(Onze
heures vingt-sept minutes)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît!
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux
ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de
bien vouloir éteindre la sonnerie de vos téléphones cellulaires.
La
commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et
auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi modifiant la
Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Hivon (Joliette) est remplacée
par Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve) et M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière), par M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs).
Auditions (suite)
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ce matin, nous accueillons les
représentantes et représentants de la
Centrale des syndicats démocratiques. Bienvenue à votre Assemblée nationale.
Vous disposez d'une période de 10
minutes de présentation. Par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec
les parlementaires. Pour les fins
d'enregistrement, je vous demanderais de bien préciser vos noms et fonctions.
Et, sans plus tarder, la parole est à vous.
Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
M. Vaudreuil (François) : Alors, merci, M. le Président. Alors, mon nom est
François Vaudreuil, président de la Centrale
des syndicats démocratiques, CSD. Alors, ce matin, je suis accompagné, à mon
extrême gauche, d'Éric Perreault, conseiller
syndical; de Jean-Luc Dufour, conseiller juridique; et, à ma droite, de deux
personnes d'exception : Mme Christiane Cloutier, qui est présidente
de l'Association démocratique des ressources à l'enfance, qu'on appelle
communément les ADREQ, à la CSD, et, à sa gauche, à ma droite, Bertolette
Demosthène, qui est présidente de l'ADREQ de Montréal.
Alors,
dans un premier temps, je voudrais vous remercier de l'invitation qui nous
permet de participer aux travaux de la commission parlementaire concernant
le projet de loi n° 99.
Alors,
avant de vous présenter nos commentaires concernant le projet de loi,
permettez-moi de saluer toutes les personnes
qui oeuvrent dans le réseau des centres jeunesse au Québec, et plus
particulièrement les personnes responsables des familles d'accueil, qu'on appelle communément les ressources à
l'enfance. Alors, ce sont des femmes et des hommes qui, dans la foulée du vaste mouvement de
désinstitutionnalisation qu'a connu le Québec à partir de 1960, ont jeté les
bases d'un réseau non institutionnel
d'entraide et de solidarité et l'ont développé au fil des années à grands coups
de courage et de générosité.
Alors,
motivés par l'amour des enfants et par la volonté de leur procurer
l'environnement physique et émotionnel qui
leur permettra de s'épanouir, des milliers de femmes et d'hommes ont choisi
d'ouvrir leurs coeurs et leurs foyers à des jeunes qui éprouvent des
difficultés ou qui, de façon temporaire, ont besoin d'aide. L'engagement de ces
personnes, nourri au quotidien de leur réel souci et de leur profond respect de
l'enfant, témoigne d'une approche humaniste à des
années-lumière de toute préoccupation comptable ou corporatiste. Leur
engagement est avant tout l'expression d'un acte de foi et d'amour inconditionnel qui se retrouve au coeur même du projet
de vie qu'elles se sont donné et auquel participent très souvent leurs
conjoints, leurs propres enfants.
• (11 h 30) •
Être
famille d'accueil, c'est accueillir
des enfants, des adolescents, des
êtres hypothéqués par la vie, très souvent victimes de la société, de
leurs familles. Pour s'engager à devenir famille d'accueil, il faut être animé
d'un sentiment d'empathie et d'un désir
d'entraide hors du commun parce qu'être abandonné, maltraité, voire abusé
laisse chez ces jeunes des séquelles
importantes. C'est pourquoi la famille d'accueil doit posséder et maîtriser une
palette de plus en plus élargie de compétences, d'habiletés pour être en
mesure de répondre aux besoins de ceux qui lui ont été confiés et de faire face
à n'importe quelle situation. Ces personnes
de caractère et de coeur, dont près de 90 % sont des femmes, apportent
une contribution exceptionnelle à la société québécoise en plus d'être des
intervenants de premier plan au sein du réseau de la santé et des services
sociaux.
Alors, à la CSD, nous
représentons six associations de ressources à l'enfance, c'est-à-dire dans les
régions de Chaudière-Appalaches, de
l'Estrie, de Lanaudière, de Montréal, de Montérégie et du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Nous représentons quelque 2 400 familles
d'accueil, soit environ 50 % des familles d'accueil du Québec soumises à
la Loi sur la représentation des
ressources de type familial et de certaines ressources intermédiaires et sur le
régime de négociation d'une entente collective les concernant.
En guise d'introduction pour la présentation
concernant le projet de loi n° 99, je voudrais rappeler que c'est la première fois depuis 10 ans que le
législateur décide d'apporter des amendements à la Loi sur la protection de la
jeunesse. Or, compte
tenu qu'il y a très peu de modifications qui ont été apportées au cours des
années, pour nous, cet événement est
un événement très important, et je voudrais vous rappeler que la CSD et ses
associations affiliées ont toujours fait la démonstration de leur volonté de participer au développement du réseau
de familles d'accueil de manière constructive et de plusieurs façons.
On a participé à la négociation d'une première
entente collective, aux différentes tables de concertation, et, aujourd'hui, le premier élément qu'on peut
soulever, c'est qu'on considère le fait de ne pas avoir été consultés en
amont avant la préparation du projet de loi
comme étant un écueil important. Alors, on prétend que, si le législateur avait
accordé la place qui revient aux familles
d'accueil, nous aurions eu au préalable une consultation. Alors, ceci étant
dit, nous sommes convaincus,
d'ailleurs, que c'est par la concertation qu'on peut produire les meilleurs
résultats que la confrontation ou que le travail en silo par des experts, aussi compétents soient-ils. Alors, on
espère que la consultation, dorénavant, sera meilleure que ce qu'elle a
été par le passé.
Ceci étant dit, loin de nous l'idée de rejeter
tous les éléments introduits par le projet de loi n° 99. D'abord, le projet de loi entend favoriser davantage la
conclusion d'ententes entre les parties plutôt que de judiciariser le
processus... nous apparaît éminemment souhaitable parce que, comme nous le
demandons pour les familles d'accueil, les parents et les enfants doivent, dans
la mesure du possible, être partie prenante des décisions qui les concernent.
La
facilitation du passage à la vie autonome est un autre point positif du projet
de loi n° 99. Toutefois, il pourrait encore être bonifié en
clarifiant dans le projet de loi que l'adolescent puisse avoir accès à la
possibilité d'intégrer un appartement
autonome même sans le consentement des parents dans l'éventualité où ces
derniers sont dans l'impossibilité de donner une telle autorisation ou
ne manifestent aucun intérêt à le faire.
La clarification des situations impliquant
l'exploitation sexuelle d'un enfant est également bien accueillie. Cependant, d'autres mesures du projet de loi vont
à l'encontre de cette bonne intention. Nous y reviendrons plus tard.
D'une part, le projet de loi propose, avec
raison, de modifier l'article 38d de la loi de manière à considérer
l'exploitation sexuelle comme un abus
sexuel. D'autre part, le projet de loi n° 99 propose de modifier l'article
9 de la loi de manière à permettre que
l'enfant à confier à un milieu de vie substitut puisse communiquer en toute
confidentialité avec une personne autre que ses parents, frères et soeurs, à moins que le tribunal n'en décide
autrement. Cette dernière règle peut être modifiée par l'obtention d'une autorisation du tribunal qui
pourra restreindre le nombre de personnes avec qui l'enfant pourra communiquer.
Pour les
familles d'accueil que nous représentons, il est impensable d'avoir recours aux
tribunaux pour limiter ce droit de
communiquer avec toute autre personne. Il est parfois problématique de
permettre à l'enfant de communiquer avec ses parents, frères et soeurs, particulièrement dans les situations
d'abus sexuel, et les familles d'accueil comprennent qu'il faille alors passer par les tribunaux pour limiter
ce droit. Or, permettre à l'enfant de communiquer avec toute autre
personne en toute confidentialité et exiger
que la famille d'accueil doive s'adresser au tribunal pour restreindre ce droit
apparaît entrer en directe contradiction
avec l'intention de mieux protéger l'enfant. Par exemple, l'enfant pourrait
entrer en contact avec celui ou celle
qui lui vendrait de la drogue, et la famille d'accueil serait alors dans
l'obligation de s'adresser au tribunal pour qu'une autorisation lui soit accordée afin de lui permettre d'interdire
de telles communications. Les familles d'accueil devraient avoir plus de
latitude à cet égard sans nécessairement avoir recours au tribunal.
Il est aussi
évident que cet éventuel droit de communiquer avec toute autre personne entre
en flagrante contradiction avec
plusieurs éléments de l'instrument de classification qui fait partie intégrante
du règlement de la classification des services
offerts par une ressource. On demande, effectivement, à la famille d'accueil de
s'assurer de la réalisation des activités
de la vie domestique de l'usager, ce qui comprend s'assurer qu'il utilise
adéquatement les moyens de communication.
On lui demande aussi de s'assurer des bonnes habitudes de vie de l'usager, ce
qui se décline en s'assurant qu'il
ait de bonnes habitudes en regard de ses activités. On lui demande encore
d'assurer la protection contre les abus en mettant en place des mécanismes de protection contre toute forme d'abus
à l'égard de l'usager. On voit bien, à la lumière de ces derniers
extraits, qu'une telle permission de communiquer avec toute autre personne
s'oppose aux objectifs de l'instrument de
classification. Nous demandons donc que les mots «ainsi qu'avec toute autre
personne» soient retirés du libellé de l'article 9 du projet de loi
n° 99.
L'autre
élément qui nous préoccupe énormément, c'est l'introduction de la famille
d'accueil de proximité. Alors, pour
nous, les familles d'accueil de proximité et les familles d'accueil régulières
devront répondre aux mêmes exigences, et des exigences, par exemple, qui
sont requises par le code de référence. Un des problèmes que nous avons, c'est
qu'il y a des distinctions entre les
familles d'accueil de proximité et les familles d'accueil. Par exemple, on
exige aux familles d'accueil qu'il n'y ait pas de dossier d'antécédents
judiciaires, une exigence qu'on n'a pas aux familles d'accueil de proximité. On demande aussi aux familles d'accueil
qu'il y ait un dossier parfait en termes de solvabilité. Or, c'est une
exigence qu'on n'a pas avec les familles d'accueil de proximité. On demande aux
familles d'accueil de détenir une formation,
alors qu'on n'a pas ces exigences pour les familles d'accueil de proximité. On
a des exigences concernant, par exemple, les dimensions d'une chambre à
coucher qu'on ne retrouve pas avec les familles d'accueil de proximité.
Alors, nous
demandons donc que les exemptions pour les familles d'accueil de proximité
soient retirées du cadre de référence pour que les enfants jouissent de
la même protection dans une famille d'accueil de proximité que dans une famille
d'accueil régulière.
Le
Président (M. Tanguay) : Pour permettre les échanges — nous sommes déjà depuis quelques minutes
sur le temps de Mme la ministre — alors j'aimerais vous permettre
d'échanger avec elle et les autres collègues.
M. Vaudreuil (François) : Donnez-moi
une minute, je vais aller sur les conclusions...
Le Président (M. Tanguay) : Une
minute, parfait.
M. Vaudreuil
(François) : ...et puis je vous reviens. Donc, je vous parlais des
distinctions qu'il y a entre les familles d'accueil régulières et les familles
d'accueil de proximité.
Alors, autre
point qui nous préoccupe grandement, c'est qu'on devrait reconnaître le statut
de partie aux familles d'accueil lorsqu'il y a une présentation devant
les différents tribunaux et puis... Bien, écoutez, ça fait le tour. On pourra
échanger, de toute façon, puis vous amener les différents éléments.
• (11 h 40) •
Le Président (M. Tanguay) : Tout à
fait. Tout à fait. Alors, sans plus tarder, Mme la ministre.
Mme
Charlebois :
Merci, M. le Président. D'abord, vous remercier, M. Vaudreuil,
Mme Demosthène, Mme Cloutier,
M. Perreault et Me Dufour, d'être ici aujourd'hui pour qu'on puisse
échanger, qu'on prenne connaissance de vos recommandations, etc., pour
le mieux-être des enfants.
Alors, je vais, tout de suite, aller dans le vif
du sujet parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, puis c'est super important. Vous nous parlez... Puis vous avez fini
là-dessus, vous n'avez pas eu le temps de terminer votre mémoire, mais je vais vous amener là-dedans quand même, sur le
deux poids, deux mesures, la différence entre les familles d'accueil
puis les familles d'accueil de proximité.
Vous nous dites dans votre mémoire qu'il y a des choses qui sont différentes,
notamment, bon, la solvabilité, la formation. La formation, c'est pour le RCR,
de ce que je comprends. Il y a aussi la question des chambres à coucher, la
dimension, et tout. Et vous nous faites aussi part du dossier judiciaire.
Nous, ce qu'on
pensait — puis je
veux vous entendre là-dessus — c'est que le lien significatif pour l'enfant
d'une famille d'accueil de proximité, sa
grand-mère, son grand frère, sa grande soeur, sa tante, son oncle, vous pouvez
faire une différence réelle de ne pas sortir
l'enfant de son milieu qu'il connaît plutôt que l'amener dans d'autres familles
d'accueil. C'est ce qu'on nous a recommandé
à plusieurs reprises dans plusieurs instances. Alors, vous semblez me dire que
ce n'est pas la même chose puis qu'il
doit y avoir des choses qui doivent être prises en compte, exemple, les pieds
carrés d'une chambre. Pour l'enfant,
là, entre avoir sa grand-mère... Moi, si j'avais mes petits-enfants qui
devaient être placés, là, ils aimeraient
bien mieux venir voir grand-maman Lucie que d'aller chez quelqu'un qu'ils ne
connaissent pas, là, même si la chambre n'est pas de la dimension
exacte.
Alors, je
veux vous entendre là-dessus, m'expliquer en quoi vous, vous pensez que
vraiment, dans la vie de l'enfant, que
ces critères-là vont faire un changement, là. Pour la famille d'accueil de
proximité, vous ne pensez pas qu'on est mieux de faire certaines concessions puis de laisser l'enfant dans son milieu
plutôt que de l'amener dans une ressource qui lui est complètement
étrangère?
M.
Vaudreuil (François) : Je
vais passer la parole à Berthe, mais avant il y a un commentaire à votre
réaction, Mme la ministre. Je vous dirais
que ce que vous venez d'exposer, c'est le gros bon sens. Et moi, pour
accompagner ces personnes-là depuis
plusieurs années, j'ai appris beaucoup. J'ai appris beaucoup sur les réalités
du terrain, et le commentaire préliminaire
que je vous faisais au départ pour vous dire que, dans le cadre de la
préparation du projet de loi, en amont, on aurait dû être consultés, avoir des échanges, je pense que, suite à ces
échanges-là, ce qu'on se serait aperçu, c'est que, malgré l'idée du gros bon sens, dans la vie il y a
des réalités qui sont beaucoup plus tristes, qui sont beaucoup plus
dures, ces familles n'étant pas soumises aux
mêmes vérifications, aux mêmes contraintes, et qu'on a une préoccupation
commune ici qui nous rassemble, et on ne
devrait pas se déchirer, c'est la protection de l'enfant. Alors, malgré ce
raisonnement que vous avez, que je
partageais au départ sans condition, bien, maintenant, j'ai beaucoup de
réserves après avoir entendu de moult
témoignages, et tellement de réserves que j'en suis venu à la conclusion que
les familles de... Personnellement, elles m'ont convaincu que les familles de proximité devaient avoir les mêmes
normes que les autres familles d'accueil. Alors, Berthe, si tu veux
donner des exemples concrets de l'application.
Mme
Demosthène (Bertolette) : Oui. Bien, en partant, je dois vous dire que
nous, les ADREQ, l'alliance des ADREQ,
nous ne sommes pas contre les familles d'accueil de proximité. Mais notre façon
de voir les choses, c'est que ces gens-là devraient avoir les mêmes
règlements, les mêmes recommandations que nous. Par exemple, si moi, je suis famille d'accueil depuis 1988, j'ai ma formation
de RCR, que je dois renouveler à chaque deux ans, je sais que c'est pour le bien-être des enfants placés chez moi, ça
ne me dérange pas. Mais une famille d'accueil de proximité n'a pas
besoin d'avoir son cours de RCR. Est-ce que ça veut dire qu'un enfant a le
droit de s'étouffer dans une famille d'accueil de proximité, mais pas chez moi? C'est des affaires comme ça qu'on n'arrive
pas à comprendre. La protection de l'enfant, que ce soit chez la
grand-mère, chez la mère ou bien chez la voisine, ça devrait être pareil.
À titre d'exemple, quand la famille d'accueil de
proximité a des difficultés, ils font appel à nous en tant qu'association. Nous ne devrions pas avoir deux réponses à
donner : une réponse à la famille d'accueil régulière et une autre réponse à donner à la famille d'accueil de
proximité. Ce sont les mêmes personnes qui sont là pour répondre au bien-être des enfants, pour la protection des enfants. C'est seulement ça qu'on demande, à savoir si on pouvait
avoir les mêmes règles, si on pouvait
partir sur la même base. La grand-mère, là, c'est beau, je suis entièrement
d'accord que l'enfant reste chez sa grand-mère,
mais pourquoi cette grand-mère-là ne peut pas avoir les services appropriés
pour ces enfants-là qui sont chez eux?
Nous, comme
famille d'accueil régulière, nous nous battons pour avoir les services, mais
les familles d'accueil de proximité
se battent beaucoup plus parce qu'on les envoie au CLSC. Quand on doit les
conseiller, c'est un peu difficile pour nous parce qu'on n'est pas au
même niveau, on n'est pas soumis aux mêmes règles. Et c'est pour ça qu'on est
là aujourd'hui, pour vous dire qu'il y a des affaires qu'on pense qui
pourraient être au beau fixe pour tout le monde. Et une famille d'accueil de proximité, c'est une famille d'accueil comme
toutes les autres familles d'accueil, que ce soit la grand-mère ou la tante, parce que c'est rendu à un
point que ce soit la voisine, la 10e maison après la maison de la
famille, ça pourrait être une famille d'accueil régulière.
Mme
Charlebois : Mais vous savez que, de toute façon, il y a
toujours le jugement de l'établissement, des intervenants
qui font les placements, qui... Ils ne vont pas placer un enfant pour le mettre
en situation de danger dans une famille
de proximité. Puis j'ai presque le goût de vous dire : Est-ce que tous les
parents du Québec ont le cours RCR, alors qu'une famille d'accueil peut
avoir six, neuf enfants placés?
Mme
Demosthène (Bertolette) : ...d'accord avec vous, Mme la ministre, mais
il y a des familles qui ont six
enfants, c'est vrai, les parents qui ne sont pas soumis au cours de RCR. Alors,
ça veut dire que nous, nous ne pouvons pas
être des parents comme les autres familles d'accueil de proximité, nous ne pouvons
pas être comme des mères, comme les autres mères qui ont six enfants, on
nous exige cette formation-là. Pourquoi on ne peut pas l'exiger à l'autre?
Je
comprends que vous vous basez sur la famille. Le mot «famille», c'est ce qui
nous stimule, nous, les familles d'accueil.
Parce que, dans notre tête, là, on a travaillé beaucoup pour nous dire que ce
n'est pas nos enfants. Mais, en partant, là, dès que l'enfant rentre chez nous, on le considère comme si c'était
notre enfant. On travaille fort là-dessus pour leur donner le meilleur,
mais, s'il y a des choses qu'on exige à la famille d'accueil... Et ce sont des
choses qui arrivent. Peut-être que ce n'est
pas répertorié, mais un enfant dans une famille d'accueil régulière pourrait
être dans une famille d'accueil de proximité aussi. Mais ça ne va pas se
régler de la même façon.
Mme
Charlebois : Ce que vous me dites, c'est que ce n'est pas si
important que ça, le lien significatif qu'a un enfant avec son
entourage.
Mme
Demosthène (Bertolette) : Non, pas du tout, pas du tout. Au contraire,
moi, on n'a rien à redire là-dessus, on parle protection. Que ce soit chez la mère, chez le père, dès qu'on
reconnaît un statut à cette personne-là, et il y a une loi qui régit cet enfant-là placé dans ce milieu-là,
je pense que tout ce monde-là devrait être régi par la même loi. C'est
juste ça qu'on veut dire par là.
Mme
Charlebois : O.K. Je vous entends. Maintenant, vous
souhaitez que ces familles d'accueil soient... comme la FFARIQ, d'ailleurs, le statut de partie tout de
suite. Pouvez-vous élaborer davantage? Parce que le Barreau m'a dit que
ça n'était pas faisable.
M. Vaudreuil
(François) : Je vais demander à Jean-Luc de répondre. Jean-Luc.
• (11 h 50) •
M.
Dufour (Jean-Luc) : Bien, dans le texte qu'on vous a déposé, au niveau
de l'intervention, comme vous pouvez le
constater, il y a plusieurs éléments, plusieurs conditions qui doivent être
respectés pour qu'une famille d'accueil puisse être déclarée intervenante dans un dossier. Bon, que le Barreau vous ait
dit ça, je vais le prendre pour acquis, mais la loi peut toujours être
amendée pour reconnaître des critères plus flexibles pour qu'une famille
d'accueil puisse intervenir dans le dossier devant le tribunal, et la raison
est fort simple, la raison, elle est double.
D'abord,
pour avoir discuté longuement de ce point-là avec les familles d'accueil que je
représente, la particularité, c'est
souvent le danger de la mesure de représailles lorsque la famille d'accueil
veut intervenir pour une seule chose, le vécu de l'enfant, transmettre
au tribunal les informations qu'elle a au quotidien. L'intervenante de
l'établissement a une photographie à
intervalles réguliers du vécu de l'enfant, mais nous estimons que la personne
qui est la mieux placée pour faire des commentaires sur le vécu de
l'enfant, par exemple, lorsque l'enfant revient perturbé d'une visite chez ses
parents la fin de semaine, on estime qu'il s'agit de la famille d'accueil.
Et,
dans le listing qu'on vous a fait aux pages 14 et 15 du mémoire, vous constatez
que la liste des conditions est très longue,
très rigoureuse et qu'en plus la famille d'accueil doit, évidemment, rencontrer
toutes ces exigences-là et faire sa démarche
au niveau judiciaire. Donc, l'objectif de l'intervention facilitée devant le
tribunal, c'est, dans un premier temps, pour le vécu de l'enfant, pour pouvoir le transmettre adéquatement au
tribunal pour qu'il puisse avoir un éclairage. Alors, on est d'avis que nous, au niveau du rôle de famille
d'accueil, on est les mieux placés sur le terrain pour faire part de ce
vécu quotidien. Alors, sans mettre en cause le travail des intervenants, ils
n'ont, évidemment, qu'une photographie prise à intervalles réguliers, au mois,
ou aux deux semaines, ou à la semaine, mais ils n'ont pas le vécu quotidien.
L'autre
élément, évidemment, c'est que de faciliter la reconnaissance du statut de
partie de famille d'accueil devant le
tribunal, ça permettra aux familles d'accueil d'intervenir lorsque, souvent,
ils ont un point de vue différent de la vision de l'intervenant. Il ne
faut pas se le cacher, moi, j'ai eu des commentaires de ressources qui m'ont
indiqué : On voudrait intervenir devant
le tribunal, mais l'établissement ne veut pas qu'on fasse de représentations.
Évidemment, c'est toujours la crainte
des mesures de représailles pour qu'à un moment donné une famille d'accueil se
voie retirer les places ou fermer sa ressource. Donc, c'est l'objectif
de l'intervention.
Mme
Charlebois : Je vous entends, mais, comme je vous le
disais... En fait, je me suis mal exprimée. Ils n'ont pas dit que ce
n'était pas faisable, ils ont dit qu'ils s'opposaient à cette modification-là à
la loi. Et je vais peut-être vous surprendre,
non seulement il y a eux qui nous ont dit qu'ils n'étaient pas favorables à
cette modification-là, mais il y a la commission des droits de la
personne et de la jeunesse.
La
raison qu'ils m'ont invoquée — puis vous allez pouvoir me répondre — c'est : un, les gens peuvent
toujours être entendus, ils n'ont qu'à faire
la demande, et le juge peut statuer; et, deux, c'est qu'il y a des parties
confidentielles au dossier, comme la santé
mentale des parents, un père, ou une mère, ou peu importe, qui seraient
mises... la confidentialité des
informations, là, ferait en sorte que cette information-là serait rendue
disponible aux familles d'accueil, selon ce que j'ai entendu, et ils ne
sont pas favorables à ça. Ils disent que les familles d'accueil n'ont pas
besoin d'avoir toute cette information-là. Qu'est-ce que vous répondez à ça?
M. Dufour (Jean-Luc) : Que
le tribunal peut émettre des ordonnances pour restreindre l'accès à la
confidentialité de certaines informations,
aussi simple que ça. Si vous me dites : La famille d'accueil peut toujours
présenter sa demande, regardez les
critères jurisprudentiels qui sont aux pages 14 et 15, là, passez-les un après
l'autre, et la famille d'accueil qui veut se présenter toute seule le
matin devant le tribunal, elle ne peut pas le faire.
La
famille d'accueil qui a le bien-être de l'enfant à coeur, elle va se prendre un
avocat, elle va le payer de sa poche et
elle va tenter de remplir tous ces critères-là, alors que le vécu quotidien,
devant le tribunal, c'est la famille d'accueil qui le connaît. Alors, je
pense qu'au niveau des normes de confidentialité il y a toutes sortes de
mesures qui peuvent être prises par le tribunal. Le tribunal est là pour
recevoir le vécu quotidien de l'enfant.
Mme
Charlebois :
Je vous entends.
M.
Dufour (Jean-Luc) : Et, si vous me le permettez, Mme la ministre, tout
à l'heure, sur la famille d'accueil de proximité,
sur les antécédents judiciaires, dans le cadre de référence, les antécédents
judiciaires pour une famille d'accueil de
proximité... Vous avez parlé tantôt du lien affectif, on n'a rien contre ça,
sauf que les antécédents judiciaires pour les personnes qui agissent comme remplaçants, pour les personnes qui
agissent comme aide, pour les personnes qui agissent comme employés d'une famille d'accueil de proximité, l'exigence de de vérification d'antécédents
judiciaires à l'égard de tierces personnes n'est pas présente. Donc, je
peux être d'accord avec vous que la grand-mère, l'oncle, le cousin
sont des gens fiables, mais les gens
qui les remplacent occasionnellement, sur une période plus ou moins longue, auraient besoin de cette vérification.
Mme
Charlebois : C'est
déjà fait par les intervenants, à ce qu'on me dit, par les intervenants des
établissements.
M.
Dufour (Jean-Luc) : Pas dans
le cadre de référence du ministre de
la Santé et des Services sociaux, ce
n'est pas une exigence.
Mme
Charlebois : D'accord.
Parlons donc de l'article 9. J'en ai pris bonne note, en passant. Ce n'est
pas parce que je dis «d'accord» que j'évacue le sujet, là, je prends
note de tous vos commentaires.
M. Dufour
(Jean-Luc) : Je pourrais vous donner la référence si vous voulez, on
l'a.
Mme
Charlebois :
Bien, je vais la retrouver dans votre mémoire, j'imagine.
M. Dufour
(Jean-Luc) : Pardon?
Mme
Charlebois :
Est-ce que je vais retrouver ça dans votre mémoire?
M. Dufour
(Jean-Luc) : Oui, tout à fait.
Mme
Charlebois : O.K. À l'article
9, vous nous faites mention que la modification proposée pourrait nuire à la protection
des enfants qui sont confiés en famille d'accueil. Pouvez-vous élaborer là-dessus?
M. Dufour
(Jean-Luc) : Bien, c'est le droit de communiquer avec n'importe qui.
Alors, comme on vous le mentionne très bien
dans le mémoire, la problématique, c'est la communication avec quiconque.
Alors donc, si on a un problème avec
un enfant qui a des problèmes de drogue, ça veut dire qu'il peut communiquer avec son pusher, s'il veut, sans que la famille d'accueil, qui est là au
quotidien, qu'elle soit de proximité ou qu'elle soit famille d'accueil
régulière, puisse intervenir pour venir
dire : Non, ça ne fonctionne pas, ta communication, alors que dans votre
instrument de classification du ministère de la Santé et des Services
sociaux, bien, vous avez une obligation qui est faite à la ressource de gérer
adéquatement les moyens de communication et les communications qui sont faites
par l'enfant.
Donc, ça veut dire
qu'à toutes les fois qu'on va vouloir restreindre le type d'appel téléphonique
ou le type de communication que le jeune peut avoir, bien, il va falloir
obtenir l'autorisation du tribunal à toutes les fois parce que l'article 9 que vous proposez limite le pouvoir au
directeur général d'un centre de réadaptation ou d'un centre
hospitalier à indiquer que lui, il met des réserves sur les communications du
jeune, mais, pour le reste, c'est large.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Nous poursuivons maintenant les échanges
avec le collègue de Rosemont.
M.
Lisée : Merci, M. le Président. M. Vaudreuil, toujours un plaisir de vous revoir, de communiquer avec
vous. On s'est beaucoup
parlé dans des dossiers de services
sociaux dans la dernière année et demie. Vous avez toujours été franc, direct, lucide, et je vous en remercie. Mme
Demosthène, Mme Cloutier, M. Perreault, Me Dufour, écoutez, je trouve
que vous soulevez un certain nombre d'éléments très pertinents, très pertinents,
et je dois dire que je découvre dans votre mémoire
le nombre de distinctions apportées entre la famille de proximité et la famille
d'accueil. Je suis d'accord avec la ministre
qu'on ne doit pas être rigoriste là-dedans, et son argument sur la grand-mère
vis-à-vis la grandeur de la pièce, moi, je suis avec elle là-dessus.
Bon.
Mais ce que vous
dites, en fait, c'est que, sur d'autres éléments, comme, par exemple, vérifier
les antécédents judiciaires, la famille de
proximité est exemptée. Moi, je ne voudrais pas parce qu'effectivement on a un
effort louable d'insérer
dans la loi cette fois-ci une meilleure protection sur les problèmes
d'agression sexuelle, ou de menaces sexuelles, ou d'environnement sexuel néfaste, et puis là il faudrait faire ces
vérifications-là, y compris pour la famille de proximité. Puis ce que vous nous dites finalement, c'est que,
comme les juges vont placer, de préférence, les enfants dans la famille
de proximité, il se peut que, dans les
faits, malgré les normes, il n'y ait jamais de vérification qui se fasse.
Pourquoi vous tirez cette conclusion?
M. Dufour
(Jean-Luc) : Bien, au niveau de la famille d'accueil de proximité,
d'abord je pense qu'il faut un petit peu rétablir le statut par rapport à
l'intention législative. Le statut, si on le voit, là, dans notre mémoire, il
est à la page 7. Le statut de la famille
d'accueil de proximité, ce n'est pas le tribunal qui va le déterminer, c'est
l'établissement. Alors, ce qu'on qualifie de
grand-mère, de grand-père, d'oncle, de tante, avant de devenir famille de
proximité, si vous regardez la
modification à l'article 312 de la LSSSS, c'est une ou deux personnes qui ont
fait l'objet d'une évaluation par l'établissement public conformément
aux articles 305 et 314 après s'être vu confier...
Alors
donc, il y a une étape de «confier à» par le tribunal. D'ailleurs, on en
fait mention à l'article 62 du projet de loi, là, qui va modifier la Loi sur la protection de la jeunesse, à
l'article 62 de la LPJ. Donc, il y a une étape de «confier à», il y a une étape d'évaluation. Et, évidemment, dans
cette étape d'évaluation, comme on m'a déjà dit à moi dans un
dossier : On n'est pas obligés de
contracter avec vous puis on n'est pas obligés de vous donner de statut de
famille d'accueil. Donc, ça voudrait dire que les personnes qui
reçoivent l'enfant pourraient demeurer ce que l'on appelle dans le jargon des
«confiés à».
M.
Lisée : Oui. Je comprends bien que donc, en fait, il pourrait y
avoir une tentative de vérification, il pourrait y avoir une détermination
que ce n'est pas une bonne idée et que, donc, on ne va pas rétribuer la famille
d'accueil de proximité, mais elle pourrait dire : Écoutez, gardez votre
fric, moi, je garde l'enfant, il est confié à.
M.
Dufour (Jean-Luc) : Tout à fait. Écoutez, on a des exemples à cet
effet-là, et c'est ce dont on discutait l'autre jour, qu'on avait un peu
de misère à comprendre, il y a des gens qui, dans le réseau, sont des gens qui
sont confiés à. C'est-à-dire que le tribunal
leur confie un enfant, mais ils demeurent comme ça. Et, quand on téléphone,
quand on prend des communications, on
fait des démarches auprès de l'établissement pour être reconnu comme famille
d'accueil, on se fait dire : Non, on vous refuse parce que vous ne
possédez pas les qualifications.
M.
Lisée : Donc, on vous refuse, bon, mais, dans l'immense
majorité des cas, là, la famille d'accueil de proximité est tout à fait dans les normes, elle passerait
tous les tests, donc elle pourrait être rétribuée pour avoir cet enfant. Elle
fait la demande, et là on lui dit : Non, non, pour des raisons
budgétaires, finalement. On ne veut pas les rétribuer, même si elles
réussissaient à passer tous les tests.
M.
Dufour (Jean-Luc) : La réponse qu'un centre jeunesse du temps m'avait
donnée — je dis
du temps, mais c'est en 2015 : Nous ne sommes pas obligés de
contracter avec vous.
• (12 heures) •
M.
Lisée : On n'est pas obligés. Et donc, là, il y a des familles de proximité qui passent d'abord
par l'étape de la validation administrative et qui, donc, lorsqu'elles
reçoivent l'enfant, vont être rétribuées. Mais, s'ils ont le malheur
d'avoir l'enfant «confié à» immédiatement, ils ne seront pas rétribués, donc
ils vont perdre.
M. Dufour
(Jean-Luc) : C'est d'ailleurs
le même commentaire que fait le Barreau du Québec dans son
mémoire, il y aurait lieu de clarifier ou, tout simplement, d'écarter... Dans le projet
de loi, on veut modifier l'article 62
de la Loi sur la protection de la jeunesse. À la fin, si je me souviens,
c'est le premier alinéa, on dit : «En outre, lorsqu'il ordonne que l'enfant soit confié à une famille de proximité,
il désigne cette dernière.» Il faut que la famille de proximité ait d'abord
été qualifiée comme famille de proximité par l'établissement selon le nouvel
article 312.
M. Lisée : Est-ce qu'on a une idée du nombre d'enfants, en
ce moment, au Québec, qui sont «confiés à», donc des familles
d'accueil de proximité qui ne sont pas rétribuées?
M. Dufour
(Jean-Luc) : On n'a pas ce chiffre-là.
M. Lisée : O.K. Bien, je demanderai à la ministre dans l'article par article. Oui, si elle a cette information, ça nous
intéresse parce que c'est certain que, si on parle de 5 000 enfants,
8 000 enfants, 12 000 enfants, il y aura un impact budgétaire important. Il ne faut pas se le cacher,
il y aura un impact. En ce moment, il y a des gens qui sont gardés par
leur oncle, leur tante, etc., gratuitement,
et donc c'est un service familial qui est rendu. Mais, s'il fallait toutes les
transformer en familles d'accueil standard, il y aurait un impact budgétaire
important. Est-ce que c'est ce que vous proposez?
M. Dufour
(Jean-Luc) : Bien, c'est-à-dire que, nous, ce qu'on a comme
information, c'est que les intervenants ont de plus en plus de dossiers de familles de proximité, et ça commence à
être pas mal équivalent entre familles d'accueil, familles d'accueil de
proximité. Alors, évidemment, donc, c'est le processus parce que, dans les
faits, effectivement, les «confiés à» ne recevront rien, donc. Et le processus
comme tel, en ce sens, bien, il faut le suivre au complet avant d'être
«qualifié de».
M. Lisée :
Prenons un peu de recul et parlons de, disons, l'éthique familiale. Dans la
mesure où nous faisons la démonstration
qu'il n'y a pas d'antécédents de nature criminelle, sexuelle, etc., et qu'il
n'y a pas de problème de solvabilité, ce
qui devrait être fait de façon routinière pour l'ensemble des cas, n'est-il pas
sain de s'apercevoir qu'au Québec, en ce moment, des familles, des grands-mères, des grands-pères, des frères,
des soeurs disent : Je vais m'en occuper de l'enfant, moi? C'est
sain?
M. Dufour
(Jean-Luc) : ...qu'il y ait une famille de proximité, nous, ici, on
n'est pas contre en autant que les exigences
sont les mêmes. Parce que, si vous regardez le cadre de référence du ministre,
les exemptions, ça peut être pour le voisin
qui va garder temporairement l'enfant une soirée au niveau de l'antécédent
judiciaire. Alors, je ne la ferai pas, la vérification. Mais la famille d'accueil régulière, elle, lorsqu'elle
confie temporairement, par aide, un enfant à la garde de quelqu'un
d'autre, il faut que, cette personne-là, on ait vérifié ses antécédents
judiciaires et, de surcroît...
M. Lisée :
On est d'accord. On est d'accord qu'il faut que ces vérifications-là soient
faites, puis je suis sûr que je vais
convaincre la ministre d'aller dans cette direction-là. Mais ce que je voudrais
éviter, c'est de créer une règle générale qui dit que, si, par la bonté de ton coeur, tu décides que tu vas
t'occuper de l'enfant vulnérable de ta fille, de ta soeur ou de ton
beau-frère, il faut que l'État te fasse un chèque nécessairement. Et puis c'est
le glissement dans lequel on pourrait tomber,
là, si on voulait que toutes les familles de proximité deviennent des familles
d'accueil standard. Mais je pense qu'il y a une différence entre une
famille qui décide : Moi, dans ma vie, je veux être famille d'accueil
parce que je veux m'occuper d'enfants, puis
j'ai les qualités pour le faire, puis j'ai la formation pour le faire — et c'est très bien, on doit les rémunérer correctement — ou le membre d'une famille élargie qui
dit : Bien, c'est mon beau-fils, c'est mon neveu, c'est ma nièce, je vais m'en occuper, puis je ne voudrais
pas qu'on fusionne ces deux éléments-là. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Vaudreuil
(François) : Mais moi, j'ai
une difficulté dans votre question, là, parce que
les familles d'accueil de proximité bénéficient de la même rétribution
que les familles d'accueil régulières.
M. Lisée : Pas les
«confiés à».
M. Vaudreuil (François) :
Pardon?
M. Lisée : Pas les
«confiés à».
M. Vaudreuil
(François) : Non, non, mais
je parle des familles d'accueil de proximité, qui sont en croissance, pour lesquelles le nombre est hyperimportant. Ils
bénéficient de la même rétribution que les familles d'accueil
régulières. C'est les «confiés à» qui n'ont rien.
M. Lisée : Mais c'est parce qu'on a eu une discussion sur transformer tous les «confiés à» en
familles de proximité. Je ne suis pas certain que ce soit souhaitable
socialement.
Mme Demosthène
(Bertolette) : Le problème avec les «confiés à», là... On n'a rien
contre qu'une grand-mère veut prendre
son petit enfant «confié à», mais c'est le problème de la protection,
premièrement, et les services appropriés à donner à cet enfant-là.
Automatiquement, c'est un enfant «confié à», là, c'est comme s'il n'y avait
plus de suivi, plus de services pour
cet enfant-là. C'est comme un enfant qu'on vient de perdre. Et, s'il a
des besoins, comment on va le savoir? Si cet enfant-là a des besoins ponctuels qu'il doit avoir, il ne l'aura
plus, d'où la raison qu'on aimerait, au moins, que ce soit répertorié, et analysé, et voir c'est quoi, les vrais
besoins de l'enfant. Si c'est un enfant qui n'a pas de besoins, c'est
juste la famille qui décide de le prendre,
oh! nous, nous ne sommes pas contre... Il pourrait y en avoir, des «confiés à»,
mais, quand la tendance va dans ce
sens-là, comme c'était avant 2009 et 2012, si on veut retourner en arrière, il y en avait tellement, de «confiés à», on
a fait une bataille là-dessus parce qu'il y avait des enfants handicapés qui
n'avaient pas de services.
M. Lisée :
En concluant, j'ai quelques secondes. Je suis d'accord avec vous. Si la
direction de la protection de la jeunesse
confie un enfant à une famille, elle doit faire un suivi régulier de ses
besoins. Si ça va bien, tant mieux. Mais il ne doit pas tenir pour
acquis que tout va bien, puisque l'enfant a été confié. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, pour la suite du débat, je
cède, pour sept minutes, la parole à notre collègue de Drummond—Bois-Francs.
M. Schneeberger :
Bonjour. Un peu sur la même approche, on parlait de rémunération, est-ce que
vous pensez que la famille d'accueil, de proximité devrait avoir une
rémunération autre que la famille d'accueil régulière?
M. Vaudreuil
(François) : Non. Non, la
structure de rétribution existante est correcte. Non, c'est correct comme ça.
M. Schneeberger :
O.K. Au niveau du bien de l'enfant, quand vous parlez d'un enfant qui est
confié à une famille de proximité, à
un proche parent, vous dites : Peut-être que le proche parent n'a pas les
qualificatifs nécessaires pour venir aux
besoins de l'enfant. À ce moment-là, normalement, la travailleuse sociale du
centre jeunesse, normalement, devrait définir
quand elle... Je veux dire, premièrement, je pense qu'il y a une approche. La
travailleuse sociale doit sûrement se rendre sur place, dans la maison, pour vérifier,
voir si les lieux sont corrects, et autres, et puis si la personne qui va
prendre en charge l'enfant va être capable
d'assumer les besoins de l'enfant, j'imagine. Pouvez-vous vous étendre un petit
peu là-dessus, là, sur le processus?
Mme Cloutier (Christiane) : Je
voudrais m'exprimer sur le sens de la famille, mononcles, matantes,
grands-parents, on n'est pas contre ça. Le problème, qui s'élargit
présentement, c'est que ça ne s'arrête pas juste à la famille, mononcles, matantes, grands-parents, c'est rendu
que c'est les éducatrices de garderie ou le voisin qui deviennent des proximités. Là, on a un sérieux problème. On ne
dit pas qu'on est contre ça, c'est bien correct. Ça fait qu'ils
déplacent le jeune, puis on est toujours là
pour la protection du jeune. Puis ça, on n'est rien contre. C'est qu'ils
prennent le jeune de chez papa,
maman, ils le retirent, ils l'envoient chez la famille proximité en «confié à»,
évaluent, il devient famille proximité. De temps en temps, ça bifurque, ça revient en RTF comme nous autres. Mais
le problème, c'est que ce n'est pas juste là, c'est qu'on est devenus... Là, maintenant, on a des
familles proximité, mais qui sont les gardiennes de ces enfants-là. On
est plus que mononcles et matantes, là, on a les voisins, on a l'ami de
l'autre, on a l'ancienne belle-soeur de... Là, on en voit de toutes sortes.
M. Schneeberger :
C'est-à-dire que, vous, ce que vous dites, c'est que la famille de proximité,
le qualificatif devrait rester
vraiment au niveau du lien familial, je ne sais pas comment dire... presque
sanguin, on peut dire, là. C'est vraiment la famille proche, et non rendu comme vous dites, là, le beau-frère de l'ex
de l'autre, là. C'est sûr, ça fait loin pas mal, là, rendu là, tu sais,
c'est le quartier au complet, des fois, là. Alors, il est là, le problème.
M. Vaudreuil (François) : C'est
l'application qu'on en fait.
M. Schneeberger :
Ça, je suis d'accord avec vous que la famille de proximité devrait, là... puis,
sinon, les règlements devraient s'appliquer comme la famille d'accueil
régulière. C'est ça?
Mme Cloutier
(Christiane) : Le but
premier, c'est l'enfant. On est là pour la protection de l'enfant. Ça fait que, si on a une famille d'accueil RTF comme nous puis une famille proximité, on
est là pour le but premier, l'enfant, représenter l'enfant et la
protection de l'enfant. Ça fait que, quand on est rendu famille proximité puis
qu'on a des exemptions de chambres à coucher... Puis la RTF, comme nous, là, on
est là comme bons parents, on est là pour les élever puis leur donner de l'amour, de l'encadrement et la même
chose qu'une proximité. Mais, quand on vient à faire une différence
entre elle et moi, que j'exige ma chambre,
que j'exige les antécédents judiciaires — puis on n'est pas contre ça, mais pas
du tout, parce qu'on est là pour la
protection — qu'on
exige de ne pas suivre un cours de RCR — elle a le droit de s'étouffer chez la
proximité, mais elle n'a pas le droit de s'étouffer chez nous — qu'on
exige des formations, on a un problème.
• (12 h 10) •
M. Schneeberger :
Encore un petit peu de temps?
Le Président (M. Tanguay) :
Oui, trois minutes.
M. Schneeberger : Ah! O.K. C'est bon. C'est rare, ça, que ça... Famille
d'accueil... Vous parliez tantôt de la notion de chambre, dimensions, puis il
y a-tu des règles très strictes là-dessus?
Je veux dire, je comprends qu'il ne faut pas les mettre dans le sous-sol à côté du chauffe-eau, là, je comprends ça,
mais, je veux dire, la grandeur d'une chambre, là... Moi, chez nous, mes deux enfants sont dans la plus
petite chambre, puis je leur offre de prendre la grande, puis ils ne
veulent pas. Ils aiment leur petite chambre, c'est parce qu'ils sont bien là,
tu sais, c'est ça.
M. Vaudreuil
(François) : Il y a
des règles prévues, dans le cadre de référence qui sont très claires, qui sont
très spécifiques à cet égard-là, mais les familles de proximité ne sont pas
assujetties à ces dispositions-là.
M. Dufour
(Jean-Luc) : Si vous me le permettez, c'est à la page 55 du cadre
de référence, alors : De préférence privées, avec une fenêtre
donnant sur l'extérieur, se situant au rez-de-chaussée ou à l'étage — oubliez
votre temps de jeunesse où vous réclamiez
une chambre dans le sous-sol, là, vous n'y avez plus droit — au minimum 80 pieds carrés pour
une chambre simple et 100 pieds carrés pour... 120 pieds pour une
chambre double.
M. Vaudreuil (François) : Puis
pour les handicapés...
M. Dufour
(Jean-Luc) : Et il y a une possibilité au sous-sol «à condition
qu'elle réponde aux caractéristiques susmentionnées et que l'usager soit
volontaire à s'y installer». Donc...
M. Schneeberger :
Ce n'est pas une règle qui est très sévère, 80 pieds carrés. Je vais dire,
en bas de ça, c'est le garde-robe, là.
M. Vaudreuil (François) : Oui,
mais on a vu des familles de proximité où tu avais deux familles dans un quatre
et demie. On a vu ça, tu sais.
M. Schneeberger :
Ça, c'est le...
M. Vaudreuil
(François) : Non, non, mais on parle de l'enfance...
M. Schneeberger :
O.K.
M. Vaudreuil (François) : Non, non, mais on parle de l'enfance. Ce que je
vous dis, on... Quand on dit que ça devrait
être les mêmes règles d'assujettissement pour les deux, notre référence, c'est
l'enfance. Et je vous dirai que les familles
d'accueil régulières et de proximité sont nos membres, là, ils sont dans les
mêmes unités de négociation, on les représente,
ces gens-là. Mais ce qu'on dit, c'est que notre priorité, c'est l'enfance. Et
puis une des caractéristiques des familles
d'accueil, c'est que, lors d'une première... La première rencontre que j'ai eue
avec la présidente de l'association de
Montréal, elle m'a dit — et cette phrase-là résume tout, puis il faut les connaître puis
les côtoyer pour savoir que c'est véridique : Ce n'est pas parce
qu'on aime nos enfants que ce n'est pas du travail.
Alors,
tu sais, quand on a parlé que les gens puissent s'organiser en syndicat puis
avoir un modèle de représentation collective,
l'amour des enfants, c'est au coeur de leur vie, c'est au coeur du projet, puis
il faut faire attention de la façon dont on va faire évoluer ce système-là pour ne pas qu'il se bureaucratise à
outrance puis qu'on perde ce caractère humaniste qui... C'est un des derniers pans qui restent dans le réseau de la santé
et des services sociaux que la bureaucratie n'a pas écrasés, là. Alors donc, il faut faire attention, garder
cet humanisme parce qu'on parle de l'enfance. Et, quand, comme association
de familles d'accueil, on dit qu'il ne
devrait pas y avoir deux poids, deux mesures, ce qui est bon pour minou, en
somme, est bon pour pitou, bien, ce n'est pas pour rien, là, tu sais.
M. Schneeberger :
Merci beaucoup.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, nous remercions, oui,
effectivement, les représentantes et représentants de la Centrale des
syndicats démocratiques.
Compte tenu de
l'heure, je suspends les travaux jusqu'à 15 heures. Merci.
(Suspension de la séance à
12 h 14)
(Reprise à 15 h 7)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous sommes prêts à poursuivre nos travaux.
Ayant constaté, donc, le quorum, je déclare
la séance ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de
bien vouloir éteindre la sonnerie de vos téléphones cellulaires.
Nous
allons poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 99, Loi
modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions.
Cet
après-midi, nous recevrons la Fédération des familles d'accueil et ressources
intermédiaires du Québec, par la suite
l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador conjointement avec la Commission
de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et
du Labrador et, finalement, la Coalition interjeunes.
Alors,
sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentantes, représentants de
la Fédération des familles d'accueil
et ressources intermédiaires du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous
disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Par la suite, vous
aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Pour les fins de l'enregistrement, je vous demanderais de bien
vouloir préciser vos noms et fonctions. Sans plus tarder, la parole est à
vous.
Fédération
des familles d'accueil et ressources
intermédiaires du Québec (FFARIQ)
Mme Boucher
(Jacinthe) : Bonjour.
Bonjour, M. le Président de la Commission
de la santé et services sociaux, Mme
la ministre, Mmes et MM. les députés. Je me présente, Jacinthe Boucher,
présidente de la Fédération des
familles d'accueil et ressources
intermédiaires du Québec, FFARIQ. Je
suis accompagnée de Mme Ghislaine Pelletier Robitaille, vice-présidente, de M. François Garon, directeur
général, de Mme Maude Delagrave, conseillère syndicale. Également, je suis accompagnée, en arrière de moi, des membres
du conseil d'administration de la FFARIQ provenant des neuf régions du
Québec que nous représentons ainsi que des conseillers syndicaux qui
travaillent sur le terrain. Merci de l'invitation.
Lors
des présentations auxquelles nous avons assisté à la commission parlementaire,
une question n'a jamais été soulevée. Concrètement, combien de
déplacements un enfant subit-il avant qu'un juge ait statué son projet de vie?
La réponse est : Trop, beaucoup trop.
La FFARIQ voit donc la nécessité d'apporter des modifications durables à la LPJ
qui refléteront mieux la réalité de tous les
jours des enfants qui sont accueillis par les familles d'accueil du Québec, car
qui est mieux placé pour témoigner des difficultés vécues par les enfants que
ceux qui vivent avec eux au quotidien, cela, toujours en assurant leur
stabilité?
Nous
tenons ici à préciser que l'argumentaire de la FFARIQ concernant les
modifications à la loi se base autant sur la jurisprudence de nos tribunaux, sur les différentes recherches
effectuées et les expériences vécues que sur l'avis d'un expert connu,
Dr Jean-François Chicoine, pour sa collaboration sur le plan médical et scientifique. Et à cela s'ajoute l'appui de nos membres, qui est sans
équivoque.
• (15 h 10) •
Récemment, j'ai
réalisé une tournée des régions du Québec. J'ai reçu des témoignages touchants.
Il ressort de ces témoignages que la vie des
enfants placés en famille d'accueil est sans cesse chamboulée par des
déplacements et que,
trop souvent, le point de vue des familles d'accueil n'est pas considéré. Cette
problématique découle de certaines lacunes dans la loi.
D'abord,
ce qui est incongru dans la loi du Québec. Saviez-vous qu'avant d'avoir statué sur le
projet de vie de l'enfant, le DPJ
peut procéder au déplacement de celui-ci sans que le tribunal n'ait été saisi?
Il peut le déplacer d'une famille d'accueil
à l'autre à tout moment pour différents motifs : par exemple,
la famille d'accueil demande de l'aide de certains professionnels de la
santé pour les besoins de l'enfant; une divergence d'opinions avec les intervenants
sur différents sujets; les changements
fréquents d'intervenants et les orientations qui diffèrent; le déplacement d'une région à
l'autre; et pour bien d'autres raisons. Dans
tout cela, rarement, la famille d'accueil est consultée, et, bien souvent, ils
ne regardent pas le laps de temps que
l'enfant a passé dans cette famille, le lien qui les unit et les services qui
lui étaient rendus. C'est ainsi que
l'enfant se déplace d'une famille d'accueil à une autre, et, malheureusement, c'est lui qui doit vivre avec les conséquences qui, dans la majorité
des cas, sont irrécupérables.
Selon
le Dr Chicoine, les ruptures répétées sont néfastes à la construction
psychique des enfants particulièrement forgés
aux pertes et aux deuils. Leur capacité d'adaptation et les possibilités futures d'attachement sont mises à mal. Donc, voilà toute l'importance du principe du six mois dans une famille d'accueil, que
vous retrouverez dans notre mémoire aux pages 7 et 8.
Par
la suite, lorsqu'un juge statue sur le projet de vie d'un enfant et qu'un
placement, à la majorité, est prononcé dans
une famille d'accueil, et que, quelques années plus tard, pour différentes
raisons, le DPJ décide de déplacer l'enfant, il est dans l'obligation de saisir le tribunal. C'est à ce moment que la
famille d'accueil peut demander le statut de partie à ce même tribunal. Cette procédure entraîne non
seulement des préjudices graves chez l'enfant, mais aussi des coûts que
la société et l'État doivent assumer. En
effet, les requêtes en intervention devraient être des dossiers traités en
urgence, mais, en réalité, cela prend souvent entre un an et demi à deux
ans, et ça, uniquement pour demander le statut de partie.
À
cet égard, les coûts judiciaires se situent généralement entre
30 000 $ et 40 000 $, sans compter les frais que
l'État assume lui-même. Par la suite...
Désolée. Par la suite, quand le statut est accordé, cela devient un procès dans
un procès. Ainsi, les délais et tout
le processus qui s'ensuit. Vous retrouverez les jurisprudences aux pages 9
et 10 de notre mémoire. Voilà un autre point qui n'a pas été soulevé
dans les consultations particulières.
Le Président
(M. Tanguay) : Prenez le temps...
Mme Boucher
(Jacinthe) : Oui, je suis en train de m'étouffer.
Le Président
(M. Tanguay) : Prenez le temps de prendre de l'eau.
Mme Boucher
(Jacinthe) : Ces préjudices mènent à la présentation de requêtes pour
lésion de droits. Nombreuses sont les
décisions de nos tribunaux qui vont à l'encontre des agissements du DPJ. Toutes
ces décisions sont unanimes et elles ont en commun les constats
suivants : un, les familles d'accueil n'ont pas été considérées comme
partie par l'établissement dans tout le
processus de placement et de déplacement d'un enfant; deux, les vices de
procédure appliqués par les
établissements en amont des décisions des tribunaux ont été considérés comme
une violation aux articles 3 et 4 de la loi en lien avec l'intérêt
et la stabilité de l'enfant. Je vais te laisser continuer.
Une voix :
À quelle page tu es rendue?
Mme Boucher
(Jacinthe) : Trois.
M. Garon
(François) : Je vais prendre la relève si vous permettez.
Le Président
(M. Tanguay) : Oui, travail d'équipe.
M. Garon
(François) : Alors que la
loi du Québec exige la permission du tribunal pour que la
famille d'accueil accède au statut de partie, celle de l'Ontario le reconnaît
d'emblée. Donc, c'est un automatisme. On ne se pose pas la question,
on ne va pas chercher le pouvoir discrétionnaire du juge d'accepter ou pas une
requête, c'est un automatisme. Pourtant,
les critères, justement, qui ont servi à rédiger la loi de l'Ontario
pour accueillir une requête en intervention
sont le lien significatif de l'enfant entre la famille d'accueil ainsi que la
stabilité et l'intérêt de celui-ci.
Une
autre lacune qu'on retrouve dans la loi, c'est qu'elle ne tient pas compte de
la reconnaissance des familles d'accueil
à titre de partenaires. En effet, les familles d'accueil doivent composer chaque
jour avec la présence des établissements et leurs intervenants. En 2015, le
rapport JEFAR a démontré clairement que les familles d'accueil ne sont aucunement reconnues comme partenaires. De fait,
les acteurs des centres jeunesse sont tantôt perçus comme partenaires, tantôt comme des inspecteurs et, parfois, carrément comme des adversaires. Ce n'est
certainement pas normal que les intervenants
soient perçus de cette façon. Sur le plan des interventions et des pratiques,
il est noté également l'importance de prévoir des procédures formelles
pour associer des ressources d'accueil à la planification du projet de vie de
l'enfant. De façon générale, il est
recommandé de s'assurer qu'elles soient considérées comme partenaires de
premier plan dans le choix des
mesures à mettre en place, mais comment y arriver en l'absence de dispositions
législatives pertinentes prévues à la loi et de directives claires formulées
à l'intention des établissements par le ministère?
Vous
trouverez à la page 18 les modifications que la FFARIQ propose au projet
de loi n° 99. Il y en a trois. La
première, c'est qu'on introduise l'obligation, pour les établissements,
d'associer les familles d'accueil au chapitre de l'intervention et de la
pratique du projet de vie de l'enfant.
La
deuxième vise à reconnaître le statut de partie pour une famille d'accueil qui
a pris soin d'un enfant pendant les
six mois qui précèdent toute procédure ou une audience devant le tribunal. Ça
veut dire quoi légalement, juridiquement? Ça veut dire le droit d'avoir droit au même avis d'instance qu'une
partie, d'être présent à l'audience, d'être représenté par avocat et de
présenter ses observations devant le tribunal.
La troisième, c'est qu'on modifie
l'article 7 de la loi afin de permettre que les familles d'accueil soient consultées avant qu'un enfant ne soit transféré
d'un milieu de vie substitut à un autre. Là-dessus, Mme la ministre, on
a pris connaissance, évidemment, de
l'amendement qui avait été proposé dans votre projet de loi, on parle d'un
milieu de vie substitut à un autre,
c'est un nouveau terme, là. Cependant, nous, ce qu'on vise, c'est que la
famille d'accueil soit également consultée
parce qu'actuellement l'article de la loi fait en sorte que seulement les
parents biologiques et l'enfant sont consultés.
Alors, Mme la
ministre, la FFARIQ aimerait apporter ses commentaires quant aux deux arguments
soulevés ici même, devant la commission, soit la protection de la
confidentialité et la lourdeur du processus. Veux-tu continuer?
Mme Boucher
(Jacinthe) : Oui. En ce qui concerne la protection de la
confidentialité, nous tenons à préciser que le cadre de référence et le règlement sur la classification émanant du
MSSS obligent les familles d'accueil au respect de la vie privée de l'enfant et à la confidentialité des
informations qui le concernent. De plus, rappelons la règle de droit
appliquée par nos tribunaux à l'effet que toute audition devant la chambre de
la jeunesse doit être tenue à huis clos.
Quant à la
lourdeur du processus, la FFARIQ partage l'opinion de la magistrature à l'effet
que tout témoignage des familles
d'accueil est susceptible de répondre à de nombreuses questions qui, autrement,
seraient laissées en suspens ou sans réponse
et qui orientent le tribunal vers un meilleur jugement de la cause qu'il doit
prendre en délibéré. Aussi, nous avons été
surpris d'entendre les membres du comité consultatif en droit de la jeunesse du
Barreau du Québec, dans leurs énoncés, qui mentionnaient que l'avocat de
l'enfant prenait toujours le temps d'aller voir les enfants dans le milieu
substitut et qu'il prenait le temps de bien étudier le dossier. Sur le terrain,
la réalité est toute autre.
Pour la
FFARIQ, les modifications que nous proposons sont un incontournable pour
assurer la stabilité de nos enfants.
Rappelons que ceux-ci sont nos adultes de demain et que chacun d'entre eux
mérite un projet de vie sans être à la merci d'un système où l'absence
de collaboration et la méfiance minent la bonne volonté de tous.
Mme la ministre, je réitère mon invitation pour
une tournée auprès des familles d'accueil. J'invite aussi les membres de la commission. Merci de votre attention
au nom de toutes les familles d'accueil que nous représentons et les
enfants qu'elles accueillent. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, pour
une période de 15 minutes, je cède la parole au niveau des échanges
avec Mme la ministre. La parole est à vous.
Mme Charlebois :
Merci, M. le Président. Bon après-midi. Bon après-midi à tous les membres de la
commission. Merci d'être là. Je veux saluer
Mme Boucher, M. Garon, Mme Pelletier et Mme Delagrave,
conseillère syndicale, et les membres
des régions aussi, dont vous nous avez fait part de leur présence. Merci
beaucoup d'être là, tout le monde, et de nous partager votre point de
vue. C'est fort apprécié.
Je vous ai entendus, puis allez comprendre qu'il
y a des choses qui m'interpellent parce que vous avez constaté — vous
avez été présents à plusieurs des auditions, sinon toutes — il y a des gens qui nous ont dit des
choses qui... Puis je ne veux pas vous
mettre en contradiction, mais il reste que les propos ont été en contradiction
avec les vôtres. Puis j'ai questionné
beaucoup, vous avez pu voir ça certainement pendant les auditions. Vous vous
êtes rendu compte — vous en avez
parlé vous-même dans votre mémoire — que le Barreau n'est pas favorable à ce que
vous soyez partie. Puis ils ont eu leur
explication, notamment, sur la confidentialité, et vous estimez que ce n'est
pas un argument valable, puisque vous pensez
avoir droit au dossier des parents. S'il y avait des problèmes psychiatriques
ou autres, vous pensez que vous avez le droit de savoir ça. C'est ça?
• (15 h 20) •
Mme Boucher
(Jacinthe) : Je vais commenter en début puis je vais laisser
M. Garon, par la suite, finir. Écoutez, la vie de la famille d'accueil, à tous les jours, elle a de l'information
qu'elle doit toujours tenir confidentielle. De l'information sur les parents et sur les enfants, on les a,
souvent pour être en mesure de donner une bonne prestation de services.
Et, comme je viens de le dire dans mon allocution, c'est qu'aussi c'est en huis
clos. La famille d'accueil est tenue par la confidentialité.
Ça fait qu'elle soit devant le tribunal pour se faire entendre — parce que le vivre avec au quotidien,
c'est elle qui l'a — je ne crois pas que la famille d'accueil va
faire nécessairement un bris de confidentialité. Pour qu'est-ce c'est
que les membres du comité consultatif du Barreau ont dit, je vais laisser
M. Garon terminer là-dessus.
M. Garon
(François) : Bien, écoutez, Mme la ministre, moi, je vous dirais que,
par respect pour mes confrères, là...
mais disons que c'est une association, hein, d'avocats, là, en jeunesse, ça ne
représente pas les 15 000 membres du Barreau. Ça, c'est la
première des choses.
Deuxième
point, évidemment, si vous avez regardé notre mémoire attentivement, vous avez
pu constater que ce n'est certes pas
non plus l'avis de la magistrature. Alors, je pense qu'il y a assez de
jurisprudence que j'ai citée dans mon mémoire.
Les recherches que j'ai effectuées avec Mme Delagrave ont démontré hors de
tout doute, je pense, qu'effectivement
les tribunaux sont très sensibles au fait d'accorder le statut de partie quand
vient le cas de débattre de la prestance d'une famille d'accueil à
l'audition.
Écoutez,
la confidentialité, là, il faut faire bien attention. Il faut faire attention
parce que d'abord, quand tu arrives devant un tribunal en audition — puis
je pense que ça a été cité ce matin par un autre avocat, là — il y
a un paquet d'ordonnances qu'un juge peut
rendre. Ça, c'est la première des choses. Mais je veux aller un petit peu plus
loin là-dessus aussi,
je veux aller même à même la loi actuellement, la loi qui est en vigueur
actuellement, la Loi sur la protection de la jeunesse, qu'on veut amender ici, vous avez des dispositions législatives
dans la loi qui sont claires, qui sont nettes, qui sont précises puis qui ne portent pas à
interprétation. D'abord, il y a le 82, l'article 82, qui le précise
lui-même, que le débat à la cour se
fait de façon huis clos. Ça, c'est réglé. Vous avez le 97 de la loi qui prévoit
que, si le huis clos n'est pas respecté, il est possible d'avoir un
outrage au tribunal. Et enfin, dans la loi, à l'article 134, on vient
préciser clairement qu'il y a également des
pénalités au niveau du pénal, les clauses pénales qu'on a dans n'importe quelle
loi statutaire ou habilitante. Alors,
écoutez, ce sont toutes des mesures... Puis là je pourrais vous citer certains
articles aussi du Code de procédure civile qui s'appliquent, là, mais il y a toutes sortes de procédures qui font
en sorte que, finalement, c'est un faux débat, la question de la
confidentialité, c'est...
Mme
Charlebois :
...
M. Garon
(François) : Oui.
Mme Charlebois :
Excusez. Je vous ai-tu coupé?
M. Garon
(François) : Non, c'est correct.
Mme Charlebois :
Non, non, mais non, je ne veux pas vous couper.
M. Garon
(François) : Non, non, vous ne me coupez pas, là, je pense que j'ai
fait pas mal le tour du jardin, là.
Mme Charlebois :
Excusez-moi. Combien vous estimez, en pourcentage, de familles qui sont
familles d'accueil, qui ont de l'information
confidentielle de A à Z dans le dossier des enfants? C'est ce que vous me
dites, qu'à peu près toutes les
familles, à moins que j'aie mal compris, là, qu'à peu près toutes les familles
détiennent de l'information confidentielle sur les enfants et sur les
parents des enfants en ce moment. Est-ce que c'est ça que j'ai compris?
Mme Boucher
(Jacinthe) : Écoutez, on va nuancer quand on dit «information
confidentielle». La famille d'accueil doit
avoir tout en main, O.K., pour être en mesure de donner une bonne prestation de
services à l'enfant qu'elle accueille. Il faut qu'elle sache, O.K., c'est quoi, ses problématiques, c'est quoi,
les motifs. Et ça, c'est écrit clairement dans le cadre de référence, dans l'outil de classification, que,
dans les 72 heures, la famille d'accueil doit recevoir les motifs de
placement, c'est quoi, les besoins, le
médicament, c'est quoi, ses besoins de santé, et tout ça. Ça fait que, tu sais,
une famille d'accueil est là pour
prendre soin d'un enfant, pas pour essayer de gratter, de savoir, le parent,
pour eux, c'est quoi, le problème, là.
Mme Charlebois :
C'est ça que je dis, je vous demande : Est-ce que les familles d'accueil,
en général, pour ne pas dire la totalité des familles d'accueil, ont de
l'information confidentielle d'un bout à l'autre du dossier de l'enfant en ce
moment?
Mme Boucher
(Jacinthe) : Je vous dirais, en effet, la plupart du temps, les
familles d'accueil ont beaucoup d'informations
confidentielles et qu'elles sont tenues elles-mêmes par la confidentialité du
moment qu'elles ont signé un contrat
de service avec un établissement, puis c'est ça qui est géré par le cadre de
référence et de l'outil de classification.
Mme
Charlebois : O.K. C'est ça que je voulais savoir.
Maintenant, vous avez dit dans votre mémoire que ça peut prendre jusqu'à un an ou deux ans pour avoir le
droit d'être entendu au tribunal et de pouvoir vous prendre un avocat
ou, peu importe, là, je ne sais pas...
M. Garon
(François) : En fait, pour que la requête soit acceptée ou non devant
le tribunal.
Mme
Charlebois : C'est ça. Et vous dites que les coûts de tout
ça peuvent vous représenter jusqu'à
40 000 $.
Mme Boucher
(Jacinthe) : Oui.
Mme
Charlebois : Selon les instances au niveau judiciaire dans
l'ensemble de l'appareil gouvernemental, on nous indique que ça peut... Puis là je vous pose la question, là. Si vous
avez des exemples concrets, comme ministre, j'aimerais ça les avoir parce qu'on m'indique ici que ça peut
varier de 85 $ à 4 000 $ pour un avocat qui est au privé.
Qu'est-ce que vous pensez de ça?
Mme
Boucher (Jacinthe) : Écoutez, Mme la ministre, je vais être très
claire avec vous — puis
j'ai un exemple concret — j'ai une famille d'accueil, O.K., qu'on a
soutenue tout le long du processus, du début jusqu'à la fin, pour
qu'elle devienne partie. Juste pour qu'elle
devienne partie, ça a pris un an et demi, si ce n'est pas plus, puis ça a coûté
au-delà de 30 000 $. Et, pour entendre la cause au complet, ça
a coûté jusqu'à 100 000 $. Et j'ai les factures à l'appui.
Mme
Charlebois :
Est-ce qu'ils ont été remboursés pour ces frais-là, une fois qu'ils ont été...
Mme
Boucher (Jacinthe) : Non, ce n'est pas remboursé. En général, c'est la
famille d'accueil elle-même qui doit assumer les frais. Là, nous, cette
cause-là, on l'a prise, O.K., pour un exemple, pour vraiment avoir tout ce qui
était le processus, et tout ça, en détail, et c'est nous qui avons appuyé, qui
avons soutenu cette famille d'accueil là.
Mme
Charlebois :
Est-ce que ça arrive fréquemment ou si vous me parlez d'un cas d'exception?
Mme
Boucher (Jacinthe) : Non, je ne vous parle pas d'un cas d'exception.
J'ai d'autres familles d'accueil que j'ai rencontrées, qu'eux-mêmes avaient saisi le tribunal, qui sont venus me
voir, O.K., puis qu'ils m'ont dit le laps de temps. Toutes les jurisprudences qu'on vous a mises dans
notre mémoire, c'est vraiment, là... c'est des causes que vous pouvez
vous fonder, elles sont véridiques, c'est des situations vécues par nos
ressources.
M. Garon (François) : Je voudrais
ajouter quelque chose, Mme la ministre, là.
Mme
Charlebois : Oui,
allez-y.
M. Garon
(François) : Concernant les coûts, là, vous parlez de 85 $ à
4 000 $. J'ai envie de vous répondre, là, que c'est peut-être possible, là, pour un avocat qui
charge 50 $ de l'heure, mais je n'en connais pas beaucoup. Et, si on
procède par analogie, dans le cadre, par exemple,
d'un divorce, on sait que les coûts, là, c'est au-dessus de 10 000 $,
puis 12 000 $, puis
15 000 $ juste en termes de frais d'avocat, puis il faut...Et ça,
c'est sans compter — et
j'attire votre attention là-dessus aussi — en fait, l'ensemble de toutes les requêtes
par-dessus requête, par-dessus requête en objection de témoins, en... Écoutez, on peut faire traîner un dossier, c'est
facile, là. Moi, je peux vous le dire, on peut faire traîner un dossier
pendant deux, trois ans, là, puis c'est bien facile, bien, bien facile.
Mme
Charlebois : ...le
pauvre enfant qui est là pendant ce temps-là...
M. Garon (François) : Bien, c'est
ça, c'est lui qui mange le coup.
Mme
Boucher (Jacinthe) : Sans compter les coûts que ça coûte à l'État
parce que qu'est-ce c'est que nous, on vous
décrit, c'est le coût que ça a coûté pour la famille d'accueil et pour d'autres
familles d'accueil. Il faut que vous considériez aussi que l'enfant, il a son avocat de l'aide juridique, souvent les
parents biologiques, souvent à faibles moyens, ils ont l'avocat de l'aide juridique aussi, et ça, c'est
sans compter le procureur du centre jeunesse. Ça fait que, si vous
prenez un ensemble de tout et le laps de temps que ça prend, c'est pour ça
qu'on dit que, d'emblée, ce serait un processus... que la famille d'accueil serait partie, de un, le processus serait beaucoup
plus vite, et on éviterait, O.K., tout le coût et le délai que ça
prendrait. Parce que qui qui attend toujours? C'est un enfant. Parce que
l'enfant qui est retiré, lui, il se demande toujours qu'est-ce c'est qui va se
passer.
Mme
Charlebois :
Dites-moi, je peux comprendre votre argumentaire avec le Barreau, mais, quand
je vous dis que la CDPDJ dit la même
chose, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse dit
la même chose que le Barreau, puis
ils nous disent que, attention, là, ici... Eux autres, ils ne sont pas pour ça.
Bref, je n'irai pas dans le détail, vous l'avez entendu, puis je ne veux
pas vous répéter tout le détail...
M. Garon
(François) : Effectivement, écoutez, c'est un point de vue, là.
Là-dessus, je pense que je ne veux pas en faire un débat contradictoire ici cet après-midi, ce n'est pas le forum
approprié, mais je vous dirais que j'ai écouté très bien la dame de la
Commission des droits de la personne, bien, vous savez, par expérience, je vous
dirais que ça arrive régulièrement, à un
moment donné, qu'on veut raccourcir le débat, un joueur de plus sur la
patinoire, ça dérange, ça nous fait
peut-être, des fois, travailler un petit peu plus fort, ce que ça ne nous tente
pas tout le temps, on veut aller au plus court. Donc, dans ce contexte-là, évidemment que le fait d'accorder la
possibilité à une autre partie d'intervenir dans un débat, moi, je ne le prends pas comme une
lourdeur. C'est peut-être plus long dans un certain sens, mais plus court
en même temps.
Et là je
m'explique. Oui, il y a un nouveau joueur dans la game, mais, par contre, ça va
beaucoup plus vite pour le juge, par
exemple, parce que, quand il entend la cause, il a l'ensemble de la photo.
Puis, en ayant l'ensemble de la
photo, non seulement il va plus vite dans son délibéré, mais, secundo, il est
capable de rendre une décision beaucoup plus éclairée.
Alors, écoutez, moi, là, je ne suis pas d'accord avec ce que j'ai
entendu la semaine dernière, c'est certain. À matin, voyez-vous, je ne
suis pas tout seul, hein? À matin, là, il y a quelqu'un qui a passé, un avocat,
là, d'une autre centrale syndicale, et puis je pense
que... à moins que je fasse erreur, mais il a dit pas mal la même chose que
nous, là, il était quand même pas mal de notre bord, là. Alors, comme vous
pouvez voir, là, c'est pas mal un match nul, là, c'est deux contre deux.
Mme Charlebois :
Je vous entends. Dites-moi, je pense, c'est 81, hein, notre article qui dit que
vous pouvez demander le statut, ce que vous
me dites, ça peut prendre jusqu'à un an, deux ans. Dans la totalité des
familles d'accueil, est-ce que c'est l'ensemble des familles d'accueil
qui demandent d'être partie ou si c'est une minorité?
Mme Boucher
(Jacinthe) : Je vous dirais que les familles d'accueil, la plupart du
temps, quand il y a eu des difficultés, puis ils ont retiré l'enfant, et qu'ils sont
capables de... Parce que c'est émotif, c'est difficile pour une
famille d'accueil qui s'est fait retirer un
enfant que ça faisait très longtemps d'aller voir tout l'appareil gouvernemental. Parce que, des fois aussi, dans toute cette procédure-là, souvent le DPJ va avoir
saisi le tribunal très tôt, O.K., puis qu'il n'a pas laissé le temps à la
famille d'accueil, elle, de se prendre un avocat, puis pour aller devant le
juge. Ça, c'est un élément.
Souvent
aussi — on va parler de la CDPDJ — la CDPDJ a souvent été informée de lésion de
droits envers les enfants, ils se
sont assis aussi dans la salle d'audience, et le dossier que je vous parle,
même les avocats du centre jeunesse refusaient
que la CDPDJ, le représentant de la CDPDJ soit assis dans l'audience pour voir
s'il y avait eu lésion de droits envers les enfants.
Mme Charlebois :
Avez-vous fini? Parce que j'ai une dernière question, puis il me reste deux
minutes, je ne voudrais pas...
Mme Boucher
(Jacinthe) : Oui, oui, oui, ça va.
Mme Charlebois :
Vous me parlez du droit en Ontario, puis ça aussi, ça m'interpelle. Puis vous
me dites dans votre mémoire, à la
page 7 : «Quiconque, y compris un père ou une mère de famille
d'accueil, a pris constamment soin de l'enfant
pendant [...] six mois qui précèdent l'audience — c'est ce qu'ils disent en Ontario : a
droit au même avis d'instance d'une partie; peut être présent à
l'audience; peut être représenté par un procureur; [et] peut présenter des
observations au tribunal.» Il y a toujours
le mot «peut». Ça, c'est à votre page 7. Mais, dans vos modifications que
vous me proposez, le «peut» a disparu.
Pourquoi vous me dites que vous voulez qu'on se colle sur la loi
ontarienne... — on dit-u
ça de même? — la loi de l'Ontario, bref, et, quand vous
arrivez dans les modifications proposées, vous enlevez le «peut» qui est
dans la loi de l'Ontario?
• (15 h 30) •
M. Garon
(François) : C'est qu'en fait il faut nuancer, là. C'est qu'il ne faut
pas regarder le «peut», là. On est en
matière de droit, on parle de lois, là. On dit bien, à l'alinéa a, «a droit au
même avis d'instance qu'une partie». Alors, ça veut dire quoi? Ça veut
dire qu'il peut être présent à l'audience, ça veut dire qu'il peut être...
Mme Charlebois :
...vos recommandations, ça, mais vous avez enlevé dans toutes les autres
prémisses le «peut».
M. Garon
(François) : Là, je ne vois pas à quoi vous faites allusion
exactement. Vous êtes à la page 7?
Mme Charlebois :
À la page 18, dans vos modifications proposées...
M. Garon
(François) : Ah! O.K. Dans les modifications proposées à la fin, là.
Mme Charlebois :
Oui, à la page 18, vous avez enlevé tout ce qui est «peut» qui était...
Quand vous me parlez du droit de l'Ontario à la page 7, il y a tout
le temps les «peut», a, b, c, d.
M. Garon
(François) : Bah! écoutez, non, non, c'est du français, là. Écoutez,
oubliez ça, ça ne veut rien dire, là. C'est moi qui l'ai rédigé, là,
puis je ne voulais pas, absolument pas... je voulais...
Mme Charlebois :
C'est un oubli?
M. Garon
(François) : Pardon?
Mme Charlebois :
C'est un oubli? Parce que vous souhaitez copier...
M. Garon
(François) : Oui, oui, c'est un oubli. Je ne voulais aucunement
annihiler, là, les dispositions de la loi sur l'Ontario du tout,
aucunement. Ce que je voulais...
Mme Charlebois :
O.K. O.K. C'est juste ça qui m'interpelait. Excusez-moi de vous le demander.
Alors, je veux juste finir là-dessus,
ce que je comprends avec la loi de l'Ontario, c'est qu'avec le «peut» on n'est
pas si sûr que ça qu'elles participent automatiquement, les familles en
Ontario.
M. Garon
(François) : C'est-à-dire que ce n'est pas question qu'ils y vont
automatiquement. La question, c'est qu'ils
ont le droit automatique d'y aller. Comprenez-vous, elle est là, la nuance?
Alors que, nous, au Québec, quand on fait l'étude comparée des deux
droits, on s'aperçoit que, nous, c'est discrétionnaire, ça appartient au juge.
Alors là, dépendamment du juge sur qui vous
tombez, bien, c'est comme dans n'importe quoi, dans n'importe qui, avec
n'importe quelle profession, il y en a des bons puis il y en a des moins bons,
hein?
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, monsieur, nous
allons poursuivre nos échanges avec notre collègue
d'Hochelaga-Maisonneuve pour une période de 9 min 15 s.
Mme Poirier :
Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de saluer tout le monde de la
commission, M. le Président, Mme la ministre, monsieur, mesdames.
À la lecture de votre
mémoire, ce que je comprends, c'est que la famille d'accueil — et
là, avec les échanges qu'on vient d'avoir,
ça me le confirme — est
rarement consultée et que la DPJ peut procéder au déplacement d'un
enfant sans que le tribunal n'ait été saisi.
Mme Boucher (Jacinthe) : Oui.
Je m'explique, c'est que...
Mme Poirier : Alors, je
veux juste savoir...
Mme Boucher (Jacinthe) : O.K.
C'est bon.
Mme Poirier : Vos propositions
que vous faites, qu'est-ce qu'elles vont changer en tant que tel?
Mme Boucher
(Jacinthe) : Elle va changer
le principe du six mois, comme la loi ontarienne. Du moment qu'un enfant est six mois continus dans une famille d'accueil, ça va
faire, de nature obligatoire, que le DPJ devra consulter la famille d'accueil. Avant de déplacer un enfant, O.K., il
faudra que ça soit pris en considération. En ce moment, O.K.,
la famille d'accueil peut se faire appeler deux heures avant, on va chercher le
petit coco, prépare les bagages, puis on le transfère
dans une autre famille d'accueil. Parce
que, comme vous savez, la loi,
aujourd'hui, la façon qu'elle est faite, quand un enfant vit des difficultés dans son milieu, on retire l'enfant de son
milieu, on va le placer soit dans un «confié à», une famille d'accueil de proximité ou dans une famille
d'accueil. O.K.? Et là c'est très clair dans la loi qu'il faut
statuer... on a, en dedans, à
l'intérieur... tout dépendant de
l'âge, on a un temps maximal, O.K., jusqu'à deux ans pour statuer sur le projet de
vie. Mais, tant qu'on n'a pas statué sur le projet de vie, l'enfant peut avoir
fait plusieurs familles d'accueil. C'est seulement que quand on statue sur le
projet de vie que, là, la famille d'accueil, s'il y a eu un placement jusqu'à
la majorité puis qu'il y a eu par la suite,
plus tard, un déplacement, elle demande d'être partie, et là tout le processus
juridique...
Mais nous, on
tient aussi à vous conscientiser sur le fait que, du début du placement, un
enfant qui est placé dans une famille d'accueil, là, qui est six mois
consécutifs, qu'elle a créé un certain lien, que la famille d'accueil l'a
réconforté, là, bon, bien,
avant qu'on le déplace vers une autre famille d'accueil, mais est-ce que la
famille d'accueil pourrait être consultée?
Est-ce qu'on pourrait voir c'est-u vraiment dans le meilleur intérêt de
l'enfant de le déplacer? C'est là qu'est toute la question. Puis, en ce
moment, souvent l'opinion de la famille d'accueil n'est pas prise en compte.
Mme Poirier :
Je ne suis pas une experte dans ce sujet-là, là, je viens en remplacement,
aujourd'hui, d'un de mes collègues, mais, selon vous, quel est le motif
pour lequel on va faire ce déplacement-là?
Mme Boucher
(Jacinthe) : Écoutez, il y a différents motifs qu'un déplacement peut
être fait. O.K.? Puis ça, je pourrais
vous en énumérer plusieurs. J'ai déjà vu, bon, bien, parce que c'était plus une
région éloignée, que ça coûtait plus un
coût administratif, que l'enfant était plus loin, que, là, on a décidé de
rapprocher l'enfant. Souvent, la famille d'accueil va demander des soins prodigués à l'enfant. Parce que,
vous savez, les enfants qu'on accueille, c'est des enfants qui sont en souffrance et que, souvent, ils ont besoin de voir
des professionnels de la santé, et souvent on va dire : Ah! il va se
calmer, ça va mieux... Tu sais, ils vont dire : Ah! la famille
d'accueil, peut-être que c'est trop pour toi, on va déplacer l'enfant,
mais sans tenir compte que la famille
d'accueil, elle, qu'est-ce c'est qu'elle demande, c'est de l'aide pour ce
coco-là ou cette cocotte-là, et c'est ça souvent qui n'est pas pris en compte
et qu'on va déplacer l'enfant.
J'ai vu
d'autres situations où que... Mettons, un établissement décidait de
baisser le niveau d'enfants de famille d'accueil,
et qu'il y avait un enfant que ça faisait fort longtemps qu'il était là, et
que ça faisait cinq enfants dans la famille, eux autres ont décidé de baisser le niveau à quatre, et ils ont décidé
de déplacer un enfant parce qu'eux autres le ratio était quatre par famille. Mais l'enfant, ça faisait peut-être
au-dessus d'un an, deux ans qu'il était là. Ça fait qu'il y a
différentes raisons, O.K., pour qu'un enfant soit déplacé, et c'est ça qu'on
déplore.
Mme Poirier : Expliquez-moi, là, moi, il y a quelque chose que
je ne comprends pas, là. Le but de tout ça, c'est le bien-être de
l'enfant.
Mme Boucher (Jacinthe) : Exactement.
Mme Poirier : En quoi le
déplacement sans parler à la famille d'accueil contribue au bien-être de
l'enfant? Expliquez-moi ça, là, il y a quelque chose que je ne comprends pas.
Mme Boucher (Jacinthe) : Écoutez,
ça, ça ne serait pas à moi de répondre. Ça, ça serait vraiment au centre jeunesse de vous répondre, de dire pourquoi
déplacer un enfant, que c'est le bien-être de l'enfant. Ça, c'est des
réponses que nous-mêmes, nous posons comme
questions. Nous, qu'est-ce c'est qu'on dit, c'est que, si la famille d'accueil
serait plus impliquée drette au départ et que son opinion... ça devrait
être de nature obligatoire que le centre jeunesse, que le DPJ consulte la
famille d'accueil, que ça soit consigné, bien, ça éviterait peut-être plusieurs
déplacements d'enfants.
Mme Poirier : Je comprends que ce que vous nous dites, c'est
qu'un enfant, jusqu'à dans sa période de deux ans, pourrait être déplacé
plusieurs fois. Puis je ne veux pas qu'on aille dans les cas extrêmes, je veux
qu'on soit dans la moyenne. Selon vous, est-ce qu'il y a une moyenne de
déplacements?
Mme Boucher (Jacinthe) : Écoutez, ça varie d'une région à l'autre, d'un point de
service à l'autre et d'intervenant à l'autre. Ça fait que je pourrais
être un petit peu en difficulté de vous dire une moyenne.
Mme Poirier :
...d'une région à l'autre, là, pourquoi c'est différent d'une région à l'autre?
• (15 h 40) •
Mme Boucher
(Jacinthe) : C'est souvent selon la politique de la région. Parce que,
vous savez, chaque établissement, O.K., il est autonome de sa gestion. Ça fait
que, dans une région, ils pourraient
prendre telle orientation pour
x raisons et ils ont une pratique différente dans une autre région, même,
souvent, d'un point de service à l'autre. Ça fait que je ne peux pas arriver puis vous en faire une généralité. Par
contre, je peux vous dire qu'avec toutes les familles d'accueil ici qui
sont en arrière de moi, O.K., la plupart du temps, tous les enfants qu'on
reçoit, ils ont fait d'autres familles d'accueil avant.
Mme Poirier :
Dans votre mémoire, vous nous dites que la loi actuelle contribue à nuire au
projet de vie de l'enfant. Je comprends
qu'aussi le fait qu'il n'y a pas d'uniformité entre les régions, les personnes,
les pratiques, ça doit aussi contribuer à nuire au projet de vie de
l'enfant.
Mme Boucher
(Jacinthe) : Oui, parce que, souvent, vous allez... Tu sais, on ne se
le cachera pas, dans le réseau, tu sais,
il y a beaucoup de changements d'intervenantes. Et, souvent, il va y avoir une
intervenante qui va prendre tel type d'orientation et qu'après la
troisième ou quatrième intervenante ça peut être une autre orientation qui
diffère, et là, complètement, tout est changé, puis les demandes sont
différentes, et les orientations sont différentes. Puis le point de vue de la famille d'accueil, bien, des fois,
n'est même pas considéré. Ça fait que c'est ça qui est un problème.
Même, des fois, ce n'est même pas quantifié,
qu'est-ce c'est que la famille d'accueil, elle dit. Tu sais, moi, j'ai vu, des
fois, des familles d'accueil qui ont
demandé des services pour cet enfant-là, et ils ont dit : Ah! je pense que
tu es surmenée, ils l'ont déplacé à
l'autre famille d'accueil. Ils n'ont pas dit les difficultés de l'enfant, O.K.,
la famille d'accueil l'a appris sur le tas,
bon, puis il n'y a pas eu plus de services. L'enfant, il a dû être déplacé pour
x autres raisons, ou quoi que ce soit, et là ça a fini en centre d'accueil. Bien, cet enfant-là, s'il aurait eu des
services, si on aurait écouté la famille d'accueil drette au départ, peut-être qu'il serait encore dans la
première famille d'accueil et se serait amélioré dans la vie, et sa vie en
centre jeunesse, ça n'aurait pas été un parcours difficile.
Mme Poirier :
Êtes-vous en train de me dire qu'au-delà de la loi les parents qui réclament
des services pour les enfants ne sont pas écoutés?
Mme Boucher
(Jacinthe) : Les familles d'accueil qui demandent des services pour
les enfants?
Mme Poirier :
Les familles d'accueil, oui.
Mme Boucher
(Jacinthe) : Oui. Souvent, je vous dirais... je ne vais pas faire une
généralité parce qu'on a des... Tu
sais, dans tout, il y a des bons intervenants, il y a des bons centres
jeunesse, puis tout ça, mais souvent, dans les cas... puis rien qu'un cas, est un cas de trop que... Il ne
faut pas se le cacher, il y a un côté administratif là-dessus qui est
toujours caché en arrière, ça a toujours des
coûts et que, souvent, bon, bien, là, à cause des coûts que ça peut avoir, les
délais que ça peut avoir... Et
qu'est-ce c'est que moi, j'ai trouvé toujours dommage, que je vous dirais — puis ça, c'est vraiment de façon personnelle — c'est que, des fois, les intervenants qui
travaillent tellement avec tellement de difficultés, des fois, ils ne voient pas tout à fait la même importance que
nous, familles d'accueil, on a auprès des enfants puis les difficultés qu'on
voit.
Tu
sais, les intervenants ne sont pas là à tous les jours, ils viennent... Ils
prennent la photo, ils viennent voir, des fois, l'enfant aux trois semaines, quand ils viennent aux trois semaines.
C'est la famille d'accueil qui est là à tous les jours et, là, qu'elle appelle, qu'elle fait les demandes. Puis
des sévices que des enfants vivent, là, qu'il n'y a pas aucun adulte qui
vivrait ces sévices-là, que ça serait
nécessaire qu'ils aillent voir des professionnels pour se faire aider... ces
enfants-là, ce n'est pas en les
déplaçant que ça guérit le bobo. Le bobo, il reste quand même là. Il a quand
même besoin d'aide, et c'est la famille
d'accueil, en pleine nuit, qui a les enfants qui pleurent, qui se cachent dans
les garde-robes ou toutes sortes de choses imaginables, que vous pouvez imaginer, c'est la famille d'accueil qui le
vit au quotidien, et elle devrait être prise en compte.
Mme Poirier :
Merci beaucoup.
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, merci. Nous poursuivons les
échanges pour 6 min 15 s avec notre collègue de Drummond—Bois-Francs.
M. Schneeberger :
Merci, M. le Président. Bonjour à vous quatre. Premièrement, je tiens à vous
féliciter pour la qualité de votre
mémoire. J'aime beaucoup ça parce que vous prenez des articles juridiques, mais
vous mettez du concret, c'est-à-dire que vous avez une bonne
connaissance du terrain, puis ça aide à beaucoup mieux, nous — en
tout cas, moi — législateurs, à comprendre, là, la réalité.
Parce que, des fois, là, un article de loi peut paraître bien beau, mais
la manière que c'est appliqué, c'est tout autre.
Vous
parliez aussi tout à l'heure de délais, O.K., vous parliez justement... Est-ce
qu'en prenant en compte dans le processus
la famille d'accueil ça ferait en sorte que beaucoup de délais seraient
réduits? Tantôt, on parlait de deux ans et quelques, maximum, là, mais, dans le fait courant, tu sais, je parlerais
de mois. Est-ce que ça aiderait beaucoup à réduire les délais dans
certains cas, là?
Mme Boucher
(Jacinthe) : Oui, parce que,
là, la famille d'accueil, selon l'article 81, elle demande, O.K., pour être partie. Avec la loi ontarienne,
qu'on prend comme un exemple, si elle voudrait, elle pourrait se prendre un
avocat puis être présente. Ça fait qu'on
économiserait, là, un an et demi, deux ans. Ça fait que, tout de suite, on
irait dans le dossier de fond, puis
l'enfant, là, il ne serait pas en attente. Parce que n'oubliez pas que, quand
une famille d'accueil fait la demande pour
être partie au dossier, là, bon, bien, souvent, il y a des visites supervisées
avec la famille d'accueil, souvent le juge va dire : Attendez,
avant d'entendre la cause, je confie quand même les enfants à la famille
d'accueil. Bien, tout reste en suspens, là, ça fait qu'au moins... C'est
l'enfant qui est entre les deux, là, qui est là puis qui attend. Ça fait que
oui, ça réduirait de beaucoup le délai.
M. Schneeberger :
Dans le fond, le stress qui est infligé à l'enfant d'être toujours sur le
qui-vive, là, moi, je ferais un
comparatif. Comme parlementaires, quand on a — et je l'ai vécu deux fois de suite — des gouvernements minoritaires, on ne sait jamais quand le gouvernement peut
tomber puis s'en aller en élection, on est un peu sur un stress, hein? Je
pense, comme parlementaires, c'est un stress. Imaginez un enfant que lui,
demain matin, il peut se dire : Bon, bien, toi, aujourd'hui, on ne sait pas ce qui arrive. Et, oui, ça peut être très
effrayant pour les enfants quand ils l'ont vécu une fois ou deux. Parce qu'une fois ce n'est pas pire,
mais, quand il sait qu'il l'a déjà vécu, c'est un stress qui peut resurvenir,
je pense, à l'enfant, puis c'est très, très
dommageable, là. Ce n'est pas la grandeur de la chambre qui va faire la
différence, je pense, dans ce cas-là, comme on en a parlé ce matin, c'est
vraiment la présence... puis aussi d'être capable de faire confiance aux
personnes.
Vous parlez
aussi de la notion de proximité de famille. Je voudrais vous entendre
là-dessus. Est-ce qu'on devrait mieux encadrer le terme «proximité» au
niveau d'une famille d'accueil?
Mme Boucher
(Jacinthe) : Écoutez, moi, là, les familles d'accueil de proximité...
Avant, les familles d'accueil de proximité,
il y en avait, on les appelait familles d'accueil spécifiques. Ça fait qu'on ne
se le cachera pas, ça existait avant. Le lien d'attachement, tu sais, quand c'est grand-papa, grand-maman, O.K.,
oui, c'est toujours favorisé, puis même aussi, des fois, avec la famille
d'accueil, le lien significatif est favorisé. Mais, je vous dirais, pas à
n'importe quel prix.
Moi, je
représente des familles d'accueil, des FAP, c'est des bonnes personnes, elles
sont investies auprès de leurs enfants,
et tout ça. Mais oui, il faut quand même regarder... Je pense que, tu sais,
quand on dit, là, le côté judiciaire, qu'il faut prendre le temps de le regarder, il faut regarder aussi un peu les
antécédents. Tu sais, quand on parle de normes physiques, là, à un
moment donné, il ne faut pas s'enfarger dans les fleurs du tapis.
Il faut quand
même, par contre... Moi, qu'est-ce c'est que j'ai remarqué, puis j'ai suivi
quand même un dossier là-dessus, je vous dirais, d'un couple de
grands-parents qui ont pris leurs deux petits-enfants, et qu'eux, veux veux pas, ils étaient rendus à la retraite, qu'ils
avaient moins les moyens, puis, au début, ils étaient juste «confiés à», puis
on lui faisait les mêmes demandes qu'une
famille d'accueil, et on ne voulait pas la rétribuer. Ça, je trouvais ça
vraiment injuste parce que ce
couple-là était investi auprès de ses enfants, ses petits-enfants, mais, par
contre, il n'avait plus les moyens parce qu'ils étaient à la retraite, ils avaient diminué, mettons, leur
logement, et là on leur demandait d'avoir un logement plus grand, et tout ça. Puis c'est correct aussi parce
que, les enfants, il faut qu'ils aient leur place, mais, en même temps, il
faut qu'ils aient la rétribution qui va avec.
Ça fait que
je pense que, si on prend le temps qu'il y ait vraiment un suivi clinique qui
est fait avec les FAP comme avec les
familles d'accueil, qu'on prend le temps de prendre le temps de regarder c'est
quoi, le meilleur intérêt de l'enfant, et tout ça... mais il faut qu'ils
aient un minimum aussi de soutien et de formation, eux aussi, parce qu'ils vont
travailler aussi avec des enfants en souffrance.
M. Schneeberger :
O.K. Vous mentionnez dans votre mémoire... vous faites référence à la
collaboration du Dr François Chicoine
sur le plan médical et scientifique. Quels propos vous pouvez tenir là-dessus?
C'est-u des résumés ou des constats qui ont été faits?
Mme Boucher
(Jacinthe) : Bien, le
Dr Chicoine, c'est un docteur qui est quand même connu beaucoup
à travers le Québec, qui travaille beaucoup sur la reconstruction
du cerveau d'un enfant blessé. Et il a même déjà fait des présentations auprès de la FFARIQ, ça fait que c'est un docteur
qui est beaucoup poussé à travers... même
mondialement, pas juste ici, au Canada,
il a été partout à travers le monde pour faire vraiment des recherches
approfondies pour toutes les séquelles qu'un enfant peut vivre quand il
y a un déplacement.
Et il le cite
à plusieurs places que je pourrais vous en... Bien, c'est
cité quand même dans mon mémoire, où qu'il vous dit :
«Le lien...» O.K., je vais prendre à la page 10 quand il dit : «Ce
lien [...]est d'ailleurs construit grâce à leur sensibilisation d'adulte, leur disponibilité
physique et émotive, leur sens de la coopération et leur capacité de mettre l'enfant en famille.» Ça, c'est qu'est-ce c'est
qu'ils font, les familles d'accueil, c'est d'accueillir un enfant, O.K., de
l'inclure dans sa famille et de lui donner
une place. Et ça, c'est quand même sur des recherches fondées par le
Dr Chicoine et d'autres chercheurs aussi, là.
M. Garon
(François) : Je rajouterais,
M. le député, que le Dr Chicoine est également
reconnu par nos tribunaux comme étant un témoin expert. Alors, à partir
du moment où tu dois être reconnu comme témoin expert, tu as des preuves à
faire, et il a passé le test, comme on dit, entre guillemets.
M. Schneeberger :
Parfait, c'est bon. Merci beaucoup.
• (15 h 50) •
Le Président
(M. Tanguay) : Alors, ceci met fin aux échanges. Alors, nous
remercions les représentantes, représentants de la fédération des familles
d'accueil et ressources intermédiaires jeunesse du Québec.
Je suspends nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 51)
(Reprise à 15 h 55)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît!
Nous poursuivons nos travaux et nous accueillons maintenant les
représentantes, représentants de l'Assemblée des premières nations du Québec et
du Labrador et de la Commission de la santé
et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador.
Bienvenue à l'Assemblée nationale du
Québec. Vous disposez d'une période de présentation de 10 minutes. Par la
suite, vous pourrez échanger avec les parlementaires. Et évidemment,
pour les fins d'enregistrement, je vous demanderais de bien préciser vos noms
et fonctions. Et, sans plus tarder, la parole est à vous.
Assemblée des premières
nations du Québec et du
Labrador (APNQL) et Commission de la santé
et des services sociaux des premières nations
du Québec et du Labrador (CSSSPNQL)
M. Sioui
(Konrad) : Merci beaucoup.
(S'exprime dans une langue autochtone). Merci, M. le Président, de nous accueillir en cette magnifique chambre, le salon rouge. Et c'est toujours
un grand honneur pour nous de venir échanger avec la députation. Mme la ministre, je veux vous
saluer personnellement, Mme Charbonneau, notre députée, Mme Véronyque
Tremblay, M. Boucher, qu'on connaît bien aussi, député d'Ungava. Vous autres aussi, chacun des députés, recevez nos respects et nos
salutations distinguées.
Mon nom est Konrad Sioui, je suis le grand chef
de la nation huronne-wendat. Je représente l'Assemblée des Premières Nations. Pour les fins de cette commission, je suis accompagné de la directrice de la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du
Québec et du Labrador, M. Derek Montour, qui est le vice-président
de la commission, M. Richard Gray, qui
est le gestionnaire de la commission, et Marie Noël Collin, Me Marie Noël
Collin, qui est la conseillère en services à l'enfance et à la famille.
Et nous
allons, bien sûr, avoir des choses à échanger sur la question, justement, du
projet de loi n° 99, un projet de loi qu'on a accueilli et qu'on
veut saluer dans un premier temps. Pourquoi? Bien, parce que ça touche
directement les enfants des Premières
Nations, ça touche... Vous savez que la moyenne d'âge des Premières Nations, au
Québec et au Canada, est moins de
20 ans. Alors, c'est une clientèle qui est extrêmement touchée — je pense, peut-être plus au Canada,
là — par
la question de déplacements d'enfants, etc.
Dans un
premier temps, je voudrais vous dire que nous sommes des nations, puis j'aime
voir et lire aussi dans le projet
aussi que vous traitez nos peuples de nation à nation. C'est un principe qui
est extrêmement important pour nous, et on veut vous remercier pour cette capacité-là de se voir égal à égal
entre nations. Nous avons nos lois, nous avons notre manière de nous gouverner. Nous avons notre propre
capacité d'agir et d'interagir chacun à notre manière. Il y a
différentes nations, il y en a qui sont plus isolées, d'autres plus en milieu
urbain.
On aime mieux ne pas se faire appeler
autochtones — c'est
un point qui est important, puis il faudrait que ce soit noté, M. le Président, aussi — parce que c'est un terme qui englobe à peu
près tout le monde et qui vient qu'à noyer un petit peu le poisson dans l'eau. Bon, il y a les Inuits, il y a les
Premières Nations. L'Assemblée nationale a toujours, depuis toujours, reconnu les nations et les Inuits.
Alors, on voudrait que ce soit clair parce qu'à cette étape-ci de notre vie,
de notre développement, on s'aperçoit qu'il
y a des gens qui, de toutes les façons possibles, se reconnaissent une identité
quelconque autochtone, et on voudrait que ce soit clair, on est ici pour parler
au nom des Premières Nations.
Un autre
point, c'est de vous dire aussi qu'on est heureux de voir que, dans la
législation, il y a des éléments qui vont
vouloir normaliser les relations, normaliser les échanges entre nos nations,
justement, et c'est important. Ces échanges-là, on les veut constructifs. On a des propositions, des amendements à
proposer, à discuter avec vous en commission. Et, sans plus tarder, je voudrais juste vous dire
qu'on va prendre les questions, les échanges puis utiliser le maximum de
notre temps possible. Alors, ça sera mes mots de présentation. Je donne la
parole à Marjolaine Sioui. Merci.
Mme Sioui
(Marjolaine) : (S'exprime
dans une langue autochtone). Bonjour. Juste pour faire une parenthèse
avant de passer à mes collègues, pour situer un peu l'organisation qu'on est,
on est une organisation au niveau des Premières
Nations, pour les Premières Nations qui émane, justement, des chefs de l'APNQL.
Et on travaille aussi dans différents champs d'intervention, dont la
santé, les services sociaux, la petite enfance et le développement social, la recherche et aussi des ressources
informationnelles. Donc, le mandat aujourd'hui avec le projet de loi n° 99
tombe avec nous dans l'ensemble des
dossiers qui nous sont confiés par les chefs de l'APNQL. Et, à ce niveau-là,
bien, j'aimerais passer la parole à M. Derek Montour, qui, au
niveau de vice-présidence au niveau des services sociaux, pourra vous en dire
un petit peu plus.
• (16 heures) •
M. Montour
(Derek) : (S'exprime dans une langue autochtone). I
offer all of you my greetings. My name is Derek
Montour, I am a Kanienkehaka from the Kahnawake Mohawk Territory. I'm here acting
as the vice-president of social services
for the First Nations of Québec and Labrador Health and Social
Services Commission. I would like to begin by first thanking the Creator for giving us this
opportunity to come together as brothers and sisters for the best
interest of all our people. And I would also
like to acknowledge and thank the Wendat people for allowing us on their
territory to have these discussions.
And I also would like to thank all of you for giving us this opportunity to
express our thoughts and our hearts on the importance of this bill
that's being presented before you.
Since the founding of Québec society
as we know it, the Québec people have long held sacred certain beliefs about your people which were distinct from the rest of Canada. You
have a distinct language and you've created laws to protect and preserve this language. You have a distinct culture in ways
of doing things which you also strive to protect and preserve your values, your beliefs and your
practices. You've even insisted land be recognized as distinct and free
for Québec people. These things form the cornerstones of the foundation for
your identity, your québécois identity.
First Nations' people simply desire
the same things, and we believe this bill can help provide another step towards that. The problem is we
were forbidden these things historically. We were forbidden to speak our own
languages, and our children were
beaten if they tried. We were denied food or housing through the Indian agents
if we did not change our values, and
our customs, and our practices. We were imprisoned if we tried to practice our
beliefs. Laws were created, irrespective
of the impact they may have had on us. Yet, we were fined, imprisoned, and our
children taken from us if we did not
abide by these new laws. These are all undisputed facts. The essence behind
this was to remove our languages, our cultures and, fundamentally,
remove our identity.
In 2016, everyone acknowledges that
the key to holistic health and wellness is a foundation built on language, culture and identity.
My heart is filled with gratitude that the Québec Government is considering adding these aspects
for First Nations People as well within your laws, that the proposed changes in
Bill 99, and that proposed changes to the Youth Protection Act, and that the Québec people are recognizing that First Nations People have the right to the same fundamental concepts that you have protected for yourselves.
It saddens me that we have had to fight for so long for the same things.
The
challenge remains that we are 11 different nations in 54 different
communities, all with our own distinct languages
and our distinct cultures. There are similarities, but there are many
differences. And each of us have our own unique challenges, given our location in Québec. The systems that were imposed on us, often with inadequate or non-existent funding and
resourcing, or collaboration and support, have left us in a situation that we
need to change, and we can change it together.
When you add the denial of these
adequate resources, it seems insurmountable sometimes. This proposed bill is trying to close the gap on
some of these issues. This proposed bill also seeks harmonization with the
other Québec laws that have been passed by
this Government and that affect First Nations people such as p.l. 21. This
shows your Government willingness to
work in partnership with First Nations people, and the continued development is
vital if we'll ever address all the challenges that are facing us.
There
are two other points that I would like to just share with you. The first is to
highlight the maximum placement periods that
are in section 9.1 as well as the exceptions to these periods in
article 3. We ask that you take these into consideration according to the unique challenges faced by First
Nations people, given the historical picture that we have. I have already talked about this historical
picture, but I have not touched on the systemic and systematic abuses
our people have suffered, multigenerational
trauma, complex addictions, mental health challenges, sexual abuse and
many more. For many years, these were forced
on us, and now it's gone to a point that we're doing it to ourselves. When
you create your own laws, we ask that you take these complex situations that we're faced with on a daily
basis into consideration when you create your laws.
The last item I want to touch on is
article 37.5 of the Quebec Youth Protection Act. It was intended in 2002 that this article become an avenue for a nation or a community to
take responsibility for its own youth protection
services, an avenue by which to take charge of its destiny, to determine how
our own children would be cared for in each of our distinct societies. What is sad is that we're almost 15 years later, and
there's not a community that has signed an agreement yet. My community,
Kahnawake, is working very hard with the ministry in order to secure such an
agreement. I look forward to the day to come back in front of you and be able
to present such an agreement in collaboration.
We've been practicing... Kahnawake has
been practicing our own youth protection services since the early 1980's, shortly after the
adoption of the Youth Protection Act itself. Many other communities , at
varying degrees, are trying to take
over the authority and the responsibility for caring for our own children. The
fundamental part of this bill is to help support us in that different spectrum, depending on where each community
is at. And that's the goal that we hope, is your support and help in order for us to take charge of our own children.
That's the fundamental goal, because that will help secure our own
distinct cultures, and language, and society.
So,
I want to thank you for listening for our words and for your understanding in
the importance of this bill. (S'exprime dans une langue autochtone).
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant laisser place
aux échanges pour la période de 13 min 15 s restantes. La parole
est à Mme la ministre.
Mme
Charlebois : Alors, tout d'abord, vous saluer, M. Sioui, Mme
Sioui, M. Montour, M. Gray et Mme Collin, une jeune avocate. C'est ça, hein, Me Collin, qu'on devrait dire? Alors,
merci à vous tous d'être ici et de venir nous partager vos réflexions et vos points de vue. C'est
vraiment apprécié et important parce que plus on a de commentaires, plus
on aura la possibilité de bonifier le projet de loi correctement.
Je vais, tout de suite, commencer avec les
aspects qui touchent, je vais vous dire, le vocabulaire. Je ne sais pas comment trop le dire parce qu'on a eu
plusieurs présentations. On a eu la nation atikamekw. Je ne sais pas si je
devrais dire «nation».
En tout cas, je dis ça comme ça, là. On a eu aussi un regroupement de femmes
autochtones qui sont venues. Tout le
monde y va de sa suggestion sur le comment on devrait, dans le texte de loi,
parler... Les Attikameks, ils me disaient, eux autres, qu'ils voulaient se faire appeler «nation autochtone» plutôt
que «communauté autochtone». Les femmes, eux autres, elles disent :
Parlez des enfants autochtones au lieu de nous dire des enfants issus de
familles autochtones.
Vous, vous me parlez des Premières Nations et
des Inuits. Vous, là, l'appellation que vous nous donnez, vous considérez que
ça va englober tout le monde, est-ce que... Parce que monsieur nous a dit que
vous étiez plusieurs communautés avec des
différences... Il y a beaucoup de similarités entre les communautés, mais il y
a aussi beaucoup de différences. Vous
avez chacun votre identité, votre façon d'être, le langage n'est pas le même.
Qu'est-ce qui engloberait tout le
monde? Tu sais, je regarde, tout le monde y va de sa suggestion, mais personne
n'a la même suggestion. Qu'est-ce que vous me suggérez de faire,
finalement, à la fin de tout?
M. Sioui
(Konrad) : C'est très
simple, Mme la ministre, on peut... C'est vrai qu'il y a beaucoup de
sémantique qu'on peut appliquer dans ça,
mais je suis sûr que les représentants de la nation atikamekw n'ont jamais dit
qu'ils voulaient être appelés la nation autochtone. Je vous le promets.
C'est une nation, c'est une vraie nation, là. Les Attikameks, c'est une nation.
Mme
Charlebois : Vous
avez raison.
• (16 h 10) •
M. Sioui
(Konrad) : Les Cris...
Alors, il y a des nations, tu sais. Puis je ne veux pas élaborer longtemps, mais il
faut aller dans la Constitution canadienne
pour trouver la réponse. Même, il faut aller au rapatriement de la
Constitution en 82. Et la reconnaissance
dans la Constitution, il y a des Métis, il y a des Premières Nations et il y a
des Inuits. Puis, à un moment donné, on a voulu tout changer ça.
Auparavant, ici, au Québec, c'était le SAGMAI. Ça s'appelait le secrétariat des
affaires amérindiennes et inuites du Québec,
et on a changé ça pour appeler ça «autochtones». C'est un terme,
«native», «native people», les autochtones,
mais on est rendu à une étape dans la reconnaissance où on est obligé de
s'assurer que moi, je fais partie...
je représente une nation, la nation huronne-wendat. «Huron», on l'a gardé parce
que c'est les Français qui nous l'ont
donné, puis on en a fait un nom prestigieux. On le garde, on est fiers de ce
nom-là. Mais on est des Wendats, des
Mohawks, la nation mohawk, la nation micmaque. Bon. Et le terme« autochtone»
peut porter à préjudice. On peut se mêler dans ça, n'importe qui peut
utiliser ce terme-là.
Et puis je pense qu'on est rendu à une étape où
il faut se référer, là, aux termes constitutionnels. Les Inuits ne veulent pas se faire appeler «autochtones». Ça, je
vous le jure. Ils veulent se faire appeler «Inuits». Pas vrai, M.
Boucher? Alors, les Cris veulent se faire
appeler Cris. Puis ensemble on est les Premières Nations assemblées. Et on
s'est donné des structures régionales et même nationales, l'Assemblée
des Premières Nations, où on est capables d'échanger, même si on a des différends. C'est parce qu'on a
considéré qu'on a peut-être des différences, mais on a tellement,
tellement, tellement en commun, puis même on
s'aperçoit — un peu
comme M. Montour l'a dit — qu'on a beaucoup en commun avec la société québécoise, la
nation québécoise elle-même ou le peuple québécois dans sa défense de ses
valeurs, sa spécificité, sa langue, son
originalité, son territoire, etc. C'est toutes des choses qu'on peut discuter
et qu'on a en commun. Alors, les
Québécois, ce n'est peut-être pas le terme général, il y en a qui vont refuser
de dire... Bien, nous autres, on ne voudrait
pas être appelés les Français, par exemple. Tu sais, c'est un peu trop loin,
les Français, là, tu sais. Ils parlent en français, mais ce n'est pas
des Français. Alors, «autochtone», soyons plus précis.
Mme
Charlebois :
O.K. Je comprends votre propos. Et, tout au long du projet de loi, vous nous
suggérez de tout changer les
appellations, tout ce qui touche... Quand on dira «enfant autochtone» ou
«enfant issu de famille autochtone», ou peu importe, de toujours mettre
«Premières Nations» et «Inuit», «that's it and that's all», enfant...
M. Sioui
(Konrad) : Moi, je pense que
oui, je pense que... Parce que, Mme la ministre, juste pour terminer, on
vient d'avoir une nouvelle, puis je vous
l'annonce, là, il y a eu le cas Daniels, il faut que vous sachiez ça, là, le
cas Daniels, un cas de Cour suprême. Et les Métis, il y a le Métis
National Council, le Conseil National des Métis. Eux autres, c'est les descendants de Louis Riel, et eux autres, ils
disent qu'il n'y a pas de Métis en deçà de la rivière Rouge. Donc, c'est
le Manitoba et vers l'Ouest. Mais
aujourd'hui on est pris, le gouvernement du Québec aussi, M. Couillard, votre
gouvernement, tout le monde, on est
pris avec des cellules qui, à chaque jour, se mettent en place, se déclarent
autochtones, Métis d'origine autochtone, etc., et font des exercices...
Par exemple, la chasse, là, ils vont aller dans les parcs de La Vérendrye,
Laurentides, etc., pour monter une cause type pour faire avancer leurs droits.
Mais nous autres, on ne veut pas être responsables
de ça, on n'a pas à s'ingérer dans ces choses-là. Alors, c'est pour ça, il faut
faire une coupure, là. Le Québec reconnaît officiellement des nations et
les Inuits, point.
Mme
Charlebois :
En anglais, ça a-tu changé, le verbatim de comment on vous... Vous disiez
tantôt «Native»...
M. Sioui (Konrad) : Bien, dans la
Constitution, c'est «Aboriginal peoples».
Mme
Charlebois : Puis
ça a resté?
M. Sioui (Konrad) : Oui.
Mme
Charlebois : Ça
n'a jamais changé?
M.
Sioui (Konrad) : Non.
Mme
Charlebois :
Juste dans le langage français que... O.K.
M. Sioui
(Konrad) : Le langage français...
Mme
Charlebois : Non, mais je pose la question, c'est juste pour
améliorer mes connaissances. Parce que ça ne change rien au projet de
loi, là, mais... C'est ça.
Continuons,
donc, à parler du projet de loi sur la protection de la jeunesse. Vous avez
parlé d'identité culturelle, est-ce
que vous considérez... Puis vous avez manifesté votre satisfaction à certains
égards concernant la préservation de votre
identité culturelle auprès des enfants autochtones, mais est-ce que vous pensez
que... Oui, c'est ça, des Premières Nations et des...
Une voix :
...des Inuits.
Mme
Charlebois : ...Inuits. Excusez-moi, je vais essayer de
travailler là-dessus. Elle vient de me reprendre. C'est bien, ça, elle me suit. Alors, est-ce que vous
considérez que nous devrions, dans les cas où, en tout cas... Puis je vais
vous demander, même, de me suggérer des
modèles parce qu'il y a une entente, un accord avec les Cris, comme vous le
savez, puis M. Montour nous disait qu'il
souhaitait qu'il y ait plus d'ententes avec d'autres nations. Alors, moi, j'en
suis, puis je sais qu'il y a des négociations puis qu'on jase, là, mais
est-ce qu'en attendant vous considérez que la formation des intervenants allochtones ou ceux qui interviennent
auprès des jeunes, là, qui ont besoin de services seraient... Est-ce que
vous voyez ça comme un point positif pour, justement, préserver votre identité?
M. Sioui (Konrad) : Je pense que la meilleure personne va être Marjolaine Sioui. On a mis
en place des structures régionales
pour se donner une force, la commission, justement, bien représentée par notre
directrice, et c'est certain que ces
ententes-là, elles sont recherchées, sont nécessaires, comme M. Montour l'a
dit. Mme Sioui peut élaborer sur ça, là.
Mme Sioui (Marjolaine) : Donc, votre question, c'est plus de savoir si les intervenants, au
niveau des formations pour préserver le côté culturel, doivent être
formés au niveau du réseau québécois?
Mme
Charlebois : Bien, de un. De deux, est-ce qu'il y en a
beaucoup en ce moment qui ont la formation pour préserver l'identité culturelle de ces enfants-là? Mais est-ce qu'on
doit former davantage? Est-ce que, dans les familles où les enfants
devront être... Comment on peut traiter de tout ce qu'il y a à faire,
l'évaluation, etc., hein?
Mme Sioui (Marjolaine) : Bien, tout d'abord, je dirais que les meilleures personnes pour
préserver la culture sont les
familles, les familles élargies et les communautés, les gens de ces familles-là
et la nation elle-même. Toutefois, bien sûr, on doit interpeler d'autres intervenants qui, des fois, sont situés à
l'extérieur des communautés, et tout. C'est certain qu'il n'y a pas assez de formation présentement. On le
vit au quotidien, je crois, même avec les intervenants des communautés, même au niveau de nos organisations régionales, où
on voit, des fois, qu'il n'y a pas assez de connaissances, des fois, de l'ignorance, pas dans un... je dis ça
positivement, mais où est-ce qu'on peut, justement, renforcer... avec les
communautés parce que, comme on disait tout
à l'heure, chaque communauté est différente, chaque communauté est distincte.
Même si on vient d'une même nation, d'une communauté à l'autre, notre culture,
on va l'appliquer différemment, on va la vivre différemment.
Donc,
à l'intérieur de ça, chaque communauté devrait, et de un, être impliquée au
niveau de pouvoir bien faire connaître...
On le fait au niveau de tout ce qui est l'adoption internationale. Quand on
arrive, on adopte des enfants de pays étrangers,
on envoie les parents pour aller chercher les enfants, on les accueille. On a
un réseau qui se forme pour accueillir ces
enfants-là et les faire grandir tout au long de leur vie en sachant d'où ils
viennent, en préservant cette culture, identité où est-ce qu'on fait ça. Et, avant, on faisait très
peu, on a très peu fait au niveau des Premières Nations et des Inuits dans
ce sens-là. Donc, on a des études qui
viennent confirmer, des recherches qui viennent confirmer qu'un enfant qui est
d'une Première Nation et Inuit, à un âge de l'adolescence, vit une crise
identitaire qui est beaucoup plus significative que n'importe quel enfant adopté d'un autre pays. Donc, oui, la formation
est nécessaire, et, oui, on devrait impliquer davantage, justement, les gens des Premières Nations pour
être sûr que ce qui sera enseigné, qui sera partagé fera, justement,
objet d'avoir les vraies choses puis que les gens soient davantage sensibilisés
à ce niveau-là.
Mme
Charlebois :
Est-ce qu'il y a des expériences...
Une voix :
...
Mme
Charlebois :
Excusez-moi, excusez-moi.
Une voix :
On a une information complémentaire.
Mme
Charlebois :
Oui.
Mme Collin (Marie Noël) : En fait...
Une voix :
Oui, vas-y.
Mme Collin
(Marie Noël) : En fait, c'est simplement pour mentionner qu'on a déjà
des travaux qui sont en cours, là,
avec des gens de votre ministère concernant le cadre de référence sur les
projets de vie pour les enfants Premières Nations et Inuits puis qu'à
travers ce cadre de référence là, quand il sera prêt, il y aura, effectivement,
de la formation qui est prévue, là, à être donnée prochainement.
Mme
Charlebois :
Vous avez tout à fait raison, mais je voulais, justement, vous entendre. Est-ce
que vous avez des exemples en tête
d'expériences réussies en ce moment, en cette matière-là, qui pourraient nous
enseigner de faire mieux? Parce que j'aime ça quand on parle toujours
d'expériences réussies, ça facilite le travail.
• (16 h 20) •
M. Sioui
(Konrad) : Bonne question,
Mme la ministre. D'abord, je vais vous référer pas plus loin que chez
nous, à Wendake, là. Quand on parle de formation, quand on parle de jeunes,
quand on parle de difficultés, quand on parle de placement d'enfants puis...
Puis il y a une racine à ça, alors vous savez... Puis je veux en profiter aussi
pour vous remercier — puis votre gouvernement aussi — d'être venue chez nous, venue voir un des
plus grands centres de formation professionnelle
et de développement des ressources au Canada, le CDFM. Et on s'aperçoit que,
sur 200, 250, 300 jeunes qui arrivent chez nous, qui ont
toutes et tous trébuché dans la vie...
Il ne faut pas appeler ça des «dropouts»,
because they don't drop out, they fell, ont
tombé... Il faut se relever dans la vie. Sans ça, on va devenir
des victimes, puis on va pleurer toute notre vie, puis ce n'est pas
drôle, une vie à pleurer, là.
Alors, il
nous manquait quelque chose parce
que la maman de 22 ans qui a
deux enfants puis qui veut se reprendre, mais elle a un secondaire I, un secondaire II — parce que c'est la moyenne, c'est la moyenne — bien, il
faut qu'elle atteigne son secondaire V pour avoir une place, une
possibilité d'avoir un emploi quelque
part, tu sais, un «stepping stone».
Mais, pendant que ses deux petits enfants
sont placés en quelque part, n'importe où... ou, peut-être, elle ne voudra pas
venir chez nous parce qu'elle va dire: Bien, je n'ai pas de gardienne, personne ne peut prendre soin
de mes enfants, il faut que je fasse venir ma mère de Sept-Îles,
ou quoi que ce soit.
Alors, Mme la ministre... et votre gouvernement, vous nous avez aidés, vous êtes venus faire
l'annonce chez nous de mettre en
place un CPE pour 60 places. Il
n'y a rien de plus bénéfique que ça parce que
vous avez bouclé la boucle, vous nous
avez aidés et vous avez aidé en même
temps à régler la situation.
On ne peut pas tout régler, mais ces éléments-là, là, c'est tout ça qui fait qu'à un moment donné on a un monde meilleur, puis il
y a de l'espoir, puis il y a
de la lumière au bout du tunnel. Et
nos taux de succès sont phénoménaux, c'est 85 %, 90 %. Alors, nous
autres, on est un moteur, mais, avec l'aide
de tout le monde, avec votre aide, l'aide de votre gouvernement, la sensibilité de votre député, etc., on est capables de faire
avancer les choses.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Je dois maintenant
permettre à notre collègue d'Hochelaga-Maisonneuve
de poursuivre le débat avec vous pour 9 min 15 s. La parole est
à vous.
Mme
Poirier : Merci beaucoup. Bienvenue à vous tous. Je vais, d'entrée de jeu... Dans votre
mémoire, vous en faites mention,
mais, en termes de rémunération, d'allocation, il semble y avoir un
manque d'équivalence entre ce qui est donné chez vous et ce qui est
donné ailleurs. J'aimerais ça qu'on m'explique le phénomène.
M.
Gray (Richard) :
I'll answer you in English, because I'm quite familiar with the subject. And
yes, I had the privilege
of reading some of the testimonies that were given. The project of law
regarding retribution of foster families was made back in 2012. At that time, we were in discussion with both the
federal and provincial governments concerning the fact that First
Nations seemed to be left out of these discussions because it was a mandate the
National Assembly gave to the Government to negotiate with the unions who are representing the association of
foster families.
We were never part of those
negotiations or discussions, and, when an agreement was included, we asked the Government what was going on with First Nations. Obviously,
as you are aware, or maybe not aware, First Nations,
when they're foster families... when they're
compensated, they're compensated with federal funding from the federal Government, and not Québec. O.K.? Québec determines the laws and the regulations, but Québec doesn't pay for First Nations' foster families
and First Nations' communities, first of all.
Secondly,
when you talk about the rates not being the same, even if Québec determines rates, those rates have to be accepted by the federal
Government because it is the federal Government who adopts those rates and,
through their acceptance and policy, subsequently modify the agreements with
First Nations communities to say: Look, now you are allowed to pay these
provincial rates. That's how our world works, that's how our world operates
because of the federal-provincial jurisdictions.
So,
since 2012, we've been having discussions with the provincial Government, the
representatives of the MSSS, as well as Indigenous Affairs Canada, what are we going to do about the
First Nations in Québec. Since that time, we've been having discussions with the Ministry, as well as
Indigenous Affairs Canada, to talk about how can we regulate the
situation. And I'm happy to inform you that, as a result of the work done at a
tripartite level with the First Nations as well as Indigenous Affairs, and the province, we've come up with a rate we call
a unified rate, that's equitable in terms of the average rate that
Québec foster families get paid, First Nations foster families get paid an
equitable rate as well.
Mme Poirier : O.K. Quand vous
dites que vous en êtes arrivés à une entente pour des taux équivalents, ce que j'en comprends, c'est
qu'il y a quand même des montants pour la formation qui ne sont pas inclus. Est-ce que c'est vrai?
M. Gray (Richard) :
From what I understand right now, in the agreements that the associations
representing foster families have, it's a
responsibility between the associations and the foster families to provide
training to these foster families. In the
case of First Nations, because we don't fall under these agreements, at this
point in time, we haven't gotten into the part of our discussions where we could talk about capacity and development of our foster families. We are working
with the ministry to look at the quality aspect in terms of foster families, and
obviously this is a discussion item we intend to pursue
with the province.
Mme Poirier :
Excellent. Dans une de vos recommandations, vous référez, entre autres, au fait
de respecter la CRV sur, entre
autres, une notion qui est nommée dans votre mémoire, qui est le fait de garder
les familles autochtones ensemble.
Dans certaines communautés,
il y a... est-ce qu'il y a... Bien,
je reprends ma question : Est-ce que, dans toutes les communautés,
on a la capacité de laisser l'enfant dans sa propre communauté?
M. Gray
(Richard) : Évidemment, oui. Les Premières Nations sont très capables
de prendre soin d'eux-mêmes. C'est
nos façons, comment on vit ensemble depuis des milliers des années. Évidemment,
avec le fameux rapport de la commission
de vérité, c'est une chose, évidemment, qui suit la préoccupation concernant le
pensionnat, et on voulait éviter la même problématique qu'on a vécue
dans le temps, dans le sens que nos peuples, à la sortie... étaient sortis de
la communauté, étaient placés dans le
pensionnat, et, depuis les années 1960, on s'aperçoit que, le «sixties
group», on a la même problématique
qu'on a vécue dans la communauté des Premières Nations, c'est le service de la
protection de la jeunesse qui a sorti
les enfants et placé les enfants dans la famille d'accueil, et aussi pour
l'adoption, et nos buts aujourd'hui, c'est
de garder la famille ensemble parce que vous avez entendu ma directrice,
tantôt, qui mentionnait, selon les recherches, selon le témoignage de la personne qui a vécu le pensionnat, qui a vécu
les effets de «sixties group», il dit : On a perdu nos coutumes, on a perdu nos langues, et, en plus,
on a perdu notre identité. Évidemment, c'est sûr, c'est mieux de garder
une famille ensemble. Je pense que c'est évident.
Mme Sioui (Marjolaine) : Un autre élément qui est important à considérer,
oui, les familles veulent prendre soin de
leurs enfants et les garder dans la communauté le plus possible, c'est le
souhait. Mais, lorsqu'on vit la crise de logement qui est présente dans
les communautés, où est-ce que le dernier rapport, encore cette année, nous dit
qu'il y a près de 9 000 logements
manquants seulement chez les Premières Nations, on peut bien avoir des
familles, mais, si les critères ne sont
pas rencontrés à cause du logement qui ne fait pas, puis qu'on est surpeuplé,
bien, on se retrouve dans des situations où on doit placer les enfants, où est-ce qu'on va essayer dans d'autres
communautés de la même nation, dans d'autres nations et, en dernier recours, dans des familles un petit
peu plus loin. Ce n'est pas... non commun qu'on peut retrouver une
famille qui est à Matimekoshet où les
enfants se retrouvent aussi loin que sur la Basse-Côte-Nord. Donc, ce n'est pas
ce qu'on souhaite, ça, c'est sûr, mais il y a beaucoup d'autres
déterminants qu'on doit considérer.
• (16 h 30) •
Mme Poirier :
Bien, c'était un peu ça, le sens de ma question, la capacité d'accueil d'une
communauté. On le sait, je fais
partie de la commission sur les conditions de vie des femmes autochtones, et
c'est un des premiers déterminants que
les femmes nomment en lien avec la violence, la surcapacité à l'intérieur des
maisons et des logements. Alors, dans cette
dynamique-là, de déplacer des enfants dans la même communauté où il y a une surcapacité déjà — elle
était là, ma question — alors,
comment on peut, avec les meilleures intentions du monde, faire face à ce
phénomène-là en tant que tel?
M. Sioui (Konrad) : Bien, en additionnel, parce que je pense que
Richard et Marjolaine ont touché le coeur pas mal, tu sais, il faut accepter aussi une certaine réalité, là, il y a
beaucoup de pauvreté, il y a beaucoup de difficultés dans les
communautés et des... Tu sais, présentement, cette semaine, je suis allé ouvrir
une conférence à Québec de tous les responsables du traitement de l'eau au
Canada dans les réserves indiennes, dans les communautés des Premières Nations. Il y avait du monde, c'était incroyable.
C'était au Concorde, et puis ma première question, je dis : Je ne
savais pas que ça existait ça, là, un
regroupement national de responsables de l'eau et des mesures sanitaires dans
les communautés des Premières Nations
au Canada. Puis c'est incroyable, c'est partout, partout, partout. Puis leur
objectif principal, c'est de s'assurer
qu'il y a de l'eau propre dans les maisons. Et, à Québec, on ne s'occupe pas de
ça trop, trop, trop, ni à Montréal, ni en
milieu urbain, mais c'est un phénomène extrêmement important à Betsiamites, à
Obedjiwan, dans les communautés cries,
sur la Basse-Côte, chez les Algonquins, partout et à travers le Canada. Alors,
rien que régler la question de l'eau pour ne pas que les enfants s'empoisonnent, puis que le monde s'empoisonne,
puis qu'ils attrapent toutes sortes de maladies, c'est un problème national. Ça, on n'a pas encore adressé la question du
logement lui-même, là, juste l'approvisionnement en eau. Alors, on a du
travail à faire.
Le Président
(M. Tanguay) : Merci. Alors, nous poursuivons avec le collègue de
Drummond—Bois-Francs
pour 6 min 15 s.
M. Schneeberger :
Merci, M. le Président. Grand Chef Sioui. Bonjour à vous cinq. Grand Chef
Sioui, dans votre mémoire, vous
demandez d'assumer pleinement les responsabilités des services sociaux de la
jeunesse. Vous en énumérez quelques
points. Moi, j'aimerais beaucoup comprendre parce que, souvent, on a des
questions. Mais, bon, vous parlez de nations, on peut dire la nation
québécoise, les différentes nations. On habite sur le même territoire, puis
souvent, malheureusement, on ne se connaît
pas beaucoup. Un peu plus dans votre cas parce que vous faites partie de
l'agglomération de la ville de Québec...
M. Sioui (Konrad) : ...
M. Schneeberger :
Comment?
M. Sioui
(Konrad) : C'est la ville de Québec qui fait partie...
M.
Schneeberger : Oui, c'est ça, on va dire. Mais, quand même,
le Nord-Québec est d'origine... je voulais dire autochtone, mais oui,
c'est ça, là. Je ne sais pas c'est quoi, son nom, Wendat?
Une voix :
...
M.
Schneeberger : O.K. Parfait. Alors, je voudrais savoir,
vous, demain matin, vous avez les pleines juridictions... Pour
comprendre, vous, la manière que vous procédez... Parce que nous, là, on est
loin d'être parfaits, là, tu sais, aujourd'hui,
on a des grosses problématiques. Souvent, là, on parle de pauvreté, mais,
souvent, la pauvreté, j'appelle ça une
pauvreté sociale. C'est quoi? C'est des problèmes d'alcoolisme, toxicomanie, et
autres, qui font en lien que l'enfant, à un moment donné, il n'a plus ses besoins. Et vous, malheureusement, vous
avez aussi ces problèmes-là. Je voudrais savoir, vous, dans vos coutumes, comment vous procédez quand vous avez ça?
C'est-u très similaire à nous ou vous avez une manière totalement différente de procéder au niveau de la communauté, de
la famille? C'est quoi, l'approche pour ça? Nous... de comprendre parce qu'on vous donne les rênes, là, nous, en
tant que législateurs, on a une responsabilité, là, tu sais, on ne veut
pas... C'est une responsabilité qu'on a face à vous aussi.
M. Sioui (Konrad) : D'abord, merci pour la question. Elle est très
pertinente, cette question-là, là. Je pense qu'on touche le coeur. D'abord, les rênes, on les a. On
les a déjà, les rênes, on conduit nos nations dans la pleine capacité,
la pleine autonomie, avec des juridictions
qui sont les nôtres, nos lois qui sont les nôtres, notre culture, nos valeurs,
nos coutumes, nos traités, nos ententes, nos relations, nos
interrelations.
C'est
incroyable, comment on a des relations avec le gouvernement fédéral,
incroyable. Tu sais, demain, là, j'étais supposé d'avoir une rencontre avec Mme Philpott, ça a été cancellé
pour les raisons que vous connaissez. Donc, on a des relations avec le gouvernement provincial — on est ici aujourd'hui — dans toutes
les séries de juridictions qui se chevauchent. Entre nous, entre
premières nations, c'est incroyable aussi, avec les municipalités. Et, même sur
le plan international, on a des déclarations
internationales sur la protection des droits des enfants des Premières Nations,
des jeunes, des autochtones, etc.
Alors, on gouverne de façon incroyable. On n'est pas — honnêtement, puis avec tout le respect que j'ai pour les municipalités — un
système municipal, on est une gouverne totale. Chez nous, les
chèques de bien-être, c'est nous autres qui les émettons pour
ceux qui sont nécessiteux.
Alors,
on pense que tout part par l'éducation. L'éducation, c'est d'avoir des écoles, avoir une capacité
d'enseigner à nos enfants, des bonnes
écoles, puis les amener à un niveau où on va être capables d'avoir une dignité
humaine puis une capacité de
fonctionner dans la vie. Puis, à partir de là, regardez, regardez cette belle
jeune dame là avec nous, une avocate québécoise, pure québécoise, on va chercher les ressources qu'on a besoin,
puis il y en a. Les Québécois qui nous aiment, c'est plein, plein, puis on va chercher les meilleurs, à part de ça. Ça
fait qu'inquiétez-vous pas on est bright, intelligents, «smart», capables, puis on a des belles relations en même temps. Ça fait qu'il ne faut pas avoir peur. Les commandes, on les a. Puis, s'il en manque un peu, bien, on va se faire confiance, on va normaliser
nos relations s'il faut. Puis ça va bien.
Il
faut s'encourager, tu sais, il faut... Une fois qu'on a essuyé nos larmes, là,
puis là on dit, là : «What's next»?, on se met ensemble puis on le fait. Moi, c'est comme ça que je vois ça, puis
il ne faut pas se limiter à rien. Rien, il n'y a pas de limite, tu sais, il faut qu'on réussisse, nous
deux, nous autres ensemble, parce que nous sommes tous dans le même
cercle, tu sais, c'est la pensée
amérindienne qui s'exprime, tu sais. Elle n'est pas individualiste, elle est
collective, tu sais. Si, à côté de
moi, il y a des gens qui ont faim puis qui pleurent, puis qui sont maganés,
puis sont blessés, je suis blessé, je ne peux pas faire semblant que ça n'existe pas, tu sais. Si on
veut avoir une communauté puis une collectivité qui est heureuse, bien,
il faut que tout le monde autour de moi soit
capable de partager un repas. Je ne peux pas manger tout seul puis
prétendre que je vais être heureux, c'est
impossible. Dans la pensée amérindienne, c'est impossible. Ce n'est pas
individualiste du tout, c'est collectif. Et ça, c'est extrêmement fort
dans toutes les nations, c'est pour ça qu'on est ensemble.
M.
Schneeberger :
O.K. Oui?
M. Montour (Derek) : I'll add a
little bit. If I understand the question, it was: If we were to have authority
tomorrow, what would that look like, and what would change? It's pretty much
what I understand. It's a very good question,
if Kahnawake... And I think the element is every community is different. So,
it's a complex question to answer that. So, you would have to look at
each community's situation.
In Kahnawake's case, I'd love to have
authority starting tomorrow. The first thing we would do according to our plan is hire a director of
our family preservation. Their direct role is to oversee the preservation of
our families, and we have four
service areas. We have a truly multidisciplinary service delivery approach that
we've taken where we've integrated both first line and second line
services similar to recent adoption, not too long ago, of the Bill 125,
the adoption of different types of first
line activities within the Québec Legislature. Even the recent changes
according to the restructuring in the
CISSS are all intended to try to build a better relationship between first line
and second line services, and tertiary services,
and I think that's the element that we want to build in all of our communities,
where every community, in many ways,
has to be, to a certain degree, self-sufficient, in the sense that all of the
services, in some ways, have to be build-up from the ground up for each
community because every community is distinct, different. Kanienkehaka culture
in Kahnawake is somehow different than
Kanienkehaka culture in Kanesatake, and the same thing in Akwesasne,
because they all have their own realities.
Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much. That's all the
time we have. So, thank you very much
for your presence.
Merci beaucoup aux représentantes, représentants
de l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador et de la Commission
de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du
Labrador.
Je suspends nos travaux quelques instants.
>Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 40)
(Reprise à 16 h 44)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, nous sommes de retour et nous
accueillons maintenant les représentants de la Coalition interjeunes. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous disposez
d'une période de 10 minutes de présentation. Par la suite, nous aurons l'occasion d'échanger avec les parlementaires.
Peut-être, s'il vous plaît, prendre bien soin, pour les fins
d'enregistrement, de vous nommer et de préciser vos fonctions. Alors, sans plus
tarder, la parole est à vous.
Coalition interjeunes
Mme Norris
(Sylvie) : M. le Président,
Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, nous sommes les représentants délégués de la Coalition interjeunes. Je me
présente, Sylvie Norris, directrice générale du Regroupement des
organismes communautaires autonomes jeunesse
du Québec. Et je vous présente M. Rémi Fraser, coordonnateur au
Regroupement des Auberges du coeur du Québec.
Permettez-moi,
dans un premier temps, de vous présenter la Coalition interjeunes. La Coalition
est composée, évidemment, du ROCAJQ
et des Auberges du coeur, mais aussi du Regroupement des maisons de jeunes du
Québec, du Regroupement des
organismes communautaires québécois de lutte au décrochage et du Regroupement
des organismes communautaires québécois en travail de rue. Nous
représentons près de 350 organismes fréquentés chaque année par 370 000
jeunes dans toutes les régions du Québec.
Ces jeunes que nous accueillons, nous le faisons
d'une manière particulière. Certes, il y a une part importante d'animation, d'intervention et d'accompagnement en lien direct avec la mission de chaque organisme, mais ce sont
d'abord les liens que nous créons, des
expériences que nous partageons et d'infinies discussions, à deux ou en
groupes, sur ce qu'ils vivent, ce qu'ils
ressentent et ce qu'ils rêvent. Ces échanges sont ponctués successivement de
grands éclats de rire, de moments
sérieux et parfois même de larmes. Malgré des missions ou des manières de faire
différentes, tous les organismes communautaires autonomes jeunesse se
reconnaissent dans cette approche que le jeune ou que sa famille choisissent
librement.
Dans son
ensemble, la Coalition interjeunes accueille assez favorablement le projet de loi n° 99.
L'inscription dans la loi de la spécificité
des communautés autochtones — on vient de voir Premières Nations et
Inuits — dans des
décisions relatives au placement de l'enfant
et des rapports entre le protecteur de la jeunesse et les communautés
autochtones est une bonification
importante de la loi selon nous. Les ajouts proposés quant à la prévention de
l'identité culturelle du jeune sont bien accueillis.
Nous serions
même d'avis qu'on pourrait éventuellement s'inspirer de ces pratiques auprès
des communautés culturelles. La
participation des autorités locales autochtones, à l'article 37.6, nous
apparaît également comme un signe d'ouverture envers une plus grande
implication des communautés autochtones dans le soutien offert aux jeunes qui
subissent des situations de violence, d'abus ou de négligence.
Il nous faut
aussi souligner la mise en avant de la notion de famille de proximité,
l'article 54e, qui répond à un réel besoin
sur le terrain et sur la possibilité des enfants de demeurer dans le giron
familial, de mobiliser plus largement le milieu naturel du jeune et
d'éviter de vivre un trop gros déracinement.
Par l'ajout à l'article 38d de la notion
d'exploitation sexuelle la loi fait un pas supplémentaire pour une plus grande reconnaissance de cette forme de violence
et d'abus. Toutefois, nous nous interrogeons sur les mesures de
protection considérées comme adéquates par
les parents. Les actions des jeunes en cette matière sont souvent réalisées
dans le plus grand secret, et,
considérant que certaines situations d'exploitation sexuelle peuvent être
associées à d'autres problématiques familiales,
nous nous questionnons. Nous aimerions avoir des précisions quant aux balises
et à l'accompagnement que le protecteur
de la jeunesse compte mettre en place pour contrer ces difficultés. Enfin, nous
attendons toujours un important plan
d'action en matière de lutte à l'exploitation sexuelle qui devrait interpeler
et mobiliser les services de protection de la jeunesse, mais aussi le milieu de l'éducation, les services sociaux, la
sécurité publique, les organisations communautaires.
La réécriture
de l'article 9 nous laisse perplexes à certains égards. Dans la réécriture de
la loi, la décision de la confidentialité
des contacts incombe au directeur ou toute personne qu'il désigne. Nous
craignons la perte de l'impartialité et
la mauvaise utilisation d'une telle mesure. Par ailleurs, nous tenons à
exprimer des inquiétudes au sujet du droit à la confidentialité des
jeunes dans les suites du projet de loi n° 10, concernant la fusion des
établissements. Certes, ces rapprochements
pourraient favoriser une meilleure collaboration entre les services ou
programmes offerts aux jeunes et aux familles,
mais le partage des dossiers risquerait d'amener le jeune à considérer qu'il
n'est qu'un numéro de dossier, qu'il n'est pas reconnu comme une personne
et n'a pas le contrôle sur sa vie.
À notre avis,
l'accès à des services psychologiques demeure une voie importante. Le travail
sur le terrain nous permet de constater que l'accès très limité à des
services psychologiques, de médiation familiale ou de thérapie fait intégralement partie du problème. Les familles ou
les jeunes qui veulent avoir de l'aide n'arrivent pas à obtenir les
services nécessaires
pour que la situation ne se détériore pas. La dimension prévention est à peu
près absente dans la loi. Nous sommes d'avis que, si les services
psychologiques de thérapie étaient accessibles, nous aurions un réel impact sur
la protection de la jeunesse. De plus, nous
croyons qu'il est important pour les jeunes qui sont en centre jeunesse
d'avoir accès à des spécialistes comme des thérapeutes, des psychologues et
autres professionnels externes des services des centres jeunesse, permettant ainsi un regard neuf, voire une impartialité dans
le traitement du jeune... et assure la confidentialité de ces rencontres. Pour un grand nombre de jeunes qui
sont dans le système, selon leur perception, l'impartialité est
impossible à l'intérieur des murs, puisque les services de la protection de la
jeunesse font partie du problème.
Nous
aimerions aussi que le Programme qualification jeunesse soit offert à tous les
jeunes de 15 ans et plus et de favoriser
les collaborations avec les organismes communautaires en hébergement, en
appartements supervisés, les écoles de rue,
les plateaux de travail dans les milieux que les jeunes fréquentent déjà. Des
ressources devront être ajoutées en ce sens.
À vous, M. Fraser.
• (16 h 50) •
M. Fraser
(Rémi) : Si vous permettez, je prendrai quelques minutes pour, un peu,
sortir du projet de loi n° 99 et de parler de la question de la protection de la jeunesse d'une façon plus
large. Nous vivons beaucoup d'inquiétude face aux situations de jeunes, des difficultés qu'ils
vivent. Ça se reflète aussi chez les familles dont ils sont issus. Nous
sommes préoccupés par l'évolution des problèmes vécus et qui auront une
incidence à long terme sur le Québec.
À la
protection de la jeunesse, même après près de 40 ans de loi, entre 2007 et
2015, le nombre de signalements est passé
de 67 000 à 86 000, soit une augmentation de 28 % et, durant la
même période, les cas retenus de 31 000 à 34 000, un peu plus
à chaque fois, là, une augmentation de 9,4 %.
On peut se féliciter du nombre de cas qui sont
davantage signalés et de se dire qu'il y a une plus grande sensibilisation, mais, après 40 ans, à peu près
tous les parents, actuellement, qui ont des enfants sont nés et ont grandi
sous la Loi de la protection de la jeunesse.
À quel moment atteindrons-nous un plafond? Après 50 ans, après 80 ans? On
n'est plus capables de le voir.
Dans nos
organisations, les cas qui ont été pris en charge ou non par la protection de
la jeunesse, les situations s'alourdissent, notamment en termes de
détresse psychologique, de problèmes de santé mentale et de médicalisation. Quant aux parents, beaucoup n'y arrivent tout
simplement plus, pris entre les obligations au niveau du travail et tout
un ensemble de choses. Et ça se retrouve de
plus en plus au niveau de familles plus aisées, alors que l'essentiel des
situations, auparavant, provenait de milieux défavorisés.
Il ne s'agit
pas — et on
tient à le préciser — de
pointer du côté des centres jeunesse ou des services de protection à la jeunesse. Nous considérons que les centres
jeunesse regroupent probablement ce qu'il y a de mieux comme
intervenants au Québec et que le travail
qu'ils font n'est pas assez souligné. Il est très facile de pointer du côté des
centres jeunesse pour n'importe quel
problème qui arrive, alors qu'à quelque part ils sont face à des mandats qui
sont souvent impossibles, à la fois
d'aider des jeunes et d'éventuellement faire des menaces aux familles, et tout
le reste. C'est un travail qui, pour nous, est à peu près impossible à
bien réaliser.
Telle qu'elle
est conçue, la Loi de la protection de la jeunesse, cependant, apparaît plutôt
comme une loi sur les jeunes qui sont
pris sous sa juridiction. Bien sûr, il se fait aussi des interventions,
notamment au niveau des services sociaux, en éducation, mais qu'en est-il de la prévention, de tout ce qui se fait
en amont, à côté, et dans les suites du système de protection, et aussi auprès des jeunes qui ne sont
pas nécessairement pris en charge par la protection de la jeunesse parce
qu'ils ont passé sous ou à côté du radar? Et nous, on en reçoit beaucoup. En
gardant dans l'ombre et même dans la marginalité
du travail et ses efforts, on risque de continuer cette montée du nombre de
situations aggravées et d'être de plus en plus et toujours débordés. On
doit travailler davantage en amont avec les familles et les jeunes. On doit
travailler davantage en termes de prévention.
On me faisait
remarquer, il n'y a pas très longtemps... quelqu'un d'un ministère qui me
disait : Le ministre veut travailler
en prévention, et c'est important pour nous, on y croit. Et elle ajoute
immédiatement après : Mais la prévention, ça ne donne rien... Bien, on sait que ça donne de
quoi, mais ça ne donne rien parce qu'on n'est pas capable de le compter.
Et la difficulté se trouve souvent là, comment compter le nombre de jeunes qui
ne vont pas à la protection de la jeunesse? Comment
compter le nombre de jeunes qui ne se retrouvent pas dans les services publics?
Et, par rapport à ça, je pense qu'il y
a un changement de mentalité à créer au Québec et au gouvernement en comprenant
que les ministres, en général, sont favorables
à la prévention, mais savent de moins en moins comment la développer. On doit
travailler davantage en amont avec
les familles et les jeunes. Les services sociaux de soutien psychologique et de
médiation familiale sont devenus à peu près
inaccessibles tant les listes d'attente sont longues. On devrait y mettre plus
de ressources. On doit également soutenir davantage la mobilisation des milieux de vie qui développent des
initiatives souvent mieux adaptées à leur population.
Les organismes
communautaires jeunesse et famille apparaissent souvent moins menaçants que les
services de protection de la
jeunesse. Les approches qu'ils ont développées, fondées sur la création de
liens soutenus et durables, ainsi que
le développement du pouvoir d'agir, ce qu'on appelle «l'empowerment»,
conviennent souvent mieux. En travaillant davantage en termes de projets qu'ils ont contribué à définir plutôt que
de problèmes qui les définissent, les jeunes et les familles se sentent
moins jugés et plus en contrôle.
Certes, ça ne
convient pas ou ne suffit pas toujours. Lorsque les situations se sont
dégradées, qu'il faut agir vite et avec
vigueur, les services de protection de la jeunesse sont une nécessité. Mais
faisons en sorte que le moins de ces cas possible s'y retrouvent. Mais les ressources alternatives jeunes ou
famille ne sont pas toujours disponibles, et leur capacité de soutien et
d'intervention demeure très variable.
Nous
souhaitons qu'un état de situation soit fait des ressources accessibles aux
jeunes et aux familles et que cet état de
situation se fasse pour l'ensemble des territoires et/ou des régions selon les
situations, à la fois en termes services publics et d'accessibilité, et d'organismes communautaires, et de capacité à porter des situations,
et qu'en découle éventuellement un plan visant à doter chaque territoire des
ressources nécessaires pour répondre aux besoins en amont, à côté ou au-delà
des services de protection de la jeunesse.
La protection de la jeunesse doit être comprise et portée bien plus largement
que simplement par les centres jeunesse et les services périphériques. Il y a
urgence de développer un regard plus large et des pratiques plus variées.
Le Président (M.
Tanguay) : Maintenant, pour une période d'échange de neuf minutes, je
cède la parole à Mme la ministre.
Mme
Charlebois :
C'est de plus en plus court, M. le Président, hein?
Le Président (M.
Tanguay) : Oui, avec le temps qui coule.
Mme
Charlebois :
Bon. Allons au vif du sujet tout de suite, tant qu'à faire. Merci d'être là, M.
Fraser et Mme Norris. C'est vraiment apprécié que vous veniez nous donner votre
point de vue.
Mais,
d'entrée de jeu, je vais commencer par la fin de votre
présentation. Je veux, tout de suite, vous rassurer, oui, il y a déjà
du travail de collaboration qui se fait en amont, etc. Je vous entends, là,
que vous souhaiteriez que ça soit mieux. J'entends ça, mais je veux même
vous rassurer, vous dire que je travaille actuellement à préparer une politique
de prévention, et ces éléments-là seront certainement tenus en compte dans la politique de prévention parce que la
prévention, ce n'est pas juste la santé
physique, là, c'est l'ensemble de l'oeuvre. Une société en santé, c'est la
santé psychologique, physique, la santé de notre jeunesse, etc. Alors,
vous allez pouvoir voir des pans de ces collaborations-là puis de la prévention
qui vont apparaître, et je souhaite que ce soit bientôt.
Maintenant, je vous
entends dire aussi que le travail des centres jeunesse devrait être mieux
reconnu. Je suis tellement contente de vous entendre dire ça parce que
c'est vrai qu'à chaque fois que les gens parlent des centres jeunesse c'est négatif, alors qu'il y a
plusieurs succès qui sont accomplis dans les centres
jeunesse. Les intervenants qui sont là, vous avez raison, sont tellement
investis auprès des jeunes, ils sont tellement passionnés de ce qu'ils font,
ils veulent tellement aider qu'à chaque fois qu'on leur fesse dans le
front — excusez l'expression — bien, c'est un petit clou de plus qui
rentre. Moi, je veux profiter de votre intervention pour dire : Saluons
ces gens-là, puis merci du travail qu'ils accomplissent.
Parce que ça peut sembler simple pour les personnes de l'extérieur, mais ce
n'est pas si simple que ça parce que
les jeunes qui arrivent en centre jeunesse, honnêtement, ce n'est pas ceux qui
vont le mieux, là, c'est ceux qui ont besoin davantage de services.
Alors, les intervenants, ils n'ont pas ça si facile que ça, et merci de l'avoir
souligné.
Mais
je vais vous questionner sur d'autres aspects qui touchent le mémoire. Quand
vous me parlez que vous auriez aimé qu'on fasse plus le lien entre les
fugues et l'exploitation sexuelle, dites-moi ce que vous avez, un, comme proposition de solutions à faire. Et, deux, j'ai
le goût de vous dire que toute la totalité des fugues ne sont pas des
personnes qui sont en situation d'exploitation sexuelle. Alors, est-ce que
vous croyez qu'on devrait traiter les fugues de façon à ce qu'on tienne compte des particularités ou bien si
on les traite toutes comme si les fugues font en sorte que les personnes
qui quittent, c'est toutes en raison de se faire exploiter, sexuellement
parlant?
• (17 heures) •
M.
Fraser (Rémi) : On s'est sans doute
très mal exprimés si vous avez compris qu'il
y avait une adéquation entre fugue et exploitation sexuelle. Il y a plusieurs types de fugues,
certaines qui sont ce que j'appellerais de l'expérimentation, un jeune ou une jeune qui sort pour quelques
heures, quelques jours au plus et qui revient en disant : Ah! j'ai réussi
ça, et, pour elle ou pour lui, c'est
quasiment un accomplissement. Pour d'autres, c'est aller voir ou retrouver des
gens dont elle s'ennuie ou quoi que
ce soit. Pour d'autres, c'est vraiment ce qu'on pourrait appeler la
fuite : Je ne veux plus rien savoir du centre jeunesse, je veux aller loin, loin, loin, et ça revient au même.
Et, dans quelques cas, quelques cas, effectivement, il peut y avoir
recrutement ou il peut y avoir retour dans des situations d'exploitation
sexuelle. Donc, je suis tout à fait d'accord avec vous, on ne peut pas réduire
un avec l'autre.
Par
ailleurs, comment gérer les fugues? D'une part, on ne peut pas transformer les
centres jeunesse en prisons, ce ne sont
pas des prisons et ça ne doit pas l'être non plus. Une fugue, c'est un jeune
qui se met à risque, que ce soit à risque au niveau de sa santé, de sa
sécurité, puis tout le reste. Donc, on doit le ou la retrouver au plus vite,
mais on doit aussi, quand il ou elle revient,
voir avec elle qu'est-ce qui s'était passé, est-ce que c'était une expérience,
est-ce que c'était ceci, ou cela, ou cela et, là, travailler à partir de
ce qu'on comprend, si c'est une fuite, si c'est... et, effectivement,
d'orienter davantage l'intervention par rapport à ce qu'on aura parce qu'on
peut apprendre des choses, là, de cet événement-là. Par ailleurs, quand c'est
des situations d'exploitation sexuelle, là je pense qu'il faut allumer la
lumière urgence, là, et c'est important.
Mme Norris (Sylvie) :
...
Mme Charlebois :
Oui, allez-y.
Mme Norris (Sylvie) : Si vous permettez, j'aimerais ajouter le fait que
je pense que, d'une façon ou d'une autre, on doit travailler en collaboration avec les groupes communautaires
aussi. Dans les meilleurs succès qu'il y a eu en lien avec les fugues,
les organismes étaient quand même bien impliqués. Plus il y a de
collaboration... Quand on permet à un travailleur
de rue, exemple, de fréquenter le centre jeunesse, d'aller voir les jeunes
pendant qu'ils sont au centre... Quand ils sont en fugue, ils ont des
référents, ils ont des gens à qui s'adresser, ils courent moins de risques. Ils
peuvent, à ce moment-là, trouver un
réconfort, trouver une adresse, un hébergement temporaire qui sera moins à
risque. Et ça, je pense que vous l'aviez déjà ciblé. Et je pense que
c'est une clé, il ne faudrait pas l'oublier, là.
Mme Charlebois :
Bien, justement, parce que vous me parlez des possibilités où les jeunes
peuvent se rendre, parlons donc de l'émancipation de ces jeunes-là, des
possibilités que des jeunes puissent avoir accès à se louer un appartement, intégrer un logement, mais aussi la
possibilité d'être hébergés dans un centre, un organisme communautaire qui va leur permettre un accompagnement supplémentaire.
Parce que le jeune qui est prêt — je vais le dire comme ça, entre
guillemets — puis
qui peut avoir son émancipation, peut très bien évoluer mieux dans un organisme
communautaire que dans le centre jeunesse.
Comment vous voyez ça, vous autres, toute cette organisation-là? Comment vous
pensez qu'on peut améliorer ce segment-là?
Mme Norris
(Sylvie) : Je vais commencer
une partie de réponse, M. Fraser terminera la réponse. Il y a quand
même au Québec plusieurs organismes qui
offrent des appartements supervisés — trop peu, sûrement, mais quand même plusieurs — et le ministère de la Santé et des Services
sociaux, pour le moment, ne reconnaît pas cette pratique-là pour le
financement à la mission. Donc, les groupes qui ont ce type de pratique ne
reçoivent aucun financement à la mission pour pouvoir assurer la supervision de
ces appartements-là.
Là, vous
comprendrez que ces jeunes-là ont vraiment besoin de cette supervision-là, là,
on ne peut pas juste avoir des
appartements à prix modique sans accompagnement. Je pense qu'une des parties de
la solution, ça serait de reconnaître, premièrement,
la pratique et ensuite, évidemment, mieux la soutenir. Les organismes qui
offrent ce type de supervision là, d'appartements supervisés, offrent,
effectivement, des appartements à des prix modiques, là — les
prix sont plus intéressants — et peuvent accompagner le jeune sur un plan
jusqu'à trois ans. Donc, évidemment, ça permet de consolider énormément
d'acquis dans le passage à la vie adulte et ça doit se faire toujours dans un
concept de projet de vie.
Il y a aussi d'autres ressources, évidemment.
C'est pour ça que je vais passer la parole à Rémi au niveau des Auberges du coeur, mais il y a aussi des
ressources, aussi, au niveau des refuges, des maisons... Les refuges ont
développé aussi des appartements supervisés, ont développé d'autres types
d'accompagnement, d'hébergement des jeunes pour répondre aux besoins des
communautés, et pense que, ça, il y a une partie de la solution qui se trouve
là.
M. Fraser
(Rémi) : La question de... Bien, en fait, il y a deux
questions. : l'émancipation et avoir un logement, un lieu où on est sécure et où on peut recevoir un
soutien. La question de l'émancipation, elle est souvent assez difficile
et, quand on commence la procédure, elle
aboutit, puis on a déjà 18 ans. Ça, c'est arrivé souvent, et elle devrait
être facilitée, pour ne pas dire
accélérée, mais au moins facilitée. Et, une fois qu'on a effectivement
l'émancipation, on peut signer un bail.
Déjà, légalement, ça permet ça et ça permet un certain nombre de choses. Ça ne
permet pas tout, mais ça permet ça.
Par ailleurs,
que ce soit pour tout jeune ou à peu près, même notamment pour les jeunes qui
ont eu une histoire un peu compliquée, notamment par les centres
jeunesse ou autres... mais, pour tous les jeunes, l'accès actuellement à un
premier logement est difficile et compliqué. Pourquoi? Pas d'historique de
location, donc pas de références.
Deuxième
élément, un dossier de crédit qui peut être... Pour un jeune qui sort d'un centre
jeunesse, il est nul ou à peu près
ou, pour un certain nombre de jeunes, qui va être assez négatif. Donc, ce sont
des éléments qui sont regardés de plus en plus, pour ne pas dire presque
tout le temps, par des propriétaires actuellement qui vont faire en sorte qu'à quelque part... non, je ne peux pas t'offrir...
j'ai une autre demande, bon, puis tout le reste. C'est difficile à l'heure
actuelle pour un jeune d'avoir accès à un premier logement.
Mme Charlebois :
J'ai presque le goût de vous dire : Ça doit être vrai pour tous les
jeunes, l'historique de crédit. N'importe
quel jeune, peu importe s'il est en centre jeunesse ou pas, selon moi, il n'a
pas plus d'historique de crédit. En tout cas, je me rappelle, quand j'ai
commencé dans la vie, moi, je n'avais pas grand historique de crédit, je l'ai
bâti au fil du temps.
M. Fraser (Rémi) : Ce que je voulais
dire, tout simplement, que, pour un jeune, c'est difficile actuellement, dans le marché locatif, d'avoir accès à un premier
logement qui est minimalement de qualité, disons. Bon, les exigences des
propriétaires sont de plus en plus élevées pour diverses raisons sur lesquelles je ne veux pas revenir. Le
fait de développer des manières, que ce soit l'appartement supervisé ou logement et... Des fois, je rêve d'un
logement social transitoire dans la mesure où je ne souhaite pas qu'un
jeune s'installe en logement social pour la vie, mais, à tout le moins, sauf
grande exception, là, mais, à tout le moins, qu'il puisse développer, avec un
soutien, une histoire de locataire...
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, M. Fraser.
M. Fraser (Rémi) : ...et
éventuellement même une histoire de crédit et qu'il puisse ensuite porter
ailleurs. Par ailleurs...
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Fraser. Un instant, on va
poursuivre le débat, si vous voulez bien,
avec notre collègue d'Hochelaga-Maisonneuve pour six minutes. Vous aurez
l'occasion de pouvoir vous exprimer dans ce contexte-là. Alors, collègue
d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous.
Mme
Poirier : Merci, M. le Président. M. Fraser, Mme Norris, ça me
fait plaisir. On va continuer dans le même topo parce que, dans
Hochelaga-Maisonneuve, il y a le Foyer des jeunes travailleurs, qui est une
maison qui a vu un printemps un peu
difficile, je vais le dire comme ça, parce qu'ils ont perdu leur budget de la
SPLI et que ça a voulu dire huit
jeunes de moins qui avaient accès au service d'hébergement, huit jeunes qui, du
jour au lendemain... on ne peut plus les accueillir, tout simplement.
Mais,
à ça, je veux vous amener aussi... Vous dites, ce que vous rêvez, c'est d'une
maison, une espèce de maison de transition. Ça existe, ces maisons-là.
Je veux dire, je regarde L'Avenue, qui a des maisons pour les jeunes, il y a une
quarantaine de logements dans Hochelaga pour
des jeunes qui sortent de centres jeunesse et qui sont dans une
transition vers le marché du travail ou vers
l'école et qui vont se faire du crédit parce que, justement, ils paient un
loyer, on leur facilite le loyer. Alors, il y a des services qui
existent, là. Tout n'est pas noir dans ce beau Québec, bien au contraire.
Mais moi, je
vais vous parler des plus jeunes, c'est ceux-là qui m'inquiètent le plus. Je
vais vous parler de ceux que Répit
Providence accueille tous les jours. Répit Providence, c'est un organisme qui
n'est pas reconnu nulle part parce que ça n'existe pas sur aucune grille de critères, qui accueille des petits
bouts de chou, qui accueille des enfants zéro à 12 ans et qui... Au lieu de les envoyer à la DPJ, eh bien,
on leur fait faire un petit séjour, quelques jours, des fois une semaine,
des fois deux... Ils sont référés par le Dr
Julien, ils sont référés par le CLSC, par les travailleurs sociaux, mais ces
organismes-là, ils ne sont pas reconnus. Ils
ne sont pas connus et ils ne sont pas reconnus parce que ça n'existe pas dans
notre système, ces ressources-là. Il
en existe deux au Québec comme ça. Et, quand on parle de prévention, je pense
que ça en est un, moyen de prévention.
Alors, si on avait ce genre d'hébergement, qui n'est pas de l'hébergement
superencadré de la DPJ, mais qui est, dans
le fond... Puis on va se le dire comme on peut se le dire, M. le Président,
quand les parents, au premier du mois, ne sont pas nécessairement en capacité de s'occuper de leurs enfants, mais que,
le reste du mois, ils le sont, eh bien, ce qu'on fait, c'est qu'on déplace les enfants chez Répit
Providence pour quelques jours, et on les retourne dans leur famille le
reste du mois, et tout va bien. Du moins, ils ne vont pas à la DPJ.
Est-ce que,
pour vous, des moyens de prévention comme ça, vous en connaissez d'autres et
qui pourraient être, justement, des
propositions à des alternatives en tant que telles? Parce que le milieu
communautaire est créatif là-dessus.
• (17 h 10) •
M. Fraser
(Rémi) : Vous avez parlé de L'Avenue. L'Avenue est membre du
Regroupement des Auberges du coeur.
Pour ce qui est de l'autre organisme, je le connais moins, mais ça m'apparaît,
effectivement, une avenue — appelons ça comme ça — qui est intéressante dans la mesure où elle
s'ajuste aux situations réelles et elle soutient les parents ou les
familles pour passer au travers des situations qui sont peut-être un peu
trop... lorsqu'elles deviennent à risque.
La difficulté, c'est que L'Avenue, je n'en
connais qu'une seule au Québec, c'est-à-dire cette forme-là où on a développé l'hébergement communautaire,
l'appartement supervisé et éventuellement du logement social pour les
jeunes, et dans une continuité...
Mme
Poirier : ...flagornerie, c'est toujours dans
Hochelaga-Maisonneuve que sont créées ces belles initiatives.
M. Fraser
(Rémi) : Ce qu'on voit aussi chez nous, et c'est difficile parce que,
souvent, on va chercher... j'ai un petit
budget ailleurs, c'est la médiation familiale, travailler sur le rapport
parent-enfant alors que les situations, souvent, sont encore gérables et
avant qu'elles deviennent des crises, et ça arrive. Et souvent le parent est
tout à fait conscient qu'il y a un problème,
mais n'est pas conscient que lui aussi, il en a un. Et, dans ce contexte-là,
dans la relation, c'est commencer à
voir comment est-ce qu'on peut changer puis ajuster les choses. À
L'Entre-temps, à Longueuil, c'est quelque chose qu'ils ont développé. Et
il y a beaucoup d'autres choses, et Sylvie, sans doute, veut faire valoir des
choses.
Mme Norris
(Sylvie) : Bien, en fait,
nous, on a plusieurs organismes qui ont des pratiques aussi
d'intervention en HLM. Je dirais que c'est quand même des pratiques
intéressantes, ça a été très documenté par la recherche depuis les cinq dernières années. Plusieurs organismes, là,
il m'en vient comme cinq à l'esprit, au niveau de L'Antre-Jeunes, Centre
communautaire Bon Courage de la Place
Benoît, le Coeur des compagnies, qui sont des organismes qui interviennent
auprès, je dirais, des plus jeunes, là, on
parle... Étant donné que c'est une intervention auprès des familles, on touche,
là, du zéro à 18 ans, en fait. L'idée n'était pas tant, dans ces pratiques-là,
de déraciner le jeune de sa famille, mais de venir vraiment en soutien à la famille, au développement des compétences
familiales, mais dans leur milieu propre et propice à eux, avec une
intervention qui est adaptée à leurs capacités.
Mme
Poirier : Dans votre mémoire, vous donnez des données, là,
entre 2007 et 2015, le nombre de signalements est passé de 67 000 à 86 000, est-ce que... et que vous dites
que, donc, il y a une hausse importante de 28 %. Mais vous faites la mention que ces enfants-là sont des
enfants nés de parents qui sont nés sous la Loi de la protection de la
jeunesse, est-ce que vous avez fait une corrélation entre ces enfants et les
parents de ces enfants-là? Est-ce que ces enfants-là sont des enfants de
parents de la DPJ? Est-ce qu'on a des données là-dessus?
M. Fraser
(Rémi) : Non. Ce que nous voulions mettre de l'avant surtout, c'est
que, souvent, on parle de la... Il faut faire de la sensibilisation pour faire en sorte que les situations
diminuent. Or, ces parents-là, on ne peut pas dire qu'ils n'ont pas connu jeunes ou... tout le reste, la loi de la
protection de la jeunesse, elle existe depuis avant même qu'ils
naissent. C'était exclusivement ça. C'est
pour dire que ça fait quand même 40 ans, une bonne génération de parents ont
passé toute leur vie alors que la loi
existait, c'est ce que je voulais dire, et on est encore dans des situations de
hausse. C'est juste ça.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous poursuivons pour
quatre minutes avec le collègue de Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger :
Quatre minutes? Câline! O.K. On va faire ça vite. Alors, bonjour à vous deux.
On parle beaucoup de zéro-18, on parle très
peu de transition. Et moi, je voudrais vous entendre parler parce que vous êtes
dans le milieu. C'est que, même au niveau de statistiques, ça finit tout à 18,
la plupart, puis ça recommence à 18. Il n'y a pas de lien. Pourtant, souvent, c'est les mêmes
personnes qui se retrouvent dans les deux. Vous parlez de maisons de
transition. Première question : Est-ce
que les maisons de transition... ou des logements supervisés — on va dire ça, hein, je pense que
maisons ou appartements supervisés, ça pourrait être mieux — auraient
un meilleur taux de succès auprès de certains jeunes que le centre jeunesse?
Mme Norris (Sylvie) : Bien, en ce
qui nous concerne, nous pensons que...
M.
Schneeberger :
Excusez, admettons avant 18 ans, c'est-à-dire quelqu'un, même à 16 ans,
pourrait... Vous comprenez? O.K.
Mme Norris
(Sylvie) : Oui, oui, et après,
oui. Ce qu'on pense, évidemment, c'est que, dans le processus
de la transition à la vie... à l'adulte, ce n'est pas tout le monde qui
le fait dans la même façon, de la même façon, qui prend les mêmes acquis, qui va au même rythme que les autres, et ce qu'on
devrait envisager, c'est que, des fois, ce que le centre jeunesse peut
offrir, là, on va dire, dans le maximum, là, de ce qu'il peut offrir de mieux,
ça ne correspond quand même pas à ce que la personne ou l'individu a besoin.
Il y a
eu beaucoup de pratiques, à un moment donné, qui ont été
un peu mises de côté avec le projet
de loi n° 10 parce que ça a chamboulé un peu quand même
le système, mais il
y avait des pratiques de faire des fins de semaine de repos dans certains organismes communautaires
d'hébergement, de repos, des moments de transition ou des moments où on pouvait créer des liens autrement, où on pouvait
essayer d'adapter un peu aussi les règles, la façon, la structure. Bon,
c'est vrai, là, peu importe où on se situe, en éducation, c'est la même chose,
quand on met une structure en place, elle ne correspond
pas à tous les individus. Ça fait que
les centres jeunesse ne peuvent pas faire mieux que ce qu'ils font, dans
cette mesure-là où il peut y avoir des
individus qui ont des besoins différents, qui ont besoin de plus expérimenter,
qui ont besoin d'explorer de nouvelles façons de faire, qui ont besoin de plus
de liberté, plus de moments seuls. Tout ça est à évaluer, puis oui, on pense que ne serait-ce que les... On a parlé des
appartements supervisés, mais il y a plein d'autres ressources, il y a
plein d'autres façons de faire. Le milieu communautaire est quand même assez
riche, là. Je disais, quand même, 350 organismes à travers le Québec, je pense
qu'il y a de la marge de manoeuvre dans les pratiques.
Nous, on a
essayé de recenser — je veux
dire, au ROCAJQ — nos
pratiques puis on a abandonné, là, c'était trop compliqué, là, c'était un processus... parce qu'il y a plein de choses
qui se font, il y a des initiatives qui naissent, il y a des projets en cours, il faut être à l'affût de ça
puis essayer de voir qu'est-ce qu'on peut faire ensemble, en fait. Mais je
pense que oui, la question se pose, ça ne peut pas correspondre à tout le
monde, comme n'importe quel système, en fait.
M.
Schneeberger :
Il me reste une minute. Rapidement, on s'est rencontrés lors du projet de loi
n° 70, là. Moi, je vois
actuellement, là, je vois un lien assez proche, là, entre, justement, le projet
de loi n° 70... Quand on parle du cheminement
de vie personnel, là, je pense que, là-dessus, les deux ministères vont devoir
se parler pour, vraiment, bien prendre
en charge ces personnes-là parce qu'on parle des mêmes personnes souvent. Puis
moi, ça me tient beaucoup à coeur,
ces gens-là, de ne pas les laisser, là, il faut vraiment les prendre en charge
parce que c'est les mêmes personnes, c'est notre futur. Et moi, je veux
vous entendre là-dessus, un petit peu, comment voyez-vous ça? Y a-tu des choses
qui pourraient être faites, là? Votre vision, là-dessus, là. Ce n'est pas
long...
M. Fraser
(Rémi) : Le projet de loi n° 70 va offrir aux jeunes un certain
type de soutien pour l'intégration sociale, et particulièrement à l'emploi. La crainte que nous avons à l'heure
actuelle, c'est, en fait, deux craintes. La première, c'est l'évaluation des situations. Un jeune qui a besoin
d'un soutien x ne le dira pas, ne transmettra pas nécessairement à un fonctionnaire tout ce qu'il a vécu, tout ce qu'il
a besoin, puis tout le reste. Ça prend du temps. Des fois, ça nous prend,
nous... Puis on vit avec 24 heures sur 24,
sept jours par semaine, ça prend, des fois, des semaines avant qu'il s'ouvre
sur... des semaines et des mois, même, qu'il s'ouvre pour des situations de
violence, d'abus sexuel et des choses comme ça. Bon, deuxièmement...
Le Président (M. Tanguay) : En
conclusion, M. Fraser. En conclusion.
M. Fraser (Rémi) : Pardon?
Le Président (M. Tanguay) : En
conclusion, s'il vous plaît.
M. Fraser (Rémi) : Oui. J'ai fini?
Le
Président (M. Tanguay) : Non, en conclusion, ça veut dire, ça, qu'il
vous reste quelques instants pour conclure.
M. Fraser
(Rémi) : En conclusion. Et l'autre élément, c'est des jeunes qui ont
nécessairement un rythme différent pour passer au travers des
situations, ils ont souvent beaucoup de choses à faire en même temps. Et
d'avoir la flexibilité au niveau des programmes et du soutien, pour ces
jeunes-là, d'être capable de dire : Woup! Là, là, je viens de tomber, O.K., je peux arrêter, je peux
recommencer, cette flexibilité-là, elle n'est pas apparue jusqu'à présent
dans le projet de loi qui a été présenté.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup.
Mme Norris
(Sylvie) : Il ne faudrait pas que ça se fasse à l'encontre du pouvoir
d'agir du jeune aussi, du pouvoir de décider.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous remercions les
représentants de la Coalition interjeunes.
Compte tenu de l'heure, la commission ajourne
ses travaux au mardi 4 octobre 2016, à 10 heures, afin de poursuivre son
mandat. Merci.
(Fin de la séance à 17 h 18)