(Onze heures dix-huit minutes)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission de la santé et des
services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de vos téléphones cellulaires.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 99, Loi modifiant la Loi sur la
protection de la jeunesse et d'autres dispositions.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Hivon (Joliette) est remplacée par Mme Poirier
(Hochelaga-Maisonneuve) et M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière), par M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs).
Le
Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Alors, aujourd'hui, nous recevrons, dans un premier temps, les
représentants de l'Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec de même
que les représentants de PETALES Québec.
Auditions (suite)
Alors, sans
plus tarder, nous recevons donc les représentants de l'Ordre des psychoéducateurs et
psychoéducatrices du Québec. Je vous
souhaite la bienvenue à l'Assemblée
nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez l'occasion
d'échanger avec les parlementaires. Pour les fins d'enregistrement, je vous
demanderais de bien prendre soin de vous
nommer et de préciser vos fonctions. Alors, sans plus tarder, la parole est à
vous.
Ordre des
psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec (OPPQ)
M. Leclerc
(Denis) : Alors, merci.
Alors, M. le président de la commission, Mme la ministre, Mmes et MM. les
parlementaires, mesdames et messieurs, bonjour.
Je suis Denis
Leclerc, président de l'ordre, et je suis accompagné de M. Jean Hénault,
coordonnateur aux admissions et au soutien professionnel.
L'Ordre des
psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec remercie la commission de
l'invitation qui lui a été faite de
commenter le projet de loi n° 99. L'ordre a été créé en 2010, et les
psychoéducateurs font partie du système professionnel depuis 2000. À ce jour, notre organisation compte plus de
4 500 membres, dont plus de 85 % travaillent dans le secteur public. Une grande proportion
d'entre eux ont des liens directs ou indirects dans le cadre de leur travail
avec le secteur de la protection de la jeunesse et sont donc concernés par le
projet de loi n° 99.
• (11 h 20) •
D'entrée de
jeu, je souligne que l'ordre est en accord avec l'essentiel des principes et
propositions du projet de loi
n° 99. Nous croyons qu'il répond à des enjeux souvent soulevés par des psychoéducateurs. Dans les
prochaines minutes, nous
expliciterons notre position et nous introduirons certaines recommandations qui se retrouvent dans notre mémoire.
L'ordre
accueille favorablement l'insertion, à l'article 1 de la Loi sur
la protection de la jeunesse, des notions de milieu de vie substitut et famille d'accueil de proximité. Nous
comprenons que l'objectif vise à ce qu'un enfant qui est retiré de son milieu de vie ait les mêmes droits,
peu importe le nouveau milieu de vie dans lequel il sera placé, et que les
familles d'accueil de proximité bénéficient des mêmes ressources que les autres
familles d'accueil.
L'ordre
accueille également favorablement l'intention du législateur de reconnaître
l'importance de l'exploitation sexuelle
comme motif de compromission à l'intégrité physique et psychologique des
jeunes. Ainsi, nous sommes en accord avec
la modification proposée à la Loi sur la protection
de la jeunesse visant à ajouter la notion d'exploitation sexuelle à l'article 38d,
qui porte sur les abus sexuels. En accord avec la recherche portant sur le
sujet, nous croyons qu'il est important de reconnaître les particularités de
l'exploitation sexuelle et de les distinguer des autres formes d'abus sexuel.
En ce sens, nous considérons qu'il serait
souhaitable que le projet de loi apporte des précisions sur ce que l'on entend par
«exploitation sexuelle». Pour cette raison,
nous proposons d'insérer dans le projet
de loi une définition claire et
opérationnelle de la notion d'exploitation sexuelle.
La pratique
des psychoéducateurs démontre que l'évaluation et l'orientation en lien avec les abus sexuels, dont l'exploitation sexuelle, impliquent un risque
élevé de préjudices pour les jeunes. Les professionnels et autres intervenants
amenés à intervenir dans un tel contexte
doivent détenir les compétences nécessaires pour agir efficacement dans l'intérêt supérieur des personnes.
L'ordre
recommande donc que le ministère de
la Santé et des Services sociaux s'assure que les professionnels et les
intervenants puissent agir avec compétence et qu'ils aient accès à de la
formation continue permettant un accompagnement de qualité des jeunes et
de leurs parents.
J'aborderai
maintenant les dispositions concernant les communautés autochtones. Plusieurs
études et commissions ont fait état
d'une surreprésentation des enfants autochtones dans les services de protection
de l'enfance, tant au Canada qu'au
Québec. Les données analysées révèlent qu'au Canada 18 % des enfants
autochtones sont signalés à la direction de la protection de la
jeunesse, la DPJ, comparativement à 5 % pour les non-autochtones. Selon
certains chercheurs au Québec, de tous les
signalements d'enfants faits à la DPJ, ceux concernant des enfants autochtones
sont trois fois plus susceptibles
d'être retenus pour évaluation. Les enfants autochtones identifiés comme ayant
un développement compromis sont cinq
fois et demie plus à risque que les allochtones d'être placés dans une
ressource externe à la famille par les services sociaux. Bien que ces placements en ressource externe peuvent souvent
offrir un environnement stable, on ne peut ignorer les impacts négatifs
de tels placements hors communauté, tant sur le développement identitaire et
culturel que sur le développement psychologique et de l'autonomie des enfants.
Tel qu'il est présenté, le projet de loi
n° 99 offre la possibilité aux communautés de réagir aux propositions soumises par la protection de la jeunesse et en
provenance de la cour. Les modifications législatives proposées permettront
que des solutions locales soient davantage
considérées et que l'identité culturelle des jeunes soit prise en compte dans
le processus de décision. Le projet de loi ouvre des portes pour la mise en
place de nouvelles mesures, de nouvelles mobilisations et de nouveaux partenariats entre institutions et
communautés. Nous croyons également que le projet de loi aura un impact
positif sur l'autodétermination des communautés.
Concernant les changements touchant les familles
d'accueil, l'ordre reconnaît l'importance de considérer la préservation de l'identité culturelle de l'enfant
lors du choix d'un milieu de vie substitut. Nous sommes donc favorables à l'insertion dans la Loi sur la protection de la
jeunesse de l'article 37.6, qui favorise la conclusion d'une entente entre
un établissement et une communauté autochtone, permettant à celle-ci de
recruter et d'évaluer, dans le respect des critères
généraux déterminés par le ministre, des personnes en mesure d'accueillir un ou
plusieurs enfants membres de la communauté.
À notre avis, cet article apporte une proposition concrète visant à favoriser
l'implication des communautés autochtones
et la préservation de leur identité culturelle. Il va de soi pour nous que ces
familles d'accueil de la communauté devraient
avoir accès aux mêmes ressources que les autres familles d'accueil du Québec
pour prendre soin des enfants qu'elles hébergent.
Si le projet
de loi n° 99 est un pas dans la bonne direction, il n'est pas garant de
succès à lui seul. L'adoption de nouvelles politiques, si elles ne sont
pas accompagnées de ressources ou mesures concrètes et basées sur les besoins
identifiés par la communauté, risque d'avoir des répercussions contraires à
celles attendues par le projet de loi. Dans plusieurs communautés, surtout les plus éloignées, il existe peu de
services de première ligne, offrant donc des possibilités limitées d'action pour les intervenants et les familles. Plusieurs d'entre elles n'ont aucun accès à un
psychoéducateur ou à d'autres professionnels et bénéficient de très peu
de ressources d'intervention psychosociale. Nous considérons donc qu'il serait important
de tenir une réflexion sur les pistes de solution permettant de combler le
manque de ressources humaines en relation d'aide dans les communautés
autochtones.
On ne
pourrait traiter les ressources humaines sans aborder la question de l'accès,
pour les psychoéducateurs et autres intervenants, à des formations sur
l'intervention en contexte interculturel, et plus spécifiquement en contexte autochtone. L'enjeu est important, car nos
professionnels ne peuvent intervenir avec compétence sans un minimum de
connaissances sur l'histoire, la culture, la manière d'éduquer les enfants, la
notion de temps, etc. De plus, on ne peut faire
fi des différences dans la façon d'aborder le bien-être et le développement des
enfants. Par exemple, les intervenants allochtones
tendent souvent à axer leurs interventions sur l'individu ou la famille. De son
côté, l'intervenant autochtone agira davantage sur les macrosystèmes
tels que la communauté élargie.
Il est donc
important pour nous que la formation initiale des professionnels en relation
d'aide comporte un volet intervention
interculturelle qui traite de l'importance de prendre en compte les différences
culturelles, tout particulièrement l'histoire des peuples autochtones et
les enjeux propres aux communautés autochtones.
De plus, il
nous apparaît essentiel de pouvoir faciliter l'accès à la formation continue
sur l'intervention en contexte autochtone
qui tienne compte de l'histoire et de la culture et qui s'adresse aux
différents intervenants du domaine psychosocial appelés à collaborer
avec les communautés autochtones.
De même,
l'inclusion de membres de la communauté dans le processus de décision est
primordiale pour assurer que ces
décisions soient signifiantes pour les familles et les communautés, pour
faciliter la collaboration des acteurs essentiels, pour que les interventions soient efficaces et,
enfin, pour favoriser l'autodétermination des peuples autochtones. Toutefois,
cette inclusion n'est pas sans défis majeurs et requiert beaucoup de temps et
de soutien pour éviter des ruptures de communication et la reproduction de
dynamiques de pouvoir inégales.
Plusieurs
décisions des acteurs de protection de la jeunesse sont prises lors de
situations de crise. Ces événements sont moins propices pour assurer une
participation des membres de la communauté et des familles dans le choix de
décisions éclairées dans un contexte où l'on relève par surcroît un manque
significatif de ressources professionnelles autochtones
ou ayant les compétences culturelles en mesure d'assurer un leadership dans le
processus décisionnel. Agir dans de
telles situations requiert, nous en conviendrons, des ressources humaines
habilitées, mais aussi l'établissement d'un climat de collaboration et
de confiance entre agents des services de protection de la jeunesse et membres
des communautés. Pour ces raisons, nous
considérons important que des mesures soient mises en place pour favoriser
l'accroissement du nombre
d'intervenants autochtones habilités à exercer les activités réservées liées à
la Loi sur la protection de la jeunesse.
Pour
conclure, nous tenons à saluer l'intention du gouvernement, avec le dépôt du
projet de loi n° 99, d'apporter des
solutions concrètes aux problématiques vécues chez les communautés autochtones
et d'inclure la notion d'exploitation sexuelle à l'article 38d, traitant
de l'abus sexuel. Merci de votre attention.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, pour 16 min 30 s, je cède la parole à Mme la
ministre.
Mme
Charlebois :
Merci, M. le Président. Bon matin.
Le Président (M. Tanguay) : Bon
matin.
Mme
Charlebois :
Je suis contente de vous retrouver. Bonjour aussi à tous mes collègues du
gouvernement et des oppositions. On va avoir une belle matinée encore
aujourd'hui à consulter sur le projet de loi n° 99, bref, sur la Loi de la protection de la jeunesse, qu'on vise à
améliorer. Parce que la société évolue, bien, il faut évoluer dans nos
stratégies aussi puis dans notre façon de faire pour protéger nos
jeunes.
Alors, tout
d'abord, vous souhaiter la bienvenue, M. Leclerc et M. Hénault. Merci d'être là
et de nous partager vos réflexions.
C'est super important qu'on ait un petit peu un point de vue de tous les
horizons pour qu'on puisse faire du
mieux qu'on peut pour bonifier le projet de loi. Je vais aller au vif du sujet.
Vous commencez en parlant de l'exploitation sexuelle. Vous dites dans votre mémoire que vous nous suggérez d'insérer
une définition claire, opérationnelle à la notion d'exploitation sexuelle, et vous mettriez ça,
vous, dans la loi, ou dans le cadre de référence, ou... Avez-vous une position
là-dessus? Parce qu'on a plusieurs personnes
qui nous en ont parlé, puis elles nous suggéraient de plutôt mettre ça dans
le manuel de référence pour faire en sorte que, s'il y avait...
Vous savez,
là, on a eu un groupe qui nous a parlé de cyberintimidation à caractère sexuel,
cybervictimisation sexuelle, puis peut-être
que, dans deux ans, on parlera d'autres choses. Alors, eux autres, ils nous
disaient : Bien, ce serait mieux
de l'inclure dans le manuel de référence, dans les normes, là, plutôt que dans
la loi parce que, la loi, on ne l'ouvre pas à tous les jours. Ce serait
plus ciblé, puis on pourrait modifier plus facilement. Qu'est-ce que vous en
pensez?
• (11 h 30) •
M. Leclerc
(Denis) : Merci de votre question,
Mme la ministre. Je vais vous répondre en deux temps. D'abord,
sur l'alternative entre le mettre dans la
loi ou le mettre dans des documents reliés, honnêtement, je ne peux pas vous dire qu'est-ce qui serait... n'étant pas juriste, et
tout ça, l'ensemble là-dessus... Mais le coeur de notre proposition, c'est de faire ressortir qu'à partir du moment où, antérieurement, on
prenait le terme «abus sexuel», qui englobait à lui seul plusieurs
enjeux, si, dans la loi, on trouve pertinent de démarquer deux termes, c'est-à-dire les abus sexuels et l'exploitation sexuelle, bien, il nous semble également pertinent, possiblement dans la loi... mais,
comme je vous le dis, on n'a pas de demande précise là-dessus, mais il
nous semble, à tout le moins, pertinent de bien distinguer ces deux termes-là,
qui, tout à coup, vont se côtoyer dans la
loi. Donc, si on trouve qu'il est pertinent de les nommer, de les identifier,
il faut s'assurer qu'ils ne seront
pas amalgamés. Et, évidemment, on endosse le fait de le mettre parce que chacun
implique par la suite une analyse des
situations, une orientation des interventions différenciées — ça, ça va de soi — et c'est le sens de notre
distinction, pour éviter l'amalgame.
Mme
Charlebois :
Je comprends, puis, en même temps, je me demande... En tout cas, on va
vérifier, comme vous le dites, avec
les juristes. Moi non plus, je ne suis pas juriste, là, on va s'informer auprès
d'eux comment on peut bien faire ça.
Parce que j'entends votre préoccupation, je trouve qu'elle est légitime, mais
moi, je ne veux juste pas qu'on se contraigne
à... s'il y a d'autres phénomènes qui arrivent, qu'on ne puisse pas y faire
face, là, qu'on ne puisse pas, tout de suite,
prendre les moyens pour protéger les jeunes. Mais, en tout cas, on va regarder
qu'est-ce qui est le mieux, comment on peut faire bien et mieux.
Concernant
les familles d'accueil et de proximité, vous saluez le fait qu'on spécifie ces
deux notions-là dans le projet de
loi. Vous savez que le Barreau et la CDPDJ sont contre. Vous savez qu'il y a
certaines associations qui demandent aussi
à ce que les familles d'accueil de proximité aient les mêmes obligations que
les familles d'accueil. J'aimerais ça avoir
votre commentaire là-dessus. En tout cas, votre évaluation. Est-ce que vous
croyez que le lien qu'a l'enfant avec la famille d'accueil de proximité doit être considéré davantage que
certaines dispositions ou, en tout cas, certaines normes qu'ont les familles d'accueil? Notamment, je pense
au cours de — comment
ça s'appelle? — RCR.
Bon, mais, tu sais, eux autres, ils
disent : Non, ça devrait être aussi important. Et est-ce que vous croyez
que toutes ces normes-là ne peuvent pas empêcher...
Je vous donne
un exemple simple... qui n'est pas simple, mais un exemple, on va dire ça comme
ça. Un professeur qui décide que,
dans sa classe, tel enfant mérite son attention, puis elle a un coup de coeur
pour cet enfant-là, puis elle dit — je dis elle parce que je suis habituée, dans
mon milieu, mes tantes étaient toutes enseignantes, ma mère aussi, mais ça pourrait être un il — décide... la personne décide, le prof décide
que, moi, cet enfant-là, je voudrais devenir famille d'accueil de proximité. Il n'y a pas de lien de
parenté, mais il y a un lien suffisamment fort entre l'enfant et le prof pour
qu'elle devienne famille d'accueil de
proximité. Est-ce que vous considérez que ces conditions-là pourraient
l'empêcher de devenir une famille d'accueil de proximité, de respecter
tous les règlements ou toutes les normes que les familles d'accueil pourraient
avoir?
M. Leclerc
(Denis) : Vous soulevez
plusieurs enjeux, effectivement, puis je vais inviter mon collègue, M. Hénault,
à répondre à cette dimension-là, si vous le permettez.
Mme
Charlebois : ...
M. Hénault
(Jean) : Comme dans toute chose, on pourrait dire qu'il y a des
indications et des contre-indications, dans
le fond, face à cet aspect-là. C'est sûr que, par rapport aux familles
d'accueil de proximité près de la famille de l'enfant, il y a certains
bénéfices qu'on doit considérer. C'est l'extension de la famille, donc le
déracinement est moins grand. Il y a
certains avantages à ce qu'on privilégie la famille d'accueil de proximité.
Puis aussi, toujours considérant que la famille de proximité, c'est des parents proches de
l'enfant, c'est qu'il y a des données au niveau de la recherche qui nous
disent que les enfants qui sont placés en famille de proximité, famille proche,
dans le fond, ils ont plus de chances de retourner...
la probabilité est plus grande qu'ils retournent auprès de leur famille, leur
père, leur mère, et aussi les probabilités que la durée du prolongement du placement... donc, la durée est souvent
moins longue. La durée du placement, qui est un élément aussi à
considérer.
Il y a une
prudence. C'est sûr que, si on parle, là, que l'enfant est placé auprès de la
famille proche, c'est qu'il faut
s'assurer, dans le fond, s'il y a nécessité, qu'il y ait une certaine distance
entre le père, la mère et l'enfant. Est-ce que le fait que l'enfant est placé chez ses parents, des parents proches...
est-ce que cette distance-là, qui est importante pour l'enfant, sera
respectée? Donc, il y a des éléments à considérer, importants à regarder.
Est-ce que, si on leur demande les mêmes
exigences que les familles d'accueil, je dirais, traditionnelles... On est
nuancés là-dessus. On n'est pas sûrs que, dans le fond... Puis notre position,
elle n'est pas... on n'a pas pris position clairement là-dessus, mais on
n'est pas sûrs qu'on doit avoir l'ensemble des mêmes exigences ou obligations
que pour une famille d'accueil qui accueille plus d'un enfant puis qui accueille,
dans le fond, des fois, plusieurs enfants et des enfants, dans le fond, qui ont
des problématiques souvent aussi fort complexes. Si on parle, dans le fond, de
famille d'accueil de proximité, on parle, dans le fond, d'une famille qui va
accueillir un enfant qui fait partie de leur famille.
C'est une situation qui est à considérer, il y a des nuances à apporter par
rapport à l'ensemble des obligations. Est-ce
qu'on doit demander à un oncle et une tante qui accueillent leur neveu en
famille d'accueil de proximité... les obliger à suivre le cours de RCR? C'est sûr que c'est un plus, mais est-ce qu'on
doit absolument les obliger à le suivre? Est-ce que ça devrait être
obligatoire? Il faut considérer, dans le fond, le cadre qui est spécifique, et
pas nécessairement généraliser, en
faire un cas comme si c'était une famille d'accueil, je dirais plus... qu'on
connaît plus officielle, dans le fond, là, normée, dans le fond, par les
lois.
Mme Charlebois :
J'ai presque le goût de vous dire... de vous aider dans votre réponse. C'est ma
réflexion, mais je suis toujours en
mode écoute, hein, parce qu'il reste encore un groupe. Mais, dans ma réflexion,
je me dis : Il y a des intervenants
et des intervenantes au dossier, là, il y a un DPJ qui examine le dossier. Je
ne peux pas croire qu'il n'y aura pas une évaluation. Si quelqu'un a un
dossier criminel, ils n'enverront pas l'enfant.
M. Hénault
(Jean) : Dans les obligations d'évaluer la famille d'accueil de proximité,
de procéder à cette évaluation-là,
c'est tout à fait pertinent. On doit s'assurer que, dans le fond, que les
pratiques, l'encadrement qui sera fourni à cet enfant-là ne le mettront pas en danger et ne viendront pas
compromettre son développement. Ça, je pense que c'est important. Donc, il faut dire : Il y a un
ensemble d'obligations. Celle qu'il y ait une évaluation du milieu, celle-là,
elle est importante, on ne doit pas
passer à côté pour le bien et la sécurité de l'enfant. Certaines autres obligations,
je pense qu'il faut qu'elles soient regardées dans un contexte plus spécifique,
à notre avis.
Mme Charlebois :
Vous allez me permettre juste de corriger quelque chose parce que je vous ai
dit, en entrée en matière, que la
DPJ, la CDPDJ... Non, je vous ai dit que le Barreau et la CDPDJ étaient contre
les familles d'accueil, c'est faux, je me suis trompée. La CDPDJ est
d'accord avec les familles d'accueil de proximité, c'est les DPJ qui...
Une voix : Vous avez dit le
Barreau.
Mme Charlebois :
...le Barreau, plutôt, qui ne commente pas positivement. Je me suis trompée,
alors je veux rectifier ça tout de suite en cas qu'ils nous écoutent.
Une voix : ...
Mme Charlebois :
Non, non, mais, farce à part, c'était erroné, alors je veux rectifier ça.
Alors, je
vais vous amener maintenant à me parler des familles des Premières Nations et
des Inuits, et vous nous avez dit
qu'il faudrait davantage d'intervenants autochtones. J'entends ça, et je suis
allée à Kuujjuaq et Puvirnituq aussi, puis
j'ai compris que la diplomation était difficile là-bas. L'année où j'y suis
allée, il y avait un adolescent qui terminait son secondaire V.
Alors, pour être intervenant, ça prend un minimum de scolarité.
Est-ce que
vous avez des pistes de solution? Est-ce que ça peut, selon vous, devenir un
incitatif pour les études si on explique aux jeunes qu'ils pourraient devenir
intervenants? Est-ce que vous avez des pistes de solution? Comment vous voyez ça, vous? Comment on peut faire pour
arriver à avoir... Parce que je suis d'accord avec vous que plus il
y aura d'intervenants des Premières
Nations et inuits, plus ça va être facile pour eux d'entrer en communication et
de bien saisir leur culture, leurs habitudes
et tout ce qui les concerne. J'essaie de voir parce que ce n'est pas si évident
que ça, là, d'avoir plus de Premières Nations qui sont intervenants.
Comment vous voyez ça, vous?
• (11 h 40) •
M. Leclerc (Denis) : Si vous me
permettez — merci — évidemment,
c'est un enjeu qui est d'une très grande complexité, et il n'y a sûrement pas
de piste de solution simple à un problème aussi complexe. Ça, on va s'entendre.
Actuellement, le fonctionnement traditionnel fait en sorte qu'on va essayer de
trouver des solutions pour recruter des intervenants
professionnels diplômés. On va être très, très contents quand ces
professionnels-là sont en plus issus de la communauté, mais, comme vous venez de le souligner, c'est très difficile.
Pour les personnes autochtones et les communautés,
ils ont de la difficulté même à atteindre le niveau d'entrée pour pouvoir faire
une demande dans les professions telles que la psychoéducation. Et en
plus, bien, ça, ça veut dire un déracinement pendant cinq ans dans notre
cas, puisque c'est une
maîtrise qui est le diplôme d'entrée à la psychoéducation. Souvent, ceux qui
pourraient être admis, bon, ils ne continuent pas toujours et, quand ils
continuent, ils ne reviennent pas toujours non plus. Donc, c'est des
problématiques qui sont d'une grande complexité.
Vous
nous demandez s'il y a des pistes de solution. Il peut y avoir au moins
l'importance de tenir une réflexion. On
a commencé à tenir certaines réflexions puis certaines discussions sur ces
éléments-là à savoir est-ce qu'il peut y avoir des façons différentes de
voir la formation et la qualification des personnes. Il n'y a rien de
définitif, mais je pense qu'il y a une piste
de ce côté-là. Une autre piste qui m'apparaît, en tout cas, relativement
gagnante, vous soulevez une visite
que vous avez eue, j'ai également fait la même chose, et ce qu'on constate
inévitablement, c'est qu'il n'y a pas tant de débouchés, d'emplois de façon générale dans les communautés, si ce
n'est, entre autres, les types d'emplois offerts par le gouvernement dans les différents services. Et ce
n'est peut-être pas quelque chose qui est tellement valorisé, qui est très
valorisé déjà au niveau des communautés, donc c'est quand même une manière de
pouvoir éventuellement avoir un emploi
intéressant, une rémunération intéressante en restant dans la communauté en
autant qu'on puisse avoir l'accès à cette formation-là.
Vous
savez, je me permets d'ajouter dans le contexte, c'est certain qu'on
discuterait moins du problème s'il y avait beaucoup d'intervenants qualifiés, diplômés qui allaient dans ces
communautés-là, d'intervenants qu'on dit allochtones. Il y a un problème d'attraction important. Et, quand
on parle de problème de rétention, que ce soit dans les communautés cries ou inuites, on parle d'une moyenne d'à peu
près 18 mois de rétention. Alors, c'est certain qu'il faut qu'on aborde la question autrement et, comme je vous ai dit,
réfléchir à est-ce qu'il n'y aurait pas des façons différentes de qualifier,
de former et d'accompagner les gens dans un
processus non traditionnel que je qualifierais, là, que je décrirais comme
étant... La personne s'inscrit à
l'université, passe quatre ans, cinq ans avec des cours et des stages puis,
ensuite, elle est en mesure de
travailler. Est-ce qu'il n'y a pas des manières différentes de regarder cela?
Les réflexions avancent, progressent de ce côté-là, mais je pense qu'il
faut vraiment le faire de façon sérieuse.
Mme
Charlebois : Voir s'il n'y a pas de la formation possible à
distance et/ou envoyer des formateurs là-bas. En tout cas, je vous entends. Je ne suis pas en train de trouver la
solution facile, je vous dis juste que, oui, je vous entends, puis on va
regarder ça.
Puis vous avez dû
entendre parler du dossier du projet Saqijuq, où Mme Minnie Grey, qui est une autochtone
là-bas, une Inuite et qui, avec moi,
copréside une table de coordination avec... Justement, les gens là-bas veulent
se prendre en main eux-mêmes plutôt
que, nous, leur dire comment faire, quoi faire, etc. Alors, ils sont dans le
mode prévention, tout ça, mais il y a
l'éducation qui est à la table, sécurité publique, justice, tout ça. Mais ce
sera certainement quelque chose que je pourrai suggérer.
Je
sais qu'il ne me reste plus beaucoup de temps, alors je vais aborder un autre
sujet. Sur les fugues, vous n'avez pas parlé beaucoup, bien, pour ne pas
dire pas du tout, je pense, dans votre mémoire, des fugues, hein?
M. Leclerc
(Denis) : Non.
Mme
Charlebois : Est-ce que c'est un sujet sur lequel vous avez
réfléchi, ou c'est juste que vous avez manqué de temps, ou...
M. Leclerc
(Denis) : Honnêtement, on n'a pas intégré dans notre réflexion cette
dimension-là spécifique, effectivement. C'est une orientation qu'on aurait pu davantage
prendre, mais on ne l'a pas prise. On pense qu'il y a beaucoup de
choses qui ont été dites dans les derniers mois autour de ces événements-là et
on n'avait pas le sentiment de pouvoir y
apporter du neuf de façon particulière, si ce n'est de réitérer une position
qu'on a prise publiquement au printemps un peu dans la lignée de tout cela où on disait que, pour certains de nos professionnels,
de nos membres, on a un constat que, dans le contexte des centres
jeunesse, parfois on n'a peut-être pas toujours les conditions pour pouvoir
actualiser au maximum l'autonomie et le
plein jugement... pas le jugement, mais l'autonomie professionnelle
des intervenants dans plusieurs contextes et...
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Merci.
M. Leclerc
(Denis) : Je vous remercie.
Le
Président (M. Tanguay) : Maintenant,
pour la suite des débats, pour une période de 10 minutes, je cède la
parole au collègue de Rosemont.
M.
Lisée : Merci, M. le Président. M. Leclerc, M. Hénault, merci beaucoup d'être là. Vous représentez 4 500
psychoéducateurs, des gens dont on parle beaucoup ces derniers mois,
ces dernières années pour dire qu'il en manque, qu'on en a besoin. Alors, c'est à la fois une bonne et une mauvaise
nouvelle pour vous parce que, donc, votre travail est très valorisé. La mauvaise nouvelle, c'est que vous
avez un certain nombre de vos membres qui ont perdu leur emploi dans les
commissions scolaires alors que, là, ils faisaient un travail indispensable.
J'ai
lu votre mémoire et je suis d'accord avec l'essentiel de
vos recommandations. Je voudrais vous poser la question autrement. D'abord, combien de
membres avez-vous dans les centres jeunesse?
M. Leclerc
(Denis) : De manière
précise, dans les centres jeunesse, j'avoue que je ne peux pas vous le dire. De
manière plus générale, étant donné que la situation, avec le projet de loi
n° 10 du secteur santé et services sociaux, de manière générale, le secteur général santé et services sociaux est rendu amalgamé à l'intérieur de CISSS et
CIUSSS, donc, sur les 4 500, ce
que je peux vous dire, c'est qu'on a un peu plus de la moitié de ces 4 500
là qui travaillent dans le secteur santé
et services sociaux, donc, par
définition, à l'intérieur de CISSS et de CIUSSS. Mais certains peuvent être
dans le secteur des centres de réadaptation en déficience intellectuelle et au niveau
des troubles de l'autisme; d'autres, centres
jeunesse; d'autres, hôpitaux; d'autres,
un peu les classiques CLSC. Donc, la proportion directement de centres
jeunesse, on ne l'a pas de façon claire.
M.
Lisée : On a eu plus tôt pendant cette consultation des
directeurs de la santé publique, la présidente de l'Ordre des travailleurs sociaux qui nous ont décrit une
situation plutôt préoccupante de la part de leurs membres dans le système
en ce moment. Comment est-ce que vous
décrivez ce que vos membres qui sont dans les CISSS et les CIUSSS vous disent
sur la situation qu'ils vivent au quotidien?
M. Leclerc (Denis) : Je ne vous cacherai pas que nos membres sont également
préoccupés par l'ensemble des changements,
parfois des changements qui sont structurels, évidemment, là, puis qui
amènent une insécurité d'organisation
du travail, et tout ça. De notre côté,
c'est moins la perspective qu'on doit prendre, puisque les conditions de travail, elles ont
un lien avec l'acte professionnel, on ne le cache pas, mais elles ont aussi un
lien avec les conditions de travail.
Donc, on a toujours une
certaine prudence.
J'ai
souligné tout à l'heure à la ministre que ce qu'on soulève, notamment
dans le secteur des centres jeunesse, c'est
que la qualité du travail professionnel est parfois compromise par différents
contextes qui peuvent être variés. On avait
déjà soulevé dans notre avis à ce
moment-là que, notamment,
le roulement de personnel peut avoir un impact sur des clientèles avec lesquelles on travaille qui
ont des difficultés et des problèmes d'attachement. Donc, des éléments comme ça nous apparaissent préoccupants. Donc, on est plus
sur les conditions pour avoir — comment
je le dirais, là? — un
cadre professionnel de compétence. Ça, on a une préoccupation. On est quand même prudents à aller un peu plus loin, on est conscients aussi que les changements sont majeurs,
ils perturbent beaucoup, beaucoup d'intervenants, mais ils sont encore relativement
récents. Mais on essaie de suivre la situation avec attention, je vous le
reconnais.
• (11 h 50) •
M.
Lisée : ...un
changement structurel, c'est une chose, on peut s'adapter. Les psychoéducateurs
ne sont pas des cadres, ils font un
travail auprès d'une clientèle. Alors, ça devrait se passer un petit peu au-dessus de leur tête, puis leur dire : Bon, bien, on a changé de patron, on a changé de filière
puis on a changé de façon de faire de la reddition de comptes,
mais nous, on s'occupe des enfants.
M.
Lebon, dans son entrevue à La Presse, a été très dur en disant que non
seulement les tâches devenaient de
plus en plus lourdes, mais le taux de
roulement n'était pas de nature à bien faire son travail. Il dit : «...un
jeune hébergé pendant six mois peut
croiser 150 personnes différentes à cause des listes de rappel, des vacances,
des remplacements. "C'est une aberration"...»
Êtes-vous d'accord?
M. Leclerc (Denis) : On a une proposition en appui avec ce constat sur l'impact sur la
qualité du service professionnel. Donc, j'ai déjà dit que j'étais en
accord avec cette vision-là et que c'était préoccupant également.
M. Lisée :
Alors, quelle est la solution?
M. Leclerc
(Denis) : Là, vous m'amenez dans une direction où je pense qu'encore
là des solutions, dans un contexte de
complexité comme celle-là, elles sont difficiles. On a des enjeux de
restructuration, on a des enjeux syndicaux qui... Il ne faut pas se le
cacher que la situation qui a été dénoncée par M. Lebon — et il
l'a dit lui-même — n'est
pas strictement en lien avec les changements récents au niveau du projet de loi
n° 10, et donc de la création des CISSS et CIUSSS, mais quelque chose qui s'est implanté de plus en plus
progressivement et depuis longtemps au niveau des centres jeunesse. M. Lebon soulignait sa préoccupation par
rapport aux clientèles des centres jeunesse qui est... cette préoccupation-là,
elle est là depuis plusieurs années. Donc,
c'est une situation qui est, effectivement, complexe. Nous, ce qu'on dit,
c'est...
M.
Lisée : ...est-ce que la fusion des unités d'accréditation, qui
est forcée par la loi n° 10, va permettre de régler certains de ces
problèmes ou non?
M. Leclerc (Denis) : Honnêtement, M. le député, je ne suis pas en mesure de pouvoir juger de
l'impact réel d'une restructuration
de cette ampleur sur l'ensemble des structures. Mais c'est sûr que la distance
des lieux de décision peut être
préoccupante. Il y a un élément qui, en soi, peut être à mettre de l'avant,
c'est-à-dire l'autonomie professionnelle, qui risque d'être plus grande, mais il faut que les gens aient la
possibilité d'avoir cette autonomie-là. S'il y a moins de cadres, moins de décideurs, moins de patrons,
bien, il y a un élément d'autonomie à ce moment-là qui peut être à mettre
de l'avant. Est-ce que la culture a suivi de ce côté-là? La question demeure
aussi.
M.
Lisée : La statistique qu'on a ici : taux de roulement
dans les centres jeunesse, 9 %; taux d'absentéisme de 6 % à Laval; à 31 %, sur la Côte-Nord;
un éducateur sur trois part après un an dans certains centres. La présidente de
l'ordre des travailleurs sociaux nous
a dit qu'il y avait depuis deux ans une augmentation des plaintes pour conflits
de loyauté, ce qui signifie que le
professionnel considère qu'il ne peut pas exercer correctement ses actes
professionnels, compte tenu du
contexte budgétaire ou autre qui contraint ses gestes. Est-ce que vous, vous
avez aussi une recrudescence de ces plaintes?
M. Leclerc (Denis) : On a des indications qui nous amènent à dire que
la situation des psychoéducateurs n'est pas nécessairement totalement différente, mais on a moins de
manifestations concrètes et de signalements concrets de ces situations-là par nos membres actuellement.
Mais on ne peut pas dire qu'on est différents. Mais je n'ai pas de données
qui me permettent, comme ma collègue, de pouvoir décrire de façon précise la
situation.
M.
Lisée : C'est-à-dire que les travailleurs sociaux sont plus
enclins à se plaindre d'une situation similaire, et les
psychoéducateurs, moins?
M. Leclerc (Denis) : Le cadre des travailleurs sociaux est un peu plus
centré au niveau des milieux de travail, puis ils sont quand même pratiquement trois fois plus nombreux. Puis il
y a une situation qui a changé beaucoup pour eux dans leur cadre de
travail, il y a eu également les transferts de certaines ressources
professionnelles des secteurs services
sociaux vers les GMF, et ça a touché davantage les travailleurs sociaux que nos
professionnels. Donc, sans être totalement
à jour sur les détails, mais ce qu'on a pu constater, c'est que les changements
structurels ont eu un impact plus direct et plus immédiat pour les
travailleurs sociaux que pour les psychoéducateurs.
M. Lisée :
Alors, vous êtes un témoin de l'interne, donc vous avez la moitié de vos
membres qui sont dans le système de santé. Je voudrais rapidement tester une ou
deux affirmations avec vous.
On
a la Protectrice du citoyen qui, la
semaine dernière, nous a dit dans un rapport très fouillé qu'il y avait eu une
réduction de la qualité des services
notable, significative, troublante dans le système de santé, et on a le premier
ministre qui nous dit que non, tout ça, c'est du vent, les budgets ont
toujours été augmentés. Lequel dit vrai?
M. Leclerc (Denis) : Je ne me prononcerai pas sur la véracité de l'un ou de l'autre. Comme
vous, je trouve que les constats de
la Protectrice du citoyen sont préoccupants, sont à analyser, mais je ne me
ferai pas juge de la position de l'un et de l'autre si vous me le
permettez.
M.
Lisée : Alors, vous êtes très prudent. Si je vous dis que la
ministre nous dit qu'il n'y a eu aucune coupure dans les centres jeunesse, dans les services, qu'il y a
eu des coupures purement administratives puis que, quand, dans les centres
jeunesse, on lui montre que des gens qui
étaient des psychoéducateurs ne sont plus là, etc., ça n'existe pas, il n'y a
que des coupures administratives, il n'y a aucune réduction de services ces
deux dernières années, est-ce que c'est également ce que vous voyez ou
c'est autre chose?
M. Leclerc
(Denis) : Pour ce qui est des coupures, de façon précise, ce n'est pas
des types de données pour lesquels on
bénéficie d'information. Un syndicat va avoir ces informations-là,
malheureusement un ordre ne les aura pas de façon directe. Ce qu'on entend, ceci dit, c'est que les coupures au
niveau des structures, au niveau de l'encadrement, au niveau de
l'administration ont parfois des effets indirects sur le travail des
professionnels, qui, parfois, doivent compenser
parce qu'ils ont moins de soutien d'adjointes administratives, moins de soutien
de techniciens, supposons, ou moins d'encadrement et, par le fait même,
moins...
M. Lisée :
...leur charge de travail est augmentée.
M. Leclerc (Denis) : Bien, la complexité, la charge de travail... C'est-à-dire que, pour un
même dossier... un même nombre de
cas, si on a des fonctions qu'on doit ajouter qui, avant, étaient assumées par
un soutien, supposons, administratif, donc c'est le cas.
Puis
l'autre élément, bien, c'est la question de l'autonomie. J'en ai parlé tout à
l'heure, il est difficile aussi pour les
professionnels... Quand on a une culture qui n'a pas nécessairement évolué sur
l'autonomie qu'on donne puis qu'on octroie
aux professionnels, mais qu'on a moins d'encadrement, c'est tout aussi
difficile pour les personnes qui encadrent que pour le professionnel.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci, M. Leclerc. Alors, pour
6 min 30 s, je cède la parole à notre collègue de
Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger :
Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Premièrement, vous parliez de
familles de proximité, vous dites qu'il faut donner les mêmes ressources que la
famille d'accueil régulière. Quand vous parlez de ressources, est-ce que vous
parlez de ressources financières, ou de ressources professionnelles, ou les
deux?
M. Leclerc
(Denis) : Je vais inviter M. Hénault à répondre si vous voulez.
M.
Hénault (Jean) : Bien, je dirais, d'un dossier à l'autre... mais je
crois qu'on doit englober, dans le fond, les différents types de ressources : ressources humaines,
professionnelles puis ressources financières, oui. Parce que, dans le fond, la famille d'accueil de proximité va avoir
des besoins similaires à une autre famille d'accueil, d'être accompagnée,
d'être soutenue par rapport aux
problématiques de l'enfant, et c'est sûr que la dimension financière, elle est
présente, et on doit considérer cette
dimension-là puis s'assurer qu'on va soutenir les familles d'accueil de
proximité sur les différents plans.
Donc, plan financier, oui, mais plan soutien au niveau du psychosocial, au
niveau de comment on peut accompagner ces parents-là proches de l'enfant
à jouer leur rôle de la meilleure façon possible.
• (12 heures) •
M.
Schneeberger : Depuis quelques jours maintenant, on parle
beaucoup des Premières Nations. On sait la problématique
dans les communautés. Certaines communautés sont venues nous voir pour
féliciter l'approche, et autres. Pour
connaître des personnes très proches de moi qui ont déjà travaillé, notamment,
à Salluit, je peux vous dire que la réalité là-bas est tout autre d'ici.
Et, pour nous — je
vais qualifier de blancs, entre guillemets — aller là-bas, il faut être missionnaire un peu, c'est presque une
vocation si on parle du long terme. Malheureusement, la plupart vont là une
année, question d'expérience, ou, des fois, de salaire, ou autre. Et il y a
aussi des problèmes d'acceptation parce que ces
gens-là, ils disent : Bon, venez chez nous. Les jeunes s'accrochent, des
fois, parce qu'une autre culture, et
autres... Finalement, ils repartent.
Ça fait qu'il y a des bris, là, des bris émotionnels qui se font couramment. Et
ils nous appellent un peu les visiteurs. Tu sais, je n'ai pas le mot
exact, mais c'est ça.
En
même temps, si on veut venir en aide, ils ont besoin de nous à quelque part, et
on sait la problématique pour avoir des professionnels autochtones, là,
avec le taux de diplomation, et autres. Est-ce qu'à ce moment-là... Moi, je regarde ça, là, je trouve, la volonté est là, et
autres, mais au bout, là, au bout de tout ça, au bout du cheminement, est-ce
qu'on ne serait pas mieux de travailler
beaucoup plus en amont, c'est-à-dire directement au niveau des familles? Parce
que le problème, il se crée là. Ce n'est pas
l'enfant qui est le problème, c'est le milieu familial. Et je pense que, dans
ces communautés-là, si on peut faire
de quoi, c'est beaucoup plus en amont, au niveau du noyau familial, parce qu'on
sait les problèmes de... Puis c'est
aussi pour nous, aussi, hein, on s'entend, ce n'est pas très différent que ça,
mais il faut... Écoutez, c'est délicat, c'est des choses délicates à parler,
mais, je pense, si on n'en parle pas, on ne réglera pas.
Le
problème de drogue, tu sais, moi, la personne me disait que les jeunes là-bas
inhalaient des produits d'acide, des
choses comme ça, là, tu sais, je veux dire, c'est extrême, là. Parce que c'est
des produits qui sont là puis qui ne coûtent rien, mais ça nuit beaucoup à la communauté, puis, veux veux pas, le
noyau familial en prend un coup. Je trouve que, là, il y a un manque là-dessus, puis je pense que, si on
veut régler le problème, c'est vraiment là qu'il faudrait mettre l'emphase.
Moi, je voudrais vous entendre là-dessus, là. Par expérience, avez-vous la même
vision que moi ou c'est tout autre?
M. Leclerc (Denis) : Évidemment, ce que vous décrivez, c'est une situation
qui est excessivement inquiétante et préoccupante pour l'ensemble
de notre société. Vous soulevez les problèmes, et, effectivement, sous l'angle d'un ordre
comme le nôtre puis une profession comme la nôtre, ce qu'on constate, c'est que
les clientèles autochtones sont, de
façon générale, parmi les plus vulnérables de l'ensemble du Québec, et il y a des problématiques multiples,
hein? Vous avez parlé de toxicomanie.
La violence, le suicide, ce sont des problèmes majeurs qui sont associés à
plusieurs problèmes plus ou moins importants, mais qui sont préoccupants
tous, évidemment.
Dans
ce sens-là, vous soulevez est-ce qu'on doit aller en amont, puis, entre autres,
les problèmes sont familiaux. Je vous
dirais que la manifestation des problèmes peut être familiale, mais je vous dirais
qu'ils sont beaucoup aussi sur les questions
des conditions de vie de façon générale. La pauvreté sera toujours un élément
qui va engendrer des problèmes, et il faut le reconnaître. Donc, il y a
ces éléments-là.
S'ajoute
dans la complexité... Vous l'avez soulevé rapidement, mais, pour un intervenant
allochtone, vous dites : D'arriver là, il y a des éléments
culturels, des éléments de langue, donc c'est très difficile. On a encore
souvent des allochtones — excusez, si je prends le terme, mais c'est le
terme qui est souvent utilisé — on a souvent des intervenants professionnels qui y vont un petit peu pour le
défi, pour l'aventure, comme vous le dites. Parfois, ce sont des jeunes, pas
des professionnels de grande expérience
encore, avec beaucoup de bon vouloir qui restent, comme je le disais, 18 mois.
Donc, ce que je veux soulever dans ça, c'est
que c'est un constat qu'on fait sur une situation, un statu quo qui n'est pas
acceptable, et il faut trouver des façons
différentes de le faire, et il faut essayer de valoriser puis de trouver des
manières de faire en sorte que, les
intervenants locaux, tout en gardant l'importance d'une compétence
professionnelle, clinique, ainsi de
suite, la plus haute possible, on puisse profiter de leurs compétences culturelles,
linguistiques, qu'on puisse profiter du fait qu'ils connaissent la
communauté.
Vous
disiez tout à l'heure : Les gens, ils ne sont pas acceptés. Mais, quand
vous pensez, il y a très peu d'intervenants — parlez de Blancs allochtones — qui connaissent la langue inuite, très,
très, très peu, hein, seulement quelques-uns
qui ont... Donc, ils arrivent là, ils travaillent pendant un an et demi, deux
ans, trois ans — tant
mieux si c'est plus long — sans jamais être en mesure de discuter
directement avec une grand-mère qui parle un peu anglais et beaucoup
inuit. Donc, il y a une distance importante.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous vous remercions,
les représentants de l'Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices
du Québec.
Je suspends nos
travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à
12 h 5)
(Reprise à 12 h 7)
Le Président (M.
Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos
travaux et, ce matin, nous recevons donc les représentantes de Pétales Québec.
Bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez
l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Pour les fins d'enregistrement, je vous demanderais de bien
vouloir vous nommer et préciser vos fonctions. Et, sans plus tarder, la
parole est à vous.
Pétales
Québec
Mme
Marchand (Danielle) : Merci. Merci, M. le Président, Mme la ministre
et les membres de la commission, pour nous avoir invitées à cette audience.
Je précise que nous sommes ici en tant que porte-voix des parents que nous représentons à notre association. Je me présente,
Danielle Marchand, je suis directrice, coordonnatrice des activités, et intervenante à Pétales Québec, et membre
fondateur. À ma gauche, Mme Diane Toupin, qui est aussi membre fondateur
et secrétaire au conseil d'administration depuis la fondation de Pétales.
Notre
principal intérêt concerne toutes les questions liées à la théorie de
l'attachement, aux défis d'attachement et
aux troubles de l'attachement. Troubles de l'attachement dans le sens de la
définition dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, qu'on appelle le DSM-5. Nous venons en
aide à tous les parents dont les jeunes présentent des défis d'attachement ou des troubles de
l'attachement, qu'ils soient des parents biologiques, adoptifs, des parents de
familles d'accueil et des familles de
proximité. Nous sommes convaincus qu'une meilleure connaissance de la théorie
de l'attachement, de la reconnaissance des
défis d'attachement et des troubles de l'attachement permettrait le
développement de ressources mieux adaptées pour les jeunes, pour donner
de meilleurs soins à nos jeunes.
Un grand
nombre de parents adoptifs ont fait appel à nous. Ces parents ont accueilli des
jeunes lourdement atteints. Étonnamment,
leurs témoignages se recoupent en plusieurs points, dont en voici quelques-uns.
Ces jeunes sont convaincus qu'ils
doivent impérativement s'autoprotéger. Incapables de faire confiance, ils sont généralement
opposants. Ils auront des gestes de
provocation, des attitudes de rejet envers les autres, d'agressivité, de
violence et d'évitement. Incapables de
réguler leurs émotions, ils sont explosifs de manière imprévisible. Ayant des
séquelles sur le plan cognitif, ils ont de grandes difficultés scolaires. Ces jeunes manquent cruellement
d'habiletés sociales. L'amour, la patience et le temps ne sont pas
suffisants pour créer un lien si essentiel pour pouvoir les éduquer et les
faire grandir.
• (12 h 10) •
Permettez-moi
de citer M. Pierre Lévy-Soussan, psychiatre, en français : «Quand le jeune
a vécu trop longtemps dans des
mécanismes de survie et que le passé carentiel et traumatique est beaucoup trop
long, il ne pourra pas transformer l'adulte
en [son] parent.» Ces parents cherchent à comprendre, à comprendre la
problématique de leurs jeunes et, surtout, à avoir de l'aide. Malheureusement, il n'existe aucune ressource appropriée pour les enfants présentant
des troubles de l'attachement adoptés. La seule issue est une prise en
charge par la DPJ.
Les parents dans cette situation nous témoignent
ceci. Le signalement est vécu comme un désaveu de leurs compétences parentales. L'évaluation est perçue comme une enquête intrusive, sans
égard aux difficultés du jeune adopté souffrant de troubles
d'attachement. Certaines décisions cliniques entravent totalement la mise en
place d'un plan d'intervention respectant
les besoins spécifiques de ces jeunes, générant une perte de temps
considérable, à risque de louper des
périodes cruciales pour intervenir au bon moment. Ces parents se sentent dans
l'obligation d'exécuter les directives des intervenants. S'il y a mésentente ou s'ils refusent de signer certains documents,
ils doivent obligatoirement
s'en référer au juge, ajoutant pour ces derniers des frais considérables
d'honoraires d'avocat.
Cette emprise
de l'État maintient le parent dans ce rôle du mauvais parent, confirmant
insidieusement au jeune souffrant de
troubles de l'attachement qu'il a tout à fait raison de ne pas faire confiance
à ses parents ainsi disqualifiés. Il
est alors impossible de maintenir le lien. Les rapports biaisés demeurent au
dossier du jeune tout au long de la prise en charge. Les perceptions faussées qui en découlent risquent de
confirmer l'image altérée que le jeune a de ses parents. Conséquemment, à la fin de la prise en charge, ce
dernier sera incapable d'aller vers eux et, inversement, n'acceptera pas
l'aide offerte par ses parents. Ces parents
parlent de leur impuissance devant la dérive de leurs jeunes vers la
psychopathologie, l'exclusion et la marginalité sociale. Diane.
Mme Toupin
(Diane) : Alors, comment sortir de cette impasse? Nos pistes de
solution sont les suivantes. Comme il nous apparaît inopportun de
prendre en charge ces jeunes en protection, nous souhaitons la mise sur pied de
services adaptés à leur condition. D'abord,
des cliniques en troubles de l'attachement non soumises à une démarche
juridique. Les troubles de
l'attachement devraient être pris en charge par des cliniques ayant toute
l'expertise nécessaire pour l'évaluation diagnostique, le suivi des traitements, le répit, l'hébergement
thérapeutique et les programmes d'accompagnement des parents. Ces
cliniques seront liées de près à la recherche.
De plus, des
ressources en postadoption facilement accessibles sont nécessaires pendant tout
le parcours du jeune, même au-delà de
sa majorité. De tels services exigent d'avoir une expertise pointue en
adoption, en attachement et en troubles
de l'attachement, d'avoir un accès direct aux cliniques de troubles de
l'attachement, s'il y a lieu, d'offrir du soutien à la fratrie, de prévoir des services pour les
jeunes adoptés au passage à la vie adulte, de soutenir les démarches du jeune
adopté adulte pour des retrouvailles.
Mme Marchand
(Danielle) : La mise en chantier de ces solutions ci-haut mentionnées
requiert du financement et du temps.
Dans l'attente de ces ressources, dans l'immédiat nous devons améliorer la
situation de ces familles. Nous sommes
convaincues qu'il est possible d'apporter certaines modifications dans
l'application des règles de la présente loi. Des correctifs sont essentiels pour améliorer la situation du jeune
adopté souffrant de troubles d'attachement et de sa famille.
Premièrement, pour une pratique mieux adaptée,
la connaissance et la reconnaissance sont des prémisses incontournables... que sont l'adoption, les défis de l'attachement et
les troubles de l'attachement. Ce qui signifie la mise en place de programmes de formation continue
obligatoires pour tous les intervenants du DPJ pour soutenir la pratique auprès
de ces jeunes — on parlait tout à l'heure que les cas sont
de plus en plus lourds, les représentants des psychoéducateurs vous l'ont encore nommé — pour soutenir les pratiques auprès de ces
jeunes, intervenants pivots, experts en adoption et en troubles de
l'attachement au sein de toutes les équipes de la DPJ.
À
l'étape de l'évaluation, la grille d'évaluation bonifiée, dont les critères
suivants seraient prioritaires : identification du statut de la famille adoptive, et ce, dès le
signalement; l'historique préadoption et postadoption; les facteurs de risque
liés à l'adoption et aux troubles de l'attachement; les composantes de santé
mentale identifiées ou diagnostiquées.
Quant aux
orientations et aux mesures volontaires qui s'ensuivent, prioritairement, que
les orientations soient établies en
fonction des troubles de l'attachement du jeune adopté; une prise en charge
clinique incluant les parents comme étant
aussi des intervenants experts de leur enfant; des placements thérapeutiques
avec maintien du lien selon les modalités adaptées et la capacité du jeune à le tolérer; un retour de l'enfant
dans la famille qui n'est pas nécessairement obligatoire — à ce
moment-là, nous aurions davantage des services de placement thérapeutique
visant davantage l'autonomie du jeune en tenant compte des composantes
de santé mentale liées aux troubles de l'attachement; un suivi clinique du jeune
au passage à la vie adulte lui offrant différents services en fonction des
composantes de sa santé mentale.
Pour un hébergement en réadaptation répondant à
leurs besoins, la stabilité des milieux d'hébergement et des intervenants, les méthodes d'intervention
régulièrement évaluées par une équipe multidisciplinaire et l'imputabilité des centres jeunesse et de leurs intervenants face à
leur intervention appliquée avec la même rigueur que celle envers les parents.
Pour un
meilleur suivi clinique, la mise en place de modalités de suivi plus
efficientes entre le centre jeunesse et les services de pédopsychiatrie.
Diane.
Mme Toupin
(Diane) : Les jeunes âgés de
14 ans et plus démontrent une grande immaturité à l'âge où ils acquièrent
des droits civils, au risque de faire de mauvais choix, de s'opposer à des
traitements ou de refuser toute autorisation d'accès à leur dossier. Dans un
tel contexte, il devient alors impossible de travailler en alliance parent-intervenant. Nous recommandons que soit révisée
cette loi dans ce contexte de santé mentale. Ces jeunes, informés de
pouvoir être défendus par un avocat, ont une forte tendance à utiliser sans
discernement ces services. Alors, nous recommandons
que soit établie une ligne directrice pour les accompagner. Ces jeunes ayant
accès à leur dossier risquent de faussement interpréter les informations. C'est
pourquoi nous recommandons qu'obligatoirement une lecture de leur
dossier soit faite en présence de l'intervenant, des parents et de lui-même.
Lors du
passage à la vie adulte, nous considérons essentielle la mise sur pied d'un
cadre thérapeutique permettant un
suivi clinique par l'établissement d'un partenariat entre la pédopsychiatrie,
les centres jeunesse et la psychiatrie adulte, par l'accès à des ressources en psychiatrie et en hébergement pour
accueillir ces jeunes dans des délais très courts, par la possibilité, s'il y a lieu, d'entreprendre des
démarches pour une mise sous tutelle ou curatelle d'un jeune lourdement
atteint.
Mme
Marchand (Danielle) : En
conclusion, Mme la ministre et les parlementaires, nous souhaitons des
efforts considérables de la part des élus, des dirigeants, et des
professionnels, et des intervenants afin que s'améliorent les conditions de vie
de ces jeunes et leurs familles.
Des efforts
sont à déployer rapidement, tant pour la prévention, l'accompagnement et la
réadaptation de ces jeunes adoptés
souffrant de troubles d'attachement. Une responsabilité partagée en
alliance parents-professionnels est essentielle pour atteindre ces objectifs. C'est leur avenir qui est en jeu. C'est
aussi des citoyens de demain envers qui nous devons tous agir dès
maintenant. Nous vous remercions de votre écoute.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, pour une période de 13 min 30 s, je cède la
parole à Mme la ministre.
Mme
Charlebois : Merci,
M. le Président. D'abord, vous
saluer, Mme Marchand et Mme Toupin. Merci d'être là, de nous partager vos réflexions. Vous êtes notre
dernier groupe, mais pas le moindre. Et, d'entrée de jeu, je vais vous dire
que, votre conclusion, je suis totalement en
accord sur le fait que ce sont nos citoyens de demain. C'est l'affaire de tout le monde de protéger notre jeunesse au
Québec.
Vous allez me
dire si ma compréhension est bonne, est-ce que votre mémoire s'adresse plus aux
services qu'au projet de loi par lui-même?
Mme
Marchand (Danielle) : Il est
évident que le projet de loi n° 99 comprend des articles sur lesquels on ne
s'est pas attardées article par article, mais on a un peu profité de cette
tribune pour plutôt parler de l'application des règles actuelles de la loi. Mais, par rapport aux articles concernant
les jeunes de 14 ans et plus, on souhaiterait vraiment une révision qui en touche d'autres, lois, aussi
sur les droits et privilèges qu'on accorde à un enfant de 14 ans qui présente
des difficultés majeures sur le plan de la
santé mentale et, souvent, une immaturité tant cognitive qu'affective. Ils ont
des décisions à prendre qu'ils sont
incapables de prendre et qui peuvent nuire à leur réhabilitation et même nuire
au développement, là, du jeune vers sa vie adulte. Pour ces articles-là,
on y met un point particulier.
Mais, par
rapport à la loi actuelle, aux règles, oui, on pourrait davantage, mieux
former, mieux informer, mieux sensibiliser,
mais surtout donner les outils et les moyens aux différents intervenants pour
qu'on puisse mieux recevoir, signaler
et orienter les enfants adoptés présentant des défis ou des troubles de
l'attachement. Je fais la nuance parce que troubles de l'attachement,
c'est un problème de santé mentale reconnu.
Mme
Charlebois : J'ai presque le goût de vous dire qu'une majorité
des jeunes qui sont sous la Loi de la protection de la jeunesse souffrent
du trouble d'attachement.
Mme
Marchand (Danielle) : ...je
vous le conviens. Comme je vous ai dit, Pétales Québec, c'est toutes les
familles, mais particulièrement les
familles adoptives pour le cas de cette audience, parce que c'est une majorité
de parents qui, depuis 2013, nous ont manifesté
leur grande difficulté par rapport à l'adoption des enfants présentant des
troubles d'attachement.
• (12 h 20) •
Mme
Charlebois : Puis,
quand je vous ai posé ma question, ce n'était pas pour disqualifier votre
mémoire, là, hein, ne prenez pas ça
comme ça, ce n'est pas du tout... c'est juste pour ma compréhension. Puis
j'entends vos préoccupations, puis
elles sont importantes, là. Vous nous dites que votre organisme nous dit que la
DPJ est défavorable envers les parents qui
présentent un trouble de santé mentale. Vous nous parlez de ça à un moment donné dans votre mémoire. Est-ce que je me trompe?
Mme Marchand
(Danielle) : ...préciser
votre question parce que je ne crois pas qu'on dit qu'ils sont
défavorables.
Mme Charlebois : Bien, c'est comme si vous nous dites... Oui, vous
nous dites que les DPJ sont défavorables pour les parents qui ont un trouble de santé mentale face à... Parce que,
moi, ma perspective, là... en tout cas, ma compréhension,
à chaque fois que je vais dans les centres jeunesse, à chaque fois que je parle
à des intervenants ou à des psychoéducateurs,
c'est que, dans le projet de vie, la première priorité, c'est toujours
de réintégrer — autant
que faire se peut, parce que, des fois, ce n'est pas possible — dans
le milieu naturel de l'enfant, dans son milieu familial. Alors, ce que vous me dites, c'est que... En tout cas, ce que j'ai compris, c'est que les parents qui souffrent d'une maladie
mentale ou d'un trouble de santé mentale seraient jugés défavorablement
par les directeurs de protection de la jeunesse.
Mme Marchand
(Danielle) : Ce n'est pas tout à fait ça, j'espère... Bien, ce n'était pas le but de notre mémoire. C'est
que le but de votre mémoire, c'est un peu vous présenter la situation
des familles adoptives pour qui l'enfant présente des difficultés d'attachement, mais
particulièrement des troubles de l'attachement. Ce qu'on a fait la preuve dans
notre mémoire, c'est qu'on ne passe peut-être
pas par la bonne porte. Si nous avions davantage de services en postadoption sur tout le parcours du jeune, on pourrait y déceler,
tout au long de ce parcours-là, des situations plus problématiques sur le plan du trouble de
l'attachement, et là on pourrait référer ces familles-là et les jeunes dans des
cliniques d'attachement.
On
n'a pas ces services-là actuellement. Ces cliniques d'attachement pourraient offrir
autant à tous les enfants du Québec
des services au niveau du trouble de l'attachement, mais, particulièrement
pour les familles adoptives, il y a
comme un espace qui ne leur est pas accordé
qui est celui de la postadoption, il n'y en a pas. Donc, on décèle en
postadoption des enfants qui
présentent des troubles de l'attachement, on les réfère à des cliniques en
troubles de l'attachement, mais, si à
la suite de ce parcours auprès de professionnels et d'équipes
multidisciplinaires on dénote toujours une possibilité de compromission
pour la sécurité et le développement, c'est certain que le DPJ va jouer son
rôle.
Mme Charlebois :
Une fois l'adoption faite, là, il y a plus de suivi du tout?
Mme Marchand
(Danielle) : Non, il n'y a pas aucun service post-adoption au Québec.
Vous allez me parlez du CLSC
Jeanne-Mance, c'est une toute petite équipe en adoption internationale. Quand
les cas sont trop lourds, on nous les réfère à Pétales pour qu'on puisse
trouver une solution pour les parents, il n'y en a pas.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Nous allons suspendre les
travaux, nous sommes appelés, comme députés, à aller voter. Alors, nous revenons
dans quelques minutes pour poursuivre le débat. Alors, ne bougez pas, nous
revenons.
Mme Marchand
(Danielle) : Parfait.
Le Président
(M. Tanguay) : Merci.
(Suspension de la séance à
12 h 23)
(Reprise à 12 h 45)
Le Président (M. Tanguay) : Alors, nous sommes de retour, alors, pour
conclure l'échange avec Mme la
ministre pour encore quatre minutes, quatre minutes. La parole est à
vous.
Mme Charlebois : D'accord. Merci,
M. le Président. J'ai pris connaissance de votre mémoire et, honnêtement,
je vais faire une dernière question
pour ensuite... J'ai quelques commentaires, vous... je pense que je m'apprêtais...
Je vous ai questionnées sur les nations inuites avant de vous quitter?
Je ne m'en souviens plus.
Mme Marchand (Danielle) :
Non, pas du tout.
Mme
Charlebois : Non.
Bon, Je vais y aller. Est-ce que vous croyez que les modifications qu'on propose pour maintenir l'identité culturelle des enfants
issus des Premières Nations vont être une valeur ajoutée pour eux, pour ces personnes-là là-bas, pour, justement, aider à
diminuer les troubles d'attachement? Parce que c'est ce que vous nous
entretenez beaucoup.
Mme
Marchand (Danielle) : C'est intéressant, la question, Mme la ministre,
puis elle me touche beaucoup et me préoccupe
tout autant que vous. Effectivement, si on regarde la situation des nations
autochtones, on pourrait... Effectivement,
le lien d'attachement avec le parent et l'enfant, dans les conditions où il se
trouve aujourd'hui, c'est... Je ne veux pas revenir dans l'histoire,
mais je crois qu'il y a eu des erreurs monumentales lorsqu'on a retiré ces
enfants des milieux et qu'on les a inscrits dans les orphelinats. On sait maintenant
par les études quels sont les impacts, et c'est effectivement par la culture,
reprendre leur culture, se réapproprier leur culture, leur communauté, de
pouvoir... c'est effectivement une voie à suivre pour faire en sorte qu'on
puisse mieux travailler, bien travailler des situations plus complexes, plus
difficiles dans l'ordre du lien d'attachement au sein des familles autochtones.
C'est la voie à suivre.
Mme
Charlebois : Merci pour votre réponse. Écoutez, il ne me reste
plus beaucoup de temps, puis je tiens à vous remercier
de nous avoir présenté votre mémoire. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas d'autres
interrogations, mais on va consulter votre
mémoire à fond. Je veux, si vous me le permettez, M. le Président, vous dire que l'ensemble des consultations... je
suis satisfaite de ce que nous avons mené comme consultations. Et on a entendu
beaucoup de propositions qui ont été très enrichissantes pour tout le
monde, alors on va pouvoir bonifier
le projet de loi. Chaque groupe a apporté son point de vue, a amené une couleur, a amené
des éléments de réflexion sur lesquels on va tous travailler pour le bien-être
des enfants. Il nous reste encore beaucoup de travail à faire, on va
réfléchir aux propositions qui touchent notamment l'exploitation sexuelle qui nous ont été faites, les mesures
transitoires, l'encadrement intensif, les fugues, les demandes des familles
d'accueil, les propositions des groupes des Premières Nations et Inuits.
Alors, je
veux remercier tout le monde qui a pris part aux travaux, mais aussi... Vous,
vous vous êtes déplacés, mais il y en a
d'autres qui nous ont écrit, je veux les remercier aussi. Merci à mes collègues
parlementaires du gouvernement
et des oppositions de leur écoute et de leur participation toujours positive.
Et, bien sûr, un merci spécial aux gens du ministère qui nous accompagnent et
qui prennent des notes pour, justement, bonifier le projet de loi.
En terminant,
M. le Président, vous allez me permettre de satisfaire les
besoins de l'opposition. Puisqu'ils nous ont demandé de fournir
les données sur les enfants confiés à... et les familles d'accueil de
proximité, alors je vous informe, M.
le Président, que nous serons disposés à vous transmettre ces données-là cet
après-midi, et elles seront à la disponibilité des députés de l'opposition et, bien entendu, du gouvernement. Alors,
sur ce, merci beaucoup, M. le Président. Merci à nos invités. Merci
beaucoup.
Mme Marchand (Danielle) : Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, nous nous assurerons, au secrétariat, de communiquer, évidemment, votre correspondance.
Alors, pour 5 min 30 s, je cède
la parole au collègue de Rosemont.
M. Lisée : Merci,
M. le Président. Mme Marchand, Mme
Toupin, je suis content de vous revoir. On s'est vus, il y a déjà deux
ans. Je suis allé visiter vos installations, d'ailleurs, dans le nord de Montréal.
Vous nous
avez dit qu'il y a deux CLSC seulement au Québec
qui sont outillés pour faire du suivi lors d'adoptions qui présentent
des problèmes d'attachement. Où sont-ils?
Mme
Marchand (Danielle) : Je dis
deux CLSC. C'est le CLSC Jeanne-Mance, qui a une petite équipe, et le CLSC
du Lac-Saint-Louis, qui a une encore plus
petite équipe. Ce sont de la postadoption... Ils sont dans les quelques mois de
l'arrivée des parents, mais particulièrement dans l'adoption internationale.
M. Lisée : O.K. Et, lorsqu'ils
ont des cas lourds, c'est vous qu'ils appellent?
Mme
Marchand (Danielle) : Quand
ils ont des cas lourds, certains parents dont les services et CLSC ne
répondaient pas aux difficultés spécifiques des enfants en troubles
d'attachement sont référés, bien entendu, vers la pédopsychiatrie pour avoir des évaluations. Mais, pour avoir du soutien
ou pour pouvoir trouver des ressources, quelquefois, oui, ces parents se
sont référés à nous.
M.
Lisée : Bon. Alors donc, depuis deux ans, j'essaie de vous
aider un petit peu à être reconnus par le gouvernement, à être soutenus,
à être financés. Avec quel succès?
Mme Marchand (Danielle) : Avec le
succès qui va avec l'effort citoyen qu'on nous demande au niveau des restrictions budgétaires pour atteindre un
objectif commun ici, au Québec, qui était le déficit zéro. Donc, on nous a toutes conviées, comme associations communautaires, de participer à l'effort
citoyen. Donc, nos moyens sont quand
même très, très modestes.
M. Lisée : Donc, vous n'avez
pas de financement récurrent de l'État québécois?
• (12 h 50) •
Mme
Marchand (Danielle) : On a
un financement récurrent qui vient du Programme de soutien aux organismes communautaires et une très
grande générosité de la part des ministres concernés et de certains députés en
région. Nous sommes, tout de même, une
association nationale et nous tentons par notre ligne 1 800 et
Pétales Québec, sur la route, de rejoindre le plus possible les familles
chez eux, dans leurs régions.
M. Lisée :
Quand on s'était vu, vous étiez sur le bord de devoir mettre des gens à pied.
Donc, une partie de ce problème-là a été résolue?
Mme Marchand
(Danielle) : On me mettait à pied, puis on ne m'a pas mise à pied. On
a été en mesure d'avoir le soutien nécessaire par les enveloppes
discrétionnaires, en particulier de...
M. Lisée : C'est ça. On
avait fait une grande campagne de discrétionnaire.
Mme Marchand
(Danielle) : On a fait une très grande campagne de soutien qui nous a
permis de remettre minimalement nos activités.
M. Lisée :
Et la ministre a contribué, on a écrit à tous les ministres. Donc, on remercie.
Cependant, par rapport aux besoins que vous avez identifiés, il vous
manquerait combien?
Mme Marchand
(Danielle) : Si vous voulez aller sur ce terrain-là, si j'allais sur
les chiffres, le seuil plancher, à
l'époque, des agences, par rapport aux organismes communautaires comme le
nôtre, nationaux, avec une mission nationale, le seuil plancher était à 125 000 $, mais aucun organisme
communautaire n'atteint le seuil plancher, bien entendu. Mais c'est
certain qu'il faudrait qu'on ait plus que 21 000 $ du PSOC. Ça, c'est
certain.
M. Lisée : Donc, vous
avez 21 000 $ par année et vous considérez que ça devrait...
Mme Marchand
(Danielle) : On a
21 000 $ pour passer notre année plus ce qu'on est allés chercher en
soutien. On va être capables, cette année, de maintenir un poste à la
permanence sans que j'aie des coupures de temps.
M. Lisée :
Donc là, on parle vraiment... on est dans des fonds de tiroirs, là. Vous avez 21 000 $, vous êtes une organisation nationale. Il y
a juste deux CLSC qui offrent le
service, puis, quand c'est des cas lourds, c'est vous qu'ils appellent.
Donc, vous êtes vraiment le service de... même pas de dernier recours, de
premier recours pour ces cas-là.
Mme Marchand
(Danielle) : Oui, quand on
nous réfère, c'est sûr qu'on n'offre pas des services professionnels,
on est une ligne, là, psychosociale d'accueil et de soutien. Surtout de sensibilisation
parce qu'on croit que les parents sensibilisés
et formés seront en mesure de peut-être mieux tenir la route, si on veut, ou gérer la situation
au quotidien. Mais on est là
pour, un peu, référer les parents, malheureusement, vers le privé, des services
privés, au privé.
M. Lisée : Je me
souviens que, quand on s'était rencontré, vous vouliez avoir une rencontre avec
la ministre. Est-ce que vous l'avez eue?
Mme Marchand
(Danielle) : Oui, on a eu une rencontre avec la ministre en
été 2014. Le suivi de notre dossier s'est fait avec les attachés politiques. Nous devions poursuivre ce
dossier de la prise en charge des familles adoptives avec l'Association des centres jeunesse du Québec, un
comité de DPJ devait se former. Mais, vu que l'association a été dissoute,
bien, nos démarches pour faire avancer le
dossier pour qu'on puisse développer de nouvelles ressources ou, toujours bien,
de nouveaux outils au sein de la DPJ, bien, c'est en suspens.
M. Lisée :
C'est en suspens. Bon. Et puis, donc, votre préoccupation principale, c'est de
pouvoir créer des centres d'hébergement
adaptés. Ça, pour l'instant, c'est nulle part sur les rails, nulle part dans
les projets, nulle part dans les cartons.
Mme Marchand
(Danielle) : Pour l'instant, non. Comme on l'a expliqué dans notre
mémoire, la porte d'entrée actuellement pour les enfants qui présentent des
troubles de l'attachement adoptés, pour ce qui est du cadre du mémoire, pour l'instant, c'est les centres jeunesse qui
nous offrent cet hébergement. Mais ça n'est pas un hébergement suffisamment
adapté pour des enfants qui présentent des problèmes de santé mentale, un
trouble de l'attachement.
M. Lisée :
Oui. Ce que vous dites, c'est que les enfants qui ont un trouble lourd de
l'attachement ne doivent pas être détachés de leurs parents adoptifs si
leurs parents adoptifs veulent continuer à s'y attacher.
Mme Marchand
(Danielle) : Les enfants adoptés qui présentent des troubles de
l'attachement, quand la situation devient
suffisamment sévère, parfois il faut une mise à distance thérapeutique. On souligne
bien que, malgré qu'on est peut-être
à créer une distance thérapeutique parce que le jeune a des conduites à risque
pour lui-même et pour les autres et
qu'il a besoin de soins en santé mentale, il faut maintenir le lien. Il y a des
modalités qu'on peut mettre sur pied pour maintenir le lien, effectivement, pour éviter une brisure définitive.
Et, pour arriver à ces fins, il nous faudrait des milieux comme des
cliniques en troubles de l'attachement qui pourraient développer ce type de
ressources.
M. Lisée : Merci
beaucoup.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, pour
3 min 30 s, je cède la parole à notre collègue de Drummond—Bois-Francs.
M. Schneeberger :
Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Premièrement, je voudrais savoir,
au niveau de la génétique, est-ce
qu'il y a des enfants qui, peu importe le milieu, les bonnes conditions, auront
des troubles de l'attachement?
Mme Marchand
(Danielle) : C'est un point intéressant. Il y a des études
actuellement ici, au Québec, à l'Hôpital Sainte-Justine, McGill, je
pense, aussi, l'hôpital associé à l'Université McGill, il y a des recherches
fort intéressantes, probantes et récentes
qui démontrent qu'un enfant qui vit dans des situations très adverses dès la
petite enfance et que ça se prolonge
dans la maltraitance, la négligence, des traumas importants... ils réalisent
que ça peut avoir des effets épigénétiques
évidents, et qui rend plus difficile d'intervenir auprès de ces jeunes quand on
tarde à intervenir d'une façon préventive.
Effectivement, il y a des effets épigénétiques qui sont maintenant démontrés.
Je pourrais vous le démontrer davantage, mais on n'aura pas le temps aujourd'hui
de vous parler en détail.
M.
Schneeberger : Vous parlez de génétique, mais moi, je veux dire,
à ce moment-là, moi, je verrais ça plus d'ordre social, c'est parce qu'il n'est pas né dans un milieu favorable. C'est-à-dire que, tu sais, je veux dire, il y en a
que la génétique, là... peu importe
ce qu'on peut faire, on aura un problème parce
qu'il y a des maladies qui sont
d'ordre génétique, là. Mais là on
parle de problèmes au
niveau mental, des choses comme ça, qui sont peut-être souvent... sont
accentués ou développés parce que le milieu familial n'est pas adéquat.
Mme Marchand
(Danielle) : O.K. Là, pour ce qui est des familles adoptives ou
substituts qui accueillent un enfant qui
pourrait présenter des défis ou des troubles d'attachement, effectivement, si
on regarde l'historique de cet enfant, on peut retrouver cet enfant dans un milieu qui n'était pas favorable pour
diverses raisons. Par contre, si on regarde de près la théorie de l'attachement, il ne faudrait pas non
plus faire une équation si rapide. Des enfants très grands prématurés, des
mamans qui ont fait des dépressions
post-partum, des situations de violence conjugale, mais qui, par la suite, se
solutionnent, la maman reprend ou le
papa reprend un lien plus significatif et sécurisant avec l'enfant, l'enfant
peut présenter quelques années plus tard des signes au niveau d'un défi
d'attachement ou même de trouble d'attachement. Mais, pour ce qui est des parents substituts d'accueil ou adoptifs qui
prennent en charge des enfants présentant des troubles de l'attachement, oui,
dans la grande majorité, l'historique de ces enfants-là sont des milieux très
défavorables à plusieurs niveaux.
M. Schneeberger :
Est-ce qu'il n'y a pas, un peu, un aveu d'échec à quelque part au niveau des
centres jeunesse, DPJ? Tu sais, quand
on parle de ballottage, là, des enfants, là, d'une famille à l'autre à cause du
système, bon, telle famille ne pouvait pas prendre tel l'enfant, et
autres, ça, on en voit, des cas de même, finalement, tu sais, on a entendu des personnes qui sont venues nous dire ça, qu'il y
avait des problématiques là-dessus, là. Est-ce que ça, ça contribue directement
à créer ces problématiques-là?
Mme Marchand
(Danielle) : Ce ne sont pas des conditions qu'on doit souhaiter. Avec
un enfant qui présente des problématiques de trouble d'attachement, il
faut s'assurer le plus de stabilité possible, et on en parle dans notre mémoire
au niveau des centres d'hébergement et des intervenants. Des familles
substituts qui vont accueillir de tels enfants,
on en parle aussi dans notre mémoire, il faut mettre en place rapidement des
ressources d'accompagnement. Et vous
avez un exemple concret au centre jeunesse de Lanaudière avec Delphine
Collin-Vézina et son équipe qui ont mis sur pied depuis... — le temps passe vite, hein, ça fait peut-être même cinq ans — un programme de soutien pour les familles
d'accueil de permanence dont les enfants
présentent des troubles de l'attachement, justement, pour éviter les
déplacements. Donc, ça existe.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous vous remercions
très chaleureusement, Mmes Marchand et Toupin, de l'organisme
Pétales Québec.
Mémoires déposés
Avant de
conclure, je vais procéder au dépôt des mémoires des organismes qui n'ont pas
été entendus lors des auditions.
La commission
ayant accompli son mandat, j'ajourne les travaux à jeudi 6 octobre, à
13 heures, où elle se réunira en séance de travail. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 12 h 58)