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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Monday, December 4, 2017 - Vol. 44 N° 170

Special consultations and public hearings on Bill 157, An Act to constitute the Société québécoise du cannabis, to enact the Cannabis Regulation Act and to amend various highway safety-related provisions


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Table des matières

Auditions (suite)

Fondation Jean-Lapointe

Association pour la santé publique du Québec (ASPQ)

M. Jean-Sébastien Fallu

Association des directeurs de police du Québec (ADPQ)

Autres intervenants

M. Richard Merlini, président

Mme Lucie Charlebois

M. Serge Simard

M. Sylvain Pagé

Mme Lise Lavallée

M. Germain Chevarie

*          Mme Annie Papageorgiou, Fondation Jean-Lapointe

*          Mme Anne Elizabeth Lapointe, idem

*          Mme Lucie Granger, ASPQ

*          Mme Émilie Dansereau-Trahan, idem

*          Mme Helen Dion, ADPQ

*          M. René Martin, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quatorze heures cinq minutes)

Le Président (M. Merlini) : S'il vous plaît! Je vous demande d'être à l'ordre. Je vous souhaite également une bonne semaine à tous les députés présents à cette commission. Ayant constaté le quorum, je déclare donc la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle du Conseil législatif de bien vouloir éteindre toute sonnerie de tout appareil électronique.

La commission est réunie en ce beau lundi afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 157, Loi constituant la Société québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements ce lundi?

La Secrétaire : Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacement.

Auditions (suite)

Le Président (M. Merlini) : Formidable! Merci beaucoup. Alors, aujourd'hui, nous entendrons les groupes suivants : la Fondation Jean-Lapointe, l'Association pour la santé publique du Québec, M. Jean-Sébastien Fallu, professeur agrégé de l'École de psychoéducation de l'Université de Montréal et l'Association des directeurs de police du Québec.

Alors, je souhaite donc la bienvenue aux représentantes de la Fondation Jean-Lapointe. Je vous demande de vous identifier au début de votre exposé. Vous avez 10 minutes pour nous faire votre présentation, ensuite nous aurons les échanges avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS. La parole est à vous.

Fondation Jean-Lapointe

Mme Papageorgiou (Annie) : Merci. Mme la ministre, chers parlementaires, M. le Président, je me présente : Annie Papageorgiou, directrice générale de la Fondation Jean-Lapointe. C'est un honneur pour moi que d'être devant vous pour représenter les intérêts des publics les plus vulnérables et mettre en relief la valeur de la prévention dans le cadre de ce processus législatif nous menant à la légalisation du cannabis. Je désire également vous présenter la personne qui m'accompagne, Mme Anne Elizabeth Lapointe, directrice générale, Prévention, à La Maison Jean-Lapointe et directrice générale du Centre québécois de lutte aux dépendances. Mme Lapointe sera en mesure de parler des éléments plus techniques de notre mémoire et de répondre à vos questions également.

La fondation et La Maison Jean-Lapointe se prononcent très majoritairement en faveur de l'encadrement proposé par le projet de loi. Nous sommes particulièrement heureux que les partenaires du milieu aient été entendus et que la prévention soit au coeur même des actions prévues par le gouvernement. Notre présence devant la commission a également pour objectif d'effectuer quelques propositions afin de bonifier l'encadrement proposé.

Comme vous le savez, malgré les efforts de tous, de tous les intervenants, il y a encore trop de jeunes qui souffrent de dépendance aux drogues ou à l'alcool. Aujourd'hui, il y a encore 10 % des jeunes de 12 à 17 ans qui sont confrontés à des problèmes de dépendance, et ce, même si ce pourcentage diminue grâce aux interventions en prévention. Dans ce contexte, la légalisation du cannabis entraînera certainement des défis supplémentaires auxquels il sera important de répondre.

Depuis près de 10 ans, la fondation et La Maison Jean-Lapointe ont fait de la prévention des dépendances une priorité. D'ailleurs, aujourd'hui, grâce à son programme Apte, dont le volet Mon indépendance, j'y tiens!, ainsi que le volet Apte de groupe, ce sont plus de 70 000 jeunes que la fondation rencontre chaque année. Le projet de légalisation du cannabis exige le renforcement de nos messages de prévention auprès des jeunes, et c'est ce que nous avons l'intention de faire dès maintenant.

D'ailleurs, nous sommes heureux de vous annoncer que nous lancerons dans les prochains mois une nouvelle chaîne YouTube «il n'y a pot de secret» afin de nous assurer que les messages de sensibilisation auprès des jeunes se propagent rapidement. Ces mêmes messages doivent être entendus plus d'une fois et par plusieurs intervenants dont les parents et les enseignants. Ceux-ci doivent tenir le même discours que les experts en prévention. Voilà pourquoi nous avons créé Apte parents et Apte enseignants qui sont des plateformes d'accompagnement pour ces adultes influents.

Dès maintenant, nous devons prévenir les jeunes des risques associés à la consommation de cannabis. Nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre avant d'agir et d'ainsi sacrifier une génération qui n'aura pas bénéficié des actions en prévention. C'est pourquoi nous appuyons sans réserve la création du Fonds de prévention et de recherche et soulignons l'importance des montants qui y seront investis. La création de ce fonds est un message clair de la volonté de saisir l'opportunité que nous avons de faire de la prévention avant même que le produit soit disponible. D'ailleurs, nous pouvons assurer le gouvernement de notre appui et notre disponibilité afin d'implanter les actions de prévention qui seront nécessaires pour les jeunes de moins de 18 ans.

Il faut se rappeler que chaque dollar investi en prévention permet de sauver 10 $ en problèmes sociaux. D'ailleurs, nous recommandons que les producteurs faisant affaire au Québec aient des obligations légales d'investir en sensibilisation, comme cela se voit au niveau de l'alcool et du jeu. Au niveau du traitement, La Maison Jean-Lapointe traite chaque année plus de 500 personnes dans son programme de thérapie interne alcool, drogues et jeu pathologique et plus de 400 personnes dans ses programmes externes. Vous comprenez donc à quel point le type de support et d'encadrement du traitement qui est prévu au projet de loi nous satisfait grandement.

• (14 h 10) •

Cependant, nous aimerions proposer des compléments qui pourraient contribuer à obtenir une meilleure connaissance des cas de dépendance, bien qu'il soit difficile à ce stade-ci d'évaluer l'impact réel de la loi n° 157 sur les prévalences de consommation de la population québécoise.

Par conséquent, afin de diminuer les risques de dépendance et d'encadrer comme il faut les cas qui se développeront, nous proposons les mesures suivantes : que le gouvernement établisse des normes sécuritaires en lien avec la composition et les caractéristiques du cannabis, notamment sur la concentration de delta-9-tétrahydrocannabinol et des autres cannabinoïdes; que le gouvernement donne le mandat au comité de vigilance de répertorier les données des différents centres de traitement de sorte à documenter rapidement les variations que la légalisation pourrait encadrer sur le cas de dépendances; que le gouvernement favorise le réparage précoce d'un trouble d'usage de cannabis par les services de première ligne afin d'éviter que les problèmes ne s'aggravent et d'orienter les demandes d'aide au besoin dans les ressources appropriées.

La Fondation Jean-Lapointe et La Maison Jean Lapointe désirons également faire d'autres propositions aux législateurs afin de les inclure à ce projet de loi. Nous recommandons d'intervenir sur la question de l'accessibilité. Il est clair que l'existence de points de vente à proximité des établissements d'enseignement ne ferait qu'accentuer l'impression d'accessibilité aux jeunes. Par conséquent, nous demandons à ce que le gouvernement établisse une zone tampon autour de tout établissement d'enseignement où sont susceptibles d'étudier des mineurs, dans laquelle toute vente légale serait interdite. D'ailleurs, à l'article 7 du chapitre II, le gouvernement prévoit la possibilité. Nous considérons que cela devrait être une obligation. De plus, afin d'éviter que le crime organisé prenne le contrôle de la vente aux mineurs, nous considérons que la surveillance policière doit être accrue dans ces mêmes zones.

En conclusion, nous sommes convaincus que le gouvernement du Québec, par le biais de cette législation, met en place les bases d'un encadrement réussi de la légalisation du cannabis. De plus, nous applaudissons la volonté du gouvernement de former un comité de vigilance de la légalisation, qui permettra d'avoir un suivi adéquat. D'ailleurs, nous sommes à l'entière disposition des autorités afin de siéger au sein de ce comité. Nous sommes convaincus de pouvoir y amener une contribution constructive.

Finalement, nous désirons aussi appuyer le gouvernement du Québec dans ses négociations avec le gouvernement fédéral afin d'obtenir une part juste des revenus issus de la vente de cannabis. D'ailleurs, la fondation propose son support public au gouvernement sur le sujet et est prête à effectuer des représentations en ce sens si cela peut s'avérer utile. Le Québec doit faire front commun afin de s'assurer d'avoir les revenus nécessaires pour que la légalisation du cannabis se fasse dans les meilleures conditions.

Je vous remercie de votre attention, et nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme Papageorgiou, pour votre présentation de votre exposé. Est-ce que vous avez de quoi à ajouter, Mme Lapointe?

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) :

Le Président (M. Merlini) : Ça va? Alors, nous allons débuter immédiatement les échanges avec Mme la ministre et députée de Soulanges. Vous disposez d'un bloc de 16 minutes, à vous la parole.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Bon lundi, les députés du gouvernement et des oppositions, bonjour à tous. Et bonjour — je ne veux pas le prononcer de façon incorrecte, si je ne le fais pas bien, vous me reprenez — Mme Papageorgiou. C'est ça?

Mme Papageorgiou (Annie) :

Mme Charlebois : Hi! j'ai copié mon président. Et Mme Lapointe, merci d'être là, de nous présenter votre mémoire. Et j'ai quelques questions, alors je vais commencer tout de suite dans le vif du sujet.

J'ai comme donnée que 42 % des consommateurs de cannabis sont âgés entre 18 et 24 ans. Est-ce que vous croyez que c'est une bonne chose que nous fixions l'âge à 18 ans pour l'encadrement autour du cannabis? Parce que la légalisation est faite par le gouvernement fédéral. Nous, on fait l'encadrement. Et nous, on a pensé que c'était une bonne chose qu'on se donne le moyen de jaser avec ces gens-là, justement, les jeunes de 18 ans parce que, de toute façon, ils vont continuer sur le marché illégal, selon nous. Alors, je voulais avoir votre point de vue là-dessus.

Mme Papageorgiou (Annie) : Alors, les objectifs de cette… de légaliser le cannabis étaient de protéger les jeunes face à la substance qui est déjà très accessible et également d'éliminer, en quelque sorte, le marché noir. Donc, de légaliser à partir de 18 ans répond à ces deux objectifs-là, selon nous. Notre objectif, c'est que les jeunes ne consomment pas, c'est de retarder l'âge de la première consommation également puis de s'assurer qu'ils n'y ont pas accès non plus autour de leurs écoles par le marché noir.

Mme Charlebois : Oui, vous avez tout à fait raison. Puis ça, ça va être un enjeu parce que, même si… Tu sais, on va respecter les schémas d'aménagement des municipalités, puis c'est certain qu'ils vont nous indiquer dans leurs schémas d'aménagement qu'ils ne voudront pas de boutique de cannabis près des écoles, c'est... j'en suis certaine, mais, au-delà de tout ça, il va falloir s'assurer que le crime organisé n'y ait pas accès non plus parce que, si on fait un puis on ne fait l'autre, ça ne marche pas, là, à mon sens. Mais on va être en mesure de faire un meilleur suivi, quant à moi, parce qu'on aura les ressources pour.

Que pensez-vous du fonds de prévention? Je sais que vous avez sûrement pris connaissance du projet de loi, nous avons dédié 25 millions pendant cinq ans, minimum, parce qu'on sait que les premières années ce n'est pas si certain que ça que nous allons faire des revenus nets, étant donné qu'il va y avoir un coût à l'implantation des boutiques, du site Internet, tout ce qu'il y a comme programmes de prévention. Parce qu'il va falloir intensifier, à mon sens, la prévention notamment. Il faut commencer avant même la légalisation, je pense. Alors, vous comprenez qu'il y aura 25 millions de garantis, mais, à la suite de ça, à partir du moment où la Société québécoise du cannabis va faire de l'argent, bien là, la moitié va être directement dédiée au fonds de prévention puis l'autre moitié va servir à payer, un, la dette de la Société québécoise du cannabis, ses opérations. Mais le but n'est pas de retourner de l'argent au fonds consolidé, mais bien de payer les opérations qui sont en lien avec l'instauration de tout ce système-là, puis l'excédent, l'envoyer au fonds de prévention. Est-ce que vous voyez ça d'un bon oeil?

Mme Papageorgiou (Annie) : 25 millions est un gros montant. Nous, ce qu'on souhaite, c'est qu'il soit récurrent et qu'il ne soit pas à renégocier d'année en année. On ne connaît pas ce qui va arriver avec la légalisation, donc de toujours garder la prévention et les messages de prévention clairs pour les jeunes, pour s'assurer que la substance ne soit pas banalisée, et également des parents, des enseignants et de la population en général. Parce qu'on le sait qu'en prévention c'est quand tout le monde porte le même message qu'on atteint nos résultats. Donc, tant et aussi longtemps que ça sera respecté et soit récurrent, on considère que c'est un grand pas pour encadrer de façon adéquate la légalisation du cannabis.

Mme Charlebois : Quand vous dites : On aimerait ça que le gouvernement du Québec ait sa juste part de la taxe d'accise, ça représente combien, pour vous? Parce que là, ce que le gouvernement fédéral nous indique, ce serait 40 %. Nous, ce qu'on demande, c'est les... on veut avoir ce que ça va coûter, la légalisation dans l'encadrement. Comment vous voyez ça, vous?

Mme Papageorgiou (Annie) : Écoutez, nous, ce qu'on souhaite, c'est exactement ce que le gouvernement souhaite. On souhaite que nos enfants restent en santé, qu'ils se tiennent le plus loin possible de cette substance-là et qu'ils puissent prendre les bonnes décisions face à la consommation d'alcool, cannabis et autres drogues, donc qu'on soit capables de prévenir les problèmes reliés au cannabis et d'éviter les dépendances et les frais sociaux qui s'y engendrent. Donc, le gouvernement est le mieux placé pour savoir c'est quoi, le montant, mais nous croyons que nous devons avoir notre juste part au Québec. C'est les provinces qui ont à gérer la légalisation, donc nous devrons avoir le moyen de nos ambitions.

Mme Charlebois : Comment vous voyez ça, vous, une société d'État comme la Société québécoise du cannabis qui sera une filiale de la SAQ sans avoir la même mission? Je prends le temps de le dire, parce que les gens, ce qu'ils nous ont dit lors des consultations, c'est : On voudrait un modèle comme la SAQ sans avoir les mêmes... j'allais dire un mot que je ne veux pas dire... sans avoir les mêmes objectifs — oui, merci, M. le Président, c'est mieux dit — dans le sens où il ne faut pas qu'il y ait de profitabilité, que les fonds soient dédiés à la prévention. Mais est-ce que vous êtes en faveur que nous ayons un projet pilote pour faire le comparable? Parce que vous savez qu'on va revoir la loi dans trois ans, il y aura un rapport sur la mise en oeuvre, etc., puis à partir de là, parce que... On l'a mis là parce qu'on pense que la première révision doit être rapide tout en laissant du temps pour voir comment ça va... Puis il faut qu'on ait une certaine marge au niveau des règlements pour réagir vite s'il y a lieu de réagir. C'est nouveau, là, la légalisation du cannabis. Le cannabis, ce n'est pas nouveau, mais le phénomène de la légalisation est complètement nouveau, et il va falloir être capable de réagir en temps réel, à notre avis. Alors, est-ce que vous croyez que la Société québécoise du cannabis développée, parce qu'on va la développer, puis c'est sûr que, le jour un, on n'aura pas toutes les boutiques, mais on va en avoir, on va avoir le site en ligne… Et comment vous voyez, vous, qu'il y ait un projet pilote avec cinq boutiques, je ne sais pas sous quelle forme, parce qu'on n'a pas d'idée arrêtée en ce moment, mais cinq boutiques maximum pour qu'on puisse faire un comparable? Parce que les gens, ce qu'ils nous disent : Un monopole d'État, inévitablement, à un moment donné, il y a des revers à ça, il y a des choses qu'il faut corriger. Est-ce que vous voyez ça d'un bon oeil qu'il y ait des comparables pour que dans trois ans, si un ou l'autre a des corrections à faire puis peut-être même abolir le trois… le cinq, je veux dire, à la fin, dire : Bon, bien, finalement, on avait le bon modèle? Comment vous voyez ça, vous?

• (14 h 20) •

Mme Papageorgiou (Annie) : Bien, écoutez, nous, on fait de la prévention auprès des jeunes, on rencontre 70 000 adolescents. Moi, je vous dirais bien humblement que là où on a notre champ d'expertise, c'est là. Si vous me dites que vos projets que vous voulez mettre de l'avant respectent la publicité faite avec le cannabis, que les jeunes sont protégés, et qu'on s'assure d'une zone tampon, et qu'on s'assure de la sécurité dans les écoles, et qu'on donne les outils nécessaires par la loi pour pouvoir bien encadrer la consommation des jeunes, d'agir de façon novateur, parfois c'est payant pour un pays, c'est payant pour des entreprises, donc c'est... va s'arrêter là ma réponse concernant ce sujet-là.

Mme Charlebois : Est-ce que vous avez vu d'un bon oeil... Merci pour votre réponse, parce que je comprends que vous allez attendre d'avoir plus de détails sur ces cinq... le projet pilote de cinq boutiques, là. Mais soyez assurée qu'on est tous ici, on va faire valoir l'interdiction de publicité un peu comme on le fait pour le tabac, là, hein? On ne va pas retourner en arrière, là.

Mme Papageorgiou (Annie) : …la loi, oui.

Mme Charlebois : On ne peut qu'avancer. Comment voyez-vous, vous, l'interdiction de production personnelle?

Mme Papageorgiou (Annie) : Oh! Vas-y pour celle-là.

Mme Charlebois : Le quatre plants, qu'on a réduit à zéro plant au Québec.

Le Président (M. Merlini) : Mme Lapointe.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Oui, d'un bon oeil. Encore une fois, pour nous, ce qui est important, c'est que légalisation n'égale pas banalisation. Et le fait évidemment de permettre à des familles de pouvoir produire le produit, on s'entend quand même que ça aurait peut-être pu être marginal, là. Parce que moi, je n'ai pas le pouce vert, je ne me vois pas avoir le pouce vert non plus avec des plants de cannabis. Mais bon, bref, je crois qu'à ce moment-là ça réduit un autre message, ça l'enlève d'un autre message de banalisation, parce que nos enfants voient tout, comprennent tout. Et donc, vraiment, ça, c'est une bonne nouvelle, selon nous, évidemment.

Mme Charlebois : Dites-moi, concernant la tolérance zéro qui va s'appliquer, quand on aura les appareils homologués par Santé Canada et la Sécurité publique, en ce moment, on va continuer avec les facultés affaiblies, la conduite avec facultés affaiblies, trouvez-vous que c'est un bon message à envoyer à l'ensemble de la population, dire que : Quand on aura les appareils — on vous le dit, c'est vers ça qu'on s'en va — consommation récente, tu ne conduis pas? Mais, quand on va avoir les appareils qui vont être en mesure de détecter comme il faut, là, homologués, ça, ça veut dire que ça va être vérifié, là : Consommation récente de cannabis, tu ne peux pas conduire.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Je crois qu'il faut faire attention de ne pas trop tomber dans le répressif non plus, surtout pour les jeunes. Encore une fois, ici, on est ici surtout pour parler de nos jeunes. Et donc, je crois que nos jeunes, ils ont beaucoup d'apprentissages à faire. Parce que jusqu'à présent, ce que nous, on voit, parce qu'on est, comme le dit Annie, on voit 70 000 jeunes par année, il y a énormément de banalisation. Le cannabis, c'est une substance qui est très accessible et très acceptée. Et à ce moment-là, si effectivement c'est tolérance zéro et qu'on... ce sont des mineurs, on parle évidemment de nos 16 à 18 ans qui auraient le droit de conduire, je crois qu'il faut que ce soit encadré de la meilleure façon pour ne pas punir nos jeunes, mais bien que ce soit une occasion d'apprendre.

Mme Charlebois : O.K. Ça fait que, vous, en résumé, vous n'êtes pas nécessairement favorable. Si vous l'êtes, il faut que la... pas la sentence, mais la punition ne soit pas une punition où l'enfant... le jeune va être stigmatisé puis qu'il va y avoir quelque chose de monétaire et/ou avec un dossier. C'est plus dans le sens : Va dans un organisme communautaire, va donner du temps, va t'instruire sur qu'est-ce que c'est les dépendances ou quelque chose du genre.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Il faut justement qu'il y ait une occasion d'apprentissage et non pas justement pour ce jeune-là… de juste faire de ce jeune-là quelqu'un qui va juste peut-être continuer à consommer, vivre du ressentiment, etc. Donc, c'est ce que nous, on souhaite, c'est que grâce à des messages de prévention tels que, nous, on recommande, qu'il y ait des actions concertées, que tout le monde aille dans le même sens dans cette légalisation-là.

Mme Charlebois : J'ai encore du temps?

Le Président (M. Merlini) : Oui, Mme la ministre, il vous reste 4 min 30 s. Je crois que le député de Dubuc aurait... me fait signe qu'il aurait peut-être une interrogation.

Mme Charlebois : O.K. Je pose ma dernière question. Je laisse le temps au député de Dubuc. Consommation dans les lieux publics, on voit une divergence de points de vue. Nous, on a laissé une zone où les municipalités pourront encadrer de plus près chez elles, mais... parce qu'on s'est dit que, si on confine trop les gens, bien, à ce moment-là, je ne suis pas certaine qu'on ne va pas tomber justement dans la stigmatisation, et tout ça, puis qu'on va même peut-être engendrer d'autres problématiques qu'on n'a pas vues venir. Vous, vous voyez ça comment, là, sur le trottoir, dans les lieux publics? Il y a le trottoir qui est un lieu public, mais il y a d'autres... J'ai des bonnes questions aujourd'hui, hein?

Une voix :

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Je vois Annie puis je me dis : Bon, elle se positionne en maman. Mais positionnons-nous au nom de la maison et de la fondation. En fait, écoutez, je crois que les gens ont une mauvaise compréhension de ce que veut dire «consommer sur les lieux publics». Et les gens, je crois qu'il y a un vent de panique en ce moment que tout le monde va fumer n'importe quand à n'importe quelle heure. Calmons-nous, là. Alors, c'est sûr qu'en ce moment, de toute façon, on le voit depuis quelques années, ça sent le pot, que ce soit dans les parcs, que ce soit autour de nos maisons. Je crois qu'on est dans un nouvel air du temps et, si on a élu un premier ministre qui voulait la légalisation du cannabis, je crois qu'il faut aussi, à ce moment-là, être dans l'air du temps et d'accepter ce nouveau paradigme. Et moi, je crois que, si on est pour confiner davantage les fumeurs de cannabis, parce qu'on parle évidemment surtout de la fumée, et que, justement, ils se retrouvent à fumer davantage chez eux, encore une fois, pour protéger nos jeunes, ce n'est pas la meilleure solution.

Mme Charlebois : Je vais laisser la parole au député de Dubuc, M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : Je vous en prie. Merci, Mme la ministre. M. le député de Dubuc, il vous reste 2 min 35 s.

M. Simard : Merci, M. le Président. D'abord, mesdames, bienvenues chez vous, à l'Assemblée nationale. On lit dans votre mémoire le contexte : il y a encore 10 % des jeunes de 12 à 17 ans qui sont confrontés aux problèmes de dépendance. On ne dit pas là que ce sont des jeunes qui ont déjà fumé du cannabis, on dit qu'ils sont... ils ont de la dépendance. Ça, ce n'est pas n'importe quoi.

Donc, ma question est la suivante. Étant donné qu'on prend les jeunes à partir de 18 ans en montant et puis qu'on va faire de la prévention, on va faire tout ce qu'il faut avec l'argent du fonds, qui va pouvoir nous aider, effectivement, j'aimerais vous entendre par rapport... Avec l'expérience que vous avez avec la fondation, les 70 000 jeunes que vous avez rencontrés, j'imagine que ce n'est pas du monde de 18 ans en montant, c'est des jeunes aussi entre 12 ans et 17 ans. J'aimerais bien que vous nous expliquiez quelles mesures de prévention, quelles mesures de, je vous dirai, de formation, d'information que ce serait important que le gouvernement prenne en cause pour s'assurer qu'on couvre bien le spectre de l'ensemble de la jeunesse qui utilise du cannabis, pour qu'ils sachent exactement qu'est-ce qu'ils font.

Mme Papageorgiou (Annie) : Alors, nous, nos actions commencent en secondaire I parce que le meilleur moment pour commencer à parler de consommation, secondaire I, c'est le bon moment, parce qu'ils sont en zone de transition. Donc, on rencontre 60 000 jeunes en secondaire I par année, et le message... Nous, notre objectif, c'est de retarder l'âge de la première consommation. Il est prouvé que plus tard tu commences à consommer, moins tu as de chances de développer une dépendance. Et ce qu'on fait avec les jeunes, c'est qu'on ne leur fait pas la morale, on ne leur dit pas quoi faire, on leur parle de faits. La prévention, c'est ça, c'est d'amener les faits et d'éliminer les fausses croyances. Alors, c'est sur ces sujets-là qu'on travaille. On informe les jeunes sur c'est quoi, les conséquences qu'ils peuvent avoir à consommer, on leur parle des effets sur leur cerveau, on leur parle de choses qui sont tangibles. On n'a pas une zone de : On va s'obstiner, là. On leur parle de faits. Et on croit que nos jeunes, quand on leur parle puis qu'on leur donne les bons outils, ils sont capables de prendre des bonnes décisions également. Ils sont des agents de changement également pour leurs pairs. Donc, un jeune bien informé a un effet positif sur les jeunes qu'il côtoie également. Et ce que, nous, on dit avec nos programmes qui s'adressent également aux parents et aux enseignants, c'est ce que, nous, on dit aux jeunes. Si l'enseignant ramène le même propos et le parent a le même message, c'est là qu'on va avoir créé une nouvelle façon de réfléchir par rapport à la consommation. C'est 52 % des jeunes qui pensent qu'ils doivent consommer pour faire partie d'une gang. C'est complètement absurde parce que ce n'est pas 50 % des jeunes qui consomment. Donc, c'est de défaire les fausses croyances de nos jeunes pour qu'ils puissent prendre des bonnes décisions pour eux. Alors, c'est ça qu'il faut faire.

Nos programmes sont évalués, ce sont les seuls au Canada qui le sont. On travaille… à chaque année, on réévalue les programmes de prévention pour s'assurer qu'il n'y a pas d'effet pervers à ce qu'on dit également. Parce que la prévention, hein, il y a toutes sortes de préventions qui peuvent être faites. Nous, on assure qu'il n'y a pas d'effet pervers à nos actions de prévention. Donc, tout est fait selon les meilleures pratiques, et on travaille avec les jeunes. Les jeunes, ils sont contents de nous voir arriver. Ils ne pensent pas qu'on est des vieux mononcles qui arrivent pour leur parler de consommation. Ils font : Enfin, on a le droit d'en parler ouvertement. Parce que c'est un sujet qui est encore tabou, parce qu'on ne sait pas comment en parler.

Donc là, quand on arrive, on est comme des rock stars, nous. Aïe! On va pouvoir parler du sujet que personne ne peut parler à la maison. Il n'y a personne qui est capable de me donner la bonne réponse. Là, ils ont le droit de poser leurs questions. Et c'est pour ça que nous, on insiste pour que les gens des écoles soient présents, les travailleurs sociaux, les professeurs restent dans la classe parce que les questions que les jeunes nous posent et les histoires de vie qu'ils nous racontent nous en enseignent énormément. Donc, ça nous permet d'identifier même des jeunes qui sont déjà en problématique, qui sont déjà en train de consommer ou qui ont des problématiques à la maison qui sont présentes. Donc, ce qu'on fait, c'est selon les meilleures pratiques et ça répond aux besoins des adolescents parce qu'ils ont besoin d'en parler.

• (14 h 30) •

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup. Ça met un terme à cet échange. Le temps supplémentaire sera pris sur la présidence, Mme la secrétaire. M. le député de Labelle de l'opposition officielle, vous disposez de 9 min. À vous la parole.

M. Pagé : 9 min 30 s?

Le Président (M. Merlini) : Oui.

M. Pagé : Merci, M. le Président. Bon lundi, Mme la ministre, chers collègues, les gens qui nous entourent. Bonjour, mesdames. Bienvenue chez vous.

On a parlé tantôt de... Bon, vous avez dit que vous étiez... vous accueillez favorablement le projet de loi n° 157. J'imagine, parce qu'on veut faire surtout de la prévention, et, rattachée à cette prévention, il y a la création de la Société québécoise du cannabis qui, à toutes fins pratiques, c'est ce qu'on nous dit, n'a pas de caractère lucratif, donc ne sera pas soumise à des obligations de rendement. C'est ce que les gens sont venus nous dire un peu partout, hein : Il ne faut pas que cette société-là soit soumise à des objectifs de rendement parce que, sinon, on va en vendre plus. Puis, si le ministre des Finances, comme l'alcool, nous dit : Bien, cette année, vous devez nous livrer tant de millions de profit, on va vouloir en vendre plus, puis ce n'est pas ce que l'on souhaite.

Et même la ministre, quand elle décrit dans le projet de loi où irait l'argent, un peu partout — je l'ai mis entre guillemets, là, parce que je la cite — elle dit : Le but n'est pas d'envoyer de l'argent au fonds consolidé. Alors, moi, je suis très heureux. On applaudit cela. Mais nous, on aimerait que ça soit inscrit dans la loi, que 100 % des profits doivent aller vers la prévention, la dépendance, les saines habitudes de vie, et tout le reste.

Croyez-vous qu'il serait plus sage qu'on l'inscrive dans la loi, que 100 % des profits doivent aller vers ces endroits, au lieu que ça soit un voeu mais que ça ne soit pas inscrit? Parce que, lors des journées du 19, 20 juin, là, on a eu des experts d'un peu partout dans le monde, par vidéo, entre autres. Je ne sais pas si vous étiez présentes. Et moi, je me souviens très bien que l'État Washington nous disait : Ne faites pas l'erreur que nous avons faite, nous, parce qu'on ne l'a pas inscrit dans la loi. Puis aujourd'hui, parce qu'ils font de l'argent, il y a de l'argent qui se retrouve pour faire des routes. Alors, ne croyez-vous pas qu'il serait plus sage de l'inscrire dans la loi?

Mme Papageorgiou (Annie) : Mais, nous, comme on vous a déjà dit, ce qui est important, c'est de ne pas banaliser la substance. Donc, ce que le projet de loi propose, c'est que cette substance-là soit accessible légalement, dans le fond, de façon à protéger nos adolescents, puis c'est de ne pas faire de sous avec. Donc, nous, ici, ça répond à nos préoccupations. Comme on a dit, s'assurer qu'on a un montant qui est récurrent dans nos messages de prévention, c'est important, qu'on garde toujours le même message parce que c'est les messages contradictoires qui mélangent nos adolescents, les parents, les enseignants. Donc, que ces balises-là soient respectées puis surtout qu'on s'assure que, dans les endroits où il y a des mineurs, le marché noir ne puisse pas être présent. Alors, des sous pour ça également, c'est important.

Plusieurs écoles ont des politiques qui concernent la consommation tolérance zéro, et tout ça. D'avoir une loi qui renforce les politiques du milieu scolaire, c'est important, ça donne encore plus de pouvoirs à ce qu'ils ont à faire. Donc, de pouvoir les outiller de meilleures façons pour que nos jeunes restent loin de la consommation, alors, c'est ce qu'on souhaite.

M. Pagé : O.K. Vous devriez faire de la politique, vous, parce que vous avez bien tourné autour de la question.

Le Président (M. Merlini) : J'invoquerais le règlement, M. le député, mais ce sont des invitées.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Pagé : Mme la ministre tantôt a fait référence à l'article 55 qui permettrait d'ouvrir des projets pilotes. Qui dit projets pilotes... On n'en connaît... On ne sait pas exactement. Est-ce que ça pourrait être fait à partir de coopératives, OBNL ou du privé? On ne le sait pas. Qui dit projets pilotes en dehors de la société d'État, peu importe, même si c'est une coopérative, tu as besoin d'avoir des rendements, et donc de faire des profits pour continuer ton projet. Et nous, on pose souvent la question parce qu'on y voit un peu une contradiction.

Peut-être qu'un jour, dans cinq ans, dans 10 ans, on pourrait ouvrir à un autre réseau de distribution de vente différent, peut-être qu'un jour, mais, dans un premier temps, compte tenu que nous applaudissons la création de la société d'État qui n'a pas d'obligation de rendement, ne croyez-vous pas qu'on ne serait pas mieux, de façon plus sage, plus préventive, d'y aller strictement avec la société d'État dans un premier temps, quitte à ouvrir un jour, mais... parce que les projets pilotes risquent de vouloir faire des sous? Alors, qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Papageorgiou (Annie) : Écoutez, comme j'ai répondu tout à l'heure, nous, on fait de la prévention auprès des jeunes, on ne vend pas de produit, on n'est pas des experts à ce niveau-là. Par contre, si les projets pilotes respectent la loi de l'encadrement pour la publicité pour les jeunes, la non-accessibilité, c'est bien, mais je pense que déposer le projet de loi à un si court laps de temps, d'avoir rencontré autant de gens dans un aussi court laps de temps, de s'offrir une façon différente peut-être d'évaluer qu'est-ce qui est la meilleure façon de rendre ce produit accessible en projet pilote, est-ce que c'est la bonne façon pour le gouvernement? C'est vous qui allez être capables de répondre à ça, mais, honnêtement, nous, ce qui est important, c'est de protéger les adolescents. Et, si l'idée, c'est de vendre le cannabis, de ne pas banaliser la substance et de s'assurer que ceux qui consomment consomment un produit adéquat, bien, on répond à plusieurs normes ici. Donc, la façon que ça doit être fait, comme je vous dis, nous, on fait humblement de la prévention auprès des adolescents.

M. Pagé : Mais je ne sais pas si vous avez déjà eu une entreprise, mais, lorsque vous avez une entreprise, vous voulez faire des sous, et, si vous voulez faire des sous, il faut en vendre plus. Et c'est justement ce que l'on ne souhaite pas, et malheureusement il risque d'avoir cette ouverture avec l'article 55.

À la page 10 de votre document, de votre mémoire, vous parlez... vous dites que les producteurs pourraient être soumis à mettre des sous dans une cagnotte pour faire de la prévention ou de la sensibilisation. Pourquoi les producteurs? Est-ce que c'est sur le modèle d'Éduc'alcool? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Papageorgiou (Annie) : Bien, écoutez, les producteurs...

M. Pagé : Parce que les producteurs ne vendront pas directement.

Mme Papageorgiou (Annie) : Non.

M. Pagé : En fait, ils vont vendre, oui, mais ils vont vendre à la société d'État, essentiellement.

Mme Papageorgiou (Annie) : C'est ça.

M. Pagé : À moins évidemment qu'il y ait un réseau parallèle.

Mme Papageorgiou (Annie) : À moins que... je n'ai pas compris la suite.

M. Pagé : À moins qu'il y ait un réseau parallèle, mais, bon, alors...

Mme Papageorgiou (Annie) : Excusez-moi, je n'avais pas compris.

M. Pagé : Donc, les producteurs, pourquoi eux devraient investir en prévention?

Mme Papageorgiou (Annie) : Bien, écoutez, nous considérons que les entreprises au Québec sont de grands donateurs dans toutes sortes de causes. On pense que c'est... quand une entreprise donne dans un domaine qui lui est connexe démontre encore plus sa sensibilité à son produit et qu'est-ce qu'il peut apporter. Donc, d'agir dans le même sens... C'est que le produit qu'ils vendent, qui lui permette de protéger les adolescents et les consommateurs, est une façon différente de voir l'implication sociale, puis c'est une façon de redonner également. Puis on considère que d'en parler dès maintenant, c'est la bonne chose à faire.

M. Pagé : Quand je vous cite, là, vous dites : «D'ailleurs, nous recommandons que les producteurs faisant affaire au Québec aient des obligations légales — donc légales, inscrites dans la loi — d'investir en sensibilisation, comme cela se voit au niveau de l'alcool ou du jeu.» C'est parce qu'aujourd'hui, là, vous m'apprenez quelque chose. Parce qu'au niveau de l'alcool les producteurs d'alcool ont une obligation d'investir?

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Non. Nous, ce que nous, on souhaite...

M. Pagé : Je ne le sais pas.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : ...c'est justement que ça devienne une obligation...

M. Pagé : Autant...

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : ...pour ne pas, justement, leur laisser la décision de donner ou de ne pas donner. Et, de cette façon-là, ça assure un fonds récurrent qui va permettre de faire de la prévention.

M. Pagé : O.K. Peut-être en terminant, je sais qu'il ne reste pas beaucoup de temps. Distance avec les écoles, vous parlez de quelle distance il faudrait, en gros, là, en moyenne? Un kilomètre?

• (14 h 40) •

Mme Papageorgiou (Annie) : Il n'y a pas une ville faite pareille. Il n'y a pas une école faite pareille. Il n'y a pas un quartier fait pareil. Il y a les écoles, souvent aux alentours des écoles il y a des parcs. Il y a des arénas autour des écoles. Il y a plusieurs éléments où les jeunes, hein, le milieu de vie se tourne autour. Donc, c'est de protéger ces endroits-là le plus possible.

Nous, on a fait... Je vais vous raconter une petite histoire. L'année dernière, on a pris quatre adolescents qui avaient plus de 18 ans, et on leur a mis un micro, et on les a suivis, et leur objectif, c'était d'aller acheter de la drogue. Dans n'importe quel milieu, je vous parle à Montréal, à Outremont, je vous parle à Longueuil, je vous parle dans Hochelaga-Maisonneuve, ça prend minimum cinq minutes trouver de la consommation, alors, peu importe le lieu, sans même le demander. Donc, voilà.

M. Pagé : Je sais qu'il ne reste pas beaucoup de temps. Vous êtes-vous prononcés, 18 ans, 21 ans?

Mme Papageorgiou (Annie) : Comme la ministre nous a demandé la question, nous, ce qu'on... le projet de loi, là, la raison pour laquelle le fédéral a décidé de légaliser, c'est de protéger les jeunes et d'éliminer le réseau parallèle. Donc, en légalisant à l'âge de 18 ans, on protège nos jeunes et on s'assure également qu'on garde loin le marché noir. Voilà.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup. Ça met un terme, avec cet échange, avec l'opposition officielle. Maintenant, vers le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Repentigny, vous disposez de 6 min 30 s. À vous la parole.

Mme Lavallée : Merci beaucoup. Bienvenue. Dans votre document, à la page 11, vous parlez que vous recevez à peu près 1 000 personnes par année à La Maison Jean-Lapointe. Quel est le pourcentage de ces gens-là qui viennent en lien avec des problèmes de consommation de cannabis?

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Pour ceux qui viennent dont la première substance, donc la majeure, c'est le cannabis, ça représente environ 10 % de notre clientèle.

Mme Lavallée : C'est juste 10 %?

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : 10 %. Il faut comprendre par contre que, souvent, la personne alcoolique ou toxicomane est souvent polytoxicomane, et, à ce moment-là, peut se retrouver le cannabis dans d'autres substances, mais ce n'est pas la raison première qui les amène en thérapie.

Mme Lavallée : Et avez-vous déjà eu, dans les gens que vous avez reçus, des cas de personnes qui avaient développé un problème de troubles psychotiques suite à la consommation de cannabis? Pas nécessairement?

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Très difficile de répondre comme ça. On ne garde pas non plus, à l'heure actuelle, toutes ces données-là, malheureusement, donc je ne pourrais pas dire. C'est sûr que ce que je peux vous dire pour sûr, c'est que, normalement, si c'est quelqu'un qui vient à La Maison Jean-Lapointe et qui pourrait présenter ce genre de symptôme là, c'est sûr que la maison n'est pas la bonne ressource. Alors, c'est sûr que ce sont des gens qui seraient référés ailleurs, d'où le manque d'information à ce sujet-là.

Mme Lavallée : O.K., merci beaucoup. Tout à l'heure, vous avez mentionné que de mettre l'âge de consommation à 18 ans permettait de protéger les jeunes puis d'éliminer les réseaux parallèles, sauf... Dans votre document, page 3, vous parlez qu'en secondaire IV il y a 32 % des jeunes qui consomment du cannabis, secondaire V, 42 %. Ils ont moins de 18 ans. Et, dans beaucoup d'études, on dit que le cannabis va faire en sorte que ceux qui ont des fragilités vont développer des troubles psychotiques dans les 10 ans. Plus ils sont jeunes à consommer, plus vite ils vont développer des troubles psychotiques.

Donc, même si on met 18 ans, on n'atteint pas l'objectif de protéger nos jeunes et d'éliminer les réseaux parallèles parce que, vous l'avez dit tout à l'heure, ils sont autour des écoles, partout. Donc, on ne règle pas nécessairement le problème. Et, nous, c'est sûr que notre position est peut-être plus dure que celle qui est prévue dans la loi. On disait 21 ans parce que l'association des psychiatres parlait de 25 ans, mais ils étaient prêts à accepter 21 ans à cause de la formation du cerveau qui prend quand même un bout de temps.

Compte tenu qu'on ne protège pas les gens les plus à risque, donc les moins de 18 ans, est-ce que vous croyez que, si on avait mis 21 ans, ça n'aurait rien changé, mais on aurait envoyé un message clair qu'avant 21 ans il y a un danger à consommer du cannabis?

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Je crois qu'il faut être conséquents aussi et cohérents dans l'ensemble de nos décisions. Et, si le cannabis, oui, au niveau des dangers au niveau psychotique, mais au niveau du développement du cerveau, si c'est dangereux au niveau du cannabis, ce l'est aussi au niveau de l'alcool. L'alcool aussi entraîne beaucoup de dommages chez le cerveau des jeunes, des dommages qui peuvent être non réversibles et réversibles.

Par ailleurs, quand on parle de 18 ans, et ce que ma collègue a expliqué, c'est que 18 ans, ce que ça fait, c'est qu'à partir de 18 ans au moins il y a un encadrement au niveau de la consommation, et c'est pour ça qu'on parle des taux de THC, entre autres. C'est qu'à l'heure actuelle tout le monde qui consomme n'a aucune idée de ce qu'il consomme puisque c'est acheté sur le marché illégal. À ce moment-là, c'est sûr que, si on met 18 ans, ça veut dire qu'à partir de 18 ans tous ceux qui vont décider de consommer vont le faire dans la façon la plus sécuritaire de le faire. Mais 18 ans pour nos plus jeunes, l'idée, c'est donc d'augmenter la sécurité autour et dans les écoles parce qu'à l'heure actuelle nos jeunes, s'ils sont capables de consommer en bas de 18 ans, d'où ces statistiques-là, c'est qu'ils le font sur le marché illicite.

Et donc, si on peut justement envoyer un message que, oui, c'est à partir de 18 ans et que non seulement tu ne seras plus capable d'en trouver sur le marché illégal en haut de 18 ans, parce qu'évidemment ceux qui en font la vente illégale, évidemment, vont... risquent de se tourner vers nos jeunes, bien, si on peut augmenter la sécurité autour des écoles et dans les écoles, à ce moment-là, on fait deux pierres d'un coup.

Mme Lavallée : Tout à l'heure, vous m'avez amenée sur le sujet de l'alcool, effectivement, qui cause autant de problèmes. Donc, on va permettre aux jeunes de consommer du cannabis à 18 ans parce qu'on permet aux jeunes de consommer de l'alcool, qui est aussi dangereux. Est-ce qu'on n'envoie pas un drôle de message? Plutôt que de dire : Bien, on a un problème à régler avec l'alcool, être obligés d'y aller à ce point-là de façon permissive à 18 ans pourrait avoir... développer un même problème que l'alcool au lieu de dire : Bien, au moins, cette partie-là on va la contrôler un peu plus?

Le Président (M. Merlini) : Il reste 45 secondes.

Mme Lapointe (Anne Elizabeth) : Je crois que c'est une très grande question de société, et non pas juste pour nous autres de La Maison et la Fondation Jean-Lapointe, mais effectivement il y a lieu de se questionner.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme Papageorgiou et Mme Lapointe, représentant La Maison et la Fondation Jean-Lapointe. Merci de votre présence et votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends donc quelques instants et j'invite l'Association pour la santé publique du Québec à prendre place.

(Suspension de la séance à 14 h 48)

(Reprise à 14 h 50)

Le Président (M. Merlini) : Nous reprenons donc nos travaux et nous avons le plaisir d'accueillir maintenant l'Association pour la santé publique du Québec. Je vous invite à vous présenter au début de votre exposé. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation, et ensuite nous aurons les échanges avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS. La parole est à vous.

Association pour la santé publique du Québec (ASPQ)

Mme Granger (Lucie) : Merci beaucoup. Mme la ministre, M. le Président, chers membres de la commission, bonjour et merci beaucoup de nous accueillir dans le cadre de ces importantes consultations. Je suis Lucie Granger, directrice générale de l'Association pour la santé publique du Québec, et je suis accompagnée par Émilie Dansereau-Trahan, qui est spécialiste de contenus, à l'association, des substances psychoactives, cannabis et alcool.

L'Association pour la santé publique du Québec est un OBNL, organisme de bienfaisance, qui soulignera 75 ans d'existence en 2018. Sa mission consiste à regrouper citoyens et partenaires pour faire de la santé durable par la prévention une priorité. Ma collègue Émilie et moi souhaitons informer la commission que nous ne détenons aucune participation dans l'industrie du cannabis.

L'Association félicite le gouvernement du Québec pour la cohérence d'ensemble du projet de loi. Québec balise la vente, la distribution et la consommation du cannabis, des futurs produits dérivés et propose une approche visant à minimiser les risques et les conséquences relatives pour la santé et la sécurité de la population, et particulièrement celles de nos jeunes et des générations futures.

Nous avons analysé le projet de loi autour de trois principaux axes : une gouvernance transparente créatrice de santé durable, zéro promotion et publicité et 100 % de cohérence. Et nous proposons 10 recommandations qui, nous l'espérons, contribueront à bonifier le projet de loi en plus d'assurer 100 % de cohérence avec la vision que nous partageons, soit celle de protéger la santé et la sécurité de nos jeunes.

Le gouvernement assume courageusement sa responsabilité politique en créant la Société québécoise du cannabis. La gouvernance constitue le réel solage d'un nouvel encadrement du cannabis pour le Québec. Bien qu'elle relève du ministère des Finances, la SQC n'a pas comme objectif de générer des revenus, ce qui la distingue de façon positive de la SAQ et de Loto-Québec.

Nous devons nous inspirer de l'histoire de la SAQ et en tirer les leçons qui s'imposent. En 1921, le gouvernement du Québec adoptait la Loi sur les boissons alcooliques et créait la Commission des liqueurs du Québec, qui avait comme mandat notamment de vérifier la qualité des produits vendus. Mais il faudra attendre près de 60 ans après sa création pour qu'un mandat spécifique de promotion d'une consommation responsable voie le jour.

Une gouvernance transparente créatrice de santé durable, trois éléments fondamentaux ont retenu notre attention : le comité de vigilance, le conseil d'administration et le projet pilote.

La création du comité de vigilance remplit une fonction clé novatrice de la gouvernance de la future SQC. Il incarne le style de gouvernance bâtisseur de santé durable, et c'est pourquoi l'association recommande que les avis et les recommandations contenues dans le rapport annuel soient rendus publics et étudiés en commission parlementaire. La plus grande transparence fera oeuvre utile pour évaluer les impacts de la légalisation et de l'encadrement du cannabis sur la santé, la sécurité de la population et particulièrement, comme je le disais, sur celle de nos jeunes, en plus d'évaluer, il va de soi, l'impact économique pour la province. Le Québec écrit ici une page d'histoire importante.

L'ASPQ recommande aussi que soit enchâssée dans la loi l'indépendance complète des administrateurs membres du comité de vigilance et dirigeants de toute influence et intérêts de l'industrie du cannabis et que le C.A. soit composé d'un savant amalgame d'individus et compétences complémentaires, notamment en éducation, finances, santé, sécurité publique, sciences, santé mentale et toxicomanie.

À propos des cinq projets de loi prévus à l'article 55 et 87, le gouvernement pave la voie à un modèle mixte de vente au détail. L'industrie privée part sans doute avec une longueur d'avance à court terme. Nous sommes nombreux à craindre l'impact négatif, et c'est pourquoi l'ASPQ recommande de retarder de trois ans l'entrée en vigueur de ces articles.

Et, lorsque les projets de loi verront le jour, ils devraient être strictement balisés et respecter des critères rigoureux, comme notamment ne pas permettre la vente de cannabis aux côtés de l'alcool et du tabac, d'interdire au privé toute vente de cannabis par Internet, le monopole de la vente par Internet devrait relever uniquement de la SQC, interdire le franchisage, que les employés de ces projets pilotes soient soumis aux mêmes règles de formation que ceux de la SQC, intégrer une modalité de réduction des méfaits, par exemple, un incitatif à une consommation moindre à moindre risque, créer un clivage entre la production et le commerce de détail.

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : L'ASPQ souhaite attirer l'attention des membres de la commission sur la présence aujourd'hui, sous plusieurs formes et plateformes, de publicités faisant la promotion du cannabis thérapeutique. Actuellement, l'industrie bénéficie d'une tolérance. Elle n'hésite pas à utiliser différentes stratégies de marketing pour se démarquer. Plusieurs publicités liées à l'application Weedmaps sont affichées sur les panneaux publicitaires extérieurs géants à Montréal. Certains pourraient prétendre que l'image de la marque ne représente pas le cannabis en soi, mais le nom y fait une référence directe : Tweed, qui détient la marque de commerce Leafs by Snoop, incarnée par le célèbre rappeur américain Snoop Dogg. L'utilisation d'une vedette dans une campagne publicitaire est une stratégie de marketing éprouvée ayant un attrait indéniable.

Selon une étude de la Fédération française des professionnels de la communication par l'objet, les consommateurs ont plus de facilité à mémoriser le nom d'une marque imprimée sur un objet publicitaire que par les publicités diffusées à la télé ou dans les magazines. Les objets promotionnels accroissent la notoriété, captent l'attention, laissent une empreinte chez les consommateurs et en attirent d'autres. Cette stratégie transforme les consommateurs en ambassadeurs de marques et en panneaux publicitaires vivants. C'est aussi une façon détournée de rejoindre les moins de 18 ans. Il en est de même pour l'association d'une marque à un événement sportif, culturel, social ou à saveur scientifique. Rappelons simplement que Mettrum Health Corp.fut le commanditaire exclusif d'un numéro spécial du journal Current Oncology qui mettait en lumière l'utilisation du cannabis chez les patients atteints de cancer.

Une autre disposition soulève notre inquiétude. La section II du projet de loi, portant sur la publicité, indique qu'il sera permis aux compagnies de cannabis de faire de la publicité dans les journaux et magazines écrits. Il sera donc possible de voir des publicités dans le Journal de Montréal, le Voir ou le Métro, puisque leur lectorat est composé à 85 % d'adultes. Pour toutes ces raisons, l'association recommande d'interdire sur le territoire québécois toute forme de publicité de cannabis thérapeutique et récréatif et de prévoir immédiatement le respect de leur application.

Comme c'est le cas pour presque tous les produits, l'emballage et l'étiquetage constituent un élément important de promotion. Pour le tabac, l'emballage demeure un des derniers véhicules marketing légaux au Canada. Rien n'est laissé au hasard, la taille, la couleur, le type de typographie sont choisis pour communiquer ou évoquer une valeur, un style de vie ou une caractéristique du produit. C'est pourquoi l'ASPQ recommande l'emballage standardisé et neutre. L'emballage doit être vu pour ce qu'il est, un outil promotionnel, et tout ce qui se rapporte à un outil promotionnel doit être encadré, réglementé, de façon à assurer 100 % de cohérence, de façon à ne pas stimuler la demande et ne pas être attrayant.

L'ASPQ recommande, en accord avec l'article 50 du projet de loi, des normes d'étiquetage sévères, incluant notamment des mises en garde sanitaires, des informations sur l'aide disponible, une mesure exacte des taux de THC et CBD et des avertissements pour encourager un entreposage non accessible aux enfants et aux adolescents.

Mme Granger (Lucie) : Nous avons réuni dans le troisième axe les conditions qui nous apparaissent structurantes, nécessaires et 100 % cohérentes avec les objectifs du projet de loi et, dans ce sens, nous saluons l'âge légal à 18 ans, que les revenus générés par les taxes et permis seraient investis en prévention, la création d'un fonds de recherche, la formation adéquate et obligatoire des employés, la tolérance zéro au volant.

L'association souhaite par ailleurs que soit limitée la densité des points de vente et de consommation, notamment dans une zone-école, et révisées les normes concernant les pesticides, les hormones de croissance et autres contaminants pour la culture du cannabis. Quant à la culture à domicile, puisqu'il importe d'intégrer les consommateurs au marché licite, et qu'il est possible de faire pousser du tabac et de faire son vin et sa bière à domicile, et qu'il n'est pas plus risqué pour un enfant d'être exposé à un plant de cannabis qu'à tout autre plan, l'association suggère d'autoriser la culture personnelle de quatre plants de cannabis à l'intérieur du domicile principal d'une personne et dans un lieu clos et protégé des enfants.

Les recommandations de l'association sont appuyées sur la plus grande cohérence du futur de l'encadrement tout en protégeant les plus fragiles de notre société. L'association est heureuse de collaborer avec vous. Il nous fera plaisir de répondre à vos questions.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, mesdames, pour cet exposé, qui est d'un temps total de 10 minutes. Bravo! Vous l'avez atteint.

Alors, Mme la ministre, maintenant, pour le premier échange avec les membres du gouvernement. Mme la ministre et députée de Soulanges, vous disposez de 16 minutes. À vous la parole.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. D'abord, saluer Mme Granger et Mme Dansereau. Merci d'être là et de nous faire part de votre point de vue. Je sais que vous êtes assidues depuis le début. Vous écoutez l'ensemble des mémoires, ça fait que vous savez un petit peu où se loge un petit peu tout le monde, puis je suis convaincue que vous allez être là jusqu'à la fin. Je vous connais assez pour savoir ça.

Je vais aller tout de suite dans le vif du sujet, parce que vous nous parlez de l'âge à 25 ans puis en même temps vous nous dites : Remettez la production personnelle sur place. Donc, les jeunes...

• (15 heures) •

Une voix :

Mme Charlebois : Moi, ils nous demandent de remettre à 25 ans, est-ce que j'ai bien compris?

Mme Granger (Lucie) : 18 ans.

Mme Charlebois : Vous avez parlé de 18 ans? Je lisais dans mon résumé 25.

Mme Granger (Lucie) : Ah! oui, on a salué le fait que, dans le projet de loi, c'était 18 ans, tout à fait.

Mme Charlebois : O.K., bon, désolée. Alors, je ne comprenais pas, mais là je comprends mieux parce que j'étais pour dire : En termes de cohérence, là, il y a comme quelque chose que je ne suis plus pantoute, là. Comment on peut mettre 25 ans puis en même temps remettre la plantation personnelle à quatre plants, là, je n'arrivais pas à comprendre. Mais là ce que je comprends, c'est que finalement vous êtes en faveur de l'âge de 18 ans et vous recommandez qu'on remette la production personnelle à quatre plants par résidence.

Comment vous pensez que ça peut être contrôlé? Parce qu'on a eu la Fédération québécoise des municipalités qui sont venus la semaine dernière, vous les avez sûrement entendus, ils ne voient pas d'un bon oeil la production personnelle. Ils ne disent pas que ça sera toujours comme ça, mais ils disent pour le départ, eux autres, que c'est bien parce qu'on n'aura pas les moyens de contrôler cette production personnelle au départ. Comment vous voyez ce contrôle-là? Comment vous pensez que nous pouvons l'effectuer?

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : Bien, en fait, c'est vraiment dans un souci de cohérence. Le fait qu'on puisse brasser de l'alcool, de la bière à la maison, on puisse faire pousser du tabac si on le souhaite, dans ce souci-là, l'idée de quatre plants nous semble plus cohérente. Ensuite, il faut comprendre que la culture à domicile, ce n'est pas tout le monde qui va se mettre à faire pousser du cannabis quand on peut en acheter justement dans des boutiques ou de la société d'État. Ça va demeurer une culture qui serait marginale. Il ne faut pas partir en peur. C'est comme... Actuellement, il y en a qui en font déjà pousser dans leur domicile.

Ensuite, je dirais que la culture à domicile permet aussi de rester dans une vision qui n'est pas lucrative. Le fait de permettre la consommation à domicile... la culture personnelle, finalement, permet aussi de sortir de la logique lucrative de la légalisation du cannabis. Puis aussi, par rapport à la sécurité des enfants, parce que c'est souvent un argument qui est avancé, qu'est-ce qui est le plus attrayant, une plante verte ou un emballage de cannabis avec justement des couleurs ou un logo qui serait plus attrayant? Pour moi, c'est clair que l'emballage, le format du cannabis sous un emballage est beaucoup plus attrayant pour un enfant que la plante verte de cannabis. Donc, en ce sens-là, pour moi, cet argument-là ne tient pas la route, puis c'est dans ce souci de cohérence là qu'il nous semble plus avisé de permettre la culture à domicile plutôt que de l'empêcher.

Mme Charlebois : Je vous challenge.

Une voix : Oui.

Mme Charlebois : C'est purement québécois, le mot «challenger», là. Pour ce qui est du marché lucratif, ce n'est pas le but visé par la Société québécoise du cannabis. Ça fait que votre argument, quant à moi, n'est pas meilleur que le mien.

Concernant les enfants, comment vous pouvez dire aux adolescents : Ne touche pas aux cocottes à papa, c'est les miennes, ce n'est pas les tiennes?

Troisième élément. L'emballage. Ce qu'on a dans le projet de loi... Eh! vous devez me trouver tannante, hein? Ce qu'on a dans le... Mais c'est vraiment pour échanger, là, ce n'est pas fait de méchant aloi, là. L'emballage qu'on préconise, c'est un emballage neutre descriptif plutôt que... Il n'y a pas de promotion qu'on envisage avec la légalisation du cannabis, les produits qui vont être vendus au Québec. On ne souhaite pas... On ne va pas aller à moins de ce qu'on a déjà dans le tabac, là, on va juste s'améliorer, là. On va partir les affaires tout de suite comme il faut plutôt que de récupérer le passé.

Alors, c'est là où je vous dis que les quatre plants... Nous autres, ce qu'on a entendu et des municipalités et de plusieurs citoyens, je vous dirais que le sondage en ligne a été éclairant là-dessus et, en fin de semaine, je suis devenue madame... je vais vous le dire, le monde m'appelle Mme Pot. Alors, sur le terrain, tout le monde m'interpelle avec ça puis ils me disent : Bonne affaire que vous interdisiez la production à domicile. Puis c'est ce que j'entends. Peut-être parce que je suis celle qui porte le projet de loi qu'ils n'osent pas me dire d'autre chose. Peut-être. Mais je veux vous entendre sur ce que je viens de vous dire, notamment sur l'emballage, la publicité qui... non, on n'en aura pas, de publicité sur l'emballage. Le côté lucratif, avec la Société québécoise du cannabis, ce n'est pas ça qu'on cherche, au contraire. Tout ce qu'on veut, c'est ramener les gens du marché illicite vers le marché licite, donc légal. Puis, trois, les adolescents, comment on fait pour les contrôler autour de ces quatre plants-là? On m'a dit, moi... Je ne connais pas ça, là, je n'en cultive pas. J'entends vos dires de dire : Ça va être exceptionnel. Mais comment les municipalités, avec leur sécurité publique, vont faire pour encadrer ça, ceux qui en ont? Qui en a, qui n'en a pas? Il y a-tu un plant? Il y a-tu six plants? Puis les adolescents, bien, qui veulent se servir des produits de leurs parents, on fait quoi avec ça?

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : Je pense que pour les adolescents qui veulent se servir des produits de leurs parents, c'est les mêmes règles que pour l'alcool, dans le sens où on a... il y a plusieurs personnes qui ont des celliers à la maison, auxquels les enfants peuvent... bien, les adolescents peuvent avoir accès. Donc, il y a aussi une question finalement d'encadrement à ce niveau-là qui revient aux parents, comme c'est le cas pour l'alcool, comme ça va être le cas aussi pour les cocottes.

Vous parlez de cocottes sur le plant de pot. Bien, c'est la même chose. Si vous avez des cocottes dans un... on va dire un sac en plastique transparent pas de couleur, là, on va y aller dans le même genre de... bien, c'est le même encadrement qui s'applique, que ça soit le sac, si tu le laisses traîner sur ton comptoir... Non, tu vas le ranger. Tes plants de pot, s'ils sont arrivés à maturité, parce qu'encore faut-il qu'ils soient rendus à maturité, si l'adolescent veut pouvoir le prendre, le consommer, l'égrener puis... En fait, ça devient quasiment plus compliqué, finalement. Ça fait que, pour moi, ça, ce n'est pas un enjeu en soi.

L'enjeu des municipalités, je comprends que ça revient plus au fait de surveiller. Il y a-tu cinq plants, quatre plants, trois plants, deux plants, six plants? Puis, même là, le quatre plants, on s'est appuyés sur le groupe de travail au fédéral qui a recommandé quatre plants. Est-ce que c'est un chiffre arbitraire? Probablement parce que ça permet une culture... Je ne sais pas exactement de combien vous disiez que ça pouvait permettre de fumer à l'année longue. Je pense que ça...

Mme Charlebois : ...

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : Bon, je pense, ça dépend finalement du niveau de maturité de chacun des plants, qui n'y arrivent pas au même moment au cours de l'année.

Ensuite, par rapport à l'emballage, je vous entends, mais actuellement l'emballage des produits thérapeutiques du cannabis, qui ne fait pas partie du projet de loi actuel...

Mme Charlebois : Tout à fait, les compétences fédérales.

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : ...si vous avez vu les emballages qui sont actuellement en vente, c'est extrêmement attrayant pour des adolescents, genre des vagues, puis du surf, tout le kit, là. Ça fait que, pour moi, ça demeure un produit qui est plus attrayant qu'une plante verte, qu'elle soit à maturité ou pas.

Mme Charlebois : Mais, je vous rassure, là, ça a l'air que C-45 va encadrer tout ça maintenant.

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : C'est des règlements qu'ils ont proposé, mais ça n'a pas fait partie de la Gazette encore. Donc, ce sont... une consultation qui a eu lieu...

Mme Charlebois : Bien, il n'y en avait pas, d'encadrement, mais comme pas pantoute, avant, là.

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : C'est ça.

Mme Charlebois : Là, il y en aura un. Puis je conviens avec...

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : Ils font une consultation sur les règlements.

Mme Charlebois : Oui, oui, ils font... Bien, c'est ça, hein? Nous autres, on a fait nos consultations avant de faire le projet de loi. Eux autres, ils les font après. Ça, c'est chacun sa façon de fonctionner. Mais juste vous dire qu'à la fin de la journée il n'est pas adopté au fédéral. Mais nous autres, on n'a pas le choix d'être prêts pour le 1er juillet, hein? C'est le nerf de la guerre, là.

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : Tout à fait.

Mme Granger (Lucie) : Mais, si je peux me permettre, la réglementation et puis... et vous l'avez vu, on l'a illustré avec quelques éléments dans notre mémoire, mais c'est vraiment très attrayant. Quand on parle des noms de produits, juste les noms de produits, comme un groupe de rappeurs, c'est clair que c'est, comment dire, très stimulant pour les jeunes.

Mme Charlebois : Je vous rassure, c'est que nous, on s'occupe de l'encadrement du cannabis non thérapeutique, puis vous avez remarqué que je n'utilise pas l'autre expression à escient parce que je ne veux pas banaliser le produit et je veux qu'on change notre discours. J'aimerais ça que tout le monde change son discours parce que l'autre mot incite à penser à une banalisation pour les jeunes, dire : Bien, wow! Hein? Alors, j'appelle ça le cannabis non thérapeutique, et, je vous dis, ce que nous autres, on encadre, il y a zéro publicité. Pour ce qui est du thérapeutique, il va être encadré par C-45 dans ses règlements, etc. Alors, je vous invite à leur envoyer une copie de votre mémoire.

Une voix :

Mme Charlebois : Que pensez-vous des lieux d'usage?

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : Les lieux d'usage qui sont les mêmes que ceux pour le tabac avec certaines restrictions supplémentaires par rapport aux lieux d'enseignement, pour nous, c'était en cohérence avec le type de... la consommation par rapport à la Loi sur le tabac. Effectivement, de le restreindre davantage, ça risque de créer d'autres problèmes. Les gens vont pouvoir consommer seulement à domicile. Si les propriétaires interdisent ensuite la consommation à domicile, bien, si on légalise, mais qu'on ne peut pas consommer nulle part, ça crée un autre enjeu à ce niveau-là. Donc, pour moi, il y a un certain vivre-ensemble.

Effectivement, il y a des gens qui sont incommodés par les odeurs. Il va falloir faire la promotion de consommation à moindre risque, donc, par exemple, le vapotage, les «vaporizers», bon, qui vont permettre finalement d'avoir moins d'odeurs si les gens se tournent vers cette consommation-là. Mais, pour nous, c'était en toute cohérence, le fait d'adopter ce type d'encadrement.

• (15 h 10) •

Mme Charlebois : Parlez-moi donc du fonds de prévention qu'on a fait inscrire dans la loi. Moi, je pensais que j'étais fière de mon affaire, mais des fois j'écoute d'autre monde, puis ça n'a pas l'air que c'est si bon que ça de l'inscrire, 25 millions, dans la loi. Ce n'est pas assez. Avant ça, ça n'a jamais été dans une loi. Moi, je l'ai fait inscrire dans la loi, c'est-à-dire que, si la Société québécoise du cannabis ne fait pas de sous les trois premières années, bien, dommage, il y a 25 millions en prévention qui va se déposer obligatoirement.            Maintenant, si la Société québécoise vient qu'à faire des profits, la moitié va servir à rembourser sa dette pour avoir élaboré le réseau, tout ça, l'autre moitié va servir à augmenter le fonds en prévention. Est-ce que, vous, ça vous apparaît quelque chose de louable? Puis vous savez qu'on va revoir la loi dans trois ans, donc il y aura lieu de faire des changements si on s'aperçoit que des changements sont nécessaires parce que, là, on se le dit, là, c'est un nouveau phénomène que la légalisation du cannabis, pas le cannabis comme tel, là, ça existe. Il ne faut pas faire semblant que ça n'existe pas, là, ça existe. Alors qu'est-ce que vous pensez de ce que je viens de vous dire?

Mme Granger (Lucie) : On le salue, et c'est dans la section 100 % cohérence. Alors, pour nous, c'est vraiment un très bon... une excellente posture du gouvernement. On le sait, l'association recommande qu'il y ait le plus d'investissement possible au niveau de la prévention, et les pas qui sont faits sont vraiment... vraiment très, très bien, Mme la ministre.

Mme Charlebois : Mon collègue ici des Îles-de-la-Madeleine aurait une question.

Le Président (M. Merlini) : Très bien. Alors, M. le député des Îles-de-la-Madeleine et adjoint parlementaire au ministre de la Santé et des Services sociaux, il vous reste 4 min 30 s.

M. Chevarie : Merci. Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation. D'ailleurs, votre position est très réconfortante par rapport au projet de loi n° 157. C'est intéressant dans ce sens-là à quelques éléments près. Je reviens sur la question de la culture à domicile. Quand vous parlez de résidence, qu'est-ce que vous englobez comme résidence?

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : C'est le domicile principal.

Une voix : Un bloc-appartements.

M. Chevarie : Donc, les blocs-appartements, les coops d'habitation, les condos, tout ça?

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : Oui, exactement.

Mme Granger (Lucie) : Et, si vous me permettez...

M. Chevarie : Oui.

Mme Granger (Lucie) : ...dans les discussions avec différentes personnes qui des fois sont pour ou sont contre la légalisation du cannabis, dans le lieu de résidence, je pense qu'il y aura lieu de préciser, si c'était introduit, que le lieu, ça pourrait être une voiture. Il faut s'assurer, tu sais, s'il y a deux résidences, que le lieu soit la résidence principale, qu'on vienne le baliser, enfin, quelque chose à vérifier ou à approfondir pour être sûr qu'il n'y ait pas un angle mort qu'on n'ait pas vu dans le libellé actuel.

M. Chevarie : Et vous soutenez votre argumentaire de permettre la culture à domicile ou à la résidence par un argumentaire de cohérence. Est-ce que, pour vous, «cohérence», ça égale automatiquement une bonne chose à faire?

Mme Granger (Lucie) : C'est en cohérence avec les objectifs qui sont poursuivis par le gouvernement, ça fait que la réponse, c'est oui, là. Dans notre posture... On est vraiment dans une perspective de réduction des méfaits lorsqu'on est dans cette perspective-là. C'est clair qu'il y a un défi. J'ai entendu... puis on va entendre probablement un petit peu plus tard aujourd'hui les chefs de police. Il y a des défis, hein, dans tout ce que... L'audace que vous faites, là… Ce que cette commission et cette Chambre fait, c'est extrêmement audacieux, là. Mais, quand on fait les avantages, les inconvénients, les risques puis qu'on pense aux plus vulnérables de notre société, bien, on se dit qu'il y a là un des aspects qui est soutenu par le concept de réduction des méfaits, et puis c'est cet esprit-là et c'est cette approche-là qu'on soumet à la commission.

Mme Charlebois : M. le Président…

Le Président (M. Merlini) : Mme la ministre.

Mme Charlebois : …juste pour préciser la question de mon collègue. Si vous voyez un 12 logements, là, fois quatre, ça fait 48 plants dans la cour. On a-tu déployé un jardin communautaire?

Mme Granger (Lucie) : Bien, c'est intéressant parce qu'on a un groupe avec lequel on réfléchit, et, Mme la ministre, vous qui avez fait adopter un projet de loi des plus audacieux à l'unanimité par l'Assemblée nationale au niveau du tabac, nos collègues nous disaient, entre autres, que c'est lorsque le tabac est devenu roulé et offert en cigarettes que c'est devenu... c'est là que la vente a été accélérée. C'est devenu... Donc, c'est quand même un peu complexe, là, tu sais, de brasser ses brownies, là, tu sais, puis de s'assurer que... je ne sais pas quoi, là, que la quantité de cannabis est répartie dans le petit moule carré de 8 X 8, là, hein? Ça a l'air que ce n'est pas si simple que ça. Je ne sais pas, je n'en ai jamais fait, là, mais on se comprend. Donc, ce qui est plus facile, c'est quand ça arrive dans un beau petit pot, tout bien ficelé, rose, ou que ça a l'air de bouteilles de parfum puis qu'on a le goût d'en mettre dans notre salle de bain tellement c'est beau. Ça, c'est très important de regarder ce volet-là aussi.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, ça met un terme à ce bloc d'échange avec le gouvernement. Maintenant, vous avez un bloc avec l'opposition officielle. M. le député de Labelle, vous avez 9 min 30 s. À vous la parole.

M. Pagé : Merci, M. le Président. Alors, on repart le chrono. Alors, merci d'être ici avec nous et de... On se côtoie depuis maintenant la tournée du Québec, et vous êtes encore là. Merci pour le travail que vous faites. Et, de toute façon, vous le faites à plusieurs égards en termes de santé publique, et c'est très important de le reconnaître.

Vous soulevez des inquiétudes, vous refaites un peu l'histoire de la Société des alcools du Québec en nous disant que, bon, ça relève du ministre des Finances avec des obligations de rendement. Je comprends que vous souhaiteriez que ça ne relève pas du ministre des Finances mais plutôt du ministre de la Santé. Est-ce que c'est clairement ça que vous avez dit?

Mme Granger (Lucie) : Bien, c'était notre première recommandation, effectivement. Et puis on comprend qu'il y a eu un choix stratégique qui a été fait, mais c'est clair que le ministre de la Santé, sa posture en est une de protéger la santé de la population à tous égards. Alors, c'est clair que le conseil, le premier conseil d'administration de la filiale est nommé, si je ne m'abuse, par les dirigeants de la société d'État, donc de la SAQ. Ça va être tout un ajustement.

M. Pagé : Mais, sous le même raisonnement, quant à moi, le ministre de la Santé, je ne le dis pas péjorativement, mais c'est le ministre des malades, hein, on est dans le curatif. Alors, si on veut suivre le même raisonnement de prévention, ne devrait-on pas plutôt souhaiter que la SQC relève plutôt de la ministre de la prévention et de la Santé publique, ce qui m'apparaîtrait totalement cohérent? Je ne sais pas. Vous en pensez quoi?

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : Tout à fait. Complètement d'accord avec vous.

Mme Granger (Lucie) : Oui.

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : Effectivement.

Mme Granger (Lucie) : …la ministre de la Santé et du Développement durable.

M. Pagé : Oui.

Mme Granger (Lucie) : On aurait toute une autre posture d'analyse si tel était le cas. Pensons-y deux secondes.

M. Pagé : Oui, merci. Tantôt, avec les gens de La Maison Jean-Lapointe, on a parlé des fameux profits. J'entends très bien la ministre, toute sa volonté à ce que toutes les sommes d'argent soient réinvesties. Mais, quand on parle de profits, on sait, quand on commence à parler de sommes d'argent importantes… On nous dit : Le but n'est pas que l'argent aille au fonds consolidé. Mais on sait qu'il pourrait y avoir un risque. Vous l'avez entendu comme moi, il y a plusieurs personnes qui sont venues dire lors de la tournée : Ça devrait être inscrit dans la loi. Ne croyez-vous pas? Parce que je pense que vous ne l'avez pas écrit là-dedans, que 100 % des profits, mais qu'on devrait l'inscrire dans la loi, n'iront pas... n'iront exclusivement que pour payer les investissements, évidemment, de la société d'État, ce qui est tout à fait normal, ce qui est tout à fait normal, mais, pour la prévention, les saines habitudes de vie puis… Mais, quand on parle de prévention, de saines habitudes de vie, c'est quand même très large, là. Je pense qu'il y a de l'espace là-dedans pour faire tout l'investissement nécessaire. D'ailleurs, la ministre a déposé sa politique de prévention le 23 octobre, l'année dernière, et donc il y aurait, je pense, de la place là-dedans pour réinvestir dans cette politique de prévention dont on attend encore le plan d'action. Alors, ne croyez-vous pas qu'on devrait l'inscrire aussi clairement que ça?

Une voix : On est tout à fait d'accord.

M. Pagé : O.K. Bon.

Mme Charlebois :

M. Pagé : Comment?

Mme Charlebois : Ça s'en vient, M. le député, le plan d'action. Un peu de patience.

M. Pagé : Bon! C'est bon. Je le sais depuis le début, Mme la ministre, qu'on est fait pour s'entendre, à quelque part, parce qu'on vise les mêmes objectifs, on vise les mêmes objectifs.

Le comité de vigilance, effectivement, vous m'allumez, là, quand on parle de… parce qu'on a survolé le projet de loi comme tout le monde, là, mais le comité de vigilance sera soumis à déposer des rapports. Mais là ces rapports-là, ce que je comprends, ils ne seraient pas rendus publics. C'est ce que vous nous dites ou bien ce n'est pas clair puis vous demandez à ce qu'ils soient rendus publics? Est-ce que c'est...

• (15 h 20) •

Mme Granger (Lucie) : Oui, je pense que c'est plus que... On ne l'a pas lu. Puis, en matière de gouvernance, deux éléments, je pense que tout le monde a intérêt que ces rapports-là, qui vont être largement documentés, soient rendus publics. Et, compte tenu de l'importance pour la société québécoise, ça devrait aussi être étudié en commission parlementaire. Alors, ça ne nous apparaissait pas limpide, c'est pour ça qu'on suggérait que ce soit ajouté dans le projet de loi.

M. Pagé : De l'inscrire plus clairement.

Mme Granger (Lucie) : Oui.

M. Pagé : Oui, parce que, dans ce dossier-là, toute la transparence, je pense, est extrêmement nécessaire. Je pense que c'est vous, d'ailleurs, madame, qui avez dit tantôt : On est en train d'écrire une page d'histoire. C'est tout à fait vrai, puis je pense qu'on doit en prendre conscience, de ce que nous sommes en train de faire aujourd'hui. C'est aussi important que la loi qui a constitué la légalisation de l'alcool il y a, quoi, quelque chose comme 90 ans. C'est ça que nous sommes en train de faire aujourd'hui. Donc, on l'a dit depuis le départ, on aime mieux resserrer un peu plus, quitte à ouvrir un petit peu plus par la suite, et c'est ce qui anime notre réflexion depuis le début. Puis je sais que c'est ce qui vous anime également.

Mme Charlebois : M. le député de Labelle... précision?

M. Pagé : En autant que ça...

Mme Charlebois : Deux secondes. Ça va être aussi vite fait que... Vous me connaissez?

M. Pagé : Oui.

Le Président (M. Merlini) : Allez-y sur le temps de la présidence. Allez-y.

Mme Charlebois : Juste vous dire que le rapport va être produit annuellement et déposé à l'Assemblée nationale.

M. Pagé : Parfait.

Le Président (M. Merlini) : Merci.

M. Pagé : Alors donc, bonne chose. Déjà, une de vos recommandations est entendue.

Bon, là, ça a fait perdre mon… Oui! Nous avons entendu également, lors de la tournée, plusieurs personnes venir nous dire : Il faut aussi créer un observatoire. C'est bien qu'il y ait un comité de vigilance, mais moi, je n'entends pas la même définition, comité de vigilance versus un observatoire qui va collecter l'ensemble... qui va observer, collecter les données et faire des constats un an, deux ans, trois ans après la mise en application de la loi, observatoire qui pourrait se faire conjointement avec des chaires de recherche, entre autres. Et il y a des universités qui sont venues s'offrir à cet égard-là. Ne croyez-vous pas que l'on devrait également aller de l'avant ou le proposer à l'intérieur de la loi, la création de cet observatoire?

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : Bien, effectivement, ce serait la façon finalement de documenter les effets de la légalisation du cannabis. Ça serait, bon, la création d'un observatoire, d'une chaire de recherche qui permettrait finalement de mesurer au temps zéro, puis ça, c'est comme en ce moment, finalement, tous les impacts de cette légalisation tant sur la santé qu'aussi des impacts au niveau social, de ne pas créer davantage d'inégalités sociales.

Donc, moi, je pense que ça serait une très bonne idée, finalement, qu'il y ait différents chercheurs de différents domaines d'études qui travaillent ensemble pour colliger toutes ces informations-là, faire un rapport annuel, le rendre public puis qu'on puisse prendre conscience puis mesurer réellement l'impact de la légalisation et de l'encadrement au Québec.

Mme Granger (Lucie) : Et, si je peux me permettre, je pense que cet observatoire-là devrait regarder plus large que juste le cannabis. On devrait aussi regarder notamment les substances psychoactives, et on pense à l'alcool, notamment, parce qu'on ne peut pas regarder ces éléments-là en mode dissocié sans risque.

M. Pagé : On a souvent parlé de la composition du conseil d'administration, du comité de vigilance. J'en suis, je pense que les objectifs sont là. Par contre, le conseil d'administration de la filiale de la SAQ, ça, je... en tout cas, il faudrait revérifier dans la loi, mais je ne sais pas si on a décrit clairement comment devait être composé le conseil d'administration de la SAQ... de la SQC.

Ne croyez-vous pas que, là aussi, on devrait décrire très clairement et que des gens comme vous, des gens du milieu de l'éducation, des gens du milieu de la sécurité publique, des gens du milieu de la dépendance devraient aussi faire partie du conseil d'administration? Je veux bien, le comité de vigilance, là, mais il y a des gens qui, au quotidien, auront à gérer... quotidien, une façon de parler, là, mais de façon régulière auront à gérer la destinée de cette filiale-là. Alors, qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Granger (Lucie) : C'est une de nos recommandations, justement, à cet effet. Ce qu'il y a de prévu dans la loi, c'est qu'il y a trois observateurs. Et, on sait, un conseil d'administration, un coup que le P.D.G. est nommé, c'est lui qui supervise, qui accompagne la mise en place de la nouvelle filiale de la SQC. Alors, c'est très important que le conseil d'administration soit, un, exempt dans sa composition de tout intérêt lié à l'industrie du cannabis. Je pense que c'est essentiel. Il en a déjà été question. Mme la ministre a montré déjà une ouverture à ce que ce soit précisé. Et puis il devrait y avoir au conseil d'administration aussi... On n'est pas, comme vous le dites depuis les débuts de la commission, on n'est pas dans une perspective d'accélérer les ventes ou de faire une promotion. Alors, les gens qui sont là vont devoir avoir cette sensibilité que tous ceux qui ont participé aux différentes commissions... Tu sais, ça nous a permis d'avoir une lecture beaucoup plus large, et beaucoup plus juste, et en parfaite cohérence avec les objectifs du projet de loi. Donc, dans ce sens-là, on suggère que les compétences soient spécifiées dans la loi.

Le Président (M. Merlini) : Une dernière question, M. le député?

M. Pagé : Bien, une dernière parce que je sais que mes collègues de la deuxième opposition sont très préoccupés par l'âge, puis ils vont certainement vous en parler, 18, 21 ans. Comment vous conciliez le fait que les médecins spécialistes soient plus pour le 21 ans, et vous, qui êtes très près de la santé publique, que vous êtes sur le 18 ans comparativement à... Comment vous l'argumentez, là?

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : Bien, vous savez que notre position a évolué, en fait, au fil du temps. Au départ, notre recommandation était à l'effet de légaliser à partir de l'âge de 21 ans. Puis, après avoir discuté avec différents collègues de la santé publique, des professionnels... Dans le fond, le cannabis, souvent, on dit qu'on ne veut pas le banaliser, mais, dans les faits, c'est déjà banal dans le sens que les jeunes en consomment déjà beaucoup. Souvent, ils ont l'impression, par rapport à la conduite avec les facultés affaiblies, que c'est moins pire de conduire sous l'effet du cannabis que sous l'effet de l'alcool. Donc, on en est venus au même raisonnement que le gouvernement, de dire : Les plus grands consommateurs actuellement sont les 18-25 ans. Les 15-17 ans sont les deuxièmes plus grands consommateurs de cannabis. Ils en consomment déjà. L'âge légal du tabac, de l'alcool, c'est 18 ans. Au Québec, l'âge de la majorité, on est majeur à partir de 18 ans. Donc, encore une fois, c'est vraiment un souci de cohérence.

Si on met l'âge à 21 ans, on échappe tous ceux de 18 à 21 ans qui consomment déjà d'avoir accès à une substance qui serait mieux contrôlée. On envoie le message que le cannabis, c'est plus dangereux que l'alcool puis le tabac quand, dans les faits, c'est l'inverse, le tabac et l'alcool sont plus nocifs pour la santé que le cannabis, selon l'OMS. Alors, par souci de cohérence, on a choisi finalement de se rallier à la position de la Santé publique pour y aller avec le 18 ans.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup pour cet échange avec l'opposition officielle. Maintenant, Mme la députée de Repentigny, vous disposez de 6 min 30 s. La parole est à vous.

Mme Lavallée : Merci beaucoup. Bonjour, mesdames. Tout à l'heure, je vous ai entendues parler des plants de cannabis qu'on pouvait avoir à la maison, que c'était inintéressant pour un jeune de voir une plante verte. Sauf que je lisais récemment un article qui disait que 25 % des intoxications chez les enfants de moins d'un an seraient attribuées aux plantes, donc les plantes toxiques qu'on a à la maison. Donc, ce qui veut dire que la plante, le cannabis est accessible à un jeune enfant qui ne sait pas c'est quoi, qui se met ça dans la bouche. Donc, ce n'est pas... il y a un danger certain. Il ne faut pas penser juste aux enfants qui ont... aux jeunes qui ont 12, 13, 14, 15 ans, qui voient la plante comme étant une plante. Mais un très, très, très jeune enfant qui ne sait pas c'est quoi puis qui se met tout dans la bouche pourrait se mettre des feuilles de cannabis dans la bouche, là.

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : L'article que vous avez lu, c'était de l'intoxication avec des plantes de cannabis ou des plantes toxiques?

Mme Lavallée : Non, avec des plantes. Mais ce que je dis, c'est des plantes toxiques, mais, si le cannabis est dans la maison, ça devient une plante comme les autres, là.

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : Manger du cannabis comme ça, là, une feuille, ce n'est pas toxique. Non, c'est ça, la toxicité va…

Mme Lavallée : Mais il n'y a aucun effet. Ce que vous dites…

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : Il n'y aura pas de THC comme ça, de cette manière-là. Donc, ça ne rentre pas dans ces plantes toxiques là dont il est question, qui sont plus communes, en fait, dans la maison. Puis là j'oublie le nom de la plante en soi, qui est très toxique, entre autres, pour les animaux.

Mme Granger (Lucie) : On va le trouver puis on vous le dira, là.

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : Mais ce n'est pas de ces plantes-là dont il est question.

Mme Lavallée : Parfait. L'autre chose aussi, tout à l'heure, vous avez parlé du cannabis dans les lieux publics. Nous, notre position, c'était qu'on devait considérer le cannabis au même titre que l'alcool. Donc, l'alcool, on ne peut pas en consommer dans les parcs publics, donc on privilégiait d'avoir la même option, c'est-à-dire qu'au même titre qu'on ne peut pas boire sur les plaines d'Abraham, à moins qu'il y ait un événement particulier, qu'on ne peut pas boire dans les parcs, on ne peut pas consommer du cannabis dans les parcs aussi, ce qui était une position qui était un peu plus prudente. Vous, ce n'est pas ça que vous privilégiez.

• (15 h 30) •

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : Dans ma compréhension, dans les parcs qui sont fréquentés par les enfants, donc qu'il y a des zones de jeu pour enfants, c'est interdit à proximité de ces zones-là. À moins que je me trompe, c'est ma compréhension actuellement. Par rapport à l'alcool, il y a des lieux qui sont prévus pour la consommation d'alcool actuellement. Donc, si on avait la même lunette par rapport au cannabis, ça voudrait donc dire de créer des lieux de consommation pour permettre aux consommateurs de pouvoir consommer le cannabis.

Actuellement, on a opté, peut-être parce que le produit se rapproche davantage, dans son mode de consommation, du tabac, pour se rallier finalement à la loi tabac, puis aussi pour le fait qu'il n'y a pas de lieux qui sont adaptés pour la consommation du cannabis, actuellement, puis on risque de créer des inégalités sociales dans le sens que la plupart des logements deviennent de plus en plus non-fumeurs. Donc, les personnes qui sont des grands consommateurs de cannabis qui se retrouvent dans des quartiers plus défavorisés vont se voir judiciarisées pour consommer en public, ce n'est pas souhaitable. Alors, en tenant compte de tous ces arguments-là, on s'est finalement ralliés à cette position-là.

Mme Granger (Lucie) : Et, si vous me permettez, pour la culture à l'intérieur du domicile principal d'une personne, on a bien précisé «dans un lieu clos et protégé des enfants». Mais ce n'est pas parfait, là, mais c'est juste pour rejoindre cette espèce sensibilité qui existe. Et puis il faut voir comment ça, c'est possible dans un appartement contigu. Mais l'idée, c'est aller vers ça, donc le permettre.

Mme Lavallée : O.K. Concernant le fameux article 55, je sais que vous étiez là la semaine passée, puis on a eu de la visite de beaucoup d'entreprises qui investissent énormément d'argent. Ils ont comme... En tout cas, moi, j'ai senti qu'ils ont vu l'article 55 comme étant une belle porte ouverte. Moi, ça m'a inquiété, d'autant plus que l'article 55 dit que le gouvernement, pour de tels projets, peut «déterminer, [...]des normes et obligations qui diffèrent de celles prévues par les dispositions de la présente loi». Vous, vous reportez à dire «mais pas avant trois ans». Moi, ce serait zéro. Il m'apparaît plus prudent... parce qu'il y a certaines de ces entreprises-là qui, sur leur site Internet, annoncent des spéciaux, et on pourrait voir arriver un «Black Friday» concernant la consommation. Je vous trouve sage de dire «pas avant trois ans», mais est-ce que vous auriez préféré que ce soit tout simplement non?

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : Dans un monde idéal, c'est certain qu'on souhaiterait qu'il n'y ait pas du tout la possibilité pour le privé d'avoir ce type de projet, de participer à ce type de projet pilote là. Donc, c'est pour ça aussi, dans le mémoire, on a ajouté des critères que, minimalement, ces entreprises qui seraient intéressées à avoir un projet pilote devraient respecter, même si c'est reporté dans trois ans, donc d'avoir la formation des employés, la même que la SQC, qui réponde à une approche de réduction des méfaits, qu'il n'y ait pas une intégration verticale ni horizontale des producteurs. Donc, un producteur ne peut pas vendre directement. Il y a différents critères qui doivent être minimalement respectés pour empêcher ce type d'entreprise là d'y voir une occasion lucrative avec la légalisation du cannabis.

Mme Lavallée : ...on a compris la semaine passée qu'on y voyait le côté lucratif, et ma peur, c'est aussi que, compte tenu qu'on va avoir un volet préventif et qu'on ne veut surtout pas augmenter la consommation, mais plutôt la réduire, si on ouvre la porte au privé, ce n'est pas le signal qu'on envoie. Puis en plus les profits ne seront pas... leurs profits ne seront pas réinvestis en prévention, alors qu'au sein de la SQC tout l'argent va être réinvesti en prévention puis en santé publique, là. Donc, on se contredit dans le message.

Le Président (M. Merlini) : Le mot de la fin.

Mme Dansereau-Trahan (Émilie) : Ça semble se rapprocher d'un modèle mixte, effectivement, puis c'est pour ça que la culture personnelle permet en fait de sortir d'une logique lucrative aussi en sortant les gens de ce type d'endroit là.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme Granger et Mme Dansereau-Trahan, pour votre présence continue à ces travaux de la commission et votre présentation de mémoire. Merci pour votre collaboration et votre contribution aux travaux.

Je suspends quelques instants et j'invite notre prochain invité à prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 34)

(Reprise à 15 h 45)

Le Président (M. Merlini) : Nous reprenons donc nos travaux après cette brève suspension. Nous accueillons maintenant M. Jean-Sébastien Fallu, professeur agrégé de l'École de psychoéducation de l'Université de Montréal. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, et ensuite nous procéderons aux échanges avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS. À vous la parole.

M. Jean-Sébastien Fallu

M. Fallu (Jean-Sébastien) : Merci, M. le Président. Bonjour à Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, membres de la commission. Il me fait grand plaisir d'avoir l'opportunité de commenter le projet de loi et de participer à la détermination d'un droit nouveau en lien avec la consommation de cannabis, une question que je suis depuis 20 ans et pour laquelle je milite depuis 20 ans. En plus d'être professeur à l'université, spécialisé en toxicomanie, je suis chercheur aussi dans plusieurs instituts et centres en santé publique et en dépendances.

Avant de commenter le projet de loi, j'aimerais y aller de quelques remarques préliminaires. J'ai entendu à plusieurs reprises les représentants des différents partis affirmer qu'il faut, à l'image de mourir dans la dignité, éviter la partisanerie — j'en suis — et qu'effectivement ce n'est pas du tout souhaitable. Mais, à mon avis, il faut aussi faire attention d'éviter l'électoralisme et le populisme qui menacent, je pense, en ce moment dans un contexte préélectoral, la future loi telle qu'elle sera adoptée.

Évidemment, la population a des craintes qu'il faut tenir compte, mais les élus et le législateur doivent aussi s'élever au-dessus de la mêlée et ne pas prendre des décisions et édicter une loi sur la base de craintes démesurées ou non fondées, tant soient-elles répandues. Et j'aimerais même mentionner que, selon moi, certains membres de la commission ont péché à cet égard en ayant des propos qui, dans les médias ou dans les journaux, dans les médias ou au sein de l'Assemblée, à mon avis, ont manqué de modération et de nuance. J'y reviendrai si j'ai le temps. J'ai énormément de choses à vous dire. 10 minutes, c'est trop peu pour tout aborder. J'espère que la période de questions permettra d'aborder tout ce que j'aurais envie de vous dire.

J'aimerais aussi nous rappeler, je pense qu'on l'a fait plusieurs fois, plusieurs personnes, mais je pense qu'on ne le fait jamais assez parce qu'on dirait qu'on l'oublie, que le marché du cannabis, il existe déjà. Il est là, là, dans notre société depuis des années. Le cannabis et le marché, ils existent. Quand j'entends les commentateurs, les chroniqueurs, les politiciens, souvent, j'ai l'impression qu'on a l'impression qu'on a une nouvelle substance qui va arriver en juillet prochain dans nos rues, dans notre société. Mais pourtant le cannabis, il est là, chez nos jeunes, dans nos écoles, dans nos autos, dans les milieux de travail. Et il y a comme une prémisse que ça va aller en augmentant, alors que personne ne peut à ce stade-ci dire que tous ces problèmes-là, et la consommation, et les conséquences négatives associées vont aller en augmentant. Je pense qu'il faut prendre ça en considération quand on décide d'une loi sur le sujet.

D'autres intervenants avant moi l'ont dit, je le rappelle aussi, toujours se garder en tête que le cannabis, globalement et presque à tous égards, sauf peut-être au niveau de la santé mentale, et encore, est un produit moins dangereux que l'alcool.

Je pense que c'est un... Le gouvernement fédéral en particulier a mal fait la mise en marché de sa légalisation. On a parlé beaucoup de réduire le crime organisé, réduire l'accès aux jeunes, mais la vraie raison pour laquelle on légalise, c'est parce que la prohibition, c'est extrêmement nocif pour notre société. J'aime dire souvent qu'on ne légalise pas le cannabis parce qu'il est bon pour la santé mais parce que la prohibition est très nocive et bien pire que le cannabis lui-même. Et, dans le débat, malheureusement, on parle vite de la nocivité du cannabis, mais on oublie de parler et d'expliquer à la population que la prohibition est extrêmement nocive à tous égards dans plusieurs sphères de notre société. Et c'est la raison pour laquelle les personnes en santé publique, les scientifiques, les gens en médecine sont rendus à penser qu'il faut légaliser le cannabis et même certaines autres drogues.

Évidemment, la légalisation, ce n'est pas un moyen de lutte au crime organisé. Bien sûr, on va pouvoir rapatrier des profits, des revenus, mais le crime organisé tient ses profits de bien d'autres ventes de drogues, drogues de synthèse, cocaïne. Et d'ailleurs c'est très peu le crime organisé qui est responsable de la distribution du cannabis dans notre société, dans le marché illégal.

En terminant les remarques préliminaires, je pense qu'il faut aussi se rappeler que, bien sûr, on ne veut pas trop banaliser le produit, on en parle souvent. Par contre, je pense qu'il faut se rendre compte qu'il est quand même déjà assez banal et qu'il ne faut peut-être pas rendre la consommation comme quelque chose d'encouragé, populaire, correspondant à un style de vie qu'on veut valoriser, mais il ne faut pas non plus démoniser et stigmatiser les consommateurs. Et ça, je pense qu'il faut faire bien attention. Il ne faut plus que la consommation ou l'abstinence soit vue comme une bonne ou une mauvaise chose. On prend acte, ça existe, mais il faut à tout prix éviter de stigmatiser les consommateurs parce que cette stigmatisation-là, c'est une déshumanisation qui permet toutes sortes d'atrocités, d'atteintes aux droits de la personne, de refus de soins, et c'est la principale raison pourquoi les gens qui ont des problèmes, souvent, ne consultent pas, n'en parlent pas à leur entourage, à leurs médecins. On a besoin d'accueillir ces personnes-là dans notre société.

• (15 h 50) •

Maintenant, sur le projet de loi, je veux mettre un principe de l'avant : tout ce que la prohibition n'a pas réussi à faire, je ne vois pas comment les interdictions vont y arriver davantage. Donc, personnellement, j'ai beaucoup de craintes quand je regarde le projet de loi, qui, par ailleurs, a énormément d'aspects positifs, mais j'ai des craintes, je vais y revenir, parce que je trouve qu'on vise à interdire des choses que la prohibition ne réussissait pas auparavant puis je pense que ça va être un échec, potentiellement même des effets pervers.

On a beaucoup parlé, au forum d'experts, partout et même ici, devant la commission, de l'importance d'être équilibré, d'être prudent, de limiter au début de l'implantation de la loi, de ne pas être trop libéral, permissif, mais je m'inscris en porte-à-faux avec les interventions que j'ai entendues à l'effet qu'il faut être restrictif. J'ai entendu des gens dire : Il faut être prudent. Oui, mais pas trop prudent non plus parce que, si on est trop prudents, comme dans certains articles de la loi, je pense qu'on va s'éloigner des effets bénéfiques potentiels de la légalisation et finalement avoir des effets pervers.

Parmi les points positifs, il y a la prévention et la réduction des méfaits qui sont mis de l'avant comme des objectifs de la loi. Je trouve vraiment ça rafraîchissant. S'il y a un avantage actuellement de la légalisation, des débats sociaux, c'est qu'on en parle beaucoup, de la prévention et de la réduction des méfaits, qui sont une façon d'outiller les consommateurs pour réduire les conséquences négatives de leur usage. Cette prévention-là doit être faite par qui, par quels groupes? J'ai entendu des débats ici. Je pense, l'important, c'est que ce soit diversifié, de ne pas sombrer dans l'hégémonie et l'homogénéité des pratiques prometteuses, des meilleures pratiques. Il faut vraiment respecter aussi les organismes sur le terrain dans la variété des approches.

25 millions par année, c'est excellent, mais pour la prévention, le traitement, la recherche, c'est très peu. Et j'entends des bruits de corridor à l'effet qu'on va investir peut-être plus en traitement, en campagnes de sensibilisation, peut-être en recherche, mais trop peu, je pense, et je crains ça, dans les programmes de prévention, de la prévention efficace, là, plus que des campagnes de sensibilisation.

Le monopole d'État, on en a beaucoup parlé. J'y reviendrai. C'est une bonne chose en soi a priori.

Le 18 ans, pour moi, ce débat devrait être clos. Les arguments en faveur de l'âge d'accès à 18 ans sont énormément plus importants et nombreux que ceux en faveur d'un âge éventuellement plus élevé. Il y a même des choses qui ont été dites par certaines personnes, dont le député Simon Jolin-Barrette, à l'effet que l'ensemble des spécialistes de la santé, l'ensemble des fédérations médicales disent que c'est mieux plus haut. Ce n'est pas vrai, c'est faux. Les spécialistes de la santé, ce sont les spécialistes de la santé publique, et il y a un consensus très fort dans les cercles de santé publique. Je ne parle pas ici de santé mentale, ou de santé individuelle, ou de santé physique. Les médecins spécialistes dans ces domaines-là ont droit au chapitre, voix au chapitre, mais ce ne sont pas des spécialistes des politiques publiques et de la santé publique. Les spécialistes de la santé publique et des politiques publiques sont quasi unanimes, il faut un âge d'accès à 18 ans pour plusieurs raisons. J'aurai peut-être le temps d'y revenir dans l'échange avec les députés, les membres de la commission.

L'arrimage à la politique tabac est une autre bonne nouvelle. J'ai quelques réserves par rapport au plus où on interdit un peu plus loin. Là aussi, j'ai beaucoup d'arguments. On pourra échanger là-dessus.

En termes de points négatifs, la contraventionnalisation que je vois dans le projet de loi, une forme de prohibition 2.0 qui m'inquiète beaucoup, qui pourrait même avoir des effets pervers plus importants que certaines dispositions de la prohibition. Comme nous l'a enseigné feu sénateur Nolin, si les policiers se mettent à donner des amendes, des contraventions à tout le monde de manière discriminatoire, on pourrait voir des effets pervers encore pires que la prohibition.

15 succursales au départ, c'est vraiment très peu. Par contre, 150, c'est une bonne chose, quoi qu'en pense M. Jolin-Barrette. D'ailleurs, ce commentaire-là m'a sidéré sur la comparaison avec les restaurants St-Hubert. C'est vraiment complètement impertinent, et on n'en veut plus, des commentaires comme ça dans le débat actuellement, c'est complètement nuisible au débat. Il y a 27 000, environ, points d'accès à l'alcool au Québec, on peut-u prendre des comparables, s'il vous plaît?

Pas d'autoproduction, il y a un problème avec ça. Plusieurs en font déjà. Je sais qu'il faut être prudent au départ, on pourrait peut-être envisager un seul plant, pas d'hydroponie, des choses comme ça. Mais, quand on a aussi les policiers qui nous parlent de maisons moisies, c'est sûr qu'une serre hydroponique industrielle dans une maison, ce n'est pas la même chose qu'un plant ou deux à la maison.

L'interdiction sur les campus universitaires, pour moi, c'est un voeu pieux, mais ce n'est pas un problème, ça existe déjà. On peut se soûler dans les universités. Je ne vois pas pourquoi, dans un 5 à 7 ou aux résidences, à l'extérieur, on ne pourrait pas consommer un cannabis.

En terminant, la tolérance zéro au volant est très problématique, inapplicable et discriminatoire, et je sais qu'il y a eu beaucoup d'échanges ici là-dessus. Ce n'est pas la question de consommer après avoir... de conduire après avoir consommé, mais, quatre heures après et six heures après, normalement, quelqu'un devrait être apte à conduire. Et quoi qu'en disent les spécialistes, je ne pense pas qu'on soit capables de détecter, à court terme, pour appliquer cette loi-là.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup...

M. Fallu (Jean-Sébastien) : Il y a d'autres éléments sur lesquels je reviendrai dans l'échange. La brèche au privé est très préoccupante.

Le Président (M. Merlini) : Oui. Nous allons procéder immédiatement aux échanges avec Mme la ministre et députée de Soulanges. Vous disposez de 12 minutes. À vous la parole.

Mme Charlebois : Merci. J'aime ça comment vous avez présenté ça, M. Fallu. On ne s'enfargera pas dans les fleurs du tapis puis on va pouvoir avancer. Alors, merci d'être là puis de nous faire part de vos points de vue.

Puis moi, je vais aller déjà sur ce qui vous apparaît problématique dans le projet de loi. Tant qu'à... on ne s'encensera pas, là, on va aller dans les problématiques que vous pensez qu'on peut organiser, qu'on peut, en tout cas, améliorer. Et je suis d'accord avec vous que le marché du cannabis existe déjà. La preuve, c'est qu'on a des centres de traitement de dépendance, ça fait qu'il ne faut pas faire semblant que ça n'existe pas, là, c'est là.

Quand vous nous dites : Il ne faut pas démoniser, stigmatiser des... consommateurs — voyons, je déparle — j'aimerais ça que vous me précisiez, un, où vous voyez qu'on veut démoniser. Vous dites qu'il y a des choses, des interdictions dans le projet de loi. Vous n'avez pas spécifié parce que vous manquiez de temps, je le sais. Ça fait que j'aimerais ça vous entendre plus sur les interdictions que vous voyez qui vous rappellent la prohibition puis qui pourraient être néfastes. J'aimerais ça que vous me donniez des exemples concrets.

Puis vous nous dites : Il y a certains articles qui sont très restrictifs. Ça fait appel un peu à ce que je viens de vous mentionner. Le 25 millions, je vous entends me dire — puis là je vous donne en vrac parce que je sais que vous êtes capable de me répondre en vrac — le 25 millions, vous me dites que vous entendez que c'est principalement pour le traitement. Non, non, non, c'est principalement pour la prévention. Et le traitement de la dépendance, il y a déjà des budgets affectés, puis il n'est pas question qu'on les réduise pour aller s'approvisionner dans le 25 millions, là. Ça, c'est autre chose. Mais, s'il y a des choses qu'on peut améliorer, on le fera, mais, comme vous dites, pensons d'abord prévention.

Concernant l'âge, je n'irai pas là parce que vous avez fait un bon débat, assez clair. Tabac Plus, je voudrais que vous me parliez davantage de ce que les universités, les collèges, c'est ça, vous avez fait allusion, j'imagine. Les campus, on a répondu à leurs demandes.

15 succursales — je vous le dis, je vous donne ça en vrac, exactement dans quoi vous êtes allé, je vous ai écouté sérieusement, hein? — c'était une projection minimale, mais ça ne veut pas dire qu'on va être à 15. On souhaite avoir plus que ça au départ avec le site Internet. Évidemment qu'on va bonifier le nombre de points de vente au fur et à mesure en répondant à la demande un peu partout.

Je veux vous entendre sur l'interdiction de production personnelle. J'ai senti que ça vous agaçait. Puis la tolérance zéro, je veux vous rassurer, ça n'arrivera pas tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas un appareil homologué par Santé Canada et Sécurité publique pour nous parler d'une consommation récente. Récente, ça veut dire pas six heures après, là. Je comprends bien qu'on n'est plus là, là. Alors, je veux vous rassurer. En attendant, on va continuer avec facultés affaiblies.

Parlons donc de tous les autres sujets qui vous apparaissent problématiques, dont je viens de vous faire, là... je viens de vous énumérer. Donnez-moi des cas précis pour qu'on puisse bonifier le projet de loi, s'il y a lieu.

• (16 heures) •

M. Fallu (Jean-Sébastien) : Parfait. Je vais quand même revenir sur la tolérance zéro. La consommation récente, la technologie, bien franchement, je ne pense pas qu'elle va arriver à déterminer des capacités affaiblies, des capacités affaiblies significativement. Et, si on consomme le cannabis de manière orale, par produits comestibles, la salive ne permet pas de détecter. Donc, je pense, là... On a la fatigue au volant ici, puis il n'y a pas de test de salive pour ça. Il y a des moyens autres que le test de salive, surtout quand on sait que c'est moins dangereux que l'alcool. Même une consommation récente peut poser problème, à mon avis, mais bon. On en a beaucoup parlé, je vais passer aux autres aspects.

Où est-ce qu'on démonise? Ce n'est pas tant dans le projet de loi plus que dans les discussions. C'est vrai qu'il faut se centrer sur le projet de loi ici, mais j'entends beaucoup de remarques. La consommation, c'est souvent stigmatisé. En fait, au Québec, on a un problème, là, parce qu'on stigmatise les consommateurs de cannabis, mais on stigmatise les abstinents d'alcool, complètement le contraire. Ça n'a aucun bon sens, ça. Au Québec, là, quand on ne consomme pas d'alcool, on est stigmatisé puis, quand on consomme du cannabis, on est stigmatisés. Il faut changer ça, il ne faut plus être stigmatisé ni pour consommer ni pour ne pas consommer.

Puis, dans le projet de loi, il n'y a pas de disposition en tant que telle, mais je pense que l'esprit de la loi est un petit peu à l'effet, puis ce qu'on entend dans les débats est à l'effet un peu de faire paraître... Puis même on le dit : L'expérience dans les SQC, ça ne sera pas des dégustations puis des belles expériences, là, ça va quasiment... Des fois, j'ai l'impression qu'on va s'en aller comme dans un milieu carcéral chercher notre cannabis. Je pense qu'il faut faire bien attention avec ça.

Les articles sévères, bien, notamment la tolérance zéro, mais j'en ai parlé… L'interdiction de l'autoproduction, à mon avis, c'est trop prudent, effectivement. Premièrement, on parle beaucoup d'enfants, là, mais ce n'est pas tout le monde qui est parent, là. Dans la société québécoise, il y a d'autres personnes que des parents. Puis il n'y a pas juste des parents irresponsables non plus. Il y a toutes sortes de produits toxiques, dans les maisons, très accessibles aux enfants : des colles, solvants. Il y a plein de gens qui font du cannabis actuellement à la maison qui ne posent pas problème. J'ai dit : On pourrait réduire le nombre de plants à un pour commencer, pour être prudents, et interdire la culture hydroponique, qui des fois utilise des engrais chimiques. Mais, faire pousser un plant, je crains les effets pervers parce que, si on attend dans trois ans, après la révision de la loi, bien, entre-temps, quoi, on va arrêter ces personnes-là, on va reproduire la prohibition avec ses effets pervers pour un produit qui est quand même, somme toute, je le rappelle, moins dangereux que l'alcool, qu'on peut produire à la maison? Je pense que, là, ce n'est pas le bon endroit, ce n'est pas le bon objet pour être prudent.

L'âge, j'en ai parlé, mais je tiens à revenir là-dessus parce que, franchement, je sens qu'il y a des députés qui ne démordent pas puis il y a des fédérations médicales aussi qui ne sont franchement pas très appuyées sur les faits sur cette question-là. On cherche une espèce d'âge de sécurité du produit, ça n'existe pas. Si on cherchait ça, on recommanderait qu'il ne faut pas commencer avant 75 ans, idéalement. Il n'y a pas d'âge de sécurité. La science ne permet pas de trancher. Mes collègues de Toronto, du Canada anglais, ont publié des normes canadiennes sur la réduction des méfaits pour la consommation de cannabis, et puis ils n'ont pas recommandé d'âge parce qu'on ne peut pas, sur la base de la science, recommander un âge précis. On peut juste dire : Le plus tard possible. Ils ont quand même ajouté «idéalement après 16 ans» parce que la science empirique nous montre que c'est surtout avant 16, 17 ans que les effets sont documentés. Il y a beaucoup de théories, là. Le développement du cerveau, oui, c'est vrai, mais ce n'est pas des preuves hors de tout doute. Quand j'entends dire : Le cannabis affecte le cerveau, c'est déjà un peu abusif comme langage. On pense que, oui, il y a des risques chez certains en bas âge, mais ce n'est pas parce qu'ils se développent jusqu'à 25 ans que ça affecte le cerveau. Puis, même si ça affecte les cognitions, ce n'est pas nécessairement par le cerveau, ça peut être par une sous-scolarisation. Je ne veux pas rentrer dans les détails, mais les études avec des contrôles statistiques, ce n'est pas des panacées.

25 ans, si on veut faire ça, ou 21 ans pour le cannabis, il faudrait le faire aussi pour l'alcool, puis mes collègues de l'Ontario disaient même pour le hockey, puis ce n'est pas une blague. On a un sérieux problème de santé publique de commotion cérébrale, les cerveaux de nos jeunes, et c'est bien plus grave que le cannabis. Mais surtout regardons la prévalence actuelle, le plus grand nombre de consommateurs est dans la tranche d'âge de 18 à 21 ans, on dit souvent 18-24, mais c'est 18-21. Si on ne légalise pas le cannabis pour cette population-là, on est aussi bien de ne pas le légaliser, puis c'est eux qui sont le plus victimes des effets pervers. Puis, à 18 ans, on peut s'acheter une maison, aller dans l'armée, consommer de l'alcool, se marier, toutes des choses très risquées. Et c'est plus un âge de maturité qu'on cherche ici, ce n'est pas un âge de sécurité.

Sinon, je ne sais pas si j'oublie de répondre à un des éléments, mais une chose qui me préoccupe, je veux en profiter pour le dire, je l'ai entendu tantôt dans la séance précédente, mais la brèche au privé, pour moi, est extrêmement préoccupante. Justement, s'il y a un endroit pour être prudent, c'est bien là. Revoyons dans trois ans. Et d'ailleurs, le comité de vigilance, je pense qu'il faudrait que ce soit beaucoup plus précis, qu'il n'y a pas de place là pour des gens des affaires quand les intérêts sont de santé publique. Même chose pour le conseil d'administration de la SQC. Dans trois ans… On parle de quelqu'un en santé publique, là, mais, dans trois ans aussi, il faut continuer à maintenir ce mandat-là parce que c'est une grosse crainte. Puis d'ailleurs le projet de loi dans l'ensemble, je pense qu'il manque un peu de détails dans certains... D'habitude, on voit plus les orientations et les règlements poindre. Là, il y a beaucoup de flou. Ça aussi, ça m'inquiète, mais je me tais.

Mme Charlebois : M. Fallu, je veux juste vous rassurer, là, concernant le C.A. de la Société québécoise du cannabis et du bureau de vigilance, parce que ce sont des règles d'éthique normales, mais on va l'ajouter, si ça peut sécuriser les gens, là, que tu ne peux pas avoir des intérêts. Puis ça va de soi, là, tu ne peux pas avoir des intérêts dans des compagnies de production puis, en même temps, être un bureau de vigilance. Ça ne marche pas, là. Il y a comme un conflit d'intérêts assez évident. Mais on va le préciser dans les amendements, on va arriver avec ça, je veux vous rassurer puis rassurer les autres personnes.

Je vous ai entendu parler... Vous ne nous êtes pas revenu sur le Tabac Plus, là, les lieux de consommation, et ça, j'aimerais vraiment ça beaucoup vous entendre, et sur l'autoproduction. Je reviens avec ça, puis ce n'est pas parce que je veux... Je ne veux pas faire peur au monde, là, ce n'est pas le but de l'exercice. On le sait, tout le monde, que le cannabis existe déjà. Mais comment... Moi, ma préoccupation, c'est : Comment on va faire pour encadrer ça? C'est-u un plant? C'est-u deux plants? C'est-u sur des plantes? Comment vous voyez ça, l'application de ça? Moi, c'est ça, là, que les gens m'ont interpellée. Ils ont dit : En dedans, dehors, c'est la même problématique. Puis je connais des gens... Tu sais, tantôt, je demandais à l'Association de santé publique : 12 appartements, 48 plants, comment qu'on fait pour contrôler ça?

M. Fallu (Jean-Sébastien) : Je vais commencer avec le Tabac Plus. Je pense que c'est... Puis, mes collègues de l'institut universitaire, on a signé un mémoire à l'effet qu'il fallait arrimer à la politique tabac pour plusieurs raisons parce que, puis je l'ai entendu par d'autres juste avant moi, si on interdit sur les lieux publics, puis qu'on interdit dans les endroits clos, puis qu'on interdit dans certains baux, bien, finalement, où est-ce qu'on consomme? Il est légal, mais on ne peut pas le consommer nulle part, sauf, encore une discrimination, les propriétaires qui sont chez eux. J'ai entendu des gens me dire : Bien, on ne peut pas consommer d'alcool parce que ça intoxique. Premièrement, l'alcool trouble pas mal plus l'ordre social que le cannabis, même si le cannabis intoxique. Mais surtout c'est que l'alcool, on peut le consommer à plein d'endroits : dans des bars, dans des discothèques. On ne peut pas consommer le cannabis à nulle part.

Donc, de tolérer que des gens sortent à l'extérieur et consommer… ou carrément ne consomment pas d'alcool, mais qu'ils puissent... Ça existe déjà, hein? On va au Tam-tam, là, à Montréal à tous les dimanches, il y a des consommateurs, puis je ne vois jamais de polices intervenir puis personne se plaindre. Ça existe, là. C'est là. Tout ce qui existe déjà, si on veut le réprimer, ça va donner probablement des effets pervers.

Le plus qui me dérange avec les campus universitaires, c'est que ce n'est pas un problème. Ça aussi, ça me fascine. On a l'impression qu'à cause que ça va être légal en juillet prochain les étudiants vont se présenter bien gelés dans mon cours, à l'université. Ça ne deviendra pas acceptable du jour au lendemain. Les gens ne viennent pas soûls à l'université ou au travail. Puis, même au volant, là, je vous le dis, je vous rappelle qu'il y a 40 ans mes grands-parents conduisaient avec une flasque d'alcool entre les jambes. Les normes sociales changent et vont changer aussi, misons là-dessus.

Mais pour en revenir au Tabac Plus, effectivement, sur les campus, ce n'est pas un problème. On peut se soûler... J'étais l'autre fois à l'université, il y avait un 5 à 7, tout le monde était bien soûl dans les murs de l'université. Là on parle de pouvoir consommer à neuf mètres de la porte.

Mme Charlebois : Pourquoi les universités nous recommandent ça, d'abord?

M. Fallu (Jean-Sébastien) : Parce que les universités, comme les milieux de travail, comme plusieurs, voient, dans la légalisation un bogue de l'an 2000, c'est-à-dire des craintes, je pense, exagérées. C'est sûr qu'il y a des défis, mais, à date, partout où est-ce qu'on a légalisé... Même des modèles comme au Colorado, c'est trop libéral, à mon avis, il n'y a pas de catastrophe. Et on entend beaucoup de petites anecdotes montées en épingle, là, mais, je vous rassure, il n'y aura pas de catastrophe.

Le Président (M. Merlini) : Merci. Ça met un terme de ce bloc d'échange avec le gouvernement. Nous allons vers l'opposition officielle. M. le député de Labelle, vous avez 7 min 30 s. À vous la parole.

M. Pagé : 7 min 30 s?

Le Président (M. Merlini) : 7 min 30 s, oui.

M. Pagé : Mon Dieu! C'est court! Je vous remercie pour votre mise en garde au départ. Je suis de ceux qui a dit depuis le début : Il faut qu'on traite ce dossier-là sans partisanerie et… un peu comme mourir dans la dignité. Et, si jamais je déborde en cours de route, je vous invite à me rappeler à l'ordre parce qu'effectivement c'est important.

Vous avez parlé d'équilibre. C'est ce que j'entends depuis le début, là, dans votre façon de voir les choses, dans votre vision des choses. Par contre, j'ai cru comprendre que l'ouverture avec l'article 55, même si on ne parle que de cinq projets pilotes, je crois que vous ne souhaitez pas cela. Bon, la ministre ne... Bon, tantôt, on disait : Pas avant trois ans. Nous, on dit : Bien, de toute façon, une loi, là, on peut la revoir à chaque année, à chaque session parlementaire. On a beau nous dire : Oui, on va revoir la loi dans trois ans, on peut la revoir à l'automne 2018, on peut la revoir au printemps 2019, peu importe, de toute façon, c'est sûr qu'on va revoir la loi et les règlements en cours de route. Le Colorado, qui a légalisé depuis quatre ou cinq ans, ont revu leur règlement 22 ou 23 fois depuis quatre ou cinq ans. Alors, on s'attend à ça.

Votre position sur l'article 55, est-ce que c'est totalement de l'éliminer ou on met ça dans trois ans, dans cinq ans? Le monde idéal, c'est quoi, pour vous?

• (16 h 10) •

M. Fallu (Jean-Sébastien) : Bien, en fait, quand j'ai lu le projet de loi, à la première lecture, je pensais que l'ouverture à 55 était pour du privé à but non lucratif, des entreprises d'économie sociale, des organismes communautaires, des choses comme ça. Et ça, je trouvais ça intéressant parce que c'est vrai qu'on pourrait avoir un modèle un peu plus mixte. Et même je vous dirais que dans un monde idéal, où il n'y a pas de pauvreté, d'inégalités sociales, de détresse, puis que tout le monde est bien éduqué, là, il n'y aurait peut-être pas vraiment tant que ça de restrictions, puis on pourrait avoir un modèle assez libéral. Mais la société, je ne pense pas qu'elle est rendue là.

Donc, quand j'ai compris que c'était des projets pilotes pour du privé à but lucratif puis que c'était pour faire plaisir à des membres du gouvernement qui croient beaucoup au néolibéralisme et au privé à but lucratif, parce que ce n'est pas tant le privé le problème, c'est le but lucratif, là, j'ai vu là un problème grave parce que c'est une brèche importante dans la mise en application de la mission de santé publique de la loi.

On le sait, là, les capitaux, c'est très fort, ça parle, hein? L'argent mène le monde. Puis, en plus, on dit qu'on va évaluer, mais, soyons réalistes, là, évaluer des projets pilotes sur trois ans, je vous le dis, je suis un scientifique, là, on ne pourra pas rien conclure, on va pouvoir dire ce qu'on veut de ça. Et ça, c'est très dangereux parce que, si on peut dire ce qu'on veut, bien on fait ce qu'on veut puis on va vers où on veut ensuite.

Donc, à mon avis, je ne sais pas s'il faut l'éliminer, mais, si on veut faire des projets pilotes, faisons-le avec des entreprises... des dispensaires à but non lucratif, des choses comme ça.

M. Pagé : Encore là, moi, je m'inscris légèrement en faux sur ce que vous dites, à savoir que, même une coopérative, s'il n'y a pas une certaine notion de profit derrière ça...

M. Fallu (Jean-Sébastien) : Je n'ai pas parlé de coopératives.

M. Pagé : Bien, ou un OBNL, dans certains cas, il faut quand même générer des profits. On ne sera pas soumis aussi aux mêmes règles que la société d'État, qui, forcément, risque d'avoir des employés avec une certaine rémunération. Alors, on va faire la démonstration : regardez la société d'État, là, hein, elle coûte beaucoup plus cher, tandis que ces OBNL là, qui ne sont pas soumis aux mêmes conditions... Alors, ça risque d'être compliqué. C'est pour ça que, nous, ce que l'on souhaite, c'est de retirer et de revenir... On peut revenir n'importe quand, dans trois ans, dans cinq ans, dans 10 ans, on peut revenir quand on veut, amender cela, et le gouvernement qui suivra le fera en temps et lieu, s'il le juge opportun.

On n'a pas... On n'a pas, dans la loi, parlé de l'observatoire. Vous l'avez entendu comme moi, je ne pense pas que vous en ayez parlé. Il y a le comité de surveillance, c'est une chose, mais observatoire, c'est différent. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Fallu (Jean-Sébastien) : Oui, bien, simplement, je partage votre point de vue sur le projet pilote. On pourrait reporter parce qu'il y a des risques aussi de… en bon français, de «cheap labor», là, d'aussi faire travailler du monde dans le communautaire à pas beaucoup de frais.

L'observatoire, c'était dans mes notes, mais j'ai tellement de choses à dire que je n'ai pas tout dit. Mais effectivement je suis tout à fait pour un observatoire sur les drogues. Ça fait longtemps que ça devrait être en place. On est très pauvres, au Québec, comme données aussi sur les drogues, suivre ce phénomène-là. D'ailleurs, il y a d'autres drogues que le cannabis, puis il faudrait s'en intéresser et faire de la prévention là-dessus aussi. Je ne mandaterais pas seulement l'INSPQ, comme j'ai entendu, mais aussi l'Institut universitaire en dépendances. Je pense que ces deux institutions-là travaillant ensemble, ça serait vraiment un observatoire très, très, très pertinent et efficace. Voilà.

M. Pagé : O.K. La ministre a pris soin d'inscrire dans sa loi un fonds de 25 millions pendant trois ans. Sauf que moi, je n'ai pas vu de ventilation encore, du 25 millions, là. Il y a 17 régions administratives au Québec. Alors, divisez ça, là, ça fait moins de 1,5 million par région administrative. Et qu'est-ce qu'on va réussir à faire avec cela? Est-ce que, de votre côté, là, c'est une grosse colle que je vous pose, mais vous avez une certaine évaluation de ce que ça prendrait vraiment si on veut faire le tour de l'ensemble de la prévention qu'on veut faire, que ça soit auprès des parents, dans le milieu scolaire, dans le milieu de travail, auprès des instructeurs dans des clubs sportifs, etc., nommez-les? Mais, tous les endroits où on souhaiterait faire de la prévention, j'ai l'impression qu'on risque d'avoir besoin de sommes assez importantes. C'est beau, 25 millions, mais c'est très arbitraire. Alors, je ne sais pas si, à quelque part, vous avez réussi à évaluer quels sont véritablement les besoins.

M. Fallu (Jean-Sébastien) : Je suis vraiment loin d'être un économiste de la santé puis, en prévention, je vous dirais qu'on aurait besoin de sommes astronomiques parce qu'il y a beaucoup de travail à faire. Puis même, je le disais au forum d'experts cet été, la vraie prévention, là, en fait, c'est les politiques antipauvreté, c'est la promotion de la santé puis ce n'est pas juste donner des dépliants puis dire : Voici, fais ça, lis ça puis change. C'est changer le système, la société, et ça, on en a pour une programmation politique pour des décennies.

Mais effectivement, pour moi, 25 millions par année, c'est probablement la moitié de ce que je souhaiterais qu'on voit, mais je sais qu'il y a possibilité d'avoir plus si la SQC fait plus, là, seulement pour la prévention, excluant recherche et traitements. Donc, si on veut inclure recherche… parce qu'en recherche, là, je connais ce que ça coûte, là, 25 millions, c'est vite dépensé. Si on veut faire de la prévention efficace partout, à toutes les sphères de la société à travers le Québec, je dirais 50 millions par année.

Le Président (M. Merlini) : Dernière question, M. le député.

M. Pagé : Donc, dans la même logique, pour être capable de réinvestir tout ce que l'on souhaite puis avec tout ce qu'on a dit précédemment, d'inscrire dans la loi que 100 % des profits devraient aller justement en prévention, en dépendance, en recherche, etc., pensez-vous que ça devrait être inscrit dans la loi?

M. Fallu (Jean-Sébastien) : Oui, tout ce qui n'est pas inscrit risque de s'en aller à l'enveloppe globale.

M. Pagé : Nous partageons la même inquiétude.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup. Ça met un terme avec ce bloc d'échange avec l'opposition officielle.

Nous allons maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Repentigny, vous disposez de cinq minutes. À vous la parole.

Mme Lavallée : Merci. Merci, M. Fallu, d'être là. J'ai l'impression que vous avez décidé de faire une attaque en règle au niveau de ma formation politique pour les positions qu'on a prises. Pourtant, ici, on est là pour discuter, non pas pour attaquer.

M. Fallu (Jean-Sébastien) : J'attaque des positions, pas des personnes.

Mme Lavallée : Hi! bien, en tout cas, j'ai l'impression que vous étiez sur l'attaque. Mais, je voulais quand même vous le dire, lorsqu'on a pris nos positions, on était appuyés pas juste par l'association des psychiatres, mais il y avait plusieurs autres corps médicaux qui suggéraient qu'on établisse l'âge de prise du cannabis à 25 ans. Ils sont arrivés à 21 ans pour faire un contrecoup, là, avoir une moyenne. C'est beaucoup de médecins qui ont dû se baser sur des études, puis vous, vous balayez ça sur le revers de la main comme si ce n'était pas grave puis que vous avez raison. C'est vous qui détenez la vérité, puis eux autres, tout ce qu'ils font, ils ne font qu'exagérer puis nourrir une peur. Je trouve ça sérieux, là.

M. Fallu (Jean-Sébastien) : Bien, d'abord, il y a l'Association des médecins psychiatres du Québec et la Fédération des médecins spécialistes du Québec qui ont pris position pour 21 ans. Sinon, les pédiatres, c'est 18. Je ne connais pas au Québec d'autres associations médicales qui ont pris position pour 21 ou 25 ans. Par contre, je connais beaucoup d'associations de santé publique, presque toutes, l'Association de santé publique du Québec, l'INSPQ, la Direction de santé publique de Montréal, bref, c'est pas mal tous 18 ans.

Vous dites : Ils se sont sûrement basés sur des études. Bien, la Fédération des médecins spécialistes du Québec s'est basée sur un sondage auprès de ses membres — pas une recension d'écrits, des études — dont la très grande majorité ne sont pas des spécialistes de santé publique. Il existe une spécialité en médecine qui s'appelle la santé publique, il existe aussi la médecine d'urgence, la santé mentale, la cardiologie, la chirurgie. Quand on se base seulement sur les risques au cerveau ou sur le système respiratoire pour déterminer une politique publique, on est dans un simplisme absolu. Il y a d'autres enjeux. Que faire de la criminalisation des gens? Que faire de la santé publique, des dommages à notre société de restreindre l'accès à un produit? C'est sûr qu'il y a des avantages à mettre ça à 21 ans, 25 ans. Puis, en fait, je serais très intéressé à ce qu'on fasse le débat de monter l'âge de l'alcool à 21 ans aussi, s'il le fallait. Je ne pense pas que ça passerait. Je pense qu'on aurait beaucoup d'effets pervers.

Mais donc ce n'est pas mon opinion personnelle, c'est mon opinion fondée sur les connaissances scientifiques. Moi, j'ai lu la littérature sur les politiques dans le monde en matière de drogues, pas juste sur la nocivité du cannabis. Mais je les connais bien, ces études-là. Et voulez-vous que je vous dise quelque chose? Il y a des associations médicales qui exagèrent la portée des études, même sur des aspects dans leurs champs de spécialité. Et ça, ça m'inquiète beaucoup parce que j'ai l'impression que c'est là qu'il y a de l'idéologie plus que vraiment de la science.

Le Président (M. Merlini) : Mme la députée de Repentigny.

Mme Lavallée : Oui. Bon, je n'ai plus rien à demander. On arrête ça là.

Le Président (M. Merlini) : Très bien. Merci beaucoup, M. Jean-Sébastien Fallu.

M. Fallu (Jean-Sébastien) : …une phrase? Je suis…

Le Président (M. Merlini) : Bien, l'échange est fait pour les parlementaires, mais je vais vous le permettre sur le temps de la présidence. Allez-y.

• (16 h 20) •

M. Fallu (Jean-Sébastien) : Je suis préoccupé aussi par quelque chose qui nous a été mis en garde au forum d'experts par Tamar Todd aux États-Unis. Ce n'est pas juste des criminels en puissance qui sont dans le marché noir, il y a des petits revendeurs. Et, si on veut légaliser un produit et ramener un marché au blanc, il faut faire attention de ne pas exclure complètement ces personnes-là parce que ça risque, d'une part, de maintenir le marché illégal et, d'autre part, de maintenir des injustices à leur endroit. Ces personnes-là sont souvent des personnes qui vivent dans des milieux de pauvreté. Je voulais vous dire... vous sensibiliser à cette question-là.

Le Président (M. Merlini) : Très bien. Merci beaucoup, M. Jean-Sébastien Fallu, professeur agrégé à l'École de psychoéducation de l'Université de Montréal. Merci de votre présence et de votre contribution aux travaux.

Je suspends quelques instants et j'invite l'Association des directeurs de police du Québec à venir prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 21)

(Reprise à 16 h 23)

Le Président (M. Merlini) : Alors, nous reprenons donc nos travaux. Nous avons le plaisir d'accueillir cette fois-ci l'Association des directeurs de police du Québec, qui normalement vient à la Commission des institutions, mais on est très heureux de vous accueillir à la Commission de la santé et des services sociaux. Alors, je vous invite à vous présenter au début de votre exposé, et ensuite vous disposez de 10 minutes, vous connaissez les habitudes, et nous procéderons aux échanges avec la ministre et les porte-parole des deux oppositions. Bienvenue à la CSSS. À vous la parole.

Association des directeurs de police du Québec (ADPQ)

Mme Dion (Helen) : Merci, M. le Président. Merci, membres de la commission. Bonjour à tous. Puisque nous sommes ici pour échanger et répondre aux interrogations que vous pourriez avoir, si vous me le permettez, je passerai assez rapidement mes remarques d'introduction pour ne pas empiéter sur la période de questions suivante.

Mais, avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent : M. Didier Deramond et M. René Martin. M. Martin siège au conseil d'administration de notre association à titre de vice-président, il est le directeur du service de police de Trois-Rivières. M. Deramond, après une longue carrière comme dirigeant policier au sein d'une grande organisation policière au Québec, agit maintenant comme directeur général de notre association.

Dans un premier temps, M. le Président, je m'en voudrais de ne pas remercier la commission et ses membres de nous donner l'opportunité d'échanger avec vous sur cette importante question que représente l'encadrement de la légalisation du cannabis. Cet encadrement suppose un grand nombre de changements rapides pour de nombreux acteurs de la santé, mais aussi, et beaucoup aussi, pour la sécurité publique du Québec.

Fondée il y a plus de 80 ans, l'Association des directeurs de police du Québec représente l'ensemble des dirigeants et dirigeantes des 30 organisations policières au Québec municipal, de la Sûreté du Québec, de la Gendarmerie royale du Canada et autres services de sécurité publique oeuvrant dans toutes les régions du Québec. Le coeur de notre mission est de représenter plus de 400 dirigeants et dirigeantes policiers ainsi que leurs partenaires. Ces dirigeants et dirigeantes sont répartis sur l'ensemble du territoire du Québec dans le but d'améliorer la sécurité de leurs citoyens et citoyennes. Aussi, il allait de soi que, dans la foulée des consultations publiques tenues récemment par la ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse, à la Santé publique et aux Saines habitudes de vie, Mme Lucie Charlebois… que l'ADPQ se soit prononcée publiquement la veille du dépôt de projet de loi n° 157.

À ce moment, nous avions souligné que, dans l'éventualité où les projets de loi fédéraux C-45 et C-46 entrent en vigueur le 1er juillet prochain, les policiers et policières devaient être prêts et adéquatement équipés pour remplir leur rôle. Nous avions indiqué que, malgré les nombreux efforts et travaux qui avaient été et qui sont encore en cours au sein des différents ministères, comités et organismes concernés par la question, nous avions la conviction que nos policiers et policières n'étaient pas prêts à faire face aux différentes situations qu'engendrait la légalisation du cannabis. Au moment même où on se parle, M. le Président et membres de la commission, nous ne le sommes toujours pas.

Il s'agissait là d'une des raisons pour lesquelles nous travaillons, comme nous le faisons encore, en étroite collaboration avec le ministère de la Sécurité publique du Québec afin d'identifier le plus rapidement possible les solutions qui permettront un travail policier efficace. Ce travail va bon train, les choses avancent. Les dirigeants et dirigeantes policiers que nous représentons croient que la formation des policières et des policiers ainsi que les équipements de détection en matière de conduite avec les capacités affaiblies représentent un défi de taille pour la plupart des organisations policières au Québec. Les organisations policières vont voir leur charge de travail augmenter considérablement. Nous croyons également que des campagnes de sensibilisation et d'information auprès du public et plus particulièrement auprès des jeunes seront essentielles.

M. le Président, l'ADPQ accueille favorablement le projet de loi du gouvernement du Québec. Le coeur de notre mission étant de contribuer à l'amélioration de la sécurité des citoyens et citoyennes du Québec, le mémoire que nous vous avons déposé souhaite attirer l'attention du gouvernement du Québec sur certains éléments, sur certains points de vigilance, dont plusieurs sont déjà abordés dans le présent projet de loi, ce qui est une bonne chose. Sans être une liste exhaustive, nous retenons les points de vigilance suivants et soumettons quelques recommandations. Comme je viens de le souligner, certaines d'entre elles sont déjà considérées par le projet de loi, d'autres sont de juridiction fédérale. Nous partageons plusieurs des préoccupations qui suivent avec nos collègues membres de l'Association canadienne des chefs de police. Nous souscrivons à plusieurs recommandations du groupe de travail fédéral sur la légalisation et la réglementation du cannabis. Ainsi, en matière de conduite avec les capacités affaiblies, nous croyons qu'il faut procéder prudemment afin de permettre à tous de s'ajuster. Il faut que le financement additionnel soit à la hauteur des besoins en formation et en équipements nécessaires, surtout en l'absence de moyens scientifiques de mesurer les capacités affaiblies par l'alcool... excusez-moi, par la drogue.

Les différents publics et intervenants devront être rapidement sensibilisés et éduqués face à la nouvelle politique et à la nouvelle législation. Nous souhaitons que les revenus de la vente de cannabis soient utilisés comme source de fonds et investir dans la recherche, la prévention, l'éducation et aussi dans l'application de la loi.

• (16 h 30) •

L'augmentation de la charge de travail du policier devra être reconnue, et la dotation en ressources financières et matérielles ajustée en conséquence. Nous souhaitons que soient maintenues les infractions pénales pour la production illicite, le trafic, la possession aux fins d'importation ou d'exportation et le trafic visant les jeunes en protégeant l'esprit des lois existantes, dont la Loi sur le système de justice pénal pour les adolescents. Le projet de loi souhaite la mise en place d'un comité de vigilance. Ce comité serait chargé de conseiller le ministre sur toutes les questions relatives au cannabis. Nous soumettons que certaines organisations spécifiquement compétentes en ces matières devraient être représentées d'office à ce comité, dont l'ADPQ.

Enfin, nous avions soumis au gouvernement que la production à domicile devrait éventuellement être à reconsidérer. Cela aurait posé, selon nous, des défis de réglementation et de contrôle tout en exposant les enfants et les jeunes. Le projet de loi a tenu compte de cet aspect, ce que nous saluons.

M. le Président, en tant que dirigeants d'organisations dont le personnel sera très régulièrement l'intervenant de première ligne, celui qui fera face aux situations nouvelles, celui qui sera parmi les premiers en action sur le terrain pour faire respecter les nouvelles règles, nous tenons à souligner que, si pour certains la légalisation du cannabis est le reflet d'une évolution normale des choses, pour d'autres il s'agit d'une source d'inquiétudes. À l'ADPQ, nous croyons que la légalisation du cannabis est un enjeu majeur de société. Nous croyons que nous devons nous donner le temps de bien faire les choses.

L'ADPQ supporte donc totalement la motion adoptée unanimement par l'Assemblée nationale du Québec, en novembre dernier, demandant au gouvernement fédéral de reporter au minimum d'une année la mise en place de la légalisation du cannabis. L'ADPQ considère que trop de questions fondamentales demeurent sans réponse pour l'instant. En conséquence, l'ADPQ croit que le gouvernement fédéral devrait aller dans le sens de la motion de l'Assemblée nationale du Québec et repousser la date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Merci, M. le Président, ainsi que membres de la commission.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme Dion, pour la présentation de votre mémoire. Nous débutons immédiatement les échanges avec Mme la ministre et députée de Soulanges. Vous avez 13 min 30 s. À vous la parole.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, Mme Dion, M. Martin et M. Deramond, merci beaucoup d'être là et de nous faire part d'un autre point de vue, parce qu'on entend plusieurs points de vue, je ne vous cache pas la chose. Et vous avez sûrement entendu d'autres avoir des positions similaires aux votes. Mais par contre il y en a d'autres qui ont des positions diamétralement opposées aux vôtres. Ça nous force à réfléchir davantage.

Je vais aller tout de suite sur la culture à domicile. On a mis, nous autres, zéro plant. Vous saluez ça, mais je viens d'entendre deux groupes qui nous disent : Ce n'est pas une bonne idée parce que la prohibition, ce qu'on a eu depuis le début n'a pas servi. Alors, pourquoi le zéro plant servirait encore, alors que nous pourrions avoir un certain nombre de plants, peut-être pas quatre, mais, en tout cas, ils nous disaient, les deux autres groupes qui vous ont précédé, qu'on pourrait laisser les gens cultiver un certain nombre de plants. Dites-moi ce qui amène vos réserves à dire, un peu, ce qu'on a mis dans le projet de loi. Pourquoi vous suggérez zéro plant? Et c'est quoi, dans l'application de tout ça, là, un plant, deux plants, quatre plants, zéro plant? Comment vous voyez ça, vous, sur le terrain, gérer ça?

Mme Dion (Helen) : La plus grande difficulté qu'on a, effectivement, vous l'avez dit, Mme la ministre, c'est sur le terrain qu'on va avoir à gérer le tout. Et, quand qu'on regarde l'esprit de la loi, c'est pour protéger, si on veut, les enfants et, en fait, protéger les jeunes d'une consommation. Si on regarde le projet de loi C-45, où on permet la culture de quatre plants... Et c'est dans la définition de «maison d'habitation» qui est le problème. Ça comprend aussi les jardins. Donc, l'accessibilité à des jeunes dans les cours pour avoir accès à du cannabis, pour nous, est une très grande inquiétude. Très grande inquiétude aussi pour à l'intérieur des résidences. Même chose, présence des jeunes. Il peut être probable que des jeunes puissent prendre du cannabis, ce qui est beaucoup plus facile que n'importe quelle autre situation.

C'est sûr qu'il y a toutes sortes de médicaments qui existent. On va me dire : Oui, il y a des... Mais, si c'est une nouvelle loi, pourquoi ne pas faire en sorte d'encadrer et d'éviter que ce soient des jeunes qui soient malheureusement pris au fait de... avec la disponibilité? C'est une nouvelle chose qui va être disponible. Ça va être disponible de manière légale. Ça va être surtout disponible de manière où le THC va être encadré, où on est certains que le contenu va être de bonne qualité. Et ça va éviter d'avoir du volet illicite sur un marché qu'on veut licite. Notre prétention...

Mme Charlebois : ...

Mme Dion (Helen) : Oui, allez-y, madame. Excusez.

Mme Charlebois : J'achète plus votre argument de contrôle de qualité de THC parce qu'où j'ai entendu d'autres... Je vous le dis, je me questionne puis je vais me questionner jusqu'à la journée de l'application ou la mise en... qu'on va l'adopter, cette loi-là, là, parce qu'on cherche à avoir la meilleure loi possible. Il y a des gens qui vous ont précédé et qui m'ont dit : Oui, mais, si la personne est déjà en possession de cannabis thérapeutique et/ou de cannabis qui sera légal, en quoi c'est différent d'avoir un plant que d'avoir son sac de cannabis dans la maison, tu sais? Pour les... Honnêtement, ça m'a fait comme : Ah! celle-là, elle n'est pas totalement fausse.

Je vais vous amener sur un autre point parce que j'entends que vous voulez qu'on conserve le zéro plant. J'entends ça. Mais en même temps, tu sais, j'ai un petit peu entendu le fait qu'il y a d'autres produits dans la maison, notamment d'autre cannabis qui va être disponible. C'est là où j'ai un malaise, mais je vais continuer ma réflexion. J'ai entendu vos arguments. Je vous amène sur un autre volet. Possession, on a mis 150 grammes, dans la loi, par résidence. Dans le projet de loi. Je dis toujours la loi, mais c'est dans un projet de loi, on est en train d'entendre, on fait des consultations, puis après ça on étudiera article par article à l'autre session.

Mais comment vous trouvez ça? Parce qu'on a mis la même quantité qui existe pour le cannabis thérapeutique. On ne s'est pas basés sur une donnée de même, là. On a dit : Bien, si c'est bon pour le cannabis thérapeutique, ça va être aussi bon, cette quantité-là, pour le cannabis non thérapeutique. Comment vous voyez ça, vous?

Mme Dion (Helen) : Bien, écoutez, juste avant de répondre à cette question-là, je vais finir votre argument pour l'accessibilité. Je peux vous dire que 30 grammes, lorsqu'on va l'acheter à la SQC ou qu'on en ait, c'est plus confiné, c'est plus petit, tandis que quatre plants, c'est assez évident, dans une maison, pour pouvoir... et c'est facilement accessible pour des enfants d'utiliser ça. Lorsqu'on a des sacs ou je ne sais pas dans quelle présentation ça va être, le cannabis séché, mais c'est plus facile de le dissimuler, et de le cacher, et de faire en sorte que les enfants n'ont pas accès. Comme je vous disais, les jardins, les cours extérieures, c'est dans le projet de loi, ça, au niveau de la maison d'habitation quand on regarde la définition. Quand on regarde les remises, quand on regarde les gazebos, tout ça fait partie de la maison d'habitation. Ce n'est pas protégé pour les enfants, à l'extérieur, donc.

Mais je reviens à votre 150 grammes à l'intérieur d'une maison. Écoutez, c'est sûr que, pour nous, les policiers, c'est déjà beaucoup quand on regarde qu'une consommation à 30 grammes est déjà... Quelqu'un qui se promène avec 30 grammes de façon usuelle, quand on dit que la consommation n'est pas à 30 grammes par jour, normalement, le consommateur, déjà là, pour nous, c'était beaucoup. 150 grammes, écoutez, le législateur a choisi 150 grammes pour aller vers une autre loi. Si on regarde, nous, ce qu'on vous dirait, c'est que : Est-ce que 150 grammes, ça répond à un besoin? Nous, on dirait : Évidemment, plus il y a de grammes, dans une maison, de disponibles, bien, plus on peut permettre et plus le risque est grand que les jeunes puissent s'en procurer.

Mme Charlebois : Avez-vous... traînez-vous des balances? Comment vous allez faire pour mesurer ça? Ça doit... Vous devenez habitués, j'imagine, là. Moi, je...

Mme Dion (Helen) : ...question.

Mme Charlebois : Mais, non, mais vous devez avoir l'oeil à ça. Là, un sac Ziploc, moi, on m'a dit que c'est ça qui était 150 grammes de cannabis séché. Et j'imagine que... Puis j'ai aussi le goût de vous dire, puis je ne le sais pas si... je ne veux pas vous paraître un peu déconnectée, là, mais, tu sais, je vous ai entendue dire : Il faudrait reporter d'un an. Puis moi, j'adhère à cette philosophie-là pour faire de la meilleure prévention. Mais en même temps je me dis : C'est déjà là. Ça fait qu'on reporte d'un an... quoi? Comprenez-vous ce que je veux dire? Puis j'ai voté pour ça, reporter d'un an pour faire une meilleure prévention, puis etc., là. Je ne suis pas en train de dire que je n'adhère pas au vote que j'ai fait. Sauf que je me dis : Ça existe déjà, on a déjà des gens qui consomment. On peut commencer puis bonifier nos affaires en chemin. Comment vous voyez ça, vous?

• (16 h 40) •

Mme Dion (Helen) : Bien, il y a deux volets à votre question, mais je vais répondre au dernier. En premier lieu, je vous dirais : Comment faire... Pourquoi qu'on s'oppose et, en fait, qu'on appuie votre motion? Simplement parce qu'à l'heure actuelle les instruments ne sont pas au rendez-vous. Lorsqu'on me dit que la tolérance zéro doit être appliquée, on n'est pas en mesure de... je ne suis pas en mesure de vous dire que je peux le faire parce que les appareils de détection ne sont toujours pas homologués par Santé Canada.

 Deuxième chose, je veux juste vous dire qu'on n'a pas... Souvent, quand on dit, comme adage : On ne peut pas faire... tu sais, lorsqu'on veut faire une bonne première impression, on ne peut pas manquer notre coup. Alors, pour moi, si tout l'ensemble de la loi, avec les impairs et ce qu'on ne sait pas, si, déjà là, on ne donne pas les instruments aux policiers, on ne donne pas la bonne formation, on n'est pas cohérents dans toutes les décisions, bien, ce qu'on va vouloir faire, ce que les législateurs veulent faire, c'est de transformer le marché illicite en marché licite pour éviter que le crime organisé continue à faire son oeuvre et contrôler, si on veut, la qualité. Moi, je trouve qu'on va quand même assez rapidement pour un changement comme ça, majeur, de société.

Et c'est dans ce sens-là que je vous dis que nous, on trouve que c'est particulièrement rapide. Il faut comprendre que le projet de loi, il va peut-être être adopté en février ou mars, et il va nous rester quelques mois à peine pour former l'ensemble des 15 000 policiers au Québec et d'avoir aussi des gens, des spécialistes, des agents évaluateurs en fonction parce que c'est ce qu'il y a, à l'heure actuelle, c'est ce qu'on a. Et ce qu'on a, évidemment, on va devoir les utiliser beaucoup tant qu'on n'a pas d'autres instruments, Mme la ministre, M. le Président.

Mme Charlebois : Vous avez saisi qu'on ne fera pas tolérance zéro tant et aussi longtemps qu'on ne va pas avoir les appareils homologués. Ça fait que ça va continuer avec conduite avec «facultés affaiblies». Vous dites que ça vous prendrait davantage de financement pour faire de la formation, avoir les équipements de détection, mais ça, ça va venir plus tard, quand on en aura. Puis il y a quelqu'un qui est passé juste avant vous puis qui nous a dit : Ce n'est pas pour demain matin la veille qu'on va être capable de détecter consommation récente. Moi, je pense que cette personne-là a potentiellement raison, ça fait qu'on va continuer, pour un bout de temps, avec «capacités affaiblies».

Nous autres, ce qu'on voulait passer comme message aussi, c'était de dire aux jeunes : Attention, là! Du cannabis, ce n'est pas un produit banal. Il faut juste comme avoir une consommation responsable. Puis on va se donner des cadres de prévention exactement pour informer les gens, mais pas dramatiser la situation parce que, je vous le dis, moi, plus je travaille là-dedans, plus il y a des gens qui viennent vers moi. Je suis fascinée de voir... Tu sais, les gens disent qu'il va y avoir une hausse.

Bien, il faudrait sortir notre tête de l'eau parce que je suis fascinée de voir combien de personnes consomment, du monde que je ne m'attendais même pas, qui venaient me dire ça. J'étais comme : Hé! Ah oui? Toi aussi, tu consommes du cannabis? Ah! bien, coudon. J'apprends plein de choses, honnêtement, sur le terrain, à parler avec ces gens-là. Puis pas des gens tout croches, puis pas des gens malfaisants, puis pas... Non, non, du monde comme vous et moi, là. Ça peut être surprenant à l'occasion.

Combien vous, vous pensez que ça vous prendrait? Parce que je vous entends me dire : Il va falloir former plus de policiers qui vont faire... les policiers qui encadrent, là, comment on les appelle... Vous l'avez dit, là...

Mme Dion (Helen) : Les agents évaluateurs.

Mme Charlebois : Les agents évaluateurs, tout à fait. Combien vous pensez que ça peut représenter en termes de coûts, les agents évaluateurs? Combien de plus vous en avez besoin? Puis, tu sais, si vous avez déjà la population qui consomme sur les routes, ils sont déjà là puis il n'y en a pas tant que ça. En tout cas, j'espère qu'il n'y a pas tant de monde qui arrive au volant chaud et gelé, on va se dire les vrais mots, là. Ça fait qu'ils sont déjà là, sur la route. Comment vous pensez que ça va en prendre de plus? Pensez-vous qu'on va se mettre à vendre plus de cannabis?

Mme Dion (Helen) : Bien, écoutez, M. le Président, je vous dirais rapidement, si... on ne peut pas... Nécessairement, oui, on a des statistiques, au Québec, qu'il y a eu des augmentations de personnes quand on a mis des agents évaluateurs, là. Évidemment, avant, on ne pouvait pas le savoir, on n'avait pas les agents évaluateurs. En ayant les agents évaluateurs, bien, on a démontré que ça a augmenté de 30 % juste au Québec. Mais, si je regarde mes collègues du Colorado, leur accident automobile, en trois ans, a augmenté de 75 %, des gens qui consommaient.

Donc, ce n'est pas moi qui les invente, là, ce n'est pas nous qui les inventons. On peut vous dire qu'il y a un impact, c'est sûr qu'il y a un impact qui va être pour nous, les intervenants de première ligne. Puis, quand je reviens...

Mme Charlebois : Est-ce que vous savez s'ils ont fait beaucoup de prévention au Colorado ou bien s'ils ont lâché ça...

Mme Dion (Helen) : Non, j'imagine qu'ils ont fait beaucoup de prévention aussi parce que c'était un changement majeur pour eux aussi, je ne peux pas vous l'affirmer. Mais la prévention a une influence très, très grande, c'est sûr. Et on pense qu'il va avoir un «peak» à un moment donné. Puis, quand vous parlez, tout à l'heure, je veux juste rattraper votre question, comment vous allez faire, dans la rue, pour savoir que c'est 30 grammes de pot versus, on a-tu des balances, moi, je vais vous dire plus que ça, du pot séché, puis du pot sec, puis humide, puis un petit ci, puis un petit ça, là, la grandeur, la grosseur, on va avoir du plaisir tantôt, O.K.? À part 30 graines, là, ça, on est capables, ça, on va être sûrs de ne peut-être pas se tromper, là, mais un 30 grammes de pot humide, semi-humide, sec puis pas sec, il va falloir qu'on ait des balances qui nous le disent, là. Puis la grosseur des sacs, ça a l'air de quoi, un 30 grammes de pot humide puis un 30 grammes de pot sec, puis, bon...

Oui, ça fait que ça, ça fait partie des formations qu'on va avoir à donner à nos policiers, probablement aussi des instruments qu'on va donner à nos policiers. C'est tout ça que je vous dis. Ce n'est pas vous dire qu'on est... on veut, on collabore, on est sur les terrains, on est avec le ministère de la Sécurité publique pour trouver des solutions à cette espèce de trou, si on veut, pour pouvoir mieux intervenir et servir le législateur du mieux qu'on peut puis surtout servir les citoyens et aussi les jeunes dans tout ça.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la ministre. Ça met un terme à ce bloc d'échange avec le gouvernement. Nous allons du côté de l'opposition officielle. M. le député de Labelle, vous disposez de huit minutes. À vous la parole.

M. Pagé : Oui, il y aurait tellement de choses à dire en huit minutes que j'ai de la difficulté à voir par où commencer. Je suis très préoccupé aussi par toute la question des plants à la maison, parce qu'il y a des gens aussi qui nous disent : Bien oui, ça serait très compliqué d'aller vérifier quand… Bien, si on dit un plant, deux plants, trois ou quatre — bon, la loi fédérale dit jusqu'à quatre — est-ce que le zéro plant à la maison, ça va être beaucoup plus facile à aller vérifier que si on dit : un plant, deux plants?

En quoi c'est beaucoup plus facile de faire respecter cette loi-là, d'autant plus que nous savons que, présentement, il y en a? Et d'ailleurs je vous demanderais aussi dans ma question, double question, jusqu'à quel point vous faites déjà des vérifications sur les plants à la maison. Avez-vous des statistiques que vous pourriez nous soumettre pour nous dire : Bien, on a visité tant de maisons, puis il y en a tant? Est-ce que ça existe, chez vous, ces statistiques-là? Alors, j'ai deux questions, j'aimerais vous entendre.

Mme Dion (Helen) : M. le Président, je veux juste vous aviser qu'on n'a pas de visite systématique. Le législateur ne nous permet pas de faire ça, sauf si on a des motifs raisonnables et probables que... et, si on arrive pour une intervention qui est légitime, que ce soit en matière de violence conjugale ou en d'autres choses, qu'on peut aller dans une maison d'habitation pour aller vérifier, puis, lorsqu'on arrive sur les lieux puis on constate qu'il y a du cannabis, on peut saisir sans mandat. Mais, si on veut aller plus loin pour voir s'il y a une plantation à quelque part, si on veut fouiller plus loin dans la maison parce qu'on a vu, mettons, un plant ou deux plants, bien, ça nous prend un mandat encore plus loin pour aller chercher. Donc, non, le législateur ne nous permet pas de faire ça comme ça.

À l'heure actuelle non plus, le législateur ne nous permet pas de faire des visites, à moins que les inspecteurs aient ce pouvoir extrajudiciaire là, et ce qui n'est pas… ce qui ne semble pas avoir été vu dans le projet de loi. Donc, non, il n'y aurait pas de visite comme telle. Mais le pourquoi du zéro plant dans notre cas, c'est que ça évite que les enfants soient en contact. Mais, deuxième des choses, un, deux ou trois, est-ce que c'est un d'un mètre, l'autre, il a un mètre et demi? S'il y en a un qui a trois quarts de mètre puis l'autre qui a juste un quart, ça compte-tu pour un ou ça va compter pour deux?

C'est toutes ces choses-là, qui semblent bien anodines de votre part, mais, quand vient le temps, nous, de l'instrumentaliser sur le terrain, et d'amener mes policiers, après ça, à témoigner, et de faire en sorte que devant le témoignage des policiers, à la cour, bien, que ça soit facilement interprétable… À zéro, je pense que le gouvernement du Québec ne se trompe pas pour l'interprétation.

M. Pagé : Bon, vous avez vu certainement comme moi dans les journaux qu'il y a déjà… Je sais que vous n'êtes pas constitutionnalistes ou avocats, avocates, vous êtes plutôt là pour faire respecter les lois, je le comprends, sauf que vous avez certainement vu comme moi que, déjà, on nous dit qu'à partir du moment où ça va être contesté Québec peut restreindre, mais ne peut pas aller à l'encontre de la loi fédérale. La loi fédérale pourrait permettre jusqu'à quatre. Si Québec dit zéro, là on irait complètement à l'encontre. On ne fait plus que restreindre, on va entièrement à l'encontre. Et certains constitutionnalistes, certains avocats nous disent que ça ne tiendra pas la route, même si on se ramasse jusqu'en Cour suprême, puis ça va être la loi fédérale, normalement, dans un cas comme celui-là, qui a prédominance. Alors, est-ce que vous avez eu ces conversations-là chez vous, à savoir : Est-ce que ça va être applicable?

Mme Dion (Helen) : Bien, écoutez, si je fais référence à ce qui se passe en matière d'alcool au volant, on a fait... on peut faire certaines corrélations. Et c'est vrai qu'un gouvernement provincial peut être plus sévère qu'un gouvernement fédéral. Maintenant, pour ce qui est de l'interprétation de ça jusqu'en Cour suprême, je vous dirais que… vous l'avez bien dit, ce n'est pas tout à fait mon domaine premier, mais je peux vous dire que je pense que le gouvernement est légitime de pouvoir être plus sévère. Pourquoi? Parce que c'est lui qui va avoir à vivre avec les conséquences de santé publique, qui est un domaine de juridiction provinciale.

M. Pagé : Merci. Au-delà de former le personnel qui est déjà en place, est-ce que vous avez évalué combien de personnel supplémentaire vous pourriez avoir besoin pour l'ensemble de la demande que tout cela risque de vous demander?

Mme Dion (Helen) : Je vais demander à mon collègue, M. Martin, de répondre, s'il vous plaît.

• (16 h 50) •

M. Pagé : Parce que les municipalités, entre autres la FQM, là... Demain, on voit l'UMQ, là, mais la FQM est venue nous dire que jusqu'à 33 % des revenus devraient aller vers des municipalités parce que tout ce qu'on va voter comme lois et règlements sera énormément appliqué par vous, et vous relevez essentiellement des municipalités, en tout ou en partie. Alors donc, j'aimerais connaître votre évaluation à cet égard-là.

M. Martin (René) : Il n'y a pas de chiffre précis qu'on peut vous déposer aujourd'hui. Cependant, il faut prendre en considération qu'une évaluation par un agent évaluateur prend le double de temps d'une arrestation pour capacités affaiblies par l'alcool. Donc, j'ai beaucoup plus de temps d'enquête, en matière de drogue, qui va monopoliser mon monde. Et évidemment la formation qui est rattachée à ça… Épreuve de coordination de mouvements, on parle de trois jours de formation. Mais agent évaluateur, c'est trois semaines. Il faut que la personne soit technicien qualifié d'alcool, et c'est une formation de 7 000 $ à 8 000 $. Donc, ça, c'est à part les programmes de prévention.

Donc, est-ce que ça va nous prendre plus de personnel? Il faudra l'évaluer selon l'état d'avancement de la situation, là. Actuellement, on n'a pas plus de personnel. On est capable d'arrêter les gens sur la route et de les sortir de la route au moment où on se parle. C'est les tests subséquents à ça qui monopolisent beaucoup de temps. Il faudra évaluer en quoi ça affecte notre capacité de patrouille parce que c'est mes gens, lorsqu'ils font ces tests-là, qu'on retire de la patrouille pour effectuer ces tests-là. Donc, on veut maintenir un service à la population sur la route, et il faudra évaluer s'il y a des besoins en personnel additionnel.

M. Pagé : Combien de temps?

Le Président (M. Merlini) : 1 min 45 s, oui.

M. Pagé : Une minute? Hé! mon Dou!. Vous parlez de la vente en ligne. Vous faires surtout un constat, mais je ne lis pas de proposition. Mais quand vous dites : «...nous soumettons qu'il est particulier que les revenus de la vente de produits de cannabis achetés en ligne se retrouvent à l'extérieur du Québec — si, effectivement, le client achète à l'extérieur du Québec — alors que les différents impacts — effectivement — sociaux négatifs potentiels se produiront sur notre territoire», donc, les producteurs qui vont nous vendre, eux vont faire de l'argent, mais les coûts sociaux, nous allons les payer ici.

Nous, nous avons soumis bien respectueusement au gouvernement la chose suivante : De demander au gouvernement fédéral d'inclure dans la loi C‑45 qu'un producteur hors Québec ne pourrait pas vendre à des Québécois sous peine de perdre sa licence. Alors, qu'est-ce que vous pensez de cette proposition-là?

Mme Dion (Helen) : Écoutez, simplement, ce qu'on vous dit à ce niveau-là, c'est que ce qui… Il y avait deux choses, dans le volet qu'on vous parle, au niveau de la vente en ligne. C'est, première des choses, de mettre un mécanisme qui fait en sorte d'identifier bel et bien la personne qui va le recevoir et qui n'est pas un jeune, là, si on veut, là.

Et, dans le deuxième aspect, tout simplement, on fait simplement souligner au législateur qu'effectivement c'est nous, les intervenants de première ligne, et c'est les réseaux de la santé qui vont avoir à supporter, si on veut, le problème qui vient, ou les conséquences probables qui peuvent venir avec la consommation de cannabis acheté en ligne. Donc, on soumettait simplement, bien humblement, au gouvernement peut-être de regarder cet aspect-là, si ça devenait un marché intéressant pour… et comme on… très intéressant de la vente en ligne.

M. Pagé : Merci.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup. Ça met un terme à ce bloc d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Repentigny, vous disposez de 5 min 30 s pour votre bloc d'échange. À vous la parole.

Mme Lavallée : Merci. Bienvenue, Mme Dion, M. Martin et M. Deramond. Nous, on a fait le choix d'avoir une position beaucoup plus sévère, donc de permettre la consommation à partir de 21 ans, quitte à éventuellement revoir, mais, pour une première application, disons, parce que c'est tout nouveau, la légalisation du cannabis, que c'était, à notre sens, beaucoup plus prudent. Lorsqu'on fixe l'âge à 18 ans, puis on l'entend, je l'entends dans l'entourage, les jeunes vont dire : À 18 ans, c'est légal, il n'y a pas de trouble. Il n'y en aura pas, de problème. Il n'y a pas de problème pour la santé. C'est l'équation que les jeunes font lorsqu'ils apprennent que ça va être légal à partir de 18 ans.

Tout à l'heure, il y a des gens de La Maison Jean-Lapointe qui disaient… Parce qu'on dit qu'en légalisant à partir de 18 ans on veut protéger les jeunes et éliminer les réseaux parallèles. Sauf que, dans le document de La Maison Jean-Lapointe, on dit que 25 % des jeunes en secondaire III consomment du cannabis, 32 % en secondaire IV, 42 % en secondaire V. Donc, ils n'ont pas 18 ans. On n'a pas réglé le problème pour ces jeunes-là.

J'aimerais ça avoir votre regard sur ça puis qu'est-ce qu'il va falloir faire parce que, là, s'ils consomment à partir de secondaire III, est-ce que ça veut dire que, pour les protéger puis éliminer les réseaux parallèles, il faudrait légaliser à partir de 16 ans, de 15 ans? Elle est où, la logique, là-dedans?

Donc, vous, vous le savez, qu'est-ce qui se passe sur le terrain. Puis je pense que vous savez qu'il y a des gens qui tournent autour des écoles pour vendre du cannabis à ces jeunes-là, là. Ils ne le trouvent pas... Ça n'apparaît pas dans les airs, là.

Mme Dion (Helen) : En fait, il y a deux volets à votre question, puis c'est important de le souligner. À partir de... la définition d'un adolescent, c'est à peu près, pour ne pas avoir d'enfant, mais pour voir ceux qui en ont eu, c'est à peu près de défier à peu près toutes les règles qui peuvent exister ou presque, là. Je ne veux pas faire de démagogie, là, mais... Ça fait que, comme c'est illicite, ça peut être attrayant pour eux. Devenant licite, ça devient probablement moins attrayant à ce compte-là. C'est la seule chose que je peux vous expliquer pourquoi, peut-être, qu'il y a de la consommation.

Puis ce qu'il faut faire aussi, c'est beaucoup, beaucoup de prévention. C'est difficile de faire de la prévention sans faire de la suggestion d'un produit qui est, à l'heure actuelle, illicite. Mais je pense que, dans un contexte où maintenant ça va être légalisé, bien, faire une prévention va aller de soi et sensibiliser les jeunes aux conséquences d'une consommation abusive ou tout simplement illégale à leur âge, si on veut.

Maintenant, quant à votre question par rapport au 21 ans, nous, là-dessus, si le législateur décide que c'est 21, si le législateur décide que c'est 18, bien, à tout le moins, qu'il y ait une congruence. On a vécu avec l'effet Ontario. L'Ontario, Gatineau et Ottawa, entre le 21... à l'époque, c'était de 21 et 18 ans pour la consommation d'alcool. On a baissé ça à 19 pour essayer d'amoindrir les problèmes qu'on vivait à Gatineau. Donc, je peux juste vous dire que le législateur, il faut qu'il soit un peu en cohérence dans tout ça pour éviter que, dans le fond, le problème ne fait que se transférer.

Mme Lavallée : Concernant les... Parce qu'on veut éliminer le... Ce qu'on entend souvent, c'est d'éliminer les réseaux parallèles, donc tous ceux qui vendent le cannabis de façon illicite. On ne règle pas le problème avec ça parce que, si autant de jeunes aux secondaires I, II, III, IV, V ont en leur possession, sont capables d'acheter du cannabis, le milieu va être encore des gros vendeurs de cannabis auprès de cette population-là. On n'a pas réglé tous les problèmes, là.

Mme Dion (Helen) : Écoutez, c'est sûr que les services de police vont travailler évidemment à éradiquer la consommation de cannabis auprès des jeunes, à travailler à le faire. On n'y arrivera pas. Le degré zéro, ça va être impossible. On ne l'a pas réussi puis on ne le réussira probablement pas, comme c'est impossible d'avoir zéro accident sur le territoire du Québec, accident automobile.

Mais, par contre, je pense qu'assujetti avec une campagne de prévention, avec des manières de fonctionner, tant en impliquant autant les écoles qu'en impliquant divers intervenants à la sensibilisation du cannabis, un peu comme la sensibilisation qu'on fait de l'alcool, eh bien, je pense qu'on peut quand même arriver à circonscrire une partie de ce marché illicite là et faire en sorte qu'il se... Évidemment, il va y avoir un déplacement du marché illicite, on comprend. Ça, on le sait.

Le Président (M. Merlini) : Mme Helen Dion, M. René Martin et M. Didier Deramond, représentant l'Association des directeurs de police du Québec, merci encore une fois de votre présence et votre contribution aux travaux parlementaires de l'Assemblée nationale.

La commission ajourne ses travaux à demain, le mardi 5 décembre, à 10 heures, où nous poursuivrons notre très important mandat.

Bonne soirée à tous.

(Fin de la séance à 16 h 59)

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