(Douze heures quarante-sept
minutes)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission de la santé et des
services sociaux ouverte. Je demande
à toutes celles et ceux présents dans la salle de bien vouloir éteindre
la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 20,
Loi édictant la Loi favorisant
l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et
modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation
assistée.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Non, M. le
Président.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Tanguay) : Ce
matin, nous recevons les départements de médecine de famille des universités
de Montréal, Laval, McGill et de Sherbrooke ainsi que la Fédération des
médecins omnipraticiens du Québec. Nous ajournerons nos travaux à
18 heures.
De manière, évidemment, à permettre le plein
débat, j'aimerais recevoir des collègues consentement pour terminer cette séance-ci à 14 h 10. Y
a-t-il consentement pour terminer à 14 h 10?
14 h 10, il y a consentement. Nous, évidemment, réallouerons le temps de manière à être
équitables pour tous les groupes, qui, soit dit en passant, jamais nous
ne coupons dans le temps de présentation, qui demeure toujours 10 minutes.
Alors, bienvenue à vous, bienvenue à votre Assemblée
nationale. Vous disposez donc de votre 10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez l'occasion
de discuter avec les différents groupes, les représentants des différents
groupes parlementaires. Je vous demanderais,
pour des questions... pour des fins d'enregistrement, de bien
vouloir vous nommer et préciser vos fonctions. Et, sans plus tarder, la
parole est à vous.
Départements de
médecine familiale des universités Laval,
de Montréal, de Sherbrooke et McGill
M.
Pelletier (Jean) : M. le
président de la commission,
M. le ministre, Mmes et MM. les députés, chers concitoyens
et concitoyennes. Mon nom est Jean
Pelletier, je suis le directeur du Département de médecine de famille et de
médecine d'urgence de l'Université de Montréal et président de la table
des directeurs du Québec. Je suis accompagné de mes collègues des départements de médecine de famille des trois autres facultés :
Dr Guy Béland, de la Faculté de médecine de l'Université Laval,
Dre Miriam Boillat, en remplacement du Dr Howard Bergman, de la
Faculté de médecine de l'Université McGill, et Dre Marie Giroux, de la
Faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke. Nous remercions la Commission de la
santé et des services sociaux de nous offrir l'occasion d'exprimer le point de vue de nos quatre départements au sujet
du projet de loi n° 20. Ce point de vue est complémentaire à celui qui
a déjà été présenté ici par les doyens des quatre facultés de médecine
du Québec le 25 février dernier.
• (12 h 50) •
Nous reconnaissons, je dirais même que
nous connaissons au quotidien la
gravité des problèmes d'accessibilité vécus
au Québec depuis trop longtemps et souscrivons entièrement aux objectifs visés
par le projet de loi n° 20. Nous sommes toutefois en profond
désaccord avec le projet de loi lui-même ainsi qu'avec les approches
préconisées par le ministère pour atteindre ces objectifs. Nous sommes
convaincus que le projet de loi n° 20 risque d'être extrêmement dommageable pour l'implication des médecins dans
la formation de la relève. À moyen terme, le projet de loi n° 20 aura
donc l'effet contraire de celui qu'il vise, puisqu'il réduira l'accessibilité.
Nous voulons sonner l'alarme.
Les médecins
enseignants jouent un rôle déterminant et primordial pour l'accessibilité aux
soins pour les Québécois et les
Québécoises. En effet, notre rôle principal comme départements universitaires
est de former une relève de qualité et en
nombre suffisant pour répondre aux besoins de la population. En 2014, plus de
300 nouveaux médecins de famille ont complété leur formation dans nos départements, dans nos unités de
médecine familiale et dans les hôpitaux du Québec. En 2015, ce sera plus
de 350. Environ 1 000 résidents en médecine de famille sont
actuellement inscrits dans nos quatre programmes et entreront progressivement
au service de la population au cours des trois prochaines années. Un
demi-million de Québécois sont suivis par un médecin de famille enseignant ou
un résident en médecine de famille.
Ce projet de
loi propose de régler le problème de l'accessibilité en obligeant notamment
tout médecin omnipraticien, dans la
mesure prévue par règlement, à assurer le suivi médical d'un nombre minimal de
patients. Le règlement dont le projet
de loi n° 20 parle n'est pas encore connu, mais les propositions qui
ont circulé jusqu'à hier laissent entrevoir que les exigences seront élevées, de même que les risques
de pénalité en cas de non-respect des exigences. Nos collègues sont devant la perspective de devoir atteindre des
cibles difficilement atteignables à brève échéance. La pression sera forte
pour que les médecins de famille augmentent
leur présence auprès des patients, reléguant ainsi leurs autres tâches au
second plan. Les activités qui
risquent de nuire à l'inscription et au suivi des clientèles, dont les
activités reliées à l'enseignement, risquent fort d'être progressivement
délaissées.
Quelle est au juste la
contribution des médecins de famille à l'enseignement? Elle est indispensable.
Quelque 3 300 des médecins de famille
du Québec contribuent à la formation de la relève. Ils pratiquent et enseignent
la médecine au bureau, en GMF, à
l'hôpital, à l'urgence, en salle d'accouchement, à domicile, en soins
palliatifs ou en centre hospitalier de
soins de longue durée, répondant à la fois aux besoins de la population et aux
exigences de l'enseignement. Ce ne sont pas des paresseux.
Environ
800 de ces médecins de famille travaillent dans l'une ou l'autre des
48 unités de médecine familiale, les UMF. Ces UMF sont réparties partout au Québec, en ville et en région.
Elles préparent les futurs médecins de famille pour différents types de pratique et contribuent grandement à peupler
toutes les régions du Québec de médecins de famille compétents qui se mettent au service de la
population et contribuent à l'accessibilité. Sans leur apport, cette
accessibilité sera compromise. Les
étudiants et les résidents apprennent par la pratique, bien entendu, mais les
médecins enseignants doivent les encadrer de près, car ils sont
ultimement responsables de la sécurité et de la qualité des soins donnés aux patients vus par ces étudiants. Et, puisque le
programme de résidence en médecine familiale ne dure que deux ans et que
les compétences et les connaissances à
acquérir sont devenues, en 30 ans, très étendues, le travail des médecins
de famille enseignants est devenu plus exigeant.
Nous
nous permettons d'ajouter que, dans le cas des UMF, le projet de loi est venu
s'ajouter à une directive récente du
ministère, déposée le même jour que le projet de loi, qui bouleverse le
fonctionnement et le financement de ces unités de médecine familiale. Le cadre de gestion proposé réduit le financement,
contrôle le nombre et le type de professionnels qui pourront pratiquer dans les UMF et rend le financement dépendant
d'abord du nombre de patients inscrits, et le ministère a annoncé de façon unilatérale et non négociable
qu'il ne financerait plus les professionnels des UMF pour leurs tâches
d'enseignement, alors que leur contribution est essentielle et reconnue depuis
maintenant plus de 40 ans.
On demande aux UMF
d'être des milieux d'avant-garde, d'accueillir davantage de stagiaires tout en
formant plusieurs catégories de
professionnels de la santé, les résidents en médecine de famille, bien sûr,
mais aussi des étudiants en
médecine — les
externes — et des
infirmières praticiennes spécialisées en soins de première ligne, souvent
appelées superinfirmières, en
formation. Les UMF accueillent aussi des médecins diplômés à l'étranger pour
des stages d'évaluation, d'immersion
et de formation. Elles reçoivent également des médecins québécois à qui le
Collège des médecins du Québec a demandé de mettre à niveau leurs
connaissances pour respecter les standards de pratique.
D'autre
part, les médecins de famille s'acquittent de 20% à 60 % des tâches
d'enseignement auprès des étudiants de
première à la troisième année de médecine dans les facultés du Québec. Je le répète, la pression sera forte pour que
les médecins de famille accordent davantage
d'importance au nombre de patients inscrits et relèguent par le fait même
leurs autres tâches au second plan. Les activités reliées à l'enseignement
risquent d'avoir moins d'intérêt, moins de valorisation et d'être progressivement
délaissées.
Pour
compenser, le ministère semble considérer actuellement un système d'équivalence
où un certain nombre d'heures
d'enseignement équivaudrait à un certain nombre de patients inscrits, avec
diverses modulations pour des patients inscrits au nom des résidents. Ce
système d'équivalence sera compliqué, très lourd à gérer et ne pourra jamais
tenir compte de la complexité et de la variabilité des tâches d'enseignement à
effectuer.
Sans
la contribution des médecins de famille, les facultés ne pourraient offrir
leurs programmes de formation. L'enseignement
de la médecine est réglementé par des normes très élevées déterminées par des
organismes indépendants au Québec, au
Canada et en Amérique du Nord, ces organismes sont responsables d'autoriser nos
facultés de médecine à enseigner la
médecine. C'est déjà en ce moment un défi, de recruter et de maintenir le
nombre de médecins requis pour maintenir les activités d'enseignement.
Le projet de loi n° 20 risque de nous empêcher de former la relève.
Passons
maintenant au chapitre des solutions. Voici ce que notre réseau d'enseignement
s'engage à faire pour contribuer à améliorer l'accès des citoyens et
citoyennes à un médecin de famille.
Premièrement,
augmenter le nombre de patients vus dans les UMF en appliquant l'accès adapté
ou l'accès aux soins en temps
opportun dans toutes les UMF au plus tard le 1er avril 2017. Cette façon
d'organiser les horaires permet de donner un rendez-vous aux patients au moment où ils en ont besoin. Cette façon
de travailler, qui a fait ses preuves, a été mise en application au
cours des dernières années dans plusieurs de nos milieux et dans plusieurs
provinces du Canada.
Deuxièmement, faire
en sorte que toutes les UMF deviennent aussi des GMF au plus tard le 1er avril
2017, à condition que les directives GMF et
GMF universitaires tiennent compte des situations particulières, notamment dans
le cas de plusieurs GMF en région ou en émergence.
Troisièmement,
s'assurer par ces deux premières mesures que tous les finissants de nos
programmes de formation en médecine
de famille soient formés en accès adapté et en GMF au plus tard le
1er juillet 2017 et qu'ils soient ainsi en mesure de contribuer rapidement et de manière efficace à la prise en
charge d'un plus grand nombre de patients dès leur arrivée en pratique.
Quatrièmement,
continuer à former des médecins de famille en nombre suffisant. Entre 2004 et
2014, le nombre d'admissions dans les
facultés de médecine au Québec a plus que doublé, et la proportion de ces
étudiants qui optent pour la médecine
de famille progresse constamment vers la cible de 55 % déterminée par le
gouvernement lui-même. Cette augmentation impose une surcharge de
travail importante aux équipes des UMF mais que, si elles sont correctement
soutenues, elles s'engagent à atteindre.
Pour être en
mesure de réaliser les éléments énumérés ci-dessus, certaines conditions sont
essentielles et relèvent de la juridiction d'autres partenaires que les
départements de médecine familiale, dont le ministère :
1°
la reconnaissance de la complexité de l'enseignement et du rôle essentiel des
médecins de famille dans l'enseignement et la recherche;
2°
la protection de la mission d'enseignement dans les structures et les processus
de gouvernance des nouveaux CISSS et CIUSSS doit être rapidement
assurée;
3°
la reconnaissance de l'importance de la pratique interprofessionnelle dans les
milieux d'enseignement — nous devons viser à ce
que le professionnel qualifié pose l'action requise au meilleur moment en
fonction du besoin du patient;
4° une collaboration
formelle et soutenue entre tous les acteurs qui ont un rôle à jouer dans la
question de l'accessibilité — les fédérations, les établissements, les
organisations représentant les patients, les universités, les milieux de
formation clinique et le ministère;
5° le soutien adéquat
à la pratique des médecins de famille enseignant dans les établissements;
6°
la nécessité de mettre la première ligne au centre du système et de lui donner
les moyens de faire son travail.
Beaucoup
de travail reste à faire pour favoriser et faciliter les échanges d'information
et la fluidité du passage des patients entre les acteurs du réseau et
les établissements et ainsi offrir un accès aux services de deuxième ligne ambulatoires en temps opportun. En essence, notre
position se résume ainsi : Nous sommes en profond désaccord avec le projet de loi lui-même ainsi qu'avec les
approches proposées par le ministère, bien que nous souscrivions totalement à
l'objectif d'améliorer l'accessibilité. Pour
de possibles gains à court terme dans l'accessibilité, le projet de loi
n° 20 ampute l'avenir d'un système de santé auquel tous les
Québécois et Québécoises ont droit.
Nous vous remercions
de votre attention et serons très heureux de répondre à vos questions.
• (13 heures) •
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant
débuter une période d'échange avec le
ministre et les autres, évidemment, collègues parlementaires. À la demande du
ministre, vous avez eu une minute de
plus, donc il disposera de 11 minutes pour discuter et vous poser des
questions. Alors, M. le ministre, pour 11 minutes la parole est à vous.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, Dr Pelletier, Dr Béland, Dre — est-ce que j'ai bien saisi? — Boillat...
Une voix :
...
M.
Barrette : ...voilà, et
Dre Giroux, bienvenue à l'Assemblée
nationale pour venir nous traiter
d'un sujet qui est d'une extrême
importance, certainement dans l'angle ou dans le regard de la population.
Et je suis bien content que vous soyez là parce qu'évidemment vous êtes
aux premières loges de ce sujet-là, puisque vous êtes à la racine de la
formation des futurs médecins de famille.
Vous
allez me permettre de faire un ou deux commentaires sur votre introduction, qui était assez exhaustive,
pour rappeler à tous ceux qui nous
écoutent — ceux
et celles — ainsi
qu'à nos collègues parlementaires la situation réelle. Et, pour moi, c'est très important, parce que
vous arrivez aujourd'hui en nous faisant des propositions qui sont essentiellement
celles que j'ai demandées lorsque je suis arrivé en poste. Les gens ne
savent pas, certainement pas ceux qui nous écoutent et probablement pas nos collègues parlementaires,
que, lorsque je suis arrivé en poste, j'avais rencontré vos supérieurs, c'est-à-dire les doyens de vos facultés de
médecine, et je leur avais demandé d'immédiatement s'assurer que le profil de
formation des médecins de famille se dirige
vers ce que vous nous proposez aujourd'hui. Et, à vous entendre aujourd'hui,
manifestement la demande a été entendue et exécutée, et j'en suis fort aise. Et
ça me permet de faire le commentaire suivant :
Comme vous l'avez dit avec justesse, l'accès adapté est une façon de pratiquer la médecine — et
je ne le dis pas pour vous, je le dis
pour les collègues — qui
a fait ses preuves, qui est connue de longue date, et on retiendra ici «longue
date». Et là on se retrouve dans
une situation où soudainement elle est mise de l'avant par les
quatre facultés, et je vous
dis bravo. Et je vous dirais aussi : Il était temps.
Alors,
vous me dites qu'à partir de bientôt et au plus tard en janvier ou en
juillet 2017, là, je n'ai pas saisi la date, je m'excuse, mur à mur ce sera la formation qui sera
mise de l'avant. Je vous dis encore une fois bravo. Ça aurait dû être fait avant, mais que ça se fasse aujourd'hui,
c'est déjà ça. Et que la pratique de l'accès adapté se fasse dans un cadre de
GMF, je dis aussi bravo. La commande que
j'avais envoyée aux facultés de médecine était très simple : Vous demandez
à vos gens de... vous vous organisez pour
offrir aux étudiants en médecine une formation qui fera en sorte qu'à la sortie
de la faculté de médecine les gens
seront à niveau, c'est-à-dire auront la capacité de donner un profil de
pratique normal dans un cadre qui est
celui d'aujourd'hui, c'est-à-dire celui des GMF, et dans un profil qui
s'approche le plus possible de l'accès adapté,
et c'est ce que vous faites. En plus, vous nous dites... C'est une chose que
j'avais demandée aussi, que l'enseignement que vous faites se fasse dans un cadre de pratique interprofessionnel,
chose qui est, elle aussi, longuement due, et là ça va arriver, c'est
très bien.
Alors, à ce
moment-là, je vais vous demander de nous parler de deux éléments qui m'ont
surpris dans votre commentaire... un qui ne
m'a pas surpris, là, évidemment, je m'excuse, c'est le deuxième qui m'a
surpris, je vais commencer par
celui-là. Vous dites que le cadre de gestion vous nuit. Moi, je tiens à une
chose, évidemment, parce que ça vient de chez nous, là, et c'est négocié
avec chez vous, à proprement parler. Le cadre de gestion, la seule chose qui a
changé, c'est de faire en sorte que le
financement qui vous est octroyé ait un lien avec le volume d'activité que vous
donnez. En quoi ça, c'est un
problème? Ça, j'aimerais que vous m'expliquiez ça, là. Je ne veux pas ici faire
la négociation, elle est faite, mais
il y a des conclusions qui ont été tirées, là, vous avez tiré les mêmes
conclusions, alors je vois difficilement comment le cadre de gestion, comme
vous le dites, peut amener la catastrophe dans le réseau des unités de médecine
de famille alors que... Ce que l'on demande, dans le contexte de ce que vous
annoncez vouloir offrir, je ne vois pas le problème que ça pose. Vous êtes en train de nous parler de productivité
et d'accès adapté, et ainsi de suite. Je ne vois pas le lien, là, il
faut que vous m'expliquiez ça parce que vous venez de me traumatiser. Ça, c'est
rare.
M. Pelletier (Jean) : Dans un premier temps, je réagirai au fait que, les changements que nous
proposons, vous les qualifiez qu'ils sont dus, et ils sont en marche
depuis longtemps. Je veux peut-être clarifier cet élément-là.
Il y a actuellement plus du trois quarts des résidents en médecine de famille qui sont
formés dans un contexte de GMF.
Alors, on vise à étendre la formation des étudiants dans... que 100 %
des étudiants soient formés en GMF. On ne part pas de zéro, les trois
quarts le sont déjà.
La
collaboration interprofessionnelle, les unités de médecine
familiale du Québec en sont des modèles depuis très longtemps.
Donc, nous ne commencerons pas à faire de la collaboration
interprofessionnelle, elle est déjà très étendue.
Pour
revenir au cadre de gestion, je me permettrais, M. le ministre, de clarifier
qu'il n'a pas été négocié avec nous, il
a été discuté uniquement. La partie de financement à laquelle nous
faisions référence parle du financement pédagogique, c'est-à-dire... Que nous soyons financés pour une bonne partie du
soutien à la pratique en fonction du volume des patients inscrits ne nous pose pas de problème, puisque
nous avons fait notre profession de foi envers les GMF. La difficulté
qui se pose actuellement, c'est le désengagement du ministère
de la Santé du financement de ressources et de professionnels qui sont engagés
dans l'enseignement, et c'est là où, pour nous, il y a un problème.
Notre
réseau utilise des ressources depuis 25 ans, et actuellement il y en a une partie qui est remise en question et
c'est celle que vous attribuez à l'enseignement,
et c'est cette partie-là qui nous
inquiète parce qu'elle est essentielle pour nos programmes de formation. Je peux donner un exemple,
l'exemple des psychologues. Je dirais... Certainement les deux tiers des unités de médecine familiale du
Québec ou en tout cas un grand nombre ont des psychologues dans leurs
équipes, puisqu'une partie importante
du programme de formation des résidents en médecine de famille, c'est la relation médecin-patient.
Une proportion importante des compétences qu'ils doivent acquérir comme médecins de famille, c'est la prise en charge des
problèmes de santé mentale, donc beaucoup d'équipes de formation en médecine de famille ont intégré des psychologues
au fil des années pour ces aspects d'enseignement. Or, le cadre de gestion GMFU et le cadre de
gestion GMF viennent nous dire qu'il n'y aura pas, qu'il n'y aura plus de psychologue dans nos équipes, que
c'est un luxe, et ceci met en danger l'enseignement de la relation médecin-patient et des soins en santé mentale. Et c'est
cette partie-là qui, pour nous, pose problème.
Certaines
ressources administratives aussi sont remises en question.
On s'est fait dire d'aller cogner à la porte de l'Éducation supérieure dans un
contexte où l'Éducation supérieure a coupé aussi les universités. Donc, on se retrouve assez mal
pris de ce point de vue là.
M. Barrette :
Alors, ça, je vous accorde ce point-là avec le plus grand des plaisirs. C'est
vrai qu'il y a une problématique, tout comme
chez nous c'est vrai qu'il y a une problématique de parenté, on va dire, là, de
la ressource. Il y a des éléments qui
sont financés, effectivement, par l'Éducation, d'autres par la Santé, et là on
tombe dans une zone territoriale qui
peut poser problème. Mais je peux vous dire une chose, on va s'y adresser,
parce que, vous avez raison, il y a une problématique de ressources.
J'aimerais
ça que... Parce qu'on n'a pas beaucoup de temps. Vous avez beaucoup insisté sur
l'accès adapté, et, pour le bénéfice
des gens qui ne sont pas familiers avec ça, là, pouvez-vous nous dire ou nous
confirmer — parce
que moi, je fais la promotion de ça,
là, vous m'avez entendu à plusieurs reprises — pouvez-vous nous dire, là, ou confirmer
que l'accès adapté, pour la clientèle, les citoyens, hein, c'est un plus? Pour
le médecin aussi, c'est un plus. Tout le monde
y trouve son compte, dans l'accès adapté. Pouvez-vous nous illustrer ça, là? Je
suis content, là, de vous entendre dire que, là, vous vous en allez là,
c'est, pour moi, essentiel. Illustrez-nous ça, là, ça va être utile.
M. Pelletier (Jean) : Bien, je vais demander à mon collègue, Dr Béland, d'élaborer
effectivement sur cet aspect-là, mais
je me permets de souligner que cet accès adapté est déjà en marche, avait déjà
été identifié comme une priorité de transformation
des pratiques dans nos réseaux, avant le projet de loi n° 20, et
plusieurs équipes sont déjà engagées dans ces processus de transformation, qui sont particulièrement difficiles
lorsqu'on oeuvre en établissement. Mais Dr Béland va pouvoir
compléter.
• (13 h 10) •
M. Béland
(Guy) : Merci, Jean. L'accès adapté, c'est une façon d'organiser ses
rendez-vous pour donner des rendez-vous en
temps opportun aux gens qui en ont besoin, au moment où ils en ont besoin;
plutôt que de réserver des rendez-vous deux mois, trois mois à l'avance,
de garder des plages ouvertes. Le principe a l'air simple; l'application demande un exercice important de calcul et de
réflexion de la part des médecins et demande une collaboration importante
entre les médecins, le personnel de la
clinique et les patients, ça demande également une façon de penser différente
de la part des patients. C'est
cette... Tous les gens qui l'essaient, on est tous d'accord avec ça, en
ressortent gagnants. Les patients sont
heureux, le personnel est heureux, et les médecins sont heureux. La transition
demande du temps, demande de l'énergie. Cette transition-là, et de l'avis même des gens du ministère qui nous
donnent la formation, cette transition-là pose des défis particuliers dans les milieux d'enseignement à
cause en partie du nombre de médecins et de résidents impliqués à temps
partiel et pour des courtes durées et, deuxièmement, à cause du support...
Le Président (M.
Tanguay) : ...s'il vous plaît. Il reste quelques secondes, il reste
quelques secondes.
M. Béland
(Guy) : ...du support important qui est requis de la part de
l'établissement.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Je dois maintenant — et
c'est les impératifs du parlemen-tarisme — céder la parole, avec
plaisir, à notre collègue de Taillon pour sept minutes.
Mme Lamarre :
Bonjour. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Dr Pelletier,
Dr Béland, Dre Giroux et Dre Boillat. Bienvenue.
D'entrée de
jeu, je voudrais vous remercier pour votre mémoire, il est court et il va droit
au but, et vous apportez certaines
solutions. J'y note effectivement beaucoup d'information, mais entre autres, à
la page 6, dans la présentation de
la formation, et pour avoir contribué à la formation aussi d'étudiants, il est
vrai que l'interdisciplinarité est vraiment enseignée depuis très longtemps dans toutes les facultés, maintenant, de
la santé. À l'Université Laval, il y a même des programmes complètement intégrés. Donc, je pense que c'est quelque chose
dont on va commencer à voir les résultats mais sur lequel vous travaillez comme enseignants, comme responsables
des unités de médecine familiale depuis déjà de nombreuses années, et je
vous en félicite. Même chose pour différents autres enjeux qui ont été évoqués.
L'accès
en temps opportun, c'est intéressant. C'est vrai que ça précise... ça demande
un certain niveau d'organisation, mais
en gros ça dit de se réserver trois ou quatre rendez-vous à chaque jour pour
qu'on puisse permettre, finalement, à des patients qui ont des situations plus urgentes d'être vus plus
rapidement, ce qui m'apparaît très souhaitable et très bien. Mais je pense que c'est cette dimension-là. Moi,
ce qui m'inquiète un peu encore, malgré l'accès en temps opportun, c'est
que, ce temps opportun là, est-ce qu'il a
des chances des fois d'être le soir et les fins de semaine? Parce que, des
citoyens qui sont au travail, des
citoyens qui ont un enfant qui a une otite à 6 heures le soir, le temps opportun
du médecin, ça doit aussi être le
temps opportun du patient, et ça, je pense que les gens vont avoir besoin
d'avoir clairement des disponibilités plus importantes le soir et les
fins de semaine.
Ce que j'observe dans votre mémoire aussi, c'est
que vous faites référence, à juste titre, à l'importance des organismes d'agrément qui supervisent les
programmes académiques, les programmes d'enseignement, entre autres le Collège des médecins de famille du Canada, Le
Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, L'Association des facultés de médecine du Canada, on a entendu du
Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada qui, dans certains dossiers, par exemple au CHUM, avait remis en
question, là, certains... avait mis des priorités, et vous dites : Si on
ne répond pas aux normes, on s'expose
à perdre le droit de former des étudiants ou des résidents. Donc, ce n'est pas
juste une formation que vous donnez comme ça, mais il y a des gens qui
supervisent, qui valident, qui cautionnent et qui ont des critères très rigoureux auxquels vous devez
vous conformer. Donc, la formation, ce n'est pas juste dire à un
étudiant : Suis-moi puis regarde
ce que je fais dans une journée, c'est beaucoup, beaucoup plus rigoureux que ça
maintenant, les critères sont très élevés.
Donc, dans le
projet de loi n° 20, là, on vient de recevoir un peu les orientations
réglementaires. Comment vous retrouvez la valorisation ou la pondération
qui va être accordée à un médecin de famille, par exemple, qui voudrait
superviser des étudiants en médecine familiale?
M.
Pelletier (Jean) : Oui, bien,
je vais demander à Dre Giroux de répondre à cet aspect-là, mais c'est
clair que ça pose de très grandes difficultés.
Mme Giroux
(Marie) : Pour en revenir au
début de votre intervention, je pense que toute la question de l'accès en temps opportun, c'est une stratégie qui est
gagnante dans laquelle on est engagés et qu'on doit continuer. Néanmoins, c'est à certaines... il faut
avoir les ressources pour réussir à faire ça, puis le message principal qu'on
veut vous livrer aujourd'hui, c'est que le projet de loi n° 20, dans sa forme actuelle, c'est un enjeu
pour nos ressources professorales, les enseignants
qui vont s'engager dans l'enseignement. On veut bien l'engager, on veut bien
l'enseigner, l'accès opportun, mais
il va falloir avoir les médecins de famille enseignants qui vont vouloir
continuer à faire cet enseignement-là puis à transformer leur pratique
encore. On est très inquiets que la pression clinique qui va être mise sur les
médecins de famille du Québec va faire en
sorte qu'ils vont vouloir se désengager de leurs tâches d'enseignement. Il va
bien falloir qu'il y ait des gens qui l'enseignent, cet accès adapté là.
Alors, là-dessus, je vais passer la parole à mon
collègue Guy Béland, qui va sans doute pouvoir compléter concernant plus
l'accès adapté.
M. Béland (Guy) : Concernant les
équivalences? On parle des équivalences?
Mme
Lamarre : ...ces équivalences qui seraient reconnues à un médecin qui
accepterait de faire de l'encadrement d'étudiant, de l'enseignement, de
la formation.
M. Béland
(Guy) : Oui. En fait, la
question des équivalences nous a été apportée à quelques reprises. On nous
demande de porter un jugement sur un
casse-tête en nous montrant une pièce du casse-tête, c'est difficile pour nous
de porter un jugement éclairé.
Et,
deuxièmement, et surtout ce qui nous préoccupe dans la question des
équivalences, c'est que ça ne pourra pas s'ajuster à la grande variation puis variabilité des activités
d'enseignement. On ne peut pas voir les médecins enseignants comme des gens qui enseignent un nombre fixe
d'heures par semaine à l'année, c'est des implications en enseignement qui vont varier. Certains médecins enseignants
vont faire quatre heures deux fois par année, aller donner un cours aux
prégradués; d'autres vont recevoir des étudiants sur une base régulière;
d'autres, comme nous, vont être impliqués pratiquement
à temps plein dans les facultés au niveau de la gestion. Le calcul des
équivalences devient impossible. Ça ajoute
en plus une couche de gestion qui, au lieu de simplifier puis de permettre aux
médecins de donner des services à la population et d'enseigner à leurs
résidents, les enferre là-dedans.
Nous, notre
préoccupation principale, c'est que les médecins continuent à pouvoir
enseigner. La pression qu'on met au
niveau de l'inscription et du suivi, on la met au premier plan, donc tout le
reste devient secondaire. Le médecin qui contribue
quelques heures par année à l'enseignement aux jeunes en médecine, qui leur
donne la passion de la médecine familiale et
du service à la communauté, ces gens-là qu'est-ce qu'on fait? On leur
dit : Si tu vas passer huit heures, 12 heures, bien tu vas
peut-être inscrire quelques patients de moins. Ça devient moins important pour
lui.
Le
grand risque de ce projet de loi là, c'est justement de faire en sorte que les
médecins de famille, qui jouent un rôle
capital dans l'enseignement, pas seulement l'enseignement aux médecins de
famille, l'enseignement dans les facultés... Sortez les médecins de famille des facultés de médecine. Où s'en va la
capacité d'attirer les jeunes puis de leur donner des modèles de médecine familiale? On est extrêmement
inquiets de la façon... des impacts que ce projet de loi peut avoir.
Le Président (M.
Tanguay) : En 10 secondes.
Mme
Lamarre : Vous avez
simplement dit tantôt, Dr Pelletier, que vous aviez discuté mais que vous
n'aviez pas négocié ce qui a été convenu. Est-ce que vous vous étiez
entendus au cours des vos rencontres avec le ministre?
Le Président (M.
Tanguay) : En quelques secondes.
M. Pelletier (Jean) : Il y a eu des propositions de faites, mais il n'y a pas eu de discussion
à proprement parler. Le document a évolué sans notre contribution, et on
a appris... on a vu la dernière version la semaine dernière.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au collègue de Lévis pour cinq minutes.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Merci, Dre Boillat, Dr Pelletier,
Dr Béland, Dre Giroux. Je reviendrai sur... puis on était un peu dans ça également, là, au-delà de la consultation, vous venez d'en parler, mais tout le phénomène de l'équivalence et de la pondération. On a reçu
ce matin, donc, cette orientation réglementaire concernant l'application de la loi, et, en
page 5, parce que précisément ça vous concerne — et là
je parle de pondération histoire d'avoir votre vision et votre avis, parce
qu'on apprend ça — une
heure d'enseignement formel dans une faculté de médecine, incluant
la préparation du cours, équivaudrait à un
patient inscrit, c'est la pondération telle que décrite puis remise ce matin.
Je fais un calcul et je vous dirai
qu'un médecin, donc, qui va peut-être voir trois patients en une heure, des patients en
santé qui comptent pour 0,8, aura
donc 2,4 points ou 2,4 patients inscrits, prenons-le comme ça. Je reviens avec cette
pondération vous concernant :
une heure de cours, une heure d'enseignement, incluant la préparation, pour un
patient inscrit. Et là vous l'apprenez peut-être, je ne sais pas. Est-ce
que ça vous semble équitable?
• (13 h 20) •
M. Pelletier (Jean) : Je ne me vois pas faire ma clinique avec une calculatrice. Parce que
c'est ce que ça va finir par amener. À mon sens, cette pondération-là va être
extrêmement difficile à gérer et elle ne reflétera pas la complexité des tâches. Ce n'est pas une façon de mobiliser
des professionnels vers un
changement. C'est une comptabilisation, c'est une industrialisation de l'enseignement, on va compter ça en unités. Je
veux dire, c'est contre toutes les valeurs qu'on tente d'inculquer aux jeunes médecins, de s'intégrer, de s'impliquer. Ça
nous apparaît inacceptable. Ça va causer un tort important dans la mesure où les étudiants n'iront pas, ou iront moins,
ou iront avec moins de conviction en médecine de famille, et le problème
ne sera peut-être pas immédiatement, mais dans quelques années on risque d'en
payer le prix.
M. Paradis (Lévis) : Permettez-moi... Et parlons-en, et le temps file rapidement, mais vous
dites et vous le constatez à
plusieurs reprises, vous craignez l'effet sur la profession. Vous dites :
Ça viendra probablement... Vous n'êtes pas les premiers à nous dire ça, il y a des gens qui l'ont dit, on le sent déjà.
Est-ce que vous sentez déjà l'appréhension et des effets sur la faculté?
Mme Giroux (Marie) : On sent déjà des risques extrêmement importants
pour l'accessibilité aux soins de santé, pour la qualité des soins et
pour la prise en charge des patients. C'est clair qu'on sent déjà une
démobilisation de nos enseignants. On a reçu
des lettres signées par un grand nombre, des centaines de nos enseignants, médecins de famille enseignants qui nous ont dit que le contexte
actuel va les amener à réévaluer à la baisse, voire de se désengager
complètement de leur contribution
actuelle dans l'enseignement, et donc la formation de la relève, et donc va diminuer
l'accessibilité aux soins pour les patients du Québec.
M. Paradis
(Lévis) : Vous avez parlé, mesdames messieurs, de cette cible de
55 %, là, à atteindre puis vous avez dit : On est en bonne voie, là,
on travaille à ça. Est-ce qu'on remet ça en question?
M. Pelletier (Jean) : Oui. Déjà, on a des indications de plusieurs de nos unités de médecine
familiale, particulièrement en région, où c'est un moteur de recrutement
et de rétention des effectifs médicaux, des indications qu'ils s'inquiètent de leur capacité à rester ouvertes, à continuer à
former des médecins. Actuellement, on a des inquiétudes qu'on n'est pas capables... je dirais qu'on n'est
pas capables actuellement d'évaluer l'ampleur de l'impact, parce que ce sont
des choses, pour l'instant, qui sont à
venir, mais on a déjà des indications qu'on va avoir de la difficulté à maintenir
la capacité actuelle, donc a fortiori de se rendre à 55 %.
M. Paradis
(Lévis) : Vous proposez évidemment des solutions. Devant le constat
inquiétant que vous nous donnez, la mesure qui vous permettrait de garder et de
vous rassurer, quelle serait-elle, la proposition?
M.
Pelletier (Jean) : La
priorité, pour nous, dans un contexte de collaboration entre les différents partenaires — j'insiste
sur la collaboration — ce
serait d'aller vers une transformation des pratiques qui permette de concilier
à la fois une meilleure accessibilité, une plus grande productivité, si on veut
employer ce terme-là, avec la protection et
l'assurance de la capacité de former la relève. Donc, on n'hypothéquera pas
notre avenir puis on va réussir à avoir des gains progressivement, à
court et moyen terme.
Le Président (M. Tanguay) : Cinq
secondes. Ça termine essentiellement le...
M. Paradis (Lévis) : Non, c'est
beau, merci. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la
parole à notre collègue de Mercier pour 2 min 30 s.
M. Khadir : Chers collègues, bienvenue. Vous
voyez qu'on n'a pas beaucoup de temps. Vos préoccupations, notamment sur la capacité de prodiguer de l'enseignement
dans les unités de médecine familiale, recoupent parfaitement les échos
que j'ai de mon propre hôpital, de son unité de médecine familiale, qui n'agit
pas uniquement à attirer des médecins vers
notre hôpital mais aussi pour l'ensemble des médecins de famille de la région,
c'est une manière de les retenir, de les attirer vers la région. Donc,
on a un problème.
Il y a un document qui a été posé, mon collègue
en a fait mention. Les histoires de quotas et de barèmes, de pondération vaut ce que ça vaut. Nous, on est
d'accord avec vous, à Québec solidaire, que c'est une déshumanisation,
industrialisation de la pratique médicale, donc on est contre. Mais, même si on
acceptait la prémisse qu'il faut faire quelque chose de cette nature, je vous
demande une simple, je dirais, évaluation de votre part, vous qui connaissez la
pratique. Dans ce document, on propose que
prodiguer des soins à une personne recevant des soins palliatifs à domicile
vaudrait pour 25 patients, alors que,
par exemple, prodiguer de soins à un sidéen vaudrait deux patients, 25-2, ou
troubles dépressifs majeurs, ça ne
vaudrait pas plus que deux dans cette pondération-là. Est-ce que ça vous semble
raisonnable? Est-ce que ça repose sur quelque chose qui recoupe votre
connaissance de la médecine de première ligne?
M.
Pelletier (Jean) : Poser la question, c'est y répondre. Je ne crois pas qu'on puisse
faire une hiérarchie entre la dépression majeure, le sidéen et le
patient de soins palliatifs. Il y a des...
M. Khadir : Mais mettons qu'on accepte l'idée d'une hiérarchie, mettons, là, que
pendant un moment on accepte la
prémisse fausse du ministre, est-ce
que même en acceptant cette
prémisse... 25, soins à domicile pour personne en soins palliatifs,
et deux pour la dépression majeure ou le sida?
M. Pelletier (Jean) : Ça ne
m'apparaît pas faire de sens.
M. Khadir : Donc, vous n'avez
pas été consultés?
M. Pelletier (Jean) : Ce document ne
nous a pas été transmis officiellement.
M. Khadir : Est-ce que vous
êtes au courant?
M. Pelletier (Jean) : Il y a des
choses qui circulent, mais vous m'apprenez qu'il a été déposé.
M. Khadir : Mais est-ce que vous avez entendu quelque part quelqu'un
dans le réseau de la santé être consulté par le ministre pour ces choses-là, quelqu'un
quelque part, un expert, des enseignants, des experts en
élaboration de système de soins?
M. Pelletier (Jean) : Pas dans nos
réseaux.
M. Khadir : Personne?
M. Pelletier (Jean) : Pas dans nos
réseaux.
M. Khadir : Est-ce que j'ai
encore du temps?
Le Président (M. Tanguay) :
10 secondes.
M. Khadir : Bien, est-ce que... Donc, si je comprends bien, si on fait la conclusion de
ce que vous avez dit, vous demandez le retrait de ce projet de loi et
une collaboration. Est-ce que je résume bien votre idée?
M. Pelletier (Jean) : Oui.
M. Khadir : Très bien.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, nous remercions les
représentantes et représentants des départements de médecine de famille
des universités Laval, de Montréal, de Sherbrooke et McGill.
Je suspends quelques
instants.
(Suspension de la séance à 13
h 26)
(Reprise à 13 h 30)
Le Président (M. Habel) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite
la bienvenue à tous. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de
bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, par la
suite nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.
La parole est à vous.
Fédération des médecins omnipraticiens
du Québec (FMOQ)
M. Godin (Louis) : Merci, M. le Président. D'abord, je veux vous remercier de nous
accueillir et de pouvoir vous échanger,
vous exprimer nos préoccupations par
rapport au projet de loi n° 20. Je suis Louis Godin, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.
Je suis accompagné, à ma droite, du Dr Marc-André Amyot, premier vice-président et président de l'association des médecins de Laurentides-Lanaudière; à l'extrême droite, Dre Josée Bouchard,
trésorière de la fédération et présidente de
l'association du Bas-Saint-Laurent; à ma gauche, le Dr Sylvain Dion, deuxième
vice-président et président de l'Association des médecins de CLSC; et, à l'extrême gauche, le
Dr Michel Vachon, qui est secrétaire général de la fédération et
président de l'association des médecins de Montréal.
M. le Président, d'entrée de jeu, comme on l'a mentionné déjà à plusieurs reprises, la
FMOQ reconnaît qu'il y a des
problèmes d'accessibilité en médecine familiale. Cependant, ces problèmes-là ne
sont pas entièrement imputables aux médecins de famille, loin de là. Des problèmes d'organisation et d'allocation insuffisante des ressources en
première ligne y ont beaucoup
contribué. Je dois vous rappeler que moins de 3 % du budget de la santé est affecté aux services de première ligne. Je dois aussi vous rappeler qu'en
octobre 2013 la fédération soumettait un plan d'amélioration de l'accessibilité.
Malheureusement, certains aléas politiques ont fait qu'on n'y a jamais donné
suite.
Nous
ne partageons pas l'analyse qui a été faite de la charge de travail des
médecins de famille, à savoir que des médecins
de famille travailleraient peu. Ils travaillent autant que leurs autres
confrères médecins québécois et autant que les autres médecins
canadiens. Ce qui les caractérise, cependant, c'est le fait d'être beaucoup
plus présents dans les établissements
qu'ailleurs. Plus de 40 % de leur temps... environ 40 % de leur temps
se fait dans du travail en établissement. Ils font la très grande majorité du travail dans les salles d'urgence, à
l'hospitalisation, près de 50 % des accouchements normaux et tout
le travail qui se fait dans nos établissements de soins prolongés, et même si,
contrairement à ailleurs, il y a ici plus de médecins spécialistes que de
médecins de famille québécois, c'est un fait unique au Canada.
Pour
nous, on l'a déjà exprimé, le projet de loi n° 20 n'est pas une
solution à l'accessibilité, bien au contraire, et d'emblée nous vous disons que nous rejetons le
projet de loi n° 20 et nous demandons carrément son retrait.
Pourquoi?
Le projet de
loi n° 20, d'abord, créerait un encadrement totalitaire que l'on
n'aurait jamais vu de la pratique médicale.
Sous menace de sanctions, on enfermera le médecin dans un cadre rigide qui
niera toute autonomie professionnelle. Par ailleurs, par l'approche
réglementaire, arbitraire, le ministre pourra tout décider, ce qui demeure
toujours dangereux dans les mains d'une seule personne, quelle qu'elle soit.
Par
ailleurs, nous dénonçons l'approche coercitive, l'approche d'obligation qui
trop souvent, malheureusement, a été
utilisée ici, au Québec, et qui n'a jamais donné, à moyen et à long terme, les
effets attendus. Rappelons particulièrement les activités médicales particulières, qui devaient partager le temps
entre le cabinet et les établissements, et le résultat est que progressivement on a dirigé de plus en plus de
nos médecins de famille vers les établissements. Plutôt que de choisir
la voie de la coercition, nous vous encourageons fortement à choisir la voie de
la collaboration.
D'autre
part, le projet de loi sous-tend une approche mathématique de quotas, de nombre
de patients, d'équivalence qui est
carrément à l'encontre de ce qu'est la médecine familiale. Ceci est à
l'encontre d'une relation entre un patient et son médecin, ce qui est propre à la médecine
familiale. C'est même à l'encontre du code de déontologie, où c'est prévu qu'un
médecin doit fournir le temps nécessaire à
ses patients à l'intérieur de ses capacités, et qui malheureusement risque de
laisser pour compte des clientèles qui sont souvent parmi les plus vulnérables.
Précédemment,
aujourd'hui, vous avez entendu des dangers potentiels de ce projet de loi quant
à la formation et, ce qui nous préoccupe encore plus, quant à
l'attractivité de la médecine familiale. Vous savez, au cours des dernières années on a réussi à rendre la médecine familiale
plus attractive. Nous sommes très inquiets de l'avenir de la médecine
familiale par rapport à son attractivité.
Le
projet de loi risque également de déstabiliser les effectifs en établissement en forçant des médecins à aller faire de la prise en charge, et en sachant souvent que ces médecins-là devront
passer par des programmes de recyclage pour pouvoir reprendre ces
activités.
Finalement, et ça a
été souvent souligné, ce projet de loi va toucher particulièrement les
omnipraticiennes. La majorité des médecins de famille aujourd'hui sont des femmes,
et c'est encore plus vrai lorsque l'on parle de nos jeunes médecins, qui sont pour 75 % des
omnipraticiennes. Il nous apparaît important de reconnaître ce droit
fondamental d'une certaine
conciliation entre ton travail et tes obligations, une valeur qui est
contemporaine et qui est si chère pour la société québécoise.
Finalement,
je dois souligner que ce projet de loi, dans son article qui empêche un médecin
qui a des liens avec la Fédération
des médecins omnipraticiens du Québec d'occuper le poste de chef de département
du département régional de médecine
générale, montre un profond mépris à l'endroit de notre organisation,
organisation représentative de l'ensemble des médecins de famille au Québec. Finalement, ce projet de loi est un
déni au droit de la négociation, puisque le ministre se donne le droit de modifier les ententes dûment
négociées. Ses pouvoirs deviennent illimités et laissent nécessairement
la place à l'arbitrage et à l'ingérence.
Comme
mentionné précédemment, nous vous demandons le retrait du projet de loi
n° 20 et nous vous suggérons plutôt
une approche collaborative avec la fédération afin d'améliorer l'accès,
problème que nous reconnaissons. Nous vous suggérons des pistes de
solution pour y arriver.
D'abord, nous
visons l'abolition des activités médicales particulières sur une période de
deux ou trois ans. Pour s'assurer
qu'il n'y a pas de déstabilisation au niveau des effectifs qui risquerait de
provoquer des problèmes à court terme, nous
visons, dans un premier temps, de reconnaître la possibilité de reconnaître des
activités médicales particulières en cabinet
au même titre qu'on peut les reconnaître à l'hospitalisation, à l'urgence ou en
obstétrique. Nous sommes convaincus de
pouvoir faire la démonstration à court terme que la présence des activités
médicales particulières est tout à fait obsolète et qu'on pourrait les retirer
et finalement avoir une approche qui est équivalente à ce qui se passe ailleurs
dans les autres provinces canadiennes.
Il a été
beaucoup mentionné, et nous appuyons, puisque nous avons été les premiers à
mettre cela de l'avant... Nous allons
soutenir à court terme l'ensemble des médecins de famille pour transformer leur
pratique vers l'accès adapté. Vous
savez, on a essentiellement trois problèmes à régler : il faut s'assurer
d'abord que les patients soient pris en charge; deux, lorsque vous avez un médecin de famille, que vous puissiez le voir
rapidement; et, trois, lorsque vous ne pouvez pas voir votre médecin de famille ou lorsque malheureusement vous n'en
avez tout simplement pas, parce que ça arrivera toujours, que vous puissiez en rencontrer un. La voie de l'accès adapté
est une voie pour permettre de voir rapidement son médecin de famille, donc il y aurait là un pas en avant très
important dans l'amélioration de l'accès. Naturellement, et c'est déjà commencé, nous allons demander
fortement à nos médecins, en réorganisant leur pratique et en modifiant certaines choses, de réussir à inscrire les
clientèles orphelines qui actuellement sont à la recherche d'un médecin de
famille. Finalement, à partir des GMF
existants, nous voulons créer un réseau d'unités d'accès qui ressemblent en
tous points aux supercliniques pour
garantir un accès en heures défavorables. Ces supercliniques ou unités d'accès
offriront un accès pour les cas aigus et permettront d'éviter les
consultations à l'urgence.
Tout ceci, M. le Président, peut se faire à
court terme à l'intérieur des ententes négociées, à l'intérieur des ressources
actuellement allouées. Cette approche demande cependant une collaboration entre
le ministère de la Santé et la Fédération
des médecins omnipraticiens du Québec. Je termine une tournée de deux semaines
où j'ai rencontré un nombre très
important de mes membres, à qui j'ai soumis ces pistes de solution. Je peux
vous dire aujourd'hui que je suis porteur
d'un message très clair : j'ai un engagement des médecins de famille afin
de réaliser ces pistes de solution et qui seront là une garantie de résultat pour améliorer l'accès aux médecins
de famille, objectif principal recherché par ce projet de loi. Je vous
remercie, M. le Président.
• (13 h 40) •
Le
Président (M. Habel) : Je vous remercie pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la
période d'échange. Le temps se
décline ainsi : le gouvernement a 12 minutes, l'opposition officielle
a sept minutes, le deuxième groupe
d'opposition a cinq minutes, et le député indépendant a
2 min 30 s. Donc, je passe maintenant la parole au ministre.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Dr Godin, bienvenue, et
Dr Amyot, Dre Bouchard, Dr Dion et Dr Vachon. Vous êtes probablement le seul groupe que je peux
nommer instantanément comme ça, c'est le fruit du passé. Bienvenue. Et, je vais vous dire une chose, je suis bien
content de l'approche et de la fin de votre introduction, parce que, comme
je l'ai dit ce matin dans certaines
entrevues, manifestement on commence aujourd'hui un dialogue qui va être, à mon
avis, constructif et au bénéfice de
la population. Ce n'est pas une critique que je vais faire, là, mais je pense
que c'est peut-être la première fois
qu'on a ensemble une conversation où les choses sont aussi clairement exprimées
et certainement dans les intentions,
et je le salue et je pense que c'est très bien. Et c'est bien, en tout cas, au
moins que ça se passe aujourd'hui, parce
qu'il y a eu un passé, là, hein? En 2009, il y a eu un sommet, puis ça ne s'est
pas traduit en quelque chose qui a été palpable par la suite. Et là,
aujourd'hui, j'ai l'impression qu'on va peut-être arriver à quelque chose de
plus palpable.
Maintenant,
j'aimerais clarifier une chose, Dr Godin, qui m'apparaît importante dans le
débat actuel. Force est de constater — puis là je vais vous laisser répondre à ça,
là — force
est de constater que, pour servir la population, il va bien falloir augmenter la capacité, le nombre de
services que l'on peut donner à la population, sinon ce que vous nous
proposeriez ou proposez, ce ne serait
qu'un déplacement d'offre de services de l'hôpital vers le cabinet. Êtes-vous
d'accord au moins avec le fait que,
pour les donner, les services que la population attend, il faille augmenter la
capacité de services qui existe? Elle est latente, à mon avis, et là il
faut aller l'exercer, la donner.
M. Godin
(Louis) : Vous savez, M. le
ministre, on a eu l'occasion d'échanger là-dessus à quelques reprises au
cours des dernières semaines, par personnes
interposées souvent. C'est une question qui est très, très sensible, cette
notion de capacité, de volume, de productivité ou de nombre d'actes.
Je vous dirais que ce n'est pas tellement de
cette façon-là que nous voulons l'aborder. La façon dont nous voulons l'aborder, c'est qu'on dit : On va
réorganiser les choses, on va faire des choses différemment dans notre pratique,
et nous sommes convaincus qu'en faisant ça
nous sommes capables de livrer les résultats. Si ces résultats-là se livrent
et qu'ils étaient accompagnés d'une
augmentation des volumes d'activité, ce sera la conséquence de ça. Si on
réalise aussi l'objectif mais qu'il
n'y a pas nécessairement d'augmentation de volume d'activité, bien ce sera ça,
parce que, pour nous, le succès de ça ne repose pas nécessairement sur plus de volume, sur
plus d'actes. Ce qui est important, c'est le résultat à atteindre. Ce que l'on veut s'assurer, c'est
qu'un patient qui a besoin d'être vu, qui a un médecin de famille, il puisse
le voir quand il en a besoin. Il y en aura
toujours qui n'en auront pas, puis il y aura toujours des situations où ils ne
pourront pas le voir, et il faut s'assurer que ces gens-là puissent
avoir accès à un médecin de famille en dehors de l'hôpital.
Ça va se traduire par quoi, en bout de ligne, en
termes de volume? Je vous dirais que, pour nous, ce n'est pas nécessairement notre préoccupation. Si c'était le
cas, ce sera le cas, je veux dire, c'est ce que ça aura pris pour donner
l'accès. S'il se fait principalement par une
réorganisation, ce sera par une réorganisation. Ce que je vous mentionne, c'est
que, peu importe ce que ça implique comme activité... ce que je vous dis, c'est
qu'on est capables d'atteindre le but. Et je pense que c'est votre principale
préoccupation à vous aussi, M. le ministre.
M.
Barrette : C'est ma principale préoccupation, je suis d'accord, mais
j'ai de la misère à vous... — excusez-moi, je pensais que quelqu'un
me parlait — mais
j'ai quand même de la difficulté à vous suivre, Dr Godin, parce que, pour satisfaire les besoins, là — quand je dis «satisfaire», c'est rencontrer
plutôt les besoins de la population — ou bien on le fait dans la capacité actuelle, auquel cas ça signifie que, dans
l'utilisation actuelle des services, l'offre de services qui était exercée, il y a des services qui sont
inutiles, puis ça, ça pose des gros problèmes, ou bien on rencontre les
exigences des citoyens puis là on augmente. Dans les deux cas de figure,
là...
M. Godin (Louis) : ...M. le
ministre.
M.
Barrette : Parce que, là,
au-delà de la réorganisation des horaires le soir et la fin de semaine qui... Et je suis content de
voir qu'aujourd'hui, là, vous vous engagez à aller dans cette
direction-là, je pense que les gens vont être contents, mais là le
reste, là, c'est difficile à suivre, là.
M. Godin
(Louis) : Non, non. Ce que
je vous dis, là, c'est que... Je ne mentionne pas qu'il n'y a pas d'augmentation de volume à faire. Je n'en ferais pas un
enjeu. L'enjeu, pour moi, ce n'est pas d'augmenter le nombre d'examens, d'augmenter le volume d'activité; mon principal
enjeu, c'est de livrer les services. Si ça se traduit par une augmentation
de volume, ça sera une augmentation de
volume, parfait, je veux dire, l'important, c'est que les services soient
rendus, et c'est l'engagement, je vous dirais, que l'on a.
M.
Barrette : O.K. Est-ce que
je peux comprendre que raisonnablement il faut qu'il y ait un volume qui
augmente?
M. Godin
(Louis) : Bien, je vous
dirais, on va faire le volume nécessaire pour rendre les services qui sont à rendre.
M. Barrette : O.K., c'est déjà ça.
C'est une nouveauté, puis j'apprécie le commentaire.
Ce qui
m'inquiète, par exemple, puis ça, j'aimerais ça vous entendre là-dessus
d'une façon plus spécifique : Vous nous dites aujourd'hui quasiment solennellement, et je le reconnais, que
vous vous engagez à livrer la marchandise quitte à ce que ça demande des volumes supplémentaires, vous vous engagez à donner le service au temps
opportun, et ça, on comprend que ce
n'est pas quitte à ce que les horaires soient étendus, c'est une obligation,
ça, je pense qu'on s'entend là-dessus, là, on est rendus là, mais il est
où, le levier dans vos propositions, au-delà d'un engagement moral?
Et je vais aller plus loin, Dr Godin :
Six mois après, là, nous avons aujourd'hui cette rencontre-ci, les débats continuent, il y a une conclusion qui
survient. Elle est où, la garantie que ça
va durer ou... d'abord
que ça va arriver dans six mois et que ça va durer
dans 18 mois, dans 24 mois, dans 36 mois? Comment pouvez-vous aujourd'hui
faire cette affirmation-là alors que des
observateurs extérieurs, le grand public, pourraient dire — pourraient,
là : Oui, bien là il y a un engagement parce qu'il y a un projet de loi, là, mais, dès que le projet
de loi va disparaître, s'il
disparaissait, évidemment, ça va
revenir comme avant? Pour moi, là, et pour ceux qui nous écoutent, où est
la relation, la force contractuelle de cet engagement-là?
• (13 h 50) •
M. Godin
(Louis) : Il y a
trois aspects à regarder : il y
a l'aspect de l'accès adapté qui est
la visite rapide, il y a l'aspect
de bâtir le réseau de supercliniques, des unités d'accès pour un accès en
horaire défavorable de façon plus certaine, et il y a la question de
l'inscription de clientèle reliée à ça.
Pour les deux
premiers aspects de l'accès adapté, vous l'avez mentionné tantôt, et ça a été
mentionné par les gens qui nous ont précédés, c'est une façon de faire
qui, finalement... où tout le monde y
trouve son compte, le patient y trouve son
compte, le médecin y trouve son compte, le système en général y trouve son
compte. Donc, il y a là en soi une certaine garantie, à l'intérieur de
ça.
Quant à la capacité d'ouvrir les supercliniques
ou les unités d'accès, je vous dirais que, dans une approche collaborative avec la fédération, c'est-à-dire un
engagement de notre part et de nos associations à travailler sur le terrain,
à les ouvrir en travaillant avec vous comme
ministère de la Santé, il y a là une garantie beaucoup plus importante que de
le faire dans le cadre d'un projet de loi n° 20 qui à la face même a
suscité énormément de réactions de la part des médecins de famille.
Quant à la nécessité par rapport à
l'inscription, on sait déjà qu'avec les activités médicales particulières une modification de celles-ci permettrait une
augmentation du nombre de médecins qui vont travailler en première ligne. Donc,
nécessairement, là, j'ai une garantie d'inscriptions supplémentaires à
l'intérieur de ça.
Vous savez
très bien qu'il est possible aussi, si vous convenez avec nous d'apporter
certaines modifications à notre entente
générale qui pourraient amener, au besoin, selon l'évolution... Parce qu'on va
être capable de le voir rapidement, hein, on est capable de monitorer ça presque au
jour le jour, où on sera rendu, et, advenant que les résultats ne seraient
pas significatifs — et
vous savez très bien qu'en avril 2016 il devrait y avoir une nouvelle
nomenclature en cabinet, puisque c'est
convenu suite aux ententes auxquelles on s'est entendus à la fin de l'année
passée — on
pourra, à partir de certaines règles, inciter une inscription
supplémentaire, si on en a besoin. Et on n'hésitera pas à le faire parce qu'on comprend très bien aussi que, si on s'engage
là-dedans, on sera surveillés, et vous allez certainement m'interpeller, et je
ne pense pas que vous allez vous gêner
beaucoup, M. le ministre, pour m'interpeller sur les résultats où on est rendus.
Mais je peux vous dire cependant, pour en
avoir discuté, que le projet de loi n° 20 offre beaucoup moins de
garanties que ce que nous vous suggérons.
M.
Barrette : Bien, moi, je vous soumettrais que c'est... on aura
certainement d'autres discussions là-dessus, là, avec ce que vous nous dites. Là, vous m'annoncez que vous êtes prêts à
incorporer dans des ententes certaines règles. Je comprends, je vois à peu près où vous voulez aller, là. C'est une
avancée, parce que la règle garantit plus le résultat que l'intention solennelle, à mon avis, la vie
étant faite de même, là. Et la raison pour laquelle je dis ça, puis je fais
référence au groupe qui vous a
précédés mais que vous avez entendu, vous étiez ici... Et là je vais le dire un
petit peu méchamment, là, puis je ne
vous vise pas spécifiquement, là : Le groupe d'avant, là, trouve les
équivalences compliquées puis dit que la médecine va nous obliger à
sortir la calculatrice, mais, quand c'est le temps de négocier, la
calculatrice, elle sort, par exemple, dans
la négociation, elle est là à tous les moments de la négociation. Mais, quand
c'est le temps d'avoir des règles pour avoir des services, là, la
calculatrice, ça devient un péché. Ça m'amuse, cette notion-là.
Il
y a un autre élément que je veux aborder, parce qu'il ne me reste pas beaucoup
de temps, là. Hier, probablement que
vous avez entendu... ou avant-hier, là, avant-hier vous avez entendu
l'Association des spécialistes en médecine interne qui sont ceux sur les
épaules desquels votre retrait potentiel des hôpitaux... qui se retrouveraient
avec la charge de travail. Eux
annoncent une catastrophe. Vous, vous nous demandez l'abolition des AMP et un
retrait des activités hospitalières ou
significatif, du moins, là, sur une période de deux ans. Là, il y a un problème
de consultation. Les internistes, qui sont les premières loges des gens... c'est les gens aux premières loges qui
seront concernés par une mesure comme celle-là, disent le contraire du Dre Francoeur, qui avec une certaine émotion
est venue nous dire qu'il n'y aurait pas de problème, et là vous, vous nous dites qu'il n'y aura pas de
problème. Donnez-nous votre opinion là-dessus, parce que moi, dans mon
expérience, je vois des problèmes, là.
Le Président (M.
Habel) : Vous avez 15 secondes.
M. Godin (Louis) : Honnêtement, je devrai en reparler après parce que
ça va prendre plus que 15 secondes, là. C'est possible de faire cette modification-là. Faisons attention. Lorsque l'on dit de
retirer les AMP, ça ne veut pas dire que je vais retirer les médecins de
famille des établissements.
Le Président (M.
Habel) : ...céder la parole à la députée de Taillon pour un temps de
sept minutes.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup,
M. le Président. Dr Godin, Dr Amyot, Dre Bouchard,
Dr Dion et Dr Vachon, bienvenue. Alors, je vais vous laisser
continuer votre réponse, Dr Godin, je pense que vous aviez une
belle lancée. Mais j'ai seulement 6 min 48 s et j'ai quand
même des questions à vous poser sur les femmes médecins, donc...
M. Godin (Louis) : Ce que l'on veut faire avec les AMP, on a un ajout net de médecins à
chaque année, on a les meilleures
cohortes qu'on a jamais eues : on veut consacrer cet ajout net là dans les
cliniques. Ça ne veut pas dire que ce sera la personne comme individu
qui va aller dans la clinique. Peut-être que ce nouveau médecin là va aller travailler
dans l'établissement, mais il va permettre à
un médecin de l'établissement de quitter. Le résultat, c'est quoi? On va
maintenir probablement la même
activité en établissement. Il y a peut-être certains programmes qui pourraient
être requestionnés, mais on va
maintenir la même activité qui est le propre des médecins de famille que l'on
connaît au Québec. Mais, en consacrant notre ajout net principalement à
l'extérieur de l'hôpital, ce que ça va faire, c'est que progressivement la proportion de travail faite par les médecins de
famille dans les établissements au Québec va diminuer, mais la quantité comme telle, elle, va demeurer pareille à
l'intérieur de ça. Et ce ne sera pas nécessairement tout ce poids-là qui va
retomber sur les épaules des autres
spécialistes. Il est clair qu'il peut y avoir certains milieux où il pourrait y
avoir une part plus importante des
autres spécialistes à l'activité qui est actuellement faite par les médecins de
famille, mais, soyons bien clairs, notre proposition n'est pas de
dire : Nous allons sortir les médecins de famille des hôpitaux. Nous
allons arrêter de continuellement en mettre là, c'est une grosse différence.
Mme
Lamarre : Merci. On vient de recevoir le document sur les orientations
réglementaires, nous le demandions depuis
déjà plusieurs semaines. Dites-moi, est-ce que vous avez contribué à ce
document sur les orientations réglementaires?
M. Godin
(Louis) : Non.
Mme
Lamarre : Je vous remercie. Dans ce document-là, ce qui ressort, c'est
que, par exemple, les cohortes de
médecins de famille qui seraient diplômées depuis entre cinq et 14 ans,
donc on parle beaucoup des hommes et des femmes
qui ont entre 30 et 40, 45 ans, eux sont vraiment... on leur impose
1 000 patients plus 12 heures d'activités médicales particulières, ce qui fait quand même, là... c'est
beaucoup. Ça me semble être des gens sur qui on met beaucoup
de pression, et ça correspond beaucoup à la clientèle des femmes
médecins au moment où elles souhaitent avoir leurs enfants. Comment vous voyez
cette demande-là pour ce groupe de médecins là?
M.
Godin (Louis) : Ce que l'on
dit, c'est que collectivement on est capables, avec certains éléments de réorganisation,
de répondre à ce qui nous est demandé dans le projet de loi n° 20
comme objectifs.
Comme je le
mentionnais dans ma présentation, cette approche-là d'encadrement, là, qui va
aller encore beaucoup plus
loin que tout ce qu'on connaissait va, c'est clair, je vous dirais, causer des
problèmes pour certains médecins à certains
moments de leur carrière. Pourquoi imposer ça si collectivement on est capables
de faire le travail? Et, d'autant plus,
pourquoi imposer une pénalité sous le prétexte que les gens sont payés comme
s'ils travaillaient à temps plein alors qu'ils feraient déjà le choix
d'avoir une activité moindre?
Ce serait
quand même assez particulier, là, il
n'y a pas beaucoup d'endroits au Québec... Parce qu'on n'est pas les seuls, comme groupe, à avoir à l'occasion des
activités qui ne sont pas l'équivalent d'une pleine tâche, là, c'est vrai pour
beaucoup d'autres groupes professionnels.
C'est vrai pour les infirmières, c'est sûrement vrai pour certains pharmaciens,
c'est vrai pour des avocats, etc., c'est
vrai pour un paquet de monde, puis on ne leur impose pas une pénalité
supplémentaire parce qu'on n'est pas
rentré dans le cadre absolu que l'on veut mettre. Nous ne pensons pas que nous
ayons besoin de ça. Et, si jamais on allait là, ce serait vraiment
particulier que ce soient les médecins de famille, particulièrement les
omnipraticiennes, parce que ce sont principalement elles qui seraient touchées
par ça... qu'on se retrouve dans cette situation-là.
Ce serait vraiment invraisemblable dans la société dans laquelle on vit, ici,
au Québec, où honnêtement je n'ai pas vu souvent d'exemple pareil.
Mme
Lamarre : Écoutez, pour le public qui nous écoute, là — je suis sûre que ce matin on en a
beaucoup... cet après-midi — vous savez, on parle
d'activités particulières qui vont s'étaler sur une période de deux, trois ans,
votre mémoire, vous demandez
50 supercliniques pour améliorer la disponibilité dans les heures dites
défavorables, mais je vous dirais que
les Québécois, là, ils se disent : Y a-tu quelque chose qui va arriver
dans deux mois, trois mois qui va faire que je vais avoir un meilleur accès? Et moi, je vous avoue que, les heures
défavorables, à ce moment-ci, il suffit d'avoir une certaine volonté pour dire : On va travailler
les soirs, les fins de semaine, on a choisi une profession de santé. Et ça, ça
coûte très cher à notre système parce que,
quand on n'a pas, pour une condition mineure ou pour une situation simple,
accès à un médecin le soir, les fins de
semaine, un médecin de famille ou un médecin dans une clinique privée
d'urgence, on vient à l'urgence de
l'hôpital, ça coûte beaucoup plus cher juste l'inscription du patient dans cet
hôpital-là plutôt que d'être vu dans
une clinique ou d'avoir une infirmière ou un pharmacien qui intervient.
Avez-vous des solutions pour la prochaine année, mettons, pour la
population qui nous écoute?
M. Godin
(Louis) : Écoutez, lorsqu'on
a présenté ce plan d'accessibilité là dans lequel il y avait une notion ou
l'équivalence des supercliniques, on était
prêts à débuter le déploiement de ça. Bon, à ce moment-là, ça n'a pas été
retenu par le gouvernement, à ce
moment-là est arrivée la période électorale, et, je veux dire, on est rendu
aujourd'hui... le temps a passé.
Cet
engagement-là, c'était nous qui le prenions, c'est nous comme groupe de
médecins qui disait : On va mettre ça sur pied parce que c'est avec ça qu'on va régler l'accessibilité,
parce que comprenez que, pour nous, là, d'entendre qu'un père de famille attend avec son petit
27 heures dans une salle d'urgence parce qu'il a mal aux oreilles, là, ça
n'a pas de bon sens, là, c'est sûr
qu'on veut régler ça, là. Et, ce qu'on vous dit, on est prêts à débuter
rapidement la mise en place de ça, mais ça, ça va être réalisable dans un cadre
autre que celui dans lequel on est plongés depuis les derniers mois, avec
la menace de ce projet de loi là qui, pour
nous, est nécessairement une catastrophe pour la médecine de famille, pour
toutes les raisons que j'ai évoquées, que je ne reprendrai pas.
Le
Président (M. Habel) : Merci
beaucoup. Je dois céder maintenant la parole au député de Lévis pour un temps
de cinq minutes.
• (14 heures) •
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le
Président. D'ailleurs,
je garderai quelques minutes pour ma collègue députée
de Saint-Hyacinthe, si vous le permettez. Merci de votre présence,
Dr Godin, Dr Amyot, Dre Bouchard, Dr Dion, Dr Vachon.
Le ministre
parlait tout à l'heure des internistes, un groupe qui s'inquiétait de la
catastrophe des AMP et de leur abolition progressive. Ils se sont beaucoup
inquiétés, je pense, des quotas, mais je comprendrai que le ministre retient probablement ce qui fait davantage son affaire. Ceci dit, vous avez consulté vos
membres, qui sont maintenant prêts à aller vers l'abolition des AMP, vous l'avez dit. La Coalition avenir Québec propose aussi cette mesure-là. Le ministre
était en accord en 2012, il portait,
hein, le message, mais aujourd'hui ça ne tient plus la route, en 2015. Il faut
croire que les choses changent.
Selon vous...
Puis j'aimerais que vous reveniez là-dessus parce
que ça a été dit à quelques reprises
par le ministre, catastrophique,
du jour au lendemain les omnipraticiens quittent les urgences, et là on ne
saura plus où donner de la tête, le système
s'effondre. Revenez et dites-moi, M. Godin, comment est-ce possible
d'abolir graduellement les AMP, graduellement,
sans provoquer de bris de service et provoquer la catastrophe dont on parle, de
la part de certaines personnes.
M. Godin
(Louis) : ...de se servir
surtout des effectifs qui sont à venir. Et je sais également,
parce qu'on a déjà
sondé nos membres, qu'est-ce qui arriverait si on enlevait les AMP. Est-ce que
vous allez sortir de l'hôpital demain matin? La réponse, c'est non. On va
continuer à aller travailler, on va continuer à travailler à la salle
d'urgence.
Ce que je veux arrêter, en abolissant les AMP,
c'est de permettre cependant à celui qui veut aller travailler en prise en charge... puisse aller le faire. Donc, en
ce sens-là, on n'est pas inquiets de voir les urgences désertées et les étages
être désertés, on est convaincus que les
médecins de famille vont continuer à travailler là. Et d'ailleurs un des
problèmes que
l'on voit, c'est qu'on a de la misère à les diriger vers les cliniques. On sait
que c'est un sujet sensible, ces ruptures de services là, on ne veut pas vivre ces situations-là. C'est pour ça
que, pour rassurer tout le monde, on suggère cette période transitoire là, mais on est convaincus qu'elle va
nous permettre de montrer clairement que le danger appréhendé n'existe pas et qu'on pourrait absolument... tout
simplement les AMP, et après ça on le fera de façon progressive, strate d'âge
par strate d'âge, pour s'assurer, je veux dire, que tout se fait sans
problème.
M. Paradis
(Lévis) : ...cette vision, en
15 secondes, après consultation de vos membres, ce pourcentage de médecins qui disent choisir la pratique en
établissement et vouloir y demeurer, elle est importante? Quel pourcentage vos
membres...
M. Godin
(Louis) : Je ne l'ai pas complètement
en tête, mais je suis sûr qu'il y a au moins 75 % à 80 % de mes
membres qui vont me dire : On ne
bougera pas de là, on va continuer à travailler là. Donc, le risque, là,
faisons attention, là, pour ne pas le rendre plus grand qu'il n'est en
réalité.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le
Président. Je laisse la parole à ma collègue députée de Saint-Hyacinthe.
Le Président (M. Habel) : Parfait.
Merci.
Mme
Soucy : Bonjour à vous cinq. Pour reprendre un petit peu ce que vous
donniez tantôt comme éléments, que, bon, sachant, là... qu'on sait que
les femmes sont beaucoup... le pourcentage est beaucoup plus élevé à la faculté
de médecine, tantôt vous le mentionniez, là,
75 %, les statistiques démontrent également que les femmes ont une
pratique minimale annuelle moins
élevée que les hommes, et puis, bon, sachant aussi, là, que la volonté des
femmes qui ont des enfants, c'est de travailler à temps partiel, du
moins quelques-unes, puis c'est tout à leur honneur, ma question que je poserais, c'est : À long terme, comment
est-il possible de concilier le travail-famille pour les femmes qui le désirent
mais sans diminuer l'accessibilité aux usagers?
M. Godin
(Louis) : Bien, d'abord, je
pense, il faut se rendre compte que cette moins grande disponibilité, si on
peut s'exprimer ainsi, c'est souvent une
courte période de leur activité. Ça va se produire souvent quand... la période
où elles vont accoucher, là, ce qui
est bien normal, peut-être quelques années après, mais après ça elles retrouvent
un profil de pratique qui est à peu près celui... l'équivalent des
hommes, là. À l'intérieur de ça, là, il faut arrêter de dire que les femmes médecins omnipraticiennes, elles consacrent
leurs carrières à travailler à temps partiel, là, c'est complètement
faux, cette histoire-là, et...
Mme
Soucy : En fait, ce n'est pas... mais ce n'est pas ce que j'ai
mentionné. Mais je me fie en fait sur ce que vous avez dit pour le
pourcentage, 75 %, aussi. Il faut être réaliste. C'est que, je veux dire,
les chiffres le démontrent, 2011‑2012, que
la pratique minimale annuelle est quand même inférieure à celle des hommes. En
fait, c'est la question vraiment que je lance : Est-ce qu'à long
terme vous avez des propositions à faire? Est-ce qu'il y aurait...
M. Godin
(Louis) : Bien, j'ai
l'impression... Je vous dirais que, du côté... en ce qui concerne la
féminisation de la médecine
familiale, on est en train de revivre un peu l'inverse, là, l'attractivité se
refait plus chez les étudiants que chez les étudiantes. Et, comme je
vous le mentionnais, une fois une certaine période... les niveaux d'activité,
je veux dire, deviennent beaucoup plus comparables.
Mme Soucy : Parfait. Merci.
Le
Président (M. Habel) : Merci
beaucoup. Merci. Je cède maintenant la parole au député de Mercier pour un
temps de 2 min 30 s.
M. Khadir : Bonjour, chers collègues.
Bienvenue. Je voudrais aussi souhaiter bienvenue à plusieurs collègues omnipraticiennes, omnipraticiens mais aussi des
omnipraticiennes, de vaillantes femmes docteures au service des patients
du Québec, de vaillantes omnipraticiennes
que d'aucuns ont laissé entendre qu'elles pourraient être fainéantes
éventuellement.
Le projet de règlement qui a été déposé aujourd'hui
contient un barème, une manière de pondérer les patients pour calculer les quotas ensuite. Je l'ai dit tout
à l'heure, c'est une manière de déshumaniser la médecine, comptabiliser les
choses, ce qui ne correspond pas aux meilleures pratiques qui nous est enseigné
depuis des années. Et ce que les «textbooks»
nous disent : La médecine, ce n'est pas une industrie, ce n'est pas une
production industrielle, ne peut pas être comptabilisée.
Mais admettons qu'on accepte la logique. Je veux
juste vous faire... Parce que vous n'avez peut-être pas eu le temps de le regarder. Donc, j'ai compris que vous
n'avez pas été consultés, ni sur le projet de loi n° 20, et donc,
j'imagine, pas plus là-dessus, bon.
Est-ce que vous pouvez me dire si ça tient à quelque chose que vous connaissez
en médecine, en omnipratique, le fait
qu'un patient traité à domicile pour soins palliatifs soit comptabilisé
25 fois plus qu'un patient normal et 12 fois plus qu'un
patient sidéen? Est-ce que ça repose sur quelque chose que vous connaissez?
M. Godin
(Louis) : Je ne peux pas
vous répondre à savoir sur quoi ça a répondu. Spontanément, je vais vous dire
que, si vous êtes en soins palliatifs à
domicile, probablement que vous exigez plus de soins que si vous avez
25 ans et que vous allez pour une visite chez le médecin. Mais est-ce que ça vaut 25?
Est-ce que ça vaut 20, 22? Ce que je peux vous dire, là, c'est que ces pondérations-là, là, ça demeure toujours quelque
chose de bien aléatoire puis un peu farfelu, à la fin, là, tu sais,
c'est...
M. Khadir :
De très arbitraire.
M. Godin (Louis) : Il y a une affaire qui est sûre, là. Au-delà de la pondération qui ne
tient pas, là, moi, qu'un patient vaille moins qu'un patient, là, ça, ce
bout-là, là... ça, d'emblée, je vous dirais, là, ça, je ne peux pas, puis...
M. Khadir : Oui, mais, pour tenir... C'est une logique
défaillante, j'admets, c'est une logique défaillante, on l'a admis au départ. Mais admettons qu'on accepte la
logique défaillante du ministre, d'accord, et qu'on dise : Il faut pondérer, est-ce que
ça vous paraît raisonnable qu'un sidéen en fin de vie puisse compter
10 fois moins qu'un patient qui est en fin de vie pour cancer à...
M. Godin
(Louis) : Je vous dirais que, peu importe le système de pondération,
là, on n'arrivera jamais avec quelque chose qui tient la route, là, parce que vous avez cette situation-là, et il y en
aura bien d'autres qu'on pourrait vous décrire qui ne tiendraient pas la
route.
M. Khadir :
Très bien.
Le Président (M. Habel) : Merci. Merci
beaucoup de votre présence,
Drs Bouchard, Amyot, Godin, Dion, Vachon.
Compte tenu de
l'heure, je vais suspendre les travaux jusqu'à 15 heures. Merci.
(Suspension de la séance à
14 h 8)
(Reprise à 15
h 24)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs téléphones cellulaires.
Nous
allons poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 20, Loi
édictant la Loi favorisant l'accès
aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant
diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.
Nous avons maintenant
le plaisir de rencontrer les représentants et représentantes du Conseil des
médecins, dentistes et pharmaciens du CSSS
Jeanne-Mance. Je vous demanderais de bien vouloir vous identifier, dans un
premier temps, et ainsi que préciser
vos fonctions. Vous disposez de 10 minutes de présentation et par la suite
vous aurez un échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à
vous.
Conseil des médecins, dentistes
et pharmaciens du Centre
de santé et de services sociaux Jeanne-Mance
Mme Bruneau (Anne) : Anne Bruneau, médecin de famille, vice-présidente du Conseil des
médecins, dentistes et pharmaciens du CSSS Jeanne-Mance.
M. Fortin (Marquis) : Marquis Fortin, médecin de famille au GMF, unité de médecine familiale Notre-Dame du
CSSS Jeanne-Mance.
Mme Bruneau (Anne) : M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, les
médecins du Centre de santé et de services sociaux Jeanne-Mance sont
inquiets des répercussions possibles du projet de loi n° 20 sur les personnes vulnérables. Nous vous remercions de
nous donner la possibilité de partager cette préoccupation avec vous. Nous désirons vous présenter cinq points importants :
premièrement, qui sont ces personnes vulnérables; deuxièmement, quels sont leurs besoins; troisièmement, quels sont les impacts de ces
besoins sur notre pratique médicale; quatrièmement, quel est l'impact appréhendé du projet de
loi n° 20 sur les personnes vulnérables; et finalement quelques
pistes de solution.
D'entrée
de jeu, pour vous situer, le CSSS Jeanne-Mance dessert les quartiers centraux
de Montréal. Une grande proportion de personnes que nous traitons se
retrouvent notamment dans une situation de précarité économique, d'itinérance, de prostitution et de dépendance. En
ce qui a trait aux indicateurs de santé, l'espérance de vie, particulièrement
chez les hommes, est réduite de trois à
10 ans comparativement aux autres quartiers de Montréal. Les taux de décès
dus aux maladies du système
circulatoire et respiratoire y sont aussi plus élevés de 140 % à
150 % par rapport au taux montréalais. Les taux de traumatisme et
les taux de suicide sont également plus élevés de plus de 200 %.
Premier
point : Qui sont ces personnes vulnérables? Les médecins du CSSS
Jeanne-Mance sont quotidiennement confrontés
aux problèmes de santé complexes et multiples des personnes vulnérables. Les
personnes vulnérables présentent des conditions socioéconomiques
précaires. Elles souffrent fréquemment de problèmes de santé mentale, de
maladies chroniques ou de maladies en phase
terminale pour lesquelles il n'existe pas de traitement ou encore pour
lesquelles les interventions
curatives ne sont plus efficaces. Certaines personnes sont parfois incapables
de nommer leurs besoins et de prendre conscience de la précarité de
leurs conditions de vie et de santé.
La
présence de personnes vulnérables est de plus en plus observée dans notre
société et incidemment dans notre pratique
médicale. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène : le vieillissement
de la population, l'appauvrissement, la désintégration des structures
sociales traditionnelles et l'immigration.
Deuxième
point : Quels sont leurs besoins? Les personnes vulnérables sont
généralement de grandes utilisatrices des
services de santé, leurs besoins en soins de santé sont multiples et complexes.
La complexité de leurs problèmes requiert un éventail de compétences spécialisées et nécessite donc une approche
globale, une adaptation constante et de la souplesse.
L'accès aux soins de santé constitue un défi.
L'accessibilité aux soins de santé se définit par deux éléments importants : d'une part, la possibilité
d'avoir un contact avec un professionnel de la santé lorsqu'un besoin se fait
sentir et, d'autre part, la capacité
des individus à demeurer dans le système de santé. Cette difficulté à rester en
contact avec le système de santé
s'explique en raison de conditions socioéconomiques précaires, celles-ci se
traduisant par la stigmatisation, les
barrières linguistiques ou la méfiance face au système de santé, souvent causée
par de mauvaises expériences. Il est difficile
pour eux de naviguer dans le système de santé, ces personnes ont de la
difficulté à obtenir les services requis. Il n'est pas rare que ces
personnes consultent à l'urgence pour les obtenir.
Il est également important de reconnaître que
les besoins de santé ont des dimensions individuelles. Les mots utilisés par une personne pour nommer ses besoins,
l'importance qu'elle y accorde ainsi que ses réponses aux questions du
professionnel de la santé sont influencés par ses valeurs, ses expériences, ses
connaissances et sa culture.
Troisièmement point : la pratique médicale
auprès des personnes vulnérables. Les besoins non reconnus, non exprimés, mal exprimés et parfois même cachés
complexifient la pratique médicale auprès des clientèles vulnérables parce
que les médecins doivent les identifier et
s'en occuper. Les personnes vulnérables ont des problèmes de santé multiples,
compliqués et complexifiés notamment par le
manque de suivi et la difficulté des individus à les identifier, à se prendre
en charge et à suivre un traitement.
Les problèmes
complexes des personnes vulnérables font appel à différents professionnels de
la santé. L'offre de services s'est
élargie avec le développement des connaissances et des technologies. La
personne vulnérable a de la difficulté
à coordonner tous ces services par elle-même, le médecin de famille est appelé
à jouer régulièrement ce rôle. Cet encadrement de personnes vulnérables
demande beaucoup de temps et n'est pas comptabilisé dans nos actes.
Les
caractéristiques individuelles particulières des clientèles vulnérables doivent
nécessairement être prises en compte,
car elles ajoutent des barrières dans leurs interactions avec les
professionnels de la santé. Les personnes vulnérables sont moins
scolarisées, moins informées et moins habiles à obtenir des services qu'il faut
négocier à la pièce, le médecin de famille vient souvent à pallier à cette
situation, est appelé à pallier à cette situation. Comment aborder le problème... Comment aborder le traitement du
diabète avec des personnes qui s'alimentent à partir de banques alimentaires?
Comment accommoder une patiente qui, faute d'argent, doit venir à pied et
arrive trop tard à son rendez-vous?
• (15 h 30) •
La difficulté
de ces personnes à rester en contact avec les soins de première ligne nécessite
une adaptation de la pratique
médicale, il est nécessaire d'intégrer une souplesse dans l'organisation des
services de santé afin de garder le lien avec la personne et travailler à la permanence des soins. Des soins ponctuels prodigués en l'absence de
continuité exacerbent certains problèmes de santé, et la prévention des
risques est très difficile à appliquer.
Le partage d'information et une prise de
décision commune avec le patient représentent le type d'interaction souhaité. La personne désire aujourd'hui mieux
comprendre les options qui lui sont proposées, faire ses propres choix et entreprendre des changements. Ces soins basés
sur les choix et les capacités du patient permettent une meilleure prise
en charge et contribuent à réduire les interventions ponctuelles, et ceci prend
du temps.
Les soins aux
personnes vulnérables demandent souplesse et flexibilité. Les autres
professionnels de la santé doivent être
mis à contribution. Cependant, l'interface avec ces autres professionnels de la
santé demande de la conciliation, car il
y a une redistribution des rôles. Ceci est exigeant et prend du temps. Dans la
pratique, il est nécessaire de poser des gestes supplémentaires pour
soutenir les personnes vulnérables et les encadrer.
Quatrième
point : Quel est l'impact du projet de loi n° 20? Après lecture
du projet de loi n° 20, les médecins du CSSS Jeanne-Mance sont particulièrement préoccupés
par l'absence de modalités prévues pour la pratique médicale auprès des
clientèles vulnérables ou présentant des problématiques particulières. Dans le
même sens, le fait d'encourager les médecins
à prendre en charge un nombre élevé de patients aura sans doute... sans
contredit pour impact de diminuer la prise
en charge de nouveaux patients présentant des problématiques complexes et
multiples. La littérature reconnaît que le nombre élevé de patients, et encore plus s'ils ont des problèmes de
santé compliqués, amène des effets négatifs sur la qualité des soins. L'imposition notamment de
quotas et de taux d'assiduité aurait pour conséquence une diminution notable
dans la qualité des soins prodigués, de
diminuer la satisfaction du patient concernant la qualité des soins, la
continuité des services et la
relation thérapeutique, des difficultés accrues de prise en charge des
clientèles présentant des maladies chroniques,
la diminution des interventions de prévention et de promotion de la santé, qui
entraînerait éventuellement et immanquablement une importante pression
en matière de coûts et d'accès sur le système de santé.
Trop de règles répriment la créativité et la
capacité d'adaptation. Cette souplesse dont nous parlions un peu plus tôt, cette capacité d'adaptation est
nécessaire pour soutenir et apporter des solutions aux problèmes de santé
complexes des personnes vulnérables.
Nous préconisons une médecine basée sur les besoins, une médecine basée sur les
besoins et non sur des quotas qui
pourrait permettre de diminuer le taux de prescriptions, le taux de visites de
suivi et augmenter la satisfaction des patients.
En permettant la révision de la pratique
médicale dans un court délai, le lien thérapeutique si important et si difficile à créer auprès de ces personnes
vulnérables est directement touché par le projet de loi n° 20. Des effets
négatifs sur le suivi des patients
sont à prévoir. Le médecin de famille est souvent la ressource ultime dans le
système de santé. Lorsque l'épisode
de soins est terminé, que ce soit à la suite d'une hospitalisation ou un suivi
temporaire en spécialité, la continuité des soins demeure et revient au médecin
de famille. La préservation du lien thérapeutique est essentielle dans ces conditions. L'essence même de la pratique de
la médecine de famille est le suivi longitudinal auprès des clientèles vulnérables,
ceci contribue à garder ces personnes en contact avec le système de santé.
Cinquième
point : Quelles solutions avons-nous apportées et adoptées au CSSS
Jeanne-Mance? L'implantation d'un
système de rendez-vous à accès ouvert. Ce système permet aux patients de
prendre un rendez-vous rapidement, en fonction
de l'urgence de sa situation de santé, auprès de l'un des membres de l'équipe
soignante dont fait partie son médecin. Le rendez-vous est donné la journée même ou dans les 48 heures
suivant l'appel. Les résultats sont probants. L'adoption à grande
échelle de ce type de système favoriserait l'accès aux soins de santé.
De
même, l'établissement a intégré six infirmières praticiennes spécialisées au
cours de la dernière année, et le travail
en interdisciplinarité est très présent. Ceci a permis d'augmenter de façon
significative le nombre de patients suivis en plus d'améliorer la qualité de l'accès. Ce vent de changement mis en
place pourrait être court-circuité par le projet de loi n° 20
imposant des quotas et des modalités de suivi.
En
conclusion, Mmes et MM. les parlementaires, nous aimerions que vous vous
projetiez dans l'avenir. Quand vous,
vos proches, vos amis, vous serez âgés de 70 ou 80 ans et que vous serez
devenus ces personnes vulnérables, posez-vous
la question : Comment aimeriez-vous être traités, avec des soins dictés
par des quotas ou des soins dictés par vos besoins de santé? Merci de
votre écoute.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, s'ouvre la
période d'échange avec les parlementaires, et pour 18 minutes je
cède maintenant la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Dre Bruneau, Dr Fortin,
un plaisir de vous revoir. On s'était croisés dans le passé dans
d'autres circonstances. Bien, dans d'autres circonstances... Peut-être que vous
me diriez que c'est des circonstances similaires, là, mais dans un autre
environnement. Alors, merci d'être venus nous parler. Puis je vais me permettre
de saluer des gens qui viennent de votre CSSS que je reconnais là-bas, là,
derrière vous.
Et
c'est d'autant plus intéressant de vous recevoir parce que vous... bien pas parce que
mais spécifiquement parce
que
vous venez nous parler du terrain, et ça va me permettre d'aborder avec vous
certains aspects du projet de loi qui traitent justement du terrain, parce que
le projet de loi, tel qu'il est écrit, contrairement à ce que le
député de Mercier veut bien comprendre, il est quand même le résultat de consultations du milieu médical et
particulièrement de gens qui sont dans... ce n'est pas des gens officiels, mais ce sont des
gens comme vous qui sont sur le terrain dans un environnement particulier.
Puis je ne pense pas que vous allez me tenir rigueur si je dis que votre environnement
est particulier, vous l'avez vous-mêmes dit, bien exprimé en introduction, là.
En termes médicaux, vous n'êtes pas dans une banlieue classe moyenne, si vous me permettez l'expression, vous
êtes un petit peu à l'autre bout du spectre, et je suis allé voir
ça à plusieurs reprises
personnellement.
Et
ça m'amène à engager une conversation et à vous poser quelques questions sous
cet aspect-là. Vous avez, à la fin de
votre introduction, parlé de l'accès ouvert, c'est le terme, je pense, que vous avez utilisé. Vous faites référence
à l'accès adapté? Donc, c'est
important, je vous demande de le préciser pour le bénéfice des gens qui nous
écoutent et les autres parlementaires qui ne sont peut-être pas
familiers avec cette terminologie-là, là, pour laquelle on est tous les trois dans ce milieu-là, mais tout le monde ne
l'est pas nécessairement, mais, les gens, quand ils parlent d'accès ouvert,
parce que c'est le terme aussi utilisé par
les gens que j'ai consultés, ça peut aussi vouloir dire d'afficher publiquement
des grilles de rendez-vous. Est-ce que vous
allez jusque-là, de rendre disponible à la clientèle, par exemple, sur un site
Internet ou d'une façon quelconque une grille de rendez-vous?
M. Fortin
(Marquis) : Ce n'est pas le cas actuellement, M. le ministre, non.
M. Barrette :
Chez vous. Mais est-ce que vous pensez qu'on doit aller dans cette direction-là?
M. Fortin
(Marquis) : Ça prendrait probablement beaucoup de changements.
Je
veux simplement retourner en arrière puis vous dire qu'il y a environ trois
ans, suite à notre déménagement du CHUM
vers le CSSS, on a eu un problème majeur de... je dirais un problème culturel
majeur de réorganisation de nos systèmes
de rendez-vous et de réorganisation de notre système téléphonique, tout le
système d'accueil, en fait, était à refaire, et on a demandé, à ce moment-là, l'appui du ministère, on a eu des gens
du ministère qui sont venus nous aider un peu à regarder les processus et à changer les processus. Et ça a pris
passablement de temps, changer ça dans des établissements de type CSSS, contrairement, par exemple, à des
GMF dans le milieu privé, les délais et les... qui sont imputables, par exemple, à la mobilité de la clientèle, à la
supplantation de la clientèle, ces choses-là, font en sorte que les changements
sont difficiles à réaliser, ce qui nous a
amenés en même temps, il y a trois ans, donc, à considérer l'accès adapté, et
c'est ce qu'on a fait. On est
maintenant, depuis environ un an, en mode accès adapté, et de toute évidence ça
a changé considérablement... Puis je
parlerai pour ma clientèle en particulier, ça fait 27 ans que je suis dans
ce milieu-là. Il y a deux ou trois
ans, ça prenait deux mois pour avoir un rendez-vous avec moi; contre toute
attente, actuellement, vous pouvez appeler
au début de la semaine, vous aurez un rendez-vous avec moi dans la semaine et
possiblement dans la même journée.
M.
Barrette : Puis là on parle d'une clientèle qui a un profil
particulier, là, parce que votre clientèle à vous, là, vous l'avez bien décrite, là, ce n'est pas du
monde qui fait du 9 à 5 dans un bureau, là. Je ne dis pas ça péjorativement,
là.
M. Fortin
(Marquis) : C'est ça. C'est
le deuxième aspect, je pense, intéressant de l'accès adapté, c'est qu'on
peut parler d'un accès adapté qui est basé aussi sur la pertinence et sur
l'urgence de soins. Par exemple, quelqu'un qui veut venir entendre parler du vaccin contre le
zona, ça peut attendre probablement une semaine, comparativement à quelqu'un qui vient de sortir de l'hôpital, qui
est en insuffisance cardiaque et dont je ne suis pas sûr qu'il est stable à la
maison. Alors donc, en effet, il y a moyen de faire cette adaptation-là.
M. Barrette :
O.K. Oui?
Mme Bruneau (Anne) : Pour ma part, moi, j'ajouterais que je travaille dans une équipe très
spécifique, je travaille auprès des jeunes
de la rue. On n'affiche pas nos rendez-vous, mais dans toutes les ressources
communautaires que nos jeunes
fréquentent ils savent qu'il y a un médecin de 1 heure à 5 heures du
lundi au vendredi, au CSSS, puis ils ont juste à se présenter.
• (15 h 40) •
M. Barrette :
Je vous parle de ça parce que vous avez compris dans mes interventions passées
que j'en fais moi-même la promotion puis j'y
tiens beaucoup, parce
que je pense que l'accès adapté,
c'est un changement de la façon de
pratiquer la médecine par rapport à celle où peut-être pas vous, docteur,
mais vous, docteur, et moi avons été entraînés à faire, et une des
solutions passe par là. Et c'est toujours surprenant de voir que dans des
milieux comme le vôtre on s'attendrait au
contraire, mais vous êtes déjà passés à ça, alors que des milieux plus
traditionnels, on va dire, tardent à le faire.
Mais il y a, et vous
me le confirmez, là, un grand gain et pour votre pratique... Parce qu'il faut
le prendre en considération. Je pense que
vous allez me dire aussi, vous allez me confirmer que c'est plus agréable et
plus satisfaisant pour vous, de travailler dans cet environnement-là,
comme ça l'est pour les patients. Je ne me trompe pas?
M. Fortin (Marquis) : Certainement. Je dirais... L'autre élément de l'accès adapté, qui va, à
mon avis, en tandem avec l'accès
adapté, c'est les pratiques interprofessionnelles, c'est les pratiques
collaboratives, et c'est une autre dimension qu'on a mise à l'ordre du jour de nos changements il y a déjà plusieurs années.
Bien que les GMF ont été annoncés, on a demandé de devenir un GMF. On a bénéficié des infirmières cliniciennes,
on s'est occupés véritablement de les insérer dans l'équipe, et non
seulement de les insérer dans l'équipe, mais dans l'ensemble des processus de
soins.
On
a aussi... le Dr Bruneau le mentionnait, on a un certain nombre
d'infirmières praticiennes qui travaillent avec nous, et j'en profite
pour solliciter du ministre de sortir peut-être le fouet pour ça aille un petit
peu plus vite dans le développement des IPS
au Québec. C'est un champ professionnel absolument extraordinaire, qui ne
remplace en aucune façon le travail du médecin de famille mais qui vient
l'épauler d'une façon assez particulière et assez intéressante.
M. Barrette :
Puisque vous m'ouvrez la porte, je vais y entrer. Vous savez qui je dois
fouetter, si vous me demandez de sortir le
fouet pour ce qui est de la formation des IPS, parce qu'il y a un frein en
quelque part. Et là on me reprochera
de sortir le fouet — je prends
votre expression, là — parce que je peux vous dire que l'obstacle, actuellement, je pense que vous savez où il est, et ce n'est pas
par manque de volonté gouvernementale ni des programmes de formation des
IPS d'aller de l'avant, c'est un problème de milieu de stage.
M. Fortin
(Marquis) : ...je vous aurai incité à sortir le fouet.
M. Barrette :
Voilà. Je le reçois positivement.
Ça m'amène à... Ça me
donne l'envie de vous poser une question qui est quasiment comme à une célèbre émission, qui est la question qui tue, là. Vous,
vous êtes deux médecins, là, qui arrivez, là, d'un environnement où ça ne
vous a pas dérangés de partager ou de réorganiser vos pratiques en tirant tous
les avantages de l'interdisciplinarité. Qu'est-ce
qu'il faut, là, pour que ça se fasse à grande échelle, alors que ça ne se fait
pas à grande échelle? Puis là je vais vous poser la question qui tue
vraiment : Vous gagnez votre vie pareil, hein?
M. Fortin
(Marquis) : Tout à fait, oui.
M. Barrette :
Votre pratique ne s'est pas alourdie, ce n'est pas l'enfer à tous les matins en
allant pratiquer la médecine parce que vous
partagez des actes. Il est où, l'obstacle dans la pratique médicale? Pourquoi
ça ne se fait pas plus que ça? En fait, je vous demande quasiment un
conseil.
M. Fortin (Marquis) : En fait, je retournerais la question en disant que, d'une part, c'est
très facilité par le fait que, dans
un groupe de médecins, quand on insère des dimensions de régulation
professionnelle, le partage de tâches et d'évaluation, en fait, de tâches en fonction de la qualité de l'acte,
c'est un peu plus facile de déterminer un petit peu les tâches de chacun
et de faire en sorte que les bonnes personnes soient affectées aux bonnes
activités cliniques.
M. Barrette :
Quel est le levier? Parce que, là, je ne saisis pas exactement la teneur de ce
que vous me dites.
M. Fortin
(Marquis) : Ça prend du leadership, M. le ministre.
M. Barrette :
C'est ça. Le leadership, ça ne s'ordonne pas.
M. Fortin
(Marquis) : Oui. Non, mais
ça se pratique et ça s'impose, puis dans un groupe aussi. Dans un groupe,
si les objectifs sont bien déterminés, sont clairs, et si les moyens aussi
viennent avec, oui, ça va très bien.
Dans
les obstacles, puis encore je parle des obstacles parce que je suis dans un GMF
en établissement, on déplore encore
la grande pauvreté du système informatique. On fonctionne avec un système qui
s'appelle OASIS, qui est loin de nous
faciliter la tâche, bien au contraire. Et ça, je pense que c'est un instrument
qui est très important. Je rappelle en fait que c'était dans la définition des GMF, ce qui était promis avec les GMF
en 2004, puis malheureusement on est encore un peu en retard là-dessus.
Ça, c'est certainement un autre élément, donc, l'élément du partage
d'information.
Le deuxième élément, c'est la fluidité dans les
clientèles. Et, la fluidité, bien, ça, je parle en termes... ça va m'amener
à augmenter un petit peu le niveau du
concept de vulnérabilité. On s'entend pour définir des clientèles de
vulnérabilité, mais il y a des temps dans la vie des individus qui les
mettent en grande vulnérabilité, et ceux qui attendent après des consultations en spécialité, qui attendent après
une chirurgie, qui attendent après un examen de radiologie ou de laboratoire,
comme certains de mes patients qui sont
depuis 18 mois sur une liste d'attente pour une résonance magnétique,
deviennent vulnérables, consultent encore plus, à ce moment-là, et on
doit les accompagner dans ce processus-là.
Mme
Bruneau (Anne) : Puis il y a la vulnérabilité aussi auprès des autres professionnels de la santé. Un
patient vulnérable qui n'a pas
d'argent pour aller dans le privé en physiothérapie doit attendre deux ans.
Pendant ce temps-là, sa condition se détériore parce qu'il n'a pas accès
à ces services professionnels là dans les établissements.
Et la
question des personnes vulnérables, ça peut être arbitraire. Qui est
vulnérable? Qui ne l'est pas? Ce n'est pas nécessairement juste des conditions
médicales qui peuvent définir la vulnérabilité d'une personne.
M.
Barrette : J'irais même plus
loin, les critères actuellement utilisés pour déterminer la vulnérabilité ne sont
pas nécessairement très bons non plus. Ce n'est pas parce qu'on a un
diagnostic de telle chose qu'on devient vulnérable. Et je prends toujours le même exemple parce
qu'il est très fréquent. À 55 ans, avec un diabète de type 2,
hypertendu, avec une vie normale à part ça, on n'est pas nécessairement
vulnérable. On a une condition médicale pour laquelle il faut s'occuper, là, mais ce n'est pas nécessairement ça qui est la définition de «vulnérabilité», elle est plus dans le
genre de situation que vous exprimez à l'instant.
J'aimerais ça
aborder la chose sous un autre angle. Vous avez entendu parler mais probablement pas pris connaissance de la
totalité, même si ça a été mis sur notre site Internet ce matin, de notre
échelle d'équivalence, et, dans notre échelle d'équivalence, pour ce qui
est des... Vous savez, moi, je me retrouve dans une position où je vise à ce qu'il y ait un effet, et, comme jusqu'à récemment, à l'exception peut-être
pour des gens comme vous, l'effet escompté n'a pas été livré, là, du moins pour la majorité, on en arrive à
quasiment être obligés d'arriver avec des règles, des contrats, une relation plus formalisée. Et, pour faire ça,
bien on est arrivés avec des équivalences et on a voulu tenir compte de la
lourdeur de certains patients et tenir
compte des différentes activités et des différents profils. Dans ce que l'on
propose, par exemple... Et ça, ça va vous dire quelque chose parce que je pense que c'est quasiment vos voisins, là. La semaine
dernière, à Radio-Canada, il y avait un reportage de vos collègues de la
clinique du Quartier latin. Sans entrer dans le nominatif, moi, je peux vous
dire que leur profil de pratique rentre dans ce qu'on demande, là, ils
travaillent, là, ce monde-là, là. Puis ce
n'est pas une question de travailler ou ne pas travailler, mais les
pondérations font en sorte qu'ils ne sont pas affectés par lesdites
pondérations, on l'a regardé.
Puis la demande que... la question que je vous
pose, c'est : En jouant le jeu, là, de la pondération... Je ne vous demande pas de me dire que c'est fantastique, là,
mais, si on accepte un instant de jouer le jeu, là, est-ce que vous trouvez que
les pondérations que l'on a mises de l'avant étaient raisonnables? Ces
pondérations-là, elles viennent de l'observation du milieu que l'on a
faite pour faire en sorte qu'on ne pénalise pas un individu qui a un profil
très particulier. Le un pour 25, là, ça ne
vient pas de la lune, ça vient de l'observation de gens qui font des soins
palliatifs à domicile. Le un pour 12, ça
ne vient pas de la lune, là, ça vient des patients qui sont en perte d'autonomie
sévère, qui ont des malades chroniques, qui sont mal en point, et ainsi de suite. Est-ce que, si vous faites la
réflexion sur cette base-là et que vous regardez votre pratique, là,
vous regardez votre pratique, vous seriez ou non pénalisés, de ce que vous
connaissez à date, là?
• (15 h 50) •
Mme
Bruneau (Anne) : Bien, la
question de la pondération, c'est une question qui est quand même très
complexe. Je vais vous donner un
exemple très concret, santé mentale, deux patients avec des diagnostics de santé
mentale qui sont peut-être pondérés de la même façon, je ne connais pas
votre grille, un patient qui a un syndrome d'Asperger, un trouble déficitaire de l'attention, que je vois deux fois
par année, il va bien, une autre patiente qui n'a pas de diagnostic... lui, il
est vulnérable, l'autre patiente qui n'est pas du tout vulnérable, catégorisée
vulnérable, qui a un trouble de personnalité sévère, qui se ramasse trois, quatre fois par semaine à l'hôpital, à
l'urgence parce qu'elle est
suicidaire. Cette patiente-là, elle
n'est plus comme ça maintenant, mais pendant des semaines je la voyais tous les
jours — c'est ce
que je parlais de souplesse dans l'adaptation de la pratique auprès des
personnes vulnérables — je
l'ai vue tous les jours ne serait-ce que des
fois cinq minutes, 10 minutes, elle débarquait à la clinique, je la
voyais, mais pendant ce temps-là elle n'était pas à l'urgence, elle
n'appelait pas l'ambulance puis elle ne faisait pas le tour des urgences de la
ville de Montréal. C'est deux diagnostics de
santé mentale. Comment pondérer un puis comment pondérer l'autre qui est plus
lourde? Comment pondérer sans tomber dans l'arbitraire?
Et, d'un
autre côté, l'autre extrême, c'est qu'on ne peut pas laisser faire, mais il
faut pondérer, parce que c'est important que les clientèles vulnérables
soient prises en charge. C'est...
M. Barrette : ...excusez-moi, je
pensais que vous aviez fini.
Mme
Bruneau (Anne) : C'est
difficile de tomber dans des chiffres, dans l'arbitraire, puis je ne veux pas tomber...
Moi, ce que je vois, c'est que, oui, il faut
les pondérer, mais il faudrait peut-être donner des balises, puis ce qui est
important, c'est
de laisser une marge de manoeuvre à travers ces balises-là, parce qu'on ne
travaille pas sur une chaîne de montage, là, on travaille avec des personnes, puis il y a la relation humaine qui est
là, puis c'est ça, l'impondérable, puis c'est ça qui mérite une marge de
manoeuvre.
Puis les
personnes peuvent être vulnérables... La personne, la jeune fille dont je parlais,
qui était rendue plusieurs fois par
semaine dans les urgences parce qu'elle voulait se tuer, elle n'est plus comme
ça aujourd'hui, là, on l'a sortie de la rue, puis elle est stabilisée. Puis, bon, il y a tout un processus qui a
été fait, elle n'est plus vulnérable comme elle l'était avant. Ça fait que
comment on pondère? Ce n'est pas une question facile puis ce n'est pas... Je
pense qu'il faut donner des balises puis laisser de la marge de
manoeuvre.
Mais c'est
sûr qu'il faut ramasser ça. On veut... Il faut quand même qu'il y ait un
contrôle qui soit exercé, il faut que... parce qu'il y a des comptes à
rendre par rapport à la prise en charge des vulnérabilités des personnes. Tu
sais, il y a une part d'arbitraire, mais il faut quand même qu'il y ait une
reddition de comptes qui soit faite.
M.
Barrette : Je suis content que vous l'abordiez comme ça, parce que
c'est comme ça qu'on l'a construit. Et je vous invite, parce que je sais que vous êtes actifs, là, dans vos
milieux respectifs... je vous invite à regarder la grille de
pondération, parce que la grille de pondération, de la manière que ça a été
construit, ça a été construit pour justement avoir de la souplesse, ce n'est
pas fixé dans le temps, et c'est construit d'une telle manière que c'est le
principe de la moyenne, hein? Les deux
exemples que vous venez de me donner, ce sont deux personnes qui peuvent être
pondérées dans la catégorie santé
mentale, toxicomanie, et ainsi de suite, qui ont des profils extrêmement
opposés pour un moment donné dans
l'année, mais les objectifs sont des objectifs de moyenne sur une base, disons,
annuelle, et l'un vient compenser pour
l'autre. Et malheureusement vous n'avez pas eu la chance d'avoir fait cet
exercice-là, et c'est ce que je vous invite à faire. Et je serais ultimement
intéressé à avoir vos commentaires, mais malheureusement l'horloge va me
commenter moi-même.
Le
Président (M. Tanguay) : Exactement. Et je ne peux mettre aucune
valeur ajoutée à ladite horloge. Alors, je constate comme vous que les 18 minutes sont écoulées et je cède
la parole à notre collègue de Taillon pour 11 minutes.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Dre Bruneau,
Dr Fortin, bonjour. D'abord, merci, merci pour votre mémoire. Merci pour les trois mises en situation
que vous avez présentées à la toute dernière page, je pense que ça
traduit très bien la réalité. Et je sais qu'on a tous beaucoup de choses à
lire, mais j'invite le ministre à lire cette dernière
page qui présente trois situations de patients, d'ailleurs, d'abord une jeune
fille avec un problème de santé mentale qui vit seule avec sa mère monoparentale et sa soeur, un jeune patient
bipolaire qui quitte sa région, qui est toxicomane, qui, donc, a des problèmes de santé mentale et qui
a de la difficulté à avoir le suivi nécessaire dans la région où il voudrait
retourner, et finalement l'histoire d'un
Québécois d'adoption avec des difficultés de traduction, d'accès. Je pense que
ça, ça traduit ce qui se passe quand
on travaille avec des humains, hein, on travaille avec des humains et non pas
avec des colonnes de chiffres. Et je
pense que vous le reflétez beaucoup dans vos témoignages mais aussi dans votre
pratique, et je veux vous féliciter, vous remercier de prendre soin de
ces patients-là.
Le ministre nous parlait tantôt de la grille
d'évaluation, et, dans les cas que vous avez présentés, il y en a qui cumulent plusieurs niveaux de vulnérabilité.
Alors, je ne sais pas comment ça va être calculé, mais, si je pense au jeune
homme dont vous parlez, qui est clairement
défavorisé socialement et sur le plan matériel, qui est toxicomane, qui a des
troubles de dépression, est-ce qu'à ce moment-là un patient va pouvoir cumuler
le ratio deux pour un? Parce qu'il me semble
que vous ne pouvez pas adapter un seul de ces comportements-là. C'est un
patient qui est poly... qui a plusieurs morbidités. Et c'est là qu'on
arrive avec toute la complexité de patients qui ont besoin d'un suivi beaucoup
plus intense temporairement, parfois pour des périodes de quelques semaines,
quelques mois. Moi, j'ai travaillé à côté du parc La Fontaine pendant huit ans, alors
c'est sûr que j'ai eu ces patients-là comme pharmacienne, et effectivement on ne calcule pas nos minutes
ni nos heures avec ces patients-là pour les accompagner. Et le résultat, bien, dans le fond, ça ne se qualifie pas en termes de rendez-vous avec le médecin, ça se qualifie avec la
récupération d'une certaine autonomie puis d'une amélioration.
Trois
éléments dans votre mémoire. Vous avez parlé que vous aviez intégré l'accès
adapté ou l'accès en temps opportun,
et ça, vous l'avez fait depuis un bout de temps sans avoir un budget
supplémentaire, donc tout simplement en réorganisant
votre clinique médicale, la façon dont vous fonctionnez. En quelques mots,
j'aimerais ça en entendre parler.
Ensuite, vous
avez également... vous évoquez quelque chose et vous êtes les
premiers à l'évoquer. Dans votre mémoire,
en lien avec certains articles,
l'article 9 du projet de loi n° 20,
vous dites que, pour l'informatisation, les dossiers médicaux électroniques, le financement devrait être octroyé aux cliniques et
non aux médecins. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Puis le
troisième élément, c'est l'accueil clinique avec la fluidité. On a parlé
souvent des difficultés de communication, d'information, de partage d'information entre le médecin de famille et
le spécialiste et entre le spécialiste et le médecin de famille, avec tout ce que ça exige comme temps,
les pertes de temps, les pertes d'information, les délais de traitement,
les reports de rendez-vous. Alors, ces trois éléments-là en sept minutes.
M. Fortin
(Marquis) : Peut-être parler
sur le premier élément, sur la question des pondérations, puis ça va peut-être
un peu répondre aussi au ministre. La
question des quotas puis des pondérations, en soi, ça devient un écueil
supplémentaire au niveau de la
pratique. D'abord, je veux dire, sur le plan de la complexité de la reddition
de comptes, on a déjà quand même un
certain nombre de paperasse et de papiers à remplir pour... et donc ça, ça
augmente. Ce n'est pas dans notre nature de faire ça, ce n'est pas dans notre nature, c'est dans notre nature de
réfléchir sur les problèmes des patients et non de codifier les diagnostics pour
savoir si ça va nous donner deux ou trois dollars de plus ou si ça ne nous
enlèvera pas une portion de notre
rémunération. Alors, ça, d'emblée... Puis je pense que, si vous vous référez au
rapport de Paul Lamarche ou de Damien
Contandriopoulos, c'est des choses qui sont mises vraiment en exergue pour se
poser la question si ça va augmenter l'accessibilité.
Je passe déjà... Le matin, je rentre à 8 heures, j'ouvre mes deux écrans
d'ordinateur, parce que j'ai l'écran avec
le CHUM, j'ai l'écran avec le CSSS, j'ouvre mes dossiers pour prendre
connaissance de mes dossiers — je ne vous dirai pas non plus que je suis obligé de mettre des petites étiquettes
un petit peu sur mes feuilles de consultation — et là je peux commencer mes consultations. Et puis, à la fin de la journée, bien
j'ai mes petites étiquettes aussi de reddition, de savoir les patients vulnérables, ces choses-là.
Ça, déjà ça, je fais ça. Ça m'a pris du temps à m'adapter à ça, mais ça, je le
fais.
Vous
parlez de l'implantation d'«advanced access» ou de l'accès en temps opportun.
Ça demande un immense effort de
travail avec le personnel, avec le personnel en place, et vous comprendrez que,
quand on a un personnel qui est mouvant,
avec des supplantations de postes, et tout ça, ça devient extrêmement complexe.
On l'a fait quand même et on l'a fait aussi avec les bénédictions et les
salutations de notre administration, on a réussi cet élément-là, et ça donne...
Mme
Lamarre : ...le public nous comprenne bien, c'est parce que vous
confiez, dans le fond, un petit peu une responsabilité de triage à ces personnes qui prennent les rendez-vous.
Dans le fond, si vous avez trois ou quatre rendez-vous qui sont
disponibles, il peut y avoir 20 personnes dans la journée qui appellent,
et il faut que quelqu'un puisse poser certaines questions pour prioriser la
bonne personne.
M. Fortin (Marquis) : Exactement. Il est possible, par exemple, que, sur les
20 personnes qui appellent, il y en ait un certain nombre où c'est préférable que ce soit moi qui les voie et
d'autres patients qui peuvent être vus par quelqu'un d'autre de l'équipe. Et on a plusieurs modalités
d'accès à ces soins-là, y compris un accès sans rendez-vous le soir, bon, et
dans les heures... ce que vous avez appelé les heures non désirables ou...
Mme Lamarre :
Défavorables, hein, je pense que c'est...
M. Fortin
(Marquis) : Défavorables. Parfait. Et...
Mme
Lamarre : Mais moi, je tiens beaucoup à ces heures-là. Je trouve que
le soir les gens sont souvent malades quand même, on ne gère pas la...
• (16 heures) •
M. Fortin (Marquis) : Bon, effectivement. On le constate depuis, nous, 28 ans, parce que
ça fait 28 ans qu'on fait ça. Mais essentiellement il faut savoir
que ça demande un effort significatif, particulièrement quand on est en établissement, d'installer ce... C'est un effort
aussi pour la clientèle, ça prend du temps. On ne réalise pas ça. À chaque réforme...
Puis j'en ai vu plusieurs. Depuis
1975 que je suis en pratique, ça fera 40 ans dans deux semaines. J'ai vu
plusieurs réformes et j'ai vu aussi
les changements nécessaires à apporter aussi au niveau de la culture de la
clientèle. Et même j'ai des gens qui sont
tellement surpris d'avoir un rendez-vous dans la même semaine que moi... ils
ont dû annuler leur coiffeur ou leur garage pour venir me voir. Et ils
ne se gênent pas pour me le dire.
Mme Lamarre :
C'est un beau problème quand même.
M. Fortin (Marquis) : Très beau problème. Pour moi, c'est un très heureux problème, parce que
je vivais très mal le fait d'avoir un deux mois ou trois mois d'attente
sur mes rendez-vous.
Mme
Lamarre : Les dossiers médicaux électroniques, vous parliez, là, de
confier, dans le fond, le budget davantage aux cliniques qu'aux
médecins?
Mme Bruneau (Anne) : Bien, c'est parce qu'on travaille en groupe, dans les cliniques, alors
c'est important que tout... Si un
médecin reçoit une subvention pour avoir son dossier électronique, l'infirmière
travaille le dossier papier... Si
c'est donné à un groupe, bien tout le monde a accès au dossier électronique,
alors la communication d'information est beaucoup plus facile entre les
différents professionnels de la santé qui travaillent au sein du même groupe.
Mme
Lamarre : Donc, ce que vous me dites, c'est que, quand il y a une
informatisation, elle peut être seulement dans le bureau du médecin, et, s'il y a une infirmière praticienne
spécialisée qui travaille dans la clinique, elle, elle travaille avec un
dossier papier.
Mme Bruneau
(Anne) : Ça peut arriver, oui.
M. Fortin (Marquis) : En fait, ce qu'il faut réaliser puis ce qu'il faut mettre en place,
c'est que, si on pense avoir des cliniques... des pratiques qui sont
collaboratives et des pratiques de groupe, il faut penser groupe, il ne faut
pas penser individu. C'est pour ça que, les
quotas, moi, j'ai de la difficulté avec ça, parce que, je veux dire, dans les
faits, la responsabilité, dans une
clinique de type GMF, est une responsabilité qui est collective. Oui, bien sûr,
les gens s'inscrivent à un médecin et
préférablement veulent voir ce médecin-là, mais ils n'auront pas d'objection à
voir, par exemple, l'IPS avec qui je suis associé ou l'infirmière
clinicienne avec qui je travaille depuis 10 ans.
Mme Lamarre : Puis pour la
collaboration médecin-spécialiste, partage d'information?
M. Fortin (Marquis) : Ça, c'est un grave problème. Et plus on est près
d'un grand centre comme le CHUM, plus c'est
un problème important. Et, je vous le mentionnais tout à l'heure, je veux
dire... Je vous dirais, c'est rare que je reçois un rapport de consultation, même si je prends ma plume et j'écris une
lettre d'introduction à mes patients. Je reçois mes rapports... — puis ça va rendre... le ministre va être
sensible à ça — mes
rapports de radiologie m'arrivent généralement de quatre à six semaines après que l'examen est fait. Je vais convenir
d'une chose. S'il y a quelque chose de grave, s'il y a un cancer gros comme ça, le radiologiste va
m'appeler, mais c'est inhabituel que je reçoive des rapports de consultation,
et ça, c'est à corriger.
Mme
Lamarre : Alors, on se rend compte, dans le fond, que le manque de
performance dans notre système de santé
puis l'accès à la première ligne, c'est beaucoup plus complexe. Et en même
temps il y a des choses dans ça que vous réussissez à régler par la bonne volonté, des incitatifs, des consignes
claires, l'imputabilité. C'est ces dimensions-là qu'il faut probablement
faire valoir plutôt que le simple quota par patient et par pondération de
condition clinique.
Mme Bruneau (Anne) : Bien, les difficultés d'accès à la première ligne
sont multifactorielles, il y a plusieurs éléments dans le système de santé. Oui, il y a les médecins d'un côté,
mais il y a toute l'organisation des soins où nous, on n'a aucun contrôle puis on est dépendants. Si
on parle de l'accès clinique, combien de temps qu'on en veut un, accès
clinique, puis on n'a pas accès au plateau technique? On perd du temps à
prendre le téléphone, appeler le spécialiste, négocier
un rendez-vous parce que notre patient, il ne peut pas le faire. Avoir une
échographie, le patient, il ne peut pas attendre six mois. Il ne peut pas aller dans le privé parce qu'il n'a
pas d'argent pour payer son échographie dans le privé. Ça prend
20 minutes, une demi-heure, parler à un radiologiste pour qu'il accepte
une échographie le lendemain, le surlendemain ou même des fois dans les deux
semaines qui suivent, là, quand ce n'est pas trop urgent.
Mme Lamarre :
Donc, on remet de la pression sur les médecins, mais, dans le fond...
Mme Bruneau (Anne) : Donc, une valse, ça se danse à deux. Les médecins, on est prêts à
danser, mais il faut que l'autre veuille danser aussi avec nous autres,
là.
M. Fortin
(Marquis) : Puis vous comprendrez...
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je dois maintenant céder la
parole, vous aurez le loisir de poursuivre. Nous cédons maintenant la
parole à notre collègue de Lévis pour 7 min 30 s.
M. Paradis (Lévis) : Et je vous dirai merci, M. le Président. Merci de
votre présence, Dre Bruneau, Dr Fortin. Je vais vous laisser
continuer parce que c'est intéressant, parce qu'on est aussi... je pense qu'on
est, là, quelque part... D'ailleurs, vous
avez décrit une pratique très intéressante dans la mesure où on remarque les
difficultés que vous avez, c'est-à-dire
l'importance du patient, de la clientèle avec ses spécificités qui font que,
comme professionnel de la santé, comme médecin, malgré le diagnostic de
l'un, ce n'est pas nécessairement la même façon d'aborder l'autre. Alors, je comprends que vous avez une pratique qui doit être
extrêmement humaine, vous apportez une dimension humaine à ce dont on se
parle maintenant, et j'apprécie beaucoup. Et vous en étiez... Donc, je vous
laisse continuer, docteur, sur...
M. Fortin (Marquis) : Bien, je voulais donner un
autre exemple, en fait, des difficultés qu'on peut avoir avec la médecine de spécialité ou avec la médecine
hospitalière. Dans moins de... pratiquement dans un an va s'ouvrir le CHUM
avec une nouvelle urgence. On avait prévu,
on avait anticipé d'avoir la rétrocession de l'hôpital communautaire, l'Hôpital Notre-Dame,
avec un gros débit d'urgence actuellement. On est très inquiets de l'effet de l'ouverture du CHUM. Avec
des disponibilités restreintes au niveau de l'urgence, ce qui va
arriver, c'est que ça va... il va se produire un délestage vers les services de première ligne, et ça nous
inquiète considérablement parce
qu'actuellement, au moment où on se parle, on n'a pas la capacité
d'accueil, là, pour ce type de problématique là.
M. Paradis (Lévis) : Vous avez parlé de choses importantes. Vous amenez des pistes de
solution, vous parlez de
l'interdisciplinarité. Vous nous dites cependant : Oui, mais encore
faut-il qu'on ait les outils pour le faire, ça ne se fait pas tout seul.
Vous parlez d'accès adapté, mais, encore là, ça prend du travail puis de la
préparation de votre part, des professionnels mais aussi de la clientèle. Vous
venez de dire : Des rapports de consultation... Et c'est vrai que c'est inquiétant, quelque part, parce que vous disiez : Quand le cancer est gros comme
ça, c'est sûr que le spécialiste va me rejoindre,
mais, quand le cancer est gros comme ça, pour le patient, c'est aussi important
que s'il est gros comme ça, puis je
présume que vous n'aimez pas plus recevoir un rapport six semaines après lorsqu'il
y a trace de cancer, vous aimeriez l'avoir
la journée même parce que le patient aurait aimé ça être averti la journée
même. Puis, bien, je n'ai pas besoin de vous faire de dessin, je pense que vous comprenez fort bien vos patients
lorsque vous les rencontrez et qu'ils manifestent des inquiétudes.
Ça prend quoi, là?
Quand vous dites : Ça prend des outils, vous êtes pleins de... Puis
ensuite je reviendrai sur le p.l. n° 20,
mais, pour arriver à cette interdisciplinarité
extrêmement efficace, pour que vous soyez encore plus efficaces, les outils essentiels, si on les identifie, il
vous manque quoi, il manquerait quoi pour que ça soit véritablement à votre
goût de médecin de 40 ans de pratique, et tout ça?
M. Fortin (Marquis) : D'abord, je pense que ça prendrait des véritables corridors de
services, hein, plutôt que... Puis je pourrais faire une boutade en
disant que ce qui remplace actuellement les corridors de services, c'est de la médecine de corridor,
dans les urgences. Et malheureusement on est toujours... on est trop souvent
dans la situation où on doit envoyer
nos patients dans les urgences. Et je dois vous dire bien humblement qu'après
40 ans de pratique j'y pense à
deux fois avant d'envoyer quelqu'un à l'urgence, hein? On essaie des choses, on
essaie... Dans notre système, on essaie, à l'intérieur de notre clinique, avec les soins à domicile, de maintenir
le patient le plus longtemps à domicile. Maintenant, je pense que c'est
extrêmement important puis extrêmement criant. Puis, en ce sens-là, je dirais,
je sentais qu'on fait porter l'odieux,
en fait, de l'accessibilité sur l'ensemble des soins beaucoup sur les
omnipraticiens et je considérais que le projet de loi est relativement
pauvre pour ce qui concerne les spécialistes.
M. Paradis (Lévis) : Et ce que je comprends dans ce que vous me dites, c'est que vous êtes
un peu victimes aussi de la machine.
M. Fortin (Marquis) : Bien, c'est que ces patients-là, éventuellement, ils refoulent, hein,
ça refoule, c'est un quai de gare. À
un moment donné, si personne ne peut rentrer dans le train ou s'il y a
seulement tant de personnes qui peuvent rentrer dans le train, les autres ne rentrent pas dans le train. C'est
la même chose que si on part un bateau de croisière de... s'il y a 2 000 personnes qui veulent
embarquer sur un bateau de croisière de 1 000 personnes. Alors,
quelque part, il y a un retard qui se
fait, et on est victimes, on est très victimes de ce retard-là, et ça complique
considérablement notre travail en termes de temps et en termes aussi d'énergie
à y mettre.
M. Paradis (Lévis) : Vous avez pris du temps au début pour nous parler également du profil
santé mais du profil socioéconomique,
vous en avez parlé. D'ailleurs, en débutant votre mémoire, vous établissez le
profil socioéconomique de ceux et celles que vous rencontrez. Et je
reviens à l'équivalence et à la pondération. Le ministre vous en a parlé, le document est très récent, vous ne l'avez peut-être
pas passé en revue non plus parce qu'on l'a reçu ce matin, mais reste
qu'il y a une pondération socioéconomique prévue de deux pour un dans certains...
en fonction de facteurs. On parle notamment d'un indice de défavorisation basé
sur le code postal, identifiant une zone comme étant très défavorisée. Alors,
il y a toute cette notion d'équivalence et de pondération.
Vous
êtes dedans, là, vous les rencontrez, ces patients-là qui ont aussi ce
profil-là. Est-ce que ça tient la route? Est-ce que c'est gérable?
• (16 h 10) •
Mme Bruneau (Anne) : Ça va être difficilement gérable parce que ça va nous demander de faire
de la paperasse encore, probablement.
Est-ce qu'on veut... On parle de plus en plus de pratique de groupe. La
pondération, bien là l'important, là,
c'est que le patient, il a un besoin puis que son besoin soit répondu, que ce
soit par un médecin, que ce soit par
une infirmière praticienne spécialisée, que ce soit par un pharmacien, peu
importe. Le patient, il a un besoin; il y a un groupe, il y a de l'interdisciplinarité qui se fait. C'est comme ça, c'est comme ça qu'il faut répondre
aux besoins des patients.
M. Paradis
(Lévis) : Encore faut-il être capable...
Mme Bruneau (Anne) : Puis, le groupe, je veux dire, c'est mettre une pondération sur un
individu alors que c'est un groupe qui le prend en charge.
M. Paradis (Lévis) : Et je comprendrai... Parce
que je lisais aussi la pondération,
les orientations réglementaires concernant l'application de la loi. Dans cette pondération socioéconomique, dans ce code postal identifié
comme étant... identifiant un secteur
très défavorisé, est-ce qu'il n'y a pas aussi la notion de clientèle mobile? Je
veux dire, une clientèle mobile peut
choisir son médecin, c'est son droit. Dans son code postal... Elle peut aller
ailleurs, je veux dire, ça fait aussi partie des notions pas faciles à
évaluer.
M. Fortin
(Marquis) : On est dans un milieu où on soigne des gens. Les grosses
industries, le CHUM, Radio-Canada, la CSN
n'est pas loin, et tout ça, bon, tous ces gens-là qui demeurent à Laval, à
Longueuil, et tout ça, c'est évident que c'est plus simple, pour eux
autres, de venir chez nous.
Sur
la question de la pondération, encore une fois, je veux dire, c'est
difficilement applicable lorsqu'on épouse la philosophie d'une pratique de groupe, hein? Le groupe devient
imputable, le groupe devient responsable, et chaque individu a ses
fonctions à l'intérieur de ça.
Et
le deuxième élément qui est important à retenir, c'est qu'il y a plusieurs
actes qui sont faits dans une journée qui
ne sont pas comptabilisables, parce qu'on n'est pas payés à l'acte, on est
payés à tarif horaire. Et, si, par exemple, j'ai six fax et j'ai trois téléphones de pharmacie pour ajuster les
médicaments, si je dois parler aux gens des soins à domicile, si mon
infirmière praticienne vient me voir pour deux patients qu'elle a vus puis que
je rajuste des insulines avec deux autres
patients, ce n'est pas 12 ou 15 patients que je vois dans la journée,
c'est 20 services ou 28 services que je fais, de la même manière que demain, si je m'en tiens à
la logique du ministre, je vais voir 28 patients, je vais voir une
patiente en soins palliatifs à
domicile et je vais voir trois ou quatre patients, là, que je n'ai pas pu voir
aujourd'hui parce que je suis ici dans ma journée. Alors, cette
logique-là ne me correspond pas comme professionnel.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin aux échanges. Nous vous
remercions, les représentants et représentantes du Conseil des médecins,
dentistes et pharmaciens du CSSS Jeanne-Mance.
Je suspends nos travaux.
(Suspension de la séance à 16 h 12)
(Reprise à 16 h 16)
La
Présidente (Mme Hivon) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à
l'Association des conseils de
médecins, dentistes et pharmaciens du Québec pour la poursuite de nos
auditions. Alors, je vous invite, bien
sûr, à vous présenter au tout début
de votre exposé. Vous avez 10 minutes pour votre présentation, qui sera
suivie d'une période d'échange avec l'ensemble des groupes. Donc, la
parole est à vous.
Association des
conseils des médecins, dentistes
et pharmaciens du Québec (ACMDP)
M. Arata
(Martin) : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. M. le ministre, Mmes, MM. les parlementaires, alors merci de nous offrir la possibilité
de vous présenter l'essentiel de notre mémoire sur le projet de
loi n° 20. Je suis Dr Martin
Arata, je suis président de l'Association des CMDP. Je suis omnipraticien ou
spécialiste en médecine familiale de
formation, je pratique en cabinet privé et en urgence dans ma région et je suis
médecin gestionnaire depuis plus de 20 ans. À ma gauche, Josée Martineau, pharmacienne de formation, vice-présidente aux affaires pharmaceutiques à l'Association des CMDP et présidente de son CMDP au CSSS de
Laval. À droite, Mario Pelletier, neurochirurgien, vice-président aux affaires spécialisées et
qui pratique au CSSS de la région de Trois-Rivières. Donc, on représente une partie du Québec.
Alors donc, sans plus tarder, donc,
permettez-moi de vous dire quand même que le projet de loi n° 20,
selon nous, n'est pas la solution idéale au
problème d'accès dans le réseau. Alors, vous n'en serez probablement pas surpris aujourd'hui. Nous tenons aussi à vous mentionner que les
médecins ne sont pas les seuls responsables aussi en lien avec l'accès, et vous l'avez certainement entendu au préalable, je ne vais pas débattre sur l'ensemble des
éléments à cet effet, mais il faut
comprendre que c'est un système de santé, c'est un joueur dans le système de santé, mais vous savez que dans une
équipe il n'y a pas seulement un joueur qui peut compter ou on ne
se rend pas loin en série. Il existe déjà des structures dans notre réseau, et elles sont peut-être sous-utilisées, et
c'est ce que nous allons faire dans les quelques prochaines minutes, c'est faire un petit cours réseau, gestion
médicoadministrative 101, puis, si on veut, on ira en 201 un petit peu plus tard.
Donc, qu'est-ce qu'il y a dans notre réseau puis
qu'est-ce qui permet une gestion du réseau? Alors, tout d'abord, un, il y a les CMDP. Mais qu'est-ce que c'est, un
CMDP? Conseil médecins, dentistes et pharmaciens. Qu'est-ce que ça fait, un conseil médecins, dentistes et
pharmaciens? Ça s'assure de la qualité des actes professionnels faits à
l'intérieur de l'établissement, ça
s'assure que les membres sont compétents, ça s'assure qu'ils répondent à des
standards de qualité en termes de
professionnels. Ce standard-là est renouvelé, on s'assure que les gens ont les
compétences à chaque fois qu'ils ont
des renouvellements de privilèges et lorsqu'ils font une demande à l'intérieur
de l'établissement. On s'assure aussi d'une
organisation adéquate des soins et services, donc faite en continuité, faite en
fonction des besoins de la population desservie,
faite en fonction aussi des ressources qui sont disponibles, ressources
médicales, ressources pharmaceutiques et plateaux techniques. Donc, c'est
un peu un coordonnateur de toutes ces activités-là mais en lien avec la qualité
des soins et services. Il est épaulé dans
cette gestion-là par les DSP, donc ensemble ils vont s'assurer d'une gestion,
qualité, CMDP, gestion des
ressources, le DSP, qui est le directeur des services professionnels, pas le
directeur de santé publique, là, advenant le cas où les gens auraient
fait un lien.
Et sous ça vous avez le chef de département, le
chef de département redistribue l'ensemble des activités à ses membres en se préoccupant de la qualité sous le
CMDP et de la gestion des ressources sous le DSP. Donc, c'est un chef d'orchestre. Si on veut que les soins soient
harmonieux, pour parler d'orchestre, il est intéressant que les chefs de département jouent un rôle primordial dans
l'organisation, bien déterminé, bien défini, et la loi nous permet et permet aux chefs de département d'avoir
un pouvoir de gestion de leurs ressources et de faire en sorte qu'elles soient
bien distribuées et qu'elles soient justement
bien utilisées pour, en bout de ligne, avoir des services de qualité dans nos
organisations.
• (16 h 20) •
À la lecture
du projet de loi n° 20, malheureusement, on ne voit pas d'indicateur de qualité. Je vous
l'ai dit, je suis vieux, ça ne paraît
pas, mes cheveux ne paraissent pas, j'ai voulu trahir un peu mon âge, mais il
reste quand même que ça fait
plusieurs années qu'on fait des représentations pour avoir des indicateurs de
qualité. Beaucoup d'indicateurs de performance, dans le réseau, ou de productivité, très peu
d'indicateurs de qualité. Alors, pour nous... J'ai entendu le ministre à quelques occasions parler de Kaiser,
parler de la pertinence des soins et services. Kaiser a des indicateurs de
qualité entre autres. Kaiser a une
gestion médicoadministrative différente aussi de ce qui est présenté dans notre
réseau présentement, et on pourra en
rediscuter, si vous le souhaitez, ultérieurement. Pour nous, l'accès fait
partie de la qualité aussi, quand on
parle de qualité, et ça, c'est un des volets qui est des fois sous-estimé ou
sous-traité dans nos organisations.
Le ministre devrait faire une gestion macro...
bien, macro, là, dans le sens gestion plus large du système, et le micro devrait se faire localement, alors on
devrait permettre aux organisations d'adapter des grands principes édictés par
le ministre et/ou le ministère afin de faire
en sorte qu'on soit conscient des réalités locales. Vous avez eu la présentation
préalable, c'est une réalité. Il y a
plusieurs réalités au Québec, le Québec n'est pas fait mur à mur de la même façon, donc
permettre une certaine souplesse.
Respectons
les structures qui existent déjà. On est forts pour mettre des structures en
place pas nécessaires tout
le temps. Faisons confiance aux gens. Je pense que les médecins, tout comme les
autres professionnels du réseau, ont comme objectif d'être
professionnels, et le professionnalisme doit aussi assurer un certain service.
On parle de
première ligne, on parle de deuxième ligne. Moi, je vous dirais : C'est de
la continuité, c'est des vases communicants.
Si vous en mettez plus sur la première ligne, deuxième ligne, etc., c'est des
choses qu'on doit... c'est des volets
qu'on doit comprendre dans notre réseau de santé. Ce n'est pas séparé un de
l'autre, c'est en communication, alors, quand on joue sur un, ça a un
impact sur l'autre, c'est automatique.
Proximité
des spécialistes en première ligne qui fait des fois en sorte qu'on va
retrouver une certaine qualité. Vous avez
des échanges, quand vous faites de l'hospit, quand vous faites de l'urgence,
avec des spécialistes qui fait qu'il
y a
une uniformisation de la pratique dans certaines régions, puis ce n'est pas
mauvais, ça assure une certaine qualité puis un langage commun, tant
auprès du patient que de la population.
Je poursuivrais pour
le volet médecine spécialisée qui concerne plus les CMDP, parce que vous
comprendrez qu'en première ligne on a très
peu d'impact, on est plus à l'intérieur des établissements. On veut seulement
s'assurer que, si les spécialistes
prennent des patients en charge de façon supplémentaire à leurs tâches, on ne
diminuera pas l'accès aux consultations.
Donc, il faut s'assurer qu'on n'aura pas d'impact sur la consultation, qu'on ne
fera pas d'hospitalocentrisme. Ça
veut dire quoi? Centré vers l'hôpital. Donc, on amène les patients à l'interne,
woups! petite chicane. Il va-tu en cardio? Il va-tu en pneumo? Où est-ce
qu'on l'hospitalise? Une fois qu'il est hospitalisé, quels spécialistes qui le
prennent en charge? Il peut y avoir des
délais et des durées augmentés, ça a déjà été fait dans les années 80 — oui,
j'existais dans ces années. Donc, on
recommanderait d'avoir un plan d'organisation qui prévoit la distribution des
lits, des ressources et qui s'assure
d'une certaine fluidité afin d'éviter des délais reliés à, je dirais, des
discussions entre individus ou entre groupes d'hospitalisation.
On ne pense pas que
les moyens coercitifs soient nécessaires, on pense que la bonne foi des gens
peut aider à réaliser les choses. Oui, il y a
des limites. Non, ce n'est pas parfait dans notre réseau, mais il y a
des bons coups, et je pense qu'on les
a oubliés encore, au Québec, qu'il
y a des bons coups puis qu'il y a
des belles choses qui se font dans notre réseau. Je pense qu'on aurait avantage des fois à en voir aux nouvelles du soir
et ne pas seulement voir les catastrophes de corridor qui
arrivent malheureusement à l'occasion.
Alors,
en tant que porte-parole des CMDP du Québec, nous ne pouvons pas
passer sous silence les modifications concernant
le pouvoir de surveillance des compétences professionnelles et des actes
médicaux, dentaires et pharmaceutiques que
subissent les CMDP dans ce projet de
loi là. Cette situation aura des
répercussions sur la qualité, la pertinence et la sécurité des soins de santé dispensés à la
population québécoise autant que sur l'organisation efficiente et
complémentaire des soins et services.
Le patient sera certainement perdant, selon nous, si jamais
ça s'actualise tel que le projet de
loi existe.
Nous
sommes d'avis qu'en période de grands changements le législateur se doit de
conserver des structures qui ont déjà
fait leurs preuves au fil des ans, et, jusqu'à présent, on considère que les
CMDP ont toujours assumé leur rôle et leurs responsabilités légales de manière efficace et professionnelle.
Le transfert des pouvoirs des CMDP vers le DSP ou les P.D.G. ne sert aucun intérêt clinique, selon nous. Il ne
fait aucun doute que le travail du comité d'examen des titres revêt une importance capitale — le
comité d'examen des titres s'assure que les médecins ont les compétences
adéquates — et,
bien sûr, que le travail du comité d'évaluation de l'acte dans le suivi de la
qualité des soins et services est essentiel. Ce sont des comités qui
révisent la pratique des collègues et qui s'assurent que c'est conforme aux
standards attendus au niveau scientifique.
De
plus, nous soutenons que le rôle du chef de département est plus que jamais
primordial dans nos organisations et
que ce rôle doit être reconnu à sa juste valeur sous la double autorité, soit
celle du CMDP et du DSP. Le CMDP désire rappeler l'importance que
revêtent les activités médicoadministratives. On n'en a pas parlé beaucoup,
mais il y a des médecins, il y a
des pharmaciens qui font de la gestion dans nos organisations, il faut savoir
le reconnaître parce que ça prend un
certain temps. Et ces gens-là sont des leaders habituellement dans leurs
milieux, ils veulent transformer pour le
mieux-être des patients et puis le mieux-être des organisations ce réseau-là, alors il faut savoir le reconnaître. Souhaitons
qu'elles puissent justement être soumises à la réflexion en termes de
reconnaissance.
Ça apparaît
primordial de considérer le rôle démocratique que les CMDP peuvent avoir dans
la gestion des conflits à l'intérieur des établissements, l'organisation et la planification des soins et services plus qu'un seul individu,
le DSP, on voit beaucoup
de concentration vers le DSP. La notion de distribution du pouvoir qu'on
retrouve à l'intérieur des CMDP
assure un certain équilibre et une pérennité dans les soins et services. De
concentrer le pouvoir dans un seul individu de gestion, on ne pense pas
que c'est notre façon... On a réglé la plupart du temps les problèmes de façon
collégiale à l'intérieur des organismes.
Nous
rappelons que la LSSSS prévoit plusieurs mécanismes de contrôle de la pratique et que
l'ajout de nouveaux ne ferait qu'alourdir la bureaucratie. Les CMDP ont toujours
participé à l'organisation scientifique et technique dans l'établissement en donnant des avis sur les aspects professionnels,
il ne serait pas judicieux de la part du législateur de balayer du revers de la main cette réalité-là.
L'Association des CMDP s'est toujours inscrite en collaboration avec les projets de loi qui ont été présentés dans les dernières années, projet de loi n° 10... projet
de loi n° 90,
mourir dans la dignité et d'autres
projets qui ont été déposés, pour lesquels on s'inscrit en mode collaboration, et c'est un peu dans cette perspective-là qu'on se présente aujourd'hui.
Alors
donc, on vous remercie. On souhaite tout comme vous de mettre le patient et
l'accès au centre des réflexions qui
viennent et au centre de cette transformation-là pour assurer des services de qualité,
accessibles aux patients du Québec, ce qu'ils méritent selon nous tout comme
vous. Merci de votre attention.
La
Présidente (Mme Hivon) : Merci à vous. Alors, une efficacité redoutable, vous êtes rentré dans
les temps à 10 secondes près.
Donc, sur ce, je cède la parole au groupe parlementaire ministériel pour
une période de 18 min 30 s.
M.
Barrette : Merci, Mme la Présidente. Dr Arata, ça me fait plaisir de vous
revoir. Dr Pelletier, Mme Martineau... ou peut-être
Dre Martineau?
Mme Martineau
(Josée) : Mme Martineau.
M.
Barrette : Bon. Merci d'être venus aujourd'hui nous faire part de vos commentaires,
toujours de façon dynamique. Et je vais
avoir quelques questions parce qu'il y a un bout où j'ai eu de la difficulté à suivre ou à
comprendre, mais je vais y venir après que je vous aie fait... Ça vous
surprend, là, parce que d'habitude...
M. Arata
(Martin) : Oui. Ça va me faire plaisir, si nécessaire.
• (16 h 30) •
M.
Barrette : ...d'habitude on
a ça en commun, on est assez clairs et directs, mais là il y a
un bout que je n'ai pas compris.
Je
veux juste mettre les choses en perspective, Dr Arata. Vous avez évoqué le
fait qu'on ne parlait pas de qualité. On
en parle, de la qualité, là, l'accès, vous l'avez dit, ça fait partie de la
qualité, mais à un moment donné, dans le système
de santé, contrairement
à ce que vous dites, là... Vous dites
que le mur-à-mur, ce n'est pas bon, mais je vais vous soumettre amicalement qu'il y a une chose qui est
mur à mur au Québec, c'est qu'il
y a des patients partout, mur à mur,
du nord au sud, de l'est à l'ouest, il y en a
partout. Et, quand on s'adresse à notre réseau, je vais amicalement aussi vous
soumettre qu'avant de parler de
qualité, pas parce que ça doit venir en troisième, là, mais c'est parce que,
comme je le dis souvent, si la
capacité, la quantité n'est pas là, là, et que cette capacité-là n'est pas
organisée, bien c'est beau, parler de qualité, là, mais, pour prendre un extrême, c'est un extrême,
je ne fais aucune inférence, mais, si tout
le monde travaille une heure par semaine, on a beau parler de qualité, là, à un moment donné il faut que l'accès soit là, et l'accès passe par la
quantité. Et là il y a
un ordre, dans la problématique que l'on vit actuellement, il y a
un ordre à suivre pour en arriver au Saint-Graal de la qualité auquel j'adhère. J'ai hâte d'arriver à la qualité dans
notre réseau, dans notre mandat, mais il va bien falloir régler le problème de la quantité et de l'accès comme tel avant, je pense
que vous allez être d'accord avec moi là-dessus.
On vit une chose aujourd'hui
qui est extraordinaire, cette semaine, à mon avis. Il y a deux ans, là — c'est
un commentaire, puis après je vais vous poser ma question, là — il y
a deux ans, il y avait des campagnes de publicité à coups de millions de dollars,
hein, qui faisaient référence au fait que... ou qui évoquaient l'hypothèse
qu'il manquait 1 000, 1 500,
parfois 2 000 médecins au Québec, et aujourd'hui, là, on s'est fait
dire qu'on était capable de régler le problème de l'accès avec le monde
qui est en place, et qu'on pouvait le faire vite, et qu'on était capable de
changer les profils de pratique, qu'on était
capable de donner des heures étendues, qu'on était capable d'être là le soir et
la fin de semaine, et ainsi de suite. C'est
tout un revirement, qui sans doute fait plaisir au public, à moi aussi, mais
vous réalisez, là, qu'à un moment donné, là, avec les mêmes individus on passe du désert au paradis terrestre,
là, presque, en organisation de soins. Ça m'étonne, mais j'aime ça être étonné. Alors, je suis très heureux, aujourd'hui, là, parce qu'on a tous un
avenir qui est vraiment positif devant nous, puis c'est tant mieux comme
ça.
Maintenant, on arrive
à la question de l'organisation, là, la capacité, là. On entend aujourd'hui,
là, qu'on est capable de la donner et on va
l'organiser. O.K., parfait. Et vous, vous représentez les CMDP, et vous, là,
vous êtes neutres par définition; pas vraiment dans la vraie vie, mais
plus que d'autres. On a toujours un biais, hein? Moi, ça m'arrive, d'avoir un biais personnel, mais rarement. Mais
vous êtes un organe dans l'organisation hospitalière parce que les CMDP sont dans les hôpitaux, mais quand même vous avez
des liens dans vos milieux, surtout vous, par exemple, avec les DRMG et tout, là, vous avez une certaine neutralité ou
du moins vous avez un point d'observation qui est unique, que d'autres
n'ont pas.
Et
là j'arrive à la question. Vous allez comprendre le préambule parce qu'il fait
référence à vous trois. En fait, vous
avez peut-être même une réponse différente, chacun d'entre vous, parce que
vous, vous êtes médecin de famille, Dr Pelletier
est neurochirurgien dans un hôpital régional, et vous, Mme Martineau, vous
êtes dans un microcosme qui est
Laval, c'est un microcosme, Laval, là, il y a un hôpital, il y a une région
populeuse, il y a toutes les ressources, vous avez à avoir des liens
avec tout ce beau monde là, puis je sais que vous faites un excellent travail
parce que je le sais.
Dans
les derniers jours, on a entendu tout et son contraire quant aux AMP et
l'impact que ça aurait dans un hôpital, on a tout entendu. On a entendu la présidente de la FMSQ venir nous
dire : Il n'y a pas de problème, on va trouver des solutions, là. Go! Go! Go! Allez-y, abolissez les
AMP. Après, on a vu les internistes, et là je le dis avec le sourire parce
que vous êtes probablement les seuls qui sont venus qui pouvez apprécier
l'humour de la chose, parce que vous, vous savez que l'impact le premier qui va
être ressenti, avec l'abolition des AMP, c'est les internistes qui vont le
vivre. Et, s'il y avait ici des chirurgiens,
ils diraient qu'ils ne sont pas trop, trop pour l'abolition des AMP, là, parce
qu'ils ne veulent pas être médecins traitants, là.
Et donc vous avez la
présidente de la FMSQ qui dit qu'il n'y a pas de problème. Vous avez les
internistes qui disent : Ça va être la
catastrophe... ou du moins ça va être très significatif. Ce matin, on a entendu
d'autres gens dire que ça pouvait être viable mais plus ou moins, mais
en tout cas il y avait un optimisme, là. C'est quoi, votre lecture, vous
autres, de votre poste d'observation plus neutre? Est-ce qu'il va y avoir un
impact réel?
Puis
je vais vous mettre en contexte, là. Dr Godin, ce matin, là... ou ce midi,
en tout cas, peu importe, là, il y a quelques
heures, il est venu nous dire, là, qu'on pouvait abolir les AMP puis qu'en deux
ans, là, on pouvait tout faire ça, puis
tout irait bien. Donnez-nous votre éclairage on ne peut plus pertinent. Puis en
fait vous pouvez avoir trois réponses, là,
vous venez de trois milieux complètement différents, les trois, mais vous êtes
tous les trois dans un magnifique mirador où vous observez votre territoire, et, s'il y en a trois qui peuvent
donner une opinion relativement neutre, c'est vous autres.
M.
Pelletier (Mario) : Bien, donc, je ne veux pas m'inscrire en faux
nécessairement contre le Dr Francoeur, mais chacun...
M. Barrette :
Non, non, ce n'est pas ça que je vous demande du tout, là.
M.
Pelletier (Mario) : Non, non, non, je sais, mais je vais quand même
vous donner mon opinion humblement.
À l'hôpital de Trois-Rivières, il y a cinq
équipes de médecins de famille qui vont chacune prendre sous leur responsabilité 30 patients, et ça, à chaque
jour. Donc, il y a 150 patients hospitalisés en médecine familiale, à
Trois-Rivières, sur un total d'à peu
près 400 lits, si je me souviens bien. C'est sûr que, si du jour au
lendemain on enlevait les AMP et que
tout le monde décidait de déserter les hôpitaux... Bon, la FMOQ nous dit que
non, selon des contacts qu'ils ont eus avec
leurs membres ce n'est pas ça qui va arriver, mais, admettons que ça
arriverait, c'est sûr que ça risquerait d'être difficile.
C'est sûr que
tout le monde mettrait la main à la pâte, tous les spécialistes. Ce n'est pas
tant... Quand même qu'on me dirait
que j'aurais 10 patients de plus par semaine, ce n'est pas ça qui va
m'épuiser, là, à la tâche, c'est plus... C'est sûr que ce serait mieux que ça se fasse de façon progressive, par
exemple. Si, selon les besoins locaux, on dit... bien, si on dégage une équipe de médecine familiale qui fait
de l'hospitalisation mais qui a un intérêt pour le bureau, pour voir les
patients en bureau, bien, à ce moment-là, on peut s'adapter progressivement avec les années qui passent pour rééquilibrer un
peu en regard des besoins de la population les soins médicaux, finalement.
Par contre,
on peut, donc, diminuer le nombre d'équipes de médecine familiale, mais il ne
faudrait pas qu'elles disparaissent complètement, par exemple, parce
qu'il y a quand même des patients... Je ne suis pas prétentieux, mais j'aime croire que je m'occupe bien de mes
patients, même si je suis spécialiste, je veux dire, dans leur globalité, je ne
vais pas juste m'occuper de leurs
problèmes de dos ou à la tête, je vais essayer de m'en occuper de façon
globale, mais j'ai quand même des limites à ce que je peux faire.
Je vais vous
donner un exemple. On connaît tous une personne plus âgée, de 82 ans, qui
a plusieurs pathologies, qui va se
présenter à l'urgence parce qu'elle est en perte d'autonomie et parce qu'elle a
un mal de dos. S'il n'y a plus de médecin
de famille dans l'hôpital, c'est probablement moi qui va s'en occuper, mais je
ne suis pas sûr, pour elle, que je suis
le meilleur médecin pour m'occuper de cette dame-là. Théoriquement, dès qu'elle
va être le moindrement essoufflée je
vais demander le pneumologue, dès qu'elle va avoir une douleur ici je vais
demander le cardiologue, tu sais, puis on va se ramasser avec un paquet
de «logue» autour de la patiente, avec un chef d'orchestre qui serait moi-même,
qui n'est peut-être pas le mieux pour synchroniser la chose.
Ça fait qu'il
y a encore quand même de la place pour les médecins de famille dans l'hôpital,
en tant que tel, mais il faut y aller progressif, si on dit...
M.
Barrette : Merci de votre retenue, mais permettez-moi d'aller un pas
plus loin. Ce n'est pas vous que... ce n'est
pas un jugement, là, mais on le sait bien, que ce n'est pas l'affaire à faire,
là. Un interniste peut prendre ça en charge, c'est bien évident, c'est son univers, mais je ne suis pas sûr qu'un...
Là je ne nommerai pas de spécialité, là, parce que comme ça ça va être péjoratif, mais il y a
certaines spécialités qui sont un petit peu trop distantes du traitement de
l'infarctus pour qu'on leur dise d'être médecins traitants, là.
M.
Pelletier (Mario) : Dans notre réalité, à Trois-Rivières, les
internistes commencent à s'installer, c'est pour ça qu'on n'a pas le
réflexe encore d'en faire la demande, mais effectivement ça pourrait...
M. Barrette : Dr Arata.
M. Arata
(Martin) : Bien, ce qu'il
faut comprendre dans le changement en lien avec les AMP, vous disiez tout
à l'heure «mur-à-mur», il y a du mur-à-mur
partout, mais il faut faire attention à la couleur de la peinture. Ça, c'est la
première chose. Dans les organisations, on n'est pas tous de la même
couleur.
Les
changements en lien avec les AMP, tout changement a un impact. Poser la
question si ça va avoir un impact... S'il
y a un changement qui n'a pas d'impact, ça ne vaut pas la peine de faire le
changement. Donc, il faut se poser la question initialement :
Est-ce qu'on doit faire ce changement-là?
Prendre les
médecins, les transférer vers les cabinets et ne pas prévoir la phase de
transition serait à haut risque pour
l'ensemble du réseau. Et on parle d'hospitalisation, puis il faut regarder
aussi le volet d'urgence. Qui va assumer l'urgence aussi au Québec? Les omnipraticiens sont aussi dans les
urgences en majorité au Québec. Donc, s'il y a une transition qui se fait vers le cabinet pour une
meilleure prise en charge, il va falloir s'assurer qu'on ne déshabillera pas
Pierre pour habiller Paul, parce que ce
n'est pas tout le monde qui est beau. Alors donc, quand on va faire ces
choses-là, il va falloir être prudent, dans le réseau.
Alors, si
vous posez la question : Est-ce que ça va se faire sans pleurs, sans heurt
et sans cri?, il va y avoir dans chacune
des réalités des adaptations à faire, et ça ne pourra pas être fait de la même
façon partout, et ça ne pourra pas être réalisé partout.
M.
Barrette : Non, je suis d'accord avec vous. Mais je vais juste moduler
votre commentaire en insistant sur un mot
que vous avez dit parce que celui-là, il est très important pour moi, c'est le
risque, parce que, quand vous parlez de risque, évidemment, on parle de risque aux patients, et, comme
gouvernement, on ne peut pas prendre des décisions qui mettent les
patients à risque. Alors, les solutions qui parfois sont proposées sont des
aménagements qui peuvent être viables pour
une organisation syndicale mais qui ne sont pas nécessairement anodines sur le
plan du risque au patient. Et vous allez être d'accord avec moi sûrement
là-dessus, Mme Martineau.
Mme
Martineau (Josée) : En complémentarité, parce que je vis un peu la
même situation qu'à Trois-Rivières, je suis
contente d'entendre qu'à Laval ça va bien, puis effectivement, oui, à Laval ça
va bien, mais on a quand même, je pourrais dire...
M. Barrette : ...vous
faites une bonne job.
Mme
Martineau (Josée) : Le fait d'enlever les omnipraticiens au niveau de
l'hospitalier... Effectivement, les patients,
je pense, vous le savez, sont de plus en plus multipathos. Oui, la médecine
interne, je pense, prend de plus en plus
de progression, mais il faut s'adapter aussi à cette progression-là et il faut
les avoir, la médecine interne, au niveau de chacun des établissements.
Je pense, le
fait d'axer vers la spécialité, il faut juste faire attention. Donc, Martin l'a
mentionné brièvement tout à l'heure
dans son propos : On augmente la spécialité, on diminue l'accès aux
consultations, on diminue l'accès aux cliniques externes. Le fait d'hospitaliser des patients, le temps est pris. Et
peut-être qu'il faudrait avoir les PREM en conséquence aussi.
• (16 h 40) •
M.
Barrette : Ici, le point que je veux faire, puis vous me le confirmez
dans vos réponses respectives, évidemment, c'est qu'un déplacement significatif, à la limite massif des médecins de
famille aujourd'hui de l'hôpital vers le cabinet, c'est clair que ça a
des conséquences qui peuvent générer des risques pour le patient et
certainement des risques organisationnels.
C'est le point que je veux faire, et je pense que vous me le confirmez bien.
Mais en même temps on doit retenir
que le problème de la première ligne, ce n'est pas un problème de lieu, là,
c'est un problème de capacité totale, et
ce qu'on a de besoin, c'est de maintenir les activités à l'hôpital et de les
augmenter à l'extérieur de l'hôpital, d'où la proposition que l'on fait
dans le projet de loi n° 20.
Et je comprends aussi de votre propos que vous
êtes d'accord à ce que le projet de loi, chez les spécialistes, favorise un accès à la consultation du médecin
spécialiste. C'est une problématique qui est réelle. Le groupe qui vous a
précédés, il l'a évoqué d'une façon très
précise, et je pense que c'est la même chose à la grandeur de la province, là.
Vous représentez toute la province, vous, là, là.
Mme Martineau (Josée) :
Effectivement, il y a un problème d'accessibilité, mais il faut donner la
chance, justement, aux spécialistes de voir
les patients. Donc, si on leur met d'autres tâches, bien c'est sûr qu'à ce
moment-là il va y avoir une diminution de l'accessibilité... ou s'ils
n'ont pas les PREM en conséquence pour avoir le nombre.
M.
Barrette : Je suis d'accord avec vous, parce que ça, ça va dans le
sens de l'effet, du dommage collatéral d'un déplacement massif, ou trop significatif, ou trop rapide du médecin de
famille de l'hôpital vers le cabinet, là. Ça, c'est tout à fait clair.
M. Arata
(Martin) : Bien, je pense
qu'en termes d'objectif, si on veut aller en termes d'objectif de réalisation
de ces changements-là, on a parlé tantôt des
structures, là; nous, on peut donner les grands objectifs aux CMDP, aux chefs
de département, on peut faire en sorte que
les gens se parlent puis se transfèrent une partie des activités cliniques.
Dans combien d'endroits au Québec on
a vu transiter, par exemple, la prise en charge des lits de soins intensifs aux
internistes quand il y avait moins
d'omnis, et vice versa? Combien, dans certains milieux, les gens ont réussi à
faire en sorte que le service se
donne à l'interne de l'établissement, pour le mieux-être du patient ou pour
l'accès, en redistribuant les tâches entre eux? Les gens sont en mesure
de se parler puis de discuter.
Moi, ce que
je tiens à vous dire, c'est que ce n'est pas l'ensemble des médecins du Québec
qui ne veulent pas que le problème se règle puis qui veulent rester dans une
chasse gardée puis protégée. Il y en a peut-être quelques exceptions, comme dans n'importe quelle profession, mais je
pense que le mieux-être, l'accès des patients à nos services dans notre réseau, ça fait partie des préoccupations
journalières qu'on a. Et tant mieux si on peut contribuer à l'actualiser en
ayant le moins de risques possible, je suis d'accord, mais il y a un
risque à tout changement.
M.
Barrette : Non, mais on s'entend, là, Dr Arata. Moi, je suis très
content de l'échange que l'on a parce que ça vient mettre un peu les pendules à l'heure, là, sur ce qui a été dit
à date et ça confirme les très bonnes intentions qu'on a entendues
aujourd'hui, mais ça montre aussi qu'il y a des risques, là.
Dr Pelletier,
là, je ne sais pas si vous vous en rendez compte, mais vous avez dit quelque
chose d'extraordinairement spectaculaire.
Puis vous ne vous en êtes pas rendu compte, mais je vais vous dire ce que vous
avez dit de spectaculaire.
Alors, vous
venez de dire que, dans votre hôpital, qui est un hôpital régional, donc qui
offre des services qui ont une
certaine lourdeur par définition... Un hôpital régional, c'est un cran
intermédiaire entre l'hôpital communautaire et l'hôpital universitaire. Vous êtes un hôpital même de certaines
surspécialités, et vous en êtes un digne représentant. Mais vous venez de nous dire, Dr Pelletier, que vous
aviez cinq unités de médecine familiale de 30 patients, dans lesquelles
il y avait un médecin de famille qui prenait en charge 30 patients par
jour à tous les jours, c'est ça que vous venez de nous dire. Et ça, là, c'est très spectaculaire, parce que vous venez de
nous dire qu'un médecin de famille, peu importe sa génération, il est capable de prendre à charge,
dans une journée, 30 patients hospitalisés. Et on sait que, par
définition, les patients hospitalisés
sont au moins aussi lourds qu'en cabinet, hein, au moins, en moyenne, aussi
lourds qu'en cabinet, et c'est 30.
Et, pour le
bénéfice de ceux qui ne sont pas familiers avec le fonctionnement hospitalier,
les unités de médecine de famille
sont des unités qui sont autonomes au sens où c'est vraiment des unités qui
sont à la charge de la personne qui les
prend en charge cette journée-là. Les médecins de famille dans ces départements-là
ne sont pas des consultants, là, c'est
eux qui mènent la chose et qui ont la responsabilité de la chose. À la limite,
là — et là je
vais commencer par prendre un exemple
de la médecine spécialisée — la cardiologie, là — et ce que je vais dire, vous allez en rire,
parce que vous savez que c'est
vrai — c'est un
hôpital dans l'hôpital. Une unité de médecine de famille, c'est un hôpital dans
l'hôpital mais de médecine de
famille. Alors, vous venez de dire quelque chose de spectaculaire, parce que 30,
c'est tout un chiffre!
M.
Pelletier (Mario) : Effectivement, par souci de justesse, je devrais
dire jusqu'à 30, disons. Idéalement, ça aurait été 25, mais, les choses
étant ce qu'elles sont...
M. Barrette : 25 me sied
parfaitement, Dr Pelletier.
M. Pelletier (Mario) : O.K., si ça
vous rend heureux.
La
Présidente (Mme Hivon) : ...c'est parfait, on a écoulé notre temps sur cette belle entente. Donc,
on va maintenant passer à la
période d'échange avec le groupe d'opposition officielle pour une période de
11 minutes.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Dr Arata, Dr Pelletier, bonjour,
Mme Martineau. Écoutez, je suis très contente parce que
vous faites référence, dans le fond, à la qualité, et ça, pour moi, c'est un déterminant
majeur pour la population.
La population veut un meilleur accès, mais elle veut être sûre
aussi qu'elle a des soins de qualité, et c'est important que le CMDP
vienne traduire clairement cette priorité, ce besoin et ce rôle que vous jouez.
Et il faut comprendre le nombre d'endroits
dans un hôpital où il peut y avoir des bris de qualité qui ont des conséquences
graves pour un patient. On a vécu une
pénurie de médicaments où, pendant que j'étais présidente de l'Ordre des
pharmaciens, on a été obligés
d'autoriser des fractionnements d'ampoule de Dilaudid en deux seringues, qui
traînaient sur l'étage, avec les
risques que ce soit confondu entre la morphine puis le Dilaudid, le Dilaudid est cinq fois plus puissant que la
morphine. On se rend compte, là, que la qualité, ça, c'est un détail,
là, dans l'organigramme de ce que vous devez superviser.
Moi,
malheureusement, le constat que je fais, c'est que, depuis 10 ans, on a
travaillé... Le médecin... le ministre décrit
les choses de façon très sectorisée, segmentée, il dit : D'abord, on a
réglé le problème du nombre de médecins, après ça on a réglé le rattrapage salarial, là on travaille sur la quantité de
services, puis après ça on arrivera à la qualité de service. Bien, ça, ça m'inquiète beaucoup parce qu'il y a
une intégration à travers ça — oui, je vois que vous trouvez ça drôle,
mais ça, c'est votre décision personnelle.
Alors, moi, je pense que la qualité, dans un processus... Et je sais que les
CMDP travaillent beaucoup à planifier les processus, à planifier les
étapes qui vont faire que le patient va recevoir le bon médicament; que, si on entre avec un infarctus, on va avoir telle,
telle, telle séquence d'actions, où les secondes comptent, et qui vont être appliquées. Et tout ça, c'est le
rôle des CMDP. Et cette qualité de processus là, elle peut venir en amont
de la quantité parce que, si on a bien
planifié, on va être capable d'en faire plus. Le ministre, lui, semble dire
qu'il faut absolument faire de la
quantité, puis après ça on s'occupera de la qualité. Alors, ça, je pense que
l'intégration de tout ça et la
planification sont déterminantes, et même, si on va dans ce processus-là, si on
améliore notre processus, la qualité du processus, on fait plus de
quantité, on fait sortir les patients plus vite et on a un impact immédiat sur
l'accès.
Donc, moi, je
pense qu'il y a énormément à faire là-dessus et je voudrais vous entendre
parler de comment vous voyez... Parce qu'on n'a pas pu vous voir, là,
depuis la loi n° 10, mais, la loi n° 10, comment vous voyez,
avec les méga-CMDP à
1 200 médecins... Le ministre m'a parlé de sous CMDP, alors il semble
qu'il y a une structure très, très claire qui soit déployée partout avec
des sous-CMDP. J'aimerais ça vous entendre parler de ça et de la qualité.
M. Arata (Martin) : Bien, écoutez, un, pour le volet qualité, un des
éléments que vous amenez, Mme Lamarre, c'est
la pertinence. Alors, oui, en améliorant la pertinence on diminue les actes
inutiles, en diminuant les actes inutiles on se concentre sur les actes avec une plus-value, donc indirectement on
va améliorer l'accès parce qu'on va faire les bonnes choses pour les bons patients, puis ça va avoir,
donc, un impact significatif. Donc, ça, c'est clair qu'en améliorant la...
Puis, en termes de pertinence, les études
sont claires, on a 10 %, 20 % d'amélioration possible indirectement
de l'accès. Donc, oui, je suis à l'aise avec le fait qu'on...
Mme
Lamarre : ...tantôt, le groupe qui vous précédés, que des médecins de
famille attendent 20 minutes au bout d'un téléphone pour pouvoir parler à un spécialiste. Si on coordonnait
un petit peu ça puis qu'on disait : On se parle entre telle heure
et telle heure à chaque jour, peut-être qu'on gagnerait de l'efficience.
• (16 h 50) •
M. Arata
(Martin) : Oui. Je pourrais
même vous dire : «Small is beautiful», mais plus maintenant avec la
nouvelle réalité. Mais ça, je le
vivais, moi. Je ne suis pas dans des grands centres, je suis à Thetford Mines,
alors je suis dans un milieu plus petit, plus rural.
Et la
question sur les méga-CMDP ou les mégastructures, il est certain que dans une
mégastructure, avec plusieurs milliers de médecins, dentistes et
pharmaciens, la gestion va être plus complexe, il faudra être en mesure de bien
la décliner sous tout ça. Est-ce qu'il y
aura un CMDP central, des CMDP périphériques? Il y a eu des recommandations à
cet effet-là dans notre mémoire du
p.l. n° 10 qu'on vous a transmis, à l'effet qu'il pourrait y avoir un
niveau local qui s'occuperait, ce
qu'on appelle, du «day-to-day», donc l'évaluation de la qualité, l'évaluation
des compétences des médecins sur le
terrain, médecins, dentistes et pharmaciens sur le terrain, parce que le faire
au central aurait un risque, selon nous. Par contre, les activités
pharmaceutiques pourraient être centralisées pour avoir un seul formulaire, les
activités... les grands enjeux,
appelons-les, cliniques ou les grands enjeux stratégiques de l'établissement pourraient relever d'un CMDP
central, mais un seul CMDP central pour faire l'ensemble des activités, je vous
avoue bien humblement...
Et c'est fait
de façon bénévole dans la plupart des organisations. On va trouver de moins en
moins de joueurs pour bénévoler dans
tout ça, et c'est ce qui est dommage. On mobilise nos troupes présentement pour
faire en sorte qu'elles continuent de
s'impliquer, parce qu'on croit à l'implication des cliniciens dans la gestion
du réseau, c'est une plus-value pour
ce réseau-là. On va entendre des fois : Retournez les médecins à la
pratique, laissez la gestion aux gestionnaires. On est dans un système de santé, alors le «core business», c'est le
patient, mais le «core business» aussi, c'est les gens qui offrent les services,
et ce sont les cliniciens, dans tout ça, il est important d'avoir cet avis-là
parce qu'on risque peut-être de dériver
dans l'organisation, et c'est là qu'on vous parlait des chiffres de
département, des CMDP, des DSP dans la réalité de gestion de notre
réseau de la santé.
Mme Lamarre : Je ne sais pas si vous
avez eu le temps de voir les orientations réglementaires au niveau des
activités reliées, justement, aux fonctions administratives à l'intérieur d'un
hôpital. Est-ce que vous avez eu le temps de voir un peu ça? Est-ce que vous
avez été consultés pour pouvoir aider à définir le nombre d'heures que ça
prenait, peut-être les variations selon la grosseur d'un hôpital ou...
M. Arata
(Martin) : Nous n'avons pas
eu l'opportunité de prendre connaissance... J'ai cru comprendre que ça
avait été fait de façon officielle ce matin, donc on en a entendu parler en
cours de journée.
Pour ce qui est des équivalences, on n'a pas été
consultés à cet effet-là, au niveau des heures allouées ou des équivalences,
là.
Mme
Lamarre : O.K. Je vous donne un exemple, là : un chef de
département clinique président du conseil des médecins, dentistes et
pharmaciens, directeur d'une unité de médecine familiale, aurait l'équivalent
d'une exemption maximale équivalente à 504 heures annuellement. Une heure
égale un patient inscrit.
M. Arata (Martin) : Écoutez, dans
les...
Mme
Lamarre : Alors, ça veut dire que, si je prends l'exemple où vous
seriez un médecin... Par exemple, vous, Dr Arata, tout jeune, là, donc 15 à 24 ans de pratique, vous
avez 1 260, si vous êtes médecin en externe, là, 1 260 patients
à voir et six heures d'AMP à faire, et là,
si vous décidez de poser votre candidature pour être chef de département
clinique, bien vous avez une
exemption de 504 patients. Alors, ça veut dire que vous êtes chef d'un
département clinique, vous voyez 756 patients et vous faites six
heures d'AMP.
Est-ce que
c'est un scénario qui vous apparaît raisonnable? Je ne le sais pas, là, je vous
pose la question. Peut-être que oui, c'est peut-être possible.
M. Arata
(Martin) : Je ne voudrais
pas faire de mon exemple l'exemple d'un médecin de famille du Québec, là, ce ne
serait pas l'objet de la réponse. Et ce ne serait peut-être pas bienvenu dans
les circonstances, puisque je représente l'Association des CMDP.
Mme Lamarre : ...connaître quelqu'un
peut-être qui...
M. Arata (Martin) : Il faut
comprendre que les fonctions de gestion, dans les prochaines organisations,
vont certainement être plus importantes que
ce que l'on connaît présentement, je pense qu'il y aura à regarder comment on
le fait. Et les pharmaciens et les
dentistes aussi qui vont gérer dans tout ça sont à considérer, là, dans nos
réflexions, comme le souligne Mlle Matineau.
Dans la perspective où c'est aussi significatif,
aussi gros comme département à gérer, je ne pense pas que la pratique va être aussi facile à faire en même
temps, je pense que ça va demander un temps important de la pratique et des
chefs de département à temps partiel. On
avait des gens qui le faisaient une journée à une journée et demie par semaine
ou, dans les grands centres, des fois deux jours. Dans les nouvelles
structures, on va être beaucoup plus près du trois, peut-être quatre jours-semaine, surtout qu'on est en réorganisation d'un
réseau. Alors, de faire de la pratique en même temps nous questionne, nous. Ça nous préoccupe aussi pour savoir :
Est-ce qu'un bon chef de département qui va vouloir donner tout son temps nécessaire à la
réorganisation de son département et des services va pouvoir le faire en ayant
une pratique parallèle? Là-dessus, on garde une certaine réserve,
honnêtement.
Comment ça va
être décliné? Moi, depuis ce matin, j'entends des équivalences, tout ça. J'ai
toujours une petite réserve à cet effet-là, je pense qu'il y aura des...
Mme Lamarre :
...de lire tout ça, vous aurez la chance de communiquer. Je vais laisser la
parole à mon collègue député de Rosemont.
M. Lisée :
Merci. Très rapidement, Dr Arata... D'abord, je suis content de voir que
vous êtes de Thetford Mines, parce que c'est ma ville d'origine. Mon
père a été soigné chez vous, très bien d'ailleurs.
Ce matin, on
avait les représentants des départements de médecine de famille de Laval,
Montréal, Sherbrooke et McGill qui nous ont dit que déjà l'effet du
projet de loi faisait en sorte qu'ils voyaient une démobilisation pour les tâches d'enseignement. Vous, de la même façon,
vous devez recruter pour les tâches de gestion, le CMDP. Est-ce que vous
sentez la même démobilisation?
M. Arata
(Martin) : Bien, je dois
vous avouer que, pour les tâches de gestion, la mobilisation n'est pas à son
plus grand... son plus haut niveau au Québec
quand même, dans la gestion, que ce soit départementale ou des CMDP, je
dois être honnête avec vous.
Par contre, il est certain que plusieurs
présidents de CMDP et chefs de département ont communiqué avec nous en disant : Écoutez, la nouvelle tâche
nous préoccupe, est-ce qu'on va être en mesure de le faire? Ça fait que, oui,
il risque d'y avoir une certaine démobilisation ou
préoccupation. Par contre, on continue de fouetter — on a utilisé le fouet aujourd'hui — on
continue de fouetter nos troupes pour qu'ils demeurent présents parce qu'on
pense qu'ils sont essentiels à la réflexion
et à la transformation du réseau, nos chefs de département, nos présidents de
CMDP sont essentiels, donc on tente de continuer à les stimuler.
M.
Lisée : ...ma collègue, vous avez indiqué qu'avec la
réorganisation de la loi n° 10 la tâche est énorme et que, si la pondération ne tient pas en compte les
heures qu'il faut investir dans la réorganisation, bien les médecins vont
choisir leur pratique, et donc il y aura moins de gens pour faire cette
réorganisation-là. C'est un vrai risque.
M. Arata
(Martin) : C'est un risque parmi certains autres qu'on a peut-être énumérés
au préalable, oui, c'est toujours un risque,
d'aller vers la pratique, parce que jumeler les deux, en termes de gestion,
avec la grosseur des organisations,
va être plus difficile. Est-ce qu'il y aura des amendements, des ajustements?
Je le souhaite pour rendre le rôle de médecin gestionnaire ou pharmacien
gestionnaire actualisable dans nos organisations.
La Présidente (Mme
Hivon) : Merci beaucoup. Alors, ça met fin à la période
d'échange avec l'opposition officielle. Je
cède maintenant la parole au député de Lévis pour les échanges avec le deuxième
groupe d'opposition pour une période de 7 min 30 s.
M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Dr Arata, Dr Pelletier et
Mme Martineau, merci. Bienvenue. C'est intéressant parce qu'on est revenu sur la notion de risque, c'est une
discussion tout en nuances, et vous avez évoqué... et le ministre a évoqué le risque. Je vous dirai
qu'il y a bien des groupes qui sont passés qui ont évoqué puis qui ont dit
également que le p.l. n° 20, dans
sa forme actuelle, était un risque, alors, à ce niveau-là, si on veut les
éviter, il faudrait peut-être
l'éviter. Oui, j'ai entendu ça, M. le ministre, effectivement, pour le patient.
Il suffit de prêter l'oreille tout le temps.
Messieurs,
vous avez aussi parlé de transition, on a parlé des AMP, et j'y reviens. Vous
avez parlé de couleur des murs qui n'était pas égale partout. Oui, je
vais faire un peu de poésie, vous avez raison, il y a des couleurs franches, il y a des couleurs pastel également, on se
comprendra, et à travers ça, bien, il y a de la transition qui fait toute la
différence. Il y a des groupes qui
sont venus nous dire que, si éventuellement, du côté des AMP, on abolissait
graduellement, et compte tenu de la
pratique actuelle — et vous
le vivez, vous êtes dans la gouvernance et dans la gestion — les omnipraticiens qui actuellement font du temps en établissement,
pour plusieurs d'entre eux, vont continuer à faire du temps en établissement, parce que c'est devenu leur
pratique, et que tous ne voudront pas quitter pour s'en aller en cabinet puis
déserter le centre hospitalier. Est-ce que vous sentez ça? Est-ce que c'est un
fait? Est-ce que vous le constatez?
M. Arata (Martin) : Bien, il est certain que, demain matin, si on retire les AMP spontanément,
les médecins qui ont déjà une
pratique en établissement, que ce soit en urgence ou en hospit, ne quitteront
pas spontanément comme ça parce que de toute façon, pour retourner en
cabinet ou autres, il y a certaines compétences qui sont nécessaires.
Est-ce qu'au moyen
terme ou au long terme on verra, je dirais, une dérive vers le cabinet et une
difficulté de revenir à l'accès à
l'hospitalisation, à l'urgence? Je ne peux pas prévoir l'avenir, je ne suis pas
là, malheureusement, mais il va
falloir le prendre en considération. Donc, dans toute étape de transformation
de ces activités-là, il faudra probablement se permettre de faire une mise à jour, un «reset», une évaluation pour
être certain qu'on ne met pas à risque l'accès aux services pour la
population.
M. Paradis (Lévis) : ...graduelle, transitoire, avec la volonté des médecins de ne pas...
Parce que c'est ça, votre volonté,
c'est ça, votre travail, de ne pas provoquer de bris de service, de ne pas
mettre le patient dans le problème, je veux dire, on comprend bien quand on nous dit que... On peut avoir une vague,
hein, puis on peut avoir un tsunami, mais, le tsunami, ce n'est pas à toutes les semaines, des vagues sur un lac il y
en a fréquemment, on se comprendra. Oui, madame?
Mme Martineau (Josée) : Je voudrais juste ajouter en disant que probablement pas juste chez nous mais dans plusieurs centres hospitaliers on
a des omnipraticiens non seulement à l'urgence, qui ne font que de l'urgence,
mais on en a qui ne font que de
l'hospitalisation, dans des secteurs un peu plus spécialisés, qui ne font pas
de cabinet privé mais qui ne vont
faire que de l'hospitalisation, on peut penser à la gériatrie, on peut penser à
d'autres secteurs, mais qui n'ont pas
de cabinet privé. Donc, ce qu'on leur demande, finalement, c'est d'aller faire
aussi une pratique en cabinet privé, chose que ça fait peut-être 10 ans, 15 ans, 20 ans qu'ils ne
font pas, mais qui sont vraiment essentiels, si je prends par exemple la gériatrie, sont essentiels à
l'unité, au travail interdisciplinaire, on en a entendu parler tout à l'heure,
précédemment. Donc, ces gens-là, on ne peut
pas, je pense, leur demander maintenant d'aller suivre une
clientèle en cabinet privé, c'est impossible.
• (17 heures) •
M. Paradis (Lévis) : Vous êtes des professionnels et vous ne regardez pas seulement
ce qui se passe chez nous. D'ailleurs, vous voulez bonifier ce qui se
passe chez nous et vous l'avez dit très ouvertement, hein, je veux dire, les choses doivent avancer. Et vous êtes présentement dans une période de transition qui n'est pas facile, vous venez de le
dire également, et puis vous devez tout le temps vous adapter.
On
sait que des AMP, c'est ici que ça se fait, ailleurs au Canada
ça ne se fait pas. Vous analysez les systèmes de santé partout, vous avez un regard
critique. Si ça ne se fait pas ailleurs et que ça fonctionne, est-ce qu'il est
juste de penser que ça pourrait aussi progressivement être aboli et que ça
fonctionne quand même?
M. Arata (Martin) : Bien, vous me posez une question
sur l'avenir encore, comme j'ai dit, que je ne peux pas connaître. Est-ce que ça peut être aboli?
Possiblement que ça pourrait être fait mais, comme je vous dis, dans un
contexte où on évalue bien les
risques et où on s'assure qu'il n'y a pas de dérive. Les AMP sont apparues au Québec probablement pour une raison, à l'époque, qui a fait en sorte qu'on a dû recentrer la
pratique vers les zones qui étaient désertées, l'urgence et l'hospitalisation,
alors il faut s'assurer qu'on ne
reviendra pas à la case départ, parce
que, là, on revient à la case
où on met des gros établissements et où on met des structures macros. Alors, oui, c'est possible, et on
doit l'envisager dans un contexte où c'est bien planifié, planifié.
M. Paradis (Lévis) : Planifié, effectivement, en évitant les bris de service et en constatant
ce qui doit être fait partout sur le territoire
en fonction des besoins de chacun de ces territoires
et, vous l'avez bien dit, du côté de Trois-Rivières
notamment, que je connais bien parce que j'ai eu à travailler là pas mal.
Vous
parliez d'indicateurs de qualité. En début, vous avez débuté en disant : Il y a
des choses dont on a besoin, des
indicateurs de qualité notamment, et vous êtes revenus pas mal là-dessus.
On en a, on n'en a pas suffisamment. Pourquoi on n'en a pas? Puis qu'est-ce
qu'on devrait avoir?
M. Arata (Martin) : Bien, écoutez, je prends
comme exemple... On a des indicateurs de productivité. Je prends toujours l'exemple... je donne des formations, je
dis que je suis le meilleur médecin au Québec en urgence, j'ai le meilleur
délai de patients sur civière, mes patients
séjournent de six heures sur civière, mais ils meurent tous. Mais au moins ils
restent moins de six heures, donc j'ai un
bon délai sur civière. Alors, c'est toujours à se questionner : Est-ce que
le délai seulement sur civière est à considérer ou c'est le soin que le
patient a reçu?
Les
psychologues doivent avoir un certain nombre de visites par patient par année,
mais... J'ai le plus haut taux de suicide dans ma région, mais par
contre ils les voient tous 10 fois dans l'année. Super! Je rencontre les
objectifs de productivité, mais je ne rencontre pas nécessairement l'objectif
d'«outcome» de qualité.
Alors,
il faut mettre les deux en lien. Il y a des indicateurs, si on va dans les
modèles américains, si on va... Justement, Kaiser, dont je parlais tout
à l'heure, il y a des indicateurs de qualité, le diabétique devrait avoir tel
taux d'hémoglobine glyquée, vos patients de maladies pulmonaires, pas plus que tant
d'infections par année, votre taux d'hospitalisation
pour votre clientèle devrait être autour de... Tout ça, ça permet d'avoir un
tableau de ce qu'on fait. Est-ce qu'on fait la bonne chose pour notre
clientèle? Est-ce que le service donne une plus-value à la santé? Est-ce qu'il
la stabilise, l'améliore ou fait en sorte
que j'ai fait de quoi de plus, et ça, moi ou l'équipe qui prend en charge le
patient?
Et
on n'en a pas beaucoup. Il y en a dans les milieux universitaires, les gens en
ont développé, mais ce n'est pas...
M. Paradis (Lévis) : ...pas fait? Parce que ce n'est pas d'hier que vous pensez à ça.
Pourquoi ça n'existe pas là, maintenant?
M. Arata (Martin) : Écoutez, l'hypothèse, puis je l'émets comme hypothèse : on a souvent amené le financement
du réseau à partir de ces indicateurs de
productivité là et pas en lien avec la qualité. Si on prend des modèles comme
en Grande-Bretagne, le
«pay-for-performance», bien il y a un p pour la qualité, donc, le médecin, sa rémunération aussi est en fonction des objectifs de qualité atteints. Alors,
ça aussi, ça fait partie, lorsque... lié à une rémunération, des fois peut-être des discussions. Alors, on parle de
moyens coercitifs, mais il peut y avoir des moyens incitatifs aussi en lien
avec la qualité.
M. Paradis (Lévis) : On parlera aussi, dans ce projet de loi, de... puis ça a été
abondamment mentionné, bon, les quotas,
par exemple, il y a des gens qui se sont inquiétés, quand je parlais de risque,
que c'était aussi en fonction de la qualité,
en disant : Bien, écoutez, il faut conserver cette notion de qualité
vis-à-vis le patient, de temps patient puis, vous en avez parlé aussi,
de la vulnérabilité de ces patients-là.
Est-ce que, dans sa
forme actuelle, avec un principe de quotas, on risque de blesser la qualité?
M. Arata (Martin) : Bien, écoutez, il y a un propos que je tiens aussi à l'occasion, qui
est celui du fait que ce n'est pas
parce qu'on va prendre un très grand laps de temps avec un patient qu'il y a
une garantie de qualité, ce n'est pas parce qu'on va prendre deux heures
versus une heure que la qualité va être meilleure. Donc, il faut être prudent
dans l'interprétation de la qualité et du délai.
Moi,
je pense que, comme professionnels, on l'a dit, la déontologie nous gère et
fait en sorte qu'on a une obligation envers
le patient pour le temps nécessaire, la qualité à assumer, je fais confiance à
mes confrères et consoeurs pour qu'ils offrent
le temps nécessaire à une relation de qualité et à des soins de qualité aux
patients. Les quotas seront un élément à considérer par la suite.
M. Paradis
(Lévis) : Mais je comprends également, puis vous...
La
Présidente (Mme Hivon) : Merci. Nous n'avons plus de temps,
malheureusement. Alors, merci beaucoup de votre présentation,
Dr Arata, Dr Pelletier, Mme Martineau, merci d'avoir été parmi nous
aujourd'hui.
Et je suspends les
travaux le temps que Dr Louis Roy et Dre Christiane Martel prennent
place. Merci.
(Suspension de la séance à
17 h 5)
(Reprise à 17 h 8)
La Présidente (Mme Hivon) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons recommencer nos travaux. Nous
accueillons Dr Louis Roy et Dre Christiane Martel. Donc, je vous
souhaite la bienvenue. Selon les règles habituelles, vous disposez d'une
période de 10 minutes pour votre présentation, qui va être suivie d'une
période d'échange avec l'ensemble des groupes des parlementaires. Donc, la
parole est à vous. Et je vous invite à me regarder vers la fin pour que je vous fasse signe, pour vous montrer qu'il
ne reste pas beaucoup de temps, je vais essayer de vous l'indiquer.
Merci.
M. Louis Roy et Mme
Christiane Martel
M. Roy
(Louis) : Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre et Mmes, MM. les parlementaires. Merci d'avoir
accepté de recevoir notre mémoire et de nous entendre concernant les soins
palliatifs. Dre Martel et moi sommes ici aujourd'hui à titre de représentants de trois groupes
de soins palliatifs qui sont très impliqués au Québec,
à savoir le Réseau de soins palliatifs du Québec, le Réseau universitaire québécois de soins palliatifs et la Société québécoise des
médecins de soins palliatifs. Le
mémoire qui vous a été proposé... présenté, c'est-à-dire, est le fruit d'une
réflexion commune et d'un travail d'écriture commun, donc il représente
un consensus des gens qui ont été impliqués dans sa préparation.
• (17 h 10) •
D'emblée de
jeu, nous tenons à saluer le gouvernement, qui a adopté en juin dernier la Loi
concernant les soins de fin de vie et
qui a mis en avant le fait que tout le monde doit avoir accès à des soins de
fin de vie, cette loi qui doit être
en vigueur pour le mois de décembre de cette année.
Aussi, nous
souscrivons à l'idée générale d'améliorer l'accès aux médecins de famille et
aux médecins spécialistes, mais, dans
sa mouture actuelle, le projet de loi n° 20
nous porte à plusieurs inquiétudes par rapport à l'organisation, à l'accès
de la pratique de la médecine palliative, à
son enseignement et à tous les efforts de recherche pour améliorer la qualité
de cette pratique. Nous sommes préoccupés
par le fait que les effectifs médicaux et l'expertise en soins palliatifs
pourraient s'amenuiser en réponse à
l'implantation du projet de loi n° 20 dans sa forme actuelle parce
que les médecins de famille, qui sont
les principaux impliqués en soins palliatifs au Québec, risquent de déserter la
pratique des soins palliatifs, qui est une
pratique beaucoup plus lourde, qui demande beaucoup plus de temps, qui demande
le développement d'une expertise. Si
nous perdons cette expertise, qui est concentrée sur peu de gens, nous allons
avoir un problème d'accessibilité encore plus grand pour les soins
palliatifs.
Je passe
maintenant la parole à ma collègue, Dre Martel, qui va vous faire un court
témoignage pour parler de qu'est-ce
que c'est, la pratique des soins palliatifs, puis je vous reviendrai ensuite
pour les recommandations que nous faisons à la commission.
Mme Martel
(Christiane) : Bonjour. Donc, je vais vous amener l'histoire de
quelques minutes sur le terrain des soins palliatifs, sur ce que
représente la médecine palliative au Québec. Je vais partir de mon exemple,
mais vous pouvez entendre le «je» comme un
«nous», parce que la pratique des médecins de soins palliatifs se ressemble au
Québec.
Donc, je suis
médecin de famille depuis près de 20 ans et je prends en charge des
patients de tout âge et atteints de multiples
pathologies. Je travaille en moyenne entre 35 et 40 heures par semaine, et
ce, autour de 46 semaines par année. Pourtant, difficile pour moi d'inscrire le nombre de patients qui semble
être exigé par le projet de loi n° 20. Ma contrainte principale : les soins palliatifs. J'y
consacre 80 % de mon temps. Et
j'ai choisi les soins palliatifs parce qu'ils correspondent à ce pour quoi je suis devenue médecin :
soigner la maladie grave avec au coeur de mes soins humanisme et compassion.
Les patients
que je soigne sont trop malades, malheureusement, pour être pris en charge en
grand nombre. Je soigne à domicile et
en maison de soins palliatifs des Québécois qui souffrent de maladies
terminales et pour qui la guérison n'est plus une option, je les accompagne pour que la fin de leur vie se
déroule dans le plus grand confort possible, des soins à l'extérieur de l'hôpital, selon leurs souhaits et
à moindres coûts pour le système de santé. Je dois parfois passer plusieurs
heures au chevet d'un même patient et de sa
famille pour rendre cela possible. Pour certains, je ne les verrai qu'une ou
deux fois, mais je permettrai ce qu'aura été leur dernière volonté :
mourir dans leur maison avec leurs proches. À domicile et en maison de soins
palliatifs, je travaille avec une équipe dévouée de professionnels, équipe dont
j'ai la responsabilité et à qui je donne,
avec mes collègues, régulièrement de la formation, puisque les soins palliatifs
exigent des compétences spécifiques.
Je ne suis
pas un médecin exceptionnel, mais malheureusement je suis un médecin en voie de
disparition, qui risque d'être
exterminé par une loi mal pensée pour ce type de pratique. Malheureusement, un
tout petit nombre de médecins soignent
leurs patients jusqu'au décès. Très peu exercent en soins palliatifs et encore
moins vont à domicile. Comme nous sommes un petit nombre, les heures dédiées
aux soins palliatifs sont nombreuses. Cette médecine est exigeante, complexe,
peu reconnue, très mal rémunérée, ce qui
explique peut-être le peu de médecins qui l'exercent. Cette pratique médicale
est pourtant indispensable, et tout doit être fait pour éviter de décourager
les médecins qui la dispensent.
Ce petit nombre de médecins est actuellement
menacé par ce que propose le projet de loi n° 20. Le risque de pénalités, pour ce groupe de médecins, est élevé,
puisque rencontrer des quotas est étranger à la pratique des soins palliatifs.
Le médecin de soins palliatifs assure le
suivi de peu de patients à la fois mais de façon intensive. Nous pratiquons ce
qu'on appelle des soins intensifs de confort, nous obligeant parfois à
être plusieurs heures auprès d'un même patient. Les médecins de soins palliatifs sont aussi très engagés auprès de leurs
équipes, et plusieurs sont impliqués dans l'enseignement. Ces implications et engagements réduisent, bien
entendu, le temps de prise en charge pour des patients, cependant tout ce temps est essentiel pour maintenir des soins
palliatifs de qualité. Comment concilier qualité des soins, engagement et
soutien de nos équipes, enseignement à la relève et aux collègues avec
la prise en charge d'un nombre élevé de patients? Cela nous paraît, pour le moment, une mission
impossible. Le projet de loi n° 20 nous semble incompatible avec de
bons soins palliatifs. Les soins de fin de vie seraient grandement
fragilisés, alors que tout doit être fait pour les bonifier.
Les soins
palliatifs doivent être protégés, puisqu'il y aura autour de 43 000 Québécois et Québécoises qui auront besoin de soins de qualité pour la fin de leur vie
dans l'année qui vient. Nous vous demandons de faire tout ce qui vous
est possible pour protéger et encourager la pratique de la médecine palliative.
Je cède la
parole au Dr Roy, qui vous fera les propositions longuement réfléchies par
les regroupements que nous représentons afin de préserver les soins
palliatifs et de soutenir les médecins qui les pratiquent. Merci.
M. Roy
(Louis) : Les
recommandations que nous avons faites et qui font l'objet d'un consensus des
trois groupes se retrouvent dans le
mémoire et entre autres dans le sommaire du mémoire, mais on veut y
revenir parce que c'est très important.
D'assurer une
universalité de l'accès aux soins palliatifs, c'est mentionné dans la Loi
concernant les soins de fin de vie, mais,
pour assurer cette universalité, il
faut avoir des gens qui le font, il faut
avoir des médecins qui vont vouloir le
faire et il faut avoir des équipes aussi, parce que
les soins palliatifs, ça ne se fait pas tout seul. Je ne peux pas, moi, faire
des soins palliatifs tout seul, en solo,
j'ai besoin de travailler avec une équipe, une équipe d'infirmières, de gens au niveau du
psychosocial, d'adjoindre à ça des gens du bénévolat, des gens de la pharmacie,
bon, et tout le reste, je ne vous ferai pas le détail de tout, mais il faut avoir vraiment... s'assurer qu'il y
aura une accessibilité universelle. La Loi concernant les soins de fin de vie prévoit que les
établissements devront avoir une politique de soins de fin de vie pour
l'ensemble de leur clientèle, mais il
faut s'assurer que ce sera vraiment mis en place, et, pour la mettre en place,
bien il faut qu'il y ait des équipes.
On a beau avoir une belle politique, si on n'a pas personne pour faire le
travail, on n'y arrivera pas. Puis, quand
je parle d'établissements, je pense autant à un CHU qu'à un CLSC avec des soins
à domicile. Dans les deux endroits, les gens en soins palliatifs ont
besoin d'être vus par des gens compétents.
Deuxième grand point de nos recommandations,
c'est de favoriser la prise en charge médicale dans tous les milieux, comme je vous l'ai dit, du domicile
jusque dans les CHU. Il faut éviter que les médecins qui en font déjà ne
fassent défection, ne quittent cette
pratique pour aller faire autre chose. Il faut aussi permettre à ceux qui ont
décidé de le faire de façon plus
majoritaire, que ce soit à demi-temps ou à temps complet, qu'ils puissent
exercer cette pratique. Et, je vais vous
dire, je reprends entre autres ce que Dr Arata, tout à l'heure, a dit...
ou peut-être... non, c'est la collègue du Dr Arata qui mentionnait : De demander à un médecin
qui n'a pas fait de prise en charge en cabinet depuis 15 ou 20 ans... Et
c'est mon cas. Je ne suis pas sûr que
je serais le meilleur médecin pour toutes ces personnes qui ont besoin d'un
médecin de famille, je le reconnais.
Je suis, je pense, reconnu par mes pairs comme un excellent médecin en soins
palliatifs parce qu'au fil des
20 dernières années je n'ai fait que des soins palliatifs, alors vous
pouvez m'amener des cas compliqués, je vais trouver des solutions pour les rendre confortables, je sais quoi faire.
Si vous m'amenez des gens avec des hypertensions compliquées, je vais dire : Oh! ça va me prendre un spécialiste ou
quelqu'un d'autre pour le faire. Il faut aussi permettre d'avoir un mode de rémunération qui va tenir
compte de la spécificité de la pratique, qui va faire en sorte que ça va être
attractif aussi de le faire. C'est une
pratique particulière, et il faut donc en tenir compte, il faut avoir des
mesures incitatives plutôt qu'obligatoires. Forcer un médecin, forcer
quelqu'un à faire des soins palliatifs qui n'en a pas envie ou qui est inconfortable face à quelqu'un qui est en train de
mourir, bien on n'a aucune... on a une assurance qu'il n'y aura pas une bonne qualité. Puis on ne peut pas reprocher à
quelqu'un d'être mal à l'aise, c'est tout, c'est comme ça, mais il y a des gens
qui sont prêts à le faire et qui le font bien. Donc, des mesures incitatives,
et soutenir les médecins qui travaillent en équipes interdisciplinaires,
parce que ça aussi, ça prend plus de temps, et finalement stimuler le
développement et le maintien des
compétences, donc favoriser l'émergence des médecins enseignants pour préparer
la prochaine génération, éviter qu'il
y ait des pénalités pour l'enseignement des soins palliatifs et des autres
disciplines et s'assurer qu'il y ait un développement des activités de
recherche et d'évaluation pour aller améliorer la qualité et s'assurer que ce
qu'on fait comme gestes est dans les meilleurs standards.
Alors, nous
vous remercions. Et nous espérons que nos propositions pourront être retenues
pour améliorer pas tellement ma pratique à moi comme l'accès à des bons
soins pour tous ceux et celles qui en ont besoin.
La
Présidente (Mme Hivon) : Merci beaucoup. C'est un plaisir de
vous retrouver. On vous a entendus quelques fois pour cette autre loi sur les soins de fin de vie et on sent
toujours le même niveau d'engagement. Donc, sur ce, je vais céder la
parole au ministre de la Santé pour une période d'échange de
18 min 30 s.
• (17 h 20) •
M.
Barrette : Merci, Mme la Présidente. Dr Roy, Dre Martel, je ne sais pas si c'est fait exprès,
mais vous avez devant vous, évidemment,
la personne qui a piloté le dossier de la loi sur les soins de fin de vie et la
personne qui va la mettre en
opération. Et peut-être que vous ne le savez pas... ou vous l'avez peut-être
vu dans le passé, mais j'ai appuyé beaucoup la démarche de ce projet de loi là, Mme la Présidente, probablement, s'en souvient, et je suis évidemment très sensible
aux commentaires que vous avez faits. Et non seulement je suis sensible à ces
commentaires-là, je vais peut-être en
profiter pour vous rassurer et peut-être même vous faire plaisir. C'est vrai
que ce que vous faites, c'est important, et c'est vrai que ça n'a pas la reconnaissance qui leur revient, c'est
vrai. Et, quand on le vit dans le milieu médical, c'est encore plus vrai, pas parce que
c'est moins vrai, là, mais, quand on le vit de l'intérieur, on voit des choses
que d'autres ne voient pas et on les vit différemment.
Les
commentaires que vous avez faits... Ça, c'est une question, là, qui est très simple, là,
et très courte, là, pas besoin d'élaborer vraiment, là. Quand vous
dites, là, que les gens vont déserter, c'est en voie de disparition, et ainsi de suite, vous faites ces commentaires-là sans
avoir pris connaissance nécessairement de notre grille. Est-ce que
je me trompe?
M. Roy (Louis) :
Je dois avouer que j'ai vu votre grille... on m'a remis la grille ce matin, en
fait, je l'ai vue rapidement passer...
M. Barrette : Mais vous n'avez pas
eu le temps de faire une analyse, là.
Mme Martel
(Christiane) : Puis on se
base aussi sur... En fait, la facturation des médecins qui font des visites
à domicile est inférieure à 2 %, donc on sait qu'il y a très peu de
médecins qui font cette pratique-là déjà, donc...
M. Barrette : C'est parfait, c'est
ça, je vous comprends très bien.
M. Roy (Louis) : Si je peux me
permettre...
M.
Barrette : En fait, je vais
vous reposer la question. Votre première réaction est basée sur les ratios qui
ont été véhiculés initialement, là.
Quand vous nous dites : Tout le
monde va s'en aller, puis on va
déserter, c'est parce qu'on ne
peut pas prendre 1 000 patients en charge, là, bon.
M. Roy
(Louis) : En fait, si vous
me permettez, M. le ministre, notre préoccupation, c'est qu'en soins palliatifs
il existe deux... il ne faut pas faire des
catégories, mais il y a des gens qui, comme moi, avons décidé de faire beaucoup
de soins palliatifs, parfois exclusivement des soins palliatifs. Donc,
ça, c'est une certaine catégorie.
M. Barrette : ...bien ce que vous me
dites.
M. Roy
(Louis) : Et il y a d'autres
gens qui... il y a de ces gens-là qui travaillent dans les équipes dans
lesquelles j'interviens qui sont des
médecins de famille, qui font de la prise en charge, qui travaillent aussi en
UMF pour faire de l'enseignement et qui vont dédier cinq, six, sept,
huit semaines par année à faire des soins palliatifs à l'unité de soins palliatifs, etc. Ces gens-là sont ceux qui sont à
risque beaucoup de déserter, ils vont dire : Bien, mes huit semaines que
je passe à faire des soins palliatifs,
c'est intéressant, c'est une diversité dans la pratique, ça me permet de faire
de l'enseignement aux résidents
autrement, j'apprends aussi d'autre chose, je mets de la diversité, mais, pour
inscrire tous les patients qui est
demandé dans le projet de loi, je ne réussirai pas, au travers de mes huit ou
10 semaines que je fais de soins palliatifs, donc je vais couper
cette portion-là.
Personnellement,
dans mon équipe ici, à Québec, qui est sur différents sites, j'ai plusieurs
médecins qui travaillent très bien,
qui font de la médecine générale, de la médecine familiale, qui font de la
prise en charge, mais, si ces gens-là disent :
Bien, moi, je vais cesser de faire des soins palliatifs ou je vais en faire
moitié moins, bien mes semaines, qui sont en général, de mon côté, de
l'ordre de 45, 50 heures-semaine, je vais être obligé de les pousser
encore plus loin.
M.
Barrette : Alors, permettez-moi de vous rassurer parce que les grilles
ont été faites pour couvrir ces cas de figure
là. Et je vais vous inviter à en prendre connaissance comme j'en profite, là,
et je l'ai fait en entrevue tantôt, à inviter tous les médecins de famille du Québec à bien regarder les grilles. Je
me suis amusé depuis hier soir à répondre sur les réseaux sociaux à ceux qui m'interpellent, les
médecins, pour leur dire essentiellement ça : Regardez bien l'analyse, là,
parce que ce que vous avez critiqué dans le
passé... puis je ne dis pas que vous critiquez, là, ce n'est pas ça que je veux
dire, mais, les appréhensions que vous avez
exprimées dans le passé sur Twitter, sur Facebook, vous allez
voir qu'elles sont non fondées, parce
que ce que vous avez décrit, c'est une situation à temps plein avec des
variantes, comme celle que vous venez de décrire, et les pondérations
viennent prendre ça en considération.
Je vous
rassure sur un certain point... peut-être pas vous rassurer, mais je vais vous
faire plaisir sur un certain point : C'est vrai que vous êtes mal rémunérés. Et vous êtes mal rémunérés parce
que vous n'avez pas de poids dans votre organisation, et je sais très bien, et vous le savez, évidemment, parce
que vous êtes là, ce n'est pas une pratique qui est valorisée par votre organisation. Et vous allez
être heureux d'entendre que... Vous savez, il y a une petite ligne dans le
projet de loi n° 20 qui fait en
sorte, et on le décrie, décrie dans
le sens décrier, là, beaucoup : Ah! le ministre va se donner le pouvoir d'intervenir dans les grilles de
rémunération. Bien oui. C'est pour
faire en sorte que les gens comme vous ne soient plus dévalorisés par
l'effet de la majorité, hein, on va utiliser ce mot-là poli, parce que, comme
vous êtes très minoritaires, vous n'avez pas
de voix. N'ayant pas de voix, bien, à
un moment donné, il faut
quasiment un ange gardien pour faire
en sorte que votre pratique soit valorisée. Bien, il est devant vous, et c'est
pour ça que cette petite ligne-là est là. Les oppositions crient au meurtre, là, quand on parle de ça, mais elle
est là pour ça, cette ligne-là. Elle est là parce que, bien que dans votre
milieu on veuille, et je le comprends puis je pense
que ça a du sens, valoriser un certain niveau de polyvalence, je pense
qu'il y aura toujours un besoin pour des gens comme vous qui décident de dédier
leur pratique à ce type de profil de
clientèle là. Ce n'est pas tout le
monde qui est fait pour ça, hein,
puis ça, vous allez en convenir avec moi,
là, ce n'est pas tout le monde, là, qui est fait pour ça, mais ceux qui le sont,
par exemple, il faudrait pouvoir les laisser faire ça. Et, pour qu'ils le fassent, bien... D'ailleurs,
je dis souvent que vous êtes des mères et des pères Teresa, là, les gens
comme vous, parce que vous le faites, puis
ce n'est certainement pas pour l'argent, là, parce que
je sais votre situation, puis il y a
un déficit, on va dire — vous
devriez devenir ministre, c'est la même affaire. Alors, on va s'occuper de
ça, on va s'occuper de ça. Et ça, j'espère que ça vous rassure.
Les grilles
de pondération ont été faites pour faire en sorte que les gens qui ont votre
profil ne soient pas pénalisés. Prenons
l'exemple, là, du chiffre qui a le plus circulé, un quota de 1 000 patients. J'ai toujours dit que... Et
évidemment les gens qui essaient de
dénigrer le projet de loi prennent ça, évidemment, à la lettre, là. C'est une
moyenne. 1 000 patients, c'est une moyenne. C'est bien sûr qu'en soins
palliatifs ça ne peut pas être 1 000, mais un ratio de un pour 25, ça fait
40, et ça, je pense que, dans une
année... parce qu'il y a des patients qui malheureusement se remplacent, là,
mais l'équivalent, sur une base
annuelle, d'une quarantaine de patients lourds, parce que vous avez raison,
c'est lourd, corrigez-moi, là, mais vous êtes capables de faire ça, là.
Mme
Martel (Christiane) : Ce que
vous dites, c'est le 40 patients sur une base annuelle? Parce que
c'est ça, de front on suit rarement des grandes quantités de patients...
M. Barrette :
Non, non, mais...
Mme
Martel (Christiane) :
...mais, sur une base annuelle, ça peut correspondre à des chiffres qui
ressemblent à la réalité, en effet.
M.
Barrette : C'est ça. Voilà,
voilà. Et ce chiffre-là n'est pas venu de la planète Mars, il est venu parce qu'on est allés voir des gens de
votre regroupement, je pense que vous le savez, là, puis vous savez qui on est
allés voir, et on a observé ça, et on en a discuté, puis on a pondu ça en
connaissance de cause, là, ça ne vient pas des nues. Et c'est la même chose
pour les patients en perte sévère d'autonomie, et ainsi de suite, là. Je ne
sais pas si vous faites juste du palliatif ou si vous faites aussi des patients en
perte sévère d'autonomie. J'imagine que oui aussi, là, parce qu'en général c'est connexe. Alors, nous, on a voulu faire une
pondération — puis là
vous me confirmez qu'on avait la bonne information, mais ça ne me
surprend pas, là — on
a voulu protéger des pratiques comme la vôtre, mais en même temps on a voulu protéger les pratiques complémentaires d'une
pratique plus générale, et la pondération, elle est là pour ça. Et une
personne, par exemple, là, qui fait
quelques semaines par année, ça correspond à un volume, ça, et, quand on fait
la somme pondérée des activités d'un
médecin, bien, que la personne... le médecin ne voie que ça, dans son profil,
ou que de la clientèle plus normale
dans une banlieue de classe moyenne, qui est jeune, ou qu'il y ait un mélange
de ce que vous faites et de ce que je
viens de dire, les pondérations permettent de faire en sorte que les médecins
ne soient pas pénalisés, donc que la clientèle ne soit pas pénalisée, et
qu'idéalement il y ait une valorisation qui soit adéquate.
Mais
je vous rassure, là. Puis je n'ai pas énormément de questions à vous poser
parce que je comprends bien votre situation
et je suis d'accord à ce qu'elle soit et valorisée et protégée, mais je vais
vous inviter, là, à prendre un moment pour
regarder ça, les pondérations, pour voir que... Puis, s'il y a des suggestions
éventuelles que vous avez à nous faire, gênez-vous pas à nous envoyer
ça, parce que les pondérations ont été faites sur cette base-là.
Maintenant,
je vais profiter quand même de votre présence pour aborder la question des
soins... Je sais que c'est hors sujet
un peu, là. Les soins de fin de vie, actuellement, est-ce que vous considérez
que, par exemple, dans vos régions... Vous, Dre Martel, je n'ai pas
saisi dans quelle région vous étiez.
Mme Martel
(Christiane) : Au sud de Montréal, dans la région de Beloeil,
Mont-Saint-Hilaire.
M. Barrette :
Dans ce coin-là?
Mme Martel (Christiane) :
Oui.
M. Barrette :
Donc, vous êtes en Montérégie?
Mme Martel
(Christiane) : Oui.
M.
Barrette : Considérez-vous qu'en termes de ressources on est près de
ce qui est nécessaire ou on est loin? Je parle de lits, là, de soins palliatifs
ou de ressources à domicile, parce que le domicile, c'est important.
• (17 h 30) •
Mme
Martel (Christiane) : Bien,
en fait, le problème qu'on a, c'est dans les effectifs médicaux. C'est
qu'on a les lits, bon, pas complètement, mais je pense qu'on a suffisamment de lits, mais le problème est souvent la ressource.
Moi, je travaille dans une maison de soins palliatifs, et on reçoit des
patients qui sont à domicile et qui n'ont pas vu de médecin depuis un mois parce
qu'il n'y a aucun médecin sur leur territoire
qui va à domicile. Donc, on a des services de CLSC avec des bonnes
équipes d'infirmières, mais les effectifs médicaux sont souvent manquants.
Certains hôpitaux n'ont pas d'équipe de soins palliatifs dans l'hôpital. Donc,
on sait qu'encore aujourd'hui près de 50 % des gens vont décéder dans l'hôpital, même si on veut essayer
d'avoir un ratio plus grand à domicile ou en maison, mais c'est les effectifs
souvent qui manquent. Donc, c'est pour ça
qu'on vous parle de bonifier, puis d'encourager, puis de tout faire pour que
les ressources de soins soient là, parce
qu'on peut avoir un lit, dans un hôpital, le nombre... suffisamment de lits,
mais, si on n'a pas les ressources humaines qui vont autour du lit, on
n'a pas de bons soins palliatifs.
Donc,
c'est souvent ce que moi, j'observe en recevant les gens qui sont en toute fin
de vie ou en prenant en charge des
gens à domicile. Moi, le territoire où je suis, je suis extrêmement chanceuse,
on a une équipe médicale et infirmière dédiée
à domicile avec travailleurs sociaux, physiothérapeutes, ergos, donc on permet
aux gens de se rendre très loin à domicile. On n'atteint pas des taux de
décès à domicile comme certains territoires parce qu'on a plusieurs ressources,
maisons de soins palliatifs, unités de soins
palliatifs, et on est dans une région où les familles sont très petites, et où
les familles s'épuisent, et où les
derniers jours vont se retrouver en maison de soins palliatifs ou en unité,
mais je pense que c'est un succès
quand même parce qu'ils ne vont pas à l'urgence et ils ne se retrouvent pas
dans des lieux qui ne sont pas adaptés pour la fin de vie.
M. Barrette : Je suis
content que vous racontiez ça parce que moi, je suis de ceux qui pensent que le
modèle où on intègre médecins,
infirmières et travailleurs sociaux dans le continuum domicile-hôpital, quand
c'est nécessaire, et retour à domicile, c'est probablement la clé.
Mais
là je comprends de vous une chose qui me surprend, je ne pensais pas que c'est ça
que vous alliez me dire. Là, vous me dites que l'obstacle à avoir ça,
c'est le médecin et...
Mme
Martel (Christiane) : Bien, dans certains endroits, oui, pas tous les
endroits, mais il y a des endroits où les effectifs médicaux sont
insuffisants.
M. Barrette :
Oui, oui, dans certains endroits, mais je ne pensais pas que vous alliez me
dire ça pareil. Et l'obstacle, c'est un désintérêt de valorisation, là, donc de
rémunération.
Mme
Martel (Christiane) : Je ne sais pas si ce n'est que ça, la raison,
mais je vous dis que ce qu'on voit, c'est qu'il manque de médecins qui
vont assurer les soins au domicile dans le territoire où je suis.
M. Barrette :
Oui, O.K., mais vous dites quand même que... Quand vous parlez de valorisation,
là, c'est une question... Je comprends que
c'est plate à dire, là, mais ça fait partie de l'équation, là, c'est un facteur
non négligeable.
M.
Roy (Louis) : Absolument. En complément, je vous dirais, dans chaque
territoire de CLSC, puis certains sont mieux organisés, d'autres moins
bien, mais globalement... je n'ai pas fait la tournée de toutes les régions du
Québec récemment, mais globalement ça va en
s'organisant de plus en plus. Les points faibles, comme Dre Martel disait,
c'est d'avoir l'accès à une ressource médicale pour continuer le suivi.
Un
des volets que nous, on a cherché à développer ici, à Québec, dans un certain
secteur de la ville de Québec, c'est
d'arriver... Il y a un peu plus de cinq ans, moi, je suis arrivé dans une
équipe de soins à domicile dans le secteur de Charlesbourg de la ville de Québec. Il y avait une belle équipe de soins
à domicile, mais il n'y a jamais eu de médecin en lien avec l'équipe. Je suis arrivé là, j'étais
formé en soins palliatifs, ils ont dit : Ah! bien on va pouvoir te donner
les patients. J'ai dit : Non,
non, il y a des médecins de famille qui peuvent faire les suivis, on va les
encourager à le faire. Quand le patient
est orphelin, il n'a pas de médecin de famille, son médecin de famille n'est
pas à l'aise de faire des soins palliatifs ou son médecin de famille, il est à la clinique complètement à l'autre
bout, à Sainte-Foy, parce qu'autrefois c'était là qu'était son médecin,
puis là la personne demeure à Charlesbourg, c'est un peu difficile de dire au
médecin : Tu vas te taper 45 minutes
d'auto, aller faire une visite à domicile, puis revenir. Ces cas orphelins là,
on a dit : Moi, je vais les prendre dans l'équipe, puis on va assurer le continuum, puis on va permettre aux
gens de fonctionner, d'où l'intérêt d'avoir un médecin ou des médecins qui mettent un peu de temps ou plus de temps
dans une équipe, en lien avec l'équipe à domicile, pour conseiller
l'équipe du côté médical et voir à prendre la relève pour les patients
orphelins.
On va même jusqu'à dire : Bon,
Dr Machin, vous partez en vacances? Pas de problème. Vous partez combien
de temps? Trois semaines en croisière? Ça me
fait plaisir, je vais aller le voir, votre patient, pendant votre absence. Puis,
quand vous allez revenir, je vais vous
envoyer une copie de mes notes, puis vous allez savoir qu'est-ce qui s'est
passé, puis votre patient, il va avoir été en sécurité.
C'est
des choses qu'on peut faire, mais il faut le faire dans chacun des milieux, à
chaque fois il faut comme un peu voir
quel modèle doit s'adapter à chacun des milieux, mais le résultat, c'est que
maintenant, dans le secteur de Charlesbourg de la ville de Québec puis
certains autres secteurs où on a implanté le même modèle, il n'y en a pas, d'orphelin de soins palliatifs. Il y a des orphelins parce qu'il y en a en bonne santé qui n'ont pas leur médecin de famille, c'est
autre chose, mais, soins palliatifs, il arrive un cas, l'infirmière m'appelle,
elle dit : Dr Roy, avez-vous le temps d'en prendre un?, ta, ta, ta, je lui dis : Bien
là, aujourd'hui, je vais à la commission parlementaire, mais
demain je pourrais aller le voir,
parfait, et on est capable, à ce
moment-là, de s'assurer qu'il n'y a
personne qui tombe entre les barreaux, entre deux chaises.
M.
Barrette : Je suis bien
content, c'est de la musique à mes oreilles, là, puis je vais vous dire pourquoi. Il y a des modèles comme celui-là...
Vous, vous avez ça à Québec. Peut-être que vous ne l'avez pas complètement en
Montérégie, Sud-Ouest—Verdun,
le CLSC, il y a ça aussi. Alors, c'est dans notre intention — Mme
la Présidente, vous allez être heureuse
d'entendre ça — c'est notre intention... C'est ça, la
loi n° 10. La loi n° 10, c'est, entre autres, intégrer ce
qui a à être intégré. Dans ces
modèles-là, là, vous avez l'intégration du domicile jusqu'à l'hôpital de tout
le monde, les infirmières, les travailleurs sociaux, les docteurs, et
ainsi de suite. Là, vous me confirmez que parfois il manque le volet médical, qui, lui, est problématique parce qu'il y a une
problématique de rémunération, à laquelle j'aurai le pouvoir, le méchant
pouvoir de m'adresser, mais on a
l'intention, en soins palliatifs, dans le cadre de l'application de la loi sur
les soins de fin de vie, de
disséminer ces bonnes pratiques là intégrées dans le réseau. Et je suis sûr que
ça fait votre affaire d'entendre ça.
C'est ça qu'on veut. Et vous serez protégés dans vos profils de pratique par la
loi n° 20 et vous serez valorisés. Et je sais que ça va faire
de la peine à d'autres, là, mais ça sera le cas, j'ai...
Mme Martel
(Christiane) : Est-ce que je peux vous poser une question?
M. Barrette :
Avec plaisir. On est là pour ça.
Mme Martel
(Christiane) : C'est parce que... j'avais juste une question par
rapport aux groupes de médecins qui
en fait font souvent des soins palliatifs à temps complet et qui n'inscrivent
pas de patients parce qu'ils sont en unité de soins palliatifs ou en maison de soins palliatifs.
Donc, ces médecins-là, pour plusieurs, font exclusivement une clientèle,
en fait, non inscrite, où même la pondération ne... donc...
M.
Barrette : Oui, mais c'est-à-dire que, sur le plan purement
administratif, cette inscription-là ou cet équivalent d'inscription là, ça se passe dans la base de
données de la RAMQ, là, c'est très facile pour nous autres d'arriver puis de
regarder votre profil, ce que... pas le vôtre, que j'ai déjà fait, là, mais
c'est hypersimple pour nous autres de regarder votre profil. Et, s'il est démontré, et c'est facile à faire, que votre
profil est... Parce que vous, vous avez un remplacement de votre clientèle, hein, les soins palliatifs, ça
ne dure pas 25 ans, là, alors c'est facile pour nous autres d'identifier
votre profil puis de dire :
Bien, voici, ils font ça, là, et donc ça équivaut à tant. Ce n'est pas un
problème, ça, c'est... Vous n'avez même rien, vous, à faire autrement
que d'identifier la situation.
Alors, de ce côté-là, pour nous autres, vous
protéger ou vous empêcher d'avoir des effets délétères que vous appréhendez, ce n'est pas un problème, d'une part.
Et, d'autre part, on veut que vous ne soyez pas altérés par une application
intempestive de la loi éventuelle. Ça vous fait du bien?
Mme Martel (Christiane) : Merci.
M. Barrette : Bien content.
Mme Martel (Christiane) : On va
rassurer nos collègues.
M. Barrette : Allez-y!
La
Présidente (Mme Hivon) : Bon, bien, merci. Je me retiens, je
préside. Ce n'était pas prévu comme ça, non, je pensais que j'allais être assise et échanger avec vous, mais je suis
vice-présidente. Donc, c'est tout à fait correct. Je cède donc la parole à ma collègue, qui connaît aussi
bien le dossier, pour la période d'échange avec l'opposition officielle pour
une période de 11 minutes.
• (17 h 40) •
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vais essayer de
traduire les bonnes pensées qu'on a. J'ai
été membre du conseil d'administration du réseau des soins palliatifs, donc je
connais bien déjà Dr Roy et Dre Martel, qui est impliquée
aussi en soins palliatifs, et j'ai une pratique où on a à travailler ensemble.
Et d'abord je veux remercier le ministre d'avoir
déposé — M.
le ministre, écoutez pendant que je vous remercie — les orientations réglementaires qu'on
demandait depuis déjà un certain temps, et on est très contents de les avoir. Puis mes commentaires, ils vont
être... — je vous
disais que ça valait la peine d'écouter — mais je veux vraiment qu'on précise, parce que ce qu'on a entendu, c'est
deux cas de figure, dans le fond, et je pense qu'il y a beaucoup de bonne
volonté, là, en ce qui concerne les soins
palliatifs à domicile, dans ce que je vois au niveau des orientations
réglementaires, mais peut-être qu'à
la lumière de ce que vous traduisez il y a encore des choses à bonifier, puis
c'est encore le temps parce qu'on est dans l'étude du projet de loi.
Ce que je
vois, c'est, par exemple, le ratio... même si vous n'avez pas eu le temps de
voir, je vais vous le donner, là,
mais les personnes recevant des soins palliatifs à domicile compteraient pour
un ratio de 25 pour un patient mais avec un maximum de 40 patients par médecin de famille. Parallèlement à ça — puis ce n'est pas une critique, je veux juste
essayer de comprendre comment ça se
traduirait — mettons
que, Dr Roy, vous avez entre 15 et 24 ans de pratique, bien votre responsabilité, c'est
1 260 patients et six heures d'AMP. Donc, vous avez un maximum de
40 patients qui valent 25 points,
si on peut dire, là, ça vous fait 1 000 points-patients sur les
1 260 que vous devez faire. Donc, comment on peut faire pour que
vous continuiez à ne faire que des soins palliatifs et que vous ne soyez pas
obligé de prendre à part ça 260 patients
qui dépassent votre maximum de 40 patients qui sont autorisés? Alors, ça,
je pense que ce serait intéressant de
le voir, parce que ce qu'on comprend, c'est que c'est presque une spécialité en
soi, les soins palliatifs, et, dans votre façon de pratiquer, même si au départ on n'a pas de spécialité formelle
en soins palliatifs, il reste que la façon dont vous travaillez, c'est
un peu celle d'un spécialiste en soins palliatifs. Et donc la limite de
40 patients, puisqu'ils valent 25 points-patients
chacun, ça fait juste 1 000, puis il y a des obligations selon les
groupes. Alors, j'aimerais ça qu'éventuellement le ministre ou son
équipe puissent nous éclairer sur comment ça se positionnerait.
L'autre
élément dont vous avez parlé, Dre Martel, c'est le fait qu'on travaille souvent
à plusieurs médecins et que, ces
médecins-là, le patient n'est pas inscrit à un seul médecin parce que, dans le
fond, c'est des patients qui ont besoin de soins sept jours-semaine, 24 heures sur 24, donc il y a toujours
deux ou trois médecins qui sont inscrits là-dedans. Alors, qui va bénéficier du crédit-patients, si on peut
parler comme ça? Parce qu'on est obligé de parler comme ça, là, on est
dans un contexte un peu plus mathématique. Donc, est-ce que vous pouvez nous
donner un exemple de comment ça pourrait
s'appliquer, compte tenu de ces paramètres-là, ou des recommandations que vous pouvez faire tout
de suite au ministre
pour être sûr qu'on n'arrive pas que vous soyez des cas d'exception puis qu'on
prévoie ces exceptions-là au projet
de loi n° 20?
Mme Martel
(Christiane) : Je voudrais
juste... On va répondre à la question, mais la réalité des soins palliatifs,
en termes de pondération... on remercie le ministre de la bonne volonté, mais
c'est très difficile à imaginer, une
pondération en soins palliatifs, parce qu'on travaille en termes de volume
d'activité, donc on fait un volume d'activité, en soins palliatifs.
J'entre à la maison de soins palliatifs, j'y consacre quatre heures. Et
certains avant-midi je peux voir deux
patients; un autre avant-midi, cinq patients; un autre avant-midi... Ce matin, par exemple, j'ai été trois heures avec une famille d'un
monsieur qui était en train de mourir, en détresse. Donc, c'est un volume
d'activité consacré aux soins palliatifs.
Et ce qu'on a
dit dans notre mémoire, c'est pour ça que toute l'idée de la pondération puis
de... Le 40 patients maximum, on
n'avait pas vu ça. Pourquoi un maximum? Si je peux en faire 50 dans l'année,
peu importe, là, mettons que je
peux... On voudrait qu'en soins palliatifs il n'y ait pas de maximum. Le
médecin qui veut faire un temps plein puis qui veut travailler
50 heures, ceux qui ont la passion des soins palliatifs et dédient
plusieurs heures — c'est
dommage, M. Barrette ne nous entend pas — mais
c'est vraiment un volume d'activité qui est important. Et la pondération peut
être une bonne volonté, mais moi,
j'ai beaucoup de difficultés à m'imaginer comment au quotidien
une pondération va être possible. Donc, ce qu'on demande, c'est :
Laissez-nous travailler le nombre d'heures qu'on veut, laissez-nous voir le nombre de patients qu'on veut en soins palliatifs
et consacrer un volume d'activité comme les ententes particulières qu'on a déjà
parce que cette façon-là fonctionne bien pour les médecins qui sont dans la
pratique spécialisée. Pour les médecins qui en font moins, je pense que, oui, une certaine pondération pourra les encourager
à s'adresser à cette pratique-là, qui est complexe et très exigeante en
termes de temps.
M. Roy
(Louis) : Bien, on n'a pas
vu les orientations réglementaires actuellement. Je dois vous dire... D'abord,
s'il y a des ratios, des pondérations de patients,
ce que j'en comprends, c'est que c'est des patients inscrits, pas des patients
qui sont suivis hors établissement. Donc,
ça, c'est une première chose. Le patient vu hors établissement, donc, dans le
cas des soins palliatifs, à domicile entre autres, ou le patient qui va
être vu...
Ce que je ne
comprends pas... Et je vous remercie quand
même, Mme Lamarre, de penser que
je suis dans la tranche des médecins
qui ont moins de 25 ans de pratique, mais je dois avouer que mes cheveux
gris font en sorte que j'ai dépassé le 25 ans de pratique et que je
devrais théoriquement...
Mme Lamarre : ...commencé jeune à
avoir les cheveux gris...
M. Roy
(Louis) : ... — non,
pas tant que ça — je
devrais théoriquement inscrire 1 500 patients. Alors, si, à partir
de... un jour, quand la loi sera appliquée,
on dit : Vous devez, comme omnipraticien, inscrire
1 500 patients, mais qu'on me
dit : Un patient en soins palliatifs à domicile, c'est 1 pour 25, ce que
j'ai compris, maximum 40, bien j'ai
un trou puis... Bon, alors je pose la
question. Pourquoi on dit : Oui, vous pouvez faire des soins palliatifs à
temps plein, mais, si vous faites
juste ça, vous ne rencontrerez pas l'obligation de l'équivalent de
1 500 patients? Alors, ça, c'est une première chose. C'est
pour ceux inscrits qui sont, donc, en dehors de l'établissement.
Ensuite, il y
a tout le travail qui se fait dans les établissements, donc dans les hôpitaux,
dans les maisons de soins palliatifs,
où, là, les patients, ils ne sont pas inscrits au nom du médecin, ils sont
admis dans un hôpital, à l'unité de soins palliatifs, à la maison de soins palliatifs, et le patient doit être vu,
doit être pris en charge par un médecin, par une équipe, il va être vu, il va être visité tous les jours,
etc. Là, quand on parle de volume d'activité, quand moi, je prends l'unité de
soins palliatifs, il y a tant de lits, puis je vois le premier, le deuxième, le
troisième jusqu'à tant que je les aie tous vus puis que tout le monde ait eu les soins nécessaires, que j'aie fait la
visite tel que c'est prévu dans les bonnes pratiques. Alors, ça, comment
on va le pondérer? Est-ce que c'est le nombre d'heures qui est passé à
l'hôpital par tranches de demi-journée?
Est-ce qu'il y a des pondérations sur le nombre de patients qui devraient être
vus par tranches de demi-journée si
c'est pour des patients admis dans des maisons de soins palliatifs ou à
l'hôpital? Est-ce que ça doit être précisé? Bien, il faudrait qu'on le
sache pour qu'on sache comment on va organiser cette pratique.
Et est-ce que
c'est faisable? Parce qu'il faut voir que tourner... Avant de ne faire que des
soins palliatifs, j'ai fait de la médecine générale «at large», je
faisais du bureau, de l'urgence, de l'admission à l'hôpital, le suivi de mes
patients à l'hôpital, j'ai tout fait ça. La
seule chose que je n'ai pas faite, c'est de l'obstétrique de façon régulière.
Mais, si j'ai tant de patients à
l'hôpital, si j'ai 10 patients qui sont en soins palliatifs à l'hôpital,
ça équivaut à quoi, ça, pour la pondération, ça représente quoi? Si le médecin qui... Un médecin de famille qui fait
ses suivis, qui vient 10 semaines par année pendant la semaine s'occuper des patients à l'unité de
soins palliatifs, ça lui donne quoi comme pondération? Il y a quoi comme
éléments d'équivalence d'organisation? Ça, on est dans le néant, et ce sont les
choses qui nous préoccupent, qui nous inquiètent,
de dire : Bien, comment ça va compter? Le Dr Barrette nous faisait la
mention : Inquiétez-vous pas, je vais protéger votre pratique. Je suis bien prêt à vous croire,
Dr Barrette, mais j'aimerais bien comprendre ça va être quoi, la
dynamique des choses, et comment on va être capable de compter les choses.
Puis, s'il
faut rendre des comptes sur le nombre de patients vus, et tout, et tout, on le fera.
Ça, c'est des choses simples, là, de
dire : Il y a eu tant de patients d'admis, ils ont été vus pendant tant de
temps, des durées moyennes de séjour de tant de patients, je peux vous
sortir ça n'importe quand avec nos patients.
Mme
Lamarre : Il nous reste 1 min 30 s seulement. Est-ce
que vous voyez des contradictions ou en tout cas des éléments d'attraction ou de dissuasion auprès des
médecins entre le projet de loi n° 20 puis la loi sur les soins de
fin de vie? Est-ce qu'il y a plus de
risques, finalement, que l'intérêt pour les soins palliatifs par certains
médecins soit limité par les obligations de prendre un volume de patients qui
est plus standard? Est-ce que vous voyez d'autres enjeux auxquels on
n'aurait pas pensé?
M. Roy
(Louis) : Évidemment, il y a des enjeux. Je pense à tous les médecins
de famille qui sont en bureau privé, qui
tout à coup apprennent que Mme Unetelle a un cancer qui est en phase
avancée et qu'elle va avoir besoin d'être vue à domicile. Pour ce médecin, s'il n'y a pas des éléments incitatifs à
continuer à suivre sa patiente, il va avoir beaucoup plus envie de la désinscrire, en disant : Moi,
faire une visite à domicile, ça prend du temps. Il faut partir, il faut
embarquer dans la voiture — si
c'est en janvier, il faut des fois la déneiger — se rendre chez le
patient, enlever son manteau, voir la personne,
l'examiner, faire les prescriptions. Il y a souvent un membre de la famille,
quand il n'y a pas trois, quatre membres de la famille; leur expliquer qu'est-ce qui se passe, leur expliquer
comment ça fonctionne. Repartir, retourner au bureau. Ça prend du temps.
Tu ne peux pas en faire beaucoup dans une même journée, des visites à domicile.
Alors, pour le médecin en bureau, ça va être un
enjeu : Est-ce que je continue à suivre mes patients à domicile ou non? S'il n'y a pas des éléments incitatifs
sérieux de pondération et tout, oui, ça va être un enjeu, et c'est là où on
risque de voir des gens qui vont dire : Bien, moi, non, à partir du
moment où ils sont en soins palliatifs, je veux que ce soit Louis Roy qui le
prend en charge, parce que ça va être trop, ça va me prendre trop de temps.
La
Présidente (Mme Hivon) : Merci beaucoup. Alors, on va céder la
parole maintenant au député de Lévis pour la période d'échange avec le
deuxième groupe d'opposition pour une période de 7 min 30 s.
• (17 h 50) •
M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Roy. Merci, Dre Martel. C'est
particulier, hein, les soins
palliatifs, c'est vrai que c'est particulier, vous parliez de volume, hein,
dans votre... et moi, je dirais d'intensité de pratique, je le vois comme de l'intensité parce qu'il y a énormément,
énormément de présence, vous l'avez dit, de disponibilité. Et, pour une famille, vous l'avez dit, pour des proches
aidants qui s'épuisent, à un certain moment donné, et qui ont besoin de soutien, d'être rassurés,
vous devez être là, et je comprends fort bien et je salue votre pratique
également. Vous l'avez dit, il y a
des milliers de Québécois et de Québécoises qui auront besoin de vous cette
année, l'année prochaine, et Dieu sait que ça ne s'arrêtera pas.
Évidemment,
c'est de la mathématique, mais j'y reviens quand même un peu parce que vous
avez établi, à travers des ratios que
vous ne connaissez pas vraiment... puis vous n'avez pas le document, vous aurez
le loisir de mieux le consulter puis, évidemment, de vous faire
davantage une idée là-dessus, alors je ne veux pas vous impliquer dans des
trucs que vous n'avez pas véritablement
totalement lus, mais les chiffres de la députée de Taillon indiquent quelque
chose, hein, 40 patients maximum
comptés à 25 pour un pour 1 000, avec une obligation de 1 260 à
avoir. Et vous disiez un peu plus tôt, et
rafraîchissez-moi la mémoire... vous disiez : Moi, là, je suis un spécialiste
des soins palliatifs. Si on me demande de voir 260 patients de plus en dehors de cette pratique qui est la mienne
et qui est très humaine, et avec tout le professionnalisme que vous avez... Vous avez dit : Je serais
peut-être un peu mal pris. Ça pose cet autre problème là, à un moment donné, de
la clientèle à voir, si on vous limite dans la clientèle spécialisée qui est
votre pratique.
M. Roy (Louis) : Absolument, ça pose un problème. J'ai fait un choix, à un moment donné,
de ne faire que des soins palliatifs,
rapidement j'ai fait le choix parce qu'il y avait l'Hôtel-Dieu de Québec qui
devait mettre en place une équipe de
soins palliatifs. Pourquoi ils devaient mettre en place une équipe? Parce
qu'Agrément Canada s'en venait, et, dans
les standards d'évaluation de l'agrément, pour un hôpital universitaire qui a
de l'oncologie, c'était : Vous devez avoir des soins palliatifs. Il y avait eu un premier essai d'équipe de soins
palliatifs à l'Hôtel-Dieu les années d'avant qui a tombé, et ça n'avait pas fonctionné, puis les gens ont
dit : Il faut que ça reparte. Il y a quelqu'un, un médecin de l'Hôtel-Dieu
qui m'a appelé, il dit : T'es-tu
prêt à ce qu'on reparte ça? J'ai dit : Bien oui, mais, tu sais, je suis
allé une fois, puis ça a floppé, là, je
n'ai pas tendance à être très suicidaire puis à sauter à pieds joints dans un
projet qui n'a pas marché une première fois. Alors, on s'est assis à quelques-uns et on a regardé, puis, quand on a
regardé pourquoi ça n'avait pas fonctionné, on s'est rendu compte que, dans les gens qui étaient là, il
n'y avait personne qui était à temps plein, il n'y a personne qui agissait
comme un coordonnateur, personne qui ne
devenait un pivot. Puis en en discutant... Puis, à un moment donné,
Dr Bellemare, de l'Hôtel-Dieu,
me dit : Bien là, ça commence à faire... trois soupers, là, qu'on fait,
vous commencez à me coûter cher sur mon budget. J'ai dit : C'est
correct, je vais quitter ma pratique, je m'en viens à l'Hôtel-Dieu, je vais
arriver le 20 mars 2000. J'ai commencé
le 20 mars 2000 à temps plein à l'Hôtel-Dieu, en disant : O.K., je
vous organise ça, les soins palliatifs,
avec deux autres collègues médecins qui venaient à demi-temps. Donc, ça me
permettait, moi, d'être là, disponible toute
la journée, de faire les continuités, organiser l'équipe, former du monde puis
d'avoir, parce qu'on savait qu'il y avait du volume, beaucoup de gens à voir en soins palliatifs, deux autres
médecins qui venaient par demi-journées pour voir des patients puis
faire des suivis aussi. C'est pour ça, c'est comme ça que j'ai quitté la
pratique de la médecine générale.
Mais de retourner en
arrière, c'est possible. Ce je vais devoir faire, c'est appeler mes collègues
de l'unité de médecine familiale :
Avez-vous un poste de stage? J'aurais besoin de faire six mois de stage pour
être à peu près un bon médecin de famille.
Mme
Martel (Christiane) : Et c'est pour ça qu'on vous parle de volume
d'activité, parce que les services de soins palliatifs qui fonctionnent bien sont des services où des médecins se
sont personnellement impliqués et ils ont développé le service, ils ont développé les équipes, ils
ont... Donc, on ne veut pas de plafond d'heures en soins palliatifs parce que
ceux qui en font en font beaucoup, et ça
leur plaît. Donc, ça nous inquiétait de voir qu'il y avait un nombre maximum
ou un plafond d'heures parce que ce sont des
médecins, souvent, dédiés, et c'est comme ça que les services sont nés au
Québec, ils sont nés par les acteurs sur le
terrain, on vous a mis en annexe un peu les étapes, mais ce sont des gens qui
sont arrivés dans des milieux et comme
Dr Roy ont développé les services. Donc, ceux qui le font... Et même moi,
je fais beaucoup d'enseignement, donc
je vois les jeunes qui arrivent avec déjà cette passion-là, et on doit les
laisser faire le plus de soins
palliatifs qu'ils veulent parce que c'est un besoin, et ce n'est pas donné à
tout le monde, effectivement, donc c'est extrêmement important de
permettre cette pratique-là qui est différente.
Et, même si les
quotas de patients ne sont pas atteints, les volumes d'activité sont atteints.
Les médecins qui pratiquent des soins
palliatifs n'en font pas... pour la plupart, il y a certains qui en font moins,
mais, quand je vous disais que les
quotas sont étrangers à cette pratique-là, c'est dans cette idée-là. Et c'est pour ça que les pondérations, oui,
doivent avoir du sens, mais c'est un volume d'activité qui est dédié aux
soins palliatifs, c'est difficile de...
M. Paradis
(Lévis) : ...votre vision de la règle d'exception dans votre pratique
puis...
Mme Martel (Christiane) : Oui. C'est
très difficile de voir...
M. Paradis
(Lévis) : Mais en même temps vous me parlez de l'enseignement, et plus tôt on se disait aussi, en
fonction des grilles de pondération puis au
niveau de l'enseignement : Une heure d'enseignement et de préparation de
cours vaudra un patient. Vous en faites
aussi, de l'enseignement, vous devrez composer aussi avec ça lorsque
vous en prendrez vraiment
connaissance, ce qui peut quelque
part provoquer des inquiétudes, et je
les comprends, parce que vous... Et
vous en parlez, de l'enseignement, dans votre mémoire, et vous dites :
Regardez, c'est tellement important qu'on voudrait encourager, au-delà du projet de loi n° 20, l'implantation
d'unités académiques de soins médicaux en soins de longue durée et à domicile. Je veux dire, il y a
un besoin là. Ça aussi, ça pourrait être touché à travers un
projet qui est limitatif.
Mme Martel (Christiane) : Bien,
parce que les enseignants cliniques qui y dédient beaucoup de temps ont
nécessairement un peu moins de temps pour voir des patients, mais à chaque fois
que j'ai fait de l'enseignement c'est toujours payant à long terme parce que,
quand les étudiants en médecine arrivent dans des milieux qu'ils n'ont pas beaucoup fréquentés dans leur pratique, bien il y
a un pourcentage qui tout à coup tombent en amour avec la pratique et là
vont en faire plus tard, et ça fait plus
d'effectifs médicaux en soins palliatifs. Donc, les unités dédiées, les maisons
de soins palliatifs doivent rester
des milieux forts d'enseignement pour que des jeunes aient la passion de... Si
on n'a jamais vu de soins palliatifs
dans son cours de médecine... Moi, j'ai été une de ceux-là, je n'en avais
jamais vu. Et j'ai vu mon premier patient
de soins palliatifs à domicile quand j'ai commencé et j'ai vu que j'aimais ça,
je suis allée me former, à l'époque, il
y a 20 ans, mais les jeunes maintenant ont la possibilité... Donc, il faut
protéger les unités d'enseignement, c'est ça qui va augmenter l'accès.
Il faut les protéger, il faut les augmenter.
Donc, il faut
encourager les médecins à faire de l'enseignement. Et là pondérer
l'enseignement, je vous dis, c'est quelque chose d'assez complexe.
M. Paradis (Lévis) :
...15 secondes. Peut-être, Dr Roy, seulement à titre
instructif : À travers votre pratique, combien voyez-vous de patients par
année?
M. Roy
(Louis) : Écoutez, c'est un peu compliqué. Actuellement, je suis trois
jours-semaine directeur des services professionnels
dans un CSSS. Le reste du temps, c'est-à-dire 25 heures-semaine, je fais
des soins palliatifs à domicile et des soins palliatifs à l'Hôpital
L'Enfant-Jésus. Donc, je partage mon temps au travers de ça.
Mais
globalement je peux vous dire que, dans les heures que je peux faire, que je
vais inscrire des patients, ça doit
être autour d'une quarantaine de patients que je vais voir, patients différents
que je vais voir à domicile dans une année. Il y en a que je vais les voir une fois, deux fois, il y en a que je
vais les suivre pendant six mois, mais, grâce à une équipe, ça fait en sorte que je peux vraiment les suivre.
Mais c'est difficile de quantifier. Il y a des semaines, c'est plus calme;
des semaines, il y a beaucoup. Il faut être
capable de réagir rapidement, il faut avoir beaucoup de souplesse d'horaire,
il faut avoir beaucoup de capacité
d'adaptation. Quand l'infirmière appelle pour me dire : M. Untel, ça
ne va pas bien, oui, je vais le voir dans deux semaines... non, c'est
après-midi qu'il faut le voir, M. Untel.
La Présidente (Mme Hivon) :
Merci. Merci beaucoup. Alors, Dre Martel, Dr Roy, c'était un plaisir
de vous accueillir cet après-midi. Vous
transmettrez nos salutations aux trois organisations que vous représentiez
aujourd'hui.
Donc, sur ce,
je suspends nos travaux, compte tenu de l'heure, et la commission, donc,
ajourne jusqu'au mardi 24 mars. Bonne fin de semaine.
(Fin de la séance à 17 h 58)