(Onze heures dix-neuf minutes)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes
présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos
téléphones cellulaires.
La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 81, Loi
visant à réduire le coût de certains médicaments couverts par le régime général
d'assurance médicaments en permettant le recours à une procédure d'appel
d'offres.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Non, M. le
Président.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Tanguay) : Ce matin, nous recevons donc les
représentants de l'Association québécoise de distributeurs en pharmacie
ainsi que M. Marc-André Gagnon. Nous ajournerons nos travaux à 18 heures.
Alors, bienvenue aux représentants de
l'Association québécoise des distributeurs en pharmacie. La période...
Des voix : ...
• (11 h 20) •
Le Président
(M. Tanguay) : S'il vous plaît, chers collègues. À l'ordre, s'il vous
plaît! Voulez-vous que je prenne un rôle plus actif? J'en serais ravi,
mais je ne suis pas sûr que nos invités, ce matin, aimeraient ce qu'ils
verraient.
Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale.
Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Par la suite — et vous les voyez fébriles — vous aurez l'occasion de vous entretenir
avec les parlementaires. Et, pour des fins
d'enregistrement, j'aimerais que vous précisiez vos noms, vos fonctions. Et,
sans plus tarder, la parole est à vous et uniquement à vous. Merci
beaucoup.
Association québécoise
des distributeurs en pharmacie (AQDP)
M.
Martinovitch (Luc) : Bonjour, M. le Président. M. le ministre, les
membres de la commission. Je me présente, Luc Martinovitch. Je suis vice-président,
directeur général chez McMahon Distributeur pharmaceutique et je suis accompagné, à ma gauche, par M. Denis Forget, qui
se trouve à être directeur général chez Pharmaplus, et, à ma droite, par M. Daniel Denis, de KPMG-Secor, qui a réalisé
une importante étude économique pour l'association québécoise des distributeurs pharmaceutiques, qui vient appuyer
nos recommandations.
Tout d'abord, je tiens à souligner la présence dans l'assistance des membres de
l'AQDP, entre autres Mme Paula Keays, vice-présidente de
McKesson Canada; M. Albert Falardeau, président de Familiprix; M. Alain
Lafortune, premier vice-président au Groupe Jean Coutu, ainsi que M. Denis Roy,
vice-président chez Pharmaprix.
D'abord, je
veux souligner que l'AQDP partage les objectifs de contrôle de dépenses en
santé, car nous sommes tous ici
contribuables soucieux des finances
publiques. Ceci étant dit, nous
n'appuyons pas l'approche préconisée par le ministre pour y arriver.
L'association
québécoise pour les distributeurs pharmaceutiques rassemble
et représente les entreprises responsables de l'approvisionnement des pharmacies communautaires et celles des hôpitaux
et a pour mission de connaître notre rôle et les enjeux qui touchent à la distribution de médicaments. La
distribution de médicaments est méconnue et prise pour acquise par plusieurs acteurs du réseau de la santé. Pourtant, c'est à nous qu'incombe d'assurer que le bon médicament soit
livré au bon moment, au bon patient le jour
même, et ce, même dans les régions éloignées. Nous sommes également
les gardiens de l'intégrité de ces mêmes médicaments, qui sont de plus
en plus complexes à entreposer, à manipuler et à livrer. Nous collaborons avec plus de 160 fabricants et
gérons plus de 15 000 produits.
Nous effectuons plus de 1 million de livraisons par année, soit presque 19 000 par semaine,
aux 1 866 pharmacies communautaires, avec un taux de précision de
99,9 %.
Selon nous, le projet n° 81 comporte plusieurs
risques. Les patients risquent d'être privés du bon médicament livré au bon moment, particulièrement dans les
régions du Québec et hors des grands centres. Il menace l'ensemble des
services offerts aux pharmaciens, les empêchant de jouer pleinement leur rôle.
Il accroît les risques de pénurie et de rupture
d'approvisionnement. Il réduit aussi notre capacité de répondre aux nouveaux
défis auxquels nous faisons face, comme la mitigation des pénuries,
l'infiltration de médicaments contrefaits dans les pharmacies et la gestion des
médicaments de spécialité. Mais, d'abord et
avant tout, il vient compromettre un écosystème performant et risque de
mettre en péril la santé des Québécois.
L'AQDP
formule trois recommandations afin de maintenir un secteur de la distribution
robuste, stable et fiable et protéger
l'accès des médicaments pour l'ensemble des patients du Québec. La première
recommandation, c'est d'exclure le volet distribution du projet de la
loi n° 81. La deuxième, c'est de reconnaître l'apport historique des
distributeurs au contrôle des dépenses de santé et, finalement, de travailler
ensemble via l'Alliance pancanadienne pharmaceutique et assurer la pérennité de
l'accès à des produits pharmaceutiques de qualité pour la population du Québec.
Nous croyons que le mécanisme d'appel d'offres
n'est pas adapté pour l'approvisionnement des pharmacies communautaires et bouleverserait inutilement des
réseaux hautement stables, fiables et performants. Selon nous, il serait
difficile, voire impossible pour un seul
distributeur d'approvisionner l'ensemble des pharmacies du Québec, car
nous en desservons en moyenne 500 chacune;
l'investissement requis, beaucoup trop important; les risques, trop élevés, et
ce, pour générer des économies encore hypothétiques. Nous craignons la création
de monopoles et de barrières à l'entrée du marché et une réduction de notre
capacité à investir pour accroître la productivité et assurer l'intégrité de la
chaîne d'approvisionnement. Enfin, il n'y a aucun exemple international d'attribution
d'une exclusivité pour la distribution de médicaments via les appels d'offres.
Dans sa forme
actuelle, le projet de loi mène tout droit à un monopole, avec les risques que
cela comporte pour les patients. Par
exemple, nous pensons à un affaiblissement de la chaîne d'approvisionnement,
car tout repose sur un seul distributeur pour l'ensemble des pharmacies.
Nous pensons également aux risques de rupture en cas d'événement imprévu. On n'a qu'à penser à un incendie, une
grève, une attaque informatique ou une pandémie. Nous croyons qu'il contribuerait au phénomène de pénurie qui
s'accentue au Québec depuis le milieu des années 2000 et dont nous
réduisons les effets. Il réduirait la
capacité des pharmaciens de se tourner vers un autre distributeur pour obtenir
un médicament. Il va aussi à
l'encontre des constats du Vérificateur général du Québec et du Comité
permanent de la santé du Parlement fédéral,
qui prônent une certaine redondance dans les secteurs pharmaceutiques pour
sécuriser les réseaux d'approvisionnement et donc les patients. C'est
pourquoi le modèle monopolistique doit être écarté d'emblée, pour des raisons
sanitaires évidentes et préserver la robustesse des réseaux d'approvisionnement
des pharmacies.
En 2010, le Québec s'est doté d'un mécanisme le
plus transparent au Canada pour assurer la distribution des médicaments dans toutes les pharmacies du Québec.
Selon cette recette, le ministre fixe le prix du médicament, il fixe la
marge bénéficiaire du distributeur ainsi que les termes de paiement. Ce système
prévoit même un plafond pour les produits
dispendieux à 39 $. La compensation versée au distributeur, fixée à
6,5 % depuis 2012, est déterminée en fonction du prix du médicament. Ainsi, chaque baisse de
prix des médicaments se répercute automatiquement sur les montants payés
par le gouvernement pour la distribution de
médicaments et génère ainsi des économies substantielles en santé. Par
exemple, un médicament à 5 $, nous
recevons 0,33 $. Si le prix du médicament baisse à 1 $, notre
compensation serait de 0,07 $. Ce
qui me permet de souligner aux parlementaires : Avec ces mesures et
baisses de prix, notre taux réel est passé en réalité de 6,5 % présentement à environ 5,3 %,
un taux qui va malheureusement continuer de baisser avec les initiatives en
place et qui devra éventuellement être ajusté.
Ce système a également l'avantage de ne pas
pénaliser les pharmacies des régions, car elles ont accès aux mêmes
médicaments, à la même fréquence et au même prix. Elles ne sont pas facturées
en sus, même si les coûts de livraison hors des grands centres sont plus
importants.
Grâce à ce
système, nous avons contribué à près de 170 millions de dollars, depuis
2011, au contrôle des dépenses, alors
que le gouvernement économisait 1,4 milliard de dollars en raison des
diverses initiatives mises en place au cours des cinq dernières années, comme la baisse du prix des génériques, entre
autres, l'abolition de la loi des 15 ans et plus récemment l'adhésion récente du Québec à
l'alliance pharmaceutique pancanadienne. Cependant, nous n'avons aucune influence sur nos revenus liés à la distribution
de médicaments, car nous ne pouvons négocier un prix d'achat avec les
fabricants et nous ne pouvons facturer directement nos clients, et ce, dans un
contexte d'augmentation de nos coûts d'opération attribuable notamment aux
augmentations de salaire et aussi aux exigences accrues de Santé Canada.
Compte tenu
de tous ces facteurs, nous nous inquiétons de la tendance actuelle de la
compression des sommes attribuées à la distribution de médicaments et
nous nous interrogeons sur les moyens que compte mettre en place le
gouvernement pour maintenir un réseau d'approvisionnement robuste, stable et
fiable. C'est pourquoi nous croyons que le
projet de loi n° 81 n'est tout simplement pas le véhicule approprié pour
générer des économies tout en garantissant le même niveau de services
auquel s'attendent et ont droit des milliers de professionnels de la santé et
de Québécois.
Depuis 2010, l'Alliance pancanadienne pharmaceutique
permet aux provinces d'économiser sur le prix des médicaments génériques et innovateurs. L'approche négociée de l'APP a
permis des économies de plus de 490 millions. Encore une fois, en raison de la recette dont
s'est doté le Québec, les réductions de prix dont profite le Québec se
traduisent automatiquement en économies pour la distribution de médicaments. De
plus, l'approche progressive et négociée avec
l'APP permet de considérer l'ensemble des facettes de l'écosystème de la santé
et donne non seulement la prévisibilité nécessaire aux parties prenantes pour s'ajuster au mécanisme de
réduction des coûts et ainsi prévenir certaines pénuries. Recourir à des appels d'offres pour le volet de la
distribution pharmaceutique est un non-sens et un bouleversement
inutile, injustifié et risqué. Le patient
devrait être au coeur de toutes nos décisions. Et présentement il demeure la
première victime du projet de loi
n° 81. Voilà pourquoi l'AQDP recommande que le volet des appels d'offres
en distribution soit totalement exclu du projet de loi n° 81. Merci
de votre attention.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, pour débuter les
échanges, pour une période de 16 min 30 s, je cède la
parole au ministre de la Santé.
• (11 h 30) •
M. Barrette :
Merci, M. le Président. Alors, M. Forget, M. Marinovitch, M. Denis, bienvenue à
cette commission parlementaire. Et je
vous remercie à l'avance d'avoir pris le temps de construire, de confectionner
votre mémoire et de prendre le temps de venir nous le présenter. Et, comme vous le savez
évidemment, ces consultations-là nous permettent d'acquérir un éclairage qui soit nouveau, nouveau ne serait-ce que par
l'angle par lequel vous regardez, sous lequel vous regardez la
problématique actuelle. Et je dois avouer que votre angle ne me surprend pas
mais demeure évidemment intéressant et soulève un certain nombre de questions.
Vous représentez les distributeurs en pharmacie,
bon, et, dans votre allocution introductive, vous attaquez le modèle. Mais, comme je l'ai dit, évidemment...
bien, le modèle, le principe. Pas le modèle, parce que, là, on parle
plutôt d'un principe, le modèle n'étant pas
établi dans son détail. Le jour où il le sera, ça implique qu'il y ait
une structure à ce moment-là, qui n'est pas encore établie. Mais, comme tout
le monde, évidemment, vous faites référence... et vous êtes le énième groupe, parce que tous les groupes qui viennent font
référence à l'alliance pharmaceutique pancanadienne, et conséquemment je suis obligé de conclure que, si
vous vous y référez, sans que vous l'ayez dit de façon nominative...
Et je vais
vous poser la question : Considérez-vous donc qu'il y a encore une marge?
Parce que, si vous considérez qu'il
n'y a pas de marge et vous vous référez à l'alliance pancanadienne, vous nous
diriez à ce moment-là, d'emblée, qu'on est
rendus au maximum du côté de l'alliance, ça n'ira pas plus bas. Alors que moi
et vous, ensemble on sait très bien que ce n'est pas le cas, là, il y a
encore des négociations et il est très possible et, je dirais, même probable
qu'il y ait encore un effet à la baisse sur
les médicaments. Alors, est-ce qu'on peut s'entendre sur le prix des
médicaments? Est-ce qu'on peut s'entendre au moins sur le fait qu'il y a
encore de la marge?
M.
Martinovitch (Luc) : Je vais vous répondre... Première des choses, je
suis ici pour représenter l'association québécoise de distributeurs pharmaceutiques. On a vraiment pris le volet
de l'article 6.0.0.2, qui est la partie distribution, et, pour
répondre à cette question-là, je pense que le modèle est assez clair, il est
assez transparent. Dans une de mes recommandations
que je faisais au début, la première, c'était de retirer le projet de loi
directement au niveau des appels d'offres
pour la distribution, et le troisième élément était de travailler avec
l'alliance pancanadienne. Je me souviens bien de vous avoir rencontré, vous nous avez demandé des solutions, et je pense
que la meilleure solution, c'est la décision que vous avez prise, M. Barrette, d'aller directement avec
l'alliance pancanadienne, parce que je pense que c'est là que les
économies ont passé dans les dernières années.
Et, pour
répondre à votre question, je pense que c'est à vous d'aller voir s'il y a
encore des argents. Mais, pour le bien
des gens qui sont ici, qui représentent l'association, au niveau distribution
strictement, on considère qu'il faut quand même retirer
l'article 6.0.0.2.
M. Barrette : O.K. Pour le bien de
notre connaissance à nous toutes et tous, là, pouvez-vous nous éclairer, nous informer sur l'état de la situation au Québec
en termes de distribution? Et, quand je vous pose cette question-là, là,
ma compréhension est que vous avez des
ententes spécifiques entre un distributeur et une bannière. Pouvez-vous nous
expliquer comment ça... peut-être pas comment ça fonctionne, mais l'état de la
situation?
M.
Martinovitch (Luc) : Ce que je vais vous répondre, je vais vous
répondre en deux volets, parce que le volet touche naturellement... Puis je pense que vous avez fait référence de façon
régulière au modèle des hôpitaux. Présentement, au Québec, il y a cinq distributeurs, il y en a deux seulement qui
desservent les hôpitaux. Et ce que je peux vous dire par rapport à ça,
c'est, quand on regarde le modèle, et encore je vais prendre le volet
grossiste...
M. Barrette : Moi, je parle des
bannières.
M. Martinovitch (Luc) : Je
comprends, mais moi, si vous me permettez de terminer ma réponse, j'aimerais ça revenir quand même au niveau du grossiste. On
n'a pas l'occasion de se voir souvent, et l'objectif de notre mémoire
puis de la raison pour laquelle on est ici,
c'est vraiment de vous parler de cet aspect-là. Parce qu'en bout de ligne ce
que vous cherchez, c'est des
économies, on y adhère. Et ce qu'on vous dit, c'est qu'avec le principe qu'on a
et le système qui est en place déjà
au Québec, dont le prix est fixé, la marge est fixée, même les termes de
paiement, vous bénéficiez d'économies additionnelles. La bannière n'a
rien à voir présentement avec le volet grossiste. Le modèle, probablement... — et vous avez utilisé, je pense, ministre Barrette, à
quelques occasions, le terme «opaque» ou de «transparence» — le modèle le plus transparent qu'il y a présentement dans tout cet écosystème-là,
c'est probablement le modèle de distribution, parce que vous déterminez
tous les paramètres. Et c'est ça qu'on vient protéger aujourd'hui.
M.
Barrette : Dans le but d'utiliser efficacement notre temps
parlementaire, vous êtes ici pour nous éclairer, et c'est la raison pour laquelle on vous pose ces
questions-là, donc. Alors, y a-t-il ou non, dans votre milieu... vous
représentez les distributeurs, là, y a-t-il
un pairage, à toutes fins pratiques, exclusif entre une bannière et un
distributeur? Quels sont-ils?
M. Martinovitch (Luc) : Il y en a,
vous les connaissez, je pense, vous avez rencontré certains groupes. Il y a
effectivement des affiliations de certaines bannières et grossistes.
M.
Barrette : ...éclairer la population, là, la population qui nous
écoute, là, elle ne sait pas ça, elle, là, là. Alors, y a-t-il un
pairage? Pouvez-vous nous dire, là, par exemple — je ne sais pas, moi,
j'en prends un au hasard, là, les gens ici, qui sont là — Pharmaprix,
il est avec qui? C'est quoi, le pairage, là?
M. Martinovitch (Luc) : Bien, le pairage... dans le mémoire qu'on vous a
donné, il y a trois modèles différents. Il y a des gens qui sont intégrés
avec leur propre centre de distribution, comme Familiprix, comme Jean Coutu,
comme... — j'en oublie un autre — Familiprix, et il y en a d'autres qui sont
des grossistes, comme Pharmaplus, qui
n'ont pas de bannière, qui sont
libres. Il y a des gens comme McMahon, qui sont un entre-deux,
et McKesson, qui ont leur propre bannière mais qui ont aussi un grossiste ouvert qui livre à différents types de
pharmacies et à d'autres compétitions. Donc, les modèles d'affaires sont
différents. Je ne suis pas ici pour parler des différents modèles des joueurs.
Il y a
une chose qui est certaine, puis ça, je pense que c'est important
de bien le comprendre, c'est que,
malgré les différents modèles d'affaires qu'on peut avoir et malgré qu'on soit
compétiteurs, il y a une chose qui demeure claire — et la preuve, c'est que tout le monde est
ici aujourd'hui — au
niveau de l'aspect distribution — c'est la raison pour laquelle on est
ici — sur
le volet du 6.0.0.2... on est tous du même avis qu'il n'y a plus d'argent dans
ce système-là.
M. Barrette :
Pardonnez-moi de vous interrompre. Encore une fois, là, je suis sûr que vous
êtes tous du même avis. Tout le monde qui vient ici vient nous dire :
N'allez pas dans cette direction-là, allez dans la direction de l'alliance. Et la conclusion, je l'ai dit hier, je
vais vous la redire aujourd'hui, la conclusion qu'on doit tirer, c'est que
vous ne voulez pas un modèle parce qu'il
présente une perturbation — on va le qualifier comme ça — du modèle actuel, parce que le modèle
actuel a des avantages.
Alors,
je reviens à ma question, là, pour établir une chose une fois pour toutes. Une
bannière, en général, elle a un distributeur avec lequel elle a une
entente d'une certaine exclusivité, sinon une quasi-exclusivité. La réponse à
ça, c'est binaire : c'est oui ou c'est non, là.
M.
Martinovitch (Luc) : Je vous ai répondu. Je vous ai répondu : On
a trois types de modèles d'affaires. Mais le lien ne se fait pas.
M. Barrette :
O.K., le lien ne se fait pas.
M. Martinovitch
(Luc) : Je veux dire, un distributeur, c'est un distributeur.
M.
Barrette : O.K., c'est bon. Alors, moi, si je vous dis, là, que telle
bannière a une entente d'affaires d'exclusivité avec tel distributeur,
vous allez me dire que ça n'existe pas.
M.
Martinovitch (Luc) : Je ne vous ai pas dit que ça n'existait pas. Je
vous ai dit qu'il y a des modèles d'affaires qui sont différents. Ici,
on est aujourd'hui pour parler de distribution, et ce que je vous dis, c'est
que, par rapport à la distribution uniquement,
le modèle qu'on a présentement — peu importe le modèle d'affaires auquel vous
faites référence, M. Barrette — est le même pour tout le
monde. Donc, c'est un système qui est clair et transparent.
M. Barrette :
O.K., je comprends votre hésitation, là. On a tous compris.
M. Martinovitch
(Luc) : Ce n'est pas une question d'hésitation.
M.
Barrette : Alors, quel est le principe, à ce moment-là, que...
Parlez-nous du constat que nous faisons tous sur le marché, qui est
celui de l'intégration verticale. Et quel est son impact sur le prix, sur
l'autonomie, l'indépendance du pharmacien propriétaire... pas propriétaire,
mais du pharmacien tout court?
M. Martinovitch
(Luc) : Vous n'aimerez pas ma réponse, mais je vais quand même vous la
donner : La distribution est
complètement séparée. On est ici pour parler de la distribution, et le modèle
de distribution, présentement, est
complètement séparé de ce que le reste peut se faire. Donc, je ne suis pas en
mesure de vous parler aujourd'hui au nom de tous les membres de chacun de leur modèle d'affaires et comment ça
fonctionne. Ce que je peux vous dire par contre, c'est qu'au niveau de la distribution le modèle québécois est le plus
transparent et apporte des économies d'au-dessus de 170 millions
par année... pas par année, mais depuis 2011.
M. Barrette :
Ce que j'essaie d'explorer avec vous, là... Parce qu'elle existe, cette
réponse-là. Le modèle d'intégration
verticale, c'est un modèle d'intégration que j'avais qualifié correctement de
commercial, avec, donc, des avantages et des désavantages, ça a un
impact, ça.
Alors, n'est-il pas
vrai, là, que le modèle d'intégration verticale... Il y a un groupe, là, qui
est venu ici, d'une bannière, nous expliquer
et venir défendre ce modèle-là. Alors, il doit y avoir un avantage, là, il doit
y avoir une négociation, il doit y
avoir des ententes avec vous autres et la bannière, il doit y avoir un impact
au bout chez le pharmacien. Ça fait qu'on essaie de savoir... ou, du
moins, j'essaie de vous permettre de nous expliquer quel est cet impact-là.
M.
Martinovitch (Luc) : Je vais vous répondre en deux volets. Le premier,
vous avez demandé quel est l'avantage, je pense qu'il y a un avantage au
niveau du patient, premièrement, parce que le patient reçoit ses médicaments à
tous les jours peu importe la région, peu importe où il est. Donc, ça, c'est un
des avantages.
Par rapport à votre
question plus spécifique, je vais revenir encore une fois, malheureusement, la
distribution présentement demeure le même modèle pour tout le monde, que tu
sois chez Le Groupe Jean Coutu ou que tu sois chez
Pharmaprix ou Familiprix, on est tous rémunérés de la même façon, et c'est
réglementé. Donc, on reçoit le prix, on le vend aux termes que vous avez convenus, incluant les termes de
paiement, et c'est comme ça que la distribution se fait.
Donc, j'ai de la difficulté à répondre à votre
question, pas que je veux l'éviter, mais tout simplement parce qu'on change de
sujet versus la raison pour laquelle on est ici. Et honnêtement...
M.
Barrette : Bien, vous me permettrez de vous dire que vous êtes ici
pour nous éclairer, là. Je comprends que vous êtes ici pour nous donner votre opinion, puis vous le faites très
bien, mais en même temps nous, on a des questions à vous poser pour
acquérir un éclairage qui nous permet d'avoir une lecture la plus fine de la
situation.
Moi, ce que
j'ai entendu à date, là, j'ai entendu
de divers intervenants un certain nombre d'éléments, notamment la question
de l'intégration verticale. L'intégration verticale, là, ça produit une
exclusivité. Il y a des gens qui sont venus nous expliquer, là, qu'il y avait des négociations, voire des quasi-appels
d'offres vis-à-vis
des fabricants. Bien, c'est parce qu'au
bout... dans cet ensemble-là, il y a obligatoirement, à quelque part, un
échange de bénéfices ou l'application de la règle de comportement
commercial qui avantage ou désavantage en fonction de ce qui fait quoi.
Je vais vous
donner un exemple, là. Vous, vous êtes un distributeur, est-ce que n'importe
quel fabricant peut avoir accès à votre entrepôt?
• (11 h 40) •
M. Martinovitch (Luc) : N'importe
quel fabricant? Oui.
M. Barrette : Bon. À quelles
conditions?
M. Martinovitch (Luc) : Bien, les
conditions commerciales. En bout de ligne, vous décidez du listing des produits
qui se retrouvent à la RAMQ, donc on garde les produits qui sont à la RAMQ et
on les livre...
M.
Barrette : O.K. Si c'est le cas, là, moi, ce que je comprends des
différentes interventions, et c'est comme ça que ça a été fait ou ça a
été véhiculé à date, ce n'est pas ça qui se passe, vous le dites
vous-même : Un distributeur ne distribue pas tout. Un distributeur peut
avoir un modèle d'affaires où il y a une intégration verticale. Donc, il y a
une exclusivité. Dans cet univers-là, le
fabricant n'a pas accès à tout le monde, et il y a une condition certainement
d'accès, et il y a des relations contractuelles. Qu'en est-il? Pouvez-vous nous
éclairer là-dessus?
M.
Martinovitch (Luc) : Ça me ferait plaisir d'aller vous rencontrer à
La Pinière, puis vous parlez du modèle
McMahon puis comment on fonctionne. Je ne peux pas vous parler de chacun des
modèles, ce que je peux vous dire,
par contre, et encore une fois je vais revenir au modèle de distribution :
Peu importe le modèle d'affaires que vous avez présentement, le modèle de distribution, tous les distributeurs gardent
les produits. Donc, on garde le produit, on livre le produit avec un taux, et c'est comme ça que ça
fonctionne. Donc, au niveau... parce que vous regardez... Il faut
regarder l'ensemble de la chaîne, moi, je
suis ici pour parler d'une partie de l'ensemble de la chaîne, qui est la partie
distribution.
M.
Barrette : Je parle de votre partie, je vous ai posé une question très
précise, très spécifique : Quels sont les genres de conditions
d'accès à vos entrepôts, donc, vous, comme distributeur, qui existent?
M. Martinovitch (Luc) : Nos produits
sont listés, tous les produits sont listés.
M. Barrette : Alors, vous me dites,
là, que, chez vous, là, n'importe qui peut entrer?
M. Martinovitch (Luc) : N'importe
qui peut entrer.
M. Barrette : Mais comment ça se
fait que tout le monde ne rentre pas?
M. Martinovitch
(Luc) : Bien, encore une fois, vous parlez de différents modèles d'affaires. C'est parce
que...
M. Barrette : Bon!
M.
Martinovitch (Luc) : Mais
non, mais, M. Barrette, parce que vous allez sur un terrain où il faudrait que
je parle de chacun des modèles d'affaires
qui sont différents. On parle comme grossiste, on a la majorité des produits,
sinon tous les produits. On vous a dit tout à l'heure : On garde
au-dessus de 15 000 produits.
M.
Barrette : Moi, j'essaie de vous donner l'opportunité de nous éclairer
sur ce que vous avez, les modèles
d'affaires. Vous représentez ce monde-là, alors je postule, peut-être à tort,
que vous avez une connaissance assez fine ou, du moins, au moins
sommaire de l'ensemble des modèles d'affaires et des conditions, sans peut-être
tout savoir.
Alors, quand
on veut rentrer chez vous, là, y a-tu des conditions? Je comprends que ce ne
soit pas une bonne idée pour vous de dire : Dans telle compagnie,
c'est telle condition, mais il doit y avoir des conditions.
M.
Martinovitch (Luc) : Les
conditions, c'est les conditions de marché qui sont connues, termes de
paiement, etc., donc il n'y a rien de particulier.
Je vais faire
un aparté et je vais prendre mon exemple personnel, si vous me le permettez,
chez McMahon. On est un distributeur, on livre à deux endroits, on livre
des pharmacies communautaires et on livre des hôpitaux, donc on est dans deux types de marchés différents. On a la
majorité des produits listés. Je vais prendre un exemple encore plus
concret. Si on parle d'un produit novateur, on va garder le produit Lipitor,
naturellement, tout le monde va le garder.
Le générique de Lipitor, il peut avoir 15 compagnies, on n'en garde pas
15, M. Barrette, on en garde cinq, peut-être six, question d'efficacité.
Vous nous demandez de
participer au système, d'amener des économies, ça suppose d'aller chercher des efficacités. C'est évident que, dans un entrepôt,
de garder 13 ou 15 produits du même produit mais juste sous une
marque différente, il vient un moment donné
où ce n'est pas efficace. Donc, on fait des choix. Parce que, justement, si on
regarde notre taux de distribution... Je vais revenir à notre taux de
distribution. Si on recule en 2012, le taux avait été négocié à 6,5 %, et, à ce moment-là, le ministre de
la Santé qui était là reconnaissait la valeur du système de distribution et
avait cru bon de majorer de 6 % à
6,5 %. Aujourd'hui, ce taux-là est à 5,3 %. Alors, c'est évident qu'à
5,3 % on fait certains choix, on ne gardera pas 15 molécules d'une
compagnie différente, on va essayer d'en garder quatre, cinq, question
d'efficacité.
M. Barrette : Il me reste simplement
30 secondes pour vous laisser le temps de pouvoir répondre à une question.
Je vais vous en poser une dernière. Votre modèle...
M. Martinovitch (Luc) : Pardon?
M.
Barrette : Il ne me reste presque plus de temps, là, pour vous
permettre d'avoir du temps de répondre à ma dernière question, là, je
vais vous en poser une courte. Votre modèle vient-il limiter l'indépendance du
pharmacien dans le choix du médicament?
M. Martinovitch (Luc) : Non.
M. Barrette : Je n'ai plus d'autres
questions, M. le Président.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, au tour du
collègue de Rosemont pour une période de 10 minutes.
M. Lisée : Merci. Merci.
Bonjour, M. Forget, M. Martinovitch. M. Daniel Denis, toujours
heureux de vous rencontrer. Vous savez que
je suis un de vos lecteurs les plus attentifs, même depuis le début des
années 90. Vous et moi sommes les seuls à savoir de quoi nous
parlons.
Je vois que
vous faites trois recommandations. Première recommandation : «Exclure du
projet de loi le volet des appels
d'offres en distribution.» Donc, ça, c'est non. Deuxième recommandation :
«Reconnaître l'apport [...] des distributeurs au contrôle des dépenses
de santé.» Vous dites : On fait une bonne job, reconnaissez-le. Troisième
recommandation : «Travailler ensemble pour préserver l'intégrité de
l'écosystème via l'Alliance pancanadienne pharmaceutique...» Donc, ne touchez à
rien.
Finalement,
vous ne nous faites aucune recommandation de réforme quelle qu'elle
soit. Ce que vous dites, c'est : Pour
ce qui est des distributeurs, le système est optimal et il ne peut pas être
bonifié. C'est quand même surprenant.
M.
Martinovitch (Luc) : Je trouve qu'on est un petit peu durs sur le
système, je pense que le système canadien et québécois de distribution est reconnu à travers le monde comme étant
extrêmement efficace. On veut faire partie de la réforme, on contribue. Ce qu'on vous dit : On est ici pour discuter
de solutions. Je pense que la solution, elle est déjà là. Vous avez déjà un mécanisme, vous avez déjà un
mécanisme en place en gérant le prix, par le ministre, en gérant la
marge bénéficiaire, en gérant même les termes de paiement. Votre mécanisme, au
niveau des économies, au niveau de la distribution, se fait automatiquement à
toutes les fois que le ministre Barrette va être capable de réduire les prix.
Et la preuve, c'est quand on regarde le taux
qui avait été négocié, quand on recule en 2012, à 6,5 %, aujourd'hui se
trouve à 5,3 %. Quand on parle
de médicaments dispendieux, ce taux à 39 $ était antérieurement négocié à
4 %. Présentement, il tourne environ à 2,8 %.
Si vous me permettez...
M. Lisée : Vous dites... Non,
j'ai...
M. Martinovitch (Luc) : O.K.
M. Lisée : ...plusieurs
questions, et puis, vous allez voir, vous allez pouvoir m'éclairer sur
plusieurs aspects.
Nous avons eu
de vos collègues en distribution, plus tôt pendant cette commission
parlementaire, qui nous ont dit : Écoutez,
l'impossibilité logistique pour un distributeur québécois de livrer à
400 clients actuels et dire qu'on va gagner l'appel d'offres en distribution, qu'on va devoir livrer à
1 800 clients sur trois ans, c'est une impossibilité telle,
parce qu'il faudrait acheter des camions et
ensuite s'en débarrasser après trois ans si on ne gagne pas l'appel d'offres
suivant, que, si le ministre commettait la
faute d'appliquer ça, nous ne serions pas parmi les soumissionnaires. Est-ce
que vous pouvez nous dire ça aujourd'hui, vous, ce système-là est
tellement déficient et non rentable qu'en aucun cas vous ne feriez une
soumission?
M. Martinovitch (Luc) : Je ne peux
pas parler pour les autres, mais je suis pas mal convaincu que ce serait
exactement le cas. Si vous me permettez...
M. Lisée : Pour votre
compagnie à vous, par exemple.
M.
Martinovitch (Luc) : Pour notre compagnie, pour vous. Et je vais vous
donner un exemple encore plus concret, je
pense, qui est encore plus probant. Un petit peu plus tôt aujourd'hui, je vous
ai parlé qu'au niveau de la distribution au Québec on avait sept grossistes ou sept distributeurs. Dans les hôpitaux
présentement, il y en a deux uniquement. Il y a McKesson, qui se trouve être un joueur multinational et même global, et
il y a McMahon, qui est un joueur, en passant, régional québécois, qui n'est pas une multinationale mais qui est un
joueur québécois appartenant à Metro Richelieu, et présentement il y a seulement deux joueurs. On
vient d'obtenir dernièrement une soumission pour Gasec, qui est les
contrats gouvernementaux des hôpitaux pour
l'Est du Québec. On était deux à se présenter pour la soumission. McMahon,
étant donné les conditions, étant donné les
prix, étant donné les prix plus bas, mais aussi les prix de distribution et les
demandes, les exigences de livrer aux
Nunavut, de livrer aux Îles-de-la-Madeleine, tout ça mis ensemble, on a décidé
de se retirer.
Et je vais
même pousser plus loin pour vous dire qu'il y a un grand distributeur
américain, qui s'appelait AmerisourceBergen, qui était un des trois gros
joueurs aux États-Unis en compétition avec McKesson, qui est venu au Canada en 2008-2009, qui a décidé d'aller dans
le milieu des hôpitaux, donc on parle de barrière à l'entrée... Il a
gagné le contrat en Outaouais, il n'a pas
été capable de terminer son contrat parce que les pharmacies, dans les
hôpitaux, étaient extrêmement
insatisfaites du service. La complexité de livrer des médicaments était telle qu'ils ont été obligés de
se retirer du contrat, et aujourd'hui AmerisourceBergen a plié bagage et
est retourné aux États-Unis. Donc, c'est ce qu'on voit.
• (11 h 50) •
M. Lisée :
Je comprends bien. Et donc vous dites
que... je ne veux pas le dire avec certitude, là, mais que le risque est grand que ce système-là se solderait par
l'absence de soumissionnaires, et il n'y aurait pas d'entrée d'un joueur
étranger non plus parce que le système est trop complexe.
Maintenant,
je ne comprends pas pourquoi le ministre ne comprend pas ça. C'est-à-dire, moi, ces présentations-là m'ont
été faites en privé. Je suis un sceptique professionnel, je pose des questions,
puis il me semble que ça ne fonctionne pas,
cette idée de distribution au Québec, en
termes de faire des appels d'offres.
Alors, est-ce que vous, vous comprenez pourquoi le ministre ne comprend
pas ça?
M.
Martinovitch (Luc) : J'ai beaucoup
de difficultés, honnêtement, à le comprendre. Et je pense que les
chiffres sont probants, je pense qu'on a des
résultats concrets au niveau des hôpitaux. C'est peut-être
un système qui a fonctionné pour un certain moment, mais on se rend compte aujourd'hui que c'est rendu extrêmement difficile. E, moi, la question que
j'aimerais poser au ministre, et finalement à tout le monde, c'est : Si
demain matin on parlait de monopole, si demain matin McMahon se retire et n'est
plus du tout dans les hôpitaux et qu'il y a seulement un joueur, ça veut dire
quoi pour les prix puis ça veut dire quoi s'il y a une pandémie? Ça amène beaucoup
d'autres problèmes. Donc, je pense qu'il faut faire attention.
Vous m'avez
dit un petit peu plus tôt qu'on n'amenait pas de solution. On n'a pas
besoin d'amener une solution parce que la solution, elle est déjà sur la
table et elle est déjà efficace. Alors, pourquoi réparer quelque chose qui
fonctionne déjà très bien?
M. Lisée : O.K. Je note que dans... Évidemment,
vous parlez pour vous, les distributeurs, vous dites : Bon, il ne
faut pas que ça se fasse pour la
distribution. Vous ne vous prononcez pas sur le manufacturier générique. Et
donc moi, je vais vous poser la question : Si, en prenant des
précautions, dont le ministre a fait état dans l'avis d'impact réglementaire qu'il a eu la bonne idée de publier avant ces
audiences... Il dit : Évidemment, il faut faire attention de garder
plusieurs manufacturiers, il faut faire en sorte
que les appels d'offres soient dans les cas où le volume est suffisant pour
justifier les coûts administratifs. Donc, en
tenant compte de l'ensemble de ces conditions-là, qu'est-ce que ça changerait
pour vous, les distributeurs, si l'État québécois procédait à des appels
d'offres pour des médicaments génériques?
M.
Martinovitch (Luc) : Encore une fois, je vais être aussi... Vous allez avoir la même réponse que j'ai
répondue avec le ministre
Barrette, je pense que vous avez déjà rencontré des groupes qui
se sont prononcés là-dessus, et je vais répondre : Je vous dirais que ça pourrait créer des pénuries. Et on
le voit dans les hôpitaux, je pense
que les gens... Pour ceux qui se
souviennent de la crise Sandoz, pour ne pas nommer quelqu'un ou une compagnie
en particulier, avoir uniquement un
joueur au niveau de la production de médicaments peut être extrêmement risqué.
Donc, ce n'est pas à moi de répondre. Je vous donnerais cette réponse-là
rapide et...
M. Lisée :
Ça n'a pas d'impact sur le distributeur, ça a un impact sur la disponibilité du
produit. Si on fait bien notre job
puis on fait en sorte, par exemple, de garder le deuxième et le troisième
soumissionnaire pour leur donner une part du marché, il y a plusieurs méthodes pour ne pas se retrouver en situation
de monopole, même si on fait un appel d'offres. Vous, si on vous dit : Écoutez, c'est par appel d'offres pour un
certain nombre de médicaments génériques, distribuez-le, vous, est-ce
que ça vous pose un problème de les distribuer?
M. Martinovitch (Luc) : Je peux
juste vous répondre que, présentement dans les hôpitaux, c'est ce qu'on fait,
mais on se rend compte qu'il y a des problématiques présentement, quand il y a
des manquements au niveau des produits, et
je pense que ça s'en va vers un marché qui va être monopolistique, qui va créer
énormément de problèmes. Vous mentionniez tantôt quand on parle
spécifiquement de distributeur, mais, en bout de ligne, je veux juste que
personne n'oublie que le centre de tout ça, c'est le patient, et c'est évident.
Puis je vais
vous donner un autre exemple concret. On a eu un changement, peu importe,
informatique, et j'ai une dame qui
m'a appelé, et son nom, c'était Mme Tremblay, elle avait, je pense, 82 ans
et elle m'a rejoint directement pour me dire qu'elle n'avait pas son médicament, et j'ai tenté par tous les
moyens, pendant 15 minutes, de lui expliquer pourquoi on n'était pas capables de
lui livrer son médicament, mais, en bout de ligne, je me suis rendu compte que
ça n'avait aucune importance que je le lui explique ou pas, la réalité,
c'est que Mme Tremblay ne comprenait pas qu'elle n'avait pas son médicament, et, en passant, c'était un
médicament de gavage. Elle en avait de besoin pour la fin de semaine,
c'était sa façon de se nourrir. Alors, on a
fait quoi? On l'a mis dans un taxi puis on l'a livré parce que c'était une
question de survie, c'est une question de... Alors, je pense qu'il faut
faire attention dans l'équilibre.
M. Lisée : Puisque vous le
soulevez, quelle était la cause de la rupture d'approvisionnement dans ce
cas-là?
M.
Martinovitch (Luc) : C'était notre cause à nous, c'était notre
problème à nous. Tantôt, je mentionnais que ça peut être des pandémies, ça peut être des pénuries, ça peut être une
grève, ça peut être un système informatique. Dans ce cas-là, c'était nous, on a eu un problème au
niveau informatique, et le médicament n'est pas sorti comme il aurait dû.
Donc, ça a été rectifié, mais il demeure qu'il faut quand même être aux aguets
parce qu'en bout de ligne il y a un patient qui est en bout de ligne. Et on est très fiers de dire qu'on livre à
99,9 % d'efficacité dans toutes les régions du Québec et que Mme Tremblay, peu importe où elle est, elle reçoit
son médicament quand elle en a de besoin. Je pourrais vous donner
d'autres exemples de patients qui sortent des hôpitaux qui ont besoin le
lendemain.
M. Lisée : Vous êtes M.
Martinovitch, c'est ça?
M. Martinovitch (Luc) : Oui.
M. Lisée : Alors donc, s'il y
a quelqu'un qui nous écoute qui n'a pas son médicament, appelez directement M.
Martinovitch : il va le mettre dans un taxi puis il va vous le livrer.
M. Martinovitch (Luc) : Ça va me
faire plaisir.
M. Lisée : Merci beaucoup.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, maintenant, nous allons chez notre collègue de Lévis pour
6 min 30 s.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le
Président. M. Forget,
M. Denis, M. Martinovitch, bienvenue. Je retourne dans l'aspect très... et je reprends au bond un petit
peu ce que vous étiez à dire, dont votre exemple de Mme Tremblay, où vous dites : Bien, écoutez, dans ce cas-ci,
c'était carrément nous. Vous dites : À 99,99 %, on livre. Dans ce
cas-là, vous étiez dans le
0,01 %, mais le problème s'est produit. Là, à ce moment-ci, dans le
contexte dans lequel vous travaillez, alors l'alliance pancanadienne,
votre méthode de distribution, les coûts qui sont réglementés, votre modèle
d'affaires, ça s'est produit quand même.
Avez-vous
l'impression que, si effectivement le projet de loi faisait en sorte qu'on
aille vers l'appel d'offres sur les médicaments,
votre marge de 99,99 % serait menacée? Voyez-vous déjà l'impact dans votre
job à vous, au-delà des prix qui seraient négociés par appel d'offres,
des impacts sur votre réseau à vous?
M.
Martinovitch (Luc) : Je vous dirais que la réponse est fortement oui.
À quel niveau? À quel pourcentage? Je ne
le sais pas. Ce que je peux vous dire, c'est qu'au niveau du distributeur ou du
grossiste il y a plusieurs choses qu'on fait, et, entre autres, c'est
garder des inventaires le plus sécuritaires possible. Donc, on a un coût à
garder des inventaires. Quand on sait qu'il
va y avoir une rupture de manufacturier, on essaie d'augmenter. Mais, dans
certaines situations, quand le produit
n'est tout simplement pas là, peu importe la raison... Et malheureusement on
voit des produits à court de façon régulière. On en a une, deux par
semaine, donc c'est récurrent. Et je vous dirais que ça va l'être encore plus
dans les prochaines années, tout simplement parce que les exigences de Santé
Canada, de FDA, au niveau de l'Australie, sont beaucoup plus demandantes qu'ils l'étaient avant, tant au niveau du
manufacturier, générique, novateur, qu'au niveau de la distribution. Donc, c'est évident que ce
resserrement-là des normes va amener d'autres problématiques au niveau de
la distribution... pas la distribution, mais l'approvisionnement de produits.
M. Paradis
(Lévis) : Ramenons la
discussion également au niveau de l'économie comme telle, parce que le
but de l'exercice, c'est faire en sorte que
globalement, par ces mesures-là et dans le projet de loi... autant sur l'appel
d'offres du médicament ou sur la
distribution, c'est de faire en sorte que ça nous coûte collectivement moins
cher, dans l'hypothèse où il y a moyen de faire des gains encore.
Êtes-vous en train de nous dire que, dans votre
créneau à vous, il n'y a plus d'économie à faire, là, vous êtes accotés?
Admettons, hypothèse, que cet article-là soit laissé de côté et que le
gouvernement vous demanderait, par exemple,
à la lumière de ce que vous avez, là, le 6,5 %, le 39 $, de faire un
effort supplémentaire et de négocier à la baisse pour aller chercher un retour et puis une économie, êtes-vous accotés ou
vous êtes capables encore de participer au fait qu'on puisse diminuer
les coûts collectifs de cette industrie-là?
M.
Martinovitch (Luc) : J'adore votre question. Je vais utiliser un
commentaire que, je pense, M. Falardeau a utilisé, qui a dit que le système est très fragilisé. M. Coutu a dit
qu'il n'y avait plus de place, et je vais vous confirmer qu'il n'y en a
plus, de place. Parce qu'il ne faut pas oublier que le taux était à 6,5 %,
est tombé à 5,3 %. Enlevez les termes de paiement, on tombe à 3,3 %. Enlevez les livraisons,
les coûts des employés, les entrepôts, il reste combien, vous pensez? Il
n'en reste pas beaucoup.
Alors, si on veut être en mesure de réinvestir
en technologie, de manière à être plus efficaces, de manière à, justement, faire notre part, bien, à un moment
donné, on ne peut plus réduire. Et, si vous avez bien entendu ce que
j'ai dit, je disais : On est rendus au point de non-retour où il va falloir
éventuellement avoir une discussion pour probablement indexer. Parce qu'il va y avoir des impacts, et on l'a vu, il y a des
entrepôts qui ont fermé, donc, au Canada, et ce n'est pas ça qu'on veut
non plus.
M. Paradis
(Lévis) : Ce que vous êtes
en train de me dire puis de nous dire, c'est que, peu importe ce qui se
passera ici, puis le résultat, puis le vote,
au bout du compte, quand bien même on resterait avec ce que vous considérez
être le modèle idéal... Vous l'avez
dit tout à l'heure, là, ce qu'on vit maintenant, là, l'alliance pancanadienne
puis notre réseau de distribution,
notre efficacité, au nom des patients, c'est parfait. Malgré ça, au moment où
on se parle, si vous avez le loisir de le
faire, ce que vous demanderiez puis vous battriez pour avoir davantage, c'est
qu'on indexe le 6,5 % puis le 39 $, parce que, là, au moment
où on se parle, vous êtes à la limite de la survie.
• (12 heures) •
M. Forget (Denis) : Juste un
commentaire là-dessus. Ce qu'il faut comprendre, c'est que, dans la mécanique de taux de distribution des distributeurs, c'est
intrinsèque. À toutes les fois qu'on gagne du côté des génériques puis
on réduit les taux ou on réduit les coûts d'acquisition, nous, on facture en
pourcentage sur ce prix-là. Donc, est-ce qu'on fait un effort? Bien oui, on en
fait un, c'est automatique, c'est intrinsèque dans le système.
Alors, on
nous disait qu'on a baissé 170 millions, depuis les quelques dernières
années, de nos revenus, puisque, si le
produit est à 75 % de l'original
puis il est rendu à 25 %, puis il va descendre probablement plus bas
encore, bien sûr qu'on amène des
économies dans le système. C'est des pertes pour nous puis c'est à nous à
s'ajuster puis à ajuster nos coûts d'opération en conséquence. Mais
l'effort de guerre est là par le principe même de la façon qu'on est rémunérés.
M. Paradis
(Lévis) : Alors, même si on
restait dans le processus qui est le nôtre actuellement, sachant pertinemment
qu'on s'en va vers des économies, que
plusieurs ont dit : Bien, au niveau de l'Alliance pancanadienne
pharmaceutique, il faudrait être plus agressifs, donc aller chercher des
baisses supplémentaires sur le coût des médicaments, parce que l'objectif est
celui-là, même là, vous nous dites : Nous autres, on est
automatiquement... on a les mains liées, ça va couper des revenus.
M. Forget (Denis) : Oui. Ça va
coûter moins cher à l'État, puisqu'on va facturer moins.
M. Paradis
(Lévis) : Est-ce que ça
menace, le fait que vous soyez obligés d'encaisser ces chocs-là... Parce
que vous êtes l'industrie et vous êtes sur
la corde, est-ce que ça peut modifier vos visions d'affaires, faisant en sorte
que vous vous vantiez d'être à 99,99 % partout, mais un jour vous
serez obligés de dire : Bien là, on va être obligés de modifier la donne
puis de distribuer différemment?
M.
Martinovitch (Luc) : La réponse, je pense, se trouve en partie au
niveau du modèle des hôpitaux. Et c'est évident que, comme entreprise,
là, on parle... il y a un camion qui part d'un entrepôt en quelque part, qui
livre aux Îles-de-la-Madeleine puis qui
livre au Nunavut, et puis que la personne a son médicament. C'est évident que,
demain matin, si on livre cinq fois
par semaine et puis qu'on est tellement compressés, il y aura des choix à
faire. Et ces choix-là vont peut-être
vouloir dire couper à deux fois semaine la livraison, et, à un moment donné, c'est
le système même, la qualité du système pour le patient qui va être
attaquée.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci. Alors, nous vous
remercions beaucoup, les représentants de l'Association québécoise des
distributeurs en pharmacie.
Je suspends les travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 12 h 2)
(Reprise à 12 h 9)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, chers collègues, maintenant nous recevons M. Marc-André Gagnon, qui
est professeur associé, qui va nous faire une présentation en vidéoconférence.
Alors, M. Gagnon, désolé pour le délai. Vous avez maintenant une période de
10 minutes de présentation. Et par la suite vous aurez l'occasion
d'échanger avec les parlementaires. Alors, M. Gagnon, la parole est à vous.
Marc-André Gagnon
(Visioconférence)
M. Gagnon
(Marc-André) : Bien, merci beaucoup. M. le Président, M. le
ministre, Mmes, MM. les
députés, c'est un plaisir pour moi de
pouvoir venir présenter le résultat de mes recherches. Je vais vous parler de
deux choses aujourd'hui. D'une part, j'aimerais pouvoir vous parler de... le système...
la question du coût des médicaments au Québec par rapport aux autres pays de l'OCDE, et
ensuite vraiment regarder la question des génériques en particulier.
J'avais
préparé un PowerPoint. J'ai appris que je ne pouvais pas le présenter directement. Mais je peux vous décrire quelque peu les éléments d'information
qui s'y trouvent.
Si on compare
le Canada par
rapport aux autres pays de l'OCDE, il
faut comprendre, la moyenne pour les pays de l'OCDE... On paie 498 $
per capita en moyenne dans les pays de l'OCDE, alors que le Canada, on est le
pays le deuxième plus cher au monde
après les États-Unis. Au Canada, on paie 771 $ per capita. Aux États-Unis,
on paie 10 010 $ per capita. Le
Québec se situe entre les deux. En fait, on est la province canadienne où est-ce qu'on paie le plus
cher per capita, on est à 865 $.
Donc, au niveau des coûts des médicaments per capita, on paie
très cher au Québec. Bon, il
y a différentes raisons historiques qui peuvent expliquer ça, et, en soi,
ce n'est pas si tant un problème pour moi que la question de l'évolution
des coûts.
• (12 h 10) •
Sur la question
de l'évolution des coûts, il faut comprendre, de 2000 à 2012, au
Canada, les coûts ont augmenté de 96 % per capita. Si on se
compare aux autres pays de l'OCDE, on regarde l'Australie, par exemple, on
regarde l'Allemagne, qui sont des pays bien
reconnus pour faire un très mauvais travail pour contenir la croissance des
coûts, bien, ces pays-là ont quand même fait beaucoup mieux que le
Canada. La croissance des coûts, au lieu de 96 %, ça a été 84 %,
77 % en Allemagne, Australie. Des pays qui ont fait beaucoup mieux avec
des régimes publics universels plus efficaces, en se donnant des capacités
institutionnelles nécessaires pour mieux contenir la croissance des coûts en médicaments, on regarde la France, le Royaume-Uni,
eux, la croissance des coûts a été 55 % de 2000 à 2012,
contrairement à 96 % au Canada,
Nouvelle-Zélande, 50 %, Danemark, 36 %. Le Danemark a beaucoup misé
sur un meilleur usage du médicament.
Les États-Unis, qui est un modèle de gaspillage et d'inefficacité sur la
question de l'assurance médicaments, bien,
aux États-Unis, la croissance des coûts a été de 87 % entre 2000 et 2012,
donc beaucoup moins que ce que ça a été au Canada. Au Québec, la croissance a été de 107 %. Donc, on a fait
pire que le Canada, qui a fait pire que tous les pays comparables de
l'OCDE.
Donc, pour
moi, un petit peu mon point de départ, c'est de dire : Regardez, en ce
moment, la croissance des coûts au Québec n'est pas soutenable. Le
régime actuel n'est pas soutenable. Il va y avoir des réformes. Quelles que
soient les réformes, il va y en avoir des majeures, ce système-là ne peut pas
survivre à terme.
Donc, à partir de là, il y a deux grands types
de réformes qui sont possibles, soit on peut remettre un petit peu le risque sur les épaules des patients en
disant : Bien, dans ce cas-là, on va leur demander de payer une plus
grande part, par exemple en augmentant les franchises, les coûts
assurance, les primes, ou bien, et c'est ce que je propose dans mes travaux, essayer de s'inspirer des meilleures
pratiques de ce qui se fait à l'étranger pour comment mieux contenir les
coûts tout en assurant les meilleurs soins possible pour la population au Québec
et au Canada.
Et, juste pour vous donner une idée sur les
échelles de coûts, si on avait fait aussi pire que les États-Unis entre 2000 et 2012, aussi pire que l'Allemagne ou
l'Australie pour contenir les coûts, bien, on aurait quand même...
on paierait en ce moment 1 milliard de moins par année en médicaments. Si
on avait fait aussi bien que la France ou le Royaume-Uni,
aussi bien que la Nouvelle-Zélande ou le Danemark, en ce moment on
économiserait entre 2 et 3 milliards de dollars par année en médicaments, juste si on s'était dotés de
meilleures capacités institutionnelles pour contenir les coûts.
Ce qui m'amène maintenant à parler des
génériques. Les génériques, c'est un des facteurs parmi d'autres qui contribuent à ce fort coût des médicaments per
capita au Québec, parce que, oui, on paie trop cher pour les
médicaments génériques. Dans un rapport en 2014, j'avais estimé les économies
possibles... la mise en place d'un système d'appel d'offres pour les génériques.
Ça signifie, à peu près, pour le Québec seulement, environ 173 millions qu'on pourrait
aller chercher en économies. Depuis 2014, les choses ont évolué un petit peu,
c'est peut-être... L'estimation aujourd'hui serait
peut-être plutôt de l'ordre de 150 millions, mais
c'est à peu près les chiffres approximatifs sur les économies
possibles.
Donc, si on
regarde au niveau des prix des médicaments génériques, bon, j'ai inséré à la
fois dans mon mémoire et dans le
PowerPoint la comparaison des prix des génériques faite par le conseil d'examen
des prix des médicaments brevetés, donc
entre le Canada, et 11 pays comparables. Il y a seulement
la Suisse et l'Australie qui paient plus cher que le Canada au niveau des
prix des génériques, et ça se comprend, la Suisse et l'Australie, c'est deux
pays reconnus pour favoriser beaucoup l'industrie brevetée locale, donc il n'y a aucune
tentative de réduire le coût des génériques. Mais, si on regarde des pays comme... qui utilisent des systèmes
d'appel d'offres pour les génériques, on voit ici l'Allemagne, le
Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, ces pays-là, par rapport au Canada, ils économisent entre 28 % et 64 % sur
le coût des génériques.
Ça, c'est pour l'ensemble des génériques. Si on prend de
manière plus particulière les génériques les plus vendus... bon, on a les chiffres pour les cinq génériques
les plus vendus en Ontario, il faut comprendre, le régime public de
l'Ontario obtient normalement les meilleurs prix disponibles au Canada, et le
prix au Québec est le meilleur prix disponible. Bien, en fait, si on prend les cinq médicaments vendus et on compare les
prix au Canada par rapport aux États-Unis et la Nouvelle-Zélande, on
voit des grandes différences de prix. Et, entre autres, ce qui est intéressant,
c'est que, pour la simvastatine, par exemple, c'était une compagnie de
génériques canadienne qui avait obtenu l'appel d'offres pour la
Nouvelle-Zélande. Donc, la compagnie canadienne vendait sa simvastatine, donc
le Zocor générique, à 0,24 $ le comprimé
en Nouvelle-Zélande, et la même compagnie qui produisait le même médicament de
la même usine vendait ce même
médicament 0,625 $ le comprimé au Canada. Et là ce n'est pas la faute du
fabricant du générique, c'est la faute du système qu'on a en place au niveau de la tarification, au niveau des
prix des génériques, parce que c'est des prix fixés par rapport au coût
du médicament breveté.
En fait, un
élément qui, pour moi, est essentiel aussi, surtout en se joignant à l'alliance
pharmaceutique pancanadienne, mais il ne faut pas oublier que le prix
des médicaments brevetés, le prix officiel devient de plus en plus arbitraire. Le prix
réel, on va réussir à aller chercher de plus en plus des rabais substantiels.
Donc, le prix officiel devient un
prix arbitraire. Fixer le prix du générique à partir du prix officiel
arbitraire artificiellement gonflé du médicament breveté, pour moi, il y
a un petit peu un non-sens ici.
On nous dit
beaucoup que, si on met en place un système d'appel d'offres pour les
génériques, ça va créer une explosion
de pénuries de médicaments, il faut faire très attention. Dans un article dans
le Health Affairs en 2014, Jamie Daw et Steven Morgan avaient regardé les meilleures pratiques au niveau
contractuel au niveau des systèmes d'approvisionnement en médicaments dans différents pays et notaient,
bon, en particulier pour le cas de la Nouvelle-Zélande, que la Nouvelle-Zélande avait mis son système d'appel d'offres,
oui, pour réduire les coûts, mais aussi du fait que c'est un pays qui
était petit et isolé et qu'il y avait des
gros problèmes au niveau de la sécurité de l'approvisionnement. Donc, à partir
de là, ils ont mis en place un
système d'offres pour justement permettre une plus grande sécurité
d'approvisionnement, réduire les ruptures de stock. Donc, évidemment, ça demande de mettre en place des appels
d'offres avec certains paramètres, certaines clauses où est-ce qu'on a une divulgation obligatoire, par
exemple, des pénuries potentielles. La Nouvelle-Zélande a commencé en
1994-1995 à avoir des divulgations obligatoires des pénuries potentielles. Au
Canada, il a fallu attendre 2014-2015 avant
qu'on mette le système en place. Donc, je veux dire, à cet égard-là, la
Nouvelle-Zélande a été un petit peu un pionnier.
D'un autre
côté, on met en place des clauses pour s'assurer que tous frais afférents pour
empêcher une pénurie potentielle,
bien, ces coûts-là vont être portés par le fabricant lui-même, ce qui fait en
sorte qu'on donne des incitatifs financiers très importants pour le
fabricant pour s'assurer qu'il va prioriser le territoire québécois, pour
s'assurer que, oui, on ait une sécurité dans l'approvisionnement et que, non,
il n'y ait pas de rupture de stock.
Un autre
argument que j'ai beaucoup entendu, c'est que, bien, appel d'offres, ça va
réduire la concurrence, réduire le nombre de compétiteurs, des
fournisseurs uniques. On a beaucoup de fournisseurs uniques en ce moment, mais
le problème, c'est qu'au niveau de la
concurrence, dès 2012, j'avais écrit sur les ruptures de stock puis j'avais
montré qu'un des principaux facteurs de rupture de stock, c'était
justement la concentration industrielle qu'on avait dans le secteur générique. On a une immense vague de
fusion-acquisition qui se déroulait, et là ça a explosé littéralement en 2015.
Donc, à ce moment-là, il y a concentration industrielle maintenant.
Une politique
qui dit : Nous ne faisons rien et on va continuer à maintenir des prix des
génériques artificiellement gonflés,
bien, je ne vois pas en quoi ça va nous protéger d'une réduction de la
concurrence. Je veux dire, des pratiques de collusion, ça existe. Et on
a eu quelques cas patents, entre autres on pense à Martin Shkreli aux
États-Unis, on pense Valeant aussi, avec ses pratiques sur certains de ses
médicaments. On a des dynamiques de collusion en place et on n'a rien pour se
protéger contre ça. Pour moi, oui, un système d'appel d'offres peut être un de
ces outils qu'on peut utiliser contre ce type de collusion.
• (12 h 20) •
J'inviterais...
en fait, je recommande aussi que, lorsqu'on fait ces appels d'offres là on
puisse ouvrir les appels d'offres à
des fabricants qui ne sont pas nécessairement autorisés présentement au Québec,
qu'ils puissent soumissionner et qu'ils
puissent obtenir l'appel d'offres sous condition seulement qu'ils obtiennent
les autorisations par la suite. Ça va créer des délais, oui, c'est un
facteur de coût qu'on peut prendre en compte, mais il faudrait ouvrir l'appel
d'offres aussi aux fabricants étrangers.
Et aussi, à
ce niveau-là, j'aime beaucoup le modèle suédois, qui s'est doté d'une firme
publique pour fabriquer des génériques. Ce n'est pas pour fabriquer tous
les génériques, mais ça sert un petit peu de garde-fou, de chien de garde dans le système. C'est une firme qui fait
beaucoup de la pharmacie magistrale, entre autres choses, pour adapter certains médicaments aux besoins cliniques
spécifiques de certains patients. Mais c'est aussi une compagnie qui
permet de pallier parfois certaines ruptures de stock. Avoir ce type
d'expertise... Je veux dire, quand on a des systèmes d'appel d'offres, on l'a vu dans le secteur de la
construction, avoir une expertise publique pour comprendre les prix,
comprendre s'il y a gonflement des prix, pour moi, est essentiel, et se doter
d'une telle entreprise pourrait être quelque chose de véritablement... en fait
de ce type d'expertise serait quelque chose de véritablement intéressant.
Finalement, deux points que je veux mentionner
rapidement. La question de la tarification régressive, qui est souvent présentée comme un modèle alternatif
intéressant, c'est un modèle qui est plus intéressant que le modèle de
fixation des prix à partir d'un taux
arbitraire, 25 %, 18 %. Oui, mais, attention, la tarification
régressive, il y a des gros problèmes. Il faut comprendre, tarification
régressive, bon, s'il y a un seul compétiteur, on va payer 80 % du prix du
médicament breveté, s'il y a deux
compétiteurs, on va payer 60 %, trois, 40 %, et on descend jusqu'à
18 %. Mais, de la façon que ça fonctionne,
c'est qu'à tous les trois mois on renouvelle pour savoir qui est prêt à fournir
les médicaments dans le marché pour
déterminer comment on fixe le prix. Ça signifie que les fabricants doivent
resoumettre tous les trois mois pour dire : Oui, dans les prochains mois, on va continuer à fournir pour ce
médicament-là. Et donc cette soumission-là fait en sorte que...
En fait, Michael Law, Jillian Kratzer, à UBC,
avaient fait le calcul, à un moment donné, pour dire que, bien, si on regarde juste les 10 médicaments
génériques les plus vendus en une seule année, des soumissions aux trois
mois, ça signifierait, en fait,
1 128 soumissions qu'il faudrait juger si elles sont bonnes, et tout,
pour permettre l'entrée et déterminer le
coût en conséquence. Et ça fait aussi que c'est très difficile pour... Donc, la
lourdeur administrative est là, mais en plus c'est que c'est très difficile pour les acteurs de planifier dans tout
ça, à la fois pour les patients, pour les hôpitaux, pour les régimes d'assurance médicaments, mais pour les
fabricants aussi. C'est-à-dire, bien, tous les trois mois, le prix peut
varier de manière considérable, et, si le prix varie de manière substantielle
qui fait en sorte qu'un gros joueur dit : Bien, à ce prix-là, pour nous, ce n'est plus intéressant, et donc on se retire
du marché, bien, à ce moment-là, oui, on peut aussi créer des ruptures
de stock.
Mais fondamentalement
le problème avec la tarification régressive est le suivant : supposons que
je suis un fabricant de génériques et je veux étendre mes parts de marché, j'ai
le choix soit investir dans une nouvelle chaîne de montage pour un nouveau produit, pour l'emmener sur le marché, et ça
ferait baisser le prix du générique sur ce marché-là, ou bien, dans le système actuel, avec les
ristournes aux pharmaciens, au lieu d'investir de cette manière-là, je vais
investir avec plus de ristournes aux
pharmaciens pour étendre le nombre de tablettes sur lesquelles je vais pouvoir
mettre mes produits que je produis déjà en ce moment. Et, au niveau des
incitatifs financiers, en fait, la tarification régressive offre un immense incitatif pour augmenter les
ristournes et non pas pour augmenter la concurrence et la production de
nouveaux produits génériques.
Finalement,
dernier point que je veux amener, c'est sur la question de la structure de
rémunération des pharmaciens. J'ai vu
qu'on en a parlé déjà en commission. Il faut comprendre, là, le système
d'allocations professionnelles, donc les ristournes des fabricants de
génériques aux pharmaciens, ça n'a pas lieu d'être. Je veux dire, un
pharmacien, c'est un professionnel de la
santé, il doit être payé au niveau des services professionnels qu'il offre, pas
par une rémunération opaque à travers quasiment des paiements en dessous
de la table, même chose pour la question des honoraires professionnels demandés
au régime privé d'assurance médicaments qui... soit dit en passant, il n'y a
aucun plafond, aucune limite, aucune transparence, ça se fait dans une opacité
la plus complète. Et là c'est clair qu'on voit souvent des honoraires professionnels
abusifs au niveau des régimes privés. Et on ne blâme pas les pharmaciens. Si on
a ouvert la porte aux pharmaciens pour
qu'ils puissent charger ces montants-là, bien, ce n'est pas surprenant qu'ils
puissent le faire, surtout lorsqu'ils cherchent à compenser pour des
pertes de revenus ailleurs.
Donc, juste un
exemple là-dessus : lorsque, de 2000 à 2012, au Québec, on a diminué le
prix des génériques de 50 % du prix du médicament breveté à
25 %, on a vu que le coût moyen des prescriptions au Québec, pour la RAMQ, pour le régime public, est passé de
37,76 $ à 36,51 $. Donc, il y a eu des économies substantielles pour
le régime public. Toutefois, ce qu'on
a vu, c'est que les pharmaciens ont compensé beaucoup en augmentant les honoraires professionnels pour les régimes privés.
Et le coût moyen d'une prescription pour les régimes privés est passé de 5,27 $
à 52,16 $. Donc, les baisses de coût pour le régime public ont été en fait
moins importantes que les hausses de coût
pour les régimes privés.
On
a baissé le prix des médicaments génériques au Québec entre 2000-2012, mais on
n'a pas baissé le coût des médicaments,
on a simplement pelleté les coûts, déplacé les coûts ailleurs dans le système.
Donc ça, pour moi, c'est un des éléments importants. Si on veut mettre
en place un système d'appel d'offres, bien, il ne faudrait pas que le résultat
de ce système d'appel d'offres là conduise
simplement à une augmentation des honoraires professionnels pour les
régimes privés, ce qui ferait en sorte qu'on
ferait juste déplacer les coûts d'un endroit à l'autre, et ce qui fait que,
dans un système fragmenté comme celui
du Québec, bien, effectivement, c'est notre grand problème, de contenir les
coûts. Disons que déplacer les coûts est une chose beaucoup plus simple
et facile.
J'ai
utilisé dans mes diapos, par exemple, un graphique du conseil... non, du
Système national d'information sur l'utilisation
des médicaments prescrits, donc, publié en 2015, qui montre, pour
1 million de comprimés d'atorvastatine calcique, donc le Lipitor générique, combien c'était payé dans les
différentes provinces en termes de coût de détail du médicament et le
coût de délivrance par le pharmacien. Si on considère qu'au Québec on a le meilleur prix disponible, donc, on se
retrouve ici avec le prix du Manitoba. Donc, pour 1 million de comprimés,
on aurait payé 408 000 $ au niveau
du coût de détail du médicament, ce qui signifie que le coût de délivrance,
donc ce qui est payé aux pharmaciens
au Québec, a été de l'ordre de 750 000 $, donc plus de trois fois ce
qui est payé aux pharmaciens dans les autres provinces pour le même
nombre de comprimés d'atorvastatine calcique. Il y a différents facteurs qui
expliquent ça...
Le Président (M.
Tanguay) : Merci.
M. Gagnon
(Marc-André) : ...mais il y a des problèmes structurels auxquels il
faut s'attaquer. Pour moi, l'élimination des allocations professionnelles et
l'élimination de...
Le Président (M.
Tanguay) : Merci, M. Gagnon.
M.
Gagnon (Marc-André) : ...l'opacité des honoraires professionnels pour
les régimes privés sont un véritable problème. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup, M. Gagnon. Alors, c'était très, très, très
intéressant, si bien que M. le ministre de la Santé m'a demandé de prendre de
son temps de discussion avec vous pour vous permettre de compléter votre présentation, qui était très
intéressante. Et donc, des 18 minutes qui étaient imparties à M. le
ministre, il en reste neuf, ayant pris neuf
minutes de plus. Alors, sans plus tarder, je cède la parole pour l'échange à M.
le ministre de la Santé.
M.
Barrette : Bien, bonjour, M. Gagnon. Vraiment, on aurait bien aimé
vous avoir en personne, mais je dois vous avouer que vous êtes tout
aussi impressionnant en image, dans votre propos et dans son contenu.
Écoutez,
je dois vous avouer, là, que vous m'avez beaucoup impressionné dans la dernière
partie de vos propos. Évidemment,
vous avez relaté que les honoraires des pharmaciens étaient, si j'ai bien
compris, là, passés de 5 $ à 58 $ dans une dizaine d'années. Puis je pense que vous avez qualifié ça, dans un
article, cette année, en 2015, d'abusif, là. Est-ce qu'à votre
connaissance ça semble être la même tendance actuellement?
M. Gagnon
(Marc-André) : Là, il faut faire attention, là, sur ça, sur les frais
d'honoraires des pharmaciens. Est-ce que c'est des frais abusifs? Si on se
compare aux autres provinces, oui, on paie beaucoup plus cher au Québec au niveau des honoraires professionnels pour les régimes
privés. Et ça, à ce niveau-là, du fait qu'il n'y a aucune transparence, souvent...
En fait, on a eu une étude faite par Protégez-Vous, en 2011, qui
montrait qu'effectivement il y avait un
problème structurel. Ceci dit, il faut comprendre, on a le renouvellement
mensuel obligatoire au niveau du régime public, donc ce qui fait que,
par rapport aux autres provinces, les ordonnances se font mensuellement, donc
il y en a beaucoup plus. Et souvent, pour
les conditions chroniques, il n'y a pas de raison clinique pour avoir ces
renouvellements mensuels obligatoires. Toute
la justification est basée sur... Bien, mensuellement, c'est la question des
franchises, entre autres, que les
patients doivent payer puis pour que ça soit plus équitable. Ça, on comprend.
Mais le gaspillage administratif en termes, entre autres, d'honoraires
professionnels pour le régime public peut être très, très important.
Là,
il faut comprendre aussi, c'est que, si vous êtes une pharmacie qui desservez
une population qui est couverte d'abord
et avant tout par le régime public, où est-ce que les honoraires professionnels
sont plafonnés, bien, à ce moment-là, une population couverte par le
régime public, c'est une population qui travaille moins puis qui est plus âgée,
qui est plus pauvre aussi, vous risquez
d'avoir des gros problèmes à joindre les deux bouts. Alors que, si vous êtes
une pharmacie qui dessert d'abord et
avant tout une population couverte par des régimes privés, bien là, à ce
moment-là, il n'y a pas de transparence au niveau de ce que vous
chargez, au niveau d'honoraires professionnels au régime privé et disons que ça
peut être... les revenus sont beaucoup plus intéressants pour ce genre de
pharmacie. Donc, ici, on a des inéquités structurelles, dans le système, qui
sont très importantes.
• (12 h 30) •
M.
Barrette : Alors, si je résume, là, M. Gagnon, vous nous dites qu'il y
a eu un transfert spectaculaire de la perte des ristournes du côté
public vers le côté privé, vous nous dites que ces montants-là sont pour le
moins, j'allais dire, spectaculaires,
probablement excessifs. J'ai une autre question : Dans votre analyse,
est-ce que la baisse du prix générique du côté public se reflète
toujours du côté privé? Il y a 60 % des Québécois, là, qui paient des
primes, là.
M.
Gagnon (Marc-André) : Attention, c'est parce que, là, on parle de deux
choses : Est-ce qu'on parle du coût de détail du médicament pour le
comprimé ou est-ce qu'on parle du coût payé par le patient, les remboursements
qu'il va obtenir à travers sa couverture
d'assurance privée? Le problème qu'on a... En fait, regardez, dans l'exemple
qu'on avait... Quand je travaillais
pour Protégez-Vous, il y avait eu cette étude qu'on avait faite pour
cinq médicaments génériques, Pantoloc,
Lipitor, Glucophage, Norvasc et Effexor, le prix coûtant moyen de ces médicaments-là
était de 17,77 $ pour les pharmacies, et, les pharmacies — on a
fait un sondage auprès de 320 pharmacies — pour les régimes privés,
c'était revendu à 43,53 $ en moyenne,
ce qui signifie que les frais d'ordonnance moyens étaient de 25,76 $. Ça, c'est
plus du double de ce qu'on voit normalement dans les autres provinces.
Moi, je suis assuré en Ontario, je suis à l'Université Carleton, ici, mon employeur plafonne mes frais d'ordonnance à
8,00 $ par prescription. Ça fait que, si je vais dans une pharmacie, on me charge plus que 8,00 $,
c'est à moi à payer, mais la plupart des pharmacies en Ontario, pour les
régimes privés, ne dépasseront pas 8,00 $. Donc, oui, effectivement...
M.
Barrette : Eh bien! Eh bien! Alors, je vois qu'il y a toutes sortes
d'avenues pour aller manifestement avoir de l'économie dans la société.
Parce qu'on comprend que — on
va être d'accord là-dessus — il
y a un régime public puis il y a un régime
privé, et c'est la société qui ferait ces économies-là, là, quand je reviens à
votre tableau d'économies potentielles pour le Québec, quand vous êtes
rendu à 2,9 milliards, évidemment c'est pour la société et ce n'est pas
simplement le coût des médicaments.
Quand
on arrive à la question de l'appel d'offres, là, si j'essayais de résumer votre
pensée, parce que le temps passe, je
comprends que le principe de l'appel d'offres, pour vous, ne pose pas un
problème ni sociétal, en termes de qualité et de disponibilité, ni
nécessairement économique sur le plan industriel. Est-ce que je comprends bien
votre pensée?
M. Gagnon
(Marc-André) : Bien, tout à fait. Au niveau de la question de la
crainte au niveau des ruptures de stock, il
faut faire attention. Si on met en place un système d'appel d'offres, un peu
comme on faisait en construction, par exemple,
O.K., on est obligé de prendre le plus bas prix disponible, point final, bien
là, on se retrouve à se créer un piège. Si on met en place un système
d'appel d'offres où est-ce qu'on met des paramètres clairs au niveau d'assurer
la sécurité de l'approvisionnement, ce type d'appel d'offres là peut
véritablement servir d'outil pour assurer cette sécurité de l'approvisionnement et réduire les problèmes qu'on
peut avoir en approvisionnement actuellement. Donc, non, pour moi, c'est un outil parmi d'autres qu'il est important
à se donner. Si on veut se doter des capacités institutionnelles pour
mieux contenir la croissance des coûts, évidemment les appels d'offres, c'est
une de ces capacités institutionnelles parmi d'autres dont il faut se doter.
M. Barrette :
Deux éléments auxquels je veux m'adresser avant que vous terminiez votre intervention, puis il me reste seulement
2 min 45 s, le premier, c'est... À l'autre extrême, vous le
présentez comme ça, vous aussi, vous
prenez ça comme étant l'autre extrême du spectre des possibilités : à une
extrémité, il y a les appels d'offres, à l'autre, il y a des tarifs dégressifs. Le problème des tarifs
dégressifs, est-ce qu'il vient de la fréquence de ce qui se fait actuellement dans le marché, on va dire, entre
guillemets, là, ou il vient simplement du fait qu'on a une difficulté à trouver le bon pourcentage? Autrement
dit, là, c'est une question théorique que je vous pose, la technique du
tarif dégressif, si elle était utilisée différemment, serait-elle une bonne
technique?
Je
vais vous poser tout de suite l'autre question qui vient avec, là, pour vous
laisser le temps de répondre, la parce qu'il reste deux minutes. Vous
êtes un chercheur, vous avez regardé un paquet d'affaires. Moi, j'ai des gens
qui me donnent des avis à l'effet que d'être
un producteur de médicaments... Vous nous proposez, comme État, de produire
et de mettre sur le marché des médicaments génériques. Ma
compréhension de nos accords internationaux, sur le plan économique,
libre-échange et compagnie, c'est que ce ne serait pas permis.
Alors, les deux questions, qu'est-ce que vous
pourriez nous dire là-dessus, là?
M. Gagnon
(Marc-André) : L'idée, c'est que, s'il y a une concurrence de marché
qui se joue dans le secteur des génériques,
n'importe quel système où est-ce qu'on se retrouve avec un prix fixe, même si
c'est régressif, reste problématique,
en particulier si on fixe le prix à partir d'un pourcentage du prix du breveté,
qui devient de plus en plus complètement
arbitraire. Il faut comprendre, une tarification régressive est quand même
mieux que le système actuel, entre autres
ça offre certains incitatifs pour les fabricants de génériques de payer, en
fait, l'ensemble des coûts réglementaires pour arriver avec un nouveau
produit sur le marché. Il faut comprendre, les frais légaux peuvent être très
importants.
Donc, on
comprend la logique qui peut être derrière ça, mais, au bout du compte, est-ce
que c'est un bon système? Non. C'est
moins pire que ce qu'on a actuellement, mais ce ne serait pas un système des
plus intéressants, surtout pas si, entre autres pour certains
médicaments, on ne peut pas utiliser des appels d'offres. On pourrait utiliser
la tarification régressive pour l'ensemble des médicaments et ensuite y aller
au cas par cas pour dire : Bon, bien, ce médicament-là, allons en appel d'offres, celui-là aussi, parce
qu'on voit qu'il peut y avoir des problèmes, mais, si c'est le seul
système, non, fixer un prix dans un système en concurrence ne fonctionne pas.
Sur la question des accords internationaux, il
faut faire attention, là, simplement, si on a cette capacité en tant qu'État... Puis il faut comprendre, là, on a eu
des firmes publiques pendant... Comment s'appelle, en Ontario, pendant
un bout de temps, là, qui produisait
l'insuline... Au niveau des accords de commerce internationaux, c'est clair
qu'on ne peut pas avoir un concurrent direct, mais on peut se donner une
espèce de chien de garde. Juste un exemple, là : lorsque Martin Shkreli a augmenté le prix des génériques
de 15 $ le comprimé — en fait, pour le Daraprim — 15 $ le comprimé à 750 $ le comprimé, bien, on a une firme de
pharmacie magistrale au Québec qui simplement est allée chercher
l'ingrédient actif et qui s'est mise à
produire elle-même ce comprimé-là à 1,50 $ le comprimé. C'est fantastique!
Le problème, c'est que, cette
firme-là, elle peut nous protéger d'une pratique prédatrice d'un des fabricants,
mais elle n'est pas du tout en lien avec les différents hôpitaux, et
donc elle n'est pas en mesure de diffuser l'information, et le système de santé au Québec n'est pas capable de naviguer ce
problème-là. On avait une solution qui était là, il s'agit de se donner
l'expertise pour naviguer dans tout ça. Pas obligé d'avoir une firme publique
générique, on peut simplement avoir recours
à des organisations contractuelles de fabrication à façon en particulier, mais
il faut quand même se doter de cette expertise publique pour naviguer
ces problèmes à la fois de rupture de stock, mais à la fois de pratiques
prédatrices, qui sont de plus en plus fréquentes dans le système.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci, M. Gagnon. Alors, à la demande de
notre collègue de Rosemont, il vous a permis
évidemment de compléter votre réponde, ce qui fait en sorte que vous allez
maintenant avoir une période d'échange de 9 min 45 s avec
notre collègue de Rosemont.
M. Lisée : Pr Gagnon, merci
beaucoup pour vos éclairages. Je vais revenir sur cette question de l'usine
pilote, disons, témoin, mais d'abord, sur la question des appels d'offres, vous
nous dites : Un système régressif est mieux que ce qu'on a maintenant,
mais ce n'est pas parfait. C'est ce que l'alliance pancanadienne fait en ce
moment, et vous dites : Bien, si on
garde ce système-là mais qu'on se réserve le droit, dans un certain nombre de
cas, d'aller en appel d'offres, ça
améliore les choses. Est-ce que je vous entends? Est-ce que vous dites que ce système
hybride est optimal ou qu'il faudrait délaisser complètement l'alliance
pancanadienne et se fier seulement sur des appels d'offres?
• (12 h 40) •
M. Gagnon (Marc-André) : Attention,
l'alliance pancanadienne fait un travail très intéressant au niveau de négocier
le prix des médicaments brevetés. Mais il faut faire attention, ce n'est pas
une solution magique aussi. Si on regarde
pour 2014 les économies générées par l'alliance pancanadienne, c'était
275 millions d'économies qu'ils ont réussi à générer à l'ensemble du pays. Bien,
275 millions, c'est moins de 1 % de ce qu'on paie en médicaments
actuellement. Donc, on est encore
loin d'avoir un système de négociation efficace comme on peut avoir dans
différents autres pays. Quand on parle
au niveau européen, souvent eux, ils vont chercher facilement des 40 % de
baisse de prix au niveau des médicaments brevetés, et on est loin de ça.
Mais, bon, l'alliance pancanadienne se développe
et est en train de faire son petit bonhomme de chemin, s'améliore. Il faudrait qu'elle puisse fonctionner pour l'ensemble du
territoire canadien et non pas juste pour les régimes publics. Bon, ça, c'est une autre chose. Ils ont mis en place la tarification
régressive depuis 2014, je crois. C'est leur façon de fonctionner. Parce qu'au niveau pancanadien, bien,
vous le savez, l'achat de médicaments, ça relève des provinces, et,
avoir un système d'achat pancanadien,
il y a différentes difficultés sur les génériques. Ce n'est même pas toutes les
provinces qui ont les mêmes barèmes de
pourcentage de prix pour les génériques. Donc, pour l'alliance pancanadienne,
la tarification régressive, en termes de pragmatisme et de réalisme dans
le système pancanadien actuel, c'était la meilleure chose à faire. Ceci dit, les gros problèmes, surtout si la
tarification régressive... Si on garde un système de ristournes pour les
pharmaciens, qui est possible, on a un système qui, pour moi, est complètement
biaisé. Il y a des conflits d'intérêts qui sont au centre de ça.
M. Lisée :
On s'entend là-dessus. Je veux vous arrêter, parce qu'on essaie de comprendre
ce qu'il y a dans la tête du ministre
aussi, là, d'une part, et, d'autre part, on essaie de voir qu'est-ce qui est
optimal comme système. Alors, moi, je n'ai aucun dogmatisme à rester dans l'alliance pancanadienne ou à en
sortir, ce qui m'intéresse, c'est le meilleur coût du médicament et sa disponibilité
pour les Québécois. Alors, si on remet sur la page blanche, je veux comprendre
ce que vous dites,
vous dites que, finalement, nous pourrions, avec un système
d'appel d'offres québécois, faire mieux que l'alliance pancanadienne
en n'appliquant même pas la tarification régressive, en faisant strictement l'appel
d'offres.
M.
Gagnon (Marc-André) : À ce niveau-là, oui. Ceci dit, d'un autre côté,
un système d'appel d'offres pour les génériques, c'est clair qu'on ne
peut pas commencer demain matin, et on fait un appel d'offres pour l'ensemble
des génériques. Il faut commencer tranquillement, là, on va commencer avec un
médicament, l'acétaminophène, quelque chose
de très simple, et tout, puis ensuite on va développer notre propre expertise
au niveau des appels d'offres, on va aller vers les médicaments de plus en plus compliqués. Donc, au bout du
compte, il me semble qu'un système d'appel d'offres pour la très grande ou la majeure partie des
médicaments me semble peut-être la meilleure solution. D'ici là, c'est
clair que, pour les autres médicaments, il faut trouver des paramètres. La
tarification régressive, oui, peut être, comme seconde solution, un truc
intéressant, mais en elle-même, elle est extrêmement problématique aussi.
M.
Lisée : Alors, un des arguments... Parce qu'il y a la question
du médicament, du juste prix du médicament, il y a la question aussi de la présence d'un secteur industriel du
générique au Québec. Alors, les gens de Sandoz, par exemple, vous avez parlé de la Suède... il a dit ensuite:
J'ai zéro employé parce qu'ils font des appels d'offres, et ma
production en Suède est incapable de
compétitionner avec les autres soumissionnaires internationaux, et que, donc,
au Québec, si j'ai bien compris, à
part un certain nombre de produits d'injection ou qui ont un avantage
comparatif à être proches du marché, pour ce qui est des comprimés, un système d'appel d'offres ferait en sorte de
faire disparaître la production de comprimés qui reste sur le territoire
québécois. Qu'est-ce que vous en pensez?
M.
Gagnon (Marc-André) : Sur la
question de Sandoz... Il faut comprendre, bon,
Sandoz, d'une part, est possédé par
Novartis, donc une firme brevetée, mais aussi c'est que, quand on a eu les
ruptures de stock de Sandoz, en 2012, il faut se rappeler, c'était d'abord et avant tout dû à des problèmes
réglementaires. La compagnie ne respectait pas les standards demandés par la FDA, et, à ce moment-là, lorsqu'il y a eu des problèmes, la première chose que Sandoz a faite,
c'est de dire : Bien, on arrête de produire pour le Canada et on
concentre nos efforts pour continuer à bien servir le marché américain, qui est notre marché le plus rentable.
Avoir eu un système d'appel
d'offres avec Sandoz, on aurait peut-être évité la rupture de stock de
2012. Ceci dit...
M. Lisée :
Comment?
M.
Gagnon (Marc-André) : Bon,
je suis un petit peu vieille école à ce niveau-là, mais, pour moi, le budget de la santé doit être utilisé pour
assurer que, pour chaque dollar dépensé, on obtient le maximum de valeur
thérapeutique pour le patient. Le budget de la santé n'est pas là pour servir
de politique industrielle pour attirer des investissements. Donc, à
ce niveau-là, tout ce discours de,
bien, il faut payer plus cher nos génériques pour mieux attirer
de l'investissement et créer de
l'emploi, je regrette, le secteur des génériques, c'est un secteur mature au Canada
depuis les années 60, c'est un secteur
qui est extrêmement fort. C'est un secteur qui est capable de
concurrencer au niveau international. Je ne vois pas pourquoi nous, on
devrait s'empêcher de réduire les coûts en santé pour... comme moyen de politique
industrielle.
M.
Lisée : Bon, bien, je
suis d'accord avec vous. Si vous avez suivi nos conversations, je pense que le
soutien à l'industrie doit se faire par la politique
industrielle, le soutien à la recherche, au développement, à la formation,
mais il est vrai que, d'avoir des employés
qui gagnent 78 000 $ en moyenne, ça serait bon de trouver une façon
de les garder, mais, vous avez raison, ce n'est pas aux patients, via le
ministère de la Santé, de payer pour ça.
Revenons sur votre proposition
d'avoir une usine pilote, directement ou indirectement. Un des arguments qui
est invoqué, c'est que c'est l'approvisionnement pour la matière première et
que, la matière première, qui est surtout produite
en Chine et en Inde, évidemment, les grands fabricants génériques internationaux
ont un levier important pour contrôler
l'approvisionnement et, comme il ne seraient pas contents de voir
apparaître des usines pilotes pour que nous connaissions la vraie
structure de prix, feraient en sorte que nous n'aurions pas un accès facile à
la matière première. Qu'est-ce que vous répondez à ça?
M. Gagnon
(Marc-André) : C'est un argument intéressant. En décembre dernier,
j'étais avec les Instituts de recherche en
santé du Canada, on rencontrait différents sous-ministres adjoints sur la question de sécurité de l'approvisionnement,
mais vraiment au niveau de la sécurité de la molécule, la qualité de la
production, en particulier du fait qu'on
fait affaire de plus en plus avec des pays émergents, l'Inde, la Chine en particulier. Et en même temps, il faut comprendre,
là, je parlais de Sandoz, c'était : on ne respectait pas les standards
réglementaires de production, on est à Boucherville.
Et, quand on regarde aux États-Unis, bon, après le scandale d'héparine en 2008, on
s'est mis à faire plus d'inspections
au niveau des fabricants de génériques, c'était plus de 50 % des fabricants de génériques qui ne
respectaient pas les standards réglementaires en vigueur au niveau de la
sécurité du produit. Au niveau des pays émergents, il faut comprendre que, même dans le système actuel, au
niveau de la qualité du produit, bien, des fois, on peut y avoir des...
au niveau de l'ingrédient actif qui se
retrouve, dans le système actuel, à travers... dans nos médicaments, bien, il
peut y avoir des «batchs» qui sont problématiques. Si on veut s'assurer
une meilleure qualité, entre autres, ce qui était vu comme extrêmement important, c'est d'avoir un meilleur
système au niveau de la pharmacovigilance, qui est un des éléments qui,
pour moi, est très déficient ici, au Canada et au Québec.
Mais,
écoutez, l'idée, c'est que, si on se fait menacer par des étrangers de
«écoutez, si vous essayez de réduire vos coûts puis d'essayer d'en avoir
pour votre argent, on va vous mener la vie dure...» Moi, je considère que, dans
un système fragmenté...
M. Lisée :
Professeur, en Suède, est-ce qu'ils ont des problèmes
d'approvisionnement pour leurs matières premières pour leur usine publique?
M.
Gagnon (Marc-André) : Écoutez, pas à ce que je sache. La littérature,
en Suède, est en suédois, et mon suédois est assez limité. De ce que j'ai compris, non, ce n'était pas un
problème plus grave qu'ailleurs. Ce qu'on voit, au contraire, c'est que cette usine publique a été capable de
pallier certaines ruptures de stock et aussi a vraiment réussi, en fait,
non seulement a réussi à adapter, au niveau de la pharmacie magistrale,
certains médicaments selon des besoins cliniques spécifiques pour les patients, plus que ça, c'est que cette usine-là est
devenue pour l'ensemble de l'Europe une des usines références. Entre autres pour les essais
cliniques, quand vous avez besoin de médicaments un petit peu
expérimentaux, bien, on se tourne vers cette
usine-là, et, pour créer une infrastructure d'essais cliniques beaucoup plus
intéressante, bien, cette usine publique suédoise est devenue une espèce
de chef de file qui permet, qui facilite en fait la recherche et développement.
M.
Lisée : O.K. En quelques secondes, est-ce qu'il y a d'autres
cas que la Suède où il y a une usine publique de référence qui existe?
M.
Gagnon (Marc-André) : En fait, dans des pays latino-américains, en
fait Brésil, Équateur, Thaïlande aussi, on en a. C'est ceux que je connais. Mais, ceci dit, pas obligé d'avoir une
usine entre quatre murs, etc., simplement une expertise, une capacité de
faire affaire avec des organisations contractuelles de fabrication pour mieux
naviguer la qualité et la sécurité de l'approvisionnement.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, vous allez poursuivre,
M. Gagnon... Oui, M. Lisée. Pardon.
M.
Lisée : ...simplement vous dire que je crois que nous n'aurons pas le choix :
nous devrons aller en Suède pour voir de visu comment ça s'organise.
Le
Président (M. Tanguay) :
Bien, alors, nous aurons l'occasion d'en discuter, M. le député de Rosemont.
Je m'excuse, je vous ai appelé autrement.
Donc, collègue de Rosemont, je
vous remercie. Nous poursuivons les
échanges maintenant avec notre collègue de Lévis pour
6 min 30 s.
• (12 h 50) •
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Pour la Suède, on est d'accord,
mais pas plus qu'une semaine, parce qu'on a des agendas un peu serrés,
mais ça va aller pour le reste. Merci, M. le Président.
M.
Gagnon, je vous salue. Je vous remercie,
il y a des données qui sont extrêmement intéressantes et qui éclairent également, parce que le but de
l'exercice, hein, c'est la Loi visant à réduire le coût de certains médicaments,
puis la proportion économique, l'analyse économique prend tout son sens.
Je vais reparler des chiffres. Vous dites,
bon : Vente de médicaments génériques dans les pharmacies communautaires,
1,2 milliard; les économies
estimées, en fonction de vos calculs, en fonction de l'appel d'offres, 150 millions — vous
avez dit 173, maintenant 150, le créneau
d'aujourd'hui. Alors, vous avez fait, je présume, des projections, vous avez
fait des scénarios sur ces appels d'offres là, vous avez réussi à les
chiffrer, et c'est peut-être la première fois. Parce que, dans l'analyse d'impact réglementaire, bien, c'est souvent
le questionnement qu'on a : Ça va donner quoi comme économies
potentielles? Comment arrivez-vous à ça? Quels types d'appels d'offres? C'est
sur des appels massifs? C'est sur des molécules
à gros volume? Comment vous arrivez à votre donnée, à vos données en fonction
de l'appel d'offres idéal?
M. Gagnon
(Marc-André) : Écoutez, au niveau des données, au niveau des
différents scénarios que j'avais regardés, c'était vraiment, bon, l'élimination
du système de ristournes. On avait les travaux surtout de Michael Law, Jillian
Kratzer, à UBC, qui ont beaucoup regardé plus en détail les modalités des
appels d'offres et qui ont fait des comparaisons
de prix au niveau international, et c'était vraiment observer le prix de nos
génériques ici par rapport aux autres pays
internationaux où est-ce qu'on procédait aux appels d'offres, qu'est-ce qu'on
peut aller chercher comme économies. En
fait, je détaille ça dans mon rapport de 2014. Sur les modalités de quels pays
on avait pris exactement, ça, il faudrait que j'aille retourner, mais,
le rapport de Vers une politique rationnelle d'assurance médicaments, on
détaille tout ça comme il faut.
M. Paradis (Lévis) : Reprenons et essayons de voir le modèle néo-zélandais, par exemple, à
la lumière de vos analyses et de vos
estimations économiques. Le modèle néo-zélandais est-il, dans sa façon de
faire, sur le volume, les molécules les plus en demande, ou le nombre
d'appels d'offres, ou l'appel d'offres massif... Est-ce que le modèle néo-zélandais est celui qui, en tout cas, semble
être performant? A-t-il des lacunes particulièrement?
M.
Gagnon (Marc-André) : Pour moi, c'est un modèle qui est extrêmement
performant. Entre autres, bien, les appels
d'offres pour le générique, c'est un outil parmi d'autres. Mais toute la logique
du modèle néo-zélandais, c'est-à-dire... Écoutez, on a une agence qui n'est pas politisée, c'est-à-dire qui est
basée vraiment sur l'évaluation des technologies de santé, et on donne un mandat très clair et simple
aux gens de l'agence, c'est : Voici votre budget, et, avec ce budget-là,
vous maximisez la valeur thérapeutique, le gain thérapeutique qu'on peut
obtenir pour chaque dollar dépensé. Et, à partir de là, vous dites à vos fonctionnaires : Utilisez toute
l'imagination et la créativité que vous pouvez, mais votre mandat, c'est
d'en avoir le plus possible pour votre argent, en termes de valeur
thérapeutique pour chaque dollar dépensé.
Donc,
la Nouvelle-Zélande, oui, recourt aux appels d'offres, va être... Pour des
médicaments pour lesquels on n'a pas
clairement une idée de la valeur thérapeutique du produit par rapport au prix,
souvent on va dire non, on ne peut pas justifier
le prix, donc on refuse de l'acheter. Mais on va utiliser aussi d'autres
tactiques. Par exemple, les prix de référence, on l'utilise au Québec au niveau des inhibiteurs de pompes à protons,
c'est-à-dire pour certaines catégories thérapeutiques, voici le prix maximal qu'on va payer. Évidemment,
si le patient, il ne veut pas avoir ce médicament-là de référence, il peut aller chercher un autre médicament, mais il
va payer la différence de sa poche. Le système d'assurance médicaments offre un bon choix et offre les meilleurs produits
disponibles à bas prix pour ses clients. Si le client veut autre chose,
bien, c'est sa responsabilité de payer de sa poche.
Donc, les
prix de référence, mais aussi négociation croisée, qui est un truc très
intéressant, c'est-à-dire une nouvelle compagnie arrive et dit :
Bon, j'ai ce nouveau produit, j'ai ce nouveau produit que je veux vendre, qui
coûte très cher, et là moi, je vois :
Bien, vous avez cet autre produit qui pourrait faire baisser mon prix de
référence pour une autre catégorie
thérapeutique. Bien, à ce moment-là, vous pouvez négocier avec la compagnie,
dire : On va accepter de payer votre
produit, mais baissez le prix pour une autre catégorie thérapeutique, et là les
deux peuvent être gagnants dans tout
ça. Et ce genre de négociation là, au départ, c'est plus difficile, c'est plus
compliqué, et tout, mais on apprend avec le temps et, au bout du compte,
on peut développer des outils beaucoup plus efficaces pour négocier les prix.
M. Paradis
(Lévis) : Je comprends. Et
le temps file, M. Gagnon. Dans l'analyse d'impact réglementaire, je vous
disais il y a deux instants : On n'a pas réussi à chiffrer les économies
potentielles. On les espère, mais il n'y a
pas de scénario établi pour tenter de démontrer l'avantage d'un modèle par
rapport à un autre. D'abord, êtes-vous étonné qu'on n'ait pas réussi à
avoir d'évaluation de ce type-là ou d'exemples chiffrés pour penser aux
économies potentielles à venir en fonction d'un modèle?
M. Gagnon (Marc-André) : Bien, en
fonction du modèle des appels d'offres... Parce qu'il faut comprendre par rapport à quel pays on se compare. Mais, comme
je disais, il y avait une belle analyse qui était publiée dans Healthcare
Policy par Michael Law, ça s'appelait Money Left on the Table, puis,
justement, qui arrivait avec des scénarios pour voir, bien, combien d'argent... combien d'économies on
refuse en ce moment en n'allant pas en appel d'offres compétitives au niveau du secteur des génériques. Donc, ces
analyses-là, puis on pense à Amir Attaran, à l'Université d'Ottawa... Il y
a des analyses qui ont déjà été faites, on a des estimations de coût qui sont
déjà là. Moi personnellement, je m'étais simplement basé sur ces estimations
qui avaient été faites par d'autres.
M. Paradis (Lévis) : Je vous pose une dernière question rapidement.
Parce qu'on a parlé de l'alliance pharmaceutique pancanadienne, et des gens sont venus dire ici que ce modèle-là faisait
en sorte qu'on puisse, si on était plus agressifs, aller chercher des économies qui, somme toute,
vaudraient probablement celles, compte tenu des risques, de la notion
d'appel d'offres. Vous en dites quoi?
M. Gagnon
(Marc-André) : Bien, en fait, c'est parce que l'alliance
pharmaceutique pancanadienne, dans le cas des génériques, c'est cette tarification régressive qui, pour moi, est...
Comme j'ai dit, le... Regardez, là, de la façon qu'on est en train de faire les ententes contractuelles à la
fois avec les brevetés puis les génériques, où est-ce qu'on a de plus en
plus des prix qui deviennent opaques et des
prix officiels complètement arbitraires... Puis là, si on fixe les marges du
grossiste ou le prix du générique en termes
du pourcentage du prix du breveté, qui est complètement arbitraire et qui ne
reflète pas le prix réel, on a un problème.
Mais, pire
que ça, c'est qu'en ce moment on a un système où est-ce que, de plus en plus...
Écoutez, si, pour un médicament, je
suis capable d'aller chercher un rabais de 70 % sur le prix officiel du
breveté, mais, au Québec, le patient, lui,
doit payer 35 % du prix officiel du médicament, bien là, on a un problème,
là. On se retrouve avec un système où est-ce que les prix réels sont complètement déconnectés du prix officiel, et
les patients, eux, se retrouvent avec une plus grande prise en charge du
prix du produit parce qu'ils ne paient pas par rapport au prix réel : ils
paient des pourcentages du prix officiel du médicament. Et ça, en termes de
transparence et même d'équité démocratique de base, on a des problèmes qui se
posent...
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup...
M. Gagnon (Marc-André) : ...avec ce
type de système là. J'avais dit auparavant...
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. M. Gagnon, je dois maintenant céder la
parole à notre collègue de Mercier pour 3 min 30 s, et
vous aurez l'occasion, peut-être, d'étayer votre réponse. Collègue de Mercier.
M. Khadir : Oui, bonjour, Pr
Gagnon, très heureux de vous recevoir par ce moyen technologique. On a eu l'occasion déjà de vous questionner, nous, à
Québec solidaire, à plusieurs reprises pour votre expertise en matière de
la structure de l'industrie du médicament et des prix des médicaments.
Ce que je
comprends, donc, de votre intervention, c'est qu'il ne faut pas fétichiser les
appels d'offres, qu'il y a d'autres techniques de négociation et, je
dirais, d'accord, d'obtenir des accords et des prix, qu'il faut introduire dans
le système. Vous avez parlé des négociations
croisées, vous avez parlé de prix de référence. Mais vous avez parlé
également de l'opportunité, éventuellement, d'avoir une firme de production
publique comme la Suède, qui contrôle à peu près 1 % du marché et qui réussit, donc, avec cette capacité de
production, en même temps d'exercer une pression favorable pour maintenir les prix
bas et aussi de pallier aux problèmes de pénurie, lorsqu'ils surviennent. Parce
que je retrouvais un de vos articles
d'il y a quelques années dans le Canadian Health Care Policy, où vous
référiez justement à la capacité de la Suède d'éviter les ruptures de
production.
Maintenant,
une de nos préoccupations, c'est de savoir si le Québec est capable de mener
des appels d'offres en grand nombre
pour que ça vaille la peine, parce que, si on le fait sur quelques molécules,
il n'y aura pas grande économie. Qu'est-ce que vous pensez de
l'expérience néo-zélandaise? Ont-ils eu des problèmes? Parce que, là, chaque
année, d'après les questions qu'on a posées
hier, comme les ententes sont pour trois ans, donc, chaque année, environ le tiers des molécules, des
vraiment produits actifs, il y en a à peu près 800, donc, c'est 250 à 300
qui sont mis en appel d'offres. Est-ce que vous pensez qu'il y a des problèmes
reliés au grand nombre?
M. Gagnon
(Marc-André) : Bien, écoutez, effectivement, il ne faut pas fétichiser
les appels d'offres. C'est un outil extrêmement intéressant et, je
dirais, extrêmement nécessaire aussi parmi d'autres outils.
Au niveau du
nombre, comme je disais, il ne faut pas commencer demain matin à dire :
Bien, O.K., on ouvre pour 200 produits.
On va commencer... La Nouvelle-Zélande, ça a été la même chose : ils ont
commencé avec l'acétaminophène, les
produits simples, et tout, lesquels on voyait clairement qu'il y avait
possibilité de jeu. Et tranquillement on se déplace vers les injectables en hôpitaux, là, où est-ce
que, O.K., là, on a une dynamique plus problématique, mais là on connaît
mieux les paramètres qu'il faut imposer pour s'assurer la sécurité de
l'approvisionnement. Et, au bout de quelques années,
oui, on peut être en mesure d'avoir un système d'appel d'offres un peu plus
généralisé pour l'ensemble des produits. Peut-être que, pour certains produits et certaines exceptions, ce
système d'appel d'offres là, on va réaliser : Non, ce n'est pas le meilleur outil pour ce genre de produit là.
Utilisons autre chose. Mais c'est clair que c'est un des outils qu'il faut se
donner.
M. Khadir : Puis une société
publique de production pharmaceutique comme la Suède, quels avantages ça
représenterait... ou quels risques que ça présenterait et quels avantages ça
représenterait?
• (13 heures) •
M. Gagnon
(Marc-André) : Bien, au niveau des risques, vraiment, c'est l'idée de
se construire une expertise au niveau public pour pouvoir mieux naviguer
un système qui est extrêmement opaque en ce moment et, je dirais, un système dans lequel on a des pratiques de plus en
plus prédatrices de la part de certains acteurs. Donc, à ce niveau-là,
le cas de la Suède... Il faut comprendre, la
Suède, là, c'est un cas un peu spécial, les chaînes de pharmacies étaient
entièrement publiques jusqu'en 2009, là, ça a été privatisé. Et cette pharmacie
magistrale, qui était la pharmacie magistrale pour le réseau public de pharmacies, est devenue indépendante, mais toujours
publique, possédée par l'État. Et là ça s'est mis à... toujours la
pharmacie magistrale, mais aussi on a des problèmes de rupture de stock...
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
M. Gagnon
(Marc-André) : ...et on est
en mesure de produire à ce moment-là, et selon les modalités qu'on s'est
données, pour mieux prévenir ces ruptures de stock.
Le Président (M. Tanguay) : Merci,
M. Gagnon.
M. Gagnon (Marc-André) : Mais, bon,
ça fait partie d'un système plus complet.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, M. Gagnon, pour votre participation à nos travaux et votre éclairage.
Alors, portez-vous bien.
Et, chers collègues, compte tenu de l'heure, je
suspends les travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
(Reprise à 15 h 10)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
vos téléphones cellulaires.
Nous allons
donc poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 81, Loi visant
à réduire le coût de certains médicaments couverts par le régime général
d'assurance médicaments en permettant le recours à une procédure d'appel
d'offres.
Je souhaite la bienvenue aux représentants de
Médicaments novateurs Canada. Bienvenue à votre Assemblée nationale.
Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Pour les fins d'enregistrement, s'il vous plaît, bien prendre soin de vous nommer, préciser vos fonctions. Et, sans
plus tarder, la parole est à vous.
Médicaments novateurs
Canada
M. Lirette (Paul) : Avec plaisir.
Bonjour. M. le Président, M. le ministre de la Santé et Services sociaux, Mmes et MM. membres de la commission, mon nom est
Paul Lirette. Je suis P.D.G. pour GSK Canada. Mais aussi j'ai d'autres fonctions, je
suis également président du comité Québec de l'association Médicaments
novateurs au Canada. Je suis
accompagné de collègues : Frédéric Alberro, ici, à ma droite, directeur,
Québec, de Médicaments novateurs; à ma gauche,
Yves Lacoursière, directeur Affaires externes chez Sanofi Canada et
vice-président du comité Québec, Médicaments novateurs, et, en dernier, non le moindre, mon collègue Donald Allard,
directeur Politiques publiques, Affaires du Québec pour BMS,
Bristol-Myers Squibb.
Tout d'abord,
au nom de mes collègues, je veux sincèrement vous remercier pour nous avoir
invités à participer à cette consultation, ici.
Les membres
de notre association, Médicaments novateurs Canada, sont en fait au coeur de
l'écosystème québécois des sciences de la vie. En fait, on représente
tout près de 56 000 emplois secteur sciences de la vie au Québec.
Notre association représente l'industrie pharmaceutique qui recherche et
développe les médicaments de l'avenir.
D'emblée, nous croyons important de souligner
que nous supportons l'objectif du ministre de la Santé et des Services sociaux, soit d'assurer la pérennité du
régime d'assurance médicaments du Québec. Selon nous, plus on aura un
système durable, plus les Québécois pourront avoir un meilleur accès aux
médicaments. On considère qu'il est tout à fait
légitime que le gouvernement du Québec étudie la faisabilité du système d'appel
d'offres pour l'acquisition de certains médicaments. Toutefois, il existe des risques qu'il faut mitiger. Nous
avons donc des propositions concrètes à cet égard à vous faire, et ça,
dans le but de bonifier le projet de loi.
Mais, avant
d'expliquer plus en détail nos propositions en termes de bonification, je veux
maintenant céder la parole à mon
collègue M. Alberro, qui va vous parler un peu plus de la perspective du
contexte entourant l'étude du projet de loi.
M. Alberro
(Frédéric) : M. le Président, de s'attarder sur des mécanismes pour
rendre le budget du médicament plus
durable est tout à fait souhaitable, tout comme de revoir l'organisation du
réseau de la santé qui fait face à de nombreux défis, que ce soit le
vieillissement de la population ou des impératifs budgétaires, et nul doute que
le gouvernement s'y attarde actuellement.
Maintenant,
en ce qui a trait au système d'assurance médicaments du Québec, plusieurs
importantes décisions ont été prises au cours des récentes années. En
fait, on constate que le budget du régime d'assurance médicaments est maintenant stabilisé depuis quelques années avec
une croissance presque nulle. Et, si on regarde seulement les
médicaments novateurs, on constate qu'au
cours des trois dernières années les montants remboursés par la RAMQ ont
diminué de 12 %. En fait, la proportion des dépenses liées aux
médicaments novateurs, dans les dépenses totales de la santé, a diminué pour
atteindre un niveau d'environ 6 %. Ces décisions qui ont engendré ces
résultats, et certaines d'entre elles sont énumérées dans l'analyse d'impact
réglementaire, rapidement : l'abolition de la règle des 15 ans, le
gel des prix des médicaments novateurs,
l'imposition d'un prix maximal payable pour certains médicaments novateurs, le
resserrement de la règle «ne pas substituer»
et la diminution, depuis les années 2000, du pourcentage de nouveaux
médicaments novateurs remboursés par le Québec.
Devant ces
nombreuses mesures gouvernementales, notre association a maintenu un dialogue
constructif avec le gouvernement,
d'une part pour trouver d'autres solutions qui permettraient au gouvernement de
rencontrer ses impératifs budgétaires, tout en s'assurant que les
Québécois puissent obtenir les meilleurs traitements disponibles, et aussi pour
soutenir le développement économique du
Québec. Nous avons supporté le gouvernement au printemps dernier pour la
mise en place d'un processus de négociation d'entente d'inscription des
médicaments, qui est maintenant disponible et qui apportera des économies additionnelles au gouvernement. Et l'adhésion
récente du gouvernement du Québec à l'Alliance pancanadienne
pharmaceutique lui permettra de profiter d'une plateforme plus large pour les
négociations d'entente d'inscription et de profiter de d'autres économies. On
ne peut pas dire que le statu quo a été l'approche préconisée.
Le modèle québécois en matière d'assurance
médicaments est salué par plusieurs intervenants ici, dans les autres provinces
et ailleurs dans le monde, notamment pour son caractère universel, un système
universel mixte, et notamment aussi pour
l'expertise de l'Institut national d'excellence en santé et en services
sociaux. Maintenant, cela ne soustrait
aucunement le Québec à continuer à parfaire son modèle, et notre mémoire
propose certaines recommandations en ce sens.
Maintenant,
en ce qui a trait au projet de loi, tel que M. Lirette l'a mentionné, nous
avons des propositions concrètes pour le bonifier, que mon collègue M.
Lacoursière vous exposera.
M.
Lacoursière (Yves) : Alors, M. le Président, notre première
bonification concerne une précision quant à la portée des appels d'offres entre médicaments, et la deuxième traitera du
transfert du médicament novateur à la liste d'exception.
Le ministre
de la Santé a mentionné dans son communiqué de presse du 24 novembre
dernier qu'il appliquerait les appels
d'offres pour déterminer quelle version d'un même médicament serait remboursée.
Donc, selon notre compréhension, il
ne vise pas des appels d'offres entre produits novateurs d'une même classe.
Cela est également précisé dans l'analyse d'impact réglementaire du gouvernement, et le ministre de la Santé a
réitéré cette vision et intention lors des consultations du projet de
loi, notamment cette semaine.
Nous trouvons cela rassurant pour les patients,
pour les professionnels de la santé et, sans aucun doute, pour notre secteur. Mais, par souci de précaution, nous
invitons le ministre et les parlementaires à apporter cette précision
dans le projet de loi indiquant que les
médicaments novateurs et les produits biologiques ultérieurs en sont exclus et
que seuls les produits génériques sont visés par ce projet. Un
amendement en ce sens est proposé dans notre mémoire. Sans cet amendement, on laisse planer un risque que des
appels d'offres inappropriés puissent être effectués par divers gouvernements
dans le futur.
Pour
le bénéfice de l'ensemble des parlementaires et de l'auditoire, j'aimerais
rappeler que de procéder à des appels d'offres entre des médicaments
novateurs d'une même classe peut engendrer des impacts sur le plan clinique. La
substitution des médicaments novateurs versus un autre
médicament novateur ne devrait en aucun cas être dictée, selon nous, par des mesures administratives,
réglementaires ou législatives. C'est pourquoi nous invitons à prévoir
un amendement en ce sens, qui servirait de rempart contre toute dérive future.
Notre
deuxième proposition porte sur le transfert du médicament novateur à la liste
d'exception prévue dans le projet de loi. Nous considérons que cette
disposition n'est pas nécessaire pour les raisons suivantes :
premièrement, il n'est pas nécessaire considérant
la règle du prix le plus bas existant au Québec, et ce, depuis fort longtemps.
En vertu des règles actuelles, si le patient n'accepte pas de payer la
différence entre le prix du médicament novateur et le prix du médicament générique, le pharmacien a
l'opportunité de lui distribuer la version générique correspondante en
informant adéquatement le patient.
Deuxièmement, nous croyons que cela pourrait engendrer une lourdeur
administrative additionnelle pour le
médecin, qui devra remplir un formulaire lui demandant du temps supplémentaire,
et pour la RAMQ, qui devra traiter un
volume potentiellement plus important de demandes de médicaments d'exception.
Et, troisièmement, cela pourrait
avoir comme effet de compliquer l'approvisionnement du médicament novateur en
cas de rupture de stock du médicament générique, compte tenu qu'on s'en
va vers le médicament d'exception. En bout de ligne, ce sont les patients qui
risquent d'être pénalisés.
Maintenant,
concernant les appels d'offres effectués entre médicaments génériques, le
ministère, dans son analyse, a identifié
certains risques, dont les possibilités de rupture d'approvisionnement, un
processus qui pourrait ne pas nécessairement donner des résultats
intéressants, et la réduction de la concurrence, amenant une pression à la hausse sur les prix. Nous invitons
les parlementaires à identifier des dispositions permettant de mitiger
ces risques, surtout à les enchâsser dans le projet de loi.
Maintenant, je passe
la parole à M. Lirette pour le mot de la fin.
• (15 h 20) •
M. Lirette
(Paul) : En somme, M. le Président, notre association supporte les
initiatives qui permettront de dégager des économies dans le budget du
médicament et n'ayant pas d'impact négatif sur les patients. Ces marges de manoeuvre vont permettre de rendre les innovations
disponibles plus rapidement aux patients. Pour l'approche des appels d'offres entre génériques, on doit s'assurer de
prévoir des mesures pour protéger un approvisionnement stable et
sécuritaire.
Finalement,
nous avons une initiative ambitieuse à vous soumettre, une mesure qui vise à
permettre aux patients d'avoir accès
plus rapide aux médicaments novateurs, d'y avoir accès dès que Santé Canada
émet des avis de conformité. On doit faire en sorte que la
recommandation de l'INESSS de rembourser ou non un médicament soit rendue dès l'obtention d'un avis de conformité de Santé
Canada. Cela aura pour effet de donner aux patients québécois un accès
plus rapide aux médicaments novateurs, d'améliorer les résultats
cliniques, de permettre au Québec de se différencier du reste du Canada et
d'attirer des investissements en recherche clinique. Merci de votre attention.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, pour une période de
20 min 30 s, je cède la parole au ministre de la Santé et des
Services sociaux.
M. Barrette :
20 minutes?
Le Président (M.
Tanguay) : 30 secondes.
M. Barrette :
30 secondes.
Le Président (M.
Tanguay) : 20 min 30 s.
M. Barrette :
20 min 30 s pour...
Le Président (M.
Tanguay) : Oui.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, M. Lirette, M. Lacoursière, M. Alberro,
M. Allard, bienvenue à cette commission parlementaire, à ces audiences...
ces consultations publiques. Je dois vous avouer que j'ai été surpris de vous
voir vous présenter, parce que, comme vous l'avez bien mentionné, le projet de
loi vise d'abord et avant tout les génériques,
là. Bien, je dois conclure que, dans votre lecture, vous n'êtes pas contre le
principe des appels d'offres.
M. Lacoursière
(Yves) : Bien, écoutez, M. le ministre, lorsqu'on...
M. Barrette :
À certaines conditions, j'entends, là, évidemment, là.
M.
Lacoursière (Yves) : Oui. Lorsqu'on adresse les appels d'offres pour
une classe de médicaments qui est du même dénominateur commun, même
teneur, je pense qu'à ce moment-là, si on parle du générique, on ne parle pas
de molécules différentes, innovatrices, qui sont
uniques. Est-ce qu'il y a une marge de manoeuvre à être faite de ce
côté-là? C'est effectivement un endroit où il y a beaucoup moins de risque.
Alors, pour nous, on pense que, s'il y a des appels d'offres à se faire, vous devriez effectivement viser beaucoup plus le
générique, à cause de cette particularité que ce sont des médicaments
qui sont identiques, en autant que les mesures sont prises pour mitiger les
risques qu'on a mentionnés puis que
l'analyse réglementaire du ministère le mentionnait. Il faut s'assurer qu'en
bout de ligne on mitige les risques potentiels avec les fournisseurs, avec l'ensemble
de la chaîne d'approvisionnement pour s'assurer qu'en bout de ligne
celui ou celle qui va recevoir le médicament
n'ait pas de mauvaise surprise, donc pour que le patient ait accès à ses
médicaments.
Alors, je
pense que, pour nous, notre vision, c'est un peu ça. Si vous me parlez pour le
médicament novateur, ce sont des molécules différentes, et nous croyons
que les appels d'offres ne s'appliquent pas au médicament novateur.
M.
Barrette : Ce matin, il y a eu un intervenant, puis il y en a eu
quelques autres, mais il y en a eu au moins un ce matin qui a fait un certain nombre de
commentaires, mais j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Un premier commentaire
qui a été fait, qui m'a un peu surpris... je
le savais, là, je connaissais la teneur de la chose, mais, de la manière que ça
a été affirmé, là, c'était tellement
catégorique que ça, c'est ce côté-là, un peu, qui m'a surpris. Cette
personne-là a affirmé d'une façon catégorique qu'ailleurs, dans les
autres pays, puis là je comprends qu'on est en dehors du projet de loi
n° 81 en soi, là, parce qu'on parle
surtout de générique, mais on a... Cet expert-là a affirmé avec énergie
qu'ailleurs, chez vous, les fabricants, les novateurs, la négociation
donnait de bien meilleurs résultats qu'au Québec, qu'au Canada en général, donc qu'au Québec inclusivement. Donc, même là, on
payait, là aussi, trop cher par rapport à d'autres pays. Est-ce que vous
avez une lecture qui concorde avec ça?
M. Alberro
(Frédéric) : Oui. Je pense
que vous faites référence, probablement, à la présentation de Pr Gagnon.
M. Barrette : Oui, en effet.
M. Alberro
(Frédéric) : Il est fort
intéressant, d'ailleurs. Il y a des éléments qu'on aimerait compléter. M.
Gagnon, par ailleurs, a confirmé effectivement que ce sont les
études du conseil d'examen du prix du médicament, là, un organisme fédéral, qui confirmaient que le prix des
génériques était supérieur au Canada que la moyenne des autres pays. Il a aussi mentionné le fait qu'il fallait faire attention dans les comparatifs,
là. Lorsqu'on parle des prix des médicaments, des fois, on compare des médicaments à la sortie, là, ce qui
comprend le prix du grossiste puis les honoraires, et tout ça. Mais, si
on prend le prix du médicament soumis par
les manufacturiers, je vais prendre la même source que M. Gagnon a prise,
qui est celle du conseil d'examen du prix du médicament, et l'étude
du CEPMB confirme que, depuis 1994, le prix moyen, au Canada,
du médicament novateur est inférieur à la moyenne des pays étudiés. Il est
inférieur de 31 %. Alors, ça,
c'est la situation factuelle au niveau des prix des médicaments au
Canada.
M. Lirette (Paul) : Je pense que son
étude, c'était jusqu'en 2012.
M. Alberro
(Frédéric) : Oui. Bien, merci, Paul. Effectivement, il y a une chose
intéressante aussi à soulever, c'est que
l'étude de M. Gagnon parlait de la hausse, hein, des médicaments par habitant
au Québec, Canada et ailleurs dans le monde, une étude qui est de 2000 à
2012. Or, depuis 2012, comme je l'ai mentionné dans mon intervention, il y a
beaucoup de mesures qui ont été prises depuis, hein? Ça a été vraiment de façon
effrénée, disons, là, j'en ai nommé quelques-unes, beaucoup de mesures qui ont
changé le portrait.
M.
Barrette : Oui. Mais là on s'adresse à la croissance du coût des médicaments, là, évidemment,
cette étude-là, laquelle il faisait
référence... pas à laquelle il faisait référence, les chiffres qu'il a montrés montraient
une croissance qui était beaucoup plus grande au Canada et au Québec
qu'ailleurs dans le monde, et ça, on comprend. Bon, vous avez raison, depuis 2012, il y a des choses qui ont
changé, ça, je suis d'accord avec vous. Il faudrait voir les derniers chiffres pour voir à quel point on
a réussi à contrôler cette croissance-là. Oui, on l'a, on voit dans nos
chiffres à nous qu'on a réussi à contrôler
la croissance. On a tous compris aussi, de son propos, que lui s'adressait au
coût global et que ce n'était pas juste une question d'achat, là, il y a la question de l'utilisation, la
pertinence, et ainsi de suite, là, qu'il n'a pas abordée faute de temps, évidemment, qui sont des avenues tout à
fait intéressantes à regarder pour contrôler la croissance des coûts,
mais on n'a pas eu le temps de regarder ça.
Mais il a abordé un autre élément aussi, qui est
un petit peu plus difficile, puis là j'aimerais ça que vous nous donniez votre
opinion. Bon. Il n'a pas été un grand fan, quoiqu'il ait dit que c'était, grosso
modo, un moindre mal, de prendre la voie du
tarif régressif ou dégressif. Bon. Et, quand il faisait ses commentaires, il
faisait des commentaires se basant
sur le fait que le prix du novateur était... — ce n'est pas ses mots, là, alors je vais exprimer
plus une interprétation qu'une citation — que c'étaient des prix
qui étaient, disons, pour le moins... dont la valeur était très discutable. Il
a quasiment dit que c'étaient des prix
essentiellement gonflés, qu'il ne fallait pas se fier là-dessus. Il a peut-être
un peu raison, parce que, quand on
arrive à faire des négociations avec les entreprises que vous représentez
aujourd'hui, c'est sûr qu'on arrive à
faire des négociations qui nous permettent de générer des montants qui sont
parfois significativement inférieurs aux prix affichés. Alors donc, il a
un peu raison là-dessus, ne trouvez-vous pas?
M. Alberro
(Frédéric) : Écoutez,
deux choses là-dessus. La première, effectivement, hein, dans les
différents mécanismes de contrôle du prix du
médicament à travers le monde, il y a différents outils, le Canada
en a plusieurs, le CEPMB,
l'INESSS, les politiques de prix. Et,
à la question des ententes d'inscription, plusieurs juridictions, à travers
le monde, sont allées de cette
initiative-là. Et le Commissaire à la santé a recommandé de mettre ce
processus-là au Québec. Il y a
également CIRANO qui a recommandé ça. Il y a plusieurs groupes qui ont
recommandé de mettre ça en place, et ça l'est actuellement. Dans le
reste du Canada, ça a commencé avant le Québec.
Notre
position a toujours été la suivante : lorsque nos entreprises soumettent
un prix, il y a une valeur, il y a... Et on souhaite que ce prix-là soit
analysé par l'institut national d'excellence en services sociaux, que le
médicament soit inscrit selon le prix que l'on soumet,
ça, c'est notre position initiale. Mais, considérant les impératifs budgétaires
qu'il y avait au Québec puis considérant
que, dans le reste du Canada, il y a une mouvance vers des ententes
d'inscription, nous avons appuyé le projet
de loi pour dire : Écoutez, c'est une alternative intéressante qui permet
aux patients d'avoir accès aux
médicaments plus rapidement puis en même temps, aussi, il y a... ça soulage, je
dirais, le budget du médicament.
Maintenant, deuxième point, le Québec, ayant
décidé d'être membre de l'APP, est maintenant autour de la table. Donc, les différentes provinces ont accès à
l'ensemble des ententes qui sont signées, donc ont accès aux données, hein, finalement, générales qui leur permettent de
prendre décision, autant pour le produit novateur que pour le produit
générique, puisqu'ils ont accès finalement à l'ensemble des données.
M.
Barrette : Je suis d'accord avec vous, vous avez tout à fait raison
dans ce que vous dites. Mais moi, je reste
quand même accroché au fait qu'ailleurs, en tout cas c'est difficile de le
vérifier, parce qu'évidemment il y a plein d'ententes là-dedans qui ne sont pas publiques, qu'ailleurs, même dans
la partie qui est visible, on arrive, semble-t-il... — vous, vous dites le contraire, puis
je ne conteste pas ce que vous dites, là, je n'ai pas les chiffres devant
moi — qu'ailleurs
on arriverait à avoir des prix inférieurs, mais, vous, votre position, c'est
l'inverse, on est meilleurs au plus bas ici qu'ailleurs, c'est ça?
M. Alberro (Frédéric) : Écoutez, on
prend les données factuelles, c'est-à-dire, lorsqu'on prend les données du CEPMB, qui vraiment fait un comparatif des
prix... On prend cette donnée-là. Ensuite, on prend en considération que
le Canada maintenant s'est doté de mécanisme
que les autres pays ont aussi, qui est celui des ententes d'inscription.
Donc, nous prenons pour acquis qu'effectivement les prix sont compétitifs au
Canada et au Québec comparativement à ce qui se fait à l'international.
• (15 h 30) •
M.
Barrette : Quand on regarde ce qui se passe sur le marché... non,
mauvais terme, dans l'espace public et qu'on constate que les
compagnies, les fabricants de médicaments novateurs, donc les gens que vous représentez,
viennent constamment sur le marché offrir le novateur malgré qu'il y a un
générique, ça, c'est toujours étonnant, ça veut dire que vous y trouvez votre compte, vous, là, à continuer à produire ce
médicament-là, des fois, potentiellement, à un prix compétitif avec le
générique.
M. Lirette (Paul) : Je peux prendre
celle-là. En fait, c'est une bonne question puis c'est une réponse qui est
difficile, parce que je vous dirais peut-être que 60 %, 70 % des
compagnies ne le font pas puis une autre partie le font. Alors, moi, je suis ici pour représenter une association dans laquelle il n'y a pas de consensus par
rapport à ça, M. le ministre,
donc difficile à répondre.
M. Allard
(Donald) : Si je peux me
permettre aussi de rajouter, c'est qu'à travers le monde les brevets
n'arrivent pas nécessairement tous à échéance en même temps, ce qui permet à
des manufacturiers comme nous de continuer à produire
les médicaments et de les garder en marché pendant une certaine période de
temps. Même si le brevet doit être terminé,
par exemple, au Canada, aux États-Unis il peut continuer à pouvoir le vendre
continuellement. Donc, pour la population, on va garder le médicament toujours
disponible.
M.
Barrette : Je comprends, mais il n'en reste pas moins que vous... Moi,
je ne connais pas de compagnie qui met quelque chose sur le marché à
perte, là.
M. Lirette
(Paul) : Mais, écoutez, moi, je n'ai pas accès au «profit and loss»
des autres compagnies, ça fait que, pour
moi, c'est très difficile d'expliquer leurs décisions par rapport à ça, M. le
ministre. Ça fait que je pense que je vous suggérerais plutôt de rentrer
en communication avec eux. Mais, pour moi aujourd'hui, en tant que «chairman»,
c'est difficile de vous donner une position par rapport à ça parce qu'on n'a
pas une unanimité par rapport à l'approche.
M.
Barrette : Là, je parle de façon complètement théorique, évidemment,
là, mais, dans un appel d'offres d'un certain type ou d'une classe de
médicaments, entreriez-vous dans la danse?
M. Lirette
(Paul) : Votre question... juste essayer de la comprendre... Est-ce
qu'une compagnie qui est focussée sur les médicaments innovateurs ferait
une soumission pour des produits génériques? C'est ça, votre question?
M. Barrette : Oui. Avec un produit
qui est hors brevet.
M. Lirette
(Paul) : Alors, j'ai travaillé quatre ans en Australie, j'ai travaillé
quatre ans en Europe, c'est une pratique que j'ai vue sur une base
régulière. La compagnie X, qui est focussée sur un médicament novateur surtout,
qui ont décidé de faire partie des offres
d'achat pour les produits génériques, donc, oui, j'ai vu ça dans le passé.
Qu'est-ce que les compagnies au Canada vont vouloir faire? Je ne le sais
pas, mais c'est quelque chose que j'ai vu.
M.
Barrette : Et donc il y a des compagnies que vous avez vu participer
et qui ont probablement, peut-être, même gagné des appels d'offres?
M. Lirette (Paul) : Oui.
M.
Barrette : Donc, ça se fait et il y a potentiellement, là aussi, la
possibilité d'aller chercher des économies?
M. Lirette (Paul) : Pour vous, hein,
bien sûr?
M. Alberro (Frédéric) : Dans la
mesure que ça se fait toujours dans...
M. Barrette : Oui, oui.
M. Alberro (Frédéric) : ...entre
médicaments génériques de même dénomination commune là.
M.
Barrette : Moi, je maintiens qu'un appel d'offres, ça peut être
construit d'une façon sécuritaire pour le public, qu'il soit à l'avantage, au sens fondamental du
terme, de toutes les parties et incluant le patient là-dedans. Je pense
que ça se construit, un appel d'offres. Mais
donc vous me confirmez, là, que ça s'est déjà fait et que ça... Le pas plus
loin étant, vous n'avez pas vu...
Parce que je comprends de votre réponse, M. Lirette, que vous l'avez vu
ailleurs, vous avez une expérience internationale.
Puis la question qui suit, c'est : Vous n'avez pas vu de perturbations
significatives de l'approvisionnement, de la qualité du produit, et
ainsi de suite, dans ces pays-là, là?
M. Lirette
(Paul) : Bien là, écoutez, je suis un peu limité dans le temps. Je
pourrais vous parler de l'Australie...
M. Barrette : Ah! il nous reste sept
minutes, M. Lirette.
M. Lirette (Paul) : ...de
l'Australie, Nouvelle-Zélande de long en large, mais je vous dirais qu'il y a
des prudences, puis je pense qu'il y a
quelqu'un qui est venu de la Nouvelle-Zélande vous donner des
apprentissages : il faut le faire
bien, il faut faire attention, parce que, si on y va en grande pompe sur tous
les médicaments en même temps puis si ce n'est pas bien planifié, on se ramasse avec des ruptures, puis ça, je
vous le dis, c'est inquiétant pour les patients. Donc, ça fait partie de
notre mémoire, on vous donne des recommandations par rapport à ça. Je pense
qu'il y a l'approche de marcher avant de courir par rapport à... le tout.
M. Alberro
(Frédéric) : Et, si vous me permettez, dans cette évolution et
apprentissage là, qui va être évolutif dans le temps, c'est la raison pour laquelle on recommande aux parlementaires
aussi, puis je tiens à répéter ce message-là, de mettre un amendement pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'appel d'offres
entre médicaments novateurs d'une même classe de médicaments. Comme vous l'avez mentionné verbalement dans le communiqué
de presse, il faut juste s'assurer que, dans le temps, là, lorsque le Québec va évoluer dans les appels d'offres, on
n'arrive pas avec un gouvernement qui finalement fait ce type d'appel d'offres. Donc, on aimerait ça que
les parlementaires puissent sécuriser les patients, les professionnels
de la santé et notre industrie et mettre l'amendement qu'on a précisé dans
notre mémoire.
M. Allard (Donald) : Et, si je peux
me permettre de revenir sur le point de mon collègue M. Lacoursière,
précédemment, pourquoi on fait aussi la proposition de ne pas mettre le
médicament novateur à «médicaments d'exception»?
Parce qu'il faut comprendre que nous, on peut avoir vendu pour cinq à sept ans
un médicament, donc on a beaucoup de patients qui sont sur ce médicament-là. On a
une responsabilité, nous, de nous assurer que les patients
vont toujours avoir accès à leurs thérapies, il
y a des thérapies chroniques. Les
génériques, quand ils vont arriver, en
général il va y en avoir un ou deux qui
peuvent arriver. Et nous, je peux vous le dire, notre compagnie, on l'a vécu
dans les dernières années, lorsque
le premier générique est arrivé, il a été en rupture de stock pendant les
18 premiers mois qu'il est arrivé sur le marché. Donc, par chance, on avait continué à manufacturer le produit
et on a continué à le vendre. Quand le deuxième générique est arrivé, lui également est tombé en rupture de stock six mois après. Pourquoi?
On ne le sait pas. Mais nous, on continuait parce que, dans tous les
pays d'Asie et aux États-Unis, on continuait à vendre le médicament à toute la population,
parce qu'on était toujours couverts par le brevet.
Donc, c'est pour ça que l'amendement qu'on
demande dans le projet de loi, de ne pas mettre le médicament novateur en médicament d'exception, aurait fait, par exemple ici, au Québec, que tous les médecins qui traitaient ces patients-là avec le médicament en
question auraient dû remplir des formulaires de médicament d'exception, parce
que les patients étaient déjà traités par ce médicament-là.
M.
Barrette : Bien, je
comprends très bien ce que vous me dites. Bon. D'abord,
sur la base du fait que certains médicaments peuvent avoir certaines
indications, et ainsi de suite, là, je comprends bien, là, ce que vous me
dites. Mais en même temps, dans... A
contrario, là, si vous me permettez, quand le générique arrive, il arrive au
moment où le brevet s'éteint. Bon. Et là vous, là, quand arrive la fin
du brevet, vous avez — et
c'est un peu le sens de ma question — le choix de continuer à le produire et le
vendre, de compétitionner les génériques, là, à toutes fins utiles, là, vous avez cette possibilité-là. Alors, n'est-ce
pas là la réponse à l'argument ou à la problématique que vous soulevez?
Si vous étiez un joueur... Puis ça, j'ai
toujours de la difficulté à comprendre ça, là, honnêtement. Vous l'avez
produit, là. Techniquement, vous êtes rendus à la fin du brevet, vous êtes
rentables. Vous avez couvert vos coûts de recherche
et développement, vous avez «streamliné» vos chaînes de production, là, vous
êtes rendus... Vous, là, théoriquement, là, vous êtes rendus, là... Quand on est rendu à la fin du brevet, vous
êtes à la vitesse grand V, vitesse de croisière sur la production, le coût d'un médicament, et vous
choisissez de ne pas être dedans. Pourquoi vous n'êtes pas dedans d'une
façon plus, disons, intense?
M. Lirette
(Paul) : M. le ministre...
M.
Barrette : Parce que — je m'excuse de vous interrompre, M.
Lirette — il me
semble que, pour vous, ça devrait
être rentable, peut-être pas à la même hauteur que durant le brevet — puis là je ne veux pas embarquer là-dedans,
là, ça, c'est une autre affaire — mais il me semble que vous êtes
potentiellement rentables quand même et que vous êtes dans une situation
compétitive hyperavantageuse.
M.
Lacoursière (Yves) : Bien, il y a
un élément qu'il faut tenir compte, c'est qu'également, lorsque
notre brevet se termine au Canada...
M. Barrette : Le? Le brevet.
Excusez-moi.
M.
Lacoursière (Yves) : ... — le
brevet, pardon — le brevet court toujours ailleurs, et le
Canada est, je ne dirais pas en
compétition, mais il y a des pays qui surveillent
ce qui se passe au Canada, et puis,
si une compagnie décide de maintenir
son médicament au Canada — au prix qui est là, c'est parce qu'à un moment donné c'est que
l'effet de comparaison avec d'autres
pays peut amener une pression dans
d'autres pays. Une compagnie peut faire une décision qui lui appartient en disant : Oui, je vais entrer dans un appel d'offres et le diminuer, mais ça, ça se fait en fonction vraiment de son portfolio puis de la situation
internationale.
M. Barrette : Oui, mais il y a une
question aussi de circulation du médicament. Si on était sur une autre planète puis qu'il n'y avait pas de moyen de
communication avec les autres pays, ça vous dérangerait moins. Parce que
c'est sûr que, Canada—États-Unis, la frontière est transgressable, là,
légalement, facilement. Mais c'est un peu plus ce genre de
choses là, là.
M. Allard
(Donald) : C'est un peu ce
que M. Lirette disait aussi précédemment. Ça dépend beaucoup
du modèle d'affaires de chacune des compagnies, parce que, par exemple,
si je prends un médicament donné qu'on aurait lancé en 2005, à cette époque-là on avait peut-être un focus plus en
cardiovasculaire. Maintenant, peut-être qu'on est plus en oncologie, qui va faire
qu'on a délaissé progressivement le marché du cardiovasculaire. Donc, ce
médicament-là qu'aujourd'hui il y a sept ou huit molécules génériques qui sont sur le
marché, bien, finalement, c'est là qu'on va avoir pris... il
n'y a plus de protection nulle part
dans le monde, donc là la compagnie prend globalement la décision
d'arrêter la production, tout simplement.
M. Barrette : Êtes-vous, vous,
distribués par les mêmes distributeurs qui distribuent les génériques?
• (15 h 40) •
M. Allard (Donald) : Bien, en fait, on utilise, oui, majoritairement
les compagnies... Puis ça, c'est un modèle... Il faut prendre en note
que les modèles pharmaceutiques ou du médicament évoluent avec le temps, et d'ailleurs
c'était dans l'introduction. Ce qu'on disait,
c'est que le modèle du Québec est un modèle qui est quand même
assez unique, qui est particulier, qui a aussi évolué et qui va
continuer à évoluer, comme notre modèle d'affaires à nous aussi a évolué. Et c'est pour ça qu'auparavant, je vous dirais il y a
15, 20 ans, on distribuait direct presque tous nos médicaments, parce
qu'on en avait souvent, dans les compagnies, beaucoup. Aujourd'hui, on utilise
les mêmes systèmes de distribution que les médicaments génériques.
M. Barrette : Et, pour avoir accès à
l'entrepôt d'un distributeur, là, vous avez quels genres de frais à payer?
M. Allard
(Donald) : En fait, nous, ce
qui est important quand on sélectionne les distributeurs, on va
sélectionner les distributeurs sur la qualité du service qui va être donné au
client...
M.
Barrette : Mais, pour avoir
accès à ce distributeur-là, là, contractuellement, là, vous avez un frais à
l'entrée?
M. Allard
(Donald) : En fait, les
frais qu'on a, on a des ententes avec eux qu'on va faire sur des points de vue administratifs, service à la clientèle. Par exemple, si, dans votre
compagnie, les commandes peuvent se faire dans votre propre compagnie, donc là, à ce moment-là, vous
n'avez pas à payer des frais de commande, parce que le distributeur ne
les prend pas.
M. Barrette : Donc, il y a un
échange commercial entre le distributeur puis vous pour distribuer?
M. Allard (Donald) : Oui.
M. Barrette : Bon. Donc, il y a un
gain pour quelqu'un?
M. Allard
(Donald) : Pour beaucoup de compagnies, il y a un gain, parce que, par
exemple, le service à la clientèle peut être fait par le distributeur.
M.
Barrette : Donc, il y a une mécanique de coût pour entrer... C'est un
échange de services, mais il y a une...
M. Allard
(Donald) : C'est un échange de services.
M. Barrette : ...mécanique de coût
pour entrer chez le distributeur.
M. Allard (Donald) : C'est ça. Mais,
pour le prix du médicament en tant que tel, c'est vous qui les fixez.
M. Barrette : Je comprends, mais il
y a une mécanique d'entrée.
M. Allard (Donald) : Oui.
M. Barrette : C'est parfait. Merci.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, je me tourne vers notre collègue de Rosemont pour
12 minutes.
M. Lisée :
Merci, M. le Président. M. Lirette, M. Alberro, M. Lacoursière, M. Allard,
votre position est assez claire. Je
la comprends très bien. Alors, je vais vous poser des questions un petit peu à
l'extérieur de vos recommandations, puisque
le ministre nous a indiqué qu'il avait déposé un projet de loi assez pointu
mais que ça permettait de discuter plus largement de l'industrie du
médicament, et, comme je vous ai devant nous, et le débat du prix du médicament
est évidemment très important, et on est
tous frappés par les variations d'un pays à l'autre, d'une région à l'autre, y
compris pour les produits novateurs, je vais
vous poser une question d'information. Je suis allé sur votre site, j'ai essayé
de trouver cette information, je ne
la trouve pas. Je comprends que le chiffre d'affaires des compagnies novatrices
au Canada est à peu près de 3 milliards de dollars par année.
Est-ce exact?
M. Alberro
(Frédéric) : Oh! je ne pourrais pas... Je suis désolé, M. Lisée, je ne
pourrais pas vous la confirmer, cette
donnée-là. Mais, écoutez, si c'est la donnée que vous avez trouvée sur notre
site, allons-y avec ça. Il y a certainement un chiffre d'affaires, c'est
clair.
M. Lisée : Il y a un chiffre
d'affaires.
M. Alberro (Frédéric) : Quelle est
la hauteur? Écoutez, il y a...
M. Lisée :
Est-ce que vous avez... vous pouvez nous éclairer sur l'évolution de la marge
de profit de l'industrie canadienne pharmaceutique ces dernières années?
M. Alberro
(Frédéric) : Comme association, vous comprendrez que, ce genre de
discussion là, avec l'ensemble de nos membres, on ne peut pas avoir ce
type de discussion là.
M. Lisée :
Je ne vous demande pas compagnie par compagnie, là. Vous n'avez pas une
évaluation? Est-ce que vos marges sont en croissance, en décroissance?
M. Alberro (Frédéric) : Ce que je
peux vous dire, c'est que l'ensemble de l'industrie a traversé au cours des dernières années un bouleversement énorme par
rapport à des enjeux qui sont majeurs, tels que le fait que les dépenses
en R&D... toute l'étape de la R&D,
qui peut durer 10 ans, 12 ans, a vraiment augmenté. Le temps que ça
prend pour faire une découverte a
également augmenté. Il y a eu des pertes de brevet de la part de nos membres.
Il y a eu une série, je vous dirais, là,
d'éléments, qu'on pourrait qualifier presque de tempête parfaite, qui a fait en
sorte que le modèle d'affaires de nos membres a dû être revu de fond en
comble.
M. Lisée : Je comprends. Je
comprends très bien, M. Alberro, mais c'est vrai aussi pour vos collègues des États-Unis, mais une étude montre que le taux de
profit pour les compagnies pharmaceutiques américaines est plus élevé que dans la majorité des autres industries. Est-ce
que c'est la même chose au Canada? Est-ce que vous considérez que les marges de profit sont plus importantes dans le
pharmaceutique que dans l'informatique, que dans les autres industries?
M. Alberro
(Frédéric) : Je ne suis pas en mesure de vous donner cette donnée-là,
M. Lisée. Par contre, ce que je peux
vous dire, c'est que c'est une des industries les plus risquées à travers le
monde. C'est une industrie à très haut risque et c'est une industrie dont le modèle d'affaires, qui fait en sorte que...
Si on veut découvrir les médicaments de l'avenir, il faut s'assurer
d'avoir des revenus et un chiffre d'affaires, on ne s'en sort pas, et de faire
de la recherche. Actuellement, il y a 7 000 médicaments qui font
l'objet de la R&D, dont 1 400 qui est ici, au Canada,
7 000 médicaments à travers le Canada,
donc, en R&D, et 1 400 au Canada, où différents centres de recherche
ou essais cliniques ont lieu ici, au Canada, pour justement arriver à
une découverte pour les patients, et c'est le modèle d'affaires de nos membres.
Donc, il y a
effectivement chiffre d'affaires, profitabilité, R&D, et c'est vraiment...
Et c'est un modèle, comme je le disais,
qui est de plus en plus décentralisé aussi, hein? Il y a de plus en plus, avec
des partenaires, avec le CHUM, avec le CUSM,
l'Institut de cardiologie de Montréal, avec les Ricard... de plus en plus il y
a des partenariats, ce qui est bon pour l'écosystème des sciences de la
vie du Québec.
M.
Lisée : Oui, oui, j'ai moi-même, lorsque j'étais ministre de
Montréal et dans mon comté de Rosemont, fait en sorte que l'Institut de cardiologie de Montréal développe un partenariat
très efficace avec plusieurs entreprises novatrices et qui fait en sorte
qu'il y a de bons emplois et de la bonne recherche qui est faite. Et je salue
ces développements-là.
Vous connaissez l'expression «pay for delay»?
M. Lirette (Paul) : «Pay for»?
M. Lisée :
«Pay for delay». Vous pouvez nous expliquer de quoi il s'agit?
M. Lirette (Paul) : Je connais
l'expression «pay for performance», mais «pay for delay», je m'excuse.
M. Lisée :
C'est lorsqu'une compagnie novatrice s'entend avec des compagnies génériques
pour les payer pour qu'ils ne fassent pas en sorte de faire entrer un
produit générique rapidement sur le marché.
M. Alberro
(Frédéric) : Je ne suis pas en mesure de commenter ça, M. Lisée, c'est...
Je vous dis... Ce type de pratique là, est-ce que vous pourriez
commenter? Est-ce que ça, c'est une pratique...
M. Lisée :
C'est une pratique qui est assez répandue aux États-Unis, et, dans le programme
électoral d'Hillary Clinton, elle veut légiférer pour empêcher cette
pratique-là. On a eu une discussion, d'ailleurs, avec un spécialiste de Nouvelle-Zélande hier, qui en parlait aussi. Donc,
c'est une pratique que vous ne connaissez pas et qui n'est pas courante
au Canada?
M. Alberro (Frédéric) : Bien,
écoutez, on a un code d'éthique qui est très strict au sein de notre
association. Il y a des pratiques, effectivement, qui sont inacceptables.
Dernièrement, d'ailleurs, notre président a fait une sortie publique sur certaine pratique qui a eu lieu aux
États-Unis et même ici, au Canada, auprès d'une entreprise qui n'est pas
membre de notre association. On a un code
d'éthique excessivement strict. Ce que vous me dites là, moi, je vais faire
les vérifications. Si c'est un type de
pratique qui n'est pas conforme à notre code d'éthique, et ça a lieu au Canada,
c'est clair que je vous invite à faire une plainte, et l'association va
intervenir.
M. Lisée :
D'accord. Une autre question qui est un peu intéressante, aux États-Unis
particulièrement, mais, comme on
écoute parfois des émissions américaines, on le voit, et la pratique canadienne
est différente, mais elle existe, c'est le développement des publicités directes aux consommateurs. Alors, aux
États-Unis, on en voit plein. Je dirais que c'est une plaie, d'ailleurs, et certaines compagnies
novatrices ont des budgets de mise en marché et de publicité plus
importants que leurs budgets de recherche et de développement. Au Canada, il
est interdit pour les entreprises pharmaceutiques de faire de la publicité directe lorsqu'on... Alors, c'est intéressant,
parce qu'on peut nommer le produit, mais on ne dit pas à quoi il sert. Alors, ce qui fait qu'on a des
publicités de Viagra où il faut déduire de la publicité à quoi ça peut bien
servir.
Est-ce que
vous constatez chez vos membres une augmentation de l'utilisation de la
publicité? Est-ce que vous avez une estimation des sommes qui sont
investies par vos membres en publicité directe aux consommateurs?
M. Alberro (Frédéric) : Non.
M. Lisée : Vous n'avez pas
ces informations-là?
M. Alberro (Frédéric) : Non.
M. Lisée : Est-ce que vous
êtes préoccupés par l'existence de ces publicités?
M. Alberro
(Frédéric) : On est préoccupés pour s'assurer d'avoir un cadre
réglementaire au Canada qui, effectivement,
évite des dérives comme on voit aux États-Unis. Et on a un cadre qui,
effectivement, évite des publicités à outrance auprès des patients et
des consommateurs.
M. Lisée :
Alors, évidemment, au Québec, on a la capacité, même à l'intérieur de la
fédération canadienne... Je sais que
le ministre pense sortir d'un des mécanismes de la fédération canadienne pour
séparer la façon québécoise d'avoir le meilleur prix. Je le constate, je
ne lui reproche pas. Il y a parfois des avantages à l'indépendance, c'est très
important.
Mais, par
exemple, le Québec a légiféré sur la publicité pour les enfants. On a un des
lieux au monde où il y a le moins de
publicité directe aux enfants. Il serait possible pour le Québec de décider
d'interdire toute publicité pharmaceutique directement aux clients, que
l'on nomme la destination ou non, et de faire en sorte que ces sommes-là
puissent être utilisées à de meilleurs escients que de se substituer,
finalement, au médecin, qui, lui, doit être en mesure, sans l'environnement publicitaire, de dire : Vous
avez besoin de tel médicament et de tel autre. Ce n'est pas parce que vous
l'avez vu à la télé puis que le porte-parole
avait l'air sympathique que vous devriez avoir ce médicament-là. Est-ce
que vous seriez opposés à ce que le Québec légifère en ce sens-là?
M.
Lacoursière (Yves) : Bien, je pense que c'est la prérogative du
gouvernement de prendre cette décision-là. Si le gouvernement légifère dans cette direction-là, il en fait une loi,
nous, on respecte les lois. Je pense que c'est ça qu'il faut retenir, là, du
message de l'industrie. Lorsque le gouvernement met en application une
législation, c'est la responsabilité de tout le monde de la respecter.
• (15 h 50) •
M. Lisée :
Très bien. Est-ce qu'il n'y a pas un avantage aussi pour l'industrie? Parce
qu'à partir du moment où certains de vos membres décident de faire de la
publicité directe aux consommateurs, même en respectant le cadre canadien, bien, ça oblige les autres à le faire
aussi. Et là on est dans un genre de surenchère de dire : Bien là, nous,
on a le droit de parler aux médecins, on a
le droit de parler aux pharmaciens, on a le droit de parler au législateur,
puis ça allait, si le marché est le
même. Mais, si un compétiteur décide, lui, d'augmenter sa part de marché par
là, moi, je suis obligé de faire la
même chose. Et donc ça augmente la part de vos ressources qui est dévolue à ce
nouveau front là. Alors, si on faisait en sorte de dire : Non, non,
ce n'est pas la peine, est-ce que ce ne serait pas un gain pour l'industrie?
M. Lacoursière (Yves) : Bien, écoutez,
vous avez donné un exemple, et je vous dirais que l'ensemble de nos membres ne sont pas dans cette direction-là actuellement, de faire de la publicité directe, là. Je veux dire, il y a quelques exemples, puis c'est des
choix qui appartiennent aux entreprises. Maintenant, moi, ce que je vous dis,
c'est que, si le législateur prend une direction quelconque, et décide
d'interdire, et qu'il le fait, s'il y
a des représentations à être faites par les compagnies, ils vont faire leurs représentations. Mais, en bout de
ligne, la décision va être prise par le législateur. Et, à partir de là,
à ce moment-là, s'il y a un cadre législatif qui est clair, bien, il y a un
cadre.
M. Lisée : Très bien. Je vous
remercie beaucoup.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, maintenant, la parole est à notre collègue de Lévis pour
8 min 30 s.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le
Président. M. Lirette, M. Alberro, M. Lacoursière, M. Allard, merci d'être
là. Je reviendrai à votre mémoire. Et on
comprend bien le sens du mémoire, et votre volonté, je pense, c'est bien
exprimé, c'est assez clair. Et, au-delà de
ça, dans vos conclusions, vous dites : Allons plus loin, il y a
probablement d'autres façons de faire des économies, et vous en proposez
quelques-unes, puis j'aimerais ça qu'on les regarde un peu ensemble.
Je commencerais avec une d'entre elles qui
dit : Pour économiser, il faudrait peut-être «accélérer l'analyse des dossiers soumis à l'INESSS de façon à
permettre une inscription à la liste des médicaments dès la réception d'un
avis de conformité de Santé Canada». Vous
l'avez bien exprimé tout à l'heure. Mais ce n'est pas la première fois qu'on
entend ça. J'aimerais que vous expliquiez
davantage les économies à être réalisées et le handicap qu'on a de ne pas agir
rapidement comme on pourrait le faire.
M. Lirette
(Paul) : D'une façon très pratico-pratique, bon, j'ai su cette semaine
qu'on vient de passer le nombre d'inscriptions, pour l'INESSS, de sept à
neuf, je crois.
Une voix : De sept listes à
neuf listes.
M. Lirette
(Paul) : Donc, neuf listes. Pratico-pratique, ce qu'on dit,
c'est : Pourquoi attendre avant de rembourser le générique? Et je
crois que les dernières données que les compagnies génériques ont données, ça
pourrait être une économie d'environ 33 millions sur deux ans. Alors, je
me dis : Pourquoi pas?
Puis, dans le
même principe mais pour le médicament novateur, écoutez, vous êtes patient qui
souffre de cancer au Québec, vous
attendez neuf à 10 mois avant d'avoir une réponse de l'INESSS, nous, on se
dit : Dès la journée un que Santé Canada
a donné l'avis de conformité, ce serait super pour le patient au Québec d'avoir
une réponse s'il est remboursé ou pas. Alors, c'est deux dimensions
qu'on suggère, qu'on appelle chez nous notre temps zéro.
M. Paradis
(Lévis) : Vous me dites...
L'économie et les chiffres que j'avais, dont vous parlez, sont ceux
qu'on avait déjà entendus. Évidemment, le
fait d'aller en ce sens-là... D'abord, comment expliquez-vous que, si c'est
très clair à travers les économies à faire puis l'avantage patient...
Vous venez de le dire, là, il y a manifestement quelque chose. Puis ce n'est pas la première fois qu'on entend
ça. Ce n'est probablement pas la première fois que vous le demandez non
plus. Qu'est-ce qui fait que ça... Qui bloque où? Et pourquoi?
M. Alberro
(Frédéric) : Bien, très bonne question. Écoutez, la solution est fort
simple. En fait, c'est que c'est l'INESSS,
hein, qui fait toute l'évaluation des médicaments, l'analyse coût-efficacité.
Il y a un calendrier actuellement auprès
de l'INESSS. Il faudrait simplement déplacer le calendrier de l'INESSS de sorte
que les manufacturiers puissent soumettre
auprès de l'INESSS avant que Santé Canada émette un avis de conformité. Ce sont
deux processus en parallèle différents. Actuellement, on ne peut pas le
faire. On ne le fait pas. Il n'y a pas de barrière législative ni de barrière réglementaire. C'est strictement administratif.
Donc, ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait une vision par rapport à ça,
une volonté politique. Il ne suffirait que
de changer le calendrier d'analyse de l'INESSS un peu plus en amont. Et, quand
Santé Canada émet son avis de conformité, l'INESSS
a son avis et répond oui ou non si le médicament est remboursé ou pas.
M. Lirette (Paul) : Et ce n'est pas...
M. Paradis (Lévis) : Allez-y. Oui.
M.
Lirette (Paul) : Je voulais juste dire : Tu peux peut-être parler
de «peak order» où est-ce que, dans le fond, on pouvait avoir des
rencontres présoumission.
M. Allard (Donald) : Actuellement,
en fait depuis deux ans, au point de vue canadien, on peut faire des soumissions, particulièrement en oncologie,
six mois avant l'homologation du produit
au Canada, ce qui fait que l'APP, qu'on
a joint l'automne dernier suite au projet de loi n° 8, a fait que,
maintenant, c'est juste... l'analyse de «peak order» va sortir, et,
presque simultanément avec le moment de l'homologation du produit, la négociation
peut commencer avec l'APP. Actuellement,
l'INESSS ne peut juste commencer son analyse qu'au moment de l'homologation de
Santé Canada. Donc, vous comprenez
que, si la négociation commence avec les autres provinces canadiennes au moment
de l'homologation mais que l'INESSS va commencer dans un ou deux mois
posthomologation, bien, ils vont être en retard
quand la négociation va être faite. Donc, on risque que la négociation va être
faite et que le Québec ne soit pas là. Donc,
c'est ce qu'on dit dans notre mémoire, entre autres choses, quand Frédéric
parlait de déplacer l'évaluation plus tôt et le faire en parallèle de
Santé Canada.
M. Paradis
(Lévis) : Et il y a une problématique, puis il y a une perspective patient
qui est importante dans le projet de
loi également, tous l'ont dit, là, je veux dire, la crainte de rupture, le fait
qu'on puisse couper des lignes de production, qu'on se retrouve avec des
médicaments qui, dans leurs formes, leurs couleurs, ne seront pas semblables. On a à peu près tout dit. Dans ce dont
vous me parlez là, je comprends bien le bénéfice patient de faire en
sorte que rapidement on puisse obtenir le
médicament pour un traitement que l'on souhaite efficace. La notion du coût...
Où est-ce qu'on va chercher de l'économie là-dedans?
M. Allard (Donald) : L'économie se
fait avec la négociation avec les autres provinces canadiennes et qui... Aussi, récemment, suite à la réunion des ministres
de la Santé qui a eu lieu en janvier, vous savez, il y a eu l'annonce
que, maintenant, les programmes fédéraux se joignent aussi maintenant avec les
provinces. Donc, maintenant, il y a un groupe qui va négocier ensemble avec le
manufacturier. Donc, plus tôt, dès que tous les gens sont à la table, bien, la négociation peut commencer. Et c'est là, pour
nous, que c'est important, on pense, que d'avoir le Québec à la table en
même temps que les autres provinces et que
le Québec, qui a toujours eu un leadership aussi dans l'évaluation des
médicaments, pourrait prendre sa place.
M. Paradis
(Lévis) : Cet avant-midi, on
a eu une démonstration chiffrée des avantages économiques des appels d'offres. Parlant des génériques, vous êtes des
novateurs, je pense que les choses ont été assez clairement exposées.
Reste que plusieurs nous ont dit : On
peut être plus agressifs avec l'APP, avec l'association pharmaceutique
pancanadienne. Mais en même temps d'autres
nous ont dit : Elle a ses limites. Elle ne pourra jamais aller en bas de
ce qu'on peut aller chercher probablement
sur l'appel d'offres. Avez-vous l'impression qu'il y a encore du chemin à faire
avec l'alliance, c'est-à-dire en
étant plus agressifs, en ayant un rôle de leadership, qu'on puisse
manifestement avoir un impact économique sur le coût du médicament, ce
que l'on veut actuellement?
M. Alberro
(Frédéric) : Tout à fait. Tout à fait, parce que le Québec vient tout
juste d'y adhérer, hein? Mais le reste
des provinces ont signé une multitude d'ententes, et le Québec, en étant autour
de la table, va pouvoir accéder et puis négocier des ententes concrètes, là, à court terme et à moyen terme,
cette année, des économies concrètes pour le Québec, et aussi apprendre dans ce processus-là. Et nul
doute que le Québec va sûrement prendre un leadership autour de la
table, et puis c'est une question de
négociation. Et l'ensemble des provinces... Et aussi l'APP aussi apprend, hein,
dans ce système-là, qui a été mis en
place il y a à peu près quatre ans, et regardez depuis quatre ans, hein, ce
qu'ils ont fait avec les produits génériques, ce qu'ils ont fait
également avec les produits novateurs : en quatre ans, il y a eu beaucoup
d'économies. Alors, c'est en évolution et
c'est à l'ensemble des provinces et à la population canadienne, finalement, et
québécoise d'en profiter au maximum.
M. Paradis (Lévis) : Mais soyons
critiques puis amusons-nous à penser que la notion de l'appel d'offres est retenue. Dans la mesure où, dans l'aspect
réglementaire et sa mise en place, on fait en sorte d'éviter les craintes
exprimées, l'approvisionnement, les ruptures et ce que vous voudrez — sur
le plan économique, vous dirigez des gens qui manifestement sont dans une
industrie qui aussi rapporte, et, bon, vous l'avez dit tout à l'heure — est-ce
que, de fait et mathématiquement, il n'y a pas moyen d'aller chercher davantage
d'économies en faisant des appels d'offres sur des produits précis que par le
principe de l'APP?
M. Alberro (Frédéric) : C'est les
produits génériques que vous parlez?
M. Paradis (Lévis) : Oui.
M. Alberro (Frédéric) : Bien,
écoutez, notre position est la suivante, c'est-à-dire qu'on a lu l'analyse
réglementaire du gouvernement, à certains égards qui a été rassurante. Par
contre, il y a des éléments là-dedans où il y
a certains risques qu'on vous a... En tout cas, on invite les parlementaires de
vous assurer de certaines dispositions puis idéalement de les enchâsser dans la loi. Mais, si, dans les analyses du
gouvernement, il y a des appels d'offres qui peuvent dégager des économies sans qu'il y ait d'impact
dans la chaîne d'accessibilité du médicament, qu'il y ait des économies concrètes, qu'elles soient
supérieures au coût de faire l'appel d'offres, hein, parce que ça a été soulevé
aussi dans l'analyse
que, des fois, il peut arriver que le coût de faire l'appel d'offres peut être
supérieur aux économies... Si tout ça est rencontré, oui, effectivement,
il y a des économies. Mais on n'est pas en mesure, nous, de le quantifier, et
l'analyse réglementaire non plus ne le quantifie pas.
M. Lirette (Paul) : Donald, tu
veux-tu, là, donner l'exemple, s'il te plaît, de l'Ontario, 60-30, là, s'il te
plaît?
M. Allard (Donald) : Bien, en fait,
ce que je voulais donner à monsieur...
Une voix : ...
M. Allard
(Donald) : Oui. Je voulais donner à M. Paradis qu'en mars, au
31 mars 2015, il y avait 14 molécules génériques qui étaient à 18 % dans l'APP et
63 ententes qui avaient été faites avec des molécules novatrices qui
généraient 490 millions par année d'économies aux provinces, excluant le
Québec et excluant les programmes fédéraux. Donc, mettez le poids du Québec
là-dedans, mettez les programmes fédéraux, et cette économie-là va monter.
Et, en date du 31 janvier 2016, dans
l'APP, on est rendu à 90 molécules innovatrices, et, au
1er avril 2016, quatre autres
nouvelles molécules génériques vont se joindre dans l'APP, dans la négociation.
Donc, quand on vous dit : Les appels
d'offres, c'est une forme de le faire, bien, maximisons ce qui se fait
actuellement dans l'APP et allons chercher les économies qui sont là.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Merci beaucoup. Alors, merci aux
représentants de Médicaments novateurs Canada.
Je suspends nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 heures)
(Reprise à 16 h 3)
Le Président
(M. Tanguay) : Alors, chers collègues, nous poursuivons nos travaux. Nous accueillons maintenant
le Commissaire à la santé et au bien-être. Bienvenu à votre Assemblée
nationale, ainsi qu'aux personnes qui vous accompagnent. Nous aimerions donc vous
préciser que vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Peut-être, pour les fins d'enregistrement,
préciser vos noms et fonctions, également des personnes qui vous
accompagnent. Et, sans plus tarder, la parole est à vous.
Commissaire à la santé
et au bien-être
M. Salois
(Robert) : Merci beaucoup,
M. le Président. Je me présente, Robert Salois, Commissaire à la santé
et au bien-être. Je suis accompagné de Mme
Guylaine Cleret de Langavant, commissaire adjointe à l'éthique et à
l'appréciation; de Mme Caroline Cambourieu, économiste de la santé et experte
au dossier du médicament d'ordonnance; et de Mme Anne Robitaille, directrice
générale.
M. le
Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je vous remercie de me
donner l'opportunité de me prononcer
sur le projet de loi n° 81. C'est avec plaisir et intérêt que je vous
parlerai des travaux que nous avons réalisés au sujet de la performance
du système de santé dans le domaine des médicaments d'ordonnance et que je
répondrai plus tard à vos questions.
Pour débuter,
voici une brève présentation de l'organisme qu'est le Commissariat à la santé
et au bien-être. Notre mission est d'apporter un éclairage pertinent au
débat public et à la prise de décision gouvernementale dans le but de contribuer
à l'amélioration de la santé et du bien-être des Québécoises et des Québécois.
Je suis entré
en fonction comme commissaire en 2006. Dès les débuts de nos travaux, nous
avons choisi d'apprécier la
performance du système de santé et de services sociaux en utilisant une
approche dynamique et novatrice qui prend en compte le point de vue des citoyens et les enjeux éthiques. Pour appuyer cette démarche, nous
travaillons de concert avec un forum
de consultation, une instance délibérative permanente constituée majoritairement de nombreux citoyens
auxquels se joignent des membres experts.
Au cours des dernières années, nous avons
produit différents rapports d'appréciation de la performance du système de
santé et des services sociaux. Nous avons également produit, à la demande du
ministre de la Santé, un rapport sur les
enjeux éthiques du dépistage prénatal de la trisomie 21 et un avis sur le
programme de procréation assistée. Chaque
année, nous produisons aussi un rapport d'appréciation globale de la
performance du système, qui présente des données et fournit des outils d'analyse de la performance. Cette année,
nous revoyons en profondeur notre modèle afin de l'adapter aux
changements survenus à la gouvernance du réseau et de pouvoir ainsi témoigner
des résultats atteints.
Enfin, en
participant activement aux travaux du comité de l'enquête internationale du
Commonwealth Fund, nous sommes en
mesure de rendre disponible chaque année des données inédites propres au Québec,
ce qui nous permet de comparer notre
système à ceux d'autres provinces ou pays, ce qui était la volonté du
législateur au moment de notre création.
En
mars 2015, je publiais le rapport Les médicaments d'ordonnance :
Agir sur les coûts et l'usage au bénéfice du patient et de la pérennité du système. J'indiquais alors que la forte croissance des
coûts des médicaments est très
préoccupante et que l'usage qui en est fait inquiète également. Je
soulignais l'urgence d'agir pour corriger un ensemble de
problèmes en lien avec les médicaments d'ordonnance. Il est donc très heureux
que le ministre ait choisi d'agir à ce sujet.
Les
médicaments d'ordonnance occupent en effet une place prépondérante au coeur de
notre système et ont pris une place
grandissante, notamment depuis la création du régime général d'assurance
médicaments. Avec l'évolution des soins de santé et les mesures de santé
publique, ils contribuent à l'atteinte de gains de santé très importants,
notamment en diminuant les hospitalisations, en augmentant l'espérance de vie
et en diminuant le taux de mortalité pour certaines conditions. S'il existe un
lieu où des grandes économies sont possibles par une meilleure gestion, c'est
bien celui du médicament d'ordonnance, le
tout dans un contexte où les besoins de la population augmentent et changent
alors que les efforts budgétaires sont requis pour assurer la pérennité
de notre système.
Mais,
en plus de viser le meilleur prix pour nos médicaments, nous devons aussi nous
assurer que l'usage qui en est fait
est optimal. L'usage optimal a un impact majeur et déterminant sur l'état de
santé des personnes, sur les dépenses des médicaments et sur la performance du système de santé. À titre
d'exemple, certaines études scientifiques ont documenté que 80 %
des médicaments seraient utilisés de façon inappropriée, alors que d'autres ont
mis en évidence des problèmes d'adhésion
aux médicaments prescrits, variant de 30 % à 70 %, selon le
médicament et la population visée. Il y a donc, à plusieurs étapes de la chaîne du médicament, un
potentiel d'économie fort important sur lequel il est primordial de se pencher.
Comme
l'a souligné le ministre à des participants à cette commission parlementaire,
les acteurs sont nombreux dans le
domaine du médicament, il nous apparaît essentiel d'adopter des stratégies
d'action qui agissent à différents paliers afin d'optimiser les
résultats des actions gouvernementales.
À
l'instar de ce que vivent le Québec et le Canada, d'autres pays, dont l'Union
européenne, connaissent aussi une croissance rapide et continue des
dépenses pharmaceutiques, d'où l'intérêt d'analyser ce qui a été tenté ailleurs
pour s'en inspirer. Les enjeux sont mondiaux
dans le domaine du médicament, le Québec ne peut faire cavalier seul. De
par le monde, au centre des pays
comparables, différents mécanismes sont utilisés pour fixer le prix des
médicaments génériques dans le but
d'exercer un meilleur contrôle des prix. Parmi ceux-là, à des fins d'analyse
comparative, deux mécanismes ont été retenus en fonction de leur
potentiel d'application en contexte québécois : il s'agit de l'appel
d'offres, objet de ce présent projet de loi,
et de la fixation des prix par niveau dégressif. Ces méthodes présentent des
avantages et inconvénients dont je vous parlerai maintenant.
• (16 h 10) •
Tout
d'abord, les appels d'offres ont le potentiel de générer des économies
importantes, la vive concurrence ainsi créée incite fortement les
fabricants à réduire leurs prix en vue de détenir l'exclusivité du marché. Il
est largement documenté que la concurrence
féroce qui en découle peut avoir de nombreux impacts négatifs, dont nuire à la
sécurité de l'approvisionnement, retarder
considérablement et parfois dissuader l'arrivée de nouveaux génériques sur le
marché et, à terme, affaiblir l'industrie. Cela peut aussi avoir des
effets pour augmenter le coût des ordonnances à la pharmacie pour les
bénéficiaires des régimes privés, qui présentent plus de la majorité des
utilisateurs de médicaments.
Quant
aux politiques de fixation des prix par niveau dégressif, elles
parviennent à combler certaines faiblesses de l'appel d'offres, tout en comportant des avantages indéniables, dont la
facilité de la mise en oeuvre. Ce mécanisme de fixation des prix stimule la concurrence et favorise l'arrivée rapide et
opportune sur le marché des nouveaux médicaments génériques. Cette approche est universelle, car elle s'applique à tous
les médicaments génériques, peu importe le nombre de soumissionnaires.
De plus, elle requiert peu d'interventions de la part de l'assureur public.
Ainsi,
à la lumière des différentes expériences et analyses réalisées, il est proposé
qu'une approche intégrant ces deux
mécanismes de fixation des prix des médicaments soit retenue et que des
rapports sur les résultats de ces derniers soient faits. Ceci
permettrait, dans les cas où les résultats obtenus se distancent des cibles
établies par le régulateur, d'ajuster les mécanismes en vue d'obtenir le
meilleur prix, en minimisant les impacts non désirés à plus long terme, tout en assurant la sécurité de l'approvisionnement des médicaments. Considérant donc l'ensemble des éléments que
je viens d'évoquer et afin de bonifier le projet de loi n° 81, je me permets de faire les recommandations suivantes. Il m'apparaît essentiel de développer et de mettre en
oeuvre une nouvelle politique du médicament. Cette politique est essentielle avant d'avoir une vision globale des
visées gouvernementales en lien avec les médicaments d'ordonnance, et
ce, afin de pouvoir atteindre nos objectifs
collectifs. Une telle politique devrait notamment comprendre un volet
exhaustif sur la fixation des prix des
médicaments génériques. Pour éviter des impacts négatifs potentiels des appels
d'offres et maximiser ses effets
positifs, je recommande de combiner l'approche des appels d'offres à celle de
la fixation des prix des médicaments génériques par niveau dégressif. À
cet égard, le Québec pourra s'inspirer des provinces où ce mode de fixation des
prix a déjà été implanté, notamment en Ontario, en Alberta et en Saskatchewan.
Le
projet de loi est très peu détaillé, et, en raison des impacts négatifs
potentiels de l'appel d'offres, je recommande de clarifier, à même le projet de loi ou dans un règlement afférent
présenté avant l'adoption du projet de loi, les modalités d'implantation des appels d'offres et les coûts
qui y sont associés. Il m'apparaît aussi nécessaire de préciser avant
l'entrée en vigueur de cette loi les modalités d'évaluation et de suivi à
l'aide de cibles prédéfinies.
Dans
mon rapport 2015, nous avions souligné les inéquités existantes entre les
personnes couvertes par le régime public
et celles couvertes par les régimes privés, qui, je le rappelle, représentent
60 % des utilisateurs de
médicaments. Le projet de loi n° 81 est susceptible d'accroître ces inéquités
si rien n'est fait à ce sujet. Et c'est pourquoi je recommande aussi d'encadrer le coût des ordonnances des
médicaments pour les personnes couvertes par le régime collectif privé.
Et
finalement, compte tenu de ces effets positifs sur la baisse des coûts des
médicaments, il est impératif que le Québec
participe activement et assure un leadership et aussi participe de façon
continue à la concertation de l'Alliance
pancanadienne pharmaceutique, à laquelle il s'est joint à l'automne 2015.
Merci beaucoup de votre attention. Ça me fait plaisir de répondre à vos
questions avec les membres de mon équipe.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Alors, pour une période de 20 min 30 s, je cède
maintenant la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, M. Salois, c'est toujours un
plaisir de vous recevoir. Mme Robitaille, Mme Cleret de Langavant,
madame... je n'ai pas saisi votre nom.
Mme Cambourieu(Caroline) :
Cambourieu, Caroline.
M.
Barrette : Excusez-moi. Alors, bienvenue à cette commission
parlementaire, et c'est toujours un plaisir de vous recevoir, l'équipe
du Commissaire à la santé et au bien-être, parce que vous avez évidemment
l'avantage de la neutralité, je dirais. Et je me permets d'insister sur le fait
que vous avez une indépendance dans vos travaux, je me permets de le rappeler, là, vous avez la totale indépendance dans vos
analyses et, quand vous arrivez ici, vous avez un regard que je peux qualifier de neutre, même si vous avez
une position, qui est celle que vous nous avez présentée à l'instant.
Justement,
si on revient à vos conclusions et qu'on va un petit peu par en arrière, on
remonte un peu dans votre analyse puis votre collection de données, là,
vous avez regardé quand même ce qui se passait ailleurs sur la planète,
n'est-ce pas?
M. Salois
(Robert) : Tout à fait. On a produit un premier document, qui est un
état de situation, en fait c'est probablement
une bible au niveau du médicament ici, au Québec, dans lequel c'est la première
fois qu'on a regroupé, dans un
document, toute la chaîne du médicament, et, à l'intérieur de ça, il y a
énormément d'informations qui sont utilisées sur toutes les étapes de la chaîne du médicament. Et on me dit que ce
document est utilisé dans certaines écoles de pharmacie actuellement
pour être capable d'amener les étudiants en pharmacie à comprendre le monde
pharmaceutique.
M.
Barrette : O.K. Sur le plan économique, quand vous parlez de toute la
chaîne du médicament, là — j'aime bien ça que vous utilisiez cette expression-là, je l'ai
utilisée moi aussi à un certain nombre de reprises — il y a quand même un impact ou...
corrigez-moi, là, il y a un impact. Cette chaîne-là a, dans sa nature et dans
sa vie intrinsèque, un impact sur le coût du médicament. Est-ce que je me
trompe?
M. Salois (Robert) : Tout à fait. Et c'est d'ailleurs l'esprit dans lequel le... c'est
d'ailleurs dans cet esprit-là que le rapport a été fait, c'est qu'à
chaque étape de la chaîne du médicament il y a des gains à faire, notamment
celui avec l'industrie sur lequel on discute aujourd'hui, mais il y a des gains
absolument importants à faire au niveau de l'usage optimal par rapport aux prescripteurs et aux utilisateurs, par rapport
aussi au choix des médicaments qu'on fait. Mais il existe une... prenez l'exemple... Pourquoi
j'insiste sur l'usage optimal, c'est qu'on a, au Québec en 2014,
197 millions d'ordonnances qui ont été
payées par le système public, et on peut penser que, quand on sait comment il n'y
a pas un usage optimal, il y a là des
gains maximaux qui peuvent être faits par un système de santé qui voudrait
s'impliquer au niveau des prescripteurs et des utilisateurs, et, si
c'était accompagné évidemment d'un projet où on peut négocier des prix à meilleur prix, ça s'amplifierait, puisque, si on a
un bon prix, mais on n'utilise pas bien le médicament, tous les efforts
et les gains qu'on va faire risquent d'être diminués.
M. Barrette :
On va y revenir parce que c'est un point important que vous abordez. Mais, si
on s'attarde, là, maintenant à l'objet du
projet de loi, pas que ce n'est pas... votre commentaire, pas qu'il n'est pas
pertinent, il l'est, je vais y
revenir ultérieurement, mais, sur le principe d'aller en appel d'offres, je
comprends bien de votre propos que, quand vous regardez ailleurs, là — et je suis convaincu que vous avez suivi nos
travaux, là, avec assiduité, là, depuis
le début, là, ça ne fait pas longtemps quand même — toutes les craintes qui sont exprimées ne se
réalisent pas si l'appel d'offres est construit correctement. Moi, je
pense que vous avez vu ça aussi ailleurs. Ce serait intéressant de l'entendre
de vos observations.
M. Salois (Robert) : C'est un peu ce qu'on faisait comme commentaires dans mon discours, à
l'effet qu'il y a à apprendre de ce
qui s'est passé ailleurs, et, quand on voit ailleurs où il y a des appels
d'offres, c'est souvent accompagné de d'autres mesures à l'intérieur de
simplement l'appel d'offres. C'est dans cet esprit-là que, nous, l'appel d'offres,
elle s'inscrit dans une politique du médicament dans laquelle il y a une vue
d'ensemble, où il va y avoir des étapes dans lesquelles,
chaque fois, on va gagner quelque chose. Mais l'appel d'offres, en soi, quand
elle est accompagnée et qu'on connaît
les risques, c'est possible, évidemment, de la réaliser. Mais, dans la
limitation de l'appel d'offres par rapport, par exemple, à certains médicaments ou certaines situations, nous, on
pense que, s'il était combiné avec une politique de tarifs dégressifs, on
aurait là un coffre à outils quand même assez intéressant pour couvrir tous les
médicaments qui existent, et d'utiliser,
quand on peut, une des deux politiques, surtout que, dans ce coffre à outils
là, il y a déjà la politique du Québec du prix le plus bas. Donc, on est
déjà équipés, là.
M.
Barrette : Est-ce que je comprends de votre propos que vous
considérez... Là, je mets quasiment des mots dans votre bouche, puis ce
n'est pas ce que je veux faire, là. Je vais le formuler dans une question. Vous
proposez de combiner et l'appel d'offres et le tarif dégressif.
M. Salois
(Robert) : Tout à fait.
M.
Barrette : Alors, le tarif dégressif, est-ce que je dois conclure ou
comprendre de ce que vous nous dites que vous considérez que cette dégression n'est pas suffisamment grande ou
que les chiffres qui sont utilisés ne sont pas les bons ou pourraient
être à notre avantage?
M. Salois (Robert) : Bien, en
fait...
M. Barrette : Et — si
vous me le permettez, là — pour
peut-être vous donner un angle supplémentaire, de la manière que c'est établi
actuellement, cette progression-là ou cette progression négative là, le côté
dégressif de ces prix-là, c'est arbitraire, puis on pourrait arbitrairement
être plus agressifs là-dedans, là?
M. Salois
(Robert) : Je voudrais...
Dans un premier temps, juste parce que vous ouvrez la porte, la
politique...
M. Barrette : Je vous l'ouvre toute
grande.
• (16 h 20) •
M. Salois
(Robert) : Vous avez ouvert
tout grand, je vais me faufiler tranquillement. Je voulais juste vous
dire que la politique, actuellement, de
tarifs dégressifs qui existe au Canada, ça a été fait à partir des travaux du
commissaire. En 2013, le commissaire
a exploré ces avenues-là, c'étaient les premiers pas qu'on faisait dans le
domaine du médicament, et Mme
Cambourieu, à l'époque, a piloté ce dossier-là avec des chercheurs de
différentes universités, puis nous a proposé, au bureau du commissaire, une approche de tarification dégressive pour
rembourser les médicaments. Suite à ça, l'Alberta l'a mise en place à
travers une loi, et ils l'ont... Donc, une des raisons principales pourquoi
notre conseil est d'utiliser les deux, c'est
que c'est nouveau et il y a besoin d'une évaluation. Et, comme on est
le Commissaire à la santé et au
bien-être, puis nous, on aime toujours
mesurer puis on aime toujours analyser... Quand on met une nouvelle politique
de cette nature en place là, en la combinant avec ces deux techniques-là,
avec des cibles et des indicateurs pour bien mesurer, on soit capables dans tout le cours du moment où on la met
en place de pouvoir la mesurer... Et, en combinant les deux, on a les
effets positifs. Le tarif dégressif peut s'appliquer à tous les médicaments, il
n'y a pas de... Il y a aussi la possibilité de pouvoir, dans cette mesure-là, permettre que des nouveaux médicaments
génériques arrivent plus rapidement. Il y a aussi la possibilité, à l'intérieur de ça, que ça ne dérange pas le système ou
l'écosystème, que j'ai entendu comme expression
ici souvent, parce qu'à un moment donné on regarde la compétition à l'intérieur de ça. Et nous, on pense que,
dans certaines situations, les appels d'offres pourraient probablement être le meilleur outil et que, dans d'autres, utiliser le tarif
dégressif pourrait être un autre outil que
le gouvernement pourrait utiliser de façon à bonifier et à avoir
deux outils dans son coffre à outils pour être capable d'avoir les
meilleurs prix pour le système québécois.
M. Barrette : Je reste dans cette
pièce-là, on a ouvert la porte, on est entrés dans cette pièce-là. C'est vrai,
je suis d'accord avec vous, vous faites bien
de le souligner que c'est vos travaux qui ont mené à d'autres provinces de
prendre les décisions qu'ils ont prises. Ce
n'est pas toujours souligné que le reste du Canada
s'inspire de ce qui se fait au Québec, là, mais, dans ce cas-là, c'est la réalité, et il faut
le souligner. Vous êtes arrivé à ces conclusions-là en 2013, là, c'est ce
que vous avez dit il y a un instant. Avec le temps, est-ce que vous considérez
que la mécanique de détermination des pourcentages
pour les tarifs dégressifs par
rapport aux médicaments innovateurs
est une mécanique qui est satisfaisante?
M. Salois
(Robert) : Bien, en fait, je
pense que, dans les... C'est plus applicable dans le domaine des
génériques, mais elle s'applique aussi dans tous les autres territoires, que ça
soit des médicaments novateurs ou autres. Ce qu'on observe, nous, depuis la mise en place... Parce qu'évidemment
on suit ça, étant donné qu'on a mis le bébé au monde, donc on essaie de
le suivre, là.
M. Barrette : C'est pour ça que je
vous pose la question.
M. Salois (Robert) : Ce n'est pas de
la pratique illégale que je fais, là, «mettre le bébé au monde», là!
Mais ce que
je veux dire, là, c'est qu'on a suivi... Puis, le travail qu'on a fait — puis,
ceux que ça intéresse, c'est sur le site
Internet — on avait été beaucoup plus agressifs, nous
autres, dans les différents paliers qui ont été déjà mis en place au niveau du gouvernement albertain et même
de l'APP, et on avait fait à ce
moment-là une analyse assez
exhaustive, où on avait comme
10 étapes, parce qu'il y avait beaucoup de fabricants, et, quand on faisait un niveau
dégressif qui allait même jusqu'à
4 % au lieu de 18 %, puis on prenait les 10 médicaments les plus
payés par le régime d'assurance maladie puis on appliquait le système dégressif tel qu'on le proposait dans
l'exercice puis tel que les chercheurs le proposaient, on sauvait 121 millions. Évidemment,
quand on l'a mis en place, nous, c'était un exercice que les chercheurs nous
avaient proposé, mais, dans les faits, quand les gouvernements l'ont mis en
place, ils l'ont mis en place de façon beaucoup plus «conservative». Mais la décision de fixer les prix par rapport au nombre de fabricants qui rentrent dans le système, c'est une décision qui se prend en groupe ou à
travers l'association, ou même le Québec pourrait le faire
jusqu'à cet effet, mais plus c'est bas, plus il y a des avantages.
Est-ce que Caroline voudrait ajouter quelque chose?
Mme Cambourieu (Caroline) : Oui, alors, peut-être pour revenir sur les
niveaux dégressifs du barème actuel, c'est évident qu'il est possible de
modifier le barème. Le barème a été établi par l'APP à ce jour en se basant un
petit peu sur ce qui avait été fait sur
l'Alberta. En ce moment, l'Alberta, ça fait deux années... ça fait la deuxième
année donc... la troisième année qu'ils
l'ont mis en place. Ils sont en train d'évaluer leur cadre de tarification, de
fixation des prix afin de voir comment il peut être maximisé. Parce que
c'est évident que, quand on commence à appliquer une politique qui était tout à fait novatrice, entre les effets espérés et
attendus et les effets réalisés et les résultats obtenus, des fois il y a une
marge.
Alors,
il est possible... et d'ailleurs il aurait été possible aussi de le proposer
que le Québec aille avec un barème dégressif
mais que le barème soit plus agressif, entre guillemets, c'est-à-dire qu'on
commence... au lieu de commencer à 70 %, on puisse commencer à
60 %. Mais ça, il faut bien voir que le barème est établi en fonction des
conditions de marché de chaque province. Ce
qu'a fait l'APP, elle l'a fait de façon à proposer aux provinces un cadre, un
cadre de tarifs, enfin de pourcentage
qu'ils souhaiteraient applicable. Il
est évident que chaque province peut appliquer son propre cadre et être à la fois plus... intégrer plusieurs
autres niveaux en fonction du nombre
de fabricants sur le marché. Et ça, c'est très important, parce que notamment ce que l'expérience de l'Alberta nous
apprend, et en cela c'est très riche pour le Québec, puisque c'est le Québec qui a démarré la réflexion
sur la démarche, mais c'est l'Alberta qui a été la première province à l'appliquer, ce que... L'Alberta, donc,
comme elle l'a déjà appliquée, elle peut nous apprendre beaucoup sur
peut-être certains effets, qui peuvent être plus ou moins favorables, de la
démarche actuelle. Cependant, il faut voir aussi
que l'Alberta fait comme le Québec, applique... En plus de son barème
dégressif, elle applique la politique du
prix le plus bas. Donc, en quelque part, elle se garde une porte de sortie qui
fait que, si toutefois le tarif... le prix, devrais-je dire plutôt, du médicament obtenu n'est pas
satisfaisant ou demeure encore trop haut pour le régulateur, la province
peut toujours aller vers l'application du prix le plus bas au Canada.
Donc,
vous voyez, il y a une combinaison de mécanismes qui peut être possible. Et
c'est un petit peu la flexibilité de
cette approche aussi qui lui vaut, à mon avis, son grand potentiel et son grand
pouvoir. Mais, en effet, pour répondre, donc pour revenir au point que
vous énonciez tout d'abord, oui, il est possible de modifier les niveaux.
M.
Barrette : Ça, j'en conviens, là, évidemment, parce que ça devient une
décision arbitraire dans le bon sens du terme, là, au sens où, bien,
c'est un choix qui est imposé. Et, ayant participé dans le passé, à plusieurs
reprises, à des appels d'offres, des achats de groupe canadiens, là, j'ai fait
ça pendant plusieurs années, je vous dirais que toutes les provinces n'ont pas
la même sensibilité aux impacts présumés que peuvent exprimer certains joueurs
dans un environnement particulier, dit d'une façon polie.
Alors,
la raison pour laquelle je vais dans cette direction-là, parce que c'est
intéressant comme concept, parce que, pour déterminer ce prix-là, à un
moment donné il faut se baser sur les impacts potentiels. Et là, évidemment, toutes les parties vont venir, comme
on le voit dans ces consultations publiques là, tout le monde va vouloir
venir et dire : Ça a un impact sur moi
et c'est un impact tellement terrible que je vais... ça va être la catastrophe,
je vais mourir, et ainsi de suite, commercialement parlant j'entends.
Mais,
quand on regarde, évidemment, l'effet de la tarification dégressive comparée au
même effet... je m'en vais... oui,
l'effet, c'est vraiment ce que je veux dire, la tarification dégressive qui,
elle, est fixée, à l'effet du résultat dans l'appel d'offres, comme on voit en Nouvelle-Zélande, force est de
constater que, dans des environnements similaires, puis là je vais dire : Nouvelle-Zélande, barre
oblique, si vous me passez l'expression, Allemagne, barre oblique, Pays-Bas,
vous voyez des pays qui, pas par la fixation
d'un tarif dégressif, arrivent à des montants, des pourcentages de l'innovateur
qui sont nettement plus bas et qui ne semblent pas perturber nécessairement, du
moins vu de l'extérieur ou de ce que l'on entend ici, les milieux en question.
Je
comprends que vous... Et je comprends très bien la pensée que vous exprimez ou
vous exposez sur le fait que la combinaison des deux soit bonne. Mais,
sur la fixation du barème dans l'approche du tarif dégressif, si on met ça en relation avec les appels d'offres, force est de
constater que, du côté dégressif, l'arbitraire pourrait être plus agressif,
si on l'exprime comme ça, sans perturber ce que d'aucuns appellent un
écosystème.
• (16 h 30) •
M. Salois
(Robert) : Tout à fait d'accord qu'à un moment donné le choix qui a
été fait par la province qui l'a mis en
place, ça a été fait avec une grande prudence. On est évident qu'on aurait pu
avoir... Nous, dans le document, on va jusqu'à
2 %. Donc, c'est évident qu'il y a... En fait, quand on dit 2 %...
Et, dans les domaines qu'on avait, on avait 10, 12, 13 fabricants,
donc, à l'époque où on a fait ça.
Mais
je vais juste revenir sur l'exemple d'impact des appels d'offres dans certains
pays, et vous avez parlé tout à l'heure
des Pays-Bas et de l'Allemagne qui ont eu passablement de succès avec les
appels d'offres, il faut juste comprendre l'écosystème dans lequel ils
sont. Quand on arrive en Europe et puis on a les Pays-Bas, il y a, quoi, 15,
16 millions, il y a 80 millions de personnes en Angleterre, et on est
inondé, et puis le marché autour est de 500 millions, on peut comprendre
que, si deux pays de cette nature-là décident d'aller sur des appels d'offres
et que, dans la Communauté européenne, il y
a énormément de possibilités
d'échange de médicament et de compagnies qui peuvent survivre, on est probablement sûr que les pénuries, ça ne sera pas un enjeu aussi important, par exemple, que d'un pays qui est isolé, comme la Nouvelle-Zélande, ou d'un
pays comme le Canada, où il y a 35 millions de personnes.
Donc, c'est un peu
dans ce sens-là qu'on dit : Oui, les appels d'offres, ils ont des
bénéfices directs, ils ont des bénéfices
immédiats, mais il faut être capable de les doser, et c'est notre position, de
les doser avec un autre outil dans certaines
situations, et que la combinaison des deux pourrait facilement rapporter des
bénéfices. Et, dans la suggestion qu'on
fait d'aller vers l'association canadienne, l'alliance canadienne, c'est qu'à
un moment donné l'arrivée, probablement, d'un Québec, qui va faire en sorte qu'on va dépasser le 60 % des
participants canadiens, va certainement donner du pouvoir encore plus grand à cette alliance-là, étant donné
qu'on va être près du 100 % des Canadiens qui vont négocier avec
les fabricants. Et c'est un peu dans cet
esprit-là qu'on amenait nos suggestions, nos recommandations, pour soutenir ou
aider à la prise de décision ou le choix du ministre pour le projet de loi
n° 81.
M. Barrette :
Je ne peux pas m'empêcher... — il me reste un peu plus de
2 min 30 s — je
ne peux pas m'empêcher de profiter de votre
présence, parce que vous l'avez abordé, vous, puis vous avez, encore une fois,
un regard neutre
là-dessus, pour aborder la question de l'utilisation du médicament. Quand vous
parlez d'une politique de médicament et
que vous faites référence à plus de 180 millions de prescriptions par
année, bon, évidemment, vous faites référence au nombre de fois où une
prescription est servie, là.
M. Salois
(Robert) : Par le système public.
M. Barrette :
Par le système public. Parce qu'il y a le système privé, là, ce qui en fait
encore plus.
M. Salois
(Robert) : Oui.
M. Barrette :
Qu'est-ce que vous voyez? Quelles sont vos recommandations à cet égard-là, là?
J'en ai une bonne idée, mais c'est juste pour vous permettre un peu de préciser
votre pensée, là. Vous avez un forum utile.
M. Salois
(Robert) : Bien, on a fait des suggestions à plusieurs niveaux. Au
niveau des prescripteurs, par exemple, on a
suggéré que chaque médecin reçoive de la RAMQ un bilan de son type de
prescription, qu'on fasse des portraits régionaux
de médicaments qui sont faits. Il y a d'autres recommandations aussi, tu
peux continuer sur le sujet.
Mme Cleret de
Langavant (Ghislaine)
: Nous avions, pour justement favoriser
l'usage optimal, quatre recommandations dans
ce secteur-là. En effet, il y avait un plan d'action, comme parle M. Salois,
mais aussi il y avait des recommandations
qui concernaient les pharmaciens. Il y avait des recommandations où on
encourageait vraiment d'intégrer les
pharmaciens cliniciens dans les GMF, d'implanter un plan de soins
pharmaceutiques de congé standard afin de faciliter le transfert d'information à la sortie de
l'hôpital, particulièrement pour les patients qui avaient des conditions
complexes, avec de multiples médicaments. Et
aussi nous avions recommandé de simplifier le processus d'élaboration de
révision des listes de médicaments encadrant la pratique prescriptive d'autres
professionnels pouvant prescrire.
Donc,
ce qui est important, ce que dit M. Salois, c'est : En effet, on parle des
appels d'offres, que c'est très, très puissant au niveau de la réduction
des prix des médicaments, c'est vraiment un outil fantastique, mais il n'y a pas que les prix, la réduction des prix. Il
y a vraiment le coût de l'ordonnance, il y a la prescription, le volume
de médicaments prescrits. Il y a vraiment plusieurs enjeux qui doivent être
pris en considération. Parce que, lorsqu'on parle,
par exemple, des dépenses totales en médicaments, au niveau
du Québec, c'est plus élevé que le reste du Canada,
non pas... C'est parce qu'il y a le coût de
l'ordonnance, mais aussi le volume, les quantités de médicaments qui sont
prescrits. Donc, ce sont des éléments qui
doivent être considérés en combinaison de l'usage optimal et le prix du
médicament. On ne peut pas faire l'un sans l'autre, à notre avis.
M. Barrette :
Merci. Merci beaucoup.
Le Président (M. Tanguay) : Maintenant, nous nous tournons vers notre collègue de Rosemont
pour 12 minutes.
M.
Lisée : Merci, M. le Commissaire... M. le Président. M. le commissaire
Salois, très heureux de vous voir devant nous, Mme Robitaille, Mme Cleret, madame. Bien, justement, sur ces
questions de la politique du médicament, je suis très heureux que vous reveniez avec ça, parce que vous
nous dites que, bon, bien, c'est très bien d'essayer d'avoir au point d'achat le médicament le moins cher possible, et
vous avez des recommandations là-dessus, mais encore faut-il qu'on n'en
prescrive pas trop. Et donc là-dessus je voudrais vous poser quelques
questions. Parce que moi-même, je réclame au ministre
depuis plusieurs mois une politique du médicament et, lorsque j'ai vu arriver
ce projet de loi, j'étais très déçu à cause du ciblage extrêmement
serré, je veux dire, le sujet qu'il aborde est un bon sujet, mais il n'en
aborde pas suffisamment, et donc je veux profiter de votre présence pour qu'on
discute un petit peu de ça.
Donc vous
dites : Il faut un plan national sur la prescription et l'usage des
médicaments, et vous dites qu'il faut absolument responsabiliser les prescripteurs. Alors, quel
est le problème en ce moment, avec les prescripteurs, qu'il
faudrait modifier, qu'il faudrait résoudre?
M. Salois
(Robert) : Au niveau des prescripteurs, la discussion qu'on a eue...
Les citoyens, à notre forum de citoyens, ont
été particulièrement aidants aussi de ce genre de discussion là. Il ne s'agit
pas d'agir nécessairement pour limiter
la capacité ou la liberté de prescripteur du prescripteur, mais il y a des
informations facilement qu'on peut faire sur faire une analyse, à chaque année de donner le type de prescription que
vous faites, le montant de prescriptions. Parce que le problème ici, au Québec, c'est qu'il n'y a pas de
comparaison. Dans d'autres provinces, il y a des comparaisons où vous avez des bilans de votre performance, comme
clinicien, en pratique par rapport, par exemple... Prenons le
médicament, c'est un exemple, là, le type de médicament que vous prescrivez.
M. Lisée : Vous voulez dire que le médecin recevrait un relevé de ce
que lui prescrit à ses patients comparativement à ce que ses collègues
font, et là il pourrait voir qu'il n'est pas dans la norme?
M. Salois (Robert) : Tout à fait, et à ce moment-là ajuster sa pratique prescriptive par
rapport à de la formation continue,
essayer de savoir pourquoi. Est-ce qu'il prescrit ce type de médicament là
parce que c'est sa clientèle qui... S'il avait une clientèle d'enfants,
par exemple, beaucoup, il y aurait des médicaments limités à ça. Mais, au
moins, il peut se
comparer et voir à s'ajuster en disant : Je suis dans le champ gauche, là,
ma pratique est complètement déviante par rapport de mes confrères et
mes consoeurs, je vais voir.
Deux, un
élément qu'on voudrait, dans les prescripteurs, s'il y avait une suggestion,
c'est d'avoir le prix. Nous, on pense
que les médecins qui vont prescrire n'ont pas le temps d'aller voir... de
savoir comment ça coûte. Mais, si dans le prescripteur il y avait un
coût qui serait annoncé, un médecin ou, je pense, la majorité des médecins
qui... pour le même médicament, qui produit le même effet, puis il saurait
qu'il y en a un qui est moins coûteux, il choisirait probablement celui-là,
donc...
M. Lisée :
Qu'est-ce que vous voulez dire? Excusez-moi, juste pour comprendre. À quel
moment, est-ce que le médecin aurait le prix, au moment de prescrire?
M. Salois
(Robert) : Au moment de
prescrire. Il y a des prescripteurs automatiques, ça, on n'en a pas
partout. Donc, à ce moment-là, inscrivez ça dans la prescription, donc pas...
M. Lisée :
Et là il verrait qu'il a des alternatives pour la même molécule ou, disons, le
même effet, et là il pourrait choisir en fonction du prix, pas seulement
en fonction de sa connaissance d'un médicament ou sa méconnaissance des
alternatives.
M. Salois
(Robert) : Mais il faut lui
donner des outils, parce qu'il n'a pas le temps de faire ça, on comprend
ça...
M. Lisée : D'accord.
M. Salois (Robert) : Aussi de
produire des bilans régionaux de type de prescription pour voir s'il y a des tendances, et, à travers des informations qui
pourraient être faites par la RAMQ ou par le gouvernement, d'informer
la profession médicale sur l'arrivée d'un nouveau médicament qu'on voudrait,
qu'on aurait avantage, comme système, à avoir. Donc, d'encourager l'information
et faire une forme de formation continue sur la partie prescriptive.
M. Lisée : Je vous pose la question sur les bilans
régionaux : Pourquoi? Est-ce que vous avez l'impression qu'il y a
des tendances régionales fortes sans relation avec les différences de
conditions médicales d'une région à l'autre?
M. Salois
(Robert) : Parce que nous,
on compare les régions. Donc, d'avoir ce genre de bilan médicamenteux,
de savoir quelle sorte de prescription qui
se fait par région serait une unité d'information importante pour pouvoir mesurer et aussi faire des recommandations, à ce moment-là. Donc, comme on ne le sait pas, on pourrait le faire d'abord
dans une région, et chacune des
régions aurait son bilan, et on verrait, par rapport à des régions, par exemple, s'il y a des tendances qui sont faites, et essayer
d'identifier pourquoi on a ces tendances-là.
M. Lisée : Ça, c'est des recommandations
que vous avez faites en mars 2015...
M. Salois (Robert) : Tout à fait.
M. Lisée : ...que vous avez remises au ministre en
mars 2015. Donc, il a eu un an pour décider si, oui ou non, il
allait agir sur ces recommandations.
M. Salois (Robert) : Ça a été
remis... c'est ça, il y a eu une conférence de presse, ça a été rendu public.
M. Lisée : Je vois que, dans vos recommandations, bon, vous parlez plan
d'action sur la prescription à
l'usage des médicaments, mais vous n'avez
pas, pour ce qui est des pharmaciens, la recommandation de faire en sorte que le pharmacien fasse l'évaluation thérapeutique, ce qu'on
appelle le MedsCheck qui permettrait d'ajuster le cocktail de médicaments à
chaque patient. Pourquoi pas?
• (16 h 40) •
M. Salois (Robert) : Bien, depuis 2009 que, chaque fois qu'on fait des
recommandations sur la performance... On l'a fait en 2009 sur la première ligne, la maladie
chronique, on l'a fait aussi sur prénatalité, petite enfance. On l'a fait
souvent et à chaque fois on insiste sur le rôle du pharmacien comme étant une
partie importante de l'équipe pour ajouter les médicaments. Et on est justement
en train de travailler sur les soins de longue durée, là, et le rôle d'un
pharmacien à l'intérieur d'une équipe...
Nous autres, on a même suggéré qu'il soit partie d'une équipe GMF pour
être capable de pouvoir supporter la
partie prescriptive particulièrement, parce qu'on a des patients qui ont... qui
prennent beaucoup de médicaments. On aurait réellement des
gains d'efficacité, rendu là, en utilisant le pharmacien sur une plus grande
échelle, pour être capable d'être un vrai
consultant et faire partie d'une équipe. On a toujours fait cette
recommandation-là, nous, par rapport à un rôle de plus en plus important
du pharmacien.
M. Lisée : Mais ça, je
comprends, dans l'équipe, là, je le vois, là, intégrer les pharmaciens
cliniciens dans les équipes de soins au sein
des GMF, mais vous ne dites pas que, comme en Ontario, par exemple, le
pharmacien pourrait être rémunéré pour revoir la médication de chacun de
ses clients, et ce qui a comme conséquence souvent de les ajuster à la baisse
et donc de faire des économies.
M.
Salois (Robert) : Bien, avec
la population vieillissante et l'utilisation des médicaments qui s'en va
croissant, il y a définitivement un rôle pour un expert dans le domaine des
médicaments, qui est le pharmacien. Donc, le rôle du pharmacien pourrait être
de plus en plus utilisé. Non, on ne l'a pas fait à l'intérieur de nos
prescriptions... de nos recommandations, mais
effectivement on a eu la chance de discuter de ça avec les pharmaciens et aussi
avec les médecins, sur un rôle...
M. Lisée : Donc, vous y êtes
favorable?
M. Salois
(Robert) : Quand on parle de
l'utilisation, il y a un rôle important que... Tout le monde a un
médecin, mais ce n'est pas tout le monde...
Tout le monde a un pharmacien, mais ce n'est pas tout le monde qui a un
médecin. Donc, d'avoir un rôle
beaucoup plus proche du médecin, du patient avec le médecin, évidemment qu'on
serait en accord avec ça. Et, Anne, tu voudrais-tu ajouter quelque
chose?
Mme Robitaille (Anne) : Oui. Bien,
en fait, ces éléments-là ont été analysés, notamment ce qui se passe en
Ontario, et on a plutôt privilégié de faire une recommandation au niveau
systémique, donc de valoriser le rôle du pharmacien, notamment en l'intégrant
dans les GMF, en particulier pour les personnes aux prises avec des maladies chroniques. Et, dans la vision du commissaire, on
revient toujours à la même recommandation : l'importance de se doter
d'une politique du médicament pour avoir une
vision vraiment d'ensemble et agir à plusieurs niveaux. Et les modalités
plus fines de comment le rôle du pharmacien,
par exemple, pourrait être accru, bien, pourraient être faites dans ce
contexte-là. Dans notre rapport, on a parlé
de l'expérience, justement, qui a été faite en Ontario, et qui est
intéressante, qui a donné des résultats très pertinents, mais on se
disait : Ce qui est important, dans le fond, c'est vraiment de se donner
une vision d'ensemble et d'essayer d'agir de
façon cohérente, et non pas à la pièce, compte tenu de l'ensemble des acteurs
qui jouent un rôle dans le domaine du
médicament. Il faut vraiment avoir une vision coordonnée parce qu'une action
sur un acteur... par exemple, le rôle de MedsCheck aux pharmaciens,
bien, à quelles conditions, dans quel contexte, etc.
Donc, pour
nous, dans les recommandations qu'on a faites, ça s'inscrivait dans une
réflexion de fonds qui devait conduire à l'élaboration d'une politique
du médicament où l'ensemble de ces éléments-là étaient analysés.
M. Lisée :
Puis, par exemple, dans l'élaboration d'une politique du médicament, la
possibilité pour les pharmaciens d'offrir la vaccination, ce serait
quelque chose qui... est-ce qu'il serait utile de discuter de cette possibilité
aussi?
M. Salois
(Robert) : Ce serait
l'occasion rêvée de pouvoir en parler, d'en discuter et de voir, à un moment
donné, quel rôle accru il pourrait voir pour améliorer la santé de la
population.
M. Lisée :
D'accord. Sur la question posée par le projet de loi, je vois que vous êtes
particulièrement... J'ai compris ce
que vous dites sur l'appel d'offres et la tarification dégressive, et je
remarque que l'Alberta et la Saskatchewan vous ont écouté, alors que le
Québec, pour l'instant, non.
M. Salois (Robert) : Et l'Ontario.
M. Lisée :
Donc, je vous en félicite. Mais par ailleurs il y a, ce matin, comme vous avez
vu, l'expérience... Et vous faites...
vous parlez de l'Union européenne, vous parlez de ce qui se fait ailleurs,
mais, en Suède et en Suisse, les pays
ont décidé d'avoir un fabricant témoin public pour d'abord avoir une meilleure
idée des coûts réels, puisqu'ils le possèdent,
et de pouvoir fabriquer rapidement des médicaments en cas de rupture puis d'approvisionnement.
Est-ce que vous vous êtes penché sur cette option-là et qu'en
pensez-vous?
Mme Cambourieu (Caroline) : Alors,
pas sur cette option. Toutefois, la Suisse est un pays où le prix des médicaments est parmi les plus élevés au monde, le
novateur, puis on comprend pourquoi, parce qu'ils sont quand même la source de nombreux fabricants de produits
brevetés. Alors, on ne s'est pas penché sur la Suisse parce que, souvent,
elle est exclue des analyses, et d'ailleurs
elle ne fait pas toujours partie des pays comparables. Mais, en ce sens, nous
n'avons pas intégré cette nouvelle démarche
à notre analyse, mais de nombreuses autres démarches ont été intégrées.
M. Lisée :
D'accord. Alors, si on décidait de vous suggérer le mandat d'aller voir le
modèle suédois, et s'il est applicable au Québec, et si ce serait une
bonne idée d'avoir notre propre producteur témoin et de secours, vous seriez
ouvert à ce mandat?
M. Salois (Robert) : Vous invitez le
commissaire à aller en Suède? C'est ce que je comprends?
M. Lisée : Oui, mais en
accompagnant le président de la commission et ses membres, bien sûr.
Mme
Cambourieu (Caroline) :
Excusez-moi, j'ai fait une erreur. Je pensais que vous aviez mentionné la
Suisse.
M. Lisée : J'ai mentionné les
deux.
Mme Cambourieu (Caroline) : Ah! vous
aviez mentionné les deux. Très bien.
M. Lisée :
Mais, sur la Suède, est-ce que vous vous êtes penché sur...
Mme Cambourieu (Caroline) : Ah oui!
Bien sûr, bien sûr.
M. Lisée : Ah bon! Alors, que
pensez-vous de cette expérience suédoise où ils ont une usine?
Mme Cambourieu (Caroline) : Alors,
l'expérience suédoise, elle était à la fois novatrice, là, quand ils ont
commencé, et, à un moment donné, ils ont changé de façon assez drastique leur
moyen de fonctionnement. Ils se sont aperçus
que le fournisseur ne pouvait pas combler toutes les demandes. Donc, il y avait
souvent des problèmes d'approvisionnement et des problèmes de diversité
de produits.
Aussi, il
faut voir que la Suède, alors, est intéressante dans le sens où elle va
appliquer des modèles de prix qui sont parfois...
Elle applique la méthode du prix de référence de façon très, très, très
agressive, elle va au prix le plus bas sur le marché, donc sans distinction. Alors, elle est un petit peu... elle est intéressante, mais, dans le cadre de son fabricant,
de son modèle, même au niveau des pharmacies
qui étaient principalement publiques, il a fallu déréglementer le
système, à un moment donné.
M. Lisée : Et, en ce moment,
quel rôle joue le fabricant public?
Mme
Cambourieu (Caroline) :
Alors, à ce jour, je ne pourrais pas vous dire parce que je n'ai pas suivi la
dernière année quel est son rôle.
M. Lisée : Il va falloir y
aller, M. le commissaire. Merci beaucoup.
Le Président (M. Tanguay) : Merci à
vous. Alors, nous poursuivons les échanges avec notre collègue de Lévis pour
8 min 30 s.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le Président. M. Salois, Mme Robitaille, Mme Cleret de
Langavant, et je m'excuse, comme nos collègues, j'ai mal saisi votre nom
de famille, je dirai «Mme Caroline», en tout respect.
Mme Cambourieu (Caroline) : C'est
parfait, c'est parfait.
M. Paradis (Lévis) : Comme ça, on se
comprendra bien, histoire de bien vous saluer également.
C'est
intéressant ce que vous nous dites, M. le commissaire, en participant à notre commission
actuellement, et ça va probablement étonner les gens,
mais les chiffres sont faramineux, hein? 197 millions d'ordonnances. Et
des gens ont dû dire : Wow! Et là on parle seulement du public. Alors,
manifestement, les questionnements sont appropriés.
Vous abordez
et j'aborderai quelques thèmes à travers votre rapport, et peut-être
que j'irai un peu plus loin. Vous me
direz votre vision des choses et si vous vous y êtes arrêté. Je fais rien
qu'une parenthèse juste avant parce
que, dans une de vos réponses, vous
avez dit : Notre forum citoyen. Alors, il faut comprendre que, lorsque
vous analysez, lorsque vous explorez,
lorsque vous proposez, je trouve ça intéressant que les gens sachent qu'il y a
aussi, puis c'est une des inquiétudes
à travers ce projet de loi n° 81,
l'impact sur le citoyen puis, bon, ce qui pourrait arriver, mais vous
faites du forum citoyen également pour aller chercher ce dont vous nous parlez
là.
M. Salois
(Robert) : Alors là, le
forum de citoyens, si vous regardez dans la littérature, vous allez voir qu'il
est cité à peu près partout comme un des
exemples où le Québec a réussi à mettre en place une participation citoyenne
dans un processus d'évaluation de la performance.
Donc, nos
citoyens nous viennent des 18 régions du Québec, et ce qui est
particulier, c'est qu'il y a neuf citoyens qui sont des experts, et c'est la combinaison des deux. Donc, ce n'est
pas un processus consultatif, c'est délibératif. Donc, on les amène, sur
des questions, particulièrement sur des questions de valeur, des questions
d'éthique ou des enjeux, à délibérer par
rapport... Et souvent c'est arrivé qu'ils nous ont amenés sur des pistes de
solution parce que c'était très, très fort
chez eux, et on a exploré leurs préoccupations, et, d'autres, on n'est pas
allés là, parce que, pour eux, les valeurs qu'on représentait, c'étaient des valeurs qui étaient totalement
inacceptables. Je vous donne rapidement un exemple. En 2009, on voulait, dans le projet sur la première ligne,
identifier des médecins par code postal où les patients se... comme ils
avaient fait en Angleterre, et les citoyens
nous ont dit : En aucun moment nous ne sommes prêts à laisser tomber notre
liberté de choix et la liberté de choix du
professionnel pour une recommandation pour améliorer le système de santé. Et
donc on a abandonné cette aventure-là
où l'Angleterre faisait des expériences où les citoyens étaient rassemblés
autour d'un code postal, un code postal autour d'un médecin. Donc, ça
permettait de desservir la communauté, mais les citoyens, à ce moment-là, nous
ont dit non.
Donc, c'est
un genre d'exemple où ils nous accompagnent. Ils nous ont accompagnés dans tous
nos travaux, là. Là, on est sur le panier de services. Ils nous
accompagnent sur ça, justement.
M. Paradis
(Lévis) : Je trouve ça
extrêmement intéressant, puis je trouve ça intéressant que les gens le
sachent également parce qu'ils sont partie prenante, finalement, des
recommandations et des avis que vous émettez aussi.
Vous nous
dites : Liberté de choix dans le cas du code postal. Je reviendrai un peu
dans le cas du médicament où des professionnels nous ont exprimé des
craintes, en fonction des modèles qui sont présentés, de l'indépendance du pharmacien ou du
professionnel, en fonction, par exemple, de produits qu'ils ne pourraient
peut-être plus se procurer, puis etc.,
ou de la pression faite par des chaînes ou des bannières sur d'autres
médicaments, mais, bref, son indépendance professionnelle
et sa volonté de pouvoir assumer pleinement son rôle. Est-ce que ce sont des
inquiétudes qui font partie de ce que vous exprimez?
• (16 h 50) •
M. Salois
(Robert) : Bien, en fait,
c'est des inquiétudes qui ont été exprimées au niveau du forum de
citoyens. Je veux dire, on les a entendus
sur une base régulière particulièrement parler de la surmédicalisation, on les
a entendus parler du fait qu'à un moment donné aussi il y avait... Il y
a du monde qui viennent des régions dans notre... Chacune des régions du Québec est représentée. Donc, dans
certaines, des membres du forum exprimaient des inquiétudes parce que, dans leurs régions, l'accessibilité à certains
médicaments, des fois, n'est pas toujours la meilleure. Donc, on a entendu de la part de nos membres du forum beaucoup de ces inquiétudes-là face, nécessairement, aux médicaments, mais, pour eux autres, ils étaient préoccupés
par la surmédication. C'était une préoccupation. Puis vous savez que ce sont...
Ils ont différents âges, moitié hommes,
moitié femmes, ils sont de différents âges, et il y en a qui étaient
préoccupés parce qu'ils avaient leurs parents qui prenaient beaucoup de
médicaments, qui perdaient beaucoup d'autonomie. Et donc le médicament,
alors qu'il aide la vie, il leur enlève la qualité de vie.
Donc, on a eu
ces discussions-là de valeurs avec nos citoyens, qui étaient quand même assez
importantes puis qui teintent les travaux du commissaire, parce que, je
veux dire, on l'a eue dans la procréation assistée, on l'a eue dans le
médicament, on l'a eue dans tous nos travaux ailleurs.
M. Paradis (Lévis) : Dans le dossier
qui nous occupe, vous faites partie, en tout cas... Et vous en parlez dans votre document de la fonction, bon, régime public,
régime privé, vous direz, en fonction des coûts de l'ordonnance qui varient selon la pharmacie, il y a des écarts qui
sont importants, il y a des jeux d'économie aussi à travers ça. Il y a
des gens qui sont venus nous dire qu'on
devrait et on gagnerait... puis, bon, ça a été les propos des assureurs
notamment, bon, de dire d'avoir une
espèce de facturation plus transparente permettant aux citoyens d'avoir un
regard sur les véritables coûts. Et
en même temps d'autres ont dit : Bien là, ça va amener une certaine
confusion, alors les gens vont être mélangés, ils ne sauront plus ce qui coûte quoi puis quel montant
va à quoi. Votre vision là-dessus, sur cette transparence de la
facturation concernant ces services professionnels.
M. Salois (Robert) : On a fait une
recommandation à ce sujet-là. On était convaincus que, si on voulait permettre aux personnes qui sont dans le domaine
du côté privé... Puis on a fait des exercices, à travers nos travaux, où
on n'avait pas les mêmes prix pour le même
médicament dans différentes pharmacies. Donc, on pense qu'à un moment
donné, dans ce monde-là, la transparence au
niveau d'une facture dans laquelle il y a les... Puis ce n'est pas vrai que le
monde ne peut pas voir la différence, là.
Donc, pour nous, c'était extrêmement important d'avoir de la transparence et ça
permettrait certainement, à partir du moment où on aurait cette transparence-là,
d'aider le contrôle des coûts.
M. Paradis
(Lévis) : Vous ajoutez, en
parlant des appels d'offres, en disant : Si c'est fait correctement puis
si c'est les deux modèles ou les deux systèmes qui travaillent conjointement,
il y aura moyen d'aller chercher des économies supplémentaires. On parle de taux dégressifs et des appels d'offres.
Mais vous dites aussi : Il va falloir qu'on produise le règlement avant l'adoption du projet de loi pour
qu'on sache de quelle façon ça va être fait. Parce que tout joue là-dedans,
parce que tout peut se poser comme façons de
faire et modalités d'inscription, d'implantation, et ça, je pense que
c'est majeur et c'est important.
M. Salois
(Robert) : Bien, vous
comprenez aussi d'où on vient, nous autres, on vient de la mesure, c'est :
si le commissaire a à évaluer un
élément du système de santé, il prend des indicateurs. Donc, ça nous prend des
«targets», des cibles, puis on est
capables de mesurer si ça fonctionne. Et ce qu'on suggérait, c'est qu'à partir
du moment où vous avez vos cibles et
vous avez vos outils vous pouvez vous ajuster, là, et vous n'attendez pas trois
ans avant de mesurer les effets de
ça, vous pouvez en cours de route prendre des décisions. Mais nous, on vient
d'une organisation qui mesure, donc c'est toujours important, et on le fait dans tous nos rapports. Nous mettons
des indicateurs. Quand on met quelque chose en place, commençons tout de
suite à mesurer qu'est-ce que ça va donner pour l'analyser mais aussi pour
l'améliorer.
M. Paradis (Lévis) : Et j'ajouterai,
je compléterai sur la notion, encore un domaine qui a été abondamment questionné ici, tout le processus des allocations
professionnelles, ce que certains appelleront, bien, en fait, des
ristournes, versus le mode de rémunération
des pharmaciens, en disant : Là aussi, on a une problématique, parce que,
bon, il faut revoir le mode de
rémunération, des pharmaciens j'entends... j'ai dit «médecins», mais des
pharmaciens. Est-ce que cette façon de faire, ces allocations
professionnelles sont inquiétantes en fonction de la profession de pharmacien?
Mme Cleret
de Langavant (Ghislaine)
: Ce qui nous préoccupe, c'est que déjà, dans le
rapport 2015, nous avions été
capables de voir qu'il y avait une très grande iniquité entre le volet public
et le volet privé, à plusieurs niveaux, que ça soit, oui, au niveau du
coût de l'ordonnance, mais aussi au niveau de l'assurance, au niveau de
plusieurs niveaux, et que c'était pour nous une urgence d'agir au niveau de
réduire l'iniquité qui se trouvait dans le système au niveau du médicament, de
l'ordonnance.
Dans ce cas
présent, au niveau du projet de loi n° 81, on agit pour baisser justement
le coût de l'ordonnance, et c'est clair
que, déjà, la disparité que l'on voyait déjà dans le coût de l'ordonnance aux
niveaux public et privé risque de s'aggraver dans le cas présent, au
niveau du projet de loi n° 81. Donc, ça nous préoccupe grandement.
M. Paradis
(Lévis) : Merci.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup à vous, donc, représentants... le Commissaire à la santé et au
bien-être, merci au commissaire et aux personnes, donc, qui l'accompagnaient.
Je suspends nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 55)
(Reprise à 17 h 3)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, nous sommes de retour. Nous accueillons maintenant les représentantes,
représentants de la Coalition Priorité Cancer au Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez
d'une période de 10 minutes de
présentation. Par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les
parlementaires. Pour les fins
d'enregistrement, je vous prierais de bien vouloir vous nommer, préciser
également vos fonctions. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous.
Coalition Priorité
Cancer au Québec
M. Dion (Serge) : M. le Président,
M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, mon nom est Serge Dion.
Je suis président du comité patients et survivants de la Coalition Priorité
Cancer. Je suis accompagné par Monique
Beaupré-Lazure, de Cancer de l'ovaire Canada, de M. Pierre Boucher,
économiste-conseil, qui est également membre du comité patients et
survivants, et de M. Michel Bissonnette, conseiller de la coalition.
La Coalition
Priorité Cancer au Québec vous remercie de lui permettre de présenter ses
commentaires dans le cadre du projet
de loi n° 81. D'entrée de jeu, nous tenons à préciser que la coalition ne
s'oppose pas à l'objectif poursuivi par le ministre. Tant mieux si le recours à des appels d'offres peut réduire le
coût de certains médicaments. Cependant, sans être des experts de la question, il nous semble que la
procédure proposée par le ministre, en conférant l'exclusivité, c'est-à-dire
le monopole, à un seul fournisseur de l'approvisionnement d'un médicament et de
sa distribution n'est peut-être pas le moyen le plus approprié. Nous pensons
que cette mesure a de fortes chances de générer les effets contraires à ceux
recherchés et qu'elle risquerait de mettre la vie des patients en danger, principalement
en accroissant les risques de pénurie de médicaments.
En juin 2012, le Comité permanent de la
santé de la Chambre des communes déposait un rapport intitulé L'approvisionnement en médicaments au Canada : Une réponse multilatérale. Dans ce rapport
énuméré... Pardon. Dans ce rapport
sont énumérées de nombreuses causes possibles de pénurie. On y souligne que la
passation de marchés à fournisseur unique constituait la cause de
perturbation de l'approvisionnement en médicaments la plus facile à éliminer.
Mme
Beaupré-Lazure (Monique) : À cet effet-là, vous vous rappellerez
probablement des incidents qui sont survenus
à l'usine Sandoz, à Boucherville, en juin 2012. On se rappellera aussi de
la crise provoquée par la fermeture brutale de la centrale nucléaire de
Chalk River en Ontario au printemps 2009, interrompant la production
d'isotopes utilisés en imagerie nucléaire.
En moins de six mois, on a estimé à 16 % la baisse du nombre d'examens
pour les cancers. Des milliers de
tests diagnostiques ont été retardés. Il faut ajouter que le Québec s'en est
mieux tiré parce qu'il pouvait compter immédiatement sur une autre
méthode diagnostique.
En
octobre 2011, une patiente atteinte du cancer de l'ovaire a dû interrompre
ses traitements de chimiothérapie pendant
deux mois parce qu'elle ne pouvait plus obtenir le Caelyx, un médicament en
rupture de stock, parce que Santé Canada
avait interdit, à juste titre, son importation en raison de pratiques
inappropriées de la part du fabricant. Des dizaines de patientes ont été affectées durement, parce que
le médicament de substitution provoquait plus d'effets secondaires.
En
juin 2014, nos hôpitaux ont lancé un cri d'alarme face à une augmentation
de 100 % des coûts du paclitaxel, un
médicament essentiel donné par injection lors de chimiothérapies pour soigner
les cancers du poumon, du sein et de l'ovaire. Cette hausse de coûts
résultait d'une pénurie due à l'incapacité du fabricant d'honorer son contrat
avec un groupe d'hôpitaux québécois. Un
autre fournisseur en a profité pour augmenter ses prix en offrant le même
médicament.
En
septembre 2014, Cancer de la vessie Canada s'inquiétait de la pénurie du
BCG, un médicament utilisé pour traiter le cancer de la vessie, qui
touche quelque 8 000 personnes par année. Des problèmes à l'usine du
fabricant en Caroline du Nord et l'arrêt de
production chez un autre fabricant sont à l'origine de la rupture de stock, qui
s'est poursuivie pendant plusieurs mois.
Ce ne sont
que quelques exemples qui préoccupent nos membres. On pense que les patients
atteints de cancer ne doivent pas
avoir à affronter ce genre de traumatisme et d'insécurité, pas plus d'ailleurs
que les personnes aux prises avec d'autres types de problèmes de santé.
Cependant, dans le cas du cancer et de plusieurs maladies rares, le médicament
a souvent un caractère immédiatement essentiel à la vie et à la survie des
patients. La sécurité et la fluidité des approvisionnements sont donc vitales.
En cas de rupture, les délais et décalages pour se procurer le médicament par une autre source peuvent compromettre sérieusement
la santé des patients, leur qualité de vie et même leur survie. Des progrès ont été réalisés au cours des dernières
années, mais ils demeurent modestes. Au Québec, une cellule de crise
permet de faire circuler rapidement l'information sur les pénuries chez les
pharmaciens. Santé Canada a aussi mis en ligne la déclaration de pénurie par
les fabricants sur une base volontaire. Ce serait préférable d'avoir une base
obligatoire.
• (17 h 10) •
M. Dion (Serge) : Chose
étonnante, en consultant le document d'analyse d'impact réglementaire à l'appui
du projet de loi, nous avons constaté que la
santé des patients ne fait pas partie de l'analyse des impacts. Pas un mot.
Pourtant, le régime général d'assurance médicaments leur appartient.
C'est
un fait reconnu que la sensibilité des personnes qui reçoivent un diagnostic de
cancer est souvent poussée à un point
extrême. Nous pensons qu'il n'est pas souhaitable d'en rajouter à cause de la
non-disponibilité des médicaments dont ils ont besoin. Concernant les
médicaments anticancéreux, nous avons une réelle inquiétude quant à la
substitution thérapeutique d'un médicament
novateur par un autre advenant qu'une classe de médicaments soit visée par un
appel d'offres.
Alors
que la substitution de médicaments génériques est assez largement acceptée par
la population et les patients, il en
va autrement de la substitution thérapeutique, particulièrement dans le cas des
médicaments innovateurs en oncologie. Par exemple, lorsqu'un appel
d'offres touchera une classe de médicaments novateurs et que l'un de ses
fabricants en obtiendra l'exclusivité, tous les autres médicaments de la même
classe se retrouveront en principe sur une liste de médicaments d'exception, et ce, pour toute la durée exclusive accordée.
La procédure du médicament d'exception est mal connue chez un bon nombre de médecins ou encore jugée trop complexe, de sorte que plusieurs
patients n'y ont pas droit ou n'en entendent jamais parler.
Nous voyons mal pourquoi
il faudrait modifier le traitement de patients qui répondent bien aux soins qui
leur sont donnés. Nous pensons qu'il est
préférable de prendre tous les moyens nécessaires pour éviter les risques inutiles pour la
santé et la sécurité des patients.
M.
Boucher (Pierre) : La préoccupation qu'on a eue également en rédigeant ce mémoire, c'est au niveau de
la grandeur, de la taille du marché au Québec.
Le Québec, c'est un très petit marché, par des considérations
nationales et internationales. Alors donc, souvent, l'origine de la
production va venir de l'extérieur, ce qui nous rend plus fragiles à l'approvisionnement. Santé Canada a d'ailleurs
souligné que, souvent dans le cas de pénurie au niveau de médicaments, lors
de l'approvisionnement, il y a des questions de passation de marché. Passation
de marché, ça veut dire qu'on retrouve un marché à un fournisseur
unique. Alors, en appel d'offres, quand il y a peu de fournisseurs, il peut y
avoir de la collusion. Je pense qu'on a des
exemples récents, même lorsqu'il y a un grand nombre de fournisseurs, il peut y
avoir de la collusion. On parle, selon Santé
Canada, d'environ une quintaine de producteurs de produits génériques au
Canada, alors qu'il y a une quarantaine de producteurs de produits innovateurs.
Alors donc, il y a une sensibilité à laquelle il faut tenir compte.
Au niveau de la rupture de stock, en 2012 il y a un comité sur les ruptures
d'approvisionnement en médicaments qui
était composé d'associations et d'ordres professionnels qui, justement,
ont tenté de cibler des modalités de pénalité dans le cas de rupture d'approvisionnement. On n'est
pas arrivés à des conclusions qui étaient
plausibles. Alors donc, dire qu'on va atteindre un équilibre potentiel en ayant
des pénalités substantielles, bien, c'est un petit peu théorique et
c'est spéculatif en tant que tel.
M. Dion
(Serge) : Alors, voici nos recommandations :
Pour
assurer la sécurité des patients et préserver un meilleur accès aux
médicaments, nous demandons au ministre de ne pas s'engager sur la voie
des appels d'offres exclusifs, ayant pour objet d'accorder des contrats
d'exclusivité.
Si, malgré tout, le
ministre maintient son intention de procéder avec les appels d'offres
exclusifs, nous lui recommandons de surseoir
à l'application du projet de loi, le temps d'observer les effets et les
résultats de la participation du Québec à l'APP et de mettre en
application les recommandations émises en 2012 par le comité sur les ruptures
d'approvisionnement de médicaments.
La mise sur pied d'une
liste de médicaments essentiels devrait être disponible en tout temps.
Nous
pensons que les appels d'offres devraient être limités aux médicaments
génériques. Toutefois, il nous apparaît vital pour les patients que les
médicaments contre le cancer, qu'ils soient génériques ou novateurs, soient
considérés comme des médicaments essentiels et qu'ils ne soient pas assujettis
aux appels d'offres.
De
plus, le ministre devrait faire pression sur les autorités fédérales de manière
à ce que la réglementation rendant obligatoire
la déclaration d'une pénurie par le fabricant soit mise en vigueur dans les
plus brefs délais, parce que vous savez qu'en ce moment la déclaration
est volontaire.
M.
Boucher (Pierre) : En
conclusion, bien, écoutez, je pense qu'on est très sensibles, à la
coalition, à l'effet que c'est très, très, très dispendieux, les
médicaments. Dans leur dernier atlas, 2014, produit au Canada, le per capita
des dépenses en médicaments se situe à 820,60 $, alors que la moyenne
canadienne est 606,96 $. Alors donc, il y a une différence substantielle.
Il y a carrément quelque chose à faire pour diminuer ces coûts-là.
Une statistique qui nous intéresse, qui nous
interpelle, c'est qu'entre 2012-2013, 2007-2008, la période quinquennale
qui a été analysée, l'accroissement du nombre de prescriptions au Québec a été
de 84,6 %, comparativement à des diminutions
au Canada. Et, en plus, c'est que la grosseur, et la durée, de ces
prescriptions-là a diminué de 56,8 %. Alors donc, il y a... Dans une fonction de production, oui, il faut tenir
compte du coût d'approvisionnement, d'aller chercher les meilleurs
intrants, mais il y a aussi tout le processus qui fait en sorte que les gens
qui prescrivent ou qui vendent les médicaments... qui doit être tenu en ligne
de compte dans ces conditions-là.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant
débuter la période d'échange, et, pour 20 min 30 s, je
cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Barrette :
Merci, M. le Président. Alors, M. Dion, Mme Beaupré-Lazure, M. Boucher et M.
Bissonnette, bienvenue à cette commission parlementaire et merci d'avoir, évidemment,
pris le temps de venir nous faire part de votre vision des choses vue de l'angle du patient,
parce qu'évidemment, la Coalition Priorité Cancer, je pense qu'on peut
dire que vous venez vous exprimer de cet angle-là. Vous êtes d'accord?
M. Boucher
(Pierre) : Absolument.
M. Barrette :
Bon. Je suis quand même un peu étonné de vos inquiétudes puis j'ai envie de
vous demander, là, à la lumière de ce que vous avez entendu... Parce que je
postule que vous avez suivi les travaux de la commission, certainement aujourd'hui, et, quand vous entendez
tous les experts qui, eux, je pense, sont indépendants... Tant M.
Gagnon, par exemple, ce matin, tant M.
Brougham, de la Nouvelle-Zélande, hier, tant le Commissaire à la santé et au
bien-être, ces gens-là viennent nous dire que les appels d'offres, c'est
la voie à suivre, et là, essentiellement, vous avez exprimé un grand inconfort
face à ça. Comment on peut concilier les deux?
M. Bissonnette
(Michel) : Peut-être une précision, M. le ministre. Je pense que M.
Dion a bien expliqué une chose : on
n'est pas contre les appels d'offres, c'est la notion d'exclusivité qui, pour
nous, est dangereuse. Un peu comme l'a dit le rapport du comité de la
Chambre des communes, et d'autres, l'Ordre des pharmaciens disait la même chose
il n'y a pas tellement longtemps, c'est la
notion d'exclusivité qui est dangereuse, parce qu'elle ne permet pas de
souplesse aux remplaçants, si vous voulez, en cas de rupture de stock.
Et
malheureusement, si vous constatez... quand vous allez, par exemple, sur le
site de Santé Canada, depuis le début de
la semaine il y a au moins deux douzaines de pénuries de médicaments déclarées
volontaires de diverses compagnies, et ça,
à chaque jour, il en rentre sept, huit, 10. C'est inquiétant pour les patients
parce qu'ils n'ont pas votre expertise, ils n'ont pas la connaissance
des soignants du système de santé, et donc, quand ils voient que leur médecin leur dit : Écoute, ton médicament,
là, on ne sait pas trop si on va l'avoir encore, ou encore qu'à
l'établissement de santé... Le
paclitaxel — ça a été
le cas le plus important qu'on a eu récemment — quand tu te fais dire : Écoute, tu
ne l'auras plus. Malheureusement, on n'est
plus capables de te le donner ou on peut te le donner juste à petites doses, on
coupe ta dose...
M.
Barrette : Non, je comprends bien. Donc, j'ai peut-être mal interprété
votre propos. À ce moment-là, est-ce que je pourrais dire que vous êtes
en faveur des appels d'offres à la condition que ceux-ci soient construits et
écrits d'une telle manière qu'on met des garde-fous dans l'appel d'offres?
M.
Dion (Serge) : Tout à fait. D'autant plus qu'il faudrait prévoir,
parce que je sais que ce n'est pas dans votre projet de loi, il faudrait prévoir évidemment... Mettons qu'on enlève le
mot «exclusif» sur les appels d'offres, il faudrait prévoir plus d'un...
M. Barrette :
...une double adjudication, là.
M.
Dion (Serge) : ...plus d'un fabricant, mais, en amont, je dirais, en
amont, chez les fournisseurs de matières premières et d'ingrédients
actifs, il faudrait que ces gens-là soient contrôlés. Je n'ai peut-être pas le
bon terme.
M. Barrette :
Non, c'est le bon terme.
M. Dion
(Serge) : Mais il faudrait s'assurer qu'on aurait une variété et
évidemment la provenance de ces médicaments-là.
Donc, on comprend que les pharmaceutiques sont très rigoureuses dans leur
processus, mais c'est quelque chose qu'à notre avis, dans votre
réglementation ou dans votre plomberie législative, on devrait inclure.
• (17 h 20) •
M.
Barrette : Bien, écoutez, moi, je reçois très favorablement vos
commentaires. Je l'ai dit à plusieurs reprises et je vous le redis : C'est clair qu'un appel
d'offres, ça se construit, et on peut mettre essentiellement ce qu'on veut dans
un appel d'offres, on peut mettre toutes les
conditions. On peut aller jusqu'à la présentation, on peut demander qu'un
médicament soit présenté sur une pilule de
telle grosseur, avec telle couleur ou à deux couleurs. On peut tout faire, on
peut tout faire dans un appel
d'offres. Non, mais vous avez raison, là. Je tiens à vous rassurer. C'est clair
que, sur le principe de la sécurité de l'approvisionnement, on peut
mettre ce que l'on veut dans un appel d'offres. Alors, prenons, par exemple, la
double adjudication. C'est un principe qui
est souvent évoqué pour ceux qui font des appels d'offres. Il y a toutes sortes
de formules.
La
raison pour laquelle ce n'est pas dans le projet de loi, c'est parce qu'un
appel d'offres, ou sa construction, ce n'est
pas nécessairement fixe dans le temps. C'est rare qu'on écrive un appel
d'offres qui est celui-là, puis on va l'utiliser à tous les six mois de la même manière pendant
10 ans. C'est bien rare, ça. Pour faire ça, il faut que ce soient des
produits qui soient vraiment, vraiment
définitifs dans le temps, sans aucune autre apparition sur le marché. Je vais
prendre quelque chose qui va vous apparaître bête, là, mais on peut faire des appels d'offres pour acheter des seringues. Une seringue, là, ce n'est pas compliqué : une seringue de 10 cc,
c'est une seringue de 10 cc, puis c'est en plastique, puis «that's it»,
puis on fait un appel d'offres. Ça, là, c'est le genre de produit qu'on
peut standardiser puis faire ça périodiquement.
Dans
le médicament, c'est assez difficile à imaginer, d'une part, c'est la même chose dans d'autres fournitures médicales,
mon point étant ici que, dans le projet
de loi, c'est sûr qu'on ne peut pas
mettre la mécanique de la construction de
l'appel d'offres parce que ce n'est
pas quelque chose de fixe dans le temps ni de nécessairement reproduit d'un
produit à l'autre, par exemple, dans le cas du médicament.
M.
Bissonnette (Michel) : Mais,
M. le ministre, vous seriez d'accord, dans ce cas-là, pour, par exemple,
éliminer du projet de loi la notion d'exclusivité?
M.
Barrette : Bien, c'est-à-dire qu'encore une fois ça se construit, là,
un appel d'offres, et la notion d'exclusivité... Et là je ne veux pas rentrer dans le détail, parce que ce n'est pas le
lieu, puis ce n'est pas parce que je ne veux pas qu'on ait cette
discussion-là, mais, dans un appel d'offres, peu importe la façon selon
laquelle l'appel d'offres est construit, il
doit y avoir une notion d'exclusivité. Je dis «une notion d'exclusivité». Pour
qu'un fournisseur voie l'avantage de baisser son prix, bien, c'est le principe inversé, si vous me le permettez, du
rabais volume. Quand un fournisseur veut mettre sur des tablettes d'un vendeur... Oublions le médicament, prenons n'importe quoi,
n'importe quoi d'autre, une bicyclette dans un magasin de bicyclettes.
Je veux mettre visible ma marque, exposée, là. Si on rentre dans le magasin, je
veux le voir là — c'est
comme ça que ça marche, là, dans le commerce, là. Quand on rentre dans le
magasin, je veux que ma bicyclette soit la
première qu'on voie. Puis là je vais te donner un avantage financier, là, si tu
le fais. Puis, si tu en vends un certain
volume, bien là, tu vas avoir un autre avantage financier, et inversement si ce
n'est pas là, blabla. Tu sais, c'est ça, le monde du commerce, là. Alors, il doit y avoir un bénéfice perçu par le
fabricant en échange d'une baisse de prix. Puis ça, je dirais que, dans le monde économique dans lequel
on vit, bien, c'est une mécanique à côté de laquelle on ne peut pas
passer.
Alors, me demander d'enlever la notion
d'exclusivité dans un appel d'offres, ça revient à dire : Il n'y a plus d'appel d'offres. À ce moment-là, vous devriez me
suggérer d'aller un peu dans le sens du Commissaire à la santé et au bien-être, qui nous disait tantôt : Bien, à
ce moment-là, faisons une combinaison des deux, et votre position, à ce
moment-là, serait plus dans la catégorie du
tarif dégressif, ce qui, à ce moment-là, serait, à vos yeux — puis là vous me corrigerez si me trompe — plus satisfaisant. Je vous fais baisser les
prix, parce que je fixe les prix plus bas par rapport à aujourd'hui, mais là ça laisse l'accès à tout le monde qui veut
bien entrer dans cette fourchette de prix là. Là aussi, il y a des potentiels,
là.
M. Boucher
(Pierre) : Mais une chose qui nous interpelle, c'est qu'il y a
beaucoup de spécialistes en économie de la santé, en pharmacoéconomie,
qui se sont penchés sur les appels d'offres dans une quinzaine de juridictions,
puis c'est vrai que ça fonctionne. C'est
vrai et c'est indéniable, là. Mais, à certains endroits, ça ne fonctionne pas
aussi bien que dans d'autres endroits. Alors donc, il y a une question
d'optimalité.
Puis une
autre question qui nous interpelle beaucoup dans ce secteur-là, c'est que, dans
le projet de loi, à différents endroits,
on ne peut évaluer pour le moment la hauteur des économies. On ne peut
quantifier à ce moment-ci les économies potentielles. Ça pourrait entraîner une réduction de la concurrence, et
je pourrais citer les pages où c'est donné. Étant donné qu'on connaît toutes les classes thérapeutiques,
qu'on sait que le plus... en masse, en volume, c'est les
antidépresseurs, le 13e, c'est les antinéoplasiques. On connaît tout, le nombre
de prescriptions, les fournisseurs, etc. Est-ce qu'on a une idée des gains potentiels? Est-ce que c'est de
diminuer la masse de 4 %, 5 %? On dit la même chose au niveau
des PME, au niveau de l'emploi. Ça se peut qu'il y ait des PME qui soient
touchées, ça se peut qu'il y ait de l'emploi qui soit perdu. Est-ce qu'on a été
plus loin que ça? J'ai des confrères économistes ici, au gouvernement, qui
pourraient certainement mousser ça, là, puis structurer ça.
M.
Barrette : Le problème qui est le vôtre, le mien est celui de l'espace
public, particulièrement lorsqu'on pose la question, comme vous la posez, vous qui êtes, je le comprends, économiste
de formation. La problématique qui survient quand on veut répondre à votre question, qui est la question la plus
pertinente : C'est combien qu'on va aller chercher?, bien là, évidemment, ça exige de connaître un
certain nombre de coûts, de paramètres qui sont en réalité des coûts : le coûtant de la fabrication, le coûtant de chacun
des intermédiaires. Le coûtant à la fin, ça, on le sait parce qu'on le fixe. Mais quel est exactement
le seuil à partir duquel il y a un profit que l'on va gruger? Quand on fait un appel d'offres, là, ne nous leurrons pas, on
va gruger un profit. Est-il possible de créer des circonstances qui vont faire en sorte que ce profit-là, à un groupe, soit préservé en enlevant
d'autres profits que d'aucuns pourraient qualifier d'indus? Si vous avez suivi
la commission, évidemment, les travaux, et je pense que vous l'avez fait,
vous m'avez vu explorer ça à chaque reprise. Je ne peux pas le faire avec vous, vous n'êtes pas dans
ce secteur-là, mais je peux le faire aussi par le biais de votre question.
Alors, pour
répondre à votre question, il aurait fallu que tous ceux qui sont passés
ici s'ouvrent. Combien de fois j'ai dit
à des gens : Regardez, là, dans votre univers, vous le voyez, que vous
soyez au centre, à une extrémité ou à une autre, vous le voyez, votre
univers. Elle est où, la marge? Alors, évidemment, je n'ai pas eu de réponse.
J'ai des
indicateurs ou des indications qui sont suffisamment fiables pour dire
qu'il y a des économies substantielles à faire. Mais la problématique, là, pour répondre à votre question,
exige que quelqu'un ouvre ses livres. Après, si ça, ça ne
marche pas, les gens n'ouvrent pas leurs livres, bien, il reste une mécanique,
deux mécaniques, même, trois.
La première
mécanique, elle est facile : on fait un appel d'offres. On ne le sait
pas, mais on va le savoir, parce que, l'appel d'offres, c'est ça qu'il
fait. Vous êtes économiste, là, vous savez bien que l'appel d'offres va nous
montrer, là... Un appel d'offres bien fait, là, va pousser le marché, c'est le principe du marché, à
sortir le plus bas prix. On va finir par savoir. Mais ça, ça peut avoir
des conséquences, c'est ce que bien des gens sont venus ici nous exprimer.
L'autre
mécanique, on l'a dit tantôt, là, il
y en a qui nous l'ont suggérée, il y a
des gens qui sont venus en parler encore
aujourd'hui : bang! On fixe les prix. Bien, on fixe les prix,
puis on regarde si les gens continuent à rester dans le marché, puis on
s'en va de même, progressivement. Alors, le M. Brougham, là, qui est venu de
Nouvelle-Zélande, essentiellement c'est un peu ça qu'il nous a expliqué. On fait
des appels d'offres, on fait un mélange de certaines choses,
on commence et empiriquement on s'en va là.
On a même entendu un expert ce matin nous parler
de la Suède avec une compagnie qui... pas simplement pour se développer une
expertise de production, mais l'expertise que le gouvernement suédois semble
s'être développée, cette expertise,
c'est une expertise qui traite essentiellement de la connaissance du coût de
production. À partir du moment où on a développé l'expertise de la connaissance
du coût de production, bien là, on peut regarder l'industrie puis dire : Bien, je le sais, où est-ce qu'elle est,
votre marge. Alors, si vous voulez entrer dans la danse, bien, c'est
nous qui connaissons et écrivons la musique de la danse, dansons.
Mais là, aujourd'hui, vous
nous posez une question à laquelle il est difficile de répondre officiellement
au micro et à la caméra, parce que ça serait révéler un certain nombre de
choses, et ainsi de suite, là. Alors là, on tombe dans les stratégies et
politiques et économiques.
M. Boucher
(Pierre) : Je suis d'accord avec vous. Sur la base de l'écart de prix,
moyenne canadienne puis ce que ça coûte au Québec, il y a une marge sur
laquelle on peut absolument aller chercher des diminutions de prix. Je suis
entièrement d'accord avec vous.
M.
Barrette : La meilleure démonstration, là, un autre indicateur, un
autre indicateur qu'il y a de la marge, mais c'est un indicateur :
le marché, actuellement, là, on le sait, le marché, là, c'est qu'on demande aux
fabricants des allocations professionnelles jusqu'à 60 %. C'est ça qui
circule, là. Le déplafonnement des allocations, là, va induire un coût, chez le fabricant, le grossiste, la
chaîne, avec tout ce qu'il y a entre les deux, là, jusqu'à 60 %, par
rapport à 15 % aujourd'hui. Je
n'ai pas aucune indication que le Québec industriel générique va fermer, mais
ça vient gruger les profits, là. Il y
en a, de la marge, on le sait, là. Le 60 % que j'invoque aujourd'hui, là,
ce n'est pas une invention, là, ça circule sur le terrain, et il y a des gens, dans les fabricants,
les grossistes, et ainsi de suite, qui disent oui. Des informations qu'on
n'a pas.
Hier, j'ai posé une question simple, ou ce
matin, là, je ne me rappelle plus, aux grossistes, hier : Est-ce qu'il y a un prix à l'entrée? La réponse a été non. Il y
a quelques minutes, j'ai posé la même question aux innovateurs, la
réponse a été oui. C'est l'histoire de la commission. C'est l'histoire des
consultations qu'on vient de faire. On a entendu tout et son contraire, mais il
y a une chose qui est la constante, c'est qu'on paie trop cher. Alors, quels
moyens on va utiliser? Bon, on verra, là.
Une chose est certaine, les moyens qui sont dans le projet de loi, je pense
qu'ils vont faire oeuvre utile. Ils
vont atteindre leur finalité, et je vous l'accorde, à la condition qu'on
s'assure de le construire d'une telle
manière que vous, les patients, ou les gens que vous représentez, ayez la
garantie d'approvisionnement. Mais, pour boucler la boucle, enlever une notion
d'exclusivité, ce n'est pas possible, ça, c'est vraiment s'enlever un levier,
là.
• (17 h 30) •
M. Bissonnette (Michel) : Il y a
plusieurs variables dans l'exclusivité. Mais, sans revenir là-dessus...
M. Barrette : Non, non, non, vous
avez raison, vous avez raison, il y a plusieurs façons de construire ça.
M.
Bissonnette (Michel) :
Voilà. Ce qui est certain, c'est qu'au niveau des patients tu ne peux pas... Tu
es dans un protocole de recherche
clinique, par exemple, et tu es suivi, c'est un traitement, bon, et tu es
suivi, tu as un médicament. À un
moment donné, il arrive un problème, peu importe lequel, ça peut se produire
n'importe où dans le monde. Est-ce que le Québec a le contrôle
là-dessus? C'est un peu ça, l'inquiétude que nous avons.
Dans le cas, par exemple, du paclitaxel,
excusez-moi l'expression, mais c'est un problème qui est arrivé en Caroline du Nord. Malheureusement, le fabricant au
Québec, ou en Ontario, avait cessé de le produire. Comment peut-on
contrôler ces compagnies-là?
M. Barrette : Oui, et, je vous
dirais aussi, a contrario, puis ce n'est pas vraiment pour s'obstiner, ce n'est
pas ça, là, c'est que, même s'il n'y a pas
d'appel d'offres, il est possible d'avoir des ruptures d'approvisionnement pour
des raisons purement industrielles. Prenons
l'exemple que vous avez pris, madame, tout à l'heure, l'exemple de
Chalk River. Bien, c'est parce que
l'univers entier a choisi d'arrêter de produire des radio-isotopes et c'était
Chalk River qui devenait le principal...
bon. Puis, vous avez raison, c'est ça, mais ce n'est pas à cause d'appels
d'offres. On sera toujours à la merci de circonstances industrielles qui induisent ça. Mais là vous pourriez me
dire : Ne les provoquons pas. Puis je suis d'accord avec vous.
M. Bissonnette (Michel) : À
l'inverse, M. le ministre, vous avez là la notion de fournisseur unique.
M.
Barrette : Oui. C'est pour ça que je vous dis : On peut le
construire d'une façon où on va éviter ce problème-là.
M.
Bissonnette (Michel) : Et,
dans le cas des médicaments contre le cancer, ce que nous souhaitons, c'est
vraiment que, qu'ils soient génériques ou novateurs, ils ne soient pas l'objet d'appel
d'offres, à cause des dangers que peuvent représenter les ruptures de stock ou
encore les délais, le décalage...
M. Barrette : Mais ça, mais ça, je
vous arrête, je l'ai dit à plusieurs reprises, ce projet de loi là, là, le
projet de loi n° 81, c'est un projet de loi de génériques à la base, là.
M. Bissonnette (Michel) : Pardon?
M. Barrette : C'est un projet de loi
de génériques à la base.
M. Bissonnette (Michel) : Oui, tout
à fait, tout à fait, d'accord.
M.
Barrette : Bien, je
vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de nous présenter votre mémoire
et d'être venus ici. M. le Président, je n'ai pas d'autre question.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous poursuivons les échanges avec
le collègue de Rosemont pour 13 minutes.
M. Lisée : Merci, M. le
Président. Donc, on vient d'apprendre que le projet de loi n'est pas un projet
de loi novateur, c'est un projet de loi générique. Mais donc, messieurs dames, merci beaucoup d'être là — c'est jeudi en fin d'après-midi, alors vous m'excuserez cette
taquinerie — M. Dion,
M. Boucher, Mme Beaupré-Lazure, M. Bissonnette.
Une de vos
recommandations, vous dites donc... Justement, cette question de génériques ou
de novateurs, vous dites : Mais
les appels d'offres, s'ils devaient être envisagés par l'État québécois, ne
devraient pas toucher les médicaments génériques contre le cancer.
Pourquoi?
M. Dion
(Serge) : Parce qu'il y a le
feu dans la maison. On ne parle pas d'aspirine, on ne parle pas d'un mal
de tête, on parle de gens qui sont atteints
de cancer. La journée où est-ce qu'on annonce à cette personne-là : Bien,
ça ne sera plus le médicament a, ce sera le médicament b, pendant que le
médicament a fait la job, qu'est-ce qu'il va se passer? On sait pertinemment,
ce n'est pas toujours les mêmes molécules, donc il y a un risque ici, il y a un
risque que le patient se ramasse à l'hôpital.
M. Lisée : Dans tous les cas?
M. Dion (Serge) : Pas dans tous les
cas, dans certains cas.
M. Lisée :
Non, non, mais je veux dire, ce n'est pas dans tous les cas qu'ils vont aller à
l'hôpital. Mais vous voulez dire que,
dans tous les cas, la substitution d'un médicament contre le cancer ne peut...
Il ne peut pas y avoir de substitution, peu importe le traitement.
M.
Bissonnette (Michel) : Ce
n'est pas ça qu'on dit. Au niveau du générique, on n'a pas de difficulté avec
ça. Ça, c'est communément admis. Ce qui est dangereux, c'est, par exemple,
quand il y a une rupture de stock dans un médicament
générique contre le... qui a une incidence ou qui est en interaction avec
d'autres médicaments qui traitent une personne atteinte de cancer, s'il
y a une rupture de stock, le décalage, le temps de se retourner de bord pour
aller voir un autre fabricant, le temps de s'approvisionner et de rentrer ça
dans les protocoles de traitement, ce bout-là, là, c'est dangereux, ça peut
conduire à des... Et il y a des gens qui en ont subi de lourdes conséquences,
de ça.
M. Lisée :
Et donc ce que vous craignez, ce n'est pas tant la substitution que la rupture
de stock qui pourrait être induite par une mauvaise gestion des appels
d'offres.
M. Bissonnette (Michel) : Au niveau
du générique, oui.
M. Lisée :
D'accord. Maintenant, il y en a, des ruptures de stock, en ce moment, à la fois
pour les novateurs et pour les
génériques. Certaines démonstrations qui nous ont été faites disent :
Bien, en fait, dans des régimes... Le spécialiste qui était le directeur
général de la société publique néo-zélandaise dit : Bien, nous, notre
expérience, c'est qu'il y a moins de
ruptures de stock après quelques années en Nouvelle-Zélande qu'il y en avait
pour les États-Unis. Donc, il semble que ce risque-là a été exagéré
parmi les critiques.
M. Dion (Serge) : Concernant la
pénurie de médicaments, les fabricants de médicaments sont tenus d'aviser Santé Canada de la non-disponibilité d'un médicament
jusqu'à 30 jours après la non-disponibilité. Donc, il
y a quelque chose qui ne fonctionne pas au niveau du décalage.
Donc, une des
recommandations qui a eu lieu à la Chambre des communes, c'était justement
qu'on ait un préavis, qu'on travaille
en amont, qu'on ait un préavis de six mois, même un an si c'était possible. À
ce moment-là, la pénurie de médicaments...
parce qu'on sait que c'est un problème qui est mondial, à ce moment-là, bien,
il y aurait peut-être moyen de travailler en proactivité.
M. Lisée : Il y a un argument
que vous utilisez en fin de mémoire et qui rejoint ce que le commissaire a dit avant vous et plusieurs autres, en disant :
Bon, bien, c'est très bien de travailler sur le prix du médicament puis
d'aller chercher le juste prix, et
probablement... avec certitude, nous avons payé beaucoup trop cher pour les
médicaments ces dernières années, on
paie moins cher maintenant, on peut payer encore moins cher, mais, si on n'a
pas de contrôle sur le volume et si,
donc, les prescripteurs prescrivent trop ou prescrivent mal, bien, il y a une
partie des économies que nous ne faisons pas.
Et vous
dites : En 2012-2013, il s'est dépensé en médicaments au Québec 820 $
per capita, beaucoup plus que dans le
reste du Canada. Le volume de prescriptions a augmenté de 80 %, alors que
la grosseur et la durée des prescriptions ont diminué de près de 57 %. Alors, expliquez-nous ce que ça veut
dire, que le volume a augmenté de 80 %, alors que la grosseur et la
durée ont diminué de près de 57 %.
M. Boucher (Pierre) : Là, je vais
faire attention comment je vais répondre parce que j'ai déjà travaillé pour une
association qui regroupait des pharmaciens. Regardez bien, là, on peut avoir
une prescription renouvelable, d'accord? Je
peux donner trois fois la prescription aux patients. Mais, si je lui donne pour
15 jours, 18 jours, 30 jours, revenez, s'il revient, il revient, la prescription
est plus petite, mais j'ai un volume de trois pour un contenu de
médicament qui est beaucoup plus faible. Et ça, ce n'est pas... je l'ai vu dans
une vie antérieure, mais je peux vous dire que, les statistiques de l'Atlas Rx 2014, vous avez une manne de
statistiques qui mettent le Québec en exigu sur ces points-là. Je peux
vous dire qu'en Colombie-Britannique c'est 511,38 $, puis les gens ne sont
pas davantage malades, pas moins malades,
les maladies, les pathologies ne sont pas tellement différentes de l'est du
pays, là. Alors donc, si on est à 511,38 $ puis on est à
820,60 $, bien, il y a peut-être lieu d'examiner entre les deux le
différentiel de prix comment ça se passe.
M. Lisée :
Mais je comprends ce que vous dites sur le fait de renouveler des prescriptions
au mois plutôt qu'aux trois mois, et effectivement ce serait une mesure
intéressante et importante à introduire, mais donc ce que vous nous dites en disant que le volume de prescriptions a
augmenté, mais la durée des prescriptions a diminué... c'est-à-dire que
non seulement la tendance n'est pas à ce que
les pharmaciens renouvellent ou donnent des prescriptions pour trois mois,
c'est que la tendance est inversée, et plus on avance, plus la durée de la
délivrance des médicaments est courte, et donc le retour du client est plus...
M. Boucher (Pierre) : Exact.
M. Lisée : À quoi est-ce que
c'est attribuable?
M. Boucher (Pierre) : Je n'ai pas la
compétence pour juger de ça.
M. Lisée : O.K. Mais ça ne
peut pas être la seule explication du différentiel entre 511 $ et
820 $.
• (17 h 40) •
M. Boucher
(Pierre) : Il y a beaucoup de facteurs. La chaîne de valeur du secteur
pharmaceutique, elle est large, complexe. M. le ministre, tantôt, a
souligné qu'on peut deviner, on peut fixer des prix d'entrée, des prix de sortie,
on peut fixer toutes sortes d'ententes, on peut prévaloir de situations, mais
c'est opaque, d'accord? C'est très opaque.
M. Lisée :
Mais on a le meilleur prix, on a le meilleur prix au Canada pour le médicament
lui-même. Alors, ça veut dire que, s'il s'est dépensé en médicaments
820 $ per capita au Québec et 511 $ en Colombie-Britannique, c'est
qu'aussi les prescripteurs prescrivent beaucoup, beaucoup plus et sans doute
beaucoup trop.
M. Boucher
(Pierre) : Bien, les
statistiques sont là. C'est vrai que, parfois, on peut faire dire beaucoup
de choses aux statistiques, mais je pense que, là, ça parle d'eux-mêmes,
là. S'il y a un différentiel de prix, là, il n'y a pas... Voyez-vous, je peux bien croire qu'une pharmacie
en Colombie-Britannique coûte plus cher au mètre carré qu'à Montréal,
mais, s'ils viennent à arriver à des chiffres qui sont de presque 300 $ de
différentiel, comment on l'explique?
C'est des
choses comme ça que moi, je verrais, qu'on pourrait travailler davantage. Oui,
les appels d'offres, c'est tout à fait opportun dans la situation
actuelle, mais il y a d'autres avenues pour aller évaluer les différentiels de
prix d'une province à l'autre.
M. Lisée : Ce qu'il faudrait
finalement, c'est une politique du médicament, ne pensez-vous pas?
M. Boucher (Pierre) : Oui.
M. Lisée : Oui. On essaie de
convaincre le ministre de faire ça. Est-ce que vous pouvez m'aider?
M.
Bissonnette (Michel) : On
intervient ad hoc, puis ça ne veut pas dire nécessairement que l'intervention
est mauvaise, mais c'est la cohésion puis le
fil conducteur après huit ou neuf ans... Je pense que c'est l'Ordre des
pharmaciens du Québec
qui disait qu'on était dus, là, pour vraiment revoir la politique du médicament, pour
en assurer encore une plus grande
cohérence. Ça voudrait dire, par
exemple, regarder davantage
ce qu'on fait en utilisation optimale du médicament : Est-ce qu'on l'utilise comme du monde? Est-ce que,
par exemple, on surveille davantage l'adhésion au
traitement? Ça fait partie... Puis c'est quelque chose qui est très peu
documenté et qui provoque beaucoup d'effets aussi. On engorge les urgences
souvent de cette manière-là, avec des médicaments pris de mauvaise façon. Donc,
je pense que c'est des façons aussi de diminuer les coûts de manière
probablement très opportune.
Il n'y a
pas longtemps, je
pense, c'est l'Association médicale
du Québec qui disait : Écoutez, si on gérait davantage
mieux les diagnostics, on pourrait épargner quelque chose comme 5 milliards dans le système de santé assez rapidement. C'est des choses sur lesquelles vraiment il faudrait travailler. Maintenant, quand
on regarde au niveau du projet de loi
n° 81, on se dit : Bien, écoutez, le Québec vient d'adhérer à
l'Alliance pancanadienne pharmaceutique, qu'est-ce que ça va donner comme résultat? Est-ce que ça va être
coordonné avec les appels d'offres que le ministre veut faire? Comment
ça va s'arrimer, tout ça ensemble?
M.
Lisée : C'est aussi
opaque, on ne le sait pas pour l'instant. Alors, vous, à la coalition, vous
pensez que ce serait une bonne idée
d'avoir une politique du médicament. Le Commissaire à la santé et au bien-être
vient de nous le dire avant vous, en
fait, il y a un an, il a recommandé 10 mesures au
ministre, dont il aurait pu s'inspirer dans la rédaction du projet de loi.
L'Ordre des pharmaciens, comme vous le dites, le demande, l'association des
pharmaciens propriétaires. Presque tout
le monde qui
est venu nous dit ça aussi. Des groupes de fabricants nous ont dit : Bien,
aussi, il y a d'autres façons de réduire les coûts que
simplement ce qui est prévu.
Alors,
moi, je ne peux qu'exprimer l'espoir que, lorsque nos consultations seront terminées, et que le ministre reviendra avec des amendements,
il aura beaucoup de nouveaux articles à nous soumettre, qui vont embrasser beaucoup
plus largement l'écosystème du médicament, en s'inspirant de l'ensemble des recommandations
que nous avons entendues ici. Et, s'il ne le fait pas, bien, on va l'aider.
Alors, je vous remercie beaucoup.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, au tour de notre collègue de Lévis
pour une période de neuf minutes.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. M. Dion, M. Boucher, Mme Beaupré-Lazure, M.
Bissonnette, merci d'être là. Je
trouve ça agréable que vous y soyez parce que c'est le coup d'oeil patient. Et
on en a beaucoup parlé, hein, beaucoup d'inquiétudes ont été
exprimées concernant le projet de loi
n° 81 avec cette vision, on en a
entendu beaucoup pendant les consultations, qui se poursuivront demain,
mais des gens de l'industrie qui ont fait des comparatifs économiques, bon,
etc., mais il y a aussi cette vision patient, c'est celle que vous nous
présentez, hein, vous parlez en leur nom.
Je comprends que vous
me dites, globalement, et vous nous dites... Dans la mesure où — on en
parlait il y a deux instants — l'appel d'offres est conçu de façon
adéquate, en ayant cette préoccupation patient là, vous n'êtes pas
contre. Je veux dire, dans le fond, vous
exprimez la problématique de l'exclusivité, mais, dans la mesure où on est
capable de paramétrer pour faire en
sorte qu'on évite ces craintes-là, c'est une vision et c'est un modèle, c'est
un outil qui pourrait être bénéfique.
M. Dion
(Serge) : Absolument. Si on est là pour sauver des sous, pourquoi pas?
M. Paradis (Lévis) : Vous avez une vision plus large, évidemment, et je le
comprends, et le collègue de Rosemont vient
d'en parler, mais votre vision est plus large que ça aussi, parce qu'au-delà de
ces trois articles-là vous dites : Il y a autre chose à faire. On
vient de parler de surprescription
potentielle, vous avez abordé le surdiagnostic en marge de tout ça. Le
suivi patient dans la thérapie, également, l'application de la thérapie, le
fait qu'on soit fidèle à ce qu'on doit
faire, bon, etc., ça fait partie aussi de vos préoccupations. Le rôle du
professionnel à travers tout ça, plusieurs nous ont dit que, dans un contexte comme celui-là, le pharmacien devient
un élément essentiel dans les comités d'experts, à faire partie de la décision, de la mise en place,
de l'élaboration. Vous le voyez comment, le rôle du professionnel, dans tout
ça?
M.
Boucher (Pierre) : Bien, si je peux me permettre, je n'ai pas
l'habileté, dans le domaine médical, que M. le ministre a dans le domaine économique, là, mais, regardez, moi, je suis
en traitement pour un cancer de la vessie et je peux vous dire que, quand on va à des réunions de la
coalition, depuis quelques années c'est hautement émotif. Puis, quand on
entend les gens parler de leurs problématiques particulières, ça revient
toujours aux médicaments, ça revient toujours à l'accès aux médicaments, ça
revient toujours aux effets secondaires, ça revient toujours à ce que ça fait
dans la vie. Alors donc, les professionnels, ce n'est pas de l'oncologue à
l'hématologue, au médecin de famille, à l'infirmière, au pharmacien, c'est un ensemble. Alors donc, il
devrait y avoir une intégration, puis malheureusement — c'est personnel, ce que je dis, ce
n'est pas la coalition — on
est dans un monde de silo dans le domaine de la santé, malheureusement.
M. Paradis (Lévis) : Êtes-vous en train de me dire, puis je pense... Vous vouliez ajouter
quelque chose, madame...
Mme
Beaupré-Lazure (Monique) : Oui, le pharmacien est souvent mis dans une
position assez délicate quand il sait
qu'il doit faire face à une pénurie, puis là c'est de voir où est-ce qu'il y a
encore des médicaments disponibles puis aller les chercher de façon à ce que les patients ne manquent pas de
médicaments. Alors, c'est une problématique qui n'est pas toujours évidente, puis je suis certaine qu'il y a
plusieurs pharmaciens qui pourront vous le dire, s'ils ne l'ont pas déjà
fait.
M. Paradis (Lévis) : À travers ce que vous me vous dites, vous venez d'en parler dans votre
cas particulier, je dois comprendre que l'impact, au-delà du
thérapeutique, là, psychologique d'un patient diagnostiqué avec un cancer, qui fait confiance à sa médication, parce que, quelque
part, il est vulnérable, puis c'est un peu de l'inconnu tout le temps,
on marche dans un couloir relativement
sombre en espérant que la lumière apparaisse... hein, je comprends que — vous me corrigerez, mais j'essaie de comprendre — la problématique, elle est également là,
c'est-à-dire que c'est d'être obligé de dire à un patient que ce qu'il a
comme médication va être modifiée en fonction d'un produit plus disponible,
parce que le modèle fait en sorte qu'on ne le tiendra peut-être plus, il y a
des effets là, qu'ils soient réels ou pas...
M.
Boucher (Pierre) : Regardez, là, on a, comme exemple, là... Tantôt,
madame a cité l'exemple du BCG. Moi, j'en
sors, d'une thérapie de BCG, je retourne en juin. Ne venez pas me dire qu'il
n'y en a pas, de BCG, là. Comprenez-vous? Ne venez pas me dire ça. C'est
inacceptable! Alors donc, ça s'est produit en 2014, ça ne s'est pas produit il
y a 20 ans, là. Vous comprenez? Ça fait qu'il y a tout ça, et
l'approvisionnement doit être certain, puis il doit y avoir un substitut équivalent, et vraiment équivalent, au
niveau thérapeutique, s'il y a une pénurie. C'est ça, notre inquiétude,
là.
Une voix : Et immédiatement
disponible.
M. Boucher (Pierre) : Et au même
prix.
M.
Paradis (Lévis) : Et je vais
plus loin que ça, je veux dire... Puis, quand je dis «psychologique», là, puis,
au-delà du... il y a une notion comme ça,
là, je veux dire, de dire : C'est le produit avec lequel je chemine. Il y
a cet effet-là aussi, je veux dire, c'est aussi dans la thérapie et dans
la guérison, cet aspect-là.
M. Boucher
(Pierre) : Le bacille de Calmette-Guérin, là, je peux vous en parler
jusqu'à demain matin. Je peux vous dire ce que c'est, etc. Donc, pour
moi, il y a un effet important dans ça, puis j'imagine que c'est la même chose
pour M. Dion puis madame qui ont souffert de cancer aussi.
Alors, au
niveau des patients, on devrait écouter plus souvent les patients. Ce n'est pas
juste du monde qui veulent se
plaindre, là, c'est la première cause de décès actuellement, au Canada, le
cancer. Ça fait que, qu'on aime ça ou qu'on n'aime pas ça, là, au niveau
thérapeutique, c'est la 13e classe. On donne plus d'antidépresseurs qu'on
met de sous dans les antinéoplasiques. Il y a peut-être une question à se
poser, là aussi.
M. Paradis (Lévis) : D'où
l'importance de votre recommandation de faire en sorte que cette médication
particulière soit exclue de tout le processus.
• (17 h 50) •
M. Boucher (Pierre) : Oui,
absolument.
M. Dion
(Serge) : Parce que, nous, l'irritant, c'est la pénurie. Donc, on ne
veut pas qu'il y ait de pénurie, jamais. Je fais une tournée provinciale et je rencontre des gens, et, quand une
personne vient me voir et me dit : Mon médecin m'a dit que le médicament n'est plus disponible, il
devrait en recevoir dans deux mois, quand on est en traitement, c'est la
fin du monde. Donc, oui, les aspects psychologiques, il faut les traiter aussi.
Il n'y a pas seulement que la chimio là-dedans.
M. Paradis
(Lévis) : Je ferai une
parenthèse, parce que vous parliez de rupture, hein, c'est l'inquiétude, bon,
et je comprends fort bien à travers vos propos. Il reste qu'on en a vécu, vous
l'avez dit, on en a vécu encore récemment. Et d'ailleurs vous avez dressé... tout à l'heure, M. Bissonnette, en
disant : Regardez, là, si je vais sur le site, là, il y en a, là. Vous dites que ça va prendre des préavis, qu'on
sache davantage. Pas 30 jours après, là, qu'on sache avant, histoire
qu'on s'organise puis qu'on soit capable
d'éviter, justement, l'espèce de notion de dire : Où je m'en vais avec ça?
Mais c'est valable aussi... Cette
notion de préavis là, que ce soit sur un principe d'appel d'offres ou de
fixation de prix à taux régressif, bon, ça ne change rien, là, c'est
au-delà de tout ça, on s'entend.
M. Dion (Serge) : Tout à fait,
absolument, donc d'où le caractère obligatoire. Je pense qu'il faut que ce soit
vraiment écrit dans une loi, que ce soit ici
ou à Ottawa, peu importe, mais il faudrait absolument que ce soit
obligatoire, déclaration obligatoire, que ce
soit un préavis de quelques mois ou peut-être d'un an. À ce moment-là, je pense
que ça donne le temps aux gens de se
retourner. Parce que me faire dire : Bien, il n'y a plus de médicament ce
matin, ça ne se fait pas. Pour un mal de tête, peut-être, mais, en oncologie,
non, ça, ce n'est pas acceptable.
M. Paradis (Lévis) : Je sors un peu
du cadre du n° 81, mais vous y êtes, puis vous êtes là, puis on parlait de
politique générale du médicament. Puis, à travers le n° 81, des gens ont
dit : On devrait aussi — puis c'est une recommandation qui avait été faite, elle n'a pas été faite seulement une
fois — accélérer
l'analyse des dossiers soumis à l'INESSS de façon à permettre une
inscription à la liste des médicaments dès la réception d'un avis de conformité
de Santé Canada. De faire en sorte, donc,
qu'un novateur, par exemple, puisse arriver plus vite. Puis, bon, faites-vous
vôtre également ce choix-là qui a déjà été exprimé à quelques reprises?
M. Boucher
(Pierre) : Écoutez, dans le cancer, là... Vous êtes en chimio,
admettons, là, puis on vous dit : Après un traitement de chimio, on
vous donne des injections pendant 20 jours pour récupérer vos globules
blancs, O.K.? Si on vous donne les seringues
qui sont sur le formulaire, ça ne coûte rien. Mais, si vous voulez le Neupogen,
qui n'est pas sur le formulaire, puis vous n'aurez pas d'effets
secondaires, puis vous allez réagir 10 fois mieux à votre traitement de chimiothérapie, il faut payer pour, puis ça coûte
1 200 $. Vous parlez d'effets psychologiques, on pourrait vous
en donner, des cas, nous autres, là, 13 à la douzaine.
M. Paradis
(Lévis) : Je vous poserai
une dernière question. Eu égard à ce que vous nous dites, à travers ce
qui s'est fait ici, ce que vous avez entendu, dans un monde idéal...
M. Boucher
(Pierre) : Il faut tout inscrire. Mais c'est impossible. M. le
ministre va le dire : C'est impossible de tout inscrire, il faut
faire des choix. C'est impossible, impossible!
M. Paradis
(Lévis) : Alors, sachant
qu'il ne faut pas tout inscrire dans... Votre vision de l'idéal, ce serait
quoi?
M. Dion
(Serge) : Bien, la vision de l'idéal, je peux vous en parler, moi,
très sommairement. Évidemment, on va mettre le mot «idéal» gros comme ça...
Le Président (M. Tanguay) : En
quelques secondes.
M. Dion (Serge) : Pas de
problème, on va se rendre.
Le Président (M.
Tanguay) : C'est terminé, alors je vous laisse conclure.
M. Dion
(Serge) : Il y a 1 $ sur 2 $ qui va au ministre de la Santé.
De ce dollar, il y a 0,98 $ qui vont en soins, 0,02 $ pour la
prévention. Vous me demandez : Dans un monde idéal? Investissons dans la
prévention.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous remercions les
représentantes, représentants de la Coalition Priorité Cancer au Québec.
Merci pour votre présence à votre Assemblée nationale.
Et, compte tenu de l'heure, la commission
ajourne ses travaux jusqu'à demain, 10 h 15.
(Fin de la séance à 17 h 53)