt qui m'a un peu rendu...
qui m'a un peu bouleversé. Vous avez parlé des cadres qui sont majoritairement
femmes chez vous, si je ne me trompe pas, et vous avez poursuivi en disant
qu'ils sont moins bien traités que dans les
secteurs où il y a plus de cadres hommes. Je comprends qu'on sort peut-être un
peu, là, du projet de loi n° 7,
là, mais qu'est-ce que vous voulez dire? Trouvez-vous qu'il y a une injustice
envers les femmes chez vous parce que ce sont des femmes?
Mme
Chiquette (Anne-Marie) :
Tout à fait. Puis je vous dirais que le gouvernement, comme employeur,
que ce soit avec Loto-Québec, que ce soit
avec la SAQ, que ce soit avec le gouvernement lui-même, les ministères, etc.,
ça devrait être un employeur global, il devrait harmoniser ses conditions
de travail, autant que faire se peut, vers les meilleures.
Mais moi,
j'ai fait un parallèle... je travaille avec ma jeune collègue ici, et on a fait
un parallèle avec les divers secteurs,
et les trois pires secteurs sont les secteurs majoritairement féminins :
CPE, les cadres de CPE, l'éducation, santé et services sociaux. Moi, mes
cadres, en majorité, c'est des cadres féminins.
M. Ciccone :
Vous n'avez pas une échelle salariale, justement, pour les cadres chez vous?
Mme Chiquette (Anne-Marie) :
Oui. Il y a des...
M. Ciccone : Vous avez parlé tantôt que vos cadres étaient
sous-payés. Je comprends qu'il y a des heures à mettre, puis, si on
calcule le nombre d'heures...
Mme
Chiquette (Anne-Marie) :
Bien, il n'y a pas de temps supplémentaire payé. D'accord? Ça, c'est la
première des choses, contrairement aux employés syndiqués. Donc, il n'y a pas
de temps supplémentaire. Donc, des semaines de
35-40 heures, oubliez ça. Vous le savez, vous autres aussi. C'est pour ça que
je vous compare un peu avec... mes cadres avec vous autres. Puis ils ont à peu près la même reconnaissance que
vous avez. Puis ils sont monolithiques, hein? Les cadres. Les députés. Puis il faut s'élever
au-dessus de ça. Ce sont des gens, mes cadres intermédiaires, ce sont des
gens terrain qui sont directement en lien
avec les patients, avec les jeunes de la DPJ, O.K.? On a à travailler ensemble
parce qu'on a des grosses problématiques
dans nos réseaux : le vieillissement, les jeunes de la DPJ, etc. C'était
quoi, votre question?
M. Ciccone :
Je parlais des cadres, l'échelle salariale. Vous disiez qu'ils étaient
sous-payés.
Mme
Chiquette (Anne-Marie) :
C'est ça. Bien, vous savez, l'ancien ministre de la Santé a donné les
salaires des P.D.G., P.D.G.A., qui sont
tellement loin, malheureusement, de ce qu'il se passe terrain, puis on a les
employés syndiqués avec des conventions collectives normées. Ça fait
qu'il fallait placer tous les postes de cadre... Il y en a, il y en a une multitude, de postes de cadre, dans le réseau de
la santé, Mme McCann le sait, donc il fallait essayer de normer ça entre
les deux.
Le Président (M. Provençal)
: Il vous reste encore une minute, monsieur.
M. Ciccone :
Il me reste encore une minute. O.K., je vais... Bien, quand on a, justement,
présenté le projet de loi n° 160, c'était pour diminuer, justement, les dépenses administratives.
Puis là, à un moment donné, justement, ce qui a mis le feu aux poudres,
c'est qu'on a voulu réduire l'indemnité de départ à seulement une année, puis
là on parle de centaines de millions de
dollars. Le groupe précédent parlait d'un manque de soutien administratif, qui
n'était pas au rendez-vous. Mais on
parle à la population, il y a des caméras ici qui vous regardent, là, n'est-il
pas mieux, justement, de mettre cet argent-là...
Parce que, si on regarde au niveau de la population, deux ans de salaire, c'est
énorme. Mais il n'est peut-être pas mieux de prendre ces centaines de
millions de dollars là et de les mettre, justement, au niveau administratif
pour aider aux services?
Mme Chiquette
(Anne-Marie) : Vous savez...
Le Président (M. Provençal)
: Une réponse en une minute, est-ce que c'est possible?
Mme
Chiquette (Anne-Marie) :
Oui. La poursuite appartient à l'AGESSS, O.K.? C'est à eux de
déterminer ce qu'ils vont vouloir
faire et les modalités. Si on s'assoit puis on discute, je suis persuadée que
les cadres du réseau de la
santé veulent trouver ce qu'il y a
de mieux aussi pour les gens qui soignent ou les ti-pits de la DPJ. C'est des
gens dédiés, c'est des gens qui
viennent... qui sont des infirmières, des éducateurs, c'est du monde à
l'interne. Il y a moyen de s'asseoir puis de discuter. Je pense qu'on est rendus, en 2019, de dire :
On peut-u s'asseoir, essayer de trouver une solution?, plutôt que de dire : Non, c'est fini, c'est comme ça. On
l'a vécu. On l'a vécu pendant quatre ans, on l'a vécu jusque-là, je peux
vous le dire, là, il y a
un employé du ministère qui disait : C'est assez, je ne suis pas une
poule pondeuse. On en avait pour les premiers
six mois, là, c'était un... minimum un par jour, de : vous faites ci, puis
vous faites ça, puis vous faites ci, puis vous faites ça. Je pense que les gens, dans le réseau de la santé, sont très
intelligents, sont très dévoués, alors on peut travailler avec eux. On
est en 2019, je pense que c'est le temps de changer.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Je cède la parole au deuxième
groupe d'opposition, M. le député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre présence. J'apprécie votre franchise,
votre clarté. Je constate également
une analyse globale de la réforme des dernières années par le précédent gouvernement, que nous constatons également sur le terrain en termes
d'envergure de la bête et, à travers tout ça, de l'éloignement des soins
de qualité, de proximité, accessibles pour
les patients. Parce qu'entre les deux ce n'est pas vrai qu'il n'y a personne,
tu sais, je veux dire, ça prend du
monde, comme vous dites, pour faire les... aller changer l'ampoule, puis
acheter des équipements, puis ainsi de suite. Bon.
Je vais vous poser la
même question que j'ai posée à vos prédécesseurs : Vous évaluez à combien,
là, sur les 1 300 postes abolis en 2015, qui ont réellement quitté, là,
tout le réseau, soit par retraite ou volontairement?
Mme Chiquette (Anne-Marie) : Dans les faits, il y a eu 2 000 postes
d'abolis, parce qu'il y a eu une première vague puis une deuxième vague.
Et ce que M. Barrette appelait les cadres administratifs... tous les cadres
sont administratifs, un cadre infirmier, un
chef d'unité a des... bon. Alors, il y a des cadres qui se sont replacés, il y
avait des postes. Moi, je suis à la même hauteur que Mme Marchand, je
veux dire, les départs, là... Moi, je les rencontrais aux 45 minutes, à 7 heures du matin, à l'Hôpital
Maisonneuve-Rosemont, puis je finissais à 7 heures le soir, puis
j'essayais de leur expliquer le régime de
retraite puis ce qu'ils pouvaient avoir comme choix, alors qu'ils n'étaient
même pas prêts à l'entendre parce que
c'est un choc. Quand on perd son emploi, c'est le deuxième plus gros stress
dans une vie, après le décès d'un enfant ou d'un conjoint. C'est notre
monde qui s'ouvre.
M.
Gaudreault : Avez-vous des chiffres sur l'augmentation, par exemple,
des congés de maladie, des cas de santé reliés au travail? Depuis la
réforme jusqu'à aujourd'hui, là, est-ce qu'il y a des courbes?
Mme Chiquette (Anne-Marie) : Oui, ça a augmenté de façon exponentielle, les
gens doivent arrêter. Quand vous avez neuf urgences sur le territoire de
l'Estrie à superviser, huit ou neuf, là, ça fait beaucoup de voyagement, ça
fait beaucoup de chevreuils, ça fait bien du
monde pas content, c'est des machines qui pètent, c'est le chef d'orchestre, le
cadre, là.
M.
Gaudreault : Mais, au-delà de ça, avez-vous des chiffres à nous
communiquer sur le taux, par exemple, d'absentéisme au travail chez les cadres?
• (16 h 50) •
Mme Chiquette (Anne-Marie) : Je pourrais vous le transmettre, mais ça augmente
d'année en année, puis c'est assez élevé. Je vous dirais qu'il y a des
employeurs qui les payent le plein salaire pour ne pas les mettre dans la liste
des invalidités.
Le Président (M. Provençal)
: Merci, M. le député. Nous
finalisons nos échanges avec le
député de Jean-Lesage, représentant le troisième
groupe d'opposition.
M. Zanetti : Merci,
M. le Président. On entend vraiment,
là, la détresse dont vous faites part puis la démesure de la tâche qui est demandée depuis toutes les
centralisations qu'il y a eu. On le voit, et c'est encore pire, je pense,
dans les régions où les centres sont
très éloignés, comme l'Abitibi-Témiscamingue. Les cadres passent beaucoup
de temps dans leur voiture plutôt
qu'à faire le travail, qui s'accumule. On voit une dépersonnalisation aussi du
lien avec l'employé. Les cadres ne
connaissent pas tous leurs employés, c'est évident. Les employés, évidemment,
ils ne connaissent pas leurs cadres non plus, puis ça crée des tensions. On sent qu'il y a un problème
avec... que ces structures-là, ces changements-là ont amené un problème
de conditions de travail, qui est évident, là.
Selon
vous, si on applique, là, le projet
de loi n° 7, là, si on revient
sur cette question-là, qu'est-ce
que ça va avoir comme conséquences sur, disons, le système
de santé, puis sur la vie des cadres en général, puis sur l'ambiance dans le
réseau?
Mme Chiquette (Anne-Marie) : Merci pour la question. C'est une question
de dignité, ce n'est pas une question d'argent. Je suis sûre que l'AGESSS ça être capable de
négocier quelque chose avec le gouvernement s'il veut s'asseoir. C'est assez de nous taper dessus. On l'a mangé pas
à peu près. Je n'ai jamais vu ça. J'en ai fait, des réformes dans ma vie,
là, en 30 ans, j'en ai vu. Celle de 1997... il n'y avait aucune distinction pour les départs assistés en 1997 du gouvernement
péquiste. Ils ont traité tout le monde de la même façon, les départs assistés. Là, il y a
eu un acharnement, monsieur, un acharnement
à l'égard des cadres. Je n'ai jamais
vu ça en 30 ans que je travaille avec les cadres. C'est des gens dédiés,
c'est des gens dévoués. Vous allez leur
demander, ils vont en faire plus. Ils sont là pour les patients, ils sont là
pour les ti-pits de la DPJ, puis on
les traite comme ça. C'est assez. Ce n'est pas une question
d'argent, c'est une question de respect.
Nos salariés, ils sont sécuritaires. Nos médecins, on n'en parlera pas. Simplement
une dignité, c'est tout.
Discutons.
Négocions... c'est un mot qu'on ne peut pas utiliser avec les cadres. Que le gouvernement négocie avec l'AGESSS pour
essayer de trouver une solution. Les processus de médiation qu'on a en cours, là, dans les
autres dossiers, pourquoi que le gouvernement ne le fait pas? Discutons,
arrivons à une entente qui va jeter un baume sur ce que les cadres ont vécu
depuis avril 2004... 2014, pardon.
Mémoire déposé
Le Président (M. Provençal)
: Merci
beaucoup. Avant de conclure les
auditions, je procède au dépôt du mémoire d'un organisme qui n'a pas été
entendu lors des auditions publiques.
Je
remercie l'Association du personnel d'encadrement du réseau de la santé et des services sociaux
pour votre contribution à nos travaux. Et j'ai cru comprendre que vous
ferez parvenir des documents suite au questionnement du député de Jonquière. Vous les
ferez parvenir à notre secrétaire, qui va les distribuer à l'ensemble des
membres de la commission. Merci.
La commission, ayant accompli son mandat,
ajourne ses travaux sine die. Merci.
(Fin de la séance à 16 h 54)