(Onze
heures vingt-neuf minutes)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît!
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux
ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de
bien vouloir éteindre la sonnerie de votre téléphone cellulaire.
La
commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et
auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi modifiant la
Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
• (11 h 30) •
La Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) est remplacé par M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ce matin, nous
recevrons les représentantes, représentants du Barreau du Québec, suivis
de la Confédération des syndicats nationaux.
Alors, d'entrée de
jeu, bienvenue à votre Assemblée nationale, représentantes et représentants du
Barreau du Québec. Vous disposez d'une
période de 10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez l'occasion
d'échanger avec les parlementaires.
Pour les fins d'enregistrement, nous vous prions de bien vouloir vous nommer et
préciser vos fonctions. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous.
Barreau du Québec
M. Trahan (Dominique) : Alors, bonjour, M. le Président, Mme la
ministre, Mmes et MM. les membres de la commission. Je suis Dominique Trahan, avocat et directeur du bureau en droit de la
jeunesse de l'aide juridique de Montréal et président du comité en droit
de la jeunesse du Barreau du Québec. Au nom du Barreau, je tiens à vous
remercier pour l'invitation de participer à cette commission.
Je
suis aujourd'hui accompagné, à ma droite, de Me Catherine
Brousseau, directrice du bureau d'aide juridique de Drummondville et
Victoriaville, et de Me Luc Trudeau, de l'étude Trudeau, Lamaute à Montréal. Je
suis également accompagné, à ma gauche, de
Me Nicolas Le Grand Alary et Ana Victoria Aguerre, tous deux secrétaires du
Comité en droit de la jeunesse du Barreau du Québec.
Alors,
le Comité en droit de la jeunesse du Barreau du Québec étudie des projets de loi et des règlements concernant le droit de la jeunesse, particulièrement
en protection, en adoption, et la Loi sur le système de justice pénale pour les
adolescents. Il conseille le Barreau à cet
effet et il étudie également les problématiques d'administration de la justice
en droit de la jeunesse et propose des
solutions au Barreau à cet égard. C'est dans ce contexte que le Barreau du Québec a
pris connaissance du projet de loi n° 99, intitulé Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres
dispositions, et nous vous soumettons ces commentaires et recommandations.
Dans
le cadre de notre allocution de présentation et compte tenu du délai qui nous
est imparti à cette fin, nous aborderons
tour à tour l'inclusion de la nouvelle mesure proposée dans la loi que sont les
familles d'accueil de proximité, les modifications relatives à la durée
des mesures et des ententes provisoires, l'ajout d'une procédure relative à l'émancipation en protection de la jeunesse et, finalement, la modification de l'article 85 de la Loi de la protection de
la jeunesse, que l'on retrouve à l'article 52 du projet de loi.
D'entrée
de jeu, je pense qu'il est important de situer qu'on n'est pas contre la rémunération des personnes qui accueillent
des enfants ou qui les hébergent. Le moyen, famille d'accueil de proximité,
quant à nous, est inapproprié. Plus particulièrement, de l'intégrer à la
loi, le Barreau considère que le législateur cherche ainsi à assimiler cette
notion purement administrative à une notion juridique de famille d'accueil, tel
qu'on la retrouve actuellement dans la Loi de la
protection de la jeunesse. Ainsi, on dénature l'usage de la mesure confiée à d'autres personnes, ces autres
personnes pouvant être des oncles, des tantes, des grands-parents, des voisins
ou des amis de la famille des enfants concernés.
En
effet, la manière dont plusieurs dispositions du projet de loi sont rédigées
porte à croire que le fait de confier un enfant à une famille d'accueil
ou le fait qu'une famille d'accueil de proximité héberge un enfant en raison de
liens significatifs déjà présents entre eux
sont des mesures équivalentes. Or, il en est tout autrement. L'article 4 de la Loi de la protection de la jeunesse
consacre le principe du maintien des liens significatifs comme milieu de vie
substitut. Ces liens significatifs, comme je
le disais tantôt, peuvent être des grands-parents, des oncles et des tantes.
Alors, le Barreau exprime certaines
craintes concernant les dérapages découlant de la possibilité d'institutionnaliser les relations personnelles entre les enfants placés sous protection et leurs
proches. Ce faisant, le Barreau invite le législateur à reconsidérer l'inclusion des familles d'accueil de
proximité dans la Loi de la protection de la jeunesse. Me Brousseau va
continuer.
Mme
Brousseau (Catherine) : Deuxièmement, le Barreau s'inquiète des
modifications portées par le projet de loi
n° 99 qui visent à prolonger la
durée des ententes et des mesures provisoires dans certains cas jusqu'à 90
jours, de surcroît dans un contexte
où la sécurité ou le développement de l'enfant ne sont pas encore déclarés
compromis, entre autres l'article 47.1 proposé.
De
manière plus large, cette prolongation déroge à la notion de temps chez
l'enfant en droit de la jeunesse et est susceptible de compromettre le meilleur intérêt de celui-ci. L'intérêt
de l'enfant suppose une myriade de considérations. En clair, nous craignons que les modifications
proposées par le projet de loi à cet
égard s'opposent à la philosophie et à l'économie propres à la Loi sur
la protection de la jeunesse, notamment à l'article 2.4, alinéa 5° de la loi
actuelle.
Troisièmement, alors que le projet de loi s'est donné pour objectif de prévoir des règles
relatives à l'émancipation par la
Cour du Québec d'un enfant qui est assujetti à la Loi sur la protection de la jeunesse, le projet
de loi ne prévoit pas de
mécanisme propre à la loi pour les demandes d'émancipation pour les jeunes en
protection.
En
effet, le projet de loi propose, tout
simplement, d'arrimer la compétence
accessoire de la Cour du Québec
en cette matière qui est déjà
prévue à l'article 37, alinéa trois, du Code de procédure civile
avec la Loi sur la protection
de la jeunesse. À notre avis, il aurait été opportun de prévoir une procédure
spécifique à cette fin dans la Loi sur la protection de la jeunesse, à
l'instar des dispositions qui concernent la tutelle et qui ont été intégrées à
la Loi sur la protection de la jeunesse
depuis 2007. Au surplus, cette nouvelle procédure devrait notamment permettre
au jeune lui-même de faire cette demande d'émancipation. Je cède la
parole à Me Trudeau.
M. Trudeau
(Luc) : Alors, quatrièmement, nous aimerions aborder la modification
de l'article 95 de la loi proposée par le projet de loi n° 99. En effet,
depuis de nombreuses années, le Barreau souligne la portée spéciale de l'article 85 dans la pratique du droit de la
jeunesse. Il fait appel à la prudence lors de tout projet de modification de
cette disposition. En effet, lorsque vient
le temps d'interpréter une disposition en complément de ce qui est prévu à la
loi, il faut garder à l'esprit que cette loi est une loi d'exception. De
plus, la Loi sur la protection de la jeunesse doit recevoir une interprétation large et libérale, comme prévu à
l'article 41 de la Loi d'interprétation. Ce faisant, le Code de procédure
civile de même que toute autre loi sont
subordonnés à la Loi sur la protection de la jeunesse dans les matières qui la
concernent, et ce, bien sûr, à l'exception des chartes.
L'article
85 actuel fait doublement état de cette subordination en énumérant, d'une part,
les articles spécifiques du code qui
s'appliquent en droit de la jeunesse et, d'autre part, en confirmant que leur
application est conditionnelle à la compatibilité de ces dispositions
avec les autres dispositions de la Loi sur la protection de la jeunesse. Ce
faisant, le libellé actuel de l'article 85
de la Loi sur la protection jouit d'une grande clarté et est rédigé dans le
respect de la primauté de la loi.
Ainsi, le Barreau du Québec recommande de garder le libellé actuel de l'article
85. Cependant, pour assurer une plus grande
efficacité procédurale, le Barreau suggère également d'ajouter à l'énumération
de l'article 85 la section portant sur la gestion d'instance
correspondant aux articles 51 à 55 du Code de procédure civile actuel — donc,
le nouveau code — dans
la nomenclature de l'article 85.
M. Trahan (Dominique) : Pour terminer, le Barreau a pris connaissance et
a commenté d'autres modifications importantes
apportées par le projet de loi concernant notamment l'adoption à son nouvel
article 71 et suivants... l'arrimage terminologique
entre certaines notions intégrées dans la Loi de la protection de la jeunesse
et d'autres lois et l'utilisation de la visioconférence dans les
dossiers en protection de la jeunesse, le nouvel article 74.0.1.
Le détail de ces
commentaires se retrouve dans le tableau joint à la suite de notre mémoire.
Nous sommes disponibles pour répondre à
toute question que vous pourriez avoir sur ces sujets de même que sur les
sujets précédemment discutés.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, place aux échanges.
Et, pour une période de 17 min 30 s, je cède la parole à
Mme la ministre déléguée.
• (11 h 40) •
Mme
Charlebois : Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, je
veux saluer mes collègues pour une deuxième journée de consultations, ça va être encore enrichissant aujourd'hui.
Comme je le disais d'entrée de jeu, je veux rassurer les gens à chaque fois qu'on commence une journée,
parce que, quand on consulte, il y a des amendements qui viendront
sûrement un jour. Et on a déjà des réflexions d'amorcées, mais les réflexions
ne sont pas terminées, puisque nous consultons.
Alors, quand on consulte, il faut écouter puis attendre après pour déposer des
amendements, et c'est ce que nous ferons. Et je suis certaine que nous
aurons de bons échanges entre parlementaires qui feront que le projet de loi
sera bonifié.
Alors,
je vous salue, M. Trahan, monsieur... Me Trudeau — je devrais dire maître, je m'excuse, je ne suis
pas très juriste — Me
Brousseau, Me Aguerre et Me Le Grand Alary. Merci d'être là, et de participer à
cette commission, et d'enrichir notre commission.
Je
vais aller tout de suite dans le vif du sujet. Je vous ai entendu parler d'entrée de jeu de familles de proximité, et ça
me titille un peu, honnêtement, je suis bien interrogée... je suis restée sur ma
faim quant à l'explication du pourquoi vous ne semblez pas... Bien, bref, vous vous opposez à l'introduction de cette notion-là — c'est ce que j'ai compris — dans la Loi de la protection de la jeunesse, mais j'aimerais ça que vous
m'expliquiez davantage parce qu'il y a quelque chose là, là, à mon sens, qui était noble et bien non seulement
pour les enfants, mais aussi pour les gens qui accueillent, mais vous
semblez me dire que non, ce n'est pas une bonne chose.
M. Trahan (Dominique) : Bien, ce
n'est pas tout à fait ce qu'on dit parce que je rappellerai que, d'entrée de
jeu, on a mentionné qu'on n'était pas contre l'objectif, quant à nous,
recherché par cette notion de famille d'accueil de
proximité, qui est que les gens, comme vous le mentionnez, qui accueillent les
enfants puis les hébergent puissent être
rémunérés. Par contre, on dit que d'intégrer cette notion-là de famille
d'accueil de proximité dans la Loi de la protection de la jeunesse comme étant... Parce qu'il faut
savoir quand... qu'on pratique... alors, le juge peut placer des enfants
en centre de réadaptation, en famille
d'accueil, ou chez des tiers, ou encore des personnes autres — on les appelle de bien des façons ces personnes autres là — qui
sont souvent de la parenté ou de la famille rapprochée des enfants. Et ce
que l'on dit, c'est qu'à partir du moment
où, de façon presque systématique, ces tiers-là deviendront
reconnus famille d'accueil de proximité, ça, on est contre parce qu'on
est en train de diluer et de faire disparaître une ressource qui existe depuis l'instauration de la loi et qui est reconnue comme
étant... à l'article 4, faisant partie des principes de la loi qu'on
cherche à garder les liens significatifs des
enfants. Alors, si on commence à appeler un grand-papa ou une grand-maman «ma
famille d'accueil de proximité», je ne suis pas sûr qu'on est sur la bonne
route.
Par contre, qu'administrativement l'expression ou la
définition «famille d'accueil de proximité» existe dans un règlement
et qu'à un moment donné, à cause de ce règlement-là, les gens qui reçoivent les enfants soient
rémunérés, soit. Mais de l'inclure à la loi comme étant une mesure
disponible... Puis vous remarquerez qu'à plusieurs endroits où l'expression est employée elle est employée
accolée à des tiers ou une famille d'accueil de proximité. Alors, à un moment donné, ce qui va arriver,
c'est que ça va faire une équation, puis l'un va pallier à
l'autre, et puis on n'aura plus de tiers. Moi, je peux vous dire... puis
ma collègue pourra peut-être ajouter des choses, mais, brièvement, il nous
arrive, comme avocats d'enfants... Parce qu'il faut savoir que tous les enfants
dont le dossier passe à la Chambre de la jeunesse à travers la province
sont représentés par avocat, et on peut, parce qu'on parle à... l'enfant nous
suggère un voisin, une tante, un oncle,
dire : M. le juge, on a quelqu'un à vous soumettre comme étant disponible pour
accueillir cet enfant-là. Et, à
ce moment-là, c'est au juge qui entend les personnes de déterminer si c'est valable
ou pas comme proposition. Et là, s'il faut passer par des évaluations,
bien, on n'a plus cette ressource-là dans l'immédiat, et donc c'est pour ça que
j'emploie l'expression : On va fondre,
et ça n'existera plus, puis on va être juste en présence de familles d'accueil
de proximité, alors qu'on est avec, par exemple, de la famille élargie.
Je ne sais pas si ma collègue veut donner
d'autres exemples, là, mais...
Mme
Brousseau (Catherine) : Je
pense qu'effectivement on peut renchérir par rapport à ça. Effectivement, pour les enfants qu'on
représente, eux, ils sont confiés, hein... Dans la loi, c'est l'intérêt de
l'enfant qui prime. Pour lui, l'enfant, il est confié à son grand-père ou à sa grand-mère, il n'est pas confié à
une famille d'accueil. Et d'amener, effectivement, cette notion-là ou ce terme-là dans la loi, ça n'a pas
sa place. Vous savez, il existe toutes sortes de termes. Dans notre
jargon, des fois, on va parler de familles
d'accueil Banque-mixte, de familles d'accueil régulières, de familles d'accueil
de dépannage, tous des termes qui font des distinctions, mais qui
n'existent pas dans la loi, et c'est correct comme ça.
Donc, je
pense que d'amener cette notion-là, ça n'apporte absolument rien. Le but, c'est
tout simplement que ces gens-là
soient rémunérés, soit. Et c'est un processus administratif, c'est la directrice de la protection de la jeunesse,
dans le fond, qui, lorsque le juge décide de confier l'enfant à grand-papa ou
grand-maman, va aller vérifier si ce milieu-là est adéquat, puis il va aller déterminer s'il l'accrédite ou pas. Et, s'il
l'accrédite, il devient famille d'accueil de proximité. Mais tout ça, c'est administratif. Pour l'enfant,
lui, ça ne change rien. Et de revenir au tribunal, bien, ça vient alourdir
le fardeau de dire : Bien là, on va retourner au tribunal parce que, là,
la famille a été accréditée, puis on va revenir pour changer le jugement. Je pense que ça n'amène absolument rien, sinon des
délais inutiles pour les enfants. Puis, pour nous, c'est important, la
notion de temps.
M. Trahan
(Dominique) : J'ajouterai
que ma collègue est bien humble parce qu'il y a un jugement de la Cour supérieure — celle elle qui l'a plaidé, d'ailleurs — qui a confirmé toute cette théorie-là, à
savoir que c'était inexistant actuellement dans la loi et que ce n'est
pas nécessaire, pour envoyer un enfant chez une autre personne, d'avoir cette désignation-là. Alors, dans la loi, la discrétion
judiciaire permet, d'une manière ou d'une autre, à un juge de déterminer
si les personnes qui lui sont présentées sont adéquates pour recevoir un
enfant.
Mme
Charlebois : Juste
pour ma compréhension, bien, je ne pense pas que les enfants vont se promener
en disant que... je suis chez ma famille
d'accueil. Ma petite-fille, si je la gardais, là, Summer, elle ne me dirait
pas : Je suis chez ma famille
d'accueil, elle dirait : Je suis chez grand-maman Lucie, bien que le texte
de loi pourrait dire «famille d'accueil». Honnêtement, là, je pense qu'entre ce qu'il y a dans la bouche de
l'enfant puis dans le texte de loi l'enfant n'est pas tout le temps au
fait de tout ce qu'il y a là-dedans, pour ne pas dire jamais.
Mais je
reviens, vous l'avez dit vous-même, il n'y a pas cette disposition-là dans la
loi actuelle. Moi, c'est même des
juristes et des intervenants en services sociaux... On m'explique qu'il y a
beaucoup de délais en justice en ce moment. Là, moi, je vous le dis, là, je ne suis pas juriste, je ne suis pas dans ce
domaine-là, ça fait que vous allez pouvoir m'éclairer davantage. On me dit qu'il y a beaucoup de délais,
et, quand on ne spécifie pas, justement, maintenant... On m'a dit qu'il
fallait retourner à la cour parce que ce n'est pas dans la loi en ce moment, il
fallait retourner devant le juge pour faire dire :
Oui, c'est une famille d'accueil de proximité. En l'incluant dans la loi,
est-ce que ça ne va pas régler cette partie-là?
Mme
Brousseau (Catherine) : En fait, si je puis me permettre,
effectivement, quand est arrivée cette notion-là de rémunération des familles d'accueil, c'est vrai
que, là, ça a créé tout un débat pour les juristes et pour les
intervenants de savoir comment on gérait ça, est-ce qu'on revenait à la cour
dans tous les dossiers où les gens étaient accrédités pour modifier les ordonnances, et tout ça. Et tout ce
débat-là, c'est ce qui a donné lieu au jugement que j'ai plaidé devant
la Cour supérieure et qui a mis fin, quant à moi, au débat. Depuis ce
temps-là — moi,
en tout cas — on
en entend beaucoup moins parler, c'est de
venir dire : Non, ce n'est pas un fait nouveau, ça ne change rien. Vous
les avez accrédités? Parfait. Ils sont rémunérés?
Parfait. Mais, pour l'enfant, on continue avec l'article 4 et on l'a confié à
des tiers significatifs. Voilà tout.
Mme
Charlebois :
...qu'en ce moment les jeunes qui sont sous un statut, qui doivent changer de
statut pour aller vers une famille
d'accueil de proximité qui va être payée, pour aller dans le langage clair,
n'ont plus besoin d'avoir la décision du juge en ce moment, ça ne se
fait plus, ça?
Mme
Brousseau (Catherine) : Actuellement, les familles d'accueil de
proximité, là, à partir du moment où elles sont accréditées, elles
reçoivent les subsides de l'État. Et que le juge ait changé la décision ou pas
de confier famille d'accueil ou confier à la personne, là, avec son nom
désigné, ça ne change strictement rien, ils sont rémunérés. Ça ne change rien.
Mme
Charlebois :
Mais quand c'est un nouveau cas, là. Mais un cas d'enfant qui est déjà dans le
système, qui est dans... ça ne change rien non plus?
Mme
Brousseau (Catherine) : Ça ne change rien. C'est ce que la cour est
venue dire. Moi, le dossier que j'ai plaidé,
c'était exactement ça, c'était un enfant qui était depuis plusieurs années dans
la même... puis c'était son ancienne gardienne.
Ce n'était même pas quelqu'un de la famille, c'était son ancienne gardienne.
Et, quand la DPJ est revenue en disant :
Bien là, ces gens-là, on les accrédite famille d'accueil de proximité, ils sont
revenus en disant : Le seul fait nouveau, c'est, écoutez, on les a
accrédités. Pouvez-vous, s'il vous plaît, changer la conclusion? Au lieu de
dire «confié à Madame X», ils voulaient
«confié famille d'accueil». Je plaidais que non, ce n'était pas un changement
nouveau. De toute façon, ces gens-là
étaient accrédités, ils étaient rémunérés, l'enfant était toujours au même
endroit. Et, en appel, c'est ce que
le juge a dit, ça ne change rien, c'est parfait, tout est beau. Et ces
enfants-là sont toujours là, puis ils ont tout ce dont ils ont besoin.
M. Trahan
(Dominique) : D'ailleurs,
pour compléter là-dessus, je pourrais mentionner qu'au comité du Barreau
nous sommes une dizaine d'avocats de toute
allégeance, à savoir des avocats de DPJ, des avocats de pratique privée
qui représentent des parents, des avocats
d'aide juridique qui représentent des enfants, et que c'est unanime chez nous,
cette opinion-là à l'effet qu'on ne fait qu'alourdir les choses en procédant
comme ça.
Et vous
donniez un exemple, votre petit-fils ou petite-fille, mais je dois vous dire
que les enfants sont présents à la
cour et ils sont... C'est sûr que, quand ils ont deux, trois ans, on parle
d'autre chose, mais le petit bonhomme de 10 ans, quand il est là puis qu'il est avec son grand-papa ou sa tante, bien,
c'est grand-papa. Mais ce n'est pas une famille d'accueil, et c'est ça
qu'on va créer comme rupture.
Mme
Charlebois :
C'est la filiation avec le sentiment de la famille que vous avez peur qu'il se
perde, ce n'est pas la brisure entre les familles d'accueil...
M. Trahan (Dominique) : Oui. C'est
pour ça qu'on dit «le lien significatif». Puis la loi le reconnaît comme
principe.
• (11 h 50) •
Mme
Charlebois :
O.K. J'entends votre propos. Notion
de parents, vous nous demandez de revoir la définition, de préciser ce que c'est... Pouvez-vous nous parler davantage
de ça? Je suis certaine que, sur les durées, il y en aura d'autres qui poseront des questions. Parce que j'ai plein
d'autres questions. Dans le temps qui nous est imparti, on n'aura pas le
temps de faire le tour, mais je suis assez certaine que mes collègues iront sur
d'autres questions.
M. Trahan
(Dominique) : O.K. C'est
parce que, selon certains, il y a une zone qui est floue au niveau de... Le parent qui est déchu
doit-il être encore considéré comme parent au niveau de la Loi sur la
protection de la jeunesse? Alors, c'est
simplement ça, la question à ce niveau-là. Je le résume rapidement
si ça peut... Je pense que, d'une façon claire, ça serait ça qu'il y aurait à vous dire là-dessus,
dans le sens où il peut arriver que des parents perdent leur autorité
parentale de par la Cour supérieure pour toutes sortes de motifs. Et donc, une fois que c'est déclaré,
cette déchéance, est-ce qu'on doit toujours garder ce parent comme étant une partie d'office
aux procédures qui sont mues en vertu
de la Loi sur la protection de la jeunesse devant la chambre de la jeunesse de
la Cour du Québec? Parce c'est deux juridictions différentes, et donc si
le parent est déchu... Mais, selon la
définition, on pourrait penser que oui. Alors, si on l'éclaircit, ça
permettrait d'éviter des débats éventuellement, débats jurisprudentiels
qui, à part si on parle des familles de proximité, ne sont pas toujours nécessaires.
Mme
Charlebois : J'aime ça, vous avez de la suite dans les idées.
Parlons donc un peu de... Est-ce qu'il me reste encore beaucoup de
temps, M. le Président?
Le Président (M. Tanguay) : Oui, 4
min 45 s.
Mme
Charlebois : Bon. O.K. Je vais essayer de faire vite. Parlons
donc d'hébergement, de l'entente de courte
durée. Vous semblez favorables à l'introduction de cette entente-là sur une
intervention de courte durée, mais vous aimeriez que la notion soit mieux balisée, c'est-à-dire que le projet de loi devrait préciser... Parce que vous savez
qu'on offre la possibilité
d'ajouter un autre 30 jours pour se rendre à 60 jours, et je vous explique
c'est quoi, la philosophie derrière ça, c'est que, dans le 30 jours, il y a un 10 jours d'examen du dossier de
l'enfant. Il reste 20 jours pour voir, là, exactement qu'est-ce qu'il en
est, notamment pour les centres jeunesse, entre autres, là. Moi, je parle des
centres jeunesse. Alors, le 30 jours
d'introduction de plus nous permettrait d'avoir une meilleure évaluation
de l'enfant parce qu'en 20 jours c'est impossible
de savoir le cheminement, hein? Puis vous savez que, dans la vraie vie, ces
délais-là, en ce moment, ne sont pas respectés. Alors, nous ajouter un 30 jours, ce n'est pas pour retarder,
c'est plus pour aider l'enfant dans le cheminement pour faire une meilleure évaluation
des capacités qu'il aura acquises pendant ces temps-là. Je voudrais vous
entendre me dire votre point de vue à cet effet-là.
Une voix : ...
M. Trahan
(Dominique) : O.K. Alors,
c'est tout simplement, évidemment, de baliser cette disposition-là
pour faire en sorte que ça ne soit pas
répétitif avec, par exemple, les enfants d'une même famille parce qu'au bout
de... On arrive avec une nouvelle...
Bon, on règle le cas de l'enfant X, et on arrive à notre délai, puis le cas est
réglé. Parfait. Trois semaines, un mois
plus tard, ça se reproduit. Alors, on ne voudrait pas qu'on utilise à nouveau
cette mesure-là parce que ça veut dire que, la première fois, on a peut-être fait fausse route, ce qui est possible. Et, dans
ce contexte-là, c'est pour ça qu'on dit, entre autres, que ce serait important
de baliser, pas de l'utiliser de façon...
Une voix : ...
M. Trahan (Dominique) : C'est ça. Entre
autres choses.
Mme
Charlebois : O.K. Il
faudrait que ce serait un maximum de 60 jours, entre autres. C'est ça que vous
voudriez voir.
M. Trahan
(Dominique) : Ça pourrait
être une façon. Parce qu'on sait aussi que c'est utilisé
administrativement. Alors, de l'intégrer à
la loi, ça peut être une bonne manière de mettre, justement,
déjà des balises et faire en sorte que les gens qui sont sur le
terrain à utiliser ces mesures-là ont des lignes directrices à suivre qui sont
importantes et qui sont définies à la loi.
Mme
Charlebois : Il ne me reste pas beaucoup de temps. J'ai une
dernière question, je veux faire vite. On parle d'améliorer le processus judiciaire. Dans votre mémoire,
vous nous indiquez que la visioconférence devrait être mieux balisée. Parlez-moi-z-en. Je ne veux pas élaborer,
là, dans ma question, je voudrais que vous me parliez de ça, notamment pour les populations autochtones. Vous savez, ça nous faciliterait...
Pas pour l'utiliser toujours... Je suis après élaborer, allez-y donc.
M. Trudeau
(Luc) : Il y a un certain danger pour la visioconférence, moi, je
trouve. Moi, je suis un praticien, hein, je vous le dis tout de suite, je suis sur le terrain, je plaide régulièrement, presque tous les jours, alors... Mais il y a un certain danger pour la visioconférence, il faut la baliser
également. Je ne vais vous donner qu'un seul exemple.
À un moment donné, je suis en
visioconférence avec un client qui est à l'extérieur. Moi, je suis devant le
tribunal, et mon client aurait aimé pouvoir me consulter parce que le dossier
prenait une tangente qui était un peu difficile, mais c'est très difficile de dire : M. le juge, «time out»,
là, ou Mme la juge, «time out», puis que tout le monde sorte de la salle, puis
je vais pouvoir parler. Alors, ça, c'est un
problème majeur lorsqu'on est en visioconférence, il y a des choses qui peuvent
être oubliées ou il y a des mandants qu'on peut mal respecter à cause de cette
espèce de distance. Oui, pour, exemple, des conférences
de gestion, moi, je n'ai aucun problème. Mais, quand ça commence à toucher un
peu plus ce qu'on touche... le fond, pour nous, ça devient un peu plus
complexe.
M. Trahan
(Dominique) : C'est sûr
qu'en matière d'urgence ça peut être utile et pratique, mais il y a aussi
l'aspect de... la protection de la jeunesse,
il y a un aspect important qui consiste à ce que la cour, le décideur, le juge,
puisse obtenir l'adhésion des parents et des enfants à la décision qu'il
est en train de rendre. Alors, dans ce contexte-là, c'est sûr que c'est plus
difficile.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, nous poursuivons les échanges
pour une période de 10 min 30 s avec le collègue de
Rosemont.
M. Lisée : Merci, M. le Président. Mes Trahan,
Trudeau, Brousseau, Aguerre et Le Grand Alary — c'est ça? — on s'est vus dans le train ce matin,
on a commencé, M. le Président, à discuter. Je m'étais rendu à Montréal hier
soir parce qu'il fallait que je sois au
Cinéma Beaubien, qui est dans mon quartier, pour le 15e anniversaire au Cinéma
Beaubien, et ils présentaient le film de Xavier Dolan Juste la fin du monde,
que je recommande chaudement, recommande chaudement.
Alors, maintenant que la publicité est faite — et je n'ai pas de parts là-dedans, c'est
juste que c'est un très bon
film — on a
commencé à discuter brièvement ce matin de cette question des familles de
proximité, et dont vous dites : Ça
ne sert à rien de le mettre dans la loi parce que, de toute façon, maintenant
c'est intégré dans la pratique, mais je pense vous avoir entendu dire qu'en fait ça alourdit le processus parce qu'il
faut revenir devant le juge. Ça, je n'ai pas compris pourquoi,
expliquez-moi.
M.
Trahan (Dominique) : Bien,
c'est dans l'état actuel du droit, l'enfant... Bon, il faut savoir que, le
mécanisme en protection de la jeunesse, le juge
arrive à une première décision qui dit : La sécurité et le développement
de cet enfant-là est compromis pour x
motifs, abus sexuel... je vais l'envoyer chez son grand-père. Le juge envoie
l'enfant là, et, en cours de route,
le directeur de la protection de la jeunesse décide de faire... il faudrait
faire évaluer ce grand-parent-là comme famille
d'accueil de proximité. Et donc, quand on va revenir, soit avant échéance de la
décision, en révision en vertu de l'article
95 pour faire modifier la décision, c'est ça, l'état actuel, puis, compte tenu
des jurisprudences, on a dit : Non, ce n'est pas nécessaire, cette personne-là va rester un grand-père, et non
pas une famille d'accueil de proximité. Alors, la...
M. Lisée : Il n'est pas
rémunéré?
M. Trahan
(Dominique) : Il est
rémunéré malgré tout, et on fait... C'est pour ça aussi que les juges le
refusent... Parce qu'il y a plusieurs juges
en première instance qui l'ont refusé parce qu'on a fait la preuve, avocats de
parents ou d'enfants, en interrogeant
les intervenants, que... et même les personnes qui s'offraient comme ressources
qu'ils étaient déjà rémunérés. Alors, en pratique, si ce n'est qu'un
vocable, ça n'amenait aucun changement.
M. Lisée :
O.K. Donc, vous dites que... Mais c'est parce que, lorsqu'au rendu de la
décision on accepte d'envoyer l'enfant
chez le grand-père, le grand-père commence à être rémunéré de facto, et, donc,
il est déjà considéré au moment de la décision comme une famille
d'accueil de proximité ou...
M. Trahan (Dominique) : Il est
considéré comme un grand-papa à qui on a confié un enfant.
M. Lisée : Comme un
grand-papa qui est rémunéré en attendant une décision. De toute façon, ça prend
une décision à savoir si on le laisse là ou si on l'envoie dans une famille
d'accueil.
M. Trahan (Dominique) : La décision
est rendue.
M. Lisée : Elle est rendue?
M. Trahan (Dominique) : Elle est
rendue, et le juge a dit : Je confie l'enfant X à grand-papa Y pour un an.
M. Lisée : O.K. Mais c'est parce que le directeur de la DPJ a considéré que le grand-papa
était apte à le recevoir?
M. Trahan (Dominique) : Pas
nécessairement. C'est pour ça que je vous disais tantôt... Je m'excuse de vous
interrompre...
M. Lisée : Je vous en prie.
• (12 heures) •
M. Trahan
(Dominique) : ...mais c'est
pour ça que je vous disais tantôt, un avocat d'enfant ou un avocat de
parent pourrait, contrairement au vouloir ou aux conclusions recherchées par le
directeur de la protection de la jeunesse qui seraient
d'envoyer cet enfant-là dans une famille d'accueil standard pour les fins de la
discussion... nous, comme avocats d'enfants...
ou un autre avocat de parents pourrait dire au juge : Non, on a quelqu'un
dans la famille élargie, grand-papa Y, qui est prêt à recevoir cet enfant-là, on va vous le faire entendre, et
vous allez voir que c'est une personne qui est en mesure, et apte, et capable de recevoir un enfant, et de
s'en occuper. Et là, si le juge considère qu'il a une preuve valable
devant lui, prépondérante selon les critères
de preuve, à ce moment-là le juge va pouvoir dire : Effectivement, moi, je me range plus vers cette solution-là qui m'est offerte par les
avocats et je vais confier l'enfant X à grand-papa Y, M. Untel, et là
on a une décision finale avec une échéance qui peut être d'un an, qui
peut être de six mois.
M. Lisée : Et est-ce qu'il y
a des cas où le directeur de la DPJ, lui, plaide une famille d'accueil
traditionnelle, l'avocat de l'enfant plaide pour le grand-père, et là c'est le
juge qui tranche?
M. Trahan (Dominique) : Oui, c'est
ça que je viens de vous mentionner.
Mme Brousseau (Catherine) : Ça
arrive régulièrement.
M. Lisée : Ça arrive
régulièrement.
Mme
Brousseau (Catherine) : Régulièrement, puis je vous dirais même, la
vie n'étant pas linéaire, là, prenons votre
exemple, admettons que l'enfant est confié à son grand-père pour un an, le DPJ
a six mois pour évaluer quelqu'un comme
famille d'accueil de proximité. Alors, dans le une année, la DPJ pourrait
décider d'évaluer ce grand-père-là puis de dire : Oui, je
l'accrédite. Est-ce qu'il va falloir, même si la durée d'un an n'est pas
terminée, revenir au tribunal pour faire changer le vocable? Ça ne sert
absolument à rien, d'où les délais.
Et je vous rajouterais
même, prenons l'exemple où, justement, ce grand-papa-là a été accrédité famille
d'accueil, mais, pour x nombres de raisons,
son accréditation lui est retirée. Est-ce qu'on va encore revenir à la cour
pour dire : Ah! bien, je m'excuse, M. le juge, il n'est plus
famille d'accueil de proximité, vous allez le remettre grand-père?
M.
Lisée : Alors, est-ce qu'il y a une façon... Parce que je
comprends la volonté de la ministre de dire : Bon, bien, on veut mettre dans la loi le fait que les familles
d'accueil de proximité peuvent être considérées au même titre que les familles d'accueil traditionnelles. Je comprends
que vous dites que de faire ça, en fait, ça alourdit le processus plutôt
que de l'alléger. Est-ce qu'on ne peut pas
plutôt aller ailleurs dans la loi puis les règlements pour alléger le
processus, pour éviter ce que vous dites?
M. Trahan (Dominique) : Bien, c'est
ce qu'on suggère, de le faire par un autre moyen qui pourrait être
réglementaire, point final, et dire : Il y a une rémunération.
M. Lisée : Oui, mais, je veux
dire, en le laissant dans l'article de loi, c'est la volonté d'affirmer cela,
mais de corriger les lourdeurs que ça provoquerait si rien d'autre n'était
modifié.
Mme Brousseau (Catherine) : À mon
sens, ça ne peut pas fonctionner.
M. Lisée : Vous ne voyez pas
comment ça peut se faire.
Mme Brousseau (Catherine) : Non.
M. Lisée : O.K. Je passe à un
autre sujet.
M. Trahan
(Dominique) : C'est parce que
c'est un petit peu comme... Je ne vous dirai pas que c'est le
même parallèle, mais, à un moment donné, un enfant va être dans sa famille élargie, la famille élargie n'existe
plus, on va penser à des familles d'accueil.Mais une famille
d'accueil n'est pas une famille élargie.
M. Lisée : Oui, je comprends.
M. Trahan (Dominique) : C'est ça.
M. Lisée : Mais on pourrait mettre soit dans la loi soit
dans les règles d'interprétation le fait que, si l'enfant a été placé par le juge chez le grand-père, le
grand-père est automatiquement désigné famille d'accueil de proximité, et on
n'a pas à revenir six mois après. On pourrait décider de faire ça.
M. Trahan (Dominique) : Dans un règlement,
exact.
M. Lisée : Oui, oui, dans un
règlement, donc. Parce que moi, j'aime bien l'idée de mettre dans la loi cette notion-là — je ne veux pas que ça n'alourdisse
rien — parce
que ça envoie un signal. Alors, vous dites aussi : Il y a des cas où ce n'est pas une bonne idée. Hein, vous dites ça, il y a
des cas... il y a des craintes découlant
d'institutionnalisation et qu'il y a eu des cas où, en fait, ce n'était pas le bon
choix. Mais ça, c'est soit le juge qui s'est trompé ou les informations n'étaient pas bonnes. Je veux dire, on n'a pas de
raison de faire une règle générale
disant que c'est moins bien. Mais moi, comme
père puis membre d'une famille comme chacun d'entre nous, je disais :
Bien, il me semble que, toutes choses étant égales par ailleurs, ce
serait toujours mieux que ce soit dans une famille de proximité, non?
Mme
Brousseau (Catherine) : Bien, en fait, on s'entend là-dessus, mais
c'est le vocable qui nous dérange, dans le fond. Parce que tout le monde, on s'entend que la gradation, c'est de
laisser l'enfant dans son milieu avec ses parents. Si ce n'est pas possible, c'est de le laisser dans sa
famille élargie et que ce n'est qu'en dernier recours qu'on va aller vers
la famille d'accueil. Mais nous, on
dit : Quand on est avec la famille élargie, pourquoi aller inclure dans la
loi la notion de famille
d'accueil? Parce que ça, ça a une connotation, famille d'accueil, ça vient avec
tout autre...
M. Lisée : Oui, accréditation,
et tout ça. Je comprends ce que vous dites.
Mme Brousseau (Catherine) : Et tout
ça. C'est là, l'institutionnalisation, là, en fait.
M. Trahan (Dominique) : Puis c'est
ça, l'étatisation aussi.
M. Lisée : Très
bien. Maintenant, je veux revenir là-dessus,
est-ce qu'il y a un cas... Bon, par exemple, on m'a donné des cas où un enfant avait été placé tôt
dans une famille d'accueil, O.K., les cinq premières années, et, au bout
des cinq ans, la mère biologique a réglé ses
problèmes de santé
mentale ou de toxicomanie, reprend
l'enfant et, après un an et demi,
elle retombe. Bon. Et là la question qui doit être posée : Est-ce qu'après cinq ans dans une famille
d'accueil qui serait même prête à
adopter... Est-ce que le principe de dire : Ah! mais la mère a toujours préséance, même si elle a été
absente, d'après vous, c'est sacré?
M. Trudeau
(Luc) : Donc, je vais vous
répondre. Premièrement, votre illustration... serait très difficile en
droit de convaincre un juge qu'après cinq
ans, lorsque l'enfant est confié dans une famille d'accueil, que l'on doit
déplacer cet enfant-là parce que,
surtout si l'enfant est en bas âge, il aura créé ces liens, et c'est très
difficile... Je vois mal comment la cour... Je ne vous dis pas que c'est impossible, mais
moi, je devrai me lever très tôt... Comme je représente souvent des
grands-parents également, là, puis ça arrive à l'effet qu'on se les fait
confier, mais je devrais me lever très tôt pour convaincre le juge de déplacer l'enfant alors qu'il a cinq ans. Donc, à ce moment-là, votre réponse, bien, c'est presque utopique, là, de penser
qu'on va déplacer cet enfant-là.
M. Lisée : C'est intégré dans
la jurisprudence, et l'intérêt de l'enfant prime à ce moment-là.
M. Trudeau (Luc) : Ah oui! Tout à fait.
Oui, tout à fait.
M. Trahan
(Dominique) : Les seules situations...
Et je me permettrais de rajouter : En 2007, les amendements visaient, justement, à éviter ces ballottements-là de l'enfant, et les
projets de vie puis les placements à durée déterminée, l'article
91, ont été amenés et intégrés à la loi, puis ils avaient pour objectif
d'éviter ça. Les seules situations où ça pourrait peut-être arriver, c'est si,
dans la famille d'accueil, il arrive quelque
chose, et puis cette famille d'accueil
là éclate. Là, il faut revenir devant
la cour possiblement, et regarder, puis peser ce qu'il y a dans la balance,
puis comment les gens... Alors, des fois,
les parents pourraient lever la main et dire : Bien, je serais intéressé à
le ravoir s'il y a eu des contacts de maintenus. Mais, s'il
n'est rien arrivé entre-temps, les exemples sont assez rares.
M. Lisée : Très
bien. Et, pour Angelina Jolie, est-ce que
c'est normal qu'elle ait la garde des enfants à temps plein?
M. Trahan (Dominique) : Bien, il
faudrait demander à Brad.
M. Lisée : Merci, M. le
Président.
Le
Président (M. Tanguay) :
Bien, merci beaucoup. Alors, sur ce grand bond en avant que nous
venons de faire, je cède la parole pour une période de sept minutes à
notre collègue de Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger : Merci,
M. le Président. Bonjour à vous cinq.
Tout d'abord, je voudrais commencer avec une question que j'ai aussi posée hier. On n'en parle
pas, je voudrais savoir votre opinion, surtout au niveau de la procédure
judiciaire, si ça alourdit ou non. C'est-à-dire que les familles d'accueil, actuellement — je
fais le lien avec la loi de l'Ontario — n'ont aucune... Dans le fond, moi, ce que je
voudrais peut-être, c'est d'amener que les familles d'accueil, quand il y a plusieurs mois qu'elles hébergent un
enfant chez elles, soient aussi considérées dans le processus
judiciaire. Actuellement, elles ne font pas
partie. Le juge le peut, à sa guise, mais ce n'est pas automatique. Je voudrais
savoir, sur ce point-là précisément, qu'est-ce que vous en pensez,
là-dessus.
M. Trudeau
(Luc) : Alors, je vais vous répondre parce que j'anticipais votre
question, monsieur. Je ne crois pas qu'il
serait nécessairement opportun d'amender la loi pour penser, exemple... ou pour
mentionner qu'une famille d'accueil de
proximité pourrait être déclarée partie — je pense que c'est ce que vous faites
référence — pour
intervenir dans le débat judiciaire.
Pourquoi? Parce que ces personnes-là, qui, théoriquement, ont un statut neutre,
en passant, hein... Quand vous intervenez
dans un procès, votre neutralité peut être un peu diluée. Mais, ceci étant dit,
toute famille d'accueil pourrait demander au tribunal d'être entendue,
entre autres comme personnes intéressées, en vertu de l'article 6 de la loi et l'article 81 de la Loi sur la protection de la
jeunesse ou, si vraiment elles
correspondent aux nouveaux critères de 81 qui font suite aux modifications
de 2006, elles ont l'intérêt d'être déclarés partie.
C'est
possible, toute personne peut le demander. Ce n'est pas juste les
grands-parents, les oncles, les tantes, ça peut être ces gens-là. Bien, de les inclure, je pense que ce n'est pas une
idée de les inclure dans la loi parce
que c'est déjà prévu. Un peu comme notre prémisse, c'est prévu, ce
mécanisme-là. Et, en plus, ça viendrait causer, à mon avis, une
multiplicité des intervenants devant la cour
avec tout ce que ça comporte, dont, entre autres, prendre connaissance d'un dossier, prendre connaissance de ce que sont les parents,
des problématiques psychologiques, même si le juge... Mais là je vais vous faire grâce, là, mais le juge pourrait... certains
rapports psychologiques, être évités d'être transmis. Mais, à mon avis,
ça va alourdir le débat inutilement. Et, comme je vous dis, ces personnes-là, à mon avis,
n'ont pas nécessairement les dispositions nécessaires pour être
déclarées parties, mais cette neutralité-là, elles ne l'auront plus vis-à-vis
l'enfant parce qu'elles participent au débat. Et, pour moi, ça me dérange un
peu.
• (12 h 10) •
M. Trahan (Dominique) : Il faut
savoir aussi qu'au départ, bien, comme ça a été mentionné, les parties à un dossier de protection de la jeunesse, bien, c'est
la DPJ, papa, maman ou papa, ensemble s'ils sont ensemble. Mais même,
des fois, ils ont des intérêts opposés à certaines conclusions. Après ça, les
enfants. S'il y a trois enfants dans la même famille, bien, les trois enfants
sont parties à la cause. Alors, quand on parlait tantôt, pour certains autres
mécanismes, d'alourdir le processus,
il est sûr qu'une telle demande qui pourrait se faire et rajouter une partie de
façon automatique à chacun des dossiers, bien, ça cause un problème, ça
cause ce problème-là.
Mon collègue
vous parlait aussi de la neutralité, mais je dois vous dire qu'il nous arrive
aussi, comme avocats d'enfants, à
l'occasion, en préparation d'une cause concernant un de ces enfants-là, de
dire : Bien, cet enfant-là est en famille d'accueil, je dois lui
parler puis je dois aussi discuter avec la mère d'accueil, le père d'accueil
pour savoir un peu ce qui se passe puis voir
si ce que je lis dans les rapports, c'est conforme à la réalité puis s'il y a
d'autres perceptions, d'autres visions de la chose. Alors, il y a plein
de façons déjà prévues pour que ces personnes-là puissent intervenir dans le
dossier.
Mme
Brousseau (Catherine) :
J'ajouterais même que, quand on veut confier un enfant à long terme dans
une famille d'accueil, la directrice ou le directeur de la protection de la
jeunesse a l'obligation de faire la preuve que le projet de vie qu'il propose a du bon sens puis est viable à long terme. Alors, ce n'est pas rare que les familles d'accueil viennent témoigner, viennent nous dire comment ça
se passe avec l'enfant, qu'ils sont prêts à s'investir à long terme avec cet enfant-là, comment ça se passe au retour des contacts si les parents ont
des contacts avec les enfants. Donc, souvent, les familles viennent témoigner, que ce soit le DPJ
qui les demande, que ce soient les avocats des enfants qui les
demandent. Ou, des fois, même les parents
ont des contacts avec les familles d'accueil, ils s'entendent bien puis ils
vont demander aux familles d'accueil
de venir témoigner. Alors, moi, je pense que, dans tout le processus,
là, ils sont au coeur, et on les consulte assez régulièrement, les
familles d'accueil, là.
M. Trahan (Dominique) : Il peut y
avoir aussi des éléments de confidentialité qui peuvent être importants à protéger, et ça pourrait peut-être faire en sorte
qu'un élément désagréable connu fasse qu'on se désinvestisse, qu'on
dise : Ah! moi, je ne prendrai pas le
risque parce que papa puis maman sont très dérangeants, puis ils vont toujours
venir sonner à la porte chez nous
comme famille... Alors, des fois, si c'est des choses... Je donne cet
exemple-là, là, mais ça peut être des situations où est-ce qu'il est
préférable de protéger aussi la confidentialité.
M.
Schneeberger :
Ça fait que, selon vous, la loi de l'enfance au niveau de l'Ontario, ce n'est
pas la meilleure approche.
M. Trahan
(Dominique) : Bien, il y a
des mécanismes différents que la nôtre. On est «ward of the court», etc.
Alors, à un moment donné, si la famille
d'accueil... une famille d'accueil qui reçoit un enfant jusqu'à sa majorité,
parce que la loi le permet, mettons, un
enfant de sept ans, par exemple, et c'est sûr que, la fois suivante, la famille
d'accueil qui s'est fait confier cet
enfant-là, sept ans plus tard, l'enfant a des problèmes à l'adolescence, puis
là la famille d'accueil n'est plus capable
parce que les problèmes sont trop sérieux... bien, c'est sûr que la famille
d'accueil, dans ce contexte-là, pourrait certainement utiliser les
mécanismes qui sont déjà prévus à notre loi pour être considérée comme étant
une partie au dossier puis avoir les mêmes avantages que les autres parties.
Puis ça, on l'a déjà.
M.
Schneeberger :
Quand il y a des procédures judiciaires sur des cas particuliers, vous, comme
avocats, en même temps, vous prenez
le document qui a été fait par la travailleuse du centre ou le
travailleur — mais
c'est quasiment toutes des femmes,
c'est pour ça que je l'appelle travailleuse — est-ce que vous vérifiez si les faits sont
justes ou vous vous basez simplement sur ce qui est écrit là?
Mme
Brousseau (Catherine) : Ce qu'il faut savoir... En tout cas, moi, je
représente des enfants, là, c'est pas mal ça, ma pratique. Je représente des parents, mais surtout des enfants,
j'en rencontre peut-être 200, 300 par année. S'ils ont en haut de six ans, habituellement je les
rencontre personnellement, que ce soit à l'école... Je vais aller à l'école, si
je croise le directeur, je vais poser
des questions. Si l'enfant va être confié dans son milieu d'accueil jusqu'à 18
ans, je vais me déplacer dans la
famille d'accueil, je vais aller jaser avec eux. C'est certain que, s'il y a
des éléments, des fois je peux parler avec
les avocats des parents. S'ils me disent : Oui, dans le rapport, il y a
des choses, je ne suis pas sûr que c'est... je vais aller vérifier, puis
on va parler. Puis les intervenants viennent témoigner, on contre-interroge, on
pose des questions. Le rôle de l'enfant, c'est ça, là.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, nous vous remercions, représentantes, représentants du Barreau
du Québec. Alors, je suspends nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 12 h 15)
(Reprise à 12 h 19)
Le Président (M. Tanguay) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos travaux et accueillons maintenant
les représentantes, représentants de la Confédération
des syndicats nationaux. Bienvenue à
votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de
présentation. Par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Pour les fins d'enregistrement, je vous
demanderais de bien prendre le temps de vous nommer et de préciser vos
fonctions. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous.
Confédération des
syndicats nationaux (CSN)
M. Lacharité (Jean) : Merci, M. le
Président. Alors, je suis Jean Lacharité. Je suis vice-président de la CSN, entre
autres responsabilités, responsable des politiques de santé et de services
sociaux. Je suis accompagné de Mme Marjorie
Houle, dont c'est l'anniversaire aujourd'hui, qui est conseillère au module recherche du
service des relations du travail de
la CSN, Mme Mélissa Gaouette, qui est vice-présidente
de la Fédération de la santé et des services sociaux, affiliée à la CSN, Me Anne Pineau, à mon extrême
gauche, qui est adjointe au comité exécutif de la CSN, et Mme Nancy
Corriveau, qui est vice-présidente de la Fédération des professionnels,
affiliée à la CSN.
• (12 h 20) •
Alors,
Mme la ministre, Mmes et MM. les
parlementaires, on vous remercie infiniment d'avoir accepté de nous recevoir, de nous entendre ici aujourd'hui parce
que, d'entrée de jeu, je dois vous dire qu'on représente la quasi-totalité
des personnels professionnels et techniciens
des centres jeunesse. On représente ces personnels-là dans 12 des 14
centres jeunesse au Québec, pour un total de
7 500 membres. Donc, je pense que c'était important pour nous de bien les représenter et de
venir témoigner devant la commission sur le projet de loi n° 99.
Je dois vous
dire d'entrée de jeu que le cadre législatif existant est déjà
assez important si on regarde au niveau international. D'abord, la Convention relative aux
droits de l'enfant, qui a été, d'ailleurs, ratifiée par le Canada
en 1991 et dont le Québec a
reconnu être lié par cette convention, c'est une convention internationale
importante pour la protection des droits
des enfants. Si on pense par
ailleurs, au niveau québécois,
à la Charte québécoise des droits et
libertés de la personne, qui protège également
les enfants, à la Loi de la protection de la jeunesse au Québec,
qui vise la protection des droits des enfants, donc on a déjà un cadre
législatif assez important au Québec sur cette question-là. Et s'ajoute maintenant
aujourd'hui le projet de loi n° 99, dont on veut saluer, d'ailleurs,
deux éléments majeurs, notamment le fait de favoriser l'implication des
communautés autochtones et la préservation de l'identité culturelle des enfants
membres de telles communautés. Ça, on tient
à le saluer, Mme la ministre et Mmes, MM. les parlementaires. Et on veut
saluer également la modification de la loi qui reconnaît l'exploitation
sexuelle comme une forme d'abus sexuel.
Alors, en ce sens, le projet de loi n° 99
nous apparaît prometteur à ces égards-là. Cependant, il faut situer l'atterrissage de ce projet de loi dans un contexte, à notre avis, plus global qui est le contexte d'un
chambardement majeur du réseau de la santé et des services sociaux suite
à l'adoption de la loi n° 10. On l'avait mentionné au moment de la commission parlementaire sur la loi n° 10. Pour nous, on
émettait d'énormes craintes à l'effet qu'on donne prédominance à partir des modifications de structures en
créant des mégastructures hyper centralisées, qu'on donne préséance au
curatif plutôt qu'au social. On a des
craintes à l'effet que les missions jeunesse, notamment, ou toutes les
missions sociales soient diluées dans ces mégastructures. Et, en plus,
dans un contexte d'austérité où on doit subir d'énormes compressions budgétaires, je pense qu'on ne peut pas faire
abstraction de ce contexte-là quand on regarde et quand on analyse l'ensemble
du projet de loi.
Alors, je reviens aux bons coups du projet de loi,
faciliter l'implication des communautés autochtones et la préservation de l'identité culturelle. Quand on
sait que 3 % des enfants de 0 à 14 ans sont des autochtones au Québec et qu'ils représentent 15 % des
enfants de cette même tranche d'âge à être confiés aux services sociaux, il y a
là une indication qu'on doit mettre les
bouchées doubles pour la protection des enfants autochtones. Mais, en même temps, ce qui est dans le projet de loi est très bien. Mais il va falloir qu'on s'attaque définitivement aux
déterminants sociaux de la santé de ces
communautés. Et ça, ça veut dire d'autres gestes à poser par le gouvernement, notamment en réinvestissant dans une série de mesures, mais aussi en associant les
communautés autochtones à la définition de ces mesures. Ce n'est pas
tout de les impliquer dans une consultation, il va falloir, à notre avis, que
l'ensemble des communautés autochtones soient associées
à l'ensemble de la démarche et à l'ensemble
des mesures à mettre en place pour améliorer
une situation qui, à notre avis, est tout à fait inacceptable.
D'ailleurs,
la Commission de vérité et de réconciliation a conclu en 2015 que le Canada a
participé à un génocide culturel,
hein, et je cite. Alors, il faut absolument qu'on corrige cette situation-là et
il faut qu'on associe les communautés à la définition des mesures qui les concernent. À notre avis, il y a là...
je ne sais pas si c'est une carence au niveau du projet de loi, mais, à tout le moins, il va falloir, dans
les mesures à mettre en place, qu'ils soient directement associés à la
définition de ces mesures.
Quant à la
reconnaissance de l'exploitation sexuelle comme une forme d'abus, bien, pour la
CSN, la prostitution, ça a toujours constitué une forme de violence et d'exploitation
envers les femmes. Et, déjà en 2013, le ministère de la Sécurité publique dévoilait un rapport qui nous recensait 437
victimes de prostitution, dont 91 %
étaient de jeunes femmes, et 39 % des victimes d'âge mineur. Ça, ce
sont des chiffres absolument alarmants pour nous. Alors, en ce sens-là, le fait
de reconnaître comme une forme d'abus
sexuel, c'est un pas en avant important. J'ajoute que le SPVM, en 2015, a
signalé 1 800 dossiers de disparition,
et, de ce nombre, près de 1 300 de ces filles fréquentaient des centres
jeunesse. Alors, ça aussi, c'est assez alarmant.
Donc, nous,
on pense que cette mesure doit impérativement être assortie d'un
réinvestissement majeur dans les centres
jeunesse. D'ailleurs, le vérificateur Lebon, que le gouvernement avait mandaté
pour analyser certaines situations de crise,
a dit dans son rapport qu'il est futile... Et je le cite : «Il est futile
de penser réduire les fugues ou mieux accompagner les jeunes filles en cause s'il y a en même temps
fugue/fuite du financement et des compétences.» Ça nous apparaît là un
message déjà très clair.
Je reviens sur les impacts de la loi n° 10
sur les centres jeunesse. Les centres jeunesse sont des organismes publics qui offrent des services de deuxième
ligne, soit des services psychosociaux d'intégration sociale aux jeunes,
à leur famille et aux mères en difficulté.
Nous, on pense que le projet de loi n° 10 a exacerbé la place de l'hôpital
au détriment des services de deuxième
ligne, et ça, ça nous apparaît extrêmement majeur. Et, d'ailleurs, on n'a pas
été les seuls à dire ça en commission
parlementaire sur le projet de loi n° 10, loin de là, loin s'en faut, des
collectifs d'universitaires l'ont mentionné également, toute une série de groupes également. Donc, il y a un
contexte là où on va vouloir protéger de façon très serrée les missions jeunesse, tant au niveau du
financement qu'au niveau de la mission comme telle et de la protection des
sommes qui sont dédiées aux centres jeunesse.
Ça, ça
m'amène au sous-financement et aux compressions dans les centres jeunesse. 2015‑2016,
20 millions de compressions. On ne peut pas se fermer les yeux. Et
mes collègues vont pouvoir vous donner des exemples concrets sur le terrain, les
intervenantes sont forcées de faire plus avec moins dans un contexte où le
nombre de signalements augmente, dans un
contexte où les cas sont de plus en plus complexes, de plus en plus lourds, et
avec moins de financement, et avec
des compressions. Ça, pour nous, ça ne fonctionne pas, et, évidemment, ce que
ça entraîne, c'est une hausse de la charge de travail, un alourdissement de la charge,
de l'épuisement professionnel, et un taux de roulement de personnel très élevé, puis des difficultés de rétention du
personnel dans les centres jeunesse. Et ça a d'ailleurs été souligné,
encore une fois, par M. André Lebon dans son
rapport, il a été très clair dans ses conclusions à cet effet-là, donc il faut
réinvestir, à notre avis. Il faut cesser les
compressions d'abord et réinvestir dans les centres jeunesse si on veut livrer
la marchandise, si on veut que l'État québécois assume ses
responsabilités à l'égard de la jeunesse.
Je vous
signale un autre élément. On vise une cible de huit jours entre le signalement
et la première intervention. Selon les régions du Québec, on est entre
15 et 71 jours. Ça, c'est carrément inacceptable parce que ça compromet le
développement de l'enfant et ça risque d'entraîner des coûts sociaux nettement
plus élevés pour l'avenir.
Donc, on vous
fait trois recommandations : un, que le gouvernement du Québec
réinvestisse massivement dans le réseau de la protection de la jeunesse,
notamment dans les centres jeunesse, afin que ces derniers puissent remplir la mission que leur confie la loi; deux, que le
gouvernement prenne les mesures pour que les sommes dédiées à la
protection de la jeunesse soient utilisées
en exclusivité à cette fin par les établissements, qu'il assure la traçabilité
des budgets alloués de manière à
garantir la protection de la mission des centres jeunesse; et que le
gouvernement tienne des états
généraux sur la situation
des jeunes en difficulté du Québec ainsi que sur les services sociaux qui leur sont
offerts. Il y a eu des demandes d'enquêtes...
• (12 h 30) •
Une voix : ...
M. Lacharité (Jean) : Une minute, je
termine là-dessus. Il y a eu des demandes d'enquêtes dans un certain nombre de centres jeunesse, mais là on fonctionne
à la pièce. Nous, on pense qu'on a besoin d'une vision globale, et c'est
ce pourquoi on veut des états généraux où l'ensemble
des intervenants et des acteurs dans le milieu devraient être consultés.
Je vous remercie de votre attention.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Lacharité. Alors, nous avons donc empiété sur la période de
temps dévolue à la ministre, donc place aux échanges pour encore
14 minutes.
Mme
Charlebois : Alors, merci de votre présentation de mémoire, M.
Lacharité, Me Gaouette, Mme Corriveau et
Me Pineau. Merci de vous être déplacés et de venir échanger avec nous. Je vois
qu'on est tous sur la même longueur d'onde,
on veut bien protéger nos enfants au Québec. Juste signaler d'entrée de jeu, là, que...
Puis je ne veux pas avoir l'air d'une
personne déconnectée, là, parce que je fais beaucoup de terrain. Puis je suis une mère, une
grand-mère, moi, là, avant d'être
n'importe quoi, là, avant d'être une députée puis une ministre, là, et j'y vais, dans les centres jeunesse. Pour
votre information, j'ai de la famille qui travaille dans les
centres jeunesse, ça fait que je ne suis pas déconnectée des centres jeunesse, je suis connectée en permanence. Ce que
j'ai le goût de vous dire d'entrée de
jeu, c'est : On travaille tous
pour le bien collectif de ces enfants-là. Et
savez-vous quoi? Quand les enfants sont rendus là, là, c'est parce que...
ce n'est pas la majorité des enfants du Québec, mais ceux qui sont là
ont besoin de nous. Ça, j'entends ça, puis on partage la même opinion là-dessus.
Qu'on dise qu'il y a des compressions énormes,
et tout, moi, je veux vous parler d'optimisation. Puis, quand vous me parlez de la loi n° 10,
j'accepte qu'on n'ait pas la même lecture parce que c'est ça, la démocratie, hein, on a le droit d'avoir des opinions différentes, chacun
d'entre nous. Mais moi, je fais les centres jeunesse, en Outaouais
notamment, et ailleurs. Mais, en Outaouais,
c'est encore plus frais dans ma mémoire, ils m'ont dit à quel point ils étaient
contents, là, d'avoir la première ligne avec
la deuxième ligne et de partager les expériences, puis ils souhaitent même un
rapprochement encore plus grand. Moi, c'est
ce qu'on m'a rapporté en Outaouais. Puis mon adjointe parlementaire était avec
moi, tu as dû entendre les mêmes propos que moi.
Puis, comme
je vous dis, je ne suis pas débranchée du réseau, je suis même allée donner une
formation sur le projet de loi la
semaine dernière à l'Université du Québec en Outaouais, à Saint-Jérôme, puis il
y avait toutes sortes de monde dans la salle, puis j'entends plein de
points de vue.
Quand on me parle de reddition de comptes puis
de s'assurer que les sommes sont bien dévolues aux services jeunesse, un, il n'y a pas 20 millions de
coupures, il y a eu de l'optimisation parce que, justement, on a fait un
rapprochement entre la première ligne et la deuxième ligne pour un
meilleur partage d'information. Puis des postes qui font la même chose deux fois, on a préféré investir ailleurs
pour ces enfants-là. Mais c'est du déplacement de personnel, puis vous
êtes... CSN, vous savez très bien comment ça
marche, le bumpage à l'intérieur du réseau, je m'en suis fait parler la semaine
passée à Saint-Jérôme par du monde qui travaille en centre jeunesse.
Pour ce qui
est de la difficulté de rétention du personnel, j'ai justement répondu à une
personne pendant que j'étais là et je
lui ai fait admettre... Une intervenante du centre jeunesse, j'ai dit :
Dites-moi et prouvez-moi que c'est nouveau, depuis la loi n° 10, qu'il y a eu des difficultés de rétention de
personnel dans les centres jeunesse. Elle m'a dit : Vous avez
raison, elle dit : Ça date d'il y a longtemps. C'est difficile, dans les
centres jeunesse, les intervenantes aiment mieux travailler en première ligne, moins difficile. Alors, j'ai dit :
Réfléchissons à améliorer la situation pour qu'on puisse garder notre
personnel dans les centres jeunesse.
Moi, je suis avec vous là-dessus, sur la
dernière partie de mon commentaire, mais on est en désaccord sur la première partie. Je veux vous répéter, là, que,
dilué dans des mégastructures, non. Vous pourrez parler au directeur de protection
de la jeunesse que j'ai rencontré avec les P.D.G. d'établissement, ça a été
fait exprès pour que les P.D.G. d'établissement
soient bien conscients que je suis ça à la lettre et qu'il y a reddition de
comptes des budgets. Non seulement on
budgète en début d'année des sommes, mais savez-vous quoi? À la fin de l'année,
ma job à moi et à tout le personnel du ministère, là, tous ceux qui sont
assis derrière moi et à côté de moi, c'est de nous assurer que, si on dit tel
montant en services
jeunesse, bien, que ça soit exactement dédié là, et c'est prévu dans la loi,
ces sommes-là. Alors, moi, je ne peux pas laisser des choses se dire
comme ça, puis que ce n'est absolument pas vrai, je ne peux pas laisser ça
aller.
Quand vous me
parlez de la population autochtone, là on est plus d'accord, je suis obligée de
vous dire ça. Mais, quand on parle
des déterminants de la santé, je suis d'accord qu'il faut investir davantage
là-dedans. Et je ne sais pas si vous connaissez
le projet Saqijuq, qu'on a avec la population inuite, ça sert justement à ça,
et la population là-bas a décidé de se prendre
en main et de faire en sorte qu'il y ait un programme de prévention. Et vous
savez que je vais bientôt déposer une politique
de prévention, je vais vous inviter. Ça va être intéressant parce qu'on va
toucher à l'ensemble de la population du Québec. Notamment, il y aura un
segment qui va s'adresser aux populations autochtones.
Ceci étant
dit, j'ai fait mon préambule, qui allait avec votre argumentaire, puis j'aurais
bien d'autres choses à dire, mais... Puis je veux juste vous dire que le
mot «austérité», dans ma tête, moi, là, là, ça veut dire coupures de budgets. Il y a un autre pays qui a fait ça, là, pour ne
pas le nommer, là, la Grèce. Eux autres, ils coupaient dans les budgets.
Mais, en services jeunesse, on n'a pas coupé dans les budgets, on a augmenté
les budgets avec les années, j'ai des tableaux qui prouvent l'affaire.
Mais, quand
je vous ai tout dit ça, puis vous avez fait ce plaidoyer-là, on n'a rien fait
pour les jeunes encore, alors parlons
donc des amendements qu'on pourrait déposer ou des choses qu'on pourrait
bonifier dans le projet de loi. On a entendu
plein de personnes parler de plein de choses. Pour les fugues, que pensez-vous
de l'encadrement intensif? Que pensez-vous
de la porte barrée qui est à Laval, mais qui n'est pas barrée, l'entre-deux?
Comment vous voyez l'application d'une
mesure intermédiaire? Et qu'est-ce que vous pourriez nous suggérer? Avez-vous
réfléchi à des choses qui pourraient nous être utiles à mentionner dans
le projet de loi?
M.
Lacharité (Jean) : Bien, sur
votre dernière question, je vais laisser les intervenantes terrain, les vice-présidentes
répondre à cela. Elles vont être beaucoup plus compétentes que moi, je ne suis
qu'un petit économiste, là, moi.
Mais je veux
revenir sur un certain nombre de choses. Quand vous nous dites que les sommes
dédiées à la jeunesse sont nettement protégées, je regrette, mais la
commission, à l'étude des crédits budgétaires, à une question de M. Lisée,
qui est ici présent, le sous-ministre adjoint aux finances, M. François Dion,
dit : «...compte tenu [qu'un] CISSS a intégré tous les domaines d'activité — comme
vous l'avez mentionné, là, hein, c'est
ça, l'objectif — [toutes] les missions, on n'a plus spécifiquement un budget au niveau du centre jeunesse proprement dit.» C'est la réponse du sous-ministre adjoint aux finances. «Tout
ce que je peux vous donner — en
répondant à M. Lisée — [tout]
ce que je peux vous donner — il répète — c'est la référence que vous avez en page 14
des crédits comme tels, qui touche le volet Jeunesse. Mais, proprement
dit, ce qu'il y avait autrefois, le volet Centres jeunesse, avec ses
composantes administratives et de soutien,
on n'a plus cette information de façon précise.» Alors, si le sous-ministre
adjoint aux finances répond ça, je ne vois pas comment on peut affirmer
que tout est bien ficelé et bien protégé.
Mme
Charlebois :
C'est parce que maintenant la loi dont vous décriez, la loi n° 10, fait
que la première ligne et la deuxième ligne sont ensemble, alors les
services jeunesse sont englobés. Lui, la question qu'il posait, c'était sur les
centres jeunesse, mais les centres jeunesse
sont englobés avec les services jeunesse de première ligne. C'est pour ça
que M. Dion n'a pas pu différencier.
Puis, tant
qu'à rectifier quelque chose, je vais rectifier quelque chose d'autre.
Amicalement toujours, là, je suis une passionnée
de mes affaires. Quand vous m'avez parlé de M. Lebon tantôt, je vous
invite à lire complètement... Parce que mon collègue d'en face aussi fait ça parfois, d'oublier de lire des
morceaux de paragraphe. À la page 30 du rapport Lebon, 7.5, c'est écrit : À prévenir
absolument — prévenir,
ce n'est pas un constat, là, c'est de la prévention — les fugues du financement et des
compétences. Et là, dans son texte, il parle au conditionnel, etc. Oui, vous
avez choisi de lire la ligne en gras. Mais,
honnêtement, «il serait illusoire de penser qu'on peut respecter les conditions
de succès en même temps qu'on réduit
les engagements financiers». Mais référez-vous au premier paragraphe, toujours
depuis le début, «à prévenir absolument». Il n'a pas dit : Je
constate que le financement est en fuite. Il a dit : Il faut prévenir ça.
Et soyez assuré que la personne qui vous regarde
va tout faire pour protéger ça parce que ce sont nos enfants, et il n'y a pas personne ici, dans toute la salle,
y compris moi, qui n'a pas à coeur les jeunes au Québec. Vous comme moi,
comme les députés de l'opposition, il n'y a
pas un collègue ici qui n'a pas à coeur les jeunes du Québec, notamment
ceux qui sont en difficulté. Alors, vous
pouvez vous assurer que, la partie ministérielle, on est là puis on va suivre
ça, puis c'est convenu avec le
ministre de la Santé qu'il n'y a pas une cenne qui va sortir des programmes
jeunesse dans l'ensemble, là. Il ne
faut pas que vous commenciez avec des affaires, des articulations, parce qu'on
l'a mis ensemble, parce qu'on croit, nous, que la première ligne doit
travailler avec la deuxième ligne pour éviter que, s'ils ne sont pas traités en
première ligne, ils vont se ramasser en deuxième ligne. Puis ça, ça m'a été
prouvé. Bien, j'aimerais ça entendre madame sur la deuxième question.
M. Lacharité (Jean) : Mme la
ministre, je ne vous accuse pas d'être de mauvaise foi, là, ce n'est pas ça que
je suis en train de faire, mais je vous dis
que vous êtes située dans un contexte de compressions budgétaires qui est
dans un contexte d'hypercentralisation où vous nous parlez d'intégration de
toutes les lignes, de la première, de la deuxième ligne, etc., du curatif et du social. Moi, je vous dis que, dans un contexte de compressions
budgétaires, vous ne me ferez pas croire que, quand ça saigne à l'hôpital,
on risque fort de dévier des sommes d'argent vers ça plutôt que vers le social.
Moi, c'est ma...
Une voix : ...
• (12 h 40) •
M.
Lacharité (Jean) : Moi
aussi, je suis un passionné, Mme la
ministre. Alors, c'est ma prétention.
Alors, ceci étant dit, je vais laisser des exemples concrets vous être
données par mes collègues des deux fédérations.
Mme
Gaouette (Mélissa) : Alors, écoutez,
par rapport aux compressions, je comprends que, selon votre
lecture, il n'y a pas de compressions. Ce
qu'on entend — puis
ça, c'est des données qu'on a recueillies avec les centres jeunesse qui
étaient présents à une rencontre en juin — il y a eu une fermeture
d'unité de réadaptation pour les jeunes filles à Québec, cinquième fermeture en
trois ans. Donc, trois postes au niveau professionnel, deux éducateurs.
Lanaudière : fermeture d'un foyer de
groupe. Bien, on a resserré les critères d'admissibilité dans ce cas-ci, ce qui
a amené la fermeture. Chaudière-Appalaches : deux postes à l'évaluation.
Saguenay—Lac-Saint-Jean :
12 places dans une unité de jeunes garçons;
coupure possible d'une infirmière, si ça n'a pas été déjà fait, en centre de
réadaptation; un poste en évaluation et orientation. Laval :
depuis mai, une ergothérapeute à temps complet, cinq éducateurs temps complet,
une en SSS, une agente de relations
humaines. J'ai de la misère à concevoir que, dans un contexte où les
signalements sont en hausse, où les cas sont de plus en plus complexes,
qu'on en vienne à la conclusion qu'on a besoin de moins de travailleurs aux
centres jeunesse.
À votre
question, faut-il barrer les portes ou non à Laval?, la problématique — puis
on en a discuté avec les centres jeunesse — c'est
que vous amenez des modifications à la loi au niveau de l'exploitation
sexuelle en lien avec ce qui s'est passé à Laval, où il y a eu un
rapport de fait, une enquête. Ce qu'on souligne dans le mémoire, c'est qu'il y
a une problématique qui a été soulevée à différents niveaux dans les
centres jeunesse, on parle des signalements. Donc, on peut parler des portes barrées ou non à Laval, on a beaucoup
discuté de la question puis des solutions amenées. Ce qu'on vous dit, c'est qu'il y a une problématique à d'autres niveaux au centre jeunesse et qu'au lieu d'y aller à la
pièce dès qu'il arrive un incident on
trouve qu'il est majeur, dans le contexte actuel, de faire des états généraux
pour s'assurer du développement de
nos enfants, qu'ils soient en sécurité. Donc, je vous dirais que s'attarder à
ce qui s'est passé à Laval... Il y a eu un rapport, mais qu'en est-il des signalements? Qu'en est-il de ces fermetures de
certaines unités? C'est la question qu'on se pose, puis je pense qu'il
faut regarder la situation.
Mme
Charlebois : Alors, on peut faire un débat longtemps
sur le projet de loi n° 10, qui est déjà adopté puis qui est marche. On peut en discuter, du budget, longtemps,
mais là on est ici pour parler du projet
de loi n° 99. Je sais que
vous n'aimez pas ça qu'on joue à la pièce,
mais n'empêche que l'histoire de comment ils ont adressé la problématique — puis
il ne faut pas dire «adresser» au Québec,
mais il faut dire comment ils ont regardé ça, et comment ils s'y sont penchés,
puis comment ils ont solutionné ça — êtes-vous
d'accord avec moi que le nombre de fugues a diminué considérablement à
Laval, même si c'était une pièce qu'on a jouée? Êtes-vous d'accord avec moi?
Est-ce que vous avez regardé les statistiques à ce niveau-là?
Mme Gaouette (Mélissa) : Je suis
d'accord. Êtes-vous d'accord avec le fait que les délais de traitement...
Mme
Charlebois : Non,
mais répondez-moi, oui ou non? Est-ce qu'elles ont baissé, les fugues?
Mme Gaouette (Mélissa) : Oui.
Mme
Charlebois : Merci. Maintenant, est-ce que vous pouvez me dire... Puis je
comprends, là, que vous êtes là pour défendre une cause, mais je vous
rassure, je vous rassure. Et je vous ai dit : La ministre que je suis est
là pour protéger les budgets, protéger les enfants. Et, même si on parle du projet
de loi n° 10, que vous avez décrié depuis la première journée, puis qu'on en parle encore pour dans trois semaines,
il est adopté, le projet de loi, et c'est en marche, et ça va bien.
Bon, vous ne
voulez pas le voir que ça va bien, vous ne voulez pas voir ça autrement. Moi,
je comprends, là, qu'on peut
réinvestir puis qu'on peut faire d'autre chose. Mais, concernant le projet de loi qu'on a déposé, outre la plaidoirie de financement, de projet de loi n° 10, tout ça, avez-vous des mesures autres à nous
suggérer qui pourraient être profitables, qui pourraient améliorer le projet
de loi, mais quelque chose de concret sur tout ce que les gens nous ont parlé?
Parlons donc de la FFARIQ, qui nous défend,
qui veulent, eux autres, faire partie des droits des enfants. Comment vous
voyez ça? Ça, je ne vous ai pas entendu me parler de ça.
M. Lacharité (Jean) : Vous parlez de
la...
Mme
Charlebois : La
FFARIQ...
M. Lacharité (Jean) : La FFARIQ.
Mme
Charlebois : ...qui
considère que les familles d'accueil devraient être une partie en justice.
Comment vous voyez ça?
M.
Lacharité (Jean) : Bien,
moi, je ne suis pas un juriste, là. J'étais présent à la présentation de
l'association du Barreau du Québec,
j'ai bien entendu ce qu'ils avaient à dire. Moi, j'ai l'impression... Je vous
dirais, là, il y a des directeurs de protection de la jeunesse au Québec aussi, là, qui... Les familles d'accueil sont quand même
acteurs là-dedans. Bon, qu'ils soient
dans la loi spécifiquement, j'ai bien écouté, mais moi, je ne suis pas en
mesure de porter un jugement sur cette question-là, absolument pas.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup.
M. Lacharité (Jean) : Mais des
mesures concrètes, oui, on vous le dit, là. On vous dit : Il faut agir sur
les déterminants sociaux, et ça...
Une voix : ...
M. Lacharité (Jean) : Non, mais...
Le Président (M. Tanguay) : Alors,
les échanges, M. Lacharité, vont se poursuivre. Maintenant, nous allons permettre au collègue de Rosemont
de s'inscrire dans le débat pour une période de 9 min 15 s, mais
vous aurez l'occasion, donc, d'étayer vos réponses. Collègue de Rosemont.
M. Lisée : Merci,
M. le Président. Très heureux de vous
revoir, Jean Lacharité, Mmes Gaouette, Corriveau, Pineau. Juste une petite information. Lors des crédits,
vous avez cité les crédits où le sous-ministre
adjoint aux Finances a
dit : Bien, écoutez, on ne peut plus vous dire quelle est l'évolution des
sommes pour la jeunesse parce que ça a été fusionné. Et M. Lebon, dans une entrevue à La Presse en juin, disait que c'était très, très
dommage qu'on ne pouvait plus suivre. Alors, il faut croire la ministre
sur parole pour dire que les sommes sont bonnes, les sommes augmentent.
Mais je vais
vous raconter une petite anecdote qui va intéresser la ministre parce qu'aux crédits j'avais des exemples de coupures. Comme vous l'avez dit, là, il y a des
coupures, il y a des postes en moins. Ce n'est pas de l'optimisation, il
y a des postes en moins, il y a des places en
moins. Et, pendant les crédits, évidemment, les gens qui entourent la
ministre vont vérifier les informations, et moi, on m'a dit qu'il y a quelqu'un
dans le réseau qui a eu l'appel, pendant les crédits, de dire : Aïe! Le député de Rosemont est en
train de dire ça, qu'est-ce qu'il en est? Puis la personne a dit : Bien,
c'est vrai, ça a été coupé. Non, non, mais c'est administratif. Non,
non, ça a été coupé. Bien, je ne peux pas dire ça à la ministre. Vous voyez?
Alors, je
vous le dirai, là, c'est exactement comme ça que ça se passe. Alors, la
ministre voit, avec le ministre de la Santé, toutes les semaines, toutes
les deux semaines, les directeurs généraux, les directeurs généraux adjoints
des CISSS et des CIUSSS, et ils leur disent,
et je le crois : Ne coupez pas, mais votre budget, c'est x. Et c'est pour
ça qu'on a des lettres — on en avait, on en a présenté, par exemple,
sur les ressources intermédiaires — qui disaient... des cadres régionaux
qui disent : Bien, on va couper des postes parce que c'est notre budget,
c'est notre budget. Mais c'est sûr qu'ensuite
ils se retournent vers les DGA, ils disent : Ah! non, non, Mme la
ministre, on ne coupe pas, vous nous avez dit pas de couper. Mais vous
nous avez dit que ça devait rentrer dans le budget, par exemple. Alors, on est
un petit peu comme le Gosplan, là. Vous
savez, les Soviétiques disaient : Ça prend 4 % de croissance
économique cette année. Tout le monde disait : Il y a 4 % de
croissance économique, mais pourtant les usines fermaient.
Alors, la réalité
des faits — puis
vous l'avez donnée, là — on a des cas concrets où il y a des coupures de postes, où
il y a des coupures de places. Ça, c'est la réalité. Bon. Et puis je suis
certain que la ministre a rencontré quelqu'un en Outaouais, puis a dit : Est-ce qu'il y avait du surmenage avant?
Oui. Est-ce qu'il y en a plus maintenant? Alors, je vous pose la question à vous : Est-ce que vous
considérez que, depuis deux ans, depuis l'élection de ce gouvernement...
est-ce que les choses se sont améliorées ou
ont empiré dans le réseau des centres jeunesse? Et illustrez, s'il vous plaît,
si c'est le cas.
M.
Lacharité (Jean) : Bien,
moi, c'est ce qu'on m'a dit. Je suis allé dans plusieurs régions du Québec
cet été. Je fais comme les députés, là, je me promène l'été dans les
régions. Non, sérieusement, moi, sur le terrain, ce que les intervenantes m'ont dit, c'est : On n'en peut
plus, on est à bout de souffle. C'est vrai dans les centres jeunesse, mais c'est vrai dans le
reste du réseau aussi, il y a un alourdissement de la tâche qui est énorme, il y a
des gens qui partent, puis les affichages
de postes ne se font pas parce qu'on
dit : Votre budget est gelé ou votre budget est amputé. Puis là, je ne
mets pas en cause les P.D.G. ou les directeurs, directrices de ressources
humaines de ces organisations-là, ils sont pris avec un contexte budgétaire où
ils n'ont plus de marge de manoeuvre. Donc, il y a des... Mais je vais laisser
Mme Corriveau intervenir sur votre question
plus précisément, là. Mais moi, je vous le dis, sur le terrain, là, ce que les
gens nous disent, ce n'est pas ce que Mme la ministre s'est fait dire en
Outaouais.
Mme
Corriveau (Nancy) : Bien, je
vais, en fait, redire à la question : Est-ce que ça a augmenté, la
surcharge?, bien sûr, parce qu'il y a une désorganisation dans le réseau, que
nous le voulions ou non. Et, oui, il y a des problèmes préexistants, sauf que, là, sur le terrain, moi, ce que j'entends,
c'est : Bien là, avant, on avait tel groupe pour les parents
d'adolescents toxicomanes, on ne peut plus donner ce groupe-là, comment on
soutient les parents? C'est qu'il y a des bris
de service, il y a des interruptions dans les corridors de services. Puis moi,
je comprends, là, on parle ici d'optimisation. Pour nous, c'est des
compressions.
Mais la loi
n° 99, nous, on la voit comme une occasion de bonifier la protection et le
développement des enfants, puis on
pense que c'est un rendez-vous raté de ne pas mettre de l'avant des états
généraux puis de consulter les gens sur le terrain parce que, là, on est
dans une logique budgétaire, puis les gens qui travaillent auprès des jeunes,
ils sont dans une logique de protéger le
développement, la sécurité des enfants, puis là ce qu'on voit, c'est qu'ils
n'ont pas les moyens pour atteindre ça. Puis on ne peut faire de la
pièce... ça a été dit, ne veut pas y aller à la pièce parce qu'il y a une situation
à Laval ou un décès au Saguenay, on
pense qu'il faut profiter de l'occasion pour, vraiment, se pencher sur
la protection puis la sécurité des enfants.
• (12 h 50) •
M.
Lisée : Merci. Je n'ai pas beaucoup de temps, puis je voudrais
couvrir deux autres aspects. Bon, le fait qu'il y a eu la fusion... Nous, on a beaucoup plaidé au
Parti québécois pour garder l'autonomie des centres jeunesse. Et, dans un
centre jeunesse, on m'a expliqué que, pour pourvoir des postes, même quand ils
ont les budgets, avant ils faisaient l'affichage
de postes, ils faisaient les entrevues et ils recrutaient. Maintenant, c'est le
CISSS qui fait ça. Et, pour le CISSS, le centre jeunesse, ce n'est pas une priorité. Alors, souvent, ils n'ont
pas de candidats, et des candidats qui seraient bons pour le centre jeunesse sont affectés ailleurs parce qu'il
y a des priorités ailleurs. Est-ce que c'est une réalité que vous avez
vue?
M. Lacharité (Jean) : Oui, oui, ce
que vous venez de raconter, là, ça, on peut le confirmer. Mais, même en gardant les centres jeunesse à l'intérieur du
CISSS, là, moi, je vous dis, si on donnait une autonomie à la direction du
centre jeunesse pour qu'il puisse fonctionner et assurer la protection de la
mission du centre jeunesse, ce serait autre chose. Mais c'est tellement hyper
centralisé, là, de ce qu'on constate aujourd'hui, que c'est là que tout le
monde en perd son latin, y compris les
directions de centre jeunesse. Et je suis à peu près certain que vous
inviteriez des directions de centre jeunesse
ici, là, puis ils n'affirmeraient pas ça parce qu'on ne peut pas trop, trop
dénoncer des situations actuellement.
M. Lisée :
Ils étaient là hier. Ils étaient là hier, et, au moins, il y en a un qui a
admis que les pressions budgétaires étaient
extrêmement fortes. Il a dit ça hier, hein, vous lirez, il a dit ça hier. Bon,
l'autre... Est-ce que vous savez ce que c'est, des cadres non
syndiqués... des cadres syndiqués non syndiqués?
M. Lacharité (Jean) : Des SNS, des
syndicables non syndiqués.
M. Lisée : Des syndiqués non
syndiqués. Alors, ça, il paraît qu'il y en a de plus en plus. Expliquez-nous ce
que c'est.
M. Lacharité (Jean) : Pardon?
M. Lisée : Expliquez-nous ce
que c'est.
M.
Lacharité (Jean) : Bien,
c'est des gens qui ont... Je vais vous donner des exemples, là. Par exemple,
quelqu'un qui est préventionniste en santé
et sécurité dans un centre hospitalier, il travaille pour le centre hospitalier
comme tel. Donc, on va dire que ça
serait quelqu'un qui pourrait être syndicable parce que c'est quelqu'un qui est
professionnel, mais qui est non syndiqué parce qu'il se rapporte directement
à la direction du centre hospitalier.
M. Lisée : On m'explique que, bon, ils ont viré des cadres
qui, soi-disant, ne faisaient rien. Mais là, comme ils ont viré des cadres, il n'y a pas assez de cadres,
et donc ils prennent des syndiqués en leur donnant des tâches de cadre,
puis ça devient des syndiqués non syndiqués. Est-ce que c'est ça?
M. Lacharité (Jean) : Oui, c'est
bien ça.
M. Lisée : Est-ce que vous
notez une augmentation du nombre de syndiqués non syndiqués?
M.
Lacharité (Jean) : Bien, on
n'a pas encore recensé ça, là, mais on se fait dire par les gens sur le terrain
que oui, ça, c'est en croissance et que ça cause des problèmes, effectivement.
M. Lisée : Écoutez, je veux dire, le projet de loi, là, il y a
plein de bonnes choses dans le projet
de loi. L'exploitation sexuelle, la question des autochtones, excellent.
Ça fait qu'on a appris hier qu'il y a des familles autochtones qui
n'étaient pas payées aussi bien que les familles blanches pour les mêmes
tâches, on va travailler là-dessus. La question des familles d'accueil, qui doivent avoir voix au chapitre. Tout ça, on va
travailler là-dessus. Mais, quand on lit le projet de loi, il n'y a pas de ressources supplémentaires. Et le fait que la ministre nie qu'il y a un problème de ressources,
je veux dire, comment est-ce qu'on peut mieux faire si on nie qu'il y a
un problème de ressources?
M.
Lacharité (Jean) : On ne
pourra pas mieux faire si on nie qu'il y a un problème de ressources parce qu'on demande aux gens de faire,
c'est de faire plus avec moins. Et ce qu'on observe, c'est qu'il y a une
croissance assez importante de gens qui tombent en assurance salaire, puis
en lésions psychologiques, et qui n'en peuvent plus. Et peut-être qu'on devrait se demander : Si c'est tellement
difficile d'attirer du monde dans les
centres jeunesse pour pouvoir intervenir, il y a peut-être un problème
de tâche qui est beaucoup trop lourde, là? Moi, j'émettrais cette hypothèse.
M. Lisée :
J'ai trois secondes, M. Laliberté, je vais vous donner un mandat. O.K.? On va
essayer de déposer un amendement pour redonner de l'autonomie aux
centres jeunesse à l'intérieur des CIUSSS et pour faire en sorte qu'ils aient, au moins, une autonomie d'embauche, pour
que, quand ils ont les budgets, ils puissent embaucher. Qu'est-ce que
vous en pensez?
Le Président (M. Tanguay) : M.
Lacharité.
M.
Lacharité (Jean) : Encore
faudrait-il qu'ils aient les budgets, mais on ne sera pas en désaccord avec ça,
là.
M.
Lisée : On va travailler sur un amendement déjà, au moins, pour
qu'ils aient une autonomie déjà qui est... Parce
qu'on m'a dit, là : Écoutez,
ils ne retournent même pas nos appels, ils ne savent pas c'est quoi, le centre
jeunesse. Ils gèrent 15 hôpitaux, 22 CLSC, etc., et on passe toujours
derrière. Puis, même quand on a des bons candidats, on les envoie au
CISSS, on ne les revoit plus jamais.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup.
M. Lacharité (Jean) : Sous réserve de l'analyse de votre amendement, moi, je vous dirais que,
sur le principe, on pourrait
difficilement être en désaccord avec ça. Si on ajoute de l'autonomie à la
mission jeunesse puis aux directions des missions jeunesse, on va être
d'accord avec ça.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous poursuivons le débat, et, en ce sens, pour
6 min 15 s, je cède la parole à notre collègue de Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger : Merci, M. le Président. Dans le rapport de M. Lebon, il souligne des
lourdeurs administratives. Vous, dans
votre document, vous n'en faites pas mention du tout. Mais, parmi vos
membres... Quand on parle de lourdeurs administratives,
c'est très large. Sauf que, comme on dit, dans le «day-to-day», là, c'est quoi
de vos membres, ce qu'ils vous
disent? Y a-tu des points particuliers qui pourraient être allégés? Parce que,
des fois, on passe sur un dossier, on passe beaucoup de temps là-dessus pour améliorer très peu, puis, pendant ce
temps-là, bien, tout ce temps-là précieux, on aurait pu le mettre ailleurs que c'est beaucoup plus
bénéfique. Avez-vous des points là-dessus que vous pourriez nous nommer
ou nous faire parvenir par la suite?
M. Lacharité
(Jean) : Avant de laisser la parole à Mme Gaouette, je dois vous dire
qu'effectivement les intervenantes — je vais parler au féminin, là, parce que
c'est une majorité de femmes — ont beaucoup de commandes bureaucratiques à exercer. Et, pendant qu'elles
font ça, bien, elles ne sont pas en train d'intervenir auprès de la
clientèle, elles brassent du papier. Bien,
ça, ce sont des directives qui viennent du ministère aussi, puis il faut
calculer les temps d'intervention,
puis minuter des affaires, puis ça, là, ça ne fonctionne pas. Et, quand on dit
qu'on coupe dans l'administration, c'est possible que ce soit bien dans certains
cas, mais, si les tâches administratives qui étaient exercées par des cadres avant se retrouvent entre les mains des
intervenantes, on est loin d'avoir réglé le problème, là, parce qu'on
enlève du temps d'intervention aux intervenantes sur le terrain
auprès des jeunes en difficulté. Et Mme Gaouette peut ajouter en complément.
Mme Gaouette (Mélissa) : Effectivement, il y a une problématique à ce
niveau-là, puis on pourra revenir à un autre moment, là, sur le détail,
on a le détail du type de tâches. C'est sûr que, comme professionnelles, il y a
des notes à remplir aux dossiers, ça, c'est
parfait, mais c'est beaucoup au niveau statistiques, relevés pour la reddition
de comptes, ça prend énormément de temps, et ça, c'est souligné qu'il y
a de moins en moins de temps d'intervention pour les intervenants et qu'il y a énormément, je dirais, de bureaucratie, puis
même, des fois, des tâches qui n'appartiennent pas à ces titres d'emploi là, travailleurs sociaux qui vont
faire du transport, qui vont faire des commissions pour un jeune. Ça
fait que c'est pour ça qu'on dit qu'il faut regarder l'ensemble du processus.
Il y a peut-être de l'organisation du travail à faire autrement, mais il y a une problématique parce que les gens sont
énormément dans la bureaucratie actuellement, ils font des tâches qui
pourraient être dévolues à d'autres types d'emplois aussi.
M.
Schneeberger :
Parmi les travailleuses de terrain, avec la loi n° 10, est-ce qu'il y a
des tâches administratives qui ont été confiées à ces gens-là, alors
qu'avant ça c'était géré par, mettons, des cadres supérieurs ou autres?
Mme Gaouette (Mélissa) : Bien, avec la loi n° 10 puis même avant, il
y a eu une compression majeure dans le
secteur administratif. Donc, ce que nous disent les intervenants terrain, c'est
qu'ils doivent faire actuellement des tâches administratives qui étaient par des employés de bureau. Donc, quand je
coupe une employée de bureau, le travail doit quand même
être fait. Donc, les travailleurs sociaux, les éducateurs, tout ça, se
retrouvent à faire des tâches qui étaient dévolues au personnel
administratif avant. Ça, ça a été noté.
M.
Schneeberger : Les
demandes — pardon,
M. le Président — du
ministère sont restées les mêmes au niveau statistique,
et autres, là, puis c'est énorme. Parfait. Vous mentionnez qu'il faut
réinvestir massivement. Combien?
M. Lacharité (Jean) : Bien, je n'ai pas le chiffre en millions, là, mais il faut investir suffisamment pour protéger nos enfants si
on parle des centres jeunesse, et pour diminuer les délais d'attente, là, entre
le signalement... Ça n'a pas de bon sens,
ça, entre 15 et 71 jours entre le signalement — selon les régions du Québec,
là — et
la première intervention. Écoutez, on
se tire dans le pied quand on fait ça parce que, là, la situation
se détériore pour le jeune. Et, si la situation se détériore pour le jeune, ça veut dire d'autres problèmes sociaux qui vont
apparaître et d'autres coûts sociaux qui vont apparaître. Donc, on n'est
pas en train de régler le problème, même au niveau budgétaire, même au niveau
financier parce qu'on va se retrouver avec
des cas plus graves qui vont être plus compliqués à traiter, sans compter
l'aspect humain — ou
je dirais même l'aspect inhumain — que ça entraîne pour ce jeune-là
qui risque d'avoir plus de difficultés à se réintégrer.
M.
Schneeberger : Toujours
dans votre mémoire, vous soulignez,
bon, et vous avez quand même des... Vous êtes favorables généralement, mais vous soulignez les problématiques.
Mais aussi vous demandez des états généraux. Si on connaît déjà les
problématiques, à quoi bon les états généraux?
M. Lacharité
(Jean) : Si, pardon...
M.
Schneeberger : Si
on connaît déjà les problématiques actuelles, à quoi bon les états généraux?
• (13 heures) •
M. Lacharité (Jean) : Parce qu'il
faut entendre les acteurs terrain sur les pistes de solution. Ce sont eux, les artisans sur le terrain. Il ne faut pas traiter ça
à la pièce, toujours dans une situation de crise comme à Laval ou le décès au Saguenay. Bien, il y a des problématiques partout au Québec, là. Bien, il
faut entendre les acteurs terrain, il faut consulter les travailleuses et les travailleurs qui sont sur le
terrain pour qu'ils viennent dire c'est quoi, les pistes de solution. Puis,
après ça, on attachera les budgets puis les
moyens financiers pour résoudre les problèmes, mais il faut
qu'on entende le monde sur le terrain.
On a tendance à consulter des experts, des experts, des experts, puis là on se
retrouve avec une recette toute faite qui est implantée dans le milieu
puis qui, des fois, ne correspond pas tout à fait aux besoins pour corriger les
situations.
M.
Schneeberger :
Encore un petit peu de temps, oui?
Le Président (M. Tanguay) :
30 secondes.
M.
Schneeberger : Bon, je reviens sur les budgets parce que
moi, je... En même temps, comme administrateurs, vous demandez plus de budgets, mais moi, mes
centres communautaires, tout le monde me demande plus de budgets, on en convient, partout, sauf qu'à un moment donné il faut les spécifier, il faut les chiffrer, ces
demandes-là. Moi, j'aimerais ça que vous puissiez les chiffrer parce que
c'est important, là, de savoir parce que...
Le Président (M. Tanguay) : Un
instant...
M.
Schneeberger : Moi, en
tout cas, j'aimerais ça qu'à l'avenir
vous avez des chiffres ou vous... Peut-être, c'est complexe de le
calculer, mais c'est important pour défendre votre point.
M. Lacharité (Jean) : Moi, je pense
qu'à partir d'états généraux on pourrait très bien identifier les mesures nécessaires puis, là, faire les budgets. Et je
vous rappelle qu'on est dans un contexte budgétaire où on a réalisé un
surplus budgétaire de 1,8 milliard l'an dernier.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous remercions les représentantes, représentants de la
Confédération des syndicats nationaux.
Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à
15 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 2)
(Reprise à 15 h 8)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
vos téléphones cellulaires.
Nous poursuivons donc nos consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi
modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions.
Alors, nous
recevons immédiatement les représentants, représentantes du Regroupement
provincial des comités des usagers, santé et services sociaux. Bienvenue
à l'Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de présentation de 10 minutes. Par la suite, vous aurez l'occasion
d'échanger avec les parlementaires. Pour les fins d'enregistrement, je
vous demanderais de bien vouloir préciser vos noms et fonctions. Et, sans plus
tarder, la parole est à vous.
Regroupement
provincial des comités des usagers (RPCU)
M. Ménard
(Claude) : Alors, M. le
Président, Mme la ministre, membres de la commission, je me présente,
Claude Ménard, président du Regroupement provincial des comités d'usagers.
Aujourd'hui, je suis accompagné du directeur
général, M. Pierre Blain, et de Mme Josée Dansereau, qui est la présidente de
l'Alliance des comités des usagers de centres jeunesse.
Le
Regroupement provincial des comités d'usagers représente les 8 500 usagers
du Québec. Il est le porte-parole des
600 comités des usagers de résidents des établissements de santé et de services
sociaux. Le RPCU appuie le principe du projet
de loi n° 99, puisqu'il apporte des améliorations intéressantes à la Loi
sur la protection de la jeunesse et sur certains aspects de la prise en
charge des enfants qui sont confiés à la garde des centres jeunesse.
M. Blain
(Pierre) : D'entrée de jeu,
toutefois, le RPCU ne peut passer sous silence les événements qui se
sont produits au cours de la dernière année dans les centres jeunesse. En
effet, les fugues d'adolescentes, particulièrement au Centre jeunesse de Laval,
ont fait la manchette de la presse.
Le
RPCU n'entend pas faire ici le procès des centres jeunesse à cette commission,
nous croyons plutôt que les services
sont bons généralement, mais avec les limites que toute organisation peut
avoir. Le RPCU rappellera toutefois avoir demandé
un état de situation. En effet, en faisant le point sur les centres jeunesse,
on pourra mieux cerner les problématiques.
• (15 h 10) •
Mme Dansereau
(Josée) : Les comités des usagers des centres jeunesse étaient déjà
actifs et structurés avant que la loi
n° 83 institue des comités des usagers dans tous les établissements de
santé et services sociaux. C'est pourquoi, en plus des fonctions légales qui leur ont été confiées par le législateur,
ces comités des usagers ont des
fonctions supplémentaires différentes
des autres comités des usagers provenant des autres missions. Cela devrait être
mieux reconnu par le ministère
dans son Cadre de référence sur l'exercice des fonctions à assumer par les
membres des comités des usagers et des comités de résidents.
Les fonctions des
comités des usagers des centres jeunesse sont définies à l'article 212 de la
LSSSS. Il faut souligner surtout que ces
comités travaillent dans le cadre de la Loi de la protection de la jeunesse,
une loi d'exception, et de la loi sur la justice pénale pour
adolescents. Ces accompagnements se font avec des usagers majoritairement non
volontaires qui font appel aux comités des usagers pour la défense de leurs
droits, se sentant souvent lésés et qui ne comprennent
pas l'intervention du DPJ. C'est dans cette fonction d'accompagnement que les
comités des usagers des centres
jeunesse diffèrent des autres comités. En
effet, plusieurs établissements leur ont confié dans le passé un mandat additionnel d'accompagnement des jeunes et de leurs parents en leur
octroyant des budgets à cet effet. Cela se traduit par des responsabilités plus importantes, mais ne semble plus être
reconnu par tous les nouveaux établissements que sont les CISSS et les CIUSSS.
M. Blain (Pierre) : L'introduction du projet de loi ajoute deux définitions : «milieu
de vie substitut» et «famille d'accueil
de proximité». Nous trouvons particulièrement intéressantes ces introductions
dans le projet de loi. C'est même pour nous une avancée, car ces notions
étaient absentes de la Loi sur la protection de la jeunesse. Elles viennent confirmer, à notre point de vue, l'importance de
donner aux jeunes pris en charge par l'État une vie plus normale en
ayant recours à une famille d'accueil, mais
encore mieux, lorsque possible, dans une famille de proximité qui leur est
proche.
Le
projet de loi accorde également une importance plus grande aux liens à
conserver dans les milieux autochtones, et nous en sommes très contents.
Nous devrions cependant peut-être penser aussi aux autres communautés
culturelles présentes au Québec. Le Québec reçoit de plus en plus de personnes
issues de l'immigration. Pour une meilleure intégration,
on leur offre différents services. Il devrait en être de même lorsque la
protection de la jeunesse doit intervenir, on devrait favoriser un
milieu de vie similaire aux us et coutumes de la communauté dont est issu le
jeune.
Pour nous, il y a
toutefois une certaine confusion dans les termes utilisés dans le projet de loi
suite à la réorganisation du réseau de la
santé. C'est vraiment un petit point, mais qui, pour moi, est important. En
effet, la Loi sur la protection de la
jeunesse donne cette définition de la personne responsable d'un enfant en
centre jeunesse, c'est-à-dire le directeur.
On comprend que c'est le directeur de la protection de la jeunesse. Mais le
projet de loi fait référence parfois, à l'article 9, au directeur
général de cet établissement lorsqu'il parle d'un établissement qui exploite un
centre en réadaptation ou un centre hospitalier. Ça n'existe plus, ce terme-là.
Donc, je pense qu'il faudrait éviter la confusion.
Le
RPCU est préoccupé toutefois par un autre aspect important, c'est-à-dire la
confidentialité. Avec la réorganisation
du réseau de la santé et des services sociaux, certains rôles ont changé. Les
établissements ont été fusionnés, les
structures administratives aussi. Donc, la confidentialité de l'un des droits
des usagers prévus dans la loi sur la santé pourrait être compromise, si je puis dire. En effet, on pense que la
fusion des établissements devrait faire une distinction entre ce qui est un dossier qui relève de la
protection de la jeunesse et un dossier qui est prévu aux fins des usagers
selon la loi sur la santé. Ce n'est pas du
tout la même chose. En effet, pour nous, un professionnel de la santé n'a pas à
connaître tout l'historique familial d'un jeune si celui-ci n'a aucun rapport
avec son état de santé.
Nous
croyons aussi que le projet de loi devrait préciser à qui aussi les jeunes
devraient pouvoir communiquer. On le
précise dans le cas de sa famille, on a rajouté des choses intéressantes, mais
on pense aussi qu'on devrait y rajouter que le jeune peut communiquer en
toute confidentialité avec son comité des usagers et avec le commissaire aux
plaintes et à la qualité. Il nous semble indispensable...
Je termine avec le
projet de loi, qui fait référence aussi à l'émancipation qu'un jeune peut se
voir accordée. L'émancipation simple peut être accordée à partir de 16 ans.
C'est cette partie qui nous concerne. En effet, selon l'article 171 du Code civil, le mineur émancipé peut établir son propre
domicile, ce qui, dans certains cas, l'amène à signer un bail. On nous signale que, parfois, cela peut
être problématique avec certains locateurs. Donc, peut-être... je ne le
sais pas, si on peut le préciser à un moment donné.
Et
aussi, pour nous, la vie après un centre jeunesse n'est pas toujours facile. En
effet, l'apprentissage de la vie en société demande une adaptation
nécessaire. Être sous la tutelle de l'État ne permet pas toujours cet
apprentissage. Le RPCU profite donc de cette
commission pour attirer l'attention des législateurs sur les programmes d'aide
et d'appui qui devraient être accordés aux jeunes en centre jeunesse. On
nous rapporte trop souvent des situations où des jeunes, du jour au lendemain, se retrouvent dans la rue sans
ressources, avec souvent un sac vert pour transporter leurs vêtements.
Vous conviendrez avec moi que ce n'est pas un bon départ dans la vie.
Le
RPCU croit que l'on devrait rendre plus accessible le programme qualification
jeunesse offert par certains centres
pour les jeunes qui en sortent. Ce programme peut offrir du soutien au
logement, un soutien psychosocial et mettre des mesures en place pour favoriser l'intégration en emploi et aux études.
Ainsi, la participation à cette mesure permettrait de réduire les
risques énoncés précédemment. Ce programme de soutien a fait ses preuves, mais
il n'est pas accessible partout. Pour aider, nous croyons aussi qu'il pourrait
y avoir une mise en place d'un réseau de logements supervisés post centre
jeunesse.
M. Ménard (Claude) : En conclusion, nous devrions offrir aux enfants
en centre jeunesse les mêmes chances que
tous les enfants du Québec, eux, ont pour réussir leur vie. C'est pourquoi le
Regroupement provincial des comités des usagers est d'avis que le projet de loi n° 99 pourra améliorer les
conditions de vie des enfants, plus particulièrement en mettant l'accent sur le milieu de vie substitut et
les familles d'accueil de proximité. Mais les centres jeunesse devraient
apporter une attention particulière à la
préparation à l'autonomie après le centre jeunesse. Le programme
qualification jeunesse devrait être étendu et offert partout. Ainsi, les jeunes
que le Québec a pris en charge seraient mieux outillés pour continuer leur
apprentissage pour devenir des citoyens à part entière et des atouts pour notre
société. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, pour la
période d'échange, pour un bloc de 16 minutes, je cède la parole à Mme
la ministre.
Mme
Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, je souhaite à
tout le monde un bon après-midi. Merci à vous tous d'être venus. Je cherche, attendez un petit peu. Alors,
M. Ménard, M. Blain, et Mme Dansereau, merci d'être là et de
venir nous présenter votre point de vue fort intéressant.
Et
je vais commencer par votre conclusion, vous dire qu'on a tous le goût que les
jeunes aient tous les mêmes chances
dans la vie. Force est de constater que ce n'est pas le cas, mais c'est à nous
de travailler pour qu'ils obtiennent les mêmes chances, vous avez raison. Alors, en ce sens-là, on est là tous
pour la même raison et pour les mêmes choses, dans le fond, de faire en
sorte que ces jeunes-là aient les mêmes chances.
Mais
j'ai le goût de vous dire aussi, puis sans avoir des lunettes roses, oui, il y
a beaucoup de travail à faire, oui, on
est conscients qu'il y a de l'amélioration toujours à apporter dans le réseau.
On amène un projet de loi, on vous consulte. Puis les amendements, on
réfléchit en ce moment, mais il n'y a rien de conclu parce qu'on va attendre la
fin des consultations avant de se
positionner comme il faut. On va avoir la chance de jaser de ça avec les
oppositions. Mais ce que je veux que vous gardiez en tête, c'est qu'il
faut toujours... la société évolue, les jeunes aussi, les problématiques
changent, il faut toujours adapter nos lois à comment la société se positionne,
et, en ce sens-là, on se rejoint, je pense.
D'entrée
de jeu, j'ai le goût de vous amener sur quelque chose que je vous ai entendu
dire dans votre mémoire. Ce matin, on
a eu le Barreau, qui nous parlait, justement, des familles de proximité, puis
eux autres avaient l'air à me dire que ça ajoutait une lourdeur dans le
système judiciaire. Moi, j'avais l'impression du contraire, je vais vous le
dire franchement, que le juge n'avait plus à
statuer, qu'automatiquement ça serait une famille de proximité, donc on
n'aurait plus besoin de changer le statut.
Ce qu'ils me disent, eux autres, c'est que c'est déjà fait, qu'on n'a plus
besoin de demander ça. Alors,
pouvez-vous clarifier votre pensée quand vous me dites, vous autres, que vous
êtes favorables à ça? Je veux entendre en quoi votre point de vue est si
différent que ça du Barreau.
M. Blain (Pierre) : Bien, pour moi, c'est évident, on a dit... Ça n'existait pas avant. Et
moi, j'ai une expérience un peu
personnelle dans ce milieu-là parce que nous avons été famille d'accueil et
aussi famille d'accueil de proximité avec mes nièces. Par conséquent,
non, moi, je ne vois pas comment ça peut être plus lourd. Est-ce que ça veut
dire qu'automatiquement que c'est comme la
garde des enfants, qu'on n'a pas besoin de décider, c'est automatiquement
la mère qui l'a, comme c'était dans le vieux temps? Non, je ne pense pas. Je
pense que plutôt... Je ne vois pas de lourdeur particulière à ce niveau-là. Au
contraire, c'est pour moi une solution encore plus abordable parce qu'on a déjà
cette solution-là de famille de proximité. Alors, pour moi, je trouve, au
contraire, que c'est une avancée.
Mais la différence,
cependant, il faut faire peut-être attention pour s'assurer que la famille,
elle... il faudrait peut-être qu'elle ait
aussi le même genre de vérifications qu'on fait auprès d'elle que nous faisons
pour les autres. Ça aussi, c'est important.
Mme
Charlebois :
...les vérifications, mais les conditions dans lesquelles elles exercent...
• (15 h 20) •
M. Blain (Pierre) : C'est ça. Parce que j'ai un cas particulier qui nous est arrivé,
c'est-à-dire où il y avait une garde
exclusive au père. Et, normalement, c'est entendu, quand le décès survient, c'est l'autre personne, l'autre
parent qui reprend automatiquement, à moins qu'il y ait une intervention. Je pense que, parfois, il y a
besoin d'avoir des interventions parce qu'il y a sûrement des raisons,
parfois, quand il y a une garde exclusive.
Mme
Charlebois : Vous avez raison. Je n'ai pas fini mon propos
tantôt, quand je vous parlais de lunettes roses, puis je tiens à le dire, M. le Président, parce que, dans le réseau, on
entend toujours parler de ce qui ne fonctionne pas dans les centres jeunesse, mais vous êtes d'accord
avec moi, M. Blain — puis
vous l'avez dit dans votre présentation — il y a plein de belles choses qui se font. Moi, je
connais des personnes qui sont allées au doctorat qui sont passées par des
centres jeunesse. Honnêtement, là, ce n'est pas tout noir. Mais est-ce qu'on
doit faire mieux pour ceux qui sont dedans en ce moment puis qui vivent des difficultés, il faut se dire la vérité? Oui,
toujours, il faut toujours se questionner. Il faut être capables d'être assez lucide pour le faire et
d'amener notre réflexion un cran plus haut pour faire en sorte que ces
jeunes-là aient des chances égales. Alors, j'ai terminé ma parenthèse de
lunettes roses.
Je veux vous entendre
me parler des communautés culturelles. Vous êtes le premier à m'en parler. On
parle beaucoup des communautés autochtones
qui veulent être appelées nations autochtones, vous avez dû entendre ça.
Alors, vous souhaitez une meilleure
intégration pour différentes communautés culturelles, vous souhaiteriez qu'il y
ait un milieu de vie similaire, selon
ce que je comprends. Est-ce que vous voyez ça à la grandeur du Québec? Est-ce
que vous voyez autant de façons de faire qu'il y a de communautés
culturelles?
M.
Blain (Pierre) : Bonne question.
Nous, on pense que, justement, il faut qu'on tienne compte, et on en a
tenu compte avec certaines communautés
culturelles récemment... On a vu des descentes de la DPJ qui se sont
effectuées. Il y a eu même une
communauté qui s'est exilée du Québec, et, quand on les avait retirés de leur
communauté, ces enfants-là, on avait,
tout de même, essayé de trouver des gens qui revenaient du même milieu. Donc,
on pense que la même situation doit se faire. Est-ce qu'on doit le
mettre dans le projet de loi? Je ne suis pas certain, mais je pense que c'est
une préoccupation qui doit être là. C'est difficile, peut-être, d'en trouver
toujours, mais je pense qu'il faut toujours être à l'écoute, et pour pouvoir
trouver, justement, des points importants.
Et c'est pour
ça qu'on le trouve... Le Québec change, et, grâce au ciel, votre projet de loi
inclut plus facilement les
communautés autochtones. On a vu les ravages qui ont été faits avec ces
communautés-là. Par conséquent, ne faisons pas la même chose avec d'autres communautés culturelles, et je pense que
ce serait, au contraire, une générosité de notre part de pouvoir
intégrer ça, ces personnes.
Mme
Charlebois :
J'en prends bonne note. Quand vous parlez de confidentialité, je n'ai pas trop
bien saisi, je ne devais pas écouter correctement. Vous avez parlé,
étant donné un grand réseau à la fois élargi, vous avez peur que l'information transige... Mais là je ne veux pas
mal interpréter vos propos, je vais vous dire qu'est-ce que j'ai
compris, puis vous me corrigerez si tel est
le cas. J'ai compris que vous ne souhaitiez pas que la première ligne sache
qu'est-ce qui se passe dans la
deuxième ligne, c'est-à-dire dans les centres jeunesse et où le curatif...
alors que — puis
j'ai peut-être mal compris vos
propos, vous me rectifierez — ce que moi, j'ai entendu depuis un mois et
demi, c'est qu'on me dit dans les centres jeunesse puis encore, quand je
suis allée au Centre universitaire du Québec... l'UQO, je vais le dire, à
Saint-Jérôme, une intervenante qui me
disait : Moi, je souhaite même que le programme PIJ soit descendu à la
première ligne parce qu'on va pouvoir
vraiment partager les informations. Puis moi, là, j'ai besoin de savoir, mon
jeune, ce qu'il vit dans sa santé,
etc., parce que ça a une influence sur le comportement quand moi, je l'ai en
centre jeunesse. Est-ce que j'ai bien compris ce que vous vouliez dire,
là, quand vous dites que vous ne souhaitez pas le partage, vous souhaitez plus
une confidentialité? J'ai peut-être mal saisi vos propos.
M. Blain
(Pierre) : Pour moi, plutôt, je
voudrais parler du Dossier santé Québec, c'est dans ce sens-là. Pour
moi, le dossier qui est pour le centre
jeunesse, oui, doit être traité quand on a des problèmes de santé qui doivent
être accessibles, c'est certain, mais
il ne faudrait pas le mettre dans le grand Dossier santé Québec qu'on veut
mettre en place. Pour moi, c'est deux
choses complètement différentes. Comme dans le passé, je présume qu'on pouvait
partager, justement, les renseignements
de santé, effectivement, en psychothérapie si on en a besoin, à d'autres
niveaux aussi, c'est certain, mais c'est plutôt au niveau du Dossier
santé Québec qu'on est en train d'implanter, on voudrait s'assurer qu'il n'y
ait pas nécessairement le dossier de
protection de la jeunesse qui se retrouve là. Mais oui, il peut y avoir des
informations qui circulent l'une avec l'autre.
Mme
Charlebois :
Je vous amène sur les fugues. Vous savez que c'est un sujet qui m'a occupé, qui
me préoccupe encore. Dans votre mémoire, vous exprimez des
préoccupations qui sont liées aux fugues d'adolescentes, justement, hébergées en centres de réadaptation. Pouvez-vous
nous parler des travaux que vous avez débutés dans ce sens-là? Parce que je pense que vous avez entrepris des travaux,
et est-ce que vous avez ciblé des pistes de solution pour mieux
protéger les adolescents et les adolescentes qui sont en fugue ou qui
pourraient être en fugue?
Mme Dansereau (Josée) : Ce n'est pas
notre mandat de trouver les solutions, c'est le vôtre et celui des établissements. Alors, nous, ce qu'on soulève,
c'est notre préoccupation face à ça. Et de trouver les solutions, bien, il faut s'adresser
à des professionnels. Alors, nous, nous ne sommes pas les professionnels pour
s'attaquer à ça. Alors, il
faut s'adresser aux professionnels.
M. Blain
(Pierre) : Si je peux me permettre, on n'a pas exagéré les
fugues, mais sauf qu'il y a des endroits qui sont plus problématiques que d'autres. Et ça, c'est une chose qui est
importante de savoir parce que, dans Lanaudière, d'où vient madame, effectivement,
il y a un problème, bien sûr, mais ce n'est pas un problème aussi aigu, qui
peut se produire à certaines occasions. Et
c'est pour ça que nous avons parlé d'un état de situation, pour voir comment on
pourrait, justement, amener des solutions plus concrètes.
Nous, on
pense que des fugues traduisent un mal d'être. Et un mal d'être, dans certains
cas, ça vient avec d'autres solutions que seulement des interdits, et
tout ça. Donc, je pense, c'est un cheminement qui doit être fait, et, à partir
de ce moment-là, c'est le travail d'un centre jeunesse de pouvoir amener ça.
C'est
certain, c'est comme... On voit la
même chose. Moi, dans ma carrière, un
temps, j'ai été à la Commission des
libérations conditionnelles à Ottawa, et on a le même phénomène de la récidive.
Donc, c'est entendu qu'il y a un
certain nombre de personnes, qui sont toujours les mêmes, qui peuvent revenir,
mais je pense, plutôt, c'est qu'il faut que les programmes soient bien mis en
place. Et, à partir du moment, où ils
sont bien mis en place, je pense qu'on est capables, à ce moment-là, de trouver des solutions, et nous,
on est prêts à travailler avec vous, le RPCU, effectivement. Les comités
des usagers, c'est peut-être moins leur
mandat ponctuel dans un établissement, mais nous, RPCU, oui, et c'est pour ça
qu'on s'est impliqués même dans la politique jeunesse du gouvernement du
Québec, parce qu'on pense qu'il y a des choses à faire, et on pourrait amener
des solutions.
Mme
Charlebois : O.K. Je comprends mieux. Parce que, là, je ne
comprenais plus, je me disais : Pourquoi on en parle si on ne peut pas réfléchir ensemble? Vous
demandez un état de situation, j'en suis, là, je vous entends, mais vous
avez certainement accès aux tableaux, aux statistiques,
etc., vous avez certainement, comme comités des usagers, des discussions avec les centres jeunesse, puis avec
les intervenants, puis avec tous les gens qui... Moi, ce qu'on m'a dit,
dans les centres jeunesse, oui, il y a des fugues qui font en sorte qu'il faut
réfléchir sur comment le jeune se sent, pourquoi il chemine comme ça, mais on m'a aussi dit qu'il y avait 76 %, si je
ne me trompe pas... je n'ai pas les chiffres devant moi, là, mais, en tout cas, dans ces 70 % là, des
jeunes qui fuguent pour expérimenter. Puis ça ne dure pas longtemps, puis ça
fait partie de leur cheminement. Alors, ce
n'est pas tout le monde qui a un mal d'être, c'est des tests qu'ils font, puis
ça fait partie du cheminement. Je sais que ça peut paraître bizarre pour
les gens qui nous écoutent à la maison, mais c'est ça quand même. Puis, s'ils y réfléchissent comme il faut, les personnes qui
ont eu des enfants, à un moment donné ou à un autre, ton jeune, à un moment donné, il oublie de t'appeler pour te dire
qu'il ne s'en vient pas, puis, bon, c'est arrivé à tout le monde, je pense. Ceux que ce n'est pas arrivé,
bien, tant mieux pour eux autres, mais j'en connais plus que moins à qui
c'est arrivé. Mais ça ne veut pas dire
nécessairement qu'il y a un problème là, ça fait partie du cheminement d'un
adolescent.
Alors,
pour ce qui est de l'état de situation, vous savez qu'on a deux tables qu'on a
mises en place, notamment des DPJ,
puis c'est archifaux que je les empêche de parler, en passant. Je ne suis pas
une dictateur, je suis quelqu'un qui communique
assez bien généralement. Il y a plein de gens dans la salle qui me connaissent
pour savoir ça. Alors, moi, les gens
qui veulent bien dire ce qu'ils ont à dire, ils sont les bienvenus. Et je les
rencontre assez régulièrement, je vais dans les centres jeunesse. Et, je
vais vous dire, là, quand les gens ont à me dire des choses, là, puis ce n'est
pas toujours nécessairement positif,
j'écoute, j'entends puis je... Ce n'est pas pour rien qu'on dépose un projet de
loi, puis ce n'est pas pour rien qu'il y aura des amendements, c'est
parce que j'ai entendu des choses.
Alors,
cette prétention-là, je voulais rectifier ça parce que ça fait une couple de
fois que j'entends ça, qu'on les empêche
de parler. C'est absolument faux, là, il y a une table pour eux autres puis il
y a une table... L'expertise qui était à l'Association des centres jeunesse, vous savez, c'est rendu à l'Institut national d'excellence en santé et services sociaux. Ce n'est pas pour rien, c'était pour ne pas perdre
cette expertise-là. Et on a d'autres tables, il y a une autre table qui est
là pour, justement, nous ramener de l'information, et partager les pratiques, puis améliorer nos performances à travers le
réseau.
Est-ce
qu'il y a lieu de mieux communiquer encore? Peut-être,
mais ça, là, au fil du temps, si on le sent, je vous assure et je vous rassure, je veux le dire à tout le monde, que je vais tout faire pour qu'on ait une meilleure
communication parce qu'ultimement c'est les
jeunes qui bénéficient des services. Et, pour moi, c'est très, très important,
comme pour tous les parlementaires
ici, d'ailleurs. Ce n'est pas juste pour moi, puis ce n'est pas juste pour
vous, on le fait pour les jeunes, là.
Je vous ramène à
votre passage à la vie autonome, vous avez parlé de ça, puis ça m'a intéressée
beaucoup. Mon Dieu! Il ne reste pas beaucoup de temps, je voulais vous parler
de l'émancipation. Choisissez donc lequel des deux sujets sur lesquels vous
voudriez m'entretenir, puis je suis certaine que mes collègues vont faire le
reste.
• (15 h 30) •
M. Blain (Pierre) : Retour à la vie normale, c'est ce passage-là. Je pense que c'est
important. Vous avez certains programmes,
le programme qu'on a mentionné est là, c'est... On a, à notre bureau,
maintenant un jeune qu'on a engagé et qui
a travaillé dans un centre jeunesse, c'est lui qui nous a sorti ça. En fin de
compte, ce que Josée me disait, c'est que ce n'est pas prévu partout à
travers le Québec. Je pense, c'est ce genre de programme là.
Mme Dansereau
(Josée) : Ce n'est pas que ce n'est pas prévu, c'est que c'est...
M. Blain (Pierre)
: Il n'a pas la même priorité.
Mme
Dansereau (Josée) : ...l'âge
d'admission, les jeunes doivent avoir 16 ans et quatre mois pour pouvoir
faire partie du PQJ, du programme
Qualification des jeunes. Alors, ce que les jeunes disent à travers les comités
de résidents, c'est comme :
Bien, moi, j'aimerais ça, mais j'ai 16 ans et neuf mois, alors je ne peux pas y
participer. Ou un jeune qui va entrer
en centre de réadaptation qui est rendu à 17 ans, il est placé pour troubles de
comportement, peu importe, alors ce jeune-là,
souvent, il ne retournera pas dans sa famille, les liens sont brisés. Alors, on
a besoin de programmes comme ça pour ces jeunes-là, pour les
préparer. Et ils n'ont pas eu un vécu facile puis un parcours de vie assez
cahoteux, alors c'est important de trouver une façon pour que ces jeunes-là
aient accès à un programme comme ça, alors, partout.
Mme
Charlebois :
Ça fait que c'est pas mal fini, hein?
Le Président (M.
Tanguay) : 30 secondes. 30 secondes.
Mme
Charlebois :
Bien, en 30 secondes, j'ai le goût de vous demander : Est-ce que vous
croyez que les organismes communautaires peuvent nous aider pour ce passage à
la vie adulte?
Mme Dansereau (Josée) :
Oui, parce qu'il y a beaucoup de services, les organismes communautaires.
Mme
Charlebois :
Maisons de jeunes, notamment.
Mme Dansereau
(Josée) : Oui, entre autres.
Mme
Charlebois :
O.K.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, nous poursuivons les échanges pour une période de
9 min 30 s avec le collègue de Rosemont.
M. Lisée :
Merci, M. le Président. Bonjour à tous. Très heureux que vous soyez là. D'abord,
un petit préambule. C'est vrai qu'on entend beaucoup parler de l'omerta dans le
système de santé en ce moment. La ministre dit que ce n'est pas elle qui leur
dit de se taire, c'est peut-être son ministre de tutelle, le ministre de la
Santé. C'est peut-être plus de lui qu'ils ont peur que d'elle. Lorsqu'évidemment
le ministre a décidé de mettre à la porte tous les membres des conseils
d'administration dans tous les CSSS, tous les hôpitaux et de nommer lui-même
tous les administrateurs, déjà c'est un signal. Lorsqu'il a décidé de mettre à
la porte quelques milliers de cadres et de décider lesquels resteraient, pas
besoin de leur dire de se taire. Lorsqu'il a décidé d'abolir les associations
qui avaient acquis une indépendance et une capacité d'intervenir, l'association
des cadres supérieurs des hôpitaux, l'association des présidents de centre
jeunesse, etc., on peut penser que le signal a été compris et que ce n'est pas
nécessaire de le répéter. Mais ceux qui ont des choses à dire, qui veulent les
dire anonymement ou non, peuvent venir sur jflisee.org, cliquez sur Pour
m'écrire, puis ça va tomber dans ma boîte. Alors, je pourrai soit gommer les
noms puis faire rapport à la ministre d'un certain nombre de choses que,
peut-être, les gens n'osent pas lui dire au cas où elle le dirait au ministre
de tutelle, qui, lui, ça lui arrive de se fâcher. O.K.?
Alors, cela étant dit, vous êtes ici pour
parler. Mais, d'abord, je vais vous demander, vous avez été aussi très affectés
par la réforme, la fusion des comités d'usagers, et pouvez-vous nous décrire la
différence entre ce qui se passait avant puis ce qui se passe maintenant dans
votre capacité d'agir?
M. Blain
(Pierre) : Rien, il n'y a rien de différent. Les comités des usagers, nous
avons réussi, nous, à les conserver partout.
Ils continuent à pouvoir, justement, se parler. On a réussi à aller chercher quelque chose d'encore plus important, c'est-à-dire que les comités des usagers, maintenant, peuvent faire des enjeux stratégiques au conseil d'administration, et le
conseil devra leur répondre publiquement. Pour moi, ça, c'est un acquis. Est-ce que, justement, les gens parlent? Je ne le sais pas. Vous avez raison, le problème
est à un autre niveau, c'est un niveau
des membres des comités des usagers qui doivent assumer correctement
leurs fonctions, et la même chose...
Et je vais
juste faire un petit aparté, la semaine... c'est cette semaine, plutôt, ça
commence demain. La semaine des droits
des usagers, nous avons une grande manifestation à Montréal, au complexe
Desjardins, et nous allons avoir du speed dating de plaintes.
C'est-à-dire nous allons donner des ateliers comment présenter une plainte,
justement, si on a à le faire, et on va
essayer de la faire cheminer. Donc, oui, il y a des choses qui ont été
changées, mais les choses qui ont été changées ont été changées au
niveau des structures comme telles des établissements. Mais, au niveau des
comités des usagers, ils sont toujours là et ils continuent à travailler au
niveau que nous, on pense que les établissements doivent travailler,
c'est-à-dire au niveau de chacune des communautés.
M. Lisée :
...qu'effectivement c'est un amendement que ma collègue députée de Taillon et
moi avions fait introduire dans le projet de
loi n° 10 pour essayer de maintenir au moins ces comités-là, mais qu'en
est-il de votre capacité de faire des recommandations au conseil
d'administration?
M. Blain
(Pierre) : Nous avons produit,
justement, pour les comités des usagers un outil pour leur parler c'est
quoi, un enjeu stratégique. Moi, d'abord, je veux qu'on comprenne bien, on a,
pour une fois, dans une structure des bénévoles — parce que les membres des comités des
usagers, ce sont des bénévoles — à qui on leur a donné des fonctions légales. Ils ont des fonctions légales à cause de
l'article 212 de la loi. Je n'ai jamais vu ça nulle part, bon, à part ceux
qui s'en vont à un conseil d'administration, mais qui, à mon point de vue, à ce
moment-là, ne sont pas nécessairement libres parce qu'ils travaillent pour
l'établissement avant de travailler pour la population. Ça, c'est mon dada
personnel.
La différence, c'est que les comités des
usagers, eux, on une liberté complète, mais il faut qu'ils l'assument correctement. Et c'est pour ça qu'il faut qu'on
leur donne des outils pour pouvoir le faire. C'est pour ça qu'on a
toujours dit qu'il serait préférable qu'on travaille
tous sous le même parapluie pour pouvoir avoir des outils en commun, pour
pouvoir le faire correctement, notre
travail. Mais, maintenant, si les comités des usagers, ensemble, amènent au
conseil d'administration des enjeux,
le conseil d'administration doit leur répondre publiquement, et nous, on a
l'intention, au RPCU, de ramener tout ça
ensemble pour en faire des enjeux pour l'ensemble du Québec. Pour éviter que,
justement, qu'on dise qu'au Saguenay ça se passe de même, puis qu'ailleurs, dans les Laurentides, ça se passe
autrement, on voudrait que, justement, on puisse le faire. Mais, quand on parle d'enjeux, on parle
d'enjeux sérieux, là. Pour nous, là, des enjeux sérieux, c'est
justement : Est-ce que les centres
jeunesse sont sécuritaires? Est-ce que, justement, il y a les bons moyens?
Est-ce qu'il y a suffisamment de personnel pour le rendre? C'est ça
qu'il faut qu'on fasse.
M. Lisée :
Que répondez-vous? Vous, vous représentez les usagers, alors, vous voyez la
situation telle qu'elle se développe. M. Lebon, lui, a dit dans une
entrevue : Écoutez, le système est en crise, ça prend des états généraux.
Les gens sont surchargés de travail. Ils
s'éloignent du clinique pour faire de la reddition de comptes exagérée. Est-ce
que c'est votre lecture? Quelle est votre lecture de l'état du réseau en
ce moment? Est-ce qu'il performe à 30 %, 50 %, 80 %?
M. Blain (Pierre) : Le réseau,
présentement, est en transition. Toute personne en transition est insécure. Présentement, ce qu'on peut dire, ça se peut que
ce soit ça, le réseau peut être insécure actuellement parce qu'on se
cherche de nouveaux repères. Mais moi, ce
que j'ai vu cependant... Et on a essayé de l'étudier un tout petit peu avec ce
qu'on appelle l'intégration des
services, et je vais vous parler de ce que nous, au RPCU, on a proposé, entre
autres, au comité des usagers.
Plusieurs comités
nous reprochent de parler seulement des CHSLD alors que les CHSLD n'ont...
n'est qu'une partie du travail d'un comité
des usagers, y compris les jeunes en centre jeunesse dans certains cas, y
compris les services dans les
hôpitaux. Ce qu'on a proposé, justement, au nouvel encadrement qu'on appelle le
comité des usagers du centre intégré, on a proposé
qu'il travaille en sous-comités, et ces sous-comités-là rejoindraient chacun
des comités des usagers déjà en place pour
traiter de certaines problématiques comme les jeunes, comme les personnes
âgées, comme les personnes en
réadaptation, comme les personnes dans un centre hospitalier pour que tout le
monde réalise qu'ils ont à faire ça. Et, d'ailleurs, je dois dire que,
malheureusement, certains comités de ces usagers-là n'ont pas compris ce travail-là et ils ne veulent pas travailler
ensemble. Bien, moi, je pense qu'il faut qu'on travaille ensemble. Et il ne
faut pas pelleter dans la cour du voisin des
choses qu'on doit faire soi-même parce que la loi est bien claire, on a l'obligation
de le faire. Et, quand on parle d'obligation de faire quelque chose, ça va aussi loin qu'un élément qui, pour nous, est
extrêmement important avec le travail des comités des usagers qui est l'évaluation du degré de satisfaction. Si les comités des usagers
travaillaient là-dessus, on pourrait avoir des réponses encore plus précises,
monsieur.
• (15 h 40) •
M. Lisée : Donc, ce que
vous nous dites, c'est que, la centralisation, vous essayez de la compenser en
décentralisant ou en créant une
structure qui revient au travail par secteur d'activité parce qu'ils sont différents puis qu'on ne peut pas penser tout faire en même
temps, et donc vous proposez finalement de redéfaire par en arrière ce qui a
été démantelé par la loi n° 10.
M. Blain (Pierre)
: Bien, c'est que ces missions-là restent. Si on regarde les organigrammes
de chacun des établissements maintenant...
Et c'est là plutôt... Il y a peut-être un problème dans le cas de la jeunesse,
cependant. On a un directeur de la
protection de la jeunesse qui, lui, est là parce que c'est une fonction qui
vient de la Loi sur la protection de la jeunesse, mais, en dessous de ça, on a un programme qui s'appelle
jeunesse et c'est là où... Comment fait-on le lien entre les deux? On pense qu'il y a un lien à y faire entre
ça, et c'est peut-être ça qui n'est pas correctement, peut-être, vu
actuellement dans le réseau pour, entre autres, les jeunes, si je puis dire.
Mais...
M.
Lisée : Vous voulez
faire une enquête de satisfaction.
Selon vous, là, si vous faisiez une enquête de satisfaction auprès des
usagers, c'est-à-dire les jeunes dans les centres jeunesse, qu'est-ce qu'ils vous
diraient?
M. Blain (Pierre)
: Je vais laisser Mme Dansereau, c'est elle qui...
Mme
Dansereau (Josée) : Je vais parler pour Lanaudière. Les jeunes sont
rencontrés régulièrement, que ça soit dans
les résidences intermédiaires, que ça soit dans les centres de réadaptation.
C'est moi-même qui les rencontre, alors je peux vous en parler au «je». Alors, ces jeunes-là, ils sont satisfaits.
Quand ils rentrent, ils ne sont pas contents, quand ils arrivent, c'est
certain. Écoutez, ce n'est pas évident, là, on dit : Bon, viens-t-en, mon
homme, on s'en va en centre de réadaptation
pour un petit bout. Eux autres, ils voient leur liberté brimée, ils ont toutes
sortes d'images, qu'ils s'en vont dans un milieu de détention, ce qui
n'est vraiment pas le cas. Alors, il y a cette image-là.
Ça
dépend, la satisfaction de la clientèle, des jeunes, quand est-ce que vous les
sondez. Quand vous les sondez trois mois après, deux mois, trois mois
qu'ils se sont installés, ils comprennent pourquoi ils sont là puis les bienfaits.
Et les jeunes, ils parlent. Contrairement à
ce qu'on peut penser, ils n'ont pas peur des représailles. Avec les comités
de résidents, c'est ce qu'il y a de très,
très positif qu'ils ont maintenu. Parce que, nous, c'était notre crainte, qu'on
n'ait plus les comités de résidents.
Parce que ce sont des enfants mineurs, alors il faut s'en occuper, il faut les
animer, ces comités-là. Alors, les
jeunes, ils parlent, puis il y a de l'amélioration de qualité de service
lorsqu'ils ne sont pas satisfaits. En tout cas, moi, je peux vous parler
pour Lanaudière, là, c'est vraiment ça, vraiment.
M. Lisée :
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci. Alors, nous poursuivons avec le collègue de Drummond—Bois-Francs
pour 6 min 30 s.
M.
Schneeberger :
Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. Actuellement, je siège aussi sur
le projet de loi n° 70, qui est en lien
directement avec ce que vous... Bien, je vais faire le lien, vous allez
comprendre. Quand vous parlez de
création d'un réseau de logements post supervisés... Moi, le projet de loi
n° 70, dans l'ensemble, le principe, j'étais assez pour. Par contre, il y avait des éléments... Parce que je
suis assez proche de mes organismes communautaires et sociaux, et la peur était, justement, les
personnes qui sortent des centres jeunesse, souvent... Il y en a qui vont être
corrects pour aller travailler, tu sais, ils vont faire leur demande, leur
première demande au niveau de l'aide sociale, et autres, ce qu'on appelle les premiers demandeurs, puis
certains, heureusement, leur cheminement va aller bien. Par contre, il y
en a d'autres qu'ils n'ont pas la
capacité... c'est-à-dire il n'a pas le bagage social pour aller au travail,
c'est-à-dire qu'il serait apte à
travailler, mais le reste en sorte... juste le fait de... vous allez dire que
c'est ridicule, mais de se laver, il y en a que c'est plus dur.
Alors,
moi, je vois un lien parfait, et là je pense que... Et ça, là-dessus, il faut
dire que j'ai souligné l'ouverture du ministre
là-dessus, c'est-à-dire de créer une troisième... une case dans l'organisation,
l'organigramme où ce qu'on appelle le cheminement
de vie... Et je fais un lien direct avec les centres supervisés parce que, chez
nous, à Drummondville, on a Habit-Action
ou Auberge du coeur, et autres, et je pense que, là, il y aurait peut-être de
quoi à faire. Je vois vraiment un chemin
où est-ce que ces jeunes-là pourraient être supervisés pendant quelques mois
selon les besoins, et autres. Aussi à leur guise, hein, parce que, peut-être, des fois, c'est eux autres qui vont
le demander parce que, tu sais, des fois, la liberté, c'est le fun, mais
la liberté au milieu du désert, là, des fois, ça peut être dur, hein?
Alors,
par contre, je pense que les deux ministères, là, ils vont devoir se parler
parce que, là, il est financé par la Santé,
puis l'autre, c'est Solidarité sociale, mais on parle de la même personne. Moi,
je voudrais vous entendre un petit peu plus, là. Vous, quand vous parlez
de post supervisé, c'est quoi, un peu, l'image que vous voyez ça, là...
M. Blain (Pierre) : Je suis content que vous...
parce qu'effectivement moi aussi, je trouve que le lien est important
avec le 70, parce que, justement,
dans notre mémoire sur la jeunesse, on a parlé des jeunes et comment qu'on peut
faire des transitions pour pouvoir
amener plus loin. Ce sont les organismes communautaires, parfois, qui peuvent
aider. Moi, j'ai travaillé aussi
comme bénévole dans une maison à Montréal qui s'appelle la Maison Plein Coeur, qui est une
maison pour les personnes sidatiques et qui, justement, a des logements
supervisés pour une transition, entre
autres, au niveau
de la santé, pour que la personne puisse aller... et surtout réapprendre à
vivre. On a des organismes communautaires aussi à Montréal
puis ailleurs, partout au Québec, en santé mentale qui permettent, justement,
de ramener l'estime de soi des gens
qui, justement, ont perdu leur emploi et qui, tout à coup, se retrouvent avec des problématiques de santé, mais qui, dans des ateliers de création, peuvent amener ça. Donc, je
pense que c'est ce genre de modèle là qui pourrait être amené, justement. Et, d'ailleurs, ça tombe bien, puisque c'est le ministère
de la Solidarité qui paie pour les organismes communautaires, mais ils ont bloqué le budget depuis 10 ans ou à peu près.
Donc, à ce moment-là, ça pourrait être intéressant que, justement,
des programmes puissent être
développés avec les organismes
communautaires, qui pourraient amener
des projets semblables.
M.
Schneeberger : O.K.
C'est bon. Je reviens sur la famille de proximité. Ce matin, le Barreau nous
disait qu'eux, ils n'étaient pas très d'accord parce qu'eux autres,
famille de proximité, ça enlevait le statut particulier de la famille
d'accueil. En gros, si j'ai bien compris, c'est un peu ça, là.
C'est
assez juridique, les termes, là, mais, concrètement, est-ce que, dans la
procédure régulière... est-ce que la famille,
je veux dire, la parenté, est toujours prise en considération? Je vous parle de ça parce
que, des fois, on a vu des cas où
est-ce que des enfants... où est-ce que, surtout, deux, trois, quatre enfants
ont été divisés parce que, là, il n'y avait pas de famille d'accueil pour les prendre. Ça, je trouve ça terrible. Tu
sais, déjà que tu les arraches de leur milieu
familial, mais tu divises les... parce que,
là, pour des contextes particuliers... Est-ce qu'à ce moment-là, justement,
la famille, pour une période donnée, le temps de replacer... ne devrait
pas être en considération beaucoup plus grande?
Mme
Dansereau (Josée) : Moi, je
suis tout à fait d'accord avec vous, c'est très triste de séparer
des enfants quand on les retire du milieu familial. Moi, j'en ai, des
exemples que, lorsque c'est possible, que des familles d'accueil de proximité, familles de proximité prennent toute la
fratrie. C'est certain qu'ils vont avoir besoin de plus de support, mais
il faut que ce soit... La famille de
proximité, écoutez, moi, je suis vraiment d'accord avec ça. Cependant,
il faut vraiment qu'il y ait des évaluations, puis, pour l'enfant, ce sera très, très
positif. Quand ça l'est en ce moment, quand les enfants sont placés dans des familles... chez une tante, par exemple, il n'est pas séparé de son identité. Son identité est là à lui, ses
repères, il a toujours ses repères. Alors, il n'est pas déchiré comme un
enfant qui est placé dans un autre milieu substitut. Alors, c'est
certain qu'il faut le prioriser. Alors, moi, ça, pour ça, je vous dis que
l'impact est beaucoup moins grand de la... Je n'aime
pas dire ça, de la séparation d'avec leurs parents, là, mais c'est plus
facilitant pour ces enfants-là. Et de grandir dans un milieu... Parce qu'il ne faut pas se leurrer,
là, ces enfants-là, souvent, quand ils ont 18 ans, ils vont retourner dans
leur famille, dans leur milieu familial. Alors, c'est beaucoup plus facile, la
transition, pour eux après le 18 ans.
M. Blain (Pierre)
: Ou bien ils vont s'identifier à la famille d'accueil.
Mme Dansereau
(Josée) : Tout à fait.
M.
Schneeberger :
Combien? Combien de secondes?
Le Président (M.
Tanguay) : 30.
M.
Schneeberger : O.K. Ils
disaient aussi ce matin que la famille de proximité n'est pas tout à fait un signe de réussite. Je ne sais pas s'ils avaient des statistiques
là-dessus, et autres, mais je pense que, quand on regarde au niveau
d'une famille de proximité... Et je pense qu'ils doivent regarder aussi
l'aspect, voir si c'est bien, là. J'entends qu'il doit y avoir un processus qui
doit être fait là-dessus, là, ce n'est pas le...
Mme Dansereau
(Josée) : ...
M.
Schneeberger :
Oui, l'évaluation, voir si la famille, là, le mononcle, la grand-mère, le
grand-père est apte à prendre des enfants en charge.
Mme
Dansereau (Josée) : Parce que, si cette famille-là est évaluée apte à
s'occuper des enfants, c'est la même chose qu'une famille d'accueil, là,
ça reste une famille, alors il faut qu'elles aient les mêmes capacités, une et
l'autre.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous vous remercions, représentante,
représentant du Regroupement provincial des comités des usagers, santé et
services sociaux.
Je suspends nos
travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 50)
(Reprise à 15 h 57)
Le Président (M. Tanguay) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Nous sommes de retour et nous accueillons maintenant
les représentantes, représentant de
l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et
familiaux du Québec. Bienvenue à l'Assemblée
nationale. Vous disposez d'une période de présentation de 10 minutes. Par la
suite, vous aurez des échanges avec les
parlementaires. Et, pour les fins d'enregistrement, je vous demanderais de bien
vouloir préciser vos noms et fonctions. Alors, la parole est à vous.
Ordre des travailleurs
sociaux et des thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ)
Mme
Ouimette (Guylaine) :
Bonjour. Mme la ministre déléguée à la Réadaptation et la Protection de la
jeunesse, M. le président de la Commission
santé et services sociaux, Mmes et MM. députés et membres de la commission,
bonjour.
Il me fait
plaisir, en tant que présidente de l'Ordre des travailleurs sociaux et
thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec,
de vous présenter aujourd'hui les grandes lignes de notre mémoire concernant le
projet de loi n° 99, Loi modifiant la Loi sur la protection de la
jeunesse et d'autres dispositions.
Ce projet de
loi nous interpelle particulièrement, car la Loi sur la protection de la
jeunesse touche directement la pratique
d'un grand nombre de nos 13 000 membres qui interviennent auprès des
enfants, des jeunes et des familles non seulement dans les centres jeunesse, mais également dans les services
sociaux, les services de première ligne, les services spécialisés et les
milieux scolaires.
Donc, permettez-moi de vous présenter les gens
qui m'accompagnent. Moi, je suis Guylaine Ouimette, je suis la présidente de l'ordre. À ma droite,
Mme Marie-Lyne Roc, travailleuse sociale et chargée d'affaires
professionnelles à l'ordre et au
développement professionnel; et, à ma gauche, M. Richard Silver,
travailleur social et conseiller juridique à l'Ordre des travailleurs
sociaux.
Nous avons
concentré nos efforts sur deux éléments essentiels en abordant ce mémoire.
Premièrement, la volonté de favoriser l'implication des communautés des
Premières Nations et Inuits ainsi que la préservation de l'identité culturelle
d'un enfant membre d'une telle communauté. Deuxièmement, l'ajout de la notion
d'exploitation sexuelle comme situation de compromission à la sécurité et au
développement des jeunes personnes.
L'ordre se
réjouit de constater que le projet de loi n° 99 enchâsse dans la Loi sur
la protection de la jeunesse des principes
visant à préserver l'identité et les racines culturelles des enfants des
communautés autochtones en favorisant que l'enfant pour lequel un
placement est nécessaire soit confié à une famille ou à un milieu de vie
substitut au sein de sa communauté.
C'est avec satisfaction également que nous avons
reçu la volonté du législateur de revoir les délais pour la finalisation d'une enquête provisoire. En fait, le
délai de 10 jours n'est pas facilement applicable dans des communautés
aux prises avec des réalités géographiques et structurelles très différentes
des grands centres. Nous accueillons donc favorablement cette souplesse
nécessaire dans la pratique auprès des enfants, des familles et des
communautés.
• (16 heures) •
Ainsi, ces modifications viennent soutenir les
pratiques de dialogue et de concertation entre la direction de la protection de
la jeunesse et les Premières Nations. Ne perdons pas de vue, cependant, que le
dialogue, l'ouverture, ça nécessite qu'une
relation de confiance a été établie entre les interlocuteurs. Or, ces
communautés souffrent encore des placements massifs de leurs enfants
hors de leur communauté. Elles doivent encore composer avec les séquelles du
déracinement culturel et linguistique créé par ces placements. Il faut donc
donner du temps au temps.
Pour nous,
travailleurs sociaux, un élément crève les yeux, et je tiens à en faire part
aujourd'hui. Il existe — et c'est largement documenté — un lien direct entre les conditions de vie
des familles et les risques d'abus et de négligence auprès des enfants. L'abus et la négligence sont des
problématiques sociales, et non culturelles. Et, pour agir sur ces
problématiques sociales, il faut réduire les inégalités sociales entre
ces communautés et l'ensemble de la population du Québec.
Vous le savez, les communautés des Premières
Nations sont parmi les plus touchées sur le plan des inégalités sociales. Par rapport à la population québécoise
en général, elles sont les plus visées par la pauvreté. Elles sont
également parmi les plus marginalisées dans
les secteurs de l'éducation, de l'emploi et du logement. Nos partenaires et nos
membres décrient constamment la pénurie de ressources et de services de
première ligne dans ces communautés. Sachant cela, comment faire reposer
seulement sur les épaules des parents et des communautés le fardeau de la
sécurité et de l'épanouissement de la
jeunesse alors qu'ils vivent dans des conditions inacceptables? En tant
qu'élus, vous devez réaliser que les
conditions de vie difficiles qui prévalent au sein de ces communautés agissent
tel un frein à leur épanouissement et à leur capacité de se prendre en
main. C'est à la pauvreté qu'il faut s'attaquer sans délai.
Abordons maintenant la notion d'exploitation
sexuelle, qui sera reconnue comme motif de compromission à l'intégrité physique
et psychologique des jeunes. Fort bien, cela reflète d'ailleurs l'état des
connaissances en ce qui concerne les abus
sexuels. Toutefois, nous croyons que le concept d'exploitation sexuelle doit
être précisé, sans quoi il sera difficile de mettre en place et de mener
des interventions concertées et efficaces. De plus, les experts insistent sur l'importance d'offrir aux victimes d'exploitation
sexuelle des services à la fois variés et spécialisés afin d'intervenir
sur le plan personnel, psychologique, social
ou économique. À cet égard, nous rappelons l'importance d'offrir aux jeunes
en situation d'exploitation sexuelle des
mesures d'aide qui dépassent le retrait et la protection en misant également
sur des services de soutien et
d'accompagnement à long terme ainsi que des mesures d'insertion sociale et de
participation citoyenne.
En
terminant, je veux attirer votre attention sur le fait que l'intervention
auprès des communautés des Premières Nations
ainsi que les problématiques d'exploitation sexuelle exigent des connaissances
approfondies et des compétences spécifiques. S'inspirant de leur code de déontologie,
les travailleurs sociaux veillent à développer ce type de compétences dans le cadre de leurs actions liées à ces deux
domaines. Mais la compétence ne sera pas suffisante si les
professionnels ne bénéficient pas de conditions de travail leur permettant de
conduire les évaluations de manière rigoureuse, d'exercer leur jugement
clinique et professionnel et d'offrir des services fondés sur les meilleures
pratiques.
Cela
va de soi, dites-vous? C'est ce que nous croyons aussi, et pourtant, nos membres
nous confient régulièrement des situations où leur jugement
professionnel et leurs interventions font face à des limites qui heurtent leur
code de déontologie. L'une de ces limites a été soulevée par le directeur de la
protection de la jeunesse du CIUSSS de Laval, M.
Denis Baraby, en commission... et reconnu hier devant cette commission que son
organisation subissait une pression budgétaire énorme. Dans de tels
contextes, même après l'adoption du projet de loi n° 99, les travailleurs
sociaux posséderont-ils la marge de
manoeuvre nécessaire pour mettre en place une pratique responsable? Quand je
parle de marge de manoeuvre, je réfère notamment à la capacité pour les
travailleurs sociaux d'exercer pleinement leur jugement professionnel et de ne
pas être soumis à des règles de standardisation qui entravent le déploiement de
l'ensemble de leurs compétences.
Mme
la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse, un message clair doit être
lancé aux administrateurs des établissements
du réseau de la santé et des services sociaux du Québec quant à leur
responsabilité d'offrir des conditions de pratique optimales aux
professionnels, notamment aux travailleurs sociaux, afin qu'ils puissent
effectuer leur travail convenablement, sans pression institutionnelle indue,
tout en respectant leur code de déontologie. La protection de la jeunesse en
dépend. Merci de nous recevoir aujourd'hui.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, pour la période d'échange, Mme
la ministre, pour 16 minutes.
Mme
Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, tout d'abord,
vous saluer, Mme Ouimette, Mme Roc et M. Silver. C'est comme ça qu'on dit votre nom? Merci d'être venus présenter votre
mémoire. Et j'entends bien vos recommandations, notamment en ce qui
concerne l'exercice de votre fonction.
Vous
allez me répondre à une première question. J'entends vos propos sur les
pressions indues, et vous avez fait allusion
aux propos d'un DPJ hier. Dites-moi, avant la loi n° 10 et avant la venue
de notre gouvernement, en quoi c'était différent
pour les travailleurs sociaux? Est-ce que vous étiez plus à l'aise pour
travailler? Aviez-vous beaucoup plus d'argent?
Mme
Ouimette (Guylaine) : Vous me demandez de prendre une position
politique, je vais plutôt prendre une position comme ordre
professionnel.
Mme
Charlebois :
Non, un constat. Est-ce que vous aviez plus de sous? Est-ce que vous étiez plus
à l'aise? Est-ce que vous aviez des pressions indues comme vous en avez en ce
moment?
Mme
Ouimette (Guylaine) : Je peux vous dire que, depuis la restructuration
du réseau, nous avons plus d'appels de
nos membres qui vivent de la détresse en lien avec la contrainte de loyauté à
laquelle ils font face dans un contexte où il y a des changements radicaux dans leur pratique quotidienne. Les gens
nous interpellent, car ils sont en conflit de loyauté entre les exigences du travail, la pression,
etc. — et je
vais demander à Mme Marie-Lyne Roc de compléter après que j'ai
terminé — et
également les exigences que ce genre de travail là exige, où il faut prendre le
temps, il faut prendre le temps de bien
évaluer les familles et de bien déterminer quel plan d'intervention il va y
avoir. Et, pour compléter, je vais demander à Mme Marie-Lyne Roc de
compléter.
Mme
Charlebois :
Très rapidement, s'il vous plaît, parce que vous n'avez pas répondu à ma
question...
Une voix :
...
Mme
Charlebois :
Non.
Le Président (M.
Tanguay) : La parole est à la ministre.
Mme
Charlebois :
...
Une voix :
...
Le Président (M.
Tanguay) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Oui.
Mme Ouimette (Guylaine) : Vous me demandez de faire une comparaison avec
avant et après, ce que je vous dis...
Mme
Charlebois : Ce que je veux savoir, c'est en quoi ça a
changé. À part le fait qu'il y a eu un regroupement des services, en quoi, pour vous, votre travail
diffère avant la loi n° 10, avant que nous soyons élus en 2014? Dites-moi
en quoi le travail d'un travailleur social était différent avant que j'arrive.
Mme Ouimette (Guylaine) : Mais moi,
je suis à l'ordre professionnel des travailleurs sociaux, on a plus d'appels de
travailleurs sociaux, qui sont, comme je vous explique, en conflit de loyauté
entre les exigences, qui sont désormais plus grandes au
niveau de la performance que c'était avant la restructuration... Et,
évidemment, on sait que le réseau est en
transition, les projets cliniques sont en train de s'écrire dans les réseaux.
Alors, à ce moment-là, il y a vraiment,
je vous dirais, une grande transformation, et les gens se font demander plus de
comptes. On nous dit qu'ils sont plus
dans une logique de reddition de comptes et qu'ils ont moins de temps pour
faire leur travail comme il faut, et ils sont pris dans des conflits de loyauté entre les normes qu'ils doivent
appliquer en tant que membres d'un ordre professionnel et le contexte ou
l'environnement et l'espace de travail dans lesquels ils se retrouvent.
Mme Marie-Lyne...
Mme
Charlebois : O.K.
Je comprends mieux votre réponse.
Mme Ouimette (Guylaine) :
Mme Roc va être en mesure de compléter à ce niveau-là.
Mme
Charlebois : Oui.
Mais là c'est plus clair pour moi. Je vais la laisser parler, c'est sûr, là,
mais c'est plus clair, là.
Mme Ouimette (Guylaine) : O.K. Pour
ce qui est du conflit de loyauté.
Mme
Charlebois : Oui.
Oui, je comprends ce que vous voulez dire par conflit de loyauté. Mais ce que
je comprends, c'est qu'on vit une période de
transition, et toute période de transition insécurise les gens. Allez-y,
Mme Roc.
Mme Roc
(Marie-Lyne) : En fait, comme vous dites, ce qu'on a remarqué — puis je pense qu'on l'a souvent décrié auprès des différents ministères — c'est qu'on voit vraiment un effritement, un
effritement au niveau des services sociaux,
surtout au niveau des services sociaux de première ligne. Donc, c'est clair
qu'aujourd'hui, avec les changements dans
le réseau, on sent encore plus cette tension-là. Et ça fait longtemps qu'on
voit qu'effectivement les travailleurs sociaux sont soumis à des règles où, par exemple, on doit... c'est une logique
plus comptable, de reddition de comptes, c'est-à-dire qu'on a une logique de voir combien de services on
donne à des professionnels qui, au-delà des standardisations, ont aussi un jugement professionnel à exercer. Et, pour ça,
au-delà des lois, au-delà aussi des normes à respecter, il faut avoir le
temps de réfléchir pour exercer ce
jugement-là, on doit prendre en compte toutes sortes de considérations au plan éthique, au plan déontologique, au plan aussi clinique. Et
c'est de ça dont il s'agit, c'est-à-dire qu'on cherche des façons de faire qui vont être
standardisées, qui vont faire en sorte qu'on donne des services de façon plus
rapide, alors qu'on parle de problématiques extrêmement complexes qui demandent à des professionnels
qui sont imputables des gestes qu'ils posent...
• (16 h 10) •
Mme
Charlebois : Juste
pour bien saisir, deux éléments que je vous amène. Le premier, quand je suis arrivée — moi,
je suis députée avant d'être ministre, là — avant
même d'être ministre, je me rappelle d'être allée à mon CSSS, puis vous avez raison, là, les services qui
étaient coupés, là, c'était en première ligne, les services sociaux. Puis ça, c'est avant que
je devienne ministre. Je l'ai vécu, ce que vous me dites. C'est pour ça que je
vous amène à me faire la comparaison, ce n'est pas d'hier que ça joue. Et c'est
pour ça, nous, qu'on a mis ça en réseau, pour leur dire : Aïe! Attention, là, un jeune qui est signalé qui se
ramasse en deuxième ligne à la protection de la jeunesse, il y en a
qui sont signalés puis qui ne sont jamais
retenus. Mais ils ont besoin de services en première ligne, ces jeunes-là. Il faut
que la deuxième ligne puis la
première ligne travaillent ensemble parce
que, si le jeune n'a pas des services
convenables, il va se ramasser en deuxième ligne, c'est clair.
Puis, comme
vous le dites, ça ne peut pas être traité uniformément, j'entends ça, mais j'ai
le goût, en même temps, de
vous dire que les gens qui travaillent dans le réseau, les intervenants,
intervenantes et les travailleurs sociaux, me disent :
Aïe! On veut être assis à la table pour avoir un guide des bonnes pratiques,
uniformisons notre pratique. Ça fait que, là, j'ai de la difficulté à comprendre entre ce que vous me dites et ce
qu'ils m'ont dit. Pouvez-vous m'expliquer ça? Tu sais, dans le sens où ils veulent être assis à la table, faire un guide
des bonnes pratiques pour faire en
sorte que, voilà, devant une
telle situation... puis, tu sais, d'élaborer les meilleures pratiques, finalement,
puis c'est déjà là, l'Association des centres jeunesse a été rapatriée à l'Institut
national de santé publique, comme vous le savez, et les bonnes pratiques sont récupérées là. Mais là ce qu'ils souhaitent,
c'est avoir une table pour les partager, pour faire des guides, puis de
faire de la formation, puis ramasser les
nouvelles pratiques. Et, dans ce
sens-là, juste pour vous informer, on
a créé deux tables. Il y a une
table de la DPJ, qui vise à l'harmonisation des pratiques, comme vous le dites, mais il y a
aussi la table nationale de
coordination des jeunes et de la famille, qui réunit l'ensemble des directeurs
de programmes jeunesse et des centres intégrés et les DPJ. Je ne sais pas si vous
comprenez ce que je veux dire, c'est eux autres qui me demandent de
s'asseoir ensemble pour uniformiser l'affaire, puis vous êtes en train de me
dire : Non, il ne faut pas faire ça. C'est là où je ne comprends plus.
Mme Ouimette (Guylaine) : Je vais
préciser. Écoutez, j'encense complètement l'approche des tables de concertation, les approches intersectorielles,
puisque c'est ça que nous valorisons grandement. Et on sait que, dans
des moments où on fait de la restructuration, idéalement, tous les partenaires
devraient être assis autour de la table pour, justement, déterminer le
cheminement d'un enfant, comment on va le desservir, comment on va le protéger
tout au long de son parcours de vie. Écoutez,
nous, on est vraiment dans ce sens-là. Et, d'ailleurs, je pourrai donner un exemple, l'ordre a été mandaté par la ministre de la
Justice et le ministre des Communautés autochtones depuis le mois de
janvier 2016, et nous vous avons déposé un rapport qui va être reçu le 30
septembre. Et, évidemment, on était intersectoriels, on était une table avec
plusieurs joueurs autour de la table, on encense cette approche-là, Mme la
ministre, il n'y a pas de problème.
Mme
Charlebois :
«Good», j'aime ça. «Good», c'est français maintenant, ça fait les deux...
Mme Ouimette (Guylaine) : Oui, bien
sûr.
Mme
Charlebois :
On va parler des communautés autochtones. Vous en avez parlé dans votre
mémoire, puis c'est quelque chose qui
me tient beaucoup à coeur pour être allée dans le Grand Nord. On sait que c'est
là que les enfants sont dans des
conditions un petit peu plus difficiles, pour ne pas dire beaucoup plus
difficiles, et vous savez qu'il y a une table de coordination qui
existe, qui s'appelle Saqijuq, où je copréside avec Mme Minnie Grey, et qui
vise à faire en sorte que la communauté se prenne en main. Parce que ce qu'on
m'a indiqué — et
vous me direz si on fait la bonne affaire — c'est qu'il faut que la communauté elle-même
élabore ses pistes de solution parce qu'ils savent, eux autres, ce qu'ils ont besoin, ce n'est pas aux blancs de leur
dire quoi faire, mais bien eux autres de dire : Regardez, nos besoins,
c'est ça, puis travaillons ensemble à élaborer les besoins, puis à élaborer les
solutions aussi. On est là-dedans, et c'est un dossier qui chemine très bien. Mais c'est eux autres qui se prennent en
main, et je trouve ça... Et qui l'ont fait, là les Inuits sont en train
de le faire. Que pensez-vous de ça?
Mme
Ouimette (Guylaine) : Nous sommes complètement convaincus que c'est ça, la solution. D'ailleurs,
dans le projet de loi qu'on a travaillé cet été, en fait, c'est toute
l'application de la p.l. n° 21, la loi qui modifie, là, tous les
services en santé mentale et en relations
humaines. Les communautés autochtones ont une volonté très forte de se prendre
en main tout en respectant les lois,
tout en ayant aussi la souplesse et l'ouverture des milieux allophones pour
supporter et venir offrir... Parce qu'ils sont dans un cadre de loi, ils
sont prêts à respecter la loi, il n'y a pas de problème. Nous, on est vraiment d'accord avec ça, et c'est comme ça qu'on
a abouti... Dans notre projet qu'on va déposer aux deux ministres que je vous parlais tout à l'heure, on s'est entendus
ensemble. Il y a vraiment cette volonté-là, mais il faut travailler
ensemble parce que la protection de la jeunesse demande une expertise...
Mme
Charlebois : Les
deux ministres que vous avez parlé, c'est Justice et Affaires autochtones?
Mme Ouimette (Guylaine) : Et le
ministère des Affaires autochtones.
Mme
Charlebois : Vous
devriez inclure la ministre déléguée à la Santé et Services sociaux, on devrait
être trois là-dedans.
Mme
Ouimette (Guylaine) : Ce n'est pas nous qui avions le mandat, on nous
a convoqués. C'est un mandat qui nous
vient de ces deux ministres-là pour élaborer un projet pour répondre exactement
aux besoins des communautés au niveau
de leurs ressources humaines. Parce que, comme vous savez, il y a très peu de
ressources humaines, et les gens qui vont
dans le Grand Nord pour travailler repartent après 18 mois. C'est très, très
coûteux. Donc, tout le projet qu'on dépose, c'est pour voir comment on va irradier ce problème-là. Donc, vous allez
sûrement le voir passer, là, il est très, très bien fait.
Mme
Charlebois :
...puis je veux être partie prenante parce qu'on a des travaux de notre côté,
il faut... Honnêtement, à mon sens, c'est transversal, il faut qu'on travaille
ensemble parce qu'on est tous là pour les mêmes citoyens. Alors, on a tous des
services différents à promulguer, et j'ai bien hâte de lire votre rapport,
c'est sûrement intéressant.
Vous nous
parlez du roulement de personnel dans les centres jeunesse, j'ai été interpelée
parce que, vous savez, je suis allée
à l'Université du Québec en Outaouais qui est à Saint-Jérôme, et je suis allée
faire une présentation sur la Loi de la protection de la jeunesse à des
étudiants, et une des intervenantes qui était là, une intervenante sociale, me
disait que, oui, il y a un gros roulement
dans les centres jeunesse de travailleurs sociaux. J'ai dit : Oui, mais
est-ce que c'est nouveau? J'ai été obligée de poser la question trois
fois pour me faire dire : Bien non, c'est loin d'être nouveau. O.K.? Parce
qu'on avait mis ça aussi sur le dos de la
loi n° 10. Là, on se rend compte que ça fait longtemps que ça dure parce
que c'est... Honnêtement, soyons
francs, c'est quelque chose, là, travailler dans les centres jeunesse, puis il
faut être vraiment dédié, avoir toute notre concentration là parce que,
vous le savez, hein, c'est des jeunes qui ont beaucoup besoin de nous.
Est-ce que
vous avez des solutions à nous partager pour qu'on puisse faire de la rétention
de ces travailleurs sociaux là, pour éviter qu'ils s'en aillent ailleurs
dans le privé, parce que ça arrive, et/ou dans d'autres postes dans le circuit?
Mme
Ouimette (Guylaine) : D'accord.
Je vous dirais que les solutions qui nous sont ramenées par les gens qui
oeuvrent dans le milieu, ce sont vraiment
la supervision clinique, les groupes de soutien entre les professionnels,
les groupes de codéveloppement ou... Les problématiques qui sont vécues au quotidien, auxquelles les travailleurs sociaux
font face au niveau de l'évaluation, c'est très, très, très lourd à
porter. Des fois, c'est dramatique, vous voyez des enfants qui sont vraiment
maltraités, alors ça affecte énormément. Et, pour garder le cap sur les
compétences professionnelles, d'agir avec
l'autorité aussi qui est déléguée par la loi pour oeuvrer à ce niveau-là, je
vous dirais que l'argent devrait être mis sur vraiment le soutien, la supervision
clinique parce que les jeunes travailleurs sociaux, quand ils arrivent en
milieu... surtout au niveau de la protection de la jeunesse, puisque c'est de
ça qu'on parle aujourd'hui, ça prend énormément d'expérience pour être capable de faire une... en tout cas, pour agir
avec compétence dans ces milieux-là. Donc, si les jeunes arrivent et qu'ils sont mentorés, soutenus, ils
vont faire leur chemin parce que, normalement, ils restent. Mais c'est
sûr que ça prend, comme on dit, ça prend
vraiment une bonne tête, ça prend une bonne sécurité intérieure, et ça, ça se
fait avec un encadrement et une supervision constante.
Mme
Charlebois : Un accompagnement, finalement, là, parce que
ces gens-là aussi ont besoin de parler, j'imagine.
Mme
Ouimette (Guylaine) : Oui. Et vous savez que les enjeux, actuellement,
qu'on a soulevés tout à l'heure, c'est
que, si la restructuration fait qu'on s'en va dans une logique qui est plus le
nombre de personnes que vous voyez au quotidien, peu importe la
complexité des cas — et
c'est quelque chose que j'ai soulevé avec le ministre de la Santé et des Services sociaux — le calcul de ce que fait un travailleur
social dans ces domaines-là ne se fait pas comme dans un bloc opératoire
lorsqu'il est temps de compter le nombre de stérilisations qui a été utilisé.
Donc, c'est une préoccupation que nous avons.
Alors,
si vous voulez vraiment faire un coup de maître, ça serait de mettre les sous à
ce niveau-là pour qu'il y ait de la
stabilité au niveau des intervenants qui oeuvrent dans ces milieux-là de la
protection de la jeunesse et de la LSJPA.
• (16 h 20) •
Mme
Charlebois :
Merci de votre réponse et de votre franchise. Maintenant, je m'excuse de vous
bousculer, hein, parce qu'on a tellement peu
de temps que je suis obligée d'aller vite. Vous avez parlé de l'exploitation
sexuelle dans votre mémoire.
Pourriez-vous me définir qu'est-ce que c'est, votre concept, qu'est-ce qui...
Parlez-moi de ce que vous aviez à me dire, bref, sur l'exploitation
sexuelle.
Mme Ouimette
(Guylaine) : M. le Président, je vais demander que Mme Marie-Lyne Roc
puisse répondre à cette question.
Le Président (M.
Tanguay) : Oui.
Mme
Roc (Marie-Lyne) : Oui. En fait, c'est qu'on sait, d'après les études,
la littérature, que l'exploitation sexuelle, c'est une forme d'abus
sexuel, mais qui... Et je pense que ça a été soulevé, justement, tantôt — je
pense même par vous — que le profil des personnes qui vivent
l'exploitation sexuelle est très différent... le portrait peut être différent.
Alors, on parle de victimes, mais souvent,
même, ces personnes-là ne se voient pas comme des victimes. Simplement pour
dire que, quand on parle d'exploitation
sexuelle, les acteurs qui auront à agir... Et là on ne parle pas seulement des
gens en centre jeunesse parce que
signaler ce genre de situation peut se faire à travers le milieu scolaire, peut
se faire à travers les services de
première ligne, et donc les professionnels doivent comprendre qu'est-ce qu'on
entend par exploitation sexuelle.
Comme, si on regarde
dans la littérature, l'exploitation sexuelle peut aller... on peut en ratisser
très large. Ça peut être d'avoir des
rapports sexuels en échange d'un hébergement, en échange d'argent, en échange
de sécurité aussi. Alors, nous, on
peut voir, dans l'imaginaire collectif, ça peut aller jusqu'à être enrôlé dans
un trafic humain avec des gangs de
rue. Mais, à petite échelle et dans les localités, il y a toutes sortes de cas
de figure. Quand les acteurs auront à agir, on devra avoir la même
compréhension pour savoir de quoi on parle et comment agir dans ce sens-là.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous poursuivons les échanges, et,
pour une période de 9 min 30 s, je cède la parole à notre
collègue de Rosemont.
M.
Lisée : Bonjour. Bonjour, Mme la présidente. Félicitations pour
votre désignation récente. Merci à vous trois. Alors, qu'est-ce que
c'est, ça, un conflit de loyauté? Expliquez-nous exactement de quoi il s'agit.
Mme
Ouimette (Guylaine) : Je vais demander, M. le Président, à Mme
Marie-Lyne Roc de l'expliquer selon nos récentes recherches.
Mme
Roc (Marie-Lyne) : Bien, quand on parle de conflit de loyauté, c'est
qu'il faut le voir dans un contexte où, avec le projet de loi n° 21, déjà le législateur avait compris que,
quand on agit en intervention sociale, dans les situations de relations humaines ou de santé mentale, on pose
des gestes qui peuvent causer préjudice parce qu'on est devant des
situations extrêmement complexes, et on a convenu que, dans plusieurs situations,
ça prend des professionnels. Des professionnels,
donc, qui sont imputables au sens du système professionnel. En faisant ça, on
embauche des gens qui ont des devoirs
puis des responsabilités au plan déontologique. Et on se retrouve dans des
structures où on doit donner des services, puis on doit expliquer, il faut qu'on gère ce panier de services, et de
plus en plus en pensant à la pénurie de ressources, avec les difficultés budgétaires qu'on a connues, et là
on tombe dans des standardisations, des moyens pratiques qui font en
sorte qu'on y va plus dans une logique de comptabilité, donner tant de services
à tant de nombre de personnes, alors qu'on demande à des professionnels d'agir
en prenant en compte toutes sortes de considérations au plan éthique, au plan
législatif, au plan clinique aussi.
Donc,
on se retrouve devant des professionnels qui doivent agir vite, qui doivent
agir aussi en utilisant des grilles, des
grilles standardisées qui laissent peu de place au jugement professionnel,
alors que c'est ce qui est attendu d'eux au plan professionnel. On se retrouve donc avec des logiques où les gens sont
pris finalement... ils sont constamment en tension puis ils se sentent, effectivement... ils travaillent
pour un employeur qui a des attentes, des exigences qui ne vont pas nécessairement dans le même sens que les attentes
et les exigences d'un ordre professionnel, mais qui vont aussi dans le sens de la responsabilité du travailleur social,
dans ce cas-ci pour la protection du public, mais dans l'intérêt du
public. Alors, c'est de ça dont on parle quand on parle de...
M. Lisée : O.K. Alors, si je
vous comprends bien, donc, le travailleur social, c'est un professionnel. Comme
c'est un professionnel, il a le devoir, la
responsabilité de rendre un service professionnellement, mais le cadre
budgétaire et la façon
dont ça fonctionne font en sorte qu'il y a des moments où il dit : Je ne
peux plus être professionnel et, donc, j'ai
un conflit entre mon devoir professionnel puis ce que me demande mon patron de
faire. Je ne peux pas faire les deux en même temps — si
j'ai bien compris — puis
c'est là qu'il se plaint, il se plaint à l'ordre.
Mme
Ouimette (Guylaine) : En
fait, la réponse, elle est très claire. J'ai rencontré cette semaine l'ensemble des formateurs qui forment nos
travailleurs sociaux. Je suis allée les rencontrer et je leur ai demandé de me
donner une image de ce que les gens leur
disent quand ils vont dans les formations qui sont offertes par l'Ordre des
travailleurs sociaux et des thérapeutes
conjugaux et familiaux. Sur les 25 personnes qui étaient là, tous des gens
hautement compétents qui donnent la
formation, le mot qui est revenu le plus souvent, c'était la détresse vécue par
les travailleurs sociaux actuellement dans les milieux de travail où ils
se retrouvent.
Cette
détresse-là s'inscrit, justement, dans la logique où — j'en ai parlé tout à l'heure — toute la transition, toute la
transformation du système actuellement dans l'offre de services rend énormément
les gens insécures, et, en plus, la pression qui vient... Comme vous avez si
bien nommé lors de l'autre présentation, il y a des logiques qui exigent des comptes, des calculs, des comparaisons, et l'ordre
va se pencher sur ça avec le ministère de la Santé et des Services
sociaux parce que, oui, on n'est pas contre
qu'il y ait des comparaisons pour bien gérer les budgets de l'État. Cependant,
il faut que ce soit fait avec une logique de : On a pris les
décisions avec la loi n° 21, on offre des services aux gens les plus vulnérables au Québec, mais il faut que ce soit
fait par les bonnes personnes au bon moment et par la bonne ressource.
Alors là, c'est ça qui est l'enjeu, et je vous dirais que les contextes
n'aident pas du tout en ce moment.
M. Lisée : La ministre a posé
une question simple, elle a dit : Ce n'était pas parfait avant, tout le
monde est d'accord. Mais elle vous a
demandé : Est-ce qu'avant l'arrivée du gouvernement libéral et depuis il y
a un changement? Vous avez répondu : On a beaucoup plus de
plaintes, de conflits de loyauté, c'est-à-dire de professionnels qui se
plaignent qu'ils ne sont pas dans des conditions de bien faire leur travail,
selon leur code. Et là vous nous dites que, la semaine dernière, vous avez rencontré des formateurs, et le principal
mot qui vient, c'est «détresse». Est-ce que vous dites que vous
entendiez ça il y a quatre ans ou vous entendez ça beaucoup plus maintenant?
Mme Ouimette (Guylaine) : On
l'entend plus maintenant, définitivement.
M. Lisée :
Tout à l'heure, on va avoir la Commission des droits de la personne, qui, elle,
prenait la question d'un autre bout
et, en décembre 2015, écrivait que, selon elle, elle craignait que
l'accumulation des compressions en arrive au point où le droit des usagers à avoir les services de santé auxquels ils
ont droit — et en
particulier les jeunes, qui ont une loi particulière — soit
mis en cause. Est-ce que vous pensez qu'on en est là?
Mme
Ouimette (Guylaine) : On peut avoir les mêmes questions que vous, M.
Lisée. D'ailleurs, on le sait que, dans
des contextes où on fait... Et Mme la ministre ici l'a nommé tout à l'heure que
les coupures vont rapidement aller aux services sociaux, c'est des
choses que nous avons nommées. Alors, si on coupe dans les services sociaux et
qu'on donne plus... on transfère des
travailleurs sociaux dans des cliniques médicales, qui va offrir les services
dans les CLSC où se présentent ces
gens-là en première ligne? Il n'y a pas de nouvel argent. Alors, la question,
et ce qu'on questionne, et ce qu'on a demandé, c'est comment vous allez
baliser l'offre de services des travailleurs sociaux dans les milieux plus médicaux. Un travailleur social peut très bien
rencontrer une personne qui est en détresse, qui vit des situations et qui
se présenterait dans une clinique médicale. Il pourrait d'abord voir le
travailleur social avant d'avoir une prescription du médecin. La question
demeure parce que nous avons des travaux en cours pour discuter de ces
sujets-là.
M. Lisée : Vous avez des travaux
en cours, mais il y a une transformation en cours. Je vois, là, devant moi M.
Claude Leblond, qui est président de l'Ordre des travailleurs sociaux et des
thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec...
Mme Ouimette (Guylaine) : Président
sortant.
M. Lisée : Président sortant,
c'est votre prédécesseur?
Mme Ouimette (Guylaine) : Oui, c'est
moi, la nouvelle présidente.
M. Lisée : Ah! d'accord. O.K.
Alors, vous me dites si vous êtes d'accord avec ce qu'il dit, là. Il dit :
Bien, le mouvement actuel que vous décrivez,
donc, le ministre actuel de la Santé a décidé de prendre les travailleurs sociaux dans les CLSC et les envoyer dans des groupes médicaux.
Il dit : «Alors que certains programmes et services n'étaient accessibles que sur présentation d'un diagnostic,
les demandes de services sociaux seront [donc] de plus en plus soumises au filtre médical. Nous nous inquiétons de cette
accélération de la médicalisation des problématiques sociales.» Est-ce
que vous êtes d'accord avec qu'est-ce que ça veut dire?
Mme
Ouimette (Guylaine) : En
fait, oui, parce que j'ai écrit
dernièrement un article, un communiqué de presse où on constatait un changement qui était plus
médicocentriste au niveau de l'offre de services. Ça va dans le même sens
que M. Leblond nomme en ce moment.
• (16 h 30) •
M. Lisée : ...un
recul par rapport à l'autonomie que les professionnels que vous représentez
avaient. Maintenant, de plus en plus, ils sont obligés d'avoir la
permission, la supervision d'un médecin... que c'était le cas avant.
Mme
Ouimette (Guylaine) : En fait, on attend de voir les balises qui vont
être données, mais on craint que ce soit
l'alignement qui soit fait. D'ailleurs, j'ai rencontré un gestionnaire qui est
dans un CISSS et qui a nommé clairement que, dans certains milieux de première ligne, par exemple, un jeune en
difficulté va être plus orienté pour voir le pédiatre d'abord, et, une fois qu'il aura vu le pédiatre,
là, s'il a besoin des services sociaux — et alors on sait qu'il y a toujours
des problèmes familiaux autour d'un enfant — va être référé en services au
niveau du service social. Alors, c'est évident que c'est questionnable comme approche.
M.
Lisée : Et ça coûte plus cher à l'État, puisqu'il n'aurait pas
eu à voir un pédiatre, que le pédiatre a utilisé sa carte, il a été
payé, et puis ensuite on va chez le travailleur social. Donc, c'est la pire
façon de faire les choses, non?
Mme Ouimette
(Guylaine) : C'est questionnable.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Nous poursuivons pour
6 min 30 s avec le collègue de Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger : Merci, M. le Président. Tout à l'heure, on
parlait, bon, de la loi n° 10, là, des effets. On parlait aussi de l'accompagnement des jeunes
travailleuses — parce
que je veux l'appeler au féminin, étant donné qu'elles sont très
majoritaires — ce
n'est pas évident. C'est un milieu qui n'est pas évident, je pense que
l'accompagnement est nécessaire. Est-ce
qu'avec la loi n° 10... y a-tu des changements là-dessus ou les façons de
faire ont resté les mêmes avec des coupes ou autres qui font en sorte
que l'accompagnement est moins là aujourd'hui?
Mme
Ouimette (Guylaine) : Nous, on s'apprête à faire, justement, un état
de situation par rapport à ce genre de situation
là. Cependant, nous venons de terminer un exercice pour faire la planification
stratégique et nous avons consulté les
CISSS et les CIUSSS. Alors, sur 33 établissements, 31 nous ont répondu, et il y
a des inquiétudes à ce niveau-là pour les gestionnaires qui nous ont
répondu à l'effet qu'ils n'avaient pas le choix de prendre des décisions pour
faire des coupures dans ces domaines-là.
Quand on parle de supervision clinique, qui est un service, qu'on dirait, pour
soutenir l'expertise, et tout ça, ils ont des choix difficiles à faire quand
c'est le temps de faire la gestion budgétaire.
M.
Schneeberger : O.K. Vous parlez de budgets, à combien est
évalué, on va dire, le manque à gagner ou, en tout cas, le manque de financement pour donner un
service adéquat et, comme vous disiez tantôt, professionnel? Et surtout
au niveau de la rétention parce qu'ici la
grosse problématique, c'est la rétention des nouvelles travailleuses sociales,
étant donné les conditions de travail, qui
sont, des fois, pas évidentes et la pression aussi que ça exerce, là, parce que
c'est un travail qui est très émotif, hein, on s'entend, avec des jeunes
personnes. J'aimerais ça que vous regardiez un petit peu ce qui est là-dessus,
là, qu'est-ce qui pourrait être amélioré, là.
Mme Ouimette
(Guylaine) : Vous voulez dire au niveau... Là, vous me posez des
questions au niveau de l'organisation du
travail, et ce n'est pas notre expertise, nous, de penser à comment
l'organisation du travail devrait être faite dans le réseau de la santé
et des services sociaux. Ce qui nous préoccupe, c'est ce que nos
professionnels, qui ont des compétences, nous
transmettent, qu'il est difficile de respecter les normes que nous leur
imposons. Parce qu'ils ont un permis
pour s'appeler «travailleurs sociaux». Alors, ça, ça nous inquiète. Le
contexte, on le soulève et on veut des réponses également par rapport à
ce contexte-là, qu'est-ce qui va être fait. Et on l'a demandé encore hier en
commission parlementaire — j'étais au niveau du projet de loi
n° 98 — qu'est-ce
que le gouvernement, l'État va faire, l'État employeur, pour s'assurer que les milieux de pratique
puissent respecter l'exigence des professionnels. Et ce n'est pas que nous,
là, qui sommes en cause, c'est d'autres types de professionnels qui ont soulevé
les mêmes problématiques.
M.
Schneeberger :
On a parlé de la lourdeur administrative, est-ce que, justement — on parle de professionnels — ça vous est rapporté plus souvent
qu'il y a des tâches administratives ou autres qui doivent être faites qui
n'étaient pas faites avant par les travailleuses sociales?
Mme Ouimette
(Guylaine) : En fait, ce qu'on nous rapporte — et,
comme je vous dis, ce n'est pas basé sur des
grandes recherches — effectivement,
c'est qu'il y a beaucoup plus de comptes à rendre parce que, dans une
logique où on doit mesurer, il y a plus de
demandes de remplir des statistiques et des choses comme ça. Et je vous dirais
que c'est un problème que nous avons
soulevé parce qu'actuellement les statistiques pour les travailleurs sociaux,
par exemple, en première ligne, il
n'y a pas de place pour inscrire un travailleur social qui fait du groupe.
Alors qu'il intervient auprès d'un groupe de personnes, ça compte pour
une intervention, alors qu'il rencontre une dizaine de personnes et qu'après
ces dizaines de rencontres là il va faire plein de liens pour s'assurer que la
personne va avoir ses services et va pouvoir continuer dans son cheminement. Et
on l'a soulevé, ça, également dans d'autres tribunes, de dire qu'il faut revoir
la façon de comptabiliser les actes qui sont
faits par les professionnels, dont les travailleurs sociaux, les thérapeutes
conjugaux et familiaux au Québec, dans le réseau, entre autres. Il y a une
inadéquation entre la réalité de ce qui se fait et dans les systèmes
informatiques qui sont là actuellement pour comptabiliser.
Donc,
oui, effectivement, il y a comme une difficulté à répondre à ces exigences-là
et il y a une pression qui vient de la
gestion pour que ça soit fait parce qu'eux ont des comptes à rendre, et eux en
haut ont des comptes à rendre, et tout le monde a des comptes à rendre
pour se comparer.
M.
Schneeberger :
Vous parliez tout à l'heure de... il faudrait définir plus précisément la
notion d'exploitation sexuelle... on
n'appellera pas ça des barèmes, mais l'encadrer un petit peu, voir qu'est-ce
qui était de l'exploitation. Souvent, ce
que j'ai remarqué, c'est, que quand on spécifie trop, des fois on peut en
oublier. Ça, c'est un peu un point. Mais est-ce qu'à l'intérieur, au niveau... Parce que, là, on n'est pas dans la
prévention, on est dans la... plus guérison. Parce que, là, on sait qu'il y a exploitation. Mais, au niveau
des... surtout, on parle beaucoup de jeunes filles, est-ce qu'il y a de la
prévention qui se fait à l'intérieur des centres beaucoup? Je pense que le
mieux, c'est d'en parler pour savoir, ces gens-là... Ces jeunes personnes là,
c'est de les mettre au fait, là, ce qui peut se passer. Tu sais, des fois, ils
se font, comme on dit, enfirouaper, puis ils
ne voient pas... puis, tu sais, ils tombent en amour, puis des choses comme ça.
Alors, ce serait très important que ces gens-là aient une
sensibilisation, ce qui peut les attendre.
Mme
Ouimette (Guylaine) : En fait, je vous dirais que vous soulevez tout
le point des services de prévention. Est-ce
qu'il y a des services de prévention, justement, dans les milieux scolaires, où
ça commence en bas âge, qui existent pour, justement, prévenir ce genre
d'acceptation de comportement chez les jeunes? Alors, il faut voir ces
services... Parce qu'il y a des travailleurs
sociaux en milieu scolaire qui font du travail, qui accompagnent les jeunes,
donc est-ce qu'au niveau... Parce que
nous, quand on a abordé ce point-là dans notre mémoire, au niveau de
l'exploitation sexuelle, c'est qu'on se disait que c'est une
problématique qui est assez large...
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup.
M.
Schneeberger : Moi,
c'est plus au niveau des centres jeunesse, pas en milieu scolaire.
Mme Ouimette (Guylaine) : O.K. S'il
y a de la prévention qui se fait en centre jeunesse par rapport à...
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
Oui, en quelques secondes, oui.
Mme Ouimette (Guylaine) :
Honnêtement, je n'ai pas l'information.
M.
Schneeberger : O.K.
C'est bon.
Le Président (M. Tanguay) : Bien,
merci beaucoup. Alors, représentantes, représentants de l'Ordre des
travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec,
merci.
Je suspends nos travaux pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 39)
(Reprise à 16 h 41)
La
Présidente (Mme Montpetit) : À l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite donc la bienvenue à nos invités de
la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Pour les fins
d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous
présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé,
et, par la suite, nous procéderons à une période d'échange avec les membres de
la commission. La parole est à vous.
Commission des droits de la
personne
et des droits de la jeunesse (CDPDJ)
M. Picard (Camil) : Alors, bonjour, Mme
la présidente de la commission, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés. Alors, je suis Camil Picard, président
par intérim de la commission et également vice-président responsable du mandat jeunesse de la Commission des droits de la personne et des droits de la
jeunesse. Je suis accompagné de Me Pascale Berardino, directrice de la direction
de la protection et de la promotion des droits de la jeunesse.
Nous vous
remercions d'abord de l'invitation pour participer aujourd'hui aux
consultations particulières sur le projet
de loi n° 99. Nous souhaitons vous rappeler que la Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse a reçu de l'Assemblée nationale le mandat d'assurer le respect et la
promotion de l'ensemble des droits reconnus par la Charte des droits et
libertés de la personne. Elle assure aussi la protection et l'intérêt de
l'enfant, ainsi que le respect et la promotion des droits qui lui sont reconnus
par la Loi sur la protection de la jeunesse.
La commission
souhaite rappeler que la Loi sur la protection de la jeunesse, en vigueur
depuis maintenant 36 ans au Québec,
est très bien conçue pour s'adapter à l'ensemble des situations auxquelles les
intervenants en protection de la jeunesse peuvent être confrontés dans
leur mission de protection des enfants. La commission veille à ce que toute modification à la Loi sur la protection de la
jeunesse se fasse dans le respect des droits de l'enfant, tel que prévu à
cette loi, à la charte et à la Convention relative aux droits de l'enfant.
Nous
avons étudié le projet de loi, regroupant les dispositions selon les
thématiques abordées dans notre mémoire. La première section concerne les dispositions qui reconnaissent l'importance
de la préservation de l'identité culturelle autochtone. La commission
salue l'ajout à la Loi sur la protection de la jeunesse de la prise en
considération de la préservation de
l'identité culturelle des enfants membres d'une communauté autochtone aux
autres éléments considérés lors de
l'évaluation de leur intérêt ou lorsqu'ils doivent être confiés à un milieu de
vie substitut. La commission estime que cette modification offrirait, si elle est adoptée, de meilleures garanties
quant au respect de l'ensemble des droits de l'enfant membre d'une
communauté autochtone, notamment ceux qui lui sont reconnus par la LPJ, la
charte ainsi que les instruments internationaux.
La commission
insiste toutefois sur l'importance de s'assurer qu'il y ait une véritable prise
en considération de la préservation
de l'identité culturelle des enfants membres d'une communauté autochtone. Cet
engagement ne doit pas se limiter au
principe, mais ces modifications devront faire une réelle différence dans le
quotidien des enfants autochtones en protection de la jeunesse.
La commission constate que les dispositions
actuelles de la loi qui traitent de la spécificité des communautés autochtones
n'ont pas suffi, jusqu'à présent, à garantir le plein respect du droit à
l'égalité des enfants autochtones qui reçoivent
des services en protection au sens de la LPJ. À ce jour, aucune entente n'a été
conclue avec une communauté autochtone afin d'établir un système de
protection de la jeunesse dont les modalités sont mieux adaptées aux réalités
autochtones, comme le permet pourtant depuis 15 ans l'article 37.5 de la LPJ.
Pourtant, le
gouvernement a l'obligation de leur assurer l'égalité avec l'ensemble des
enfants du Québec dans le traitement de leur situation. Cela a d'ailleurs
été clairement énoncé dans la décision rendue au printemps dernier par le Tribunal canadien des droits de la
personne concernant les services à l'enfance offerts aux enfants autochtones
vivant sur réserve au Canada.
Afin de respecter cette obligation, le gouvernement est tenu de prendre des mesures particulières en faveur des enfants autochtones. La commission considère que les
modifications proposées par le projet de loi concernant les enfants
autochtones constituent de telles mesures et qu'elles leur permettraient dorénavant
de bénéficier de tous les droits qui leur sont reconnus par la LPJ.
La seconde
partie de notre mémoire traite des propositions de modification à l'égard du
mandat de la commission afin de
clarifier et d'éviter toute confusion, particulièrement en ce qui concerne sa
compétence en matière d'enquête. La commission
est d'avis que sa compétence doit s'établir en fonction du moment où des
lésions de droits ont eu lieu. Cela lui permettrait d'exercer pleinement
son mandat, notamment dans les situations où l'enfant est décédé ou a atteint
l'âge de la majorité.
Par ailleurs,
la commission s'oppose vigoureusement à la prolongation des délais relatifs aux
ententes et mesures judiciaires provisoires. En effet, la commission
estime que les droits d'un enfant de recevoir des services de façon diligente
afin de le protéger et d'en assurer son développement seront compromis par un
prolongement indu de délai provisoire. Il
faut savoir que, pendant ce délai, les enfants sont habituellement privés de
services. N'oublions pas qu'un délai de trois mois, pour un enfant de
six mois, représente la moitié de sa vie. Ce prolongement des délais n'est pas
dans l'intérêt de l'enfant et le respect de ses droits, mais vient plutôt
répondre à des besoins purement administratifs. La commission ne peut y
souscrire.
Quant aux
parties suivantes de notre mémoire, la commission souligne qu'il s'agit
d'ajustements et qu'elle y souscrit.
Enfin, la
commission tient à saluer la nouvelle juridiction de la Cour du Québec, chambre
de la jeunesse, en matière d'émancipation, puisque cette voie facilitera
l'accès pour plusieurs jeunes à l'autonomie.
En
conclusion, la commission est consciente des besoins de modification pour
apporter certains ajustements à la loi
et elle y souscrit en autant que ceux-ci respectent l'objectif de la loi, qui
est la protection de l'enfant. Les constats de la commission ne sont pas à l'effet que la loi est
mal rédigée ou comporte des vides juridiques. Il s'agit plutôt d'une loi
qui est parfois mal connue et inadéquatement appliquée. En effet, les demandes
d'intervention que la commission reçoit concernent très souvent le non-respect
d'une ordonnance. Ainsi, avant de s'aventurer dans d'autres modifications législatives ou réglementaires, il faudrait
s'assurer que la Loi de la protection de la jeunesse est bien comprise et
surtout bien appliquée. Merci.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie beaucoup pour votre
présentation. Donc, on va passer à un échange avec Mme la ministre pour
une période de 12 minutes.
Mme
Charlebois :
Eh! que c'est court, hein, pour parler d'un sujet aussi important avec la
CDPDJ. Seigneur! Alors, j'ai plein de
questions, je vais essayer de faire rapide. Je vais commencer par vous saluer,
M. Picard et Mme Berardino. Merci
d'être là. Et je vais poser des questions rapides. Si vous pouviez me répondre...
En 12 minutes, là, on va essayer de couvrir le maximum de terrain.
Famille d'accueil de proximité, vous n'en avez pas parlé, je pense. Pouvez-vous
me faire savoir votre position face à cet
ajout-là dans la loi parce que j'ai différents points de vue qui m'arrivent de
différents organismes et j'aimerais ça avoir le vôtre, votre point de vue?
M. Picard
(Camil) : Dans notre mémoire, on est assez clair pour dire que ça
vient régler un problème juridique et clinique actuellement dans la loi,
et nous sommes d'accord avec cette modification-là, cet ajustement-là.
Mme
Charlebois : Je ne
vous demanderai pas de rentrer dans la tête des avocats du Barreau, mais eux
autres nous expliquent que ça va ajouter une
lourdeur. Vous ne semblez pas d'accord avec ça parce que la lourdeur est déjà
là actuellement selon vous.
M. Picard (Camil) : Bien,
la lourdeur, elle est présente actuellement, et nous sommes témoins à la
commission de plusieurs plaintes où il y a
des avis différents d'un et de l'autre au Québec qui amènent des situations au
tribunal qui, très souvent,
n'auraient pas lieu d'être. Vous savez, la position du Québec pour ce qui est
des... On appelle ça «familles de proximité», là, mais, en l'an 2000, la
situation des grands-parents, des oncles et des tantes, la pratique, c'était
qu'ils font partie du problème quand un enfant était signalé, et les praticiens
ou les intervenants regardaient pour placer un enfant dans des familles
d'accueil reconnues. Et il y a eu ici, à l'Assemblée nationale, des pressions
des groupes de grands-parents, des groupes
de parents pour dire : Avant de regarder de placer notre petit-fils ou
notre petite-fille ailleurs... On ne
fait pas nécessairement partie du problème, on peut faire partie de la
solution. On est tristes aussi de la situation que nos enfants vivent
dans des divorces. Donc, pensez donc à nous, évaluons-les. Ça se fait
actuellement, c'est reconnu dans la loi.
Ce
que vous venez proposer dans le projet de loi vient, tout simplement, mettre un
point final à ce débat-là qui existe
depuis une quinzaine d'années au Québec sur la considération des
grands-parents, des oncles, des tantes, ce que vous appelez les familles
de proximité. On appelait ça auparavant les familles spécifiques.
• (16 h 50) •
Mme
Charlebois :
«Yes», vous avez raison. Puis ce n'est pas parce qu'on en a traité à la Cour
supérieure... — c'est-u
à la Cour supérieure? Ou, en tout cas, il me semble qu'ils m'ont dit ça ce
matin — que
la problématique est réglée pour autant. En tout cas, ce n'est pas ma compréhension
sur le terrain, puis vous semblez me confirmer ce que je viens de dire.
M. Picard
(Camil) : Il faut faire une bonne évaluation, de toute façon, du
milieu de vie où va aller l'enfant.
Mme
Charlebois :
O.K. Parlons des fugues.
M. Picard
(Camil) : Ah! mais ce n'est pas dans le projet de loi.
Mme
Charlebois : Non, mais j'aimerais ça vous entendre
là-dessus. Vous avez raison, puis c'est pour ça qu'il y aura des amendements après les consultations,
puis vous pourrez toujours émettre d'autres mémoires. Si jamais vous voyez des amendements arriver, vous pourrez
réajuster vos positions à la suite des amendements qui seront déposés.
Mais il est clair que je ne peux pas déposer d'amendements tout de suite parce
qu'on va écouter d'abord ce que les gens nous disent.
Mais
j'ai le goût de vous parler de fugues parce que vous savez qu'il a beaucoup été
question des fugues au cours de la
dernière année. Et j'aimerais vous entendre sur, un, la médiatisation de ces
fugues-là, est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée de médiatiser
ça comme ça a été médiatisé, et de voir quelles mesures vous nous proposez pour
éradiquer... Parce qu'en quelque sorte, selon ce que moi, j'entends dans le
réseau quand je vais dans les centres jeunesse — parce que je suis une ministre de
terrain — on me
dit que ça fait partie de l'évolution du jeune que de faire une fugue,
ça fait partie de son apprentissage. Je vous écoute.
M. Picard
(Camil) : Aujourd'hui, je viens comme président de la Commission des
droits de la personne, je pourrais revenir
demain matin comme expert en jeunesse depuis 45 ans. Bon, la médiatisation, la
commission n'a pas d'avis là-dessus.
Ce que nous avons un avis, c'est quand, dans les médias, sur cette question-là,
il y a beaucoup d'émotions qui ressortent de part et d'autre et qu'on
peut, dans certains commentaires, comprendre qu'on remet en question les droits
de l'enfant, la commission, comme on l'a fait au mois de février dernier, prend
la parole pour expliquer très clairement que
certaines mesures qui pourraient être prises pour empêcher un jeune de fuguer
en centre de réadaptation pourraient aller en dehors des droits de
l'enfant.
Alors,
on a fait là-dessus des... on a pris des positions très claires parce qu'il y a
eu un débat encore, il y a quelques années,
sur l'encadrement intensif, et la commission avait présenté des mémoires et des
positions très claires là-dessus, sur des
abus qui se passaient en centre de réadaptation sur les droits et libertés des
enfants. Alors, la position de la commission, c'est : Quand, dans
les médias, on peut aller dans tous les sens sur le respect des droits de
l'enfant, on va prendre la parole. Sur la
question des fugues comme telle, il faudrait que je change de chaise et que
vous posiez la question à l'expert en jeunesse. Oui, j'aurais des choses
à dire là-dessus, mais vous comprendrez que je suis président de la commission.
Mme
Charlebois :
O.K. Non, mais une ministre essaie.
M. Picard
(Camil) : Oui, puis un président résiste.
Des voix :
Ha, ha, ha!
Mme
Charlebois : O.K. Je veux vous amener... En tout cas, ce que
je retiens, c'est que l'encadrement intensif n'est pas la solution à
tout.
M. Picard
(Camil) : Tout à fait.
Mme
Charlebois :
O.K. Merci.
M.
Picard (Camil) : Et, si vous avez bien écouté ma dernière phrase, dans
ce que j'ai dit — parce
que, pour ne pas allumer un feu, j'ai
enlevé le bout de phrase, mais je vais le remettre — j'ai dit : Avant de s'aventurer dans
d'autres modifications législatives ou réglementaires
quant à l'encadrement intensif, par exemple, il faudrait s'assurer que la
Loi de la protection de la jeunesse est bien
comprise et surtout bien appliquée. Alors, il faudrait que les gens lisent la
loi actuelle, on n'aurait pas besoin d'inventer d'autre chose.
Mme
Charlebois : Et la
mettre en application, effectivement.
M. Picard (Camil) : Voilà.
Mme
Charlebois : Concernant la Fédération des familles
d'accueil et des ressources
intermédiaires du Québec, ce qu'on appelle la FFARIQ, ces gens-là nous
demandent d'être reconnus partie lors
des décisions dans le processus
judiciaire. Avez-vous un point de vue là-dessus?
M. Picard (Camil) :
Me Berardino va vous répondre.
Mme
Berardino (Pascale) : Je vais réitérer le propos de mon président, la
loi est bien rédigée et elle est assez complète. En ce qui est de la
reconnaissance de parties, on a un article qui est l'article 81, qui établit
des critères pour qu'une personne soit
reconnue partie lorsque c'est dans l'intérêt de l'enfant, et nous considérons
que les familles d'accueil ont la
possibilité d'être reconnues parties et le sont régulièrement par la Cour du
Québec, chambre de la jeunesse. Je lis régulièrement ma revue de
jurisprudence et j'ai vu deux, trois décisions rapportées récemment où on
reconnaît, effectivement, des statuts de
partie à des familles d'accueil, d'autant plus quand c'est des familles
d'accueil de proximité. Alors, les
critères sont là, la jurisprudence est établie. Il reste, dans la pratique, à
établir une pratique pour que les familles d'accueil soient mises au courant du fait qu'il y a un retour à la cour,
mais, normalement, ça devrait se faire dans les bonnes pratiques parce
qu'un placement dans une famille d'accueil va être, donc, affecté par un
jugement de la cour ou pourrait l'être, et, normalement, c'est déjà dans les
pratiques. Donc, tout est là dans la loi pour établir ce droit-là.
Mme
Charlebois :
J'entends ça, mais, en même temps, j'ai entendu par ce regroupement-là que, un,
ils n'étaient pas toujours avisés
quand il y avait des délibérations en cour, ça fait qu'ils ne pouvaient pas
nécessairement témoigner. Deux, non
seulement ils n'étaient pas toujours entendus, mais, pour être reconnu partie,
il faut partir un autre processus, alors
ça créait des délais. Est-ce que vous considérez que c'est une nuisance dans le
bon fonctionnement? Est-ce que, si on leur donne une certaine
reconnaissance... est-ce que vous ne croyez pas qu'on va désalourdir l'appareil
judiciaire?
Mme
Berardino (Pascale) : Moi, je pense qu'au contraire on va l'alourdir
parce que reconnaître un tiers comme étant
partie, ça alourdit le débat, ça fait une autre partie dans un débat
judiciaire. Puis un débat judiciaire, je ne sais pas si vous êtes déjà allée en chambre de la jeunesse,
mais il y a l'enfant qui est représenté par avocat, il y a la mère, le
père, parfois chacun leur avocat, et vous
avez le directeur de la protection de la jeunesse qui a aussi son avocat. Déjà
là, ça, c'est la table habituelle et
usuelle. Là, vous ajoutez une autre partie qui aura le droit de présenter une
preuve, d'interroger, contre-interroger
les témoins. Et n'oubliez pas qu'il y a des règles de confidentialité très
importantes en matière de protection de la jeunesse, et il y a des choses très confidentielles aux parents qui sont
énoncées dans la preuve devant le tribunal, alors des profils
psychologiques, psychiatriques des parents. Est-ce qu'on veut vraiment que,
dans tous ces cas-là, les familles d'accueil soient mises au courant de la
situation de façon détaillée et particulière des parents? Et là, quand on parle
d'alourdir le processus, là je pense qu'on l'alourdit considérablement.
Mme
Charlebois :
Merci. Vous répondez à ma question. Il me reste 1 min 51 s pour
vous poser une question et une réponse.
Ententes provisoires, vous avez dit que vous alliez vous opposer farouchement.
C'est le mot que vous avez utilisé.
M. Picard (Camil) : Vigoureusement.
Mme
Charlebois :
Vigoureusement. O.K. Vigoureusement à la prolongation de 30 jours. J'avais une
idée que vous alliez me dire ça.
Alors, j'ai fait des vérifications sur le terrain, et ce qu'on m'indique, c'est
que la prolongation des délais dans
les mesures provisoires, ça nous permettrait davantage de... En tout cas, moi,
ce que certains intervenants me disent... Ça ne veut pas dire que tous
les intervenants pensent la même chose, là, je ne veux juste pas généraliser,
là, mais ils me disent qu'il y a 10 jours
pour proposer des mesures volontaires, puis il reste juste 20 jours pour
évaluer si les mesures volontaires se
mettent en application. Or, c'est là qu'ils souhaitent que le 30 jours de
prolongation arrive. Ils disent ça leur permettrait, les intervenants,
de mieux faire leur travail et de mieux accompagner l'enfant. Je veux vous
entendre là-dessus.
• (17 heures) •
M. Picard
(Camil) : Bien, c'est évident que, si vous parlez aux intervenants ou
à la machine administrative, ils vont vous
dire : Bien oui, puisqu'on a... Non, non, mais c'est des intervenants.
Nous, on vous parle des impacts sur les enfants. Les premiers articles de la Loi de la protection de la jeunesse parlent
des grands principes. Le temps est important pour un enfant. La loi et les intervenants... le législateur,
depuis 1976, le dit, on doit arrêter de regarder les débats d'adultes et
se centrer sur l'enfant. Nous, ce qu'on
voit — et,
encore dernièrement dans les médias, on l'a noté — c'est des situations où des jeunes enfants sont placés en famille d'accueil pendant, par exemple... ou en famille de proximité pendant que le DPJ fait son enquête, mais il
arrive à 29 jours, 30 jours, il ne peut pas. Ça fait que, là, il prolonge, il
prolonge. Ou des interdits de contact
avec des parents parce que peut-être qu'il y a de la négligence ou de l'abus qui,
après ça, n'est pas prouvé. Et l'enfant a été privé de son père ou de sa
mère pendant une période de 30 jours, puis, bien souvent, ça se prolonge. La
solution, pour nous, n'est pas de prolonger les délais...
La Présidente (Mme Montpetit) : Je
vous remercie, M. Picard. Malheureusement, le temps est écoulé.
M. Picard (Camil) : Mais sûrement
que vous voulez avoir la fin de ma réponse?
La Présidente (Mme Montpetit) :
Probablement. Donc, je cède la parole à l'opposition officielle.
M. Lisée : Merci, Mme la
Présidente. On va commencer par vous laisser finir votre réponse.
M. Picard (Camil) : Bien, ce n'est
pas de répondre à l'appareil administratif, de prolonger les délais pour les
enfants, c'est de se centrer sur les enfants et d'obliger la machine à
respecter les délais.
M. Lisée :
M. Picard, merci d'être là, Me Berardino aussi. Je suis heureux comme vous que,
sur la question des droits des
enfants autochtones en difficulté, des familles, il y a une avancée
considérable dans ce projet de loi, et nous l'appuyons avec
enthousiasme. J'entends ce que vous dites sur les délais, je voudrais vous
amener ailleurs. Depuis hier, il y a un
directeur de la protection de la jeunesse qui a parlé des pressions budgétaires
énormes dont il devait tenir compte.
Tout à l'heure, on a eu la présidente de l'ordre professionnel. Elle nous a dit
que le mot qui revient le plus souvent, c'est «détresse» chez les
professionnels qui font de la formation, les professionnels qui doivent
accomplir leur tâche d'aider les jeunes.
Votre prédécesseur, M. Frémont, il y a quelques
mois, le 1er mars, sentait le besoin d'envoyer une lettre au gouvernement en disant :«Comme elle le
rappelait à la Commission de révision permanente des programmes dès
2014, la commission n'a pas à s'ingérer dans
les décisions budgétaires du gouvernement, mais elle souhaite [...] rappeler
que la question du respect des droits
et libertés de la personne doit interpeler celui-ci au premier chef. Les
décisions budgétaires qui sont rendues par l'État québécois [...] ne
doivent pas avoir pour effet de compromettre les services [...] qui sont
destinés aux élèves qui font partie d'un groupe protégé par la charte.»
Il parlait des élèves handicapés, autistes, dont
il considérait qu'il y avait un risque que leurs droits ne soient pas respectés, compte tenu de ces compressions.
Est-ce que la même question est évoquée par la commission en ce qui
concerne les droits des enfants qui sont dans les centres jeunesse?
M. Picard
(Camil) : Vous savez, M. Lisée, depuis le 1er avril 2015, on entend
plein de choses sur la réforme. Les centres
jeunesse sont en détresse, en crise. Dans la même semaine, des DPJ ont
dit : Les centres jeunesse vont très bien, ça va à la perfection. Sur le terrain, nous, on ne va pas dans ces
écarts-là. Ça ne va pas très bien. Et peut-être que, si vous me posez la question, ça n'allait pas très bien, il y
avait aussi des problèmes avant le 1er avril 2015. Mais ce n'est pas
parfait, et ce qu'on constate, c'est que l'évolution est à géométrie variable.
Dans certaines régions, on peut constater, par nos enquêtes, qu'il y a des
avancées réelles, par exemple, entre la première et la deuxième ligne parce que
les équipes d'intervenants qui étaient
effarouchées auparavant sont dans les mêmes locaux avec les mêmes patrons, et
ça va assez bien parce qu'ils se parlent.
M. Lisée : ...gains
d'efficacité en première et deuxième ligne?
M. Picard
(Camil) : Et aussi, dans certaines régions, en santé mentale. Par
contre, dans d'autres régions, on entend parler qu'il n'y a pas grand
place pour la jeunesse à côté de la mer de la santé.
Alors, vous savez, il y a un autre article dans
la Loi de la protection de la jeunesse qui s'appelle le 156.1, qui demande à la
commission, aux cinq ans, de vous déposer un rapport sur l'application de la
Loi de la protection de la jeunesse. Le
dernier vous a été déposé en décembre dernier, quelques semaines de retard, là,
on se l'est fait dire, mais ça a été
fait quand même. Depuis ce temps-là, nous, on entend tout ça, là, ça va très
bien, ça va très mal, mais ce n'est pas analysé sur quelque chose de
vraiment solide.
Je vais
signer dans quelques heures une lettre suite à une consultation qu'on a faite
dans le réseau, à l'INESSS, au ministère,
aux DPJ, aux autres experts, et la commission va faire une étude sérieuse dans
le prochain 156.1 — ça va
être le thème — sur les impacts sur les droits et libertés des
jeunes de la réforme qui a eu lieu le 1er avril dernier. On va le faire sur les services, on va le faire sur les
droits des jeunes, on va le faire sur la supervision des gens, des
professionnels. Je pense que c'est une bonne
nouvelle qu'un organisme indépendant comme la commission fasse le travail, et
c'est clair qu'on va interpeler le
réseau et le ministère pour qu'on nous fournisse des données avant et
après. Alors, écoutez, ça va
commencer bientôt. Donc, face à... Oui.
M. Lisée : Excusez-moi, M.
Picard, vous avez un échéancier? Vous devez remettre ce rapport quand?
M. Picard (Camil) : Oui, quatre ans.
M. Lisée : Ça va prendre
quatre ans. Oui, mais les dommages peuvent être irréversibles.
M.
Picard (Camil) : Bien,
écoutez, on a quand même une obligation que, si on voyait des énormités, on vous
avertirait avant. Il y a des choses dans des régions, M. Lisée. Par exemple, la
communauté inuite du Québec a invité Mme
Berardino et moi à aller les rencontrer la semaine prochaine, on part
dimanche pour le Grand Nord. Ça ne va pas très bien. Oui, il y a
des avancées dans certains... mais ça ne va pas très bien, et ils ont fait la
démarche auprès de nous pour dire : Avant de faire d'autres enquêtes systémiques sur nos services, là, venez
voir et venez passer le message à notre communauté de l'importance de notre avenir, c'est-à-dire nos enfants, qui
sont négligés, abusés, etc. Alors, on n'attendra pas deux ans pour sortir un rapport après, là. On va faire un rapport,
et, si on voit des choses la semaine
prochaine qui sont abominables, on va le souligner aux responsables de
la protection de la jeunesse au Québec pour qu'il y ait une intervention. Ça,
c'est clair.
M. Lisée : Bon, tout à l'heure, la présidente de l'ordre
nous disait qu'il y a eu une augmentation du nombre de plaintes pour conflit de loyauté de la part des professionnels, qui
disent : Bien, compte tenu des pressions budgétaires, ou des normes
administratives, ou de ce que me dit mon patron, je ne suis pas capable de
correctement faire mon travail professionnel.
Est-ce que vous, vous voyez un changement dans le nombre de
plaintes que vous recevez de la part des usagers, des jeunes que vous
représentez?
M. Picard (Camil) : Hier matin ou
hier après-midi, le rapport annuel de la commission vous a été déposé à
l'Assemblée nationale, et vous avez l'ensemble de nos données. En jeunesse,
l'an passé, il y a eu 990 demandes d'intervention
dans le secteur jeunesse — pas dans le secteur plaintes, là — qui ont donné lieu à des enquêtes et à
des recommandations. Au niveau...
M. Lisée : C'est une
augmentation ou c'est stable?
M. Picard (Camil) : Une légère
augmentation.
M. Lisée : Légère
augmentation.
M. Picard (Camil) : Oui. Pas
significatif, là, au point de vue statistique, mais une légère augmentation.
M. Lisée : Très bien.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Donc, je vais passer la
parole à la deuxième opposition.
M.
Schneeberger :
Merci. Bonjour. Moi, je veux revenir vraiment
sur le délai de 30 jours, là, qui serait peut-être éventuellement prolongé à 60. Est-ce que c'est raté? Moi, je
veux appeler ça un raté actuel, là. Est-ce
que c'est directement lié au manque d'effectifs au niveau des centres jeunesse? Parce que, pour avoir parlé avec quelques personnes qui
sont dans le milieu, la charge est très
lourde, et souvent ils ont de la misère à faire le tour. Moi, je suis à Drummondville,
et puis je peux vous dire que, chez nous, on a un taux pas mal plus
élevé de signalisation.
M. Picard (Camil) : De signalement.
M.
Schneeberger :
Signalement, pardon, oui. Signalement, excusez.
M. Picard
(Camil) : Écoutez,
ça peut être les ressources, mais ça peut être aussi des décisions de gestion.
Et on a pu constater que, dans
certaines régions, pour certains professionnels, vous avez des professionnels dans une équipe
qui réussissent à respecter les délais, et,
dans la même équipe, dans la même région, il y en a
qui ne réussissent pas. Alors, nous, l'angle
de prise de la commission, là, c'est de dire : Est-ce que
c'est les ressources? Est-ce que c'est la gestion? C'est de dire : Ne faisons pas l'erreur de permettre à
la gestion de prolonger le délai avant que l'enfant ait des services puis
qu'on se décide pour faire quelque chose. Alors, là-dessus, notre option est
très claire, c'est l'option enfant.
• (17 h 10) •
M.
Schneeberger : Moi,
ça me touche particulièrement, étant donné que, quand l'enfant est enlevé du
milieu familial pour x raisons que ce soit,
30 jours, là, pour un enfant, là, c'est très long. Et puis moi, je me dis que
de rallonger ce délai-là, peu importent les circonstances... Des fois,
oui, c'est pour le bien de l'enfant, et autres.
Mais ce qui m'amène au niveau juridique. Les
délais au niveau... quand il y a procès, et autres, qu'est-ce qui pourrait être fait là-dessus aussi au niveau de
réduire ces délais-là? Parce que, là, avec... Dans le fond, tu sais, ici, on
ne parle pas d'une personne qui a fait un
mauvais coup, là. L'enjeu, là, c'est l'enfant qui souffre de ça, c'est lui qui
est pris entre l'arbre et l'écorce, si on peut dire comme ça ou, en tout
cas, qui est victime de ça, des choix, des déchirements des deux parents, et
autres. Alors, qu'est-ce qui pourrait être fait, là, pour améliorer ces délais?
Mme
Berardino (Pascale) : Alors, au niveau des délais judiciaires, moi
aussi, dans une autre vie, j'étais dans le milieu du judiciaire du droit de la jeunesse et je peux vous dire qu'il
y a eu des juges coordonnateurs qui ont commencé à regarder ça de près, qui ont regardé les chiffres,
et, en matière de protection de la jeunesse, dans un dossier
particulièrement complexe, on peut aller
jusqu'à un an, un an et demi — c'est énorme — avant de prendre une décision de
compromission sur un enfant puis de décider à quels services il a droit.
Qu'est-ce
qui peut améliorer ça? Bien, la première réponse qui était venue — et c'était venu de la magistrature elle-même — c'est la question de la gestion d'instance.
Alors, la gestion d'instance, c'est de contrôler ce qui va être débattu à la cour. Ça prend un juge qui va s'asseoir avec
les avocats des parties, et on va regarder la preuve qui va être
présentée pour qu'uniquement ce qui est en
litige soit présenté et qu'on évite de la preuve inutile, autrement dit, pour
rallonger les délais. Ça, c'est un
aspect. Au niveau des délais judiciaires, en région, là, ça peut être une question
de ressources également. Je pense
que, là, c'est plus au niveau de la magistrature qu'ils pourraient vous donner
les données très exactes. Mais la gestion d'instance était vraiment
identifiée comme étant une raison.
Mais chose
certaine, c'est que de laisser un enfant — puis nous, notre point de vue, c'est le
point de vue de l'enfant et des
droits de l'enfant — sans
services, de priver un enfant des droits d'accès à son parent et même de son
chez soi quand on doit enlever un
enfant alors qu'on n'a pas de décision judiciaire sur la compromission, c'est
inacceptable pour nous. Et la prolongation des délais, tout autant.
M. Picard (Camil) : Je vais vous
donner un exemple peut-être un peu... dans un autre domaine. Des mesures provisoires, c'est comme l'urgence d'un hôpital.
Si vous avez un jeune enfant dans l'urgence de l'hôpital, est-ce qu'on peut convenir ensemble que ce n'est pas le
meilleur milieu pour lui? Il est en sécurité, tout ça, mais ce n'est pas le
bon milieu pour le guérir. Au lieu de travailler
sur les délais... On dit : Ah! bien, il est 30 jours, bon, on va le
laisser 60 jours. Est-ce que c'est la solution? Est-ce que c'est ce
qu'on veut pour les enfants du Québec?
La Présidente (Mme Montpetit) : Je
vous remercie, M. Picard, Mme Berardino.
Compte tenu
de l'heure, la commission ajourne donc ses travaux jusqu'au mardi 27 septembre,
9 h 45, afin de poursuivre son mandat. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 17 h 13)