(Quinze heures sept minutes)
Le
Président (M. Provençal)
: Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Merci. Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je
demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques, moi le premier.
Alors, je vous rappelle que la commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 2, Loi resserrant l'encadrement sur le
cannabis.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme David (Marguerite-Bourgeoys) est remplacée par Mme Weil
(Notre-Dame-de-Grâce); M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine) est remplacé par
M. Gaudreault (Jonquière).
Auditions (suite)
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Alors, cet après-midi, nous entendrons les
organismes suivants : l'Association
québécoise des programmes pour premiers épisodes psychotiques, l'Institut
national de santé publique du Québec et la ville de Gatineau.
Alors, comme
la séance a commencé à 15 h 7, y a-t-il consentement pour poursuivre
nos travaux au-delà de l'heure prévue? Ça va? Merci.
Alors, je souhaite donc la bienvenue aux
représentants de l'Association québécoise des programmes pour les premiers
épisodes psychotiques. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer
votre exposé. Alors, je vous cède la parole.
Association québécoise
des programmes pour
premiers épisodes psychotiques (AQPPEP)
Mme
Abdel-Baki(Amal) : Alors, bonjour. Merci pour l'invitation. Je
suis Dre Amal Abdel-Baki, psychiatre au CHUM, professeure à l'Université
de Montréal et, en fait, avec mon collègue Dr Marc-André Roy, aussi psychiatre
à l'Institut universitaire en santé mentale
de Québec, professeur à l'Université Laval, et nous sommes tous deux dans le
comité directeur de l'Association québécoise
des programmes pour premiers épisodes psychotiques, qui est un organisme
qui regroupe des professionnels de cliniques
oeuvrant auprès de personnes qui présentent un premier épisode psychotique.
Donc, nous représentons toutes les cliniques pour premiers épisodes
psychotiques du Québec.
Notre association a pour mandat de sensibiliser
le grand public en vue de diminuer la stigmatisation des personnes qui
souffrent d'un premier épisode psychotique, d'améliorer l'identification et la
référence de ces personnes vers les services
appropriés et de sensibiliser les administrateurs du réseau de la santé, les
autorités politiques et la population à l'importance des enjeux reliés à
la psychose débutante.
• (15 h 10) •
Dans le
contexte du projet de loi, nous tenons à souligner l'importance que la
population soit informée des risques de
consommation de cannabis pour la santé mentale, surtout lorsque celle-ci débute à l'adolescence ou au début de
l'âge adulte; l'importance des services de détection et d'intervention
précoce et intensive spécialisés pour la psychose débutante pour qu'ils soient accessibles facilement et rapidement
partout au Québec; l'importance que ces services aient suffisamment de ressources pour respecter le cadre de référence des programmes
pour premiers épisodes psychotiques publié
en novembre 2017 par le ministère
de la Santé et des Services sociaux
et ainsi offrir des services de pointe pouvant améliorer de façon
significative le pronostic et réduire le risque de chronicisation de maladie
psychotique; et que des services adéquats
soient accessibles dans le cadre de ces cliniques pour ceux présentant une toxicomanie comorbide, chez près de 60 % des jeunes, notamment ceux présentant un
trouble de l'utilisation du cannabis, on parle d'environ 45 % de
dépendance au cannabis dans notre population.
Ces
recommandations sont basées sur les faits suivants. Premièrement, le risque de
psychose est évalué à 3 % dans la population générale, débutant
généralement chez les 15-30 ans. La schizophrénie, la maladie
bipolaire — la
psychose maniacodépressive — sont
les formes les plus fréquentes. 10 % de ces jeunes décèdent par suicide et
la majorité dans les premières années qui
suivent le déclenchement de la maladie. Les psychoses sont des problèmes de
santé persistants associés à la majorité des hospitalisations en
psychiatrie et, au niveau mondial, est une des premières causes d'invalidité engendrant des coûts directs
et indirects très importants pour la société, sans compter la souffrance
des personnes atteintes et de leurs proches.
Deuxièmement,
le cannabis peut déclencher la psychose chez les gens vulnérables génétiquement
et en aggrave le pronostic.
Troisièmement, le lien
causal entre la consommation de cannabis et l'augmentation du risque de trouble
psychotique est solidement établi. En effet, le risque de psychose augmente de
40 % chez les personnes ayant déjà consommé
du cannabis et de 200 % chez les consommateurs quotidiens, surtout si la
concentration de THC est forte, soit de plus de 10 %, et même
390 %... fois plus chez les gros consommateurs.
Quatrièmement,
l'utilisation de cannabis avant l'âge de 16 ans est particulièrement
associée à une plus grande probabilité de développer un trouble
psychotique.
Cinquièmement,
le PEP chez les consommateurs de cannabis tend à survenir 2,7 ans plus
tôt, ce qui a un impact majeur sur son pronostic, car plus le diagnostic
est précoce, pire est le pronostic.
Sixièmenent,
en plus des risques de psychose, la consommation de cannabis cause notamment,
lorsque l'usage régulier débute à l'adolescence, des troubles cognitifs, comme
des troubles de concentration, de mémoire, qui peuvent persister à long
terme, ce qui influence négativement le succès scolaire.
Septièmement,
le risque de dépendance est de 9 % chez les personnes qui expérimentent le
cannabis, un taux qui augmente à
16 % si le cannabis est débuté à l'adolescence. Dans ce contexte, l'âge
moyen de 16 ans d'initiation à la drogue chez les jeunes est jugé
préoccupant.
Donc, nos recommandations. Il est donc essentiel
d'adopter une approche psychoéducative tant pour le jeune que pour ses proches. Pour ce faire, nous
recommandons qu'un maximum d'intervenants, que ce soient des professeurs,
parents, responsables de service de garde,
intervenants de centres communautaires et de centres jeunesse, soient formés
sur comment discuter de la contribution du
cannabis au déclenchement des troubles psychotiques sévères et persistants,
soient formés afin de détecter les signes
précoces de psychose et sachent comment référer ces jeunes à une équipe ayant
la capacité de préciser le diagnostic et
d'offrir le suivi requis. Nous recommandons qu'il en soit de même pour les gens
travaillant aux points de vente du cannabis prévus par la loi.
Il faut
implanter des programmes pour premiers épisodes psychotiques dans toutes les
régions du Québec. En 2017, le ministère avait annoncé l'ajout d'une quinzaine
de cliniques à travers la province, notamment dans les régions où les ressources en santé mentale sont déficientes.
Toutefois, certaines régions du Québec n'ont toujours pas de tels programmes.
Il est urgent de mettre à niveau les
18 cliniques d'intervention précoce qui avaient déjà été mises en place avant 2017 suite à une initiative de cliniciens,
mais avec des ressources insuffisantes. Pour la plupart, elles n'ont pas la
moitié des effectifs requis par le cadre de référence du ministère.
Selon les
informations dont nous disposons, 12 des 21 régions du Québec n'ont pas les
ressources nécessaires pour offrir les programmes PEP, où on sait qu'il y a
environ la moitié de jeunes qui souffrent de dépendance au cannabis, tel
que préconisé par le Plan d'action en santé mentale et le cadre de référence du
ministère.
Par ailleurs, les centres jeunesse n'ont pas
accès à des programmes PEP dédiés. Pourtant, la clientèle qu'ils desservent est
nettement parmi les plus à risque de toxicomanie et de troubles psychotiques,
comme démontré par de multiples études. Il
en est de même pour les jeunes en situation d'itinérance, dont plus de la
moitié ou du trois quarts sont issus des centres jeunesse. Il faut que
les programmes PEP soient également pourvus de spécialistes en toxicomanie
concomitante avec la psychose débutante, tel que recommandé dans le cadre de
référence, encore une fois.
Pourquoi suivre ces recommandations? 45 % des jeunes souffrant d'un PEP sont
atteints d'un trouble d'usage du cannabis. À l'inverse, l'arrêt de la
consommation de cannabis améliore significativement le pronostic du PEP,
tant au niveau des symptômes de psychose que
le fonctionnement. On parle de retour à l'emploi, retour aux études, etc. Près
du tiers des personnes présentant un PEP
cessent l'usage du cannabis dans la première année suivant l'admission à un
programme PEP, et ceux qui cessent l'usage
du cannabis retrouvent le même pronostic que ceux qui n'ont jamais consommé
de cannabis.
De plus, les
jeunes qui consomment du cannabis sont beaucoup plus souvent hospitalisés et
consultent beaucoup plus à l'urgence,
engendrant des coûts importants pour le système de santé, et figurent souvent
parmi ceux qui décèdent le plus par
suicide. Les données québécoises qui proviennent de nos programmes sont
similaires à ce qui est rapporté au niveau
international et proviennent d'une étude qui a eu lieu avant la légalisation,
ce qui suggère que, peu importent les impacts
de la légalisation ou du resserrement des conditions d'encadrement sur la loi
du cannabis, les recommandations préconisées ci-haut demeurent vraiment
pertinentes.
M. Roy
(Marc-André) : Donc, d'abord, je tiens à souligner le courage de ma
collègue, qui est venue de Montréal aujourd'hui,
d'une part parce qu'il faisait tempête puis d'autre part parce que,
contrairement à beaucoup de Montréalais qui viennent à Québec, elle n'a pas pris la 30 puis elle ne s'est pas
ramassée à Sorel. Il faut dire qu'elle est venue en train, ça donnait
une chance.
Donc, en plus
de toutes ces considérations, nous souhaitons partager avec vous quelques
réflexions. En tant que psychiatres travaillant auprès de jeunes
atteints de troubles mentaux sévères, nous apprécions l'effort consenti par le gouvernement, consenti par le Parlement pour
sensibiliser la population. Donc, c'est vraiment quelque chose qu'on trouve
très positif.
Il est vrai que, pour certains, la barrière
légale sera un argument en faveur d'une abstinence, mais force est de constater
que ça ne suffit pas pour une proportion importante des jeunes Québécois,
surtout ceux qui sont atteints de troubles
mentaux graves, qui consomment du cannabis malgré la prohibition qui existait
jusqu'à récemment. Même si la prohibition
ne suffisait pas à empêcher la consommation de cannabis, notre expérience
clinique nous montre déjà que la légalisation a pour conséquence que
plusieurs jeunes tendent à banaliser la consommation de cannabis, genre, si
c'était dangereux, le gouvernement ne l'aurait pas permis.
Le Président (M. Provençal)
: Il vous reste 1 min 30 s pour conclure, monsieur.
M. Roy
(Marc-André) : D'accord. Mais notre expérience clinique nous montre
aussi que la légalisation du cannabis nous
fournit l'occasion d'en parler plus ouvertement et d'outiller la population
pour prendre des décisions mieux éclairées.
Quant aux lieux, il faut éviter que la
consommation dans les lieux publics soit restreinte au point de manquer à l'esprit de la loi et donc de ramener des
conséquences légales plus importantes. Et, plutôt que des conséquences
judiciaires, comme médecins, nous
espérons que les jeunes qui contreviendraient aux mesures quant au contrôle du
cannabis soient plutôt orientés directement vers des services cliniques, où ils
pourront bénéficier de l'aide, bon, comme nos cliniques premiers
épisodes, où ils pourront bénéficier de l'aide dont ils ont besoin.
Il faut
envoyer un message clair quant aux risques liés au cannabis et il faut aussi
préserver l'accès, aux jeunes, à des
produits à faible risque. Nous nous questionnons sur la sagesse d'offrir des
produits contenant jusqu'à 25 % de THC, alors que plus forte est la concentration, plus élevé est le risque. Il
faut rendre plus précis l'étiquetage de certains produits qui
n'indiquent pas clairement la teneur en THC. En consultant le site de la SQDC,
nous avons vu un produit, notamment, où on
indiquait de 12 % à 22 %. Personnellement, si je buvais du vin en
mangeant et c'était indiqué 12 % à 22 % d'alcool, j'aurais
peur de conduire mon auto après.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci pour votre exposé.
Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la
parole est à vous, je vous rappelle que vous avez 16 min 30 s
pour les échanges.
M. Carmant : Merci beaucoup, merci
beaucoup de votre exposé. Merci d'être venus de Montréal dans les conditions
difficiles et avec le bref délai d'avis.
Comme vous le
savez, la raison pourquoi on réouvre le projet de loi, ce projet de loi
n° 2, est pour... de protéger les adolescents des conséquences du
cannabis en essayant le plus possible de retarder l'initiation à la première consommation. Ce que j'aimerais savoir, c'est...
Parmi vos jeunes, vous dites que certains continuent à consommer après.
Quel est le pourcentage, par exemple, que vous réussissez à rediriger vers la
SQDC?
• (15 h 20) •
Mme
Abdel-Baki (Amal) : En fait, c'est très précoce en ce moment pour
pouvoir tirer des conclusions. On
peut vous donner des expériences anecdotiques, mais, pour l'instant, il
y a quelques jeunes qui ont essayé d'aller à la SQDC, mais le marché noir s'ajuste, c'est encore moins cher que la SQDC.
Après, il y a de la rupture de stock à la SQDC. Donc, je dirais que, pour l'instant, c'est très
anecdotique, c'est encore marginal, mais ce qu'on constate, c'est qu'il y a encore beaucoup de jeunes, parmi
les jeunes que nous desservons, là, qui fréquentent encore le marché noir, là.
M.
Carmant : D'accord. Et il y a aussi... Des fois, les gens nous disent,
ici, qu'ils considèrent que le cannabis serait peut-être moins dangereux que d'autres substances. Dans mon
impression, chez les adolescents, vraiment, le cannabis est une
substance très à risque. Alors, quelle est votre impression là-dessus?
M. Roy (Marc-André) : Bien, on est
tout à fait d'accord. Et, en fait, on sait que le cerveau continue à se
développer jusqu'à l'âge de 25 ans. Et, en particulier, la période de
l'adolescence est une période de maturation cérébrale
accélérée. Donc, il n'y a pas seulement l'effet pharmacologique. Chez l'adulte,
on fume de la marijuana, on absorbe
du THC, on a l'effet pharmacologique immédiat. Les conséquences ne sont pas nécessairement
catastrophiques, à moins d'en
consommer des quantités plus importantes et à répétition. Mais, chez le jeune,
c'est que ça perturbe le développement
du cerveau, donc ça peut amener des changements irréversibles dans le
fonctionnement du cerveau. Donc, oui, c'est vraiment dangereux, et plus
jeune c'est consommé, plus dangereux c'est.
Mme
Abdel-Baki (Amal) : Si je peux me permettre d'ajouter, en tout cas,
chez notre clientèle, là, qui présente des
troubles mentaux sévères, en fait, ce qu'on a vu dans une étude qu'on a faite
dans deux centres à Montréal, c'est qu'en fait, évidemment, là, la cocaïne, les psychostimulants, que les jeunes
appellent communément les speeds, ont un impact très négatif, là, à la
fois sur les symptômes de maladie mentale, mais sur l'évolution des jeunes. Par
contre, avec le traitement, les jeunes
s'améliorent avec le temps. Il semble que les jeunes qui consomment du
cannabis, dans notre étude, en fait,
se détérioraient entre la première année et la deuxième année de suivi, suggérant
que la substance avait probablement un effet délétère, là, même sur la
maladie. Possiblement que la prise en charge, aussi, insuffisante de la
toxicomanie comorbide avec le cannabis,
certainement banalisé par les jeunes, peut-être même par les intervenants,
pouvait contribuer, en fait, à la détérioration.
Donc, c'est
une substance qu'on prend très au sérieux, là, dans nos cliniques, puis c'est
la raison pour laquelle on pense que
les jeunes ont vraiment besoin de soins spécialisés, là, et de l'information,
en fait, en lien avec la consommation de cannabis.
Le Président (M. Provençal)
: Mme la députée de Soulanges.
Mme
Picard : Bonjour, merci d'être ici. Moi, je voulais savoir
concrètement à quoi ressemble une crise, un épisode psychotique,
c'est... une psychose toxique, c'est la même chose. Je ne sais pas, là, mais
concrètement qu'est-ce que... comment c'est sur le terrain?
M. Roy (Marc-André) : Donc là, vous
voulez savoir un petit peu comment on différencie, nous, les psychoses...
Mme Picard :
Bien, en fait, à quoi ça ressemble, une personne qui est en choc?
Mme Abdel-Baki (Amal) : C'est quoi,
une psychose.
M. Roy (Marc-André) : O.K. Une
psychose, dans le fond, c'est une perte de contact avec la réalité. Ça a des manifestations extrêmement variées. Chez certaines
personnes... Donc, les manifestations les plus spectaculaires sont les hallucinations, donc d'entendre des choses
généralement qui ne sont pas là. On appelle ça souvent des voix. La personne
entend des choses, développe aussi des idées
fausses, des idées en dehors de la réalité, qu'on appelle des délires. Et tout
ça peut amener des difficultés de
comportement très importantes. Bon, par exemple, des gens, parfois, vont
entendre des voix qui leur donnent
l'ordre de se tuer, de frapper quelqu'un ou des choses comme ça. Donc, ça peut
amener quand même des difficultés de comportement très importantes.
Parfois, la
psychose est beaucoup plus subtile. Ça ne va se manifester que par du retrait
social, un jeune qui a l'air tout
seul dans son coin, qui ne voit plus ses amis, qui a des intérêts un peu
bizarres, mais qui ne dérange pas nécessairement.
Et donc c'est un des défis qu'on a en
intervention précoce, c'est d'arriver à détecter rapidement la psychose avant qu'elle ait des conséquences trop graves.
Parce qu'on sait que plus longtemps la psychose reste sans traitement, plus
graves sont les conséquences.
Mme
Abdel-Baki (Amal) : Si je peux me permettre d'ajouter là-dessus, en
fait, la toxicomanie comorbide, dont avec le cannabis, il y a plusieurs
études qui démontrent, en fait, qu'il y a plus d'associations avec des
comportements violents. Donc, un jeune qui présente une psychose et qui
consomme du cannabis a plus de probabilités d'avoir des comportements violents,
des comportements suicidaires, d'avoir des symptômes plus graves qui persistent
puis, vraiment, une moins bonne capacité à retourner aux études ou au travail,
puis ça, on l'a démontré dans des études québécoises, là.
M. Roy
(Marc-André) : Donc, ces symptômes-là peuvent être induits puis... La
difficulté qu'on a de distinguer est-ce que c'est la poule ou l'oeuf,
c'est que 50 % de nos jeunes qui ont un trouble psychotique primaire ont
aussi... consomment aussi des toxiques. Donc, on se pose la question souvent :
Est-ce que la psychose est due directement à l'effet
pharmacologique de la drogue ou est-ce
qu'il n'y a pas vraiment
un trouble psychotique? Et souvent on va penser, lors du premier épisode psychotique, lors de la consultation à l'urgence : Ah! c'est une psychose due à la drogue, puis,
bon, on va le retourner chez lui. On va
essayer de lui dire d'arrêter de consommer, et ça va passer. Or, il y a facilement
50 % de ces personnes-là chez qui on pose initialement un diagnostic de psychose induite par le cannabis chez qui
éventuellement on va devoir poser un
diagnostic de troubles psychotiques primaires. Donc, c'est vraiment
un problème de santé sérieux
et qui peut vraiment mener à des handicaps assez importants dans la vie des
gens.
Mme Picard :
Et, selon vous, quels sont les dangers de laisser l'âge légal de consommer du
cannabis à 18 ans? On sait que
l'Alaska, la Californie et le Colorado, Maine, Massachusetts, Nevada, l'Oregon,
Washington ont pris le bon chemin en mettant l'âge légal à 21 ans.
Est-ce que vous considérez que c'est une bonne idée?
Mme Abdel-Baki
(Amal) : En fait, la consommation de cannabis plutôt même avant l'âge
de 25 ans, on sait que c'est
délétère pour le cerveau. Nous, c'est vraiment le message qu'on essaie de
passer à la population, aux jeunes qu'on suit, à vous, ici. Je pense que le défi, en fait, auquel nous faisons
tous face, auquel vous faites face, c'est comment, en fait, convaincre
des jeunes de ne pas consommer avant l'âge de 25 ans ou de réduire au
maximum leur consommation avant l'âge de
25 ans. Je pense que nos collègues de santé publique sont probablement
ceux qui sont les mieux placés pour nous orienter sur les meilleures
façons, en tout cas, de réduire la consommation, là, avant l'âge de
25 ans.
Ce qu'on sait,
nous, directement en psychiatrie, c'est que, souvent, quand on a des clientèles
qui consomment, de dire : Ce
n'est pas la bonne chose à faire, puis d'orienter, c'est des techniques qui
sont moins efficaces que ce qu'on appelle la réduction des méfaits ou
encore l'entretien motivationnel qui va aider la personne à prendre une
décision éclairée, à peser les pour et les
contre. En ce sens-là, probablement que des approches plus étapistes qui
permettent, en fait, de... Un accès
peut-être qui va être incrémental selon l'âge de la personne pourrait peut-être
permettre à la personne d'accéder à
des substances qui soient moins dommageables que certaines autres. Là, mon
collègue faisait référence au cannabis
qui est offert jusqu'à 25 % de concentration de THC où l'étiquetage est
entre 12 % et 22 %. Donc, la personne ne peut pas vraiment encore savoir ce qu'elle consomme, alors que ce
qu'on souhaite, c'est que le marché légal permette de savoir ce que la
personne consomme.
Donc, il est
certain qu'on questionne, là, cette possibilité-là que les jeunes puissent
s'approvisionner avec du THC... du
cannabis à assez haute teneur de THC, et on pense que, s'il y avait quelque
chose de plus étapiste, c'est quelque chose qui pourrait être
probablement plus pertinent, en tout cas en termes d'approche de santé, là.
M. Roy (Marc-André) : Ce qui
est certain aussi, c'est... Bon, est-ce que le changement d'âge minimal pour pouvoir acheter du cannabis de façon légale va
changer quelque chose au taux de consommation ou non? Nous, ce n'est pas notre champ d'expertise. Notre champ
d'expertise, c'est vraiment l'intervention précoce. Ce qui est certain, c'est
que, même si les changements législatifs avaient un impact positif et
diminuaient la consommation de cannabis, ça ne suffirait pas. C'est clair que ce qu'il faut, c'est de la
sensibilisation. Il faut mettre en place les services pour des gens qui ont
des problèmes de consommation de cannabis. Les services existent. On sait
scientifiquement que ça fonctionne. Il y a des services toxicos dont
l'efficacité est démontrée scientifiquement. Les cliniques pour le premier
épisode psychotique,
ça fonctionne, ça change l'évolution des jeunes à long terme. Donc, on a besoin
de ce type de ressources là et on va toujours en avoir besoin, quoi qu'on
fasse en termes législatifs.
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Puis malheureusement c'est que ces services ne sont comme pas
encore assez disponibles au Québec par
rapport à ce qu'ils devraient être, là. En Ontario, c'est déjà beaucoup plus
répandu. En Angleterre, en Australie, il y en a à travers tout le pays. Donc,
il y a vraiment un pas de plus à faire au Québec à ce niveau-là.
M. Carmant :
Une dernière question. Des fois, on entend dire également que le taux de
premier épisode psychotique est tellement
relativement bas, là, que l'impact
n'est pas si important que ça, du rôle du cannabis. J'aimerais ça que
vous partagiez avec mes collègues la fréquence des troubles mentaux chez les
jeunes et également, surtout, les conséquences à long terme au niveau des coûts
directs et indirects au niveau du système de santé.
• (15 h 30) •
M. Roy
(Marc-André) : Donc, en fait, le taux d'incidence, si je me rappelle
bien des dernières études anglaises, on parle d'à peu près 30, 40 par
100 000, donc c'est absolument, quand même... c'est quand même assez
important. En termes de conséquences, par exemple, le pourcentage de
personnes qui ont un trouble psychotique qui ont un emploi rémunéré, malheureusement, malgré tous nos
efforts, est encore faible, on parle d'à peu près 20 %. Donc, il y a
vraiment un important bassin de main-d'oeuvre à aller chercher là. Donc,
les conséquences sont vraiment importantes.
L'impact
du cannabis ne se fait pas sentir nécessairement du jour au lendemain. En fait,
oui, il y a l'impact du jeune adulte
de 19 ans qui consomme du cannabis, qui développe une psychose, qu'on
somme à l'urgence. Mais ce qui est beaucoup
plus insidieux et ce qui a probablement l'impact le plus important en termes de
santé publique, c'est le jeune qui consomme du cannabis à 12, 13, 14,
15, 16 ans et qui ainsi augmente son risque de développer une maladie psychotique à l'âge adulte. Et là, donc, on parle
ici... Quand on parle de maladie psychotique, on parle généralement d'une
vulnérabilité qui reste au long court, d'un problème avec lequel la personne va
devoir composer toute sa vie, avoir besoin
de traitement à long terme, de services, et ainsi de suite, et voir aussi sa
capacité d'occuper un emploi, de vivre de façon autonome entravée.
Mme
Abdel-Baki (Amal) : Si je peux me permettre aussi, 3 % de
prévalence, quand on parle d'un problème qui est ponctuel, comme une grippe qui va durer une semaine, ce n'est
peut-être pas quelque chose qui est important, mais un problème de santé mentale aussi sévère qui dure
toute la vie, là c'est un impact très important. C'est d'ailleurs la raison
pour laquelle la plupart des patients
hospitalisés en psychiatrie souffrent de psychose. Ça remplit, en fait, nos
hôpitaux, puis une des dépenses les
plus importantes, en fait, en santé mentale et en santé, là, c'est auprès de
cette population-là.
M.
Roy (Marc-André) : En fait, j'ai vu dans un dernier congrès sur la
schizophrénie un éminent collègue chercheur en psychose, qui fait de la
recherche sur les psychoses depuis 40 ans, aborder ça dans une perspective
de santé publique, et il a dit que, si on
veut faire quelque chose, en termes de santé publique, pour avoir un impact sur
la psychose, c'est : essayons de diminuer la consommation de cannabis. Il
estimait que la fraction attribuable... donc à peu près le tiers des cas de psychoses était en lien avec la
consommation de cannabis, ce qui est quand même assez énorme comme conséquence.
M. Carmant :
Merci beaucoup, j'ai terminé de mon côté.
Le Président (M. Provençal)
: Pas d'autres questions? Alors, merci. À ce moment-ci, je vais céder la
parole à l'opposition officielle, en vous rappelant que vous avez
11 minutes pour vos échanges. Merci beaucoup.
M. Fortin : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour à tous les collègues autour de
la table. Merci, merci d'être avec
nous aujourd'hui, Dre Abdel-Baki et M. Roy... Dr Roy, pardon. Je veux en
profiter... rapidement, remercier les groupes qui sont avec nous encore
aujourd'hui mais qu'on ne pourra pas entendre cet après-midi, malheureusement.
Je pense que tout le monde, du moins
de notre côté... j'ose espérer, tout le monde dans cette salle cherche la
meilleure solution pour s'assurer que nos jeunes sont les mieux protégés
possible.
Dans ce sens-là,
j'aimais beaucoup votre argument, à savoir comment... ou votre question, même,
à savoir comment convaincre les jeunes de ne
pas consommer ou de consommer un produit qui est le moins néfaste possible. Et
j'ai beaucoup apprécié votre intervention qui, essentiellement, a
dit : Bien, les gens de la santé publique sont probablement les mieux
placés pour savoir les meilleures façons de procéder à ce niveau-là.
En
repassant les commentaires que vous avez faits d'entrée de jeu, les tout
premiers commentaires que vous avez faits
étaient sur l'importance d'informer la population des risques. Vous n'êtes pas
sans savoir, j'imagine, que la Société québécoise du cannabis a le
mandat d'informer les gens des risques associés avec la consommation de
cannabis. Alors, je me demande si vous
pourriez nous informer de votre position, à savoir ce qui fonctionnerait le
mieux. Est-ce que c'est l'information, la prévention, ou est-ce que
c'est, d'un autre côté, la prohibition?
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Je pense que ce que vous essayez tous de faire, là, c'est de
voir c'est quoi, la meilleure façon de
faire, puis il y a un effort qui est fait pour passer un message clair à la
population que le cannabis, c'est une
substance qui peut être nocive. Puis je pense que simplement le fait d'avoir un
débat là-dessus, ça aide, parce que nous, on entend de plus en plus les
gens nous en parler, nos patients nous en parlent.
C'est clair que l'approche, en tout cas, qu'on a eue jusqu'à, mettons, la dernière année... Comme on a dit, 45 % des jeunes que nous, on suit consomment
des substances de façon tellement importante qu'ils en sont dépendants. Donc, clairement, ce qui
était le cas avant n'était pas idéal, en tout cas, pour aider à réduire le
pourcentage de jeunes qui consomment.
Est-ce que l'âge de la légalisation va y changer quelque chose? On n'est
vraiment pas certains que c'est ça, l'élément déterminant. Je pense que
c'est vraiment dans l'approche qu'on va avoir, que ce soit au niveau législatif
ou au niveau clinique, où il y aura peut-être quelque chose où on se permet
d'avoir accès à ces jeunes-là de façon régulière
à différents moments de leur évolution, dans leur contemplation ou leur désir
d'en apprendre sur le cannabis. C'est peut-être plus de cette façon-là
qu'on va réussir à en attraper le plus possible, là. Comme le disait mon collègue, il y a l'effort préventif puis après il
y a vraiment l'effort curatif. Parce qu'il faut quand même reconnaître, pour
toutes les maladies, en médecine, on aura
beau faire toute la prévention qu'on veut, il va toujours y avoir des gens qui
vont tomber malades, puis notamment, quand c'est des substances qui sont
addictives, bien, c'est encore plus vrai, là.
M. Roy
(Marc-André) : Oui. Puis moi, j'aimerais juste rappeler qu'on a déjà
réussi avec le tabac. On s'entend que le
tabac, ça a déjà été très à la mode, il y avait énormément de gens qui
fumaient. Maintenant, aujourd'hui, bien,
il y a peut-être des fumeurs dans la salle, je ne parlerai pas de l'image
que... ça a maintenant une image négative, fumer. Les fumeurs se sentent
vraiment isolés, et il y a quelque chose, là. Et moi, je me dis, bien, puis je
ne suis vraiment pas un expert dans ce
domaine-là, mais est-ce qu'il n'y aurait pas des trucs à aller... Il y a
vraiment quelque chose de l'ordre du marketing, d'une vision à... de
changement d'attitude sociale à attirer, à essayer d'obtenir.
Mme
Abdel-Baki (Amal) : Puis c'est là où je pense qu'on doit se rallier à
nos experts de la santé publique, là, qui
ont réussi à faire des campagnes, à s'associer au gouvernement. Puis
effectivement on n'y croyait peut-être pas il y a 20 ans ou 30 ans, mais ça a vraiment été
très efficace, là. Même chose, quand même, pour l'alcool, bon, quoique les
jeunes consomment encore beaucoup d'alcool de façon dangereuse par
moments, mais je pense qu'ils sont quand même beaucoup plus sensibilisés qu'ils
le sont pour le cannabis.
M. Roy
(Marc-André) : Puis l'alcool au volant... l'alcool au volant est un
bon exemple aussi.
M. Fortin : Alors, si, dans ce que vous me décrivez comme situation, l'âge, disons,
entre 18 et 21 ans, ce n'est pas
nécessairement le facteur déterminant, est-ce que le lieu de consommation peut
être déterminant? Parce qu'on sait que, dans le projet de loi qui est présenté
aujourd'hui, le projet de loi qui est devant nous, celui que le gouvernement a
déposé, il y a des restrictions importantes
quant aux lieux de consommation, c'est-à-dire restriction au niveau des lieux
publics, peu importe ce que les villes en pensent, restriction au niveau même
de la possession sur les campus universitaires,
les campus collégiaux. Est-ce que vous pensez que les lieux de possession
peuvent avoir un impact sur, justement, ces méfaits-là liés à la
consommation?
Mme
Abdel-Baki (Amal) : Bien, clairement, quant aux lieux, je pense qu'il
faut éviter que la consommation sur les
lieux publics contribue... soit tellement répandue qu'elle contribue à
banaliser la consommation de cannabis. C'est sûr qu'un jeune enfant qui voit plein de monde qui consomme on peut
penser que ça contribue à se dire que c'est quelque chose qui est normal puis... Moi, j'habite sur Le
Plateau—Mont-Royal, on
a beaucoup d'effluves quand on se promène dans la rue. Mais, toutefois, il faut aussi éviter que la restriction à
outrance vienne à l'encontre de l'esprit de la loi, qui visait à éviter que les gens se retrouvent
simplement avec des conséquences légales ou que consommer du cannabis, ce
soit associé surtout à des jeunes dans la
clandestinité. Parce qu'on ne peut pas consommer nulle part non plus. Puis là
je pense qu'on risque de les exposer à plus de risques en faisant ça.
Ça
fait que je pense que c'est un équilibre qui est très difficile à trouver.
C'est un enjeu majeur. Encore une fois,
je pense que les gens de la santé publique sont certainement mieux outillés que
nous, là, encore là, les campagnes pour le tabac, la Loi sur le tabac, sur la
consommation d'alcool dans les lieux publics également, mais il faut certainement
prévoir qu'il y ait des endroits où les gens puissent consommer, et les jeunes
notamment, parce que, sinon, ça ne fonctionnera pas.
Puis,
comme mon collègue l'a vraiment dit tout à l'heure, je pense que, plutôt que
des conséquences judiciaires... Parce qu'on voit beaucoup des jeunes
qu'on traite qui étaient constamment, là, à la cour parce qu'ils étaient pris
pour possession de drogues, mais finalement
il n'y avait aucune... ça n'améliorait aucunement leur accès à des services
pour la toxicomanie. On préconise
beaucoup comme ils ont un peu comme approche au Nouveau-Brunswick, que, lorsque
les jeunes... s'ils contreviennent à la loi, peu importe laquelle sera
la loi, en termes de lieu, de possession ou d'âge, on puisse plutôt les diriger vers des services pour la toxicomanie ou
encore des cliniques PEP, si c'est le cas de troubles mentaux sévères,
plutôt que vers des conséquences judiciaires.
M. Fortin : Une dernière question pour moi avant que... Je crois que mes collègues
ont une question également. «L'utilisation du cannabis avant l'âge de 16
ans — vous
dites — est
particulièrement associée à une plus grande probabilité
de développer un trouble psychotique.» Alors, 18 ou 21 ans, pour vous, ce
n'était pas le facteur, c'est vraiment... scientifiquement, selon vous,
là, c'est 16 ans qui est l'âge déterminant.
• (15 h 40) •
Mme
Abdel-Baki (Amal) : Bien, en fait, ce qu'on sait, c'est que jusqu'à 25
ans le cerveau se développe, puis le
cannabis peut vraiment avoir un impact. Après, la façon que les études sont faites, c'est qu'on... Il y a
certaines études qui vont regarder
certains âges. Donc, ce qu'on a comme données claires, scientifiques, qu'on
peut dire, c'est qu'avant l'âge de 16 ans ça semble particulièrement
un facteur limitant.
Il faut
savoir, quand même, que la proportion de jeunes qui commencent à
consommer du cannabis avant l'âge de
15, 16 ans est quand même moins importante que ceux qui vont commencer à
consommer plus tard. On a probablement
affaire aussi à des
jeunes qui sont plus malades au
niveau psychiatrique, au niveau
de la toxicomanie. Ça fait qu'il faut toujours interpréter, là, les données scientifiques avec
une certaine critique, là. Mais effectivement on sait que plus c'est tôt, plus c'est problématique,
là.
M.
Roy (Marc-André) : Oui, il n'y a comme pas nécessairement de point de coupure où on peut dire : Ah! O.K.,
ça cesse d'être... Mais plus c'est tôt, plus c'est dangereux.
M.
Fortin : Très bien. Je crois que le député de Dorval... Marquette,
pardon, a une question.
M. Ciccone : Merci,
M. le député. Merci beaucoup de votre présence. Je veux que ce soit reconnu clairement,
là, M. le Président, que, moi, si c'était juste de moi, ce produit ne
serait pas dans nos rues, ici, proche de nos jeunes au Québec.
Hier,
le centre de réadaptation de la toxicomanie le Portage nous disait que 88 % des jeunes entre 14 et 18 ans
ont fumé, justement, de la marijuana, et les
chiffres que vous nous avez apportés également, qui peut monter jusqu'à
200 % les risques de psychose,
c'est la réalité aujourd'hui. M. le ministre, moi, quant à moi, on aurait pu
monter ça jusqu'à 35 ans, ça
aurait été parfait. Cependant, la réalité est autre : les jeunes fument du
cannabis. Il est évident que cette consommation-là est présente.
En tant que scientifiques,
je sais que le conseil que vous allez donner à quiconque, c'est de ne pas
prendre du cannabis. Maintenant, je pense
que l'enjeu ici est qu'il n'y a aucun contrôle sur le cannabis si on veut
mettre ça à 21 ans pour les jeunes de 18 ans.
En tant que
scientifiques, si vous avez un conseil à donner, justement, est-ce que ça
changerait les données si les jeunes, justement, consommaient du cannabis qui
est contrôlé, justement, où on sait d'où ça vient?
Mme Abdel-Baki
(Amal) : ...notre plus faible teneur, vous voulez dire, par exemple,
ou...
M. Ciccone : Faible teneur ou on sait exactement ce qui est dans le produit, au lieu
de s'en procurer sur la rue, et qu'il n'y a aucun contrôle, et on ne
sait pas ce qu'il y a dedans, là.
Mme
Abdel-Baki (Amal) : Bien, c'est-à-dire, ça prend... ça plaît vraiment
à l'esprit scientifique de penser que plus
on va savoir ce que les jeunes consomment, plus on peut leur conseiller, s'ils
décident de consommer, de consommer des produits à faible teneur de THC,
peut-être moins pire sera l'évolution.
Mais
je pense qu'on a besoin de recherche, il faut vraiment développer la recherche
et financer la recherche. Le contexte
de la légalisation du cannabis nous permet quand même de pouvoir mieux étudier
quels sont vraiment les seuils, parce
que la façon que les études sont faites, les études épidémiologiques qui nous
disent que les seuils, à peu près de 10 %... nous semblent plus élevés, parce que dans les
endroits où les gens consomment du cannabis à taux de THC supérieur à 10 %, 14 %, ont plus d'incidence de
psychose, mais évidemment il n'y a pas d'études qui ont été faites où les gens
ont consommé du cannabis puis on a pu voir l'effet.
Dans un contexte où
la substance est légale, ça permet un peu plus de faire ce genre d'étude, pour
pouvoir répondre un peu plus à quels sont vraiment les seuils qui sont plus toxiques que d'autres.
Donc, c'est un peu la réponse qu'on peut donner actuellement, je pense.
M.
Roy (Marc-André) : Puis
j'ajouterais, par rapport à la recherche, que je pense qu'on a une occasion
assez particulière de ce qu'il se
passe au Québec et au Canada, c'est de voir l'impact d'un changement
législatif. Qu'est-ce que ça change
dans les faits? Et je pense que d'autres pays ont vécu ce type... ou d'autres
juridictions ont vécu ce type de...
Le Président (M.
Provençal)
: Malheureusement, je m'excuse,
le temps est écoulé...
M. Roy
(Marc-André) : D'accord.
Le Président (M. Provençal)
: ...pour votre réponse. Merci. Alors, je vais céder la parole au
deuxième groupe d'opposition, en rappelant à M. Gaudreault...
2 min 45 s. Merci.
M.
Gaudreault : Vous êtes le maître du temps.
Alors,
merci. Merci d'être ici. Je vais aller rapidement. Je m'intéresse beaucoup à ce que vous avez
dit tout à l'heure, quand vous
avez parlé d'une approche étapiste.
Une voix :
...
M.
Gaudreault : Oui, bien,
l'étapisme rappelle d'autre chose, surtout au PQ, mais ce n'est pas de ça que
je parle. Donc, l'approche étapiste,
c'est... Ce que je comprends, c'est qu'au fond, pour éviter les premiers
épisodes psychotiques ou les réduire,
ce n'est pas une question de prohibition en fonction de l'âge. Il faut
travailler en amont, c'est plus pertinent, par exemple, d'amener une
approche préventive, une approche curative, et non pas une approche coercitive.
Donc, c'est pour ça
que vous ne vous prononcez pas sur un 21 ans ou un 25 ans, même si
vous reconnaissez scientifiquement qu'il
peut y avoir des impacts sur le cerveau jusqu'à 25 ans. Mais votre approche
étapiste, c'est de dire : Allons-y
en amont avec du travail en éducation,
en prévention et, malheureusement, parfois en curatif. Mais la question de
fixer un âge n'embarque pas dans l'approche étapiste. Est-ce que je comprends
bien?
Mme
Abdel-Baki (Amal) : Bien, en fait... Puis, encore une fois, je renvoie
la balle, puis je suis contente de savoir que nos collègues de santé publique sont derrière, parce qu'il y a quand
même des interdictions en lien avec le tabagisme qui semblent avoir porté fruit. Par contre, il est certain que,
cliniquement, ce qui fait du sens pour nous, c'est de se dire : C'est tout un continuum, puis il faut penser par
étapes, il faut penser quelles sont les clientèles sur lesquelles il faut...
qu'il faut éduquer, quelles sont les clientèles à qui il faut peut-être
interdire. On s'entend qu'on ne va pas permettre à des enfants de six ans de consommer du cannabis. Donc, il y a quand même
toujours un certain niveau de prohibition, qu'on peut dire. Mais il faut voir c'est quoi, la meilleure façon de faire,
puis ce que les études nous démontrent, c'est que, quand on n'est pas dans ce qui est du motivationnel,
qu'on appelle, ou de la réduction des méfaits, on n'a pas vraiment d'impact
efficace, nous, en tout cas en médecine, là.
M. Gaudreault : Mais est-ce que
d'interdire entre 18 et 21 ans fait partie de ces étapes? Oui ou non?
Mme
Abdel-Baki (Amal) : Je ne pense pas qu'on ait des évidences
scientifiques pour dire que ça fait partie des étapes, là.
Le Président (M. Provençal)
: 30 secondes.
M. Gaudreault : 30 secondes
pour vous dire merci beaucoup d'être venus, puis continuez de nous... Là, je comprends que vous n'avez pas de documents écrits.
Si vous en avez plus tard, la commission peut les recevoir, et vous nous
les transmettrez, parce que ça serait vraiment intéressant.
M. Roy (Marc-André) : On est désolés
de vous dire qu'on n'a pas eu le temps, effectivement.
Mme Abdel-Baki (Amal) : On vous le
transmet demain.
Le
Président (M. Provençal)
: Alors, merci. Je vais
céder maintenant la parole au député de Jean-Lesage, du troisième groupe
d'opposition, en lui rappelant, lui aussi, qu'il a 2 min 45 s.
M. Zanetti.
M.
Zanetti : Merci beaucoup, M. le Président. Merci d'être là. On entend
vraiment votre préoccupation pour qu'il y ait de la prévention qui se fasse au Québec et qu'il y ait aussi — nous, on s'assurera de faire pression
là-dessus — des
budgets conséquents pour que ça se fasse, et pas juste à partir de 18 ans,
mais bien plus tôt.
Je vais vous
poser une question qui va peut-être répéter un peu ce qui s'est dit, mais
est-ce que vous avez ou existe-t-il,
à votre connaissance, des données probantes indiquant que l'interdiction du
cannabis chez les 18 à 21 ans va réduire leur consommation?
M. Roy
(Marc-André) : Pour la réponse, c'est non. Mais on n'a pas de données
probantes non plus montrant que ça ne
la diminue pas. Donc, je vous dirais, je pense que c'est d'où l'importance de
voir... comme je commençais à dire
tantôt, de regarder l'impact que les mesures légales ont. Le Colorado est un
mauvais exemple parce que tout le monde des États contigus au Colorado est allé
consommer au Colorado, alors qu'ici les provinces voisines ont le même mode législatif. Donc, je pense qu'il faut
vraiment voir qu'est-ce que... et je ne pense pas que la science nous renseigne
énormément là-dessus.
M.
Zanetti : Merci. Et j'ai une question plus large, plus dans votre
champ d'expertise, là, mais je voulais savoir quand même... Sur la
question de la psychose, selon vous, quelle est la cause fondamentale de la
psychose?
M. Roy
(Marc-André) : Bien, écoutez, l'hérédité a un rôle très, très
important. On estime qu'à peu près 80 % de notre vulnérabilité est contrôlée par des facteurs génétiques, mais elle
est aussi puissamment modulée par des facteurs environnementaux, et le cannabis, en fait, est probablement, parmi les
facteurs non génétiques, celui qui a le rôle le plus important. On peut avoir une prédisposition
génétique, mais ne pas développer la maladie parce qu'on n'a pas été exposé
aux facteurs de risque environnementaux, et
on pense que le cannabis est probablement un des facteurs majeurs à cet effet.
Mme
Abdel-Baki (Amal) : Parce qu'il est très prévalent, puis, en plus de
déclencher la maladie, il en détériore l'évolution, puis ça, c'est
vraiment quelque chose de très important à retenir, là.
M. Zanetti :
Merci. Et on a abordé la question des lieux. Bon. Vous donnez... nommez une
préoccupation sur il ne faudrait pas
surjudiciariser les jeunes qui en fument parce que ça ne les aide pas. Où
devrait-on maintenir le droit de fumer du cannabis, à votre avis?
Mme
Abdel-Baki (Amal) : Encore là, je vous dirais qu'on n'est pas du tout
spécialistes de ce domaine-là, et je pense
qu'il y a des exemples de d'autres pays, mais, clairement, il faut qu'il y ait
des endroits, un peu comme l'alcool, je
pense, pour que les gens puissent consommer. Après, entrer dans nos avis
personnels, je pense qu'on n'est pas ici pour ça. Je dirais qu'on ne
connaît pas assez la littérature sur ce domaine-là pour pouvoir vous
renseigner.
M. Zanetti : Je vous remercie. C'est
tout pour moi.
Le
Président (M. Provençal)
: Alors, je remercie les
représentants de l'Association québécoise des programmes pour les
premiers épisodes psychotiques pour votre contribution aux travaux de la
commission.
Je suspends les travaux quelques instants afin
de permettre au prochain groupe de prendre place et nous permettre de saluer les gens qui viennent
d'intervenir, et en même temps, s'il y a des gens qui auraient besoin d'un
café, d'un thé, dépêchez-vous d'aller le prendre.
(Suspension de la séance à 15 h 50
)
(Reprise à 15 h 53)
Le Président (M. Provençal)
: Alors, on reprend. Je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants de l'Institut national de santé publique du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé, puis nous
procéderons à la période d'échange avec les membres
de la commission. Je vous invite donc
à vous présenter puis à commencer votre exposé.
Institut national de
santé publique du Québec (INSPQ)
Mme
Damestoy (Nicole) : M. le Président, M. le ministre, membres
de la commission, je suis Nicole Damestoy, présidente-directrice générale de l'Institut national de santé publique
du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui du Dr Alain Poirier,
interniste et médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive, de
même qu'avec les conseillers scientifiques Mme Maude Chapados et M. François
Gagnon. Tous trois ont participé à l'élaboration du mémoire que nous avons
déposé devant cette commission et ils sont ici pour répondre aux questions tout
à l'heure.
Alors, c'est avec plaisir que nous participons
aujourd'hui aux travaux menés dans le cadre des consultations particulières sur
le projet de loi n° 2. D'entrée de jeu, l'institut partage la
préoccupation du gouvernement sur les risques
pour la santé liés à la consommation du cannabis, particulièrement chez les
jeunes. Nous souscrivons aussi aux objectifs
de prévention qui sous-tendent les modifications proposées. Cependant, nous
aimerions discuter avec vous des moyens envisagés pour y parvenir.
J'aimerais vous rappeler que l'INSPQ est un
centre d'expertise et de référence en santé publique au Québec. Il a pour objectifs de faire progresser les
connaissances et les compétences en santé publique, de proposer des stratégies
et des actions intersectorielles susceptibles d'améliorer la santé de la
population.
Depuis
avril 2017, soit depuis que le gouvernement fédéral a fait l'annonce de
son intention de légaliser le cannabis à
des fins non médicales, l'institut s'intéresse de près à l'encadrement de cette
substance. Plusieurs travaux ont d'ailleurs été publiés sur le sujet,
basés soit sur nos activités en surveillance ou en toxicologie ou bien sur nos
expertises développées précédemment en
matière de réglementation de l'alcool et de tabac, nos expertises en réduction
des méfaits ou en développement de politiques publiques favorables à la
santé. L'institut a participé au Forum d'experts sur l'encadrement du cannabis
organisé par le gouvernement du Québec en juin 2017, et nous nous sommes
également prononcés en janvier 2018
devant cette même commission, dans le cadre des consultations particulières,
sur le projet de loi n° 157.
Donc, cette allocution et notre mémoire déposé
aujourd'hui abordent trois éléments, particulièrement : le premier,
des réflexions sur le cadre légal actuel; deuxièmement, des suggestions de modifications
aux dispositions prévues en matière d'âge
légal; et, troisièmement, des suggestions concernant l'interdiction d'usage souhaité dans
les lieux publics extérieurs.
Donc, premièrement, concernant le cadre légal actuel, d'où partons-nous? Depuis le début du
processus de légalisation,
la priorité a été accordée aux objectifs de protection de la santé des Québécoises
et des Québécois. À l'échelle canadienne,
le Québec est déjà reconnu comme une des provinces ayant adopté un cadre
juridique qualifié de restrictif. Bien
que perfectible et appelé à évoluer, le cadre légal en vigueur depuis le
17 octobre 2018 est, dans l'ensemble, cohérent avec les
résultats de recherche scientifique et fidèle aux avis des experts de santé
publique.
Vous comprendrez qu'ici on présente évidemment
un point de vue de santé populationnelle et de santé publique. Le cadre légal actuel repose donc effectivement sur une approche très équilibrée, qui permet, d'une part, l'offre
d'un accès légal au cannabis, mais, d'autre
part, la prévention et la réduction des conséquences de l'usage de cette
substance sur la santé publique.
La Société québécoise du cannabis, la SQDC, et le comité de vigilance du ministère
de la Santé et des Services
sociaux sont deux éléments importants appelés à jouer un rôle clé dans
l'atteinte des objectifs poursuivis.
Deuxièmement, concernant la hausse de l'âge légal de 18 à 21 ans, l'institut
reconnaît les risques d'une consommation intense et précoce du cannabis
sur la santé des usagers, en particulier les jeunes. Cependant, les juridictions
qui font passer un message de prévention par une interdiction n'ont pas
enregistré une réduction des pratiques
d'usage les plus risquées. La hausse de l'âge légal à 21 ans entraînerait
des méfaits potentiellement lourds sur le parcours de vie des jeunes contrevenants : sanctions pénales,
contact avec le milieu illicite, consommation de produits de cannabis
non contrôlés et à forte teneur en THC. Voilà autant des conséquences
indésirables pour les jeunes qu'on a essayé justement, par la légalisation,
d'éviter.
Les
principales inquiétudes concernant la consommation du cannabis ont trait au
risque accru de problèmes de santé
mentale chez les consommateurs, en particulier la survenue de psychoses, comme
nos collègues précédents l'ont démontré, et le développement
de troubles de l'usage. Il est reconnu que le cannabis, surtout celui dont la
dose en THC est
élevée, lorsqu'il est consommé fréquemment et de façon précoce, peut avoir des
effets négatifs sur la santé et la sécurité.
C'est pourquoi le resserrement de l'achat et de la possession du cannabis chez
les 18-20 ans mérite d'être considéré comme une option de rechange
à la simple hausse de l'âge légal — notez qu'on parle beaucoup
des 18-20 ans, puisqu'évidemment
ça concerne la période du 18e anniversaire jusqu'à la veille du
21e anniversaire — donc
resserrer l'achat pour ne permettre
qu'un accès partiel à la gamme des produits offerts à la SQDC et imposer une
quantité réduite pour la possession, voilà l'option.
L'accès
limité pour les 18-20 ans à des produits contenant moins de 10 % en
THC et comprenant un minimum de CBD
serait moins risqué pour ce groupe d'âge. Ceci correspond en fait à la première
catégorie des produits dans le catalogue de la SQDC, celle qui est qualifiée
d'intensité modérée. En plus, cela permettrait de garder les jeunes en contact
avec la SQDC, qui a aussi une mission de
prévention et de protection de la santé. Voilà qui enverrait, selon nous, un
message clair autour d'un produit qui
n'est pas banal, mais qui permettrait aussi aux jeunes adultes d'accéder en
toute connaissance de cause à des produits qui sont moins risqués. Ça aurait aussi
l'avantage d'envoyer un message de prudence à l'ensemble de la population
au sujet des produits à haute teneur en THC, ce qui est d'autant plus important
avant l'autorisation prochaine par le gouvernement fédéral des produits de cannabis comestibles et concentrés, mais on y reviendra tantôt.
Troisièmement,
concernant l'interdiction d'usage dans les lieus publics extérieurs,
l'interdiction d'usage du cannabis dans
les lieux publics extérieurs placerait bon nombre d'usagers actuellement
locataires de leurs logements dans une impasse et une situation d'iniquité par rapport à ceux qui sont propriétaires de
leurs domiciles. Fumer à l'intérieur nuirait aux proches, incommoderait
les voisins, contreviendrait au bail. À l'inverse, fumer à l'extérieur mettrait
la personne en situation d'infraction, la rendrait passible de sanction,
l'engagerait potentiellement dans un processus judiciaire.
• (16 heures) •
Actuellement,
aucune donnée disponible ne permet d'affirmer que la fumée de cannabis dégagée
dans un espace extérieur porterait
atteinte à la santé des personnes exposées, bien qu'elle soit odorante et, pour
certains, incommodante.
Des
craintes sont exprimées à l'égard d'une possible banalisation du cannabis s'il
est consommé dans les lieux publics.
C'est bien davantage les activités de promotion, de publicité ou de mise en
vente qui pourraient avoir cet effet. Or, le Québec a déjà fait le choix de
strictement encadrer les activités de mise en marché. L'institut craint par ailleurs que l'interdiction de fumer du cannabis en public
encourage l'usage des produits comestibles qui seront autorisés par le
gouvernement fédéral d'ici octobre prochain, avec tous les risques que cela
comporte. Au-delà des risques connus d'intoxication
involontaire ou pédiatrique par ces nouveaux produits, on sait qu'aux
États-Unis les acteurs industriels ont saisi
cette possibilité pour diversifier leurs offres de produits et ainsi recruter
de nouveaux consommateurs et augmenter leurs
ventes parmi les usagers actuels. Le résultat se traduit en une hausse marquée
des volumes de THC consommés au global et vraisemblablement des dommages
qui y sont associés au niveau populationnel.
Avant
d'interdire l'usage du cannabis en public et d'imposer des sanctions qui
peuvent entraîner des méfaits pour les
usagers contrevenants, en particulier les plus vulnérables, il apparaîtrait
souhaitable de décrire objectivement l'état de situation. D'ici là, l'institut encourage le gouvernement à maintenir
les articles actuels de la loi sur les lieux d'usage là où l'usage des
produits du tabac et de la cigarette électronique sont déjà permis.
Alors, voilà. En
conclusion, nous espérons que ces propositions appuyées sur notre expertise et
les connaissances scientifiques actuellement
disponibles soient utiles et éclairantes pour votre réflexion. Il nous fera
plaisir de répondre à vos questions,
et nous vous remercions vraiment sincèrement de l'occasion qui nous est donnée
aujourd'hui de pouvoir discuter avec vous de ces importants enjeux de
santé publique.
Le Président (M.
Provençal)
: Merci. Alors, je vous
remercie beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période
d'échange. M. le ministre, la parole est à vous, toujours en vous rappelant que
vous avez 16 min 30 s.
M.
Carmant : Parfait. Merci beaucoup. Merci à vous de vous être déplacés,
merci de votre exposé. Je vais vous lire
un extrait d'un article qui est sorti aujourd'hui, d'une recherche effectuée
par la Dre Gobbi, de McGill, qui nous dit, dans la précieuse revue JAMA Psychiatry, sur les conséquences de
la consommation du cannabis chez les adolescents, que «7 % des
diagnostics de dépression chez l'adulte sont liés à la consommation, à
l'adolescence, de cannabis. Les personnes
atteintes ont l'impression que leur cerveau ne fonctionne pas aussi bien qu'il
le devrait : pertes de mémoire, difficulté à s'organiser, manque de
motivation.» Et elle conclut en disant : «Si moins d'adolescents
consommaient du cannabis, il y aurait moins de cas de dépression.»
Je
suis d'accord que les efforts qui ont été faits dans la Loi encadrant le
cannabis sont significatifs. Mais ce que l'on essaie de faire avec le projet de loi n° 2, c'est vraiment de
diminuer la consommation chez les adolescents, et je ne comprends pas
comment le projet de loi qu'on a actuellement peut aider nos adolescents qui,
hier on nous a dit, commençaient à consommer à l'âge de 11 ans.
M. Poirier
(Alain) : Que ça soit les études qui parlent d'adolescence, nos
collègues qui ont parlé de 12, 13, 14, 15 ans, toutes les études, les
grandes études de cohortes qui montrent les effets délétères parlent de
précocité. En moyenne, les grandes études suédoises, notamment, c'est
15 ans.
Donc,
on est d'accord sur le fait qu'il y a des problèmes de
santé mentale, de psychose associée chez ceux qui consomment chez les
plus jeunes. Votre question fait référence à l'interdiction entre 18 et
21 ans, qui est une autre fourchette.
Là, on n'a pas d'évidence dans la littérature et ailleurs comme quoi cette
interdiction-là aide la situation chez les
adolescents. Donc, la non-initiation, que ça soit en tabagisme, ou en alcool,
ou autre, ce n'est pas le contexte légal, puisque c'est interdit avant
18 ans pour toutes ces substances-là partout, ou à peu près, sur la
planète.
Donc,
la notion d'interdiction, c'est un élément qui nous aide à faire des
interventions, souvent auprès des vendeurs et non pas chez les jeunes
consommateurs, mais c'est un seul élément parmi le prix, le non-marketing, le non-étalage, l'affichage sur les paquets de
cigarettes. On pourrait prendre plusieurs parties. Mais, dans une logique de marketing social d'une bonne idée, qui est ne pas
consommer chez les 12, 13, 14, 15, 16 ans, l'interdiction entre
18-21 ans, il y a souvent, dans le cas du tabac... D'ailleurs,
l'idée de construire un fruit est défendue. Il y a un produit qui est défendu : ah! ça, ce n'est pas pour nous;
quand j'aurai 21, je pourrais. Donc, souvent, il y a même un effet pervers à
dire : C'est interdit, alors que de toute façon ils consomment
déjà.
M. Carmant :
Merci. Donc là, je vais vous amener sur le terrain de ce qu'on appelle la
consommation de proximité. Vous avez
mentionné dans votre mémoire que, par
exemple pour l'alcool, le fait
d'augmenter l'âge à 21 ans a
montré une certaine efficacité. Par
quel phénomène le fait d'augmenter l'âge à 21 ans pour l'alcool aurait pu
avoir un effet sur les taux de consommation d'alcool?
M. Poirier
(Alain) : J'ai parlé tout à l'heure du tabac, mais, pour l'alcool,
c'est la même chose, c'est un ensemble de mesures. Ça n'existe à peu près pas,
des pays qui n'ont pris qu'une seule mesure, interdiction, âge. Habituellement, il y a des campagnes, il y a une
taxation différenciée selon la concentration d'alcool, il y a l'affichage,
la publicité, il y a toute une série de
mesures. C'est ce qui est difficile dans les approches populationnelles. On ne
peut pas dire : Celle-là est
parfaite, il ne faut faire que celle-là. Les pays qui réussissent à diminuer notamment le tabagisme, on a des bons exemples, ont fait une
palette de différentes mesures qui touchent le prix, la publicité, l'étalage,
etc., l'information. Donc, il y a plusieurs
mesures — et là
vous m'avez posé spécifiquement la question pour l'alcool — qui doivent être mises en place, y
compris les services. Nos collègues d'avant ont parlé de services pour ceux qui
passent à travers, je dirais, les filets de
la prévention. La prévention n'est pas parfaite, sinon on ne serait pas ici.
Mais, bref, il y a toute une série de
mesures qui doivent être mises en place, et l'âge n'est pas à rejeter, mais il
n'y a pas de démonstration que seulement l'âge serait utile.
Mme Damestoy
(Nicole) : Contrairement... vous permettez?
M. Carmant :
Oui, oui, bien sûr.
Mme
Damestoy (Nicole) : Contrairement à l'alcool... c'est vrai que le
parallèle est bon, c'est un ensemble de mesures, pas une seule, mais, dans le cas du cannabis, les jeunes de 18
à 21 ans, bien, s'approvisionnent facilement sur un marché illicite
qui existe déjà. Donc, il y a ce phénomène-là, qui n'est pas anodin.
Le fait même de
légaliser visait d'abord et avant tout à ramener ces clientèles dans un
contexte légal qui permet d'avoir un meilleur contrôle sur le produit qui est
consommé, qu'est-ce qu'il y a exactement dans ce qu'ils consomment, et permet aussi, tel qu'on l'expliquait dans le mémoire, un
contact avec quelqu'un de la SQDC, qui a une mission de prévention, en tout cas qui peut véhiculer un message de
prévention très personnalisé. Alors, c'est vrai que tout le monde ne passe pas par la SQDC au jour
d'aujourd'hui, mais on doit reconnaître que c'est une instance relativement
nouvelle dans notre paysage, donc il faut
laisser le temps un peu de s'installer, de voir comment est-ce qu'on peut
justement amener les jeunes à
fréquenter davantage les SQDC, et c'est un ensemble de mesures qui vont faire
en sorte que ça va devenir une habitude.
Deuxio,
le comité de vigilance, on l'a abordé très brièvement, le comité de vigilance
est vraiment en place, et nous, on
croit vraiment que c'est important de se doter des éléments qui nous permettent
de suivre l'évolution de la situation en
cours de route. Donc, en ce moment, tout le monde est un peu dans la nouveauté.
D'avoir des données, d'analyser les données avec un groupe d'experts,
donc chacun apportant son point de vue qui permet d'alimenter la réflexion et d'apporter les ajustements en cours de route, ça,
c'est un gros plus dans l'état actuel des choses. Donc, c'est comme si en...
octobre, c'est assez relativement récent, tous ces éléments-là.
M. Carmant :
On est d'accord avec vous. Je vais passer la parole à mon collègue de Chapleau,
le député de Chapleau.
M.
Lévesque (Chapleau) : Oui.
Merci pour votre témoignage. Donc, vous parliez justement du... dans le fond, comme argument contre le rehaussement de l'âge légal à 21 ans, le
fait que les personnes de 18 à 20 ans n'auraient pas nécessairement
accès aux messages de prévention de la SQDC, là, vous faisiez justement
mention de ça. Pensez-vous que la
prévention, donc, lors de l'achat du cannabis à la SQDC, c'est le bon moment
pour ce type de prévention là? Ça ne devrait pas être fait en aval...
Une voix :
En amont.
M. Lévesque (Chapleau) :
Ou en amont?
Mme Damestoy
(Nicole) : C'est un ensemble de mesures...
M. Lévesque
(Chapleau) : Pardon, en amont, oui,
M. Poirier (Alain) : C'est une mesure, le moment de rencontre à
l'achat du SQDC, mais c'est, comme je disais tout à l'heure, dans la
palette des possibilités et il
y a bien d'autres choses. Dans la
littérature préventive, ça n'existe pas, cette baguette magique d'une mesure. Je ne veux pas les répéter, mais...
Donc, seulement la rencontre à la SQDC, ce n'est pas
suffisant et c'est un peu tard, puisque, là, ça serait dans un âge légal.
Donc, il y a énormément, en matière de prévention,
de travaux à faire, dans le développement des compétences des enfants,
le développement de l'estime, tout ça, toutes les mesures en santé mentale
doivent dire qu'il faut faire du développement
et de l'intervention précoce chez les tout-petits... j'allais dire dans le CPE,
mais je n'embarquerai pas dans ce
débat-là, mais... Dans le développement des tout-petits, les compétences
personnelles et sociales, l'estime de soi, tout ça, toutes ces mesures-là sont parmi celles qui sont
toujours nommées pour prévenir les problèmes associés... les problèmes
psychosociaux, notamment de consommation.
M. Lévesque
(Chapleau) : O.K., parfait, merci. Peut-être une autre question, là.
Dans votre mémoire, vous faites référence au fait que l'Uruguay ait, dans le
fond, limité l'achat à 40 kilogrammes, dans le fond... grammes
c'est-à-dire, par mois, par personne, ou 10 grammes par semaine. Il n'y a
évidemment pas ce type de limite là au Québec, mais quel serait l'impact, selon
vous, d'une telle mesure? Est-ce que ça serait néfaste? Bénéfique?
M.
Gagnon (François) : Bien, on vous la propose dans notre mémoire. Donc,
on propose de limiter la possession et
l'achat à 10 grammes, donc basé sur le précédent de l'Uruguay. L'impact
n'a pas été étudié, donc on ne peut pas se prononcer spécifiquement sur cette mesure-là, mais on pense qu'avec
l'accès graduel au produit en THC à plus faible concentration pour les
18-20 ans, ça pourrait faire quelque chose comme une pratique intéressante
ou prometteuse.
M. Lévesque
(Chapleau) : Merci.
• (16 h 10) •
M.
Carmant : J'aimerais vous ramener encore sur la consommation de
proximité en prenant l'autre exemple, celui
du tabac. Par exemple, avec la nicotine, il y a une... dans la littérature de
santé... en tout cas, la littérature, j'ai vu ce qu'on appelait l'effet Needham, où une ville au Massachusetts a augmenté
l'âge de consommation de la nicotine à 21 ans, parce que les taux de fumeurs étaient très élevés
dans leur population à l'école secondaire, et, à l'intérieur de cinq ans,
il y a eu une diminution assez
marquée du taux de consommation de tabac dans cette population-là, peut-être,
comme vous dites, avec d'autres mesures, mais c'est quand même un effet
qui a été marquant.
Et aussi on se rend
compte qu'au Canada également, dans les années 93, alors que le taux de
tabagisme était quand même assez élevé chez les adolescents, et l'âge du début
d'initiation du tabac était très jeune, la loi a été changée pour modifier
l'âge d'initiation de 16 à 19 ans.
Pensez-vous,
encore une fois, que cette mesure qu'on appelle de consommation de proximité
peut jouer un rôle dans ces résultats que l'on a vus d'augmentation
d'âge?
M. Poirier (Alain) : Je ne sais pas si je vais être à côté, parce que je ne suis pas sûr de
comprendre ce que vous appelez la consommation de proximité.
Pourriez-vous me la définir? Parce que, moi, ça ne fait pas partie de mon
vocabulaire.
M.
Carmant : C'est, par exemple, le fait d'avoir des sources, dans son
environnement, qui peuvent nous fournir de la substance.
M. Poirier (Alain) : Bien, ça, ça a été bien démontré dans le domaine
du tabac. J'étais ici, au ministère de la Santé, quand on a négocié avec le fédéral d'avoir nos propres inspecteurs qui
vont faire des enquêtes de vente pour savoir... et, à ce moment-là, le Québec était la pire de toutes
les provinces : nos détaillants vendaient sans jamais vérifier l'âge
auprès des jeunes. Ça a été une des mesures que d'avoir des enquêtes, et de
surveiller les vendeurs, et de pénaliser les vendeurs, pénalités qui ont été augmentées graduellement,
parce qu'au début c'était une petite tape sur les doigts et graduellement c'est
même perdre le permis de vente. Donc, encore là, on ne ciblait pas le jeune
fumeur, mais on ciblait les vendeurs. Donc,
c'est le vendeur, c'est lui qui fait de l'argent, c'est lui qui fait du profit,
c'est lui qu'il faut identifier si on veut s'assurer qu'il ne vend pas
aux plus jeunes.
Donc,
je ne connais pas le détail précis de cette ville, mais cette idée... Il n'y a
pas vraiment d'endroit où une seule mesure, juste l'âge... mais il y a
ça, il y a les mesures d'inspection et d'enquête avec des jeunes, c'est des
jeunes qui vont faire... qui ont l'air
d'avoir 16 ans. Donc, toutes ces mesures-là avec toute une série d'autres
choses font qu'à la fin on a... On a déjà eu 50 % de consommation de
tabagisme. Quand j'étais jeune, là, j'ai passé 60 ans, mais, quand j'étais
jeune, c'était le cas, ce n'est plus ça maintenant.
Donc,
laquelle de ces mesures-là... Souvent, on met sur une ligne la ligne de la
consommation puis on regarde toutes les mesures qui sont arrivées.
Évidemment, le prix est toujours très important, la taxation. Le Québec a la taxation sur le tabac la plus faible de toutes les
provinces canadiennes et les territoires. Mais donc il y a toute une série
de mesures qui font que, 40 ans après, on a eu cette baisse-là. Alors,
honnêtement, j'aimerais être capable de dire : Il y en a une qui est vraiment magique. Mais celle sur laquelle tout le
monde s'entend, c'est vraiment la taxation, mais, par ailleurs,
seulement l'âge, ça ne suffit pas.
M. Carmant :
Mais vous ne pensez pas que ça contribue, même pas un petit peu?
M. Gagnon (François) : Si
je peux compléter... excusez-moi. Les études qui ont essayé d'isoler la
variable loi, légal, dans les études
sur le cannabis, ont systématiquement montré que les résultats étaient
aléatoires, donc, dans certains cas,
des tendances à la hausse, où on a introduit des sanctions plus sévères, par
exemple, pour montrer que la tendance à
la hausse de consommation se poursuivait après. Des fois, on a eu l'inverse,
donc on a eu des tendances à la baisse, où on introduisait des mesures plus laxistes ou plus sévères, puis la tendance
baissait aussi. Donc, dans l'ensemble des... quand on regarde l'ensemble
des études, on ne peut pas décrire des tendances après l'introduction du
changement légal.
L'exemple
du Colorado est assez bon, donc, après 2014, où on a légalisé l'accès non
médical au cannabis, on a vu une
augmentation dans la consommation des adultes, par exemple, des 26 ans et
plus, mais, pour les 12-17 ans, on a vu une diminution. Donc, l'effet de la loi individuellement n'est pas significatif,
donc il n'y a pas de lien qu'on peut faire au plan des études scientifiques sur le changement législatif lui-même.
Vous comprenez? Donc, c'est l'ensemble des autres mesures qui ont plutôt
été démontrées efficaces. Quand on a essayé d'en isoler, bien, ce n'est pas la
loi qui a été démontrée efficace, c'est d'autres mesures, en fait.
M.
Carmant : Et êtes-vous familiers avec le rapport de l'Institute of
Medicine de 2015 sur l'introduction de la cigarette électronique?
Avez-vous lu ce rapport?
M. Poirier
(Alain) : Non, pas spécifiquement, mais j'ai beaucoup lu, oui, sur la
cigarette électronique.
M.
Carmant : Alors, en 2015, l'Institute of Medicine a regroupé un paquet
de chercheurs en santé mentale, en santé publique et en biostatistique, et ils
ont regardé par quel mécanisme on serait capables de retarder l'introduction
de la cigarette électronique ou du tabac
chez les adolescents. Et leur conclusion semblait dire que le fait de rehausser
l'âge du tabac de 18 à 21 ans
aura un impact significatif. Donc, nous, c'est pour ça qu'on a, en fait, ciblé
cet âge-là de 21 ans, ce n'est pas nécessairement aléatoire, là, et c'est
pour ça qu'on aimerait avoir votre impression là-dessus éventuellement.
M. Poirier (Alain) : C'est un dossier assez glissant, parce que d'abord la cigarette
électronique, c'est une très bonne
chose pour les fumeurs, pour les gens qui veulent cesser de fumer, qui
consomment de la nicotine sans les 6 000 produits chimiques et les
63 cancérigènes qu'il y a dans la cigarette. C'est une très bonne chose.
Le malheur, c'est que c'est un gadget
très populaire, attirant pour les jeunes, chromé, qui a l'air d'une clé USB et
puis qui fait, dans plusieurs cas,
introduire les jeunes à de la nicotine, alors que ce n'est pas ça qu'on
voudrait avec la cigarette électronique. Et puis, dans le cas du cannabis, on observe actuellement
le même phénomène. Dans mon environnement proche, j'ai entendu en fin de semaine des jeunes me décrire cette
situation, que, là, c'est la mode avec la cigarette américaine Juul, ils
mettent des pastilles de THC de très haute concentration. Et là, tout d'un
coup, c'est le gadget de l'heure. C'est le gros problème de la cigarette électronique. Il y a peut-être des
risques associés. On sait que c'est beaucoup moins pire qu'un incendie
personnel, hein? Allumer une cigarette, c'est un incendie personnel, c'est la
faible température qui crée tous ces contaminants,
ces cancérigènes. Il n'y a pas ça dans la cigarette électronique. Par contre,
il y a énormément de jeunes, c'est en
ascension, qui vont développer la dépendance au produit et qui risquent de
passer au produit qui, lui, est délétère.
Donc, les mettre les
deux dans les mêmes questions... c'est deux objets assez différents qu'il faut
encadrer. Et à date le choix, ici, au
Québec, a été assez raisonnable. On assimile la consommation de la cigarette
électronique au tabac régulier fumé.
Mme
Chapados(Maude) : Et, si vous me permettez de compléter, pour
faire suite, justement, à la recommandation de l'Institute of Medicine, la ville de New York a implanté, a augmenté
de 18 à 21 ans. Et la première étude robuste, en fait, indique qu'au contraire il y a eu une hausse de
l'usage. Et, dans les villes environnantes où l'âge a été maintenu à
18 ans, ça a été stable ou ça a diminué. Donc, en fait, ça confirme encore
une fois que les tendances peuvent différer et que c'est vraiment une
question d'environnement social.
Mme Damestoy
(Nicole) : L'enjeu est là. L'enjeu, c'est vraiment les 18-20 ans
qui, si l'âge légal est haussé à 21 ans
sans aucune autre gradation, restent dans le marché illicite. Ils consomment
déjà, les 18-21 ans. Le groupe des 18-24 ans sont parmi les
plus grands consommateurs, et, parmi les 18-24, les 18-21 ans sont une
part importante des consommateurs. Ils sont
déjà dans le marché illicite. L'objectif de légaliser le cannabis, c'est de les
amener dans un marché licite pour lequel
on a un plus grand contrôle sur les produits auxquels ils ont accès. Et donc,
de hausser l'âge légal à 21 ans seulement,
bien, on laisse en plan une grande partie des jeunes pour lesquels on pourrait
apporter des mesures préventives ou
des conseils, ou avoir au moins l'assurance qu'ils ont accès à des produits
dont on connaît la teneur en THC et en CBD, qui... même si c'est une exposition au cannabis, bien, c'est quand même
une exposition à un cannabis de moins grande force, possiblement moins
délétère pour la santé.
Le Président (M.
Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, nous
en sommes maintenant à passer la parole à l'opposition officielle. Vous avez
11 minutes pour vos échanges. Merci.
M. Fortin : Merci, M. le Président. Merci, messieurs dames, d'être avec nous. Vous
comprendrez... Je ne sais pas si vous étiez dans la salle quand le
groupe précédent, là, l'Association québécoise des programmes pour les premiers
épisodes psychotiques, a mentionné que, pour
vraiment comprendre les meilleures façons de réduire les méfaits, on devait
se tourner vers vous. Alors, vous comprendrez qu'on va prendre vos propos avec
beaucoup de considération.
Quelques
points spécifiques par rapport au projet de loi, si vous le permettez. Le
projet de loi, là, vous le savez, augmente
l'âge légal pour la possession, la consommation, l'achat du cannabis de 18 à
21 ans. Quand je regarde votre mémoire, vous
dites, pour comprendre le fléchissement vers le haut, vers le bas des usages
déclarés : C'est un facteur autre que
l'âge qui peut faire varier ces taux. J'ai compris, selon vos derniers propos,
qu'effectivement il y a des endroits où ils ont augmenté l'âge, puis la
consommation, elle a augmenté quand même. Mais ce que vous dites, par exemple,
c'est qu'il peut y avoir des risques
importants de rehausser l'âge légal à 21 ans, notamment des effets non
désirables, comme la consommation de cannabis provenant de sources
clandestines, sans contrôle de qualité, l'exposition des jeunes à des revendeurs pouvant leur offrir d'autres substances
potentiellement risquées puis l'absence de messages de prévention de la
SQDC.
Moi, ce que
j'apprécie de vous, à l'Institut de la santé publique, c'est que vous vivez
dans le vrai monde. Ce que vous êtes
en train de nous dire, là, c'est qu'il y a des jeunes de 18 à 21 ans qui
vont consommer pareil, ces jeunes-là vont être exposés à des produits qui viennent du crime organisé, puis on n'a
aucune idée de la teneur en THC de ces produits-là, et que potentiellement leur vendeur du coin chez
qui ils vont aller s'approvisionner, il va peut-être essayer de leur revendre
d'autre chose de plus puissant que du
cannabis, qui a peut-être des plus grands méfaits que du cannabis sur leur
santé.
Alors, avec
ce que vous êtes en train de nous dire, uniquement cette disposition-là du
projet de loi, du 18-21 ans, qui
est la disposition-cadre du projet de loi, c'est pourquoi ils ont présenté le
projet de loi, est-ce que ça va avoir une hausse des méfaits ou une
diminution des méfaits liés au cannabis?
• (16 h 20) •
M. Gagnon
(François) : Bien, on vous a proposé un programme d'accès graduel
parce qu'on pense que c'est la meilleure façon de réduire les méfaits.
Donc, la balance de notre évaluation est que rehausser l'âge à 21 ans va produire une balance négative. Donc, clairement,
on préfère l'option d'un accès graduel avec des produits à moins de 10 %
de THC, avec un minimum de CBD, avec des
produits qui sont de qualité contrôlée. Donc, on l'a dit dans le mémoire,
donc on le répète.
Mais aussi
les sources d'approvisionnement dans le monde clandestin, aujourd'hui, sont
vraisemblablement plus élevées que 10 %. Donc, non seulement c'est
une limitation sur les produits qui sont disponibles à la SQDC, mais probablement ce qui se trame sur le marché
clandestin aujourd'hui, c'est plus élevé que ça. Donc, on pense qu'en attirant
les jeunes vers les produits de la SQDC à
moins de 10 %, on a un avantage à la fois sur les produits de la SQDC, à
la fois sur les produits clandestins, puis on fait tout ce qu'on vous
suggère, en même temps, en évitant de judiciariser ces personnes-là. Parce que les conséquences d'une judiciarisation sont
aussi bien avérées, là, on l'a dans plein de domaines, non seulement en
cannabis, mais dans d'autres drogues illégales.
M.
Fortin : Bien, j'apprécie
votre franchise dans la réponse que vous avez donnée, en quelque part, il y
avait les mots «incidence négative», alors j'apprécie votre honnêteté.
Vous dites aussi, dans votre mémoire :
«...l'INSPQ a émis des réserves concernant les sanctions pour la possession de
cannabis.» Vous savez qu'une des autres choses qui est proposée dans le projet
de loi, c'est d'avoir des sanctions pour la possession de cannabis, entre
autres, sur les campus universitaires, les campus collégiaux. Donc, expliquez-nous
pourquoi vous dites que vous émettez des réserves pour cette disposition-là du
projet de loi.
M. Gagnon
(François) : Écoutez, les sanctions pour possession de cannabis ont
été bien étudiées. Donc, il y a des dispositions qui existent depuis les
années 70 aux États-Unis, dans plusieurs États, donc, qui ont permis aux policiers de sanctionner des contrevenants, puis
en Australie aussi. Donc, ces choses-là, on les a bien documentées dans un
rapport qu'on a publié en 2016, en fait, puis donc ça a montré, en fait, qu'il
y avait eu une hausse des sanctions pénales contre les individus qui
étaient pris en situation de possession.
Donc, l'idée,
c'est qu'on facilite le travail policier, de sanction, puis il y a une
extension du filet pénal, qu'on appelle, puis donc ça introduit les gens dans un patron de judiciarisation. Parce
qu'il y a plein de personnes qui n'auraient pas été sanctionnées autrement qui se retrouvent
sanctionnées puis qui, devant l'impossibilité de rembourser les frais
d'infraction, donc, se retrouvent
prises dans l'engrenage du système de justice criminelle puis... Donc, dans le
cas de l'Australie, par exemple, on a remarqué que c'était si important
qu'il a fallu développer des programmes qu'on appelle «expiation scheme», là, donc de remboursement d'amendes,
disons, communautaires, donc on fait faire des travaux communautaires
aux gens. Puis c'est des choses qui se produisent aussi au Québec, là. À
Montréal, on a été obligés de développer des programmes
pour faire en sorte que les gens qui sont sanctionnés pour intoxication
publique, par exemple, ne se retrouvent pas pris seulement dans les
mailles du filet criminel, de justice criminelle. Donc, c'est un peu l'idée.
M.
Fortin : O.K. J'ai une
dernière question avant de passer la parole à ma collègue de
Notre-Dame-de-Grâce. Là, si je vous fais un peu, là, la liste de
certains éléments dont on a discuté, qui sont inclus dans le projet de
loi : une augmentation des sanctions
pour la possession; rehausser l'âge légal de 18 à 21 ans; l'interdiction
de la consommation publique, ce qui
va nécessairement mener, comme vous l'avez dit un peu plus tôt, à la
consommation à l'intérieur; aucune nouvelle
somme pour la prévention, de l'information; rien de plus pour la mise en
marché; et ce que vous avez dit tantôt, ça risque de mener à plus de
consommation de produits dérivés, alors est-ce que, dans la liste que je viens
de vous donner de tout ce que le gouvernement est en train de proposer, vous
voyez une seule chose positive? Un oui ou non suffirait.
M. Poirier (Alain) : Le message sur les méfaits, qui est clairement plus fort, mais ça ne
veut pas dire que ça passe par les
moyens proposés. Mais, le message sur les méfaits, je pense que ça fait une
démonstration que tout le monde se rallie
au fait que... M. Ciccone, tout à l'heure, mentionnait que, «si c'était juste
de moi, il n'y en aurait pas», je pourrais dire la même chose sur le tabac et bien d'autres produits, mais on vit quand même dans un monde qui
n'est pas une bulle isolée. Donc, le message sur
les méfaits, il faut trouver des façons. Ça, on encourage tout le monde ici, l'Assemblée,
d'adopter une loi qui va préciser ça, qui va
donner des outils et des leviers à toutes
sortes d'endroits. Est-ce que c'est par les moyens qui sont là? On en a
suffisamment mentionné pour dire qu'il faudrait penser à autre chose.
M.
Fortin :
Merci.
Mme
Weil : Oui. Bonjour. Alors, merci de votre présence, c'est
très, très précieux. J'ai eu l'occasion, dans une vie antérieure, de travailler
beaucoup avec la Santé publique quand j'étais présidente de la régie régionale
de Montréal, et ce qui m'a toujours
impressionnée, c'est votre approche très globale, avec une série de mesures, un
coffre à outils, si on veut, mais qui
évolue avec le temps, basé sur la recherche. Ce qui est un peu difficile avec
la situation qu'on vit, c'est qu'on
vient d'adopter une loi, on a peu de vécu globalement, même au pays, on a des
comparaisons avec d'autres, et là on revient
sur un enjeu qu'on a déjà débattu, donc c'est large. Alors donc, c'est vraiment
deux visions différentes. Tout le monde...
Je pense que mon collègue l'a déjà dit, on souhaite tous le bien-être de nos
jeunes, de nos enfants et de réduire toute vulnérabilité.
Il
y en a qui pensent que de changer l'âge ne ferait rien, de toute façon la
consommation commence très tôt. Donc, un des premiers, je pense que c'est
Portage, qui est venu — d'ailleurs, c'était frappant — leur clientèle : 12, 13, 14,
15 ans, leur programme jeunes. Ils n'ont même pas parlé des 18, 19, 20,
donc ce serait la section adulte. Donc, ça commence
là. Ils ont parlé de problèmes de santé mentale, de familles à risque, de
toutes sortes d'enjeux, on peut imaginer, qui les amènent... Ensuite, on a des experts, cet après-midi, qui ont
parlé... vraiment, c'est des psychiatres, neuropsychiatres, bon, comme notre collègue, donc, qui comprennent
les problèmes, certains avec une prédisposition à des psychoses, d'autres, etc., donc c'est très scientifique et
tout, mais qu'il y a un déclencheur, peut-être. Des fois, c'est une
prédisposition.
Donc, il y a tout ça,
et les législateurs, on doit regarder tout ça puis voir comment est-ce qu'on
protège de la meilleure façon nos jeunes. Et
ça me fait penser un peu à l'approche législative. Et, comme législateurs, on
ne légifère pas si une loi ne sera pas respectée. Il y a cette question
d'acceptabilité sociale, où la société évolue tellement, à un moment donné on se rend compte que les gens ne
respectent pas la loi. Et c'est un peu ce qui est arrivé avec le cannabis,
je pense, un tel constat, et donc ça devient très difficile pour ceux qui
doivent l'appliquer.
Alors, je vois des
parallèles avec ce que vous dites, vous avez des constats que vous faites
partout dans votre mémoire : ça ne
ferait pas de différence, c'est vraiment plus jeune que ça commence, et, déjà à
18 ans, c'est des adultes. Alors, je
ne comprends pas, et si vous pourriez me l'expliquer, le programme d'accès
graduel aux produits légaux pour les 18 à 20 ans, connaissant la
situation... Ils sont tous ensemble, 18, 19, 20 ans — on
avait le groupe représentant les universités — c'est une cohorte naturelle, ces âges-là.
Ils sont après le cégep, ils sont tous ensemble, c'est des amis, ils sont tous ensemble. D'essayer de contrôler...
Donc, c'est cette question d'inapplicabilité qu'on utilise, surtout en
législation et en droit, et j'aimerais vous entendre en termes, comment
dire, d'experts en santé publique.
Le Président (M.
Provençal)
: Vous avez à peu près
30 secondes pour répondre.
Mme Weil :
Excusez-moi. Comment vous argumentez la faisabilité de ça?
M.
Gagnon (François) : Au
niveau de la vente par la SQDC, ça nous semble assez facile de contrôler l'âge
pour vendre aux personnes. Donc, ça, c'est un premier élément de
réponse.
Le deuxième, c'est...
Bien, c'est certain qu'on ne pourra pas prévenir l'échange, ou le transfert, ou
même la vente d'une personne de 21 ans
à 20 ans. Mais ce n'est pas ça, l'objectif, c'est juste de faire en sorte que les gens qui
vont s'en procurer puissent avoir
accès à des produits dont on s'assure qu'il
y a un contenu limité en THC. Donc,
pour les gens de 18 à 20 ans qui... bien, 21 ans... disons 18, 19 et
20 ans qui iront acheter leurs produits...
Le Président (M.
Provençal)
: Je vous
remercie pour la réponse.
M. Gagnon
(François) : ...ou qui iraient acheter leurs produits... Pardon?
Le Président (M. Provençal)
: Je suis obligé de vous interrompre. Je vous remercie. Alors, nous
allons maintenant céder la parole au deuxième groupe d'opposition. M.
Gaudreault, 2 min 45 s.
• (16 h 30) •
M.
Gaudreault : Merci beaucoup. Je suis allé relire votre mémoire lors de
l'étude du projet de loi n° 157, et vous ne... à moins que je me trompe, là, je l'ai lu quand même rapidement,
puis je n'étais pas là aux audiences, peut-être que ça a été dit au moment des
échanges, là, à moins que je me trompe, vous ne parlez pas de gradation à ce
moment-là, vous n'aviez pas amené cette idée de gradation dans les
ventes, là, de produits. Donc, la question qui tue : Est-ce que cette proposition de gradation est en soi un idéal ou c'est, au fond, juste une proposition de compromis pour essayer de plaire au gouvernement, dans
le fond, qu'on laisse ça à
18 ans puis qu'on y aille avec d'autres mesures que vous proposez, par
ailleurs, sur la prévention, etc.?
Mme
Chapados (Maude) : En fait,
c'est... Effectivement, vous avez raison. Notre position initiale il y a
un an, c'était le 18 ans, mais on avait également... vous pouvez
retrouver une recommandation à l'effet de la limitation de concentration en THC
avec un minimum de CBD.
M. Gaudreault : La 15.
Mme Chapados (Maude) : Exactement. Le législateur s'est pourvu d'un pouvoir réglementaire en la
matière, mais, jusqu'à maintenant,
il n'a pas été utilisé, si bien qu'on se retrouve avec des produits à forte
concentration en THC, 30 %, et des quantités négligeables de CBD, qui
ont aussi... nos collègues avant ont dit : Il y a un effet modulateur.
Donc, à partir de là, notre proposition évolue au fil de l'offre qui est
fournie par la SQDC.
M.
Gaudreault : Et votre proposition suivante, de l'année passée, votre recommandation suivante sur le
n° 157, c'était
de créer un comité de vigilance qui ferait un suivi scientifique sur, justement,
la pertinence des limites. Est-ce qu'au fond on ne serait pas mieux de laisser
ça à 18 ans et de confier au comité de vigilance votre proposition de gradation, dans un premier temps, là? Est-ce que ça ne serait
pas plus raisonnable?
Mme Chapados
(Maude) : L'actuelle recommandation?
M.
Gaudreault : Oui.
Mme Chapados
(Maude) : Bien, en fait, on laissera au gouvernement le choix de se
positionner.
M.
Gaudreault : Mais, je veux
dire, le comité de vigilance qui ferait l'évaluation des connaissances
scientifiques pour voir la pertinence d'une limitation ou une gradation,
vous êtes favorables à ça, d'avoir ce genre de comité?
Mme
Chapados (Maude) : D'avoir
un comité de vigilance, très certainement. Pour ce qui est des limitations, tu sais,
l'année passée, notre recommandation était dans... au niveau de la
concentration de THC, c'est 10 % à 15 %. En Uruguay, le seul pays qui a légiféré une limitation de concentration,
c'est 3 % de CBD et 9 %. Les produits, ça se situe dans cette
fourchette-là.
Donc,
à partir de là, les recommandations d'experts se trouvent dans cette limite-là.
Ce qui est l'enjeu principal, c'est la concentration en CBD, et là c'est pour
ça qu'on pense qu'il y aurait intérêt de réunir toutes les expertises...
Le Président (M.
Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, nous
allons conclure nos échanges avec le député de Jean-Lesage, en lui rappelant...
lui aussi, 2 min 45 s.
M. Zanetti :
Merci beaucoup. Merci de votre présence, c'est très éclairant.
Je
vais vous poser une question à laquelle vous avez répondu partiellement, mais
juste pour l'avoir tout d'un bout, là. Est-ce qu'il y a des études, à
votre connaissance, qui démontrent que l'interdiction du cannabis pour les
18-21 ans diminue leur consommation?
M. Gagnon (François) :
Bien, je pensais avoir répondu un peu clairement tantôt, là, mais les
changements législatifs en eux-mêmes
démontrent tout le temps un résultat assez aléatoire quand on les regarde dans
l'ensemble. Donc, on peut regarder
une étude puis trouver que ça augmente dans un cas, dans l'autre cas, ça
descend. Je veux dire, nous, on
regarde l'ensemble des choses, puis, quand on essaie d'isoler la variable, les
changements législatifs, ça ne démontre pas l'effet qu'on souhaite avoir
dans ce cas-là.
M.
Zanetti : O.K., parfait. Et, concernant les lieux où il est permis de
consommer, où il sera permis de consommer, c'est quoi, le... Quelles sont les principales conséquences négatives
pour les 18-21 ans des législations qui sont proposées par le gouvernement,
c'est-à-dire d'interdire dans les lieux publics extérieurs de fumer?
M. Poirier (Alain) : Bien, les interdictions ne sont pas spécifiquement pour les
18-21 ans, sont pour la population. Donc, le problème, c'est... il y a quelques problèmes, mais le fait
qu'on ne peut pas fumer à l'intérieur pour des questions de logement, de bail pour ceux qui sont surtout en
logement, les locataires qui sont moins favorisés, qui n'ont pas cette possibilité-là. Si on ne peut pas aller sur la
place publique pour consommer, on est restreint dans un endroit où il y a aussi
des interdits. Ça fait que, finalement, il y a un cul-de-sac. Il y a un
cul-de-sac pour des gens, pas seulement pour les 18-21 ans, c'est pour
toute la population aussi, la législation.
L'autre
enjeu, c'est la loi décentralisée. À partir du moment où on laisse... on aura
une ville après pour nous en parler, mais, quand on laisse la
décentralisation, on observe ce qu'on a vu en 1986 avec la première loi sur le
tabac, la loi de M. Clifford Lincoln, qui
laissait aux villes cette possibilité-là et qui a créé suffisamment de difficultés
que les villes, quelques années
après, ont été les premières à dire : Bien, il faudrait uniformiser la
façon de traiter, sinon, que ça soit pour l'application policière, pour
toute une série d'autres raisons, on ne saura pas vraiment se démêler et sur quelle base... Je dis n'importe quoi, à Drummondville, c'est comme ça puis, à Saint-Hyacinthe, c'est autrement. Et ça, ça va quand c'est des villes éloignées, mais,
quand on est à Longueuil, Saint-Lambert et Saint-Hubert, où est-ce qu'elle
est, la frontière exactement, des villes? Moi qui habite là, je ne le sais même
pas.
Bref, il y a beaucoup
de difficultés dans la décentralisation. Il y a des avantages pour toute une
série d'autres raisons de décentraliser des
pouvoirs, au Québec, mais, dans une législation qui doit avoir un renforcement,
notamment par la Sûreté du Québec, ça pose beaucoup de difficultés.
M. Zanetti :
Je vous remercie. Ça va être tout pour moi.
Le
Président (M. Provençal)
: J'étais pour mettre fin
aux échanges. Alors, je remercie les membres de l'Institut national de
santé publique du Québec pour leur contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques instants afin
de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 h 36)
(Reprise à 16 h 39)
Le Président (M. Provençal)
: Je souhaite maintenant...
Des voix : ...
Le
Président (M. Provençal)
: S'il vous plaît, dans la
salle! Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la ville de
Gatineau. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, puis nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous
présenter puis à commencer votre exposé. À vous.
Ville de Gatineau
M.
Pedneaud-Jobin(Maxime) : Bonjour à tous. D'abord, merci
beaucoup de nous donner l'occasion de présenter notre position. C'est un projet
de loi qui touche directement les villes dans leur capacité d'influencer la
santé de leurs concitoyens.
Je m'appelle
Maxime Pedneaud-Jobin, je suis maire de Gatineau, et je suis accompagné de Mme Renée Amyot,
conseillère municipale, membre de mon
exécutif. Et, après une longue carrière dans le réseau de la santé et des
services sociaux, notamment comme
gestionnaire de santé publique, Mme Amyot a décidé de s'investir en politique
municipale parce que les villes ont
une influence directe sur la santé des citoyens. De plus, à titre de présidente
de la Commission Gatineau ville en
santé, elle est porteuse d'une longue tradition de leadership en matière de
santé de la part de Gatineau et même
de l'ancienne ville de Hull. On a été au coeur de la bataille québécoise pour
interdire la cigarette dans les bars et
les restaurants. Nous investissons massivement dans les saines habitudes de
vie, notamment dans les transports actifs. Notre politique de développement social fait école, tout comme notre
mécanisme de participation des jeunes à notre vie politique.
• (16 h 40) •
Donc, c'est
fort de cette tradition-là que Mme Amyot a mené un exercice de réflexion sur le
terrain, extrêmement rigoureux, pour en arriver à la position que nous
défendons devant vous aujourd'hui.
Nous avons mené notre démarche avec l'aide
d'experts et d'acteurs du milieu en santé publique, avec des universitaires, avec des organismes communautaires
qui travaillent notamment en toxicomanie, avec les commissions
scolaires, avec des maisons de jeunes, et évidemment avec tous les services
municipaux concernés.
Pour nous
permettre d'atteindre notre objectif commun, c'est-à-dire protéger la
population, nous vous proposons de
maintenir, si telle est votre volonté, l'interdiction sur le territoire
québécois, mais de permettre, au nom du respect de nos réalités locales,
ce que nous appelons un droit de retrait aux villes. C'est un droit qui
permettrait aux villes qui le désirent de
permettre la consommation dans certains lieux ou voies publiques en fonction de
la réalité qu'on vit chez nous.
Aujourd'hui,
tous les partis reconnaissent que, comme villes, nous connaissons notre réalité
mieux que personne et que le
mur-à-mur n'est pas une approche adéquate. Quand les villes revendiquent l'autonomie,
ce n'est pas l'autonomie pour l'autonomie, c'est l'autonomie pour être
capable d'adapter l'action de l'État à la réalité sur le terrain.
Nous savons
que certains de nos quartiers sont essentiellement constitués de locataires
qui, pour consommer un produit légal,
devront faire un geste illégal. Nous savons que notre réalité frontalière à
Gatineau pourrait exiger chez nous des ajustements qui ne seraient pas
nécessaires ailleurs au Québec. Nous savons que nos policiers ont des priorités
beaucoup plus urgentes que d'encadrer
l'utilisation du cannabis sur la voie publique. Et nos partenaires savent que
nos ressources doivent être d'abord consacrées à la sensibilisation et à
la responsabilisation.
La moitié des grandes villes du Québec ont
permis, en tout ou en partie, la consommation dans les espaces publics. Un
droit de retrait nous permettrait de continuer à adopter des règlements qui
correspondent à notre réalité.
Je laisserais maintenant la parole à Mme Amyot,
qui va vous en dire davantage.
Mme Amyot
(Renée) : Alors, merci, M. le Président, M. le maire. Comme M.
Pedneaud-Jobin vous l'a mentionné, notre démarche s'est étalée sur plusieurs
mois. Nous avons consulté la communauté et mis en place un comité aviseur qui nous a guidés dans notre réflexion. Le
respect de l'esprit de la loi fédérale, dont le principal objectif est de
réduire les conséquences indésirables liées
à la consommation, a été au coeur de notre décision. L'approche de réduction
des méfaits vise une consommation responsable d'un produit contrôlé. La
prohibition a démontré son inefficacité à enrayer la consommation et le marché
noir associé.
Pour
nous, l'encadrement de la légalisation sur le territoire devait prioritairement
tenir en compte les clientèles les plus
vulnérables et l'équité sociale. C'est pour atteindre cet objectif que nous
avons choisi d'appliquer la loi actuelle sans restriction supplémentaire. Nous avons estimé qu'interdire la
consommation du cannabis fumé partout sur le territoire risque
d'engendrer des conséquences indésirables. De fait, interdire la consommation
de cannabis fumé dans l'espace public envoie le message aux gens de fumer du
cannabis à l'intérieur de leurs domiciles, le projet de loi n° 2, en ce
sens, les y contraint, où cela est
contraire au message de santé publique. Conséquemment, les proches des
consommateurs de cannabis fumé,
notamment les personnes vulnérables, les enfants, les femmes enceintes, les
personnes âgées, les personnes atteintes de maladies chroniques,
risquent davantage et inutilement d'être exposées à la fumée secondaire.
Dans le dossier du
tabac, depuis des années, la Santé publique exhorte les fumeurs récalcitrants à
s'exécuter à l'extérieur et d'éviter de fumer à l'intérieur. Ce sont donc deux
messages qui seraient clairement incohérents.
Gatineau
dénombre environ 80 000 locataires adultes, dont plusieurs jeunes
adultes. Généralement, ce sont des gens moins fortunés. Certains
quartiers ont des proportions qui avoisinent 70 % de locataires. Alors,
selon un sondage que nous avons effectué
dans le cadre de nos travaux, 37 % d'entre eux sont des consommateurs qui
consomment le cannabis fumé de façon régulière ou occasionnelle. Pour la
population en général, nous avons un 21 % de taux de consommation. Donc, on peut constater qu'il y a plus
de locataires que de propriétaires qui consomment le cannabis, du moins à
Gatineau.
Un sondage effectué
par la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec nous a appris que
86 % des propriétaires avaient
l'intention d'interdire la consommation sur leurs propriétés, tant à
l'intérieur qu'à l'extérieur, ce qui inclut
évidemment les balcons, et pour des raisons de nuisance. Dans un contexte où il serait interdit de fumer du
cannabis dans les lieux
publics et interdit de fumer dans son logement et sur son balcon, le locataire
se trouve devant un choix cornélien : respecter la loi et fumer à
l'intérieur en défiant l'interdit du bail ou s'exposer à des sanctions en
fumant à l'extérieur, en respect du bail,
mais en n'exposant pas sa famille et ses colocataires à la fumée secondaire
pour un produit légal.
La
SQDC rend disponible du cannabis ingéré. Toutefois, ces produits sont
inaccessibles pour les clientèles les plus
vulnérables. En effet, ils sont trois à quatre fois plus onéreux que le
cannabis séché. De notre point de vue, l'interdiction de consommer du cannabis fumé dans les lieux
publics favorise le ciblage de groupes sociaux particuliers : les jeunes
adultes, les locataires, les sans-abri et les plus démunis de notre
société, Mais nous cernons un autre enjeu, le projet de loi entraînera des interventions policières auprès des
consommateurs qui fument un produit légal, ce qui pourrait empêcher
certains policiers de répondre aux autres types d'appels qui pourraient être
plus urgents. Plutôt que de laisser les villes décider ce qui convient le mieux
à leur réalité, le gouvernement ajoute des priorités aux interventions de nos
policiers en légiférant sur cet aspect.
Nous sommes tout à fait
d'accord avec la volonté du gouvernement de lutter contre la banalisation du cannabis, nous avons exactement les mêmes
préoccupations. La ville de Gatineau s'est d'ailleurs engagée à collaborer
avec ses partenaires de la Commission
Gatineau ville en santé dans des activités de sensibilisation et d'information.
Selon nous, interdire la consommation
fumée partout dans l'espace public ne limitera ni ne réduira le taux de
consommation, en particulier chez les jeunes. Malgré la prohibition, je
vous le rappelle, 21 % des Gatinois se sont identifiés comme consommateurs
de cannabis, et ceci est un taux non négligeable.
Pour concilier nos
deux positions, nous proposons d'inclure un droit de retrait pour les
municipalités, pour l'application de la loi,
mais seulement pour les voies publiques. Cela permet de préserver l'intégrité
du projet de loi qui interdit, par
défaut, partout la consommation dans l'espace public, mais tiendrait compte de
l'autonomie municipale et donnerait un espace réglementaire aux villes
pour moduler l'application de la loi selon leur réalité propre.
Je
me permets quelques propos quant au rehaussement de l'âge légal à 21 ans,
bien que cette décision relève du gouvernement du Québec, parce que nous
avons certaines préoccupations, comme ville, à cet égard.
Le Président (M.
Provençal)
: Il va vous rester une minute
pour conclure, madame.
Mme
Amyot (Renée) : Dans un
monde idéal, on ne consommerait pas de cannabis jusqu'à l'âge de 25 ans,
mais, dans les faits, 42 % des jeunes adultes en consomment. Le but
de légaliser le cannabis n'est pas de banaliser et inciter les jeunes adultes à consommer, mais d'éviter
qu'ils soient en contact avec le marché noir, qui leur offre des produits à la
composition incertaine. Les contraintes de s'approvisionner sur le marché
illégal ne protègent pas leur santé, bien au contraire.
Encourager ces jeunes adultes à faire des choix responsables plutôt qu'à tenter
de faire des choix à leur place représente,
pour nous, l'avenue la plus intéressante. Miser sur des campagnes de
sensibilisation et d'éducation ciblant des
groupes d'âge spécifiques ainsi que soutenir des programmes visant à améliorer
les compétences sociales pour les plus jeunes sont des voies, à notre
avis, beaucoup plus prometteuses.
Selon nous, les
dispositions contenues dans le projet de loi vont favoriser essentiellement la
judiciarisation de ces jeunes, et, ces
jeunes, on les estime à environ 4 141 à Gatineau. Et, pour Gatineau, comme
le maire l'expliquait, les jeunes de 19 et 20 ans n'auraient qu'à
traverser une rivière pour s'approvisionner...
Le Président (M.
Provençal)
: Je vous
remercie pour votre exposé. Je vais maintenant céder la parole à M. le
ministre. Excusez, monsieur...
M. Fortin : Non, ça va, mais, par habitude... parce que je vois, M. le Président, que, du côté du gouvernement,
il n'y a que des nouveaux élus, et ce n'est pas un reproche, mais ça arrive
souvent en commission parlementaire qu'on peut laisser des groupes finir sur
le temps initial du gouvernement, si le gouvernement le permet.
Le Président (M.
Provençal)
: J'en prends bonne note.
Merci.
M. Fortin :
Merci.
Le Président (M.
Provençal)
: M. le ministre,
16 min 30 s.
• (16 h 50) •
M.
Carmant : D'accord.
Merci beaucoup de votre exposé. J'entends les doléances de la municipalité.
Nous, ce qu'on avait inséré dans le projet de loi, en fait, c'est
d'interdire la forme fumée dans les espaces publics justement en sachant qu'il
y a d'autres façons de consommer le cannabis et que ceci pourrait être utilisé
dans les espaces publics. Pourquoi ceci ne pourrait pas s'appliquer dans une
région comme Gatineau, par exemple?
Mme Amyot
(Renée) : Comme je
l'expliquais dans mon exposé, les produits du cannabis qui ne sont pas séchés,
donc pour être consommés de façon fumée,
on peut penser ici aux vaporisateurs, à l'huile et à toutes ces autres formes
de produits, sont beaucoup plus onéreux que les produits sous forme séchée. Et,
selon un rapide coup d'oeil sur le site Web
de la Société québécoise du cannabis, on a pu constater que ces coûts étaient
prohibitifs pour une grande partie des consommateurs de cannabis. Donc, pour eux, cette mesure-là ne
serait pas accessible pour eux. Donc, ça ne conviendrait pas pour cette
tranche de la population, qui ne pourrait pas se procurer ces produits-là.
M. Carmant : Mais certains individus
utilisent la forme séchée pour la consommer de façon autre, dans des recettes
ou...
Mme Amyot
(Renée) : Oui, vous avez
raison, mais il y a quand
même une grande partie des consommateurs qui préfèrent le consommer de façon fumée actuellement. Toutefois, ceci dit, quand on regarde l'expérience des États
américains qui ont légalisé le cannabis depuis déjà quelques années, on a
remarqué effectivement une migration de la consommation vers des produits autres que fumés. Mais, je le
répète, ces produits-là sont beaucoup plus chers que les produits sous forme
séchée.
M. Carmant : Je passerais la parole
au député, à mon collègue de Chapleau.
M. Lévesque (Chapleau) : M. le
maire, Mme la conseillère, merci beaucoup de votre témoignage. Donc, la loi n° 157, dans
le fond, créait d'importantes contradictions, la loi précédente,
là, sur tout le territoire québécois. Donc, toutes les municipalités du
Québec avaient le fardeau d'interdire ou non la consommation dans les lieux
publics, sans cohérence réelle avec, à l'occasion, certaines villes voisines.
Le
gouvernement, avec son projet de loi n° 2, a décidé évidemment de rectifier
le tir et de s'assurer que le même règlement
s'appliquerait partout au Québec. D'ailleurs, le groupe précédent, là, INSPQ,
nous disait que l'uniformisation était
quand même bénéfique pour le territoire, là, du Québec. Par exemple, disons
qu'une ville réglemente d'une certaine façon
et que la ville voisine réglemente d'une autre façon, pensez-vous qu'il n'y ait
aucun problème à avoir différentes réglementations
entre deux villes voisines? Ne craignez-vous pas qu'il y ait un risque de
contradiction, un peu de confusion dans la population, sur le territoire
québécois?
M.
Pedneaud-Jobin (Maxime) : La réponse courte, c'est non. C'est-à-dire,
vous parlez de fardeau, nous, on accueille ce fardeau-là parce qu'on a des réalités différentes dans chacune des villes.
On a des secteurs où on a jusqu'à 90 % de locataires. Il y a des
villes qui ne l'ont pas du tout. Il y a des villages pour qui ce n'est pas un
enjeu du tout. Et on est habitués, dans le monde municipal, à avoir des
réglementations qui ne se ressemblent pas, dans toutes sortes de domaines, là : les pratiques de stationnement
en cas de déneigement — pour être dans l'actualité — même nos règles de vie démocratique,
notre taux de taxation, le niveau de services qu'on offre. Les gens qui
s'installent chez nous, qui viennent chez nous vont se renseigner.
Et, pour moi,
si ça amène certains désagréments, c'est moins important que ce devant quoi on
se trouve, qui est l'incapacité de s'adapter à une réalité locale
particulière. Pour moi, ça, c'est précieux. On connaît notre terrain, on a rencontré l'ensemble des intervenants, on sait
qu'on a des situations qui ne sont pas les mêmes que dans d'autres villes.
Et, pour nous, ça, c'est plus précieux, la
capacité de nous adapter en fonction des changements des comportements des
gens.
Le Président (M. Provençal)
: Ça va? Alors, je vais céder la parole à l'opposition...
M. Lévesque (Chapleau) : ...M. le
Président, je vous avoue que...
Le Président (M. Provençal)
: Excusez.
M.
Lévesque (Chapleau) :
Excusez-moi, oups! Une autre petite question, là. En ce moment, avec la loi n° 157 qui a été adoptée par l'ancien gouvernement,
il y a de nombreuses dispositions législatives et réglementaires qui sont
différentes que celles de la loi ontarienne, par exemple la limite de
possession à domicile, qui est de 150 grammes au Québec puis qui est inexistante en Ontario. Est-ce que vous croyez que
la réglementation devrait être harmonisée avec celle de l'Ontario sur toute la ligne? Par exemple, est-ce que vous
seriez également en faveur que la limite soit inexistante au Québec?
M.
Pedneaud-Jobin (Maxime) : Bien, ça, du point de vue de Gatineau, c'est
un des grands enjeux. On a vécu les
enjeux de l'alcool dans les années 90, où on avait une réglementation
différente. On se retrouvait avec des centaines et des centaines
d'Ontariens, la fin de semaine, qui venaient chez nous pour toutes sortes de
raisons festives qui amenaient à des débordements, dont
on se passe bien depuis ce temps-là. Là, ça pourrait être l'inverse, parce que
ce serait 21 ans de notre côté, 19 de l'autre côté. Dans les lieux
publics, c'est permis de l'autre côté, pas chez nous. C'est là où nous, avec nos partenaires d'Ottawa, on aimerait ça être
capables d'avoir une réglementation qui s'harmonise en fonction de ce
qu'on verra sur le terrain.
En toute
honnêteté, quand nous, on parle à nos partenaires des deux côtés de la rivière,
on a de la difficulté à faire de la
prospective puis savoir ce qu'il va se passer. D'abord, jusqu'à tout récemment,
les règles des deux côtés n'étaient pas
définitives, donc on ne peut pas prédire les comportements des gens. Mais, si
on se fie à ce qui s'est passé dans le passé, la frontière va avoir un
impact. Et on se trouve devant un projet de loi qui ne nous donne aucune espèce
de marge de manoeuvre, donc on va être obligés de revenir ici pour
changer la loi québécoise s'il y
a un enjeu particulier qui se produit à Gatineau, puis ça, pour nous, ce
n'est pas... On a déjà joué dans ce film-là puis on aimerait mieux avoir
une capacité nous-mêmes d'agir rapidement.
Mme Amyot (Renée) : Si je peux
me permettre d'ajouter, en Ontario, effectivement, ce sera 19 ans pour le
cannabis, mais c'est 19 ans pour l'alcool aussi. Il y a une cohérence au
niveau de la loi, là, en ce qui concerne ces deux
substances-là. Et déjà, comme le disait M. le maire, les jeunes sont
habitués de traverser d'un côté à l'autre de la rivière des Outaouais, ce qui fait que nos jeunes de 19 et 20 ans
pourraient fort facilement traverser la rivière pour se procurer et
consommer du cannabis, qu'ils se procureraient dans les magasins privés, là, parce
que ça va être un système différent du côté
de l'Ontario, donc pour se procurer du cannabis sécuritaire et
contrôlé, et le consommer en Ontario, et revenir
au Québec, et avoir une législation complètement différente, où il y a
une règle différente pour l'alcool et le cannabis.
Le Président (M. Provençal)
: Est-ce que, là, je dois conclure que
c'est terminé? Alors, député de Pontiac.
M. Fortin : ...je trouve
ça particulier, là. En cinq ans de commission
parlementaire, je n'ai pas vu ça souvent,
des groupes qui font cinq heures de
route dans une tempête pour avoir six minutes de question de la part du gouvernement. Alors, si c'est possible, M. le Président, est-ce qu'on peut prendre le temps puis le donner au PQ et à
QS, qui, en toute honnêteté, ont très peu de temps dans cette commission
parlementaire là? Est-ce qu'on peut prendre le temps du gouvernement pour leur
donner, s'ils n'ont plus de question? Bien, une fois qu'il l'abdique, M. le
Président...
Le Président (M. Provençal)
: Habituellement...
M. Fortin : Habituellement, oui...
Le Président (M. Provençal)
: ...
M. Fortin :
Bien, consentement, ce n'est pas vous...
Le Président (M. Provençal)
: Pour redistribuer le temps...
M. Fortin :
Le 10 minutes qu'il reste.
Le
Président (M. Provençal)
: ...ce qui voudrait... on
donnerait quelques minutes de plus à Québec
solidaire et quelques minutes
de plus au Parti québécois. Consentement.
M. Fortin : Merci. Merci,
M. le Président. Ça va? Très bien.
Merci, merci d'être avec nous. Je sais que ce n'est pas une journée
facile, Gatineau, des fois, le trajet est long, mais, de le faire aujourd'hui,
je vous trouve très braves, M. le maire, Mme la conseillère, alors merci d'être
avec nous.
Là, je vais
très rapidement, O.K.? Avant le 17 octobre 2018, donc avant
la légalisation, là, il y avait des jeunes de 18, 19, 20 ans, à Gatineau, qui fumaient du cannabis. Je ne me
trompe pas? Après le 17 octobre 2018, aujourd'hui disons, il
y a des jeunes, à Gatineau, de 18, 19, 20 ans qui fument du cannabis,
j'imagine. Merci d'acquiescer. Après que le gouvernement, si tout va selon leur désir, adopte le projet de loi, il va continuer d'y avoir des jeunes de 18, 19, 20 ans qui fument du cannabis à Gatineau et qui le font
dans l'espace public aussi. À un de ces moments-là, est-ce que
vous avez vu le... Disons, depuis le
17 octobre 2018, est-ce que vous avez vu le scénario apocalyptique qui était
prévu par certains partis politiques, entre
autres la Coalition avenir Québec, lors de l'étude du projet de loi n° 157, entre autres, peut-être, les partis
de l'opposition à Ottawa, lorsque la légalisation a été débattue? Est-ce que ce
scénario apocalyptique là de plaintes de la
part de citoyens, d'enjeux liés à la santé publique parce qu'il y a de la consommation excessive en lieux publics... Est-ce que vous avez vu ça, comme ville, sur votre territoire
ou est-ce que ça ressemble pas mal exactement à ce que c'était avant?
Mme Amyot
(Renée) : Merci pour votre question.
La Commission Gatineau ville en santé, que je préside, s'est intéressée
particulièrement à cet aspect-là. Et, dans les faits, quand nous avons accouché
de notre recommandation à déposer au conseil
municipal pour adoption, nous avons été prudents dans notre approche. Nous
avons choisi, en adoptant la position d'appliquer 157 sans restriction
supplémentaire, de suivre la situation sur une période d'un an avec l'ensemble des partenaires qui siègent à la
commission. Donc, à la commission, je vous le rappelle, nous avons des gens
de la santé publique, nous avons le milieu
scolaire, donc primaire, secondaire, éducation aux adultes, nous avons le cégep, nous avons l'université, nous avons l'OMH, en tout
cas, un ensemble de partenaires sur le territoire de la ville, et chacun de ces partenaires, pour la période d'un an
qui suit le 17 octobre dernier, nous suivons différemment indicateurs
pour être en mesure, au bout de la période d'un an, de faire un bilan de cette
première année d'application de la loi.
Ce que je
peux dire, c'est que, pour les
indicateurs que la ville suit, donc, nous suivons des indicateurs en lien avec
les nuisances au 311. Donc, des gens qui appellent parce qu'ils sont incommodés
parce qu'il y a quelque chose qui se passe
dans leur environnement qui ne leur convient pas. Nous suivons également
des indicateurs dont la police s'est dotée.
La police regarde au niveau des arrestations, a effectué des barrages policiers,
arrêté des milliers de véhicules. Et actuellement ce que je peux dire, c'est qu'en date du
31 janvier il n'y a eu aucun appel, au 3-1-1, de nuisance par rapport
au cannabis. Nous n'avons eu...
• (17 heures) •
M. Fortin :
Zéro. Zéro.
Mme Amyot
(Renée) : Non. Nous avons eu
trois appels, et les gens s'intéressaient à savoir où se situait la Société québécoise du cannabis à Gatineau.
M. Fortin : À
Mirabel.
Mme Amyot
(Renée) : Mais nous n'avons
pas encore notre succursale à Gatineau. Mais c'est les trois appels que nous avons eus. Nous n'avons eu aucune arrestation
policière liée à des méfaits en lien avec le règlement paix et ordre, donc sur
la voie publique, des attroupements, gire sur le trottoir, bon, etc. Et nous
n'avons eu aucune arrestation liée aux facultés
affaiblies en lien avec le cannabis sur le territoire depuis le 17 octobre
dernier. Donc, non, nous ne pouvons pas constater de différence majeure
entre l'avant 17 octobre et l'après 17 octobre.
M. Fortin :
Très bien. Si là, aujourd'hui, là... Aujourd'hui, il n'y a pas de restriction
pour la possession pour les 18, 19,
20 ans sur le territoire de la ville de Gatineau. Le gouvernement propose de changer ça, de mettre une restriction sur la possession pour les gens de 18, 19,
20 ans sur le territoire de votre ville. Le gouvernement propose aussi
d'interdire la consommation sur les lieux publics, ce qui n'est pas le
cas à la ville de Gatineau en ce moment. Nécessairement, il va y avoir un
impact pour vous par rapport à vos ressources policières. Est-ce que le gouvernement
vous a offert une compensation quelconque pour cet ajout de ressources qui va
inévitablement être nécessaire sur votre territoire?
M.
Pedneaud-Jobin (Maxime) : Non, il n'y a pas de... Selon nous, il n'y a
pas de ressource, au moment où on se parle,
qui est consacrée particulièrement à ça. Les discussions, si je ne m'abuse,
continuent pour voir quelle portion va venir
dans le monde municipal. Ça fait que c'est non maintenant, mais je ne sais pas
si... j'espère que ce n'est pas non à l'avenir, parce que, pour nous, c'est un
enjeu important, là.
Tu sais, moi,
je reconnais la volonté du gouvernement puis la nécessité de ne pas banaliser
ce produit-là. Tu sais, cette volonté du gouvernement là, elle est bonne. Moi,
je pense qu'il y a une belle lecture de ce qui est important, je dirais même une belle lecture de... une réponse
à ce que la population... ce à quoi la population s'attend de nous. Il ne
faut pas banaliser ce produit-là. Donc, il va falloir avoir des actions, qui
vont coûter de l'argent. On espère... Il va falloir qu'on soit compensés. Puis
en même temps, quand on regarde les priorités de nos forces policières sur le terrain, chez nous, maintenant, moi, je... Tu
sais, eux appliquent la loi, puis on va respecter la loi, mais on a... puis je
ne ferai pas de liste pour ne pas dramatiser, là, mais disons qu'il y a
beaucoup d'autres dossiers beaucoup plus importants, en termes d'engagement policier, là, sur notre
territoire, que d'encadrer la consommation publique ou non du cannabis, là.
M.
Fortin : Très bien. Et ça,
j'imagine que c'est... Votre chef des services policiers aurait la même
position que vous, j'imagine. Vous l'avez consulté là-dessus?
M.
Pedneaud-Jobin (Maxime) : ...et là où nous, on a un contrôle, comme
politiciens, c'est qu'ils viennent nous demander de l'argent, tu sais. Ils
appliquent la loi, puis on ne peut pas leur dire comment travailler, mais,
s'ils veulent des ressources pour ça, disons que j'ai quelques idées en
tête d'autres enjeux qui sont plus fondamentaux.
M.
Fortin : Je suis pas mal
d'accord avec vous, M. le maire. Point de vue autonomie municipale, M. le maire,
vous êtes un des leaders de l'Union des
municipalités du Québec, vous ne vous en cachez pas. Vous le faites fièrement,
avec raison. Et vous avez toujours demandé un certain niveau d'autonomie
municipale, entre autres sur cet enjeu-là. L'Union des municipalités et la
ville, si je me souviens bien, avaient fait des représentations en ce sens-là.
Donc, vous
avez une proposition de droit de retrait aujourd'hui, là, mais je comprends que
c'est un compromis qui n'était pas
non plus dans votre position initiale lors de l'étude du dernier projet de loi.
Donc, vous le faites un peu pour tenter de trouver un terrain d'entente
avec le gouvernement. Je comprends ça. Mais, dans votre vision, est-ce que ce que le gouvernement propose aujourd'hui,
sans égard au droit de retrait, là... Ce qui est dans le projet de loi, ce
n'est pas un droit de retrait pour les
municipalités, c'est simplement qu'il y a interdiction partout. Est-ce que,
d'après vous, c'est une érosion de l'autonomie municipale au Québec?
M.
Pedneaud-Jobin (Maxime) : Bien, c'est clair, c'est du mur-à-mur, puis
nous, on prétend que le mur-à-mur n'est
pas une bonne solution. Nous, ce qu'on propose, c'est, à l'évidence, un
compromis. Nous, on avait... On pense
que ce qu'on proposait, qui est de se
coller sur la Loi sur le tabac, était suffisant, de notre point de vue puis du point de vue des acteurs sur le terrain. On propose un
compromis parce que... Je vais donner un seul exemple. À partir du moment où on met le citoyen dans un contexte où il doit poser un
geste illégal pour consommer un produit légal, il y a quelque chose à
régler, là. On ne peut pas laisser le citoyen dans cette situation-là. Et nous, on est
bien placés, je crois, mieux que le gouvernement, en fait, pour trouver des solutions très, très concrètes sur le
terrain. Est-ce que telle voie publique, est-ce que telle place publique... Quels sont les endroits,
dans nos communautés, où on pourrait ouvrir à la consommation? Ça, nous, on est prêts à
prendre ce fardeau-là sur nos épaules pour trouver une solution, pour ne pas
mettre le citoyen devant ce dilemme-là. Et donc, oui, c'est
un compromis.
Nous,
on aurait... Tu sais, même les parcs, sur le tabac, là, dans les faits, là,
quand on... Fumer la cigarette près des
enfants, c'est assez compliqué avec la loi qu'on a présentement. Donc, se coller là-dessus, on n'était pas inquiets. On a entendu le gouvernement qui a une grande
fermeté dans sa volonté d'envoyer un message. Et on propose un compromis
comme celui-là qui, je crois, est raisonnable.
M. Fortin : Vous êtes habile, M. le maire. Vous n'avez pas
voulu répondre directement à ma question.
Est-ce que c'est de l'érosion de l'autonomie municipale?
M. Pedneaud-Jobin
(Maxime) : Ah bien, j'aurais pu répondre oui, brièvement, parce que
c'est clair, c'est...
M. Fortin : Merci. C'est beau. C'est tout ce que j'avais. Je
sais que ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce
a une question pour vous. Et j'imagine que votre père va apprécier
l'échange, si je me souviens bien aussi.
Mme Weil :
Très rapidement, je pense qu'il reste juste une minute. Bonjour, M. le maire,
Mme la conseillère. Un plaisir de
vous revoir. Tout simplement parler, peut-être, rapidement sur les aires, les
espaces publics que vous avez en
tête. Vous avez peut-être réfléchi à cette question-là, parce que vous parlez
de consommation ou de prohibition de facto, vous voulez éviter ça. Comment vous avez conçu, si vous avez déjà
commencé à concevoir, comment ça se ferait, ces aires, ces espaces
publics où les gens pourraient fumer?
Mme Amyot
(Renée) : Bien, pour rejoindre le gouvernement, faire un pas en avant
dans un esprit de compromis, en fait, nous
avions ciblé les parcs comme étant un endroit où on retrouve fort probablement
beaucoup plus de jeunes. Donc, on
s'est dit, comme le gouvernement souhaite éviter la banalisation auprès des
jeunes, nous avions ciblé les parcs. Et c'est la proposition que nous
mettions sur la table. Donc, notre réflexion, elle est...
M. Pedneaud-Jobin
(Maxime) : De retirer.
Mme Amyot
(Renée) : Pardon?
M. Pedneaud-Jobin
(Maxime) : De retirer les parcs.
Mme Amyot
(Renée) : Oui, de retirer les parcs, mais de le permettre sur la voie
publique, parce que, si on l'interdit partout,
pour les gens, ce que ça va vouloir dire, c'est que c'est permis partout. Parce
que les gens vont devoir se trouver un
endroit pour consommer leur cannabis fumé. Et, s'ils souhaitent être
responsables et ne pas fumer dans leurs domiciles, pour protéger leurs familles ou leurs
colocataires, ils vont se trouver un endroit à l'extérieur. Donc, en donnant un
certain encadrement, on vient dire aux gens : Bien, ici, c'est
permis, mais là ce ne l'est pas.
Mme Weil :
C'est bien. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, merci beaucoup. Je vais maintenant céder la parole au deuxième
groupe d'opposition. Mais, cette
fois-ci, vous avez 7 min 10 s pour votre période d'échange.
Donc, M. le député de Jonquière, à vous la parole.
• (17 h 10) •
M. Gaudreault :
Merci, M. le Président. Merci au député de Pontiac d'avoir fait la proposition.
Un petit peu plus de temps au moins
pour vous saluer dignement. Merci d'être venus jusqu'ici,
M. Pedneaud-Jobin, Mme Amyot également, et madame qui
accompagne les élus.
Donc, je comprends
que votre position contre le 21 ans est claire. Elle est appuyée aussi, au
fond, sur l'expérience depuis la
légalisation. Vous êtes, c'est le cas de le dire, directement sur le terrain.
Vous vivez cette réalité-là.
Moi, j'aimerais vous
amener sur un autre élément sur lequel on a discuté un peu hier avec nos
invités qui étaient ici. Parce que, dans le
projet de loi n° 2, il y a des dispositions concernant la circulation du
cannabis sur les campus versus les résidences étudiantes qui sont sur les
campus. Je sais qu'à l'Université du Québec en Outaouais il y a des résidences. Je ne suis pas sûr pour les cégeps,
là, le cégep de l'Outaouais, s'il y a des résidences comme telles. Mais, en
tout cas, d'une manière ou d'une autre, si
on prend l'exemple de l'Université du Québec en Outaouais, est-ce que vous
êtes préoccupés par cette proposition, quand
même, dans le projet de loi n° 2, qui dit qu'il va... Je veux dire, on ne
pourra pas avoir de possession sur le
campus, mais, oui, dans une résidence, à moins que ce soit pour circuler sur le
campus pour se rendre à la résidence
avec un sac de cannabis. Alors, ça
commence à être un peu un genre de labyrinthe, là. C'est assez... enfin, les gens qu'on a entendus hier, notamment
la fédération des étudiants collégiaux, nous disaient qu'ils
voyaient de la difficulté à appliquer ça. Est-ce que, de votre côté,
vous, comme municipalité, vous anticipez aussi des problèmes
avec la gestion de ce volet?
Mme Amyot (Renée) : Je dois dire que le partenaire Université du Québec en Outaouais siège à la Commission Gatineau ville en
santé, ils ne nous ont pas parlé de cet aspect-là particulier de la loi comme étant une
préoccupation qu'ils ont auprès de leurs jeunes.
Moi,
ce qui m'inquiète, là, de cet aspect-là, c'est qu'on cible particulièrement, à
l'université, des 18-21 ans qui auront
le droit d'avoir de l'alcool, qui auront le droit de prendre plein de décisions
qui concernent leur vie et leur sécurité, mais, concernant le cannabis,
ça, par contre, on leur retire ce droit-là.
En termes de gestion,
en fait, là, pour ce qui est des policiers, là, je laisserais peut-être plus M.
le maire, là, répondre à cet aspect-là. Mais
nous, pour les 18-21 ans, on a clairement fait part de nos préoccupations
dans le mémoire. Mais, pour la gestion des autorités policières, là...
M. Pedneaud-Jobin
(Maxime) : Je ne peux pas parler en leur nom, mais, si on nous demande
les ressources pour aller faire ce
genre d'intervention là, moi, je ne suis pas très, très enthousiaste, là. Puis,
je le répète, on va respecter la loi, mais
il reste que, si on a à investir des ressources, nous, comme ville, ça serait
dans la sensibilisation, dans la prévention pour que les gens connaissent c'est quoi, ce produit-là, en connaissent
les dangers, et qu'ils fassent des choix le plus éclairés possible, là.
M.
Gaudreault : O.K. Parce que, dans votre mémoire, à la page 7,
vous dites, l'utilisation de ressources policières pour contrer le fumage de cannabis en public, bon,
que c'est un enjeu parce que ces interventions risquent de causer une
réduction de la disponibilité de nos policiers pour répondre à des appels pour
des crimes.
Donc,
deux questions. Premièrement, est-ce que ça veut dire que, si effectivement la
loi est adoptée, puis là il y a un genre de système kafkaïen à essayer de
régler, qui contrôle... qu'il y a de la possession pour se rendre dans sa
résidence étudiante, mais pas juste
pour se promener sur le campus pour aller dans ses cours, en bout de ligne, ça
va se référer... ça va finir à la police, donc augmentation des services
policiers?
Et
deuxième question : Depuis le 17 octobre, est-ce que vous avez
vraiment senti, justement, une baisse de pression chez le corps policier pour la question du
cannabis, et ce qui permet d'être sur d'autres crimes plus graves, entre
guillemets, là?
M. Pedneaud-Jobin
(Maxime) : Non. En fait, on n'a rien à rapporter depuis le
17 octobre. Donc, je ne veux pas parler
à la place des services policiers, puis je ne le sais pas, si eux ont senti
cette baisse, parce que je ne serais pas à l'aise de parler à leur place. Mais on n'a
essentiellement rien à rapporter depuis le 17 octobre dans les indicateurs
qu'on suit, là, trouble de la paix
publique, etc. On n'a pas de données. En fait, pas de données dans le sens qu'on
n'en a pas cherché. Il y a une absence de chiffres. C'est zéro, là, à
peu près partout.
Puis,
pour ce qui est de l'augmentation des services policiers, c'est clair que c'est
une des choses qui nous inquiète. Est-ce qu'on se donne, par des
éléments comme ça dans le projet de loi, des responsabilités qui sont loin
d'être prioritaires?
M. Gaudreault :
Vous n'avez pas besoin de ça de plus.
M. Pedneaud-Jobin
(Maxime) : Non.
M. Gaudreault :
Oui. Il me reste encore du temps, M. le Président?
Le Président
(M. Provençal)
: À peine deux... un
peu moins de deux minutes.
M. Gaudreault :
Oui. Oui, je ne suis plus habitué, là, je retombe dans mon...
M. Pedneaud-Jobin
(Maxime) : Sur les services policiers, si vous me permettez de vous prendre
un 10 secondes...
M. Gaudreault :
Oui.
M. Pedneaud-Jobin
(Maxime) : ...une inquiétude qu'on a, puis là je l'exprime comme une
inquiétude, mais là je reviens à la frontière, si les règles sont
différentes des deux côtés, ça peut être des déplacements de citoyens pour des activités qui sont d'un côté ou de l'autre, puis
avec ce qu'on a devant nous, puis probablement de l'autre côté, mais il faut
qu'ils reviennent, ces gens-là, et ça, moi,
c'est une inquiétude de conduite avec facultés affaiblies si les événements se
font de l'autre côté de la rivière. Tu sais,
comment on gère ça? Ça, moi, ça m'inquiète parce que c'est potentiellement
des centaines et des centaines de personnes qui vont de l'autre côté, qui se
procurent ou consomment un produit euphorisant
et qui reviennent. Ça fait que ça, encore une fois, je n'ai pas de boule de
cristal, mais c'est une inquiétude qu'on a.
M. Gaudreault :
Mais de... oui?
Mme Amyot
(Renée) : J'ajouterai que l'inverse est aussi vrai. On a des Ontariens
pour qui ça va être permis sur les
lieux publics qui vont venir du côté du Québec et qui vont consommer sur les
lieux publics, mais ça ne sera pas permis.
M. Gaudreault :
Par rapport au droit de retrait, il y a un bout qui m'a échappé, là, c'est une
revendication strictement de Gatineau, ou c'est une revendication de l'UMQ au
complet, ou est-ce que Gatineau est indépendante là-dessus?
Le Président (M. Provençal)
: 30 secondes pour répondre, M. le maire.
M.
Pedneaud-Jobin (Maxime) : On
n'est pas très autonome, dans le monde
municipal, mais c'est vraiment
notre position à nous. On est à la recherche d'un compromis, et mon
petit doigt me dit que l'UMQ va être plus stricte en matière d'autonomie complète, municipale. Mais on est à la recherche
d'un compromis pour éviter des cas qui... Si on ne les règle pas
maintenant, là, il va falloir qu'on les règle éventuellement.
M.
Gaudreault : Au moment où on se parle, l'UMQ ne partage pas
l'entièreté de votre proposition sur le droit de retrait?
M. Pedneaud-Jobin (Maxime) : Non.
Le
Président (M. Provençal)
: Le temps est terminé.
Merci beaucoup. Alors, la conclusion des échanges appartient au troisième groupe de l'opposition. Alors, je
vais céder la parole au député de Jean-Lesage, en lui rappelant que, cette
fois-ci, vous avez 7 min 10 s. À vous la parole.
M. Zanetti : Merci beaucoup. Merci
pour votre témoignage. C'est vraiment très intéressant. La question des services policiers et de la tâche supplémentaire
qui va leur incomber a été soulevée, elle est très intéressante. Ce que je me
demandais, c'est : Est-ce que vous avez
une estimation ou pouvez-vous en faire une des coûts, disons, qui pourraient
être entraînés par la prochaine législation qui interdira probablement...
M. Pedneaud-Jobin (Maxime) : L'UMQ
va... La réponse courte, c'est non. On a des estimés, mais c'est des estimés qui sont produits par certaines villes, au
Québec et ailleurs au Canada, qui ont fait des projections. Nous, on n'a pas
fait ça pour Gatineau, et je le sais, que l'UMQ va aborder cette question-là.
M.
Zanetti : O.K. Donc, d'autres villes ont fait des projections. On
pourrait, nous autres, s'intéresser, voir ça puis...
M. Pedneaud-Jobin (Maxime) : C'est
du coût par 100 000 habitants, tu sais. Nous, de mémoire, c'était
entre 2 et 3 millions, en fonction du fait qu'on a
300 000 habitants. Mais je ne suis pas capable de défendre ces
chiffres-là, donc j'aimerais mieux que ce soient les gens qui les ont analysés
qui répondent.
M.
Zanetti : Parfait. On va regarder ça de près, mais disons que c'est,
pour être très conservateur, des centaines de milliers de dollars,
minimalement...
M. Pedneaud-Jobin (Maxime) : C'est
clair.
M.
Zanetti : ...pour une ville de la taille de Gatineau. Et ça veut dire
que c'est des... On parle ici de frais policiers, mais il y a aussi des procédures judiciaires,
parce qu'on parle de constats d'infraction, de gens qui vont les contester
aussi, peut-être aussi parce qu'ils
vont trouver... Les gens de Gatineau vont particulièrement être irrités de ne
pas pouvoir faire d'un côté de la
rivière ce qu'ils peuvent faire de l'autre côté de la rivière. Et on peut
penser donc qu'il va y avoir ces frais-là. Donc, ce serait intéressant... Je note à moi-même, vous nous faites
penser qu'il va falloir qu'on comptabilise ça puis qu'on vérifie quels
seront ces impacts-là, puis voir si le gouvernement va être encouragé à les
compenser.
M.
Pedneaud-Jobin (Maxime) : Et ils vont être nombreux parce que c'est
les interventions policières, c'est les mécanismes pour tester les
citoyens, qui sont très, très coûteux par rapport à ceux pour l'alcool,
notamment, c'est toute la judiciarisation.
Dans certains cas, je pense aux itinérants où on a déjà un enjeu de judiciarisation,
on va se donner un outil de plus pour
continuer à faire cette erreur-là de judiciariser des clientèles vulnérables.
Tout ça, c'est un coût pour la société aussi.
M. Zanetti : Et ce qui est
particulier de votre situation aussi, justement, c'est le fait que vous allez
être mis, par vos citoyens, en comparaison
directe avec une ville où c'est permis, où la législation est beaucoup plus
permissive, et donc ça va être particulièrement irritant pour eux.
Est-ce que vous craignez un impact négatif sur la perception qu'auront les
jeunes, surtout, des forces de l'ordre, à Gatineau, qui vont les trouver...
Parce que, bon, ils ne diront pas nécessairement : Ah!... Ils vont dire,
ceux qui appliquent la loi, c'est contre eux souvent que, disons, se manifeste
la frustration. Est-ce que vous craignez une image négative des forces de
l'ordre auprès des jeunes de Gatineau?
M.
Pedneaud-Jobin (Maxime) : En toute honnêteté, si j'irais un peu vite,
je dirais oui. Notre crainte principale, nous, c'est les mouvements sur la frontière, c'est des jeunes ou des
moins jeunes qui pourraient traverser la frontière pour profiter des avantages et des désavantages de
chacun des côtés. La perception du service de police, on a un service de
police qui est très ancré dans la communauté, qui certainement pourrait
s'adapter, mais c'est une possibilité, là.
M. Zanetti :
C'est une bonne question.
M. Pedneaud-Jobin (Maxime) : Oui,
c'est une excellente question.
M. Zanetti : Il faudrait voir. Dur à
dire. Bon, O.K. Mais une autre question aussi, c'est que vous parliez des transports d'un côté et de l'autre de la rivière.
Vous émettez des inquiétudes parce que les gens qui vont aller d'un bord
ou de l'autre pour après ça consommer du
cannabis, bien, ils vont revenir en état de... en facultés affaiblies, disons.
Et ma question, c'est : Ces
transports-là se font-ils, à votre connaissance, majoritairement en véhicule
automobile ou est-ce qu'ils se font... Comment est-ce qu'ils se font,
pour évaluer la dangerosité, là?
M.
Pedneaud-Jobin (Maxime) : C'est clairement en véhicule automobile.
Puis ça va dépendre d'où se passent les
événements. S'ils sont très concentrés au centre-ville d'Ottawa, ce n'est pas
si loin que ça. Puis, encore là, si ce n'est pas dans les heures de pointe, le transport en commun est beaucoup moins
performant en dehors des heures de pointe, donc on peut tenir pour
acquis que ça serait massivement en voiture.
Mme Amyot (Renée) : Oui. Chez les
jeunes, il pourrait aussi y avoir, là, en vélo, ce qui n'est pas mieux.
• (17 h 20) •
M. Zanetti : En vélo?
Mme Amyot
(Renée) : Oui. D'une rive à
l'autre, ce qui n'est pas mieux, là, avec les facultés affaiblies, clairement.
M.
Zanetti : Tout à fait. Je pousse un peu dans la même veine. Bon, vous... Gatineau, une ville
qui a la particularité d'être à côté d'Ottawa,
et il y a nécessairement, j'imagine, des dynamiques, là, de compétition, à
certains égards, entre les deux villes, entre autres pour attirer des
jeunes, attirer du monde en général, c'est une ville étudiante aussi, Gatineau,
et je me demande : Est-ce que vous
n'avez pas... vous ne craignez pas que ça nuise à l'image de la ville auprès
des jeunes d'appliquer une législation plus sévère chez les 18-21 ans à
l'égard du cannabis que ne va le faire la ville voisine?
M. Pedneaud-Jobin (Maxime) : On a
déjà une réputation tout à fait inverse, c'est-à-dire que...
M. Zanetti : Oui, c'est ça.
M.
Pedneaud-Jobin (Maxime) : ...la vie sociale se passe chez nous. Disons
que notre réputation, à Gatineau, comme
ville où c'est plus agréable le soir que de l'autre côté de la rivière, est
bien établie. Mais, moi, c'est la masse de gens qui m'inquiéterait plus. Tu
sais, seulement l'Université d'Ottawa, puis je ne parle pas de l'Université
Carleton, là, c'est presque
40 000 jeunes, là, qui sont là. Donc, s'il y a une dynamique qui
implique notre rive et qui fait qu'ils viennent chez nous, dans ce
cas-là je répète que c'est probablement plus l'inverse, c'est une masse de gens
qui pourraient se déplacer. Tu sais, on est
à 5 000 ou 6 000 personnes à l'Université du Québec en
Outaouais, on a deux très gros cégeps, on
est une des villes jeunes au Québec. Donc, s'il y avait une dynamique qu'eux
considèrent favorable avec l'autre rive... C'est là où moi...
Ce qu'on
demande quand on parle d'autonomie, là, ce n'est pas l'autonomie pour
l'autonomie, c'est : Peut-on s'adapter?
Si on est obligés de changer la loi québécoise pour s'adapter à des phénomènes
comme ça, ça ne fonctionne pas, là.
Il faut que la ville... Tu sais, moi, là, changer notre règlement, là, c'est
deux conseils municipaux, ça prend sept, huit semaines puis c'est réglé. Puis, s'il y a une urgence, on peut le
faire en trois, quatre semaines. Pour moi, c'est ça, notre message principal,
c'est : Donnez-nous cette capacité-là de nous adapter à des problèmes
qu'on n'est pas capables de préciser rigoureusement aujourd'hui, mais
que notre petit doigt dit qu'ils vont venir, là.
M. Zanetti : Bien, je vous remercie
énormément. Vous êtes entendus.
Le
Président (M. Provençal)
: Alors, merci beaucoup,
M. le maire, Mme la conseillère, Mme la recherchiste, pour votre
contribution à nos travaux.
La commission
ajourne ses travaux jusqu'au mardi 19 février 2019, à 10 heures,
où elle poursuivra son mandat.
(Fin de la séance à 17 h 23)