(Onze heures quarante minutes)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît!
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux
ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de
bien vouloir éteindre la sonnerie de vos téléphones cellulaires.
La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 92, Loi visant à
accroître les pouvoirs de la Régie de l'assurance maladie du Québec et
modifiant diverses dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Aucun, M. le
Président.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, aujourd'hui, nous recevons l'Association canadienne du
médicament générique et l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec.
Auditions (suite)
Alors, d'entrée de jeu, je salue le représentant de l'Association canadienne du médicament
générique. Je vous précise que vous
disposez d'une période de 10 minutes de présentation, par la suite vous
aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Peut-être, pour les fins d'enregistrement, je vous
demande, s'il vous plaît, de préciser votre nom et vos fonctions.
Et, sans plus tarder, la parole est à vous.
Association canadienne
du médicament générique (ACMG)
M. Charron
(Daniel) : Merci, M. le Président. Je suis Daniel Charron, directeur pour le Québec
de l'Association canadienne du médicament générique.
M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, bonjour, et merci de
recevoir l'Association canadienne du médicament générique et de lui
donner la possibilité, l'occasion de prendre la parole aujourd'hui. Ma
présentation s'inspire largement du mémoire qui avait été transmis au secrétariat
de la commission en début de semaine.
Notre
association représente les plus importants fabricants de médicaments génériques auprès de
tous les paliers de gouvernement au Canada, y compris auprès de l'Alliance pancanadienne
pharmaceutique. Au Québec seulement, notre industrie
représente aujourd'hui plus de 4 000 emplois
directs, auxquels s'ajoutent des milliers d'emplois indirects. Nos membres innovent, exportent. Lorsque la ministre
de l'Économie, des Sciences et de la Technologie ou encore Investissement
Québec parlent de soutenir en priorité les
manufacturiers innovants qui exportent, bien, je pense que nos membres sont les
entreprises qui représentent l'exemple le plus évident de ces entreprises qu'on
veut encourager à se développer ici, à grandir et à développer les marchés
mondiaux.
Notre industrie joue aussi un rôle indispensable
pour le système de santé québécois en offrant un accès et des solutions de rechange sûres, efficaces et
éprouvées aux médicaments de marque, beaucoup plus coûteux. Après avoir accusé
un retard important, le Québec a effectué un
rattrapage remarquable au cours des dernières années. Aujourd'hui, 70 %
des ordonnances sont servies avec des
médicaments génériques, et pourtant ils ne représentent que 22 % des coûts
en médicaments.
Les
fabricants de médicaments, vous le savez, oeuvrent dans un environnement
extrêmement contrôlé, tant sur les
plans du développement de produits que des autorisations pour la
commercialisation, que de la production, que des pratiques commerciales.
Devant la complexité de l'environnement et face aux sensibilités liées aux
activités et aux produits que nous
fabriquons et vendons, l'industrie du médicament générique encourage
l'établissement de règles et de contrôles de conformité transparents
ainsi que leur application rigoureuse partout au Canada.
C'est dans
cet état d'esprit qu'en 2009 l'ACMG a mis en place le Code des pratiques
marketing régissant la vente de
médicaments génériques au Canada, conformément à la Politique du médicament du
Québec. Cela nous permet en plus
d'informer et de former sur base annuelle les équipes commerciales des
fabricants de médicaments génériques qui vendent leurs produits ici. Tous les membres de l'ACMG et plusieurs
autres fabricants de médicaments génériques se sont engagés à respecter
ce code, qui fait partie des outils de référence des représentants du secteur.
À plusieurs autres occasions, notamment dans le
cadre des discussions récentes sur le déplafonnement des allocations
professionnelles versées par les fabricants de médicaments génériques aux
pharmaciens propriétaires du Québec, l'ACMG
a plaidé publiquement et à maintes reprises pour le maintien par le
gouvernement d'un cadre stable, transparent et clair des pratiques
autorisées ainsi que de mesures de contrôle appropriées. Nous croyons que c'est
la meilleure façon de créer des conditions concurrentielles saines, équitables
et durables pour l'ensemble des acteurs de l'industrie.
Au
quotidien, les membres de l'ACMG collaborent avec l'ensemble des instances
gouvernementales au Québec comme
ailleurs au Canada pour témoigner de la conformité de leurs pratiques lorsque
les représentants des ministères et
agences concernés veulent procéder à des vérifications. Dans ce contexte, et
compte tenu de ce que je viens de dire, nous n'avons pas d'objection de principe face à la volonté du
gouvernement du Québec de clarifier l'encadrement de notre secteur
d'activité par la Régie de l'assurance maladie du Québec avec le projet de loi
n° 92.
Sans avoir
d'objection de principe, nous croyons tout de même important de souligner que
la formulation actuelle du projet de
loi suscite des interrogations et nécessite, à notre avis, des clarifications
et même l'ajout de certaines balises venant
encadrer la manière dont ces nouveaux pouvoirs seront exercés par la RAMQ.
Elles sont présentées dans notre mémoire, et j'y reviendrai dans
quelques minutes.
Je me permets, avant, de replacer ce projet de loi dans un contexte où plusieurs réformes touchant l'industrie du médicament se succèdent, entraînant une certaine
confusion dans l'industrie et pour ses partenaires. Cette superposition
de changements génère beaucoup
d'incertitude pour toute l'industrie, ce qui ajoute à la difficulté
d'oeuvrer dans un marché qui est déjà très complexe.
Comme je le
disais, dans sa forme actuelle, du point
de vue de l'Association canadienne du médicament générique, le projet de
loi n° 92 nécessite, à notre avis, des éclaircissements et des ajustements
afin que les modalités soient bien comprises
et appliquées de manière pertinente
et efficace. Cela concerne plus particulièrement l'encadrement des inspections
et les garanties en matière de
confidentialité, d'une part, et, d'autre part, la prévention de procédures
longues et coûteuses.
Les pouvoirs
d'inspection prévus au projet de loi n° 92 seraient nouveaux pour la RAMQ,
et les paramètres qui l'encadrent mériteraient d'être mieux balisés ou
clairement soumis aux paramètres définis dans d'autres lois et règlements
déjà en vigueur. Dans les faits, il s'agit probablement même d'une condition
nécessaire à la bonne collaboration dans le
cadre d'une inspection. Ces dispositions protégeraient les fabricants des
risques d'un bris de confidentialité tant du point de vue des ententes
contractuelles que de ses droits en matière de protection de données
concurrentielles.
En ce qui
concerne la prévention contre des risques potentiels de procédure, là aussi,
des balises sont nécessaires. Sans
aucunement préjuger des intentions des enquêteurs et inspecteurs désignés par
la RAMQ, nous croyons qu'il serait préférable d'ajouter dès le départ
des garanties afin de mieux encadrer le droit de la RAMQ de prendre des
décisions unilatérales à l'encontre des fabricants et favoriser l'imputabilité
de ses décisions. C'est détaillé dans notre mémoire.
Le projet de
loi n° 92 s'intéresse au respect des règles en vigueur par l'ensemble des
fabricants de médicaments, mais certaines pratiques spécifiques des fabricants
de médicaments de marque mériteraient une attention particulière. Je pense notamment à la nécessité d'interdire les
cartes de fidélité qui sont offertes directement aux patients et de façon
de plus en plus ouverte et agressive. Plus
de deux ans après avoir entamé une réflexion de fond sur cette question, nous
notons que l'Ordre des pharmaciens du
Québec formule d'ailleurs deux recommandations très concrètes en ce sens dans
leur mémoire présenté dans le cadre de cette consultation. Nous y sommes
tout à fait favorables.
Le projet de loi n° 92 devrait aussi faire place à la surveillance des
incitatifs qui freinent le recours aux médicaments génériques. Nous le répétons, et les experts le
disent, la meilleure source d'économie pour les régimes publics d'assurance médicaments, au Québec
comme au Canada, est le passage du médicament de marque vers sa
version générique. Or, la tentation
peut être forte, pour les fabricants de médicaments de marque, d'offrir des
incitatifs ou songer à des mesures pour
maintenir leur part de marché sur une molécule existante ou encourager le
transfert des patients vers une molécule qui est encore protégée par un brevet, aux dépens du médicament
générique, avec les conséquences qu'on imagine et qu'on connaît sur la facture du médicament. Le
Commissaire à la santé et au bien-être
et le Vérificateur général du Québec ont d'ailleurs tous les deux
souligné les risques et formulé des recommandations afin de prévenir ces
situations dans le passé. Dans ce contexte,
l'ACMG recommande de mandater la RAMQ pour qu'elle porte une attention
particulière aux incitatifs offerts
par les fabricants de médicaments de marque qui peuvent influencer les
pratiques de prescription en général et limiter le recours aux
médicaments génériques en particulier.
Comme je l'ai
dit, au quotidien les membres de l'Association canadienne du médicament
générique collaborent déjà avec l'ensemble des instances gouvernementales, au
Québec comme ailleurs, pour témoigner de la conformité de leurs pratiques lorsque les représentants des
ministères et agences concernés viennent effectuer des vérifications. Dans
sa forme actuelle, du point de vue de notre association, le projet de loi
n° 92 nécessite des éclaircissements et des ajustements afin que les
modalités soient bien comprises et appliquées de façon pertinente et efficace.
Je vous remercie. Il me fera plaisir de répondre
à vos questions au cours de la période d'échange.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, pour un bloc de 15 minutes, nous débutons effectivement les échanges, et je cède en
ce sens la parole au ministre de la Santé.
• (11 h 50) •
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, M. Charron, bienvenue à cette commission
et merci d'avoir pris le temps de nous produire et de nous présenter
votre mémoire, qui est un peu surprenant; pas surprenant au sens de son contenu, là, mais, comment dirais-je, le projet de loi, dans sa portée, vise évidemment les professionnels, mais vous avez un lien avec les professionnels, donc, qui
n'est pas direct, mais il est indirect, par le fait que la loi n° 92,
si elle est adoptée, permettrait à la RAMQ d'avoir accès, certainement,
à certaines données.
Est-ce que
vous... Puis c'est une question, d'ailleurs, que je vais poser au groupe qui va vous suivre tout à l'heure. Est-ce que
vous pensez que le projet de loi, à cet égard-là, à l'égard documentaire, va suffisamment loin, trop loin ou pas assez loin?
M. Charron (Daniel) : En ce qui nous
concerne, les nouveaux pouvoirs d'inspection qui seront conférés à la RAMQ... Est-ce
qu'ils vont trop loin ou pas assez
loin? La question que nous, on se dit, qu'on se pose, c'est :
Est-ce qu'ils peuvent avoir des risques au niveau d'autres
informations qui ne feraient pas partie du mandat de la RAMQ? Et la question qu'on
a, c'est qu'à partir du moment où on arrive dans une entreprise
comme une entreprise fabriquant des médicaments génériques, on
arrive dans une entreprise qui fait toutes sortes de choses, c'est-à-dire, oui,
elle vend des médicaments génériques
d'ordonnance qui sont remboursés par le régime public d'assurance médicaments, mais elle fait des médicaments, également, qui sont vendus sans ordonnance, des produits qui
ne sont pas remboursés. Et également, bien, l'industrie du médicament générique est en train
de développer des médicaments qu'on appelle les biosimilaires, là, qui
sont à plusieurs égards, notamment au niveau de la fixation du prix puis la
détermination du coût, très différents des médicaments
génériques traditionnels. Donc, c'est à cet effet-là où on dit : Les
paramètres dans lesquels les inspections devront se faire devront être balisés de sorte à ce qu'on puisse
protéger la confidentialité des renseignements qui ne font pas la portée
du mandat, donc qui pourraient avoir un effet concurrentiel chez nos membres.
M.
Barrette : Estimez-vous que la RAMQ, dans son pouvoir potentiellement
étendu... Ne pensez-vous pas que la RAMQ
est capable de faire en sorte de mener à bien ses enquêtes dans sa finalité qui
lui est propre tout en conservant un niveau de confidentialité adéquat?
M. Charron (Daniel) : Ah! je le
crois tout à fait. Et c'est pour ça que je dis que ça pourrait être clairement mentionné, spécifié dans le projet de loi
n° 92. Puis, on l'a mentionné dans notre mémoire, ce n'est pas quelque
chose qui est complexe, c'est déjà
prévu à d'autres lois, et c'est juste, dans le fond, de référer clairement et
le spécifier clairement dans le projet de loi n° 92.
M.
Barrette : Parce qu'évidemment là où ça nous mène, cette histoire-là
de pouvoirs d'enquête de la RAMQ, ça nous amène à faire des évaluations
et poser des gestes, en fonction de pratiques commerciales, qui peuvent avoir un impact sur un certain nombre de choses, dont
l'indépendance du pharmacien qui donne le service, mais aussi sur le coût du
médicament. Alors, moi, à cet égard-là, il me semble que la RAMQ doit avoir les
pouvoirs appropriés pour avoir accès
à ça. Parce que vous-mêmes, vous nous recommandez d'agir sur certaines pratiques
commerciales que vous jugez, je vais
peser mon mot, là... Je pense que, dans le sens où vous alliez, c'était dans le
sens de l'excès, pour ce qui est, par
exemple, des cartes de fidélité, et ainsi de suite. Je comprends que ces cartes
de fidélité là deviennent une compétition pour les gens que vous représentez. Elles peuvent avoir un impact,
évidemment, au bout de la ligne, sur l'indépendance du pharmacien ou le prix du médicament, mais, vu
de votre angle, c'est aussi une question de compétition commerciale, et
donc, pour en faire des démonstrations, il faut avoir accès à une preuve
documentaire.
M. Charron
(Daniel) : Pour parler des cartes de fidélité, effectivement, il y a
un intérêt commercial, là, dans notre position
vis-à-vis de ces cartes-là. À partir du moment où un fabricant de médicaments
de marque tente par cette façon-là, entre autres, de maintenir des parts
de marché aux dépens de nos produits, évidemment, il y a un intérêt commercial.
Mais, plus
loin que ça, notre réflexion est plus avancée sur cette question-là. Puis
d'ailleurs on n'est pas les seuls à se positionner sur les cartes de
fidélité. Je parlais de l'Ordre des pharmaciens, qui a organisé, il y a deux
ans et demi, trois ans, un grand événement
auquel étaient conviés la plupart, en fait, des parties prenantes sur cette
question-là, puis je dirais qu'il y avait des positions plutôt consensuelles,
là, qui ont été, en fait, rapportées par l'ordre, à ce moment-là, puis
le président de l'ordre en a reparlé récemment.
Mais, au-delà
de ça, dans toutes les stratégies visant la promotion de ces programmes de
fidélité, il y a un message implicite à l'effet que le médicament
générique est différent du médicament de marque, je ne dirais pas moins bien,
ce n'est pas ça qui est dit explicitement, mais implicitement ça encourage le
patient à avoir l'impression qu'il y a une différence
entre les deux produits, alors que toutes les études de bioéquivalence et la
manière dont sont autorisés pour la commercialisation les médicaments
génériques, la science derrière tous ces processus-là, montrent le contraire.
Donc, c'est pour cette raison-là également
qu'on a une position très ferme à l'égard des programmes de fidélité.
Non pas pour protéger 2 %,
3 %, 4 %, 5 %, 12 %
de part de marché, mais également, à moyen et à long terme, maintenir ce
niveau de confiance à l'égard de la qualité, de l'efficacité de nos produits.
M.
Barrette : Bon, ça, évidemment, c'est le jeu commercial auquel on
s'attend dans ce genre de circonstances là. Je ne veux pas embarquer dans la notion de l'équivalence ou du fait
qu'il y ait une différence ou non. On sait, vous et moi, qu'il y a une différence, mais la différence, si
elle n'est pas significative en termes d'effets biologiques, on ne le prend
pas en considération. 99, ce n'est pas comme 100, ni 101 n'est pas comme 100,
il y a une différence. Alors, si elle est minimale,
elle est minimale, et ça ne porte pas atteinte à la sécurité des patients, et
ça, bien, là, c'est un discours commercial que je comprends.
Par
contre, vous êtes d'accord quand même avec le fond de la loi n° 92, c'est
ce que je comprends de votre position, là.
M. Charron
(Daniel) : C'est-à-dire que les pouvoirs en matière d'examen des
règles commerciales de la RAMQ ne
seront pas modifiés avec le projet de loi n° 92. Dans le fond, notre
compréhension, c'est qu'on offre plus, on donne...
Une voix : ...
M. Charron (Daniel) : Excusez-moi?
M. Barrette : C'est un pouvoir
d'inspection, d'enquête.
M. Charron (Daniel) : Un
pouvoir d'inspection. Donc, on donne plus de moyens à la RAMQ de procéder à son
travail. Et, comme je dirais, par souci de
cohérence, étant donné tout ce que je disais au niveau même de l'établissement
de notre propre code de pratiques marketing
qu'on a mis sur pied en 2009, par souci de cohérence, on ne s'objecte pas
au principe du projet de loi n° 92, dans le fond, qui vise à donner plus
de moyens à la RAMQ de faire ce qu'elle...
Puis, si vous me
permettez une analogie, au hockey — il nous manque, le hockey, en
ce moment — nous...
M. Barrette :
...saison, là.
M.
Charron (Daniel) : Il y a une ligue qui fixe des règles, il y a des
arbitres qui veillent à l'application de ces règles-là sur la patinoire, puis il y a des joueurs qui jouent au
hockey. Nous, quelque part, là, puis là c'est une analogie, là... Nous, on est un peu les joueurs dans ça. Et,
si la ligue veut mettre un deuxième arbitre sur la patinoire pour veiller
à l'application des règles, bien, nous,
comme joueurs, on va continuer notre rôle. Notre travail à nous, c'est de les
respecter, ces règles-là. Et, comme association, ça a toujours été notre
devoir, dans le fond, de constamment encourager nos membres à respecter les
règles.
M.
Barrette : Si vous me permettez l'analogie — et je ne vais rien insinuer par ça, là, mais...
je n'insinue rien, là, je vous le dis tout de suite, à l'avance — si
vous faites l'analogie, je préfère l'analogie qui est faite avec le football
américain qu'avec le hockey de la ligne nationale, dans le premier cas où on
calle les fautes à une seconde de la fin. Il n'y a pas de règlement de la
troisième période dans la Ligue nationale de football... ni au basketball, en
passant.
Mais,
ceci dit, là, la problématique que... pas que je vise, que je vois, là, c'est
la capacité... Puis c'est là que je voulais
vous amener, là, puis je vais y aller plus directement, là. Est-ce qu'à votre
avis... Puis, encore une fois, c'est une question que je vais poser aussi aux gens qui vous suivent. Est-ce que
vous craignez ou est-ce que... En fait, je vais poser ça dans l'ordre : Est-ce que vous considérez
que la réglementation prévue à l'article... au projet de loi n° 92 permet...
et donc vous craignez que ça lève le
voile à certaines pratiques commerciales entre les fabricants de médicaments
génériques, les grossistes, les bannières, les pharmaciens?
• (12 heures) •
M.
Charron (Daniel) : Je n'ai pas d'information qui me permette de croire
ça. Puis, comme je le disais, ça change juste les pouvoirs. Moi, je n'ai
pas de crainte à ce niveau-là.
Les
seuls éléments sur lesquels on voulait attirer l'attention, ce matin, c'était
au niveau des garanties en matière de
confidentialité. Dans un travail d'inspection, on tombe sur des informations,
donc, sur des documents qui, s'ils ne sont pas maintenus confidentiels,
peuvent avoir un effet sur notre... des effets commerciaux importants sur nous.
Puis
également, dans sa forme actuelle, certains pourraient croire que les
procédures et les risques — puis là je vais utiliser
un gros mot — les
risques d'abus de procédure pourraient être importants, notamment dans le cas
où, comment je dirais, la
responsabilité procédurale et le fardeau de la preuve est sur les épaules du
fabricant. On ne voudrait pas arriver dans une situation où il y a des
procédures longues et coûteuses qui découlent de ce pouvoir-là, un peu comme Revenu Québec, d'une certaine façon, où ils
émettent un... ils cotisent, ils envoient un avis de cotisation, puis tout le
fardeau, la responsabilité
procédurale... C'est dans ce sens-là où nous, on se dit : Est-ce
qu'il n'y a pas moyen de baliser, de faire en
sorte que, bien, ce qui par ailleurs, avec d'autres agences, crée des
situations qui sont parfois dénoncées ou problématiques, que ce soit par des associations qui représentent les
entreprises, là, ou encore par des institutions liées au gouvernement, comme
le Protecteur du citoyen ou le Vérificateur
général... Si on pouvait éviter en appliquant certaines balises à ces règles de
procédure là, dans ce sens-là, nous, on
pourrait se dire satisfaits par rapport à... Dans le fond, c'est de limiter les
risques pour nous que des procédures nous coûtent très cher et soient
très longues.
M. Barrette :
Très bien. Merci, M. Charron, d'être venu nous présenter vos observations.
Le
Président (M. Busque) : Merci, M. le ministre. Merci, M. Charron. Alors, à ce moment-ci, je vais céder la parole à la représentante de l'opposition
officielle pour une période de neuf minutes.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Charron. Alors, on peut
poursuivre un peu sur le même thème.
Et c'est certain que le gouvernement
du Québec, comme client principal,
comme payeur et comme assureur, je
pense qu'il a la responsabilité de se donner les moyens pour vérifier tous les paramètres sur la chaîne
d'acquisition et de distribution des
médicaments. Alors, ce que je comprends, c'est que vous n'avez pas d'objection
à participer à l'information. Votre préoccupation est de préserver des informations d'affaires qui pourraient nuire ou qui
pourraient faire de la concurrence, à ce moment-là.
Est-ce qu'il y a déjà eu, à votre connaissance... Parce
qu'à ma connaissance la RAMQ est assez attentive à ça, et, dans les enquêtes qu'elle a eu à mener jusqu'à
maintenant, il me semble que la confidentialité a toujours été bien respectée.
Est-ce qu'il y a des situations où, d'après vous, ça n'a pas été fait?
M.
Charron (Daniel) : Bien, on ne pourrait pas répondre, parce que les
pouvoirs d'inspection de la RAMQ seraient introduits avec le projet de loi n° 92. Dans le cadre des enquêtes,
donc, de ses pouvoirs d'enquête, il n'y a pas eu, à ma connaissance, là,
de bris, à ce niveau, de la confidentialité.
Puis peut-être juste
pour rajouter, lorsque vous dites que, nous, ce qui nous intéresse, c'est de
s'assurer qu'on apporte des balises et des
paramètres pour protéger la confidentialité, le souci n'est pas seulement, dans
le fond, de faire en sorte qu'on
protège le plus possible les informations, oui, c'est important, mais c'est
aussi pour éviter que, dans le cadre d'une
inspection... le climat en soit un de collaboration et non pas de méfiance, de...
L'idée, c'est que, si les règles sont claires sur ce que la RAMQ a le droit de prendre,
la RAMQ a le droit de faire et comment elle entend le faire, bien, ça enlève
toutes ces tensions-là puis ces frictions
potentielles, dans le fond, qui pourraient avoir un effet négatif sur la
collaboration qui est en général nécessaire, là, dans ces exercices
d'inspection.
Mme
Lamarre : Et, dans le libellé actuel du projet de loi n° 92,
est-ce que vous avez des propositions d'ajout que vous pourriez nous transmettre pour vous donner cette validité-là?
Parce que ça me semble quand même... La RAMQ est quand même tenue à déjà beaucoup de confidentialité. Oui, elle a des
pouvoirs, mais ça ne change pas sa perception, et sa responsabilité, et sa connaissance, là, de cette responsabilité-là
qu'elle travaille avec des données sensibles. Donc, il me semble que c'est déjà dans le projet, mais,
si vous voyez des façons qui vous rassureraient plus, peut-être qu'on serait
intéressés à les recevoir. Mais autrement il me semble que c'est déjà assez
bien précisé.
Vous
avez dans vos recommandations la notion de confidentialité. C'est vrai, on a
évoqué avec d'autres organismes, entre
autres le Collège des médecins, l'Ordre des pharmaciens, le fait que les
informations... les inspections, en fait, seraient faites par des professionnels qui seraient
eux-mêmes tenus au secret professionnel. Est-ce que ça, ça vous apparaît être
une garantie qui vous rassurerait, de votre côté?
M.
Charron (Daniel) : ...5 et 6 de notre mémoire, on fait des
propositions assez concrètes — est-ce qu'elles vont assez loin, je vous laisserai en juger — de choses qui pourraient être faites pour
préserver la confidentialité. On parle entre autres, par exemple, de la «conclusion d'un engagement de
confidentialité en faveur du fabricant, à annexer à la loi, pour les
documents et informations ne concernant pas le champ de compétence de la RAMQ
ou l'ajout d'une disposition spécifique en
faveur des fabricants limitant plus spécifiquement le droit des inspecteurs
quant aux documents auxquels ils peuvent
accéder [et] en protégeant la confidentialité des renseignements». Donc, on
propose déjà certains éléments, là, qui pourraient, à notre avis, être
satisfaisants du point de vue de la confidentialité des informations.
Mme Lamarre :
O.K. Donc, avec ces précisions-là, ça vous conviendrait.
Maintenant,
je vois aussi que, dans votre résumé, dans votre conclusion, en 2 vous
demandez, dans votre recommandation 2,
d'interdire tous les programmes de remboursement, de fidélité, de copaiement,
de ristourne et tout autre avantage
offert directement aux patients par les fabricants, mais de médicaments de
marque. Est-ce que ça ne pourrait pas
aussi s'appliquer aux fabricants de médicaments génériques? Même si certains de ces programmes-là
ont été développés effectivement plus par les compagnies de marque, les
innovateurs, il reste que... Moi, dans le contexte, je considère que les
allocations professionnelles ne sont pas
des ristournes. Pour moi, c'est deux choses différentes. Mais, dans votre
libellé, remboursement, fidélité, copaiement, ristourne, tout autre
avantage, est-ce que vous auriez objection à ce qu'on rajoute
«pour les médicaments de marque et les médicaments génériques»?
M.
Charron (Daniel) : C'est parce qu'on parle de deux choses différentes. L'idée
ici, puis qui est une idée, là, dont
même le libellé est repris beaucoup du libellé de l'Ordre des pharmaciens, on
parle des programmes qui sont destinés... qui visent directement les patients. D'autres programmes... Les
fabricants de médicaments génériques n'ont pas de programme qui vise directement les patients. Et c'est dans
ce sens-là que c'est vraiment... Essayer de généraliser cette recommandation, là, d'après moi, là, on se poserait à risque, là,
de confondre. Ici, on parle vraiment des programmes de fidélité, là, destinés
aux... et dont la promotion, là... Quand je
dis «de plus en plus agressive», là, on l'entend à la radio, on la voit dans
les journaux, c'est clairement des
programmes dont la promotion est en accélération au cours des derniers mois; je
n'ai pas fait d'analyse exhaustive,
mais juste de ma propre expérience par rapport à mon exposition à ces
promotions-là. Et on n'est pas les
seuls à en parler. Et je pense qu'il est important pour le Québec d'agir
rapidement sur ces programmes-là avant
qu'ils prennent encore plus d'ampleur et que ce soit encore plus difficile de
le faire. Je pense que le... excusez-moi l'anglicisme, mais le timing est bon pour ce faire. Il aurait déjà été
bon à la suite de l'activité qui avait été organisée par l'Ordre des pharmaciens, à laquelle étaient
conviés, là, tant les représentants du ministère que de la Régie de l'assurance
maladie du Québec, que des régimes privés
d'assurance, nous, les fabricants de médicaments de marque. En fait, toutes les
parties, les parties prenantes autour de cet
enjeu-là, étaient conviées, et il aurait peut-être été... Le timing aurait
peut-être été meilleur il y a deux ans et demi, mais ça ne veut pas dire
qu'il faut s'empêcher de le faire aujourd'hui.
Mme Lamarre :
Donc, vous ciblez plus spécifiquement les programmes destinés aux patients.
M. Charron
(Daniel) : Oui.
Mme Lamarre :
Moi, vous savez, je ne suis pas toujours d'accord avec le ministre, mais il y a
quand même quelque chose qu'il a fait avec
lequel je suis très en accord, c'est quand il a déterminé le «ne pas
substituer», quand vous avez encadré
le «ne pas substituer». Je pense que c'est significatif quand même, et ça a
engendré des économies. Et j'aurais peut-être juste un petit ajout,
éventuellement, à vous proposer, M. le Président, à proposer au ministre sur
certains médicaments avec des indices thérapeutiques étroits, qui bonifierait
le «ne pas substituer».
Mais
est-ce que vous considérez que ça a aidé, dans votre cas, à régler certains
problèmes de surutilisation du «ne pas
substituer», qui incitait, dans le fond, et qui obligeait les pharmaciens à
donner l'original au détriment du générique dans plusieurs cas? Est-ce
que vous avez vu une différence, vous, dans ce...
M.
Charron (Daniel) : Ça n'a sûrement pas nui. Est-ce que le «ne pas
substituer» était une condition incontournable pour les programmes de fidélité à avoir du succès? La réponse est non,
non plus, les programmes de fidélité peuvent très bien exister
aujourd'hui.
Il
y avait des règles, également... Puis je pense que ça, c'est un autre
changement qui a été apporté, avec le projet de loi n° 28, si vous vous rappelez, qui changeait les règles au
niveau du remboursement des médicaments génériques pour les régimes d'assurance privés, qui, eux,
étaient très exposés aux risques liés à l'utilisation des cartes de fidélité
parce que les règles faisaient en
sorte qu'ils ne pouvaient pas rembourser en bas d'un certain plancher, donc ils
venaient, dans le fond, payer souvent
plus que la moitié de la différence entre prix du médicament générique puis du
médicament de marque. Pourtant, le
promoteur des programmes de fidélité promettait que c'est le fabricant du
médicament de marque qui remboursait. Donc, l'assureur privé était à
risque.
Donc, est-ce
que ça a aidé? Ça n'a pas nui, mais je ne sais pas si, dans ce cas-là, les
programmes de fidélité... Puis, quand
je regarde encore les activités de promotion puis même certaines informations
que j'ai au niveau de certains produits puis des parts de marché que les fabricants de médicaments de marque
arrivent aujourd'hui à maintenir sur ces produits-là, c'est là que je me dis : Le «ne pas
substituer», ça n'a pas nui, mais ça n'a pas fait en sorte d'éliminer l'offre
de programmes de fidélité.
C'est pour ça
que je pense qu'il faudrait aller une étape loin puis d'aller dans le sens des
recommandations de l'Ordre des pharmaciens sur cette question-là. Puis
l'Ordre des pharmaciens, comme je le disais...
Le Président (M. Busque) :
Excusez-moi de vous interrompre, M. Charron. Le temps alloué à l'opposition
officielle est expiré, alors nous devons passer à la deuxième opposition
officielle, alors au représentant de la deuxième opposition, pour une
période de six minutes.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le
Président. Bonjour, M. Charron. Bienvenue.
Je reviens au
propre du projet de loi n° 92. En fait, vous avez trois recommandations mais une sur laquelle vous avancez
davantage. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus. Notamment,
à la lecture du mémoire, on a l'impression que vous n'êtes pas très chauds à ouvrir vos livres lorsque
demandé par, bon, des inspecteurs potentiels de la RAMQ. Et la crainte que vous nous exprimez à travers vos
écrits, puis il y a quand même une...
page 5, page 6, vous y allez avec davantage de détails, c'est que des
informations sensibles, des informations concrètes puissent tomber dans les mains de vos concurrents. Vous dites que c'est possible de
le faire en se basant sur d'autres lois et que, là, on devrait faire quelque chose de différent, parce qu'il y a
une inquiétude manifeste, et puis vous prenez un bon bout pour nous
l'expliquer.
Je voudrais comprendre davantage, parce que je
vois mal la possibilité — et
je prends l'exemple de l'arbitre, là — que ça puisse tomber dans les mains de
l'équipe opposée, alors que le but de l'arbitre n'est pas celui-là. Je veux
dire, expliquez-moi la crainte que
vous avez, comment elle pourrait se manifester et les torts, évidemment,
j'imagine, que ça pourrait causer.
M. Charron
(Daniel) : Bien, on n'a pas de méfiance à donner... D'ailleurs,
lorsque la RAMQ fait des demandes à
travers une enquête qui est déjà établie ou toutes sortes de... ou une instance...
Puis là la RAMQ, mais ailleurs au Canada aussi, là, il y en a d'autres qui font des demandes. Lorsqu'il y a des
demandes qui sont faites, en général, je veux dire, on est volontaires
puis on répond.
L'idée ici,
c'est juste de s'assurer qu'à travers ce travail... Le travail d'enquêteur de
la RAMQ est très bien encadré, il n'y
a pas de changement qui est demandé à ce niveau-là. C'est que, là, il y a des
pouvoirs d'inspection qui sont nouveaux, qui n'ont pas été balisés, dans le projet de loi n° 92, puis, dans
le fond, ce qu'on dit, c'est : Bien, servons-nous d'autres exemples
qui existent dans d'autres cas puis balisons-les de sorte qu'il n'y ait plus de
doute puis que le fabricant de médicaments
génériques, lorsqu'inspecté, bien, il ne se sentira pas méfiant à donner des
documents, sachant très bien que ce
qui doit demeurer confidentiel doit demeurer confidentiel, puis ce qui n'a pas
de rapport à l'inspection ou à ce qui est recherché par la RAMQ dans un
cas particulier, bien, ne tombe pas dans les mains de la RAMQ sans raison.
C'est un peu,
là, l'intention derrière ces ajouts liés à la confidentialité, parce que, comme
je le disais, quand on arrive chez un fabricant de médicaments génériques qui
développe des produits, qui développe des stratégies d'expansion, qui pense à des nouveaux produits... C'est-à-dire
que, lorsqu'ils regardent le tableau d'expiration des brevets des produits
de marque, certains fabricants se
positionnent par rapport à d'autres au niveau de ce développement de ces
produits-là. C'est dans ce sens-là.
Ils peuvent avoir des contrats de fabrication avec d'autres, ils peuvent avoir
des contrats liés à des recherches
avec d'autres. Toutes ces informations-là, bien, c'est des informations sur
lesquelles, à mon avis, à notre avis... qui n'ont pas de rapport avec
les inspections. Alors, c'est juste d'encadrer puis de préciser ces
éléments-là.
M. Paradis (Lévis) : Je comprends
votre vision d'affaires, là, parce qu'elle est un peu comme ça. Plusieurs groupes ont dit, à un moment donné : La levée du secret professionnel, est-ce qu'on
devrait la baliser davantage pour éviter que... Vous nous dites, grosso modo : Bien, il y a le secret professionnel puis il y a le secret industriel, quelque part, qui fait en sorte qu'on
puisse craindre quelque chose, puis ça arrive dans notre sphère d'activité,
donc elle est potentiellement légitime.
C'est
déjà arrivé, ce que vous nous dites, qu'en divulguant des données, par exemple, réclamées par quelque instance que ce soit des concurrents aient pu, par exemple, à travers la
levée de ce secret industriel ou en
tout cas des actions, causer
des torts à un tiers à qui on demandait des documents?
M. Charron
(Daniel) : À ma connaissance, non, parce que ces pouvoirs-là sont bien balisés, entre autres Revenu Québec ou autres, qui ont des pouvoirs d'inspection,
d'une certaine façon, auprès de toutes les entreprises, dont les nôtres, là, pas des entreprises pharmaceutiques en particulier mais dont les nôtres. Donc, c'est un peu... Puis il n'y a
pas eu ce genre de situation négative là parce que les pouvoirs sont
bien balisés, et souvent, bien, on les a bien encadrés.
Et
là ce qu'on dit, c'est que ces pouvoirs d'inspection sont nouveaux. Donc, si on
fait juste les encadrer dès le départ
puis on garantit la confidentialité des renseignements puis des documents qui doivent rester
confidentiels, on devrait être bien.
Puis, comme
je le disais à votre collègue, l'idée, ce n'est pas juste de protéger la confidentialité, c'est de s'assurer aussi de
la bonne collaboration dans un travail d'inspection. À partir de ce
moment-là, à partir du moment où il
n'y a pas de méfiance, à partir du moment où il y a
une confiance, ça aide le travail et ça aide à la collaboration dans le cadre de cet exercice d'inspection là.
M. Paradis
(Lévis) : Bien, je vous
poserai une autre question qui va un peu dans le même sens. Il y a
des gens qui ont dit, à travers ceux qu'on a entendus, que ces
pouvoirs-là étaient importants. Certains ont dit qu'ils n'étaient pas nécessaires; d'autres, évidemment,
ont dit : On les réclame depuis longtemps. Certains ont dit que ça dépasse même les pouvoirs — vous parliez de Revenu Québec il y a un
instant — de
Revenu Québec en certaines circonstances. En tout cas, des gens
s'inquiètent de la portée.
Est-ce que ça va trop loin, selon vous, cette
possibilité d'aller chercher de l'information de ce type-là?
M. Charron
(Daniel) : Comme je le disais, nous, on est des joueurs, qu'importe le
sport, au football ou au hockey, on
est là pour respecter les règles puis on est là pour respecter les arbitres
puis les gens qui veillent à la conformité de ces règles-là. Puis, je le disais dans ma
présentation, on l'explique encore plus en détail dans notre mémoire, depuis
longtemps, on a toujours travaillé à la promotion d'une industrie
réglementée. Jusqu'à tout récemment, on a encore... Puis, je le mentionnais, le cas des allocations
professionnelles et du déplafonnement, on est ceux qui publiquement
disent : Ça prend un contrôle, ça prend le maintien d'un cadre, parce que
c'est la base de conditions de concurrence saines et surtout durables dans une industrie. Donc, à ce niveau-là...
Et en plus de ça, puis j'ajoute, on a notre propre Code de pratiques de
marketing régissant la vente de médicaments génériques au Canada.
À partir de
ce moment-là, par souci de cohérence... Dans le fond, on est du côté des règles
et pour leur application. À partir du moment où on veut confier à la
RAMQ plus de pouvoirs pour...
Le Président (M. Busque) :
M. Charron...
M. Charron
(Daniel) : ...pour faire respecter ces règles-là, tout ce qu'on dit,
c'est : Balisons ces nouveaux pouvoirs, et on va pouvoir continuer
à fonctionner de cette façon.
Le
Président (M. Busque) : Alors, je vous remercie beaucoup,
M. Charron, M. le représentant de la deuxième opposition.
Alors, à ce moment-ci, je vais suspendre les
travaux pour permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 12 h 16)
(Reprise à 12 h 18)
Le
Président (M. Busque) : Alors, rebonjour, tout le monde. Alors, je
souhaite la bienvenue à nos invités. Et, pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous
présenter. Et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, par la suite nous procéderons à
la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, la parole
est à vous.
Ordre des comptables
professionnels agréés
du Québec (Ordre des CPA du Québec)
M. Dugal (Alain) : M. le Président,
bonjour. Mesdames et messieurs de la commission. Je suis Alain Dugal, président du conseil de l'Ordre des CPA du Québec.
Je suis accompagné de Me Christiane Brizard, qui est secrétaire et vice-présidente
aux affaires juridiques.
Au nom de
l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, je tiens tout d'abord à vous remercier de l'occasion qui nous est donnée de participer aux consultations sur le projet de loi n° 92. Et l'ordre se réjouit de pouvoir... ou
espère, en tout cas, pouvoir contribuer à la bonification du projet de loi.
L'Ordre des
CPA du Québec est né, vous le savez, de l'unification des
professions comptables d'origine et compte maintenant 38 000 membres et
5 600 étudiants, ce qui en fait le troisième ordre en importance au
Québec. L'ordre, vous le savez aussi,
veille à la protection du public et au rayonnement de la profession. Il
représente tous les champs d'expertise de
la profession comptable : la certification, la comptabilité financière, le
management, la comptabilité de management, la finance et la fiscalité.
• (12 h 20) •
D'emblée,
l'ordre salue le dépôt du projet de loi et accueille favorablement la volonté
du gouvernement de donner plus de pouvoirs à la régie en vue
principalement de détecter les fraudes et les abus.
Les objectifs poursuivis par le projet de loi, notamment
l'établissement des... l'élargissement des pouvoirs d'inspection de la régie, l'imposition d'amendes plus lourdes et la possibilité d'imposer des sanctions administratives,
sont amplement
justifiés dans le contexte budgétaire actuel. Par contre, certaines
dispositions du projet de loi ouvrent sans aucune balise de sérieuses brèches dans la protection du secret
professionnel, un principe enchâssé dans la charte québécoise des droits
et libertés de la personne.
Au Québec, la
protection du secret professionnel de tous les professionnels a un statut quasi
constitutionnel. Elle constitue une valeur fondamentale de la société
québécoise et est au coeur du système professionnel québécois.
En effet, la
relation entre un professionnel et son patient, son client ou son employeur
comporte certaines particularités. Il
s'agit d'une relation d'aide où la qualité des services rendus repose sur le
lien de confiance établi entre le professionnel et son client, qui doit
être en mesure de transmettre au professionnel toutes les informations
pertinentes à l'exercice de l'acte
professionnel. C'est pour cette raison que la protection de la confidentialité
des renseignements obtenus d'un patient, d'un client ou d'un employeur
est au coeur du système professionnel.
Il est donc
essentiel que toute intervention législative portant atteinte au secret
professionnel soit précédée d'un examen
mettant en balance les droits et les valeurs fondamentales en jeu et qu'on n'y
ait recours que pour des motifs sérieux, soit lorsqu'il n'existe pas d'autre moyen pour obtenir l'information.
Ainsi, en balisant l'accès aux renseignements et aux documents visés par le secret professionnel, on
peut atteindre les objectifs souhaités tout en limitant à la divulgation de ce
qui est strictement essentiel.
Par exemple,
les articles 432 à 438 de la Loi sur les sociétés par actions prévoient
une série de mesures en vue de protéger
le secret professionnel des comptables professionnels agréés.
L'article 432 prévoit qu'un inspecteur investi des pouvoirs d'enquête en matière de fraude et d'abus
doit, dans un cas de renseignements protégés par le secret professionnel, obtenir l'autorisation préalable d'un tribunal,
lequel déterminera si l'accès à ces renseignements est absolument nécessaire
et en balisera son utilisation.
L'article 15.1
et suivants de la Loi sur l'Autorité des marchés financiers constitue un autre
exemple. D'emblée, ces articles
prévoient expressément la levée du secret professionnel du CPA dans certaines
situations, puisqu'en matière d'enquêtes
découlant de lois spécifiques les seuls renseignements ou documents visés sont
ceux obtenus par le CPA dans le cadre d'un audit des états financiers de
l'entité visée.
Le régime général d'assurance médicaments repose
sur l'accès raisonnable et équitable de l'ensemble de la population du Québec aux médicaments requis pour
l'état de santé de ces personnes. Dans cet esprit, le Règlement sur les conditions de reconnaissance d'un fabricant de
médicaments et d'un grossiste en médicaments, en plus de prévoir les conditions d'exercice de leurs activités relatives
au prix des médicaments, prescrit la forme des engagements auxquels ils doivent souscrire. La régie peut en outre requérir
des fabricants et des grossistes reconnus ou qui demandent de l'aide tout
renseignement, tout renseignement, j'insiste ici, concernant le prix des
médicaments qu'ils offrent en vente, par exemple.
Ceux-ci doivent également établir à la satisfaction du ministre les règles
encadrant leurs pratiques commerciales selon les modalités qu'ils
déterminent entre eux.
Selon la lecture qu'en fait l'ordre, le projet
de loi viserait, pour l'essentiel, à autoriser la régie à accéder aux
informations financières de l'ensemble des intervenants dans la chaîne
d'approvisionnement des médicaments pour détecter,
en les conciliant avec des informations qu'elle détient elle-même, les
irrégularités, les abus ou les fraudes. Si telles sont les visées de la régie, l'ordre suggère au législateur
d'exploiter d'autres avenues qui permettront de limiter au minimum l'atteinte possible au secret
professionnel du patient, que l'on se place du point de vue du professionnel de
la santé, du client ou au point de vue du CPA.
L'Ordre des CPA est d'avis que, lorsque des
fonds publics sont en cause, il est tout à fait légitime d'exiger la
divulgation de renseignements de certaines entités, notamment, dans le cas qui
nous occupe, des entreprises ou des organismes
dans la chaîne d'approvisionnement des médicaments qui transigent avec la
régie. Toutefois, il serait beaucoup plus
judicieux de réclamer les renseignements à la source, directement de leurs
propriétaires, quitte à exiger qu'ils soient certifiés, au besoin, par un CPA. Ainsi, en vue de réduire les risques
de fraude, d'abus ou d'irrégularités, ces intervenants pourraient être tenus de présenter des rapports
ciblés, de répondre à des questionnaires particuliers ou de fournir tout autre
renseignement dont la nature pourrait être déterminée par la régie.
En plus des
contrôles instaurés en amont, l'Ordre des CPA est d'avis qu'en appui au rôle de
surveillance de la régie des mandats
portant sur des procédés spécifiques ou la délivrance d'attestations devraient
être confiés à des CPA auditeurs
externes afin de certifier certaines données fournies par les entités visées.
L'auditeur externe indépendant serait à même d'exprimer une opinion sur la
conformité des données fournies suivant les critères définis dans les
dispositions contractuelles, législatives ou réglementaires. Le CPA
auditeur pourrait aussi faire rapport sur les renseignements complémentaires,
signaler des abus, des situations de non-conformité aux dispositions
législatives ou réglementaires, formuler des
observations à des tiers ou encore des recommandations à la régie, et ce, dans
les limites fixées par la loi.
Ainsi, les
règles du jeu auraient le mérite d'être claires pour toutes les parties
prenantes. Les procédés spécifiques ou
attestations pourraient porter sur des éléments jugés pertinents, par exemple
sur le respect des conditions de l'établissement du prix de vente garanti d'un médicament, sur le respect des conditions
du prix de vente garanti dans les transactions entre les autres parties
prenantes, sur les attestations fournies dans le rapport annuel du fabricant et
étayant les réductions consenties sous la
forme de rabais, de ristournes ou de primes. La nature et l'étendue des
procédés pourraient faire l'objet d'une
analyse plus approfondie en comité. À cet égard, l'ordre offre sa pleine
collaboration au ministre en vue d'identifier les procédés spécifiques qui pourraient être exigés des entités visées à
titre de reddition de comptes, en fonction des besoins de la régie. D'ailleurs, divers comités
sectoriels de l'ordre, dont celui sur la certification, effectuent déjà ce type
d'accompagnement, notamment pour le réseau de la santé et celui de
l'éducation.
En terminant,
l'Ordre des comptables professionnels agréés partage les inquiétudes de
certains intervenants qui ont
témoigné devant la commission à l'égard de l'absence de protection accordée aux
dénonciateurs dans le projet de loi. La
question des lanceurs d'alerte est une question de société qui devrait être traitée comme telle et non à la
pièce, comme cela
semble être le cas actuellement. À cet
égard, la France a présenté un projet de loi visant à assurer la cohérence du dispositif français de protection des lanceurs d'alerte. Ce projet de
loi propose la création d'un statut protecteur applicable à l'ensemble des lanceurs d'alerte du secteur
public et du secteur privé, quel que soit le secteur d'activité. L'ordre
souhaite que le gouvernement y aille d'une approche globale et emprunte
cette avenue.
Je vous
remercie du temps que vous nous avez accordé. Et évidemment nous sommes
disposés à échanger avec vous.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant débuter les échanges. Pour
14 min 30 s, je cède maintenant la parole au ministre de
la Santé et des Services sociaux. La parole est à vous.
• (12 h 30) •
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, M. Dugal et Me Brizard,
bienvenue, et merci d'avoir pris le temps de venir nous faire part de vos commentaires et de vos observations sur
un sujet qui n'est pas toujours facile à vulgariser, là, mais j'imagine qu'à cet égard-là vous êtes
habitués d'avoir ce commentaire-là. La comptabilité, ce n'est jamais
un sujet qui est un grand enjeu...
c'est un grand enjeu, mais ce n'est jamais toujours très,
très souriant quand on parle de ça.
Mais on va le faire quand même avec le sourire.
J'ai bien
saisi tout ce que vous m'avez dit ainsi que les précautions que vous nous
invitez à prendre ou à s'assurer d'avoir
prises lors d'une éventuelle intervention de la part de la RAMQ, mais, au-delà
de ça, à la base... Parce que, ça, je ne
vous ai pas entendus, comme tel. Je vous ai entendus dire que vous étiez en
faveur à ce que, évidemment, l'État fasse les inspections, à partir du moment où ce sont des deniers publics qui
sont en jeu, mais... Sur le fond du projet
de loi, je comprends que vous
n'avez pas de critique fondamentale?
M. Dugal
(Alain) : En fait, on
accepte bien le fait que la régie doit obtenir de l'information, et il n'y a pas de limite aux
besoins et comment on rencontre ces besoins-là. Où on a des réserves, c'est sur
la façon dont... l'accès à cette information.
Alors, plutôt
que d'établir un processus d'inspection, on pense que vous devriez demander
aux intervenants du milieu de vous fournir l'information qui est nécessaire à rencontrer vos propres objectifs.
Et on le fait déjà dans d'autres industries. Par exemple, dans le milieu scolaire, il y a
des questionnaires, il y a des formulaires qui présentent l'information financière, et autres, qui est nécessaire pour l'exercice du droit de régie ou du droit de
gestion du gouvernement. Alors, l'avantage
ici, c'est que vous auriez accès à une information qui est continue, qui vous est fournie, plutôt
que vous ayez à aller chercher de l'information chez les intervenants du
marché.
M.
Barrette : À partir du
moment où vous dites ça... Je comprends bien ce que vous me dites, là, mais
quand bien même...
Moi, vous
savez ma beaucoup plus petite expérience comptable que la vôtre,
là. En ayant été un client de comptables dans le passé, vous nous dites toujours :
Nous, on rapporte ce qui nous est fourni, puis vous faites toujours signer des documents
auprès des gens qui... parce que vous, vous avez une grande possibilité que d'autres n'ont pas, vous rapportez ce qu'on vous fournit, puis vous faites signer à la personne qui fournit
une lettre qui dit : Je certifie avoir dit la vérité et tout
révélé. Et là, évidemment, vous rapportez ce qui a été révélé et là vous
rapportez la conformité.
Alors, malheureusement, l'expérience montre que le problème, c'est que ce qui vous a été fourni
n'est pas toujours complet, là. Si vous me dites le contraire, là,
c'est comme Lourdes, vous êtes la Sainte Vierge de Lourdes de la comptabilité,
il va y avoir une nouvelle sainte, là, ça va être vous.
M. Dugal
(Alain) : Bien, la science
de la certification et... La certification, c'est une certaine science qui
exige des procédés puis des
procédures pour confirmer ce qu'on nous dit. Alors, on obtient, dans notre
travail, des éléments probants pour supporter l'opinion qu'on va donner.
Évidemment,
ce travail-là se fait dans un contexte où... il n'a pas pour objet de chercher
des fraudes, parce que la fraude
implique souvent la collusion, puis il n'y a pas de possibilité humaine, là, pour découvrir ça, mais l'exercice de la certification amène une discipline. Et vous, comme
gouvernement, vous pouvez obtenir deux niveaux de
certification. Le premier, c'est par
les intervenants du marché. Alors, les fabricants de médicaments,
les grossistes vous certifieront l'information qu'ils vous ont donnée, il y
aura des individus qui prendront la responsabilité professionnelle de confirmer ça.
Et les CPA peuvent, après, si vous le désirez, avoir un autre niveau de
certification et d'assurance, faire leurs tests et vous émettre une opinion. À partir du moment où un CPA
émet une opinion sur une information financière, il engage aussi sa responsabilité
professionnelle.
Alors, c'est
ce qui se fait, par exemple, pour les banques, c'est ce qui se fait pour les
collèges, au Québec, où il
y a des formulaires qui sont
présentés au ministère de l'Éducation, où toute l'information qui est nécessaire à la gestion est fournie dans ces documents-là, et ces documents-là sont certifiés.
Il n'y a pas de garantie ultime qu'il n'y aura jamais d'erreur
là-dedans ou de fraude, mais l'exercice amène une plus grande rigueur.
M.
Barrette : Juste pour le
bénéfice de ceux qui nous écoutent et qui ne sont pas familiers avec la
comptabilité... Les gens
voient souvent la comptabilité comme étant simplement une addition de colonnes.
Évidemment, c'est plus que ça, là, on se
comprend. Juste pour le bénéfice de tout le monde, parce que tout le monde ne comprend pas ça, je peux vous assurer, là, que la majorité, la très, très, très grande majorité de la population ne comprend pas ce qu'est un état de compte, un état vérifié... Quand vous dites que
vous vérifiez une situation financière, les gens ont l'impression que vous
allez faire le tour de toutes les factures,
mais évidemment ce n'est pas ça. On sait que la vérification, ça
se fait sur la base d'un échantillon.
Même dans une petite entreprise, là, vous regardez les éléments clés, mais vous
ne faites pas le tour de toute la comptabilité de A à Z d'une
entreprise, aussi petite ou grande soit-elle. Ça va?
M. Dugal (Alain) :
Oui.
M.
Barrette : Alors,
pouvez-vous nous exposer, pour éclairer surtout les gens qui nous écoutent,
quels sont les principes sur lesquels s'appuie la vérification d'états
financiers dans n'importe quelle organisation, le principe de la vérification qui, lui, est basé sur des éléments
critiques et un volume d'échantillon, qui, lui, est établi par l'usage ou qui
est reconnu par l'usage comme étant : Voici, nous, les états vérifiés, on
regarde, et c'est la norme, ça a été étudié... statistiquement on regarde 3 %,
4 %, 2 % de tel volume d'activité, et c'est ça qu'on considère
adéquat? Pouvez-vous nous éclairer
là-dessus, sans nécessairement nous révéler tous vos secrets, là, mais juste
pour nous faire de l'éducation comptable continue?
M. Dugal
(Alain) : Il y a bien peu de secrets, M. le ministre, c'est enseigné à
l'université. Mais, si vous permettez, juste
une minute, que je vous explique l'origine de la profession : c'est en
Angleterre, au moment où le développement industriel a fait en sorte que des promoteurs ont développé, ont
construit des usines. Mais ils n'avaient pas le capital. Le capital se trouvait dans la noblesse, chez la
noblesse, et la noblesse a commencé à financer le développement industriel de
l'Angleterre en prêtant des fonds. Et, à la
fin d'une période de temps, habituellement une année, ceux qui avaient
bénéficié du capital faisaient
rapport aux nobles sur leur gestion et racontaient l'histoire de la gestion de
l'année. Et, à un moment donné, ceux
qui prêtaient le capital se sont dit : Est-ce que l'histoire est vraie?,
et ont fait intervenir un tiers qui allait voir la compagnie puis qui allait confirmer que l'histoire
de la gestion de l'année était conforme à la réalité. C'est comme ça que la
profession s'est développée.
Aujourd'hui,
on certifie l'histoire de gestion d'une entreprise, par exemple, sur une
période de l'année en cherchant des
éléments probants qui vont confirmer la comptabilité qui a été faite dans les
livres. Où est la difficulté? Elle est dans l'interprétation de règles de reconnaissance soit d'un revenu soit d'une
dépense. Par exemple, si vous êtes un fabricant de logiciels informatiques, à
quel moment allez-vous enregistrer le revenu? Lorsque quelqu'un vient sur le
site Internet, achète votre programme
informatique, est-ce que vous lui donnez une garantie? Est-ce qu'il y a des
facteurs qui font que vous pourriez
avoir à faire des remises? Alors, il y a beaucoup d'estimations importantes, il
y a beaucoup d'hypothèses qui sont
faites et qui doivent être vérifiées par des éléments probants que l'auditeur,
le CPA, va obtenir, mais il reste quand même qu'il y a des éléments qui sont des estimations d'événements
futurs, et des estimations vont différer selon la perspective qu'on va prendre et les hypothèses qu'on va poser.
Et c'est là qu'est la difficulté. Les conventions comptables aussi sont
difficiles à interpréter de plus en plus.
Je ne sais pas si je réponds à votre question,
M. le ministre.
M.
Barrette : Oui, oui, c'est
intéressant. Pour ceux qui écoutent Downton Abbey, on comprend mieux la
dernière saison, parce que c'est cette période-là. Non, non, c'est très
intéressant.
Vous dites
dans votre mémoire, là, que les comptables pourraient être des auditeurs, je
cite, là, dans votre mémoire... Vous
considérez que les comptables pourraient être des auditeurs indépendants à
l'égard de la chaîne d'approvisionnement en médicaments, vous dites ça dans votre mémoire. Or, là, j'ai de la
misère à vous suivre là-dessus parce que, les états financiers, là, de ces chaînes-là, ce sont aussi
des comptables, là. Alors, en quoi les comptables peuvent être des auditeurs
indépendants?
M. Dugal
(Alain) : Bien, l'auditeur indépendant d'un fabricant de médicaments,
par exemple, est indépendant, même s'il émet des rapports à d'autres
tiers. S'il vous émettait un rapport, il va garder son indépendance.
Je ne sais pas si j'ai bien compris la question.
M.
Barrette : Oui, mais vous ne trouvez pas qu'il doit y avoir une autre
instance, autre que comptable, pour faire cet audit-là?
• (12 h 40) •
M. Dugal
(Alain) : Bien, je pense
que non, parce que le fait d'être l'auditeur d'un fabricant de
médicaments vous donne accès à toute l'information qui est disponible
dans l'entreprise, et, à partir du moment où on vous demanderait d'émettre un rapport ou une certification
spécifique sur un élément en particulier, vous gardez, quand vous faites votre
travail, cette vue d'ensemble. Si vous faites intervenir un tiers qui
ne fait que ce travail sur cette information financière là, il lui
manque la perspective de l'entreprise dans...
M.
Barrette : ...du côté de la comptabilité, il ne manque pas la
perspective de détecter des problématiques qui proviendraient de
pratiques commerciales? Vous, là, dans le monde des comptables, vous faites une
analyse des états financiers sur la base de
la documentation financière qu'on vous fournit, et c'est très important, et
c'est très valable, et c'est essentiel, je ne mets pas ça en doute, mais
considérez-vous — puis
ça m'intéresse, là, si c'est oui, la réponse, ça m'intéresse que vous me l'expliquiez, là, plus en détail — que vous êtes en mesure de détecter les
impacts parfois délétères de certaines pratiques commerciales?
M. Dugal
(Alain) : Je pense que oui, parce que,
lorsqu'on est auditeur des états financiers d'une entreprise, on a accès
à toute l'information. Et c'est là où c'est important. On reviendra sur une
discussion sur le secret professionnel, mais
on doit avoir accès à toute l'information. On est capables de comprendre la stratégie et on
serait capables de voir si... Dans un
rapport où on dit qu'il n'y a pas de ristourne, on serait capables, par des
tests qu'on doit faire pour l'audit des états financiers, de s'assurer
que c'est le cas. Alors, il y a comme une double assurance.
Par ailleurs, à chaque fois
qu'on émet un rapport de certification, l'auditeur, le CPA, doit avoir une
compréhension générale, une compréhension des contrôles internes qui est
suffisamment détaillée pour étayer son rapport, et cette compréhension-là
s'atteint déjà, est obtenue par l'audit des états financiers qu'on fait.
M.
Barrette : Alors, vous nous
dites, là, que, la compagnie A qui donne un avantage financier au
fournisseur B en échange de tel volume d'activité, vous êtes
capables à tous les coups de voir ce genre de manoeuvre là.
M.
Dugal (Alain) : Oui, parce que
la comptabilité laisse des traces, l'argent laisse des traces, les paiements de
facture laissent des traces. On a des
procédés d'audit suffisants pour être capables de confirmer ça, ils pourraient...
Et c'est ce qu'on offre ici en
recommandation, s'asseoir avec la régie pour déterminer quelle est l'information qui est nécessaire à sa gestion puis faire un design de
questionnaires et de formulaire qui fourniraient cette information-là, et qui pourrait être certifié à la fois à l'interne et par
des CPA.
M. Barrette :
O.K. Mon temps est pas mal terminé, M. le Président, là, je vais terminer ici.
Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous continuons les échanges, et, en ce sens, pour un bloc
de neuf minutes, je cède la parole à notre collègue de Taillon.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour, M. Dugal. Bonjour,
Me Brizard. Dans le fond, vos
commentaires et votre mémoire font un appel à la prudence au niveau
de deux grands enjeux, la protection des renseignements, mais également visent aussi à protéger... à éviter des recours
éventuels contre la RAMQ, si elle allait au-delà de pouvoirs qui lui sont normalement conférés. Donc, moi, je
retiens beaucoup de votre intervention qu'on a besoin effectivement peut-être d'avoir, au sein des
équipes d'enquête, et d'inspection, et d'analyse des données de la RAMQ, des comptables et
des juricomptables.
Je
ne sais pas si vous le savez. Est-ce que c'est prévu actuellement? Est-ce qu'il y a cette expertise-là au sein des enquêtes...
du personnel de la RAMQ? Parce que ça m'apparaît important, je pense, qu'il y ait
ce genre de ressource professionnelle là au sein de la RAMQ, à partir des
pouvoirs supplémentaires qu'on lui donne.
Votre recommandation 2,
je vous avoue qu'avec l'expérience qu'on a eue, à l'Ordre des pharmaciens, là...
«Devant le refus d'obtenir les renseignements ou documents demandés ou en cas d'impossibilité de les
obtenir, s'adresser au tribunal...»
On a eu une situation assez historique, ça a pris 10 ans par les tribunaux et ça
s'est réglé à la Cour suprême. Alors,
oui, l'ordre a réussi à obtenir l'autorisation d'avoir accès à des informations, mais ça a été ça, le long parcours du tribunal. Alors, on essaie de faire mieux, là, on essaie de se
dire : Est-ce qu'on peut, là... mais
sinon on a une jurisprudence
sur ce dossier-là.
Mais il reste qu'on
se rend compte qu'on a... Ce que vous avez dit tantôt au niveau de la responsabilité
des comptables par rapport à vérifier ce qu'une industrie peut faire, il y a des règles qu'une industrie
peut appliquer au niveau comptable, mais le grand enjeu, c'est un enjeu
d'éthique. C'est que, dans le domaine dont on parle, le médicament est un
bien de consommation distinct, et la
personne ou l'organisation qui paie la facture, eh bien,
c'est de l'argent public, ce n'est pas l'argent d'un individu.
Et l'argent public qui paie la note, au final, ça amène d'autres
responsabilités et une imputabilité
collective, je pense, qui est de dire : Bien, peut-être que c'est possible
de faire ça entre deux industries qui négocient des choses entres elles,
mais, quand on fait intervenir un organisme public et que c'est de l'argent
public, il y a des choses, que l'industrie doit comprendre, qui ne se font pas,
même si elle pense qu'elle le fait avec d'autres organisations similaires. Et c'est là, je pense, qu'on a besoin vraiment
de votre expertise, mais en même temps je pense qu'il faut être très
conscient de cette responsabilité-là.
Alors,
moi, je me dis... Ce que je comprends dans votre discours et dans les
suggestions que vous nous faites, c'est d'encadrer plus les engagements avec les fabricants. Est-ce que ça, c'est
une voie, en tout cas, que vous nous proposez, d'être plus exigeants au moment où on dit à un fabricant : On te
donne, comme gouvernement, le privilège de faire affaire avec toi, mais en échange on te demande ça, ça,
ça, et tu n'auras pas le droit de refuser, par exemple, de donner accès à des
documents qui seraient pertinents?
M. Dugal
(Alain) : C'est exactement ça. Plutôt que de développer un mécanisme
d'inspection qui va aller ponctuellement
chercher de l'information chez les intervenants du marché, ce qu'on propose,
c'est de mettre des règles qui disent à chacun des intervenants :
Si vous voulez vendre des médicaments au gouvernement du Québec, voici les conditions que vous allez rencontrer. Et, dans ces
conditions-là, vous allez énumérer l'information financière et toute autre
information que vous avez besoin, et eux, pour être capables d'avoir accès au
marché au Québec, devront rencontrer ces exigences-là.
Lorsqu'il
y a un processus d'inspection, on fait face à des enjeux de protection du
secret professionnel, et je pourrais demander
à Me Brizard de l'expliquer, alors que, si vous demandez aux gens, eux,
pour accéder au marché au Québec, à
céder ce droit-là... à divulguer l'information eux-mêmes, vous n'avez pas
besoin de vous préoccuper du secret professionnel, parce qu'il
n'intervient pas dans la communication de l'information. Je ne sais pas si je
suis assez...
Mme
Lamarre : Bien, moi, je vois quand même deux niveaux très distincts.
L'information qu'on va demander à
l'industrie pharmaceutique, il n'y a pas d'information nominale sur des
patients, là, il y a des informations d'affaires, et ça, on peut... Alors, pour moi, c'est deux
dimensions très, très différentes. La dimension où on enquête dans un bureau
de professionnel, là, effectivement, il y a
des données plus sensibles, parce qu'il y a des données nominatives, et je
pense qu'il faut avoir deux niveaux différents.
Mais,
pour l'inspection d'une entreprise, je pense qu'il faut les deux. Il faut avoir
des exigences, mais il faut aussi, un
peu comme on disait tantôt, donner du pouvoir à celui qui enquête pour ne pas
qu'à tout moment il se fasse dire qu'il ne peut pas aller là, il ne peut pas regarder ça. Donc, ça prend les
deux, d'après moi. Je pense qu'on peut faire un bout de chemin avec
l'engagement du fabricant, mais je pense aussi sincèrement qu'il faut que,
quand l'inspecteur arrive, l'organisme qui est vérifié sache que l'autre a
certains pouvoirs qui vont lui permettre d'avoir aussi accès à ça.
M. Dugal (Alain) : Absolument.
Alors, dans les conditions pour faire affaire au Québec, vous avez une liste d'informations qui doit être fournie par le
fabricant de médicaments, par exemple, et ça, c'est fourni à la régie. Et ça,
ça pourrait être certifié à l'interne
et à l'externe. Et à partir de là, comme régie, vous allez investir vos efforts
à l'interprétation de ces données-là.
• (12 h 50) •
Mme
Brizard (Christiane) : ...j'allais ajouter un point. En fait, les
dispositions qui permettent l'accès, là, par la régie à différentes
informations, pour nous, d'une part, ce n'est pas clair qu'on décide d'aller
nonobstant le secret professionnel, la
rédaction même de ces articles-là va laisser le professionnel dans une
ambiguïté. Est-ce qu'effectivement la
régie a la possibilité de passer outre au secret professionnel? Les
dispositions, telles que proposées, ne sont pas claires. Donc, le professionnel va être en face d'une
difficulté. Il fournit l'information, il fait fi de son secret professionnel.
Il ne fournit pas l'information, il est susceptible d'une entrave. Donc,
la rédaction, telle qu'elle est proposée, quant à nous, déjà pose problème.
D'autre part,
au niveau du secret professionnel,
tenant pour acquis que la rédaction pourrait être plus claire, on s'est
assis déjà avec l'Autorité des marchés financiers, qui a quand même un pouvoir
d'enquête important qui serait comparable à
celui de la régie, pour baliser l'accès au secret professionnel. Suite à l'affaire
Norbourg, on s'est assis avec eux, on a balisé dans la loi. On vous donne des
exemples de comment peut se faire cet accès-là, à qui cette information-là
peut être fournie, à qui d'autre elle ne
peut pas être fournie. Parce que le projet de loi prévoit qu'une fois
l'information obtenue par la régie
elle peut être remise, en vertu de l'article 65, à différents autres
organismes. Est-ce qu'on veut aller jusque-là?
Parce qu'une fois que, le secret professionnel, on a donné l'information,
l'information n'est plus protégée par le secret professionnel, ça veut dire que d'autres organisations peuvent
l'utiliser à d'autres fins. C'est toute cette réflexion-là de balises
qui, à notre point de vue, est absente du projet de loi.
Mme
Lamarre : Et ça, même si c'étaient des professionnels qui faisaient
les enquêtes? Parce qu'ils seraient tenus au secret professionnel quand
même à ce moment-là.
Mme
Brizard (Christiane) : Le problème demeure toujours parce qu'une fois
qu'on a donné une information qui est
couverte par le secret professionnel... On n'aurait pas dû la donner, peu
importe à qui on la donne. On a fait accroc à notre secret.
Mme
Lamarre : Mais la RAMQ fait déjà des enquêtes et elle dénominalise les
personnes, elle utilise des codes, et
puis elle a la possibilité, là, de vérifier certaines activités déjà. En quoi
le projet n° 92, sur cet aspect-là, donne plus de pouvoirs que ce
qu'il y a déjà, actuellement, dans la loi?
Mme
Brizard (Christiane) : Bien, en fait, notamment au niveau de
l'inspection professionnelle, on permet d'aller chercher de l'information financière qui est dans les mains de
comptables, et on comprend que ces comptables-là donnent des services différents à leurs clients. Donc, il
serait possible qu'on ait fait à la fois l'audit d'un état financier, mais on a
donné des renseignements en matière fiscale,
on a fait une réorganisation d'entreprise. Quelle est l'information que la
régie pourra requérir de ces professionnels-là?
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, pour poursuivre le débat, pour
six minutes, je cède la parole à notre collègue de Lévis.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le
Président. M. Dugal, Me Brizard, merci d'être là.
Je vais
continuer là-dessus parce que c'est quand même une notion importante. Puis
c'est l'essence même, hein, de votre
document, le secret professionnel... et la protection également des
dénonciateurs potentiels, mais le secret professionnel.
Je reviens
sur deux éléments. Recommandations 1 et 2, vous dites que la RAMQ doit...
en tout cas, dans le meilleur des
mondes, elle devrait demander la permission au client, disons, au patient avant
de pouvoir aller chercher les informations
contenues dans son dossier, donc, pour lever le secret professionnel, sinon, si
on refuse, on défère du côté des tribunaux.
Je veux dire, ça, c'est votre vision de la façon correcte de faire dans un
contexte de récupération d'information.
Mme
Brizard (Christiane) : C'est les balises que l'on suggère. En fait,
c'est les balises que la Cour suprême suggère
aussi, a suggéré à plusieurs reprises. Donc, en vertu de l'article 9 de la
charte, il faut soit que le patient, client ait consenti à lever le secret professionnel, il faut soit que la loi
l'ait prévu de façon expresse avec des balises, et donc une de ces balises-là, si on n'a pas le consentement
du patient, ce serait d'aller devant les tribunaux pour que ce débat-là se
fasse.
M. Paradis
(Lévis) : On comprend
cependant... puis vous savez qu'on l'a déjà un peu évoqué, bon, j'imagine,
le potentiel engorgement devant les
tribunaux, où ce n'est déjà pas tout le temps aussi rapide qu'on le
souhaiterait. Alors, il y a cette épée de Damoclès là dans un contexte
comme celui-là.
Mme Brizard
(Christiane) : Il y a cette épée de Damoclès là, mais il y a sûrement
une possibilité, avec les modifications au nouveau Code de procédure civile,
d'avoir des recours plus rapides devant les tribunaux pour faire adjuger de ces éléments-là. C'est la même chose
quand on est en matière de perquisition, où, par exemple, on perquisitionne
dans un bureau d'avocats. Les dossiers sont
mis sous scellé, et il y a un débat sur est-ce qu'effectivement l'agent qui a
perquisitionné peut avoir accès à certains documents, si oui, comment, et ce
travail-là se fait.
M. Paradis
(Lévis) : Bien que, vous me
direz, vous avez davantage d'expérience que moi dans tout ce domaine-là,
il y a quand même... dans ce que vous me
dites là, il y a la notion du criminel versus... tu sais, il y a le pénal, là,
on est dans deux sphères d'activité différentes, non?
Mme
Brizard (Christiane) : Oui,
on est dans deux sphères d'activité, mais je vous dis que la cour, les tribunaux
sont déjà saisis, dans ces circonstances-là, de débattre à savoir est-ce qu'un
document est couvert ou pas par le secret professionnel puis est-ce qu'il y a
une nécessité, pour l'organisme qui veut avoir l'information, de l'obtenir.
M. Paradis (Lévis) : Je m'en vais
plus loin, puis là vous êtes à la page 7 et vous dites que le projet de
loi, articles 7 et 40, ne respecte pas les balises du législateur — on
vient d'en parler — puis
l'interprétation des tribunaux. Et là
vous donnez un cas bien précis, en page 7, concernant un dossier où... Et
là je dis seulement, bon : «...il y a une règle de justice fondamentale voulant que tout renseignement privilégié obtenu par l'État sans le consentement de son détenteur est un renseignement
auquel l'État n'a pas droit», etc. Et vous citez cette décision-là dans une
cause portée devant la Cour suprême.
Si ces
balises dont vous nous parlez ne sont pas implantées, avez-vous l'impression, à
travers l'expérience que vous avez et
ce que vous nous amenez, que la décision, ou la loi, ou ce qui en résulte
pourrait être contesté devant les tribunaux?
Mme
Brizard (Christiane) : Oui, il y a sûrement un risque qui est celui-là. Et il y a
aussi le risque, ce qu'on dit dans
notre mémoire, de dérive générale. C'est qu'il n'en demeure pas
moins que le législateur a, depuis 1977, accepté de faire du secret
professionnel un droit quasi constitutionnel. C'est quand même
une réflexion du législateur,
il ne faut pas l'oublier puis il faut
trouver une cohérence dans la législation en
fonction de tout ça. Si à toutes les
fois que l'État va avoir
besoin d'un renseignement on va déchirer l'article 9 de la charte parce
que, finalement, il ne devient pas important
de protéger le secret professionnel, on va aller jusqu'où? Le législateur a
quand même érigé ce droit-là en droit quasi constitutionnel.
M. Paradis (Lévis) : J'imagine,
parce qu'il me reste peu de temps, mais j'imagine que le ministre a un avis
juridique à ce chapitre-là, sur la constitutionnalité de la loi, bien sûr,
parce qu'on propose quelque chose. Vous, vous dites :
Nous, on considère qu'il y a un risque. La question qui tue, là, on entend ça
de temps en temps dans la semaine : Qui a raison? Avez-vous la vision que le risque que vous exprimez, selon
vous, malgré les avis qu'on doit être allé chercher, est trop important
pour le prendre?
Mme
Brizard (Christiane) : Bien, ce n'est pas moi qui vais décider de ce
risque-là, mais je vous dirais qu'à l'heure actuelle la rédaction, telle qu'elle est proposée, va amener évidemment
des recours devant la cour, parce que même la rédaction, telle qu'elle
est proposée, n'est pas assez claire pour dire qu'on passe outre au secret
professionnel.
M. Paradis
(Lévis) : J'imagine que le
risque a été calculé par le ministre, dans la mesure où on le propose et on
l'écrit de cette façon-là. Reste qu'à la
lumière de l'écriture vous dites : On embarque, là, dans un couloir qui
peut nous mener vers des contestations qui ne sont pas souhaitables,
tant qu'on ne clarifiera pas ces articles-là?
Mme
Brizard (Christiane) : C'est exact. Et je pense que d'autres ordres
ont été entendus puis ont soulevé les mêmes problèmes.
M. Dugal
(Alain) : Le professionnel va faire face à un dilemme, c'est que la
loi n'est pas assez claire pour lui permettre
de passer outre à son devoir de secret professionnel. Il ne saura pas quoi
faire. Il ne pourra pas se fier à la loi pour dire : On me demande
de céder, le projet de loi m'oblige à céder.
M. Paradis (Lévis) : Ce qui est
notamment rapporté dans le cas de la Cour suprême dont vous nous parlez,
concernant notaires et avocats dans un dossier de ce type-là.
Mme
Brizard (Christiane) : Oui. Alors, il y a le risque d'entrave si on ne
fournit pas l'information et il y a le risque d'aller devant le conseil
de discipline de l'ordre si on le donne.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous remercions les
représentants, représentantes de l'Ordre des comptables professionnels
agréés du Québec.
Compte tenu de
l'heure, la commission ajourne ses travaux au jeudi 12 mai 2016, après les
affaires courantes, où elle poursuivra son mandat. Merci.
(Fin de la séance à 12 h 59)