(Neuf heures trente-deux minutes)
Le
Président (M. Merlini) : À l'ordre,
s'il vous plaît. Bonjour et bienvenue à la Commission de la santé et des services
sociaux en ce mardi de la Saint-Valentin. Ayant constaté le quorum, je déclare
donc la séance de notre commission ouverte.
Et je demande à toutes les personnes présentes au salon rouge de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils cellulaires.
La commission est réunie ce matin afin de
poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 130,
Loi modifiant certaines dispositions relatives à l'organisation clinique et à
la gestion des établissements de santé et de services sociaux.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements ce
matin?
La Secrétaire : Non, M. le
Président, il n'y a aucun remplacement.
Auditions (suite)
Le Président (M. Merlini) : Merci
beaucoup. Alors, aujourd'hui, nous entendrons les groupes suivants :
l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec, la
Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, la Fédération des médecins
spécialistes du Québec et l'Association des cadres supérieurs de la santé et
des services sociaux.
Alors, je souhaite donc, ce matin, la bienvenue
à l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec. Je vous
demande, lorsque vous ferez votre exposé, de bien vouloir vous présenter. Et
vous disposez d'un temps de 10 minutes
pour votre exposé, suivront ensuite les échanges avec les membres de la
commission. Bienvenue. À vous la parole.
Association des
pharmaciens des établissements
de santé du Québec (APES)
M. Paradis (François) : Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, mon nom est François Paradis, président de l'Association des pharmaciens des
établissements de santé du Québec. Je suis accompagné, ce matin, de
Mme Linda Vaillant, présidente de notre association...
Mme Vaillant (Linda) : Directrice
générale.
M. Paradis (François) : ...pardon,
directrice générale de notre association. Pardonnez le lapsus.
Alors, bien, écoutez, M. le Président, M. le
ministre de la Santé et des Services sociaux, Mmes et MM. les parlementaires, l'Association des pharmaciens des
établissements de santé du Québec tient à vous remercier, ainsi que la commission, de l'opportunité que vous fournissez à
l'APES de faire ses commentaires et ses représentations concernant le
projet de loi n° 130.
D'entrée de
jeu, en lisant le titre du projet de loi, on constate, évidemment, qu'il va y
être question de gouvernance. Et, pour nous, à l'Association des
pharmaciens des établissements de santé, c'est un élément qui est extrêmement important, parce qu'à partir du moment où on
travaille dans un environnement de services de santé et de services
sociaux il est extrêmement important qu'il y
ait un équilibre entre la gouvernance clinique et la gouvernance
administrative. C'est de cette
façon-là qu'on s'assure d'arriver à la fois à des services de qualité et des
services sécuritaires, tout en allant chercher, de la même façon, une efficience au niveau de la prestation de ces
services-là. Donc, cet enjeu-là de l'équilibre, pour nous, il est
fondamental, et on va y revenir tout au long de notre présentation.
À la lecture de la mouture actuelle du projet de
loi, nous avons par contre l'impression qu'il y a une volonté de privilégier la gouvernance administrative au
détriment de la gouvernance clinique, et ça, ça nous inquiète, au niveau
de l'association. L'inquiétude est que, si on rompt cet équilibre-là, peut-être
qu'on n'atteindra pas nécessairement les objectifs qu'on s'est fixés.
Si je reprends quelques éléments du projet de
loi, il est question, entre autres, des plans d'organisation. Donc, les plans d'organisation, qui regroupent
l'ensemble des organigrammes cliniques et administratifs d'un établissement,
on sent la volonté du ministre d'arriver à
une uniformisation au niveau des plans de l'organisation, et, à cet égard,
l'association est d'accord avec cette approche, qui vise effectivement à rendre
les services de façon relativement uniforme dans l'ensemble de la province.
Cela dit, on s'interroge sur la nécessité, pour le
ministre, d'avoir à approuver chacun des plans d'organisation. On pense que de fixer des balises, des lignes
directrices serait fort probablement suffisant, d'autant plus que ça
permettrait aux établissements de s'adapter et d'adapter les plans d'organisation en question en fonction notamment de leurs missions respectives et des
enjeux géographiques.
Si on parle d'organigramme, l'APES tient à
souligner le fait qu'actuellement, au niveau de certains établissements au Québec, il y a des organigrammes à l'intérieur desquels le
département de pharmacie n'est pas sous la Direction des services professionnels tel que le prévoit la Loi sur les
services de la santé et les services
sociaux. Ça fait près de
35 ans, suite à l'intégration des pharmaciens au sein des conseils des
médecins, dentistes et pharmaciens, que le département
de pharmacie est sous l'égide de la Direction des services professionnels, et
cette approche de gouvernance là, cette
approche hiérarchique là a vraiment démontré, au fil des années, sa pertinence et sa
valeur ajoutée. Alors, l'APES recommande que, pour l'ensemble des établissements,
le département de pharmacie soit sous l'égide du directeur des services
professionnels.
À l'article 18, on parle de faire en sorte
que... en fait, on enlève le pouvoir de recommandation du conseil des médecins,
dentistes et pharmaciens pour en faire un organisme consultatif. Les conseils
de médecins, dentistes et pharmaciens sont
une instance extrêmement importante dans le réseau, ce sont ces organismes-là
qui permettent de veiller à la
sécurité et à la qualité des soins, et, à notre sens, ils sont indispensables.
Donc, il serait malavisé, selon nous, de vouloir réduire leur rôle à l'intérieur
des structures, et c'est pour ça qu'on recommande tout simplement le retrait de
l'article 18, de façon à maintenir le rôle de recommandation du conseil
des médecins, dentistes et pharmaciens.
Un peu plus
loin dans le projet de loi, on parle des règles d'utilisation des médicaments,
des règles de soins, des règles
d'utilisation des ressources. Évidemment, ces règles-là doivent être établies
par les chefs de département clinique, dont les chefs de département de
pharmacie.
Deux éléments à cet égard. Le premier, on parle
du fait qu'éventuellement, dans la mesure où un chef de département clinique tarderait à rédiger ces règlements-là, ce serait
soit le DSP, ou le directeur général, ou le CMDP qui en ferait la rédaction. On pense que la notion de
«tarde à le faire» est beaucoup trop vague, est beaucoup trop
subjective, et on propose qu'il y ait un
délai fixé qui soit un délai clairement établi pour que les chefs de
département puissent rédiger ces règles d'utilisation des ressources. De
la même façon, on pense qu'à défaut ce devrait être le CMDP ou le DSP qui
devrait s'en charger.
Je cède maintenant la parole à Mme Vaillant
pour la suite de notre présentation.
• (9 h 40) •
Mme Vaillant (Linda) : Bonjour à
tous. Au chapitre des approvisionnements en commun, notre message est relativement simple. Ce qu'on souhaite rappeler,
c'est que le médicament n'est pas un bien de consommation comme les autres, alors que bien des gestionnaires, je vous
dirais, dans le réseau de la santé, ont tendance à assimiler les
médicaments à d'autres catégories de
produits, là, pour lesquelles il y a des appels d'offres. On tient à rappeler
que les médicaments, ce sont des
outils technologiques extrêmement puissants qui peuvent aussi être dangereux et
qui sont régis par des lois tant au plan fédéral que provincial. Alors,
pour nous, l'expertise propre aux pharmaciens, et aux pharmaciens
d'établissement dans ce cas-ci, doit être utilisée en matière
d'approvisionnement en médicaments, que ce soit au niveau des groupes
d'approvisionnement qu'au sein même des établissements de santé.
À ce
chapitre, il y a deux éléments dans le projet de loi qui, pour nous,
convergent, ont le même résultat, c'est-à-dire qu'une des dispositions prévoit que les groupes pourraient être
agglomérés, qu'on pourrait en abolir certains, bon, en ajouter d'autres, à la limite, ou qu'on pourrait aussi
concentrer les services, certains services auprès d'un groupe
d'approvisionnement. Alors, dans
l'exemple qui... dans la situation qui nous préoccupe, évidemment, c'est la
question des médicaments. Si on devait
regrouper l'ensemble de l'approvisionnement des médicaments sur un seul groupe
d'achats, on précise qu'il
nous apparaît essentiel que les pharmaciens d'établissement soient mis à
profit, qu'ils puissent contribuer à une transition harmonieuse et sécuritaire
de façon à ce qu'on s'assure de réduire les risques de rupture de médicaments,
qui sont toujours d'actualité, donc s'assurer, par exemple, de bien gérer le
calendrier des appels d'offres de façon à regrouper certaines catégories de
médicaments à certains moments particuliers, pour réduire les risques de
rupture mais peut-être aussi pour
tirer profit de la concurrence. Quand on sait qu'un médicament générique va
être mis en marché, par exemple, il pourrait y avoir une question de
timing, là, qui soit intéressante à saisir pour un groupe d'approvisionnement.
Alors, notre recommandation, elle est simple : S'assurer, dans toutes les
situations qui sont prévues au projet de loi, qu'on maintient les pharmaciens
d'établissement au coeur du processus décisionnel.
Je vous
glisse un mot sur les frais accessoires. Vous allez peut-être trouver qu'on est
un peu en parallèle du projet de loi, mais j'espère que vous allez voir
que rapidement ça s'inscrit, en fait, dans le projet de loi.
Avec le
règlement qui a récemment aboli les frais accessoires, le ministère de la Santé
considère l'éventualité de faire en
sorte que les départements de pharmacie fournissent certains médicaments aux
cliniques médicales. Je vais vous épargner
tous les problèmes de logistique et d'inefficience, à notre avis, de la gestion
des inventaires et des activités du département
que cette solution-là comporte pour me concentrer sur un élément central qui
fait en sorte que les départements de
pharmacie et les établissements, en fait, ne sont pas en mesure d'agir comme
distributeurs ou comme grossistes, dans ce cas-ci, en vertu de la loi
fédérale des aliments et drogues.
On comprend
que le ministère souhaite recourir aux prix qui sont négociés pour ces
médicaments-là par les groupes d'approvisionnement. Alors, on suggère
bien humblement que le projet de loi, à l'article 37, pourrait simplement prévoir que le ministre identifie les cliniques
médicales parmi les organismes auxquels les groupes d'approvisionnement peuvent offrir des services. Il nous apparaît
qu'on aurait l'impact recherché, et en plus ce serait beaucoup plus
simple, globalement, en termes de logistique.
Alors, je
termine en vous disant que le rôle clinique des pharmaciens d'établissement, à
notre avis, est central. Il a clairement
pris son essor au moment de son intégration au sein des CMDP. Aujourd'hui, les
pharmaciens sont au coeur de la réforme des structures, je vous dirais
même qu'ils sont à l'avant-scène des départements cliniques, que ce soit par l'harmonisation des
formulaires de médicaments, qui sont en cours, l'intégration des structures des
différents départements de pharmacie,
on est en train de centraliser certaines activités de distribution de
médicaments. Il y a vraiment beaucoup, beaucoup
d'efforts qui sont mis en place pour faire en sorte que, la structure, la
réforme actuelle fonctionne. Et c'est en grande partie attribuable au
leadership des pharmaciens gestionnaires, que ce soient les chefs, les adjoints
ou les coordonnateurs, qui mettent à profit
leur expertise, tant leurs habiletés, je dirais, de gestion que leurs
connaissances cliniques pointues, au profit de l'établissement, en vue
d'atteindre les objectifs de la réforme.
Alors,
l'harmonisation des pratiques et des structures, à notre avis, peut apporter
des effets positifs, on pense que c'est
sans doute une bonne chose. Par contre, il ne faut pas éloigner les
professionnels des décisions à prendre et il ne faut pas non plus multiplier le nombre de règles qui
devront recevoir l'approbation du ministre ou de son ministère. Merci.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme Vaillant et M. Paradis;
non pas le député de Lévis, mais le président de l'Association des
pharmaciens des établissements de santé du Québec.
On va débuter
la période d'échange avec la partie gouvernementale, avec le député de
La Pinière et ministre de la Santé et des Services sociaux. Vous
avez un bloc de 23 min 30 s. À vous la parole, M. le ministre.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, je ne suis pas sûr que je
vais utiliser toute ma période, parce que vous avez été très précis dans vos commentaires. Et je vais m'en servir, là,
de cette période-ci pour échanger, parce que vous avez des questions que vous avez soulevées, puis je
vais pouvoir vous éclairer là-dessus. Puis, au fil de notre
conversation, vous pourrez apporter certaines précisions.
Bien, d'abord, je vais vous remercier d'être
ici, M. Paradis et Mme Vaillant, c'est toujours un plaisir de vous recevoir. Puis je vais vous dire pourquoi c'est
toujours un plaisir de vous recevoir : parce que vous êtes, en santé, un
des groupes qui venez toujours ici sur une base constructive. Vous venez faire
des commentaires qui sont pertinents, des critiques
qui sont utiles et des suggestions qui sont en général, je dirais même tout le temps, bien reçues. Alors, je
vous remercie parce que c'est ce que vous avez fait ce matin. Alors, vous
avez choisi de ne pas sombrer dans une quelconque... dans l'anecdotique
et dans la critique systémique... systématisée pour critiquer. Alors, je
reconnais ça. Et ça me fait plaisir de voir des experts du réseau venir nous
entretenir de façon aussi pragmatique.
Vous avez dit
une chose, puis je ne peux pas passer à côté, vous avez d'entrée de jeu mentionné qu'actuellement, dans
la réforme, vous aviez vu des bénéfices, notamment dans la
distribution. Et vous avez insisté, à juste titre, que les pharmaciens d'établissement devaient être
impliqués par leur expertise dans cette distribution, dans ce processus-là,
ce procédé-là, cette procédure de distribution, et vous nous dites que ça
fonctionne. Donc, vous nous confirmez, là, qu'actuellement il y a un bénéfice à
cette restructuration-là, du moins dans votre univers.
M. Paradis (François) : Dans notre
univers, il y a effectivement des bénéfices, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y
a pas aussi des obstacles. C'est une très grosse réforme. On ne travaille pas
en vase clos, les pharmaciens d'établissement doivent travailler avec les
autres départements cliniques médicaux. On doit travailler aussi avec les
structures administratives en place. Il y a encore une lourdeur à certains
égards pour réaliser certains projets.
Mais, en
fait, puis je rejoins ce que Mme Vaillant disait tout à l'heure, les
pharmaciens d'établissement ont pris le taureau par les cornes et puis
se sont dit : Bien, écoutez, on va essayer de faire le mieux possible dans
ce nouvel environnement là. Et je pense
qu'effectivement il y a déjà des exemples concrets qui font voir que, comme
département clinique, le département de
pharmacie est un de ceux qui a évolué le plus rapidement dans ce nouvel
environnement là et qui a réussi à
intégrer un certain nombre de choses. On pense juste à la fusion des
formulaires de médicament, c'est un exercice qui est extrêmement complexe; qui était souhaitable, ceci dit, mais ce
n'est pas quelque chose qui est facile à faire. Et ça a été pris en charge par les départements cliniques
de pharmacie, et maintenant on a des formulaires qui sont uniformisés,
harmonisés, un peu partout, et ça, c'est au bénéfice de la clientèle.
Donc, il y a
des choses, en pharmacie, qui effectivement sont positives. Maintenant, il y a
encore des éléments, évidemment, qui
vont devoir se poursuivre. Et je vous rappelle aussi que, toutes ces avancées-là,
on les a réalisées dans un contexte,
souvent, de manque d'effectif, ce qui est un enjeu supplémentaire pour nous.
Mais les pharmaciens d'établissement ont vraiment pris le leadership à
cet égard-là pour essayer d'amener les réformes qui nous concernent à bon port.
M.
Barrette : Alors, je suis tout à fait d'accord avec vous,
M. Paradis et Mme Vaillant. Vous avez fait le choix, vous, de vous impliquer là-dedans. Et corrigez-moi
si je me trompe, là, ce n'est pas la réforme qui fait qu'il y a une
pénurie de pharmaciens d'établissement,
c'était là avant, là. C'est quelque chose qui se chronicise, malheureusement,
je dirais. Mais malgré tout vous avez
choisi, pour le bénéfice de la clientèle, parce qu'il y a un bénéfice pour la
clientèle d'aller de l'avant... vous
avez mis l'épaule à la roue, puis moi, je vous salue là-dessus. Ça montre que,
de mon côté ou du côté du gouvernement,
on met en place un canevas, mais il n'en reste pas moins que
l'opérationnalisation de ça et le succès de l'opérationnalisation, c'est
vous autres qui le faites. Et je le salue.
Mme
Vaillant (Linda) : Si je
peux me permettre, je pense que ce qui est particulier, et c'est un peu ce
qu'on a voulu faire ressortir, c'est
qu'en pharmacie c'est vraiment les pharmaciens qui gèrent la business, entre
guillemets, là, si je peux dire, dans
le sens où le chef du département a la chance d'être au sein du CMDP en même
temps qu'évidemment au sein des
structures administratives, puis il relève du DSP. Je pense que ça, c'est une
réalité. Alors, ça lui permet de combiner un peu les deux côtés. Quand on parlait de l'équilibre entre la
gouvernance clinique et administrative, c'est un peu ça, c'est comme si on l'avait à l'intérieur même du
département de pharmacie. Et je pense que c'est facilitant. Il y a
beaucoup de choses dans la mise en place des
nouveaux formulaires et des nouveaux... des protocoles, pour l'harmonisation
des protocoles, qui
ont un impact sur les médecins, et je pense que notre positionnement
stratégique dans l'établissement fait en sorte qu'on arrive à influencer nos collègues médecins, et à se rallier
autour des données probantes, et à mettre en place les meilleures
pratiques.
M.
Barrette : C'est ça. Moi, ce que j'ai à dire, puis j'insiste
là-dessus, là, je fais exprès, évidemment, vous vous en rendez compte, le fait d'avoir une certaine
cohérence, qui passe par un minimum d'harmonisation, il y a un bénéfice
pour la clientèle au bout, bénéfice qui est
atteint après certains efforts, on conviendra tous de ça, mais à une époque où
à peu près tout le monde sur la place
publique, incluant les politiciens, démonisent cette cohérence-là, bien, vous,
vous êtes là pour nous témoigner de ça. D'ailleurs, je sens que certains
de mes collègues vont être traumatisés ce matin.
Ce qui
m'amène à aborder aussi le dernier commentaire que vous avez fait, qui est
celui de la gouvernance clinique versus
administrative. Je fais le lien, là, parce que vous faites la démonstration
qu'une gouvernance administrative peut se conjuguer favorablement à une gouvernance clinique. Puis là je dis
«clinique» à dessein parce que vous êtes pharmaciens d'établissement; c'est clinique, ce que vous
faites. Et je comprends qu'il y a un bout administratif, là, mais c'est
clinique. L'ultime résultat, l'ultime conséquence est clinique.
Là, je vais
répondre à votre questionnement, parce que, quand vous l'avez abordé, vous avez
dit que vous aviez l'impression que
le projet de loi avait comme objectif de raffermir, de, plutôt, favoriser la
gouvernance administrative au détriment
de la gouvernance clinique. C'est exactement le contraire. Je n'aurais pas pu
vous mettre plus les mots dans la bouche,
et je ne l'ai pas fait, quand vous avez fini votre présentation, et que je la
reprends pour revenir à votre proposition de départ : Votre gouvernance administrative à vous a favorisé une
gouvernance clinique. Le projet de loi ne vise pas à mettre un au-dessus
de l'autre, vise à ce que l'un raffermisse l'autre.
• (9 h 50) •
Et je vous
dirais que... Puis là vous pourrez... je vais vous laisser faire des
commentaires là-dessus, parce que vous êtes
des observateurs de la scène hospitalière et non hospitalière, vous êtes des
observateurs... vous êtes des acteurs, mais vous êtes aux premières
loges. Peu de gens réalisent que vous voyez bien des choses se passer dans un
hôpital. On peut-u dire ça, hein?Vous
voyez bien des choses se passer, dans un hôpital, et vous êtes à même de
constater que des fois il y a une
gouvernance clinique, dans certains secteurs de l'hôpital, mettons le côté
médical, qui mériterait d'être raffermie, et, faute de levier, elle n'est pas raffermie. Ce n'est pas tout le
monde qui s'implique avec autant d'énergie, d'intensité, de finalité dans son univers comme vous le faites.
Moi, je vous dirais que, dans l'éventail de soins et de services qui se
donnent dans un hôpital, c'est probablement
le monde de la pharmacie qui est le plus orienté vers le bénéfice de
l'organisation, du patient au bout de la
ligne. Et alors vous êtes à même sans aucun doute de constater que ce n'est pas
toujours comme ça et qu'à un moment donné il y a lieu que, sur le plan
administratif... C'est ça, la finalité du projet de loi, qu'il y ait un
contre-pouvoir ou une influence additionnelle pour que la finalité que l'on
recherche soit atteinte.
Alors, ça, je
vais vous laisser commenter sur ce que je vous dis, parce que je comprends très
bien quand vous me dites que la
gouvernance administrative ne doit pas avoir une préséance sur la gouvernance
clinique, mais l'objectif est de faire
en sorte que la gouvernance administrative puisse exercer un levier lorsque
nécessaire. Et, lorsque c'est nécessaire, bien, c'est quand les choses relevant de la gouvernance clinique
n'arrivent pas à la destination requise ou destinée. C'est ça,
l'affaire.
Alors,
d'abord, je veux vous rassurer là-dessus, l'objectif n'est pas ce que vous avez
craint mais bien l'inverse. Puis là,
à la lumière de ce commentaire-là, je vais vous laisser commenter ça — ça m'intéresse beaucoup — de me dire ce que vous en pensez, maintenant.
M. Paradis
(François) : Bien, voilà, M.
le ministre, en fait, je ferais deux commentaires à cet égard-là. Le
premier : On est contents d'entendre
que les choses, tous les dossiers qu'ont adressés et accomplis les départements
de pharmacie sont bien reçus et sont
comme presque un exemple en termes de gouvernance clinique et administrative
dans le réseau. Et la raison pour ça,
elle est bien simple, c'est que le pharmacien d'établissement a une place
absolument unique dans le réseau, à savoir qu'il travaille à l'intérieur
même du réseau directement mais aussi comme prestataire de soins cliniques. Et,
à l'intérieur du CMDP, tout comme
l'intégration il y a près de 35 ans, donc, à l'intérieur des CMDP, et
aussi sous l'égide du DSP, c'est ce
qui a permis aux départements de pharmacie et, en l'occurrence, aux chefs de
département de pharmacie d'exercer cette gouvernance-là de façon
équilibrée.
L'analogie que je fais souvent, puis certains
d'entre vous l'auront peut-être déjà entendue, mais le chef de département de pharmacie, là, il y a deux
hémisphères, là, dans son cerveau, il y en a un qui est clinique, il y en a un
qui est administratif, puis il fait les
liens, puis il n'a pas besoin d'aller consulter autour ou aller chercher, je
veux dire, tout se fait de façon
intégrée. Et je n'ai pas peur de dire, ce matin, que ce mécanisme de gestion
intégrée là, oui, c'est ce qui permet effectivement d'arriver à la fin
de l'exercice avec les résultats positifs que vous avez décrits.
Deuxièmement,
vous parlez, bon, de gouvernance clinique versus la gouvernance administrative.
Il reste une chose, on demeure quand
même inquiets par rapport à la place que les CMDP vont jouer suite à l'adoption
de ce projet de loi là, parce
qu'effectivement, si on fait passer le rôle du CMDP de... qu'on ne lui donne
plus ce pouvoir de recommandation, mais
qu'il devient simplement un organisme consultatif, force est d'admettre qu'à ce
moment-là on réduit l'influence du CMDP. Et, à cet égard-là, je pense
qu'on a raison de pouvoir avoir des inquiétudes.
M.
Barrette : Sur ce point-là spécifique, je ne suis pas tout à fait
d'accord avec vous. Mais ça, c'est l'objet de notre débat, parce que,
là, on a un débat, c'est ça qui est utile.
Vous avez souligné
l'importance... Vous avez pris votre exemple à vous, pas vous personnellement,
mais de certains départements de pharmacie en établissement, vous avez souligné
encore une fois l'importance, dans le plan d'organisation,
d'avoir une uniformisation dans le réseau. Vous avez pris un exemple de vous
parce que, puis vous avez raison, il y a des
endroits où le CMDP est sous l'autorité totalement administrative, pas sous le
DSP, et vous voudriez que ce soit sous le DSP. Je vous ai bien compris?
M. Paradis
(François) : Du département de pharmacie.
M.
Barrette : Du département de
pharmacie, excusez-moi. Alors, je comprends très bien ça, mais c'est ça
qui est l'objectif. L'objectif est d'avoir une cohérence. La cohérence, c'est
un minimum d'harmonisation. L'objectif, dans la consultation, ce n'est pas de
tasser les CMDP, mais c'est de faire en sorte que le CMDP ne soit pas une
obstruction légale à une cohérence, à
un minimum d'harmonisation, ce qui n'empêche pas la possibilité d'avoir des variantes locales mais sur un canevas qui, lui, est uniforme.
C'est ça qui est la chose.
Et
maintenant je vais prendre votre exemple, qui est celui d'un
département de pharmacie, et ainsi de
suite, tel que vous l'avez exprimé. Bien, on peut multiplier
ça de différentes manières. Je vous donne un exemple. Ce n'est pas votre
secteur, mais vous allez... comme vous êtes toujours
dans les hôpitaux, vous voyez
évidemment ce qui se passe. Moi, là, de voir un hôpital — il y
en a un au Québec, là — où,
dans un... On sait qu'en médecine et en chirurgie il y a des sous-spécialités,
il y a un département et il y a des services. Bien, moi, je peux vous nommer un
hôpital où, dans un des deux départements,
chaque service est un département. Ça n'a pas de sens, là. À un moment donné,
on ne peut pas avoir des organisations
qui ont des règles, des droits, des privilèges, des pouvoirs qui sont
aléatoires d'une place à l'autre. Et vous êtes à même de constater que, dans le réseau, quand on a une étiquette dans
l'organigramme, vient avec des responsabilités mais aussi des avantages et désavantages. Alors, ce n'est pas pour rien
que tout le monde veut être un département, mais, à un moment donné, ça
devient... ce n'est pas juste une question d'orgueil et de prestige, c'est
aussi une question organisationnelle.
Alors, moi, je salue
et souligne le fait que vous êtes pour une certaine uniformisation, qui
n'empêche pas des ajustements locaux, mais
il n'en reste pas moins que vous, dans votre secteur, vous voulez être dans un
organigramme qui vous amène à une place dans
l'organisation, pour des raisons de cohérence dans le réseau. Parce que, si
vous voulez ça, c'est parce que l'inverse, la non-harmonisation amène
des problèmes. Pouvez-vous nous parler des problèmes que ça amène dans votre
secteur?
M. Paradis
(François) : La non-harmonisation?
M. Barrette :
Oui.
M. Paradis
(François) : Bien là, écoutez, si on parle, par exemple, des
structures, si on faisait référence des structures en place, par exemple, où le
département de pharmacie n'est pas sous l'égide de la Direction des services professionnels, bien, écoutez, le principal problème...
Puis on le répète, là, mais c'est ce lien hiérarchique là qui a fait ses
preuves au fil des années, puis, je veux
dire, on vient d'en discuter, on en a fait la démonstration. La difficulté,
c'est que... D'être sous l'égide du
directeur des services professionnels, tout comme faire partie du CMDP, ça nous
permet de travailler plus directement
en collégialité avec nos collègues médecins. Et ça, ce travail collégial là
d'interdisciplinarité, il fait ses preuves
et il continue de se développer. Je veux dire, ce tandem-là, il est devenu
incontournable dans les établissements de santé, maintenant. Alors, il faut que les pharmaciens aient accès plus
directement, au niveau hiérarchique, aux mêmes forums pour être capables
de discuter des enjeux qui concernent l'ensemble des deux professions. Alors,
pour nous, ça, c'est fondamental. Et le modèle qui est en place depuis près de
35 ans, il a fait ses preuves, on vient de le dire, là.
Donc,
pour nous, question de cohérence, question d'harmonisation, on pense qu'il faut
que les écarts actuels qu'on constate dans certains organigrammes
puissent être corrigés puis, finalement, mis en lien avec ce qu'on demande dans
la LSSSS.
M.
Barrette : Alors, ce que je traduis, puis je pense que tout le monde a
bien compris, mais je vais le redire dans d'autres mots, au bout de la ligne, là, cette non-cohérence-là, sans
donner d'exemple précis, à un patient près, a un impact sur l'organisation, la qualité, la livraison des
services, ça a un impact. Ce n'est peut-être pas une question de vie ou
de mort, là, mais ça a un impact. C'est ça que vous nous dites.
Mme Vaillant
(Linda) : En même temps, il nous apparaît, à la lecture du projet de
loi, que...
M. Barrette :
... que je vais dans votre sens, là.
• (10 heures) •
Mme Vaillant
(Linda) : Oui, oui, mais c'est parce que je reviens un peu à ce que
vous disiez tout à l'heure, M. le Président,
sur ce que j'entendais tout à l'heure. C'est que le projet de loi prévoit déjà
que le ministre va approuver les plans
d'organisation. Le projet de loi prévoit que les règles qui sont... en fait,
toutes les règles qui vont être adoptées, en termes de régie, vont être
aussi dictées par le ministère. En plus de ça, on fait passer le pouvoir de recommandation
du CMDP à un pouvoir de consultation. Il me semble qu'on a la ceinture puis les bretelles, là, dans le projet de loi, pour s'assurer de l'uniformisation.
Alors, les balises et
l'uniformisation, on est assez d'accord. La question qui se pose, c'est : Est-ce
qu'on doit ajouter à ça de réduire la recommandation? Une recommandation, c'est
une recommandation, on l'accepte ou on ne l'accepte
pas. Est-ce qu'elle rencontre les balises qui sont fixées par le ministère,
oui ou non? Ça peut être accepté ou non, en bout de piste.
Ce
qui est particulier au projet de loi, c'est que, d'un côté, on s'assure que toutes les
règles de régie interne vont être
dictées et approuvées par le ministre ou son ministère et, d'un autre côté, en même temps on dit :
Bien, le CMDP aura maintenant... sera consulté sur la question des plans d'organisation. Alors, c'est là où on trouve que c'est intensément une
réduction de cet équilibre entre le pouvoir clinique et administratif.
M.
Barrette : Mais en même temps, Mme Vaillant, M. Paradis, en
même temps, là, la réalité d'aujourd'hui, c'est qu'au Québec, malheureusement, et là j'insiste là-dessus,
malheureusement — ça ne
devrait pas être le cas — dans le cadre
réglementaire et législatif actuel, les ceintures et les bretelles n'ont pas
maintenu les culottes en place. C'est ça, le problème. Si les ceintures et les bretelles suffisaient, on n'aurait
pas, actuellement... Puis je comprends que ce n'est pas systémique, là, hein, je comprends que les
hôpitaux et les services, les départements, là, ne passent pas leur temps
dans le chaos, dans le réseau, mais on a un
niveau d'efficacité qui n'est pas optimal parce que, malheureusement, les
ceintures et les bretelles n'ont pas l'air à avoir tenu les culottes en haut
comme il faut, là. C'est ça, la problématique.
Le fond de
130, là, c'est qu'actuellement... Puis là le sujet d'actualité, en politique,
là, ce n'est pas le Canada, c'est les
États-Unis, qui ont un système, là, «checks and balances», là, il y a un sénat,
il y a un congrès, il y a un président, là, puis tout le monde, là, c'est les trois pouvoirs qui se contrebalancent.
Dans notre système actuellement, là, il n'y a pas de contrepoids. 130 ne vise pas à imposer quoi que ce
soit, 130 vise ce qui est raisonnable et qui vient faire un contrepoids
à certaines inactions qui, elles, résultent
de l'absence de contrepoids, même s'il y a des ceintures et des bretelles. Ce
n'est que ça. C'est ça, l'objet de 130.
Alors,
aujourd'hui, là, si vous suivez nos travaux, vous allez voir... ou vous lisez,
si vous avez lu les mémoires qui ont
été déposés, là c'est l'Apocalypse, là. Là, on va avoir, là, les... Ce ne sera
pas les cavaliers de l'Apocalypse qui vont venir, aujourd'hui, c'est les fédérations de l'Apocalypse. Mais, à un
moment donné, il faut ça, là, il faut ça, à mon sens, parce que vous le
voyez vous-mêmes.
Et ce qui m'a
surpris... Parce que tout ce que vous me dites à matin me surprend
agréablement. Vous nous avez dit... Je comprends pour ce qui est de la
recommandation, là, je vous ai dit mon opinion, peut-être qu'on fera des
ajustements en étude détaillée, là, mais la finalité, là, ce n'est pas
d'empêcher ou d'enlever l'influence du CMDP, au contraire, mais c'est de faire en sorte que l'environnement vienne avoir
un contrepoids. Vous m'avez étonné quand vous avez dit, pour ce qui est
des règles de département...
Vous n'avez
pas contesté le fait qu'on doit avoir... C'est comme la gestion, là, les
formulaires. À un moment donné, il doit y avoir un dénominateur commun
réglementaire dans le réseau, là. Ce n'est pas vrai, là, qu'un département de pharmacie, ou un département de chirurgie, ou un
département de radio-oncologie, là, ou un service, peu importe, c'est tellement différent d'un endroit à l'autre qu'on
doit avoir des règles totalement différentes d'un endroit à l'autre.
Bien non. À un moment donné, il doit y avoir un fil conducteur.
Et là vous
nous aviez dit que «tarderait» est un mot trop mou, hein, vous nous
dites : Mettez un délai fixé. Écoutez...
Bien d'accord, bien d'accord, bien d'accord. Mais, quand vous dites : Délai fixé, harmonisation, bien là,
là, la prochaine personne qui va prendre le micro après vous va
dire : Le ministre a trop de pouvoir. Mais vous nous donnez des
exemples pratiques de la nécessité d'avoir quelque chose, un, de minimalement — puis
je dirais maximalement — harmonisé, avec des éléments clairs. Quand vous arrivez puis vous me dites, là : Si
le chef de département, là, il n'est capable de faire sa job dans un délai raisonnable, donc tarderait, mettez
donc dans la loi, fixé... bien, vous avez bien raison là-dessus
aussi. C'est ça qui est le 130. 130,
là, pour les raisons que je viens de dire et que vous avez très bien
illustrées... Il y a des bénéfices à une certaine
harmonisation, et il y a clairement un bénéfice à ce qu'il y ait une communauté
de règles. Et les règles doivent être, en quelque part, quand ça s'applique,
quantitatives.
Alors, je
vous le dis, là, vous me dites ça, bien, écoutez, là, pas besoin de
vous dire que j'ai pris mon crayon puis je l'ai noté, là. Bien là, il est enregistré dans ma tête, je vais
l'utiliser à la période de questions quand mes collègues vont me poser
des questions sur 130. Mais c'est ça qui est la réalité. Alors, je vous
remercie d'avoir pris cet exemple-là.
Un autre
élément que vous avez abordé, attendez une minute, là, que je ne me trompe pas...
Ah! voilà, ici. Ça, c'est important, c'est vraiment, vraiment, vraiment important, parce
que, là, ici, c'est moi qui dois vous
soulager quant à vos inquiétudes. Et
je vous ai pris comme exemple dans la loi n° 81, vous avez une
grande expertise en achats de groupe... en appels d'offres, pardon, et
aussi en achats de groupe. Il va de soi qu'il serait tout à fait irresponsable que vous ne soyez pas impliqués. Je suis d'accord avec vous qu'un médicament, ce n'est pas un
crayon, on s'entend là-dessus, là, mais en même temps on s'entend, et
vous l'avez dit à plusieurs reprises, que faire des appels d'offres et la
mécanique de l'achat de groupe, l'achat en commun, l'approvisionnement
en commun, est une mécanique qui a fait ses preuves, puis elle a fait ses
preuves chez vous, avec la réserve qu'on doit s'assurer que, comme je le dis toujours,
un appel d'offres, ça se construit, et ça
doit être construit d'une manière qui prévoit dans son écriture la
problématique de l'approvisionnement, donc
des découvertures. Alors, ça, je suis tout
à fait d'accord. Et, je vous le dis,
vous ne pouvez pas ne pas être impliqués là-dedans, là, ce serait un
non-sens. Oui?
Mme Vaillant (Linda) : Si je peux me
permettre, là, c'est extrêmement...
Une voix : ...
M. Barrette : Bien non, je suis
supposé avoir 23 minutes.
Mme
Vaillant (Linda) : Ce que je
viens d'entendre est extrêmement important, et c'était important pour nous de
le souligner — est-ce
que ça va avec le chronomètre? — parce que c'est avec cette tendance,
justement, appelons-le l'harmonisation, là... À l'heure
actuelle, il y a quand même une tendance assez importante que tout soit
uniformisé. Et je vous dirais qu'on se bat
même à l'intérieur des établissements pour s'assurer qu'on n'oublie pas que le
pharmacien doit être présent dans tout le
travail qui est fait par nos directions de logistique, là. Il y a une tendance
à vouloir ratisser large, uniformiser,
et on se bat, dans les établissements, avec nos propres gestionnaires pour
dire : Attends, c'est un médicament, là, vous ne pouvez pas rentrer ça, pelleter ça avec... mettre la gratte
à pleine largeur, là, puis rentrer ça à bon port. Alors, c'est essentiel
pour nous de le dire et de le redire : Les médicaments, c'est différent.
M. Barrette : Oui. Et je vais vous
le redire, là, parce qu'il doit rester 30 millièmes de seconde...
Le Président (M. Merlini) : Le temps
est écoulé. Vous prenez du temps de la présidence, là, M. le ministre.
M.
Barrette : ... — ah! bien, merci — vous ne pouvez pas ne pas être impliqués dans
un achat, dans l'approvisionnement en commun qui traite du médicament,
impossible. Je ne peux pas être plus clair que ça.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup pour ce bloc d'échange. Je me
tourne maintenant vers l'opposition officielle. Mme la députée de
Taillon, vous avez un bloc de 14 min 6 s pour votre échange.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M.
le Président. Bonjour à tous. Bonjour, M. Paradis. Bonjour,
Mme Vaillant.
Alors, j'ai
lu votre mémoire et j'y vois quand même, à travers une volonté d'être
constructifs, certaines mises en garde
et certains signaux d'alarme que vous désirez mettre à l'oreille du ministre, à
tout le moins. Hier, on a vu quand
même des experts en système de santé qui ont rappelé que le ministre avait des objectifs qui étaient
louables, mais que les moyens qu'il utilisait n'étaient pas, souvent,
les bons et qu'ils conduisaient parfois à des réactions différentes ou, en tout
cas, plus improvisées que celles qui étaient souhaitées.
Moi, ce qui
me frappe, dans votre présentation, c'est l'analyse très juste que vous avez
faite du département de pharmacie,
qui réussit de par sa composition à intégrer de façon imputable la gouvernance administrative et la
gouvernance clinique. À votre connaissance,
est-ce qu'il y a un autre département dans un hôpital qui actuellement a cette
même façon d'être gouverné? Par exemple, à l'article 19 du projet de loi
n° 130, là, il y a 11 départements qui sont nommés, le département de
pharmacie est un de ces 11 là. Mais, les 10 autres, est-ce qu'il y en a, dans
ça, qui ont la même gouvernance administrative et clinique que le département
de pharmacie a?
M. Paradis
(François) : Bien,
actuellement, non, et pour une raison très simple, c'est parce que le seul
département clinique à l'intérieur duquel les membres sont aussi à l'emploi des
établissements, ce sont les pharmaciens.
Et vous
parlez d'imputabilité, mais cette imputabilité-là, elle est directement reliée
aussi à ce qu'on doit rendre comme
comptes au directeur des services professionnels et à la direction. Et ça,
c'est de longue date. Ça fait, encore une fois, plus d'une trentaine d'années. Alors, ça, c'est le volet
administratif. Mais, le volet clinique, qu'on ne doit jamais oublier
parce qu'on soigne des patients, on a des services à rendre, il s'agit de faire
le lien entre les deux.
Mais, pour des raisons strictement
hiérarchiques, je dirais, ou de classification, évidemment, il n'y a que le département
de pharmacie qui a ce modèle-là.
Mme
Lamarre : Et vous, si on vous enlevait des privilèges — parce que c'est ça, l'objectif, là, de la
loi, c'est d'avoir le potentiel
d'enlever des privilèges à des médecins — mais qu'on ne vous donnait pas, on ne vous
confiait pas en même temps la gouvernance administrative, est-ce que
vous pensez que vous réussiriez à avoir les mêmes résultats dans les
départements de pharmacie?
• (10 h 10) •
M. Paradis
(François) : Je vais le
répéter encore une fois, mais c'est clair que cet équilibre-là, il est
fondamental, et on en a fait la démonstration.
Et donc on parle d'équilibre entre la
gouvernance clinique et administrative. On doit parler aussi, bon, d'imputabilité, c'est certain, mais on doit aussi
parler de marge de manoeuvre, parce qu'on regarde les départements de
pharmacie, là, il y en a 34 au Québec, ils n'ont pas tous les mêmes réalités,
et il faut qu'ils soient en mesure d'avoir suffisamment
de marge de manoeuvre pour être capables de mettre en place qu'est-ce qu'on
veut mettre en place. Alors, il faut
faire, encore une fois, l'équilibre entre, oui, avoir une imputabilité, oui,
avoir une gouvernance clinique, mais aussi être capable d'adapter les
façons de faire en fonction de notre environnement.
Mme Lamarre : Vous avez parlé, en
conséquence du projet de loi n° 10, de la fusion des formulaires et vous avez parlé, donc, de la collégialité qui était
nécessaire pour arriver à ça. Est-ce que cette fusion des formulaires, elle
s'est faite... Ma compréhension, c'est
qu'elle s'est faite beaucoup à travers les CMDP, à l'initiative des pharmaciens
et des départements de pharmacie, qui
ont fait des recommandations, mais par les CMDP. Donc, vous avez réussi à avoir
une bonne relation avec le CMDP pour essayer de réduire ou fusionner les
formulaires.
M. Paradis
(François) : Bien, en fait, non seulement une bonne collaboration avec
les CMDP comme organisation... En fait, le
CMDP, un de ses comités obligatoires, c'est le comité de pharmacologie, alors
les harmonisations sont ultimement passées par les comités de
pharmacologie. Mais, au-delà des structures, c'est la collaboration et la collégialité entre les pharmaciens et les médecins
qui a permis d'arriver, justement, à faire des choix en fonction des
données probantes. Et là, bien, au-delà de
la structure du CMDP, les relations entre les départements cliniques et entre
les équipes de pharmaciens et de médecins, c'est
ce qui a permis d'arriver au résultat. Ce n'est pas une job juste de
pharmaciens d'établissement, il a fallu la collaboration des médecins pour
dire : Bien, écoutez, maintenant on va travailler avec les données
probantes et on va faire les choix qui s'imposent à cet égard-là.
Donc, le CMDP est un
organisme, une instance qui a permis, oui, mais ce n'est pas la seule instance
qui a participé à cette démarche-là.
Mme Lamarre :
Quand on parle de fusion des formulaires, ça m'amène aussi au choix des
molécules, au choix thérapeutique, choix de molécules, médicaments, ou choix de
compagnie pharmaceutique pour une molécule qui est générisée puis pour laquelle
il y a plusieurs compagnies.
Vous avez manifesté
des préoccupations par rapport à une espèce de concentration très, très grande
de l'approvisionnement en commun. On sait qu'il y a quelques années il y avait
beaucoup plus de groupes d'achats en commun.
Maintenant... Il y a quelques années, ça a été restreint à trois. Pouvez-vous
nous présenter les avantages, les inconvénients,
rapidement quand même, là, parce qu'on n'a que quelques minutes, mais qui... On
a vécu, dans une autre vie, vous et moi, des pénuries majeures, majeures
dans les établissements de santé, avec des risques importants pour la
population, où on a dû, à un certain moment donné, recommander qu'on ouvre des
fioles de 1 millilitre de Dilaudid et
qu'on fasse deux seringues de 0,5 millilitre, là, sur un étage. C'est très
grave, là, dans une perspective de sécurité, et tout ça. Ça s'est bien passé, on l'a bien fait, mais je pense que
personne ne veut revivre ça. Donc, quels sont les risques de cet approvisionnement concentré, entre autres, jusqu'à
un seul acheteur potentiel pour certaines molécules de médicaments,
certains médicaments?
Mme Vaillant
(Linda) : En fait, le tout revient peut-être à la gestion même des
appels d'offres et du calendrier d'appels d'offres. C'est vrai qu'il n'y a pas
si longtemps on avait six groupes d'approvisionnement, on est passés à trois. On a été inquiets, je vous
avouerai, comme pharmaciens d'établissement, et c'est vrai qu'il y a eu des
ruptures importantes. Et il y a encore des ruptures de médicaments. On en parle
moins, là, mais c'est encore un problème de gestion au quotidien, là, dans les
départements de pharmacie et dans les pharmacies privées très certainement
aussi.
Alors,
il y a des risques, mais il faut s'assurer... L'idéal, pour nous, c'est de
maintenir... Les trois groupes actuels, ça nous semble bien fonctionner. On fait des mises en garde. Si on devait
regrouper ça ou centraliser la gestion des médicaments sur un seul
groupe, auprès d'un seul groupe, ça nous apparaît davantage à risque. Il
faudrait donc, à ce moment-là, vraiment bien définir les calendriers, s'assurer
d'avoir plus d'un fournisseur, gérer les appels d'offres par catégories de médicaments, potentiellement, ça
pourrait être une autre avenue. C'est pour ça qu'on pense que ça
prendrait un plan de transition, là, pour s'assurer de réduire quand même les
risques à ce niveau-là.
Ça
présente, je pense, quand même, le fait que maintenant il y ait trois groupes
d'approvisionnement, certains avantages. Il y a une meilleure
coordination entre les trois groupes que ce qu'il y avait auparavant. Les
comités de pharmaciens se parlent davantage et s'assurent aussi d'avoir un
calendrier qui est coordonné entre eux.
Donc,
il y a des risques et des avantages à y en avoir plusieurs, mais c'est clair
qu'à partir du moment où on peut avoir
plus d'un fournisseur... Ce qui pendant longtemps a été un enjeu, on devait
octroyer un contrat à un seul fournisseur. Le fait de pouvoir avoir plus
d'un fournisseur, c'est quand même déjà un avantage important.
Et je tiens à dire
qu'au sein des départements de pharmacie, on parlait du formulaire à l'instant,
c'est certain que, tout ce qui est générique, le comité de pharmacologie ne
choisit pas la compagnie, ça passe par le groupe d'approvisionnement. Par contre, quand c'est des molécules novatrices,
bien, il y a un seul fournisseur, généralement, donc c'est de
l'unisource, on va avec le fournisseur.
Mme Lamarre :
Par la loi n° 81, le ministre s'est donné beaucoup de pouvoir sur, entre
autres, la possibilité de s'inscrire avec l'alliance pancanadienne. Il y a
combien de médicaments, actuellement, qui ont été négociés par le ministre et
qui se retrouvent dans vos formulaires?
M. Paradis
(François) : C'est difficile de donner un chiffre exact, actuellement,
parce qu'on n'a pas cette information-là qui
chemine jusqu'au département de pharmacie. Il y a des médicaments qui sont
acceptés... Nous, en fait, la source
d'information et ce sur quoi on s'aligne, c'est l'INESSS, tout simplement. Et, à
partir du moment où une molécule est inscrite à l'INESSS, bien, je veux
dire, à ce moment-là, les établissements ont le choix de l'utiliser ou pas.
Qu'est-ce
qui fait l'objet d'ententes spécifiques avec les fabricants et/ou, dans le cas
de l'alliance pancanadienne... on ne peut pas donner le nombre
d'ententes, c'est une information qu'on ne possède pas, actuellement.
Mme Lamarre :
Vous ne possédez pas cette information-là. Donc, des molécules peuvent arriver
dans votre département de pharmacie comme
ayant été ciblées, elles peuvent être encore à un prix très élevé, le ministre
peut avoir négocié un prix plus bas,
peut garder cet argent-là, le mettre au Conseil du trésor, et vous, vous n'êtes
pas du tout impliqués dans le processus, vous ne connaissez pas les
molécules, les médicaments qui ont été ciblés par le ministre.
M. Paradis (François) : Oui. Puis, en fait, le gros problème avec ça,
c'est que ça nous oblige à gérer avec des données qui ne sont pas
fiables, finalement. Parce que nous, on doit gérer des budgets de médicaments.
À partir du moment où, une molécule, une
fiole de quelque chose, on nous dit que le prix, c'est 1 000 $, bien,
il faut qu'on calcule... il faut
qu'on travaille avec 1 000 $. Si en réalité le ministère paie
600 $, il y a un 400 $ qui nous échappe, puis en réalité... Si
on voulait gérer adéquatement, il faudrait qu'on soit capables de gérer avec le
montant de 600 $.
Alors, ça, c'est un
élément qui... on l'a déjà dénoncé, on en a déjà fait part, de ça. Ce n'est pas
une gestion transparente et ça peut envoyer de la mauvaise information, et pas
juste au département de pharmacie, là, je veux dire,
c'est l'ensemble des P.D.G. qui n'ont pas plus cette information-là. Donc,
effectivement... Puis qu'il y ait des négociations
pour avoir des meilleurs prix de médicaments, on s'entend là-dessus, là, il n'y
a aucun problème. Il faudrait juste être en mesure de gérer avec les
chiffres réels et non pas des chiffres qui peuvent être fictifs.
Mme
Lamarre : Fictifs. Donc, ça, vous n'êtes pas partie prenante du tout
de ces décisions-là qui sont prises par le ministre actuellement dans...
On ne sait même pas s'il y en a, des négociations, on ne sait même pas combien
de médicaments formels il y en a.
M. Paradis
(François) : Bien, il y a des négociations, il y a des négociations,
il y a des ententes. Mais les praticiens, au
niveau du terrain, ni les pharmaciens ni les médecins ne sont part à ces
discussions-là ou à ces travaux-là, puis on se fie à ce que l'INESSS met
sur la liste.
Mme
Lamarre : Parfait. Vous avez évoqué les frais accessoires comme un
enjeu majeur, qui amène un lot de nouvelles situations difficiles pour
vous. J'imagine que vous faites référence, là... Les lois fédérales, il y a la
Loi des stupéfiants, entre autres, qui vous interdit, là, de vendre des
médicaments; le processus de livraison de médicaments. Pouvez-vous nous parler... Parce que le ministre a été très discret sur
ce sujet-là. Pouvez-vous nous parler des problèmes ou des conséquences
que ça a sur votre organisation, la distribution, et, j'imagine, sur le budget
aussi?
• (10 h 20) •
Mme Vaillant
(Linda) : Bien, en fait, ce n'est pas encore en place, et c'est pour
ça qu'on soulève le fait que peut-être il y aurait une façon de régler avec le
projet de loi actuel.
Ce
qui est prévu pour le moment ne contient pas de narcotiques ou de stupéfiants,
O.K., dans la liste de médicaments. Par contre, la liste, elle n'est pas
stable, on nous dit qu'il pourrait s'ajouter des médicaments. Alors,
éventuellement, si on ajoutait des stupéfiants, on entrerait dans un autre
problème.
Les
départements de pharmacie ne peuvent pas, c'est au sens de la loi fédérale, là,
sur les aliments et drogues et de son règlement, ne peuvent pas
s'instituer tout à coup en grossistes. Parce qu'essentiellement c'est ce qu'on
ferait, on recevrait des commandes des
cliniques médicales et on desservirait ces cliniques-là. Donc, ça, c'est
totalement contraire à la loi, actuellement.
Et, en plus de ça,
très honnêtement, ce n'est pas efficace. Depuis des années, on travaille sur un
inventaire en temps réel, on essaie d'avoir
vraiment une gestion d'inventaire le plus serrée possible. On se retrouverait
possiblement aussi avec des produits qui ne
sont même pas dans notre inventaire, parce qu'on n'a pas nécessairement tous
ces formats et toutes les catégories de médicament qui sont utilisées
par les cliniques médicales.
Mais on comprend tout à fait que c'est une question
de prix, là, c'est évident que le
ministère veut avoir accès au meilleur prix possible. Et la façon de
faire, pour nous, ce serait de permettre aux cliniques médicales directement de
pouvoir commander auprès des grossistes, et
donc d'être un client, si on veut, du groupe d'approvisionnement. Ça
nous apparaît quelque chose de beaucoup plus simple, d'autant plus qu'on n'a
pas les ressources, dans les départements de pharmacie,
pour desservir... Il y a des endroits où c'est 80, 90 cliniques médicales
à desservir, là. Il faudrait commencer par bien desservir nos clientèles
hospitalisées. Et on n'a pas les ressources, et, évidemment, il n'y a pas les
budgets qui suivent non plus.
Mais
c'est surtout une question d'efficience. Ça ne nous apparaît pas du tout
efficient, en plus du fait qu'à l'heure actuelle ça contrevient à la Loi
sur les aliments et drogues.
Mme
Lamarre : Donc, vous vous considérez comme un intermédiaire. On utiliserait,
dans le fond, les ressources des
pharmaciens d'établissement de santé, qui sont déjà très limités en termes de
personnel, pour servir d'intermédiaire entre le grossiste duquel vous
commandez et des gens qui doivent s'approvisionner maintenant dans le réseau.
Mme Vaillant (Linda) : Tout à fait. Avec comme objectif d'avoir recours
au meilleur prix, ce qui peut se faire directement entre les cliniques
médicales et le grossiste. Ça nous apparaît, là, quelque chose qui peut se
régler très simplement avec le projet de loi actuel.
Mme Lamarre :
Puis pour... Juste l'enjeu très concret de la livraison, comment vous vous
organisez?
Mme Vaillant
(Linda) : Bien, comme je le disais tout à l'heure, ce n'est pas encore
fait...
Mme Lamarre :
Ou comment vous vous organiseriez? Avez-vous pensé à des...
Mme Vaillant
(Linda) : Bien, en fait, les établissements vont être mis à
contribution pas seulement pour les médicaments,
l'ensemble des fournitures aux cliniques privées vont passer par les établissements
de santé. Alors, actuellement, il y a des travaux qui sont faits avec
les directeurs de la logistique pour coordonner la livraison sur le territoire
auprès des cliniques médicales.
Mme Lamarre :
Est-ce que les fournitures passeraient aussi par le département de pharmacie?
Mme Vaillant
(Linda) : Non, c'est des fournitures qui sont hors département.
Mme
Lamarre : Hors département. Mais toute la section médicaments
s'ajouterait dans votre charge de travail...
Mme Vaillant (Linda) : Exact.
Mme
Lamarre : ...dans une perspective très, très technique, je vous
dirais, au détriment d'une perspective qui est clinique, que vous
essayez de déployer depuis longtemps, là, dans les départements de pharmacie.
Mme Vaillant (Linda) : Oui, tout à
fait.
Mme Lamarre : Le dossier des
assistants techniques en pharmacie, est-ce que c'est un dossier qui a évolué?
Est-ce qu'il pourrait vous être utile d'avoir des assistants formés?
Le Président (M. Merlini) :
Rapidement, s'il vous plaît.
M. Paradis
(François) : Oui,
rapidement, bien, écoutez, oui, c'est un dossier... Puis on espère que ce sera
un sujet qui sera traité dans les
orientations ministérielles, qui, on espère, vont être publiées le plus
rapidement possible. Mais, oui, le dossier
des assistants techniques en pharmacie est très important pour nous, pour
permettre au pharmacien de déléguer le maximum d'activités et, lui, de
jouer pleinement son rôle clinique.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme la députée de Taillon,
pour ce bloc d'échange. Maintenant, au tour
du deuxième groupe d'opposition et son porte-parole, M. le député de Lévis.
Vous disposez d'un bloc de 9 min 24 s. À vous la parole.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le
Président. Mme Vaillant, bonjour. M. Paradis, bonjour.
Je vais revenir un petit peu sur le dossier des
frais accessoires, en fait, pour clore ce sujet-là, où vous dites : Il y a un problème majeur qui interdit aux
pharmaciens d'établissement de répondre à cette demande, entre autres
choses. Je comprends que, dans cet établissement-là, dans cette façon de faire
là, vous n'avez pas été consultés sur ce que l'on envisage de faire.
Mme Vaillant (Linda) : Non.
M. Paradis
(Lévis) : Vous avez
l'impression, corrigez-moi si je me trompe, à la lumière des conversations
que vous avez eues puis de l'échange qu'on
vient d'avoir, qu'on vous attribue un rôle supplémentaire qui va au-delà...
qui, quelque part, qui n'est pas applicable.
Mme
Vaillant (Linda) : Bien,
notre impression, c'est simplement que la décision a peut-être été prise
rapidement pour permettre d'avoir le
meilleur prix possible pour les médicaments. Alors, la façon simple, là,
probablement, de le voir, c'était de
dire : On va passer par l'hôpital, qui, lui, a accès aux tarifs négociés
par les groupes d'approvisionnement, et ces gens-là vont fournir la
clinique médicale. Sauf qu'il y a un problème légal puis, très honnêtement, il
y a un problème de logistique et d'inefficience, là, qui est très important.
M. Paradis
(Lévis) : Puis ça semble
bien clair, là. De la façon dont vous le dites, il y a un problème. Vous
dites : Ça ne se fait pas.
Si vous aviez
été consultés, vous l'auriez dit, probablement, et vous auriez mis à jour cette
problématique-là, qui est majeure et qui est toujours présente dans
l'application à venir.
Mme
Vaillant (Linda) : Bien, je
vous dirais qu'on se considère consultés aujourd'hui, alors on a saisi
l'opportunité de le mentionner.
M. Paradis
(Lévis) : Un des points très importants dans votre mémoire,
on l'a abordé aussi, mais j'y reviens, un des points les plus importants,
c'est de faire en sorte que le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens
conserve son pouvoir de recommandation et, bien sûr, son pouvoir de consultation, puis vous le
dites très fermement également.
Au bénéfice de ceux et celles qui nous
suivent et qui veulent comprendre le comment du pourquoi, quel est,
concrètement, l'avantage pour le patient de
conserver ce rôle-là et, vice versa, le désavantage de passer dans un rôle
consultatif plutôt qu'un rôle de recommandation?
M. Paradis (François) : Bien, en fait, le conseil des médecins, dentistes
et pharmaciens, là, c'est l'organisme, c'est
l'instance qui a pour mandat de veiller à la qualité de l'acte médical,
dentaire et pharmaceutique et, par définition, aussi à la qualité des soins. Donc là, c'est un groupe de médecins,
dentistes et pharmaciens qui s'assurent que chacun des membres va avoir une qualité de pratique et qui vont
s'assurer aussi que, le cas échéant, le tir sera corrigé, dans l'éventualité où il y
aurait des choses à améliorer. Et là
on a un élément de gouvernance clinique qui est extrêmement important, alors, je reviens toujours à l'histoire de l'équilibre, puis ce
pouvoir-là de recommandation, pour nous, il permet de maintenir cet équilibre-là
parce qu'il maintient une voix au
CDMP, qui est nettement plus importante qu'un pouvoir de consultation. Puis, comme Mme Vaillant disait tout à l'heure,
une recommandation peut être refusée, mais, au moins, de considérer que cette instance-là a le même poids dans toute
l'organisation, ça permet de donner plus d'importance au volet de la
gouvernance clinique.
Mme Vaillant (Linda) : Juste rapidement, si je peux me permettre, pour les pharmaciens,
je ne parlerai pas pour les médecins,
pour les pharmaciens, quand on discute avec notre ordre professionnel d'inspection et de qualité, on nous dit systématiquement que le
premier levier, c'est le CMDP, O.K., les gens de notre ordre professionnel vont
nous dire : Écoutez, en établissement, là, on... pas on en fait moins, je ne dirais pas
comme ça, mais on a moins de préoccupations à l'égard de la qualité des
actes parce qu'il y a une première instance qui est le CMDP, dont la charge est
de s'assurer d'évaluer ses membres. Alors, c'est déjà un premier niveau.
Alors,
ce qu'on dit ici, c'est que, si on ne maintient pas... si on fait en sorte
qu'éventuellement le CMDP a un rôle qui est amoindri au plan de
l'évaluation de la qualité des actes, ça pourrait avoir un impact aussi et
peut-être requérir davantage de ressources
de la part des ordres professionnels, là. Alors, ça pourrait même changer la
mécanique, la façon dont on inspecte les pharmaciens d'établissement,
notamment.
M. Paradis (Lévis) : C'est l'inquiétude que vous manifestez. En même temps, quand je parlais
des avantages, désavantages, pour le
patient aussi, si on refocusse sur lui, bien, c'est carrément cette notion de qualité là qui est
remise en question, en tout cas qui vous semble menacée.
Mme Vaillant
(Linda) : À moyen terme, effectivement.
M. Paradis (Lévis) : Dans les hôpitaux, les
pharmaciens, corrigez-moi, là, mais... éclairez-moi, vous n'avez pas à
obtenir de privilège dans les établissements de santé.
Mme Vaillant
(Linda) : Exact. C'est un statut.
M. Paradis
(Lévis) : Mais vous travaillez en étroite collaboration avec les
médecins, qui, eux, en ont. Le projet de loi
n° 130, c'est ça, là, aussi, c'est de faire en sorte qu'il y ait un
maintien de privilèges ou des mesures sur l'octroi de privilèges en
fonction de la tâche à accomplir.
Vous
êtes un peu... vous êtes partie prenante, puis en même temps vous avez le
regard un peu plus... avec un certain recul, parce qu'à sa face même et
à sa base même ce n'est pas à vous que ça va s'adresser que ces mesures, ou ces
privilèges-là, ou ces obligations-là. Dans
l'ordre des choses, il y a bien des gens qui nous ont dit : On a tout ce
qu'il faut déjà pour faire en sorte
que les choses fonctionnent bien puis que les tâches s'accomplissent; voilà un
outil supplémentaire pour faire en
sorte que ça avance vraiment. Avec le recul que vous avez, le partenariat que
vous avez, le travail que vous faites, est-ce que ça vous semble
justifié que ces mesures-là? Est-ce que le 130, pour l'avancement, pour faire
en sorte que tout aille mieux, que tout soit conforme, que tout s'accomplisse...
Est-ce qu'on est rendu là?
M. Paradis (François) : Votre question est très large. Je pense qu'il
faut éviter aussi peut-être de généraliser. M. le ministre, tout à l'heure, a fait allusion à un
hôpital, un établissement où il voyait qu'il y avait un problème. Je veux
dire, on ne peut pas nier qu'il peut y avoir certains problèmes à certains
endroits. La question est de savoir jusqu'où on doit aller dans les mesures
pour s'assurer que ce type de problème là ne réapparaisse plus.
Et
là, bien, justement, alors, est-ce qu'on va loin, très loin? Si c'est vraiment
ciblé, comme problématiques, est-ce qu'on
ne devrait pas plutôt adresser spécifiquement ces problématiques-là, plutôt que
d'élargir complètement les mesures? C'est difficile de répondre à cette
question-là.
Mais je reviens
encore une fois à la notion d'équilibre. Il faut s'assurer qu'on a un équilibre
dans les mesures qui seront prises pour que
la gouvernance clinique maintienne sa place, qui est extrêmement importante. On
soigne les patients et on ne veut pas
que quelque mesure que ce soit vienne faire en sorte que peut-être le volet
clinique soit évacué.
M. Paradis (Lévis) : Je comprends bien. Et je reformule. Vous me dites : Voilà quelque
chose qui fait sens, mais est-ce qu'on a besoin nécessairement de ça, en
fonction de la réalité, qui est différente partout? C'est un peu ça que vous me
dites.
M. Paradis
(François) : Bien, c'est pour ça qu'on parle de lignes directrices et
de balises, en fait. À partir du moment où il y a des lignes directrices, bien,
je veux dire, ça oriente quand même les débats et les décisions.
Maintenant, après ça,
qu'il y ait aussi une marge de manoeuvre pour adapter ces lignes directrices là
et ces balises-là, on pense que c'est souhaitable.
M. Paradis
(Lévis) : Je compléterai avec une notion que vous avez abordée en tout
début, en disant : Bon, il y a des
plans d'organisation, bien sûr, mais vous avez l'impression que le ministre
n'aurait pas besoin d'approuver chacun des
plans d'organisation. Certains ont dit aussi qu'à travers tout ça il pouvait y
avoir un effet bureaucratique, administratif un peu lourd.
Est-ce
que ça va aussi dans ce sens-là, que cette approbation des plans d'organisation
pourrait alourdir la façon de faire puis enlever des réalités qui ne
sont pas partout pareilles aussi?
• (10 h 30) •
M. Paradis
(François) : Bien, il y a un
risque, c'est clair qu'il y a un risque. Il y a une lourdeur qui est
introduite à cet égard-là.
Puis,
je veux dire, l'objectif ultime, on le comprend, là, je veux dire; le fait
d'harmoniser les choses, c'est louable. C'est sur la façon. Et puis on
ne veut pas alourdir, effectivement, tout l'aspect bureaucratique.
Il faut
laisser aussi la responsabilité aux gens, faire appel à leur sens des
responsabilités pour mettre en place les bonnes pratiques. Et ça, il ne
faut pas l'évacuer, là. Je veux dire, qu'on soit pharmacien ou médecin, on est
des professionnels qui ont un sens des
responsabilités, qui comprenons aussi les enjeux, y compris les enjeux
administratifs au niveau des établissements. Alors, à quelque part, il faut
faire confiance à ces professionnels-là.
M. Paradis (Lévis) : Merci pour moi.
Le Président (M. Merlini) : Merci
beaucoup, M. le député de Lévis. Alors, Mme Vaillant et M. Paradis,
représentant l'Association des pharmaciens des établissements de santé du
Québec, merci de votre présence et votre contribution aux travaux de la
commission.
Je suspends
donc nos travaux quelques instants. Et j'invite les membres de la Fédération
des médecins omnipraticiens du Québec de venir prendre place à la table.
Les travaux sont suspendus. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 31)
(Reprise à 10 h 34)
Le Président (M. Merlini) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons donc nos travaux. Je souhaite la bienvenue à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Dr Godin, je vous invite à présenter les
gens qui vous accompagnent. Vous
connaissez la routine. Vous avez 10 minutes pour votre exposé, et ensuite
suivra les échanges avec les membres de la commission. Bienvenue. Et à
vous la parole, Dr Godin.
Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec (FMOQ)
M. Godin
(Louis) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je vous remercie de
nous recevoir. Je suis accompagné, à ma
droite, du Dr Sylvain Dion, qui est le deuxième vice-président de la fédération, et, à ma gauche, de Me Pierre Belzile, qui est le directeur des services
juridiques. Je vous remercie de nous donner l'opportunité de venir vous faire part de nos préoccupations importantes par
rapport au projet de loi n° 130. Nous allons
principalement nous attarder aux articles 7, 18, 27 et 36.
D'entrée de
jeu, je vous dirais cependant qu'au-dessus de tout ça nous sommes de plus en
plus préoccupés des pouvoirs qui
deviennent de plus en plus importants de la part du ministre de la Santé. Pour
nous, le projet de loi n° 130 s'inscrit
dans une continuité des projets de loi n° 10... des lois n° 10 et
n° 20, qui ont augmenté énormément les pouvoirs et centralisé tout
ce qui touche l'organisation du système de santé.
Ce qui nous
préoccupe plus particulièrement par rapport à ça, c'est qu'on s'aperçoit que
cette tendance-là que l'on a ici, au
Québec, va vraiment à l'encontre de ce qui se passe partout ailleurs,
particulièrement dans les endroits où on a eu des résultats vraiment remarquables en termes d'organisation, où on
cherche avant tout à décentraliser les pouvoirs, décentraliser là où se
prennent les décisions, se limitant surtout, au niveau central, à donner des
grandes orientations. Et on voit dans le projet de loi n° 130 un pas de
plus à éloigner, si on veut, les gens qui sont le plus près des patients, c'est-à-dire les médecins, les pharmaciens et les
autres professionnels, des centres de
décision et de pouvoir influencer sur l'organisation, ils deviennent surtout, là, des exécutants de ce qui peut être décidé au niveau
central. Donc, pour nous, tout ceci
va un peu à l'encontre de ce qui se fait dans les autres juridictions où on a eu à faire des changements importants dans l'organisation
des soins.
Plus particulièrement, nous sommes préoccupés
avant tout par l'article 7, qui permet, un médecin qui aurait des privilèges
en établissement, que l'on lui donne des obligations à l'extérieur de
l'établissement. Nous voyons mal comment un
conseil d'administration d'établissement pourrait avoir autorité et pourrait
gérer l'activité d'un médecin à l'extérieur de l'établissement.
Et ça, c'est
sans compter la difficulté que cela peut créer lorsqu'on donnerait des
obligations à des médecins qui sont
déjà en établissement d'aller travailler, par exemple, en première ligne, en
sachant, souvent, que ces médecins-là auraient pu travailler pendant de nombreuses années exclusivement en
établissement. Et on sait qu'il existe des règles très précises par le Collège des médecins sur les exigences
qu'un médecin doit faire... a comme obligations lorsqu'il change de
milieu de pratique après un certain temps pour aller en occuper un autre.
Ce qui nous préoccupe encore plus, c'est qu'on a
l'impression qu'avec ce projet de loi n° 130 là on remet sur la table des choses que l'on voulait faire avec le
projet de loi n° 20, c'est-à-dire de diriger les médecins un peu selon
la volonté du ministre. Et ce qui nous préoccupe, c'est que ça arrive à ce
moment-ci où on a conclu une entente sur l'accessibilité,
pour laquelle, comme médecins de famille, on a pris un engagement très clair
dans le but d'atteindre cet objectif-là,
et ce qui était écarté par cette entente sur l'accessibilité est remis en place
par le projet de loi n° 130. Et, avec ce projet de loi là, pour
nous, on met de côté aussi des ententes, actuellement, qui ont été convenues de
bonne foi entre les parties, que ce soit en
ce qui concerne la gestion des PREM ou la gestion des activités médicales
particulières, et on se retrouve dans
une situation, maintenant, où on met ces ententes-là carrément de côté en
mettant au-dessus de ça le pouvoir qu'aura
le conseil d'administration et le ministre de la Santé de diriger les médecins
vers la première ligne si c'est leur désir, et, pour nous, on y voit là
quelque chose de très, très préoccupant.
En ce qui concerne l'article 18,
comme ça a été souvent mentionné par d'autres intervenants, on est
préoccupés par la réduction du rôle que l'on
donne aux conseils des médecins et dentistes. Cette modification de n'en faire
que des consultants, pour nous, est une modification importante du rôle
et de la confiance que l'on fait dans les conseils des médecins, dentistes et pharmaciens. On se prive, selon nous, d'une
grande expertise des médecins et des pharmaciens, qui oeuvrent
localement ou régionalement sur une base quotidienne, pour n'avoir qu'à se
prononcer... simplement un rôle de
consultant sur des plans d'organisation ou différents autres avis qui peuvent
venir soit du conseil d'administration ou
de directives ministérielles. Et nous, on pense que cet éloignement-là fait
perdre aux patients, à moyen et à long terme, de l'expertise dont ils
peuvent bénéficier de la part des médecins qui sont sur le terrain et dans
l'organisation médicale.
De la même façon, nous sommes contre l'article 27,
qui permet de modifier de façon unilatérale les obligations des médecins, sachant qu'il existe déjà
dans la loi de santé et services
sociaux tous les articles,
tous les outils nécessaires pour permettre
de bien baliser quelles sont les obligations d'un médecin à l'intérieur de ça. Et le ministre disait en présentation qu'il voulait empêcher les médecins de faire ce
qu'ils voulaient dans les établissements. Notre lecture de la situation est fort différente, parce que
les médecins, selon nous, ne font pas ce qu'ils veulent dans les établissements.
Ils sont soumis à différentes règles de
pratique, règles internes, et on considère qu'on a déjà là
tous les outils nécessaires, à
l'intérieur de ça.
Je passerai rapidement
sur l'article 36, vous disant que ces pouvoirs de modification qui seront
donnés maintenant au ministre de modifier unilatéralement les règlements,
que ce soit des DRMG, des CMDP, nous apparaissent non nécessaires
à l'intérieur de ça.
Comme le temps passe
et qu'il me reste moins que deux minutes, je crois...
• (10 h 40) •
Le Président (M.
Merlini) : Juste un peu moins de trois minutes.
M. Godin (Louis) : Un peu moins de trois minutes.
Je voudrais revenir sur un élément
essentiel. Pour nous, on lit vraiment le projet
de loi n° 130 comme étant un projet de loi qui mettait complètement de côté la cogestion médicale. On demeure convaincus qu'en confiant ces pouvoirs
absolus au ministre de la Santé en matière d'organisation des services on fait fi de tous les efforts qui ont été faits au cours des dernières
années en ce qui concerne la cogestion médicale. Et on est profondément convaincus qu'une gestion et un
travail sur l'organisation qui est fait de façon décentralisée, de façon
locale, avec l'implication des
professionnels concernés, demeure le meilleur gage de succès, et nous
considérons que le projet de loi
n° 130 va vraiment à l'opposé en ce qui concerne la cogestion
médicoadministrative. Et on met de côté le leadership médical qu'il peut y avoir sur le terrain, qui
est, selon nous, une condition essentielle à la bonne marche de notre
système de santé. Ce n'est pas en écartant
les professionnels de la santé des centres décisionnels et d'organisation qu'on
va s'assurer du meilleur fonctionnement.
Donc,
nous dénonçons, encore une fois, cette approche coercitive, centralisatrice. Et
nous craignons que tout ceci amène encore démotivation et
désorganisation, qui a déjà été beaucoup amené pas la loi n° 20 et la loi
n° 10. Nous suggérons donc au
gouvernement de revoir cette façon de faire là, de s'asseoir avec les
différents partenaires, d'encourager ces éléments-là. Et on vous demande
de retirer l'article 7 et de revoir également les articles 18, 27 et
36. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Dr Godin, pour cet
exposé. Nous allons procéder immédiatement aux échanges avec la partie gouvernementale. M. le député de
La Pinière, ministre de la Santé et des Services sociaux, vous
disposez de 23 minutes. À vous la parole.
M. Barrette :
Là, je regarde ça, M. le Président, là, puis là, je pense, je vais avoir la
bonne heure, là. Merci, M. le Président.
Alors, Dr Godin,
Dr Dion, Me Belzile, merci de vous présenter aujourd'hui pour un
projet de loi, le projet de loi n° 130,
qui effectivement peut avoir un impact significatif sur l'organisation
administrative et médicale de notre réseau. Puis c'est vrai que vous pouvez sentir que vous êtes impliqués dans le
projet de loi, c'est vrai, c'est une réalité, mais par contre je n'ai
pas la même lecture que vous de la situation actuelle.
C'est
sûr, Dr Godin, il n'y a personne dans le public, chez les parlementaires, dans les médias qui s'attend à ce que les fédérations
médicales viennent ici nous dire : Quelle bonne idée! Ça, le contraire
m'aurait surpris.
M. Godin
(Louis) : Si c'était une bonne idée, on vous l'aurait dit, M. le
ministre.
M. Barrette : C'est-à-dire que j'ai dit, la semaine dernière, que vous
aviez eu la bonne idée d'embarquer dans le train de la loi n° 20. Et vous montrez actuellement des résultats
qui sont très positifs, puis je me permets de le souligner encore une fois. Depuis la mention de la loi n° 20, il y
a quand même, en date d'aujourd'hui... Et, comme le bilan a été fait
au 31 décembre, je suis sûr qu'en date du 31 janvier il y a
plus de 600 000 personnes qui sont actuellement inscrites qui ne l'étaient pas. C'est une réalité,
ça, Dr Godin. Vos membres ont fait quelque chose de très bien, continuent
à le faire, et j'espère qu'ils vont se rendre à destination, surtout par
l'accès adapté; surtout l'inscription mais l'accès adapté.
On
conviendra que l'accès adapté, conjugué avec l'inscription, c'est ça,
le système auquel les citoyens ont droit. C'est ça, la transformation première. Et ça, c'est un succès de votre part
mais qui est provoqué par... De mon côté, il fallait le provoquer pour y arriver.
On n'y est pas arrivé, mais je sais que vous faites beaucoup d'efforts pour y
arriver puis je le souligne. Mais il n'en
reste pas moins, là, qu'il fallait passer par ça, parce que
la tendance était dans l'autre direction. Et ça, personne, vous inclus, ne peut contester ce fait-là, c'est un fait.
20 était nécessaire, 20 donne des résultats, 20 va régler le problème
pour ce qui est de l'accès à la première ligne, si on arrive à destination, à
la condition que le taux d'inscription soit là et que l'accès adapté
soit mis en place à grande échelle.
Alors,
bravo, encore une fois! Et travaillons encore ensemble pour arriver à destination
le 31 décembre 2017, mais montrons
à la population et aux parlementaires qui s'amusent à aller dans les journaux
dire le contraire que vous avez réussi quelque chose, à date.
Et ça, c'est ça qui est l'esprit de ce que l'on
fait, Dr Godin. Ce n'est pas une centralisation des pouvoirs, c'est d'exercer le pouvoir à bon escient, hein? Le
pouvoir exercé à bon escient, c'est la loi n° 20, qui, elle, s'exerce,
s'opérationnalise de façon décentralisée
dans chacun des cabinets de vos membres. C'est ça, les lois. Quand bien
même tout un chacun n'arrête pas... Parce
que ça devient une espèce de mantra, une cassette, que ah! le ministre
centralise. Bien non. La loi
n° 20, là, c'est exactement ça, c'est un pouvoir qui émane du
gouvernement, proposé par le ministre de la Santé, bon, c'est moi, mais qui est exercé de façon
locale, décentralisée. Mieux que ça, Dr Godin. Avec votre participation,
que je souligne, vous convainquez vos membres d'aller dans la bonne direction,
qui est celle, comme vous l'avez dit en introduction, du bénéfice des citoyens.
Que les autres parlementaires ne le voient pas et qu'ils jouent leur game parlementaire, on comprend ça; c'est ça, la joute
parlementaire. Que d'autres ne le rapportent pas, on comprend ça, c'est
la copie. Mais la réalité, là, la réalité, là, c'est qu'à un
moment donné quelqu'un doit prendre une décision pour avoir un effet
approprié, l'effet qui, lui, est exercé par... est appliqué et réalisé par les
gens sur le terrain. Ça, si ce n'est pas de la décentralisation, Dr Godin,
je ne sais pas ce que c'est. C'est chacun de vos docteurs qui fait ça.
Mais je vais
aller un petit peu plus loin. Dr Godin, vous avez dit que...
après avoir parlé des pouvoirs excessifs du ministre, que je viens de
démontrer comme étant la bonne chose à avoir, vous me dites qu'ailleurs ça ne
se passe pas comme ça. Ah! Moi, là,
quand je regarde les ailleurs, je peux vous nommer 10 exemples
où c'est comme ça que ça se passe, les grandes
organisations connues, là, auxquelles je réfère souvent, les
Kaiser, les Cleveland, les Mayo, mais les organisations privées à but lucratif, les gros HMO américains,
là, vous connaissez, l'Angleterre, la France à certains égards, qui ont
un système qui est mixte, par contre, mais à certains égards qui ont été
obligés de légiférer.
Vous nous
dites, là, qu'ailleurs il n'y a pas des gens en position d'autorité, dans leur organisation, qui imposent un certain
nombre de règles. Or, vous savez très
bien que, dans la plupart des organisations que je viens de vous nommer, les gens sont à salaire. Et vous
n'êtes pas sans savoir qu'en face de moi il y a trois partis qui rêvent de
façon éveillée et affirmée de vous mettre à salaire.
Or,
Dr Godin, le jour... Et j'espère
que ça n'arrivera pas, parce que, si ça arrive, nous ne serons plus au
pouvoir, mais nous allons rester,
évidemment. Mais, si le malheur se réalisait, qu'est-ce qui arriverait à votre
univers? Parce que, votre univers,
là, dans un monde de salariat, bien là vous avez un patron, là, vous avez un
ministre qui fait des règles, ça devient
une convention collective, vous êtes régis par une quantité infinie de règles.
Ce serait l'apocalypse des soins de santé et de services sociaux du
Québec.
Quand vous
nous dites, là : Trop de pouvoirs, le ministre, parce que son pouvoir va
finir par nuire aux soins, là, en face,
ici, de moi, là, il y a trois partis que c'est ça qu'ils veulent. Ils veulent
ça, là, ils veulent ça, vous mettre à salaire. Cette semaine dans les
journaux, là, il y en a un, là, vous le connaissez, là, hein, je peux vous le
décliner, le trio Lamarche, Contandriopoulos, Contandriopoulos. Eux autres, ils
rêvent à tous les jours de vous mettre à salaire.
Mon point, ce
n'est pas de faire un débat politique. Mon point ici est que vous argumentez,
vous argumentez sur la base que le
fait d'avoir certaines obligations va nuire à la pratique médicale, et à la
qualité, et même à la dispensation des soins.
Bien, vous devriez éclairer nos collègues parlementaires sur la catastrophe
qu'ils préconisent dans leurs interventions publiques.
Je vous laisse la parole, Dr Godin.
• (10 h 50) •
M. Godin (Louis) : Merci, M. le
ministre. Je vais d'abord revenir sur la loi n° 20.
D'abord, vous
le reconnaissez avec justesse, tout le travail qui a été fait au cours des
derniers 18 mois en ce qui concerne
l'inscription des clientèles et la modification des façons de faire.
Effectivement, vous le soulignez avec justesse, il y a quelque chose
actuellement qui est en train de se réaliser sur le terrain.
J'aurais
cependant un bémol par rapport à l'effet que vous accordez à la loi n° 20
dans cette transformation-là. Je vous soulignerais que déjà bien avant
la loi n° 20, comme organisation, nous avions fait de l'inscription et de
la modification des pratiques en accès
adapté comme étant une des priorités que l'on devait encourager chez nos
membres et qu'on devait s'orienter
là-dessus. Donc, ce mouvement-là était déjà engagé bien avant la loi
n° 20. Et la loi n° 20 n'existerait pas et on continuerait à
faire ce même travail là.
Il faut comprendre aussi que l'on revenait
d'années particulièrement difficiles pour la première ligne, parce que tout le monde doit convenir que la première décennie des années 2000 a été
caractérisée par un hospitalocentrisme sans précédent. On y envoyait là systématiquement
tous les médecins de famille.
Moi, je veux
revenir un peu sur le projet de loi n° 130. L'objectif, ce n'est pas de ne pas donner des obligations aux médecins. Les médecins
en ont déjà, des obligations, et y font face. Particulièrement, je vous dirais,
les médecins de famille, on a eu à vivre, au
cours des dernières années, des situations où la situation des effectifs
faisait que les médecins de famille étaient largement sollicités, et le
fait de devoir travailler à la fois en établissement, à la fois à l'extérieur
de l'établissement a fait que les médecins
de famille ont souvent dû redoubler d'efforts, et ils ont fait face à cette
tâche-là. Donc, ce n'est pas de dire
que nous sommes contre avoir des obligations. Ce que l'on dit, c'est
qu'actuellement nous avons les outils nécessaires pour le faire.
Et, de la
même façon, particulièrement pour ce départage entre les établissements et la
première ligne, on sait que les
ententes actuelles qui gouvernent les médecins de famille, particulièrement sur
la répartition des effectifs, sur les activités médicales particulières, ont permis de départager sans créer cette
obligation-là ou ce pouvoir-là qu'aurait unilatéralement un conseil d'administration de dire à des gens
d'aller travailler à l'extérieur de l'établissement. Et ce qui nous
préoccupe, c'est qu'on avait convenu, pas plus tard que... moins d'un an, en
juin dernier, d'une façon de gérer l'installation des médecins pour s'assurer qu'ils allaient où les
besoins étaient le plus pressants, et ce projet de loi là risque de tout
simplement éliminer toutes ces ententes-là, tout ce travail-là. Et ça, on l'a
toujours fait en collaboration avec les autorités du ministère de la Santé et
les établissements pour s'assurer que nos gens étaient voués au meilleur
endroit possible.
Quant à la question de la décentralisation, oui,
vous soulevez certaines organisations, qui sont, en général, toujours du côté du sud de la frontière, mais, si
vous regardez notamment tout ce qui se passe du côté des pays
scandinaves, qui sont souvent les endroits
qui sont le plus reconnus comme qualité de l'organisation, c'est des endroits
où on a beaucoup décentralisé l'organisation du terrain, les autorités
gouvernementales se limitant la plupart du temps à de grandes orientations. Et,
lorsque vous parlez des HMO ou, je veux dire, de certaines organisations comme
Mayo, Kaiser ou Cleveland Clinic, ce n'est pas le ministre de la Santé
américain ou son équivalent, le secrétaire d'État, qui dirige les médecins à
l'intérieur de l'établissement.
Quant au
salariat, effectivement, nous avons l'impression que c'est quelque chose qui
revient régulièrement à la mode. Vous
savez, parallèlement à ces gens-là qui considèrent que c'est la solution,
encore récemment différentes revues de la
littérature ont clairement démontré que le salariat n'apportait... n'était
vraiment pas la solution miracle, je veux dire, que tout le monde voit à l'intérieur du système de santé, bien au
contraire. Je pense que chacun des
modes de rémunération a ses avantages, peut avoir certaines difficultés
dans certaines circonstances précises ou lorsqu'on s'attribue certaines
clientèles, mais, d'y voir là la solution d'une meilleure organisation ou un
meilleur accès aux services, je pense qu'il n'y
a strictement rien, actuellement, dans les expériences occidentales qui nous prouve que l'on devrait
aller vers le salariat. Bien au contraire, tout le monde considère que
les meilleurs modes de rémunération sont encore un mixte des deux, particulièrement entre les modes plus forfaitaires et les modes à l'acte, où ça permet
une bonne prise en charge et également un
certain volume d'activité. Et d'ailleurs c'est remarquable, les conclusions de la Vérificatrice générale mais, cette fois-ci, en Ontario, qui avait un regard très, très
critique sur les autres modes de rémunération, autres, notamment, que l'acte, en termes d'efficience du
système de santé.
Donc, ce
qu'on vous apporte aujourd'hui comme préoccupations, ce n'est pas pour que les
médecins de famille se soustraient
aux obligations auxquelles ils ont à faire face. Vous savez, les
médecins de famille, je
pense, au cours des dernières années, on fait la démonstration qu'ils
étaient capables de faire face à leurs obligations. On a porté pendant de nombreuses années des établissements, surtout en région périphérique, sans rupture de service en mettant en
place les mécanismes qui étaient nécessaires
pour s'assurer que les services étaient rendus à la population.
On a, depuis quelques années, relevé le défi de la prise en charge, vous
l'avez bien mentionné, nous sommes convaincus que nous pourrons atteindre nos objectifs
auxquels nous nous étions engagés. Et je pense qu'on n'a pas besoin, actuellement,
du projet de loi n° 130, particulièrement de son article 7, pour s'assurer que les médecins de famille seront au rendez-vous par
rapport à leurs obligations.
• (11 heures) •
M. Barrette : Dr Godin,
quand vous prenez comme exemple les autres pays, là, bon, maintenant...
Je vais le mettre dans l'ordre, là. Vous ne nous
avez pas dit pourquoi, si vous étiez à salaire, le fait d'avoir
des obligations qui viennent par le salariat nuirait à la dispensation et à la qualité
des soins, vous ne nous avez pas dit ça. Ce n'est pas compliqué, c'est binaire, cette question-là, c'est oui ou
c'est non, la réponse, un style de formulation de question qui est très,
très commun à la CAQ, oui, non.
Alors, le
fait d'avoir des obligations, là, est-ce
que ça, là, hein... Si vous étiez à
salaire, vous auriez des obligations. En quoi le fait d'avoir des obligations
vient-il nuire à la dispensation des services? Ça, c'est oui ou c'est non. Vous
n'y répondez pas.
Je ne vous
dis pas que je suis pour le salariat, là, parce que, c'est connu, je
suis contre le salariat. Mais, à un
moment donné, si les choses ne se corrigent pas...
Juste une parenthèse, là. La disponibilité de
l'accès des médecins de première ligne était en décroissance constante jusqu'au
7 avril... en fait, jusqu'en novembre 2014. Quand 20 est arrivé, ça a viré
de bord. Et ça, c'est les statistiques qui le montrent. Quand bien même
vous nous dites que ça s'améliorait, ça ne s'améliorait pas, en termes d'accès, alors que le nombre de médecins augmentait au net depuis au moins... ça
fait au moins six ans, là, qu'au net ça
augmente à chaque année.
Mon point, là...
Je vais vous donner un exemple. Dans l'entente qu'on a convenue, là, puis c'est
la même chose avec les spécialistes,
hein, on a convenu la même affaire avec les deux fédérations, il y a un peu
moins d'hôpital, on a convenu,
vous et moi ensemble, que les médecins de
famille allaient un petit peu, pas totalement, là, un peu moins faire
d'hôpital et, du côté des spécialistes,
lorsque c'est approprié, ils allaient, en contrepartie... les médecins
spécialistes allaient prendre en charge le petit peu que vous enlevez.
Or, vous me dites que les règles actuelles, ça
va bien. Oui, ça va, mais c'est compliqué, ce n'est pas simple, parce qu'il n'y a pas de règle claire. Ça, c'est
un exemple simple qui est dans nos relations, les trois, là, les deux
fédérations et le gouvernement, pour régler
une problématique qui est réelle, à propos de laquelle les règles ne sont pas
suffisamment fortes. Pourtant, vous nous
dites que, bien oui, il y a tout ce qu'il faut. Bien non, il n'y a pas tout ce
qu'il faut. Il y a plein d'exemples où, en quelque part, la gouvernance
médicale n'est pas assez forte.
Quand vous
nous dites — et quand
votre homologue va venir, cet après-midi, nous dire la même affaire — que
tout va bien, M. le ministre, bien non, tout ne va pas parfaitement bien. Et,
quand ça ne va pas bien, en général, c'est parce qu'il y a un levier manquant.
Vous n'êtes pas d'accord avec ça?
M. Godin (Louis) : Il faut faire
attention. Tout ne va pas parfaitement bien, et ça n'ira jamais parfaitement
bien, parce que le système de santé est quelque chose de dynamique, et il y
aura toujours des situations que l'on devra corriger.
Mais,
lorsqu'on prend les obligations que l'on veut donner en première ligne, au
cours des derniers mois, avec les activités
médicales particulières, pour les gens qui sont encore... puisque tous les
médecins sont encore soumis à ça, on est arrivés exactement à l'objectif que vous soulignez, c'est-à-dire d'être
capables de transférer une partie de l'activité des médecins de
l'établissement vers la première ligne.
Cependant, il faut comprendre que la situation,
elle est fort différente dans chacune des régions du Québec, à l'intérieur de ça, parce qu'il y a des endroits où
la dynamique des établissements est fort différente, qu'on soit en
région éloignée, par rapport aux régions
intermédiaires ou les régions centrales. Donc, cette capacité-là et cet
outil-là qu'on a avec les activités
médicales particulières, le département régional de médecine générale, qui sont
des médecins qui sont à la fois en
établissement, à la fois les extérieurs de l'établissement, est probablement
notre outil le plus souple, beaucoup plus grand que des obligations que l'on pourrait redonner avec le renouvellement de
privilèges à l'intérieur de ça. On a beaucoup plus de souplesse pour
adapter ça localement à l'intérieur de ça.
À la
question, je veux dire, par rapport au salariat et les obligations, est-ce que
ça va favoriser l'organisation des soins, si vous voulez avoir une
réponse entre oui et non, la réponse, de notre côté, est non.
M.
Barrette : Alors, au moins, les choses sont dites. Puis ce n'est pas
pour moi, là, c'est surtout pour le bénéfice de nos collègues.
Maintenant...
M. Godin (Louis) : ...ma réponse, M.
le ministre.
M.
Barrette : Je ne m'en doutais pas beaucoup. Mais je vais vous dire une
chose, par exemple, parce qu'il ne me reste
pas beaucoup de temps... Parce que vous prenez un exemple qui va dans... et je
pense que vous ne l'avez peut-être pas réalisé,
là, mais l'exemple que vous prenez va dans le sens de la nécessité d'avoir une
loi n° 130. Les activités médicales particulières, on va rappeler
au public dans quel contexte c'est arrivé. On se rappellera qu'en 2003, hein,
il y a eu des découvertures d'urgence suite à des faiblesses, une incapacité de
la gouvernance médicale de s'assurer que les salles d'urgence du Québec soient staffées en médecins de famille, et le
ministre de la Santé d'alors, qui était au Parti québécois, qui est
actuellement chef de la CAQ, a fait une réglementation légale. Rappelons-nous
c'est quoi, les AMP, c'est l'huissier chez
vous si vous n'avez pas une règle pour vous gouverner. Il a fallu légalement
mettre en place quelque chose pour régler quelque chose qui
spontanément, dans la gouverne médicale, ne se réglait pas. Vous prenez un
exemple qui justifie la loi n° 130.
M. Godin
(Louis) : Je pense
qu'il faut faire attention, M. le ministre, parce
que, si on se rapporte à ces événements-là,
qui sont, naturellement, des événements très malheureux, il faut se rappeler
que l'on vivait probablement dans une période
où nous avons créé presque volontairement une grande pénurie des effectifs en
envoyant à la retraite un bon nombre de médecins de famille.
M. Barrette : ...vous voulez dire le
Parti québécois, parce que c'est eux autres qui ont fait ça, là.
M. Godin
(Louis) : Bien là, simplement vous rapporter dans le temps, là, M. le ministre, là. Je vous
laisse faire ces corrélations-là.
Ce que je
veux dire, cependant... D'abord, la loi n° 114, ce n'est pas les
AMP. La loi n° 114, c'est les obligations, les AMP existaient bien avant. Et regardons ce qui
a été fait depuis ce temps-là avec les outils que l'on a, que l'on
considère comme étant suffisamment efficaces, pour éviter de remettre encore ce pouvoir-là entre les mains
du ministre, qui peut être vous comme il pourrait être, plus tard, une autre personne, pour
venir imposer aux médecins ces obligations-là, alors que collectivement, avec les départements régionaux, on n'en a plus, de
rupture de service de ce genre-là, on a été capables de gérer tout ça, actuellement
au Québec, malgré des situations fort difficiles.
M.
Barrette : ...vous avez
raison, ce n'est pas... Là, 130, ce n'est pas pour les AMP; 130, c'est pour les
autres problèmes qui existent.
Je dis
simplement une chose, Dr Godin, c'est qu'il y a des problèmes
qui ne trouvent pas de solution parce qu'il manque un levier. Et je prends à preuve que, dans le passé, il y a
eu un problème qui s'est réglé parce qu'il y a
eu une réglementation qui a été mise en place. Alors, c'est juste ça que
je dis.
Et je fais le
lien avec le salariat. Je sais que vous êtes contre, je comprends très bien
ça. Mais le fait de dire dans la même phrase qu'une obligation va
nuire aux services et à la qualité des soins, ça ne se peut pas. En général, on
met ça pour le contraire.
M. Godin (Louis) : ...on a déjà, on
vous le répète, M. le ministre...
Le Président (M. Merlini) : Très rapidement,
Dr Godin.
M. Godin (Louis) : ...tous les
moyens de donner ces obligations-là, faites à l'intérieur des règles des
conseils des médecins et dentistes, sans que
ce pouvoir-là ou que ces directives-là
viennent directement du ministère de la Santé. Et c'est là qu'est notre principale préoccupation. On risque d'enlever
aux médecins ce mouvement-là ou cette capacité qu'ils ont collectivement
de faire face aux différents problèmes puis aux différents services que l'on
doit rendre à la population.
Et
vous avez parlé de la loi n° 20, vous avez parlé de l'inscription. Même
sans la loi n° 20, les médecins de famille
étaient engagés là-dedans. La loi n° 20 disparaîtra au cours des prochains
mois, nous en sommes convaincus, et vous allez voir que les mêmes
services à la population vont continuer à être maintenus et à être améliorés.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Dr Godin. Ça met un
terme avec... les échanges avec le ministre. Mme la députée de Taillon, vous disposez de 14 minutes pour votre temps
d'échange avec nos invités. À vous la parole.
Mme Lamarre :
Merci beaucoup, M. le Président. Dr Godin, Dr Dion, Me Belzile,
bonjour.
D'entrée
de jeu, je vais vous dire que la plupart des groupes qui sont venus ont partagé
votre analyse de l'effet très
contrôlant de ce projet de loi n° 130, qui confère plus de pouvoirs au
ministre. Ça tombe bien, c'est moi qui étais là quand on a fait le
projet de loi n° 10, donc on l'a faite, l'étude article par article, et je
reconnais dans plusieurs des modifications
du projet de loi n° 130 par le ministre des... il vient rattraper des
petites choses qu'on avait arrachées, je vous dirais, là, de peine et de
misère pour essayer de préserver un peu d'autonomie et maintenir cette capacité
des gens de s'ajuster aux réalités plus régionales, à des réalités qui sont différentes.
Je
rappelle aux gens qui nous écoutent, là, que, dans le projet de loi n° 30...
dans le 10, le ministre choisissait le président-directeur
général des CISSS et des CIUSSS. Là, il veut nommer en plus le
président-directeur général adjoint. Il veut que le P.D.G. siège sur la fondation des hôpitaux. Il veut
également pouvoir nommer et pouvoir influencer vraiment de façon très... beaucoup plus autoritaire, là, le
choix des personnes dans les conseils d'administration. Il veut
également avoir droit de regard sur tous les
projets de règlement des CMDP, des DRMG, comme vous en avez parlé, mais
également des conseils des
infirmières, des conseils multidisciplinaires, des comités d'infirmiers
auxiliaires. C'est un contrôle absolu sur tous les paramètres, ça dans un contexte où on se rappelle quand même
que le ministre avait dit que le projet de loi n° 10, dans le fond, c'était juste pour donner plus
d'autonomie aux conseils d'administration des CISSS et des CIUSSS, de
sorte que ça pourrait même complètement être retiré dans quelques années parce
que les CISSS et les CIUSSS seraient complètement
autonomes. Alors, on voit quand même qu'il y a des contradictions entre ce
qu'il a dit il y a à peine un an et demi, deux ans et ce qu'il est en
train de faire avec 130.
Moi,
je ne comprends pas, peut-être vous pouvez m'expliquer, mais en quoi le
ministre a besoin d'avoir le pouvoir supplémentaire
de choisir un P.D.G. adjoint d'un CISSS ou d'un CIUSSS. En quoi ça a un impact
pour lui? Parce que ça doit en avoir un, puisqu'il se donne la peine de
l'inscrire spécifiquement dans le projet de loi.
• (11 h 10) •
M. Godin (Louis) : Remarquez, on n'a pas regardé particulièrement cette disposition-là, on a surtout
concentré nos regards sur les choses, là,
qui touchaient plus particulièrement l'organisation médicale, mais il est évident pour nous
que plus on éloigne les centres de décision
de niveau local et régional, plus on risque de perdre de cette expertise-là.
Et, quand les gens ne peuvent pas
mettre à contribution leur expérience, leur capacité d'analyse, leur
autonomie, je veux dire, qu'ils ont sur un plan local et régional, nous, on pense qu'on perd là un levier
très important pour améliorer les soins. On ne pense pas
que tout peut venir d'en haut, on ne croit pas à ça. Et ça a nécessairement, à
moyen et à long terme, un effet de démobilisation très important.
On
a beaucoup de commentaires de la part de nos médecins qui sont impliqués
sur un plan médicoadministratif, qui
nous disent : Nous, à partir du moment où tout va venir d'en haut,
qu'est-ce que ça nous sert de travailler sur le terrain ou d'essayer, avec des solutions novatrices, là,
d'améliorer la qualité des soins? Tu ne trouves pas beaucoup de
motivation à l'intérieur de ça. Et, malgré toutes les qualités que pourrait
avoir un ministre ou toutes les qualités qu'on peut retrouver au ministère de
la Santé, je pense qu'on ne peut pas se permettre de perdre l'expertise et
l'engagement des médecins sur le terrain.
Et,
lorsque tu parles d'obligation, ou de salariat, ou d'éléments contractuels, tu
élimines beaucoup cette facette-là pour laquelle tu peux t'appuyer sur
les individus. Et je pense qu'on ne peut pas se permettre ça dans un système
aussi complexe, et particulièrement ici, au
Québec, où les problèmes sont fort différents, dépendant des régions, je veux
dire, où on se retrouve, parce qu'il y a des caractéristiques régionales et
locales qui sont là.
Mme
Lamarre : ...totalement sur cette application mur à mur de plein de
réformes, là, que ce soit l'Optilab, que ce soit l'organisation des soins, ce qui se passe à Nicolet actuellement
avec la perte de services de proximité pour les gens. Alors, on se
rejoint tout à fait, Dr Godin.
Comme
le temps file, je veux juste revenir, là, à l'article 7, parce que c'est
un article qui est crucial dans votre mémoire
et dans vos demandes par rapport à 130. Le ministre a fait référence à toutes
sortes de mesures. Moi, je vous avoue que
les choses qui se sont passées il y a 15 à 25 ans, là, il faut en revenir.
On est rendus en 2017, et aujourd'hui on sait qu'on a un nombre de
médecins adéquat en fonction du nombre d'habitants. Par contre, ce qu'on voit,
c'est qu'il y a des ajustements qui sont
nécessaires dans les lieux d'exercice des médecins, les lieux de pratique. Et
effectivement vous avez totalement
raison en disant : Il y a eu une demande pour que plus de médecins aillent
travailler à l'urgence, des médecins de famille, et ils ont porté sur leurs épaules de lourdes responsabilités
et une charge de travail que, d'autres endroits dans le monde, on n'a jamais imposé ça à d'autres.
Maintenant, il s'agit de le corriger, de corriger ce déséquilibre-là. La loi
n° 130 est un moyen, d'après moi... Le
ministre en parle comme un levier, mais c'est un levier extrême. Moi, je dirais,
là, ce n'est plus un levier, là, c'est rendu à peu près un marteau, là.
Et
est-ce que par les voies d'incitatifs au niveau de la rémunération... On a
parlé beaucoup aussi de l'importance d'avoir
plus de médecins en soutien à domicile. Est-ce qu'il n'y aurait pas une façon
de rééquilibrer simplement par la valeur
des actes posés à l'urgence? Quelle est la différence, par exemple, entre un
acte posé à l'urgence par un médecin de famille, un acte posé dans son cabinet et un acte posé en soutien à domicile?
Sans me donner les montants, un ordre de grandeur ou des proportions, si
vous voulez, juste pour qu'on comprenne.
On
a créé quand même une certaine attractivité professionnelle, je ne dirais pas
qu'elle est juste économique, là, elle est professionnelle aussi parce
qu'il y a quelque chose de très stimulant, et ça va avec la personnalité de
certains médecins de travailler à l'urgence,
il y a un challenge, il y a une... Et il y a une formation supplémentaire que
les médecins suivaient, pour la plupart d'entre eux. Mais, au-delà de
ça, maintenant qu'on voit qu'on a fait basculer cet intérêt, comment on peut le
faire se rétablir sans nécessairement avoir besoin de recourir à la loi
n° 130?
M. Godin
(Louis) : D'abord, un, à
votre première question, qui concerne la rémunération, il y a un certain
équilibre entre ce qu'un médecin peut gagner à la salle d'urgence, en cabinet
ou en maintien à domicile. Les éléments qui vont attirer plus un médecin sont, par rapport au maintien à domicile,
beaucoup plus tout ce qui est le support à la pratique qui est donné à
ces médecins-là. On est vraiment face à des défis par rapport à ça, à s'assurer
qu'on a le personnel suffisant pour faire que l'on puisse...
Mme
Lamarre : ...taux horaire, en fait, de rémunération, là, dans les
actes, entre un médecin qui est à l'urgence puis un médecin qui pose des
actes en soutien à domicile?
M. Godin
(Louis) : Bien, on a fait,
je vous dirais, des aménagements récents. Et ça, c'est une préoccupation
que l'on a continuellement, de garder un certain équilibre.
Mais ce n'est
pas que la rémunération entre les différents secteurs qui... je pense que c'est
beaucoup plus au niveau de
l'organisation et des priorités qu'on se donne par rapport à ça. Ce
changement-là, on est en train de le faire, actuellement. Au cours des
deux dernières années, on a dirigé beaucoup plus nos médecins vers la première
ligne.
Naturellement,
on est toujours pris avec certaines contraintes. Ça ne peut pas se faire en une
seule année. Même si on ne peut pas
retourner 15 ans en arrière, on a eu quand même des périodes importantes
d'hospitalocentrisme où tout était fait pour les établissements, on ne
peut pas changer ça en une année ou deux. Mais actuellement on voit cette
tendance-là qui s'installe, et progressivement la part des activités qui sont
faites par les médecins de famille dans les établissements se réduit et s'en va
vers la première ligne.
En même temps, je ne peux pas demander à quelqu'un qui y a passé les 10 dernières années de sa
vie à quitter l'établissement où il travaillait à temps plein pour aller
consacrer une part de son travail à aller faire du bureau. On a souvent un peu cette pensée magique là et... Mais en même temps, je vous dirais, ça m'apparaît, là, de la part de ces gens-là,
un peu réducteur de ce qu'est le travail de bureau. Ce n'est pas un travail par
défaut, ce n'est pas quelque chose que tu peux faire nécessairement facilement
si ça fait quatre, cinq, six ans que tu n'as jamais fait ce travail-là. Il y a
des qualités, des expertises particulières.
Et c'est pour
ça qu'on doit laisser la place aux instances locales et régionales pour juger
de ce qui peut être fait par rapport à ça, et on est en train de faire
ce rééquilibrage-là. On est, honnêtement, confiants que, d'ici quelques années,
probablement en termes d'une ou deux années, on aura réussi vraiment
à avoir rétabli un équilibre. Mais il faut se rappeler qu'on partait de loin, hein? On nous comparait beaucoup
aux autres provinces canadiennes, alors que l'activité hospitalière des
médecins de famille du Québec n'avait aucune comparaison avec ce qui se fait
ailleurs.
Donc, c'est pour ça, je reviens... On a des
mécanismes qui sont en place. Pourquoi en rajouter une couche par-dessus qui ne
risque que de créer de la démotivation, qui risque de créer des obligations qui
ne sont peut-être pas adaptées à la situation
locale ou régionale que ces médecins ont, alors que, dans les faits, du côté de
la médecine familiale, on voit cette
transformation-là et cet ajustement-là qui est en train de se faire, qui a
débuté il y a quelques années puis qui se poursuit actuellement?
Mme Lamarre : Merci. Je pense qu'on
se rejoint sur plusieurs éléments.
Au niveau de
la cogestion médicale, vous avez parlé de ça, actuellement il y a
ce potentiel, là, c'est réel, mais on se rend compte qu'il semble y avoir, dans certains endroits, des
difficultés au niveau du rapport d'équilibre entre la capacité d'un
médecin gestionnaire et d'un médecin clinicien de bien arrimer l'intérêt de la population
et de la meilleure utilisation possible des ressources, ça semble être difficile
à certains endroits. Sans passer par le projet de loi n° 130, si vous aviez à faire des recommandations... Parce qu'il faut se rendre à
l'évidence, là, il faut améliorer quelque chose au niveau de notre fonctionnement. Alors, comment on
peut, par exemple... Pourquoi ça nous est rapporté souvent, là, des gestions de retard en salle de chirurgie? Ça ne
concerne pas les médecins de famille. Vous avez peut-être plus de
facilité pour y répondre, mais qu'est-ce qui
fait que, dans cette cogestion médicale là, on n'obtient pas le résultat?
Est-ce que c'est parce qu'on ne donne
pas assez de pouvoir aux médecins gestionnaires? Parce que les médecins
cliniciens ont trop de pouvoir? Parce
qu'il n'y a pas de... on a trop peur d'irriter l'autre? Parce qu'il n'y a pas
un lien hiérarchique clair? Parce que la
collaboration dont on parle ou la collégialité, elle atteint certaines limites
à certains moments? Mais qu'est-ce que vous suggérez à la place du
projet n° 130 pour ça?
• (11 h 20) •
Le Président (M. Merlini) : En
2 min 30 s, M. Godin.
M. Godin
(Louis) : Écoutez,
ce qu'on vous mentionnait et que je répète, c'est qu'on a, à notre sens, les
outils qui sont nécessaires
pour le faire. Il faut continuer à bâtir sur la confiance que les gens ont
entre que ce soient les administrations et les représentants des médecins, de
bâtir sur cette confiance-là, sur cette collaboration-là.
Vous savez,
souvent, quand il arrive un problème comme ça, lorsque tu creuses un peu, tu
t'aperçois qu'il y a bien d'autres
facteurs qui jouent à l'intérieur de ça, par
rapport à la difficulté.
On a souvent tendance à tirer rapidement
aux conclusions : C'est parce que
la profession médicale ne veut pas s'engager, ne veut pas faire
face à ses responsabilités. Je peux vous dire que les situations
qui nous sont, nous, rapportées, comme médecins
de famille, et lorsqu'on
les regarde attentivement puis on
regarde tous les enjeux à l'intérieur de ça, c'est souvent beaucoup
plus complexe que le résultat que l'on
a devant nous, à l'intérieur de ça. Donc, il faut faire beaucoup
plus... continuer à s'engager dans cette voie-là. Et il faut vraiment
éviter l'approche du «top-down».
Vous savez,
on était, nous, au départ, pour le projet
de loi n° 10 parce qu'on nous annonçait la disparition d'un palier et une décentralisation. Dans les faits, ce n'est pas ça qui
s'est passé. On a enlevé tout ce qui était près des patients puis on a
remonté ça plus loin dans des mégaorganisations, avec des CMDP avec des nombres
faramineux de médecins. C'est beaucoup plus difficile, je vous dirais, dans le
«day-to-day», d'être capable d'arriver à des solutions créatrices. Mais
je pense qu'on doit retourner vers ça et
faire confiance aux gens qui sont sur le terrain et aux gens qui sont proches
des patients pour trouver les meilleures solutions possible.
Le Président (M. Merlini) : Merci
beaucoup, Dr Godin, pour ce bloc d'échange avec l'opposition officielle.
Nous allons terminer avec le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Lévis,
vous disposez de neuf minutes. À vous la parole.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le
Président. Dr Godin, Dr Dion, Me Belzile.
Juste avant, d'entrée de
jeu, je veux rappeler au ministre, s'il ne le sait pas — mais
je pense qu'il le sait fort bien — que
la Coalition avenir Québec n'a jamais proposé le salariat pour les médecins mais, bien
au contraire, l'équilibre entre le paiement
à l'acte et la prise en charge. M. le Président, si le ministre veut une
rencontre particulière, on trouvera des places peut-être dans l'agenda pour lui expliquer ce qu'il sait déjà de
toute façon, parce qu'il a associé, évidemment, aux trois partis cette
position-là.
Ceci étant dit, je vais continuer à faire un
bout de chemin sur ce qu'on a débuté avec ma collègue la députée de Taillon. Vous dites, l'effet de la 130, là,
puis je résume un peu vos propos puis votre vision, vous me corrigerez si
je vais trop loin... vous dites qu'il y a un effet de cette tendance au pouvoir
absolu, et c'est la perte d'expertise, la démotivation — vous
le sentez à travers ceux que vous représentez — l'esprit de non-partenariat
parce que tu as l'impression que tu n'as
plus ta place à travers tout ça, la centralisation au détriment des réalités
régionales, c'est des choses que vous nous avez dites également.
En même temps, sans être un partisan des
méthodes du ministre, bien loin de là, mais il a utilisé de bons exemples pour justifier la révision de l'octroi
des privilèges, on le sait, là, puis les gens le savent, là, on va tomber
dans du terre à terre, là : des
milliers de radiographies non lues, la sous-utilisation des blocs opératoires.
Il y a des éléments. On les reçoit,
nous, là, par des individus, hein, uniques, des téléphones de gens qui se
demandent comment se fait-il... des citoyens qui questionnent aussi le
fait que ce soit comme ça, que la réalité est celle-là.
Alors, prenons le truc à l'inverse puis continuons
sur votre vision des choses. À la lumière de ce que les gens visualisent, pourquoi ne serait-il pas justifié...
Parce que ça fait longtemps qu'on tente de faire en sorte que la machine
roule correctement, avec des effets qui n'apparaissent pas. Pourquoi ce ne
serait pas justifié d'aller avec un projet de loi comme celui-là?
M. Godin
(Louis) : Je vais regarder
le point de vue des médecins de famille, vous me permettrez. Je
n'embarquerai pas dans la radiologie et les
blocs opératoires, je laisserai la présidente de la FMSQ, qui sera ici cet
après-midi, vous en parler.
Moi, je
regarde ce qui se passe actuellement, avec les outils que l'on a, face aux
défis que les médecins de famille, je
veux dire, relèvent. Ce n'est pas le fait d'avoir une loi n° 130 qui va
faire que je vais changer ma façon de prendre les rendez-vous, c'est notre capacité comme
organisation d'influencer nos membres pour dire : Regardez, il y a du
travail que l'on doit faire, et adaptons-nous à ça.
Ce que l'on dit, ce n'est pas qu'il ne doit pas
y avoir certaines obligations. On en a, des obligations, comme médecins. On
sait que, quand on travaille dans une salle d'urgence, on a des chiffres que
l'on doit faire puis on a une certaine quantité de travail que l'on doit faire
à l'intérieur de ça.
Et d'arriver
avec cette capacité d'imposition là, je le répète, ce n'est pas la bonne façon
de le faire, ça a plus d'effets négatifs qu'autre chose. On a, à
l'intérieur de nos règles de CMDP, tous les moyens, je veux dire, d'y arriver,
à l'intérieur de ça, du moins en ce qui concerne la médecine de famille.
M. Paradis
(Lévis) : Vous parlez des
CMDP, puis l'Association des CMDP, qui venait nous rencontrer en
tout début, je pense, le premier groupe
qu'on a entendu, disait : Nous, on les appelle les pas fins, ceux qui ne
répondent pas à leurs obligations,
puis ce n'est pas la généralité. Les gens disaient : Regarde, généralement, là — puis
c'est ce que vous nous dites — vos
médecins ont le souci de faire en
sorte que chaque Québécoise, chaque
Québécois puisse avoir des rendez-vous, son médecin
de famille, vous en êtes, on a parlé
d'inscription, des efforts que vous faites, etc. Mais les porte-parole du CMDP disaient : On appelle les pas fins ceux qui n'embarquent pas,
ceux qui sont plus difficiles à gérer. Alors, on fait quoi pour encadrer
les pas fins, même s'ils ne sont pas très nombreux?
M. Godin
(Louis) : Bien, écoutez, je
pense que, l'effet des pairs et l'effet de ces obligations collectives
qu'on se donne dans un groupe de médecins, on
est capables d'être suffisamment persuasifs pour régler ces choses-là. Ce
n'est pas une loi n° 130, qui va mettre
des obligations qui de toute façon vont s'arrêter à un certain nombre ou un
certain volume, où tu risques de te retrouver dans une situation où on
va dire : Regarde, c'est tant de patients, donc ce ne sera pas un patient de plus, parce que mes obligations sont
celles-là... Nous croyons beaucoup plus à l'approche professionnelle des
gens, et des gens qui sont impliqués à l'intérieur des CMDP.
Et,
à la rigueur, il y a des interventions qui peuvent être faites. Vous le savez,
les CMDP ont actuellement ce pouvoir-là de faire ça. C'est peut-être d'insister
un peu plus à ces gens-là de le faire, plutôt que de donner un pouvoir supplémentaire, qui peut être très, très
arbitraire, pour régler des situations, qui ne seront peut-être pas de la même
façon parce qu'on va perdre cette vision locale ou régionale là, pour régler la
situation.
M. Paradis (Lévis) : On convient du fait, puis ça a été dit à maintes reprises... Vous avez
dit : Il y a peut-être des outils
dont on ne se sert pas. Dans le coffre d'outils, il y a quelque chose qu'on a
oublié, le tournevis cruciforme, là, puis on travaille avec la tête plate. Dans le fond, on l'a; on ne le prend pas.
Puis on nous a même dit : Il faudrait peut-être faire de la
formation auprès de ceux et celles qui peuvent appliquer les règles, mais qui
ne le font peut-être pas non plus.
C'est
ça qu'il faut faire? C'est ça qu'il faudrait faire, rappeler aux gens les
devoirs qu'ils ont puis les pouvoirs qu'ils ont?
M. Godin (Louis) : Je pense qu'il faut travailler beaucoup plus localement. On a, à
l'intérieur des CMDP, tous les moyens
d'intervenir à l'intérieur de ça. Parfois, ça peut être un peu difficile. Nous,
au cours des derniers mois, on a eu à demander
à nos médecins de s'engager un petit peu plus notamment du côté de la prise en
charge. Et on l'a fait, c'est des choses qui peuvent se faire. On n'a
pas besoin, je veux dire, de mettre au-dessus du système de santé ce spectre d'intervention continuelle, d'obligation, et de
dire : Faites attention, moi, je peux imposer à Dr X telle ou telle
obligation. C'est dangereux. Il y a là une
question d'arbitrage pour lequel on n'a pas nécessairement tous les outils,
lorsque ça vient d'en haut, on est peut-être beaucoup plus capables
d'arbitrer ça sur un plan local et régional, où on va pouvoir tenir compte de
l'ensemble de la situation, notamment, je vous dirais, de l'analyse que les
médecins peuvent avoir ou des pharmaciens peuvent avoir entre eux d'une
situation et du travail que l'on doit faire.
M. Paradis (Lévis) : Dr Godin, en terminant, quel pourrait être l'effet, selon vous, de
la... La loi n° 130 devient loi. Vos membres vous en parlent et
craignent. Ça va être quoi, l'effet négatif?
M. Godin (Louis) : Bien, l'effet le plus négatif que l'on craint, c'est le désengagement à
moyen et à long terme de la
communauté médicale. Dans tout ce processus de cogestion, de contribution de la
communauté médicale à l'organisation du
système de santé, c'est de dire, à un moment donné, si, moi, tout ce que je
fais localement peut être effacé d'un coup de crayon, peut être biffé d'un coup de crayon par le ministre ou le
ministère de la Santé, on risque de se retrouver face à un désengagement
important de la communauté médicale. Et ça, ce serait malheureux pour les Québécois
et les patients, parce que c'est quand même encore beaucoup les professionnels
de la santé qui donnent les soins au Québec.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Dr Godin, Dr Dion et Me Belzile, de votre présence et
de votre contribution, encore une fois, aux travaux de la commission.
Compte tenu de
l'heure, je suspends donc nos travaux jusqu'après la période des affaires
courantes, cet après-midi. Bon appétit à tous. Merci.
(Suspension de la séance à 11
h 30)
(Reprise à 15 h 33)
Le
Président (M. Merlini) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons reprendre nos travaux. Je
souhaite donc la bienvenue aux représentants de la Fédération des
médecins spécialistes du Québec.
Dre Francoeur, vous connaissez nos us et coutumes. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé, et
ensuite suivra la période d'échange avec les membres de la commission.
Bienvenue. Et la parole est à vous.
Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ)
Mme Francoeur
(Diane) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les
députés, membres de la commission, bonjour. Au nom de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, je vous remercie de votre invitation à prendre part aux consultations particulières et
aux auditions publiques sur le projet
de loi n° 130. Je suis
accompagnée aujourd'hui de Mme Nicole Pelletier, directrice des
Affaires publiques et des communications, ainsi que de Me Sylvain
Bellavance, directeur des affaires juridiques et de la négociation à la fédération.
La FMSQ regroupe plus
de 10 000 médecins spécialistes oeuvrant dans l'une des
59 spécialités médicales reconnues. Je
tiens à préciser que 70 % des médecins spécialistes du Québec pratiquent
exclusivement en centre hospitalier.
Le
système public de santé est bel et bien malade, et la source de son mal, ce
sont les réformes successives imposées par
les programmes électoraux. Le remède ne se retrouve certainement pas dans le
projet de loi n° 130. Cette nouvelle pièce législative vient
ajouter une couche au chambardement déjà créé dans les établissements de santé
avec la loi n° 10. Ce projet de loi
chamboule à nouveau les règles de gouvernance des établissements en conférant
au ministre de la Santé et des Services sociaux une quasi-mainmise sur
l'ensemble du processus de nomination.
Ce
projet de loi modifie les mécanismes entourant l'octroi des privilèges accordés
aux médecins en instaurant des modalités
rigides et ultrabureaucratiques d'encadrement. Ce projet de loi accorde au
ministre des pouvoirs d'intervention directs
dans la répartition et la gestion des ressources médicales au sein des
établissements, lui permettant de modifier unilatéralement
l'organisation et le fonctionnement des départements de médecine spécialisée.
M.
le Président, comme ce fut le cas avec les lois nos 10, 20, 92 et le projet de loi n° 118, le ministre profite de ce projet de loi pour s'arroger encore de nouveaux pouvoirs, comme si ceux qui lui sont déjà
conférés par les dispositions actuelles
de la loi n'étaient pas largement suffisants pour lui permettre d'assumer
adéquatement ses fonctions. Si ce projet de loi est adopté, il ajoutera
de nouveaux pouvoirs d'intervention du ministre, lesquels sont déjà excessifs,
voire abusifs.
Cette tendance lourde de noyautage va à
l'encontre des règles reconnues mondialement en matière de saine gouvernance des
institutions publiques. Adieu, la démocratie.
L'actuel
ministre de la Santé ne sera pas éternellement en poste. Cependant, il aura
créé une emprise politique absolue
sur le réseau de la santé. Or, ce qui nuit au système public de santé est bel
et bien la politisation dont il fait les frais. J'insiste, nous ne sommes pas les seuls à dénoncer le danger de
concentration des pouvoirs d'un ministre, quel qu'il soit.
M. le Président, il faut consciemment faire fi
de la réalité de la pratique de la médecine spécialisée en centre hospitalier ou, pire, ne pas connaître la réalité
pour affirmer que les médecins n'ont pas de comptes à rendre et n'ont
aucune obligation envers les établissements dans lesquels ils pratiquent. Si telle est l'opinion des membres de
cette commission, je vous invite à
réviser votre position. Ces obligations existent déjà dans la loi, dans les règlements
qui en découlent et au sein même des
départements dans les centres
hospitaliers. Je me permets de vous rappeler qu'à elle seule la loi n° 20,
étudiée par les membres de cette commission, comportait son lot de nouvelles
obligations et de sanctions précises.
Postuler que
parce qu'ils ne sont pas des employés salariés des établissements les médecins
ne sont pas subordonnés aux
directions du réseau constitue le prétexte parfait pour remettre en question
leur statut de professionnels autonomes. Permettez-moi de vous citer l'actuel ministre de la Santé dans une de
ses déclarations publiées dans le journal La Presse le 11 décembre 2008, qui disait :
«L'autonomie professionnelle des médecins, ce n'est même pas un point de
discussion. Ce serait la guerre civile. Ce
serait placer la médecine à la solde des entrepreneurs.» Alors, je vous pose la
question, Mmes et MM. les
parlementaires. Le ministre de la Santé est-il volontairement en train de
provoquer la guerre avec les médecins, avec les pharmaciens, avec les
infirmières, les infirmiers et tous les autres professionnels de la santé?
Le statut de
professionnel autonome octroyé au médecin n'est pas le résultat d'un caprice,
il constitue le rempart de l'indépendance
du médecin dans l'exercice de sa profession. Ainsi, le médecin ne doit subir
aucune contrainte politique ou administrative
qui pourrait s'avérer contraire aux intérêts de son patient. Ce statut permet
d'éviter que l'autorité décisionnelle d'un
médecin puisse être subordonnée à celle d'un employeur pour le choix d'une
analyse, d'un examen, d'un traitement, d'une
procédure, d'une intervention ou d'un soin. Pour le patient en particulier
comme pour la population en général, il s'agit d'une garantie
fondamentale d'impartialité et de qualité, une garantie que vous apprécierez un
jour, lorsque votre santé déclinera.
Par ailleurs, vous devez aussi comprendre et
reconnaître que les départements des centres hospitaliers ne fonctionnent pas sous la seule impulsion des
administrateurs et des gestionnaires. Imaginez si les décisions cliniques,
les protocoles de prise en charge,
l'organisation des soins, les programmes de formation, d'enseignement et de
recherche, la priorisation des cas et des
hospitalisations ne relevaient que des seuls administrateurs. La priorisation
se ferait selon celui qui crie le plus fort, celui qui a des amis dans
l'administration ou au gouvernement ou à la queue leu leu avec des longues
listes d'attente.
Heureusement,
ces aspects intimement liés au fonctionnement et à la mission des centres
hospitaliers relèvent des médecins, des divers comités et des instances
auxquels ils participent activement. Ajoutons qu'au sein des différents départements les médecins se dotent de règles
qu'ils sont tenus de respecter. La pratique médicale s'autorégule déjà,
ne vous en déplaise, M. le ministre. Ces
règles ont trait notamment aux gardes en disponibilité à assurer en tout temps,
à la gestion des corridors de
services, à l'évaluation en continu de la qualité de l'acte, de l'enseignement,
de la recherche, du maintien des
compétences professionnelles, à l'élaboration et à l'application des règles
d'utilisation des ressources en milieu hospitalier.
• (15 h 40) •
Le ministre veut imposer des conditions de
pratique de plus en plus strictes aux médecins, ce que son sous-ministre
associé, M. Bureau, appelle le New Deal avec les médecins. Dans le cadre
de la loi n° 20, la fédération avait demandé
au ministre de la Santé et à son gouvernement qu'ils s'engagent à garantir aux
médecins spécialistes l'accès aux ressources appropriées à la
dispensation des soins dans tous les centres hospitaliers du Québec. Un New
Deal avec le gouvernement? On a vu ce qui s'est passé avec l'inefficacité des ressources octroyées récemment par le ministère dans le dossier des CRDS.
Dans la vraie
vie, chaque jour, dans les centres
hospitaliers à l'échelle du Québec,
des services sont rationnés, des cliniques
externes sont fermées, des lits sont aussi fermés et des priorités opératoires,
amputées, les plateaux techniques sont insuffisants,
le tout pour des raisons strictement budgétaires ou résultant de la désorganisation suivant la
loi n° 10. Ce projet de loi n'atteindra aucunement
ses objectifs et ne réglera pas les problèmes d'assiduité.
En conclusion, depuis 2014, chaque projet de loi
adopté dans le domaine de la santé confère de nouveaux pouvoirs au titulaire de
ce ministère. Le projet de loi n° 130 ne fera malheureusement pas
exception à la règle. Par certaines
modifications qu'il propose, ce projet de loi abat le dernier rempart qui
subsistait pour préserver la qualité des soins et prioriser les services offerts à la population. Il faut éviter les
dérapages qui pourraient survenir avec l'ajout de nouvelles obligations
aux médecins, surtout en l'absence d'obligations corollaires de la part des
établissements. Les médecins et les
gestionnaires des hôpitaux doivent être partenaires pour atteindre les
objectifs de performance des établissements. Le modèle rigide imposé aux départements d'un établissement public,
l'organisation proposée des départements de santé publique, la
diminution des pouvoirs du CMDP en certaines matières sont simplement
contreproductifs. L'approche actuelle du ministre de la Santé est néfaste. Une
fois ce projet de loi adopté, il sera impossible de revenir en arrière.
Sachez,
mesdames et messieurs, membres de la commission, que des instances du ministère
incitent déjà les DSP à agir comme si
le projet de loi n° 130 était déjà adopté par l'Assemblée nationale du
Québec. Cela constitue une violation potentielle des droits et
privilèges des parlementaires.
Pour
toutes ces raisons que je viens de vous exposer et qui résument notre mémoire,
la FMSQ juge que ce projet de loi est inutile et qu'au surplus un grand
nombre de ses dispositions sont irrecevables. Merci.
Le Président (M. Merlini) : Merci
beaucoup, Dre Francoeur, pour votre exposé. Nous allons débuter la période d'échange avec la partie gouvernementale.
Le député de La Pinière et ministre de la Santé et des Services
sociaux, M. le député, vous disposez... M. le ministre, vous disposez de
23 min 30 s. À vous la parole.
M. Barrette : Merci, M. le
Président. Mesdames monsieur, bonjour.
Quand on
dépose un projet de loi, évidemment, on fait des consultations publiques pour
avoir des commentaires, que l'on s'attend d'être d'une certaine nature,
au moins un peu constructifs. Alors, évidemment, il n'y en a aucun.
Et le projet de loi, tel que j'en comprends de vos commentaires, est perçu par votre organisation comme étant une atteinte directe au sacro-saint statut des
médecins. Les médecins sont-ils une caste intouchable?
Mme
Francoeur (Diane) : M. le ministre, le projet de loi n'est pas seulement une atteinte au
statut, il est une atteinte à l'organisation du réseau. Nos commentaires sont en lien avec la façon. Les objectifs
sont nobles, mais la façon dont vous
voulez appliquer tous ces projets de
loi, les lois qui sont déjà en vigueur
et ce nouveau projet, fait en sorte que la collaboration n'est plus
attendue dans le réseau de la santé,
et c'est ce que nous déplorons. Nous ne déplorons pas que les médecins doivent avoir un statut particulier, mais
nous voulons collaborer avec l'administration pour régler les problèmes
du réseau.
M.
Barrette : Alors, maintenant, on vient de changer de ton subitement.
Le projet de loi est inacceptable, irrecevable,
et ainsi de suite, et là il a des objectifs nobles. C'est très bien. Alors,
quels sont les objectifs nobles que vous percevez dans le projet de loi?
Mme
Francoeur (Diane) : Écoutez,
M. le ministre, vous savez très bien que, si on veut régler les
problèmes... Vous-même étiez un fervent défenseur de la cogestion médicale. Les
médecins doivent travailler avec leurs vis-à-vis administrateurs de réseau, et de départements, et de services, et ça, ça
doit se faire dans la collaboration. Et, dans votre projet, il n'y a
absolument rien qui va dans ce sens.
M.
Barrette : Alors, je comprends
que vous n'avez pas d'objectif noble à me nommer, là. Parce que
vous avez vous-même fait mention du fait qu'il y avait des objectifs nobles. Quels sont-ils? C'est vous qui le dites,
ce n'est pas moi, je reprends vos propos.
Mme
Francoeur (Diane) : Écoutez,
j'espère, M. le ministre, que vous et moi avons le même objectif
noble qui soit en sorte que les patients du Québec puissent être soignés
dans des délais acceptables et selon les normes canadiennes.
M.
Barrette : Bon, est-il
possible qu'un des objectifs nobles du projet de loi soit un fonctionnement organisationnel qui soit au maximum de sa performance? Est-ce
que ça, c'est assez noble pour la FMSQ?
Mme
Francoeur (Diane) : Vous
savez très bien, M. le
ministre — vous avez été chef de département comme moi
pendant plusieurs années — que
nous n'avons pas besoin d'un nouveau projet
de loi pour s'assurer de la bonne
gestion et de la gouvernance des hôpitaux. Il faut que les gens s'engagent, il faut qu'ils
soient impliqués, il faut qu'ils se sentent partie prenante de la gestion. Et ce qu'on constate, depuis la loi n° 10
et n° 20, c'est que la distance entre l'administration
et le terrain s'allonge à chaque année et
fait en sorte que les soins des patients sont de plus en plus
difficiles à offrir dans le réseau, présentement.
M.
Barrette : Moi, je pense,
compte tenu de vos commentaires, que ce que vous critiquez le plus est le fait
qu'on attache maintenant à l'octroi de
privilèges certaines contraintes que je qualifierais de minimales. Je pense
que c'en est plus sur ce plan-là.
Alors, je vais vous poser une autre question,
qui est très simple : Dans le réseau, là, est-ce qu'il existe un nombre — puis,
je dirais, même probablement incalculable — de situations où les règles de fonctionnement actuelles ne permettent pas de résoudre certaines situations?
Mme Francoeur (Diane) : Vous savez, M.
le ministre, le réseau de la santé, c'est comme le gouvernement. Aujourd'hui,
on a vu qu'il y a un ministre qui est... pas un ministre mais un député qui a
été sorti du caucus, qui avait pourtant respecté les règles. Alors, oui, dans
le réseau de la santé, il y a des médecins qui ne répondent pas aux règles de
fonctionnement, et c'est à la direction de faire son travail et de faire en
sorte que les bonnes façons de gérer soient appliquées au quotidien.
M.
Barrette : Est-il possible que, pour avoir cette façon-là de gérer, on
ait besoin de règles qui soient plus claires?
Mme
Francoeur (Diane) : Je vous
ai déjà dit, M. le ministre, que, comme vous, j'ai été chef de
département, et je n'avais pas besoin d'une loi pour faire en sorte que les
obligations des médecins de mon programme et de mon département, qui était dans
le plus grand CHU mère-enfant du Québec, étaient appliquées à la lettre.
M. Barrette : Je vous
invite à nous en faire part. Il y a des médias ici qui pourraient... qui
seraient certainement intéressés à
entendre ce genre de problème de dysfonction ou dysfonctionnement du réseau.
Avez-vous un éclairage à nous donner par des exemples précis?
Mme Francoeur (Diane) : Bien, écoutez, on ne peut pas se cacher... Vous
en avez amené plusieurs, vous-même. Si on
prend, par exemple, le problème de la gestion des effectifs médicaux, j'ai un
beau petit cartable ici, là, qui montre tous les refus de remplacement qui ont été faits dans les derniers mois parce que
les règles ont été changées. Alors, j'imagine que Mme Lamarre va poser les questions par
rapport à Matane. À Matane, tout fonctionnait bien parce qu'à Matane
l'hôpital s'organisait avec son réseau de
remplacement. Avant les fêtes, les règles ont été changées. On doit passer par
le CISSS, le CISSS n'a pas le même réseau de collaboration. Et tout cela
a fait en sorte que le remplacement qui était prévu n'est pas arrivé, et toutes ces demandes de remplacement
ont été refusées parce que les médecins qui étaient en fin de carrière, qui faisaient des remplacements, n'avaient pas un
poste en bonne et due forme ailleurs dans le réseau. Alors, ça, c'est un
bel exemple que, lorsqu'on change des règles
et qu'on met des critères extrêmement rigides, on perd des gens en cours
de route, qui étaient toujours engagés et qui avaient une volonté de participer
à la saine gestion du réseau.
J'ai
un autre exemple ici. Ça, c'est la liste des annulations de priorité
opératoire. Ça va vous intéresser, M. Paradis, c'est dans votre région, à Lévis, février, mars,
40 priorités opératoires annulées par manque de ressources. Il faut
qu'on les voie, ces patients-là, il faut qu'ils soient opérés.
• (15 h 50) •
M. Barrette :
O.K., d'accord, mais l'objet, ce n'est pas ça, Dre Francoeur, l'objet, ce
n'est pas ça. Il y a des contingences, dans un réseau, il y a des contingences
qui existent à tous les jours dans votre hôpital, dans votre bloc opératoire. Lorsque vos infirmières à vous,
personnellement, s'en vont en congé de maternité, vous ne pouvez pas les
faire revenir, et moi non plus, et ça, ça
s'appelle une contingence. Alors, ça, ce n'est pas un argument pour ne pas
avoir une règle qui permet de faire
en sorte que vous et votre anesthésiste soyez là, pour une journée cédulée, à
la même heure le matin pour opérer
sur la même patiente. C'est de ça qu'on parle. Alors, quand vous prenez ces exemples-là qui sont des exemples
tournés pour être à votre avantage, en ce qui me concerne, ça donne
l'impression que, d'abord et avant tout, vous protégez votre intérêt et non
celui de l'intérêt des patients.
Je vais vous donner
un autre exemple. Vous avez dit, là, que les médecins ne doivent pas être
subordonnés à des règles — ah! — parce que le médecin doit choisir les traitements aux patients — re-ah! Vous qui êtes dans un milieu
universitaire, n'est-il pas vrai que vous n'avez pas accès à tous les
traitements qui existent et que, dans certains cas, vous deviez aujourd'hui
demander des autorisations pour effectuer tel traitement? Est-ce que ça, ça
existe?
Mme Francoeur (Diane) : M. le ministre, c'est vous qui m'avez demandé des
exemples. Je vous répondrai par un exemple à nouveau, parce que, comme
vous le savez, je travaille encore sur le terrain.
Alors,
même si tout est disponible, je ne sais pas comment vous qualifiez le fait
qu'un médecin se fasse dire : Nous n'avons pas de personnel pour
ouvrir les soins. Vous ne pouvez pas garder la patiente instable ici, vous
allez devoir l'envoyer à l'étage, même si
vous considérez que ce n'est pas adéquat. Alors, le médecin spécialiste, oui,
ne va pas respecter la volonté de l'administration de rentrer dans les
normes parce qu'on a décidé que, pour des raisons budgétaires, il n'y aurait pas de temps supplémentaire accordé au
personnel. Et, oui, le médecin va faire fi des règlements proposés par
le directeur de garde d'arriver à respecter une règle de non-remplacement des
temps supplémentaires et va insister pour s'assurer que les soins requis par une
patiente instable soient donnés dans des lieux sécuritaires, dans des soins
intermédiaires ou des soins intensifs.
M.
Barrette : Dre Francoeur, ce n'est pas la question que je vous ai
posée. C'est sûr que vous allez sans aucun doute me répondre par un cas
anecdotique. Je vous parle de règles de fonctionnement simples qui vont
directement à l'argument que vous avez évoqué vous-même.
Vous avez dit qu'un
médecin ne devrait en aucune circonstance, à toutes fins utiles, être assujetti
à une règle administrative. Or, dans tous
les milieux hospitaliers, il y a des traitements qu'on ne peut pas donner parce
qu'il y a des contingences. Il y a même des traitements pour lesquels
vous devez, vous-mêmes, demander des autorisations au gouvernement fédéral.
Alors, ça, ça existe.
Alors, de dire qu'un
médecin est atteint dans son autonomie professionnelle parce qu'il y a des
règles de fonctionnement, vous savez
évidemment que c'est faux, si vous affirmez que ça affecte les soins.
L'argument, ici, il est très simple.
Une organisation a des contingences intrinsèques, et ces contingences-là sont
celles qui... ce dont vous parlez, les contingences organisationnelles.
Ce n'est pas de ça dont on parle. Le projet de loi n° 130 n'est pas à
propos des contingences qui sont
incontournables, le projet de loi n° 130 est à propos du fonctionnement
des médecins à l'intérieur de ces contingences-là.
Alors,
dans les contingences que vous décrivez, là, s'il s'avérait qu'un médecin ait
un comportement délétère pour l'organisation, c'est à ça que s'adresse
le projet de loi n° 130. Expliquez-nous pourquoi ça, ce n'est pas bon.
Mme Francoeur (Diane) : Écoutez, M. le ministre, c'est clair que, quand
vous n'avez pas la réponse qui vous fait plaisir, vous revenez avec une
nouvelle question.
Les médecins ont des
obligations, dans les établissements, vous le savez, personne ne peut prétendre
que les médecins n'ont pas d'obligation. Ils ont des obligations de garde, ils
ont des obligations d'utiliser, maintenant, des équipements qui ont été choisis par des experts lors des achats
regroupés, ils ont des obligations de se présenter à l'heure. Je ne pense pas que ce soit dans les inquiétudes du
ministre de la Santé d'aller vérifier et de faire la microgestion de
toutes les salles pour vérifier à quelle heure l'anesthésiste, et le
chirurgien, et l'infirmière arrivent le matin.
Vous
savez, ça fait quand même un certain temps que vous n'avez pas pratiqué la
médecine en établissement, au moins
une dizaine d'années. Il y a des choses qu'on doit faire maintenant en salle
d'opération, comme une procédure qui s'appelle
le «time-out», qui a l'effet de retarder les cas, mais, oui, le «time-out» doit
être fait par le chirurgien pour aller revoir
le patient, vérifier que c'est le bon patient, qu'il a compris la procédure,
que tout a été prévu, que l'anesthésiste est au courant. Ensuite, le
chirurgien part, puis il revient quand le patient est prêt.
Alors, évidemment, ce genre de mesures, qui est
recommandé par toutes les associations chirurgicales québécoises, canadiennes
et internationales, font en sorte que, oui, il y a des délais. Et parfois on
attend parce que le chirurgien, qui attend qu'on
l'appelle lorsque le patient est prêt, est souvent en train de signer des
congés à l'étage pour libérer des lits.
Et tout ça,
ça se règle localement. On n'a pas besoin d'une loi pour régler ce genre de
problème là, on a besoin que les gens se parlent, et que les gens travaillent ensemble,
et que les gens, c'est-à-dire les médecins et les administrateurs,
retrouvent le plaisir d'avoir un but commun qui soit de prioriser les soins aux
patients plutôt que la performance d'un calendrier d'heures de salle
d'opération.
M. Barrette : Vous pouvez rétorquer
par le sarcasme, Dre Francoeur. C'est peu utile.
Le projet de loi, il est déposé parce que le milieu, le terrain relève régulièrement des situations pour lesquelles il recherche des leviers, pour régler certaines problématiques, que les
médecins, et la majorité sont tout
à fait de bonne foi, mais il y
a toujours la minorité qui est problématique... Les leviers actuels ne
répondent pas.
Alors, quand je vous écoute, ce n'est pas
compliqué, tout est parfait. La faute, s'il y a un problème, ou la responsabilité, même pas la faute, la responsabilité,
s'il y a un problème, évidemment,
c'est les autres, et vous, les médecins, par définition, vous êtes vraiment intouchables, parce que, si on vous met des
contraintes dans l'obtention de privilèges, des contraintes même
mineures, c'est un crime de lèse-majesté. Je comprends que le corps médical,
surtout dans votre organisation, soit majestueux, mais, à un moment donné, là, il
y en a, des problèmes réels en termes de gestion des ressources.
Et là ce que
vous nous dites, là, c'est qu'il n'y
en a pas. Bien, permettez-moi de
penser le contraire, parce que
tout pointe dans la direction contraire.
Vous prenez des exemples. Je peux vous prendre
des exemples, moi aussi, qui existent encore. Vous le savez comme moi, là, qu'il y en a plein, plein, plein,
d'exemples. Mais je ne nommerai pas de spécialité. Je pourrais en
nommer. Vous, vous en nommez, c'est correct;
moi, je n'en nommerai pas aujourd'hui, je ne vais pas viser personne dans votre fédération. Il y a des gens qui ne livrent
pas la marchandise dans les délais requis, en termes de services, des
médecins qui font des choix sélectifs dans
leur pratique, hein, des gens qui refusent de faire tel, tel, tel cas sur leur
garde, dans les hôpitaux universitaires, parce
que ça ne leur tente pas. Ça
existe, ça existe. Et ça, il n'y a pas un CMDP qui a
réussi à résoudre ça, parce qu'ils n'ont pas le pouvoir, ils ont zéro
pouvoir. Le seul pouvoir est celui des comités de discipline.
Avez-vous, Dre Francoeur, déjà participé à
un comité de discipline? Avez-vous déjà été sur un CMDP? Si la réponse est oui, vous savez bien que les médecins
ne sont pas historiquement enclins à s'autodiscipliner. Et, compte tenu
du fait qu'il y a des problèmes, que vous
semblez le nier... ou, si vous les reconnaissez, vous avez toute la latitude
actuelle pour les régler, mais ils ne sont pas réglés. Alors, en quoi le projet
de loi n° 130 est-il si problématique?
Mme Francoeur (Diane) : Alors, M. le
ministre, je vous invite à lire notre mémoire...
M. Barrette : Ah! je l'ai lu.
• (16 heures) •
Mme
Francoeur (Diane) : ...qui
de toute évidence n'a pas été lu, parce que de conclure qu'il n'y a aucun
problème dans le système de santé n'est
certainement pas un des objectifs du mémoire, et je serais une hérétique de
vous dire que tout va bien. Le
système de santé, vous le savez, est très performant, mais il y a des choses à
régler et il y en aura toujours.
Et
concrètement... Vous nous citez toujours les mêmes anecdotes, les mêmes
hôpitaux dysfonctionnels où les gens n'ont pas eu le courage, malgré
tous les pouvoirs que vous avez déjà donnés aux P.D.G., de régler ces
situations problématiques. Et, vous savez,
il y a plusieurs façons de régler les problèmes de gestion. La première, c'est
en formant les chefs de département,
et, vous savez très bien, puisqu'on en a déjà discuté, on en discuté aussi avec
votre sous-ministre, le Dr Bureau, il faut qu'on forme les chefs de
département pour qu'ils sachent comment on gère un département. Et à ces HMO qui sont si chers à votre coeur, les
grandes cliniques comme le Cleveland, le Mayo, le Kaiser, chaque nouveau
médecin qui prend une position d'autorité a
une formation de trois semaines. On est prêts à embarquer là-dedans, on
vous l'a dit, on est prêts à en financer une
bonne partie pour que les médecins puissent savoir... connaître les paramètres
de la loi, parce qu'on en a, des
obligations, là, vous le savez très bien, là, puis on en a bien assez — si déjà elles étaient appliquées, ça réglerait une partie de la... une grande majorité
des problèmes — qu'ils
développent des habiletés de leadership, qu'ils connaissent comment on
gère les ressources humaines, qu'ils apprennent à gérer les approvisionnements,
qu'ils apprennent à faire de l'évaluation du service patient. Ces choses-là, ça
se fait avec la collaboration, et nous avons la prétention de dire qu'on n'a
pas besoin d'une nouvelle loi pour faire ça.
M.
Barrette : Alors, ce que
vous me confirmez, c'est que les gens... ou vous insinuez, c'est que les gens
qui sont actuellement dans le réseau sont incompétents en termes de
gestion. Parce qu'encore une fois c'est la faute du voisin, ce n'est jamais, jamais, jamais au moins en partie
la responsabilité des médecins, c'est encore l'organisation. C'est le
réseau, c'est le ministre, c'est ceci, c'est
cela. Bon, j'attends le prochain sarcasme, puis c'est correct, j'imagine qu'il
s'en vient. Ce n'est jamais les
médecins, ce n'est jamais, jamais, jamais... Et là, si on leur met une
contrainte supplémentaire qui va dans cette
direction-là, bien, il ne faut pas la mettre, parce que nous autres — c'est
ce que vous dites — les
médecins spécialistes, il n'y a pas de
problème, on est capables de s'occuper de ça, formez-nous. Bien, formez-vous.
Formez-vous, tout simplement. Puis ça
aurait pu se faire avant, c'est vrai, on en a déjà parlé. Vous ne l'avez pas
fait, ce n'est pas fait. On en a déjà parlé; ce n'est pas fait, ce n'est
pas là.
Alors, à un moment donné, puis je repose la
question, n'est-il pas normal, pour une organisation, d'avoir les leviers
nécessaires, pas des leviers exagérés, ce n'est pas la subordination à un
gestionnaire, des leviers raisonnables pour
faire en sorte que ce qui est à être livré le soit? Avez-vous, Dre Francoeur,
une suggestion constructive dans l'esprit de la loi n° 130?
Probablement non, là, mais je vous pose la question.
Mme
Francoeur (Diane) : Vous
savez, M. le ministre, ce n'est pas l'objectif qu'on critique, c'est votre
approche. Vous le savez, nous sommes prêts à
collaborer. Et vous êtes le premier à dire que tout le monde sont des
incompétents. Le système de santé fonctionne
et peut être aidé par la collaboration. Vous choisissez une approche juridique
et légale, c'est votre choix, mais,
nous, ce qu'on vous dit, c'est que le message passerait beaucoup mieux... Et
malheureusement votre passé vous
précède. Dans les derniers projets de loi que vous avez déposés, les
amendements sont arrivés en liasse à la fin, ils n'avaient jamais été vus, jamais été évalués et, pour certains,
changeaient le contenu de façon importante du projet de loi qui avait
été proposé. Alors, ça, ce n'est pas de la collaboration. La collaboration,
c'est deux partenaires qui ont un objectif commun.
Et vous le savez parce que nous en avons déjà
discuté à plusieurs reprises, que la cogestion est la meilleure façon de régler les problèmes du réseau. Alors,
moi, je peux former les médecins spécialistes tant que je veux, mais
vous le savez, que ce n'est pas la solution.
Il faut leur apprendre à travailler avec vos DSP, avec vos P.D.G., avec des
vis-à-vis administratifs dans un
esprit de collaboration et non pas de contrainte, de menace, de punition,
d'être traité de fainéant, de moron, d'incompétent. Ce n'est pas comme
ça qu'on réussit à faire avancer le système.
M.
Barrette : M. le Président, parce qu'il ne me reste presque plus de
temps, il reste à peu près 30 secondes, là...
Le Président (M. Merlini) : J'étais
pour vous dire qu'il vous reste un peu moins de trois minutes.
M. Barrette : Un peu moins de trois
minutes. Bon, Dre Francoeur, là, formez-les, vos chefs. Mais vos chefs n'auront pas le choix que de travailler dans un
environnement où il y aura un certain nombre de règles et ils n'auront
pas le choix de collaborer avec les
administrateurs, parce qu'effectivement c'est une question de collaboration
mais dans un cadre spécifique.
Et je vous
dirais que, pour ce qui est de notre position, je n'ai pas vraiment de leçons à
recevoir de la FMSQ, hein? Il n'y a
qu'à regarder le dernier épisode des radiologues, là, dont le président s'est
promené, pendant les trois derniers mois, à dire que lui, hein, lui, il
acceptait que ses collègues, ses membres — et vous n'avez rien fait
contre ça — prennent
les patients en otages, supposément parce que le tarif n'était pas négocié,
alors que le président s'est promené, lui-même,
en disant qu'il faisait des actes tarifés... non tarifés, officiellement, parce
qu'il savait très bien que la règle dans nos ententes fait en sorte
qu'il allait être payé rétroactivement. Il l'a dit lui-même.
Alors, quand vous venez faire ces critiques-là
ici, Dre Francoeur, bien, il y a une question qui se pose, qui est très
simple : Avez-vous le contrôle sur vos troupes? Manifestement, la réponse,
c'est non. Et vous laissez ou voulez, souhaitez prendre les patients en otages
à chaque fois qu'il y a un moyen de pression, une relation quelconque.
Là,
aujourd'hui, vous venez ici faire vos commentaires, qui ont une certaine
amertume, je le comprends. Je vais reposer la question : Dans le
projet de loi n° 130, là, à l'exception de... En fait, il n'y en a pas,
là, je ne peux pas dire «à l'exception», il
n'y a pas un seul commentaire que je dirais, là, constructif. Il n'y en a pas,
zéro. Pour vous, ce n'est pas compliqué,
les médecins sont intouchables, on ne peut pas leur donner de contraintes. Et,
même si la collaboration est là, elle
ne doit pas se faire dans un cadre où il y a une contrainte appliquée aux
médecins. C'est ça, votre position. Bien, c'est une position que je
considère, moi, difficile à défendre, compte tenu de l'expérience.
Et là vous
allez me répondre : On va les former, et maintenant, avec la loi actuelle,
bien, ça va tout être correct. Bien,
moi, je vais vous dire une chose, je postule — et je suis convaincu que j'ai raison — qu'il y aura toujours des situations où il devra y avoir un arbitrage, et
aucun arbitrage n'est faisable s'il n'y a pas des règles claires auxquelles
se référer.
Alors, ce que
vous nous proposez, dans vos commentaires, c'est le moins de règles possible et
idéalement pas de règle; collaborons, tout va bien aller. Le problème,
c'est que tout ne va pas bien. Ça va bien, mais tout ne va pas si bien que ça.
Le Président (M. Merlini) :
Merci, M. le ministre. Ça met un terme à ce bloc d'échange avec la partie
gouvernementale. Je me tourne vers l'opposition officielle. Mme la députée de
Taillon, vous disposez d'un bloc de 14 min 6 s pour votre
échange avec nos invités. À vous la parole.
Mme Lamarre : Merci beaucoup,
M. le Président. Dre Francoeur, Me Bellavance, Mme Pelletier,
bonjour.
Alors, je
vais regarder l'ensemble. Quelques commentaires généraux sur votre mémoire,
mais moi, je pense que vous avez
quand même apporté quelques précisions et quelques questions très pertinentes à
la fin, entre autres, de votre mémoire
sur des enjeux qui vont toucher l'organisation des soins, des départements en
particulier, et l'accès aux ressources informatiques, informationnelles,
alors je vais vouloir en parler avec vous. Mais je vous dirais que ce qui m'a
un peu surprise, c'est dans la façon dont vous l'avez apporté, la difficulté de
rendre conciliables la qualité, l'accessibilité et l'imputabilité. Et je crois que tout ça est compatible, mais on le voit
dès le début du mémoire, vous mettez en opposition l'autonomie des spécialistes comme étant une
condition essentielle à la qualité et que tout le reste est inconciliable.
Moi, je vous dirais qu'on a un budget qui
est quand même limité, au gouvernement du Québec. Si je parle juste des
médicaments, on le sait, s'il n'y avait pas le processus, par exemple, des
médicaments d'exception, qui correspond à une balise, s'il n'y avait pas
certains médicaments avec des demandes particulières, on pourrait, puis je suis
sûre que vous allez le reconnaître, passer
100 % du budget pas de la santé, du Québec en entier en l'espace de six
mois. Alors, c'est sûr qu'il y a des
balises qui sont nécessaires. Et je pense qu'on est dans ça et je pense qu'on
est capables de maintenir la qualité.
Et je suis
d'accord avec vous, la qualité des soins offerts en médecine spécialisée, au
Québec, elle est reconnue, et les
gens disent : Quand on est rentré à l'hôpital, ça va bien. Mais on a un
enjeu d'accessibilité et on a un enjeu d'imputabilité. Puis je pense que, ça, si on consent, tout le
monde, à dire qu'on peut travailler sur ces trois volets-là... je pense qu'on
va tous trouver des solutions.
Alors donc, ma première question, c'est par
rapport à votre mémoire. J'ai totalisé le nombre d'articles dont vous demandez l'abolition, alors il y a
l'article 2, 3, 6, 18, 19, 20, 21, 22, 36, 66, 68. Ça en fait 11 sur 72.
Est-ce que vous pouvez nous dire quel
est le déterminant commun de ces articles que vous voulez voir abolir? Parce
que moi, en général, je vais vous dire, j'écoute, là, quand les gens
viennent en commission parlementaire, j'essaie de donner suite à leurs recommandations, mais là je vous avoue que ça en
fait beaucoup, là. Alors, on peut-u cibler? On peut-u en prioriser? On
peut-u dire quel est le dénominateur commun qui fait que tous ces articles-là
sont à être abolis, dans votre projet... dans votre mémoire?
• (16 h 10) •
Mme Francoeur
(Diane) : Bien, tout
d'abord, je voudrais vous rassurer. Lorsqu'on dit que les médecins ne
doivent pas être limités dans leurs choix
thérapeutiques, faire les bons choix, ça ne veut pas dire choisir ce qui est le
plus cher.
Je vais vous
donner un exemple. En antibiogouvernance, on fait partie des leaders au Canada
parce qu'on s'est donné une façon de
s'autogérer. Dans les établissements, on a travaillé avec les CMDP, on a
travaillé avec les pharmaciens d'établissement
pour s'assurer qu'on va choisir les meilleurs médicaments, qui ne vont pas
avoir une couverture trop grande parce
qu'on sait que ça peut amener d'autres problèmes, qui vont avoir un respect des
budgets, qui vont coûter le moins cher pour les indications pour
lesquelles ils sont prescrits.
Et je vous prierais de ne pas partir de la
prémisse que les médecins ne veulent pas de règles. On en a plein, de règles, à l'hôpital, et on les respecte. Et moi, je suis la première
à dire aux médecins : On ne défendra pas l'indéfendable, là. Ça fait trois ans que je suis là, là, puis ça fait
trois ans que je répète ma cassette, comme M. le ministre s'amuse à
le dire, qu'on ne défendra pas l'indéfendable.
Cela dit,
dans les hôpitaux, on a des contraintes, et l'autonomie professionnelle sert à ça, sert à
parfois dire à un DSP ou à un
P.D.G. : On va fermer telle activité parce qu'il y a des risques pour les
patients. Présentement, vous le savez, le réseau survit avec le temps supplémentaire obligatoire... ou, dans les
hôpitaux où on n'a pas de TSO, c'est parce que les infirmières ont
accepté d'avoir plus de patients à leur charge. À un certain moment, c'est
dangereux, et c'est notre responsabilité professionnelle, comme médecins
spécialistes, de dire : Un instant, on ferme. On ne prend pas d'autres
patients, c'est dangereux.
Maintenant, c'est sûr que le dénominateur de
tous ces articles que nous contestons... Et encore une fois je le répète, ce n'est pas parce qu'on ne veut pas de
règles, on trouve qu'il y a déjà suffisamment de règles dans les
règlements qui sont dans les hôpitaux, mais
malheureusement certaines directions n'arrivent pas à les mettre en
application, et c'est là où on pense
que la collaboration... Parce
que, vous le savez, l'effet des pairs
est souvent beaucoup plus efficace que la carotte et le bâton, et la menace, et les
sanctions. Il y en a, des sanctions. Il y en a, des sanctions. Et
puis, je peux vous le dire, là, le renouvellement des privilèges peut être une sanction. Présentement, on ne peut pas travailler au Québec comme médecin spécialiste si on n'a pas un PEM, un fameux PEM, un fameux poste. Alors,
si nos privilèges ne sont pas renouvelés, c'en est une, sanction. Alors,
c'est le plus bel exemple.
Et d'obliger
les établissements de renouveler les PEM à chaque année, c'est une
quantité colossale de travail qui va être
demandée aux comités de nomination des CMDP, qui n'est pas nécessaire. La règle
actuelle prévoit que les postes... le renouvellement des privilèges va être fait aux deux, trois ans,
et, pour la très grande majorité, c'est suffisant. Et je peux vous dire que j'ai vérifié les miens avant de me
présenter ici, qui sont bons jusqu'en janvier 2018, parce que le ministre
se donne maintenant le pouvoir discrétionnaire de pouvoir ne pas
renouveler des privilèges, alors je peux vous dire que je suis inquiète pour
les miens.
Mme
Lamarre : Je pense qu'il y a
des situations, effectivement, qui méritent d'être posées. Mais je ne les
poserais pas sous l'angle que vous avez utilisé, là, pour l'instant.
Je
pense qu'il y a des... Ce qui frappe, là, c'est que, vous
savez, il y a des fautes par action, quand on ne fait
pas les bonnes choses, et il y a
des fautes par omission. Et de nier qu'il
n'y a pas de faute par omission qui
se passe dans le système, par
omission de faire les choses d'une certaine façon, avec un environnement où on n'est pas les seuls à s'autoréguler... Moi, j'ai été présidente d'un ordre, c'est basé beaucoup
sur l'autorégulation, mais on avait quand
même de l'inspection professionnelle et on avait quand même
un syndic. Vous avez la même chose parce
que vous êtes soumis à ça. Mais,
dans l'organisation des soins, il faut aussi y avoir de la coordination, une
synchronisation, et ça, honnêtement, là, les gens qui nous écoutent, ils disent : Ça ne va pas bien, ça ne va
pas bien. Je ne suis pas prête à mettre le blâme entièrement et exclusivement
sur les spécialistes, vous faites référence d'ailleurs, dans votre mémoire, à l'organisation
informationnelle, mais je pense qu'il faut travailler et être conscient qu'on
peut trouver des raisons, mais il y en a certaines qui sont inévitables. Et celle de sentir que quelqu'un
jette un regard... Vous parlez de règles. Ce n'est pas pareil, avoir des
règles de travail et avoir quelqu'un
qui fait une évaluation de notre travail. Et je pense qu'il faut que tous les
professionnels de la santé soient
soumis d'une façon ou d'une autre à une évaluation pas seulement
de la qualité des actes, mais de l'optimisation de
la performance du système de santé, parce qu'on met la moitié du budget du
Québec là-dedans, les citoyens le donnent,
et le retour n'est pas là. Moi, je vous dirais même que la rémunération des
médecins, elle ne serait pas à l'ordre du jour s'il y avait une
accessibilité irréprochable et si on avait une forme... Et, pour moi, il y a
une forme d'imputabilité qui doit être développée.
Alors,
je vais vous laisser, parce que le temps file quand même, mais parler de ce
besoin en ressources informationnelles.
Moi, je suis encore... Effectivement, là, là-dessus, on se rejoint tout à fait.
Que dans des hôpitaux on ait encore des systèmes qui sont incompatibles
entre hôpitaux fusionnés, par exemple... Vous parlez, sur le terrain, des solutions informationnelles incompatibles entre
elles qui rendent quasi impossible le partage de l'information entre les
divers professionnels. Alors, voulez-vous me
donner quelques exemples concrets de ça? Parce que, là, je pense qu'il
faut arriver à faire quelque chose de mieux.
Puis effectivement j'ai été témoin, et ça m'a été rapporté par plusieurs, d'un
spécialiste qui attend les résultats, qui
attend les résultats, les gens se présentent trois fois, il n'y a toujours pas
les résultats qui sont rentrés. Alors,
ça, il y a un enjeu là en termes d'efficience qui peut paraître être la
responsabilité du médecin puis qui, dans le fond, n'est pas du tout sa
responsabilité mais tout ce qui précède. Donc, des exemples, peut-être un ou
deux, puis après j'aurai encore...
Mme Francoeur (Diane) : Bien, écoutez, l'absence d'accès aux résultats
est un problème criant au quotidien. Je siège au C.A. de la RAMQ, on essaie de régler tous les problèmes. J'ai
mis plusieurs membres dans les divers comités de la RAMQ pour qu'on
réussisse à régler les problèmes du DSQ, pour que les médecins aient accès aux
résultats.
Mais,
quand je vous parle d'accès à l'information, ça va bien au-delà des résultats
de laboratoire, parce que, vous savez,
il y a quand même 70 % des médecins spécialistes qui sont en établissement
et qui y ont accès. C'est le problème de la performance.
Vous
dites : Il faut que vous soyez évalués. On veut ça. Donnez-nous nos
chiffres, on veut savoir. Puis ce n'est pas juste la question de la performance du médecin spécialiste. On veut des
mesures, on veut avoir accès à la performance des départements, des établissements. Combien de temps
ça prend entre le patient qui entre, là... Ce n'est pas juste le
chirurgien en retard qui retarde, c'est l'ensemble de l'équipe, le fait qu'on a
changé certaines dynamiques, où maintenant les infirmières doivent absolument laver les instruments dans la salle avant
de pouvoir les sortir, donc qui retarde facilement de 20 à 25 minutes le délai entre les cas.
Quels sont les pourcentages d'accouchements, de césariennes dans un
établissement comparé à une
institution avec une clientèle comparable? C'est là où tout le monde ensemble,
parce que je ne pense pas que ce soit
la responsabilité seule des médecins, médecins, administrateurs et tous ceux
qui sont impliqués dans les épisodes de soins, on va être capables de
donner des vrais services à la population.
Et,
vous savez, au niveau de l'information, la population est en droit de savoir
quels sont les délais d'attente. Ce n'est pas normal qu'on envoie un fax
pour avoir une consultation, on ne sait même pas où est-ce que ça sort, puis il
n'y a personne qui nous rappelle pour savoir
est-ce qu'il est arrivé à l'entretien ménager ou est-ce qu'il est arrivé à la
bonne clinique. On l'a vu, on a eu des
écueils avec le CRDS. Heureusement, on a réussi à faire comprendre à nos
vis-à-vis qu'il fallait, avant de
déployer davantage, corriger les problèmes qui étaient là. Ça se fait, mais ça
va se faire par la collaboration et non pas par une nouvelle loi encore.
Commençons par appliquer les pouvoirs de réglementer qui sont déjà présents et
des sanctions, puis par la suite, oui, on va pouvoir régler un paquet de
choses, là.
Le Président (M.
Merlini) : Il vous reste deux minutes. Il vous reste deux minutes, Mme
la députée.
Mme Lamarre :
Deux minutes?
Le Président (M.
Merlini) : Deux minutes.
Mme Lamarre :
J'avais 12 minutes. Deux?
Le Président (M.
Merlini) : Oui, il vous reste deux minutes.
Mme
Lamarre : Donc, bien, j'entends que vous êtes ouverts, donc, à des
mesures, à l'envoi de profils. Parce que je me souviens quand même, au Conseil du médicament, où il y avait eu
beaucoup de résistance, là, par rapport à l'envoi de profils
d'ordonnance, de profils de pratique. Alors, moi, j'entends, là, que,
clairement, vous avez une ouverture à ce niveau-là, ce qui est très bon.
J'aurais
voulu vous entendre sur les départements, parce que vous avez quand même des
précisions importantes, on aura
peut-être l'occasion de s'en reparler, mais vous n'êtes pas d'accord avec
certaines répartitions des départements comme le ministre les a prévues. Et vous évoquez des choses qui me semblent
très, très concrètes, là, en termes d'incompatibilité. Alors, on
s'inspirera certainement de votre mémoire, puis on pourra s'en reparler.
Mme Francoeur (Diane) :
Est-ce que j'ai le temps de répondre?
Mme Lamarre :
Il reste quand même une minute?
Le Président (M.
Merlini) : Oui, vous avez 1 min 15 s.
Mme
Francoeur (Diane) : Alors,
rapidement, en ce qui concerne les profils d'ordonnance, nous, on n'a
aucun problème, au contraire, on aimerait bien savoir qu'est-ce qu'on fait pour
pouvoir s'améliorer et surtout se comparer. Vous savez,
quand on mesure, on a une amélioration de 25 % instantanément, sans argent
ni effort. Ça a été prouvé de façon répétitive.
Maintenant,
là où on n'était pas d'accord, c'est que les profils de prescription soient
donnés à l'industrie. Et ça, on va
toujours s'y objecter, là. C'est la seule chose à laquelle on s'est objectés,
parce qu'on trouve que l'industrie n'a pas à gérer l'utilisation des
médicaments.
Mme Lamarre : ...pas l'intention de
les remettre à l'industrie, là.
• (16 h 20) •
Mme
Francoeur (Diane) : En ce
qui concerne les départements, bien, vous savez, on ne peut appliquer un
modèle unique à tous les hôpitaux du Québec,
parce qu'on a des centres de niveau 1, 2 et des CHU. Alors, évidemment, on
ne peut pas comparer un département de
pédiatrie où il va y avoir quatre lits au Département de chirurgie du CHUM où
il va y avoir 250 chirurgiens.
Alors, même si les deux vont s'appeler département et les deux vont avoir des
règles de base, évidemment, la gestion est nettement plus complexe quand
on a toutes les sous-spécialités qui en découlent.
Une des problématiques qui reste et qui amène
beaucoup de soucis, c'est au niveau de la radio-oncologie, qui devient sous l'égide de la médecine spécialisée.
Et présentement les départements de radio-oncologie étaient plus à part
et avaient un certain fonctionnement. Dans
certains établissements, ils avaient des liens de collaboration avec les
départements de radiologie, parce qu'en
oncologie on a des IRM, on a des scans, et ça faisait en sorte qu'on pouvait
céduler des patients qui n'avaient pas de cancer mais utiliser ces
appareils pour diminuer les listes d'attente.
Le secret, c'est la collaboration. Le dogmatisme...
Le Président (M. Merlini) : Merci
beaucoup...
Mme Francoeur (Diane) : ...et un
«one size fits all», malheureusement, limitent l'accès.
Le
Président (M. Merlini) : Merci. Je m'excuse de vous interrompre. Ça
met un terme à ce bloc d'échange. Merci, Mme la députée de Taillon.
Maintenant, je me tourne vers le deuxième groupe
d'opposition. M. le député de Lévis, vous disposez d'un bloc de
9 min 24 s. À vous la parole.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le
Président, Dre Francoeur, Me Bellavance, Mme Pelletier.
Pour compléter votre pensée, concernant les
départements puis les profils régionaux, vous parliez de radio-oncologie versus la radiologie, quel est l'effet
néfaste que vous voyez dans cette notion du projet de loi n° 130
concernant notamment cette notion-là de collaboration entre ces deux
départements-là, par exemple?
Mme
Francoeur (Diane) : Bien, écoutez,
un des sujets d'inquiétude majeurs, c'est si la radio-oncologie doit
faire partie du département de médecine spécialisée.
Vous savez, le problème, avec le projet de loi
n° 130, c'est qu'on essaie de deviner quels seront les règles de
département ou les amendements qui arriveront en bout de piste. Puis on a malheureusement
appris par expérience qu'il y a toujours des surprises là-dedans.
Et, un
département de médecine spécialisée, ce qu'on nous demande, c'est qu'il y ait
une certaine permutation entre les diverses
spécialités lorsque... Comme on a demandé aux médecins de famille, dans
certains établissements, de quitter les établissements, donc,
soudainement, les médecins spécialistes deviennent tous des médecins traitants.
On s'entend qu'un radiothérapeute qui fait ça depuis 25 ans n'a peut-être
pas pris en charge lui-même, personnellement, une douleur rétrosternale lors d'un épisode d'hospitalisation,
et ce n'est pas la meilleure personne. On est tous capables d'apprendre,
mais ça va prendre un certain mentorat, qui va demander... un problème de ressources
impossible à rencontrer.
Donc, le
chevauchement des départements fait en sorte qu'une règle pour tout le monde ne
peut pas s'appliquer à certaines situations concrètes.
M. Paradis
(Lévis) :
Dre Francoeur, le projet de loi, il est présenté par le ministre, mais il
a été préparé notamment par des médecins qui ont passé leur vie dans le
réseau, qui nous ont dit également, après nous avoir rencontrés, qu'on constate des choses, puis il faut régler des
choses, parce que ça fait trop longtemps que ça dure. Puis vous l'admettez
aussi, il y a des trucs qui ne fonctionnent pas, il y a des exemples qu'on
pourrait donner. Mais ce qui est présenté, ce qui a été préparé, c'est en
fonction de l'expérience, d'une vie de médecin dans ce même réseau.
Pour ces
problématiques-là, est-ce que ce n'est pas justifié, au nom des patients, pour
les patients, d'arriver avec un projet de loi comme celui-là? Parce que
vous constatez également que, même si des règles existent, elles ne sont pas
appliquées, qu'on ne va pas jusqu'au... on ne se sert pas du pouvoir que l'on
a, donc ces problèmes-là perdurent, sont répétés,
sont perçus par les patients, sont constatés par ceux qui préparent le projet
de loi. Est-ce que ce n'est pas justifié, pertinent de donner plus de
pouvoirs aux établissements pour faire en sorte qu'on puisse, au nom des
patients, mieux fonctionner et régler une fois pour toutes ces problèmes-là?
Mme
Francoeur (Diane) : Alors, M.
Paradis, j'aimerais bien rencontrer ces médecins qui ont fait les
recommandations pour le projet de loi, parce que nous, de toute
évidence, nous n'avons pas été consultés.
Et, vous
savez, la médecine évolue, la façon de faire il y a 10 ans n'est pas
nécessairement la même maintenant. Moi,
je travaille encore, j'étais de garde en fin de semaine, vendredi de nuit,
dimanche de jour. Le moral des troupes, dans le réseau, il est à terre complètement, au niveau du
personnel, au niveau des médecins, puis vous le savez, tous les
syndicats l'ont décrié. Moi, je travaille à
Sainte-Justine. Le nouvel agrandissement, c'est quelque chose d'extraordinaire pour les patients
et les familles, mais les gens sont tellement déprimés qu'ils ne voient pas toute la beauté de
cet investissement dans les soins cliniques.
Alors, quand on dit : Il faut plus de lois
puis il faut plus de règles, il y en a, des lois, il y en a, des règles qui
sont déjà là. Mais pourquoi est-ce qu'on ne commence pas par les appliquer, et
après ça on verra si on a vraiment besoin de légiférer?
Vous savez, présentement, depuis la loi n° 10,
avec les mariages forcés, là, il y a énormément de mouvance à travers les hôpitaux. Une psychologue va
devenir la gestionnaire administrative
d'une salle d'accouchement. Elle n'a jamais mis les pieds là, sauf quand elle a eu un bébé. Alors, évidemment, ça
amène une confusion, ça amène un cafouillis, ça amène toutes sortes de mauvais fonctionnements, qui font en sorte que
les gens ne se sentent pas écoutés et respectés. Puis je ne vous parle
pas juste des médecins, je vous parle du personnel infirmier avec qui on
travaille tous les jours.
M. Paradis
(Lévis) : Ce que vous êtes
en train de me dire, c'est que ces lois, une après l'autre, démotivent
les acteurs principaux du réseau.
Mme Francoeur (Diane) : Tout à fait.
M. Paradis
(Lévis) : C'est une chose,
alors, on peut questionner le fait qu'il y en ait une, puis une autre, puis
une autre. Mais la pertinence même de ce
projet-là pour faire en sorte d'arriver à solutionner des problématiques qui
existent depuis longtemps, parce qu'on
n'arrive pas à appliquer les règles puis se servir du pouvoir que l'on a, sinon
que de repartir en formation pour
dire aux gens : Vous avez le pouvoir de faire quelque chose, mais vous ne
le faites pas, est-ce que ça ne justifie pas le fait qu'on discute d'un
projet de loi comme celui-là et éventuellement son adoption?
Mme
Francoeur (Diane) : Encore
une fois, M. Paradis, nous sommes d'accord avec les objectifs, mais pas
avec la méthode. Alors, nous favorisons une approche de collaboration parce
qu'on sait que... Écoutez, il y a des très belles histoires. Moi, j'ai été chef pendant six ans, là, je n'ai pas eu aucun...
Puis ce n'était pas facile, on avait des choses pas faciles à faire. Puis, quand il y avait des gens
qui ne respectaient pas les règles du département, on s'était entendus
tous ensemble qu'il y avait des sanctions,
puis on les appliquait, et tout fonctionnait. Mais ça prend un certain... une
collaboration avec l'administration,
qu'on a perdue, malheureusement, avec la loi n° 10, parce que les P.D.G.
sont sous la férule du ministre et ils
ne parlent plus du tout ni aux médecins ni au personnel, il y a un décalage
total. Parce que, lorsqu'on a demandé à ce que le pouvoir des agences soit enlevé, c'était pour qu'il descende en
bas, et non pas qu'il soit séquestré en haut, et c'est ça qui est
arrivé.
Donc, même si
on ajoute d'autres lois, tant qu'on ne favorisera pas la communication entre
les dirigeants du réseau et les gens
sur le terrain, on n'arrivera à rien, parce que, quand on pousse les lois les
unes après l'autre sans évaluer est-ce que
les changements qu'on avait visés sont arrivés puis, s'ils ne sont pas arrivés,
pourquoi ils ne sont pas arrivés, on a beau rajouter autant de lois,
tout ce qu'il va arriver, c'est que ça va démobiliser le personnel infirmier,
les autres professionnels de la santé et les
médecins aussi. Plus personne n'a envie de participer à un réseau qu'il ne
reconnaît plus.
M. Paradis
(Lévis) : Vous parlez de
culture de discussion, de formation. Faisons un 30 secondes, pour le
temps qu'il reste... un petit
30 secondes philosophique. Est-ce que vous ne pensez pas que l'État est,
quelque part, en droit de limiter
dans une certaine mesure l'autonomie professionnelle des médecins? Parce que,
quelque part, l'État paie 100 % de votre rémunération. Alors,
est-ce qu'il n'est pas sensé, justifiable et justifié d'avoir un droit
d'intervention?
Mme
Francoeur (Diane) : Bien,
écoutez, l'autonomie est déjà limitée, les médecins ne font pas ce qu'ils
veulent à l'hôpital. Et, par rapport à la
rémunération, nous, ce que nous voulons, c'est que les patients soient bien soignés
et soient vus dans des délais acceptables.
Ce qu'on
demande aux médecins en leur donnant des obligations, je ne comprends pas
pourquoi est-ce qu'on ne donne pas
les mêmes obligations à l'établissement et qu'on n'oblige pas les gens à
travailler ensemble. Ça, ça s'appelle la performance d'une équipe. Et à ce moment-là on sera capables de voir les
patients dans des délais qui seront acceptés par tout le monde.
Maintenant...
En fait, le ministre me demandait, tout à l'heure, qu'est-ce qu'il y a de bon dans
son projet de loi. La seule chose qui
peut être intéressante, et on verra, c'est l'obligation du conseil
d'administration d'assurer l'accessibilité dans des délais raisonnables. Vous pouvez être certains qu'on va saisir
les membres du conseil des délais indus dans plusieurs établissements,
parce que ça, ce n'est pas acceptable.
M. Paradis
(Lévis) :
Dre Francoeur, vous avez donné des exemples en commençant, puis ce sera
probablement la dernière question sur le temps qui file, mais vous avez
dit : Il y a 40 priorités opératoires qui ont été annulées à Lévis,
par exemple.
Mme Francoeur (Diane) : ...février,
mars.
M. Paradis (Lévis) : Loi n° 30
passée, est-ce que ça aurait changé quelque chose?
• (16 h 30) •
Mme Francoeur (Diane) : Absolument pas. À moins qu'on demande à tous les médecins d'aller opérer dans
un autre établissement.
Mais où sont les obligations
de l'établissement pour libérer ces patients qui sont pris en otages?
M. Paradis (Lévis) : Vous me dites qu'actuellement... Ce que
vous dites là et ce que vous présentez là, c'est le lot des ressources dont vous ne disposez pas. Donc, le problème
n'est pas celui qui est soulevé ici, mais, en l'entièreté des problèmes soulevés, c'est un problème de
ressources que vous n'avez pas.
Mme Francoeur (Diane) : Tout à fait. Alors, c'est clair que les
ressources ne sont pas là. Et, même si on donne plus d'obligations aux
médecins, ils ne pourront pas les affranchir si les ressources ne sont pas au
rendez-vous.
Le Président
(M. Merlini) : Merci beaucoup. Ça met fin à ce bloc d'échange
avec le deuxième groupe d'opposition.
Dre Francoeur,
Me Bellavance, Mme Pelletier, représentant la Fédération des médecins
spécialistes du Québec, merci de votre présence et votre collaboration
aux travaux de la commission.
Je
suspends donc nos travaux quelques instants. Et j'invite l'Association des
cadres supérieurs de la santé et des services sociaux à venir prendre
place. Nos travaux sont suspendus.
(Suspension de la séance à
16 h 31)
(Reprise à 16 h 37)
Le
Président (M. Merlini) :
Nous reprenons donc nos travaux. À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, il
me fait plaisir d'accueillir
Mme Carole Trempe, présidente et directrice
générale de l'Association des cadres
supérieurs de la santé et des services sociaux. Vous disposez d'un temps de 10 minutes pour faire votre exposé.
Il est possible que nous ayons à aller voter.
Je vous l'indiquerai, à ce moment-là, et on reprendra les travaux par la suite. Et il y aura
échange, ensuite de ça, avec les membres de la commission. Bienvenue.
Allez pour votre exposé, vous avez la parole.
Association des cadres supérieurs de la santé
et des services sociaux (ACSSSS)
Mme
Trempe (Carole) : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. le
ministre et Mmes, MM. les députés. Merci
beaucoup pour cette invitation. Ça nous donne l'occasion, aujourd'hui, de
pouvoir échanger avec vous sur une forme d'état des lieux de la réforme.
D'abord,
d'entrée de jeu, l'Association des
cadres supérieurs regroupe environ 1 000 personnes,
composée de directeurs, de directeurs
généraux adjoints qui sont dans les établissements fusionnés et de directeurs
généraux d'établissement non fusionné. Donc, il y a quelques années, au
moment de la promulgation de la loi n° 10, nous étions environ 1 350.
Aujourd'hui, on tourne autour de 950 à 1 000 personnes.
Vous avez lu
certainement le mémoire que nous avons préparé et vous voyez qu'il constitue
plutôt un questionnaire, plutôt qu'autre
chose. En fait, pour nous, il soulève beaucoup de questions. Et je vous dirais
que, un peu comme ça a été mentionné
tout à l'heure, pour les gestionnaires du réseau de la santé, il s'agit en
quelque sorte d'une autre chose qui s'ajoute.
• (16 h 40) •
Vous savez, depuis
deux ans, les gestionnaires du réseau de la santé, pour eux, ça va très vite.
Je pense que, M. le ministre, vous êtes un
tenant de la thèse de : Allons vite, ça va marcher. C'est ce qui se passe,
avec les effets que les gens sont un
peu essoufflés. Il y a eu la réforme, il y a eu Optilab, maintenant le projet
de loi n° 30... 130, pardon, donc plusieurs chantiers, plusieurs
chats à fouetter, dans un climat où on est encore en train de s'adapter à la
réforme, à la structure. On a peu procédé à
l'envers. Plutôt que de changer la culture de l'organisation pour ensuite
supporter par des structures, on a
fait l'inverse. Alors, de bonne guerre, les dirigeants s'y prêtent, et je pense
qu'à cause de leur engagement et du
niveau de cordialité ça roule, comme on dit chez nous, mais il y a beaucoup
d'essoufflement, il y a beaucoup d'essoufflement.
Et, à certains égards, il y a des questionnements qui nous proviennent du projet
de loi n° 130 et qui nous font craindre, par exemple, qu'un climat
de tension pourrait s'installer à certains égards, notamment en raison de la deuxième partie, que j'aborderai, là, mais disons
que d'entrée de jeu les questionnements que nous avons concernent les
commissaires aux plaintes.
C'est un dossier que, l'association, nous menons depuis le tout début, c'est un dossier qui a évolué beaucoup avec les années, depuis... Moi, ça fait 14 ans que je suis en fonction,
et ça doit faire à peu près 10 ans que, à ma connaissance, ce dossier-là a commencé à se documenter. On a eu beaucoup
d'échanges, on a eu beaucoup de commentaires. On a fait un petit sondage, on est allés voir à travers les
commissaires locaux quel était l'état des lieux, justement, et ça nous
incite à poser des questions notamment sur le choix du personnel qui pourra
accompagner le commissaire local. En fait, on s'interrogeait
sur qui ce sera, quelle sera l'autorité de cette personne-là, quel sera son
mandat, quel sera son statut. Est-ce que cette personne-là sera
incontraignable? Est-ce qu'elle bénéficiera de la même indépendance? Alors,
vous savez, tout ça s'est bâti à travers la
culture de nos organisations, et puis aujourd'hui, bien, on n'a pas
de réponse à ces questions-là.
C'est
entendu que l'autre partie, peut-être la plus symptomatique d'une tension éventuelle,
est celle, davantage, qui concerne les privilèges et les obligations qui
risquent d'être assorties aux privilèges des médecins. Dans les faits, ce sont les hauts dirigeants
qui devront appliquer les, entre guillemets, sanctions éventuelles. On comprend
du projet de loi que
le ministre avait l'intention de rectifier certains
comportements de la part de certains médecins, probablement une infime partie
de médecins. Ça donne pour effet que ce sera un système
généralisé, puisqu'à travers une loi
on devra donc s'appliquer à tout le
monde. On ne sait pas trop comment ça va s'articuler dans le quotidien, ce
genre de coercition, puis je sais que le mot est peut-être un peu fort,
mais, mettons, ce genre de sanction qui risque d'être appliqué contre un
médecin qui ne respecterait pas une de ses obligations contenues à ses
privilèges.
Pour
nous, d'expérience, depuis, je vous dirais, peut-être les
10 dernières années, depuis 2004-2005, à tout le moins, la première
réforme qui est en lien avec celle-ci, on avait réussi à créer des climats de
confiance, des tandems clinicoadministratifs
qui fonctionnaient dans plusieurs établissements et qui avaient fait en sorte que les médecins
étaient inclus dans le processus administratif de l'établissement, et ça, ça
permettait de régler beaucoup de problématiques à la source même,
puisque les médecins étaient impliqués, comme je le disais.
Maintenant,
je comprends que le changement que le ministre souhaite est un changement qui
se fait par une loi, hein, donc c'est
un changement de culture édicté. C'est toujours là que le bât blesse. Quand on
explique aux gens les choses de fond
en comble, là, quand on leur explique le pourquoi du comment, quand on explique
aux gens que ça ne peut plus fonctionner
pour telle, telle, telle raison, qu'on en fait la démonstration, les gens
finissent par se rendre... tout le monde est intelligent, là, les gens finissent par se rendre à cette évidence-là,
ce qui leur permet de collaborer, plutôt que de se voir imposer des choses. Parce qu'au niveau... C'est
subtil, ce que je dis, mais ça s'appelle le climat de travail
organisationnel. Et ça fait en sorte que ça
déborde sur toute l'organisation, et notamment jusqu'aux patients, et c'est ça
qu'on oublie souvent de prendre en
compte. On en ajoute, on en ajoute, on en ajoute continuellement sur les hauts
dirigeants, qui livrent, hein, ils livrent,
comme je l'ai dit, par cordialité, parce que ce sont des gens engagés, depuis
30 ans, 34 ans, bon, mais est-ce qu'on n'est pas en train de
sacrifier une génération de gestionnaires?
Vous comprenez que
moi, j'aborde cette question-là via l'oeil des gestionnaires, là, je n'ai pas
l'intention d'embarquer dans le discours
concernant les médecins autrement que pour dire que ce changement de culture là
va affecter certainement les gestionnaires. Et je me demande si, à ce
point-ci, c'est nécessaire, compte tenu de ce qu'ils ont déjà à gérer.
Ça
fait deux ans que la réforme est en cours. Le moral des troupes tient bon parce
que les gens se solidarisent, les gens
trouvent des façons, entre eux, de travailler. Ça n'a pas juste du mauvais, ça
permet aussi de dégager toutes sortes de façons.
Il
y a souvent un manque d'appui ou de soutien. On impose sans savoir comment, de
quelle façon ce sera disposé. Le
dialogue pourrait très bien s'établir... Par exemple, pour la question des
commissaires aux plaintes, on aurait pu être questionnés, on aurait pu
apporter notre point de vue là-dessus sans nécessairement qu'on doive
aujourd'hui venir en commission parlementaire. Bon, cela étant fait, ça ne
s'est pas fait comme ça, alors nous voici.
Donc,
en grandes lignes, ce qu'on vise à éviter, c'est que le climat ne se détériore
davantage, et qu'on puisse arriver à des solutions un peu plus négociées
pour permettre le bon fonctionnement, le meilleur fonctionnement de nos
organisations, de notre réseau.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons débuter la période d'échange avec
les parlementaires avec M. le député de La Pinière et ministre de la Santé
et des Services sociaux. Et vous disposez d'un bloc d'une vingtaine de minutes.
M. Barrette :
Nonobstant, évidemment, le potentiel vote.
Le
Président (M. Merlini) :
Nonobstant l'appel au vote, effectivement. Sinon, on ajustera en conséquence, comme
convenu avant la reprise des travaux.
M. Barrette :
Oui, comme on a convenu, là. C'est bon. Alors, merci, M. le Président.
Mme Trempe, merci.
Juste
pour le bénéfice des collègues, là, parce
que tout le monde n'est pas
familier avec l'organisation du réseau, là, pouvez-vous juste nous
résumer sommairement, là, pour tout le monde, les gens que vous représentez?
Mme Trempe
(Carole) : Ce sont les directeurs... En fait, si on établit une
pyramide, vous avez le P.D.G., le P.D.G.A.
Sous ces gens-là, vous avez les directeurs, directeurs généraux d'établissement privé, directeurs généraux adjoints d'établissement fusionné.
Alors, c'est cette palette de dirigeants là que nous représentons depuis 50
quelques années.
M.
Barrette : Alors, juste peut-être
pour apporter une correction, là, il
n'y a pas d'établissement privé, là, que vous représentez, vous...
Mme
Trempe (Carole) : Pour les
D.G. Les D.G. que nous représentons sont directeurs généraux d'établissement
privé conventionné.
M. Barrette :
Ah! vous voulez dire les privés conventionnés. C'est important pour...
Mme Trempe
(Carole) : Oui. Oui, excusez-moi.
M.
Barrette : Parce que
le mot «privé» a une connotation très négative qui est utilisée abondamment en
politique pour dénigrer les gens qui travaillent dans ces environnements-là.
Mme Trempe (Carole) : Bien, alors, je m'excuse, M. le ministre. C'est vraiment par l'effet du dialogue habituel.
M.
Barrette : Bien, je vais quand même...
je vais en profiter pour vous poser la question. À votre connaissance, dans les privés
conventionnés, est-ce que la qualité des soins et de la gestion est adéquate et
comparable au public?
Mme
Trempe (Carole) : Bien,
écoutez, pour ce que j'en sais, du point
de vue des gestionnaires, c'est plus
facile, c'est moins gros. Bien, en fait, vous me posez la question, c'est plus
facile, c'est moins gros.
On
a des mégaorganisations à gérer en ce moment. Par exemple, juste pour illustrer
ce que je dis, il peut arriver qu'un
directeur dans un CISSS ou un CIUSSS ait à couvrir plusieurs points de service,
de façon à ce qu'il passe une bonne partie
de son temps dans sa voiture, pour quand même mobiliser ses équipes, ce qu'on
ne voit pas au privé conventionné.
M.
Barrette : Je comprends, Mme Trempe, mais, moi, la question que je vous posais, c'est directement sur
le fait que, quand on dit le mot «privé»,
c'est en général avec une connotation négative, négative en termes de qualité
de soins, et ainsi de suite, et je ne pense pas que ce soit... Bien, je ne
veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais pensez-vous que ce
soit le cas?
Mme Trempe
(Carole) : Je ne connais que les établissements privés conventionnés, M.
le ministre. Si je me suis mal exprimée, tout à l'heure...
M. Barrette :
Oui, c'est de ceux-là que je parle. Je parle de ceux-là, les privés
conventionnés.
Mme
Trempe (Carole) : Bon,
alors, est-ce que ces établissements sont aussi performants? Mon réflexe,
c'est de dire qu'ils le sont peut-être plus, parce que c'est beaucoup plus
petit à gérer que les mégaétablissements gérés par les dirigeants actuels,
issus du projet de loi n° 10.
M.
Barrette : Et, juste pour éclairer la lanterne de nos collègues, je ne
sais pas si la lumière va se rendre, mais les établissements privés conventionnés reçoivent un financement équivalent
à nos établissements publics, il n'y a pas un sou de plus. Et il n'y a pas de privé-privé là-dedans,
là. Parce qu'il y a beaucoup de gens, quand ils prononcent le mot
«privé», qui ne sont que des privés conventionnés... Un cabinet de médecins,
par exemple, c'est un cabinet, dans les faits, privé conventionné, la
convention étant la grille de tarifs, alors qu'un hôpital c'est un budget, mais
qui est équivalent... un CHSLD, par exemple,
un CHSLD public. Et il y a beaucoup de politiciens qui utilisent le mot «privé»
comme étant un endroit où on fait de l'argent dessus le public, alors
que c'est conventionné. D'ailleurs...
Le Président (M.
Merlini) : M. le ministre, je dois interrompre l'échange.
M. Barrette :
Ah! la cloche!
Le Président (M.
Merlini) : Les cloches sonnent, et nous sommes appelés à un vote.
Alors,
je suspends donc les travaux, et nous reprendrons dès le retour de notre vote.
Les travaux sont suspendus.
(Suspension de la séance à
16 h 49)
(Reprise à 17 h 8)
Le
Président (M. Merlini) :
À l'ordre, s'il
vous plaît! Nous allons reprendre ces
travaux dans l'harmonie de la
Saint-Valentin. Par consentement avec les membres, M. le ministre, vous
disposez de trois à quatre minutes.
M. Barrette : Donc, si on reprend où on était il y a quelques
minutes, vous êtes donc à l'étage où vous êtes, puis on parlait des établissements privés
conventionnés et non conventionnés... c'est-à-dire conventionnés et publics. Donc, je pense
qu'on a tous compris là-dessus.
Là,
ce que vous nous dites spécifiquement, parce
que je n'ai pas beaucoup
de temps, là vous avez une inquiétude pour
le comité... le commissaire aux plaintes. Ça, ça m'étonne, là, parce que...
En fait, ce n'est pas que ça m'étonne, ce n'est pas ça que je veux dire.
Ce que je veux dire, c'est : Vous, vous êtes à l'étage du commissaire aux
plaintes, alors... et pourtant, sa fonction,
là, il n'y a pas de
problème dans la loi n° 130,
ce que je vois là-dedans, et vous voyez un problème. Est-ce que je
comprends bien que vous le voyez à l'étage du commissaire ou vous le voyez en
dessous de lui?
Mme Trempe
(Carole) : Bien, en fait, on
se demande qui sera le membre du personnel dont le projet de loi fait état, hein? C'est donc
possiblement sous lui.
M. Barrette :
Pardon?
Mme Trempe
(Carole) : Sous lui. C'est ça, votre question?
M. Barrette :
Non, non. Ma question, c'est : Vous, où identifiez-vous, dans la structure
des plaintes, le problème? Il est où dans la structure?
Mme Trempe (Carole) : Le
problème vient...
M. Barrette :
On comprend bien où vous êtes, là, il y a le P.D.G., le P.D.G.A., vous êtes à
l'étage des directeurs...
Mme Trempe (Carole) : Le
commissaire aux plaintes est un cadre supérieur, M. le ministre, donc...
M. Barrette :
Exactement. Je le sais. Mais le cadre supérieur, dans la critique que vous avez
faite... Le commissaire aux plaintes, vous avez dit qu'il y avait une
problématique avec son mandat, son statut, et ainsi de suite.
Mme Trempe (Carole) : Oui. Bien
oui.
M. Barrette :
D'autres gens sont venus nous voir en commission, je ne sais pas si vous avez
eu la chance, le temps et la chance... ou l'un ou l'autre, de suivre nos
débats, mais la critique qui était formulée, à date, est une critique qui
traite essentiellement des gens qui sont sous le commissaire aux plaintes, et
non le commissaire aux plaintes ou le commissaire adjoint.
Mme Trempe (Carole) : C'est ça.
Bien, en fait, on en ignore le statut. La question que les commissaires aux plaintes se posent, c'est : Qui sera cette
personne? Quel sera son statut? Quelles seront ses fonctions? Ce n'est pas
évident. Est-ce que cette personne-là
bénéficiera de la même indépendance, de la non-contraignabilité comme le
commissaire aux plaintes? Ce sont des questions qui émanent face à la
lecture de l'article.
• (17 h 10) •
M. Barrette : Oui. Donc, c'est
le commissaire spécifiquement qui vous interpelle, et non ses adjoints et les
personnes qui sont sous son autorité.
Mme Trempe (Carole) : Oui, c'est le commissaire...
C'est ça.
M.
Barrette : O.K. Dans le réseau, là, je comprends que vous avez un peu...
vous n'avez pas beaucoup touché à ça, mais
le projet de loi n° 130, ce n'est pas un projet de loi qui vise les cadres
dans l'absolu, là. Vous avez un questionnement, que je comprends, pour
le commissaire aux plaintes, mais, ailleurs dans le projet de loi, notamment
les médecins, voyez-vous un avantage?
Je comprends
ce que vous me dites pour le climat. C'est sûr qu'avec ce qu'on a entendu en
début d'après-midi... Bon, ça va leur
passer. Tout ça, ça finit par passer. Mais ne trouvez... C'est comme une
maladie, on en guérit ou on n'en guérit
pas. Puis, dans le système de santé, on essaie de guérir les gens, alors c'est
la même chose pour ceux qui vous ont précédée.
Maintenant, n'y a-t-il pas lieu d'y avoir, dans le projet de loi n° 130,
une clarification ou une précision d'un certain nombre de règles pour
justement faire en sorte que l'organisation puisse, dans votre expérience, là,
dans votre expérience de directeurs, directrices... que l'organisation puisse
avoir les leviers nécessaires pour résoudre certains problèmes qui dans les
règlements actuels ne se résolvent pas?
C'est quand
même particulier, hein, parce que les médecins, quand ils viennent ici, ils
nous disent que tout est dans la loi, tout est correct, il n'y a aucun
problème, il n'y a aucun problème dans le réseau, tout se règle spontanément.
Qu'en pensez-vous? Il n'y a aucun problème dans le réseau avec...
Le Président (M. Merlini) : Très
rapidement. Très rapidement, Mme Trempe, s'il vous plaît.
M.
Barrette : Je ne vous demande pas de lancer la pierre à personne, là,
juste parler anonymement de ce que vous voyez dans le réseau.
Mme Trempe (Carole) : Ce qu'on dit,
M. le ministre, c'est que, bien oui, certainement qu'on est capables d'admettre
qu'il y a des problèmes, c'est certain. Je pense que...
M. Barrette : ...pas de l'admettre,
juste constater.
Mme Trempe
(Carole) : Il s'agit de tout simplement baigner un peu là-dedans pour
le constater. Ce que nous, on dit,
c'est que, si on tente de changer une culture par une loi, ça risque de créer
des tensions et ça affecte directement le climat organisationnel. C'est
ça qu'on dit.
M. Barrette : ...constater que la
culture actuelle ne s'est pas autogouvernée ni autorésolue.
Mme Trempe (Carole) : Bien...
Le
Président (M. Merlini) : Merci. Je dois mettre un terme,
malheureusement, à cet échange avec le ministre. Mme la députée de
Taillon, de l'opposition officielle, vous disposez de
12 min 30 s. À vous la parole.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup. Bonjour, Mme Trempe. Merci. Je trouve
que votre mémoire nous permet de voir
la proximité que vous avez avec les enjeux de l'application d'une loi sur le
terrain et d'assurer une bonne gestion parce
que vos commentaires sont précis, vos questions sont précises et appellent des
réponses précises, parce qu'on voit qu'elles soulèvent effectivement
plusieurs enjeux.
Au niveau du commissaire aux plaintes, vous
dites : «Quel sera son statut? Quelles fonctions aura-t-il le droit
d'accomplir?» On est beaucoup préoccupé par le niveau d'autonomie.
Pouvez-vous
nous expliquer qu'est-ce que c'est, la différence entre un commissaire et un
commissaire adjoint en termes de gouvernance, en termes d'autorité,
d'autonomie, de liens hiérarchiques?
Mme Trempe
(Carole) : Bien, en fait, l'adjoint au commissaire aux plaintes va
travailler en collaboration comme n'importe
quel adjoint va travailler avec son supérieur, disons. Donc, le travail
s'effectue sur une base de travail d'équipe, on peut partager les
dossiers. On a les mêmes fonctions, qui sont à peu près les mêmes, prévues par
la loi. On a un pouvoir d'examen, on peut échanger. On est non contraignable et
on bénéficie de l'indépendance.
Là où on se
questionne, c'est, la personne qui est membre du personnel, que fera-t-elle?
Qui sera-t-elle? Quels seront ses
pouvoirs? Par exemple, est-ce qu'on parle d'un travail clérical, de
secrétariat? C'est possible. On ne sait pas.
Vous savez,
c'est à variations égales un peu dans le réseau actuellement, il y a certains
endroits où le commissaire local va, de son propre chef, bien entendu en
accord avec son P.D.G., avoir déjà géré, permettez-moi... sa sphère de compétence, là, je dirais, et s'est adjoint déjà,
pour travailler, des gens qui ont un travail clérical à faire. Ça, c'est un
modèle.
Mme
Lamarre : On comprend bien qu'un commissaire doit avoir des gens qui
travaillent pour lui pour faire les aspects techniques, secrétariat, et
tout ça.
Mme Trempe (Carole) : En fait, le
commissaire, vous savez, c'est la bouche de la performance du système, mettons.
Mme
Lamarre : Oui, mais moi, je veux savoir qui est l'oreille, qui est
l'oreille, parce que ce qui est préoccupant, dans la définition du
commissaire adjoint, c'est qu'on nous dit : Ça pourrait être celui qui
écoute les plaintes. Et là, s'il y a un lien d'emploi entre l'hôpital, l'établissement et... même si la personne essaie de faire de son mieux, au niveau de l'organisation, au niveau de
l'indépendance, il y a un message différent qui s'envoie.
Alors, vous,
vous les connaissez, les commissaires,
ce sont vos cadres. Alors, ces commissaires-là, est-ce qu'ils sont complètement indépendants? Et j'imagine que cette
indépendance-là, elle est importante? En fait, j'aimerais que vous nous
en parliez.
Mme Trempe
(Carole) : Oui. Bien, oui, en fait, mettons que... Si je pouvais vous
expliquer en faisant une analogie, ils
ont quasiment une indépendance qui est similaire à un juge, par exemple. Ils
doivent conserver ce niveau d'indépendance là parce qu'ils ont besoin de garder l'objectivité ou l'impartialité
nécessaire à l'examen. Donc, ils peuvent, de par leurs fonctions, interroger, recevoir des informations
qui proviennent de leurs collègues, même. Donc, ils ont, à quelque part,
presque une vie de réclusion dans
l'établissement. Et on protège cette indépendance-là par le fait qu'ils sont
sous l'égide du conseil d'administration plutôt que du directeur général
ou du P.D.G., voilà.
Mme
Lamarre : Alors, on sait que cette difficulté-là et cette accumulation
aussi de plaintes au commissaire aux plaintes vient, dans le cadre de la
fusion avec le projet de loi n° 10, du fait qu'avant on avait sur un
territoire donné peut-être cinq, six, sept commissaires, et là on se retrouve
avec un seul commissaire.
Dans
l'organigramme actuel, est-ce que c'est possible administrativement d'avoir
encore quatre commissaires qui ont le même pouvoir, qui ont la même
indépendance, mais ça fait quatre corridors qui sont responsables chacun de traiter mais de façon indépendante les plaintes,
plutôt que de mettre un lien hiérarchique et un lien d'emploi à
l'intérieur de cette organisation-là?
Mme Trempe (Carole) : Dans un monde
idéal, je vous aurais répondu oui. Et puis je suis certaine que les commissaires diraient oui également, parce qu'ils
sont là pour répondre à un besoin, ils sont là vraiment... leur fonction
est nécessaire. Donc, c'est certain que ce
qu'ils souhaitent, c'est de conserver cette compétence exclusive qu'ils ont
durement gagnée à travers les années. La délégation, pour les commissaires aux
plaintes, c'est un sérieux problème, parce qu'il y a un principe de droit qui dit qu'on ne peut pas déléguer ce qui nous
est délégué, en français... on dit : Delegatus non potest delegare.
Alors, c'est exactement ça.
Mme Lamarre : D'accord. Alors, on en
prend bien note.
Vous avez
aussi une autre question précise sur la mise sous garde, et là vous
dites : «...dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui. On ne précise pas le type de
garde en établissement : provisoire, préventive?» Donc, vous, vous
avez à les gérer, ces types de garde là.
Mme Trempe
(Carole) : C'est-à-dire, forcément, les directeurs sont impactés par
ce genre de garde là. D'un point de
vue citoyen, la question se pose également. Je pense que, quand on prend la
peine d'écrire un projet de loi ou qu'on suggère des amendements, on
doit faire le tour de toutes ces questions, qui ont des effets différents selon
la catégorie de garde dont on parle.
Mme Lamarre : Tantôt, vous
avez, en réponse à la question du ministre, parlé de... Le ministre a retenu
plus le mot «privé», mais moi, j'ai
retenu que vous avez dit que plusieurs points de service étaient plus faciles
dans les centres privés conventionnés, que, quand c'était plus petit,
c'était plus facile à gérer. Comment vous...
Mme Trempe
(Carole) : ...humainement comme ça, là.
Mme Lamarre :
Oui, on le conçoit très bien. Et on se rend compte, là, qu'il y a un
épuisement.
Moi, j'ai entendu aussi beaucoup la notion de
déplacement. Donc, on demande... À force de dire à un coordonnateur clinique, par exemple : Tu es responsable de
deux ou trois centres hospitaliers, Sorel, Saint-Hyacinthe, Longueuil, il
faut que ces gens-là soient sur la route.
Est-ce
que vous avez été en mesure de quantifier le nombre de kilomètres que les gens
avaient à faire maintenant? Parce que,
comme gestionnaires, vous devez aussi payer des frais de déplacement,
j'imagine. Alors, qu'est-ce que ça donne comme proportion ou comme
mesure? Avez-vous un exemple d'un CISSS ou d'un CIUSSS?
• (17 h 20) •
Mme
Trempe (Carole) : Pour ce qui concerne la partie de votre question sur
les frais de déplacement, ce serait l'établissement
qui pourrait répondre beaucoup mieux que moi. Vous comprenez, nous, on est
l'organe qui représentons les directeurs dans leurs conditions
individuelles et collectives de travail.
Je n'ai pas de
données précises, mais j'ai des cas qui me sont facilement relatés, il y a des
gens, souvent, qui m'appellent pour me
dire : Écoutez, de quelle façon pourrai-je m'y prendre pour recevoir une
formation qui me permette de gérer
mon équipe à distance, parce qu'il y a des gens que je ne verrai qu'une fois
par mois, de mon équipe? Ça veut dire que,
la personne qui travaille en collaboration avec moi, je ne la connais pas, je
lui parle ou je la vois une fois par mois. Bon, ce n'est pas la réalité quotidienne, mais ça occupe
le vécu professionnel de plusieurs personnes qui ont plusieurs points de
service sur des grands territoires à
couvrir. Il y a des gens qui me disent : Écoute, je pars une semaine
pour faire mes points de service,
alors, pendant trois semaines, je ne verrai pas mon équipe. Ça paraît anodin,
ce que je vous dis, mais, en
termes de règles de gestion et de proximité, pour donner des services qui sont quand même
humains, on parle d'un milieu humain d'évolution, il y a des ratés, là.
Ça, c'est le vécu de plusieurs personnes, entre autres.
Mme Lamarre :
Et c'est principalement depuis la mise en vigueur du projet de loi n° 10?
Mme Trempe
(Carole) : Oui, par la grandeur des structures, par les métastructures,
par la grandeur des territoires à couvrir.
Forcément, les fusions, c'est ça que ça donne comme issue, des kilométrages,
des fois... bien, vous le savez, des territoires qui sont quand même
impressionnants.
Mme Lamarre :
Vous parlez aussi des technologies communes. Est-ce que, du côté de la gestion,
vous avez des besoins aussi pour être capables d'avoir des instruments de
mesure dont la FMSQ parlait ou des indicateurs de performance? Quels sont vos besoins? Et est-ce qu'il y a des lacunes, actuellement? On parle d'incompatibilité d'un établissement à un autre, en fait, dans les petits... dans les anciens
établissements, là, mais est-ce que vous le constatez, ça?
Mme Trempe
(Carole) : Bien, c'est certain que le travail... le partage de l'information est toujours une valeur ajoutée. Est-ce que ça fonctionne? Est-ce que ça fonctionnerait? Est-ce
que c'est un besoin? Je vous dirais que oui. Est-ce qu'on a besoin d'évaluer? Je pense que la première
chose qu'on devrait évaluer, c'est la réforme comme telle, c'est la première... parce qu'on a quand même
deux ans et quelques de faits, et ce serait important qu'on trouve des
indicateurs de performance pour évaluer
cette réforme-là, voir où est-ce qu'on en est, parce qu'on s'appuie sur des
observations, sur des commentaires,
bon, ce serait bien de s'appuyer sur des données, des indicateurs, de réels
indicateurs, là, qui nous disent... qui nous donnent l'heure juste.
Mme
Lamarre : Est-ce qu'au niveau de l'accessibilité vous voyez des changements avec le projet de loi n° 10? Parce que c'était
beaucoup en lien avec la gouvernance et l'amélioration de l'accès. Pour 20, en
tout cas, là.
Mme Trempe
(Carole) : Je vous dirais que c'est peut-être différent d'une
région à l'autre. Je pense qu'il y a un très sérieux effort de la part des dirigeants, très sérieux effort dans ce
sens-là, mais ils font ce qu'ils peuvent avec les moyens du bord. Vous savez, on est également
régis par des compressions budgétaires, donc il y a moins de personnel, il y a
plus de choses à faire. Je vous disais
d'entrée de jeu qu'on a 950 à 1 000 membres, alors qu'on en avait
1 350 dans des structures beaucoup plus petites. Alors, il y a des directeurs dont
le titre ne tient pas sur une carte d'affaires, il en faudrait deux. Ça
vous donne une idée de l'ampleur de la tâche à effectuer, d'autant plus que,
dans plusieurs cas, il y a beaucoup de développement à faire aussi, hein, pour
extensionner, pour que les tentacules aillent jusqu'au patient, donc, il y a
toute cette culture à instaurer.
Mme Lamarre :
Vous étiez particulièrement ciblés dans le projet de loi n° 10. L'objectif,
c'était de couper 1 300 cadres. Il y en a combien qui sont, dans les
faits, partis?
Mme Trempe
(Carole) : Chez nous, à peu près 350. Partis à la retraite...
Mme Lamarre : 350 de votre groupe?
Mme Trempe
(Carole) : Oui, dans notre groupe. Partis soit à la retraite ou
complètement changé de secteur, quitté, des gens qui ont quitté, des gens qui avaient en moyenne 55 ans,
56 ans, qui avaient une trentaine d'années d'expérience et
d'expertise dans notre réseau, oui.
Mme Lamarre : Quand vous dites 350,
c'était sur combien, dans votre...
Mme Trempe (Carole) : ...
Mme Lamarre : Pardon?
Mme Trempe (Carole) :
1 350.
Mme Lamarre : 1 350.
Mme Trempe (Carole) : Oui.
Le Président (M. Merlini) : Une
minute, Mme la députée.
Mme
Lamarre : Alors donc, vous
avez perdu presque le quart de vos effectifs, avec des gens d'expérience.
Et actuellement non seulement ils sont moins nombreux, mais ils ont à passer beaucoup
de temps en déplacement.
Mme Trempe
(Carole) : Ceux qui sont
dans les grands points de service, oui. Et ils doivent faire la tâche de
ceux qui ne sont plus là, parce qu'il faut que ça continue à rouler, la
business, pour livrer aux patients.
Mme Lamarre : ...on comprend bien
qu'il y a une différence entre... si on a quatre personnes dans le même endroit qui font quelque chose, qu'on en enlève
une, on en laisse trois, c'est quelque chose, mais, si en plus on fait en
sorte que ces gens-là couvrent des régions beaucoup plus vastes, plusieurs
établissements, plusieurs réalités différentes, plusieurs réalités déjà
elles-mêmes en changement, ça complexifie beaucoup. Votre taux d'absentéisme?
Mme Trempe
(Carole) : Il n'est pas très
élevé, ce n'est pas... Il y en a un qui n'est pas très élevé. Ce n'est pas
tant au niveau des cadres supérieurs que le taux d'absentéisme est le plus élevé,
c'est plutôt au niveau des cadres intermédiaires, qui sont leurs équipes de direction, là, c'est les
gens qui sont aux opérations. Je pense que, là, le taux est assez élevé,
je ne le connais pas. Mais chez nous ils sont très résistants, très résilients.
Le Président (M. Merlini) : Merci
beaucoup. Ça met un terme à l'échange avec l'opposition officielle.
Mme Lamarre : Merci,
Mme Trempe.
Le
Président (M. Merlini) : M. le député de Lévis, du deuxième
groupe d'opposition, vous disposez de
tout le temps qu'il nous reste aujourd'hui. À vous la parole. Et je vais être indulgent en vous donnant un peu de
dépassement.
M. Paradis (Lévis) : Merci de votre
générosité, M. le Président. Le temps filera vite, il ne nous en reste pas tant
que ça.
Merci, Mme Trempe, d'être avec nous. Vous nous
présentez... Peut-être que je le vois trop gros, mais vous nous présentez, par le biais de ceux que vous représentez, un réseau fragilisé, un réseau
ébranlé encore aujourd'hui. Vous dites :
Ça fait deux ans, là, puis on n'a pas repris notre souffle; on est dans le
marathon, mais on cherche notre souffle. Puis vous dites : On a
perdu le quart de nos effectifs. On se le disait il y a deux instants.
Est-ce que cet exode-là, selon vous, est
complété?
Mme Trempe
(Carole) : Oui, je vous dirais que oui, en très grande majorité. Les
gens qui ont choisi de s'engager dans la réforme ont choisi de s'engager
dans la réforme, alors ils sont là, puis ils sont là pour rester. Et il y a des
exceptions, bien entendu, là.
M. Paradis
(Lévis) : Vous parlez du
projet de loi n° 130, puis il y a énormément de questions que vous
posez. Vous direz même, en page 9,
là : «Par l'accroissement des pouvoirs dévolus au ministre, la résultante
est une microgestion faite au
détriment de l'autonomie et de la fluidité de la gestion requise à la mise en
place des structures...» Vous dites, là : Ceux qu'on a restent là
parce qu'ils font partie de l'exercice, maintenant, mais ça, c'est un élément...
c'était quelques kilomètres de plus, un marathon qu'on a peine à terminer.
Mme Trempe (Carole) : Oui.
M. Paradis (Lévis) : C'est une
surcharge, c'est un empêchement de mieux fonctionner.
Mme Trempe (Carole) : C'est une
autre commande, disons.
M. Paradis (Lévis) : Je veux aborder un élément qui a été abordé déjà
mais peu, puis votre vision... Il y a des gens qui nous ont dit : Ça suppose une bureaucratie qui va être plus
lourde, ça suppose des ressources, également, humaines à l'intérieur des établissements. Quand on parle
notamment du contrôle de l'octroi des privilèges, comment vous voyez ça,
ce que vous me dites, là, cette pression supplémentaire, cet ajout
supplémentaire, à ce chapitre-là?
Mme Trempe
(Carole) : Bien, la première chose qui nous vient en tête, c'est le
décompte de ce qui existe actuellement comme
privilèges pour les médecins qui font partie de tous les établissements
hospitaliers du Québec. Je pense à
certains CHU où l'exercice va être quand même assez impressionnant :
Dr Untel a tel privilège, tel privilège, tel privilège. Je présume qu'on devra fonctionner avec
un registre, il me semble qu'il en découle qu'il devra y avoir un
registre pour qu'on puisse contrôler d'une
certaine façon qui possède quoi comme privilèges et puis ensuite voir comment
est-ce que ça va s'orchestrer avec les obligations ou non, là. Donc, ne
serait-ce qu'à ce chapitre-là, on s'entend que c'est quand même une charge
additionnelle qui va éventuellement arriver.
M. Paradis (Lévis) : Qui va être complexe si vous pensez
mathématiques, là, 20 000 médecins fois x privilèges, etc.,
établir les profils.
Mme Trempe
(Carole) : Bien oui.
M. Paradis (Lévis) : Le ministre souhaite que ça se fasse en trois mois, il y a une notion
de délai. Vous l'abordez également en disant que vous questionnez aussi
ces délais-là, compte tenu de la tâche à accomplir.
Mme
Trempe (Carole) : Oui, c'est ça, et compte tenu du fait aussi que,
depuis la loi n° 10, les délais d'exécution sont quand même assez rapides, les commandes qui descendent sont quand
même assez rapides, là. Ça fait que les gens doivent répondre dans un
certain délai, assez court.
M. Paradis (Lévis) : Et ce serait quoi, pour vous, là, avec l'expérience que vous avez et
ceux que vous représentez, le délai idéal? Parce que ça en prendra un
quand même, bien sûr.
Mme
Trempe (Carole) : Je ne sais pas, il faudrait qu'on regarde l'ampleur
de ce que ça représente véritablement pour
vous dire qu'est-ce que ce serait. Mon point, c'est de dire : Si ça doit
se faire dans un délai assez bref, ça s'ajoute à ce qu'on doit faire en
plus dans une journée. On n'arrêtera pas de travailler, là, on n'arrêtera pas
de gérer pour remplir le registre, il va falloir qu'on remplisse le registre en
dehors des heures qui sont déjà en dehors... Vous savez, il y a plusieurs membres qui me disent... des dirigeants
qui me disent : Je n'exerce plus la fonction de gestion, je suis
devenu un état de situation. Alors, ça, ça parle, ça. Donc, ce registre-là ou
cette liste-là devra donc se faire dans le délai imparti en plus de ce qu'il y
a à faire dans tous les autres délais impartis.
M. Paradis (Lévis) : Vous disiez il y a deux instants, et je compléterai là-dessus, Mme
Trempe, mais... vous disiez : Je n'ai plus l'impression de faire de
la gestion, je fais de l'état de situation.
Mme Trempe
(Carole) : Oui, dans certains cas.
• (17 h 30) •
M. Paradis
(Lévis) : Les ressources sont moins là, le temps requis pour accomplir
les tâches.
Est-ce
que de l'avis de ceux qui sont partis, peut-être, et qui vous reparlent, je
présume qu'on garde des contacts à travers,
bon, l'association, qui est là depuis longtemps... Est-ce
qu'on a avancé depuis la 10, la 20,
la 130 qui s'en vient, la 118, etc.? Est-ce que le réseau a changé pour
le mieux?
Mme
Trempe (Carole) : Par rapport aux personnes qui ont quitté le réseau, bien sûr qu'on se parle, mais
je pense que ces personnes-là ne sont
pas en mesure de l'évaluer, parce que justement elles ne sont plus dans le réseau. Si
elles en entendent parler, bien, c'est par le biais... c'est par leurs
collègues qui sont restés en fonction.
Je pense que
l'expression «fragilisé» est l'expression qui décrit bien le réseau en ce
moment, «fragilisé» ne voulant pas dire «découragé», «fragilisé» voulant dire
ayant besoin d'aide, ayant besoin de respirer, ayant besoin de ressources,
peut-être. Parce que je reviens toujours au postulat de
départ : Si la réforme réussit à se faire, en grande partie les
acteurs que sont les dirigeants de niveau stratégique en seront les
responsables, à cause de leur niveau d'engagement.
M. Paradis (Lévis) : «Fragilisé», ça veut dire aussi peut-être vulnérable davantage, il
faut, quelque part, protéger, parce qu'entre la vulnérabilité et
l'abandon total la ligne est ténue, oui.
Mme Trempe
(Carole) : Oui, est ténue. Alors, nous, comme association, ce qu'on
fait, c'est qu'on essaie de supporter,
soutenir nos gens là-dedans en essayant de leur donner le maximum d'information
en temps réel, parce qu'ils n'ont pas
vraiment le temps non plus de prendre le pouls, ils sont dedans. Alors, on les
accompagne, on les supporte et puis, c'est ça, on est là.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, Mme Trempe.
Le Président (M.
Merlini) : Une dernière question, M. le député de Lévis?
M. Paradis (Lévis) : C'est beau, M.
le Président.
Le
Président (M. Merlini) : Très bien. Je vous remercie pour cet échange.
Mme Carole Trempe, représentant l'Association
des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux, merci de votre
présence, de votre patience pendant qu'on est allés voter et de votre
contribution aux travaux de la commission.
L'ordre du jour étant épuisé, j'ajourne donc les
travaux au mercredi 15 février, après la période des affaires courantes,
où la commission poursuivra son mandat. Bonne soirée à tous.
(Fin de la séance à 17 h 32)