(Dix heures quatorze minutes)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à
toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions
publiques concernant le projet de loi
n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de
famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions
législatives en matière de procréation assistée.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Non, M. le
Président.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, ce matin, nous allons débuter avec les
représentantes, représentants du Centre universitaire en santé McGill et nous poursuivrons avec Mme Roxanne
Borgès Da Silva et M. Régis Blais, qui remplaceront Dre Marie-Jo Ouimet, de l'Institut de
recherche en santé publique de l'Université de Montréal. Je vous précise
qu'aujourd'hui nous ajournerons nos travaux à 21 h 30.
Alors, je
souhaite évidemment la bienvenue aux représentantes, représentants du Centre
universitaire en santé McGill.
Bienvenue à
votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de
présentation. S'il vous plaît, bien
prendre le temps et le soin de vous nommer et de nous préciser vos fonctions;
par la suite, vous aurez un échange avec les parlementaires. Alors, la
parole est à vous.
Centre universitaire de
santé McGill (CUSM)
Mme
Sidorowicz (Ewa) : Merci beaucoup. M. le Président de la commission,
M. le ministre, distingués membres de
l'Assemblée nationale, au nom du Centre universitaire de santé McGill, je tiens à remercier la Commission de la santé et des services sociaux de nous accueillir ce matin. Permettez-moi de me
présenter : je suis Dre Ewa Sidorowicz. J'occupe le poste de
directrice générale adjointe aux affaires médicales et directrice des services
professionnels du CUSM.
Notre
intervention portera exclusivement sur la deuxième partie du projet, qui
concerne la procréation médicalement
assistée. Nous y voyons en effet une question vitale pour des milliers de couples du Québec.
C'est aussi un enjeu pressant et
déterminant pour le CUSM, pour l'Université
McGill et pour le RUIS McGill, un enjeu qui est malheureusement éclipsé
par le débat sur la première partie du p.l. n° 20.
Voilà pourquoi je suis accompagnée de Mme Lise
Doiron, infirmière-chef du Centre de la reproduction du CUSM, et du Dr William Buckett, qui en est le directeur médical.
Ensemble, ils dirigent une équipe de plus de 90 personnes traitant plusieurs milliers de patients par année,
tous plongés dans l'expectative à cause des dispositions du projet de loi
n° 20.
Se joint
également à nous le Dr Samuel Benaroya, vice-principal adjoint, Santé et
affaires médicales et vice-doyen de
la Faculté de médecine de l'Université McGill, dont les programmes
d'enseignement en endocrinologie reproductive et infertilité, aux trois cycles universitaires, dépendent étroitement
des activités cliniques de notre centre de la reproduction.
La pertinence et le caractère novateur du
programme québécois de PMA sont irréfutables. Ce qu'on peut lui reprocher, ironiquement, c'est d'avoir connu trop
de succès. Cela démontre à quel point il correspond à des besoins réels qui
sont loin d'être frivoles. L'erreur que le projet de loi n° 20 doit
corriger, ce n'est pas le fait que le gouvernement se soit engagé à couvrir les traitements de PMA;
l'erreur a résidé dans l'absence de balises et de contrôle sur l'évolution du
programme, qui n'a pas permis d'en gérer les coûts de façon proactive et
pleinement responsable.
Le p.l.
n° 20 propose de retirer complètement le financement public pour tous les
cas, sauf pour des cas complexes de
préservation de la fertilité. Refermer brutalement et totalement la porte
revient, selon nous, à abdiquer notre capacité, en tant que réseau, de gérer de façon responsable un programme dont
l'intérêt pour la population du Québec tout entier est démontré et soutenu. Nous venons dire à la
commission qu'il est tout à fait possible de corriger le tir et de réformer
le programme québécois de PMA. J'ajouterais
que nous avons la responsabilité, en tant que système de santé, de corriger
le tir sans tuer l'espoir de milliers de couples québécois.
L'infertilité
est une condition médicale qui touche un nombre croissant de personnes au Québec
et partout dans le monde. Au Québec,
on estime qu'un couple sur six a des problèmes d'infertilité. Le problème
survient tant chez l'homme que chez
la femme. Le CUSM se penche sur la santé reproductive depuis près de 50 ans.
Notre centre de la reproduction existe officiellement depuis près de 20
ans, mais ses racines remontent aux années 60, avec la clinique d'infertilité
de l'Hôpital Royal Victoria. Nous formons un centre de pointe offrant la gamme
complète de soins en infertilité et endocrinologie de la reproduction. Nous nous
démarquons par l'importance de nos activités cliniques, par l'étendue de
nos programmes d'enseignement et par l'ampleur de nos activités de recherche.
Au niveau de nos activités cliniques, nous pratiquons annuellement plus de
1 500 cycles d'insémination artificielle et de stimulation ovarienne hors FIV; 2 300 cycles de FIV — cela
représente le plus grand nombre de FIV en cadre hospitalier au Québec;
50 cycles de préservation de la
fertilité chez les jeunes femmes atteintes de cancer, un nombre qui continue
malheureusement d'augmenter.
Ajoutons que
nous sommes le seul centre pour tout le territoire du RUIS-McGill,
couvrant 22 % de la population
sur un vaste territoire du Québec.
En plus de recevoir des références de partout au Québec, nous accueillons
chaque année un nombre important
d'étudiants en soins infirmiers, en psychologie, en sciences fondamentales et
en médecine. Notre programme de fellowship en infertilité et
endocrinologie de la reproduction, institué en 1976, a été le premier et est présentement le plus important au Canada, attirant des fellows d'à travers le pays et le
monde. Attestant de notre rayonnement
international, plusieurs d'entre eux occupent maintenant
des postes prestigieux dans pas moins de 20 pays.
• (10 h 20) •
En matière de recherche, notre parcours est
émaillé de plusieurs premières médicales. La plus récente est la première naissance, après congélation d'ovocytes,
au Canada, en 2005, grâce à une technique révolutionnaire
que nous avons mise au point, la
vitrification des ovocytes, qui permet de congeler pour utilisation future les ovocytes des jeunes femmes atteintes d'un cancer,
comme on le faisait déjà pour le sperme.
Tous les
jours, nous voyons des couples anxieux de réaliser leur projet parental. Avec
leur équipe de soins, ces couples
cheminent dans une démarche thérapeutique dont l'ultime étape, quand toutes les
autres techniques n'ont pas donné les
résultats espérés, est la fertilisation in vitro. Dans un
CHU comme le nôtre, ce recours ultime n'est exercé que lorsque l'état du patient, son état physique, mais aussi son état
psychologique, et les connaissances scientifiques nous permettent de pronostiquer un succès. Cette façon de faire
constitue le meilleur chemin vers des interventions optimales, basées sur les
données probantes et maximisant les résultats,
à des coûts socialement acceptables. Ajoutons que les CHU sont soumis à
un cadre de gestion de la performance permettant la reddition de comptes et une
saine gestion.
La position que nous venons défendre devant la commission
prend le relais de la position soutenue par l'Association des obstétriciens et gynécologues du Québec. Nous
sommes d'avis que les traitements de FIV pratiqués dans un CHU devraient
être couverts par le régime public.
Nous
recommandons que le régime public couvre également : les
traitements de préservation de la fertilité pratiqués dans les CHU en y
incluant les jeunes de moins de 18 ans, en plus de ceux déjà prévus, et cela,
en raison du nombre grandissant de jeunes femmes et jeunes hommes frappés par
le cancer; les soins de diagnostic préimplantatoire, une technique mise au
point au CUSM et qui permet de détecter les problèmes génétiques; la
congélation et l'utilisation d'embryons qui
découlent de cycles de FIV, eux-mêmes couverts, de manière à corriger l'imprécision du projet de loi à cet égard.
Par ailleurs, nous estimons, sur la base de
notre expérience et des données probantes, que le ministère devrait assouplir
ses dispositions et ne pas rendre illégal pour les femmes de plus de 42 ans,
après une évaluation médicale et psychologique,
de recevoir des traitements de fertilité. Enfin, nous faisons deux recommandations pour assurer une saine gestion
du programme de PMA québécois. Premièrement, il s'agit d'établir des lignes directrices pour
encadrer la pratique et, deuxièmement, de créer un registre provincial
qui permettra le suivi et la qualité du programme.
Permettez-moi
de conclure en vous parlant plus précisément des conséquences du projet de loi pour notre institution. Jusqu'à
l'instauration du programme québécois de PMA, les activités de notre centre
étaient rémunérées hors régime, avec
pleine compensation des frais au CUSM, dans un cadre accepté par le ministère.
En 2010, le ministère nous invita à basculer dans le régime public et à mettre notre expertise au service
du développement de l'offre de services publique en PMA, et ce, nous avons accepté de le faire.
Entre 2010 et 2013, nous étions le seul centre public de santé reproductive
au Québec.
Les dispositions du p.l. n° 20 changent dramatiquement la donne. L'existence même de
notre centre est remise en cause. La
perspective de voir notre centre disparaître ou simplement tomber sous le
seuil acceptable d'activité pour soutenir
ses missions d'enseignement et de recherche aurait des répercussions
néfastes. Le Québec risque de perdre une composante importante de son offre de
services publics en matière de PMA en plus de perdre un fleuron scientifique et
un ambassadeur auprès du monde entier.
Il est
possible d'éviter une telle déroute en axant le programme québécois
public de PMA autour des CHU. Cette stratégie assurerait au ministère l'expertise médicale
et scientifique pour déterminer ce qui est médicalement requis, en plus de fournir un cadre de gestion de la
performance permettant la reddition
de comptes et une saine gestion. Les
CHU représentent donc pour le ministère
la solution optimale pour gérer les attentes et les besoins légitimes de la population du Québec et pour répondre à une problématique de santé
bien réelle. Voilà comment nous pouvons corriger le tir de façon
responsable en maintenant l'espoir de milliers de couples québécois. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, nous allons débuter la période d'échange avec
les parlementaires. Et, pour 18 min 30 s, je cède maintenant la
parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Barrette : Merci, M. le Président.
Dre Sidorowicz, bienvenue; Mme Doiron, Dr Benaroya,
Dr Buckett.
Je dois vous
avouer que je ne suis pas surpris que vous vous adressiez à cette partie-là du projet de loi n° 20. Le contraire m'aurait surpris. Par contre, autant je
comprends votre sentiment dans vos commentaires, autant je m'interroge sur certains de ces commentaires-là et leur finalité, pas sur la finalité, parce que
je la comprends aussi, là, mais sur la façon d'y arriver. Et j'aimerais
avoir quelques précisions là-dessus, si vous me le permettez.
Alors,
je vais commencer par une première question.
Bon, vous l'avez dit, là, mais le projet de loi n° 20, pour ce qui est de la PMA, ne considère pas que l'accès à
des fonds publics pour la PMA est une question de frivolité, là. On comprend
la délicatesse de la chose, on comprend que c'est un débat qui n'est pas
nécessairement évident à faire, comme vous l'avez
démontré aussi. Mais en même temps vous nous dites que vous-mêmes, vous vous
posez la question sur la façon de
contrôler les coûts de façon responsable. C'est une question qui est légitime,
c'est la question qu'on se pose en partant, au même moment qu'on se pose la question sur les balises selon
lesquelles doit se pratiquer cette activité médicale là.
Dans votre
esprit, puisque vous y faites référence, parce que c'est un peu ça que vous
avez dit, je l'ai noté là... Vous
nous dites que vous pensez qu'il est possible de contrôler les coûts de façon
responsable. Peut-être, alors, que vous avez fait des analyses, des
études. Pouvez-vous nous éclairer un peu plus sur votre réflexion et sur les
données sur lesquelles vous vous basez pour dire qu'on peut faire ça de façon
plus responsable?
Mme
Sidorowicz (Ewa) : Alors, écoutez, je pense que la première chose à
dire, c'est que nous devons nous joindre aux sociétés savantes et au Collège des médecins pour regarder les
différentes questions, qui en effet sont très délicates, et sur
lesquelles on devrait se pencher de façon détaillée. La question du financement
est importante évidemment, on comprend très
bien le contexte du Québec actuel, mais en même temps nous pensons que les
balises devraient être dictées par les données probantes et par les
sociétés savantes, et ensuite on peut décider... le ministère peut décider sur
les traitements qui seraient couverts ou pas.
J'aimerais
peut-être demander à Dr Buckett de renchérir là-dessus, au niveau de
l'expérience du CUSM, sur le type de traitement donné et sur la
possibilité de restreindre potentiellement le type de soins.
M. Buckett
(William) : Premièrement, je suis en accord avec Dre Sidorowicz,
en disant qu'on doit établir certaines sociétés
scientifiques pour déterminer ces balises. Mais, certainement, si on va limiter
le traitement pour, par exemple, les
indications médicales très connues, par exemple une maladie tubaire qu'on ne
peut pas réparer avec la chirurgie, ou une infertilité facteur mâle où
on a essayé avec les traitements médicaux, mais ça n'a pas marché, dans ces
cas, on va vraiment diminuer les cas où on va faire la FIV, mais sans fermer la
porte aux couples qui ont vraiment besoin de ça.
M.
Barrette : Est-ce que je dois comprendre — parce que nous, on est sensibles évidemment
aux suggestions et commentaires qui
sont faits par les gens qui viennent ici, en commission parlementaire — de votre commentaire que la façon que vous auriez aimé que l'on prenne pour
contrôler les coûts en PMA aurait été de limiter l'accès aux situations
médicalement requises?
M. Buckett (William) : ...
M. Barrette : Oui, excusez-moi.
M. Buckett
(William) : Certainement les indications médicalement requises, mais
peut-être on peut aussi mettre quelques
autres balises : par exemple, le nombre de cycles, par exemple l'âge, par
exemple si des couples ont déjà eu des enfants,
par exemple. Mais ce n'est pas nécessairement quelque chose qu'on peut décider
ici. C'est quelque chose que peut-être l'INESSS ou le Collège des
médecins va établir.
• (10 h 30) •
M.
Barrette : Alors, à ce moment-là, et je serais très surpris si vous me
disiez que vous ne l'avez pas lu, vous avez
dû lire le rapport du Commissaire à la santé et au bien-être, et, dans ce
rapport-là, on nous disait et recommandait le contraire, en ce sens que le rapport recommandait ou suggérait de ne
pas faire de distinction de quelque nature que ce soit entre les
différents types d'infertilité, la médicalement démontrée versus... le terme
qui a été mis de l'avant et qui arrive
maintenant dans l'usage courant, qui est l'infertilité sociale. Est-ce que vous nous dites aujourd'hui que votre position
aurait été de réserver la procédure, la
procréation médicalement assistée, à l'infertilité médicalement démontrée
exclusivement? Puis ça peut être votre suggestion, là, c'est pour ça
qu'on est là, à échanger, là.
Mme
Sidorowicz (Ewa) : Notre suggestion,
c'est d'asseoir ces recommandations-là sur des bases médicales et de
s'assurer qu'on a ces balises-là, parce que je pense que les dernières années
nous ont démontré qu'il y a eu un certain dérapage, puis c'est pour ça qu'on
est là aujourd'hui, je crois, là, mais qu'il faut reprendre les balises.
Alors, le rapport du commissaire nous aide, nous
oriente, en effet, tout comme le rapport de l'INESSS, dans ce sens-là. Et ce qu'on
souhaiterait, c'est participer à cette discussion-là avec le Collège des
médecins et autres pour clairement établir les balises de ce qui est couvert, de ce
qui n'est pas couvert. Je ne suis pas sûre que ça soit à nous de dicter
ces balises-là.
M.
Barrette : Bien, je ne vous
demande pas de les dicter, là. Ce qu'on vous demande, c'est... Bien, on ne vous
demande rien, en fait. Vous venez vous
présenter pour nous faire votre commentaire, que l'on essaie de comprendre, et,
comme vous avez ouvert la porte, encore ici,
dans votre dernière intervention, Dre Sidorowicz, au dérapage, vous faites donc
référence à des choses que vous avez vécues vous-même dans votre milieu, là. Vous
êtes un milieu à grand volume et avec
une histoire prolongée. Je comprends dans votre commentaire que vous avez
vu des dérapages. Vous pouvez élaborer là-dessus si vous
voulez. Mais, si vous avez vu des
dérapages et que vous nous parlez de balises, c'est donc qu'il y a
des balises à mettre en place pour nous protéger de dérapages et que,
donc, vous avez des opinions là-dessus. Moi, c'est simplement vous entendre là-dessus
qui m'intéresse. Je vous ouvre la porte à élaborer là-dessus.
Mme
Sidorowicz (Ewa) : Je vais
laisser Dr Buckett réitérer, mais je crois qu'étant donné que la couverture est
très large présentement il y aurait des façons de restreindre l'accès d'une
certaine façon, mais je vais laisser Dr Buckett répondre à cette
question-là.
M. Buckett (William) : ...
Mme Sidorowicz (Ewa) : ...
Mme Doiron
(Lise) : Si on parle des algorithmes de soins qu'on aimerait que le
Collège des médecins, avec l'INESSS,
développe, à ce moment-là on pourrait s'assurer que les coupes suivent la
même trajectoire, selon ce qui est médicalement
requis. En ce moment, il n'y
a pas de balise, donc il y a
de la pression au sein des équipes de soins, et je ne parle pas juste de notre part, mais dans toutes
les cliniques de PMA, pour les gens qui croient qu'ils doivent avoir accès
tout de suite à la fécondation in vitro, par
exemple. En suivant des lignes
directrices, on peut s'assurer que les gens suivent le bon cheminement. C'est sûr qu'il y a
des indications directes pour la fécondation in vitro, mais, dans plusieurs
cas, il y a aussi d'autres cheminements qui seraient
nécessaires à faire avant de passer directement à la fécondation in vitro, ce qui
limiterait les coûts pour le programme en général.
M.
Barrette : Pouvez-vous nous
donner des exemples de parcours de soins dans l'optique que vous venez de dire,
là? L'optique que vous venez de dire est celle de ne pas arriver comme ça puis
demander la procédure, il faut quand
même suivre un protocole, là.
Pouvez-vous éclairer la commission sur ce parcours-là, qui serait
recommandable, ou recommandé... Recommandable, plutôt.
M. Buckett
(William) : Un exemple, par exemple, peut être le traitement d'une infertilité inexpliquée. Alors, après toute l'évaluation, toutes les
études ont montré que, peut-être, c'est mieux d'attendre au moins deux ans avant
un traitement. Et après ça on doit faire quelques inséminations. Et
après ça, si ça ne marche pas, on peut procéder avec la FIV. Alors, c'est bien établi aux... plusieurs pays du monde, cet
algorithme de traitement pour une infertilité inexpliquée. Alors, si on
va suivre ces lignes directrices, ça va être plus facile, ça va être mieux, ça
va réduire les coûts.
M.
Barrette : Je suis content
que vous abordiez ce sujet-là, puisque bien des gens en font des gorges
chaudes. Et évidemment,
comme je l'ai dit à plusieurs
reprises, effectivement, l'attente, dans les cas inexpliqués, donc où il n'y a pas
de cause médicale démontrée, fait partie du protocole à mettre en place. Mais
semble-t-il qu'il y en a qui ne comprennent pas ça. Mais je suis content
que vous l'abordiez. Moi, bien... Comme l'Angleterre, ils sont à trois ans, eux
autres là. L'Angleterre, ils sont à trois
ans, avec le NICE. Vous, vous proposez deux ans, là. Je comprends très bien
la différence.
Les balises
qui sont proposées, parce que c'est
quand même des balises, là, que l'on a voulu intégrer, nous, dans le projet de loi, qui sont celles du Commissaire à la
santé, est-ce que vous considérez qu'elles sont suffisantes ou qu'elles
devraient être différentes?
Mme Doiron
(Lise) : Je crois que le
commissaire a quand même développé des idées de balises, mais je pense que
les détails, c'est vraiment... Ça revient aux sociétés savantes de s'asseoir
avec les experts du milieu pour déterminer les détails de chacune de ces balises-là et voir qu'est-ce... de déterminer des balises qui sont
consensuelles dans le milieu, selon les données probantes.
M.
Barrette : Je ne peux pas faire autrement, parce que vous êtes un
milieu universitaire, vous êtes un milieu où normalement se font un certain nombre de réflexions... Et je suis
surpris de la position que vous semblez prendre, à savoir que vous... Je comprends que vous vouliez
la garder disponible, ça, je comprends ça, publique, financée totalement
par le public. Mais j'ai comme l'impression,
à moins que j'aie mal compris votre mémoire et votre présentation
d'aujourd'hui... Je comprends que
vous visez le maintien, dans le régime public, de la procréation médicalement
assistée dans les cas qui sont médicalement démontrés.
Et là ça nous
amène dans le débat, qui est tout aussi délicat, qui est celui des couples de
même sexe et des personnes seules.
Qu'en pensez-vous, dans votre expérience et votre réflexion, dans votre
milieu... qui êtes là-dedans depuis longtemps?
Mme Doiron
(Lise) : Nous sommes d'avis, encore, que les traitements de PMA
devraient être médicalement requis selon
les lignes directrices qui seraient établies. Les femmes de la communauté LGBT,
par exemple, ne sont pas, elles aussi,
exclues de souffrir d'infertilité. Et, si la FIV est la solution requise dans
ces cas-là, bien, elles devraient aussi avoir le droit et que ça soit
couvert donc selon, toujours, un diagnostic médical.
M.
Barrette : Habituellement, on la prévoit disponible aussi. Bon, il y a
deux éléments dans ce que vous venez de dire : le premier élément, c'est que c'est... Vous allez convenir
avec moi... Bien, peut-être qu'il y a une littérature qui dit le contraire, là, mais vous m'en informerez,
ça sera mon moment d'éducation médicale continue. Il est statistiquement
très peu probable que les deux membres d'un
couple de même sexe féminin soient toutes les deux, au même moment, infertiles.
Ça, c'est statistiquement peu probable. Mais en même temps vous faites quoi
avec les couples masculins?
Mme Doiron
(Lise) : C'est une question qui devrait, selon les données probantes,
regarder qu'est-ce qui est indiqué. Et
ce n'est pas vraiment à nous de déterminer qu'est-ce qui serait couvert ou non.
C'est au gouvernement de le faire, et, si le gouvernement souhaite de choisir de couvrir ou
non, nous allons respecter ça, mais je pense que ça nous met un peu dans
une position difficile de déterminer si ça devrait être médicalement requis ou
non.
M.
Barrette : Ah! je comprends votre position. C'est que, dans les
commentaires introductifs et l'échange que l'on a, ça ne va pas... vous allez dans l'autre sens. Je le comprends,
là, on reçoit ce commentaire-là, mais ça pose certains problèmes, et ça pose certains problèmes qui nous
amènent au contrôle du coût, parce que, si vous nous dites que vous êtes
en faveur de le réserver à l'indication médicale, mais qu'en même temps vous
nous laissez le choix, et qu'on se retrouve dans un débat public et éthique qui
le garde ouvert à tout le monde, bien il reste tout simplement un contrôle
d'indications. Il n'y a pas de contrôle de coûts vraiment possible.
Mme Doiron
(Lise) : Le contrôle de coûts se fait justement par le contrôle des
indications et par le cheminement que
ces couples-là vont faire dans le parcours de la PMA. Donc, de ne pas tout de
suite sauter à des techniques qui sont plus invasives, alors que
d'autres techniques pourraient être indiquées dans plusieurs de ces cas-là.
• (10 h 40) •
M.
Barrette : On comprend que ce à quoi vous faites référence, c'est
l'infertilité inexpliquée, c'est-à-dire celle où il n'y a pas de cause médicalement démontrée, et que seul le temps
jusqu'à x pour cent montrera l'infertilité réelle, on va dire fonctionnelle,
après un certain temps de pratique sexuelle active.
J'aimerais ça
aborder un autre élément avec vous pour ce qui est de vos demandes et
recommandations. Là où évidemment je
ne suis pas nécessairement d'accord avec vous, c'est que vous m'avez dit tantôt
que le fait de l'enlever du système
public, ça fermait des portes. Au gouvernement, on n'est pas d'accord que ça
ferme la porte. Le crédit d'impôt, ça
demeure de l'argent public et ça demeure aussi un soutien financier réel,
variable en fonction du revenu familial des couples. Alors, le fait de ne
pas le couvrir complètement par l'assurance maladie, ça ne peut pas signifier
que c'est un désengagement de l'État.
C'est un chemin différent, à une hauteur différente, qui préserve l'accès à ces
services-là par une voie publique.
J'aimerais vous entendre là-dessus et en même
temps vous emmener sur une autre question, qui est beaucoup plus délicate, qui,
elle, vient de votre demande, là, je vais le dire comme ça. Vous avez dit que
ça mettait en péril vos activités. Ce n'est pas l'objectif, évidemment. Mais
aussi ça ouvre la porte à des activités totalement privées.
Quelle est votre vision de votre activité
clinique, dans un hôpital public, d'activités qui seraient totalement privées? Parce qu'on comprend que la mécanique du
crédit d'impôt, ça ouvre la porte, dans un centre comme le vôtre, à l'autorisation d'avoir des activités totalement
privées à l'intérieur de l'hôpital, et dans quel cadre ça devrait se faire,
sous quel type de reddition de comptes, à quel niveau de transparence,
et ainsi de suite.
Mme
Sidorowicz (Ewa) :
...d'abord adresser la première partie de la question, qui a trait à l'accès.
Et, en fait, je pense qu'on est bien positionnés pour répondre à la question,
étant donné qu'on était dans le système avant 2010 et après 2010, donc on a vu l'évolution de l'accès
dans ce temps-là. Je vais demander à Mme Doiron de commenter, en se basant aussi sur notre article dans le New
England, qui a été publié en 2013 à ce sujet-là, sur le changement, justement, de la population, qu'on a vu
dans notre clinique.
Mme Doiron
(Lise) : Donc, vous savez
que le centre du CUSM de reproduction existe depuis 20 ans. Nous avons vu l'effet qu'a eu la couverture des traitements
de procréation médicalement assistée. Ce que ça a profondément changé, c'est au
niveau de la population
que l'on traite. Des revenus inférieurs, moindres, sont plus présents, des
niveaux d'éducation aussi moins
élevés. Et ces données ont été réitérées dans l'article qui a été publié en
2013. Et c'est vrai qu'à cette époque-là il y avait quand même un crédit d'impôt, mais le crédit d'impôt qu'on
souhaite mettre en place maintenant, on comprend que c'est une aide, mais c'est quand
même une aide qui est très
restrictive justement pour la classe moyenne et les faibles
revenus.
Donc, ce
qu'on a compris, c'est que le crédit d'impôt serait accessible pour un seul
traitement à vie, chez les moins de
37 ans, et deux traitements pour les 37 ans et plus. C'est peu, comparé à ce
qu'il y avait avant, qui était 50 % des crédits d'impôt pour chacun des traitements, sans limite.
Avec le transfert d'un embryon unique pour chacun des traitements, plusieurs
couples doivent faire de multiples traitements avant d'accéder à une grossesse.
Donc, c'est sûr qu'un crédit d'impôt, c'est bien, mais encore, ça ne suffit pas
à plusieurs des ménages qu'on traite.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à l'échange avec le ministre. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Taillon
pour 11 minutes.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Dre Sidorowicz, Dr Buckett, Dr Benaroya et Mme Doiron,
merci de votre présence. Je vais aller assez rapidement.
D'abord, je
veux un petit peu présenter un angle un peu différent. C'est que ce qu'on
constate... Le commissaire a fait une
analyse et a fait des recommandations, mais les balises proposées dans le
projet de loi n° 20 ne sont pas celles que le commissaire avait nécessairement recommandées. On va le recevoir
cet après-midi, on va pouvoir le vérifier de façon plus précise, mais ce
qu'on constate, c'est que le commissaire, par exemple, n'a jamais recommandé de
rendre illégale la fécondation in vitro chez
les femmes de plus de 42 ans. Ça, c'est une initiative qui est venue des
travaux du ministre. Le ministre a même dit que, par exemple, la période
de relations sexuelles, habituellement — il l'a lu lui-même — c'est un an. Vous évoquez deux ans; mais là
on met trois ans. Alors, on est allé toujours dans l'extrême. Et, entre un système où il n'y avait pas assez de balises,
tout le monde en convient, et un système où les balises qui sont posées par le ministre
deviennent un obstacle à l'accès, je pense qu'on comprend bien, là, l'impact
négatif que ça a sur la valeur ajoutée de ce programme-là et la
pertinence pour les couples.
Alors,
ce que j'apprends aussi avec vous, c'est que le système, avant le projet de loi
de 2010, le crédit d'impôt, ne
limitait pas le nombre d'interventions — c'est bien ça que vous nous avez dit — alors que là ça va être limité. Donc,
c'est plus restrictif encore que ce qu'on avait avant 2010, dans le fond. C'est
bien ça? D'accord.
Alors,
je pense que ce que je voudrais vous entendre... Puis moi, je vous rejoins bien
quand vous dites : Ça prend des
lignes directrices de traitement, ça prend un algorithme. Donc, en fait, ce qui
est problématique, c'est qu'on n'a pas ciblé
où il y avait vraiment des écarts et des abus ou des déviances
significatives. On ne les a pas bien ciblés, ces endroits-là. Donc là, actuellement, le ministre propose quelque chose, mais on n'est
absolument pas sûr que ça va corriger les écarts. Et
ça va pénaliser des femmes et des couples qui souhaitaient avoir un bébé et qui
ne pourront pas en avoir un.
Pouvez-vous nous
donner un exemple de balises... ou d'abus dont vous avez été témoin ou de
choses qui vraiment mériteraient d'être corrigées? Un, deux, trois abus, là, si
vous en avez.
M.
Buckett (William) : Certainement. Il y avait des cas où, avec le système
qu'on a présentement, on peut faire plusieurs
tentatives de FIV chez un couple où la madame, peut-être, a 42 ans. Si on
fait une tentative de FIV, mais, si on n'a
aucun ovule ou si on a un embryon qui n'était pas... qu'on ne peut pas
transférer, ça ne compte pas comme un traitement. Alors, on peut le faire encore et on peut le faire
encore. Et c'est ça qui est arrivé chez quelques cliniques où on a plusieurs
traitements de FIV : la RAMQ a payé
pour ces traitements, mais on a continué de le faire parce que ces traitements
n'étaient pas complétés.
Alors,
si on a eu quelques balises avec les normes de traitement, où on va arrêter un
traitement, peut-être avec l'âge qui est couvert par la RAMQ, etc., on
va certainement éviter ces problèmes et on va réduire les coûts.
Mme
Lamarre : Alors, c'est très intéressant. C'est très intéressant et ça
nous montre qu'il faut aller dans la nuance, alors que le ministre tranche, avec le projet de loi n° 20, ça
tranche vraiment, ça coupe et ça exclut, alors qu'il faut aller beaucoup
plus dans des éléments plus précis, comme vous dites, à l'intérieur d'un
algorithme de traitement, d'une trajectoire
de soins, où on amène des coûts inutiles, peut-être, dans des cas de
fécondation in vitro, ou d'insémination, ou une ou l'autre de ces
techniques, mais pas la bonne au bon moment.
M.
Buckett (William) : C'est à cause de ça qu'on doit avoir une façon de
gérer ce programme, qui a été... manque.
Mme Lamarre :
Mais vous dites : Les lignes directrices de traitement. Mais moi, je vous
dirais : Ce que ça prendrait, ce sont
des mécanismes d'inspection et de supervision, après, du côté du ministère,
soit par la Régie de l'assurance maladie
du Québec, pour vérifier que ça, ça va bien se réaliser conformément aux lignes
directrices de traitement. Et ce n'est
pas le seul dossier où c'est ça qui manque. Il manque des mécanismes de
vérification, de validation. Il y a des balises, mais elles ne sont pas vérifiées. Comme elles ne sont pas vérifiées ou
inspectées, la nature humaine fait que ça dévie, et, après ça, on arrive à une situation extrême où là
on coupe de façon drastique l'accès plutôt que de tout simplement améliorer
le fonctionnement. Et c'est ce que le commissaire demandait.
Mme
Sidorowicz (Ewa) : D'où, en effet, le besoin d'un registre détaillé
avec les bons indicateurs pour le suivi. Je voudrais peut-être demander
au Dr Benaroya de commenter.
M. Benaroya
(Samuel) : Merci, M. le Président, M. le ministre, madame. Je voudrais
juste un peu élargir la discussion sur un
des grands thèmes qui ont été abordés dans le mémoire, c'est-à-dire le rôle du
CHU dans l'élaboration des réponses à
toutes ces questions délicates que vous avez mises sur la table, soit avec des
anecdotes ou des questionnements précis sur des cas particuliers.
Le
rôle d'un CHU, qui est un hôpital d'enseignement lié à une université, c'est de
faire développer la connaissance, le savoir sur des questions médicales
qui existent. Et l'infertilité, c'est un problème médical pas rare, qui est en
plein développement présentement, dont il y en a toutes sortes de questions
éthiques, médicales, psychologiques, etc., sur lesquelles il faut se pencher et sur lesquelles il faut soit former des
professionnels de la santé pour aller de l'avant avec des réponses à ces questions-là, d'une façon
rationnelle, et, en même temps, développer la connaissance dans ce domaine
avec la recherche. Le rôle d'un CHU serait
d'intégrer tout ça dans un milieu qui a comme mandat de répondre à toutes
ces questions-là, pas seulement les aspects
cliniques dont vous avez abordé. Et c'est pour ça que le grand thème du mémoire
a été mis sur la table : pour rendre ce lieu-là important, dans ce système
public, à ce sujet.
Je crois que les questions
que le ministre a demandées spécifiquement sur certains cas sont des questions
très importantes, qui doivent être abordées
par des experts et par des collègues qui puissent se pencher dessus d'une façon
logique, suivant les meilleures pratiques. Il y en a
dans d'autres pays, des balises à ce sujet, il y en a dans d'autres pays,
des contraintes budgétaires qu'il faut
respecter. Et, en mettant les deux sur la table, on pourrait avoir une réponse
logique à ça, qui n'est pas d'emblée
d'enlever la couverture complète du programme. Alors, ce qu'on met sur la
table, c'est des recommandations à ce sujet.
• (10 h 50) •
Mme
Lamarre : Je vais vous poser
une question délicate. Vous êtes un centre universitaire, vous faites référence
à ça, et est-ce que vous pensez que les
situations d'abus sont plus importantes dans d'autres sites, qui sont moins
balisés que des centres
universitaires? Parce que vous avez fait référence beaucoup
à la caractéristique, là, du CUSM comme un centre hospitalier universitaire. Est-ce que, sans donner de nom, vous
considérez qu'il y a plus d'écarts potentiels dans des
cliniques privées, par exemple? Je pose la question très ouvertement, là.
Mme
Sidorowicz (Ewa) : L'absence
d'encadrement et de registre présentement, et le manque de suivi détaillé
peut présumer ça. Mais je ne pense pas qu'on soit en position de parler des
autres. On parle de nous et on parle de l'orientation
qu'on souhaiterait pour le programme. Mais, sans ce registre et sans ces
informations-là, c'est certain qu'on peut avoir des déviances ou des
dérapages.
Mme Lamarre : Je vais laisser la
suite à mon collègue.
Le Président (M. Tanguay) : Collègue
député de Rosemont.
M. Lisée : ...M.
le Président. Alors, bienvenue à tous
et toutes. Il y a un aspect, vers la fin de votre mémoire, où
vous dites : «La perspective de voir le centre de recherche du CUSM
disparaître ou simplement tomber sous un seuil acceptable d'activités aurait des répercussions majeures évidentes.
[...]il serait inconséquent et inéquitable que notre centre soit forcé
de fermer ou de se transformer en centre privé dépourvu de ses missions
d'enseignement et de recherche.»
Avant 2010, le centre était-il privé? Et il ne
faisait pas de recherche? Et expliquez-nous comment le centre pourrait devenir
privé à l'intérieur du CUSM.
Mme
Sidorowicz (Ewa) : Je pense
que, comme Mme Doiron a expliqué, puis elle pourra reprendre la parole,
l'encadrement qui était là avant 2010 permettait un certain revenu et
permettait donc une certaine activité. Ce qu'on pourrait s'imaginer actuellement du côté du régime public serait beaucoup,
beaucoup plus limité, d'où notre inquiétude de survie, parce qu'uniquement de s'occuper de la
préservation de la fertilité dans le contexte de l'oncologie, ce qui est
un élément extrêmement important, comme
on l'a mis dans le mémoire et dans ce que j'ai dit tantôt, n'est pas une
activité suffisante pour nourrir un
programme. Alors, d'où l'inquiétude, justement. Et, en fait, on ne souhaiterait pas nécessairement revenir à une situation de
privé dans le public, mais plutôt, justement, de maintenir le public pour ce qui est
médicalement requis, dont la
préservation de la fertilité, et, pour ce faire, ça prend quand même un minimum
d'activité pour nourrir la clinique, mais aussi nourrir l'enseignement
et la recherche. Je ne sais pas si vous souhaitez ajouter?
Une voix : Avant...
M. Lisée : ...une simulation. Excusez-moi, avec le temps
qu'il me reste... Vous aviez fait une simulation. Si on appliquait le
p.l. 20 tel quel, compte tenu de la clientèle que vous perdriez, vous
devriez fermer?
Mme Doiron
(Lise) : C'est sûr que le
centre existait quand on était, avant, avec les crédits d'impôt. Donc, il y a un volume qui resterait, mais le
volume serait beaucoup moindre, et il faudrait voir les dispositions, dans le projet
de loi n° 20, qui vont être adoptées pour voir jusqu'à quel
point ce niveau d'activité serait affecté, mais c'est clair qu'il va y
avoir un impact sur notre volume.
M. Lisée : Le crédit d'impôt, avant, était plus généreux que
celui qui est proposé. Mais, si le projet
était adopté sans changement, est-ce que vous tirez déjà une conclusion?
Mme Doiron
(Lise) : C'est sûr que, s'il est possible de continuer comme on faisait
avant 2010, c'est-à-dire qu'on pouvait
offrir des traitements qui étaient rémunérés par les patients, et que c'est à
eux de demander le crédit d'impôt avant, donc, on pourrait continuer à offrir un certain volume, probablement
en-dessous des 1 000 cycles... autour des 1 000 cycles
de FIV, mais tout dépend du crédit d'impôt
et des balises qui vont restreindre le crédit d'impôt, ce qui n'est pas clair
en ce moment.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je dois maintenant céder la
parole à notre collègue de Lévis pour la poursuite de l'échange, pour
7 min 30 s.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le
Président. Merci, Dre Sidorowicz,
Dr Buckett, Dr Benaroya, Mme Doiron. Il y a des données qui sont impressionnantes,
hein, dans votre mémoire, notamment à votre centre, au Centre de reproduction
du CUSM. Et je le relis, parce que c'est majeur : «1 500 cycles
d'insémination artificielle et de stimulation ovarienne hors FIV; 2 300 cycles de FIV», et aussi cet élément-là, qui est
extrêmement important, «50 cycles de préservation de fertilité chez des jeunes femmes atteintes de
cancer», et c'est un nombre qui continue à augmenter. Je prends quelques
secondes seulement sur cet élément-là. Donc,
progression continue à ce chapitre-là également, c'est ce que vous constatez,
donc?
Mme
Sidorowicz (Ewa) : Absolument. Et, pour cet aspect-là, nous avons une
expertise assez unique au CUSM. Et,
quand je mentionnais les références d'ailleurs au Québec, c'est souvent en lien
avec la préservation, justement, de la fertilité dans un contexte de
traitement de chimiothérapie ou de radiothérapie pour un cancer, évidemment.
M. Paradis
(Lévis) : Est-ce que je
comprends que tout ce que vous nous dites là, tout ce que vous avez fait, puis
prenons pour acquis que le projet de loi
n° 20 est adopté dans sa forme actuelle, remet en question... Et
souvent — je serai
plus large que ça — les gens viennent nous dire... Quand on
parle de procréation assistée, les gens disent : Ce que l'on a réussi à faire au Québec est reconnu
mondialement. Nous avons atteint des sommets, et on nous envie où nous sommes
maintenant rendus. Est-ce que le projet de
loi, en ce qui concerne la procréation assistée, risque de nous faire perdre
nos acquis?
Mme
Sidorowicz (Ewa) : Écoutez, pour revenir justement à la préservation
de la fertilité, c'est la pointe de la
pyramide. Il faut s'appuyer, dans un CHU, je pense que Dr Benaroya
l'a bien expliqué, sur toute l'expertise qu'il y a pour avoir un programme
de fertilité en santé, et, évidemment, émanent de ça des créneaux d'excellence
comme la préservation de la fertilité. Donc,
quand on enlève le programme, ces créneaux-là ont beaucoup plus de difficulté à
exister, pour la clinique et évidemment pour l'enseignement et la
recherche. Mais c'est une... Dans un CHU, il y a toutes ces modalités-là qui
doivent s'articuler pour créer l'excellence et l'innovation. Je ne sais pas si
mes collègues... Ah! Dr Benaroya.
M. Benaroya (Samuel) : La réponse à votre question, du point de vue
universitaire, est : Oui, il y a une grande inquiétude à ce sujet. C'est une des raisons pour lesquelles je suis là
aujourd'hui, pas seulement pour les raisons du projet de loi n° 20,
mais aussi pour les raisons qui sont dans le mémoire, le fait que le projet de
loi soit déposé au même moment où il y a un déménagement majeur qui se fait
d'un endroit à l'autre, de l'Hôpital Royal Victoria au Glen, le nouveau CUSM, et du fait que le centre de
reproduction ne fait pas partie des plans de déménagement et que tous les plans
qui ont été déposés à ce sujet ont été gelés à un moment donné. Alors, il y a
une double inquiétude à ce sujet-là, pas seulement
vis-à-vis les effets du projet de loi n° 20 tel qu'on a expliqué, mais
aussi du point de vue spécifiquement relié au déménagement du CUSM qui
se fait présentement.
M. Paradis
(Lévis) : Je comprends que vous vous inquiétez également pour votre
avenir au-delà du projet de loi n° 20 et que ces inquiétudes-là sont
pesantes actuellement. C'est ce que je comprends.
Mme Sidorowicz
(Ewa) : ...à la demande du ministère, depuis le mois de novembre, nous
avons arrêté notre planification de déménagement.
M. Paradis (Lévis) : Vous avez parlé de la notion du 42 ans, tout le monde en parle,
c'est-à-dire de faire en sorte qu'après 42 ans on interdise
systématiquement le recours à la procréation assistée, à la fécondation in
vitro. Et, à ce chapitre-là, vous êtes assez
clairs dans vos propos. Vous dites que ça, ça ne tient pas la route. J'aimerais
vous entendre.
Mme
Sidorowicz (Ewa) : Exactement. Donc, je peux répéter ce qu'il y avait
dans le mémoire ou dans ce que j'ai
dit tantôt, c'est que, pour nous, ce sont des balises médicales qui doivent
exister, et, au-delà de 42 ans... Ça ne devrait pas être légiféré comme
étant illégal pour une dame de 42 ans ou plus. Il y a des balises médicales à
discuter.
M. Paradis (Lévis) : Et là il y a toute la notion, et le ministre en a parlé, là, du risque
pour la santé de la femme, bien sûr,
et du taux de mortalité après 42 ans, par 100 000 habitants, bon, etc. Il
y a des chiffres qui ont été apportés, vous les avez entendus, vous avez
suivi la commission. Et ça, ça ne change pas votre vision des choses?
• (11 heures) •
M.
Buckett (William) : Oui, avec l'âge, la mortalité maternelle augmente.
Par exemple, on parlait de moins de 35
ans, c'est peut-être à huit cas sur 100 000; plus de 40, c'est peut-être
20 cas sur 100 000, mais, entre 35 et 40, ça monte encore. Et on sait déjà, au Québec, que, chez les
madames qui sont en train d'accoucher, on a 20 %, 25 % qui ont plus
de 35 ans. Alors, ça va doubler le taux de
mortalité maternelle avec les conceptions spontanées. Alors, on a besoin
d'encourager la population québécoise d'avoir leurs enfants plus tôt
pendant la vie reproductive. Une façon qu'on peut faire ça : si on va couvrir
le PMA avec la RAMQ, ça va encourager les couples infertiles d'avoir le
traitement plus tôt. Parce qu'avant 2010 on
a vu beaucoup de monde qui a ramassé l'argent pour quatre, cinq, six ans pour
avoir une tentative de FIV. Mais, maintenant, si c'est médicalement
indiqué, on va les voir plus tôt, et ça va être mieux pour la population.
M. Paradis (Lévis) : Je comprends à travers vos propos que, dans sa forme actuelle, on rame
à contre-courant et que ces statistiques, dont on nous parle,
inquiétantes risquent de prendre de l'ampleur.
Vous
nous avez parlé aussi de l'algorithme de travail. Vous nous avez parlé de
registre, vous nous avez parlé des sociétés savantes qui devaient donner
des balises aussi, bon. Est-ce que je comprends, en tout cas, à travers ce que vous me dites, que ce projet de loi sur ce domaine
précis arrive trop vite? C'est-à-dire qu'on n'a pas actuellement et on aurait dû avoir des outils nous permettant de
prendre des décisions sans imposer des modifications majeures qui remettent
en question et votre existence, me
dites-vous, et la pérennité du programme, et les dangers inhérents au fait
qu'on s'en serve plus tard, bon, alors, et tout ça, et tout ça. On est à
l'envers dans la façon de faire.
Mme
Doiron (Lise) : On sait que le commissaire a sorti son rapport dans la
dernière année. Il aurait fallu prendre le temps d'étudier ses recommandations, d'attendre les lignes
directrices que le Collège des médecins se prépare à sortir, qui seront bientôt prêtes à sortir, et voir quel
impact ça aurait pu avoir sur le milieu de la PMA, sans changer drastiquement
la donne pour qu'est-ce qui est du régime public.
M. Paradis (Lévis) : Vous m'avez parlé, il y a deux instants, de l'avant 2010, du quatre ans
de programme tel qu'on le connaît
maintenant et de ce qui pourrait survenir. Et, toujours lié à votre survie et
votre volume, vous le remettez en
question avec ce qui pourrait se produire. Entre le moment où on avait des
crédits d'impôt qui permettaient davantage de traitements, par exemple, de cycles qui étaient permis, ce qui ne le
serait plus, votre progression a été d'avant 2010, 2010 à maintenant,
toujours en progression?
Le Président (M. Tanguay) : En
quelques secondes.
Mme
Doiron (Lise) : Avec l'avènement du régime public, on a plus que
doublé nos volumes d'activité. Donc, ça
a eu un impact majeur d'augmenter l'accessibilité aux couples québécois pour la
PMA en couvrant les traitements de PMA sur le régime d'assurance maladie.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole
à notre collègue député de Mercier pour trois minutes.
M. Khadir : Merci, M. le Président. Mesdames,
messieurs, chers collègues, bienvenue. Vous avez mentionné, je le répète, que votre expérience passée, avant
le programme de la procréation médicalement assistée, montrait qu'il y avait
une grande inégalité dans l'accessibilité,
dépendamment des revenus des couples. Donc, les couples à faibles revenus
avaient des problèmes d'accessibilité
ou retardaient indûment le recours, avec les conséquences... donc une
augmentation des risques de
mortalité, de complications. Donc, on peut concevoir le programme comme étant
une mesure de prévention et
d'amélioration, je dirais, des statistiques de mortalité, première chose.
Deuxièmement, le ministre lui-même, dans ses questions, vous a démontré son souci pour faire des économies, il ne
s'en cache pas, mais aussi le fait que, dans le fond, son projet de loi, il l'a admis, ouvre grande la
porte à la possibilité que des services totalement privés soient offerts dans
le réseau public, dans les hôpitaux. Donc, troisième élément.
On comprend
donc que tout ça va créer une situation d'inégalité d'accès, de détérioration
probablement des services et une
croissance des risques pour les patients et les patientes, surtout pour les
patientes, pour les mères, et une privatisation de ce service-là. Je vous signale que, tout récemment, le Dr Steve
Morgan, un chercheur de Colombie-Britannique, en fait, qui chapeaute la publication annuelle de L'Atlas canadien des
médicaments, qui est donc le spécialiste des médicaments, a démontré
que le Québec paie ses médicaments 1,5 milliard plus cher que la
Colombie-Britannique — 1,5 milliard.
Autrement dit, si le ministre, au lieu d'aller chercher quelques dizaines de
millions de dollars d'économie dans ce programme,
mettait toute son énergie à aller chercher des économies dans les médicaments,
les économies pourraient se chiffrer à plus de 1 milliard et on pourrait
le consacrer à des services médicalement requis.
Est-ce que
vous trouvez normal qu'on priorise donc la coupure de ce programme pour aller
chercher des économies plutôt que
d'aller chercher des économies de médicaments? Est-ce que c'est normal? Et, si
ce n'est pas normal, est-ce que vous
pensez que le ministre a les capacités de surmonter le lobby pharmaceutique qui
empêche qu'on obtienne ces économies?
Mme
Sidorowicz (Ewa) : Je pense
que ce n'est pas à nous de commenter nécessairement ce que le ministère peut ou ne peut pas faire, mais on veut juste réitérer
le fait que, pour nous, en fait, les balises du programme doivent être faites
et auraient peut-être eu avantage à avoir été discutées avant la loi. Et c'est
ce que nous amenons à la commission aujourd'hui :
c'est le fait que les sociétés
savantes, le Collège des médecins, les réflexions faites là soient articulées
et mises sur la table, qu'on y
contribue comme CHU, et que, donc, l'aspect du programme public soit concentré au niveau des CHU qui ont cette
expertise-là.
M. Khadir : Je comprends,
mais c'est critique, parce que votre intervention a des impacts sur les choix politiques qu'on fait. Si vous ne pouvez pas répondre à ma
question directement, je vais vous poser la question autrement. Est-ce que le milieu universitaire est capable d'accompagner le ministre si le ministre décide d'aller chercher des économies sur les médicaments pour pouvoir consacrer ces économies
à des services médicalement requis, comme le PMA?
Une voix : ...
Mme
Sidorowicz (Ewa) : Je ne
suis pas en mesure de répondre à cette question-là. Je m'excuse, je ne sais pas
si les collègues veulent commenter, mais...
Le Président (M. Tanguay) : ...en
cinq secondes.
M.
Benaroya (Samuel) : Le
secteur université est toujours prêt à accompagner le ministère
à des sujets comme ça.
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, voilà. Alors, merci beaucoup aux représentantes, représentants du Centre
universitaire en santé McGill.
Je suspends quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 6)
(Reprise à 11 h 11)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos travaux, et je cède maintenant la parole au prochain groupe
d'invités.
Je vous
demanderais de bien vouloir vous identifier, d'entrée de jeu, ainsi que de
nous préciser vos fonctions, vos postes.
Vous disposerez collectivement d'une période de 10 minutes. Par la suite,
vous aurez un échange avec les différents groupes, les représentants des
groupes parlementaires. Alors, la parole est à vous.
Regroupement de chercheurs en
organisation des
services de santé de l'Université de Montréal
Mme
Borgès Da Silva (Roxane) :
Merci. Bonjour, M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les députés.
Je suis Roxane Borgès Da Silva,
professeure à la Faculté des sciences infirmières de l'Université de Montréal et chercheure à l'Institut de recherche en santé publique de l'Université de Montréal. Je suis accompagnée de mes collègues
Régis Blais, Marie-Pascale Pomey et
Alexandre-Jean Lauzon, qui sont également,
eux, membres du Département
d'administration de la santé à l'Université de... de l'École de santé
publique de l'Université de Montréal et chercheurs à l'Institut de recherche en
santé publique de l'Université de Montréal.
Nous
remercions les membres de la commission parlementaire de nous accueillir
aujourd'hui. Notre mémoire porte
spécifiquement sur l'accès aux soins de santé primaires et ne traite pas du
tout de la deuxième partie du projet de loi sur la procréation assistée
ni des mesures touchant directement les spécialistes. Notre mémoire a été
rédigé par un regroupement de chercheurs en
organisation des services de santé, dont, entre autres, Claude Sicotte et
Raynald Pineault, et a reçu l'appui de près de 40 professeurs et
chercheurs de différentes universités québécoises.
À
titre de chercheurs universitaires, nous n'avons aucun parti pris, qu'il soit
simplement intéressé ou pécuniaire. Nous
sommes animés par le développement et l'avancement des connaissances dans le
domaine de l'organisation des services de santé et nous sommes venus
pour partager notre expertise pour contribuer à la réflexion.
Notre
mémoire vise à apprécier la valeur du projet de loi en le soumettant à
l'épreuve d'un examen fondé sur les données
probantes issues de la littérature scientifique, ainsi que des expériences
internationales. Nous reconnaissons le problème
d'accessibilité auquel fait face le Québec actuellement et sommes tout à fait
en accord avec l'objectif du projet de loi n° 20. Ceci dit, nous
avons des réserves sur les moyens proposés pour améliorer l'accessibilité et
nous voulons partager avec vous notre
expertise. Donc, dans cette présentation, nous reprendrons six éléments
présentés dans le mémoire que vous avez sûrement déjà reçu.
Premier
constat, les modèles organisationnels. Donc, le premier constat porte sur le
foisonnement des réflexions et des
travaux de recherche traitant sur l'amélioration, l'innovation, la
transformation des soins de santé primaires. La complexité des besoins en soins de santé primaires est croissante. Pour
y faire face, il faut mettre en place des mesures complémentaires et simultanées dans les soins de
santé primaires de façon coordonnée et intégrée. Le fait de miser sur plusieurs mesures est central, car le défi
d'amélioration des soins de santé primaires est multidimensionnel. L'approche
proposée par le projet de loi n° 20,
fondée sur le seul mécanisme de quotas de patients, paraît insuffisante pour
répondre à la complexité inhérente et grandissante des besoins de santé
primaires.
Notre
deuxième constat. Avec l'augmentation de la prévalence des maladies chroniques,
les besoins en soins de santé sont de
plus en plus complexes. Pour y faire face, la littérature montre que les
modèles doivent prendre en considération
plusieurs dimensions. Pour améliorer l'efficacité, l'efficience, la qualité des
soins, de nombreuses études montrent
que les soins de santé primaires doivent s'organiser autour d'une équipe
multidisciplinaire qui doit être responsable collectivement des patients. Le projet de loi n° 20 fait porter la
responsabilité des soins de santé primaires et de l'accessibilité uniquement sur le médecin de famille. Le fait de
se centrer uniquement sur le médecin est limitatif. Le médecin fait partie
de la solution, mais plusieurs autres
acteurs au plan des ressources
humaines, telles que les infirmières, des structures, telles que les systèmes d'information de l'organisation, doivent être pris en compte. Dans de nombreux
cas, les patients peuvent être
traités et pris en charge par d'autres professionnels, tels que les infirmières, d'où l'importance de miser sur la collaboration interprofessionnelle. Il s'agit
de répartir la charge de travail sur l'ensemble des acteurs impliqués et non pas sur le
goulot d'étranglement du système, le médecin. Selon nous, la question qu'il
faudrait se poser pour améliorer l'accessibilité
est plutôt : Comment répartir la charge de travail entre les
professionnels plutôt que de se concentrer
uniquement sur un seul acteur, le médecin?
C'est
un peu, pour faire une analogie, comme si on voulait rendre très performante
une voiture en misant uniquement sur
le moteur. Si on met un moteur de Ferrari dans une vieille Chevrolet, vous
serez d'accord avec moi que ça ne marchera pas. Pour que la voiture fonctionne, il faut
aussi avoir une bonne suspension, des bons freins, des bons pneus. Donc, miser uniquement sur le moteur de la
voiture... le moteur du système de
santé, le médecin, ne fonctionnera pas. L'amélioration et l'accessibilité doivent donc passer par les
collaborations interprofessionnelles, et particulièrement par le
renforcement du rôle de l'infirmière et de mesures telles que l'utilisation des
ordonnances collectives.
Troisième
constat. Les modes de rémunération actuellement en place au Québec
n'encouragent pas du tout les collaborations interprofessionnelles et la
responsabilité collective des professionnels de santé dans les soins de santé
primaires. La littérature nous enseigne que
la rémunération à l'acte peut inciter les professionnels à produire un volume
très important de soins et réduit les
efforts de contrôle de coûts du système de santé. La rémunération à l'acte
n'encourage pas les médecins à la
délégation de tâches simples pour se concentrer sur les actes plus complexes.
L'imposition de quotas risque d'accentuer ce phénomène.
La
rémunération à la capitation est connue, par contre, pour favoriser la
prévention et la collaboration interdisciplinaire, tout en ayant un meilleur contrôle des dépenses de
santé et une base pour permettre le déploiement de pratiques de travail
en interdisciplinarité. La littérature scientifique montre qu'une meilleure
solution serait d'opter pour un modèle de rémunération mixte.
Quatrième
constat. Les modèles économiques montrent que les modifications telles que
l'imposition d'un nombre de patients peuvent encourager la sélection des
patients. Ce phénomène est appelé, en économie, écrémage et fait référence au
fait que les médecins peuvent choisir de prendre en charge des patients pour
lesquels ils retirent plus de bénéfices en
termes de revenus ou de temps. De même, en économie, on parle de dumping. Le
dumping fait référence au fait que
les médecins peuvent éviter les patients les plus malades, donc les vulnérables
et les malades chroniques, qui leur coûtent plus cher en termes de
revenus ou de temps de travail.
Nous
nous questionnons donc sur les données probantes qui ont permis de construire
les pondérations de quotas présentes
dans les règlements parus récemment. Ces règlements permettront-ils
d'encourager les médecins à prendre en charge
les patients les plus lourds? Des mesures similaires ont été mises en place aux
États-Unis avec les Relative Value Scale «in Primerica» ou «off Primerica», et
nous nous demandons, en fait, s'ils ont été consultés par l'équipe du ministre
et le ministre lui-même.
Cinquième
constat. Dans le système de santé, alors que la quantité des services est
facilement observable, il est fondamental
de disposer de solides systèmes d'information pour évaluer la pertinence et la
qualité des soins. La quantité des
soins fournis peut varier dans le sens opposé à la qualité des soins. Les
incitatifs à augmenter les quantités de patients, de patients vus ou inscrits, tels que les quotas,
peuvent encourager une plus faible qualité des soins par patient. En imposant
des quotas de patients, les médecins risquent d'être incités à multiplier les
actes simples, tels que les vaccins, les «Pap tests», les renouvellements
d'ordonnance plutôt que de les déléguer à d'autres professionnels de santé.
Quels sont
les mécanismes prévus pour contrer ce type de comportement? Veut-on encourager
ce phénomène? De même, pour atteindre
leurs quotas, les médecins risquent de passer moins de temps avec leurs
patients. Pour composer avec ce
problème d'observation de la qualité de soins fournis par les médecins, des
modèles novateurs d'organisation des soins
primaires utilisent la rémunération comme un incitatif pour favoriser des
comportements qui améliorent la santé des
populations. Ces incitatifs visent à moduler le modèle traditionnel de
rémunération à l'acte pour récompenser les bonnes pratiques.
• (11 h 20) •
Plusieurs
pays et provinces canadiennes, comme l'Ontario, ont mis en place ce genre... ce
type de mécanisme de rémunération à la performance ou sur objectifs. Le
cas de la France s'apparente bien à celui du Québec, puisque les médecins y
sont payés aussi... y sont rémunérés à l'acte. Les premiers bilans de la
rémunération sur objectifs de santé publique implantée en France en 2012 font
état d'une meilleure prise en charge de patients, d'un meilleur suivi des pathologies chroniques et de prescriptions plus
efficientes, à condition, bien sûr, de bien choisir les cibles de performance
et de faire participer les médecins dans le choix de ces cibles-là.
Sixième constat. Les ressources financières et
humaines, en particulier les médecins et les infirmières, sont limitées. Il est important de trouver des modes d'organisation novateurs qui permettent de valoriser l'apport spécifique de l'expertise de chacun. Ainsi, l'objectif
d'améliorer l'accès aux soins de santé primaires doit aussi être conçu en fonction d'une logique d'économie des ressources. Comme le médecin possède une
expertise élevée et que la rémunération de ses services est très élevée, il est important de concevoir un système
d'organisation prenant en compte des faits qui répartisse la charge de
travail sur l'ensemble des ressources des soins de santé.
En
conclusion, chacun des points énoncés
dans le mémoire finit par des questions au ministre. En bref, nous nous
questionnons sur les bases sur lesquelles le ministre s'appuie pour proposer l'imposition
d'un nombre minimal de patients aux médecins
de famille pour augmenter globalement l'accès aux soins de santé primaires, et
particulièrement pour les patients
qui en ont le plus besoin, les malades chroniques et les patients vulnérables.
Est-ce que cette imposition de quotas
ne risque pas plutôt d'amener les médecins de famille à sélectionner les
patients les plus faciles à traiter,
de nuire à la collaboration interprofessionnelle et d'entraîner une
augmentation des coûts?
En tant que
chercheurs dans le domaine de l'organisation des services de santé, nous sommes
à l'affût de solutions qui répondent
aux besoins de la population du Québec. Les données probantes disponibles
indiquent que l'imposition d'un seuil
minimum de patients aux médecins de famille n'est pas la meilleure façon
d'améliorer l'accessibilité aux soins de
santé primaires et risque d'entraîner une augmentation des coûts qui pourrait
être accompagnée d'une baisse de la qualité des soins. Nous pensons qu'une profonde réflexion sur la réorganisation
du travail des équipes interdisciplinaires dans les soins de santé
primaires est nécessaire pour améliorer l'accessibilité, mais également
l'efficacité, l'efficience et la qualité des
soins de santé primaires. Nous espérons que la réflexion que nous proposons
dans ce mémoire et qui est fondée sur
les données probantes issues de la recherche de pointe dans le domaine saura
éclairer les décisions politiques dans le but d'améliorer les soins de
santé primaires au Québec. Je vous remercie de votre attention.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant
débuter une période d'échange avec
les parlementaires. À la demande du ministre, je vous ai laissé évidemment
conclure, ce qui lui diminue son temps de 30 secondes. Donc, pour
16 min 30 s, je cède maintenant la parole au ministre de la
Santé et des Services sociaux.
M.
Barrette : M. le Président, merci. Alors, M. Lauzon, Dre Ouimet,
Mme Borgès Da Silva et M. Blais, bienvenue à la commission parlementaire et merci de nous avoir déposé votre
mémoire et nous avoir introduit vos réflexions sur lesquelles vous vous
basez pour tirer les conclusions que vous venez de tirer.
Lorsque les
gens de votre milieu viennent en commission parlementaire ou débattent de ce
sujet-là, vos prises de position sont toujours agrémentées de
l'étiquette de «données probantes». Je vous soumets que la donnée la plus probante est qu'il n'y existe pas de système de
rémunération idéal qui atteint les objectifs complètement recherchés par
la société. La donnée la plus probante de
toutes les données est qu'il n'existe pas de système de rémunération idéal et
que chaque système de rémunération a
ses travers, sans exception. Alors, ainsi, le fait d'arriver ici et d'affirmer
que telle chose n'est pas bonne et
telle autre serait souhaitable m'apparaît, de façon probante, difficilement
défendable. Il n'y en a pas, de solution,
il n'y en a pas, de solution parfaite. Il n'y a que des éléments à prendre en
considération, que l'on doit adapter à
la situation devant laquelle on est, et la situation du Québec est totalement
différente de celle des autres pour un certain nombre d'éléments, et je
vais vous en évoquer quelques-uns.
C'est bien
beau, là, et j'en suis... puis, si vous n'avez pas compris le message que j'ai
envoyé et au nombre de reprises que
je l'ai fait, que l'interdisciplinarité était une chose qui était souhaitable,
bien, je ne le sais pas, comment je dois le
dire. Je pourrais peut-être le dire à l'envers, là, comme dans les disques
dans l'ancien temps. Mais il n'y a personne, il n'y a rien, là, dans ce que
vous avez proposé, qui le garantit ou qui le favorise. Puis moi, je la sais, la
raison pour laquelle ça ne le fait
pas, puis je vais vous la dire dans un instant. Contrairement à ce que vous
dites, là — là je vais vous rappeler des... je vais me rappeler des souvenirs de
jeunesse, là — je peux
vous garantir que, dans une Chevrolet, là, si vous mettez un moteur de la Ferrari, au moins, en ligne
droite, elle va aller plus vite qu'avant. Elle ne prendra pas les courbes aussi
bien, là, parce que c'est une Chevrolet,
mais je peux vous garantir qu'elle va décoller pas mal plus vite. Moi, j'ai
connu des gens qui ont fait ça.
Alors, à un moment donné, là, ça, ça va dans le sens de ce que je viens de
dire. Il n'y a rien de parfait, là, mais ce n'est pas vrai que les
choses que l'on fait sont sans effets bénéfiques. Ça, ce n'est pas vrai.
La
capitation, la rémunération mixte, les RVS, les RVG, là, moi, je baigne
là-dedans depuis des années, là. Alors, vous posez la question si j'ai déjà vu ça? Je peux vous en donner un
cours, sur ce genre de choses là, et je peux vous dire aussi quel est l'élément de base. Et, je vais vous
le dire, ce que vous ne considérez pas, O.K., ce que vous ne considérez pas, c'est le fait qu'aujourd'hui il y a une
notion, qui n'est pas prise en cause, en termes de comportements du corps
médical, qui est disparue et sur
laquelle s'appuient, en général, les comportements, qui est la recherche du
gain... ce n'est plus là. La recherche du gain n'est plus là.
Alors,
ceci dit, ça signifie... Vous devriez écrire un article là-dessus, là. Ce
serait bon dans votre secteur. Ceci dit, ce que ça fait, c'est que les travers de la rémunération à l'acte ne sont
plus les mêmes que précédemment, parce qu'on ne recherche plus l'acte à profusion, on gère un volume d'actes qui donne
un revenu qui est un objectif. Conséquemment, conséquemment, expliquez-moi... Il faudrait que vous m'expliquiez ça,
là, puis je vais vous laisser la parole maintenant. Expliquez-moi comment il se fait et comment un
autre système ferait en sorte d'inciter les médecins à aller vers
l'interdisciplinarité? Ça n'arrivera pas. Ça n'arrivera pas parce que ça aurait
dû arriver avant.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : En fait, bien, ce qu'on propose au regard de la
littérature scientifique, c'est d'utiliser
un modèle de rémunération mixte qui allie de la capitation et de la
rémunération à l'acte, qui est vu comme un meilleur système de
rémunération des médecins pour justement permettre les collaborations
interprofessionnelles. C'est-à-dire qu'en
recevant un forfait par patient, selon la gravité des patients, de manière
annuelle, en fait, les médecins seront
encouragés à déléguer des tâches aux infirmières. Actuellement, la rémunération
à l'acte ne permet pas ça, puisque les médecins sont incités à réaliser
les tâches simples et pour facturer chaque acte qu'ils doivent faire.
M.
Barrette : ...je vais vous expliquer quelque chose. Ayant été celui
qui a mis en application la rémunération mixte dans la Fédération des médecins spécialistes, je peux vous dire
que le seul et unique effet que ça a eu — le seul, là, il n'y en a pas eu
d'autres — c'est
de diluer le volume d'actes. Ça n'a pas favorisé l'interdisciplinarité.
La rémunération mixte
est un concept qui fait en sorte que l'on paie, on donne un montant d'argent
pour les impondérables. On paie l'activité
non rémunérée à l'acte — c'est ça que ça fait — et il reste l'acte. Ce qui fait qu'il est
vrai, et ça, c'est démontré à l'interne, la rémunération mixte a diminué de
30 % les volumes d'activité.
Parce
que, quand on passe à la rémunération mixte, un médecin se retrouve avec le
choix suivant : soit gagner plus
avec le même volume d'actes que l'année précédente s'il est en dessous d'un
seuil, soit choisir le temps, c'est-à-dire avoir plus de temps pour gagner autant et faire moins d'actes. Ça n'a
jamais eu, la rémunération mixte, d'augmenter la productivité dans aucun système. Jamais. Nulle part. C'est une
augmentation de revenus pour ceux qui sont en dessous d'une moyenne d'un
groupe, mais ça n'augmente pas la productivité et ça ne stimule pas
l'interdisciplinarité.
Pour
stimuler l'interdisciplinarité, il faut empêcher la rémunération d'un service
qui peut être donné par un autre... un
tiers, qui a une autre compétence et une autre expertise. C'est ce que font
d'ailleurs les organisations qui ont des règles claires, comme Cleveland Kaiser. Dans ces organisations-là, si un
service est donné par le médecin, alors qu'il aurait dû être donné par une infirmière praticienne, il y a
une conséquence financière. Alors, vous êtes à 32 000 pieds, et ce
n'est pas ça qui arrive sur le terrain.
Maintenant,
les quotas, les quotas, là, que vous critiquez, les quotas, l'accès, là, doit
en quelque part passer par la quantité.
Dites-moi, expliquez-moi, dans votre analyse — vous
êtes des chercheurs — dites-moi, dans votre analyse, là, où est la donnée probante qui va nous dire
qu'actuellement la capacité de services offerts à la population est suffisante,
et, conséquemment, dites-moi, compte tenu du
corpus médical que l'on a, comment on peut donner l'accès aux services simplement en ayant l'interdisciplinarité. À la
fin, là, expliquez-moi si, oui ou non, on doit avoir une capacité
supplémentaire, livrable et livrée.
• (11 h 30) •
M. Blais (Régis) : Bien, écoutez, les professionnels qui sont payés à salaire travaillent
en interdisciplinarité. Ça, c'est vrai.
Une voix :
...
M. Blais
(Régis) : Comment?
M. Barrette :
Ils produisent moins.
M. Blais (Régis) : Ils produisent moins peut-être en volume, mais en qualité, je ne pense
pas. Les psychologues, les travailleurs sociaux, les infirmières, tout ceux
qui... les ergothérapeutes, les physiothérapeutes, même les pharmaciens qui travaillent à salaire n'ont pas d'incitatif à
ne pas travailler en interdisciplinarité. Donc, ils sont là pour répondre aux
besoins des patients, et, s'il y a des
besoins d'équipe, il y a besoin de travailler en équipe, ils vont le faire,
alors qu'une rémunération à l'acte ne leur ferait pas faire ça.
M.
Barrette : Très bien. Alors, je suis d'accord avec vous.
M. Blais
(Régis) : Merci.
M.
Barrette : Alors, la qualité ne s'oppose pas à la quantité. L'un doit
aller de pair avec l'autre, et je suis... Je vous vois faire non de la tête, c'est correct, mais à partir — non pas vous, votre collègue — du moment où on a quand même, de façon probante, un problème de quantité,
ça n'exclut pas qu'on doive s'occuper de la qualité. Je suis avec vous
sur la qualité. Je suis avec vous sur l'interdisciplinarité, je veux ça, mais,
dans la hiérarchie des effets à rechercher aujourd'hui, vos données probantes
ne disent-elles pas qu'à un moment donné il y a aussi la question de la
quantité?
Je
vais me paraphraser et me citer moi-même dans une entrevue que j'ai donnée la
semaine dernière : Quand bien même,
là, on s'occupe à 100 000 % de la qualité, si tout le monde travaille
une heure par semaine, la quantité n'est pas là. Il en faut, de la
quantité, en quelque part, là. Bon.
M. Blais (Régis) : Écoutez, il faut de la quantité ajustée en fonction des besoins. Alors,
si les gens ont besoin d'un vaccin,
peut-être qu'il faut qu'il soit donné par la bonne personne et pas par le
médecin. Si un médecin fait... augmente de 30 % les vaccins, les «Pap tests», les suivis de patients
chroniques, les gens qui ont un examen annuel dont on sait que ce n'est
pas nécessaire pour tout le monde, bien, on augmente la quantité, mais on
n'augmente pas la qualité.
M.
Barrette : On est d'accord, et ici nous sommes dans une discussion
théorique parce que vous n'abordez pas, et j'aimerais que vous le
fassiez... Avez-vous une donnée probante — parce que vous aimez le
terme — une
donnée probante qui identifie ce que serait
la quantité de services requis? La qualité, on s'entend tous là-dessus, on n'a
pas besoin de débattre, là, on est
tout le monde ici pour la qualité, tout le monde. On est tout le monde prêts à
faire faire le bon geste par la bonne
personne pour des raisons d'efficience, de contrôle de coûts, de contrôle de
croissance de coûts. Avez-vous une
seule donnée probante de la quantité de services qu'on a besoin? Parce que, si
vous en avez une, bien, vous allez être obligés de nous dire si on en a assez actuellement ou non. Si vous nous
dites qu'il y a assez de services offerts à la population, là, bien, là, c'est la quadrature du cercle, ça ne
fonctionne pas. Alors, il est où? Avez-vous une donnée probante qui
identifie la quantité de services à donner à la population?
Mme
Borgès Da Silva (Roxane) : En fait, on n'a pas cherché les données
probantes qui cherchent l'«outcome», le
chiffre exact de combien de personnes doivent être suivies par le médecin
puisque c'est très, très variable en fonction des besoins de la
population, des patients qui sont suivis par chaque type de médecin.
Par
contre, on s'est questionnés, à la lumière du projet de loi n° 20, si les
moyens pour améliorer la quantité, les moyens
qui étaient proposés par le projet de loi n° 20 avec ces quotas-là
risquaient, dans... bien, allaient atteindre leurs fins d'améliorer
l'accessibilité.
Par
rapport à ça, d'ailleurs, je veux attirer votre attention sur un élément. Je
vais revenir sur les GACO, les guichets d'accès aux clientèles orphelines. Il y a des incitatifs qui ont été mis
en place qui reviennent un peu aux pondérations qui sont proposées dans
les règlements que vous avez proposés. Par exemple, l'incitatif financier pour
les patients non vulnérables était de
100 $, alors que, pour les vulnérables, il était de 200 $. Eh bien,
la différence relative entre le 100 $ et 200 $ n'a pas été
suffisante pour que les médecins soient encouragés à prendre en charge des
patients vulnérables. Eh bien, est-ce
qu'avec le système de règlements que vous mettez en place on ne risque pas de
faire face au même problème pour les patients vulnérables?
M. Barrette :
Bien, la question que je vous pose : Monsieur, à côté de vous... Vous,
monsieur, c'est...
Une voix :
...
M.
Barrette : M. Blais. Excusez-moi, là, d'avoir oublié votre nom,
là, je suis désolé. M. Blais vient de nous dire que le salariat augmente la qualité théoriquement
et diminue la productivité. C'est un fait, là, c'est démontré, toutes les
données montrent ça. La rémunération à
l'acte augmente la productivité, mais pas nécessairement la qualité, c'est un
fait. Moi, je vous dis que c'est
terminé, ça, parce que l'appât du gain n'est plus là. Vous-mêmes, vous-mêmes,
vous nous dites, là, que le système
d'incitatifs n'a pas donné les essais escomptés, et vous me parlez, là,
maintenant, de la nécessité d'augmenter la capacité.
Avez-vous une mesure
à nous proposer qui va vraiment augmenter? Le problème que l'on a, là, c'est
que l'interdisciplinarité, elle ne vient pas spontanément. Et l'inscription,
là, ne génère pas une visite, ça ne garantit rien. Aujourd'hui, là, vous le savez comme moi, là, la quasi-totalité des gens
qui sont au-dessus de 65 ans est inscrite. Ceux qui ne sont pas inscrits, c'est ceux qui ont en
bas de 65 ans. Puis, plus on s'en va vers zéro puis moins on est inscrits.
Mais moi, je peux vous la dire, la
réponse à ça. Et, dans ceux qui ne sont pas inscrits, au-dessus de 65 ans,
là, ou en bas, c'est ceux qui sont refusés par la communauté médicale.
La
réponse à ça, je vais vous la dire, elle n'est pas dans le projet de loi. On
pourrait la mettre, vous pourriez me la suggérer. Je vais, moi, inscrire... Je vais inscrire un profil qui est
celui de la population : Pas un médecin qui a plus que 17 % de personnes de 65 ans et plus sur
la population du Québec; pas un médecin qui a plus que tant de ratio de ceci et
de cela. Je pourrais faire ça, mais
les méthodes qui existent actuellement... Où sont les résultats garantis
probants? De dire que les quotas, ça ne donnera pas l'effet que... C'est
basé sur quoi, là?
M. Blais (Régis) : Les quotas peuvent augmenter le volume de
services. Est-ce qu'on va augmenter la pertinence des services, comme je disais? Est-ce qu'on va
faire plus de vaccins? Est-ce qu'on va faire plus de Pap? Est-ce qu'on va
faire plus d'examens annuels inutiles et toutes ces choses? On va augmenter le
volume...
M.
Barrette : Bien, à ce moment-là, vous pourriez nous proposer une liste
de règlements supplémentaires à mettre dans la loi.
Mme
Pomey (Marie-Pascale) : ...intervenir là-dessus, là, sur les travaux
qui ont été faits à l'INESSS, par exemple, sur les maladies chroniques. C'est vrai qu'on peut non seulement
augmenter les volumes, mais aussi on pourrait se donner les moyens de
vérifier un peu mieux quelle est la qualité des soins qui est donnée.
Une voix :
...
Mme
Pomey (Marie-Pascale) : Voilà. Et puis, par exemple, utiliser les
travaux qui sont faits par l'INESSS, là. Il y a eu des indicateurs, par exemple, sur la prise en charge des
maladies chroniques qui n'ont pas été utilisés jusqu'à présent. Or, ça serait un très, très bon moyen
d'essayer de regarder... que ce soit pour la prise en charge du diabète, l'hypertension artérielle, l'hypercholestérolémie
et aussi tout ce qui est suite d'infarctus du myocarde. On a des données
maintenant, et ça a été fait avec les
professionnels, alors pour quelle raison est-ce qu'on n'utilise pas ces
données, par exemple?
M.
Barrette : Ah! mais je suis d'accord. La logique, le chemin qui est
suivi ici, pour que ce soit clair pour tout le monde, c'est un chemin ordonné qui commence par le premier problème
qui est la quantité, le deuxième problème qui est l'organisation de cette capacité-là, pour nous amener là où on
devrait être aujourd'hui et où on ne peut pas, qui est ce que vous dites, qui est de s'occuper de la
qualité. Mais je ne peux pas le faire dans l'autre sens. Si je ne règle pas
l'accès en premier, c'est bien beau
parler de qualité, et je suis d'accord avec tout ce que vous dites. Ce que vous
venez de dire là, là, c'est ce que je
veux faire dans deux ans, quand on aura réglé... quand on ne parlera plus
jamais de capacité parce qu'elle sera
là. Et là on gérera la capacité ainsi que la qualité avec toutes les meilleures
intentions, et l'énergie, et la science qui vient avec. Mais ne
trouvez-vous pas qu'il faut commencer par s'occuper de la quantité d'abord?
Mme Pomey
(Marie-Pascale) : ...en tous les cas qu'il faut réfléchir aux deux
simultanément, parce que les deux sont quand
même liés. C'est vrai que ça serait dommage, en tous les cas, d'augmenter la
quantité aux dépens de la qualité, on
est d'accord, et inversement. Et aussi il faudrait se donner les moyens, en
termes de société de savoir effectivement si la qualité est au bon
niveau ou pas.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Malheureusement, le
temps est écoulé. Je vous remercie, madame.
Je vais céder la
parole à la députée de Taillon pour une période de 10 minutes.
• (11 h 40) •
Mme Lamarre :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bonjour, Mme Borgès Da Silva,
M. Blais, M. Alexandre-Jean Lauzon et Mme Pomey.
Je
crois que, dans le fond, ce à quoi vous faites référence, ce sont les données probantes,
mais basées sur le gros bon sens,
gros bon sens qui vient à dire : On va utiliser... On va faire faire le
bon acte par la bonne personne au bon moment, au bon endroit. C'est aussi simple que ça. Et avec, au départ, des actes
qui peuvent être faits seuls par certains professionnels et pour certains patients, donc de partir du
patient, des patients, des patients
complexes. Ces patients avec des situations complexes,
physiques, mentales, seuls — des
enjeux sociaux aussi, des contextes sociaux — vont avoir besoin d'un travail
interdisciplinaire, et donc on devrait réserver ces services dans ce
contexte-là. Et ça va tout à fait dans le bon sens.
Je
constate que le ministre, c'est peut-être un biais de sa carrière antérieure, mais a un
petit biais, un petit biais. C'est
qu'il ne peut pas penser à une rémunération autrement qu'à partir de celle des médecins. Il
ne peut pas partir à une offre de
service autrement que par celle des médecins. Il n'est pas capable de concevoir
ça, alors qu'il y a des services qui peuvent partir du territoire où la personne habite, en première ligne, on le
voit. Et, en utilisant au mieux, à meilleur prix, avec le plus
d'efficience chacun des professionnels, on fait des économies.
Je
vais essayer de voir... Bon, évidemment, en santé publique, vous êtes probablement conscients... Dans la grille qui
a été déposée par le ministre, on a beaucoup parlé du ratio de 25 pour un pour les
patients en soins palliatifs à domicile, mais, juste l'étape au-dessus de ça, il y a les personnes avec des
besoins complexes, en perte d'autonomie sévère, suivies à domicile. Est-ce
que vous pouvez nous donner une idée,
au Québec, de combien de personnes à peu près
vous pensez qu'on a qui sont dans
cette situation-là? Approximativement, là. On n'a pas besoin
d'être à 10 000 près.
Est-ce que c'est 100 000, 200 000, 500 000?
Mme Pomey
(Marie-Pascale) : Oh, là! Moi, je sais le nombre de personnes qui sont
atteintes de maladies chroniques, là. On
arrive quasiment à 50 % de la population après... de plus de 18 ans.
Mais de celles qui sont vraiment particulièrement
dénommées comme en perte d'autonomie sévère, suivies à domicile, j'avoue que je
n'ai pas le chiffre exact en tête, là.
M. Lauzon
(Alexandre-Jean) : Je veux juste revenir un peu sur un élément que
vous avez apporté. Vous avez dit :
Basé sur le gros bon sens. En réalité, il y a une science en arrière de ça,
hein, qui est sûrement connue, la théorie des contraintes, qui est utilisée largement dans
plusieurs industries et qui dit : Quand on a une ressource goulot, bien
là, les médecins, bien, ce qu'on doit faire, c'est qu'on peut aider
cette ressource-là en envoyant la charge de travail sur des ressources qui sont moins dispendieuses. Puis,
dans ce cas-ci, le goulot est la ressource qui est la plus dispendieuse. Donc,
évidemment, en faisant travailler plus fort
notre goulot, bien on crée une pression positive sur les coûts, tandis que, si
on la déploie avec des ordonnances
collectives, d'autres éléments du genre, sur les autres ressources, bien là on
va avoir une pression à la baisse,
mais on va gagner au niveau de l'accessibilité. Donc, ce n'est pas une bonne
pratique, ce sont des concepts qui sont utilisés dans plusieurs autres
industries.
Mme Lamarre :
En fait, on peut, quelque part, créer une forme de concurrence à l'intérieur du
système public entre certaines
activités professionnelles qui peuvent être faites par différents
professionnels, et là on aurait un impact.
Et, si je
reviens à la question antérieure, on a 8 millions de Québécois. Si je
prends une hypothèse, et on pourra la
couper en deux après, là, mais mettons, comme hypothèse, qu'on aurait
500 000 personnes qui seraient des personnes qui correspondent aux critères : besoins
complexes, perte d'autonomie sévère, on sait qu'on a énormément de personnes
âgées, énormément de personnes atteintes de
la maladie d'Alzheimer, qu'on ne veut plus investir dans les CHSLD, qu'on
veut soutenir ces gens-là à domicile, donc
mettons qu'on parle de 500 000 personnes, un ratio de 12 pour un, ça
veut dire que 6 millions des 8 millions de Québécois seraient,
dans le fond... correspondraient à une masse d'utilisation des médecins. Et les médecins pourraient tous dire au
ministre : Écoutez, M. le ministre, je respecte mon bulletin, je fais un
nombre de personnes approprié, j'ai un
certain nombre de... Donc, l'ensemble des médecins pourrait dire : On
prend le maximum, là, on a
33 personnes par médecin qu'on peut prendre, une pondération très
complexe, mais on ne garantirait pas...
Et, au lieu d'être 2 millions de Québécois sans médecin de famille, on
pourrait peut-être arriver à 3 millions, dans le fond, de Québécois sans médecin de famille,
parce qu'on rencontrerait une balise qui n'a pas été réfléchie en fonction
de la responsabilité populationnelle. On ne
part pas de l'ensemble des 8 millions de Québécois puis dire :
Qu'est-ce qu'on peut faire pour que
la personne qui a une infection urinaire mineure soit vue au bon endroit, au
bon moment, par la bonne personne et
que ça ne nous coûte pas 250 $ à l'urgence de l'hôpital, mais que ça nous
en coûte 15 $ si elle voit une infirmière ou un pharmacien, par exemple? Alors, ça, est-ce que vous considérez que
ça peut répondre ou si vous voyez absolument que tout le monde doit être
vu en interdisciplinarité?
M. Blais
(Régis) : Moi, je pense
qu'il y a des choses simples qui peuvent être vues par des professionnels, des
gens compétents, évidemment,
toujours. Il commence à y avoir au Québec, puis on est en retard, là, les infirmières praticiennes spécialisées. Il y en 2 000 et plus en Ontario, on en a 150, 175 au
Québec. Il y a des cliniques seulement avec des infirmières praticiennes spécialisées, on n'a pas besoin d'avoir un
médecin qu'on paie 200 000 $, 250 000 $, et puis elles vont traiter à peu près 80 % des
problèmes qu'un omnipraticien voit dans sa pratique courante. Effectivement, on
va avoir un soin de qualité,
compétent, par quelqu'un qui peut offrir le service pour des choses, des suivis
de patients qui sont contrôlés, pour des problèmes mineurs, une otite,
une infection urinaire ou je ne sais quoi.
Effectivement,
on n'a pas besoin d'avoir ni une équipe, ni un médecin, ni des spécialistes
pour voir, pour traiter bien des cas soit mineurs ou contrôlés.
Mme Borgès
Da Silva (Roxane) : Mais, au-delà de l'infirmière praticienne
spécialisée, puisqu'on a un retard ici, au Québec, en termes de nombre
en se comparant aux autres provinces, il faut savoir aussi que les infirmières cliniciennes actuellement au Québec ne sont pas
exploitées au plein potentiel de leurs compétences, et il y aurait tout un
rattrapage... Bien, on pourrait utiliser les
infirmières au plein potentiel de leurs compétences et suivre tout ce que
pourrait... toutes les maladies ou les exemples qu'a donnés mon collègue
Régis.
M. Blais
(Régis) : Il existe aussi
des groupes de médecine familiale, et ça se fait au Québec, là, où l'on utilise
des infirmières cliniciennes qui vont faire l'examen annuel, si on juge que
c'est encore utile, ou qui vont suivre des patients
hypertendus ou qui ont... diabétiques, et ça se fait dans certains GMF. Donc,
si on réussissait à généraliser ces pratiques, bien, je pense qu'on y
gagnerait beaucoup en accès, et en qualité, et en coûts.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : Et en
coûts, oui.
Mme Lamarre : Vous évoquez... Bien,
je vais laisser la parole à mon collègue.
M. Lisée :
Merci. Merci d'être là. Un des aspects que vous avez évoqué, c'est... et c'est
tout le débat, là. Le ministre nous
dit : Bon, je m'occupe de la quantité, puis ensuite je verrai pour la
qualité. Alors, ce n'est pas la première fois qu'il le dit, il y croit vraiment, là. J'aimerais que vous
le convainquiez du contraire, qu'on fasse les deux en même temps. Et vous
avez évoqué l'exemple français, où des
objectifs sont donnés en termes d'amélioration de la santé du patient ou du
groupe de patients. Pouvez-vous nous
expliquer comment ça fonctionne et comment ça s'applique à des médecins qui
travaillent à l'acte aussi?
Mme Pomey
(Marie-Pascale) : Alors, ça s'appelle les ROSP, la rémunération par
objectif de santé publique. Ça a été,
donc, mis en place il y a déjà trois ans. C'était sur une base volontaire. On a
proposé aux médecins français d'adhérer, donc, à des pratiques avec un certain nombre d'objectifs qu'ils devaient
atteindre, que ça soit sur l'utilisation de médicaments, et en particulier la substitution de médicaments par des
médicaments génériques. Ça, ça a été quand même une grosse partie des contrats qui leur ont été proposés, et puis
d'autres pour la mise en place de procédures de dépistage, que
ça soit pour le cancer du sein, cancer du côlon, etc. C'était vraiment les deux
grands principaux objectifs, là, c'était de les amener à travailler sur
ces deux domaines-là.
Comme
je vous disais, c'était sur base volontaire. Ça a été très apprécié par les
médecins, mais il faut dire aussi, comme
disait le ministre, qu'il y a un contexte particulier, c'est que les médecins
français sont moins bien rémunérés que les
médecins au Québec. Donc, pour eux, il n'y avait pas eu du tout de rémunération
pendant des années, donc c'était aussi un
incitatif important pour augmenter leurs rémunérations. Donc, on peut
comprendre pourquoi ils ont adhéré fortement, mais ce qui a été excessivement intéressant, c'est surtout l'impact que
ça a eu sur l'utilisation des médicaments. Ça, ça a été une question qui a été évoquée tout à l'heure,
quand on veut faire des modifications de pratique, de les amener, en tous
les cas, à avoir des incitatifs financiers
pour changer leurs modalités de prescriptions, on voit que ça a vraiment un
effet, et la France l'a vraiment
montré, en particulier là-dessus. Ça a été un petit peu moins vrai sur les
pratiques, donc, de prévention, mais sur le médicament, c'est très
efficace.
Et
on a vu aussi la même chose en Ontario, parce que l'Ontario, quand même, a un
recul encore plus grand, là, d'une
dizaine d'années là-dessus. C'est le Pay for Performance en Ontario, et là
aussi, ce qui a le plus eu... enfin, ce qui est en relation avec les
médicaments a eu aussi a un impact excessivement intéressant.
Donc,
je pense que là il y a quand même... Bon, même si le mot agace un peu de temps
en temps, l'histoire des données
probantes, là, en tous les cas, il y a des études qui ont été montrées qui
montrent que la façon de prescrire, en tous les cas, est modifiée par ce
genre d'incitatif.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Je cède donc la parole
au député de Lévis pour une période de sept minutes.
• (11 h 50) •
M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue,
Dre Ouimet, Mme Borgès Da Silva, M. Blais, M. Lauzon.
Le
ministre a fait un long plaidoyer sur la rémunération, rémunération mixte,
manifestement à laquelle il ne croit pas.
Il n'a pas pris beaucoup, beaucoup de temps pour vous expliquer le pourquoi du
comment. Et vous êtes là aussi pour nous donner votre vision des faits. Et
le fait que vous ouvriez votre vue à ce que vous constatez, manifestement... La
rémunération mixte, bien il y a des gens qui en parlent, il y a des études là-dessus,
il y a des chercheurs, il y a des universitaires sur le terrain également qui
la proposent. Il y a des médecins aussi qui s'y ouvrent. Alors, faisons la contrepartie puis donnons... On va vous donner du
temps pour faire en sorte qu'on puisse aller plus loin là-dedans, dans
la mesure où le ministre,
il y a quelques instants, vous raconte que c'est tout à fait impossible, que ça
ne changera absolument rien,
votre vision reste la même, en quoi ça peut... cette rémunération que vous
proposez pourrait changer la donne? Expliquez-nous les avantages que vous y
trouvez à travers les constats que vous tracez.
Mme Pomey
(Marie-Pascale) : Pour répondre un petit peu, là, tout d'abord, c'est
vrai qu'il y a quand même beaucoup de... il y a un mouvement mondial, là, sur la
rémunération mixte des médecins. Alors, c'est vrai qu'on peut être pour ou contre, mais ce qui est sûr, c'est que
vraiment à l'échelle internationale il y a plus d'une quinzaine de pays, là,
qui ont par exemple mis en place des
incitatifs. Donc, c'est quand même non négligeable, et il y a des études, donc, qui
commencent à apparaître dans le domaine.
Ce
qui est intéressant aussi, pour revenir à ce que disait M. le ministre aussi, c'est qu'il n'y a pas de mesure parfaite. Donc, d'une certaine façon, quand on fait de la
rémunération mixte, l'idée, c'est un peu de contrecarrer les effets négatifs
d'un mode de rémunération par un autre,
c'est un peu, quand même, aussi, souvent l'objet pour lequel on l'utilise.
Et puis dans le cadre — parce
qu'évidemment il y a le contexte dans lequel ça s'applique qui est excessivement important — du
Québec donc, on est vraiment dans un contexte, comme disait le ministre,
aussi, tout à fait particulier avec des hauts taux de rémunération, un système à l'acte qui existe
depuis le début, avec un historique important. Donc, si on le mettait dans
un contexte québécois, c'est sûr que de
passer directement de l'acte au salariat, je pense que là c'est totalement
irrecevable, et c'est pour ça que c'est intéressant de voir si on ne
peut pas effectivement introduire... puisque dans la philosophie d'améliorer, quand même, la qualité, on
sait que des incitatifs peuvent quand
même collaborer... enfin, contribuer
à faire ce genre de choses.
Donc, pour le Québec
aussi, avec l'histoire d'avoir une responsabilité populationnelle — c'est
quand même quelque chose d'excessivement
ancré, quand même, dans les mentalités depuis un certain nombre
d'années — la
capitation est complètement en lien
avec ça, c'est-à-dire que le fait qu'on affilie des personnes à un
médecin et qu'il soit rémunéré pour
prendre en considération son patient, non seulement sur des soins aigus, mais
aussi sur la prévention, c'est excessivement important, c'est quand même
une première base.
Puis
la deuxième, effectivement, on est quand
même dans un système où on a toujours
travaillé avec l'acte. Je crois que, bon, c'est encore quelque chose
d'excessivement important aussi pour stimuler la productivité, justement, puisqu'on a dit que de temps en temps la
capitation pouvait éventuellement avoir un impact là-dessus, mais ça travaille
par contre sur vraiment la responsabilité populationnelle.
Puis
on a le troisième niveau qui est vraiment les incitatifs basés sur des données
vraiment objectives de qualité, où
là, on se donne aussi les moyens de vérifier que ce que font les médecins...
ils font vraiment ce que l'on souhaite qu'ils fassent, c'est-à-dire que, par
exemple, un diabétique devrait au
moins, quand même, avoir un suivi de son hémoglobine glycosylée deux fois par an, un suivi de sa
tension artérielle, de sa neuropathie possible, etc. Enfin bref, il y a
vraiment un certain nombre de choses qu'on devrait relier en tous les
cas au mécanisme d'augmenter les quantités, quoi.
M. Paradis
(Lévis) : Je vous ai senti
hésitante. Vous alliez dire le mot «probante». Vous avez le droit de
l'utiliser, hein, même si le ministre
à quelques occasions sourcille. Vous avez le droit de prendre le vocabulaire
que vous souhaitez, madame, je vous le rappelle.
Le
ministre veut donc à tout prix, à la lumière de ce qu'il
nous dit... puis il prêche sur le mode de rémunération à l'acte, souhaite augmenter la quantité de soins.
Il y a une notion à ça. Elle est économique également. Selon vous, cette
position-là, cette rémunération-là, ce que
l'on retrouve dans le projet de loi
n° 20 risque-t-il d'arriver à
une augmentation des coûts? Vous
l'abordez dans votre mémoire, vous dites : Attention! On veut faire des
économies, oui, on veut faire de la qualité, de la quantité, mais on
risque d'avoir un fardeau économique à payer. Expliquez-moi.
Mme Borgès Da Silva (Roxane) : En
fait, la rémunération à l'acte encourage le volume et la productivité, le volume de soins et la productivité de soins. En
imposant des quotas aux médecins, et donc en leur demandant de voir encore
plus de patients, et en conservant les modes
de rémunération à l'acte, on s'en va vers une augmentation des coûts. C'est une
équation assez simple. En demandant aux médecins de voir encore plus de
patients et en continuant de les rémunérer à l'acte, on va aller plus
loin...
Une voix :
...
Mme Borgès
Da Silva (Roxane) : C'est
ça, sans transfert à d'autres professionnels de santé comme les infirmières.
Mme Pomey
(Marie-Pascale) : Puis peut-être
aussi sans avoir une enveloppe qui soit votée. Je veux dire, là aussi on
pourrait tout à fait imaginer qu'il y ait une enveloppe qui soit donnée...
C'est un peu ce qui se passe aussi, je crois que
le ministre connaît très bien ça. C'est comme un peu comme un
poids flottant aussi. Il y a, comment ça s'appelle, une masse budgétaire qui est donnée pour rémunérer les
médecins et puis effectivement, en fonction du volume, l'acte ne va pas
être payé de la même façon exactement en fonction de ce que l'on a comme
ressource financière.
M. Paradis
(Lévis) : J'aborderais un
thème, et je vais peut-être sortir de ce sur quoi vous avez travaillé, mais
je l'aborde tout de même parce que vous avez fait une analogie avec le moteur de Ferrari et la Chevrolet. Le ministre l'a reprise. Il a utilisé ça, cette image-là. Il
voulait peut-être voler cette image : il parlait d'une Lada à la formule 1
lorsqu'on parlait notamment de
l'abolition progressive des AMP. Alors, on va rester dans les véhicules
automobiles; continuons la course.
À propos des AMP, cette possibilité qui a été
ici, à plusieurs reprises, évaluée lorsqu'on on a dit : Abolition progressive des AMP avec un regard pour éviter des
bris de services, permettant encore une fois une prise en charge... qui pourraient être vus par des médecins qui
dorénavant pourraient travailler en cabinet sans faire en sorte que l'établissement ne fonctionne plus. Avez-vous
abordé ou regardé cette vision-là? Et quel est votre point de vue là-dessus?
Mme Pomey
(Marie-Pascale) : Bon, là, regardez, là, les AMP, c'est quand même
quelque chose de très particulier aussi
au Québec, là, d'avoir effectivement permis aux médecins de famille de pouvoir
avoir des activités hospitalières, que ce soit aux urgences ou dans les
départements hospitaliers et puis des soins de longue durée.
C'est certain
que les obligations qui ont été faites jusque-là d'obliger les médecins à
consacrer un certain nombre d'années
de pratique pour les AMP a fait en sorte de les détourner évidemment d'un autre
type de pratique. C'est sûr que c'est
des pratiques différentes. Il y a des gens qui sont plus faits pour les
urgences, d'autres qui sont plus intéressés par le suivi. Mais c'est sûr que, quand on vous embarque
déjà dans une première façon de travailler, c'est toujours difficile de changer
a posteriori. On le voit même dans un autre domaine, là, qui est la formation
des médecins. Les médecins, après... souvent,
en tout les cas, travaillent très proche de là où ils ont été formés. Donc,
bon, là pareil, on commence une carrière d'une certaine façon, c'est
difficile de changer de carrière, sauf évidemment à les forcer de sortir.
Je pense que
les AMP, ça a été peut-être une réponse à un problème à un certain moment, mais
c'est évident que, vu les besoins de
la population actuellement et vu les besoins que l'on a, en particulier en ce
qui concerne les médecins de famille,
et de la nécessité de suivre des personnes dans le temps, là, de ne pas faire
juste de l'acte pour faire de l'acte et puis de les laisser repartir, eh
bien, c'est une bonne idée de faire en sorte que ça évolue.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, Mme Pomey. Le
temps étant écoulé, je cède la parole au député de Mercier pour une
durée de trois minutes.
M. Khadir : Merci, Mme la Présidente. Je
pensais que le port de la cravate allait me permettre d'avoir plus de
temps. Collègues, cher monsieur, mesdames, bienvenue.
Le ministre réussit de temps en temps, par ses
interventions, à me convaincre... Je ne veux pas lui prêter des intentions, mais moi, j'arrive à me convaincre
qu'il veut vraiment régler le problème d'accessibilité quand il parle que,
pour lui, il en est... il faut savoir
conjuguer volume de services et qualité de services. Parce qu'on sait très
bien, nous qui l'avons pratiqué, que certains services, si bien donnés,
préviennent la nécessité de volume, hein? Si on s'occupe d'un patient comme il
faut en termes préventifs, en termes d'intégration des autres dimensions des
soins, bien on n'a pas besoin de le revoir
trois fois au cours des prochains mois pour des complications ou parce qu'il
n'a pas... Bon. Alors il démontre sa
compréhension. Sauf que, dans son projet de loi, il n'y a rien pour ça. Et vous
lui avez démontré... Nombre de
personnes sont venues ici dire qu'axer uniquement sur les quotas et la
productivité brute, et surtout axer uniquement sur les quotas des médecins et penser la première ligne uniquement en
fonction du quota et de la productivité des médecins, c'est une erreur. Ça va entraîner des complications,
ça va diminuer l'accès. Je pense qu'on n'a pas besoin d'insister trop
là-dessus.
Vous avez démontré et d'autres ont démontré que
le problème du paiement à l'acte, c'est une embûche à l'accessibilité. Juste le
paiement à l'acte est une bonne... c'est-à-dire la dispensation des soins
principalement axée alentours
du paiement à l'acte, c'est une erreur. Il faut venir à une rémunération mixte,
comme d'ailleurs le ministre connaît très
bien le sujet, d'ailleurs, là-dessus, qui permet d'intégrer — mais ça il faut mettre les autres
ingrédients, on ne peut pas juste
compter sur le médecin pour que ça se produise — les autres intervenants. Donc, avoir une
approche multidisciplinaire, avoir
une approche de prévention, avoir une approche de suivi, etc., ce qui s'appelle
de la capitation aux besoins
populationnels. D'ailleurs, mon collègue du PQ a bien mentionné que le problème
des quotas, c'est que c'est réfléchi en termes de médecins
individuellement et non pas populationnel. S'occuper...
Donc,
expliquez-nous un peu plus la capitation et comment ça a produit des résultats
en France, en Colombie-Britannique ou dans d'autres exemples.
Mme Borgès
Da Silva (Roxane) : En fait, juste pour corriger, il n'y a pas de
capitation en France actuellement. Il y
a la rémunération sur objectifs de santé publique. La capitation a été
implantée en Angleterre. Elle a été implantée un peu aussi en Ontario
dans différents modèles de soins de santé primaires.
La façon dont
la capitation fonctionne, c'est qu'en fait on va attribuer aux médecins pour...
Bien, en fait, on va évaluer, si vous
voulez, le volume de services que représente chaque patient suivant ses
morbidités et donner un salaire au
médecin annuel pour chaque... suivant les patients qu'il a. Donc, les médecins
savent a priori quel salaire ils vont avoir étant donné les patients
qu'ils ont. Donc, en fait, ce que fait la capitation, c'est que les médecins ne
sont pas incités, quand ils sont rémunérés à la capitation...
La Présidente (Mme Montpetit) : Je
vous remercie. Malheureusement, c'est tout le temps que nous avions pour les
échanges. Je vous remercie de votre présentation, des réponses aux parlementaires.
Et, compte tenu de l'heure, je suspends les
travaux de la commission jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 heures)
(Reprise à 15 h 40)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs téléphones cellulaires.
Nous allons
poursuivre, donc, les consultations
particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 20, Loi
édictant la Loi favorisant l'accès aux
services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant
diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.
Nous recevons
maintenant les représentantes et représentants du Commissaire à la santé et au bien-être.
Donc, bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation; par la
suite, vous aurez une période d'échange avec les parlementaires. Je vous
demanderais de bien vouloir tous vous identifier, vous nommer, ainsi que nous
préciser vos fonctions. Alors, la parole est à vous.
Commissaire à la santé
et au bien-être (CSBE)
M. Salois (Robert) : Merci. Merci,
M. le Président. M. le ministre, distingués membres de la commission, je
vous remercie sincèrement de cette invitation. Je suis Robert Salois, Commissaire
à la santé et au bien-être. Je suis accompagné de Mme Anne Robitaille,
directrice générale, de Mme Guylaine de Langavant, Commissaire adjointe à
l'éthique et à l'appréciation, et de Mme Ingeborg Blancquaert, experte au
dossier de la procréation assistée.
Tout d'abord,
je vais vous parler de qui nous sommes et de notre façon de travailler. En
créant le Commissaire à la santé et
au bien-être, le législateur a voulu doter le Québec d'un organisme capable de
faire une évaluation indépendante du
système de santé et de services sociaux, c'est-à-dire fait autrement que par
les acteurs eux-mêmes, le ministère ou les établissements. Une des
intentions était de pouvoir comparer les résultats de notre système avec ceux
des provinces canadiennes et d'autres pays
dans le monde. Le législateur a aussi voulu que soit réalisés des débats sur
les enjeux éthiques qui touchent la
société et d'y impliquer les citoyens. C'est pourquoi nous travaillons avec un
forum de consultation, une instance délibérative formée de citoyens et
d'experts, qui participent avec nous au processus même d'appréciation de la
performance.
Mon organisation publie chaque année des
rapports, avis ou analyses qui portent sur la performance de notre système public ou sur les enjeux éthiques qui le
concernent. Depuis l'année dernière, nous avons produit deux rapports sur les enquêtes internationales de Commonwealth
Fund, le rapport d'appréciation globale accompagné de 15 rapports régionaux, nous avons produit l'avis sur la
procréation assistée dont il sera question aujourd'hui, un rapport sur les
urgences du Québec depuis 10 ans et un rapport sur les médicaments
d'ordonnance qui a été rendu public la semaine dernière.
Pour mettre
tout en perspective, nous avons fait cela avec une équipe de 19 personnes,
incluant les personnes ici présentes, et un budget de 2,5 millions.
Nous appliquons à nous-mêmes les concepts d'organisation performante en
cherchant continuellement à optimiser nos processus de travail.
Commençons
donc avec l'accès aux services médicaux. En ce qui concerne l'accès et la
coordination des soins, le Québec se classe malheureusement au huitième rang
des provinces canadiennes quant à la performance globale de son système. La situation est encore pire
lorsqu'on se compare à d'autres pays de l'OCDE. Les citoyennes et les citoyens
québécois peinent à accéder aux services pour des soins de routine, ce qui ne
devrait pas exister, compte tenu des ressources dont nous disposons.
L'accès problématique aux soins
médicaux de première ligne entraîne, entre autres, une utilisation importante
de l'urgence. Selon les données colligées
par le ministère, 61 % des visites à l'urgence sont de codes de priorité 4
et 5, des cas qui bien souvent pourraient être traités en clinique si le
médecin était disponible.
Quant
à la situation des personnes âgées qui séjournent sur une civière à l'urgence
des heures durant, parfois même plusieurs
jours, elle est vraiment préoccupante et va à l'encontre des valeurs de
compassion et de solidarité chères à notre société.
Les
difficultés d'accès aux soins ne se limitent pas à la première ligne. Ainsi, le
délai pour rencontrer un médecin spécialiste
est particulièrement long au Québec et au Canada comparativement à d'autres
pays. Les problèmes d'accès ne sont
pas liés au nombre de médecins, puisqu'il est bien documenté que le Québec se
classe favorablement pour le nombre de médecins par 1 000
habitants.
Compte
tenu de la complexité des enjeux en présence, les solutions pour régler les
problèmes d'accès doivent être à
plusieurs niveaux. Pour améliorer la performance de la première ligne, il faut,
de façon prioritaire, intervenir en matière
de coordination des soins, de gestion des maladies chroniques et d'utilisation
des technologies de l'information. Une
coordination déficiente peut causer des retards dans l'offre de soins et des
complications, surtout chez les personnes ayant de grands besoins de
santé.
Or,
il y a plusieurs lacunes dans ce domaine au Québec, que ce soit au niveau du
transfert de l'information entre les spécialistes et les médecins de
famille ou de l'aide reçue par les patients pour l'organisation et la
coordination des soins. De plus, les
dépenses en santé liées aux maladies chroniques représentent 65 % des
coûts de santé dans les pays industrialisés. Sachant qu'on peut les
prévenir, la mise en place d'un programme de prévention s'impose.
Enfin,
nous sommes très en retard en ce qui a trait aux technologies de l'information,
qui permettent aux médecins de
consacrer davantage de temps aux activités cliniques. Le Québec occupe le
dernier rang des provinces canadiennes à cet égard. Il performe très mal concernant l'utilisation des outils
informatiques pour l'entrée et la récupération des données cliniques, la gestion des interactions
médicamenteuses, les références entre médecins et l'accès aux résultats de
laboratoire et pour les rappels.
À
la lumière des meilleures pratiques reconnues, je considère qu'il faut de façon
prioritaire : améliorer la gestion des maladies chroniques et élaborer un programme national de prévention;
consolider la collaboration et l'interdisciplinarité en première ligne; encourager les nouvelles modalités
de prestation de soins; revoir le mode de rémunération des médecins; et
rattraper le retard dans l'informatisation du réseau.
Maintenant,
en ce qui concerne les activités de procréation assistée, je réitère quelques
constats à l'origine des recommandations
que j'ai formulées dans mon avis remis l'an dernier. Nous avons alors indiqué
que le statu quo était inacceptable
et souligné l'urgence d'agir. Nous avons affirmé que c'est l'intérêt de
l'enfant qui motive l'ensemble des actions
que nous avons proposées. Dans le cadre de nos travaux, nous avons en effet
constaté plusieurs enjeux qui concernent notamment : la survenue de dérives préoccupantes à l'égard de
l'avenir et du bien-être des enfants à naître; l'inéquité d'accès aux services en région; la nécessité de disposer
d'un registre pour documenter les pratiques et les risques pour les femmes
et les enfants; et enfin l'importance de
viser un meilleur équilibre dans l'allocation des ressources, compte tenu des
autres priorités de santé non répondues.
Même
si le nombre d'enfants conçus par la procréation assistée a connu une nette
progression, le poids démographique de
ces enfants ne représente que 2,6 % des naissances en 2013. La proportion
des nouveau-nés issus de grossesses multiples a fortement baissé chez ces enfants. Elle est passée, en cinq ans, de
38,5 % à 18,4 %. Ces résultats sont excellents par rapport à
ceux rapportés pour le reste du Canada et à l'international.
Toutefois, plus d'un
nouveau-né sur six issu de la procréation assistée vient encore d'une grossesse
multiple, comparativement à un sur 40 pour les autres nouveau-nés. Les risques
pour chaque enfant issu de la procréation assistée
ont aussi diminué pour la prématurité et les hospitalisations en soins
intensifs néonataux. Cependant, ces risques demeurent plus élevés que pour les autres enfants. La consommation des
services par les mères est également plus élevée, par exemple en ce qui
a trait au taux de césariennes et aux hospitalisations anténatales.
En
outre, le nombre d'enfants issus de la procréation assistée a doublé en cinq
ans. En bout de ligne, la prédiction d'autofinancement
du programme ne s'est pas réalisée. Malgré les multiples enjeux soulevés, les
retombées positives sur le plan de la réduction des risques pour ces
enfants nous ont amenés à recommander la conservation du programme à condition de le baliser. Les recommandations
formulées sont complémentaires et visent à mieux encadrer les pratiques
et minimiser les risques, à limiter l'avènement de dérives, à mieux cibler les
services, à réduire les coûts et à soutenir l'expertise publique et éviter que
le gouvernement perde toute emprise sur le domaine.
Le
gouvernement doit conserver un regard sur les activités de procréation assistée
en raison des risques qui y sont associés.
À cette fin, des méthodes efficaces de gouvernance doivent être mises en place
sur le plan des pratiques, de la recherche
et de l'éthique. Les avenues privilégiées devraient miser sur l'expertise
existante tant aux niveaux éthique et social
que scientifique et clinique. L'établissement d'un registre s'impose pour
permettre un suivi des pratiques et leurs retombées. En plus d'assurer une
meilleure gouvernance et de se doter de moyens de suivi, nous avons proposé un
certain nombre de critères qui favorisent
l'utilisation judicieuse des services et visent à réduire les dérives et les
coûts. Certains critères exigent l'élaboration de lignes directrices basées sur
l'état des connaissances scientifiques; d'autres relèvent de
l'acceptabilité sociale. Concernant ces derniers, un débat social s'avère
nécessaire pour en établir les paramètres.
En
ce qui a trait aux critères médicaux, un ensemble de facteurs doit être pris en
compte. L'équilibre entre les risques et
les bénéfices, dont la probabilité de succès des interventions, doit être
évalué au cas par cas. L'élaboration de lignes directrices est aussi
nécessaire pour définir les trajectoires optimales de services. Les techniques
les moins invasives devraient être privilégiées en fonction de ce qui est médicalement
indiqué.
Cela
dit, l'ensemble des interventions de procréation assistée, y compris la
stimulation ovarienne et l'insémination artificielle, devrait être mieux encadré afin de réduire les risques.
Enfin, le traitement de l'infertilité, représente un processus exigeant, avec sa part de défis et de déceptions.
Il est donc primordial d'accompagner les personnes qui s'y engagent et, dans certains cas particuliers, d'intervenir pour
assurer la protection de l'enfant à naître. Les décisions à prendre dans ce
dossier nécessitent d'appréhender le tout de
façon pondérée pour tenir compte des transformations qui s'opèrent dans la
société québécoise, notamment au regard de nos valeurs. Nous avons privilégié une approche équilibrée et cohérente avec les transformations
médicales, sociales et légales, de même qu'avec les orientations privilégiées
dans d'autres pays.
Je vous remercie de votre attention. Et nous
sommes prêts à répondre à vos questions.
• (15 h 50) •
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, pour une période de 15
minutes, je cède la parole maintenant au ministre de la Santé et des
Services sociaux.
M.
Barrette : M. le Président, merci. M. Salois, membres du... vous
avez tous été membres du comité qui a fait, qui a produit le rapport sur, entre autres... l'avis sur la procréation
médicalement assistée. Alors, je suis content que vous soyez ici. Vous réussissez, en 10 minutes, à
résumer un rapport extrêmement exhaustif et à jeter un éclairage
supplémentaire, là, puisque le temps
a passé depuis ce moment-là. Je comprends que votre position demeure la même
que dans le rapport, avec ce que vous nous dites, là.
M. Salois
(Robert) : En fait, les
recommandations qu'on a produites sont issues d'une analyse qu'on a faite, et
aussi de consultations. On a consulté
énormément de groupes de patients et de citoyens. Et aussi on s'est inspirés
aussi de meilleures pratiques dans le monde. Et la recommandation qu'on
a faite à l'époque, évidemment, était à l'effet de maintenir le programme, mais
pas dans les conditions actuelles, qui existent, parce que c'est inacceptable,
donc on recommandait des balises importantes.
M.
Barrette : Et d'ailleurs je l'avais dit et je le redis
aujourd'hui : C'est un excellent rapport, exhaustif, et on peut ne pas être d'accord avec tout, mais, le fond, j'en
suis convaincu qu'il est bien étayé et tout à fait défendable, et je vous en
félicite encore aujourd'hui.
Je vais vous poser quelques questions,
évidemment, parce que le temps, à cause des activités parlementaires, malheureusement, est réduit par rapport à ce que
l'on a normalement, et je vais respecter l'ordre de votre présentation
pour ne pas passer du coq à l'âne.
Du côté...
Vous avez été très clair, et je suis d'accord avec vous, évidemment, pour ce
qui est des problématiques d'accès en
première ligne que l'on a chez nous, au Québec, au moment où on se parle. Tout
comme je suis d'accord avec vous qu'on doive aller dans une politique de
prévention pour les raisons que vous avez données tout à l'heure.
Maintenant,
vous avez regardé la situation de l'accès à la première ligne ou du
fonctionnement de la première ligne
et de la médecine spécialisée, la médecine en général, là. Vous avez regardé ça
sous un angle global et vous avez regardé
ça aussi sous un angle comparatif avec ce qui se fait ailleurs. Et là j'ai deux
questions à vous poser, compte tenu du temps qui nous est imparti.
La
première : Dans votre analyse, là, qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui, là,
l'interdisciplinarité n'est pas plus au rendez-vous qu'elle devrait être? Il y a un projet de loi n° 20,
vous êtes ici aujourd'hui pour nous en parler, et, comme l'a écrit un chroniqueur dans les médias cette
semaine, soudainement, avec un projet de loi n° 20... soudainement, on
parle d'interdisciplinarité qu'on
veut faire, mais on ne l'a pas faite avant, là, donc il y a un manque soit
d'intérêt soit d'y voir un avantage,
et probablement que vous allez peut-être faire le lien avec le mode de
rémunération. J'aimerais avoir vos réflexions
sur les deux, que vous connectez peut-être, ou non, là. Mais j'aimerais avoir
vos réflexions là-dessus, de tous et toutes même, si vous le voulez.
M. Salois (Robert) : Oui, bien, je
vais inviter les personnes qui m'accompagnent de répondre à certaines des
questions aussi.
En fait,
notre analyse, qu'on a faite en... je vous rappelle qu'on a fait ça en 2009,
cette analyse-là de la première ligne, ça a été le premier rapport du
commissaire. Après ça ont suivi les maladies chroniques, donc. Et, à chacun des
rapports, que ça soit chez les enfants ou en
santé mentale, l'importance de la première ligne est toujours revenue. Et, à
chaque fois qu'on regardait chacun de ces... la performance du système de santé
à travers différents sujets, l'enjeu de la première ligne était toujours
présent.
Donc, les
recommandations qu'on avait faites à l'époque sur l'interdisciplinarité, c'est
pour ajuster la pratique médicale aux
besoins de la population, particulièrement avec la croissance des maladies
chroniques. Et dans cet esprit-là est
venu aussi évidemment, comme vous le mentionnez, le mode de rémunération,
puisque, pour être capables de permettre une interdisciplinarité, il fallait avoir dans le coffre d'outils autre
chose que juste la facturation à l'acte. C'est dans cet esprit-là qu'on
recommandait aussi d'ajouter, dans nos recommandations, le mode de
rémunération.
L'informatisation
aussi est un enjeu important si on veut travailler en interdisciplinarité,
puisque la présence d'un outil de
communication et de collecte d'information nous permet non seulement de
partager l'information, mais nous permet autant aussi de récolter de la mesure pour être capables de porter un
jugement sur les actes qui sont faits en première ligne, et aussi les
corriger. Donc, c'est en grande partie...
L'autre
élément aussi qu'on avait suggéré, c'est que c'était quand même... En 2009, on était même surpris de voir que l'utilisation de l'informatique,
par exemple, pour échanger avec des patients, communiquer avec des patients ou
même d'avoir de l'«advanced access»... Je n'ai pas le terme français,
là.
Une
voix : ...
M. Salois (Robert) : Accès... Donc, on est encore... Je peux vous dire que le même rapport
qu'on aurait produit en 2009
ressemblerait à ces mêmes recommandations là, qui, malheureusement, presque six
ans plus tard, n'ont pas été mises en place. Et, pour nous, c'est
l'avenue à faire pour améliorer l'accès.
M. Barrette :
...
M. Salois (Robert) : Parce qu'un des commentaires... Je m'excuse, M. le ministre. Un des
commentaires qu'on avait faits, une
des observations qu'on avait faites à ce moment-là, une des conclusions, c'est
que le problème de la première ligne,
ce n'était pas un problème de personnel ni d'argent, c'était un problème
d'organisation. C'est le commentaire qu'on a fait en 2009.
M.
Barrette : Avec lequel je suis pas mal d'accord. Mais arrive la problématique
d'induire le changement, et ce qui a
été le plus difficile, je dirais, depuis 2009, depuis votre premier rapport sur
ce sujet-là, c'est la façon d'induire le changement. Et je ne sais pas si... En tout cas, le projet de loi
n° 20, manifestement, suscite un certain intérêt, là, compte tenu des commentaires qui ont été faits devant
nous à date par les organisations concernées, mais semble-t-il qu'il faut
passer par là.
J'ai envie de vous
poser, toujours sur ce plan-là, une autre question. Vous avez regardé la
problématique des maladies chroniques, moi,
j'en conviens parfaitement, mais trouvez-vous que ce que l'on appelle une
maladie chronique, chez nous, les
gens sont classifiés correctement? Puis je m'explique : Ce n'est pas parce
qu'on a une maladie au long cours qu'on
est vulnérable et qu'on nécessite une attention... certainement plus intense
qu'une personne en parfaite santé, mais peut-être pas aussi intense que les gens veulent bien le conclure. Et je
m'explique plus précisément : Ce n'est pas parce qu'on est hypertendu, diabétique de type 2, à 55
ans qu'on est vulnérable au même titre qu'une personne en perte d'autonomie, là, par exemple. Et, dans le discours
que l'on voit aujourd'hui, on met beaucoup d'emphase sur les maladies chroniques. C'est important, mais il y a une
emphase qui est peut-être disproportionnée quant aux ressources à y mettre,
et là j'irais dans le sens de l'importance
d'y mettre les ressources appropriées, dont les infirmières, et ainsi de suite.
Qu'en pensez-vous?
M. Salois (Robert) : Bien, en fait, le travail... On a toujours pensé que, particulièrement
par rapport aux maladies chroniques, ça devrait être un médecin entouré d'une
équipe multidisciplinaire. La raison pour ça, c'est que ce n'est pas tout le monde qui est malade au même niveau, comme
vous avez dit, et ce n'est pas parce qu'on est diabétique, qu'on prend des médicaments, qu'on est malade. On est
contrôlé. Et malheureusement... pas malheureusement, mais ce qu'on a observé, c'est que c'est souvent ces patients-là
qui sont dans les livres de rendez-vous, mais pas de place pour les malades
quand ils viennent d'arriver, puisqu'on fait
du suivi, pas en équipe, mais on fait du suivi avec le médecin. Mais nous, on a
insisté beaucoup — c'était notre première recommandation
d'ailleurs, en 2010 — sur la
prévention. Voilà un endroit où on peut
faire quelque chose puis agir comme société et comme gouvernement, comme
système, pour diminuer la pression sur
le système de santé. Donc, toutes les actions qui pourraient être posées dans
une direction de diminuer le nombre de maladies
chroniques, ça va être payant à long terme non seulement par rapport aux coûts,
mais par rapport aussi à une meilleure santé de la population, puis
diminuer la pression sur le système par rapport aux demandes de soins.
Donc, nous, on pense
que c'est une... C'était notre première recommandation de 2010, d'ailleurs, qui
disait qu'avec un bon plan d'action... Et,
dans les pays qui sont... et les provinces qui ont du succès, ils ont tous un
plan d'action en prévention des
maladies chroniques, parce qu'à long terme c'est un élément dans le coffre à
outils qu'on a besoin pour être
capables d'améliorer la performance, de pouvoir faire la prévention,
particulièrement dans le cas des maladies chroniques où on peut les
prévenir.
M.
Barrette : Je suis pas mal d'accord avec vous là-dessus. Compte tenu
que je viens de prendre la première moitié de mon temps, là, je vais aller tout de suite à la PMA. Vous êtes un des
rares groupes, sinon le seul, et j'irais même jusqu'à dire le seul, qui, d'entrée de jeu, parlez dans
votre intervention, dans votre allocution, de l'intérêt de l'enfant.
Pouvez-vous peut-être élaborer? Parce
que, si vous parlez de l'intérêt de l'enfant, c'est parce que son intérêt n'est
peut-être pas pris correctement en considération si les balises et les
éléments ne sont pas en place correctement.
M. Salois
(Robert) : J'inviterais plutôt Mme de Lagavant, qui a piloté le
dossier avec Mme Blancquaert, à répondre à votre question.
• (16 heures) •
Mme Cleret de Langavant (Ghislaine)
: En
effet, toutes nos recommandations, dans le cadre de notre rapport sur la procréation assistée, étaient motivées par
l'intérêt de l'enfant, et ça se situe tant au niveau des risques et tant au
niveau psychosocial également.
Donc, c'est la raison pour laquelle nous avons cherché à pousser des recommandations. En fait, les recommandations que l'on a faites étaient pour mieux encadrer le programme
et les services de procréation
assistée. Et c'est la raison pour laquelle nous considérons
qu'il est fondamental de faire un registre par rapport au suivi des techniques de
procréation assistée et les impacts de santé sur les mères et les enfants, de
même qu'il est important ou fondamental
d'assurer une meilleure gouvernance des
services de procréation assistée, que ça soit au niveau du développement des techniques, que ça soit au niveau des enjeux éthiques, que
ça soit au niveau de la recherche.
Nous avons aussi émis des recommandations
au niveau de l'évaluation psychosociale, aussi dans l'intérêt de l'enfant, pour éviter des situations
problématiques qui pourraient causer des enjeux pour l'enfant à
naître. Donc oui, en effet, la majorité des recommandations que l'on a
faites ont été guidées par la préoccupation de l'intérêt de l'enfant.
M.
Barrette : Et, quand vous
parlez des registres, là, vous parlez d'un registre... Moi, initialement, là, parce que j'étais
là dans une autre fonction à la naissance de ce programme-là, ce qui était
visé comme registre, évidemment, allait de la procédure elle-même incluant
un suivi jusqu'à la maternelle. Est-ce que vous voyez autre chose que ça?
Mme
Blancquaert (Ingeborg) : En
ce qui concerne le registre, on a détaillé, dans les recommandations, le fait qu'il faut, d'une
part, que soient colligées des données détaillées sur les procédures de
procréation assistée, idéalement pas seulement
pour la fécondation in vitro, mais également pour la stimulation ovarienne et l'insémination
artificielle. Il faut ensuite que ces
données puissent être jumelées à des données qui sont colligées dans les
banques médicoadministratives concernant
l'utilisation des services en aval de la procréation assistée, que ce soit pour les mères et pour les enfants. Et, troisièmement, il faut se
doter d'une capacité d'analyse de l'ensemble de ces données-là avec toute
l'expertise nécessaire pour
pouvoir réévaluer périodiquement les retombées des activités de procréation
assistée.
Ça, c'est ce
qu'on avait défini comme étant les conditions minimales pour avoir un registre
qui soit utile. On est allés avec des recommandations plus détaillées également,
mais je ne rentrerai pas d'emblée dans ça. Il est vrai que, comme vous le mentionnez, un certain nombre de
personnes auraient souhaité voir plus, et je pense qu'idéalement, effectivement, ça aurait été intéressant de verser directement dans un registre
des données, entre autres, sur le développement
des enfants, donc avoir un suivi réel de
l'ensemble du portrait santé et développement de l'enfant jusqu'à l'âge de cinq ans.
M.
Barrette : Là, évidemment,
je ne veux pas... Je ne vise pas à ce que vous nommiez des gens, ou des hôpitaux, ou
quoi que ce soit, mais, dans votre rapport, initialement, et vous
en faites mention encore aujourd'hui, et vous en faites mention aussi sur la question de l'intérêt de l'enfant, il y a
toute la question des dérives et des problématiques qui sont
survenues ou qui peuvent encore survenir
dans cet environnement-là. Sans faire de grandes révélations, est-ce que
vous pouvez nous éclairer sur le
potentiel de dérives en termes de catégories, en
termes de grandes lignes que vous
voulez éviter?
Mme Cleret
de Langavant (Ghislaine)
: Les types de dérive que nous avons pu documenter,
il y en avait qui affectaient
directement l'enfant au
niveau de la capacité de subvenir aux
besoins de l'enfant, par rapport à l'engagement parental vis-à-vis de l'enfant, ou peut-être par rapport à la complexité du projet parental, des questions de filiation qui
étaient posées. Il y avait
aussi des dérives qui étaient en lien avec les pressions qui étaient mises sur
les mères. Et, aussi, finalement, il y
avait des abus qui avaient été documentés
au niveau de l'utilisation des ressources,
que ce soit au
niveau de la FIV ou, par exemple, pour des donneurs qui étaient vasectomisés. Donc, il y avait
différents types de dérive, celles qui touchaient l'enfant, la mère ou
l'utilisation même des techniques.
M.
Barrette : Est-ce que
le fait... Parce que, là, le temps passe, il me reste juste
30 secondes, je veux donc poser ma
dernière question. Là où on s'en va, évidemment, on s'en va sur un territoire
qui n'est pas parfaitement balisé au sens où... pas des balises, là, mais est-ce
que vous voyez un problème avec le projet de loi n° 20 quant à la cohabitation de ce qui serait
plus public ou partiellement public avec ce qui serait plus privé?
M. Salois
(Robert) : En fait, ce qui
est important pour nous, un des messages qu'on voulait laisser,
c'est que le gouvernement doit conserver un regard sur les activités de
procréation assistée en raison des risques qui y sont associés. Donc, pour nous, c'est important,
en termes de formation, en termes de registre, de contrôle, de savoir qu'est-ce qui fait... Parce qu'une des expériences qu'on a réussi à
faire quand on a extrait des données... C'est qu'on n'avait pas de donnée
disponible. Donc, c'est particulièrement
important dans un programme où... On l'a déjà mentionné, si on veut surveiller
le programme, il faut savoir ce qui se passe
presque en temps réel pour être capables de réagir, réajuster. Donc, pour nous,
c'est d'une importance importante...
Le Président (M. Tanguay) : En
conclusion.
M. Salois (Robert) : ...que le
gouvernement puisse garder un contrôle puis s'assurer de la formation aussi.
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
Alors, je cède maintenant la parole à notre collègue de Taillon pour neuf
minutes.
Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le
Président. M. Salois, Mme Robitaille, Mme Cleret de Langavant
et Mme Blancquaert, bonsoir... bonjour.
Écoutez, les journées sont longues, c'est un peu... c'est pour ça qu'on arrive
à cette heure-ci. Ce que je constate,
dans votre mémoire — on l'a lu
attentivement — il y a eu
une... en fait, vous avez dit clairement
qu'il fallait améliorer le programme, et je pense que ça fait consensus. Tout
le monde est d'accord, les partis d'opposition,
le gouvernement. Et vous dites : «...l'amélioration du programme nous
semblait préférable à son abandon.» Donc,
vous ne voulez pas qu'il y ait un abandon de ce programme-là. Vous trouvez
quand même qu'il y a une valeur ajoutée. Vous avez dit : «2,6 % des naissances [du Québec] en
2013» — je
trouve que c'est quand même très significatif — 2,6 % des naissances qui originent de la procréation médicalement assistée.
Est-ce que, dans votre rapport, vous aviez imaginé qu'on puisse rendre
illégale la procréation assistée après 42 ans?
M.
Salois (Robert) : Bien, sur
l'âge de 42 ans, on a eu... on est assez spécifiques sur ce domaine-là
dans le rapport à l'effet que, pour
ce qui est du 42 ans en question, on a simplement à demander un moratoire
sur cet âge-là pour permettre de développer des critères pour pouvoir
aider la prise de décision des praticiens dans ce domaine-là. Donc, c'était ça,
l'objectif du 42 ans. On s'est
inspirés, dans ce domaine-là, de ce qui se fait aussi dans beaucoup, beaucoup
d'autres pays par rapport à ça.
Certains ont mis des limitations, d'autres ont mis des critères. Donc, pour
nous, c'est important pour le moment,
surtout si la femme utilise ses propres ovules, de pouvoir avoir des critères,
des lignes directrices pour pouvoir supporter le praticien.
Mme
Lamarre : Donc, vous voulez des lignes directrices, mais vous ne
considériez pas et ne recommandiez pas que ce soit illégal, à tout
jamais, pour toute femme de plus de 42 ans.
Des voix : ...
Mme
Lamarre : D'accord. Est-ce que vous aviez prévu que finalement on
exige trois années de relations sexuelles avant de donner accès à toute
forme de procréation médicalement assistée, incluant la communauté LGBT?
• (16 h 10) •
Mme
Blancquaert (Ingeborg) : Ce que le commissaire a recommandé, c'est
l'élaboration de lignes directrices pour
guider la pratique. À l'intérieur de ces lignes directrices là, il serait
souhaitable que les trajectoires de soins soient bien définies pour différentes situations cliniques, donc adaptées à la
situation clinique. Et il faut distinguer, quand on parle de délai, le
délai qui... la période d'essai, si vous voulez, d'essai de conception
naturelle avant de passer à une investigation
diagnostique, et ça, c'est généralement modulé avec l'âge, et le fait que...
Dans certaines des lignes directrices qui
ont été implantées dernièrement en Grande-Bretagne, par exemple, on recommande
que, dans les situations où l'infertilité demeure inexpliquée après avoir fait un bilan diagnostique approfondi, dans
ces cas-là, on attende encore peut-être un an, peut-être un peu plus,
mais qu'on attende un petit peu pour donner quand même la chance qu'il y ait
une conception naturelle. Mais, dans les cas
d'infertilité inexpliquée, ça permet de passer peut-être d'un taux
d'infertilité, dans la population, de
15 % après un an à 5 % après deux ans. Donc, l'objectif d'inclure ce
type de délai là dans les lignes directrices, c'est pour éviter de passer à des investigations
invasives, alors qu'il y a quand même encore une bonne chance qu'il y ait une
conception naturelle.
Mme
Lamarre : On est tout à fait d'accord. Mais ce que vous nous dites,
avec l'exemple de la Grande-Bretagne, c'est
que ça se situe dans les lignes directrices, pas dans une loi, et donc, à la lumière
de ce que vous dites et de ce que je vois
de vos 12 recommandations, là... Sur les 12 recommandations, il y en
a sept qui concernent, dans le fond, le besoin de préciser «trajectoire de soins», «lignes directrices de traitement»,
«registre». Donc, ça, ce sont des modalités. Donc, on n'a pas besoin de légiférer pour ça. Donc,
est-ce que ça ne serait pas plus pertinent d'attendre les lignes directrices
du Collège des médecins avant de légiférer et de brimer l'accès comme on
s'apprête à le faire?
Mme
Robitaille (Anne) : Bien,
écoutez, dans le contexte où le commissaire a fait cet avis-là, il y avait un programme public qui existait, et c'est dans ce
contexte-là que le commissaire a procédé, a fait ses travaux. Il a fait, donc,
les recommandations tenant compte du
contexte dans lequel il était. Et maintenant, les recommandations qu'il a
faites, plusieurs demeurent
pertinentes, qu'il y ait existence d'un programme public ou non, et c'est
là-dessus que le commissaire souhaite
rappeler l'importance de se doter de balises, d'avoir des lignes directrices et
d'orienter les pratiques. Maintenant, la décision appartient à cette
Assemblée, là.
Mme
Lamarre : Mais vous êtes quand même bien conscients que le rapport du
commissaire a été un déclencheur très,
très souhaitable... Et je remercie le travail qui a été fait et je connais la
qualité de la réflexion que vous faites et la précision des investigations, mais ce rapport-là a servi de déclencheur
pour tenter d'implanter des mesures qui ne nous apparaissent pas
toujours et, dans certains cas, plusieurs fois, non nécessairement en
cohérence, en cohésion avec les recommandations
et l'objectif général que vous visiez. Vous disiez clairement : Ça prend
des balises, mais ces balises-là, c'est
dans la trajectoire de soins, c'est dans l'existence d'un registre, c'est dans
le suivi des patients qu'on doit les mettre, et c'est ça qui va nous permettre de faire les bonnes balises. À la
limite, de diminuer l'accès en exigeant des contributions comme celles qu'on va faire pour l'ensemble des
patients, on risque de vraiment brimer des gens qui en auraient eu besoin,
qui sont des candidats peut-être de première
classe dans votre recommandation, alors que ce sont des patients, des citoyens
qui auraient eu les meilleures chances et
pour lesquelles la procréation médicalement assistée aurait donné les plus
grands bénéfices au niveau de la société, au niveau des couples aussi.
Mme
Robitaille (Anne) : Bien,
écoutez, dans les recommandations du commissaire, effectivement — vous parlez de contributions financières — il y avait une recommandation qui concernait
une participation financière des personnes, des parents d'intention pour différentes raisons, là, non seulement dans
une perspective de contrôle des coûts, compte tenu de l'ensemble des besoins de santé, donc dans une perspective
d'équité interprogrammes en quelque sorte, mais aussi puisque la participation financière pouvait
permettre de favoriser un engagement personnel à l'égard de l'utilisation de
ces techniques-là. Et ça, c'est issu notamment des consultations qui
avaient été faites dans le cadre de la réalisation de cet avis-là, où les gens des cliniques mentionnaient que, depuis la
gratuité, il y avait un peu plus de magasinage des services et il y avait une certaine baisse dans l'adhésion
au traitement qui, parfois, particulièrement en ce qui concerne la FIV, peuvent
être particulièrement difficiles à vivre
pour les personnes qui s'engagent là-dedans. Et ça, ça pouvait contribuer à
diminuer les
probabilités de succès. Donc, c'est un ensemble de mesures qui avait été
proposé, à la fois pour mieux encadrer, mieux suivre l'évolution des pratiques, mais aussi favoriser de meilleurs taux
de succès pour la sécurité et le bien-être des enfants et des mères dans
ce dossier-là.
Mme
Lamarre : Mais on est tout à fait d'accord avec vous. Que vous ayez
repéré ces enjeux de magasinage, c'est tout à fait approprié, mais tout
ça, ça se corrigeait, ça se restreignait, et les coûts pouvaient également être
mieux contrôlés par un registre et par des banques de données, comme vous le
recommandez. La recommandation n° 10, la recommandation
n° 8... n° 7, vous avez plein de recommandations qui vont dans ce
sens-là, mais ce n'est pas ça qu'on retient.
On ne retient pas les éléments de monitoring, de suivi, de traçabilité de ces
gens-là. Ce n'est pas ça qu'on retient du tout, du tout. On va vraiment dans
une approche qui coupe vraiment de façon très significative. Il y a eu beaucoup
de gens qui sont venus, qui nous ont
dit : On va être privés d'accès, on n'ira plus maintenant, on ne profitera
pas de ça et on va vraiment vivre les conséquences négatives d'un manque
d'accès à ce service-là.
Le Président (M.
Tanguay) : Ceci met fin à la période d'échange. Je vais maintenant
céder la parole à notre collègue député de Lévis pour six minutes.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Le temps est restreint. Merci à vous d'être avec
nous aujourd'hui et de nous
donner davantage d'information et nous faire comprendre, donc, ces enjeux importants.
Alors,
je me limiterai à deux questions rapidement.
Parce que vous mentionnez, en page 21
de votre rapport, que, malgré les
multiples enjeux, on parle de procréation assistée... Vous dites que les
retombées positives sur le plan de la réduction
des risques pour les enfants et sur la procréation assistée vous ont amenés à
recommander la conservation du programme québécois de procréation tel qu'on le connaît maintenant.
Je récapitule et je comprends bien que ce que vous nous dites, c'est qu'il y a moyen de faire
autrement. Il y a moyen de faire en sorte de contenir les coûts
sans nécessairement abolir ce que l'on connaît déjà, et
tous nous ont dit globalement que nous avions réussi à établir des paramètres
qui sont enviés de partout à travers
le monde en raison de ce programme de procréation assistée. Pourriez-vous revenir un
peu et me faire mieux comprendre les
risques à, par exemple, adopter le projet de loi tel quel, et
couper dans le programme public de procréation assistée en regard de la santé, notamment
des enfants, ce que ça pourrait avoir comme conséquences? Parce que vous l'avez analysé.
M. Salois
(Robert) : Bien, en fait, la recommandation qu'on avait fait à
l'origine, le premier «statement», la première
affirmation qu'on a faite, c'est que le problème... le programme
n'était pas soutenable dans sa situation actuelle à cause des dérives, à cause des
coûts et à cause de plein... Il n'y avait aucune balise, sauf avoir une carte
d'assurance maladie et être une femme. Donc,
c'était sa seule condition. Donc, c'est dans cet esprit-là qu'on a dit :
Pour l'intérêt majeur des enfants et
l'intérêt des enfants, mettre en
place un programme
de cette nature-là, ça prenait un encadrement. Et c'est dans cet esprit-là qu'il y en
a plusieurs, de ces encadrements-là, qui sont soit dirigés aux processus... au corps médical, si vous voulez, et il y en a d'autres qui sont indiqués sur le suivi qu'on
peut en faire. Parce que la problématique
de ça, c'est de savoir... c'est de
connaître les succès, les avantages et aussi les désavantages de ce type
d'intervention là, puisque nous, on avait mesuré l'utilisation des
services hospitaliers, entre autres, par les enfants qui étaient présents aux
soins intensifs et les femmes qui utilisaient les services. Je le mentionnais,
c'était ma présentation tout à l'heure.
Donc,
pour nous, il y avait là un élément important de pouvoir mettre en place des
balises. On aboutissait, à la fin, avec
une situation qui était dans le meilleur intérêt des femmes et des enfants, et
on réussissait dans l'objectif. Et nous, on parlait d'une baisse de
presque 30 % des coûts.
M. Paradis (Lévis) : Je veux bien comprendre, là. C'est que, à travers votre analyse, et vos
recommandations, et cette façon de
faire pour éviter les dérapages — en tout cas, appelons-le comme on
voudra — il y a
moyen de contenir le programme sans nécessairement abolir le fait qu'il
soit accessible et qu'il soit public.
M. Salois (Robert) : C'est dans cet esprit-là qu'on faisait des recommandations, par
exemple, sur l'accessibilité à seulement
qu'un essai. On me faisait des recommandations à l'effet que, si vous aviez eu
des ligatures, par exemple, que vous
n'étiez pas apte, vous aviez déjà pris une décision, vous ne pouviez pas
revenir en arrière. Et il y avait plusieurs de ces recommandations-là qui visaient à le baliser pour
éviter les abus, évidemment, mais aussi de pouvoir contrôler les coûts, et les
coûts étaient principalement associés à la FIV. Donc, on suggérait aussi qu'y
aller par des techniques moins invasives,
en commençant par la stimulation ovarienne, l'insémination artificielle, et,
après ça, aller... Donc, on avait, de cette façon-là, probablement eu
des succès avec les deux premières étapes, sans aller à la plus dispendieuse et
la plus invasive. Donc, dans nos
recommandations, on avait de ces recommandations-là qui nous amenaient à un
meilleur contrôle puis aussi des résultats beaucoup plus sécuritaires
pour la mère et les enfants.
• (16 h 20) •
M. Paradis (Lévis) : Je comprends, applicable tout ça sans nécessairement penser à
l'abolition. C'est ce que je comprends de ce que vous me dites.
Dans
votre rapport de 2009, c'était la recommandation 10, ce n'est pas d'hier, et
vous l'avez dit tout à l'heure, vous
disiez que, pour améliorer la première ligne et débloquer tout le phénomène des
urgences et ce qu'on connaît, il fallait instaurer un mode de rémunération différent. Vous en avez parlé. Même,
davantage, vous dites que vous allez prendre deux, trois années pour documenter la question. Ça veut dire que ça
prend tout son sens. Pourquoi avoir décidé, de votre propre initiative, de documenter cette notion-là?
Et fait-elle partie de la solution? Parce qu'on l'a beaucoup abordé ici,
que ce mode de rémunération modifié.
M. Salois (Robert) : On parle d'un mode de rémunération, au Québec,
depuis près de 20 ans, et on en parle, on en parle, mais on n'agit pas de cette nature-là. Donc, c'est pour ça qu'on
a pris, nous, l'initiative, dans un processus totalement indépendant, fait dans le Fonds de recherche du Québec, d'investir des sous d'opération dans
nos... puis de préparer, pour un travail qu'on veut faire
ultérieurement, dans le futur, assez d'information pour être capables de partir
et faire une consultation. Donc, on s'est
donné des outils de recherche importants pour nous amener, justement, sur le
processus de faire un rapport de
cette nature-là. Dans les pays ou dans les provinces qui ont beaucoup de
succès, ça fait partie des éléments qui
ont permis d'avoir une meilleure performance. Le mode de rémunération dans les
provinces ou les pays qui ont du succès,
il fait partie de leur coffre à outils, de même que la gestion des maladies
chroniques puis l'informatisation. Vous allez retrouver ça dans tous les endroits qui sont les meilleurs, vous
allez avoir ça, alors que chez nous, ici, on n'a pas ça.
Donc,
nous, on a pris, de notre propre initiative, une petite organisation... de
prendre quand même pas mal d'argent dans notre budget, de faire ça à
travers un processus indépendant, le Fonds de recherche du Québec, à l'abri de
toute intervention, y incluant celle du
commissaire, d'aller en sorte qu'on va investir, on va essayer de... On a posé
deux questions et, à la lumière de
ça, on va pouvoir, à ce moment-là, avoir des éléments pour être capables de
préparer un rapport sur le sujet.
M. Paradis (Lévis) : ...peaufiner ce que vous savez déjà, aller chercher davantage, mais, à
travers ce que vous nous proposez, cet élément-là fait partie des
solutions qui permettraient de garantir l'accessibilité.
M. Salois
(Robert) : Tout à fait.
M. Paradis
(Lévis) : Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la
parole à notre collègue député de Mercier pour trois minutes.
M. Khadir : Merci,
M. le Président. Mmes, M. le
commissaire, bienvenue. Je suis encore amusé de voir comment... parce que
vous venez d'affirmer que, suite à votre recherche, il vous est permis
d'affirmer que, dans les pays et dans les provinces où ils ont du succès à régler les problèmes d'accès de
première ligne, le mode de rémunération des médecins, donc les changements au mode de rémunération, fait partie des solutions, ainsi que le suivi
des malades chroniques et l'informatisation.
Ça
m'amuse de le constater, parce que le ministre actuel a une source de savoir et de science qui
est tout à fait indépendante. À chaque fois qu'on lui amène des
informations comme ça, parce qu'avant
vous d'autres groupes sont venus, il
oppose sa propre science, sa propre expérience, ses anecdotes comme quoi ça ne
marche pas, souvent parce qu'il tait le problème dans sa multidimensionnalité,
en oubliant qu'il y a des ingrédients qui n'étaient pas là. On en a eu des exemples ici. Mais je tiens à mettre en relief
cette recherche indépendante que vous menez, qui démontre que ça fait partie
de la solution, et un ministre qui refuse
d'écouter cette science, ce qu'on appelle l'évidence, hein, basée sur
l'évidence, et part de sa propre expérience et de sa source de savoir.
Vous
avez parlé des problèmes de dérapages qui sont survenus, que vous avez
constatés dans le programme de procréation
médicalement assistée. Est-ce que le magasinage auquel vous avez fait allusion
était surtout le fait des cliniques privées
ou ça pouvait concerner les centres hospitaliers publics? Ensuite, est-ce
que... Parce que l'équipe du CUSM est venue
nous dire que recourir au financement par crédits d'impôt introduisait des
problèmes d'iniquité qui pouvaient
même entraîner des conséquences parce que
beaucoup de familles attendaient longtemps pour amasser
l'argent nécessaire avant de
procéder, et ça, ça augmentait les risques parce que les personnes
prenaient en âge, et ça augmentait les risques pour les femmes et pour
les enfants. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Salois
(Robert) : Bien, en fait, c'est sûr que les problèmes d'iniquité par
rapport à l'accessibilité sont particulièrement importants. Dans le processus
qu'on avait du modèle actuel, dans des conditions sans aucune balise, on avait une grande facilité de consultation, ce qui amenait d'autres sortes de problèmes. C'est pour ça que nous,
on a mis en place des conditions pour être capables de l'encadrer par
rapport aux coûts, mais de pouvoir aussi être équitables vis-à-vis
les autres services qui ne sont pas répondus dans le domaine... Pour ce qui est
d'un mode de coûts basé sur les impôts
ou basé sur ça, nous, on a recommandé celui qu'il y avait par rapport... Parce que c'était le programme qu'on évaluait actuellement,
c'est ce qu'on nous avait demandé...
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Vous complétez votre phrase? Oui.
M. Salois (Robert) : On ne s'est pas vraiment penchés sur l'impact que pourrait avoir une
nature de façon fiscale, mais on sait
que le principe, là, de payer en fonction de ses revenus est un principe
d'équité par rapport au système lui-même qui avait des besoins qui
n'étaient pas répondus.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous vous remercions, Commissaire à la santé et au bien-être, ainsi que celles qui vous
accompagnaient.
Je suspends nos
travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 25)
(Reprise à 16 h 29)
La Présidente (Mme Hivon) :
Alors, bonjour. À l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite donc la bienvenue à Dr Pierre Miron, de l'organisation Fertilys. Donc, je vais vous inviter à vous identifier dans un premier temps, et vous disposez,
par la suite, de 10 minutes pour votre exposé, qui va être suivi d'une
période d'échange avec les membres de l'ensemble des formations pour une
période de 50 minutes. Donc, la période est à vous.
Centre de procréation
Fertilys
M. Miron
(Pierre) : Merci. Donc,
Pierre Miron, je suis médecin obstétricien-gynécologue, et j'ai fondé Fertilys.
Donc, bonjour, tout le monde.
Mme
Carrier (Julie-Michèle) :
Bonjour. Julie-Michèle Carrier, directrice administrative chez Fertilys.
Bonjour.
M. Miron
(Pierre) : Donc, comme vous
notez, j'ai un rhume, je n'ai pas de médecin de famille... que je
me suis dit que je trouverais un radiologiste pour un rayon X puis un
microbiologiste pour les microbes.
La Présidente (Mme Hivon) :
Vous vous sentez déjà mieux, hein?
M. Miron (Pierre) : Oui. Donc...
Des voix : ...
M. Miron
(Pierre) : Pharmacienne?
Oui, c'est vrai. Donc, M. le
Président... Je m'excuse. Mme la Présidente, c'est vrai, on a changé.
La Présidente (Mme Hivon) :
Je sais que c'est déconcertant, ça va.
• (16 h 30) •
M. Miron
(Pierre) : M. le ministre, Mmes, MM. les députés, merci de me recevoir aujourd'hui pour témoigner devant vous, à
cette commission. J'ai fondé quatre programmes de fécondation in vitro au Québec, au bénéfice des couples infertiles, soit à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont en 1987, Procrea Montréal en 1990,
Procrea Québec en 1998 et, tout récemment,
Fertilys, à Laval, en janvier 2014. Toute ma carrière, soit près de 35 ans
maintenant, j'ai milité en faveur des couples
infertiles et pour la couverture publique de l'aide médicale à la procréation,
y incluant bien sûr la fécondation in vitro, convaincu que leur
cause est juste et qu'il n'y a aucune raison que les couples infertiles fassent
l'objet d'une discrimination de la part du ministère, puisque l'infertilité
médicale est une maladie.
Vous
comprendrez donc ma grande tristesse en prenant connaissance de certaines
dispositions du projet de loi n° 20 et la déception que cela me cause
alors que je me présente aujourd'hui devant vous non pas pour faire avancer ce
programme public d'aide médicale à la
procréation dont nous devrions être tous très fiers, mais bien pour protéger
des acquis chèrement gagnés et dont
la perte, à mon avis, fera régresser socialement le Québec, particulièrement
sur les plans de la santé, de la sécurité et de l'éthique.
Et je le
spécifie, car j'ai pris bonne note du titre descriptif et du libellé du projet
de loi n° 20 : Si favoriser l'accès à des services de médecine spécialisée est un réel souci pour le ministre
et si la santé, la sécurité et l'éthique sont également ses véritables préoccupations, alors je veux
l'assurer non seulement de mon soutien total, mais je lui soumets aussi des
considérations et des recommandations afin
de l'éclairer, de l'appuyer, de l'aider à maintenir la continuité des soins en
fertilité, y incluant la couverture de la
fécondation in vitro par la RAMQ, tout en relevant le niveau de qualité,
de sécurité et d'éthique de toutes les activités de procréation
assistée, et ce, dans un contexte de restrictions budgétaires.
Avant de
présenter mon plan d'action, je veux soumettre à l'attention du ministre des
considérations qui mettent en
perspective l'impact de certaines dispositions du projet de loi n° 20 à
l'égard des couples infertiles, et qui ont guidé mes recommandations. L'infertilité est une maladie. Cela est un fait
reconnu à l'échelle mondiale. Je rappelle que le premier ministre
Philippe Couillard, dans cette même salle, l'a lui-même reconnu le 10 juin
2008. L'infertilité est devenue un véritable
problème de santé publique, car, de nos jours, 17 % des couples souffrent
d'infertilité, alors que seulement 5 % en souffraient en 1984,
quand je commençais ma carrière. Il est discriminatoire de pénaliser les
couples infertiles en retirant la couverture
RAMQ de la FIV, alors que l'État paie pour les interruptions volontaires de
grossesse, la vasectomie, la ligature
tubaire ou, pire encore, les chirurgies inverses subséquentes, tout cela aux
frais des contribuables et bien qu'il ne s'agisse pas de maladies.
La FIV est
une grande réussite, une technique sécuritaire et efficace. Je rappelle à la
commission que la FIV est une technique
médicale parfaitement maîtrisée, qui produit de nos jours, par le transfert
d'un seul embryon, un taux de naissance
égal ou supérieur à la conception spontanée chez les couples fertiles, soit de
25 % à 30 % par tentative. Il s'agit de loin du traitement le
plus performant en fertilité dans nos mains.
Le crédit
d'impôt à la FIV rate sa cible. Le projet de loi n° 20, même avec les
crédits d'impôt à la FIV, ne favorise pas
l'accès à des services de médecine spécialisée de pointe, basés sur la
sécurité, la santé et l'éthique, bien au contraire. Si l'abolition du programme de FIV se concrétise,
une réduction de 50 % des tentatives est à prévoir. Les centres devront
réduire leurs effectifs, actualiser leurs
coûts pour une FIV afin de faire face à leurs obligations financières. On peut
donc anticiper une augmentation substantielle des coûts en FIV, qui ne
sera pas sans pénaliser les principaux bénéficiaires du programme, les 20 à 34 ans, les jeunes, quoi,
qui, selon Statistique Canada, sont ceux qui ont le moins les moyens de
payer et de se faire financer.
Le
constat d'inaccessibilité est donc très clair. La refonte proposée du crédit
d'impôt remboursable pour l'infertilité taxe particulièrement les
jeunes. Elle est trompeuse et n'est donc pas une solution juste et équitable.
Le retrait de la couverture RAMQ de la FIV
entraînera aussi des effets pervers, entre autres de favoriser le retour en
force des stimulations ovariennes combinées à l'insémination
artificielle, avec une augmentation substantielle des grossesses multiples, ou encore
le recours à des chirurgies intrusives chez
la femme, comme la laparoscopie diagnostique, autrefois réalisée de routine
chez toutes les femmes infertiles, au
détriment de techniques les plus performantes comme la FIV, ce qui va à
l'encontre des objectifs de qualité, de sécurité et d'éthique du projet
de loi n° 20.
Par ailleurs, contrairement au projet de
loi n° 20, l'institut national anglais de la santé, NICE recommande de ne
plus offrir l'insémination artificielle à la
majorité des couples infertiles, une technique qu'il considère désuète et
inefficace.
Le retrait de la
couverture RAMQ de la FIV entraînera la commercialisation des centres d'aide
médicale à la procréation. Pour survivre,
ces centres devront-ils se tourner vers l'infertilité sociale, et des pratiques
éthiques douteuses, ou étendre leurs
services, à titre d'exemple, aux mères porteuses, favorisant ainsi la
commercialisation et la marchandisation du corps humain?
Pour
toutes ces raisons et considérations, M. le ministre, je vous soumets les cinq
recommandations suivantes : un, plus que tout, ne pas abolir la
couverture de la FIV par la RAMQ.
Et afin de vous
aider, M. le ministre, à sauver le programme public d'AMP dans une période de
restriction budgétaire, nous proposons les
solutions suivantes : restreindre
la couverture de l'AMP, incluant la FIV, à l'infertilité médicale;
imposer un diagnostic d'infertilité médicale obligatoire pour avoir accès au programme
québécois d'AMP; limiter en FIV le transfert
d'un seul embryon par cycle chez les femmes de moins de 37 ans — nous
sommes d'accord avec le ministre sur ce point; permettre le traitement de
l'infertilité sociale, mais aux frais des demandeurs, ce qui inclut les individus ayant eu une stérilisation
volontaire; plutôt que l'âge, utiliser deux modèles prédictifs à
variables multiples afin de limiter l'accès au programme public de FIV uniquement
à des interventions efficaces.
Le
Commissaire à la santé et au bien-être, le Dr Salois, qu'on vient de voir,
considère, dans son rapport, que le taux
du succès devrait être un critère d'accès au programme de procréation.
Selon lui, aucune intervention ne devrait être entamée sous un seuil minimal de 5 % ou 10 % de probabilités. Je propose d'appliquer ce
principe afin de limiter l'accès au
programme public lorsque le traitement en vaut la peine et d'éviter ainsi des
interventions futiles et coûteuses pour l'État. Avec un registre national sur l'aide médicale à la procréation,
le Québec pourrait un jour bâtir ses propres modèles prédictifs, ce qui
serait souhaitable.
Entre-temps,
je propose l'utilisation de deux modèles prédictifs déjà publiés. Un premier,
un modèle prédictif permettant de déterminer la probabilité de donner
naissance à la suite d'une FIV. Ainsi, je recommande au ministre de limiter l'accès au programme public uniquement
aux couples dont les probabilités de donner naissance par FIV, selon le
modèle prédictif proposé dans le mémoire, sont supérieures à un seuil de 5 %
ou 10 %, en deçà duquel les couples infertiles non qualifiés pourront
toujours procéder mais à leurs frais.
Je propose également
un deuxième modèle prédictif permettant, quant à lui, de déterminer la
probabilité de concevoir spontanément sans
traitement. Comme cela se fait dans les Pays-Bas, je recommande au ministre de
limiter l'accès au programme public de
FIV, dans les cas d'infertilité inexpliquée, lorsque les probabilités de
concevoir spontanément dans l'année qui suit sont de 30 % ou moins,
telles que prédites par le modèle Huneault.
Pour les causes
d'infertilité plus sévères, comme une dysfonction ovulatoire corrigée mais sans
grossesse, un facteur mâle sévère ou une
pathologie tubaire bilatérale, offrir automatiquement l'accès au programme
public de FIV.
Comme
quatrième recommandation, mieux gérer le programme public de procréation par
une saine gestion des fonds publics.
Un centre de pointe comme Fertilys aura nécessité une mise de fonds privés de
2,5 millions, alors que, selon le
CSBE, pour une offre similaire de services, le programme du CHUM aura coûté, en
fonds publics, 17 millions, et celui de Sainte-Justine,
8 millions.
La Présidente (Mme
Hivon) : Je vous invite à conclure en quelques secondes.
M.
Miron (Pierre) : Bientôt, oui. Plus encore, le coût par cycle de FIV
serait d'environ 8 000 $, alors qu'il est de 4 500 $
tout inclus pour exactement la même prestation de services chez Fertilys.
Est-ce
que le ministre propose d'abolir la couverture RAMQ du programme de FIV parce
qu'en fait il est incapable d'en contrôler les excès et d'implanter un
modèle de saine gestion?
La Présidente (Mme
Hivon) : Le ministre vous offre du temps. Donc, je vous donne
une minute de grâce.
• (16 h 40) •
M.
Miron (Pierre) : Merci, Dr Barrette. Merci sincèrement. Je suis
convaincu, à la lumière de l'expérience Fertilys, qu'il est possible de mettre en place un modèle de
saine gestion des centres d'AMP qui soit à la fois adéquat pour répondre
aux besoins des couples infertiles et
profitable pour le ministère et le Québec. Tel que je l'ai déjà proposé au ministre, je lui réitère à
nouveau ma volonté de lui ouvrir les livres de Fertilys dans l'intérêt
supérieur du maintien du programme
public, des couples infertiles et du Québec,
afin de bâtir un modèle de référence en
matière de saine gestion et de
profitabilité pour tous les centres d'AMP.
Cinquièmement, mettre sur pied une table de
concertation. Comme cela s'est fait aux Pays-Bas, je propose également
au ministre de mettre sur pied une table de concertation
incluant des représentants de l'ACIQ, l'Association des couples infertiles, un représentant de chaque
centre de procréation, des représentants du ministère, de la RAMQ et de
l'industrie pharmaceutique afin d'identifier les meilleures solutions
permettant d'améliorer le programme.
Je
fais donc appel à la vision du ministre pour mettre en place cette table de concertation
et favoriser ainsi la mise en place
de conditions favorables à l'amélioration du programme public sur les plans
médical, éthique et financier. La table
de concertation aurait comme mandat de : conseiller le ministre
afin de définir un modèle efficient d'exploitation et de gestion des centres d'AMP, dans le meilleur intérêt
des couples infertiles — des
régions, aussi, qu'on a oubliées — et
de l'État québécois; harmoniser la rémunération entre les centres
publics et privés; réévaluer le mode de rémunération des fertologues;
négocier avec l'industrie pharmaceutique afin de réduire les coûts du programme
en médicaments; constituer une banque québécoise
publique de sperme de donneurs, unique et centralisée; faciliter la collaboration des centres hospitaliers avec les centres d'AMP extrahospitaliers;
et, finalement, établir une campagne publicitaire de prévention de
l'infertilité. Voilà. Merci.
La
Présidente (Mme Hivon) : Merci beaucoup. Alors, sur ce, nous allons passer à la période
d'échange avec la partie ministérielle pour une période d'environ 13
minutes.
M. Barrette : 13, mon Dieu! Merci,
Mme la Présidente. Mme Carrier, Dr Miron, vous avez été très humbles, mais, pour le bénéfice de tous ceux qui nous
écoutent, que les gens sachent que vous êtes un des fondateurs de la procréation médicalement assistée au Québec.
Vous étiez là au jour un, peut-être même à la veille du jour un. Et vos succès
cliniques doivent être mentionnés
ici. Et vous comprendrez donc à quel point je considère avec grand intérêt
les commentaires que vous nous faites.
Vous avez, et
je veux revenir sur un certain nombre d'éléments que vous avez mis de l'avant, parce qu'il y en a qui m'ont un peu
étonné... Par exemple, question, comme ça : Quand vous me dites ou
vous nous dites que, chez vous, la procédure dans son entièreté coûte
4 500 $, et vous...
M. Miron (Pierre) : 4 600 $.
En fait, c'est ce qu'on reçoit de la Régie de l'assurance maladie, en fait.
M.
Barrette : Oui, mais là vous nous dites : Tout inclus, là. Quand
vous dites «tout inclus», chez vous, est-ce que ça inclut vraiment tout? Donc,
ça inclut les échographies, la technique... Évidemment, ça, c'est sûr, c'est
inclus, c'est dans le tarif de
la RAMQ. Mais est-ce que ça inclut les médicaments?
M. Miron
(Pierre) : Non, ça n'inclut pas les médicaments, effectivement. Oui.
Les médicaments effectivement sont
couverts. C'est un volet séparé de la RAMQ, en fait. Ça considère plus
l'assurance médicaments du Québec ou les assureurs privés. Donc, déjà, effectivement, Dr Barrette, les
patients paient pour des médicaments, parce qu'ils ne sont pas tous avec la régie de l'assurance médicaments.
Mais, lorsqu'ils sont assurés privément, bien, ça va varier énormément,
le pourcentage d'assurance. Je pense, selon la loi, il y a un certain
pourcentage obligatoire, là, mais...
M.
Barrette : Vous comprenez l'intérêt de ma question, parce que
4 600 $ tout inclus, incluant les médicaments, je m'en vais
chez vous, là.
M. Miron (Pierre) : ...je voulais
vous dire, en fait, par cela, c'est que, quand on dit «tout inclus», c'est
toute l'infrastructure, la mise de fonds qui a été nécessaire...
M. Barrette : J'ai compris.
M. Miron
(Pierre) : ...le loyer, qui n'est pas calculé dans les centres
hospitaliers, l'administration, vous pouvez... l'électricité, etc. Donc,
effectivement, on se débrouille présentement avec un tarif comme celui-là.
M.
Barrette : O.K. Dans les recommandations que vous nous faites, vous
faites référence à l'infertilité médicalement
démontrée. C'est un élément, je vais y revenir dans un instant. Le projet de
loi prévoit, là, un seul embryon, ainsi
que l'investigation, évidemment. Mais vous nous parlez de votre modèle
prédictif. Avez-vous regardé, selon des données que vous avez... Parce que je sais que, dans votre carrière,
vous avez beaucoup analysé ce genre de chose là et j'imagine que vous l'avez fait encore maintenant.
Quelles économies auriez-vous estimées, si vous avez fait l'analyse, si on avait appliqué, dans les deux dernières
années, par exemple, ou les trois dernières années, ou dans la durée de vie
de notre programme public, ce modèle prédictif là?
M. Miron
(Pierre) : Donc, ce qui est difficile à déterminer... En fait, ce que
j'essaie de faire ici en vous proposant ces modèles-là, c'est qu'ils sont de deux ordres. Un, il permet de
retarder justement l'accès chez les patientes qui nous consultent souvent et qui peuvent avoir un an
d'infertilité, qui sont un peu inquiètes de leurs possibilités de concevoir,
de, souvent, les rassurer. Donc, le modèle
peut prédire, chez un couple, en utilisant plusieurs variables, pas seulement
l'âge... Je trouve, le problème avec l'âge,
c'est qu'il peut être très discriminatoire. Quand on utilise un modèle
multivarié, on peut combiner
plusieurs informations ensemble puis prédire chez un couple maintenant... Je ne
dis pas que c'est parfait, mais,
quand même, du point de vue statistique, c'est assez robuste maintenant,
éprouvé dans des pays. Ça permet de dire à un couple : Écoutez, vos
chances sont de 40 % ou 50 % dans votre cas, bien, allez-vous-en à la
maison, tentez et découragez-vous pas, on a fait l'exploration, tout est
normal. Et puis il y a une bonne partie de ces couples-là qui vont concevoir.
Ce qu'on essaie de faire, c'est que, face à la
situation et une restriction budgétaire, j'essaie de vous dire : Aidez-moi à vous aider, O.K.? C'est de trouver des
solutions pour que le programme, face aux restrictions budgétaires, soit maintenu et qu'on
puisse dire à certaines patientes : Écoutez, il y a une probabilité x, et
vous n'avez pas atteint cette probabilité-là,
ne soyez pas inquiète. Et là, à ce moment-là, on ne fait plus face à une
situation, par exemple, d'une femme de
38 ans... J'entendais le Dr Salois tantôt. Un des problèmes, s'il y a une
femme de 38 ans ou 39 ans qui vient nous voir puis on lui dit : Attendez trois ans... C'est dramatique, vous
comprenez? Donc, il faut avoir vraiment des modèles prédictifs beaucoup plus solides scientifiquement, à mon
avis, beaucoup plus basés sur des évidences scientifiques, et c'est ce qu'il
manque présentement.
M. Barrette :
Mais, si vous me permettez, Dr Miron, sauf que le trois ans n'est pas une
balise qui est utilisée à 38 ans non plus,
parce qu'à 38 ans, les chances diminuant naturellement, on ne peut pas demander
cette période-là...
M.
Miron (Pierre) : On peut utiliser des modèles, maintenant, qui ne sont
pas basés uniquement sur l'âge. On peut utiliser le type d'infertilité
et la mobilité du sperme, puis prédire à un couple : Voici vos chances de
concevoir spontanément lorsque les trompes
ne sont pas obstruées, et qu'il y a des spermatozoïdes, et que vous ovulez.
Donc, ça, c'est un côté de la
barrière. De l'autre côté, c'est de dire, ce que disait le
Dr Salois : Bien, une technique est considérée comme futile quand elle n'offre que 5 % à
10 % ou moins de succès. Bien, ça aussi, il y a des modèles prédictifs,
bâtis à partir du registre anglais en
fait, sur 144 000 patients, qui permettent de dire à un couple,
maintenant, en utilisant environ neuf
variables, de prédire quelles sont leurs chances de concevoir. Et je trouve que
c'est des modèles qui devraient être plutôt utilisés parce qu'ils sont,
à mon avis, beaucoup plus scientifiques et moins subjectifs.
M. Barrette : Comment vous réconciliez ce modèle prédictif là avec la littérature
qui, comme l'a encore mentionné M. Salois
tout à l'heure, et qui fait les gorges chaudes, évidemment, d'un paquet de
monde, mais qui veut qu'après un certain
temps, chez des gens qui n'ont pas de problème médicalement démontré à la base,
on arrive à un taux d'infécondité de 5 % à trois ans? Deux ans ou
trois ans.
M. Miron
(Pierre) : Quand vous dites 5 %, vous voulez dire 95 %?
M. Barrette :
Oui. Non, bien, c'est-à-dire d'infertilité.
M. Miron
(Pierre) : Je pense que, là où il y a une confusion présentement,
c'est que... Écoutez, quand on est praticien,
face à des patients infertiles, on peut comprendre mieux le vécu de
l'infertilité, on peut comprendre mieux les causes. L'infertilité
inexpliquée, ça représente environ
10 % à 15 % des problèmes d'infertilité. Il y a un paquet d'autres
causes d'infertilité, soit l'obstruction complète des trompes...
M. Barrette :
Je parle seulement de ceux qui sont inexpliqués, là.
M.
Miron (Pierre) : Donc là, si vous vous limitez seulement à
l'infertilité inexpliquée, c'est ce que je vous dis, c'est qu'il y a des modèles prédictifs beaucoup
plus précis que de regarder uniquement la durée d'infertilité, donc on peut
utiliser plein d'autres paramètres qui seraient, à mon avis, très utiles pour
le ministère dans l'établissement de ces paramètres-là, en collaboration avec
les gens qui sont en fertilité.
M. Barrette :
Le contrôle des coûts vient d'où à ce moment-là?
M. Miron (Pierre) :
Bien, c'est que, comme vous dites, si on dit...
M.
Barrette : Je m'excuse de vous interrompre encore une fois. J'ai comme
l'impression qu'il devient très marginal.
M. Miron
(Pierre) : ...parce qu'à titre d'exemple, lorsque vous mentionnez
l'âge, c'est sûr, dans un modèle prédictif,
une femme au-dessus de 43 ans, déjà en partant, dans un modèle prédictif, ses
probabilités vont être moins de 10 %
de concevoir. Donc, ça s'applique à un paquet de causes. Maintenant, ces
modèles-là peuvent être améliorés avec les années. Je pense que, si le Québec — on en a parlé en commission souvent, je
pense, l'établissement d'un registre — établissait un registre, il pourrait développer ses propres modèles prédictifs, je
pense que ça ne serait pas difficile avec le volume de patients qu'on a.
M.
Barrette : Ah! ça, oui. Ça, je peux vous dire que je suis d'accord
avec ça, je l'étais à la naissance du... Je l'avais revendiqué moi-même
à la naissance du programme. Je suis encore dans la même position.
M.
Miron (Pierre) : Comme clinicien, le plus souvent, on va dire aux
patients : Écoutez... Les gens ont l'impression finalement qu'on amène facilement les patients en
fécondation in vitro. C'est inexact. En tout cas, dans ma pratique, c'est
inexact, je peux vous le garantir. Souvent,
on va essayer de leur dire : Écoutez, vos probabilités sont bonnes de
concevoir spontanément. Il s'agit d'un jugement clinique, je pense, qui
ne peut pas s'exprimer dans une loi. Donc, il faut laisser une certaine
latitude au jugement clinique du médecin, de pouvoir dire : Écoutez,
j'évalue votre dossier, le dossier de monsieur, voici ce qu'on pourrait vous
offrir comme traitement.
• (16 h 50) •
M. Barrette : Vous avez
abordé un élément qui est difficile, je dois vous avouer, sur les plans à la
fois éthique et à la fois légal, les deux, mais vous êtes catégorique à
cet effet-là, parce que vous nous recommandez clairement et fortement de
limiter le paiement, la couverture publique, à l'infertilité dite médicalement
démontrée.
Donc,
vous ne couvririez pas, si vous aviez le choix, si vous étiez sur ma chaise,
l'infertilité dite sociale, qui est la
nouvelle expression convenue. Comment on le défend, ça, éthiquement
aujourd'hui, ou politiquement, ou éthiquement, ou légalement, là?
M.
Miron (Pierre) : Je prendrais vos mots, en fait. Je prendrais vos mots
à vous, M. le ministre, c'est de dire : La Régie de l'assurance maladie du Québec, c'est pour une maladie. Donc,
sans faire de discrimination envers les autres, je pense que le premier... dans le cadre... dans un
contexte de restrictions budgétaires où il y a menace, vraiment, d'abolir
un programme qui est très, très utile pour des patients, je pense qu'il est
logique d'abord de favoriser les maladies.
Maintenant,
je suis un simple citoyen. Comme médecin, je dois bien m'occuper de mes
patients. Je pense qu'il est du rôle
de l'État de décider par la suite à qui il peut offrir ces technologies-là.
Mais je crois qu'on doit prioriser vraiment les patients qui sont
atteints d'une maladie, vraiment, d'un diagnostic médical d'infertilité.
M.
Barrette : Bien, ça, c'est vraiment une question de pure
curiosité : Dans votre clinique, avec vos collègues, vous devez
évidemment probablement avoir une clientèle LGBT?
M.
Miron (Pierre) : En fait, dans notre clinique, on se limite... Ça va
vous étonner parce que je voulais... Quand j'ai fondé Fertilys, il faut que les gens le sachent, d'abord... Je vais
vous conter un petit peu la petite histoire, là. Maisonneuve-Rosemont, en 1987, le directeur général m'avait dit :
Écoutez, ce n'est pas un programme qu'on doit garder dans l'hôpital. Sors-le de l'hôpital — j'étais jeune, je n'avais pas de cheveux
gris — sors-le
de l'hôpital. Et c'est là que j'ai fondé Procrea, un peu par dépit,
parce que je voulais faire un programme hospitalier.
J'ai
quitté Procrea en 2001. Fertilys, je l'ai fondée — et, vous le savez, on s'est déjà parlé
ensemble — avec le
principe de dire : Je vais montrer un
modèle pour le ministère, O.K., et la FMSQ du temps — lorsque vous étiez président — pour essayer de démontrer un modèle qui est fonctionnel, qui est
financièrement viable et qui est bon pour les patients, d'abord, parce que, comme vous avez vu dans le mémoire, on
transfère un seul embryon. Face à votre... Je n'ai aucun problème, en bas de 37 ans, parce qu'on transfère,
nous, de toute façon, un seul embryon chez nos patientes de moins de 37 ans. Si
vous voyez le graphique, là, l'endroit, mais...
Donc,
j'ai essayé de développer un modèle, et j'ai longtemps recommandé, demandé au
ministère de m'aider à démarrer des centres d'excellence en procréation
assistée, au Québec, sur des petites échelles humaines — et, je pense, j'ai proposé ça pendant près de 10 ans, en fait, au ministère — qui seraient sans but lucratif et qui
permettraient de répondre aux populations des régions.
Il
est anormal présentement que les centres de procréation soient concentrés sur
l'île de Montréal, alors que les populations des banlieues ont été
complètement négligées, que ça soit... pas seulement à Montréal, à Québec. Mais
je pense que, si on regarde la population de
la Rive-Nord de Montréal, on voulait faire une démonstration qu'il y avait un
besoin. Et on sait que la Rive-Nord de
Montréal, il y a environ 1,5 million de population, maintenant, qui couvre...
avec Laurentides, Laval, Lanaudière. La même chose pour la Rive-Sud.
Donc,
quand je voyais les coûts et les dépenses qui étaient faites présentement à
Montréal, je trouvais ça triste. Et
je me suis dit : On va faire une démonstration. Comme on n'avait pas
d'appui du ministère pour en faire un, centre de procréation sans but lucratif, bien je me suis engagé personnellement,
hein, des prêts, etc., puis on s'est dit : On va faire le modèle, puis on va essayer d'en faire un modèle
exemplaire. Effectivement, présentement, chez Fertilys, on n'offre que
de l'infertilité médicale. Et c'est pour démontrer à quel point on ne veut pas
être — parce
que c'est très lucratif, O.K. — présentement perçus comme des gens qui
pourraient utiliser l'aspect lucratif de la procréation. Donc, voilà, c'est
pour répondre à votre demande.
Mais
on voulait vraiment faire une démonstration d'abord. Et, sans faire de
discrimination vraiment envers les couples, quelle que soit leur
orientation, on voulait d'abord faire la démonstration au ministère qu'on est
capables de monter un bon programme sur une
petite échelle. On a 9 200 pieds carrés et deux salles d'opération.
Et je dois vous dire qu'on a eu une
belle évaluation d'un sondage externe, présentement, sur la qualité des soins
qui sont offerts chez Fertilys.
M. Barrette :
J'en suis convaincu. J'ai fini?
La Présidente (Mme
Hivon) : C'est malheureusement tout le temps.
M. Barrette :
Ah! je suis malheureux, en effet.
La
Présidente (Mme Hivon) : C'est le prix à payer quand on est
généreux comme ça. Alors, c'est maintenant le temps de l'opposition
officielle pour une période de neuf minutes.
Mme Lamarre :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Dr Miron, Mme Carrier, bienvenue.
Les minutes filent
très rapidement. On a tous un temps plus limité. J'aimerais savoir, dans votre
expérience, parce que vous êtes probablement
un des médecins qui avez été exposé au plus grand nombre de couples en
recherche, en quoi un crédit d'impôt
peut être un frein, avoir un effet nul ou... Quel est l'impact que vous, vous voyez d'avoir besoin de
demander un crédit d'impôt et d'attendre avant d'initier un processus de fécondation
in vitro ou de procréation médicalement assistée?
La
Présidente (Mme Hivon) : ...
M.
Miron (Pierre) : Merci, Mme la...
En fait, ce qu'on a fait, c'est qu'on a extrapolé. Vous avez, à la page 7
du mémoire, le type de couples qu'on traite, O.K.? 61 % des couples ont entre 20 et 34 ans
chez nous, O.K.? C'est la majorité des couples qui ont besoin, chez
nous, d'avoir recours à la procréation assistée. Le taux de succès dans
cette...
Mme Lamarre :
Je m'excuse, mais, déjà, c'est confirmé qu'ils ont médicalement des raisons qui
justifient qu'ils ont besoin de ça?
M. Miron (Pierre) : Oui, oui, O.K. J'adore mon métier. Juste pour
vous rassurer, depuis le début de ma carrière, j'ai la chance d'être médecin,
le Québec m'a offert ça, O.K., puis je me sens... J'ai une grande passion pour
l'infertilité et j'essaie du mieux
possible de traiter bien mes patients puis de les conseiller, comme tout
médecin, je pense, en général, on a cette chance-là.
Donc,
quand on regarde à la page 8, maintenant, vous avez les taux de succès
qu'on a, O.K., de grossesses cliniques par transfert d'embryon :
entre 20-29 ans et 30-35 ans, vous voyez que ce sont ceux qui ont les
meilleures chances de concevoir en fécondation in vitro, O.K.?
Puis,
à la page 9, vous avez la figure 3 qui là démontre très bien, basé
sur des données de Statistique Canada que, finalement, les couples, les jeunes surtout, particulièrement, quand on
regarde le revenu mensuel familial puis qu'on compare les dépenses mensuelles familiales, il ne leur
reste pratiquement plus rien en bout de ligne. Donc, vraiment, le crédit
d'impôt va les pénaliser. C'est ce
que je vous laisse savoir. Les plus vieux, les gens les plus vieux... ou les
gens vont attendre d'avoir 38 ans,
37 ans, ils n'auront plus les moyens reproductifs, alors qu'ils avaient
les moyens reproductifs, plus jeunes. Et ça, je l'ai vécu, moi,
personnellement, je peux vous dire, dans le temps — parce que j'ai vécu toutes ces
étapes-là — du privé,
hein? J'ai vécu les crédits d'impôt...
Je
ne sais pas si vous le savez, mais j'ai rencontré, moi, Bernard Landry, en
1999, pour trouver un moyen qui serait les
crédits d'impôt, par dépit. Quand j'ai rencontré Bernard Landry pour lui
suggérer ça, c'était parce que j'avais les portes closes au ministère de la Santé. J'essayais de
rencontrer les ministres, les sensibiliser et de leur dire : Écoutez, il
faut faire quelque chose pour aider
ces couples-là, parce que j'ai vécu, moi, comme médecin, en face de moi, des
patients souffrants, O.K., qui en
plus doivent s'endetter, hypothéquer leur maison. Et je m'étais dit
personnellement... Parce que j'ai arrêté la procréation de 2001 à 2014,
la fécondation in vitro. J'ai fait de la fertilité à Maisonneuve-Rosemont.
Je suis retourné professeur universitaire...
Bien, je m'étais dit personnellement que jamais je ne repratiquerais dans le
domaine privé. Quand je dis «privé», c'est que les patients paient,
O.K.?
Donc,
je suis face présentement à une situation, à mon avis, très dramatique dans ma
carrière, parce que, pour moi,
c'était très souffrant, comme médecin, d'avoir à discuter avec mes patients
d'argent puis de les voir hypothéquer leur
maison, des jeunes couples qui s'endettent donc pour leur vie, alors que ce
qu'on fait présentement, c'est qu'on les aide à fonder une famille, à mon avis, qui est la base de notre société, et
c'est des grandes valeurs. Il ne faut pas occulter le fait que, quand on a des enfants... à quel point on
rentre plus heureux au travail le matin, à quel point ça impacte pas seulement
pour une cellule familiale, là, père-mère-enfant, mais les grands-parents.
Moi,
je me souviens, quand on a fait les pétitions, au début, pour obtenir la
couverture, j'étais impliqué pas mal dans
les associations de couples infertiles pour une pétition à l'Assemblée. Il y a
une usine au complet qui avait signé la pétition en faveur d'un des employés, en disant : Ça n'a pas de bon
sens. Donc, il y avait une solidarité, puis ce que je demande à l'État, c'est de conserver cette
solidarité sociale là au Québec. Moi, c'est dans cette société-là que je veux
vivre, que je veux voir mes enfants vivre.
Puis
les couples infertiles ont été ostracisés. Ça a été très difficile dans les
années 80-90. Et là je crains le retour... Vous savez, quand qu'on va... s'ils n'ont plus
d'accès à la fécondation in vitro, qu'est-ce qu'il va arriver? Ces
couples-là vont dire : Il y a
un... C'est tellement fort, le besoin d'avoir des enfants, ils vont dire :
Faites-moi n'importe quoi, docteur. La laparoscopie diagnostique, on
oublie qu'elle a été presque éliminée de l'exploration en fertilité parce
qu'elle était intrusive, elle coûtait cher à l'État, et ça aura été remplacé
par la fécondation in vitro. Donc, il y a eu des économies sociales,
gouvernementales, où il y a moins de laparoscopies pour les couples, parce
qu'on ne fait plus de...
Avant,
on évaluait l'ovulation, on faisait un spermogramme, on faisait un examen des
trompes de Fallope puis, par la
suite, on faisait la laparoscopie diagnostique. C'était systématique chez
toutes les femmes. Là, maintenant, ce qui va se produire, Dr Barrette, c'est que les femmes vont dire :
Écoutez, là, je ne peux pas avoir accès à la fécondation in vitro;
faites-moi une laparoscopie diagnostique. Ça va vous coûter aussi cher, O.K., à
l'État que de faire une fécondation in vitro. Ça va être intrusif, plus
dangereux pour la femme, donc ce n'est pas une solution, à mon avis.
La
fécondation in vitro, écoutez, je pense que le gouvernement nous a aidés.
Moi, j'étais d'accord, à la commission, en 2008, qu'il y ait une restriction sur le nombre d'embryons. J'ai
toujours été sensible à ça. Je l'ai fait, moi, personnellement, à la fin
des années 90, en réduisant spontanément, par mon propre chef, le nombre
d'embryons transférés, alors que les patients
payaient. Ça, c'était difficile, parce que les patients payaient et
disaient : Nous, on veut avoir les meilleures chances possible. On
a réduit à deux embryons, fin des années 90.
Donc,
ce qu'il ne faut pas faire, c'est qu'en fait... Le fait auquel maintenant fait
face le Québec, le fait qu'on nous incite
à transférer un seul embryon, qu'est-ce que ça fait? Ça nous dit : Nous,
il faut être plus performants. On doit améliorer les technologies. C'est superbon, en fait, parce qu'on doit devenir plus
performants. Ça nous rend plus compétitifs face à l'extérieur du Québec du point de vue
scientifique. Donc, je ne vois rien que des avantages à épauler la fécondation
in vitro, qui ne va aller qu'en
s'améliorant. D'ailleurs, il y a une étude récente qui dit que la santé des
enfants s'améliore maintenant en fécondation in vitro.
• (17 heures) •
Mme
Lamarre : Deux minutes encore. Alors, on a des questions. Je sais que
c'est très, très intéressant, puis il y a quand même, dans ce que vous nous avez dit, je pense, quelque chose qui
est très positif et très révélateur pour l'ensemble des gens qui
écoutent la commission, parce qu'ils sont nombreux. Donc, je voulais vraiment
vous donner la place.
Juste
rappeler, pour les gens qui n'ont pas accès, que les tableaux auxquels vous
avez fait référence, par rapport à l'âge
des couples infertiles, et tout ça, ce sont des gens qui ont besoin de
fécondation in vitro et non pas d'insémination. Parce qu'on sent, dans le projet de loi, qu'on
veut pousser vers l'insémination et restreindre beaucoup la fécondation
in vitro. Ce n'est pas ce que vos statistiques, vos tableaux nous
présentent.
Dites-moi, juste quelques mots, pourquoi,
d'après vous, il n'y a pas eu de registre? Parce que ce registre-là, maintenant, il vous donnerait un alibi, il vous
donnerait des données probantes, et aussi on voit l'évolution, là, entre les
années 80-90. On est dans une science
qui évolue. Est-ce que c'est sage de mettre ça dans une loi, les mesures? Même
votre modèle prédictif, je pense que vous ne voudriez pas le mettre tout de
suite dans une loi, là?
M. Miron (Pierre) : Je pense que ça
se ferait par une table de concertation, d'arriver à une bonne façon de fonctionner. Vous savez, le registre, moi, j'en ai
souhaité un depuis longtemps. Quand j'ai démarré Fertilys, je me disais :
Quel registre qu'on va prendre? On a été
obligés de chercher des logiciels disponibles, parce que le Québec n'en a pas.
Donc, s'il y avait vraiment une interaction
étroite entre les cliniciens et le ministère... Puis je dois vous dire que la
dernière génération des gens...
Mme
Lamarre : C'était dans la loi. Le registre faisait partie de la loi,
c'était une condition de la loi. Donc ça n'a pas été respecté, et jamais les gens du ministère ou de la Régie de
l'assurance maladie ne vous ont questionnés pour dire : Avez-vous
votre registre? Pouvez-vous nous fournir vos données annuellement?
M. Miron
(Pierre) : Non, on peut fournir nos propres données, mais on a notre
propre base de données. Ce qui serait...
Moi, je trouvais qu'avec le début du programme de fécondation in vitro,
qui était public maintenant, il aurait été idéal que le ministère fournisse aux cliniciens et aux centres de
procréation un registre type qui aurait été pareil pour tous les centres
de procréation, et ça, ça ne s'est pas fait. Donc, chacun, on va chercher...
Mme
Lamarre : Les gens y vont un peu à l'aveugle maintenant, là. C'est sur
des présomptions. Il y a une partie qui
est claire, il y a des indicateurs qui nous sont donnés par le commissaire et
qui sont bien. Mais concrètement les nombres, les statistiques, ce que vous nous présentez, qui sont les statistiques
du Royaume-Uni, on n'a pas ça au Québec, là. On ne peut pas mesurer...
M. Miron (Pierre) : Ça aurait été
tellement un beau modèle à démarrer au Québec.
Mme
Lamarre : Donc, c'est un manque d'imputabilité sur une mesure qui
était prévue dans la loi, qui, dans le fond, pénalise actuellement, en
partie, en tout cas, les couples.
M. Miron (Pierre) :
Oui. Je dois vous dire que je sens une meilleure communication avec les hauts
fonctionnaires qu'il y a peut-être un
an ou deux, où... On ne se parle pas souvent, là, mais, au moins, il y a une
ouverture. Souvent, je marque, là, au
début : «La vie s'arrête lorsque la peur de l'inconnu est plus forte que
son élan.» Pourquoi? Parce que je sens que,
souvent, la fécondation in vitro, c'est dans l'imaginaire des gens, ça
fait peur, c'est de l'inconnu, alors que c'est... Je pense qu'il y a tellement une ouverture de
notre part de démystifier la fécondation in vitro. Et on connaît tellement
son potentiel bénéfique pour les couples. C'est notre meilleur outil
thérapeutique présentement.
La
Présidente (Mme Hivon) : ...je vous remercie. Donc, on va
passer la parole au deuxième groupe d'opposition, au député de Lévis,
pour une période de six minutes.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue, Dr Miron, Mme Carrier, extrêmement intéressant
de vous entendre. Et parce que les gens ne
peuvent voir le graphique... Et c'est une base importante quand on parle de la
possibilité, comme vous dites, et vous le
dites très clairement, que le projet de loi concernant la procréation assistée
rate sa cible pour les 20-34, que ça
peut même retarder le projet parental parce qu'on devra économiser pour se
permettre de faire en sorte qu'on
puisse y avoir accès. Vous avez aussi parlé des régions, que ça s'ajoute aux
dépenses que devront assumer les couples, parce que devant se déplacer,
et ça s'ajoute à tout ça.
Les gens ne
le voient pas, le graphique, alors j'y retourne quelques instants. À défaut de
le voir, on va tenter de l'expliquer
parce que c'est important. 20-24 ans, revenu mensuel familial : ce
que vous faites, en prenant les statistiques, vous l'établissez à
3 160 $, et vous faites la répartition des dépenses diverses et des
dépenses mensuelles courantes. Il y a, en
bleu, 2 850 $ et, en vert, ce petit 320 $, qui arrivent à votre
3 160 $ total. Je ne veux pas être trop compliqué, là, mais que les gens comprennent bien que ce
qu'il y a en vert, vous estimez que ce 320 $ restant, c'est un peu la...
c'est ce dont on disposera pour tenter d'initier un projet parental.
M. Miron
(Pierre) : Je vais vous dire que les dépenses courantes, c'est :
logement, impôt, transport, alimentation, éducation, soins de santé, communication, vêtements, ameublement. C'est
ce qu'il reste. Les autres... il y a quand même des dépenses qu'on a ou pas. Donc, c'est pour dire que ces gens-là sont
serrés, et je vais avoir une grande, grande tristesse dans ma pratique de voir ça arriver devant mon
bureau, lorsqu'il va y avoir un crédit d'impôt, si ça se concrétise. Donc,
je prie sincèrement
que ça ne se produise jamais, O.K., parce que ces gens-là vont être pénalisés.
Donc, les plus pauvres vont être pénalisés et les plus jeunes.
Et,
vous parlez... Vous savez, dans notre société, je trouve — encore là, je suis plus âgé maintenant — qu'on a bénéficié beaucoup de notre système de santé, les plus vieux, puis là,
pour une fois qu'on a une mesure qui favorise les jeunes, je ne comprends pas qu'on vienne les
pénaliser encore plus, O.K.? Je pense qu'on doit se préoccuper de nos jeunes
couples, O.K., qui veulent fonder une famille puis d'en prendre bien soin.
M. Paradis (Lévis) : Comprenant logiquement, et d'ailleurs, vous le dites, c'est la
catégorie, c'est la portion, c'est ceux
qui manifestement sont plus enclins à voir un traitement réussir à ce
chapitre-là. Donc, on pénalise ceux qui sont garantis d'un résultat à
toutes fins utiles.
Dr Miron,
il y a des gens qui — et je
l'ai entendu — disaient :
Bien oui, mais, quand tu décides d'aller vers ça puis vers un projet parental... Et des gens ont dit : Vous savez, à
un moment donné, il faut placer ses valeurs aux bonnes places, il faut
économiser, etc. Il y a des gens qui sont venus nous raconter leurs aventures
personnelles en disant : Moi, je
n'aurais pas d'enfant à vous montrer aujourd'hui, je n'en aurais pas, de photo.
Ce n'est pas parce que je n'en voulais pas,
je n'aurais pas eu les moyens. Vous constatez déjà, Dr Miron, les effets
d'un projet de loi, potentiellement, comme celui-là, sur la capacité aux
patients, aux couples de se priver de ce qui fait notre fierté aujourd'hui.
M.
Miron (Pierre) : Pas seulement que je le constate, je l'ai vécu avant
que le programme public... J'ai vécu ces souffrances-là, O.K.? Et là il
y a vraiment une panique, hein, chez les couples, là, présentement, qui est
créée par le projet de loi, évidemment, oui,
une angoisse qu'à mon avis on ne devrait pas avoir à subir. Le gouvernement
s'est impliqué il y a seulement,
quoi... c'est 2010? Donc, ça ne fait pas longtemps, là. Pourquoi remettre en
question un programme? On a blâmé que
le programme soit improvisé au début. Là, je crains qu'on improvise
présentement puis qu'on devrait plutôt s'asseoir, discuter puis trouver
des solutions pour aider Dr Barrette à maintenir ce programme-là.
M. Paradis (Lévis) : Vous direz même, au-delà des chiffres et de l'argent, que ce projet-là,
tel quel, risque de favoriser la
stimulation à l'insémination au détriment de la fécondation in vitro, ce
qui amène et ce qui ouvre la porte à des risques pour la santé.
M. Miron
(Pierre) : Oui, certainement parce que les gens occultent souvent que
l'insémination en général, lorsqu'elle est
faite en infertilité inexpliquée, elle est inefficace sans ovulant, O.K.?
Qu'est-ce qu'il va se produire? Donc, les
gens, s'ils n'ont pas accès à la fécondation in vitro, vont tenter
quelques cycles d'agents oraux, par la bouche, avec des inséminations.
Ça donne environ, en grossesses multiples, entre 5 % et 12 %. Après
ça, ils n'ont pas recours à la fécondation
in vitro. Ils vont aller à ce qu'on appelle la superovulation. C'est qu'on
donne des gonadotrophines avec des médicaments,
on stimule leurs ovaires et là on fait une insémination, O.K.? Là, vraiment,
les risques montent à 20 % de grossesses multiples. Et ce que j'allais
vous dire en plus, c'est que ces gens-là, quand ils ont... le contour de la
réponse ovulatoire, elle n'est pas
simple. Donc, s'il y a une trop forte réponse, on est rendus vers la fin du
traitement, ils ont payé des
centaines, si ce n'est pas plus qu'un millier de dollars de médicaments, vont
se retrouver à se faire dire : Bien, écoutez, on est obligés d'annuler le cycle parce que vous
avez une trop forte réponse, parce que vous ne pouvez pas avoir accès à la fécondation in vitro. Parce qu'il faut
voir ça dans une continuité de soins : après... présentement, si on a une
trop forte réponse à une
superovulation, puis qu'on prévoit faire une estimation, puis qu'on voit que
les risques de grossesse multiple sont
trop grands, on peut convertir ce cycle-là en une fécondation in vitro,
prélever les ovules et transférer un seul embryon, tandis que, si la fécondation se fait in vivo
avec une insémination, là, il y a des risques très importants. Donc, ces
gens-là se retrouvent en désespoir en disant : Il n'y a plus de
continuité de soins. Pouf!
M. Paradis (Lévis) : Et là je comprends donc : risques financiers pour les couples,
risques sur la santé également. C'est-ce que vous nous dites, hein? Puis
le commissaire à la santé disait : Il y a moyen d'économiser en plaçant
des balises. Vous nous dites que c'est viable et vous l'avez dit : Faisons
confiance au jugement des cliniciens.
• (17 h 10) •
M.
Miron (Pierre) : ...l'Allemagne, les Pays-Bas ont réussi. Les
Pays-Bas, il y a eu... c'est ce qui s'est produit. C'est pour ça que
j'amenais ce point-là. C'est qu'ils ont voulu réévaluer leur programme. Ils ne
voulaient pas l'abolir complètement; ils
voulaient réduire à une tentative de fécondation in vitro. Ils payaient
pour trois tentatives. Et, effectivement,
il y a une table de concertation, les gens se sont assis, médecins, gens du
ministère, la régie de l'assurance maladie, les assureurs privés,
l'industrie pharmaceutique pour dire : Comment on trouve une solution pour
sauver le programme? Et ils ont sauvé le
programme. Donc, le ministère a écouté, le ministre a écouté, puis ils
ont réussi à sauver le programme. Donc, il faut faire ça, Dr Barrette.
Ah! Il faut faire ça. Il faut nous écouter.
La
Présidente (Mme Hivon) : Je vous remercie. On passe maintenant la parole au député de Mercier
pour une période de trois minutes.
M. Khadir : Étant simple député, je peux comprendre que
quelqu'un qui occupe les fonctions de ministre est très occupé et constamment sollicité. Mais là vous êtes
quand même... Vous avez été présenté ainsi par le ministre
lui-même : vous êtes un ami de longue date du ministre, une
connaissance, connaissance.
M. Miron
(Pierre) : Je peux vous dire
que ça a été jusqu'à ce qu'on se retrouve ensemble en jaquette à attendre
pour une résonnance magnétique tous les deux un samedi matin.
M.
Khadir : Ah bon! O.K.
M. Miron
(Pierre) : On se connaît de façon intime.
M. Khadir :
On ne rentrera pas dans les détails.
M.
Miron (Pierre) : On n'est
pas des amis, je vous rassure. Je ne veux pas le mettre dans une mauvaise
position.
M. Khadir : Mais ce que je veux dire, c'est qu'il a admis
lui-même que vous étiez là avant même le début de toute cette science et sa pratique au Québec.
Vous étiez parmi les pionniers. Vous avez fait un des plus vibrants plaidoyers
en faveur du maintien et de
l'amélioration du programme actuel, et le ministre connaissait votre
implication et votre savoir-faire de praticien. Est-ce que vous avez été
consulté avant l'élaboration de ce projet de loi?
M.
Miron (Pierre) : Non.
Honnêtement, on s'est rencontrés lorsqu'il était président de la FMSQ, parce
que je lui parlais du modèle.
M. Khadir :
Depuis qu'il est ministre, est-ce qu'il a consulté avant de décider d'abolir le
programme?
M. Miron
(Pierre) : Non, on n'a pas eu de...
M. Khadir : Bien, je suis un peu dubitatif, parce que je me
demande alors qui il consulte. Est-ce que vous êtes au courant d'autres personnes, de fertologues...
Parce que les gens du CUSM sont venus nous voir. Ça, c'est un centre
d'excellence nationale. Ils n'ont pas été consultés puis ils ne sont pas
d'accord.
M.
Miron (Pierre) : Je vais
vous dire que je ne lui en veux pas, parce je me dis... il m'a quand même
permis de venir présenter, donc on a accès quand même à...
M. Khadir : Je comprends. Quelles que soient vos réponses,
votre amitié va durer, je vous l'assure, Dr Miron. M. Barrette... Mais il est important de...
C'est parce que ça nous aide à comprendre. Parce que vous avez dit quelque part
qu'il faut faire confiance au jugement
clinique des praticiens. J'en interpelle le ministre. Je ne sais pas s'il
m'écoute... Parce que, pour faire ça,
il faut avoir l'humilité de s'effacer un peu comme ministre,
où on a beaucoup de pouvoir. Si on veut faire ça, il faut avoir
l'humilité de s'effacer devant la science, le jugement clinique, la compétence.
Bon, là, on a un petit problème parce
que de toute évidence vous n'avez pas été consulté, les centres d'excellence
n'ont pas été consultés. Est-ce qu'il
y a d'autres fertologues que vous connaissez qui auraient été consultés, qui
sont d'accord à ce qu'on... Est-ce qu'il y a des fertologues au Québec
qui sont d'accord avec... à votre connaissance?
M. Miron
(Pierre) : À ma connaissance, il n'y en a pas, non.
M. Khadir : O.K. Vous savez que le ministre l'a dit lui-même, l'a
reconnu aujourd'hui même, ce matin, qu'une des raisons, une de ses motivations, c'est faire
des économies, parce que ça coûte trop cher, quelques dizaines, peut-être quelques centaines de millions de
dollars si on laisse tout.
Si
vous êtes au courant, en novembre dernier, l'expert canadien qui produit
l'atlas des médicaments au Canada à
chaque année, le Dr Morgan, a produit une analyse qui montre que le Québec
paie 1,5 milliard de dollars de trop pour l'achat de ses
médicaments. Moi, je vous le demande : Est-ce que vous trouvez normal que
le détenteur de la charge publique s'emploie
à couper... faire des économies de bouts de chandelles, alors qu'il pourrait
économiser plus d'un milliard de
dollars en coûts de médicaments qu'on paie en trop et le consacrer à des
besoins médicaux? Est-ce que ça ne serait pas plus normal?
La
Présidente (Mme Hivon) : Malheureusement, on n'aura pas le temps pour la réponse. Vous
pourrez échanger après la suspension.
Cela met fin, donc, à nos échanges. Je vous remercie sincèrement de votre
présentation très étoffée.
Sur ce, je suspends nos travaux et j'invite le
prochain groupe, la Fédération des médecins résidents du Québec, à prendre place.
(Suspension de la séance à
17 h 14)
(Reprise à 17 h 18)
La Présidente (Mme
Hivon) : Alors, à l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Nous
avons maintenant le plaisir d'accueillir la Fédération des médecins résidents
du Québec. Je vous invite à débuter votre présentation en identifiant l'ensemble des personnes qui composent votre
groupe et je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre exposé,
qui va être suivi d'une période d'une
quarantaine de minutes à peu près, un petit
peu moins, pour les échanges. Alors,
la parole est à vous.
Fédération
des médecins résidents du Québec (FMRQ)
M. Dahine (Joseph) : Merci, Mme la Présidente.
Donc, je vous présente les gens qui m'accompagnent : à ma droite, M. Jean Gouin, directeur général de la fédération; et, à ma gauche, Dr Julien Du Tremblay, qui
est secrétaire de la fédération, et
Patrice Savignac Dufour, qui est directeur des affaires juridiques. Donc, M. le ministre et membres de la commission, bon après-midi.
Comme
vous le savez, la Fédération des médecins résidents du Québec représente plus
de 3 800 médecins qui poursuivent
une formation postdoctorale dans toutes les régions du Québec.
Autant les omnipraticiens en devenir que les futurs spécialistes sont
membres de ma fédération.
Et
on ne passera pas par quatre chemins : nous sommes inquiets. Nous sommes
inquiets face à la stratégie retenue par
ce gouvernement. Nous sommes inquiets parce que
ce que nous percevons sur le terrain, c'est de la confrontation. Nous sommes inquiets parce que
nous réalisons les difficultés qu'éprouve notre réseau de la santé et que nous
souhaitons l'améliorer. Mais, lorsque
nous avons participé de bonne foi à la commission
parlementaire portant sur le projet de loi n° 10, par exemple, on nous a fait comprendre
l'importance accordée à nos interventions par le biais d'un bâillon. En toute franchise, nous nous présentons ici sceptiques
quant à l'écoute dont nous bénéficierons de la part du ministre.
Cependant, par respect pour les patients qui nous
écoutent, par souci de démontrer une fois pour toutes que tous les médecins, et
particulièrement la jeune relève, ont à coeur l'amélioration du système de
santé, nous venons dialoguer avec vous.
Nous
venons pour faire certaines critiques du projet de loi, certes, mais
ces critiques, vous les connaissez. Nous sommes d'abord et avant tout ici pour vous présenter des solutions. Nous
sommes ici pour vous faire comprendre qu'une réforme de santé ne peut s'organiser que si la relève médicale, celle qui
sera chargée de la mettre en oeuvre, y participe, y adhère et y croit. Et, pour y arriver, il ne
peut pas, il ne doit pas y avoir d'ambiguïté ni sur les intentions du ministre ni sur les bienfaits escomptés
dont bénéficieront les patients.
• (17 h 20) •
Car
ambiguïté il y a. Nous vous soumettons bien humblement que le projet de loi n° 20 n'est pas une réforme visant à améliorer
l'accessibilité aux soins de santé, mais plutôt une simple part dans un plus
grand projet de redressement économique. Il
s'agit d'une manoeuvre à peine voilée qui vise à diminuer la rémunération des
médecins. En soi, cet objectif n'est pas révoltant; c'est plutôt le fait
de faire miroiter à la population une réelle amélioration de l'efficacité et de
l'accessibilité de notre réseau qui outre
les médecins résidents. De nous faire porter l'odieux, de nous accuser de tous
les torts du système de santé et
d'insinuer que c'est par paresse qu'un chirurgien doit reporter un remplacement
de genou ou qu'un médecin de famille
ne peut pas voir une otite un samedi après-midi, c'est tout simplement de la
malhonnêteté intellectuelle, particulièrement si c'est dans le but de convaincre la population que la rémunération
des médecins n'est pas méritée.
J'invite donc le ministre à avouer ses réelles intentions afin de dissocier une
fois pour toutes la rémunération de l'accessibilité. Et je nous invite,
nous, à réellement parler d'accès.
Imaginons donc une
seconde que le projet de loi n° 20 souhaite réellement améliorer
l'accessibilité. Bien, comment y
parviendra-t-il? Le projet de loi
n° 20 est essentiellement basé
sur une hausse des inscriptions des patients auprès des médecins de famille, mais il ne tient pas compte des délais
pour obtenir les soins requis, en particulier après avoir franchi la porte d'entrée du système.
Au-delà du volume d'offres de la part des médecins de famille en amont, il
faut aussi améliorer les services en aval, notamment
l'accessibilité aux examens diagnostiques, aux plateaux techniques, de
même qu'aux médecins spécialistes et aux autres ressources du système.
Ce
système n'offre pas aux médecins les outils, équipements et ressources humaines
nécessaires pour accomplir leur travail de manière efficace. On va prendre un
exemple simple : un chirurgien qui voudrait complètement vider sa liste
d'attente pourrait-il opérer sept jours sur
sept, 24 heures sur 24? Même avec la plus grande volonté du monde, non,
car les ressources ne le lui permettraient pas. Et ce n'est pas
différent pour un médecin de famille. Ils ont aussi besoin des ressources, comme des infirmières spécialisées,
des nutritionnistes, des psychologues, etc., mais bizarrement, ces derniers
mois, on assiste à des coupures ou à des menaces de coupures de ces postes dans
les cliniques de médecine familiale.
Et,
pourtant, ce n'est pas le manque de volonté qui manque... de s'améliorer. Un
processus de consultation auprès de
l'ensemble de la profession médicale et des acteurs du réseau aurait été plus
pertinent pour mener à bien l'importante réforme que propose le gouvernement
en intégrant ces derniers à des pistes de solution pouvant vraiment améliorer l'accessibilité aux soins, et ce, dans une
approche positive et mobilisatrice. Et pourtant un tel exercice a été fait, là.
Brièvement, l'AQESSS, la CSN et
l'Institut du Nouveau Monde ont organisé non pas un, mais deux rendez-vous nationaux sur l'avenir du système public, et à ces deux
rencontres, tenues en juin et décembre 2014, le ministre a brillé par son
absence. Pouvons-nous encore croire que la
réforme souhaitée par le ministre se fera avec les acteurs du réseau plutôt
qu'envers et contre tous?
Depuis
20 ans, la relève médicale a répondu à l'appel du gouvernement et choisit de plus en plus la médecine familiale. On compte présentement 914 résidents en
médecine familiale qui compléteront leur formation dans les deux prochaines
années. Ils ont choisi la médecine familiale
en raison de la diversité de la pratique qu'on leur a vantée. À cet égard, on a
réalisé un sondage auprès des résidents en formation avec un taux de réponse de
53 %. Celui-ci démontre que c'est effectivement la diversité de la pratique, à 93 %, et la
possibilité de moduler sa pratique à travers la durée d'une carrière, à 88 %, qui ont motivé leur décision d'entrer
en médecine familiale. Et aujourd'hui on leur dit : Bien, oubliez ça, on veut
juste vous voir faire du bureau. Et on ose
leur faire porter le chapeau des problèmes d'accès, alors qu'ils ont simplement
exécuté les orientations ministérielles.
C'est à se demander si on va faire un autre virage à 180 degrés dans cinq
ou 10 ans.
Mais,
comme je le disais tout à l'heure, ce sont des solutions que nous venons proposer aujourd'hui. En première ligne, plusieurs milieux s'organisent autour du concept
d'accès adapté basé sur la mise en place de plages réservées aux consultations plus urgentes pour les patients.
L'organisation des soins autour d'objectifs clairs pour les soins médicalement
requis et médicalement acceptables est une
autre piste de solution. La FMRQ appuierait de telles initiatives. Mais, pour
que ce soit possible,
il faut du personnel de soutien, des infirmières, l'accès en temps opportun aux
deuxième, troisième et quatrième
lignes et surtout les outils modernes nécessaires au suivi et à l'analyse de
tous ces facteurs. Et, à cet effet, nous vous le disions déjà quand nous sommes venus vous parler du projet de loi n° 10, nous sommes loin du compte. Si la seule
préoccupation du gouvernement est d'imposer des restrictions budgétaires, il y a
fort à parier que les solutions n'apporteront pas les résultats
souhaités.
La clé du succès de
toute la réforme du système de la santé en 2015, c'est l'interdisciplinarité,
c'est un effort collectif qu'on doit
demander aux médecins de famille et aux médecins spécialistes, mais sans
négliger le soutien des autres professionnels
de la santé. L'apport d'un nombre suffisant d'infirmières, praticiennes
spécialisées en soins de première ligne,
par exemple, est primordial pour améliorer davantage
l'accessibilité aux soins. De plus, on dénonce l'insuffisance de prise en charge par les médecins de famille,
mais le ministre et son ministère semblent oublier que les AMP ont modelé
la formation des médecins de famille des
25 dernières années. C'est le gouvernement qui a sorti les médecins de famille de leurs cabinets pour combler des besoins criants
dans les salles d'urgence en milieux hospitaliers et en obstétrique. La
prise en charge se retrouve actuellement au bas de la liste des activités
médicales particulières.
Pourtant, on a une
bonne nouvelle pour vous. Toujours dans notre sondage, 76 % des répondants
souhaitaient faire de la prise en charge.
Cette activité vient en tête de liste, devant l'urgence, l'obstétrique,
l'hospitalisation. Il faudrait peut-être canaliser cette énergie et lui
donner plus d'importance dans la liste des activités médicales autorisées.
Il
y a également du travail à faire dans la façon d'amener les changements. On ne
peut pas mettre en place des solutions
mur à mur. Nous suggérons plutôt des projets pilotes. On devrait mettre en place des mesures d'évaluation de la performance
susceptibles d'identifier les zones d'inefficacité et d'apporter des améliorations ciblées sur le terrain dans les endroits où l'on performe moins
bien.
Et un autre aspect
qui peut grandement améliorer l'efficacité, s'il est adressé, est la vétusté
des moyens de communication entre les divers professionnels du réseau. Ils
doivent absolument être améliorés, que ce soit pour les transferts des patients, les liens entre les professionnels du réseau, notamment
par la mise en place d'une informatisation du réseau efficace et dans les meilleurs délais. Il est important de
préciser qu'il s'agit d'une nécessité différente de celle du
dossier électronique qui, lui, doit continuer à s'améliorer pour devenir
incontournable.
Comme
le projet de loi est basé sur une fausse prémisse, le gouvernement devra réécrire son projet de
loi, selon nous. Il
y a lieu de le rejeter et de procéder
à sa réécriture complète, et ce, dans le plus grand respect des accords-cadres
existants et de la libre négociation. Une réforme de l'envergure
de celle qui est proposée dans le projet de loi n° 20 ne peut se
faire sans les médecins, infirmières et autres professionnels sur le terrain,
qui sont au fait des difficultés que rencontrent les patients et donc porteurs
de solutions.
En conclusion, le projet
de loi n° 20 ne permettra pas l'atteinte de son principal objectif si cet objectif
est réellement l'amélioration de l'accessibilité aux soins. Il faut d'abord rétablir un climat de
confiance. En jetant le blâme sur la
seule profession médicale en les désignant comme uniques responsables des
failles du système de santé, on sombre dans le machiavélisme. Comme responsable du système de santé, le ministre doit obligatoirement s'assurer que tous les soins et services médicalement requis seront
rendus dans des délais médicalement acceptables et, à cet effet, donner aux
gens sur le terrain les outils pour réussir.
Le coeur du projet de loi est à réécrire. Une approche mobilisatrice et
d'autres solutions doivent être
trouvées, notamment en collaboration avec les fédérations médicales, et nous, comme
fédération, nous vous offrons toute
notre collaboration à la mise en place de mesures favorisant un
meilleur accès aux soins de santé pour
les patients et un accès à des soins de qualité, car c'est l'actuelle relève
médicale qui assumera progressivement cette responsabilité dans les
années à venir. Merci.
La
Présidente (Mme Hivon) : Merci beaucoup de votre respect impeccable du temps imparti.
Alors, sur ce, je cède la parole au ministre et au groupe ministériel
pour une période de 15 minutes.
M.
Barrette : Merci, Mme la Présidente. Dr Dahine, chers collègues, bonjour. Si
j'étais à votre place aujourd'hui,
je serais content. Comme ça, j'aurais la satisfaction d'avoir dit au ministre ce que je pense. Ceci dit, dans le bon
parlementarisme dans lequel on vit,
on nous interdit de prêter des intentions à qui que ce soit, et là je trouve
que vous m'avez prêté pas mal d'intentions. Alors, on va rectifier un
certain nombre de choses. Ça, il n'y a pas de problème, Dr Dahine?
Alors,
ce n'est pas un projet de loi qui vise à faire des économies
sur le dos de qui que ce soit. Ce n'est pas un projet de loi qui vise à
faire des économies, pour ce qui est de la première partie. La deuxième partie,
je l'ai dit très ouvertement, c'est très
clair que ça fait ça. Pas la deuxième partie. Alors, vous me prêtez des
intentions qui n'existent pas. Je
vous ferai remarquer qu'en aucun moment vous ne pourrez trouver une citation,
une allusion à quoi que ce soit qui traite de paresse, et j'ai même déjà dit à plusieurs reprises que les gens ont
le droit de faire des choix. Mais la société aussi a le droit d'avoir des exigences. Je peux comprendre
que vous ne considériez pas que ces exigences-là soient justifiées, mais je
pense que ces exigences-là, en termes d'accès aux soins, existent.
Vous
avez fait référence à un certain nombre de choses, notamment à l'accès aux
examens, par exemple, aux délais pour des soins requis lorsqu'on entre à
l'hôpital, à des ressources, et ainsi de suite. Soit. Je vais vous donner deux,
trois exemples, hein? C'est sûr qu'un chirurgien ne peut pas opérer
pendant sept jours. Un radiologiste, dans ma spécialité, par exemple, peut choisir de donner du temps de radiologie à l'hôpital
plutôt qu'en privé, en cabinet. Je peux vous dire par expérience qu'il y a des choix contraires
qui ont été faits. Ça, c'est des joueurs qui sont ça, et je peux vous
dire qu'il y a des
jeunes radiologistes en pratique qui font aussi ce choix-là. Je peux vous dire qu'il y a
des cliniques qui ouvrent le soir, la
fin de semaine en radiologie, dans ma spécialité, par exemple. Il y en a d'autres dans d'autres spécialités, là. Je
vais parler pour ma paroisse. C'est vos
futurs joueurs. Quand ils arrivent dans ce milieu-là, ils ne vont pas ouvrir le
soir à l'hôpital, mais ils vont ouvrir après ça en cabinet, en privé. La
société a le droit de regarder ça, ne vous en déplaise.
• (17 h 30) •
Au
moment où on se parle, vous avez fait référence à un certain nombre d'éléments
qui ne sont pas correctement rapportés. Vous avez fait référence aux solutions
proposées par l'AQESSS, l'Institut du Nouveau Monde, la CSN. Est-ce que je dois comprendre — vous me
direz ça tantôt — que vous
souscrivez à leurs demandes et à leurs suggestions, hein? Leurs suggestions, je vais vous les rappeler juste
parce qu'au cas où vous les auriez oubliées. Leurs suggestions, entre autres, c'est de changer totalement le mode de
rémunération des médecins et d'exiger — exiger, je le rappelle — d'avoir des plages horaires étendues,
ce genre de choses là.
Je ne choisis
pas de faire porter le chapeau à qui que ce soit, certainement pas à la
médecine familiale et certainement pas aux résidents. Mais il y a un
constat aujourd'hui, là, il est réel. Il est réel, et les chiffres le montrent.
Le constat est que la capacité de services
que l'on peut donner à la population n'est pas là, mais pourrait être là. Et,
par un hasard déconcertant, au moment
où on se parle, parce qu'il y a un projet de loi n° 20, on a un débat où
les gens qui viennent devant nous,
dont vous, venez affirmer que, oui, il y a moyen de faire quelque chose :
Conversons, ayons un dialogue, les
solutions sont devant nous, faisons cela différemment. O.K. Pourquoi on ne l'a
pas fait avant? Je veux dire, ça fait
longtemps que vous êtes là, là, vous, comme président de la fédération des
résidents, Dr Dahine. Je ne vous ai pas entendu avant prendre la place publique et dire : Voici, en
première ligne, on va régler l'accès. Pas entendu ça de la part ni de
vous ni de vos prédécesseurs.
Vous parlez
d'accès adapté? Parfait! C'est ce qu'on demande depuis le début. Pourquoi ce
n'était pas là avant?
L'interdisciplinarité. Demain, là, la FIQ va
venir puis va nous dire, avec raison, que la loi n° 90 existe depuis 10 ans — et c'est vrai, ça existe depuis plus de 10
ans — et que
ce n'est pas encore appliqué. Pourquoi? Moi, je la connais, la réponse.
Vous me la donnerez dans quelques instants.
Mais je vais commencer
par ici, vous posez un certain nombre de questions. O.K., la première, c'est
simple, là, très simple. Vous avez
fait référence aux AMP, n'est-ce pas? Et vous reprochez au gouvernement de
l'avoir fait et vous savez très bien
les circonstances dans lesquelles il a été nécessaire, au Québec, d'avoir les
AMP. Vous les connaissez; j'en ai
déjà parlé avec vous dans le passé, je sais que vous les connaissez.
Aujourd'hui, là, là, parce qu'il y a des gens qui pensent à ça, seriez-vous d'accord à ce que vos membres,
lorsqu'ils vont finir dans les prochaines années, là, soient obligés de
faire exclusivement du cabinet?
M. Dahine
(Joseph) : Je vais répondre
à votre question dans un deuxième temps. Mais d'abord à mon tour de rectifier
certains faits.
D'abord, je
voulais vous assurer qu'on voulait... Ce n'est pas dans nos méthodes du tout de
personnaliser le débat. Alors,
lorsqu'on insinue qu'il y a eu des déclarations faites sur la rémunération des
médecins, c'est toujours au niveau du
ministère, jamais du porte-parole. Et, à cet effet, vous avez, en page 6
de notre mémoire, une citation d'un document du MSSS qui souligne mes propos. Je ne vous les lirai pas. En fait, pas
au complet, simplement un petit extrait juste pour que ce soit bien noté. C'est vraiment un document
du MSSS. Il dit : «En raison du contexte budgétaire, cette mesure donne
un levier important au ministre lui
permettant de déterminer les conditions [des] modalités de rémunération des
médecins advenant une impasse dans le cadre de la négociation avec les
organismes qui les représentent.»
M.
Barrette : Ce qui ne signifie pas qu'on va baisser les revenus, ce qui
signifie qu'on va, par une telle mesure, orienter correctement certaines
tarifications qui, ayant une certaine expérience de négociation, a pu générer
des tarifs maladroitement déterminés.
M. Dahine
(Joseph) : D'accord. Mais
vous avez quand même dit à Tout le monde en parle, dimanche dernier,
que le projet de loi n° 20, c'est un projet de loi sur la rémunération des
médecins.
M. Barrette : Oui, mais ça ne veut
pas dire qu'on la diminue.
M. Dahine (Joseph) : D'accord.
M.
Barrette : Et ce que j'ai dit, et je vais me citer : C'est un
projet de loi sur ce pour quoi on paie et à quelles conditions on le paie. Je n'ai fait aucune
référence sur une diminution de revenus, d'aucune manière, et vous ne trouverez
pas de citation à cet effet-là, comme je
n'ai jamais fait de... vous ne trouverez pas de citation faisant référence à la
paresse.
M. Dahine
(Joseph) : Bien, le
28 novembre, lorsque vous avez déposé le projet de loi, vous avez dit que
vous avez fait les consultations...
votre ministère, pardon, votre ministère a fait les consultations et que
50 % des médecins qui avaient un volume inadéquat prendraient la
pénalité plutôt que d'augmenter leur volume d'activité.
M.
Barrette : Je ne parle pas de la paresse, ça s'appelle un choix de
vie, ça, docteur. Mais, ceci étant dit, sur les AMP...
M. Dahine
(Joseph) : Bien non, mais,
ceci étant dit, vous dites à la population que vous voulez améliorer l'accès,
mais vous dites que d'emblée vous pensez que
votre solution ne sera pas choisie par la moitié des gens qui pourraient
améliorer cet accès-là. À ce moment-là, ce n'est pas une solution en laquelle
vous croyez.
M. Barrette : Je n'ai pas dit la
moitié.
M. Dahine (Joseph) : Plus de
50 %. Oui, oui.
La Présidente (Mme
Hivon) : Là, je nous invite simplement à garder un ton
respectueux puis à se permettre mutuellement, de part et d'autre, de finir
notre phrase.
M. Dahine (Joseph) : Oui, désolé.
La Présidente (Mme Hivon) :
Ça s'adresse à toutes les parties.
M. Barrette : Sur les AMP.
M. Dahine
(Joseph) : Bien, sur les
AMP, en fait, je pense qu'il faut... Vous avez rappelé, là, le contexte
historique qui a fait en sorte qu'ils
ont été créés, c'est-à-dire les ruptures de service dans les établissements, et on sait que, jusqu'à la
dernière campagne électorale, en 2013, votre prédécesseur, le Dr Bolduc,
avait dit qu'il n'était pas question d'annuler les AMP, parce qu'on se
retrouverait dans la même situation où il y avait des bris de service, et on
veut éviter ça.
Donc,
qu'est-ce qui a changé en deux ans? Et quelle est notre perspective sur le
sujet? Selon nous, ce qu'on vous dit,
c'est que 76 % des médecins résidents qui vont finir en médecine familiale
sont prêts à faire de la prise en charge. Ils ont choisi cette activité-là dans un sondage au-delà de toutes les
autres activités, puis on les a toutes mises : la médecine sportive, obstétrique, nommez-les. Ça, c'est
positif. Ça, ça veut dire qu'il y a des gens qui, par choix, feraient la prise
en charge. Est-ce qu'ils la feraient
exclusivement? Cela va de soi, pas exclusivement, ça serait avec d'autres
tâches, mais c'est quand même un signe qui est très positif.
Donc, nous,
pour interpréter cette donnée-là, ce qu'on dit, c'est qu'il pourrait y avoir
une priorisation de l'activité de
prise en charge dans les AMP et que graduellement, lorsque vous jugerez
qu'effectivement un équilibre entre ceux qui choisissent la prise en charge et les médecins qui vont se placer dans
d'autres champs d'expertise pour éviter les bris de service... lorsque vous vous assurerez qu'il y a
un point d'équilibre qui a été atteint, progressivement les AMP pourront
être retirés, sachant que les médecins résidents que l'on forme sortent de
leurs programmes de formation avec des aptitudes
qui correspondent aux besoins populationnels. Et ça, ça se fait graduellement,
mais à terme, oui, nous croyons que
les AMP pourront être retirés, mais pas immédiatement parce qu'effectivement on
pourrait se retrouver dans le chaos, là, qui existait.
M. Barrette : C'est intéressant que
vous me disiez ça de votre poste d'observation de résident. Alors, vous considérez, vous, que, si on abolissait les AMP et
qu'on sortait massivement ou significativement les médecins de famille
de l'hôpital, ça entraînerait — c'est votre mot — le
chaos.
M. Dahine (Joseph) : En tout cas,
c'était certainement l'avis de votre prédécesseur en 2013, et, à notre avis, effectivement, les formations... la formation que
l'on suit en ce moment ne nous prépare pas. Les données, les primes, les effectifs médicaux, toute cette
planification-là n'a pas été faite préprojet ou en pensant que le projet de loi
n° 20, dans sa forme actuelle,
rédigé avec vos règlements, sera mis en application. Donc, effectivement, de le
faire subitement, je pense que c'est...
La santé, comme tout changement, c'est un gros paquebot qui a une vitesse de
croisière, évidemment, et on va
peut-être vouloir le faire dévier de quelques degrés pour rétablir, s'en aller
dans la bonne direction, mais vous pourriez citer n'importe quel
changement, je vous aurais dit : On ne peut pas les faire brusquement.
M. Barrette : Dr Dahine, je ne
veux pas vous piéger, je veux juste avoir votre lecture. On ne peut pas sortir massivement les médecins de famille... On ne peut
pas sortir les médecins de famille, c'est la question que je vous pose,
on ne peut pas sortir les médecins de famille massivement, maintenant, des
hôpitaux, là, ça ne va pas...
M. Dahine (Joseph) : Et ils sont
très fiers de travailler dans les hôpitaux, et je pense que les spécialistes
sont très contents aussi de pouvoir compter
sur eux. Il y a un climat de collaboration, il y a une valorisation de la
médecine de famille qui a été faite, il faut en être fier.
M.
Barrette : Alors, la question que je vous posais plus précisément, je
vais vous la reposer parce que ça vous concerne,
vous, directement. Très directement, ça ne concerne que vous. Si, demain matin,
j'arrivais avec une mesure pour peupler en masse la première ligne et
que je vous proposais de limiter à la sortie, pas simplement enlever les AMP,
là, mais limiter votre temps hospitalier de façon massive, qu'est-ce que vous
diriez? Votre temps à l'hôpital.
M. Dahine (Joseph) : Comme médecin
de famille?
M. Barrette :
Oui. Là, je vous dis, là : Vous sortez, Dr Dahine; à partir de
maintenant pour les dix prochaines années, vos membres, là, ils vont
être en cabinet à 90 %.
M. Dahine
(Joseph) : Non, je pense que
ce n'est pas du tout une avenue qu'on privilégierait, parce que je pense
qu'il y a des gens actuellement aussi qui
ont terminé depuis longtemps, qui sont en pratique, qui souhaiteraient
probablement faire une transition
vers la prise en charge. Je pense que, par contre, il faudrait prendre un pas
de recul puis regarder un petit peu les différents milieux de formation,
parce qu'il y a de plus en plus de gens qui sont formés en médecine de famille. On a ouvert de plus en plus d'unités de
médecine familiale où certaines aptitudes sont plus préconisées que d'autres.
Donc, par exemple, dans certaines UMF, c'est
plus les soins aigus, dans d'autres, c'est plus la prise en charge, les soins palliatifs ou les soins de longue durée, et je pense
qu'effectivement, par contre, il devrait y avoir une analyse qui soit faite
de la part du ministère à essayer de
s'assurer qu'on ne crée pas une inadéquation entre les aptitudes que l'on forme
chez nos médecins de famille dans leur milieu de formation... parce que
c'est tout naturel pour un médecin résident en médecine familiale qui gradue puis qui a été formé avec un — pardonnez-moi l'expression — «set de skills» particulier de vouloir en faire sa pratique. Donc, je ne pense
pas qu'on peut diriger massivement tous les finissants vers une seule
sphère d'activité. Je ne pense pas que ça serait viable.
• (17 h 40) •
M.
Barrette : Bon, je vais prendre votre statistique, là. Vous me dites
que 76 % des médecins de famille sont prêts à faire de la prise en charge. Si moi, je limite les activités hospitalières à 20 % de leur
temps de pratique, est-ce que vous trouvez ça recevable?
M. Dahine
(Joseph) : Bien, quand je
vous ai dit 76 %, je vous l'avais bien précisé, c'est de faire de la prise
en charge une partie importante de la pratique, non pas de faire
exclusivement de la prise en charge leur pratique.
M. Barrette : Donc, je comprends que
ce n'est pas quelque chose que vous favoriseriez.
M. Dahine
(Joseph) : Exactement.
Je pense qu'il faut toujours penser non pas à l'individu qui sort de la
faculté de médecine, mais bien à la
collaboration, à la collectivité qu'ils peuvent faire. Et ça, à ce titre, je
pense que la FMOQ est très bien placée pour vous donner des solutions,
en connaissant mieux que moi les effectifs qui sont déjà en place. Mais il faut penser que les médecins résidents qui
terminent en médecine familiale ne s'en vont pas en cabinet... Il est révolu, là, ce temps-là où le médecin de famille
travaille en cabinet puis dispense des pilules tout seul, là. Ce qu'on nous
forme pour faire, c'est travailler en
équipe, travailler en collaboration. Et, quand ils vont terminer, ils viennent
se joindre à des équipes, justement.
Donc, je pense qu'il faut garder ça en tête pour s'assurer qu'on ne crée jamais
une inadéquation entre les effectifs en place, ceux qu'on est en train
de former et la formation qu'on est en train de dispenser.
M.
Barrette : Vous avez fait
référence vous-même à l'AQESSS, à l'Institut du Nouveau Monde, à la
CSN, les deux journées qu'ils ont faites.
Leurs recommandations, je reviens là-dessus, c'est un changement
de mode de rémunération. Moi, je vous dis une chose et je vous pose une question
dans ce contexte-là : C'est faux de dire qu'on dépense moins qu'ailleurs
au Canada; c'est vrai si on ne prend pas en considération l'étalement, et, si
on ramène tout maintenant, on dépense autant qu'ailleurs.
Alors, vous
voulez plus de ressources, vous voulez plus d'examens, vous voulez plus
d'interdisciplinarité, ce avec quoi
je suis bien d'accord. Êtes-vous prêts à changer le mode de
rémunération? Vos membres arrivent en pratique, là. Est-ce qu'aujourd'hui, comme représentant des
résidents, vous faites la promotion d'un changement de mode de rémunération des médecins? À la limite,
seriez-vous prêt à ce qu'on limite votre rémunération pour l'investir dans
d'autres ressources? C'est ce que demain les infirmières vont venir nous
demander.
M. Dahine (Joseph) : Juste pour
l'exemple de l'AQESSS, l'INM, etc., là, c'était vraiment non pas sur leurs recommandations, mais sur le fait qu'ils ont au
moins pris l'initiative de mettre cliniciens, chercheurs, administrateurs
autour d'une table puis essayer d'arriver
avec des solutions. Alors, on ne va pas débattre des recommandations précises
qu'ils ont faites.
Quant à la
question de la rémunération, ce n'est pas un dossier, comme vous le savez, à la
FMRQ, sur lequel on traite; ce sont
nos fédérations médicales soeurs, la FMOQ et la FMSQ, là, qui s'en occupent.
Nous, nos dossiers qu'on a traités,
là, ces dernières années, ce sont beaucoup plus les effectifs médicaux, et ça,
c'est important pour nous, s'assurer qu'il
y ait une adéquation entre les gens qu'on est en train de former, les
ressources qu'on leur donne pour être capable de pratiquer ici, au Québec.
M.
Barrette : ...vous me reprochez d'éventuelles conditions qui seraient
édictées par le projet de loi n° 20, mais je vous parle d'éventuelles conditions de rémunération. Vous avez une
opinion sur un, vous avez sûrement une opinion sur l'autre.
M. Dahine (Joseph) : Sur la
rémunération des médecins?
M.
Barrette : Est-ce que vous êtes d'accord à ce qu'on limite votre
rémunération ou qu'on la baisse, à la limite, pour investir dans les
ressources pour vous aider à voir plus de patients?
M. Dahine
(Joseph) : Je ne comprends
pas pourquoi vous me posez la question à moi, là. C'est vous qui avez négocié les rémunérations des médecins, les
augmentations. Honnêtement, je ne veux pas m'embarquer sur un débat sur la
rémunération des médecins.
M.
Barrette : Je vous pose la question parce que vous avez fait référence
vous-même à l'AQESSS, qui veut ça, là.
La
Présidente (Mme Hivon) : Sur ce, on va passer la parole à
l'opposition officielle parce que nous avons dépassé notre temps.
Donc, je cède la parole à Mme la députée de
Taillon pour une période de neuf minutes.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Dr Dahine,
Dr Tremblay, Drs Dussault-Laurendeau, Gouin et M. Savignac — mais je crois qu'il nous manque un
médecin — bonjour.
Alors, on va aller rapidement parce que les minutes filent, on a à peine
neuf minutes.
À la
page 18... D'abord, je trouve toujours que vos présentations, autant pour
le projet de loi n° 10 que pour le projet de loi n° 20, sont
faites avec beaucoup d'authenticité, de franchise. Parfois, c'est vrai qu'on ne
partage pas tous les mêmes opinions, mais je
pense que vous avez l'honnêteté de présenter un point de vue très clair, très
direct. Et je pense qu'il faut
regarder la perspective des patients. Moi, je vous dis, c'est ça qu'on veut
entendre. En tout cas, de mon côté, je pense qu'on veut entendre pas ce
qui nous convient le mieux comme professionnels, quel que soit notre statut professionnel, mais vraiment redéfinir notre
système de santé en fonction de la population, des patients, qui ont des
besoins simples ou des besoins
complexes, qui ont des besoins d'interdisciplinarité ou qui ont des besoins
d'accès, tout simplement.
Vous
évoquez... et c'est un des premiers mémoires où on a... À la page 18, vous
évoquez, au niveau de la rémunération... vous faites référence au modèle de l'Ontario, où, vous dites, on a un
modèle qui est hybride, où on a 35 % de la rémunération qui est basée sur la capitation et 65 %, sur
la rémunération à l'acte. Pour le grand public qui nous écoute, la capitation,
c'est une responsabilité d'une population ou
d'un sous-groupe d'une population par une équipe, avec une obligation de
prendre soin de ces gens-là. C'est un peu
l'équivalent, dans le fond, de ne pas transférer ces patients inutilement et de
se sentir imputable de bien leur offrir les soins dont ils ont besoin.
Alors, le problème que je vois avec les
solutions et les grilles qu'on a eues, là, en termes de propositions réglementaires, c'est qu'on a actuellement
atteint, je pense, une certaine limite des bénéfices de la rémunération à
l'acte. On a atteint certains niveaux
qui sont, dans le fond, contraires à ce qu'on vise, et la rémunération à
l'acte, elle a deux risques : c'est qu'on fasse en sorte qu'on choisisse
certains patients par rapport à d'autres et qu'on choisisse certains actes par
rapport à d'autres, en fonction de
leur rémunération, de notre facilité, de notre intérêt, de notre goût, de notre
humeur, pour toutes sortes de
raisons. Or, le modèle que le ministre nous propose dans le projet de loi
n° 20, d'après moi, est un étirement, une amplification des effets potentiellement négatifs de la rémunération à
l'acte, qui est déjà étirée au maximum, et on va aller encore dans le
plus loin que ça.
Donc, votre
proposition de dire : Regardons donc un modèle où on aurait une partie de
capitation et une partie de rémunération
à l'acte, ça pourrait être intéressant. Voulez-vous nous en parler un petit
peu? Comment vous voyez ça?
M. Dahine
(Joseph) : Je vais essayer
de vous en parler brièvement, mais sachez que, s'il y avait un modèle parfait
dans le monde, là, le monde entier l'aurait
adopté. Donc, ça n'existe pas, et chaque système a ses effets pervers. Donc,
par exemple, en Angleterre, ils ont essayé la rémunération à l'acte, ça ne
fonctionnait pas. Ils ont essayé le salariat, taux horaire, il y en a qui travaillaient moins. Je
veux dire, peu importe le nombre de patients que je vois, je vais être payé la
même affaire. Ils ont essayé une rémunération
mixte, bien, il y avait des gens qui, quand même, étaient capables de moduler
leurs pratiques pour maximiser leurs
revenus, puis ils ont aussi utilisé, par exemple, de rémunérer en fonction de
cibles pour le patient.
Donc, par
exemple, il y avait effectivement un salaire de base, puis ensuite il y avait
certains actes, mais pas des actes
faits par le médecin, que le médecin peut vraiment «driver», si vous me
permettez l'expression, mais vraiment des actes qui étaient orientés sur le bienfait, le devenir des patients,
comme, par exemple, si vous êtes capable de faire arrêter de faire fumer votre patient, par exemple, bien,
vous aviez un bonus, sachant que, si vous avez réussi à le faire, c'est parce
que vous avez passé plus de temps avec lui.
Donc, il y avait
des espèces de sous-entendus, mais ce n'est pas parfait, parce que c'est très
difficile de prédire le comportement
humain, mais il y a effectivement des espèces de modèles hybrides de
rémunération qui font en sorte qu'on est capable de favoriser l'amélioration de
la santé des patients. Mais, comme je vous dis, il n'y a pas de modèle parfait, puis c'est pour ça que je pense que le
message qu'on a, c'est : Est-ce qu'il y a lieu de changer certaines
choses? Oui, parce que les patients qui nous écoutent veulent être
soignés.
Mme Lamarre : ...changement, ça.
M. Dahine
(Joseph) : Mais il faut le
faire en collaboration, puis je pense que, s'il y a une chose que l'histoire
nous a démontrée, c'est que d'y aller avec
des changements brusques, on risque de rater la cible, hein? Par exemple, je
citais l'exemple de l'Angleterre ou de
l'Écosse, ça fait 30 ans, là, qu'ils ont des cibles, qu'ils essaient de
moduler leurs... et, à chaque année,
ils se réinventent. Ils ont des systèmes performants pour être capables de
voir, puis tous les cliniciens, tout
le monde est capable de voir, en temps réel, qu'est-ce qui se passe dans le
réseau de la santé pour être capable d'être mobilisé et motivé. Donc, c'est toujours une approche collaboratrice,
positive et jamais brusque, mais, au contraire, très prudente.
• (17 h 50) •
Mme
Lamarre : Bien, je pense que la rémunération à l'acte, dans un
contexte où il n'y a pas de concurrence, parce que les gens n'ont pas besoin de solliciter de nouveaux patients
ou d'amener des patients à choisir un médecin par rapport à un autre parce que tout le monde est en
pénurie, est en carence, ça perd de sa valeur et ça perd de sa capacité
à répondre aux besoins correctement.
Vous avez, à la page 17, une autre
recommandation que je trouve très, très intéressante. J'enseigne depuis longtemps, j'ai travaillé aussi à l'INESSS, et
vous recommandez des indicateurs de performance du réseau et des objectifs
mesurables, et je vais vous dire, je crois
sincèrement qu'il y a une grosse partie de ce qui nous arrive comme malheur
dans notre système de santé — c'est vrai pour la procréation médicalement
assistée — c'est
qu'on n'a pas mis en marche nos indicateurs
de performance, on a un retard énorme au niveau de l'informatisation et on n'a
pas de point de comparaison, on n'a pas inculqué l'évaluation des pratiques.
Donc, les indicateurs de performance, est-ce que vous... Vous, vous dites,
là : Nous, on représente la relève
dans la médecine. Est-ce que nos jeunes médecins vont être plus ouverts à être
exposés à des comparatifs, à des
indicateurs de performance, à des objectifs mesurables non seulement de nombre
d'actes, mais vraiment en termes d'impact populationnel?
M. Dahine
(Joseph) : Non seulement la
réponse est oui, mais la réponse est enthousiaste, dans la mesure où je pense que la plus grande récompense pour un
médecin, c'est de faire partie d'une équipe qui sait qu'ensemble ils sont
capables d'améliorer le devenir des
patients. Mais la réalité, c'est que... En fait, une des critiques qu'on entend
le plus souvent, c'est : Je ne
sais pas qu'est-ce qui arrive avec mes patients. Je leur donne congé, puis, si
je leur ai donné congé de l'Hôpital
Royal Victoria, je ne sais pas s'ils sont allés se représenter à l'Hôtel-Dieu
de Montréal, qui est juste de l'autre bord
de la rue Parc. On sait donc que c'est quelque chose qui serait désiré. Et on
ne vous demande pas de réinventer la roue, parce que ça existe ailleurs.
Et, lorsque
certains pays comme l'Écosse, par exemple, ont démontré qu'en affichant les
données, ces indicateurs de performance là, en temps réel, ce que les équipes
étaient capables de faire... Elles disaient : Bien, ce n'est pas vrai que
nous, on va être dans le dernier quartile de la province. Gang, on se met
ensemble, on travaille ensemble puis on va s'améliorer.
Puis pas à la fin de l'année, à toutes les semaines on est capables de
s'améliorer, à dire : Cette semaine, on a des moins bonnes... infections nosocomiales? Bien, on va améliorer notre
taux. Donc, on ne demande pas de réinventer la roue, ça existe.
Et pas besoin
d'aller de l'autre bord de l'Atlantique. Il y a un document qui a été créé en
2010, là, ça s'appelle le Plan
stratégique 2010-2015 du ministère de la Santé et des Services sociaux. C'est
un document fort intéressant, je vous invite à le lire, où il y avait
plusieurs orientations, plusieurs enjeux. Et déjà il y avait des indicateurs de
performance, il y avait des objectifs
mesurables clairs. Ce qui nous manque seulement, c'est les outils, j'imagine,
pour les colliger et les rendre transparents pour que les cliniciens,
là, ceux qui sont au chevet des patients, là, soient capables de se corriger.
Regardez, je
vais vous donner une analogie qui va vous paraître bête, là, mais, si jamais,
là, vous passiez toute votre école
primaire, secondaire à passer plein d'examens puis qu'on ne vous donnait jamais
votre note, là, comment est-ce que vous
vous amélioreriez? Donc, c'est la même chose. Je pense simplement que les
équipes veulent savoir si elles s'améliorent,
si elles sont efficaces, si vraiment les soins qu'elles procurent offrent un
bénéfice aux patients. Et je pense qu'en 2015 c'est là qu'on est rendus.
La
Présidente (Mme Hivon) : Merci beaucoup. Alors, je suis
désolée, Mme la députée de Taillon, ça met fin à la période d'échange.
Je sais que
c'est frustrant, mais nous passons maintenant la parole au député de Lévis pour
la période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. Toujours six
minutes.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, Mme la
Présidente. Dr Dahine, Dr Du Tremblay, M. Gouin,
Me Savignac Dufour, merci d'être là.
Je
reviendrai, histoire de bien comprendre la grande partie des discussions que
vous avez eues concernant les AMP, les
activités médicales particulières, sûrement comprendre votre vision des choses,
parce que moi, j'ai senti qu'il y
avait là une possibilité de solution, en tout cas. Et vous le dites à travers
le sondage que vous avez mené : 76 % de ceux que vous avez sondés souhaitent faire de la prise
en charge, selon votre sondage. Si je comprends bien, puis corrigez-moi,
dans votre tête, il y a moyen de le faire
progressivement sans bris de service, en jugeant de l'effet partout sur le
territoire. Alors, je reviens sur
«progressivement». Ce n'est pas : ce soir, on va fermer la lumière;
demain, on l'ouvre puis tout est changé. Il y a moyen de faire ça sans
évoquer un scénario catastrophe dont on parle tant.
M. Dahine (Joseph) : Absolument.
Mais je pense que c'est ce que les patients veulent. Les patients veulent entendre que, comme communauté médicale, on est
prêts à travailler ensemble avec la partie ministérielle, avec le gouvernement, mais surtout avec le personnel
paramédical. Ils ne veulent plus entendre parler de guerres de clocher, ils
veulent vraiment s'assurer que les gens sont
au diapason de la population puis ils veulent entendre qu'on est capables de le
faire. Et, nous, notre message, c'est que,
comme relève locale, tous les omnipraticiens, FMSQ, les gens qui sont venus
vous voir ici, là, vont avoir quitté progressivement, pris leur retraite. Ce
qui va rester, c'est la jeunesse, c'est la relève médicale, c'est nous autres.
Et nous, on est prêts à le faire, on veut le faire.
M. Paradis
(Lévis) : Est-ce que je
comprends bien aussi, parce que des porte-parole de la profession médicale
sont venus nous dire que, de toute façon,
des médecins qui actuellement sont en établissement, décideraient... des
médecins omnipraticiens décideraient de continuer en établissement et de ne pas
nécessairement laisser l'établissement pour
le cabinet privé, advenant l'abolition progressive des AMP, parce qu'ils ont
trouvé leur compte là, et c'est leur mode de pratique. Ils s'y sentent
bien, donc ça ne sera pas la désertion totale?
M. Dahine
(Joseph) : Non. À un certain
moment, les gens, dans leur carrière, développent une expertise et puis ils vont continuer à faire le travail pour lequel
ils sont le plus aptes à faire, et puis c'est l'expertise qu'ils auront
développée au cours de leur carrière.
Donc, il ne faut pas s'attendre à un scénario catastrophe, mais il faut miser
de prudence, et ça, on comprend les
inquiétudes du ministre et du gouvernement. Mais il y a moyen de le faire en
échangeant, en collaborant. Puis ça
sera fait. Je pense que c'est l'engagement de tous les porte-parole des
fédérations médicales qui sont venues vous présenter leurs mémoires, leurs réflexions. Mais j'insiste sur une
chose : L'accessibilité aux soins de santé, ce n'est pas uniquement l'apanage des médecins, c'est vraiment
une équipe maintenant, là, qui... parce que les soins sont
complexes, et, pour donner des soins
holistiques, il faut l'expertise de plusieurs personnes, et c'est
comme ça qu'on est formés. Ça, c'est très important
à retenir, c'est comme ça qu'on nous forme. On nous forme à travailler en équipe, à collaborer, donc
c'est évidemment les modèles de pratiques qu'on va vouloir mettre en oeuvre.
M. Paradis (Lévis) : Vous parlez de conséquences majeures, d'impacts potentiels négatifs, et
là je vous amènerais un peu sur ce
que vous abordez et sur la disponibilité des médecins et des chercheurs pour
assurer l'enseignement. Vous dites :
Regarde, on est formés pour ça. Est-ce que vous évaluez un impact potentiel
négatif sur la formation en fonction d'un p.l. n° 20 tel que
présenté?
M. Dahine
(Joseph) : À moyen terme, effectivement, si l'orientation ou la
priorité est de voir des patients en négligeant...
je veux dire, pas en négligeant, mais au détriment, là, de la formation de la
relève, il y aurait potentiellement des conséquences, effectivement, si
ce n'est pas aussi valorisé, et ça, ça nous inquiète.
M. Paradis
(Lévis) : Vous sentez cette tendance-là ou vous l'appréhendez?
M. Dahine (Joseph) : On la sent, et je pense que vous l'avez entendu
aussi lorsque les doyens sont venus vous parler, ainsi que les directeurs de
programmes des quatre facultés de médecine... des quatre programmes en médecine
familiale également. Il y a une réelle
inquiétude, et puis ça, c'est malheureux parce qu'on est formés aussi à
partager nos connaissances, et puis, si, pour une lourdeur
clinicoadministrative on n'est plus capables de prendre le temps de former
la relève, à ce moment-là, on est en train de créer probablement un problème
pire que... dans lequel on est actuellement.
M. Paradis (Lévis) : J'ajouterai, et je continuerai sur la même veine, constatez-vous...
Vous êtes sur le terrain, vous parlez
au nom de vos membres, vous les consultez et vous les sondez. Est-ce que déjà
vous constatez cette crainte par
rapport au p.l. n° 20? Et, en fonction du choix de carrière que l'on
pourrait faire... c'est-à-dire, est-ce que ça pourrait mettre en danger
le fait qu'on se dirige vers la médecine de famille?
M. Dahine (Joseph) : Oui. On n'est pas prêts non plus à vous dire que les gens songent à
quitter la province ou quoi que ce soit. Le message, c'est que les gens
espèrent encore que le projet de loi n° 20 sera écarté, ou tabletté, ou
peu importe, mais que... Les
gens qui sont venus vous parler, bien, qu'on retienne qu'ils sont venus vous
parler, vous donner un message comme
quoi ils veulent améliorer les choses et que c'est en les rassemblant autour
d'une même table qu'ils vont être
capables de palier le problème de l'accessibilité aux soins tout en préservant
une qualité dont il faut être fiers au Québec,
c'est-à-dire la formation médicale. On attire des gens de partout à travers le
monde pour venir dans nos programmes de formation, parce qu'elle est de
qualité. Il ne faut pas la négliger, il ne faut pas la sacrifier. Donc, il y a
moyen de s'améliorer, mais pas au détriment des choses qu'on fait déjà très
bien.
M. Paradis (Lévis) : Le temps file rapidement, une dernière question. Vous avez parlé d'interdisciplinarité,
ça fait partie de ça, de l'accès
adapté, ça fait partie des solutions également. Maintenant, les gens
diront : Oui, c'est beau, ça se fait comment? Dans les faits, ça se
place comment dans la mesure où le chemin est à faire présentement?
M. Dahine (Joseph) : Bien, je pense, petit à petit, avec des projets pilotes. Peut-être que
l'accès adapté non plus, ce n'est pas
la panacée, mais je pense que c'est, par contre, sur papier, une idée qui plaît
à l'esprit et qui a fait ses preuves dans d'autres systèmes puis, à
moindre échelle, aussi au Québec. Je pense que de le faire progressivement,
avec un investissement puis une réelle prise
au sérieux de la part du gouvernement, c'est quelque chose qu'on pourrait voir
ensuite devenir une solution très porteuse et prometteuse pour les
années à venir, et dont les patients verront rapidement les bénéfices.
La Présidente (Mme Hivon) : Je vous remercie. Cela met fin à
nos échanges. Alors, à vous quatre, un gros merci de votre présentation. Mais j'allais oublier notre
collègue. Voyant l'heure, j'étais comme dans un processus mécanique.
Donc, d'abord, je vous demande le consentement pour prolonger nos travaux
au-delà de 6 heures. Ça va?
Et, sur ce, je
m'excuse au député de de Mercier, et je vous cède la parole pour une période de
trois minutes.
M. Khadir :
Nous avons les ambitions de notre force à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire
modestes. Le Dr Miron tout à
l'heure demandait au ministre de donner de la latitude au jugement clinique,
autrement dit demandait au ministre, pas
personnellement, mais au gouvernement, aux détenteurs de charges publiques de
faire preuve d'humilité devant la compétence
des gens qui sont sur le terrain. C'est sûr que l'humilité, là, c'est un peu le
lustre des génies, hein? Quand on est
vraiment génial puis on est persuadé de son génie, on n'a pas besoin de le
miroiter, et faire preuve d'humilité, c'est à la gloire de n'importe qui
qui le fait, c'est-à-dire de savoir reconnaître la force des autres.
Le ministre a dit tout
à l'heure qu'avant son projet de loi personne n'avait de solution, personne ne bougeait le doigt pour offrir des solutions. Je rappelle — parce que vous en avez parlé — à
la commission que les sommets qui ont eu lieu en juin et en novembre 2014, c'était avant
le projet de loi du ministre, et c'est des dizaines d'acteurs, notamment
la Fédération des médecins résidents et plusieurs autres acteurs du
milieu de la santé, qui se sont réunis, qui ont mis des efforts pour trouver des solutions. Mais moi, je pensais que le ministère
avait quand même dépêché quelqu'un. Est-ce
que vous avez vu quand même des gens du ministère,
venant peut-être... Le ministre étant trop occupé, est-ce qu'il y a eu son sous-ministre ou des
gens qui sont venus discuter avec vous?
• (18 heures) •
M. Dahine
(Joseph) : Il faudrait demander aux organisateurs. Il y avait
800 personnes dans la salle. À ma connaissance, non, mais il faudrait
demander au ministère.
M.
Khadir : ...pas vu sur la liste des participants, mais je me
suis dit peut-être que vous les connaissez. Ce n'est pas le cas.
Je
rappelle au ministre que, depuis... Au début des années 2000, la Coalition des
médecins pour la justice sociale, auquel avait fait allégeance le
premier ministre actuel par une lettre dans La Presse, avait
présenté des solutions. Plusieurs des
éléments dont on parle aujourd'hui, dont la reconnaissance des autres
professions, reconnaître, par exemple, les
infirmières spécialisées, faisaient partie de leurs recommandations. Et qui a
empêché cette reconnaissance pendant des années? Des fédérations médicales, dont la Fédération des médecins
spécialistes qu'a présidé mon collègue actuel qui est ministre de la Santé. Aujourd'hui, il reproche qu'il
n'y a personne qui présentait des solutions. Moi, je trouve ça inacceptable.
Ensuite,
en 2006, je suis venu moi-même ici, dans une commission, présenter des
solutions. Relisez le rapport qu'on a présenté à la commission en
mars 2006. Il y avait une série de propositions pour renforcer la première
ligne. Mais il n'y a pas de volonté
politique, parce que les ministres sont obligés de négocier avec des
fédérations de médecins spécialistes qui agissent de manière
corporatiste et qui n'ont qu'un seul souci en tête : l'augmentation de
revenus des médecins, notamment les médecins
spécialistes qui ont été très forts là-dessus, plutôt que de voir comment on
organise mieux la première ligne pour résoudre le problème
d'accessibilité.
Mais,
tout ceci étant dit, est-ce qu'il ne faudrait pas à ce moment-là penser à
réallouer une partie des ressources qui
vont dans les médicaments, dans le salaire trop élevé, les rémunérations trop
élevées de certaines spécialités, pour mieux aménager ces ressources-là
pour renforcer la première ligne? Parce que ça demande des sous.
La
Présidente (Mme Hivon) : Alors, sur ce, vous devrez compléter
la réponse dans les échanges privés. Vous vous trouvez déjà remerciés.
M. Khadir :
Excusez-moi. Je voulais faire le procès de prétentions...
La Présidente (Mme
Hivon) : Alors, je vous remercie à nouveau de vous être
déplacés pour un échange très instructif aujourd'hui.
Sur ce, je suspends
les travaux jusqu'à 19 h 30.
(Suspension de la séance à
18 h 3)
(Reprise à 19 h 35)
Le
Président (M. Tanguay) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Nous allons
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 20, Loi édictant la Loi
favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de médecine
spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière
de procréation assistée.
Alors,
nous recevons ce soir les représentantes, représentants du centre hospitalier
universitaire de santé de Montréal.
Bienvenue
à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation.
Par la suite, vous aurez loisir
d'avoir un échange avec les parlementaires. Je vous demanderais, pour les fins
d'enregistrement, de bien vouloir vous identifier ainsi que de préciser
vos fonctions. Alors, la parole est à vous.
Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM)
M.
Deschênes (Jean-Claude) : Merci, M. le Président. M. le ministre,
M. le Président, Mme la vice-présidente, je suis Jean-Claude Deschênes, président du conseil d'administration du
CHUM, et, à titre de président du CHUM et au nom de mes collègues, je
tiens d'abord à vous remercier de nous accueillir aujourd'hui à la commission.
J'aimerais
vous présenter justement les personnes qui sont ici ce soir : le
Dr Jacques Turgeon, qui est le deuxième à ma droite, M. Turgeon, il est directeur général du CHUM; la
Dre Christiane Arbour, directrice des services professionnels et des mécanismes d'accès; et le Dr Jacques
Kadoch, directeur médical de la Clinique de procréation assistée, chef du
Service de médecine et biologie de la reproduction,
et professeur agrégé de clinique, et aussi obstétricien gynécologue,
bien sûr.
Mes collègues et moi sommes heureux de venir vous
présenter nos constats et recommandations pour le projet de loi n° 20. Je porte à l'attention des
membres de la commission que le mémoire fait consensus auprès des instances
internes du CHUM. J'entends ici par
consensus interne l'ensemble des membres de la table des chefs de département,
le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens ainsi que les membres
du conseil d'administration. Tous ont eu l'occasion de partager leurs vues dans
le cadre d'une consultation.
Je cède
maintenant la parole à M. Turgeon qui, lui, vous présentera les éléments
du mémoire. Il nous fera plaisir par la suite de répondre aux questions.
Dr Turgeon.
M. Turgeon
(Jacques) : Merci. M. le ministre, M. le Président de la Commission de
la santé et des services sociaux, Mme la vice-présidente, Mmes et MM. les
parlementaires, d'entrée de jeu, je tiens à préciser que le Centre hospitalier de l'Université de Montréal souscrit à
l'objectif général visé par le projet de loi n° 20, soit d'optimiser
l'utilisation des ressources
médicales et financières du système de santé afin d'améliorer l'accès aux
services de médecine de famille et de médecine spécialisée.
Nous sommes
satisfaits de constater que certaines modalités du projet de règlement
récemment paru viennent offrir un
début de réponse à certaines de nos recommandations relatives à la tâche des
médecins enseignants et chercheurs d'un centre universitaire tel que le CHUM, que je vous présenterai en première
partie. En matière de services publics de procréation médicalement assistée, nous reconnaissons que des balises
sont nécessaires à la lumière de l'expérience des premières années de mise en oeuvre du programme
québécois de procréation assistée. Je vous présenterai également, en
deuxième partie, nos recommandations en la matière.
Le CHUM, donc — un simple portrait — fait
partie des cinq centres hospitaliers universitaires au Québec. Ceux-ci constituent des piliers d'enseignement, de
pratique clinique universitaire et de recherche médicale. Situé en plein
coeur de Montréal, le CHUM a développé des créneaux d'expertise particuliers
qui relèvent d'une médecine urbaine requérant
des professionnels capables de traiter des problèmes de santé complexes liés à
ce contexte urbain particulier. D'ailleurs,
vous le savez, le nouveau CHUM ouvrira ses portes aux patients à l'été 2016.
Pour votre information, puisque c'est important de bien le noter,
l'équipe de médecins du CHUM se compose de médecins spécialistes à 83 % et
de médecins de famille à 17 %. Ces
derniers ont développé une expertise particulière, des spécialisations même, en
médecine d'urgence, toxicomanie, soins
palliatifs, obstétrique et clinique de la douleur. Cette équipe médicale
contribue à l'écosystème
clinicoadministratif de l'établissement en offrant une prestation clinique
d'enseignement et de recherche.
• (19 h 40) •
Donc, question du premier volet. J'aborde
maintenant le premier volet du projet de loi n° 20, soit l'accès aux services de médecine de famille et de médecine
spécialisée. Nous reconnaissons qu'il y a des enjeux d'accès aux services
de médecine de famille et de médecine spécialisée au Québec. Certaines pistes
de solution sont proposées, dans le p.l.
n° 20, qui permettent de concevoir des voies d'amélioration. Toutefois, je
dois insister sur le fait que certains éléments
du projet
de loi n° 20 et du projet de règlement
qui est paru la semaine dernière présentent toujours certains enjeux pour
notre population de patients traités et notre mission de centre hospitalier
universitaire.
Nous croyons
qu'un ensemble de mesures basées sur les trois principes
suivants est essentiel dans le but
d'optimiser le p.l. n° 20 :
premièrement, développer une pondération adéquate, qui reconnaît notamment la
diversité des clientèles, la
complexité et la spécialisation des soins spécifiques dans un CHU, donc on
parle d'une pondération qui est apparue; peut-être la moduler; deuxièmement, reconnaître la pratique
exceptionnelle de la médecine dans les CHU, qui requiert un investissement obligatoire en enseignement et en
recherche, et ça, au jour le jour, continuellement; enfin, troisièmement,
favoriser une approche de groupe plutôt
qu'une approche individuelle. Et je fais référence déjà, et je vais y revenir
plus tard, à ce qui est introduit dans le p.l. n° 20, à
l'article 11, et comment on peut l'adapter pour un CHU.
Donc, tel que
je le disais, le projet de règlement rendu public dernièrement apporte un début
de réponse quant à la complexité des
cas en reconnaissant une certaine pondération, mais il ne va pas tout à fait
assez loin en ce qui a trait aux exigences
de la médecine exercée dans un CHU, notamment en ce qui a trait aux exigences
académiques du milieu de pratique.
Quand on a une pratique, entouré d'externes et de médecins résidents qui
exigent, comme je le disais, quotidiennement, continuellement la
présence du médecin enseignant, donc c'est difficile de distinguer une heure d'enseignement d'une heure de recherche et d'en
faire une comptabilité, donc il faut revoir ou il faut penser moduler la
pondération proposée.
Deuxièmement,
la pratique surspécialisée, dans un CHU, est presque essentiellement basée sur
la complémentarité des expertises des
divers spécialistes : à l'intérieur même d'un CHU, entre CHU, ou entre
équipes avec les spécialistes des établissements
de deuxième ligne qui réfèrent leurs cas trop complexes dans un CHU. Il est
donc nécessaire pour nous que soient
reconnues et priorisées des références provenant de spécialistes dans le
contexte particulier des CHU afin de préserver les principes de hiérarchisation des soins. Donc, souvent, dans le p.l.
n° 20, on fait référence... entre un médecin généraliste qui réfère vers un spécialiste, mais, dans le cas
d'un CHU, des références de spécialiste à spécialiste sont importantes de
rendre compte, sinon on perdrait cette hiérarchisation.
Troisièmement,
le p.l. n° 20 nous donne l'opportunité de renforcer notre démarche
d'élaboration d'un plan de pratique
souhaitable et souhaité au CHUM depuis sa création en 1996. Un plan de pratique
vise à soutenir équitablement les activités clinicoadministratives ou
clinicoacadémiques, je devrais dire, d'un groupe de médecins et est un outil incontournable
pour un CHU. Ce qu'il faut, et ce que l'on a discuté au cours des derniers mois
et qu'on continue à discuter, c'est de développer un mode de rémunération
comportant des incitatifs aux activités académiques.
Avec un
projet tel que le nouveau CHUM, le Québec se dote d'un centre universitaire de
calibre mondial où les activités
d'enseignement et de recherche, les soins de qualité et l'expertise de pointe
sont valorisés aux soins de la pratique médicale, comparables aux
meilleurs standards internationaux, tels que Mayo Clinic, Cleveland Clinic. Que
ce soit Vanderbilt, que ce soit Duke, que ce
soit Harvard, il n'y a rien qu'on ne nous aura pas donné qui ne nous permettra
pas d'être comparables et d'arriver aux mêmes standards.
Voici donc
nos recommandations, que je répète. Nous recommandons au ministre d'apporter
les modifications suivantes :
pour l'ensemble des médecins, prévoir une modulation du calcul des cibles à
partir d'une pondération, en sus de
celle déjà apportée au projet de règlement, qui reconnaît les exigences de
prise en charge des clientèles complexes en centre universitaire, la pratique médicale en CHU et celle qui comporte,
entre autres, les missions d'enseignement, de recherche, de promotion de la santé et d'évaluation des technologies, et
ce, tant pour les spécialistes que pour les médecins de famille, et les particularités de la médecine
d'urgence dans un CHU et son exercice en tant que spécialité; prévoir un règlement qui inclut, pour
les centres universitaires, des modalités favorisant une approche de groupe,
comme le développement de temps de
pratique, tant pour les médecins omnipraticiens que pour les médecins
spécialistes; et, troisièmement, pour les
médecins spécialistes exerçant dans un CHU, reconnaître, dans les cibles à
atteindre, les demandes de consultations spécialisées provenant d'autres
spécialistes.
Abordons maintenant le deuxième volet du p.l.
n° 20. Le CHUM bénéficie d'un historique de plus de 45 ans
d'activités liées à la fertilité et est un acteur essentiel du programme public
de procréation assistée. La Clinique de procréation
assistée du CHUM est dirigée par une équipe chevronnée de médecins
spécialistes, professeurs-chercheurs, dont Dr Jacques Kadoch, qui
est avec nous ce soir, qui est le directeur médical, la Dre Nicola Dean,
responsable du laboratoire d'embryologie.
Leur équipe a permis au CHUM d'établir une clinique de fertilité comparable,
après moins de quatre ans d'exercice, aux meilleurs centres internationaux.
En 2013, la
CPA du CHUM présentait un taux de naissances multiples inférieur à 5 %, donc 4,3 %, soit le plus bas taux au Québec — et de loin inférieur au reste du Canada, qui
a un taux moyen de 20,7 %. Elle présentait également un taux de naissances vivantes, qui est le
paramètre important, par transfert d'embryon de 36 % par rapport à
21,7 % dans le reste du Québec
et de 34 % dans le reste du Canada. Ce sont des résultats déjà
exceptionnels. Les avancées technologiques dans le domaine de la
procréation assistée à la clinique de procréation du CHUM sont soutenues par
des activités de recherche de haut niveau, à même les infrastructures
cliniques, tel que requis pour un centre universitaire.
Voici les
principes qui nous apparaissent incontournables pour l'évolution fructueuse du
programme québécois de procréation
assisté : l'accès aux services appropriés, de la plus grande qualité,
conformément à l'état des connaissances et des meilleures pratiques en matière de PMA pour la population
québécoise; la protection des activités clinicoadministratives garantes de qualité des soins et services
nécessaires pour la survie des programmes d'enseignement spécialisé et surspécialisé; et enfin, le maintien des
meilleures conditions de succès pour le développement de la recherche, laquelle
permettra des percées scientifiques bénéficiant à l'ensemble de la communauté.
En retirant la couverture de la fécondation
in vitro par la Régie de l'assurance maladie du Québec, seules les inséminations intra-utérines et la préservation de
la fertilité dans un contexte de préchimiothérapie resteraient assurées
par le régime public. Cette modification au
cadre légal d'exercice de la PMA viendrait compromettre de manière
significative les principes
précédemment énoncés. De plus, en comparant les conditions du p.l. n° 20 à
celles qui sont en application présentement dans le programme québécois
de procréation assistée, nous estimons aisément qu'un large pourcentage de la clientèle qui a accès à la fécondation
in vitro aujourd'hui ne sera plus en mesure d'en bénéficier demain; et
nous pourrons élaborer.
Enfin, la
diminution des masses critiques requises pour le maintien de la qualité et pour
les besoins d'enseignement risque de
compromettre la capacité du Québec de répondre aux exigences des plus hauts
standards internationaux. Ainsi, nous
demandons au ministre de procéder à des modifications au p.l. n° 20,
soit, premièrement, maintenir la fécondation in vitro dans l'arsenal thérapeutique offert à la
population québécoise pour répondre aux guides de bonnes pratiques. Sinon,
on le sait, on va se retrouver avec plus
d'inséminations artificielles, on va se retrouver avec plus de risques de
grossesses multiples, plus de risques
de complications. Deuxièmement, maintenir une couverture des services de
fertilisation in vitro par la
Régie de l'assurance maladie, selon des balises édictées, qu'elles soient
éthiques ou sociétales, par les experts en collaboration avec le ministère de la Santé et des Services sociaux.
Nous serons heureux d'offrir notre aide à cet effet. Maintenir et faciliter, en troisièmement, l'accès
au diagnostic préimplantatoire dans le système public. Enfin, le ministère
doit réaliser l'importance du CHUM comme
site ayant atteint rapidement l'excellence dans ses résultats, comme milieu
de formation et de recherche.
Nous sommes
convaincus, comme d'autres, que des mesures d'économie sont possibles, dans le
cadre du programme québécois de
procréation assistée, sans sacrifier la qualité, la sécurité et les fondements
d'une médecine du plus haut niveau
scientifique, pour l'ensemble de la population. La Société québécoise de
fertilité et d'andrologie a proposé un ensemble de mesures d'économie
qui nous apparaissent avisées et qui mériteraient d'être explorées.
Donc, en conclusion, nous souscrivons à
l'objectif général du p.l. n° 20. Nous sommes d'avis qu'il faut tenir compte de l'enseignement et de la recherche, dans
le p.l. n° 20, et en consacrer formellement l'importance, surtout pour
les CHU. Il faut savoir reconnaître les particularités du milieu urbain et de
référence d'un CHU, entre autres, tel que le CHUM, dans le centre-ville
de Montréal. Enfin, la confirmation de l'importance de la mise en place d'un
mode de rémunération avec des incitatifs aux activités académiques devrait être
fortement considérée.
Quant au programme québécois de procréation
assistée, ses acquis cliniques, académiques et scientifiques doivent être protégés. Le maintien de la
disponibilité de la fertilisation in vitro est essentiel à cet égard, car
il permet de faire le choix du
traitement le plus indiqué selon les diverses situations cliniques. Il ne
crée pas de clivage économique indésirable et inéquitable socialement.
Merci.
• (19 h 50) •
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, M. Turgeon. Alors, vous aviez 10 minutes, vous en avez pris
14 min 30 s. Alors, à la
demande du ministre, il a pris sur son temps de vous laisser
compléter, M. Turgeon. Alors, de son
22 minutes pour dialoguer avec vous, il ne lui en reste que
17 min 30 s. Alors, je cède immédiatement la parole au
ministre de la Santé et des Services sociaux pour 17 min 30 s.
M. Barrette : Merci, M. le
Président. M. Deschênes, Dr Turgeon, Dr Arbour, Dr Kadoch,
bienvenue à cette commission parlementaire.
Et je vais d'entrée de jeu vous dire à quel point je suis content de votre
introduction. Quand on s'est
rencontrés, à la suite de votre nomination au mois de mai, je vous avais
dit : Faites du CHUM un MD Andersen. Là, vous m'avez parlé de Mayo, de Cleveland, de Duke, de Harvard.
Choisissez ou faites tout ça, ça va être parfait, et ça serait même un
grand succès.
M.
Turgeon (Jacques) : Il n'y a pas de raison qu'on ne puisse pas y
arriver.
M.
Barrette : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il n'y a aucune raison
pour qu'on ne soit pas compétitif avec l'excellence qui existe ailleurs
en Amérique du Nord ou dans le monde. On a les ressources pour le faire.
Maintenant,
je vais aborder évidemment quelques éléments que vous avez introduits dans
votre allocution, parce qu'il y en a
quelques-uns là-dedans qui m'ont étonné, au sens de la surprise du terme, là,
parce que je ne suis pas sûr qu'on ait
la même lecture de l'impact du projet de loi sur votre situation. Puis je
m'explique, là : Vous nous dites avec justesse, parce que c'est
vraiment la réalité, que 83 % des activités médicales qui s'exercent dans
le CHUM sont faites par des médecins spécialistes, et que, conséquemment,
17 % se font par des médecins de famille. Et je pense qu'on peut dire raisonnablement que la partie des médecins de
famille se fait en grande partie à l'urgence et en enseignement d'UMF,
ce genre de chose là.
M. Turgeon
(Jacques) : Bien, c'est pour ça, il faut faire attention. Il y a
l'urgence, il y a toutes les personnes impliquées
en clinique de la douleur, il y a quand même tout ce qui est associé à la
toxicomanie, l'obstétrique, VIH-sida, les soins palliatifs, donc on a
quand même... Mais, oui, vous avez raison. Il y a une bonne masse qui est
l'urgence.
M. Barrette :
Mon point, c'est que, c'est ça, ce sont des activités essentiellement
hospitalières.
M. Turgeon
(Jacques) : Oui, tout à fait.
M.
Barrette : Là où j'ai de la difficulté à vous suivre dans votre
appréciation de la chose, et de vos demandes, et de vos recommandations, c'est qu'il y a des éléments... par exemple,
je vais prendre les quatre que vous avez nommés, parce que vous en avez abordé
quatre essentiellement. La pondération, il n'y en a pas, pour les médecins
spécialistes. Ce n'est pas ça qu'on leur
demande. Il n'y a pas de prise en charge. Et, pour le 17 % qui reste, qui
sont les activités de médecine de
famille, il y a là aussi peu de pondération à appliquer, parce que ce sont des
activités hospitalières; et, lorsqu'il y en a à être appliquée, c'est des activités essentiellement d'enseignement qui
sont pondérables. Ça fait que je vois difficilement ce qu'il y a à adapter,
dans le projet de loi, à la situation du CHUM. Alors, pour ce premier point là,
j'aimerais ça que vous m'éclairiez ma lanterne, parce que je ne vois pas
le problème, là.
M.
Turgeon (Jacques) : O.K. Bien, je peux commencer avec un exemple. Si
je prends des médecins qui ont une activité principale à l'urgence,
quasi leur activité unique à l'urgence du CHUM, de médecin de famille, ils vont
faire généralement de trois à... certains,
quatre quarts de travail. Donc, si je prends, dans le nouveau règlement, puis
on a tenté de regarder effectivement
ce que ça voulait dire, bien, si je prends trois quarts de travail, multipliés
par huit heures, ça fait
24 heures. Il reste quand même... Selon le règlement, ça prend
36 heures pour véritablement ne pas avoir à faire une charge de
suivi de patient.
Donc,
est-ce que la pondération... il y a peut-être une pondération par la complexité
de 1,1 qui viendrait à y arriver, mais
c'est une réalité. Puis, dans un CHU, vous le savez, à l'urgence, ce n'est pas
vraiment huit heures, c'est neuf puis 10, parce qu'il y a le transfert des cas. On n'est pas loin, mais on pense
qu'il y a encore, pour protéger ce type d'activités, certaines
pondérations qui devraient être modulées. Je ne sais pas si vous avez d'autres...
Mme Arbour (Christiane) : Bien, peut-être juste en complément, puis c'est
peut-être parce qu'on a essayé de décoder
aussi les éléments concrets du projet de règlement, au niveau de l'application
de ça, c'est juste que les omnipraticiens,
dans le cadre d'un CHUM, ont une pratique presque exclusivement en
établissement. Ils sont rares, ceux, dans
les omnipraticiens, entre autres, qui travaillent au CHUM, qui ont un cabinet
privé ou qui ont de la prise en charge de
patients, à cause de leur pratique qui a été décidée assez spécifique et
spécialisée. On avait de la misère à voir comment le projet de règlement était pour compenser ou
équivaloir à leur pratique. Puis, pour nous, il est important pour la mission
du CHUM de leur implication dans les
activités hospitalières. Puis la portion d'enseignement, de la manière qu'on
l'a décodée, avec une heure
d'enseignement par rapport à la préparation de cours, on avait de la misère à
l'illustrer sur une pratique d'un
quotidien au CHUM, qui n'est peut-être pas la même pratique d'enseignement que
quand on donne un cours à l'université.
Ça
fait que, pour nous, c'était le quotidien de la prise en charge des externes,
des résidents qui fait que la charge de
travail clinique, souvent, est un peu moins grande en volume, mais, en
intensité de temps, est plus importante. Ça fait que peut-être qu'on avait de la misère à se retrouver, avec le projet de
règlement, dans une pratique de CHUM. C'est ça qu'on avait de la difficulté... et là où qu'on pense qu'il y a peut-être
un impact, sous réserve qu'on comprendra mieux les règlements.
M.
Barrette : Je vais donc prendre un instant pour vous rassurer, parce
que ces cas de figure là sont prévus par le règlement, parce qu'il y a deux voies. Il y a le tableau II, que je vous
invite à reconsulter, qui permet de voir les combinaisons, là. Dans le tableau II, vous voyez qu'on peut faire,
essentiellement, pas d'heures de cabinet à la condition de faire tant d'autres heures ailleurs, et par la
voie du DRMG, là, qui permet certaines pratiques hors... pas normes, parce
que ce n'est vraiment pas une question de
normes, là, mais hors standards, là, pour ce qui est du profil moyen d'un
médecin de famille.
Alors,
normalement, les gens, chez vous, du côté de la médecine de famille,
techniquement, ne devraient pas être pénalisés,
pourraient avoir à faire preuve de certains aménagements qui, à mon avis,
seraient minimaux. Et, pour ce qui est des spécialistes, on s'entend,
là, que ça n'a pas d'impact, je veux juste que les choses soient claires, là.
Mme
Arbour (Christiane) :
...projet de loi on avait compris qu'il y avait une volumétrie de consultations
pour les médecins de première ligne.
Puis, quand on regarde le projet de règlement, c'est passé plus sur un accès...
avec un guichet d'accès sur une
priorisation clinique pour des réponses à des consultations. Puis là, à ce
moment-là, bien, on est tout à fait
d'accord avec la mise en place de ça selon les priorités cliniques des médecins
spécialistes. On a compris que, dans
le projet de règlement, on ne parlait plus de volumétrie pour la médecine
spécialisée, mais plus d'être disponible.
M.
Barrette : Bien, c'est-à-dire qu'il va y avoir un volume pour les
médecins spécialistes. Les médecins spécialistes savent, et, techniquement, ont déjà accepté, parce que, quand j'étais de
leur bord, je l'avais fait passer, ça fait qu'à moins qu'ils aient changé
d'idée, ce qui est toujours possible, ils savent qu'on va demander un volume
minimal de consultations rendues
disponibles aux médecins de famille pour répondre à leurs besoins. Et ça inclut
les médecins du CHUM. Mais cette
volumétrie-là, là, techniquement, là, pour ce qui est des estimés qui sont
faits, ce n'est pas énorme, mais il m'apparaît essentiel pour les médecins spécialistes, et ça, c'est véhiculé avec
justesse par les médecins de famille, de donner un accès raisonnable aux médecins de famille, et c'est ça
que ça fait. Donc, il y en a une, volumétrie, mais qui est une fraction de
leur pratique, mais la fraction va avoir son
poids très significatif, évidemment, quand on la met en relation avec la
pratique de médecine de famille.
M. Turgeon
(Jacques) : On n'a pas
d'objection sur le point que vous soulevez. Tout à fait, là. On comprend
bien que l'esprit... C'est pour ça
qu'on parlait donc de... L'esprit, les principes sont déjà
apparus dans le projet de règlement. La petite nuance qu'on apportait, c'était
de s'assurer aussi que les demandes de référence qui sont faites par d'autres spécialistes, comme on veut maintenir une certaine
hiérarchisation des soins, qu'il y en
ait... Il faut que ça soit considéré.
M.
Barrette : Tout à fait. Ça, je suis d'accord. L'autre élément, bien, j'imagine que, maintenant que vous m'avez fait ce commentaire-là, quand vous parliez de
prendre en considération l'enseignement et la recherche, c'était pour les
médecins de famille d'abord et avant tout. Parce que, pour les médecins
spécialistes, il n'y a rien, là.
M. Turgeon
(Jacques) : ...fait. Donc, c'est pour entre autres ce 17 % là,
qui est quand même important, parce qu'à
l'urgence on en a... Et donc la pondération était difficile à voir
véritablement avec les résidents, puis c'est vrai aussi en toxicomanie,
c'est vrai avec les autres secteurs qu'on a parlé.
M.
Barrette : Les troisième et quatrième éléments que vous avez abordés
en introduction étaient l'article 11 du projet de loi, donc l'effet sur
le groupe versus un individu. Là, vous vouliez dire quoi, exactement?
• (20 heures) •
M. Turgeon
(Jacques) : Bien, quand on lisait l'article 11, on voit que la
reddition de comptes, je vais utiliser ce terme-là, là, donc l'obligation de livrer, peut être, pour les spécialistes,
individuelle ou en groupe. Et on tentait... et l'analyse qu'on en a fait
à l'interne, et qui, sincèrement, satisfaisait plusieurs groupes, faisait en
sorte de se dire que, pour un CHU,
c'est : Voilà un incitatif, que le projet de loi nous amène, à développer
un plan de pratique, ou je vais utiliser le terme «une rémunération avec des incitatifs aux activités
académiques», c'est-à-dire qu'il y a un partage du groupe de l'activité globale à rendre en fonction de
différentes activités, certaines académiques, d'enseignement et de recherche, que
d'autres peuvent amener.
Donc, ce que
l'on dit, c'est : On voit là, là, l'ouverture. Et les discussions qu'on a
eues à l'interne sont à l'effet, et tel
que je le mentionnais, depuis des années, qu'à quelque part on se dit :
Bien, il faudrait qu'un CHU... Si on veut être compétitif... Je parlais des grands centres américains. Vous connaissez
le mode de rémunération qu'il y a ailleurs, bien c'est des modes de
rémunération qui incitent aux activités académiques.
M.
Barrette : Alors donc, quand vous m'avez parlé de l'article 11,
c'était en lien avec le plan de pratique, qui était l'autre élément que
vous avez abordé.
M. Turgeon (Jacques) : Tout à fait,
tout à fait.
M.
Barrette : Ce qui me permet d'aborder la question du plan de pratique.
Parce que, là, vous êtes presque en demande quand vous abordez le plan
de pratique. Vous recherchez quoi, exactement?
M. Turgeon
(Jacques) : Bien, c'est-à-dire qu'il y a eu des discussions faites à
l'interne, de ce que je disais, au niveau
de la table des chefs. On est dans un mode qui sera à géométrie variable, qui
peut être variable d'un département à
l'autre, qui devra l'être, je pense, pour partir, qui peut être variable d'un
service à l'autre, mais qui... Et c'est pour ça que la terminologie est importante, donc je ne veux pas faire de
sémantique, mais qu'est-ce que l'on peut faire... et faire comprendre que, dans un CHU, il y a un mode de
rémunération des gens qui y participent qui doit inclure des incitatifs
aux activités académiques. Je ne sais pas si tu veux compléter ou...
Mme Arbour
(Christiane) : C'est qu'à
date les leviers sont souvent volontaires dans les services, puis les gens,
entre eux, décident de mettre en place des
modalités incitatives. Ce qu'on souhaitait ou ce qu'on décodait, ce qu'on
espérait, pour être capables de faire
basculer l'ensemble ou la majorité des services ou des départements dans un
angle positif par rapport à ça,
c'est : Est-ce qu'il pourrait y avoir un levier qui peut nous aider un peu
plus fort que le volontariat dans les services ou les départements?
M.
Barrette : Est-ce que vous êtes en train de me demander d'être le
levier?
Mme Arbour (Christiane) : Nous, on décodait que l'article 11 pouvait
effectivement être encore, peut-être, plus précis dans le cadre des CHU, qu'il permettrait d'avoir, à tout le
moins, des gens qui doivent adresser cette problématique-là.
M.
Barrette : Bien, écoutez, l'article 11 n'est pas un article qui
vise un plan de pratique. C'est pour ça que j'étais surpris que vous fassiez le lien entre
l'article 11 et le plan de pratique, que j'avais perçu, et que vous me
confirmez. Et là de l'échange que
nous avons j'ai l'impression que vous me demandez d'être le levier de la mise
en place d'un plan de pratique.
M. Turgeon
(Jacques) : C'est-à-dire que ce que l'on voit, c'est qu'il y a une...
le projet de loi n° 20, là, ça touche
la rémunération des médecins, et il y a donc depuis longtemps des discussions,
et on le sait que, dans le cadre des CHU,
et c'est une des raisons pour lesquelles on se présente, il faut, en quelque
part, arriver à un mode de rémunération qui va être plus favorable à ce type d'activités et diminuer les
différences entre les individus. Plus il y a de différence, vous le savez, plus c'est difficile de maintenir
des activités académiques à l'intérieur d'un service ou d'un département.
Donc,
pour nous, comme c'est le projet de loi qui y touche, le décodage que l'on
faisait en voyant «individuellement ou
en groupe»... On voyait qu'il y avait une porte qui pouvait s'ouvrir et qui
pouvait être... On n'a pas à aller dans le détail, mais le sens ou, je
vous dirais, l'esprit de cette ligne pouvait être renforcé à le proposer
fortement.
M.
Barrette : Non, je comprends, là, ce que vous me dites, là. Quand on
regarde... plan de pratique, c'est un plan de pratique pour... Ça existe,
évidemment, je ne vous apprends rien à aucun de vous quatre, là, mais, pour le
bénéfice de ceux qui nous écoutent,
là, puis qui ne sont pas familiers avec ça, et même les gens ici, en commission
parlementaire, ça a une finalité, un
plan de pratique, là. Une des finalités, comme vous l'avez très bien dit, c'est
de créer un environnement qui
favorise l'activité académique. En fait, ça fait plus que la favoriser; un plan
de pratique digne de ce nom-là dans un hôpital universitaire exige des
activités académiques.
M. Turgeon
(Jacques) : Tout à fait.
M.
Barrette : Ça vient avec. Maintenant, un plan de pratique... Avant
d'arriver au plan de pratique, bien, il faut prendre en considération la réalité de départ, pré-plan de pratique, qui
est celle qu'il y a une rémunération qui est ce qu'elle est, et, actuellement
ce qu'elle est, c'est qu'elle prévoit le paiement du service professionnel,
médical, il y a une rémunération qui prévoit aujourd'hui l'enseignement,
il n'y a pas de rémunération qui prévoit la recherche, mais elle vient d'autres
sources, qui sont les organismes
subventionnaires, ce qui signifie évidemment que, dans l'environnement qu'est
le CHUM, il y a une masse d'argent
qui est là, mais qui ne passe pas par le filtre d'un plan de pratique, qui,
lui, impose des conditions, des figures imposées, comme en patinage artistique,
si vous me permettez le parallèle.
Mais là vous ne pouvez pas le faire parce
qu'il manque un levier. Bien, c'est-à-dire que vous ne pouvez pas l'amener à la
hauteur que vous voudriez parce qu'il manque un levier, puis là, si je
comprends bien votre intervention, puis c'est dans ce sens-là que je vous pose
la question, vous recherchez un levier externe.
M. Turgeon (Jacques) : Tout à fait. Oui, tout à fait. C'est que, tel que Dre Arbour le disait, à l'heure actuelle on est sur une base de volontarisme. Mais hier — je vais vous donner un exemple — au conseil d'administration, on a adopté des règlements d'un département qui fait
apparaître le souhait que tous les membres adhèrent à un plan de pratique
dans ses règlements. Donc, on est rendus là. Donc, il faut travailler sur les
modalités, mais ce que l'on recherchait, et, comme
la table des chefs est d'accord, comme ça a été présenté à l'exécutif du CMDP,
qu'ils sont d'accord et qu'ils y ont souscrit, ce qu'on se dit, c'est
que voici une opportunité de faire apparaître un levier additionnel pour le
réaliser.
Je
veux dire, on n'est pas les premiers. Je pense que, la première fois que le mot
«CHUM» a été prononcé, les premiers
ministres du temps, les ministres de la Santé du temps ont tous dit : Aïe!
Avant qu'il y ait une pelletée de terre, il devrait y avoir un plan de pratique. Et là on a plus qu'une pelletée de
terre, on est en train de finir la construction puis on y arrive.
M. Barrette :
Je faisais partie de ces gens-là à l'époque, mais malheureusement je suis
convaincu que vous savez qu'actuellement la
portée légale de mettre ça dans un règlement de CMDP ou de département est
relativement faible, d'où la nécessité d'un levier.
Il
ne me reste pas beaucoup de temps, il me reste moins de deux minutes, alors je
ne peux pas ne pas aborder la question
de la PMA. Il y a un historique de PMA, là, dans le CHUM, qui est une relation
particulière entre le CHUM et des
cliniques privées, et de chevauchement des individus entre les deux. Je pense
que ça demeure une problématique réelle aujourd'hui. Comment pensez-vous pouvoir la résoudre, d'une part? Et,
d'autre part, deux éléments... Il y a des gens qui sont passés plus tôt
aujourd'hui pour nous expliquer que ça coûtait cher, plus cher chez vous
qu'ailleurs. Ça, c'est un commentaire qui
est fait. Je ne fais pas de... Je n'en prends pas acte moi-même, là... Je ne le
fais pas mien plutôt, mais j'en
prends acte. Mais là je vais vous poser la question qui tue, dans une certaine
mesure, mais il n'y aura pas les spots de
la télévision, là : Compte tenu de la situation du financement par crédit
d'impôt et du fait que Sainte-Justine, eux, sont venus ici nous faire les mêmes
représentations pour ce qui est de l'activité... Je vous pose la question qui
tue : Est-ce qu'il y a de la place pour deux cliniques publiques à
l'Université de Montréal?
M. Turgeon
(Jacques) : Je vais commencer par répondre au premier élément, sur des
mots que vous avez dit : Il y a une problématique. Je vous ai...
M.
Barrette : Un historique.
M.
Turgeon (Jacques) : Un historique, mais il reste que, si je regarde
au... Puis je ne veux pas prendre trop de temps, là, pour laisser Dr Kadoch finir, mais il reste que, depuis
quatre ans, au CHUM, la synergie que cette situation a pu créer, c'est qu'elle a permis d'arriver à des
niveaux d'excellence très rapidement, parce qu'il y a un partage d'expertise,
il y a un partage de compétence. Et donc on peut voir des très bons côtés de
cette cohabitation ou synergie qui peut s'y
développer, parce que c'est très translationnel, ce qui se passe d'un côté à
l'autre, et ça donne une expertise importante. Est-ce qu'il y a de la
place? Je peux vous dire...
Le Président (M.
Tanguay) : ...il ne reste que quelques secondes.
M.
Turgeon (Jacques) : On est en collaboration avec Sainte-Justine, et, à
l'heure actuelle, je pense que l'expertise du CHUM, dans plusieurs des
domaines, avec les 1 000 cycles, vraiment, du côté public...
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Merci beaucoup. Vous aurez le loisir
de compléter votre réponse. Mais je me dois, comme président, de céder
la parole avec joie à notre collègue de Taillon pour 13 minutes.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Bonsoir. Bonsoir,
M. Deschênes, M. Turgeon, Dre Arbour et Dr Turgeon. Bonsoir. Je peux vous laisser
15 secondes, ou 30, pour terminer la réponse si vous voulez la compléter.
M.
Turgeon (Jacques) : Bien, la fin de la réponse au ministre, c'est
qu'on en est convaincus, qu'il y a de la place, compte tenu des expertises différentes, et qu'on est capables de
travailler en collaboration à l'intérieur du réseau. C'est clair. On est
convaincus qu'il y a cette place.
• (20 h 10) •
Mme
Lamarre : Merci. Alors, votre mémoire... On va essayer peut-être de
parler un peu plus de la médecine spécialisée,
parce qu'on a eu l'occasion, avec d'autres groupes, de parler davantage de
l'impact au niveau de la médecine familiale.
Vous recommandez de «prévoir une modulation du calcul des cibles à partir d'une
pondération qui reconnaît les exigences de prise en charge des clientèles
vulnérables et complexes; l'environnement de pratique; la pratique en
centre hospitalier universitaire et ce
qu'elle comporte». Donc, vous voulez
qu'on rajoute peut-être un autre élément ou quelques autres éléments de modulation dans la pondération,
ce qui peut être justifié. Mais, par
ailleurs, disons que les commentaires de base, il
y a beaucoup de gens qui trouvent
déjà ça assez complexe et assez lourd. Et ma préoccupation est à l'effet
que la nature humaine étant ce qu'elle est... vous dites : La pondération
doit reconnaître les exigences de la pratique.
Mais, à un moment donné, aussi, on sait que la pratique peut devenir
influencée en fonction de la pondération.
Alors,
comment ne pas basculer dans l'autre dimension, où les gens, à cause de la
pondération complexe, diraient : Bien,
à un moment donné, regarde, moi, je vais faire ça plus simple; je
ne vais faire que de l'urgence, je vais faire tel service seulement et
pas tel autre?
M.
Turgeon (Jacques) : O.K.,
donc, quand on parle du côté spécialiste, du côté spécialité, avec ce qui a été
connu, depuis la semaine dernière,
avec le projet de règlement, on se rend compte que, tel que le ministre
le disait, il n'y a plus cette
obligation de reddition de comptes ou de volumétrie pour la spécialité comme
telle. Par contre, dans le CHU, les commentaires que l'on conserve s'adressent principalement aux
généralistes qui vont travailler à l'intérieur d'un CHU. Et là ce que l'on avait vu, ce que l'on
décortiquait, tel que Dre Arbour le disait, ne permettait pas de tout
comptabiliser la véritable activité
d'un médecin généraliste à l'intérieur d'un CHU. On la voyait encore un peu plus complexe, parce qu'on dit : Il doit y avoir une modulation
additionnelle qui doit être présente. Je ne sais pas si tu veux compléter...
Mme Arbour (Christiane) : C'est un statut... Dans le fond, c'était surtout
un élément, avant de voir le projet de règlement,
un statut particulier sur la pratique en centre universitaire à cause de la
mission académique qu'on avait de la misère
à voir — même
actuellement — dans
les règlements. Le ministre a parlé d'une certaine volumétrie, pour la
médecine spécialisée, sur des consultations de la première ligne, dépendamment des résultats et des volumes exigés
et de ce que ça va impliquer.
Dans le fond, ce qu'on voulait absolument vous sensibiliser, c'est que la mission d'un
centre universitaire est une pratique
différente. Et on a des attentes différentes par rapport à certains
médecins, de par la livraison de volumétrie de services, plus dans la qualité de la poursuite de l'excellence et de
l'académique. Et c'était ça qu'on voulait faire comme regard, sans complexifier la pondération, mais on
voulait qu'il y ait un statut particulier. Puis comment l'adresser, bien,
c'est à voir qu'est-ce qui est le plus simple.
Mme
Lamarre : Parce que
l'objectif ultime, c'est quand même d'améliorer la disponibilité, donc, moi, je suis... je
pense qu'un hôpital universitaire comme le vôtre va être particulièrement
touché par la dimension prise en charge, puisque quand, on a quatre
spécialistes, là, qui ont, dans le même...
Donc, la prise en
charge : S'il y a plus de prise en charge, qu'est-ce que vous voyez que ça
va avoir comme conséquence? Est-ce qu'on va
finir par se libérer du temps médecin quelque part pour accélérer les
consultations entre les médecins de famille et les médecins spécialistes?
Qu'est-ce que ça peut donner comme impact, indirectement, à l'intérieur de
l'hôpital et aussi sur la première ligne?
M. Turgeon (Jacques) : Je
vais commencer un élément de réponse, pour bien comprendre. Je veux bien saisir
ce que vous tentez d'aborder, mais je vais
vous donner un élément. Tantôt, je parlais des grands centres américains. Si on
regarde Mayo Clinic, puis on regarde la
responsabilité d'un médecin spécialiste ou qui est à l'urgence, à Mayo Clinic,
la dernière ligne de son obligation, ce
n'est pas de donner un papier, comme ce qui arrive actuellement, à dire :
Tu devras aller te trouver quelqu'un
pour faire la suite des choses. L'obligation du médecin, dans un centre
hospitalier universitaire de ce
niveau-là, c'est de s'assurer que la suite des choses est attachée. Et c'est
comme ça qu'on se dit que, plutôt que de... À l'heure actuelle, là, il y a des gens qui font eux-mêmes les suivis,
puis qui reviennent, puis... L'urgence du CHUM, ce n'est pas la place pour enlever des points de suture,
là. Ce n'est pas normal que ça revienne. Mais il faut qu'il s'assure que ce suivi-là soit fait. Et ce n'est pas au
patient à le trouver lui-même. Donc, c'est dans ce contexte-là que je dirais
qu'on pense que c'est leur rôle de faire ces suivis.
Mme Arbour (Christiane) : Puis, surtout pour la pratique puis la clientèle
d'un CHU, à mon avis, la prise en charge
du médecin de famille dans la communauté puis l'accès à un médecin de famille
vont nous aider beaucoup, parce qu'on
va se concentrer sur notre mission spécialisée. Puis, des fois, on a de la
misère à avoir, soit en aval ou en amont de la mission hospitalière... Puis le relais au médecin de famille est
souvent manquant, dans certains cas. Donc, pour nous, ça va augmenter notre disponibilité s'il y a une
meilleure prise en charge dans la communauté par le médecin de famille. Ça fait qu'on va avoir une augmentation de notre
disponibilité, parce qu'on va être moins pris, entre guillemets, à des activités qui pourraient être transférées à
quelqu'un d'autre puis on va se concentrer sur notre mission spécialisée. Pour
nous, c'est un élément très favorable d'avoir une augmentation d'accès sur le
médecin de famille.
Les autres éléments
sur l'accessibilité pour la médecine spécialisée, on peut juste être en accord
avec la disponibilité pour les délais de
réponse à l'urgence, la diminution des listes d'attente, les guichets d'accès
sur les consultations en médecine
spécialisée, avec des délais de priorisation clinique. À notre avis, ça va
augmenter encore plus l'accessibilité pour l'ensemble de la population
du Québec, entre autres sur notre mission spécialisée.
Mme
Lamarre : Oui. Ça, je
comprends, mais, en même temps, ce qu'on entend beaucoup des médecins de
famille c'est qu'ils disent :
Quand je demande une consultation à un médecin spécialiste, j'ai de longs délais,
je n'ai pas de retour de bilan, je
n'ai pas de retour de ce qui s'est fait dans l'évaluation. On entend aussi
les spécialistes nous dire : Quand le médecin de famille me réfère
un patient, j'ai un papier avec un mot écrit dessus. Comment vous voyez que ça,
ça va changer? Moi, ce que j'entends, c'est
qu'à ce moment-ci vous semblez voir que ça va peut-être
même donner un peu d'air à
l'intérieur. Et il me semble que là,
ce qu'on veut, c'est intensifier le travail de tout le monde, parce que
ça ne fonctionne pas, notre système.
Et ça ne fonctionne pas pas juste à cause des médecins de famille; il y a
une dimension, aussi, au niveau des
spécialistes, dans l'imputabilité et le sentiment d'être responsable de faciliter
et d'accélérer les choses qui doit être réciproque aussi
Mme Arbour
(Christiane) : Selon nous, les leviers spécifiés dans la loi et dans
le projet de règlement vont augmenter l'accessibilité puis la disponibilité de nos
médecins spécialistes à l'intérieur de notre centre hospitalier, mais
aussi il faut voir qu'on est disponibles...
Mme
Lamarre : Je m'excuse de vous... En quoi ils vont être plus imputables
de répondre vite aux médecins de famille?
Mme Arbour
(Christiane) : Bien, il y a des délais... Ce que j'ai compris dans les
règlements...
Mme Lamarre :
À l'intérieur de l'hôpital. Mais en externe?
Mme Arbour (Christiane) : Oui. En externe, au niveau des consultations
externes, il y a quand même des leviers qui sont nommés, de passer sur un guichet d'accès sur des demandes de
consultation, dans le projet de règlement, avec des obligations de donner une consultation dans des délais selon la
priorisation clinique, ce qu'on n'a pas actuellement.
Actuellement,
on travaille de mettre ça en place pour aider au patient qui est le plus
urgent, le plus cliniquement malade, qu'il soit vu en priorité par rapport
peut-être à un autre patient, puis ça fait qu'on augmente notre
accessibilité. On épure les listes d'attente
puis on permet d'avoir une meilleure disponibilité. On croit beaucoup à la mise en place de ces guichets-là, qui
devraient améliorer les délais de consultation pour la médecine spécialisée.
Si
la médecine spécialisée, aussi, est plus disponible pour les médecins de
famille, nous, par le relais, on va être encore plus disponibles pour les médecins de médecine spécialisée qui
ont besoin de consultations de soins tertiaires et quaternaires. On est convaincus qu'on est capables
d'y répondre. Ça fait que, pour nous, on pense que ça va
augmenter l'accessibilité pour la population. Mais pas juste pour la première ligne, parce qu'on a aussi un rôle important pour... on a aussi une prise en charge assez importante, dans notre volume d'activités, sur : Être disponible pour d'autres établissements de la communauté qui ont
besoin d'avoir un soin tertiaire ou
plus spécialisé. Il faut se rendre aussi très disponibles pour être capables de répondre à ces patients-là, parce
qu'on est en bout de piste, et ça, je pense qu'on est capables de livrer.
Mme Lamarre :
Est-ce que vous avez eu des réactions des médecins spécialistes par rapport aux
éventuelles pénalités? Le 10 %, 20 %, qui pourrait aller jusqu'à
30 %?
Mme Arbour (Christiane) : Les
commentaires qu'on a eus... Le projet de loi n° 20, compte tenu qu'on
n'avait pas beaucoup d'information sur les types de règlements qui seraient...
et les modalités d'application, il y avait beaucoup de préoccupations et de questionnements.
Puis on a fait notre mémoire dans ce contexte-là. Quand on a lu... Et les gens ont regardé assez rapidement, depuis
jeudi dernier, où on a eu accès à ces modalités de règlement là. Je vous dirais
que, pour la médecine spécialisée, les gens étaient assez sécurisés sur ce type
de règlement là et ils pensent qu'on est capables de répondre à ce qui
est demandé dans les projets de règlement.
M. Turgeon
(Jacques) : Il reste encore des zones d'interprétation. Souvent, «the
devil is in the details», là, mais... Il reste encore des zones à bien
clarifier, mais on voit au moins qu'un esprit est plus acceptable.
Mme Lamarre : Jean-François, as-tu
une question? Je vais laisser la parole à mon collègue député de...
M. Lisée : Merci d'être là. Alors donc, sur toute cette question,
on a entendu, de la part des deux grandes fédérations médicales, énormément d'inquiétude et
aussi une crainte des effets pervers que ça pourrait provoquer, surtout dans la
mesure où, et ça, on nous l'a dit, de
la part des scientifiques et d'autres, une réforme qui n'est pas acceptée
par ceux qui doivent la mettre en
oeuvre, ça ouvre la possibilité à toutes sortes d'effets pervers et de volonté de
ne pas appliquer les normes de la
façon dont le concepteur l'avait prévu. Est-ce que vous voyez, vous, la possibilité qu'il y ait des effets pervers à ces pondérations-là dans la recherche par les médecins spécialistes ou omnis
qui sont chez vous de gain maximal plutôt que d'efficience et de santé?
• (20 h 20) •
M. Turgeon (Jacques) : Je vous
dirais encore une fois : C'est quand on va voir les détails que l'on
pourra effectivement découvrir s'il y a des zones ou des
failles. La perspective, donc, globalement, dans le système...
On s'est concentrés, je vous dirais,
au cours des deux derniers mois à l'interne à regarder dans un contexte de CHU
quels étaient les principaux enjeux.
Et, dans notre mémoire, c'est ce qu'on a tenté d'identifier. Donc, en autant
que certains éléments soient adaptés
pour nous sécuriser, je vous dirais
que, dans le contexte d'un CHU comme tel, on est assez confortables avec ce qui est présenté. On n'a pas fait l'analyse
sur le système global; je pense que c'est à d'autres de s'y concentrer
dans ce contexte-là.
M. Lisée : Sur l'autre thème du projet de loi, la procréation assistée, on
est dans une situation où on a un projet qui veut enchâsser dans la loi des
balises très précises sur la période de relations sexuelles, sur le 42 ans, sur
l'illégalité après 42 ans d'avoir
accès, même en payant, à ce service-là. Et par ailleurs le Collège des médecins
est en train de préparer des lignes directrices qui peuvent bouger avec
la science. L'impression que j'ai, après avoir entendu, moi qui suis généraliste, ce qui a été dit ici, c'est qu'il
aurait été préférable de laisser un algorithme médical intégrant la plupart des
variables nous dire si une femme de 38 ans
ou de 44 ans a le niveau de risque ou de succès suffisant pour avoir la
procédure plutôt que d'enchâsser un âge comme 42 ans et des balises trop
strictes dans la loi. Qu'en pensez-vous?
M. Turgeon (Jacques) : Écoutez...
Dr Kadoch, peut-être.
M. Kadoch
(Isaac-Jacques) : En fait, parlons des balises. On en parle beaucoup à
cette commission. Les balises des
médecins sont imposées dès le début du programme public. Donc, il y a eu des
balises en termes de nombre d'embryons à
transférer, parce que la loi actuelle est assez laxiste. Et, si on a réussi à
diminuer le taux de grossesses multiples, c'est grâce à une prise en
charge et à une responsabilisation des médecins par eux-mêmes.
Donc, oui,
quand il y a eu le commissaire Salois, on lui a demandé de nous amener des
balises, mais il s'agissait surtout
de balises d'ordres éthique, sociétal. On a des problèmes de prise en charge de
patientes et on ne sait pas à qui s'adresser,
tout simplement. Donc, on voudrait avoir une structure centralisée qui pourrait
répondre à nos demandes...
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup.
M. Kadoch
(Isaac-Jacques) : ...en termes de balises sociétales et éthiques.
Mais, au niveau médical, on compte sur le collège, sur les sociétés
savantes, et c'est ce qu'on fait à tous les jours.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la
parole à notre collègue député de Lévis pour neuf minutes.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le
Président. Merci de votre présence, M. Deschênes, M. Turgeon,
Dre Arbour, Dr Kadoch. M.
Turgeon, content de vous voir, hein? Il y a des gens qui se demandaient si on
vous reverrait, avec les histoires des semaines passées. Alors, content
de vous voir ici avec nous.
Dr Turgeon,
je vais faire un petit bout de chemin sur la procréation assistée, avant de
revenir sur la pondération. Puis vous
en avez parlé, Dr Kadoch. Vous dites, et seulement pour information :
On avait, par exemple, des problèmes de
prises en charge avec des patientes et puis on souhaitait avoir des réponses,
en tout cas, à ces problématiques-là. De quoi parlez... Quels sont ces
problèmes?
M. Kadoch
(Isaac-Jacques) : Bien, ça ne veut pas... Il y a eu des cas qui ont
été médiatisés. C'est des cas qui peuvent...
qui ont été médiatisés. On a l'impression qu'il n'y a que ça, mais, en fait, il
faudrait rappeler que ça reste quand même
anecdotique. Au CHUM, on s'est posé la question très tôt de comment prendre en
charge ces patientes : Est-ce qu'il fallait les prendre en charge ou pas? Donc, on a créé un conseil
médico-psychosocial qui se réunit sur une base mensuelle, et tous les cas
problématiques sont discutés dans ce conseil. Les autres cliniques nous ont
suivis par la suite. Mais on a développé
une expertise, avec cette équipe multidisciplinaire, qui comprend des médecins,
des psychologues, des travailleurs sociaux, des éthiciens, et l'aspect
légal.
Mais, malgré
tout ça, il peut y avoir des cas très complexes — ce n'est pas la peine de s'étendre ici, on
en a eu plusieurs qui ont été décrits
dans les mémoires antérieurs — mais qui requièrent une réponse plus
officielle, centralisée, parce que ce n'est pas aux médecins de
dire : «Vous avez le droit» ou «Vous n'avez pas le droit».
M. Paradis
(Lévis) : Le programme de
procréation assistée est salué par tous, et on dit qu'on a fait des avancées
extraordinaires, qu'on nous cite en exemple.
Vous en êtes, hein, vous venez d'en parler, vous avez créé des comités, les éthiciens sont là, les spécialistes sont là.
Est-ce que l'application du projet de loi n° 20 dans sa forme actuelle,
concernant la procréation assistée,
risque de nous faire reculer par rapport aux gains que le Québec a faits, que
ce programme-là a faits au cours des quatre dernières années?
M. Kadoch (Isaac-Jacques) : Bien, en
fait, le programme est un exemple au niveau mondial, et le projet de loi n° 20, s'il est adopté tel quel, ça va le
mettre en péril, tout simplement. L'accessibilité des couples infertiles va
être diminuée de manière drastique,
et, en fait, le programme va s'étouffer et disparaître tout doucement. Mais, si
on a réussi, c'est grâce justement à
ce soutien ministériel et de l'État. Et malheureusement, s'il devait
disparaître, bien c'est la prise en charge de ces couples qui va en
pâtir.
M. Paradis
(Lévis) : Ce que vous dites
est corroboré par des gens qui sont venus aussi s'exprimer et craignent, concernant le programme... On s'est même fait dire que le programme
ratait sa cible dans sa formule telle que présentée, que les couples plus jeunes devraient oublier le
projet de famille ou que ça, à la limite, retarderait le fait de pouvoir avoir
recours, diminuant d'autant les chances de
succès. Et on a décrit la situation comme étant problématique, donc plus
d'accès pour les couples plus jeunes où les chances de succès sont plus importantes.
Sentez-vous cette urgence-là?
M. Kadoch
(Isaac-Jacques) : En fait,
on s'interroge, les spécialistes en médecine de la reproduction, sur des points
qu'il y a dans ce programme, parce qu'au niveau expertise il y a un consensus
pour dire que ça n'a pas d'allure. Tout simplement, ça n'a pas d'allure, les
limites d'âge, le fait d'avoir un cycle couvert avant 37 ans, un cycle après 37
ans, c'est-à-dire que ça oblige les
patientes à attendre 37 ans pour en faire un deuxième, tout simplement. Donc,
il y a un manque de logique dans la rédaction de ce projet de loi.
Et justement,
en tant que spécialiste, la société québécoise d'andrologie et de fertilité est
venue avec un mémoire qui est
complet, qui est bien fait, vous avez eu la chance de le lire, et ce mémoire
vient avec des solutions pour sauver ce programme, qui est un des succès
de la médecine au Québec. En fait, c'est un fleuron de la médecine au Québec,
ce programme, il faut le réaliser.
M. Paradis
(Lévis) : Je reviens sur le
dossier de la pondération. Vous en avez parlé, et je vous demanderai, parce
que vous l'avez analysé et vous dites, bon,
que, vous en avez pris connaissance, mais il y a d'autres éléments que vous
devriez étudier pour avoir un portrait
limpide de tout ce qui peut se passer... Je reviendrai sur la pondération
concernant l'enseignement, par
exemple, seulement par... Lorsque vous avez vu qu'on prenait pour acquis qu'une
heure d'enseignement, préparation de
cours, équivalait à un patient, faisons des calculs rapides, et vous l'avez
probablement fait, est-ce qu'une pondération
de ce type-là, au niveau de l'enseignement, qui demande du temps, de
l'implication, bon, etc., vous semble une pondération adéquate, un pour
un?
M. Turgeon
(Jacques) : Bien, écoutez, le commentaire que j'ai déjà fait, c'est
que, dans une réalité d'un CHU, où ce
n'est pas véritablement un enseignement qui est hors site, où je vais aller à l'université
donner trois heures de cours, mais
qu'à longueur de journée j'ai une pyramide de résidents, du R4 au R2, ou R1, ou
l'externe, l'interne qui passent, je suis
continuellement exposé à faire de l'enseignement, de quelle façon, pour ce
médecin généraliste qui est à l'urgence ou qui est aux soins palliatifs, parce qu'il veut montrer comment ce qu'on
va le faire... ou qui est à la clinique de douleur, ou qui est en toxicomanie, parce qu'on a, exemple,
des programmes de suivi de toxicomanies complexes... C'est notre rôle, on est
l'hôpital du centre-ville, on les voit, les itinérants avec des problèmes de
toxicomanies complexes. Bien, il faut les exposer. Ce n'est pas une heure de
cours. Donc, je vais avoir de la difficulté. Et c'est pour ça que ce que j'ai
dit, c'est que l'esprit est présent à
l'heure actuelle dans le règlement. On comprend que l'esprit est devenu
apparent. La modalité comme telle de l'appliquer doit continuer d'être
travaillée.
M. Paradis
(Lévis) : Et là j'irai... et
je vous pose la question : Est-ce que vous avez l'impression... Parce que
les gens sont venus nous dire aussi
qu'ils voyaient, dans cette grille-là, cette pondération-là, quelque chose de
difficilement calculable, que ça
pourrait engendrer bureaucratie, coûts, que ça va prendre des systèmes pour
faire l'analyse, parce que tout est en temps réel. La vulnérabilité d'un
patient, bon, en temps réel, peut être modifiée dans le temps. Êtes-vous équipés pour gérer ça? Est-ce que vous avez
l'impression, à la lumière de ce vous lisez, que ça risque d'engendrer — c'est un des effets pervers dont on parlait, parce que plusieurs l'ont
mentionné également — de la
bureaucratie supplémentaire et des coûts supplémentaires?
M. Turgeon (Jacques) : Bien, ce
qu'on sait, c'est qu'actuellement c'est difficile de le faire, et on l'a marqué
clairement dans notre mémoire, qu'une simple
approche par volumétrie va être difficilement applicable à notre réalité.
Ça, on en est
craintifs, et, oui, ça fait une bureaucratie. Puis comment, au bout de la
ligne... Je ne peux pas juste appliquer une formule dans le contexte d'un CHU. Ça, ça nous inquiète un peu, et
c'est pour ça qu'on parle qu'il y a encore des enjeux présents. Même si la complexité du cas, le fait de certaines
spécialités ou pratiques particulières pour des médecins généralistes
ont été reconnus, il faut que ça continue à évoluer. Je ne sais pas si tu veux
compléter.
Mme Arbour (Christiane) : Non, ça
va. C'est correct.
M. Paradis
(Lévis) : Est-ce que ces
inquiétudes font en sorte que vous remettiez en question... Et je comprends
que vous dites : On a vu... Et puis les
médecins spécialistes, vous en avez parlé, ont analysé et ont été rassurés,
dans la mesure où la chose est
possible... Est-ce que vous remettez en question cette grille, cette
pondération, cette application-là en fonction de ce que vous avez vu?
• (20 h 30) •
M. Turgeon (Jacques) : Bien,
écoutez, la bonne terminologie : je pense qu'il y a encore lieu et place à
de la modulation, parce que le fond est là,
mais il y a de la place à de la modulation. Et notre rôle... On vient ici ce
soir pour dire : Je pense qu'il
faut continuer à travailler pour moduler ces grilles de pondération ou
d'évaluation véritablement du temps. C'est difficile à
définir, c'est quoi, un temps plein universitaire quand... C'est facile de le faire si j'ai trois
heures de cours magistral à donner à l'université, mais ça ne l'est pas
dans un contexte différent.
M. Paradis (Lévis) : Mais sur le
principe...
La Présidente (Mme Montpetit) : Je
vous remercie. Malheureusement, c'est tout le temps que nous avions. Dr Kadoch,
M. Turgeon, Mme Arbour, M. Deschênes, je vous remercie pour les échanges
avec les parlementaires.
Je suspends donc les travaux pour quelques
instants et j'invite le prochain groupe à prendre place.
(Suspension de la séance à 20 h 31)
(Reprise à 20 h 36)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors,
à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos débats. Nous recevons
maintenant les représentants de l'Association québécoise des retraités-e-s
des secteurs publics et parapublics. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de
présentation. Peut-être, pour les fins d'enregistrement, bien prendre le soin de vous nommer et ainsi que
préciser vos fonctions. Par la suite, vous disposerez d'une période de temps pour débattre avec les
parlementaires. Alors, la parole est à vous.
Association québécoise
des retraité-e-s des
secteurs public et parapublic (AQRP)
M.
Tremblay (Donald) : Alors,
bonsoir, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Permettez-moi
d'abord de vous présenter ceux qui
m'accompagnent. À ma droite, j'ai M. Normand Bérubé, qui est le premier
vice-président de l'Association
québécoise des retraité-e-s du secteur public et parapublic, de même que M.
Gabriel Pinard, qui est directeur général de notre association, et
moi-même, Donald Tremblay, je suis président de cette association.
Alors,
d'abord, nous voulons vous remercier de nous permettre de faire entendre notre
voix sur ce sujet-là, une voix que nous considérons d'abord et avant
tout une voix citoyenne. Et, dans le cadre du projet de loi actuel, ça nous apparaît très important qu'il y ait une voix
citoyenne également, puisque le patient semble être au coeur de cette réforme.
Et disons que nous en sommes probablement des utilisateurs réguliers également.
Deux, trois petits points sur lesquels je veux
attirer votre attention. D'abord, nous sommes une association de 30 000 membres. Nous sommes des citoyens
retraités avec une moyenne d'âge de 71 ans et, pour plusieurs, comme je le
soulignais tout à l'heure, des utilisateurs
des soins de santé. Et, également, un autre point sur lequel je veux attirer
votre attention, c'est le fait que,
parmi nos 30 000 membres, il y a plusieurs personnes qui ont travaillé
dans le réseau de la santé et des
services sociaux, que ce soit comme cadres, gestionnaires, intervenants,
professionnels ou travailleurs de la santé. Alors, nous avons été témoins, je dirais, de plusieurs réformes au cours
des dernières années. Alors, c'est là-dessus aussi que nous nous
permettons de nous prononcer sur un certain nombre de choses.
Troisième
élément sur lequel je veux attirer votre attention, c'est que vous verrez qu'on
ne s'attardera pas beaucoup aux
aspects du projet de loi qui touchent la procréation assistée. Compte tenu de
notre âge, on a dépassé largement le 42 ans qui semble être l'âge
requis.
Puis enfin,
bien, vous allez voir aussi qu'on a de nombreuses questions concernant le
projet de loi, compte tenu que nous
ne sommes pas des experts ou, je dirais, des acteurs directement concernés par
le projet de loi. Cependant, nous en sommes les bénéficiaires directs et
ceux qui sont visés.
Alors,
l'AQRP, c'est une association de retraité-e-s du secteur public et parapublic,
comme je le mentionnais, une
association qui est indépendante, qui existe depuis 1968. Alors, nous sommes
plus de 30 000 membres qui oeuvrent principalement dans... qui ont oeuvré, pardon, principalement dans le
milieu de la fonction publique, santé et services sociaux, éducation, municipalités, différentes
sociétés d'État, bref, des gens qui ont travaillé de près ou de loin dans la
fonction publique et parapublique.
Nous
sommes regroupés au sein de 17 conseils régionaux, donc un peu partout dans la
province. Et nous avons avec nous
aujourd'hui, en appui, quelques personnes bénévoles qui sont avec nous ce soir,
parce qu'on parle de 500 bénévoles dans notre association.
• (20 h 40) •
Alors, au
cours de notre dernier congrès, pas plus tard qu'en juin dernier, aussi curieux
que ça puisse paraître, nous allions
un peu dans le même sens que le projet de loi n° 20 vise, c'est-à-dire une accessibilité à des soins de santé. C'est une des principales préoccupations que les membres de notre association ont identifiées pour les prochaines années.
Alors, comme
je vous le disais, on a plusieurs interrogations à vous soumettre concernant ce projet de loi qui nous apparaît intéressant, mais pas tout à fait complet, à notre sens. Alors, on s'est concentrés
sur deux aspects plus particuliers, c'est
l'accès aux soins de première ligne et le respect des droits et de la dignité
des personnes aînées et retraitées du Québec.
Alors, d'abord,
on tient à réitérer notre immense respect pour les médecins et les intervenants
qui travaillent dans le réseau. Toutefois, on a pu constater un certain
nombre de difficultés importantes quand même qui méritent d'être soulevées, à notre avis. Alors, on
souhaite attirer l'attention des membres de la commission sur les principaux
aspects suivants, que je vais vous
nommer, et qui sont révélateurs, là, des principales... ou, je dirais, des
principaux défis qui prévalent dans le réseau de la santé et des
services sociaux.
Alors, depuis
un grand nombre d'années, je dirais, c'est un même refrain qu'on
entend : Quand est-ce qu'on aura accès...
tous les Québécois, Québécoises auront accès à un médecin de médecine familiale dans un délai raisonnable, tout
en conservant la dimension publique de notre
système de santé? Alors, le nombre de personnes en attente d'un médecin de famille et inscrites à un guichet d'accès pour clientèle orpheline a
augmenté de 14 % en six mois...
dans la dernière année, pardon. De
plus, il y aurait le quart des groupes de médecine familiale qui n'ont toujours
pas atteint les cibles de patients qu'on leur avait fixées, et une
trentaine d'autres se sont même vus infliger des pénalités financières pour non-respect de l'entente. Entre 2007 et 2012, les
données de la RAMQ nous indiquent une hausse de l'effectif médical de 8 %, tandis que le nombre d'actes médicaux
diminuait... des actes médicaux donnés par les omnipraticiens diminuaient
de la même proportion, soit 8 %. En
même temps, la rémunération a pourtant été augmentée de 35 %. Donc, on
pense que l'unique question de la rémunération et des quotas ne règle
pas tous les problèmes.
Un Sondage
national des médecins, en 2013, nous indiquait — puis, ça, ça peut paraître un peu
paradoxal — que près d'un médecin spécialiste sur trois prévoyait
diminuer son nombre d'heures hebdomadaires de travail au cours des deux
prochaines années, alors que seulement à peu près 10 % prévoyaient
l'augmenter. En plus, 5 % prévoyaient augmenter
leurs heures de garde, alors que près de 20 % envisageaient de les
diminuer. Dans un contexte comme celui-là, comment on peut améliorer
concrètement l'accessibilité aux soins dans ces conditions-là?
Un mot sur
l'informatisation du système de santé, ou, plus particulièrement, de
l'informatisation du Dossier santé. Alors,
les problèmes de déploiement qu'a connus le Dossier santé, on peut dire qu'il y
a eu un certain dérapage, et les coûts ont triplé depuis le début de son
implantation. Le Sondage national des médecins de 2014 révèle que 50 % des
médecins omnipraticiens pensaient à commencer à utiliser ces dossiers
électroniques; 50 % pensaient commencer à l'utiliser au cours des deux prochaines années puis 61 % des
médecins spécialistes interrogés ont répondu par la négative. Donc, ils
ne comptaient pas l'utiliser. Où est-ce qu'on s'en va, M. le ministre, avec ce
Dossier santé informatisé?
À la lumière
des problématiques exposées, il devient manifeste que la seule problématique de
la rémunération et de la mécanique
des quotas des médecins omnipraticiens et spécialistes, telle que le projet de
loi le présente, ne saurait à elle seule redresser la situation.
Également, on veut souligner les querelles qui
existent entre les différents intervenants, parce que, dans une certaine mesure, ça insécurise grandement les
personnes aînées et retraitées et instaure un climat de tension qui est aux
antipodes de nos attentes collectives.
L'AQRP craint notamment que ce conflit, au lieu d'amener des solutions
concrètes et constructives au problème
d'accès dans le système de santé, se transforme plutôt en guerre de clocher et
prenne ultimement les usagers en
otages au cours des prochaines années. On a l'impression d'intervenir dans une
discussion de contrats de travail actuellement.
Du côté gouvernemental, la méthode de force et
de confrontation, récemment utilisée par le bâillon, telle qu'utilisée pour l'adoption, par exemple, du
projet de loi n° 10, n'est pas, selon nous, un moyen très respectueux et
efficace de faire valoir la
pertinence et la nécessité d'un projet de réforme comme celui que propose la
loi n° 20. En ce qui concerne les
médecins, nous déplorons et nous trouvons inapproprié que certaines personnes
qui pratiquent la médecine menacent de
quitter le réseau public et de s'exiler hors frontières. À notre avis, il faut
que ce genre de moyens de pression cesse dans les meilleurs délais.
Jusqu'à
maintenant, les projets de loi n° 10 et n° 20 n'ont toujours pas
abordé des problématiques criantes dans le réseau et qui mériteraient d'être débattues. Même si nous sommes en
accord avec les grands objectifs de la réforme actuelle — je vous
l'ai dit, nos membres en ont fait leur priorité, l'accessibilité aux soins de
santé — elle
déplore que le débat actuel soit
presque uniquement accaparé par des considérations techniques, salariales et
financières. Afin de corriger ce
déséquilibre et d'envoyer un signal fort aux personnes aînées et retraitées,
nous demandons à ce que les enjeux suivants en matière d'accès fassent dès maintenant l'objet de discussions
intenses entre les parties. On pense que l'accroissement du rôle des autres professionnels du réseau de la
santé et des services sociaux contribuerait grandement à l'amélioration de la fluidité et de la performance du système. On
pense qu'on doit s'attarder aussi... parce que, quand on parle d'accessibilité aux soins ou d'accessibilité aux
médecins, on pense aussi que c'est réducteur de s'attarder à ça seulement, et on pense que les listes d'attente,
par exemple, dans les ressources intermédiaires et les centres d'hébergement
de soins de longue durée, mériteraient une
attention particulière; la hausse de certains tarifs qui concernent les soins
et les services de santé pour les
personnes âgées de 65 ans et plus inquiète également; les tarifications
illégales des tarifs par rapport à des frais accessoires également; et
l'avenir du Dossier santé.
Alors, je conclus. Les
personnes retraitées comme le reste de la population s'attendent à ce que la
réforme enclenchée produise un résultat en
particulier : la plus grande accessibilité à des soins au Québec. Cette
accessibilité ne doit pas seulement
se calculer à partir d'une inscription nominative dans un répertoire à un
guichet ou une liste, mais plutôt à la
lumière d'une plus grande ouverture dans le système en permettant aux usagers,
et je pense que ça, c'est important, d'avoir
accès à de nouvelles portes d'entrée pour recevoir des soins. Le Québec doit
donc se doter de nouvelles clés, car l'accès prend tout son sens lorsque
les soins et les suivis sont réellement prodigués.
Le projet de
loi n° 20, jusqu'à maintenant, n'apporte toutefois aucun élément de
réponse sur cet accroissement des responsabilités des autres professionnels de
la santé ni de définition concrète de ce que représente l'accès réel aux
soins de santé. L'allégement de certaines
tâches historiquement dévolues aux médecins au profit d'autres intervenants est,
selon nous, non seulement possible, mais la
voie à privilégier afin de favoriser de façon maximale toutes les composantes
et les valeurs ajoutées du système de soins.
Avoir accès au bon professionnel, au bon endroit, au moment opportun, voilà
l'objectif qui devrait être visé par une
réforme de notre système d'accessibilité aux soins. Comme l'AQRP l'a souligné
dans ce mémoire, si les partenaires ne sont
pas motivés à travailler ensemble, ça va être assez difficile d'arriver à l'aboutissement d'un projet viable.
L'accessibilité des soins de santé et la dignité des usagers, voilà la
véritable priorité.
Et pour terminer, je vais passer la parole à mon
collègue de droite qui va vous relater un certain nombre de questions que nous
avons et qui ne nous semblent pas avoir été répondues dans le cadre du projet
de loi.
Le
Président (M. Tanguay) : Pour que vous ayez le temps, parce
que je ne voudrais pas que vous vous priviez du temps d'échange avec les parlementaires, vous
avez déjà excédé de trois minutes, alors, je vous l'indique, là, vous êtes
sur le temps du ministre. Ça lui fait
plaisir, donc, de vous céder ce temps, mais je veux juste vous envoyer les bons
signaux, là.
• (20 h 50) •
M. Bérubé
(Normand) : Merci. M. le
Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, tel que nous l'avons
souligné, l'AQRP a préféré concentrer son
intervention sur les zones floues du projet de loi n° 20 et, plus globalement,
sur les incertitudes que crée logiquement un
mégaprojet de réforme dans un secteur aussi névralgique que celui de la santé
et des services sociaux.
C'est pour
pallier ce manque d'information que l'AQRP, dans son mémoire, demande au
ministre de clarifier les éléments
suivants : Comment la réforme contenue dans le projet de loi n° 20
peut-elle renverser la tendance selon laquelle le système de santé québécois est, en matière de délais d'attente,
sous-performant? Comment la réforme, contenue dans le projet de loi
n° 20, peut-elle se réaliser si les ressources informatisées mises à la
disposition des médecins sont incomplètes et
non répandues à l'échelle du réseau? Comment la réforme contenue dans le projet
de loi n° 20, pourtant axée sur une meilleure collaboration sur le
terrain, peut-elle être efficace dans un climat marqué de contestation et de résistance? Comment la réforme contenue dans le
projet de loi n° 20 peut-elle empêcher la surfacturation de certains soins
jugés moins rentables pour les médecins?
Comment l'impératif de productivité et de résultat, auquel se greffe un
important dispositif de sanctions, peut-il favoriser une relation
patient-médecin axée sur le respect, l'écoute et la compassion? Comment
l'imposition d'un quota de patients et d'un financement à l'activité pourra-t-elle
créer une plus grande coopération et
valoriser davantage les effectifs professionnels qui oeuvrent dans le réseau?
Comment le gouvernement, en vertu de la réforme actuelle, entend-il
augmenter l'accès et diminuer les listes d'attente en hébergement pour les personnes aînées en perte d'autonomie? Comment le
gouvernement entend-il éviter l'explosion des tarifs liés aux soins et services dispensés aux personnes aînées en perte
d'autonomie? Et finalement comment le gouvernement entend-il, en vertu du projet de loi n° 20, empêcher la
facturation illégale de frais accessoires dans le système de santé? Pour la
conclusion, je repasse la parole à M. Tremblay.
M. Tremblay (Donald) : Alors, voilà,
c'est ce que nous avions à vous présenter. Comme vous voyez, on a beaucoup... Je dirais qu'on présente un appui aux
objectifs de ce projet de loi là. Comme vous le voyez, par exemple, on a
beaucoup de «cependant» et de «comment». Alors, voilà. Bien, merci beaucoup de
nous avoir écoutés.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, après répartition du
temps, donc, 15 min 30 s plutôt que 10, il n'y a pas de
problème. Donc, M. le ministre, vous disposez d'un bloc de
15 min 30 s pour discuter. Alors, la parole est à vous.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, M. Tremblay, M. Bérubé
et M. Pinard, bienvenue. Ça me tente de vous demander dans quels
secteurs vous étiez. Étiez-vous, l'un d'entre vous, en santé?
M.
Tremblay (Donald) : J'ai
travaillé 30 quelques années dans le réseau de la santé et des services
sociaux, dans un CLSC, comme intervenant professionnel, oui.
M. Barrette : Bon. Ça fait que vous
avez vu de l'intérieur les hauts et les bas de notre système.
M. Tremblay (Donald) : On peut dire
ça.
M.
Barrette : Avez-vous vu plus les bas, là? Mais il y avait des hauts
quand même, j'en suis convaincu, là, dans ce que vous avez vu, il y a
toujours quelque chose de bien, là, malgré tout, même si c'est imparfait.
Alors, merci
d'être venus aujourd'hui nous faire part de vos commentaires, et de nous avoir
présenté votre mémoire, et de nous
avoir fait cette allocution. Et je vais commencer par... pas parce que je veux
les évacuer, là, mais c'est parce que
ce n'est pas la portée du projet de loi n° 20. Et
vous nous posez des questions auxquelles je ne vais pas répondre, parce
que ce n'est pas dans la loi n° 20. Les
questions sur les tarifs, sur l'hébergement et les frais accessoires, le projet
de loi n° 20 ne s'adresse pas à ça.
Vous avez
raison de poser des questions, là, mais, compte tenu du fait que le temps passe
et que je préfère... pas «que je
préfère», là, c'est le mauvais mot, mais que j'aimerais qu'on puisse avoir des
échanges sur le projet de loi n° 20, je vais laisser ce débat-là à
un autre moment, dans d'autres circonstances, si ça arrive, puis c'est possible
que ça arrive. Maintenant, M. Tremblay, vous m'avez fait sourire.
M. Tremblay (Donald) : Je vous ai
fait sourire?
M.
Barrette : Oui, puis je vais vous dire pourquoi, à part de ça. Vous
posez des... vous tirez des conclusions qui vous sont propres, puis je ne conteste pas le fait que vous... c'est
votre droit, là, et on va en discuter dans un instant, mais vous
reprochez au projet de loi des aspects techniques, que vous qualifiez de
techniques, mais vous appuyez votre raisonnement
sur exclusivement des éléments techniques. Tous les chiffres que vous avez
donnés et que j'ai pris en note... que
je savais, mais je trouvais ça intéressant de voir jusqu'où vous iriez dans la
série des données techniques pour appuyer votre raisonnement et votre présentation. Vous avez raison sur tout ce
que vous avez dit. Tout ce que vous avez dit est exact, mais ce sont des éléments techniques sur lesquels vous appuyez
votre intervention, et la question que vous m'avez demandée, c'est :
Où s'en va-t-on — je
l'ai noté — si on... ce problème sur la base d'une
rémunération et de quotas? Mais c'est
parce que les éléments que vous identifiez comme problématiques sont évidemment
techniques, et l'approche est en partie
technique. Mais, à un moment donné, c'est parce que, si on fait le diagnostic
du problème sur la base de ce type d'élément là, encore faut-il, à mon
avis, puis vous pourrez me contredire si vous le voulez, là, je vais le prendre
très positivement malgré tout... À un moment donné, il faut répondre à ça
aussi, là.
Quand vous
dites : Les médecins disent qu'ils ne se... Écoutez, vous avez raison, ils
ne se serviront pas du DME, là, d'un
dossier électronique, vous avez raison, c'est exactement ça. Moi-même, ça me
stupéfait à chaque fois que j'en parle. Il n'y a pas 35 % des médecins aujourd'hui qui sont informatisés,
et ce n'est pas le gouvernement qui les empêche, et ce n'est pas au gouvernement... Le gouvernement n'a
pas les pouvoirs de s'acheter un ordinateur, là, et il n'a pas le pouvoir d'aller forcer à s'acheter un dossier
électronique. On n'a pas ce pouvoir-là. Alors, vous avez raison quand les
médecins disent qu'ils vont baisser
le nombre d'heures, là. Les sondages, c'est exactement ça. Et vous avez raison
quand vous parlez des cibles,
l'augmentation du nombre de médecins, la baisse du nombre de services. C'est la
raison pour laquelle le projet de loi existe.
Et vous
trouvez dommage que le projet de loi soit sur la base d'un contrat, que ça
ressemble à un contrat. Bien, là-dessus,
je vais vous dire ce que j'ai déjà dit à plusieurs reprises : Bien oui,
c'est sur cette base-là, parce que, dans notre esprit, il y a un contrat, non pas formel, mais implicite, entre la
société et ses médecins, et ce contrat-là implicite n'est pas respecté. Et c'est la raison pour laquelle
vous êtes ici aujourd'hui, là. Vous êtes ici parce que vous trouvez que vous
n'avez pas l'accès auquel vous pensez avoir
droit, puis je suis d'accord avec vous, et vous pensez que vous devriez l'avoir
et que quelque chose devrait être fait.
Maintenant,
je vous pose la question, là : À part le projet de loi n° 20, là,
c'est quoi, les autres moyens pour me rendre
là? Alors, vous avez été dans le système longtemps, vous avez été dans le
système public dans divers domaines longtemps.
Et il y a des secteurs, dans la société publique, là, dans la partie publique
de la société, où, s'il n'y a pas des consensus spontanés, bien,
peut-être que, des fois, il faut faire quelque chose. C'est un peu le principe
de la lumière rouge. Bien des gens passent
sur la lumière rouge à 3 heures du matin, mais en regardant bien comme il faut
à droite, à gauche, en avant puis en
arrière, là, ce qu'ils ne feraient jamais de jour. Ils vont regarder à gauche,
à droite, en avant puis en arrière, mais ils vont arrêter sur la lumière
rouge puis ça ne leur passera pas par la tête.
À un moment
donné, il faut que quelque chose se passe, et ce n'est pas parce que...
J'allais dire : À partir du moment où on constate que l'approche
dite consensuelle de négociation, de discussion, de collaboration, de
respect... À un moment donné, quand ça ne marche pas, là, on fait quoi?
M. Tremblay (Donald) : C'est votre
question?
• (21 heures) •
M. Barrette : Oui. Bien, je vous
demande d'aborder ça sous cet angle-là, parce que tout ce à quoi vous souscrivez... c'est-à-dire que tout ce que vous
présentez comme objectifs, on souscrit à ça, c'est ça qu'on veut faire. Mais,
à partir du moment où, comme vous l'avez
constaté vous-même et bien énuméré, on constate année après année que ça
n'arrive pas, bien, ça n'arrive pas. Et, si
vous voulez, là, je vais vous donner l'exemple type, puis je vais le donner
pour le bénéfice aussi des autres parlementaires et de ceux qui nous
écoutent.
L'élément le moins compris de la réforme, du
projet de loi n° 20, le moins compris et qui a l'effet le plus dévastateur, dans le bon sens du terme, le levier
le plus grand — bien,
c'est incompris, là, des gens qui sont... la plupart des gens qui sont ici, là, de l'autre bord — c'est l'assiduité, le taux d'assiduité.
Parce que le taux d'assiduité, pour l'obtenir, ça oblige le changement de pratique, ça oblige le travail
interdisciplinaire, ça oblige la disponibilité, ça oblige l'accès adapté.
Parce que l'assiduité — et même si je la mettais dans un
groupe — pour y
arriver, il faut que le médecin soit disponible, disponible dans son entièreté. Ça veut dire que le médecin, là, il faut
que son organisation, qu'elle soit soit à son cabinet soit son GMF, donc l'organisation collective de médecins, fasse en sorte que le patient ait une porte
ouverte chez soit le médecin tout seul soit le groupe de médecins en GMF
ensemble, parce que ce pourcentage-là, il est vérifiable, et sa non-atteinte
génère un ajustement tarifaire. Alors, l'assiduité, là, fait exactement ce que
vous recherchez. Et ça, c'est l'élément le
moins compris de tout le monde. C'est, pour paraphraser la fédération des
résidents, qui est passée aujourd'hui, là, l'élément le plus machiavélique de la chose, parce que
ce mot-là génère un comportement qui, lui, génère des résultats, et la
non-atteinte du résultat génère un ajustement tarifaire.
Si vous avez un autre
chemin, M. Tremblay, je vous dis, là, dites-le-moi, ça m'intéresse.
M. Tremblay (Donald) : D'abord, deux choses dans votre intervention. Je
suis bien content, parce que, quand on
s'en vient dans une commission
parlementaire, on se demande toujours
comment est-ce qu'on va s'entendre avec le ministre qui présente le projet de loi, puis je vois qu'on s'entend sur un certain nombre de choses, alors, ça
fait toujours plaisir. Je suis content de vous fait sourire également,
et je suis content que vous nous donniez raison sur ce qu'on avance.
Cela
étant dit, pour nous, l'accessibilité aux médecins de famille, lorsqu'on
a réfléchi là-dessus, puis je pense que peut-être on a mal... on s'est
mal exprimés ou on n'a pas bien passé notre message, pour nous, l'accessibilité
aux soins de santé, comme je vous
l'ai dit, c'est quelque chose qu'on souhaite puis c'est quelque chose qui est visé ou que l'objectif
du projet
de loi n° 20 vise. Cependant, là où nous, on a des bémols à apporter,
c'est qu'aussi curieux que ça puisse paraître, est-ce que
l'accessibilité aux médecins de famille, telle que conçue dans le projet de
loi, doit nécessairement passer par l'accès
direct aux médecins de famille? Et c'est là qu'on dit, nous : On pense que
les autres professionnels de la santé, qu'on
pense aux infirmières, physiothérapeutes, etc., nommez-les... quelle est la
contribution qu'ils pourraient avoir dans l'accès aux soins de santé, et élargir cette notion-là d'accès aux
médecins de famille pour parler d'accès aux soins de santé.
On
a dit : Le client ou le patient qui a un problème de santé quelconque, que
ce soit d'ordre physique ou mental, où
est-ce qu'il peut rencontrer le bon professionnel au bon moment pour le
problème qu'il vit? C'est ça qu'on dit, nous, dans notre mémoire. On dit : Est-ce que c'est nécessaire d'avoir
accès direct au médecin de famille? Il y a des fois où on pourrait probablement avoir un médecin de famille,
mais ce n'est pas vrai que ça nécessite toujours un médecin et ce n'est pas toujours le médecin qui est nécessairement la
meilleure ressource pour le problème que le client présente. Alors, c'est
dans cet esprit-là que nous, on aborde le sujet.
M. Barrette :
C'était... Je m'excuse, là, est-ce que vous aviez terminé?
M. Tremblay
(Donald) : Non, allez-y.
M. Barrette :
Alors, c'est exactement l'essence du projet de loi n° 20, et je vais
revenir à l'assiduité. Pour le bénéfice de
tout le monde, vous allez voir où je voulais en venir il y a un instant. Ce
n'est pas toujours évident, puis ce n'est
pas un reproche que je vous fais, parce qu'il y a beaucoup de monde qui ne le
voit pas. En fait, la majorité des gens ne le voit pas, mais les médecins le
voient, par exemple. Ils ne le veulent pas, mais ils le voient, je peux vous le
garantir, puis comme je peux vous garantir qu'ils ne le veulent pas.
Alors,
l'assiduité, là, ce que ça fait, pour que le médecin respecte son chiffre, son
80 %, il faut qu'il soit disponible pour voir son médecin... pour
son patient, pardon, mais pour avoir son assiduité il faut que le patient
n'aille pas voir d'autres médecins. Mais,
idéalement, ce patient-là, pour qu'il voie son médecin, il faut qu'il le voie
pour quelque chose de nécessaire. Et
le médecin, lui, a intérêt à ce que son patient vienne chez lui, et non
ailleurs, ou, du moins, dans son GMF, parce
que ça va compter pareil. Donc, ce médecin-là — et là c'est là qu'est la clé, qu'est la
particularité — a
intérêt, pour avoir son taux
d'assiduité adéquat, à ne pas voir le patient quand ce n'est pas nécessaire que
lui le voie et que le patient soit vu par une infirmière, un travailleur
social, un pharmacien, un diététiste, et ainsi de suite.
Le
taux d'assiduité, c'est un taux à obtenir
à 80 % de fois où le patient...
Vous allez voir votre médecin, vous allez voir un médecin. 80 % des cas où vous avez besoin de voir un
médecin, il faut que ce soit le vôtre. Mais 100 % des fois, idéalement, là... Idéalement, il n'y a pas de
chiffre à 100 %, là, ça n'existe pas, ce taux-là, là. Mais vous, vous
voudriez, vous, que, dans 100 %
des fois où vous avez besoin de voir votre médecin, à moins que ce soit une
urgence, là, un infarctus, un accident de la route, un ACV, dans toutes
les autres circonstances non urgentes, là, ce que vous voulez, c'est que quelqu'un, à l'adresse où vous allez, le GMF, le
médecin, il y ait quelqu'un qui réponde pour votre besoin. Et votre besoin
n'a pas besoin d'être pris en charge
nécessairement par un médecin, vous avez raison, mais vous aimeriez que ce
besoin-là soit satisfait par
quelqu'un en qui vous avez confiance, avec lesquels... — parce que c'est des quelqu'un — qu'ils soient en équipe. Ça fait que, quand vous allez là, là, il y a une personne, il
y a une autre personne, il y a une autre personne, puis ça, c'est votre équipe de soins, et,
là-dedans, il y a un médecin. Mais vous avez raison puis vous ne voulez pas
voir un médecin tout le temps. Vous
pourriez très bien être vu pour un problème de suivi d'hypertension par une
infirmière, puis ça ne vous
dérangerait pas, manifestement, et vous avez raison. Mais, quand vous avez besoin
de voir le médecin, il faut qu'il
soit disponible. Conséquemment, à rebours, le médecin, lui, n'a aucun intérêt,
dans un scénario comme celui-là, là,
avec l'assiduité, à vous voir tout le temps à chaque fois que vous venez à
l'adresse. Il a intérêt à ce que vous soyez vu par une infirmière,
pharmacien, diététiste, dépendamment de votre problème de santé.
Il
a intérêt à ne pas vous voir quand ce n'est pas nécessaire que lui vous voie,
comme vous voulez avoir accès à un
service qui n'est pas nécessairement donné par un médecin, mais je pense que
vous voudriez que ce soit donné sur place, dans un point de service qui
donne tout. Corrigez-moi si je me trompe.
M. Pinard (Gabriel) : C'est ce qu'on veut, mais on ne voit pas ce que vous dites dans le
projet de loi. Nous, on voit plutôt
un climat de confrontation, une bataille de chiffres. C'est un énorme défi, la
réforme de la santé, vous le savez autant que nous, peut-être mieux que
nous. Et on pense que, sans la concertation, sans la collaboration de tous les
intervenants, on a beau taper sur une productivité de certains intervenants,
mais c'est plus large que ça, selon nous.
M.
Barrette : Bien, il ne me reste pas beaucoup de temps, puis je vais
tenter de vous rassurer. Vous savez, au moment où on se parle, là, sur le terrain, il y a déjà une onde de
choc — on va
l'appeler comme ça — et
encore dimanche soir,
là, j'étais avec des amis, dont des médecins de famille — imaginez-vous, il y en a qui me parlent
encore — qui me
disaient la chose suivante : C'est vrai
que c'est un «wake-up call», là, puis c'est vrai, là, qu'on est rendus là, là.
Alors, il y a bien du monde qui sont
déjà en train d'adapter leurs pratiques. Ce n'est pas vrai, là... C'est sûr
qu'il y a des organisations, là, qui
ont des principes, on va dire, on va appeler ça comme ça, à défendre, mais, sur
le terrain, là, les gens admettent, là, qu'il faut faire quelque chose, et là ça vient forcer la chose. Mais ce
que l'on propose, pour ceux qui le regardent objectivement, ça livre. Ça
va livrer la marchandise. Je peux vous assurer de ça.
Maintenant,
on verra dans un an, là, si la traversée du désert a été orageuse ou non, il va
faire chaud comme dans tous les déserts, mais, au bout de la ligne, je
pense que ça va être mieux. Je vous rassure là-dessus.
Le Président (M. Tanguay) : Je cède
maintenant la parole à notre collègue de Taillon pour 12 min 30 s.
• (21 h 10) •
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Bérubé,
M. Tremblay, M. Pinard, bonsoir. D'abord, je veux souligner le travail exceptionnel que vous
faites. Je reçois la revue Reflets à la maison et je la lis
régulièrement. Votre dernier numéro
était très bien documenté, bien formulé et pertinent, et ça nous donne, je
pense, un très bon indice de la
qualité des gens qui oeuvrent dans le secteur public et parapublic, même si
parfois ils n'ont pas toujours bonne presse, ils n'ont pas toujours la bonne perception. Je pense que vous traduisez
très bien la qualité, la rigueur et la volonté également de bien rester branchés avec les grands enjeux de
la société, puis on en a vraiment besoin, de votre contribution. Alors,
je vous remercie beaucoup.
Je regarde
vos questions. Effectivement, il y en a... on va prendre surtout celles qui
sont pertinentes à notre projet de
loi, mais il reste que, quand on parle d'accès, l'informatisation est un réel
problème, et vous avez tout à fait raison. Moi, la question que je me pose... En fait, j'entends le ministre... Je
vous ai entendus. Il me semble que ce n'est pas ça que vous disiez, puis
le ministre a repris comme si c'était ça que vous disiez, mais, quand je lis
votre mémoire, vous disiez : La bonne
personne au bon moment. Étonnamment, je n'avais pas complètement lu votre
mémoire avant ce soir et, dans la journée, j'avais utilisé cette
formulation-là. Demain, on va recevoir les infirmières, les pharmaciens, les
inhalothérapeutes, ça ne passe pas beaucoup dans le vocabulaire, dans le
discours du ministre actuellement.
Il fait
référence aux GMF. Les GMF, il y en a 268 au Québec, et c'est loin pour beaucoup
de personnes âgées, ce n'est pas
facile de se rendre jusqu'à un GMF, et, en région et dans beaucoup
d'endroits, ce n'est pas le point d'entrée facile d'accès. Donc, je pense qu'il
faut envisager d'autres options
aussi, il faut élargir. Tant mieux si on rend nos GMF plus performants, plus disponibles, où on a plus
facilement des heures d'ouverture allongées, des médecins disponibles, tant mieux, des équipes multidisciplinaires, mais
ça ne peut pas passer que par les GMF, pas en 2015, puis je ne pense pas
que ce soit non plus en 2020.
La semaine dernière, le ministre nous a déposé
un projet des orientations réglementaires pour nous aider à comprendre un peu les quotas et la pondération. Je
vous donne juste un exemple et peut-être... Je me dis, là, avec toutes les belles statistiques très pertinentes et très
justes que vous nous avez données, vous avez peut-être une idée, même si
ce n'est pas précis, ça peut être juste une idée, mais les personnes qui
ont des besoins complexes en perte d'autonomie sévère et qui doivent rester à
domicile, d'après vous, vous estimez qu'il y en a combien à peu près au Québec,
donc, personnes avec des besoins complexes, perte d'autonomie sévère qui
doivent rester à domicile?
M. Tremblay (Donald) : C'est très
difficile pour nous de répondre à cette question-là, nous n'avons pas les statistiques les plus récentes puis on n'a pas étudié
la question non plus. Mais, récemment, nous avions, pour un
autre sujet qui concerne le suicide
chez les personnes aînées, établi
qu'il y avait autour de 80 % à 85 % des gens qui demeuraient encore à la maison après 65 ans, alors c'est
une faible portion, puis là ça ne fait pas état de l'état de santé des
personnes, là, mais on va parler d'une quinzaine de pour cent, là, de
gens, là, qui vont vivre des situations plus particulières.
Mme
Lamarre : O.K. Parce que dans le... Peut-être que vous n'avez pas eu
le temps de le voir, parce que c'est un
document qui a circulé surtout auprès des parlementaires, ça a été publié quand
même sur le site, mais quand même. Le
ratio... Dans le fond, le projet de loi n° 20 prévoit qu'un médecin peut
prendre 33 personnes avec des besoins complexes, perte d'autonomie sévère, qu'il va suivre à
domicile — ces
33 patients là compteraient pour 400 patients, dans le fond — et qu'il
devrait en voir 608 autres. Donc, je ne sais pas si vous vous imaginez un
peu ce que ça représente comme réalité pour
un médecin de famille, là : il doit continuer à voir 608 patients
dans son bureau et il a 33 patients maximum, il peut en prendre moins, il
peut jouer avec ces ratios-là, mais 33 personnes qu'il irait visiter à
domicile. Quand on sait comment c'est
pertinent et comment on a besoin, là, de plus en plus... Et, comme on construit
moins de CHSLD, je pense qu'on a besoin d'avoir un soutien à domicile.
Comment vous
voyez ça, cette réalité-là, pour un médecin? Est-ce qu'il va avoir le goût de
prendre soin des gens à domicile avec
ce ratio-là ou s'il va préférer garder tous ses patients ambulatoires puis
dire : Moi, je prends juste mes 1 008 patients, je ne vais pas
à domicile? Comment vous voyez ça?
M. Tremblay (Donald) : En fait, vous
savez, on ne connaît pas tout à fait quel genre de pratique intéresse exactement
les médecins. On n'est pas en mesure de répondre à cette question-là.
Cependant, on peut vous dire qu'il y a des besoins de ce
côté-là, ça, on ne peut pas les nier. Qu'on pense à une personne de 80, 85 ans,
90 ans, qui a besoin de voir son
médecin, qui a son médecin de famille, qui est inscrite dans une GMF, mais que,
pour obtenir un rendez-vous avec ce médecin de famille là, elle doit passer
une heure, 1 h 15 min sur la ligne ou aller se présenter à cette
même GMF là à 6 heures du
matin pour réussir à rentrer à 8 heures et pour se faire dire :
Désolé, c'est complet pour votre médecin, ou : Désolé, le sans-rendez-vous est complet également, alors, c'est cet... Nous, là, on n'a pas vu, dans le projet de loi n° 20, des éléments qui nous
permettent de croire que ce genre de situation là va être réglé. Ça fait partie
des inquiétudes que les personnes vivent :
Comment est-ce qu'on va pouvoir avoir accès réellement aux services puis à une
personne qui va être en mesure de
nous répondre? Il y a évidemment la centrale Info-Santé, qui peut répondre en partie à certains besoins, mais, dans les
faits, c'est minime, là.
Mme
Lamarre : Vous faites
référence, dans votre mémoire... Le titre d'ailleurs... Vous avez dit : «...humaniser l'accès aux soins est une responsabilité
partagée.» Donc, la dimension de responsabilité populationnelle est importante.
En
supposant que les ratios du ministre et du projet de loi n° 20
actuellement soient exacts — il y en a beaucoup qui les contestent, là, mais en supposant qu'ils
sont corrects aujourd'hui — avec le vieillissement de la population, avec les changements démographiques, il va y avoir une
augmentation des besoins, un déplacement de certains besoins. Les médecins vont avoir automatiquement des pénalités
s'ils ne sont pas capables de réagir à ces changements démographiques là
ou à ces changements de besoins en système
de santé. Donc, le carcan dans lequel on est placé fait en sorte que, s'il y a
un déplacement de patients plus âgés,
s'il y a un volume plus grand, automatiquement, le médecin va tomber dans son
taux d'assiduité négatif et va voir
sa rémunération diminuée. C'est complexe, mais c'est quand même ça que ça
traduit, là, le projet de loi. Bien,
c'est ce que ça amène comme risque, comme potentiel dès qu'il y a des
changements, qui peuvent être plus régionaux aussi. Il peut y avoir une
nouvelle résidence pour personnes âgées qui se construit tout à coup à un endroit.
Il y a 500 personnes âgées qui sont là, qui n'étaient pas là trois ans
plus tôt. Et là, tout à coup, le volume et la demande
changent. Donc, ces gens-là, s'ils n'ont pas de médecin de famille, ils vont à
l'urgence. S'ils sont à l'urgence en P4, P5, ça diminue la rémunération,
là, des médecins de famille.
M. Tremblay
(Donald) : M. Pinard va débuter, puis je compléterai.
M. Pinard (Gabriel) : Nous, Mme la députée, on n'a pas fait une analyse approfondie des
chiffres. Nous, on pense qu'associer
les professionnels de la santé à une répartition des tâches pour répartir les
tâches correctement aux médecins de famille, d'une part, en faire un
projet partagé où tout le monde a la volonté de vouloir arriver à ça...
Et
nous, pour nous, là, l'accès à une porte de médecin, ce n'est pas l'accès à des
soins de santé. Alors, bien, si on dit :
Il a vu 1 500 patients, peu importe le nombre, pour nous, on n'est
pas assurés que c'est des soins de santé. Alors, c'est pour ça que nous,
on ne travaille pas vraiment sur les chiffres, mais on travaille plus sur
humaniser, concerter puis... Il y en a, des
professionnels de la santé au Québec qui veulent participer à ce projet-là,
c'est plus cette méthode-là que se chicaner sur des chiffres puis avoir
raison sur des quotas.
M. Tremblay
(Donald) : En complément, si vous me permettez, à notre sens, c'est un
mauvais motif de comportement que d'agir en
fonction d'éviter une pénalité. Parce que c'est ça qui se passe actuellement.
Des médecins vont choisir de
respecter les quotas ou les cibles en fonction d'éviter une pénalité. À notre
sens, ce n'est pas une bonne manière de travailler avec des gens,
premier élément.
Deuxième
élément, on pense que ça serait très important, au Québec, qu'on envisage d'une
façon beaucoup plus globale la santé
et qu'on mette à profit l'ensemble des partenaires. Et, quand je parle de
l'ensemble des partenaires, je pense
à tous les professionnels de la santé, quels qu'ils soient, incluant les médecins,
et autres professionnels, et un qu'on oublie souvent, le patient. Où
est-il, le patient?
Autre
élément inquiétant, dans tout l'aspect de la santé et des services sociaux
actuellement : d'un côté, on dit : On veut avoir un accès le plus possible aux médecins puis aux soins de
santé; parallèlement à ça, on entend, de la part du gouvernement, des coupes quand même relativement
fortes dans le domaine de la santé publique qui, elle, supposément,
travaille à faire en sorte que la population prenne en charge sa propre santé.
Alors,
il y a des paradoxes, là. Le ministère de la Santé ou le ministère de la
Maladie? On ne le sait plus. C'est des
questions qu'on pose, puis on voudrait que le débat s'élève un peu plus que
s'en tenir à des questions de quotas, de rémunération ou de toutes ces
considérations techniques.
• (21 h 20) •
M. Pinard (Gabriel) : Si vous me permettez un ajout, M. Tremblay, tout à l'heure, a
parlé : Où est le patient dans cette
prise en charge là? On pense que les patients aussi ont une part de
responsabilités pour ne pas engorger
le système inutilement. Il y a
une prise en charge de prévention puis de comportements, éventuellement peut-être une forme d'éducation populaire à faire
aussi, pour faire en sorte que le médecin est bien utilisé. Donc, c'est un
projet concerté qu'on pense qui pourrait éventuellement avoir un
meilleur succès.
Mme
Lamarre : C'est vraiment
très positif de vous entendre parce
que c'est ça qu'on souhaite. Des gens
qui se prennent en main, qui participent, le patient partenaire, c'est vraiment
ça qu'on veut, et votre vision, c'est vraiment non pas accès à un médecin, mais accès à des soins de santé, et à de la
prévention, et à des mesures de santé publique. C'est vraiment ça, et ça, c'est notre meilleure garantie qu'on
va réaliser des... D'abord, on va avoir une meilleure de qualité de
vie, mais on va réaliser des économies
aussi, on va réaliser des économies, définitivement. Et ça, malheureusement, là, on ne le voit pas beaucoup dans ça, mais je peux
témoigner que les gens de votre âge, que je côtoie beaucoup,
que j'ai côtoyés beaucoup
dans ma pratique, sont des gens très concernés par leur santé, pas par leurs
maladies seulement, par leur santé, et qu'ils veulent la
préserver et l'améliorer.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup.
Mme Lamarre : Merci. Merci encore.
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, je dois maintenant céder la parole au collègue de Lévis pour
8 min 30 s.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le
Président. M. Tremblay, M. Bérubé, M. Pinard, merci d'être là.
Évidemment,
il y a des notions de chiffres, hein, vous l'avez dit, et ce n'est pas la
vision... En tout cas, ce n'est pas avec cette loupe-là que vous voulez voir le projet de loi n° 20. Vous voulez vous concentrer sur le patient. Je
suis content. Je suis content parce qu'il est vrai qu'au centre du projet, bien,
c'est l'accessibilité, puis l'accessibilité, bien, c'est pour le patient. Les patients... pour plusieurs d'entre
eux, craignent... Et je vais y revenir dans un instant. Il reste que l'espèce
de médecine mathématique dont on a
parlé... Je vous ai parlé de grille de pondération. Il y a des gens qui ont dit
craindre le pire, que les clientèles
plus vulnérables pourraient être laissées pour compte au profit de l'atteinte
des quotas. Parce que c'est quand
même ça, le projet de loi, aussi, il y a cette notion-là. Et là arrive une
grille de pondération, que d'aucuns diront qu'elle est inapplicable puis
qu'elle est trop complexe, puis là il y a une histoire d'équivalence.
Au-delà de
ça, parlez-moi du patient, parlez-moi de l'aîné, ce qu'il entend depuis le
début du dépôt des mémoires. Se
sent-il vulnérable? Craint-il cette médecine mathématique? A-t-il l'impression
que, pour demain, les choses seront meilleures
si le projet de loi est adopté tel quel? C'est quoi, sa préoccupation, à celui
qui vous écoute, que vous représentez, qu'on n'entend pas suffisamment?
M.
Tremblay (Donald) : En fait,
c'est curieux que vous posiez la question, parce que, comme on vous le disait
d'entrée de jeu, on relève tout juste du
congrès d'orientation de notre association, et nos membres ont mis en priorité
l'accès aux soins de santé, et tout
ce qui concerne les soins de santé étant une priorité. C'est normal : plus
on avance en âge, plus la santé
devient importante, et plus la santé devient chancelante, plus elle prend de
l'importance, et on veut y voir, on veut la conserver le plus longtemps
possible.
Également,
l'autre élément que je peux vous apporter là-dessus, c'est que, quand, tout à
l'heure, je vous parlais de
17 régions parmi lesquelles... En tout cas, on a 17 régions, là, à
travers le Québec, et nous sommes tout juste en train de faire une tournée provinciale justement de nos
différents conseils régionaux, et nous savions que nous nous présentions
en commission parlementaire ce soir, et, comme ça, on posait la question :
Qu'est-ce que vous voudriez qu'on dise? Qu'est-ce
que vous voudriez que le ministre sache? Qu'est-ce que vous voudriez que les
décideurs voudraient... qu'est-ce que
vous voudriez qu'ils prennent en considération à l'égard de la santé et des
prestations de services? On a eu des réponses, je dirais, qui allaient autant à droite qu'à gauche, autant... peu
importe, mais je peux vous dire qu'il y en a qui disent : Enfin,
quelqu'un qui se préoccupe de l'accessibilité!
On a entendu ça, pour être bien honnêtes, puis
nous, on est fort contents de voir que les parlementaires se préoccupent de l'accessibilité, là. On est très
heureux de ça, là. Maintenant, c'est sur la manière... ou, comme M. le ministre
nous le disait tout à l'heure, peut-être
qu'on n'a pas bien lu le projet de loi, peut-être qu'on n'a pas bien lu entre
les lignes, peut-être qu'on n'a pas
bien compris ce que ça voulait dire, et tous les tenants et les aboutissants de
ce projet de loi là, mais toujours
est-il que nos membres sont fort heureux de la question de l'accessibilité, que
ça soit au centre. Maintenant, ce qu'ils disent : Concrètement, ça
va avoir l'air de quoi? Ça, on n'est pas capables de répondre à ça.
M. Paradis (Lévis) : L'objectif est
louable.
M.
Tremblay (Donald) : Parce
que ce qu'une personne veut savoir, là : Est-ce que je vais avoir une
réponse de quelqu'un lorsque j'ai un problème de santé physique ou de santé
mentale? Parce que ça arrive parfois qu'il y ait des problèmes de comportement,
des problèmes de situation, des problèmes... Bon.
M. Paradis
(Lévis) : Je comprends que
tous saluent l'objectif, vous venez de le dire, c'est l'accessibilité, tant
mieux! Puis allons-y parce que, vous l'avez
dit, réforme après réforme, on a la même problématique, et vous avez des
chiffres qui le démontrent : les temps d'attente pour les interventions,
pour les examens, pour les rendez-vous, bon, et
le reste. Ce que plusieurs questionnent, c'est la méthode. Ce que plusieurs
questionnent, c'est la façon d'y arriver. Faut-il être toujours punitifs pour permettre à un coureur
de fond de gagner une seconde par kilomètre? Est-ce que c'est mieux de marcher et de frapper derrière ou de le
laisser, en tout cas, par son propre jugement, avoir envie lui aussi
d'atteindre cette cible-là?
Et je reviens
à ce que vous disiez, vous avez dit tout à l'heure : On a comme
l'impression qu'il y a une espèce de climat puis de discours de
confrontation. Moi, c'est drôle, ici, j'ai entendu, depuis le début des pistes,
des mesures alternatives, des éléments de
solution proposés par des professionnels de la santé, encore faut-il qu'on
décide de tendre l'oreille puis ensuite de les mettre à profit.
Avez-vous
l'impression, à travers ce que vous voyez, que la chose est possible sans
passer par un projet de loi punitif pour plusieurs de ceux qui ont à s'y
retrouver?
M. Tremblay (Donald) : Là-dessus, M.
Paradis, je vous dirais ceci : J'ai toujours cru que toute réforme, tout changement, toute chose qu'on veut mettre en place
est créée deux fois : une première fois, elle est créée mentalement,
elle est imaginée, elle est sur papier, on y
réfléchit puis on aboutit à quelque chose, et elle est créée une deuxième fois
lorsqu'on la met en application. Et, lorsque les acteurs responsables de la
mise en application n'ont pas participé à la première
étape, à la première création mentale, c'est très difficile pour eux de
collaborer à la mise en place de la réforme. Alors, dans le cas qui nous
occupe, on a l'impression que les acteurs principaux, les principaux concernés
n'ont pas vraiment contribué à l'élaboration
et à la réflexion. On a l'impression que c'est une réforme qui part du haut
vers le bas et qu'on doit se
conformer à des règles arbitraires, probablement évaluées à leur juste valeur
quand on parle de quotas, mais il reste quand même que c'est un exercice, là, qui n'est pas le
fruit d'une réflexion collective sur le système de santé et
l'accessibilité aux soins.
M. Paradis
(Lévis) : Dans la mesure où
la collaboration et la consultation auraient permis d'arriver à un produit
potentiellement différent, et vous avez suivi aussi la commission, et les gens
que vous représentez la suivent, et s'inquiètent,
et manifestent leurs inquiétudes, avez-vous l'impression, quand les médecins
disent : Nous sommes capables d'arriver à une accessibilité et nous
avons envie de le faire sans passer par des règles complexes... Y croyez-vous?
M.
Tremblay (Donald) : C'est
une bonne nouvelle, en tout cas. C'est une très bonne nouvelle que les médecins
omnipraticiens ou les médecins spécialistes
tiennent ce genre de discours là. Il restera à voir de quelle manière ça va se
concrétiser.
M. Pinard
(Gabriel) : M. Paradis,
juste pour ajouter. Tout à l'heure, quand vous dites que ce que nos membres
pensent actuellement, ils suivent ça dans
les journaux et ils sont tout à fait d'accord, comme vous le disiez tout à
l'heure, sur l'objectif, mais ils
trouvent ça compliqué actuellement, là, de comprendre puis de voir où est-ce
qu'on s'en va avec ça, là. Ils sont perdus, là.
M. Paradis
(Lévis) : Et ces gens-là à
qui vous parlez et qui exposent leurs idées sont ceux qui demandent aussi,
à travers votre mémoire, des réponses à
d'autres questions, parce que, bien que ne faisant pas partie du projet de loi,
tout est intimement lié évidemment
sur la dignité et le suivi d'une vie de qualité pour nos aînés au Québec.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, ceci met fin à l'échange avec les parlementaires. Nous
remercions donc les représentants de l'Association québécoise des retraité-e-s
des secteurs public et parapublic.
Compte tenu
de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain après les affaires
courantes. Merci beaucoup. Bonne fin de soirée.
(Fin de la séance à 21 h 29)