(Dix heures deux minutes)
Le Président (M. Provençal)
: Alors, bon matin. Alors, ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission de la
santé et des services sociaux
ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques. Merci.
Je vous rappelle que la commission est réunie
afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur
le projet de loi n° 2, Loi resserrant l'encadrement sur le cannabis.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M.
le Président. Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce) remplace Mme
David (Marguerite-Bourgeoys) et
M. Gaudreault (Jonquière) remplace M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine).
Auditions
(suite)
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, cet
avant-midi, nous entendrons l'Association des neurologues
du Québec. Et je vous demanderais... Comme la séance a
commencé un peu plus... On a commencé à 10 h 1. À titre de précaution, je vous demande : Y a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue? Ça va, consentement?
Consentement. Merci beaucoup.
Je souhaite maintenant la bienvenue à la représentante
de l'Association des neurologues du Québec. Je vous rappelle que vous disposez
de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission.
Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé. Bienvenue à
la commission.
Association
des neurologues du Québec (ANQ)
Mme Bérubé
(Arline-Aude) : Merci. Donc,
je m'appelle Arline-Aude Bérubé. Je suis neurologue au CHUM. L'Association des neurologues du Québec m'a approchée la semaine dernière pour
réviser la littérature concernant l'usage du cannabis récréationnel, là, récréatif, en fait. Puis on a été deux
neurologues, en fait, à réviser la littérature, parce qu'on a eu quand
même un court laps de temps pour...
Bien, la
question qui nous a été posée, là, c'est s'il y avait une rationnelle
strictement neurologique pour retarder l'utilisation
du pot, du cannabis à 21 ans. Donc, on a fait une revue de littérature,
puis, en fait, ce qui ressort... Puis on s'en est tenus strictement à la question neurologique. Il faut bien
comprendre que, comme neurologues, on a à coeur la santé neurologique des patients. Mais on n'a pas axé
notre recherche sur les aspects psychiatriques, même si les psychiatres
et nous, on partage le même organe puis on a
souvent des problématiques psychiatriques avec l'usage du cannabis.
Donc, toute cette question-là, on l'a élaguée, là, de la recherche de
littérature. Alors, ce que je vais vous présenter, c'est strictement les conclusions des études
scientifiques à jour sur l'effet du cannabis sur le cerveau entre la fin de
l'adolescence et l'âge adulte.
Donc, dans les études qu'on retrouve, qui sont
valides... Parce qu'il faut savoir qu'il y a beaucoup, beaucoup d'études qui ont été faites sur le cannabis, sur
des cohortes, qui sont plutôt rétrospectives, parce qu'on ne peut pas
donner du cannabis à des gens à leur insu
puis faire une étude contre placebo. On s'entend qu'on sait déjà, chez
l'animal, que ça a des effets nocifs.
Bon, donc, on n'a pas d'études, disons, qui seraient parfaites, étant donné qu'on a affaire à une
substance qui a longtemps été illicite, qu'on ne pouvait pas, disons,
protocoliser ou utiliser dans une méthode scientifique habituelle comme on le
fait habituellement.
Donc, ce
qu'on sait par contre, on sait que le cerveau du jeune adulte finit sa
maturation beaucoup plus tard que 18 ans, donc, puis les dernières
zones à se connecter entre elles, ce sont les zones du cortex préfrontal. C'est
un peu scientifique, là. Je vais essayer de
vous vulgariser ça rapidement. Mais ce qu'on sait, c'est que la connectivité
entre les structures qui s'occupent beaucoup
de la gestion des informations de l'environnement à caractère affectif puis
émotionnel... se connectent avec le lobe
frontal, les zones préfrontales, qui vont être responsables essentiellement des processus décisionnels en situation d'incertitude à contenu
affectif.
Je vais
essayer de vous vulgariser ça le plus possible. Mais, quand on compare des
jeunes de 18, 19 ans, on les soumet
à des tests neurocognitifs. On parle strictement d'expériences
en neuropsychologie, pour ceux qui savent un peu... Je pourrai détailler
plus tard. Puis on teste des groupes qui ont plus entre 23 et
25 ans. La grosse différence, c'est dans les processus
de décision. Les plus jeunes, dans les groupes d'âge de 18 à 19 ans, vont
prendre des décisions plus en
fonction d'un gain immédiat, une recherche
de plaisir immédiate, tandis que les groupes plus vers l'âge de 23 à
25 ans vont prendre des
décisions un petit peu plus en
fonction d'un gain à long terme, donc
ce qui plaît à l'esprit étant donné... Dans le langage courant, on appelle ça atteindre une certaine
maturité. La grosse différence aussi, ça va être en gestion de conflit.
Donc, il va y avoir un peu plus d'erreurs décisionnelles chez les plus jeunes de 18, 19 ans et une
maturité qui s'acquière plus vers l'âge de 23 à 25 ans.
Ça
se traduit non seulement dans les tests neuropsychologiques, mais aussi
dans la connectivité qu'on voit quand on teste ces jeunes-là en
résonance magnétique fonctionnelle. Donc, on leur fait faire des tâches où ils
ont des processus décisionnels à prendre en fonction, des fois, d'un contenu qui est à caractère émotif, puis on regarde
quelles zones sont en train de s'activer dans le cerveau. Et on voit qu'à l'âge
de 18, 19 ans c'est un petit peu plus les zones postérieures, les zones du cortex plutôt pariétal, qui, lui, on le
sait déjà, mature durant l'adolescence puis atteint sa
pleine maturité plus vers l'âge... entre
12 et 14 ans. Puis la grosse différence, c'est... Le cortex préfrontal est
activé beaucoup plus entre l'âge de 23
et 25 ans. Ça fait qu'on le sait, que la fin de la maturation du cerveau,
ce qui fait vraiment la différence, finalement, en langage courant, là, entre un adolescent et un
adulte, c'est la maturité, le sens des responsabilités, la prise de décision, la gestion de
conflit, bien, ça s'acquiert, ça se connecte, ces zones-là, beaucoup plus vers
l'âge de 23 à 25 ans.
L'autre chose
qu'on sait, c'est : sur les études animales, quand on expose des animaux,
généralement c'est des rongeurs, des rats ou des souris, au cannabis
versus placebo, durant la phase adolescente des animaux, on a des effets permanents, à long terme, sur ces zones-là. Donc,
ces zones-là ne maturent pas comme elles devraient. Elles ne trouvent
pas leurs connexions. Et puis c'est sûr
qu'on ne peut pas faire ce genre d'expérience là chez des adolescents, évidemment, parce
qu'on
a déjà des évidences animales que c'est délétère puis qu'on induirait potentiellement un dommage permanent. Mais, quand
on regarde des cohortes prospectives de jeunes puis on les teste, bien, on sait
que les jeunes qui vont consommer... ils commençaient à consommer durant
l'adolescence, ils vont présenter des moins bonnes performances aux tests neuropsychologiques plus tard, vont atrophier les
zones en question, qui sont affectées par le cannabis, et, ces
effets-là, on a de plus en plus d'évidences qu'ils sont permanents. Ça va
entraîner aussi beaucoup plus de troubles affectifs parce que, comme j'ai dit, c'est la
maturation de la connectivité entre, finalement, les zones qui s'occupent de la
gestion puis, finalement, de toute l'interprétation du contenu
émotif, de ce à quoi on est exposés dans l'environnement et les
processus décisionnels.
On sait
qu'une consommation chronique, régulière, finalement,
qui débute à l'adolescence ou à l'âge
adulte... Qu'on commence à consommer
régulièrement à l'âge adulte ou à l'adolescence, on sait qu'une consommation
régulière, au fil du temps, atrophie
les zones que je vous ai mentionnées et entraîne, là, à la longue, beaucoup de
troubles affectifs surtout, troubles
anxieux, entre autres, puis des troubles, aussi, cognitifs, mais de l'ordre un
petit peu plus, encore là, des processus décisionnels en situation d'incertitude, recherche de gains à court
terme, recherche de plaisir immédiat versus recherche de l'intérêt à
plus long terme.
• (10 h 10) •
Donc, ce
qu'on sait maintenant, de plus en plus, les études montrent que, quand on est
exposé, même de façon occasionnelle,
durant l'adolescence, ce processus-là de maturation serait finalement altéré.
Puis, bien, on a de plus en plus d'évidences,
là, qui nous pointent vers un effet qui serait probablement permanent, donc,
avec une personnalité, finalement, puis des capacités d'adaptation à l'environnement
qui sont altérées pour tout le reste de la vie des jeunes.
Donc, à la question,
on n'a pas d'étude comparative qui a étudié des cohortes de 18 versus
21 ans spécifiquement. Dans la
littérature, on n'a pas ce genre d'étude là. Ce qu'on est obligés de vous dire,
à l'ANQ, c'est, dans le fond, qu'il
n'y a pas d'étude qui a étudié spécifiquement la question qui nous a été posée. Mais on peut inférer des
études animales puis de ce qu'on sait
de la maturation du cerveau entre l'âge de 18 et 25 ans que c'est
délétère, finalement, de consommer de façon récréative à tout
âge, qu'une consommation même occasionnelle à l'adolescence, c'est plus
délétère qu'une consommation, probablement, occasionnelle à l'âge adulte, une fois que la maturation du cortex
préfrontal est terminée, puis qu'on
devrait retarder... En fait, on ne devrait jamais consommer cette
substance-là de façon même
occasionnelle. On serait mauvais neurologues de ne pas le souligner, là.
Mais probablement que la réponse scientifique la meilleure à ce stade-ci, c'est, bien, de
retarder la consommation le plus tard
possible. Puis il n'y a pas d'âge, pour nous, entre 21 et 18 ans, qui,
d'après nos études, est plus sécuritaire. Donc, on n'a pas d'étude qui nous montre que c'est plus sécuritaire de
consommer à 21 ans qu'à 18 puis que... Mais tout ce qu'on peut inférer des études animales qu'on a
actuellement, c'est : le plus tard possible. Puis la fin de la maturation
du cerveau, c'est vraiment plus vers l'âge de 25 ans, et non
21 ans ou 18. C'est tout.
Le Président (M. Provençal)
: Votre présentation est terminée?
Mme Bérubé (Arline-Aude) : Oui.
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci beaucoup. Alors, on permet maintenant aux différents membres
d'échanger avec vous. Je cède la parole à
notre ministre en lui rappelant que 16 min 30 s vous sont
allouées pour échanger avec la présentation qui vient être faite.
M. Carmant :
Merci beaucoup, Dre Bérubé. Bonjour, tout le monde, pour cette deuxième
semaine de commission parlementaire.
On a bien
écouté ce que vous venez de dire, et je crois que ça confirme le fait que le
cannabis doit être pris au sérieux. Ça renforce aussi notre message, de
vouloir envoyer un message clair à l'encontre... que l'impression que le cannabis est un produit banal quel que soit l'âge
de consommation. Puis nous, on pense que, vraiment, le but du projet de loi n° 2, c'est vraiment de diminuer la
consommation chez les adolescents et non pas seulement chez les 18-20 ans,
et ça le fait... ça sera un frein de le faire... ça sera en retardant l'âge de
la première consommation.
La
semaine dernière, les psychiatres nous ont appris que, lorsqu'un adolescent
consomme du cannabis, il augmente son
risque de troubles psychotiques, son risque de devenir dépressif, et, même,
augmente le risque suicidaire d'environ 50 %. Mais, vous, ce que vous nous dites... parce qu'au début vous
nous avez bien indiqué que vous n'avez pas considéré les problèmes psychiatriques, mais, à la lecture
de votre mémoire et à vous écouter aujourd'hui, on comprend qu'en plus du risque psychiatrique il y a des risques au
niveau du quotient intellectuel, au niveau de l'attention chez les enfants,
au niveau des troubles de mémoire.
Mme Bérubé
(Arline-Aude) : ...au niveau du quotient intellectuel global, parce
que le Q.I. global... Bien, les études
sont difficiles à faire dans le Q.I. global parce qu'il faudrait avoir un
portrait du Q.I. avant l'âge de... avant la première consommation puis faire des groupes vraiment très
homogènes. C'est très difficile. Il y a une étude, entre autres, qui
avait comparé les Q.I. verbaux. Il y avait
une petite baisse dans les groupes qui consommaient, disons, plus régulièrement
à l'adolescence, mais c'était vraiment plus... Ce qui est difficile, là, c'est
qu'en neurosciences les changements neuropsychologiques
sont en termes de comparaison à des groupes normatifs. Puis le Q.I. global
n'est pas nécessairement affecté parce
que le Q.I. global va être plus en fonction des raisonnements logiques. Puis
les raisonnements logiques, on le sait, là, commencent à maturer quand
même relativement très tôt dans l'enfance puis l'adolescence.
Mais ce que fait le
cannabis... Les récepteurs au cannabis, là, CB1, CB2, sont vraiment plus au
niveau de l'amygdale, qui est notre centre
émotif, là, finalement, notre centre de modulation des réponses émotionnelles.
Donc, ça, ce n'est pas quelque chose
qui est mesuré par le quotient intellectuel global. Ça fait que ce qui est
mesuré, ce qui va chercher un peu
plus ces facultés-là, ces facultés de réagir aux conflits, de se corriger avec
les erreurs, de réagir à quelqu'un ou à des messages agressifs, des choses comme ça, ou à être influencé par les
pairs, bien, ça, ce n'est pas nécessairement mesuré facilement. Puis
c'est probablement la raison pour laquelle c'est si banalisé, c'est que les
gens ne s'aperçoivent pas nécessairement d'un changement parce que les
changements sont subtils puis sont à long terme. Mais le cannabis fait vraiment cet effet-là. Donc, il va vraiment
moduler les synapses que les régions, finalement, du centre d'intégration
des émotions font avec le cortex préfrontal, qui, lui, est responsable des
décisions finales, de l'initiative.
Donc,
ce n'est pas tant au niveau des raisonnements logiques, mais au niveau de la
motivation, donc on va avoir du décrochage
scolaire, de tout le sens de l'initiative, de dire : Je me prends en main,
je veux aller quelque part, j'ai un objectif à long terme. Mais ça, c'est très difficile à mesurer. C'est ce qui fait
que c'est si difficile de faire des études, parce qu'il faut les faire à très long terme, puis la majorité des
cohortes se perdent à la... Parce qu'entre l'adolescence et l'âge adulte,
c'est une zone qui est cruciale en termes de
décisions. C'est là où tous les étudiants ou les jeunes adultes prennent leurs
décisions de choix de carrière, etc. Puis
là, bien, si on commence à consommer, c'est ça, ce qu'on voit, c'est beaucoup une
perte de motivation, le début des troubles
anxieux, des problèmes adaptatifs. Puis étudier ces cohortes-là, c'est
difficile parce qu'ils déménagent.
Ils font leurs choix de vie. Ils ne sont pas motivés à rentrer dans les études,
etc. Puis 18 à 25 ans, c'est là où tout se joue pour bien des gens,
là, bien des jeunes adultes.
Donc,
est-ce que ça répond à la question? Tu sais, en termes du Q.I., ce n'est pas là
que ça se joue. C'est vraiment...
M.
Carmant : Mais en fait c'est très intéressant. Donc, ils ne sont pas
moins intelligents, mais ils prennent plus de mauvaises décisions, si je
comprends bien, hein?
Mme
Bérubé (Arline-Aude) : Exact, c'est ça. Ça fait que, dans des études
neuropsychologiques, on les soumet à des
jeux, disons, de hasard, où il y a un certain apprentissage qui est nécessaire
pour prendre les bonnes décisions pour avoir le plus grand nombre de gains sur plusieurs essais. Bien, c'est des
groupes qui vont prendre jusqu'à seulement 30 % de bonnes décisions, versus les groupes qui ne
consomment pas, qui vont prendre 60 % de bonnes décisions, puis qui
vont rechercher des gains très court terme. C'est des gens un peu de gambling,
si on veut, alors que les groupes qui ne consomment
pas vont rapidement apprendre de leurs erreurs puis ils vont chercher un gain
final plus global, tandis que les groupes
qui consomment, même occasionnellement, vont avoir des moins bonnes
performances dans ce genre de décision là.
Ça
fait que ce n'est pas quelque chose qui est visible. Bien, généralement, c'est
trop subtil pour être perceptible, peut-être,
dans une perspective macroscopique. Mais, si on faisait, peut-être, ou si on
avait la chance d'avoir des études assez long terme, on pourrait
peut-être voir les effets, peut-être, permanents. C'est ce qu'on craint, en
tout cas.
M.
Carmant : Mais pensez-vous que, pour un jeune, par exemple, qui est en
secondaire V ou qui amorce son cégep, ça pourrait avoir un impact
sur sa vie de tous les jours?
Mme
Bérubé (Arline-Aude) : Bien, ça, on le sait. Il y a plus de
décrochage, là, quand la consommation est plus régulière à l'adolescence. Donc, il y a plus de décrochage scolaire. Il
y a ça puis il y a plus de retrait social, de phobie sociale, et tout
ça. Ça, on le sait déjà, ça, que ça nuit à la persévérance scolaire.
M.
Carmant : Ça fait que, vous, qu'est-ce que ce serait, votre message à
la société québécoise, là, à propos des jeunes puis la consommation?
Mme
Bérubé (Arline-Aude) : Bien, en fait, ce n'est jamais bon. Il y a
toujours un risque à consommer. Ça a des effets essentiellement nocifs sur le cerveau, mais qui sont plus nocifs
et potentiellement permanents à l'adolescence parce qu'on voit une atrophie des zones qui devraient
normalement se connecter comme il faut pour atteindre ce qu'en langage commun on appelle la maturité adulte. Donc, pour
nous, c'est ça, c'est comme... On a une obligation de prudence puis de
ne pas nuire à nos patients. Donc, on ne
devrait pas consommer. C'est une substance qui est essentiellement nocive pour
le cerveau. Mais on n'est pas législateurs. Ce n'est pas notre rôle de donner
des... On s'en tient strictement à la santé neurologique. Le plus tard
possible... Bien, en fait, c'est jamais, mais, s'il y avait un âge, c'est le
plus tard possible.
M. Carmant : Il y a eu
certaines études, puis même l'INSPQ le mentionnait, là, dans son mémoire, qui
ont montré qu'en matière de
consommation d'alcool le fait de rehausser l'âge légal entraînait une
diminution de la consommation chez les
adolescents et que, même, le contraire, là, de diminuer l'âge, ça pouvait
augmenter la consommation chez les adolescents. Penseriez-vous que ce
principe-là pourrait s'adapter au cannabis?
• (10 h 20) •
Mme
Bérubé (Arline-Aude) : Je n'ai pas de réponse scientifique à faire,
mais, le gros bon sens, je pense que c'est peut-être la... Les croyances
qui sont liées à la substance ou à ses effets sont probablement assez directement
liées au comportement de consommation, là.
Plus on pense qu'une substance, c'est banal, bien, plus on va se permettre,
j'imagine, là... Mais je n'ai pas de réponse plus scientifique à vous faire.
M.
Carmant : Vous avez parlé
beaucoup de l'imagerie fonctionnelle. Puis aussi vous avez mentionné un
mot, je ne suis pas sûr que tout le monde a compris, là, vous avez parlé d'atrophie de ces zones-là, peut-être
un peu plus parler de ce que veut
dire «atrophie», le définir pour tout
le monde, et aussi parler des
changements anatomiques qui sont vus chez les jeunes consommateurs chroniques et fréquents et comment ça corrèle avec
les changements de comportements que vous nous avez si bien décrits.
Mme
Bérubé (Arline-Aude) : Oui,
c'est ça, c'est ce que j'expliquais tantôt, c'est quand on... Bien, il y a
de plus en plus d'études dans ce
qu'on appelle en imagerie fonctionnelle. Dans le fond, c'est une
résonance magnétique. Peut-être,
j'imagine, la majorité de vous savent c'est
quoi. C'est un scan, essentiellement, qui utilise le champ magnétique, là, pour aller faire des images vraiment,
au niveau de la structure du cerveau, très précises, en fait au millimètre près, là, ça fait qu'on peut bien définir toute l'anatomie. La
substance grise est bien délimitée par rapport à la substance blanche.
Puis avec les... Finalement, maintenant, ce
qui n'était pas disponible il y a 40 ans, il y a 30 ans, là, ce qui
est disponible maintenant, on peut
mesurer le volume non seulement du cerveau, mais précisément de chaque zone du
cerveau, la matière grise, son volume est de combien à l'adolescence, à
chaque âge, à l'âge adulte.
Puis,
bien, on peut prendre des consommateurs ou des non-consommateurs, les soumettre
à une résonance magnétique à un temps x, puis, trois à quatre ans plus
tard, les questionner sur leur consommation, leur fréquence de consommation, puis remesurer ces mêmes zones là.
Ça fait que c'est ce qui a été fait. Puis on peut corréler ça aussi à
leurs tests neuropsychologiques que je parlais tantôt, où on les met en
situation de prise de décision avec des facteurs d'incertitude, des facteurs émotifs, des gains, des pertes. Puis là on
peut voir leur sensibilité à la perte, la sensibilité aux gains, la sensibilité à la menace, à la peur, à
des choses comme ça. Donc, ce qui corrèle, c'est le volume des zones que
je vous ai parlé, qui maturent en dernier à
l'âge adulte. Ces zones-là sont moins volumineuses, s'atrophient davantage,
en fait, s'atrophient, point, versus les
autres, quand les gens consomment même occasionnellement durant
l'adolescence.
Le
«cutoff», en anglais, la limite à laquelle ce phénomène-là ne survient plus
vers la fin de l'adolescence, on ne sait pas l'âge parce qu'on n'a pas
comparé des cohortes de 19, 20 ans versus 21. On n'a pas cette
précision-là dans la mesure. Par contre, on
a des jeunes du secondaire qui consomment versus des non-consommateurs. Quand
on prend une photo à 22 ans,
bien, ceux qui ont consommé ont ces zones-là plus petites en volume. Donc,
c'est des pertes neuronales, c'est
des pertes de connectivité. Ça veut dire qu'il y a moins... On a un moins gros
pool de neurones chez ces jeunes-là dans ces zones-là du cerveau. Donc,
ces zones-là ne se sont pas connectées.
Donc,
le cannabis, qu'est-ce que ça fait, c'est ça, ça a comme fait élaguer certaines
zones du cerveau. Puis là, bien, dans le fond, le jeune a toute une
connectivité du cerveau qui est différente de celle qu'il aurait eue s'il
n'avait pas consommé, avec les conséquences
au niveau souvent plus de l'humeur, là, troubles anxieux, troubles
anxiodépressifs, anhédonie, qui est plus la
perte de motivation, là, le manque de motivation à s'activer, que ce soit dans
toutes les sphères de la vie, là,
avec plus de difficulté à gérer le conflit relationnel puis à gérer la réaction
émotionnelle en situation d'erreur, etc.
M.
Carmant : La semaine dernière, on a reçu la Fédération étudiante
collégiale du Québec, en fait les jeunes du cégep, là, puis leurs représentants nous rapportaient la détresse
psychologique que vivaient les étudiants du cégep. Puis je pense que tout le monde à l'Assemblée nationale
s'inquiète de la santé mentale de nos jeunes. Il parlait d'un problème d'anxiété, de perte de motivation. Puis il
semblait également nous dire qu'une bonne... presque une majorité des
étudiants semblaient avoir consommé du
cannabis. Est-ce qu'on peut faire un parallèle entre ces plaintes que nous
rapportent les étudiants au cégep et puis le fait que bon nombre d'entre
eux aient consommé du cannabis?
Mme
Bérubé (Arline-Aude) : Ce
serait peut-être une question à poser aux psychiatres, là, parce que c'est
plus de l'ordre de la psychiatrie. Par contre,
ce qu'on sait, c'est que, lors d'une intoxication aiguë, là, lors de la
consommation immédiate, là, disons, du
cannabis, on a un effet qui est anxiolytique, la raison, probablement, pourquoi les gens cherchent cet
effet-là. Le problème du cannabis, c'est que, contrairement à d'autres substances qui ont un
effet vraiment ponctuel, uniquement
durant l'intoxication, les récepteurs du cannabis dans le neurone affectent
toute la connectivité vraiment
à long terme des synapses. Ils vont vraiment
modifier où les neurones vont se connecter entre eux dans le cerveau.
Donc, ce n'est pas lors de l'intoxication
que les effets délétères sont. Ils sont après coup. Donc, les troubles de
l'humeur arrivent après, donc après
la consommation, parce que c'est toute la formation des synapses du cerveau qui
est altérée par ça à long terme, ce qu'on ne voit pas dans d'autres
substances.
M.
Carmant : Puis vous n'avez
pas parlé du tout de changement au
niveau de la mémoire. Est-ce qu'on
voit, dans ces études de psychologie, neuropsychologiques, des problèmes
de mémoire?
Mme Bérubé
(Arline-Aude) : On a des études en neuropsychologie sur la mémoire. On
sait que, les consommateurs réguliers, là,
ça affecte la mémoire, là, parce que les lobes... Le cortex préfrontal est
responsable de la mémoire de travail
puis la mémoire de récupération des souvenirs à long terme. Par contre,
on a plus cet effet-là chez les consommateurs
réguliers. Dans les cohortes qu'on a, d'adultes ou de jeunes qui ont une
consommation occasionnelle, c'est relativement
bien préservé. C'est vraiment dans un usage chronique. Mais ça, même chez
l'adulte, un usage chronique à partir de... Généralement, dans les
études, ils vont séparer les consommateurs d'une fois par semaine avec les consommateurs de plus d'une fois par semaine.
Donc, quand je parle d'un usage régulier, je parle d'un usage de plus
qu'une fois par semaine et non un usage nécessairement quotidien, là. Là, on a
des effets à long terme, puis, même chez les adultes, on a une atrophie des
zones que je vous ai mentionnées, dans le cerveau.
M. Carmant : Puis, peut-être en
terminant, pourriez-vous me parler de... Tu sais, parmi les intoxications au
cannabis, est-ce que vous en avez vu... Quelle serait la présentation clinique
la plus sévère que vous avez jamais vue?
Mme Bérubé
(Arline-Aude) : Bien, c'est sûr qu'en neurologie adulte on n'est pas
en première ligne pour les intoxications.
C'est plus les urgentologues et les psychiatres qui les voient. Nous, ce qu'on
va voir dans nos cliniques, c'est plus
les consommateurs réguliers. Puis ce qu'on observe le plus souvent, c'est plus
les changements psychiatriques, donc les psychoses, les psychoses
aiguës. Donc, c'est sûr que ça va être plus les effets psychiatriques dans les
périodes où la consommation est élevée, là, les symptômes plus paranoïdes, tout
ça. Ça fait que, quand je parlais de la réactivité, là, émotionnelle à l'environnement, c'est un peu ça, là. Mais, en
intoxication aiguë, c'est peut-être un autre chapitre sur lequel nous, on s'est moins concentrés dans notre
recherche de littérature, étant donné que, comme neurologues adultes, on
a plus la santé au long cours à coeur, là.
Donc, c'est sûr que, pour nous, une consommation aiguë, ce n'est jamais
sécuritaire, y compris pour la conduite automobile. C'est sûr que ça affaiblit
toutes les facultés, là.
M. Carmant : D'accord. Merci
beaucoup.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci, M. le ministre.
Maintenant, je vais céder la parole au député de Pontiac pour la période
d'échange de l'opposition officielle.
M. Fortin :
Très bien. Merci, M. le Président. Bonjour, tout le monde.
M.
Gaudreault : ...de directive. Est-ce qu'on sait si le gouvernement a
pris tout son temps? Excuse-moi, André.
Le Président (M. Provençal)
: Il restait 10 secondes, je pense.
M. Gaudreault : Ah!
10 secondes.
M. Fortin : Tu
peux les avoir. Ça ne me dérange pas.
M. Gaudreault : Non,
10 secondes, c'est beau. O.K., merci.
• (10 h 30) •
M.
Fortin : Merci. Bonjour, tout le monde. Bonne semaine. Docteure, merci d'être avec nous aujourd'hui, de prendre de votre temps
pour nous partager ce que vous savez, ce que vous avez lu, ce que vous avez
entendu et, de par votre profession, ce dont vous avez été témoin.
Vous avez
commencé vos remarques en disant que ce n'est pas toujours
clair, qu'il n'y a pas d'études qui sont faites sur les humains, nécessairement, parce qu'on ne peut pas donner du cannabis
aux gens pour tester certaines suppositions. Mais vous semblez quand même nous amener des faits intéressants au niveau du développement du cerveau. Vous dites qu'il y
a certaines parties du cerveau qui
sont plutôt développées à 12, 14 ans, certaines qui se
développent encore, entre autres le centre émotif, vous y avez fait
référence, là, jusqu'à 23, 25 ans, mais qu'entre 18 puis 21 ans c'est
peut-être difficile, disons, de voir là où
s'arrête le développement de certaines parties du cerveau et le lien avec
la consommation du cannabis.
Vous savez
que le projet de loi qu'on étudie aujourd'hui, qui a été déposé
par le gouvernement, essentiellement, en grande partie, là, ferait en sorte que l'âge légal de consommation, d'achat, de possession passerait de 18 à
21 ans et, jusqu'à un certain point, que la consommation ne serait
plus permise en public.
Donc, j'ai deux questions pour vous à ce
niveau-là. Le «21 ans», là, est-ce que, selon vous, vous pouvez comprendre il vient d'où, le chiffre proposé par
le gouvernement? Si vous nous dites : Effectivement, il y a un impact où le développement du centre
émotif, comme vous l'appelez, du cortex préfrontal se poursuit jusqu'à 23,
25 ans, est-ce que 21 ans,
d'après vous, c'est un âge adéquat pour limiter la consommation ou est-ce qu'il
y aurait un autre âge qui, scientifiquement,
ferait plus de sens? Mais on s'entend, là, vous et moi, quand vous dites :
La consommation a toujours des effets
négatifs, on peut comprendre ça, mais est-ce que, de façon pointue, vous
comprenez d'où vient le «21 ans» que le gouvernement met de
l'avant?
Mme
Bérubé (Arline-Aude) : Je ne pense pas que ce soit une question de
comprendre ou de ne pas comprendre les
contingences du législateur, là, c'est que les contingences légales sont
complètement différentes de nos préoccupations médicales. Donc, je ne pense pas que ça nous appartienne de juger de
tous ces facteurs-là qui sont, finalement, complètement différents de notre réalité
comme médecins, là. Donc, ce n'est pas un aspect pour lequel nous, on se sent
nécessairement concernés, au sens où on ne veut pas nécessairement...
Tu
sais, on ne comprend pas tous les enjeux, là, qui sont plus de... qui occupent
le législateur. Donc, nous, ce qu'on retrouve
essentiellement dans l'ensemble de nos connaissances, c'est qu'effectivement on
n'a pas de preuve scientifique que
21, c'est plus sécuritaire, en fait, que c'est moins délétère. On ne devrait
même pas parler de sécurité. Ce n'est jamais sécuritaire, à notre sens, de modifier la chimie du cerveau avec cette
substance-là. Donc, le plus tard possible, c'est la réponse scientifique
la moins mauvaise qu'on peut vous faire...
M.
Fortin : Mais sur le développement...
Mme
Bérubé (Arline-Aude) : ...ou la meilleure dans les circonstances, le
temps qu'on ait plus de données. C'est sûr
qu'il va y avoir des données prospectives, éventuellement, on va avoir de plus
en plus d'études qui vont sortir, on va finir par avoir la réponse. Mais ça prend du temps avant de rassembler
assez de personnes, assez d'observations, les mettre toutes ensemble, être sûr que tous les facteurs
confondants ont été pris en ligne de compte pour arriver à des
conclusions robustes au niveau scientifique. Effectivement, ce n'est pas
simple, là. Mais le plus tard possible, définitivement.
M. Fortin : Merci. Dans son argumentaire, par le passé, le ministre a fait
référence à des études, entre autres le Journal of Neuroscience,
si je ne me trompe pas, qui, il y a quelques mois, là, avait cité une étude où,
par imagerie, le cerveau de
46 adolescents avait été analysé, des adolescents de 14 ans qui, eux,
disaient avoir fumé du cannabis à une ou deux reprises. Ce qu'on pouvait comprendre dans cette analyse-là, c'est
que, dans plusieurs zones particulières du cerveau, la matière grise des
jeunes qui avaient déjà fumé était plus développée que celle des
non-consommateurs, même si l'exposition
était plutôt minime. Mais ce qu'on pouvait dire aussi, c'est que le fait que
certaines zones du cerveau soient plus volumineuses
n'indiquait pas nécessairement que les neurones avaient été affectés, parce que
ça pouvait être toutes sortes d'autres
facteurs, ça pouvait être des liquides qui étaient plus abondants. Alors,
est-ce qu'on peut réellement dire que la taille du cerveau ou la taille des matières grises a un impact direct
sur le développement ou s'il y a toutes sortes d'autres facteurs qu'il
faut aussi considérer?
Mme
Bérubé (Arline-Aude) : L'étude en question, là, c'est sûr qu'il y a eu
des... Dans la revue de littérature, on a vu plusieurs études comme ça,
où, quand les mesures sont faites à très, très jeune âge, là — 14 ans,
c'est encore très jeune — il y a effectivement des zones qui sont un
petit peu plus volumineuses. Puis les hypothèses qui sont avancées,
c'est que... Ce qu'on ne sait pas, c'est si,
à ce moment-là, le cerveau essaie de compenser, donc va multiplier certaines
connexions pour essayer de compenser pour la substance qui affecte les
facultés, ou si c'est l'inverse.
C'est
que, normalement, on naît avec un certain nombre de neurones, mais ces
neurones-là ne sont pas connectés. Alors,
c'est pour ça que le bébé, l'enfant n'atteint pas toutes ses pleines capacités
avant l'âge adulte. Donc, il y a un élagage, on appelle ça... c'est
vraiment ça, c'est «synaptic pruning» en anglais. Donc, il y a un élagage qui
se fait entre les connexions. Donc, il y a certaines zones qui vont être un
peu... qui vont avoir plus de connexions pendant certaines périodes, puis d'autres qui vont finalement... il
va y avoir un élagage de connexions synaptiques, puis il y a d'autres
régions qui vont, au contraire, multiplier leurs connexions.
Donc,
dans les phases précoces de la
consommation, on a l'impression qu'il
y a effectivement une petite
phase, au moins temporaire, où ça se peut
que le cerveau soit en train de réagir ou d'essayer de voir comment il va
réagir à ce changement-là de la chimie de son cerveau. Mais ça reste des
hypothèses.
Ce
qu'on sait par contre, dans les études qui ont été faites plus
prospectivement... Parce que c'est une chose de prendre une photo dans un temps donné chez des gens qui ont déjà
consommé, c'en est une autre... Idéalement, ce qu'on veut, c'est avoir un état de base. Donc, on suit
une cohorte d'enfants jusqu'à l'âge adulte, l'âge avancé, puis on les
teste à plusieurs temps de leur vie, puis on voit lesquels ont
commencé à consommer. Ça fait que, dans les études où on sait que les gens n'avaient pas consommé au temps zéro puis
se sont mis à consommer après, bien là, on voit effectivement qu'il y a un changement avec plus une perte
neuronale dans les zones en question.
Donc, cette étude-là
en question n'avait pas réussi à répondre à la question que vous avez posée,
mais on en a d'autres, après, qui sont venues, qui vont plus dans le sens d'une
atrophie au long cours.
M. Fortin : Très
bien. Peut-être une dernière question
avant de passer la parole à ma collègue. D'entrée
de jeu, là, en réponse à ma première question
par rapport au «21 ans», vous m'avez dit : Tu sais,
c'est difficile, pour nous, disons, de juger
tout ce que le législateur peut prendre en compte dans son analyse du
meilleur âge potentiel où limiter la possession, l'achat ou la consommation. Là, je vous demande peut-être
plus le point de vue de l'association, plutôt que le vôtre, là.
Est-ce
que l'association... parce que... Je peux m'y reprendre? L'Institut national de santé publique est venu ici la semaine dernière, et, eux, ce que j'ai apprécié de leur présentation,
c'est justement qu'ils semblent vivre un peu dans le vrai monde, c'est-à-dire qu'ils essaient
de prendre en considération tout ce qui peut avoir un impact sur la décision
de consommer ou de ne pas consommer et
comment on peut s'assurer, comme gouvernement, comme législateurs, d'avoir un impact le plus positif possible sur la santé des jeunes ou la santé
de façon générale. Alors, ces gens-là... Et il y avait d'autres groupes
qui étaient venus avant, qui nous ont dit un peu comme vous, là : Tu sais,
on n'est peut-être pas les experts pour, justement, prendre
toutes ces choses-là en compte, mais on devrait se fier sur l'INSPQ. Est-ce que
l'association considère que l'INSPQ est un
véhicule raisonnable pour prendre en compte toutes ces choses-là et proposer la
meilleure solution possible?
Mme
Bérubé (Arline-Aude) : Je
n'ai pas la réponse des membres à cette question-là, ce n'est pas quelque chose sur lequel on s'est penchés
en association.
M. Fortin :
Mais de par votre expérience à vous dans ce cas-là?
Mme Bérubé (Arline-Aude) : Ah! bien,
je suis mandatée par l'ANQ, je ne pourrai pas m'avancer sur cette question-là.
M. Fortin : Très bien. Je vais laisser ma collègue continuer. Merci.
Mme Weil : Merci, Dre Bérubé. Votre présentation va beaucoup
dans le sens des experts du cerveau. Je vais les appeler les experts du cerveau parce qu'il y a deux groupes, il y a
santé publique, sur la prévention, etc., vous, vous analysez le cerveau.
Donc, je vais m'en tenir à des questions très précises.
Parce que,
je comprends, vous n'avez pas de jugement à porter sur les décisions d'un gouvernement, du législateur, quelle est
la meilleure approche, et tout, mais on voit, dans les études — le
ministère de la Santé a une étude qui date de 2015 — que,
la consommation, la grande cohorte, c'est de 15 à 24 ans, donc la
consommation commence à 15 ans. Puis vous avez parlé de l'âge plus jeune, disons 15, 16, 17, où c'est plus
impulsif, disons, c'est comme ça que je le retiens, on veut le plaisir, donc on ne va pas porter
jugement, puis plus on vieillit, plus on porte jugement sur l'acte qu'on va
faire. C'est ce que vous avez dit. Et donc vous dites : Mieux de reporter
à plus tard.
Est-ce qu'il y a moyen... Est-ce que vous, vous
êtes en mesure... Est-ce que vous travaillez avec d'autres professionnels dans
le domaine du développement du cerveau...
Le Président (M. Provençal)
: ...
Mme Weil : ...on peut agir plus tôt sur le jugement par des
mesures d'éducation et de sensibilisation puis que vous voyez
le résultat de ça?
Mme Bérubé (Arline-Aude) : Pas dans
les études que j'ai révisées, ça ne portait pas sur cette question-là spécifiquement. L'adolescence, c'est une période où la gestion des émotions est
difficile, là, mais ça, c'est sans égard à la consommation. Tout le monde a été adolescent, là. Donc, c'est une période qui
est très... où l'émotivité est plus difficile à contrôler, puis c'est l'histoire naturelle, là, de l'évolution
d'un cerveau. C'est sûr que nous, on le voit dans une perspective de
neurosciences et non... Tu sais, un endocrinologue vous dirait : C'est les
hormones. Nous, on le voit plus dans un processus de maturation.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup.
Mme Bérubé (Arline-Aude) : Merci.
• (10 h 40) •
Le Président (M. Provençal)
: Je ne voulais pas être impoli. J'invite le député de Jonquière
à adresser ses questions au Dr Bérubé, en vous rappelant que vous avez
2 min 45 s.
M. Gaudreault : Oui. Merci, Mme Bérubé, merci beaucoup
de votre présence ici. Je suis entièrement
d'accord avec vous quand vous dites qu'il faut
retarder l'âge de consommation le plus tard possible. Et, jusqu'au
17 octobre dernier, c'est ce que
le Code criminel, historiquement, faisait, même au point de rendre
ça prohibitif de consommer du cannabis. Mais pourtant ça ne marchait pas parce que, de tous âges et de
toutes époques, il y a toujours eu de la consommation
du cannabis, malheureusement. Donc, on peut dire que d'avoir une prohibition
par la loi, ce n'est pas très efficace.
Mme Bérubé
(Arline-Aude) : Je vous
dirais que, dans les études que j'ai révisées, dans les États américains
qui ont légalisé la consommation, il y a une perception par les adolescents d'un effet
beaucoup plus banal du cannabis puis une consommation un petit peu augmentée chez les femmes enceintes, les jeunes femmes. Donc, je n'ai
pas la notion, dans les études que j'ai révisées dernièrement, là, dans
la dernière semaine, que c'est un effet direct, là, que la prohibition est nécessairement
inefficace, parce qu'on voit que la légalisation a ses impacts aussi. Mais je
ne peux pas m'avancer nécessairement beaucoup plus avant parce que
ce n'était pas la question qu'on nous avait posée, là. Mais, dans la
revue de littérature que j'ai faite, il y avait
quelques... j'ai révisé par intérêt, là, quelques articles sur les États qui ont
mesuré l'impact de la légalisation, puis ce n'étaient pas nécessairement
des impacts qui étaient positifs.
M. Gaudreault : O.K. Vous dites
qu'il n'y a pas d'étude qui dit aussi qu'il y a une... qui dirait qu'il y a une
différence entre 18 et 21 ans, sur les
impacts. Donc, il n'y a pas d'étude non plus qui dit qu'il y a
une réelle différence entre 18 et 25 ans. Est-ce que c'est ce que
je comprends?
Mme Bérubé
(Arline-Aude) : C'est qu'on
n'a pas d'étude de sécurité. C'est-à-dire que, quand on fait un protocole de
recherche, on a une question scientifique à répondre, on fait une hypothèse,
puis il n'y a pas d'étude qui a ciblé l'hypothèse que consommer à 21 ans, c'est plus
sécuritaire ou moins délétère que consommer à 18 ans. Ça fait qu'on
n'a pas d'étude spécifique sur la question
qui nous a été posée. C'était le sens, là, de mon commentaire. Donc, on n'a pas cette étude-là, de dire
c'est quel âge qui est le moins délétère pour commencer à consommer. On ne l'a
pas, cette étude-là, scientifiquement ciblée là-dessus.
M. Gaudreault : Donc, on ne
peut pas dire que c'est 21 ans, pas plus qu'on peut dire que c'est 22 ou
25 ans?
Mme Bérubé (Arline-Aude) : Exactement.
Le
Président (M. Provençal)
: Il n'y a plus de temps pour la suite. Merci. Maintenant,
c'est au tour du député de Jean-Lesage à adresser son questionnement au
Dr Bérubé.
M. Zanetti : Merci
beaucoup, Dre Bérubé, pour votre
présentation. Je comprends ce que vous dites. Je retiens aussi, juste pour le signifier, qu'au fond il n'y a
pas d'étude qui démontre que c'est plus dangereux de consommer à
18 ans qu'à 21 ans, mais que c'est une hypothèse plausible, disons,
qu'on peut avancer. La question a été soulevée, c'est-à-dire...
Et j'aime beaucoup la retenue que vous avez, là,
de dire : Bien, en tant que neurologue, je suis ici comme neurologue et je réponds comme ça. Donc, comme
neurologue, on ne peut pas nécessairement dire : Le meilleur moyen de réduire les méfaits, c'est telle ou telle loi.
Donc, je trouve ça très appréciable, je le souligne, parce que
je pense que c'est une des questions importantes de la commission,
hein? Moi, si j'avais un problème de dépression, je n'irais pas voir un spécialiste de la santé publique, et comme, bien,
je n'irais pas voir nécessairement un neurologue, en tant que neurologue,
pour déterminer une loi sur la santé publique, à moins qu'il soit aussi un
expert de santé publique par ailleurs.
Je poserais une question. Parce qu'il y a une question
plus philosophique, là, qui m'est venue pendant qu'on discutait, puis aussi les autres ont posé d'excellentes questions. On
parle du développement du cerveau, là, que, jusqu'à 21 ans, on remarque, c'est la période où se
développent les sections du cerveau où on apprend à prendre des
décisions davantage à long terme et donc plus avantageuses globalement, puis moins être impulsif. Est-ce
qu'il y a des études, par exemple,
neurologiques qui démontrent qu'un certain contexte social peut favoriser un développement plus hâtif des lobes préfrontaux,
là, et que certains contextes sociaux font en sorte que cette maturité-là
s'acquiert plus tard, par
exemple? Curiosité.
Mme Bérubé
(Arline-Aude) : Non. Puis en
fait une des principales études, là, qui a étudié une cohorte, là...
Quand je vous ai parlé de la résonance
magnétique fonctionnelle, là, ce qui nous a permis de déterminer... On a plusieurs études, là, mais il y a une étude, entre autres, qui nous a
permis de voir que vraiment il y a une différence entre une cohorte de jeunes de 18, 19 ans versus une cohorte de
jeunes de 23 à 25 ans. C'était une cohorte homogène d'étudiants universitaires.
Donc, ces gens-là, a priori, étaient engagés
dans des études universitaires, donc étaient dans un contexte, disons,
assez homogène, puis, dans ce contexte-là
homogène, on voit qu'il y a une différence, chez ces jeunes-là, entre 18, 19
versus 23, 24.
Donc, sans
égard au contexte environnemental, on sait que la maturation va se faire dans ces
zones-là à un certain âge. Il n'y a pas moyen d'accélérer ce processus-là,
c'est un processus qui est biologique, là, qui est physiologique essentiellement. Ça fait que les autres cohortes qui ont été, là,
disons, plus... qu'ils sont allés cibler des jeunes un petit peu plus dans les collèges ou dans la population en général montrent
essentiellement la même chose, là. Il faut laisser le temps au corps de
faire ses connexions.
Le Président (M. Provençal)
: Je vous remercie beaucoup...
Mme Bérubé (Arline-Aude) : Et
interindividus, oui, il peut y avoir une différence, une maturité qui peut s'acquérir plus vers l'âge de 22, 23, chez
certains individus, puis les autres vers 24, 25. D'autres encore un peu plus
tard...
Le
Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Dre
Bérubé. Je m'excuse. Alors, je réitère mes remerciements pour votre
contribution à nos travaux.
La commission
suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes. Merci beaucoup de votre
collaboration et de votre attention.
(Suspension de la séance à 10 h 47)
(Reprise à 15 h 42)
Le
Président (M. Provençal)
: La
Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux. Je
demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
Nous poursuivons les consultations particulières
et auditions publiques sur le projet de loi n° 2, Loi resserrant
l'encadrement du cannabis.
Cet
après-midi, nous entendrons les organismes suivants : Citoyenneté
Jeunesse; le Mouvement Santé mentale Québec; et le Dr Richard
Bélanger, pédiatre spécialisé en médecine de l'adolescence et
clinicien-chercheur au Centre hospitalier universitaire de Québec, la
Dre Isabelle Samson, présidente de l'Association des spécialistes en
médecine préventive du Québec,
Mme Marianne Dessureault, porte-parole de l'Association pour la santé
publique du Québec, ainsi que
M. Bastien Quirion, professeur agréé au Département de criminologie de
l'Université d'Ottawa, qui viendront nous présenter un mémoire conjoint.
Il était prévu que nous terminions à
17 h 45, mais, puisque nous avons du retard, je vous propose de
terminer au plus tard à
18 heures. Est-ce que ça vous convient à tous? Alors, est-ce que j'ai le
consentement? Oui? Merci beaucoup.
Je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants de Citoyenneté Jeunesse. Je vous rappelle que vous disposez
de 10 minutes pour votre exposé, puis
nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.
Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. Merci.
Citoyenneté Jeunesse
Mme Durot
(Julie) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les
députés, je me présente, Julie Durot, administratrice
et vice-présidente aux communications au Forum jeunesse de la région de la
Capitale-Nationale faisant partie du Réseau des forums jeunesse
régionaux du Québec.
M. Lavallée(Nicolas) : Bonjour. Nicolas Lavallée, je suis conseiller
stratégique à Citoyenneté Jeunesse.
Citoyenneté
Jeunesse, c'est anciennement connu comme la Table de concertation des forums
jeunesse régionaux du Québec. Notre
mandat principal, c'est d'oeuvrer en participation citoyenne des jeunes et
également, là, d'avoir un rôle conseil
en matière de jeunesse, et on est ici aujourd'hui justement pour contribuer,
essayer de bonifier avec vous, là, le projet de loi n° 2.
Mme Durot
(Julie) : La loi canadienne sur le cannabis vise notamment à protéger
les jeunes, à sensibiliser la population
aux risques pour la santé et à prévenir les activités illicites reliées au
cannabis. C'est dans cette optique que nous souhaitons vous présenter
aujourd'hui trois points principaux.
Dans
un premier temps, nous traiterons la question du seuil d'âge à partir duquel il
est permis de consommer du cannabis.
Dans un deuxième temps, nous aborderons l'importance d'informer, de
sensibiliser et de prévenir les jeunes sur les risques négatifs reliés à la consommation du cannabis. Et, pour
finir, nous aborderons la question de l'utilisation des revenus de la
vente du cannabis.
M. Lavallée
(Nicolas) : Donc, une des questions qui a été les plus débattues, là,
évidemment, c'est la question de l'âge à partir duquel on peut consommer
du cannabis ou on peut acheter du cannabis. Les lois fédérales, provinciales, évidemment, empêchent déjà de pouvoir vendre à des
mineurs. Le projet de loi n° 2, lui, dont il est question, propose
de monter cela à 21 ans. Cependant, les
dernières études de l'enquête québécoise sur la santé de la population, qui est
faite par l'Institut de la statistique du
Québec, démontrent qu'il y a près de 40 % des jeunes de 15 à 24 ans
qui ont consommé du cannabis dans les
12 derniers mois précédant l'enquête, là, en 2014-2015. C'était la
dernière mouture de cette enquête-là.
Quand
on compare les proportions entre les adolescents, donc on parle de 15 à
17 ans, et les jeunes adultes, donc de 18 à 24 ans, on remarque que la consommation occasionnelle des
adolescents est demeurée relativement stable entre 2008 et 2014. Par contre, au niveau des jeunes adultes,
elle a augmenté, passant de 21,4 % à 29,9 %. On constate donc que
les jeunes de 15 à 24 ans fumaient et
fument du cannabis. On sait que les jeunes de 18 à 20 ans et les jeunes de
18 à 24 ans, là, respectivement,
constituent de 2 % et 10 % des clients de la SQDC, malgré le fait que
ce soient les groupes d'âge, bien, qui ont la plus grande proportion de
consommateurs, là, de cannabis. On peut conclure que les jeunes de 18 à 20 ans
sont nombreux à consommer, mais aussi qui
consomment... et continuent, en fait, de s'approvisionner sur le marché noir,
avec du cannabis qui est non contrôlé, potentiellement plus dangereux pour leur
santé que celui qui est vendu à la SQDC.
Lors
du dépôt du projet de loi encadrant le cannabis, en 2017, de notre côté, à
Citoyenneté Jeunesse, on a sondé, bien,
plus de 450 jeunes de moins de 35 ans, et, si on se fie aux
répondants de notre sondage, la limite de 18 ans, qui est actuellement en vigueur pour l'achat également
d'alcool et des produits du tabac, était la plus populaire, à 56 %.
C'est une majorité de répondants et de répondantes, là, de notre côté, qui
étaient favorables à une limite d'âge à 18 ans.
Certains
groupes qu'on a consultés également, là, dans le cadre de ce dépôt de projet de
loi là ont toutefois mis de l'avant qu'il fallait vraiment faire
attention avec le fait de banaliser la consommation de cannabis, puisqu'il y a
une augmentation de risques d'effets
négatifs sur la santé, sur le cerveau en développement, et ce, jusqu'à environ
25 ans. Évidemment, bien, d'autres
argumentaient que, bien, comme 18 ans, c'est la coutume au Québec en
matière de prise de décision, pour un
individu, concernant la consommation de substances récréatives comme l'alcool
et le tabac, bien, les individus ayant atteint la majorité, mais
peut-être pas le seuil légal pour acheter du cannabis, pourraient être tentés
de se procurer la substance sur le marché noir.
Citoyenneté
Jeunesse est d'avis qu'en contrôlant la qualité des produits vendus, il serait
possible d'atténuer les effets
négatifs de la consommation de cannabis des populations un peu plus à risque,
qu'il s'agisse, dans un premier temps, de peut-être réduire le
pourcentage de THC dans les produits qui sont accessibles aux jeunes, que ce
soit peut-être d'augmenter le pourcentage de
CBD, advenant que cette hypothèse-là devienne intéressante, là, au niveau de la
science. Peut-être limiter la quantité
légale d'achat de cannabis, là, de la part des jeunes pourrait être aussi une
façon de fonctionner.
De
notre côté, finalement, c'est qu'on comprend que la répression, elle a prouvé
son inefficacité, en fait. Interdire de consommer un produit et empêcher
l'accès aux jeunes de 18 à 20 ans n'entraîne ni une diminution ni une
disparition, finalement, de la consommation,
mais plutôt la création ou la continuité d'un système d'achat de produits sur
le marché noir, où, rappelons-le, la sécurité du produit n'est tout
simplement pas assurée.
• (15 h 50) •
Mme
Durot (Julie) : La légalisation du cannabis soulève de nombreuses
questions, comme on le sait. En effet, le changement de l'approche
gouvernementale, si longtemps axée sur la sécurité publique, vers une approche
de santé publique amène des défis de taille.
La démarche est de déjudiciariser, mais surtout de ne pas banaliser la
consommation de cannabis, notamment
chez les jeunes. Nous croyons ainsi que l'information, la sensibilisation et la
prévention, est cruciale.
Dans
ce document de consultation de l'été 2017, le ministère de la Santé et des
Services sociaux met en garde contre
les effets négatifs de la consommation du cannabis. Il est notamment précisé que
les adolescents ainsi que les jeunes adultes sont les groupes les plus à
risque de développer des problèmes liés à cette consommation de cannabis. Les
risques mentionnés sont notamment l'augmentation de l'anxiété, la diminution de
la motivation, l'altération du jugement, la difficulté
à traiter l'information et le déclenchement de psychoses. On énumère également
les nombreux risques reliés au fait même de fumer, parce qu'en général
le cannabis est habituellement inhalé.
De plus,
selon les intervenants du forum d'experts organisé en juin 2017 par le
ministère, de nombreux mythes circulent
sur le cannabis, notamment lorsque celui-ci est comparé à l'alcool. Dans le
même sens, l'ensemble des groupes consultés par Citoyenneté Jeunesse est
d'avis que le meilleur moyen de contrer les mythes devrait se faire par des campagnes de
sensibilisation et de prévention ciblées surtout auprès des jeunes. Celles-ci
se doivent d'être axées sur les faits entourant la consommation de
cannabis et d'éviter de moraliser les consommateurs, en particulier les jeunes.
Ainsi,
Citoyenneté Jeunesse propose au gouvernement de continuer d'utiliser toutes les plateformes
pertinentes afin d'informer et de
sensibiliser les jeunes aux impacts de la consommation du cannabis et de
privilégier de façon non exclusive les
plateformes des réseaux sociaux à même les écoles secondaires également
ainsi qu'à la télévision et sur les plateformes semblables.
M.
Lavallée (Nicolas) : Pour ce
qui est des ressources financières engendrées, en fait, les revenus
engendrés par la vente de cannabis,
bien, évidemment, là, on le sait, là, il faut décider où vont ces ressources.
Confrontés à un choix, les répondants
de notre consultation en 2017, pour la moitié, là, voulaient, en fait,
prioriser l'instauration de mesures de santé publique et également, là, tout ce qui tournait autour de la sensibilisation puis l'information. Au total, quand on rajoute aussi ceux et celles qui voulaient qu'on investisse en
recherche, on arrivait à 75 %. Les groupes consultés ont formulé également
les mêmes priorités, parce que
le financement de la recherche, finalement, a fait consensus,
qu'il s'agisse d'effectuer la recherche
sur... bien, notamment, les effets du cannabis sur la santé, évidemment,
sur les moyens d'enrayer le marché noir
aussi ou encore de développer des outils pour détecter la présence de cannabis
dans le sang d'un conducteur, par
exemple.
Toujours en lien avec la recherche, la Loi
encadrant le cannabis permet par ailleurs, là, la possession de cannabis sur
les campus universitaires, permet également de fumer à des fins de recherche. Par
contre, dans le projet de loi n° 2, on propose d'empêcher la possession de cannabis
sur les campus universitaires, incluant, là, une exception pour les déplacements, pour aller et revenir des
résidences, là, vers l'extérieur du
campus. Toutefois, là, comme il n'y a aucune exception qui est mentionnée concernant, finalement, les locaux destinés
à la recherche universitaire, on s'inquiète un peu de la capacité de mener de telles études. Est-ce
qu'il s'agit d'une erreur? Est-ce qu'il s'agit d'un oubli? On ne sait pas,
mais, pour nous, comme la recherche, c'est
important, il faut pouvoir, là, permettre cette recherche-là en milieu
universitaire, notamment sur l'ensemble des
effets qu'on a nommés, là, tout à l'heure sur la santé des jeunes. Donc, on
tenait à vous en faire part, là. On pense que c'est peut-être une façon
de bonifier, là, le projet de loi actuel.
Mme Durot (Julie) : Donc, pour
conclure...
Le Président (M. Provençal)
: Une minute pour conclure.
Mme Durot
(Julie) : Oui. Pour conclure, dans une optique de protéger les jeunes
des impacts négatifs liés à la consommation
de cannabis non réglementé et non contrôlé, Citoyenneté Jeunesse est d'avis que
le seuil d'âge légal devrait demeurer à 18 ans. Citoyenneté
Jeunesse propose au gouvernement du Québec d'innover en adoptant une approche priorisant l'information, la prévention et la
sensibilisation. Afin d'y arriver, nous proposons également d'investir les
revenus de la vente du cannabis dans les campagnes à ces fins, mais aussi dans
la recherche.
Donc, la
question à se poser n'est pas à savoir si nous réussirons à empêcher un groupe
ou un autre de consommer, mais bien
vers quel type de substance et quel type de marché nous allons amener ces
jeunes. Nous vous remercions et vous souhaitons... Nous attendons vos
questions.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour
votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. M.
le ministre, vous avez 16 min 30 s pour vos échanges avec les
représentants de Citoyenneté Jeunesse.
M.
Carmant : Merci beaucoup pour votre présentation. J'ai beaucoup
apprécié. Merci aussi de vous être déplacés. On sait que les délais ont
été relativement courts. Nous sommes très heureux de vous accueillir ici, à la
commission parlementaire, puis, comme je vous dis, votre contribution est très
appréciée.
Encore une fois, le projet de loi n° 2, son
but principal, c'est vraiment de retarder l'initiation de la première consommation. Je sais que tout le monde focusse
beaucoup, là, sur le 18, 20 ans, mais, nous, ce qu'on veut, c'est
vraiment retarder l'âge de la première
consommation chez les adolescents, parce que c'est là que les dommages
chroniques se font, quand ils consomment
à 11, 12, 13, 14 ans. Plusieurs personnes nous ont dit, incluant même le
Dr Poirier, de l'INSPQ, que, quand on rehausse l'âge, par exemple,
pour l'alcool ou pour le tabac, ça peut diminuer ou ça peut retarder,
justement, cette fameuse initiation... âge
d'initiation à la consommation. Donc, ce qu'on espère, c'est qu'au lieu de
commencer en moyenne à 16 ans, puis parfois jusqu'à 11 ans,
c'est qu'ils commencent le plus tard possible.
Ce qu'on
aimerait savoir... La première question, c'était... Vous avez parlé de la division dans le groupe, là,
54 % versus 46 %, en faveur de le
laisser à 18 ans versus augmenter l'âge. Ce qui est intéressant aussi, c'est que, parmi votre sondage
à travers vos membres, c'était écrit ici également que 77 % des
membres avaient dit avoir déjà consommé du cannabis. Comment interprétez-vous le 44 % de vos membres ou quelle
valeur donnez-vous à ce petit chiffre là qui serait favorable
au rehaussement de l'âge légal? Qu'est-ce que vous concluez de ce quand même
haut chiffre, là, qui sont en faveur de l'augmentation de l'âge légal?
M.
Lavallée (Nicolas) : Bien,
en fait, nous, ce qu'on retient assurément, c'est qu'il s'agit d'une majorité,
hein, qui vont vers le 18 ans. Une fois
qu'on a dit ça, on est aussi d'avis qu'idéalement, là, on est en mesure de
réduire l'âge de la première
consommation. Or, ce qu'on remarque, c'est que, même sous un régime de
répression, même sous un régime où on pourrait avoir un casier criminel,
ça n'a absolument pas empêché les jeunes, et surtout les jeunes de 18 à
24 ans, d'augmenter leur consommation de 2008 à 2014.
Donc, à
partir de là, on n'est pas en défaveur de mesures qui peuvent réduire la
première consommation, mais il y a des
statistiques qui nous démontrent que les aspects plus
répressifs ne fonctionnent pas. Donc, c'est dans cette optique-là où on se dit : Bien, comme les jeunes vont
fumer, on devrait leur permettre d'avoir, dès qu'ils le veulent, de façon
consensuelle, c'est-à-dire le 18 ans, la possibilité d'acheter un
produit mais qui peut-être a des effets moins nocifs, comme on le
disait, là, avec un pourcentage de THC moins élevé, un pourcentage de CBD plus élevé, si on découvre, là, qu'effectivement
ça a les vertus que la recherche pense pouvoir lui attribuer, là.
M. Carmant : Bien, d'ailleurs,
parlant de taux moins élevés, j'aimerais vous entendre sur la possibilité de réglementer l'accès aux 18-20 ans avec un taux de
THC progressif. Ce qu'on trouve, c'est que les jeunes ayant consommé avant l'âge de 18 ans des taux plus élevés de
THC, ce qu'on ne veut pas, nous non plus... Comment vous allez vous
arranger ou comment on pourrait s'arranger
pour qu'en magasin on les convainque d'utiliser des taux progressifs de THC?
Comment vous visionnez ça, ce modèle-là qui nous a été avancé puis que vous
avancez également?
M.
Lavallée (Nicolas) : Je
pense que, dans un premier temps, la loi permet, en fait, de légiférer dans ce
sens-là. C'est possible de pouvoir
restreindre à un certain niveau et d'aller dans le détail, peut-être,
par règlement. Mais je pense que ce que ma collègue disait sur la question de travailler en
amont sur, peut-être, les plus jeunes, faire passer ce
message-là, c'est probablement une avenue.
Mme Durot
(Julie) : Oui, puis la SQDC
peut justement servir de médium, d'outil pour aiguiller davantage ces jeunes lorsqu'ils ont des questions. Donc, c'est un outil d'information, de sensibilisation par
rapport, justement,
au fait que ces dits jeunes là
aillent s'approvisionner dans des lieux qui ne sont pas contrôlés, ne sont pas
réglementés. Donc, c'est notre avis là-dessus, que la substance soit
contrôlée puis que les jeunes puissent avoir l'information de qualité par
rapport à ce sujet-là.
M.
Carmant : Mais on est tout à fait d'accord avec vous, là, de la priorité puis l'importance
de l'éducation en amont. Le
problème avec la SQDC, avec le modèle de prévention à la SQDC, c'est que ce
n'est plus vraiment de la prévention, étant donné qu'ils ont déjà consommé.
C'est un peu paradoxal de dire qu'on va se fier sur la SQDC pour prévenir à
18 ans.
M. Lavallée (Nicolas) : ...prévenir
les effets négatifs ou les risques négatifs de la santé si on découvre effectivement que, d'un pourcentage à un autre de THC, par exemple, il y a
une différence sur le niveau d'effets. Est-ce qu'il y aurait un effet? Probablement, mais là,
après... je suis loin d'être chimiste, mais au moins on a une idée de
vers où on envoie les jeunes, versus le
marché noir, où on n'a aucune idée et surtout le gouvernement n'a aucune
capacité d'action sur ce qui va se passer dans ces milieux-là. Et, à
notre avis, c'est probablement plus dommageable.
M.
Carmant : Dans votre
argumentaire, vous mentionnez que les données démontrent que la répression de
la consommation du cannabis n'a pas prouvé
son efficacité. Cependant, ce matin, Dre Bérubé nous a mentionné
qu'après avoir révisé toute la littérature
sur le sujet du cannabis il y a certaines évidences qui ressortent de la
littérature au niveau des profils de consommation. Dans les États où le
cannabis a été légalisé, il y a eu une augmentation de la consommation du cannabis chez plusieurs personnes de la société. En fait, en général, la consommation augmente
quand le cannabis est légalisé. Puis ce qui nous a inquiétés le plus, c'est de voir que, même chez les femmes
enceintes, il y a une certaine banalisation, et elles fument
alors qu'elles sont enceintes. Comment réagissez-vous à ceci, puisque vous
semblez dire le contraire?
• (16 heures) •
Mme Durot
(Julie) : En fait, l'objectif,
ce n'est pas de banaliser la consommation de cannabis, comme on l'a
souligné dans le mémoire, mais vraiment d'agir en amont, aussi d'axer sur le
cannabis réglementé. Donc, on est bien conscients
des effets négatifs que peut avoir justement la consommation de cannabis,
notamment chez les femmes enceintes, comme
vous dites, d'où la nécessité d'axer vraiment sur des campagnes de
sensibilisation, de prévention, et d'orienter justement ces jeunes vers des ressources pertinentes pour qu'ils
puissent éviter d'en consommer et être orientés comme il se doit.
M. Carmant : D'accord. J'aimerais
passer la parole à ma collègue la députée de Roberval pour la prochaine
question.
Mme
Guillemette : Donc, selon la SQDC, selon les chiffres qu'ils nous ont
transmis au premier trimestre sur la vente
en ligne, donc, les 18 à 24 ans représentent 10,4 % des ventes et les
18 à 20 représentent 2,6 % des ventes. Donc, on sait qu'ils sont
les plus grands consommateurs de cannabis présentement, mais on constate qu'ils
ne sont pas les plus grands
dans le... au niveau de la consommation à la SQDC. Donc, qu'est-ce qui
expliquerait ça, selon vous? Et pensez-vous que les... Pourquoi vous
pensez que les jeunes ne se dirigent pas vers la SQDC? Est-ce que c'est un
problème d'habitude? C'est quoi, votre analyse de cette situation-là?
M. Lavallée (Nicolas) : Évidemment,
la SQDC est toute jeune. On a quatre mois d'analyse et quatre mois de campagne aussi pour essayer de diriger les jeunes
vers la SQDC. Évidemment, il y a des gens qui avaient des habitudes de consommation qu'ils ne sont peut-être pas prêts à
laisser, c'est-à-dire aller voir leurs dealers. Bon, évidemment, avec le
temps, cette réalité-là risque de disparaître,
puisque, si on contrôle bien l'expansion de la SQDC versus le marché
noir, bien, le marché noir, pour les jeunes,
ne sera probablement plus une option intéressante. Donc, à ce moment-là, dans
le temps, probablement que ça va se réduire.
Mais effectivement, à ce moment-ci, les chiffres ne sont peut-être pas
encourageants. Mais j'ai le goût de dire : Donnons une chance à notre
toute nouvelle société d'État qui est aussi à ses premiers pas, là.
Mme
Guillemette : Mais, outre le temps, est-ce que vous auriez des
suggestions à faire pour faire adhérer nos jeunes à...
Mme Durot
(Julie) : Bien, par exemple, au niveau des écoles secondaires, donc,
où se situe, on va dire, un bassin important
de consommateurs actuels, et puis, au fil des années, on a vu que c'est
persistant dans la proportion de ceux qui consomment déjà, donc, d'informer ceux qui travaillent au sein des
écoles secondaires d'axer toujours sur la prévention et puis de faire
des ateliers, par exemple, en relation avec cette prévention-là.
M.
Lavallée (Nicolas) : Et je vous dirais aussi qu'un autre moyen de les
envoyer vers la SQDC, c'est de ne pas les envoyer vers le marché noir. Si on leur dit : Vous ne pouvez pas
acheter légalement, bien, forcément, ces gens-là vont continuer dans des
patterns de marché noir et de consommation illicite.
M.
Carmant : Alors, ça aussi,
c'est un point qu'on nous ramène souvent, du marché noir. Si on prend deux
exemples bien connus, là, l'alcool et
le tabac, qui sont des substances légales, pourtant la contrebande de ces deux
substances est un problème majeur pour notre société. Comment expliquez-vous
que, même si le produit est légal, il y a de la contrebande de tabac et
d'alcool?
M. Lavallée (Nicolas) : À ma
connaissance, là, il n'y a pas beaucoup de jeunes de moins de 18 ans qui s'approvisionnent chez un grand-père qui a un
alambic, là. Ceci dit, je pense qu'il y a une déstigmatisation de la
question de l'alcool pour les jeunes de moins de 18 ans, là. Il y a
plusieurs parents qui vont aller acheter de l'alcool pour leurs adolescents. Ça
se voit, chose qui ne se voit pas avec le cannabis, par contre. Et ce n'est pas
quelque chose qui risque d'arriver à court
terme dans la société puisqu'il y a une stigmatisation reliée à cette
substance-là. C'est là où la crainte du marché noir est probablement
plus fondée que pour d'autres substances récréatives.
M.
Carmant : Pourquoi vous pensez que les parents ne vont pas consommer
avec leurs enfants puisque c'est légal?
M.
Lavallée (Nicolas) : Tout simplement parce que ça fait des années, et
des années, et des années qu'ils sont socialisés
à ne pas trouver le cannabis... bien, à ne pas trouver que c'est une substance
qui est acceptable, là, même si elle est légale aujourd'hui.
M.
Carmant : Mais aujourd'hui c'est illégal... bien, en tout cas, là,
avant le 17 octobre. Donc, les mentalités vont changer. Justement, c'est ce risque de banaliser
les choses, parce que, là, on est dans une société actuellement où
grand-papa, papa et fiston ont tous consommé
du cannabis. Donc, vous ne pensez pas qu'on a un risque de voir des parents
consommer avec leurs enfants?
M. Lavallée (Nicolas) : Écoutez,
rendu là, là, c'est une possibilité, mais c'est une possibilité aussi que ça n'augmente pas non plus dans ces groupes d'âge là.
Ce n'est pas les groupes d'âge, là, grand-papa et papa, qui sont les
plus grands consommateurs, de toute façon.
M.
Carmant : Et, moi, ce que j'ai aimé dans votre réponse, c'est que vous
m'avez parlé de... En fait, ce n'est pas le crime organisé qui effraie tout le monde. Moi, je pense que c'est le problème du revendeur.
Pensez-vous qu'on pourrait faire une
action ciblée contre le revendeur, qui pourrait régler ce problème
qui semble être vraiment un genre d'épine, là, qui énerve un peu tout le monde, à propos du... Est-ce qu'on pourrait le réadapter, le revendeur, par exemple, parmi toutes les mesures qu'on veut associer à notre
projet de loi n° 2?
M. Lavallée
(Nicolas) : C'est une
excellente question. On ne s'est pas posés sur cette question-là, par contre, là. Donc, on aurait de la difficulté
à vous répondre.
M. Carmant : L'INSPQ a écrit dans son rapport : «En matière de consommation d'alcool, des recherches ont montré que le rehaussement de l'âge légal de
consommation pouvait conduire à une diminution de la précocité de l'âge
de l'initiation, [et] les changements à la
baisse de l'âge légal [entraînaient] une plus grande précocité.» Les experts de
l'INSPQ ont aussi dit
que le rehaussement de l'âge légal est une stratégie qui a fait ses preuves, à
condition qu'elle soit combinée à d'autres mesures. Êtes-vous d'accord
avec eux?
M. Lavallée
(Nicolas) : Bien, on est assurément
d'accord que d'autres mesures sont importantes.
Si, par exemple, il n'y a
aucune sensibilisation qui est faite, bien, évidemment, peu importe le seuil d'âge auquel on
va mettre la légalité, il y a beaucoup
d'informations, beaucoup de mythes, comme a dit ma collègue, qui vont perdurer,
et ça va être problématique.
M. Carmant :
D'accord. M. le Président?
Le Président (M.
Provençal)
: Oui?
M. Carmant :
J'aimerais passer la parole à ma collègue la députée de Soulanges.
Le Président (M.
Provençal)
: Ça va.
Mme Picard :
Merci. Bonjour. Merci d'être venus. Vous avez mentionné tantôt qu'il y aurait
des prochaines campagnes publicitaires qui
pourraient être faites dans les écoles. C'est ce que vous avez dit tantôt. Comment
vous voyez votre stratégie? Comment
vous voyez la campagne de publicité qui pourrait se faire dans les écoles,
particulièrement?
Mme Durot
(Julie) : Bien, c'est sûr qu'on n'a pas élaboré sur cette question-là
dans notre mémoire. Et puis les mieux
outillés, ça serait les gens qui travaillent dans le domaine de la
communication ou, justement, les professionnels dans les écoles
secondaires. Donc, on leur laisserait plutôt la parole.
M. Lavallée
(Nicolas) : Bien, peut-être un seul élément, essayer d'éviter la
moralisation. Du moment où on va essayer
de moraliser les jeunes, ils vont se mettre en mode réponse, et réaction, et
opposition, et ça, bien, évidemment, ce qu'on ne veut pas, c'est cette
réponse-là.
Mme Picard :
Est-ce qu'il y aurait des stratégies meilleures que d'autres, selon vous, là,
qui pourraient plus fonctionner?
M. Lavallée
(Nicolas) : Pas particulièrement.
Mme Picard :
Oui, Nancy, tu avais une question?
M. Carmant :
On peut passer la parole à la députée de Roberval, M. le Président?
Le Président (M.
Provençal)
: Oui, allez-y.
Mme Guillemette :
Mais, depuis le début, nous, notre objectif, de ce projet de loi là, c'est de
protéger les jeunes et de réduire le
plus possible la première consommation, de l'amener le plus tard possible.
Donc, dans cette optique, on a décidé
d'interdire les points de vente à proximité des établissements d'enseignement
postsecondaire. L'interdiction de 150 mètres
à Montréal et de 250 mètres dans le reste du Québec, c'était dans l'ancien
projet de loi, mais ce n'était pas pour les cégeps et les universités. Donc, nous, on a décidé d'appliquer la
mesure également aux cégeps et aux universités. Qu'est-ce que vous
pensez de cette mesure?
M. Lavallée
(Nicolas) : Juste pour être bien sûr de comprendre, là, d'empêcher,
finalement, la possession sur les campus?
Mme Guillemette :
Et les universités.
M. Lavallée
(Nicolas) : Les universités, oui. Bien, évidemment, nous, sur la
question des campus universitaires, c'est particulièrement problématique
sur la question de la recherche. Si on a le droit de faire de la recherche universitaire mais qu'on n'a pas le droit de se
rendre au local pour faire la recherche universitaire, c'est
probablement une question de virgule, là, dans la loi, mais c'est sûr que c'est
problématique.
Outre
ça, bien, évidemment, il y a des complexités sur les campus. C'est difficile de
savoir, bien, finalement, qui se promène
vers une résidence, qui sort d'une résidence et va à l'extérieur du campus.
C'est très difficile d'identifier qui, en fait, est en train de faire cette situation-là versus traverser d'un
pavillon à un autre, finalement. Il n'y a aucun moyen de savoir cette information-là. Donc, c'est très
difficile de savoir qui est en situation de légalité ou d'illégalité par
rapport à cet aspect-là.
Au-delà
de ça, évidemment, là, il y a d'autres organisations, je pense, qui ont eu la
chance d'en parler, mais les associations étudiantes semblaient dire que
c'était plutôt difficile à mettre en place. Malheureusement, là, je pense qu'il
y en a qui sont venues, il y en a d'autres qui n'ont pas pu venir, mais c'est
ce qu'ils nous ont dit également, là.
Mme Guillemette : O.K. Puis,
selon vous, est-ce qu'il y aurait une distance qui pourrait être suffisante
pour protéger nos jeunes?
Mme Durot
(Julie) : On n'a pas élaboré sur cette question-là non plus. Mais
c'est intéressant comme problématique. Et puis certainement qu'il faut s'y
pencher avec attention.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci. Merci, M. le Président.
M. Carmant : Encore un peu de
temps?
Le Président (M. Provençal)
: Il reste cinq secondes.
• (16 h 10) •
M. Carmant : D'accord.
Le Président (M. Provençal)
: Je vous l'accorde.
Des voix : Ha, ha, ha!
Le
Président (M. Provençal)
: Je cède la parole au représentant de l'opposition officielle et député de Pontiac. À vous la parole, s'il
vous plaît.
M.
Fortin : Merci, M. le Président. Merci à vous deux d'être avec
nous aujourd'hui, de nous partager votre point de vue. Je ne veux pas vous faire d'exposé. Je sais
que le ministre a commencé, d'entrée de jeu, en vous expliquant un peu
sa position. Je ne vais pas faire la même
chose. Je veux juste vous demander peut-être de commenter sa position à lui. Il
a essentiellement dit, d'entrée de jeu,
bien : Le projet de loi augmente l'âge légal de... La possession et la
consommation passent de 18 à 21 ans
pour protéger les enfants de 11 ans. Ça ressemblait à ça un petit peu. Ça
vous a-tu convaincus?
M.
Lavallée (Nicolas) : Bien, comme on a dit, nous, on pense que les
chiffres démontrent, là, que ce n'est pas une question de seuil d'âge. Il y a des jeunes qui consomment. Donc, ça
ne va pas les empêcher de consommer. Notre seul point de vue là-dessus, c'est : essayons de les diriger vers
là où il y a une ressource qui existe, une substance qui est contrôlée
et, justement, de l'aide potentielle, c'est-à-dire à la SQDC.
M.
Fortin : Très bien. Si je
regarde votre tableau, tableau 1, là, en page 3 de votre mémoire, je
regarde, disons, la colonne «2008», là, pour les consommateurs
occasionnels entre 15 et 17 ans, donc il y a 22,1 % des
15-17 ans qui consommaient de façon
occasionnelle, et, entre 18-24 ans, 21,4 %. Donc, somme toute, là,
c'était pas mal le même nombre de
monde, en pourcentage, là, qui consommait. Donc, ce que vous êtes en train de
dire... Parce qu'à 15-17 ans, un jour, là... maintenant ça devient
illégal, à 18-24 ans, c'est légal. Ce que vous êtes en train de dire avec
ces chiffres-là, c'est que ça ne change absolument rien. C'est ça?
M. Lavallée (Nicolas) : Ça risque de
ne changer pas grand-chose, effectivement.
M.
Fortin : O.K., très bien. Je
vais reprendre la question de la députée de Roberval. Je vais la regarder sous
un autre angle. Dans le projet de loi, il y
a une disposition qui fait en sorte que les points de vente de la SQDC doivent
être plus loin des campus collégiaux
et universitaires qu'en ce moment. Est-ce que vous avez une quelconque
indication, une quelconque preuve, une quelconque étude qui vous mène à
croire que ça va dissuader un seul jeune de fumer?
M. Lavallée (Nicolas) : On n'a pas
ces études-là.
M.
Fortin : Très bien. Au
niveau de la possession, vous avez fait un point sur la recherche. Je comprends
votre point. On va le soulever en étude
article par article, je vous le dis tout de suite, M. le ministre. Parce que le
projet de loi demande ou exigera,
s'il est adopté, qu'on ne possède pas de cannabis sur un campus universitaire,
sauf pour certaines situations très
précises. Est-ce que vous avez une seule étude, une seule indication, une seule
raison de croire que ça va dissuader un jeune de fumer?
M. Lavallée (Nicolas) : Bien, un peu
comme sur la question des pourcentages de consommation, là, du tableau 1 que vous avez nommé, il y a des
jeunes qui consomment sur les campus actuellement et il y en a qui le
faisaient avant d'avoir le droit de le
faire. Et là ils n'auront plus le droit de le faire, mais on n'a pas de raison
de croire que ça va cesser.
M.
Fortin : Parce que vous
continuez de me dire que, pour toutes ces situations-là, vous n'avez pas de
raison de croire, ou vous n'avez pas d'étude, ou vous n'avez pas
d'information — puis
ce n'est pas de votre faute, il n'y en a pas — que ces mesures-là peuvent contribuer à ce
que les jeunes cessent de fumer. Outre l'éducation, l'information, dont vous faites l'apologie, avec raison, dans votre
mémoire, est-ce qu'il y a des mesures de prohibition ou des mesures de
coercition qui vont faire en sorte, selon vous, qu'un seul jeune va arrêter de
fumer?
M.
Lavallée (Nicolas) : Bien, je pense que peut-être que les points qu'on
a amenés sur la possibilité, par exemple, d'avoir des produits qui sont
moins élevés en termes de THC, la quantité, peut-être qu'à ce niveau-là il y a
quelque chose à faire.
M. Fortin : ...ils vont juste avoir un
produit qui est moins nocif.
M. Lavallée
(Nicolas) : Exactement.
M. Fortin : Très bien. Sur l'information, la publicité, il y a une grande partie de
votre mémoire qui s'attarde à cette question-là, je vous le dis, avec
raison. Étiez-vous là au dernier projet de loi? Étiez-vous venus en commission
parlementaire?
M. Lavallée
(Nicolas) : Pas parlementaire. On est allés aux commissions... bien,
aux audiences du ministère et du SAJ.
M. Fortin : C'était bien. Il y avait un grand processus de consultation. C'était le fun. Dans ce projet
de loi là, le gouvernement mettait de l'avant une provision pour qu'il y ait 25 millions par année qui soient dépensés, justement, que ce soit
en prévention, en information ou avec d'autres mesures comme celles-là. À ce
jour, selon tout ce qu'on sait, tout ce qu'on entend, tout ce que le ministre a mis de l'avant, il y a zéro qui a été dépensé.
D'après vous, est-ce que c'est plus utile de dépenser ce 25 millions
là au moment de la légalisation ou plus tard dans le temps?
M. Lavallée
(Nicolas) : Je veux juste bien comprendre le contexte que vous avez
mis, là.
M. Fortin : Oui. Le projet de loi ou la loi... Le projet de loi n° 157, la
première loi qui a été adoptée, faisait en sorte que 25 millions devaient être dépensés annuellement au cours
des cinq premières années suite à la légalisation. À ce jour, selon notre information, selon ce qu'on
sait, selon ce qu'on a vu du gouvernement, il n'y a rien qui a été
dépensé. D'après vous, est-ce que cet
argent-là serait plus utile initialement, lors du moment de la légalisation,
lors du moment où on parle de cannabis, ou plus tard dans le temps, un
jour, éventuellement, peut-être?
Mme Durot
(Julie) : Bien, c'est sûr qu'il faudrait que ce soit étalé dans le
temps, donc que ça soit régulier, récurrent
puis que ça soit bien réparti. Dans quelle mesure? On n'a pas l'information,
mais, définitivement, il faut que cette enveloppe-là soit utilisée à bon
escient.
M.
Fortin : Si je vous apprends qu'il y a zéro qui a été dépensé
jusqu'à date, est-ce que ça vous inquiète?
M. Lavallée
(Nicolas) : C'est sûr qu'il faudrait que ce soit dépensé. À ma
connaissance, il y a, ceci dit, des campagnes qui sont faites.
M.
Fortin : Effectivement.
M. Lavallée
(Nicolas) : Donc, je ne sais pas les détails de par où c'est financé.
Mais je suis un peu surpris.
M. Fortin : On ne le sait pas. Le ministère refuse nos demandes d'accès à
l'information. Donc, on n'a absolument aucune
idée comment est-ce qu'ils sont en train de dépenser ou de faire des plans pour
dépenser cette information-là... ces sommes-là.
Donc, je ne sais pas si vous avez suivi les premiers mois du débat qu'on a eu
depuis l'arrivée du gouvernement de
la CAQ sur ce dossier-là, mais, à un moment donné, le ministre a insinué ou
avancé... disons, avancé, pour être plus honnête, sur Twitter qu'il pourrait y avoir un autre 25 millions
qui serait disponible pour faire justement de la prévention ou de l'information, etc. Quelques heures plus tard,
le ministre s'est rétracté en disant : Non, finalement, il n'y en a pas
d'autre, 25 millions. D'après vous,
est-ce que des sommes additionnelles pourraient être bénéfiques pour limiter la
consommation plutôt que la prohibition?
Mme
Durot (Julie) : Tout à fait. Donc, plus il y a des financements et
mieux c'est orienté dans le sens de travailler en amont, nous, on trouve
ça bénéfique de le faire, bien sûr.
M. Lavallée
(Nicolas) : Évidemment, je pense qu'il y a aussi un aspect de... On a
plusieurs sous-groupes de population. Donc,
si on segmente, bien, forcément, on va devoir investir un peu davantage pour
aller chercher ces différents groupes là avec différents moyens,
différents médiums. Mais ce n'est pas une mauvaise idée, effectivement.
M. Fortin : Parfait. Je crois que certains de mes collègues ont peut-être également
des questions pour vous. Le député de Marquette en a peut-être une
aussi.
M. Ciccone :
Vas-y.
Mme Weil :
Combien de secondes?
Le Président (M.
Provençal)
: Il vous reste
3 min 18 s.
Mme Weil :
Oui. Bon, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de lire le mémoire du
Barreau. Je vous invite à le faire parce
qu'à quelque part vous touchez des enjeux... mais vous amenez d'une façon
différent, parce que vous avez fait comme votre propre consultation avec un
groupe d'âge qui est important, c'est des jeunes adultes,
essentiellement, et c'est la question
d'applicabilité. Au-delà de la question de... Donc, eux, ils parlent d'un
risque de contestation basé sur la discrimination.
Mais une autre section de ce mémoire... Et j'en parle parce que je comprends
que le Barreau... Malheureusement, moi qui suis membre du Barreau, je
pensais qu'ils viendraient, parce que le débat juridique est important. Ils
parlent de l'inapplicabilité de cette loi s'il n'y a pas adhésion.
Dans
votre consultation, on voit où sont les jeunes, et la majorité sont
vraiment : maintenir le 18 ans, faire de la prévention, pas de banalisation, être bien conscient du danger. Parce
qu'on a bien entendu tout ce que les experts ont dit. Il n'y a personne
qui ne croit pas à ça. Je pense que toute la question de législation, c'est de
s'assurer qu'on va avoir l'adhésion de la
population, et quelle est la façon la plus efficace de le faire. Avez-vous
senti ça dans les discussions avec cette
tranche de jeunes, que... Et, en plus, déjà qu'ils consomment alors que c'était
illégal, alors, d'autant plus si c'est rendu légal et puis qu'on fait juste une différence de quelques années,
l'adhésion ne sera pas là. Donc, comment appliquer cette loi et comment
trouver les espaces, justement, pour exercer son droit? Donc, ça devient un
non-droit, essentiellement. Est-ce que c'est
l'impression? C'est un peu ce qui se dégage de votre consultation, selon moi.
Eux, ils le mettent en termes juridiques, là, et législatifs, mais...
• (16 h 20) •
M.
Lavallée (Nicolas) : C'est un peu ce qui se dégage, effectivement, du
constat des répondants et répondantes qu'on
a consultés, qu'on a sondés. C'est aussi ce qui se dégage des quelques groupes
jeunes qui nous ont parlé très récemment,
notamment, comme je disais tout à l'heure, les associations étudiantes, qui
voient mal, à leur connaissance, comment on peut l'appliquer, et ce qui,
peut-être, là, comme vous dites, ramène vers le manque d'adhésion.
Mme Weil :
Je pense que ça complète les secondes. Merci.
Le Président (M.
Provençal)
: Il reste encore une minute
pour des questions.
M. Ciccone : Bien, rapidement, je pense que les statistiques démontrent clairement
qu'avant le 17 octobre 2018, je veux dire, les jeunes consommaient déjà. Ce n'est pas un secret. Maintenant,
il y a un double débat ici : monter ça à 21 ans, qui va faire en sorte qu'on va ralentir la
consommation chez les jeunes. Vous l'avez abordé, mais je veux vous
l'entendre par un oui ou un non. Est-ce que monter, justement, la légalisation
de 18 à 21 ans va faire en sorte que les jeunes de 18 à 20 ans ne
consommeront plus ou moins?
M. Lavallée
(Nicolas) : Pas à notre connaissance.
M. Ciccone :
Merci.
Le Président (M.
Provençal)
: Ça conclut? Alors, il restait
15 secondes.
Des voix :
...
Le Président (M. Provençal)
: Il n'y
a pas de consentement. Alors, les échanges se poursuivront avec le
deuxième groupe d'opposition. La parole est au député de Jonquière pour
2 min 45 s.
M.
Gaudreault : Oui. Merci beaucoup d'être ici. Moi, je veux vous
entendre sur la façon dont ça va fonctionner sur les campus versus les résidences. Avez-vous consulté un peu vos gens
là-dessus? Parce qu'on pourrait en avoir dans les résidences, mais pas dans les campus, sauf quand
on se déplace. Alors, est-ce que ça va prendre une police du cannabis
sur les campus?
M. Lavallée
(Nicolas) : On n'a pas consulté notre réseau sur cette question-là
particulière. Ça n'a pas pu être possible
dans le temps. Ceci dit, ce qu'on entend, c'est que ça va être très difficile
d'appliquer cette partie-là de la loi. Et, bien, idéalement, non, ça ne prendrait pas plus de ressources dans les
services de l'ordre sur les campus. Ils font déjà leur travail, ça va.
Mais ce n'est pas souhaitable non plus d'avoir un agent à chaque porte, là, du
campus.
M.
Gaudreault : Pourquoi vous pensez que ce sera inapplicable, parce que
c'est trop complexe?
M.
Lavallée (Nicolas) : Bien, comme je disais tout à l'heure, c'est très,
très, très difficile de faire la différence entre un individu qui passe d'un endroit a à un point b
sur le campus... en sachant si cette personne-là est en train de quitter
sa résidence vers l'extérieur du campus, ou si elle s'en va tout simplement à
un autre pavillon, ou si elle s'en va prendre l'autobus, par exemple.
M.
Gaudreault : Très bien.
Merci. Votre recommandation 2, sur la gradation des produits, là, en
fonction de l'âge, est-ce que... Dans le fond, vous reprenez votre recommandation 6 de votre mémoire en 2017. Alors, déjà, à ce moment-là, vous trouviez que c'était approprié. Donc, vous revenez avec ça. Mais
est-ce que ce n'est pas aussi, d'une certaine manière, une discrimination ou autant moralisateur, parce
qu'on dit : Parce que tu es plus jeune, tu peux acheter avec une
gradation moins élevée?
M. Lavallée (Nicolas) : Bien, de notre côté, c'est vraiment
après avoir consulté plusieurs groupes qu'on s'est rendu compte qu'effectivement les effets, les risques sur la santé peuvent être
assez néfastes pour qu'on propose ce possible mécanisme, si on veut, par
étapes. Donc, ce n'est pas dans une optique de moralisation, ce point-là, c'est
vraiment dans une optique de... On doit garder les jeunes vers la
SQDC. Mais on peut reconnaître qu'au-delà d'un certain pourcentage, par exemple, de THC, c'est assez dangereux pour que nous-mêmes,
on ne le mette pas de l'avant, comme gouvernement, par exemple.
Le Président (M.
Provençal)
: 20 secondes.
M.
Gaudreault : Et là-dessus,
bien, vous proposez, dans le fond, d'être conformes à ce que la science nous
dit globalement et d'aller jusqu'à 25 ans, quant à ça, là?
M. Lavallée
(Nicolas) : Oui.
M. Gaudreault :
O.K., merci.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, les 2 min 45 s serviront pour conclure ces
échanges. La parole est au député de Jean-Lesage.
M.
Zanetti : Merci. Alors, dans
les consultations que vous avez faites auprès de vos membres,
est-ce qu'ils vous ont dit ou est-ce
que vous avez senti qu'ils se sentaient infantilisés par l'idée d'augmenter
l'âge légal de consommation à 21 ans?
M.
Lavallée (Nicolas) : Pas spécifiquement, mais, comme les jeunes ont spécifié qu'il ne fallait pas être
moralisateur sur l'enjeu du cannabis, auquel cas on les perd, bien, j'ai
l'impression que ça rentre peut-être un peu là-dedans.
M. Zanetti :
Et pourquoi pensez-vous qu'ils ne veulent pas se faire faire la morale?
M.
Lavallée (Nicolas) : Parce
que c'est un réflexe de jeunesse de... Si on se fait dire non, on a le goût d'y
aller quand même.
M. Zanetti :
Alors, vous pensez que les lois morales sont inefficaces?
M.
Lavallée (Nicolas) : Je ne
sais pas si j'irais jusque-là, mais il
y a un aspect moralisateur qui,
effectivement, là, ne fonctionne pas chez les jeunes adolescents, minimalement.
M.
Zanetti : Et que pensez-vous
de l'idée d'éloigner les SQDC des lieux d'enseignement, là, considérant
que ceux qui peuvent l'acheter en ligne peuvent l'acheter avec leurs téléphones?
M. Lavallée
(Nicolas) : Effectivement, il y a peut-être un problème à ce
niveau-là.
M.
Zanetti : Et, sinon, est-ce qu'à votre avis, là, avant le
17 octobre dernier, il y avait des problèmes d'accès au cannabis
sur les campus ou pour, en général, les jeunes de 18 à 21 ans?
M. Lavallée
(Nicolas) : Les données démontrent que non.
M. Zanetti :
J'aurais posé d'autres questions, mais ils sont si clairs. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, j'en conclus que la période d'échange est terminée. Merci. Je
remercie les représentants de Citoyenneté Jeunesse pour leur
contribution aux travaux de la commission.
Je
suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de
prendre place. Merci encore de votre contribution.
(Suspension de la séance à
16 h 26)
(Reprise à 16 h 28)
Le Président (M.
Provençal)
: Le député de Jonquière nous
permet, malgré qu'il est absent, de reprendre les travaux. Alors, je souhaite maintenant
la bienvenue aux représentants du Mouvement Santé mentale Québec. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous
invite à vous présenter puis à commencer votre exposé. À vous la parole.
Mouvement Santé mentale Québec
Mme
Boniewski (Monique) :
Bonjour. Je vous présente Renée Ouimet, directrice à l'association... pardon, au Mouvement Santé mentale Québec. Moi, je suis sur
le conseil d'administration, Monique Boniewski.
• (16 h 30) •
Mme Ouimet(Renée) :
Alors, juste rapidement, le Mouvement Santé mentale Québec est un regroupement d'organismes communautaires et qui travaille
particulièrement en promotion, prévention en santé mentale. Et c'est
pour ça qu'on est ici aujourd'hui, pour vous
parler de plutôt promouvoir la santé mentale et s'occuper de nos jeunes plutôt
que de judiciariser ou de rendre illégale la consommation de cannabis chez les
18 à 21 ans.
Je
voudrais commencer en vous racontant une histoire. Parce que venir à une
commission, ça demande à notre C.A.
de prendre position, mais ça nous ramène dans notre propre histoire, et je me
suis rappelé que j'avais 16 ans, que j'étais chez nous puis que ma mère est venue rencontrer
mes amis pour leur dire : J'ai su que vous consommez de la drogue,
que vous consommez du pot, et je voudrais
que vous n'en ameniez pas chez nous, et surtout que vous n'en vendiez pas.
J'ai 61 ans, j'avais 16 ans.
J'ai
une de mes amies qui fait de l'éducation, que je trouve qui est une éducatrice
extraordinaire, puis elle, elle dit :
Après trois fois qu'on a fait quelque chose avec nos enfants, si ça ne marche
pas, c'est qu'on n'a pas la bonne solution. Ça fait que je vous dirais que, si, après toutes ces années-là, et que
le cannabis était illégal, et que la consommation la plus intense est entre 15 et 25 ans... c'est qu'on
n'a pas réussi quelque chose, et que le fait de... c'est-à-dire, pas de mettre
en place, mais de garder ce qui était déjà là, ce n'est pas une solution.
Il
y a un projet... Il y a une loi qui est déjà en place, et, pour nous, c'est une
loi qui n'est pas parfaite, mais qui a eu... Il y a eu une vaste consultation à travers le Québec, et c'est une loi
qui est acceptable. Et on devrait garder cette loi-là, et l'évaluer dans quatre, cinq ans, et là prendre le
temps de revoir ce qu'on doit remettre en question par rapport à cette
loi-là. Le faire actuellement, c'est
beaucoup trop tôt parce qu'on ne sait pas encore les effets de cette loi-là à
long terme. Même les sociétés, les
SQDC, ne sont pas efficaces à 100 %, il n'y en a pas à beaucoup
d'endroits. Ça fait que c'est difficile d'avoir déjà une idée de comment
ça se passe.
Pour
nous, créer du sens et de la cohérence, c'est fondamental. Je le sais, que, M.
le ministre, pour vous, ce n'est pas incohérent
de dire qu'à 21 ans... qu'on va interdire jusqu'à 21 ans le cannabis.
Pour nous, c'est une incohérence sociale parce qu'on a fait le choix il
y a 40 quelques années de choisir que les gens soient adultes à partir de
18 ans.
Alors,
c'est un peu de ça qu'on va vous parler. L'objet de la loi, vous le connaissez
déjà, puis c'est, entre autres, de réduire
le fardeau sur le système de justice pénale, ce que le projet de loi ne fait
pas parce que, là, on va encore pénaliser les 18-21 ans, et c'est de donner accès à un approvisionnement de
cannabis dont la qualité fait l'objet de contrôles, ce qu'on aimerait pour nos jeunes qui consomment. De toute
façon, ils consomment, ça fait que fermons-nous pas les yeux, ils ne vont pas... La consommation, comme les
prédécesseurs ont dit, de 2008 à 2015, a augmenté chez les 15-25 ans.
Alors, on n'est pas du tout pour la
banalisation. On est vraiment pour l'information, prendre le temps d'expliquer,
donner... accompagner nos jeunes,
être là tout le temps, mais ne pas remettre... ne pas empêcher les jeunes
d'avoir accès à des produits de qualité et continuer à les protéger en
leur donnant accès à des produits de qualité, mais surtout en faisant de
l'information et en donnant des services de qualité à nos jeunes.
Il
y a 47 ans, on a dit qu'à 21 ans on pouvait... à 18 ans on
pouvait consommer de l'alcool, on peut se marier, on peut avoir des dettes, on peut signer des
contrats, on peut faire tout ça. Et je vous dirais que, même aujourd'hui, à
18 ans, on pourrait acheter des
actions, et des actions de compagnies qui produisent du cannabis, ce qui est un
peu particulier dans notre fonctionnement social. Remettre l'âge de la
consommation du cannabis en question, c'est considérer nos jeunes comme des immatures et des incapables. Ce qu'il
faut, c'est vraiment être là quotidiennement pour nos jeunes dans les écoles, leur offrir des services, les accompagner,
les informer, accompagner les parents, et c'est l'essence même du
travail qu'on doit faire.
On
doit travailler... Je vous ai apporté ici des facteurs de protection en santé
mentale. On doit outiller nos jeunes vraiment
le plus possible, et là ils vont avoir la capacité de choisir s'ils veulent ou
pas, mais on ne pourra jamais les protéger complètement. Je sais qu'on aimerait bien les mettre sous une cloche de
verre puis leur faire attention, puis on les aime tellement, mais on ne peut pas faire ça. On peut
les accompagner comme adultes et aller le plus loin possible là-dedans.
Alors,
il y aurait une perte de sens social, je vous dirais, si on fait ce choix-là.
Puis donner du sens, c'est se rappeler qu'on a choisi 18 ans comme
âge de la majorité. Ce n'est pas remettre en question le pouvoir d'agir des
jeunes. C'est reconnaître leurs forces,
leurs capacités, leur intelligence, et c'est surtout les accompagner dans le
passage à la vie adulte, et d'être là
pour eux, de leur offrir de la prévention, de la promotion, des services
accessibles, de qualité, rapides.
Puis alors on va y arriver. De la promotion
dans les loisirs, de la prévention des méfaits, alors on est vraiment
dans la promotion et la prévention.
Le
choix, ça a été vraiment... en
tout cas, on a l'impression que c'est
un choix qui a été plus un choix médical qu'un choix de santé publique parce que les risques de psychose, ça augmente
de... tu sais, c'est vraiment petit. Ceci dit, on ne veut pas banaliser, mais, on se dit, pour une majorité,
une grande, grande, grande majorité des jeunes, est-ce qu'on va interdire à
tous les 18-21 ans une consommation légale de pot, de cannabis?
Mais,
ceci dit, on veut un meilleur contrôle de la qualité. On a toutes les mêmes
positions que la Santé publique, que
vous connaissez déjà, un meilleur contrôle de l'accessibilité géographique, mieux informer, mieux sensibiliser, favoriser une discussion, diminuer la stigmatisation des consommateurs, faire de la recherche plus
approfondie, réduire les activités criminelles, réduire les méfaits
associés au cannabis.
Et
puis les dépendances sont énormes, hein? Les jeunes, ils peuvent être
dépendants de l'alcool, ils peuvent être dépendants du jeu, ils peuvent être dépendants de la porno. Et ce n'est
pas quelque chose qu'on leur interdit. Et on a à les accompagner par
rapport à toutes ces dépendances-là pour qu'ils soient le moins dépendants
possible.
Alors,
notre rôle, c'est de les écouter, de les outiller, de les informer et de
promouvoir la santé. Puis, promouvoir la
santé, ça veut dire d'agir en amont et de renforcer la population, tu sais?
Parce qu'on voit, je ne sais pas, vous avez dû... ils ont déjà dû vous dire ces chiffres-là, mais la
consommation de cannabis est 1,5 fois plus élevée chez les jeunes
qui ont un niveau de détresse élevé. Si on
accompagne nos jeunes à réduire la détresse, bien, il va y avoir moins de
consommation de cannabis. 1,5 fois plus
élevée chez les jeunes qui présentent un risque élevé de décrochage scolaire.
Si on accompagne nos jeunes dans des écoles en ayant tous les services
appropriés, bien, il va y avoir moins de décrochage et moins de consommation de cannabis. Alors, c'est vraiment
dans ce sens-là que nous, on pense qu'il faut intervenir. Alors, il ne
s'agit donc pas d'interdire mais d'accroître les forces, les ressources, les
connaissances, les atouts en matière de santé.
Le Président (M. Provençal)
: ...30 secondes pour conclure, madame.
Mme Ouimet
(Renée) : Oui? Bon, bien,
pour conclure, là, je ne vous parlerai pas... Dans la rue, dans les
parcs, je vous dis ça vite, on va créer des
illégalités incroyables si on ne permet pas au monde de consommer dans des
parcs, comme on le fait pour la
cigarette, parce que les gens, dans leurs appartements, ils ne peuvent
pas. Les jeunes, on va les envoyer dans des lieux à risque. Ça va avoir
des effets secondaires.
Je voulais
vous parler de l'économie du cannabis. Et, bien, écoutez,
je pense que, dans un souci de cohérence, je vous ai à peu près tout
dit...
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre exposé...
Mme Ouimet
(Renée) : ...regarde, passe
ça par là-bas pour que les gens connaissent les astuces sur
lesquelles on doit miser pour bien accompagner nos jeunes puis les facteurs de protection.
Des voix : Ha, ha, ha!
Le
Président (M. Provençal)
:
Nous allons commencer la période
d'échange avec vous. Alors, M. le ministre, vous avez
16 min 30 s pour vos échanges.
• (16 h 40) •
M. Carmant : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci, mesdames, de votre présence aujourd'hui. Encore une fois, on s'excuse des courts
délais.
J'ai beaucoup
apprécié votre discours, là, qui est clairement animé par une passion au niveau de la santé mentale puis un désir d'aider nos jeunes, là. Puis
j'appuie tout à fait votre désir de vouloir les accompagner, mais...
Je comprends, là, le fait qu'il y a
40 ans on a pris une décision, en tant que société, de réduire l'âge de
la maturité, mais, nous, ce qu'on dit, c'est qu'à l'époque, les données
qu'on avait au niveau des conséquences des substances illicites ou des
substances toxiques sur le cerveau et le développement du cerveau, on ne les
avait pas comme on les a aujourd'hui.
Et
aujourd'hui on ajoute une nouvelle substance dans l'arène, alors qu'on sait
qu'on est dans une période où nos jeunes ont quand même une très grande
souffrance au niveau de leur santé mentale. La jeunesse connectée, c'est une jeunesse qui se sent isolée, et qu'on veut aider
le plus possible. Puis je vous rassure aussi qu'on ne veut pas
criminaliser. Ça ne fait pas partie du projet de loi n° 2.
Les
représentants de l'association des premiers épisodes psychotiques nous ont
confirmé la semaine dernière que le cannabis
augmente le risque de psychose, là, vous en avez mentionné. Je pense que, pour
ceux qui souffrent de maladie mentale,
ceux qui souffrent de schizophrénie, une augmentation de 40 %, là, même si
ça fait passer de 2 % à 2,8 %, donc de 1,5 % à 3 %,
c'est quand même quelque chose de très significatif pour notre société. Ces
gens-là, ils ont vraiment un pronostic à long terme, là, qui n'est pas très
bon.
Mais, quand on
parle de chiffres plus consistants, une chercheure de l'Université McGill,
elle, nous apprenait que le risque
d'une dépression chez les consommateurs adolescents était de 7 %, ce qui
représente à peu près 25 000 Canadiens par année, et environ 5 000 adolescents québécois chaque
année, là, qui vont se faire diagnostiquer de dépression en lien avec la
consommation de cannabis qu'ils ont eue quand ils étaient plus jeunes.
Pourquoi ne croyez-vous pas qu'il serait prudent
d'augmenter l'âge légal de consommation du cannabis pour protéger la santé
mentale de nos adolescents?
Mme Ouimet
(Renée) : Quand vous parlez de psychose, la population en général,
c'est 1 %, si je ne m'abuse, puis ça augmente de 1 % à
1,4 % les risques, ce qui est très, très peu dans une population en
général. Il y a beaucoup de dépendances qui peuvent être toxiques pour nos
jeunes et, je vous dirais... Puis, quand vous parlez de dépression et d'anxiété, l'anxiété est de plus en plus élevée
chez les jeunes. On a des chiffres par rapport au cégep. C'est là-dessus
qu'il faut intervenir, pas sur réduire la
consommation du pot, l'augmenter à 21 ans. Il faut travailler sur
qu'est-ce qui crée la santé mentale,
et c'est beaucoup la santé mentale, et notre malaise et nos... vouloir faire
comme nos amis, aussi. Ça, ça va être
un passage, ça risque de ne pas durer. Mais c'est beaucoup le malaise qui va
faire qu'on va consommer puis qu'on va consommer à long terme.
Et, je vous
dirais, si on a à mettre de l'argent à quelque part, actuellement le taux d'anxiété
chez les jeunes au niveau des cégeps
est vraiment élevé, et il faut qu'on intervienne en amont et qu'on les aide à
réduire ce niveau d'anxiété là. Tu sais,
si on a à agir... C'est une grande majorité comparativement au petit
1,4 %. Puis le taux de détresse psychologique et d'anxiété au cégep
est rendu de combien, 35 %, je crois? C'est énorme, versus 1,4 %. Ça
fait que c'est là qu'il faut agir, là.
M. Carmant :
Mais, contrairement... Je pense que les dernières études qui sont sorties ces
dernières années, là, Patricia Conrod,
de Sainte-Justine, Dre Gobbi, là, de Mc Gill, ils ne sont pas
d'accord avec le concept d'autosoins que vous soulevez, là, où ils consomment pour s'autosoigner. Mais plutôt ils
semblent dire que c'est la consommation étant jeune adolescent qui entraîne les problèmes plus tard.
C'est pour ça que nous, on propose d'essayer le plus possible d'éviter
cette consommation chez les adolescents.
Mme Ouimet
(Renée) : Bien, vous avez raison que les recherches, elles démontrent
qu'une consommation peut avoir un
effet. Ça, c'est des recherches, là... je ne sais pas si toutes les recherches
disent ça, mais entraîner un niveau de dépression
à long terme, et... Mais ça, informons nos jeunes, disons-leur, allons dans les
écoles, parlons-leur de ça, et puis ils vont l'écouter. Puis il va quand même y en avoir qui vont consommer,
c'est sûr. Mais, les jeunes, je ne dis pas qu'ils font de l'autotraitement, je dis que, ceux qui sont dans
des situations plus défavorisées, plus démunies, plus souffrantes, il y
en a qui consomment plus. Mais ce qu'il
faut, c'est les accompagner d'entrée de jeu pour qu'ils soient... de travailler
sur l'axe du bien-être des jeunes.
Mais vous avez raison qu'on n'est pas pour «go! consommons», là. Ce n'est pas
dans ce sens-là que notre intervention est faite. Mais, l'information,
donnons-la.
M. Carmant : O.K. bien compris.
M. le Président, j'aimerais passer la parole à la députée de Soulanges.
Le Président (M. Provençal)
: ...à vous la parole.
Mme Picard :
À la lecture de votre mémoire, il y a une recommandation que j'aimerais que
vous développiez, que vous n'avez pas
parlé tantôt. Vous semblez vouloir qu'il y ait une discussion sur l'impact
environnemental de la production de cannabis, de l'emballage et aussi le
transport du cannabis. Pouvez-vous développer un peu plus sur ce volet-là du
mémoire, s'il vous plaît?
Mme Ouimet
(Renée) : Je vais oser vous dire que c'est des préoccupations
personnelles, mais que je n'ai
pas eu d'interdiction de mon C.A. de poser
ces questions-là. C'est quelque chose qui est nouveau, qu'on est en train de mettre en place,
et on a des grandes préoccupations environnementales actuellement. Alors, il me semble que, dans tout développement de nouvelles industries, on devrait avoir des règles qui prennent soin de
notre environnement, parce
que ça débute, parce que ça
commence et qu'on peut déjà intervenir. On a déjà de la misère à faire changer
des vieilles industries qui existent depuis
nombre d'années. Eux, ils commencent, ça fait qu'on pourrait déjà
avoir une réglementation avec les nouvelles entreprises sur comment
faire un développement responsable, je dirais.
Mme
Picard : Est-ce que
vous avez des idées de qu'est-ce
qu'on pourrait exiger aux producteurs
pour que ça aille mieux dans ce niveau-là?
Mme Ouimet
(Renée) : Je pense qu'il y a du monde tellement mieux équipé
que moi pour vous répondre à ça.
Mme
Picard : C'est bon. Bien, merci, M. le Président. Je passerais la
parole à la députée de Lotbinière, s'il vous plaît, si possible.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Frontenac.
Mme Picard : Frontenac.
Mme
Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Depuis le début, notre objectif avec
ce projet de loi, c'est de protéger les jeunes. D'autres groupes en ont parlé, mais j'aimerais vous entendre sur
l'interdiction des points de vente à proximité des établissements
postsecondaires. Qu'est-ce que vous pensez de cette mesure-là?
Mme Ouimet
(Renée) : On ne s'est pas posé la question, mais moi, je suis en santé
depuis longtemps, puis on veut interdire le... tu sais, on fait déjà
cette démarche-là par rapport à la malbouffe, mais par rapport aux écoles
primaires, secondaires. Je ne sais pas,
peut-être que l'intégrité fait qu'on va se poser la question sur tout ce qui
peut avoir des méfaits sur la santé
aussi, que ça serait dans un même... Mais, écoutez, on n'a pas de position
spécifique par rapport à ça. Mais l'important, c'est d'avoir une
cohérence sociale dans nos choix.
Mme
Lecours (Lotbinière-Frontenac) : O.K. Donc, mes autres questions
étaient : La distance de 150 mètres versus 250 mètres,
est-ce que ça vous semblait suffisant pour protéger efficacement les jeunes?
Mme Ouimet (Renée) : Vous parlez des
cégeps, universités?
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Oui, postsecondaires.
Mme Ouimet (Renée) :
Postsecondaires. Non, ce n'est pas loin, puis ça va les faire marcher.
Des voix : Ha, ha, ha!
Mme
Ouimet (Renée) : Excusez-moi. Non, non, sérieusement, on n'a pas de
position par rapport à ça.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Parfait. Donc, moi, je repasserais la parole à M. le ministre.
M.
Carmant : D'accord, merci. Puis je vais revenir à votre mention
historique, là, que je trouvais intéressante. Alors, les mêmes années... en fait, la même année aux États-Unis, ils
ont également baissé l'âge de la majorité, là, de 21 à 18 ans. Et ce n'est que 10 ans plus tard
que les Américains ont décidé de rehausser l'âge de la consommation
d'alcool à cause qu'ils avaient
remarqué — parce
qu'eux, ils suivent de près leurs statistiques chez les adolescents — qu'il y avait beaucoup d'adolescents
qui se tuaient sur la route à cause de leur consommation d'alcool. En fait, en
cinq ans, la consommation d'alcool était
passée d'on ne sait pas trop combien à presque 80 % des adolescents qui
consommaient de l'alcool. Quand vous
dites qu'il faut attendre cinq ans pour évaluer l'impact de la légalisation du
cannabis au Québec, alors qu'on n'a
même pas d'outils fiables ou, en tout cas, disponibles facilement pour mesurer
l'impact de cette consommation sur
les capacités affaiblies des conducteurs, ne pensez-vous pas que c'est un
peu... bien, qu'il faut être plus prudent que pas assez prudent dans ce
contexte-là?
• (16 h 50) •
Mme Ouimet
(Renée) : Je veux juste vous ramener à ce qui s'est fait au Québec par
rapport à l'alcool. Et je trouve que les
jeunes se sont beaucoup responsabilisés par rapport à l'alcool, en nommant un
chauffeur désigné, en faisant attention
à leur consommation. Et c'est une campagne de sensibilisation qui a eu un
effet, un effet bénéfique. Et ce que ça montre, c'est qu'on peut faire des choses qui transforment les manières
de faire de notre population puis des jeunes. Et ça, je trouve que c'en
est un.
Moi,
je vois plein de jeunes que je connais puis qui disent : Bien, non, moi,
je ne consomme pas ce soir, c'est moi qui
est chauffeur désigné. Ça ne veut pas dire que les autres ne prennent pas
d'alcool, mais qu'il y a peut-être des choses à mettre en place comme ça. Parce qu'on a vu des approches qui ont été
positives et qui ont donné des effets positifs au Québec. Puis j'aimerais mieux qu'on se compare à
ça, ce qui a été positif dans ce qu'on a fait et comment les jeunes ont embarqué, que se comparer aux États-Unis, à
quelque chose qui est négatif, parce qu'on a eu des bons résultats au
Québec.
M.
Carmant : Puis, pour vous, ça prendrait quelle forme, une campagne de
sensibilisation positive dans le contexte du cannabis? Par exemple, celle qu'on a mise sur le... Dans les campagnes
publicitaires qu'on fait actuellement, est-ce que ce serait quelque
chose qui aurait un impact majeur, selon vous? Ou comment vous la verriez?
Mme
Ouimet (Renée) : Écoutez, vous savez que les campagnes, c'est à long
terme qu'ils font effet, que d'analyser l'effet d'une campagne, ça ne se fait pas en deux mois ni en trois mois.
C'est vraiment la répétition pendant des années qui va donner un
résultat. Et ce n'est pas juste la campagne publicitaire, mais c'est aussi
l'information qui est autour, l'information
qui va être dans les écoles, ceux qui vont aller donner de l'information aux
jeunes, qui vont les accompagner, qui vont... que les jeunes vont avoir
accès à c'est quoi, les effets secondaires.
Ça
fait que je pense qu'on peut parler d'une consommation, qu'on peut informer les
jeunes sur... effectivement, sans
leur faire peur, mais des effets réels sur leur santé, que les jeunes soient
vraiment bien informés de ça, que, s'ils vont acheter du cannabis, les vendeurs soient capables de bien les informer
sur les effets, sur les interdictions, sur le fait qu'on ne peut pas conduire après avoir consommé du
cannabis. Ça ne se fait pas juste dans une campagne publicitaire à la
télé, ça va se faire à tous les niveaux, tu sais, ça se fait dans tous les secteurs
en même temps.
M.
Carmant : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Puis, par exemple,
si on regarde les chiffres, encore une fois pour l'alcool, 30 ans plus tard, après ce changement-là aux
États-Unis, par rapport au Québec, eux, là-bas, c'est un sur trois qui consomme de l'alcool chez les
adolescents. Ici, on est encore en haut de 50 %. Eux, ils ont atteint le
chiffre de 50 %, là, en
combinant le changement de loi, tout en laissant l'âge de la majorité à
18 ans, et la campagne publicitaire, là, parce qu'eux aussi, ils ont eu leur campagne
publicitaire. Ça leur a pris moins de 10 ans pour diminuer à 50 %.
Donc, nous, on pense qu'une combinaison de ces deux efforts-là pourrait
nous aider de façon significative. Ne pensez-vous pas que combiner les effets
serait comme synergique?
Mme
Ouimet (Renée) : J'ai de la misère avec l'idée de l'âge. Les jeunes,
ils ont voté pour vous, et vous êtes là pour ça aujourd'hui. Ils sont assez matures pour faire ça. Mais on ne
les considère pas assez matures pour choisir... C'est vrai qu'ils font des gaffes, puis c'est vrai qu'ils
vont continuer à en faire, puis c'est vrai qu'il y en a un qui va fumer trop,
puis ils vont l'expérimenter, puis les
parents, on va les relever, puis on va leur donner de l'information. Puis à
l'école, ils le font déjà, ils font... Ils vont leur interdire puis ils
vont leur dire de quitter l'école parce qu'ils sont venus puis qu'ils ont consommé. C'est en faisant de... On ne croit pas,
nous, que c'est en interdisant qu'on va atteindre les objectifs, que
c'est vraiment plus en accompagnant.
M.
Carmant : Il me reste un petit peu de temps, peut-être revenir sur le
phénomène des difficultés scolaires des jeunes. La neurologue, ce matin, qui est venue nous visiter nous
expliquait que les connexions du cerveau sont altérées par la consommation de cannabis chez les adolescents
puis que ça affecte beaucoup le lobe préfrontal, là, qui impacte la
prise de décision, qui impacte les émotions,
etc. Et elle, elle semblait dire qu'effectivement cette consommation entraîne
des difficultés chez les étudiants plus tard. Ne pensez-vous pas que ça aussi,
c'est un message qu'il faut passer?
Mme Ouimet
(Renée) : Oui, c'est un message qu'il faut passer, comme il faut
passer le message par rapport à l'alcool,
comme il faut passer le message par rapport aux dépendances au jeu, comme il
faut passer le message par rapport aux écrans, comme il faut passer le message par
rapport à la pornographie, comme il faut passer... Il ne faut pas... Il
faut faire attention parce qu'à un moment
donné, quand on embarque dans un dossier, on n'a plus de vision globale, on
voit juste cannabis, cannabis, cannabis puis
on ne voit pas que les dépendances, elles sont multiples et que, si on avait à
agir sur la... à interdire toutes les
possibilités de dépendance. Parce que vous avez vu dernièrement, ça vient de
sortir, sur les déficits d'attention
puis les écrans, est-ce qu'on va dire aux parents qu'on va faire une plainte à
la DPJ s'il y a un enfant qui est devant
un écran, avant cinq ans, pendant plus qu'une demi-heure par jour? Peut-être
qu'on va se rendre là un jour, mais ce qui est le plus important, c'est
d'outiller les gens pour qu'ils réalisent les impacts.
Et je ne suis
pas sûre qu'il y a tant de jeunes que ça qui savent que le fait de consommer du
cannabis, ça se pourrait que ça ait
un effet dépressif à long terme. Je ne suis pas sûre que cette
information-là... Les jeunes à qui je parle, ils ne la connaissent pas,
cette information-là. Elle n'est pas dite dans les écoles actuellement, elle
n'est pas...
Le Président (M. Provençal)
: Je vous remercie pour votre réponse, madame.
Mme Ouimet (Renée) : Excusez, c'est
la passion.
Le
Président (M. Provençal)
: Non, il n'y a pas de
problème. C'est mon rôle d'être obligé de vous interrompre. Les 11 prochaines minutes appartiennent à
l'opposition officielle. Alors, M. le député de Pontiac, je vous cède la
parole.
M.
Fortin : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, merci d'être avec
nous. Bien, je vous dirais que ça fait du bien de vous entendre. Le ministre disait ce matin qu'il y avait
beaucoup de gens qui venaient parler de psychose, qui venaient parler de... qui avaient un petit peu le
même point de vue que lui. Alors, c'est intéressant de vous entendre
avec un point de vue différent.
Il y a
quelques enjeux que je veux souligner dans votre mémoire. Je veux essayer de
bien comprendre. À la page 7, dans la section Un choix médical
et non un choix de santé publique, vous faites référence à une affirmation
que le ministre a déjà faite, qui dit essentiellement : «Fumer du cannabis
augmente vos risques de psychose de 40 %.»
Donc, vous
puis moi, on va faire un petit peu de mathématiques, là, si vous le permettez.
Si le député de Chapleau... moi,
j'apprécie beaucoup le député de Chapleau, j'appréciais plus celui qui était là
avant, mais j'apprécie beaucoup le député
de Chapleau... Je présume qu'il ne fume pas du cannabis. J'ai raison? D'accord.
S'il se met à fumer du cannabis demain
matin, le député de Chapleau, est-ce qu'il augmente ses risques de psychose
de... Est-ce que ça passe de 0 % à 40 % de chance qu'il fasse
une psychose?
Mme Ouimet (Renée) : Non, vous avez
la réponse qui est donnée dans notre quiz qu'on avait publié... que
l'association québécoise de santé publique a publié.
Écoutez, je
suis un peu mal à l'aise de... Vous me mettez dans une situation de malaise
parce que je crois que la CAQ veut protéger nos jeunes, et je crois que
vous voulez protéger nos jeunes, et je crois que le Parti québécois veut protéger nos jeunes, et je crois que Québec
solidaire veulent protéger nos jeunes, et je crois qu'on doit trouver une
manière de fonctionner ensemble pour les protéger plutôt que de se rentrer
dedans, je vous dirais...
M. Fortin : Vous avez raison. Mais
ce que je veux dire, c'est que ce chiffre-là...
Mme Ouimet
(Renée) : Mais je ne vois pas le 40 %. C'est un chiffre que je
n'ai jamais lu nulle part, mais peut-être que vous avez une information
que je n'ai pas.
M.
Fortin : En fait, je ne veux pas rentrer dans le député de Chapleau.
Je veux le protéger. Je veux m'assurer qu'il comprend bien les risques
liés à la consommation du cannabis...
M.
Thouin : M. le Président, question de règlement, je demanderais au
député de Pontiac de s'adresser au président et non pas directement au
député de Chapleau. 35.4°.
M. Fortin : Je ne pensais pas avoir
posé une question au député de Chapleau. Mais, si vous voulez...
Le
Président (M. Provençal)
: Je prends bonne note. M.
le député de Pontiac a amené l'exemple du député de... Mais je vais lui
demander de changer...
M. Fortin : J'utiliserai vous comme
exemple la prochaine fois, M. le Président.
Le
Président (M. Provençal)
: Oui. Bien, je
préférerais que ça soit moi qui sois la tête de Turc, effectivement.
M. Thouin : M. le député de Pontiac, si vous permettez, je crois qu'il y a une
question qui a été posée : Est-ce que c'est vrai que tu ne consommes pas... ou vous ne consommez pas? Je pense que
c'est une question directement posée au député.
M. Fortin : Très bien, très bien,
très bien. Vous avez raison, vous avez raison, M. le député.
Le ministre a fait une affirmation un peu plus
tôt, à savoir que la publicité dans la SQDC s'adressait, disons... Si publicité il y a, dans la SQDC, et c'est dans
le mandat de la SQDC de le faire, une publicité au niveau de la
prévention, de
l'information, etc., on s'adresse à des gens qui fument déjà. Selon vous, la
publicité ou la promotion, essentiellement la promotion de la
prévention, la promotion de l'information, est-ce que ça peut avoir un impact
positif à l'intérieur de la SQDC?
Mme Ouimet (Renée) : À l'intérieur?
M. Fortin : Oui, à l'intérieur de...
La SQDC a un mandat de faire de la prévention, de faire de l'information.
Mme Ouimet (Renée) : À l'intérieur?
M. Fortin : Oui, absolument.
Mme Ouimet (Renée) : Oui?
M. Fortin :
Oui. Est-ce que ça peut avoir un impact positif même si ces gens-là sont des
gens qui consomment déjà du cannabis?
Mme Ouimet (Renée) : Bien, oui.
• (17 heures) •
M. Fortin : Très bien. Merci. Le
ministre a fait référence un peu plus tôt aux dernières études, des études de l'Université McGill et certaines autres. Parlant
de dernières études, il y en a une qui est sortie hier, et on l'a vue, dans
le Guardian. Essentiellement, là, c'est des études auxquelles
on a fait référence dans le passé dans cette commission-ci. C'est des études qui avaient analysé 40, 50,
60 personnes. Cette étude-là, elle s'est penchée sur 100 000 adolescents dans
38 pays. Et là je vais vous
en lire un petit bout, c'est en anglais si ça ne vous dérange pas : «Analysing data about cannabis use among more than
100,000 teenagers in 38 countries — incluant le Canada — the University of Kent study found no association between more liberal
policies on cannabis [use] and higher rates of teenage cannabis use.» Donc, essentiellement, ce qu'ils nous disent, c'est qu'ils ont analysé les
habitudes de consommation de 100 000 jeunes et le cadre réglementaire
ou le cadre législatif du pays et
qu'ils n'ont vu absolument aucune corrélation entre les deux. Est-ce que vous
croyez que ça fait du sens, ça, qu'il
n'y ait pas d'association directe entre un cadre réglementaire qui, disons,
prohiberait, ferait la prohibition d'un produit comme le cannabis et
l'utilisation chez les adolescents?
Mme Ouimet
(Renée) : Moi, j'ai été à plusieurs... pour essayer de m'informer,
j'ai été à plein de conférences de chercheurs
pour essayer de me faire une tête et j'ai beaucoup entendu dire, un, que la
légalisation, à long terme, ne changeait pas la quantité de... c'est-à-dire ne faisait pas qu'il y avait plus de
consommateurs de cannabis. Ça ne répond pas à votre question, hein?
M. Fortin :
Bien, en partie, je vous dirais, en partie. Mais je pense que votre point de
vue est bien compris. J'ai une dernière
question pour vous, et ça, je vous dirais que ça me préoccupe beaucoup. Dans
votre mémoire, vous parlez : Des jeunes,
les plus démunis, seront désavantagés davantage par le fait de mettre dans des
situations d'illégalité les consommateurs entre 18 et 21 ans. Est-ce que vous croyez que ça peut mener très
directement à une stigmatisation, dans certains quartiers qui sont plus
vulnérables, certains usagers qui sont plus vulnérables socioéconomiquement
parlant? Vous y faites référence, là, pendant quelques phrases. J'aimerais ça
vous entendre élaborer un petit peu là-dessus.
Mme Ouimet
(Renée) : Bien, écoutez, c'est sûr que, si, dans un quartier, les
jeunes se ramassent tous à une place pour
aller consommer ensemble, on va les stigmatiser, mais que, s'ils sont dans un
quartier où les parents sont propriétaires, puis ils peuvent fumer sur le terrain, et puis ils ne dérangent pas
personne, il ne vont pas vivre la même stigmatisation que la petite gang qui va se retrouver dans un espace
en cachette, puis que, là, bon, on risque d'avoir beaucoup de préjugés à
l'égard de cette petite gang là de jeunes qui vont aller fumer du pot dans un
endroit, oui.
M. Fortin :
Très bien. Je pense que mon collègue de Marquette avait une question.
Mme Ouimet
(Renée) : ...c'est ça, les enjeux de répression, ça a un impact
important sur la santé mentale de la population, puis ça, il ne faut pas
l'oublier.
M. Fortin :
Très bien. Merci.
Le
Président (M. Provençal)
: M. le député de Pontiac,
vous vouliez sûrement me demander que je cède la parole à votre
collègue, en tout respect.
M. Fortin :
Bien sûr. Vous apprenez bien votre rôle, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, vous voulez que je cède la parole à?
M. Fortin :
Bien, à celui que vous voulez, M. le Président.
Le Président (M.
Provençal)
: Non, ce n'est pas à moi à
choisir.
M. Ciccone :
Est-ce que je peux y aller?
Le Président (M.
Provençal)
: Oui, allez-y.
M. Ciccone : Bien, merci beaucoup de votre présence. Moi, je vais y aller un peu sur
la mécanique. On a parlé de prévention,
on a parlé de problèmes mentaux. Cependant, moi, c'est juste sur la mécanique,
puis je trouve qu'il y a des choses qui ne fonctionnent pas puis je veux
vous entendre là-dessus.
Selon la réglementation, on empêcherait les utilisateurs de
cannabis de fumer dans les lieux publics. Puis, quand je parle de lieux publics ici, là, bien entendu, je
parle de l'extérieur. Je parle de l'extérieur, je parle des parcs, je parle
des trottoirs. M. le ministre invoque
beaucoup le fait d'émettre ce projet de loi là pour protéger, justement, les
jeunes le plus longtemps possible.
Cependant, forcer des utilisateurs à fumer à l'intérieur... Parce que le seul
endroit que je peux voir où on peut fumer du cannabis, avec ces
mesures-là, c'est de fumer à l'intérieur.
Alors qu'on dit
qu'on veut protéger des jeunes le plus longtemps possible, là, maintenant, on
veut fumer à l'intérieur, ce qui va faire en
sorte qu'on va exposer les jeunes, justement, ceux qui ne fument pas, et même
les adultes, à la fumée secondaire.
Alors, on dit vouloir protéger les jeunes et ce qu'on ne dit pas, c'est qu'on
expose justement des plus jeunes,
même des bambins. Parce qu'il y a des jeunes, puis il y a des enfants, puis il
y a des bébés qui vont être dans les maisons. Ne trouvez-vous pas ça,
qu'il y a une ambiguïté avec cette mesure-là, justement, proposée par le ministre?
Mme Ouimet
(Renée) : Oui. Oui, oui.
Bien, on a la même position que la Santé
publique, c'est que c'est
complexe si on légalise quelque chose, mais on l'interdit partout. Tu sais, c'est deux poids, deux mesures.
Puis effectivement les effets secondaires de la fumée, il y en a,
ça fait que, si le seul endroit où c'est possible de fumer, c'est
dans les maisons, c'est problématique. Puis on sait que, même dans les logements, bien,
il y a plein de propriétaires qui l'ont déjà interdit, dans plein de condos, c'est interdit, dans des
coopératives d'habitation, c'est interdit. Ça fait que, pour plusieurs,
même dans leur lieu privé, c'est
interdit, ça fait que ça... Bon, il y a quelque chose de... Tu sais, ça peut protéger la santé. Comme la cigarette, on sait qu'il
y a eu quand même une diminution, en interdisant de fumer dans des bars et dans les milieux de travail,
mais de là à l'interdire dans les lieux extérieurs... C'est complexe.
M. Ciccone :
Avec ces mesures-là, justement, où plusieurs des personnes qui restent en
condo, qui restent en appartement, où ça va
devenir... on va l'interdire, là, est-ce
qu'on ne force pas les gens, justement,
à briser la loi, justement? Parce que, là, on n'a pas le choix puis on
va être obligé de sortir.
Mme Ouimet
(Renée) : Oui, bien oui.
Bien, oui puis non. C'est une réponse... C'est oui si on est obligé
d'aller fumer dehors, on va devenir illégal
en allant fumer dehors, puis, de fumer en
dedans, on ne peut pas parce que
c'est interdit de fumer en dedans,
mais qu'on vend du cannabis au coin de la rue, à la SQDC, et qu'on autorise que
ce soit fumé, au Québec. Il faut que quelque part on fasse quelque chose
qui a du sens.
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci. La parole est maintenant au député de Jonquière, représentant la deuxième opposition, pour les 2 min 45 s
suivantes. À vous la parole.
M. Gaudreault : Oui. Merci
beaucoup d'être ici. Je voudrais vous
entendre sur la proposition qui a été faite, entre autres,
par deux groupes, l'INSPQ et, tout à
l'heure, Citoyenneté Jeunesse, qui
ont proposé de vendre pour les jeunes jusqu'à 21 ans, voire même 25 ans, une gradation selon le niveau de
tétrahydrocannabinol dans le produit de cannabis. Alors, est-ce que vous
pensez que ça pourrait être une piste d'atterrissage? La question qui tue.
Mme Ouimet
(Renée) : Bien, écoutez,
je viens juste de lire cette semaine la position de l'INSPQ là-dessus,
puis c'était quelque chose que je n'avais
pas lu avant. Peut-être que ça peut être une piste d'atterrissage intéressante, mais ce n'est pas... Il faut y réfléchir.
M. Gaudreault : O.K. Donc, vous n'êtes pas totalement
fermés, mais vous souhaiteriez peut-être prendre un
peu plus de temps...
Mme Ouimet
(Renée) : Bien, ni pour ni
contre parce qu'on ne s'est pas positionnés, mais l'idée est
intéressante. Mais, comme je vous dis, je l'ai lue cette semaine, leur position.
M. Gaudreault : Mais, en tout
cas, si jamais vous réfléchissez davantage sur ce point, vous pouvez nous le transmettre, là, comme en annexe à votre mémoire,
tant que la commission siège, il n'y a pas de problème. Madame, vous
voulez ajouter un point?
Mme Boniewski
(Monique) : Je pense
qu'on parle beaucoup de consommation raisonnable quand on parle de l'alcool, ça
fait que, peut-être,
la réflexion serait intéressante aussi quand on parle de ce type de produit là,
hein? Ça fait des années qu'on sait
que les femmes doivent boire deux verres par jour, les hommes, trois, pas plus
que tant par semaine, hein, et on ne
boit pas tous les jours. Ça fait que peut-être que ça serait intéressant qu'on aille dans
une direction comme ça.
On parlait de ça juste avant de
rentrer, sauf qu'on n'avait pas d'élément pour dire : C'est de cette
façon-là que ça devrait se faire. Mais, si on est capables de le faire
pour l'alcool, si on est capables d'y penser pour la loterie, bien, certainement qu'on est capables de faire quelque
chose avec ce type de produit là.
Comment l'établir? Aïe! Moi, je ne suis
pas marchande du tout, du tout. Communautaire. Ça fait que je n'ai aucune idée
comment ça peut s'élaborer. Mais je suis certaine qu'il faut penser à...
La consommation sécuritaire, ça devrait faire partie du cadre, peu importe
l'âge.
M. Gaudreault :
Il me reste du temps?
Le Président (M. Provençal)
: 20 secondes.
• (17 h 10) •
M. Gaudreault : Ah! Pourquoi vous dites que de laisser ça à 18 ans, ce
n'est pas banaliser la consommation? En 15 secondes, là.
Mme Ouimet
(Renée) : Bien, faire de l'information, parler des effets secondaires, parler des risques, parler d'une
consommation responsable, ce n'est pas banaliser, c'est informer. Banaliser, ça
serait dire : Le pot, ce n'est pas grave, prenez-en comme vous voulez. Ce n'est pas ce qu'on dit. Ce qu'on dit,
c'est que ça a des effets secondaires, ça peut en avoir, c'est important
de les connaître, c'est important de le savoir. Alors, c'est dans ce sens-là.
Le Président (M. Provençal)
: Merci
beaucoup. Merci beaucoup, madame. Alors, la finalité de cet échange sera avec la
contribution du député de Jean-Lesage, pour les 2 min 45 s
restantes. À vous.
M.
Zanetti : Merci beaucoup. Merci pour votre témoignage. Moi, ce qui me marque beaucoup
dans ce projet de loi, cette idée d'augmenter l'âge légal à 21 ans pour
la consommation du cannabis, c'est qu'on crée deux catégories d'adultes.
On dit : Il y en a que, bien, leur
cerveau n'est pas assez développé pour prendre des bonnes décisions quant à
leur propre santé et leurs propres
choix de vie, puis il y a ceux qui ont plus de 21 ans. Et la question que
je voudrais vous poser, c'est : Selon vous, est-ce qu'en traitant
les jeunes adultes comme des enfants on va favoriser leur maturité? C'est la
fin de ma question.
Mme
Ouimet (Renée) : Selon nous, non. Selon nous, il faut les équiper pour
qu'ils puissent agir, les informer, comme
je vous disais, les accompagner, leur donner... Tu sais, on parle de soins,
pouvoir avoir accès à de la psychothérapie, si on en a besoin, avoir accès à des organismes communautaires, avoir
accès... si on a développé une dépendance, avoir un accès rapide à un centre d'intervention puis de
connaître, d'être... Les jeunes, ils sont assez... Tu sais, la maturité, là,
on passe notre vie à... On a 60 ans,
puis on n'est pas encore complètement mature, tu sais? Ça fait qu'on passe
notre vie à travailler ça. Ça fait
que, 18 ans, c'est aussi d'assumer les risques que l'on fait, mais il faut
les connaître, les risques, pour savoir si on les assume ou pas.
Puis
il faut être valorisé. Tu sais, les facteurs de protection que je vous ai
passés, ce n'était pas une blague, là, c'est si on est bien entouré, si on les valorise, si on leur donne une estime de
soi, si leur vie, elle a du sens, c'est agir sur tout ça qui fait une société en bonne santé. Puis les jeunes,
ils ne sont pas décrochés du reste de la société. C'est tout
l'environnement qui crée la santé des
individus. Donc, donnons-leur le pouvoir d'agir. Mais, pour donner un pouvoir
d'agir, comme on disait, parce que
Monique a donné une conférence là-dessus dernièrement, c'est... Si on veut les
amener à pêcher, bien, ça se peut qu'on soit obligé de déblayer le
chemin pour les amener jusqu'à la rivière et pour bien les équiper à pouvoir
pêcher adéquatement. Ça fait que ce n'est pas juste dire : Va pêcher, mais
c'est quoi, les...
Une voix :
...
Mme Ouimet
(Renée) : Hein?
Une voix :
Il faut toujours qu'il y ait du poisson dans la rivière.
Mme Ouimet
(Renée) : Aussi.
M. Zanetti :
J'ai une autre question.
Le Président (M.
Provençal)
: 10 secondes.
M.
Zanetti : Est-ce qu'avant la
légalisation les jeunes de 18-21 ans avaient un problème
d'accès au cannabis, selon vous?
Mme Ouimet
(Renée) : Non.
Le Président (M.
Provençal)
: Merci
beaucoup.
M. Zanetti :
Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, je remercie le Mouvement Santé mentale Québec
pour leur contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les
travaux pour quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre
place. Merci beaucoup, mesdames.
(Suspension de la séance à
17 h 14)
(Reprise à 17 h 17)
Le Président (M. Provençal)
: Nous poursuivons nos travaux. Je souhaite maintenant
la bienvenue au Dr Richard Bélanger, à la Dre Isabelle Samson, à Mme
Marianne Dessureault ainsi qu'à M. Bastien Quirion.
Je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et
à commencer votre exposé. Merci.
Mmes Marianne Dessureault et Isabelle Samson,
et MM. Richard Bélanger et Bastien Quirion
Mme Dessureault
(Marianne) : Ah! Parfait. Bonjour. Donc, M. le Président, M. le
ministre délégué, Mmes et MM. les députés, bonjour. Merci de l'invitation à
cette commission parlementaire.
Mon nom, Marianne
Dessureault, avocate et analyste en politique publique pour l'Association pour
la santé publique du Québec, organisme qui regroupe citoyens, experts,
organismes partenaires, qui a pour mission de faire la promotion des enjeux de
santé publique. C'est dans cette perspective de multidisciplinarité que nous
avons allié nos compétences pour vous présenter aujourd'hui une opinion commune
et multidisciplinaire.
Tout d'abord,
j'aimerais juste préciser qu'on comprend les inquiétudes et les préoccupations
qui suivent la légalisation du cannabis. Ce
n'est pas rien. L'idée n'est pas de banaliser les risques potentiels de la
consommation. On partage vraiment l'opinion de l'ensemble des partis.
Mais c'est parce qu'on comprend et plutôt qu'on considère ces risques-là qu'on
vous présente aujourd'hui la position du maintien du cadre légal actuel, donc,
un 18 ans... maintenir l'accès légal à 18 ans et de ne pas augmenter
les restrictions relatives à la consommation sur les voies publiques.
Pour
ma part, bon, il s'agit d'une opinion... une approche populationnelle qu'on
pourra vous expliquer, que mes collègues
vont pouvoir vous expliquer. D'un point de vue juridique, j'aimerais quand
même, parce que c'est un peu plus ma compétence... je vais vous
soumettre, là, quelques arguments.
Le ton prohibitionniste qui est proposé, et le
fait de cibler certains jeunes, contrevient, bon, un, aux chartes — je pense
que le Barreau a soumis un peu cette idée-là — mais aussi à l'esprit et à l'objet de la loi
et du cadre fédéral. Et là ça pose un
risque. En agissant de la sorte, on vient stigmatiser et discriminer un groupe
de la population, donc les jeunes, et aussi
principalement les gens qui n'ont pas accès à la propriété, donc souvent les
locataires, qui sont un autre groupe plus vulnérable de la population.
Et tout ça, bien, ce faisant, on limite les efforts qui sont investis ensuite
en prévention.
Donc,
tout cet ensemble de facteurs là viennent jouer sur ces perspectives-là. Puis
je parlais, là, c'est... Au niveau des
jeunes, on cible beaucoup au niveau des infractions. Les jeunes sont ciblés par
les infractions qui sont relatives et les sanctions qui sont émises dans
le projet de loi, plus que, exemple, d'autres consommateurs ou les autres parts
de la population. Donc, c'est un point, là,
que je pourrai développer au besoin. Je vais passer tout de suite la parole,
puisqu'on est quatre.
• (17 h 20) •
M. Quirion
(Bastien) : Bonjour. Bastien Quirion, je suis professeur de
criminologie à l'Université d'Ottawa.
Bien,
je tenais tout d'abord à remercier la commission de nous avoir invités. Ça va
faire plaisir de répondre à vos questions concernant les recommandations
qu'on retrouve dans le mémoire.
Tout simplement vous dire, comme la plupart des chercheurs qui ont passé une partie de
leur carrière à étudier les politiques en
matière de drogues, j'ai accueilli de
façon très, très favorable le projet de... l'initiative du gouvernement fédéral de mettre
en place une légalisation du
cannabis. Je sais que c'est une initiative qui a suscité beaucoup d'inquiétude,
mais je suis convaincu qu'il s'agit en fait de la meilleure avenue pour réduire efficacement les méfaits qui sont liés à l'usage du cannabis parce que c'est une initiative qui permet
d'éliminer les conséquences, les conséquences négatives qui sont liées
au régime de prohibition, tout en instaurant
un contexte qui soit propice à une meilleure prévention auprès des groupes
les plus vulnérables.
Or,
en resserrant les règles, le projet
de loi, tel que proposé, va avoir
pour effet, à mon avis, de miner la portée de la légalisation du
cannabis, et ça, de deux façons : premièrement, en maintenant un plus
grand nombre d'utilisateurs, de consommateurs
sous un régime de prohibition, en
particulier des groupes de
consommateurs particulièrement
vulnérables, et, deuxièmement, en multipliant les obstacles à la mise en place d'une prévention
efficace. Parce que, malgré ce qu'on peut penser, ce n'est pas en haussant l'âge jusqu'à
21 ans qu'on va retarder l'âge d'initiation au cannabis. On va tout simplement empêcher ce groupe d'âge de pouvoir s'approvisionner à l'extérieur du marché noir et aussi on va rendre la prévention encore plus difficile. J'ai déjà
travaillé pendant une douzaine d'années auprès des jeunes en difficulté
et je suis convaincu que
l'intervention la plus pertinente en
termes de prévention doit s'appuyer
sur le dialogue, et en resserrant les règles et en interdisant l'usage, ce n'est pas une façon, à mon avis,
qui nous permet de créer un contexte qui soit favorable, justement, à
ce dialogue-là.
En ce qui concerne l'interdiction de consommer dans les endroits publics, il s'agit
d'une mesure qui va se traduire par
une discrimination en ce
qui concerne certains groupes
d'individus qui sont déjà dans une situation de vulnérabilité. C'est-à-dire que les individus qui bénéficient le moins d'accès à la propriété ou à
des espaces privés vont subir une certaine forme de discrimination à laquelle vont échapper des gens qui sont dans
une situation où ils sont un peu mieux nantis. On pense, en
particulier, à des groupes
d'individus qu'on retrouve... qui sont dans une situation de précarité,
particulièrement en milieu urbain, on pense
aux itinérants, aux jeunes de la rue, aux personnes qui sont hébergées dans des
institutions. Et la mise en place de ces nouvelles mesures risque de conduire à
la création, à mon avis, d'un système de régulation à deux vitesses, donc d'un système
qui traiterait différemment les individus en raison de leurs ressources
financières.
Donc, c'est
pour cette raison que nous sommes d'avis qu'on ne devrait pas opter pour des
mesures plus restrictives. Le gouvernement provincial serait beaucoup plus avisé
de mettre en place des campagnes de sensibilisation et d'essayer
d'attendre une période pour aller évaluer l'impact de la législation actuelle,
pour vérifier si effectivement il y a des ajustements qui pourraient être faits
dans quelques années. Merci.
M.
Bélanger (Richard) : Bonjour. Richard Bélanger. Je vais tenter d'être
bref. Pédiatre, médecin d'adolescence, je suis aux premières loges des
inquiétudes qui entourent le cannabis et sa légalisation.
Consommer du
cannabis, c'est loin d'être avantageux pour le cerveau des jeunes, nul doute à
ce sujet. Ces évidences ne peuvent,
par contre, pas seules dicter une politique publique, selon nous. Faut-il
rappeler que ce n'est pas parce que le cannabis
est bon que sa légalisation fut faite au Canada, mais parce qu'il est consommé
par plusieurs, dont les jeunes, et que l'encadrer
vise à minimiser les dégâts qui peuvent lui être associés? Les minimaliser en
établissant des limites importantes pour
tous, mais particulièrement pour les jeunes. En cela, la légalisation actuelle
apparaît acceptable : absence de marketing, distance minimale des établissements scolaires. La légalisation du
produit a également créé l'opportunité de réaliser des campagnes
d'information nationales, provinciales et, on le souhaite, pourra systématiser
les interventions en milieux communautaires et scolaires par des montants
dédiés. Dans quelques mois, des données sur l'impact de la législation
québécoise sur les perceptions et l'usage du cannabis par les adolescents du
secondaire seront même disponibles.
Si c'est par
le message qu'il lance aux jeunes que le projet de loi n° 2 souhaite atteindre
sa cible, nous croyons qu'il fait
fausse route. Bien que l'adolescent développe ses aptitudes et son esprit
critique sur plusieurs années, il n'en est pas moins rapidement un fin détecteur d'illogismes et d'injustices. Comment
comprendre qu'il peut voter, accepter seul des interventions pour son état de santé ou même acheter de l'alcool et du
tabac à 18 ans et non du cannabis maintenant légal? Introduire une telle incongruité, c'est menacer la
confiance des jeunes envers les messages lancés par le gouvernement et ses institutions. La protection du mineur, restons
inflexibles sur ce point, mais la confiance en des adolescents et des
jeunes adultes bien informés, c'est ce qui devrait être envisagé.
Par contre,
l'arrivée prochaine, légale, de produits comestibles du cannabis est un nouvel élément à suivre de près. Les données américaines mais également
européennes indiquent une hausse des cas d'intoxication, chez les enfants
et les adolescents, associés à ces produits,
tout comme ceux de haut niveau de THC. Les États américains ayant permis
la vente de certains produits du cannabis d'allure anodin sont revenus
sur leur décision et ont changé leur législation devant les évidences. C'est dans de telles contraintes, et
non dans la hausse de l'âge de la légalisation, que des gains sont
envisageables pour les jeunes.
Mme Samson
(Isabelle) : Je vais
m'aventurer, mais j'en ai plus qu'une minute à dire, mais je n'en ai pas
plus que trois. Alors, merci pour votre
travail. J'aimerais éclairer nos échanges en y ajoutant la perspective des médecins spécialistes de mon association, dont je suis la présidente,
les médecins qui se spécialisent en santé publique, et médecine
préventive, et en médecine du travail, quoique je vais surtout parler ici d'une
perspective de santé publique.
Comme vous le savez, les médecins, nous sommes
formés pour faire du diagnostic et du traitement en tenant compte non seulement des dimensions physiques,
mais psychologiques et sociales. Les médecins de mon association, on y travaille, mais moins individu par individu,
plus groupe par groupe. Et, pour ce faire, pour faire notre diagnostic,
on a des outils un peu différents. On a de la
formation en épidémiologie pour voir comment évoluent les maladies et les
comportements, en enquête pour déconstruire les enquêtes, et bien les
interpréter, et aussi pour apprécier les études scientifiques, les forces, les faiblesses de ces études, distinguer les
associations des éléments qui peuvent révéler de la causalité et aussi voir c'est quoi, ces risques
relatifs, comme du 40 %, qu'est-ce que ça peut vouloir dire en termes de
risque absolu. Tout pour nous aider à faire un bon diagnostic.
Ici, on
trouve qu'on malmène un petit peu la science. Mais néanmoins, même si on
généralise certains risques, nous partageons
qu'il y a un risque pour certains, en ce qui concerne le cerveau, et qu'il faut
être prudent avec cette substance et le
message qu'on lance aux jeunes. Il nous faut donc un traitement. Et notre façon
de penser au traitement, c'est groupe par groupe.
Il y a ici
trois groupes. Alors, pour le premier groupe, les non-utilisateurs, il faut
faire des efforts de prévention, c'est
sûr, et il y a une science à la prévention, mais il faudrait aussi aller au-delà
de de la sensibilisation et d'agir sur l'âge légal. Mais les deux autres groupes sont les
consommateurs occasionnels et les consommateurs réguliers — je termine sous peu. Pour les consommateurs occasionnels, il faut
éviter à tout prix qu'ils consomment du cannabis puissant et dangereux
qui peut accroître le risque de psychose et de dépendance. Et les forcer de
s'approvisionner dans la rue n'est pas un bon traitement.
Et, pour les consommateurs réguliers, qui ont souvent des comorbidités, et là,
le débat, c'est la poule ou l'oeuf, eux,
ils ont besoin de services en temps opportun et de bonne intensité. Et c'est
pour ces raisons qu'on vous recommande le maintien...
Le
Président (M. Provençal)
: Je
vous remercie. Je vous ai laissé quand même un temps supplémentaire que
je trouvais louable pour votre présentation.
Je vous remercie. Alors, l'exposé étant terminé — excusez-moi — nous allons maintenant commencer la
période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous pour les
16 min 30 s.
M. Carmant :
Merci beaucoup de vous être déplacés. Encore une fois, merci, surtout avec le
court délai, là, pour vous préparer,
merci d'être là puis de nous faire une présentation si bien montée. Je pense que
votre contribution, là, surtout les trois groupes, là, c'est des choses
qui vont faire avancer nos réflexions.
Encore une fois, je le répète, là, nous, ce
qu'on vise dans le projet de loi n° 2, c'est vraiment aider aussi les adolescents. Et, tu sais, tout ce concept de
donner accès à des produits, tu sais, comme de la SQDC, comment on peut appliquer ça chez les plus jeunes, en fait?
Comment vous voyez que ça pourrait... Pourquoi vous dites que, si on
augmente l'âge, on n'aura pas d'impact sur nos adolescents?
Mme Samson
(Isabelle) : Je ne serais
pas prête à dire qu'il n'y aurait pas d'impact. Je pense ici qu'il faut
revenir à la notion de groupe. Alors, pour
les non-utilisateurs, il y aurait peut-être un potentiel, surtout si la
substance n'était pas par ailleurs si
disponible, comme... il n'y avait pas un marché clandestin florissant. Mais,
dans le cas actuel, il ne faut pas oublier, comme je l'ai dit, les deux
autres groupes, qui sont les utilisateurs déjà. La vaste majorité ne sont que
des utilisateurs occasionnels. Pour eux qui
consomment déjà, pour un certain temps, enfin, de les forcer à s'approvisionner
dans la rue n'est pas la solution.
Alors,
l'impact de l'âge légal, c'est une science assez imprécise, je pense qu'il y en
a qui vous l'ont dit, mais ce n'est
pas dit que ça n'aura jamais d'impact. Des fois, ça a des impacts paradoxaux,
des fois non. Mais c'est comme si c'était tout un marché de
non-utilisateurs, alors que ce n'est pas la réalité actuelle.
• (17 h 30) •
M.
Carmant : En fait, nous, on les voit comme... En fait, les chiffres,
c'est : 75 % sont déjà des utilisateurs. Donc, ce concept de les ramener est puissant, oui, mais
ce n'est pas ce qu'on voit dans la réalité. En fait, les chiffres qu'on
a de la SQDC nous disent que seulement
2 % des 18-20 ans — en tout cas, les chiffres en ligne — vont s'approvisionner à la SQDC. Puis
ça, il me semble, c'était prévisible, quand on comprend la situation dans
laquelle ces jeunes sont.
Mme
Dessureault (Marianne) : Si
je peux me permettre, votre question aussi, tout
à l'heure, était :
Comment les protéger, ces adolescents, avec
les produits de la SQDC? Les produits de la SQDC étant contrôlés, on sait
exactement ce qui s'y trouve. Je pense que
ça, c'est peut-être le meilleur moyen. Les employés ont également
une formation sur place.
À mon sens,
ce n'est pas en excluant une portion de ces jeunes qu'on va justement
les ramener. On ne les ramènera pas
après le 21 ans non plus. S'ils n'ont pas commencé plus tôt ou été
sensibilisés au produit, que ce soit... les moyens de sensibilisation, plus jeunes, donc dès le
18 ans qu'ils ont accès... on ne pourra pas... on va les exclure de
manière permanente. Donc, c'est sûr que ces moyens de prévention là,
c'est peut-être la meilleure manière, auprès de la SQDC, justement.
M. Carmant : J'aimerais vous poser quelques
petites questions spécifiques, là, par rapport à l'aspect légal, justement.
La loi fédérale, ça permettait la culture de quatre plants de cannabis à
domicile, et ceci n'a pas été adopté avec le projet de loi n° 157.
Pourtant, on n'a pas eu de représailles du gouvernement fédéral. Pourquoi
êtes-vous si inquiets qu'on modifie l'âge? Parce que la loi dit aussi
qu'on a le droit de décider l'âge de début de consommation, et, dans d'autres
provinces, ils ont choisi 19 ans.
Mme
Dessureault (Marianne) : Je
vous dirais là-dessus, bon, oui, c'est de la compétence provinciale de
décider. Par contre, il ne faut pas oublier que, là, on marque un
écart important entre deux substances, entre plus... la majorité,
l'âge de majorité et l'âge pour un
droit pour avoir accès au cannabis. Donc, cette incohérence crée un effet discriminatoire,
mais c'est surtout l'aspect prohibition. Dans le fond, on dit : Au Canada, à 18 ans, vous avez le droit de voter, vous
avez le droit de faire preuve...
d'être émancipé de l'autorité parentale, mais vous ne pouvez pas acheter de
cannabis. Pourtant, le cadre fédéral, donc l'esprit de la loi fédérale
est vraiment... l'objet étant de permettre.
Il y a
un adage souvent qu'on entend : On ne peut pas faire indirectement ce
qu'il est interdit de faire directement. Je vous le dirais a contrario. Donc, c'est un peu le même principe, donc
c'est l'aspect un peu prohibition, qui est permis par l'esprit de la loi fédérale, que, là, je crains
qu'au niveau légal... qu'on soulève dans le mémoire, est plus
dangereux. Je ne dis pas... En tant
que tel, oui, ça paraît de compétence provinciale, mais il faut maintenir
l'esprit de la loi fédérale, puis c'est là que c'est un danger.
M.
Carmant : Puis, à propos de
cette contradiction, si on regarde, par
exemple, aux États-Unis,
l'âge de la majorité est aussi à 18 ans, et pourtant ils consomment
l'alcool et le cannabis à 21 ans. Est-ce que vraiment nos jeunes sont si
différents d'un côté et de l'autre de la frontière?
M. Quirion
(Bastien) : Probablement pas. Je reviendrais juste sur la question de l'âge de
21 ans. Le principal problème que je vois, je l'ai mentionné tout à
l'heure, c'est qu'on va maintenir un groupe d'âge dans un régime de prohibition. Et je sais que les inquiétudes sont
autour de la question à savoir: Est-ce qu'il va y avoir une augmentation
de l'utilisation de cannabis dans nos sociétés?
Bien, on est devant un fait que c'est un groupe d'âge qui consomme déjà plus que les autres groupes d'âge,
donc on est déjà avec une population qui a un taux de consommation.
Et moi, je
pense que, là où le gouvernement doit s'attarder, ce n'est pas tant sur le taux de
consommation qu'on a dans la société,
mais sur le fait qu'on est face à un usage qui peut être dangereux, qui peut
ouvrir sur des dépendances, qui peut
ouvrir sur des problèmes de santé. Et il faut qu'on ait un régime qui permette,
justement, de réduire les problèmes qui sont associés à la consommation, et non pas de
réduire la consommation en tant que telle. Et, dans ce sens-là, de
maintenir un régime de prohibition, c'est
qu'on est en train de... ça empêche de mettre
en place une véritable campagne de
prévention qui va justement éviter qu'il y ait plus de problèmes de
consommation problématique qui soient associés à l'usage.
M.
Carmant : Bien, en fait,
moi, je pense... Nous, on compte absolument faire cette campagne de prévention, et, en fait, contrairement à ce qui a été dit auparavant,
l'argent dédié au fonds de prévention du cannabis n'a pu être dépensé,
car le gouvernement précédent avait négligé d'établir les règles de gestion du
fonds et des revenus du cannabis, se contentant d'annoncer les millions sans
faire le travail qu'on a dû faire quand on est arrivés au pouvoir.
Ce que je voulais dire aussi, également, c'est
que l'INSPQ nous a écrit un document disant qu'en matière de consommation d'alcool des recherches ont montré que le rehaussement de l'âge légal de
consommation pouvait conduire à une
diminution de la précocité de l'âge d'initiation, et les changements à la
baisse de l'âge légal, à une plus grande précocité.
Donc, que pensez-vous de ce qu'ils avancent?
Est-ce contraire à ce que vous nous dites?
Mme Samson (Isabelle) : Non, je
pense que c'est tout à fait ce que je disais tantôt. C'est qu'il y a plusieurs groupes ici dont on... La réalité, c'est qu'il y a
présentement des gens qui sont non utilisateurs, puis d'augmenter l'âge légal... Enfin, il y a toutes sortes de méthodes
d'influencer les normes sociales. Les normes sociales, si on travaille
bien, ont un impact certain sur
l'initiation. C'est que, là, en ce moment, on est dans un marché qui vient
d'être légalisé, et les produits illicites
sont abondamment disponibles, des produits illicites. Votre jeune va
s'approvisionner dans la rue, ce qui n'est pas le cas pour l'alcool. L'alcool, c'est du détournement
de stock légal que les jeunes en bas de 18 ans prennent. Ce n'est
pas le même contexte. Éventuellement,
peut-être serons-nous là, mais je ne pense pas qu'on peut comparer les réalités
de l'alcool, en ce moment, à celles du cannabis.
Je ne sais pas si mes collègues ont de quoi à
ajouter, mais je pense que, pour l'instant, on n'est pas là.
M.
Carmant : Mais pourquoi... Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il vaut mieux
être prudents, prévenir. On a vu, par exemple,
ce qui s'est passé pour la Loi sur le tabac, qui a été resserrée à multiples
occasions. Nous, on dit : Soyons stricts dès le départ, et, si tout
va bien, là, on pourra se donner un peu d'espace.
Mme Samson
(Isabelle) : On a la même
intention, stricts à la bonne place, pas stricts à des endroits qui vont
avoir des effets pervers. Je veux dire, dans
plusieurs... Dans le tabac, par exemple, il y a eu, à un moment donné, des
intentions, des bonnes intentions. On va
sensibiliser au primaire. C'est le passage du primaire au secondaire qui fait
le problème. On s'est mis à donner
des informations sur le tabac à l'âge primaire. Il y a eu une augmentation du
taux de tabagisme. La science de
la... La prévention, il y a une science. Ce n'est pas tout resserrement et
toutes précautions qui vont donner les effets escomptés. Chaque chose en
son temps.
Et là, présentement, considérant le taux de
jeunes qui consomment du cannabis, ce n'est pas le temps de les empêcher d'aller vers le marché légal. On les
force à rester, la consommation, dans la rue. Puis, les gens dans la rue,
je ne suis pas sûre qu'ils ont une éthique
et une... enfin, je ne les connais pas tellement, mais je ne suis pas sûre
qu'ils n'ont pas une logique
marchande, eux autres avec, puis ils n'ont pas des intentions... En tout cas,
moi, je serais bien dérangée si mon
jeune consommait dans la rue. Puis je ne sais pas ce qui va arriver avec
l'alcool. Il y a un détournement de stock légal vers les plus jeunes. Je
ne sais pas ce qui va arriver avec le cannabis. Alors, chaque chose en son
temps.
M.
Carmant : Et ne pensez-vous pas qu'en fait ce n'est pas dans... c'est
dans la cour d'école? Ne pensez-vous pas que notre stratégie devrait
pointer le revendeur qui est dans la cour d'école en le réadaptant? Ne
serait-ce pas une bonne stratégie?
Mme Samson (Isabelle) : Je ne suis
pas criminologue, là, ça fait que...
M. Quirion (Bastien) : Oui. Dans la
cour d'école, oui, il faut protéger les enfants contre ce contact-là. Mais la question de... Je reviens à la question de
monter l'âge de 18 à 21 ans. Je pense qu'on sort de la cour d'école. On
parle de jeunes adultes qui, en principe,
sont supposés être des gens qui sont autonomes. Ils ont accès à des privilèges
qui sont donnés à tous les citoyens.
Je verrais mal comment on puisse justifier le fait que, par rapport à ce
produit-là en particulier, il y aurait une exception, à ce moment-là.
Et je reviens
avec cet argument en disant que la meilleure façon, je pense, de rendre ces
adultes autonomes là encore plus
responsables, c'est de leur transmettre l'information, leur transmettre les
informations disponibles. Et ce que plus de 100 ans de prohibition en Amérique du Nord nous a démontré, c'est
que, dans un régime de prohibition, c'est très difficile de faire des campagnes de prévention où on
transmet l'information aux gens pour qu'ils soient capables d'arriver à
un usage qui soit responsable puis un usage qui soit contrôlé.
Donc, dans ce
sens-là, j'ai bien peur qu'en étendant le contexte de la prohibition à un
groupe d'âge de plus on risque de
perdre cette tranche d'âge là pour mettre en place des campagnes de prévention
qui soient efficaces puis qui pourraient justement éviter qu'il y ait un
dérapage vers des pratiques qui soient plus problématiques.
M. Carmant : Même si on fait ces
campagnes-là en amont du début de la consommation?
• (17 h 40) •
M. Quirion
(Bastien) : Ah! il faut le faire le plus tôt possible, je suis bien
d'accord, sauf que, comme je vous dis, si
on ne peut pas... Je l'ai mentionné tout à l'heure, si on n'est pas dans un
contexte où on peut ouvrir le dialogue avec les jeunes sur les risques, sur les méfaits qui peuvent être associés à la
consommation, ça devient très difficile de mettre en place une campagne comme celle-là. Et, dans un
contexte d'interdiction, le dialogue est particulièrement difficile.
J'ai travaillé pendant longtemps avec des
jeunes qui étaient placés dans des centres d'accueil. Dans un registre où c'est
interdit, c'est très difficile d'en arriver à une campagne de prévention qui soit
efficace.
Donc, ça permettrait, pour les jeunes
adultes, à ce moment-là, d'être capable de mieux cibler les besoins de ce
groupe-là.
M. Carmant :
D'accord. M. le Président, est-ce qu'on pourrait passer la parole... vous
pourriez passer la parole au député de Chapleau?
Le Président
(M. Provençal)
: Oui.
M. Lévesque
(Chapleau) : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour. Donc, comme
vous savez probablement, donc, les
jeunes consomment de l'alcool autour de 13, 14 ans. On pense que rehausser l'âge à 21 ans
permettra de retarder la première
consommation de cannabis chez les jeunes. Dans le fond, le rehaussement
de l'âge légal a fait ses preuves en matière de tabac et d'alcool, notamment
aux États-Unis. On a pu le constater dans plusieurs États américains à cause, évidemment,
de l'élimination de l'effet de la consommation de proximité.
À
l'exception de la prévention puis la sensibilisation,
est-ce que vous connaissez d'autres
mesures plus efficaces pour retarder la première consommation chez les
jeunes? Avez-vous des idées par rapport à ça?
Mme Samson
(Isabelle) : À l'exception de quoi, vous avez mentionné?
M. Lévesque
(Chapleau) : Donc, de la prévention et la sensibilisation, là.
Mme Samson
(Isabelle) : Bien là, la prévention, c'est énorme, là. C'est ce que
vous...
M. Lévesque
(Chapleau) : Donc, il y a l'aspect législatif qu'on propose, nous,
ici. Il y a aussi la prévention.
Mme Samson
(Isabelle) : Oui, puis ça peut rentrer dans le monde des préventions.
M. Lévesque
(Chapleau) : C'est ça, prévention, sensibilisation.
Mme Samson
(Isabelle) : Les politiques publiques rentrent dans le monde de la
prévention.
M. Lévesque
(Chapleau) : Puis est-ce qu'il y a autre chose, selon vous?
Mme Samson (Isabelle) : Bien, là où la loi est très forte, puis chapeau!
c'est tous les aspects de casser le marketing, là. Je vous le dis, avec
la cigarette électronique puis la Juul qui s'en vient, tassez-vous, là. Je veux
dire, au niveau du cannabis, la loi, en ce
moment, elle a été solidement faite, là, parce que... Et puis là tout le nerf
de la guerre, ça va être de rester
comme ça puis ne jamais tomber dans une logique marchande. Mais, vous voyez,
ça, on est dans des grosses politiques publiques, là, on est loin d'être
dans la prévention individuelle, là.
Chose certaine, c'est que c'est... Quand on parle
de la prévention individuelle, souvent on ne parle que de la sensibilisation,
et tout ça, mais il y a beaucoup plus dans la prévention. Je pense qu'on vous
l'a déjà dit, il y a tout le renforcement des facteurs de protection à bas âge,
et tout, mais je ne sais pas... Je ne pense pas que c'est ça que vous voulez
entendre, là, mais...
M. Lévesque
(Chapleau) : Je vous écoute, c'est beau. Donc, vous reconnaissez en
quelque sorte que le volet législatif peut être un atout important pour
retarder la première consommation. C'est ce que j'en comprends.
Mme Samson (Isabelle) : Bien, le volet législatif est très important. La
question, c'est le rehaussement de l'âge, et là-dessus, nous, on dit que
ce n'est pas le bon moment, que ce n'est pas la bonne mesure en ce moment.
M. Bélanger
(Richard) : Ce n'est pas le bon contexte aussi. Vous avez fait
référence au tabac, à l'alcool aux États-Unis,
au rehaussement de l'âge, particulièrement dans les années 70, dans un
contexte où le milieu n'avait pas accès à du tabac illégal ou bien moins qu'actuellement face au cannabis, la
même chose par rapport à l'alcool. Ce qu'on décrit ici, c'est que la
politique publique doit être faite en fonction, en effet, de la région, de
l'endroit, et de l'historique, et de l'accès.
Donc,
la population québécoise est un grand consommateur de cannabis, pas le
plus élevé au Canada. La population des jeunes reste la population de grands consommateurs aussi. Donc, de rendre
l'accès aux jeunes un peu plus tard, nous, en effet, on ne croit pas que ça va
favoriser la première consommation plus tardive. Au final, ils vont consommer,
mais de manière illégale parce que le produit, il est disponible.
M. Lévesque
(Chapleau) : J'aimerais ça
revenir également sur un point que vous avez dit, le fait de
rehausser l'âge pourrait rendre inopérante,
donc, la loi. Si on prend l'exemple de l'alcool, je vais parler pour mon comté
et ma région, donc il y a la frontière avec l'Ontario, en Ontario,
l'alcool, c'est 19 ans, dans d'autres provinces également.
Ça n'a pas rendu pour autant la loi inopérante, le fait qu'à 18 ans
ils n'aient pas accès à l'alcool, donc, en Ontario. Donc, je ne vois pas en
quoi le fait qu'à 21 ans ça rendrait inopérante la loi.
Mme Dessureault
(Marianne) : Mais, rapidement,
c'est la différence. On parle d'un an, même quelques mois seulement de différence d'âge. Là, on parle de trois ans.
Donc, c'est dans l'aspect de longueur de cette prohibition-là, là, qui
rend... qui augmente les facteurs de risque d'une contestation
constitutionnelle, là, un petit peu plus.
Le Président (M. Provençal)
: Il reste
six secondes. L'opposition officielle prend le relais des échanges
pour les 11 prochaines minutes. La parole est à M. Fortin.
M. Fortin : Merci. Merci,
M. le Président. Bonjour, messieurs
dames. Merci d'être avec nous, de nous faire valoir votre point
de vue. Je vous connais une grande
expertise en santé publique, de toute
évidence, et j'aimerais qu'on
s'attarde aux risques en matière de santé publique.
Si
je vous propose, par exemple, deux scénarios, j'aimerais que vous nous disiez
lequel de ces deux scénarios aurait un
plus grand risque en matière de santé publique. Est-ce que quelqu'un
qui fume à l'intérieur des quatre murs de son appartement, fume un joint de cannabis,
disons, à l'intérieur des quatre murs de son appartement, avec des gens
autour, pose un plus grand risque en matière
de santé publique que quelqu'un qui fume dehors? Avec un oui, non et
pourquoi.
M.
Quirion (Bastien) : Oui, tout à fait, c'est clair. Ce que les études
démontrent, les études démontrent... de la même façon que pour le tabac, les effets de la fumée secondaire sont
réels, O.K.? Mais, les études, ce qu'elles ont permis de constater
aussi, c'est qu'il y a des facteurs environnementaux qui vont jouer sur l'effet
négatif que va avoir la fumée secondaire : la question, par exemple, de la
durée de l'exposition, la pièce, l'aération, la ventilation. Ce qui fait que, dépendamment du milieu dans lequel on est, on peut
essayer de réduire l'effet secondaire associé à la fumée, que ce soit du
cannabis ou du tabac.
Je
pense qu'un des problèmes qu'on a autour du resserrement sur l'usage dans
l'espace public, dans les rues ou dans les
parcs, c'est que ça risque de pousser les gens à aller consommer dans des
endroits fermés, dans des endroits privés ou des endroits où il n'y a pas les facteurs environnementaux qui
pourraient permettre de réduire, justement, le caractère néfaste qui est
associé à ça. Donc, ce serait, à mon avis, contre-productif.
M. Fortin : Alors, pour quelqu'un, disons, qui est propriétaire de sa résidence,
son condo, disons, ce que le projet de
loi du gouvernement ferait, c'est faire en sorte que cette personne-là devrait fumer à l'intérieur des quatre murs de
son condo, puisqu'il ne pourrait pas fumer
dehors sur l'espace public, et donc il y aurait un plus grand risque de santé
publique.
Maintenant, si je pense au locataire, la ville de Gatineau
est venue nous dire essentiellement, la semaine dernière, que le projet
de loi fait en sorte que, pour poser
un geste légal, fumer, la personne devrait poser un geste illégal, fumer
dehors. Une des solutions de rechange du
ministre, c'était que cette personne-là consomme des produits dérivés ou
des produits autres qu'un produit fumé.
D'un
point de vue de santé publique, est-ce que c'est meilleur pour
moi ou est-ce que c'est moins pire pour moi de fumer, ou de consommer, ou d'avoir, même dans l'appartement... ou de
consommer un produit dérivé? Qu'est-ce qui pose le plus grand risque en
matière de santé publique, outre le
risque très évident, là, disons, qu'un enfant consomme un produit en
pensant que c'est un biscuit, un gâteau ou autre chose, ce qui s'est déjà passé
à quelques reprises, là, au cours des derniers mois?
Mme Samson (Isabelle) : Il y a des risques aux deux scénarios, là. La
fumée intérieure, ce n'est pas bon, pas tant juste pour la fumée, mais aussi parce qu'on est en plus grande proximité
de nos enfants, souvent, qui vont plus nous voir. Puis il
y a un enjeu de normes, de
banalisation si tu vois tes parents fumer, comme on voit les parents prendre un
verre de vin constamment devant les enfants. On ne voudrait pas se rendre là
avec le cannabis. Il ne faut pas répéter les erreurs du passé.
C'est
sûr qu'il y a des enjeux avec les comestibles aussi. C'est sûr
qu'on les craint beaucoup, les comestibles, puis peut-être que,
Richard, tu voudrais ajouter là-dessus. Mais c'est sûr qu'il y a un effet
pervers, il y a un apprentissage beaucoup plus complexe de la consommation et puis les
effets beaucoup plus longs avec la consommation. Je te
laisse peut-être prendre le relais.
M.
Bélanger (Richard) : Pour
répondre correctement à votre question, il faudrait prendre, un peu comme on l'a fait dans d'autres situations, des contextes
encore plus précis. Chez un non-consommateur, de s'exposer la première
fois à un produit comestible, est-ce que
c'est la meilleure manière de prévenir les méfaits? Bien, en fait, ce qu'on
voit, c'est : dans l'inexpérience,
il y a plus de chances de s'intoxiquer. C'est pour ça qu'on voit, particulièrement chez les jeunes, une hausse des cas de consultation aux urgences
qui sont en lien avec les produits comestibles. Donc, il y a une inquiétude.
Est-ce
que c'est une bonne réponse pour ne pas exposer les jeunes, les enfants, les
autres membres de la famille aux produits
nuisibles par la combustion du cannabis? En effet, c'est une alternative qui
apparaît moins nuisible. De manière intéressante,
une étude, aux États-Unis, qui a regardé des jeunes hospitalisés pour des
problématiques de santé respiratoire a retrouvé,
chez un fort pourcentage, presque une vingtaine de pour cent, du THC à
l'intérieur de l'urine de ces jeunes-là. Juste pour vous dire que de
l'exposition passive aux THC, aux cannabinoïdes, ça existe.
M. Fortin : Alors, de toutes ces situations-là, disons, celle qui pose le risque le moins
grand en matière de santé
publique, surtout pour les gens autour du consommateur initial, c'est de fumer
dehors, si je comprends bien.
• (17 h 50) •
Mme
Samson (Isabelle) :
Absolument, parce que le scénario de fumer à l'intérieur puis le scénario de se
virer vers les comestibles, c'est les
deux pires scénarios des trois que vous nommez. Fumer dehors est le moins pire
des scénarios, absolument.
M.
Fortin : D'un point de vue
de santé publique, risque de santé publique, qu'est-ce qui est plus nuisible
pour la personne de 19 ans qui est un
consommateur en ce moment, là, aujourd'hui, qui consomme et qui va consommer après le passage hypothétique du projet de loi de la Coalition avenir
Québec : s'approvisionner à la
SQDC, avec un produit dont on connaît
la teneur en THC, en CBD, ou s'approvisionner dans la rue, là, comme vous
l'avez dit tantôt, chez un revendeur comme on les connaît, disons?
M. Bélanger (Richard) : Je pense
qu'on peut tous se prononcer, c'est à la SQDC.
M.
Fortin : Alors, à travers le
projet de loi présenté par la CAQ, voyez-vous un aspect, que ce
soit le 18-21 ans, que ce soit
la consommation en public...
Voyez-vous un aspect du projet de loi qui peut diminuer le risque au niveau de
la santé publique?
Mme Samson
(Isabelle) : Je vais vous
conter une anecdote où... Je suis présidente de l'association de
médecins spécialistes. Vous savez que les
psychiatres étaient très vocaux à l'effet que ça devait être 21 ans, et
moi, avant que ça devienne un projet
de loi, d'accroître l'âge légal, là, je me disais : Bien, je trouve ça
bien correct que les psychiatres sortent puis qu'ils disent :
Faites attention à votre cerveau, parce qu'on ne veut pas banaliser.
Ceci dit,
quand on rentre dans la législation, connaissant le contexte actuel puis les trois
groupes dont je vous ai mentionné,
donc des consommateurs occasionnels
puis des consommateurs réguliers, je ne vois rien et je crois que
personne ici ne voit d'avantage dans les changements législatifs actuels. Ce
n'est pas le bon moment.
M.
Fortin : Très bien. Je vous
remercie, c'est très clair. M. le Président, je crois que ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce
a également des questions.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Ça me fait plaisir de vous accorder la
parole.
Mme Weil :
Bien, merci beaucoup, M. le Président. Alors, je comprends qu'il y a un intérêt
pour parler des enjeux juridiques, et donc le Barreau... je voulais
savoir si vous avez eu l'occasion de lire leur mémoire.
Donc, il faut
savoir qu'on ne peut pas comparer de juridiction à juridiction. Donc, on a la
charte canadienne, qui est reconnue
comme la plus forte des chartes dans le monde, et même Ruth Bader Ginsburg, en
recommandant à d'autres pays qui
veulent adopter des chartes, s'inspire de la charte canadienne. Elle, c'est une
sommité, évidemment, à la Cour suprême des États-Unis.
Comme on ne
peut pas nécessairement... Donc, le Canada peut se comparer, mais c'est
toujours un test. Alors, je voulais juste confirmer que, bon, vous êtes
d'accord avec cette analyse du Barreau, et donc c'est sûr qu'il y a... c'est l'équilibre entre la... Il y a la question de proportionnalité.
Il faut être capable de démontrer, donc, le bienfait. Donc, je voulais
aller sur cette question.
Et par ailleurs le Barreau souligne l'enjeu de
l'applicabilité, qui revient beaucoup aussi. Moi, ce que je trouve intéressant, c'est : en écoutant tous les
acteurs de santé publique, il y a un parallèle qu'on peut faire avec des
arguments que le Barreau fait, mais dans un
cadre juridique. Donc, l'objectif d'une législation, c'est qu'il doit être
applicable et qu'il y ait adhésion à
la population qu'on cible. Dès qu'on n'a pas d'adhésion, on manque, on rate
notre objectif et notre cible parce qu'on
ne va pas rejoindre les objectifs qu'on s'est donnés de réduire la
consommation. Et il souligne justement les objectifs de santé publique. Donc, on voit que la justice...
c'est-à-dire l'analyse juridique vient rejoindre beaucoup la santé
publique.
Parce que
vous êtes beaucoup sur ces questions-là, je me demandais si vous avez une
réaction à cette question d'inapplicabilité
parce que les règles, elles sont difficiles à appliquer. Il y a deux enjeux,
l'âge évidemment, mais aussi le territoire où on ne peut pas fumer — on
n'en a pas beaucoup parlé — ou
consommer.
Mme
Dessureault (Marianne) :
Bien, exactement, oui, je suis d'accord, il y a
un... je suis d'accord avec
l'opinion que le Barreau a émise. Au niveau
de l'applicabilité, c'est sûr que, s'il n'y a pas moyen d'appliquer la loi ou
que les forces de l'ordre ne soient pas capables de s'y retrouver, il y
a une incohérence. On parle objectifs, ça ne sert à rien.
Vous
mentionnez ensuite, là, au niveau... vous avez parlé, là, l'applicabilité, là,
au niveau de la loi. On en parlait d'ailleurs
dans le mémoire, que ce soit pour les locataires... Où iront-ils? Où iront-ils?
Ils se retrouvent dans l'illégalité. Donc,
on veut qu'ils respectent la loi, que nos citoyens respectent la loi d'un côté,
mais ensuite on ne leur offre pas l'opportunité de la respecter. Donc,
il leur faut un cadre, il faut trouver un endroit, et c'est là que ça se joue.
Et, oui, il y a une complémentarité entre la
santé publique, les objectifs juridiques. Le juridique, bon, on vient interpréter la loi, on vient l'appliquer tout
simplement, sauf que ça se base... souvent, ces argumentaires légaux là se
basent sur des principes sociaux de nature
plus... de droit naturel. Et là la santé publique entre en jeu de manière très
importante, parce qu'il faut que les
objectifs urgents ou les liens rationnels se basent sur la science, qui sont
mes collègues, là, plus en santé publique. Donc, oui, il y a tout à fait
un lien.
Mme Weil : Donc, c'est ça.
Donc, si on adopte une loi, si la loi est tout simplement aussi ignorée parce qu'inapplicable, elle perd son sens. Et le
législateur doit adopter des lois qui seront applicables. C'est l'objectif, essentiellement.
Donc, ce que je
comprends de ce que vous dites, allons beaucoup par la prévention, le dialogue,
la sensibilisation précoce, à tous les âges, pour que l'adulte, jeune
adulte, à 18 ans, 19 ans, puisse agir en conséquence.
Mme Dessureault
(Marianne) : ...si je peux me permettre, oui, parce que vous avez
aussi vos forces de l'ordre qui doivent
être en mesure de l'appliquer, mais aussi ne pas que les jeunes se sentent
ciblés non plus. On le sait, là, en général, là, on en entend, des groupes, ils se disent : Ah! mon Dieu, bon,
je me sens persécuté, la police, etc.
Bien, c'est la même chose, il faut qu'on ait une adhérence collective à une loi et, dans cette mesure, il faut
que ce soit logique, il faut que les gens la comprennent. Et là on n'est pas dans une perspective que le jeune de
18 ans ne comprendrait pas pourquoi je peux fumer, je peux voter, je peux
m'acheter une maison, mais, le cannabis, pourtant, je n'y ai pas accès, alors
que je voudrais me retrouver dans un système
légal, respecter la loi pour les années à venir avec un produit à moindre
risque et contrôlé de la SQDC puis avec l'information aussi qui est
donnée par les employés de la SQDC.
Le
Président (M. Provençal)
: Je
dois vous interrompre. Je vous
remercie beaucoup.
Le député de Jonquière utilisera les
2 min 45 s qui suivent, qui ont été attribuées au deuxième
groupe de l'opposition. À vous.
M. Gaudreault : Oui. Merci
beaucoup d'être ici. J'aime bien la composition de votre quatuor :
avocate, criminologue, pédiatre, médecin. Ça
donne vraiment une belle diversité et surtout une solidité puis
une rigueur à votre présentation.
Je vous trouve sévères dans votre mémoire, pages 11
et 12, sur les liens entre la recherche et, je dirais, les conséquences, là, de cette recherche-là. Et vous
dites, au fond, que les liens sont
trop ténus entre cannabis et schizophrénie pour en faire une loi d'application
générale, là. C'est comme si le ministre voulait utiliser un canon pour tuer
une mouche, là, disons. Alors, est-ce que je me trompe? Est-ce que vous
pouvez aller un peu plus loin là-dessus?
Mme Samson (Isabelle) : Oui,
absolument.
M. Gaudreault : Absolument, je
me trompe?
Mme Samson
(Isabelle) : Encore là, oui,
je vais... Non, non, pardon. Je vais en dire un peu plus. On ne nie pas,
il y a certaines études assez solides,
surtout pour la psychose toxique, puis Dr Bélanger pourra poursuivre
là-dessus. Pour ce qui est de la schizophrénie, les études sont moins
solides. Mais, tu sais, c'est un débat sémantique.
Ce qu'on voulait
apporter dans le mémoire, c'est ce que j'ai mentionné tantôt, c'est de faire
attention de transposer un risque
relatif de 40 %. Quand on le regarde d'une façon absolue, c'est beaucoup
moindre. Et en médecine, si je peux me permettre,
il y a le fameux «number to treat», alors le nombre de cas qu'on devrait
prévenir de consommer du cannabis pour prévenir un cas de schizophrénie.
Puis c'est très ambitieux de penser que la loi
peut avoir un effet aussi solide que de diminuer. Admettons que relation causale il y avait, ce qui n'est pas du
tout le cas pour la schizophrénie, c'est loin d'être prouvé, mais plus fort
pour la psychose toxique, il faut penser à
la puissance de l'intervention thérapeutique. Est-ce qu'elle peut atteindre ses
fins, cette... ce changement législatif pour prévenir un cas de
schizophrénie, par exemple? Mais nous, on croit que non.
M. Bélanger
(Richard) : Pour répondre à votre question, en fait, la science autour
du développement du cerveau devrait
être utilisée pour ce qu'elle est et non pour prendre des décisions de santé
publique. C'est l'argument principal, en fin de compte, avancé dans le mémoire. C'est toute la science sur le
développement cérébral, sur les impacts au niveau de la dépression, du risque suicidaire, qui a sûrement
été nommé aussi, quand on voit des jeunes qui consomment de manière régulière avant l'âge de 18 ans, les risques
augmentés. C'est des réalités que nos jeunes vivent, c'est des réalités
qu'on voit à l'intérieur même de notre pratique clinique.
Est-ce que
c'est sur cette base-là que l'âge de la légalisation devrait être changé? Bien,
pour l'instant, en fait, des évidences
en santé publique sur la meilleure manière, outre les aspects de prévention,
d'arrêt de marketing, des choses qui ont
été réalisées aux États-Unis, qui répondent très bien à ce questionnement-là,
ce n'est pas présent. Donc, à partir de ce moment-là, essayons de se baser sur l'expertise des personnes en santé
publique pour établir des politiques de santé publique.
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci beaucoup. La conclusion va appartenir au député de Jean-Lesage.
Alors, à vous la parole pour les échanges.
• (18 heures) •
M. Zanetti : Merci beaucoup.
Merci pour votre présentation. C'est très éclairant.
Il y a une question sur laquelle je voudrais
vous entendre développer, c'est la question des suites légales qu'il pourrait y avoir à ça. Par exemple, vous soulevez
l'idée que la loi pourrait être, disons, difficile à accepter par
rapport aux chartes, là, et j'aimerais savoir quel genre de recours légal
les citoyennes et citoyens pourraient entreprendre, advenant que
cette loi-là soit mise sur pied?
Mme
Dessureault (Marianne) :
Bien, c'est un recours... Disons, une personne qui va se faire arrêter, par exemple, va devoir contester et faire
les requêtes. Donc, monter cette contestation-là, avec les coûts de représentation
que cela représente, donc c'est vraiment...
Si c'est une amende, au niveau provincial, ça demeure une cour municipale. Donc, c'est sûr que ce n'est pas criminel. La loi fédérale le
dit clairement. Par contre, ça vient augmenter, là, l'embourbement des
cours municipales, Régie du logement, s'il
s'agit des baux de location, donc, tout dépendant du contexte. Mais c'est sûr
que, pour a monter, si on veut venir contester la
constitutionnalité ou... en vertu de la charte, c'est des plaintes auprès soit
de la Commission des droits de la
personne... et c'est de le monter. C'est le genre de dossier, selon moi, qui
monterait assez haut, là. On n'arrêterait
pas ça en simple cour municipale, là. Ça irait en Cour supérieure, si ce n'est
pas en Cour d'appel et, encore là, peut-être en Cour suprême.
Donc, c'est sûr que
c'est beaucoup d'investissements. C'est un citoyen... On en avait parlé avec
les plants de cannabis. Je pense qu'il y
avait certains citoyens qui s'étaient alors, à ce moment-là, manifestés en
disant : Nous voulons contester toute arrestation ou toute amende
reçue. Ce serait le même principe.
M.
Zanetti : Super, merci. Et, sinon, selon vous, l'accès au cannabis,
là, pour les 18-21 ans, avant le 17 octobre dernier, est-ce qu'il était difficile ou est-ce
qu'il posait problème à ceux qui voulaient consommer, selon l'expérience
que vous en avez?
M. Bélanger
(Richard) : Non, pas du tout.
M.
Zanetti : O.K. Excellent. Et quel est, selon vous... Parce qu'on a
parlé de plusieurs méfaits. D'ailleurs, c'est l'argument aussi du INSPQ, là, c'est-à-dire augmenter l'âge à
21 ans puis interdire dans les lieux publics va créer plus de méfaits qu'actuellement. Alors, selon vous,
mettons, si vous aviez à les hiérarchiser, là... J'adresse ma question, on
va voir qui y répond, mais quel serait le pire méfait, disons, parmi ceux qui
sont là?
Le Président (M.
Provençal)
: Rapidement, s'il vous plaît.
10 secondes.
Mme Samson (Isabelle) : Bien, on l'a dit à plusieurs reprises, c'est
qu'on garde les jeunes à s'approvisionner dans la rue, puis ce n'est
vraiment pas le bon contexte actuellement pour faire ça.
Le Président (M. Provençal)
: Je remercie les quatre membres du collectif pour votre contribution à
nos travaux.
La
commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30. Et merci d'avoir
permis à notre collègue d'utiliser son temps.
(Suspension de la séance à
18 h 3)
(Reprise à 19 h 32)
Le Président (M. Provençal)
: Alors, bonsoir. La Commission
de la santé et des services sociaux
reprend ses travaux. Je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs appareils électroniques.
Nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 2, Loi
resserrant l'encadrement du cannabis.
Ce soir, nous
entendrons la ville de Montréal et l'Union des municipalités du Québec. Avant
de procéder, je demande votre consentement pour permettre à la députée de Vaudreuil
de participer à la séance de ce soir. Dans nos règlements, l'article 132,
«participation d'un non-membre», tous les critères, madame... Excusez-moi. La députée
de Vaudreuil possède tous les critères pour pouvoir participer à la rencontre. Cependant,
j'ai besoin de l'acceptation ici, savoir si j'ai votre consentement. Consentement?
Merci. Ça va? Merci beaucoup.
Alors,
est-ce qu'on a besoin d'extension de temps? Alors, compte tenu qu'on a commencé un petit peu
plus tard, 19 h 32, je demande s'il y a un consentement pour
poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue. Ça va? Merci beaucoup.
Je
souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la ville de Montréal. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé. Puis nous procéderons à la
période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous
présenter puis à commencer votre exposé. À vous la parole, Mme la mairesse.
Ville de Montréal
Mme Plante
(Valérie) : Merci beaucoup. Alors, tout d'abord, je tiens à saluer M.
le ministre, bien sûr, M. le Président,
ainsi que Mmes et MM. les députés. Et je tiens à présenter celui qui
m'accompagne ce soir, M. Sylvain Caron, le chef de police de la ville de
Montréal.
La
loi fédérale légalisant le cannabis a certainement introduit un changement
important dans notre société. Cette situation
est nouvelle pour tous et toutes. Et, en tant que mairesse de la métropole, je
partage les préoccupations des citoyens à l'égard de cette nouvelle réalité, qui, on le rappelle, demeure
tributaire d'une décision du gouvernement fédéral. D'emblée, je souhaite dire qu'en tant que mairesse de
Montréal j'encourage la population à adopter de saines habitudes de vie et
de limiter la consommation de cannabis, alcool ou tabac.
Afin
de se préparer adéquatement en vue de ce passage vers la légalisation, la ville
de Montréal a, comme vous le savez,
élaboré une approche prudente et mesurée, appuyée sur des études et des données
probantes. Nous avons également appuyé
notre réflexion sur les travaux d'un comité d'experts indépendants, composé de chercheurs, de criminologues, de médecins
oeuvrant dans le domaine de la santé publique, ainsi que d'organismes du
milieu, tels que La Maison Jean-Lapointe, L'Anonyme, CACTUS Montréal et le
réseau pour la stratégie autochtone en milieu urbain. Permettez-moi, d'ailleurs, de les remercier pour leur incroyable travail. Ce comité nous
accompagne depuis 2017 dans le développement d'une approche cohérente,
structurée, et surtout adaptée à notre réalité urbaine et métropolitaine.
La ville de Montréal a fait
connaître en 2018 son approche à l'égard de l'encadrement du cannabis dans
le cadre des consultations relatives au projet de loi n° 157. Comme
nous le faisions valoir alors, la mise en oeuvre d'un modèle efficace, inclusif et socialement acceptable de
légalisation du cannabis au Québec ne peut pas se faire sans un partenariat réel et solide entre tous les ordres de gouvernement. La métropole estime que le modèle d'encadrement qui a été
développé depuis est adéquat et qu'il tient compte de sa réalité.
Le
projet de loi n° 2 introduit, quant à lui, des restrictions
accrues qui, dans le contexte montréalais, soulèvent d'importants défis d'applicabilité. L'approche mur à mur qui est proposée ne convient tout
simplement pas à la réalité de Montréal. Dans une perspective de
reconnaissance des statuts de métropole et de gouvernement de proximité, et en conformité à l'entente Réflexe Montréal, je vous
demande, M. le ministre, d'adapter votre projet de loi en fonction des
éléments suivants.
Tout
d'abord, nous nous devons de soulever d'emblée les importantes difficultés que
pose, pour nous, l'interdiction de fumer du cannabis sur les voies
publiques. Si l'odeur de fumée de cannabis constitue pour certaines personnes
un désagrément, la ville de Montréal est
d'avis que la fumée secondaire extérieure ne peut pas être assimilée à une
nuisance justifiant une interdiction totale
de la consommation sur les voies publiques. Les experts en santé publique sont
unanimes. L'exposition à la fumée est plus
dommageable à l'intérieur qu'à l'extérieur. C'est particulièrement vrai pour
les personnes plus vulnérables, comme
les enfants, les femmes enceintes, les personnes aînées et les personnes
souffrant de maladies cardiorespiratoires. Je suis très sensible à cette
réalité.
En
ce qui concerne l'habitation, nous devons noter que, si les restrictions
proposées dans le projet de loi peuvent aisément s'appliquer là où l'on retrouve un cadre bâti peu dense et
principalement constitué de résidences unifamiliales, ces mêmes restrictions ne sont pas compatibles avec la
réalité urbaine et le tissu social complexe de la métropole. Vous le
savez, Montréal se distingue par sa très grande densité, sa démographie ainsi
que sa réalité immobilière unique. On compte plus
de 60 % de locataires et un nombre très élevé de personnes vivant en
copropriété. Nous savons également que de très nombreux propriétaires privés, 86 % des membres de la CORPIQ, ont
modifié ou modifieront les baux afin d'interdire de fumer du cannabis dans leurs logements. De nombreuses
conventions de copropriété ont également été modifiées en ce sens. Nous
respectons ce droit en tous égards.
Donc, l'interdiction
de fumer du cannabis dans les lieux publics, introduite dans le projet de loi
n° 2, risque d'affecter davantage certaines catégories de personnes,
notamment les jeunes adultes, qui sont plus nombreux à être locataires et à fumer du cannabis, car, oui, la
quasi-totalité des consommateurs de cannabis, 95 % selon l'Institut de
la statistique du Québec, en font usage sous
forme fumée. Je ne suis pas une experte en santé publique, mais je suis une
femme pragmatique et je considère que les
Montréalais seront mal desservis par une approche théorique qui ne peut pas
s'appliquer dans la réalité métropolitaine.
Outre les enjeux d'équité sociale soulevés précédemment en ce qui a trait aux
personnes locataires, on doit aussi
considérer sérieusement l'impact d'une telle mesure sur les personnes
marginalisées, notamment les personnes
en situation d'itinérance. L'interdiction de fumer du cannabis dans les lieux
publics et dans les parcs aura pour effet de les placer de facto en
situation d'illégalité.
Par
ailleurs, il est illusoire de penser que la consommation de cannabis fumé, qui
était une réalité dans l'espace public alors que la substance était
illégale, cessera alors que la substance est maintenant légale. Une
interdiction de consommation mur à mur dans
les lieux publics entraînera un décalage entre les attentes de la population
quant aux mesures coercitives pour empêcher la consommation dans
l'espace public et les ressources disponibles pour y arriver.
Les
restrictions contenues dans le projet de loi n° 2 soulèvent d'importants
enjeux d'applicabilité pour la ville de Montréal, et plus particulièrement pour son service de police, qui se
voit confier davantage de responsabilités quant au contrôle des comportements des citoyens. Tel que
mentionné dans le document de positionnement de la direction de la santé publique sur la consommation de cannabis
fumé dans les lieux publics extérieurs, et je cite, «il peut être
difficile pour un administrateur de la loi
de distinguer si une personne fume un produit du tabac ou un produit du cannabis, en particulier lors de l'utilisation d'une vapoteuse ou lorsqu'une personne se trouve
à une certaine distance — par exemple dans un parc».
Sur ce, je passe la
parole au chef du SPVM, M. Sylvain Caron.
• (19 h 40) •
M.
Caron(Sylvain) :
Alors, d'une part, cela crée dans la population des attentes très
élevées à l'égard des policiers, alors que les ressources disponibles sont loin de permettre un tel
niveau de réponse. Le SPVM ne dispose pas des ressources nécessaires
pour surveiller les comportements de chacun des fumeurs et fumeuses
montréalais, et encore moins pour contrôler
le type de substance qu'ils fument. La légalisation du cannabis en octobre
dernier a entraîné dans la population montréalaise
de nouvelles habitudes de consommation sur la voie publique. Les nouvelles
restrictions introduites par le projet
de loi n° 2 impliquent que le
SPVM devrait contrecarrer ces mêmes habitudes acquises en toute légalité au
cours des derniers mois. Le SPVM anticipe par conséquent une hausse de volume d'appels liés
à l'application de ces restrictions.
Actuellement, le
délai de réponse, c'est-à-dire le temps qui s'écoule entre l'appel au 9-1-1 et
l'arrivée des policiers sur les lieux d'un
incident classé de catégorie 3, catégorie qui serait classée pour la
nature de l'appel, se situe aux alentours
de 15 minutes. L'ajout de plaintes relatives à la consommation de cannabis
sur la voie publique risque d'accroître davantage les délais de réponse. À ceci s'ajoute l'effort supplémentaire
en matière de présence policière qui serait requis pour assurer un effet
dissuasif à la consommation de cannabis fumé sur la voie publique. En effet,
les interventions policières ne découlent
pas uniquement d'appels logés au 9-1-1, mais également des observations des
policiers lors de patrouilles
préventives ou patrouilles de visibilité. Prises globalement, ces mesures
entraîneront une augmentation de la charge
de travail des policiers, ce qui occasionnera des coûts additionnels pour les
contribuables montréalais et des délais supplémentaires pour le
traitement de certains dossiers. Je repasse la parole à Mme Plante.
Mme Plante
(Valérie) : À la lumière des informations annoncées par le chef du
SPVM, la ville de Montréal souhaite que l'application du chapitre IV de la
Loi encadrant le cannabis soit confiée à des inspecteurs relevant du gouvernement du Québec selon le même modèle qui est en place
pour le contrôle du tabac. De plus, sur la base des réflexions énoncées
précédemment, qui tiennent compte à la fois des objectifs de santé publique, de
la densité et de la réalité montréalaise,
nous demandons qu'un amendement soit inclus au projet de loi n° 2 de
manière à permettre à la ville de Montréal de se soustraire à
l'interdiction introduite à l'article 7 de la consommation de cannabis
fumé sur les voies publiques et dans les parcs.
Avant
de conclure, j'aimerais aborder l'enjeu financier. Dans son mémoire déposé en
2018 relativement au projet de loi n° 157, la ville de Montréal
avait exposé avec grande rigueur les coûts de la légalisation du cannabis sur
ses opérations. À ce titre, la ville est
satisfaite des termes de l'entente fédérale-provinciale sur le partage des
revenus. Ceci a notamment permis la mise en place du programme Actions
concertées pour contrer les économies souterraines, le programme ACCES Cannabis. Toutefois, des sommes
supplémentaires destinées aux autres fonctions municipales sont toujours attendues avec impatience pour l'ensemble
des municipalités québécoises. La ville de Montréal compte notamment
dédier ces sommes pour appuyer des actions en prévention et en sensibilisation,
notamment auprès des jeunes.
En
conclusion, j'aimerais rappeler que des actions concertées et développées en
partenariat avec les municipalités, les directions régionales de santé
publique et les acteurs du milieu sont la clé d'une transition harmonieuse vers
la légalisation du cannabis au Québec. La Loi sur l'encadrement du cannabis
doit respecter les principes d'autonomie municipale et de respect de ses
compétences d'aménagement du territoire et d'urbanisme. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Merci pour votre exposé. Nous allons commencer la période d'échange.
M. le ministre, la parole vous appartient pour 16 min 30 s.
M.
Carmant : Alors, merci beaucoup, Mme la mairesse, M. Caron, de votre
présence puis aussi d'avoir déposé le mémoire dans un si court délai.
Comme
nous le répétons depuis le début de la commission, notre volonté est vraiment
de lancer un message clair et fort pour protéger nos jeunes, incluant
les adolescents, des effets néfastes du cannabis. La légalisation banalise le
cannabis. Pourtant, c'est un produit néfaste pour les jeunes. Nous savons que
le geste de fumer en public contribue à banaliser
encore plus cette drogue et le tabac aussi. Les interdictions liées à la
cigarette ont fait en sorte que le geste de fumer n'est plus socialement
acceptable, et le tabagisme a fortement diminué. En fait, c'est le double de
fumeurs de cannabis par rapport au tabac. Donc, on augmenterait de beaucoup la
population en train de faire ce geste de fumer.
La
semaine dernière, le maire de Gatineau aussi nous a proposé d'inclure un droit
de retrait pour sa ville. Ceci permettrait
à sa municipalité de se retirer de l'application dans les lieux publics. Si
vous aviez la possibilité de permettre l'usage du cannabis dans votre
ville, comment le feriez-vous?
Mme Plante
(Valérie) : Bien, en fait, on continuerait à appliquer la loi telle
qu'elle est actuellement, c'est-à-dire de se coller à la même
réglementation que la consommation du tabac, et pour des raisons très simples,
à savoir pour une question de cohérence. Pour l'instant, un utilisateur, que ce soit de cannabis ou de tabac,
a les mêmes règles. On ne peut pas fumer, par exemple, dans une aire de
jeu pour enfants ou autour des... Il y a un périmètre, une distance autour des établissements
d'enseignement. Bref, il y a une cohérence, c'est-à-dire : on se colle aux
mêmes règles, que ce soit la question du cannabis ou que ce soit la question du
tabac, puisque, dans les deux cas, ces substances sont légales.
M. Carmant : Par
exemple, si on prend un lieu, par exemple,
comme... la loi a été acceptée en octobre, mais, par exemple, cet été,
comment verriez-vous la consommation libre à la place des Festivals, par
exemple? Comment ça se traduirait?
M. Caron
(Sylvain) : Écoutez, lorsque
la loi est claire, évidemment, il y a une application qui se fait. Alors, compte tenu des
festivités, c'est-u familial, c'est-u un rassemblement populaire, alors il y
aurait évidemment, peut-être, des dispositions
particulières à adopter en fonction des particularités des fêtes qui sont sur
le territoire de la ville de Montréal, puisqu'il
y a plusieurs fêtes et plusieurs rassemblements au cours de l'année. Alors, on
va appliquer la loi évidemment en fonction de ce que le législateur va
décider d'appliquer, là, pour... d'édicter.
Mme Plante
(Valérie) : Et, si je peux rajouter, M. le ministre, déjà, depuis
l'application, nous avons décidé que... Pour différents événements, entre autres dans le centre-ville, je pense
à la parade de la Saint-Patrick, également à la Fête des neiges, donc,
la Saint-Patrick qui se passe dans la rue et la Fête des neiges qui est dans le
parc Jean-Drapeau, on a déterminé... on a
fait une ordonnance que, pour un périmètre délimité ainsi que pour des dates
précises, toute consommation de
cannabis est interdite, parce que, bien sûr, ce sont des rassemblements où il y
a beaucoup de monde et, bien sûr, beaucoup de familles.
M. Carmant :
Et est-ce que ces règles-là ont été respectées?
Mme Plante
(Valérie) : Si elles ont été respectées? Oui. En fait, pendant la
Saint-Patrick, on a eu très, très peu... Il n'y a pas eu d'appels particuliers, il n'y a pas eu de plaintes qui ont
été émises. Et on en discutait, M. le chef de police et moi, comme quoi, vous savez, c'était déjà le cas,
bien sûr, avec le tabac, mais même... Maintenant, le cannabis est légal,
mais avant, même quand il était illégal, les
gens le consommaient. Et il y avait toujours, quand même, une approche
de civisme qui était appliquée de façon, comment dire, assez naturelle.
M. Caron?
M. Caron
(Sylvain) : Il y a tout le temps eu, quand même, une certaine
tolérance dans certaines activités au cours des années antérieures, même avant le 17 octobre. Alors,
évidemment, dépendamment du type de rassemblement auquel on se trouve, alors c'est des fêtes familiales, comme
je disais tantôt, ou des rassemblements populaires, il y a tout le temps
eu quand même une certaine tolérance. Si on
pense au mont Royal, avec les tam-tam du dimanche après-midi, s'il avait
fallu appliquer la réglementation à cet
endroit-là, écoutez, on n'a pas la capacité, là, et à tous les dimanches,
depuis tout le temps, je crois, légal ou pas légal...
M. Carmant : Et ceci ne pose
pas de problème pour vous dans le futur?
M. Caron
(Sylvain) : Écoutez, ce qui arrive, c'est qu'actuellement ces genres
d'appels là, évidemment, ne sont pas traités de façon prioritaire. Et,
quand il n'y a pas de débordement, ou il n'y a pas de désagrément, ou il n'y a
pas de problème de sécurité publique comme
tel, bien, nos policiers vont traiter ça en dernier recours. Alors, on donne
des priorités. Vous savez qu'à chaque
jour, actuellement, sur l'île de Montréal, il y a plus de 100 appels en
lien avec la santé mentale. Bien, une
personne qui est en problématique de santé mentale est plus urgente que d'aller
s'occuper d'une personne qui fume à quelque part une substance qui est
devenue légale maintenant.
Et là, évidemment, c'est difficile de mesurer
les impacts au moment où on se parle parce que, depuis le 17 octobre, on est dans une période
hivernale. Alors, les impacts de la légalisation vont commencer à se connaître
au cours des prochains mois, là, avec
l'été qui s'en vient, évidemment. Mais actuellement il n'y a pas de débordement
puis ça se déroule quand même assez bien sur la voie publique et les
endroits où que les gens... Il n'y a pas de débordement actuellement.
M. Carmant :
Et, M. Caron, nous remarquons que de plus en plus de jeunes considèrent le
cannabis comme une drogue sans
danger. Comment pensez-vous que les adolescents considèrent le cannabis depuis
la légalisation? Est-ce que leur conception a changé?
• (19 h 50) •
M. Caron
(Sylvain) : Écoutez, je ne suis pas un expert dans le domaine,
évidemment, là. Alors, moi, je suis là pour appliquer une réglementation. Est-ce que les jeunes ont changé de
comportement? À ma connaissance, non. Évidemment, on a eu... Je pense que l'ouverture de la SQDC, de
la société québécoise... a eu quand même assez des impacts importants. Je pense que les jeunes s'inscrivent dans la
démarche d'aller l'acheter sur le marché licite, malgré qu'on a des gens
qui sont à contrecarrer, de la contrebande. Il y a du travail qui se fait
depuis que les équipes sont en place, à l'automne passé. Plusieurs enquêtes
sont en cours.
Alors,
évidemment, notre priorité, c'est de s'occuper de la contrebande, clairement,
puis de la conduite avec les capacités
affaiblies. Alors, évidemment, ça, c'est des priorités que le service de police
entend axer au cours des prochains mois et des prochaines années,
considérant la légalisation du cannabis.
Mme Plante (Valérie) : Sinon, pour
compléter, bien, effectivement, dans les sommes qui ont été négociées, il y a
une partie qui est intimement liée à tout ce qui touche la sensibilisation et faire des campagnes de sensibilisation, et ça, c'est absolument essentiel. Et on veut pouvoir faire ce travail-là
en amont avec nos jeunes, mais avec tous et toutes. Et, bien sûr, je
comprends votre préoccupation pour les jeunes, mais je tiens quand même
aussi à mentionner les communautés marginalisées,
qui sont très nombreuses à Montréal parce
qu'effectivement on est plus nombreux. C'est, entre autres, une réalité. Mais il faut absolument garder en tête...
Et il y a beaucoup de ces jeunes qui sont, entre autres, marginalisés,
mais on ne veut pas encore plus les
marginaliser. On ne veut pas les rendre illégaux, dans une perspective où,
actuellement, encore une fois, c'est légal de pouvoir en consommer,
encore faut-il savoir où.
M.
Carmant : M. Caron, pourriez-vous nous parler un peu plus de la
contrebande que vous avez mentionnée? Comment ça se manifeste? Que
pouvez-vous nous dire un peu sur la contrebande?
M. Caron
(Sylvain) : Bien, écoutez,
c'est sûr que, depuis le... C'est très récent, O.K.? On se comprend que,
depuis le 17 octobre, alors, évidemment,
il y a du travail qui se fait. Il y
a quand même un marché illicite
qui est présent, et qu'il faut
détecter, et puis enquêter, puis, évidemment, traduire devant les tribunaux. Alors, quelle sera
l'ampleur? Actuellement, je ne suis
pas en mesure de vous dire l'ampleur que peut prendre... parce que
c'est très récent comme impact. Ce que je peux vous dire, c'est que les gens qu'on a, évidemment, affectés à cette
unité-là ont beaucoup de travail à effectuer, et il y a des résultats, déjà, des accusations de portées. Alors, je serais
plus en mesure après un an d'évaluer, je pense, l'impact important en termes de contrebande. Mais, clairement,
c'est nécessaire d'avoir des équipes qui s'occupent de cet
aspect-là, parce qu'il restera
toujours un petit marché illicite, puis ça va prendre quelques années avant
qu'on puisse, évidemment, voir une certaine accalmie de ce côté-là.
M.
Carmant : Toujours dans l'optique de protéger les jeunes du cannabis,
on a inclus, dans notre loi, ajouté des distances par rapport aux établissements postsecondaires. À Montréal, la
limite est de 150 mètres au lieu de 250, vu la proximité des
établissements scolaires. Que pensez-vous de cette mesure, Mme la mairesse?
Mme
Plante (Valérie) : Bien, écoutez,
encore une fois, je pense que ça revient à dire que les villes doivent
être à même de décider ce qui fait...
excusez-moi l'anglicisme, mais ce qui fait du sens sur leur territoire, parce que les distances à Montréal n'ont rien à voir
avec... dans un tissu urbain, ou dans une région, par exemple, ou une plus petite municipalité. Et alors, à
ce moment-là, nous, encore une fois,
on était très confortables avec ce qui avait été mis en place jusqu'à maintenant
parce qu'on était... ça correspondait à la proximité des établissements
scolaires et des habitations en général.
Alors,
c'est vraiment dans cet esprit-là qu'on vient vous voir, nous,
c'est vraiment de pouvoir vous dire : On veut que ça fonctionne, mais, pour y arriver, on a
besoin des outils nécessaires pour que ce soit applicable. Et je pense que
c'est ça, notre plus grand message aujourd'hui. Il faut que ce soit applicable. Si on envoie, d'une part, un mauvais
message, comme quoi... les attentes vont
être démesurées par rapport à la capacité de nos forces policières. Et aussi,
jusqu'à un certain point, bien,
puisqu'il y a un état de fait, c'est une légalisation qui nous
est, somme toute, imposée, si je peux dire, une décision qui a été prise par un ordre gouvernemental supérieur, alors
nous devons faire avec. Et, au niveau des distances, bien, c'est là où, à Montréal,
ça tient plus ou moins.
M.
Carmant : Et vous ne seriez
pas à l'aise d'aller avec nous vers la forme comestible dans les lieux publics
pour justement diminuer tout ce qu'on a parlé...
Mme
Plante (Valérie) : Bien, écoutez,
la question de la forme comestible, ça, je pense que la
division... la direction de la santé
publique l'a énoncé, puis il y a beaucoup d'organismes terrain qui en ont parlé, à savoir
qu'il y a un chiffre qui parle. 95 % des
utilisateurs le fument, fument le cannabis, et d'utiliser des vapoteuses ou des
instruments, des outils comme ceux-là, bien, c'est plus dispendieux,
même la forme comestible l'est également. Alors, c'est...
Moi,
je pense toujours aux communautés les plus marginalisées. Puis je vais vous donner
un cas bien ordinaire, là, mais, moi,
le sans-abri, là, qui peine à se trouver... qui fait de refuge en refuge puis
que lui, pour des problèmes, peut-être, de santé mentale ou pour
différentes raisons, consomme du cannabis, bien, je ne vais pas aller le voir
puis lui dire : Écoutez, il faudrait
vous acheter une pipe, là, parce que, sinon, là, vous êtes dans l'illégalité.
Et, nécessairement, le service de
police se retrouve dans une situation difficile, de te dire : Bon, bien,
moi, je vais-tu encore plus pénaliser une personne qui est marginalisée
dans la société?
Alors,
c'est vraiment de cet ordre-là où, pour moi, je peux difficilement me prononcer
pour ou contre la forme comestible.
Bien honnêtement, au final, je pense que, si le problème, c'est de le voir,
moi, j'aurais tendance à dire : C'est ça, la réalité en ce moment, 95 % des gens le consomment. Et surtout
essayons de ne pas marginaliser ceux qui le sont déjà.
M. Carmant :
M. le Président, est-ce qu'on pourrait passer la parole au député de Chapleau,
s'il vous plaît?
Le Président (M.
Provençal)
: Oui. M. le député.
M. Lévesque
(Chapleau) : Alors, M. le ministre, Mme la mairesse, M. le directeur,
bonsoir. Donc, notre but avec l'absence de fumer dans les lieux publics, c'est d'harmoniser,
dans le fond, l'application de la loi encadrant la consommation du cannabis.
Présentement, avec les différents arrondissements qu'on connaît à Montréal, ça
pourrait peut-être mener à des arrestations illégales. Pour la police, n'y
a-t-il pas un certain avantage à harmoniser la loi?
M.
Caron (Sylvain) : Le monde idéal, c'est d'avoir une uniformité dans
l'application des règlements. Par contre, le monde idéal n'existe pas dans tout. Alors, après plus de 35 ans
d'expérience, il est rarement arrivé des endroits où qu'on avait une uniformité au niveau de la
réglementation. Alors, nos policiers, dans une ville donnée, vont adopter le
règlement qui est en vigueur à ce moment-là.
Puis, dans une autre ville, bien, le règlement sera différent. Comme il l'est
actuellement, ça ne pose pas tellement
problème. C'est sûr que l'idéal, c'est d'avoir une uniformité. Mais, une fois
que c'est connu, c'est clair, puis
que, nos policiers, on leur donne la formation ou l'information requise, à ce
moment-là, c'est applicable, pas de problème.
M.
Lévesque (Chapleau) : Je comprends que l'idéal, c'est l'uniformité.
Merci. Donc, même si on assouplit la loi sur les lieux publics, comment vous pensez gérer les problèmes de
cohabitation entre les utilisateurs et les non-utilisateurs sur la voie publique? Vous avez parlé tout à
l'heure des femmes enceintes, des personnes fragilisées, des personnes
ayant des troubles respiratoires. Ce n'est
pas nécessairement plus efficace de bannir le cannabis dans les lieux publics,
justement, pour ces personnes-là?
Mme
Plante (Valérie) : J'aimerais rappeler que l'utilisation du cannabis à
l'extérieur peut être un désagrément, mais
il est d'autant plus nocif lorsqu'il est consommé à l'intérieur. Et, quand on
parle des personnes marginalisées, bien, entre autres, c'est cette notion-là. N'oublions pas qu'à Montréal c'est
60 % de locataires. Bon,
peut-être que, dans d'autres municipalités,
on peut dire : Écoutez, fumez ça chez vous, puis, coudon, si c'est les
gens de votre famille qui souffrez la... qui vont être mis devant la fumée secondaire, bien, coudon... Mais ce
n'est pas comme ça, ce n'est pas ça, la réalité de Montréal. Et, comme je vous disais, 85 %,
déjà, des propriétaires ont l'intention, ou l'ont déjà fait, de modifier les
baux. Alors, qu'est-ce qui se passe à ce
moment-là? Et je pense que la fumée secondaire extérieure est beaucoup moins
nocive. En fait, ce n'est pas moi qui le pense, c'est la division... la
direction de la santé publique qui le fait.
Dernier
petit point par rapport à votre point de tout à l'heure, les arrondissements.
L'uniformité est toujours l'idéal. Mais
n'oublions pas une chose, c'est que, sur les 19 arrondissements, il y en a
cinq qui ont passé différentes règles par rapport au cannabis. Et, comme vous le savez, à Montréal, comme
ailleurs, on est habitués que, d'un arrondissement à l'autre, les
panneaux ne sont pas toujours les mêmes, les interdictions de stationnement, le
déneigement. Vous savez, à Montréal, on ne peut pas tourner à droite au feu rouge,
mais, quand on arrive à Longueuil, oui.
M.
Lévesque (Chapleau) : Vous avez également parlé du manque potentiel de
ressources policières, là, à la ville de
Montréal. Pouvez-vous nous expliquer en détail ce qu'il y a dans le projet de
loi n° 2... ce qui vous entraînerait, dans le fond, à devoir
augmenter vos ressources?
M. Caron (Sylvain) : Bien, écoutez,
c'est difficile pour moi d'établir à ce moment-ci les impacts réels que
l'organisation va avoir, dépendamment des dispositions de la loi qui seront
adoptées. Alors, c'est très récent comme situation.
Clairement, si le service de police se retrouve à appliquer une réglementation
telle qu'elle est édictée, on sait clairement
qu'il va falloir des ressources additionnelles pour être capable d'appliquer
cette réglementation-là au cours des prochains
mois. Quel sera le nombre? Là, évidemment, c'est difficile à évaluer, mais,
vous comprendrez, avec l'étendue du territoire
et de l'ensemble des postes de quartier, des régions que nous avons à
desservir, les endroits, on parle de plus d'une centaine de policiers,
clairement. Exactement, je ne peux pas... Évidemment, on n'a pas fait d'étude à
ce niveau-là.
M.
Lévesque (Chapleau) : O.K., merci. Mais justement l'applicabilité de
la loi, ça ne pourrait pas être facilité justement si on interdit tout simplement sur les lieux publics? Ça ne
semble pas plus facile à appliquer pour vous, pour le corps de police?
M. Caron
(Sylvain) : S'ils ne peuvent pas fumer à l'intérieur, dans leur
résidence, puis ils ne peuvent pas fumer sur la voie publique, ça va nous amener des problématiques de regroupements
à des endroits assez importants, je crois, par expérience. Alors, quels seront les endroits qui seront identifiés
illégalement, évidemment, parce que pas le droit sur une place publique, pas le droit sur une place privée?
Alors, ça va amener des problématiques assez importantes. J'anticipe.
M.
Lévesque (Chapleau) : Puis là tout le monde semble parler du marché
noir du cannabis et que la légalisation va pouvoir, dans le fond, en finir avec le marché noir. Pourtant,
l'alcool et le tabac sont des substances qui sont légales, mais il me semble qu'on n'en finit pas nécessairement avec
la contrebande de ces deux substances-là. Pensez-vous vraiment qu'en
gardant l'âge de consommation à 18 ans on va réussir à faire disparaître
le crime organisé?
M. Caron
(Sylvain) : On ne fera jamais disparaître le crime organisé. Alors,
c'est sûr que vous ne me ferez pas dire ça ce soir, évidemment. Par contre, je crois qu'il y a des efforts
importants qui ont été faits au niveau alcool et tabac au cours des années. Ça a porté ses fruits. Évidemment, il
y a des moments, évidemment, qu'on reprend... Il y a des hausses qui reviennent. Par contre, ce qui va se passer si on
amène l'âge à 21 ans, je ne parlerai pas du côté santé publique, côté
sécurité publique, évidemment, je crois que
ça va ouvrir un marché encore plus au marché illicite pour les jeunes qui
consomment, parce que c'est clairement
identifié que les jeunes de 15 ans à 24 ans, c'est des grands
consommateurs de cannabis. Alors, on
s'expose à avoir un marché plus important du côté illicite pour ces jeunes-là
qui ont pris des habitudes de consommer. Alors, il y a un risque. Je
vous ne dis pas qu'il n'y a pas de risque. Il y a un risque.
• (20 heures) •
M.
Lévesque (Chapleau) : Je voudrais revenir sur quelque chose que vous
avez dit tout à l'heure. Vous avez
dit que vous recevez 100 appels par
jour pour des problèmes de santé mentale. Justement, le projet de loi vise à faire en sorte de repousser
le plus tard possible, dans le fond, la première consommation chez les jeunes pour
éviter, justement, le type de problèmes de santé mentale qu'on connaît, associés au cannabis. Donc,
ces 100 appels là que vous avez, il y aurait peut-être un potentiel, grâce à ce projet de loi là, qu'on réduise ce nombre d'appels là, évidemment, dans le temps.
Évidemment, on ne peut pas faire de présupposition ce soir, mais c'est quand
même, oui...
Le
Président (M. Provençal)
: Maintenant, M. le
directeur, compte tenu qu'il y a une question qui a été posée, on va se
permettre de vous permettre de répondre, mais très succinctement, s'il vous
plaît.
M. Caron
(Sylvain) : Je ne peux pas faire de corrélation directement entre ce
que vous dites puis par rapport à...
Le
Président (M. Provençal)
: C'est maintenant à
l'opposition officielle de participer aux discussions. Alors, pour les
échanges, je cède la parole au député de Pontiac.
M.
Fortin : Merci, M. le Président. Merci d'être là avec nous, Mme la
mairesse, M. Caron. Vous comprendrez qu'avec
trois députés de Montréal à mes côtés, deux anciens élus municipaux, je vais
essayer de faire rapidement de mon côté.
J'ai deux
questions très simples pour vous, mais je veux vous dire que j'apprécie, un, le
fait que vous soyez ici. À la qualité de votre exposé, je comprends et
je me souviens pourquoi on s'est battus pendant deux mois avec le gouvernement pour nous assurer que vous étiez ici.
Mais j'apprécie que votre mémoire est basé, comme vous le disiez d'entrée de jeu, sur des données probantes, que
vos propositions font en sorte que l'approche qui serait mise de l'avant
ne serait pas une approche mur à mur, que
vous parlez de la réalité de Montréal qui est différente de la réalité partout
ailleurs. Vous avez fait état, Mme la
mairesse, souvent, dans vos délibérations publiques, du fait que vous avez plus
de locataires chez vous qu'ailleurs
au Québec, et donc la réalité, elle est différente, et, entre autres, c'est
fort probablement pour ça que vous avez permis la consommation sur la
voie publique, parce que la réalité, elle est différente à Montréal.
Maintenant,
scénario hypothétique mais fort probable suite à ce qu'on entend de la part du
gouvernement, si le projet de loi ne
change pas dans sa forme actuelle et que le gouvernement va de l'avant tel
quel, est-ce que vous voyez... même
avec des ressources supplémentaires, M. Caron, est-ce que vous voyez des enjeux
majeurs d'applicabilité par rapport au
projet de loi? Comment vous allez faire? Comment un policier va s'y prendre sur
un campus universitaire, disons, pour savoir qui possède du cannabis et qui n'en possède
pas? Comment est-ce que... Parce que vous me dites que depuis toujours il y a certains moments, disons, dans la semaine,
à Montréal, où on consomme publiquement, et c'est, disons, toléré — je vais utiliser le mot «toléré» — gentiment de la part des policiers
municipaux. Alors, comment vous allez faire pour décider qu'à un moment c'est toléré, à un autre moment ce
n'est pas toléré? Parlez-moi des enjeux d'applicabilité du projet de loi
s'il est adopté tel quel.
M.
Caron (Sylvain) : Il y a deux aspects importants, je crois. Le
contexte dans lequel se déroule l'appel auquel on fait allusion, c'est-u un rassemblement de
jeunes, c'est-u un rassemblement familial, c'est-u un rassemblement...
bon, etc., je pense que c'est des
aspects qui sont regardés pour établir la priorité d'appel et de délai de
réponse, évidemment, en fonction de ce qui nous est soulevé.
Puis
l'autre aspect le plus important : Est-ce qu'un groupe... des gens
regroupés ensemble fument tous du cannabis? Alors, d'aller vérifier ce que les gens fument exactement va devenir un
enjeu important aussi. Alors, est-ce que les gens qui sont regroupés dans un endroit, qui ont fait
l'objet d'un appel au service de police, représentent nécessairement des gens
qui fument tous du cannabis? Ça, ça devient
un enjeu important et une difficulté pour les policiers d'appliquer la
réglementation.
M.
Fortin : Dans le contexte... Vous parlez de priorités d'appel, là.
Avec tous les appels que vous recevez en ce moment, des appels de violence conjugale, des appels de voies de fait,
des appels d'accident de la route, des appels de santé mentale, dans
l'ordre, là, un appel pour consommation, sur la voie publique, de cannabis, ça
se retrouve où?
M.
Caron (Sylvain) : Bien, écoutez, il y a des niveaux de priorité qui
sont donnés. Ce n'est pas la priorité numéro un, c'est la priorité... ça peut être une priorité trois, puis ça peut
devenir une priorité deux si le contexte fait en sorte qu'il y a des enfants puis il y a une fête familiale. Alors,
c'est une priorité dans laquelle on peut traiter l'appel en dedans de
45, 50 minutes, une heure, dépendamment
des journées, des heures, des incidences journalières que nous avons, puis ça
peut être dans un endroit où on a peu d'appels à ce moment-là, puis on va le
répondre en dedans de 15 minutes.
Alors,
c'est très difficile de répondre exactement à votre question. Clairement, c'est
lorsque la personne qui prend l'appel,
qui fait l'analyse de l'appel, qui transmet l'information... c'est à partir de
ces éléments-là qu'il va décider le délai de traitement de cet appel-là.
M.
Fortin : Très bien. Le maire de Gatineau était ici la semaine
dernière. Le maire de Gatineau a pris la... ou le conseil municipal de Gatineau a pris la même
décision que Montréal quant à la possibilité, en ce moment, de consommer
le cannabis sur la voie publique. On lui a demandé : Suite au 17 octobre, depuis
que le cannabis est consommé publiquement, légalement, à Gatineau,
est-ce que ça a créé un enjeu majeur? Est-ce que vous avez un surplus d'appels
au 3-1-1 ou au 9-1-1? Est-ce qu'il y a
des plaintes nombreuses? Selon ce que vous entendez des citoyens,
est-ce que c'est un enjeu majeur? Quand on a demandé au maire de
Gatineau, il nous a essentiellement dit : Non, le seul monde qui appelle
au 3-1-1, c'est pour savoir où ils pourraient s'en procurer. Est-ce que la
réalité ressemble à ça chez vous?
Mme Plante
(Valérie) : Bien, pour le 3-1-1, il n'y a pas eu un nombre important
lié au cannabis, à savoir on veut qu'il y ait une intervention ou quoi que ce
soit. On a beaucoup plus d'appels liés... Je ne vous le cacherai pas, le 3-1-1,
pour nous, là, c'est essentiellement des dépôts sauvages de déchets. Même, à la
limite, la question canine est beaucoup plus populaire que la question
du cannabis, ça, c'est certain. Donc, on ne se classe même pas dans le top
cinq, là, des questions.
M.
Fortin : Donc, la cohabitation n'est pas si différente qu'elle
ne l'était, disons, entre le consommateur et le non-consommateur, pas si
différente qu'elle ne l'était avant le 17 octobre 2018.
Mme
Plante (Valérie) : Encore une fois, moi, je pense qu'il ne faut pas oublier que cette loi-là a été
appliquée le 17 octobre dernier. Et,
lorsqu'on a déposé notre mémoire, avec tout le travail... et je tenais à les
mentionner tantôt, tous les groupes de travail qui ont participé, autant des chercheurs que des
groupes terrain, bien sûr le SPVM, et d'autres, on se disait... l'idée, c'était aussi de pouvoir
aller... Non seulement on s'est basés sur les données probantes, mais il
faut aller en chercher, des données,
pour, après ça, faire des ajustements ou faire un changement de cap. Mais on
n'a pas grand-chose à ce moment-ci parce qu'on n'a pas encore laissé la
loi, comment dire, se déposer.
M.
Caron le disait tout à l'heure, également, le printemps... bon, n'est pas à nos portes, malheureusement, mais il s'en vient à un moment donné. Donc, on a besoin de ces données-là également. Et puis, comme la
loi prévoyait déjà une révision deux ans plus tard, nous, on trouvait que
c'était un moment important pour justement faire l'état de la situation.
M. Fortin : Très
bien. M. le Président, je crois que le député
de Viau — que
vous connaissez très bien, Mme la mairesse — a
certaines questions pour la mairesse.
Mme Plante
(Valérie) : Dans une autre vie...
M. Benjamin :
Dans une autre vie. Merci. Merci beaucoup, collègue. Mme la mairesse, merci
pour votre présentation, votre excellente
présentation. M. Caron, j'aurais pu aborder avec vous les questions
relatives à la complexité du travail policier, mais vous comprendrez que
le temps qui nous est imparti est beaucoup trop court.
Il y a quelques jours, Mme la mairesse, justement,
il y a une délégation de Gatineau... le maire de Gatineau, ainsi qu'une conseillère municipale, nous a parlé
des effets de l'éventuelle application de cette loi-là. Notamment, elle
a parlé de ciblage, et
je la cite, de ciblage des jeunes. Elle a aussi évoqué, comme vous d'ailleurs,
les aspects néfastes en termes
d'équité sociale. Notamment, on comprendra que l'application d'une pareille loi
ferait en sorte que, notamment, donc,
les locataires, donc, n'auraient plus les mêmes privilèges ou les mêmes droits,
donc, que les propriétaires. Si on parle
de ciblage, si on parle de manque d'équité sociale, est-ce que vous serez
d'accord avec moi pour dire que cette loi-là, telle qu'elle est
formulée, pourrait avoir des portées de profilage social?
Mme Plante
(Valérie) : Le projet de loi, celui qui est étudié en ce moment...
Bien, écoutez, comme je vous disais, c'est
que ça crée différentes catégories de citoyens et citoyennes, et je pense que
ça, pour moi, comme mairesse... Et je pense que, nous tous, ce qu'on veut, c'est avoir un principe d'équité, et ça,
c'est fondamental. Et encore une fois, moi, l'idée de judiciariser ou de
marginaliser des personnes qui le sont déjà pour différentes raisons... Je
pense que l'exemple de la personne
itinérante, en situation d'itinérance en est un très bon, parce qu'en plus il y
a tellement de profils différents liés à l'itinérance. Mais ça montre à quel point cette idée d'avoir des règles
différentes où consommer, encore une fois, dans le contexte montréalais, parce que je tiens à le
rappeler, moi, je suis ici pour défendre la réalité de Montréal et je ne
veux pas donner de leçons à aucune autre municipalité, bien, ça peut créer un
précédent et créer une iniquité, absolument.
M. Benjamin : Merci. Collègue.
Le Président (M. Provençal)
: Je cède la parole à la députée de Vaudreuil.
Mme Nichols : Merci beaucoup, M. le
Président. Merci. D'abord, un merci d'être ici. Je trouve que c'est superimportant de venir parler d'autonomie
municipale. Je pense que c'est un principe que... en fait, c'est quelque
chose qu'on vous a donné via une loi,
l'autonomie municipale, et je pense sincèrement que la ville de Montréal s'est
très bien adaptée au principe
d'autonomie municipale. Justement, elle l'a adapté parce que c'est un milieu...
le rural puis le urbain, en effet, il
y a beaucoup de différences. Donc, je vous félicite de la façon que vous l'avez
adapté. Et qui de mieux que les élus municipaux pour prendre des décisions
sur leur territoire? Et je pense que vous le faites très bien.
Justement, ce
projet de loi là, c'est une atteinte directe
à l'autonomie municipale. Est-ce
que... bien, un, est-ce que vous êtes inquiets peut-être de la façon que vous allez pouvoir légiférer dans
ce contexte-là, dans le contexte de la loi qui pourra être adoptée?
• (20 h 10) •
Mme Plante
(Valérie) : Bien, écoutez,
vous l'avez dit, avec le statut de métropole,
mais également dans toute la question
de l'autonomie des municipalités, je pense que mon collègue le maire de
Drummondville, le président de l'UMQ, pourra vous en parler davantage
tout à l'heure, mais c'est un principe qui nous est cher parce que nous sommes
des gouvernements de proximité. C'est nous qui devons gérer les impacts positifs
et négatifs de toute réglementation.
Et la raison
pour laquelle je suis ici aujourd'hui, c'est parce que, quand il est question
de cannabis, c'est que tous les impacts
sont vraiment d'ordre municipal, sont vraiment d'ordre de gestion dans les maisons,
sur les coins de rue, dans les parcs,
autour des écoles. C'est nous... et je me tourne vers le chef de police, mais
c'est nous qui devons trouver des façons de créer de la solidarité, devoir gérer différentes populations,
différents besoins et, encore une fois, avec ce principe d'équité.
Alors, c'est
pour ça que je suis ici ce soir, parce que, principalement, c'est au niveau
municipal que ça se gère au quotidien,
dans la vie des gens, et ce principe-là d'autonomie est important. Donc, oui,
nous avons plus de pouvoirs depuis que
le statut de métropole, par exemple, a été voté, mais n'oublions pas que nous
avons plus de pouvoirs mais également plus de responsabilités, puis on
prend ça bien au sérieux.
Le Président (M. Provençal)
: Il reste à peine 10 secondes.
Mme Nichols : Alors, bien,
merci, merci de votre présence, merci des précisions.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Les échanges se poursuivent avec le député de
Jonquière. Vous avez 2 min 45 s. À vous la parole.
M. Gaudreault : Oui. Merci, Mme
la mairesse. Merci, M. le directeur du service de police.
Depuis tantôt
que je me dis : Bon, sous quel angle que je vais aborder la question? Mais
je vais vous dire bien franchement,
là, ce que je trouve assez incroyable, quand même, la mairesse de la ville la
plus importante du Québec, de la métropole,
le chef de police de la ville la plus importante du Québec, de la métropole du
Québec viennent dire au ministre puis
au gouvernement : Gardez ça à 18 ans, n'étendez pas ça... c'est-à-dire,
n'interdisez pas dans les voies publiques puis dans les parcs. Il me semble que c'est puissant comme message. Alors,
j'aimerais ça peut-être que vous en ajoutiez un peu là-dessus.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Gaudreault :
Non, mais ce que je veux dire, c'est que c'est quand même... le ministre aime
bien parler de banalisation, là, ce
n'est pas banal, là. Ce n'est pas banal. Ce n'est pas une belle heure pour les
médias, mais c'est quand même... Moi, je trouve que c'est un gros
message que vous nous envoyez aujourd'hui comme métropole du Québec. M. l'agent, vous connaissez ça, là, et c'est le
message que vous nous livrez. Alors, sinon, c'est le droit de retrait. En
tout cas, j'aimerais ça... Comment vous réagissez à ça?
M. Caron
(Sylvain) : Bien, écoutez, c'est sûr que d'empêcher complètement la
consommation sur voie publique, un
endroit public, compte tenu que 60 % de la population de Montréal, c'est
des locataires ou des espaces condos, on va se retrouver avec une problématique certainement que je ne connais pas,
que je ne peux pas évaluer au moment où on se parle.
Par contre,
si on a des endroits réservés, ou des parcs, ou des endroits qui sont... des
moments dans l'année où que les gens
ne peuvent pas parce qu'il y a des rassemblements familiaux, où on restreint
certains endroits publics, eh bien, c'est
différent alors. Parce que de l'interdire complètement... C'est légal. C'est
légal depuis le 17 octobre, là. On va interdire partout? Ça va être difficile, ça va être très difficile
à appliquer, puis je ne peux anticiper exactement quelles seront les
ambiguïtés qu'on rencontrera si ça venait qu'à être illégal comme c'est édicté
actuellement.
Le Président (M. Provençal)
: Mme la mairesse.
Mme Plante
(Valérie) : Mais, écoutez, moi, je... Tu sais, derrière tout projet de
loi, il y a des raisons, comment dire,
dont... il y a des raisons qui sont, somme toute, nobles, là. L'idée de ne pas
vouloir, par exemple, banaliser le cannabis, personne n'est contre ça.
C'est évident, on ne veut pas, puis on ne banalise pas, puis on ne veut pas que
ça soit le cas.
Mais j'aurais
envie de vous dire du même souffle qu'il ne faut pas non plus banaliser
l'application de règles. Il ne faut
pas banaliser les impacts négatifs de quelque chose qui a l'air d'une bonne
idée. Mais encore une fois, si moi, je me retrouve à marginaliser des
gens ou judiciariser des gens qui ne devraient pas l'être, ou si je commence à
créer des problèmes, ou si je commence à
exposer des gens plus vulnérables dans leur habitation, qui ne peuvent même
plus fumer nulle part, alors que c'est légal, c'est là où, pour moi, il
y a un problème.
Alors, le
motif derrière est noble, mais moi, je suis de l'école, et c'est pour ça qu'on
a travaillé avec la direction de la santé publique, qui en est une de réduction des méfaits. Pour moi, ça passe par l'éducation, la sensibilisation, le contrôle du marché, le contrôle du
produit. Pour moi, c'est très, très, très important. Et ce n'est pas pour être
pour ou contre le cannabis, mais je dois faire avec des éléments, encore une
fois, des faits qui me parlent. Et moi, j'avance dans cette mouvance-là au meilleur de mes connaissances, en
me disant : Bien, peut-être que, dans un an ou deux ans, on aura plus
de données, mais, pour l'instant, on a une situation
qui fonctionne bien à Montréal en se collant à la consommation du tabac,
où c'est clair pour tout le monde.
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci. Alors, on termine les échanges avec la ville de Montréal
par le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci
beaucoup. Alors, on a parlé de la question
du droit de retrait plus tôt puis vaut-il mieux que les lois soient uniformes à toutes les villes, etc. On
concluait : Ah! l'uniformité,
c'est mieux. Mais aussi, en même temps, je pense qu'on concluait : l'uniformité d'une bonne loi. C'est-à-dire
que, si c'était à 18 ans, on dirait : On veut que ce soit uniforme. Mais, si je comprends bien...
corrigez-moi si je me trompe, mais, si vous demandez un droit de retrait,
c'est parce que c'est à cause que la loi
qu'on prévoit appliquer est problématique à bien des égards. C'est donc, pour
vous... l'idéal, ce serait une bonne
loi uniforme, mais là disons que le compromis, ce serait au moins un droit de
retrait pour Montréal. C'est ce que je comprends.
M. Caron
(Sylvain) : Bien, il y a
deux aspects à votre question. Évidemment, la question d'interdire complètement,
c'est qu'on n'est pas capable d'évaluer
actuellement quelles sont les conséquences de l'interdiction totale sur les
lieux publics. Alors, ça, c'est un aspect
très important, évidemment. Puis la renonciation de la ville, évidemment,
comprend cette partie-là, mais comprend
également un aspect peut-être... un autre aspect que la mairesse voudrait
peut-être expliquer par rapport à la renonciation du droit de la... la
loi comme telle.
Mme Plante
(Valérie) : Bien, écoutez, à ce moment-ci, nous, comme je disais,
c'est vrai, on demande, encore une fois,
sur le principe de l'autonomie des villes, qu'on respecte la réalité de Montréal,
qu'on respecte notre capacité à prendre les meilleures décisions basées sur notre réalité, et je ne reviendrai
pas puisqu'on l'a fait à plusieurs égards, et qu'on puisse avoir un droit de retrait sur l'application de la
loi n° 2 telle qu'elle est, donc de ne pas pouvoir consommer de
cannabis sur la voie publique, parce qu'encore une fois c'est déconnecté de
notre réalité à nous.
M. Zanetti :
Et, à votre connaissance, avant le 17 octobre dernier, est-ce que les
jeunes de 18 à 21 ans semblaient avoir de la difficulté à se
procurer du cannabis à Montréal?
Mme Plante
(Valérie) : Non, mais là je... parce que c'est quelque chose sur
lequel on essaie... bien là, vous êtes mieux placé que moi pour parler
de ça, je pense.
M. Caron
(Sylvain) : Bonne question. Écoutez, 18 à 21 ans, là, c'est
difficile à établir. Je ne suis pas en mesure de vous dire les arrestations ou les interventions qu'on avait à faire
concernant une clientèle de tel âge à tel âge. C'est plus au niveau de
la santé publique, je pense, qu'il a été clairement identifié la consommation
se faisait à quel âge.
Est-ce que
l'accessibilité du cannabis était présente? Bien oui, c'est sûr. Je dirais que,
dans toutes les interventions que nos policiers font depuis les
dernières années, souvent, ils vont faire une intervention d'ordre violence
conjugale, woups! il y a du cannabis, il y a
de la drogue. Il y a tout le temps un élément de drogue à quelque part depuis
plusieurs années. Alors, ce n'est pas nécessairement seulement du cannabis.
Clairement, dans nos interventions policières, constamment il y a des arrestations qui se font
pour toutes sortes de nature puis il y a tout le temps, évidemment,
présence de drogue, ou de cannabis, ou de pilules, ou drogues contrôlées, non
contrôlées, là, dépendamment.
M. Zanetti : Vous parliez de...
Le Président (M. Provençal)
: Excusez. Ceci termine la période d'échange. Je remercie
Mme la mairesse et M. le directeur pour votre contribution aux travaux de la
commission.
Je suspends
les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre
place. Merci beaucoup de vous être déplacés.
(Suspension de la séance à 20 h 19)
(Reprise à 20 h 23)
Le
Président (M. Provençal)
: Je souhaite la bienvenue
aux représentants de l'Union
des municipalités du Québec. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je
vous invite à vous présenter puis à commencer votre exposé. À vous la parole.
Union
des municipalités du Québec (UMQ)
M. Cusson
(Alexandre) : Alors, merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre,
Mmes et MM. les députés, je me présente, Alexandre Cusson, maire de
Drummondville, président de l'Union des municipalités du Québec. Je suis
accompagné ce soir de Mme Sylvie Pigeon, conseillère aux politiques à l'Union
des municipalités du Québec.
Alors,
d'entrée de jeu et au bénéfice de ceux qui nous écoutent via le canal de
l'Assemblée et des parlementaires, j'aimerais débuter en présentant
brièvement l'Union des municipalités du Québec. Nous fêtons cette année notre 100e anniversaire. L'UMQ représente des
municipalités de toutes les tailles, dans toutes les régions du Québec et
regroupe, par celles-ci, pas moins de 85 % de la population québécoise et
du territoire du Québec.
Nous vous
remercions d'avoir invité l'UMQ à partager ses impressions et ses commentaires
sur les dispositions du projet de loi
n° 2, Loi resserrant l'encadrement du cannabis. Dans l'ensemble, nous
partageons la vision du gouvernement, qui
souhaite éviter de banaliser la consommation du cannabis, notamment chez les
jeunes. Le cannabis n'est pas sans risque. Il est important de
sensibiliser l'ensemble de la population à ce sujet.
Depuis la légalisation du cannabis par le
gouvernement fédéral et l'adoption du projet de loi n° 157 par l'Assemblée nationale, les gouvernements de
proximité ont travaillé. Ils ont réfléchi afin que le tout se fasse de la
manière la plus harmonieuse possible sur
leurs territoires, des territoires qui sont différents, je pense que la
mairesse de Montréal l'a très bien exprimé, il y a quelques instants.
Plusieurs
municipalités ont formé des comités de travail, des comités dans lesquels on
retrouvait des spécialistes de la santé, des gens de la sécurité
publique, des gens du milieu sociocommunautaire. Elles ont également consulté
leur population, tenu des séances
d'information. Certaines ont été accompagnées, je le mentionnais, par des
experts en santé publique. Bref, les gouvernements de proximité ont fait
leurs devoirs.
Notre participation, d'ailleurs, aux précédentes
consultations sur le projet de loi n° 157 a également permis d'apporter des bonifications qui font maintenant
consensus. Il a été notamment reconnu de laisser l'autonomie nécessaire aux municipalités pour définir selon leurs
spécificités locales les lieux
publics extérieurs pour la consommation du cannabis ainsi que l'emplacement
des points de vente.
Avant de
tomber dans le vif du sujet, nous voulons rappeler certains éléments à la commission.
Le gouvernement du Québec a reconnu que la mise en oeuvre de la nouvelle
législation sur le cannabis allait générer des coûts pour les municipalités. Des sommes ont été annoncées à ce sujet dans le budget 2018-2019,
mais elles sont toujours attendues par les municipalités.
Dans la même
logique, l'UMQ souhaite rappeler que l'entente de deux ans survenue entre le gouvernement fédéral et les provinces sur le partage de la taxe
fédérale d'accise devrait être pérennisée afin que les municipalités puissent recevoir leur juste part des revenus fiscaux provenant
de la vente de ce produit.
Aussi, les relations entre le gouvernement du Québec
et les municipalités ont complètement changé depuis l'adoption, en juin 2017, du projet de loi n° 122
sur les gouvernements de proximité. L'autonomie municipale n'est
pas un concept désincarné. Il doit toujours
être dans la tête du décideur public lorsqu'il choisit de légiférer et il doit
évaluer les impacts possibles dans les champs de compétence des municipalités.
Le projet de loi n° 2, s'il est adopté tel
quel, empiétera, selon nous, sur les compétences des municipalités, notamment
celles ayant trait à l'aménagement du territoire et au maintien de la paix et
du bon ordre dans l'espace public. C'est
la raison pour laquelle nous sommes devant vous ce soir. Nous souhaitons faire
respecter l'autonomie municipale et nous vous proposons deux
recommandations pour y arriver.
La
première consiste en la nécessité pour les municipalités de pouvoir
adopter leur propre réglementation afin de déterminer par elles-mêmes les lieux publics extérieurs, sur leur
territoire, où il sera permis ou interdit de fumer du cannabis. Lors des consultations sur le projet de loi n° 157, l'UMQ avait demandé que les municipalités puissent avoir l'autonomie nécessaire
pour déterminer les autres lieux publics extérieurs, rues, parcs, trottoirs, et
tout le reste, où la consommation de cannabis serait permise ou
interdite, et ce, en respect des pouvoirs que leur confère, à son article 85,
la Loi sur les compétences
municipales en matière de paix et bon ordre. La connaissance de leur milieu et
des différents enjeux qui leur sont propres fait en sorte que les
municipalités sont les mieux placées pour déterminer ces lieux publics.
La
mairesse de Montréal, qui était devant vous il y a quelques instants, a bien
expliqué qu'une interdiction complète ne
convenait pas du tout à la réalité terrain de sa ville. Parce que c'est là
qu'on retrouve les élus municipaux et leurs équipes, sur le terrain, dans la réalité, au jour le jour.
La réglementation doit donc pouvoir être modulée et adaptée aux réalités
et spécificités locales. De plus, depuis que
le cannabis a été légalisé, le 17 octobre dernier, les municipalités n'ont
pas constaté de problèmes majeurs liés à la consommation de cannabis
dans l'espace public.
Ainsi, nous vous demandons de respecter
l'autonomie municipale et de revoir la disposition du projet de loi sur le
sujet.
La
seconde recommandation traite plutôt des lieux les plus appropriés pour
l'établissement des points de vente de la
Société québécoise du cannabis. Le projet de loi n° 2 vient interdire
l'établissement d'un point de vente de la SQDC à moins de
250 mètres d'un établissement d'enseignement collégial ou universitaire
ainsi que des services éducatifs en formation professionnelle et pour les
adultes en formation générale.
L'UMQ
tient à rappeler au gouvernement du Québec que les municipalités sont les
premières responsables de l'aménagement
de leurs territoires. Elles sont les mieux placées pour déterminer les zones
les plus adéquates où installer les points
de vente, de concert avec les dirigeants de la SQDC. D'ailleurs, les
discussions sur le choix des emplacements des points de vente à la SQDC ont été, jusqu'à maintenant, jugées très
satisfaisantes par les municipalités concernées. Nous demandons donc au législateur de laisser aux
municipalités la possibilité de déterminer, avec les dirigeants de la
SQDC, les lieux les plus appropriés pour l'établissement des points de vente de
ce produit.
En
conclusion, j'aimerais aussi dire un mot sur le nouvel âge prévu pour pouvoir
consommer du cannabis, qui sera fixé à
21 ans. L'UMQ comprend que la consommation de cette substance pose des
risques réels pour la santé, notamment chez les jeunes, mais nous nous
questionnons, tout comme la ville de Montréal, sur le fait que les jeunes de 18 à 21 ans seront obligés de s'approvisionner
auprès du marché noir et du crime organisé, avec tous les risques que
cela suppose. Cela va à l'encontre de l'un des objectifs initiaux de la
légalisation du cannabis. Celle qui m'a précédé l'a mentionné, ce n'est pas un choix municipal, c'est un choix fédéral avec
lequel nous devons vivre, soit de détourner les consommateurs de cette substance du marché illicite et de leur offrir
des produits contrôlés. Il est possible que la diminution appréhendée de la consommation pour ces jeunes
n'ait tout simplement pas lieu, mais encourage plutôt une consommation
d'un produit non encadré. Il importe d'abord et avant tout de continuer, et
c'est très important de le faire, à faire des campagnes
de sensibilisation et de prévention auprès de ces personnes, plutôt que de
simplement leur en interdire l'accès.
Je vous remercie et
je suis prêt à répondre à vos questions.
• (20 h 30) •
Le Président (M.
Provençal)
: Je vous remercie pour votre
exposé. Maintenant, commençons la période d'échange. M. le ministre, la parole
est à vous.
M.
Carmant : Encore une fois, merci beaucoup de votre présence
aujourd'hui. Merci également pour le rapport, là, qui était très complet et très intéressant. Lors
des auditions sur la loi n° 157, vous aviez demandé qu'une partie des
revenus du cannabis soit transférée aux
municipalités, encore une fois pour respecter le principe d'autonomie des
villes. On parlait même de 33 %.
Finalement, ce qui avait été accepté, c'était que les revenus seront séparés
dans le fonds des revenus, dans le fonds
de prévention, et tout serait géré par le gouvernement provincial. En fait,
vous avez reçu cette somme promise... qui d'ailleurs vous seront versées. On croyait que les tâches
administratives avaient été effectuées, mais, à ma grande surprise, nous
avons dû les effectuer nous-mêmes.
Ce
qu'on aimerait savoir, c'est : Avec ces revenus-là, que comptiez-vous
faire par rapport à la consommation de cannabis sur votre territoire?
M.
Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, un peu comme le gouvernement du
Québec, hein, évidemment assumer nos
responsabilités au niveau de la prévention, au niveau de la sécurité publique.
On rappellera que les sommes, là, sont réparties
en deux. Donc, sur deux ans, 42 millions qui va vraiment vers la sécurité
publique, les différents programmes qui sont gérés par le gouvernement du Québec, et il y a 20 millions,
10 millions par année, pour les autres obligations des villes. Les municipalités ont de nouvelles dépenses. Mais
les municipalités depuis toujours, avant même qu'il y ait des revenus,
ont eu des dépenses, ont assumé des réalités
liées au cannabis, et, dans ce contexte-là où il y a trois paliers de
gouvernement qui sont touchés par la
consommation du cannabis, légal ou non, maintenant qu'il y a des revenus,
c'était clair pour nous que nous devions faire partie de ce partage-là,
et ce principe-là a été reconnu.
M. Carmant :
Et pourquoi vous pensez que cette demande vous a été refusée lors du dernier
projet de loi?
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, écoutez, on a été satisfaits de ce qui a été prévu
dans le dernier budget du gouvernement du
Québec, c'est-à-dire qu'on a évalué, là, c'était... Nous, on disait que ça
représentait à peu près 30 millions par année, le tiers. Donc,
quand on nous a dit 62 pour deux ans, ça nous paraissait correct dans un
contexte où on ne connaissait pas les vrais
revenus, qu'on ne connaissait pas la réalité. À l'image de l'entente entre
Ottawa et les provinces, donc, de
revenir après deux ans, ça nous est apparu satisfaisant, là, dans le budget qui
a été déposé au printemps dernier.
M. Carmant :
Qu'est-ce qui arrive après deux ans?
M.
Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, là, on va être en face d'une
réalité, on va savoir comment ça se passe, on va connaître les vrais revenus, on va connaître les vrais impacts et
évidemment on devra avoir de nouvelles discussions avec le gouvernement
du Québec là-dessus.
M. Carmant :
D'accord. Et est-ce que c'était pour des ressources en prévention, interventions,
ressources policières? Pouvez-vous détailler un petit peu ce que vous ciblez?
M. Cusson
(Alexandre) : Toute la question de la sécurité publique, là, est dans
le premier 42 millions. L'autre 20 millions, on parlait d'un
transfert inconditionnel aux municipalités. Alors, nous, on s'est inscrits
d'abord dans une logique... au-delà de la
logique des dépenses, hein, on a dit depuis le début : On ne va pas pour
des sommes qui sont... Bon, 10 millions par année pour les
municipalités, vous allez dire que c'est beaucoup. Quand on le répartit sur 1 000 municipalités, il en reste
beaucoup moins pour chacune, et surtout qu'il y en a des très importantes. On a
dit : On ne va certainement pas mettre en place une bureaucratie
plus lourde que le montant qu'on va recevoir. Donc, il faut que ce soit simple.
On parle d'un transfert inconditionnel.
Donc, nous,
on est dans une logique où trois paliers de gouvernement sont concernés par une
situation, donc ces trois paliers de
gouvernement là se partagent les revenus. Donc, on s'est toujours refusé à
dire : On ne fera pas des comptes de
dépenses, puis des factures, puis des démonstrations, etc., pour des sommes
qui, ultimement, sont minimes, là, hein? On en a assez, de bureaucratie,
déjà, je pense que vous allez être d'accord avec nous pour ne pas en ajouter.
M.
Carmant : Et, parlant de dépenses, et tout ça, on avait dit que la
légalisation de cannabis devrait se faire à coût nul pour les municipalités. Après quelques mois... c'est sûr, c'est
court, là, quatre mois, mais quand même êtes-vous en mesure de dire
aujourd'hui si ça se passe comme on avait prévu?
M. Cusson
(Alexandre) : ...comme on ne nous a pas encore confirmé le mode de
partage, on ne peut pas vous dire que ça se passe à coût nul, parce
qu'on n'a pas vu la couleur de l'argent pour l'instant.
M. Carmant : Et par rapport à ce qui
était anticipé?
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, écoutez, jusqu'à maintenant, ce que mes collègues
me disent, je pense que des maires
qui sont passés ici avant moi l'ont mentionné, il n'y a pas de chaos dans les
municipalités, mais il n'en demeure pas moins que, les campagnes de prévention, on n'attendra pas qu'il y ait le
chaos pour les mettre en place. Le soutien aux organismes communautaires qui viennent en aide aux jeunes, aux moins
jeunes qui ont des problèmes de consommation, c'est maintenant que ça doit se passer. Et c'est pour ça qu'on doit
rapidement régler la question de ce transfert financier là.
M.
Carmant : Puis comment vous évaluez votre rôle par rapport au ministère quant à, justement, les campagnes de prévention puis l'aide
aux organismes communautaires?
M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez,
il y a, dans chacune des municipalités, hein, des organismes, des organisations qui oeuvrent, qui sont souvent reconnus par le ministère,
qui viennent cogner aux portes des villes, demander un soutien particulier pour des problématiques locales, des problématiques qu'on observe. Et les municipalités acceptent de les soutenir.
Alors, c'est dans ce sens-là, mais toujours en complémentarité. Vous comprendrez que nous, on
ne va pas soutenir les organismes
qui, par exemple, n'iraient pas dans le même sens que ce qu'on
souhaite, qui ne répondent pas aux objectifs qu'on se donne, qui ne sont pas des organismes à but non lucratif, etc., là. Il y a une foule de critères.
Mais on est là pour appuyer les initiatives dans nos municipalités.
M. Carmant : D'accord. Et on a entendu les présentateurs auparavant
parler également de droit de retrait. Parmi les 360 villes membres de votre regroupement, combien, pensez-vous, seraient prêtes à avoir une telle clause dans la
loi?
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, écoutez,
pour nous, bon, droit de retrait ou autorisation de prendre nos
décisions, c'est un peu du pareil au même, là. C'est le mécanisme qui est
différent. Écoutez, chacun des milieux est différent. Il y a des
milieux et des villes de toutes les tailles qui ont choisi de s'en tenir à la
loi, d'autres qui ont décidé de l'interdire systématiquement dans les lieux
publics, et d'autres qui ont fait un amalgame pour tenir compte de leur réalité
suite à la consultation publique, suite à l'échange avec la population dans
leurs secteurs, suite aux discussions avec les corps de police, etc.
Donc, c'est
difficile pour nous, là, à ce
moment-ci, parce qu'il y a plusieurs, municipalités,
qui ont choisi d'attendre, qui ont
dit... Hein, il y a des gens qui ont adopté des règlements dès l'été et il y en
a d'autres qui ont dit : Bien, écoutez, on va voir comment ça va se passer puis on va réagir, on va s'ajuster.
Parce que le monde municipal a ça d'intéressant, c'est son agilité, sa capacité de s'ajuster rapidement,
de prendre des décisions pour tenir compte d'une réalité. Et c'est pour
ça d'ailleurs que, dans la Loi sur les compétences
municipales, c'est prévu que la paix et le bon ordre sont des
compétences municipales, parce que, justement, on agit.
La mairesse
de Montréal mentionnait que, dans des événements bien précis, ils ont adopté
une réglementation vraiment adéquate,
ponctuelle pour tenir compte de cette réalité-là. Parce que, quand on met un
règlement en place, nous qui sommes
sur le terrain, le premier critère qui nous apparaît extrêmement important,
c'est l'applicabilité. Et c'est dans ce sens-là que les municipalités
ont voulu mettre en place des règlements.
Chez
nous, par exemple, à Drummondville, quand on a fait la discussion là-dessus...
Nous, on fait partie des villes qui sont allées entre les deux, donc qui
ont ajouté à la liste des interdictions certains lieux publics, donc, élargis.
Par exemple, on a précisé des parcs pour
être sûrs qu'on avait la même définition, etc. Sur certains éléments, on n'y a
pas touché parce que nos policiers
nous ont parlé du critère d'applicabilité, nos organismes sont venus, par
exemple, sur la question des gens qui vivent en appartement, etc. Donc, c'est
dans ce contexte-là qu'on peut penser que ça sera en constante
évolution, du côté municipal, en fonction de
la réalité. Mais, clairement, les villes comme Montréal et Gatineau nous ont
fait savoir, là, comme ils vous l'ont fait savoir...
M. Carmant :
Ça fait que, juste pour simplifier la réponse, là, actuellement, est-ce que
c'est une majorité de villes qui veulent le retrait?
M. Cusson
(Alexandre) : Je n'ai pas cette statistique-là. Peut-être que
Sylvie...
Mme Pigeon
(Sylvie) : Non, je n'ai pas la... On n'a pas fait de sondage auprès de
nos membres à ce sujet-là, mais c'est une position qui a été adoptée par
l'UMQ, quand même, qui faisait consensus, là.
M. Cusson
(Alexandre) : Moi, je vous dirais qu'actuellement une majorité de nos
municipalités s'en sont tenues au projet de loi n° 157, donc à ce
qui est actuellement permis dans la loi, et n'ont pas ajouté de limites
supplémentaires.
M. Carmant :
Et trouvez-vous qu'il devrait y avoir une différence entre les grandes puis les
plus petites municipalités? Là, on a entendu
la mairesse nous parler de son taux de locataires élevé. Qu'est-ce que vous en
pensez, de ça, vous?
• (20 h 40) •
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, écoutez,
quand on parle d'autonomie municipale, quand on parle de respect des compétences municipales, ça ne vient pas seulement
qu'avec la taille de la ville, hein? Ce n'est pas parce que
la ville est plus grande que les élus
vont prendre des meilleures décisions pour leurs gens. Les gens des plus
petites municipalités peuvent aussi
prendre des décisions adaptées à leur réalité. Il est certain que toute la question
du nombre de locataires, celle-là touche
davantage les villes plus densément peuplées, mais ce n'est
pas seulement que les 10 grandes villes, c'est vraiment
aussi dans des villes de taille moyenne, par exemple comme celle où je suis
maire.
Donc,
pour nous, c'est avant tout... Parce
que je l'ai dit, hein, ce n'est pas
une question de banalisation. Pour nous, c'est une question de principe sur l'autonomie municipale.
Comme, je suis convaincu, l'Assemblée
nationale n'aurait pas accepté qu'Ottawa
légifère dans des domaines qui sont de compétence provinciale, hein? Si, par
exemple, Ottawa avait
dit : Ça va être 18 ans partout,
je pense qu'avec raison l'Assemblée
nationale aurait affirmé sa
compétence, son pouvoir de décider
sur l'âge. Bien, le monde municipal vous dit aujourd'hui : En ce
qui nous concerne, les compétences en
termes de gestion, de bon ordre, tel que c'est prévu dans la Loi sur les
compétences municipales, on considère être en mesure de les assumer.
M.
Carmant : Et est-ce que vous
aviez des critères? Vous avez parlé tantôt de retrait de certains lieux. Est-ce qu'il
y a des critères qui se partagent dans le monde des municipalités?
M.
Cusson (Alexandre) : Écoutez,
je pense que, clairement, la question des parcs, par exemple, où les gens
ont ajouté... Souvent, on a vu des définitions
encore plus précises sur les parcs, la préoccupation selon le type d'événement aussi. Les réflexions ont porté sur les festivals,
les événements publics qui se retrouvent dans les villes de
toutes les tailles. Donc, il y a, je pense,
là, ce qui a toujours primé, et je me répète là-dessus,
c'est la question de l'applicabilité.
Les gens veulent faire des règlements qu'ils vont être en mesure
d'appliquer.
M.
Carmant : M. le Président, si vous voudriez passer la parole au député de Chapleau,
je serais à l'aise. Merci.
Le Président (M.
Provençal)
: Oui.
M.
Lévesque (Chapleau) : Merci,
madame, M. le ministre, M. le maire, Mme la conseillère. Donc,
j'aimerais revenir sur le volet de la
légalisation à coût nul, ce dont vous nous aviez parlé un petit peu
précédemment. Est-ce que vous avez vu ou vous anticipez peut-être une
différence entre les différentes régions, là, du Québec?
M.
Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez,
si on considère les coûts de sécurité publique, bien évidemment,
selon le type de police, ce n'est pas le même
impact. Donc, il faut que les mécanismes de partage tiennent compte de
la réalité : SQ, pas SQ, qui
paie. Il ne faut pas que les gens paient deux fois. Ça, il y a
cette réalité-là. C'est certain que certaines municipalités, par exemple, où il y a des succursales et d'autres où il n'y en a pas, ça, ça peut
être un autre facteur. Mais il faut quand même
se dire que le partage inconditionnel, c'est 10 millions, là. On parle d'à peu près 1,25 $ par citoyen.
Donc, il ne faut pas non plus faire une
formule qui va être longue comme ça pour, somme toute, arriver à des sommes qui
ne sont quand même pas très conséquentes à la fin.
M. Lévesque
(Chapleau) : O.K. Merci. Donc, si un droit de retrait était permis,
justement, dans le projet de loi n° 2,
comme l'UMQ semble demander, comment vous pensez que les petites municipalités
avec peut-être moins de ressources
policières ou moins de ressources tout court pourraient gérer les problèmes de
cohabitation entre les utilisateurs et les non-utilisateurs de la voie
publique, donc sur la voie publique, donc, ceux qui consomment du cannabis?
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, écoutez,
ce n'est pas différent de maintenant. Actuellement, là, si on fait le tour du Québec, les
problématiques majeures, là, des augmentations de plaintes, etc., il n'y en a
pas ni dans les plus petites municipalités ni dans les plus
grandes municipalités. Donc, pour nous, de respecter l'autonomie municipale,
ce principe-là est un principe
gagnant, et toutes les municipalités, quelle que soit leur taille, sont capables
d'y faire face, et elles travaillent ensemble.
Évidemment,
dans une MRC, par exemple, les plus petites municipalités, avec la ville centre, très souvent, là, on va s'entendre parce qu'on va essayer d'avoir des
règlements qui se ressemblent, parce que c'est les mêmes policiers qui l'appliquent. C'est l'autonomie, mais on n'est pas
complètement fou, là. Donc, c'est certain, quand on va passer dans un petit village, à l'autre petit village, à l'autre
petit village, les gens se parlent, les gens sont habitués de travailler
ensemble, là. Les élus municipaux, il faut
arrêter de penser que, parce qu'ils sont des élus municipaux, ils sont moins
fins que les autres, là. Clairement, en tout cas, j'espère que ce n'est
pas l'image que nos élus ont ici, à Québec.
M. Lévesque (Chapleau) : Aucunement,
aucunement.
M. Cusson (Alexandre) : On aimerait
que ça paraisse dans le projet de loi.
M.
Lévesque (Chapleau) :
Aucunement. Je pense que votre travail est immensément respecté. Mais,
vous ne pensez pas, justement,
pour simplifier la tâche à ces villes et villages tout simplement bannir ne serait pas la meilleure chose, justement?
M. Cusson
(Alexandre) : Écoutez,
ces villes, ces villages, comme vous le mentionnez... Nous, chez nous, là,
on a 85 % de la population du Québec, et c'est de façon unanime qu'ils ont
appuyé, qu'ils ont dit : On veut que notre autonomie soit
respectée. Alors, on les a consultés, on a leur réponse.
M.
Lévesque (Chapleau) : Certains nous accusent d'enrichir le crime
organisé, avec notre projet de loi n° 2, et de pousser nos jeunes vers des dealers et de la
scrap, car la légalisation devrait en finir avec le marché noir. Pourtant,
l'alcool et le tabac sont des substances
légales, et il existe encore d'importants problèmes de contrebande de ces deux
substances. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation-là?
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, écoutez, si on regarde la quantité, hein, on le
sait, là. Mais il est clair que c'est l'objectif
principal de la légalisation du cannabis que vous remettez en question. Donc,
pour nous, évidemment... Puis les gens
avant moi l'ont dit aussi, là, il y en aura toujours, de la contrebande, on le
sait. Mais on est convaincus que, sur la question de l'âge, de 18 à 21 ans, ces jeunes-là, bien, vont
continuer d'aller chercher le cannabis sur le marché noir, et là il y a des risques, pour nous, il y a des risques
clairs de produits qui ne sont pas contrôlés, et ça nous préoccupe. Ceci
dit, on reconnaît que c'est une compétence
de l'Assemblée nationale, et c'est pour ça qu'on n'en a pas fait une
recommandation claire. On a commenté,
mais on ne se permet pas de faire des recommandations sur ce qui regarde les
compétences des autres.
M.
Lévesque (Chapleau) : Est-ce que j'en comprends qu'en gardant l'âge de consommation à 18 ans on va,
dans le fond, réussir à faire disparaître le crime organisé?
M. Cusson
(Alexandre) : Non, vous me
faites... pas complètement, ça, c'est certain. Mais je ne vous dis pas
que ce sera mieux de le mettre à 21 ans, par contre.
M. Lévesque
(Chapleau) : Merci beaucoup.
C'est tout pour moi, M. le Président. J'aimerais repasser peut-être la parole au ministre.
Le Président (M. Provençal)
: Il reste 1 min 30 s.
M. Carmant : Non, on va
terminer là. C'est bon pour nous.
Le Président (M. Provençal)
: C'est terminé?
M. Carmant : C'est terminé.
Merci.
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci. Je cède la parole à l'opposition
officielle, qui va prendre la parole
pour les 11 minutes qui suivent. Donc, M. Fortin, à vous.
M. Fortin : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour,
merci. Bonsoir, en fait. Merci d'être avec nous. Le député de Jonquière, il n'a pas beaucoup de temps ici, dans
cette commission parlementaire ci, donc je vais peut-être faire du
pouce sur ce qu'il a dit tantôt,
puis il pourra peut-être se... ou peut-être qu'il pourra continuer là-dedans, mais peut-être qu'il pourra se concentrer sur d'autres choses. Quand la
mairesse de Montréal était devant nous, tantôt, le préambule du député de Jonquière se terminait en
disant : Il me semble que c'est puissant, comme message. C'est ça, c'était
ça à peu près?
M. Gaudreault : Oui, mais sans
accent...
M. Fortin :
Ah oui! O.K. Je m'excuse. J'aurais de la misère...
Le Président (M. Provençal)
: M. le député de Pontiac, je m'excuse, mais je ne veux pas voir
d'échange entre les députés, là.
M. Fortin :
Bien, M. le Président...
Le Président
(M. Provençal)
: Non, mais,
excusez-moi...
M. Fortin :
...quand on demande : «C'est ça?» à un député... Si on est pour travailler
ensemble pour les quatre prochaines années, là, il va falloir que ce soit un
petit peu plus...
Le Président (M. Provençal)
: Oui, oui. Non, mais, moi, ce que je veux vous dire, c'est qu'une commission c'est pour recevoir les gens, pour que les gens puissent présenter leurs
mémoires puis, par la suite, qu'on fasse des échanges avec ces gens-là.
M. Fortin : M. le Président, vous allez me permettre de citer correctement le
député de Jonquière.
Le Président
(M. Provençal)
: Et je vais vous
redonner le temps que j'ai pris, ne vous en faites pas. Je suis conscient que
j'ampute votre temps.
M. Fortin : Très bien.
Le Président (M. Provençal)
: Mais j'aimerais ça que l'échange se fasse avec les gens d'en face, s'il vous plaît. Merci.
M. Fortin : Oui. Pour le bienfait du commentaire que je m'apprête à faire, je veux citer correctement le député de Jonquière,
qui a terminé son allocution initiale, je n'ai pas besoin de lui demander, je
m'en souviens bien, puis je suis certain que tout le monde ici s'en souvient très bien aussi, en
disant : Il me semble que c'est puissant, comme message — je
le vois hocher de la tête, ce n'est pas une question
pour le député de Jonquière, je le vois hocher de la tête — d'avoir la mairesse de la plus grande
ville du Québec, la métropole du Québec, avec le chef des services policiers de
la plus grande ville du Québec, envoyer un
message plutôt clair — si je me souviens bien de l'intervention de la mairesse et du chef
policier — au
gouvernement que son projet de loi actuel ne correspond pas aux réalités de la
ville de Montréal.
Et
aujourd'hui on a devant nous... bien, «aujourd'hui», ensuite on a devant nous
le président de l'UMQ, le maire de Drummondville,
en soi qui est une des grandes villes du Québec, disons... L'UMQ qui représente
85 % de la population québécoise,
il me semble que c'est encore plus puissant comme message qu'uniquement le
message de la métropole du Québec.
Avez-vous l'impression que le gouvernement entend votre message et apportera
des modifications suite à vos recommandations et à celles de la mairesse
de Montréal?
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, écoutez, on l'espère. Dans un premier temps, vous
l'avez mentionné, Montréal, la ville
la plus populeuse... Je pensais que vous alliez dire : Drummondville, une
des plus belles villes. Mais quand même, c'est bien. Pour nous, effectivement, c'est le premier projet de loi du
nouveau gouvernement dans lequel, évidemment, le monde municipal est touché, et ce qu'on souhaite,
évidemment... et on pense que ce serait un message positif à donner au
monde municipal que de respecter ses compétences dans le premier projet de loi
qu'on a à travailler ensemble. Il faut se faire confiance.
Je
pense que les gens du monde municipal sont
très préoccupés. Évidemment, hein, on
ne banalise pas, je le répète. On a
adopté des règlements, on veut s'assurer qu'ils soient applicables. Pour nous,
ce n'est pas... on n'a pas l'intention de dire : Allez-y, tout le monde, c'est parti, le party est commencé. Loin de là.
On veut intervenir, mais on veut
intervenir de façon efficace et on
souhaite être capables de le faire. C'est une question de principe pour nous.
On veut travailler avec le gouvernement
du Québec. S'il faut s'asseoir, s'il faut déterminer des objectifs ensemble, on
va le faire. Mais on demeure responsables de la paix et du bon ordre, et
on ne veut pas recevoir comme message que le gouvernement du Québec ne nous
fait pas confiance pour relever ce défi-là, pour assumer nos compétences.
• (20 h 50) •
M. Fortin : Très bien. Vous en avez parlé un peu, la mairesse de Montréal en a
aussi parlé, l'entente financière, en ce
moment, disons, le partage des coûts semble satisfaisant, selon ce que vous avez indiqué au député de Chapleau ou au ministre tantôt, là,
je ne me souviens plus, là, mais semble vous satisfaire. Dans le contexte où vos policiers municipaux, les policiers municipaux des différents corps à
travers le Québec, incluant celui de la ville de Montréal, devraient
s'assurer, sur les campus universitaires,
que les gens ne possèdent pas de cannabis sur leur personne, devraient
s'assurer que les jeunes de 18 à
21 ans ne consomment pas, n'achètent pas de cannabis, dans le contexte où
il y aurait nécessairement des ressources policières supplémentaires
nécessaires — le
chef de police de la ville de Montréal, tantôt, a parlé de 100 policiers
supplémentaires, au minimum, disons, là, c'était une estimation initiale
minimale, ça veut dire que, pour 85 % de la population, le chiffre serait encore plus grand — auriez-vous accepté une offre à la hauteur
de celle que vous avez acceptée? Et,
sinon — je
présume que non parce qu'il vous incomberait des coûts supplémentaires — vous attendez-vous à ce que, si le projet de loi est adopté tel quel et qu'il y a
des répercussions sur vos corps policiers municipaux, le gouvernement,
lors du prochain budget, vous alloue des sommes supplémentaires pour ces
services policiers là?
M. Cusson (Alexandre) :
Bien, écoutez, moi, je vous dirais qu'il y a clairement une question de coût
plus élevé pour appliquer une réglementation qui est différente. Mais le
coût le plus important, pour moi, ce n'est pas un coût financier, c'est un coût de crédibilité. Demander à nos policiers d'appliquer
quelque chose qui n'est pas applicable, au-delà de coûter cher, ça va faire en sorte qu'on va réduire leur crédibilité,
et ça, c'est plus important pour moi, encore, que ce que ça peut coûter.
M.
Fortin : Donc, les deux sont importants, mais l'applicabilité
est encore plus importante?
M. Cusson
(Alexandre) : Tout à fait.
M.
Fortin : Très bien. M. le Président, je crois que la députée de
Vaudreuil a des questions.
Le Président (M.
Provençal)
: Ça me fait plaisir de vous céder
la parole.
Mme
Nichols : Merci, M. le Président. Merci, M. Cusson, merci, Mme Pigeon,
d'être ici. Bien intéressant, votre mémoire.
Je rappelle qu'il y a 1 131 municipalités au Québec. Vous en avez...
Des municipalités et des villes qui sont membres de l'UMQ, si je ne me
trompe pas, l'UMQ, c'est plus les... Nous, comme...
M. Cusson
(Alexandre) : De la plus petite à la plus grande ville, elles sont
membres chez nous, de toutes les tailles, dans toutes les régions du Québec.
Mme
Nichols : Exactement. Il y en a qui sont membres de la FQM et de l'UMQ
aussi, donc. Mais vous faites bien ça, vous représentez bien vos
membres. Et je me souviens qu'on a travaillé ensemble, entre autres, sur le
projet de loi n° 122, le projet de loi
justement sur la compétence municipale. Et on a travaillé ensemble le projet de
loi sur le gouvernement de proximité,
et c'était une belle collaboration, mais une belle collaboration aussi avec les
oppositions. Mais l'UMQ a beaucoup apporté,
justement, par la contribution de vos membres, de leurs commentaires, et je
pense qu'on a... on dit : On a pondu, mais, enfin, on a élaboré,
là, une belle loi ensemble.
Et
je reviens encore sur le respect de l'autonomie municipale parce que je pense
que ça a été un gros gain pour le monde
municipal en juin 2017, ce que le gouvernement provincial vous a donné.
Ou, en fait, on peut dire qu'on a fait des échanges, là, mais, en gros, je pense que l'autonomie municipale qui
vous a été accordée, c'était superimportant. Et, par le projet de loi, veux veux pas, là, l'autonomie
municipale des différentes municipalités ou villes est vraiment écorchée.
On parle de l'érosion de l'autonomie
municipale. Et, dans le fond, ce que je comprends, dans les membres que vous
avez, il y en a qui ont décidé d'y aller
pour une interdiction complète, d'autres qui sont allés avec une interdiction
plus modérée. Tantôt, vous parliez de la ville de Drummondville,
justement, qui sont allés à mi-chemin. Alors, la même chose pour les points de
vente, là, on a vu aussi qu'il y avait eu une belle collaboration entre le
gouvernement puis vos villes.
Vous,
vous représentez les municipalités, donc, avec certaines interdictions,
d'autres, un peu moins. Mais, dans l'ensemble, l'UMQ, vous ne vous
ingérez pas, vous, dans l'autonomie municipale de vos membres?
M.
Cusson (Alexandre) : Non, tout à fait. Et d'ailleurs plusieurs membres
qui ont interdit la consommation dans les
lieux publics sont à l'aise avec cette position-là parce qu'ils disent :
Nous, on s'est posé la question, on a consulté nos citoyens, on a parlé avec nos élus, on a parlé
avec notre monde puis on en est venus à la conclusion que c'était la
meilleure solution pour notre ville, et donc
on a pris cette décision-là. Et on souhaite que Montréal, que Lachenaie, que
n'importe quelle autre ville, si c'est une
autre solution qui est la meilleure pour elle, on soit capable de le faire. Il
n'y a pas beaucoup d'exemples, dans
la vie, où le mur-à-mur, c'est ce qu'il y a de mieux. C'est très rare qu'on est
fier du mur-à-mur, qu'on est satisfait du mur-à-mur. On pense que c'est
la même chose.
Et, toute la question
de l'autonomie, vous savez, oui, on a fait des gains sur la reconnaissance,
mais cette reconnaissance-là, elle n'est
valable que si elle est appliquée au quotidien, si elle devient un réflexe pour
le législateur, si elle devient un
réflexe pour le gouvernement du Québec
de se poser la question : Est-ce
que dans mon projet de loi, est-ce que dans mes orientations, j'ai un impact sur les municipalités, et, si c'est le cas, comment je travaille avec les municipalités?
Donc, on aurait pu étudier des solutions, on
aurait pu regarder des façons de rejoindre des objectifs du gouvernement en respectant l'autonomie municipale,
mais malheureusement on n'a pas eu l'occasion de le faire avant la
commission parlementaire.
Mme
Nichols : Donc, je comprends que l'UMQ respecte ses villes membres,
que ça soit l'interdiction complète ou l'interdiction à mi-chemin?
M.
Cusson (Alexandre) : Nous, on guide nos municipalités. On a fourni des
guides, on a identifié des questions que
les municipalités peuvent se poser pour adopter une réglementation et on a
donné des modèles. Mais chacun prend ses décisions.
Mme
Nichols : Puis, en gros, c'est quoi, la réaction des membres par
rapport à cette autonomie-là qu'on veut peut-être... qu'on veut, pas
«peut-être», qu'on veut leur retirer?
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, vous savez, c'est un concept qui est très récent,
l'autonomie municipale. Alors, nos
membres, quand ils voient ça, ils se disent : Bien, finalement, c'est un
beau concept sur papier, mais on a de la misère à passer de la parole aux actes. C'était le thème
de ma tournée, comme président de l'Union des municipalités du Québec,
en 2018, partout au Québec, De la parole aux actes, parce qu'on a
dit : Oui, c'est sur papier, mais ce sera un principe désincarné tant et
aussi longtemps qu'on ne l'appliquera pas systématiquement.
Mme Nichols : Merci. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Il reste 35 secondes.
Mme Nichols : Ah! M. le Président,
peut-être mon collègue de Viau.
M. Benjamin : Écoutez, rapidement.
Merci, M. Cusson, pour votre présentation. Dans votre mémoire, vous formulez une question, un risque de
profilage chez les jeunes de cette tranche d'âge qui fumeront à l'extérieur. J'aimerais rapidement vous entendre sur ce risque-là.
M. Cusson (Alexandre) : Peut-être,
Mme Pigeon, vous pourriez aller là-dessus.
Le
Président (M. Provençal)
: Je
vous alloue une minute supplémentaire, compte
tenu de mon intervention, parce
que je veux respecter ma parole.
Mme Pigeon
(Sylvie) : Oui. Bien, comme
l'a soulevé aussi, précédemment, la ville
de Montréal, c'est sûr qu'en interdisant la consommation de cannabis chez
les jeunes entre 18 à 21 ans, veux veux pas, je veux dire, si les policiers appliquent
ça aussi sur le terrain... Est-ce
qu'à chaque fois qu'on va voir un ou une jeune dans la rue qui semble
fumer quelque chose... est-ce que ça va
attirer automatiquement l'attention des policiers? On peut se poser la
question, là. Donc, on vient vraiment cibler une partie de la
population, par ailleurs, où la consommation de cannabis, là, reste légale, là.
M. Benjamin :
...j'étais au congrès de l'UMQ et je vous ai entendu, M. le président. Donc, à
ce moment-là, j'étais de l'autre côté
de la barrière, donc, j'étais un élu municipal, et je partageais parfaitement
votre point de vue sur la nécessité de
respecter les gouvernements de proximité. Et l'actuel premier ministre s'était
engagé au respect de ce gouvernement de proximité. Comment vous, actuel président de l'UMQ, et dans l'esprit de
ce qu'a été votre discours et des engagements qui ont été pris par rapport au respect des
gouvernements de proximité, de l'autonomie des villes, des municipalités,
comment vous prenez... comment vous jugez ce projet de loi?
M. Cusson (Alexandre) :
Inquiétant.
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci beaucoup. Je cède la parole à M. Gaudreault, représentant de la
deuxième opposition. M. Gaudreault.
M. Gaudreault :
Oui. Sur l'âge minimal requis pour la consommation de cannabis, je relisais
votre mémoire, et vous y allez
beaucoup par des détours, des euphémismes. «Ça soulève plusieurs enjeux.» Vous
l'amenez sous l'angle des questions, vous dites : Ça émet un doute.
Vous parlez de campagne de sensibilisation. Pourquoi vous ne le dites pas
directement comme la ville de Montréal, là, vous êtes pour garder l'âge à
18 ans?
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, d'une part, j'y ai fait un peu allusion tout à
l'heure, on pose des questions, on amène
la commission à y réfléchir, parce qu'on reconnaît que de déterminer l'âge de
consommation, c'est une compétence de
l'Assemblée nationale. Alors, on vient de passer 45 minutes à vous dire
qu'on a des compétences, on souhaite qu'elles soient respectées. Et c'est pour ça qu'on dit : Bien, écoutez, on
vous soumet respectueusement des questions là-dessus, mais on respecte
vos compétences et on s'attend à ce que vous respectiez les nôtres.
M. Gaudreault :
O.K. Écoutez, je trouve un... il y a un point, vraiment, où vous vous
distinguez, là, sur la question de
l'emballage des contenants et des contenants de cannabis. Ça m'interpelle
particulièrement, là, toute la question du suremballage en particulier.
Pouvez-vous nous dire quelques mots, vite, vite, avec le temps qu'il me reste,
là-dessus?
• (21 heures) •
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, écoutez, ça aussi, c'est une question qu'on
soulève sans faire de recommandation. Mais
évidemment on est préoccupés par toute la question environnementale. Et c'est
peut-être une question qu'on aurait pu soulever
au moment de l'étude du projet de loi n° 157, mais là, on dit, posons-nous cette
question-là : Qu'est-ce
qu'on peut faire pour nous assurer
d'interdire le suremballage ou d'interdire une création, encore une fois, de déchets qu'on va enfouir, qu'on
ne sera pas capables de récupérer, etc.? Donc, la SQDC, bien, c'est une société d'État. On pense que le gouvernement du Québec devrait demander à sa société
d'État d'être un modèle en ce sens-là.
M. Gaudreault : O.K. Est-ce
que, déjà, depuis la légalisation au mois d'octobre, vous sentez, dans les municipalités qui sont membres chez vous, un problème
relié à ça, des déchets supplémentaires, une plus grande gestion dans les centres
de tri, etc.?
M. Cusson (Alexandre) : Pas spécifiquement,
non.
M. Gaudreault : O.K. Alors, vous recommandez quoi précisément? Peut-être de légiférer pour limiter l'emballage?
M. Cusson
(Alexandre) : Oui, bien, de
regarder ce qui peut être fait. Je
pense que ça peut être un travail,
hein, ça peut être légiférer, mais ça peut
être aussi de donner des orientations à la SQDC, de réfléchir à ce qu'on peut faire
pour être meilleurs de ce côté-là.
Le Président
(M. Provençal)
: 25 secondes.
M. Gaudreault : 25 secondes. Pour la question
des points de vente, ce que je
comprends, c'est que vous
voulez laisser une marge de manoeuvre quand même aux municipalités sur l'emplacement des points de
vente, là. Est-ce qu'il n'y a pas un risque que ce soit un peu
n'importe quoi à travers le Québec, là, bon, entre autres sur la question
de la proximité des campus, là?
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, écoutez,
c'est toute la question de l'aménagement de l'urbanisme, hein, qui
relève des municipalités. Mais, vous savez,
le risque que ce soit un peu n'importe quoi, quand c'est les gens qui vont
avoir à le gérer après, quand c'est des gens qui vont avoir à s'en
occuper, à mon avis, il est beaucoup moins grand que quand la décision, elle est prise par des gens qui ne
seront pas là quand ça va être la réalité terrain. Et, jusqu'à maintenant,
là, ça a été une collaboration, je dois dire, exemplaire avec la SQDC. Il y a eu des petites choses à
ajuster, mais les gens ont été très, très ouverts à identifier des lieux
avec les municipalités.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Notre consultation de ce soir se conclura avec le questionnement du député de Jean-Lesage, M. Zanetti.
M. Zanetti : Oui. Merci
beaucoup. Merci d'être venus nous
faire part de votre point de vue. Avec la mairesse de Montréal puis vous,
qui représentez, ensemble, là, 85 % de la population québécoise, vous avez
vraiment un mandat fort, hein?
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Zanetti :
O.K., c'est une joke. Bon. Donc, est-ce qu'il y a, à votre connaissance, des
gros problèmes de contrebande d'alcool au Québec?
M. Cusson
(Alexandre) : Non. En tout cas...
M. Zanetti :
Ça ne vous a pas été rapporté?
M. Cusson
(Alexandre) : Non.
M. Zanetti :
Vous le sauriez parce que... en tout cas, c'est ce qu'on peut supposer. Ne
craignez-vous pas aussi que ça va
créer un embourbement des cours municipales, les contraventions données, les
gens qui vont les contester parce qu'ils vont dire : Aïe! puis en
plus... Bon, c'est ça. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Cusson
(Alexandre) : Avant même d'arriver aux cours municipales, je pense que
c'est une intervention fort intéressante, il
y a la question de l'établissement des priorités pour les corps de police,
hein? Parce que, si on multiplie les
raisons pour appeler la police, déplacer la police, bien, ces policiers-là, si
on n'a pas davantage de policiers, vont devoir tasser autre chose ou faire attendre. Je me rappelle d'un maire qui
disait : Bien, moi, je n'ai pas envie qu'il se développe des problèmes à des endroits parce que j'ai des
policiers qui sont en train de remplir des constats parce que quelqu'un a
été pris avec du cannabis, puis etc., et,
pendant ce temps-là, il y a peut-être de la violence en quelque part, puis ils
n'y vont pas parce qu'ils sont en
train de remplir un document parce que quelqu'un a consommé du cannabis à un
endroit qui n'était pas le bon bord de la rue. Donc, la question d'abord
des priorités policières, et ensuite, évidemment...
Et,
pour ce qui est de l'embourbement des cours, ce n'est pas un phénomène nouveau,
c'est une préoccupation qu'on a au Québec. Évidemment, on ne souhaite
pas voir arriver cette situation-là, dans nos cours municipales, de façon
importante.
M. Zanetti :
J'aimerais... Je ne sais pas si vous l'avez fait, mais, si vous ne l'avez pas
fait encore, ce serait vraiment pertinent
comme information, je ne sais pas si ça peut se faire rapidement, mais ce
serait intéressant de calculer en argent ce que ça pourrait coûter, l'embourbement, justement, des cours
municipales par des enjeux liés aux contraventions de cannabis. Je ne
sais pas si vous avez des chiffres ou si c'est possible de faire une
estimation.
M. Cusson
(Alexandre) : Non, mais on pourra dresser un état de situation, vous
le faire parvenir.
M. Zanetti :
Ce serait fort apprécié. Je vous remercie.
Le
Président (M. Provençal)
:
Alors, je remercie M. Cusson et Mme Pigeon pour leur participation à
nos travaux.
La commission
ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 20 février, après les affaires
courantes, où elle poursuivra les consultations particulières sur le
projet de loi n° 2. Merci.
(Fin de la séance à 21 h 5)