(Dix heures cinq minutes)
Le
Président (M. Merlini) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare donc la
séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je
demande à toutes les personnes dans la salle du Conseil législatif de bien
vouloir éteindre toute sonnerie de tout appareil électronique.
La commission est réunie ce matin afin de
poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 157, Loi
constituant la Société québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant
le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements ce
matin?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. En remplacement,
M. Paradis (Lévis) sera remplacé
par M. Jolin-Barrette
(Borduas).
Auditions
(suite)
Le Président (M. Merlini) : Merci
beaucoup. Ce matin, nous entendrons les groupes suivants : l'Union des
municipalités du Québec et l'Association des spécialistes en médecine
d'urgence.
Alors, je
souhaite la bienvenue à l'Union des
municipalités du Québec. Je vous
invite à vous présenter au début de votre
exposé, et ensuite vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation,
et ensuite nous aurons les échanges avec les membres de la commission.
Bienvenue à la CSSS. La parole est à vous.
Union
des municipalités du Québec (UMQ)
M. Cusson
(Alexandre) : Alors, merci beaucoup. Mme la ministre, M. le
Président, Mmes et MM. les
députés, je me présente, Alexandre Cusson,
maire de Drummondville et président de l'Union des municipalités du Québec. Et je suis accompagné aujourd'hui par
Mme Sylvie Pigeon, qui est conseillère aux politiques à l'UMQ.
Je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui et de nous entendre sur le projet de loi n° 157. Au bénéfice des gens qui nous écoutent, j'aimerais d'entrée de jeu souligner que l'Union des
municipalités du Québec représente,
depuis près de 100 ans, en fait, 98
ans aujourd'hui même, les municipalités de toutes les tailles dans toutes les régions
du Québec. Sa mission est d'exercer à
l'échelle nationale un leadership pour des gouvernements de proximité efficaces et autonomes et de
valoriser le rôle des élus municipaux. Ses membres représentent plus de
80 % de la population et du territoire du Québec.
À titre de
nouveau président de l'union, j'ai eu l'occasion de discuter avec bon nombre de
mes collègues au cours des dernières
semaines. Nous avons discuté notamment du projet de loi n° 157. Ce sujet
était également à l'ordre du jour de notre rencontre du conseil
d'administration vendredi dernier.
Comme vous l'avez certainement déjà lu ou
entendu, la législation du cannabis à usage récréatif ne fait pas l'unanimité dans le milieu municipal. En effet,
les avis sont partagés, et plusieurs élus municipaux ont des réserves,
voire même des inquiétudes. Néanmoins, le
gouvernement Trudeau a décidé d'aller de l'avant. Dans ce contexte, le projet
de loi n° 157 est nécessaire, et l'UMQ l'accueille favorablement à
plusieurs égards.
Toutefois, une question reste entière, soit
celle du partage des revenus, car, bien que les gouvernements de proximité soient concernés au premier chef par
l'application de nouvelles lois légalisant et encadrant le cannabis, ils
n'en tireront aucun revenu et auront
plusieurs nouvelles dépenses. Les gouvernements de proximité prendront leurs
responsabilités. Néanmoins, il est essentiel
qu'ils soient étroitement associés à la mise en oeuvre de la loi,
notamment pour le choix des lieux de vente,
et que les revenus de la taxe des produits du cannabis soient partagés de façon
équitable entre les trois paliers de gouvernement.
Dans son plan
d'action gouvernemental pour alléger le fardeau administratif des
municipalités, le gouvernement du Québec s'est d'ailleurs engagé à
prendre en considération, dans l'élaboration de ses lois et règlements, les
capacités des municipalités, qui peuvent
varier en fonction de leur taille ou de leurs particularités géographiques.
Dans le cas où les initiatives
gouvernementales sont susceptibles de se traduire par un accroissement
significatif des responsabilités ou des coûts des municipalités, les ministères doivent procéder à une
évaluation. Est-ce que le ministère a fait une évaluation des coûts engendrés
par le projet de loi n° 157 pour les municipalités?
De
notre côté, on estime qu'il y aura des impacts sur une dizaine de services
municipaux et conséquemment des dépenses
additionnelles. En voici quelques exemples : la formation des policiers et
l'achat des appareils pour détecter la présence
de cannabis dans l'organisme des conducteurs, les services de sécurité incendie
pour les inspections et le respect des règlements sur la prévention des
incendies dans les lieux de production de cannabis, les cours municipales pour
l'application des nouvelles sanctions qui relèveront de leurs compétences, les
différents services municipaux liés à l'aménagement
du territoire et de l'urbanisme pour l'adaptation des règlements municipaux et
pour le nouvel affichage lié à l'interdiction de fumer du cannabis, si l'affichage doit
être différent, le service des ressources humaines pour la formation des employés municipaux, les services de
communication pour la diffusion de l'information et les campagnes de
prévention auprès des citoyennes, des citoyens et des organismes partenaires.
• (10 h 10) •
Le
gouvernement du Canada a annoncé son intention d'imposer une taxe d'accise sur
les produits du cannabis de 1 $ si le prix d'un gramme de cannabis
séché est de 10 $, ou de 10 % si c'est au-delà de ce prix. Le
gouvernement du Québec imposera également sa taxe de vente sur le cannabis.
Compte tenu des dépenses qui seront engagées par les municipalités, il est légitime de demander un partage équitable des
revenus de taxation des produits du cannabis selon une formule de partage un tiers-un tiers-un tiers. Les
municipalités pourront alors assumer les nouvelles dépenses liées à la
légalisation du cannabis sans augmenter les taxes foncières.
Sur
les aspects plus spécifiques du projet de loi, l'UMQ salue le choix du
législateur de confier à une société d'État la vente du cannabis. À notre avis, cela permettra de répondre aux
objectifs de prévention et de protection de la santé des citoyennes et des citoyens. Par ailleurs, certains
éléments du projet de loi devront être clarifiés pour faciliter sa mise
en oeuvre, notamment en ce qui concerne
l'emplacement des points de vente, la culture du cannabis à des fins
personnelles et les lieux où il sera interdit ou permis de fumer du cannabis.
L'Union
des municipalités du Québec recommande notamment que les municipalités soient
consultées pour le choix des emplacements des points de vente de
cannabis. Elles pourront ainsi donner des orientations sur les zones commerciales les plus appropriées. Elles sont
d'ailleurs les mieux placées pour faire les arbitrages nécessaires,
connaissant mieux que personne leur territoire et leur communauté. Selon nous,
le projet de loi devrait donc inclure des critères socioéconomiques pour le
choix des emplacements des points de vente du cannabis afin d'éviter qu'ils
soient situés dans des quartiers défavorisés.
Puisque
les tests n'ont pas encore été approuvés par Santé Canada, il faudrait
également que le législateur précise l'application
du principe de tolérance zéro prévu pour les conducteurs. Il faut éviter les
contestations judiciaires coûteuses et inutiles
devant la cour. Il faut aussi prévoir un nombre suffisant de policiers formés
lors de l'entrée en vigueur de la loi, et ce, partout au Québec.
L'UMQ
souhaite également que les offices municipaux d'habitation aient la possibilité
d'inclure l'interdiction de fumer du cannabis dans leur règlement sur la
cigarette dans les logements.
Enfin,
l'UMQ croit opportun de créer très rapidement un comité de travail réunissant
les représentants du milieu municipal et du gouvernement du Québec pour
assurer les arrimages nécessaires pour la mise en oeuvre.
En
conclusion, l'Union des municipalités du Québec veut s'assurer que la
légalisation du cannabis et son encadrement se réalisent dans les
meilleures conditions possible. Son premier souci est la protection de la santé
et la sécurité publique des jeunes, des familles et de la population en
général.
L'UMQ
croit injustifiable de taxer au municipal pour les dépenses engendrées par la
légalisation du cannabis par le gouvernement fédéral. Comme je l'ai
mentionné précédemment, il est anormal que les deux paliers de gouvernement retirent des taxes du produit de la vente du
cannabis et qu'ils ne partagent pas avec celui qui a le devoir d'appliquer
les nouvelles règles. Ce sont les
municipalités qui veilleront à ce que ce changement sociétal se vive le plus
harmonieusement possible dans les
collectivités. Merci de votre attention. C'est avec plaisir que je répondrai
maintenant à vos questions.
Le Président
(M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le maire, pour votre
présentation au nom de l'Union des municipalités,
et j'en profite pour vous féliciter pour votre élection à la présidence de
l'UMQ, un organisme qui est fort important et un grand partenaire de
tout ce que nous faisons ici, à l'Assemblée nationale.
M. Cusson
(Alexandre) : Merci beaucoup.
Le
Président (M. Merlini) : Nous débutons donc la période d'échange.
Mme la ministre et députée de Soulanges, vous disposez d'un bloc de 16
minutes. À vous la parole et bonjour.
Mme Charlebois :
Bonjour, M. le Président. Bonjour à tous mes collègues et tous ceux qui nous
accompagnent dans cette consultation.
Bienvenue à vous, M. Cusson et Mme Pigeon. Merci d'être venus nous
faire part de vos préoccupations à
l'Union des municipalités du Québec. Et ce que je remarque, vous savez que la
FQM est venue hier, la Fédération
québécoise des municipalités, ils nous ont fait part de la même chose, c'est l'interdiction
de produire... de culture personnelle, en fait. Excusez, ce matin, on
dirait que je suis un petit peu plus lente qu'à la normale.
Alors,
par contre, on a des gens qui nous ont dit que le fait d'interdire la
production personnelle va faire en sorte qu'on va marginaliser certaines personnes. J'entends les deux points de
vue, les deux points de vue sont bons. Mais lequel, selon vous... Je sais que vous me parlez de
l'interdiction de la culture. Est-ce que vous croyez que ce serait bien
d'attendre... de mettre déjà en place tout
le restant, puis peut-être d'en arriver à la révision de la loi, dans trois
ans, à peut-être décider de laisser la production personnelle? Ou ne
croyez-vous pas qu'un plant ou deux pourrait carrément faire... on pourrait introduire
ça dans le projet de loi, là?
M. Cusson
(Alexandre) : Nous, on appuie, au fond, les dispositions prévues
actuellement dans le projet de loi,
c'est-à-dire d'interdire la production, là, à des fins personnelles. Entre
autres, là, on est préoccupés par ce qui pourrait arriver dans les
édifices qui relèvent des municipalités, les OMH, par exemple. Donc, pour nous,
en lien avec ces responsabilités-là qu'on assume, on appuie et on salue, là,
cette initiative du gouvernement du Québec.
Mme Charlebois : Est-ce que vous croyez que le fait de mettre zéro
plant va faciliter l'application plus que de mettre d'autres plants en
culture personnelle?
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, je vous
dirais que oui, hein? Je pense qu'à zéro c'est simple, c'est facile, là.
On n'a pas à regarder longtemps.
Zéro, c'est zéro. Donc, on est d'accord avec ça et on pense qu'on ne devrait
pas, maintenant, commencer à se demander ce qu'on va faire plus tard.
Vivons-le comme ça puis on réévaluera, si nécessaire.
Mme Charlebois : Les policiers, hier, nous, ont dit qu'ils ne
pouvaient pas se rendre à une adresse civique sans avoir eu le dépôt d'une plainte formelle. Est-ce
que... Je ne sais pas comment le formuler, mais il y en a déjà,
des gens qui cultivent, notamment
pour le cannabis thérapeutique. Puis, soit dit en passant, je vais vous inviter
à utiliser mon langage. Je n'appelle
pas ça, moi, je n'appelle plus ça le cannabis, j'appelle ça «cannabis non
thérapeutique». Je n'ose même plus utiliser
d'autres termes. C'est juste parce que je ne veux pas que, dans notre bouche,
pour les jeunes, ce soit banalisé. Puis, quand on parle de l'autre terme, ça fait comme un petit peu plus party,
on va dire. Alors, c'est pour ça que je dis «non thérapeutique». Comme ça, il n'y a pas, en fait, de sentiment de
bien-être ou de joie, là. En tout cas, appelez-le comme vous voudrez. Mais revenons à la production
personnelle. Est-ce que vous ne pensez pas que ceux qui cultivent déjà illégalement vont poursuivre si
personne ne fait des plaintes?
M. Cusson (Alexandre) : Le
risque est là.
Mme Charlebois : O.K. Dites-moi, vous nous avez parlé des coûts
qui seront engendrés, puis c'est clair que la légalisation est faite par le gouvernement
fédéral. Il est assez clair que l'application va être aux provinces, aux municipalités. Vous nous parlez d'un tiers des coûts. Est-ce que
vous avez planché sur des scénarios? Est-ce que vous avez considéré la prévention? Est-ce que vous avez... Parce que pour
dire un tiers-un tiers-un tiers, c'est donc dire que le gouvernement du Québec
n'aura pas de coût supplémentaire aux municipalités. J'aimerais ça vous entendre plus pour que vous
m'expliquiez d'où vient le tiers.
M. Cusson (Alexandre) : Oui,
bien...
Mme Charlebois : Parce qu'un tiers ça présume que le fédéral a déjà un
tiers de la facture, alors que je ne vois pas comment ils peuvent avoir
un tiers.
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, écoutez,
d'abord, il y a la ville de Montréal qui a déjà fait une étude là-dessus. À un tiers, là, ce
qu'on estime, nous, là, c'est qu'on va couvrir une partie des dépenses, là, probablement même pas l'ensemble des
dépenses. Alors, là-dessus, notre position, c'est qu'on est trois ordres de gouvernement. Il faut s'asseoir rapidement.
Nous, ce qu'on dit : Commençons la
discussion à tiers, tiers, tiers. On le voit, déjà la semaine dernière, on a un
petit peu augmenté le niveau ou la
pression là-dessus. On voit le gouvernement fédéral hier qui se montre ouvert à
rediscuter de ce partage-là. Alors,
moi, je serais prêt, Mme la ministre, à aller à Ottawa avec vous chercher ce
qui revient au Québec, ce qui revient
aux municipalités, dès la semaine prochaine, rapidement. Je pense qu'il faut
travailler ensemble là-dessus. Il faut expliquer à Ottawa les
conséquences de sa loi chez nous, tant au niveau municipal qu'au niveau
provincial.
Donc, au
niveau provincial... au niveau municipal, pardon, il y a des dépenses
importantes. Je vous fais grâce, là, de tous les détails. On en a déjà parlé : la formation des policiers,
les communications, oui, les campagnes de prévention, parce que, dans plusieurs municipalités, on appuie les
différents organismes qui oeuvrent dans nos milieux. Il faudra
certainement poursuivre et même accentuer cet appui-là. C'est important. Pour
nous, il n'est pas question de transférer une taxe municipale pour le respect
d'une promesse fédérale. Ça, on le répète beaucoup. Donc, il faudra s'asseoir
très, très rapidement pour trouver un
terrain d'entente là-dessus. Mais il y a des attentes élevées au niveau
municipal, là-dessus, dans ce domaine.
Mme Charlebois :
Vous avez tout à fait raison. Puis, quand vous nous parlez d'organismes,
souvent, on est sur un terrain où on double nos compétences parce que les
organismes dont vous parlez, c'est les organismes que le gouvernement du Québec subventionne, que l'ensemble
des citoyens subventionne. En fait, le gouvernement, ce n'est pas la troisième personne du Saint-Esprit, là, c'est
les payeurs de taxes. Puis dans votre cas aussi. Alors, j'entends votre préoccupation. Puis je ne veux pas minimiser leur rôle, loin de là. Ça va être très, très
important. Mais je pense que ça va être important
qu'on arrime nos forces pour ne pas fragiliser ce qu'il y aura à faire en
prévention, et d'un côté et de l'autre, mais
qu'on optimise plutôt cet axe de prévention autant pour les municipalités que pour le gouvernement du Québec.
• (10 h 20) •
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, effectivement, nous, on serait... on ne se plaindrait pas si ces organismes-là,
qui ont une vocation qui est davantage soutenue par le provincial, ne faisaient
plus de demandes au municipal parce qu'ils en recevaient assez du provincial.
On est là en complément à ce qui se fait. Mais effectivement on peut, ensemble,
là, s'assurer qu'il n'y ait pas de
dédoublement. Mais, très souvent, ces organismes-là, ce qu'ils nous font, c'est
la démonstration qu'ils ne reçoivent pas assez de financement pour
accomplir leur mission. Et on juge que, dans nos collectivités, c'est important
de soutenir leur action.
Mme Charlebois :
Je vous comprends, mais c'est toujours le même payeur de taxes. On a intérêt à
parler ensemble.
M. Cusson
(Alexandre) : On est d'accord avec ça.
Mme Charlebois :
Continuons sur la prévention, puis après ça je vais vous amener sur les lieux
de vente. On parle de tout ça, là,
comme si c'était un nouveau phénomène. La légalisation, c'est un phénomène
nouveau, ça, j'en conviens, puis ça
va amener un certain nombre d'ajustements. Mais, pour ce qui est de
l'utilisation et la consommation du cannabis, vous convenez avec moi qu'on a déjà un bon pourcentage de la population.
Si je prends... dans les consommateurs, 42 % de la population jeune, de 18 à 24, consomment le
cannabis. L'autre pourcentage, c'est pour toutes les autres strates
d'âge.
Alors, est-ce que
vous estimez, vous, que la prévention qu'on a mise au projet de loi à
25 millions, tout l'axe préventif...
Puis c'est 25 millions, dans la loi, pendant cinq ans. Pas pendant trois
ans, là, cinq ans. Est-ce que vous estimez que c'est une bonne chose
qu'on l'ait spécifié dans la loi?
Est-ce
que vous estimez que ce qu'on a dit... Il y a deux fonds qui sont créés, un où
tous les revenus vont être mis, et de ce montant-là va être réparti,
après paiement des dettes des opérations de la Société québécoise du
cannabis... il y a plus de 50 % qui va
retourner encore en prévention, mais, au moins, on a assuré qu'il y a
25 millions en prévention. Je pense
que j'ai... je ne sais pas, peut-être que je me trompe, là, mais ça ne s'est
jamais vu au Québec qu'un montant soit inscrit
dans une loi pendant une durée déterminée. Est-ce que vous croyez que c'est une
bonne chose qu'on ait fait ça?
M. Cusson
(Alexandre) : Tout à fait, parce que je pense que c'est
incontournable, on doit faire de la prévention. Je pense qu'il n'y a personne qui peut prévoir
aujourd'hui quelle sera la réaction de la population face à ça. Il faudra
par contre s'assurer qu'au-delà du montant les moyens qui sont mis de l'avant,
les campagnes qui sont organisées ciblent les bonnes
personnes, rejoignent les bonnes personnes. Donc, c'est intéressant qu'il y ait
de l'argent, il faudra s'assurer de l'efficacité et maintenir une
évaluation régulière.
Mme Charlebois :
Dites-moi, quand vous nous dites : On veut être consultés ou, en tout cas,
on veut notre champ de compétence
respecté, ce qui est normal et louable, je pense, pour l'instauration des points
de vente... Puis vous me parlez de
sociodémographique, vous ne voulez pas de points de vente là où sont les
clientèles les plus démunies. Hier, un chercheur
est venu nous dire que, justement, eux autres, si on ne leur assure pas une
certaine façon de s'approvisionner, malheureusement, ils vont continuer
sur le marché illicite.
Comment
vous voyez ça, qu'on... Moi, je ne suis pas en train de vous dire qu'on espère
aller en contravention des compétences
municipales puis de ne pas respecter le schéma d'aménagement, loin de moi cette
idée, mais ne croyez-vous pas qu'on
doit assurer une forme d'équité pour l'ensemble de la population sur les
sources d'approvisionnement en plus du site Internet?
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, écoutez, ce qu'on vous dit, nous, là, c'est qu'on
veut être consultés. On ne vous dit pas qu'on va s'opposer à quelque
chose systématiquement ou quoi. Ce qu'on vous dit aujourd'hui, c'est qu'il n'y
a personne plus que le monde municipal qui
connaît son territoire, qui connaît les besoins de sa communauté, les
risques, les préoccupations de certains
secteurs. Alors, on considère qu'il doit y avoir considération de facteurs
socioéconomiques : les quartiers défavorisés, les zones institutionnelles
comme les zones scolaires, par exemple. Si on se questionne sur est-ce qu'on doit avoir des restaurants de type
fast-food, restauration rapide près des écoles, j'imagine qu'il faudra se
pose la question, même si ça répond au zonage commercial, si on veut des
succursales de la Société québécoise du cannabis près de nos écoles.
Donc,
nous, ce qu'on vous dit là-dessus, c'est : On veut être à la table. On
veut qu'on aille au-delà de la simple application
du cadre réglementaire. Moi, les maires à qui j'ai parlé sont inquiets. Ils se
demandent comment ça va se vivre sur
leur terrain. Et ils se disent ultimement : C'est nous qui allons avoir à
gérer ça, ça va se passer chez nous. Donc, bien, soyons assis autour de
la table pour discuter avec les autorités compétentes là-dedans pour nous
assurer...
On
est revenus, au Québec, en arrière sur la question des appareils de loterie
vidéo, là. On en a réduit le nombre, on les a sortis de certains quartiers. On ne voudrait pas, dans quelques
années, faire la même chose avec les succursales de vente du cannabis
non thérapeutique. On veut surtout bien faire les choses dès le début.
Mme Charlebois :
Mais merci de nous le dire. Puis, soyez assuré, on est le gouvernement qui a
travaillé à donner le plus d'autonomie aux municipalités. On ne va
certainement pas passer par-dessus ça.
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, ce serait un signal contradictoire, en effet.
Mme Charlebois :
Exact. Alors, on ne va certainement pas passer par-dessus ça puis on va
respecter vos champs de compétence en tant que schéma d'aménagement, et
tout.
Maintenant,
on a parlé de la distribution, parlons donc de la consommation. Dites-moi donc
comment vous voyez ça, vous, parce
qu'on a un chercheur qui est venu hier puis qui nous a dit : Trop
restreindre, c'est comme ne pas assez restreindre.
C'est que, si les gens n'ont plus d'endroits puis ils sont dans l'illégalité
tout le temps, on va aboutir à quoi? Alors, vous en pensez quoi, vous,
de ça?
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, nous, ce qu'on vous dit là-dessus, c'est qu'on
souhaite que les municipalités puissent adopter, hein, les municipalités qui
sont responsables, là, en termes de paix et bon ordre soient en mesure d'appliquer, d'adopter des réglementations. Par
exemple, ce que j'entends comme préoccupation de certains membres, c'est : Comment on va gérer les festivals?
Comment on va gérer les grandes activités publiques? Est-ce qu'on va être
obligés de le permettre? Comment ça va fonctionner?
Donc, on veut que la loi
reconnaisse nos compétences en matière de gestion du bon ordre. On veut être en
mesure de prendre des décisions, chacun dans nos municipalités, en fonction des
besoins et des attentes de chaque communauté. C'est pour nous une question
d'autonomie municipale.
Mme Charlebois :
Dites-moi, vous y allez sûrement, dans les festivals, un peu partout au Québec.
Bien là, vous venez d'être nommé, là, mais,
quand même, vous avez dû assister à plusieurs festivals. N'avez-vous pas déjà
senti une petite odeur de cannabis?
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, c'est certain que, dans ce type d'activités là,
que je fréquente comme vous parce que
ça fait aussi partie de notre fonction d'aller à la rencontre des citoyens, il
peut arriver... Moi, je vous dirais : Jamais à Drummondville, mais ailleurs, peut-être. Donc,
effectivement, ce sont des choses qui peuvent arriver. Mais ce qu'on ne
veut surtout pas, c'est que ça devienne la norme.
Mme Charlebois :
Je vous entends, mais je voulais vous entendre dire aussi que c'est déjà
existant, bien que ce soit illégal.
Puis je ne suis pas en train, encore là, je vous rassure, là, je ne suis pas en
train de dire : On ne laissera pas les municipalités réglementer
dans les lieux publics. Je ne suis pas là du tout, du tout, du tout, parce que
vous avez des compétences, effectivement, et
pouvez faire... vous pouvez être plus restrictifs que ce que la loi provinciale
peut... au même titre que le
provincial peut être plus restrictif que le fédéral. Alors, il y aura un
respect autour de ça, et je voulais vous l'entendre dire. Mais je voulais aussi vous entendre dire que c'est déjà
illégal puis qu'on n'arrive pas, déjà, à assumer cette responsabilité-là
partout au Québec, parce que, sans ça, ça prendrait presque un policier par
personne.
M. Cusson (Alexandre) : Oui,
tout à fait. Par contre, il ne faut pas pour autant le banaliser, je pense.
Mme Charlebois :
Vous avez tout à fait raison parce que le fait de banaliser, ça va faire en
sorte qu'on va avoir plus de
consommateurs puis ce n'est pas ce qu'on recherche. Ce qu'on recherche, c'est
de ramener les gens du marché illicite
vers un marché licite. Et ça veut dire qu'on ne veut pas faire la promotion de
la vente. Vous avez vu qu'il y a la Société
québécoise du cannabis, qui sera une filiale de la Société des alcools du
Québec. Que pensez-vous que nous ayons une
filiale qui vende, que ce soit une société d'État, qui vende ce produit-là avec
une mission et un objectif très différents de celui qu'ait la Société
des alcools du Québec?
Le Président (M. Merlini) : En
une minute, M. Cusson.
M. Cusson (Alexandre) : On l'a
souligné dans notre mémoire, on est d'accord avec cette orientation-là du gouvernement. Je pense que ça rejoint aussi
plusieurs opinions, plusieurs avis qui avaient été exprimés. Donc, on est
tout à fait d'accord avec cet alignement-là
et on pense qu'il ne faudrait surtout pas se presser à regarder d'autres
solutions que celle-là, comme le privé, par exemple.
Mme Charlebois :
Merci.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme la ministre, pour ce
temps d'échange avec nos invités. Nous allons
maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de Labelle, vous
disposez de 9 min 30 s. À vous la parole.
M. Pagé :
Oui. Merci. Alors, félicitations pour votre élection, bon mandat et bon
anniversaire également du même coup. Vous dites : 98 ans
aujourd'hui, vous me paraissez jeune pour...
M. Cusson (Alexandre) : ...la
fondation. Sylvie non plus.
M. Pagé :
J'ai envie de continuer sur le dernier sujet. Ce n'était pas dans ma liste,
mais est-ce que vous avez dit que vous seriez ouverts à ce que... oui, à
la société d'État, mais également au privé?
M. Cusson
(Alexandre) : Nous, nous, ce qu'on dit, c'est que ça ne presse surtout
pas, hein? Il y a des gens qui disent :
Il faudrait peut-être réévaluer ça, regarder des projets pilotes. Notre
position, nous, c'est que la Société québécoise du cannabis, c'est la
solution. Et prenons notre temps avant de regarder autre chose.
M. Pagé :
O.K. Vous savez, on peut revoir les lois n'importe quand. Nous, on préférerait
justement qu'on retire l'article 55
puis, si dans trois ans, dans cinq ans, tout va bien puis qu'on souhaite
ouvrir, bien, on pourra le revoir, hein, comme c'est possible de le faire à toutes les sessions parlementaires,
parce qu'à ce moment-ci vous me
dites : Bien, gardons l'article, mais écrivons «dans cinq ans» ou,
tout simplement, retirons l'article puis, un jour, si on veut revenir...
M. Cusson
(Alexandre) : Et il ne faut surtout pas qu'on se limite à un article
qui nous dirait : Il faut le faire dans deux ans, dans trois ans, dans cinq ans. Je pense qu'il faut regarder
comment ça va évoluer, cette situation-là. Donc, pour nous, si l'article est là, il ne faut surtout pas qu'il impose quoi que
ce soit. Puis, s'il n'est pas là, bien, il n'est pas là. Puis effectivement
le législateur pourra modifier sa loi en cours de route.
• (10 h 30) •
M. Pagé : Je vous remercie. Sur le partage des revenus,
bon, si on fait un petit calcul rapide, là, la taxe d'accise, on apprend que ça pourrait rapporter 1 milliard. C'est ce qu'on apprend. Tiers-tiers-tiers, si je fais un ratio pour le
Québec, ça ferait à peu près
200 quelques millions pour le Québec, si on consomme à peu près à la même
proportion que la population du reste du Canada, donc ça ferait
75-75-75, à peu près, si je me fie à votre...
Est-ce que
vous les avez quelque part, ces projections-là qui pourraient nous amener à
dire : Bien, 75 millions, là, on devrait être capables de couvrir nos frais ou à terme, bien, ça
risque d'être plus que ça? Est-ce que vous l'avez ventilé quelque part? Parce
que je veux bien entendre ça, je sais que vous allez avoir des besoins, c'est
clair. D'ailleurs, je suis tout à fait d'accord avec la ministre, le fédéral ne devrait même pas toucher un tiers
de cette somme-là. Je pense
que ça devrait plutôt être 100 % dans la cour du gouvernement du Québec et
des municipalités et ensuite qu'on s'entende sur un partage des revenus. D'ailleurs je suis un peu
étonné, même, que vous laissiez un tiers au fédéral. Je pourrais
répondre pourquoi : parce que ce tiers-là, je pense qu'il devrait être
chez nous, là.
Alors, est-ce que vous avez une ventilation? Et
pourquoi laisser 75 millions à Ottawa?
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, écoutez, d'une part, nous, notre position, elle
s'établit sur le fait qu'on considère être
trois gouvernements impliqués par cette situation-là. Nous, on évalue qu'à un
tiers on va couvrir probablement une bonne
partie des dépenses. Cependant, une relation entre trois ordres de gouvernement
ne doit pas être vue comme un ordre de
gouvernement qui envoie un compte de dépenses à l'autre, hein? Je ne pense pas
que Québec va envoyer des factures à Ottawa
pour justifier pourquoi il doit lui revenir un tiers. Alors, on pense que, dans
une logique de respect de chacun des ordres de gouvernement, on ne
devrait pas demander ça davantage non plus au monde municipal.
Ceci dit, évidemment, on fait nos devoirs, on
l'évalue. D'ailleurs je rappelais tout à l'heure le programme de simplification, là, gouvernemental, qui a été
adopté dans le cadre du mandat actuel, qui dit que le ministère devrait
évaluer les impacts sur les municipalités.
Ça fait partie d'un engagement du gouvernement. Donc, nous, on le fait de notre
côté. On se demande si ça a été fait du côté du gouvernement du Québec.
Donc, on
regarde les choses, on dit : Bon, ça coûte entre 7 000 $ et
10 000 $, selon les différentes sources, former un policier. Il faut ajouter à ça le temps. Il
faut ajouter à ça le coût des appareils dans l'ensemble des municipalités
du Québec. Il faut prévoir l'ajustement des
services municipaux, de la cour municipale, de l'urbanisme, des campagnes
de sensibilisation, un soutien aux organismes locaux. De l'argent, il n'y en
aura pas trop parce qu'il y aura toujours la possibilité
de mieux faire. Il n'y a personne au niveau municipal, là, tous mes collègues à
qui j'ai parlé, qui dit : On veut faire
des profits. Aïe! Wow! On va faire des profits avec ça, puis il va nous en
rester. Ce que les gens disent, là, c'est : Essayons d'en couvrir
le plus possible. Et on juge qu'à un tiers...
Bon, écoutez,
si vous voulez vous entendre avec Ottawa puis en prendre 60 %, puis leur
en laisser 6 % de... nous, on n'a
pas de problème avec ça. Idéalement, on s'assoirait... Je l'ai offert à la
ministre tout à l'heure, je suis prêt à aller avec elle, à Ottawa la semaine prochaine, discuter de
ça avec les gens là-bas. Déjà, en une semaine, là, on a senti une
ouverture du fédéral qu'on n'avait pas perçue jusqu'à maintenant. Je pense que
c'est cette pression-là que le monde municipal, particulièrement au Québec, a mise depuis quelques semaines, qui porte
déjà ses fruits. Continuons ensemble et allons chercher le plus d'argent
possible pour le Québec.
M. Pagé : O.K. Et je
suis prêt à vous accompagner aussi à Ottawa, en passant.
Ce que
j'entends... Parce que vous avez dit : On va impacter 10 de nos services
municipaux. Mais ce que j'entends, c'est
qu'il y a des frais qui vont être récurrents, mais il y a des coûts qui vont
être plus dans l'installation de ces différents services, dans l'achat d'équipements, la formation de personnel, mais
plusieurs choses qui ne reviendront pas. Alors, je nous inviterai, tout le monde ensemble, à évaluer tout
ça, à ventiler tout ça, parce qu'il y a un coût à l'installation, mais
ensuite il y aura des frais récurrents qui risquent d'être moins élevés. Alors,
je pense qu'il faudra ventiler et regarder tout ça très... Oui?
M. Cusson (Alexandre) : Mais
c'est vrai pour chaque ordre de gouvernement, ce que vous amenez là.
M. Pagé : Oui, tout à
fait.
Sur les lieux
de consommation, nous, on est... comme formation politique, nous sommes plus
restrictifs que ce que la loi dit.
Nous disons : Interdiction partout où c'est interdit pour l'alcool et la
cigarette, donc dans les deux cas, sauf, et on voudrait déposer un amendement qui irait dans ce sens-là, des endroits
bien encadrés et désignés par les municipalités. Parce que, vous l'avez dit de façon fort éloquente, vous avez tout à
fait raison, vous êtes les mieux placés pour déterminer les différents zonages quant à la distribution, à
la vente et également les endroits où on pourrait consommer. Parce qu'il
y a des parcs qui sont immenses. Est-ce
qu'on pourrait imaginer qu'à l'entrée d'un parc un coin bien précis où on ne
dérange personne, où — malheureusement, de toute façon, ça se fait
déjà, on le sait, là, alors — mais où il y aurait des endroits vraiment désignés? Que pensez-vous de cet
amendement? Parce que j'ai posé la question à l'UMQ quand ils sont
venus, la semaine dernière. Ils trouvaient ça intéressant qu'on puisse vous
donner ce mandat-là de désigner des endroits dans les lieux publics.
M. Cusson (Alexandre) : Bien,
écoutez, nous, ce qu'on dit, ça fait partie de notre mémoire, on souhaite que les dispositions du projet de loi respectent nos
compétences en matière de paix et bon ordre, hein? Les municipalités
peuvent déjà intervenir au niveau de la
consommation d'alcool, de drogue sur la voie publique. Et ce qu'on souhaite,
c'est qu'en matière de cannabis ce
soit la même chose et que les municipalités puissent déterminer des endroits
publics extérieurs où ce ne serait
pas permis de fumer du cannabis. Et là-dessus, bien, nous, on dit, on prône de
façon répétée, je pense que vous l'entendez souvent, l'autonomie municipale. On
pense que chacune des municipalités devrait être en mesure de prendre
les mesures qu'elle juge à propos sur son territoire.
M. Pagé :
Un peu dans le même ordre d'idées, votre recommandation 10 dit : «Que le
projet de loi permette aux municipalités
d'utiliser le même affichage que celui utilisé pour le tabac dans les lieux
municipaux où il sera interdit de fumer du cannabis.» Utiliser le même
affichage, j'aimerais bien comprendre puis comment vous souhaiteriez qu'on
amende la loi dans ce sens-là.
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, c'est qu'au fond, hein, il existe déjà, dans la
Loi sur le tabac, là, des normes bien précises
pour l'affichage, etc. Le projet de loi n° 157 nous apparaissait plutôt
vague ou même muet, là, sur cette question-là de l'affichage. Quel affichage serait reconnu légalement pour interdire
la consommation quand c'est interdit? Donc, à la lumière de ça, ce qu'on dit, nous, par mesure de simplification :
Utilisons déjà le même type d'affichage, ajoutons-le à l'affichage
existant. Ce sera peut-être la même chose, ça viendra limiter les coûts pour
l'affichage.
M. Pagé :
O.K. Il reste malheureusement bien de temps. J'aurais encore plusieurs
questions. Mais vous avez dit qu'on souhaiterait offrir aux OMH le droit
de l'interdire ou tout simplement que ça soit carrément interdit. Première question. Et deuxième question : Pour des
résidences complètement privées, où, même, il n'y a pas d'enfant à la
maison, est-ce qu'on devrait interdire de consommer ou encore dans les
multilogements, dans les copropriétés?
Le Président (M. Merlini) : 30
secondes, M. Cusson.
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, un propriétaire, chez lui, je pense que ça devient
plus difficile d'intervenir. Ce qui touche les OMH, pour nous, il y a
une question de sécurité, il y a une question de respect de l'édifice, et tout
ça, qui appartient à l'OMH, donc
indirectement souvent aux municipalités. C'est une préoccupation importante
chez mes collègues.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le député de Labelle,
pour ces échanges avec nos invités. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. M. le député
de Borduas, vous disposez de 6 min 30 s. À vous la
parole.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. M. Cusson,
Mme Pigeon, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission. Je voudrais juste dire quelques
mots en introduction parce que j'entends souvent le fait qu'on
demande : Est-ce que le cannabis, ça
existe déjà? Je dirais aux membres de cette commission et à la population en
entier : Oui, le cannabis, ça existe.
Il y en a, il y a déjà des drogues qui existent au Québec, du fentanyl, du
crack, de la coke, du hasch, de la
métamphétamine, plein de choses aussi. Le débat n'est pas là. On est sur :
Comment est-ce qu'on gère la légalisation du cannabis? La loi sur
certaines drogues et autres substances, au fédéral, existe toujours et elle le
demeure. Et donc il y aura des produits qui
existent mais qui sont criminalisés. Alors, c'était un simple point, M. le
Président, parce qu'il y en a, de la drogue au Québec. Et là on doit
gérer un stupéfiant qui devient légal.
Alors, M. le
président de l'UMQ, j'aurais une question à vous poser relativement aux cours.
Dans votre mémoire, vous parlez...
vous dites : Il faut faire la distinction entre les cours municipales et
la Cour du Québec. Il faut que les revenus attribués... bien, en fait, qui découlent des amendes demeurent dans les
cours municipales. Pouvez-vous nous expliquer c'est quoi, la position de
l'UMQ sur ça?
M. Cusson
(Alexandre) : Oui, c'est ça, c'est une question de partage de
compétences, là, qu'on veut très claire au niveau de la loi. Vous savez, bon, si c'est la police municipale qui
intervient, on veut que ce soit clarifié, au fond, comment tout ça va
s'appliquer. Mais ce qui relève de la cour municipale, c'est aux municipalités
à conserver les amendes.
M. Jolin-Barrette : Alors, à titre d'exemple, si, dans le cadre du
projet de loi n° 157, on adopte une réglementation-cadre qui fait
en sorte que, supposons, c'est interdit de consommer dans les lieux publics,
donc vous souhaitez que l'amende associée à cela revienne dans le coffre des
municipalités?
• (10 h 40) •
M. Cusson (Alexandre) : Si ce
sont les municipalités qui sont chargées de faire appliquer la loi.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais, si vous vous retrouvez dans une cour... Dans le fond, lorsque vous êtes dans un service
de police qui est de régie intermunicipale, vous allez vous retrouver nécessairement dans une cour municipale, mais, lorsque vous êtes des
municipalités avec des corps de police de la SQ, ça, ça ne vous dérange pas
que...
M. Cusson
(Alexandre) : C'est déjà
comme ça. La SQ, par exemple, sur un territoire desservi par la SQ, qui émet des
contraventions, ça revient à la municipalité. Donc, c'est la même chose qui
s'appliquerait.
M. Jolin-Barrette : À la municipalité.
M. Cusson (Alexandre) : Ça
revient à la municipalité.
M. Jolin-Barrette : Donc, dans
tous les cas, vous voulez avoir le montant des amendes.
M. Cusson
(Alexandre) : Oui.
M. Jolin-Barrette : O.K. Premier élément. Deuxième élément, vous invitez
le gouvernement du Québec à ce que les
amendes prévues pour l'interdiction de la culture de cannabis à des fins
personnelles ne soient pas systématiquement contestées en raison du litige constitutionnel. Vous, vous avez une
crainte à l'effet... Prenons le cas des plants de cannabis qui pourraient être produits à domicile en vertu
de la loi fédérale. Vous, vous avez une crainte que, si le gouvernement...
bien, en fait, si l'Assemblée nationale légifère dans ce domaine-là pour interdire complètement la culture à domicile à zéro plant, vous pensez qu'on a un
litige constitutionnel là-dessus avec le fédéral.
M. Cusson
(Alexandre) : On pose la question.
On dit : S'il y a un litige potentiel, il faut prévoir, il faut
s'assurer que la loi soit formulée pour
éviter ces contestations-là parce
qu'on ne voudrait pas se retrouver, là, à appliquer une loi qui est
inapplicable, et que, constamment, elle est contestée, et que, dès qu'il y a
une amende qui est émise, bon, etc., là, vous
imaginez ça. Donc, ce qu'on dit, nous, il y a évidemment, au gouvernement, des
gens qui sont compétents pour le faire. Il faut s'assurer que la
formulation de la loi nous met à l'abri de ces contestations systématiques là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais on peut faire l'exercice, mais ça
n'empêchera pas personne de prendre une requête, pour dire : C'est ultra vires, et vous ne pouviez pas légiférer
dans ce domaine-là. Ce n'est pas mon opinion, là, mais je comprends.
Mais vous nous invitez à faire vraiment attention sur comment on va le
formuler.
M. Cusson
(Alexandre) : On vous invite à beaucoup de précautions là-dedans.
M. Jolin-Barrette : O.K. Puis de la façon que c'est formulé actuellement
dans le texte de loi, est-ce que vos gens à l'UMQ y voient une
problématique, vos juristes?
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, il y a différentes opinions, là, on les entend un
peu partout. Nous, on n'a pas demandé à nos
juristes, là, de faire une analyse approfondie de ça. Ce qu'on a dit,
c'est : C'est au gouvernement à faire cette analyse-là pour éviter
que ça se produise.
M. Jolin-Barrette : O.K. Juste revenir sur la question de mon
collègue de Labelle, qui vous demandait : Pour les offices municipaux
d'habitation, est-ce que vous voulez, dans la loi, qu'on inscrive directement
que c'est interdit de consommer ou vous
voulez qu'on laisse la liberté à chacun des OMH de venir modifier
unilatéralement le bail... bien, les baux des OMH avec les clients, les
bénéficiaires?
M. Cusson (Alexandre) : Ce qu'on souhaite, c'est que la loi permette aux
OMH de procéder à cette modification-là.
M. Jolin-Barrette :
O.K. De façon unilatérale?
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, à ce... Il faut prévoir dans la loi la possibilité
de le modifier, effectivement, oui, de façon unilatérale.
M. Jolin-Barrette :
O.K. Donc, un bail qui court présentement...
M. Cusson
(Alexandre) : Pour les baux existants, oui.
M. Jolin-Barrette : Pour les baux existants, dans le fond, si la
municipalité décide... Moi, dans mes OMH, on ne souhaite pas que les
locataires consomment du cannabis, vous pourriez le faire à partir du moment de
l'entrée en vigueur de la loi.
M. Cusson (Alexandre) :
Tout à fait.
M. Jolin-Barrette :
O.K. Parfait.
Au
niveau du zonage, vous dites : Paix et ordre vont au gouvernement, on veut
s'assurer d'avoir cette liberté-là. La
FQM nous invitait à adopter un règlement-cadre, un règlement uniforme pour
l'ensemble des municipalités du Québec, à le développer puis à le diffuser. Est-ce que vous souhaitez la même
chose que ça ou vous voulez qu'on laisse la liberté à vos membres de le
faire?
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, nous, on n'arrête pas de parler d'autonomie. On
est des gouvernements de proximité, on est
capables d'assumer nos responsabilités. Donc, donnez-nous la possibilité de faire les choses, on va faire les choses de notre côté, et chacune des municipalités, les gens se
parleront et pourront faire des choses ensemble, mais je considère que
ce n'est pas à Québec à écrire nos règlements.
Le Président
(M. Merlini) : 45 secondes, M. le député.
M. Jolin-Barrette : Est-ce que le fait de développer une proposition de règlement, ça pourrait convenir à la FQM et à l'UMQ?
Est-ce que c'est quelque chose que vous envisagez positivement?
M. Cusson (Alexandre) : Les municipalités pourront, à ce moment-là, considérer les différentes propositions qui sont sur la table,
mais ça pourrait être recevable.
M. Jolin-Barrette :
Parfait. Je vous remercie de votre passage en commission.
M. Cusson
(Alexandre) : Merci à vous.
Le
Président (M. Merlini) :
Merci beaucoup, M. le
député de Borduas,
pour ce temps d'échange avec nos invités. M. le maire Alexandre Cusson, Mme Sylvie Pigeon, représentant l'Union des municipalités du Québec,
merci de votre présence, merci de votre contribution aux travaux de la
commission.
Et je suspends donc
quelques instants et j'invite l'Association des spécialistes en médecine
d'urgence à venir prendre place.
(Suspension de la séance à
10 h 45)
(Reprise à 10 h 50)
Le Président
(M. Merlini) : Nous reprenons donc nos travaux après cette brève suspension.
Nous avons maintenant le plaisir d'accueillir Dre Élyse Berger Pelletier,
présidente de l'Association des spécialistes en médecine d'urgence. Vous disposez de 10 minutes pour faire
votre présentation, ensuite nous
aurons les échanges avec les membres de la commission. Bienvenue à la
CSSS, et à vous la parole.
Association
des spécialistes en médecine
d'urgence du Québec (ASMUQ)
Mme Berger
Pelletier (Élyse) : Merci beaucoup, merci de l'invitation.
L'Association des spécialistes en médecine
d'urgence est très heureuse de partager avec vous certaines recommandations concernant le projet de loi n° 157. Nos
recommandations s'appuient bien évidemment avec celles de la Fédération des médecins spécialistes du Québec
et également celles de l'association des psychiatres du Québec.
Tout d'abord, concernant le financement du fonds de prévention et de la recherche du
cannabis, l'association a quelques
questions concernant ce financement. En fait, c'est
surtout concernant l'ajustement à cette masse monétaire qui est prévue dans la loi. Qu'en est-il si, après un an
de fonctionnement, on réalise que ce financement est insuffisant?
Qu'en est-il si la Société québécoise de cannabis est déficitaire
année après année dans les premières années de fonctionnement ou, et surtout, il n'y a pas de notion concernant le
financement des établissements de santé? Donc, la partie préventive dans
les établissements, dans nos urgences, va
être financée à même ce fonds ou via les budgets des établissements. Donc,
pour nous, c'est un questionnement qui est
important parce que, sur le terrain, on va le voir probablement dans les
prochaines années, ça ne sera pas instantané, probablement une augmentation des
consultations suite à la légalisation du cannabis.
Concernant
le chapitre VII, la «Composition caractéristique du cannabis et des
accessoires», nous recommandons au
ministère de déterminer par règlement les normes en termes de concentration de
THC et de cannabidiol. Un comité d'experts devrait être formé. Ça
pourrait être, entre autres, via l'INESSS, donc l'institut d'excellence, pour
réviser la littérature et offrir une gamme de produits en fonction des données
scientifiques pour qu'il y ait les effets délétères sur la santé le plus bas
possible.
Concernant
le chapitre VIII, «Publicité et emballage», l'ASMUQ salue l'option choisie de,
sous aucune forme, ne présenter de la
publicité pour promouvoir la consommation de cannabis. Par contre, nous tenons
à mentionner deux choses spécifiques,
particulièrement concernant l'emballage, sur l'attrait pour les jeunes enfants,
parce qu'il y a quand même des cas
d'intoxication accidentelle sévères et graves chez les jeunes enfants. Donc,
particulièrement faire attention à ça lorsque vous allez préparer les emballages. Et nous suggérons aussi une campagne
publicitaire similaire à celle du tabac, avec un étiquetage montrant les
effets délétères sur la santé de la consommation de cannabis.
Ensuite
de ça, nous... comme la fédération l'a mentionné, nous recommandons que
l'Institut national d'excellence en santé
et en services sociaux, donc l'INESSS, reçoive du gouvernement le mandat
d'effectuer une étude épidémiologique longitudinale
qui permet de déterminer le lien causal entre la teneur de THC et la création
d'une dépendance au produit.
Dans
la même lignée, nous suggérons qu'il y ait une définition des pathologies
graves associées avec l'exposition au cannabis. Je vous donne des
exemples : exposition accidentelle pédiatrique, conséquences
obstétricales, accident, psychose,
hyperémésis. Donc, un peu comme le MADO, qui est pour les maladies infectieuses
obligatoires, on pourrait mettre en place un système de déclaration
obligatoire des pathologies graves associées à l'exposition au cannabis qui permettrait en fait que le gouvernement, le
ministère, puisse faire un suivi longitudinal après la légalisation.
Évidemment, pratico-pratique, ça n'a pas
lien avec le projet de loi en soi, mais c'est sûr que, sur le terrain, il y a
des choses qui vont probablement s'accentuer dans les prochaines années,
même si on le vit déjà quotidiennement.
Concernant les mesures sur la sécurité dans les
services d'urgence, dans les départements de psychiatrie, évidemment, ça
va devoir être renforcé. On parle d'agents de sécurité puis on parle aussi de
protocole de déclaration d'incidents, d'agressions
de patients face au personnel qui... C'est très disparate pour le moment, puis
nous, on considère que ça devrait être probablement protocolisé
uniformément dans la province, également, tel qu'il est écrit dans le projet de
loi, qu'il y ait des ressources pour la prévention et la désintoxication qui
soient accrues. On parle de travailleurs sociaux, mais également les
infirmières spécialisées en toxicomanie.
Pour
ce qui est des ressources en toxicomanie, comme, par exemple, les établissements
où il y a des cures de désintoxication, il
serait peut-être intéressant de regarder l'option qu'il y ait des places
réservées pour le sevrage de cannabis, ce
qui n'est pas le cas présentement, puis c'est parfois difficile sur le terrain
d'avoir des endroits où les gens qui veulent faire un sevrage de
cannabis puissent être encadrés.
Évidemment, il y a
aussi une partie qui va être importante concernant la formation des médecins
puis des étudiants en médecine sur les
effets du cannabis, qu'ils soient encadrés évidemment par les facultés de
médecine et les fédérations
médicales. Est-ce qu'une formation obligatoire devrait être faite? Parce que,
quand on y pense, la consommation de
cannabis touche à peu près toutes les spécialités médicales, qu'on pense à l'obstétrique,
la pneumologie, la cardiologie, la gastroentérologie. Donc, ça va
probablement être des programmes qui vont devoir être offerts de façon
systématique aux étudiants et aux médecins.
Concernant le fonds
de recherche, il y a certaines choses que nous voulions vous suggérer. Évidemment,
sur l'incidence et la prévalence des visites à l'urgence en lien avec la consommation
de cannabis, présentement dans la littérature,
c'est très difficile et très disparate de voir, entre autres, dans les États
américains où la légalisation s'est faite ou encore en Hollande, s'il y a eu une incidence sur l'augmentation des
visites à l'urgence. Présentement, ce n'est pas clair dans la littérature, puis je pense qu'on pourrait
être des chefs de file, justement, si on prévoit un protocole de
recherche avec le fonds pour être capables
de dire : Est-ce que, oui ou non, il y a une augmentation des visites à
l'urgence? Évidemment, même chose pour ce qui est des admissions
hospitalières puis, comme je vous ai mentionné plus tôt, la définition de pathologie grave ainsi que le suivi de ces
pathologies. Puis, dernière des choses, que le programme de cessation
tabagique en vigueur dans les établissements et placé sous la responsabilité
des infirmières soit étendu à celle de la cessation de consommation de
cannabis.
Ça
fait pas mal le tour de nos recommandations. Évidemment, il y a beaucoup de
choses que je peux discuter avec vous
sur ce qui est de la littérature médicale par rapport à la consommation de
cannabis. Ça ne concerne pas directement le projet de loi, mais ça peut peut-être vous permettre de vous outiller
sur ce qui est de... peut-être certaines choses que je ne connais pas en
législation qui pourraient vous aider.
Le Président
(M. Merlini) : Merci beaucoup, docteure, pour la présentation de
votre mémoire pour votre association. Nous
allons débuter les échanges immédiatement. Mme la ministre et députée de
Soulanges, devinez quoi? Vous avez un bloc de 16 minutes. À vous la
parole.
Mme Charlebois :
Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Dre Berger. Merci d'être là pour nous
présenter votre mémoire. Il y a des petits bouts que je ne suis pas
certaine parce que vous parlez vite un brin, puis le...
Mme Berger
Pelletier (Élyse) : Ah! je m'excuse.
Mme Charlebois :
Oui, mais non, mais on va clarifier ça. On a des temps de période de questions
exactement pour ça. Puis vous, vous êtes
là-dedans, la médecine, à l'année longue, pas nous. Alors, ça va être une bonne
chose qu'on puisse échanger.
Je
n'ai pas entendu parler d'âge de consommation, bien que je me doute de votre
position, mais vous avez sûrement entendu
d'autres personnes avoir des points de vue contraires aux vôtres. Mais je vais
vous laisser établir votre point de vue,
puis après ça on pourra échanger sur ce qu'on a entendu de d'autres personnes.
Notamment, hier, il y a eu deux profs d'université,
mais aussi... pas hier, la semaine dernière, un psychiatre qui est venu nous
dire qu'il n'avait pas le même point de vue.
En
tout cas, je vais vous laisser établir votre position sur quel âge ça devrait
être, comment vous pensez qu'on doit avoir...
c'est quoi, le seuil pour contrer, finalement, le plus le marché illicite, mais
aussi pour entrer en communication avec les groupes d'âge dont on a besoin de s'approcher pour leur éviter de se
ramasser sur un marché illégal qui peut leur faire tendre vers
d'autres... de consommations de d'autres produits.
Mme Berger
Pelletier (Élyse) : En fait, c'est une décision qui... où les... ça
dépend qui va gagner dans la balance. C'est-à-dire
que nous, on est d'accord avec l'association des psychiatres puis la fédération
que ce devrait être 21 ans pour le seuil
légal de pouvoir acheter du cannabis. Je comprends très bien le point de vue
que... pour l'instant, qui est écrit dans la loi, que c'est 18 ans que
c'est légal parce que vous ne voulez pas que ce soit via le marché illicite que
les jeunes se procurent le cannabis.
Ceci
étant dit, dans les études de la littérature médicale, de ce que nous, nous
avons retrouvé, il y a un effet sur le comportement,
sur le taux de psychose, sur le taux de dépression des jeunes en bas de 21 ans,
même en bas de 25 ans. Ce qui fait
que je comprends le problème du marché illicite, mais, d'un point de vue
médical, c'est contre-intuitif de suggérer que le seuil soit à 18 ans
pour ce qui est de l'achat légal.
Ceci
étant dit, ça va vraiment être via les programmes de prévention, puis via la
publicité, puis tout ça, que ça va être le plus important. Mais reste que, si vous mettez le seuil à 21 ans, il
y a quand même des jeunes en bas de 21 ans qui vont se retenir d'en consommer pour la simple et bonne
raison que c'est illégal. C'est vrai que, présentement, vous avez
mentionné la statistique tantôt de
40 %, 42 % de la population entre 18 et 25 ans consomme du cannabis,
mais reste qu'il y a un certain pourcentage
qui vont... ne consomme pas de cannabis présentement parce que c'est illégal.
Donc, c'était le point de vue médical derrière tout ça, c'est vraiment
les effets délétères dans la population jeune.
• (11 heures) •
Mme Charlebois :
J'ai le goût de vous dire : Dans un monde idéal, s'il n'y avait pas de
drogue du tout, ce serait encore mieux,
mais, dans le monde réel, il y a du cannabis, puis je sais que mon collègue de
Borduas n'aime pas ça que je dise ça, mais il y en a déjà, c'est illégal. Oui, on est en train
de légiférer sur l'encadrement de la légalisation, mais on ne peut pas faire abstraction de la vie qui
court. Il y a déjà des gens qui en consomment. De 18 à 24 ans, la
population, ce qu'on me dit, puis c'est 42 % des jeunes qui sont des
consommateurs, de 18 à 24 ans, qui sont les consommateurs de cannabis, de un.
De deux, j'ai le goût de vous dire que la
science, la littérature de science, puis là contredisez-moi, là, si je me
trompe, là, nous dit que c'est 25 ans. Puis il y a quelqu'un qui est venu nous
dire hier qu'en fait si on veut aller dans ce
sens-là on pourrait aller à 86 ans ou à 76 ans parce qu'il n'y a pas de science
réelle qui nous démontre... parce que ce n'est jamais bon pour le cerveau, on va se dire la vérité, là. Et ce qu'on
nous indique, c'est que la seule façon... En tout cas, les adolescents
semblent plus rébarbatifs. En tout cas, ils sont plus tentés d'essayer quand
c'est justement quelque chose d'illégal ou ils sentent un frein.
Ne
croyez-vous pas que de les laisser avec le marché illégal, entre 18 et 24
ans... 18 et 21 ans, c'est de les inciter à essayer? Puis, en tout cas, moi, je pense que les consommateurs... les
vendeurs, sur le marché illégal, ils se soucient très peu de la qualité du produit, puis encore moins de
l'état de santé de leurs consommateurs. Et ce que j'ai lu, c'est que ce
n'est pas tant une consommation, c'est la
répétition qui fait qu'il y a des comportements ou, en tout cas, des dépendances
qui se créent et aussi qui affectent le cerveau. Alors, je veux vous
entendre un petit peu plus là-dessus. Je sais que je vous challenge un peu,
mais ce n'est pas pour être déplaisante, c'est pour vraiment avoir tous les
points de vue, là.
Mme Berger
Pelletier (Élyse) : Il y a une étude danoise qui est parue le
23 novembre dernier, donc c'est tout récent, sur une base de données de 10 ans qui parlait que 47 % des
gens qui faisaient des psychoses toxiques au cannabis allaient avoir un diagnostic, entre trois et 10
ans plus tard, de schizophrénie ou de maladie bipolaire. C'est énorme,
c'est une sur deux, alors qu'avec l'alcool et les autres drogues c'est
nettement moindre. On parle de 15 %, 20 %, même, avec l'alcool, on parle de 5 %, ce qui fait que
c'est un enjeu de santé publique qui est important. C'est indéniable que le
cannabis est déjà consommé. J'en vois à chaque quart de travail dans mon
urgence.
Comme je vous
dis, ça dépend du signal que vous voulez envoyer aux jeunes. C'est là-dessus
que le débat se fait. Puis c'est un
débat d'idées, puis je ne pense pas qu'il y a de bonnes réponses. Puis ça va
être vous, en tant que gouvernement,
à décider. C'est-à-dire que, si vous envoyez le signal que c'est dangereux pour
la santé en bas de 21 ans, vous
mettez le seuil à 21 ans. Si vous considérez que l'argument qui est plus
fort pour vous, c'est que vous avez peur qu'ils consomment, peu importe,
puis vous voulez éviter le marché illicite, vous allez le mettre à 18 ans.
Mais, comme je vous dis, moi, d'un point de vue
médical, comme je sais que les effets délétères sont nettement significatifs en bas de 25 ans... Je trouve ça drôle, la
personne qui vous a parlé de 76 ou 90, en ce sens que, nous, ce qu'on
voit, c'est des gens en bas de 30 ans, et même, je dirais, la grande majorité
en bas de 25 ans. Les psychoses toxiques, c'est vraiment... c'est fin de
l'adolescence, début de la vie adulte. Rendu là, c'est...
Mme Charlebois :
...que j'en connais, des gens qui ont atterri là où vous dites. Mais je connais
d'autres gens qui ont consommé, qui
n'ont pas eu de problème, puis qu'ils sont rendus à mon âge, j'ai 58, qui n'ont
encore pas de problème. Ceci étant
dit, quand vous me dites, dans vos visites à l'urgence, qu'il y a un si grand
nombre... pourcentage de jeunes qui se ramassent en visite à l'urgence,
si on les laisse aller sur le marché légal... ils consomment déjà, puis c'est
illégal, là. Moi, je fais le pari que,
d'avoir la chance d'échanger avec eux, leur expliquer c'est quoi, le produit,
de leur faire voir les risques
associés, leur parler, dire : Est-ce qu'il y a dans ta famille... Parce
que les maladies mentales ne sont pas créées par la consommation, c'est plutôt qu'elles exacerbent
quelque chose qui est déjà existant. En tout cas, c'est ce qu'on m'a
dit, au point de vue médical. Moi, je ne suis pas médecin, je vous laisse ça à
vous. Alors, c'est juste...
Je veux vous expliquer pourquoi je suis une
partisane du 18 ans, c'est parce que je veux me donner la chance d'échanger avec eux plutôt que de les laisser à
quelqu'un qui se soucie, mais comme pas pantoute, de leur état de santé.
Ceci étant dit, je veux aussi vous parler de la
formation aux médecins en matière de stupéfiants, mais la formation, vous l'avez dit tantôt, pour les
infirmières, tout ça. J'ai su, puis je ne sais pas si c'est vrai, vous allez
pouvoir me confirmer ça, dans les
consultations, on a appris que la formation en médecine, il y avait un tout,
tout petit segment sur le cannabis et
autres drogues associées, ou, en tout cas, similaires, ou je ne sais pas
qu'est-ce qu'on... toutes les drogues... Ah! bien, peut-être pas toutes les drogues, mais les drogues comme le
cannabis, il n'y avait pas beaucoup de formation. Est-ce que vous pensez qu'il va falloir augmenter cette
formation-là en matière de stupéfiants, là, de ce que les gens
consomment? Et comment les médecins
doivent... quelle formation devraient-ils avoir, puis tout le corps médical,
finalement, autour d'eux, là?
Mme Berger Pelletier (Élyse) :
Je pense qu'effectivement c'est peut-être une des choses qui va devoir être majorée dans la formation des médecins du point de
vue étudiant, donc dans les premières années de formation. Un peu comme on a des formations sur les effets du tabac.
Je pense que, dans toutes... présentement, la plupart des universités fonctionnent de la même façon, c'est-à-dire que
c'est une formation par système. On a de plus en plus de formations par
cas clinique. Puis, dans les formations par
système, il n'y a pas une journée où on ne nous parlait pas de tabac. Donc,
oui, je pense qu'il va falloir effectivement
majorer la formation parce que, comme je vous dis, ce n'est pas tous les
médecins qui vont avoir à traiter des psychoses ou des intoxications aiguës,
mais, comme comorbidité, le cannabis est déjà présent. La légalisation va juste
faire, probablement, qu'on va en être plus conscient.
Donc, oui, je
pense que ça va être une des choses que les facultés vont devoir regarder.
Puis, de la même façon, les médecins qui sont sur le plancher présentement,
je pense que les fédérations veulent travailler aussi là-dessus pour qu'il y ait une meilleure compréhension des effets
du cannabis dans toutes les sphères des autres spécialités, là, donc pas
juste la psychiatrie, là.
Mme Charlebois :
O.K. On aura certainement un échange avec l'ordre et d'autres spécialités.
Vous avez
questionné le financement, puis je veux vous rassurer. Au niveau de la
prévention, le 25 millions qui est
inscrit dans la loi, c'est pour cinq ans, puis il est inscrit dans la loi.
C'est un minimum qu'il va y avoir en prévention. Ceci étant dit, même si
la société est déficitaire, il y aura 25 millions. Puis c'est pour ça que
je l'ai fait inscrire dans la loi. Honnêtement, le gouvernement, ce qu'on
souhaite, c'est ne pas ralentir la prévention parce que, même si la société d'État n'est pas rentable, ça ne veut pas dire qu'on n'est pas... Il faut
parler aux gens, là, puis expliquer. Il ne faut pas dramatiser, mais il faut expliquer, il faut faire l'éducation
des gens sur ce que c'est, le cannabis, quels sont les risques associés
à ça, la consommation d'alcool et le cannabis. En tout cas, il y a plein de
choses à faire.
Et je veux
aussi vous dire que le financement du 25 millions peut être majoré si on
s'aperçoit que la société
d'État, un jour, fait de l'argent. Bien,
après avoir payé sa dette, d'avoir instauré ses boutiques de cannabis, son site
en ligne et ses opérations, elle va verser plus de la moitié, encore,
pour augmenter la prévention. Les autres sommes pourront servir, exemple, à la
sécurité publique, à d'autres domaines qui sont reliés directement au cannabis.
Une fois que je vous ai dit ça, ça
vous... je suis sûre que ça vous rassure. Je veux aussi vous parler de tout ce
qui est l'emballage. Je vous ai entendue nous refaire une recommandation. Je veux aussi vous rassurer qu'on ne va
pas aller en deçà de ce qui se fait pour le tabac.
Vous m'avez entendue parler de cannabis non
thérapeutique. Il va falloir faire des représentations, je pense, au gouvernement
fédéral parce qu'hier j'ai entendu qu'il y avait des emballages qui étaient
assez jolis, mettons, pour le cannabis
thérapeutique. Ça, ça m'a bien inquiétée parce que, pour le cannabis non
thérapeutique, moi, je n'utilise plus le mot... l'autre mot parce que je ne veux pas justement banaliser ce
produit-là, alors je dis «non thérapeutique» à escient. Je sais que ce n'est pas ça qui est utilisé ailleurs,
mais j'espère gagner mon pari. Est-ce que vous seriez partante pour nous
accompagner, avec le fédéral, pour leur dire : Aïe! Il faut encadrer aussi
le non-thérapeutique, là. Il faut qu'il y ait un emballage neutre, comme le
tabac, aussi pour le thérapeutique?
Mme Berger Pelletier (Élyse) :
C'est essentiel, selon moi, que ce soit pour ce qui est de tout ce qui est de la... pour la population qui va être en âge légal
de consommer. Mais, dans la littérature, on a quand même une bonne revue
de littérature dans le Journal of Pediatrics qui parlait des cas
d'intoxication accidentelle chez les enfants, puis les enfants sont attirés par la couleur. Moi, c'est quelque chose qui me
touche particulièrement parce que c'est le genre de cas que mes
médecins, on voit à l'urgence à l'occasion, là. J'en ai déjà vécu
personnellement, même des intoxications accidentelles, dans ma pratique. Donc,
oui, tout à fait, ce n'est pas le temps de mettre de la couleur puis du flafla
sur les produits.
Mme Charlebois :
Parlez-vous de produits dérivés ou de produits séchés?
Mme Berger
Pelletier (Élyse) : C'étaient des produits dérivés dans ce cas-ci.
Mais, dans la littérature, les cas, c'étaient,
entre autres, des emballages très colorés qu'un bébé avait tout simplement pris
et mis dans sa bouche, il avait fait
une intoxication. Puis ce n'est pas... c'est quand même des dizaines de cas qui
sont rapportés aux États-Unis, là. Ce n'est pas anecdotique.
Mme Charlebois :
Deux points rapides dont je veux vous parler. Il y a un point que je n'ai pas
vraiment compris. Quand vous me
parlez d'endroit de sevrage, j'aimerais ça que vous me reveniez là-dessus. Puis
l'autre chose que je veux que vous me parliez, vous ne m'en avez pas
parlé, bien, en tout cas, je ne l'ai pas entendu, c'est sur la production
personnelle. On a mis : Interdiction de production personnelle dans le projet
de loi. Comment vous voyez ça, vous?
• (11 h 10) •
Mme Berger
Pelletier (Élyse) : Bien, d'un point de vue... en tant que spécialiste
en médecine d'urgence, personnellement,
ça ne change pas grand-chose, je pense, parce que les gens qui vont vouloir consommer
vont consommer, peu importe. Comme vous l'avez mentionné tantôt,
précédemment, puis je vous écoutais, il y a déjà des gens qui en produisent de façon personnelle. Je pense que
c'est vraiment au point de vue policier que ça va être un méchant travail.
Je pense que, si vous mettez le seuil à
zéro, puis, d'une province à l'autre, si ça change, ça va être un méchant
casse-tête.
Mais, d'un
point de vue de médecin, que les gens en fassent pousser à la maison ou pas,
moi, l'association, on s'est posé la
question puis on n'avait pas vraiment d'opinion à ce sujet-là. En fait, ce qui
est intéressant de savoir, puis c'est une de nos recommandations, c'est
sur le taux de THC, de cannabidiol. Il n'y a pas beaucoup de littérature. J'ai cherché, hier, à essayer de comprendre, puis dans
les dernières semaines, quel est le taux qu'on considère sécuritaire de THC. Ce qu'on sait, c'est ce qui est dangereux,
c'est-à-dire les taux de THC extrêmement élevés qu'on voit sur le marché
noir présentement, entre autres, les résines, les choses comme ça, qui sont à
80 %, 90 %, extrêmement délétères, beaucoup plus de risques de
psychose, d'anxiété, de dépression puis de troubles de comportement associés.
Mais c'est
sûr que, si vous contrôlez le produit en interdisant la production personnelle,
c'est sûr que ça, là-dessus, par
exemple, ça a un effet positif parce que ce que vous allez vendre à la société,
vous allez contrôler la qualité du produit. Donc, ça, c'est sûr que
c'est un côté qui est positif de la chose, d'interdire la production
personnelle.
Mme Charlebois :
Est-ce qu'il me reste du temps pour les lieux de sevrage?
Le Président (M. Merlini) :
Deux minutes.
Mme Charlebois :
Allez-y sur les lieux de sevrage, juste pour me reprendre ça, parce que j'ai
manqué un bout dans ce que...
Mme Berger
Pelletier (Élyse) : En fait, c'est une des choses, je pense, qu'il va
falloir qu'on réfléchisse. C'est que présentement, avant que la
légalisation soit faite, c'est compliqué, lorsqu'on a des grands consommateurs
de cannabis, de trouver des endroits où ils
peuvent aller faire un sevrage. C'est un peu... pas banalisé... Puis c'est
parce que... En fait, c'est le fait
que le sevrage du cannabis n'est pas mortel. Ce n'est pas comme l'alcool ou
d'autres sortes de sevrages qui
peuvent être mortels. Si vous faites un sevrage de cannabis, vous n'allez pas
être bien, mais vous n'allez pas en mourir. Ce qui fait que, présentement dans les centres de désintoxication...
puis tout ça, c'est parfois très compliqué. Puis les gens qui souffrent de toxicomanie, ils arrivent à toute
heure du jour ou de la nuit, ce qui fait que c'est un peu complexe, dans
le système présentement, de gérer, déjà, là,
avant que ce soit légal, de gérer les gens qui viennent avec des
complications de leur consommation de cannabis.
Donc, c'est
encore une fois du fait que, quand la légalisation va arriver, il n'y aura pas
une horde de gens qui vont arriver avec des problèmes de consommation de
cannabis, mais probablement qu'il va y avoir tranquillement une augmentation de l'incidence dans nos urgences.
Donc, ça serait intéressant de se pencher : Est-ce qu'on réserve des
places comme il y a des centres spécifiques
pour la désintoxication à l'alcool? Est-ce que c'est quelque chose qui peut
être envisagé lorsque la légalisation
va être faite, dans quelques mois? C'est une chose sur laquelle il faut se
pencher. C'est ça, c'était un peu ça, notre recommandation, parce que,
présentement, c'est extrêmement complexe.
Le
Président (M. Merlini) : Merci, Mme la ministre, pour ces
échanges avec notre invitée. Nous allons maintenant du côté de
l'opposition officielle. M. le député de Labelle, vous disposez de
9 min 30 s. À vous la parole.
M. Pagé :
Merci, M. le Président. Vous avez parlé tantôt du taux de THC, qui faisait
justement que des gens se retrouvent à fumer un peu n'importe quoi. Et,
quand nous avions 18 ou 20 ans, la ministre et moi, on nous dit que le cannabis
était beaucoup plus de qualité et avec un taux de THC beaucoup moins élevé.
J'ai bien entendu vos propos par rapport au
21 ans et le 18 ans. Je vais vous dire que nous, on s'est prononcés
pour le 18 ans. C'est justement à cause de la qualité du produit aussi. Pour avoir jasé avec beaucoup de jeunes,
ce qu'ils me disent, c'est que, justement, on va être sûrs d'aller acheter un produit de qualité, parce que plusieurs
jeunes présentement se font passer n'importe quoi et se retrouvent
justement à l'urgence parce qu'ils n'ont pas acheté un produit de qualité.
Alors, je
veux juste vous expliquer une des raisons pour lesquelles nous, on est allés
avec 18 ans : pour éviter que ces jeunes se retrouvent encore au marché noir, parce que d'imaginer,
maintenant que ça va être légal, qu'on va pouvoir mieux contrôler puis qu'ils vont moins fumer,
quand c'est les plus grands consommateurs... Si on dit : c'est légal,
mais qu'à partir de 21 ans seulement,
bien, tous ces jeunes-là vont continuer à aller s'approvisionner, à acheter
n'importe quoi et se retrouver à l'urgence. En tout cas, nous, c'est notre
grande inquiétude par rapport à cela.
Vous avez
mentionné l'importance de la recherche. Effectivement, je pense que c'est très
important. Le projet de loi ne
prévoit pas qu'il y ait un observatoire, prévoit un comité de vigilance mais
pas un observatoire, qui nous apparaît important pour pouvoir collecter
toutes les données nécessaires pour être capables, dans trois ans, dans cinq
ans, dans 10 ans, d'ajuster nos lois et
règlements. Ne pensez-vous pas qu'il serait utile, voire même nécessaire, de
créer cet observatoire dès maintenant?
Mme Berger
Pelletier (Élyse) : Est-ce que vous pouvez me définir qu'est-ce qu'est
«observatoire» pour vous? Parce que je ne suis pas certaine de
comprendre ce que vous voulez signifier par «observatoire».
M. Pagé :
Oui. Bien, quand on a fait la tournée, on nous a mentionné que c'était
important de créer un observatoire. Nous, on dit même : En
collaboration avec des chaires de recherche. Pourquoi... Il y a l'Observatoire
des tout-petits, observatoire créé par la
Fondation Jean-Charles-Bonenfant. Cet observatoire nous permet de collecter
énormément de données. Et, quand on
prend des décisions, ensuite, en termes de santé publique, en termes
d'éducation ou peu importe, on les prend à partir de données probantes
parce qu'il y a un observatoire qui a ce mandat-là, bien précis.
Tandis que
comité de vigilance, c'est beaucoup moins clair. Un comité de vigilance va
plus, en tout cas, ma compréhension, va plus être en réaction. Mais,
s'il n'y a pas cet observatoire, conjointement avec les chaires de recherche, nous, on dit : Ça va peut-être
être moins évident d'avoir toutes les données probantes pour bien réagir et
bien s'ajuster en cours de route. Alors,
compte tenu que vous faites souvent référence... vous avez fait référence à
quelques occasions à la recherche, nous, on préférerait que ça soit inscrit
dans la loi, que cet observatoire-là existe.
Mme Berger
Pelletier (Élyse) : C'est sûr que, d'un point de vue, encore une fois,
de spécialiste de la santé, ayant moi-même
fait une maîtrise en recherche, c'est sûr que je suis d'accord avec votre point
de vue. Puis en fait c'est quelque chose
qui devrait déjà exister. Puis je pense que le fait que la loi va s'inscrire
dans quelque temps, je pense que, si ça peut être inscrit dans la loi, selon mon avis, je suis d'accord avec vous que
ça devrait l'être parce qu'effectivement ça va nous permettre de
mesurer.
Puis, comme
je vous dis, un des problèmes présentement que nous avons remarqués, c'est...
dans la littérature, les études ne sont
pas de très bonne qualité, puis c'est un petit peu du flou, probablement parce
qu'il n'y a rien de très structuré dans
les États ou dans les endroits où la légalisation s'est déjà faite. Donc, si
vous voulez que le Québec soit un chef de file en ce sujet, je pense qu'effectivement un observatoire, donc une
chaire de recherche, que ce soit l'INESSS ou autre, qui ait un plan
structuré dès le début va nous donner une longueur d'avance, c'est certain.
M. Pagé :
O.K. Présentement, ce qu'on nous a dit lors de la tournée également, c'est
qu'il n'y avait que 3 % des prescriptions
médicales à des fins médicinales qui provenaient du Québec. Pourtant, on forme
22 %, 23 % de la population canadienne. Donc, est-ce que c'est un manque de
formation et d'information à l'égard des médecins qui prescrivent moins?
Je vous pose la question, d'une part. Mais, d'autre part, on peut imaginer
qu'il y aura probablement plus de gens qui auront moins de craintes à aller
consulter leur médecin et même solliciter d'avoir une prescription, évidemment
si le médecin juge que c'est à bon escient. Alors, nous, par rapport à cela, et
malheureusement le projet de loi ne dit rien par rapport à cela... On comprend,
là, que c'est autre chose.
Mais ne croyez-vous
pas que, compte tenu qu'il risque d'y avoir plus de prescriptions, je pense que
le doute est fort légitime, que, pour des
fins médicinales, on devrait déjà inscrire que la prescription, on devrait
aller la chercher dans une pharmacie pour que la personne qui va se
faire prescrire, comme un médicament, va à la pharmacie afin d'avoir toutes les
informations nécessaires au produit qu'on va consommer et également aux
craintes par rapport à d'autres produits que ce patient-là pourrait consommer?
Mme Berger
Pelletier (Élyse) : Je vous suggérerais de demander à l'Association
des pharmaciens leur opinion à ce
sujet. Je comprends le point de vue que vous m'expliquez, c'est-à-dire que,
quand c'est à fins médicinales, c'est un médicament au même titre qu'un antibiotique, qu'un antidépresseur, qu'un
antidouleur. Est-ce que ça devrait être à la société du cannabis versus à la pharmacie... Effectivement, à
brûle-pourpoint comme ça, je vous dirais que ce serait plus logique que
ce soit dans un centre où on donne des médicaments, donc dans une pharmacie.
Mais la gestion de tout ça présentement,
effectivement, pour l'instant, c'est un peu... effectivement, c'est très
anecdotique. Pour l'instant, dans ma pratique, dans notre pratique, on
en voit très peu.
Est-ce qu'il y a un
manque de formation? La réponse, c'est probablement oui, ce n'est pas encore
très... Puis, comme je vous dis, un des
problèmes qu'on a avec ça, c'est le fait qu'il n'y a pas de données probantes.
La médecine est basée sur des
preuves, puis présentement il n'y a pas beaucoup de preuves scientifiques sur
le cannabis thérapeutique, ce qui
fait que c'est difficile, pour nous, dire : O.K., je vais le prescrire à
mon patient parce que je sais que,
dans telle, telle, telle étude, il y a vraiment
une amélioration. Donc, ça passe par la recherche avant tout.
Puis, pour ce qui est de votre question spécifique, à brûle-pourpoint,
je vous dirais que, oui, probablement, ce serait mieux que ce soit en
pharmacie.
M. Pagé : Une inquiétude que nous avons, vous n'en avez pas
parlé, mais je veux aussi vous amener là-dessus :
la vente en ligne. Le projet de loi prévoit qu'on pourrait vendre en ligne. Nous, on dit : Oui, mais
il faudrait à tout le moins que la personne se rende elle-même
aller chercher le produit. Éventuellement, il y aura des points de vente, il n'y en aura pas que 15, il y en aura plus. J'ai des craintes par rapport à cela. Et là, qu'il n'y ait pas de contact entre la personne, qui,
dans son salon... et même le contrôle des individus, et tout le reste...
J'aimerais
vous entendre là-dessus, sur cette vente en ligne, et d'autant plus que
les consommateurs sont des jeunes. Les jeunes sont beaucoup sur Internet,
ça va être très facile pour eux d'aller acheter en ligne, on livre ça à la
maison. Qu'est-ce que vous pensez de tout ça?
• (11 h 20) •
Mme Berger
Pelletier (Élyse) : En fait,
je vais vous servir le même argument que vous m'avez servi concernant l'âge de 18 ans, c'est-à-dire que, si vous ne permettez pas la vente en ligne puis la livraison à
domicile, les gens vont aller la chercher
ailleurs, tout
simplement, j'ai l'impression. Donc,
moi, je pense que d'avoir à demander aux gens de se
déplacer physiquement pour aller chercher leur cannabis, si c'est une personne
qui ne veut pas se déplacer, elle va tout simplement aller le chercher sur des sites illicites ou des
choses comme ça. Donc, c'est un peu le même principe que vous avez... Vous suggérez l'âge de 18 ans parce que
vous ne voulez pas que les gens aillent sur le marché illicite consommer
un peu n'importe quoi. Personnellement, en 2017, je pense que la livraison à domicile avec la vente en ligne,
ça va de soi.
M. Pagé :
Mais est-ce qu'on devrait carrément interdire la vente en ligne?
Mme Berger
Pelletier (Élyse) : Non, pas
du tout. Si c'est juste... Ça serait à contre-courant de tout ce qui se
passe présentement dans tout ce qui est de la vente en général. Donc, je ne
pense pas que c'est une bonne idée.
M. Pagé :
Mais vous conviendrez avec moi qu'on souhaite justement ne pas en vendre trop
ou en vendre le moins possible. Même, l'objectif, c'est qu'un jour, un peu
comme la cigarette... il y a 20, 30 ans, 40 ans, 50 % de la population et plus fumait. Aujourd'hui, c'est
moins de 20 %, et on espère un jour être à moins de 10 %. Alors, on
espère la même chose avec le cannabis.
Il y a un
article 55 qui prévoit justement qu'on va éventuellement avoir des projets
pilotes pour peut-être vendre même via le
privé, parce que ce n'est pas clair tout ça, là. Vous avez entendu probablement
l'UMQ tantôt qui est venue dire : Idéalement, là, enlevez ça pour
le moment, et on pourra réévaluer plus tard, un jour, plus tard. Qu'est-ce que
vous en pensez?
Le Président
(M. Merlini) : En 20 secondes.
Mme Berger
Pelletier (Élyse) : Oui. En fait, c'est que je ne suis pas assez une
experte en législation pour vous suggérer
de l'enlever puis de le remettre ensuite. Personnellement, d'avoir l'option de
projets pilotes dans la loi, à mon humble
avis, c'est une bonne idée parce qu'en fait ça vous permet encore une fois de
faire la recherche sur certaines choses, peut-être, qu'on n'aurait pas pensées initialement, vu que c'est
nouveau, là. Donc, pour ce qui est de la vente au privé, puis tout ça, en fait, en tant que présidente de
l'association, je ne peux pas vraiment me prononcer là-dessus. Mais
d'enlever ce projet, cette section-là de
projets pilotes, si vous me dites que vous pouvez la rajouter dans quelques
années, peut-être que, oui, on est mieux d'y aller par étapes.
Il y a un principe en médecine
d'urgence qu'on est toujours mieux de se préparer au pire, puis après ça,
quand ça va bien, bien, on est contents.
Donc, si vous me dites que c'est une crainte pour vous que, dans la
législation, ce projet-là soit
inscrit puis que ça soit un danger pour la population, bien, effectivement,
c'est mieux de le retirer. Mais, en même temps, d'un autre côté, pour la
recherche, je pense que c'est une bonne chose.
Le
Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Labelle, pour ce
bloc d'échange avec notre invitée. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. M. le député
de Borduas, pour 6 min 30 s. À vous la parole.
M. Jolin-Barrette :
Merci, M. le Président. Dre Berger Pelletier, bonjour, merci de participer aux
travaux aujourd'hui. Écoutez, je voudrais
profiter de votre expertise de spécialiste en médecine d'urgence. Tantôt, vous
l'avez abordé un petit peu c'est quoi, les
risques associés à la consommation de cannabis. Mais, dans la réalité, là, de
vous, de votre pratique médicale et de vos membres, comment ça se
traduit, dans le fond, les troubles psychotiques, les gens que vous voyez à
l'urgence?
Mme Berger
Pelletier (Élyse) : C'est un reflet de ce que nous, nous vivons dans
notre pratique, puis je pense que, dans la littérature, c'était très
bien décrit. Les deux pathologies les plus fréquemment rencontrées à l'urgence
sont la psychose, les symptômes de sevrage,
tout ce qui est de la sphère psychiatrique puis une maladie qui est un peu
méconnue, qui s'appelle l'hyperémésis
secondaire au cannabis. Sinon, du côté pulmonaire, on voit quand même des
asthmatiques qui ont une exacerbation de
leur asthme sur... avoir fumé du cannabis. C'est principalement les choses
qu'on voit. Comme je vous dis, ce n'est pas légal présentement, puis on
le voit de façon quasi... pas quotidienne, j'exagérerais, mais hebdomadaire,
ça, c'est certain.
M. Jolin-Barrette :
O.K. Pour la population qui nous écoute, là, c'est quoi, une psychose? On dit
beaucoup, là, une psychose, une psychose. Mais qu'est-ce que ça veut dire
concrètement?
Mme Berger
Pelletier (Élyse) : Bien, une psychose, c'est une altération du
comportement puis une altération du contact
avec la réalité. Donc, les gens se présentent souvent... pas souvent, mais
souvent, quand c'est avec un abus de substance,
avec des troubles de comportement : agressivité, ils crient, ils veulent
enlever leurs vêtements. Puis, sinon, c'est
une perte de contact avec la réalité. Donc, c'est une personne qui,
habituellement, fonctionne de façon normale, qui, présentement, ne perçoit plus la réalité. Donc, ça
peut être des hallucinations, ça peut être des idées délirantes, comme,
par exemple, un délire de persécution, un
délire paranoïde. Donc, c'est-à-dire que la personne — je vous donne des exemples, c'est plus facile à comprendre — mais, tout d'un coup, pense qu'elle est
surveillée par son voisin parce qu'elle a consommé du cannabis, puis là devient très agitée, très
anxieuse du fait que... persuadée qu'il y a des micros dans son
appartement, puis des choses comme ça. C'est
ça, une psychose. Donc, c'est quelqu'un qui, habituellement, a l'air tout à
fait normal puis, suite à une consommation de substance, devient...
perte de contact avec la réalité, troubles de comportement. C'est ça, une
psychose.
M. Jolin-Barrette : O.K. À partir du moment où vous faites une
psychose due à la consommation de substances illicites ou, notamment, le cannabis, est-ce qu'il peut y avoir d'autres
conséquences? Est-ce que vous pouvez migrer vers des maladies mentales
ou est-ce que c'est un facteur de prévalence de maladies mentales?
Mme Berger
Pelletier (Élyse) : Tout à fait, c'est ce que je vous mentionnais, là.
L'étude la plus récente que j'ai vue
à ce sujet-là, c'est une étude danoise. Le cannabis, plus que n'importe quelle
autre drogue ou substance, est celle qui est le plus associée avec des psychoses qui deviennent des diagnostics psychiatriques longitudinaux : maladie
bipolaire, schizophrénie. Donc, ce n'est pas
seulement un événement unique, c'est quelque chose que la personne va vivre toute sa vie. La question que la ministre me mentionnait plus tôt, c'est : Est-ce que
c'est des gens qui avaient déjà une fragilité personnelle, et le cannabis
a fait que ça s'est développé? Dans la littérature, pour l'instant, ce n'est
pas clair.
Donc,
oui, il y a des facteurs de risque. Si vous avez dans votre
famille des gens qui ont déjà des maladies psychiatriques, puis tout ça... vont être à risque en consommant du
cannabis, mais il y a certaines données qui nous disent que, peu
importe, si vous n'aviez aucun facteur de risque puis vous consommez du
cannabis... Les facteurs de risque, c'est en bas âge, donc plus vous êtes jeunes puis plus vous en consommez, la
quantité va faire que vous allez malheureusement... C'est une personne
sur deux. Dans l'étude que je vous parle, c'est 47 %. C'est énorme.
M. Jolin-Barrette :
Quand vous nous dites... Plus on consomme jeune, plus la courbe de facteur de
risque augmente, c'est ce que je comprends de votre propos.
Mme Berger
Pelletier (Élyse) : D'où le fait que la plupart des médecins ont
statué sur l'âge de 21 ans.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais ça, c'est quand même important. Ça fait que, dans le fond, on est face à un choix de société. On dit : Bien, écoutez,
on fixe à 18 ans. Ce que vous allez consommer entre 18 puis 21 ans,
bien, vous savez d'où va provenir la substance. Par contre, pour tous
ceux qui fument dans nos écoles secondaires, qui ont 12, 13, 14, 15, 16, 17 ans, eux, bien, on les oublie, on
les met sur la voie de garage. Mais il
y en a dans les écoles. Puis j'ai
fait la nomenclature des écoles qu'il
y a dans la circonscription de la ministre. Ou on envoie un message de société
puis on dit : Bien, écoutez,
ça a des conséquences. Vous avez une chance sur deux, si vous consommez du
cannabis, d'en arriver là. Ça augmente votre taux de prévalence.
Alors, nous, on jongle avec ça. On se
retrouve dans cette situation-là. Nous, on a proposé 21 ans parce qu'on s'est fondé sur vos données.
Mais les maladies mentales associées, la schizophrénie, la bipolarité, est-ce
que... C'est quoi, cette réalité-là que... Les gens qui vivent avec ces
maladies mentales là, c'est quoi, leur quotidien? C'est quoi, leur... Qu'est-ce que ça peut faire pour un jeune de 18 ans, là, qui se retrouve dans
une situation de psychose puis que c'est un facteur de
risque qui déclenche?
Mme Berger
Pelletier (Élyse) : Bien, en
fait, là, là-dessus, c'est très variable parce qu'il y a des gens qui font des diagnostics comme ça qui, une fois
pris en charge, bien traités, sont stables. C'est des gens fonctionnels qui
vont être capables d'être des travailleurs puis des gens dans la société qui fonctionnent quasi normalement. Le danger, c'est souvent les
rechutes. Sur un diagnostic en bas âge comme ça, à 18, 20 ans, c'est quasi
impossible que vous vous rendiez jusqu'à la fin de votre vie sans
rechute, donc des hospitalisations, des choses comme ça.
Puis
malheureusement il y a une bonne proportion des gens qui ont des
diagnostics comme ça qui ne sont pas aptes à travailler puis qui vont devoir toute leur vie se batailler avec ce
diagnostic-là. On a des... Je veux dire, on... Je souris parce que, tu
sais, on a des gens qu'on voit, nous, presque à chaque deux, trois semaines qui
ont des diagnostics comme ça. Donc, en tout cas, c'est des clients quasi
réguliers, là. Puis je sais que c'est vécu dans toutes les urgences. Donc,
c'est très sérieux, effectivement.
Mais
il faut comprendre que la légalisation nous met juste... Présentement, c'est juste que, là, le focus est centré là-dessus, mais c'est quelque
chose qui existait déjà, ces problèmes-là. C'est juste que, là, moi, je trouve
que c'est une opportunité unique justement d'augmenter la prévention,
d'augmenter dans les écoles secondaires ce genre de sensibilisation là où on explique à nos adolescents le danger de la consommation. Personnellement, c'est une chance en or.
Ça fait que je suis contente de pouvoir être à la commission puis de le
mentionner haut et fort parce que c'est déjà comme ça. Puis, comme je vous expliquais, la légalisation ne va pas, du jour au lendemain, faire qu'il va y avoir 30 % de plus de la population qui vont consommer. Mais c'est juste, en fait,
que, tranquillement mais sûrement, ça va être de plus en plus banalisé.
Puis,
tu sais, je veux faire le parallèle avec l'alcool. Tu sais, je comprends que,
s'il y a bien des enfants en bas de 18 ans
qui ont consommé de l'alcool... puis ils n'allaient pas l'acheter sur le marché
noir, tu sais. Ça a été vendu légalement, puis ils s'en procuraient de
façon légale. Ça fait que c'est pour ça que j'ai un bémol avec l'argumentaire
parce que, présentement, tout le cannabis
est sur le marché illicite. Puis là on se dit : Bien, écoutez, puis, si on
le met à 18 ans, bien, ils vont
arrêter d'aller sur le marché illicite, mais peut-être que, si on le met à
21 ans, ils vont quand même être capables de s'en procurer via la... Comprenez-vous un peu, là?
Dans le quotidien, dans la vie de
tous les jours, c'est ce qui est vécu, là.
Le
Président (M. Merlini) :
Dre Élyse Berger Pelletier, présidente de l'Association des spécialistes
en médecine d'urgence, merci de votre présence.
Merci de votre
contribution précieuse aux travaux de la commission, qui, elle, ajourne ses
travaux sine die. Bon appétit à tous!
(Suspension de la séance à
11 h 30)
(Reprise à 15 h 34)
Le
Président (M. Merlini) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare donc la
séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je
demande à toutes les personnes présentes dans la salle du Conseil législatif de
bien vouloir éteindre toute sonnerie de tout appareil électronique.
La
commission est réunie cet après-midi afin de procéder et de continuer les
auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le
projet de loi n° 157, Loi constituant la Société québécoise du cannabis,
édictant la Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en
matière de sécurité routière.
Cet après-midi, nous
entendrons les groupes suivants : l'organisme Portage, la Fédération
médicale étudiante du Québec et l'Association québécoise des programmes pour
premiers épisodes psychotiques.
Alors, je souhaite
donc la bienvenue à l'organisme Portage. Je vous invite à vous présenter au
début de votre exposé. Vous avez 10 minutes
ensuite pour nous présenter votre rapport. Et ensuite nous aurons les échanges
avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS. La parole est à
vous.
Portage
M. Berwald (Marc) : Merci. Mme
la ministre, M. le Président, Messieurs mesdames les députés. Premièrement, merci à la
commission d'avoir accepté de nous entendre. Mon nom est Marc Berwald, je suis
vice-président des opérations et de l'administration chez Portage. À ma gauche, Mme Seychelle Harding, directrice des communications, et, à ma
droite, M. Gilles Cuillerier, directeur des partenariats stratégiques au
Québec.
J'apporte
les salutations de M. Peter Howlett, qui est le président de Portage, qui,
malheureusement, à cause des raisons de santé, n'a pu se présenter
aujourd'hui.
Depuis
sa fondation, en 1970, Portage a aidé des milliers de personnes à reprendre
leur vie en main grâce à ses programmes
de réadaptation en toxicomanie offerts à des adolescents, des adultes, des
femmes enceintes, des mères avec leurs jeunes enfants et aux toxicomanes
souffrant de problèmes de santé mentale, aux autochtones et aux individus
référés par la justice.
À
l'aide de nombreux partenaires intersectoriels, Portage offre des traitements
de réadaptation en toxicomanie dans
ses nombreux centres du Québec, principalement dans les régions de Montréal,
des Laurentides, de la Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches.
Annuellement, nous recevons environ 500
adolescents de 14 à 18 ans aux programmes de Portage. De ce nombre, 88 %
sont dépendants du cannabis. Un autre 400 adultes vont se présenter à nos
portes. Et nous constatons également les méfaits d'usage abusif encore du
cannabis parmi cette clientèle.
C'est la
protection de cette population vulnérable qui a motivé notre organisation à
s'impliquer dès le départ dans le débat
sur la légalisation du cannabis. C'est cette motivation aussi qui explique la
présentation de Portage aujourd'hui et avec laquelle nous avons analysé
votre projet de loi.
La position
de Portage sur la légalisation de la marijuana est très claire : soyons
vigilants face aux impacts. La légalisation
n'arrête pas la dépendance. Portage est d'avis, en parlant du projet de loi,
que le projet de loi est axé sur la prudence
et que la création de la Société québécoise du cannabis et plusieurs
dispositions du projet de loi représentent un pas dans la bonne direction.
Nous désirons par ailleurs attirer l'attention
des élus à quelques enjeux importants. Premièrement, l'âge de la consommation. En matière de consommation du
cannabis, les jeunes et les jeunes adultes sont un groupe vulnérable et
à risque. À l'instar de plusieurs
organisations médicales et sociales, Portage a recommandé au gouvernement
fédéral et au gouvernement provincial
de ne pas légaliser la consommation du cannabis avant l'âge de 21 ans. De
même, nous avons recommandé de contrôler le niveau du THC, l'élément
actif du cannabis.
Le cerveau
est en développement jusqu'à 25 ans, et le THC est une substance qui, à
forte dose, peut accroître les risques
de santé mentale. De plus, les recherches démontrent clairement que le plus
tard une personne débute la consommation du cannabis, le plus les
risques de dépendance et d'abus sont réduits.
À défaut de
considérer cette proposition, Portage vous recommande quand même que les jeunes
de 18 à 24 ans soient considérés
comme un groupe prioritaire dans le cadre de la période de transition du projet
de loi, et par le comité de vigilance, et par les activités de
recherche, que le rapport de la ministre, suite à la période de transition,
accorde une importance particulière à ce groupe et que le gouvernement applique
quand même de plus grandes restrictions sur la consommation pour les jeunes de 18 à 21 ans, tel qu'il le propose dans
son projet de loi encadrant les jeunes conducteurs, en modifiant le Code
de la sécurité routière, par exemple.
Je vais parler maintenant de la vigilance accrue
pour soutenir les services de réadaptation. Les activités de prévention sont primordiales. Pour être efficaces,
elles se doivent d'être intégrées dans un continuum de services, de
soins, particulièrement pour les clientèles vulnérables.
Dans une perspective globale et intégrée, la prévention et la
réadaptation sont des vases communicants.
On peut
s'attendre à ce qu'en augmentant la sensibilisation par des programmes de
prévention on augmente aussi la demande de services en réadaptation. On
conviendra qu'ils deviennent un enjeu éthique important si les activités de
prévention sont également... pardon, significativement augmentées et non les
services de réadaptation.
• (15 h 40) •
En fait,
Portage déplore un peu le manque du terme «réadaptation», quasi absent de la
loi. Nous croyons fermement
que le gouvernement doit outiller les centres de réadaptation qui viennent en
aide aux personnes dépendantes. Ce serait
d'autant plus important avec la légalisation de la marijuana. À cet égard, nous recommandons que la totalité
des sommes perçues, incluant la TVQ, avec la
légalisation de la marijuana serve au développement et à la mise
en oeuvre d'une stratégie nationale de prévention et de réadaptation de
la dépendance des drogues et, ultimement, qu'une portion significative soit
réservée aux services de réadaptation. En plus, nous croyons que nous ne devons
pas permettre un transfert des surplus de ce fonds au fonds général du gouvernement.
Je continue
avec une vigilance que nous croyons importante pour l'encadrement du cannabis dans les lieux publics. Pour l'essentiel, le projet de loi réglemente l'encadrement du cannabis suivant les mêmes dispositions que la consommation du tabac, en y ajoutant certaines contraintes.
Portage est d'avis que la consommation du cannabis devrait être
interdite aux mêmes endroits où il est interdit de consommer de l'alcool plutôt
que de suivre le barème du tabac.
Finalement,
Portage accueille favorablement la mise en place d'un comité de vigilance en
matière de cannabis, lequel est
chargé de conseiller le ministre en toute question relative au cannabis. Si son
expertise est requise, c'est avec plaisir que Portage y participera, aux
travaux de ce comité.
Quelques
commentaires. Premièrement, par rapport au mandat, le mandat du comité de
vigilance devrait prévoir une veille
de différents indicateurs, plus précisément de l'évolution de l'état de santé,
des habitudes de consommation des Québécois,
des demandes d'aide des personnes consommatrices de cannabis et des délais
d'attente pour accéder à des services de réadaptation.
Nous croyons
aussi qu'afin de réaliser son mandat, Portage... pardon. Portage est d'avis que
les membres du comité devraient être bonifiés. Plus précisément, Portage
propose que le secteur de la réadaptation et du traitement des toxicomanies soit spécifiquement représenté dans
la composition du comité. Portage est également d'avis que le comité de vigilance doit privilégier un partenariat et
une relation de collaboration avec les usagers des services et leurs
proches, notamment en s'assurant qu'ils soient représentés au comité de
vigilance.
Encore sur le
comité de vigilance, le projet identifie le rôle conseil du comité auprès du
ministre. Nous sommes d'avis, par contre, que le mandat du comité
devrait avoir plus d'impact direct sur les politiques et les pratiques de la Société québécoise du cannabis et que les
administrateurs devraient assurer non seulement une veille sur l'efficacité
de la filiale, mais aussi de sa mission de
santé. Nous recommandons donc que le conseil d'administration de la Société
québécoise du cannabis soit mandaté
de recevoir le rapport du comité de vigilance, de répondre et d'agir sur les
recommandations de ce comité au moins deux fois par année.
Si vous avez notre mémoire, il
contient d'autres points. Nous avons des commentaires sur la vente en ligne et
aussi sur les lieux de possession.
En
conclusion, Portage observe que l'expérience américaine démontre notamment que
la législation américaine du cannabis tend à banaliser la consommation,
et c'est dans cet esprit que nous avons développé une publicité visant à
sensibiliser l'importance d'agir avec prudence.
Maintenant
que le Québec chemine vers la légalisation du cannabis, Portage est d'avis que
les acteurs qui interviennent en matière de prévention et de
réadaptation des dépendances doivent travailler en collaboration afin de s'assurer que nos jeunes ne paient pas le prix des
effets collatéraux de la légalisation du cannabis. À cet égard, vous
avez un rôle important à jouer en tant que
législateurs. Tout au cours de vos délibérations, vous devez toujours avoir en
tête les impacts dévastateurs de la dépendance et de la toxicomanie.
Portage
vous invite d'ailleurs à rencontrer nos jeunes, à écouter leurs histoires et à
les garder en mémoire lors de vos
débats, peu importe la voie qui sera choisie, car la légalisation, nous le
répétons, n'arrête pas la dépendance, et il ne faut pas que nos jeunes
en paient le prix. Merci.
Le Président
(M. Merlini) : Merci beaucoup, M. Berwald, pour cette présentation.
M. Berwald
(Marc) : Berwald.
Le Président
(M. Merlini) : Berwald, merci. Je vous en prie.
M. Berwald
(Marc) : ...
Le
Président (M. Merlini) : Oui. Merci beaucoup. Nous allons
procéder immédiatement au bloc d'échange avec Mme la ministre et députée
de Soulanges. Il vous reste 15 min 30 s. À vous la parole, Mme
la ministre.
Mme Charlebois :
Alors là, je ne retrouve plus vos noms, mais, bon, bienvenue à vous tous.
M. Berwald, c'est ça?
Une voix :
...
Mme Charlebois :
Et les gens qui vous accompagnent, ça va aller plus vite comme ça, quand je
vais les retrouver...
M. Berwald
(Marc) : M. Cuillerier et Mme Harding.
Mme Charlebois :
Pardon?
M. Berwald
(Marc) : M. Cuillerier et Mme Harding.
Mme Charlebois :
Alors, merci beaucoup d'être venus nous présenter votre mémoire. C'est fort
intéressant, vos positions. Et je vais rentrer tout de suite dans le vif
du sujet parce que vous nous interpellez sur les jeunes, puis c'est effectivement là où est notre plus grande crainte
parce qu'on sait qu'actuellement, bien que ce soit illégal, il y a 42 %
des jeunes... les consommateurs en général
de cannabis sont des consommateurs entre 18 et 24 ans. Et, veux veux pas,
ça ne peut pas faire autrement que
nous interpeller. Et, vous avez raison, la légalisation au Québec, mais c'est
dans l'entièreté du Canada, le Québec va vivre la même application que
les autres provinces.
Moi,
j'ai eu beaucoup de questionnements là-dessus. J'ai beaucoup lu. J'ai entendu
beaucoup en consultation. On a entendu au forum d'experts plusieurs
positions. Puis je ne vous cache pas que ça continue, on a plusieurs positions,
mais il y a beaucoup plus de gens qui sont
en faveur du 18 ans. Et je vous explique pourquoi dans notre projet de
loi, au gouvernement, on a mis 18 ans. C'est qu'on voulait
justement se donner la chance d'être capables de tendre la main à ces jeunes-là et de leur parler, d'avoir des
indicateurs de suivi, d'être capables d'entrer en communication avec eux
plutôt que de les laisser sur un marché illicite.
Parce
que ce qu'on cherche à faire ultimement avec la Société québécoise du cannabis,
c'est de rapatrier les gens qui sont
sur un marché illicite pour les ramener vers quelque chose de licite, légal,
là. Et on se disait qu'en introduisant... Parce qu'on le sait, ils vont consommer pareil, et vous le savez, vous aussi,
vous êtes en traitement de la dépendance. Je ne vous cache pas ça, là, vous êtes conscients de ça. Vous
en avez déjà, des jeunes, là, bien que ce soit illégal. Alors, on se
disait, nous, que d'avoir la chance d'avoir,
avec nos travailleurs qui seront en boutique, qui auront une certaine formation
qui sera donnée par le ministère de la Santé...
Parce que vous savez que ce ne sera pas les mêmes travailleurs qui sont à la
Société des alcools et à la Société
québécoise du cannabis, et tout ça parce qu'on veut que les gens aient une
formation spécifique, qu'ils puissent
donner de l'information, qu'ils puissent renseigner les gens, qu'ils puissent
questionner sur certaines choses.
Alors,
ne croyez-vous pas que c'est de mieux les protéger que d'être capable
d'échanger avec eux, de contrôler la qualité
du produit? Parce que ceux qui sont sur le marché illicite, là, bien
franchement, là, ils se soucient très peu de la santé de leurs clients puis ils devraient parce qu'ils
les conserveraient peut-être, tu sais. Je dis ça en blague, hein, c'était
une blague, je ne souhaite pas que les
jeunes soient là-dessus. Mais, farce à part, ils se soucient très peu de l'état
de santé de leurs clients et de la qualité de leurs produits. Ne
croyez-vous pas qu'on doit plutôt tendre la main, essayer d'avoir de meilleurs rapports, essayer de discuter de
prévention avec eux, mais à tout le moins avoir un contact avec eux pour
qu'on puisse faire un lien, se donner l'occasion de communiquer avec ces
jeunes-là?
M. Cuillerier
(Gilles) : Écoutez, Mme la ministre, je vais essayer de résumer
rapidement notre position là-dessus. C'est
clair que, dans le projet de loi, il y a deux... dans la question de l'âge, il
y a deux tendances qui s'affrontent, hein? Il y a la question de la santé des jeunes et il y a la question d'une
approche de réduction des méfaits ou de santé publique. Je pense que
d'autres interlocuteurs ont nettement, là, exprimé ce débat-là. Je pense
notamment à l'Association des médecins
d'urgence, que vous avez entendue sur cette question-là. Je pense que vous avez
fait un choix, vous en avez largement débattu.
Par contre, concernant les experts, nous, on
consulte d'autres experts qui sont notamment les jeunes et leurs parents, hein? Et c'est pour ça qu'on insiste
beaucoup pour que dans le débat, particulièrement sur votre comité de
vigilance, que ces personnes-là soient
également représentées. Je pense qu'au Québec on a fait des bonds assez
importants dans la reconnaissance des usagers et des patients. On parle
beaucoup de patients partenaires et d'usagers, et je pense qu'ils peuvent largement contribuer aux orientations dans
nos établissements, où on le vit au jour le jour, mais ils pourraient également contribuer aux orientations que vous
allez prendre. Mais c'est clair que, pour nous, il y a un enjeu
important de santé, de santé physique, de santé aussi des jeunes, et c'est le
camp qu'on a pris avec eux.
Mme Charlebois :
Ça fait qu'on va abandonner toute la grande portion des consommateurs au marché
illicite.
• (15 h 50) •
M. Berwald
(Marc) : Écoutez, bien,
premièrement, je ne vois pas pourquoi il faut abandonner les
consommateurs, qu'on ne peut pas leur parler, qu'on ne peut pas les éduquer,
même s'ils n'ont pas le droit, s'ils n'avaient pas le droit de consommer du
cannabis. Je pense qu'on peut avoir...
Mme Charlebois :
Oui. Considérez-vous qu'on réussit bien en ce moment?
M. Berwald (Marc) : Pardon?
Mme Charlebois :
Considérez-vous qu'on réussit bien en ce moment?
M. Berwald (Marc) : Non.
M. Cuillerier
(Gilles) : Mais,
présentement, il y a des enjeux majeurs de rejoindre les jeunes qui
ont des problèmes de consommation, Mme la ministre. Vous savez très bien
que les taux de pénétration, en moyenne... le taux de pénétration, c'est le nombre de jeunes qui ont requis des services de
réadaptation, on en rejoint à peine... même pas 25 % au Québec. Et,
dans certaines grandes régions comme Montréal, c'est 14 % des jeunes.
Mme Charlebois :
Donc, on est mieux d'avoir un lien avec eux.
M. Cuillerier
(Gilles) : Oui, tout à fait, puis il y a d'autres liens qu'on peut
faire. Mais c'est clair que, dans une perspective
de santé globale, d'avoir une perspective globale, le point de vue de la santé
publique en est un, mais le point de vue de la santé également physique
des jeunes est un autre élément qui est important.
Mme Charlebois :
Moi, je ne vous dis pas que je veux que les jeunes consomment, mais ils
consomment déjà, c'est illégal. Ça
fait que je veux me donner... Puis je sais que ça tanne le député de Borduas,
là, puis il va me faire la litanie de dire
que, dans mon comté, j'ai des écoles puis j'abandonne des jeunes de 12 à 17,
là. Mais, tant qu'à faire, j'ai le goût de lui dire : Bien, veux-tu abandonner ceux de 17 à 21? Tu sais, on peut
jouer à ça puis on peut faire de la petite politique, mais je pense
qu'avec le député de Labelle on est ici pour parler des vrais sujets, puis j'ai
le droit de questionner, puis, bon, il fera ses questions après.
Mais, ceci étant
dit, moi, je pense, parce que pour jaser avec des jeunes, puis vous jasez, vous
autres aussi, que, quand c'est défendu à l'adolescence, c'est encore
plus tentant, et à 18 ans... Puis on sait, je vous répète, 42 % des jeunes de 18 à 22 ans consomment. C'est les
consommateurs de cannabis. Bon, vous avez fait votre point, j'ai fait le
mien. On a échangé en tout respect, et j'aime ça, comment ça se déroule. On va
continuer dans ce sens-là.
Maintenant,
vous avez parlé... vous avez très peu parlé de la possession, je pense. Est-ce
que je me trompe? La quantité à domicile que les gens peuvent posséder.
M. Berwald (Marc) : On en a
très peu parlé.
Mme Charlebois :
Vous n'en avez pas parlé. Est-ce que vous y avez réfléchi ou si vous souhaitez
me dire que, bon, cet aspect-là, ce
n'est pas quelque chose... Parce qu'on a mis 150 grammes par résidence,
comme le cannabis thérapeutique, d'ailleurs. Vous voyez qu'on utilise
l'expression «cannabis non thérapeutique».
M. Cuillerier
(Gilles) : On ne s'est pas prononcés dans notre mémoire. Par contre,
il y a un élément dans notre mémoire
concernant la possession dans les résidences RIRTF, les ressources
intermédiaires et RTF. On est inquiets de ça, Mme la ministre, parce que
le projet de loi identifie un certain nombre d'endroits où ce n'est pas permis
d'avoir des substances à des fins
personnelles, bien que gardées de façon sécuritaire. Par contre, les RIRTF, les
ressources intermédiaires et les
ressources de type familial, vous permettez, dans le projet de loi, que les
propriétaires de ces résidences-là conservent, alors qu'on sait que, dans certaines de ces ressources-là, il y a des
jeunes en difficulté qui sont placés dans ces ressources-là sous la supervision des
centres jeunesse. Et c'est également un réseau qui est très, très développé
auprès de la clientèle en santé mentale. Donc, nous, on a des
inquiétudes et on vous recommande, là, très sommairement dans le mémoire, de considérer, particulièrement dans le cadre des
trois à cinq premières années, que ce type de ressources là soit
considéré dans la liste des ressources, des endroits où ce n'est pas permis,
là, de conserver du cannabis à des fins personnelles.
Mme Charlebois :
Puis ça, même si je vous disais que... Comme dans les centres de jeunes, là, ou...
voyons, les familles d'accueil pour
les jeunes en protection de la jeunesse, vous savez que, quand il y a des
médications ou même en traitement de dépendances, vous avez des endroits
pour serrer les médicaments, tout ça, bien clos pour éviter que les médicaments
soient mal utilisés et/ou transférés d'un à l'autre. Est-ce que, si on avait un
dispositif comme ça, parce que c'est quand même leur milieu de vie, les
personnes qui ont des ressources de type familial, si le produit était bien
encadré, serré, barré... Comment vous voyez ça?
M. Cuillerier (Gilles) : Bien là, on parle davantage d'une consommation récréative et non pas d'une consommation
médicale de cannabis, tu sais. Mais moi, je
pense que, quand on est dans un... On va écrire une nouvelle page
blanche au Québec, là, avec la légalisation du cannabis, et je pense qu'il y a
certaines prudences lorsqu'il y a des clientèles vulnérables dans
certains endroits. Et les RIRTF, pour nous, sont des ressources où il y a des clientèles
vulnérables.
Mme Charlebois :
Est-ce que, dans vos centres de traitement de dépendances, il y a un endroit
pour mettre les médicaments sous clé?
M. Cuillerier (Gilles) : Oui,
tout à fait.
Mme Charlebois :
Est-ce qu'on pourrait faire ça avec le cannabis des personnes qui ont la
propriété?
M. Cuillerier
(Gilles) : Bien nous, c'est
le médicament qui est prescrit chez nous. Donc, si vous venez chez nous avec un médicament qui n'est pas prescrit, on va
vous questionner sur vos habitudes de consommation de médicaments également. Et, à moins que... si ce n'est pas prescrit par
un médecin, ça ne sera pas autorisé. Et, chez nous, les seuls qui ont
accès, c'est les professionnels de la médecine aussi.
Mme Charlebois :
Pardon?
M. Berwald (Marc) : Les seuls
qui ont accès, chez nous, à ces installations-là, ce sont des infirmières ou
des auxiliaires. Les autres, les employés n'ont pas accès.
Mme Charlebois : Que dites-vous de la production personnelle? Qu'est-ce que vous avez conclu au niveau
de la production personnelle? On a mis une
interdiction totale de production personnelle. Vous, c'est quoi, votre
position?
M. Berwald (Marc) : On n'a pas
de commentaire précis sur la...
M. Cuillerier (Gilles) : Bien,
c'est un geste de prudence. Pour moi, dans un... où on écrit une nouvelle page
blanche, là, c'est un geste de prudence, on l'accueille comme ça.
Mme Charlebois : Parce
que, si on veut être cohérent, il me semble que votre position, ce serait d'adhérer à zéro plant pour
culture personnelle. Si vous dites que, dans une ressource de type familial, il
ne devrait pas y avoir zéro...
Une voix : Tout à fait.
Mme Charlebois : Mais
il y a des enfants quand même puis il peut y avoir des enfants vulnérables.
Une voix : Tout à fait.
Mme Charlebois : Parlez-moi de la vente en ligne. Vous avez des
craintes là-dessus. Et on sait que tout le marché, en ce moment, beaucoup de choses se font sur la vente en ligne. Il y a
des gens qui nous ont dit qu'on pouvait faire ça de façon
sécuritaire. Il y a des règles à respecter, évidemment.
Mais vous, vous semblez inquiets de ça. De quoi vous êtes inquiets exactement?
M. Berwald
(Marc) : Là où on est
inquiets, c'est que... Bien, premièrement, on n'est pas des experts du commerce de détail en ligne. Mais, en parlant à nos jeunes,
la... puis il y a une grande partie, au moins 30 % qui admettent qu'ils ont déjà
acheté des drogues en ligne, du cannabis, et autres. Donc, c'est déjà présent
dans le marché.
Notre préoccupation,
c'est plutôt qu'on se demande... on ne sait pas comment est-ce qu'on va
contrôler les gens qui ne sont pas de la
Société québécoise du cannabis de faire de la vente en ligne en plus. Donc, si
on restreint la vente en ligne, si on
n'a pas le droit de faire de la vente en ligne à la Société québécoise du
cannabis, on peut essayer d'enrayer toutes
les ventes en ligne, sinon il va falloir être très vigilant sur comment les
gens se représentent, les gens de n'importe où, les gens du crime organisé qui peuvent faire un site qui va ressembler
parfaitement au site de la Société québécoise du cannabis. On n'a pas de commentaire direct sur
comment améliorer, comment protéger les gens pour la vente en ligne,
mais il semble qu'il y a beaucoup de risques à ça.
Mme Charlebois :
Le site serait détenu par la Société québécoise du cannabis, c'est sûr, et il y
aurait des messages de prévention, et
tout ça, puis il y aurait les nécessités de... Mais ce que vous avez peur, ce
que je comprends, là, si j'ai bien
compris, c'est que vous avez peur que des gens imitent ce site-là ou se collent
à la réalité de ce qui est vendu par la Société québécoise du cannabis.
M. Cuillerier
(Gilles) : C'est une des craintes. Puis l'autre crainte qu'on a aussi,
c'est compte tenu de la clientèle jeune qu'on veut beaucoup prémunir,
particulièrement les 18-24 ans. Un bref survol de notre clientèle a permis
de constater — nous, on fait affaire avec une clientèle
très dépendante — que
30 % avaient utilisé le Web pour se procurer des substances illicites. Donc, on a des craintes,
mais je pense qu'on rejoint... en termes de préoccupation, comment ça va
être davantage balisé, donc on se rejoint là-dessus.
Mme
Charlebois :
Vous avez parlé de notre comité de vigilance, j'ai trouvé ça le fun parce que
ce n'est pas beaucoup de groupes qui en
parlent, puis, quand... Bien, il y en a, qui en parlent, mais juste pour
dire : Bien là, il faut que ce soit
éthique, il ne faut pas qu'il y ait quelqu'un... Puis c'est normal, là, il ne
faut pas que quelqu'un ait des intérêts dans des compagnies de
production et... bon. Et tout le monde est intéressé à siéger au comité de
vigilance. C'est le fun, je vois de l'intérêt.
Mais
je vais «scooper» mon collègue de Labelle, je vais aller... parce qu'il parle
souvent d'observatoire, puis de tout
ça. On a déjà toutes les organisations pour ça, prendre les mesures, et tout.
Puis le fait qu'on aura la Société québécoise du cannabis, on aura une banque de données potentielle justement pour
transmettre à l'institut d'excellence et à d'autres instituts qui vont
pouvoir faire l'analyse de ces banques de données là.
Et vous nous parlez,
puis ça, c'est pour ce qui concerne la question... Parce que j'écoute sa
question, puis ça m'intéresse toujours, puis je veux vous entendre là-dessus.
Mais le comité de vigilance, je veux aussi vous entendre là-dessus parce que c'est deux choses totalement
différentes. Vous nous dites : Il faudrait des rapports plus fréquents.
Nous, on veut faire en sorte que le comité
de vigilance fasse un rapport au ministre de la Santé une fois par année et
que, 30 jours après qu'il a
obtenu rapport, il faut qu'il le rende public. Évidemment, bien, une fois qu'il
est rendu public, il peut se passer bien des choses après. Comment vous
voyez ça?
Puis
vous savez qu'on va revoir la loi dans trois ans. En principe, il y aura le
rapport sur la mise en oeuvre puis ensuite
il y aura révision de la loi. Je comprends qu'on peut réviser à toutes les
sessions, comme le dit un de mes collègues, mais c'est très peu probable dans l'application de chaque loi parce
qu'on sait qu'on manque de temps. Il y a différentes lois. Il y a toujours des priorités qui sont... Puis le tabac, ça n'a jamais
été révisé aux années. Alors, je ne vois pas comment, le cannabis, on va faire ça. Il va falloir pouvoir
avoir une certaine souplesse réglementaire. Mais, avec le rapport qu'aura le ministre une fois par année et, à la fin, toute
l'expertise qui aura été cumulée...
Parce qu'on a tout ce qu'il
faut pour cumuler des données, examiner des données, avoir une meilleure
idée de qui sont les consommateurs, le profil, etc. Est-ce que vous ne pensez pas qu'avec tout ça on va être en mesure de
prendre des bonnes décisions quand il y aura le dernier rapport sur la
mise en oeuvre, dans trois ans?
• (16 heures) •
Le Président
(M. Merlini) : Malheureusement, Mme la ministre, la réponse devra
se faire attendre, à moins que M. le député de Labelle voudrait entendre la
réponse à la question de Mme la ministre. M. le député de Labelle, vous avez
9 min 30 s.
M. Pagé :
Oui. Bien, en fait, effectivement, nous sommes tous les deux très préoccupés
quant à la suite des choses. C'est la raison pour laquelle nous pensons,
comme plusieurs personnes sont venues nous en témoigner lors des consultations,
que la création d'un observatoire permettait de collecter des données. Parce
que, là, le 1er juillet, c'est jour
zéro et c'est la première journée où on va pouvoir véritablement collecter de
véritables données parce que, là, il va avoir un réseau public et... bon. Et c'est la raison pour laquelle nous, on
pense qu'un observatoire pourrait nous permettre d'aller plus loin, et
ensuite arriver avec des données probantes, et faire des recommandations au
conseil d'administration.
Alors,
quelle était votre position à cet égard-là pour la création d'un observatoire
en collaboration avec des chaires de
recherche afin de faire les choses très, très correctement, au lieu que ce
soit... Un comité de vigilance, ça m'apparaît bien, mais vous avez parlé
de veille. Alors, cette veille, moi, ce que j'entends justement, c'est
«observatoire». On n'est pas loin de dire la même chose. Alors, je voudrais
vous entendre.
M. Berwald (Marc) : Je ferais la réponse en deux temps puis je vais
laisser mon collègue contribuer parce qu'il a de l'expérience avec les observatoires, entre autres en France. Mais un
des points qui est assez important, je crois, c'est qu'en formant la
Société québécoise de cannabis, qui se rapporte à la SAQ, qui est une filiale
unique de la SAQ, il n'y a aucune responsabilité pour la Santé pour la vigie
sur la santé. C'est pour ça que ce qu'on suggère, c'est que le conseil
d'administration de la Société québécoise de cannabis ait à prendre en
considération les recommandations du comité
de vigilance — comme
dans n'importe quelle entreprise, il faut prendre en considération les
recommandations du comité de sécurité ou
n'importe autre — pour
qu'il y ait, de façon régulière dans le conseil d'administration, un
mandat santé qui est confié par la ministre de la Santé. Maintenant, sur
l'observatoire, Gilles, veux-tu...
M. Cuillerier
(Gilles) : Bien, je pourrais prendre beaucoup de temps sur
l'observatoire, oui, c'est très pertinent. Au Québec, ça fait longtemps que plusieurs partenaires décident d'avoir
un observatoire avec... L'important, c'est d'avoir différents
indicateurs, là, en provenance de la consommation pour obtenir un portrait
global. Oui, il n'y a aucun problème. On est
tout à fait d'accord, le travail pourrait être fait. Pour le reste, ce que Marc
a dit, on trouve important que le
conseil d'administration de la société soit également saisi de l'évolution, un
peu comme en parallèle on peut faire dans nos établissements où on a des
comités de sécurité... des comités de vigilance et de sécurité dans nos... et
qui font rapport aux conseils d'administration de nos établissements. Donc,
c'est le modèle qu'on voulait proposer davantage.
Par
ailleurs, puis en parlant du comité de vigilance, on trouve important que la
composition du comité de vigilance soit
revue et qu'elle soit clairement établie dans le projet de loi. On a vu que,
dans, par exemple, le projet de la loi n° 10 en santé et services sociaux, on nomme nommément les
sièges des établissements. C'est un peu flou, on trouve, dans le projet de loi. On trouve que deux groupes qui sont non
ciblés, la réadaptation, mais également des usagers des établissements
de santé, qui donnent un autre point de vue...
M. Pagé :
Je l'avais plus loin dans mes questions, mais je vais vous la poser tout de
suite. Vous parlez, bon, de la composition du comité de vigilance, c'est
une chose. Nous, dès le départ, ce que nous avons dit : observatoire et un
conseil d'administration de la SQC qui
serait composé... où il y aurait, autour de la table, des compétences en termes
de dépendance, en termes de santé publique,
en termes de sécurité publique, d'éducation. Nous, nous pensons que le
conseil d'administration de la SQC devrait être composé de ces gens qui ont ces
compétences parce qu'au final c'est la SQC qui
va prendre des décisions. On a beau avoir un comité de vigilance qui va venir
faire des recommandations, mais, si, autour de la table au final, c'est
neuf à 11, c'est ce que nous dit l'article 23.6, qu'il n'y a rien qui nous
décrit quelles devraient être les compétences de ces gens-là, ne pensez-vous
pas qu'on devrait aller plus loin et avoir un conseil d'administration de la
SQC qui devrait justement, nommément, avoir ces compétences-là?
M. Berwald (Marc) : Je crois que c'est une des options. Je pense que
ce qui est important, c'est que le conseil d'administration de la SQC,
oui, ait des responsabilités du côté de santé... prévention et de santé, et non
seulement d'efficacité commerciale de la filiale.
M. Pagé :
Voilà ma crainte, efficacité commerciale, parce que c'est une filiale de la
SAQ, et on connaît déjà tous les dangers
avec la SAQ parce qu'à chaque année il y a des obligations de rendement. Et,
compte tenu que ça va être une filiale
de la SAQ, nous avons beaucoup de craintes. Nous avons tellement de craintes
que nous souhaiterions qu'il soit écrit nommément dans la loi que
100 % des profits devraient être réinvestis carrément en saines habitudes
de vie, dans la santé publique, en dépendance, en éducation, etc. Nous, nous
souhaiterions que ça soit nommé, écrit mot pour mot. La ministre, souvent, nous décrit, puis je la respecte beaucoup, c'est
très correct, nous dit : Voici comment vont être gérés... Et
l'objectif n'est pas de distribuer des fonds vers le fonds consolidé, je la
crois sur parole, mais je pense qu'il n'y a rien de mieux que quand c'est écrit
clairement dans la loi. Souhaitez-vous que ce soit écrit clairement dans la
loi?
M. Berwald (Marc) : Oui, ça, vous avez notre appui là-dessus. Puis ça
fait depuis le début, je pense, du débat qu'on dit que c'est une promesse qui a été faite, puis pas juste par
l'Assemblée nationale, c'est une promesse qui a été faite par le gouvernement fédéral que tous les profits
de la légalisation iraient vers la prévention, iraient vers la
prévention, la réadaptation. Puis on voudrait que la promesse soit gardée.
M. Pagé :
Et je suis allé vous visiter, je pense, c'est le printemps dernier ou je ne
sais plus quelle date, puis je veux vous
féliciter aussi pour le travail que vous faites. Et j'ai compris que le
financement des organismes comme le vôtre et la majorité des organismes, là, qui oeuvrent dans le milieu de la
dépendance est bien peu pour réussir à faire tout le travail que vous faites. On peut présumer que vous...
peut-être qu'à court terme il y aura peut-être même plus de sollicitation
auprès de vos organisations. Et, bon, la
ministre nous parle souvent du 25 millions qui est inscrit dans la loi. On
ne peut que se réjouir d'inscrire un
montant dans la loi, mais 25 millions nous apparaît bien peu par rapport à
des responsabilités que nous aurons. Comment vous évaluez vos besoins ou
comment vous évaluez l'ensemble des besoins? Comment devrait-on refinancer tout
ça pour arriver à vous soutenir très correctement?
M. Berwald (Marc) : Le refinancement, c'est une grande question.
Bien, premièrement, on applaudit l'établissement d'un fonds pour y déposer les profits de la SQC, c'est une bonne étape.
De garantir un montant, aussi, on était heureux de voir ça, qu'on ne
pourrait pas tout engranger les recettes avec les dépenses, il y aurait un
minimum de 25 millions. 25 millions,
les commentaires précis sur comment... Est-ce que c'est assez? Ça dépend
comment il serait ventilé, mais, en regardant...
Si on regarde toutes les régions du Québec, les défis en réadaptation, les
défis en prévention puis ces choses-là, notre impression, c'est que ça
va passer vite. Mais, d'un autre côté, on est très ravis qu'il y ait au moins
un montant de garanti.
M. Pagé :
...pas vu la ventilation du montant, là, alors on ne sait pas comment on a fait
l'évaluation. Est-ce que des organismes
comme les vôtres ont été contactés pour vous dire : Bien, dans le
25 millions, là, on vous garantit déjà, là, qu'il y aura... Est-ce
qu'on le sait, ça?
M. Berwald (Marc) : Non. Non, on n'a pas eu d'information là-dedans.
Je pense qu'il est un peu tôt pour le savoir.
M. Pagé :
O.K. Vous avez glissé un mot sur — je sais qu'il ne reste pas beaucoup de
temps — la vente
en ligne. Vous n'avez pas eu le temps, mais en disant... Vous avez une
opinion là-dessus. J'aimerais vous entendre là-dessus parce que c'est une
grande préoccupation aussi que...
M. Berwald (Marc) : Écoutez, on n'a pas de recommandation précise
là-dessus, sauf qu'il y a beaucoup de risques de tout ce qui est vente en ligne, point. Que ça soit de cannabis ou
autre chose, on sait que les jeunes achètent facilement en ligne. Ils
vont probablement le faire. On sait aussi qu'en général les pirateurs de sites
sont pas mal plus efficaces que beaucoup de
propriétaires de sites. Ça fait qu'on pense qu'il y a beaucoup de risques. Il y
a des risques à tous les égards de vente
de produits au nom de la SQC sans que la personne le sache, de promotion
alentour du site de la SQC, même si ce n'est pas directement de la SQC.
Il y a beaucoup de risques, qui sont les mêmes risques qu'on rencontrerait
partout, qu'on rencontre dans la
distribution de médicaments aussi par l'Internet, qui n'est pas sans avoir ses problèmes. Mais, un, on n'est pas experts dans la vente de détail par
Internet, mais on voit là qu'il y a des grands risques, puis surtout dans
notre population la plus vulnérable que sont les jeunes.
• (16 h 10) •
Le
Président (M. Merlini) :
Merci beaucoup, M. le
député de Labelle, pour ce bloc
d'échange avec nos invités. Nous allons maintenant du côté du deuxième
groupe d'opposition. Mme la députée de Repentigny, vous disposez de 6 min 30 s.
À vous la parole.
Mme Lavallée : Merci beaucoup. Merci. Bienvenue ici. On parle toujours de l'âge
des premières consommations. Je vois
dans votre document qu'à peu près 400 jeunes se retrouvent chez vous en bas de
18 ans avec des problèmes de consommation
reliés au cannabis. Donc, lorsqu'on dit qu'on veut prendre soin de la santé de
nos jeunes puis les éloigner du milieu
illicite, mais, en bas de 18 ans, qui sont aussi des consommateurs, qui se
retrouvent dans les écoles, qui trouvent le moyen d'acheter du illicite, on n'a pas réglé le problème. Donc, je
pense que d'avoir des programmes de prévention pour cette clientèle-là et pour la clientèle avant 21 ans, c'est une
priorité. C'est là parce que, lorsqu'on dit qu'on légalise à partir de 18 ans, on envoie le signal qu'à partir de 18
ans ce n'est pas dangereux, alors que ce n'est pas le cas. Donc, il y a des groupes qui vont dans le sens
que vous l'affirmez.
Parmi
les jeunes, la clientèle qui se retrouve chez vous, par curiosité, tout ce
débat-là de la légalisation, ils reçoivent ça comment? Qu'est-ce qu'ils
en pensent, eux autres?
M. Berwald (Marc) : Bien, justement, on leur a demandé, on leur pose
la question. Puis j'étais à Saint-Malachie, d'ailleurs, la semaine dernière, puis il y avait des jeunes filles qui
venaient d'arriver, une jeune de Thetford, l'autre du Saguenay. Je leur ai posé la question. Les deux
ont dit... Puis ça, c'était assez rapide, puis c'est ce qu'on reçoit pas
mal. Elles ont dit : Bien, deux choses. On pense que ce n'est pas une
bonne idée — mais
ça, c'est des jeunes qui ont des problèmes avec ça — puis on se demande un
peu pourquoi ça se passe.
L'autre
chose qui m'a frappé un peu, c'est qu'il y en a une qui venait d'arriver, ça
faisait à peu près deux semaines, qui disait : Il y a deux semaines,
j'aurais dit : Je m'en fous, qu'ils fassent ce qu'ils veulent. Moi, je
m'en fous, etc. Elle dit : Maintenant
que je suis ici puis j'ai reconnu mon problème, là, je ne m'en fous plus,
dit : Tout ce qu'on peut faire pour
réduire mon exposition... Elle dit : C'est parce qu'un des problèmes,
surtout quand on est toxicomane, quand on a des problèmes avec les substances, c'est que le plus elles sont disponibles,
le plus elles sont présentes, le plus ça nous tente. C'est un... c'est
ça. Ça fait que moi, je n'aimerais pas ça que ce soit plus visible pour
moi — pour
cette personne-là.
Ça fait que, pour les
gens, pour notre population qui est très vulnérable, ils sont conscients qu'un
accès plus généralisé, un accès plus ouvert va leur occasionner des problèmes.
Ce qui veut dire qu'il va falloir leur montrer, leur montrer à faire ça. On le
fait avec l'illicite, mais là c'est un petit peu différent.
Mais comment est-ce
qu'ils reçoivent ça? C'est pas mal comme ça. Au début, ils se demandent
exactement pourquoi que les gouvernements
font ça. D'un côté, ils ne pensent pas que c'est une très bonne idée. Et puis,
pour eux, le moins ils peuvent être exposés, le plus ça va être facile.
Le Président
(M. Merlini) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Oui. Madame messieurs, bonjour. Merci d'être
présents à la commission parlementaire. Les gens que vous recevez au Portage, c'est quoi, leur réalité quand ils
arrivent chez vous par rapport à des gens qui ont des dépendances avec le
cannabis? C'est quoi, la réalité de ces jeunes-là?
M. Berwald (Marc) : Bien, les gens qui arrivent chez nous,
premièrement, c'est des gens qui ont normalement des gros problèmes avec la consommation. C'est pour ça
que, quand on parle d'abus et de dépendance, ce n'est pas quelqu'un qui va fumer de temps en temps dans un party,
c'est des gens qui vont fumer de façon régulière plusieurs fois par
jour. Normalement, c'est des gens qui ont commencé entre 12 et 13 ans, O.K.,
ils étaient en sixième année, ils étaient en septième
année. C'est des gens qui n'ont presque plus de relations avec leurs parents.
C'est des gens qui ont très peu de relations,
de bonnes relations, avec leurs amis, avec beaucoup de problèmes
interpersonnels. Ils vont souvent commencer à être réservés et ils sont
pas mal à bout. Ils veulent juste changer le reste. Ça fait que ça, je parle
surtout des jeunes.
Si
on veut parler des adultes, c'est un autre profil. Mais je parle d'eux parce
que, quand on dit 88 %, quand on dit : Qu'est-ce que tu consommes, c'est quoi, ton problème?, le premier, il
peut y en avoir d'autres, 88 %,
c'est le cannabis chez les jeunes. Après ça, il y a l'alcool, il y a les
amphétamines, il y a d'autres choses.
M. Jolin-Barrette : Tout à l'heure, vous disiez : On a un piètre
bilan. Supposons, sur l'île de Montréal, on rejoint juste 14 % des gens... ou 12 %, là, des
gens qui ont une problématique en matière de prévention, de réadaptation.
Dans les autres régions, c'est un petit peu
plus, mais ce n'est pas très élevé. Qu'est-ce qui explique ça? Parce que, dans
le fond, actuellement, là, on se
retrouve avec la légalisation du cannabis, et là on se dit : Bien,
écoutez, bien, c'est légalisé. Donc, la
substance, oui, on va savoir d'où elle vient, mais déjà, pour les gens en bas
de 18 ans, on a des problématiques. Ce n'est pas vrai parce qu'avec la légalisation, là, on
commence à faire de la prévention. Mais ça veut dire qu'on a échoué à
faire de la prévention jusqu'à ce jour, jusqu'à juillet 2018, si on ne réussit
pas à sensibiliser puis à faire de la réadaptation envers toutes les personnes
qui consomment.
Le Président
(M. Merlini) : Il reste une minute à ce bloc d'échange.
M. Cuillerier
(Gilles) : Bien là, vous ouvrez une question qu'en une minute... qu'il
est impossible de répondre. Mais,
pour moi, ce qui est important, c'est d'avoir une vision globale et de bien
saisir que la réadaptation et la prévention sont des vases communicants.
Et il y a un problème éthique important si on investit massivement en
prévention, qui prévoit notamment des
activités de repérage et de détection, sans nécessairement soutenir les centres
de réadaptation, pas uniquement
Portage, mais l'ensemble des autres établissements comme le nôtre qui reçoivent
des personnes qui, somme toute, sont
une minorité, mais qui ont des problèmes de dépendance. Donc, l'enjeu, quand on
parle de prévention, c'est d'inscrire,
comme disait le forum d'experts, dans un continuum de soins où des activités de
prévention sont associées à des
activités de soins et de services également... donc, d'offrir un continuum de
soins. Et là-dessus je pense qu'il y a un enjeu particulièrement que la
légalisation nous offre, mais également un enjeu organisationnel au Québec.
Le Président
(M. Merlini) : Merci beaucoup, M. Berwald, Mme Harding
et M. Cuillerier, représentants de l'organisme Portage. Merci de votre
présence et votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends quelques
instants et j'invite la Fédération médicale étudiante du Québec à venir prendre
place.
(Suspension de la séance à
16 h 17)
(Reprise à 16 h 20)
Le
Président (M. Merlini) : Nous reprenons donc nos travaux. Nous
avons le plaisir d'accueillir la Fédération médicale étudiante du Québec. Je vous demanderais de vous présenter
lorsque vous débuterez votre présentation, et ensuite vous disposez de 10 minutes. Et nous aurons
les échanges après avec les membres de la commission. Bienvenue à la
CSSS. La parole est à vous.
Fédération
médicale étudiante du Québec (FMEQ)
M. Simard
(Philippe) : Merci beaucoup. Tout d'abord, nous tenons à remercier la
commission de nous inviter ici aujourd'hui.
C'est très apprécié de savoir que la voix et les préoccupations des étudiants
en médecine de la province seront entendues. Rapidement, la FMEQ,
Fédération médicale étudiante du Québec, nous représentons l'ensemble des
4 200 étudiants et étudiantes en médecine de la province.
Mon
nom est Philippe Simard, je suis vice-président de la fédération. Je suis
accompagné aujourd'hui de Yasmine Nadifi, étudiante en deuxième année à
l'Université Laval, Mme Tara D'Ignazio, étudiante en quatrième année à
l'Université de Montréal, et M. Laurent Elkrief, étudiant en deuxième
année à l'Université de Montréal.
Ma présentation
aujourd'hui va se résumer en quatre parties. Tout d'abord, nous allons aborder
les effets du cannabis sur la santé pour,
ensuite, parler des usages médicaux reconnus du cannabis, et aborder ensuite le
trouble lié à l'usage ou la dépendance au cannabis, et finalement vous
présenter nos recommandations officielles.
M. Elkrief
(Laurent) : Depuis les premières études modernes sur les usages de cannabis
médical, au XIXe siècle, il fut
établi que la plante du cannabis contient plus de 70 molécules
cannabinoïdes. Celles-ci sont similaires en forme et en fonction aux molécules endocannabinoïdes, des
neuromédiateurs créés naturellement par le cerveau. Parmi les cannabinoïdes
se retrouvant dans la plante de marijuana, le plus puissant est le THC. Il
semble que ce dernier soit responsable de la plupart des effets physiologiques
et psychologiques liés à la consommation de cannabis.
Nous
avons entendu tous parler de cette sensation de bien-être et de calme souvent
relatée après avoir consommé le cannabis,
le «high». Les études faites auprès de fumeurs de cannabis ont démontré
qu'après le «high» plusieurs consommateurs
disent ressentir des états passifs de tristesse, d'anxiété, de paranoïa, de
fatigue et de baisse de motivation. Ces effets liés à la consommation,
qu'ils soient positifs ou négatifs, dépendent de la dose, ce qui signifie que
plus la concentration de THC dans le cannabis est élevée, plus l'effet sur le
cerveau est important. De plus, certaines études suggèrent qu'une forte concentration de THC augmente le risque
d'accoutumance et de dépendance et diminue les effets positifs du «high». Il a également été démontré
qu'avec une consommation accrue il y a une augmentation de la fréquence
de pensées suicidaires et de tentatives de suicide, un enjeu public majeur au
Québec.
Enfin,
la consommation de marijuana augmente potentiellement le risque de développer
une psychose aiguë ou même la
schizophrénie. Il reste toujours que certains extraits de cannabinoïdes, et
même le cannabis en tant que tel, peuvent
être bénéfiques pour la santé lorsqu'utilisés à bon escient. Comme nous
l'expliquerons sous peu, il pourrait y avoir des indications
d'utilisation du cannabis pour traiter ou soulager certains symptômes suite à
l'échec de thérapies plus conventionnelles.
Mme D'Ignazio
(Tara) : À l'état actuel, l'usage du cannabis n'est pas reconnu par
Santé Canada ni par le Collège des médecins du Québec comme traitement médical.
Pourtant, l'usage des cannabinoïdes synthétiques est indiqué pour certains
usages médicaux.
Malgré
le manque de recherches qui entourent le cannabis inhalé, il présente quand
même quelques pistes intéressantes de
recherche, notamment dans la gestion de la douleur chronique. En fait, une
étude qui a été faite avec le cannabis
inhalé a démontré une diminution significative de la douleur, qui se compare
quand même à l'efficacité à d'autres classes
d'analgésiques, mais de manière non dose-dépendante. Le cannabis, comme Laurent
a décrit, a des effets secondaires qui sont reliés à la dose, malgré que
l'effet... l'antidouleur ne l'est pas.
Une
autre étude a démontré qu'on peut quand même prescrire les opioïdes avec du
cannabis inhalé de manière sécuritaire pour aller chercher un effet
antidouleur augmenté chez des patients souffrant de douleurs chroniques. À
l'heure actuelle au Québec, on a 35 % de patients au-delà de 65 ans
qui souffrent de douleurs chroniques, et c'est une population qui consomme
énormément d'opioïdes. On se pose la question si on ne pourrait pas utiliser le
cannabis, évidemment encadré par la recherche, pour l'heure actuelle, pour
diminuer la consommation d'opioïdes chez cette population-là.
Finalement,
malgré... Le problème, c'est qu'il y a un énorme potentiel du cannabis comme
traitement médical, mais il y a un
manque flagrant de données pour quelconque indication médicale. Donc, toutes
les études qui ont été faites à date
ont exclu des patients avec des antécédents psychiatriques et utilisaient
surtout des patients qui étaient non naïfs au cannabis.
Le
cannabis pourrait traiter les symptômes de la douleur chronique, de l'anorexie,
de l'épilepsie, mais actuellement nous
ne sommes pas en mesure de l'appuyer comme traitement médical à cause des
lacunes de recherche qui existent et notre manque de compréhension de
ses bénéfices et de ses effets secondaires à long terme.
Nadifi (Yasmine) : Donc, contrairement à la
croyance populaire, la dépendance au cannabis est un phénomène qui existe et qui est courant. Donc, dans les DSM-V,
ils ont rajouté un nouveau diagnostic qui s'appelle le «trouble de
l'usage du cannabis». Ça se caractérise par
une altération du fonctionnement, une détresse qui est significative, des
symptômes, puis ça perdure sur une durée de plus de 12 mois.
Donc,
cette dépendance a deux aspects. Donc, le premier aspect est plus psychologique
parce que la consommation procure un plaisir, donc ça incite à consommer davantage. Puis il y a
aussi un aspect plus physique. Donc, ça s'observe par des symptômes de sevrage qui vont apparaître
après l'arrêt de l'effet du THC sur les récepteurs cannabinoïdes. La
physiologie derrière ça, en fait, ça s'explique par les molécules
cannabinoïdes, qui sont le THC et le CBD, qui est le cannabidiol. Donc, le THC,
lui, va créer une dépendance qui va être en lien avec la dose de THC. Puis, à
l'inverse, le CBD aurait plutôt un rôle protecteur.
Donc,
c'est pour ça que c'est important de faire une prise en charge des patients qui sont
pris de dépendance au cannabis. La
première chose à faire, c'est vraiment d'inciter les gens à aller consulter en cas de
problème. Ensuite, c'est de mettre en place un réseau avec différentes ressources, donc à l'école, dans les centres jeunesse,
réseau public, réseau privé, communautaire, etc., parce que ça a été
prouvé comme quoi que c'était une intervention bénéfique puisque ces patients-là vont consulter différentes ressources.
Puis c'est important aussi que ça soit accessible et dans un langage commun.
Pour
ce qui est des thérapies, la priorité, c'est de promouvoir les thérapies
interdisciplinaires. Les thérapies qui ont été plus efficaces, c'est : thérapie cognitivo-comportementale
ainsi que l'approche motivationnelle. Le rôle du médecin là-dedans, c'est vraiment de faire un suivi
régulier des patients pour s'assurer de réévaluer si la thérapie correspond
aux besoins du patient et si le patient suit
bien sa thérapie. Puis il y a aussi l'option de faire un traitement
pharmacologique, donc, chez les patients qui ont des symptômes de sevrage, soit
la rispéridone.
Donc,
au final, la dépendance au cannabis est réelle, puis ça requiert un
investissement en santé pour s'assurer d'avoir
des interventions interdisciplinaires, différentes ressources accessibles, puis
de permettre aux médecins de faire un suivi régulier.
M. Simard
(Philippe) : Donc, le cannabis est une substance fort complexe, qui
possède à la fois des effets néfastes mais
également bénéfiques sur la santé. La FMEQ, on n'a pas voulu se positionner
pour ou contre la légalisation, mais bien en faveur d'une approche basée
sur la réduction des méfaits et la sensibilisation à une consommation
responsable de la substance. On n'est pas
des experts sur le sujet, on demeure des étudiants, puis on n'est pas ici pour
faire la morale non plus. Ce qu'on
désire vous apporter, c'est les préoccupations de la relève médicale, car c'est
nous qui allons devoir faire face aux conséquences de ce projet de loi
dans cinq, 10 et 15 ans.
Nos
recommandations sont donc basées sur trois enjeux majeurs : la protection
des citoyens, l'investissement en recherche et en formation de la
main-d'oeuvre médicale et l'accès au cannabis médical.
Dans
un premier temps, nous demandons au gouvernement de mettre en place des processus
qui visent à protéger les populations
vulnérables, notamment les autochtones et les jeunes, afin d'oeuvrer avec les
groupes qui oeuvrent dans le domaine. Nous demandons également de fixer
une concentration maximale de THC dans les produits vendus, sans nous
positionner sur la concentration comme telle. Les études ont démontré que, plus
le cannabis est concentré, plus il y a de
risque de dépendance au long terme. Nous voulons également rappeler au
gouvernement qu'il est important de maintenir...
d'interdire la publicité aux jeunes et de maintenir un emballage neutre avec
des mises en garde sur les effets nocifs du cannabis. L'on doit saluer l'initiative
du gouvernement de mettre en place la tolérance zéro en termes de conduite
jusqu'à ce qu'on ait un outil fiable pour tester le degré d'affectation des
capacités cognitives liées au THC.
Là
où on veut vraiment mettre l'emphase, nous, c'est sur l'importance d'investir
en recherche et en formation de la main-d'oeuvre, recherche tant
fondamentale qu'appliquée, afin que nous ayons des données probantes sur les
usages médicaux du cannabis pour ensuite
pouvoir outiller nos professionnels en santé, pour qu'ils puissent prendre en
charge la population qui serait à dépendance au cannabis ou qui désire du
cannabis pour des raisons médicales.
Finalement,
nous croyons que c'est important de protéger l'accès au cannabis médical et
d'outiller les médecins pour répondre aux questions de leurs patients.
Ce qu'on veut à tout prix éviter, c'est qu'un patient décide de s'automédicamenter pour
cette substance, alors que ce n'est pas un usage reconnu. Par exemple,
l'anxiété, qui est très reconnu...
qui est très répandu dans la population, mais qui n'a nullement d'effets
bénéfiques du cannabis là-dessus, même au contraire.
Donc,
finalement, le cannabis, c'est une substance qui a beaucoup d'effets sur la
santé. On a ici la chance de faire les choses comme il faut et de ne pas
répéter les mêmes erreurs qu'avec l'alcool et le tabac. Nous espérons qu'on va
réussir du premier coup. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup pour cet exposé. Nous
allons débuter les échanges avec Mme la ministre et députée de
Soulanges. Vous disposez de 14 min 30 s. La parole est à vous.
• (16 h 30) •
Mme Charlebois :
Merci, M. le Président. Merci, M. Simard, Mme Nadifi,
Mme D'Ignazio — O.K.,
je le prononce comme il faut? — et M. Elkrief. Bon, je m'excuse si je prononce
mal, mais j'ai fait mon possible. Merci d'être là.
Honnêtement, la
première pensée que j'ai eue, quand je vous regarde, des jeunes étudiants en
médecine, c'est toujours, je me dis
toujours : Wow! Ça, c'est du monde qui ont des belles cotes R, certain,
pour être rendus là. Mais, ceci étant
dit, c'est une blague, mais il n'en demeure pas moins que vous êtes des gens
qui ont beaucoup de connaissances, compétences, mais surtout, surtout
beaucoup de passion dans ce que vous faites. La preuve, c'est que vous venez
ici représenter déjà les intérêts de la population, vous venez donner votre point
de vue, puis c'est tout à votre honneur. Honnêtement, vous commencez votre
implication de façon remarquable.
Et
vous avez dit : On n'est pas ici pour se prononcer pour ou contre la
légalisation. Nous non plus, parce
que c'est légalisé au niveau du fédéral. Nous, ce qu'on cherche à
faire, au gouvernement du Québec et l'ensemble des parlementaires, sans partisanerie, depuis le début, on travaille
dans ce sens-là, de faire en sorte que nous puissions protéger la santé
et la sécurité de notre population. C'est ce qu'on cherche à faire depuis le
début.
Ceci
étant dit, il y a des choses que je peux tout de suite camper, notamment pour
la publicité. Je vous rassure, je l'ai
dit au groupe qui vous a précédés, mais en privé parce que je n'ai pas eu le
temps au micro : il y aura zéro publicité, sauf que pour donner de l'information, tant sur les
produits que dans la boutique ou sur le site en ligne. Le but n'est pas
de vendre plus de cannabis, là, c'est de
ramener les gens du marché illicite vers un marché licite, qu'on puisse mieux
contrôler la qualité du produit puis
qu'on puisse échanger avec les gens, leur donner davantage d'information. C'est
tout ça, le but.
Comment
on va faire ça... Puis, moi, c'est pour ça qu'on écoute beaucoup, l'ensemble
des parlementaires, pour bien partir l'affaire, parce que ce qu'on
souhaite, à la Société québécoise du cannabis, un, c'est d'avoir des
travailleurs formés, puis il y aura une formation
qui va être donnée, qui va être bâtie par le ministère de la Santé pour déjà
donner des informations aux gens qui vont travailler...
Donc,
vous comprenez que ça ne pourra pas être les mêmes travailleurs qui sont à la
Société des alcools et à la Société
québécoise du cannabis. C'est impossible parce que la formation ne sera pas la
même. Le but de la société d'État n'est pas d'en vendre plus, mais bien
de faire en sorte, comme je vous dis, de ramener les gens vers un marché légal,
licite, et de protéger leur santé, et ce n'est pas d'augmenter les ventes.
Donc, on enlève ça tout de suite.
Je vous entends
parler beaucoup de cannabis médical. Nous, on ne traite pas ça dans le projet
de loi n° 157. Ça reste de
compétence... dans le projet de loi fédéral, tout ce qui entoure le cannabis
médical. Par contre, ça m'interpelle quand
même parce que j'ai entendu parler d'automédicamenter, puis je soupçonne, parce
que je me... on se l'est fait dire en consultation
avec la population, les organismes, et tout, qu'il y aurait des gens qui
chercheraient à faire ça. Alors, comment vous voyez, dans la prévention, qu'est-ce qu'on peut faire de bien ou de
mieux que ce qui... Parce que vous savez qu'on a gardé 25 millions
exactement, cinq ans, garantis, puis, s'il y a des ventes qui excèdent, on va
en avoir plus.
Mais, ceci étant dit,
comment vous voyez comment on peut faire une bonne prévention pour dire aux
gens : Attention, là! ce n'est pas un
produit banal, puis vous ne pouvez pas vous automédicamenter parce que les autres
produits que vous prenez, ou si vous
consommez à risque avec de l'alcool, ou... Je vais vous laisser parler, là,
parce que c'est vous autres, les médecins, ce n'est pas moi. Mais
dites-moi comment on peut bien faire les choses.
M. Simard
(Philippe) : Bien, tout d'abord, si j'avais la réponse à comment on
convainc les gens de ne pas avoir des
habitudes de vie néfastes, je pense qu'on n'aurait tous pas de job ici.
Rapidement, je pense que, tout d'abord, ça passe par informer la population sans être paternaliste avec la population.
Les campagnes sur le tabac ont été très efficaces pour ça.
Deuxième
chose, veux veux pas, bien, pour pouvoir informer les gens, il faut avoir
l'information nous-mêmes. Même dans
le moment, au niveau des professionnels médicaux, professionnels du milieu
médical, on a peu d'information. Il y a la recherche qui est en
développement, c'est clair. Mais je peux vous dire qu'en tant qu'étudiants on a
peu d'information qui nous est donnée dans
notre cursus sur c'est quoi, les usages reconnus du cannabis, dans quels cas
c'est utile, dans quels cas ça n'a pas
d'effet, dans quel cas c'est neutre. Le plus gros outil qu'on a, c'est une
revue de littérature qui a été faite
par l'académie des sciences, aux États-Unis, qu'on a annexée dans notre
mémoire. Mais ça reste surtout basé sur des niveaux d'évidence faibles,
modérés, parfois forts, mais il y en a très peu.
Donc,
je pense que la première chose qu'il faut faire, c'est d'investir en recherche
pour avoir vraiment des données probantes avec des indications claires.
Deuxième chose, c'est que les organismes qui régulent la profession médicale produisent des recommandations claires sur quand
est-ce qu'on peut prescrire du cannabis, donc CMQ, Santé Canada et différents ordres professionnels. Troisièmement,
je pense qu'il faut absolument informer la population que, oui, le
cannabis est une substance récréative maintenant, mais le cannabis médical
demeure une drogue qui est comme tout autre médicament.
Vous devez voir votre médecin, vous devez au moins voir un professionnel de la
santé qui est formé, qui est bien certifié afin de connaître les usages
et de ne pas le prendre n'importe comment.
Puis je pense qu'il
n'y aura pas de solution magique à ça. Il va y avoir des gens, malheureusement,
qui vont consommer le cannabis pour des
fausses indications. Mais ce qu'on peut faire, c'est nous assurer que le filet
de sécurité derrière,
qui est le système de la santé, soit bien équipé pour informer ces patients-là,
les prendre en charge et les orienter vers des indications
thérapeutiques optimales.
Mme Charlebois :
Dû au fait qu'on sait que, sur
l'ensemble de la population qui consomme le cannabis, il y a 42 % des jeunes de 18 à
24 ans qui sont les consommateurs de cannabis, est-ce que vous pensez
qu'on fait une bonne chose de mettre l'âge à
18 ans dans le projet de loi pour justement avoir une bonne rétention de
ces jeunes-là, pour pouvoir leur parler, pour pouvoir les référer, pour
pouvoir les informer? Parce que, de toute façon, à mon avis, ils vont faire l'acquisition sur le marché noir. Puis ces
gens-là, sur le marché illicite, ils se soucient très peu de leur état de santé
et surtout pas de leur qualité de produit.
M. Simard
(Philippe) : Alors, la fameuse question : l'âge. Pour être franc
avec vous, la fédération ne s'est pas positionnée
sur l'âge parce que c'est très polémique, puis nos membres n'arrivaient pas à
s'entendre sur un chiffre. Si je vous
parlais purement d'un point de vue médical, ça serait 25 afin de protéger le
cerveau, afin de s'assurer que le développement
n'est pas affecté par le cannabis. Si on regarde que la plus grosse tranche de
consommateurs ont entre 18 et
24 ans puis que le but du projet
de loi, c'est de diminuer la
consommation dans le marché noir, peut-être que 25 ans, ce n'est pas la meilleure option. Nous n'avons pas de
position là-dessus. Donc, je ne peux malheureusement pas vous
répondre.
Mme Charlebois :
Bien, merci beaucoup pour votre franchise. Puis moi aussi, j'ai vu que
25 ans... Mais on sait que, dans la
réalité, malheureusement... Ça serait mieux, dans un monde idéal, qu'il
n'y ait pas de drogue du tout, mais, bon, il y en a.
Dites-moi, au niveau
de la prévention, quand on vous parle de 25 millions qui sont prévus au projet
de loi, il y en a qui nous disent : C'est trop peu. Il y en a
qui nous disent : C'est correct. Mais on dit que, s'il y a
profit... Parce que, les
premières années, il va falloir bâtir notre réseau de vente, qui est la Société
québécoise du cannabis. Il va falloir avoir notre site en ligne. Il va falloir
bâtir nos programmes de prévention. Il y a beaucoup de choses à faire autour de
ça, la formation des travailleurs. Est-ce que vous considérez, vous, de la façon qu'on a fait
ça, que les fonds qui vont aux fonds généraux
du bureau de vente, là, une fois qu'on va... si on commence à faire de l'argent
à un moment donné, ce que pense... vont payer les dettes, vont payer les frais d'opération? Bon, une fois
ça vidé, la majorité s'en va à la prévention. Comment vous voyez ça, cette optique de, justement,
25 millions de base pour cinq ans et une possibilité... Puis j'espère qu'on ne le bonifiera
pas trop parce que ça veut dire qu'on va vendre beaucoup
de cannabis, ça. Si on bonifie parce
qu'on fait des profits... Ah! en
tout cas, on va en avoir vendu beaucoup.
M. Simard
(Philippe) : On ne se le
cachera pas, le marché du cannabis est actuellement un marché qui a beaucoup de potentiel pour faire de l'argent. Selon des
estimations, on parle d'un marché de milliards
de dollars au Canada.
Je ne suis pas économiste, je ne connais pas les chiffres, je ne
connais pas les retombées. Ce que je peux vous dire, c'est que, pour les
étudiants en médecine, c'est important que tous les profits qui sont faits par
la vente du cannabis aillent en sensibilisation,
en prévention, en recherche et formation des professionnels médicaux, les
professionnels dans les SQC, mais également en programmes pour traiter
les patients.
Comme
Yasmine en a parlé, le trouble lié à l'usage du cannabis, là, la dépendance,
c'est beaucoup plus répandu qu'on
pense. Puis c'est quelque chose qui va avoir beaucoup de conséquences au long
terme. Donc, c'est clair qu'il faut investir en amont, mais il ne faut
pas oublier tous les patients qui sont déjà dépendants ou qui vont le devenir,
veux veux pas. Puis il faut pouvoir les
prendre en charge, ces patients-là. Donc, pour nous, c'est là que l'argent devrait
aller, puis pas nécessairement pour d'autres programmes que les programmes liés
à la drogue et aux prises en charge des patients dépendants.
Mme Charlebois :
Même pas à la sécurité publique? O.K.
M. Simard
(Philippe) : Je n'ai pas de position là-dessus.
Mme Charlebois :
Non. Dites-moi, est-ce vrai, parce que j'ai entendu ça dans mes consultations,
que la formation que vous avez en
médecine est un petit peu de base, pour ne pas dire presque absente, au niveau
justement du cannabis, de tous ce que...
Je sais que vous me dites qu'il faut faire plus de recherche, on manque de
données probantes, ça fait que, donc, ça
doit être difficile de faire de la formation sur le cannabis, s'il n'y a pas
des recherches concluantes, selon vous. Est-ce que vous pensez qu'on
peut déjà commencer à faire un petit peu mieux pour les cohortes à venir?
• (16 h 40) •
M. Elkrief
(Laurent) : Je vais répondre à cette question. Bien sûr. Alors, moi,
je suis en deuxième année, alors je n'ai
pas fait tout mon parcours en médecine encore. Mais, après avoir parlé à mes
amis externes qui sont en troisième et quatrième année, ils n'ont pas eu
plus d'exposition au sujet. À mon expérience, on a parlé du cannabis pas plus
que trois heures. Et c'est un grand
problème. C'est un grand problème non seulement parce que les étudiants en
médecine ne sont, un, pas des étudiants qui
vont savoir c'est quoi, le cannabis, et, deuxièmement, on est tous intéressés
au sujet, mais il y a tellement
d'information et tellement de... il y a tellement d'information qu'on doit
avoir quelque chose de plus structuré.
Alors,
nous, dans notre programme, on a reçu... on a parlé vite fait ou à côté du
cannabis, et pas directement. Alors, nous, on suggère à
voir implémenter un programme comme le Collège des médecins, ils ont implémenté
pour les opioïdes. Même chose, que le
gouvernement aide aux ordres professionnels à nous créer un
programme dans les années prémédicales et médicales. Et aussi on ne peut pas oublier les
médecins qui n'ont pas été formés, alors on doit aussi investir dans la formation
des médecins actuels aussi.
Mme Charlebois :
O.K. J'entends ça. Ça va être... Je le retiens, puis, si vous le dites, je vous
fais confiance.
Dites-moi,
j'ai été étonnée de lire... vous nous parlez d'interdire de fumer du cannabis
dans les voitures. C'est parce que vous avez des gens que vous avez eu
vent qui consomment dans la voiture, puis j'espère que... pas avec des enfants.
M. Simard
(Philippe) : Bien, c'est quelque chose qui est répandu, le «hotbox», comme on l'appelle, là, donc consommer dans une voiture, les fenêtres fermées,
pour augmenter l'effet. C'est juste que, tout le cadre, nous, on pense
que vraiment, pour l'instant, cannabis et voiture devraient être totalement
dissociés. Ces mesures-là, c'est juste une façon supplémentaire de dissuader
les gens de fumer et d'ensuite conduire.
Mme Charlebois :
Est-ce que... bien là, vous savez que le tabac est interdit dans les voitures,
c'est sûr que le cannabis va suivre parce qu'on fait les lieux d'usage Tabac Plus. Ça fait que ça va être interdit.
Mais là il va falloir suivre ça, puis j'ose espérer qu'il n'y a pas
d'enfant dans la voiture parce que ça, ça va me faire... bon.
Dites-moi,
au-delà des lieux d'usage, on parle de la voiture, on a mis dans les lieux
d'usage Tabac Plus, donc on a dit
campus universitaires, cégeps, tout ça. Il y a des profs d'université
qui nous ont dit : Bien là, faites contact avec la réalité parce qu'il y en a pas mal sur les campus. Ce n'est pas une bonne idée parce que,
de toute façon, dans un 5 à 7, tout
le monde prend de la boisson, puis ça y va par là. Ça fait qu'il a dit :
C'est sûr que le cannabis est présent. Vous pensez quoi de ça? Je fais quoi, moi, avec ça, là, une affirmation de même? Est-ce que
je laisse la restriction comme c'est écrit au projet de loi ou bien si
on devrait reconsidérer pour les campus universitaires?
M. Simard
(Philippe) : Bien, nous, on
est allés même presque plus loin que ça. Nos recommandations, c'est
qu'on devrait restreindre la consommation de cannabis dans les lieux publics à
l'instar de l'alcool. Il ne faut pas oublier que le cannabis a une capacité intoxicante, affecte les capacités
cognitives, affecte le comportement. C'est certain qu'en général les gens qui consomment du cannabis le font dans
un parc, le font dans des milieux... un environnement peut-être social. Je vous dirais que ce n'est pas la recommandation sur laquelle on est le plus fermement assis, là. Il faut
être réalistes dans ce projet de loi là. Mais c'est certain qu'il y a
de la fumée secondaire avec le cannabis quand il est fumé, tout comme
avec la cigarette. Puis, tout comme avec le
tabac, on ne devrait pas devoir incommoder les gens qui ne consomment pas du
cannabis par son désir d'en fumer soi-même. Donc, nous, on trouve normal que ça
soit assujetti à la loi au tabac.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Ça met
un terme à ce bloc d'échange avec nos invités.
Nous allons maintenant vers l'opposition officielle. Mme la députée de Taillon,
vous disposez de neuf minutes. À vous la parole.
Mme Lamarre :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue à Philippe Simard, Yasmine
Nadifi, Tara D'Ignazio, Laurent Elkrief. Bienvenue, tous les quatre,
merci d'être là. Intéressant, votre mémoire. Je vais peut-être essayer
d'aborder d'autres aspects.
À
la page 22, vous parlez de votre recommandation 4, de restriction sur
le produit, donc au niveau d'un certain contrôle que vous aimeriez avoir sur le produit. Donc, vous dites :
«Établir une limite de teneur en [tétrahydrocannabinol] THC des produits de cannabis et interdire les
produits à teneur plus élevée.» Est-ce que vous avez un peu plus de précisions
sur ce que vous voulez recommander ou interdire dans cette recommandation-là?
M. Simard
(Philippe) : Donc, cette recommandation-là touchait surtout la
concentration en THC. Je l'ai abordé brièvement tantôt, les études
démontrent que plus le cannabis est concentré, plus il y a un risque de
développer une dépendance et plus les effets
secondaires néfastes sont présents. Selon les quelques études qu'on a, le
15 % semble un peu le «cutoff», si on veut, donc le chiffre à
partir duquel cette concentration-là devient plus nocive pour la santé sans
nécessairement entraîner plus d'effets que les gens recherchent avec le
cannabis, donc le sentiment d'euphorie puis de bien-être.
On n'a pas été
jusqu'à se positionner sur un chiffre en tant que tel parce qu'on trouvait
qu'on manquait possiblement d'expertise
là-dessus. On a mentionné le 15 % selon les études qu'il y avait, mais on
fait confiance un peu au gouvernement
puis aux gens plus compétents que nous pour établir vraiment cette limite-là,
qu'il faut, veux veux pas, équilibrer
avec le fait que le cannabis qui est vendu actuellement sur le marché noir est
souvent beaucoup plus potent que ça, de
l'ordre de 20 %, même 30 %, puis que le but premier de ce projet de
loi là, c'est que les gens sortent du marché noir pour aller vers un
marché contrôlé, réglementé et mieux encadré.
Mme Lamarre :
Donc, effectivement, on sait qu'on a des concentrations qui peuvent être très,
très différentes d'un produit à un
autre, ça peut fluctuer entre 3 % et 30 %. Donc, vous allez vers le
15 %. Vous, vous dites : Essayons d'aller vers un juste milieu, dans le fond. Il y a aussi
toute la dimension, puis je suis sûre que Mme la ministre va être
sensible à ça aussi... parce que, dans le
tabagisme, on en avait parlé, mais tous les additifs, en fait, tous les
additifs, saveurs qui peuvent s'ajouter,
on l'a vu avec le tabagisme, on peut penser que, même avec la marijuana, on va
avoir des variations qui vont élargir,
si on peut dire, là, le spectre du marché. Donc, est-ce que vous verriez d'un
bon oeil qu'on restreigne, d'une part, les saveurs ou des ajouts particuliers et, d'autre part, peut-être qu'on
exerce un contrôle aussi sur des contaminants potentiels de cette
production-là?
M. Simard
(Philippe) : Bien, on avait eu, la fédération, le plaisir de présenter
lors des auditions sur la Loi sur le tabac.
Pour nous, à ce moment-là, c'était clair que, pour le tabac, il ne devrait pas
avoir d'additifs, de saveurs, tout ça, parce que ça incitait les jeunes à consommer. Ce
n'est pas formellement dans nos recommandations, mais, pour nous, ça
allait de soi, le cannabis devrait être assujetti à la Loi sur le tabac puis il
ne devrait pas avoir de saveurs, tout ça, qui inciteraient les jeunes à
consommer.
M. Elkrief
(Laurent) : J'aimerais juste ajouter qu'on ne peut pas arrêter là. La
vérité, c'est qu'en sciences on ne sait
pas qu'est-ce que les additifs, ils vont faire dans le cannabis. Alors, si on
prend une position, on doit investir dans la recherche qui va aller prouver ou démontrer qu'est-ce que les additifs
vont faire et être flexible pour changer la loi avec les données
probantes.
Mme Lamarre :
Mais en fait c'est un peu particulier parce qu'on est dans un contexte
récréatif, c'est le mot qui est
utilisé. Et c'est ça qui fait un peu que, dans le mot «récréatif», bien, on
peut tolérer une saveur de gomme balloune, de menthe fraîche ou de melon, là. Alors, c'est un peu ces éléments-là
auxquels il faudrait peut-être que nous, on réfléchisse, dans notre projet de loi, pour éviter ces
éléments-là qui, dans le fond, ont un effet attrayant ou peuvent donner
l'illusion que l'utilisateur change de
produit. On en prend un qui libère quelque chose, à un moment donné, dans la
soirée, puis on change en cours de
soirée. Donc, il y a peut-être un élément là-dessus qu'on devrait essayer de
circonscrire un petit peu, et je comprends que vous êtes assez d'accord.
Est-ce
que vous avez... Moi, j'essaie de faire le parallèle un peu avec certains
médicaments qu'on utilise, qu'on considère être d'utilité, qu'on appelle
les codéinés exonérés, c'est-à-dire des médicaments qui contiennent de la codéine — la codéine, normalement, c'est un
opioïde — mais à
petite dose. Jusqu'à huit milligrammes, on considère que les avantages de l'offrir en vente libre, mais
derrière le comptoir du pharmacien, dépassent les risques parce qu'il y
aurait comme, si vous voulez, un côté pratique à ça.
Est-ce
que vous avez pensé... est-ce qu'il y aurait un avantage à limiter, par
exemple, la quantité par format qu'on mettrait de disponible? Parce que,
dans les codéinés exonérés, on ne peut pas avoir des formats, par exemple, de
plus de 24 comprimés. Alors, c'est sûr
qu'on peut acheter, dans trois pharmacies différentes, trois formats de 24,
mais, à un moment donné, il y a comme
un désincitatif à ce que les gens soient obligés de se déplacer à trois
endroits, tandis qu'on ne peut pas
acheter un format, un gros format de ça, on ne peut pas acheter des formats
importants pour ces substances-là. Est-ce que vous voyez un peu la même
dimension, le même effet, la même balise qu'on pourrait ajouter pour l'achat de
la marijuana?
M. Elkrief
(Laurent) : Bien, premièrement, je ne crois pas qu'on a une position
exacte sur ce sujet. Mais on doit séparer
l'usage récréatif de l'usage médical. Et, pour l'instant, l'usage médical n'a
pas des indications claires. Avant qu'on ait des indications claires, on ne peut pas dire quand ou comment on
peut utiliser la marijuana pour des usages médicaux.
• (16 h 50) •
Mme Lamarre :
Non, justement, dans le récréatif, là, dans le récréatif, est-ce qu'on serait
d'accord pour que les gens achètent
une grande quantité à la fois ou si on préfère qu'ils reviennent avec des
quantités plus limitées? Bien, c'est votre impression, là. Moi, je ne
vous demande pas une donnée scientifique. Mais c'est peut-être juste
l'utilisation, la facilitation qu'on met à
l'achat et à la consommation. Sans être trop restrictif, c'est sûr, on peut le
prendre même sur un sac de chips. On a un 500 grammes, il est déjà
prévu...
Une voix :
...
Mme Lamarre :
D'accord. Donc, pas plus qu'une certaine quantité à la fois. O.K.
M. Simard
(Philippe) : ...j'allais répondre. Je pense que le gouvernement
fédéral proposait déjà une limite de 30
grammes d'avoir en sa possession en tout temps. Nous, notre recommandation,
c'était un petit peu plus large pour la simplifier parce que, dans le fond, la quantité qui serait permise ne
doit pas permettre d'induire une overdose, une surdose excusez-moi. C'est certain que la quantité que ça prend
est assez importante, là. Ça dépasse de loin le 30 grammes. Mais on était satisfait avec la réglementation fédérale du
30 grammes. Donc, on était un peu dans le même sens que ça. Pour ce qui
est de la capacité à acheter d'un seul coup, on n'a pas de position là-dessus
dans le moment.
Le Président
(M. Merlini) : Une minute, Mme la députée.
Mme Lamarre :
Merci. Le dernier élément que je voudrais voir, c'est... on veut contrôler les
ventes en ligne. Puis je pense que le
projet de loi est bon pour ça parce qu'il réussit à le faire. Mais, dans les
cas où les produits viendraient de
Chine ou d'Inde, on sait... ou d'autres pays, là, comment vous voyez qu'on
pourrait exercer un contrôle? Parce qu'à ce moment-là on perd
effectivement... on est vraiment dans le marché illicite. Mais, comme c'est
légal d'en consommer dorénavant, il faudrait
que ce soit légal de consommer seulement celui qui est produit ici. Comment on
peut interférer avec l'achat, l'acquisition d'un pays qui n'aurait pas
les mêmes standards que nous?
Le Président
(M. Merlini) : En 40 secondes, s'il vous plaît.
M. Simard
(Philippe) : On ne s'est pas vraiment... Nous, on s'est vraiment
focusés sur l'aspect médical, protection des citoyens puis formation de la relève. Donc, on n'a pas de position
sur tout ce qui touche l'achat, l'approvisionnement. Mais on croit que c'est peut-être plus de
compétence fédérale d'assurer comment va marcher l'échange, aux
frontières, du cannabis. On n'a pas de position là-dessus.
Mme Lamarre :
Il pourrait y avoir une sanction si les gens sont pris à consommer du cannabis
qui vient d'un pays étranger qui n'est pas soumis aux mêmes restrictions
et contrôles de qualité que nous avons ici.
M. Simard (Philippe) : Je pense
que vous posez des bonnes questions, mais on n'a pas la réponse.
Mme Lamarre : D'accord. Merci.
Le
Président (M. Merlini) : Merci, Mme la députée de Taillon pour
ces échanges avec nos invités. Nous allons maintenant du côté du
deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Repentigny, vous avez six
minutes. À vous la parole.
Mme Lavallée :
Merci beaucoup. Bienvenue chez vous et chez nous. Vous étudiez dans le domaine
de la santé, et il y a comme deux visions de tout le dossier de la
légalisation du cannabis. Tout à l'heure, je ne sais pas si vous avez écouté les gens qui représentaient le Portage, où
eux autres privilégient la santé des jeunes versus ceux qui ont une
approche de la santé publique où on veut
permettre l'usage du cannabis à partir de 18 ans. Nous, on s'est positionnés
là-dessus de façon plus sévère, 21
ans, mais avec une approche beaucoup plus préventive, parce que je pense qu'il
est là, le problème. On se préoccupe
de la santé des jeunes et du fait qu'on les éloigne du milieu illicite. Mais
ceux qui ont moins de 18 ans, qui sont aussi des bons consommateurs,
vont rester en lien avec ces gens-là qui vont leur vendre n'importe quoi.
Donc, à ce
moment-là, compte tenu des recherches qui démontrent que la consommation avant
25 ans est quand même dangereuse...
Là, je comprends que vous n'avez pas pris de position, mais vous travaillez
dans le domaine de la santé, vous
devez en avoir une, vous, personnelle, sur la légalisation du cannabis avant 21
ans, hein, qui semble la norme au niveau de la santé.
M. Simard
(Philippe) : Je vais sortir mon petit côté politicien pour dire qu'on
n'est pas ici en notre nom personnel, mais bien au nom de tous les
étudiants en médecine de la province. On ne peut pas vraiment parler en notre
nom. J'ai énuméré un peu les arguments
tantôt, là, 25 versus 18. Tout ce que je veux dire, c'est que l'important
derrière tout ça, c'est de vraiment
mettre l'emphase sur informer les citoyens, la population, de c'est quoi, les
effets de consommer puis offrir les outils
nécessaires à tous les organismes, tous les professionnels qui oeuvrent... Là,
je ne parle pas juste des médecins, mais je parle aussi des pharmaciens, des infirmières, je parle des organismes
qu'il y a avec les gens qui souffrent de dépendance. Je pense que ces organismes-là devraient être
outillés puis que, veux veux pas, l'argent qu'on va faire avec ce projet
de loi là doit aller envers ces gens-là.
Mme Lavallée :
On parle beaucoup du fait que le but de l'encadrement prévu par la loi, ce
n'est pas d'encourager les jeunes à
consommer, mais de faire beaucoup de
sensibilisation, de prévention. Et il y a un article, 55, dans la loi
qui ouvre une porte au privé. Et, cette
semaine, il y a eu des groupes qui sont venus nous rencontrer, la semaine
passée, des groupes qui sont venus
nous rencontrer, qui sont dans le privé, qui investissent des millions
d'argent. Et, quand on visite leur site,
on voit qu'ils annoncent des spéciaux. Est-ce
que, pour vous, vous voyez, malgré que vous faites attention à ce que vous dites, là, mais vous voyez une problématique,
un manque de cohérence entre le fait qu'on se préoccupe de la santé de
nos jeunes, qu'on veut faire de la
prévention, mais qu'on ouvre une porte vers le public, qui, eux autres, vont
chercher à faire du profit et non pas à se préoccuper de prévention?
M. Simard (Philippe) : Je pense
qu'un peu tout notre message est centré sur l'importance d'axer sur la réduction des méfaits. Puis je pense que je parle
pour tout le monde en disant que le profit ne rime pas avec réduction
des méfaits, malheureusement; profit rime
avec faire le plus d'argent possible. Une recommandation met d'ailleurs
clairement l'emphase sur le fait que...
d'interdire la publicité envers les jeunes puis d'instaurer un emballage neutre
avec des mises en garde sur les
effets du cannabis. Puis nous, on croit qu'avec une société d'État c'est ça qui
permet de bien encadrer la vente. Ça
serait que les gens qui vendent le cannabis sont bien formés, puis que le prix
qui est mis sur le cannabis, toute l'approche autour d'acheter le
produit n'est pas une approche commerciale, mais une approche vraiment
d'information puis de sensibilisation de la population.
Mme Lavallée :
Donc, vous fermeriez la porte parce qu'on comprend que, si on ouvre au privé,
ces gens-là ne réinvestiront pas
auprès des organisations qui doivent faire de la prévention puis intervenir en
santé publique. Donc, on fait d'un
côté... et on a tout cet aspect-là, qui est quand même louable, dans la loi,
mais, avec cette ouverture-là, on n'atteindra pas nécessairement à
100 % les objectifs.
M. Simard
(Philippe) : On ne s'est pas formellement positionnés pour ou contre
une vente privée. On l'avait offert à
nos membres. Ils ont décidé qu'ils ne désiraient pas se positionner sur la
distribution en tant que telle. Nous, on croit juste que le plus important, c'est de s'assurer que, quand le produit
est vendu, ce ne soit pas une optique de profit, mais bien une optique
d'information et sensibilisation.
Le Président (M. Merlini) :
1 min 15 s, Mme la députée.
Mme Lavallée :
Parfait. Puis, dans votre document, parce que je vois que vous êtes assez
prudents dans vos positions, mais il reste
qu'il y a plusieurs pages où on parle de tous les risques qui sont associés à
la consommation du cannabis. C'est quand même assez impressionnant, la recherche qui a été
faite là-dessus, ce n'est pas banal. Et je pense qu'on a à se préoccuper du sort de nos jeunes parce que, quand on parle
de troubles bipolaires, d'anxiété, de dépression, de risques de suicide, troubles psychotiques, je
comprends que vous ne voulez pas vous positionner sur l'âge, mais il
reste qu'avant 25 ans c'est reconnu que tous
ces effets-là sont beaucoup plus importants. Et à long terme on risque d'avoir
des problèmes qui vont nous suivre le reste de notre vie.
M. Elkrief
(Laurent) : Le cannabis, c'est une drogue. Ça a un effet sur le
cerveau, et aussi sur les poumons et sur le reste du corps. Alors, bien sûr, on doit faire attention et on veut
que notre population ne consomme pas. Mais ce n'est pas le cas, et le cannabis va être légal. Alors, notre
position est : on doit réduire les méfaits, et donner l'information, et
outiller notre population à savoir comment ou qu'est-ce qui va arriver si vous
allez consommer.
Le Président
(M. Merlini) : Merci, Mme la députée pour ce bloc d'échange avec
nos invités. Nous allons maintenant vers le député de Mercier. Vous avez 2 min
30 s. À vous la parole.
• (17 heures) •
M. Khadir :
Oui, merci, M. le Président. D'abord, bravo pour cette excellente présentation!
Je vois un peu le sommaire que vous
présentez des résultats des recherches, enfin, de la recension du National
Academy of Sciences, puis les risques psychosociaux associés, «impaired
academic achievement and educational outcomes». Donc, de toute évidence, il y a des évidences limitées qui
associent les deux. On peut présumer que vous n'êtes pas des
consommateurs... des «heavy consumers». Vous
n'avez jamais été des... sans ça, ça ne serait pas... En tout cas, ça prouve
que... ce rapport prouve qu'on est au sommet de sa forme intellectuelle
aux alentours, justement, de 25 à 35 ans.
Vous mentionnez que
votre approche «réduction des méfaits»... je pense, en tout cas, le
gouvernement a notre appui dans ce projet de
loi parce que nous pensons également qu'il faut avoir une approche réduction de
méfaits dans le sens où... Et je tiens
parfaitement compte des préoccupations de ma collègue de Repentigny sur les
conséquences, les effets secondaires,
bien entendu. Mais ces effets secondaires sont déjà en opération sur le
terrain. Il y a de la consommation. L'idée,
c'est d'assurer un minimum de protection, de faire
en sorte que ça ne profite pas au
crime organisé et que l'argent de sa vente actuelle et future, plus les
taxes qui seront associées, soit consacré à des programmes de prévention.
Si vous avez une
mesure importante que vous pensez, dans la revue de littérature que vous avez
faite, qui pourrait réduire les méfaits dans la catégorie de 18 à 25 ans,
ça serait quoi, cette mesure-là, une mesure ou quelques mesures parmi les plus
importantes?
Le Président
(M. Merlini) : En 45 secondes.
M. Simard
(Philippe) : La question du siècle en 45 secondes. Je pense que
c'est d'agir tôt, dès le secondaire. Les
jeunes commencent à consommer tôt, là. Je vous parle par... personnel, mais des
amis qui consommaient jeunes au secondaire.
Puis je pense que c'est d'informer les jeunes sans être paternaliste, sans
stigmatiser. Il faut que la... On approche le cannabis non pas avec : Le cannabis, c'est mal, mais voici ce
que le cannabis va occasionner comme effet, voici les conséquences. Puis, tu sais, si vous choisissez de
consommer, bien, réalisez qu'en consommant voici à quoi vous vous
exposez. Je pense que, s'il y avait un message à retenir, c'est vraiment
informer les jeunes le plus tôt possible.
Le Président
(M. Merlini) : Merci, M. le député de Mercier, pour ce bloc
d'échange avec nos invités. M. Laurent
Elkrief, Mme Tara D'Ignazio, Mme Yasmine Nadifi, M. Philippe
Simard, représentant la Fédération médicale étudiante du Québec, merci
de votre présence et merci de votre participation aux travaux de la commission.
Je suspends donc
quelques instants et j'invite l'Association québécoise des programmes pour
premiers épisodes psychotiques à prendre place.
(Suspension de la séance à
17 h 2)
(Reprise à 17 h 6)
Le
Président (M. Merlini) :
Alors, nous reprenons donc nos travaux. Nous recevons maintenant l'Association québécoise des programmes
pour premiers épisodes psychotiques. Je vous demande de vous identifier au
début de votre présentation. Vous disposez de 10 minutes, et ensuite nous
procéderons aux échanges avec les membres de la commission. Bienvenue à la
CSSS, la parole est à vous.
Association
québécoise des programmes pour
premiers épisodes psychotiques (AQPPEP)
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Bonjour. Alors, mon
nom est Dre Amal Abdel-Baki. Je suis médecin psychiatre, je suis
présidente de l'Association québécoise des programmes pour premiers épisodes
psychotiques. Avec mon collègue Dr Marc-André Roy, nous sommes tous les deux professeurs
à l'université, chercheurs mais surtout cliniciens, et c'est à ce titre que
nous nous présentons devant vous.
M. Roy (Marc-André) : Mais je
tiens à souligner que Dre Abdel-Baki a été ma résidente en psychiatrie, donc ma
stagiaire, ce qui fait que probablement pas mal toutes les choses pertinentes
qu'elle va dire aujourd'hui en découlent, mais que, d'autre part, si jamais elle commettait des erreurs,
ça ne fait pas loin de 20 ans qu'elle est à Montréal.
Des voix : Ha, ha, ha!
Mme Abdel-Baki (Amal) :
D'accord. Alors, l'Association québécoise des programmes pour premiers...
Une voix : ...
Mme Abdel-Baki (Amal) : Ça se
ressemble à Québec, hein, c'est ça? Alors, l'Association québécoise des programmes
pour premiers épisodes psychotiques est un organisme regroupant des professionnels
de clinique oeuvrant auprès de personnes
souffrant d'un premier épisode psychotique. Elle représente toutes les
cliniques PEP du Québec, PEP étant pour «premier épisode psychotique».
Elle a pour mandat de participer à la sensibilisation du grand public en vue de diminuer la stigmatisation de personnes souffrant
d'un premier épisode psychotique, d'améliorer l'identification et la référence de ces personnes vers les services
appropriés, de sensibiliser les administrateurs du réseau de la santé et les autorités publiques et de même que la population
à l'importance des enjeux reliés aux premiers épisodes psychotiques.
Dans le
contexte du projet de loi, nous tenons à souligner l'importance que la population
soit informée des risques de la
consommation de cannabis pour la santé mentale, surtout lorsque
celle-ci débute à l'adolescence ou au début de l'âge adulte, l'importance que des
services de détection et d'intervention précoce intensive spécialisés pour la psychose
débutante soient accessibles facilement et rapidement
partout au Québec, que ces services aient suffisamment de ressources pour respecter
le Cadre de référence des programmes pour premiers épisodes psychotiques, publié tout récemment, en novembre 2017,
par le ministère de la Santé et des Services sociaux, et ainsi offrir des
services de pointe pouvant améliorer de façon significative le pronostic et
réduire les risques de chronicisation de maladies psychotiques, et également
des services... que ces services adéquats soient accessibles dans le cadre de
ces cliniques pour ceux qui présentent une toxicomanie comorbide. On parle de
60 % de ces jeunes.
Ces recommandations sont basées sur les faits
suivants. Donc, le risque de psychose est évalué à 3 % dans la population
en général. Cette estimation peut augmenter de 10 %
jusqu'à 50 % en cas d'antécédents familiaux de premier degré. La psychose se déclenche principalement
chez les jeunes de 15 à 30 ans, et la schizophrénie de même que la
maladie bipolaire psychotique sont les formes de psychose les plus fréquentes.
10 % de ces jeunes décèdent par suicide, et, pour une majorité, dans les premières années qui suivent le
déclenchement de la maladie, parfois même avant même qu'elle soit diagnostiquée. Les psychoses sont des
problèmes de santé chroniques associés à la majorité des hospitalisations
en psychiatrie, une des premières causes d'invalidité mondiale engendrant des
coûts directs et indirects très importants pour la société, sans compter la
souffrance des personnes atteintes et de leurs proches. Il s'agit de la maladie
la plus grave en santé mentale.
Le cannabis peut déclencher la psychose chez les
gens vulnérables génétiquement et en aggrave le pronostic. Le lien entre la consommation de cannabis et l'augmentation du risque de troubles psychotiques est indéniable. On parle d'un risque de psychose qui augmente de 40 %
chez les personnes ayant déjà consommé du cannabis; il est doublé chez
les consommateurs quotidiens, surtout s'il y a une forte concentration en THC du
cannabis, et même 3,9 fois plus grand chez les gros consommateurs. Une concentration de THC de 10 % et plus
est souvent utilisée pour désigner une concentration élevée.
• (17 h 10) •
L'utilisation
de cannabis avant l'âge de 16 ans est particulièrement associée à une
grande probabilité de développer un
trouble psychotique. Le PEP chez les consommateurs de cannabis tend à survenir
en moyenne 2,7 ans plus tôt, ce qui a un impact majeur sur son pronostic. En plus des risques de psychose, la
consommation de cannabis cause notamment, lorsque l'usage régulier a débuté à l'adolescence, des troubles
cognitifs pouvant persister à long terme, ce qui influence très
négativement le succès scolaire.
Le risque de
dépendance est de 9 % chez les personnes qui expérimentent le cannabis, un
taux qui augmente à 16 % si le
cannabis est débuté tôt à l'adolescence. Dans ce contexte, l'âge moyen de
16 ans d'initiation des drogues chez les jeunes, selon l'Enquête de
surveillance canadienne de consommation d'alcool et de drogues, est jugé par
tous les psychiatres comme étant préoccupant.
Donc, nos
recommandations. Il est donc essentiel d'adopter une approche psychoéducative,
tant pour le jeune que pour ses
proches. Pour ce faire, nous recommandons qu'un maximum d'intervenants, que ce
soient des professeurs, des parents, les responsables des services de
garde, les intervenants en centres communautaires, les éducateurs en centres jeunesse, voire même les policiers, etc., soient
formés sur comment discuter de la contribution du cannabis au déclenchement
des troubles psychotiques sévères et
persistants, soient formés afin de détecter les signes précoces de début de
psychose, donc le prodrome, qu'on appelle,
de la maladie, et sachent où et comment référer ces jeunes à une équipe ayant
la capacité de préciser le diagnostic
et d'offrir le suivi requis. Nous recommandons qu'il en soit de même pour les
gens travaillant aux points de vente prévus par la loi.
Nous
recommandons également d'implanter des programmes PEP dans toutes les régions
du Québec. Dans la dernière année, le
ministère de la Santé et des Services sociaux a annoncé l'ajout d'une quinzaine
de cliniques PEP à travers la
province, notamment dans les régions où les ressources en santé mentale étaient
déficientes. Toutefois, certaines régions du Québec n'ont toujours pas
de tels programmes.
Il est urgent
de mettre à niveau les 19 cliniques d'intervention précoce déjà mises en
place dans les 10 dernières années,
suite à l'initiative de cliniciens, mais avec des ressources insuffisantes. À
titre d'exemple, pour la plupart, elles n'ont pas la moitié des effectifs requis par le
cadre de référence publié par le ministère. Les centres jeunesse n'ont
pas accès à des programmes PEP dédiés. Pourtant, la clientèle qu'ils desservent
est nettement parmi les plus à risque de toxicomanie
et de troubles psychotiques à cause des traumatismes qu'ils ont subis, comme ça
a été démontré par plusieurs études. Il en est de même pour les jeunes
en situation d'itinérance, dont 50 % à 75 % sont issus des centres
jeunesse.
Pourquoi
suivre ces recommandations? 45 % des jeunes souffrant d'un premier épisode
psychotique sont atteints d'un
trouble de l'usage du cannabis. On parle d'études qui sont faites au Québec.
Pour les personnes qui développent la schizophrénie,
la consommation de cannabis est associée à davantage de symptômes et de
rechutes. À l'inverse, l'arrêt de la consommation améliore
significativement le pronostic après un premier épisode psychotique, tant au
niveau des symptômes de psychose que du
fonctionnement. On parle de retour aux études, retour au travail. En effet,
près du tiers des personnes
présentant un PEP cessent l'usage de substances dans la première année suivant
l'admission à un programme spécialisé d'intervention précoce pour la
psychose, et, à deux ans, c'est même jusqu'à 47 % lorsqu'on leur offre le
suivi approprié pour les troubles comorbides au sein d'une même clinique des
soins qui sont intégrés.
Chez ceux qui
ont cessé la consommation, l'évolution devient similaire à ceux qui n'ont
jamais consommé, alors que ceux qui
continuent à consommer abusivement du cannabis ont un mauvais pronostic et
continuent à se détériorer aux niveaux
symptomatique, psychotique, et dépressif, et fonctionnel au niveau de l'emploi,
études, autonomie en hébergement, et
ce, malgré le traitement. Donc, ça suggère qu'il y a vraiment un effet délétère
de cette substance. De plus, les jeunes avec un trouble de l'usage du
cannabis sont beaucoup plus souvent hospitalisés et consultent beaucoup plus
souvent à l'urgence, on parle de deux, trois
fois plus au moins, et engendrent des coûts importants pour le système de
santé, et figurent malheureusement le plus souvent parmi ceux qui
décèdent par suicide.
En
conclusion, le gouvernement doit s'assurer d'entreprendre rapidement la
sensibilisation et l'éducation du public, notamment des jeunes eux-mêmes et des personnes qui les côtoient, mais
également de s'assurer de rendre plus accessibles les soins médicaux aux
personnes qui deviendraient dépendantes de cette substance ou qui
développeraient un PEP.
Sur ce, j'aimerais vous raconter une histoire
d'un jeune, des jeunes qu'on rencontre très souvent. Ce n'est pas une histoire
caricaturale. D'ailleurs, je l'ai tirée d'un article scientifique, là, qu'on
avait écrit avec des collègues dans Santé
mentale au Québec. Pierre est un
jeune homme de 20 ans originaire de la Beauce. Il se désintéresse de
l'école au milieu de ses études
secondaires. Comme il a de plus en plus de difficultés à se concentrer et à
comprendre les consignes, il se
décourage. Il devient convaincu que professeurs et étudiants manigancent pour
le faire échouer. Il décide donc d'arrêter sa scolarisation, il cesse
même de voir des amis, sauf lors des fêtes, lorsqu'il consomme avec eux. Il
augmente sa consommation de cannabis pour finalement en prendre sur une base
quotidienne.
Pierre quitte sa région pour s'installer à Montréal,
souhaitant vivre la liberté et trouver un emploi. Arrivé au centre-ville, il rencontre un jeune homme qui lui
propose de partager un petit appartement. Il trouve ensuite un emploi
qu'il n'occupera que quelques semaines à
cause de ses retards et son inefficacité. Il ne parvient plus à payer son
loyer, il se retrouve sans domicile. Il fréquente le Refuge des jeunes
et s'isole de plus en plus, il se sent de plus en plus menacé. Finalement,
il accepte de vendre des drogues pour financer sa consommation. Pris sur le fait par des policiers, il doit passer 24 heures en
prison avant de comparaître en cour.
Pierre consulte à l'urgence. Le médecin réalise
qu'il présente un épisode psychotique. Il tente de le référer en psychiatrie. Pierre ne pense pas que les
médicaments et les rendez-vous pourront l'aider, il ne donne pas suite. À
nouveau, les intervenants au Refuge des
jeunes le trouvent désorganisé. Ils tentent de le convaincre de consulter.
Pierre monte le ton, il se braque.
Ils doivent appeler les policiers, notant une dangerosité, et Pierre est
hospitalisé contre son gré. Dès que sa désorganisation disparaît, il
signe un refus de traitement, ne va pas chercher la médication, ne se présente
pas aux rendez-vous. Pendant trois ans, l'histoire se répète. Il sera
réhospitalisé quatre fois.
Mais
l'histoire pourrait être autrement, et c'est ce qui se passe quand il y a des
cliniques pour premiers épisodes psychotiques.
Donc, lorsque Pierre perd son logement et son emploi, il commence à fréquenter
le Refuge des jeunes. Un intervenant,
préoccupé de le voir trop souvent sous l'effet des drogues, lui parle et essaie de
le convaincre de consulter à la
clinique pour premiers épisodes psychotiques. Pierre est ambivalent, mais il
accepte finalement une rencontre à laquelle il sera
accompagné par un intervenant. Après quelques rencontres, Pierre accepte un
suivi, et on l'aide à trouver un hébergement
stable, à faire des démarches pour recevoir des prestations d'aide financière.
Grâce à la psychoéducation, il prend tranquillement conscience de la
part que les drogues jouent dans sa consommation. Il reprend peu à peu une routine active, participe à ses rencontres
hebdomadaires avec son psychiatre et accepte un traitement
pharmacologique.
Malgré l'amélioration notée, Pierre, comme plusieurs jeunes, s'ennuie de l'esprit de fête du
centre-ville et des hallucinations
agréables qu'il avait à l'occasion. Il décide d'arrêter la médication, de
reprendre la consommation
active, voulant être comme tout le monde, ce qui fait ressurgir la psychose à
nouveau. Après un court séjour à l'urgence parce
qu'il a été déstabilisé, il accepte à
nouveau de reprendre les rencontres de groupe, de reprendre son suivi avec
son psychiatre et son intervenante et de reprendre la médication. Il accepte à
ce moment-là de participer à des thérapies pour
le double diagnostic, donc pour la toxicomanie, qui sont intégrées dans la
clinique. Graduellement, Pierre entreprend une recherche d'emploi avec son intervenante. Elle s'avérera fructueuse.
Pierre attendait cela depuis longtemps, ça lui Je vous
remercie.
Le
Président (M. Merlini) :
Merci, Dre Abdel-Baki, pour cette présentation. Nous allons débuter les
échanges. Mme la ministre, il vous reste 13 minutes. À vous la parole.
• (17 h 20) •
Mme Charlebois : Merci, M.
le Président. D'abord, vous saluer,
Dre Abdel-Baki et Dr Roy. Merci pour la lecture de ce dernier témoignage
parce que ça nous fait voir pourquoi on légifère en ce moment. On est en train,
nous, ici, au Québec, de baliser sur l'encadrement de tout ce qui concerne le cannabis, alors qu'au fédéral ils
légalisent. J'ai le goût de vous
dire : Ça existe déjà. Vous le savez, je ne vous apprends rien, puisque
vous êtes en fonction, vous traitez avec ces gens-là régulièrement. Ça fait que ça nous ramène, en tout cas, moi,
ça... puis je suis certaine que ce n'est pas différent pour les autres parlementaires, ça nous ramène carrément
dans le pourquoi on fait ce qu'on fait, comment on doit bien faire, puis
enlever nos préjugés, puis vraiment travailler pour le mieux de l'ensemble des
gens avec qui on va... qu'on va servir et côtoyer.
J'ai entendu vos risques de psychose. C'est
comme... Je suis obligée de vous dire que, de par le ministère que j'occupe,
les fonctions que j'occupe, c'est des histoires que j'ai déjà entendues, que
j'ai vues, j'ai côtoyé des gens. C'est
difficile de voir d'autres personnes qui sont dans des situations, honnêtement,
de perte de contrôle puis que ça prend des
gens spécialisés pour les aider. Puis en même temps il y en a d'autres qui me
disent : Oui, mais, moi, ça ne m'est jamais arrivé. Alors là, il faut que je pense à l'ensemble de la population,
comment bien soutenir l'ensemble de la population.
Je vois toutes vos... J'ai écouté, j'ai pris des
notes, là : les risques de psychose, 3 %, concentration à 10 %.
Ça fait en sorte qu'on a plus de risques de
psychose. Plus on commence jeune, plus on a des chances de devenir
bipolaire. L'usage avant 16 ans, on dirait que c'est comme du déjà vécu,
pas pour moi, mais pour des gens qui m'entourent, que je connais.
Et j'ai le
goût de vous demander tout de suite d'entrée de jeu : Comment on fait...
Tu sais, idéalement, là, ce qu'on souhaite, c'est qu'ils n'en prennent
pas, là, du cannabis. Mais ça arrive puis ça va arriver encore après la
légalisation. Comment on fait pour bien
faire? Est-ce que l'âge qu'on a mis au projet de loi, vous trouvez ça un petit
peu... tu sais, vous auriez souhaité
qu'on mette plus tard, sachant qu'ils vont continuer de s'approvisionner sur un
marché illégal? Est-ce qu'on est mieux de les amener vers nous, les
faire voir... Puis j'apprécie le fait que vous avez dit : Les gens qui
vendront le cannabis dans les sociétés
québécoises du cannabis, ça leur prend une formation. Et là j'entends le PEP.
Ça, c'est quelque chose que je vais retenir.
Dites-moi, là, comment vous voyez un encadrement
au niveau de l'âge, au niveau dans les boutiques, des travailleurs, ce qu'ils auront à faire avec les personnes qu'ils vont
rencontrer? Parce qu'évidemment ils vont avoir des jeunes de 18 à 24 ans, si on laisse le projet de
loi tel quel, là. Puis ce que... Pourquoi je l'ai laissé là, moi, à cet âge-là,
le choix qu'on a fait, nous au gouvernement, c'est parce que... ce n'est pas
idéologique, c'est parce qu'on se dit : Ils consomment déjà. J'aime mieux
prendre la chance de leur parler, de les attirer, de pouvoir les référer vers
des bonnes ressources. Comment vous voyez ça, vous, là? Est-ce que je suis
carrément dans le champ ou si on fait bien?
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Bien, puis mon collègue pourra compléter, en fait, la raison
pour laquelle nous, on avait
recommandé plus l'âge de 21 ans, c'était vraiment... c'était un compromis,
mais l'idée, c'était vraiment de dire : Il ne faut pas banaliser la
substance, hein? Quand on saute en bas d'un avion, on aime bien être sûr que le
parachute va fonctionner puis on aime bien
savoir, hein, comment on peut faire pour se prémunir des dangers. C'est la même
chose, je pense, pour le cannabis.
Donc,
effectivement, on sait que les 18-24 ans c'est la tranche d'âge qui
consomme le plus, on parle... c'est 33 %, là, des utilisateurs,
puis même 15 à 17 ans, c'est 20 %, hein, des utilisateurs, donc c'est
quand même très fréquent. Et effectivement
le message, c'est qu'il faut pouvoir les sensibiliser, eux, détecter qui
commence à... Comme on voit dans l'histoire
que je racontais, on commence à voir qu'il consomme plus que les autres, puis
les conséquences sur son état mental
ou sur son comportement est plus important que sur celui des autres. Puis c'est
ça qu'il faudrait que les gens dans les
points de vente puissent apprendre à détecter puis ils puissent savoir comment
référer et référer de façon rapide. Les cliniques comme celle que Dr Roy
et moi dirigeons, on répond à l'intérieur de 24, 48 heures. La limite est 72
heures pour donner un premier rendez-vous d'évaluation aux jeunes.
Donc, il faut que ces cliniques-là existent
partout pour que les jeunes puissent être référés rapidement à ces cliniques-là. Mais il faut que les cliniques qui
sont mises sur pied aient le moyen de pouvoir offrir ce service-là.
Donc, comme je disais, là, la plupart des
cliniques actuellement n'ont pas les effectifs requis pour le faire. Donc,
c'était le but un peu, je pense, du message qu'on essaie de passer. Il
faut être prêt à recevoir ces jeunes-là puis leur offrir les services.
Actuellement, il y a beaucoup de jeunes au Québec qui n'ont pas du tout accès à
ces services-là.
M. Roy (Marc-André) : Je
voudrais...
Mme Charlebois :
Je vous entends... Oui, excusez-moi. Allez-y.
M. Roy (Marc-André) : ...si
vous permettez... Ah! bien, est-ce que c'est...
Mme Charlebois :
Non, non, c'est vous. Allez-y.
M. Roy (Marc-André) : Oui, O.K.
J'ajouterais que je pense qu'il faut comprendre aussi que les jeunes qui ont des troubles psychotiques, souvent, comme dans
la vignette que nous présentait ma collègue, ne reconnaissent pas présenter un problème de santé mentale, mais que
néanmoins ça peut paraître dans la façon d'être, dans la façon de
parler, dans le contact, et tout ça, d'où la
très grande importance qu'il y ait des professionnels ou qu'il y ait des... à
tout le moins, même des gens qui sont
tout simplement des commis, tout ça, avec une formation, je pense, peuvent
avoir quand même une bonne idée, et qu'ils aient accès facilement à des
services.
Traditionnellement,
avoir accès aux services, c'est une course à obstacles, mais, dans le contexte
de l'organisation du cadre de
référence pour les interventions précoces, ce qu'on préconise, c'est que
n'importe qui puisse référer et aussi que les
services puissent se déplacer. Donc, c'est vraiment essentiel. Et, dans ce
sens-là, moi, je vous dirais, dans un contexte
où on parle de vente par Internet, c'est certain qu'on a une inquiétude non
seulement par rapport à la qualité du produit
et combien il va être contrôlé, mais aussi sur l'absence de contact avec une
autre personne. Nos jeunes ont tendance à rester cloîtrés chez eux, à surfer, à jouer, et donc le contact social
avec une personne qui puisse... qui soit qualifiée pour identifier les
manifestations est certainement quelque chose qui serait très précieux.
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Si je peux me permettre, là, ce qu'on propose n'est pas une
lubie, là. Il y a des pays qui ont
démontré que, quand on fait des campagnes de sensibilisation pour la détection
précoce et qu'on offre les services, on peut réduire... La moyenne, en fait, de psychoses non traitées dans les
pays où il n'y a pas ces campagnes-là sont... est d'environ 50 semaines, donc près d'un an, ce qui
altère vraiment le pronostic. Et on a
pu démontrer qu'on peut réduire ça jusqu'à quatre semaines seulement.
Donc, c'est vraiment important d'agir à ce niveau-là.
Mme Charlebois :
Agir tôt, ça fait toute la différence.
Mme Abdel-Baki (Amal) : Tout à
fait.
Mme Charlebois : Je pense que vous avez raison, tout à fait. Dites-moi, dans le programme de formation, parce qu'on parle des boutiques, les
seuls qui vont pouvoir vendre au Québec, ça sera la Société québécoise du
cannabis, première des choses. Ça fait que
le produit, le contrôle de qualité va se faire là. Mais la deuxième des choses,
dans les boutiques, et même le site Internet va être bâti de façon à ce que... On va trouver le moyen, là — je
ne sais pas encore comment, là, je ne
veux pas vous dire que je le sais aujourd'hui — mais
d'avoir une interaction avec notre consommateur, puis il va y avoir des
banques de prévention, tout ça. Dans les boutiques, il y aura des travailleurs
formés. Mais je comprends que, dans la formation, on devrait déjà prévoir le programme
PEP, que vous appelez.
J'ai le goût
de vous demander... Parce que moi, je suis déjà dans le programme
de prévention au-delà de tout le projet
de loi parce que,
tantôt, on a entendu : Ça devrait commencer au secondaire. Moi, je suis déjà à
la fin du primaire parce que j'ai entendu, en consultation, que la moyenne,
c'est 12 ans. Moi, je pense qu'il faut commencer... Puis je vous raconte une
petite anecdote drôle, là, mais ça ne veut... pas que ça ne veut rien dire,
mais ça donne une image. Ma petite-fille m'a
vue à la télé parlant du cannabis, puis là je ne sais pas pourquoi ça passait à
la télé la fin de semaine, elle
était chez moi, elle a six ans. Puis là elle écoute ça comme ça, puis tout à
coup elle se revire, elle me regarde puis elle dit : Grand-maman Lucie, elle
dit, c'est quoi, du cannabis? Là, elle a six ans. Mais la ministre, elle a dû
réfléchir deux, trois minutes avant de
répondre. J'ai dit : Laisse un petit temps à grand-maman, là, je vais
méditer là-dessus. Parce
que ma fille me dit : Bien oui, c'est ça,
réponds à la question. Mais là je me suis dit : La petite fille va
grandir, puis ce n'est pas bien loin, là, 10 ans, 12 ans.
Est-ce que
vous pensez que vous... Il doit y avoir des gens, là, qui... dans votre programme
PEP, il doit y avoir une expertise en
quelque part. Quand on va faire de la prévention, qu'on va commencer au
primaire... Parce que ce n'est pas vrai qu'en cinquième, sixième année, puis rendu au secondaire I à V, on
dit toujours la même chose. La formation va devoir
être adaptée. Mais moi, j'irais même plus loin que ça, c'est : Il faut
parler aux parents.
Mme Abdel-Baki (Amal) : Tout à
fait.
Mme Charlebois :
Il faut parler à l'entourage pour qu'on puisse détecter justement ces signes de
psychose que vous nous faites mention.
Comment vous voyez ça, globalement, un bon programme de prévention pour
l'ensemble du Québec? Vous nous en avez parlé un peu, mais toucher les humains
autour qui n'ont pas toute votre connaissance, là.
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Tout à fait. Bien, je dirais, deux, trois points. Vous avez tout à fait raison d'insister sur le
jeune âge. En fait, la moyenne d'âge de scolarisation de nos jeunes est de 10
ans, donc la plupart n'ont pas terminé les études secondaires, mais ça
inclut des jeunes qui sont universitaires. Donc, quand on regarde, là, nos...
ceux qui consomment du cannabis, notamment,
ils se retrouvent à avoir neuf ans, en moyenne, là, d'études. Et, si on prend
ceux qui sortent des centres jeunesse, et
tout ça, on est à secondaire II, à
peu près, de moyenne. Donc, il y en a
que c'est moins que ça. Ça fait qu'effectivement, si on attend de faire, à la fin du secondaire, ce genre d'éducation là, il sera trop tard. On devrait probablement s'y prendre, on
n'est pas spécialistes, là, du domaine, mais vers la fin du primaire, début du
secondaire. Sinon, vous parliez... Effectivement, les campagnes de détection de la maladie, oui, on doit s'adresser aux
jeunes. Les jeunes peuvent apprendre
à reconnaître chez leurs amis des signes, mais notamment les parents, puis
sur comment s'adresser aussi à leurs jeunes.
Parce que c'est sûr que, si tout ce qu'on fait,
c'est démoniser le cannabis, on n'ira pas les chercher. Il y a des façons de faire, là, il y a
sûrement des gens qui se sont présentés à vous là-dessus, mais il faut vraiment
bien le faire puis apprendre aux
parents que... on en entend souvent parler à la télévision, et
tout ça, de savoir comment on en parle. Et sur Internet, hein, les jeunes sont tout
le temps sur Internet, sur YouTube,
sur Netflix, etc. Il faut pouvoir leur parler. Puis on suggérait même
que, s'il y a de la vente qui se fait par Internet, qu'il y ait des liens directement
sur «entendez-vous des voix» ou «vous
sentez-vous plus méfiant». Clique ici puis peut-être que tu pourras avoir
accès à des services, savoir où pouvoir avoir accès à des services.
Mme Charlebois : Il
faut surtout leur manifester notre confiance, les jeunes, je pense, puis
pouvoir les informer adéquatement.
Parlez-moi de la production
personnelle. Vous n'en avez pas parlé, et nous autres, on a mis zéro plant dans
notre projet de loi. Puis j'ai appris aujourd'hui que le Nouveau-Brunswick vient de déposer son projet
de loi, il est allé à la même place que nous autres, ils sont allés à la même
place que nous autres, au Nouveau-Brunswick. Alors, comment vous voyez ça, vous? Est-ce
que c'est trop ou pas assez? Comment vous voyez ça?
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Bien, pour différentes raisons, je pense qu'on appuie cette recommandation-là.
C'était dans nos recommandations. Premièrement, je
pense que le fait d'en avoir à la
maison, ça banalise énormément, je pense, ce qu'est cette substance-là. Ça augmente les
risques de consommation par erreur. Ça augmente les risques de... Tu sais, on a tous été dans le bar de nos parents
prendre un peu d'alcool quand on était jeunes. Prendre une couple de
feuilles dans le plant, ça ne paraîtra pas, certainement. Donc, je pense que ça augmente beaucoup les risques de
consommation, de banalisation. On est vraiment en faveur de cette recommandation-là.
Je ne sais pas si tu
avais...
• (17 h 30) •
M. Roy
(Marc-André) : Non, je ne pense pas.
Mme Charlebois : Je veux juste corriger, j'ai dit Nouveau-Brunswick, mais c'est Manitoba. Puis je suis très sobre.
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Si je peux ajouter, là, tout ce qui va dans le sens de
banaliser la consommation, incluant les lieux de consommation également... Moi,
j'habite sur Le Plateau—Mont-Royal,
c'est devenu difficile de traverser le parc La Fontaine sans consommer du
cannabis, là, tu sais. Ça devient incommodant. On va patiner sur le Mont-Royal...
Mme Charlebois :
Qu'est-ce que vous recommandez pour les lieux publics, donc? Est-ce qu'on
laisse la réglementation aux municipalités ou si, tout de suite, nous autres,
on interdit ça comme l'alcool?
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Bien, moi, je pense
que les mêmes règles devraient s'appliquer que les règles qui concernent le tabac et l'alcool combinés. Je
trouve que c'est un minimum. C'est un minimum. J'entendais les collègues,
là, étudiants en médecine, de dire... même
de respect, là, je pense, mais de respect de la santé des gens aussi, puis
vraiment de ne pas banaliser parce que
c'est sûr que les jeunes qui sortent de l'école puis que ça sent le cannabis
partout... J'ai donné quelques conférences à des étudiants du
secondaire, puis leur logique, c'est : Bien, tu sais, si c'était
dangereux, le gouvernement ne légaliserait pas. Donc, il faut essayer de les
informer, là. C'est vraiment une logique un peu simple parfois, là,
mais qui se...
M. Roy
(Marc-André) : C'est vraiment
ce qui nous inquiète beaucoup, c'est la banalisation chez des gens qui
ont déjà un peu tendance à banaliser leurs difficultés.
Mme Charlebois :
...des adultes à faire cette affirmation-là aussi, malheureusement.
Le
Président (M. Merlini) :
Merci, Mme la ministre. Ça met un
terme à ce bloc d'échange avec nos invités. Nous allons vers
l'opposition officielle, M. le député de Labelle, pour un bloc de neuf minutes.
À vous la parole.
M. Pagé :
Oui. Bien, en fait, juste une ou deux questions parce que je vais laisser ma
collègue... Bonjour, bienvenue chez vous, à l'Assemblée nationale.
Vous
avez parlé de consommation à risque. Quelle est votre définition d'une
consommation à risque? Est-ce que... Quelle
fréquence? À partir de quand et comment les parents devraient s'inquiéter?
J'imagine que, comme parent, mon enfant fumerait une fois par mois, bon,
j'imagine que ce n'est pas inquiétant, mais c'est quoi, la fréquence? Et quel
genre de consommation peut-on vraiment considérer comme à risque, selon vous?
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Je dirais que la difficulté
de répondre à cette question-là, c'est que tout dépend de la génétique
de chaque personne, puis on n'a pas de test pour déterminer ça. C'est-à-dire
que des gens qui ont une vulnérabilité plus importante génétiquement à la
psychose, avec une très petite quantité de cannabis, peuvent développer la psychose. À l'inverse, des gens qui
ont une faible vulnérabilité, ça va leur prendre des quantités plus
élevées. Mais ce qu'on sait...
Quand
vous disiez : Bien, moi, comme parent, quand est-ce que
je dois m'inquiéter? En tout cas, moi, comme parent, je m'inquiéterais dès que mon jeune consomme parce qu'on sait que plus les jeunes consomment tôt, plus ils sont à risque
de devenir dépendants. On sait que plus ils consomment tôt, plus ils sont à
risque de développer une psychose. Donc, un jeune qui consomme, plus il est
jeune, plus on devrait s'inquiéter. Et surtout on sait que plus il consomme régulièrement... Ce qu'on voit souvent, c'est des
jeunes qui vont... Tu sais, ce qu'on entend, nous, comme consommation régulière dans les enquêtes, là, dès que ça
dépasse une fois par mois, c'est considéré comme une consommation
régulière. Bon, nous, on voit des jeunes qui
consomment parfois quotidiennement puis des quantités astronomiques, mais il y
en a aussi qui ne consomment pas ces
quantités-là. Il ne faut pas banaliser en disant : Il faut vraiment
consommer énormément pour que ça donne des impacts. On voit de tout, là.
M. Roy
(Marc-André) : Donc, c'est difficile de mettre un seuil. Ça aurait un
caractère un peu arbitraire parce qu'il y a vraiment une relation linéaire
entre la quantité de THC ingérée, parce que c'est vraiment la quantité de THC, ce n'est pas nécessairement juste la fréquence, mais
la concentration aussi qui a vraiment un effet très, très important. Et donc c'est certain que ce qui est
mieux pour la santé, c'est l'abstinence. À quand s'inquiéter, là, je
pense que c'est vraiment difficile de répondre à ça.
M. Pagé :
Une petite dernière très rapidement. Vous souhaitez que, dans toutes les
régions du Québec, qu'on puisse rendre
disponible le programme PEP. Donc, je pense que c'est un programme qui est fort
intéressant. Moi, je suis surpris d'apprendre
qu'il n'est pas disponible dans toutes les régions du Québec. Est-ce que vous
pourriez éventuellement nous faire
parvenir la liste, là, des régions où ce n'est pas disponible? Ou à moins qu'il
y en ait juste deux ou trois puis que vous les connaissiez.
Mme Abdel-Baki
(Amal) : En fait, il y a vraiment plusieurs régions où ce n'est pas
disponible actuellement. Dans la
prochaine année, là, il y a plusieurs programmes qui vont se développer suite
aux investissements gouvernementaux. On pourra vous faire parvenir effectivement la liste des régions où ce
n'est pas disponible, également la liste des cliniques qui sont
disponibles. C'est sur le site de l'AQPPEP. Donc on pourra joindre ça au
document qu'on vous a envoyé.
M. Roy (Marc-André) : Puis je
souhaiterais réitérer que ce n'est pas parce qu'une région en a qu'il y en a assez. Certains services... je prends la clinique
où je travaille, ici, à Québec, est menacée actuellement dans son
intégrité par les difficultés de gestion des effectifs médicaux.
M. Pagé :
De là l'importance que tout l'argent qui pourra... tous les profits qui seront
générés aillent justement en prévention, en dépendances, et tout le
reste. Je vais laisser ma collègue députée de Taillon.
Le Président (M. Merlini) : Mme
la députée de Taillon, à vous la parole. Il reste 5 min 30 s.
Mme Lamarre :
Merci, M. le Président. Alors,
bienvenue, Dre Abdel-Bakiet Dr Roy. En fait, ce qu'on
comprend, c'est que, globalement,
on vise, par le projet de loi qui nous est imposé, là, au niveau
fédéral, à ce qu'il y ait une consommation
moins risquée avec des produits contrôlés et moins de marché noir, mais individuellement on augmente le risque que les
gens sensibles développent une
maladie psychiatrique grave, et donc on sait qu'on va avoir besoin de
plus de soutien au niveau santé mentale.
C'est malheureusement l'équation qu'on est obligés de faire. Et je vais un peu dans le sens de mon collègue le député de Labelle, donc, combien ça coûte, une clinique PEP actuellement, pour garder une clinique PEP
en fonction, en opération? Qu'est-ce
que ce sont, les coûts? Parce que,
si on veut être vraiment dans la prévention puis bien anticiper, je
pense qu'il faut se préparer. Ça va arriver et c'est inévitable.
Mme Abdel-Baki (Amal) : En
fait, ce que le gouvernement a investi, ils ont investi 10 millions par
année, là, pour 15 nouvelles cliniques PEP.
Ça fait que ça vous donne un petit peu une idée, là. C'est sûr que, là, la
façon dont ils ont fait, ils ont essayé de calculer à peu près, selon la
prévalence dans la population. Est-ce
que c'est suffisant partout? C'est à voir, mais ça
peut représenter une moyenne, là.
Mme Lamarre : ...accompagner
combien de personnes, à peu près, par année dans une clinique PEP?
Mme Abdel-Baki (Amal) : Combien
de personnes?
Mme Lamarre : Oui.
Mme Abdel-Baki
(Amal) : En fait, par 100 000 de population, là, on parle à peu
près de 35 nouveaux cas par année, là, en moyenne.
Mme Lamarre : Donc, 35 actuellement.
Mme Abdel-Baki (Amal) : Pardon,
pouvez-vous répéter?
Mme Lamarre : Actuellement,
vous êtes à 35 par 100 000 habitants.
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Oui, c'est ça, environ. Puis là il faut dire que ça varie un
peu, tu sais, d'un endroit à l'autre,
là. Au centre-ville de Montréal, c'est peut-être un petit peu plus élevé parce
que, comme dans l'histoire de Pierre, il y en a plusieurs, hein, qui
partent des régions pour venir au centre-ville. Mais ça reste que,
théoriquement, là, la prévalence est quand même relativement similaire, un peu
plus importante. Plus la densité de population est élevée, et plus la consommation de cannabis est élevée.
Ça, c'est vraiment démontré dans plusieurs études
épidémiologiques.
M. Roy
(Marc-André) : Oui. Mais je pense
que, dans ce sens-là, on peut se servir de l'expérience des Anglais qui ont installé... en fait, qui ont fait un peu
comme au Québec. Ils ont installé de
façon systématique, sur l'ensemble du territoire,
des cliniques, mais en accordant les mêmes ressources à chaque clinique par
tête de pipe. Et ce dont ils se sont rendu compte, c'est que, dans
certains secteurs, et comme ma collègue le disait, notamment en lien avec la
teneur en cannabis et la fréquence de la
consommation, il y en avait beaucoup plus. Je dirais qu'il y a d'autres facteurs
aussi, comme, par
exemple, la présence d'immigrants, puisque l'immigration est aussi un
facteur de risque pour le développement de la psychose. Donc, c'est
certain que ça serait intéressant, dans ce contexte-là, qu'il y ait une
possibilité d'ajustement de l'ampleur des ressources en fonction des besoins
réels.
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Je vais vous donner une idée, là, dans le cadre de référence
du ministère, qui est quand même
assez bien fait, qui est basé, là, sur des données probantes, là, et sur les
guides de pratique de plusieurs pays, on parle d'un intervenant par 16 patients, donc, dans les cliniques. Ça fait
que ça donne un petit peu une idée, là, de... Et comme ces cliniques-là offrent des services sur trois à
cinq ans, selon encore le même cadre de référence, ça vous donne un peu
une idée, là, de l'ampleur des cliniques, là.
Mme Lamarre :
Parce que le grand défi, c'est le suivi de ces patients-là. Moi, j'ai travaillé
huit ans dans une pharmacie à côté du parc La Fontaine, donc je les avais
au quotidien, ces gens et ces jeunes. Et effectivement c'est l'adhésion au traitement qui est souvent l'enjeu
parce qu'ils abandonnent à un moment donné. Et donc l'importance d'avoir
une capacité de se réseauter autour d'eux,
que ce soit avec une infirmière pivot, ou un travailleur social, ou des
logements supervisés, nous, on préconise ça.
Moi,
j'ai été assez scandalisée, je vous avoue, qu'on ait été obligés, au Québec, de
faire intervenir des policiers qui ont
dû mettre à mort des personnes atteintes d'une schizophrénie qui était
décompensée. Et je me dis : Il faut vraiment travailler mieux. Si ces gens-là avaient été en
hémorragie physique, on les aurait accompagnés différemment, je pense. Alors, on est un peu démunis, et je pense que, là,
il faut anticiper vraiment des équipes, des équipes de première ligne,
puis des équipes spécialisées. On sait que le recours aux psychiatres n'est pas
facile actuellement. Donc, dans vos équipes d'intervenants, avez-vous d'autres
professionnels que... Vous devez avoir des infirmières, mais aussi des
travailleurs sociaux, des psychologues.
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Travailleurs sociaux, psychologues, ergothérapeutes,
psychiatres, principalement.
Une voix :
Psychoéducateurs.
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Oui, infirmières.
• (17 h 40) •
Mme Lamarre :
Parce que, dans votre simulation, il y avait voir un psychiatre à toutes les
semaines. Ça, ce n'est pas beaucoup, je n'en connais pas beaucoup qui
réussissent à faire ça au Québec.
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Parce que le temps filait, mais effectivement, là, dans le
vrai texte, on parle des ergothérapeutes et des... et c'est effectivement eux
qui font l'essentiel du traitement, là, je dirais. Puis, si un jeune a cinq
rencontres, il y en a quatre qui sont faites par d'autres professionnels que
nous, là.
Le
Président (M. Merlini) :
Merci beaucoup, Mme la
députée de Taillon. Ça met un terme à ce bloc
d'échange avec l'opposition officielle.
Maintenant, du deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Repentigny, vous
avez un bloc de six minutes. À vous la parole.
Mme Lavallée :
Merci beaucoup. Bienvenue. Je vais poser la première question. Après, mon
collègue va continuer. En août dernier, vous
vous étiez associés avec l'Association des médecins psychiatres du Québec pour
recommander que l'âge légal pour consommer et
acheter du cannabis soit à 21 ans. Est-ce que c'est toujours votre
position?
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Comme j'ai expliqué tout à l'heure, au début, dans le fond,
notre objectif était de dire qu'il ne
faut pas banaliser et que le cerveau se développe jusqu'à 25 ans. Donc,
dans un monde idéal, si on était capables d'empêcher les jeunes de
consommer jusqu'à 25 ans, c'est un peu ça, l'idée, là. Est-ce que la meilleure
façon, c'est d'être coercitif puis
d'augmenter dans la loi l'âge légal à 21 ans? C'est sûr qu'on n'est pas
experts de ça, hein? Nous, on est experts de la santé, on est experts de
savoir que les jeunes consomment beaucoup trop tôt puis qu'il faut trouver les moyens de les aider. C'est sûr qu'on sait qu'ils
consomment déjà, hein, les jeunes qu'on soigne, là, ils consomment
depuis le début de l'adolescence.
M. Khadir : ...
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Pardon?
M. Khadir :
Et c'est illégal.
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Puis c'est illégal actuellement. Bon, là, ça va être légal.
Est-ce qu'ils vont consommer plus? Est-ce qu'ils vont consommer mieux?
Mais je pense qu'on a le devoir, en tout cas, d'essayer de les sensibiliser, d'essayer de... comme c'est légalisé, de pouvoir
leur permettre de savoir ce qu'ils consomment et surtout de leur offrir
les services, si jamais ils développent, là, des troubles.
M. Jolin-Barrette :
Bonjour à vous deux. Merci de votre présence ici. J'en suis, de donner des
services, de donner de la prévention, dans le fond, peu importe l'âge à
laquelle on fixe l'âge pour en acheter, pour en consommer. Le Manitoba vient d'annoncer, dans le fond, que...
Parce que, vous savez, là, c'est un débat de société présentement, là, à
savoir : Est-ce qu'on fixe à
18 ans, comme le gouvernement veut? Est-ce qu'on fixe à 21 ans, comme
nous, on le souhaite, sur une question de littérature scientifique? Le
Manitoba, ils ont peut-être tranché la poire en deux, ils ont dit : Bien, écoutez, chez nous, au Manitoba, l'alcool, c'est
18 ans. Par contre, on constate qu'il y a des conséquences à
consommer du cannabis et on va le retarder parce que... on le fixe à
19 ans parce qu'il y a des conséquences, puis on est conscients de ces
conséquences-là.
Vous
nous dites : Écoutez, il n'y a pas d'âge précis, nos recommandations...
Mais, dans l'ensemble des statistiques que vous nous avez présentées,
sur lesquelles vous vous êtes appuyés, votre mémoire, je comprends que ça
touche uniquement 3 % de la population
qui sont à risque, mais 3 %, c'est quand même 240 000 personnes au
Québec. Alors, vous, dans votre pratique quotidienne, vous en voyez
plein, des gens qui se retrouvent dans cette situation-là.
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Bien, nous, on ne fait que ça puis on est très occupés, je
peux vous le dire. Ça fait qu'effectivement
c'est... Puis ce qui est très triste, c'est que ce sont des jeunes qui sont en
plein développement. Puis on voit vraiment
comment la psychose vient mettre un frein dans toutes les sphères de
développement de la personne, là, que ce soit son développement vocationnel, qu'on appelle, là, scolaire, académique,
mais c'est aussi dans son développement social, les liens familiaux qui
sont interrompus, etc.
M. Roy
(Marc-André) : Et c'est potentiellement à long terme. Donc, oui, on
peut quand même composer, apprendre à composer avec la maladie et s'améliorer,
aller mieux, mais généralement on a besoin de soins pour des décennies. Donc,
c'est des conséquences vraiment, quand même, énormes en termes de coûts
sociaux.
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Pour donner un exemple, là, c'est 80 % de taux de
rechute, cette maladie-là. Donc, ce n'est pas quelque chose qui est
comme... qu'on a une fois, puis c'est fini, là.
M. Jolin-Barrette : Je serais curieux de vous entendre. Quand vous
traitez des jeunes qui sont aux prises avec une situation comme celle-là, avec un trouble psychotique ou avec une
dépendance associée, supposons, à la consommation de cannabis, c'est quoi, l'impact que vous voyez,
dans votre pratique médicale, en lien avec la famille? Dans le fond,
c'est quoi, la conséquence du projet de vie du jeune à partir du moment, là, où
vous le voyez?
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Bien, je pense que ça a des impacts majeurs parce que, souvent,
on dit que, tu sais, la maladie
touche le jeune, mais ça touche beaucoup la famille, hein? Souvent, les gens,
quand les jeunes sont à cet âge-là, ils imaginent qu'ils vont prendre leur retraite. Des fois, ils ont eux-mêmes
des problèmes de santé puis ils souhaitent que leurs enfants puissent s'occuper d'eux à long terme,
puis, tu sais, ce qu'ils voient, quand la maladie arrive, c'est que, dans
le fond, c'est eux qui vont devoir souvent
s'occuper de leurs jeunes pendant plus longtemps, pendant très longtemps,
subvenir à leurs besoins. Il y a une énorme
détresse familiale qui est, en tout cas, presque aussi intense que celle que le
jeune vit, là.
Il
y a souvent une rupture des liens familiaux aussi parce que, souvent, les
familles vont... Bon, des fois, ils ne savaient
pas que leur jeune consommait. Des fois, ils le savaient puis ils s'étaient
opposés à ça. Puis finalement, bien, ils ont l'impression que c'est
juste dû à la drogue parce qu'ils n'ont pas les connaissances par rapport à la
maladie. Puis ça va souvent vers une rupture de liens familiaux, ils vont
mettre le jeune dehors. Donc, c'est très, très, très lourd de conséquences, là.
M. Roy
(Marc-André) : Et je pense que, dans ce sens-là, c'est aussi... ça
souligne l'importance d'une bonne formation des
intervenants à tous les niveaux parce qu'il faut voir que, dans les études
sur le retard, le délai à consulter, il
y a une bonne partie de ce délai-là qui se passe après les premières demandes
d'aide. Et, souvent, c'est qu'on a affaire à des gens qui sont des médecins de famille, qui sont des psychologues
scolaires, et tout ça, qui ne sont pas formés à reconnaître... Je pense que les pharmaciens, par exemple... L'exemple que Mme Lamarre donnait est excellent. Je
pense que ça peut être un pharmacien aussi.
Ça va être, donc, important de prévoir, du côté universitaire aussi et de
toutes les professions, de penser à
la formation des professionnels qui vont être en contact avec les jeunes et
aussi de suivre par la recherche ce
qui va se passer, et pas de la recherche avec de l'argent grappillé d'endroits
où il n'y en a pas assez. Mais, bon,
on va avoir des sources de revenus qui vont permettre aussi des investissements en recherche, ce serait dommage qu'on ne profite pas de cette
expérience-là, de cette occasion-là pour aller chercher... améliorer notre connaissance
et améliorer nos soins au fur et à mesure.
Le
Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Borduas, ça met un terme à cet échange avec le deuxième
groupe d'opposition. M. le député de Mercier, vous disposez de
2 min 30 s. À vous la parole.
M. Khadir :
Bravo pour cette présentation! Donc, ce que je comprends de l'intervention et
de ceux qu'on a entendus avant :
utiliser les revenus éventuels de cette activité de l'État et des taxes pour
soutenir le travail de groupes communautaires en intervention en
toxicomanie, de bien mettre en place et répandre la présence, la multiplication
des cliniques PEP, éventuellement former les
cliniciens, meilleure formation de tous les intervenants sociaux, à la
fois les urgentologues, les médecins de
famille et les différents intervenants psychosociaux. Donc, j'adhère à ces
recommandations.
Je
veux juste préciser quelque chose à la page 2 : «Le risque de
psychose est évalué à 3 % dans la population générale.» Et donc vous parlez d'une augmentation de 10 % à
50 % de ce 3 %. Donc, ça veut dire que, lorsqu'il y a des
antécédents familiaux de premier degré, ça passe de 3 % à 3,3 % ou
jusqu'à 4,5 %. D'accord? C'est ça?
M. Roy
(Marc-André) : En fait, on dit, chez les jumeaux monozygotes, c'est
50 %.
M. Khadir :
50 % de risque?
M. Roy
(Marc-André) : 50 % de risque chez les jumeaux monozygotes d'une
personne avec un diagnostic de psychose.
M. Khadir :
Donc, le risque, qui est de 3 %, augmente jusqu'à 50 %.
Mme Abdel-Baki
(Amal) : 50 %, exactement.
M. Roy
(Marc-André) : Oui, pour un jumeau monozygote.
M. Khadir :
O.K. Donc, peut augmenter à 10 % à 50 %...
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Oui, tout à fait, on pourrait le corriger.
M. Khadir :
...plutôt que 2 %. Parce qu'il y a une erreur ici.
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Oui. D'accord.
M. Khadir :
Très bien. O.K. Je veux juste...
M. Roy
(Marc-André) : Ça, c'est la portion où elle vient de Montréal.
M. Khadir :
Ah! voilà, voilà. Je le savais. Peut-être parce qu'elle a passé trop souvent
dans le parc La Fontaine.
Une voix :
...
M. Khadir :
Il y a eu... Et là mon collègue en profite pour le prendre au sérieux. Dans le
groupe d'étudiants qui a fait une revue de littérature, dans leur
conclusion, ils ont fait une recension de la littérature et reposent, disons,
leurs observations sur un document du
comité-conseil qui a été formé par le ministère là-dessus. L'expérience dans
d'autres pays où c'est légalisé montre que
la décriminalisation des drogues douces n'entraîne pas une augmentation de la
consommation. Nous, on part avec ce constat
aussi qu'on retrouve partout, mais on aimerait justement voir si vous avez une
recommandation à faire pour cibler
les groupes vulnérables, donc avant 25 ans. Et on comprend que ce n'est
pas juste de 18 à 25, mais du début du secondaire, probablement, jusqu'à
25. Ce seraient quoi les... mettons, quelques mesures-phares?
Le Président
(M. Merlini) : En 45 secondes, s'il vous plaît.
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Pouvez-vous répéter?
M. Khadir :
Quelles mesures-phares, quelles mesures importantes outre utiliser les
ressources pour soutenir l'activité?
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Oui, d'accord. Bien, je dirais vraiment investir dans
l'éducation et vraiment la détection précoce, donc de former les professeurs,
les éducateurs, tous les gens qui sont en lien.
M. Khadir :
Campagne de détection précoce, prévention.
Mme Abdel-Baki
(Amal) : C'est ça. Puis vous parlez des organismes communautaires. Si
je peux me permettre de faire du pouce là-dessus, on a beaucoup de difficultés
actuellement à héberger les jeunes qui ont des problèmes de toxicomanie et de
psychose, alors que c'est eux qui sont le plus dans le besoin, parce que les
organismes communautaires n'ont pas le support nécessaire et la formation
nécessaire pour les héberger. Ça fait que ça serait vraiment une cible
importante, et, à cause de ça, ces jeunes-là se retrouvent souvent dans
l'itinérance. Et on le sait c'est qui, les jeunes qui sont les plus
vulnérables, c'est les jeunes qui ont vécu des traumatismes dans leur vie, qui
sont dans les centres jeunesse. Ils sont beaucoup, beaucoup, beaucoup plus à
risque que les autres, mais, bien sûr, toute la population est à risque.
M. Roy
(Marc-André) : Les immigrants aussi.
Mme Abdel-Baki
(Amal) : Oui, les immigrants aussi, tout à fait.
Le Président (M. Merlini) : Dre Amal
Abdel-Baki et Dr Marc-André Roy, représentants de l'Association québécoise
des programmes pour premiers épisodes psychotiques, merci de votre présence,
merci pour votre contribution aux travaux de la commission.
La commission, donc, ajourne ses travaux à
demain, le mercredi 6 décembre, après les affaires courantes, où nous
espérons poursuivre notre mandat.
(Fin de la séance à 17 h 50)