(Huit heures quarante minutes)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons débuter notre séance. Ayant constaté
le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services
sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de
bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Auditions
(suite)
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques
sur le projet de loi
n° 44, Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Iracà (Papineau) est remplacé par Mme Tremblay (Chauveau).
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ce matin, nous entendrons le
directeur national de santé publique, le
Conseil québécois sur le tabac et la santé, l'Association médicale du Québec et
la Société canadienne du cancer, division du Québec.
Alors, nous souhaitons la bienvenue à nos
invités ce matin, les représentants du directeur national de santé publique, de l'institution. Je vous demande, donc,
de bien vouloir peut-être vous nommer, préciser vos fonctions, d'entrée de jeu. Vous aurez une période de 10 minutes de
présentation. Par la suite s'ensuivra un échange avec les parlementaires.
La parole est à vous.
Direction
de la santé publique du ministère
de la Santé et des Services sociaux
M. Arruda
(Horacio) : Bonjour. M. le Président, madame. Présentement, je suis Horacio Arruda, directeur national de santé publique, médecin et sous-ministre adjoint à la santé publique au ministère de la Santé et des Services sociaux
du Québec. Je suis accompagné de Yovan.
M. Fillion
(Yovan) : Yovan Fillion,
coordonnateur de la lutte contre le tabagisme au ministère de la Santé et des Services sociaux.
M. Arruda
(Horacio) : M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, permettez-moi de vous saluer
et de vous remercier, la commission, pour le
privilège qu'elle m'offre d'être invité ici pour vous témoigner de l'importance
de l'adoption de ce projet de loi et d'offrir tout l'appui des équipes de santé publique à son
implantation et suivi au cours des prochaines années.
Je tiens à préciser que c'est à titre de
directeur national de santé publique que je suis ici, comme médecin de population, et non comme sous-ministre adjoint de santé publique au MSSS. Mes propos sont en
lien avec mon champ d'expertise et ne
couvrent pas nécessairement les aspects plutôt législatifs ou juridiques.
Dans ce contexte, vous comprendrez qu'il
est clair que, comme médecin de santé publique, mes propos sont en cohérence
avec ceux de mes collègues directeurs de
santé publique et sont basés sur les mêmes références scientifiques des organisations et sociétés en la matière. Je suis aussi très sensible aux arguments de mes collègues cliniciens qui
doivent accompagner les victimes du tabagisme dans leurs efforts à
diminuer et cesser leur consommation de tabac.
Ce projet de loi, tout comme dans le cadre du programme québécois de lutte contre le tabagisme, vise à répondre
aux objectifs numéro un, qui sont de prévenir l'initiation du
tabagisme; 2°, protéger les non-fumeurs de la fumée de tabac
dans l'environnement; et, 3°,
accompagner les fumeurs dans leur démarche d'abandon du tabagisme. Il va
consolider et augmenter les acquis en
santé publique et contribuer à renforcer la norme sociale. On n'a qu'à voyager
un peu, aller dans d'autres pays pour
se rendre compte qu'on a l'impression de reculer en voyant autant de fumée dans
l'environnement, et le Québec
a fait des travaux importants, mais il faut encore continuer dans le sens.
Le
statu quo est inacceptable, parce
qu'il y a encore beaucoup de gains qui peuvent être faits, et, si on arrête ici,
on risque de perdre du terrain devant
l'effet des entreprises, et la société québécoise est prête à aller de l'avant,
tel qu'on l'entend par rapport à ce que la population nous rapporte. Il
ne faut pas oublier qu'il est question ici de santé de la population du Québec
actuellement et des générations à venir.
En
médecine populationnelle, c'est avec nos statistiques et l'épidémiologie que
l'on mesure l'impact des phénomènes sur
les populations, mais on est très conscients que derrière ces chiffres se
trouvent des histoires de vies humaines, et on désire agir pour éviter ce qui est évitable. C'est le leitmotiv de la
médecine préventive. Et donc, quand on connaît les causes, on connaît les déterminants, on est capables
d'agir sur eux et ainsi réduire ce qui est évitable. Les choix des actions qui
découleront de ces
travaux auront un impact important sur la vie et la qualité de vie de milliers
de nos concitoyens. Le temps avance,
il faut agir rapidement, parce que le phénomène du tabagisme est excessivement
dynamique, les rapports de force qui font que des initiations commencent
sont importants dans la société.
Globalement,
bien qu'on ait fait des gains, ce qui nous indique que, comme société, on peut
agir et changer la norme sociale...
donc, on est fiers de ce qu'on a réalisé jusqu'à maintenant. Par contre, quand
on fait une analyse plus fine des
données, ça démontre clairement que, dans certains sous-groupes, la prévalence
du tabagisme est inacceptable et,
particulièrement, il y a des inégalités de santé qui existent, et le tabagisme
vient les accentuer. Ces populations vont bénéficier beaucoup des amendements et des lois qu'on va mettre en place
ainsi que du programme québécois de lutte contre le tabac.
L'épidémie de
tabagisme est encore présente, ses conséquences sont évitables, et chaque
nouveau jeune qui commence à fumer est une
victime d'un produit qui crée une dépendance comparable à celle de l'héroïne ou
de la cocaïne. Cette dépendance, à mon avis, vient anéantir le concept
que fumer est un choix libre et éclairé. Un peu plus tard cet après-midi, dans leur mémoire, le Dr Gervais et
ses collègues... bien démontrer l'effet potentiel de la nicotine pour
développer la dépendance chez les
jeunes et chez les très jeunes enfants. Vous allez le voir un petit peu dans le
cadre de sa présentation.
Il
ne faut pas oublier que le tabac rend malade et tue. En plus de toutes les
maladies pulmonaires et cardiovasculaires,
il cause près du tiers de tous les cancers dans les pays industrialisés.
Imaginez l'impact positif de l'élimination du tabagisme
dans nos sociétés, qui sont à la recherche continue de traitements et
de «palliations» pour les cancers. Malheureusement, ils représentent, à
peu près, la cause de 85 % des cancers du poumon, cancers qui souvent sont
incurables au moment du diagnostic. Il
importe aussi de préciser que le gouvernement du Québec s'est engagé à lutter
contre le tabac aux côtés de nombreux pays
en se déclarant lié par le décret à la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte
antitabac.
Devant les stratégies mises de l'avant par
l'industrie pour résister aux mesures de contrôle du tabac, nous devons agir
rapidement, sans timidité, et suivre de près les réactions et l'évolution des
comportements afin d'apporter les ajustements nécessaires.
Je
pense que, par rapport aux quelques constats et éléments à prendre en
considération, je l'ai déjà dit, le tabac rend malade et tue, et ça constitue, le tabagisme, la principale cause
évitable de mortalité et de morbidité en Amérique du Nord. Au Québec, il est responsable d'un peu plus
de 10 000 décès annuellement, et 50 % de ces décès surviendront
avant l'âge de 69 ans. Leur espérance de vie est réduite d'au moins
10 ans par rapport aux non-fumeurs, puis au moins la moitié des fumeurs vont mourir des suites de leur
consommation de tabac. Et, en plus, par rapport à un certain mythe, même une consommation quotidienne réduite de
cigarette peut augmenter la mortalité. Donc, la question de penser que, si
on fume peu, il n'y a pas d'effet sur la
mortalité est complètement fausse. Il n'y a pas de seuil sécuritaire de consommation.
C'est important de le mentionner. Ça a des effets sur les différentes mesures
qu'on doit mettre en place.
Par
rapport à la fumée dans l'environnement, on sait que la fumée dans
l'environnement... il y a plus de 7 000 substances
chimiques qui sortent d'une consommation de cigarette et 69 substances
cancérigènes. Donc, il est très clair
que la fumée dans l'environnement constitue l'un des risques environnementaux
les plus dangereux pour la santé dans
le monde, dépassant tous les autres agents contaminants présents dans l'air
domestique. Les risques pour la santé qui y sont associés sont sérieux
et scientifiquement démontrés. Quand on regarde les normes qu'on mettait en
place pour la qualité de l'air, par exemple,
on se rend compte qu'on gère le risque en diminuant au maximum les expositions
ou l'envoi, dans l'environnement, de
produits toxiques et chimiques. Et la fumée de cigarette, dans les faits,
correspond à un risque important.
Il
est clair que seuls les espaces 100 % non-fumeurs offrent une protection
efficace et qui réduit à zéro. Donc, comme
acteurs de santé publique, il est clair que, en théorie, plus on aura
d'endroits qui sont sans fumée, plus on diminue le risque de l'exposition des jeunes et des gens à la fumée de
cigarette. On sait aussi que les bébés et les jeunes enfants, compte tenu de leur maturité immunologique et
aussi de leur développement, sont aussi affectés de façon très importante
par les effets de la fumée et aussi sont
plus susceptibles de fumer à leur tour s'ils sont exposés à la fumée de
cigarette. Dr Gervais en parlera un peu plus tard.
Le phénomène du
tabagisme est un phénomène qui évolue, est un phénomène qui est très dynamique,
et il faut le suivre de très près, parce que
les réactions de l'industrie aux mesures qu'on met en place permettent d'aller
chercher des nouvelles clientèles
avec différentes stratégies. On estime que, pour le cycle 2013‑2014, c'est
21 % de la population âgée de
12 ans et plus qui fumait, ce qui représente quand même 1,4 million
de fumeurs au Québec. On remarque aussi que, selon la catégorie d'âge, les jeunes adultes de 20 à 34 ans
sont ceux qui fument le plus. Près de 30 % — 29 % — des 20
à 34 ans fument actuellement, qui sont des jeunes adultes qui vont devenir
les adultes de demain et qui vont avoir des conséquences de la maladie
du tabac.
Quand
on regarde aussi plus en détail les données en regard avec les saveurs et les
jeunes, on se rend compte, par exemple,
que, toujours à l'affût des nouvelles clientèles, on a vu des mouvements de compagnies
de tabac pour offrir des cigares et
cigarillos avec des saveurs, ce qui a entraîné un déplacement de la
consommation de la cigarette vers les cigares et cigarillos, ce qui nous démontre qu'il faut être très prudent en lien
avec tout nouveau produit du tabac qui implique des saveurs. Et, quand on regarde aussi la progression du tabagisme au
niveau du secondaire, on se rend compte que, alors que 3 % des étudiants de secondaire I
fument en première année du secondaire, près de un sur quatre étudiants va
fumer au niveau du secondaire V.
• (8 h 50) •
Donc, il est très important d'être à l'affût et
analyser les données de façon plus précise et non pas le taux global de tabagisme. Il faut comprendre aussi par rapport
à la saveur qu'en effet, au Québec, 71 % des consommateurs du produit
de tabac chez les élèves du secondaire ont
consommé des produits aromatisés et aussi 26 % des élèves du secondaire
ont fait usage de cigarettes ayant du menthol au cours des derniers 30
jours.
La
cigarette électronique est un phénomène nouveau. Quand on parle de cigarettes
électroniques, l'enjeu qu'on a
actuellement, c'est qu'il s'agit de toute une série de dispositifs avec des
composantes différentes. Elles sont en continuelle évolution avec aussi
des produits à l'intérieur qui peuvent être avec nicotine ou sans nicotine. Ce
n'est vraiment pas contrôlé. Mais ce qu'on
sait déjà, c'est qu'elles attirent les jeunes de façon importante. Parce qu'on
s'est rendu compte, par exemple, que,
dans les cas des élèves du secondaire, 28 % d'entre eux ont rapporté en
avoir déjà fait l'essai. Chez les 15
à 24 ans, 30 % auraient fait de même. Autre donnée d'intérêt :
18 % des étudiants qui n'auraient jamais fumé auraient utilisé la cigarette. Donc, dans les faits, on a
des inquiétudes de façon importante en lien avec le fait de renormaliser le
phénomène de fumer et d'attirer les jeunes vers des produits avec nicotine qui
pourraient entraîner une dépendance. Même si la science n'est pas encore là,
compte tenu des risques potentiels de normalisation, ces données-là sont très
importantes.
Écoutez,
essentiellement, en regard du projet de loi, le directeur national de santé
publique... je considère qu'on doit adopter l'ensemble des mesures qui
sont proposées dans le projet de loi n° 44 parce qu'elles viennent
attaquer, à mon avis, les secteurs clés en
lien avec l'initiation, la saveur, contrôler les phénomènes potentiels de
normalisation auprès des jeunes en
contrôlant la cigarette électronique, permettre par contre d'utiliser le
potentiel, pour les fumeurs, d'abandon de
la cigarette électronique en encadrant adéquatement le phénomène. Et je pense
qu'en termes d'amendements ou recommandations
je recommanderais qu'on interdise de fumer sur les terrains des établissements
du réseau de la santé et des services sociaux et que soit planifiée
l'élimination des chambres non-fumeurs au cours des prochaines années. Il est
très important, à mon avis, compte tenu de la dynamique associée au tabagisme
et à l'effet de l'industrie sur les différentes
stratégies, qu'on se donne des pouvoirs réglementaires pour suivre de très près
l'évolution de nos mesures et leurs
effets afin de permettre d'identifier de nouveaux lieux sans fumée. En regard
des emballages, je recommande qu'on intervienne
sur les emballages en développant une ou plusieurs mesures robustes sur le plan
juridique s'inscrivant dans un cheminement qui nous amène vers
l'emballage neutre.
Il faut
maintenir aussi l'ensemble des mesures autres que la loi dans le cadre d'un
programme de lutte contre le tabagisme,
par de l'éducation, par l'augmentation des activités pour aider la cessation du
tabagisme. Et le gouvernement possède
aussi d'autres pouvoirs réglementaires pour s'assurer de l'application de la
loi et aussi peut évaluer en termes de levier l'utilisation de la
taxation, qui est aussi une façon importante de réduire le tabagisme.
Je demeure donc disponible pour répondre à vos
questions.
La
Présidente (Mme Montpetit) :
Je vous remercie, Dr Arruda. Donc, avec l'accord de la ministre,
je vous ai laissé compléter avec un
petit trois minutes de plus, temps qui sera retranché à la partie gouvernementale. Donc, Mme la ministre, pour une période de
20 min 30 s.
Mme
Charlebois : Alors, merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci, M. Arruda et M. Fillion, d'être parmi nous ce matin, de partager vos connaissances en ce qui concerne le tabagisme, c'est fort intéressant. J'avais tout lu votre mémoire, mais j'ai trouvé intéressante votre présentation, parce que
ça me ramène à des points qui m'accrochent de façon importante.
Au début de
votre mémoire, vous nous parlez de la dépendance, et ça m'a tellement
frappée que je pense que je vais vous
demander de nous réexpliquer ça plus à fond. Vous dites que consommer une à
cinq cigarettes par semaine — ce
n'est pas beaucoup — ça crée la même dépendance... bien, en tout cas, c'est une dépendance qui se compare à celle associée à la
consommation d'héroïne et de cocaïne. C'est ça que vous avez dit?
M. Arruda
(Horacio) : Oui, tout à fait. Ce qu'il faut comprendre — ce n'est pas pour rien que c'est si difficile
d'arrêter de fumer — c'est
que la nicotine entraîne une dépendance importante à la cigarette avec
à la fois une dépendance physique qui
peut être associée à des éléments de retrait puis une dépendance psychologique.
Tantôt, vous aurez l'occasion
d'avoir aussi le Dr Gervais, qui pourra
vous expliquer aussi les effets de certaines cigarettes, même
d'une consommation très mineure, chez les jeunes par rapport à leurs
comportements futur comme tels.
Et ce n'est
pas pour rien d'ailleurs qu'on se rend compte, dans le fond, là, que les fumeurs... Et c'est pour ça que je dis que, dans
les faits, ce n'est pas un choix libre et éclairé, parce que, quand on fume, on
a un certain plaisir qui va y être associé.
D'ailleurs, on est initié avec les saveurs pour diminuer
l'effet irritatif du tabac. Mais, très rapidement,
on développe cette dépendance à la nicotine,
qui fait qu'on a absolument de continuer à consommer la cigarette. Et ça
entraîne des éléments de sevrage, etc. Donc,
c'est très puissant comme effet, la nicotine, en termes de dépendance. Ce
n'est pas elle qui va créer nécessairement tous les effets néfastes et les cancers, etc., c'est plus la fumée de
tabac par les éléments
chimiques, mais elle est là pour entretenir cette dépendance, le besoin de
revenir consommer la cigarette.
Mme
Charlebois : C'est quand
même important, hein? Je tenais à le
refaire souligner, parce que, tu sais, souvent on va dire : Ah! je ne fume pas beaucoup. Les gens me disent
ça des fois : Ah! je prends juste une ou deux, trois... des fois cinq, ça peut aller, mais c'est le maximum.
Mais il n'en demeure pas moins qu'il
y a déjà un danger pour la santé.
Mais ce qui est clair, c'est qu'il y a une dépendance.
M. Arruda
(Horacio) : Oui, tout à fait, et elle est à la fois physique par
rapport au fait qu'on doit maintenir
un certain niveau puis aussi
psychologique. On n'a qu'à voir l'effet, par exemple, chez un ancien
fumeur, de quelqu'un qui lui présente une cigarette, là. Ca
peut stimuler, comme tel. Donc, cet acte-là aussi de fumer, psychologiquement,
est important. Puis, on aura beau dire qu'il n'y a pas toujours de preuve, pourquoi d'ailleurs
les compagnies de tabac font autant
de promotion avec cette image de la cigarette, puis etc.? Parce qu'il y a aussi, dans le contexte de fumer,
toute une anthropologie sociale par rapport au geste lui-même, là, qui
est associée à ça.
Donc,
il y a à la fois une dépendance physique par la nicotine qui est bien démontrée
mais aussi une dépendance psychologique qui s'installe.
Mme
Charlebois :
Je voulais vous parler un petit peu plus tard de la cigarette électronique,
mais, puisque vous me parlez de la
renormalisation du geste, étant une ancienne fumeuse moi-même, je constate
que... Honnêtement, j'ai arrêté en 2005, j'ai cessé de consommer les
produits du tabac en 2005, et vous savez quoi?, depuis que la cigarette électronique a fait son apparition, deux fois, en situation
de stress, je me suis dit : Ah! peut-être que. Finalement, je me suis dit : Non, non, non, on ne va pas se
donner de chances, parce que c'est un retour peut-être pour moi potentiel,
étant déjà... Je considère que je vais toujours être fragile.
Mais est-ce
que vous pensez que la cigarette électronique, au-delà... Parce que vous savez
qu'il y a deux écoles de
pensée : il y a ceux qui disent que ça permet d'arrêter de fumer puis il y
en a d'autres qui disent : Non, non, ça renormalise le geste. Ça fait en sorte qu'il y en a qui fument
et qui consomment ça. On n'a pas de statistique évidente... en tout cas, je
ne pense pas. Pouvez-vous me parler des
études concernant la consommation des cigarettes électroniques? Comment vous
voyez ça? Est-ce que c'est plus sécurisant
de voir ça arriver sur le marché? Parce que j'ai questionné les compagnies de
tabac, puis on m'a dit qu'ils avaient fait de l'acquisition.
M. Arruda
(Horacio) : Oui. Écoutez, il faut comprendre que, quand on
parle de cigarettes électroniques, premièrement, on parle de toute une
série d'objets et de différentes valeurs; il y a ces appareils qui sont plus
gros, contrôlés avec nicotine, qui sont
utilisés notamment pour les anciens fumeurs. Quand on fait face à une
population... La population du Québec
est composée de jeunes, de non-fumeurs, de fumeurs, de fumeurs très, très
sévères, de fumeurs qui ont essayé d'arrêter, puis etc. Donc, dans les
faits, il faut voir que c'est un phénomène relativement nouveau.
Les études
comportent des différents types comme tels, puis ils sont en continuelle
évolution. Il n'y a pas de donnée qui
semble dire actuellement de façon scientifique claire que la cigarette
électronique est supérieure à d'autres méthodes, mais il y a un potentiel que
la cigarette électronique soit aidante, utilisée adéquatement avec des doses
adéquates, contrôlées. Donc, je pense
que, pour nos amis cliniciens qui voient des clientèles qui ont fumé de façon
importante, qui ont essayé d'arrêter,
l'ajout de la cigarette électronique peut avoir certains bénéfices, mais c'est
encadré. Mais, par contre, d'un autre
côté, les cigarettes électroniques qu'on voit un peu partout, qui sont
similaires, à mon avis, à celles d'un petit cigare, qui visent particulièrement
les jeunes, qui sont associées à des saveurs, sont là, à mon avis... et ce
n'est pas pour rien que les
compagnies de tabac les achètent, sont là pour initier un processus,
renormaliser l'acte de fumer. C'est très difficile de faire la
distinction entre eux, etc.
Donc, devant
cet inconnu — puis on
n'a pas de donnée contrôlée — il faut agir avec prudence. Je pense que le
projet de loi encadre la cigarette
électronique pour lui permettre, à mon avis, d'appliquer les mêmes restrictions
que le cigare, empêcher qu'il y ait
des saveurs, puis etc., qu'elle ne soit pas vendue aux jeunes, etc., mais
permettra de donner accès à ces
fumeurs qui peut-être pourront bénéficier, dans le cadre d'un abandon, après
avoir essayé d'autres mesures qui sont reconnues efficaces, d'être...
utiliser.
Moi, je pense que, devant ce phénomène émergent
et toutes ces tendances-là, il est important, à mon avis, de l'encadrer. Il n'y
a personne qui a la vérité, là, mais je pense qu'il faut être excessivement
prudent par rapport au phénomène de
normalisation sans empêcher ceux qui pourraient en bénéficier d'en bénéficier.
On n'est pas en train de la bannir,
mais on est en train de l'encadrer et de l'utiliser à des fins adéquates pour
les bonnes populations. Comprenez-vous? C'est ça qui est important. Je
ne pourrais pas, par exemple, statuer que je considère que le vapotage pour des
fins récréatives est un phénomène adéquat.
Je ne vois pas l'effet positif du vapotage pour des fins récréatives. Vapoter
pour abandonner le tabac ou pour être
en réduction des méfaits pour des sous-populations, c'est correct, mais, pour la population en général, je pense que ce
n'est pas adéquat.
• (9 heures) •
Mme
Charlebois : Ce que nous ont dit les médecins qui prônent
l'arrêt de tabagisme avec la cigarette électronique, ils nous ont demandé de garder les saveurs justement
pour ceux qui fument déjà, parce
qu'apparemment que, vapoter juste avec
de la nicotine, il n'y a pas d'intérêt, les gens vont continuer à fumer. Alors,
avec des saveurs, ça permet cet arrêt de tabagisme.
Est-ce que vous
êtes d'accord à ce qu'on laisse les saveurs? Dans l'encadrement qu'on a, on a
laissé les saveurs seulement pour la
cigarette électronique, sauf qu'on s'est gardé une porte ouverte avec les
dispositions réglementaires pour faire en sorte que, si on s'aperçoit
qu'il y a un phénomène en émergence et que ça touche particulièrement des populations jeunes ou autres, on pourra faire une
interdiction sans réouvrir nécessairement la loi. Est-ce que vous êtes
d'accord avec ça?
M. Arruda
(Horacio) : Dans les faits, il faut comprendre que ce qui est
très important, c'est que les jeunes n'aient pas accès à la cigarette électronique, les mineurs n'aient pas accès à
la cigarette électronique. Je pense que, dans votre position, ce qui est important, c'est la question
de suivre la situation de très près pour voir quels sont les marchés qui se développent,
une fois l'encadrement mis, qu'est-ce qui va être fait, continuer à surveiller
les choses.
Si la saveur
peut être un phénomène qui va motiver certaines personnes à embarquer, si vous
me permettez, initier une démarche
d'abandon du tabac, je pense que c'est tout à fait acceptable pour le moment,
mais il faut se réserver, à mon avis,
une possibilité de suivre la situation de très près et s'assurer qu'on applique
de façon adéquate, d'être vigilants, que les saveurs ne soient pas consommées par des jeunes ou que certaines
saveurs soient attirées par des jeunes pour pouvoir le faire. Moi, je
pense que c'est ça qui est important, parce que la question de la saveur est
surtout là pour éviter l'initiation du
tabagisme chez les jeunes, ce qu'on veut contrôler. Pour le moment, dans le
contexte actuel, qu'elle soit maintenue dans la cigarette électronique, avec les
bémols que je vous dis, actuellement, je pense que ça peut être acceptable.
Puis il faut suivre la situation de très
près. Ça, ça va être majeur, à mon avis, parce que c'est un phénomène... ça va
à une vitesse excessivement
croissante et difficile même à suivre actuellement, le phénomène, et en
espérant que l'encadrement va nous
permettre de savoir qu'est-ce qu'on met sur le marché, parce qu'actuellement on
retrouve à peu près n'importe quoi,
et ça devient difficile pour moi, comme directeur national qui s'adresse à la
population en général, de recommander l'utilisation d'un produit ou
l'autre parce que je ne sais pas ce qu'il contient.
Mme
Charlebois :
Tant qu'à parler de saveur, parlons donc du menthol. J'ai entendu plusieurs
points de vue. Il y en a qui nous
disent : Éliminez toutes les saveurs, puis c'est ce qui est prévu au
projet de loi, comme vous le savez. Par
contre, les détaillants, les compagnies de tabac, évidemment, et quelques
personnes nous ont fait mention que c'est faux que les jeunes commencent à fumer avec ça, c'est faux que ça attire
la... parce que ce qu'on vise, c'est particulièrement les populations
jeunes, avec les saveurs. Et j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que,
dans ma tête, que ce soit menthol, fraise, n'importe quoi d'autre comme saveur,
quant à moi, c'est de la saveur.
M. Arruda (Horacio) :
Écoutez, je pense que les données qu'on a, nous, d'études faites avec
l'Institut de la statistique du Québec
démontrent bien que les jeunes utilisent le menthol. Le menthol a l'avantage,
en plus d'avoir une bonne saveur, d'un peu anesthésier la gorge et
faciliter le...
Mme
Charlebois :
...juste pour les besoins de la cause et les gens qui nous écoutent. L'Institut
de la statistique du Québec, c'est des professionnels qui travaillent
là, hein? C'est des études crédibles, normalement?
M. Arruda
(Horacio) : Oui, tout à fait. Les gens de l'Institut de la
statistique du Québec sont des gens qui utilisent des méthodologies d'enquête qui sont
standardisées, qui sont comparables au niveau international, qui sont répétées
dans le temps pour être capables de garder le même type de mesure, puis
etc., donc je pense qu'on peut se fier sur leurs méthodologies tant en termes d'échantillonnage — d'ailleurs, c'est des études qui sont assez
coûteuses — que de
méthodologie et aussi de tendances
pour être capables de suivre les tendances dans le temps. Parce que, quand on
change la méthode d'un moment à un
autre, les données ne sont pas comparables. Donc, ça, je pense qu'il faut
comprendre que l'Institut de la statistique du Québec, tout comme
Statistique Canada, utilise des méthodologies qui sont reconnues par les
autorités internationales.
Donc, je
pense que ces données-là sont basées sur du réel comme tel. Et, de toute façon,
je vous dis ça, il y a tout à fait une plausibilité que le menthol, par
ses effets anesthésiants par la gorge et par le fait qu'il a une bonne saveur, soit un processus qui initie. La première
cigarette n'est pas agréable à fumer, vous le savez. En tout cas, moi, quand
j'ai essayé une fois celle de mon
père, ce n'était pas agréable à fumer. Mais cet élément-là va adoucir le
phénomène et va permettre probablement
d'initier la cigarette. Les études le démontrent. L'OMS le recommande, plein
d'organisations le recommandent, que le menthol est un effet.
D'ailleurs,
pourquoi insister autant sur le menthol si jamais il n'y a aucun effet? Je me
pose toujours la question, là. Pourquoi l'industrie s'intéresse autant à
ça s'il n'y a pas d'effet?
Mme
Charlebois :
Vous avez une bonne question. Puis l'idée de l'effet anesthésiant... je ne sais pas, je n'ai jamais fumé des saveurs, là, quand je fumais, mais je pense
que ce n'est pas dans les autres saveurs, c'est vraiment dans le menthol.
Alors, vous avez raison, pourquoi
ils défendent tant ça si ça n'occupe pas beaucoup de leurs ventes puis
si les jeunes ne l'achètent pas?
M. Arruda (Horacio) : Oui. Je
vais vous dire, en contrôle du tabac, si vous me permettez, en fonction de la Convention-cadre puis des stratégies
que l'industrie déploie, on a souvent une certaine timidité qui, à mon sens,
ne doit pas être là compte tenu des effets majeurs que ce risque-là représente pour la société. Pour beaucoup d'autres risques en
société, notamment en contamination dans l'environnement, normes en milieu de
travail par rapport à des risques chimiques,
etc., on a une attitude assez agressive. En tabac, c'est sûr que c'est...
culturellement, anthropologiquement parlant,
le tabac est accepté, mais on fait
face à un cancérigène de façon importante. On sait que, dans notre société,
on l'a accepté, il y a
toute une anthropologie associée à la cigarette, mais, si, en termes de santé publique pure, je regarde les risques importants
que représente la fumée de tabac, on
est plus agressifs comparativement à des attentes qu'on a dans le
domaine du contrôle des contaminants ou des cancérigènes dans l'air et dans
l'environnement.
Mme
Charlebois :
Vous m'amenez directement sur le prochain point que je voulais aborder :
les terrains de jeu et les terrasses.
Quand on parle de fumée secondaire, c'est deux endroits où la fumée secondaire
peut toucher des clientèles, notamment
les terrains de jeu, nos clientèles enfants, puis vous avez dit tantôt, si j'ai
bien entendu, que les enfants qui sont
exposés à la fumée de cigarette sont des populations qui sont plus appelées à
fumer plus tard parce qu'ils sont déjà sensibilisés ou, en tout cas, ils
y ont déjà touché sans même avoir besoin d'y toucher physiquement, juste dans
l'air. Alors, je vais vous demander de me
donner votre opinion, je vais vous demander les deux sujets, je sais que vous
êtes capable de composer avec deux questions en même temps.
Sur les
terrasses; est-ce que vous croyez que c'est exagéré que d'interdire de fumer
sur les terrasses? Est-ce vrai que la contamination de l'air n'est pas
aussi présente qu'on veut bien le prétendre? Est-vrai que, si on fait une
section fumeurs puis une section non-fumeurs, ça peut être très bien puis que les populations
qui sont dans la section non-fumeurs ne
seront pas visiblement tant touchées que ça? Est-vrai que, sur les terrains de
jeu, il y a contamination? En tout
cas, je veux vous entendre me parler de c'est quoi, les
conséquences de l'environnement sur une terrasse pour la population
qui ne fume pas et dans les terrains de jeu.
M. Arruda
(Horacio) : Écoutez,
il faut comprendre, en termes de principe, il ne faut pas oublier un
élément qui est très important :
dans la fumée, il y a 69 cancérigènes. Il n'y a pas de seuil
sécuritaire par rapport à plusieurs de ces cancérigènes-là. La réaction d'un individu vis-à-vis une exposition de dose n'est
pas identique d'un individu à d'autres. Certaines personnes qui ont été exposées longtemps ne feront pas de
cancer, mais d'autres, même à des faibles quantités, vont développer des cancers. Donc, en théorie, là,
c'est vraiment un espace sans fumée qui est la meilleure façon de protéger
les choses.
Par contre,
il faut comprendre aussi que je ne peux être favorable qu'à toutes les mesures
qui vont diminuer le maximum
d'exposition à la fumée de tabac à la fois pour les clientèles et les
travailleurs qui y sont exposés, O.K.? Il ne faut pas oublier que, dans les terrasses de restaurant, il y a des
clientèles qui passent plusieurs heures là. Selon les conditions de l'air, selon où va pousser le vent, selon la
quantité de gens qui vont fumer, bien il va y avoir une dispersion de la fumée
de cigarette. Donc, à mon avis, je pense
que, dans les terrasses, il y a des risques d'exposition des individus. Et
cette fumée secondaire là, elle entraîne des problèmes importants. C'est
la même chose de tout endroit, à mon avis, où il y a des jeunes qui pourraient être exposés à de la fumée
de tabac, parce que, certes, il y a dispersion, mais il y a
une dose qui est absorbée, comme tel.
Donc, à
mon avis, il y a
des démonstrations qui ont été faites que c'est possible. D'autres provinces
l'ont appliqué. On l'a fait à l'intérieur des restaurants. On nous avait prédit un cataclysme économique
important. Les gens se sont ajustés. Et je pense que la majorité des Québécois
et Québécoises aimeraient avoir un
espace sans fumée dans les terrasses. Même
à l'extérieur, il n'y a pas une dilution assez importante,
selon certaines conditions — la
quantité de personnes qui fument, où
vont les vents, puis etc. — il y a des expositions. Et il y a des travailleurs qui vont être exposés à la fumée de tabac
dans l'environnement au niveau des terrasses. Je suis d'accord, j'appuie à la
fois cette interdiction dans les terrasses. J'appuie
la question des neuf mètres autour des portes d'entrée pour
ne pas avoir des concentrations et je
pense que c'est ce qu'il faut
viser. Il faudrait aussi viser les terrains de jeu des enfants, à mon avis, là
où... des jeunes qui sont plus susceptibles pour être exposés aux fumées.
De façon
progressive, à mon avis, il faudra aussi suivre l'évolution et à la fois, quand
il y aura de plus en plus de milieux... Et, on l'a vu aussi, même on a
eu des présentations de centres hospitaliers sans fumée, sans... Les gens,
indépendamment de la loi, ont pris des mesures. Je pense qu'il faut surveiller
ces tendances-là et peut-être même prévoir
au niveau réglementaire l'ajout de zones
où on pourrait abandonner... parce
que tout ça visant à accompagner les
fumeurs à cesser. Et il faut comprendre
aussi que, quand on a des zones non-fumeurs, à la fois ça protège de
l'initiation au tabagisme, ça protège
les non-fumeurs, mais ça aussi encourage les fumeurs à aller soit vers la
cessation tabagique ou à diminuer
leur consommation. Il ne faut pas oublier ça, là, ça a aussi un effet bénéfique
pour les fumeurs. Et je pense
que même certains fumeurs le revendiquent.
• (9 h 10) •
Mme
Charlebois : Vous
avez tout à fait raison, ça a été mon cas. Avec la loi qui interdit de fumer
dans les établissements, là, j'étais tellement tannée d'organiser
mon horaire pour aller fumer dehors, j'ai dit : Bon, bien là, ça va
faire, je vais arrêter de fumer. Puis, si ça
a été le mien, mon cas, je suis certaine que ça a été le cas d'autres
personnes. Honnêtement,
c'est plus les conséquences que je voudrais toucher pour conclure, parce qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, puis je veux vous entendre là-dessus. On
sait que, des baisses du pourcentage de la prévalence au tabac, il y a une épargne monétaire pour le réseau de la santé,
mais je veux que vous nous parliez aussi des conséquences. Tu sais, quand vous disiez tantôt : Le tiers des
cancers proviennent de la dépendance du tabagisme... C'est effrayant, là. Ce
n'est pas juste des cancers du poumon. Puis je lisais en quelque part
dans la littérature que le...
M. Arruda (Horacio) : ...
Mme
Charlebois : Oui.
M. Arruda
(Horacio) : ...langue, tout le système respiratoire haut peut
être atteint, et, en plus des cancers, c'est toutes les maladies cardiovasculaires
qui y sont associées, les complications, les problématiques d'asthme chez les enfants, puis etc. C'est aussi une question de
qualité de vie. C'est vivre beaucoup moins de temps que les autres. Et plus on vieillit, plus on trouve que 69 ans, c'est
jeune. Et donc perdre 10 ans de vie, c'est vraiment important : c'est
à la fois important pour l'individu puis c'est important pour une
société aussi qui est vieillissante, pour une société qui doit maintenir une population jeune adulte en fonction.
Je pense aux jeunes de 24 à 30 ans qui fument à 30 %
actuellement, bien ça va être les
malades de demain. Donc, il faut comprendre que les impacts sont à la fois
monétaires pour le système de soins, pour être capables de le maintenir
public, et etc., mais aussi en termes de qualité de vie et de tabagisme. Et, contrairement à beaucoup de recherches qu'on fait
pour des cancers, etc., on a ici la cause directe comme telle, puis donc
il ne faut pas se gêner pour intervenir.
Mme
Charlebois :
Mais ce que j'insiste, là, c'est que, puis ça m'a frappée, là, ce n'est pas
juste les poumons, c'est : tous
les organes sont touchés, puis les gens, des fois, on est moins sensibles à ça,
mais vous l'avez bien expliqué. Et,
quand on voit les jeunes commencer à fumer, on se dit : Mon Dieu! Si on
peut leur épargner ça, hein, ce... Mais, à partir du moment où la dépendance est installée, c'est un
combat pour le restant de nos jours. Alors, c'est là notre rôle, je pense,
de faire en sorte que ces jeunes-là ne commencent pas à fumer.
En terminant, j'aimerais ça que vous
me parliez... Dans les chambres d'hôpitaux — vous en avez glissé un mot
tantôt — qu'est-ce
qu'on va faire avec la marijuana thérapeutique?
M.
Arruda (Horacio) : Bien, il faut comprendre que, dans une loi,
à mon sens, si on s'adresse au tabagisme, dans n'importe quelle
situation de vie, il y a des exceptions particulières.
L'utilisation de la
marijuana thérapeutique, si vous me permettez, elle est marginale actuellement,
elle va être encadrée par certaines
indications. Je pense qu'il y a moyen d'aménager une situation par rapport à la
marijuana dans les indications qui
sont faites. Mais c'est un phénomène marginal et, pour moi, à mon avis, ça ne
doit pas venir influencer le reste
des choses. Dans la vie, il y a toujours des exceptions, il y a toujours place
au jugement, à mon avis, par rapport à
ça. Puis, comme ce n'est pas une pratique importante — ce n'est pas vrai qu'on va avoir 40 %
des chambres des hôpitaux qui vont
être remplies de gens avec de la marijuana — ça va être des éléments excessivement
marginaux. Je pense qu'il faut viser
de plus en plus à aller vers des endroits en santé où il n'y a pas d'espace
pour fumer, de façon progressive. Il faut
peut-être le prévoir dans la loi. C'est pour ça qu'actuellement aussi, dans les
établissements de santé, je recommanderais d'ajouter le fait qu'on ne puisse pas fumer sur le terrain des
établissements de santé, ce qui peut permettre aussi à certains fumeurs d'initier, durant le processus, un début
de cessation tabagique. Et je pense qu'on a aussi un devoir, c'est très clair.
Mme
Charlebois : Je veux juste vous dire merci beaucoup pour la
préparation de votre mémoire. Honnêtement, c'était fort intéressant.
Puis je sais que mes collègues vont avoir plein d'autres questions
complémentaires. J'aurais souhaité vous en poser plus, mais je laisse le soin à
mes collègues de finir le questionnement.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole
à notre collègue de Rosemont pour une période de
13 min 30 s.
M. Lisée :
Merci beaucoup. Merci, Mme la ministre, M. le Président, Dr Arruda, M.
Fillion.
D'abord,
sur les statistiques que vous avez dans votre mémoire, bon, on sait que, globalement,
de 1998, première loi du Dr Rochon du Parti québécois, jusqu'à 2013,
donc après la loi de l'actuel premier ministre, qui a été ministre de la Santé, on a une baisse de 33 %
à 12 %. Donc, c'est considérable. Cependant, lorsqu'on regarde les fumeurs
par catégorie, la catégorie la plus
résistante, c'est un peu la force vive du Québec, de 20 à 34 ans... En fait, ça
a varié, depuis 2007 à 2014, entre
31 % et 29 %, dans la marge d'erreur. Alors donc, on a une population
jeune. Donc, presque un jeune adulte sur trois — de 20
à 34 ans — fume.
Comment expliquer ça?
M.
Arruda (Horacio) : Il faut comprendre que ces jeunes-là ont
initié le tabagisme plus jeunes et ont continué à l'utiliser. Ça démontre tout l'effet de la
dépendance qui a été entraînée par le fait de commencer à fumer en jeunesse
puis être maintenu.
M.
Lisée : ...de 12 de 19 ans, il y a une baisse. En fait, il y a
juste 11 %, en 2013‑2014, des 12 à 19 ans qui fument. Bon, je suppose que c'est les 12, 13, 14 ans qui
baissent la moyenne. Si on avait les gens de 19 ans, ce serait beaucoup plus élevé, mais il y a quand même un bond de
11 % à 30 %. C'est comme si le début de l'âge adulte réel, le
travail... comme s'il y avait, là, un
passage favorable au tabac qui commence à se défaire à partir de 35 ans, parce
que, là, on voit qu'il y a des baisses importantes.
M.
Arruda (Horacio) : Je pense que c'est pour ça, l'importance
qu'il faut renforcer nos mesures actuellement et ne pas oublier cette population-là, parce que l'initiation tabagique peut
se faire au niveau du secondaire mais aussi lors du passage à la vie adulte comme telle, d'où l'importance, à mon avis,
de renforcer les mesures, de ne pas oublier cette population-là et de
contrôler la situation auprès de ces clientèles.
M.
Lisée : ...que ce que ça dit aussi, c'est que l'arrivée sur le
marché du travail est un moment soit de stress, soit de libération des moeurs, soit de plus grande
influence des pairs qui fument, et donc peut-être que, dans les programmes
de prévention, le marché du travail, les
entreprises, les entreprises sans fumée, ça devrait être une piste, en tout
cas, que ces statistiques me suggèrent.
M. Arruda
(Horacio) : C'est un très bon commentaire. Parce qu'il faut
comprendre que, dans le cadre des stratégies de lutte contre le tabac, la loi
est un élément très important, la taxation est un élément très important. Il
faut investir, à mon avis, dans toutes les
autres perspectives du programme québécois de lutte contre le tabac, ce qui va
viser à diminuer l'initiation mais
aussi à avoir de plus en plus de milieux sans fumée et justement, probablement,
dans les milieux de travail,
favoriser, à travers des politiques de tabac et d'abandon du tabagisme, à aider
ces jeunes populations là, parce que c'est une population active
actuellement qui va risquer d'avoir des complications, diminuer leur survie.
M.
Lisée : Tout à fait. Alors donc, on s'enorgueillit de la baisse
de 33 % à 12 %, mais, chez nos jeunes adultes, c'est toujours
30 %.
M.
Arruda (Horacio) : D'où l'importance de regarder les
statistiques macros. En tout cas, l'indicateur macro est une tendance, mais il faut regarder les
sous-populations, et, si vous regardez les populations plus vulnérables aussi,
dans certains secteurs, les taux de
tabagisme chez les gens des milieux plus défavorisés sont beaucoup plus élevés,
leurs enfants vont être aussi plus à
risque de fumer, et ces gens-là vont bénéficier d'interventions rigoureuses de
la part du gouvernement.
M. Lisée :
Alors, à la page suivante, à la page 10, vous avez une statistique sur la
proportion de la population exposée à la
fumée secondaire au cours des 30 derniers jours, et on voit que, parmi les 12 à
19 ans, il y a eu une augmentation,
entre 2007 et 2014, de la proportion de 18 % à 25 %. C'est-à-dire
qu'en ce moment, là, 2013‑2014, 25 % des 12 à 19 ans sont exposés à la fumée secondaire, c'est davantage
qu'avant. Ce sont les plus exposés de tous. Avez-vous une explication?
M. Fillion
(Yovan) : Bien, en fait,
l'effet des restrictions d'usage semble s'être essoufflé dans certains lieux
publics. On remarque quand même qu'il a un bon respect, mais cette
statistique-là nous démontre, dans le fond, qu'il faut en rajouter puis qu'il
faut en rajouter de manière continue pour s'assurer que l'ensemble des
catégories de la population bénéficie du
même niveau de protection de manière continue. Et, les jeunes, il faut ajouter
qu'ils ne sont pas toujours les personnes
responsables des lieux qu'ils vont fréquenter, ils vont suivre leur famille, et
tout ça, et donc, en ajoutant des restrictions
d'usage puis notamment celles qui sont proposées ici, on imagine que les jeunes
vont être mieux protégés.
• (9 h 20) •
M. Arruda
(Horacio) : ...plus détaillées qu'on peaufine nos
interventions, puis il va falloir suivre ces tendances-là aussi, si vous me permettez, et c'est pour ça
d'ailleurs qu'on recommande des mesures législatives, réglementaires, éventuellement, pour ne pas attendre des cycles de
10 ans pour réajuster rapidement la situation, suivre le phénomène.
M. Lisée :
Tout à fait. Alors, vous avez dit tout à l'heure, Dr Arruda : On a
une certaine timidité face au tabac qu'on ne devrait pas avoir. Je pense
qu'il faut lever cette timidité.
Je regarde
vos recommandations. Alors, quelle est la position de l'opposition officielle,
du Parti québécois, sur vos recommandations? «Que soit adopté l'ensemble
des mesures proposées dans le projet de loi n° 44 — bien
sûr. Qu'il soit interdit de fumer sur le terrain des établissements du réseau
de [...] santé et des services sociaux et que soit planifiée l'élimination des chambres fumeurs — nous sommes d'accord. Que soit ajouté un
pouvoir réglementaire pour identifier
de nouveaux lieux sans fumée — oui, vous avez raison, il faut, sans revoir
la loi, que le pouvoir réglementaire permette
d'ajouter des lieux. Que le gouvernement intervienne sur les emballages en
développant une ou plusieurs mesures aussi
robustes que possible sur le plan juridique, ces mesures s'inscrivant dans un
cheminement menant à l'imposition d'un emballage neutre et standardisé
pour tous les produits du tabac.» Alors là, c'est le diplomate qui parle, c'est
le sous-ministre adjoint qui parle, parce
que, donc, une des questions posées dans le débat qu'on aura en article par
article, c'est : Est-ce qu'on devrait adopter ici maintenant
l'emballage neutre? Pour l'instant, la ministre écoute mais n'a pas proposé
cela.
Qu'est-ce que
vous voulez dire par «un cheminement menant à l'imposition d'un emballage
neutre»? Est-ce qu'on ne pourrait pas cheminer rapidement en adoptant
tout simplement un amendement l'établissant?
M. Arruda
(Horacio) : En termes
de principe, si vous le permettez, je pense que d'agir sur les emballages,
c'est majeur, parce que ce n'est pas
pour rien que les industries ont développé toutes sortes d'emballages comme
tels pour aller chercher des nouvelles clientèles, O.K.?
La position
que j'amène ici est en lien avec le fait que ce projet de loi là, qu'on attend
depuis longtemps — et
je trouve ça extraordinaire d'avoir
le privilège, dans le cadre de mon mandat, qu'un projet de loi soit déposé — contient toute une série de mesures qui vont avoir des effets importants,
notamment sur la saveur, sur la cigarette électronique, etc. Ce que je
ne voudrais pas voir, si vous me permettez, par rapport aux effets... parce
qu'en tabagisme il faut agir sur plusieurs fronts et avec différentes
stratégies comme telles, et puis il n'y a pas une seule solution qui va en
régler le problème, O.K.? On sait que la
taxation est un élément indépendant pour diminuer la consommation puis on sait
que ça prend une combinaison de stratégies, et les stratégies ne sont
pas les mêmes selon les clientèles qu'on veut atteindre.
Donc, dans ma perspective, moi, ce que je veux
vous dire, c'est qu'on sait que les compagnies de tabac vont probablement intenter des poursuites de façon
importante. D'ailleurs, elles l'ont fait en Australie. L'emballage neutre,
on a des données qui semblent dire qu'il a un
effet direct sur le taux de tabagisme, mais je ne voudrais pas voir, si vous
me permettez, à cause de certains débats ou... retarder l'adoption du projet de
loi, parce que, pour nous, il faut agir rapidement sur les saveurs, sur la
cigarette électronique, puis etc. La robustesse...
M. Lisée :
Pourquoi ça retarderait l'adoption, le fait qu'on pense qu'on va être
poursuivis par les compagnies de tabac?
M. Arruda
(Horacio) : Bien, c'est-à-dire que ça peut dépendre de la
robustesse... Là, moi, je ne suis pas un expert... si vous me permettez, là, ce n'est pas la
diplomatie du sous-ministre adjoint, c'est que j'aimerais qu'on vise
l'emballage neutre sans retarder
l'application des autres processus. Et, au point de vue juridique, ce qui se
passe... Puis d'ailleurs on a à l'OMS, en mai 2016, une rencontre en lien avec
toute la question de l'emballage neutre et des différentes mesures. C'est
que, scientifiquement parlant, on pense que ça a un effet, mais il y a des
éléments juridiques qui doivent être pris en considération
pour s'assurer d'avoir une mesure robuste qui puisse être implantée rapidement,
etc. Donc, il y a différentes stratégies.
Moi, je ne suis pas en mesure actuellement de vous dire, oui ou non, si ça peut
passer la rampe. C'est encore à l'étude
au niveau... tous les pays regardent un peu qu'est-ce qu'il en est. Il y a des
enjeux juridiques aussi en termes de responsabilités entre le Québec et
le fédéral.
Moi, dans ma
perspective, en termes de santé publique, ce que je recommande, c'est que, un,
il faut adopter le projet de loi le
plus rapidement possible à cause des effets potentiels des autres et évaluer,
dans le pouvoir juridique du Québec,
un cheminement où on pourrait... et ça pourrait être acceptable, à mon avis,
qu'on joue sur la question de la mise en garde, qui aura un effet sur l'emballage comme
tel, puis éventuellement en arriver à l'emballage neutre. Mais, si on est capables d'y arriver rapidement, je ne serais
pas contre, je ne peux pas être contre. Mais, par contre, je dois vous dire,
les poursuites potentielles...
M. Lisée : Bien...
M. Arruda (Horacio) : Oui.
O.K.
M. Lisée : ...écoutez — juste
parce qu'il me reste trois minutes puis je voudrais couvrir deux ou trois
autres sujets — nous, ce qu'on a entendu, c'est que la
capacité constitutionnelle du Québec d'agir là-dessus, elle est là, elle est
claire. Les compagnies de tabac ont fait
quatre poursuites en Australie, elles les ont perdues. Donc, il y a déjà des
précédents, et, à mon avis, on a une certaine timidité sur le tabac
qu'on ne devrait pas avoir.
Je
poursuis : «Que le gouvernement maintienne l'ensemble des interventions visant à
lutter contre le tabagisme à la suite
de la révision de la loi — bien sûr. Que le gouvernement utilise de
manière continue et systématique l'ensemble des pouvoirs réglementaires prévus à la loi — oui.» Mais, lorsqu'on dit que l'action de
promotion, l'action de la publicité, les
interventions, etc., soient faites, je suis d'accord avec vous, mais vos
budgets ont été coupés de 7 %.
Alors, avec quel argent est-ce que vous pourriez décider que, dans les trois
années à venir, si ces coupures se maintiennent, et la probabilité est
qu'elles empirent... Quel argent allez-vous utiliser pour faire ça?
M. Fillion
(Yovan) : Effectivement, les budgets ont réduit au cours des dernières années, mais, essentiellement, la réduction a été absorbée au niveau vraiment de l'administration, des effets... bien, en fait, de nos activités d'inspection,
puis on a tout simplement amélioré notre efficacité au niveau des activités
d'inspection, et d'ailleurs le volume des inspections
a beaucoup augmenté au cours de cette période-là, puis c'est là qu'on l'a
absorbée. On n'a pas touché, dans le fond, à notre force de frappe en
matière de lutte contre le tabagisme au niveau du ministère de la Santé.
M. Lisée :
Auriez-vous les marges nécessaires pour augmenter votre force de frappe,
pour... Par exemple, là, ici, on fait les terrasses, puis on fait les
pataugeoires, puis on fait tout ça, puis on fait tout ce que vous dites, là. Il
y a une augmentation des besoins d'inspection, de mise en place, d'information.
Cet argent-là, est-ce que vous l'avez?
M. Fillion
(Yovan) : Les estimations
qu'on a faites, c'est qu'on est capables, avec les budgets qu'on a, d'assurer
l'application des mesures qui sont prévues dans le projet de loi que vous avez.
M. Lisée : Même une campagne
publicitaire télévisuelle qui coûte les yeux de la tête?
M. Fillion
(Yovan) : En fait, comme
lors de la dernière révision de la loi puis la première, là, il y a toujours
des productions de matériel à l'intention des exploitants, à l'intention
de la population pour les informer des nouvelles dispositions qui vont être mises
en oeuvre. C'est prévu.
M. Lisée : En Colombie-Britannique, il y a une loi qui a été adoptée qui fait en sorte de
tarifer les cigarettiers et les distributeurs, pas les détaillants, les
cigarettiers et les distributeurs et d'utiliser cette somme-là pour financer
des campagnes de prévention sur le tabac. Est-ce que ça serait une bonne idée
qu'on fasse ça?
M. Arruda (Horacio) : ...que toute
source de revenus qui va venir aider à la prévention puis à la lutte est la bienvenue, là. Il faut juste voir la volonté gouvernementale de le faire. D'ailleurs, une proportion des fonds de la taxation
vient aider à nos programmes de prévention.
Par rapport aux inspections nouvelles, puis etc., il faut comprendre qu'en fonction
des nouveaux éléments de la loi on
ajuste aussi nos stratégies comme telles. On n'inspecte pas tout, mais on va
aller là où on pense qu'il y a des nouvelles choses à vérifier puis à se
conformer.
M. Lisée : Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Saint-Hyacinthe pour neuf minutes.
Mme
Soucy : Merci, M. le Président. Bonjour. Vous êtes directeur national de la
santé publique et sous-ministre, vous
conseillez le gouvernement et la ministre sur le projet
de loi. Vous écrivez dans votre
mémoire que le gouvernement intervient «sur les emballages en développant une
ou plusieurs mesures aussi robustes que possible sur le plan
juridique». Qu'est-ce que vous voulez dire par «aussi robustes que
possible»?
M. Arruda
(Horacio) : Bien,
dans les faits, une mesure qui va permettre de diminuer le risque d'application
de contestations par les compagnies
de tabac ou qui va permettre d'être appliquée rapidement pour obtenir des
gains, compte tenu de l'évaluation que peuvent faire les juristes. Il faut comprendre que, là, actuellement, je rentre dans un champ qui n'est
pas le mien, O.K.? Je vous le dis, là, je vous recommande... Moi, je
vais vous dire, je pense qu'il faut agir sur les emballages. Il y a différentes stratégies qui peuvent être
déployées, dont une qui pourrait être d'agir de façon réglementaire, si on enlève l'harmonisation avec le fédéral, sur
la mise en garde, qui est un élément important de l'emballage. Si on peut
faire ça rapidement dans le processus, à mon avis, c'est une mesure qu'on
devrait mettre en place peut-être de façon intermédiaire avant de se rendre à
l'emballage neutre.
Pour
ce qui est de la question juridique, ce n'est pas moi, l'expert juriste. À ce
moment-là, le gouvernement a ses conseillers
qui peuvent leur dire un petit peu quels sont les risques potentiels pour la
mise en application de ce genre de mesures là.
• (9 h 30) •
Mme
Soucy : Est-ce que vous pensez que ce serait une bonne idée de
mandater un avis juridique sur l'emballage neutre?
M. Arruda
(Horacio) : Je pense que, oui, ce serait une bonne idée, et de
suivre, à mon avis, aussi tous les travaux
qui se font au point de vue international en lien avec la Convention-cadre de
l'OMS. D'ailleurs, en mai prochain, si...
à chaque mai, je suis à l'OMS, à l'Assemblée nationale, il y a une réunion
spéciale des pays membres en lien avec l'emballage
neutre et les différentes mesures qui pourraient être mises en place pour avoir
un peu plus de solidité tant au point de vue de la santé publique, par
rapport à la démonstration de la mesure, puis des éléments juridiques.
Mme Soucy :
Qu'est-ce que vous pensez de ceux qui affirment que l'interdiction des saveurs
du tabac pour éloigner les jeunes du tabac
est inutile, puisqu'ils vont aller s'en procurer d'une manière illégale avec la
contrebande? Qu'est-ce que vous pensez de ça?
M.
Arruda (Horacio) : Écoutez, je pense que la contrebande, c'est
un effet secondaire de certaines interventions — on
fait un acte, il y a des effets pervers à côté — mais c'est
contrôlable.
Je
pense que le Québec a démontré que, la contrebande, on est capables de la
contrôler, à mon avis. Je pense que ce n'est pas un argument solide pour
empêcher... N'oubliez pas, l'objectif de la loi, là, c'est de réduire
l'initiation du tabagisme. Les saveurs sont
un phénomène utilisé par les compagnies de tabac pour attirer des nouvelles
clientèles, le menthol est utilisé
dans une perspective de cette nature-là. Donc, moi, à mon avis, ce n'est pas un
argument qui vient, à mon avis,
empêcher qu'on le fasse, compte tenu de l'importance de l'effet sur
l'acquisition du tabagisme et des cancers et des maladies qui vont
survenir. Je pense qu'il y a moyen, par des mesures, de contrôler.
M. Fillion
(Yovan) : Si je peux me permettre d'ajouter. Évidemment, le recours à
la contrebande... bien, un déplacement vers
la contrebande, c'est souvent ce qu'on nous amène, mais il ne faut pas oublier
qu'il y a aussi d'autres options que
les fumeurs vont avoir, notamment de se tourner vers d'autres produits du tabac
qui n'en comportent pas, vers les
cigarettes électroniques, qu'elles soient aromatisées ou non, ou encore arrêter
de fumer, ce qu'on souhaite. Et d'ailleurs, dans la littérature, il y a
quand même une proportion significative de gens qui vont pour la voie de
l'arrêt tabagique.
Mme
Soucy : On a reçu des détaillants ici, et puis ils nous ont suggéré
d'instaurer le cartage obligatoire. Alors, est-ce que ce serait un bon moyen de lutter contre le tabagisme si on
instaurait le cartage obligatoire partout puis on faisait des campagnes? Parce qu'ils nous ont parlé aussi
beaucoup de campagnes de sensibilisation pour justement informer les gens que le cartage est obligatoire dans tous les
endroits, là, autant pour le tabac, comme il y avait... il avait donné, par
exemple, la... comme la SAQ fait présentement.
M. Arruda
(Horacio) : Il faut comprendre que la responsabilité en lien avec la
lutte contre le tabac, elle appartient à
l'ensemble de la société, aux détaillants, aux parents, à tout adulte en lien
avec les jeunes. Nous, ce qui est important
pour nous, c'est qu'on ne veut pas — absolument pas — qu'une mesure comme le cartage diminue le
niveau de responsabilité du
détaillant, c'est-à-dire que... Comprenez-vous, là? Parce que, dans le fait que
les gens se disent : Bon, là, j'ai
la carte, je l'ai passée, ils ne vérifient pas vraiment, là... Ça, c'est ça qui
est important pour nous. Que les gens fassent du cartage obligatoire, ce
n'est pas un problème, mais on ne veut pas qu'il y ait une déresponsabilisation
par un effet d'automatisme, là. C'est ça qui est le principe qu'on veut
défendre, de notre côté.
Mme
Soucy : Mais ce ne serait pas plus simple? Parce que je comprends
votre point, sauf que les détaillants nous demandent de leur donner les outils pour que ça soit plus facile, pour
leur faciliter la vie au quotidien. Alors, vous dites : Le but, c'est que les jeunes en bas de
18 ans... ça soit plus difficile, hein, que ça soit pratiquement
impossible de s'en procurer. Alors,
ce que les détaillants nous demandent, c'est de changer un petit mot dans la
loi puis que ça soit obligatoire, le cartage. Donc, vous ne pensez pas que ce serait beaucoup plus facile, leur
faciliter la vie avec ça? Aux États-Unis, le cartage est obligatoire, et
puis le taux de tabagisme est à 15 %.
M. Fillion (Yovan) : Bien, écoutez, là-dessus — je vais revenir sur la question
d'automatisation — s'il y a
des mécanismes qui font en sorte que les gens sont cartés
systématiquement, on ne peut pas être contre, mais il reste que le détaillant doit garder la responsabilité. Ça
fait que, même si les consommateurs vont là, ont l'obligation de prouver leur
âge, le détaillant doit garder la
responsabilité de le vérifier, l'âge, aussi, pour le confirmer parce que, sans
ça, une mesure, je dirais...
complètement le cartage obligatoire, qui pourrait devenir complètement
automatisé, nous, on y voit des risques que ça devienne plus facile pour
des jeunes d'accéder au tabac.
Mme Soucy : Mais c'est possible
de faire les deux. Je veux dire, le détaillant, il a quand même la
responsabilité de demander les
cartes, mais le consommateur a l'obligation de donner les cartes, sinon, bien,
il n'a pas le produit de tabac.
M. Fillion (Yovan) : On peut vous donner des exemples d'outils qui existent. On sait qu'il y
a notamment, là, des types de
logiciels qui verrouillent les transactions dès lors que c'est un produit du
tabac qui est vendu. Donc, ça oblige le
détaillant, si, par exemple, son jeune caissier... Parce qu'on a beaucoup
entendu que c'étaient des jeunes, là, qui étaient à l'emploi des
détaillants. Si son jeune caissier n'a pas eu l'oeil suffisamment aiguisé pour
déterminer que c'était une personne qui
pouvait être potentiellement mineure, bien la transaction est verrouillée.
Donc, à ce moment-là, pour que ce
soit déverrouillé, il doit rentrer manuellement une date qui est... et préciser
la carte d'identité qui est disponible. C'est une espèce de formule qui vient contrôler l'accès et qui peut faciliter
aussi la vie des détaillants en évitant qu'ils échappent des ventes aux
mineurs de cette façon-là.
Mme
Soucy : Mais ils ne demandent même pas d'aller jusque-là, là, ils
demandent seulement qu'on mette dans la loi le mot «obligatoire» et non
pas qu'on le suggère, mais que ça soit obligatoire. Pour quelles raisons
exactement que vous ne voulez pas que... Parce que, là, il ne l'est pas,
présentement, dans le projet de loi. C'est quoi, la raison?
M.
Arruda (Horacio) : Bien, comme je vous le dis, l'objectif...
Écoutez, on est à la commission parlementaire pour entendre les propos des individus. L'objectif qui est au clair avec
nous, c'est que, tant et aussi... on veut éviter, là... La raison pour laquelle il ne l'est pas, c'est
qu'on veut éviter que ce soit pris comme étant à un niveau qu'ils ne sont plus
responsables du cartage. Si on peut les
instrumenter pour les aider à gérer leurs responsabilités, ça y est, mais, si
c'est pour, comme dans certaines expériences, en arriver au fait que ça soit
automatique puis qu'il n'y ait pas de vérification par le détaillant, on
pense que ça serait un recul. Puis c'est arrivé que... plus de 500 ventes
où les détaillants n'en ont demandé aucune,
carte. Donc, on ne voudrait pas que ça soit une avenue pour se
déresponsabiliser, c'est dans ce sens-là. Mais, si le projet de loi peut aider à ce que le cartage soit fait mais
que le détaillant conserve sa responsabilité, nous, on pense que c'est
important.
Mme
Soucy : O.K. Dernière question, parce qu'il me reste quelques
secondes. Il y en a qui disent : Bon, la carte d'assurance maladie, ce n'est pas tout le monde
qui l'a. Avez-vous le pourcentage de gens au Québec qui ne détiennent
pas de carte d'assurance maladie?
M. Arruda
(Horacio) : Personnellement, je n'ai pas la donnée. On pourra
peut-être vous la trouver. On va la trouver en appelant la RAMQ, qui va pouvoir
nous donner l'information.
Mme Soucy :
Parfait.
Le
Président (M. Tanguay) : Oui, et merci de peut-être déposer
l'information au secrétariat de la commission, et nous nous assurerons
de la distribuer aux parlementaires.
Alors, ceci met fin à
l'échange. Nous vous remercions beaucoup pour votre apport ce matin, et je
suspends momentanément nos travaux.
(Suspension de la séance à
9 h 38)
(Reprise à 9 h 45)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous
accueillons maintenant les représentantes, représentants du Conseil
québécois sur le tabac et la santé. Bienvenue à votre Assemblée nationale.
Je vous demanderais
de bien vouloir vous nommer, préciser vos fonctions, et par la suite vous
disposerez d'une période de 10 minutes
de présentation. Ensuite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires.
Alors, la parole est à vous.
Conseil québécois sur le tabac
et la santé (CQTS)
M. Bujold (Mario) : Merci, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés. Je
m'appelle Mario Bujold, je suis le
directeur général du Conseil québécois sur le tabac et la santé et je vous
remercie de l'occasion que vous nous offrez aujourd'hui de pouvoir vous
transmettre nos commentaires et réflexions sur le projet de loi n° 44.
Puisque
l'un des objectifs au coeur du projet de loi à l'étude est de prévenir le
tabagisme chez les jeunes, nous avons trouvé qu'il serait approprié
d'inviter avec nous une jeune qui représente les adultes de demain. Elle
s'appelle Sophie-Rose et elle fait partie de La Gang allumée, qui est notre
programme de prévention du tabagisme depuis maintenant 20 ans. Je serai
également en compagnie de M. James... Repace, pardon, qui est biophysicien
et un expert international de la pollution
causée par la fumée secondaire et à qui nous avons demandé une analyse
scientifique de la question de l'interdiction
de fumer sur les terrasses des bars et des restaurants. M. Repace est
d'ailleurs le chercheur qui a publié le plus d'études scientifiques
revues par des pairs sur cette question à l'échelle internationale.
Vous ne serez pas surpris
d'apprendre que notre organisme est favorable à l'ensemble des mesures
proposées dans le projet de loi n° 44.
Toutefois, nous croyons aussi que les amendements suivants pourraient être
apportés à celui-ci afin qu'il
protège plus efficacement les non-fumeurs de la fumée de tabac secondaire et
qu'il contribue davantage à prévenir et réduire le tabagisme chez les
jeunes.
En matière de
protection accrue contre la fumée de tabac secondaire, nous croyons que le
projet de loi devrait étendre
l'interdiction de fumer aux lieux suivants : les terrains de jeu pour
enfants, en incluant idéalement un rayon autour des installations; les
garderies en milieu familial en tout temps et non seulement lorsque des enfants
s'y trouvent; les terrains d'écoles primaires et secondaires en tout temps et
non seulement aux heures durant lesquelles les mineurs s'y trouvent; et également sur les terrains des cégeps, collèges et
universités. La loi devrait aussi interdire les fumoirs dans
les centres jeunesse, les départements ou unités psychiatriques et les centres
de réadaptation. Nous trouvons important aussi que le gouvernement se dote d'un pouvoir réglementaire pour
interdire de fumer dans d'autres lieux, si cela s'avère nécessaire. Puisque l'emballage des produits du
tabac est une stratégie de marketing très efficace pour attirer les consommateurs, notamment les jeunes, nous croyons
que le gouvernement devrait adopter l'emballage neutre et standardisé.
S'il n'a pas la capacité d'introduire cette mesure dans le présent projet de
loi, le gouvernement devrait minimalement standardiser les mises en garde sur
les paquets par voie réglementaire à la suite de l'adoption du projet de loi
n° 44.
Finalement,
dans le cadre de ce projet de loi ou lors d'une prochaine étape si cela s'avère
impossible maintenant, le gouvernement devrait se pencher sur la
présence du tabac à l'écran afin de prévenir le tabagisme chez les jeunes. Pourquoi? Parce qu'on retrouve une proportion
beaucoup plus grande de personnages qui fument dans les films que d'individus
qui le font dans la vraie vie. Or, il est
maintenant clairement démontré que regarder des films qui incluent des scènes
où le tabac est présent amène les
jeunes à commencer à fumer. Selon le U.S. Department of Health and Human
Services, plus les jeunes sont
exposés à ce type de scènes, plus ils ont de risque de commencer à fumer. Une
étude à notamment estimé que 44 %
des jeunes fumeurs sont initiés au tabagisme à cause d'une exposition répétée à
des produits du tabac dans des films.
Dans ce sens,
nous croyons que le gouvernement devrait minimalement demander au ministère de
la Culture et des Communications
d'intervenir auprès de la Régie du cinéma afin qu'elle classifie les films
faisant un usage excessif des produits du tabac comme c'est déjà le cas
pour ceux comportant de la violence, de l'érotisme ou du langage vulgaire.
Sophie-Rose.
• (9 h 50) •
Mme Desgagné (Sophie-Rose) :
Bonjour. Je m'appelle Sophie-Rose Desgagné, j'ai 14 ans et demi et j'ai
commencé mon secondaire III hier à l'école secondaire l'Aubier à
Saint-Romuald.
Ce n'est pas
tous les jours que des jeunes du Québec peuvent s'adresser directement au
gouvernement. Merci de nous donner une voix aujourd'hui. Je l'apprécie
particulièrement, en tant que leader officielle de La Gang allumée de Chaudière-Appalaches. La Gang allumée, c'est un
programme de prévention du tabagisme par et pour les jeunes du Québec.
En leur nom, je veux aussi vous dire merci de concocter une loi qui va nous
protéger du tabac.
Les neuf
autres leaders et moi-même ainsi que les milliers d'adolescents qui composent
les gangs allumées à travers le
Québec, on poursuit un grand rêve : réaliser, d'ici 10 ans, une
première génération sans tabac. On la voit d'ici. En 2025, le taux d'initiation au tabac sera à peu près nul
au Québec, les écoles secondaires n'auront plus de petites cliques de fumeurs
à la limite de leurs terrains, et tous les
jeunes, où qu'ils soient, pourront respirer un air sans fumée. Aujourd'hui, en
2015, on n'en est, malheureusement,
pas encore là. Nous autres, les ados québécois, on est plus exposés à la fumée
secondaire que tous les autres
adolescents canadiens, et jusqu'à deux fois plus en voiture. On consomme
nous-mêmes plus de tabac aromatisé que tous les autres jeunes d'un bout
à l'autre du pays.
Dans ma propre école, il y a un groupe de jeunes
qui fument, et là-dedans il y a des sportifs qui abîment leurs performances
jour après jour, cigarette après cigarette, petit cigare après petit cigare, et
en plus ils vapotent aussi en alternance.
Dans mon école, d'ailleurs, il y a beaucoup d'autres jeunes non-fumeurs qui
essaient la cigarette électronique par
simple curiosité ou juste pour suivre la mode. Je les regarde, et ça me fait de
la peine parce que je les connais et parce que je comprends que, derrière les goûts de fraise et de chocolat,
qu'ils soient fumés ou vapotés, il y a le piège du tabagisme avec tout
ce que ça comporte.
À l'occasion de la Journée mondiale sans tabac
du 31 mai dernier, des jeunes de La Gang allumée ont fait circuler une pétition qui appuie le projet de loi
n° 44 tout en réclamant encore plus de mesures d'interdiction de fumer
dans les lieux fréquentés par les enfants et
les ados. Ces jeunes demandent aussi au gouvernement d'interdire de fumer
dans les parcs et les terrains de jeu afin
de mieux les protéger de la fumée secondaire, bien sûr, mais aussi pour que
l'usage du tabac ne leur paraisse ni
naturel ni normal. Il me fait donc particulièrement plaisir de vous remettre
aujourd'hui cette pétition, signée par plus de 1 000 personnes,
principalement des jeunes.
Pour ces
jeunes-là et aussi pour tous les autres du Québec, votre projet de loi n'ira
jamais trop loin. S'il vous plaît, faites
en sorte d'adopter le projet de loi qui protégera le mieux les adolescents du
Québec, parce que, on aura beau travailler très fort pour informer les jeunes, pour les sensibiliser aux dangers du
tabac, pour essayer de les mettre à l'abri des beaux emballages et les convaincre de ne pas toucher à
ce poison, je suis certaine que nous n'arriverons pas tout seuls, sans une
loi audacieuse et solide, à la réaliser
d'ici 2025, cette fameuse première génération sans tabac, qui nous tient
tellement à coeur. Merci beaucoup de votre attention et de votre appui.
M. Bujold (Mario) : Mr. Repace.
M. Repace (James) : Honorable Members of the National
Assembly, my name is James Repace. I have served 19 years as a senior air policy analyst for
the United States Environmental Protection Agency, and I'm now retired, and
I'm currently a consultant on air pollution
from secondhand smoke. I have published more than 50 peer-reviewed scientific
papers on the hazard,
exposure, dose, risk and control of secondhand smoke. I strongly support all
the provisions of Bill 44, including
the ban on smoking on outdoor terraces of bars and restaurants, which will
protect the health of both nonsmoking bar and restaurant waitstaff as
well as the restaurant patrons.
There is a scientific consensus
that secondhand smoke poses dire risks to human health : it is a known
human carcinogen, it has immediate adverse
effects on the cardiovascular system, and chronic exposure causes fatal heart
disease. There is no known risk-free
level of exposure to secondhand smoke. A high proportion of nonsmokers report
eye irritation, headache, nasal
discomfort, coughing, sore throat or sneezing when exposed to secondhand smoke.
Even brief exposures can induce
sensory irritation in healthy nonsmokers at very low levels which increases
with the duration of exposure. A U.S.
study of nonsmokers' body fluids demonstrated that nonsmokers who are exposed
to secondhand smoke on outdoor terraces of a bar and restaurant for just
three hours absorb significant doses of secondhand smoke fine particles and carcinogens. I calculate from their data that the
nonsmokers' fine particulate matter exposure from secondhand smoke constitutes code red, or very poor air quality,
when evaluated by the three-hour Canadian Air Quality Index. Risk assessment
shows that this exposure constitutes a
significant risk of material impairment of health when judged by the standards
of the United States Occupational Safety and Health Administration.
Separation
of the outdoor patios into smoking and nonsmoking sections would only serve to
increase the secondhand
smoke exposure of the estimated 16 625 nonsmoking Québec restaurant
and bar waitstaff, who would have to serve in the smoking sections surrounded by
smokers in the bar and restaurant terraces. Nonsmoking sections on terraces
would also fail to protect the nonsmoking patrons from secondhand smoke carried
by the wind from the smoking sections into
the nonsmoking sections. The results of 13 field studies in as many
countries around the world demonstrate conclusively
that fine particulate matter air pollution on outdoor terraces is
overwhelmingly higher than that from heavy street traffic.
A
study commissioned by the Union of Bar Owners of Québec asserts that air
quality on open-air terraces would not be significantly affected by smokers by a
separation of only 1.5 meters. However, this claim is contradicted by the
results of three different U.S. studies
which showed that harmful levels of secondhand smoke fine particles and
carcinogens from a single cigarette
smoked on outdoor terraces occurred at downwind distances from four to
13 meters. Two of those studies are mine. Because these secondhand
smoke pollutants decline inversely with distance, smoke from multiple smokers will reach out proportionally to greater
distances. Thus, the smoking separation distance of 1.5 meters proposed
by the Union of Bar Owners of Québec must be
rejected in favor of a total terrace smoking ban as proposed by Bill 44.
My remarks are amplified in my written
testimony. Thank you for the opportunity to testify, and I will be pleased to
answer any questions.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous allons débuter
les périodes d'échange. À la demande de
la ministre, nous vous avons permis de compléter votre présentation, ce qui
fait en sorte qu'il lui reste 17 minutes pour échanger. La parole
est à vous, Mme la ministre.
Mme
Charlebois :
Merci, M. le Président. D'abord, M. Bujold, Sophie-Rose — quel beau témoignage! — et M. Repace,
merci beaucoup d'être là. Mais, honnêtement, c'est tellement rafraîchissant,
Sophie-Rose, d'avoir entendu ton témoignage et les buts visés par la
gang d'allumés. Honnêtement, là, une première génération sans tabac, je vais applaudir avec toi si ça arrive, et on va
travailler pour que ça arrive, on va travailler, en tout cas, pour qu'on... On
a un objectif, c'est qu'il y ait de moins en moins de tabagisme, et
notamment chez les jeunes. J'ai des petits-enfants plus jeunes que toi, évidemment, ils sont tout petits, quatre ans en
descendant, mais je viens de voir un bébé à la sortie, puis je me disais : S'il y a une chose que je
retiens aujourd'hui — il y a
un monsieur qui est venu nous présenter son bébé, qui travaille ici, à l'Assemblée nationale — ne serait-ce que pour ce bébé-là, là, qu'il
n'y ait pas d'environnement-fumée, honnêtement,
c'est... on ne travaille pas pour rien, là, parce qu'on sait, hein, depuis le
début des consultations à quel point c'est
nocif, le tabagisme, à quel point ça touche tous les organes de notre corps.
Mais la fumée secondaire, M. Repace vient d'en parler, c'est très
clair, là, qu'il y a un impact.
Sophie-Rose,
tu trouves que notre projet de loi n'ira jamais assez loin. Y a-tu des choses,
toi, que tu voudrais voir ajoutées dans le projet de loi?
Mme
Desgagné (Sophie-Rose) :
Bien, c'est sûr que — comme
tantôt, il y avait un monsieur qui en parlait — les paquets
neutres — moi, ça,
j'ai déjà fait des recherches, aussi j'ai fait un billet de blogue sur ça — en Australie, ça avait marché. Moi, c'est sûr que, si j'étais un tant soit
peu attirée par la cigarette — mais je ne le suis pas — puis que je voyais un paquet de cigarettes avec, je ne sais pas, comme
une forme d'iPod ou une forme de... plein d'affaires pour les
adolescents, c'est sûr que je serais attirée par ça, mais là je ne le suis pas.
Puis, avec
des paquets neutres, je crois que ce serait encore plus pratique parce que les
jeunes seraient moins attirés peut-être
par ça. Les terrasses aussi, dans le fond, même... les terrasses, moi, je suis
vraiment pour ça, même si je n'ai pas l'âge d'aller, exemple, dans les
bars puis sur les terrasses pour prendre une bière, là, mais ma...
• (10 heures) •
Mme
Charlebois :
...aller au restaurant?
Mme
Desgagné (Sophie-Rose) :
Oui, je peux aller au restaurant, je peux aller... Il y a des terrasses, des
fois, sur les restaurants. Moi, je
suis vraiment pour... Même ma mère, là, elle, elle va dans des bars aussi, sur
les terrasses, puis, même pendant les
heures de dîner ou pendant même... juste parler puis qu'elle reçoit de la
fumée... Elle est vraiment pour l'interdiction de la cigarette sur les
terrasses.
Mme
Charlebois : Non seulement c'est désagréable, mais c'est
nocif, hein?
Mme Desgagné
(Sophie-Rose) : Oui.
Mme
Charlebois :
Qu'est-ce qui fait, selon toi... Je m'excuse, je vais revenir à vous, mais ça a
été tellement inspirant, son témoignage.
Qu'est-ce qui fait, selon toi, en majeure partie, que les jeunes sont tant
attirés par les produits du tabac? Est-ce
que les saveurs, ça les attire vraiment ou si on est complètement dans le
champ, là, quand on travaille là-dessus?
Mme Desgagné
(Sophie-Rose) : Moi, je crois que les saveurs, c'est quelque chose qui
les attire encore plus, parce qu'il y a des
goûts de fraise, de chocolat. Toutes ces saveurs-là, ça peut les attirer. Ça
fait : Mmm! Ça sent bon, ça goûte
bon, na, na, na. Puis j'en connais qui ont essayé la cigarette puis que
peut-être qu'il y avait des saveurs. Mais, moi, c'est sûr que je ne leur demande pas, parce que, quand ils fument...
bien, quand ils essaient une cigarette électronique, moi, je me tiens
loin de ça. Mais j'en vois. C'est ça.
Mme
Charlebois :
Ça semble facile pour les jeunes de s'en procurer malgré une interdiction. Si
on renforce l'interdiction, si on met des
mesures pour que les adultes ne puissent pas acheter pour les jeunes, comment
tu vois ça?
Mme Desgagné
(Sophie-Rose) : Bien, moi, c'est ça, nous autres, La Gang allumée, les
leaders de La Gang allumée, on fait de la sensibilisation, donc ça peut aider.
Mme
Charlebois :
Comment tu penses que les jeunes se procurent des cigarettes? As-tu une idée?
Mme Desgagné (Sophie-Rose) :
Ça peut être de leurs parents. On ne sait jamais, peut-être qu'ils peuvent en prendre discrètement ou bien juste en acheter
d'autres personnes. Ça, je ne le sais pas parce que je ne suis pas dans le...
Mme
Charlebois :
Tu ne fumes pas.
Mme Desgagné (Sophie-Rose) : C'est ça, je ne fume pas. Ça fait que je ne peux
pas vraiment savoir, mais c'est sûr qu'il y a plein de moyens pour s'en
procurer, là, même si on n'est pas majeur.
Mme
Charlebois :
Tu as tout à fait raison, puisqu'il y a des jeunes qui fument.
Mme Desgagné
(Sophie-Rose) : C'est ça.
Mme
Charlebois : Alors, M. Bujold, je vais revenir à vous.
Sophie-Rose nous a un petit peu dit ce qui la préoccupe, et j'ai trouvé ça fort intéressant. On a beaucoup
de témoignages qui vont dans le même sens depuis le début. J'ai vu que
M. Repace, il a 58 publications. Je vais certainement le questionner là-dessus.
Vous,
vous êtes d'accord avec l'ensemble du projet de loi, c'est ce que je comprends,
mais vous souhaitez qu'on renforce au
niveau des terrains de jeu, au niveau des centres de la petite enfance en
milieu familial. Voulez-vous m'en parler davantage?
M. Bujold (Mario) : Oui. Bien, toute la question des terrains de jeu ne fait pas partie du
projet de loi, et, à notre avis,
c'est vraiment un manque, compte tenu davantage de l'image que ça transmet puis
de la pollution que ça crée dans ces lieux-là, où les jeunes se
retrouvent, que de l'effet à court terme d'être exposés à la fumée secondaire.
C'est
sûr que, dans un espace extérieur comme, disons, un terrain de football, la
fumée va plus se dissiper que sur une terrasse, mais ce n'est pas juste
sur le principe de l'exposition. Puis, encore là, ça dépend des conditions,
puis M. Repace l'a dit puis il a fait
beaucoup de recherches là-dessus, mais, compte tenu de l'espace, de
l'environnement, des vents, de jusqu'à quel point la fumée va rester ou
pas, évidemment il peut y avoir des risques. Mais, dans le cas des terrains de jeu, c'est davantage tout l'aspect
d'image que ça projette, et, si on veut dénormaliser l'usage du tabac, je ne
vois pas pourquoi on maintiendrait le fait
de fumer dans des endroits comme ceux-là fréquentés par les jeunes, d'autant
plus que de nombreuses provinces l'ont déjà
fait et plusieurs municipalités au Québec aussi ont adopté des règlements
dans ce sens-là.
Pour ce qui est des
autres mesures d'interdire de fumer, c'est plus de réajuster certains éléments
de la loi. Parce qu'actuellement la loi
disait : On ne permet pas de fumer sur les terrains des écoles, sauf s'il
n'y a pas d'élève dans ces écoles-là.
Même chose pour les garderies en milieu familial : on ne permet pas de
fumer pendant que les enfants sont là, mais,
avec les effets de la fumée secondaire mais aussi la fumée tertiaire, on sait
très bien que ces effets-là peuvent perdurer. Donc, c'est plus, pour nous, un rattrapage sur des mesures qui étaient
déjà en place et élargir, notamment pour l'interdiction de fumer, sur les terrains des cégeps, des
universités, des collèges, qui n'existait pas, qui est, à notre avis, un
non-sens aussi. Les jeunes adultes...
puis on en parlait tantôt — M. Lisée en parlait — qu'il y a un taux de tabagisme
particulièrement élevé chez les jeunes
adultes et c'est un grave problème. Bien, si on permet partout sur les campus
des cégeps, des universités... il est
clair que ça n'aide pas à faire un travail efficace de prévention puis de
réduire à la fois l'exposition à la
fumée secondaire mais aussi la tentation que ces jeunes-là commencent à fumer.
Peut-être que le milieu des collèges, des
universités est plus propice pour que les jeunes adultes commencent à fumer,
et, dans ce sens-là, je pense, c'est important d'améliorer des volets de
la loi qui étaient déjà bien faits mais qui peuvent aller plus loin.
Donc, pour nous, la loi est très
bonne, et on peut l'améliorer encore avec des mesures sur la fumée secondaire
qui vont aller un peu plus loin, qui vont
mieux protéger la population des effets de la fumée secondaire, et aussi,
notamment, la question des emballages, qui, à mon avis, est vraiment un
élément manquant dans une stratégie qui va donner des meilleurs résultats.
Mme
Charlebois : Sur l'interdiction des lieux, je vous ai
entendus — puis il
y a quelqu'un d'autre qui nous a mentionné
aussi les universités — honnêtement, j'ai regardé ça, j'ai réfléchi à ça puis je pensais
notamment à l'Université Laval ici, à
Québec. Ça occupe un grand espace, hein, le campus est grand; c'est un village.
Dans mon comté, c'est un village.
Imaginez-vous que, si on astreint, on réduit, on dit : Pas de fumée sur le
terrain du campus... Avez-vous pensé à la superficie? Voyez-vous ça
comme possible, vraiment?
M. Bujold (Mario) : Tout à fait, tout à fait. Je ne vois aucune difficulté dans ce sens-là.
Il s'agit d'un message cohérent. Puis
évidemment c'est à géométrie variable. C'est un peu comme les établissements de
santé : il y a aussi des hôpitaux
qui ont des très grands terrains, mais on interdit de fumer sur les terrains.
C'est le principe. Ce n'est pas juste la
question de dire : Bien, à neuf mètres ou à une certaine distance. Parce
qu'actuellement c'est ce qui s'applique. Moi, je pense que c'est d'être
cohérents dans nos mesures. Si on dit qu'il y a un risque associé à
l'exposition à la fumée secondaire, bien, ce risque-là, il est présent, et on
doit agir en conséquence.
Donc,
pour moi, ça ne poserait pas de problème, je ne vois pas de difficulté... C'est
probablement même plus facile pour
les établissements d'enseignement, parce qu'à ce moment-là c'est très clair. On
ne dit pas : Bien, ce coin-là, c'est permis; ce coin-là, ce n'est pas permis. Ça devient vraiment l'ensemble
du terrain, c'est facile à identifier pour tout le monde, il peut y
avoir de l'affichage aux périmètres du terrain, et c'est la meilleure façon d'y
arriver.
Mme
Charlebois : M. le Président, me permettez-vous de laisser
la parole à un de mes collègues qui voudrait poser une question à
Sophie-Rose?
Le Président (M.
Tanguay) : Oui, tout à fait. Collègue de Saint-Maurice.
M.
Giguère : Oui. Ma question, c'est pour Sophie-Rose. Tu as fait un beau
témoignage tantôt. Puis j'ai une fille de
ton âge aussi qui a commencé son secondaire III. Et puis tes amis, quand ils
vont fumer, ils vont fumer à la limite du terrain, sur la voie publique,
c'est ça?
Mme Desgagné
(Sophie-Rose) : Oui.
M.
Giguère : Donc, moi, mardi, cette semaine, à 3 heures de l'après-midi,
j'ai été chercher ma fille — elle avait un rendez-vous — à l'école, et il y avait à peu près 70 jeunes sur le bord de la
rue et, sur ça, il y en avait au moins 60 qui fumaient.
Une voix :
...
M.
Giguère : Sur 600 élèves. Donc, un 10 % qui fumait — des élèves. Puis j'ai attendu dans mon
véhicule, et ça sentait la fumée même
jusque dans le véhicule. J'ai attendu cinq minutes. Où est-ce que tu voudrais
qu'on aille plus loin? Sur la voie
publique? Où sont les lieux des écoles? Est-ce que tu voudrais qu'on aille
encore plus loin, que les enfants aillent fumer plus loin ou c'est...
Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Bien, moi, là, honnêtement, même sur les terrains
de l'école, même plus loin. Tant
qu'on voit de l'école, d'après moi, ça devrait être interdit, parce que ça peut
inciter les adolescents, même qui voient, là... que ce soit à 60 mètres,
mais qu'on le voit pareil, on voit la fumée. Que ce soit de la cigarette ou de
la cigarette électronique, moi, je crois
qu'on devrait vraiment interdire ça. Qu'ils ne le fassent pas du tout ou qu'ils
le fassent juste chez eux. Mais,
même, il ne faudrait pas qu'ils le fassent du tout, là. Mais moi, je crois que
ça devrait vraiment être interdit, carrément, là, qu'on le voie, là, ce
serait interdit pour les adolescents.
M.
Giguère : O.K. Parce qu'il y a aussi le phénomène qu'ils amènent
d'autres amis qui ne fument pas avec eux. Ils se tiennent ensemble. Donc, ces amis-là, ils ont la fumée
secondaire. Donc, je te remercie beaucoup pour ton témoignage.
Mme Desgagné
(Sophie-Rose) : Merci à vous.
Le Président (M.
Tanguay) : Mme la ministre.
Mme
Charlebois : Merci, collègue. C'est impressionnant quand
même, là. Ce que tu viens de dire, là, c'est un témoignage qui, encore là, me frappe, me touche, et ce sera peut-être un
endroit où on devra aller faire des petites visites.
Je
vais poser une question à M. Repace, parce qu'on a entendu des points de vue de
l'association... bien, en fait, de
l'Union des tenanciers de bars, qui prétendent que les études ne sont pas
concluantes, et vous nous avez dit que c'est tout à fait le contraire,
que les études que vous avez, vous, que vous détenez comme physicien, je
crois — vous
êtes physicien — prouvent exactement le contraire. Et vous
avez dit que dans le sang circule même une exposition limitée... on
constate qu'il y a d'importantes particules dans le système.
J'aimerais vous entendre
davantage nous parler de ça. Et, si vous avez une idée des conséquences, est-ce
qu'automatiquement on commence à aborder la question de la dépendance? Comment vous voyez ça?
• (10 h 10) •
M. Repace (James) : I see it as an issue of...
Une voix :
...
M. Repace
(James) : Yes. I
see it as an issue of health, particularly for those people who are chronically
exposed, such as waiters and bartenders who have to
work in the smoking areas of these outdoor terraces.
In
the nonsmoking sections — I'll briefly explain — when
you have a cigarette and the wind blows, what you get is sort of an ice cream cone shaped plume of
smoke that goes downwind, and the further away you get from the cigarette,
the wider the mouth of the cone is. However, if there are many smokers, these
plumes will overlap and then they will concentrate
before they dissipate. So, when you
have a strong wind, it will blow the smoke a very considerable distance.
I have actually measured smoke from a single
smoker out to 13 meters, which is, I believe, about 44 feet or
so from that single smoker. It came into a neighbour's house, and the neighbour
was very irritated and complained about it. In fact, he sued the smoker to try to get him to stop
smoking outdoors. So, it is a big problem for multiple smokers in areas where
they congregate or in front of doors, where the smoking gets sucked into the
building, in front of air intakes of buildings or windows that are open.
Smokers should not congregate underneath the windows.
We
had a situation when I was a consultant to the Tufts University School of
Medicine in Boston, which I was for five years. The professors were conducting a study of smoke in body
fluids of nonsmokers and the nicotine metabolite cotinine and they wanted to use themselves as nonsmoking controls, but
several of the professors found that they had high levels of cotinine in their body fluids and they
were stunned by this result. And it turned out that they all had their offices
near the street, on ground level, and the smokers, who are not allowed to smoke
in the building, would come out and smoke on
the sidewalk, and the smoke would come into their windows, and it was actually
detectable in their body fluids. So, then, they had to ban smoking on
the sidewalk as well.
And
so, a nine-meter rule, I think, is a very good rule to keep the smokers away
from doors, from entrances, from air intakes and from
the fronts of buildings. So, this is a very good idea.
Mme
Charlebois :
Merci.
M.
Repace (James) :
And the biggest risk, I think, for occasional exposures for people who don't
work in an area with
smoke is for asthmatics, who can get a severe asthmatic attack and have
difficulty breathing from walking in a plume of smoke. Even on the
sidewalk, if you have a line of smokers, you can never get out of the smoke.
Mme
Charlebois :
Vous avez tout à fait raison. Puis les statistiques de jeunes enfants qui ont
l'asthme sont de plus en plus importantes. Alors, il y a une raison à
ça, là, ça n'arrive pas par hasard.
M. Bujold, je
veux juste vous demander : Est-ce que vous croyez — moi, j'ai mon opinion, mais je veux entendre
la vôtre — que la société est rendue là, qu'on les
traite en tant que citoyens responsables à interdire la fumée dans les terrains
de jeu, dans les cours d'école complètes, de
mettre les distances de neuf mètres, d'être aussi restrictifs? Est-ce que vous
croyez que même les fumeurs québécois sont rendus là et sont assez respectueux
des autres pour pouvoir permettre l'application de cette loi-là?
M. Bujold
(Mario) : Oui, sans aucun
doute, très clairement, puis il y a plusieurs sondages récents qui le
démontrent, sondages populationnels avec des appuis très élevés à ces
mesures-là. Notamment, au cours de l'été, puis vous avez peut-être vu ces donnés-là, il y a eu la Coalition
québécoise pour le contrôle du tabac qui avait demandé à Léger de faire un sondage auprès de la population québécoise, et
on a vu qu'en fait 71 % de la population est favorable à ce qu'on
interdise de fumer totalement sur les
terrasses, c'est 91 % pour les terrains de jeu, puis il y avait d'autres
éléments aussi dans le sondage. Donc, on voit très bien qu'il y a un
appui.
Je pense que
c'est depuis très longtemps que la population a compris que le tabac était un
problème majeur dans notre société et
qu'il fallait tout faire pour en réduire l'effet. Et là-dessus, là, même, il y
a une forte proportion de fumeurs qui
sont d'accord avec ça, plus de 60 % des fumeurs veulent arrêter de fumer,
selon les sondages, dans les 30 prochains jours. Donc, ils sont pris avec une dépendance, mais l'objectif, il est clair,
ils se disent : Je veux me défaire de ce produit-là. Donc, le rôle du gouvernement, puis d'une
commission, puis de l'Assemblée nationale, c'est vraiment d'adopter les mesures
qui vont le plus loin possible pour permettre ça, pour en arriver justement à
notre génération sans tabac, souhaitée.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, M. Bujold. C'est, malheureusement, tout le temps dont nous disposons.
Vous poursuivez l'échange avec notre collègue de Rosemont pour une période de
12 minutes.
M. Lisée : Merci, M. le
Président. Merci d'être là, M. Bujold, Mlle Desgagné. Mr. Repace, welcome
to the National Assembly.
D'abord, je
tiens à vous féliciter, votre organisation est une de celles qui a été engagée
dans la poursuite contre les compagnies
de tabac qui s'est soldée par un jugement de première instance en votre faveur,
en faveur des citoyens québécois, de
15 milliards de dollars. Je sais que vous êtes en appel, mais j'ai bon
espoir que vous allez avoir gain de cause, parce que la preuve est irréfutable sur l'attitude systématique des
compagnies de tabac de nier, diluer, retarder, s'opposer, poursuivre dans le seul but de vendre un produit toxique.
Alors, bravo pour votre résilience, et sachez que nous vous appuyons pour la
suite.
Merci, Sophie-Rose
Desgagné, merci pour votre engagement, votre témoignage. Est-ce que vous
envisagez une carrière en politique?
Des voix :
Ha, ha, ha!
Mme Desgagné
(Sophie-Rose) : Je ne sais pas. Moi, je vise plus une carrière dans le
domaine de la santé.
M. Lisée :
Vous êtes bien partie.
Mme Desgagné
(Sophie-Rose) : Merci.
M. Lisée :
Est-ce que c'est cool, fumer, en Beauce, en ce moment, pour les jeunes de votre
âge?
Mme Desgagné
(Sophie-Rose) : En Beauce, je ne le sais pas.
M. Lisée :
Vous, vous êtes de quel endroit?
Mme Desgagné
(Sophie-Rose) : Chaudière-Appalaches.
M. Lisée :
Chaudière-Appalaches.
Mme Desgagné
(Sophie-Rose) : Oui.
M. Lisée :
À quel endroit en Chaudière-Appalaches?
Mme Desgagné (Sophie-Rose) :
Bien, Saint-Romuald.
M. Lisée :
O.K. Bon, à votre école, là, dans votre entourage, là, est-ce que c'est cool de
fumer?
Mme Desgagné
(Sophie-Rose) : En fait, ceux qui fument, ils disent que c'est cool,
mais il y a beaucoup de personnes qui
disent : Non, ce n'est pas cool, on ne devrait pas fumer. Puis, j'ai
regardé ça sur Facebook, il y avait beaucoup de personnes de mon école qui disaient qu'elles
étaient pour l'interdiction de fumer dans les voitures en présence d'enfants
de moins de 16 ans.
M. Lisée :
Et dans la cour d'école et autour de la cour d'école?
Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Il y en a qui fument, mais ce n'est pas autant
que 60 ou 70. Il y en a quand même une
vingtaine à peu près, là, qui fument. Puis, quand même, j'aimerais ça que le
nombre soit zéro, qu'il n'y ait aucun fumeur sur le bout du trottoir.
M.
Lisée : Quel est l'argument qui fonctionne le mieux pour
convaincre un jeune de ne pas fumer ou d'arrêter de fumer?
Mme Desgagné (Sophie-Rose) : En fait, je ne crois pas que c'est nécessairement
un argument, je crois que c'est les
actions qu'on fait : comme, on fait beaucoup d'actions de sensibilisation,
comme, on a fait signer des pétitions, on leur explique un peu qu'est-ce que ça fait, la nicotine, tous les
produits toxiques qui sont dans la cigarette. Je crois que ça, ça leur
fait penser à arrêter.
M.
Lisée : Il y a des études américaines qui disent que l'argument
qui fonctionne le mieux, ce n'est pas un argument de santé, parce que les jeunes se sentent
invincibles, c'est des arguments qui disent : Vous êtes manipulés par des
grosses compagnies qui essaient de
vous vendre que c'est cool alors qu'ils font des profits sur votre dos. Est-ce
que vous avez utilisé cet argument-là?
Mme Desgagné (Sophie-Rose) : Oui, on l'a utilisé. Il y a beaucoup de personnes...
Bien, nous autres, dans le fond, à
notre école, c'est surtout la fumée secondaire qui nous inquiète, c'est notre
enjeu principal, mais, oui, on utilise tous
les autres enjeux aussi. Le tabac à l'écran, aussi, c'est... juste, exemple,
dans le film Les 101 dalmatiens, la méchante, elle fume. Ça peut
inciter...
M. Lisée :
«La méchante», c'est une image négative.
Mme Desgagné
(Sophie-Rose) : Je ne sais plus son nom.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Lisée : Dans Star
Wars, Darth Vader fume. D'ailleurs, il a des problèmes de respiration assez
évidents. Je pense que c'était un fumeur.
Des voix :
Ha, ha, ha!
• (10 h 20) •
M. Lisée :
Très bien. Merci beaucoup, puis continuez votre engagement.
Mr. Repace, I was very interested in
your study and what you explained a moment ago about the cone. So, the smoker is there, the wind blows, and, contrary to an instinctive
belief, you say that the stronger wind will keep the secondhand smoke lower and the lighter wind will disperse it higher in
the atmosphere. So, people will say, «Well, when there's a strong wind,
it goes away.» That's not true.
M. Repace (James) : No. I have made measurements on the
campus of the University of Maryland, in Baltimore, by
request of the Department of Health Services there, because they were proposing
an outdoor ban, and the Faculty Senate said,
«Well, there is no scientific evidence that it just doesn't dissipate in the
air.» So, they asked me to come up and
make some measurements. And it turned out that the day that I came up was a day
when we had a lot of sun, and the air
was very turbulent, and there were some clouds, and it was very windy. So, we
had winds which were running, oh, with gusts of above 20 mph. So, on
that particular day, I was able to measure the smoke from a single cigarette
out to seven meters, so 21, or more, feet
out from a single cigarette — and, if we had had many smokers,
it would have been a much greater distance — when I could discern a difference between the background and
the cigarette smoke and, interestingly
enough, I was measuring both fine particle air pollution and carcinogenic air
pollution and I found both of those were quite elevated.
M. Lisée : So, when
our bar owners in Montréal say that if we put a buffer of 1.5 meters...
what you're saying is, even at a strong wind, from seven meters a nonsmoker in a nonsmoking
section would be exposed to a significant amount or an insignificant
amount?
M. Repace (James) : Yes, it would be a significant amount,
because you would have all the smokers, basically, who would attend the restaurant who would be
sitting in the smoking section. So, it would be a big area source. So, you
might have 10, 15 smokers all smoking at the
same time, and it would create a huge cloud of smoke which would just
blow downwind. Now, suppose...
M.
Lisée : So, it would be more dangerous for the nonsmokers than
for the smokers.
M. Repace (James) : Well, if you're working in the smoking
section, you'd be simply surrounded by smokers, and it would be very bad. But, yes, it would blow
into the nonsmoking section and it would be very offensive and would
certainly interfere with the enjoyment of the nonsmokers.
And, in fact, there was a study in
Massachusetts that found, in the days when they had smoking indoors, that there were more nonsmokers who avoided
going to smoky bars and restaurants than the total number of smokers in the
State. So, it drives the nonsmokers away. Frankly, I don't think it's
good for business.
M. Lisée : You went
so far as to test the amount of particles in the air and carcinogens on the
deck of a cruise ship
that was moving. And, of course, we would all instinctively say, «Well, if you
smoke on the deck of a cruise ship that is moving, there is no impact to
no one.» That's not what you found. Tell us about it.
M. Repace (James) : That is correct. On this particular
ship, they had smoking which was confined to the bar areas, which are, of course, on the smoking deck
of the ship, and I made measurements of about three or four meters from
the smokers in the bar, and the ship was under way at about 20 knots, so there
was quite a breeze blowing, and I was amazed
to find that the levels that I was measuring there and on the cigar deck as
well were almost as high as in the casino, where smoking was allowed.
So, it...
M.
Lisée : The indoor casino.
M.
Repace (James) : Indoors, yes. It was quite a
surprise for me.
M.
Lisée : So, this cruise ship had a cigar deck and a cigarette
deck?
M.
Repace (James) : Yes.
M.
Lisée : Did it have a marijuana deck?
Des
voix : Ha, ha, ha!
M.
Lisée : No, not yet.
M. Repace (James) : No, I don't think they had a marijuana deck. But,
you know, the way it's being legalized, I wouldn't be
surprised.
Actually,
smoking is pretty much banned now on most cruise ships, I think. They've
changed the rules quite a bit. Smoking marijuana, like smoking cigarettes, produces many of the same
pollutants. Marijuana doesn't have nicotine, but it has tetrahydrocannabinol, which, of course, affects the brain in a
different way. But, in terms of the irritation and the carcinogenic and
heart disease risks, marijuana smoke is pretty much the same as cigarette
smoke.
M.
Lisée : Is there a way to... I know we're off topic, but, since
you're an expert, is there a way to modify the blend of
marijuana to lower the unhealthy effects?
M.
Repace (James) :
If you burn the marijuana, you're going to get the unhealthy effects, there's
no escaping from it.
If, in some places, it's prescribed for medical use, well, you have to extract
the substance and maybe ingest it rather than to inhale it. Inhaling any substance which is burned at low
temperatures, red heat, like cigarette or marijuana smoke, creates products of incomplete combustion. These
are volatile organic compounds, many of which are very damaging to the lung. It creates the fine particles, it
creates the carcinogens which can break the bonds in the DNA and lead to
cancer. And it can also accelerate
the rate at which cholesterol is deposited on the coronary arteries, and so it
can lead to heart disease or, if it happens in the brain, to a stroke.
So,
these are all things that are in common with this low combustion, and it's...
you know, marijuana certainly isn't as common as
smoking tobacco, so you don't want to be exposed to this kind of smoke if
you're a nonsmoker, particularly.
M.
Lisée : You mentioned, a moment ago, Tufts University, where
these professors were smoking secondhand smoke from the sidewalk. Now, that's an issue here
because, well... and elsewhere, because, on many of our streets, we have
terraces where the property of the terrace stops at the terrace, and then
there's only the sidewalk, and there's no discussion
of banning smoking on the sidewalks. Are you telling me that there are some
jurisdictions where smoking is banned on sidewalks?
M. Repace (James) : My understanding is that, in front of certain buildings in
Manhattan, they do restrict smoking on the
sidewalk. I think that's not a general rule throughout the city, but they don't
want the smokers to congregate in
front of the building and then have that smoke blown into the building or get
sucked in. Some buildings are not properly ventilated, and so they're pulling more air out than they're bringing
in, and so they create a partial vacuum, and so, when the door is open, the air will rush in through the
door. I think a lot of us have experienced that. Sometimes, it's hard to
open the doors. So, if there's people
smoking out there, it can get sucked in, and it is a problem. I know, my
daughter, who lives in Manhattan,
says she often walks to work and she tries to avoid the sidewalks where there
are many bars and restaurants because
people smoke out in front of them; this is particularly true in the afternoon.
So she goes out of her way not to walk on those sidewalks. So, it is a
problem, and it is offensive to most nonsmokers.
M. Lisée :
Juste une phrase, si vous permettez, M. le Président. Une idée, Mme la
ministre, ce serait de donner le pouvoir aux villes de désigner des rues
ou des sections non-fumeurs si elles le décidaient.
Une voix : Ils peuvent le
faire.
M. Lisée : Ils peuvent le
faire?
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole
à notre collègue de Lévis pour une période de huit minutes.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le
Président. Bienvenue à Sophie-Rose, M. Bujold, M. Repace.
Une première
question à Sophie-Rose. C'est agréable. Sophie-Rose est dans ma
circonscription, ceci dit, alors, extrêmement active... j'ai eu
l'occasion déjà de lui parler dans le cadre de mes fonctions antérieures, et
tout ça, alors, extrêmement active dans ce domaine-là.
Est-ce que
les mises en garde sur les paquets de cigarettes actuellement font en sorte que
ceux que tu côtoies et qui fument, que tu tentes de convaincre... est-ce
que ça a un effet ou absolument rien?
Mme
Desgagné (Sophie-Rose) :
C'est sûr qu'ils sont au courant des dangers, mais je ne sais pas vraiment si
ça leur fait peur de fumer puis de se
dire : Ah! bien, il pourrait m'arriver ça. Je crois qu'il faudrait non
seulement mettre ça, mais aussi
mettre les paquets neutres. Je crois que ça serait encore plus bon pour eux,
pour se dire : Ah! bien, je vais arrêter de fumer.
• (10 h 30) •
M. Paradis
(Lévis) : Parce que,
manifestement, tu sens que l'attrait pour la couleur, la forme, le paquet, ça
fait cool, c'est le fun, alors, ça incite, donc, à se procurer des
produits de ce type-là.
Mme
Desgagné (Sophie-Rose) :
...autour de leurs amis : Ah! regardez mon paquet de cigarettes, na, na,
na, il est beau, puis je crois que ça pourrait inciter plus d'adolescents.
M.
Paradis (Lévis) : C'est sûr
que tu ne vas pas voir ceux à qui tu t'adresses ou que tu tentes de convaincre
pour tenter de voir ce qu'ils fument.
Tu as parlé
de tabac aromatisé. On a beaucoup parlé de menthol. Est-ce qu'il y a beaucoup,
chez les jeunes que tu côtoies, pour
ce que tu en sais, des gens qui décident... Tu as parlé de gomme
balloune, puis de fraise, puis de chocolat, mais, tu sais, le menthol semble être un produit qui est très populaire.
Est-ce que tu le sens aussi chez les jeunes fumeurs,
qui ne devraient pas fumer?
Mme
Desgagné (Sophie-Rose) : Honnêtement, je ne sais pas qu'est-ce
qu'ils fument, quelles sortes de
cigarette ils fument, comme, si c'est
à la fraise, au chocolat, au menthol, parce
que, quand ils fument, moi, je me
tiens loin, je ne vais jamais
voir ceux qui fument. Donc, je ne peux vraiment pas le savoir, mais c'est sûr qu'il y en a. Moi, je crois, d'après moi, ils sont plus attirés vers les
saveurs, les ados.
M. Paradis (Lévis) : Je vais poser
une question à M. Bujold, je poserai une question à M. Repace également. M. Bujold, il
y a beaucoup de personnes qui...
Vous savez, il y a un noyau dur, hein, de gens qui disent :
Regarde, laissez-nous, on décidera
pour chacun de nous. Au-delà de ceux qui ne fument pas et qui subissent les
contrecoups des fumeurs, les
fumeurs se sentent montrés du doigt. Il
y a des gens qui disent que ce serait
inutile d'interdire, par exemple, les
tabacs aromatisés, le tabac au menthol, parce que, bon... porte
d'entrée chez les nouveaux fumeurs et chez les jeunes.
Les jeunes,
en principe, ne devraient pas avoir de cigarette, parce qu'ils sont mineurs. Alors, il faut s'attaquer sur l'approvisionnement, bien sûr, et là toute la notion du cartage. Il y a
des groupes, des associations qui sont venus dire ici : Rendons obligatoire
dans la loi... que ce soit prévu dans nos lois que le cartage est obligatoire
pour se procurer des produits du
tabac. Est-ce que vous seriez d'accord avec une mesure comme celle-là? Est-ce
qu'elle pourrait faire la différence?
M. Bujold
(Mario) : C'est une très
bonne question et à laquelle il y a plusieurs nuances de réponse à donner, je
pense.
Premièrement,
un programme de cartage, c'est une initiative de l'industrie du tabac. Il y a
eu, depuis des années, cette
mesure-là qui a été mise en oeuvre. Et pourquoi l'industrie du tabac l'a-t-elle
fait? Parce qu'elle savait qu'elle était inefficace, tout simplement. Ça, c'est documenté. Il y a des recherches
qui prouvent ça aux États-Unis, il y a toutes sortes de données
là-dessus. Première des choses.
Deuxième des
choses, il ne faut pas enlever aux détaillants la responsabilité qu'ils ont. La
loi dit : Vous ne devez pas
vendre de tabac aux mineurs sous peine de représailles. Et je pense que ces
représailles-là doivent être importantes pour être dissuasives. Parce qu'on sait comment ça se passe. Il y a des
gens dans des commerces... des jeunes qui vont travailler les fins de
semaine qui ont 14 ans, 15 ans et qui voient des jeunes arriver qu'ils
connaissent qui ont 14 ans, 15 ans :
Regarde, je vais t'en vendre, des cigarettes, là, il n'y a personne autour qui
nous voit puis... Et c'est comme ça que ça se passe.
Donc, la
responsabilité, là, elle incombe aux détaillants. Et, oui, le gouvernement peut
mettre un encadrement, des mesures
pour permettre un meilleur contrôle, mais la responsabilité, elle va toujours
demeurer là. Donc, est-ce que c'est
une formule de cartage améliorée? Parce qu'il faudrait qu'elle soit améliorée.
Parce que, si c'est le cartage, tel qu'on connaît, qui a été développé par l'industrie, là, il y a des études qui
disent : Ne faites pas ça, ça ne donne rien. En fait, ça a le potentiel d'avoir l'effet contraire, parce que ça
dit aux jeunes : Pas avant 18 ans. Mais, pour un adolescent, lui
dire : Pas avant que tu sois
adulte... Il dit : Je vais aller voir ce que c'est, ça m'intéresse. Donc,
il faut faire bien attention à la façon dont on communique l'information sur cet enjeu-là parce que c'est, à mon
avis, beaucoup plus complexe que de dire : On va demander des
cartes, donc ça va régler le problème.
M. Paradis (Lévis) : J'ai beaucoup
de questions, puis finalement le temps file, alors je veux bien l'occuper. M. Repace est là, et je veux profiter de son
expérience, alors la question s'adresse à vous. J'ai des gens qui me
disent : Un édifice bien ventilé...
Et d'ailleurs il y a des gens qui ont décidé... des fumeurs, qui, pour protéger
leur famille, décident de fumer sous
la ventilation de la cuisinière électrique, hein, pour éviter de contaminer les
enfants puis le conjoint, etc.
Est-ce que,
de fait, c'est une fausse impression que de penser qu'une ventilation adéquate
dans un établissement ou à la maison
alors qu'on fume sous la hotte de la cuisinière électrique, c'est efficace?
Est-ce que c'est efficace ou pas? La ventilation a-t-elle un effet sur
la dangerosité dont vous me parlez?
M. Repace (James) : In general, ventilation of buildings
cannot control tobacco smoke efficiently. I have made measurements in Toronto, in the Black Dog Pub,
before and after a smoking ban — this was around 2002, 2003, 2004 — and they had a very high technology ventilation
system which pulled in fresh air from the outside into a nonsmoking area which was the restaurant, into the smoking area, which was the
bar, and then pumped it outside, single pass, no return, OK? And the claim was made that in the nonsmoking section of the
restaurant it was just as pristine as outdoors. Well, I made measurements there for four hours in the smoking section
and in the nonsmoking section. I found that the smoking section was as contaminated as any bar that I've ever measured,
and I've measured a lot of them, it was pretty bad. In the nonsmoking
section, it was lower, but, after the smoking ban, the pollution levels for
fine particles and carcinogens dropped 60%, to outdoor levels.
So, while ventilation can lower
the levels, it really cannot solve the problem of smoking indoors. In fact, the
American Society of Heating, Refrigerating
and Air-Conditioning Engineers, which has a Canadian branch as well, says
that, no matter how high the technology you have for ventilation or air
cleaning, it is not a solution to the ventilation problem.
M.
Paradis (Lévis) : J'ai une
dernière question pour vous et rapidement. Les États-Unis,
actuellement, affichent, et on nous le dit, un
taux de tabagisme de l'ordre de 14 %.
Qu'est-ce qu'ont fait les États-Unis pour arriver à ce taux de tabagisme de 14 %? Y a-t-il des mesures dans
le projet de loi dont on parle qui sont appliquées là-bas et qui ne le sont
pas? Quelle est la recette aux États-Unis actuellement? Parce que ce n'est pas
uniforme.
Une voix : ...
M. Repace
(James) : Yes. I think that 14% might be California
and maybe Utah. If you go to places like Indiana and Kentucky, I think you'll find smoking rates
are as high as 25%. Overall, I think the United States is running about
18% right now.
The methods, I think, that are
most effective, particularly if you look at the State of California, which has
the best tobacco control program in the
U.S., they have high taxes on cigarettes, they have very strong smoking bans
indoors and out. The State of California has declared tobacco smoke to
be a toxic air pollutant, and this is by the agency that regulates outdoor air pollution : California
Air Resources Board. And so they ban smoking in outdoor patios, they ban
smoking indoors and they have high taxes, and that combination of high taxes
and smoking bans is very effective at reducing tobacco use, particularly with a
very aggressive advertising program that educates both thesmokers and
the nonsmokers as to the harm of active and passive smoking.
Le Président (M.
Tanguay) : Thank you very much. Alors, merci beaucoup aux
représentants du Conseil québécois sur le tabac et la santé.
Je suspends quelques instants nos travaux.
(Suspension de la séance à 10 h 39)
(Reprise à 10 h 48)
Le Président (M. Tanguay) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux.
Des voix : ...
Le Président (M. Tanguay) : ...nos
travaux. Je vous remercie beaucoup de prendre place.
Nous
accueillons maintenant la représentante de l'Association médicale du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de
présentation de 10 minutes. Bien prendre le soin de vous nommer, peut-être de
préciser vos fonctions également, et la parole est à vous. Merci.
Association médicale du
Québec (AMQ)
Mme Jen
(Yun) : Merci, M. le
Président. Alors, je me présente, je suis Dre Yun Jen, présidente de l'Association médicale du Québec.
Tout d'abord,
j'aimerais remercier les membres de la Commission de la santé et des services
sociaux d'inviter l'AMQ à exprimer
son point de vue sur le projet de loi n° 44. Pour ceux qui ne connaissent
pas l'AMQ, on est la seule association québécoise qui rassemble
l'ensemble de la profession médicale du Québec. On a environ 10 000 membres, qui sont composés d'omnipraticiens, de spécialistes, de résidents et des
étudiants en médecine, et on compte sur ce grand réseau pour réfléchir
sur des enjeux auxquels on est confrontés dans la profession et pour proposer
des solutions pour non seulement améliorer la pratique médicale, mais aussi, et
je le souligne, pour améliorer la santé de la population.
Alors,
d'entrée de jeu, on aimerait féliciter Mme la ministre pour le travail accompli
dans le projet de loi n° 44. Il
n'y a pas eu de révision sur la Loi sur le tabac depuis 2005, et alors l'AMQ
considère que ce projet de loi permet au Québec de rattraper le retard
accumulé par rapport aux autres provinces dans la lutte contre le tabac.
• (10 h 50) •
On est très
en retard dans la lutte contre le tabagisme, c'est malheureux de constater ça,
mais, en même temps, notre retard
nous donne l'avantage de bénéficier des leçons apprises d'autres juridictions,
puis là on parle d'autres provinces canadiennes ou d'autres pays qui ont
aussi révisé leurs législations sur le tabac.
Là, on apprend
beaucoup. D'abord, on apprend que, malgré qu'on a tendance à
penser que les mesures de prévention, comme les mesures législatives,
ont des impacts sur la santé seulement à long terme et qu'elles n'ont pas vraiment beaucoup d'impact à court terme,
c'est-à-dire qu'on ne voit pas de bénéfice sur la santé dans les quelques
années qui suivent et surtout pas à
l'intérieur d'un mandat, l'expérience terrain d'autres juridictions nous prouve
le contraire, elle nous prouve plutôt
que, dans le cas du tabac, une législation sévère et contraignante apporte
rapidement des gains pour la santé de la population. On n'a pas besoin
de regarder très loin. À titre d'exemple, une étude récente menée en Ontario qui a été publiée dans le journal de
l'Association médicale canadienne nous montre que l'application de la loi
antitabac en Ontario serait associée à une
baisse importante dans les hospitalisations pour les conditions
cardiovasculaires et respiratoires,
une baisse de 39 % des taux d'admission hospitalière pour les problèmes cardiovasculaires — donc, on parle d'angine, d'infarctus aigu du myocarde, accidents
cérébrovasculaires, etc. — et une baisse de 33 % pour les problèmes
respiratoires. Ces résultats ont été observés dans les deux ans — seulement
deux ans — qui
ont suivi l'implantation complète de la loi. Ces résultats sont cohérents avec d'autres études
similaires qui ont été menées en Angleterre et aux États-Unis qui ont aussi conclu que l'implantation
de lois antitabac est suivie par une diminution des hospitalisations. Donc,
on voit, à traves ces études, tout l'intérêt
de réduire au plus possible l'exposition à la fumée du tabac par une
législation plus sévère.
C'est
pourquoi l'AMQ supporte la proposition présentée dans le projet de loi d'avoir
une plus grande étendue des zones
sans fumée, mais on aimerait que le projet de loi aille encore plus loin. Pour
la population générale, on demande l'interdiction
de fumer dans un rayon de neuf mètres des portes mais aussi des fenêtres et
prises d'air d'un établissement public.
Pour les jeunes, on demande d'étendre l'interdiction de fumer en tout temps sur
les terrains de jeu, les terrains d'écoles primaires et secondaires et
les cégeps. Pour les travailleurs de la santé et les patients, on demande
également d'interdire de fumer dans les
établissements de santé, à l'exception des centres d'hébergement et de soins de
longue durée, où des fumoirs isolés
et ventilés vers l'extérieur pourraient être réservés à leurs résidents. Dans
le même ordre d'idées, la question de
la marijuana médicale est également traitée dans le projet de loi à
l'article 60. L'AMQ croit que les dispositions concernant le tabac
devraient s'appliquer aussi à la marijuana médicale, puis c'est une question de
logique. On vient d'entendre de notre expert
américain que la fumée secondaire de marijuana est aussi nocive. Donc, il faut
être cohérents avec nous-mêmes. En plus, cet été, Santé Canada a autorisé la
distribution de l'huile de cannabis. Les patients ne sont donc plus limités à utiliser la marijuana dans sa
forme séchée, ça veut dire qu'ils peuvent maintenant la consommer au lieu de la fumer. Donc, la même exception pourrait
s'appliquer aux centres d'hébergement et de soins de longue durée.
Donc, il est
évident que, si on veut faire respecter les zones sans fumée, il faut aider le
plus possible les fumeurs à arrêter
de fumer, ce qui nous amène au sujet de la cessation de tabac. On invite le
gouvernement à s'engager à ce que le soutien
des professionnels de la santé, les outils et les programmes de cessation de
tabac continuent d'être accessibles et
abordables pour les personnes qui voudraient arrêter de fumer, et, dans ce
contexte, les programmes de cessation de tabac devraient être mieux financés. Actuellement, on a 150 centres
d'abandon du tabac à travers le Québec et, selon un rapport d'évaluation ministériel, on sait que,
même si ces centres d'abandon du tabac réussissent à répondre à des demandes
de milliers de personnes, on réussit mal à
rejoindre les groupes vulnérables, notamment le groupe d'âge des jeunes de
12 à 17 ans. Si on considère qu'en 2014‑2015
les taxes sur le tabac ont généré un peu plus de 1,1 milliard de dollars,
l'AMQ croit que peut-être on pourrait être plus généreux dans le soutien
apporté à l'abandon du tabac.
Les cigarettes électroniques. L'AMQ juge qu'il
est essentiel que le gouvernement finance des études sur les avantages et les
risques liés à la cigarette électronique compte tenu de la rareté des données
qu'on a actuellement sur le sujet. L'AMQ
craint que la cigarette électronique soit un vecteur d'initiation au tabagisme
particulièrement chez les jeunes, et
c'est pour ça qu'on considère qu'il est essentiel d'encadrer et de réglementer
l'usage de la cigarette électronique pour
ne pas perdre tous les efforts qu'on a mis dans la dénormalisation du
tabagisme, la dénormalisation du geste de fumer. En même temps, on est d'avis que la cigarette électronique pourrait être
un outil pour aider les personnes qui veulent arrêter de fumer et que c'est important d'analyser plus en
profondeur son efficacité comme outil de cessation tabagique. On est
d'accord.
En
conclusion, l'AMQ présente ces quelques amendements surtout dans l'optique de
réduire encore plus la grosse pression
qu'il y a actuellement sur le système de services et soins de santé. Les deux
dernières présences de l'AMQ en commission parlementaire... et, lors de ces
deux dernières présences, participations, nous avons parlé de la capacité
des médecins et du système à offrir des
services suffisants à la population. En fin de compte, on parle beaucoup
d'offrir plus de services, plus de
soins de santé, et, si vous remarquez bien, c'est assez rare, puis, je dirais,
presque jamais, qu'on parle de comment on pourrait réduire la demande de
services et de soins de santé.
Pour nous, le
projet de loi n° 44 est l'exemple parfait d'une mesure qui aura l'effet de
réduire la demande, de réduire la
pression sur le système de santé, parce que, au fond, le tabac, c'est encore la
première cause évitable de maladie et de décès au Québec.
Actuellement, les sommes dépensées pour couvrir
les coûts directs en soins de santé liés au tabagisme sont estimées à environ 1,6 milliard de dollars
par année au Québec. Ça, ça veut dire qu'à chaque jour qu'on attend l'adoption
de ce projet de loi c'est 4,4 millions de
dollars qui sont dépensés dans le réseau de la santé pour traiter des maladies
ou des problèmes de santé qui sont
pourtant évitables, puis ils sont évitables chez les 1,4 million de
fumeurs au Québec et les gens qui les
entourent. Alors, c'est vraiment beaucoup de gens qui sont touchés par ce
fléau, ce fléau social du tabagisme. Puis
je pense que, pendant toutes les consultations, vous avez été noyés de
chiffres, on vous a parlé beaucoup de coûts, beaucoup de statistiques, beaucoup de données scientifiques au cours des
consultations, mais j'aimerais ça vous rappeler que derrière chaque chiffre il y a un visage humain. Puis on connaît
tous dans notre entourage proche quelqu'un qui a un problème de santé lié au tabac, quelqu'un qui fume
et qui est à risque d'avoir un problème de santé. Ces gens-là, ce sont
des parents, ce sont des enfants, ce sont des conjoints, ce sont des amis. On
se doit de les aider comme société, et les membres
de l'AMQ vont continuer à faire notre part dans la lutte contre le tabac, et ce
projet de loi, quand ce sera adopté, va nous aider à aller plus loin
pour améliorer la santé de la population. Merci. Je suis prête à recevoir les
questions.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je vais amputer le
temps que vous avez utilisé, 1 min 15 s, à la ministre.
Pour une quinzaine de minutes, Mme la ministre, la parole est à vous.
• (11 heures) •
Mme
Charlebois :
Merci, M. le Président. Alors, Dre Jen, merci beaucoup d'être là.
Honnêtement, j'ai beaucoup apprécié
la fin de votre présentation, parce que, vous avez raison, on a beaucoup de chiffres, on a beaucoup de statistiques, on a beaucoup d'études, on a beaucoup de pourcentages de
prévalence au tabac, qui consomme plus ou moins, puis comment, puis avec quel produit, puis etc., mais vous avez tellement
raison de parler d'humain et de son entourage. À la fin du compte, là, vous avez raison, oui, il y a
un coût sur le système de santé, oui, il
y a une question
d'accès au système de santé aussi, parce
que c'est des patients qui sont là
dans les hôpitaux et aussi dans les
cabinets de médecins, mais, au-delà de tout ça, c'est des gens qui sont
impactés dans leur vie de tous les jours. Puis, quand il y a un membre de la
famille qui est malade, bien tout le monde en souffre — ce
n'est pas vrai qu'il y a juste la personne qui est malade qui est impactée — toute la famille en souffre, puis plus le
degré de la maladie est important, bien, plus est important... l'entourage,
comment il est touché. Alors, moi, je veux
vous remercier pour ça parce que c'est vraiment important de retenir ça, c'est
pour qui on fait ce qu'on fait. C'est
exactement ça, on a la même préoccupation, c'est le citoyen, c'est celui qui va
bénéficier de moins de fumée finalement dans son environnement.
Je vous ai entendue sur plusieurs sujets, puis
c'est fort intéressant, puis je sens qu'il y a comme une forme de consensus dans le milieu médical, c'est parce que
vous êtes près des gens. Alors, vous constatez les conséquences néfastes
du tabagisme mais aussi de la fumée
secondaire et vous souhaitez qu'on réduise, oui, le tabagisme, mais aussi
l'exposition à la fumée. J'ai le goût
de vous entendre parler pour les terrasses, parce que les tenanciers de bar
trouvaient qu'on allait trop loin, les restaurateurs aussi, mais je sais
qu'à Ottawa c'est déjà le cas puis il n'y en a pas, de problème. Je sais qu'il
y a des restaurateurs au Québec que c'est déjà le cas, qu'ils interdisent la
cigarette. Il n'y en a pas, de problème.
Est-ce que
vous pensez qu'on doit écouter plus ceux qui désirent avoir une partie encore
pour les non-fumeurs? Est-ce que vous
pensez que de demander d'interdire complètement les terrasses, c'est une bonne
idée? Comment vous voyez ça? Puis est-ce que vous voyez que, comme je
sais que les terrains de jeu aussi vous préoccupent, je pense... J'aimerais ça
vous entendre dire comme dans quel établissement ou sur quelle exposition
extérieure vous souhaitez qu'il y ait de moins en moins de fumée secondaire et
de moins en moins de cigarettes?
Mme Jen (Yun) : Merci beaucoup, Mme
la ministre. C'est une très bonne question. Là-dessus, j'aimerais souligner que la mission de l'AMQ, c'est vraiment
d'agir, réfléchir dans l'intérêt de la santé de la population, on n'est
pas là pour représenter les intérêts commerciaux ni les intérêts économiques.
Nous, ce qu'on a en tête, c'est comment améliorer
la santé des gens, et c'est pour ça que j'ai beaucoup insisté sur le fait que,
dans d'autres juridictions, on a réussi à voir qu'effectivement ce sont
des stratégies qui sont faisables. Elles sont non seulement faisables, elles
contribuent à améliorer la santé de la
population. Et, juste sur la base de ces expériences terrain, et ce sont des
expériences réelles, nous, on
approuve la stratégie que le projet de loi est en train de présenter pour
élargir la zone d'interdiction de fumer sur les terrasses.
Mme
Charlebois :
Et, l'encadrement du neuf mètres, vous souhaitez qu'on mette ça plus large
encore, c'est-à-dire aux fenêtres, aux...
Mme Jen
(Yun) : Oui, effectivement,
parce que, si on veut être cohérents avec nous-mêmes, si on veut poursuivre
notre logique jusqu'au bout... On sait que
la fumée réussit à rentrer par les fenêtres et par les prises d'air, alors
c'est juste cohérent et logique qu'on interdise l'accès à l'intérieur de
neuf mètres de ces zones-là.
Mme
Charlebois :
Juste avant vous, on avait M. Repace, biophysicien — je ne sais pas si vous avez eu la chance
de l'entendre — qui nous parlait d'analyse de fluides corporels
de personnes qui étaient dans un environnement-fumée, puis il nous a même dit en privé après qu'il était
déçu de ne pas avoir eu la chance de nous dire qu'il a un blogue qui nous
parle de... je ne me souviens pas exactement
les termes en anglais, là, mais qui disait de comparer l'intoxication ou le...
oui, l'intoxication à la fumée de diesel par
rapport à la fumée de cigarette puis il disait qu'il y a eu une expérience de
faite avec un camion diesel qui
poussait, à l'intérieur d'un établissement, de la fumée de diesel. Ils ont
mesuré puis ensuite ils ont mesuré la
fumée, à l'intérieur d'un même établissement qui avait été ventilé, et tout,
là, d'une personne qui a fumé deux
cigarettes, et c'était beaucoup plus toxique, selon lui, l'air ambiant, après
deux cigarettes qu'après la fumée de diesel. C'est quand même incroyable.
Mme Jen
(Yun) : Effectivement, c'est impressionnant et c'est pour ça que c'est toujours
apprécié d'avoir des experts
internationaux comme lui. Évidemment, l'AMQ ne fait pas d'étude scientifique, alors
nous, on apprécie toujours les témoignages des experts, d'autres chercheurs
qui sont capables de nous donner les données scientifiques, les preuves
qui supportent les stratégies qu'on met en place. Alors, moi, je vous félicite.
Mme
Charlebois : En parlant de données scientifiques, il y a
un groupe qui nous a dit que nos données n'étaient pas fiables. J'ai rétorqué en disant qu'il y avait quand même l'Organisation
mondiale de la santé, l'Institut de la statistique, Santé Québec, Santé Canada, bon... etc. Je pense
que nos chercheurs ont de bonnes études. Puis, même dans l'interprétation,
quand ce n'est pas bon, ce n'est pas bon. Êtes-vous d'accord avec mes
prémisses?
Mme Jen (Yun) : Oui, je suis
entièrement d'accord. Puis, en plus, ce qui est vraiment impressionnant, c'est
qu'il semble y avoir un consensus, il y a une convergence dans ce que les
experts disent — ce
qui n'est pas toujours le cas dans tous les
dossiers — puis
c'est fort apprécié, dans le dossier du tabac, ce qui souligne, là,
l'importance d'agir, d'agir vite
compte tenu qu'il y a un certain consensus. On n'a pas besoin d'attendre
longtemps pour avoir plus de données scientifiques.
On a assez d'informations, on a assez de preuves. Donc, nous avons des idées, nous
avons des stratégies, on sait que c'est faisable, alors agissons.
Mme
Charlebois :
Vous avez parlé d'un impact rapide sur les coûts de système de santé et vous
avez dit, puis ça m'a frappée, qu'en Ontario il a été observé, après
l'implantation... pas de la dernière adoption, mais de l'autre, la précédente, 39 % de
réduction d'hospitalisation pour les gens qui ont des conditions
cardiovasculaires problématiques et 33 % pour ceux qui ont des
conditions respiratoires problématiques. C'est beaucoup.
Mme Jen (Yun) : Oui, absolument. Je pense que les chercheurs eux-mêmes étaient étonnés,
mais, selon les analyses statistiques
qu'ils ont faites sur ces résultats-là, ce sont des données qu'on appelle
statistiquement significatives, on peut vraiment se fier à ces
résultats-là.
Mme
Charlebois :
Et ça, deux ans après l'implantation.
Mme Jen (Yun) : Oui, deux ans après l'implantation complète. C'est-à-dire, leur
implantation s'est passée en trois phases, et ils ont comparé les
résultats de deux ans après la fin de l'implantation aux données hospitalières
de trois ans avant l'implantation. Alors, c'est assez fiable.
Mme
Charlebois : Ça veut dire que, si on réduit la prévalence au
tabac de 1 % par année pendant cinq ans, ça pourrait avoir des conséquences assez positives sur le système de santé
et des conséquences extrêmement positives pour les gens qui sont touchés
par la fumée secondaire.
Mme Jen
(Yun) : Oui. Nous avons tendance à penser comme vous.
Mme
Charlebois :
C'est quand même incroyable que, depuis le début de la commission — ça
m'a frappée, puis aujourd'hui je vais le
dire — il n'y a
plus personne... Moi, je m'attendais à avoir un genre de contestation pour la
fumée de tabac dans les voitures, je m'attendais à ce que des gens allaient
s'opposer à ça. Personne n'en a parlé. Tout le monde est d'accord, et même que je vous dirais que le monde pense
comme : Comment ça, ce n'est pas déjà adopté? Les gens pensent que
c'est déjà en vigueur. Est-ce que ça vous surprend, ça?
Mme Jen (Yun) : Oui puis non. Je pense que les gens sont de plus en plus conscientisés
face aux problèmes et risques que
pose la fumée secondaire puis surtout par rapport aux jeunes. Moi, je pense
qu'encore une fois nous avons tous
les ingrédients nécessaires pour agir : on a les connaissances, on sait
que c'est faisable puis, en plus, on a l'acceptabilité, on a l'appui du public. Alors, il ne reste pas
beaucoup de raisons pour attendre plus longtemps, donc élargir le retard qu'on
a déjà dans l'adoption du projet de loi.
• (11 h 10) •
Mme
Charlebois : Puis je pense qu'honnêtement, là, le 20 %
de gens qui fument, là-dedans je serais curieuse de savoir combien il y en a qui veulent arrêter mais qui sont tellement
dépendants. Puis, pour avoir déjà fumé, là — j'ai arrêté en 2005, moi — je vais vous dire, je comprends que c'est
difficile, arrêter de fumer, mais c'est faisable, mais c'est difficile, puis il faut être accompagnés, hein,
parce que plus on a d'encadrement, mieux c'est. Il vaut mieux être accompagnés,
puis avoir des bonnes stratégies, puis avoir tout ce qu'il faut.
Mais
tout ça pour vous dire que je comprends que c'est difficile d'arrêter de fumer,
mais c'est faisable. Je veux lancer
le message aux gens. Si moi, j'ai arrêté, c'est possible pour d'autres. Puis je
ne suis pas surhumaine, moi, là, là, je suis juste une citoyenne parmi tant d'autres. Mais tout ça pour vous
dire que, si on imagine que dans le pourcentage... Parce que j'entendais tantôt, à la télé, des
parents fumeurs. Il y a une dame qui était là avec son fils. Son fils
disait : Moi, je suis pour ça,
qu'il n'y ait plus de fumée dans les parcs. La maman fume puis elle dit :
Mon fils est pour ça, puis moi aussi.
Je serais curieuse... puis je pense que je l'ai entendue le dire, mais je ne
veux pas m'avancer trop, mais je pense que je l'ai entendue dire :
Il faudrait que j'arrête de fumer, mais c'est bien difficile.
Ça
fait que je pense que, dans le pourcentage de fumeurs qui reste, il y a déjà
beaucoup de gens qui veulent arrêter de
fumer et qui ont de la difficulté. Alors, je pense qu'il faut faire le combat
pour dire : Il faut aider les jeunes à ne pas commencer à fumer,
pour ne pas avoir à vivre ce combat-là. Êtes-vous d'accord avec moi?
Mme Jen (Yun) : Je suis absolument d'accord. Pour répondre à votre question : on
estime que 40 % des fumeurs aimeraient
arrêter de fumer. C'est pas mal de gens. On estime que ça serait 500 000
fumeurs au Québec. Et actuellement les
centres d'abandon du tabagisme réussissent à répondre à la demande de
peut-être... je ne sais pas, je lance des... Selon les chiffres, c'est assez approximatif, mais,
selon le rapport d'évaluation, c'était autour de 26 000, 30 000
personnes. On est loin du nombre de fumeurs qui voudraient arrêter de
fumer, qui est estimé à environ 500 000.
Alors,
je suis d'accord, c'est important de soutenir ces gens-là dans leur désir
d'arrêter de fumer. Et ce n'est pas déconnecté, comme vous êtes en train
de démontrer, de la stratégie de prévenir l'initiation du tabac chez les jeunes.
Évidemment, les jeunes trouvent, chez les
adultes, des modèles de rôle. Si quelqu'un arrête de fumer, ça lance un message
assez puissant, surtout si ça vient d'un
adulte significatif dans la vie d'un jeune. Alors, tu sais, on a tendance à
séparer initiation au tabagisme chez
les jeunes puis cessation de tabac chez les adultes, mais ce sont deux enjeux
connexes, ils sont interreliés.
Mme
Charlebois :
Dernière question. Je veux vous entendre nous parler davantage sur les
établissements de santé, vous qui... les
médecins, vous vivez là-dedans continuellement. On a eu, tout le monde ici, la
chance d'entendre des gens, du monde
la santé qui nous a dit : L'Institut Philippe-Pinel, il n'y en a plus, de
fumée. Puis pourtant, à Philippe-Pinel,
il y en a, des zones de stress, là. Il y a un centre jeunesse qu'il n'y a plus
de jeune qui fume du tout, mais ils
ont eu des programmes de cessation de tabagisme. Ils ont eu des phases, ils ont
eu de l'accompagnement, ils ont fait des étapes, et je pense qu'on peut s'inspirer
de leurs pratiques.
Est-ce que vous croyez que c'est
facilement faisable dans tous les établissements de santé ou s'il faut le faire
en phase ou il faut y aller progressivement? Comment vous voyez ça?
Mme Jen (Yun) : Bonne question. De façon générale, je ne crois pas qu'il y ait de
recette pour rien. On a beau émettre
des stratégies, mais la mise en oeuvre n'est pas évidente. C'est complexe, et
ça doit varier avec chaque contexte. C'est
aux différents milieux de vie puis aux établissements de trouver les meilleures
façons, pour leur contexte local, de mettre
en oeuvre les stratégies qu'on va mettre en place à travers la loi. Alors, je
suis d'accord, ce n'est pas facile, mais, si on a des témoignages des instituts comme l'institut Pinel, ça lance un
message d'encouragement très puissant pour les autres établissements.
Mme
Charlebois : Peut-être que, si on va dans cette
voie-là — je dis
bien «si», parce qu'on va examiner l'ensemble des propositions qu'on a
reçues ici, à la commission — il faudrait y avoir un genre de zone, de
période tampon pour permettre aux gens de
bien élaborer leur stratégie dans chacun des établissements, puis tout ça.
C'est un peu ça que vous me dites, n'est-ce pas?
Mme Jen
(Yun) : Oui. Absolument. Oui.
Mme
Charlebois : Je
n'ai plus beaucoup de temps, il me reste 40 secondes, j'aimerais ça
vous entendre un petit peu plus
sur la cigarette électronique, le geste de... tu sais, on veut faire en sorte
que ça ne redevienne pas normal, le geste de poser quelque chose à sa bouche, mais aussi sur l'encadrement qu'on
veut donner à la vente de la cigarette électronique. Bref, on veut encadrer ça de la même façon qu'on
parle du tabac, cacher les produits, l'interdire aux mineurs, etc. Comment
vous voyez ça?
Mme Jen (Yun) :
C'est une question vraiment difficile. Comme j'ai dit dans ma présentation, la question
de l'efficacité de la cigarette électronique
dans l'optique de la cessation de tabac n'est pas si claire que ça. On a besoin
de plus de données pour savoir exactement
comment on pourrait l'encadrer. On sait qu'on a besoin d'encadrement, ça, c'est
certain, mais on en est encore au b. a.-ba.
Ça prend beaucoup plus d'études là-dessus pour savoir exactement
comment est-ce qu'on devrait faire ça. Chose...
Le Président (M.
Tanguay) : ...
Mme Jen
(Yun) : O.K.
Le Président (M.
Tanguay) : Maintenant, je cède la parole à notre collègue de Rosemont
pour 10 minutes.
M.
Lisée : Bonjour. Merci, M. le Président. Merci d'être là, Dre Jen. Parlez-moi d'abord un peu de vous. Votre
pratique médicale est dans quelle spécialité?
Mme Jen
(Yun) : Je suis médecin spécialiste en santé publique et médecine
préventive.
M. Lisée :
Et vous exercez où?
Mme Jen (Yun) : Ah! j'exerce actuellement à l'Institut national de santé publique du
Québec, je suis médecin-conseil.
M.
Lisée : D'accord. Donc, vous êtes responsable, justement, de la
recherche sur ce sujet-là ou... Quelle est votre activité?
Mme Jen
(Yun) : Actuellement, je travaille plutôt dans le domaine de
l'obésité.
M. Lisée :
De l'obésité. Bien, on va vous revoir là-dessus, là, parce qu'il faut agir sur
l'obésité aussi.
Mme Jen
(Yun) : Absolument.
M. Lisée :
D'accord. On prend rendez-vous, d'accord? On va parler de taxer les boissons
sucrées.
Bien,
justement, vous revenez deux fois, dans le mémoire, sur la question du
financement, là. Vous dites : «Dans son budget 2014‑2015, le
gouvernement québécois indique que les revenus de taxation provenant de la
vente des produits du tabac s'élèvent à
1,1 milliard de dollars — c'est des sous. Toutefois — vous continuez — ces revenus ne sont pas directement réinvestis dans les soins de santé
pour traiter les maladies causées par le tabac, ni dans des programmes
de cessation tabagique, ni dans des
campagnes pour réduire l'initiation au tabac chez les jeunes.» Ces revenus sont
versés dans les coffres de l'État,
alors, il y a sûrement certains de ces dollars qui finalement se retrouvent
dans la santé publique, mais dont on a coupé le budget... enfin, dont
les libéraux ont coupé de 7 % le budget cette année.
«Actuellement,
ces revenus sont versés dans les coffres [...] sans qu'aucune partie ne soit
dédiée spécifiquement à la lutte contre le tabac. Nous verrons plus loin
[...] à quel point il est nécessaire de soutenir la cessation tabagique[...]. L'AMQ est d'avis que les fonds accordés à la lutte
contre le tabagisme devraient être beaucoup plus généreux compte tenu
des revenus engendrés par la vente de ces produits.»
Qu'est-ce que vous demandez, exactement?
Mme
Jen (Yun) : C'est une
excellente question. Pour répondre... justement, j'en ai beaucoup discuté à
l'interne, à l'AMQ, sur combien on
devrait demander, et, au fond, pour répondre à cette question-là, il faut
savoir combien est-ce qu'on met dans
les services de cessation du tabac. Et on a beau chercher l'information, on a
eu de la difficulté à la trouver, et peut-être je relancerais la
question aux autorités actuelles de savoir combien on met actuellement dans les
services d'abandon du tabac. Ce n'est pas très clair, on n'a pas réussi à
trouver ces informations.
M. Lisée :
Mais vous avez l'impression, quelle que soit la somme exacte, puis on la
demandera, puis je suis sûr que la ministre nous la donnera, que c'est
insuffisant. Pourquoi?
Mme Jen
(Yun) : Parce qu'on ne
réussit... et ça, c'est encore selon le rapport d'évaluation ministériel, on ne
réussit pas à rejoindre, à travers
les services de cessation de tabac... on ne réussit pas à rejoindre les groupes
vulnérables. Puis là j'ai mentionné les jeunes de 12 à 17 ans, chez qui
ça prend des stratégies différentes d'offre de services, on parle des femmes enceintes qui fument, on parle des
personnes avec des problèmes de santé mentale, donc, essentiellement, tous
les groupes vulnérables qui nécessitent une
attention ou des stratégies différentes pour les rejoindre. Actuellement, avec
ce qu'on investit dans les services, on ne
réussit pas à les rejoindre adéquatement, et ça, c'est selon un rapport
officiel d'évaluation des centres d'abandon du tabac.
M. Lisée :
Et, pour l'instant, il n'y a rien qui est prévu pour les rejoindre
correctement, là. On constate que l'effort est insuffisant, on n'arrive
pas à rejoindre ces gens-là.
Mme Jen (Yun) : On n'arrive pas à
les rejoindre.
M. Lisée :
C'est ça. Tout à l'heure, justement, il y avait les responsables de la santé
publique à qui j'ai posé la question.
J'ai dit : Puisqu'il y a un certain nombre de tâches supplémentaires qui
vont découler de la loi, et que vos budgets ont été coupés, et que, pour l'instant, on n'a aucune indication qu'ils
ne seront pas coupés davantage, pensez-vous avoir les moyens de le faire? Ils ont dit oui.
Bien, ils travaillent pour la ministre, alors ils sont... Je crois qu'ils ont
donné peut-être pas la vraie réponse, mais la bonne réponse, mais je
suis certain qu'ils aimeraient avoir des sommes supplémentaires.
Vous dites
aussi un peu plus loin : «Compte tenu des revenus engendrés par la
taxation des revenus des produits du
tabac et des coûts de soins de santé causés le tabagisme, les programmes de
cessation et de sensibilisation aux conséquences du tabagisme devraient
être adéquatement financés.»
Vous dites
que, donc, les outils que vous avez, en tant que médecins, pour prescrire des
formules de cessation de tabac, pour l'instant, le remboursement n'est
pas suffisant. Qu'est-ce que vous voulez dire, exactement?
• (11 h 20) •
Mme Jen
(Yun) : D'abord, les
services d'abandon ou les stratégies pour soutenir l'abandon du tabac ne se
résument pas à des services
professionnels uniquement, il y a aussi toute la question de l'accessibilité à
ces thérapies, à la pharmacothérapie,
l'accessibilité à des services. Donc, quand on parle... oui, les services
pourraient être gratuits, mais, s'ils
ne sont accessibles pour une question
d'horaire — il y a beaucoup de gens qui peuvent tout simplement ne pas se permettre de
quitter leur travail pour recevoir des services qui sont offerts seulement le
jour — bien
ça, c'est un problème de financement
aussi.
M. Lisée : Alors, ce que vous
dites, c'est que la pharmacothérapie, elle est couverte par l'assurance
maladie, cependant l'offre de services
n'est pas assez abondante et flexible pour permettre à des gens qui voudraient
le prendre de le prendre, parce qu'ils travaillent le jour et ils sont
juste disponibles le jour. C'est ça?
Mme Jen (Yun) : ...par exemple.
C'est une question complexe qui doit être approfondie davantage.
M. Lisée :
O.K. Je donnais l'exemple, tout à l'heure, de la Colombie-Britannique, qui a
une loi qui impose une tarification supplémentaire pour les cigarettiers
et les distributeurs et que, là, cette tarification-là est dédiée pour les
campagnes de prévention ou le financement du tabagisme. Pensez-vous que ce
serait une bonne idée?
Mme Jen
(Yun) : Nous, on prône une
augmentation, tout simplement, du financement des services. La stratégie
qu'on va s'y prendre — je ne suis pas experte, je ne suis pas
fiscaliste, j'aurais beaucoup de difficultés à me prononcer sur la meilleure façon de générer plus de
financement — je
laisse ça à la délibération des gens qui sont plus compétents dans ce
domaine.
M.
Lisée : Vous qui suivez de près toutes les questions de santé
publique — c'est
votre spécialisation — pensez-vous qu'il est
vraisemblable que de retirer 7 % du budget de la santé publique au Québec
n'a aucun impact sur la capacité de la santé publique de faire
correctement son travail?
Mme Jen
(Yun) : Là, j'aimerais quand
même souligner que je suis médecin spécialiste en santé publique, mais je suis ici aujourd'hui à titre de présidente de
l'Association médicale du Québec. Alors, oui, effectivement, l'association
est préoccupée par la réduction dans le
financement des services de santé publique. D'ailleurs, on a présenté une
motion récemment, au conseil général
de l'Association médicale canadienne, sur l'idée de freiner le financement des
services de santé publique qui sont
observés non seulement au Québec, mais à travers le Canada. Il semble y avoir
une tendance qui
est assez inquiétante. Et, lors de ces discussions-là en conseil général, il y
a eu un consensus — la motion
a été adoptée — pour
se prononcer pour l'augmentation du financement des services de santé publique.
M. Lisée : Je suis d'accord
avec vous, docteure. Je vous remercie beaucoup pour votre témoignage.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Lévis pour
6 min 30 s.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le
Président. Dre Jen, bonjour. Vous parliez que vous êtes spécialisée dans
l'obésité, notamment, en santé
publique. Bien, savez-vous qu'il y a manifestement un lien? Vous devez
l'entendre souvent, hein? Combien de
gens disent : Bien, je ne peux pas arrêter de fumer, je vais prendre du
poids, hein? Vous devez l'entendre fréquemment.
Ça fait aussi partie des raisons probablement qu'ont certaines personnes de
tarder à tenter d'abandonner la
cigarette, parce qu'on a l'impression que ça a une incidence sur le corps et la
suite des choses. Donc, il y a comme un lien direct.
Revenons, si
vous voulez bien, sur la cigarette électronique, et ensuite je reviendrai sur
ceux et celles à qui vous vous
adressez quand on parle de santé publique et de prévention. Vous parliez, il y
a deux instants, avec le collègue, de pharmacothérapie.
Est-ce que la cigarette électronique est, à votre avis, un outil thérapeutique
pour cesser de fumer qui devrait être pris en compte dans les moyens et
la pharmacothérapie reliés à la cessation de l'usage du tabac?
Mme Jen
(Yun) : Effectivement, nous,
on est d'avis qu'il s'agit d'un outil intéressant pour la cessation de tabac.
On a eu beaucoup de témoignages de la part de nos membres comme quoi que, dans
leur pratique clinique, ils ont vu, observé des effets très, très intéressants
avec l'utilisation de la cigarette électronique. Encore une fois, il n'y a pas
de consensus quant à l'efficacité réelle de
cette stratégie d'abandon du tabac, et c'est pour ça que nous, on prône de
faire plus d'études là-dessus.
M. Paradis
(Lévis) : Vous savez, je
connais des gens qui voudraient arrêter de fumer, mais manifestement... et,
la ministre le disait, elle a réussi, tant
mieux, bravo! mais il y a des gens qui ont beaucoup de difficultés, puis,
tentative après tentative, c'est des
échecs. Et ils veulent, hein? Je connais des gens qui ne veulent pas exposer
leurs proches à de la fumée secondaire,
qui aimeraient bien cesser mais qui n'y arrivent pas et qui ont peur, quelque
part, qu'on démonise la cigarette
électronique, qui semble être, dans les nouveaux outils, peut-être le seul qui leur permet... en tout cas, celui qu'ils
imaginent leur permettant d'arrêter de fumer.
On doit faire quoi avec la cigarette
électronique? Parlons, par exemple, de la cigarette électronique sur les
terrasses. Dans la mesure où on n'a pas de preuve scientifique sur la nocivité
de la vapeur rejetée ou quoi que ce soit, est-ce que, pour vous, la cigarette
électronique doit être identifiée à un produit du tabac systématiquement?
Mme Jen
(Yun) : C'est une excellente
question et c'est pour ça que j'ai mentionné que c'est un dilemme. On peut voir la cigarette électronique... et je pense
que vous avez entendu abondamment... on peut la voir comme un outil intéressant de cessation de tabac, mais, en même temps, il est possiblement un vecteur d'initiation au tabagisme pour les
jeunes, alors c'est une arme à double tranchant.
Quels seraient les effets réels? Quels seraient les bilans de tous ces
effets-là? On ne le sait pas. Et
c'est pour ça que nous, en attendant d'avoir plus de connaissances là-dessus... l'AMQ est plutôt d'avis qu'il
faut utiliser les principes de précaution et assujettir la cigarette
électronique au projet de loi sur le tabac.
M. Paradis
(Lévis) : Alors, à ceux qui
penseraient pouvoir... ou, en tout
cas, qui imagineraient peut-être
avoir la possibilité de prendre une cigarette électronique sur une
terrasse, ayant l'impression qu'il
n'y a pas de nocivité et rien
qui prouve une nocivité de la vapeur rejetée, dans votre tête à vous, c'est une
mauvaise direction.
Mme Jen
(Yun) : C'est une mauvaise
direction possiblement, parce qu'il n'y a pas juste la question de la sécurité
physique, la nocivité physique, l'effet sur
la santé physique, il y a une question de l'effet sur la norme sociale, qu'est-ce qu'on est en train d'envoyer comme message aux enfants
qui fréquentent aussi et qui sont présents sur les terrasses quand on
voit des adultes s'allumer. Ce n'est pas toujours évident que... Tu sais, c'est
le même geste, c'est la même forme. Qu'est-ce
qu'on est en train de faire sur des années de travail qu'on a mis pour
dénormaliser ce geste de fumer? On ne le sait pas. Il faut être prudent. Il faut être très prudent, parce qu'il y
a eu beaucoup de travail qui a été mis là-dessus pour arriver là où
est-ce qu'on est aujourd'hui.
M. Paradis (Lévis) : Qu'est-ce qui
peut convaincre un fumeur d'arrêter de fumer, mis à part le fait qu'il soit confronté à un problème de santé qui le touche
directement, problème de santé majeur? Et, on le voit, les statistiques le
prouvent, il y en a beaucoup. Mais vous
devez rencontrer des gens ou vos collègues à vous doivent rencontrer des
fumeurs avec lesquels vous
travaillez. Qu'est-ce qui fait peur à un fumeur pour faire en sorte qu'il
puisse sortir de cette habitude nocive
là, au-delà de son propre problème de santé à lui? Est-ce que les mises en
garde lui font peur? Moi, j'ai entendu, ces jours-ci, plein de fumeurs me dire : C'est à moi, les oreilles,
laisse-moi faire, je sais quoi faire. C'est quoi, l'argument massue,
pour que quelqu'un arrête de fumer, s'il n'y a pas un problème de santé évident
à lui présenter?
Mme Jen
(Yun) : Si on avait la
réponse à cette question-là, on aurait réglé beaucoup, beaucoup de problèmes.
C'est une question complexe. Ça dépend de la
personne, ça dépend du stade de... où est-ce qu'il est dans son habitude
de tabagisme, où
est-ce qu'il est rendu. Ce n'est pas facile. Et c'est la raison pour laquelle
on ne peut pas se fier à une seule
stratégie. Même si on avait démontré que la cigarette électronique est
efficace, ça ne devient pas la nouvelle recette miracle, là. Il faut toujours prendre plusieurs stratégies, d'où
l'importance d'avoir un programme intégré de cessation de tabac.
M. Paradis
(Lévis) : Dre Jen, en
terminant. On a beaucoup parlé de tabac aromatisé, et moi, je connais des fumeurs
qui ont décidé de passer au menthol, parce
qu'il est question, beaucoup, du menthol, parce qu'ils ont l'impression qu'ils
ne fument plus, il y a moins de dommage,
c'est moins irritant, c'est moins... Sentez-vous cette tendance-là? Et, au
bénéfice de ceux et celles qui nous
écoutent aujourd'hui, c'est la même saprée affaire sur la dangerosité et les
effets sur la santé.
Mme Jen (Yun) : Et l'AMQ est
d'accord, et c'est... je ne l'ai pas mentionné dans la présentation, mais c'est
mentionné dans le mémoire qu'on appuie
l'interdiction des produits aromatisés. C'est évident, ce sont des produits
très populaires, et, avec des
ingrédients comme le menthol qui réussissent à masquer les effets irritants du
tabac, on a tendance à croire que ça
fait la promotion du tabagisme. Donc, nous, on est en appui de l'interdiction
de l'aromatisation des produits de tabac.
M. Paradis (Lévis) : Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, Mme Yun Jen,
représentante de l'Association médicale du Québec.
Je suspends nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 30)
(Reprise à 11 h 35)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous
poursuivons nos travaux. Nous accueillons maintenant les représentantes,
représentants de la Société canadienne du cancer, division du Québec. Bienvenue
à l'Assemblée nationale. Vous disposez d'une
période de présentation de 10 minutes à l'intérieur de laquelle nous vous
demanderions, s'il vous plaît, de bien vouloir vous identifier, préciser vos
fonctions. Et la parole est à vous.
Société canadienne du cancer
(SCC), division Québec
Mme
Champagne (Mélanie) : M. le
Président, Mme la ministre, distingués membres de la commission, bonjour.
Merci de recevoir la Société canadienne du cancer. Je m'appelle Mélanie
Champagne, je suis directrice des questions d'intérêt
public. Je suis accompagnée de Me Rob Cunningham et de Geneviève Berteau, qui
sont tous deux analystes des politiques, et de Mme Micheline Bélanger,
qui est une ex-fumeuse et survivante d'un cancer du poumon.
Le cancer, ça
nous touche tous, hein? Ça fait 75 ans que la Société canadienne du cancer
lutte contre cette maladie, qui est
maintenant la première cause de mortalité au Québec. On investit bien sûr en
recherche, en prévention, en soutien et
aussi en défense de l'intérêt public, et c'est justement pour défendre
l'intérêt du public qu'on est ici aujourd'hui pour trouver des façons ensemble de lutter contre la
cause du tiers des cancers. C'est une hécatombe. Pour cette raison puis parce qu'on croit que le p.l. n° 44 est
solide et ambitieux, la SCC appuie l'ensemble des mesures qui sont présentes
dans le projet de loi. Et j'en
profite pour saluer le travail de la ministre Charlebois et de son équipe, bien
sûr, mais aussi remercier l'appui des partis d'opposition.
Tout d'abord, la SCC veut souligner son fort
appui aux trois mesures suivantes.
Un,
l'interdiction des saveurs dans tous les produits du tabac, incluant le
menthol. C'est la saveur la plus dangereuse et la plus populaire chez les jeunes. Moi-même, je me suis rappelé,
comme Mme la ministre, que j'étais tombée dans le piège du tabac avec le menthol. J'en ai parlé à
mon conjoint, même chose pour lui. Il me semble qu'on ne devrait pas vendre
le cancer dans des emballages attrayants, avec des saveurs agréables.
Deuxièmement,
l'encadrement de la cigarette électronique. On estime nécessaire et prudent
d'appliquer à celle-ci les mêmes
contraintes de vente, de promotion et d'usage dans les lieux publics que la
cigarette tout en permettant, bien sûr, aux fumeurs adultes qui veulent
se la procurer de le faire si ça peut les aider à arrêter de fumer. Ça serait
aussi indispensable d'instaurer des normes sur le contenu des cigarettes
électroniques et sur l'étiquetage et aussi, j'ajoute, d'interdire certaines
saveurs ou de restreindre le nombre de saveurs disponibles. Je ne sais pas si
vous le savez, mais, présentement, il y en a
7 000 sur le marché. C'est beaucoup. Puis peut-être que barbe à papa,
popcorn, Red Bull, Coke, bacon, ça ne
vise peut-être pas nécessairement la personne adulte qui veut cesser de fumer.
Aussi, bien que ce soit présentement
interdit, quand le projet de loi n° 44 va être adopté, il sera possible de
faire du marketing croisé, «cross-branding»,
qu'on appelle, c'est-à-dire que ça, ça pourrait être possible... c'est-à-dire
qu'on pourrait voir apparaître des cigarettes électroniques du Maurier,
par exemple. Alors, c'est essentiel que le projet de loi ferme cette faille-là
et spécifie qu'une cigarette électronique ne
pourra pas adopter la marque ou une image de marque d'un fabricant. Je pourrai
vous expliquer après peut-être pourquoi.
Troisièmement, l'interdiction de fumer sur les
terrasses, c'est la majorité des provinces qui l'interdisent déjà. Plusieurs... en fait, toutes les grandes villes
canadiennes le font aussi, sauf au Québec. La preuve scientifique, vous l'avez
entendu, là, elle est faite hors de tout
doute : la fumée, c'est toxique. Il n'y a aucune raison valable de justifier
de laisser des employés, des clients non-fumeurs, des ex-fumeurs être
attablés et être incommodés ou intoxiqués par le tabac. Et il ne faudrait pas oublier aussi que les bars
n'ont pas l'apanage de la terrasse, hein, il y a beaucoup de restaurants qui
ont des terrasses, donc fréquentation familiale. Donc, pour nous, ça coule de
source, l'interdiction sur les terrasses.
Ensuite, on vous
suggère... parce que lutter contre le tabac, c'est la meilleure façon de lutter
contre le cancer, carrément, on vous suggère
des amendements pour aller plus loin dans la loi. Une mesure touchant
l'emballage, ça fait longtemps qu'on
la réclame. Malgré ce que l'industrie veut bien nous faire croire — l'Australie en a fait la preuve — l'emballage, c'est extrêmement...
l'emballage neutre, extrêmement efficace pour diminuer l'attrait du tabac.
• (11 h 40) •
Par
contre, si l'ajout de cette mesure-là retardait l'adoption rapide du projet de
loi n° 44, on serait quand même en
faveur d'une mesure transitoire comme la standardisation des mises en garde.
Et, s'il y avait standardisation, elle devrait consister en deux choses : la dimension minimale, bien sûr, des
mises en garde sanitaires, mais aussi la standardisation intérieure du
produit pour ne pas permettre encore des ultraminces comme ça qui sont de
véritables attrape-filles. En Australie, il y l'emballage neutre, mais ils
n'ont pas pensé à standardiser l'intérieur, donc on voit encore ces petites cigarettes là. Donc, ça permettrait d'interdire
ça. C'est extrêmement populaire chez les femmes et les jeunes filles au Québec,
hein, ces cigarettes-là, c'est incroyable.
On a déjà l'autorité réglementaire pour agir sur l'extérieur et sur l'intérieur
du produit et on est très confiants
que ça va se faire partout au Canada. La question, c'est : Qui va prendre
le leadership au Canada? Pourquoi pas le Québec?
Autre
amendement à ajouter absolument : l'interdiction de fumer dans les parcs
et les terrains de jeu pour enfants. Oui,
il faut protéger les enfants, dans leurs milieux de vie, de l'exposition à la
fumée secondaire, mais, plus encore, je dirais que, contrairement à moi, puis à mes parents, puis à mes
grands-parents avant eux, je voudrais que la génération actuelle grandisse sans penser que c'est normal de
fumer, que tout le monde le fait puis qu'on le fait un peu partout, parce
que, chez les enfants, on le sait, «monkey
see, monkey do». Je vous remercie puis je passe la parole à Me Cunningham.
M. Cunningham (Rob) : Merci, M. le Président. Donc, j'aimerais souligner que les mesures clés
dans le projet de loi n° 44 ont
déjà été implémentées avec succès ailleurs. À titre d'exemple, le Québec est la
cinquième province à avoir déposé un projet de loi afin d'interdire la
présence d'arômes, y compris le menthol, dans les produits de tabac.
En
ce qui a trait à la cigarette électronique, le Québec est la septième province
à avoir déposé un projet de loi pour encadrer
ce type de produit. Concernant l'amendement proposé visant à interdire les noms
de marques de tabac sur les cigarettes
électroniques, du Maurier par exemple, soulevé par Mme Champagne, des douzaines
de pays ont déjà passé à l'action en
ce sens. Pour le Québec, une telle initiative s'insérerait tout simplement dans
le cadre de l'actuelle Loi sur le tabac.
Au chapitre des terrasses sans fumée, le Québec se joint à six autres provinces
et territoires ainsi qu'à de nombreuses municipalités. L'Ontario applique cette mesure dans l'ensemble de la
province depuis le 1er janvier sans aucun problème. Les terrasses sans fumée y sont bien acceptées,
tout se passe bien, comme ce sera le cas au Québec. Il y a des terrasses
sans fumée depuis 10 ans à Terre-Neuve et
depuis neuf ans en Nouvelle-Écosse pour toute la province. Quant à
l'interdiction totale de fumer dans
les endroits en plein air, comme les terrains de sport ou les terrains de jeu
pour enfants, on constate plusieurs
interventions au pays non seulement au niveau municipal, mais aussi à l'échelle
provinciale; en Ontario depuis le 1er janvier et au Nouveau-Brunswick
depuis le 1er juillet.
Parlons
maintenant de la taille minimale des mises en garde sur les emballages. Il est
important de souligner que les mises en garde et les emballages neutres
sont deux aspects totalement différents. L'emballage neutre concerne la portion de l'emballage réservée à la marque et
utilisée par l'industrie à des fins promotionnelles. Les mises en garde peuvent
et devraient être renforcées, même si on
n'exige pas encore l'emballage neutre. En Europe, l'emballage neutre sera en vigueur d'ici mai 2016 en Irlande, au Royaume-Uni
et en France, mais également, en mai prochain, les 28 pays membres de l'Union européenne exigeront tous des mises en
garde d'une dimension minimale de sorte que les paquets ultraminces comme ça, ce sera interdit partout dans tous ces
28 pays. Aucune mesure de ce genre n'a encore été implémentée au Canada.
C'est vraiment un excellent moment pour que le Québec reprenne sa place de
leader dans la lutte au tabac.
Mme Champagne (Mélanie) : Je passerais maintenant la parole à Mme Bélanger,
qui va nous raconter un peu son histoire avec le tabac.
Mme Bélanger
(Micheline) : Oui. Alors, bonjour. Moi, je suis un des visages humains
des conséquences du tabagisme. Mon nom est
Micheline Bélanger, je suis une ex-fumeuse et j'ai survécu à un cancer du
poumon. J'ai commencé à fumer à 12
ans et je suis tout de suite devenue accro à la nicotine. J'ai vécu pour fumer
pendant 48 ans. En dernier, je fumais
deux gros paquets de cigarettes par jour, je me réveillais même la nuit pour
fumer. Même si j'étais de plus en plus mal
en point, que j'étais essoufflée, ma santé a d'abord été hypothéquée par
l'emphysème, et je n'avais plus aucune qualité de vie. Je n'arrivais même presque plus à monter les escaliers et j'avais
de plus en plus de mal à respirer, juste respirer.
Comme
tant d'autres, j'ai essayé de cesser de fumer à d'innombrables reprises, mais
sans jamais réussir. Moi, il m'a fallu
le deux-par-quatre. J'ai reçu mon diagnostic de cancer du poumon le jour même
de mon anniversaire, le 14 septembre 2010.
Ce jour-là, j'ai beaucoup pleuré, pas par apitoiement, mais par désespoir,
parce que j'étais certaine que je n'arriverais jamais à arrêter de fumer, ne serait-ce que pour me donner une petite
chance de survivre. C'est beaucoup de détresse et beaucoup de culpabilité aussi. Le pire moment de ma
vie a été d'annoncer mon cancer du poumon à mes fils, qui m'appelaient pour me souhaiter bonne fête. Je ne
me suis jamais dit : Pauvre moi! Je ne me suis jamais demandé :
Pourquoi moi? Je connaissais trop
bien la réponse. Du moins, je le croyais. J'ai fumé ma dernière cigarette deux
heures avant ma chirurgie pour l'ablation du lobe supérieur de mon
poumon droit.
Face à la
lutte contre le tabac, on a compilé toutes sortes de statistiques sur les
fumeurs, l'âge, le sexe, le revenu, etc., et les dommages qu'il fait : les maladies, les décès, les coûts
sociaux, etc. Vous les connaissez, vous savez combien ces statistiques
sont lourdes.
Mes statistiques à moi sont
celles-ci — je suis
en période de rémission : si je réussis à survivre jusqu'au 15 décembre
prochain, je ferai partie du maigre
15 % des gens qui survivent à un cancer du poumon. Aujourd'hui, j'ai
beaucoup de mal à croire que j'ai
vécu la plus grande partie de ma vie à fumer une cigarette après l'autre, sans
arrêt, et que j'ai déboursé jusqu'à
400 $ par mois pour avoir le privilège de me suicider au profit d'Imperial
Tobacco. J'ai appris depuis que, quand j'ai
commencé à fumer à 12 ans, les compagnies de tabac avaient déjà réalisé des
études, fait des recherches et savaient déjà à l'époque que, lorsqu'un adolescent commençait à fumer, commence à
fumer de façon régulière, ces compagnies ont un client à la vie à la mort. J'ai toujours assumé ma responsabilité
de fumeuse adulte qui était incapable d'arrêter, mais maintenant je sais que, quand j'étais adolescente,
j'étais une victime : j'étais une victime ciblée d'un crime organisé, d'un
crime très bien organisé. Maintenant que ma génération de fumeurs se meurt de
cancer, d'emphysème, de maladies cardiaques,
et le reste, les cigarettiers, qui ont besoin d'attirer une nouvelle clientèle,
font preuve d'une ingéniosité abjecte et même sadique pour attirer les
jeunes fumeurs et les rendre accros comme ils l'ont fait avec moi.
Alors,
je vous le dis du fond du coeur, il faut que ça cesse et il n'y a plus de
justification pour ne pas empêcher l'hécatombe
des nouvelles générations. Vous en avez le pouvoir, vous en avez la
responsabilité morale. Il y a 50 ans, on ne savait pas. Aujourd'hui, on
sait, et, quand on sait, il est impardonnable de ne pas agir. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole
à la ministre pour une période de 18 min 30 s.
Mme
Charlebois : Merci, M. le Président. Après un témoignage
comme ça, on ne peut qu'être touchés et bouleversés même, je dirais. Pour avoir fumé moi-même, je
comprends très bien. J'ai commencé au même âge que vous, en cachette évidemment, mais ça a donné les mêmes résultats.
Ça ne fait pas bien longtemps — c'est en 2005 — moi, que j'ai réussi à arrêter, mais vous avez tellement raison quand
vous dites que ce n'est pas si facile que ça, là. Tu sais, les gens qui nous
disent des fois : Ah! tu as juste à
arrêter. Non, non, ce n'est pas comme ça que ça se passe. Quand je dis que ça
prend un accompagnement puis que c'est même mieux d'être encadré, c'est
sérieux, là, parce qu'on a besoin d'aide.
Quand
je vous entends, là, j'ai presque le goût de vous dire : C'est dommage que
les compagnies de tabac ne soient pas
ici pour vous entendre, c'est dommage que l'Union des tenanciers de bars ne
soit pas ici pour vous entendre, dommage. J'espère qu'ils nous écoutent ce matin. J'espère grandement qu'ils vous
écoutent. Moi, j'ai vu mon père quitter, alors je comprends très bien ce que vous pouvez vivre, et
on va vous envoyer toute l'énergie positive qu'on peut vous envoyer, mais merci de nous partager votre expérience et
votre souffrance, mais je sens que ça devrait bien aller. Je vous le souhaite,
en tout cas.
• (11 h 50) •
Vous
avez tellement raison quand vous dites qu'il y a 50 ans on nous disait :
Bien, tu sais, ce n'est pas bon, fumer. Oui, mais c'était quoi exactement, la conséquence, c'était quoi
exactement, les problèmes que ça a engendrés? Ce n'est pas pour rien qu'aujourd'hui, là, on fait un
constat. Moi, je me souviens, quand j'ai commencé la politique en 2003,
j'allais à chaque porte. À ma
première campagne électorale, ce qui m'a frappée, c'est d'entendre parler
d'autant de cas de cancer. La
différence entre quand j'étais enfant puis quand je suis devenue une adulte
puis j'ai décidé d'aller en politique en 2003, j'ai vu une progression fulgurante du cancer. Mais ce n'est pas
étonnant, parce qu'à cette époque-là tout le monde fumait. Ça fait que les conséquences sont arrivées plus
tard. Puis c'est là qu'on a commencé à les voir. Puis tantôt il y a des gens
qui sont venus qui nous ont dit : Tous
nos organes sont touchés par la fumée de cigarette. Ce n'est pas étonnant qu'il
y ait des conséquences puis que c'est aujourd'hui qu'on les voit.
Il
y a 50 ans, on peut dire qu'on ne savait pas à quel point c'est dommageable,
mais aujourd'hui on le sait. Et, vous
avez raison, on a le pouvoir d'agir, et vous savez quoi?, l'ensemble des parlementaires
qui sont ici, ce que je sens, c'est
que tout le monde veut agir pour le bien-être de la population. Alors, je veux
vous réconforter en ce sens-là, parce qu'on
est justement plus conscients, tout le monde, mais tout le monde ici assis à la
table, que ce soient les députés du gouvernement
ou les députés de l'opposition, on a tous la même volonté : faire en sorte
qu'il y ait de moins en moins de gens qui fument, pour leur bien-être, pas pour
jouer dans leurs libertés personnelles, pour leur bien-être, pour faire en
sorte qu'ils aient une meilleure qualité de
vie. On est dans une société où on vit de plus en plus longtemps. Si on peut
avoir une meilleure qualité de vie,
ce n'est que plus profitable. Et, je veux vous rassurer, on va agir, on va agir
dans l'intérêt de la population.
Merci encore pour votre témoignage. Je m'excuse de... mais ça me touche
tellement, là. Bon, on ne peut pas ne pas être touché.
Quand
vous avez commencé votre présentation... J'ai même oublié de dire merci à tout
le monde tellement vous m'avez
touchée. Mme Champagne, M. Cunningham, Mme Berteau et Mme Bélanger, merci
d'être là. Excusez-moi, hein? Vous
avez commencé votre présentation en disant... Puis ça m'a tellement frappée, je
me suis dit : Elle a dû faire un lapsus, puis, à un moment donné,
j'ai dit : Non, c'est vraiment ça qu'elle voulait dire. Vendre le cancer
dans des emballages attrayants. C'était vraiment voulu, hein, quand vous avez
dit ça?
Mme Champagne (Mélanie) : C'est ça qu'on fait. Moi, j'ai fumé pendant une
quinzaine d'années puis je peux vous
dire que ça... j'ai arrêté, comme vous, en 2005, ça va faire 10 ans à
l'automne, puis je peux vous dire : Certainement, que, quand je regarde ça, je les trouve vraiment
belles. Puis, en plus, le menthol, bien ça sent bon, ça goûte bon, puis je
fais tout le temps ça quand je rencontre des
élus, parce qu'il n'y a personne ici qui va dire que ça ne fait pas glamour.
C'est encore ça la perception, puis
j'ai l'air très élégante, puis c'est ça, c'est sûr que je fumerais ça si je
fumais encore, sûr et certain. Ma voisine fume ça, ma meilleure amie fume ça,
ma belle-mère fume ça puis elles ont tellement l'impression qu'elles
fument moins pire parce que c'est petit, c'est mince, c'est délicat.
Une voix : ...
Mme
Champagne (Mélanie) : Ça
nous hallucine, sincèrement, que ça ait l'air de ça, que ça ait l'air de ça, un
produit qui tue un utilisateur régulier sur deux et qui cause le tiers des
cancers. C'est complètement aberrant. On est rendus
là, on est rendus à travailler sur l'emballage. Puis c'est tellement important
de travailler sur l'emballage pour la cessation mais aussi pour la
prévention du tabagisme. C'est une des mesures les plus efficaces.
Mme
Charlebois :
Quand vous nous dites : La standardisation de la taille de la mise en
garde, etc., pour en arriver éventuellement...
parce qu'on aura certainement le temps de débattre de tout ça à l'article par
article, mais qu'est-ce que... j'aimerais
ça vous entendre davantage sur l'impact de la mise en garde. Quels seraient les
formats que vous croyez... Vous m'avez
montré tantôt, avant qu'on commence l'audition, comment ils gèrent l'intérieur
des paquets, là, parce qu'ils ont standardisé
je ne sais plus trop dans quel pays puis ils ont mis même du carton pour
laisser rentrer les petites cigarettes dedans.
J'aimerais ça que vous nous parliez davantage de ça, parce que je suis certaine
qu'on va avoir à travailler là-dessus.
Je pense que
tous les collègues sont d'accord ici qu'il faut faire quelque chose en ce
sens-là, mais parlez-moi de l'étiquette
de mise en garde et aussi de ce que vous m'avez montré à l'intérieur du paquet,
là, comment on peut éviter tous ces pièges-là.
Mme
Champagne (Mélanie) : Je
vais laisser Me Cunningham répondre parce qu'il est vraiment expert légal dans
ce dossier-là, mais, avant... je ne pense
pas que c'est tous les parlementaires autour de la commission qui ont vu avant
que ça commence qu'en Australie, quand ils
ont fait les emballages neutres, ils n'ont pas pensé à standardiser l'intérieur
du paquet. Donc, ce qu'ils font maintenant,
c'est qu'ils vendent toujours des ultraminces mais que, vu que ça prend moins
de place que les cigarettes régulières, ils
mettent un carton pour bloquer l'espace. Donc, ils sont très ingénieux. Alors,
on dit que, tant qu'à standardiser l'extérieur, standardisons donc l'intérieur,
on a le pouvoir de le faire.
M.
Cunningham (Rob) : Donc, on
connaît que les mises en garde peuvent être très efficaces pour décourager
la consommation. Des mises en garde avec
photos, c'est plus efficace que seulement le texte. Et, quand on augmente la
grandeur, c'est plus efficace. On peut comparer deux marques, deux produits,
sur le marché actuellement, regardez la différence
avec la grandeur de mise en garde. Ça a un effet. Et, une des raisons que ça
dépend... parce que la ligne sans frais
pour la cessation, la ligne J'arrête, sur ces paquets, c'est minuscule. Et le
site pour l'Internet, c'est important que c'est très visible et axé pour les personnes. Donc, on veut sensibiliser
la population, on veut les encourager à cesser. Les mises en garde, c'est une manière incroyablement
efficace. Chaque jour, les paquets, ces messages sont là, dans les mains de tous les fumeurs au Québec, peut-être
20 fois par jour. L'industrie du tabac a des tactiques pour réduire et
minimiser l'impact de ces mises en
garde, de les rendre plus petites, et ça, c'est pourquoi maintenant on voit que
leur stratégie au Canada est que les paquets sont plus petits.
Après ces
nouvelles mises en garde de 75 %, qu'est-ce qu'on devrait faire? Avoir
peut-être une surface minimale de
centimètres carrés. Donc, on fait ça. Arrangez le paquet comme vous voulez,
mais c'est un minimum comme ça ou peut-être
une dimension hauteur et grandeur pour des dimensions, quelques options pour le
faire, mais on va avoir quelque chose comme ça, pas comme ça.
Mme
Charlebois : Avez-vous des suggestions sur les dimensions,
comme le paquet que vous aviez entre les mains, là?
M. Cunningham
(Rob) : Oui. Donc on a
«king-size» et on a régulier. Donc, une dimension comme ça, comme minimale, une surface comme ça pour tous les
«king-size» et réguliers, c'est parfait pour le Québec. On peut mesurer juste
comme ça.
Mme
Charlebois : En standardisant
l'étiquette, là, de mise en garde, on standardise le paquet inévitablement,
hein?
M.
Cunningham (Rob) : Mais,
avec l'emballage neutre, l'aspect promotionnel va être enlevé pour les
fabricants, donc ça va être une seule
couleur, brun, avec la marque. Mais on doit éliminer toutes sortes de types de
choses du paquet ou on peut... Ce
paquet de Player's, on peut enlever... donc on n'a plus de mise en garde,
peut-être. Donc, c'est un problème. On ne veut pas ça.
Mme
Charlebois : Ça
aussi, il faut réglementer ça, là.
M.
Cunningham (Rob) : Oui. Et
aussi on a des paquets de du Maurier où c'est octogonal, et donc une partie de
la mise en garde, c'est sur les huit côtés
du paquet. Donc, c'est encore une tactique de réduire un peu la visibilité.
Donc, vraiment, qu'est-ce qu'on veut comme priorité, c'est d'avoir des
dimensions minimales, une surface qu'on ne peut pas avoir des petites
mises en garde.
Mme
Charlebois :
Oui, il y a beaucoup de choses à ne pas oublier quand on va toucher à ces
aspects-là, vous avez raison.
Je vais vous
amener sur les cigarettes électroniques. Vous avez dit : Il y a beaucoup
trop de saveurs, 7 000 saveurs. Moi,
je pensais qu'il y en avait 4 000, mais vous me dites qu'il y a 7 000
saveurs. Comment vous entrevoyez... Bref, je vous explique l'esprit dans lequel le projet de loi a été rédigé. Ce
qu'on entrevoyait, c'était : pour ceux qui désirent arrêter de fumer, ce qu'on nous a dit, c'est qu'il était
bien qu'il y ait des saveurs, parce que juste vapoter de la nicotine, ça a
l'air que c'est terrible pour eux,
pour ceux qui veulent arrêter de fumer, je vous le répète, là. Alors, ils nous
ont dit : Laissez les saveurs pour ces
gens-là, pour en venir à ce qu'ils vapotent juste les saveurs puis,
éventuellement, ils délaissent la nicotine,
etc., puis j'ai dit : C'est une bonne idée, une bonne idée, mais on s'est
gardé, par voie de règlement, une mesure qui nous permettrait d'interdire les saveurs éventuellement si on
s'aperçoit que ça accroche les jeunes, si... Bon. Mais 7 000 saveurs, vous avez raison, c'est
beaucoup de saveurs. Comment on peut réglementer ça? On va-tu faire des listes
de saveurs interdites puis de saveurs permises?
• (12 heures) •
Mme
Champagne (Mélanie) :
...exactement comme les thérapies de remplacement de nicotine, les gommes, les
timbres, et tout ça, c'est offert à la
menthe, orange, cannelle, point.
Pourquoi pas? Pourquoi ne pas avoir quelque chose pareil avec la cigarette électronique? Je ne pense
vraiment pas que les saveurs de, comme je disais tantôt, bacon, popcorn...
Mme
Charlebois :
...pas pour quelqu'un...
Mme
Champagne (Mélanie) : ...ce
n'est pas nécessairement mon voisin travailleur de la construction qui va
acheter ça pour arrêter de fumer, là,
ce n'est pas ça. Ça fait que je pense que ça attire vraiment des jeunes. Puis
on a une bonne collègue à la Société
canadienne du cancer qui... elle a un fils de 15 ans puis elle nous
expliquait que lui puis ses trois amis, c'est des non-fumeurs. Ils ont
acheté une vraie cigarette électronique, une bonne, là, tu sais, assez chère,
puis, chaque semaine, c'est un des amis qui
achète un liquide différent parce qu'ils veulent essayer toutes les saveurs.
C'est ça, le jeu. Puis ça, on l'entend beaucoup, beaucoup, beaucoup chez
les jeunes : C'est le fun, ça goûte bon. Tu sais, le popcorn... Ah! c'est le fun, on fait des nuages, puis ça
sent, ça goûte le bacon, c'est drôle, c'est cool. Donc, chaque semaine, il y en
a un qui achète une bouteille de
liquide. Ce n'est pas très cher pour un jeune du secondaire, tu sais, une
semaine sur quatre, ça fait qu'une
par mois, puis ça leur dure toute la semaine, puis ils amènent ça, puis ils
fument ça, puis ils ont bien du plaisir.
Mme
Charlebois : Mais
là ça va être interdit pour les jeunes, selon le projet de loi qui est là, de
l'acheter...
Mme Champagne (Mélanie) : De
l'acheter. Absolument.
Mme
Charlebois : ...à
moins qu'un adulte lui fournisse en cachette, parce que même un adulte ne
pourra pas acheter pour un jeune. Il ne faut pas que ce soit vu, en tout cas,
ou connu ou... en tout cas, bref...
Mme
Champagne (Mélanie) : Parce
que, présentement, ça fait quand même 20 ans, là, que la cigarette, c'est
interdit de vente aux jeunes, là, aux mineurs.
Mme
Charlebois : Vous
avez raison.
Mme
Champagne (Mélanie) : Mais
il y a, bon an, mal an, au moins 15 % des jeunes qui... enfin, des
dépanneurs qui ne respectent pas l'interdiction aux mineurs.
Mme
Charlebois :
Ça, c'est la première fois qu'on a un témoignage comme ça, là, de jeunes... Je
l'ai posée, la question, mais c'est
la première fois que j'entends quelqu'un me dire que les jeunes sont attirés.
C'est ça, mon inquiétude.
Mme
Champagne (Mélanie) : ...en
sortir des tonnes. Je ne dis pas que c'est une porte d'entrée vers le tabagisme
nécessairement. On n'a pas ces données là
encore. Pour être capable de vraiment mesurer l'effet passerelle, ça prend au
moins 10 ans, à peu près, dans les chiffres,
puis la cigarette électronique, même si elle a été inventée en 2004 en Chine,
chez nous, c'est à peu près en 2011, là,
qu'on a vu le début de l'effervescence. Donc, on ne peut pas encore prouver
hors de tout doute qu'il y a un effet
passerelle. Ce qu'on sait par contre, c'est qu'ailleurs, aux États-Unis par
exemple, chez les jeunes, l'usage a
triplé dans la dernière année seulement. Ce qu'on sait aussi, c'est qu'au
Québec il y a... en fait, au Québec,
par rapport au Canada, c'est là où les jeunes fument le plus la cigarette
électronique, deux fois plus qu'en Ontario, notamment. Puis les chiffres montrent, comme le disait l'INSPQ, que
l'accès est très facile au Québec. Il y a absolument, de façon certaine, un attrait puis un accès à la
cigarette électronique, puis ce n'est pas étranger justement aux saveurs.
Puis on a fait nous-mêmes des sondages avec
Léger Marketing en posant la question aux jeunes et aux adultes, fumeurs ou
non-fumeurs : Pourquoi vous utilisez la
cigarette électronique? Puis ça confirme ce qu'on entend ailleurs aussi :
ce n'est pas la cessation qui est la
première raison, jamais, ni chez les adultes, ni chez les jeunes, encore moins
chez les jeunes. C'est l'attrait de
la nouveauté, c'est : Je veux essayer toutes les saveurs — c'est dans notre mémoire, on a les chiffres
et les sources — c'est la curiosité, c'est un paquet de
raisons. Il y avait peut-être d'autres raisons, Geneviève. Il me semble
qu'il y avait...
Mme
Berteau (Geneviève) : C'est
principalement l'expérimentation; évidemment, la cessation arrive aussi. Bon.
Mme
Champagne (Mélanie) : Mais
chez les jeunes, c'est vraiment la curiosité puis les saveurs qui arrivaient
en...
Et on n'est
pas en train de démoniser la cigarette électronique. Ce n'est pas parce qu'on
veut que ce soit encadré puis qu'on
veut avoir des réponses à nos questions qu'on est contre le produit, pas du
tout. Vous savez qu'on héberge la ligne
J'arrête, la ligne de cessation J'arrête, qui est financée par le ministère de
la Santé, c'est nous qui s'en occupons, la Société canadienne du cancer,
et on sera les premiers à la recommander si les positions officielles changent
et on recommande ce produit-là. Mais, pour l'instant, ce qu'on entend, c'est...
J'ai fait sortir un rapport des appelants qui posaient des questions sur la cigarette
électronique. Je sais qu'on a entendu parler Dr Juneau et Dr Ostiguy,
qu'on connaît très bien, puis on est
vraiment d'accord avec eux sur ce qu'ils vivent. Leur réalité, c'est des cas lourds
avec du counseling puis c'est une
réalité y, x, mais on a la réalité y aussi, qui est : on utilise en
combinaison 10 vapotages par jour avec des timbres; a bon goût; je me sens mieux; mélange 5 milligrammes de
e-cig nicotine avec zéro milligramme pour faire un dosage approximatif de 2 milligrammes.
J'utilise avec un timbre, mais c'est trop fort, je coupe en deux le timbre. Je
pense que je respire mieux. J'ai fait
deux ACV, devrais-je utiliser la cigarette électronique? Opéré il y a trois
mois pour le cancer du poumon, j'en
fumais 30 par jour, maintenant je fume cinq cigarettes par jour. Dois-je
prendre du 10 milligrammes? C'est — je pourrais vous le lire
comme ça : J'ai brûlé mes lèvres, j'ai de l'engourdissement aux jambes.
La réalité, là, c'est tout et n'importe quoi
pour l'instant. Ça fait que, moi, ça, c'est... puis c'est pour ça que je pense
qu'on est capables peut-être de vous amener du terrain, c'est parce qu'on a
quand même 30 000 bénévoles...
Mme
Charlebois : Ça,
c'est des sondages, c'est des études que vous me...
Mme
Champagne (Mélanie) : Non,
c'est des rapports. À chaque appel à la ligne J'arrête, ils doivent remplir un
rapport de ce qui a été dit, puis les sujets
qui ont été abordés, puis le counseling qu'ils ont fait, puis il y a des appels
qui concernent la cigarette
électronique, puis ça montre un peu... je trouvais ça intéressant de voir les
questions que les gens se posaient sur ce sujet-là. Parce que nous, on
est très «grassroots», là, la Société canadienne du cancer. On est vraiment partout sur le terrain, partout au Québec, ça fait
qu'on a accès aux personnes, puis on leur demande. Ça reste de l'anecdote,
mais ça confirme...
Mme
Charlebois :
Est-ce que c'est possible d'en avoir une copie, de ces genres de question?
Mme Champagne (Mélanie) :
Absolument. Absolument, puisque c'est l'anonymat des appelants.
Mme
Charlebois : Si
vous pouviez le transmettre à la commission, j'aimerais ça.
Mme Champagne (Mélanie) : Tout à
fait.
Mme
Charlebois :
Merci, parce que ça nous éclaire. Je n'avais pas envisagé le produit...
7 000 saveurs, mais on va certainement
réfléchir à ça. Et, l'effet passerelle, comme vous dites, certainement, on
n'est pas très, très encore au fait, là.
On sait que
les normes de la cigarette électronique vont être... c'est fait par Food and
Drugs Canada, ce n'est pas nous qui
va faire ça, mais il n'en demeure pas moins qu'on ne sait pas exactement ce
qu'il y a dans ces produits-là, puis ça, ça doit faire partie de vos
commentaires, là. Les gens, tu sais, ils ont... J'ai vu une petite bouteille,
moi, en tout cas, il n'y avait rien d'écrit.
Ce n'est pas compliqué, il n'y avait absolument rien d'écrit sur celle que j'ai
apportée au bureau, là. C'est inquiétant, vous ne trouvez pas? Poussez-vous
sur le fédéral?
Mme
Champagne (Mélanie) : Je
dirais que c'est un euphémisme, parce que... Je vais laisser Rob parler, après,
de la portion fédérale parce que Rob est à notre bureau d'Ottawa, il travaille
avec le fédéral.
Ce que je
peux vous dire, c'est que, même si ça date de deux ans, c'est quand même vieux,
les chiffres, puis on sait que le
marché de la cigarette électronique évolue très rapidement. Mais, il y a deux
ans, on a fait tester... on a acheté comme
ça, au hasard, en dépanneur, en «vape shop», sur différents lots, différents
produits, des jetables, des pas jetables, etc., et on les a fait tester par le Département de chimie de l'Université de
Montréal pour voir si l'étiquetage était bon, si le dosage était bon. La majorité des produits
étiquetés sans nicotine contenaient de la nicotine. Donc, imaginez un enfant,
un jeune qui fume ça puis, lui, qu'il
devient tranquillement accro à la nicotine puis il ne le sait pas. Ça, c'était
dans les jetables, ça, je dois
préciser, c'était jetable, vendu ça dans les dépanneurs. Puis la majorité des
cigarettes électroniques, encore une
fois, étaient mal étiquetées sur le dosage. Donc, ça disait
«20 milligrammes de nicotine», mais il y en avait deux ou ça disait «quatre», mais il y en avait 18.
Ça fait que c'est sûr que ça nous a préoccupés. Est-ce que je peux dire que, maintenant, c'est la même chose? Je ne peux
pas le dire. Ça fait deux ans. Je pense qu'il y a des «vape shops» qui font les choses de façon très sérieuse, mais il y
en a encore beaucoup qui font des petits mélanges dans leurs sous-sols.
Donc, oui, c'est essentiel de standardiser.
Mme
Charlebois :
Je vais juste compléter, puis peut-être que mes collègues pourront poser
d'autres questions, mais juste
compléter en disant : Oui — puis mon collègue de Rosemont va sûrement
poser des questions là-dessus — mais vous dire que c'est tellement inquiétant qu'on va s'arrêter à penser
pour les jeunes qu'est-ce qu'on va faire avec ça, non seulement qu'il y
ait de la nicotine, alors que c'est écrit «zéro nicotine».
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Rosemont pour 13
minutes.
• (12 h 10) •
M. Lisée :
Merci. Bien, d'abord, bienvenue et puis bienvenue à mes voisins de Rosemont,
parce que la Société canadienne à ses
bureaux dans ma circonscription. Je suis allé vous visiter l'an dernier. J'ai
vu la ligne d'appel, d'ailleurs, très efficace, très occupée.
Alors, merci
pour vos propositions. Je voudrais en passer quelques-unes en revue. Bon, sur
l'abolition des saveurs, nous sommes
d'accord. L'encadrement de la cigarette électronique; alors, vous n'êtes pas
les seuls. Vous vous êtes concertés, les groupes de
lutte contre le tabac, en disant : Bien oui, bien sûr, il faut... ça n'a
pas de sens comment les compagnies de tabac
réussissent, avec les petits emballages, à faire en sorte que ce soit assez
difficile de voir tout ce qu'on a
fait depuis 20 ans pour les mises en garde, et la meilleure solution, c'est le
paquet neutre et standardisé. D'ailleurs, ces jours derniers, on vient d'avoir les derniers résultats australiens sur
la chute de consommation conséquente à leur décision, qui montrent — oui, c'est ça, voilà, vous avez le même
article que moi — qu'il y
a eu une chute spectaculaire, les 12 derniers mois, de la consommation après cette décision-là, et c'est pourquoi les
compagnies de tabac y sont si, si, si réfractaires, parce qu'elles
savent qu'elles vont perdre de l'argent. C'est tout ce qui les intéresse.
Alors,
vous nous dites comme d'autres groupes : Écoutez, ce serait ça, la
solution. Et d'ailleurs vous êtes en faveur du fait que la ministre introduise l'abolition de la clause
d'harmonisation avec le Canada, qui nous aurait obligés à attendre Ottawa là-dessus. Vous dites : Bien là, on
enlève la clause d'harmonisation, on n'a pas besoin d'attendre Ottawa. Il y a
des gens qui disent : Oui, mais,
vous savez, on ne peut pas vendre un paquet de cigarettes différent au Québec
que dans le reste du Canada. Vous
dites : Un instant, il est possible de trouver facilement, sur le marché,
des paquets différenciés que ce soit
par la langue ou par des images. JTI-Macdonald a habillé sa nouvelle marque,
Macdonald Spécial, en deux couleurs, il
y a des étiquettes très nationalistes : la feuille de lys en bleu pour le
Québec; la feuille d'érable en rouge pour le Canada. Ça fait que qu'ils
ne viennent pas nous dire qu'ils ne sont pas capables de s'adapter aux deux
marchés.
Alors
là, vous nous dites : Donc, ça serait la bonne solution d'adopter au
Québec, tout de suite, immédiatement, comme
l'Australie, plusieurs Européens, cette décision-là, mais on ne veut pas que ça
retarde. Tu sais, c'est comme si quelqu'un
vous avait dit : Ça va être bien compliqué dans le cabinet du Parti
libéral, ça va être long, ça va être compliqué, il y a quelque chose qui...
Puis vous dites : Bon, bien, peut-être dans une deuxième étape.
Alors,
moi, j'ai été conseiller de premier ministre pendant cinq ans, j'ai été
ministre pendant un an et demi, puis je vais expliquer comment ça marche. Tous les ministres ont des bonnes
idées. La... disons, un certain nombre de ces bonnes idées sont partagées par le premier ministre, son
chef de cabinet puis le secrétaire général du gouvernement. Ce sont les trois
personnes qu'il faut convaincre, O.K.? Le ministre des Finances, le Conseil du
trésor aussi, c'est bon de les avoir de
son côté. Mais, sur le tabagisme, sauf sur la taxe sur le tabac, ça va assez
bien. Et là c'est clair que la ministre, notre amie, madame, a une bonne idée d'avoir une loi sur le tabac, et là elle
s'est battue pendant un an pour dire : Bien, c'est-u mon tour? C'est-u mon tour? C'est-u mon tour? Puis
le premier ministre... Puis là il y a quatre autres bonnes idées, puis
il y a des priorités, puis etc. Puis là,
finalement, elle a réussi, et je la félicite, de dire : C'est son tour. Ça
fait que, là, c'est son tour, elle
passe sa loi, on va la voter avant Noël, puis là elle reviendrait l'an prochain
puis en disant : Ah! j'ai oublié de
mettre dans la loi le paquet standard. Ils vont dire : C'est une bonne
idée. Tu l'as eu, ton tour. Tu l'as eu, ton tour. Tu peux réglementer — c'est ce qu'elle propose — la grosseur de la mise en garde sur le petit
paquet, 75 % du petit paquet, mais,
standardiser le paquet par voie réglementaire, je ne suis pas sûr, on en
discutera. Mais, en tout cas, si l'idée, c'est de revenir en législation là-dessus, son tour est passé pendant
plusieurs années, pendant le mandat, puis c'est sûr qu'ils n'auront pas un deuxième mandat, là, mais, même
dans le mandat du Parti québécois qui va commencer en octobre 2018,
quand on va arriver avec cette idée-là, ils vont dire : Bien là, ça a été
fait il y a cinq ans, il y a d'autres priorités. Il y a tellement de choses à
réparer du gouvernement libéral, il y a... tu sais?
Bon.
Alors, c'est pour ça que je vous dis, là : Le train passe maintenant. Tout
ce que vous voulez faire sur le tabac, c'est
maintenant qu'il faut le faire, parce que, c'est vrai, puis vous le dites
vous-même, la loi prévoit que, dans cinq ans, il y a une évaluation. Il y a eu, après cinq ans de la dernière loi, une
évaluation, puis ça a pris un autre cinq ans avant d'avoir un projet de loi. Puis ce n'est pas parce que le
gouvernement, pendant ces années-là, ne trouvait pas ça important, mais,
dans ses priorités, il n'arrivait pas à décider que c'était sa priorité.
Donc,
c'est pourquoi je vous dis : Nous, on va se battre très, très, très fort
pour que ça soit maintenant, les propositions que vous faites, y compris
le moratoire sur la mise en marché de nouveaux produits du tabac. C'est
intéressant, parce qu'il y a des gens qui
nous disent : Ah! bien, c'est très hypothétique, ça, qu'il y ait des
nouveaux produits du tabac, mais vous dites : Ce n'est pas
hypothétique du tout. Vous dites qu'il y a plusieurs... Il dit : «Après
les saveurs, quel sera le prochain succès de
l'industrie? Les bâtonnets de nicotine croquables ou les chauffe-cigarettes
sans combustion?» Ça existe, ça?
Mme Champagne
(Mélanie) : ...existe ailleurs, oui, en France, aux États-Unis,
absolument.
M. Lisée :
Donc, il y a déjà des nouveaux produits du tabac qui ont été mis en marché.
O.K.
Mme Champagne (Mélanie) : Je vais commencer par répondre à votre question,
qui est quand même assez longue...
M. Lisée :
Oui. C'était plus un commentaire.
Mme Champagne
(Mélanie) : ...en soulignant votre feu et votre passion, que j'aime
beaucoup. Vous êtes, d'ailleurs, mon député.
Je ne fais pas que travailler dans Rosemont, j'y habite aussi. Donc, ça fait
vraiment plaisir de voir le coeur que
vous y mettez, puis sachez que nous, on s'est battus... Si la ministre s'est
battue pendant un an pour avoir son
projet de loi à l'agenda, nous, ça fait cinq ans qu'on attend cette révision de
loi là, qui tarde, hein? Puis, pendant ce temps-là, c'est...
Une voix :
...
Mme Champagne
(Mélanie) : Cinq ans.
Des voix : ...
Mme
Champagne (Mélanie) : Vous
aussi, Mme la ministre, on aime votre feu et votre passion. 250 jeunes qui
commencent à fumer à chaque semaine, 28
Québécois qui meurent chaque jour, c'est... aujourd'hui, 28 personnes qui
meurent, là, pendant qu'on est ici en audience toute la journée.
Nous, on
s'est battus pendant cinq ans, donc, croyez-nous, on a ramassé une pétition de
55 000 noms; on a un appui de 65
organismes, les médecins, les pharmaciens, les infirmières, nommez-les, et les
municipalités, oui. Donc, on comprend très bien le combat, on comprend
très bien que le train, c'est maintenant ou jamais.
Ce qu'on dit,
c'est que la meilleure mesure, oui, c'est l'emballage neutre, hors de tout
doute, mais la meilleure mesure,
c'est celle qu'on a. Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. Dans le pouvoir
réglementaire, la ministre peut très bien
adopter un projet de loi maintenant, tel qu'il est, avec les amendements et
dire que, pour un gros morceau comme ça,
on a la standardisation ou l'emballage neutre dans le pouvoir réglementaire,
les deux, avant Noël. Si c'est possible, on vous suit à 100 milles à
l'heure. Mais le projet de loi n° 44, il est bon, il est solide, on est
très contents, alors on ne voudrait pas
mettre en péril — parce
que chaque jour qui passe, ça compte — toutes les mesures du p.l. n° 44
pour une mesure. On pense que la
standardisation, parce qu'on a entendu la ministre en parler dans les médias,
c'est quelque chose qui est faisable.
Puis déjà ça, ce serait quelque chose qui ne s'est jamais vu au Canada. On
serait très contents, entendons-nous là-dessus.
Mais, si on est capable d'aller chercher l'emballage neutre, soyez certains
qu'on va pousser avec vous comme vous aurez rarement vu.
M. Lisée :
Très bien. Bien, la seule chose qui pourrait mettre en péril l'adoption, d'ici
Noël, de cette mesure, ce serait le refus du gouvernement de le faire...
Mme Champagne (Mélanie) : Ou de
longues études sur l'impact économique, sur l'impact légal.
M. Lisée :
Bien, ce serait la décision du gouvernement de se soumettre à de longues
études. Donc, on est complètement dans le domaine de la volonté
politique.
Je vais vous
poser une autre question sur les cigarettes électroniques. Donc, j'ai noté,
vous l'avez mentionné, que vous avez
fait cette étude sur les deux tiers des produits qui se disaient sans nicotine,
qui, en fait, avaient de la nicotine, et puis tout ça. Encore une fois,
nous avons la capacité, au Québec, même si, normalement, on laisse ça à Ottawa
puis à Santé Canada, nous avons la capacité
de déterminer une norme de contenu et de l'appliquer. J'avais ici... bien, dans
une autre salle, le responsable de la santé publique de Montréal, je lui
ai posé la question : Est-ce qu'on pourrait, si on le décidait, adopter la norme française, par exemple,
qui vient d'être adoptée ou la modifier? Est-ce qu'on pourrait vérifier,
inspecter, avoir les laboratoires? Il a
dit : Oui, c'est tout à fait possible. Est-ce que ce serait une bonne idée
qu'on le fasse pendant que le train passe?
M.
Cunningham (Rob) : Donc,
c'est un produit qui n'est pas réglementé et qui devrait être réglementé, le
pouvoir est là pour Québec et pour le fédéral pour le faire. Le Comité
permanent de la santé de la Chambre des communes a recommandé un nouvel encadrement, un nouveau type de réglementation pour
la cigarette électronique. Santé Canada prépare une réponse à ça, le rapport est en mars. Mais, d'une manière ou
d'une autre, on a besoin d'avoir la réglementation, Québec ou le
fédéral.
M. Lisée :
Donc, si nous, on le faisait avant Noël, si le Canada puis les autres provinces
veulent le faire après, ils auraient l'exemple québécois.
M.
Cunningham (Rob) : Oui, mais
ça, c'est une question pour la réglementation, parce que c'est très technique,
quelles sortes d'émissions est-ce qu'on va avoir dans le... etc.
M. Lisée :
Non, non, parce que, là, il va y avoir un gouvernement fédéral qui va être élu
le 19 octobre. Si c'est un nouveau
gouvernement, ils vont avoir 45 priorités, alors, quand est-ce qu'ils vont agir
là-dessus, on ne le sait pas. Si c'est le gouvernement actuel, ce n'est
pas une priorité. Alors, moi, je pense qu'on devrait y aller.
Je voudrais vous permettre, dans le temps qu'il
me reste, de répondre à... Un mémoire qui nous a beaucoup attristés, la ministre, moi, mon collègue de la
CAQ, est celui de la Fédération des chambres de commerce du Québec, qui est venue dire : «...parfois [le]
plaidoyer — des
groupes antitabac — tombe
dans l'excès et même la désinformation. Nous n'en citerons qu'un exemple. Selon ces protagonistes, le tabac serait
associé à une proportion exorbitante des problèmes de santé. La Société canadienne du cancer affirme
que "le tiers des journées complètes d'hospitalisation dans les grands
hôpitaux du Québec sont liées à la
consommation de tabac"! À partir d'un tel constat, l'organisme prône
diverses [mesures] de bannissement du tabac.» Et ils disent que c'est de
la désinformation.
Alors, je
sais que, lorsque vous dites ça, vous vous appuyez sur une étude du Groupe
d'analyse. Pouvez-vous nous en
parler? Est-ce que cette étude est de la désinformation ou est-ce que ce sont
des statistiques probantes? Et comment en êtes-vous venus à cette
conclusion?
• (12 h 20) •
Mme
Champagne (Mélanie) : Je
vais vous en parler, avec plaisir. Juste pour le commentaire, il y a quelqu'un
qui me disait il n'y a pas longtemps :
C'est quoi, le secret de la longévité de la Société canadienne du cancer? Puis
je lui disais : La rigueur.
C'est la première chose que je répondrais, c'est la rigueur, et ça fait la
reconnaissance. Donc, peut-être que
nous, on a peut-être moins de liens avec l'industrie du tabac, ça expliquerait
peut-être la différente interprétation des chiffres.
Redonnons
à César ce qui appartient à César, c'est une étude qui a été commandée par la
Coalition québécoise pour le contrôle
du tabac, du Groupe d'analyse, que vous semblez connaître, Ouellette, Crémieux,
Fortin, des économistes, des sommités
au Québec. Le Groupe d'analyse a des bureaux dans trois pays. Donc, oui, c'est
très sérieux. Et, pour préciser, c'est
qu'au minimum 33 % des coûts encourus par les journées d'hospitalisation
au Québec sont directement attribuables au tabagisme, et je dis «au minimum» parce que, et je cite,
«l'estimation [...] est manifestement conservatrice parce que [...] ne tient pas compte des
personnes hospitalisées, ni celles dans un état de santé critique»,
c'est-à-dire à long terme; les coûts
estimés ne représentent qu'une portion réelle des coûts de 24 heures d'opération,
parce qu'ils ont compté seulement les
pleines journées, ils n'ont pas compté les demi-journées; ça n'inclut pas
certaines composantes des hôpitaux, comme les centres de réadaptation ou les cliniques externes; et ça n'inclut
pas non plus l'impact de la fumée secondaire. Alors, les sources
utilisées viennent des enquêtes sur la santé et collectivités canadiennes,
Statistique Canada et plusieurs autres sources. C'est extrêmement solide. Parce
qu'on oublie aussi que ce n'est pas juste les cancers puis, oui, les maladies cardiaques. C'est aussi l'emphysème. C'est aussi
beaucoup de problèmes de guérison, parce qu'on sait qu'un fumeur qui est opéré, soigné et traité, ça va prendre
beaucoup plus de temps à ce qu'il soit guéri, donc, il va rester plus longtemps
à l'hôpital, etc.
Ça me fera grand plaisir de vous partager cette
étude-là détaillée à la commission.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup.
Une voix : ...
Le
Président (M. Tanguay) : Juste un instant. Je vais maintenant... Oui,
M. Lisée, pour... pardon, collègue de Rosemont.
M. Lisée : Je le transmettrai
à la Fédération des chambres de commerce.
Mme Champagne (Mélanie) : Ça nous
fera plaisir.
Le
Président (M. Tanguay) : Vous pouvez continuer le débat, M. Cunningham.
Je dois maintenant céder la parole... Nous
sommes dans le bloc appartenant à notre collègue de Lévis pour
8 min 30 s, mais vous pourrez poursuivre l'échange.
Collègue de Lévis.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le
Président. Oui, l'échange pourra se continuer, mais permettez-moi d'aller
ailleurs d'abord, puis ça va...
d'ailleurs, je m'adresserai à vous. Bienvenue, tout le monde, Mme Champagne, M.
Cunningham, Mme Berteau, Mme Bélanger.
Je reviens
sur la Fédération des chambres de commerce, qui parlait notamment, concernant
la standardisation ou l'emballage
neutre, qu'il s'agissait d'une expropriation de la marque de commerce. Et là on
tentait de faire la démonstration que,
manifestement, il y avait, sur le plan commercial, quelque chose de dérangeant
à l'adoption d'une formule comme celle-là.
De un, vous en dites quoi, M. Cunningham? Et, secundo, est-ce que vous
craignez, avez-vous l'impression, parce que certains nous le disent, que les compagnies de tabac sont déjà
prêtes à réagir juridiquement à une position comme celle-ci, à l'image de ce qu'elle a fait en
Australie, où les contestations, bien qu'ayant été perdues dans un cas, ne
soient pas complétées?
Est-ce que
vous vous attendez à une réplique de cette industrie, qui veut sauver son
marché et son commerce?
M.
Cunningham (Rob) :
Premièrement, est-ce que c'est l'expropriation? La réponse est non. The High
Court of Australia, la plus haute
cour dans le pays, a rejeté cet argument. Ici, à Québec, les fabricants de
tabac avaient cet argument pour les
mises en garde à 50 %, et ça a été rejeté par la Cour supérieure, rejeté
par la Cour d'appel du Québec. Donc, ce n'est pas l'expropriation, il
n'y a pas de changement de personne qui a le titre de propriété.
Oui, les compagnies de tabac vont se battre
contre les lois qui sont efficaces pour réduire leurs ventes. Est-ce qu'elles vont commencer les poursuites? Oui, on
peut anticiper, mais on va gagner ces poursuites. Les compagnies de tabac, juste pour soulever une autre chose qui
était... lundi, avec ces fameux contrats, donnent des paiements de promotion
aux détaillants. Cette information, c'est
choquant, ça nous inquiète. Ce type de promotion devrait être interdit. Et
juste une petite modification au projet de loi à la Loi sur le tabac
pourrait interdire ce type de... On ne devrait pas avoir des encouragements de
vendre plus de tabac, d'avoir des voyages si on vend plus de tabac.
M. Paradis
(Lévis) : Je comprends fort
bien, et c'est important, ce que vous dites, parce qu'on parle d'emballage
neutre, de standardisation, de possibilité
d'aller plus vite et d'adopter, et il ne faudrait pas, à l'image de ce que vous
nous dites, craindre une réplique du
milieu des manufacturiers pour nous fragiliser dans nos démarches et nos
avancements.
Mme
Champagne (Mélanie) : ...si
je peux compléter l'idée. C'est qu'il leur reste deux façons, en gros, de faire
de la promotion, à l'industrie du tabac : de façon très, très évidente
avec l'emballage, parce que tout le reste est assez encadré; et de façon beaucoup plus cachée, en passant ces contrats et en
donnant un bonus à ces dépanneurs qui vendent plus et en les encourageant à vendre le moins cher possible leur tabac
pour qu'ils en vendent le plus possible, dans le fond.
Alors, «moins
cher possible» veut dire «plus grand accès aux jeunes». Puis le prix, c'est ce
qui a le plus d'impact sur les
jeunes. Donc, si on augmente le prix, les jeunes fument moins. Donc, si on
garde le prix le plus bas possible, on s'entend que c'est très contre-productif. Donc, on
était très contents que le sujet soit amené en commission. Ça ne devrait
pas exister, ces pratiques-là.
M. Paradis (Lévis) : Êtes-vous en train de me dire que, parmi les amendements les plus
importants qu'on devrait apporter à
ce projet de loi, dans votre tête à vous, si on n'adoptait pas la
standardisation et l'emballage neutre, on manque le coche, on manque le
train?
Mme Champagne
(Mélanie) : Ça prend une mesure sur l'emballage. Ça fait des années
qu'on la réclame.
M. Paradis
(Lévis) : Et qu'il ne faudrait pas craindre la réplique d'un milieu ou
de manufacturiers qui ont beaucoup d'argent, pour retarder pareille adoption?
M. Cunningham (Rob) : C'est certain que les fabricants vont opposer à l'emballage neutre, ils
opposent au Canada depuis
20 ans, ils opposent dans... après pays, après pays. Et maintenant on a du
momentum, on voit les pays qui adoptent ça, on... C'est inévitable qu'on va avoir l'emballage neutre. C'est
inévitable qu'on va avoir des poursuites, mais on doit anticiper ces
poursuites et les gagner.
M. Paradis (Lévis) : Vous nous dites... puis la préoccupation à travers vos chiffres... puis
ce n'est pas d'hier qu'on en parle,
ce n'est pas d'hier que j'en parle non plus, puis on a eu... regarde, c'est
un... vous le savez, hein, c'est quasiment depuis la nuit des temps, à partir du moment où s'on s'est rendu compte
que la cigarette était ce qu'elle est, que le tabac était ce qu'il
était. Si les jeunes ne fumaient pas, si les jeunes n'avaient pas accès au
produit, si on n'avait pas ces statistiques
concernant les 12 à 17 ans, par exemple, on ne règle pas rien, il
faudrait continuer quand même à faire en sorte que ceux qui fument comprennent la dangerosité puis qu'on ait des
mesures, encore une fois, pour éviter l'effet de la fumée secondaire, ou
tout ça.
C'est quoi, la
mesure, la mesure pour faire en sorte que nos jeunes, qui ne doivent pas
acheter... En fait, ils ne doivent pas en
avoir, hein? En principe, il n'y en a pas, de problème. Avant 18 ans, ils
ne doivent pas toucher à ça, mais ils y touchent. Qu'est-ce qu'il faut
faire pour que ça ne se fasse pas?
Mme Champagne (Mélanie) : Ce qu'on fait présentement avec le
p.l. n° 44, ce qu'on fait présentement avec la cessation, ce qu'on fait... Là, vous parlez de
prévention, donc les jeunes. C'est ce qu'on fait... Si on pouvait interdire
le tabac demain matin...
M. Paradis (Lévis) : Mais il est accessible, le produit, ils l'ont.
Malgré qu'il ne doive pas l'être, ils l'ont quand même.
Mme Champagne (Mélanie) : Il n'est pas juste accessible, M. Paradis, il est
attirant, il n'est pas cher, il goûte bon,
il est coloré. Ce n'est pas normal, ce n'est pas normal que du cancer, ça goûte
le bonbon. Ce n'est vraiment pas normal.
M. Paradis (Lévis) : Allons plus loin que ça. Outre le fait que ça puisse goûter du chocolat
ou ce que vous voudrez, en principe,
il n'est pas disponible. Il y a une problématique parce qu'il est disponible.
C'est-à-dire, de mille et une façons, ils se le procurent. On fait quoi?
Mme Champagne (Mélanie) : Peut-être que vous voulez m'amener sur la
question du cartage obligatoire, qui a été proposé.
M. Paradis
(Lévis) : Est-ce que ça, c'est une mesure, de faire en sorte que, dans
la loi, on prévoie un cartage obligatoire?
Est-ce que ça peut faire en sorte qu'on ne voit plus de jeunes aux abords des
écoles avec une cigarette qu'ils ne devraient pas avoir parce qu'ils
n'ont pas l'âge légal pour s'en procurer?
Mme Champagne (Mélanie) : Ça, ça va arriver encore, M. Paradis, parce que
les jeunes se procurent des cigarettes de
source sociale, beaucoup, d'amis, de parents, etc. Mais ce sur quoi on peut
agir par contre, oui, c'est sur la vente aux mineurs. On n'a pas de position là-dessus, à la Société canadienne du
cancer, mais on ne s'oppose pas non plus au cartage obligatoire. Rob, tu
veux compléter?
M. Cunningham (Rob) : Plusieurs autres provinces ont ça dans leurs lois sur le tabac, et à
quelqu'un qui paraît moins de 25 ans on demande une identification.
M. Paradis
(Lévis) : Vous avez parlé de cigarette électronique. Je vais
l'aborder, parce que pour plusieurs fumeurs
c'est un outil thérapeutique, j'ai déjà eu l'occasion d'en parler également,
puis, pour certains d'entre eux, c'est peut-être
la voie qui va les mener vers la cessation. Et là plusieurs ont l'impression
qu'on démonise la cigarette électronique et que le fumeur qui veut
sortir de son vice se dit : Voilà l'outil qui aujourd'hui va peut-être me
permettre de faire la différence, mais là on va le juger comme une cigarette,
je n'ai plus de place nulle part, donc, enfermez-moi dans une garde-robe, puis je vivrai ma vie de cette
façon-ci. Qu'est-ce qu'on fait? La cigarette électronique sur les terrasses;
votre position.
Mme Champagne (Mélanie) : Premièrement, on peut avoir l'impression qu'on
démonise la cigarette électronique, mais il y a des enquêtes qui ont été
faites, des sondages, et qui montrent que la grande majorité des gens pense que
la cigarette électronique, c'est beaucoup moins nocif que le tabac.
M. Paradis
(Lévis) : Mais est-ce qu'on comprend... avouons-le, là...
Mme Champagne
(Mélanie) : Donc, quand même, il y a une perception...
M. Paradis (Lévis) : ...comprenons, là, les éléments... On comprend, là. Il faut quand même
placer les choses dans le contexte. La cigarette électronique n'est pas
une cigarette.
• (12 h 30) •
Mme Champagne (Mélanie) : Donc, il ne faut pas penser non plus que les gens
ont si peur que ça du produit.
Quant
à l'utilisation sur les terrasses, ça ne devrait pas avoir lieu, parce que — je pense, ça a été dit ce matin de façon très claire — on a
travaillé pendant des années pour dénormaliser le tabagisme, et le geste est
très fort, hein? Il y a une étude ontarienne qui a prouvé que, quand c'est interdit
de fumer sur les terrasses, les fumeurs ont beaucoup moins le goût de
fumer, fument moins en quantité et ont plus le goût d'arrêter. C'est une mesure
d'aide à la cessation.
Donc,
pour la cigarette électronique, c'est le même geste, c'est la même boucane,
disons, ça fait qu'il n'y a pas de raison
de permettre ça sur les terrasses non plus. Il y a ça puis il y a aussi les
propriétaires de dépanneur... de terrasse, pardon. Ils vont être là
en... Parce qu'il y en a, là, qui sont très, très semblables à des cigarettes.
Bon, celle-là...
M. Paradis
(Lévis) : Mais est-ce qu'on doit travailler là-dessus aussi, l'aspect
de la cigarette électronique, glamour,
couleurs, etc., par rapport à une espèce de tuyau d'échappement qui,
manifestement, fait que ce soit peut-être moins attirant sur le plan
esthétique?
Mme Champagne
(Mélanie) : C'est une excellente question. Rob?
Le Président (M.
Tanguay) : Quelques secondes.
M. Cunningham (Rob) : Donc, dans les autres provinces, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse,
Ontario, ça vient en janvier, c'est interdit sur les terrasses, donc,
pour des raisons comme Mme Champagne vient de mentionner.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous remercions les
représentantes et représentants de la Société
canadienne du cancer, division du Québec, et, compte tenu de l'heure, je
suspends les travaux jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à
12 h 31)
(Reprise à 14 h 15)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous
poursuivons nos travaux. Je demande à toutes les personnes de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Et nous allons
donc poursuivre nos consultations particulières
et auditions publiques sur le projet de loi n° 44, Loi visant à renforcer
la lutte contre le tabagisme.
Nous entendrons cet
après-midi le Dr André Gervais et les personnes qui l'accompagnent; la
Fédération des médecins spécialistes du
Québec; Marvin Rotrand, conseiller de Snowdon, ville de Montréal; et le Centre
intégré universitaire de santé et services sociaux — CIUSSS — du
Nord-de-l'Île-de-Montréal.
Alors, merci beaucoup
et bienvenue au Dr Gervais et aux personnes qui vous accompagnent. Pour des fins
d'enregistrement, je vous demanderais
peut-être de bien vouloir nommer, préciser vos fonctions. Et vous disposez, dès
maintenant, de 10 minutes de présentation. La parole est à vous.
M. André Gervais et
Mmes Nancy Haley,
Johanne Harvey et Jennifer O'Loughlin
M. Gervais (André) : André Gervais, médecin pneumologue, Centre hospitalier de l'Université
de Montréal.
Mme
Harvey (Johanne) : Johanne Harvey, pédiatre, spécialiste en
médecine de l'adolescence, pratiquant à Chicoutimi.
Mme O'Loughlin (Jennifer) :
Jennifer O'Loughlin, épidémiologiste, CRCHUM, Université de Montréal.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup.
M. Gervais
(André) : M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés,
je remercie les groupes parlementaires d'avoir
accepté ma demande de participation aux auditions de la Commission de la santé
et des services sociaux et de me permettre de m'exprimer sur le projet
de loi n° 44.
Je
tiens tout d'abord à féliciter Mme la ministre Lucie Charlebois pour son projet
de loi et aussi tous les députés qui
travaillent à faire un meilleur projet de loi. Et j'étais ici ce matin et aux
autres commissions et je suis très impressionné de la façon dont vous
posez vos questions.
J'ai commencé
ma carrière de pneumologue à 35 ans en soignant des patients souffrant de
maladies pulmonaires causées par le
tabagisme et trop souvent déjà incurables. J'ai réalisé que je devais
m'adresser à la véritable cause de leur maladie. À l'Hôpital Notre-Dame, j'ai tenté de créer des espaces sans fumée
et d'organiser des services d'abandon du tabagisme. Ce n'est qu'après la Loi sur la protection des non-fumeurs
dans certains lieux publics, en 1986, que des locaux sans fumée et des services d'abandon sont devenus
réalité. Depuis, j'ai été appelé à soutenir de nombreux établissements de santé qui sont devenus sans fumée. À ma
clinique hebdomadaire, j'accompagne encore des fumeurs dans leurs démarches
d'abandon du tabac. Convaincu de
l'importance de l'impact des lois, j'ai participé aux campagnes menant à
l'adoption de la Loi sur le tabac en
1998 et en 2005 et aussi, en 2013, aux auditions publiques concernant la Loi
sur le tabac 2005‑2010.
Je travaille
avec de nombreux professionnels de la santé et chercheurs sur différents volets
du tabagisme, c'est pourquoi j'ai
demandé à la Dre O'Loughlin, spécialiste en dépendance du tabac, et à la
Dre Johanne Harvey, spécialiste en
médecine de l'adolescence, de m'accompagner pour appuyer le projet de loi et
pour vous proposer des amendements et
recommandations. Vous reconnaîtrez les grandes lignes du mémoire des directeurs
régionaux de santé publique, dont je
suis coauteur, dans ce mémoire, et ce mémoire représente nos positions
personnelles et non celles de tous les organismes auxquels on
appartient.
D'abord, ne nous
mettons pas la tête dans le sable, et Dr Arruda l'a déjà dit ce matin, le
tabagisme, c'est une maladie pédiatrique.
L'initiation se fait durant l'adolescence, la dépendance s'installe rapidement
et insidieusement. Il est faux de croire que les jeunes doivent fumer
pendant deux ou trois ans et avoir consommé au moins 100 cigarettes avant de
devenir dépendants. La dépendance à la nicotine passe par des étapes bien
définies. Les premiers symptômes de manque
de nicotine sont ressentis après les premières bouffées et permettent de
prédire qu'un plus grand nombre de jeunes deviendront fumeurs quotidiens. Environ 30 % à 50 % des jeunes
qui ont essayé à peine quelques bouffées deviendront des fumeurs adultes. Des facteurs d'ordre
génétique, environnementaux, possiblement même l'exposition à la nicotine
in utero prédisposent le jeune à devenir
dépendant avant même qu'il ait pris sa première bouffée. Les jeunes non-fumeurs
qui ont vécu avec des parents fumeurs et qui
ont été exposés à la fumée dans l'automobile présentent plus de risques de
développer des symptômes de dépendance.
Alors, la nicotine provoque des changements neurophysiologiques dans le cerveau — et vous voyez le cerveau là-bas — il y a un impact sur le développement du
cerveau, notamment dans les régions liées au plaisir et à la récompense,
ce qu'on appelle les «rewards and saliences», et les régions reliées au stress
et à l'impulsivité, qui sont les régions
frontales. Le cerveau est en développement jusqu'à l'âge de 25 ans, alors notre
cerveau change et il peut être atteint par la nicotine et être modifié
jusqu'à l'âge de 25 ans.
• (14 h 20) •
La prévention commence avant la première
bouffée, parce qu'après il est souvent trop tard.
Nous appuyons
le projet de loi, et vous voyez ici les principales mesures que nous voulons
appuyer spécifiquement. Vous avez
déjà, j'oserais quasiment dire, tout entendu là-dessus en cinq jours de
commission parlementaire, mais je veux souligner
d'abord l'interdiction de l'aromatisation, incluant le menthol. C'est le produit
le plus populaire chez les jeunes, c'est
encore plus utilisé au Québec qu'ailleurs, et, si on veut que notre cerveau ait
ce contact avec la nicotine, qui va accrocher les jeunes, il faut leur donner un moyen de faire entrer la fumée puis
d'amener la nicotine au cerveau. L'exposition de la fumée dans les véhicules, ça expose les jeunes à
des quantités importantes de produits toxiques. On est toujours inquiets
des maladies. Dre Harvey pourra
témoigner qu'on n'a pas besoin d'attendre d'être adulte pour être malade des
maladies causées par le tabac, mais
la nicotine aussi à laquelle on est exposés dans une automobile peut nous
prédisposer à développer des symptômes de dépendance.
Nous appuyons
donc tout ce qu'il y a sur ces principales mesures, mais j'insiste sur la
dernière, qui est l'étendue du champ
d'application à la cigarette électronique, et nous appuyons entièrement le
projet de loi, parce que ça va permettre de limiter l'accès aux jeunes à la cigarette électronique et ça va
éviter de renormaliser l'usage du tabac. Et on espère que, s'ils ne
touchent pas à la cigarette électronique, aussi ils ne vont pas s'exposer à de
la nicotine d'une autre façon qui pourrait
éventuellement les amener à fumer la cigarette conventionnelle ou même à
devenir dépendants de la cigarette électronique indéfiniment.
Six
propositions d'amendement, deux recommandations. La première, c'est, je pense,
le grand oublié dans le projet de
loi. Le projet de loi ne prévoit aucune mesure pour les établissements de
santé. La loi actuelle prévoit pour les patients hébergés 40 % de chambres fumeurs et des fumoirs, et puis les
patients et les travailleurs sont exposés à la fumée du tabac de façon inéquitable, et ça rend la gestion des
patients qui fument dans le milieu hospitalier très difficile à vivre. Vous
avez entendu de nombreux témoignages, et
vous allez en entendre encore en fin d'après-midi, d'établissements qui sont
devenus sans fumée et qui vont vous dire que c'est bénéfique de devenir sans
fumée. Donc, la première proposition d'amendement,
c'est l'interdiction des chambres pour fumeurs et fumoirs dans tous les
établissements de santé. Et on a laissé, pour fins de compassion, une
exception pour les CHSLD. Également, on croit que, quand on entre dans un
établissement de santé, on devrait s'adresser au problème du tabagisme. Alors,
ce n'est pas juste interdire de fumer.
Alors,
notre deuxième amendement, c'est qu'on pense que tous les CIUSSS, CISSS,
établissements de santé devraient devenir
des établissements sans fumée mais on devrait offrir systématiquement du
soutien à l'abandon partout. Les fumeurs, ils sont là, ils sont surreprésentés dans les milieux hospitaliers, et,
contrairement à nos centres d'abandon du tabac, on a de la difficulté à les attirer pour qu'ils viennent
demander de l'aide et être soutenus. Ils sont là, puis on n'utilise pas ce
moment précieux où on peut commencer à les aider à devenir non-fumeurs.
Les
établissements d'éducation supérieure. On a interdit, dans beaucoup de terrains
d'école, de garderie, d'utiliser la
cigarette, mais on a oublié les établissements d'éducation supérieure.
15 % des jeunes commencent à fumer après leur secondaire, le cerveau des jeunes est en
développement jusqu'à 25 ans. Alors, bon, je pense que ça dit tout. Alors,
quand on passe du secondaire, c'est
comme si on avait un rite de passage : maintenant, vous avez le droit de
fumer. Moi, je trouve que ce n'est
pas cohérent, et c'est pour ça que moi, je crois que les cégeps — en fait, quand je dis «je», je veux dire
«nous», parce qu'on est tous partie
du mémoire — les
cégeps, les collèges, les universités... ajoutés à la liste des lieux visés
pour l'interdiction de fumer, terrains en tout temps.
Les terrains
de jeu pour enfants, un peu la même chose. On a des mesures pour que les
enfants soient protégés à l'extérieur
à peu près partout. Les terrains de jeu, il semble que c'est un endroit
agréable. Alors, de voir des fumeurs là, ce n'est peut-être pas autant par la fumée qu'un enfant va... avec
laquelle il va être en contact... quoique, ce matin, Dr Repace vous a bien dit qu'un coup de vent, ça peut vous
amener des tas de fumée très toxique dans le visage. Si on est un enfant,
on est beaucoup plus susceptible à faire des
maladies à cause de ça puis peut-être même à devenir dépendant. Alors, les
terrains de jeu me semblent être un ajout qui devrait être là, où on a une
interdiction de fumer en tout temps.
J'ai été très
surpris de voir que le projet de loi propose des normes pour des abris de
fumeurs. Les abris de fumeurs, ça a
été beaucoup de problèmes. Il y a même eu un cas de décès où un abri s'est
écrasé. Et la fumée dans un abri de fumeurs, c'est un peu comme une automobile : c'est un lieu fermé, puis, si
on a beaucoup de fumeurs, ça fait une fumée qui est d'une densité incroyable, alors c'est dangereux
pour la santé des fumeurs. S'il y a des non-fumeurs qui s'aventurent là,
c'est vraiment dangereux. Alors, moi, je ne
pense pas qu'on devrait permettre aux fumeurs ou leur dire : C'est encore
bon, c'est normal que vous puissiez aller
fumer dans un abri. Et moi, je retirerais du projet de loi le pouvoir
d'aménager des abris et des normes pour les fumeurs.
Les salons de
cigares ou de pipes à eau, on en a encore 25 qui ont un avis de reconnaissance,
et la problématique, c'est que
beaucoup d'autres établissements disent qu'eux aussi, ils ont le droit, surtout
pour la chicha, d'utiliser de la chicha. Alors, à chaque fois qu'on entre à quelque part où il y a une
chicha : Oui, oui, j'ai un permis, j'ai le droit. On ne le voit pas affiché, on ne sait pas si c'est vrai, ça crée
un gros problème. Et, encore une fois, la chicha, c'est un bon moyen pour
exposer les enfants à de la nicotine très
tôt, c'est un produit qui est dangereux, on sous-estime son danger. Alors, le
retrait des avis de reconnaissance
émis par le ministère aux 25 salons exemptés par la loi, pour nous, c'est
quelque chose qui devrait être fait.
J'arrive
finalement à la cigarette électronique. La cigarette électronique n'est pas
réglementée; accessible à tous, y compris aux jeunes. Bon, la cigarette,
d'abord, avec nicotine — je pense que c'est bien important, c'est celle-là qui compte — elle est illégale, puis son contenu est
indéterminé. On a toutes sortes de choses, on ne sait pas ce qui est sur le marché. Dans l'enquête de Montréal sur la
cigarette électronique, c'était 70 % de ceux qui l'avaient utilisée dans
les 30 derniers jours qui disaient que
c'était une cigarette avec nicotine. On sait que les élèves... on l'a
mentionné ce matin, 28 % des
élèves du secondaire au Québec ont déjà essayé la cigarette électronique, alors
c'est quand même beaucoup. Alors, il
est possible que ça rende le tabac plus attrayant et que ça fasse que des
jeunes commencent à fumer. C'est aussi possible
qu'ils deviennent simplement, entre guillemets, dépendants de la nicotine. Je
ne pense pas que c'est ce qu'on souhaite non plus.
Dans un
premier temps, il faut absolument que le gouvernement du Québec soutienne la
recherche sur les effets, sur la
santé, de la cigarette électronique, et ça, c'est dans le sens large. Ça veut
dire voir s'il y a plus de jeunes qui fument, utilisent des saveurs, même
aussi de la recherche sur l'abandon et la réduction des méfaits. Mais il faut
qu'on ait une réglementation, il faut
qu'on sache ce qu'il y a dans les produits qui sont sur le marché, et ça, c'est
vrai pour la nicotine mais aussi pour
les autres composants. Pour que la cigarette électronique puisse avoir un effet
pour aider les fumeurs, il faut qu'il
y ait assez de nicotine, mais on ne veut pas que ce soit un produit toxique.
Donc, dans ma proposition, je demandais de demander au gouvernement
fédéral... mais, moi, ce qui importe, c'est qu'on ait des normes sur ces
produits-là.
Et vous
voyez, en prochaine diapo — et ça, je suis surpris un peu que personne n'en ait parlé — ça, c'est la cigarette électronique de Philip Morris. Elle est déjà sur
le marché au Japon depuis novembre dernier. Et ça, c'est une annonce qui
vient d'un «vape shop» de Suisse qui m'a été
envoyée la semaine dernière, parce que c'est disponible maintenant depuis
le début d'août en Suisse et en Italie, et
vous voyez le dispositif qui chauffe le produit mais qui le vaporise aussi.
Alors, on ne sait pas vraiment ce qu'il y a dans ça, et c'est
certainement inquiétant.
Ma dernière
recommandation, dernier enjeu. La vapeur est beaucoup moins nocive que la fumée
du tabac, et la cigarette
électronique a un potentiel pour l'abandon du tabac et la réduction des
risques. Alors, on pense, nous, qu'une fois
que le gouvernement fédéral, ou provincial, aura établi des normes fixant les
concentrations maximales il faut que la cigarette électronique, elle demeure disponible pour les adultes qui
veulent l'utiliser. Et on a trois recommandations. On pense qu'il est
important...
Le
Président (M. Tanguay) : Dr Gervais, vous avez déjà dépassé de
3 min 30 s, alors si vous voulez vous garder du temps
pour... C'est sur le temps de la ministre, pour discuter avec la ministre.
M. Gervais
(André) : ...diapo, et j'ai
terminé. On en a trois, recommandations : interdire les saveurs qui sont
les plus attrayantes pour les
jeunes — on a
déjà idée de ce que c'est — affiche des avis de santé sur les risques des produits des cigarettes électroniques et exige des
instructions détaillées sur l'utilisation pour que les fumeurs qui vont vouloir
l'utiliser pour vapoter sachent comment faire.
• (14 h 30) •
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, du bloc d'échange de
20 minutes que vous avez avec la ministre on doit en enlever quatre,
donc il reste 16 minutes. À vous la parole, Mme la ministre.
Mme
Charlebois : Merci, M. le Président. Dr Gervais et Mme
Loughlin — c'est-u
comme ça qu'on le prononce? — ...
Une voix :
O'Loughlin.
Mme
Charlebois :
...O'Loughlin, excusez-moi, et Dre Harvey, merci d'être là, parce que ça va
enrichir nos connaissances. Jusqu'à la fin
de l'après-midi, on a des mémoires, puis je trouve ça important de prendre le
temps d'entendre tout le monde avant
de fixer nos positions, parce qu'on peut apprendre plein de choses jusqu'à la
fin de la journée, et, oui, le projet de loi va mériter des amendements. Ce
qu'on souhaite, c'est de bonifier le projet de loi, tout le monde ici, autant les députés du gouvernement que les députés
de l'opposition, alors on va écouter les mémoires jusqu'à la fin de la
journée, ensuite on va pouvoir travailler, tout le monde ensemble, pour
bonifier le projet de loi.
Ceci étant,
merci d'être venus nous rencontrer et nous exposer... J'aime la façon dont vous
avez commencé votre présentation,
parce qu'honnêtement ça touche, «maladie pédiatrique». Là, là, c'est assez
clair que ça commence jeune, les
dépendances, hein? Là, ce que j'ai compris, ce que j'ai entendu, c'est que la
fumée secondaire touche déjà les jeunes et les rend déjà dépendants,
donc potentiellement les futurs fumeurs. Est-ce que j'ai bien compris?
Mme Harvey
(Johanne) : Vous avez bien compris. Mais même avant ça.
C'est-à-dire que les études démontrent, et de plus en plus, que, même in utero, le foetus exposé à, dans le
fond, de la fumée et à la mère qui fume est déjà exposé et peut avoir des conséquences éventuelles
là-dessus, sur une éventuelle dépendance. Mais dès la naissance... je ne suis
jamais surprise, lorsque je fais les conseils
en pouponnière... parce que, oui, je suis spécialiste en médecine de
l'adolescence, mais je couvre les
gardes en pédiatrie générale et en néonatalogie. On donne toujours des
conseils, au départ, de prévention, et tout ça, et je suis toujours
estomaquée par la fameuse hotte que vous parliez ce matin, comment... en peu de
temps, j'essaie, du mieux que je peux, de
prévenir et d'enseigner aux parents comment cette fumée secondaire là a une
puissance, si on veut. Alors,
l'importance de la prévention est là, mais, comme je le dis souvent à mes
collègues médecins de famille et gynécologues, avant même que le bébé
soit né. Donc, oui.
Et un cerveau
en développement... Le Dr Gervais vous l'a montré sur la diapo, mais les études
le démontrent de plus en plus, et,
entre autres, aux États-Unis, des gens nous présentent là-dessus aussi, que le
développement... On pensait qu'à
l'adolescence... à la fin de l'adolescence, on pensait au chiffre magique de 18
ans, mais ce n'est pas le cas, on parle maintenant de 24, 25 ans, d'où, possiblement, le 20... vous disiez, à
partir de 20 ans, justement, où vous étiez surpris que les statistiques étaient toujours à la hausse. Ça
plaît à l'esprit qu'une de ces particularités-là vient justement de l'effet de
l'importance de la nicotine et la dépendance que ça crée au niveau du cerveau.
Et ce qu'on sait aussi, c'est que cette dépendance-là
à la nicotine peut nous amener à d'autres types de dépendance à d'autres
drogues aussi, ce qui est inquiétant. Donc,
la susceptibilité de notre cerveau d'adolescent, il faut en prendre soin puis
il faut prendre soin de notre génération qui s'en vient.
Mme
Charlebois :
C'est important, ce que vous dites là. Non seulement on crée une dépendance
chez l'enfant à venir et/ou l'enfant
qui est déjà là, mais on a entendu ce matin que le tabagisme magane — c'est parce que je pense toujours à la campagne Magane pas tes organes,
là — magane
les organes de toute la population, y compris les jeunes, attaque le cerveau, le développement du cerveau d'un jeune.
Ce que j'ai entendu, c'est que, honnêtement, les zones de récompense et
de stress et d'émotivité sont touchées. C'est grave, là.
Mme Harvey
(Johanne) : Avant de laisser la parole à ma collègue Jennifer,
j'aimerais dire aussi que ce qu'on ne
parle pas assez souvent... Oui, on a parlé, ce matin — Dr Arruda, entre autres — de l'asthme en pédiatrie aussi, mais
je peux être en mesure de vous dire, à titre
de clinicienne aussi travaillant avec des jeunes atteints de fibrose kystique,
atteints de maladies chroniques comme le
diabète, l'arthrite, etc., les études nous démontrent aussi qu'ils sont à
risque d'augmentation de
complications de leurs maladies plus précocement. Entre autres, dans le diabète
de type 1... tu sais, on pense que c'est loin, les atteintes
vasculaires, et tout ça, mais ils ont 30 % à 50 % d'augmentation de
morbidité et mortalité, ces jeunes-là, dans le futur, avec le diabète de type
1. Donc, ce n'est pas juste... C'est, oui, beaucoup, on le voit —ce matin, vous le mentionniez aussi, dans l'asthme,
entre autres — et, oui,
effectivement, je suis d'une tristesse lorsque
je donne congé à des jeunes avec, oui, des inhaleurs, et tout ça, pour
traiter... la cortisone, etc., mais que je sais que je laisse partir cet enfant-là ou cet adolescent-là dans un milieu
d'exposition secondaire immense. Pourquoi? Parce que, quand je rentre, en plus, dans la chambre, ça sent
la cigarette partout. Alors, même moi, je suis exposée, parce que les parents ne sont pas là pour que je puisse leur
donner les conseils, ils sont partis fumer justement à la porte de mon
établissement.
Je laisserais Jennifer vous parler plutôt de
l'impact, là, justement, au niveau...
Mme O'Loughlin (Jennifer) : O.K.
(Interruption) Je m'excuse, je pense que je fais
un petit peu de l'asthme, moi.
Ça me fait
penser aux deux études qu'on a faites chez nous, et ce sont des études qui ont
été faites chez les jeunes qui n'ont
jamais fumé, c'est-à-dire, les jeunes de 10 à 12 ans dans la première
étude puis je pense que c'est 12 à 13 ans dans la deuxième étude. Ils n'ont jamais eu le «nicotine delivery
device» dans la bouche, O.K.? Puis on a posé des questions pour mesurer la dépendance à la nicotine chez les
jeunes. C'est un peu un défi. Comme n'importe quelle mesure, il faut prouver la validité, la fiabilité, et tout ça. On
a utilisé les très bonnes mesures avec ces jeunes. Ils comprennent les
questions; aucune question. On a fait
des «focus groups», etc. On a trouvé que 5 % de ces jeunes... Il y a eu,
dans le premier échantillon, 1 400;
puis, dans le deuxième, je pense que c'était 2 000 quelque chose. Puis,
dans le premier, 10 à 12 ans, 5 % des enfants rapportent des symptômes de dépendance à la
nicotine. Dans le deuxième, c'était un petit plus âgé, 7,8 %. Quand on a
investigué c'est quoi, les facteurs qui
prédisent ça, c'est surtout les jeunes qui vivent dans les familles où il y a
les fumeurs et aussi le fait de
voyager dans une automobile où il y a des personnes qui fument. Donc, «you
know», je pense que c'est une illusion maintenant de penser que, «you know», les seules personnes
qui peuvent avoir des expériences de symptômes de dépendance, c'est les gens qui mettent la cigarette dans la bouche.
Nos enfants ont des expériences de la dépendance, puis, pour moi,
j'aimerais ne pas voir ça.
Mme
Charlebois : Il serait souhaitable... On a eu une petite
fille ce matin, là, une jeune fille, là, une adolescente, qui est venue nous faire un témoignage, puis,
elle, son rêve, c'est qu'on ait une génération sans fumée éventuellement.
Mais pour ça il va falloir que les adultes
se prennent en main, parce qu'on est des modèles pour eux, hein? Et,
honnêtement... moi, je vous le dis,
là, j'ai entendu plein de choses, j'ai entendu les dépendances, mais, quand on
commence à parler... quand on dit
«tous les organes»... puis là on est allé dans le cerveau, c'est quelque chose
qui est inquiétant. Je pense que, si
tous les gens avaient entendu ce qu'on a entendu depuis cinq jours, il n'y a
plus grand monde qui fumerait, honnêtement. Comment on peut continuer de plaider, comme la compagnie de tabac qui
est venue ici... Je ne sais pas comment ils font, mais, en tout cas, ils
l'ont fait.
Parlons
donc des chambres fumeurs dans les établissements. Vous nous avez parlé de ça
et vous souhaitez qu'il n'y en ait plus, sauf dans les CHSLD.
M. Gervais (André) : ...les chambres fumeurs, je pense qu'elles devraient être interdites
partout, c'est les fumoirs que
je pense qu'ils pourraient rester en CHSLD, en exception, par compassion.
D'abord, les chambres fumeurs, c'est très difficile à gérer. Ils sont
censés les mettre toutes ensemble et, s'il y en a une un peu partout... On a
entendu ce matin comment la fumée de tabac,
elle passe partout, on est exposés. Et, en plus de ça, ce n'est pas
seulement les patients, c'est les travailleurs
de la santé. Et, au cours des années, moi, j'ai reçu plein d'appels de
travailleurs de la santé, même qui vont faire des visites à domicile des fois, qui se plaignent puis qui
disent : Qu'est-ce que je peux faire pour ne pas être exposé, ça fume tout le temps? Et je n'ai pas beaucoup de
réponses à leur donner, là. Alors, c'est inéquitable et pour les patients
non-fumeurs et aussi pour les travailleurs de la santé.
Les
fumoirs; c'est très difficile d'installer un fumoir qui fonctionne. La loi, elle
prévoit que c'est un fumoir avec pression
négative qui a une porte qui se ferme automatiquement. Le service d'inspection,
ils ont vu qu'ordinairement ce n'est
pas respecté, les fumoirs ne sont pas conformes. Souvent, les portes sont
ouvertes, il y a de la fumée qui s'échappe. Alors, c'est pour ça que je pense que, s'il reste des fumoirs, il faut
qu'ils soient selon les règles, mais il devrait y avoir seulement ça,
puis seulement en CHSLD, en compassion. Et, à part ça, je pense, ça devrait
être éliminé totalement.
Mme
Charlebois : Mais ce que vous souhaitez en même temps, c'est
qu'il y ait des programmes d'abandon du tabagisme, du coup, implantés, parce que le patient qui arrive... Moi,
je pense à mon père. Quand il est arrivé à l'hôpital pour fin de vie, parce qu'à l'époque on n'avait
pas de maison de soins palliatifs dans notre région, bien, même s'il était en
train de mourir d'un cancer du poumon, la
dépendance était tellement forte qu'à l'occasion il me demandait :
Descends-moi en bas, je veux aller fumer, et il n'y arrivait pas en
plus, tu sais.
Mais
tout ça pour vous dire que, si on réglemente, c'est : pas sur le terrain,
il n'y a plus de fumoir, il n'y a plus rien,
donc, il va falloir aider les gens, parce que ce n'est pas tout du monde en fin
de vie, là, il y en a qui se font opérer pour le foie ou pour toutes
sortes d'affaires.
• (14 h 40) •
M. Gervais (André) : Là, on parle de pour tous les établissements de santé. Et on fait déjà
ça, il y a beaucoup d'hôpitaux à
Montréal... et vous allez avoir Dr Alain Desjardins cet après-midi qui va vous
venir vous parler, qui a un programme extraordinaire à Sacré-Coeur, et
l'idée, c'est que, quand quelqu'un entre à l'hôpital, qu'il est fumeur, il faut qu'il soit identifié et il faut tout de suite
qu'on lui offre des thérapies de remplacement de nicotine, s'il ne peut pas
fumer, pas pour le faire cesser de fumer,
mais pour éviter qu'il soit en sevrage quand il entre à l'hôpital. Parce qu'il
y a beaucoup de patients, ils sont
tellement inconfortables ou... Si vous fumez deux paquets par jour ou même un
paquet, vous rentrez à l'hôpital,
vous ne pouvez pas fumer, c'est l'enfer. Alors, qu'est-ce que vous faites? Vous
trouvez un moyen de vous sauver pour
aller fumer à l'extérieur ou vous avez un préposé qui va vous amener, avec tout
ce que ça implique de trouble.
Alors
donc, il faut d'abord leur donner quelque chose pour les aider à ne pas avoir
le sevrage puis tout de suite commencer la démarche pour les aider à
cesser de fumer et...
Mme
Charlebois :
Est-ce que c'est déjà comme ça?
M. Gervais (André) : Il y a beaucoup d'hôpitaux qui sont déjà comme ça
à Montréal. On a eu, je pense, au cours des 10 dernières années, une dizaine d'hôpitaux... Dr Desjardins va
pouvoir vous donner un témoignage là-dessus tout à l'heure, parce qu'il
va aussi parler de l'Institut Albert-Prévost, qui devient sans fumée, là.
Mme
Charlebois :
Oui. Puis on a eu Pinel, puis il y a un centre jeunesse...
Une voix :
...
Mme
Charlebois :
Vous savez que, dans les centres jeunesse, qui relèvent aussi de ma
responsabilité, ce que j'ai appris, c'est qu'il y a plus de fumeurs à la
sortie que quand ils sont arrivés.
Mme Harvey
(Johanne) : J'ai demandé à ma collègue qui travaille au centre
jeunesse, parce qu'on est deux à couvrir
un peu les soins aux adolescents... et puis on a deux centres jeunesse, dans le
fond, un au Lac-Saint-Jean, un à Saguenay. Donc, celui à Saguenay, il y a environ une
cinquantaine de jeunes, 70 % sont fumeurs, mais 40 %, en général,
selon leurs statistiques, initient la
cigarette durant leur séjour en centre jeunesse. Donc, c'est quand même
impressionnant. On leur permet dans
ce qui n'est pas fermé, là, dans le... ceux qui ne peuvent pas sortir ne
peuvent pas sortir, mais, ceux qui
ont la possibilité de sortir, on leur permet cinq cigarettes par jour,
accompagnés d'un éducateur qui souvent ou la plupart du temps va également, malheureusement, fumer avec
le jeune qu'il supervise. Et la seule autre règle qu'ils ont, du moins dans mon secteur, c'est que ces cigarettes ne
soient pas aromatisées mais... et ni de cigarettes électroniques pour l'instant.
Mais c'est quand même inquiétant, là, de
savoir effectivement que des jeunes déjà en situation, si on veut, fragilisés
au niveau, si on veut, entourage
psychologique, etc., sont exposés puis, en plus, ressortent avec cet
instrument, comme on a dit ce matin, pour la mort éventuelle.
Mme
Charlebois :
On a eu un témoignage d'une dame ce matin. Il y a 50 ans, de temps à autre,
quelqu'un nous disait : Ce n'est
pas bon, fumer. Aujourd'hui, on sait que ce n'est vraiment pas bon, on sait que
ça amène le cancer, on sait ces
choses-là. Est-ce que les gens sont sensibilités au fait que les adolescents...
et jusqu'à l'âge adulte, 25 ans, les cerveaux sont touchés? Est-ce que
c'est connu, ça, dans la population?
Mme
O'Loughlin (Jennifer) : Moi,
quand on fait les projets de recherche, on va dans les écoles secondaires,
puis on donne des discours aux élèves puis
on dit, «you know», qu'est-ce qui se passe avec la fumée une fois que tu as
inhalé ça dans le corps, puis : Ah! ça
va dans les poumons. Puis ils n'ont aucune idée que ça rentre dans le cerveau,
que ça change qu'est-ce qui est, «you
know», les centres... ça «activate» les centres spécifiques dans le cerveau. Il
y a un manque de connaissances sur la biophysiologie de qu'est-ce que la
nicotine fait.
Puis il y a
aussi une autre chose, c'est les façons qu'on métabolise la nicotine, c'est
très important, il y a beaucoup d'études
là-dessus, si on a les métabolisateurs lents ou normaux, O.K., et ça dépend sur
la génétique. Tous les systèmes, tout
ce qui se passe dans le cerveau, dans le corps, et tout ça, il y a une base
génétique à ça. Quand on a la base génétique puis l'environnement, quand il y a les interactions, c'est ça qui cause
les risques, et tout ça. Qu'est-ce que je voulais dire? Je pense que je voulais dire que, dans notre
population, il y a les gens qui sont très, très, très à haut risque à cause du
profil génétique, à cause de la neurophysiologie, à cause de la
biologie, à cause de l'environnement social.
Les jeunes à
risque modéré puis les jeunes qui peuvent fumer des cigarettes, dans nos
études, 72 % des jeunes qui essaient
la cigarette ne font pas la progression, ils n'ont pas ces profils de risque.
C'est les 28 %, 30 %, puis... il nous dit : C'est 50 %. C'est ce sous-groupe-là que, si
j'ai un outil magique où je peux dire : Bon, c'est vous qui êtes à
risque... «you know», il faut faire quelque chose, des approches à haut
risque. Parce que, maintenant, toutes nos approches — santé
publique, la loi, et tout ça — ce sont les approches populationnelles. Ça
touche tout le monde, et tout ça. Mais là il y a un sous-groupe, je suis convaincue... je pense que
mes collègues sont convaincus que ce sous-groupe à risque génétiquement,
«neurobiologically» puis d'une façon sociale, ça, c'est le groupe avec lequel
il faut travailler.
Le Président (M. Tanguay) : Un
dernier mot, Mme la ministre?
Mme
Charlebois :
Je vais laisser mes collègues... mais j'aurais aimé ça vous entendre parler de
menthol, parce que je comprends que les compagnies de tabac ont intérêt
à aller sur les groupes à risque, notamment chez les jeunes.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je dois maintenant céder la
parole à notre collègue de Rosemont pour une période de 12 minutes.
M. Lisée :
Merci infiniment, Dr Gervais, et vous tous, d'être là.
Dre O'Loughlin, Dre Harvey, merci. Écoutez, on est à la fin d'un
certain nombre de jours de présentation, donc on a couvert beaucoup de terrain.
Effectivement,
comme l'a dit la ministre, vous apportez un éclairage nouveau sur ce qui est
l'impact sur le cerveau, puis
effectivement les dernières connaissances... J'ai entendu parler de ce
débat-là, d'ailleurs, sur la responsabilité criminelle jusqu'à 25 ans. Est-ce
que, jusqu'à 25 ans, on sait vraiment... Normalement, on dit : L'âge de
raison, c'est à sept ans. Si tu as un
fusil puis tu tires, quelqu'un va mourir, tu devrais le savoir. Alors, il y a
tout un débat sur la déresponsabilisation ou la réalité du développement du cerveau, puis, comme vous l'avez noté tout à
l'heure, j'étais frappé de voir qu'il y a eu une stabilité de 30 %
de fumeurs dans le groupe de 20 à 35 ans. «They should know better, doctor.»
Maintenant,
quand on dit que le cerveau de l'enfant se développe... et du jeune adulte,
jusqu'à 25 ans, il n'en reste quand
même pas plusieurs... tu sais, il doit avoir 98 % qui est développé à 20
ans puis il lui en reste 3 % à... Qu'est-ce qu'on sait, là, de ce
qui manque, disons, entre 18 et 25 ans? Quel est l'état de la science
là-dessus?
Mme Harvey
(Johanne) : En fait, ce qu'on découvre, je dirais, avec les
années... parce que, comme vous disiez tout
à l'heure, ça fait 50 ans, hein, qu'on voit des nouvelles sciences arriver
là-dessus, mais là, en fait, ce qui est nouveau pour nous aussi dans les dernières années, c'est, dans le fond, la façon
dont se développe le cerveau et dans quels secteurs en premier et lesquels en dernier. Alors, ce qu'on
découvre, c'est surtout que tout ce qui est en frontal, comme on dit, en avant,
où le front, c'est les dernières parties qui semblent, au niveau du
développement, arriver. Alors, c'est tout ce qui implique, là, l'impulsivité, le potentiel de décision, etc. Donc, si
on veut me rendre dépendante à la nicotine, mais, en plus, mon pouvoir ou ma capacité de décision,
ou quoi que ce soit, est un peu, si on veut, pas encore mature, bien ça
me met encore plus à risque de poursuivre mon...
M. Lisée : ...ils ne le
voient pas parce qu'on n'est pas à l'écran. Donc, c'est le contrôle...
Mme Harvey (Johanne) :
...bleu à gauche, en haut.
M. Lisée : ...oui, le
contrôle de l'inhibition.
Mme Harvey (Johanne) : De
l'inhibition, exactement.
M. Lisée :
Alors, moi, j'ai une fille de quatre ans qui veut tout tout de suite, donc,
elle n'a pas appris que ça ne sera
pas tout de suite, O.K., et, même si elle comprend que ça ne se peut pas que ça
soit tout de suite parce qu'on n'est pas arrivés encore, elle continue à
le dire, alors il lui manque donc la gestion de...
Mme Harvey (Johanne) : Vous
en avez encore pour 21 ans.
M. Lisée :
Oui, c'est ça. J'espérais seulement 14. Alors, c'est la mauvaise nouvelle de la
journée. Alors donc, c'est la
capacité de dire non ou de comprendre qu'il y a des choses qui ne se font pas
ou de comprendre les conséquences de
nos gestes. Mais je reviens à ma question. Donc, évidemment, il y a de
l'inhibition qui se développe à partir de l'âge de raison et même avant.
Donc, qu'est-ce qui manque dans les dernières années, est-ce qu'on le sait, ça?
• (14 h 50) •
Mme Harvey
(Johanne) : Le pourcentage, on ne le connaît pas exactement,
mais, je vous dirais, par expérience clinique
de quelques années maintenant, je disais souvent aux parents pour les jeunes
qui avaient certains facteurs de risque, ce qui n'est peut-être pas l'état de votre jeune actuellement... mais ce
que je disais souvent : Écoutez, moi, je vais le suivre, votre jeune, jusqu'à 18 ans, mais ne craignez
rien, on va continuer, jusqu'à 21 ans, à voir son potentiel; j'en ressens
un, il y a une flamme, il y a quelque
chose. À 23 ans, vous allez vraiment être un peu soulagés, mais, à 25 ans, vous
allez le savoir.
Et je n'avais
pas nécessairement toute cette science-là, mais c'est un peu le développement
que j'ai pu voir chez des jeunes qui
ont un bon potentiel mais qui parfois, autour d'eux... ou ont certains facteurs
de risque, mais avec, si on veut, une
prévention autour soit par du personnel que ce n'est pas nécessairement
médical, mais des gens autour pour les supporter, ils vont finir par
avoir une meilleure qualité de vie, si on veut.
Pour
l'initiation au tabac, clairement, les deux principaux facteurs de risque qui
sont connus, c'est le tabagisme parental
et la dépendance de mes parents au tabac. Donc, les deux ont rapport à nos
parents adultes. Donc, il faut aussi énormément
travailler sur cette perspective-là de cessation tabagique chez l'adulte pour
pouvoir aussi aider nos jeunes. Donc,
le projet de loi... merveilleux, mais il faut aussi penser à tout l'impact
qu'on fait de par le rôle de modèle de ses parents.
M. Lisée :
Évidemment, là, la disposition, qui n'est pas contestée, d'interdiction de
fumer dans une voiture pour des enfants jusqu'à 16 ans... Pourquoi on
dit «16 ans»? Pourquoi est-ce que ça ne serait pas 18 ans?
Mme Harvey
(Johanne) : ...effectivement, un de mes questionnements
personnels. En fait, premièrement, j'ai très hâte d'assister à mon conseil d'administration de la Société
canadienne de pédiatrie pour dire qu'enfin maintenant le Québec va joindre les autres provinces pour le
tabac en véhicule. Je vous dis — je suis un peu gênée, parce qu'on publie
aux deux ans : En faisons-nous assez?
Et puis, à chaque fois, bien nous, on n'a pas fait ça encore. Le 16 ans, je
suis d'accord avec vous,
personnellement, ce serait 18 ans. Mais, bon, il semble que le jeune à 16 ans
peut conduire, mais il peut ne... tu
sais, il serait passager à 16 ans, mais, en tout cas, la fumée... il serait...
en tout cas. Moi, personnellement, c'est 18 ans, comme bien d'autres
provinces, mais, bon, je laisse, si on veut, le côté législatif, et autres,
regarder ça, mais, de toute manière, on ne devrait pas fumer, ni l'adulte ni le
jeune, exactement.
Mme
O'Loughlin (Jennifer) :
...je peux ajouter quelque chose. Vous savez probablement qu'aux États-Unis ils
enlèvent l'âge pour acheter les cigarettes,
il y a des mouvements pour que ça soit 21 ans, puis c'est exactement à cause
du fait qu'il y une neuroplasticité dans les
cerveaux de jeunes, et c'est pour un peu avoir un délai dans le temps où les
jeunes commencent. Puis nous venons de finir
une étude qui est sous revue actuellement dans laquelle on a comparé les
jeunes qui ont commencé à 14 ans — c'est de 13 à 14 — avec les jeunes de 15, 16 ans, O.K.? Puis on
a mesuré le temps que ça a pris pour
rapporter les symptômes de «craving», parce que le «craving», dans l'histoire
naturelle de la dépendance, c'est un
des symptômes qui apparaît en premier, avant le «withdrawal», beaucoup avant
sans cigarette, et tout ça. Puis, même
avec nos instruments de mesure, que moi, j'appelle «clunky», puis même seulement
avec trois mois entre chacune des mesures, on a observé une différence
entre 14 et 16 ans.
Les jeunes de
14 ans rapportent les symptômes de «craving» beaucoup plus tôt que les jeunes
de 16 ans. Puis moi, j'étais un peu
choquée même, moi, une chercheuse, parce que je pense que, «you know», le fait
de capter cette différence avec ce
type de données, ça dit que c'est un vrai problème. Puis je doute beaucoup que
ce n'est pas seulement à 14 à 15; je pense que c'est un continuum,
probablement jusqu'à un âge de 25, 26 ans.
M. Lisée : Aux États-Unis,
donc, l'âge légal pour l'alcool, c'est 21 ans depuis très longtemps, ce qui
fait la fortune des bars montréalais. On a
beaucoup de New-Yorkais et de Bostonnais qui viennent, alors je ne voudrais pas
changer ça. Et l'alcool est nocif
mais ne crée pas une dépendance aussi forte que la nicotine, hein, c'est un
continuum. Ce que vous nous dites,
c'est qu'on devrait interdire la vente de tabac jusqu'à 21 ans si on voulait
s'approcher de la fin des inhibitions. Mais
c'est la même chose pour la loterie. Je veux dire, si quelqu'un à 18 ans n'a
pas la capacité de dire non, de voir la conséquence, bien, à la loterie, c'est la même chose. Parce que moi, je
suis favorable à ce qu'on ait un régime identique pour
la loterie, l'alcool, et le tabac pour le cartage, par exemple, mais, si on
suit votre logique, là on irait dans cette direction-là, de 21 plutôt que 18.
Mme Harvey
(Johanne) : On pourra revenir pour ce projet de loi.
M.
Lisée : Vous savez, la difficulté de... la difficulté
parentale, on dit qu'en fait la période la plus difficile pour les parents d'âge des enfants, c'est la
quarantaine. C'est le premier divorce, et puis tout ça, c'est ça qui est la
difficulté.
Vous allez plus loin
que plusieurs autres dépôts de mémoire et vous mettez les établissements
d'éducation supérieure. Il y en a beaucoup
qui ont dit «cégeps», mais vous, vous mettez «universités». Alors, sur le
campus de l'Université de Montréal,
Sherbrooke, McGill, on ne pourrait pas, nulle part sur le campus, fumer une
cigarette. Vous pensez que ça passerait? Vous êtes des universitaires.
M. Gervais (André) : Moi, je vous dis : Pourquoi pas? C'est vraiment ça, avec tout ce
qu'on vient de vous dire. C'est
jusqu'à 25 ans où on commence à... on commence à fumer, et c'est un fait que ce
groupe d'âge là, là, qui se rend jusqu'à 30 ans, où on voit qu'il y a
beaucoup de fumeurs, puis ça ne change pas... Alors, pour moi, c'est important
de l'interdire à ce moment-là aussi.
Expérience
personnelle, aussi, intéressante : il y a... je pense que c'est après la
première Loi sur le tabac, on interdisait
les publicités partout, et puis, sur le campus de l'Université de Montréal, il
y avait des pleines pages de publicité sur le tabac...
Une voix :
...
M. Gervais (André) : ...parce que c'était comme un endroit où on avait décidé de cibler ces
groupes-là, et à ce moment-là j'étais
avec le Conseil québécois, on avait même écrit des lettres et manifesté qu'on
pensait que ce n'était pas une bonne
idée de continuer toute la publicité dans le milieu universitaire. Et je ne
peux pas vous dire, là, vraiment où ils en sont rendus. Il me semble qu'on a réussi à ce qu'ils abandonnent
cette publicité-là. Il est clair qu'ils ciblaient l'université. Et il y a toutes sortes d'histoires, dans les
universités, sur des initiations où il y a de l'alcool, il y a toutes sortes de
choses qui sont fournies par...
M. Lisée :
...d'alcool. Absolument, oui.
M. Gervais (André) : Oui. Écoutez, les jeunes, je pense qu'ils sont encore en maturation,
là, puis là on l'a prouvé, là,
scientifiquement, le cerveau, il est encore en phase de maturation puis il
n'est pas encore capable de faire toutes les décisions éclairées; bien,
on met le paquet là. Alors, pourquoi est-ce qu'on permet que les jeunes
puissent fumer? Le message, c'est de leur passer que ce n'est pas bon pour eux
non plus.
M. Lisée :
Mais rien n'empêche une université en ce moment de se déclarer zone sans fumée.
Est-ce qu'il ne serait pas préférable...
Parce que moi, je ne suis pas timide, là, vous avez peut-être remarqué, dans
les mesures antitabac, mais je sais
que, dès qu'on touche le milieu de jeunes adultes, la question de la liberté
individuelle puis de l'autodétermination est très forte, et on ne veut pas non... en tout cas. Donc, il faut en
discuter. Et vous parlez des jeunes dans la jeune vingtaine qui sont
dans les universités. L'immense majorité des jeunes dans la jeune vingtaine
sont au travail, dans des lieux de travail,
et est-ce que ce ne serait pas une bonne idée peut-être, dans un premier temps,
de faire une campagne, déclarer votre
université, votre entreprise lieux sans fumée? Et puis ça serait relativement
facile de faire en sorte que les universités soient les premières à le faire. Puis là, tu sais, on veut généraliser
les lieux sans fumée. C'est une idée que je vous soumets.
M. Gervais (André) : Il y a 30 ans, c'était dans les hôpitaux que je faisais cette
campagne-là pour avoir des lieux sans
fumée, et puis le seul moyen que j'ai réussi à les avoir, c'est quand vous avez
passé la loi en 1986. Et j'ai passé trois ans en comité, en rencontre, j'ai rencontré beaucoup de personnes que je
connais encore et que j'aime beaucoup, là, ça a été une bonne occasion de rencontrer des collègues.
Mais, à moins que vous traciez le chemin puis que vous disiez : Écoutez,
dans notre société, ce qui est normal, c'est de ne pas fumer, ça ne se passe
pas parce que, là, à ce moment-là, chaque établissement doit le faire.
Même chose pour les
établissements de santé. Là, si vous ne dites pas : On ne fume plus sur
les terrains extérieurs, bien là on va faire
des comités puis des rencontres comme on a fait avec le Centre jeunesse de
Montréal. Ça nous a pris au moins
deux, trois ans avant qu'ils fassent ce qu'ils font actuellement. Ils sont
venus vous présenter un beau témoignage.
M.
Lisée : ...ce serait d'augmenter la cotisation salariale du
fonds des soins de santé, donc patronale, pour ceux qui refusent de se
déclarer sans fumée. Il y aurait, à ce moment-là, une incitation forte...
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous cédons maintenant la
parole à notre collègue de Lévis pour huit minutes.
• (15 heures) •
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur, bienvenue, merci d'être là.
Il y a beaucoup de choses, oui, qui
se sont dites depuis le début. Mme Harvey disait : Je suis gênée. Hein,
vous disiez : Je suis gênée de voir
qu'on n'interdise pas aux gens de fumer dans un habitacle, dans un véhicule
automobile, en compagnie de jeunes.
Puis,
en même temps, allons plus loin : c'est gênant de voir des gens qu'on est
obligés d'autoréglementer... ou de
réglementer, plutôt. Tu sais, de voir un papa qui va conduire les jeunes à la
pratique de hockey du samedi matin en fumant
dans la voiture, en faisant faire du sport aux jeunes, c'est vrai que c'est...
et ça aussi, c'est gênant. Qu'est-ce
qui fait... Expliquez-moi, parce que
vous avez poussé très loin l'analyse. Les parents fumeurs ou les fumeurs, en
tout cas ceux que je rencontre, me
disent : On comprend très bien ce que vous nous dites là depuis toutes ces
heures-là. Ils comprennent très bien
l'incidence sur la santé, le danger pour les proches. Ils le comprennent, et
c'est ce qu'ils nous disent souvent : On n'est pas fous, on le
sait.
Est-ce qu'il
faut que je comprenne que cette dépendance à la nicotine dont vous me parlez
est à ce point puissante qu'au-delà
de ce qu'on sait faire puis le mal qu'on se fait puis qu'on fait aux autres on
ne peut pas s'en sortir? C'est à ce point-là? Est-ce qu'on parle là
d'une des substances les plus addictives que l'on connaisse?
M. Gervais (André) : Je pense qu'on
va tous dire oui. On n'a pas beaucoup de dissidence là-dessus.
Mme Harvey (Johanne) : Le Dr
Arruda avait mis la table ce matin là-dessus, mais oui.
M. Paradis
(Lévis) : Alors, il faut
forcer les gens, on n'a comme pas le choix dans ce domaine-là. À tous ceux
et celles... parce que vous savez que dans tout ce qui se dit...
Mme Harvey
(Johanne) : ...que les autres provinces qui l'ont fait, entre
autres, dans les véhicules automobiles, bien, oui, ça démontre... c'est
malheureux, mais actuellement, oui, les lois, les taxes, c'est des outils qui
sont utiles et nécessaires actuellement dans
notre société, oui, mais, entre autres, parce que le pouvoir de dépendance
important de cette substance-là...
M. Paradis
(Lévis) : Je suis la logique
et je profite du fait que vous soyez là parce qu'on est écoutés. Il y a des
gens qui, au terme de l'exercice, vont dire
«vous allez trop loin» ou «ça n'a pas de bon sens» ou «laissez-nous vivre,
arrêtez de nous montrer du doigt». Vous l'avez entendu 1 000 fois
comme moi.
Alors, je
profite du fait que ces gens-là écoutent peut-être pour comprendre, à travers
vos paroles, l'importance de ce dont
on discute ici, donc la dépendance. Dans les études que l'on fait, lorsqu'on
sort des statistiques et qu'on dit que,
chez les jeunes de 12-17 ans, par exemple, x pour cent, puis c'est déjà très
élevé, l'ont déjà essayée, la cigarette, ou la cigarette électronique... ou dans les derniers 30 jours, est-ce qu'on a
réussi à ventiler ces statistiques-là et ces pourcentages-là? Et je m'explique. Est-ce que de ces jeunes-là que
l'on a ciblés comme étant des fumeurs débutants... est-ce qu'ils sont
issus de familles où ça fume?
Mme
O'Loughlin (Jennifer) :
...que, dans notre étude qu'on a faite à Montréal, Nicotine Dependance in
Teens, qu'il y a des jeunes Québécois...
on les a suivis pendant 13 ans, on a commencé à 12, 13 ans, puis on voit que,
jusqu'à 24 ans, 66 % vont
essayer la cigarette, O.K., 66 %, mais, parmi ce groupe-là, il y a des
sous-groupes, il y a des sous-groupes qui
vont essayer une fois puis laisser, ils vont essayer deux, trois, quatre fois.
Ce sont des jeunes qui ne progressent pas, il n'y a pas une «escalation»
dans leur tabagisme.
Mais il y a
28 % à 30 %... pense que c'est 50 %, qui sont les jeunes qui
vont faire une «escalation» à cause des facteurs génétiques, à cause des facteurs neurobiologiques puis à cause
des facteurs environnementaux. Puis André nous a dit qu'il y a 6 %
parmi le 30 % qui sont «love at first sight», puis moi, je pense que ce
sont les gens où ils étaient en «exposure in
utero» puis après c'est une «exposure» à la maison, école élémentaire, école
secondaire, «they're primed». Eux
autres, leurs cerveaux sont prêts à aller... Puis, une fois qu'ils ont le
«nicotine delivery device» dans leur bouche, ils disent : Moi, je
suis chez moi, j'ai trouvé qu'est-ce que j'ai besoin de...
M. Paradis
(Lévis) : C'est le groupe à
risque que vous identifiiez tout à l'heure sur lequel on devrait intervenir
davantage.
Mme
O'Loughlin (Jennifer) : Très
à risque. Mais moi, je pense que c'est le 25 %, 30 % qui vont devenir
des fumeurs, à long terme,
«sustained», avec une dépendance à la nicotine. Parmi ce groupe, il y a un
groupe très, très, très à risque pour ces raisons-là.
M. Paradis
(Lévis) : Je profite de
votre science également. Vous me parlez de nicotine et de dépendance, et là
il y a des fumeurs qui nous diront... puis
je m'adresse à eux, là, il y a des fumeurs qui disent : Bien, moi, O.K.,
je vais tomber dans la cigarette
électronique, j'enlève tous les produits qui risquent de me coûter la vie,
parce que la nicotine, ce n'est pas
dangereux. Il n'y en a pas, de danger pour la santé, sinon que ça va changer,
par exemple, dans la formation du cerveau, des zones dont vous me
parlez, ou etc.
Est-ce qu'il y a un danger, outre la dépendance
au produit, à la santé pour quelqu'un qui décide de fumer, par exemple, une
cigarette électronique avec de la nicotine, se disant : Bien, j'évite le
cancer?
M. Gervais
(André) : Votre question est
très large, là. D'abord, vapeur avec une cigarette électronique : beaucoup
moins dangereux que fumer avec le tabac. Ce
n'est pas une vapeur pure de nicotine actuellement. C'est un produit qui
a encore des risques plus élevés que la
nicotine pure ou à peu près pure qu'on a dans nos timbres de nicotine, nos
gommes ou nos pastilles. J'ai des
patients... j'en ai même qui, depuis 12 ans, prennent des gommes de nicotine,
et on n'a pas d'étude qui montre qu'il y a des risques à long terme de prendre de ces
produits-là, qui sont de la nicotine à peu près pure. Alors, on n'a pas beaucoup d'études, mais au moins on n'a
pas beaucoup d'évidences. Alors, la nicotine seule, ce n'est pas ça qui
cause toutes les maladies reliées au tabac, c'est les 7 000 autres
produits, là. Alors donc, c'est une chose.
Actuellement,
la cigarette électronique, un produit où on n'a pas... on ne connaît pas le
contenu, il n'y pas juste de la
nicotine. Il y a encore des produits cancérigènes — formaldéhyde, nitrosamines — là, qu'on vous a montrés dans les autres sessions. Le produit que je vous ai montré,
iQOS, c'est un produit du tabac, il en a probablement encore plus. C'est
pour ça qu'avant d'utiliser la cigarette
électronique on a besoin de normes pour savoir combien il y a de nicotine mais
aussi combien il y a de certains de ces autres produits.
Puis je peux
aller plus loin dans ma réponse : la cigarette électronique, actuellement,
ce n'est pas un traitement reconnu médicalement pour le traitement pour
faire cesser les gens de fumer.
M. Paradis (Lévis) : Est-ce que ça
devrait l'être?
M. Gervais (André) : Ça va peut-être
le devenir avec la recherche qu'on va avoir.
M. Paradis (Lévis) : Parce que de
vos collègues vantent les mérites de cette cigarette-là pour...
M. Gervais
(André) : Oui, mais ils le
vantent, et ce n'est pas un traitement reconnu. Et personnellement — j'ai ma clinique de fumeurs — j'ai des fumeurs qui vont prendre la
cigarette électronique seulement après qu'on va avoir tout essayé et
j'en ai qui ont cessé, j'en ai beaucoup plus qui utilisent les deux en même
temps : ils prennent la cigarette électronique,
la cigarette conventionnelle. Peut-être que ça va mener à l'arrêt complet du
tabac. Et, quand ils vont avoir arrêté
complètement le tabac, s'ils prennent juste la cigarette électronique, c'est
moins dangereux, mais ce n'est pas comme mes gommes de nicotine. C'est encore des produits qui ont un risque plus
élevé que de la nicotine toute seule. Alors, il va falloir attendre pour
pouvoir dire que c'est le traitement reconnu et qu'on peut le recommander.
M. Paradis
(Lévis) : On a parlé de
salons de cigares, il n'y a pas bien, bien longtemps, et de chichas, des gens
pour dire... dans des salons de cigares, le cigare roulé avec la feuille de
tabac, pour certains qui l'utilisent, ils disent : Il n'y en a pas, de problème. Le petit cigarillo, là, où il y a plein de
produits... mais le cigare roulé, la feuille de tabac pur, il n'y en a
pas, de problème. Ils ont raison ou ils ont tort?
Le Président (M. Tanguay) : En
quelques secondes, s'il vous plaît.
M. Gervais
(André) : Tous les produits
du tabac ont des risques, et, si on inhale le cigare, c'est aussi... tu sais,
ils sont tous risqués. Alors, ce n'est pas
des produits à bas risque. S'il y a des produits qui ont moins de risque, c'est
de la nicotine, là, comme dans la
vapeur, qui va avoir beaucoup moins des autres produits. Pour moi, chichas,
cigares, cigarillos, c'est tout de la fumée, alors c'est tout dangereux,
il n'y a pas de bas risque à ça.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Nous vous remercions beaucoup pour votre présentation.
Je suspends nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 8)
(Reprise à 15 h 14)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous
poursuivons nos travaux. Nous accueillons maintenant les représentantes, représentants de la Fédération des
médecins spécialistes du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période
de 10 minutes de présentation et par la suite vous aurez l'occasion
d'échanger avec les parlementaires.
Peut-être prendre le soin de bien vous nommer, préciser vos fonctions, et la
parole est à vous.
Fédération des médecins
spécialistes du Québec (FMSQ)
Mme Francoeur
(Diane) : Merci, M. le
Président. Alors, M. le Président, Mmes et MM. les parlementaires, je me présente, mon nom est Dre Diane Francoeur, je
suis présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Je
suis accompagnée aujourd'hui de la Dre Isabelle Samson, présidente de
l'Association des médecins spécialistes en santé
communautaire du Québec; du Dr Richard Bélanger, représentant de l'Association
des pédiatres du Québec; et du Dr Alain Beaupré, président de
l'association des pneumologues du Québec.
M. le
Président, à notre avis, le projet de loi n° 44 s'inscrit dans une suite
logique d'évolution et de nécessaire adaptation
à la loi. C'est pourquoi la fédération et ses associations médicales affiliées
accueillent favorablement le dépôt de
ce projet de loi renforçant la lutte contre le tabagisme. Aussi, cette pièce
législative vise à améliorer l'environnement de tous, et ce, dès le plus
jeune âge, et nous nous en réjouissons.
Nos
commentaires porteront spécifiquement sur les nouvelles mesures introduites par
ce projet de loi, vues sous l'angle des spécialités médicales ayant
collaboré à la rédaction de notre mémoire.
D'emblée, nous souscrivons pleinement
aux sept principales mesures qui sont contenues dans le projet de loi
n° 44, c'est-à-dire l'article
2, portant sur l'assimilation de la cigarette électronique aux produits du
tabac aux fins de l'application de la
loi; l'article 4, portant sur l'interdiction de fumer dans un véhicule en
présence d'un mineur de moins de 16 ans et sur l'interdiction de fumer dans les aires communes des immeubles
d'habitation comportant deux logements ou plus; l'article 5, portant sur l'ajout des terrasses et des aires
extérieures exploitées dans le cadre d'une activité commerciale au titre des
espaces publics où l'interdiction de fumer
s'applique; l'article 15, sur le resserrement des règles afférentes à
l'identification des mineurs dans les
points de vente de tabac; l'article 16, portant sur l'interdiction aux adultes
d'acheter des produits du tabac pour
les mineurs; et finalement l'article 24, l'interdiction de vente au détail ou
de distribution du tabac comportant une saveur ou un arôme autres que
ceux du tabac.
Historiquement,
la première mouture de la Loi sur le tabac, la loi n° 44, a été adoptée à
l'unanimité en juin 1998, et ce, en
dépit des vives protestations du milieu des affaires. Elle a été ensuite
revisitée en juin 2005 avec la loi n° 112, elle aussi adoptée à l'unanimité. Ce qui veut dire qu'en près de 20 ans
cet enjeu de santé publique a transcendé la partisanerie, faisant en sorte que tous les partis politiques ont appuyé
les pièces législatives visant à combattre ce fléau, et nous les en
félicitons. Nous osons espérer la même unanimité pour le projet de loi
n° 44.
En
février 2014, des médecins spécialistes associés à plusieurs partenaires
demandaient une nouvelle révision de
la loi. Avec ce projet de loi, le gouvernement répond favorablement aux
principales demandes exprimées, et la FMSQ y souscrit totalement.
M.
le Président, le tabac tue 6 millions de personnes par année dans le
monde. Au Québec, le tabac serait responsable de la mort de plus de 10 000 personnes chaque année, et chaque
décès attribuable au tabagisme en est un de trop. Ceci dit, des progrès importants ont été accomplis dans
la lutte au tabagisme. Au début des années 1990, le Québec comptait près de 40 % de fumeurs chez les personnes de
15 ans et plus. On fumait partout, même dans les hôpitaux. Aujourd'hui,
la proportion de fumeurs se situerait entre
17 % et 22 %. Malheureusement, force est de constater qu'il semble
impossible d'éradiquer ce problème,
puisque la masse de fumeurs se renouvelle constamment. En effet, encore trop de
Québécois sont dépendants du tabac,
et trop de jeunes s'y initient. Chaque année, 34 000 élèves de niveau
secondaire commencent à fumer.
L'initiation au tabagisme survient à l'âge moyen de 12 ans et demi, et
71 % de ces élèves auront consommé un produit aromatisé. Par conséquent, la loi doit encore évoluer pour
s'adapter. Il faut savoir que les effets du tabagisme sur la santé sont largement documentés. 85 % des
cancers du poumon, le tueur numéro un au Québec, sont attribuables au tabac, ainsi que 30 % de tous les autres
cancers. Le tabagisme augmente de manière importante les risques de développer
diverses maladies cardiaques, et les risques
de décéder de ces maladies sont multipliés par quatre avec le tabagisme. De
plus, 25 % des maladies ischémiques du
coeur, 85 % des maladies pulmonaires chroniques, 75 % des bronchites
chroniques seront causées par le tabac.
Le
tabac affecte aussi la maternité. Le foetus exposé au tabac sera programmé à
développer des maladies cardiaques à
l'âge adulte. Le tabagisme est aussi une maladie pédiatrique à part entière, en
commençant par augmenter les risques de
mort subite du nourrisson. Soulignons aussi que la prévalence du tabagisme est
nettement plus élevée dans les milieux défavorisés.
• (15 h 20) •
Autre fait, nos
jeunes de la sixième année du primaire jusqu'à la cinquième année du secondaire
s'initient davantage au tabac que ceux
ailleurs au Canada. C'est donc la période critique. L'arrivée de nouveaux
produits contenant des arômes menace
d'annuler les gains réalisés, puisque 26 % des élèves du secondaire en ont
déjà fait l'usage, comparativement à
13 % dans les autres provinces canadiennes. Le gouvernement cible ces
produits dans le projet de loi, et nous en sommes très heureux. Il faut
savoir aussi qu'environ un élève sur trois au secondaire a déjà fait usage de
la cigarette électronique. Fait à noter,
l'intérêt pour ce produit est, encore une fois, plus répandu ici qu'aux
États-Unis, en France ou en
Angleterre, et ce, même chez les adultes. Soulignons aussi qu'aucun produit
servant à vaporiser ou à administrer
de la nicotine par inhalation n'a reçu d'autorisation de mise en marché de
Santé Canada. Quant aux cigarettes électroniques
sans nicotine, elles sont considérées comme des objets récréatifs, elles n'ont
donc pas à obtenir d'approbation.
M.
le Président, comme nous l'avons mentionné, le projet de loi n° 44 s'inscrit
dans un processus législatif entamé il y
a 20 ans. Nous invitons donc les membres de la commission à faire preuve de la
même détermination que vos prédécesseurs
et à résister, coûte que coûte, devant toutes les objections qui vous seront
présentées. C'est pourquoi nous pensons qu'il faut agir sur tous les
fronts pour éviter des limites potentielles à la législation.
Voici donc les
principales recommandations que nous désirons porter à votre attention :
premièrement, que le projet de loi cible
aussi les parcs publics et les terrains de jeu pour enfants, cet aspect
s'inscrivant comme un message clair
sur les risques associés à la fumée secondaire; deuxièmement, que le
gouvernement privilégie l'étendue des heures d'interdiction afin qu'il soit interdit en tout temps de fumer dans les
établissements, sur les terrains des écoles, incluant les cégeps — cette même interdiction devrait s'appliquer
également aux pièces que fréquentent les enfants dans les garderies en milieu familial; qu'une interdiction complète
de fumer s'applique au personnel et aux visiteurs sur toute la superficie
des terrains des établissements de santé et
de services sociaux. Nous souhaitons que le gouvernement mette en place un
fonds entièrement dédié à la lutte contre le
tabagisme financé à même une partie significative des revenus de la taxe sur
le tabac afin que les sommes versées dans ce
fonds permettent de financer adéquatement une politique de prévention et un
soutien à la cessation tabagique. Nous
recommandons aussi que le ministère de la Santé et des Services sociaux adopte
une position claire dans son futur plan
québécois de prévention du tabagisme chez les jeunes quant aux mesures à mettre
en place en milieu scolaire ou
communautaire. Pour ce faire, que le ministère travaille en étroite
collaboration avec le ministère des
Loisirs et des Sports notamment en portant une attention particulière aux
écoles situées en milieu défavorisé, lieux
jugés plus sensibles pour l'initiation tabagique. De plus, que le gouvernement
mette à profit les maisons de jeunes en leur confiant un mandat en
matière de prévention et de cessation tabagique et que ces maisons soient
assujetties aux dispositions de la loi.
Enfin, nous souhaitons que le
gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada et Santé Canada s'entendent
pour clarifier une fois pour toutes la
définition actuelle accolée à la cigarette électronique, que ces gouvernements
s'entendent pour resserrer les règles entourant la vente et la
distribution de solutions avec nicotine et que des études épidémiologiques
soient entreprises sans tarder afin de mesurer l'impact de la cigarette
électronique sur la santé des consommateurs.
Finalement,
la Fédération des médecins spécialistes du Québec est favorable à l'adoption de
règles visant à rendre les emballages
de ces produits neutres et standardisés, tout en uniformisant le volet
graphique des mises en garde sur ces mêmes emballages.
Par
ailleurs, nous invitons les parlementaires à réfléchir à l'opportunité
d'inclure dans le présent projet de loi une disposition prévoyant la mise en place et le déploiement d'un programme
de cessation tabagique dans tous les établissements de santé du Québec. Nous suggérons également aux
parlementaires de se pencher sur les paramètres actuels du programme de remboursement des produits antitabac, dont la
période de couverture actuelle de 12 semaines par année est insuffisante.
M. le Président, grâce aux différents ajouts
et resserrements qui vous sont ici proposés, presque tous les aspects non
couverts auparavant par la loi le
seront. En misant sur des stratégies efficaces, ces mesures permettront
notamment de réduire les effets néfastes sur la santé, qui, trop souvent,
commencent dès le jeune âge.
La
Fédération des médecins spécialistes du Québec espère donc vivement que les
observations et commentaires contenus
dans le présent mémoire permettront aux membres de la commission de bonifier ce
projet de loi en vue de son adoption rapide, car, plus que jamais, il
importe de briser le cercle vicieux de cette dépendance au tabac en stoppant rapidement le renouvellement critique de la masse
de consommateurs. Des milliers de vies sont en jeu tous les jours ici
même, au Québec. Leur avenir est maintenant entre vos mains. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, pour une période de 19
minutes, Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme
Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, j'ai noté, Mme Francoeur,
Mme Samson, M. Bélanger, M. Beaupré, merci d'être là et de nous partager vos
préoccupations. C'est vraiment important. Je constate que l'ensemble de
l'appareil médical, et de tous les
spécialistes, et des médecins omnis, que ce soit... En tout cas, il y a quelque
chose, il y a une unanimité là qui
devrait nous inspirer tous, les parlementaires, parce que, si tout le monde en
médecine dit à peu près la même chose, dépendamment
des spécialités et/ou de la pratique que chacun fait dans son domaine spécifique,
bien il y a quelque chose, là, il y a quelque chose d'assez évident.
Et vous avez entendu
la présentation qui vous a précédés. On a même parlé du cerveau des jeunes. À
chaque présentation, il y a des éléments nouveaux qui nous sont relatés. Et je
souhaite que nous puissions être entendus à plusieurs
endroits et je souhaite que tout ça fasse partie d'un éventuel programme de
prévention. D'ailleurs, je vais profiter de l'occasion, parce que vous
avez parlé d'une politique de prévention au tabagisme, je vais vous dire qu'on
travaille actuellement sur la prochaine
politique de prévention en santé, évidemment la prévention au tabagisme va en
faire partie, et, une fois que le
document de consultation va être prêt, mon adjointe parlementaire, Mme la députée
de Crémazie, va partir en
consultations. Alors, si vous avez le goût d'émettre des opinions sur
différents sujets dans la politique de prévention, ça sera certainement
une grande occasion, et nous comptons travailler là-dessus cet automne.
Alors, dans le début
de votre mémoire, vous avez parlé des risques qui sont multipliés par quatre.
C'est assez frappant, ça aussi. C'est le
fun, parce qu'il n'y a pas un corps dans vos professions qui arrive avec les
mêmes images, mais ça frappe tout
autant à chaque fois. Les risques de maladie multipliés par quatre quand il y a
consommation de tabagisme. On n'a pas
besoin de revenir sur les cancers, sur les maladies cardiovasculaires. C'est ce
qu'on entend depuis le début des auditions.
On
entend que le tabagisme est plus élevé dans les milieux défavorisés. Comment
vous expliquez ça? Puis que peut-on faire pour eux spécifiquement?
Mme Francoeur (Diane) : Je passerais peut-être la question à Dre Samson,
qui est en santé communautaire. Ça fait partie de ce qu'on appelle les
déterminants de la santé. Et je l'inviterais à vous répondre, si vous
permettez.
Mme Samson
(Isabelle) : Bonjour. Merci de l'opportunité. Bien, il y a
principalement deux raisons.
D'une part,
l'éducation, définitivement, fait en sorte que les gens, d'une part, vont moins
fumer ou vont aller chercher plus les
ressources de cessation tabagique. Alors, la personne éduquée, elle est plus
apte à aller consommer les programmes puis répéter ces initiatives.
Deux,
il y a aussi le fait que ces gens-là sont soumis à plus de stress, alors ça
peut augmenter le désir de fumer, mais
il y a aussi les environnements dans lesquels ces gens habitent. Souvent, il y
a plus... puis ça, on n'a pas de cartographie, là, des points de vente de tabac, mais on pense qu'il y a plus de points
de vente pour le tabac autour de ces milieux, ce qui fait que c'est plus
prévalent. Ce sont des éléments de réponse.
Mme
Charlebois :
Êtes-vous en train de me dire que les détaillants savent dans quels milieux
s'installer?
Mme Samson (Isabelle) : Bien, c'est quelque chose qui serait à valider.
C'est une initiative qui serait intéressante de faire une cartographie des points de vente, mais c'est une hypothèse
que je soumets. Ce n'est pas fait, mais c'est une hypothèse que je soumets.
Mme
Charlebois : Mais
on est rendu loin, là. Ça veut dire qu'il y a un marché, ça part du fabricant,
là.
Mme Samson (Isabelle) : Souvent, les environnements dans les endroits
favorisés sont plus favorables à la santé que les environnements dans les endroits défavorisés. C'est vrai aussi
pour l'alimentation et pour la sécurité routière, la vitesse, c'est vrai
pour plusieurs choses.
Mme
Charlebois : Ça doit être aussi vrai... quand on parle
d'adolescence, les périodes critiques, ça doit être encore plus sensible dans
les milieux défavorisés que dans les milieux qui le sont un peu plus, parce que
les jeunes ont encore... on parle
d'éducation, on parle d'environnement, on parle de tout ça. Ça doit être encore
plus vrai à l'adolescence chez ces populations-là.
• (15 h 30) •
Mme Samson (Isabelle) : Bien, les adultes en milieu défavorisé fument
plus, les jeunes sont plus exposés à la fumée de tabac secondaire. Les jeunes sont plus aptes, je pense qu'on
l'a dit, à fumer aussi par après. Et puis ils n'ont pas toujours tout le soutien nécessaire pour
l'arrêt tabagique. C'est pour ça que souvent, dans des initiatives de
prévention, on va cibler d'emblée les milieux... bien, enfin, d'une
façon plus importante, les milieux défavorisés.
Mme
Charlebois :
Vous nous avez dit que la cigarette électronique était plus répandue ici, au
Québec, qu'ailleurs, qu'on considérait ça comme plus récréatif. Comment ça se
fait que les Québécois, on est plus portés à essayer toutes sortes
d'affaires comme ça? Ça, c'est une bonne question, hein?
Mme Francoeur (Diane) : Ai-je besoin de vous démontrer pourquoi le Québec
est parfois une société distincte? Mais
on sait que l'adolescence est une période où on aime être différent mais être
surtout comme les autres, et souvent c'est
la contamination par... dès qu'un petit groupe autour de soi va commencer à
avoir un comportement, que ce soit... On sait que les adolescents, dans leur quête de se détacher de leurs
parents, vont souvent copier les comportements des gens qui les entourent. Alors, pourquoi, au Québec, les
modes sont peut-être plus populaires que d'autres? Je ne sais si mon
collègue pédiatre a des...
Mme
Charlebois :
Même chez les adultes.
Mme Francoeur (Diane) : Même chez les adultes, oui, mais surtout chez les
adolescents. Mais les pourcentages sont différents aussi chez les
adultes. Dr Bélanger, avez-vous quelque chose à rajouter?
M. Bélanger (Richard) : Il n'y a pas une raison particulière au Québec,
mais, en effet, c'est ce qu'on voit avec beaucoup de substances, beaucoup de types de consommation qui sont
différents. C'est comme si nos adolescents québécois étaient à l'affût
de la nouveauté à l'intersection entre l'Europe et les États-Unis.
Mme
Charlebois :
Plus curieux. On va dire ça comme ça.
M. Bélanger
(Richard) : Ou plus intelligents.
Mme
Charlebois :
Bien, la curiosité est un signe d'intelligence, non?
Une voix :
...
Mme
Charlebois : Bon. Alors, vous avez raison de dire qu'on est
dans une démarche de 20 ans, qu'on évolue. Il y a une jeune fille qui est venue nous dire qu'elle rêve d'une
génération sans fumée. Est-ce que vous croyez que notre objectif est
trop ambitieux, soit 6 %, sur cinq ans, de réduction de prévalence au
tabac, évidemment?
Mme Francoeur
(Diane) : Tant qu'on aura tant de mal à diminuer le renouvellement de
la masse critique de fumeurs, je pense que
toute volonté législative sera toujours la bienvenue. Et, si on est encore ici
après 20 ans, c'est que ce n'est
pas demain la veille qu'on n'aura plus de travail à faire. Je pense que d'avoir
des objectifs nobles, c'est toujours une
bonne idée. Maintenant, est-ce qu'on sera capables d'atteindre une génération
sans fumée? C'est un concept qui est relativement
nouveau. Encore une fois, peut-être que Dre Samson pourrait nous en parler
davantage, mais c'est sûr qu'on a
quand même... vous avez vu, avec tous les groupes qui se sont présentés devant
vous, on a encore beaucoup de travail à faire. Alors, je pense que
d'avoir des idées, ce n'est jamais trop.
Dre Samson,
voulez-vous parler du nouveau concept, de la génération sans fumée? C'est un
nouveau concept en santé communautaire.
Mme Samson (Isabelle) : Écoutez, c'est un membre qui m'a parlé de ça, là,
je ne peux pas dire que je maîtrise le
sujet, mais, si vous voulez qu'on vous en dise plus... Il paraît qu'il y a
quelques places, dont la Tanzanie, près de l'Australie, qui, au niveau législatif, changent l'âge
d'accessibilité au tabac. Donc, c'est 18 ans, mais 18 ans, ça peut
faire transcender le message que,
bien, à 18 ans, je suis un grand, donc je peux fumer. Ça peut même passer
un message paradoxal d'attrait. Alors,
eux autres, ils augmentent l'âge au fur et à mesure que la cohorte vieillit.
C'est innovateur, là, mais je ne peux pas vous dire que je suis au courant de toute la science. Si vous le
désirez, moi, je peux interpeller ce membre-là puis aller vous donner
quelques articles sur ça. Mais c'est de la nouveauté, c'est audacieux. C'est
très audacieux.
Mme
Charlebois : Ils
vont jusqu'à quel âge, justement?
Mme Samson
(Isabelle) : Bien là, c'est ça que je vous dis, je n'ai pas les
détails, là, mais...
Mme
Charlebois :
...même si, dans ce projet de loi ci...
Mme Samson (Isabelle) : ...mais il y
a peut-être d'autres places, là, mais c'est l'exemple qui me...
Mme
Charlebois :
Vous parlez d'intervenants tabagiques dans les écoles, c'est dans votre
mémoire. Qui seraient ces
personnes-là, puis, parmi les ressources actuelles, qui devrait porter ce
titre-là, puis comment ils devraient aborder leur travail?
Mme
Francoeur (Diane) : Bien, je
vous répondrai que nous sommes tous responsables, c'est un devoir collectif,
que ce soit dans nos familles respectives,
dans nos milieux de travail, dans les écoles, que ce soient les professeurs,
les surveillants, les aides aux
devoirs, les étudiants plus vieux. À partir du moment où on se sentira tous
investis de contrer les méfaits du tabac, je pense qu'on va réussir à
accomplir davantage au niveau de nos objectifs.
Cela dit, ça
prend un leader, ça prend des sous, ça prend des programmes, ça prend des
subventions pour y arriver, et c'est clair qu'on souhaite que, dans les
écoles, par exemple, le corps professoral prenne une place importante à ce niveau-là, mais toute cette bonne volonté doit
descendre près des jeunes et parmi leurs cercles d'amis, parmi tous ceux
qui organisent des activités parascolaires, et autres. Ça doit devenir un
enthousiasme qui ne vient pas seulement de la direction et des professeurs, qui
représentent l'autorité, il faut que ça vienne aussi du noyau.
Mme Samson
(Isabelle) : Au niveau des
stratégies efficaces à la lutte au tabagisme, c'est sûr que la législation,
c'est vraiment ce qu'il y a de mieux, puis
c'est pour ça qu'on est contents, là, puis aussi il y aurait l'augmentation des
taxes qui pourrait être regardée, mais il va
demeurer des gens qui vont être tentés par la cigarette, donc il y a quand même
des interventions terrain. Puis, pour compléter, parce que c'est vrai, mais il
y a une science derrière les stratégies efficaces
de prévention sur le terrain, puis ça prend une certaine dose, une certaine
intensité puis des conditions d'implantation
qui sont bonnes. C'est pour ça qu'évidemment — là, je vais prêcher pour ma paroisse — ça prend un certain financement de la santé publique à ce niveau-là,
parce que c'est comme pour tout traitement, d'ailleurs. Je veux dire, si on
prescrit un antibiotique deux fois par jour
pendant 10 jours, puis la personne le prend une fois par jour pendant 10 jours,
bien ça ne sera pas efficace. Puis même
chose si elle le prend cinq jours; ce ne sera pas efficace. Puis, dans la
science de la sensibilisation de
l'éducation en milieu scolaire, ça prend une certaine dose, ça prend une
certaine intensité puis ça prend des
personnes dûment formées; souvent, c'est des adultes. Les stratégies, c'est des
stratégies sociales où les pairs sont beaucoup
impliqués, puis il y a du «countermarketing», puis, en tout cas, il y a
l'influence sociale, mais ça prend des adultes formés et impliqués.
Ça fait que,
comme pour tout traitement, il y a une dose nécessaire puis il y a une qualité
nécessaire, puis c'est vrai en santé publique, aussi dans les programmes
de prévention.
Mme
Charlebois :
Mais deux éléments que vous avez apportés... puis je sais que mon collègue de
Rosemont va aller là-dessus avec
grand plaisir, parce que ça fait deux, trois fois qu'il le fait aujourd'hui, il
va y aller, sur la santé publique avec
le 7 %, mais je vais juste rabrouer tout ça tout de suite, là, parce que
je suis tannée de l'entendre depuis le début de la journée, avant qu'il
commence : le 7 %, il était administratif et non pas dans les
services, et vous le savez très bien. Deuxième élément...
Une voix : ...
Mme
Charlebois : Bien, si c'est coupé dans les services chez
vous, il y a un problème dans votre direction régionale.
Une voix : ...
Mme
Charlebois :
Oui. Je suis d'accord avec vous. Mais l'autre élément sur lequel je veux vous
amener et... Non, non, c'est correct,
on est là pour échanger. C'est parce que j'ai prévenu le coup, là, je le sais,
qu'il me fait ça à chaque fois. On
s'aime beaucoup, là, hein, en passant. Depuis le matin qu'on se taquine comme
ça. En tout cas, moi, je le taquine, je ne sais pas s'il trouve ça
drôle, là, mais, bon... Je vous amène... parce qu'on parle beaucoup de
prévention, de la prévalence au tabac, de la
prévention sur le tabagisme, la lutte au tabagisme. J'ai le goût de vous
entendre, parce que moi, je crois
beaucoup que la prévention, en général, a un rôle sur tous les éléments, dont
le tabagisme. Notamment, quand on
parle de prévention, on parle d'alimentation, d'activité physique. Quand on
s'active physiquement, on n'a pas trop le
goût de fumer, parce que, premièrement, on n'a pas le temps puis, deuxièmement,
quand tu cours, c'est difficile quand tu as le souffle court. On
s'entend-u?
Alors, est-ce
que vous êtes d'accord avec moi que dans la politique de prévention devrait
être tenu en compte, justement chez
les jeunes, si on les occupe... Moi, j'ai toujours dit : Un jeune pas
occupé, lui, il s'occupe. Qu'est-ce que vous pensez de mon affirmation?
Mme Samson
(Isabelle) : Bien, tout à
fait. On dit qu'on met de l'avant un fonds pour la lutte au tabagisme, mais
on sait aussi que le tabac subventionne
d'autres fonds, les fonds de prévention entre autres. Alors, quand on s'affaire
au développement de l'enfant, quand
on s'affaire à l'activité physique, aux saines habitudes de vie, c'est sûr que,
par ricochet, on
crée un climat favorable à la santé puis on rend le jeune plus solide et moins
apte à fumer. C'est pour ça que, si vous me disiez qu'on investissait tout l'argent du tabac juste dans la
cessation tabagique, je dirais qu'on manque un peu la cible. Et, vous avez sans doute entendu, dans notre
jargon de santé publique, c'est l'intervention globale, donc, oui, le tabac,
oui, les substances nocives mais, en même temps, l'intervention en amont aux
déterminants même de l'individu : le développement de l'enfant, les bonnes
habitudes de vie, l'activité physique. Absolument.
Mme
Charlebois : Qu'est ce que vous dites du neuf mètres? Parce
que beaucoup de gens nous ont parlé de la distance de neuf mètres des établissements publics. Pas beaucoup; il y a
certaines personnes qui nous ont parlé de ça puis qui nous ont dit que ça va être très difficile
dans l'application. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Outre les terrains de
centre hospitalier, où on parle, dans
le projet de loi, d'éliminer complètement le tabagisme, dans les établissements
scolaires, là, mais, dans les autres
établissements, on dit : À neuf mètres des portes. Est-ce que vous pensez
que c'est un voeu pieux? C'est-u applicable? Pensez-vous que c'est
faisable?
• (15 h 40) •
Mme Francoeur (Diane) : Bien, écoutez, tout dépend toujours du milieu
qu'on cible. Dans le Vieux-Québec, où
les immeubles sont collés les uns sur les autres et il n'y a pas neuf mètres
entre les deux trottoirs, ce sera peut-être difficile à appliquer, mais je pense que, si déjà on a la
volonté de l'appliquer dans les lieux où ce sera possible... Il ne faut pas se
le cacher, tous les gens qui
consultent dans un centre hospitalier et qui doivent traverser un rideau de
fumeurs avant de pouvoir entrer se
sentent agressés par ce rideau de fumée et de fumeurs. Donc, c'est clair que
d'étendre la zone davantage, c'est ce qu'on
souhaite, mais évidemment la géographie et les lieux feront que ce ne sera pas
applicable, tout simplement, dans certains milieux.
Mme
Charlebois : C'est neuf mètres de la porte de
l'établissement, moyennant jusqu'où va le terrain, évidemment, à la
limite du terrain.
Je
comprends que vous êtes favorables au projet de loi, mais quelle mesure qui
n'est pas dans le projet de loi que vous
voudriez voir absolument retenue? Et vous en avez nommé, mais lesquelles sont
les plus importantes, selon vous?
Mme Francoeur (Diane) : Bien, je pense que, pour nous, les enjeux, comme
Dre Samson l'a dit, liés à la prévention sont très importants. Nous sommes arrivés à la fin de la présentation
précédente, mais les enjeux de toute la programmation foetale, c'est une science qui est relativement
nouvelle qui n'était pas connue il y a 20 ans. Moi, je suis obstétricienne
gynécologue. C'est quelque chose qui
m'intéresse énormément. On sait que le foetus... bon, on vous a parlé du
développement du cerveau, mais on sait aussi que le foetus développe son
coeur et ses artères pendant la période foetale
et, s'il est exposé au tabac, il y a beaucoup plus de risques d'avoir le
syndrome métabolique, d'avoir des problèmes cardiaques, d'avoir des
problèmes d'obésité plus tard.
Alors,
ça, c'est une science qui est nouvelle. Donc, ce que nous souhaitons, c'est
qu'effectivement toutes les politiques commencent
dès la conception et même avant, parce qu'on sait que le tabac affecte aussi la
fertilité, qu'on commence avec le
cycle de vie, pendant la vie foetale, pendant la vie de l'enfant, de protéger
nos adolescents parce qu'on sait qu'ils sont une... c'est une période où
ils sont plus à risque, et ensuite, évidemment, de s'adapter à la vraie vie.
Tout l'enjeu autour de la cigarette
électronique, si c'était facile d'arrêter de fumer, on n'aurait pas besoin de
tout ça. Mais pour les vrais médecins — et je vais laisser la parole à Dr Beaupré,
mon collègue pneumologue — quand les patients ont tout essayé... C'est comme la diète, là, quand tu as tout essayé,
puis ça ne fonctionne pas, bien, s'il y a un petit quelque chose qui peut
marcher, là... À la limite, même si c'était
de la sorcellerie, on va encourager les gens à essayer encore une fois, parce
que le tabac est tellement délétère pour leur santé.
Mme
Charlebois : ...sur la cigarette électronique, Dr Beaupré,
tant qu'à vous donner la parole. Il y a le groupe avant vous qui nous a dit :
8 000 produits, c'était beaucoup trop... 8 000 saveurs, en
fait. Est-ce que vous croyez que c'est une bonne chose de limiter le
nombre de saveurs pour la cigarette électronique?
M. Beaupré (Alain) : La réponse est oui, mais je veux faire ça plus global comme réponse, si
vous voulez. Je ne sais pas si les
gens saisissent bien la différence, je crois, que tous mes collègues ont dû
faire en passant avant moi, qu'est celle
de cigarette électronique avec nicotine comme forme de traitement pour aider
nos malades puis la cigarette électronique, qui est le cheval de Troie,
qui permet de faire fumer plein de monde.
Alors, moi, je pense
que, représentant mes 250 pneumologues, je peux vous dire que la plupart
ont eu des expériences favorables avec
certains malades chez qui ils ont tout essayé, les patchs, les pilules, tout
ça, puis qui, avec la cigarette électronique, ont diminué le tabagisme
puis ont réussi parfois à faire cesser, parfois à continuer avec la cigarette
électronique. Mais, dès que vous leur parlez un peu, que vous grattez, on a une
sainte horreur de la cigarette électronique
pour les enfants et pour tout ce qui s'en vient là, Puis, bon, les compagnies
de tabac, elles ne sont pas folles, elles
sont presque aussi riches que vous autres et elles mettent toute leur énergie
dans le fait de favoriser cette cible-là, puis on le voit. Alors, c'est aromatisé, c'est beau, c'est fin, c'est
hot, puis là, s'ils peuvent les accrocher à fumer la cigarette électronique puis vapoter — c'est-u beau! — deux, trois fois, on est faits, parce que,
là, vous allez les renouveler, puis là
moi, après ça, à l'autre bout de la ligne... bien, je ne serai plus là, là,
mais mes collègues, mes successeurs vont encore avoir des maladies pulmonaires, vont encore soigner ça, puis on n'aura
pas réussi à faire ce qu'on voulait faire. Vous avez réussi avec votre loi à rendre le fait que la
société québécoise n'est plus une société pleine de boucane. Parce que, moi,
quand j'ai commencé, mes collègues bummaient
des cigarettes à leurs patients sur les étages. C'est pour vous dire. Là,
maintenant, il n'y a plus personne qui voit ça d'un bon oeil, de fumer, mais, si
vous rentrez le tabac par le biais de la cigarette électronique, on est faits.
Ça
fait que je réponds à une autre question : si vous avez une place où vous
devez vous arranger pour que ça passe raide,
c'est la cigarette électronique. Comme disait André Gervais tout à l'heure,
qu'on sache ce qu'il y a dedans, qu'elle soit réglementée puis qu'elle
soit prescrite, quant à moi.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole
à notre collègue de Rosemont pour une période de 12 minutes.
M. Lisée : Merci, M. le
Président. Mme Francoeur, merci d'être là, Dr Bélanger, Dr Beaupré, Dre
Samson.
D'abord,
donc, en lien avec la discussion sur les adolescents québécois, qui essaient
des choses à un niveau plus important
qu'ailleurs, dans une autre vie, quand j'étais journaliste, j'avais interviewé
un bureau de consultants montréalais qui
avait fait une étude nord-américaine et qui disait que les Québécois étaient,
en Amérique du Nord, des réformateurs pragmatiques.
Ça voulait dire, pour tous les produits de consommation, qu'ils étaient plus
prompts à utiliser rapidement des
innovations, quelles qu'elles soient, donc un genre d'ouverture d'esprit, mais
qu'ensuite ils faisaient un tri, c'est-à-dire que ce n'était pas parce qu'ils l'essayaient qu'ils le gardaient. Bon,
évidemment, lorsque le produit de consommation a un facteur d'accoutumance, c'est plus compliqué, mais
donc le fait que les adolescents ou les adultes soient plus perméables aux changements au Québec, ça semble être un
invariant de la vie québécoise. D'ailleurs, aux dernières élections fédérales,
on a tous essayé le NPD, tu sais, on s'est
dit : Bon, on va essayer quelque chose de neuf. Pas sûr que c'était une
bonne idée, on verra s'ils le
gardent, hein? Bon. Mais voilà. Mais ce que vous proposez, c'est, justement
dans les écoles... et vous insistez
beaucoup sur la prévention et sur agir en amont. D'ailleurs, le ministre de la
Santé Dr Hébert était très avancé dans
une politique générale de la prévention des déterminants de la santé, un
document sur lequel je suis sûr que la ministre peut s'appuyer, parce qu'il y avait déjà beaucoup de travail qui avait
été fait, donc il n'y a pas de raison d'attendre très, très longtemps.
Mais vous
dites, par exemple, qu'il faudrait la désignation d'intervenants tabagiques
dans les écoles et ailleurs vous
parlez de «programme de cessation tabagique dans tous les établissements de
santé du Québec». Pouvez-vous nous expliquer comment ça fonctionnerait?
Mme
Francoeur (Diane) : Dans un
monde idéal, je vous dirais, chaque patient qui est hospitalisé et que,
lorsqu'on fait son histoire de cas,
nous dit qu'il fume devrait idéalement être rencontré par une équipe de
cessation tabagique pour profiter du
séjour hospitalier pour offrir des patchs, de la gomme, etc., pour essayer
d'arrêter de fumer. On avait, à un certain moment, une couverture qui
était quand même assez généralisée des établissements du Québec, là, avec un programme de cessation tabagique. Évidemment, ça
n'a pas tenu la route parce qu'il y a eu beaucoup de coupures dans le réseau, et ce ne sont pas tous les
établissements qui peuvent se prévaloir maintenant d'offrir ces services-là.
C'est le genre de mesures qu'on sait
qui va aider. Dans ma vie d'obstétricienne gynécologue, on le faisait
systématiquement avec toutes les
femmes enceintes, et effectivement on réussissait à faire arrêter plusieurs
femmes pendant leur hospitalisation. Et
ça, c'est le genre de mesures dans les établissements. Évidemment, ce n'est pas
parce que vous êtes assis dans une salle d'attente en attente de votre rendez-vous que vous allez être ouvert à
vous faire faire un discours sur la cessation tabagique. Mais, lorsque vous êtes couché dans un lit puis
que vous attendez, vous êtes malade, oui, c'est un moment propice, surtout
lorsque vous êtes hospitalisé pour un problème de santé qui peut être relié à
l'utilisation du tabac.
Cela dit, les
hôpitaux, on est parfois un peu en retard, parce qu'il y a déjà une maladie qui
est parfois installée. Par contre,
c'est qu'on souhaite que la prévention se fasse en amont et pas seulement dans
les écoles, au niveau des garderies, des
garderies en milieu familial, où il n'y a pas de législation qui permet de
protéger les enfants, parce qu'on... comme vous avez eu quand même plusieurs personnes qui vous ont fait des
recommandations là-dessus, la fumée secondaire, c'est une réalité qu'on connaît
maintenant, et on pense que tous les milieux de vie ou tous les milieux que
fréquentent les enfants devraient
être des endroits où on devrait encourager les programmes de prévention et de
cessation tabagique.
• (15 h 50) •
M. Lisée :
Alors, ça pose la question des ressources, évidemment. Comme vous dites, même,
les ressources ne sont pas suffisantes pour offrir ce service-là dans la
santé. Et puis, a fortiori, au moment où on coupe énormément les éducateurs
spécialisés et les ressources connexes dans les écoles, de dire : Bon,
bien, on va mettre un responsable du tabagisme
dans chaque école, disons que je pense que ce ne sera pas dans le prochain
budget du gouvernement libéral.
Et d'ailleurs
je n'étais pas pour parler de la santé publique, mais, puisqu'on m'ouvre la
porte, je veux juste rappeler des
éléments que j'avais mentionnés amicalement à la ministre en période de questions,
qui dit que c'est tout de l'administration, des gens qui travaillent sur
des fichiers Excel qui ont été mis à la porte. J'ai dit : Non, en Estrie,
la nutritionniste qui s'occupait de la saine
alimentation des enfants de zéro à cinq ans a été virée; à Montréal,
l'infirmière de la clinique des
accidentés du travail, virée, tout comme le toxicologue qui analysait la
qualité de l'eau et des sols; la pharmacienne
qui s'occupait des maladies chroniques, virée; la sexologue qui donnait de
l'information sur les maladies transmises
sexuellement, virée. Les services directs, ces gens-là n'étaient pas des
administrateurs, leurs postes ont été coupés.
Mais comment
trouver de l'argent? Parce que je sais que la ministre, elle voudrait en avoir,
de l'argent. Et ce que vous dites,
c'est que l'argent qu'on retire des taxes sur le tabac, d'abord, n'est pas
complètement utilisé aux ressources sur
le tabac, et, pour ce qui est de l'argent qui est dédié, il n'est pas
complètement dédié à... il n'y a rien qui est dédié à la lutte contre tabagisme. Est-ce qu'on pourrait se
dire : Écoutez, bien, justement, on va faire exprès? Ça coûte
1,6 milliard de dollars par
année en frais de santé, le tabac. Il y a d'autres frais pour la société, ça
monte à 4 milliards, mais, pour la santé, c'est ça. Et en plus, bien, il y a ce que ça coûte de faire de la
prévention puis ce que ça coûte d'avoir des responsables de tabagisme, etc. On pourrait faire le calcul puis
dire : Bon, bien, c'est ça qu'on va prélever de différentes façons sur la taxe
sur le tabac — la Colombie-Britannique, c'étaient des
licences sur les compagnies de tabac — en disant : Bien, le prix ne sera pas aléatoire, on
va compter ce que ça nous coûte de gérer ce problème, et on va le percevoir
auprès des compagnies de tabac ou à la vente, et on va le dédier à ce
problème-là.
Mme
Francoeur (Diane) : Je vous
répondrai, M. Lisée, que toutes les réponses sont bonnes. Là, je lis déjà
dans vos pensées qu'on vient encore demander de l'argent, là, mais la
réalité est tout autre.
Vous savez,
la prévention, là, ça commence à la maison, là. Alors, le jour où on va réussir
à convaincre toutes les mamans, tous les papas, toutes les grandes soeurs, les
grands frères, les profs, tous ceux qui sont autour des enfants sur de saines habitudes de vie, c'est déjà un pas.
Ça, ça ne coûte rien, il faut juste disséminer la bonne nouvelle. C'est sûr
que des programmes de santé publique, ça
coûte, il y a des coûts qui sont reliés à ça, et nous, on souhaite que le
maximum puisse être investi. Encore
là, on est à une ère aussi où on aime bien mesurer nos investissements. Tous
ces programmes-là doivent être
évalués au niveau du contenu, au niveau de la pertinence, au niveau des
objectifs, est-ce qu'ils ont été atteints ou pas. Je pense qu'aujourd'hui on parle du tabac, mais on pourrait très
bien, comme Dre Samson vous le disait tout à l'heure, au sein des... on ne peut pas s'attaquer juste au tabac et ne
pas s'attaquer à tous les autres déterminants de la santé, ne rien faire
pour tous les autres problèmes, qui vont être plus prévalents dans les milieux
pauvres, et tout ça, là.
M. Lisée :
Alors, vous dites : «De façon générale, la [fédération] est favorable à
l'adoption de règles visant à rendre les
emballages des produits neutres et standardisés et celles visant à uniformiser
le volet graphique des emballages concernant les mises en garde. Ces éléments ne figurent pas dans l'actuel projet de
loi.» Vous pouvez compter sur moi pour tenter de les y inclure.
L'objectif du
projet est de réduire de 6 % en cinq ans la prévalence du tabagisme au
Québec, mais vous, vous faites partie
de 50 organisations qui avez proposé 10 % en 10 ans. Donc,
est-ce que vous pensez que cette mesure sur l'emballage est
indispensable si on veut se rendre à un objectif aussi ambitieux?
Mme
Francoeur (Diane) : Je
préférerais ne pas avoir le choix de choisir quelle mesure on laissera tomber
en cours de route. Il est clair que l'emballage, ça fait partie... c'est
visuel, c'est direct. Il ne faut pas oublier, on parle de milieux défavorisés, il faut avoir des images
graphiques, ce n'est pas tout le monde qui sait lire, ce n'est pas tout le
monde qui comprend non plus. C'est
sûr que, lorsque c'est de façon standardisée, toujours pareil, on ne le regarde
plus, mais, encore une fois, comme on
sait qu'une partie de la stratégie de prévention est d'essayer de stopper dès
les débuts... par exemple, les
emballages qui seront standardisés et visuellement plus faciles vont peut-être
avoir un effet plus important au niveau des jeunes. Avez-vous d'autres
choses à ajouter face à ça, vous?
Mme Samson
(Isabelle) : Bien, c'est sûr
que c'est une mesure qui est, encore là, relativement nouvelle, là, tout
comme l'initiative de la Tasmanie que je
vous disais. Il y a des outils dans la loi actuelle, mais, si c'était pour un
amendement puis c'était pour ne pas
retarder de trop l'acceptation du projet de loi... c'est sûr, c'est une mesure
efficace qui va aider à atteindre les
statistiques, là, puis augmentez les taxes puis mettez plus d'argent en prévention
aussi. Mais c'est toutes des stratégies efficaces bien documentées, là,
puis là il y a de plus en plus de documentation qui sort pour le paquet
standardisé, là. Ça fait qu'on ne peut pas le cacher, là, qu'il y a un
potentiel là pour aider l'atteinte des cibles.
M. Lisée : Merci beaucoup.
Merci à vous.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Lévis pour huit
minutes.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le
Président. Bienvenue à toutes et à tous.
Je vais faire
du chemin un petit peu là-dessus également, je vais continuer, parce qu'encore
une fois il y a beaucoup de choses
qui ont été dites, il y a beaucoup de... On a l'impression de temps en temps
qu'on fait un peu de la redite et qu'on... bon, et c'est correct et c'est normal, puis je pense que, quelque part,
ça a valeur d'enseignement. À force de répéter, on comprend davantage. Et si, quelque part, des gens
qui fument encore et qui se questionnent... parce que vous devez en voir, et c'est quand même assez étonnant, je veux
dire, de voir des gens qui nous disent... et je présume que, dans la pratique,
vous en avez, des hommes, des femmes qui
disent : Oui, je le sais, que ce n'est pas bon, je le sais, que ce n'est
pas bon pour moi, puis je sais que ce
n'est pas bon pour ceux qui m'entourent, mais je fume quand même. Alors, il y a
comme une espèce de mur à la
réceptivité puis la difficulté d'arrêter aussi parce que, on en a parlé avec
vos collègues il y a peu de temps, il
y a un niveau de dépendance, hein? Il ne faudrait pas penser que c'est facile.
Je connais des gens qui sont autour
de moi puis, je veux dire, j'arrête d'en parler puis de leur dire :
Arrêtez ou arrête, parce que les gens me disent : Écoute, je veux bien, mais ce n'est pas un
automatisme. Puis, à les forcer davantage, j'ai l'impression que plus j'en
parle, plus ils fument. Ça fait que j'ai commencé à lever le pied sur la
pédale un peu.
Mais on a
l'impression, quand on parle à des jeunes, qu'il y a une notion d'invincibilité,
c'est-à-dire que, je ne sais
pas — et là
renseignez-moi à travers ce que vous voyez dans le communautaire, dans votre
pratique également — on a
comme l'impression que le jeune, il ne comprend pas que ça puisse être
dangereux pour la santé, voire même certains m'ont dit, moi, que l'image, ça ne les dérange pas, tu sais, je veux
dire, ce n'est pas ça, ça n'a pas d'importance. Ils sont jeunes puis, de toute façon, ils vont pouvoir
arrêter quand ils voudront, puis etc. On fait quoi? Parce que cette notion-là,
elle est... Et, si du jour au lendemain on
n'en vend pas, de cigarettes, à des jeunes, si on est capables de faire en
sorte que la loi soit respectée, que personne en bas de 18 ans ne puisse s'en
procurer, je veux dire, déjà on vient de faire tomber un sapré bon
problème. Mais là les jeunes en ont, ils s'initient à ça. C'est quoi, la
meilleure façon, c'est quoi, le message pour faire en sorte que le jeune comprenne puis, à
la limite, que le jeune dise à son père ou à sa mère : Ce serait peut-être
le fun que tu arrêtes, parce que ta santé est menacée? On dit quoi pour le
convaincre?
Mme
Francoeur (Diane) : Je vais
passer la parole à Dr Bélanger, mais, avant, je vous dirais — vous avez des enfants, M. Paradis : On répète, on répète, on répète et on ne
baisse jamais les bras, parce que, le jour où on abandonne, il n'y a personne qui va être là pour prendre le
relais. Alors, nous, on est convaincus qu'on va finir par réussir. Et puis parfois,
bien, c'est plus long, mais il ne faut pas abandonner. Je ne sais pas si vous
avez...
M. Paradis (Lévis) : Dans votre
stratégie d'intervention, est-ce qu'on devrait s'adresser au jeune qui est un fumeur en devenir parce que... puis on craint ou
aux adultes qui fument mais qui sont des irréductibles parce que c'est
dur de se débarrasser de l'habitude?
M.
Bélanger (Richard) : Comme Dre Harvey vous le disait tout à
l'heure — c'est
une pédiatre, c'est un médecin de
l'adolescence, j'ai un peu le même profil — toutes les interventions qu'on va faire face
aux jeunes, c'est une intervention majeure
pour réduire le tabac au long terme et toutes les complications de santé que
vous connaissez. Un jeune qui fume à 16
ans a 80 % des chances de rester fumeur à l'âge de 24 ans. Si j'interviens
sur un jeune et je suis capable de le faire arrêter de fumer ou bien donc par lui-même, à l'intérieur
de son milieu, il ne commence pas de fumer, on vient de gagner une
partie de la guerre contre le tabagisme.
Donc,
particulièrement toutes les interventions à l'intérieur du projet de loi actuel
ou d'interventions supplémentaires qui pourraient être insérées ciblant
les jeunes, pour moi, pédiatre, c'est la manière de vaincre le tabagisme.
M. Paradis (Lévis) : Et on en fait
une priorité, notre cible prioritaire.
M. Bélanger (Richard) : Et on en
fait une priorité.
M. Paradis
(Lévis) : Vous avez parlé de
cigarettes électroniques. J'y reviens. Il y a la cigarette électronique. Pour
bien des gens, il y a celle avec nicotine,
mais il y a celle pas de nicotine, puis pas de nicotine, c'est un jouet, puis
avec nicotine... bien là les gens
disent : Ah, il peut y avoir un phénomène de dépendance, mais c'est quand
même bien moins pire que tout ce
qu'une cigarette comporte, les dommages pour la santé. Et plusieurs vous
diront : Ce qui est dangereux, ce
n'est pas la nicotine, c'est les produits qu'il y a autour, puis c'est ça qui
peut me donner un cancer ou une maladie avec laquelle je devrai composer plus tard. Est-ce qu'on les interdit... je
fais attention, interdit toutes? Est-ce qu'on les réglemente toutes de la même façon? Sans nicotine, avec
nicotine? Est-ce que, pour vous, il y a une différence dans le traitement,
dans la façon de la... Oui.
• (16 heures) •
M. Beaupré
(Alain) : Bien,
premièrement, celle avec nicotine, c'est assez clair qu'il faut la réglementer.
Le danger de celle sans nicotine,
c'est qu'elle peut devenir une façon de prendre l'habitude de l'utiliser, c'est le geste, un peu comme
la cigarette l'était, et puis, après ça, de
passer à l'autre, de l'essayer pour voir ce que c'est puis de retomber dans la
nicotine. Il faut faire des
gradations. Je ne peux pas vous dire que tout est pareil. Il y en a peut-être
une qui est moins pire, mais elle me
fait aussi peur, d'une certaine façon, parce qu'elle introduit l'autre. Mais
commençons par celles avec nicotine. Puis, comme je vous dis, je ne suis absolument pas contre pour ceux qui fument
qui en ont besoin, mon propos, c'est ceux qui ne fument pas et qui vont
s'habituer à fumer avec ça et qui vont devenir, par la suite, probablement des
fumeurs. Peut-être vous dites «juste avec ça», mais je pense que ça
pourrait être très facile de shifter, surtout si on a commencé avec la nicotine. Les autres, je vous admets que je ne
sais pas si ça va les amener, mais, en plus, je ne sais pas ce qu'il y a dedans,
je ne sais pas exactement le produit, je ne
sais pas ce que ça va faire. Donc, je ne vais sûrement pas encourager qu'on
débute quelque chose si je ne sais pas où ça nous mène. Non.
Une voix : M. Paradis, si
vous permettez, Dre Samson avait un commentaire à faire.
Mme Samson
(Isabelle) : Oui. Il y a
deux niveaux de précaution à avoir. Il y a la précaution — c'est en santé environnementale — au niveau toxicologique, là : Est-ce que
ça va être un produit sécuritaire pour le consommateur? C'est mieux que le tabac, mais est-ce que ça va
être un produit sécuritaire pour le consommateur? Et puis, par rapport à
ce que ça rejette dans les vapeurs, ça va-tu
être sécuritaire pour les autres? On ne la sait pas, la réponse. Mais il y a
aussi une précaution à faire au
niveau marketing, parce qu'il y a toute la publicité qui se fait qui rappelle
le tabac, et là, tu sais, on sait que, dans la science des solutions,
changer la norme sociale, c'est une bonne chose. Ça fait que, si on laisse la cigarette électronique refaire réapparaître toutes
les images de cigarette, et tout ça, là on a un risque de renormaliser. Ça
fait qu'il y a la préoccupation, il y a la
précaution appliquée au niveau de la substance elle-même pour le consommateur
et l'entourage, mais aussi au niveau de tout l'effet marketing et recul sur la
norme sociale.
M. Paradis
(Lévis) : Cette inquiétude
que vous manifestez, et vous l'avez dit, docteur, il y a quelques instants...
vous avez même dit : On devrait faire
en sorte que la cigarette électronique soit prescrite. Puis, en même temps, il
y a des gens qui vous diront :
Le fumeur qui décide de laisser le tabac parce que, quelque part, il y a un
commerce qui vendra une cigarette
électronique à laquelle il prendra peut-être habitude, mais, en tout cas,
potentiellement moins dommageable pour
sa santé... Le fait de limiter à la prescription d'un médecin l'outil, entre
guillemets, thérapeutique va faire en sorte que la pénétration de
l'outil ne sera pas si importante que ça.
Simplement
dit, le fumeur qui dit : Regarde, ça me tente d'essayer d'arrêter, et je
n'irai peut-être pas chez mon médecin — il n'est déjà pas toujours facile à voir, le
médecin, là — alors
donc je vais m'en procurer une quelque part, vous en dites quoi?
M. Beaupré
(Alain) : Bien, je vous
reviens avec les étapes. Je pense qu'on ne doit pas aller directement à ça. Je
pense qu'on peut arrêter de fumer avec
d'autres stratégies. C'en est une. Moi, personnellement, je pense que ça
devrait être la dernière stratégie
quand tout le reste n'a pas marché, puis c'est dans ce sens-là que j'irais
jusqu'à en faire un objet de
prescription pour éviter justement les dérives qui peuvent se produire et pour
en limiter l'usage, pour ne pas qu'elle soit accessible à tout le monde.
M. Paradis (Lévis) : Quelque chose à
ajouter sur ça?
M.
Bélanger (Richard) : Surtout pas accessible aux jeunes, M. Paradis. Un
jeune qui fume la cigarette électronique à l'âge de 14 ans et qui n'a jamais tenté la cigarette régulière a de
deux à quatre fois plus de risques, l'année d'après, d'être devenu
fumeur de cigarette. Ça, c'est une étude qui est parue il y a deux semaines.
Donc, il commence à y avoir de la littérature
qui émerge sur les conséquences de l'usage de cigarette électronique sur la
prédisposition à devenir fumeur de cigarette, et ça, c'est inquiétant.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous remercions les
représentantes, représentants de la Fédération des médecins spécialistes
du Québec, et je suspends nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 4)
(Reprise à 16 h 11)
La
Présidente (Mme Montpetit) : Alors, je souhaite la bienvenue à notre
invité : M. Marvin Rotrand. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter,
votre nom ainsi que votre fonction. Je vous rappelle que vous disposez d'une période de 10 minutes
pour faire votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange
avec les membres de la commission. La parole est à vous.
M. Marvin Rotrand
M. Rotrand
(Marvin) : Merci. Et
j'apprécie énormément l'invitation. Mme la ministre, M. le Président, membres
de la commission, mon nom est Marvin
Rotrand, je suis conseiller municipal du quartier Snowdon dans l'arrondissement
de Côte-des-Neiges—Notre-Dame-de-Grâce.
J'ai représenté ce quartier au conseil municipal de Montréal depuis novembre 1982. Je suis ici comme individuel. Je ne
représente pas la ville de Montréal et je ne représente pas autre personne
officiellement, mais officieusement je parle pour un grand consensus dans le
monde municipal.
Depuis un
certain temps, la question du tabac est devenue une cause très importante pour
les élus municipaux à cause des
interventions des citoyens, et je vais expliquer ça dans un instant. Mais, pour
commencer, j'aimerais déposer des
résolutions adoptées par 181 municipalités québécoises de toutes tailles — des petites, des moyennes et des larges — incluant Montréal, qui a une population
totale de plus que 3 millions de Québécois et Québécoises. Ces motions
sont presque pareilles, mais il y a quelques
différences entre une et l'autre, mais, grosso modo, elles appuient l'approche
10 % en 10 ans qui est parrainée par la
Coalition québécoise pour le contrôle du tabac et démontre la volonté des élus
municipaux pour une refonte majeure de la Loi sur le tabac. Les résolutions
appuient l'approche de la loi n° 44 mais demandent certains amendements
pour renforcer cette loi.
Document déposé
Donc, M. le
secrétaire, j'ai envoyé un mémoire avec quelques documents annexes, mais je
n'ai pas envoyé les résolutions, donc j'aimerais les déposer
formellement aujourd'hui.
Une voix : Merci.
M. Rotrand
(Marvin) : Et j'apprécierais
si vous pouviez les partager en forme électronique avec les membres de
la commission.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Exactement. Donc, je vous demanderais de
faire suivre à la commission la version électronique, puis on la partagera
avec les parlementaires, les membres de la commission.
M. Rotrand (Marvin) : Exactement.
Merci. J'aimerais dire que c'est sans précédent qu'il y ait une grande concertation municipale sur un sujet qui touche la
santé publique. Et, je peux vous rassurer, ce n'est pas terminé. Jusqu'à
maintenant, il y a 181 villes. J'ai reçu un courriel de M. Gaëtan Ruest, qui
est le maire d'Amqui, et qui m'a dit que la MRC
du Bas-Saint-Laurent, elle a l'intention soit d'adopter une motion en appui
dans exactement le même sens ou d'inviter chaque de ses 20, 25 villes membres de faire des
résolutions municipales pour ajouter au nombre de villes. La ville de Montréal-Ouest m'informe que ça doit aller bientôt
à leur conseil municipal, et les autres... qui sont en train d'être adoptées.
Comment
est-ce que tout ça a commencé? Ça a commencé quand la cigarette électronique
est devenue un peu plus répandue. Les
élus ont commencé d'avoir des appels des citoyens, des conflits :
Quelqu'un a utilisé une cigarette électronique
où ce n'est pas permis, selon la loi, de fumer, qu'est-ce que vous allez faire?
Les élus municipaux, c'est la première
ligne pour les citoyens. Difficile d'expliquer, c'est une loi provinciale, et
il y a une façon d'appliquer cette loi. Les gens veulent de l'action, ils veulent de l'action tout de suite,
vous êtes les élus municipaux; pas seulement à Montréal, presque partout
au Québec, et pas seulement là, pour la juridiction municipale.
Les sociétés de transport avaient les mêmes
problèmes. J'ai l'honneur d'être le vice-président à la Société de transport de Montréal, et ça, depuis novembre
2001. Les gens ont commencé de téléphoner pour dire : Il y a des cas de
gens qui utilisent cet instrument dans le
métro, sur l'autobus, je ne veux pas qu'ils le fassent, mais le monsieur m'a
dit qu'il n'y a pas aucune loi pour dire qu'il ne peut pas le faire. La
STM a modifié son règlement R-036, qui touche le comportement des passagers dans le réseau de métro et autobus.
L'arrondissement de Montréal-Nord a agi seul pour dire : Effectivement, on veut bannir ça dans les
bâtiments municipaux, mais un grand débat a commencé, et plusieurs élus ont
décidé de travailler ensemble.
Vous
avez, dans les annexes que j'ai envoyées, une motion qui a été adoptée par le
conseil municipal le 15 septembre 2014,
que j'ai proposée, qui a été appuyée par toutes les formations au conseil
municipal avec un appuyeur, les indépendants et le maire Coderre, qui effectivement demande au gouvernement du Québec
d'inclure la cigarette électronique à la Loi sur le tabac pour que leur utilisation soit interdite dans tout endroit
où l'usage de la cigarette est interdit au Québec. Je vous remercie pour avoir fait exactement ça dans
la loi n° 44. Ça répond à une revendication majeure de nous autres. Mais
ça a commencé, les gens, à parler, parce que les citoyens, depuis des années,
disent aux élus : Les villes en santé, la promotion des saines habitudes de vie, c'est un dossier municipal et pas
seulement un dossier qui appartient aux gouvernements supérieurs. La question du tabac, c'est important pour
nous autres. D'introduire la cigarette électronique, c'est bon, mais le Québec est en arrière des
autres provinces. Donc, les élus municipaux ont commencé de concerter, parler
d'une ville à l'autre, de qu'est-ce qu'on
doit faire. Et nous avons pris connaissance de la campagne 10 % en 10 ans
de la Coalition québécoise pour le
contrôle du tabac. Cette campagne semble répondre à ce qui est nécessaire et à
nos attentes, c'est-à-dire d'assurer
dans l'avenir qu'il y a moins de fumeurs, que les jeunes ne deviennent pas
fumeurs pour commencer, qui est très,
très important, mais aussi d'avoir des contrôles sur le marketing vers les
jeunes, aussi d'élargir les espaces où
on ne peut pas fumer. L'idée que des espaces publics deviennent plus larges et
certains éléments dans la loi répondent à ce que 10 % en 10 ans
propose, mais les élus ont décidé d'aller un peu plus loin.
Donc, vous
avez devant vous les résolutions qui touchent la cigarette électronique, mais
elles vont beaucoup plus loin. Au
temps que ces résolutions étaient adoptées, les journaux étaient pleins des
articles : Qu'est-ce que l'Ontario fait? Qu'est-ce que la Nouvelle-Écosse fait? Qu'est-ce que le
Nouveau-Brunswick fait? Et faites un saut dans l'avenir, et les gens commençaient à dire : Peut-être que le
Québec doit le faire. Nous avons trouvé en faisant un peu de recherche qu'on
est la seule juridiction canadienne où c'est légal de fumer dans une voiture
avec un bébé à bord. Incroyable! On était choqués
parce qu'on a su ça, et effectivement l'idée de prier le gouvernement d'agir
est nécessaire. Je remercie vraiment Mme
Charlebois pour avoir pris le taureau par les cornes et déposé cette loi. Je
sais qu'il y a opposition de l'industrie et celle qui voit seulement le court terme. Je sais, il y a des tenanciers
de bar qui pensent qu'ils vont perdre des clients, mais j'aimerais répliquer tout de suite que, dans les
autres provinces où ça, c'est déjà la loi et dans la ville de Vancouver, où
il y a un règlement municipal, les bars et restaurants ont fait beaucoup plus
d'affaires qu'avant.
80 % des
Québécois sont des non-fumeurs. C'est-à-dire, vous demandez aux gens qui sont
des non-fumeurs de siéger à côté de
quelqu'un qui fume sur une terrasse, et il y a des tenanciers de bar qui ne
peuvent pas voir que leur chiffre d'affaires
va monter si on fait cette interdiction. Je pense, c'est normal, et le
consensus social existe, même la majorité des fumeurs au Québec acceptent ça, et je vous invite à ne pas donner
suite à la revendication qui est faite par l'association des bars et
restaurants du Québec. Et, je pense, M. Sergakis était devant vous.
Donc, vous
avez déposé la loi, et je vous félicite. Il y a des choses majeures pour nous
autres qu'il y a dedans. Je note avec
satisfaction, et c'est dans nos résolutions comme municipalité, l'interdiction
sur le tabac aromatisé et menthol. Ça,
c'est une façon avec laquelle les jeunes commencent à fumer. Toutes les études
démontrent ça, que, les jeunes de 15, 16, 17, 18 ans, la proportion de
ces jeunes qui utilisent le menthol ou les autres tabacs aromatisés est très,
très élevée en comparaison avec les fumeurs adultes, et c'est une initiation
vers le tabagisme.
• (16 h 20) •
Donc, le fait
que vous avez bouché ce trou, vous allez faire un geste pour rejoindre la
Nouvelle-Écosse, l'Ontario, les
autres provinces, c'est bien apprécié. Et, comme j'ai dit déjà, les bars, les
restaurants sont déjà dans la loi, mais où on pense que peut-être vous pouvez et devez aller plus loin, c'est sur la
question des terrains de jeu et les terrains sportifs. J'aimerais juste lire... de la loi Ontario sans
fumée. Il y a la loi et les règlements que le gouvernement a adoptés pour
mettre en oeuvre la loi. Article 13.2... je m'excuse, article 13.1 :
«Terrains de jeu et aires de jeu pour enfants.
«13.1. (1) Les
terrains de jeu pour enfants et toutes les aires publiques se trouvant à moins
de 20 mètres de tout point situé sur le périmètre d'un terrain de jeu
pour enfants constituent des endroits prescrits pour l'application de la
disposition 7 du paragraphe 9 de la loi.
«(2) Pour
l'application du présent article, un terrain de jeu pour enfants est un endroit
qui n'est ni un lieu public clos ni un lieu de travail clos et qui
satisfait à tous les critères énoncés aux dispositions suivantes :
«1. L'endroit
est principalement destiné au loisir des enfants et comprend de l'équipement de
jeu pour enfants, notamment :
«i. des toboggans,
«ii. des balançoires,
«iii. des appareils d'escalade,
«iv. des aires de jeux d'eau,
«v. des pataugeoires,
«vi. des bacs à sable.
«2. Le public
est ordinairement invité à l'endroit où l'accès [...] est ordinairement permis,
expressément ou implicitement, que des frais d'entrée soient exigés ou
non.
«3. L'endroit
ne fait pas partie des commodités qu'offre un lieu de résidence, notamment un
ensemble d'habitations locatives ou en copropriété [...].
«(3) Il est
entendu qu'un hôtel, un motel, une auberge ou un endroit semblable n'est pas un
"lieu de résidence" [...].
«Aires d'activités sportives.
«13.2.
(1) Les endroits suivants
constituent des endroits prescrits pour l'application de la disposition 7 du paragraphe 9 [...] :
«1. Les aires d'activités
sportives.
«2. Les aires de spectateurs
adjacentes aux aires d'activités sportives.
«3.
Les aires publiques se trouvant à moins de 20 mètres de tout point situé sur le
périmètre d'une aire d'activités sportives ou d'une aire
de spectateurs adjacente à une aire d'activités sportives.
«(2) Pour l'application du présent article, une aire d'activités sportives est un
endroit qui n'est ni un lieu public clos ni un lieu de
travail [...] :
«1.
L'endroit appartient à la province, à une municipalité, à un mandataire de la
province ou d'une municipalité, ou à un établissement
postsecondaire [dans ce sens].
«2. Le public est ordinairement
invité à l'endroit ou l'accès lui est ordinairement permis, expressément ou
implicitement, que des frais d'entrée soient exigés ou non — et finalement.
«3.
L'endroit, que des frais d'utilisation soient exigés ou non, est principalement
destiné à la pratique de sports, sauf le golf, notamment — et pas exclusivement :
«i. le soccer,
«ii. le football,
«iii. le basket-ball,
«iv. le tennis,
«v. le baseball, le softball
ou le cricket,
«vi. le patinage,
«vii. le volley-ball de
plage,
«viii. la course à pied,
«ix. la natation,
«x. la planche à roulette.»
Et je dépose cet article de
règlement pour la loi en Ontario et j'invite les gens de prendre
connaissance... Les Québécois ont le droit
d'avoir la même protection des gens qui habitent à côté de nous autres, dans la
belle province d'Ontario.
La
Présidente (Mme Montpetit) : J'en profiterais, M. Rotrand, pour vous
inviter à conclure — nous avons déjà pris deux minutes sur le temps de la
ministre — si vous voulez avoir le temps d'échanger avec elle.
M.
Rotrand (Marvin) :
Je termine en indiquant trois choses : les résolutions à appuyer
l'emballage neutre, que je pense que les autres intervenants ont déjà mentionnées, et je vous
invite aussi de prendre connaissance d'un hyperlien, dans mon document, vers le prix de tabac partout
au Canada. Le Québec a les taxes d'accise les plus basses, c'est-à-dire le prix du tabac est le plus abordable au Québec.
C'est à l'extérieur de votre séance d'aujourd'hui, mais pour réflexion d'avenir. Et je termine en disant que le consensus
social existe pour faire pas seulement adopter cette loi, mais faire les
amendements qui sont proposés dans les résolutions des 181 municipalités.
Merci.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Merci à vous. Je vous remercie pour votre
présentation. Donc, nous allons débuter la période de...
M. Rotrand (Marvin) : Je dois dire, 10 minutes, ça va très, très rapidement.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Ça va extrêmement vite. Et donc nous
allons débuter la période d'échange avec Mme la ministre
pour une période de 17 minutes.
Mme
Charlebois : Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Rotrand,
merci d'être venu nous exposer vos préoccupations. Je sais que pour vous c'est un sujet qui vous
tient particulièrement à coeur et je sais que vous êtes un allié, bref, dans la
lutte au tabagisme, et merci pour ça. Merci
de vous inquiéter pour nos jeunes mais aussi pour l'ensemble de la population.
Je
vois que vous allez dans le même sens que plusieurs de nos recommandations, en
fait, dans plusieurs de nos directives qui sont dans le projet de loi et même que vous nous invitez à aller un peu plus loin. Et je
vous entendais parler, à la fin, des terrains de jeu, et vous avez précisé,
avec le projet de loi de l'Ontario, plusieurs endroits, puis j'avais le
goût justement d'aller un peu plus loin,
parce que vous avez dit — puis je n'ai pas eu la chance de le demander
aux autres groupes précédemment puis j'ai voulu le demander deux, trois
fois, puis on a manqué de temps — à combien de distance des terrains de jeu... Parce
que, quand on commence à parler de périmètre, bien là, si le terrain de jeu est
là, il faut aller... puis vous avez dit : 20 mètres. Vous ne
trouvez pas ça élevé?
M. Rotrand
(Marvin) : Ontario a fait 20 mètres comme périmètre de terrain de
jeu.
Mme
Charlebois :
20 mètres du terrain de jeu.
M. Rotrand (Marvin) : C'est ça, exactement. Mais trois arrondissements de Montréal — et peut-être il y a plus maintenant... — sont allés encore plus loin... qui a noté
que la ville de Côte-Saint-Luc et, je pense, deux, trois autres villes au Québec ont déjà un règlement qui touche
l'ensemble des parcs, pas seulement des terrains de jeu dans les parcs, mais
l'ensemble des parcs. Ça, c'est
l'arrondissement LaSalle et l'arrondissement Saint-Laurent, où les maires ont
pensé que Québec doit être leader
dans ça et ne pas seulement ajouter les terrains de jeu, mais ajouter tout
l'espace vert. Je note que, dans la province du Nouveau-Brunswick, on ne
peut pas fumer dans les parcs provinciaux.
Donc, la façon avec
laquelle vous pouvez régler la question du périmètre est de faire une
interdiction pour l'ensemble des espaces
verts. Mais je vous suggère une façon de le faire. Peut-être que vous allez
proposer un amendement commençant avec les terrains de jeu et les
terrains sportifs, mais je propose également de prendre un certain pouvoir réglementaire. J'appuie aussi l'inclusion du
pouvoir réglementaire permettant d'interdire de fumer dans d'autres lieux
d'ici les prochaines révisions de la loi, qui n'auraient vraisemblablement pas
lieu avant cinq ans. Il est très probable qu'il
y aura des circonstances où une interdiction s'avérerait appropriée. Donc,
prendre ça comme un pouvoir que le ministre peut invoquer pour ajouter à
la loi entre l'adoption de la loi n° 44 et la prochaine révision.
Mme
Charlebois : O.K. Ça fait que, si on dit, mettons : Les
terrains de jeu en ce moment et les parcs, vous dites : S'il y a
moyen d'aller plus loin, si la population le demande, bien vous aurez le
pouvoir réglementaire, c'est ça?
M. Rotrand (Marvin) : Oui, exactement. Vous devez peut-être commencer avec les terrains de
jeu, parce que les Québécois ne
comprennent pas pourquoi ce n'est pas dans la loi qui a été proposée. Le grand
consensus était... oubli, et on peut
facilement régler cet oubli. Et c'est déjà, je pense, la loi dans six ou sept
provinces et en beaucoup de grandes villes canadiennes où il n'y a pas
une loi provinciale.
Les sondages faits
les dernières quelques années ont démontré une évolution dans la façon avec
laquelle les Québécois voient le tabac. Même
les fumeurs veulent cesser de fumer. C'est une dépendance. Les gens veulent une
action. Oui, il y a toujours les
récalcitrants, c'est vrai, oui, il y a des opposants «shortsighted», comme on
dit en anglais, mais la grande
majorité des gens, même des fumeurs, veulent des gestes qui vont restreindre
l'utilisation du tabac. J'ai passé une
partie de mes vacances au Japon et j'ai été vraiment surpris de voir, à Osaka,
à Himeji et Kagoshima, qu'on ne peut pas
fumer à l'extérieur dans ces villes, on doit aller dans une zone réservée pour
les fumeurs à l'extérieur où il y a des murailles, des barrières. Je ne pense pas qu'on en est là actuellement
au Québec, mais effectivement il y a un débat partout. Les gens ont compris, le tabac, ça cause la
mortalité, la maladie, il y a un coût énorme au réseau de santé. Les gens
veulent réduire le tabagisme. Ce n'est plus controversé.
Quand j'étais jeune,
j'étais fumeur, oui, parce que c'était cool, et tout le monde dans mon année à
l'école secondaire, on était tous fumeurs.
Je suis heureux de dire que presque tout le monde a cessé, ceux qui vivent
toujours ont cessé. Mais la société a
évolué, et les gens pensent que c'est vraiment légitime pour le gouvernement de
dire : Ce n'est pas bon pour
vous autres, et on va prendre des gestes pour effectivement protéger les
non-fumeurs et faire des conditions si vous voulez utiliser ce produit.
Mme
Charlebois : Je reprends la balle au bond : terrains de
jeu; on parle de modules. Vous nous avez dit ça puis vous dites :
Commencez par ça. Mais, si je vous dis : Terrains de soccer, «skateparks»?
• (16 h 30) •
M. Rotrand (Marvin) : Pourquoi pas? Les terrains sportifs, c'est nos
enfants qui jouent là-bas. Comment pouvez-vous leur dire qu'on ne peut pas fumer dans un terrain de jeu mais on peut
aller à 15 mètres, où les mêmes enfants jouent au soccer avec leur club d'enfants de sept ou huit
ans, et il y a quelqu'un qui aurait le droit de fumer? Donc, les deux, pour
moi, vont ensemble, et, si vous avez un problème de faire votre
périmètre, je vous suggère de regarder l'idée de faire les parcs.
Comme
j'ai dit, les sondages qui ont été faits les dernières quelques années
démontrent un fort consensus pour les
terrains de jeu, les terrains sportifs, pour l'interdiction sur le tabac
aromatisé. Le contrôle des cigarettes électroniques, les gens sont d'accord avec ça aussi. Je pense
que vous êtes sur la bonne route et ça va être une loi qui va avoir beaucoup d'appui public, même des fumeurs.
Quand j'ai proposé la première motion sur la cigarette électronique au conseil municipal
de Montréal, M. Richard Bergeron se lève pour dire : Je regarde votre
liste des appuyeurs, ils sont tous des non-fumeurs,
je suis fumeur, je suis d'accord avec vous et j'aimerais ajouter mon nom. Et
j'ai pensé : C'est un geste élégant qu'il a fait, qui a démontré à
la population : on travaille ensemble pour attaquer un problème de santé
publique.
Mme
Charlebois : Vous
avez effectivement raison, vous avez un certain pouvoir dans chacune
des villes, dans chacune des municipalités, et les gens peuvent déjà réglementer, mais on ne va pas attendre que tout le monde réglemente, on va faire ça
ici, à Québec. Et je veux vous assurer que je sens un certain
consensus autour de la table. C'est sûr qu'on va tous déposer des amendements, on va travailler à bonifier... On va voir dans
quelle mesure on est capables d'améliorer les choses dans le meilleur
intérêt des Québécois.
Ceci étant,
j'ai le goût de vous demander, étant donné que vous êtes un représentant municipal : Vous n'avez pas de bar, de restaurant, de terrasse chez vous?
Il n'y a personne qui vous interpelle là-dessus?
M.
Rotrand (Marvin) : J'étais à
un bar-restaurant sur la rue Monkland, à Notre-Dame-de-Grâce, l'autre soir,
avec le maire Russell Copeman, le maire de mon arrondissement, et, malheureusement,
on a été incommodés par les fumeurs. On a dû
aller dedans sur un jour où il y a une vague de chaleur, le soleil est au... on
veut prendre une bière sur la terrasse,
on n'était pas capables de le faire. Donc, il y a quatre ou cinq fumeurs à
l'extérieur. Il y a une vingtaine de personnes à l'intérieur. Et ils n'étaient pas là parce que c'est l'air climatisé,
ils étaient là parce que les terrasses n'étaient pas un endroit où ils veulent être quand les gens fument. La
fumée passive est un incommodant pour ces personnes. On a le droit de prendre
un verre ou de prendre un repas dans un
restaurant en été sur une terrasse sans avoir de lutter avec des fumeurs pour
l'espace.
Mme
Charlebois : Est-ce que vos citoyens savent la position que
vous tenez par rapport aux bars et aux terrasses? Do
your citizens know that you're opposed to the...
M.
Rotrand (Marvin) :
Oh yes, absolutely. Mme la ministre, je
pense que j'ai eu beaucoup
plus de couverture médiatique sur la question
de tabac que tous mes dossiers municipaux
depuis des années. Et ça démontre l'intérêt médiatique, parce que le
public est là.
Je dois dire, j'avais eu quelques personnes qui
disent : Ah! ce n'est pas bon, vous voulez bannir la cigarette électronique. Mais, vous regardez, notre motion,
ça ne relève pas de nous autres. Ça va être un autre palier gouvernemental
qui va faire la décision finale si on peut légalement acheter les cigarettes
électroniques au Canada ou non. La seule chose
qu'on demande est l'encadrement pour que c'est dans la Loi sur le tabac. Et,
quand les gens comprennent ça, 90 %, 95 % des gens sont d'accord. Je dois dire, les appels, les
courriels, les gens qui m'arrêtent dans la rue sur cette question, c'est
20 à une en faveur des positons que j'ai prises publiquement.
Mme
Charlebois :
Saveurs. Vous nous avez parlé de l'interdiction des saveurs. Vous êtes favorable
à ça. J'ai noté que vous étiez aussi
favorable à l'interdiction du menthol. Chose étrange, puis je ne sais pas si vous allez pouvoir
me commenter ça — dans
le projet de loi, vous savez que toutes les saveurs seraient interdites — les
détaillants, les compagnies de tabac nous
disent : C'est une infime partie de notre marché, mais ils tiennent à le
garder. Comment vous expliquez ça?
M.
Rotrand (Marvin) :
I'm not sure how to say this word in French : «Disingenuous.» Disingenuous. Je ne veux pas dire «malhonnête», parce que ce n'est pas
exactement même sens en français. C'est une façon de donner une coloration
qui n'est pas exacte à un argument, O.K.,
«disingenuous». J'aimerais
juste lire un paragraphe qui vient de Food and Drug
Administration in the United States — dans les États-Unis : «Menthol, the only cigarette additive that is actively marketed by manufacturers, is particularly favored
by youth and ethnic/racial minorities. There is growing evidence that menthol cigarettes are starter products for youth,
impede cessation, increase relapse following cessation and undermine
social justice by the insistent targeted marketing of these products to these
communities.»
Donc, effectivement, ils sont bien clairs. Et
toutes les études démontrent que pour des adultes le menthol est utilisé par une très petite partie du marché, mais pour les jeunes c'est un
tiers à une moitié. Et je ne prétends pas d'être un expert. Je ne suis pas docteur, ou spécialiste, ou
scientifique, mais j'ai fait ma recherche sur l'Internet, et toutes les
études sont catégoriques : le
menthol, c'est une façon pour introduire les jeunes à un tabac un peu plus doux
pour qu'ils deviennent fumeurs sur le
long terme. Pour les compagnies de tabac, il n'y a aucun doute que leur
produit fait une dépendance. Et, une
fois qu'on est fumeur, c'est très difficile d'arrêter. Donc, l'idée est de
faire le marketing vers la nouvelle génération pour qu'ils deviennent fumeurs. Et le menthol était un outil qu'ils
utilisent... les autres saveurs qu'ils utilisent pour attirer le jeune
qui, autrement, ne va pas acheter des choses.
En Ontario... j'ai trouvé intéressant quand,
dans leur loi, où le tabac va être vendu, ils obligent — je ne
me souviens pas du numéro d'article,
mais c'est dans le règlement — ils obligent un grand panneau dans tous les
endroits à venir qu'on peut acheter
du tabac qui va dire le suivant : Le produit du tabac crée une dépendance
et tue un fumeur sur deux à long
terme. Ça, c'est fort. Et effectivement on doit prendre nos responsabilités.
Jusqu'au temps où on dit que ce produit est illégal, on doit utiliser les outils qu'on a pour vraiment lutter
contre une situation où 10 000 Québécois meurent chaque année à cause des maladies liées au tabagisme.
Dans la littérature d'Ontario que j'ai lue, c'est dit : En Ontario,
13 000 personnes meurent
chaque année à cause du tabagisme. Le tabagisme, c'est la cause numéro un de
mortalité et maladies dans la province. Donc, ce n'est pas différent ici. Il faut prendre des mesures fortes
pour assurer qu'il n'y a pas une nouvelle génération de fumeurs.
L'affichage,
ça va aider. L'attaque contre le marketing va aider. L'emballage neutre, je
comprends, comme élus, ça va prendre un certain courage pour devenir les
premiers au Canada de faire ça. C'est la loi en Australie, et ça marche.
Le taux de tabagisme tombe. L'Irlande a adopté ça malgré la pression et les
poursuites de l'industrie.
Mme
Charlebois :
...la Société canadienne du cancer est venue puis ils nous ont montré une mise
en garde qui était... premièrement,
elle avait une dimension réglementée sur un paquet pour je ne me souviens plus
quel pays, et ça couvrait les trois quarts, puis ça prend un certain
format au paquet parce que l'étiquette est tellement grosse que...
Une voix : ...
Mme
Charlebois : C'est
où?
Une voix : Australie.
Mme
Charlebois : Non, c'était le paquet neutre, ça, Australie.
Non, parce qu'on voyait les marques de cigarettes. Je ne me souviens pas c'est où. En tout cas, il y
avait un paquet où on voyait la marque de cigarettes dans le bas, mais
l'étiquette de mise en garde concernant le tabagisme était vraiment...
Une voix : ...
Mme
Charlebois :
...oui, puis il était réglementé, il y avait une surface. Ils semblaient me
dire que ça pouvait faire une partie du travail jusqu'à ce qu'on arrive
à un paquet neutre. Est-ce que vous seriez d'accord avec ça?
M. Rotrand (Marvin) : La position
des villes, c'est le paquet neutre. Si vous nous rencontrez à mi-chemin...
Mme
Charlebois :
...que le mi-chemin, là, on ne voit presque rien sur le paquet. Puis il ne
pourra plus y avoir de petits paquets, parce que, admettons que ça, ça serait
un paquet de cigarettes, là, bien il reste à peu près cet espace-là dans
le bas, là. Tout le restant, c'est une étiquette de mise en garde.
M. Rotrand
(Marvin) : Mme Charlebois,
si vous faites ça, vous aurez l'appui de la population, ça, c'est clair.
Nos motions vont beaucoup plus loin. On va
dire que la ministre n'a pas répondu à 100 %, mais est-ce qu'on va être
déçus? Probablement pas, et
certainement pas publiquement. Ce que j'aimerais dire, qu'effectivement...et je
comprends les enjeux politiques...
Mme
Charlebois : ...
M. Rotrand
(Marvin) : Je comprends les
enjeux quand même. Je ne peux pas dire oui, mais je ne veux pas dire
non, O.K.?
Mme
Charlebois :
Dans une perspective où on peut aller rapidement puis faire en sorte que... On
a déjà un plan d'action.
• (16 h 40) •
M. Rotrand
(Marvin) : La
standardisation de la mise en garde et de la rendre plus visible, tout ça, est
un grand gain, un grand gain pour la santé publique, ça va avoir un
impact.
Toute la
question de marketing est importante, parce que l'industrie essaie d'avoir
l'emballage vraiment sexy pour attirer
les jeunes. Si vous allez rayer ça et
leur capacité de faire ça et standardiser ce qu'ils doivent faire, ça va
avoir un impact, et les jeunes vont comprendre.
Mme
Charlebois :
Merci. Je n'ai pas d'autre question, mais merci beaucoup pour votre préoccupation
pour l'ensemble de la population. C'est vraiment gentil d'être venu.
M. Rotrand (Marvin) : C'est moi qui
vous remercie.
La
Présidente (Mme Montpetit) :
Alors, nous allons poursuivre avec l'opposition
officielle pour une durée de
12 minutes. M. le député de Rosemont, la parole est à vous.
M. Lisée : Merci, Mme la
Présidente. Très heureux de vous voir, alors, avec mes deux chapeaux :
critique en prévention, santé publique et
critique pour la métropole. Alors, on est tout à fait convergents. Je
suis d'accord avec presque tout ce que vous avez dit. J'ai quelques questions. Vous savez que, sur
l'emballage neutre, nous, c'est notre position. Donc, merci d'appuyer
cette position, qui est reprise par beaucoup de gens. On pense qu'on pourrait
agir rapidement.
Mais ce que
je veux vous poser comme question... puis vous avez parlé des villes japonaises où
vous êtes allé, où un certain nombre de lieux publics sont désignés non-fumeurs par les municipalités. Vous pourriez le faire. Et d'ailleurs
est-ce que ce ne serait pas une réponse à la question qui nous tarabuste,
la ministre, moi et les collègues, depuis le début?
Les rues à terrasses, Saint-Denis, Monkland, et les autres... Et d'ailleurs je
vous signale que je suis allé voir hier sur Saint-Denis
La grande terrasse rouge, qui fait plusieurs coins de rue, et c'est magnifique, c'est un très
bel aménagement urbain. Alors, ce qui nous tarabuste, c'est que,
si on dit qu'on ne peut pas fumer sur la terrasse, mais jusqu'à
neuf mètres... mais il n'y a
pas de neuf mètres, parce que la terrasse, c'est la fin de la propriété
du restaurant, et, à côté, il y a une autre terrasse, où vont aller les fumeurs? Bien, ils vont s'agglomérer quelque part sur le trottoir, devant une des terrasses ou devant un commerce
qui n'a pas de terrasse qui ne sera pas content.
Est-ce que
la solution, ce n'est pas que la municipalité dise : Bon, il y a un certain nombre de rues à terrasses qui seraient non-fumeurs?
M. Rotrand
(Marvin) : Je ne pense pas
que ça, c'est une solution, pour la raison suivante : quand on fait une
loi, ça s'applique partout, à l'uniformité,
les gens le comprennent. Ma grande crainte est, effectivement, chaque municipalité, chaque arrondissement va
avoir des différentes règles. Il y aurait quelques-uns qui vont refuser de le faire,
les autres qui vont être plus
stricts, les autres qui vont avoir des règles qu'ils appliquent de différentes
façons à différents temps de la journée
que l'autre à l'autre côté de la rue. Et ça mène à la confusion. Le plus facile
est que le gouvernement du Québec
dise : C'est la loi provinciale.
M. Lisée : On est d'accord qu'il
n'y ait pas de fumée sur les
terrasses. Je comprends, c'est votre position, c'est la nôtre aussi. Mais là ensuite il y a
le problème du trottoir. Moi, si, dans Rosemont,
par exemple, l'arrondissement dit : Bien, nous,
on décide que, sur la rue Masson, de telle rue à telle rue, ce sera non-fumeurs
le soir, mais que, sur la rue Crescent, ils
disent : Non, non, non, nous, on veut rester fumeurs, mais la société
de développement commercial de la rue Saint-Denis dit : Bien, nous, on va avoir un bout non-fumeurs
si les commerçants le veulent aussi ou si l'arrondissement peut décider de l'imposer, est-ce que
ce ne serait pas là votre responsabilité de désigner des espaces publics fumeurs ou
non-fumeurs?
M. Rotrand (Marvin) : ...ne pas répondre à votre question, parce
que ce me semble de créer une
«hodgepodge» qu'effectivement, même dans le même arrondissement, vous aurez des différentes règles
sur différentes artères commerciales. Beaucoup plus difficile à appliquer, beaucoup
plus difficile d'avoir des inspecteurs qui vont aller seulement
sur un bout de rue et pas à un autre,
et l'artère commerciale voisine ne va pas être touchée. Je pense,
vraiment, la solution est globale. On avait ce débat parmi nous autres. Il n'y a
pas consensus si on doit aller de l'avant. Côte-Saint-Luc a fait la question des
parcs, a causé des problèmes ailleurs, les gens ne sont pas sûrs s'ils
doivent suivre ou non. Des gens disent : Bon, laisse ça au gouvernement
du Québec, il y a
une loi provinciale qui va appliquer... On n'aurait pas le problème
des différentes règles d'un endroit à l'autre. Je sais, on pense que les
villes peuvent agir, mais qu'est-ce qui arrive si...
M.
Lisée : ...de notre responsabilité, là. Nous, on ne peut pas
désigner une partie de la rue Saint-Denis non-fumeurs, là. Vous demandez plus de pouvoirs sur la
métropole, on est d'accord, mais il y a un moment où... Parce que, les exemples
japonais que vous donnez, il y en a dans
d'autres villes aussi, des espaces publics, des rues, des bouts de rue qui sont
désignés.
M. Rotrand (Marvin) : Est-ce que je peux prendre votre question comme une offre d'ajouter à
la loi un nouveau pouvoir pour les
villes d'aller plus loin que... Parce que les pouvoirs réglementaires de la
ville dans ces matières ne sont pas clairs, à moi, O.K.? Et je ne suis
pas avocat. «Talented amateur, you know», mais pas avocat.
Donc,
je vous invite à poursuivre la recherche. Vous avez beaucoup plus de ressources
que moi. J'ai suggéré à la ministre
un pouvoir réglementaire au provincial. Si vous voulez ajouter à cette loi un pouvoir encore pour les villes d'aller
plus loin, j'accepte ça.
M.
Lisée : D'accord.
Bien, on avait déjà évoqué la chose ce matin, donc on en rediscutera.
Il semble que la ministre a dit que le pouvoir réglementaire, il existe, mais on le regardera
dans le travail article par article puis, si on doit le préciser, on le précisera, parce qu'effectivement ce serait
un bon moment pour que... on parlait plus tôt aussi que les universités puissent s'autodésigner zones non-fumeurs, il faut
qu'elles en aient la capacité légale. Peut-être ne l'ont-elles pas. Et on
ne veut pas ouvrir la voie à des
contestations, donc on devrait aussi permettre à des entreprises, des
universités, des écoles, des villes, des arrondissements de désigner des
places non-fumeurs s'ils le désirent, aller plus loin que la législation.
M. Rotrand (Marvin) : Vous avez soulevé la question d'aller plus loin. Est-ce que c'est
permis pour les témoins de poser des questions aux députés?
M. Lisée :
...
M. Rotrand (Marvin) : O.K. Parfait. J'aimerais savoir si vous êtes au
courant des mouvements, dans les États-Unis, qui ajoutent les collèges aux endroits où on ne peut pas fumer et la loi
qui est adoptée à Hawaii qui a augmenté l'âge pour fumer. Les jeunes moins que 21 ans ne peuvent pas
maintenant acheter de tabac ni fumer à Hawaii. Et aussi ils ont ajouté dans
leur loi la possibilité de faire des vérifications très, très strictes.
Ontario, «by the way», a la même chose. Dans leur loi, ça indique que, si vous êtes 25 ans ou moins
et vous voulez acheter des cigarettes, l'âge légal : 19 à 25, vous devez
démontrer votre identification. Et je sais
que vous avez essayé de renforcer notre loi, ça, c'est bon, mais j'aimerais
juste que vous preniez connaissance
qu'il y a des autres endroits où vous pouvez aller si vous voulez ajouter à
cette loi. Pour moi, les cégeps, c'est
normal. Si on protège celles en écoles secondaires, pourquoi pas d'avoir une
atmosphère, un environnement de santé
dans les cégeps? Et juste pour que vous utilisiez vos ressources pour regarder
les mouvements qui commencent dans
les États-Unis pour dire non à la vente des cigarettes aux jeunes de moins de
21 ans... C'est seulement à Hawaii où
est cette loi. Californie, le Sénat a adopté une résolution, l'assemblée n'a
pas, jusqu'à maintenant, entériné... La
Pennsylvanie a commencé une étude. Et, j'imagine, si trois États... un a
commencé, les autres vont commencer de parler aussi.
M. Lisée :
Eux, ils ont déjà l'âge légal pour acheter de l'alcool à 21 ans, d'ailleurs ce
qui aide l'économie montréalaise, parce que
plusieurs jeunes Américains viennent boire ici entre 18 et 21. Donc, il y a une
certaine homogénéisation qui se fait
de leur côté. Nous, il faudrait distinguer l'âge pour le tabac et l'âge pour
l'alcool. Ça serait peut-être un peu plus compliqué.
Dites-moi
quels sont les... Parce que vous dites que vous avez participé à une conférence
sur des villes en santé avec Mme
Suzanne Roy, présidente de l'UMQ, M. Denis Lapointe, président du Réseau
québécois de villes et villages en
santé, plus de 300 professionnels pour échanger sur les questions de santé
publique. Alors, je suppose que... outre que de demander au gouvernement québécois d'agir à l'Assemblée, ce que nous
allons faire, quelles sont les initiatives que les villes ont? Quelles
sont les bonnes pratiques? Qu'est-ce que vous, vous pouvez inventer en ce
sens-là?
M. Rotrand
(Marvin) : Les villes, faire leur part avec les moyens qu'elles ont.
Il y a beaucoup de villes qui ont adopté des
politiques de saines habitudes de vie, c'est-à-dire d'améliorer leurs offres de
nourriture qu'elles ont dans leurs propres facilités, soit les arénas ou les
bibliothèques, maisons de culture, même aux bâtiments comme celui des travaux
publics pour nos propres employés, dans les
machines distributrices, d'offrir une meilleure nourriture, mais aussi
d'ajouter l'activité physique dans la
planification urbaine. Chez nous, nous avons commencé avec ça... et appel aux
restaurateurs de retirer les huiles
et graisses qui ont des gras trans. À notre grand étonnement, un grand nombre...
on a fait publiquement, disant :
Bon, on répond favorablement à l'appel de l'arrondissement. Nous avons commencé
d'offrir les pistes de ski de fond
dans l'hiver. Et nous ne sommes pas les seuls, il y a beaucoup de villes
québécoises... Dans nos moyens, on a fait des marchés de quartier dans nos plans d'urbanisme, on ajoute des
sentiers verts. La planification commence de favoriser le transport actif, et il y a beaucoup plus de
pistes cyclables. L'idée que l'autobus doit avoir une certaine priorité devient
plus commune dans la pensée des municipalités.
Mais, sur la question
du tabac, le consensus à ces réunions... et c'était très fort, j'étais vraiment
impressionné. J'ai commencé ça avec 10
autres élus montréalais, et 350
personnes ont finalement... joindre à nous, «everybody who's anybody in the health network» et aussi des élus
de presque partout au Québec. On était bien heureux d'avoir Mme Roy et avoir un conduit à l'UMQ pour que l'UMQ prenne ce
qu'ils ont entendu et faire partager avec l'ensemble des municipalités du Québec. Sur le tabac, c'est clair, on aime la loi n° 44,
on veut aller plus loin.
• (16 h 50) •
M.
Lisée : M. le conseiller,
merci beaucoup pour votre engagement dans la lutte au
tabagisme, merci de votre présence, merci de votre travail.
M. Rotrand (Marvin) : ...M. le député. C'est la
première fois que je suis en commission parlementaire depuis 1994.
M. Lisée :
Revenez quand vous voulez.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Alors, nous allons
poursuivre avec le député de Lévis pour une durée de huit minutes.
M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, M. le conseiller. Vous dites que
votre dernière visite date de 1994.
Une fois aux 20 ans, hein... Vous pouvez venir frapper plus souvent puis venir
faire votre tour, c'est agréable de vous entendre.
On
a parlé tout à l'heure, et vous avez dit : D'inscrire dans la loi...
c'est-à-dire, de mettre, dans la loi, des exigences, ça fait toute la différence, et vous en avez parlé
notamment pour les parcs, les terrains sportifs, bon, etc., davantage que
de réglementer ou de régir du côté
municipal. Juste avant d'aborder les oppositions auxquelles vous avez été
confronté... Le cartage, carter pour
être capable d'avoir, d'obtenir des produits du tabac, c'est-à-dire d'être
obligé de s'identifier... les
détaillants nous ont dit, les dépanneurs nous ont dit qu'ils apprécieraient
avoir, dans le projet de loi, l'obligation de carter ceux et celles qui, jusqu'à 25 ans, souhaitaient acheter un
produit du tabac. Pour l'instant, c'est laissé à leur discrétion. C'est-à-dire, ils ont la responsabilité, ils ont
l'obligation, mais la responsabilité est sur eux de le faire. Eux réclamaient que,
dans la loi, ce soit inscrit. Est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée?
M. Rotrand (Marvin) : Je n'ai aucune objection. C'est dans la loi de l'Ontario.
Effectivement, c'est ce que la loi en
Ontario dit. Peut-être, c'était le même argument en commission parlementaire
là-bas. Pour moi, ce qui est important est...
les gens qui vont aller essayer d'acheter le tabac vont savoir qu'ils doivent
faire une preuve d'identité, et, probablement, ils vont être refusés,
donc ils ne vont pas même aller...
L'autre
aspect de la question : on doit avoir des punitions pour des adultes qui
achètent du tabac pour les jeunes, parce
que, si vous êtes stricts avec les jeunes, ils vont essayer de trouver une
autre façon de procurer ce produit. Donc, je sais que les amendes sont haussées, et ça, c'est une bonne chose. Je
n'ai aucune objection de quelle façon vous... le faire, l'objectif est
d'assurer que les jeunes n'achètent pas de tabac.
M. Paradis (Lévis) : À ce chapitre-là, les amendes, plusieurs détaillants et commerçants ont
dit que c'était trop élevé, la
différence était trop importante, que ça mettait en péril la survie de
certaines entreprises, sachant pertinemment que des propriétaires de dépanneur qui comptent dans leurs produits les
produits du tabac, bien sûr, ne gagnent pas une fortune et risquent, s'ils sont
pris en flagrant délit parce qu'un employé aurait décidé, par exemple, de mal
agir... ils pourraient être acculés à
la faillite. Est-ce qu'à ce chapitre-là vous trouvez que ces amendes-là sont
trop sévères et devraient être
revues? Est-ce qu'on devrait revoir la notion de récidive, première récidive,
deuxième récidive, troisième récidive avant de retirer, par exemple, les
produits du tabac? Est-ce qu'on doit revoir ça?
M. Rotrand
(Marvin) : Non. Je ne trouve pas que c'est trop punitif.
Effectivement, ça rejoint le niveau des amendes
ailleurs au Canada, et ce qui est arrivé n'était pas comme les dépanneurs,
«convenience stores» en Ontario... est
allé en faillite. Ce qui est arrivé, ils commençaient d'être vraiment prudents
avec les acheteurs potentiels pour assurer que le problème n'existe pas. Il y a une étude que j'ai lue sur
l'Internet juste il y a quelques jours, j'ai oublié de l'imprimer. Les inspecteurs au Nouveau-Brunswick ont trouvé
que 57 % des détaillants à Bathurst, au Nouveau-Brunswick, vendent régulièrement le tabac illégalement aux jeunes, et
c'est à cause du fait qu'il n'y était pas une vraie punition. La loi a été
changée, le taux des personnes qui ne respectent pas leurs obligations légales
a chuté. La même chose va arriver ici. Ça va
devenir normal pour les détaillants de demander une carte d'identité, et celui
qui va essayer d'acheter illégalement va y penser deux fois. Donc, le
problème va disparaître assez rapidement. Les amendes sont raisonnables devant
une épidémie qu'on vit au Québec.
M. le
ministre, 10 000 morts chaque année que nos médecins nous disent qu'on
peut éviter. Donc, «it's a no-brainer».
M. Paradis (Lévis) : Vous dites que c'est correct. Parlons
d'application, la notion du neuf mètres. À Montréal notamment, des propriétaires de restaurant-bar se
battaient encore tout récemment pour réussir à avoir une terrasse. En fonction de tous les travaux qui se font
présentement au centre-ville de Montréal, ils réussissaient à peine à avoir
quelques pieds devant leurs établissements pour servir les clients qui
souhaitaient manger à l'extérieur. Dans l'applicabilité, c'est-à-dire de faire en sorte qu'on ne puisse
fumer, la distance, etc., les gens qui représentaient les bars et les
restaurants parlaient d'une notion de
1,5 mètre, on est à neuf mètres. Est-ce que voyez un problème dans
l'application de cette norme-là?
M. Rotrand (Marvin) : En 1987, je me suis levé au conseil municipal de Montréal et j'ai
demandé, en l'absence d'une loi
provinciale sur l'usage du tabac, un règlement municipal pour protéger les
non-fumeurs dans les restaurants et autres endroits. Le maire Doré a
cédé et a dit : Oui, je vais le faire. Il l'a fait. La loi était très
faible. J'ai continué de pousser, j'ai
dit : Bon, on doit avoir une loi pour tout le Québec. Le gouvernement du
Québec a finalement dit oui, et j'ai demandé
beaucoup plus d'inspecteurs, j'ai dit : Parce que je ne crois pas que les
gens vont respecter de ne pas fumer dans les bars. Le gouvernement du Québec n'a pas embauché plus d'inspecteurs.
Et savez-vous ce qui est arrivé? Tout le monde a respecté la loi. J'avais tort, j'avais une peur irraisonnable que les
gens ne respectent pas une loi de leur Assemblée nationale. Vous autres avez des pouvoirs ici, vous êtes les
leaders de notre société. Quand vous faites une loi, les gens la suivent — presque tous les gens — la
suivent. Et, si c'est neuf mètres, ça va être respecté.
Je
n'ai pas toutes les statistiques pour les autres provinces. Il y en a
quelques-unes où c'est plus long, les autres, c'est moins long, mais,
dans tous les cas, tous les élus que j'ai consultés ailleurs ont dit :
Aucun problème, les gens le respectent.
Donc, je pense que vous pouvez rester avec le neuf mètres. Oui, vous aurez des
gens qui vont vous dire après : Vous avez été trop durs, mais ça va
disparaître en six mois.
M. Paradis (Lévis) : Je vous poserai une dernière question. Ce n'est pas d'hier que vous
travaillez à ce dossier-là, vous le
dites, hein, et vous en faites un cheval de bataille, mais vous avez aussi
rencontré des opposants. Ceux qui trouvent que tout ça est trop sévère, quels sont les arguments qu'ils vous
servent? Comment expliquent-ils le fait qu'ils ne soient pas d'accord
avec ce dont on parle présentement?
M. Rotrand (Marvin) : Je connais M. Sergakis pendant plus que 25 ans. Selon lui, il est
convaincu que son chiffre d'affaires
va diminuer d'une façon qui va mettre en péril pas seulement son entreprise,
mais celles des autres collègues dans
la même industrie. J'ai vraiment essayé d'expliquer, et il a utilisé le même
argument que quand nous avons légiféré pour
les restaurants, et le ciel n'est pas tombé. Effectivement, il fait une bonne
affaire, et c'est assez bon qu'il y a même des chaînes de restaurants qui... «non-fumeurs» sur leurs terrasses
avant cette proposition dans la loi n° 44. C'est une crainte pas basée
sur les études, c'était seulement une crainte qui motivait la majorité de leur
opposition.
Je
comprends l'industrie. Pour l'industrie, c'est leur profitabilité qui est
possiblement en jeu. S'il n'y a pas une nouvelle génération de fumeurs,
leur profit va diminuer en 10 ans, en 20 ans, en 30 ans, ça va être une
industrie en disparition. Pour les autres,
je ne vois pas qu'il y a grand opposition. J'ai lu quelques sondages et je ne
peux pas vous dire lequel
aujourd'hui... pour les terrains de jeu, 90 %, 92 % des Québécois
étaient d'accord; pour le tabac aromatisé, c'est presque pareil; sur les terrasses, les non-fumeurs, c'est 90 %, et
même les fumeurs étaient à presque 60 %, 62 %. Donc, le consensus existe, et, une fois que la loi est
en application, les gens vont voir : Bon, ce n'était pas assez mauvais
comme ça, je n'étais pas vraiment
incommodé, j'ai toujours les autres options. Donc, M. le député, je pense que
vous pouvez voter pour cette loi en bonne foi.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, monsieur.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie énormément, M. Rotrand,
pour votre exposé et le temps que vous avez accordé aux parlementaires.
Sur
ce, je vais suspendre les travaux quelques instants et j'invite le prochain
groupe, les représentants du Centre intégré universitaire de santé et de
services sociaux du Nord-de-l'île-de-Montréal, à bien vouloir prendre place.
(Suspension de la séance à
17 heures)
(Reprise à 17 h 5)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos travaux et nous accueillons
maintenant les représentants, représentantes du CIUSSS du
Nord-de-l'Île-de-Montréal. Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes
de présentation. Par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les
parlementaires. Et, s'il vous plaît, peut-être prendre soin de bien vous
nommer, préciser vos fonctions dans votre intervention. Alors, la parole est à
vous.
Centre intégré universitaire de
santé et de services
sociaux du Nord-de-l'Île-de-Montréal
(CIUSSS─Nord-de-l'Île-de-Montréal)
M. Gfeller
(Pierre) : Parfait. Alors,
bonjour tout le monde. M. le
Président, Mme la ministre déléguée, membres de la commission,
je vous remercie de nous recevoir. Je suis le Dr Pierre Gfeller, président-directeur général du nouveau Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Nord-de-l'Île-de-Montréal. Je
suis accompagné aujourd'hui de
membres de ce CIUSSS. À ma gauche, il y a Mme Marie-France Simard, directrice générale
adjointe, Programmes sociaux,
réadaptation et première ligne, auparavant directrice générale de l'Institut
universitaire de gériatrie de Montréal. Mme Simard a notamment été présidente du comité scientifique du
ministère de la Santé et des Services sociaux visant la révision de
l'offre de services en centres d'hébergement. À ma droite, voilà le Dr Alain
Desjardins, pneumologue à l'Hôpital du
Sacré-Coeur de Montréal. Mentionnons que Dr Desjardins a été médecin
expert pour représenter les victimes de
la maladie pulmonaire chronique et du cancer du poumon dans le recours
collectif contre des manufacturiers de cigarettes. Au terme de ce mégaprocès, les cigarettiers ont
été reconnus coupables et condamnés à verser des indemnités de
15 milliards de dollars aux victimes.
J'aimerais,
d'entrée de jeu, souligner l'appui de notre CIUSSS au projet de loi n° 44.
En tant qu'établissement de santé,
c'est notre devoir absolu de lutter contre le tabagisme, et nous avons
l'obligation d'être des leaders dans ce domaine, ce que nous avons été au cours des dernières années. Aucun effort ne
devrait donc être ménagé pour combattre le tabagisme et ses
conséquences.
Nous sommes
très fiers du mémoire que nous déposons aujourd'hui, particulièrement parce
qu'il a été rédigé en consultation
avec nos trois conseils professionnels : le conseil des médecins,
dentistes et pharmaciens, le conseil multidisciplinaire
et le conseil des infirmiers et infirmières. Nous voulons aussi vous exprimer
nos remerciements parce que nous
sommes le seul CISSS, ou CIUSSS, véritable détenteur de la responsabilité
populationnelle qui est invité à vos travaux, et, en plus, nous sommes
les derniers à être entendus, et donc les derniers à parler. Introduction.
Alors, j'aimerais maintenant vous dresser un bref
portrait du CIUSSS du Nord-de-l'Île-de-Montréal. Notre CIUSSS organise, développe et assure la prestation des services de santé
et de services sociaux de première ligne pour la population du
Nord-de-l'île-de-Montréal en plus d'offrir des soins spécialisés à
1,8 million de Québécois dans les domaines
de la traumatologie, de la santé respiratoire et de la santé cardiovasculaire.
411 000 personnes sont desservies sur notre territoire local,
et on estime qu'environ 19 % d'entre elles fument la cigarette. Plus de
11 000 employés et 500 médecins
travaillent dans nos installations. L'Hopital du Sacré-Coeur de Montréal,
l'Hôpital Jean-Talon, l'Hôpital Fleury, l'Hôpital Rivière-des-Prairies et le Pavillon Albert-Prévost sont
intégrés à notre CIUSSS. Nous avons également six CLSC et 11 CHSLD publics. Notre CIUSSS est
également affilié à l'Université de Montréal et regroupe deux centres de recherche : celui de Sacré-Coeur et celui de
recherche et de partage des savoirs interactifs en sciences sociales de
l'ancien CSSS de Bordeaux-Cartierville-Saint-Laurent.
Je céderai maintenant la parole au Dr Alain
Desjardins.
M.
Desjardins (Alain) : Je
désire aborder avec vous l'interdiction de fumer sur les terrains des
établissements de santé et de services sociaux, qui constitue la
première proposition de notre mémoire.
Nous
considérons que les établissements doivent servir d'exemples et offrir un
environnement des plus sains aux travailleurs
et aux usagers. C'est pourquoi nous proposons d'être des précurseurs et
d'instaurer l'interdiction de fumer sur
l'ensemble des terrains des établissements. Rappelons qu'actuellement il est
interdit de fumer à l'intérieur d'un rayon de neuf mètres des portes
d'accès des établissements. L'élargissement de cette interdiction permettrait
d'éliminer les barrières de fumée que les
patients et visiteurs doivent régulièrement traverser pour entrer et sortir de
nos installations. Un sondage
effectué auprès de 1 000 employés de notre CIUSSS en 2014 révèle
que 13,8 % d'entre eux sont des fumeurs. Si cette mesure pouvait encourager ces employés à cesser de fumer, le
support nécessaire leur serait offert via le Programme d'aide à la
cessation tabagique.
Parlons maintenant des programmes d'abandon du
tabac dans les hôpitaux, proposition 5 de notre mémoire. Depuis
quelques années, tous les établissements de notre CIUSSS sont sans fumée, à
l'exception de quelques centres hospitaliers
ou de soins de longue durée. Ainsi, le dernier fumoir interne de l'Hôpital du
Sacré-Coeur de Montréal a été fermé
en 2008, tandis que les trois fumoirs internes du pavillon psychiatrique
Albert-Prévost l'ont été en 2011. Les fumeurs hospitalisés se trouvent donc obligatoirement contraints au sevrage
tabagique dès qu'ils sont admis. Le Programme d'aide à la cessation tabagique,
ou PACT, a été inauguré à l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal pour répondre
aux besoins de la clientèle
ambulatoire en 2004 puis s'est adressé aux besoins des patients hospitalisés
depuis 2009. Il offre aux fumeurs hospitalisés
une thérapie de remplacement nicotinique dans plusieurs départements et
services à l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal.
• (17 h 10) •
Depuis 2007, le PACT et la Direction des
ressources humaines de l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal ont organisé, deux fois par année, le défi six
semaines sans fumer afin de promouvoir l'abandon du tabac auprès du personnel.
De plus, des consultations individuelles
sont offertes au PACT. Le PACT offre une infirmière spécialisée qui rencontre
les fumeurs référés sur une base individuelle, émet des recommandations de
traitement et de stratégie adaptative et organise
un suivi téléphonique ou les dirige vers un centre d'abandon du tabac à leur
congé. Le directeur médical du PACT agit
comme consultant expert en rencontrant les patients qui ont des besoins
particuliers, par exemple des rechutes dues à une forte dépendance au tabac et des problèmes d'intolérance aux
médicaments usuellement utilisés. La formation des infirmières des
divers départements portant sur la thérapie de remplacement de la nicotine
permet d'atténuer les symptômes de sevrage
tabagique et de promouvoir l'abandon du tabac chez les fumeurs hospitalisés.
Parallèlement, dans nos trois CLSC, les infirmières des centres
d'abandon du tabac offrent un soutien ambulatoire aux patients fumeurs désireux
de cesser.
Comme vous pouvez le constater, notre programme
d'abandon du tabac est étoffé et a fait ses preuves. C'est pourquoi nous proposons de rendre obligatoire,
d'ici 2020, la mise en place d'un programme d'abandon du tabac pour la
clientèle hospitalisée et ambulatoire dans tous les hôpitaux.
Avant de céder la parole à
Mme Simard, je tiens à souligner notre appui à l'article de loi portant
sur l'assimilation de la cigarette
électronique à un produit du tabac et de l'inclure dans la définition de fumer.
L'efficacité de la cigarette électronique
pour la cessation tabagique et son innocuité à long terme n'ont pas été
clairement démontrées. La cigarette électronique demeure donc un moyen
encore controversé pour aider spécifiquement certains types de fumeurs très dépendants qui ont échoué avec les méthodes
conventionnelles. La cigarette électronique a par ailleurs le potentiel de
réduire la motivation de cesser
complètement son usage et occasionne un recul par rapport à la dénormalisation
du tabac dans la société. De plus, plusieurs fumeurs l'utilisent dans
les zones où la cigarette est prohibée. Mentionnons qu'en 2014 plusieurs installations de notre CIUSSS ont
assujetti la cigarette électronique à la même interdiction que la consommation
de tabac.
Je cède maintenant la
parole à Mme Marie-France Simard.
Mme Simard (Marie-France) : Merci, Dr Desjardins. J'aimerais maintenant
aborder avec vous la question de l'utilisation
du tabac en CHSLD, un sujet qui me tient beaucoup, beaucoup à coeur. Je pense
que nous avons le devoir d'assurer un
milieu de vie sécuritaire à nos personnes âgées extrêmement vulnérables et un
milieu de travail sain pour nos employés.
Dans
notre CIUSSS, nous avons 1 920
résidents; 139 sont fumeurs, 93 sont des personnes âgées. Donc, seulement 93
sont des personnes âgées. Les autres personnes sont des adultes en perte d'autonomie, alors soit une clientèle avec une problématique de santé
mentale ou une clientèle avec une problématique de déficience physique. On
pense, entre autres, à des jeunes traumatisés de la route, là, qui sont
dans nos établissements. Donc, une clientèle adulte et pas beaucoup, finalement, de personnes âgées qui sont fumeurs.
Dans nos CHSLD, sur 11 CHSLD, quatre actuellement permettent de fumer dans les chambres. Pour les autres, c'est un
fumoir que nous avons dans chacun des établissements. J'aimerais aussi amener en lumière le fait que les personnes qui
sont actuellement admises en CHSLD, et ça, grâce aux initiatives, là, de
nos différents gouvernements, c'est une
clientèle qui est en très, très grande perte d'autonomie, puisqu'on a beaucoup
investi dans le maintien dans le milieu de vie, on a développé beaucoup de
ressources sur le territoire, des ressources intermédiaires,
différentes ressources qui nous permettent de maintenir dans le milieu de vie
les personnes âgées, mais qui
amènent, dans nos établissements, donc, des personnes âgées en très, très
grande perte d'autonomie. Dans ce contexte-là, on considère aussi que, les gens, au moment où ils arrivent dans notre
établissement, la perte d'autonomie est telle que fumer ne fait plus
partie de leurs habitudes de vie maintenant.
Alors, dans ce
contexte, nous suggérons aujourd'hui à la ministre et à la commission d'étudier
la possibilité d'envisager la fermeture
graduelle de nos fumoirs en CHSLD. On pense que, d'ici trois à cinq ans, la
clientèle se sera considérablement
modifiée, considérant les nouveaux critères d'admissibilité, et qu'il serait
tout à fait possible de mettre en
place un comité de travail qui nous permettrait d'envisager, donc, la fermeture
des fumoirs d'ici trois à cinq ans. Pour nous, on pense que l'intégration de la fermeture de ces fumoirs dans une
future politique sur l'usage du tabac dans notre CIUSSS permettrait, d'une part, d'offrir des milieux de vie et de
travail encore plus en santé et, d'autre part, améliorerait la sécurité
de notre clientèle extrêmement vulnérable.
Rappelons
que la consommation de la cigarette en CHSLD présente un très, très fort potentiel d'incendie pouvant avoir
des conséquences graves.
Bien sûr,
un programme de cessation du tabagisme, à ce moment-là, serait aussi
initié auprès de notre clientèle fumeurs, et on mettra... on suggère, en
tout cas, de mettre en place un programme de formation pour notre personnel
permettant de soutenir notre clientèle dans la cessation du tabagisme.
Je laisse maintenant
la parole au Dr Gfeller pour le mot de la fin.
M. Gfeller (Pierre) : Alors, membres de la commission,
comme vous avez pu l'entendre, nos propositions visent à faire un pas de plus dans la lutte contre le
tabagisme, elles cadrent parfaitement avec notre vision de ce qu'est un centre
intégré universitaire de santé et de
services sociaux, c'est-à-dire un établissement qui assume pleinement la
responsabilité qu'il a envers la
population, qui offre des services adaptés à ses clientèles et aux nouvelles
réalités et qui est un employeur de choix, car il offre un environnement
de travail sain et sécuritaire.
J'aimerais
terminer cette allocution en saluant l'ensemble de notre personnel. Il s'agit
de milliers de personnes qui, tous les jours, font un travail remarquable pour
offrir à tous nos usagers et à la population des soins et des services de qualité, et c'est pourquoi nous avons le devoir
de leur offrir un environnement de travail sain, donc un environnement
sans tabac et sans fumée. Je vous remercie de votre attention.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, vous avez maintenant
l'occasion d'échanger, en commençant par la ministre, avec Mme la
ministre pour une période de 20 minutes.
Mme
Charlebois :
M. Gfeller, Mme Simard et M. Desjardins, merci d'être là et de
nous faire part de vos préoccupations par rapport au projet de loi.
Je
suis fort heureuse de voir que vous appuyez fortement le projet de loi, un
autre groupe qui appuie fortement le
projet de loi. On sent qu'il y a vraiment une forme de consensus, j'irais
jusqu'à dire ça, là, dans la société, notamment chez les gens qui
oeuvrent dans le système de la santé. Vous êtes bien placés pour voir les
dommages que cause le tabagisme, hein, on
n'a pas besoin de vous l'expliquer. Même que ça a été fort instructif
d'entendre tout le monde apporter un
point de vue. Aujourd'hui, on a même parlé du cerveau d'un enfant, ça m'a
fascinée, et je souhaite même peut-être intégrer ça dans des campagnes de prévention. En tout cas, j'ai gardé ça
en tête, là, parce que je ne suis pas certaine que c'est connu tant que
ça par l'ensemble de la population. On sait le cancer, on sait bien des choses,
mais le cerveau, le développement d'un adolescent, ça m'a grandement frappée.
Alors, allons dans le vif
du sujet. Je vois que, dans votre mémoire, vous appuyez la majoration du
montant des amendes — là,
je vous amène dans une autre zone complètement de ce que vous nous avez
dit — prévues
en cas d'infraction sur la Loi sur le tabac.
Les détaillants nous ont dit : Vous allez nous faire fermer, en tout cas...
parce que vous savez qu'il y a une
augmentation substantielle. Alors, est-ce que vous avez jasé avec des
détaillants ou si, vous, ça vous importe peu, il faut vraiment que les
gens se responsabilisent, et c'est tout?
M. Gfeller (Pierre) : Disons que le
CIUSSS est une créature relativement nouvelle, elle a eu cinq mois le
31 août. On n'a pas eu la chance d'échanger encore avec des détaillants à
ce sujet-là.
Par contre,
moi, je peux vous dire que, d'expérience, puis on en a parlé tantôt,
M. Rotrand en a parlé, quand il y a eu des mesures de limitation de l'usage du tabac qui ont été amenées par
voie législative, il y a toujours eu des craintes à l'effet que ça
serait difficile à appliquer ou encore que les amendes seraient prohibitives.
En fait, moi, dans tous les milieux où j'ai
travaillé... puis j'ai vécu pas mal d'événements, parce que, quand j'ai
commencé mon cours de médecine, on fumait encore dans les salles d'urgence;
alors, on se déplaçait pour venir voir un patient qui faisait un infarctus puis
le patron, le cardiologue, avait la
cigarette au bec. Alors donc, il s'est passé pas mal d'eau sous les ponts
depuis ce temps-là. Puis, à chaque
fois où on a annoncé une catastrophe, on a dit : Bien là, ça ne sera pas
possible d'arrêter le tabac à l'hôpital, ça ne sera pas contrôlable, il
va falloir mettre une police dans chaque corridor, mais ce n'est pas ça
vraiment qui s'est passé. Ça s'est très bien passé, ça a été accepté. Il y a un
consensus social qui va avec ça.
Donc, le
CIUSSS, dans son mémoire, n'aborde pas directement cette question-là des
amendes, mais, en fait, étant donné
qu'on est concernés par la santé de la population, nous sommes d'accord avec
toutes les mesures qui peuvent amener une
diminution de l'usage du tabac puis diminuer aussi la possibilité pour les gens
à commencer à fumer. Donc, toutes ces mesures-là reçoivent notre appui.
• (17 h 20) •
Mme
Charlebois :
D'accord. Vous faites mention que vous souhaitez que toute la superficie des
terrains des établissements de santé soit...
qu'il y ait une interdiction de tabagisme, finalement, de fumer et vous faites
mention aussi d'ajouter un périmètre
d'interdiction de fumer au pourtour des terrasses. Est-ce qu'on ferait la même
chose sur les terrains des établissements? Comment vous voyez ça?
Je vous
explique une affaire que j'ai vécue il y a... Mon père est décédé en 2000, je
l'ai dit souvent pendant la commission,
là, d'un cancer du poumon, puis, de temps en temps, il me demandait... puis il
n'était plus capable, là, je vous le
dis, là, il n'était plus capable de fumer, là — vous qui êtes pneumologue, vous savez c'est
quoi à la fin, là — mais il me disait : Descends-moi en bas, il faut
que j'aille fumer. Il ne fumait pas pantoute, là, il essayait de tirer une poffe, puis ça arrêtait là. Il
n'était pas capable, mais il fallait qu'il y aille, c'était plus fort que lui.
On fait quoi avec ce monde-là? On va-tu les
éduquer? Ils sont en fin de vie. On va les amener où fumer? J'aurais poussé la chaise roulante jusque sur le
trottoir? Qu'est-ce que j'aurais dû faire, à votre avis, puis qu'est-ce qu'on fait pour l'avenir?
M.
Desjardins (Alain) : C'est
sûr que c'est une question délicate parce
que ça interpelle beaucoup
d'émotions. L'expérience que j'ai, c'est quand on aborde un patient qui
a un cancer... puis ils sont souvent avancés au moment du diagnostic, et c'est là le drame du cancer du
poumon. Ce que je me suis aperçu avec ma pratique — j'ai maintenant 25 ans de
pratique — c'est
qu'au début de ma pratique ce qu'on m'avait enseigné, c'est qu'il est trop tard
puis il ne faut rien faire avec ça.
Après ça, il y a eu beaucoup d'articles scientifiques qui ont fait état dans
le fait de l'entrave au traitement, O.K.,
que ce soit une chirurgie, une radiothérapie
ou une chimiothérapie, le fait de fumer, c'est la cause du cancer, mais en plus
c'est que ça augmente la durée du... la
prolifération des cellules cancéreuses et ça diminue la mort cellulaire qui
sont induites par les traitements dont on dispose, donc la radiothérapie
et la chimiothérapie.
Si on fait maintenant allusion aux soins
palliatifs, ça veut dire qu'on a épuisé, qu'on a dépassé ces stades de traitement. Ce que mon expérience m'a montré,
c'est que, si je ne parle pas d'arrêt tabagique avec les patients cancéreux
qui sont en fin de vie, ça leur induit un
état de désespoir profond, O.K.? Et je pense que, comme médecin, l'empathie,
ça fait partie des choses importantes
à faire, et de ne pas couper l'espoir, même quand il est petit, O.K., de
ne pas adresser cette question-là avec un fumeur, ça ajoute à la
lourdeur et au drame qu'ils vivent, et les efforts qu'ils font et qui sont récompensés... parce que j'ai des patients,
moi, qui ont arrêté des fois une semaine avant de mourir, ils sont tellement
fiers, et leurs familles, elles sont tellement
contentes que c'est une autre atmosphère qui se dégage à ce moment-là. Donc, c'est un petit peu à l'envers de ce qu'on pourrait croire
intuitivement, de ne pas adresser cette question-là en fin de vie, parce que c'est
vrai que ça ne changera pas leur survie la plupart du temps, mais ça change
autre chose, il y a un sentiment de fierté puis
d'accomplissement, Et souvent, quand j'interviens auprès d'un fumeur qui est en
fin de vie comme ça, ça fait un ricochet, et
les gens qui sont proches d'eux souvent se commettent à arrêter eux-mêmes, parce que
c'est souvent des fumeurs dans les
familles. Donc, c'est une personne et les proches de cette personne-là qu'on
aide en même temps, et tout
le monde se sent bien avec ça.
M. Gfeller
(Pierre) : Sur la question
du neuf mètres, Mme la ministre. Je suis entré en fonction à Sacré-Coeur en
août 2012 puis je connaissais le Dr Desjardins, parce que, dans mon ancienne
vie, j'étais médecin de famille, Dr Desjardins, c'était un de mes consultants
en pneumologie, et, donc, il m'a dit : Pierre, la première semaine, il
dit, il faut qu'on étende l'interdiction de
fumer à tout le terrain. Mais, vous savez, le terrain de Sacré-Coeur, c'est
assez grand, c'est un quadrilatère
montréalais. Alors, j'ai dit : Oui, Alain, je sais, je connais la bataille
que tu mènes, mais ça me semble un
peu radical. Mais c'était en 2012. Depuis ce temps-là, on rentre, on sort de
l'hôpital puis on parle des rideaux de fumée, mais ce n'est pas une vue
de l'esprit, hein? Quand on arrive à l'hôpital à l'heure de la pause, il faut vraiment
franchir un rideau de
fumée, en plus d'un rideau de mégots, hein, qui délimite une ligne de neuf
mètres, là, à côté de la ligne bleue. Donc, il y a vraiment
des conséquences de ça, et je pense qu'on doit considérer cette chose-là ou, du
moins, au moins l'étendre peut-être plus loin que les portes d'entrée et
de sortie des hôpitaux.
M. Desjardins (Alain) : Moi, j'ajouterais peut-être deux petits
commentaires sur ce point-là. C'est que d'abord je trouve que c'est
discordant de penser qu'on va protéger nos jeunes en mettant tous les terrains
des écoles sans fumée puis que nos établissements de santé ne seront pas assujettis à cette même règle. Ça fait que ça,
c'est la première chose qui m'interpelle.
La
deuxième, c'est que je peux vous témoigner, quotidiennement, des plaintes ou
récriminations de mes patients vulnérables,
dont les asthmatiques et les patients qui ont la maladie pulmonaire obstructive
chronique, qui doivent justement passer
à travers ça et qui, des fois, font des efforts pour cesser de fumer eux-mêmes,
puis là ils sont confrontés avec la réalité de rencontrer des fumeurs
puis là, bien, avec toute la dynamique que ça suppose.
Mme
Charlebois :
Vous avez tout à fait raison. J'ai passé à travers toutes ces étapes-là.
Bon.
Parlons donc d'ajouter le... vous avez aussi dit : Ajouter un périmètre...
parce que moi, je vois, là, que vous allez plus loin que ce que nous autres, on a
proposé dans le projet de loi, mais je veux vous faire parler sur ce que vous
nous amenez qui nous amène plus loin :
ajouter un périmètre d'interdiction de fumer sur le pourtour des terrasses. Non seulement vous dites : C'est parfait, les terrasses,
mais on dit : Mettez-en plus autour. Les restaurateurs, là, ils ne vont
pas être contents... les tenanciers de bar. Qu'est-ce que vous dites de ça?
M. Gfeller (Pierre) : Bien, ça a été abordé tantôt avec M. Rotrand, je pense, c'est un petit peu la même question, mais notre point de vue là-dessus, c'est que les
gens qui circulent sur une rue piétonnière ou sur une rue où il y a des
terrasses l'été, quand il fait beau... l'été est relativement court au
Québec, mais on pense qu'ils ont le droit aussi d'avoir un environnement sans fumée. Et donc, si jamais les
gens circulent sur la rue, et que tout le monde fume sur la rue Saint-Denis,
et que les terrasses sont non-fumeurs, bien
les gens qui vont passer à côté des terrasses vont, bien entendu, propager de
la fumée puis ils vont incommoder les
gens qui sont sur les terrasses. C'est dans ce sens-là, je pense, que cette
recommandation-là est venue. Je ne
suis pas certain qu'elle fasse partie intégrale de notre mémoire en ce qui
concerne les terrasses, mais je pense que c'est quand même quelque chose
qui est justifié.
Mais,
de là, il faut faire attention, parce que les terrasses, souvent, sont très
proches de la rue. Il ne faudrait pas causer un autre problème de santé
publique. Bien qu'on ait un créneau d'expertise en traumatologie, on ne
voudrait pas nécessairement augmenter
notre nombre de cas à l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal. Donc, il faudrait
être prudent, là, dans les mesures qui seront proposées.
Mme
Charlebois : Oui, mais c'est toujours, tu sais, comme quand
on parle de la distance de neuf mètres de la porte de l'établissement
jusqu'à concurrence de la limite du terrain, évidemment.
J'ai
aussi noté que vous souhaitez qu'il soit interdit de vendre du liquide
contenant de la nicotine pour la cigarette électronique comportant une saveur
ou un arôme autres que ceux du tabac, notamment ceux liés à un fruit, un
chocolat, la vanille, le miel, le
bonbon, le cacao, et dont l'assemblage... l'emballage, plutôt, laisse croire
qu'il s'agit d'un tel produit. Est-ce
que le fait que nous ayons, par voie réglementaire, laissé une possibilité
d'interdire les saveurs ultérieurement... Puisque de vos collègues nous ont dit que c'était un excellent produit
pour la cessation du tabagisme, nous avons laissé les saveurs pour les cigarettes électroniques avec
une possibilité, par voie réglementaire, si on s'aperçoit que c'est ce qui
fait en sorte que ça devient une passerelle et pour les jeunes et pour d'autres
clientèles, que nous pourrions intervenir, interdire les saveurs.
Et
l'autre question, qui aurait dû être avant ça : Devrions-nous limiter le
nombre de saveurs? Parce qu'on nous a dit qu'il y avait 8 000
saveurs. Moi, je pensais qu'il y en avait 4 000, selon nos connaissances.
Non, non, 8 000.
M. Desjardins (Alain) : Je vais prendre cette question. Donc, je dirais,
la cigarette électronique, dans le fond, moi, c'est quelque chose que j'avais désigné comme un cheval de Troie,
parce que, dans le fond, c'est une cigarette. Quand on regarde le produit, ça a l'air d'une cigarette.
Ce n'est pas une cigarette, parce qu'on ne brûle pas de tabac, mais on va
vaporiser, dans le fond, de la nicotine qui
est dissoute dans un véhicule qui est, souvent, le propylèneglycol ou le
glycérol. Sans entrer dans les
détails, si on met des saveurs avec ça, là il y a toute une question de
marketing, et ça, je pense que ça a
été longuement abordé par les intervenants qui m'ont devancé, donc le Dr
Gervais et son équipe, et l'équipe, également, de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, ont abordé la
question de la pédiatrie. Et la cigarette électronique devient un
attrait pour ces jeunes-là qui peuvent se les procurer facilement soit sur
l'Internet ou par des boutiques spécialisées.
Et le fait de mettre des arômes comme ça, ça les attire comme des bonbons. Ça
fait croire que c'est inoffensif pour la santé, alors qu'on ne connaît
pas l'innocuité d'utiliser la cigarette électronique à long terme.
À
court terme... j'ai quelques études que j'ai parcourues, là, qui inquiètent
mais qui ne sont pas encore bien assises, là, sur des données pour pouvoir en faire une bataille, mais, l'année
passée, à la société européenne respiratoire, on a fait vapoter des souris, puis c'est la première étude
qui montre qu'on peut causer de l'emphysème sans la fumée de cigarette, seulement avec la vapeur de la cigarette
électronique. Donc, pour moi, comme pneumologue — j'ai parcouru beaucoup d'études aussi dans ma déposition au recours
collectif, là, pour parler de la relation entre le tabac et l'emphysème — bien ça m'interpelle drôlement de penser qu'un produit qui, au premier coup
d'oeil, a l'air vraiment sécuritaire, parce que les produits carcinogènes sont beaucoup moins
concentrés à l'intérieur de cette vapeur-là... que ça puisse causer de
l'emphysème, ça cause, pour moi, beaucoup de questions.
• (17 h 30) •
Et,
comme professionnel de la santé spécialisé dans les maladies respiratoires, je
me sens interpellé de mettre en garde la clientèle que je soigne parce que je
ne sais pas... en fait, il y a beaucoup d'inconnu là-dedans et, en plus, il y a peut-être 8 000 saveurs dans la
cigarette électronique, mais il y a à peu près 450 compagnies qui en
fabriquent, avec zéro
standardisation, O.K.? Donc, on ne sait pas. Il y a aussi des ingrédients ou
des proportions qui sont affichés... il y a eu des études qui ont montré que c'était... parfois, ils ont dit qu'ils
n'en contenaient pas; ils en contenaient, de la nicotine. Des fois, ça
ne contenait pas la proportion qui était indiquée.
Donc,
tu sais, on est loin des normes ISO 9002, là, dans ces produits-là. Des fois,
on a des compagnies extrêmement... tu
sais, avec des scaphandres et une douche avant et après entrer dans l'usine,
puis il y en a qui font ça sur le coin de la table. Donc, je pense qu'il y a... quand même, comme professionnel, pour
dire que je recommande des produits, je n'ai pas de barème ou de critère pour dire : Cette compagnie-là plutôt que
telle autre, O.K.? Et je trouve qu'il y a une confusion actuellement, il faut mettre de l'ordre là-dedans
et il faut baliser. Nous, dans notre établissement, on a interdit l'usage de la
cigarette électronique justement parce que les fumeurs hospitalisés qui sont en
train de... soit d'être en sevrage puis qui essaient de lutter contre ça... si quelqu'un vient dans la chambre puis
il vapote, je pense qu'on a un gros problème, là, à ce moment-ci, parce que, dans le cerveau humain, une
cigarette électronique puis la vapeur qui en ressort, c'est une cigarette,
ce n'est pas une cigarette électronique. Donc, je pense que c'est pour ça que
je dis que c'est un cheval de Troie.
En
plus, beaucoup de cigarettiers ont investi massivement de leur argent à coups
de milliards pour soutenir ça. Et
laissez-moi vous dire que j'ai été à même de les affronter par le biais de
leurs avocats. Les honoraires des cigarettiers ont atteint des sommes faramineuses dans le recours collectif, là,
jusqu'à 350 millions par année, pour retarder ou bien essayer d'invalider
les problèmes avec le procès. Je ne pense pas que ces gens-là... investissent
des sommes comme ça pour protéger leur commerce, iraient investir dans
un produit qui les desservirait. C'est tout ce que je peux vous dire.
Mme
Charlebois : C'est une bonne remarque. Donc, vous nous
recommandez d'enlever les saveurs maintenant et de ne pas...
M. Desjardins (Alain) : Oui. Ça va empêcher la prolifération, O.K., puis,
en plus, si on est capables de réglementer le reste et de restreindre l'utilisation pour les jeunes, je pense qu'on
va avoir vraiment gardé le contrôle, parce qu'actuellement on a réussi...
Je pense que plusieurs en ont témoigné, puis je peux moi-même en témoigner,
parce que, quand j'étais étudiant en
médecine — moi,
j'ai commencé en 1978 — bien, on pouvait entrer dans... une cigarette dans le local où
est-ce que je prenais mes cours, ça
n'aurait pas créé de commotion, et maintenant je donne le cours aux étudiants
en médecine sur la cessation
tabagique et, si j'entrais avec une cigarette, même si elle était fausse comme
une... en tout cas, je me ferais fusiller du regard. Puis j'en ai 270.
Donc, c'est quelque chose que j'évite...
Mme
Charlebois : Mais, l'encadrement, outre les saveurs, on
l'encadre déjà, là. Dans le projet de loi, ce qui est stipulé, c'est comme la
cigarette tout court : on ne peut pas l'utiliser où tu ne peux pas
utiliser la cigarette. Les mêmes conditions
pour la vente. Bref, c'est ça qui est encadré ou... Il y a juste les saveurs
qui diffèrent, mais vous, vous dites : Moi, j'aimerais mieux que...
M. Desjardins (Alain) : Moi, j'irais plus loin de ce côté-là, justement
pour les raisons que je vous ai énumérées.
Mme
Charlebois : Une dernière question, M. le Président, puis là
je suis embêtée parce que je voudrais dire... parce qu'on n'a pas de remarques finales, hein, puis je voudrais un peu
m'adresser aux gens, mais, en tout cas, je vais quand même poser ma question. Pourquoi vous nous proposez d'interdire de
fumer dans les chambres des CHSLD puis vous
ne nous parlez pas des centres de réadaptation, des soins psychiatriques, etc.?
C'est-u parce que vous l'avez assimilé au même...
M. Gfeller (Pierre) : Je vais laisser Mme Simard répondre pour le CHSLD, puis peut-être on
pourra faire le volet psychiatrique par la suite. Alors, Marie-France.
Mme Simard (Marie-France) : Bien, les CHSLD, c'est clair que, dans les
chambres, il y a une problématique majeure
qui tient, d'une part, à la surveillance, qui n'est pas très évidente de ce
côté-là, et aux nombreux événements qu'on vit, d'incendies, de brûlures que les gens subissent, et il y a aussi la
fumée secondaire, à laquelle on expose, là, tout notre personnel, là.
Ça, c'est clair pour nous.
Mme
Charlebois :
Avez-vous des établissements en réadaptation?
M. Gfeller (Pierre) : Au CIUSSS du Nord de Montréal, il y a seulement une mission de santé
mentale, de santé publique et de première ligne.
Mme
Charlebois :
O.K. Santé...
M. Gfeller
(Pierre) : Comme dans l'est de la ville. Dans l'est et dans le nord,
il n'y a pas d'établissement de réadaptation spécialisée.
Mme
Charlebois : O.K. Ce que je retiens, finalement, c'est,
progressivement, en venir à éliminer les fumoirs, puis etc.
M.
Gfeller (Pierre) : Peut-être
sur la santé mentale, Mme la ministre. En santé mentale, la plupart des
hôpitaux ont commencé à retirer la possibilité de fumer même dans les
unités à long terme parce que la littérature médicale a démontré que la
nicotine, ça agit sur le cerveau et que ça interagit avec les médicaments qu'on
donne pour la maladie psychiatrique. Et, dans
le fond, alors qu'on pensait que c'était pour augmenter l'agressivité puis les
problèmes psychiatriques, quand on a
retiré la nicotine puis qu'on a retiré les fumoirs des unités psychiatriques,
on a eu l'effet contraire. Donc, par exemple,
à Albert-Prévost, à Sacré-Coeur, ça a été un des premiers endroits où... et
Dr Desjardins a été impliqué là-dedans, où on a arrêté les fumoirs, on a soutenu les patients, formé le
personnel, et les résultats ont été très bien. On n'a plus ce
problème-là chez nous à l'heure actuelle, ça a été arrêté.
Mme
Charlebois :
Merci. J'espère ne pas vous insulter, mais je profiterais de la dernière minute
pour m'adresser à l'ensemble des gens
qui sont venus, M. le Président, et je veux vraiment vous remercier mais
remercier tous les gens qui se sont
présentés ici qui nous ont présenté leurs mémoires, mais il y a aussi des
mémoires qu'on a reçus qui n'ont pas pu
être présentés. Sachez que tout le monde va être lu et tout le monde a été
entendu. Vos mémoires vont certainement alimenter la réflexion de tous
les parlementaires.
On a entendu
beaucoup de commentaires, beaucoup de sujets ont retenu notre attention.
Certains nous ont dit que nous allions trop loin, certains autres nous
disent : Non, non, allez-y plus loin. C'est ce que vous faites,
d'ailleurs. On a retenu des points, il y en
a qui ont même déposé des amendements. Moi, je vais attendre de réfléchir à
tout ça pour les déposer comme il se doit. La distance de neuf mètres
est un sujet qu'on a retenu des établissements; les amendes, les emballages, les terrains de jeu, il y a plusieurs
autres sujets sur lesquels on va devoir réfléchir. Ce que je constate, c'est
que l'ensemble des parlementaires sont
d'accord pour renforcer la lutte au tabagisme, et j'en suis fort heureuse,
alors on va pouvoir continuer à
travailler dans la bonne harmonie pour faire en sorte que la majorité des
Québécois puissent bénéficier d'un
bon projet de loi. Je souhaite que ce travail-là se poursuive et je souhaite
que... La plupart des éléments dans le projet de loi font consensus,
mais ce qu'on a retenu, c'est qu'il faut aller plus loin, par certains groupes.
Merci aux personnes qui ont déposé des mémoires,
comme je l'ai dit. Merci aux collègues de l'Assemblée nationale, tant du gouvernement que des oppositions. Merci à mon équipe
ministérielle, parce que souvent les gens me félicitent, mais, savez-vous quoi, M. le Président?, je n'ai pas fait ça
toute seule, moi, ce projet de loi là, on est toujours entourés. Alors, merci à toute l'équipe du
ministère et à mon conseiller politique — parce que, si je ne le dis pas, il va me
taper après.
Des voix : Ha, ha, ha!
Mme
Charlebois :
Merci, M. le Président, au personnel de l'Assemblée, mais merci à vous d'avoir
maîtrisé ces travaux-là d'une main de maître. Je cède la parole à mon
collègue de Rosemont.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Je cède
maintenant la parole à notre collègue de Rosemont pour 13 minutes.
M. Lisée :
Merci, M. le Président. Je joins mes remerciements à ceux de la ministre,
également pour toute son équipe, la
mienne, mon équipe, l'équipe de la deuxième opposition. Merci à tous ceux qui
sont venus nous voir. Ça a été extraordinairement
instructif. Nous avons réussi à voir tous les côtés de la médaille, y compris
le côté sombre de la toxicité, et vous avez le dernier mot.
Alors, Dr
Gfeller, Dr Desjardins, Mme Simard, d'abord, je suis content de vous revoir,
parce que j'avais visité, on se le
disait tout à l'heure, Sacré-Coeur il y a déjà un peu plus d'un an. J'avais été
très impressionné à la fois par tout ce que vous faites, aussi par les
besoins que vous aviez...
M. Gfeller (Pierre) : Et les locaux
dans lesquels on le fait.
M. Lisée :
...et les locaux dans lesquels vous le faisiez, ou tout ça. Donc, j'étais
heureux de voir que le dossier progresse.
C'est ce que je vous disais déjà sous l'administration de M. Hébert, que vous
étiez dans le pipeline. Je vois qu'avec
le Dr Barrette vous continuez à l'être. Moi, je pousse pour que
Maisonneuve-Rosemont soit aussi dans le pipeline, mais je veux que tout
le monde y soit. Alors, je ne veux pas enlever à l'un pour mettre à l'autre.
Je pose une
question sur une de vos recommandations : «Nous sommes d'avis que nous
pourrions déployer un programme de
cessation tabagique pour les résidents actuellement hébergés et pour les
nouveaux résidents dès leur arrivée. [...]des formations aux
gestionnaires et aux intervenants [devraient se faire] afin que ces derniers
puissent intervenir auprès des résidents,
[...]particulièrement ceux présentant des troubles de comportement ou des
problèmes de santé mentale.»
Pourquoi est-ce que c'est une problématique
particulière d'avoir des résidents en santé mentale qui fument?
Mme Simard
(Marie-France) : Bien, en
fait, nous, ce qu'on souhaite, c'est qu'en CHSLD il n'y ait plus de fumoir, donc d'éliminer les fumoirs en CHSLD. C'est un
risque majeur. On a des événements très, très régulièrement, il y a des incendies mineurs, des incendies plus importants
qui demandent l'intervention des pompiers. En CHSLD, on a là une clientèle
extrêmement vulnérable pour laquelle c'est un risque majeur.
M. Lisée : ...d'arrêter de
fumer pour quelqu'un qui est en problème de santé mentale est plus grande?
• (17 h 40) •
M. Gfeller (Pierre) : C'est la question qu'on a abordée un petit peu
tantôt. C'est ce qu'on a toujours cru, que, si on leur enlevait la cigarette, il y aurait une augmentation de
l'agressivité, des «acting outs», etc., et ce n'est pas ça qui a été démontré dans les milieux où ça a été fait.
Dans les statistiques qui ont été mises de l'avant par Mme Simard, vous avez remarqué que le pourcentage des fumeurs est
plus élevé chez nos résidents les plus jeunes, parce que, dans un CHSLD,
contrairement à l'image qu'on en a, ce n'est pas seulement des personnes très
âgées qui sont là.
On a aussi des
personnes plus jeunes qui ont des besoins particuliers. Par exemple, des lésés
médullaires, des personnes qui ont eu des
accidents de voiture ou d'autres types d'accidents, qui sont paralysées, qui
sont en chaise roulante, qui ont des
besoins énormes, qui ne peuvent plus vivre de façon autonome, parfois,
malheureusement, se retrouvent en CHSLD
et à un âge qui peut être dans la trentaine ou dans la quarantaine. Chez ces
personnes-là, il y a un pourcentage de
fumeurs plus élevé et chez ces gens-là souvent il y a eu des traumas du
cerveau, il y a des gens qui sont demeurés avec des syndromes cérébro-organiques, qui ont des troubles de personnalité
associés avec les dommages qu'ils ont eus à leur cerveau, et ça va peut-être prendre des approches individualisées
particulières pour être capables d'arrêter ces gens-là de fumer et un soutien particulier aussi au personnel
qui travaille avec eux. C'est dans ce sens-là qu'on a fait cette
recommandation.
M. Lisée :
Est-ce que vous avez les ressources financières pour faire ça?
M. Gfeller (Pierre) : Bien, dans le fond, dans une grande organisation comme la nôtre, tu
sais, on peut toujours le regarder en
se disant : On n'a pas assez de ressources financières. On gère à peu près
900 millions, par année, de dollars, et on a des...
M. Lisée :
Combien vous devez couper cette année?
M. Gfeller
(Pierre) : L'optimisation, cette année au CIUSSS du Nord, était de
25,9 millions.
M. Lisée :
25,9 millions.
M. Gfeller (Pierre) : Après cinq périodes, on vise l'équilibre
budgétaire. On pense qu'on est capables de faire ça avec les regroupements
qu'il y a eu, etc. Mais, enfin, je vais revenir sur le sujet de la question.
Donc, pour nous, on pense que, si on
est capables de diminuer le tabagisme, en termes de coûts de santé, les
complications, l'agressivité, et tout
ça, c'est quelque chose qui ne va pas nous coûter plus cher, puis en plus c'est
une mesure de santé pour notre personnel aussi. C'est certainement un bon investissement, parce que j'estime que
c'est un investissement en amont des problèmes, et donc, d'habitude, ça
rapporte plus que l'argent qu'on y met.
M.
Lisée : Ça, on dit toujours ça, puis on dit toujours ça en
santé publique, mais encore faut-il faire l'investissement initial pour avoir les coûts évités par la suite,
et, pour l'instant, on n'est pas en période de vaches grasses pour faire ça,
parce que, là, on demande... On dit déjà
que, dans les CHSLD comme dans les hôpitaux, les infirmières sont surchargées
et n'arrivent pas à répondre à la demande
juste de répartir la médication, etc. Et là, même si vous dites : Bon, on
va faire ça à l'intérieur de nos budgets, bien c'est une intervention,
vous avez dit, individualisée.
M. Gfeller (Pierre) : On a déjà des équipes spécialisées en première ligne sur l'arrêt
tabagique. On a des gens comme Dr Desjardins qui travaillent avec une
équipe là-dessus en milieu hospitalier.
Nous avons
l'expertise, donc c'est une question de mettre les ressources aux bons
endroits. Si on identifie qu'il y a certains
résidents de nos CHSLD qui ont un cas particulier, on a toutes les
ressources... les organisations sont maintenant
assez grandes, nous avons toutes les ressources à l'intérieur de
l'organisation, ce n'est plus comme autrefois avec des petites organisations. On devrait être capables de dégager une
marge de manoeuvre pour s'occuper de nos résidents et puis leur donner
les soins et les services qui leur sont requis.
M.
Lisée : D'accord. Vous dites — proposition 6 : «Remboursement sans
restriction, tant en nombre qu'en durée, de l'ensemble des traitements pharmacologiques reconnus efficaces pour
favoriser l'abandon du tabac, à condition qu'ils soient prescrits...»
Alors, quelle est la différence entre ce que vous demandez et la situation
actuelle?
M. Desjardins (Alain) : O.K. La situation actuelle, c'est que tous les
produits qu'on appelle les aides pharmacologiques pour la cessation
tabagique sont remboursés, ce qui est quand même bien par rapport à d'autres provinces canadiennes, mais, pour la nicotine,
c'est une prescription par période de 12 mois, O.K., pour 12 semaines.
Pour le bupropion, qui est le Zyban,
c'est la même chose : pour 12 semaines, une par année. Et, pour la
varénicline, on peut le renouveler,
c'est le seul qui fait exception parce qu'il y a une étude qui montre que ça
baisse la rechute, donc on peut aller
à 12 semaines puis on peut la prolonger à 24 semaines. Mais, dans tous les cas,
s'il y a un échec, par exemple, et j'interviens
auprès d'un patient... La maladie, c'est une maladie à rechute, O.K.? On n'en a
pas beaucoup parlé, mais c'est une
maladie avec la dépendance, puis la caractéristique de la dépendance fait qu'on
fait une tentative, on arrête peut-être pour une semaine ou pour deux jours, des fois on recommence. Après ça,
des fois, ça peut être deux mois, puis après ça on recommence. Mais
souvent, dans une année, lorsqu'on est un intervenant comme moi, c'est assez
difficile d'avoir à dire : Bien là,
écoutez, c'est votre deuxième prescription, là, il y en a... puis c'est souvent
des milieux défavorisés, il y a plus
de patients qui n'ont pas de ressources financières pour pouvoir se payer ça
ou, en tout cas, ils ne le voient pas de la façon économique... On pourrait dresser un tableau, là, tu sais, avec
les épargnes générées par... L'économie générée par l'arrêt pourrait
payer les produits, mais ils ne le voient pas comme ça.
M. Lisée :
Oui. Alors...
M.
Desjardins (Alain) : Moi, ce
que je propose, c'est que, quand on fait une intervention, on ne soit pas
limité à une seule prescription,
parce que, si on n'a pas réussi du premier coup, bien, dans le fond, ça envoie
un message que tu as juste une fois
pour ton année, puis ça, je pense que c'est un obstacle. En tout cas, moi,
comme clinicien qui intervient sur
une base quotidienne là-dessus, c'est un des obstacles les plus frustrants. Des
fois, je suis obligé d'aller chercher dans des échantillons, de compléter des prescriptions. Je le fais de bon gré,
mais je n'ai pas toujours les ressources, parce que, mettons, la nicotine, c'est rendu un produit de
santé familiale au lieu d'être un produit pharmaceutique, donc ils n'aiment
pas beaucoup donner des échantillons. Ils les donnent plutôt aux pharmaciens
qu'aux médecins.
M. Lisée : Est-ce que vous
avez chiffré ce que ça coûterait de plus d'adopter la mesure que vous proposez?
M.
Desjardins (Alain) : Non. La
réponse exacte, c'est non. Mais, je vous dirais, par les économies générées,
arrêter quelqu'un de fumer, ça génère
des économies tout de suite. Lorsqu'on empêche un fumeur de commencer, on
génère des économies mais à beaucoup plus long terme.
M. Lisée :
Ça n'a pas l'air d'être un argument qui marche très fort avec le président
actuel du Conseil du trésor. Alors,
je vous le dis, là, moi, je suis d'accord avec vous, et il y a beaucoup de gens
qui nous disent ça de toutes sortes de façons.
Vous dites aussi : «L'interdiction de
vendre un liquide contenant de la nicotine pour la cigarette électronique comportant une saveur ou un arôme autres que ceux
du tabac...» Alors, ce que vous nous dites, c'est que, pour la cigarette
électronique, il faut que ça ne goûte rien,
il faut que ça goûte... Vous voulez limiter les arômes de la cigarette
électronique complètement?
M.
Desjardins (Alain) : Je vais
me répéter par rapport à ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est que, dans le
fond, avec les arômes qu'ils présentent, ça banalise le produit, ça le rend au
même titre qu'une confiserie, O.K.? Donc, ça peut goûter le chocolat, ça
peut goûter le fruit de la passion, ça peut goûter le bonbon.
M. Lisée : Qu'est-ce que ça
goûte sans rien?
M.
Desjardins (Alain) : Bien,
la nicotine, je ne sais pas si vous vous êtes déjà mis ça sur la langue, là,
mais ça a un très mauvais goût, ça a un goût plutôt... Ou, si vous
sentez un cendrier, là, vous allez avoir une petite...
M. Lisée :
Parce que, bon — je sais
que vous en avez discuté tout à l'heure, là — il y a des gens qui disent : Bon,
bien, justement, on va interdire le menthol,
bien, toutes les saveurs pour les cigarettes traditionnelles. Le fumeur qui
veut quand même sa dose va au
dépanneur, puis le vendeur dit : Bien, il n'y en a plus, de menthol, hein,
ils ont décidé ça, là. Les libéraux,
puis les péquistes, puis les caquistes, là, ils nous imposent... il n'y a plus
de menthol. Ça fait que tu as le choix :
acheter de la cigarette normale ou prendre la cigarette électronique au
menthol, qui est 95 fois moins nocive. Bon. Alors, on pense que c'est une bonne décision qu'ils prennent ça. Il y a
le troisième choix, c'est d'arrêter complètement. C'est le meilleur
choix, mais quand même...
On a eu tout
à l'heure la Société canadienne du cancer qui nous a dit : Vous devriez
limiter le nombre de saveurs de la cigarette électronique :
menthol, cannelle et...
Une voix : Orange.
M. Lisée :
...et orange, bon, alors ces trois-là, disons, trois. Je crois que j'avais vu
que, sur la cannelle, il y avait un effet
secondaire nocif, on pourrait... Mais le principe, c'est dire : Il y
aurait juste trois saveurs, donc vous ne pouvez pas décider de choisir une saveur tous les mois, ce
qui fait un prolongement. Est-ce que ça, ça serait une solution mitoyenne
qui vous sourirait?
M.
Desjardins (Alain) : Bien,
écoutez, je pense que ça pourrait être regardé, mais, dans le fond, dans votre
question, il y a ça, mais il y a
aussi le fait que, dans le fond, on assume que c'est 95 fois moins nocif. Mais
il y a beaucoup là-dedans de... je
dirais, c'est des hypothèses qui n'ont pas encore été vérifiées par le long
terme, O.K.? Si on regarde le contenu...
Une voix : ...
M.
Desjardins (Alain) : ...non,
mais, si on regarde les études toxicologiques dont on dispose pour répondre à cette question-là, ce que ça nous montre, c'est
qu'effectivement les produits carcinogènes les plus en vue, les plus impliqués
dans la genèse du cancer ou dans les
produits irritants et pro-inflammatoires les plus impliqués dans l'emphysème,
par exemple, y sont beaucoup moins
représentés, sont, à certains niveaux, non détectables ou bien très peu... ça
prend des méthodes sophistiquées pour
les mettre en évidence. Ça fait que ça, en montrant ça, on dit : Parfait,
tout est beau, on a réglé le
problème, O.K.? Sauf que, dans le fond, quand on brûle du propylèneglycol puis
il y a des... Il y a maintenant... si
vous regardez sur Internet, puis je l'ai fait, moi, parce que je donne des
conférences, puis, à un moment donné, je veux savoir ce qui existe, tu sais, il y a différents modèles de cigarette
électronique, ce n'est pas... Tu sais, il y a eu plusieurs générations. Il y en a avec des gros réservoirs
qu'on peut fumer pendant plusieurs jours et des résistances, même il y a des «do-it-yourself
kits», là, où est-ce qu'on prend des fils conducteurs en cuivre, là, avec une
certaine dimension, on les enroule,
puis ça produit une chaleur telle que ça peut dégager, à partir du
propylèneglycol, des produits qu'on appelle des carbonyles, là,
l'acétaldéhyde, la formaldéhyde entre autres, et ça, c'est cancérigène, O.K.?
Ça fait que
pour moi qui est pneumologue puis qui est concerné par la santé de mon patient,
si je lui dis d'aller vers ça, bien
il y a quand même des balises à mettre là-dedans pour éviter d'avoir une dérive
puis de tomber sur un autre produit qu'on a confié, dans le fond, avec
notre bon savoir, à quelqu'un.
• (17 h 50) •
M. Lisée : En ce moment, on
est dans le far west pour la cigarette électronique. Nous avons eu, pendant les
consultations, des gens représentant les
«vape shops» nous disant : Nous, on veut de la réglementation, on
travaille avec le fédéral pour avoir
une norme ISO, on veut les études, on veut se conformer, on est des militants
antitabac, on veut que notre produit
soit le meilleur possible. Bon, alors ça, c'était sympathique d'entendre. Et on
a eu des constitutionnalistes qui
sont venus nous dire : Le Québec a toute latitude pour réglementer le
contenu et même le contenant de la cigarette électronique s'il le désire. Et le responsable de la santé publique de
Montréal a dit : Il n'y a aucun problème, on a le bureau des
normes, on a la capacité de faire les vérifications. Donc, plutôt que
d'attendre que le fédéral, dans un an et demi, deux ans ou trois ans, finisse par aboutir à quelque chose, nous
pourrions, nous, décider que, par... se donner le pouvoir réglementaire
de contrôler le contenu, les saveurs, le contenu de ce qu'il y a dans nos
cigarettes électroniques sur le territoire québécois. Ça, est-ce que ça vous
sourirait?
Une voix : ...
M.
Desjardins (Alain) : Oui.
Bien, en fait, le problème, c'est vraiment qu'on n'a pas toute la connaissance
pour pouvoir guider les recommandations.
M. Lisée :
Mais il y a des normes déjà. Par exemple, les Français ont établi des normes,
donc on ne part pas de rien.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Quelques secondes.
Une voix : Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Non? Merci. Alors, on poursuit la discussion
avec notre collègue de Lévis pour 8 min 30 s.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le
Président. Bienvenue, merci d'être là. Moi aussi, je veux prendre quelques secondes pour vous remercier, vous, remercier tous
ceux qui sont venus rencontrer les membres de la commission. Et c'est un
peu drôle puis paradoxal en même temps, parce qu'on se répète ce qu'on s'est
souvent dit au fil des années concernant le
tabagisme, sa nocivité, et je pense que les non-fumeurs, anciens fumeurs le
savent, que les fumeurs actuels le savent
aussi. Alors, ce que ça aura permis, au-delà de bonifier ce qu'on fera par la
suite, c'est-à-dire l'étude du projet de loi de façon détaillée, ça aura assurément permis à des gens de se faire
redire et réexpliquer ce que ça suppose que de fumer pour eux et pour leur environnement, et, en ce
sens-là, bien il y a une oeuvre d'éducation là-dedans, et je pense que c'est
important, et vous y avez participé. Alors,
merci d'être là, merci à tout le monde, à tous ceux qui sont venus nous
renseigner davantage ou nous rappeler des choses qui devaient être
rappelées. Merci aux collègues, à la ministre, à son équipe, à l'opposition, à
mes collègues ici.
Je reviens
sur le sujet et je reviens sur cette notion de cigarette électronique, parce
que vous dites : Là, il va falloir qu'on sache véritablement ce avec quoi on travaille. J'ai entendu des
médecins, moi, dire... puis des spécialistes comme vous, Dr Desjardins, qui nous avaient dit que
pour certains patients ça devenait un outil thérapeutique puis en même temps on ne sait pas trop, trop encore ce que c'est,
mais, d'ici à ce qu'on sache vraiment ce que c'est, il va probablement se
passer du temps aussi et, entre ce
moment-là puis les évidences, bien il y a la cigarette puis il y a ça qui est
actuellement disponible.
Est-ce que la
cigarette électronique, dans sa forme actuelle, être considérée comme un outil
thérapeutique? Puis est-ce qu'il faut
faire en sorte qu'on ne la vende plus nulle part? Et il y a un de vos collègues
qui disait récemment... bien, aujourd'hui,
qui disait, il y a quelques instants : Ça devrait rien qu'être sur
prescription. Est-ce qu'il faut aller jusque-là?
M.
Desjardins (Alain) : Bien,
en fait, je pense que ça, ça a été un débat... Quand c'est apparu, dans le
fond, c'était un produit qui... dans
le fond, il n'est pas légal, O.K.? Donc, le vide législatif concernant ces
produits-là a fait que c'est arrivé
un peu parachuté, puis ça a pris beaucoup de monde par surprise parce que ça a
eu un engouement vraiment très important
depuis que c'est apparu sur le marché. Je pense que c'est 2007, ou quelque
chose comme ça, comme entrée sur le marché.
Ça a été fait
en Chine en 2003, mais c'est entré vraiment sur le marché nord-américain vers
2007, donc c'est très récent. Et
plusieurs organisations scientifiques, l'Organisation mondiale de la santé, des
forums de sociétés respiratoires que moi, je lis davantage parce que
c'est dans mon domaine, qui ont mis en garde, là, justement, puis qui ont fait
des recommandations par rapport à
l'utilisation de la cigarette électronique... D'abord, il n'y a pas de preuve
concluante que c'est une stratégie
pour cesser de fumer, bien que certains fumeurs, dans ma pratique, qui ont
échoué avec d'autres moyens, ils
prennent ça, puis il y en a quelques-uns qui arrêtent. Mais il y en a beaucoup
plus qui en font double usage pour se permettre
peut-être d'avoir une satisfaction en dehors des zones permises, par exemple.
Vu qu'il n'y a pas de dégagement de
monoxyde ou de fumée qui cause des mauvaises odeurs, ça leur permet, à ce
moment-là, de soulager leurs symptômes de sevrage de nicotine en allant dans une toilette
ou un autre endroit où est-ce qu'ils sont à l'abri des regards pour pouvoir satisfaire
leur... tu sais, soulager leurs symptômes d'anxiété et de sevrage.
Puis,
par rapport à l'usage, disons, de légiférer pour le changer de chapitre, parce
que, là, dans le fond, c'est assimilé au
tabac, puis la plupart des juridictions ou des organisations ont fait ce
choix-là, de le mettre du côté tabac plutôt que de le mettre du côté aide à la cessation tabagique,
l'implication de le faire, ce changement-là, est énorme parce qu'il faudrait
qu'elle s'assujettisse à tout un programme
d'études. Maintenant, de lancer un nouveau médicament, ça coûte au-delà de
500 millions. Donc, je pense qu'il y a
eu un fort soupir de soulagement de la part des fabricants de cigarette
électronique de devoir se conformer
peut-être juste à une liste d'ingrédients, O.K.? Ils n'ont pas à prouver quoi
que ce soit, dans le fond. Ils n'ont pas à prouver qu'ils sont
inoffensifs pour la santé, ils n'ont pas à prouver qu'ils sont efficaces pour
la cessation, ce qu'ils devraient faire s'ils étaient dans l'autre sphère.
Est-ce que ça répond à votre question?
M. Paradis (Lévis) :
Je comprends. J'aborde un autre thème, parce qu'il en est question dans le
projet de loi également, puis on a, à plusieurs reprises... en tout cas, il y a
des questions qui ont été posées par la ministre puis par l'opposition, bon, par nous également concernant
cet aspect-là, mais finalement peu de réponses. De permettre l'utilisation
de la marijuana à des fins thérapeutiques,
la marijuana fumée, dans les chambres de centre hospitalier; bonne idée ou
mauvaise?
M. Desjardins (Alain) : En fait, ceci est, dans le fond, une provision
pour quelque chose qui n'existe pas encore, c'est-à-dire que, la marijuana fumée à des fins médicales, vous avez vu
comme moi, par les médias, l'entrée progressive, puis le Canada, dans le fond, est un producteur, là. Entre autres, dans
les provinces de l'Ouest, ils en produisent, là, surtout en Alberta et,
je crois, en Colombie-Britannique aussi.
Au
Québec, ce qu'on utilise dans les soins palliatifs comme produits pour aider au
soulagement, un des outils dans notre
arsenal développé, c'est un médicament qui est un comprimé, donc, à ce
moment-là, il n'y a pas de retombée pour autrui, c'est l'individu qui le prend, ça va occuper des récepteurs,
mais le problème avec cette méthode, c'est que ça doit passer par le foie, puis le produit, dans le fond,
est beaucoup diminué dans son efficacité, O.K., alors que, si on l'inhale
comme on inhale une fumée de cigarette, bien
ça permet, à ce moment-là, de passer par les poumons, d'aller dans le coeur
gauche et de rentrer directement au cerveau sans que le foie soit impliqué.
Donc, c'est un outil...
M. Paradis (Lévis) : ...à la lumière de ce que vous me dites. Est-ce que, dans un centre
comme le vôtre, parce que c'est immense, et la demande se fait peut-être
ou pourrait se faire...
M. Desjardins (Alain) : On a mis ça dans le mémoire pour, dans le fond,
considérer cette possibilité de pouvoir permettre à des gens qui sont en
fin de vie de pouvoir se soulager si les autres méthodes ont échoué puis de
permettre d'avoir un espace restreint pour pouvoir utiliser la marijuana fumée.
M. Paradis
(Lévis) : Alors, pour son utilisation fumée dans des conditions très
particulières...
M. Desjardins (Alain) : ...pas un usage, tu sais... on n'aurait pas un
fumoir à marijuana dans notre hôpital, là, il ne faut pas...
M. Paradis (Lévis) : ...CHSLD, le fumoir régulier pour un fumoir à marijuana. Je comprends.
Vous me parliez de CHSLD en
terminant, Mme Simard, et vous dites : On espère — et vous le disiez aussi — mettre en place un programme pour permettre aux gens qui arrivent avec de
mauvaises habitudes, puis ils ne sont pas si nombreux que ça, à la lumière
de vos statistiques, d'avoir un programme,
qu'on puisse les prendre en charge. Le collègue l'a abordé. Est-ce qu'on a les
moyens de le faire? Est-ce qu'on a les ressources? Et puis vous avez dit :
Bon... Bien là, on a parlé de budget.
Est-ce
qu'actuellement ça se fait? Il se fait quoi actuellement, au moment où l'on se
parle, pour un résident qui arrive dans votre CHSLD et qui a cette
habitude-là? Est-ce qu'à ce moment-ci on le prend en charge ou ce que vous
souhaitez est à bâtir?
Mme Simard (Marie-France) : En fait, si la personne veut aller vers un
programme de cessation du tabagisme, il
est disponible, et on va l'accompagner là-dedans sans aucun problème. Par
contre, on a la disponibilité d'un fumoir. Donc, nos jeunes adultes qui arrivent avec cette habitude de vie, bien,
la conservent, puisqu'il y a un fumoir au CHSLD, avec tous les impacts
dont on a parlé tantôt.
M. Paradis (Lévis) : En fait, la disparition du fumoir obligerait la mise en place du
programme que vous souhaitez, mais, pour l'instant, bien, on a le loisir
de continuer à...
Mme Simard
(Marie-France) : On n'a plus les contraintes, puisqu'on a un fumoir.
• (18 heures) •
M. Gfeller (Pierre) : Il y a un enjeu là-dedans entre les libertés individuelles puis la
santé collective. On réalise que dans
un CHSLD c'est un milieu de vie. C'est l'endroit où les gens vont passer
plusieurs années, ils n'ont pas d'autre domicile, plusieurs ont une mobilité qui est restreinte, alors on doit
être quand même prudent puis leur donner toute la chance... Avant d'enlever complètement les fumoirs
et d'interdire l'usage du tabac, il faut être en mesure de donner aux gens les moyens d'atteindre cet objectif-là,
puis c'est pour ça que la recommandation est à l'effet de proposer de considérer la possibilité de regarder ça sur un horizon de trois à cinq ans
en s'assurant qu'on aura les programmes pour permettre à ces gens-là d'arrêter de
fumer. C'est notre recommandation.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. C'est tout le temps dont nous disposons. Nous remercions les représentants,
représentantes du CIUSSS du Nord-de-l'Île-de-Montréal.
Mémoires déposés
Avant de
terminer, je dépose les mémoires des personnes et organismes qui n'ont pas été
entendus lors des auditions.
Compte tenu
de l'heure, je lève la séance, et la commission, ayant accompli son mandat,
ajourne ses travaux à demain, le vendredi 4 septembre, à
9 h 30, où elle poursuivra un autre mandat. Merci.
(Fin de la séance à 18 h 1)