(Treize heures six minutes)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît!
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux
ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de
bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 44, Loi visant à renforcer la
lutte contre le tabagisme.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Iracà (Papineau) est remplacé par M. Huot (Vanier-Les
Rivières).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, aujourd'hui, nous
recevrons la Coalition québécoise pour le
contrôle du tabac, l'Association des marchands dépanneurs et épiciers du
Québec, Imperial Tobacco, la coalition contre le tabac de contrebande et
la Fédération des chambres de commerce du Québec.
Alors, d'entrée de jeu, je salue et remercie
pour leur présence les représentantes, représentants de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. Bienvenue à
votre Assemblée nationale. Vous disposez, dans un premier temps, d'une
période de 10 minutes de présentation, par la suite vous aurez l'occasion
d'échanger avec les parlementaires. J'aimerais que d'entrée de jeu vous
puissiez vous nommer, préciser vos fonctions, et par la suite le
10 minutes est à vous. La parole est à vous.
Coalition québécoise
pour le contrôle du tabac (CQCT)
Mme Doucas
(Flory) : Merci. Merci, M.
le Président. Mme la ministre déléguée, membres de la commission. Mon nom est Flory Doucas, je suis codirectrice et
porte-parole pour la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. Je suis accompagnée par M. Steve Manske, qui est
chercheur senior pour le centre des populations de l'Université
Waterloo, et par Me Eric LeGresley, qui est conseiller juridique, se
spécialisant au niveau des stratégies de l'industrie du tabac.
Nous sommes
reconnaissants d'avoir l'opportunité de vous adresser la parole aujourd'hui.
D'emblée, permettez-nous de féliciter Mme la ministre déléguée pour le
projet de loi n° 44, qui livre en majeure partie la marchandise, la principale lacune étant son silence sur les enjeux
des emballages, qui ne cessent d'évoluer et diminuent l'efficacité des mises en garde. Nous avons néanmoins
chaleureusement applaudi ce projet de loi, car la ministre dit envisager la
possibilité d'optimiser l'efficacité des mises en garde en les standardisant
par le biais d'une réglementation.
La coalition rappelle aux membres de la
commission que l'initiation au tabagisme et l'exposition à la fumée secondaire sont des phénomènes quotidiens pour des
centaines de Québécois, dont un bon nombre sont des enfants et des adolescents. C'est pourquoi l'adoption et la mise
en oeuvre rapide des dispositions du projet de loi sont non seulement cruciales pour leur qualité de vie actuelle, mais
déterminantes pour celle qui les attend dans 40 ou 50 ans. Voilà
pourquoi la coalition considère qu'à ce
stade-ci il serait mal avisé d'avancer les propositions d'amendement de grande
envergure au projet de loi n° 44 comme l'instauration de
l'emballage neutre, un moratoire sur les nouveaux produits ou encore l'introduction... l'interdiction, pardon, de
cigarettes ultraminces, trois mesures pourtant souhaitées par la coalition.
C'est aussi pourquoi nous nous limitons à recommander des amendements
d'envergure limitée. Le mémoire fait état de l'ensemble des amendements que
nous réclamons, mais je n'aborderai ici que ceux qui ont fait peu ou pas
l'objet de discussions à la commission.
D'emblée,
nous souhaitons signaler notre appui à l'Association des propriétaires du
Québec d'amender le projet de loi
n° 44 pour préciser qu'un propriétaire d'immeuble d'habitation peut
interdire de fumer dans tout lieu, intérieur ou extérieur, de sa propriété.
Concernant la vente du tabac, nous réclamons un
nouveau pouvoir réglementaire pour définir les quantités qui constituent une
mise en marché régulière, afin d'interdire les «duo packs».
• (13 h 10) •
Le projet
de loi prévoit assouplir le critère
qui interdit depuis 2006 la vente de tabac dans les établissements exerçant une activité de restaurateur au sens de la loi sur les
aliments en l'interdisant plutôt seulement à ceux qui exercent principalement l'activité de restaurateur. Le projet de loi devrait être amendé pour interdire la vente de tabac dans tout
lieu permettant la consommation de repas sur
place, notamment par la présence de tables ou de chaises destinées
au public. Ainsi, un dépanneur
possédant un comptoir pour l'achat de café, de viennoiseries ou de sandwichs
pourrait vendre du tabac seulement
s'il ne comporte pas de mobilier encourageant la consommation sur place, tant à
l'intérieur qu'à l'extérieur.
Le projet de loi devrait également être amendé pour inclure un pouvoir réglementaire
afin d'encadrer les ententes entre fabricants et détaillants du tabac
pour interdire tout incitatif à la vente de tabac autre que la marge de profit.
Le
projet de loi n° 44 devrait également être amendé en
spécifiant que tout affichage ou publicité montrant un produit ou emballage de tabac dans les points de
vente est interdit, sauf lorsqu'il est prescrit par le gouvernement, de sorte à interdire des affiches contre-productives qui
montrent des cigarettes, alors qu'on a pourtant interdit l'étalage des produits
du tabac.
Le projet de loi n° 44 devrait être
amendé pour modifier l'article 26 de la loi afin d'assujettir la publicité
qui s'adresse aux commerçants de tabac...
pardon, afin que s'adressent aux commerçants de tabac certaines dispositions qui encadrent la publicité directe et indirecte en faveur du
tabac destinée au public.
Nous
souhaitons également que l'article 27 soit amendé pour continuer d'assujettir
les cigarettes électroniques, afin
d'empêcher la commercialisation de cigarettes électroniques comportant des noms
et des éléments de marque de tabac.
Dans le cadre des audiences sur le projet de
loi n° 44, la coalition
demande un engagement ferme du gouvernement pour le développement rapide d'un règlement
standardisant les mises en garde des produits du tabac vendus au Québec,
pour adoption aussitôt que possible suite à l'adoption du projet de loi. Cet engagement
viendrait assurer la révision complète de la
Loi sur le tabac et appuierait le législateur dans la poursuite de son objectif
de réduction du tabagisme de 6 % en cinq ans.
Je passe la parole à mon collègue,
M. Manske.
M. Manske (Steve) : Bonjour.
D'abord, j'aimerais m'excuser pour ne pas pouvoir vous parler en français.
Mr. Chairman and Committee Members,
good afternoon, and thank you for the opportunity to share my research. I'm a senior
researcher at the Propel Centre at the University of Waterloo and I have led
the national Canadian Student Tobacco,
Alcohol and Drugs Survey the past 11 years. CSTADS is Canada's most scientifically
sound and up-to-date evidence on youth tobacco use. In 2012‑2013, we
randomly selected and recruited 41 Québec schools, and over 6,100 Québec students in Grade 6 through
Secondary V participated. 92% of the students we asked to participate did
so, so we have very high rates of
participation, and we carefully weight then their responses to reliably
estimate rates of tobacco use amongst Québec youth.
Today,
I'll tell you why our data, as well as data from around the world, support,
strongly support Bill 44, and especially the proposed
menthol ban. We hear a lot about candy and fruit-flavored tobacco, but menthol
is by far the most popular tobacco flavor
among Québec youth. Of the almost 30,000 students in Québec who use
flavored tobacco, nearly a third of
them, 9,600, used menthol cigarettes. In simple terms, banning flavor
tobacco without banning menthol is sort of like banning soda pop but
allowing Coke and Pepsi to continue. And, just as a side note, Québec has the
worst percentage of flavored tobacco users
of all the provinces in Canada, and unfortunately our youth bear an unequal
burden of the menthol use. While one third
of youth who smoked used menthol in the past 30 days, just one in
20 adult smokers uses menthol, and this discrepancy is even more
pronounced amongst youth who are daily smokers. In Québec, 47% of daily smokers in Secondary III to V have used menthol cigarettes in
the past 30 days.
So, flavors, and especially
menthol, make it easier for youth to start smoking. We recently published a
study showing that Canadian kids who report currently smoking menthol smoke
about two more cigarettes per day than those who do not, and they also report
intending to continue smoking more than kids who do not. Many studies have found that menthol cigarette use increases
nicotine addiction and actually makes it harder for kids or smokers,
anyone, to quit smoking.
And
tobacco industry groups like convenience store associations that have close
ties with the tobacco industry purport to have
conducted a research that weakens my statements, and I refer back to my earlier
statement about our Canada-wide survey that
is conducted in order to provide confidence in our results. Unlike the BAT
study, that some of you may have
read, we did not have a convenient sample that was selected by people with an
interest in the outcome, but rather
we randomly selected our sample, the confidence intervals that, for our
estimates, can reliably be generalized to the population of youth in Québec,
unlike the BAT study. There are other points that raise doubt about conclusions
of that BAT study. That was likely funded by an industry whose motive is
profit, not the health of our youth.
So,
here's our message: Québec needs a complete ban on all tobacco
flavors, enacted without delay. It's within your grasp
to help protect Québec youth
from beginning a deadly addiction, Bill 44 can make it happen.
• (13 h 20) •
M.
LeGresley (Eric) :
Thank you very much. Mr. Chairman, I wonder if I can
beg an indulgence of the Committee to permit me to
speak in English. I would appreciate that. Thank you.
Let
me begin by first congratulating the Minister, and the Government, and everyone involved in tobacco control in Québec with Bill 44. This is a
significant bill, a comprehensive bill. But, in my view, it's one that could be
made much better if we move forward on the issue of
standardizing the warnings in the bill, and that can be done through the
regulatory process.
Before
we travel too far down the line of what a standardized warning might be, let me
first say what it is not. It's not plain packaging.
It's not tantamount to plain packaging, it's not a slippery slope towards plain
packaging; it's a separate, stand-alone
measure. And I think the best way to view it is plain packaging seeks to
control what the tobacco industry can
do, it seeks to control this sort of alluring imagery they can present on their
packaging, whereas standardized warnings
would seek to protect the existing warnings that exist on cigarette packages
from further being eroded by changes in packaging that the tobacco
industry has been implementing in Québec and elsewhere.
So,
with that set aside, because standardized warning allows you to move in a much
simpler manner and it avoids some of the jurisdictional issues related to trademarks, etc., I think
we can only understand what standardized warnings mean and what health warnings mean to the tobacco
companies if we look at it in context of what the tobacco companies have
done through the years.
First of all, as we all know, they opposed for a long
period of time any warnings at all. Then, when that was coming along, they sought to preempt mandated warnings by a voluntary
code, voluntary measures that they applied. Then, after that, when mandated warnings were finally
coming forward, they fought very hard to delay the implementation of
those, and anybody who's been involved on these issues knows that quite well.
Then, they sought to undermine the substantive content of those warnings. And
finally, when all of that was done, when the content was decided, when the regulation or when the warnings were passed
into law, they sought to change their packaging in order to decrease the
effectiveness of those warnings. You've seen
it in Québec, but it's not new and it's not
restricted to Québec. Here's a
quote from BAT in 1994 — and I'm one of these people who sits down and read
through tobacco industry documents all day long : «Clever positioning and use of color
have ensured minimum impact on the overall design and minimum legibility
[of the health warning] to the smoker.» So, outside of
Canada, 20 years ago, they were already seeking to undermine the
effectiveness of a warning that was being mandated.
In Québec, some of the changes that
you've seen are quite stark. Here is an old warning. Look at the size of this warning, this is a 50%
warning. Here is a 75% warning. They have been able to shrink the warning at
the same time the warning size as a
percentage of the package, per federal requirements, has gone up, and that's by
the changes in the design of the package. We see a couple of examples of
how they have...
Le Président (M. Tanguay) :
Mr. LeGresley, from 10 minutes, now, you have a presentation of 13 min 30 s. No problem because... But we are taking
that time on the Minister's time, so, if you want to have enough time to have a
discussion with our colleagues... For how long do you think you still have to...
M.
LeGresley (Eric) : Oh! Well, I'll tell you what, I'll pass on showing
packages, and we can do that with questioning,
which, I think, will be a better forum for that, and I'll just go to a summation right
now. Give me one more moment, then, OK?
Le Président (M.
Tanguay) : Perfect. Perfect, thank you.
M.
LeGresley (Eric) : You know, when I look back
at what's happened in Québec in
the last few years, the Létourneau judgment
has been of immense importance,
obviously, it's related to civil liability with respect to smokers and people who were
harmed and addicted, but part of that judgment gives us sort of a road map as
to how we should be thinking about this in policy terms. This is
paragraph 227 from the judgment : «The obligation to inform — meaning inform the
smoker — includes the duty not to give false
information; in this area, both acts and omissions [which] amount to fault.» If you are
changing your packaging, and that creates a false impression on the smokers,
you are leading down the same path as
judge Létourneau said amounted to a civil wrong, so I
think it's incumbent upon
public officials to ensure that tobacco industry decisions regarding packaging do not add to that public
misinformation and confusion by reducing the effectiveness of these
warnings. Thank you very much.
Le Président (M. Tanguay) : Thank you. Thank you very much. Now, you'll have a discussion, an
open discussion will start with the Minister for a
period of time remaining of 17 minutes.
17 minutes,
Mme la ministre, pour l'échange. La parole est à vous.
Mme
Charlebois : Alors, d'abord, bonjour, Mme Doucas, M. LeGresley, et
M. Manske. Je le
prononce correctement? Good. Pleased to meet you here. Vraiment, on est contents de
vous recevoir, d'entendre vos réflexions. Et vous vous doutez qu'on va vous questionner sur certains
aspects. Merci d'avoir pris le temps vraiment d'analyser le projet
de loi dans son ensemble,
de voir les points forts mais voir aussi ce que nous pouvons améliorer. Et je pense que l'ensemble des parlementaires ici ont pour intention de justement
favoriser le meilleur projet de loi possible pour faire en sorte qu'on
ait de moins en moins de jeunes qui fument mais aussi que les adultes puissent
non seulement cesser le tabagisme, mais aussi ne pas intoxiquer nos jeunes avec
la fumée secondaire.
Alors, j'ai beaucoup
de questions qui concernent la fumée secondaire. Vous ne serez pas étonnés non
plus de m'entendre parler des saveurs, vous
en avez parlé tantôt. Il y a quelques questionnements sur... On a eu d'autres
présentations, puis j'ai quelques
questionnements par rapport à d'autres présentations, je veux vous entendre là-dessus.
On vous a moins entendus, dans le mémoire, sur certains autres éléments.
Alors,
commençons donc tout de suite. Quand vous m'avez parlé du menthol, un peu plus
tôt, quand vous dites que c'est
comme, pour les boissons gazeuses, de dire : On va toutes les interdire,
sauf une marque en particulier, les détaillants nous ont dit, là... une association de détaillants, dépanneurs nous ont
dit qu'il n'y avait pas tant de vente que ça aux jeunes. Même que ça m'a frappée, parce que je me suis dit : C'est
donc qu'il y en a. On n'est pas supposé, mais il y en a. Alors, d'où vous prenez vos statistiques? Comment faire
en sorte que les gens comprennent bien qu'effectivement beaucoup de
jeunes commencent à fumer avec le menthol parce qu'on sait que ça adoucit?
Puis vous savez quoi? À la lecture des mémoires,
tout ça, j'ai réalisé que, quand j'avais commencé à fumer, moi aussi, adolescente, je dois me confesser... puis, Dieu
m'en garde, je ne fume plus, là, maintenant, mais tout ça pour vous dire
que moi aussi, j'ai commencé avec ça, puis
je ne m'en souvenais même pas, à l'époque. Alors, comment faire pour
conscientiser les gens que, oui, les jeunes sont autant interpellés par
le menthol que par les saveurs? D'où vous tenez vos chiffres?
M.
Manske (Steve) : Thank you for your question. Our survey is done every two years
across each of the provinces in Canada, and, as I indicated, we randomly select schools to represent the full province. We are funded by Health Canada, but we
work closely with INSPQ in Québec to help, actually, implement the survey.
The kind of questions that
we ask are questions that have been asked in the past, so that we can make comparisons, but also trying to
identify new trends. And, when we identified that simply smoking cigarettes was
not the only issue we need to be
focused on, we started to ask more questions about what kinds of cigarettes are
kids actually using and what other tobacco products are they using.
Menthol has been a focus of the last few surveys that we've done, and we're
seeing more and more that it's an issue that
we need to pay more attention to if we're going to reduce the overall burden of
tobacco amongst our youth.
The
other concern that I have is that, as we broaden the number of tobacco products
that are available, kids' exposure to them
is actually increased, and so more kids start to see that that's a normal
behavior. If we reduce what kinds of flavors
are available and might attract some kids, then it's actually reducing the
potential harm for kids who are moving beyond those who have actually
tried. Those who are at risk would be more at risk in the future.
Mme
Charlebois : Merci. Bien, tant qu'à parler de saveurs,
parlons-en donc jusqu'au bout. On a eu aussi des groupes qui sont venus nous dire... à travers leurs mémoires, là, ils
n'ont pas concentré leurs mémoires là-dessus, mais ils nous ont quand même dit qu'on travaillait... de la
façon qu'on travaillait, en interdisant les saveurs, qu'on allait
augmenter la contrebande. Et je veux vous
entendre là-dessus parce que moi, j'ai une opinion, en ce sens que, si je sens
quelqu'un qui fume une cigarette à la fraise sur la rue, je vais savoir
que ce ne sera pas légal en partant, hein, ça va être clair. Alors, qu'est-ce
que vous pensez de ça, vous, que... Est-ce que c'est un incitatif à augmenter
la contrebande que d'interdire les saveurs?
Mme Doucas (Flory) : Chaque mesure qui est mise de l'avant, qui réglemente le produit ou qui
en augmente son prix, bien, si on
utilisait la logique que chaque mesure a le potentiel d'augmenter la
contrebande, on n'aurait rien fait. Puis en fait c'est un des arguments qui revient de façon systématique. Quand on
a interdit les étalages, l'industrie, particulièrement les détaillants sont arrivés en disant que ça
allait augmenter la contrebande. Rappelez-vous qu'on a interdit les
étalages en 2008, puis c'est justement de
2009 à 2011 où on voit quand même une grande baisse au niveau de la
contrebande. Et puis cette baisse-là, elle se maintient, on est toujours
à 14 %.
Ça fait que la façon
de contrôler la contrebande, c'est de mettre en place un système efficace pour
contrer les réseaux, pour intercepter les
produits. Une fois qu'on a mis en place ces mesures-là qui sont structurantes...
Puis c'est pour ça que le Québec a
fait des progrès que d'autres provinces n'ont pas encore faits. On a mis en
place des mesures qui sont structurantes
puis qui font en sorte que c'est difficile, c'est beaucoup plus difficile
maintenant de faire la contrebande. Puis ça va rester tout aussi... plus
difficile de faire la contrebande des produits mentholés aussi.
• (13 h 30) •
Mme
Charlebois : Vous avez raison, la contrebande a diminué, au
cours des dernières années, de façon... Puis je pense que c'est dans les mesures. Puis, comme je vous dis, il me semble
que ça va être gênant que de nous rencontrer puis que ça sente la fraise sur le chemin, là, tu sais,
quand... Honnêtement, là, moi, je serais gênée. Ça fait que je pense que
l'ensemble de la population, quand ça va
sentir autre chose que vraiment la cigarette ordinaire, ils vont être en train
de dire : Bien, moi, je suis en train de fumer quelque chose d'illégal. Je
ne pense pas que les gens ne sont pas prudents à ce point-là.
Maintenant,
je veux vous entendre me parler aussi du... On a eu des gens qui nous ont parlé
pour le neuf mètres de distance entre
les établissements publics et le lieu où on pouvait fumer. Je vous dirais qu'en
fin de semaine... Parce que je suis
une députée très... beaucoup terrain, hein, vous savez que je fais beaucoup
d'activités. Puis c'est assez étonnant, parce qu'honnêtement je ne m'attendais pas à autant de réceptivité que ça face
au projet de loi, je vous le dis comme je le pense. Dans toutes mes activités, tout le monde m'a abordée ou presque pour me dire : Aïe! c'est bon, le projet de loi sur le tabac, puis serrez la
vis, puis, bon, on ne souhaite pas que nos enfants commencent à fumer — vous
avez compris qu'une grosse partie de mes activités il y
avait des enfants.
Mais
il y a eu, dans un autre événement, je vous dirais, plusieurs
personnes qui m'ont dit... Et notamment — je
vais donner des exemples concrets, peut-être
qu'il y a des gens qui vont se reconnaître, sans les nommer — il y a des dames qui me
disaient : Resserrez plus fort, mon mari fume encore, je voudrais qu'il
arrête. J'ai trouvé ça tellement
comique! Je leur ai dit que je leur
enverrais de l'information pour leur dire à quel point c'est nocif, le
tabac. Mais j'ai une dame, elle, qui a
dit : Moi, c'est mon amie, ma cigarette. Elle, elle a dit : Le neuf
mètres, là, ça m'écoeure. Je vous le dis comme elle me l'a dit. Et une sur l'ensemble du lot, dimanche,
là, j'ai trouvé ça pas nombreux, mais quand
même on a eu des présentations qui nous ont dit comment ça allait être
difficile d'application.
Alors,
je me demandais si vous, vous aviez des pistes de solution, parce qu'il y en a
que... ça a même... il y en a qui nous
ont dit : Il va falloir faire des fumoirs parce que, nous qui avons des terrasses, s'ils ne peuvent
plus fumer sur les terrasses, si
c'est à neuf mètres, comment on peut faire pour servir notre clientèle, etc.?
Alors, je ne sais pas si vous aviez pensé à des pistes de solution qui
nous permettraient de, comment dire, protéger la population tout en essayant de
trouver des mesures accommodantes, je ne sais pas trop comment le dire, mais est-ce
que vous auriez quelque chose à nous proposer dans ce sens-là ou si vous n'y
voyez pas d'issue?
Mme Doucas (Flory) : Bien, je pense qu'en fait c'est à même les informations que le ministère avait observées. Quand on a interdit de fumer à neuf mètres dans les entrées des
hôpitaux, des établissements de santé, il s'avère que... le rapport de mise en oeuvre montre qu'il y a eu une
plus grande conformité là où, dans les établissements, ils ont fait les lignes bleues, par
exemple, parce que ça, ce n'est pas mandaté par la loi. Donc, des repères un
peu contextuels comme ça s'avèrent aidants.
Mais je pense
qu'aussi ce qui a engendré beaucoup de discussions... Je pense qu'il y a
une certaine incompréhension face à cet article-là, parce que c'est un
neuf mètres des portes, ce n'est pas un neuf mètres de tous les murs, ce n'est pas un neuf mètres de
l'ensemble du terrain. Si le terrain ou... le trottoir arrive avant le neuf
mètres, bien ça s'arrête là. Ça fait
qu'à notre sens c'est... On ne demande pas aux gens d'aller fumer au milieu de
la rue, là, comme certains l'ont avancé.
Mme
Charlebois :
Tout à fait, vous avez raison. Ce n'est pas le but de l'exercice, hein, on ne
va pas les faire fumer sur la ligne
blanche, là, quand même. Mais c'est neuf mètres jusqu'à concurrence d'où le
terrain va se terminer. Alors, si le terrain de l'établissement se finit
à cinq mètres de la porte, bien ça va arrêter là. Ça, on se comprend, là. Mais
on est en train de réfléchir comment on peut le rédiger pour que ce soit encore
plus clair, là, pour tout le monde.
Mais vous n'avez pas de piste de solution,
finalement, à nous... outre que de respecter le neuf mètres?
Mme Doucas
(Flory) : Les lignes,
apparemment, dans... Le rapport de mise en oeuvre de la Loi sur le tabac
qui a été déposé en 2010 nous dit qu'il y
avait un plus haut taux de conformité à cette disposition de la loi lorsque les
établissements avaient fait une ligne indiquant il est où, le neuf mètres.
Mme
Charlebois :
Moi, je pense que les... Puis je veux vous entendre commenter ça. Est-ce que
vous croyez que la population a
évolué dans sa façon de consommer les produits du tabac, c'est-à-dire qu'ils
sont de plus en plus respectueux, les fumeurs, des non-fumeurs?
Mme Doucas
(Flory) : C'est indéniable,
parce qu'on le voit particulièrement au niveau des fumeurs, qui font en sorte qu'ils ne fument plus à la maison, à
l'intérieur de leur maison. Il n'y a rien qui interdit ça, mais de plus en plus
on voit un fort pourcentage de fumeurs l'interdire, notamment quand ils ont des
enfants, mais même quand ils n'en ont pas.
Mme
Charlebois :
Vous avez absolument raison. Il y a une des deux dames que son mari fumait,
elle dit : Il fume encore mais dehors. Ça fait que j'ai trouvé ça...
C'est dire que... Bon.
Je veux vous
entendre parler aussi... vous avez parlé dans votre mémoire... puis rapidement
parce que je veux passer à
l'étiquetage des paquets, je veux vous entendre me parler des centres
d'hébergement, des installations de santé où il y a actuellement des fumoirs disponibles, où il y a le
neuf mètres, là. Si on interdit sur l'ensemble du terrain de
l'établissement, est-ce que vous ne croyez
pas... Parce qu'il y a des établissements, il y a des représentants du monde de
la santé qui sont venus nous
dire : Nous, ce qu'on souhaite, c'est avoir des établissements sans fumée.
Il y en a déjà qui ont adhéré au fait d'être des établissements sans
fumée. Évidemment, il y a un accompagnement pour les gens qui désirent arrêter
de fumer et tout. Est-ce que vous ne croyez
pas qu'on devrait garder quand même un minimum? Je pense aux gens qui
malgré tout vont sortir dehors en petite
jaquette d'hôpital, l'hiver, qui vont aller au-delà du neuf mètres mal
habillés, fumer un petit peu. Est-ce
que vous ne croyez pas qu'on devrait conserver un fumoir et/ou quelques
chambres pour ces gens-là? Parce qu'il y a aussi l'enjeu de la marijuana
thérapeutique.
Mme Doucas
(Flory) : Je vous dirais
que, par rapport à ça, tu sais, pour la Coalition québécoise pour le
contrôle du tabac, les fumeurs sont avant
tout les premières victimes de l'industrie du tabac, on ne cherche pas à faire
souffrir des fumeurs plus qu'ils ne
souffrent. Mais il faut aussi penser que les hôpitaux, c'est aussi des milieux
de travail, puis, lorsque les gens
vont fumer à l'intérieur, bien invariablement les études qui ont porté sur les
fumoirs montrent que c'est plus ou moins efficace, qu'il y a toujours un
peu de contamination de l'air environnant, puis qu'il y a des travailleurs
qu'il faut qu'ils se rendent dans ces
fumoirs-là pour les nettoyer, les entretenir. Il faut aussi garder en tête...
Au moment donné où on est en train de
faire plein de coupures au niveau de la santé, bien ce n'est pas pour rien
qu'il n'y a pas grand-chose par rapport
à l'inspection puis à la surveillance des fumoirs dans les rapports de mise en
oeuvre, tant celui de 2005 que celui de 2010. C'est extrêmement cher,
c'est complexe puis, à notre sens, c'est quelque chose qu'on devrait délaisser.
On devrait
peut-être les garder pour les CHSLD, à notre sens. Selon nous, ça, c'est
quelque chose qui a de l'allure, on
parle d'une clientèle, là, qui est probablement peu ambulante. Mais autre que
ça, je vous dirais, on... Les établissements de santé se veulent être des modèles sans fumée. On ne peut pas se
permettre d'aller à l'encontre des données probantes.
Mme
Charlebois : Et
d'autant plus que, si on a un bon programme d'accompagnement pour ces gens-là
qui veulent non seulement arrêter de fumer à
l'intérieur de l'établissement, il peut y avoir des travailleurs qui fument
encore, malheureusement, mais aussi pour les
gens qui occupent les lits, bien ça va être possible, là, je pense, de la façon
dont on nous a présenté ça.
Je vais aller
sur l'étiquetage, ou l'emballage, ou je ne sais pas comment... en tout cas dans
l'ensemble. Pourquoi, selon vous, il est plus facile, du point de vue
légal, de standardiser les mises en garde plutôt que de standardiser les
emballages?
M. LeGresley (Eric) : Moving on the package as a whole, if
we move to implement plain packaging, it raises some issues related to trademarks, for example, so
you have jurisdictional issues with the federal Government there. My
view, my personal view is plain packaging would be a wonderful public health
measure adopted by the federal Government.
Absent, that, would I recommend that one embark down upon a long series of
litigations with the industry over
the restriction on trademarks? No, I would not. I think you could achieve many
of the goals of plain packaging, not get as far as plain packaging would be, but achieve many of the goals of
plain packaging by protecting what you already had or what was initially intended with the federal
warnings by moving to stop the industry being able to shrink them down
by package redesigns. So, you avoid a whole
bunch of problems while retaining, for the protection of the citizens of
Québec, the broad measure of the impact of the initial warning systems.
Mme
Charlebois : Est-ce que vous
croyez que, si nous légiférons en donnant des dimensions à l'étiquette de
mise en garde, avec une mise en garde,
mettons... je n'ai pas les dimensions en tête, là, mais avec une mise en garde
vraiment normée, ça va faire en sorte que
les paquets ne pourront plus être petits, on va devoir respecter un certain
format de paquet de cigarettes, ou s'il faut réglementer et la grosseur
du paquet et l'étiquette?
• (13 h 40) •
M.
LeGresley (Eric) : It certainly would be within the regulatory
authority of the Province of Québec to regulate the
size of the packaging. That said, I think you are best placed if you undertake
that measure which achieves the public
health goal while permitting the tobacco industry enough flexibility for them
to market their products on the package until such time as a federal plain packaging law comes into play. So,
whether you go to a minimum package, a minimum warning size as determined by, you know, length and width, or a minimum
size determined by an area, square centimeters, for example, that's an open choice, and I'm not going to venture an
opinion as to which would be better, but I do know, and this is... I'll pick up on something that my
colleague Rob Cunningham pointed out: if you regulate a minimum size of the warning, that doesn't prevent the tobacco
industry from changing the dimensions of their package so that they
would increase their marketing space at the bottom with a... and you would also
have a significant increase in the health warning
portion, as well. So,
if they wanted to put 25 cigarettes all laid out flat, you could have very
large packages with very
large warnings on them, but it would increase their area. I think they're
unlikely to do that because the objective of moving to smaller packs is
not so much to generate brand identity or related to the packaging shape but to
adversely impact this health warning.
Le
Président (M. Tanguay) : Thank you very much. Now, we will be continuing the conversation. Et je passe maintenant la parole à notre
collègue de Rosemont pour une période de 13 min 30 s.
M. Lisée : Merci, M.
le Président. Mme Doucas, Mr. LeGresley,
Mr. Manske, welcome to the National Assembly. Bienvenue
à l'Assemblée nationale.
Alors, comme
vous, je pense que cette législation, après, comme vous l'écrivez, 10 ans
d'inaction, est bienvenue et elle
fait une bonne partie du travail. Cependant, comme vous l'indiquez, elle ne
fait pas tout le travail. Alors, vous avez un certain nombre d'amendements
que vous proposez, qui recoupent des amendements que nous avons entendus de
part et d'autre.
Cependant,
vous nous dites quelque chose d'assez étonnant. Vous dites : «...la
coalition considère qu'il serait mal avisé d'avancer des propositions d'amendements
de grande envergure au projet de loi n° 44, comme l'instauration de l'emballage neutre, un moratoire sur les nouveaux
produits ou encore l'interdiction de cigarettes ultraminces, trois
mesures pourtant souhaitées par la coalition et de nombreux groupes de santé.»
Alors, comme
vous savez, moi, je suis favorable à ces amendements-là. Je ne suis pas
certain que nos collègues de la CAQ y sont défavorables, d'après ce que
j'ai entendu. Alors, de quoi avez-vous peur?
Mme Doucas
(Flory) : Notre
compréhension des processus, c'est que pour... certaines de ces mesures-là, en
fait je dirais pour les trois, qui sont
d'envergure, auraient pris des études d'impact, et ça, comme à notre
connaissance il n'y en a pas eu, il
n'y en a pas eu qui ont été déposées
dans le cadre du projet de loi, on craint que ça ferait retarder l'adoption
du projet de loi et la mise en oeuvre de certaines mesures, notamment
la question de l'aromatisation qui est si cruciale, qui à chaque jour
vient tenter des jeunes qui s'initient au tabagisme.
M. Lisée : Alors, comme vous savez, moi, j'étais présent, en 1998, lorsque la première loi Rochon a été
adoptée, qui a fait un grand pas en avant.
Ensuite, il y a eu la loi Couillard, en 2006, et là on est en
2015, donc en moyenne ça prend 10 ans avant que l'Assemblée
nationale se penche sur ce problème. Et là nous sommes tous mobilisés autour de
ce problème, nous sommes tous informés, nous
avons tous appris beaucoup de choses au cours des derniers mois et,
pour plusieurs d'entre nous, nous sommes prêts à agir davantage. Alors, si vous
avez une réticence à ce qu'on propose des amendements qui vont dans le sens de vos souhaits, est-ce
que c'est que des membres du gouvernement vous ont dit : Écoutez,
on ne pourra pas livrer ça, ça va être très long... ou quelles sont les
informations sur lesquelles vous vous basez pour être réticents à ce
qu'on fasse ce que vous demandez, par ailleurs?
Mme Doucas
(Flory) : Notre expérience
et ce qu'on voit, ce qui s'est passé aussi au niveau des autres
provinces, donc, pendant longtemps
il y avait des questions qui touchaient l'emballage, au
Manitoba, ou la question du menthol, et ça a retardé d'une année à
l'autre.
Comme vous
l'avez souligné, on n'a pas été chanceux avec l'adoption de... la révision de
la Loi sur le tabac. En fait, le gouvernement précédent en avait fait aussi un engagement électoral, et on a peur que
ça tombe dans les craques. Je vous
dirais, quand on pense à la question de l'interdiction de fumer dans les
voitures avec enfants, où on est encore la dernière province à ne pas le faire, où à chaque jour des enfants
développent peut-être des otites puis se rendent à l'hôpital à cause de ça, puis encore une fois la
question de l'aromatisation, il y a une question de vie et de mort ici. C'est
vrai qu'on ne le voit pas souvent, là, mais
c'est ça. Je vous dirais, M. Lisée, M. le député, si vous avez ces
études d'impact là, si vous connaissez
des gens qui en ont, ce serait super, parce que c'est des mesures dans
lesquelles on croit, mais on craint que...
M. Lisée : C'est que vous... Parce que, écoutez,
ces mesures-là ont été adoptées en Australie, ont été adoptées ailleurs, donc sont déjà en vigueur en Australie,
elles ont été adoptées par d'autres gouvernements, on sait ça. Donc, on peut s'appuyer sur
les études qui ont été faites là en se disant que c'est la volonté politique de
le faire.
Et donc vous semblez avoir
des raisons de penser qu'au sein du gouvernement libéral actuel il y aurait une
réticence très importante qui retarderait l'adoption et qu'il n'y aurait pas la
volonté politique d'adopter ces choses-là dès
cet automne. Moi, je n'ai pas cette information-là. Ce n'est pas ce que je sens
de la ministre, hein, je sens de la ministre une grande volonté d'agir. Je sais que le premier ministre est très fier
de sa loi de 2006. Et je lui ai parlé brièvement
de cette loi-ci, et il veut agir.
Alors, moi,
ce que je vous dis, madame, c'est que je vais les déposer, ces amendements-là,
on va se battre pour ces amendements-là. Il est probable que, sur
certains d'entre eux, nos collègues de la CAQ vont se battre pour ces amendements-là.
On sait que la majorité de la population québécoise veulent ces amendements-là, la majorité, et parfois la majorité des fumeurs.
Alors, on va tester ça, on va tester ça. Et nous demandons que ça se fasse le
plus rapidement possible. Moi, je veux qu'à
Noël cette loi soit adoptée, soit adoptée et sanctionnée, à Noël, et je pense
que c'est la volonté de la ministre aussi. Alors, je vous indique ça, je
vous indique ça.
Mme Doucas (Flory) : ...compter sur
l'appui de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac.
M. Lisée : Très bien. J'ai
une ou deux questions supplémentaires à vous poser.
Vous dites...
bon, vous proposez qu'on ait un pouvoir réglementaire pour que chemin faisant
on puisse interdire la fumée dans d'autres lieux. Ça, je pense que c'est
excellent.
Vous dites
que vous voulez... Par exemple, il y a une question... bon, la question du neuf
mètres, qui a été abordée par la
ministre, continue à nous tarabuster. Je parlais à un tenancier de bar-terrasse
de la rue Saint-Hubert, hier, qui me disait
que, bien, lui, il avait été content de l'interdiction de la fumée dans son bar
et que ça n'avait pas baissé... parce que lui est un non-fumeur, alors tous les soirs il arrivait chez lui puis il
sentait la fumée, puis que, sur sa terrasse, bien, ça ne le dérangeait pas d'interdire sur sa terrasse, mais
sa propriété s'arrête à la limite de sa terrasse, sa terrasse est sur le
trottoir. Alors là, il y a des commerces à droite, il y a des commerces à
gauche. Ça veut dire que mes fumeurs vont aller là, ce n'est pas interdit sur la
place publique.
Comment
est-ce qu'on résout ce problème-là? Vous, vous avez vu ce qui s'est passé dans
les autres villes nord-américaines, parce que, comme vous l'avez dit,
pour les hôpitaux, là, on a créé un mur de fumée que les patients doivent traverser à neuf mètres de la porte de
l'hôpital. Est-ce qu'on va... Comment on gère ce problème-là, ce
problème collatéral de l'interdiction de fumer sur la terrasse?
Mme Doucas
(Flory) : Je vous dirais,
ailleurs, comme pour la ville d'Ottawa, où c'est le cas, là, depuis
quelques années, l'interdiction de fumer sur
les terrasses, ces grands problèmes là ne se sont pas manifestés. Ce qu'on
demande aux fumeurs, en réalité, c'est : Allez fumer un peu plus loin,
hein, ce n'est pas plus compliqué que ça.
C'est sûr qu'il va encore y avoir des fumeurs
qui vont fumer juste à côté de la terrasse, probablement, mais la réalité, c'est que les fumeurs sont des gens comme
nous, ils ont un souci de la santé des autres aussi, ils sont les
premiers à ne pas vouloir voir leurs propres
enfants fumer. Et, dans ce sens-là, moi, j'ai confiance dans la population
québécoise. On l'a vu avec la conformité
qu'on a eue aux autres dispositions, que ce soit l'interdiction de fumer dans
les bars... Si vous vous souvenez, M.
le député, à ce moment-là il y avait eu une manifestation sur la rue
Sherbrooke, les commerçants avaient entraîné tout ça. Le grand chaos ne
s'est jamais concrétisé.
M. Lisée : Une autre
question, bon, c'est le chicha. Alors, le chicha, on a un gros problème parce
que les ados, qui de toute façon pensent
qu'ils sont invincibles, alors c'est une de nos difficultés pour la réduction
du tabagisme, mais en plus ils se
sont mis dans la tête que c'était moins pire, c'est une pipe à eau, on fume de
l'eau. Alors, on sait que c'est bien
pire, hein? Fumer une heure la pipe à eau, c'est comme consommer de 100 à
200 cigarettes. Alors, j'ai dit ça récemment, et il y a quelqu'un
qui a envoyé par courriel : Bien, branchez-vous, là, c'est 100 ou c'est
200, il faudrait savoir. Bon, bien, en tout cas, disons au moins 100.
Et là on a une dizaine d'endroits qui ont,
depuis la loi de 2006, une clause grand-père, où ils peuvent faire ce commerce, et il y a des commerces illégaux qui
sont nombreux. Alors, vous, vous dites : Bien, il faut arrêter ça, il
faut arrêter les 10 où ils peuvent le faire
déjà. Et les gens sont venus ici, les responsables, les propriétaires, nous
dire : Bien là, tout ce que ça va faire, c'est qu'ils vont aller
dans les endroits illégaux.
Alors, je
vous soumets une hypothèse. Je ne dis pas que c'est ma proposition, mais on
réfléchit ensemble. Moi, je trouve
qu'il y a un gain à faire en sorte que, dans les 10 lieux qui sont légaux,
il y ait des affiches qui disent : Fumer une heure ici, c'est comme fumer 100 cigarettes,
pour qu'ils le sachent, parce qu'il y a une question d'information, mais
qu'on donne un délai pour l'extinction de la
clause grand-père, disons que vous avez cinq ans, huit ans, 10 ans, si
vous mettez ces affiches-là pendant
cette période-là, puis on fera une campagne d'information sur la nocivité de
ça, mais qu'on n'arrête pas du jour au lendemain, ce qui pourrait avoir
une conséquence négative de donner de l'élan aux sites illégaux. Qu'en
pensez-vous?
• (13 h 50) •
Mme Doucas
(Flory) : Bien, premièrement, je pense que l'affichage et la mise en garde dans ces
lieux-là serait une excellente idée. Par ailleurs, ces produits-là n'ont pas de mise en garde de Santé Canada
qui est efficace, elles n'ont pas été renouvelées comme celles des
cigarettes. En fait, plusieurs n'en contiennent pas du tout.
Mais je vous
dirais que nous, on n'a pas privilégié l'idée d'éliminer les salons de fumeurs...
les salons de chicha existants; pas
qu'on est contre cette idée-là, mais on pense que le problème
de la chicha est plus grand que celui qui se passe dans ces établissements-là. En fait, il faut se rappeler que les
mineurs n'ont pas accès, ne sont pas censés avoir accès à ces lieux-là, alors qu'on voit que le phénomène de la
chicha est quand même répandu même chez les élèves du
secondaire. On pense
que l'interdiction des produits aromatisés, qui incluent la chicha, va faire en
sorte que la chicha, de toute manière, va perdre son attrait, on va
droit au but, et on pense que c'est ça, la solution pour réduire l'usage de la
chicha.
M. Lisée : Oui, bien ils sont d'accord avec vous, les
propriétaires, parce qu'ils disent
qu'ils n'ont pas de produit non aromatisé, que tous leurs produits sont
aromatisés. Qu'est-ce que vous répondez?
Mme Doucas (Flory) : C'était le cas
pour la majorité des petits cigares. Ça ne fait pas en sorte que c'est des produits qu'on peut permettre, notamment en raison
du fait qu'ils sont extrêmement populaires chez les jeunes. Dans une société où on met tant d'efforts pour réduire le
tabagisme, il faut qu'il y ait une certaine cohérence. On ne peut pas
juste parler d'information puis de sensibilisation puis omettre des obligations
sur les fabricants en les laissant produire des produits qui sont extrêmement
attrayants pour les jeunes.
M. Lisée : Je vous remercie
beaucoup.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole
à notre collègue de Saint-Hyacinthe pour une période de neuf minutes.
Mme Soucy : Merci, M. le Président.
Bonjour. Je comprends à travers vos propos que le plus important pour vous est l'adoption le plus rapidement possible du
projet de loi, plus important même que d'adopter des amendements importants comme le moratoire sur les nouveaux
produits du tabac. Dois-je comprendre que vous craignez, en fait, que l'industrie du tabac poursuive le gouvernement
puis que ça ralentisse ou ça retarde l'entrée en vigueur du projet de
loi? Est-ce que c'est ce que je comprends à travers vos propos?
Mme Doucas
(Flory) : Je vous dirais, à
certains égards, oui, l'industrie du tabac a fait preuve, dans le passé,
de beaucoup d'innovation pour trouver des gens pour aller se battre et défendre
ses intérêts. Les documents qui ont été rendus
publics suite aux jugements, entre autres, avec les recours collectifs montrent
que des grandes associations, par exemple,
d'événements commandités, hein, qui étaient contre l'interdiction qui allait
mettre fin à la commandite du tabac étaient en fait mises sur pied par
l'industrie du tabac. Donc, dans ce sens-là, oui, on craint qu'il pourrait y
avoir des affaiblissements sérieux par
rapport à la Loi sur le tabac, et je pense que c'est... Pour nous, ça fait
10 ans qu'on attend. La question,
c'est l'urgence d'agir. Si on s'était parlé il y a cinq ans, au moment où on
attendait la révision de la loi, je pense qu'on aurait été plus patients, mais en ce moment on voit des
circonstances qui nous semblent aberrantes à chaque jour, la question des produits aromatisés, puis on se dit
que le Québec ne peut pas se permettre d'attendre encore longtemps avec ça.
Mme
Soucy : Toujours au niveau de... mettons au niveau de l'emballage
standardisé et neutre, vous savez qu'en Australie il y a eu une réduction du taux de tabagisme de 3 % en
quelques années seulement. Alors, vous ne craignez pas qu'on peut perdre
davantage en n'adoptant pas les amendements importants comme les deux que je
viens de vous mentionner, à défaut de
prendre quelques jours ou quelques semaines de plus? Parce qu'en fait les
amendements peuvent aller très vite. On peut proposer un amendement à la
ministre, et puis ça peut être adopté en quelques minutes. Ça ne veut pas dire, qu'on demande des amendements, que
ça va vraiment étirer le processus de l'adoption pendant plusieurs mois. Alors, vous ne pensez pas que c'est plus
important de bonifier le projet de loi, vu les résultats possibles, qui
sont positifs, qui ont été démontrés ailleurs?
Mme Doucas (Flory) : On a peut-être
une mauvaise connaissance des processus, puis ce sera aux membres de la commission de voir ce qu'ils peuvent faire puis jusqu'où ils
peuvent aller. Puis c'est certain que, tous les progrès qu'on peut faire
au niveau de la lutte antitabac, on va les accueillir et on va les appuyer favorablement.
Donc, ce sera à vous de décider.
Mme Soucy : Je reviens sur les
craintes, en fait, que l'industrie du tabac poursuive. Habituellement, ils vont
poursuivre après l'adoption, après l'adoption du projet
de loi, lorsque la loi est en vigueur,
et non pas pendant le processus d'étude
article par article. Alors, j'ai de la difficulté un petit peu avec
la crainte que vous avez... à moins que je ne saisisse bien vos propos,
mais ça me paraît non justifié, je vous dirais, cette crainte-là.
Mme Doucas (Flory) : Je vous
donnerais l'exemple... En fait, le projet de loi n° 44 vient éliminer
les clauses d'harmonisation qu'on a par
rapport, entre autres, aux emballages. Ces clauses-là, en fait, sont apparues
un peu de nulle par, en 1998, et ce
qu'on a compris par la suite, c'était que c'était une concession qui avait été
faite à l'industrie du tabac, qui menaçait
de fermer ses usines si on allait de l'avant avec le projet de loi. Elle
craignait que ça allait ouvrir la porte pour de la réglementation par rapport à des emballages, et
donc une façon de contrer, de freiner des développements à cet égard-là,
c'était de dire : Bien, parfait, il va falloir que le Québec s'harmonise
avec la réglementation fédérale.
Jusqu'à maintenant, mais j'imagine que vous
allez entendre... Et je n'ai toujours pas vu les mémoires, là, de l'industrie.
Le projet de loi, tel qu'il est, fait des grands gains, des grands pas, et je
vous dirais que nous, on n'a pas entendu des
objections par rapport aux clauses d'harmonisation, par exemple. On pense que
le Québec devrait aller de l'avant,
devrait assumer sa compétence en matière de santé, et on a confiance en vous.
Donc, dans ce sens-là, si vous nous dites
que ça peut aller de l'avant, qu'on peut aller plus loin que le projet de loi,
que tous les outils sont nécessaires, n'ayez pas crainte, la coalition
québécoise sera là.
Mme Soucy :
Avez-vous des exemples dans d'autres provinces qu'il y a eu des poursuites
intentées par les industries du tabac pendant l'adoption ou pendant l'étude
d'un projet de loi?
Mme Doucas
(Flory) : Non, et ce n'est
pas tellement ça qu'on craint, mais c'est l'affaiblissement du projet de
loi, plutôt qu'une poursuite, parce que dès qu'une mesure est efficace... Et
les plus efficaces, elles sont invariablement contestées par l'industrie du
tabac. C'est un signe que ça va marcher.
Mme
Soucy : ...jusqu'à présent, tous les amendements qu'autant mon
collègue du Parti québécois a proposés... en fait tous les amendements sont là pour bonifier le projet de loi et non
pas pour faire du nivellement vers le bas, donc pas pour l'affaiblir.
Alors, bien,
écoutez, on vous a entendus. Puis on travaille de bonne foi avec la ministre,
et puis, bien, faites-nous confiance.
Mme Doucas (Flory) : Parfait.
Mme Soucy : Je pense qu'on va
essayer, en tout cas, de travailler dans la bonne foi pour l'adopter le plus
rapidement possible.
Mme Doucas (Flory) : Merci.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, ceci met fin aux échanges. Je remercie beaucoup les
représentantes et représentants de la Coalition québécoise pour le contrôle du
tabac.
J'invite les représentants de l'Association des
marchands dépanneurs et épiciers du Québec de faire... de s'avancer
tranquillement.
Et je suspends nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 13 h 59)
(Reprise à 14 h 7)
Le Président (M. Tanguay) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux. Nous accueillons maintenant les représentants de l'Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec.
Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de
10 minutes de présentation, à l'intérieur de laquelle nous aimerions, évidemment, pour les fins d'enregistrement, que vous preniez le temps de vous nommer, vous trois, et
préciser vos fonctions, et par la suite vous aurez une période d'échange avec les
parlementaires. Alors, la parole est à vous.
Association des
marchands dépanneurs
et épiciers du Québec (AMDEQ)
M. Servais (Yves) : Merci. Donc, je
me présente : Mon nom est Yves Servais, je suis directeur général pour l'AMDEQ, l'Association des marchands dépanneurs et
épiciers du Québec. À ma droite, vous avez M. Odina
Desrochers, qui est conseiller aux affaires gouvernementales, et, à ma gauche,
M. Olivier Tousignant, qui est consultant juridique pour l'association.
Nous, on
aimerait, premièrement, vous faire un bref résumé de notre mémoire, et
après ça, bien, on répondra à vos questions, parce qu'on a beaucoup, beaucoup
de sujets et on aimerait se faire poser beaucoup de questions sur les
différents points du projet de loi.
Donc, ceci
dit, nous tenons d'abord à remercier les membres de la Commission de la santé
et des services sociaux de nous
recevoir aujourd'hui afin de nous permettre de vous faire connaître notre point
de vue et de faire certaines recommandations
dans le cadre de l'examen du projet de loi n° 44. Au nom de l'AMDEQ,
à maintes reprises, en 2000, 2005,
2013, 2014 et aujourd'hui, en 2015, nous avons témoigné pour vous faire
connaître nos opinions et nos suggestions sur toutes les questions du tabagisme au Québec. C'est avec un esprit
d'ouverture, de collaboration et de partage que nous vous présentons nos
préoccupations.
Dans un
premier temps, permettez-moi de vous faire connaître l'Association des
marchands dépanneurs et épiciers du
Québec, qui est une coopérative de dépanneurs indépendants — ça, c'est un terme qui est très
important — d'environ
1 000 membres au Québec et répartis sur l'ensemble du territoire
québécois. Je tiens à mentionner aussi que, parmi nos 1 000 membres, nous avons au-delà de 350 dépanneurs
d'origine chinoise et que ces derniers nous ont demandé aussi,
également, de les représenter aujourd'hui.
L'AMDEQ
existe depuis plus de 30 ans maintenant. En plus d'être un groupement
d'achats de type coopératif, l'AMDEQ...
l'association cherche à répondre adéquatement aux besoins et aux préoccupations
de ses membres. Dans les dossiers où les intérêts socioéconomiques sont
en jeu, comme c'est le cas pour la Loi sur le tabac, l'AMDEQ a la
responsabilité de les représenter et de les défendre.
Nous tenons
également à vous mentionner que l'AMDEQ est complètement indépendante de toute
corporation, que ce soient des grands réseaux de dépanneurs corporatifs ou des
compagnies de tabac. Bien que l'on représente un peu plus
de 1 000 membres, dépanneurs indépendants, nos propos correspondent aux
préoccupations de l'ensemble des dépanneurs du Québec.
Durant cette
audience, nous souhaitons, entre autres, nous exprimer sur les outils
législatifs et de communication qui
sont, à notre avis, devenus indispensables pour améliorer l'application des
lois par les propriétaires de point de vente de tabac afin de lutter
contre le tabagisme. Dans cette avenue, l'AMDEQ demande de rendre la
présentation d'une carte d'identité
obligatoire pour les personnes de 25 ans et moins pour l'achat des
produits du tabac. L'AMDEQ demande
ou presse le gouvernement de s'engager à mettre en place une campagne média pour informer les mineurs qu'il leur est
interdit d'acheter du tabac, sous peine de
sanction — très
important pour nous. Du coup, si la recommandation de l'AMDEQ est retenue, cette campagne devra aussi informer de l'obligation
de présenter une preuve d'âge pour les moins de 25 ans. L'AMDEQ propose
que la carte d'assurance maladie devienne la carte désignée pour le cartage.
L'AMDEQ appuie l'interdiction pour un mineur
d'acheter des produits du tabac, sous peine de sanction, telle que proposée
dans le présent projet de loi. L'AMDEQ désapprouve l'augmentation abusive des amendes; désapprouve également la modification de l'article 43.5 qui
pénaliserait un détaillant du fait qu'il aurait dû savoir, qu'il aurait dû
savoir qu'un adulte achète du tabac pour
un mineur — très
important aussi, il
y a des abus qui pourraient se
présenter à ce niveau-là; demande au gouvernement à ce que la vente de cigarettes électroniques ne
soit pas réservée qu'aux boutiques spécialisées; demande au gouvernement
d'améliorer — très
important — d'améliorer
la gestion et le traitement des infractions émises par le Service de lutte au
tabagisme.
À ce point-là, j'aimerais peut-être inviter
Me Tousignant de vous parler un petit peu de la problématique de l'application
ou des mises en sanction par le Service de lutte au tabagisme.
• (14 h 10) •
M.
Tousignant (Olivier) : Alors,
bonjour. On m'a demandé de faire un petit aparté, et par la suite ce sera
M. Servais qui continuera. Ce seront
des commentaires très concrets relativement principalement au processus préjudiciaire suivant, en fait, la commission d'une infraction par un détaillant qui aurait
vendu des produits de tabac à des personnes d'âge mineur.
Alors, ce qu'il faut savoir, c'est qu'il y a, premièrement,
l'infraction. Par la suite, un inspecteur du ministère va revenir pour informer le détaillant qu'il y a une infraction qui a
été commise, par la suite il y aura judiciarisation du processus, donc
constat d'infraction, et par la suite divulgation de la preuve, là, ce qui peut
prendre de huit à 10 mois en moyenne, je vous dirais.
Alors, personnellement, j'ai dû représenter à peu
près une vingtaine de détaillants
membres de l'AMDEQ dans le cadre de dossiers pour de la vente de tabac aux mineurs,
et les problèmes suivants, c'est ceux que j'ai constatés. Donc, ils sont principalement au
niveau du processus préjudiciaire. Donc, il peut se dérouler... j'ai vu des
périodes allant jusqu'à huit semaines entre la date de l'infraction et
l'information par les inspecteurs du ministère qu'une infraction a été
effectivement commise par le détaillant. Donc, pendant près de deux mois, le
détaillant ne sait même pas qu'une infraction
a été commise dans son établissement. Durant cette période-là, donc, le
détaillant ne sait pas ce qu'il en est. Et par la suite il peut prendre de huit à 10 mois avant que la
divulgation, la communication de la preuve soit transmise, ce qui veut dire que dans bien des cas, durant toute cette
période-là, le détaillant ne sait pas ce qui s'est produit dans son
dépanneur, ne sait pas la date; certaines fois la date, mais certainement pas
l'heure, dans la majorité des cas.
Alors, les deux conséquences pour le détaillant
sont les suivantes — je
serai bref. Donc, un, ça empêche le détaillant
de réagir rapidement à la commission d'une infraction puis à prendre les
mesures nécessaires dans son établissement
afin que ça n'arrive pas. Et, deuxièmement, ça mine sa capacité à faire une
défense de diligence raisonnable, qui
nécessite, selon les critères de la jurisprudence, notamment la preuve de
sanction de l'employé ou des employés, des avertissements qui sont faits
suite à l'infraction. Et, pour des raisons que je ne connais pas, que ce soit
volontaire ou non, on laisse souvent les détaillants dans le néant ou dans la
brume sur ce qui s'est déroulé à la date de l'infraction.
Alors, j'ai
deux solutions rapides, très rapides, là, à vous dire. Donc, premièrement, ce
serait un retour rapide des inspecteurs
du ministère chez le détaillant pour les informer qu'il y a une infraction
commise à une date x. Et, au même moment,
je suis d'avis qu'ils devraient remettre au détaillant un détail de
l'infraction, un rapport sommaire de l'inspecteur qui permettrait de
savoir l'heure, le jour et certainement la description physique sommaire du
commis. Ce sont des choses que le détaillant demande, et à mon avis ce serait
facile, je crois, par les inspecteurs du ministère à mettre ces mesures en
place.
Alors, je laisse la parole à maître... à
M. Servais, pardon.
M. Servais
(Yves) : Merci,
Me Tousignant, d'avoir apporté ces précisions. Donc, les principales
demandes que l'AMDEQ adresse au
gouvernement visent la réalisation des trois objectifs suivants :
premièrement, un meilleur contrôle de l'accès
à des produits du tabac aux mineurs, ce qui préoccupe beaucoup le législateur;
deuxièmement, pour nous, c'est de faciliter et soutenir le travail
quotidien des dépanneurs quant au cartage; et, troisièmement, changer le
comportement et la perception des
consommateurs face au cartage. Parce qu'il faut vous dire que ce n'est pas
évident. On nous demande de jouer à la police, c'est ingrat. On fait
face à des consommateurs qui n'acceptent pas d'être cartés et qui font preuve d'impatience, qui sont irrités, qui agressent
verbalement les jeunes commis de dépanneur, puis ça va même jusqu'à
agresser, à l'occasion, physiquement. Le
meilleur exemple, c'est l'année dernière à Charny, juste ici sur la Rive-Sud à
Québec, un jeune adulte de 23 ans a
sacré... — excusez
le mot — a sacré
une claque par la tête au commis qui voulait vérifier son identité.
Donc, c'est des choses que l'on vit à tous les jours.
L'AMDEQ, pour
aider le gouvernement du Québec dans sa lutte pour interdire la vente de tabac
à des mineurs, entend miser sur une
approche de partenariat. De part et d'autre, il faut miser sur la
responsabilisation de toutes les parties impliquées dans ce débat :
le gouvernement, les associations, les détaillants, le citoyen et les fumeurs.
En
2011, en lançant notre programme Nous cartons, qui est un programme pour
sensibiliser les détaillants et leurs employés au cartage et aux
différents aspects de la loi, nous avons posé un geste concret pour former et
informer nos membres de l'importance de
carter les jeunes de 25 ans et moins et, par le fait même, améliorer le
contrôle de l'accès à des produits de
tabac aux mineurs. J'aimerais vous faire remarquer que notre programme, que
l'on a mis en place il y a maintenant
quatre ans, a été complètement défrayé par les frais de l'association, aucune
corporation, aucune compagnie de tabac
n'a fourni... c'est l'argent des membres qui a servi à mettre en place le
programme Nous cartons. Et actuellement la réputation du programme a fait en sorte qu'on a été approchés par le
comité sectoriel de la formation de la main-d'oeuvre du commerce alimentaire, le CSMOCA, pour acheter les
droits d'auteur de notre programme. Nous souhaitons maintenant que le ministère de la Santé et des Services sociaux
s'engage à son tour dans une campagne de sensibilisation et
d'information pour amener les jeunes fumeurs à présenter une carte d'identité
de façon obligatoire lorsqu'ils veulent acheter des produits du tabac. À ce chapitre, nous sommes même prêts à nous associer
avec vous pour le faire d'une façon ordonnée et professionnelle.
S'il nous
reste encore du temps, j'aimerais revenir sur la première demande que l'on
fait, qui sont très importantes, c'est-à-dire la présentation d'une
carte d'identité. Donc, pour faciliter le travail des détaillants, l'AMDEQ
propose de modifier l'article 13.1 de
la loi actuelle qui dit que «toute personne qui désire acheter du tabac ou être
admise dans un salon de cigares peut
être tenue de prouver qu'elle est majeure», peut être tenue... qu'elle est
majeure. L'AMDEQ demande que, dans un
point de vente de tabac, toute personne âgée de 25 ans et moins qui désire
acheter des produits du tabac est tenue de prouver qu'elle est majeure
en présentant une pièce d'identité. Il n'y a pas une grosse différence, c'est
juste dans le temps du verbe. Donc, au lieu
de «peut être tenue», on veut que le consommateur, le jeune adulte à qui on
demande des cartes d'identité soit tenu de
présenter une pièce d'identité. On vous suggère cet article-là. Par contre,
vous pouvez, vous aussi, le modifier comme vous voulez. Mais ce qu'on
demande en particulier, c'est que, si le détaillant demande à un acheteur des produits du tabac... qu'il doit, à ce
moment-là, présenter une carte d'identité pour prouver qu'il est majeur.
À la demande du détaillant, le consommateur doit prouver qu'il est majeur en
présentant une carte d'identité.
D'ailleurs,
je vous rappelle — puis je
ne sais pas comment vous allez l'interpréter — dans le projet de loi vous donnez
beaucoup de pouvoir aux inspecteurs du Service de lutte au tabagisme, et, parmi
les nouveaux articles de loi, maintenant les
inspecteurs vont pouvoir demander une carte d'identité ou vérifier l'âge d'une
personne qui achète du tabac en
sortant du commerce. Donc, on voudrait, nous aussi... Puis je suis certain, sûr
et certain que le consommateur, là, ou le citoyen n'aura pas le choix de présenter sa carte d'identité à
l'inspecteur qui veut identifier la personne qui a acheté du tabac.
Donc, c'est la même chose pour nous.
Nous, on vend
des produits du tabac à la journée longue, on a peut-être des centaines de
transactions par jour à ce niveau-là,
donc nous, on veut une aide du gouvernement pour faciliter notre travail, pour
faciliter le travail puis pour faire en sorte que les objectifs du
ministère de la Santé soient atteints, c'est-à-dire contrôler l'accès des
produits du tabac aux mineurs. On est rendus à 85 % de conformité. Vous me
direz... bien en tout cas il y en a qui disent que ce n'est pas beaucoup, mais je me souviens qu'en 2005 les taux
de conformité étaient à 45 % puis 50 %, donc on a quand même
eu une belle progression. Puis même je
voudrais peut-être profiter de l'occasion qui se présente de saluer puis de
féliciter le travail des détaillants,
parce qu'il y a eu une grosse amélioration. Il y aura toujours de
l'amélioration, mais ça, on peut le faire tous ensemble pour atteindre
des 90 % puis des 95 %, taux de conformité.
Le Président
(M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Servais. Alors, à la demande de
la ministre, évidemment, nous vous
avons permis de compléter de 10 minutes à 12 min 30 s, ce
qui diminue son temps, mais néanmoins elle a toujours 20 minutes
pour discuter avec vous. Alors, sans plus tarder, je lui cède la parole.
• (14 h 20) •
Mme
Charlebois :
Alors, bonjour, M. Servais, M. Desrochers et M. Tousignant.
Merci d'être avec nous et de venir nous
faire part de vos préoccupations quant au projet de loi. Ce que je comprends...
bien, en tout cas, je vais quand même me permettre... parce que je ne
l'ai pas fait d'entrée de jeu, avec l'autre groupe qui vous a précédés, mais
j'aurais dû le faire pour commencer la
journée, en fait, rappeler aux gens pourquoi on a fait le projet de loi
n° 44, parce qu'il faut toujours se
ramener à pour qui on fait ça, hein, c'est quoi, le but visé par un projet de
loi, parce qu'on ne se lève pas le matin en disant : On va faire ça, là, puis c'est comme ça, là, ça m'a tenté
un matin. Non. Notre but visé avec le projet de loi n° 44, puis c'est toujours en continuité avec les projets
de loi qui ont été déjà déposés, les évaluations qui ont été faites des
projets de loi, les mises en oeuvre des
projets de loi, ce qui est visé en ce moment par le projet de
loi n° 44, c'est la réduction du tabagisme, la prévalence au tabac, inévitablement — ça, on ne vous cachera pas ça — protéger la santé des non-fumeurs, c'est clair. Moi qui ne fume pas, respirer la fumée
des autres... J'ai déjà fumé, mais là j'ai fait le choix de ne pas
fumer; bien, je ne veux pas fumer la boucane
des autres, parce qu'on sait que la fumée secondaire est encore plus toxique
que fumer directement. Et ce qu'on
souhaite faire, non seulement ça, mais c'est s'assurer que les jeunes ne
commencent pas à fumer.
Je pense que
c'est aussi ce que... Vous ne vous opposez pas, je pense, aux buts visés par la
loi, hein? Bon, alors, dans ce sens-là, je dois vous dire que j'ai vu
votre mémoire, puis j'ai vu votre programme de formation relativement à l'identification, et je dois vous dire que vous
avez été novateurs, à mon avis. Et combien de détaillants, déjà, sont
membres de votre association?
M. Servais (Yves) : Nous, on
regroupe tout près de 1 000 propriétaires de dépanneur indépendants.
Mme
Charlebois :
Combien vous pensez qu'il y en a au Québec au total?
M. Servais (Yves) : Je vous dirais
plus ou moins 6 000, là, ça peut être 5 500, 6 000.
Mme
Charlebois : Ça veut dire que votre programme pourrait être
étendu à plus de monde que ça, hein?
M. Servais (Yves) : Avec la transaction qui vient de survenir, avec le comité sectoriel de
la formation de la main-d'oeuvre, il
va être étendu à l'ensemble des détaillants du Québec. Parce que le comité
sectoriel, ils ont, bien entendu, un conseil
d'administration, et sur le conseil d'administration vous retrouvez Provigo,
Metro, IGA-Sobeys, Beaudry & Cadrin, les grossistes en alimentation. Donc, eux,
justement, sont en train de finaliser, sont en train de refaire leurs sites
Internet actuellement pour rendre notre programme, notre bébé que l'on a mis au
monde en 2011... Puis maintenant il va être disponible à l'ensemble des
détaillants du Québec.
Chose
que je n'ai pas mentionnée : Ça, ça vous rappelle quelque chose? C'est le
manuel des détaillants que vous avez
rendu disponible en 2005. Le programme Nous cartons, 90 % du contenu du
programme Nous cartons provient du manuel des détaillants que le
ministère de la Santé a mis en place en 2005.
Mme
Charlebois : Donc, ce ne serait pas une grosse affaire, pour
l'ensemble des détaillants, d'avoir tous les outils disponibles pour
faire de la formation et d'intensifier la formation?
M. Servais
(Yves) : Bien, effectivement, j'ai assisté, la semaine dernière ou il
y a deux semaines, à la présentation de
M. Florent Gravel, de l'Association des détaillants en alimentation. Vous
lui avez demandé : Ça vous prend un programme de formation? Non, on
n'a pas besoin de programme de formation parce qu'on l'a déjà, on l'a déjà.
Par contre, vous
allez apporter des modifications à la loi, donc le comité sectoriel va devoir
apporter des modifications aussi, là. Nous,
juste au niveau informatique, par exemple, lorsqu'on a mis la promotion en
ligne, il n'était pas adaptable aux
tablettes; là, il faut le rendre adaptable aux tablettes puis il faut apporter
toutes les modifications que vous allez
apporter. Mais le CSMOCA sont là pour rendre la formation disponible à
l'ensemble des détaillants du Québec, c'est ça.
Mme
Charlebois : Bien, j'en prends bonne note puis je pense que
ça peut être, comme vous le dites, un bon outil de travail pour l'ensemble des détaillants. Parce que ce qu'on nous a
dit, les autres qui vous ont précédés — vous l'avez entendu, vous étiez là — c'est que c'est difficile quand moi, je
carte puis mon voisin ne carte pas; bien, mon client part de chez nous,
s'en va là-bas parce que c'est plus facile, jusqu'à temps qu'il se fasse
prendre puis qu'il paie une bonne amende.
Mais, si tout le monde s'entend, dire : Bien, on donne la formation
correctement, bien, les jeunes, s'ils le savent, les commis, autant que lui... Le détaillant paie,
mais, si le commis est mis à l'amende et le jeune qui achète est mis à
l'amende, eux aussi, substantiellement, il
va y avoir une meilleure sensibilisation parce que... Mon père, il me disait
tout le temps : «Money talks.»
Quand on parle d'argent, qu'on va chercher de l'argent dans tes poches,
d'habitude, c'est un bon moyen de sensibiliser les gens, là, parce que
c'est comme... ils ne veulent pas payer pour des affaires comme ça.
Mais,
ceci étant, je pense qu'on est mieux de faire de la pédagogie que de toujours
mettre à l'amende, mais ça nous prend
des outils. Puis je vous entends parler de ça. On va examiner ça de près pour
voir comment on peut s'assurer que c'est disponible pour tout le monde.
Une voix :
Mme la ministre...
Mme
Charlebois : Ce que j'ai le goût de vous ajouter, juste
avant, parce que je me doute du commentaire qu'il va me faire, oui, sur
les amendes et...
Une voix :
Non, non, même pas...
Mme
Charlebois : Non? O.K.
Mais, juste avant, puis je vais vous laisser la parole après parce que le but,
c'est de vous entendre, hein, j'ai le goût de vous demander aussi... Les
dépanneurs vendent du vin, vendent de la boisson. Est-ce que je me trompe?
Une voix :
Oui.
Mme
Charlebois :
Est-ce que vous cartez les jeunes qui veulent acheter, en bas de 18 ans?
M. Servais
(Yves) : Oui, effectivement. Pour l'alcool, pour la loterie et le
tabac, bien entendu. Donc, oui, effectivement. Puis autant on met de l'avant la
politique du 25 ans, bien entendu, comme la SAQ met la politique du
25 ans, comme Loto-Québec met le politique du 25 ans. Nous, dans le
programme Nous cartons, on met en force la politique du 25 ans. Puis même,
compte tenu de la sévérité de la loi puis les nouveaux pouvoirs que vous
accordez au Service de lutte au tabagisme,
on est en train de préparer une petite campagne d'affichage en magasin où il
est interdit de vendre... non, moins
de 25 ans, pièce d'identité obligatoire, une politique de la direction.
Pas de tabac... Pas de carte, pas de...
Mme
Charlebois :
...
M. Servais
(Yves) : Pardon?
Mme
Charlebois :
C'est pour vos membres, ça, cette...
M. Servais (Yves) : Ça, c'est pour nos membres. Vous comprendrez que
l'association, c'est peut-être la moins riche des associations parmi celles que vous avez rencontrées, on n'a
pas des tonnes d'argent arrière de... un coussin en arrière de nous autres pour mettre en place des
moyens d'action pour essayer de sensibiliser nos membres, mais là il
faut aller plus loin que sensibiliser les détaillants, il faut sensibiliser le
consommateur et les habituer à présenter une carte d'identité comme c'est fait
aux États-Unis.
Puis j'aimerais vous
mentionner que... Je n'ai pas eu le temps d'en parler, mais, dans l'exemple
qu'on vous apporte, au niveau du cartage, on
a fait des petites recherches sur Internet. Vous savez qu'en France ils ont
procédé au même exercice que vous, et
les législateurs français... puis ça, M. Lisée, il doit être content,
parce que vous aimez aller en France régulièrement, mais les
législateurs français, au mois de mai, ils ont voté une loi, dont sur le paquet
neutre, mais aussi avec l'obligation de
présenter une carte d'identité à l'achat des produits du tabac. Donc, ce n'est
pas juste nous qui le demande, les législateurs français l'ont mis dans
un projet de loi, comme c'est le cas aux États-Unis, comme le Maroc s'apprête à
le faire et comme au moins deux provinces canadiennes le font actuellement.
Ça fait que nous, Mme
la ministre, pour aider à atteindre vos objectifs... On a dit qu'on avait passé
de 45 %, 50 % à 85 %. Est-ce qu'on peut passer à 90 % ou à
95 %? Peut-être, mais ça nous prend des outils, donc le cartage obligatoire, on a notre formation. Ça prend une
campagne de sensibilisation, Mme la ministre. La SAQ, la SAQ fait une
très belle campagne, depuis deux ans, pour
inciter les consommateurs qui achètent des produits alcooliques dans les SAQ
à présenter une carte d'identité; bien, nous, c'est la même chose qu'on attend
de la part du ministère. Et, bien entendu, après
ça, bien il faudrait peut-être faire quelque chose pour officialiser une pièce
d'identité au Québec, puis nous, on vous suggère la carte d'assurance
maladie.
Mme
Charlebois : Je pense que dans notre... pas je pense,
je suis certaine, dans notre projet de loi on a un endroit où il est spécifié que, pour l'identification, on
va, par règlement, dire quels seront les outils disponibles qu'on va
reconnaître, justement, pour l'identification.
M. Desrochers (Odina) : À ce sujet-là... Excusez-moi. À ce sujet-là, on
fait déjà la recommandation d'utiliser la carte d'assurance maladie, parce que la carte d'assurance maladie, elle
est universelle. Il y a beaucoup de gens... Parce qu'il y a des statistiques qui ont sorti relativement...
Avant ça, on utilisait beaucoup le permis de conduire, mais, le permis
de conduire, avec la sévérité qui a été
faite avec les amendes, on sait qu'il y a à peu près 20 % des jeunes qui
n'en ont pas, de permis de conduire.
Donc, c'est pour ça qu'on aimerait que la carte d'assurance maladie remplace le
permis de conduire. Et en même temps ça nous donnerait la chance d'avoir
une carte d'identité officielle au Québec.
Mme
Charlebois :
Mais j'ajouterais... J'ai pris en note votre recommandation, mais je pense
qu'on va devoir en mettre plus qu'une, carte.
• (14 h 30) •
M. Servais (Yves) : Moi, je n'ai pas de problème avec ça, Mme la ministre, mais la carte
d'assurance maladie, comme
M. Desrochers dit, est la plus répandue. Puis la problématique avec la
carte d'assurance maladie puis le permis de conduire, c'est qu'on peut peut-être la demander, mais le citoyen, il
n'est pas obligé de nous la montrer, parce qu'au niveau de la carte d'assurance maladie, selon la loi sur
la carte d'assurance maladie, la carte d'assurance maladie sert
seulement à des prestations de santé, à des
services de santé, à part d'une exception qui est lors des élections, où la
carte d'assurance maladie peut être présentée. Donc, pour nous, c'est
simple, par contre, c'est juste un petit amendement à la loi puis de faire en sorte qu'elle devienne... qu'on puisse
officiellement la demander. D'ailleurs, ça va servir aussi à vos
inspecteurs sur la route, parce que vos
inspecteurs sur la route vont devoir carter maintenant des jeunes qui sortent
des dépanneurs avec des produits du tabac. Donc, il faut que tout le
monde soit en règle aussi, là. Donc, si on peut la demander, bien il faut que le citoyen soit obligé, qu'il puisse...
que la carte d'assurance maladie peut être considérée comme une carte
valable.
Puis aujourd'hui, en
2015, avec toute la technologie qui existe, c'est facile de mettre un
code-barres sur la carte d'assurance
maladie, puis tout ce qu'on voit... C'est comme avec le permis de conduire.
Dans le lecteur optique de la valideuse
Loto-Québec, il y a juste une lumière rouge ou une lumière
verte qui s'allume. Ça, ça veut dire qu'une lumière verte, O.K., tu peux faire de la vente; une
lumière rouge, oublie ça, il a en bas de 18 ans. Donc... Puis, aux États-Unis, presque tout le cartage ou la
vérification du cartage se fait par le biais d'un lecteur optique de la
valideuse de loterie.
Mme
Charlebois : Est-ce que
votre lecteur voit la photo puis la personne qu'il y a devant, est capable de
faire la comparaison?
M. Servais
(Yves) : Pour voir la photo, non. Bien, il faut quand même laisser une
part de responsabilité au détaillant. Il voit la photo, il constate que, oui,
c'est bien la bonne personne, mais il scanne dans le lecteur optique de Loto-Québec,
et la lumière rouge ou verte s'allume à ce moment-là. Aucune donnée
confidentielle, aucune donnée confidentielle.
Mme
Charlebois :
Me permettez-vous de donner la parole à M. Tousignant que j'ai interrompu
tantôt? Il voulait me dire quelque chose.
M. Servais
(Yves) : Oui.
M. Tousignant (Olivier) : Oui. En
fait, je voulais juste mentionner que le programme de formation n'est pas la solution à tous les problèmes des détaillants,
parce qu'ils auront beau avoir la plus grande volonté, la meilleure
volonté du monde, il
ne demeure pas moins que, je vous dirais, 90 % des infractions, si ce
n'est pas plus, sont commises par des commis — excusez-moi
la répétition. Mais donc ce sont des gens sur lesquels les propriétaires n'ont
pas de contrôle. Alors, ils ont beau les
former du mieux qu'ils peuvent, il y aura toujours des produits du tabac
vendus par de leurs commis.
Et ce qu'il
faut comprendre aussi, c'est que ce sont généralement des emplois
précaires. Si on regarde, si on faisait une moyenne, en fait, de l'âge des employés qui sont des employés... de
ces commis-là, souvent on a des gens de 16 à 22 ans, je vous dirais, en moyenne, et généralement un ou deux employés plus âgés, qui est le permanent. Ce sont des
étudiants ou des gens sous-scolarisés qui
ont des emplois précaires. Il suffit qu'il y ait un avertissement, et ils
quittent.
Alors, ça, c'est la réalité à laquelle les
détaillants ont à faire face, et c'est pour ça que je veux quand même mettre un bémol sur vos commentaires précédents en
disant que c'est là où vient l'importance de ce que M. Servais a dit, parce que c'est mettre un fardeau énorme sur le
dos des détaillants, de s'assurer que leurs commis ne procèdent jamais à
la vente de tabac à des personnes d'âge mineur. Et je le vois dans mes dossiers...
Mme
Charlebois : Moi,
j'ai un petit bémol mettre à votre affirmation, parce que j'ai déjà eu une
entreprise où il y avait des camions sur la
route, puis c'était de ma responsabilité de m'assurer que mes camions étaient
en bon état et d'avoir du monde qui
était suffisamment prudent pour conduire correctement. Puis je pense que, quand on est en affaires, il faut un minimum... C'est sûr qu'on ne peut pas
contrôler tout le monde, je le sais, j'ai été en affaires, mais il faut
faire un effort minimal.
Est-ce que
j'ai dit que c'était juste ça qui va faire le changement à la donne? Non, mais je pense
que, là, on a un élément qui permet d'améliorer la situation, O.K.?
M. Tousignant (Olivier) : Tout à
fait, tout à fait.
Mme
Charlebois : On se
comprend là-dessus?
M. Tousignant (Olivier) : Oui, oui,
on se comprend.
Mme
Charlebois : O.K.
J'ai une question autre, on est dans un tout autre sujet, mais on s'est compris
sur l'ensemble des choses. Cigarette
électronique, vous dites dans votre mémoire que, l'encadrement de la cigarette
électronique comme un produit du tabac, vous n'êtes pas tellement
favorables à ça.
M. Servais
(Yves) : La cigarette...
Bien, nous, le produit existe, il y a une demande également
pour ce produit-là, donc nous... Vous
savez qu'il y a les boutiques spécialisées puis il y a les dépanneurs aussi qui
en vendent, mais nous, on veut juste
s'assurer, si vous réglementez le produit, que le détaillant puisse continuer à
vendre la cigarette électronique. Puis oui,
effectivement, il y a besoin d'un encadrement, parce que la
nicotine, actuellement, qui est dans le liquide, souvent c'est des
laboratoires qu'on ne connaît pas, donc ça prend vraiment un encadrement.
On est
d'accord avec vous pour la vente aux mineurs, puis, voyez-vous, c'est pour ça,
là. Là, vous rajoutez un autre
produit à contrôler. Demain matin ou l'année prochaine, ça va peut-être
être des boissons énergétiques que vous voulez qu'on contrôle. Il y a deux ans, vous avez demandé à ce qu'on
contrôle... aux salons de bronzage de demander de contrôler l'âge des
personnes qui rentrent dans les salons de bronzage. Donc, il va y avoir un
paquet de contrôles à faire, mais il faut qu'on ait des outils pour le faire,
puis c'est pour ça qu'on vous approche.
Puis ce n'est pas vraiment compliqué parce qu'au
niveau du cartage obligatoire, entre ce qu'il y a dans la loi actuellement puis
ce qu'on vous suggère, il n'y a pas vraiment une grosse différence. Quand on
parle de campagne de publicité, promotionnelle
auprès du grand public concernant le cartage, bien ça, je pense que normalement...
Moi, quand je regarde les commissions
parlementaires précédentes, puis on regarde les conclusions puis les
recommandations, il est toujours
question d'une campagne de sensibilisation et d'éducation auprès du grand
public. Puis, oui, vous en avez fait concernant
la fumée secondaire, puis ça, c'est correct, la nocivité du produit, mais, au
niveau de la sensibilisation puis de l'éducation du grand public au
niveau du cartage, ce n'est pas fait.
Aux États-Unis, il n'y a personne qui pose la
question, là, des gens de 40 ans, ça sort les cartes d'identité
automatiquement, parce que c'est réglementé, puis les gens, maintenant, en ont
l'habitude. Mais au Québec ce n'est pas le
cas. Comme je vous dis, il y a beaucoup de violence puis d'agressions verbales
dans les dépanneurs par rapport à ça. Donc, nous, en sachant, mettons,
que, oui, le gouvernement va demander... va autoriser ou va dire que tous les détaillants... que les détaillants qui demandent
une pièce d'identité à un consommateur, bien, le consommateur est tenu
de présenter sa pièce d'identité.
Mme
Charlebois :
Pour la boisson, c'est-u «est tenu»? Pour la loterie, c'est-u «est tenu»?
Est-ce qu'il y a autant de violence quand vous demandez les cartes pour
ces produits-là?
M. Servais
(Yves) : Ah! pour l'alcool
ça arrive, parce qu'on a des gens un peu éméchés des fois qui peuvent se
présenter. Mais, tu sais, la loi, comme tel,
je vous dirais, avec Loto-Québec, bien il y a un plus grand support. Au
niveau du tabac, on n'a de support de personne.
Mais, au niveau de
Loto-Québec, la perte du permis survient seulement qu'à la troisième
suspension. Tantôt, on parlait de la
sévérité des amendes, mais, dans le cas du tabac, c'est la première, première
infraction, là, donc il faut vraiment être encore plus à nos aguets puis
s'assurer que la vente du tabac est contrôlée. Puis c'est pour ça qu'on a besoin de votre aide, parce que c'est sûr que
nous, là, on dit ça sur notre pancarte à nous autres, la direction puis
l'AMDEQ, là, mais, si on voit le petit logo, là, du
ministère de la Santé après sur une carte de même, bien, le consommateur qui argumente après le commis, il va dire : Aïe!
regarde, mon chum, là, regarde, c'est la loi, O.K., tu dois présenter ta
carte d'identité lorsque tu veux acheter des produits de...
Mme
Charlebois :
Est-ce que vous seriez d'accord pour partager avec les membres de la commission
un exemplaire de...
M. Servais
(Yves) : Oui. Ce n'est pas la version finale, mais, oui, il n'y a pas
de problème. On est en train...
Mme
Charlebois :
O.K. Parce que ça peut nous aider pour la suite des choses éventuellement.
Mais
concernant... Je reviens à la cigarette électronique parce que vous savez que
la cigarette électronique peut être un
incitatif, pour des jeunes, à fumer, malheureusement, et ce n'est pas ce qu'on
souhaite, mais ça peut être là le point de démarrage, parce que j'en ai vu à 10 $, toutes «cute», toutes
colorées, etc. Par contre, j'en ai vu qui sont plus dispendieuses et qui aident les gens à arrêter de fumer. Ça fait
que le but n'est pas de ne pas permettre aux gens de s'en servir à bon
escient et/ou à l'escient qu'ils veulent, hein, je veux dire, sauf que comment
on va faire pour réglementer ça si dans les boutiques spécialisées on
dit : C'est 18 ans, puis chez vous c'est 16 ans? Il va falloir
qu'on mette une uniformité, là.
M. Servais
(Yves) : 18 ans, 18 ans, je n'ai aucun problème avec ça.
18 ans.
Mme
Charlebois :
18 ans? Vous êtes d'accord avec ça?
M. Servais (Yves) : Puis par contre, comme je vous dis, si vous réglementez... si vous
permettez le marchandisage ouvert, nous, on est pour le marchandisage
ouvert parce que, vous l'avez dit, il y a des cigarettes électroniques à
2 $ qui ressemblent vraiment à une
cigarette puis d'autres, des cigarettes électroniques, beaucoup plus
développées, mais il faut quand même
que le consommateur qui les achète puisse voir qu'est-ce que ça a l'air puis
puisse voir c'est quoi qu'il achète.
Mme
Charlebois : ...à partir du moment où on achète un produit
pour arrêter de fumer, en principe — c'est comme la cigarette — il
peut être caché, mais on sait ce qu'on veut, là, hein?
M. Servais (Yves) : Oui, mais il y a plusieurs sortes, donc il faudrait... Si vous mettez...
vous appliquez la même loi pour la
cigarette électronique que le tabac, il va falloir que vos inspecteurs sur la
route fassent preuve de diligence, parce que, lorsque vous allez ouvrir, mettons, le présentoir de cigarettes
électroniques, l'achat ne se fera pas dans une minute, là, ça va peut-être prendre deux, trois minutes à
dire : Ah! celle-là, c'est quoi, la particularité? Oui, celle-là, c'est
quoi? C'est quoi? C'est quoi? Ça va peut-être
être, peut-être, trois, quatre minutes, là. Mais, si l'inspecteur est là puis
il dit : Aïe! regarde, ton
présentoir est ouvert puis... Non. Il pourrait faire... Ça, c'est ma crainte.
On connaît vos inspecteurs sur la route, on entend toutes sortes de
choses. Donc, c'est une crainte que j'ai.
Mme
Charlebois :
Est-ce que vous êtes au courant que, les inspecteurs, la majorité du temps les
inspections se font en été?
M. Servais
(Yves) : Se font?
Mme
Charlebois :
En été.
M. Desrochers (Odina) :
Oui, oui. Ça, on le sait, oui.
M. Servais
(Yves) : En Estrie, ça?
M. Desrochers
(Odina) : En été.
M. Servais
(Yves) : En été, oui, oui. Bien non, pas juste en été!
Mme
Charlebois :
Non, mais la majorité du temps.
M. Servais (Yves) :
Dans la période des fêtes, dans les grands congés, ils sont constamment sur la
route.
Mme
Charlebois : Que dites-vous de ça, qu'il y ait tant de gens
qui se font prendre à vendre des cigarettes aux mineurs, alors que les
gens savent que c'est là qu'il y a le plus d'inspections?
M. Servais
(Yves) : Bien, nous, en tout cas, on... Au 24 juin, là, vous
pouvez être certains que nous, on avise nos membres : Préparez-vous, l'été
s'en vient, les inspecteurs s'en viennent aussi. Puis c'est la même chose pour
la période des fêtes.
Mais,
comme je vous disais, Mme la ministre, tout à l'heure, en 2005 j'étais gêné de
répondre aux médias quand on me parlait du taux de conformité de
45 % puis 50 %, j'étais gêné. On est rendus à 85 %, puis on me
dit qu'on est un petit peu supérieur à la moyenne canadienne, donc je trouve
que ce n'est pas mauvais.
Est-ce qu'on peut faire... Il y a
toujours de la place à l'amélioration. Nous, on veut le faire avec vous puis
que vous nous donniez des outils pour monter une coche, deux coches,
trois coches.
Mme
Charlebois :
On va regarder ça. Oui, allez-y.
• (14 h 40) •
M. Desrochers (Odina) : Écoutez, Mme la ministre, ce n'est pas compliqué.
Si on a l'outil, par exemple vous faites
une campagne de sensibilisation, d'information, vous dites : Le cartage,
c'est obligatoire, et que, là... je veux dire, les dépanneurs n'auront
pas le choix, écoutez. À ce moment-là, le dépanneur ou l'employé qui va vendre
du tabac à des mineurs, bien il aura juste à
s'en prendre à lui, parce que, là, il va avoir tous les outils. On va l'avoir
informé, on va l'avoir sensibilisé,
on va lui avoir donné un outil pour le faire. Après ça, là, je veux dire, les
questions des amendes, n'importe quoi, ça devient, à ce moment-là, de la
régie interne.
Nous autres, ce qu'on veut, c'est... dans le fond, on parle de la responsabilisation de toutes les parties, que ce
soit le gouvernement, que ce soit le détaillant, que ce soit notre
association. Et, à ce moment-là, en faisant de la responsabilisation, tout
le monde est impliqué, et on peut s'attendre véritablement à des résultats beaucoup
plus forts et concrets dans la démarche collective que nous menons présentement.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Rosemont pour une période
13 min 30 s.
M.
Lisée : Merci.
Bonjour, M. Servais, M. Tousignant, M. Desrochers. J'ai eu
l'occasion de vous recevoir cet été dans
mon bureau à Rosemont, vous aviez gagné des points. Là, plus tôt dans
votre intervention, vous en avez perdu en parlant de la France, là, bon,
mais je vais essayer d'être quand même magnanime.
Écoutez,
on va faire ça de façon assez systématique. Si je vous dis que je suis
favorable au cartage obligatoire, on est d'accord?
M. Servais
(Yves) : Oui.
M. Lisée :
Si je vous dis que je suis d'accord pour proposer à la ministre d'harmoniser le
processus pour Loto-Québec, pour la SAQ puis pour le tabac, pour faire en sorte
que ce soit une réglementation très similaire, sinon identique, vous êtes
d'accord?
M. Servais
(Yves) : Oui.
M. Lisée :
Si je vous dis que je veux que vous ayez un avertissement, un deuxième
avertissement, puis la troisième prise vous êtes out, vous êtes d'accord avec
moi?
M. Servais (Yves) :
Oui.
M.
Lisée : Si je vous
dis que je suis d'accord pour vous permettre de demander des cartes, que ce
soit assurance maladie ou autres — on
va en discuter avec la ministre, qui veut qu'il y en ait plusieurs qui soient disponibles — c'est
ce que vous voulez?
Et je comprends aussi
que vous voulez être informés rapidement de l'infraction qui a été commise pour
que vous puissiez voir si c'est un employé
qui l'avant-veille a mal agi puis vérifier sur votre... même sur vos caméras
vidéo qu'est-ce qui s'est passé :
Est-ce que c'était son chum? Est-ce que c'était son frère? Est-ce que c'était
son cousin? Est-ce qu'il a été menacé? Est-ce qu'il a été giflé?
Pourquoi est-ce que l'infraction a été commise?
Vous êtes d'accord
avec moi?
M. Servais (Yves) :
Oui.
M. Lisée :
Et que, donc, l'inspecteur puisse, un peu comme un policier ou des agents de
stationnement, vous remettre la contravention sur place, ça, ça pourrait se
faire, ça, vous seriez d'accord avec ça? Bon. Alors, finalement, on est pas mal
d'accord.
M. Servais
(Yves) : On se croise les doigts, M. le député.
M. Lisée :
On va bien s'entendre, on va bien s'entendre.
Mais, pendant que je
vous ai, puisqu'on est d'accord sur presque tout, je vais vous poser des
questions sur d'autres inspecteurs qui viennent dans vos dépanneurs, les
inspecteurs des compagnies de tabac; des inspecteurs qui viennent voir si les dépanneurs qui ont signé des
contrats avec Imperial Tobacco ou Benson & Hedges respectent
leurs contrats. Pouvez-vous me parler de ça un petit peu?
M. Servais (Yves) : Pas dans les détails, parce que je suis... Je sais qu'il y a des
contrats qui se signent. De quelle nature?
Ça, je ne pourrais pas vous le dire comme tel, malheureusement, j'aurais bien
aimé répondre à vos questions. Mais effectivement il y a toutes sortes
de contrats pour favoriser un produit ou une compagnie par rapport à une autre.
C'est la guerre, c'est la guerre. Ça, je peux vous le dire, ça, c'est sûr.
M. Lisée :
Oui, c'est ça. Donc, vos membres vous en parlent, là, qu'ils sont sollicités.
M. Servais (Yves) : Oui, oui, oui.
M. Lisée :
Ils sont sollicités par les compagnies de tabac pour essayer de faire des
contrats qui visent à faire quoi?
M. Servais (Yves) : Bien, à mousser
une compagnie plus qu'une autre.
M. Lisée : C'est ça. Donc,
les compagnies, entre eux, disent...
M. Servais
(Yves) : ...c'est le seul
moyen, à un moment donné, pour aller chercher des parts de marché. Est-ce
que tu travailles avec moi ou tu travailles avec une autre compagnie? C'est des
choses qui se passent.
M. Lisée : Est-ce qu'un
dépanneur peut signer avec plusieurs compagnies?
M. Servais
(Yves) : Bonne question,
bonne question. Je vous dirais, il y a quelques années, il y avait des
premières positions, des deuxièmes positions, des troisièmes positions.
Aujourd'hui, c'est plus rare.
M. Lisée : Ça veut dire quoi,
première position, deuxième position?
M. Servais
(Yves) : Bien, dans un sens
que le détaillant peut avoir de meilleures conditions s'il pousse
vraiment une compagnie plus qu'une autre. Là, je vous réponds...
M. Lisée : C'est ça.
M. Desrochers.
M.
Desrochers (Odina) : Oui.
Avant qu'on cache les cigarettes, c'est sûr que, là, c'était plus intéressant,
puis c'était comme n'importe quel produit,
les cigarettiers se battaient pour avoir une belle place, une bonne vision, un
peu comme on voit les produits de la bière puis les produits de loto. Alors, à
ce moment-là, c'est sûr que les compagnies de tabac faisaient des pressions
pour être à l'avant-plan, être mieux positionnés.
Mais vous
allez comprendre qu'avec la disparition des marques de tabac, tout ça, là, leur
marge pour influencer le public, il n'y en a pas tellement. Les gens
arrivent, ils posent des questions. Vous savez, maintenant beaucoup de
dépanneurs ont leurs tiroirs à même leur comptoir, donc ils ouvrent leur
comptoir, ils prennent la cigarette puis ils leur
donnent. Auparavant, vous aviez tout l'étalage visuel. Ça fait que ça, ça a
enlevé énormément de pouvoir de marketing auprès des compagnies de
tabac.
M. Lisée :
Alors, j'ai ici entre les mains les
modalités du programme de fidélisation de Benson & Hedges,
O.K.? C'est en français. C'est dans un bon
français, d'ailleurs, c'est bien écrit, bien traduit. Et donc, pour
participer au programme, vous devez
être un détaillant autorisé à vendre des produits de tabac. Vous devez
soumettre un formulaire d'adhésion, nous devons accepter votre adhésion
en tant que membre du programme. Et évidemment il y a des conditions que nous établissons de temps à autre, et nous pouvons, à notre
entière discrétion — c'est la
compagnie qui parle — suspendre, modifier, prolonger ou autrement
changer le programme.
Et qu'est-ce
que vous avez? Bien, écoutez, c'est comme Aéroplan, vous avez la section...
vous pouvez être dans le niveau prestige, platine, or ou argent, hein?
Donc, on connaît ça. Et évidemment ça dépend du nombre de cigarettes vendues,
ou de paquets de cigarettes, ou de cartons de cigarettes. Et vous pouvez avoir
en échange des récompenses-voyages. Ça,
c'est des voyages. Je pense qu'Imperial Tobacco — on va leur demander tout à l'heure — eux, ils n'ont pas de voyage, mais ici... «Les récompenses-voyages
peuvent comprendre le transport par avion, la chambre d'hôtel, la
location d'une voiture, des forfaits ou
d'autres éléments du voyage. Les récompenses-voyages ne peuvent être délivrées
qu'au nom des membres du personnel de vente de produits de tabac.»
Alors, si vous avez un gros dépanneur puis qu'il y en a... Quelqu'un qui vend
du shampooing, lui, il ne peut pas y aller, c'est juste ceux qui vendent le
tabac.
Est-ce que vous connaissez des gens qui ont
profité de ce genre de...
M. Servais (Yves) : Les gens ne nous
disent pas s'ils adhèrent à un programme d'Imperial Tobacco, RBH ou JTI. Mais
vous êtes très bien renseigné, très bien renseigné, oui, ça existe. Puis, oui,
j'ai des appels de détaillants, à l'occasion,
qui se plaignent de tel comportement, de tel comportement des compagnies de
tabac. Ça fait que je ne veux pas trop
embarquer là-dedans, il y a des gens qui vont vous en parler en arrière de moi,
mais c'est des choses qui existent.
M. Lisée : Bien, moi, je vous
ai, là, puis je vous pose la question : De quel comportement ils se
plaignent exactement? Donnez-moi des exemples.
M. Servais (Yves) : Là, vous me
faites parler, là.
M. Lisée : Bien oui.
M. Servais (Yves) : Mécontentement,
mécontentement des exigences des compagnies de tabac.
M.
Lisée : Des exigences comme quoi?
M. Servais
(Yves) : Comme celles que vous avez nommées.
M. Lisée :
O.K. Parce que nous, on a des courriels, là, qu'on a reçus, que des gens nous
ont envoyés, qui se plaignent, justement...
des détaillants comme vous, des anglophones aussi, francophones et anglophones
qui se plaignent, justement, de l'arrivée d'inspecteurs, des inspecteurs
viennent dans les... d'une compagnie. Et là il y a un avis, là, de non-conformité qui a été envoyé par
Benson & Hedges : «Veuillez prendre note que le détaillant
susmentionné a reçu son premier avis
de non-conformité.» Et non-conformité pourquoi? «Parce que, lors de ma visite à
votre magasin aujourd'hui, dit
l'inspecteur, j'ai remarqué que vous ne respectiez pas un ou plusieurs
livrables de notre entente avec les commerces de détail : marge
plafond pour les produits...» Il prenait une marge trop élevée sur le produit.
Parce qu'évidemment le contrat dit : Je vais te fournir des cigarettes
avec un rabais, et les rabais peuvent aller de 1 $ à 7 $ par carton
de cigarettes — c'est
gros, ça, 7 $ par carton de cigarettes — mais en échange tu ne peux
pas vendre plus cher que mes concurrents ou
tu dois vendre moins cher que mes concurrents. Puis là je suis allé dans ton
dépanneur puis j'ai vu que tu fais trop
de profits, et là je te donne un premier avis, puis après trois avis je ne te
livre plus mes cigarettes. Comment vous trouvez ça, vous?
M. Servais
(Yves) : M. Lisée, vous êtes très bien informé. S'il y a des
détaillants qui se sont plaints à vous, il y a des détaillants qui se sont
plaints à moi aussi. On se comprend-u?
M. Lisée :
Est-ce qu'on devrait interdire ça?
M. Servais (Yves) : Pas nécessairement, non. Moi, regardez, c'est au détaillant de prendre
sa décision. Est-ce qu'il préfère
avantager les produits d'Imperial, les produits de RBH ou les produits de JTI?
C'est eux autres qui prendront la décision. Mais, encore une fois, bien
candidement... Je ne devrais pas être aussi ouvert que ça, mais effectivement
la game — excusez l'anglicisme — a changé beaucoup au cours des dernières
années, depuis la disparition des étalages de tabac, et c'est des
pratiques commerciales qui se font actuellement.
• (14 h 50) •
M.
Lisée : Parce que clairement, bon, ces gens-là sont dans la
business; leur objectif, c'est de vendre des produits. Moi, mon père était épicier, puis tout le monde
essaie que son produit soit plus proche de la caisse, où les taux
d'achat sont plus élevés, les marges de profit aussi, ça fait partie du
commerce de détail. Mais là on a un commerce détail d'un produit toxique dont
on essaie de réduire sans l'interdire, c'est un choix de société, on a choisi
de ne pas l'interdire, mais on essaie d'en
réduire la consommation au maximum, et là les compagnies ont développé, ce qui
est légal... Certains pensent que
certaines... on pourrait contester la légalité de ces programmes-là, mais en
tout cas présumons que c'est légal ou ça
se débat. L'objectif, évidemment, c'est d'augmenter leurs ventes, mais, en
augmentant leurs ventes, ils augmentent aussi la consommation. Et nous, on est dans un processus où des pneumologues,
des cardiologues sont venus nous dire : Écoutez, là, c'est mieux que personne ne fume rien, mais la
situation qu'on va créer avec la loi, c'est que l'adulte qui veut
acheter un produit au menthol va se faire dire : Il n'y en a plus. Ça, la
ministre, là, puis même le gars de l'opposition, puis les représentants du
troisième parti, ils ont dit : C'est fini, le menthol. Ça fait que, là, il
y a deux solutions. Ou bien je te dis : Oui, mais j'ai une réduction sur
un «duo pack» — ça,
c'est deux paquets de cigarettes mis ensemble — puis franchement ça vaut la
peine que tu essaies ça, ou bien, si ça, c'est interdit, bien j'ai une
cigarette électronique ici au menthol; il y a
la nicotine, mais il n'y a pas les 69 produits cancérigènes, tu pourrais
peut-être passer là. Ça, les pneumologues
puis les cardiologues, c'est ça qu'ils veulent. Alors, si c'est ça qu'on veut,
nous aussi, ce ne serait pas mieux de
dire aux compagnies de tabac : Écoutez, vous vendez votre tabac au
dépanneur, il est interdit d'avoir de programme de fidélisation ou de programme d'augmentation des
ventes, puis chaque dépanneur décidera selon le libre marché quelle
marge de profit il veut avoir sur ses cigarettes? Ça ne vous enlèverait pas un
poids, ça, aux dépanneurs?
M. Desrochers
(Odina) : Qui va contrôler encore?
M.
Lisée : Bien, il n'y aura pas de contrôle, je veux dire, vous
allez vendre, les gens vont vendre, puis ils n'auront pas le droit de vous envoyer des inspecteurs, puis
vous n'aurez pas le droit de signer des contrats de fidélisation. Vous
allez vendre au prix du marché, qu'ils fixeront en compétition entre eux, puis
vous choisirez vos marges de profit.
M. Servais
(Yves) : M. Lisée, je ne suis pas encore rendu là. Je vous dirais
qu'on est dans un marché de libre concurrence, les détaillants ont le droit
d'accepter ou de refuser de telles offres, malgré que, je suis d'accord avec vous, il
y a beaucoup de mécontentement par rapport à ça, mais... Puis je ne suis pas d'accord à ce que ça fasse
augmenter la consommation. Ça va
faire augmenter la consommation d'une compagnie par rapport à une autre mais
pas la consommation générale. Les
trois compagnies se battent actuellement pour essayer de garder leurs parts de marché,
d'avoir un peu plus de marché, puis ils demandent la collaboration pas
de tous les détaillants, de certains détaillants.
M. Lisée :
Mais ça pousse au volume, ça pousse au volume quand même.
M. Servais
(Yves) : Je vous dirais que oui.
M. Lisée : Bon.
M.
Servais (Yves) : Je vous
dirais que nous, on est des dépanneurs indépendants, on en a des petits, des
moyens, des gros. Les petits et les moyens sont souvent exclus de ces programmes-là,
c'est les gros qui sont avantagés et les réseaux corporatifs.
M. Lisée : Bien, en tout cas,
moi, ça me tente, ça me tente de faire en sorte que les dépanneurs n'aient plus
d'inspecteur, en plus des inspecteurs de la ministre
que je soutiens, des inspecteurs des compagnies de tabac que je ne soutiens pas, puis ils n'aient plus à se demander,
sur un texte, là, de sept pages : Si je vends plus de cigarettes à plus
de monde, est-ce que je vais pouvoir
avoir un voyage? Non, regarde, mets ton taux de profit, là, puis fais des
voyages avec ta femme ou avec ton chum, comme tu veux...
M. Servais
(Yves) : Vous savez,
M. Lisée, je suis mal placé, mais j'ai eu des commentaires négatifs de la part de certains de mes membres, ça, c'est
certain, ça, c'est certain, par rapport à ces pratiques-là.
M. Lisée : O.K. Donc, si on
abolit ça... Vous ne le demandez pas, mais vous ne pleurerez pas.
M. Servais (Yves) : Très bonne question.
M. Lisée : C'est une bonne
réponse. Je vous remercie beaucoup.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Lévis
pour une période de neuf minutes.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le Président. Je reviendrai rapidement sur ce que mon
collègue vient de soulever, mais...
Vous dites que vous avez des membres qui sont mal à l'aise avec ces programmes
de fidélisation dont on parle. Est-ce que ça a forcé de votre part des
discussions avec les manufacturiers pour aborder ce thème-là? Puis ma sous-question : Est-ce que de ceux que vous représentez ont déjà
souffert sur leur chiffre d'affaires, par
exemple, au-delà d'un voyage
qu'on fait ou qu'on ne fait pas, du fait qu'une compagnie les prive d'un
produit par rapport à un autre?
M. Servais
(Yves) : Bien, malgré que,
regardez, il y a toujours quand
même trois compagnies qui existent
dans le marché du tabac. Donc, si le programme, mettons, de RBH ne fait pas
l'affaire, il y a peut-être toujours une autre petite compagnie, mettons une plus petite, avec moins de parts de
marché, qui est plus ouverte, puis le détaillant va se rabattre du côté
de cette compagnie-là.
L'autre question que vous m'aviez demandée...
M. Paradis (Lévis) : Alors donc,
discussion directement avec des... Non.
M. Servais (Yves) : Non. Non, pas de
discussion avec les compagnies...
M. Paradis (Lévis) : Et des effets
directs...
M. Servais
(Yves) : ...parce que
nous, comme je vous dis, on... Comment je pourrais vous dire ça, donc?
Nos relations sont très minimes avec les compagnies de tabac, honnêtement, là,
sont très minimes.
M. Paradis
(Lévis) : En même temps, vous avez dit, et je sais,
que vous protégez vos membres et que...
vous nous avez souvent dit que, des
dépanneurs, ce n'est pas nécessairement facile aujourd'hui non plus de tirer
son épingle du jeu, hein, les
profits, au bout du compte, ne sont pas si énormes que ça. C'est pour ça que
vous défendez aussi le fait de pouvoir offrir de la marchandise, faisant
en sorte que l'économie roule.
Et on
complétera là-dessus. Est-ce
que certains des dépanneurs qui se
plaignent ont déjà dit : Cette pression-là
d'inspecteurs, des manufacturiers a fait en sorte qu'on m'a pénalisé puis que
mes chiffres d'affaires déjà pas faciles en ont souffert?
M. Servais
(Yves) : C'est dérangeant.
On a... J'ai eu des détaillants qui se sentent agressés ou dérangés par
ce type de contrat là.
M. Paradis (Lévis) : Avec des
résultats concrets sur une année pas facile?
M. Servais (Yves) : Ça, je ne
pourrais pas vous le dire, non. Non, ça, je ne pourrais pas vous le dire.
M. Paradis
(Lévis) : O.K. Je reviens...
Et je laisserai ma collègue poser également une question, alors je suis
mon temps également. Reste que l'élément
crucial de votre argumentation, c'est le cartage obligatoire. Et comprenons
bien, que ce soit bien clair encore une
fois — c'est
comme ça que je le saisis — vous êtes prêts à le faire, vous avez préparé une campagne pour le faire, pour sensibiliser vos
gens, mais, cette pression uniquement sur vos épaules, si dans la loi on
inscrit cette obligation-là vous permet, à
quelqu'un qui décide d'enguirlander un commis, de dire : Bien, regarde,
là, ce n'est pas ma décision à moi, c'est là, puis c'est collectivement
qu'on le fait.
M. Servais
(Yves) : C'est ça.
M. Paradis
(Lévis) : Vous pourriez
quand même avoir des cas où certains clients risquent d'être agressifs,
même dans un cartage obligatoire, parce que vous serez celui qui poserez le
geste.
M. Servais
(Yves) : Oui, effectivement. Effectivement. Mais je
pense qu'au Québec
on est très loin par rapport à
ce qui se passe aux États-Unis,
par exemple, hein? C'est toujours l'exemple qu'on
donne. Aux États-Unis, que vous ayez 40 ou 50 ans, vous êtes... bien, en tout cas, peut-être
pas sûr à 100 %, mais vous allez
vous faire carter certain. Puis, si vous avez 20 ans, bien ça, c'est sûr aussi. Bien, même, à 20 ans,
tout dépendant des États... Parce que l'âge minimum est différent d'un
État à l'autre, là. Mais effectivement ça ne peut pas... Ça peut faire en sorte
que, oui, on peut en échapper, mais, encore
une fois, quand il faut que tu argumentes pendant deux, trois minutes avec un
jeune adulte, entre parenthèses, plus ou moins baveux qui n'accepte pas
d'être carté, bien là on le sort : Regarde, c'est la loi, c'est la loi.
M. Paradis (Lévis) : Et à celui qui
vous dirait : Regarde, tu tombes bien mal, je ne l'ai pas, ma carte, là,
je veux dire?
M. Servais
(Yves) : Tu ne vends pas. La
consigne, c'est que tu ne vends pas... à moins que le gars, il a 50 ans,
tu sais, ou il a l'air d'un gars de 50 ans, tu sais, il faut user de
jugement aussi, là.
Mais la problématique, c'est vraiment de faire
de la, comment dire... de discriminer entre un jeune ou une jeune... un mineur de 17 ans puis un jeune
adulte de 22, 23 ans, c'est là qu'est la problématique, puis, nous, c'est
cette catégorie de personnes là qu'on vise.
Puis aux États-Unis c'est la même chose. Eux, c'est les jeunes, ils visent les
jeunes... bien les jeunes adultes de moins
de 27 ans, peut-être aussi parce que l'âge minimum, dans plusieurs États,
c'est 21 ans; ici, c'est
18 ans. Puis, la politique du 25 ans, comme je vous dis, Loto-Québec,
la SAQ, tout le monde vise 25 ans pour s'assurer qu'il n'y a pas de
jeunes... de mineurs qui ont l'air plus vieux qui vont passer à travers les
mesures de contrôle qu'on met en place.
M. Paradis (Lévis) : Harmonisation,
uniformisation. C'est un peu ce que vous prônez également.
M. Servais (Yves) : Je reviens à...
On n'en a pas parlé beaucoup, mais la valeur, le montant des amendes...
M. Paradis
(Lévis) : Bien, j'y étais,
permettez-moi également... Puis je pense que c'est Me Tousignant qui a
à représenter ou qui a représenté à
l'occasion des gens qui aussi font partie de l'association sur la fixation ou
l'imposition d'amendes. On sait que les
choses changent radicalement. Il y a des chiffres, vous le savez, hein, ça se
multiplie par cinq, par 10, bon, et davantage. Parlez-moi de votre
expérience de plaideur. C'est-à-dire qu'on dit : Donnez-nous une chance,
première, deuxième offense, mais, dans le cas... Actuellement, lorsqu'arrive
une offense, est-ce qu'habituellement la justice impose la peine maximale?
M.
Tousignant (Olivier) : Non.
En fait, dans ma situation, je n'ai jamais eu de cas de récidive, ça a toujours
été des premières infractions. Ce que je
peux vous dire, c'est que l'amende, à la limite, ça va, l'amende, ils sont
capables puis ils acceptent, mais le problème, c'est les suspensions de
permis. Alors là, en ce moment, ce que l'on veut faire avec la modification dans le projet de loi, c'est non
seulement augmenter l'amende, mais augmenter la période de suspension
des permis. L'amende... On le sait, ces
commerces-là — et je
vais prendre la balle au bond — sont souvent des commerces de proximité. Il y en a beaucoup, des membres de
l'association, ce sont des commerçants de village, ce sont, on pourrait
dire, le nouveau magasin général, c'est ça,
alors il y a du prêt-à-manger qui est fait, il y a les Tylenol, il y a tout ça.
Ce sont ces types de commerce là qui ont souvent des santés financières
relativement précaires. Et en ce moment je vous dis que l'effet dissuasif est
plus qu'atteint, dans les faits, là, parce que la suspension d'un mois, pour ce
type de commerce là, déjà à la première
infraction, c'est désastreux. C'est beaucoup de dizaines de milliers de
dollars, généralement, qui vont être perdues par des ventes croisées, et
tout ça.
• (15 heures) •
M. Paradis
(Lévis) : Alors, l'imposition... la décision de retirer le
produit, dans votre tête à vous, dans le meilleur des mondes,
automatique à partir d'une récidive? Troisième offense? Deuxième offense?
M.
Tousignant (Olivier) : Si on
regarde ce qui est fait au Québec, on voit que c'est troisième offense, de ce
que j'ai vu. Je vous dirais que ce n'est certainement pas à la première que
c'est, à mon avis, opportun. L'avis, il est plus qu'efficace au premier avertissement, là. Je veux dire, les gens, qu'il
y ait suspension ou non ou amende ou non, je peux vous dire qu'ils réagissent très fortement lorsque
ça arrive, là. Et je vous dirais qu'on peut penser, je vous dirais, dans
l'intérêt des membres de l'association, en troisième offense c'est amplement
suffisant; je vous dis qu'il y a peu de gens qui vont se rendre à la deuxième, j'en suis convaincu, de mon
expérience de représentation des membres de l'AMDEQ notamment.
M. Paradis (Lévis) : En quelques
secondes. Je veux donner la parole à ma collègue, si vous le voulez bien,
monsieur.
M. Servais (Yves) : Bien, j'aimerais
tout simplement dire aussi que ce n'est pas juste la valeur de l'amende. Quand vous perdez votre permis, Me Tousignant
l'a dit, ça peut être 10 000 $ et 15 000 $ de perte en
ventes et en revenus, parce que ce n'est pas juste la perte des cigarettes... des ventes de
tabac qu'on perd, c'est le client qui vient ici, il achète du tabac, il
achète du lait, il achète de la gomme, du chocolat, un journal. C'est toutes
ces pertes-là puis la notoriété du dépanneur.
Perdre le permis... Puis là tu dis : Pourquoi tu perds ton permis? Parce
que j'ai vendu aux mineurs. C'est la notoriété du dépanneur qui est
attaquée, puis ça, c'est grave.
M. Paradis (Lévis) : M. le
Président, je vais donner la parole...
Le Président (M. Tanguay) :
1 min 15 s, collègue de Saint-Hyacinthe.
Mme
Soucy : Merci, merci. Puis félicitations aussi pour votre initiative
de formation commis 101! Même si ce n'était pas exigé, c'est une
belle initiative de votre part.
Les experts en santé publique admettent que,
bon, il nous manque encore de l'information sur la cigarette électronique, mais certains experts et
associations demandent qu'on puisse légiférer afin de rendre le produit
accessible pour la cessation du tabagisme.
Dans cette perspective, nous savons également que les personnes qui tentent de
cesser de fumer ont également besoin de support, de conseils. Alors,
dites-moi comment un commis de dépanneur pourrait aider un consommateur à
choisir le bon produit qui lui convient, étant donné que, bon, dans les
cigarettes électroniques, il y a beaucoup de produits disponibles sur le
marché, avec, bon, les quantités et tout, là, qu'on connaît.
M. Servais
(Yves) : C'est sûr que, je
vous dirais, on ne peut pas être des spécialistes dans tout puis on ne
peut pas être des spécialistes dans le
sevrage au niveau du tabac, mais on parle d'encadrement, il faut encadrer les
compagnies qui desservent les boutiques
spécialisées ou encore les points de vente comme les nôtres pour au moins
offrir un minimum d'information. Mais ce n'est pas vrai, Mme la députée,
qu'on va devenir des spécialistes, là, au niveau du sevrage. Ça, c'est certain.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à
nos échanges. Nous remercions les représentants de l'Association des
marchands dépanneurs et épiciers du Québec.
Je suspends nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 3)
(Reprise à 15 h 8)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos travaux. Nous
accueillons maintenant les représentants d'Imperial Tobacco. Bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation, par la
suite vous aurez une période d'échange avec les parlementaires. Bien
prendre soin, s'il vous plaît, pour les fins
d'enregistrement, de bien vouloir vous identifier, préciser vos fonctions également. Et la parole est à vous.
Imperial Tobacco Canada
ltée
M. Gagnon
(Eric) : Merci. Donc, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les parlementaires, je
m'appelle Eric Gagnon, je suis le directeur principal Affaires externes et
corporatives chez Imperial Tobacco Canada. Je suis accompagné aujourd'hui par le Dr Richard Voisine, directeur des
affaires scientifiques et réglementaires; le Dr Voisine est
un chimiste avec plus de 20 ans
d'expérience dans l'étude des composantes et des émissions des produits du
tabac. Nous tenons à remercier la Commission de la santé et des services sociaux
pour l'invitation à participer aux consultations portant sur le projet
de loi n° 44 présenté par Mme la ministre déléguée à la Réadaptation,
à la Protection de la jeunesse et à la Santé publique.
D'entrée de
jeu, Imperial Tobacco Canada
reconnaît les risques pour la santé liés au tabagisme et considère que
les personnes mineures ne devraient pas
consommer de produits du tabac. En ce sens, nous sommes d'accord
avec l'intention du projet de loi n° 44 telle que mentionnée
par la ministre Charlebois, soit de protéger les jeunes contre le tabagisme.
Par contre, nous sommes d'avis que certaines
mesures proposées ne sont pas basées sur des données probantes et
qu'elles ne contribueront pas à atteindre les objectifs gouvernementaux en
matière de santé publique. Nos commentaires et recommandations d'aujourd'hui visent à favoriser le développement d'une
réglementation qui est à la fois efficace, raisonnable, basée sur des
données probantes et qui pourra véritablement contribuer à améliorer la santé
publique au Québec.
• (15 h 10) •
Pour débuter, j'aimerais souligner que,
contrairement à ce qui est parfois évoqué, le taux de tabagisme chez les jeunes Québécois est en forte décroissance
depuis 2008. En effet, selon l'Institut de la statistique du Québec, on
observe une baisse générale de l'usage à la
cigarette chez les jeunes Québécois du secondaire alors que 6 % des jeunes
ont dit avoir fait usage de la
cigarette au cours des 30 derniers jours précédant l'enquête. Cette
proportion est en nette baisse depuis l'étude précédente de 2008.
Malgré ces
résultats encourageants, nous sommes d'accord qu'il y a encore trop de jeunes
qui fument. Conséquemment, pour favoriser la prévention du tabagisme
chez les jeunes, notre première recommandation est que le gouvernement accentue
ses efforts de prévention et d'éducation surtout auprès des jeunes mais aussi
auprès de leur entourage,
quand on sait que 75 % des jeunes déclarent obtenir leurs produits de
sources sociales, soit de leur famille et de leurs amis. De plus, nous
appuyons l'interdiction pour les adultes d'acheter des produits du tabac pour
les jeunes, tel qu'inscrit dans le projet de
loi n° 44, mais nous suggérons que le Québec s'inspire des autres
provinces pour également inclure
l'interdiction de fournir ou d'offrir des produits du tabac aux mineurs. À
notre avis, l'accès aux produits du tabac est une cause importante de
l'initiation au tabagisme.
En ce qui
concerne l'interdiction envisagée des arômes dans les produits du tabac, comme
dans les petits cigares à saveur de
bonbons ou de friandises qui sont vendus à l'unité et dont la commercialisation
relativement récente semble plaire
aux mineurs, elle nous apparaît souhaitable, car nous sommes d'avis que de
telles saveurs n'ont pas leur place dans les produits qui comportent des
risques pour la santé tels que le tabac.
Par contre,
nous demandons au gouvernement de faire une distinction entre les produits à
saveur de bonbons et de friandises et les produits traditionnels destinés
aux adultes. Il n'existe aucune raison de bannir un produit traditionnel comme les cigarettes au menthol. En dépit des
affirmations de certains groupes, aucune étude ne démontre que les
jeunes commencent à fumer à cause des
cigarettes mentholées. Il est donc erroné de prétendre qu'en bannissant les
cigarettes mentholées le Québec contribuera à la prévention du tabagisme chez
les jeunes. En fait, les données indiquent que la clientèle qui fait usage de cigarettes mentholées au Canada est
principalement composée d'adultes de plus de 30 ans. C'est d'ailleurs pourquoi la législation fédérale
prévoit une exemption pour les produits mentholés et que certaines
provinces, dont la Colombie-Britannique, qui a pourtant le taux de tabagisme le
plus bas au pays, ont décidé de ne pas bannir le menthol mais plutôt de
s'aligner avec la réglementation fédérale.
Enfin, il faut considérer l'impact d'une
interdiction complète des produits mentholés sur les activités de la contrebande. À l'heure actuelle, les cigarettes
mentholées sont vendues légalement en paquet d'au moins
20 cigarettes, cachées de la vue du
public derrière des paravents, et dont les emballages comportent des messages
de santé couvrant 75 % de la
surface. Concrètement, les ventes passeraient d'un cadre légal, taxé,
réglementé et bien contrôlé à un marché illégal, non réglementé et non
taxé auquel les jeunes ont facilement accès. Il est important de noter qu'il a
récemment été répertorié, au Québec et en
Ontario, plus de marques de tabac au menthol illégales que de marques légales.
Et, comme ce produit représente environ 5 % des ventes de
cigarettes légales, son interdiction pourrait engendrer des pertes fiscales
pouvant atteindre 35 millions de dollars, et tout cela au profit des
contrebandiers.
En ce qui concerne
les cigarettes électroniques, nous reconnaissons la nécessité de réglementer ce
produit, bien qu'aucune cigarette
électronique contenant de la nicotine n'ait encore été autorisée par Santé
Canada. Plusieurs intervenants du
domaine de la santé reconnaissent l'impact que peut avoir la cigarette
électronique dans la lutte contre le tabagisme et, par conséquent, dans l'amélioration
de la santé publique. Cependant, pour atteindre ce potentiel, il est important
de réglementer de façon appropriée cette nouvelle catégorie de produits. Cette
réglementation doit faire en sorte que la cigarette
électronique ne soit pas vendue ou consommée par des mineurs, mais elle doit
aussi permettre une communication factuelle
aux adultes. Nous encourageons donc le gouvernement à ne pas assujettir la cigarette électronique à
la Loi sur le tabac, qui est trop
restrictive, mais plutôt à définir un cadre réglementaire spécifique pour
assurer une communication factuelle et adéquate avec le consommateur et
pour permettre la distribution de ce produit dans les différents réseaux où les fumeurs achètent habituellement leurs cigarettes. De plus, Imperial encourage fortement le Québec à
supporter le développement de normes nationales ayant pour but d'assurer
la qualité du produit et de ses composantes afin de protéger les consommateurs.
Dans un autre ordre d'idées, de nombreux groupes
prônent l'adoption de l'emballage neutre au Québec. Un examen attentif des résultats de l'expérience australienne, souvent mentionnée
à l'appui à l'emballage neutre, montre qu'il s'agit d'une mauvaise mesure. En effet, de nombreux rapports de groupes
de santé publique et du gouvernement
australien montrent des résultats
des plus mitigés. Par exemple, le déclin du tabagisme en Australie n'a
aucunement accéléré depuis l'adoption de l'emballage neutre. Le taux de
tabagisme chez les jeunes a atteint son niveau le plus haut depuis les sept dernières années, et la consommation de
produits du tabac de contrebande a augmenté de manière importante
depuis l'adoption de l'emballage neutre. Cet
examen des données disponibles ne permet en aucun cas de conclure que
l'emballage neutre conduit à une réduction de l'incidence du tabagisme chez les
adultes et chez les jeunes. Ce que l'expérience australienne démontre toutefois, c'est que les mesures réglementaires extrêmes engendrent leur lot de
problèmes et qu'elles ne favorisent pas les objectifs de santé publique.
En terminant,
on ne peut passer sous silence le fait que l'encadrement des produits du tabac
au Québec se fait dans un contexte
économique et social bien particulier, caractérisé par la présence de produits
illicites partout sur le territoire. Ces produits n'obéissent à aucune
règle, et les taxes applicables ne sont pas perçues.
Cela dit, nous
tenons à saluer les mesures mises en place par le gouvernement libéral de
M. Charest, soit l'adoption de
la loi n° 59 et la création du programme ACCES Tabac. Ces mesures,
qui se poursuivent sous la gouverne du premier ministre Couillard, ont
grandement contribué à atténuer le problème du tabac illégal.
Il serait toutefois imprudent de considérer le
problème comme réglé. Encore aujourd'hui, environ 15 % des produits du tabac sont vendus de façon illégale,
ce qui représente une perte annuelle de plus de 200 millions de dollars en
taxes pour le fisc québécois. À cet égard, nous déplorons l'absence, dans le
projet de loi n° 44, de toute mesure pour intensifier la lutte contre
les produits illégaux du tabac. Ceux-ci demeurent faciles d'accès aux jeunes de
moins de 18 ans, ce qui peut contribuer de manière importante à
l'initiation au tabagisme. Nous savons que cet enjeu relève principalement du ministre des Finances, mais, à
notre avis, il est impossible d'examiner de nouvelles mesures de
contrôle sans tenir compte de l'ampleur du commerce illicite du tabac au
Québec.
Pour
conclure, je désire vous rappeler les cinq recommandations à prendre en
considération pour le projet de loi n° 44.
Premièrement,
nous croyons que la meilleure stratégie pour prévenir le tabagisme chez les
jeunes repose sur des mesures
significatives d'éducation et sur des mesures spécifiques s'adressant aux
populations à risque et à leur entourage.
Deuxièmement, pour aider à prévenir le
tabagisme auprès des jeunes, le gouvernement devrait inclure
l'interdiction à toute personne de fournir ou d'offrir des produits du tabac
aux mineurs.
Troisièmement,
le projet de loi n° 44 devrait bannir les saveurs de bonbons ou de
friandises dans les produits du tabac mais exempter les saveurs
traditionnelles dans les cigarettes telles que le menthol.
Quatrièmement,
nous encourageons le gouvernement à ne pas assujettir les cigarettes
électroniques à la Loi sur le tabac mais plutôt à définir un cadre
réglementaire spécifique pour permettre une communication factuelle avec le
consommateur et rendre accessibles ces produits dans les différents réseaux de
distribution où les fumeurs achètent habituellement leurs cigarettes, tout en
interdisant la vente aux mineurs.
Et
finalement le gouvernement du Québec devrait inclure des mesures fortes pour
attaquer une fois pour toutes la production illégale et la contrebande
de produits du tabac au Québec.
Je vous remercie de
votre attention.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la ministre
pour une période de 21 min 30 s.
Mme
Charlebois :
Merci, M. le Président. Alors, d'abord saluer les représentants d'Imperial
Tobacco, M. Gagnon et M. Voisine,
pour votre présence. Et j'ai entendu la présentation de votre mémoire, et
honnêtement c'est particulier
d'entendre une compagnie qui vend du tabac nous dire qu'on prend des mesures
qui ne sont pas appropriées. J'ai ici la conclusion de vos
recommandations, où on dit : «ITCAN croit que certaines mesures proposées
par le projet de loi n° 44 ne
contribueront pas à l'atteinte des objectifs gouvernementaux en matière de
santé publique et [que], dans certains cas, elles [vont s'avérer]
contre-productives.»
Ma
première question : En 1998, en 2005, vous êtes-vous déclarés favorables
aux projets de loi qui avaient été présentés à cette époque?
• (15 h 20) •
M.
Gagnon (Eric) : Écoutez,
moi, je n'étais pas là en 1998 ni en 2005. Ce que je peux vous dire, c'est que,
je pense, tel qu'on l'a énuméré dans notre mémoire, et à la lecture de
mes notes, il y a plusieurs mesures que l'on supporte.
Et
donc on reconnaît les risques associés au tabagisme, surtout lorsqu'on
parle de prévenir le tabagisme auprès des jeunes. Quand on parle de certaines mesures qui n'auront pas d'impact et
qui n'aideront pas à rencontrer les objectifs visés, bien entendu, on parle notamment
du menthol. Bien qu'à la base l'idée de bannir le menthol soit une bonne idée
ou humble de... l'objectif, il est... personne ne peut s'opposer à
la vertu, ce que l'on démontre, c'est qu'il n'y a aucune étude
aujourd'hui sur le marché qui démontre que les jeunes commencent à fumer à
cause du menthol, et donc de bannir le menthol
n'aura pas d'impact de prévenir le tabagisme auprès des jeunes. Les jeunes
fument ce qu'ils ont entre les mains.
Puis, je
pense, la vraie question
qu'il faut se poser, c'est : Pourquoi les jeunes commencent à fumer? Et, tel que
je l'ai stipulé dans le mémoire et dans mes notes, 75 % des jeunes ont
affirmé commencer à fumer à cause des sources sociales, de la famille et des
amis. Et donc ce qu'on dit, c'est que, plutôt que de bannir le menthol, on
croit que, pour prévenir le tabagisme auprès des jeunes, il y a des mesures
plus concrètes qui peuvent être prises.
Mme
Charlebois :
Je pense, M. le Président, qu'un ensemble de mesures, vous avez raison, un
ensemble de mesures va être plus efficace.
Et ce n'est peut-être pas une étude scientifique, mais je peux vous dire que
moi, quand j'ai commencé à fumer, à la cachette, en plus, de mes
parents, j'ai commencé avec du menthol, parce que fumer du tabac régulier, ça me faisait mal à la gorge. Je me suis
souvenu de ça il y a une semaine et demie, quand on était en commission parlementaire, j'ai dit : C'est vrai, j'ai
commencé comme ça à fumer. Ce n'est pas bien, bien scientifique, mais j'ai
questionné d'autres jeunes, puis je me suis fait dire sensiblement la même
chose.
Ceci
étant, quand vous me parlez qu'il n'y a pas d'étude scientifique qui nous démontre
ça, et vous avez aussi dit, dans le
début de la matière sur votre présentation, que les données probantes ne sont
pas là, qu'on met en place des mesures qui
ne sont pas appuyées sur des données probantes, j'ai le goût de vous
demander : Est-ce que, les données probantes provenant de l'INSPQ, l'Institut national de santé
publique, l'Organisation mondiale de la santé, OMS, Surgeon General des États-Unis, l'Institut de la statistique du
Québec, Santé Canada et Statistique Canada, vous considérez que ce sont
des données assez probantes?
M.
Voisine (Richard) : Si vous permettez, je vais répondre à celle-là.
Écoutez, l'ensemble des données, il y a beaucoup de données dans le
marché, mais le problème, c'est l'interprétation, c'est-à-dire on parle
beaucoup de prévalence ou d'associations,
mais on ne parle pas de cause. Et dans l'ensemble de la littérature il y a des
études... Il y a un manque de consensus
dans l'ensemble de la littérature, et on ne peut pas conclure à la cause. Par
exemple, l'American Health Science Foundation ne trouve pas de
différence entre des cigarettes au menthol par rapport à des cigarettes
ordinaires. Alors, ce n'est pas clair dans la littérature qu'effectivement le
menthol est relié à l'initiation, par exemple.
Alors,
je vais vous donner un exemple. Si demain matin on interrogeait tous les gens
qui ont fait un excès de vitesse et
que 30 % déclaraient avoir, dans les 30 jours précédents, conduit une
voiture rouge, est-ce qu'on conclurait que la couleur rouge est la cause des excès de vitesse? C'est un
peu la même chose. Les études observent, mais la relation de cause à
effet n'est pas démontrée de façon probante.
Mme
Charlebois : Si je vous parle de... 26 % des jeunes qui
ont fumé et qui fument ont fumé des cigarettes au menthol, qu'est-ce que
vous répondez à ça?
M. Voisine (Richard) :
L'étude, si on réfère soit à l'étude de l'Institut de la statistique ou du
Youth Smoking Survey, je veux dire,
il n'y a pas de raison de croire que ce n'est pas des résultats de prévalence
qui sont valables, je n'ai pas... on n'a pas de problème avec ça.
Mme
Charlebois : Pourquoi les compagnies de tabac tiennent tant
au menthol? Pourquoi, si on veut vendre des cigarettes, on ne vend pas
seulement des cigarettes ordinaires? Pourquoi tenez-vous tant au menthol?
M.
Gagnon (Eric) : En fait, je pense, la question, c'est... l'objectif
qui a été affirmé, c'est de prévenir le tabagisme auprès des jeunes, et donc, à la base, de bannir
le menthol ne rencontre pas cet objectif-là. Il y a 5 % du marché
aujourd'hui que c'est des produits
mentholés, les études démontrent que les produits mentholés sont à la baisse.
Et donc, nous, ce qu'on dit, c'est
que, si l'objectif du gouvernement, c'est vraiment de bannir... de prévenir le
tabagisme auprès des jeunes, on croit qu'il y a des initiatives qui
pourront atteindre ces objectifs-là...
Mme
Charlebois : Il y a aussi, dans nos objectifs, réduire la
prévalence au tabac, protéger la santé des non-fumeurs, protéger les
enfants contre la fumée secondaire.
Alors, si ça
représente 5 %, et vous dites que c'est en décroissance, pourquoi y
tenez-vous tant?
M.
Gagnon (Eric) : Parce qu'il y a une partie des adultes fumeurs qui ont
fait un choix de fumer un produit qui est des produits mentholés.
Mme
Charlebois :
On pourrait dire la même chose des fraises.
M. Gagnon
(Eric) : Pardon?
Mme
Charlebois :
De la saveur de fraise.
M. Gagnon
(Eric) : Ah! mais là c'est un tout autre débat, parce que les études
démontrent...
Mme
Charlebois :
Non, mais pourquoi vous défendez plus le menthol que toute autre saveur?
M.
Gagnon (Eric) : Bien, je pense que Dr Voisine l'a énuméré. Ce
qu'on dit, c'est qu'il n'y a pas d'étude qui démontre que les jeunes
commencent à fumer à cause des produits mentholés.
Je vais reprendre
votre exemple, Mme la ministre. La question, c'est que... Lorsque vous avez
commencé à fumer, s'il n'y avait pas eu de
menthol, vous auriez peut-être commencé à fumer, ce n'est pas à cause du
menthol. Et la question qu'il faut vraiment se poser, c'est :
Comment qu'on fait pour s'assurer que les jeunes ne commencent pas à fumer? Et
les études, et ce n'est pas les études d'Imperial, c'est les études de Santé
Canada et des groupes de santé, démontrent
que 75 % des jeunes qui commencent à fumer — et même ce niveau-là était au-dessus de
80 % au Québec — la
raison qu'ils commencent à fumer, c'est à
cause qu'ils ont des frères qui fument, ils ont des soeurs qui fument, ils ont
des parents qui fument ou ils ont des amis
qui fument. Et donc je pense que ce qui serait important, plutôt que de
s'attaquer au menthol, c'est de s'attaquer...
faire de l'éducation auprès de ces groupes-là pour leur expliquer que les
jeunes ne devraient pas fumer.
Mme
Charlebois : Mais parlons-en donc, de la promotion. Vous en
faites une recommandation de prévention et d'éducation. C'est ce qu'on fait depuis des années, on s'aperçoit que la
prévalence au tabac chez les jeunes est stable. Vous nous recommandez de continuer cette méthode-là.
Vous voulez qu'on continue à vendre des cigarettes à ces jeunes-là sur le même palier, parce qu'on sait que c'est déjà
stable. Alors, si on n'apporte pas de modification, la prévalence au
tabac va rester la même. Comprenez-vous ce que je veux dire?
M. Gagnon
(Eric) : En fait, ce qu'on a proposé, ce n'est pas de faire la même
chose, c'est d'intensifier l'éducation et la sensibilisation. C'est ce qu'on
dit.
Mme
Charlebois :
Comment?
M. Gagnon
(Eric) : Écoutez, il y a sûrement plusieurs manières, puis il y a
sûrement des groupes beaucoup mieux placés
que l'industrie du tabac pour vous proposer des campagnes de sensibilisation et
d'éducation. Mais aujourd'hui d'aller
bannir le menthol, ce que nous, on vous dit, c'est que, basé sur les études, ça
n'aura pas d'impact. Et je pense que la
prohibition, ce n'est pas la piste de solution pour prévenir le tabagisme auprès
des jeunes, mais plutôt de s'assurer que les gens, premièrement, n'achètent pas, n'offrent pas des produits du tabac
aux jeunes et s'assurer que les jeunes comprennent les risques associés
au tabagisme.
Mme
Charlebois : Vous avez raison en partie, mais moi, je
demeure convaincue que d'interdire les saveurs pour l'ensemble des
jeunes, étant donné toutes les données probantes que nous avons, bien on peut...
On ne partage pas le même point de vue, puis je vous entends, O.K.?
Je vais vous amener
maintenant à parler de la cigarette électronique. Vous nous demandez — attendez
un peu — à la recommandation 4 : «Nous
encourageons le gouvernement à ne pas assujettir les cigarettes électroniques
à la Loi sur le tabac,
mais plutôt à définir un cadre réglementaire», etc. On m'a dit, et je veux
vérifier avec vous... Est-ce que c'est
exact de dire que les compagnies de tabac, dont la vôtre, on fait l'acquisition
de compagnies de cigarettes électroniques?
M.
Gagnon (Eric) : C'est-à-dire que les maisons mères... Je ne parlerai
pas pour les autres entreprises, je vais parler pour Imperial Tobacco.
On appartient à un groupe qui s'appelle British American Tobacco à Londres. On
a beaucoup, beaucoup d'efforts pour essayer de trouver des produits qui sont
moins nocifs pour la santé. Vous savez, on est dans une industrie où est-ce
qu'il y a une grande partie de nos consommateurs qui soit veulent arrêter ou
qui veulent essayer de réduire ou trouver
des produits moins nocifs, donc, pour nous, c'est logique d'essayer de
développer des produits qui sont moins nocifs pour la santé, dont la cigarette
électronique. Donc, en date d'aujourd'hui, on a deux produits de cigarette électronique en vente en Angleterre, on n'en a pas
au Québec et au Canada. En fait, les cigarettes électroniques avec
nicotine demeurent illégales à moins d'être approuvées par Santé Canada, et, de
ce que l'on sait, il n'y a aucune cigarette
électronique avec nicotine qui a été approuvée, donc tous les produits qui sont
vendus aujourd'hui avec nicotine demeurent des produits illégaux. Mais,
pour répondre à votre question, oui, c'est un marché auquel on regarde et
auquel dans d'autres pays, notamment en Angleterre, on est partie à travers
notre maison mère.
Mme
Charlebois :
Je comprends que vous n'en avez pas actuellement au Québec et au Canada à cause
de l'illégalité de la chose, mais vous savez que ça existe et vous nous
dites : Encadré et réglementaire mais pas trop. Bref, une fois que ça va
être reconnu, vous allez avoir une porte ouverte.
Est-ce
que vous saisissez bien pourquoi on encadre? C'est-à-dire que ce qui n'est pas
souhaité, c'est la renormalisation du geste de fumer, d'une part, et,
d'autre part, c'est d'éviter, encore là, que des jeunes s'habituent à une forme autre de tabagisme, au vapotage, on va
le dire le mot, c'est comme ça que les gens appellent ça. Est-ce que
vous ne croyez pas qu'on fait bien que tout de suite on s'assure que les jeunes
sont déjà dans l'interdiction d'acquérir ces produits-là,
qu'il y aura déjà des conséquences et pour les adultes et pour les jeunes s'il
y a des gens qui font l'acquisition pour ces jeunes-là? Et, si on
encadre ça bien dans la loi, ça va éviter justement qu'il y ait des produits
qui ne sont pas normés qui soient là. Est-ce
que vous ne considérez pas que c'est un... Tu sais, on n'empêche pas les gens
de la consommer, là, au même titre
qu'on n'empêche pas les gens de consommer de la cigarette. Tout ce qu'on veut,
c'est bien encadrer ces produits-là.
• (15 h 30) •
M.
Gagnon (Eric) : Je vais laisser le Dr Voisine, après moi, peut-être
juste parler de statistiques, mais auparavant, je pense, je veux juste être clair. On n'a pas dit... Aucunement, dans
notre mémoire ou dans mes notes, on ne vous dit de ne pas trop réglementer ça. En fait, ce qu'on vous
dit, c'est que c'est un produit particulier qui mérite un cadre
réglementaire particulier.
En
fait, là, vous êtes... Parce que le gouvernement désire réglementer un produit
qui n'est pas un produit du tabac comme
un produit du tabac. Je vais donner un exemple. C'est comme si demain matin
vous dites : La bière sans alcool, on la réglemente exactement
comme la bière avec alcool. Il n'y a pas d'alcool, ce n'est pas une bière avec
alcool.
Et donc la cigarette
électronique a un bénéfice, un potentiel énorme en termes de santé publique,
mais, pour y arriver, ce que l'on dit, c'est
qu'il doit y avoir une certaine communication
qui doit pouvoir être faite au consommateur. On est tout à fait d'accord
avec vous que les jeunes ne devraient pas pouvoir se procurer des cigarettes
électroniques et on le supporte, je l'ai
dit, et on l'a énuméré dans notre mémoire, mais on pense qu'assujettir la
cigarette électronique sous la Loi sur le tabac, ça va minimiser le
potentiel de ce produit-là en tant que produit qui peut potentiellement être
moins nocif pour les consommateurs et que les consommateurs pourront utiliser
dans le futur.
Mme
Charlebois : Est-ce vous convenez avec moi, juste avant que
M. Voisine prenne la parole — puis j'imagine que c'est lui qui va même répondre à cette
question-là — que la
nicotine... Premièrement, le produit, en ce moment, là, ça relève de Food and Drugs Canada. Il n'y a personne
qui sait ce qu'il y a dans ces produits-là, en ce moment, exactement, il
y a des petits laboratoires maison, il y a
toutes sortes de choses qui se produisent avec ça. J'ai extrêmement hâte que
ce soit légiféré, le produit, comme tel.
Nous, ce qu'on encadre, c'est quand on peut consommer ça, qui peut consommer ça
et où on peut le consommer, un peu comme on fait avec la cigarette. Moi, je
vais vous avouer que, pour des gens qui ont arrêté
de fumer, de voir quelqu'un vapoter dans une salle de restaurant, c'est un
petit peu tannant parce que ça nous fait penser... ça nous ramène à nos
anciennes pratiques.
Ceci
étant, est-ce que vous ne considérez pas que la nicotine qui est dans ces
produits-là, au dosage qu'on ne sait pas trop si c'est exact, ce qui est écrit sur la petite fiole, crée une
dépendance? Est-ce que c'est exact qu'il y a une dépendance à ces
produits-là aussi?
M.
Voisine (Richard) : Écoutez, il est connu et reconnu par le public et de
façon générale dans la communauté, au sens qu'on définit la dépendance
aujourd'hui, que la nicotine peut créer ça, mais il faut se rappeler que, les
cigarettes électroniques, la valeur de ces
produits-là, c'est dans un contexte de réduction des méfaits ou, on dit en
anglais, «harm reduction». C'est pour des gens qui choisissent d'arrêter
de fumer ou qui veulent passer de fumer à... mais continuer à utiliser des produits qui contiennent de la
nicotine. C'est une façon de réduire le risque significative, et c'est la
valeur de ces produits-là. Alors, pour ça, c'est important, parce que ça a un
impact sur la santé publique.
Les études en
Angleterre démontrent aussi qu'au niveau de l'initiation à fumer il n'y a pas
d'observation de ce phénomène-là, et
l'Angleterre est probablement le pays où il y a le plus d'expérience avec ça.
Et ce qu'il est important aussi de
comprendre, c'est qu'évidemment la réglementation qui entoure ça est importante
aussi, parce qu'une mauvaise réglementation
pourrait peut-être faire qu'il y ait des phénomènes différents, alors c'est
important. Et c'est pour ça qu'on est absolument d'accord que ce n'est
pas un produit pour des jeunes de moins de 18 ans.
Mme
Charlebois : Honnêtement, je reviens à ma prémisse de
départ, puis vous allez peut-être me trouver un petit peu drôle : J'ai de
la difficulté à comprendre qu'une compagnie de tabac veut que les gens arrêtent
de fumer puis qu'ils se prévalent d'outils.
Votre marché va être en décroissance de plus en plus si on arrive à convaincre
les gens de fumer de moins en moins.
Or, vous êtes en train de faire l'acquisition de bidules qui vont faire qu'on
va encore moins fumer parce qu'en principe, ce qu'on m'a dit, les
cigarettes électroniques, c'était là pour aider les gens à arrêter de fumer.
C'est quoi, votre intérêt
à ce que les gens arrêtent de fumer, étant une compagnie qui vend du tabac?
M. Gagnon
(Eric) : En fait, on est une compagnie responsable, là, bien qu'on est
une compagnie de tabac, et on reconnaît
qu'il y a des risques associés au tabagisme, donc on ne viendra pas ici
aujourd'hui puis vous dire de ne pas réglementer
une industrie qui a des risques importants. Il y a un déclin naturel de
l'industrie de 2 % à 3 % par année. Ce qu'on essaie de faire... Imperial a 50 % de part de marché au
Québec et au Canada. Notre objectif, c'est d'essayer d'agrandir notre part de marché avec les adultes qui ont déjà
fait un choix de fumer. À partir de là, on en a énuméré, mais il y a des
pistes de solution qui nous permettent, à
travers des produits moins nocifs pour la santé ou d'autres produits qui
peuvent intéresser les consommateurs qu'on a déjà... Et donc... Mais de dire
aujourd'hui qu'il n'y a pas de risque associé au tabagisme, ce ne serait pas crédible, là, donc c'est pour ça qu'on vous
dit qu'il y a des risques importants associés au tabagisme.
De
notre côté, ce qu'on demande, c'est que la réglementation qui soit mise en
place soit une réglementation qui soit raisonnable
pour une entreprise... ou une industrie légale, basé sur des faits probants et
non basé sur des émotions. Et, je sais, quand on parle de tabac, ça devient très émotif, ça devient très émotif
parce qu'on l'a tous vécu à travers des gens dans notre réseau ou dans notre famille qui ont été affectés,
mais honnêtement je pense qu'en tant que législateur, le rôle du
législateur, c'est de s'assurer que la
réglementation qui est mise en place, elle soit basée sur des faits et qu'elle
va avoir un impact réel sur la santé publique des Québécois.
Mme
Charlebois : Parlons-en,
des émotions, parce que j'ai entendu un commentaire là-dessus
après ma première revue de presse,
là, quand on a lancé le projet de loi sur le tabac et j'ai parlé de mon père qui est
décédé d'un cancer du poumon, que
j'ai vu mourir à petit feu. Je veux vous rassurer, là, ce n'est pas que je n'ai
plus d'émotions quand je parle de mon
père, c'est vrai qu'il en reste parce que ça reste mon père, mais est-ce que je
suis dans la grande émotion et que j'ai bâti mon projet de loi là-dessus?
Non. Je veux vous rassurer, là, le projet de loi a été bâti par une équipe, et
on va le bonifier avec l'ensemble
des collègues. Et ce n'est pas... Oui, je peux vous dire que, quand on voit
quelqu'un décéder d'un cancer du
poumon, et quand ton père te dit : S'il vous plaît, arrête de
fumer et essaie de convaincre tes frères d'arrêter de fumer parce que ce n'est pas une belle façon de
mourir, et quand tu accompagnes quelqu'un jusqu'à la fin comme ça, puis j'ai vu une dame ici qui nous a fait un
témoignage drôlement plus punché... je vous dirais que ce n'est pas avec des émotions que je vous parle, c'est factuel, c'est
concret, je l'ai vu de mes yeux. Mon père, il est mort en 2000, là,
alors je suis capable de faire la distance par rapport à mes émotions. Mais je vais vous dire que l'image de l'homme qui était
branché avec des machines d'oxygène puis qui ne voulait pas mourir, veux veux
pas, là, ça reste dans nos images, dans notre tête, et tout ça.
Alors,
je veux vous rassurer quand même, dire que je n'ai pas fait le projet de loi toute seule, il y a toute une équipe qui m'a accompagnée là-dedans, on a été conseillés aussi par des gens. Et on va
le bonifier avec les collègues et on va faire ça de façon très, très,
très rationnelle. C'est dans ce sens-là que je veux parler de mes émotions.
Ceci
étant, on va parler de contrebande rapidement. Vous savez que la contrebande a été réduite de
moitié depuis 2008, vous savez qu'on fait des efforts en ce sens-là et
qu'au ministère des Finances ils continuent à faire des efforts avec le programme ACCES Tabac. Est-ce que vous ne
considérez pas, du fait que ça a baissé de 14 %... de plus que la
moitié, en fait, plus que 14 %, là, on est rendus à 14 % du marché...
Vous ne considérez pas qu'on a fait des efforts énormes? Puis je ne suis pas en train de vous dire qu'on va arrêter là,
hein, on va continuer nos efforts, mais vous savez très bien que ce n'est pas la contrebande qui va faire
en sorte qu'il n'y aura plus de dommage avec le tabac, là. Il faut, comme
gouvernement responsable, qu'on s'occupe de la santé publique, puis on ne peut pas toujours
plaider sur la contrebande.
J'en
conviens, qu'on doit encore travailler, mais est-ce que vous êtes conscients
que ce qui se vend... Je comprends que
vous voulez accaparer la majeure partie du marché du tabac, mais vous convenez
avec moi qu'il faut qu'on légifère pour
faire en sorte qu'il y ait de moins en moins de gens qui fument et qui
intoxiquent les autres avec la fumée secondaire.
M.
Gagnon (Eric) : Tout à fait.
Puis je pense que je l'ai dit, on reconnaît les efforts qui ont
été faits au niveau de la
contrebande.
De l'autre côté, je
pense qu'il faut également reconnaître qu'il y a encore 15 % du marché qui
est illégal, qu'il y a encore
350 cabanes à tabac et qu'il y a 175 groupes de crime organisé qui
vendent des produits du tabac, tel que stipulé
par la GRC. Et donc, nous, ce qu'on demande, c'est... À la lecture de notre
mémoire, on n'a pas demandé que vous mettiez
des efforts seulement au
niveau de la contrebande, on supporte
et on est en accord avec une bonne partie de vos recommandations, mais ce qu'on
dit, c'est... Je reviens au menthol. Il faut reconnaître qu'aujourd'hui il y a plus de marques illégales
de produits mentholés au Québec qu'il n'y en a de produits légaux, et donc de
bannir, par exemple, les produits mentholés, les gens n'arrêteront pas de fumer ces produits-là. Ce qu'ils
vont faire, c'est qu'ils vont les acheter illégalement. Et donc en tant
qu'entreprise légale, des fois, ce qu'on a l'impression, c'est qu'il y a
davantage de réglementation sur l'industrie légale, sans prendre en
considération le réseau illégal, qui est prêt à s'approprier du marché.
Mme
Charlebois :
Je vous remercie pour votre présentation, mais je n'ai pas d'autre question
pour l'instant.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Rosemont pour une période de
13 minutes.
M. Lisée : Merci,
M. le Président. M. Gagnon,
M. Voisine. Je vais poser la question que vous avez sans doute tous
les jours : Est-ce que vous êtes parent avec Roch?
M.
Voisine (Richard) : Je
réponds toujours en blague que mon cousin ne veut pas que je le
dise. Mais ce n'est pas mon cousin.
• (15 h 40) •
M.
Lisée : Très bien. Écoutez,
ça prend un certain cran pour venir à la commission, donc je vous salue
pour ça. Vous êtes la seule compagnie
de tabac à le faire, et donc sachez que je m'adresse à vous, mais je m'adresse
aussi à vos collègues qui ne sont pas là.
Je voudrais commencer
par lire un extrait du jugement de la Cour supérieure du 27 mai dernier,
du juge Brian Riordan, qui va nous donner, je pense,
un certain niveau... quel est le niveau de confiance qu'on doit donner au
témoignage des compagnies de tabac lorsqu'il
s'agit de déterminer des mesures de santé publique. Alors, je le cite. Et vous me direz que cette cause est en appel, mais ça recoupe des jugements de dernière
instance d'Amérique du Nord sur le cas. Alors, le juge dit : «En choisissant de n'informer ni les
autorités de santé publique ni directement le public de ce qu'elles
savaient, les compagnies [de tabac] ont
choisi le profit avant la santé de leurs clients. Quoi qu'il puisse être dit
d'autre à propos de ce choix, il est clair que cela représente une faute
des plus outrancières[...].
«Les compagnies ont
conspiré pour empêcher le public de prendre connaissance des dangers inhérents
au tabagisme et, ce faisant, elles ont
commis une faute, une faute distincte — et
plus grave — que
leur défaut d'informer.
«Imperial
Tobacco Canada — ça, c'est vous — et les autres compagnies, par le biais du
Conseil canadien des fabricants de
produits du tabac et directement, ont commis des fautes outrancières du fait de
déclarations publiques qu'elles savaient fausses et incomplètes à propos
des risques et dangers du tabagisme.
«La réaction de
l'industrie canadienne du tabac [...] a été de [...] poursuivre ses efforts,
non seulement pour cacher la vérité au
public, mais aussi pour retarder et diluer au maximum possible les mesures que
le Canada souhaitait appliquer pour mettre en garde les consommateurs
contre les dangers du tabagisme.
«[Les] compagnies ont, en fait, nuit à et retardé
l'acquisition de connaissances par le public. [...]elles ont volontairement
et en connaissance de cause nié ces risques et relativisé les preuves [des]
dangers associés à leurs produits.
«Les compagnies ont
résisté aux mises en garde à [toutes les étapes de leur mise en place] et ont
cherché, et généralement réussi, à les diluer.
«Nous
concluons que les compagnies ont non seulement [caché] de l'information
[essentielle], mais [...] ont [créé chez leurs clients] l'illusion d'une
absence d'urgence quant aux dangers.
«[Pendant]
l'essentiel de la période considérée [par ce procès] — 50 ans — les mises en garde [sur les paquets
de cigarettes] étaient incomplètes et insuffisantes [...] — ce
que les compagnies savaient — et, pire encore, celles-ci ont activement fait des représentations pour qu'il en
demeure ainsi. Il s'agit d'une faute des plus graves lorsque le produit
en question [...] est [...] toxique, comme les cigarettes.
«Durant
les presque 50 années de la période considérée, et durant les 17 ans
depuis[...], les compagnies ont gagné des
milliards de dollars aux dépens des poumons, des gorges et du bien-être général
de leurs clients. Si les compagnies sont autorisées à s'en tirer
indemnes maintenant, quel [sera] le message envoyé aux industries qui
aujourd'hui ou demain feraient face à un conflit moral semblable?»
Et il conclut :
«Les actions et les attitudes des compagnies durant la période considérée
étaient, en fait, "particulièrement répréhensibles", et doivent être
dénoncées et punies de la plus sévère des façons.»
Alors,
la question que j'ai pour vous... Vous nous parlez de ce que vous pensez de nos
actions sur le menthol, sur comment les jeunes commencent à fumer, sur
les paquets. Si on avait à déterminer sur une échelle de zéro à 10 la crédibilité d'Imperial Tobacco pour nous parler de
questions de santé publique liées au tabac, zéro étant aucune
crédibilité et 10 étant Gandhi, où est-ce que vous vous situeriez?
M. Gagnon
(Eric) : Avant de répondre à votre question, je vais commenter,
cependant, le...
M. Lisée :
J'aimerais, non, que vous répondiez à mes questions.
M. Gagnon
(Eric) : Oui, oui, mais je vais quand même commenter...
M. Lisée :
Est-ce que vous pensez que vous avez une quelconque crédibilité sur cette
question?
M. Gagnon
(Eric) : Tout à fait. Très crédible.
M. Lisée :
Oui?
M. Gagnon
(Eric) : Tout à fait.
M.
Lisée : Après tout ce qui s'est passé, après tous les
mensonges, après toutes les faussetés que vos compagnies ont dites pendant des décennies, ce qui est
maintenant prouvé, vous pensez que vous avez encore une once de
crédibilité pour venir conseiller les législateurs sur la réglementation du
tabac?
M. Gagnon
(Eric) : Tout à fait. Je pense qu'en tant que législateur il est
important de s'adresser à toutes les parties prenantes, quand on fait de
la réglementation, je pense que c'est important de le faire. Je pense...
M.
Lisée : ...fallu que vous fassiez pour que vous admettiez que
vous n'avez pas de crédibilité? Ça aurait été quoi, là, le seuil?
M.
Gagnon (Eric) : Si vous me permettez de répondre, si vous me permettez
de répondre, même vous, vous avez dit,
il y a deux semaines, que, lorsqu'Imperial sera ici, ils seront très crédibles,
car ils sont là pour représenter Imperial. Donc, je pense qu'on a une
certaine crédibilité.
Ceci dit, ceci dit...
M.
Lisée : On croira que
vous représentez vos propres intérêts. Et je crois que vous présentez vos
intérêts mais pas les intérêts de la santé publique.
M.
Gagnon (Eric) : Ceci dit, le
jugement que vous avez lu a aussi dit que l'industrie devait payer 1,1 milliard
en exécution provisoire, et cette
décision-là a aussi été renversée par la Cour d'appel quelque
temps après. Donc, je pense qu'avant de dénoncer et de dire que le
jugement qui a été émis par la Cour du Québec est un jugement final on va
attendre de voir ce qui va se passer en Cour d'appel. On continue à croire que...
M.
Lisée : Vous convenez avec moi que ce genre de conclusions ont
été rendues par d'autres juges dans le monde dans des décisions finales
qui ont forcé vos compagnies à payer plusieurs milliards de dollars à
leurs clients?
• (15 h 50) •
M.
Gagnon (Eric) : En fait, je
veux vous rappeler qu'au Canada, en fait, il y a de messages de santé
sur les paquets de cigarettes depuis
1972, que les gouvernements québécois et canadien connaissent les risques associés au
tabagisme depuis des décennies, que c'est eux qui ont émis les licences pour
que l'industrie puisse vendre les produits, donc...
M.
Lisée : Je comprends
que vous êtes payé pour dire ça et j'espère que vous êtes très bien payé, parce que,
moi, il n'y aurait pas de prix que j'accepterais pour dire ce que vous dites.
M. Gagnon
(Eric) : Mais ça vous appartient, ça.
M. Lisée :
Ça, ça m'appartient. Puis, vous, vos choix moraux vous appartiennent.
M. Gagnon
(Eric) : Tout à fait.
M.
Lisée : Alors, moi,
je n'ai pas l'intention de perdre le temps de la commission et des gens qui
nous écoutent en vous posant des questions
sur la science de la santé publique entourant le tabac. Je pense
que votre crédibilité, elle n'existe pas, hein? Vous êtes, sur la question
de la santé du tabac, des menteurs professionnels.
Bon, cela dit, ce que
vous connaissez...
Le Président (M.
Tanguay) : Collègue de Rosemont, faire attention, s'il vous plaît.
Merci.
M. Lisée :
C'est la dernière fois que je le dis, une fois suffit.
Maintenant, ce que
vous savez et ce sur quoi je voudrais vous interroger, maintenant, c'est la
pratique que vous avez développée depuis la
loi de 2005‑2006 qui interdisait de
présenter, de faire de la publicité et de présenter dans les dépanneurs,
chez les détaillants.
Alors, dès deux ou
trois ans après, Liel Miranda, qui était adjoint à la division du «trade,
marketing and distribution» d'Imperial Tobacco Canada... Je ne sais pas s'il
est toujours à votre emploi. Non? En tout cas, il disait dans une conférence : «Auparavant, nous
payions pour de l'espace, de la communication visuelle, mais, maintenant
que l'espace n'y est plus, l'ensemble du
partenariat est fondé sur la croissance du secteur. Qui peut travailler avec le
fabricant pour obtenir la croissance y parviendra et en tirera des bénéfices,
des rabais.»
Et
donc vous avez institué, avec les détaillants au Québec et ailleurs — mais parlons du Québec — un système qui pousse à l'augmentation de la vente de vos produits chez les
détaillants. Pouvez-vous nous parler de ce système-là? Comment ça
fonctionne?
M.
Gagnon (Eric) : Bien, en fait, comme toute autre industrie de produits
de consommation, on a des ententes avec
nos distributeurs et les gens qui vendent nos produits pour essayer d'augmenter
nos parts de marché dans l'industrie.
Ceci
dit, je pense qu'il faut bien comprendre la Loi sur le tabac actuelle, parce
qu'à moins que je me trompe, ce que vous
insinuez, c'est qu'on essaie de pousser nos produits vers les consommateurs. Il
faut comprendre que c'est impossible, pour
un détaillant, de parler de tabac aujourd'hui, sur la Loi sur le tabac. La
seule chose que les détaillants peuvent faire, c'est répondre à certaines questions factuelles qui sont posées par les
consommateurs. Donc, si vous insinuez qu'Imperial Tobacco Canada, à travers des programmes de
partenariat avec les détaillants, incite les gens à fumer, c'est tout à fait
faux. Ce que l'on fait...
M. Lisée :
Ils incitent, ils incitent.
M. Gagnon
(Eric) : Ce que l'on fait, ce que l'on fait, c'est, à travers des
adultes qui ont fait un choix de fumer,
d'essayer d'augmenter nos parts de marché. Mais en aucun temps les détaillants...
Et, si les gens des détaillants étaient ici, ils vous expliqueraient qu'ils ne
peuvent pas parler de tabac, ils ne peuvent pas faire de promotion de
tabac. La seule chose qu'ils peuvent faire, c'est répondre à des questions.
M. Lisée :
Les détaillants étaient ici juste avant vous...
M. Gagnon
(Eric) : Puis leur avez-vous posé la question?
M. Lisée :
...et ils ont dit qu'ils recevaient des plaintes des détaillants qui ont des
contrats de fidélité avec des compagnies comme la vôtre.
J'en
ai une entre les mains. Alors, la personne ne veut pas être identifiée parce
que vous avez des inspecteurs qui vont
dans les détaillants pour voir s'ils respectent leurs contrats. Alors, la personne dit — et
c'est en anglais : «I have a contract with Imperial Tobacco, which means the
price I get is probably better than those who do not have their
contracts. The difference may be $5 per carton.» Alors, 5 $ par
cartouche de moins que le prix général parce qu'il a signé un contrat avec
vous.
«In the agreement with Imperial
Tobacco, we have a target that needs to be reached every season.» Alors donc, ils ont des objectifs de vente
qui doivent être satisfaits chaque saison.
M. Gagnon
(Eric) : Comme les autres industries.
M.
Lisée : «Je reçois des appels la dernière semaine de chaque
saison. Combien de cartouches est-ce que j'ai besoin de plus pour atteindre ma cible? Généralement, je
suis obligé d'en commander davantage que ce dont j'ai besoin pendant la
semaine, sinon je pourrais perdre mon contrat.»
Alors
donc, vous mettez les détaillants dans un système où vous faites une pression à
la vente, et d'ailleurs vous appelez à la fin de chaque période pour
être sûrs qu'il va avoir son objectif. Et son objectif, évidemment, est
toujours supérieur à ce qu'il était avant.
C'est ça, l'idée. Et donc vous me dites que sérieusement vous ne pensez pas que
ça pousse le détaillant à essayer de vendre davantage de cigarettes?
M.
Gagnon (Eric) : Encore une fois, M. Lisée, il n'y a aucune
promotion qui peut être faite par les détaillants.
M. Lisée :
Dans la vraie vie, là.
M. Gagnon
(Eric) : Dans la vraie vie, dans la vraie vie.
M. Lisée :
Dans la vraie vie, là, ce gars-là n'est pas incité à vendre plus de cigarettes
que s'il n'y avait pas ce programme de fidélité, avec des objectifs puis quelqu'un qui l'appelle une semaine
pour dire : Tu n'en as pas vendu assez?
M.
Gagnon (Eric) : Dans la vraie vie, les détaillants ne peuvent faire ni
promotion ni proactivement parler de tabac auprès des consommateurs.
M.
Lisée : Puis ça, ça ne les incite pas à enfreindre la loi en
poussant des cigarettes pour atteindre leurs objectifs puis continuer à
avoir les rabais qui leur permettent d'être compétitifs?
M. Gagnon
(Eric) : Pas du tout.
M. Lisée :
Vous ne créez pas un système qui les pousse à l'illégalité?
M.
Gagnon (Eric) : Non. On crée un système où est-ce que, s'ils vendent
nos produits, versus les produits de la compétition, nous, ça augmente
nos parts de marché, comme toute autre industrie légale qui est dans une
industrie de consommation. Et honnêtement je
n'ai aucune idée où est-ce que cette discussion s'en va en lien avec le projet
de loi n° 44.
M. Lisée :
Bien, moi, je vais vous dire c'est quoi, l'idée, parce que c'est clair. Quand
j'ai dit que vous étiez crédibles, je vous
crois quand vous voulez vendre plus de cigarettes. C'est tout ce que je crois.
Vous voulez vendre le plus de cigarettes
possible au plus grand nombre de gens possible. Et, sur le reste, je ne vous
crois pas. Si vous dites que vous ne voulez
pas le vendre aux mineurs, je ne vous crois pas. Tout ce que vous avez fait
depuis des décennies, c'est de trouver des moyens d'attirer les mineurs, de modifier vos paquets, de les rendre
plus intéressants, qu'ils ressemblent à des produits cools. Alors,
vraiment, là... Je n'utiliserai pas le terme qui a offensé le président, malgré
sa véracité. Alors, là-dessus, c'est non.
Moi,
je pense que les programmes de fidélité, ils existent pour des produits non
toxiques, et c'est bien, mais, pour les
produits toxiques, je vais essayer de convaincre la ministre qu'il ne devrait
pas y avoir de programme de fidélisation ni pour les acheteurs, les
clients, ni pour les distributeurs, ni pour les détaillants. Et ça, je vous
l'annonce. Et j'espère que la ministre va avoir une oreille attentive à ça,
parce que tout ce qui incite à plus de vente de tabac devrait être interdit.
C'était
ma dernière question, je vous remercie encore d'être venus, mais je n'ai pas...
non, je ne suis pas intéressé à vous entendre davantage.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. MM. Gagnon et Voisine, je dois maintenant, comme
président, céder la parole à notre collègue
de Lévis pour une période de 8 min 30 s, et vous aurez
l'occasion, évidemment, durant ce bloc, d'ajouter quelques commentaires.
Alors, collègue de Lévis.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Vos propos sont un peu étonnants mais en fait pas
vraiment dans la mesure où vous
continuez votre vision. Vous êtes représentants d'une compagnie, c'est un
produit commercial, et vous en faites malheureusement la promotion. Vous
n'avez pas le choix, vous allez chercher des clients quelque part.
Vous
parlez de menthol, et de jeunes, et d'adultes. Moi, je vous dirai que je
connais aussi, et la ministre abordait la situation de gens qu'elle
connaît... je connais des adultes qui continuent à fumer à cause du menthol,
parce que moins irritant, parce qu'ils ont
l'impression de ne pas fumer la cigarette régulière, que ça fait moins de
dommages, et tout ça, et moi, honnêtement, ça me désole.
Vous dites que ce
produit-là, ce n'est presque rien, c'est 5 % de l'industrie, les produits
mentholés. D'abord, parenthèse, produisez-vous du tabac aromatisé?
M. Gagnon
(Eric) : Aucun, en fait, à part les produits mentholés. Mais je l'ai
dit.
M. Paradis (Lévis) : Non, mais je comprends fort bien... Non, non, mais c'est parce qu'on
comprend fort bien, vous le disiez
tout à l'heure et vous l'avez carrément dit, là, verbalement vous avez
dit : On est d'accord qu'on retire tout ce qu'il y a d'arômes dans
les produits du tabac, sans aucun problème avec ça. C'est sûr, vous n'en faites
pas.
Mais vous faites du
menthol, puis là vous dites : Ne touchez pas à ça. Puis là on se demande
le pourquoi du comment parce que, si vous
voulez vraiment viser la santé des Québécois puis que vous devenez des
défenseurs de la santé publique, bien
que vous remettiez en question les études puis les chiffres qui sont présentés,
est-ce que justement, pour la santé,
au nom de la santé des Québécois, on ne doit pas prêcher par précaution? Ce
n'est rien dans votre marché, vous dites,
c'est 5 %, ça ne touche personne. Pourquoi vous attarder à ça, ce n'est
pas notre marché? Bien, si ce n'est pas votre marché, interdisons. Ça ne
changera rien dans votre vision d'affaires.
M. Gagnon
(Eric) : Ce qu'on vous dit et ce qu'on dit au législateur, c'est... Le
législateur a le droit de bannir les cigarettes
mentholées, puis, de ce qu'on comprend, c'est ça qui va arriver. Ce qu'on vous
dit, là, c'est : Dans cinq ans, quand
il va y avoir une révision de la Loi sur le tabac, là, le taux de tabagisme au
Québec n'aura pas accéléré à cause que vous
avez banni le menthol, un, la prévention ou l'initiation au tabagisme auprès
des jeunes n'aura pas été impactée à cause que vous bannissez le
menthol, et les gens qui fument des produits mentholés vont les acheter
illégalement. Donc, croyez-nous pas, mais en
bout de ligne c'est ce qui va arriver. C'est exactement le même exemple qu'en
Australie, là, avec l'emballage neutre. Et c'est ça, la réalité.
M. Paradis (Lévis) : M. Gagnon, je comprends
ce que vous dites, vous dites : Dans cinq ans, on verra que... Bien,
dans cinq ans, on se rassoira puis on
regardera les chiffres, puis vous verrez l'incidence, par exemple, d'une proposition mise de l'avant comme celle-là et de ses
effets. Reste que c'est quand même surprenant, pour ceux et celles qui nous regardent et nous écoutent, de vous voir défendre
un produit qui est si peu présent dans le marché, selon vos propres
propos.
Vous
venez de parler de paquet neutre. Encore une fois, vous remettez en question
des études puis des données venant de l'Australie, qui, eux, ont décidé
d'adopter le principe du paquet neutre. Et en même temps, lorsqu'il a été question
de mise en garde sur les paquets, vous vous êtes évertués, sur le plan de la
commercialisation, à créer d'autres paquets
où le 75 % n'est presque plus
lisible, où il y a moins d'incidence là-dessus. Je connais des gens qui fument,
je connais des gens qui fument, vous avez
même des paquets où on peut retirer l'emballage supérieur pour conserver
sans la mise en garde le paquet, pour y
conserver ses cigarettes. Vous vous évertuez à combattre ça. C'est difficile
aussi de juger de votre crédibilité
par rapport à un paquet neutre en Australie alors que vous êtes les défenseurs
de ce qu'on ne voit plus.
M.
Gagnon (Eric) : M. Paradis, avez-vous, honnêtement, retiré l'emballage
dont vous faites mention d'un paquet de
cigarettes, honnêtement? Savez-vous ce qui arrive? Vous enlevez le paquet que
vous dites, et toutes les cigarettes tombent.
M. Paradis
(Lévis) : Avez-vous réussi... Réussissez-vous à lire facilement ce qui
est écrit là-dessus?
M. Gagnon
(Eric) : Tout à fait.
M. Paradis (Lévis) : Ah! Bien... Parce que la majorité des Québécois
et des Québécoises n'arriveront pas à le lire.
M. Gagnon
(Eric) : 75 % du paquet demeure un message de santé, un. Deux...
M. Paradis
(Lévis) : O.K., je vous pose la question...
M. Gagnon
(Eric) : Attendez. Deux...
M. Paradis
(Lévis) : Non, non, mais je vous pose la question : Si le
gouvernement décidait de standardiser les
paquets de cigarettes, de faire en sorte qu'on ne puisse plus jouer avec un
petit paquet de cigarettes qui ressemble à un produit cosmétique de bâton de rouge à lèvres ou ce que vous voudrez,
est-ce que vous allez poursuivre le gouvernement ou vous allez vous
plier?
M. Gagnon (Eric) : On va
continuer à défendre les intérêts de notre entreprise, nos marques de commerce
en tant qu'entreprise légale.
M. Paradis (Lévis) : Donc, vous allez entreprendre des démarches en justice pour contester
l'éventuelle possibilité de standardisation des paquets de cigarettes.
M.
Gagnon (Eric) : Quand on sera rendus devant un projet de loi qui
voudra standardiser, on verra qu'est-ce qu'on fait, mais il est clair...
M. Paradis
(Lévis) : Non, mais manifestement, à travers vos propos...
M. Gagnon
(Eric) : Non, mais il est clair, en tant...
M. Paradis (Lévis) : Non, mais je comprends, là. Vous dites : Oui, on verra, mais c'est
comme notre affaire dans cinq ans, là. Soyons clairs, là.
M. Gagnon
(Eric) : Soyons clairs.
M. Paradis
(Lévis) : Pour demain matin, je vous l'oblige. Vous me poursuivez?
M.
Gagnon (Eric) : Demain matin, s'il y a un projet de loi, on verra
notre décision finale. En tant qu'entreprise légale, comme toute autre industrie légale qui a des marques de
commerce, on croit qu'on a le droit d'utiliser nos marques de commerce pour les consommateurs qui utilisent
nos produits. Il n'y a aucune autre industrie qui accepterait que ses
marques de commerce soient retirées du marché.
M. Paradis (Lévis) : Est-ce qu'on s'entend qu'en Australie il y a eu des poursuites de la
part d'une compagnie comme la vôtre sur les paquets neutres qui ont
maintenant été imposés?
M. Gagnon
(Eric) : On s'entend qu'en Australie il y a eu des poursuites, tout à
fait, et on s'entend aussi...
M. Paradis
(Lévis) : Et vous les avez perdues.
M. Gagnon
(Eric) : Oui, mais toute autre...
M. Paradis
(Lévis) : Non, mais globalement oui.
M. Gagnon
(Eric) : Oui, mais l'Australie, c'est l'Australie, on verra pour le
Canada.
M. Paradis
(Lévis) : Oui, mais il reste que quand même...
M.
Gagnon (Eric) : Ceci dit, l'objectif de l'Australie, c'était de
réduire le taux de tabagisme, c'était de prévenir le tabagisme auprès des jeunes, et après trois ans en
Australie l'emballage neutre n'a atteint ni... n'a ni accéléré le taux
de tabagisme auprès des adultes... et en fait il y a plus de jeunes qui fument
depuis l'emballage neutre.
Et
donc mettez-vous à notre place. Pourquoi que les gouvernements veulent aller de
l'avant avec de la législation qui n'a pas d'impact?
M. Paradis
(Lévis) : Selon vos données, M. Gagnon, bien sûr que vous...
M. Gagnon
(Eric) : Non, non, non, ce n'est pas nos données. C'est...
M. Paradis
(Lévis) : Non, non, mais depuis le début vous confrontez des chiffres...
M. Gagnon
(Eric) : Non.
M. Paradis (Lévis) : ...vous confrontez des chiffres qu'on a ici, qu'on a présentés sur
l'usage, par exemple, du menthol chez
les jeunes, du fait que la majorité d'entre eux, dans les 30 jours précédents,
ont fumé également de ce type de cigarette,
puis là vous confrontez ces chiffres-là. C'est sûr qu'on peut faire dire... M.
Voisine est probablement très bon là-dedans aussi, parce qu'il analyse
les études, mais on peut faire dire à peu près, et vous le savez fort bien,
tout ce qu'on veut à des chiffres.
M.
Voisine (Richard) : Oui, mais, monsieur, on n'a pas contesté ce
chiffre-là, là, O.K., on le reconnaît. C'est son interprétation.
M.
Gagnon (Eric) : Et en Australie, M. Paradis, ce n'est pas nos
données, c'est les données du gouvernement australien. Et je pense qu'à
un moment donné aussi il faut faire attention parce que, de l'autre côté, il y
a des groupes de santé
qui veulent avancer leurs agendas, parce qu'il y a beaucoup de groupes qui sont
beaucoup plus anti-industrie que prosanté.
Et avant, nous, ce qu'on demande, c'est de vraiment prendre en considération
toutes les études et les données.
M. Paradis (Lévis) : Mais, monsieur, honnêtement, là, vous ne les remettez pas en... Quand
je vous dis que le tabac puis la cigarette, c'est mauvais pour la santé,
on ne contestera quand même pas ça, là.
M. Gagnon
(Eric) : Tout à fait d'accord.
M. Paradis
(Lévis) : Puis que ça coûte une fortune aux Québécois et Québécoises,
donc, on ne va pas contester ça non plus, là.
M. Gagnon
(Eric) : Oui, mais attendez...
M. Paradis
(Lévis) : Non, non, mais en soins de santé, vous le savez fort bien.
On ne contestera pas ça, là.
M. Gagnon
(Eric) : Tout à fait. Mais je veux juste vous rappeler que le
gouvernement du Québec — et
le gouvernement fédéral — fait
beaucoup plus d'argent que l'industrie du tabac sur le tabac.
M. Paradis (Lévis) : Mais parlez-moi des Québécois que vous voulez défendre. Vous dites que
vous êtes... vous aussi, vous faites partie de ceux qui...
M. Gagnon
(Eric) : ...1 milliard.
M. Paradis
(Lévis) : Non, non, mais, tu sais...
M. Gagnon
(Eric) : 1 milliard en taxes sur le tabac cette année.
M. Paradis (Lévis) : Oui, oui, mais, au-delà de ça, parlez-moi du Québécois que vous voulez
protéger à travers votre industrie, c'est ce que vous êtes en train de
me dire...
M. Gagnon
(Eric) : Tout à fait, oui.
• (16 heures) •
M. Paradis (Lévis) : ...alors que vous continuez à faire progresser ou tentez d'aller
chercher des parts de marché. Très honnêtement, là, à partir du moment où
vous me dites ce que vous me dites là, la solution la plus logique, c'est
d'agir par précaution et d'aller de l'avant
avec l'interdiction du menthol, la standardisation des paquets, faisant en
sorte qu'on puisse, dans cinq ans,
peut-être se revoir et voir l'effet que ça aura eu, mais ne ratons pas la
chance d'aller vers ça pour sortir les
gens du tabagisme. Et je comprends que vous ne pourrez pas me dire : Bien
oui, on est d'accord, parce que vos parts de marché vont tomber.
M. Gagnon
(Eric) : Non, en fait, nos parts de marché ne tomberont pas. Implanter
le menthol, l'emballage neutre, ça n'aura
aucune incidence sur le taux de tabagisme au Québec, c'est ce qu'on vous dit.
Ça n'aura pas d'impact sur le taux de tabagisme.
M.
Paradis, 75 % du message du paquet, c'est un message de santé, un. Les
paquets sont cachés de la vue du public, il n'y a plus personne qui voit...
M. Paradis
(Lévis) : Mais expliquez-moi sur le plan marketing pourquoi un paquet
comme ça? Vous voulez séduire qui puis aller
chercher qui? Ce n'est pas fait pour n'importe qui, là, il y a une... vous
allez chercher une clientèle avec ça.
Le Président (M.
Tanguay) : Quelques secondes.
M.
Gagnon (Eric) : Produit destiné aux femmes adultes qui ont fait un
choix de fumer. Je pense que les femmes adultes ont...
M. Paradis (Lévis) : Et pour faire en sorte qu'une femme adulte puisse peut-être s'initier
au tabac en disant : Ah! c'est cool, c'est jet-set, ça paraît bien,
c'est tendance.
M.
Gagnon (Eric) : Pas du tout, pas du tout. 75 % des gens qui
fument le font à cause des sources sociales. Les paquets sont cachés. Il
n'y a personne qui rentre dans un dépanneur, qui dit : Tiens, aujourd'hui
j'ai décidé de fumer.
Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci. Alors, ceci met fin à nos
échanges. MM. Gagnon et Voisine, merci beaucoup pour votre
présence.
Je suspends nos
travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 1)
(Reprise à 16 h 5)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous accueillons maintenant les représentants de la Coalition nationale
contre le tabac de contrebande. Bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec.
Vous disposez d'un temps de présentation de 10 minutes. Bien
vouloir, s'il vous plaît, pour les fins de l'enregistrement, vous nommer et
préciser vos fonctions. Et vous allez faire la présentation à l'aide d'images
dont copies seront distribuées durant les échanges. Alors, la parole est à
vous.
Coalition nationale
contre le tabac de contrebande (CNCTC)
M.
Rouillard (Michel) : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, mon nom est Michel Rouillard. Je suis
accompagné de M. Jean-Pierre Fortin, du syndicat des douaniers et agents
d'immigration, qui va se présenter plus longuement tantôt.
Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes,
MM. les députés, bonjour. Je suis
Michel Rouillard, sergent à la retraite, ayant travaillé 30 ans
comme policier à la Sûreté du Québec, et je suis également porte-parole de la
coalition nationale contre la contrebande du tabac.
Active depuis
2009, la coalition représente 17 membres qui sont des organismes et des associations
qui proviennent de tous les secteurs
d'activité et de partout au Canada, tels que le secteur de la prévention et de
la sécurité publique, du développement
économique, du commerce de détail ainsi que la défense des intérêts des
contribuables, tous préoccupés par la problématique de la contrebande du
tabac au Canada, et particulièrement au Québec et en Ontario.
M. Fortin
(Jean-Pierre) : Bonjour, M.
le Président. Je suis Jean-Pierre Fortin, agent des services frontaliers
à l'Agence des services frontaliers du
Canada depuis 33 ans, et je suis
également président national du syndicat des agents,
le Syndicat des douanes et de l'immigration.
Mon organisation syndicale et mes membres savent que la
contrebande de tabac est une grave problématique nationale, et c'est pourquoi
nous sommes membres de la coalition.
M.
Rouillard (Michel) : Nous
sommes heureux de témoigner aujourd'hui afin de mettre en garde le législateur contre la très grande lacune du projet de loi n° 44, l'énorme éléphant blanc dans la salle :
le très sérieux problème de la contrebande du tabac.
Malgré nos
efforts de sensibiliser la ministre et le gouvernement face à cette problématique de santé
publique, de sécurité publique, de fiscalité
et de développement économique, aucune nouvelle mesure de lutte à la
contrebande n'apparaît dans le projet de loi n° 44. Pire encore, on ne fait aucune référence à la
problématique de la contrebande, le mot n'y est même pas mentionné.
Si le mandat de la ministre est de réduire le
tabagisme, de quelle manière est-ce que la contrebande, qui augmente grandement la disponibilité des cigarettes illégales à bas prix, ne constitue pas une composante
importante de son projet de loi? De quelle manière la contrebande de tabac, qui
met des cigarettes illégales dans les mains de fumeurs de moins de 18 ans, ne cadre pas dans le mandat? De
quelle manière des produits de tabac fabriqués clandestinement à un jet
de pierre de Montréal, distribués
allègrement à travers la province et vendus dans des Baggies en quantités de
200 cigarettes pour le prix d'un billet de cinéma en toute impunité ne
constituent pas une priorité pour la santé publique?
• (16 h 10) •
M.
Fortin (Jean-Pierre) : Tous les organismes policiers, de
renseignements, de sécurité publique et de l'application
de la loi le savent, le crime organisé est maître d'oeuvre dans cette activité illégale qui se
déroule à grande échelle, notamment au Québec. Même la Gendarmerie
royale du Canada l'a clairement dit lors d'un témoignage à la Chambre des
communes, et je cite : «La vente du tabac de contrebande est utilisée par
plus de 175 groupes criminels organisés
aux fins de financer leurs activités illégales telles que le trafic de drogue,
d'armes et la prostitution.» Par «groupes criminels organisés», on fait particulièrement
référence aux motards criminalisés tels que les Hell's Angels, la mafia
italienne et de nombreux gangs de rue de ce monde.
De pair avec
nos partenaires canadiens et américains de la sécurité publique, les agents des
services frontaliers surveillent et
veillent à la sécurité de nos frontières. Le contexte géographique de notre
problème de contrebande de tabac est extraordinaire et unique dans le monde, principalement à cause des circonstances de la frontière commune
entre le Canada, les États-Unis, les provinces de l'Ontario et du Québec
et l'État de New York, de la voie maritime entre les deux pays, dont le segment entre Cornwall et Montréal, des communautés autochtones qui
fabriquent les cigarettes illégales à partir
de leurs territoires, dont un qui chevauche
la frontière internationale, ainsi que dû à l'incidence de la frontière,
qui est extrêmement poreuse dans cette zone.
La situation canadienne est tellement unique que
même la firme mondiale KPMG, dans une étude portant sur la contrebande de tabac dans les Amériques, place le Canada, notamment dû à l'Ontario, au deuxième rang
parmi tous les pays en Amérique pour
son taux de contrebande à plus de 30 %. Les contrebandiers exportent même
notre contrebande dans d'autres pays pour participer à leur marché
illicite.
Je suis donc ici pour vous dire que la
contrebande de tabac est un véritable et très sérieux enjeu de sécurité
publique, de sécurité nationale ainsi que de santé publique et que le
législateur doit en prendre compte et amener la ministre à le considérer dans
l'étude du projet de loi n° 44.
M.
Rouillard (Michel) : Outre
l'absence de reconnaissance de la problématique de la contrebande, la notion
de bannir les produits aromatisés du tabac,
notamment les cigarettes mentholées, incluse dans le projet de loi nous
chatouille particulièrement.
Par exemple, les mentholées seraient un marché banal, rapporté de 5 % au
Québec, qui n'attire ni jeunes ni nouveaux
fumeurs, dont la vieille clientèle établie pourrait continuer à fumer leurs mentholées en toute quiétude parce
qu'elles sont fabriquées à Kahnawake et disponibles auprès de leurs revendeurs
préférés. D'ailleurs, nous avons récemment recensé 13 marques de cigarettes mentholées
illégalement fabriquées, clandestinement, et/ou disponibles à Kahnawake.
Les voici, je les ai avec moi. Les contrebandiers en servent, et en produisent,
et en distribuent déjà.
Le projet de loi n° 44 ne fait rien contre
les cigarettes illégales mentholées, tout comme il ne fait rien contre
les cigarettes illégales et la contrebande
de tabac, point à la ligne. Devant vous, à l'écran, ce sont des images captées
par la coalition la semaine dernière
à Kahnawake. On y voit clairement des panneaux publicitaires, de l'affichage
extérieur et des étals de cigarettes
illégales, toutes mentholées, et disponibles pour achat. En fait, la seule
chose que le projet de loi n° 44 accomplit
en matière de contrebande, c'est de servir sur un plateau d'argent aux
contrebandiers l'exclusivité du marché de la cigarette mentholée ou
aromatisée.
Vous le
savez, le ministère des Finances nous disait jusqu'à l'année dernière qu'il y
aurait 15 % de contrebande au Québec,
mais il est impossible de cerner avec
précision l'ampleur d'une activité clandestine illégale, criminelle qui se
fait au noir. Je peux vous dire que mes
échanges avec les milieux policiers me portent à croire que c'est beaucoup
plus, qu'on frôle la perte de
contrôle sur la contrebande au Québec.
Même si nous ne croyons pas que 15 % soit représentatif de la vraie
réalité, que c'est la pointe de l'iceberg, nous dégageons ceci : à
15 % de contrebande, ça représenterait tout de même 19 000 Baggies de 200 cigarettes
illégales vendus au Québec par jour, soit 150 000 paquets de
25 cigarettes; des cigarettes illégales,
bon marché, très disponibles aux jeunes notamment, qui sont vendues au Québec à
travers les mêmes réseaux que les revendeurs de drogue.
Je me demande
bien combien de cigarettes illégales vendues au Québec par jour ça prend pour
que ça devienne une problématique en santé publique. Quand un Baggies de
200 cigarettes coûte le prix d'un billet de cinéma, ça tourne en dérision les efforts gouvernementaux de
contrôler le taux obstinément haut de tabagisme chez les jeunes. Dans
leur témoignage récemment, même les centres jeunesse de Montréal croient que
les jeunes, qui sont en grande partie des fumeurs, fumeraient certainement des
cigarettes illégales.
Il faut
également dire que le prix d'un Baggies de 200 cigarettes est également
incroyablement stable à environ 12 $
le Baggies. Si le prix de la cigarette de contrebande ne fluctue pas, c'est que
les opérations policières ne font qu'égratigner la surface du problème.
Il se produit des millions, peut-être même des milliards de cigarettes
illégales ici même, au Québec; quelques dizaines de caisses saisies ici et là,
c'est comme une goutte d'eau dans un océan de contrebande.
Et un facteur indéniable d'attrait aux cigarettes illégales est donc son bas
prix — «money
talks», comme on dit — sa grande disponibilité due à la fabrication
en masse à Kahnawake par 40 fabriques clandestines et les réseaux
de distribution apparentés aux revendeurs de
drogue, les petits pushers de rang ou de quartier, tous reliés et de connivence
avec le crime organisé.
M. Fortin (Jean-Pierre) : Chaque
année, le 31 mai, l'Organisation mondiale de la santé et ses partenaires célèbrent la Journée mondiale sans tabac. À
l'occasion de la Journée mondiale sans tabac 2015, l'OMS a invité les pays
à collaborer pour mettre fin au commerce
illicite des produits du tabac. Sous la rubrique Journée mondiale sans tabac
2015 : éliminer le commerce illicite
des produits du tabac, l'OMS
dit : «Les responsables politiques doivent reconnaître que le commerce illicite du tabac aggrave l'épidémie
mondiale du tabagisme et les conséquences sanitaires associées, mais
qu'il a également des répercussions sur le
plan de la sécurité car il sert à financer le crime organisé, notamment le
trafic de drogues, d'êtres humains et d'armes, ainsi que le terrorisme.»
M.
Rouillard (Michel) : Il faut
donc que la ministre s'en saisisse et fasse de la lutte à la
contrebande une priorité. La
Coalition nationale contre le tabac de contrebande et ses sept
membres appellent donc le législateur à revoir le texte de projet de
loi n° 44 afin d'y inclure des notions de lutte à la contrebande pour
protéger le public. La ministre ne peut continuer
à prétendre que la contrebande de tabac n'est pas la responsabilité... et pelleter le problème vers le ministère québécois de la Sécurité
publique ou vers le gouvernement fédéral uniquement. La ministre déléguée à la
Santé publique doit donc agir. Elle a une
responsabilité de protection du public des méfaits de la contrebande du tabac,
de ses ramifications avec le crime organisé et de ses impacts sur la
santé publique des Québécois. Mme la ministre, M. le Président, merci beaucoup.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Maintenant, nous avons une période d'échange avec les parlementaires.
Je cède la parole à la ministre pour un bloc de 23 minutes.
Mme
Charlebois : Merci, M. le
Président. D'abord, remercier les gens, M. Robillard et M. Fortin, de
se présenter ici.
J'ai une petite curiosité. Vous savez que, le
collège des douanes et accises, la formation de tous les nouveaux douaniers se tient dans mon comté, à Rigaud
précisément. Est-ce que vous venez tous les deux de là? Avez-vous été
formés à Rigaud, bref, au collège des douanes et accises?
M. Fortin (Jean-Pierre) : Non...
bien moi, oui.
Mme
Charlebois : Oui?
M. Fortin (Jean-Pierre) : Oui, comme
tout agent de douane. C'est le seul au Canada, donc effectivement... Il y a
un collège. Je peux dire que, certaines personnes, ça peut déranger un peu. Parce que
c'est une belle organisation. En tout cas, moi,
j'en suis fier. Je viens du Québec, je représente les agents de douane et d'immigration
à travers le pays. Le cours, là-bas,
comme vous savez peut-être, Mme la
ministre, c'est un cours de
18 semaines qui nous forme, là, présentement, oui.
Donc, non, je ne savais pas que c'était votre
comté, par exemple.
Mme
Charlebois : Oui,
vous êtes...
M. Fortin (Jean-Pierre) : J'aurais
dû faire mes recherches, hein? Je suis souvent devant la législation plutôt
fédérale que... C'est ma première fois que je viens ici, au Québec, témoigner.
Mme
Charlebois : Non
seulement vous êtes dans mon comté,
mais ma nièce, la fille d'un de mes frères, fait sa formation actuellement
au collège des douanes et accises. Alors, c'est ça, c'est un petit aparté.
Et je veux
vous dire que, si vous avez été formé à Rigaud, je comprends que vous me
parliez de contrebande, parce que vous êtes sensibilisé à ce qui se passe particulièrement dans mon comté. Et, j'ai le goût de vous dire, vous savez ce qui se passe avec ACCES Tabac. Moi, j'ai eu aussi quelqu'un très près de moi qui travaille pour la
Sûreté du Québec. Vous savez qu'il y
a des ententes entre la Sûreté du Québec, la GRC, le SPVM et différents corps
de police, mais il y a aussi plusieurs
ramifications qui travaillent pour combattre la contrebande de tabac, notamment
avec le projet... le programme — je vais
le dire, excusez-moi — ACCES Tabac, et vous savez qu'on est passés, de 2008 à 2014, de
30 % de contrebande à 14 %. Bref, on a coupé de plus de la
moitié.
Je conviens
avec vous qu'il reste du travail à faire, mais vous reconnaissez qu'il y a eu
du travail de terrain de fait puis...
qu'il en reste encore, oui, mais qu'il y a eu un gros travail? Je vous épargne
tous les chiffres, là, des cartouches de cigarettes puis du marché noir,
puis etc., vous le savez aussi bien que moi, là, qu'est-ce qu'on peut sauver,
mais vous convenez qu'il y a eu un progrès quand même acceptable sur le marché
de la contrebande?
M.
Rouillard (Michel) : J'en conviens avec vous. Je me promène partout au
Canada pour la coalition contre le tabac
de contrebande et je mets le Québec un peu en exemple là-dessus parce qu'au
niveau du travail de sécurité publique, les policiers, le gouvernement de M. Charest, en 2009, via le
ministère des Finances ou du Revenu, je ne me souviens pas trop, ils ont
passé la loi n° 59 qui permet aux policiers municipaux d'intervenir,
ce qui n'existe pas dans les autres provinces et qui a aidé énormément à
contrer la contrebande.
Ceci étant
dit, il reste encore quand même environ... plus ou moins 15 %, on ne
s'obstinera pas, là, sur le... parce qu'on
sait que ces chiffres-là, c'est quand même aléatoire, là, parce que c'est un
marché noir, mais il y a encore quand même
beaucoup de travail à faire là-dessus, et ce qu'on craint, c'est que... Le
5 % de mentholées, c'est quand même des fumeurs avertis,
normalement, qui... plutôt des fumeurs, là, habitués qui fument ce genre de
cigarettes là, et, si on l'enlève du marché, bien ça va être facile pour eux de
s'en procurer parce que, regardez, ici j'en ai 13 paquets différents, là,
tous faits à Kahnawake, c'est tout de la
cigarette illégale, ça, là, là. Il n'y en a pas dedans, là, c'est des paquets
vides, pour votre information, mais
c'est pour vous montrer que ce n'est pas... on n'invente pas ça, là, c'est là.
Et vous voyez aussi devant vous
défiler un paquet de panneaux publicitaires avec de la cigarette de
contrebande, autant mentholée qu'autres. Alors, on ne voudrait pas
servir sur un plateau d'argent aux contrebandiers ce marché-là.
Mme
Charlebois : J'ai
le goût de...
M. Fortin (Jean-Pierre) : Si vous me
permettez...
Mme
Charlebois : Oui.
Oui, allez-y.
• (16 h 20) •
M. Fortin
(Jean-Pierre) : Si vous me permettez, Mme la ministre, vous touchez à
un bon point par rapport aux groupes qui font la répression. On parle
surtout des services de renseignements, dont même l'Agence des services frontaliers en font partie. On parle que la Sûreté
du Québec, les gens de la police de Montréal, la Gendarmerie royale du Canada en font partie. Le problème, présentement,
c'est que ces gens-là génèrent énormément de renseignements, mais il y a
très peu de ressources dédiées à la répression et d'être capable d'intercepter
sur le terrain. Il est là, le problème. Une
fois qu'on a généré le renseignement et qu'on comprend bien les corridors, qu'on
appelle, nous, dans notre jargon, les autoroutes
de la contrebande, on se doit également de réagir et de pouvoir intervenir de façon
ponctuelle, de là l'importance de mon témoignage aujourd'hui par rapport
à mon organisation, là.
Mme
Charlebois : Mais
soyez assurés qu'on vous entend, là. Puis je ne suis pas en train de dire que
la contrebande, c'est une bonne affaire,
hein, au contraire. Moi, honnêtement, j'ai déjà fumé, puis il y en a qui m'en
ont offert, des cigarettes de
contrebande, mais j'ai toujours dit que, tant que je vais fumer, je vais payer
toutes mes taxes, puis c'est ce que
j'ai toujours fait puis j'en suis fière. Honnêtement, je n'ai jamais acheté de
cigarettes de contrebande, bien qu'à une certaine époque il y en avait pas mal, dans le 30 %, là, il y en
avait même plus que ça avant ces années-là, avant 1998.
Ce
que je veux vous dire, c'est que vous êtes d'accord avec moi que le taux de la
contrebande a été réduit, bien qu'il n'était
pas dans le projet de loi sur la réduction du tabagisme en 1998, en 2005. Et je
veux juste vous dire que ce n'est pas parce
qu'on ne vous entend pas, là, hein, qu'on ne l'a pas inclus dans le projet de
loi. C'est que l'objectif principal du projet de loi, c'est la réduction du tabagisme, un, chez ceux qui fument; deux,
faire en sorte que les jeunes ne se mettent pas à la cigarette; trois, protéger l'environnement des
non-fumeurs, notamment les jeunes, exemple, dans une voiture, etc. Mais
ça ne veut pas dire,
parce que ce n'est pas dans le projet de loi, qu'on ne se soucie pas de la
contrebande, la preuve étant que, vous
l'avez dit vous-mêmes, ACCES Tabac, vous avez connu ce... la contrebande, ACCES
Tabac, là, Actions concertées pour
contrer les économies souterraines, bref, vous convenez que ça a été réduit et
vous convenez qu'on a posé des gestes. Et
ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas d'autres gestes de posés, sauf que, dans
le projet de loi qui nous occupe, ce n'est pas axé... ce n'est pas
l'objectif principal, de contrer la contrebande. Je ne dis pas que ce n'est pas
important, je dis qu'il y a d'autres ministères qui s'occupent de ça. C'est
juste ça que je veux vous dire.
Ceci
étant, quand vous me parlez de la mentholée, parce qu'on va revenir à tout ça,
honnêtement, pendant un petit bout de
temps j'ai fermé mes yeux puis je me suis dit : Coudon, c'est-u Imperial
Tobacco qui est assis là? Non, non, non, j'ai été obligée de me rattraper puis dire, c'est les douaniers qui sont
ici... en fait c'est la coalition contre la contrebande du tabac. Et j'ai le goût de vous dire que l'ensemble
des saveurs est un marché pour les jeunes, y compris les mentholées. Puis je ne sais pas si vous étiez là tantôt quand
j'ai dit que moi-même... puis, je veux dire, je ne suis pas une
statistique, là, mais j'en suis une qui,
quand j'ai commencé à fumer, en cachette de mes parents, à l'adolescence, bien
je fumais ça parce que c'était trop dur, des cigarettes ordinaires. Puis
tu parles avec d'autres, puis c'est un petit peu le portrait qu'on a.
Alors,
moi, je veux vous sensibiliser à l'ensemble des saveurs plutôt que faire accent
juste sur la mentholée, parce que, oui, vous avez des paquets, mais il y
a plein d'autres sortes de cigarettes qui se vendent aussi sur le marché de la
contrebande. Est-ce que vous convenez de ça avec moi?
M.
Rouillard (Michel) : Regardez, je comprends ce que vous dites, Mme la
ministre, et moi aussi, j'ai commencé à
fumer à la cachette quand j'étais jeune parce que tout le monde fumait à
l'époque, puis on était jeunes, on voulait faire comme les grands, excepté que l'accessibilité à la cigarette, ce n'était
pas le fait qu'elle était mentholée ou non, c'est qu'on l'avait à deux pour 0,05 $, puis c'était le
plus brave de la gang qui allait la chercher puis il partageait la cigarette
avec les autres. Ça aurait pu être de la
mentholée comme n'importe quelle autre marque, à l'époque. Et ce qu'on prétend,
c'est que les jeunes se font approcher dans
les cours d'école, au niveau secondaire, à l'âge qu'ils n'ont même pas le droit
d'aller au dépanneur s'acheter des
cigarettes, ils se font approcher là pour acheter de la cigarette de contrebande
à 12 $ la cartouche, alors que ça se vend alentour de 80 $,
85 $ et plus dans les dépanneurs.
Mme
Charlebois : Mais encore là je veux vous rassurer, il va
être interdit sur les terrains d'établissement scolaire et de fumer, encore moins de s'en procurer. Ça
fait que le gars qui va vouloir aller vendre de la contrebande sur le
terrain d'une école, il va être mal pris.
M.
Rouillard (Michel) : Oui. En tout cas, il y a bien des choses qui sont
défendues, dans la vie, puis ça fait pareil. Puis je ne pense pas que parce qu'on va défendre demain matin de fumer à
l'école... De toute façon, c'est déjà défendu, je pense, dans la plupart
des cours d'école, la cigarette. Ça n'empêche pas le marché d'exister, là.
Mme
Charlebois : Oui, mais vous allez convenir avec moi qu'il y
avait déjà des progrès d'accomplis contre la contrebande. Puis je ne vous dis pas qu'on arrête nos efforts, au
contraire, il y aura sûrement d'autres efforts, mais ce que je veux...
Puis je vous entends, là. J'ai le comté — je n'ai pas besoin de vous en
dire plus — où
on est en très grande communication... on
n'est pas très loin des États-Unis, hein, bon, ce n'est pas loin de chez nous,
pour ne pas dire que la finalité est
chez nous. Et il y a eu une réduction, puis je le sens, moi, sur le terrain, je
le sens. Est-ce qu'il en reste? Oui. Est-ce
qu'il y a encore des efforts à faire? Oui. Moi, je pense que oui. Et, dans ce
sens-là, je pense qu'on va juste retenir votre mémoire puis on va le
présenter aux bonnes personnes pour qu'elles agissent encore plus.
Mais
je ne veux pas que vous partiez d'ici en pensant que, parce qu'elle n'est pas
dans le projet de loi sur le tabac, on
ne va pas se soucier de la contrebande, c'est juste comme pas dans ce projet de
loi là qu'il faut que ce soit mis. Mais vous avez bien fait de venir parce qu'on va en tenir compte pour la suite des
choses, parce que moi, j'y tiens, à lutter contre la contrebande, puis
je n'ai pas besoin de vous exposer pourquoi. Parce que, quand on parle de
contrebande... Québec, Ontario, hein, il y a des ententes, et tout ça. Quand on
parle de contrebande de cigarettes, ce que les gens ne réalisent toujours pas, hein, puis je prends la peine de
regarder la caméra, c'est que non seulement on parle de tabac, mais on
parle de drogues, on parle d'armes à feu. Quand on encourage un réseau sur le
tabagisme illégal, bien, c'est bien de valeur, on encourage tout le crime
organisé. Je tenais à faire le point pour ceux qui nous écoutent.
Mais,
à part de tout ce que vous avez entendu, quand on coupe les saveurs, quand je
vous parle de cigarette électronique, dans tout ce qu'il y a dans le
mémoire... dans notre projet de loi, est-ce que vous êtes favorables dans
l'ensemble du projet de loi?
M. Rouillard (Michel) : L'ensemble du projet de loi, dans la mesure où,
quelque part, on essaie de prévenir le tabagisme auprès des jeunes, on
ne peut pas être contre, comme tel. Par contre, je maintiens que la meilleure
façon d'empêcher le tabagisme, c'est encore la prévention ou l'éducation. Ça a
fait ses preuves à date énormément. Et puis aujourd'hui, en 2015, si je compare
juste 20 ans en arrière, on voit beaucoup plus de jeunes faire du jogging
dans les rues, faire du cyclisme dans les
pistes cyclables là où il y en a, etc., qu'on n'en voyait antérieurement,
encore moins à notre époque, et donc
le tabagisme a diminué d'autant. Alors, je pense que, si on continue à
travailler au niveau de l'éducation et de
la prévention, quant à moi — et même au niveau des drogues c'est la même
chose — c'est
préférable ça à la coercition.
Mme
Charlebois : Vous avez raison qu'il faut continuer à faire
de la promotion des saines habitudes de vie, on va travailler aussi là-dessus. On travaille sur une
politique de prévention qui va être déposée incessamment, mon adjointe
parlementaire est à la veille d'aller en consultations là-dessus. Et le
tabagisme fait partie des préoccupations qu'on a, c'est pour ça qu'il y a ce
projet de loi là.
Je veux vous remercier pour votre
présentation, sachez que ça va être pris en compte. Et, si jamais j'ai
d'autres questions, on va communiquer avec
vous. J'aimerais bien même récupérer vos cartes quand on ira vous saluer. Mais
sachez que tout ce que vous avez écrit...
J'aurais aimé ça, par
exemple, avoir une copie de votre mémoire, si c'est possible de nous le faire
parvenir.
M. Rouillard (Michel) : Oui. Il y a eu un petit problème, mais vous
connaissez notre position et vous allez le recevoir, là, très bientôt.
Mme
Charlebois : Bien, c'est gentil, parce que ça va m'aider,
justement, à transmettre vos préoccupations au bon ministère. Mais
sachez qu'on va en tenir compte, de vos commentaires. Merci beaucoup d'être
venus.
Le Président (M.
Plante) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Maintenant, je...
Mme
Charlebois :
Ah! excusez. Excusez, M. le Président, j'avais un collègue qui avait une
question.
Le Président (M.
Plante) : Vous avez encore du temps.
Une voix :
...
Mme
Charlebois : Non? Y en a-tu qui ont des questions? Non?
Excusez-moi, M. le Président, je vous interromps.
Le
Président (M. Plante) : De rien, Mme la ministre. Donc, merci, Mme la
ministre. Maintenant, je cède la parole à l'opposition officielle, au
député de Rosemont, pour une période de 14 minutes.
M.
Lisée : Merci, M. le Président. Bienvenue à tous les deux, M.
Rouillard, M. Fortin. M. Rouillard, vous êtes porte-parole. Vous n'êtes
pas président, vous n'êtes pas D.G., vous êtes porte-parole. Expliquez-moi.
M. Rouillard (Michel) : En fait, c'est que j'ai été approché par la
Coalition nationale contre le tabac de contrebande à savoir si
j'acceptais d'être le porte-parole il y a déjà trois ans de ça, et, ayant
compris très bien que la contrebande servait
surtout le crime organisé, étant aussi sensibilisé au fait que la cigarette, on
s'entend que ce n'est pas ce qu'il y a de meilleur pour la santé...
M. Lisée :
Vous avez été policier pendant plusieurs années, vous avez connu ça, non, je
comprends votre engagement.
M. Rouillard
(Michel) : J'ai... Oui. Alors, toutes ces choses-là ont été ma
motivation derrière à dire oui, j'acceptais de...
M. Lisée :
Vous avez aussi écrit un livre qui s'appelle Reconnaître les personnalités
en 7 secondes.
M. Rouillard
(Michel) : Oui.
M. Lisée :
Alors, est-ce que vous avez reconnu des personnalités depuis que vous êtes là?
M.
Rouillard (Michel) : Ce livre a été sorti en 2009, et le mot
«personnalité», dans ça, est un choix de l'éditeur, mais c'est sur les comportements, en fait,
lorsqu'on a affaire à des gens dans la vie de tous les jours, mais surtout
pour les commerçants.
M. Lisée :
Bien, moi, je suis d'accord avec vous, j'aime reconnaître les personnalités,
mais ça me prend plus que sept secondes, ça
fait que j'aimerais en consacrer quelques-unes. Parce que, comme la ministre
l'a dit tout à l'heure, on vous entend parler, et la question de la
contrebande est une question grave, sérieuse, importante, mais parfois on a l'impression qu'on entend Imperial Tobacco. Alors,
la question est évidemment posée : Quelle est la proportion du
budget de la coalition qui vient des compagnies de tabac?
M.
Rouillard (Michel) : Écoutez, je ne sais pas du tout. Moi, il y a
17 membres de la coalition, dont, entre autres, les chambres de commerce de l'Ontario et du
Québec, Crime Stoppers en Ontario, Échec au crime au Québec qui en sont membres, il y a l'association des payeurs de taxes
canadiens qui en sont membre, il y a des associations que vous avez
entendues, je pense, l'association des dépanneurs, ces choses-là. Quelle
portion qui vient de...
M. Lisée :
...vous n'avez pas une idée? Est-ce que c'est 10 %? Est-ce que c'est
90 %?
M.
Rouillard (Michel) : Je n'en ai absolument aucune idée. Tout ce que je
peux vous dire, c'est que, moi, le salaire que j'ai est très modeste, et
je travaille sur appel, tout simplement, et je suis simplement un porte-parole.
M. Lisée : Et vous êtes payé
par la coalition ou par une firme de relations publiques?
M. Rouillard
(Michel) : Par la coalition. Mon employeur, c'est la coalition.
M. Lisée :
Écoutez, c'est quand même bizarre que le porte-parole d'une coalition nationale
n'ait pas d'idée de la provenance des
fonds qui financent la coalition. Vous ne trouvez pas ça bizarre? Vous ne vous
êtes pas posé la question? Vous n'êtes pas curieux?
• (16 h 30) •
M.
Rouillard (Michel) : Écoutez,
mon mandat n'est pas là. Mon mandat, moi, c'est de lutter contre la
contrebande, contre le crime organisé et ses
ramifications, ça se limite à ça. La balance, on me dit :
M. Rouillard, on vous offre tant pour
être notre porte-parole si vous êtes d'accord. Et, si, lorsqu'on
me fait dire des choses, je ne suis pas d'accord avec, je ne les dirai pas.
M. Lisée : Je comprends.
Impact Affaires publiques, vous les connaissez?
M. Rouillard (Michel) : Bien oui.
M. Lisée : Est-ce qu'ils ont
des représentants ici, dans la salle?
M. Rouillard (Michel) : Oui. En
fait, Impact Affaires publiques, c'est la firme de communication qui a eu le
contrat de m'engager.
M. Lisée : De vous engager.
M. Rouillard (Michel) : C'est ça.
M. Lisée : O.K. Mais est-ce
que c'est eux qui signent vos chèques de paie?
M. Rouillard (Michel) : C'est la
coalition... Bien là, savez-vous, belle question. Mais «anyway» c'est la
coalition qui me paie.
M. Lisée : Vous n'avez pas regardé, là, dans vos chèques de
paie, si ça vient d'Impact Affaires publiques ou...
M. Rouillard (Michel) : Je pense que
oui, mais...
M. Lisée : Et qui les paie,
eux, Impact Affaires publiques? Est-ce que c'est les compagnies de tabac ou
c'est la coalition?
M. Rouillard (Michel) : Bien, c'est
la coalition.
M. Lisée : C'est la
coalition.
M.
Rouillard (Michel) : Bien, écoutez,
moi, je ne me mêle pas du tout de ce côté administratif là, là. Ce n'est pas dans mon mandat et ça ne me
regarde pas vraiment, dans le fond.
M. Lisée : Bien, ça ne vous regarde pas... Mais votre
patron, là... Vous, vous êtes porte-parole. Qui est votre patron?
M.
Rouillard (Michel) : Bien,
mon patron, en fait, c'est l'agence de communication, qui me demande : Michel, peux-tu être
présent à telle date à tel endroit?, dont être ici après-midi, par exemple.
M. Lisée : O.K. On pourrait
demander à la personne d'Impact Affaires publiques de venir au micro puis de
répondre à la question.
Une voix : Je vous remercie beaucoup, M. Lisée, mais
ce n'est pas moi qui témoigne aujourd'hui,
puis d'autant plus que le projet
de loi n° 44 a une thématique très, très précise, et je doute de la
pertinence de mes réponses ou de vos questions.
M. Lisée : Bien, écoutez,
moi, je m'excuse de...
Le
Président (M. Plante) : M. le député, M. le député, vous le savez très bien, on va vous demander
de rester... de questionner les témoins de la commission qui sont assis
à la table.
M. Lisée : Oui, bien, moi, j'aime la transparence puis
j'aime avoir le plus d'information possible. Et moi, je serais content de parler de contrebande puis de c'est
quoi, la meilleure façon, etc., mais j'aime reconnaître les
personnalités, c'est-à-dire j'aime savoir : Est-ce que
je parle à quelqu'un qui est financé par les policiers, les
détaillants, les victimes de la contrebande?
Si vous me disiez, là : Écoutez,
nous, là, c'est les détaillants des régions qui sont proches de la contrebande
qui se sont mis ensemble, ils ont pris leur argent puis ils ont dit :
Allez-y, là on parlerait juste de ça. Mais, comme, sur les questions
autres que la contrebande, les messages que vous avez sur le menthol, par exemple, sont identiques à ceux des compagnies
de tabac, et que vous-même, vous êtes incapable de me dire quelle est la
proportion de votre salaire qui vient des compagnies de tabac, bien là
je ne reconnais pas la personnalité, alors je ne sais pas à qui je parle.
M. Rouillard
(Michel) : Moi, la situation des marchands d'alimentation, la situation
des dépanneurs et tous ces gens-là qui font
partie de la coalition, eux, ils ont des employés qui paient leurs taxes, qui
paient leurs impôts et qui paient
l'assurance maladie, et eux, ils sont très contents de me voir, et c'est eux, quelque part, qui nous donnent le mandat de venir
vous parler ici. Les 17 membres,
et ils sont disponibles, là, faciles à trouver, et je suis certain que, si vous
avez trouvé que j'avais écrit un livre, vous avez été capable de trouver
les 17 membres de la coalition...
M. Lisée :
Oui, bien...
M.
Rouillard (Michel) : ...c'est tous ces gens-là qui mettent l'argent en
commun dans le pot. Et à savoir quelle partie qui vient des épiceries,
qui vient du dépanneur puis qui vient du conseil des fabricants, aucune idée.
M. Fortin
(Jean-Pierre) : M. Lisée, est-ce que...
M. Lisée :
Non, c'est que moi, je vais cesser là, parce que...
M. Rouillard
(Michel) : Il y a même M. Fortin, ici, qui est un membre de la
coalition.
M. Lisée :
Oui. Vous êtes membre de la coalition?
M. Fortin
(Jean-Pierre) : Oui.
M. Lisée :
Est-ce que vous recevez un salaire de la coalition?
M.
Fortin (Jean-Pierre) : Pas
du tout. C'est pour ça que j'avais hâte que vous me posiez la question.
Pas du tout.
M. Lisée :
Pas du tout. Vous êtes bénévole, vous êtes bénévole.
M. Fortin
(Jean-Pierre) : C'est mon organisation qui paie mes dépenses pour être
devant vous, M. Lisée, aujourd'hui...
M. Lisée :
Oui, très bien, vous êtes du syndicat.
M.
Fortin (Jean-Pierre) : ...et
à vrai dire c'est nous qui payons une contribution à l'organisation, parce qu'on a des intérêts
évidents, nous, par rapport à la protection des frontières, puis ils
rejoignaient une certaine idéologie de mon organisation.
M.
Lisée : O.K., bien,
moi, je suis syndicaliste comme vous. Est-ce
que vous n'avez pas eu la curiosité
de savoir quelle est... Dans l'organisation à laquelle vous participez, vous financez et vous venez faire des représentations, vous n'avez pas eu la curiosité de savoir quelle était
la proportion du budget de la coalition qui venait des compagnies de
tabac?
M. Fortin
(Jean-Pierre) : Pas du tout.
M. Lisée :
Non?
M. Fortin
(Jean-Pierre) : Je vais vous dire, moi, je n'avais pas d'intérêt. Ça
donnait une tribune, à titre de syndicaliste, de pouvoir, moi... Je parle
devant, aujourd'hui, la législation du Québec...
M. Lisée :
Oui, mais, vous savez...
M. Fortin
(Jean-Pierre) : ...je le fais un petit peu partout à travers le pays.
J'arrive d'ailleurs du Yukon.
M. Lisée :
Très bien. Mais, vous savez...
M.
Fortin (Jean-Pierre) : Donc, c'est juste pour vous dire que je me sers
à peu près de toutes les tribunes pour essayer
de vendre l'idée de faire une meilleure job et de fermer certaines routes au
crime organisé, c'est mon seul intérêt et... tout simplement ça.
M. Lisée : Je vous salue pour
ça, je vous salue pour ça. Mais vous savez que certaines compagnies de tabac
ont été reconnues coupables d'avoir organisé la contrebande dans les dernières
décennies.
M. Fortin
(Jean-Pierre) : Soupçonnées, non... sûrement. D'avoir été trouvées
coupables, pas du tout.
M. Lisée :
Bon, écoutez, moi, j'avoue que j'aime parler à des gens dont la crédibilité est
certaine. Et, si vous ne savez pas
quelle est la proportion de votre budget qui vient des compagnies de tabac,
j'ai de la difficulté à vous accorder beaucoup de crédibilité sur les
autres questions. Alors, je vais redonner mon temps à la commission.
Le
Président (M. Plante) : Merci, M. le député. Donc, maintenant, je cède la
parole au député de Lévis pour une période de neuf minutes.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le
Président. M. Rouillard, M. Fortin. Expliquez-moi seulement l'espèce
d'incompatibilité dans votre position. Je comprends... Puis la lutte, la lutte
aussi à la contrebande, j'en suis. Vous donnez
des chiffres, puis, oui, ce n'est pas évident, puis, oui, il faut
continuer à combattre, je crois comprendre la ministre qui dit : Il n'y a rien qui justifie le
fait qu'on cesse d'avoir cette préoccupation-là que vous avez. Mais en même temps, bien, je suis obligé d'admettre, comme mon collègue, que vous ciblez un
produit qui manifestement, à travers les chiffres que l'on reçoit, est un accrocheur pour les jeunes, la
version mentholée de la cigarette, puis, je vous dirai, pas seulement
pour les jeunes. Puis, même si c'est un petit marché, même... Et là
c'est même, encore une fois, paradoxal. Vous réagissez, M. Rouillard, vous me regardez en faisant signe : Oui, mais
c'est-u vraiment ça? Et même l'industrie nous dit que dans le marché
total, mentholée, ce n'est rien que 5 %.
Alors,
parlons santé publique, parlons santé de ceux et celles qui vous entourent, de
votre famille, de la mienne, de ceux
que vous croisez, des jeunes, de ceux dont vous parliez il y a deux instants
dans la cour d'école, qui sont sollicités par des vendeurs de cigarettes qui ne devraient pas être là, de
cigarettes illégales, puis restons dans la santé publique. Dans la mesure où on continue à avoir les mêmes
objectifs que vous avez, c'est-à-dire de mettre un terme à la contrebande
le plus possible pour la santé des
Québécois, pour ce que ça coûte en frais de santé à travers ceux et celles qui
commenceront à fumer puis ceux qui fument,
est-ce qu'on n'a pas tout intérêt à prendre tous les moyens disponibles, y
compris le fait de retirer le seul
arôme dont vous parlez, qui est le mentholé, sous prétexte qu'on va se le
procurer ailleurs? Je ne vois pas le trait
d'union logique entre vos propos et la mission qu'on se donne de faire en sorte
qu'on soit tous en meilleure santé.
M. Rouillard (Michel) : Dans mon
travail, j'ai eu à côtoyer, justement, là, l'association des dépanneurs, les épiciers, et tout ça, lorsqu'ils font des congrès,
ces choses-là, et d'entendre leurs doléances face à la contrebande du
tabac. Lorsque vous êtes contrebandier... lorsque vous êtes dépanneur, pardon,
dans une petite municipalité, O.K., prenons Saint-Joachim-de-Shefford,
par exemple, qui est un petit village, et qu'en face du
dépanneur le gars vend de la cigarette de contrebande, lui, là, c'est 25 %,
30 % de son chiffre d'affaires qui diminue. Lui, il paie ses employés
légalement, etc. Si...
M. Paradis (Lévis) : ...je
comprends, M. Rouillard, je comprends...
M. Rouillard (Michel) : Bon,
laissez-moi terminer...
M. Paradis (Lévis) : ...mais
attaquons-nous à ça. Mais, je veux dire, parlons du produit mentholé.
M.
Rouillard (Michel) : M. Paradis, M. le député, vous avez posé une
question, j'essaie de vous répondre. Dans ce marché-là, il y a aussi de la mentholée, O.K.? Ce 5 % là, si on parlait
tantôt de 150 000 paquets par jour pour le 15 %, bien là
on parle à peu près du 5 % de 150 000, c'est quand même de l'argent.
M. Paradis (Lévis) : C'est les
produits... Mais c'est le marché total, là.
M. Rouillard (Michel) : Oui, marché
total, je suis d'accord avec vous.
M. Paradis
(Lévis) : On convient-u
qu'il n'y a pas 5 % des gens qui vont, du jour au lendemain, aller dans
un kiosque à Kahnawake acheter des cigarettes?
M.
Rouillard (Michel) : Pour un dépanneur, c'est peut-être 10 % de
ses ventes; pour un autre, c'est peut-être 2 %, on s'entend, là. Je veux dire, c'est global. On y
est, dans le global. Je ne veux pas faire une guerre de chiffres, moi
non plus, mais quelque part eux essaient de protéger
leur marché le plus possible. Et, lorsque le projet de loi a sorti, on leur
dit, à nos membres : Qu'est-ce que vous en pensez?, et il y a des
membres qui disent : Aïe! on vient encore, quelque part, nous enlever une part de notre marché, parce que les
contrebandiers le vendent, eux autres. Puis la preuve est ici, là. C'en
est toutes, des cigarettes de contrebande, ça, 13 marques différentes
faites juste à Kahnawake.
M. Paradis
(Lévis) : M. Rouillard, je
comprends, là, mais soyons aussi logiques à travers votre explication.
Puis je sais que globalement vous avez peut-être envie que tous, on se sente
mieux dans notre peau puis que vous n'ayez pas à subir les contrecoups de quelqu'un qui fume, peut-être que des proches
arrêtent de fumer dans votre entourage. Moi, j'en ai, moi, j'en ai, il y en a qui fument, puis il y
en a qui fument du menthol, il y en a qui fument du menthol parce qu'ils
ont l'impression qu'ils ne fument pas, tu sais, très honnêtement. Il y a des
gens qui fument du menthol, puis c'est moins dur,
c'est moins dur pour la gorge, puis cette espèce de saveur là fait en sorte
qu'ils ont l'impression que, non, ce n'est pas des fumeurs. Ce sont des fumeurs. Et j'imagine que demain on fait en
sorte qu'il n'y ait plus de produit mentholé; je vois très mal ceux que je connais partir à la course
pour aller s'acheter du menthol, du produit de contrebande. Je vais rien
que leur couper, probablement, un produit
sur lequel ils ont une fausse vision des choses, faisant en sorte que même les
jeunes s'approprient la cigarette en passant par ce raccourci-là d'une saveur
qui s'appelle le menthol.
Alors,
travaillons pour la même chose. Dans la mesure où on a le même objectif de
faire en sorte que les méchants paient
pour leurs crimes... Basiquement, c'est ça. Vous avez été policier. Arrêter les
pas corrects, tu sais, je veux dire, on est tous d'accord avec ça, on va courir après tous ensemble. Mais est-ce
qu'on peut se donner des outils pour faire en sorte que globalement, au-delà de ça, continuant cette
mission-là, on puisse éventuellement couper un produit qui fait en sorte
que le nombre de fumeurs, selon les statistiques que vous mettez en doute,
grimpe?
M.
Rouillard (Michel) : Je les
mets en doute, en fait, parce que c'est des statistiques sur un marché noir,
alors c'est toujours un peu aléatoire. On s'entend-u, là?
• (16 h 40) •
M. Paradis (Lévis) : On n'a pas ce
même... Donc, est-ce qu'à la limite, si on veut atteindre l'objectif qu'on s'est donné, puis si on se donnait rendez-vous... Les gens qui sont venus précédemment, je l'ai dit aux gens
d'Imperial Tobacco : Donnons-nous rendez-vous dans cinq ans, parce
qu'eux disent : Ah! ça n'aura pas d'effet puis ça ne changera... Donnons-nous rendez-vous dans cinq ans, on les
regardera, les chiffres, mais donnons-nous la chance d'essayer. C'est un
peu ça que vous faites quand vous protégez
puis que vous travaillez à combattre le crime, c'est de tout mettre les
chances de votre côté pour éviter qu'un
crime ne se produise, c'est ça. Est-ce qu'on ne s'entend pas que c'est une voie
dans la bonne direction à partir du moment où on ne perd pas l'objectif
de faire en sorte que la contrebande soit diminuée?
M.
Rouillard (Michel) : C'est parce que, là, le problème, c'est que le
produit existe ailleurs, et, quelque part, si on ferme une porte, ils
vont ouvrir l'autre. Tu sais, la nature, ça a horreur du vide, comme on dit,
là.
Et en plus on parlait des jeunes, tantôt, de
tabagisme chez les jeunes. À 12 $ du «carton» de cigarettes, c'est
alléchant en titi alors que l'autre coûte 80 $, 85 $ puis peut-être
plus, même, à certains endroits.
M. Paradis
(Lévis) : Regarde, je
prendrai une image, hein? Oui, on ouvre une porte, on en ferme une autre,
mais, si on veut combattre, faire en sorte qu'il n'y ait plus de courant d'air,
dans une maison, oui, il va falloir en fermer, puis refermer celles qui s'ouvrent, puis travailler davantage
puis en refermer encore avec un objectif commun, c'est qu'à un moment donné il n'y
ait plus de courant d'air. Dans ma tête à moi, c'est ça.
Et je
comprends, comme je vous dis, difficilement que vous ayez cette position, qui
me donne l'impression, à moi, puis peut-être
à ceux qui nous regardent et nous écoutent que vous défendez un produit qui
manifestement est montré du doigt comme étant une porte d'entrée vers
une habitude qu'on sait être malsaine. Et ça, ça me dérange.
M. le Président, je pense que ça fait le tour, moi,
je vais... pour le peu de temps qu'il nous resterait.
Le
Président (M. Plante) : Vous
avez terminé? Merci beaucoup, M. le
député de Lévis.
Donc, on remercie les gens de la Coalition nationale contre le tabac de
contrebande.
Et on va
suspendre quelques instants pour que le prochain groupe, la
Fédération des chambres de commerce du Québec, se prépare. Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 h 42)
(Reprise à 16 h 50)
Le
Président (M. Plante) : Donc,
on est à la reprise des travaux. Et maintenant nous entendrons la Fédération des chambres de commerce, donc nous accueillons M. David Laureti ainsi
que M. Stéphane Forget. Je vous demanderais de vous nommer, vos noms, vos fonctions et vos
titres. Et vous avez une période de présentation de 10 minutes, et par la
suite ce sera suivi d'une période d'échange entre les parlementaires. Merci.
Fédération des chambres
de commerce du Québec (FCCQ)
M. Forget (Stéphane) : Alors, merci
beaucoup de nous recevoir. Stéphane Forget, vice-président Stratégie et affaires économiques à la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je suis accompagné de mon collègue David Laureti, qui est directeur Stratégie
et affaires économiques à la fédération.
Peut-être
un bref rappel, quoique je sais que les gens connaissent bien la fédération. La
fédération regroupe un peu plus de 140 chambres de commerce en plus
d'accueillir près de 1 100 entreprises à titre de membres
corporatifs. Elle constitue le plus important réseau de gens d'affaires et
d'entreprises au Québec, exerçant leurs activités dans tous les secteurs de l'économie
et dans toutes les régions du Québec.
La fédération
souscrit à plusieurs efforts consentis depuis des années par les gouvernements successifs en matière
de
tabagisme. Si elle intervient dans le présent débat, ce n'est aucunement pour
chercher à accroître la consommation de tabac ni pour atténuer les
effets des campagnes contre le tabagisme, mais le tabac demeure un produit
légal soumis à des règles très strictes de
production et de commercialisation. Les activités de fabrication et de vente
des produits du tabac doivent certes
être encadrées, et elles le sont beaucoup, mais l'État doit respecter les
principes élémentaires de commerce. C'est
sur ces règles de base de l'activité commerciale et économique appliquées aux
produits du tabac que la fédération intervient aujourd'hui. On ne peut pas appliquer à
un produit légal des interdictions ou des graves entraves au commerce comme s'il s'agissait d'un produit illicite. Dans
ce contexte, nous désirons vous parler des enjeux de surréglementation, de l'information sur le tabac et ses effets, d'un
moratoire sur les produits du tabac, de contrebande, et quelques mots
sur la cigarette électronique.
La fédération est souvent préoccupée par les
effets négatifs de la surréglementation que nous constatons trop souvent dans
la mise en oeuvre et l'application de différentes mesures, et ce, dans
plusieurs domaines. Un sondage réalisé à
l'été par la firme CROP pour le compte de la FCCQ auprès de
1 000 adultes fait apparaître que, globalement, la réglementation gouvernementale est perçue comme
étant très présente, voire imposante, au Québec. Il est donc important
et légitime que le gouvernement poursuive
ses efforts pour lutter contre le tabagisme, mais il convient, sur un certain
nombre de sujets, de faire preuve de discernement et de prendre en compte les
données objectives et les faits provenant des différentes composantes de
l'industrie du tabac.
Selon
diverses études, les campagnes contre le tabagisme et l'adoption d'une
multitude de règlements ayant pour effet
de restreindre la commercialisation et la consommation des produits du tabac
ont fait en sorte que les fumeurs actuels consomment du tabac en
connaissance de cause. Il n'en est pas de même pour les jeunes, qui sont
nettement plus influençables et peuvent
sous-estimer les conséquences à long terme du tabagisme. C'est pourquoi la FCCQ
appuie les campagnes contre le
tabagisme, en particulier celles qui sont destinées aux jeunes, et c'est aussi
pourquoi nous insistons pour
intensifier la lutte contre la contrebande du tabac, parce que le prix des
cigarettes de contrebande est particulièrement attractif pour les
jeunes. Nous y reviendrons.
La grande majorité des fumeurs actuels sont
alertés depuis plusieurs années des risques d'une consommation soutenue pour leur santé. L'étude réalisée par
CROP pour le compte de la fédération révèle qu'une écrasante majorité
des adultes québécois, 86%, dont 89% des fumeurs, se disent bien informés par
rapport aux risques du tabac. Le tabac est d'ailleurs de loin, avec l'alcool,
le produit dont les Québécois se disent le mieux informés des risques.
À ce compte,
nous avons mené une réflexion de nature commerciale lorsqu'il est question, par
certains groupes, de l'emballage neutre. Pour la fédération, l'emballage
neutre pose deux problèmes.
Il s'agit, en
premier lieu, d'une véritable expropriation d'une marque de commerce. Or, les
règles élémentaires relatives à la
propriété intellectuelle interdisent ce genre d'expropriation. Tant que le
tabac demeure un produit qui peut être distribué et vendu en toute
légalité, nous croyons qu'il est tout à fait contraire aux règles de commerce
d'interdire au producteur de faire connaître minimalement son produit et
certaines de ses caractéristiques.
En deuxième
lieu, la fédération a des raisons de douter que l'emballage neutre ne change
pas véritablement le comportement des
fumeurs. Ce serait comme crier plus fort un message déjà bien connu et répété
ad nauseam. À ce titre, la FCCQ trouve sage que le projet de loi n° 44 n'inclue pas de réglementation plus
contraignante visant l'emballage neutre, car, en plus des éléments liés au commerce, il faudrait tenir compte des
questions de juridiction et d'harmonisation de
normes à l'échelle canadienne.
De plus, les tenants d'un renforcement de la
réglementation sur les produits du tabac plaident en faveur d'un moratoire sur tout nouveau produit du tabac. On a
peine à imaginer une interdiction totale à ce chapitre. La plupart des innovations, si on peut le dire ainsi, de l'industrie
n'émanent pas du Québec ni même du Canada. Comment, dans un
univers économique globalisé, pourrait-on concevoir une telle interdiction? La
fin ne peut pas justifier tous les moyens. Le Québec ou le Canada ne peuvent
pas fermer leurs frontières à des produits qui sont légalement autorisés au
pays.
Par contre,
la fédération considère raisonnable d'interdire ou de restreindre nettement la
vente des produits de tabac qui contiennent des saveurs particulièrement
attrayantes pour les jeunes. Nous ne parlons pas ici des cigarettes au menthol — différentes
opinions ou différentes études sont partagées à ce sujet — mais
bien des produits à saveur de friandises. Comme nous l'avons signalé au
départ, il faut protéger les jeunes contre le tabagisme.
Parlant
innovation, la cigarette électronique est un exemple. Elle est arrivée sur le
marché canadien, même si elle n'a jamais été homologuée par Santé Canada
ou un autre organisme de réglementation. Sans en faire la promotion active, plusieurs autorités médicales ont exprimé
des avis plutôt favorables à ce que certains appellent la vaporette. La FCCQ n'a pas la compétence pour participer à
l'aspect médical de ce débat. Elle invite tout de même le gouvernement
fédéral à légaliser la vente de la cigarette
électronique et à contrôler les produits qui y sont associés. Des standards de
qualité de ce nouveau produit doivent
être édictés. Il faut combler l'actuel vide juridique parce que la vaporette
est effectivement vendue au pays et qu'il y a lieu d'encadrer
raisonnablement ce marché.
Cela dit, il
convient de constater que la cigarette électronique n'est peut-être pas ou
possiblement pas un produit du tabac.
Selon la FCCQ, il y a peut-être lieu de s'interroger sur la nécessité de lui
appliquer toute la réglementation en vigueur
pour les produits du tabac, ce que prévoit le projet de loi n° 44.
Par contre, elle estime justifié de ne pas vendre de cigarettes
électroniques aux jeunes de moins de 18 ans.
Concernant la
contrebande, l'action gouvernementale des dernières années a permis de réduire
considérablement la contrebande de produits de tabac au Québec. Malgré ces
efforts, le Québec estime encore le taux de contrebande à près de 15 %, représentant une perte d'impôts
sur le tabac de plus de 200 millions de dollars par année. Et le
phénomène de contrebande n'est pas à l'abri d'une recrudescence.
Ceux qui sont le plus sensibles au prix des
cigarettes sont les jeunes et les personnes à faibles revenus, les campagnes
contre le tabagisme ciblent précisément ces deux groupes de personnes. Or,
l'accès à du tabac pas cher mine ces campagnes de sensibilisation. Un bon moyen
de lutter contre le tabagisme, surtout chez les jeunes, consiste à intensifier
la lutte contre la contrebande des produits du tabac.
De même, vous
n'êtes pas sans savoir que la production du tabac de contrebande n'est soumise
à aucun contrôle, aucune inspection, contrairement à l'industrie, qui
est assujettie à plus de 200 règlements. Le risque pour la santé est encore plus grand avec le tabac illicite, car il
n'existe pas d'assurance au niveau de la qualité des produits. Le
sondage réalisé pour
le compte de la FCCQ indique que le niveau de contrôle exercé par le
gouvernement québécois semble bien plus insuffisant lorsqu'il s'agit du
tabac de contrebande que celui vendu légalement.
Au niveau de
la perception des Québécois par rapport à la taxation du tabac, le sondage
réalisé par CROP révèle que, bien
qu'une majorité des Québécois s'expriment en faveur d'une hausse générale des
taxes et du prix du tabac, cette majorité
disparaît lorsqu'on les informe du niveau actuel de taxation. Ce que nous
voulons vous dire à ce sujet, c'est qu'une hausse de taxe sur les
produits du tabac devrait toujours tenir compte du fragile équilibre entre le
marché légal, la contrebande et les revenus
gouvernementaux. Ainsi, il nous apparaît souhaitable de conclure la réflexion
sur un cadre stable basé sur une
augmentation progressive des taxes de l'ordre du taux d'inflation, au lieu de
chocs tarifaires résultant d'augmentations importantes mais sporadiques
des taxes sur le tabac. C'est ce que nous avons plaidé à l'occasion des travaux
de la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise.
En conclusion, la Fédération des chambres de
commerce du Québec considère importantes les initiatives du ministère de la Santé et des Services
sociaux visant à lutter contre le tabagisme et salue une bonne partie des
propositions incluses dans le projet de
loi n° 44. Elle invite cependant la ministre déléguée, dans le cadre
de la révision, et l'ensemble des parlementaires à éviter les raccourcis
faciles qui consistent à surréglementer pour atteindre des objectifs somme toute
fort louables mais qui pourraient être
compromis en utilisant cette voie. Nous l'invitons également à ne pas recourir
à des mesures coups-de-poing qui ultimement n'auraient pas les effets
escomptés et ne changeraient pas le comportement des fumeurs mais au contraire seraient susceptibles d'encourager le
commerce illicite du tabac. Enfin, il nous apparaît clair que le gouvernement du Québec doit harmoniser ses
actions et ses initiatives avec celles du gouvernement fédéral en la
matière. C'est particulièrement important, à notre avis, en matière
d'affichage. Je vous remercie.
• (17 heures) •
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à la ministre pour un échange de
25 minutes.
Mme
Charlebois :
Merci, M. le Président. Alors, tout d'abord vous saluer, M. Forget et
M. Laureti, d'être ici et de nous faire présentation de vos
préoccupations concernant le projet de loi.
Je vais
commencer par vous dire que j'ai été fort surprise de plusieurs propos dans
votre mémoire parce que je n'avais
pas la perception... en tout cas j'ai mal compris, probablement, comment vous
aviez vu les choses précédemment. Mais en tout cas, ceci étant, on a
l'occasion d'échanger pour pouvoir clarifier certaines affaires.
Mais j'ai le
goût de vous dire que vous avez bien compris l'objectif de la loi, oui, je le
sais, vous en avez parlé, soit
réduire la prévalence au tabac, éviter que les enfants soient dans un
environnement de fumée secondaire le plus possible, faire en sorte qu'on n'augmente pas la prévalence
au tabac mais qu'on puisse faire en sorte que ceux qui fument puissent
arrêter de fumer. Et tout ça pourquoi? Parce qu'on sait que la fumée de tabac
contient 7 000 substances chimiques, 69 substances cancérigènes.
On ne peut pas passer à côté de ça. Puis ce n'est pas un raccourci, là, c'est
le Surgeon General des États-Unis qui dit
qu'il n'y a pas de seuil minimal sécuritaire en matière d'exposition à la fumée
du tabac. Or, ce n'est pas juste chez
les jeunes. Quand les adultes fument et que les... tu sais, quand on est chez
nous, puis que les adultes fument,
puis que les jeunes sont dans la maison... On peut bien enlever tout
l'environnement autour, mais il faut aussi s'occuper des adultes, pas
juste des jeunes, en résumé c'est ce que je veux vous dire.
Et j'ai le
goût aussi de vous parler des coûts qui sont rattachés au tabac; non seulement
de coûts sociaux, parce que, quand on
perd un membre de notre famille, il y a un coût social, hein, dans nos vies,
mais il y a un coût monétaire, là. Quand
je regarde, là... Les chiffres qu'on a, là, c'est directement du ministère. Les
coûts directs en soins de santé imputables au tabagisme, on ne parle pas des maladies secondaires :
1,6 milliard par année. C'est beaucoup d'argent, là. En 2002, on avait estimé que les coûts directs en soins de
santé et les coûts indirects du tabagisme s'élevaient à 4 milliards par
année. Quand on parle de coûts indirects,
là, c'est directement chez vos membres, c'est-à-dire que quelqu'un qui engage
des gens qui fument... et/ou des membres de la famille autour d'un
fumeur, il y a une conséquence directe, il y a un taux d'absentéisme plus élevé, il y a un paquet de facteurs, l'entreprise
devient victime d'avoir quelqu'un qui est moins productif parce qu'il a des
maladies liées au tabagisme, et on ne peut pas passer à côté de ça.
Il y a aussi
une autre enquête sur laquelle je veux... c'est une enquête québécoise sur le
tabac, l'alcool, la drogue et le jeu
chez les élèves du secondaire — puis je prends le temps de vous parler de
ces études-là, là, je vous donne ça en vrac, puis après ça je vais arriver avec mes questions — qui nous disait qu'au secondaire, en
2013 — ce n'est
pas il y a si bien longtemps que ça,
là, c'est assez récent — les produits aromatisés, chez les élèves québécois, ils sont
consommés beaucoup plus
significativement que dans le reste du Canada. Pire que ça : dans le cas
de la cigarette mentholée, 26 % des élèves du secondaire qui fument la cigarette en ont fait
usage. Or, quand on sait que ces jeunes-là deviennent des adultes, quand
on sait que le tabac crée 10 000 décès annuellement pas dans le
monde, là, au Québec, c'est assez terrible.
Le tabac tue près de la moitié des individus qui
fument la majeure partie de leur vie, et 50 % de ces décès surviennent avant l'âge de 69 ans.
L'espérance de vie des fumeurs est diminuée de 10 ans par rapport à celle
des non-fumeurs. Puis je vous dirai
que, dans les statistiques... Moi, j'ai perdu mon père, il avait 66 ans,
grand gaillard, du cancer du poumon. Moi, j'ai été absente un mois et
demi du travail pour accompagner mon père puis je connais un paquet de gens qui
vivent la même situation, ce qui explique les chiffres que je vous ai donnés
précédemment.
Dites-moi combien vous avez de membres qui vendent
des produits du tabac. Est-ce que les compagnies de tabac sont membres de votre... Je ne comprends pas pourquoi vous faites
un plaidoyer sur le menthol, pour protéger la marque de cigarettes menthol, pour favoriser que les adultes puissent
consommer ça. Mais, non seulement ça, on sait que les jeunes commencent à fumer avec ça. Alors, expliquez-moi, compte tenu
de tous les chiffres que je viens de vous donner, expliquez-moi pourquoi vous voulez qu'on garde le
menthol, je n'arrive pas à comprendre. Combien vous avez de membres qui
vendent du tabac dans votre association?
M. Forget
(Stéphane) : En fait, c'est un chiffre que je ne peux pas... Il faut
comprendre que la fédération a deux
chapeaux, là, elle est la fédération. Donc, les chambres de commerce ont des
membres, des commerçants, il y a plus de
60 000 membres à travers les chambres de commerce, donc je suis
incapable de vous dire... Je n'ai pas de statistique sur le nombre d'entreprises qui vendent des produits
du tabac et qui sont membres des chambres de commerce locales, je ne
suis pas en mesure de vous donner cette statistique-là, malheureusement.
Mme
Charlebois : Les
compagnies de tabac sont-elles membres chez vous?
M. Forget
(Stéphane) : Il y a
certaines compagnies de tabac, effectivement, qui sont membres chez nous. On a un membership très varié, donc on a des représentants
dans l'industrie du tabac, des gens dans l'industrie de la santé, des entreprises de tous les secteurs. Donc, oui, y a
certaines... elles ne sont pas toutes membres, mais certaines le sont effectivement,
effectivement.
Mme
Charlebois : Bien...
M. Forget (Stéphane) : Concernant...
Mme
Charlebois : Oui,
allez-y.
M. Forget (Stéphane) : Bien, peut-être
que je me suis mal exprimé, mais on n'a pas fait de plaidoyer pour la défense
du menthol.
Mme
Charlebois : ...
M. Forget
(Stéphane) : Ce que je vous
ai dit, tantôt ce que j'ai mentionné, c'est que sur le menthol particulièrement
il y a des opinions diverses qu'on a
entendues. On est tout à fait d'accord sur les saveurs de friandises, là, on
les a appelées comme ça, mais, sur le
menthol, il y a des avis qui divergent de part et d'autre. Donc, on n'est pas
habilités, nous, à vous dire, sur le
plan de la santé, si le menthol devrait ou ne devrait pas... De toute évidence,
selon ce qu'on comprend, selon notre membership, il y aurait une
distinction à faire entre les saveurs de friandises et le menthol.
Mme
Charlebois :
Est-ce que...
M. Forget (Stéphane) : Cela dit, si
je peux me permettre Mme la ministre...
Mme
Charlebois : Oui.
Oui, allez-y.
M. Forget
(Stéphane) : ...ce qu'on
constate et ce qu'on a... j'ai pu même, moi, le constater, de mes yeux vu,
parce que j'ai de la famille du côté de Châteauguay, c'est l'opportunité que les contrebandiers ont saisie le jour où le gouvernement a annoncé qu'il était pour
abolir le menthol. Je l'ai vu, de mes yeux vu. Et une des préoccupations de la
fédération, c'est évidemment
lié au transfert de la contrebande. Je l'ai souligné tantôt, il y a un travail
gigantesque qui a été fait au fil des
ans, au Québec, pour réduire la contrebande, mais je l'ai vu
parce que c'est ma mère qui habite du côté de Châteauguay, où je vais régulièrement, et j'ai vu, de mes yeux vu
l'affiche gigantesque apparaître, du côté de la réserve, les jours qui
ont suivi l'annonce qui a été faite.
Donc, je ne
fais pas un plaidoyer... on ne fait pas un plaidoyer pour ou contre le menthol.
On en fait un contre les saveurs de
friandises assurément. Sur le menthol, on dit : Il y a beaucoup
d'arguments, et on ne peut pas, nous... on n'a pas l'expertise pour
trancher de cette façon-là. C'est l'argument que je peux vous donner sur le
menthol.
Mme
Charlebois : O.K.,
mais moi, j'ai le goût de vous dire que les études qui nous proviennent de la
Santé publique doivent primer sur les études
autres, parce que j'ai comme l'impression que ces études-là sont là effectivement
pour protéger la santé de la population
en général et non pas favoriser quelque autre intérêt que ce soit. Alors, en ce
sens-là, je dois vous dire qu'il y a
d'autres endroits qui ont interdit le menthol, parmi les autres saveurs, et ça
fonctionne très bien. Et, quand on
verra, vous et moi, du côté de Châteauguay mais aussi du côté de Soulanges,
des paquets affichés «menthol», quand il y aura une interdiction, on
saura qu'on fait affaire à des gens qui achètent des produits illicites...
M. Forget (Stéphane) : De
contrebande.
Mme
Charlebois : ...puis
on pourra toujours les dénoncer, si le cas a lieu. Mais honnêtement je ne pense
pas que ça, ça constitue... Ce n'est tellement
pas une grosse part de marché. Pourquoi permettre aux gens d'adhérer aux
produits du tabac avec une saveur plutôt
qu'une autre? On le sait, ça engourdit la gorge. Je ne vois pas pourquoi on va
favoriser la consommation de ces cigarettes-là. Si on interdit les saveurs, on
les interdit toutes ou pas du tout.
Et, j'ai le
goût de vous dire, pire que ça, la contrebande, vous avez entendu parler... Je
ne sais pas si vous étiez là, c'est ça, on en a parlé.
M. Forget (Stéphane) : Une petite
partie.
Mme
Charlebois : Il y a ACCES Tabac... Vous savez qu'on est
passé de 30 % à 14 % de contrebande, l'ensemble de la criminalité.
M. Forget (Stéphane) : ...c'est pour ça que je vous l'ai souligné. C'est
formidable, le travail qui a été réalisé.
• (17 h 10) •
Mme
Charlebois :
Tout à fait. Puis on ne va pas lâcher ce travail-là, honnêtement, il faut
poursuivre. Mais l'objectif du projet de loi sur lequel on travaille n'est pas
de contrer la contrebande, mais on en a pris note puis on va transmettre ça au ministre des Finances, au ministère
des Finances pour que continuent les actions et qu'on s'occupe de faire
en sorte que nous puissions encore réduire de beaucoup la contrebande.
Puis,
quand je vous parle de produits, là, j'ai tous les chiffres ici, là, mais il y a plusieurs
équipes de policiers, la Sûreté du Québec, la GRC, tantôt on avait les
douaniers, tout le monde travaille en partenariat à faire en sorte que ce
marché-là puisse arrêter, et on a des statistiques qui nous démontrent très
bien... Tout le monde convient que ça a beaucoup diminué, tout le monde
convient qu'à travers les années il y a eu des efforts substantiels pour
contrer la contrebande.
Mais
ce qui m'étonne dans les propos que vous... dans la présentation de votre
mémoire, c'est que vous êtes allés exactement là où Imperial Tobacco est
allé. Ils ont parlé du menthol, ils ont parlé de la contrebande, ils ont parlé
des emballages neutres. C'est pour ça que je vous ai demandé : Dites-moi
c'est qui, vos membres, parce que... c'est-u la majorité ou... Vos membres, quand il y a un coût relié à la
santé, tel que je vous parlais, en coûts directs et indirects, là, de 4 milliards de dollars par année, vos membres paient pour ça,
là. Quand on parle de coûts de système de santé, vos membres paient pour ça. Moi, j'étais en affaires avant, je
sais très bien que les employeurs paient une grappe pour ça, là.
Alors, comment on peut dire aux gens : Continuons, faisons juste de la
promotion de... — c'est
ce que nous a dit Imperial Tobacco — faisons de la formation,
faisons de la sensibilisation? Mais on s'aperçoit que, chez les jeunes, le taux
de tabagisme est stable. Il faut donc changer
nos façons de faire, comprenez-vous? Quand ils ont parlé de cigarette électronique, ils avaient presque les mêmes propos
que vous autres, mais je les questionnais puis j'ai demandé :
Avez-vous fait l'acquisition de compagnies
de cigarettes électroniques?, ils m'ont répondu oui. Alors, je me demande, dans
tous vos propos, est-ce que vous êtes conscients que vos membres
subissent les coûts du tabagisme?
M. Forget (Stéphane) : Absolument. D'ailleurs, premièrement, il faut que
vous reconnaissiez qu'on a mentionné à plusieurs égards, dans le mémoire
et dans ma présentation, que nous sommes d'accord avec la plupart des mesures et... l'ensemble des mesures qu'on a prises pour
les enjeux du tabac au fil des ans et les gouvernements qui se sont
succédé, parce qu'on est bien conscients de l'impact que cela a.
L'enjeu,
pour nous, c'est qu'à partir du moment où on considère que c'est un produit
légal, selon les règles du commerce...
On n'a pas voulu... on n'est pas des spécialistes en santé publique. Selon les
règles du commerce, à partir du moment
où on convient que quelque chose est légal et qu'on décide de le permettre,
d'en permettre sa vente, on devrait respecter, comme je vous le disais,
un minimum de règles liées au commerce. Ça, c'était notre premier argument.
Le
deuxième, sur la cigarette électronique, ce qu'on dit simplement, c'est :
Est-ce qu'on la rend légale, oui ou non?, parce qu'actuellement c'est un produit qui est un peu entre deux zones.
Et on pense que, si tel est le cas, on est mieux de le contrôler que de
le laisser dans un no man's land, si je peux le mentionner ainsi.
Si
je peux me permettre deux autres commentaires, les mémoires, à la fédération,
sont écrits, discutés, échangés et approuvés
aussi, donc, quand la fédération prend des positions, ce n'est pas au nom d'une
entreprise ou d'une organisation, c'est
au nom de la fédération, et c'est parce qu'on défend un certain nombre
d'éléments. Dans le cas présent, je vous le rappelle, et on l'a dit à plusieurs égards, nous sommes favorables à la
plupart des éléments qu'on retrouve dans le projet de loi n° 44 et on applaudit aux mesures qui ont été prises au fil des
ans. Cependant, comme organisation économique, quand un produit est légal et se vend dans les commerces, on demande
simplement de respecter un certain nombre de ces règles minimales de commerce et, l'autre élément — et ça, c'est ce qui nous préoccupe le
plus — qu'on
pose des gestes qui ne transféreront pas la consommation vers le marché
de contrebande. C'est depuis des années que la fédération suit cet enjeu de la contrebande. Ce n'est, bien
évidemment, pas la responsabilité du ministère de la Santé, mais on ne
peut pas, on croit, prendre des décisions en
matière de santé sans tenir compte qu'il peut y avoir des conséquences
favorables ou défavorables du côté du tabac illicite ou de la
contrebande. C'est essentiellement ce qu'on veut souligner.
Mme
Charlebois :
Je vous entends quand vous me dites que c'est un produit légal, qu'il faut
respecter les règles d'organisation économique. C'est donc dire qu'on n'aurait
pas dû légiférer en 1998, qu'on n'aurait pas dû légiférer en 2005, qu'on ne devrait pas faire rien encore pour faire en
sorte que la consommation, le taux de prévalence au tabac diminue.
1 %...
M. Forget
(Stéphane) : Ce n'est pas ce qu'on dit du tout, ce n'est pas ce qu'on...
Mme
Charlebois :
Non, mais, si on y va dans la même logique, ce serait ça...
M. Forget
(Stéphane) : Non, pas du tout. Non, non.
Mme
Charlebois : ...parce que, quand vous me dites :
Organisation économique, respect des règles de l'économie, oui, mais, quand on parle de la santé publique, il
y a un coût qui se rattache là pour toute la population, c'est tout le
monde qui paie pour les coûts économiques et
sociaux. Alors, moi, mon rôle comme ministre qui s'occupe de la santé
publique, c'est de protéger l'ensemble de la population.
M. Forget
(Stéphane) : Absolument.
Mme
Charlebois :
Et, quand on parle de tabagisme, honnêtement, c'en est, un... J'allais dire «un
fléau». C'en est un, un fléau, pour
lequel j'ai le goût de faire des combats, honnêtement, parce que je sais qu'il
y a là non seulement des coûts monétaires, mais des coûts humains.
M. Forget (Stéphane) : Absolument.
Mme
Charlebois :
Et, quand on est entrepreneur, qu'on voit son personnel disparaître de
l'entreprise parce qu'ou bien il est
malade ou bien il accompagne quelqu'un de malade, quand on fait du
porte-à-porte, comme député, puis qu'on s'aperçoit qu'à toutes les
portes il y a, à peu près, quelqu'un dans sa famille qui a été atteint du
cancer... Souvent... Encore en fin de
semaine, j'ai rencontré quelqu'un qui me dit : Si c'était à refaire... Je
vais être branché avec une machine que
je vais devoir traîner, je fais de l'emphysème; Lucie, vas-y pour le tabac. Je
vous le dis, j'ai fait du terrain toute la fin de semaine. Tout le monde... Même les fumeurs, ils
n'osent pas trop parler, sauf une personne qui s'est un peu révoltée
puis qui m'a dit que c'était son amie, mais
même les fumeurs disent : Pas de problème, on va aller fumer à
30 pieds de la porte.
Je vous le dis, je comprends que votre mémoire
va dans un sens de commerce, mais, tu sais, la liberté des uns s'arrête où la
liberté des autres commence...
M. Forget (Stéphane) : Absolument.
Mme
Charlebois : ...et
ce n'est pas un droit... honnêtement ce n'est pas un droit ultime que de fumer
dans l'environnement de celui qui ne fume
pas. Et moi, je pense que toutes les statistiques nous ont démontré... puis je
ne sais pas comment vous voyez ça,
vous, je veux vous entendre là-dessus entre autres, toutes les études qui ont
été faites à travers les années, j'en
ai parlé tantôt, faites par l'Institut national de santé publique, par
l'Organisation mondiale de la santé qui d'ailleurs nous recommandent d'encadrer la cigarette électronique, qui
nous demandent d'éliminer le menthol. Tantôt, je n'ai pas eu le temps de le dire à la compagnie de tabac et aux
douaniers, mais c'est... Ils nous relataient l'OMS. Bien oui, l'OMS nous dit d'éliminer le menthol. Surgeon
General US, c'en est un autre. L'Institut de la statistique du Québec,
Santé Canada, Statistique Canada nous parlent...
nous donnent des chiffres sur comment c'est dommageable, la prévalence au
tabac.
Alors, moi,
j'ai beaucoup de difficultés à comprendre... puis, je ne le sais pas, je ne
comprends pas comment la Fédération
des chambres de commerce peut nous dire : Vous pouvez y réfléchir, au
menthol, vous pouvez... la cigarette électronique,
c'est un autre marché qui va se développer. Je vous entends, là, puis je
comprends le libre marché, mais en même
temps vous conviendrez avec moi qu'il faut protéger la santé publique et qu'il
y a là vraiment un problème, avec le tabagisme.
Il faut... On était des leaders, au Québec, on avait fait des avancées
incroyables, et là ça stagne. Puis il y a des coûts rattachés à ça.
Alors, vous ne pensez pas qu'on doit aller plus loin?
M. Forget
(Stéphane) : Bien, Mme la
ministre, je vais le redire, nous l'avons écrit noir sur blanc, je vous
l'ai mentionné, nous sommes favorables avec la majeure partie des articles du
projet de loi n° 44. Je ne peux pas le dire autrement, c'est ce qu'on
dit. Donc, on est favorables à ces mesures-là.
Ce qu'on vous
dit, c'est que, dans le cadre où le gouvernement, dans un premier temps, décide
de prendre des mesures qui touchent,
par exemple, aux marques de commerce, je vais prendre celles-ci, il y a des règles
de commerce qu'on doit suivre parce
qu'on est dans le cadre d'un produit qui se veut légal. Donc, dans les mesures
que vous souhaitez prendre qui touchent les règles du commerce, on vous
dit : Soyez vigilants parce qu'il y a des règles qui existent.
Vous m'avez
parlé de l'OMS tantôt, l'OMS vous dit qu'il faut réglementer la cigarette
électronique. Ce qu'on vous dit dans
le mémoire, c'est : On doit réglementer la cigarette électronique. On dit
la même chose que vous à cet égard-là.
Alors, cela
étant dit, dans le cas des mesures de votre mémoire qui touchent les règles de
commerce, notamment... bon, il n'en
est pas question dans le projet de loi n° 44, mais vous en avez
beaucoup entendu parler, de l'emballage neutre ou des règles qui touchent le commerce, on vous dit : Soyez
vigilants, il y a des règles qui existent, et il y a des précédents qu'on crée, et il faut par la suite être en mesure
de vivre avec. Alors, c'est l'essentiel du message en ce qui a trait aux
règles de commerce. Je...
Mme
Charlebois :
Est-ce que je peux vous poser une dernière...
M. Forget (Stéphane) : Absolument.
Mme
Charlebois :
Bien, ce n'est pas une dernière question, en fait, il me reste assez de temps,
six minutes. Vous ne vous êtes pas
prononcés sur les terrasses. Est-ce que vous êtes en faveur de ça,
l'élimination du tabagisme sur les terrasses?
• (17 h 20) •
M. Forget (Stéphane) : Sur les
terrasses, bien, on ne s'est pas prononcés parce qu'il y a d'autres
organisations qui l'ont fait. La réponse,
c'est oui. Ce qui est intéressant, et je vous le dis pour votre réflexion à
vous, on a posé la question quand on a fait un sondage sur la
surréglementation notamment cet été, on a posé des questions sur les terrasses,
et vous ne serez sûrement pas étonnés, mais
la majorité des Québécois sont d'accord avec le fait qu'on réglemente sur
les terrasses. Ce qui est curieux, c'est
que, dans une deuxième question, les gens disent... par contre
ils sont à parts égales, 47-47, en
disant : C'est l'État qui devrait légiférer en ce qui a trait aux
terrasses, l'autre moitié dit : Ça devrait être les propriétaires de terrasse qui devraient déterminer
si leur terrasse l'est ou pas. Alors, on n'a pas pris position sur ce
sujet-là, mais je vous
le dis juste pour votre réflexion, que c'est intéressant que la majorité soit
d'accord à ce qu'il se passe quelque chose eu égard aux terrasses, mais après ça il y a
une division claire entre, oui, c'est l'État qui doit le dire ou, non,
c'est le propriétaire de l'espace, de la
terrasse ou de l'endroit qui doit le déterminer. Alors, je vous le mentionne
pour votre réflexion.
Mme
Charlebois :
Bien, merci de nous informer là-dessus, mais, quant à moi, si on est favorable
à ce qu'il n'y ait plus de fumée sur la terrasse, peu importe qui va décider,
il n'y aura plus de fumée sur la terrasse.
Dernière
question, vous nous avez... vous semblez vous opposer à
l'élimination des clauses d'harmonisation
avec le fédéral. Pourquoi?
M. Forget (Stéphane) : Non, au contraire. Ce qu'on suggère, ce qu'on
souhaite, c'est qu'il y ait une harmonisation.
Mme
Charlebois :
C'est ça, vous voulez qu'on harmonise les conditions.
M. Forget
(Stéphane) : Oui, oui. Oui, oui, c'est ça.
Mme
Charlebois :
Donc, vous ne voulez pas qu'on aille plus loin que ce que le fédéral fait
jusqu'à ce qu'ils réglementent, eux autres, plus loin.
M. Forget (Stéphane) : Ou qu'il y ait du travail qui se fasse
conjointement pour qu'il y ait une harmonisation, parce qu'on sait bien, là, on est au Canada, les
frontières sont celles qu'elles sont, donc il y a du commerce
interprovincial, il y a différentes mesures.
On dit : Dans le cadre du commerce interprovincial notamment, il y a des
règles qui s'appliquent. Si on veut que les mesures qu'on prenne soient
efficaces, il devrait y avoir une harmonisation à l'échelle canadienne.
Mme
Charlebois : Honnêtement, ça ne changera rien aux règles
existantes. Puis en plus on serait la seule province qui a cette clause-là, là, d'harmonisation avec le
fédéral. Là, en l'enlevant, ce que ça permet, c'est qu'on puisse aller
plus loin que ce qui est actuellement
demandé par le fédéral dans leur propre loi. Et c'est la seule raison pourquoi
c'est là, et moi, je suis bien à
l'aise... Mais peut-être que ça peut porter à confusion, pourquoi
l'harmonisation, là, mais honnêtement les règles interprovinciales sont
les mêmes, ça ne changera rien.
Alors, merci. Moi, je
n'ai pas d'autre question, M. le Président.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole
à notre collègue de Rosemont pour une période de 15 minutes.
M.
Lisée : Merci, M. le Président. Bonjour à tous les deux. Je
suis extrêmement étonné de votre mémoire. J'ai été ministre du Commerce
extérieur, j'ai rencontré plein de gens dans les chambres de commerce, il y a
du monde de tous les milieux, comme vous
l'avez dit tout à l'heure, des gens de l'industrie de la santé, des gens de
l'industrie du tabac, je suis sûr qu'ils sont membres de la chambre de
commerce de Montréal, et j'aurais pensé que ça aurait été très, très difficile de faire un consensus avec des
propositions fortes à cause de la diversité des gens que vous représentez. Or,
le mémoire que vous nous présentez
aujourd'hui, il est très univoque. Bon, c'est sûr que sur certains aspects,
comme interdire la fumée dans les
voitures, ou etc., bon, vous n'êtes pas contre, mais sur plusieurs éléments non
seulement vous êtes contre, vous reprenez, comme l'a noté la ministre,
des arguments des compagnies de tabac.
Mais,
M. Forget, je vous connais, vous êtes un homme sérieux, vous citez des
trucs là-dedans que jamais je n'aurais pensé
que vous diriez ça. Bon, par exemple, vous citez une étude de London Economics
UK et Philip Morris International. Dans
un mémoire de la Fédération des chambres de commerce, vous vous appuyez sur une
étude de Philip Morris, alors qu'il y
a un juge qui vient de les condamner à 15 milliards de dollars, elle puis
les autres compagnies de tabac, en disant qu'elles ont falsifié les études pendant 60 ans, puis vous les
citez. Puis ensuite vous citez une autre compagnie... une autre étude,
de KPMG Australie — et
je vous félicite d'avoir la probité intellectuelle de dire que l'étude a été
faite avec la collaboration de certains
producteurs de tabac. Bien, je pense que vous n'auriez pas dû la citer. On le
sait, qu'ils falsifient leurs études depuis 60 ans. Pourquoi est-ce
que vous les citez dans un mémoire de la Fédération des chambres de commerce du
Québec?
M. Forget (Stéphane) : Vous
faites référence à l'emballage neutre. On a cité... Bien, deux choses. On a
cité les études qui étaient
disponibles à l'époque où on a fait ça. On a cité parce que
l'exemple de l'Australie est, pour nous, un bel exemple où le dossier de l'emballage neutre, ce n'est pas tout noir ou
tout blanc. Certaines études démontrent l'efficacité de la mesure mise
en place; d'autres semblent dire que ce n'est pas aussi efficace. Il y a les
règles de commerce...
M. Lisée :
...des études, mais celle de Philip Morris, M. Forget...
M. Forget
(Stéphane) : Mais est-ce que...
M.
Lisée : ...est-ce que
ce n'est pas un drapeau rouge, là, que, si vous voulez être crédible, vous ne
devez pas citer une étude commandée par une compagnie de tabac?
M. Forget
(Stéphane) : Est-ce que
les études de tous les groupes de l'autre côté sont plus crédibles que
celles de l'opposé, de celles du côté... Mais ça, moi...
M. Lisée :
Mais celle de Philip Morris... Pour vous, une étude financée par Philip Morris,
ça a la crédibilité nécessaire pour être citée dans un mémoire de la Fédération
des chambres de commerce?
M. Forget
(Stéphane) : Ce que je peux
vous dire, c'est que le résultat, à ce jour, en Australie, nonobstant
cette étude-là, qui était citée à titre
d'exemple, n'a pas fait la démonstration encore, sur le plan commercial... Je
ne veux pas prendre... porter de jugement sur la santé, ce n'est pas
notre domaine de spécialité.
M. Lisée : Bien là, c'est
parce que vous prenez ça. Je vais vous donner un autre exemple. Vous citez les
contestations devant l'Organisation mondiale du commerce...
M. Forget (Stéphane) : Oui, oui,
c'est sûr.
M. Lisée :
...qu'ont présentées certains pays à l'encontre de la politique australienne
relative à l'emballage neutre, alors
que, vous savez, ces pays-là, ce sont la République dominicaine, Cuba,
l'Indonésie et le Honduras, et les compagnies de tabac paient pour leurs
frais légaux.
Alors, je
veux dire, là, là, moi, c'est pour votre crédibilité, là. Moi, j'aime la
Fédération des chambres de commerce, j'aime
les chambres de commerce, mon père était membre d'une chambre de commerce, il a
été sur l'exécutif, puis je suis peiné aujourd'hui que ce soit... Je
veux dire, que vous vouliez défendre les compagnies, c'est une chose qui est...
M. Forget (Stéphane) : Non, M. le
député, je m'excuse. M. le député, je m'excuse, là...
M. Lisée : ...mais que ce
soit fait de façon tellement contestable, là, j'ai de la peine.
M. Forget (Stéphane) : Si je peux me
permettre, M. le député, là...
M. Lisée : Je vous en prie.
M. Forget
(Stéphane) : ...je ne suis
pas ici aujourd'hui pour défendre les compagnies de tabac ou défendre
une autre organisation, là. Vous venez de dire : Vous voulez défendre les
compagnies de tabac.
M. Lisée : Vous reprenez
leurs arguments de façon transparente, vous les citez directement.
M. Forget
(Stéphane) : Je suis... on
est ici pour... Et, dans le cas de l'emballage neutre, qui de toute façon n'est pas, à ce jour, dans le projet de loi, on voulait
dire : Soyons prudents sur les mesures qu'on prend, parce qu'il y a des
membres chez nous ailleurs
que dans l'industrie du tabac qui sont préoccupés par les marques de
commerce. Quand un État décide
de jouer sur cela dans un domaine qui à ce
jour est légal, ça peut s'étendre à beaucoup d'autres par la suite, et là il y a des membres dans nos organisations
qui sont préoccupés par le précédent qu'on pourrait créer en faisant ceci.
M. Lisée : Je comprends ce
que vous dites.
M. Forget
(Stéphane) : Alors, tout ce
qu'on vous dit en citant ces exemples-là, c'est de dire : Soyons
prudents lorsqu'on décide de légiférer en cette matière.
M. Lisée : Je suis d'accord. Lorsque la
Fédération des chambres de commerce vient me parler de surréglementation,
j'écoute. Lorsqu'elle me parle de protection des marques de commerce, j'écoute.
Et, juste
pour finir sur Philip Morris, vous savez que Philip Morris s'est rendue célèbre
en finançant une étude pour le
gouvernement tchèque qui disait que, finalement, la cigarette, c'était bien
parce que, comme les gens en meurent plus tôt, dans la balance, ça coûte moins cher en frais de retraite qu'en frais de
santé. Ça, c'est une étude de Philip Morris. Ça fait que moi,
j'éviterais de les citer.
Maintenant,
sur la question de la réglementation puis des marques de commerce, vous
dites : Écoutez, c'est un produit
légal, donc, si c'est un produit légal, on ne peut pas faire des entraves au
commerce particulières, pour un produit légal. Oui, mais c'est un produit légal toxique. Tu sais, ce n'est pas
comme de la gomme balloune, qui est même un peu mauvaise pour la santé
en grande quantité; celui-là, il est toxique. Alors, vous êtes d'accord qu'on
devrait être plus réglementé pour un produit toxique que pour un produit non
toxique?
M. Forget (Stéphane) : Absolument.
M. Lisée :
J'ai relevé que, lorsque le gouvernement canadien a décidé d'étendre à
75 % de la surface les mises en garde, vous étiez contre, à
l'époque. Est-ce que vous êtes toujours contre ou vous considérez que
finalement, avec l'expérience, ce n'est pas mauvais?
• (17 h 30) •
M. Forget (Stéphane) : Écoutez,
franchement je ne sais pas quelle était la position à l'époque, au moment où ça a été développé, là, je n'étais pas à la
fédération, vous m'excuserez, je n'ai peut-être pas lu cette étude-là, mais
il n'y a aucun enjeu à la fédération, au
moment où on se parle, sur le 75 %. Mais on parle de marque de commerce
minimalement, c'est ce
qu'on a mentionné. Donc, on pense qu'il y a minimalement un espace qui doit
être réservé aux marques de commerce dans un produit qui, comme vous
l'avez mentionné, est toxique mais qui, jusqu'à preuve du contraire, est légal
et permis de vente ici, au Québec.
M. Lisée :
Vous avez fait un sondage CROP qui indique que... Vous avez demandé aux
gens : Est-ce que vous considérez
que vous êtes suffisamment informés sur le tabac? Les gens ont dit oui. Puis
ils sont mieux informés là-dessus que le reste, je ne suis pas étonné de
la question...
M. Forget
(Stéphane) : ...là-dessus,
sur l'alcool, mais ils le sont beaucoup moins sur d'autres éléments, là.
Mais, sur ces deux-là, ils le sont.
M. Lisée : Oui, je ne suis
pas étonné. Mais moi, je me pensais assez bien informé avant la commission parlementaire, et, si on m'avait posé la question,
j'aurais dit : Oui, je suis très bien informé. Puis là si on m'avait
demandé : Est-ce que vous savez que
dans une cigarette il y a 69 substances cancérigènes?, oups! Ça, je ne le
savais pas. Si on m'avait demandé :
Est-ce que vous savez que la fumée secondaire est plus nocive pour la santé que
la fumée principale?, non, j'étais sûr
que c'était moins. Si on m'avait demandé : Est-ce que vous savez que fumer
la chicha pendant une heure, c'est comme fumer 100 cigarettes?,
j'aurais dit : Écoutez, arrêtez, là, c'est une blague. C'est Surprise
sur prise qui m'appelle?
Alors, vous,
vous nous dites, à partir de cette statistique-là : Ça ne sert à rien de
continuer à les informer, c'est comme crier, c'est comme dire... c'est
le «hardcore» des fumeurs...
M. Forget (Stéphane) : Non. Non, ce
n'est pas ce qu'on dit.
M. Lisée :
Bien oui, là, je peux vous citer au texte, là. Vous dites : C'est comme...
Crier plus fort ne sert à rien.
M. Forget (Stéphane) : Non, ce n'est
pas ce qu'on dit, M. le député.
M. Lisée : «Les consommateurs
n'apprennent rien de nouveau. Ils en viennent même à trouver certains messages
exagérés.»
M. Forget (Stéphane) : Ce qu'on dit...
Ce n'est pas ce qu'on dit du tout.
M. Lisée : Je vous cite au
texte.
M. Forget
(Stéphane) : 75 %, ça
permet de bien expliquer aux gens les enjeux liés au tabac, les mesures que
vous avez... les dangers que vous venez d'évoquer. Est-ce que de passer à
l'emballage neutre on augmenterait le niveau de connaissance des gens par rapport aux enjeux du tabac? Ce qu'on prétend,
ce qu'on pense, ce qu'on croit, c'est que plus de 75 % ou un emballage neutre à 100 % n'augmenterait pas le
niveau de compréhension ou d'information auprès des fumeurs, c'est ce
qu'on mentionne dans notre mémoire.
M. Lisée : Vous dites aussi
que... Vous mettez en cause la statistique disant qu'il y a 30 % des
journées d'hospitalisation qui sont liées au
tabagisme. Et là vous faites une liste des principales causes d'hospitalisation
puis vous... bien vous mettez le
cancer — c'est le
deuxième — maladies
de l'appareil circulatoire, maladies de l'appareil respiratoire.
Je trouvais
ça intéressant quand ça a commencé, je me suis dit : Ah bon! ils vont le
décomposer puis ils vont faire une
démonstration. En fait, vous ne le décomposez pas, vous ne dites pas en quoi
les journées de cancer puis d'appareil respiratoire,
ça fait ou non 30 %, mais ce que vous dites — et là je suis un peu déçu, j'aurais aimé que
vous le déconstruisiez — vous êtes très impressionniste, mais vous
dites : «Même en l'absence totale de toute consommation de tabac pendant de nombreuses années, on ne
réduirait pas de 30 % les hospitalisations.» Mais n'êtes-vous pas
d'accord que plus on réduit la consommation, moins il y aura de journées liées
à ça...
M. Forget (Stéphane) : Absolument.
M. Lisée :
...et plus on pourra soulager les entreprises que vous représentez et les
consommateurs d'un fardeau fiscal que vous considérez excessif?
M. Forget
(Stéphane) : Je suis
d'accord avec vous. L'exemple mentionné dans le mémoire est pour
simplement dire... et c'est un travail très
difficile, j'en suis convaincu, pour les parlementaires et pour les gens, c'est
d'essayer de prendre des décisions à
l'intérieur d'un cadre qui est vérifiable, vérifié et qui se tient. Il y a de
toutes parts de la démagogie quand il est
question de tabac. Ce qu'on dit, c'est : Dans le domaine qui nous touche,
nous, sur les mesures qui nous préoccupent dans le projet de loi, il faut essayer de discerner les études... Vous
avez mentionné celle de Philip Morris, donc... Vous l'avez critiquée, puis c'est correct, je respecte
ça. Mais de part et d'autre on peut voir des études qui servent aussi à
faire valoir le point de vue de l'un et de l'autre.
Et
j'ajoute un élément intéressant. Justement, dans le sondage qu'on a fait, il y
a une question qui a été demandée aux gens : Lorsque les
législateurs prennent des décisions eu égard au tabac, à qui ils devraient se
fier? Aux groupes antitabac, aux commerçants? À qui parmi les gens qui
interviennent dans le tabac? Bien, les gens sont très nuancés, ils disent : Non,
les législateurs ne doivent pas se fier seulement aux groupes
antitabac ou aux groupes de santé, ils devraient écouter et avoir une
réflexion qui tient compte des opinions des gens qui sont touchés par le tabac,
autant les gens qui en font le commerce que
les gens qui sont des groupes antitabac, que les gens dans le domaine de la
santé. Donc, il y a un équilibre dans la réflexion autour de ça, et
c'est intéressant, je pense, de vous le mentionner.
M.
Lisée : Je n'ai pas
de doute que c'est ce qu'ils ont effectivement répondu, mais,
mieux informés, est-ce qu'ils
devraient davantage se lier à des professionnels de la santé publique dont la
fonction est de soigner les gens ou à des compagnies
qui ont été condamnées pour avoir menti pendant 60 ans sur l'aspect nocif
de leurs produits? Peut-être qu'avec cette information-là on aurait une
autre...
Mais je m'excuse de
dire que vous avez quand même deux poids, deux mesures, là. En parlant de la
Société canadienne du cancer, qui est une
organisation sans but lucratif, vous dites : «...leur plaidoyer tombe dans
l'excès et [...] la désinformation»,
parce qu'ils disent que le tiers des journées d'hospitalisation sont liées au
tabac. Et là vous ne démontrez pas en
quoi ils désinforment, vous ne le démontrez pas. Et ensuite vous citez Philip
Morris comme étant une bonne source. Je m'excuse...
M. Forget (Stéphane) : Non, mais, M. le ministre, je pense que... M. le
député, je m'excuse, je pense que c'est un raccourci, là, vous prenez
deux moments de notre mémoire d'un certain nombre de pages que vous...
M. Lisée :
À une page d'avis.
M. Forget
(Stéphane) : Oui, mais pas sur le même sujet, là.
M.
Lisée : Bien, pas sur le même sujet, mais je vois que... je
trouve que vous balancez difficilement vos sources. Vous êtes durs sans
faire une démonstration à l'un puis vous prenez pour du cash ce que dit l'autre,
qui n'est pas une compagnie à but non lucratif.
Je
vous demanderai quand même... Je reviens à cette surprise, parce que tous les
commerçants puis les industriels qui
s'occupent... qui savent la difficulté de gérer leurs paies puis leurs
travailleurs savent qu'un travailleur en santé puis qui arrête de fumer sa productivité s'améliore, son
absentéisme se réduit, le risque d'incendie est réduit, les primes
d'assurance de santé est réduit, et donc il
me semble qu'à l'intérieur du consensus que vous avez fait je suis surpris de
ne pas voir cet élément-là, de dire : Bien, nous savons qu'en tant
que commerçants moins on a de salariés qui fument, mieux c'est pour nos marges
de profit.
M. Forget (Stéphane) : Bien, M. le député, vous l'avez, le consensus. J'ai
commencé en vous disant que nous étions
favorables et nous soutenions les mesures prises au cours des années par les
gouvernements successifs en matière de lutte
contre le tabagisme et que nous étions en faveur de la plupart des articles du
projet de loi n° 44. Le consensus des membres de la fédération est du fait que nous appuyons ces mesures-là
mais que nous donnons et nous mentionnons un certain nombre de caveats sur des mesures qui, sur le plan du commerce
ou sur le plan économique, ont des impacts. Et, deuxièmement, nous et
nos membres, qui sont partout sur le territoire, ont une grande préoccupation
sur les décisions qu'on pourrait prendre qui pourraient chavirer du côté de la
contrebande.
M. Lisée :
Et ce sont exactement les mêmes caveats que l'industrie du tabac. Je vous
remercie d'être venus.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ceci met fin à l'échange. Je
cède maintenant la parole à notre collègue de Lévis pour une période de
10 minutes.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. C'est un fait, hein, et je
dois abonder dans le même sens, la
ministre l'a questionné, le collègue l'a questionné également, puis c'est vrai
que c'est étonnant, moi aussi, ça m'a étonné, moi aussi, j'ai pris une
note, moi aussi, j'ai souligné le fait que vous faisiez référence à une étude
concernant l'emballage neutre manifestement financée par l'industrie elle-même.
C'est un peu étonnant que vous n'ayez pas fait la part des choses. Puis, à la
même enseigne, dans l'analyse que vous faites des tant de journées d'hospitalisation versus ce qui amène quelqu'un en
centre hospitalier, moi aussi, ça m'étonne un peu. M'étonne un peu... Ça
m'étonne beaucoup.
Je
reviendrai sur l'emballage neutre, parce que vous défendez ce que vous dites
être l'expropriation d'une marque de
commerce dans l'emballage neutre. Et, je le rappelle, là, eu égard à ce que
vous présentez comme étude en disant que ça ne donne pas de résultat, là, je veux dire, les chiffres que vous amenez
par le biais de cette étude-là, bien, inévitablement et malheureusement,
pour moi, ils me débalancent un peu, là. Je ne comprends pas que vous vous
soyez arrêtés à cette étude-là et que c'est celle que vous nous présentez.
Reste
que je reviens sur l'expropriation de la marque de commerce. Sur un paquet
comme celui-là, à 75 % de mise en
garde, arrive en tout petit ici la marque de commerce, on s'entend. Je veux
dire, là vous êtes des spécialistes, vous êtes en affaires, là, puis vous avez des membres qui sont
des gens d'affaires, etc., alors parlons-en, comprenons le phénomène. Alors, c'est Player's, et la marque de commerce,
elle est indiquée là. Et ce que je lis au-dessus, Un goût qui
t'appartient, je pense que c'est
davantage un slogan que la marque de commerce, en tout cas vous me corrigerez,
mais en tout cas c'est... De toute
façon, c'est tellement petit que vous aurez probablement de la difficulté à le
lire, c'est rendu minuscule. C'est encore pire si je regarde des paquets comme
ceux-ci. Reste que sur l'emballage neutre dont vous nous parlez, par
exemple en Australie, la marque de commerce, la compagnie y figure malgré tout.
Expliquez-moi seulement,
je ne comprends pas le sens, et que les gens le comprennent. Vous dites :
Ça n'a pas de sens, pas seulement
parce que ça ne donne pas de résultat puis ça n'a pas eu
d'effet, nous dites-vous, eu égard aux études
que vous nous présentez, sur la diminution du taux de tabagisme, mais vous
dites que c'est l'expropriation d'une marque de commerce. Expliquez-moi
la différence, je ne sais pas pourquoi.
M. Forget
(Stéphane) : Bien, parce qu'une marque de commerce, c'est au-delà de
simplement un nom.
M. Paradis
(Lévis) : Alors, c'est la couleur, c'est le dessin, c'est la
calligraphie...
M. Forget
(Stéphane) : Non, c'est... Bien, une marque de commerce, c'est ce qui
identifie une entreprise.
M. Paradis (Lévis) : Non, mais est-ce que, par exemple, dans ce cas-ci, Player's, ce n'est
pas ça, ça ne l'identifie pas? Je
parle au nom du consommateur, pas des pros, là, de l'analyse commerciale; celui
qui aura à acheter un paquet de cigarettes,
par exemple. Et là je comprends bien, hein, mais c'est parce que vous
l'avancez, je comprends bien l'emballage neutre, c'est... mais, parce que vous l'avancez, j'essaie de comprendre
davantage. Celui qui va acheter verra la marque de commerce sur un paquet neutre. En quoi on vient de
briser, là, cette espèce de notion de commercialisation et de marque de
commerce?
M. Forget (Stéphane) : Parce que, bon, tout d'abord, on a décidé ici...
on a dit aux entreprises : Bienvenue au Québec, bienvenue au Canada. Vous allez payer vos taxes, vous allez
payer les impôts des gens que vous allez engager, mais on va s'assurer qu'on va aller chercher un
revenu important du côté de l'État avec un produit qu'on veut encore
légal aujourd'hui. Ça, c'est la décision
qu'on a prise. Je ne la conteste pas, c'est un choix qu'on a fait. Puis, quand
on parle aux gens du côté... Je
comprends que ce n'est pas le ministère de la Santé, mais ça reste toujours le
même gouvernement. Quand on parle du
côté des Finances, les revenus provenant du tabac sont relativement importants.
Ça, c'est le premier élément.
Deuxième élément, sur
la marque de commerce, combien d'autres produits dans le temps on pourra
décider d'exclure ou de retirer la marque de
commerce parce que ce sont des produits qui nécessitent une réglementation
plus grande? La préoccupation de nos
membres, M. le député, c'est sur le précédent, à ce moment-ci, d'interdire
l'usage d'une marque de commerce qui, comme je vous dis, est autre que
juste le nom de la compagnie. L'usage d'une marque de commerce, en l'interdisant, on crée ici un précédent qui pourrait
s'appliquer aussi à d'autres industries, et la préoccupation de nos
membres, elle est à cet égard-là.
M. Paradis (Lévis) : On est dans la notion, évidemment, là, de l'analyse commerciale, vos
craintes, les précédents, ce qui
pourrait se produire, mais là on parle... Je m'excuse, là, est-ce qu'on
conviendra tous les deux qu'on parle d'un produit unique qui s'appelle la cigarette? Et, quand vous me dites que
ça rapporte, vous conviendrez avec moi... Puis vous êtes des gens d'affaires, puis j'en connais, de
vos membres, puis ça brasse des affaires puis ça essaie d'arriver. Dans
la balance, entre ce qu'on rapporte par
rapport à ce que ça coûte socialement, on s'entend-u qu'il y a comme quelque
chose qui ne balance pas? On s'entend-u?
M. Forget
(Stéphane) : Oui, mais ça, c'est une décision qu'on doit prendre comme
société, là, voilà.
M. Paradis (Lévis) : Bien... Mais est-ce qu'on n'est pas justement en train de faire ça, tu
sais, je veux dire, de faire en sorte
qu'au-delà de la défense de puis du fait... venez puis vous aurez de la place,
puis on va... Globalement, l'effort qu'on
a à faire, vous, dans ce document-là qui est questionnable dans certains de ses
aspects, à travers vos membres qu'on rencontre partout sur les
territoires, est-ce qu'il n'y a pas cette volonté-là commune de faire en sorte
que, pour un produit aussi unique que
celui-là, il faille prendre aussi des moyens assez particuliers pour éviter que
vous comme moi, collectivement, on
ait à payer, à débourser davantage que ce que ça rapporte? On le sait, c'est le
produit unique. Alors, quand on parle
de précédent, on pourrait en faire une liste, je ne sais pas ce que vous avez
en tête, mais celui-là est comme assez particulier par rapport à tout ce
à quoi vous pouvez penser.
M. Forget
(Stéphane) : Absolument.
M. Paradis (Lévis) :
Est-ce qu'on s'entend, donc?
M. Forget
(Stéphane) : Bien, on s'entend. C'est ce qu'on vous a... on a
mentionné au mémoire.
Mais,
une marque de commerce, il faut savoir que, je vous le répète, c'est autre
chose que le nom d'un produit, ça peut... Une marque de commerce, c'est
autre chose que le nom d'une entreprise, parce qu'une entreprise va avoir différentes marques de commerce. Alors, c'est le
principe du commerce lié à la défense ou à l'expropriation d'une marque
de commerce. C'est ça, l'enjeu.
M. Paradis (Lévis) : Oui, je comprends. Oui, il y a un principe, puis il y a des effets. Tu
sais, je veux dire, je pense que, là, les effets, ce dont on parle
dépasse l'histoire du principe. Puis au gouvernement...
M.
Forget (Stéphane) : Ah! mais là, oui, mais... Oui, mais là...
M. Paradis (Lévis) : Mais vous l'admettrez avec moi, du côté de l'Australie, également, il y
a eu, et d'ailleurs Imperial Tobacco
est venue ici nous en parler... Puis d'ailleurs on lui a reposé la question,
j'ai posé directement la question, à
savoir : Si on faisait une standardisation des emballages de tabac, est-ce
que vous contesteriez?, et à mots couverts... J'imagine ce qui pourrait
se passer. Il y en a eu en Australie, vous le savez également, il y a eu des
recours devant les tribunaux, et le gouvernement australien, bien qu'il y ait
encore des causes qui se continuent, ils ont gagné...
M. Forget (Stéphane) :
Absolument. Bien oui, absolument, absolument.
• (17 h 40) •
M. Paradis
(Lévis) : ...ils ont gagné leur cause sur ces mêmes notions qui ont
été apportées là aussi.
Mais
je comprends, là, qu'on peut en débattre pendant une journée, mais collectivement,
ensemble, là, on est en train de
faire du chemin pour tenter de comprendre si on est capables de faire en sorte
que ce produit-là qui a des incidences sur
la santé, sur le portefeuille, sur la vie de nos jeunes, sur la vie de nos
aînés, etc... si on doit faire quelque chose pour faire en sorte qu'on réussisse à diminuer le
nombre de personnes qui s'accrochent à un produit comme celui-là. Alors,
dans les moyens, au-delà du principe, vous conviendrez que les moyens dont on
parle là sont tout à fait justifiés.
M. Forget (Stéphane) : Bien, c'est ce que je vous dis depuis le début.
Cela étant dit, si on est ici aujourd'hui, c'est parce qu'on veut contribuer à la réflexion pour les décisions que
vous avez à prendre comme parlementaires. Comme organisme à vocation économique, on vous dit : Sur l'emballage
neutre, sur les marques de commerce, soyez prudents, il y a des règles de commerce au niveau international
qui doivent s'appliquer. Donc, aujourd'hui, on est ici pour vous faire...
vous porter une réflexion qui doit
contribuer à votre propre analyse et aux propres décisions que vous allez
prendre dans les prochains mois. C'est ce qu'on essaie de faire.
M. Paradis (Lévis) : Permettez-moi de poser la question, parce qu'encore hier je rencontrais
dans des événements des gens qui font
partie de la fédération par le biais de leur participation à leurs propres
chambres de commerce. Au-delà du sondage
que vous avez fait sur la connaissance ou la méconnaissance des effets du tabac
et le reste, parce que vous êtes allés plus
loin que ça également, puis la particularité, puis comment ça se décline du
système de santé, est-ce que vos membres ont dit globalement, à travers
ça : Oui, c'est ça, écoute, nous, le neutre, on n'en veut pas; le menthol,
on se pose des questions, on n'est pas sûrs?
Au-delà de dire : On réglemente trop, on ne réglemente pas assez, qu'on ne
laisse peut-être pas le libre choix
suffisamment par rapport, bon, à la décision prise par... unilatéralement,
est-ce que ce que vous nous dites, là, c'est validé par tous les membres
des chambres de commerce du Québec?
M. Forget (Stéphane) : Non, non, M. le député. Il y a
150 000 gens d'affaires, 60 000 membres. Les
décisions... Les recommandations de la fédération, dans tous les domaines, ne
font pas l'unanimité, elles ne font pas l'unanimité dans tous les secteurs.
M. Paradis (Lévis) : Il pourrait y avoir des membres de la chambre de commerce qui
disent : Ah! je suis surpris de la position de la fédération
aujourd'hui.
M. Forget (Stéphane) : Absolument. Puis d'autres qui vont dire dans
d'autres sujets : On est très heureux. Et c'est vrai dans toutes
les prises de position que nous allons prendre.
M. Paradis (Lévis) : Et la consultation pour faire en sorte que vous reflétiez davantage la
majorité de ceux au nom de qui vous parlez, ça a été quoi, je veux dire?
M. Forget (Stéphane) : Ça a été de dire que nous appuyons les mesures
prises par les gouvernements successifs depuis de nombreuses années et nous sommes favorables à la majeure
partie des articles du projet de loi n° 44, sauf sur certains
éléments liés au commerce, où on vous dit : Attention!
M. Paradis
(Lévis) : Ça, je comprends, c'est votre position.
M. Forget
(Stéphane) : Voilà.
M. Paradis (Lévis) : Je ne veux pas vous mettre en boîte, je veux rien que comprendre, là,
je veux dire, j'ai rien qu'envie de
pouvoir croiser quelqu'un d'une chambre de commerce puis lui dire : Aïe!
coudon, en passant, tes représentants sont venus, puis toi, tu penses
que... Rien que pour le plaisir de la chose.
Sur
l'ensemble de tout ça, vous m'avez dit que c'était impossible, vous avez trop
de monde, mais, globalement, la position
que vous représentez, la consultation que vous avez faite auprès des membres,
là, de tous ceux et celles que vous représentez, elle s'est faite de
quelle façon?
M. Forget (Stéphane) : Bien, c'est le mémoire que... C'est par nos
instances, par notre conseil d'administration, par les instances... par
un comité sur la surréglementation qu'on a à la fédération.
M. Paradis
(Lévis) : Et chaque chambre de commerce au Québec a eu à réfléchir...
M. Forget (Stéphane) : Non, le
conseil d'administration, qui représente un pourcentage des membres.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.Alors, ceci met fin à l'échange. Nous remercions
les représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec.
Compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux de
la commission au jeudi 3 septembre, à 8 h 30. Merci.
(Fin de la séance à 17 h 48)