(Onze heures quarante-cinq minutes)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes
présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
téléphones cellulaires.
La commission est réunie afin de procéder aux
consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi
n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de
famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions
législatives en matière de procréation assistée.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Non, M. le
Président.
Étude détaillée (suite)
Le
Président (M. Tanguay) : Ce matin, nous recevons donc les représentants, représentantes de la Confédération des syndicats
nationaux ainsi que les Médecins québécois pour le régime public. Nous
ajournerons nos travaux vers 18 heures.
Alors, sans
plus tarder, nous souhaitons la bienvenue, donc, aux représentantes, représentants de la Confédération des syndicats
nationaux.
Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous
disposez, comme vous le savez bien, d'une période initiale de 10 minutes de présentation. Par la suite,
vous aurez des échanges avec les parlementaires. Peut-être prendre le soin de
bien vous identifier ainsi que les fonctions que vous occupez. Alors, la parole
est à vous.
Confédération des
syndicats nationaux (CSN)
M.
Lacharité (Jean) : Alors,
merci, M. le Président. Alors, je vous présente d'abord les gens qui
m'accompagnent : Andrée
Lapierre, du Service des relations du travail de la CSN, et Me Anne Pineau, qui
est adjointe au comité
exécutif de la CSN. Moi-même, Jean Lacharité, je suis vice-président de la CSN,
responsable notamment des politiques en santé et services sociaux pour notre
organisation syndicale.
Alors, merci, M. le ministre. Mesdames messieurs
les députés, bonjour. Merci à la commission de nous offrir l'opportunité de
présenter nos positions eu égard à une pièce législative majeure, le projet de
loi n° 20.
Je vais
procéder en trois temps pour la brève présentation. J'imagine que vous avez le
mémoire que l'on a produit entre les
mains. Alors, c'est sûr qu'en 10 minutes je vais escamoter un peu
certaines lignes directrices, mais on pourra par la suite, à la période
d'échange, revenir plus en profondeur.
D'abord, M. le ministre, je veux saluer le fait
que vous vous attaquez au problème des services de première ligne. Vous savez, avoir accès rapidement à un
médecin de famille, c'est souvent un casse-tête pour plusieurs
Québécoises et Québécois. Avoir un accès
rapide au médecin de famille, au service de première ligne, c'est souvent un
tour de force. Alors, M. le ministre,
je vais commencer en vous disant que vous êtes excellent quand vous faites vos
objets de projet de loi. Le problème,
c'est quand vous arrivez aux pistes de solution où — vous me permettrez de vous le dire avec tout
le respect que je vous dois — on vous trouve, à la CSN, beaucoup moins
performant. Là, je ne parle pas de vous en tant que médecin, de votre pratique médicale, mais, comme
médecin ministre de la Santé, on trouve ça un peu moins performant sur
les pistes de solution.
Alors, on va,
dans un premier temps, vous entretenir un peu sur une mise au jeu, mais aussi,
dans un deuxième temps, sur les
risques associés aux solutions proposées dans le projet de loi n° 20, pour
terminer avec ce qui nous apparaîtrait des pistes de solution
alternatives à ce qui est proposé dans le projet de loi n° 20 pour
améliorer l'accès à la première ligne et l'accès aux médecins de famille.
Donc, on doit
s'attaquer à ce problème-là, c'est évident, ça fait des années qu'on le vit. On
n'y arrive pas, mais on pense que, si on n'y arrive pas, c'est parce
qu'on a misé beaucoup trop souvent sur des modifications structurelles, des
modifications de structure. Or, dans le projet de loi, par exemple, il n'y a
rien pour les soins à domicile. Même, depuis
2003, ça a été négligé. Les services de première ligne ont été notamment
négligés, ce qui entraîne beaucoup de pression
sur les proches aidants qui sont en très grande majorité des femmes, à 80 %,
qui doivent assumer souvent le support
aux personnes qui ont besoin de soins à domicile. On observe que les groupes de
médecine familiale, les fameux GMF, sont souvent fermés, pour la plupart souvent fermés le soir, les week-ends,
les jours fériés, et ça a un impact direct, ça. C'est l'augmentation de l'achalandage dans les urgences,
ce que vise justement à solutionner le projet de loi n° 20 :
diminuer l'achalandage dans les urgences en permettant un meilleur accès aux
services de première ligne.
Et,
à cet égard-là, il y a eu une enquête de l'Institut de la statistique du
Québec, en 2013, sur les services de santé et soins de santé, notamment qui portent sur la question de
l'achalandage dans les urgences, et l'Institut de la statistique du Québec nous rapporte qu'il y a 36 % des
personnes qui se présentent à l'urgence qui s'y présentent pour un problème
non urgent. Et, de ces 36 % là, il y
en a 74 % qui affirment que, s'ils sont allés à l'urgence, c'est faute
d'avoir eu accès à des cliniques sans rendez-vous ou à des GMF parce
qu'ils étaient fermés. Alors, on a un sérieux problème de ce côté-là, et nous,
on pense qu'il y aurait peut-être des pistes de solution à regarder de ce
côté-là, mais j'y reviendrai.
• (11 h 50) •
Votre projet
de loi n° 20, M. le ministre, nous apparaît, au niveau des pistes de
solution, comme un très mauvais remède
pour solutionner la problématique que vous avez identifiée, mauvais remède en
imposant des quotas de patients aux médecins
que... si la cible n'est pas atteinte, vous allez diminuer ou vous attaquer à
leur rémunération, sur les activités médicales
particulières, sur les conditions que vous voulez imposer aux médecins
spécialistes. Et vous avez affirmé que vous
allez proposer un projet de règlement pour faire une pondération, là, entre les
clientèles plus lourdes en comparaison des clientèles plus légères. Mais
on ne le connaît pas, votre projet de règlement, donc, nous, pour nous, on
fonctionne un peu à l'aveugle.
Et, pour
nous, les risques associés à ce que vous mettez sur la table sont énormes, et
j'en nomme quelques-uns, je n'ai pas la prétention d'en faire ici une
liste exhaustive, mais quelques-uns qui frappent de plein fouet, à notre avis. D'abord,
on risque, et il y a des menaces à cet égard-là, d'assister à un certain nombre
de désaffiliations de certains médecins au régime d'assurance maladie du
Québec. On risque d'assister au fait que les médecins sélectionnent des clientèles beaucoup plus légères, ce qui va
affecter l'accès des cas plus lourds au système de santé et de services
sociaux. Ils risquent fort d'être laissés
pour compte. Quand on parle de cas plus lourd, là, on parle de gens qui vivent
des problèmes de multichronicité, des
problèmes de santé mentale, des problèmes de toxicomanie. On craint également
que, par le fait que vous imposiez
des quotas aux médecins, avec le nombre que vous voulez leur imposer, les
consultations médicales soient beaucoup plus brèves et, si tel est le
cas, nous, on considère que ça va affecter la qualité des consultations
médicales, d'une part, et que ça va... ça
risque d'amener une déshumanisation de la pratique médicale. Autre effet
pervers possible : les médecins
plus âgés qui travaillent à temps partiel, qui sont à l'âge de la retraite,
mais qui continuent à pratiquer tout de même, mais souvent à temps partiel, est-ce qu'ils ne choisiront pas tout
simplement de se retirer du système? Ça, c'est un autre effet pervers
possible.
Et c'est un secret de Polichinelle, là, on n'a
qu'à regarder les statistiques : de plus en plus de femmes dans les facultés de médecine. Alors, à ce que je sache, ce
sont encore elles qui peuvent procréer et donc elles qui peuvent avoir accès à des congés de maternité, des femmes qui
ont souvent plus de responsabilités familiales que leurs conjoints, donc
risquent de ne pas être capables d'atteindre
les quotas que vous voulez imposer. Est-ce qu'elles ne choisiront pas tout
simplement de prolonger leurs congés de
maternité, de ne faire aucune pratique plutôt que de faire 20, 25 heures de
pratique par semaine?
Alors, c'est
des écueils que votre projet de loi ne règle en rien, bien au contraire, et,
comme on ne connaît pas votre projet
de règlement, bien, c'est très difficile... Ce qu'on observe, c'est plus de
risques associés au fait qu'on accroisse l'achalandage dans les urgences, ce qui va totalement à l'encontre de
l'objectif visé par votre projet de loi, et ça diminue l'accès aux
services de première ligne.
Un mot sur votre approche qu'on qualifie de
coercitive, M. le ministre, là. On pense que ça vous prendre une bureaucratie assez imposante pour pouvoir
contrôler ça, et là vous n'atteindrez pas vos objectifs de diminution des
coûts, là, pour l'État. C'est un autre
problème, ça, alors que vous appliquez d'énormes compressions budgétaires dans
le réseau de la santé et des services sociaux actuellement qui affectent
directement les services à la population.
Je vais vous
dire que, par ailleurs, les fédérations médicales ne peuvent pas s'en laver les
mains. Elles font partie du problème,
et il va falloir qu'elles aussi mettent l'épaule à la roue. Mais il faut que
vous acceptiez de travailler avec elles et eux sans une approche coercitive parce que, sinon, on pense que vous n'y
arriverez pas, malheureusement. Et c'est pour ces raisons-là que nous, on vous demande de retirer votre projet de loi
et de lancer une vaste consultation, une véritable consultation qui nous
apparaît nécessaire auprès de l'ensemble des acteurs du réseau.
Quelques pistes de solution alternatives qui
n'apparaissent pas au projet de loi pour améliorer l'accès aux services de première ligne, améliorer l'efficience
des services de première ligne. Nous, on pense qu'il y a un nécessaire
travail à faire sur les équipes interdisciplinaires.
La Présidente (Mme Montpetit) : En
conclusion s'il vous plaît.
M. Lacharité (Jean) : Bon, très
bien, alors je vais juste énumérer les pistes de solution et je conclus.
La Présidente (Mme Montpetit) : Très
rapidement.
M. Lacharité (Jean) : Très
rapidement. On pense que vous devriez vous attaquer à la révision du mode de
rémunération des médecins, le paiement à l'acte. Toutes les commissions qui ont
passé l'ont suggéré. On pense que vous
devriez vous attaquer à la lutte au surdiagnostic. On en a déjà discuté
ensemble, je sais que vous n'êtes pas d'accord avec l'Association
médicale du Québec, mais on pourra y revenir. On pense que vous devriez mettre
l'accent sur la prévention, mais là-dessus
vous allez complètement à contre-courant en coupant la direction régionale de
la santé publique, leur budget de l'ordre de 33 %. Il faut
améliorer l'information avec de bons systèmes informatisés sur les données cliniques. Enfin, il faut augmenter le financement
des soins à domicile et le financement pour les maladies chroniques.
Je
vais conclure en vous disant — je ne parlerai pas du programme de
procréation médicalement assistée, on y reviendra — que
tout ça se passe dans une prolifération de pièces législatives majeures :
projet de loi n° 10, projet de loi n° 28, qui s'attaque aux pharmaciens, le projet
actuel de loi n° 20, vous avez annoncé d'autres réformes en préparation, le financement à l'activité, les
supercliniques, la révision de la loi sur la santé et les services sociaux.
Nous, on trouve que vous procédez à la
pièce, M. le ministre, sans qu'on soit capables d'avoir une vue d'ensemble.
Alors, vous avez peut-être un plan structuré, je termine...
La
Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, M. Lacharité.
Malheureusement, nous avons amplement dépassé le temps...
M. Lacharité
(Jean) : Trois mots pour terminer.
La Présidente (Mme
Montpetit) : Trois mots. Les trois derniers.
M. Lacharité
(Jean) : S'il vous plaît, «time out», «time out», «time out».
La Présidente (Mme
Montpetit) : Parfait, je vous remercie, M. Lacharité pour votre
présentation.
Juste
avant de poursuivre, il y a un remplacement qui n'a pas été fait au niveau de
la commission. Donc, M, le secrétaire.
Le Secrétaire :
Oui, Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)
est remplacée par M. Boucher (Ungava).
La
Présidente (Mme Montpetit) : Parfait. Alors, je vous remercie. Donc,
nous allons débuter la période d'échange avec la banquette
ministérielle.
Comme nous vous avons
alloué 1 min 30 s supplémentaire, M. le ministre, il vous restera 8
min 30 s.
M. Barrette :
8 min 30 s?
La Présidente (Mme
Montpetit) : Oui.
M.
Barrette : Mon Dieu! O.K. Je vais commencer par une pointe d'humour...
Bien, M. Lacharité, Mme Pineau, et Mme Lapierre, une petite pointe
d'humour. Vous savez que Greenpeace ne sera pas content de vous, là, parce qu'à
la quantité de fax que vos membres m'envoient, là... Ce n'est pas méchant.
M. Lacharité
(Jean) : ...dans l'industrie du papier.
Des voix :
Ha, ha, ha!
• (12 heures) •
M.
Barrette : Bien, écoutez, je vais aller rapidement parce qu'on n'a
malheureusement pas beaucoup de temps, j'en
suis fort désolé. Il y a certains éléments, là, que vous avancez qui me
surprennent pas mal, puis j'aurais quasiment envie de vous aborder d'une façon plus générale. Vous avez émis un
certain nombre de critiques, et je postule que certaines des critiques que vous faites sont d'abord et
avant tout basées sur le fait que vous n'avez — ça, je le comprends, vous avez
raison — pas
eu encore accès aux éventuelles pondérations. Bon, j'imagine que vous avez
suivi la commission, vous avez entendu le
témoignage de la RAMQ hier qui, elle, a dit que pour ce qui est de la
bureaucratie de cette chose-là, pour utiliser
votre expression, c'est des choses qui étaient déjà en place pour la majorité
et que, dépendamment de l'évolution du projet
de loi, il y aurait des aménagements peut-être à faire, mais, pour le moment,
la RAMQ peut faire ce qui est dans le projet de loi. Ils l'ont dit d'une
façon, à mon avis, assez claire.
Maintenant,
pour ce qui est des autres éléments, là, vous avez parlé de craintes de
désaffiliation, de sélection de clientèle,
de choses comme ça, je postule que vous avez ces appréhensions-là à cause du
fait que nous n'avez pas vu les grilles
de pondération, puis là je vais prendre des exemples. Ne pensez-vous pas qu'à
un médecin à qui on demande une charge
de prise en charge spécifique, si elle est pondérée correctement, ça permet au
médecin de s'acquitter de sa tâche? Je vous
donne un exemple. Je vous demande
votre opinion là-dessus, là. Je prends un exemple que vous avez donné, là.
Si, par exemple, pour certaines clientèles à domicile, en fin de
vie, on compte un patient pour 18, 19, 15, par exemple, hein,
quand on fait quelque chose comme ça, ça
veut dire qu'il y a un médecin à qui on demande de prendre en charge 1 000 patients normaux, bien là, si j'en compte un pour 15, ça en fait pas mal moins,
là, vous comprenez? Alors, c'est la même chose pour l'âge. Vous avez émis une inquiétude, exprimé une
inquiétude à propos des médecins plus âgés. À partir du moment où on pondère ce que l'on demande à ces gens-là, en
fonction de l'âge du médecin par exemple, ne trouvez pas que, par une pondération, il est tout à fait possible de
s'attendre à une charge de prise en charge, si vous me permettez le
pléonasme, là, qui est tout à fait prenable par le médecin? Puis ça, cette
réponse-là, vous allez me la donner, et, en même temps, là, il faut bien
quelque chose.
Vous,
vous êtes la CSN. Vous venez d'un monde où vous vous battez historiquement pour
des descriptions de tâches, puis là
je ne fais pas de commentaires subjectifs, là. Vous venez d'un univers où
l'attendu, la description de tâches, fait
partie de votre ADN, si vous me passez l'expression, là. Comment voulez-vous qu'on
puisse améliorer la situation actuellement
s'il n'y a pas une garantie de livrable, d'une part, et comment serait-il nocif
d'avoir une définition de livrable basée
sur une certaine pondération négociée, à la limite? Il va bien falloir avoir, à
un moment donné, une condition. Si c'est juste une question de bon vouloir de tout un chacun, on l'a essayé, le
bon vouloir, là, puis vous aller convenir, et je pense que vous l'avez
fait dans votre introduction, que le bon vouloir n'a pas donné les résultats
escomptés.
M. Lacharité
(Jean) : C'est à moi?
M. Barrette : Je vous laisse la
parole.
M.
Lacharité (Jean) : Bien, ça
fait partie du problème, effectivement, là. Le fait qu'on n'ait pas accès à vos
grilles de pondération et que personne n'y ait accès, comment voulez-vous qu'on
n'ait pas d'appréhensions? Premièrement.
M.
Barrette : La question que je vous pose, c'est : À partir du
moment où il y a une pondération... Je vais vous la poser différemment.
Admettons que la pondération est raisonnable. Je vous donnais l'exemple, là, un
patient lourd à domicile, là, on le compte
pour 15, rien que ça, là, ça vous apparaît-u quelque chose de raisonnable,
d'une part? À partir du moment où on a des pondérations raisonnables,
n'est-il pas raisonnable aussi de fixer des livrables à atteindre?
M. Lacharité (Jean) : Bien, une
pondération raisonnable, elle va être jugée raisonnable à condition que vous vous entendiez avec les fédérations médicales. Là,
vous avez une approche qui est coercitive, sans entente, sans
négociation avec les fédérations médicales,
et vous comprendrez que, pour une organisation syndicale, c'est difficile de
vous approuver dans la façon dont vous fonctionnez actuellement.
M. Barrette : Non, je ne vous
demande pas de m'approuver. La question que je vous pose, c'est...
M.
Lacharité (Jean) : Bon.
Mais, si les fédérations médicales le jugent raisonnable et que ça permet
d'atteindre des livrables, tant mieux, on va
saluer ça, puis si ça permet d'améliorer les actions aux services de première
ligne. Mais là vous m'avez parlé des
médecins plus âgés aussi. Qu'est-ce que vous allez faire pour les femmes qui
prennent des congés de maternité ou qui reviennent au travail de façon
graduelle ou à temps partiel?
M.
Barrette : Moi, je propose, je vous le dis tout de suite, que les
femmes médecins soient traitées de la même manière que vos membres.
M. Lacharité (Jean) : C'est-à-dire?
M. Barrette : Vos membres, après
leur année de congé de maternité, ils reviennent au travail?
M.
Lacharité (Jean) : Oui, mais
vous savez aussi, M. le ministre, que ce sont encore les femmes qui
assument le plus de responsabilités
familiales très souvent, et donc elles peuvent faire des choix en matière de
conciliation travail-famille qui vont
faire en sorte qu'elles vont passer un peu plus de temps avec l'enfant. Et je
ne dis pas que ça doit être comme ça,
là, je ne dis pas que les hommes ne doivent pas prendre leurs responsabilités,
là, ce n'est pas ça que je suis en train
de dire, mais on est devant un état de fait, et qui n'est pas corrigé encore,
et qui ne se corrigera pas nécessairement demain matin. Alors, il va falloir que vous leur permettiez de faire une
certaine conciliation travail-famille, parce que, si elles sont pour travailler, par exemple, 20, 25
heures par semaine, puis se retrouver pénalisées par votre matraque de
baisse de rémunération à l'autre bout parce
qu'ils n'ont pas suffisamment... qu'elles n'ont pas atteint les quotas ou les
cibles, leur choix, ça peut être très
facilement de dire : Bien, je ne travaille pas pantoute. Alors là, vous
allez diminuer l'accès et vous allez accroître les problèmes
d'achalandage dans les urgences.
M. Barrette : Je peux vous dire que
c'est une avenue qui est très peu praticable pour les médecins, parce que les médecins sont assujettis à des règles qui font
en sorte qu'ils ne peuvent pas arrêter de travailler au-delà d'un
certain temps, là. Ça pose des problèmes qui
sont significatifs. Et j'ai envie de faire le lien, avec le commentaire que
vous venez de faire, avec celui du Conseil du statut de la femme.
M. Lacharité (Jean) : C'est-à-dire?
M.
Barrette : Bien, c'est-à-dire que le Conseil du statut de la femme...
et je cite approximativement la position qui a été exprimée par Mme Miville-Dechêne : Entre les choix des
professionnels mieux nantis et les besoins des patientes, qui sont souvent des aidantes naturelles, bien,
ils choisissent les patientes plutôt que le professionnel. Dit
différemment, ils considéraient, et là je mets un peu des mots dans leur
bouche, là, qu'un certain niveau de contrainte chez les femmes médecins était justifié parce que le besoin de la
clientèle — les hommes
et les femmes, évidemment, pour le Conseil du statut de la femme, plus les femmes — avait préséance sur la situation
individuelle des femmes médecins. Parce qu'à un moment donné il va bien
falloir aller le chercher, le service. Si on ne fait rien, on n'aura jamais de
résultat.
M. Lacharité (Jean) : Bien, c'est un
point de vue qui peut se défendre, mais n'empêche que la réalité, c'est aussi autre chose, et c'est ça qu'on vous dit, là.
Donc, vous devez porter une attention particulière
à cela, mais moi, je vais vous poser
une autre question, là. Quand on prône une réorganisation de la médecine
familiale, quand on prône beaucoup plus
de travail interdisciplinaire avec les autres professionnels de la santé, que
ce soient des physio, des psychologues, travailleurs sociaux, ergothérapeutes, infirmières, pharmaciens, avec
des équipes de travail bien intégrées, qui ont des plans de soins, des plans de suivi, qui ont comme
optique de faire de la prévention auprès de leurs patients, bien, ça, votre
projet de loi, il est tout à fait muet autour de ça.
M.
Barrette : M. Lacharité, je vous soumettrai que ce dont vous parlez
était faisable avant le 27 novembre 2014, ça ne s'est pas fait, ça ne
s'est pas fait. Les circonstances... le cadre dans lequel notre société évolue
et dans lequel se retrouvent des médecins
n'empêchait pas ça. La seule et unique raison pour laquelle ce projet de loi là
existe, et d'ailleurs, manifestement, il a eu cet effet-là, c'est qu'il
n'y a personne qui, spontanément, livrait cette marchandise-là. Il n'y a
personne qui n'empêchait personne.
Vous nous avez parlé, par exemple,
d'informatisation. Il n'y a personne qui empêche les médecins de s'informatiser; il y a seulement 35 % des
médecins qui le sont. À un moment donné, vous ne trouvez pas qu'il faut
créer des conditions qui amènent les gens dans cette direction-là, la direction
du service à la population?
M. Lacharité (Jean) : Là, vous êtes
en train d'identifier comme coupable...
La
Présidente (Mme Montpetit) :
Je vous remercie. Je
vous remercie. Malheureusement, le
temps est écoulé. Donc, je vais céder la parole à la députée de Taillon.
• (12 h 10) •
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. Lacharité, Mme Pineau et Mme
Lapierre. Bonjour. Écoutez,
moi... on a peu de temps, 6 min 38 s. D'abord, ce que je retiens de vos recommandations,
vous en avez émis plusieurs, solutions, qui ne passent pas
nécessairement par des lois, et le ministre semble orienter vraiment ses choix vers tout ce qui est légal. Il veut forcer
par le biais d'une loi. Et je vois dans ça, par exemple, une diminution
du surdiagnostic, du surtraitement, une
meilleure utilisation des infrastructures dans les hôpitaux. Il y a plein
d'éléments qui peuvent améliorer la
fluidité. Vous avez parlé d'un meilleur recours à des infirmières, des
pharmaciens. On n'a pas besoin de
faire des lois pour ça, on peut faire ces choses-là tout de suite, mais ça, le
ministre ne nous en parle pas, ça fait un an qu'il est en pouvoir, et il
ne nous en parle pas.
Donc, il y a
une dimension où, effectivement, comme vous, je me questionne sur la vue
d'ensemble. Il nous dit qu'il y a des
choses qui se font au niveau de l'informatique, on ne les voit pas. Il nous dit
que tout va être dans les règlements avec
la pondération, et on ne la voit pas. Mais moi, je sais que vous faites
beaucoup d'évaluations puis de calculs, j'en fais un avec les quelques indices que le ministre nous donne. Il nous
dit : Mettons qu'on aurait un patient lourd à domicile et que ça vaudrait 15 patients. Alors, actuellement, les
gens qui ont 65 ans et plus au Québec, il y en a 1,3 million, 65 ans et
plus. Mettons qu'on prend seulement ceux qui ont 75 ans et plus, puis,
arbitrairement, je vous dirais qu'on en avait autour de 500 000 probablement. Si ces 500 000 personnes là, ce sont
des personnes âgées de 75 ans et plus, là-dessus, on n'a pas inclus... vous me direz qu'il y a peut-être
quelques personnes qui sont encore autonomes, mais on a des handicapés
qui sont plus jeunes, handicapés physiques,
on a des gens en soins palliatifs à domicile, on a des gens qui ont des
déficiences mentales graves, qui pourraient
avoir besoin. Donc, on a 500 000 potentielles personnes, là, qui auraient
besoin d'avoir des soins à domicile. Si on met un ratio de 15 pour ces patients-là, on
arrive à 7,5 millions d'habitants. Ça veut dire que, si les
médecins s'occupaient juste des 500 000 cas lourds, on aurait encore
7,5 millions de Québécois sans médecin de famille, ce qui n'améliorerait
pas notre portrait et le quotidien des gens.
Alors, moi,
j'aimerais ça un peu que vous nous parliez de l'importance de cette pondération
et de l'importance d'avoir une vue d'ensemble.
M. Lacharité (Jean) : Je vais
laisser Mme Lapierre répondre à la question.
Mme Lapierre (Andrée) : Ça s'allume
tout seul, cette affaire-là?
Bien,
effectivement, c'est intéressant que vous preniez le ratio comme ça. C'est
parce que le nombre de patients, on le
voit bien, là, ce n'est pas toute la question. Il faut savoir qu'est-ce que
c'est, une prise en charge, parce que le soutien qu'il manque au médecin
pour s'occuper de s'informatiser, pour faire plus de choses, c'est toutes des
conditions dont il faut discuter.
On est en
train de rentrer dans le vrai problème de pourquoi qu'on ne l'a pas, la vraie
première ligne du Québec. Depuis les
années 70 qu'on la veut puis, depuis les années 70, on sait aussi que le mode
de rémunération, ça a de l'influence. Mais
le projet de loi est muet sur ça. Il est muet sur l'interdisciplinarité, il est
muet sur tout un ensemble de conditions qui sont corollaires. Le ministre aime ça parler de Kaiser Permanente, mais
on ne voit pas c'est quoi, les marches pour aller là. Là, on est avec un corset brutal, et puis nous
autres, on dit : Il en manque des bouts, là. Alors, c'est ça, notre... La
question des bonnes pondérations, j'en suis.
Possiblement que c'est possible qu'avec des bonnes pondérations on comprenne
un peu mieux. C'est tout le connexe qui n'est pas sur la table, là.
Mme
Pineau (Anne) : ...
Mme Lamarre : Oui?
Mme Pineau
(Anne) : Et, en fait, c'est des discussions qui ont cours, là... Si on
prend, par exemple, le rapport de 2009, là,
du Commissaire à la santé, déjà, dans les recommandations — il
en faisait 10 — on
avait la médecine de groupe en première
ligne, le dossier informatisé, l'interdisciplinarité, on avait aussi la
rémunération des médecins qui devait être revue, mais un vrai débat
public en commission parlementaire pour avancer sur ces questions-là de façon globale. On n'en a pas, de ça, et c'est ça qu'on
réclame, parce que je
pense qu'on est rendus là, il faut
régler ce problème-là. On est
convaincus qu'il faut le régler, mais il faut le régler en s'assurant qu'on ait
des choses qui fonctionnent, et, pour ça... Et c'est ce pourquoi le projet
de loi n° 20 provoque autant de craintes chez nous. On craint que ça ne
marche pas. Ça ne
marche pas parce que ça prend un minimum d'adhésion et ça prend un
minimum de consensus. Et le projet
de loi n° 20, avec ses quotas,
bien, ça signifie du volume éventuellement, des courtes consultations, tout ça avec une
rémunération à l'acte. Or, on pense que c'est dangereux. Ce n'est pas la
track qu'on devrait prendre. On doit plutôt axer sur le travail interdisciplinaire, fixer, à la limite, des
cibles, mais des cibles pour une équipe de soins et où on utilise le plein
potentiel de tous les professionnels de la santé qui travaillent de plus en
plus avec les médecins.
La Présidente (Mme
Montpetit) : M. Lacharité.
M. Lacharité (Jean) : Oui. J'ajouterais à cela que c'est des réformes à la pièce. Je l'ai dit
tantôt, on ne voit pas la vision
d'ensemble. Il y en a d'autres qui s'en viennent, on est incapables d'avoir une
vision d'ensemble, de ce que ça va devenir.
On pense, nous, que... parce que ce sont des réformes majeures, là, pour un
réseau qui est extrêmement complexe.
Et
moi, je vais vous souligner une autre crainte que j'ai, et ce n'est pas
juste... Ce n'est pas une crainte. Quand on parle au monde qui travaille
sur le terrain, ce qu'ils nous disent, c'est qu'ils sont en train de se
démotiver, qu'ils sont débordés, qu'ils sont
tout le temps en train de courir pour rendre une bonne qualité de service,
parce qu'ils veulent rendre une bonne
qualité de service, mais ils deviennent insatisfaits de par les conditions dans
lesquelles ils se retrouvent et de par les
réformes qu'on leur impose et les compressions qu'on leur impose également
actuellement dans le cadre des politiques d'austérité. Ils n'arrivent plus, et, pour faire des réformes aussi
majeures, moi, je vous signale qu'on a besoin du monde terrain, là, et s'ils sont démotivés, s'ils
tombent en congé de maladie, en burn-out, on n'y arrivera pas, malgré la
bonne volonté du ministre.
Le
ministre se dit pressé en disant : On aurait pu faire ça dans le passé, on
ne l'a pas fait, alors moi, j'agis. Mais on peut-u avoir une vision
d'ensemble de ce qu'il veut faire, c'est ça qu'on exige, là, puis avoir un vrai
débat public avec l'ensemble — je vais le dire comme ça, en chinois,
là — du
«bucket», de ce qui s'en vient? C'est ça qu'on exige.
La Présidente (Mme
Montpetit) : Je vous remercie. Donc, nous allons continuer avec le
député de Lévis.
M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Lacharité, Me Pineau, Mme
Lapierre. Ce que vous êtes en train
de nous dire, c'est que, de un, vous manquez énormément d'éléments pour
analyser de bonne façon ce qui pourrait
se produire. Mais, manifestement, à l'oeil, on n'est pas en train de faire une
révolution qui va permettre d'améliorer, à votre avis, l'accessibilité, qui est un principe que vous défendez,
soit dit en passant. On s'en va dans le mur avec ça?
M. Lacharité (Jean) : Je pense que oui, malheureusement. À tout le moins, on est en train de
fragiliser de façon incroyable le
réseau de la santé et des services sociaux et les travailleuses et les
travailleurs qui y oeuvrent. Puis, quand je parle des travailleuses et
des travailleurs, là, je parle du monde qu'on représente, mais je vais parler
aussi des corps médicaux. Je pense que... Et
ce n'est pas possible, ce n'est pas possible de pouvoir faire une réforme comme
celle-là dans un climat de confrontation comme celui qu'on est en train
de créer. On va avoir besoin de la collaboration du monde à un moment donné. Il y a une confrontation avec les
fédérations médicales, il y a une confrontation avec les pharmaciens, il
y a une confrontation...
Et
je vous signale aussi qu'il y a une négociation du secteur public qui s'en
vient, d'autres politiques d'austérité, d'autres compressions budgétaires. Moi, je vais vous dire que... Je ne
sais pas où il s'en va, le réseau, mais ma crainte, ma plus grande crainte, c'est qu'à un moment donné on
ne soit plus capable de livrer les services, dans le cadre public, de
façon adéquate. Et ce sera quoi, là, la conséquence de ça? Ça va être de la
privatisation. Donc, on va s'attaquer... et finir par fragiliser le réseau
public de santé et de services sociaux, qu'on veut universel et accessible.
M. Paradis (Lévis) : Permettez-moi... je sais que vous aviez quelque chose à ajouter
probablement, Mme Lapierre, mais
d'aller... Parce que le temps file très vite, puis on en a très peu. Vous avez
des pistes de solution quand même, vous dites qu'il y a des choses à revoir. Vous avez parlé de
rémunération, et ça a été énormément, ici, questionné puis suggéré.
Donc, la rémunération à l'acte, de revoir ça, plusieurs ont dit que la méthode
idéale, c'est la mixte, avec, bon, un équilibre
entre la prise en charge et l'acte. Vous parlez aussi, dans votre document, de rémunération
basée sur le salaire. J'aimerais ça vous entendre davantage.
M. Lacharité
(Jean) : Bien, nous, ce qu'on veut, là, c'est qu'il y ait des études...
La rémunération à l'acte n'a pas fait ses
preuves. Ça, c'est un des problèmes. Alors, ce qu'on dit, c'est :
Regardons quelles seraient les meilleures formules. C'est-u un régime hybride? C'est-u du salariat dans certains
cas? C'est-u des équipes interdisciplinaires, pour lesquelles il y aurait des budgets adéquats qui
sont accordés? Mais moi, je vais vous dire que, si on a des équipes interdisciplinaires, on va être comme le ministre,
on va exiger aussi qu'il y ait des cibles, là, à atteindre pour qu'on
puisse avoir les livrables. Mais pas imposer
par en haut, sans qu'il y ait eu consultation en bas et sans qu'on ait fait
l'ensemble des études qui y soient afférentes. Alors, attablons-nous.
Tant la commission
Rochon que la commission Clair ont dit qu'il fallait remettre en question... Et
même Castonguay-Nepveu, à l'époque, avait
dit... n'avait pas recommandé qu'on passe par le paiement à l'acte. Et même
le ministre Couillard, dans sa réforme, en
2004, disait qu'il fallait envisager une révision du paiement à l'acte. Aucune
suite n'a été donnée à ça. Le ministre
actuel, au lieu de donner des suites à cela, il procède par une approche
coercitive en disant : Vous
allez avoir tant de quotas, tant de cibles à atteindre, puis, si vous ne les
atteignez pas, je vais couper votre rémunération.
Alors, comprenez que
ça va être difficile, ça va être difficile pour l'avenir du réseau, ça, là, et
je ne vois pas comment on va s'en sortir puis comment on se met dans des
conditions pour atteindre l'objet du projet de loi, qui est d'améliorer
l'accessibilité aux médecins de famille et aux soins de première ligne.
M. Paradis
(Lévis) : Vous dites, M. Lacharité... Vous faites référence aux
commissions de la santé du passé, qui
traçaient à peu près toutes le même constat, en tout cas, qui revenaient avec
des pistes de solution, et vous parlez de celle... Vous parlez de l'actuel premier ministre Philippe Couillard,
qui, lui-même, en tout cas, mettait de l'avant des pistes de solution, dont le requestionnement de la
rémunération. Il disait quoi à ce moment-là, en 2004? Ce que vous dites à
peu près ou ce qui devrait être fait?
M. Lacharité (Jean) : Bien, le
ministre Couillard, à l'époque, s'est concentré sur une réforme de structure beaucoup plus que sur ce qu'il devait faire. Et
c'est ce que le ministre Barrette est en train de faire aussi : c'est des
réformes structurelles, qui n'ont rien à voir avec l'organisation terrain de
l'amélioration de l'efficience pour une meilleure accessibilité. Et le ministre Couillard nous avait promis qu'en créant
les CSSS il diminuerait les frais de bureaucratie. Selon les données que l'on a, nous, les frais de
bureaucratie ont augmenté de 30 % avec la création des CSSS, exactement
l'effet contraire qu'il visait à contrecarrer.
La
Présidente (Mme Montpetit) :
Je vous remercie, M. Lacharité. Donc, on va enchaîner avec le député de
Mercier.
• (12 h 20) •
M. Khadir : Merci. M. Lacharité, bienvenue,
Mmes Lapierre et Pineau. Je pense que le ministre a besoin de votre aide. Je
vais vous expliquer. En fait, c'est vraiment dans un esprit de collaboration que
j'interviens. Vous avez identifié les risques
de ce projet de loi : désaffiliation, pression à la sélection des patients, diminution de la qualité de la
consultation, donc déshumanisation, etc., les pressions que ça pourrait exercer
sur l'urgence.
Vous avez
identifié aussi des pistes de solution. Je pense que vous les avez
dégagées d'une consultation que vous avez
menée avec plusieurs autres partenaires au cours de la dernière année,
dont je suis au courant, et qui ne sont pas dans le projet de loi. Ensuite, concluant de tout ça, vous avez proposé que le ministre
abandonne son projet de loi, consulte tous les... surtout qu'il y a un
climat maintenant d'affrontement qui n'aide pas. Et, en plus, on sait que
l'autorité morale du ministre a été sérieusement entamée par ce qui est arrivé
au CHUM, et, dans ce climat-là, c'est sûr que ça n'a pas amélioré les choses.
Est-ce que
vous pensez, à ce moment-là, que, si le ministre retire son projet de loi et dit : Je vais vous consulter, puis on va faire une espèce d'états
généraux pour trouver des solutions pour changer ça, ça va augmenter sa
crédibilité et son autorité morale ou ça va l'entamer davantage, puis les gens
vont dire : Bien, il complètement déconsidéré?
M.
Lacharité (Jean) : Bien non,
moi, je pense que ça augmenterait énormément sa crédibilité morale de
vouloir travailler avec l'ensemble des gens du milieu parce que là le problème,
c'est qu'il passe pour quelqu'un qui se veut omnipotent.
Et d'ailleurs, dans le projet de loi n° 10, il s'est donné énormément de
pouvoir, ce qui a donné naissance en partie à la crise qu'on a vécue au
CHUM dernièrement, et là il a une approche coercitive.
M. Khadir : Donc, le retrait
du projet de loi aiderait la force d'intervention et de mobilisation du
ministre.
M.
Lacharité (Jean) : Bien, ça
motiverait entre autres les gens qui sont sur le terrain à dire : Oui,
enfin, on va nous écouter et on va
trouver des pistes de solution ensemble, pas contre le ministre, avec le
ministre, avec le ministère, sans qu'on se substitue au ministère, parce
que le ministère a un rôle à jouer.
M. Khadir : Je pense que ça lui sourit parce
qu'il sourit à cette proposition. Moi, j'ai terminé. Je pense qu'on n'a pas
besoin de, disons, aller plus loin dans cette démonstration de bonne volonté
des gens qui disent : Il faut mobiliser l'ensemble
des acteurs. Il y a des solutions. On ne peut pas accepter le statu quo. Les
fédérations ont des responsabilités. Tout le monde le reconnaît, mais il
faut que le ministre soit à l'écoute des gens.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Parfait. Alors, je vous remercie,
M. Lacharité, Me Pineau, Mme Lapierre. Merci pour votre
présentation et vos réponses à nos questions.
Donc, je vais suspendre les travaux quelques
instants et j'invite le prochain groupe à prendre place.
(Suspension de la séance à 12 h 22)
(Reprise à 12 h 32)
Le Président (M. Tanguay) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux. Nous accueillons
maintenant les représentantes, représentants des Médecins québécois pour le
régime public.
Bienvenue à
votre Assemblée nationale. Vous
disposez de 10 minutes pour faire votre présentation, prendre le temps de bien vous présenter, nous préciser vos
fonctions. Par la suite, vous aurez un échange avec les parlementaires.
La parole est à vous.
Médecins québécois pour
le régime public (MQRP)
Mme
Leblanc (Isabelle) :
Bonjour. Merci de nous accueillir. Mon nom est Isabelle Leblanc. Je suis la
présidente de Médecins québécois pour le régime public. J'ai avec moi Francis
Livernoche, qui est un pédiatre et un Fellow en pédiatrie sociale, qui est un conseiller auprès de
MQRP, et Dre Saïdeh Khadir, qui est une médecin de famille qui
travaille en urgence et qui est aussi une conseillère au sein de MQRP.
MQRP est ici,
un peu comme plusieurs autres groupes, je pense, pour dire : Très
bon diagnostic, il y a un grand problème d'accessibilité en
première ligne au Québec, il faut vraiment s'y attaquer, mais, nous aussi, pour
dire que la solution présentée n'est pas
bonne, et, en fait, on demande le retrait du projet de loi n° 20.
On va vous présenter quelques commentaires pour vous dire pourquoi on
pense que ce projet de loi là est inapproprié et dangereux pour le système de
santé public et ensuite nos propositions de solution pour l'accessibilité.
Le premier
grand problème du projet de loi n° 20, c'est que c'est un autre projet de loi autocratique et autoritaire qui
répond de façon non négociée à des enjeux complexes. On a déjà
vu, avec le projet de loi n° 10, qui a été adopté sous bâillon, que le ministre
s'octroyait des pouvoirs quasi absolus sur les établissements. Maintenant,
avec le projet de loi n° 20,
encore une fois, c'est lui qui va avoir beaucoup de contrôle sur l'organisation
de la pratique des médecins.
Il y a
aussi un manque de transparence. On nous dit : Ah oui! il y a
le projet de loi, mais vous n'avez pas vu encore les règlements,
vous n'avez pas encore vu les quotas, vous n'avez pas encore vu les
pondérations. Mais c'est très difficile de
se faire une idée sur un projet de
loi quand, en fait, on ne connaît pas
vraiment le contenu. C'est presque comme une coquille
vide, et ça nous semble symptomatique de la façon dont le ministre de la Santé,
en ce moment, et le gouvernement refusent d'avoir des dialogues démocratiques
avec les membres de la société civile. Donc, on incite le ministre à reprendre un dialogue honnête et ouvert
avec l'ensemble du corps médical afin de faire face au défi majeur de
l'accessibilité dans notre milieu de santé.
Notre deuxième grande crainte, c'est la
privatisation et la perturbation du réseau. On a pu voir, depuis que le projet de loi n° 20 a été annoncé, beaucoup
de médecins qui, en réponse au projet de loi n° 20, parlent de
désaffiliation, que ce soit comme moyen de
pression ou pour avoir des meilleures conditions de travail. On voit déjà les
cliniques privées qui font des annonces. On reçoit tous maintenant des
annonces dans nos courriels : Venez travailler pour nous, dans le privé, ça va aller mieux, vous allez avoir une
bonne qualité de vie : autonomie de pratique, horaire flexible, temps
protégé pour les rencontres avec leurs patients.
Parce que c'est un des points particuliers : les médecins ont l'impression
qu'on n'aura plus assez de temps pour faire une médecine de qualité avec nos
patients.
L'autre problème, avec la privatisation et la
perturbation du réseau, c'est que le réseau est déjà sous le coup du projet de loi n° 10, maintenant la loi
n° 10, qui bouleverse la façon dont on va pratiquer en établissement et
dont les soins de santé vont être
organisés. Si, en plus, on bouleverse les soins de santé primaires en même
temps, il va y avoir des ratés, encore plus de ratés dans le système,
encore plus de difficulté d'accès, encore plus de difficulté d'avoir des soins
de qualité, et ça, ça va pousser les
patients et les médecins à aller vers le privé. Donc, c'est notre grande crainte,
la privatisation et la perturbation du réseau.
M.
Livernoche (Francis) : Un
autre risque qu'on craint avec ce projet
de loi là, c'est que le système
de quotas emmène une sélection des patients. On en a parlé tout à
l'heure. Quant à nous, il n'y a aucun système de pondération qui est assez exhaustif pour regrouper toutes les
conditions psychosociales ou médicales qui emmèneraient un médecin à voir son patient plus de 20 minutes. On est
trois médecins ici qui travaillent dans des milieux défavorisés. On peut
vous dire... Moi, juste en pédiatrie, je
pourrais nommer une centaine de codes pour des patients qui ont besoin de plus
de temps ou de plus de suivi que d'autres enfants.
On s'inquiète
aussi de la qualité des soins qui vont être donnés dans le contexte de ce projet de loi là. On sait qu'un médecin qui
a moins de temps avec son patient va avoir plus tendance à référer à d'autres
spécialistes, va avoir tendance à plus
médicamenter des conditions qui ne devraient pas l'être, et, en bout de ligne,
un médecin de famille, c'est surtout une approche, c'est surtout un soignant qui écoute, qui accompagne, le
médecin, son patient qui lui explique sa condition, puis, pour ça, ça
prend du temps.
Notre
troisième point qu'on avait, c'est par
rapport à la méconnaissance du rôle
qu'a pris l'omnipraticien dans notre système dans les dernières années. C'est un médecin qui endosse plusieurs chapeaux en ce
moment. Il ne s'occupe pas seulement
de la première ligne. Il joue un rôle crucial dans les institutions
hospitalières. Ils ont développé une expertise, une polyvalence, puis
ça, il faut le respecter et le préserver. Pour nous, ce projet de loi là, c'est
une attaque directe contre le choix
personnel des individus. C'est une ingérence, hein, une nouvelle ingérence du
ministre dans ce qui devrait rester de l'ordre
de la décision personnelle du professionnel. On voit là une attaque directe
contre les femmes médecins qui, pour des raisons familiales, ont souvent
besoin, pour quelques années, d'alléger leur pratique. Pour nous, c'est assez
évident qu'on assiste ici à de la discrimination importante.
Mme Khadir
(Saïdeh) : Bon, alors, après cette analyse, MQRP propose
10 solutions pour assurer l'accessibilité aux soins par les
médecins de famille au Québec.
Premièrement, pour accroître l'offre de
services, nous demandons au gouvernement d'exercer son pouvoir pour arrêter le désengagement et interdire aux
médecins non participants de réclamer des honoraires supérieurs à ceux
du régime public. Donc, comme explication, il y a un réel mouvement de
désengagement qui est commencé depuis les années
Chaoulli. Alors qu'en 2000 il y avait 15 médecins de famille au Québec
désengagés, précisément, en 2010, on était rendu à 140, et le flot a continué : en 2012, à 180, et
aujourd'hui, février 2015, nous sommes à 225 médecins désaffiliés,
désengagés. Et, à partir des chiffres mêmes du ministre, donc, si chacun de ces
225 médecins prenait au moins 1 500 patients en charge, ça veut dire près de
400 000 Québécois qui sont
privés de soins universels gratuits présentement à cause de ce phénomène
qui risque de s'accentuer avec le projet de loi, avec l'adoption du projet de
loi n° 20.
Il y a aussi
l'importance, comme en Ontario, de faire en sorte que les médecins qui se désengagent
soient payés avec les mêmes tarifs que les médecins du régime public, ce
qui n'est pas maintenant le cas au Québec.
Deuxième
proposition. Nous demandons au gouvernement de mettre fin à ce système à deux
vitesses et d'offrir une couverture publique
complète de l'imagerie médicale, conformément aux engagements du Parti libéral
du Québec lors des dernières élections. Il
faut attendre, dans certaines régions pas très loin de Montréal ou des grandes
villes, près d'un an pour avoir une
échographie. Il n'y a presque aucune indication d'une échographie après
quelques mois. Ces examens sont pourtant disponibles illico, le jour
même, dans une clinique privée très près de l'hôpital, faits par les mêmes
radiologistes. Il y a plus de machines, techniciens d'imagerie en IRM, scan et
échographie au Québec, dans les études de
l'ISIS, que partout ailleurs au Canada, alors que les listes d'attente y sont
beaucoup plus élevées. Par exemple, les
listes d'attente qui sont problématiques et dont on parle en Ontario, comme
ordre de grandeur, ne sont que d'un mois. C'est ça, pour eux, une liste
d'attente trop longue. Ici, ce n'est pas le cas.
Troisième
proposition. Nous demandons au gouvernement et à la RAMQ de voir à
l'application de la Loi sur l'assurance
maladie sur les frais imposés aux patients pour des soins médicalement requis
et de garantir que les médicaments ne soient facturés qu'à leur coût
réel. Actuellement, les frais accessoires sont une barrière financière réelle à l'accessibilité du médecin de famille aux
plateaux techniques, donc une limitation de ses outils pour intervenir.
Quatrièmement,
nous demandons une couverture
publique de tous les soins médicalement nécessaires, incluant ceux prodigués par les autres professionnels
de la santé. Donc, la question qui se pose, c'est : Une fois qu'on a vu
notre médecin de famille, là, qu'est-ce qu'on fait si on n'a pas accès au physiothérapeute, si on n'a pas accès au
psychologue, si on n'a pas accès à l'orthophoniste, au nutritionniste? Pour
traiter un malade, il faut des outils. Un médecin de famille ne peut pas seulement agir avec des
médicaments. Donc, qu'est-ce qu'il se passe en raison de cette inaccessibilité? Il y a une perte de temps de consultations supplémentaires
pour gérer une chronicité de la maladie. Il y a en fait une
surmédicalisation au lieu de finalement intervenir efficacement.
• (12 h 40) •
Mme Leblanc
(Isabelle) : Notre cinquième proposition, c'est que le ministère
entreprenne avec les milieux universitaires et les principaux intéressés un
relevé systématique des solutions d'accessibilité aux services spécialisés dans les autres provinces qui fonctionnent et
favoriser leur application ici au Québec. C'est très difficile comme
médecin de famille d'avoir accès à des
consultations avec des spécialistes en temps opportun. Il y a des programmes,
par exemple, en Colombie-Britannique,
d'accès par téléphone, le programme RACE, où les médecins de famille peuvent
appeler, avoir une consultation
téléphonique en temps opportun. Il y a aussi, dans certains CSSS, ici au
Québec, des centres de répartition de demandes
de service. Votre patient a besoin de voir un orthopédiste, vous remplissez le
formulaire, le patient va avoir un rendez-vous plus rapidement comme ça.
C'est organisé. Ça devrait être généralisé partout au Québec pour favoriser
l'accessibilité aux services spécialistes.
Notre sixième
demande, c'est demander qu'on encourage la pratique des rendez-vous en accès
adapté pour qu'elle devienne la norme. Ça,
vous en avez déjà entendu parler, beaucoup de groupes l'ont mentionné, c'est
avoir un rendez-vous avec votre
médecin quand vous en avez besoin et pas trois à six mois plus tard. Ça demande
une réorganisation de la pratique, ça
demande une éducation du patient, donc ça demande du temps à établir, mais, quand
c'est établi, tout le monde a une meilleure accessibilité.
Et on demande que les
notions de PREM et d'AMP soient reconsidérées pour que les modes de pratique
des médecins soient négociés, prévus en fonction des besoins des régions et ne
découragent pas une pratique consacrée exclusivement à la prise en charge. Comme
on a dit, les médecins omnipraticiens sont polyvalents, travaillent dans différents milieux. Mais, si on veut vraiment
augmenter l'accessibilité, on devrait permettre aux médecins de famille
de ne faire que de la prise en charge de première ligne.
M. Livernoche
(Francis) : Une autre proposition qu'on a, c'est de maintenir la
liberté de choix du patient comme il est défendu par la Loi de l'assurance
maladie. Nous croyons aussi à la prévention plutôt qu'à l'austérité. Nous, on recommande... Pour nous, il y a un lien
évident entre l'accessibilité et les indicateurs sociaux, donc on
devrait investir davantage dans des
politiques qui visent à supprimer les inégalités. Et finalement, dans le
contexte actuel, on est d'avis que ce
n'est pas par des mesures coercitives qu'on va arriver à résoudre ce problème
d'accessibilité qui est complexe, qui demande la collaboration de tout
le monde. Donc, nous incitons le ministre à reprendre le dialogue avec le corps
médical, mais surtout à nous exposer sa
vision du système de santé pour qu'on puisse ensemble travailler aux
solutions.
Le
Président (M. Tanguay) : 6 min 30 s. Alors, merci
beaucoup. Alors, à la demande du ministre, nous vous avons permis évidemment de dépasser de
1 min 15 s le temps, ce qui est parfait. Donc, de
7 min 45 s, le ministre dispose de
6 min 30 s, et que les échanges commencent. M. le ministre.
M. Barrette :
Merci, M. le Président. Alors, excusez-moi, Dre Leblanc, Dre Khadir... Vous
avez un lien de parenté, j'imagine?
Mme Khadir (Saïdeh) :
Pas du tout.
M. Barrette :
Pas du tout, hein?
M. Khadir :
...
M. Barrette :
C'est correct. Bon, nous ne sommes pas tous frères et soeurs ici, dans la
salle. Dr Livernoche. Alors, merci d'être venus ici nous faire votre
présentation. Je vais vous poser une question très directe d'entrée de jeu.
Compte tenu de vos orientations, pourquoi vous ne nous proposez pas le salariat
des médecins?
Mme Leblanc
(Isabelle) : Le salariat?
M. Barrette : Bien oui.
Mme Leblanc (Isabelle) : Vous pensez
que ça va régler le problème?
M. Barrette : Non, non. Je vous pose
une question comme ça parce que vous avez une approche qui me semble aller dans
cette direction-là.
Mme Leblanc (Isabelle) : Pourquoi
vous pensez que ça va dans cette direction-là?
M. Barrette : C'est une impression.
Mme Leblanc (Isabelle) : D'accord.
Bien, je pense qu'on pense qu'il faut s'attaquer à la rémunération des
médecins, mais on ne pense pas qu'il y a des solutions simples comme : ah!
on augmente les quotas ou ah! on fixe un taux d'assiduité, ah! on passe au
salariat. Je pense qu'il faudrait voir des études précises pour voir quelle
sera la meilleure façon. On ne parle pas de rémunération dans le projet de loi
n° 20, dans notre étude du projet de loi n° 20.
M. Barrette : Je suis sûr qu'au MQRP
vous avez déjà eu une réflexion sur la rémunération des médecins.
Mme Leblanc (Isabelle) : Ça va même
être le sujet de notre rapport annuel cette année.
M. Barrette : Ah! ça veut dire que
vous ne voulez pas me divulguer, me dévoiler des choses secrètes?
Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, on ne
voit pas le rapport. Dites-moi comment vous trouvez que ça a rapport avec le
projet de loi n° 20. Nous, notre inquiétude avec le projet de loi
n° 20, d'abord, c'est que ça nous arrive un peu comme un cheveu sur la soupe, sans concertation, ça vous donne beaucoup,
beaucoup de pouvoir, et nous, on a vraiment une crainte que ça va ouvrir
à la privatisation. C'est vraiment ça, notre crainte avec le projet de loi
n° 20.
M. Barrette : Alors, moi, je peux
vous dire que l'objectif n'est pas d'aller vers la privatisation, d'une part. D'autre part, vous me dites... vous me posez la question pour voir quel est le lien avec la
rémunération. Tous les groupes qui
viennent ici font le lien entre la rémunération... et vos prédécesseurs,
d'ailleurs, l'ont fait il y a quelques instants et ils n'ont pas été les seuls. Et, compte tenu de votre
orientation sociopolitique, je suis surpris que vous ne mettiez pas ça
sur la table. Mais c'est correct. Ce n'est pas une critique que je fais,
j'exprime ma surprise.
Maintenant,
je n'ai pas beaucoup de temps. Je regarde vos propositions : il n'y en a
pas beaucoup qui traitent de l'accès.
Il y en a beaucoup qui traitent de la nature publique du paiement. Le patient
qui va au privé, il a un service. Je ne fais pas l'apologie du privé, là, ce n'est pas ça que je fais, là. Le
patient qui va au privé, il a un service, et le patient qui va au public, il a un service. Ce n'est pas le même
payeur, et le problème qu'on vit aujourd'hui, c'est l'accès au service
en quantité. Le problème qu'on vit
aujourd'hui, ce n'est pas un problème, à mon sens, qui est un problème de
paiement, c'est un problème d'accès à une capacité de service.
Mme
Leblanc (Isabelle) : ...et,
si vous avez un médecin... Si vous êtes médecin de famille, vous avez un
patient qui vient avec un mal de dos, qui
n'a pas accès à un physiothérapeute, qui n'a pas accès à de l'imagerie, il va
revenir me voir plus souvent, il va
prendre la place d'un autre patient qui pourrait venir, c'est un problème
d'accès, ce n'est pas vrai. Puis les
barrières financières, c'est un... accès pour des patients. Un patient ne peut
pas nécessairement payer 500 $ pour aller faire une gastroscopie.
Il va revenir dans mon bureau plus souvent.
M. Barrette : Je comprends.
Actuellement, il n'y a pas d'attente pour les services de première ligne en
privé, c'est à la demande, et je n'en fais
pas la promotion d'aucune manière, mais il y a une attente au public. Ça veut
dire que la capacité offerte au privé
fait son travail, entre guillemets, et la totalité de la capacité qui est
offerte n'est pas optimale. Alors, je ne vois pas beaucoup de
recommandations qui traitent spécifiquement de l'accès comme tel.
Je vais vous
donner des exemples. Votre recommandation n° 6. Au numéro 6, vous demandez
qu'on encourage la pratique des
rendez-vous en accès adapté pour qu'elle devienne la norme. Ça existe depuis
1950 quelque, là, l'accès adapté. C'est
une vieille notion, vieille notion, là. Ce n'est pas une nouveauté dans le
comportement médical. Pourquoi les médecins ne l'ont pas fait
spontanément à date? Vous demandez... Parce qu'il n'y en a pas beaucoup, là. En
fait, il n'y en a vraiment pas beaucoup.
Vous
reprochez au système la gestion des PREM et des AMP. Vous voudriez que les AMP
soient reconsidérées. Vous trois, là, vous avez une pratique en partie à
l'hôpital. Expliquez-moi comment l'hôpital, demain matin, peut fonctionner
correctement si on a un déplacement, mettons, massif de l'hôpital vers le
cabinet, ce qui nous emmène à la
problématique globale de la capacité. Je ne sais pas si vous avez lu ma lettre
ouverte d'il y a deux jours, là... d'il y a une journée, il est là, le
problème, et on va le chercher comment? Je ne le vois pas dans vos
propositions.
Mme
Leblanc (Isabelle) : Parce
que nous, on n'est pas d'accord avec le diagnostic que les médecins ne
travaillent assez, c'est pour ça qu'il y a
un problème. On voit que le problème est structurel, le problème est global.
C'est sûr que, si on s'en va, si on arrête les AMP demain matin, il va y avoir un problème,
mais c'est quelque chose qui peut être planifié. Les choses n'ont pas
nécessairement besoin d'être faites en deux mois, rapidement, avec tous les
pouvoirs à une seule personne. Les choses
peuvent être faites en concertation, les choses peuvent être faites avec la
négociation. Il y a des gens qui
voudraient faire la prise en charge à temps plein, il y a des gens qui
voudraient en prendre plus, de patients, mais qui ne peuvent pas parce
qu'ils doivent travailler en établissement. C'est un problème.
M. Barrette : Je comprends. Je vous
invite à oublier les histoires de pouvoir, là. Oubliez ça. Ça fait une
conversation intéressante que les oppositions aiment beaucoup. La problématique
aujourd'hui, là, demeure une problématique
de capacité. Que proposez-vous pour augmenter la capacité... pas augmenter,
utiliser la capacité non rendue... pas encore rendue disponible à la
population? Elle est là, la problématique. Laissons faire tout le reste,
qualitatif, là, du pouvoir. Pour moi, là, ça
dévie la discussion du vrai débat qui est celui de la capacité. On est-u
capable d'en donner plus? Vous me dites vous-même, là, que, si on sort
les médecins de l'hôpital, là, ça va poser un problème, puis je suis bien
d'accord avec vous. Il ne faut pas les sortir complètement ou, si on les sort,
c'est progressif.
Mme Leblanc (Isabelle) : ...
planifier ce qu'on va faire.
M. Barrette : Bon. Mais il n'en
reste pas moins qu'il y a une problématique de capacité. On va la chercher
comment, cette capacité-là?
Le Président (M. Tanguay) : Pour une
vingtaine de secondes.
• (12 h 50) •
Mme Khadir
(Saïdeh) : Je pense qu'on peut s'inspirer de l'exemple de toutes les
autres juridictions canadiennes dont
aucune n'utilise de telles méthodes coercitives. Pas parce qu'ils ne peuvent
pas le faire, ils peuvent le faire, mais parce que ça ne marche pas.
Donc, ce n'est pas parce qu'on ne veut pas augmenter la capacité, ce n'est pas
parce qu'on ne reconnaît pas qu'il y a une
capacité à aller gagner, mais on n'est pas d'accord avec vos méthodes d'action
et puis on a proposé plusieurs méthodes, et une façon d'attirer les
médecins de famille vers une pratique qui est...
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Je dois maintenant céder la parole à notre collègue — je
suis désolé, vous pourrez poursuivre — de Taillon pour
4 min 30 s.
Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le
Président. Alors, écoutez, j'ai 4 min 30 s, mais je suis prête à
vous concéder 15, 20 secondes pour que vous terminiez votre idée.
Mme Khadir
(Saïdeh) : Voilà. Donc, je pense
qu'il y a une façon d'intéresser les médecins de famille.
On n'a qu'à aller voir les exemples
dans les autres provinces. Il y a un programme, par exemple, RACE en Colombie-Britannique,
qui sont des méthodes innovatrices, qui n'ont pas eu besoin de loi, et de
grande pompe, et des réformes structurelles chères,
et coûteuses, et déstructurantes. C'est un programme où le médecin de
famille a accès à une série de spécialistes d'une vaste gamme qui sont de garde, là, et qui répondent en temps réel
à la consultation du médecin de famille, qui fait qu'en
temps réel il peut gérer son patient, et ça marche très bien. Les études ont
montré qu'il y a une diminution des visites à l'urgence, diminution des visites
en personne chez le spécialiste et une augmentation de satisfaction et un gain
d'efficience monétaire.
Donc, il y a beaucoup de méthodes innovantes. On
n'a pas besoin d'une loi avec des potentiels aussi nocifs, c'est-à-dire qu'un système
de santé...
Mme
Lamarre : ...maintenant.
Merci. Alors, bonjour, Dre Leblanc. Bonjour, Dre Khadir et Dr Livernoche.
Alors, ce que vous traduisez, dans le fond, c'est que ce dont on avait besoin, c'était une meilleure coordination,
une meilleure organisation et non pas des mesures drastiques et un peu
perçues, en tout cas, comme brutales.
Vous êtes des
Médecins québécois pour le régime public. Vous dites qu'il y a
une augmentation du nombre de médecins qui se désengagent. Est-ce que vous avez un peu pris le pouls,
depuis que le projet de loi
n° 20 a été déposé, sur les
intentions de médecins? Est-ce que c'est sérieux? Parce qu'on peut aussi se
dire : Bon, écoutez, c'est sûr que c'est l'argument qu'on aimerait bien, que les gens peuvent évoquer, mais
est-ce que, dans votre réalité, vous avez des données assez certaines...
Mme
Leblanc (Isabelle) : Beaucoup
de demandes... Beaucoup de gens nous envoient : Voici ce que les
cliniques privées qui recrutent nous
envoient, donc on sait que les cliniques privées recrutent plus. Depuis le mois
de décembre, il y a une dizaine de
personnes qui sont désaffiliées, omnipraticiens, donc, sur 200, ça fait quand même
5 % d'augmentation
depuis, là, le mois de décembre. Donc, il y a plus...
Mme Lamarre : 200 de votre
environnement...
Mme
Leblanc (Isabelle) : Non, en
général, qui se sont désaffiliés, donc de médecins qui se sont désaffiliés
dans les derniers trois mois.
Vous disiez
tout à l'heure qu'on pense que ça prend une meilleure coordination, ça prend
aussi la vision que la première ligne, ce n'est pas seulement les
médecins. Là, on s'en va dans une vision extrêmement médicocentriste. Mais, si on a accès à d'autres
professionnels de santé, si on coordonne mieux avec d'autres professionnels, il
va y avoir un meilleur accès avec le même nombre de médecins parce
qu'ils vont pouvoir voir les patients avec une meilleure qualité de soins, sans
avoir à les revoir aussi souvent.
Mme Lamarre : Donc, ça ferait aussi
partie de vos propositions...
Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, la
couverture, c'est ça, on les a mis, oui.
Mme
Lamarre : ...cette meilleure coordination avec les autres. Vous parlez
de l'accès adapté. C'est quelque chose, effectivement, qui est connu. On
peut se demander pourquoi les fédérations médicales, et même le ministre, quand
il était à la FMSQ, n'ont pas aussi proposé
ça dans les contextes, et je pense que le bilan qu'on voit, c'est qu'on a
donné beaucoup d'argent mais sans imputabilité, sans avoir de garantie. On a
même donné les primes avant de donner... finalement
d'avoir le résultat. Et l'expérience de la Colombie-Britannique à laquelle vous
faites référence, j'y suis allée, et c'est
sûr qu'il y avait une prise en charge populationnelle, et les primes arrivaient
après, quand on avait des résultats, qu'on avait diminué
l'hospitalisation des patients, quand on avait eu un meilleur contrôle, par
exemple, des glycémies chez les patients diabétiques.
Alors, ici,
on a fait l'inverse, et là je pense qu'il y a des mesures à récupérer, mais ce
n'est pas ça qu'on voit, ce n'est pas
de cette façon-là que l'analyse est faite. Si vous aviez deux priorités, parce
que là vous en avez 10, c'est beaucoup, mais, si vous en aviez deux à
prioriser, ce serait quoi pour préserver notre système public?
Mme Leblanc (Isabelle) : D'abord,
une vraie concertation.
Le Président (M. Tanguay) : ...30
secondes, juste pour vous guider.
Mme
Leblanc (Isabelle) : Oui.
D'abord, une vraie concertation avec tous les acteurs, pas seulement les
médecins, pas seulement une personne qui
écrit un projet de loi, mais que tout le monde soit concerté pour voir ce qui
fonctionne. En Colombie-Britannique, encore,
il y a un groupe de médecins omnipraticiens qui travaillent avec le
gouvernement pour s'assurer un
meilleur accès. Penser à faire quelque chose comme ça. Donc, avoir une
meilleure concertation pour vraiment faire
un bon diagnostic pour trouver le bon traitement, je pense, ce serait le
premier. Le deuxième, c'est de mettre un frein à la désaffiliation puis au fait que les médecins, surtout dans un
contexte comme on se trouve en ce moment, peuvent arrêter de pratiquer. On voit ça, moi, je suis dans une
GMF avec des médecins résidents. Il y en a beaucoup qui me disent :
Je vais aller au privé parce que ça va être plus facile. Donc, mettre un frein
à ça.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est au
collègue de Lévis pour trois minutes.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le
Président. Dre Leblanc, Dre Khadir, Dr Livernoche, merci d'être là. Vous avez établi des conséquences au projet de loi s'il devait être adopté comme il est
proposé. Vous parlez de la désaffiliation. Vous parlez aussi d'un effet
sur l'attraction de la profession. Le sentez-vous également à la lumière de ça?
Parce que certains nous ont dit : On le voit. Pour les futurs médecins, on
décidera de faire autre chose. Sentez-vous aussi cette conséquence potentielle
là?
Mme
Leblanc (Isabelle) : Très
fortement, en fait, puis je pense que ça fait longtemps qu'il y a un discours
pas très gentil face aux médecins de famille
dans les médias, véhiculé par plein... dont les fédérations médicales, les
journaux, beaucoup de choses. On travaille
très fort pour convaincre les étudiants, les résidents, que la médecine de
famille, c'est un bon choix. De voir
que la qualité de la pratique... On leur apprend vraiment à avoir une pratique
de qualité et bien écouter le patient, bien prendre soin d'eux. De voir
qu'ils ne pourront plus faire ça parce que tout va être minuté, tout va être
selon des quotas, ça décourage beaucoup de gens. Et le fait qu'il y ait autant
de contraintes aussi ou qu'ils perçoivent qu'il y a autant de contraintes fait
que beaucoup de gens vont préférer aller en spécialité ou aller pratiquer au
privé.
M. Paradis (Lévis) : Vous le sentez.
Alors, vous sentez ce mouvement-là.
Mme Leblanc (Isabelle) : Le projet
de loi est sorti deux jours avant que les étudiants choisissent leur spécialité, et on a vu beaucoup moins de gens
appliquer en médecine de famille, beaucoup plus aller pour des
spécialités.
M. Paradis (Lévis) : J'y vais
rapidement, sans vouloir vous couper, parce qu'on a peu de temps.
Mme Leblanc (Isabelle) : Oui, oui.
M. Paradis (Lévis) : Mais vous
parlez aussi du fonctionnement, c'est-à-dire, vous dites : Le
fonctionnement va représenter une charge administrative significative. Donc,
vous imaginez qu'il y aura aussi comme conséquences des coûts à ça.
Expliquez-moi.
Mme Leblanc (Isabelle) : On n'a pas... Bien, apparemment, la RAMQ a
beaucoup de données, mais moi, je pense que, pour vraiment établir s'il y a
vraiment des quotas sur la vulnérabilité, ça va
prendre un fonctionnaire par
médecin pour vraiment
analyser quels sont les vrais critères de vulnérabilité. En ce moment, on en a
quatorze, et ils ne fonctionnent pas. La
moitié des patients vulnérables n'ont pas un de ces codes de vulnérabilité là.
Il y a des gens qui ne sont pas du tout vulnérables qui peuvent avoir un de ces codes-là. Si on commence à gérer
chaque patient en changeant... La trajectoire de vie peut vraiment varier, donc quelqu'un peut être non vulnérable un jour,
très vulnérable le lendemain. Je ne peux pas imaginer en termes de bureaucratie.. Ensuite, les médecins ne vont pas
être d'accord avec les coupes de 30 %, vont aller contester. Il va
probablement y avoir un fardeau en termes d'administration qui est impensable.
Peut-être qu'en ce moment on pense qu'il n'y en aura pas, mais, au quotidien,
je suis sûre qu'il va y en avoir un.
M. Paradis (Lévis) : Et je vous poserai une dernière question parce qu'il me reste à peu
près 40 secondes. Mais je salue le fait que vous parliez notamment de
l'accessibilité des examens d'imagerie par résonnance magnétique parce qu'on a sorti des chiffres récemment prouvant qu'il
y a 80 000 Québécois
qui sont en attente présentement. Donc, à travers vos solutions, corrigez-moi si je me trompe, vous favoriseriez aussi des ententes avec des cliniques
spécialisées affiliées au réseau public pour des examens ou des
chirurgies ambulatoires faisant en sorte qu'on puisse diminuer la pression?
Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, on pense que ça devrait être offert par le
public. Autant que possible, ça devrait être offert par le public. En période de transition, peut-être que ça
peut être couvert, mais c'est sûr que, si on ramène ça au public... Dr Barrette qui est radiologue, mon
patient qui doit attendre un an pour une échographie... Connaissez-vous
une raison médicale pour laquelle quelqu'un peut avoir besoin d'une échographie
après un an? C'est quelque chose de... Il n'y en a pas, n'est-ce pas? On est
d'accord. C'est quelque chose d'impensable.
M. Barrette :
...
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Ceci met fin... Ne compliquez pas ma tâche,
ne partez pas le ministre parce que je pense qu'il a le goût de répondre.
Alors, la parole est au collègue de Mercier pour 2 min 30 s.
M. Khadir :
J'ai le goût de laisser au ministre de répondre à ça.
Le Président (M.
Tanguay) : Voulez-vous ce...
M. Khadir :
Oui. Mais, juste une chose, je vais aussi poser une question. C'est complémentaire. Vous avez dit donc que le
problème d'accessibilité actuellement est fortement aggravé parce que,
quand le médecin de famille voit un patient
puis que, visite après visite, ce patient n'a pas obtenu le suivi
psychologique, n'a pas obtenu son test diagnostique, n'a pas eu sa consultation, bien, il engorge le
système, et il n'y a rien dans ce projet de loi qui puisse permettre de le
faire. Donc, répondre au ministre en me... Non. En fait, permettez-moi de
donner mon temps au ministre.
Le Président (M.
Tanguay) : Oui. M. le ministre. M. le ministre, la parole est à vous.
M.
Barrette : Oui. Alors, la réponse, c'est non, et, comme le
gouvernement, le Parti libéral s'est engagé, nous allons rendre publiques... ramener dans le secteur
public la totalité des échographies dès le retour à l'équilibre
budgétaire.
Des voix :
...
M. Khadir :
Mais là je rappellerai...
M. Barrette :
Ou même avant, potentiellement, mais ça demande quand même quelques
aménagements administratifs pour le faire, mais ça sera fait. C'est un
engagement.
Le Président (M.
Tanguay) : M. le député de Mercier.
M. Khadir :
D'accord. Pour ce qui est de la révision des primes et des AMP, êtes-vous au
courant de sondages qui disent combien de médecins parmi ceux qui sont
obligés, par obligation, de le faire resteraient quand même dans les
établissements hospitaliers, même si les AMP tombent?
Mme Leblanc
(Isabelle) : Moi, j'en ai vu un seul qui date d'il y a à peu près
quatre ans, et 85 % des gens continueraient
à faire une pratique hospitalière. Donc, il y a à peu près 15 % des gens
qui travaillaient à ce moment-là, qui sont sous le coup des AMP, qui
voudraient aller...
M. Khadir :
L'abolition des AMP ne causerait pas une catastrophe. Il y aurait une petite
migration qui pourrait être adaptée.
Mme Leblanc
(Isabelle) : Et mais ça devrait être planifié.
M. Khadir :
Planifié de toute façon.
Mme Leblanc (Isabelle) : C'est sûr
que, si on décide ça demain matin, il risque d'y avoir des problèmes.
Mme
Khadir (Saïdeh) : ...mais une certaine liberté dans certaines régions,
selon les priorités des gens sur place, de permettre aux gens qui le
veulent, de le faire. Mais je ne pense pas qu'une abolition...
M. Khadir : Très bien.
Mme Leblanc (Isabelle) : Et la
permission de faire de la prise en charge pour ceux qui le veulent.
M. Khadir : J'ai fini. C'est
bon. Merci. Pas besoin de prolonger les choses.
Le Président (M. Tanguay) : Il vous
reste 30 secondes.
M. Barrette : Mais je peux les
prendre, d'abord.
• (13 heures) •
Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, Dr
Barrette veut les prendre.
Le Président (M. Tanguay) : Si cela
termine, peut-être un mot de la fin. Je vous en prie.
M.
Livernoche (Francis) : Bien,
on revenait sur l'idée. Vous disiez deux idées maîtresses, on en a une
troisième, c'est vraiment... ça va avec qu'est-ce qu'on dit, outiller l'omnipraticien. Puis c'est quelque chose qu'on n'a pas beaucoup parlé,
mais toute l'informatisation,
améliorer la fluidité de l'information, c'est vraiment quelque chose qui va
sauver du temps, puis, pour répondre
à votre question, M. Barrette, un médecin qui passe moins de temps à faire de
la paperasse, à aller... à regarder ses laboratoires va voir plus de
patients. Donc, vous l'avez, votre résultat, là.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup.
Alors, compte tenu de l'heure, je suspends les
travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
(Reprise à 15 h 20)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes
présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
téléphones cellulaires.
Nous allons
donc poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le
projet de loi n° 20, Loi édictant
la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de médecine
spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière
de procréation assistée.
Je souhaite maintenant la bienvenue à la
représentante du Conseil québécois LGBT.
Vous disposez d'une période de 10 minutes
de présentation. Par la suite, vous aurez un échange avec les parlementaires. Peut-être bien prendre le soin de
vous présenter de même que de nous préciser vos fonctions, et, sans plus
tarder, la parole est à vous.
Conseil québécois LGBT
Mme
Greenbaum (Mona) : Merci beaucoup. Donc, je m'appelle Mona Greenbaum. En fait, je porte deux
chapeaux aujourd'hui. Je suis une administratrice au Conseil québécois LGBT,
qui est le groupe principal au Québec pour la défense des droits des personnes
lesbiennes, gaies, bisexuelles et trans, et je suis aussi la directrice de la Coalition des familles LGBT. Donc,
premièrement, je m'excuse d'avance parce que je suis un peu grippée, donc
je vais tousser un peu, malheureusement.
Donc, M. le
Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les parlementaires, merci de
votre invitation à venir présenter
notre mémoire. Dans les 10 minutes qui me sont allouées, je vais parler de
certains points clés de notre mémoire que vous avez reçu. En fait, il y
a quatre éléments principaux dans le projet de loi qui nous inquiètent.
Le premier
concerne l'interdiction pour les femmes de plus de 42 ans d'avoir recours
à la procréation assistée. Avec cet
article, le gouvernement rendra illégal l'accès de ces femmes au traitement de
fécondation in vitro, et ce, même si elles en défraient elles-mêmes les
coûts. De plus, il est prévu que les médecins qui aident ces femmes à obtenir
les traitements désirés à l'extérieur du Québec soient mis à l'amende.
De
manière générale, nous sommes en accord avec le principe selon lequel les
interventions médicales présentant un
taux de succès limité ne soient pas couvertes par des fonds publics ainsi
qu'avec le fait que toute procédure mettant potentiellement en danger la santé d'un enfant à naître soit interdite.
Il y a un déclin évident de la fertilité des femmes avec l'âge. Ceci dit, la santé reproductive de chaque
femme peut dépendre d'un grand nombre de facteurs. L'âge ne constitue qu'un de ces facteurs. C'est la raison pour
laquelle nous connaissons tous des femmes de plus de 42 ans qui ont
conçu et donné naissance à des enfants en
santé, parfois même sans recours à la procréation assistée. Nous estimons donc
que les femmes de plus de 42 ans devraient pouvoir être évaluées de
façon holistique par leur médecin et que l'accès à la fécondation in vitro devrait être permis dans les cas où la situation de
santé et le potentiel de fertilité de la femme sont considérés comme
raisonnablement prometteurs. Nous considérons donc que l'exclusion systématique
des femmes âgées de
plus de 42 ans constitue une discrimination médicalement et éthiquement
non justifiable et doit donc être enlevée du projet de loi.
Le
deuxième élément qui nous concerne est l'impact du crédit d'impôt proposé sur
l'accès à la parentalité. Comme vous
le savez, pour la communauté LGBT, la procréation assistée est l'option la plus
utilisée pour fonder une famille. Il y a très peu d'autres choix pour
nous. À cause des lois des pays d'origine, nous ne pouvons pas adopter des
enfants à l'international. L'adoption des
enfants québécois est très limitée aussi à cause du faible nombre d'enfants
adoptables au Québec et un processus qui est lourd et compliqué.
Il nous semble que
beaucoup de familles seront très désavantagées par le système de crédits
d'impôt. À titre d'exemple, un couple ayant
un revenu familial moyen québécois de 70 000 $ par année aurait accès
à des crédits d'impôt de 60 %.
Ainsi, si les coûts liés à la procréation assistée pour cette même année
étaient de 20 000 $, le couple devrait tout de même défrayer
8 000 $, un somme difficile à assumer pour un couple avec ce niveau
de revenus. Ajoutez à ça des frais de
déplacement et des journées d'absence au travail pour les couples qui vivent en
région, des médicaments et puis nous...
ce serait très cher. Nous aimerions que ces crédits d'impôt soient bonifiés
pour prendre en compte le lourd fardeau de tous ces coûts, sinon, nous
aurons un système où seulement les personnes riches auront la possibilité de
fonder une famille. De plus, étant donné que
le projet de loi propose qu'une proportion significative des dépenses liées à
la procréation assistée sera assumée par les futurs parents, nous
aimerions que le ministère de la Santé instaure des directives strictes afin
d'assurer le contrôle des frais associés aux différentes procédures médicales
et tests liés à la procréation assistée. En
effet, le Dr Pierre Miron a récemment prédit une hausse certaine des prix des
services procréation assistée dans les
cliniques privées en raison d'une baisse de volume. Dans Le Devoir, il a
dit : «Si le volume diminue, les coûts vont augmenter et les
patients vont devoir éponger.» De tels propos évoquent la possibilité
d'importantes variations d'une clinique à l'autre des coûts associés à la
procréation assistée.
La troisième chose
qui nous touche dans le projet de loi concerne les personnes transgenres de
notre communauté. Les personnes transgenres prennent de plus en plus leur place
dans notre société. Elles ont de plus en plus
une visibilité et une reconnaissance sociale au Québec. Le diagnostic de
dysphorie de genre, des fois attribué aux personnes transgenres, est largement reconnu par la communauté médicale.
La réassignation sexuelle, ou changement de sexe, s'est avérée bénéfique et efficace dans le traitement de certains
individus avec un diagnostic de dysphorie de genre. Certaines personnes trans vont avoir des
chirurgies et prendre des hormones pour aligner leur corps au genre
ressenti. D'autres vont juste prendre des
hormones. Toutes ces procédures peuvent engendrer la stérilité. Parce que les
interventions chirurgicales et hormonales
sont essentielles pour les personnes trans, les organismes médicaux reconnus à
l'international recommandent que les
personnes entamant un changement de sexe fassent l'objet d'un suivi en
fertilité et qu'elles puissent préserver leurs gamètes.
Le
projet de loi n° 20 prend compte des services requis à des fins de
préservation de la fertilité déterminés par règlement. Avec cet article, le gouvernement propose de couvrir les
dépenses de toute personne dont l'infertilité résulte des traitements médicaux. L'exemple donné est
celui d'une personne atteinte du cancer, qui doit suivre des traitements
de chimiothérapie qui la rendront infertile. La Coalition des familles LGBT
recommande que le gouvernement, dans ses règlements liés à cet article, inclue
les personnes trans dans la couverture de la préservation de la fertilité.
Finalement,
nous sommes en accord avec l'idée selon laquelle un médecin qui aurait des
raisons justifiables de soupçonner
qu'une personne ou qu'un individu ne possède pas les capacités parentales
nécessaires pour élever un enfant puisse
demander qu'une évaluation psychosociale soit effectuée. Nous croyons toutefois
que ce type d'évaluation, qui s'étend habituellement sur plusieurs
semaines ou même des mois, ne devrait pas être obligatoire pour tout couple ou
individu ayant recours à un don de gamètes. De toute évidence, dans le cas des
personnes LGBT ayant recours à la procréation
assistée, il existe toujours le besoin d'un don de gamètes. Exiger une
évaluation psychosociale de toute personne ayant ce besoin équivaudrait
à cibler systématiquement les minorités sexuelles.
De
plus, il existe des inquiétudes au sein de la communauté LGBT à l'effet que des
psychologues ou des travailleurs
sociaux inadéquatement formés puissent considérer une famille avec parents LGBT
déficiente par définition. Nous
considérons qu'avec cet article les personnes LGBT deviendront le sujet d'un
profilage. De nous soumettre à des évaluations psychosociales sans
raison serait non seulement une discrimination, mais aussi une atteinte à notre
dignité. La seule discrimination justifiable
d'un point de vue éthique pour restreindre l'accès aux services de
procréation assistée est celle fondée sur le
bien-être de l'enfant. Or, il n'y a aucune donnée scientifique qui puisse
mettre en doute le bien-être des enfants issus et élevés au sein des
familles LGBT. Les recherches sur nos familles ont d'abord porté sur l'évaluation de la capacité des personnes LGBT à
être parents. Elles ont également évalué le développement psychosocial
et émotif des enfants dans leurs familles.
Finalement, elles ont évalué l'expérience sociale de ces enfants avec d'autres
jeunes et avec les adultes.
• (15 h 30) •
En bref, aucune de
ces pistes de recherche ne constate l'existence de différences significatives
entre nos familles et celles de la majorité.
Les parents sont aussi compétents, les enfants sont aussi épanouis. Il n'y a
donc aucune donnée probante qui justifie une discrimination quant à
l'accès à la parentalité basée sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, et donc aucune raison d'exiger une évaluation psychosociale pour 100 % de notre communauté. Le Québec est
connu mondialement pour son ouverture envers les minorités sexuelles. Des
évaluations psychosociales ciblant
100 % de notre communauté seront une tache dans l'histoire des personnes
LGBT québécoises. Dans la situation actuelle, les couples ou les
individus ayant recours au don de gamètes ont accès à une session de suivi
psychologique d'une heure au cours de
laquelle il est question du fait que l'enfant n'aura pas de connexion génétique
commune avec au moins un des deux parents. Nous considérons ce système
approprié et adéquat dans la plupart des circonstances.
En conclusion, même si le projet de loi part
d'une bonne intention et comporte plusieurs aspects positifs, il comporte quand
même des risques importants pour les minorités sexuelles. Merci de votre
attention.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, nous
allons débuter la période d'échange, et je cède la parole au ministre de
la Santé et des Services sociaux pour 18 min 30 s.
M. Barrette : Merci, M. le
Président. Alors, madame, bienvenue à cette commission parlementaire.
Écoutez, je
vais commencer par faire une remarque générale. L'évaluation psychologique n'a
absolument aucun lien avec
l'orientation sexuelle des couples ou des individus, et j'irais même jusqu'à
dire que, dans l'expérience du moins du
Québec, et je suis convaincu que c'est l'expérience internationale, lorsque ces
évaluations-là... surtout dans le temps qu'il y avait des crédits d'impôt, ces évaluations-là se faisaient assez
régulièrement, la communauté LGBT était toujours parmi les plus, entre guillemets, là, performantes dans les évaluations
de capacité de parentalité. Alors, je peux vous dire que non seulement,
de notre côté, il n'y a pas d'intention ou de profilage de quelque nature que
ce soit, mais l'expérience montre qu'au
contraire, disons, si on met ça de façon générale, là, les évaluations
pointaient beaucoup... assez rarement vers une problématique réelle dans votre communauté, ce qui, j'espère, va
vous rassurer. Alors, les évaluations ne sont pas faites pour faire du profilage, et, dans le milieu de la
fertilité ou de l'infertilité, c'est un élément qui est très connu, et je
vois difficilement... Je comprends votre
inquiétude, mais je vois difficilement comment ça pourrait se matérialiser.
Maintenant, à l'opposé, à l'adoption, pour
ceux qui arrivent à passer dans ce processus-là, il y a ça, il y a cette
évaluation-là. Ce serait assez difficile de justifier d'un côté et de ne
pas justifier de l'autre.
J'aimerais ça que vous reveniez et que vous
élaboriez un petit peu plus sur la suggestion que vous faites à propos des crédits d'impôt. Je comprends que vous
ne contestez pas ou du moins vous avez un certain niveau d'acceptation de l'approche du crédit d'impôt, mais vous
considérez que le crédit, ce n'est pas à la bonne hauteur. Alors, quelle
serait la bonne hauteur, d'après vous?
Mme Greenbaum (Mona) : En fait, je
ne suis pas économiste, mais ce que je peux dire, c'est que c'est sûr qu'avec les crédits d'impôt offerts ça va éliminer
l'accès à une grande portion de notre communauté parce que les frais
vont être très élevés, et puis on sait qu'à travers les années, en fait depuis
l'année... au début des années 2000, c'est une valeur de notre société de permettre aux gens d'avoir des enfants. On a
vu, avec différents gouvernements, libéral, Parti québécois, une hausse
progressive des subventions gouvernementales, avec la procréation assistée,
jusqu'à 100 % récemment, depuis 2010,
et puis donc là on va revenir à quelque chose qui, en fait, est pire que ce
qu'on avait avant 2010. Donc, il y
aura beaucoup de gens qui ne vont pas avoir accès du tout, et ça, c'est
particulièrement vrai pour les gens qui vivent en région. En plus d'avoir ces frais à payer, ils vont être
obligés de payer les médicaments qui ne sont pas couverts, ils vont être obligés de payer des frais de
déplacement. Donc, moi, j'aimerais que ce soit comme beaucoup bonifié,
sinon qu'on garde le même système en place, c'est sûr.
En termes de l'évaluation psychosociale, je vous
comprends que vous êtes... que vous ne profilez pas notre communauté par exprès, mais, par contre, le
résultat sera que 100 % de notre communauté va être obligée de passer à
travers une évaluation très lourde. Donc, je me demande pourquoi c'est juste...
L'objet de ça, c'est juste les personnes qui reçoivent
des dons de gamètes. Est-ce que notre capacité parentale est plus en question
qu'un couple hétérosexuel qui arrive
dans une clinique qui utilise leur propre gamète? Parce qu'une évaluation
psychosociale — j'ai
vérifié sur le site Web de
l'association des travailleurs sociaux, l'ordre des travailleurs sociaux et
l'Ordre des psychologues — donc, ça exige au
minimum deux rencontres avec le couple, une rencontre avec chaque membre du
couple, une visite à domicile. Il y a
aussi dans ça un recueil de données personnelles, des références, formulaires
médicaux, preuves d'emploi, état des revenus,
preuve de résidence, vérification des dossiers judiciaires, etc. Aussi, ça va
être des coûts qui vont être, j'imagine, assumés par les couples ou les
individuels. Donc, ça, si on paie déjà 150 $ à 200 $ pour une
rencontre avec une psychologue pour un suivi
d'une heure, donc j'imagine que ça va être dans l'ordre de 2 000 $.
Et puis pourquoi est-ce que notre
capacité parentale soit soupçonnée d'être moins bonne que des parents qui ont
des liens génétiques avec leurs enfants?
Alors, ça, c'est ma question. Je pense que, si
vous voulez que tous les couples en fertilité soient évalués, tous... qui reçoivent les donneurs de gamètes et
que vous voulez êtes vraiment transversaux, donc je vous suggère que
vous appliquiez ça à tout le monde et pas
juste aux personnes qui reçoivent des dons des gamètes. Et puis, en plus,
pourquoi ne pas demander ça à tous les
Québécois en général, une évaluation psychologique? Je me demande pourquoi
est-ce qu'on serait sujets à cette évaluation.
M.
Barrette : O.K. Je prends bonne note de vos commentaires. Maintenant,
je vais vous avouer que vous m'avez surpris quant à votre questionnement
sur les transgenres. Techniquement, de mémoire, ce n'est pas exclu dans le
projet de loi.
Mme
Greenbaum (Mona) : Non, pas
du tout, c'est juste... Notre idée dans ça, ce n'était pas que vous
proposez qu'ils soient exclus, mais c'était juste pour assurer qu'ils soient
inclus. Donc, de ne pas oublier, parce que j'espère que ça va compter dans ça. Parce que c'est sûr que la dysphorie de gens,
c'est un diagnostic médical. Et puis, pour les personnes qui vont suivre des traitements d'hormones ou qui vont avoir
des chirurgies, ça peut les rendre stériles. Donc, on espère que ça soit
couvert, juste comme les personnes qui vont suivre des traitements de chimio.
M. Barrette : Bien, écoutez, vous
avez compris que, dans le projet de loi, il y avait un aspect de protection de fertilité dans certaines circonstances, là. Et
je pense que, manifestement, ça peut être inclus implicitement dans
cette catégorie-là. Alors, ce n'était pas non plus l'intention du projet de loi
d'exclure un certain nombre d'individus.
Mme Greenbaum (Mona) : O.K. Parfait.
M. Barrette : Pour la
question du 42 ans, vous considérez que ça s'applique intégralement de la même
manière chez les couples de la communauté LGBT?
Mme Greenbaum (Mona) : Oui et peut-être même un peu plus, parce que,
pour nous, c'est sûr que nos enfants n'arrivent pas juste comme ça.
Donc, l'âge moyen de procréation est peut-être un peu plus tard que la
population en général. Donc, il y a des
personnes qui vont commencer à penser à fonder leur famille un peu comme des
personnes un peu plus âgées, mais, oui, ça nous touche comme les autres,
oui.
M.
Barrette : Mais vous considérez que c'est un problème suffisamment
significatif pour s'y adresser du point de vue de votre communauté?
Mme Greenbaum
(Mona) : Oui, oui.
M. Barrette :
Vous n'avez pas fait de commentaire — ou j'ai mal saisi — sur
la nécessité, parce que c'est une chose que
l'on a mise spécifiquement dans le projet de loi, de passer par l'insémination
avant la FIV spécifiquement pour les couples lesbiens. Ça, avez-vous des
commentaires critiques à formuler ou ça vous va?
Mme Greenbaum (Mona) : Bien, s'il n'y a pas comme un problème
physiologiquement reconnu, donc, oui, je pense, en fait, c'est dans
notre façon de voir les choses qu'il y ait l'intervention médicale la moindre
possible.
• (15 h 40) •
M.
Barrette : Parce qu'il est probablement statistiquement pas mal moins probable que les deux membres du
couple femme-femme soient les deux infertiles.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui, c'est vrai, mais ce n'est pas toujours
les deux femmes qui veulent porter un enfant. Ça peut être le cas, mais
ce n'est pas le cas dans toutes nos familles.
M. Barrette :
Oui, mais là, à un moment donné, on rentre dans une zone grise.
Mme Greenbaum
(Mona) : Dans une?
M. Barrette :
Une zone plus grise.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui, mais ce n'est pas... Comme pour tout le
monde, comme dans la communauté hétérosexuelle,
ce n'est pas toutes les femmes hétérosexuelles qui veulent porter un enfant.
Des fois, ça peut marcher...
M. Barrette :
Pour avoir un enfant, ils n'ont pas le choix de passer par là, là.
Mme Greenbaum
(Mona) : Oui, oui, c'est vrai, mais, dans un couple lesbien, on a le
choix, et des fois, pour diverses raisons,
c'est seulement une des deux femmes qui veut porter l'enfant, même si les deux
veulent devenir parents. Mais, oui,
en théorie, il y a certains couples lesbiens où les deux peuvent avoir une
chance de porter l'enfant, mais ce n'est pas vrai pour tous les couples.
M. Barrette :
Là, je vais vous avouer que c'est un sujet qui est peut-être sensible, mais
avec lequel j'ai une certaine difficulté,
parce que, sur le plan de l'accès à la parentalité, et là je vais le dire avec
le plus de délicatesse possible, vous
avez la chance d'avoir deux possibilités, dans votre couple, d'avoir un enfant,
et là il me semble que ça ne devrait pas
être une question de choix : Qui porte? Qui ne porte pas? C'est : Qui
peut porter? Si c'est les deux, tant mieux, si c'est une, bon, il y en a
au moins une des deux, là.
Mme Greenbaum
(Mona) : Oui, et c'est souvent le cas que, si ça ne fonctionne pas
pour une, donc, l'autre, si elle n'est pas
trop âgée ou si elle n'a pas un problème de fertilité, peut comme essayer.
Donc, dans plusieurs couples, j'ai vu ça, mais je ne peux pas dire que
c'est vrai pour 100 % des couples.
M. Barrette :
Actuellement, en termes d'accès, vous n'avez pas de problème dans votre
communauté?
Mme Greenbaum (Mona) : Non. Majoritairement non. C'est sûr qu'il y a un
manque de sensibilisation des fois parmi
certains médecins. Donc, des fois, on peut rencontrer un médecin qui est moins
à l'aise avec notre communauté, mais en général ça va bien.
M.
Barrette : O.K. Alors, bon, ça me va. J'ai vu la liste de vos
recommandations. Essentiellement, il y a des choses là-dedans qui sont déjà prévues dans le projet de
loi, et ça, on est bien d'accord avec ça. Je reçois quand même de façon intéressée les critiques que vous faites. On va
les prendre en considération, certainement. Je vous remercie. Je n'ai
pas d'autre question, M. le Président.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous cédons maintenant la
parole à notre collègue de Taillon pour 11 minutes.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour,
Mme Greenbaum. Bienvenue à la commission parlementaire.
D'abord, je souligne, dans votre mémoire, le fait que vous commenciez par
mettre en évidence un certain nombre d'éléments sur lesquels vous êtes
d'accord avec le projet de loi, et ça correspond tout à fait à notre vision,
c'est-à-dire qu'il y avait besoin de certaines balises, et vous les traduisez
très bien.
Par
contre, certains éléments qui sont inclus nous questionnent beaucoup. Ce matin,
j'ai questionné le ministre entre autres
sur le sort réservé aux femmes de plus de 42 ans, l'accès, mais même le fait de
rendre illégal le recours à la fécondation
in vitro. Le ministre a semblé avoir de l'ouverture. Alors, je vous invite
à suivre l'adoption article par article ensuite, quand on arrivera, pour
voir si ça va se concrétiser, mais, de ce côté-ci, on a l'impression qu'il y
avait une ouverture du côté du ministre.
Dans
la section qui suit, vous parlez des crédits d'impôt, et vous avez une mise en
situation avec un revenu familial moyen
de 70 480 $, mais, où je suis un peu étonnée, c'est quand vous parlez
des coûts. Vous les estimez à 20 000 $. C'est un peu plus
élevé que ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant, là, par l'association des
gynécologues et obstétriciens. Peut-être que vous pouvez nous présenter un
petit peu comment vous arrivez à ce montant-là.
Mme Greenbaum (Mona) : Honnêtement, c'est un chiffre rond. Donc, je n'ai
pas calculé, mais c'était comme selon
le constat que, comme les prix pour les FIV peuvent varier énormément, ce qu'on
a vu, entre 5 000 $ et 8 000 $, et que ça peut
prendre plus qu'une FIV pour devenir... pour tomber enceinte, en plus les
médicaments, les tests, tous les autres frais
associés à ça, donc je pense que, même si on envisage un certain nombre de FIV
et puis des tests, le montant peut monter assez vite, mais c'est...
Mme Lamarre :
Même si on coupait les frais de moitié, ça reste quand même des coûts importants
pour les personnes qui souhaitent... Là, il faut défrayer l'équivalent de 4 000 $
selon vos calculs et selon ceux aussi auxquels on arrive. Qu'est-ce qui serait la meilleure façon d'aller chercher une
contribution? Vous faites référence, là, à peut-être des versements anticipés ou une façon de rassurer les
gens sur le fait qu'ils vont avoir accès rapidement et au bon moment à
cet argent pour leur garantir que... éviter qu'ils aient à l'économiser à
l'avance?
Mme Greenbaum
(Mona) : Bien, même avec les versements anticipés, c'est quand même
très lourd comme fardeau comme de penser que ça va coûter plusieurs mille
dollars par année. Donc, c'est sûr que, sans les versements anticipés, la majorité des gens ne vont pas avoir
la liquidité nécessaire pour payer. Donc, ça, c'est important. Mais,
quand même, ça reste très dispendieux pour
la majorité des familles au Québec. Et puis je vois ça déjà dans ma
communauté. Il y a des familles qui sont en
grand rush pour faire leur rendez-vous parce qu'ils savent que, l'année
prochaine, si le projet de loi passe,
ils ne vont pas être capables de former leur famille. Donc, ça va mettre un
grand x sur leur projet parental parce que, pour nous, il n'y a pas
beaucoup d'autres choix.
Mme
Lamarre : Donc, vous entendez, au sein de la communauté LBGT, vraiment
une urgence, là, de se prévaloir de ça avant l'entrée en vigueur du
projet de loi n° 20.
Mme Greenbaum (Mona) : C'est ça. Et puis, en plus, les gens qui ont déjà
un enfant sont en panique parce que les crédits d'impôt ne vont même pas être... la proposition qu'ils ne soient
pas offerts aux personnes pour un deuxième enfant. Et puis donc là ça
rendra le plan de leur famille impossible.
Mme
Lamarre : O.K. Vous avez parlé de l'évaluation psychosociale.
Effectivement, on peut se demander quel est l'objet de l'évaluation psychosociale. J'ai lu, par d'autres
regroupements, que, dans le fond, ça s'appliquait, par exemple, à... l'évaluation était pertinente dans le cas d'une
parenté naturelle parce que les gens devaient faire le deuil d'une
parenté naturelle qu'ils avaient anticipé,
alors que, dans le cas des personnes LGBT, des familles LGBT, bien, c'était
déjà conçu et pensé qu'elles auraient
besoin d'avoir accès à la procréation médicalement assistée. Est-ce que c'est
la seule raison que vous voyez pour l'évaluation psychosociale?
Mme Greenbaum
(Mona) : Je pense à... Actuellement, il y a un suivi psychologique
d'une heure, et puis c'est, en fait, pour
soutenir les couples dans ça. Parce que ce que je crois, c'est que la majorité
des couples hétérosexuels qui entrent
dans une clinique de fertilité entrent en pensant que les médecins vont réussir
à mettre leurs gamètes ensemble pour faire
l'enfant, et puis, de temps en temps, ça ne fonctionne pas. Donc, ils ont
besoin de prendre cette nouvelle... d'adapter à cette nouvelle, et puis
le suivi d'une heure d'un psychologue les aide à dealer avec ce deuil-là.
Nous,
la communauté LGBT, on entre dans les cliniques déjà très heureux. On n'assume
pas qu'on va faire des bébés avec nos gamètes ensemble, ça, c'est sûr.
Donc, est-ce qu'on a besoin de ce soutien-là? Moi, je ne crois pas. Honnêtement, même le suivi d'une heure... Les
membres de ma communauté me disent que c'est le fun. C'est une rencontre
d'une heure, et puis on discute. Donc, c'est
vu comme un soutien, mais certainement, dans une heure, ce n'est pas une
évaluation : c'est un soutien, et aucun
psychologue ne peut évaluer notre capacité parentale dans une heure. Donc,
une vraie évaluation psychosociale, c'est
quelque chose d'extrêmement rigoureux, et puis ce n'est pas indiqué pour nous,
et puis moi, je crois... non plus, ce
n'est pas indiqué pour les couples hétérosexuels, à moins qu'ils disent :
Je suis très mal à l'aise parce que
mon enfant ne va pas avoir un lien génétique avec moi. Mais normalement, rendus
à ce point, après plusieurs années d'essais, même les couples
hétérosexuels, je pense, seraient à l'aise à accepter cette nouvelle-là. Donc,
est-ce qu'ils ont besoin d'être évalués? Je
comprends qu'il y a eu des problèmes dans certains hôpitaux, certains patients
qui étaient acceptés qui ont dû ne pas être acceptés dans le programme,
mais c'est très minimal, ça, et il n'y a pas comme une énorme quantité des gens
qui étaient acceptés qui n'auront pas dû avoir des enfants.
Donc,
pourquoi, à cause de ces problèmes, ces petits problèmes, qui étaient
médiatisés, mais qui ne représentent pas la majorité, est-ce qu'on va
être tous obligés de suivre une vraie évaluation psychosociale? Pour moi, ça ne
fait aucun sens du tout.
• (15 h 50) •
Mme
Lamarre : Vous dites qu'actuellement il y a déjà, en fait, une période
de soutien, que vous appelez, qui n'est
pas vraiment une évaluation, mais d'une heure, qui est obligatoire. Est-ce qu'à
votre connaissance il y a déjà des couples
LGBT qui ont été refusés dans leurs démarches de procréation médicalement
assistée à la suite de cette évaluation-là?
Mme
Greenbaum (Mona) : Moi, je
suis la directrice de cet organisme depuis une vingtaine d'années, et
puis on a accès à la procréation assistée depuis 2001, 2002, je n'ai jamais
entendu qu'une personne soit refusée. Donc là, de les obliger de faire l'évaluation psychosociale, je crois que c'est une perte de
temps, une perte d'argent aussi. Ça
va «delayer» comme... ça va retarder un processus où les gens sont déjà un peu
comme dans le rush, parce qu'avec... La fertilité
est de moins en moins présente avec l'âge. Et puis, si les travailleurs sociaux
ne sont pas disponibles pour nous tout de suite pour des rendez-vous,
pour les quatre, cinq rendez-vous que ça va prendre, ça peut retarder le
processus pour un autre an.
Donc, moi, je
trouve que ce n'est pas du tout indiqué ici pour la communauté LGBT et puis
pour la grande majorité des personnes
hétérosexuelles aussi qui ont besoin des dons de gamètes. Je ne vois pas
pourquoi... Je comprends, si un médecin
ou le psychologue a l'idée que les personnes devant lui sont vraiment
farfelues, donc là on peut suggérer une évaluation psychosociale, mais
pourquoi commencer avec ça a priori? Pour moi, ce n'est pas logique.
Mme
Lamarre : Vous verriez peut-être deux étapes, la rencontre de soutien
psychologique et, sur référence, une évaluation psychosociale
ultérieure? Ce serait plus comme ça comme vous le verriez?
Mme Greenbaum (Mona) : Mais ça peut
être comme ça si c'est vu comme un problème, si on a une raison justifiable de soupçonner qu'il y a un problème.
Donc, ça, ça pourrait être une façon. C'est sûr que, si, comme par
exemple, une portion de notre communauté
sera ciblée systématiquement par les psychologues, comme par exemple les
personnes trans vont être suggérées d'aller tout le temps vers l'évaluation
psychosociale, donc on va voir ça encore comme un profilage. Mais moi, je crois que, dans certains cas, pas dans la
communauté trans nécessairement, mais en général, pour la société québécoise, il peut y avoir une raison
pour une évaluation psychosociale, mais pas pour un groupe spécifiquement, oui.
Mme Lamarre : Déjà que les besoins
en évaluation psychosociale sont nombreux pour beaucoup d'autres personnes dans
la société.
Mme Greenbaum (Mona) : C'est ça.
C'est un système qui est déjà très chargé.
Mme
Lamarre : Vous faites référence au registre, et ça, beaucoup de gens
en ont parlé dans leurs mémoires, mais on
n'a pas beaucoup de temps pour en parler dans nos questions. Alors, je vais...
Il me reste une minute, mais je vais vous la laisser. Quels sont les
avantages pour vous d'avoir ce registre?
Mme Greenbaum (Mona) : Bien, c'est
ça, il y a eu... Juste en général, comme...
Mme Lamarre : Parce qu'il était
prévu dans le projet de loi et il ne s'est jamais concrétisé.
Mme
Greenbaum (Mona) : Oui,
c'est ça. Mais, en général, nous, nous avons beaucoup de revendications
en termes de la procréation assistée. C'est
un grand enjeu social qui affecte beaucoup, beaucoup de Québécois et
Québécoises. Donc, on trouve ça triste qu'on
est comme limités à faire des commentaires sur seulement les choses qui sont
dans le projet de loi, et puis il y a tellement d'autres enjeux
importants comme le registre.
Et puis, en
fait, on a deux revendications autour d'un registre : premièrement, un
registre pour suivre les traitements dans
la procréation assistée pour assurer... qu'il réussit, donc pour mesurer le
taux de succès, et aussi les impacts à court, à moyen et puis à long
terme sur les femmes qui portent les enfants et puis sur leurs enfants, et que
ce registre soit publiquement accessible.
Donc, ça, c'est un type de registre qu'on aimerait voir, parce que, pour nous,
comme personnes qui utilisent ces traitements, on n'a aucune idée,
honnêtement.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Merci beaucoup. Nous devons maintenant
céder la parole à notre collègue de Lévis pour
7 min 30 s.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le
Président. Bienvenue, Mme Gauthier. Merci d'être là. Je vais vous
permettre de continuer. Parce que vous disiez, évidemment, en marge du projet
de loi n° 20... puis j'y reviendrai un petit peu, mais, je veux dire, vous avez aussi... puis vous avez présenté des
revendications ou des propositions qui vont au-delà du projet de loi et
du dossier de la procréation assistée dans le projet de loi. Notamment, vous y
étiez avec les registres. Alors, je vous laisse la possibilité de poursuivre un
petit peu sur l'importance de cet outil-là pour vous.
Mme
Greenbaum (Mona) : Merci.
C'est très gentil. Donc, l'autre aspect de ce registre, et puis c'est une
grande... c'est un discours qu'on a, une discussion qu'on a dans notre société,
c'est pour que les enfants peuvent avoir accès à leur
origine génétique. Donc, la situation actuelle, c'est que les donneurs de
gamètes, les donneurs de sperme ou les donneurs d'ovules, sont anonymes pour la
grande majorité des cas. Donc, nous, nous aimerions que le système soit changé pour qu'on puisse avoir accès à des
donneurs à identité ouverte comme on a... On a un système comme ça aux
États-Unis. Et puis, aux États-Unis, quand les enfants auront 18 ans, s'ils
veulent avoir contact avec... ou avoir des informations sur le donneur, ils
peuvent contacter la clinique de fertilité et puis, la clinique, les mettre en
contact.
Donc là,
nous, on veut un registre centralisé avec les informations sur les donneurs
de gamète. Donc, si un enfant veut
avoir des informations médicales, génétiques, «whatever», sur le
donneur, donc il peut avoir accès. Donc, ça, c'est comme une autre de
nos revendications...
M. Paradis
(Lévis) : Permettez-moi, Mme
Gauthier, sur ce dossier-là, parce que vous en parlez en page 9 de votre
mémoire, l'accès aux informations médicales
et génétiques sur les donneurs et donneuses de gamètes, parce que vous
dites que, de toute façon, il y a, et c'est
ce que vous écrivez, quand même... Il y a des gens qui y auront recours à... ou
iront aux États-Unis pour justement être en mesure d'avoir ces informations-là
qu'on souhaiterait avoir ici, au Québec. Vous avez, chez vous, dans la
communauté LGBT, des gens qui font cette manoeuvre-là?
Mme
Greenbaum (Mona) : Oui,
c'est ça parce qu'au Canada les
donneurs sont, par définition, anonymes, mais il y a comme une façon un
peu de contourner ça parce que nous, dans notre communauté et puis, je pense,
de plus en plus dans la communauté des
parents hétérosexuels, on pense que c'est important de donner cette possibilité
à nos enfants d'avoir accès à leur
origine génétique. Donc, nous, la façon comme de contourner ce manque d'accès,
c'est d'acheter du sperme de ce qu'on
appelle des donneurs à identité ouverte, des banques de sperme américain. Donc,
dans ça, on est obligés de payer les frais pour les échantillons de
sperme, mais, quand même, on pense que ça vaut la peine parce que c'est
important pour nos enfants d'avoir accès.
M. Paradis
(Lévis) : Je reviendrai sur
un autre phénomène, puis vous abordez
aussi ce thème, puis je vais me garder
quelques secondes pour parler davantage aussi... Je vais revenir sur
l'évaluation psychosociale et toute la notion de paiement et de crédit d'impôt que vous questionnez. Vous parlez aussi
d'un petit dossier. Vous abordez la gestation pour autrui, une pratique
qui existe au Québec, et vous voudriez aussi, dans votre document, proposer des
choses.
Mme
Greenbaum (Mona) : Je sais
que, comme il y a un manque d'encadrement légal autour de la gestation
pour autrui au Québec... Il y a juste une
chose qui dit que les contrats entre mères porteuses puis les parents
«intendés» ne sont pas légalement
reconnus. Donc, ce que ça fait, c'est que, des fois, comme on a eu récemment au
Québec dans un couple hétérosexuel, à
la première instance, la mère «intendée» n'était pas reconnue par le juge, donc
le père biologique, son conjoint, était légalement reconnu. La
gestatrice a renoncé à ses droits parentaux, mais, quand c'était le temps que
la deuxième personne, la conjointe du père
soit légalement reconnue, le juge a refusé, donc l'enfant s'est trouvé juste
avec un parent légal. Donc là, c'est allé en
Cour d'appel, et puis finalement la mère a eu sa reconnaissance légale comme
parent.
Mais ça met
en danger ça. Ça, c'est juste une jurisprudence, donc on pense qu'il doit y avoir,
comme ailleurs au Canada, des
contrats avec les mères porteuses qui protègent les mères porteuses, ça va
protéger aussi les donneuses d'ovule, ça
protège les futurs parents et puis ça protège particulièrement l'enfant d'avoir
des contrats en place, parce qu'on a tous entendu des histoires où comme, par exemple, l'enfant est né handicapé
et les parents «intendés» ne veulent pas le prendre ou, contrairement
à... Il y a des cas où, par exemple, un homme donne son sperme, il veut devenir
parent, et puis la gestatrice dit à la
fin : Je veux garder l'enfant. Donc là, c'est l'enfant qui se trouve en
garde partagée. C'est compliqué, donc on
ne peut pas ignorer que cette pratique existe et puis que ça va continuer à
exister. La situation actuelle, ce qui arrive, c'est qu'il y a un
tourisme reproductif parce que les gens vont aller ailleurs au Canada ou aux
États-Unis.
Donc, il faut
légiférer sur ça, mais c'est un enjeu social qui est compliqué. Donc, ce qu'on
a demandé... je sais que c'est un
enjeu légal, mais nous, on a demandé au ministère de la Santé d'avoir une
consultation publique. Ça, c'est juste un des aspects liés à la
procréation assistée. Donc, pour nous, ça ne fait pas de sens qu'un grand sujet
comme ça, la procréation assistée, soit
attaché à une autre loi qui est très importante, et puis il y a peut-être trois
ou quatre personnes qui présentent sur ça, et puis on met ça à côté.
M. Paradis (Lévis) : Je comprends,
et là je reviens sur l'élément, parce qu'on s'éloigne un peu du projet de loi n° 20, puis pas tant que ça non plus
parce que, dans la mesure... Ce que vous êtes en train de me dire, c'est que
vous auriez souhaité qu'on scinde le projet de loi pour être en mesure de
traiter de la question de la procréation assistée, ce qui aurait permis
davantage d'avancer plutôt que de faire en sorte que les deux sujets, quelque
part, se confrontent.
• (16 heures) •
Mme
Greenbaum (Mona) : C'est ça. Moi, je pense que le sujet disparaît
dans la plus grande discussion autour des quotas avec les médecins. Donc, on n'a pas un temps suffisant pour
discuter de quelque chose qui est tellement
important, qui affecte de plus en plus les familles québécoises, et il y a tellement
d'enjeux autour de ça, et puis on a comme 15, 20 minutes à discuter de ça.
M. Paradis (Lévis) : Je compléterai
en vous demandant, et en revenant sur le projet de loi n° 20, ce que vous me dites, si je vous comprends bien, c'est que,
dans sa facture actuelle, c'est-à-dire dans ce qui existe présentement, ça demeure, à vos yeux, pour la communauté
et en général, la meilleure façon de faire. Vous craignez donc la modification
du mode de remboursement des crédits d'impôt, parce que vous me dites qu'actuellement vous sentez dans la
communauté une espèce d'urgence d'aller justement consulter, parce que, sinon, il
y a des projets parentaux qui vont tomber.
Mme
Greenbaum (Mona) : Oui,
mais, c'est sûr, je ne sais pas si on doit garder le système
actuel, moi, j'aimerais ça, c'est sûr, là, on trouve que ça marche bien
pour la grande majorité des familles...
M. Paradis
(Lévis) : Alors,
permettez-moi... Je m'excuse de vous couper, mais, si on voulait avoir quelque chose pour justement faire en sorte qu'on puisse... qui coûte moins
cher, c'est-à-dire, quelles seraient les balises, ou qu'est-ce
que vous pourriez apporter, ou la suggestion
pour faire en sorte qu'on puisse économiser sans couper le projet
parental de parents?
Mme
Greenbaum (Mona) : Mais il y a
des modèles ailleurs. Donc, encore, comme j'ai dit à M. Barrette, je ne
suis pas économiste, mais, par exemple, au moins, comme subventionner un cycle
de FIV pour chaque enfant, de ne pas limiter
ça à un enfant, peut-être de bonifier des crédits d'impôt. Il y a
plusieurs façons. C'est sûr que je n'ai pas la solution, mais je crois que c'est une valeur de notre société
d'aider les personnes à fonder une famille, et puis il y a même certains économistes qui vont
dire que de créer des enfants, à long terme, ça va bénéficier économiquement
notre société. Donc, c'est une solution à court terme de couper ce programme-là,
mais, à long terme, pour nous, ce n'est pas une solution, et puis c'est
sûr que ça va empêcher beaucoup de gens de fonder leurs familles.
M. Paradis (Lévis) : Merci.
Mme Greenbaum (Mona) : Merci.
Le Président
(M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, à la demande de notre collègue de Mercier, il vous a permis de compléter votre
réponse. Pour 2 min 30 s, collègue.
M. Khadir : On sait que,
depuis une quinzaine d'années, différentes mesures de nature sociale, mais
aussi législatives ont permis de reconnaître, d'abord, les droits de la communauté
LGBT; ensuite, il y a eu plusieurs, aussi, améliorations
dans toutes sortes de législations entourant l'adoption, entourant l'aide à la
fertilité, appelons-le comme ça. Vous
avez parlé des problèmes, des quatre problèmes essentiels que présente ce projet de loi pour la communauté
LGBT ou plus en général. Maintenant,
si on devait compléter... Parce qu'on
voit que la parentalité, par les exemples que vous avez donnés, la parentalité, la notion de parent est en
évolution dans la société, et les lois, les dispositions législatives n'accompagnent pas cette évolution pour mieux le
baliser, l'encadrer. Si vous aviez à compléter des mesures, c'est-à-dire,
on vous disait : À la place du
ministre, écrivez-nous dans un projet de loi quelques éléments... incluez dans
le projet de loi quelques éléments qui vont venir compléter ce qu'on a
fait depuis 15 ans, ça serait quoi?
Mme
Greenbaum (Mona) : Bien,
comme j'ai dit tantôt, c'est sûr que d'avoir des registres centralisés, donc,
des registres sur les donneurs de gamètes,
des registres aussi suivant les différentes technologies de procréation
assistée pour voir leurs impacts à court terme et à long terme sur les
parents, sur les enfants aussi...
J'aimerais
aussi voir potentiellement de la recherche sur les causes d'infertilité. Ça,
c'est une chose qu'on ne discute pas,
mais, on voit, il y a un taux augmentant d'infertilité dans notre société et
puis on ne regarde pas les causes. J'aimerais aussi qu'au Québec ça soit
changé, qu'on puisse avoir accès aux donneurs à identité ouverte. J'aimerais...
M. Khadir : ...
Mme Greenbaum (Mona) : Ça veut dire
comme des donneurs qui ne sont pas anonymes.
M. Khadir : ...
Mme Greenbaum (Mona) : Oui, c'est
ça. J'aimerais aussi voir, comme on a dit, une discussion autour de la
gestation pour autrui, pour avoir l'encadrement légal et social sur ces
pratiques-là. Aussi sur le consentement. Donc, il y a beaucoup de personnes qui entrent en procréation assistée, qui
sont très dans le rush pour faire des traitements, qui vont signer des
consentements tout de suite, sans savoir exactement qu'est-ce qui est dedans.
Donc, on veut avoir comme un système en place, dans les cliniques, pour accompagner
ces patients, parce qu'ils font des décisions, par exemple, sur les embryons
surnuméraires. Donc, quand on fait une fécondation in vitro, des fois, on a des
extras à la fin.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Merci beaucoup, Mme Greenbaum. Ça a été un bel échange. Ceci met
fin, donc, à la période de temps qui vous est allouée à titre de représentante
du Conseil québécois LGBT.
Je suspends nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 5)
(Reprise à 16 h 10)
Le Président (M. Tanguay) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux. Nous accueillons
maintenant les représentantes, représentants de l'Association des médecins en
CLSC.
Alors, bienvenue à votre
Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire
votre présentation. Par la suite, vous aurez
un échange avec les parlementaires. Je vous demanderais de bien prendre le
temps de vous identifier et de préciser vos fonctions, et, sans plus tarder, la
parole est à vous.
Association des
médecins de CLSC du Québec (AMCLSCQ)
M. Dion (Sylvain) : Merci, M. le
Président. M. le Président de la commission, M. le ministre de la Santé, Mmes et MM. les parlementaires, je me
présente : Sylvain Dion, je suis médecin de famille à Lac-Etchemin,
dans la belle région de
Chaudière-Appalaches. Je pratique la médecine de famille depuis 27 ans et
j'exerce en CLSC, GMF, UMF et également
en CHSLD, dans mon établissement. Je suis ici, bien sûr, en tant que président
de l'Association des médecins de CLSC du Québec.
Permettez-moi d'abord de remercier la commission
pour l'occasion qui nous est donnée de réagir au projet de loi n° 20
actuellement à l'étude et de débattre avec vous des enjeux liés à
l'accessibilité aux services médicaux de première ligne au Québec.
Je suis accompagné, à ma droite, de la
Dre Catherine Risi, qui est médecin de famille en santé publique en Montérégie et vice-présidente de notre
association; et, à ma gauche, de Dre Adriana Comisso, du CLSC GMF
Sainte-Rose, à Laval. Dre Comisso
pratique aussi dans le programme
clinique jeunesse et planning du CLSC et également en milieu
hospitalier.
Notre association regroupe près de
1 000 médecins de famille oeuvrant en CLSC. Je souligne aussi que
nous comptons dans nos rangs plus d'une
centaine de médecins qui pratiquent en santé publique, dont une majorité a
également une pratique clinique. D'entrée de
jeu, nous tenons à affirmer que nous adhérons à l'objectif de ce projet de loi
qui est d'améliorer l'accessibilité
aux services médicaux de première ligne. Vous comprendrez cependant dans notre
propos que nous rejetons l'approche
proposée par le ministre, et nous voulons échanger avec vous de solutions
combien plus mobilisatrices pour assurer aux Québécois un meilleur accès
à un médecin de famille.
Permettez-moi d'abord de parler de la pratique
de la médecine familiale en CLSC. Les premiers CLSC ont vu le jour il y a plus de 40 ans. Il s'y est développé, au fil des
années, une médecine distinctive intégrant des services de prise en charge et de suivi de patients de tous
âges à une pratique auprès de clientèles spécifiques, ce que nous
appelons les programmes en CLSC. Ce modèle de pratique, nous l'avons nommé le
projet médical en CLSC. Nous voulons ici mentionner
quelques caractéristiques de notre pratique. Nous offrons une médecine globale,
une médecine de proximité souvent dans le milieu de vie des patients, à
la maison, à l'école ou encore dans les milieux de travail. Le travail de collaboration interprofessionnel développé en CLSC
a été à l'avant-garde des pratiques de première ligne actuelles. Nul doute que nos modes de rémunération y sont pour
quelque chose. Finalement, la prévention des maladies et la promotion de
la santé sont des préoccupations constantes de nos médecins.
Les médecins de famille en CLSC ont également
développé des expertises précieuses souvent en lien avec des orientations ministérielles. Ces médecins
assurent des services de grande qualité en santé mentale, adulte et
jeunesse, en maintien à domicile, en soins
palliatifs, et dans les cliniques jeunesse, et bien d'autres programmes aussi.
Ces services peuvent s'inscrire dans
un suivi longitudinal du patient, mais souvent sur une base temporaire, le
patient étant soit référé par un médecin traitant dans la communauté ou
le patient consultant lui-même au CLSC.
Encore aujourd'hui, nos médecins sont un maillon
essentiel de l'offre de service en première ligne en complémentarité avec le réseau des cabinets médicaux. Cependant, le
projet de loi n° 20 constitue malheureusement une menace pour ce modèle de pratique, et tout
particulièrement pour les services rendus aux patients les plus
vulnérables. Nous verrons plus loin que nos
médecins peuvent cependant contribuer à l'amélioration de l'accessibilité tout
en préservant ce modèle.
Pourquoi le
projet de loi n° 20 est-il irrecevable pour notre association? Nous devons
ici vous faire part de nos inquiétudes
pour les services que nos médecins offrent en CLSC. Tout d'abord, l'approche
arithmétique préconisée par ce projet de loi est incompatible avec notre
pratique et les besoins de nos patients. La complexité des situations et des contextes
ne se mesure pas en termes de nombre de patients à rencontrer sur un temps x et
encore moins par des équivalences dont nous ne savons à peu près rien.
Le suivi d'un
patient en CLSC requiert du temps, requiert de l'empathie. Nous n'accepterons
pas de sacrifier la qualité de nos
suivis pour répondre à des exigences bureaucratiques. Il sera impossible pour
plusieurs de nos médecins de faire la
démonstration qu'ils assurent le suivi d'un quota de patients, car plusieurs de
ces patients ne peuvent pas être inscrits. Dans nos programmes
spécifiques, le patient demeure souvent au nom de son médecin dans la
communauté, et le suivi en soins palliatifs
de quelques semaines d'un patient s'accommoderait bien mal d'une procédure
d'inscription alors que ce même patient est en fin de vie.
Notre pratique est aussi beaucoup axée sur le
travail de collaboration interprofessionnelle. Selon les patients, un temps important est consacré en discussion de
cas avec infirmières, travailleurs sociaux, inhalothérapeutes, et j'en
passe. Beaucoup de temps est investi en
échange avec les familles et les aidants naturels également. Ici encore, une
approche arithmétique ne peut s'appliquer.
Ce projet de loi va donc à l'encontre des
orientations gouvernementales en matière de services à développer en santé publique, en santé mentale, en maintien à
domicile et, plus récemment, en soins palliatifs, avec la loi n° 52,
la Loi concernant les soins de fin de vie. Nous ne voulons pas laisser tomber
ces patients.
Nous voulons aussi contester l'imposition de
contraintes supplémentaires aux médecins de famille. Déjà, les activités médicales particulières nous sont
imposées depuis plus de 20 ans. Je signale aux parlementaires qui
l'ignoreraient que le régime des AMP oblige
les médecins, depuis les années 90, et ce, sous peine de pénalité financière
sur leur rémunération
de première ligne, à consacrer un minimum de 12 heures par semaine en
milieu hospitalier. Actuellement, en raison
des AMP, un très grand nombre de médecins omnipraticiens passent beaucoup de
temps à exercer leur profession en deuxième
ligne, et ce, au détriment de la première ligne. Les effets pervers de cette
mesure sont évidents, sans quoi nous ne serions probablement pas ici à
discuter de ce projet de loi.
Notre
association a toujours dénoncé les risques de dérive des AMP. L'histoire nous
aura malheureusement donné raison. Pourtant, le projet de loi qui est
déposé veut en allonger la période d'application et impose une contrainte supplémentaire avec un quota de patients à
inscrire. L'AMCLSCQ croit que le régime des AMP doit être rapidement
revu et modifié pour permettre aux médecins et, en particulier, les plus
jeunes, de faire du suivi de clientèle. Il n'est pas rare de rencontrer un médecin qui nous dit qu'il
voudrait faire davantage de suivi en première ligne, mais qu'il en est
incapable, car il doit satisfaire ses AMP en milieu hospitalier.
Finalement,
nous devons nous élever contre la volonté gouvernementale d'instaurer par la
force de la loi un régime de travail
fondé sur la coercition et les pénalités financières. Bien au-delà des
questions d'autonomie professionnelle, ce projet de loi s'attaque à nos jeunes médecins, spécialement les femmes.
Nous préférons des médecins fiers et dynamiques, qui soignent bien leurs
patients, à des médecins démotivés, voire découragés de la médecine familiale.
Passons maintenant en mode solution. Notre
association reconnaît que le statu quo n'est pas possible. Nous entendons et comprenons les attentes de la
population, et, en professionnels responsables, nous voulons répondre à
cette responsabilité collective. Les
médecins de CLSC sont partants pour collaborer à un plan d'amélioration de
l'accessibilité. Il faut assurer à un plus
grand nombre de Québécois la possibilité d'avoir son médecin de famille.
Collectivement, nous pouvons inscrire
un nombre significatif de nouveaux patients sans compromettre l'accès aux
services que nous offrons aux clientèles vulnérables. Une fois inscrit,
le patient doit avoir accès à son médecin de famille dans un délai raisonnable.
Nous souscrivons à l'accès adapté et nous incitons nos membres qui ne l'ont pas
encore adopté à s'y mettre le plus rapidement possible.
Le réseau d'accessibilité en sans rendez-vous
doit par ailleurs être consolidé dans les zones à forte densité de population. Les cliniques-réseaux actuelles ne
sont pas en nombre assez grand pour répondre aux besoins. Les médecins
de CLSC pourront s'impliquer aussi dans ces
milieux. Et, comme je viens de le signaler, le régime des activités
médicales particulières doit être révisé
pour permettre un rééquilibrage de l'offre de services entre la première et la
deuxième ligne.
Nous devons passer le message que le coeur de la
pratique de la médecine familiale est le suivi des patients en première ligne. Dans cette perspective, notre
association désire souligner que le travail hospitalier doit aussi faire
l'objet d'un nouveau partage entre médecins de famille et médecins des autres
spécialités.
Finalement,
nous demandons au ministre de la Santé et des Services sociaux de considérer,
dans une approche constructive et tout à fait réalisable, que notre
contribution à l'amélioration de l'accessibilité devrait permettre l'ajout à court terme des ressources requises en CLSC pour
des gains d'efficacité dans une perspective gagnant-gagnant. Le support clérical, le dossier médical électronique, l'accès
aux plateaux techniques et aux consultations en spécialités devront être
au rendez-vous.
En
conclusion, nous invitons donc respectueusement les parlementaires à rejeter ce
projet de loi. Il ne contient aucune
garantie de réussite. Au contraire, il menace les services auprès de nos
patients les plus vulnérables et la pratique de la médecine familiale en CLSC. Nous invitons le gouvernement à choisir
une approche collaborative pour mettre en place les mesures qui permettront assurément d'atteindre l'objectif que nous
partageons tous avec vous : un meilleur accès en médecine de
famille au Québec.
• (16 h 20) •
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, à la demande du
ministre, je vous ai permis de compléter. Il disposait de 20 minutes, je lui retire donc 30 secondes, et
vous avez donc une période d'échange avec le ministre notamment pour une
période de 19 min 30 s. M. le ministre.
M. Barrette : M. le Président,
merci. Alors, Dr Dion, c'est ça, Dre Risi... Est-ce que c'est Risi ou
Risi?
Mme Risi (Catherine) : Risi.
M. Barrette : Risi. Et Dre Comisso.
Bienvenue à cette commission parlementaire.
J'ai bien
entendu et reçu vos commentaires, et je dois vous avouer que j'ai une certaine
difficulté à suivre votre raisonnement, et je m'explique. D'un côté,
vous nous faites votre démonstration que ce que vous considérez être de la coercition n'est pas la bonne voie à suivre.
Vous nous faites une assez longue démonstration de votre implication
dans vos milieux, et je ne mets pas ça en
doute d'aucune manière. Mais vous concluez, en fin de présentation, que vous
pouvez en faire plus. Et ça, vous venez de
nous le dire, là, vous venez de conclure, dans la fin de votre présentation, à
votre capacité non offerte à la
population, et vous considérez qu'elle pourrait l'être moyennant certaines
conditions. Et vous-même, vous faites
référence, par exemple, à l'accès adapté, chose que je promeus moi-même
abondamment. Je ne peux pas m'empêcher de
vous poser la question très simple : Pourquoi ce n'était pas fait avant?
Pourquoi il faut attendre ce projet de loi là pour mettre en place un
profil de pratiques historiquement et éminemment reconnu comme étant une grande
amélioration quant à l'accès aux patients, et changement de profil de pratiques
qui implicitement signifie qu'on s'adapte aux patients plutôt qu'à l'inverse et
qui, tout aussi implicitement, signifie qu'avant on n'était pas adaptés?
Pourquoi là puis pourquoi pas avant?
Et là je vais
aller un pas plus loin. Pourquoi là, moi, là, je retirerais le projet de loi,
parce que les gens me demandent de le
retirer constamment, pourquoi je le retirerais alors qu'actuellement les gens
de votre communauté médicale semblent enclins à s'adresser au problème
réel, d'une façon réelle, parce qu'il y a le projet de loi? Moi, là, comme
gestionnaire de
risques, là — j'ai
fait ça, dans ma vie, là, de la gestion de risques, là — ce que vous me proposez, c'est de prendre
une décision qui va éteindre le mouvement au moins qui est créé par le dépôt du
projet de loi n° 20. Là, il faut que vous m'expliquiez ça, parce que j'ai
bien de la misère à vous suivre.
M. Dion (Sylvain) : Sur l'accès
adapté, contrairement à ce qu'on entend des fois, ce n'est pas marginal, des médecins qui s'y sont mis. Dans un récent sondage
qu'on a fait auprès de nos membres, tout près de 50 % ont déjà
adopté un modèle d'accès adapté, qui n'est peut-être pas celui qui est décrit
dans les livres, mais au moins les gens ont été sensibilisés à ça. Ici, au Québec, ça ne fait quand même pas 10 ans
qu'on en parle, c'est quelque chose qu'on parle depuis peut-être, là, deux, trois ans. Et d'ailleurs
notre fédération, la FMOQ, a développé des accès en ce sens-là. Et, sans
avoir suivi les formations requises, les gens ont compris qu'il y avait une
autre façon de gérer notre offre de rendez-vous à nos patients pour qu'ils puissent nous voir dans un délai raisonnable.
Ça, c'est sur l'accès adapté. C'est un élément qu'on retrouve dans le projet
de loi et qui n'a rien à voir, d'ailleurs, avec les mesures coercitives que
l'on dénonce dans ce projet de loi là. Donc, sur l'accès adapté, on est sur la bonne
voie et on est d'avis qu'en continuant à travailler avec nos médecins...
de les amener, pour une grande majorité, à être capables d'adopter le modèle
d'accès adapté.
Sur les
mesures coercitives, M. le ministre, vous comprendrez que là on parle d'un autre
volet, sur lequel vous ne m'avez pas
posé de question. Mais vous parlez de quotas dans votre projet de loi, et malheureusement c'est quelque
chose qui est incompatible avec les types de
pratiques, les types de clientèles que l'on a. Là, vous allez me dire : Il
faudrait peut-être avoir des objectifs. Quels sont les objectifs qu'on a
ici, au Québec, par ce projet de loi? C'est d'améliorer l'accès à son médecin
de famille, d'inscrire un plus grand
nombre de Québécois. Et c'est là-dessus que je suis arrivé,
à la fin de mon commentaire, sur les solutions que l'on apporte. Oui,
nous croyons que nos médecins, collectivement, autant les médecins de CLSC que
les autres médecins qui travaillent en première ligne, on est capables d'inscrire
un nombre significatif de patients pour atteindre cet objectif-là. L'objectif,
ce n'est pas que tel médecin suive tant de patients, mais que les patients
aient accès à un médecin de famille.
M.
Barrette : Bon, alors, moi, par les réseaux sociaux, il y a un grand
nombre de vos membres, qui pratiquent en CLSC, qui s'expriment assez librement, et c'est tout à leur honneur, et
les plus intéressantes citations, pour moi, viennent de médecins de CLSC
qui disent que... Je vais vous en citer un, là, à 90 % verbatim :
J'ai 35 ans. Avant... c'est-à-dire, je pratiquais
en CLSC d'une façon plus traditionnelle et j'étais brûlé — c'est le mot qu'il a utilisé. Maintenant, je
suis en accès adapté, mes patients
n'ont plus d'attente, je suis heureux plus, plus, plus — là, pour les gens qui nous écoutent, ça
veut dire que c'est un grand niveau de bonheur, là, quand un médecin écrit
ça — et
je vois plus de patients qu'avant.
L'accès
adapté, ce n'est pas banal, et tous les médecins, tous, qui se sont exprimés
publiquement soit privément avec moi,
en m'envoyant des messages dans les réseaux sociaux, là, ou très ouvertement,
toujours sur les réseaux sociaux, tous,
de façon uniforme, disent la même chose. Moi, ça m'étonne. Ça m'étonne
qu'aujourd'hui tout le monde ne soit pas passé à l'accès adapté dans la problématique actuelle parce que... Et
ça, c'est l'expérience qu'on a au ministère aussi, là. Vous savez, l'accès adapté au Québec, là, ça a été
mis de l'avant par le ministère, et les gens qui en font la promotion et
qui en ont fait la promotion à la FMOQ sont
dans cette pièce-ci. Ce n'est pas la FMOQ qui en a fait la promotion la
première fois, c'est le ministère, et ça prend du temps à se déployer.
Je vous pose
une question. Vous qui l'avez manifestement vécu, je comprends que vous y êtes
passé, à l'accès adapté... Vous
trois, peut-être? Je ne sais pas si vous avez tous et toutes eu la même
expérience. Bien, vous avez augmenté votre capacité de services de
combien, là, «ball park», là : 10 %, 15 %, 20 %, 30 %,
100 %?
M. Dion
(Sylvain) : Je ne pourrais
pas vous quantifier... Peut-être 10 %,
peut-être 15 %. Effectivement, l'accès adapté nous permet peut-être d'avoir... d'améliorer un peu le nombre
d'inscriptions. Je dirais que le principal effet de l'accès adapté,
c'est des patients heureux et des médecins qui sont heureux aussi de...
M. Barrette : Mais ce n'est pas
rien, ça!
• (16 h 30) •
M. Dion (Sylvain) : Mais tout à
l'heure, M. le ministre, je n'ai pas contesté la volonté que le gouvernement a qu'on
passe à l'accès adapté. Je vous ai dit qu'il y avait déjà la moitié de nos
membres qui s'y étaient mis et qu'on va continuer à travailler pour que l'autre
moitié y passe aussi. Ceci dit, ce que ça permet, l'accès adapté, c'est un
patient qui est plus heureux puis un médecin qui est bien heureux quand son
patient entre dans le bureau puis qui lui dit : C'est le fun, j'ai été
capable d'avoir un rendez-vous en dedans d'une semaine, 10 jours.
Sur le nombre
d'inscriptions, au-delà de l'accès adapté, ce qui peut aider les médecins à
inscrire un plus grand nombre de
patients, c'est le support qu'ils ont, que ce soit du support clérical ou du
support professionnel. Et ça, je peux vous témoigner qu'en CLSC j'ai
malheureusement un grand nombre de mes membres qui doivent faire des tâches cléricales, faire les photocopies, faire du
classement de rapports dans leurs dossiers, et ça, c'est sans compter qu'ils
ne peuvent même pas... qu'ils ont des
difficultés à inscrire leurs patients parce que les secrétaires et le CLSC en
question refusent que les secrétaires fassent l'inscription au niveau du
registre de la RAMQ. Ça fait qu'on comprendra que ce médecin-là n'est pas très, très enclin à aller inscrire des patients,
d'ouvrir le logiciel de la RAMQ puis inscrire le patient. C'est des tâches cléricales qui devraient être
faites autrement, qui sont faites d'ailleurs, en cabinet, par du personnel
de secrétariat, mais malheureusement on a plusieurs CLSC qui refusent de supporter la pratique
médicale, et là on aurait un gain d'efficience important qui pourrait
être fait.
M. Barrette : Mais, Dr Dion...
M. Dion
(Sylvain) : Je veux juste terminer...
M. Barrette : Là-dessus, je vous
donne raison. Je vous donne raison là-dessus. Loi n° 10. La loi n° 10,
là, ça doit faire partie des orientations,
là. Je suis d'accord avec vous là-dessus. Mais, si on prend
comme point de référence votre situation
actuelle, clairement, il y a de la capacité à aller chercher... Même si on ne
change pas, là, le dysfonctionnement que vous décrivez et auquel
j'acquiesce, l'accès adapté viendrait augmenter la capacité.
M. Dion (Sylvain) : Bien d'accord.
M.
Barrette : Et, comme votre
milieu a déjà dit qu'il manquait 1 000 médecins au Québec, hein, et votre
milieu... Corrigez-moi si je crée un impair, je ne veux pas faire un impair,
mais, dans votre milieu, qui est le milieu de la médecine de famille, on a souvent compté le nombre de médecins de
famille moins 1 000 en disant : Il y en a 1 000 qui ne sont pas vraiment en pratique, ainsi de
suite, là, ça fait que c'est 15 %, là. S'il manque
1 000 médecins, il manque l'équivalent de 15 % du volume
de services donné par les médecins en place. Bien, 15 %, vous venez de
nous dire aujourd'hui que l'accès adapté le
donne. Imaginez si, en plus, on allait chercher le nombre de visites qui n'est
pas donné par le temps. Et là je veux
m'adresser au temps, parce que, là, c'est le deuxième élément pour lequel vous
m'avez beaucoup étonné. Mais là j'aimerais ça que vous élaboriez
là-dessus, là.
Les AMP, à
moins que vos membres, les 1 000 médecins de CLSC, aient mal interprété le
régime des AMP, c'est 12 heures, Dr Dion, qui sont demandées, là, pas
24, pas 36, pas 48. C'est 12. Et 12 heures, ce n'est pas deux jours, comme les
gens disent, c'est une journée et demie. Les trois autres journées et demie,
là, elles existent. Alors, c'est difficile
pour moi de recevoir, disons, de façon constructive le commentaire, l'argument
ou l'argumentaire basé sur les AMP pour expliquer qu'on n'est pas
capable de faire du suivi en cabinet.
M. Dion
(Sylvain) : O.K. Chose que,
je pense qu'il faut comprendre, puis je pense que je vais essayer
d'éclairer les parlementaires là-dessus,
quand on dit au jeune médecin : Il faut que tu ailles faire 12 heures
d'AMP par semaine pour pouvoir avoir ta rémunération pleine et entière,
on lui passe un message. Ce qui est important au Québec...
M. Barrette : ...dire : On
dépasse le message?
Une voix : On lui passe...
M. Barrette : On passe le message.
Excusez-moi.
M. Dion (Sylvain) : On lui passe le
message que ce qui est important au Québec, c'est d'aller faire de la médecine en milieu hospitalier. Déjà que c'est une
pratique qui est plus glamour, où tu as accès rapidement à des services
spécialisés... Tu demandes une consultation en spécialité, tu l'as dans la
journée même, tu demandes un «scan», tu l'as
le lendemain, alors que, quand tu es dans ton bureau, puis ça, ils l'expérimentent,
les résidents de médecine familiale quand ils sont dans les unités de
médecine familiale — on
est une UMF, chez nous, on le voit — bien là, ça prend six mois avant d'avoir un examen, qu'une
consultation en spécialité, dépendamment des milieux, bien, ça peut aller
jusqu'à 12, 18 mois. Ça fait qu'on
comprendra que, déjà là, dans l'incubateur, les nouveaux médecins vivent des
choses difficiles par rapport à la première ligne, et, quand ils
arrivent en pratique, il faut que tu ailles en première ligne.
Maintenant,
12 heures. Effectivement, c'est peut-être juste 12 heures, mais, quand tu mets
les pieds à l'hôpital, O.K. puis vous
dites que c'est une journée et demie, on peut-u s'entendre que ça va virer en
deux jours? Et les hôpitaux sont tout de même assez goinfres au niveau
des médecins de famille, en disant : Bien là, il y aurait tel service à
développer, on va le demander aux médecins
de famille. C'est ce qu'on a vécu au Québec. Puis, bon, les médecins de famille
trouvaient là un milieu de pratique qui était satisfaisant pour eux, et ils s'y
sont engagés, puis, bon, on le reconnaissait, ça. Il faut changer ce paradigme-là au Québec et de passer un
nouveau message. C'est pour ça qu'on dit, nous, qu'il faut réviser les
activités médicales particulières.
M. Barrette : Est-ce que je dois
comprendre de votre propos qu'en réalité, quand vous dites : Réviser... Et
je l'ai dit — je
ne sais pas si vous avez suivi la commission parlementaire à date, là,
probablement pas parce que vous étiez occupé à votre profession — il y
a des gens, là — j'ai
dit ça à plusieurs reprises en entrevue et ici — dans votre milieu — quand
je dis «votre milieu», je parle de médecine familiale, là, je ne parle pas de
votre endroit où vous pratiquez vous-même,
évidemment — qui
évoquent la possibilité de limiter le nombre d'heures d'AMP, c'est-à-dire
le nombre d'heures à l'hôpital. Le régime demande 12 heures, vous me confirmez
évidemment une chose que je savais déjà,
là : il y a bien des gens qui, bien, le 12 heures se transforment en 36
par intérêt et non par obligation, et ça, c'est un peu ce que vous venez
de dire, là. Est-ce que j'interprète erronément ce que vous venez de me dire?
M. Dion (Sylvain) : Non, mais par
intérêt...
M. Barrette : Par intérêt, dans le
sens qu'ils sont bien là puis ils aiment ça, là.
M. Dion (Sylvain) : Par intérêt, par
besoin, mais, en même temps, on les a éloignés au niveau de la première ligne,
là.
M.
Barrette : C'est un choix,
là. Il n'y a personne qui a le fusil sur la tempe, le matin,
pour s'en aller à l'hôpital, là. Il y a un
intérêt pour les gens d'aller là. Alors, êtes-vous en train de me dire que vous
seriez, vous, dans l'école ou dans le schème de pensée, de limiter le
nombre d'heures présent à l'hôpital? Je vais plafonner ça, là. Je vais
plafonner ça, là, je vais vous dire, mais ça...
M. Dion (Sylvain) : Vous allez
mettre ça à six, je suis bien d'accord. Ce qu'il faut...
M. Barrette : Non, non, je vais les
mettre à 12; je vais arrêter de payer après 12.
M. Dion (Sylvain) : Ah! mais ce
n'est pas ça que je dis...
M. Barrette : Je ne vous dis pas que
je vais faire ça, là. C'est une... Je vous pose une question...
M. Dion (Sylvain) : Mais, M. le
ministre... M. le ministre...
M. Barrette : Sinon, demain, je vais
avoir une question à la période des questions comme quoi...
M. Dion
(Sylvain) : M. le ministre, ce qu'on propose, nous, c'est : Regardons donc ça à l'envers.
C'est la première ligne qui est importante, c'est ça qui est actuellement
en difficulté au Québec. Disons à nos jeunes médecins et à nos moins jeunes...
M.
Barrette : Je m'excuse de
vous interrompre. Demain matin, si je veux avoir un effet en cabinet, là,
qu'est-ce que vous me proposez pour avoir un effet rapide?
M. Dion (Sylvain) : Un effet rapide?
M. Barrette : Bien, mettons dans
l'année, dans les 12 prochains mois.
M. Dion
(Sylvain) : Bien, déjà, si
on dit aux jeunes médecins : Tu n'es plus obligé d'aller à l'hôpital... Il y en a, des jeunes médecins, qui ne
veulent aller faire que de la prise en charge, mais ce n'est pas ça qui se
passe actuellement. Ils doivent aller à
l'hôpital faire 12 heures, initialement, pour leur minimum, puis, à un
moment donné, ça peut augmenter. Puis là je laisserai peut-être d'autres
groupes, qui vont venir vous rencontrer, qui vont dire, des fois, que ce n'est
pas toujours compatible, au niveau de la gestion des frais de pratique en cabinet,
de gérer, là, tout ce qu'il en est, là, quand tu dois aller... tu dois avoir une prestation de services à l'hôpital. Ça
fait que c'est ça, notre vision que l'on a de reviser les AMP. Est-ce
qu'on va en avoir encore besoin dans quelques années? Parce qu'on sait qu'actuellement
le nombre de médecins de famille augmente au
Québec, il y a eu des décisions gouvernementales qui ont été
prises pour augmenter le nombre de médecins de famille, et, avec ces
ressources-là, on va être capables de régler nos problèmes.
M. Barrette : Il y a un autre
élément que je voudrais aborder avec vous, c'est historique, et c'est notoire,
et c'est vérifié, c'est en CLSC qu'on a toujours
le moins de nombre de patients inscrits. Pourquoi on ne peut pas en
avoir un peu plus? Moi, avec tous les égards que ça exige, là, je ne suis pas
d'accord avec vous que la pratique en CLSC soit antinomique à l'inscription de
médecins... de patients, pardon.
M. Dion
(Sylvain) : Je vous ai donné
des exemples tout à l'heure où ce n'est pas possible d'inscrire un
certain nombre de patients. On peut en
inscrire d'autres. Un médecin qui ne fait que du maintien à domicile, pour dire
quelque chose, ne pourra pas inscrire x centaines de patients. Par contre...
M. Barrette : Non, mais il peut en
inscrire pareil s'ils sont pondérés correctement.
M. Dion
(Sylvain) : Est-ce que je
peux terminer? Par contre, ce médecin-là, qui ne fait que du maintien à
domicile, donc une clientèle gériatrique, oui, pourrait inscrire des patients
gériatriques ambulatoires qui viendraient le voir au CLSC. Maintenant, faudrait-il encore que ce CLSC-là, qui a un
programme maintien à domicile avec des médecins dedans, donne un bureau au CLSC aux médecins où ils
pourront rencontrer des patients. Ça, c'est des contraintes qu'on
rencontre. Donc, oui, il y a un potentiel d'inscriptions.
Est-ce que
vous me... Vous me posez la question : Pourquoi le nombre d'inscriptions
est si faible? Il y a la question des clientèles, que je vous ai
dit tout à l'heure, des patients qui veulent maintenir leurs médecins de
famille dans la communauté, des patients qui viennent pour des consultations
ponctuelles. Je regarde Dre Comisso, qui travaille en clinique jeunesse, il n'est pas rare de voir une
adolescente qui n'ira pas voir son médecin de famille pour un dépistage ITSS ou pour sa contraception parce que, bien,
papa, maman vont voir également ce médecin-là. Donc, il y a
tout un contexte qui explique
pourquoi est-ce qu'on a des patients qui consultent sur une base ponctuelle
dans nos programmes en CLSC.
M. Barrette : Juste un... C'est un
commentaire que je vous fais, là, puis je vous invite à commenter mon commentaire. Moi, je connais des médecins qui ont
des pratiques du type de celles que vous décrivez, soins à domicile,
soins palliatifs, qui ont des patients inscrits. Et la question pour eux, ce
n'est pas le nombre de patients inscrits, mais la pondération des inscriptions. Je ne vois pas
de... ce qui est antinomique avec le profil de clientèle, là. La question
est la pondération, vous n'êtes pas... vous ne pensez pas?
M. Dion (Sylvain) : Bien, quand vous
parlez de pondération, vous voulez parler du régime d'équivalence qui nous est
annoncé, mais dont on n'a eu aucune...
M. Barrette : Oui, mais que vous
allez voir à un moment donné. Sur le principe, là, sur le principe...
M. Dion (Sylvain) : Il aurait été...
M. Barrette : Sur le principe
théorique, là. Moi, ce que je vous dis, là, c'est qu'on va prendre un chiffre exagéré, là, qui n'a pas d'allure, là, mais, si un
patient en soins de fin de vie ou en perte d'autonomie sévère comptait
pour 45, là, bien c'est une pondération qui fait que ça ne prendrait pas bien,
bien de patients à suivre pour rencontrer les objectifs, là. Ça n'arrivera pas,
là, 45, mais on comprend que...
M. Dion (Sylvain) : Mais j'ai retenu
45.
• (16 h 40) •
M.
Barrette : Non, non, ne le
retenez pas. C'est un beau chiffre, là, mais ça fait... Non. Mais vous
comprenez que, dans mon esprit, je ne vois pas pourquoi on ne peut pas pondérer
pour prendre en compte une certaine lourdeur, là.
M. Dion (Sylvain) : C'est cette
approche arithmétique là que l'on conteste. Le médecin de famille va devoir commencer à calculer : j'ai combien de
patients soins palliatifs lourds, soins palliatifs «il va décéder dans trois
mois»? J'ai combien de maintien à domicile qui est plus lourd, plus léger? Et
là on tombe vraiment, là, dans une gymnastique arithmétique qui n'aura pas de
fin. Et on ne veut pas aller vers cette proposition-là.
Ce qu'on
demande au gouvernement, c'est : Convenons ensemble d'un plan qui va nous
permettre d'atteindre nos objectifs
de rendre accessibles à la population des services médicaux de première ligne
efficaces et de qualité. Et c'est à ça qu'on convie le gouvernement, de
s'asseoir avec nous, puis qu'on se donne des objectifs et qu'on ait une
reddition de comptes pour y parvenir. Mais sans aller vers une démarche qui
n'en finit plus de quotas, de pondération.
M.
Barrette : Un dernier mot, Dr Dion. C'est la démarche qui a été faite
dans les 10 dernières années, là. J'étais aux premières loges des négociations, et l'échange qu'on vient d'avoir
dans la dernière minute était l'échange aux tables de négociation, et ça
n'a pas donné des résultats.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Taillon pour 12
minutes.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue, Dr Dion,
Dre Risi, Dre Comisso. Je vous remercie. Vraiment, on a des échanges
très, très proches de la réalité avec vous, et votre mémoire aussi en témoigne.
J'entends le
ministre dire : On a augmenté le nombre d'effectifs. Il l'a répété
plusieurs fois. Ensuite, on a donné le rattrapage
financier, et là les médecins n'ont pas rendu ce qu'on voulait, donc là, on
frappe avec un projet de loi matraque. C'est
un peu la réflexion et le cheminement qu'on voit. On constate aussi qu'ailleurs
on a lié le rattrapage économique avec des
éléments de coordination, du soutien à l'informatisation et également certaines
obligations, un peu de redditions de comptes, là, dans tout ça.
Le modèle qui
nous est proposé, puis je vous écoutais parler puis j'écoutais le ministre parler,
c'est un peu comme un jeu de Monopoly. On part avec 1 000 $,
là... Dans ce cas-ci, ce sera 1 250 points patient, puis on va répartir
notre 1 250 points patient en fonction
de certains patients qui valent plus de points ou moins de points. C'est aberrant.
On ne peut pas fonctionner comme ça,
et ça ne nous donne absolument aucune garantie qu'on va améliorer l'accès à la
première ligne, qu'on va améliorer
l'efficience du réseau. On va stigmatiser certains sous-groupes de patients et
on va donner... orienter encore plus que ce qu'on le fait avec les AMP.
Les AMP, là, c'était un élément de guide, et on voit un peu qu'il y a des effets pervers que vous décrivez et que vous
avez, avec raison. L'effet pervers, c'était 12 heures à faire à
l'extérieur d'une pratique, et on voit les conséquences que ça donne, avec les
écarts.
Et là on veut aller encore plus loin dans cet
exercice-là en qualifiant quelque chose qui va être à l'intérieur du 24 heures qui reste. C'est vraiment, vraiment
très, très risqué, et plus j'entends parler, plus je trouve qu'il y a
énormément de dangers dans tout ça. Parce que, pour avoir fait des
consultations pendant plusieurs années dans des CLSC, je sais que, souvent, les CLSC sont blâmés par rapport à
leurs volumes de patients. Et, moi, ce que j'ai pu constater, c'est que
les cas les plus lourds, les plus complexes, souvent, les cas accompagnés de
difficultés sociales vraiment multiples, les problèmes de santé mentale — vous
y faites référence — les
soins palliatifs, les jeunes qui ont besoin de soutien psychologique, les
interruptions volontaires de grossesse, qui sont plus que juste une
interruption volontaire de grossesse, mais qui traduisent d'autres problèmes,
c'est beaucoup les CLSC qui les ont actuellement. Et ça, on n'a pas voulu
reconnaître ça.
Si je fais, par contre, la perspective des
citoyens, je me dis : Vous étiez presque parfaits, mais il vous manquait de la disponibilité les soirs et les fins
de semaine, parce qu'on a besoin de ça. Et la première ligne,
actuellement, ce qui fait défaut à la
population, c'est un meilleur accès. On a investi dans les GMF en pensant qu'on
aurait ça. Si ce n'est pas les CLSC, si ce n'est pas les GMF, il faut
trouver quelque chose qui va nous donner un meilleur accès. Qu'est-ce que ce serait, vos
solutions? Et, si vous aviez... Quelles seraient les solutions qui
permettraient que vous soyez ouverts, vraiment, là, jusqu'à 9,
10 heures le soir avec un nombre important de médecins puis les fins de
semaine?
M. Dion
(Sylvain) : Comme on le dit dans notre mémoire, le réseau
d'accessibilité en heures étendues, comme vous le décrivez, existe déjà,
mais c'est un réseau qui est partiel par rapport au besoin qui est identifié.
La fédération à laquelle notre association appartient avait déposé, il y a déjà
plus de 18 mois, un plan d'accessibilité qui parlait de consolider ce
réseau-là, qui est actuellement d'autour de 50 cliniques-réseaux, et de le
développer jusqu'à un nombre de 100
cliniques-réseaux pour pouvoir donner cette accessibilité-là surtout dans les
régions urbaines en heures, là, étendues, là, ce qu'on appelle chez
nous, là, des heures défavorables.
Donc, vraiment, il doit y avoir là un engagement
et du gouvernement et des médecins à développer ce réseau-là, à y participer
et, en ce sens-là, les médecins de CLSC peuvent mettre l'épaule à la roue. Déjà
là, il y a des cliniques-réseaux qui sont
sises en CLSC. Ça pourrait être également d'autres CLSC qui
puissent être identifiés comme ayant un plateau technique suffisant pour
supporter une clinique de sans-rendez-vous efficace, parce qu'idéalement ça
prendrait de la radiologie sur place pour pouvoir être capable, là, d'au moins
régler le cas des patients, puis éviter de
les envoyer à l'hôpital, et qu'ils aillent engorger l'urgence. Donc, il y a
cette composante-là d'un réseau d'accessibilité, d'un filet de sécurité,
finalement, quand les GMF ne sont pas capables de suffire à la tâche.
Par contre,
le réseau des GMF ont quand même l'obligation de donner, en fonction du nombre
d'inscriptions qu'ils ont, un nombre
d'heures d'accessibilité, incluant le soir et les fins de semaine, là. Donc, on
a déjà ce réseau-là qui est tout de même
assez développé et on a au-delà de 5 % de nos médecins qui participent,
qui donnent des services en GMF, déjà, là, qui sont déjà des CLSC-GMF,
comme on appelle.
Mme
Lamarre : Là, il n'y a plus beaucoup d'argent, et, je pense qu'on n'en
a même plus du tout, là, ce qu'on nous dit. On soupçonne qu'on n'en a
plus beaucoup, on l'a tout donné dans le rattrapage. Il n'a pas encore été
servi, mais il y en a une partie qui a été
donnée et on n'a pas les services. On a des structures, des infrastructures qui
sont quand même là, les GMF, il y a
des heures d'ouverture, mais il n'y a pas des heures d'ouverture complètes, là.
Le samedi à 4 heures, si vous vous coupez un doigt, il y a à peu près
juste l'urgence où vous pouvez aller, et ce n'est pas nécessairement un cas qui justifie le recours à l'urgence. Alors,
est-ce que vous pensez qu'il y a une mobilisation qui est possible pour
faire en sorte qu'on retravaille tout ça?
L'accès adapté m'apparaît une option, mais l'accès adapté, encore, il ne nous
garantit pas la disponibilité les soirs et les fins de semaine. Vous
appelez ça des heures défavorables, mais moi, je pense qu'en santé il n'y en a pas, d'heures favorables ou
défavorables. On ne choisit pas quand on est malade, et il faut avoir une
certaine disponibilité de première ligne à
différents moments, incluant toutes les heures de la fin de semaine, pas la
nuit, là, mais on s'entend, là, que de 9 à 5, de 9 à 6, le samedi, le
dimanche, on n'a pas ça, là, actuellement, on n'a pas ça, ni dans les CLSC ni
dans les GMF.
M. Dion (Sylvain) : La disponibilité
des médecins pour consolider ce réseau-là, il faudra qu'on aille la chercher. Il va falloir qu'on mobilise les
médecins à embarquer là-dedans, et ce n'est pas avec l'approche du projet
de loi que les médecins sont actuellement intéressés à donner un coup de main
au ministre de la Santé, ça c'est clair.
Mme Lamarre : D'accord.
M. Dion (Sylvain) : Et, l'autre
élément, vous parliez tout à l'heure que l'argent a été dans le rattrapage des médecins, mais il y a quand même, là, des coûts de
fonctionnement qui vont être nécessaires, là, pour faire fonctionner ces
cliniques-réseaux-là, ou supercliniques,
comme il y en a eu d'annoncées. Ça va prendre du personnel infirmier, puis,
bon, je ne pense pas que ce soit avec
l'argent du rattrapage que ça aurait été financé de toute façon, là. Il y a de
l'investissement pour améliorer les services
à la population. Tout ça pour dire que, tant pour améliorer l'accès à un
médecin de famille en heures
prolongées, comme vous le décrivez, que pour assurer à un plus grand nombre de
médecins l'accès à son médecin de famille, qu'ils puissent en avoir un,
il y a là un engagement qui doit être pris entre le gouvernement et les
médecins pour dire : On se donne tant
de temps puis on monitorise où est-ce qu'on s'en va. Et vous comprendrez que la
crise qu'on vit actuellement et surtout le contexte dans lequel ça s'est
vécu, il y a là un électrochoc pour les médecins, là, puis là je ne veux pas... je ne voudrais pas que le
ministre se glorifie de cet électrochoc-là, mais il y a quand même là, je
dirais, une crise qui a été créée au Québec
qui fait en sorte que les médecins sont prêts à se mobiliser, et c'est en ce
sens-là, nous autres, qu'on travaille
avec nos médecins en CLSC pour que, même à l'intérieur d'une pratique plus
spécifique qu'ils auraient, ils puissent également mettre l'épaule à la
roue à la hauteur de leurs compétences et de leur type de pratique.
• (16 h 50) •
Mme
Lamarre : J'ai peu de
minutes, je vais vous lancer mes trois idées qu'il me reste. Moi, ce que
j'entends quand vous me dites que vous êtes
obligés, comme médecins, de faire des photocopies puis de faire des choses
comme ça, il y a de l'optimisation de base, et, à un moment donné, de ne pas faire faire les bonnes choses par les bonnes
personnes, ça coûte très cher. C'est un peu comme quand on décide d'envoyer tout
le monde à l'urgence plutôt que de les soigner ailleurs, ça coûte très cher, et
là il y en a, de l'argent à économiser et à récupérer. Donc, un élément.
Les liens
aussi deuxième ligne-première ligne, moi, j'en entends beaucoup
parler. Vous parliez de l'intérêt des jeunes
médecins d'aller travailler parce
qu'ils ont un retour rapide, donc les liens entre spécialistes, omnipraticiens,
et j'entends de part et d'autre : les
résultats n'arrivent pas assez vite du spécialiste ou la consultation qui
arrive du médecin de famille, c'est juste un mot sur un papier, puis on
repart à zéro et on perd du temps.
Et l'autre
dimension, c'est la rémunération mixte. C'est un gros défi. Mais vous aviez
tout ça dans votre mémoire.
M.
Dion (Sylvain) : Sur le
support à la pratique, vous parlez du clérical, l'accès à un dossier médical
électronique, actuellement, là, pour avoir
accès, en CLSC, à un dossier médical électronique, tu dois être GMF. Est-ce
qu'on pourrait avoir une autre
approche, là, pour permettre à l'ensemble des médecins d'avoir accès à un
dossier médical électronique?
Ce qu'il faut
comprendre sur le support, il y a des établissements qui supportent bien leurs
médecins de CLSC, mais il y en a
d'autres qui disent à leurs médecins : Vous ne devriez pas pratiquer ici.
Allez au cabinet en face. Je ne pense pas que c'est très, très
gagnant-gagnant parce qu'on nos médecins...
Mme Lamarre : Qui doit faire ça à ce
moment-là? Est-ce que ce sont les gestionnaires qui n'ont pas assez de pouvoir?
M. Dion (Sylvain) : C'est les
gestionnaires qui...
Mme Lamarre : Qu'est-ce qu'il faut
faire pour que les bonnes personnes fassent les bonnes choses partout au
Québec?
M. Dion
(Sylvain) : Il va falloir à
un moment donné que le ministère... Puis je suis bien heureux d'entendre
que le projet de loi n° 10 va... ce n'est plus un projet, là, que la loi
n° 10 va...
Mme Lamarre : On est loin, là.
M. Dion
(Sylvain) : ...permettre de
dire aux administrateurs : Vous allez supporter vos docteurs, vous allez
leur donner une secrétaire qui va faire
l'inscription des patients puis qui va leur donner du support de secrétariat,
classer les rapports dans le sens du monde, etc. Donc, ça, c'est une
chose.
Sur la deuxième...
Mme
Lamarre : On a un conseil d'administration qui va gérer
500 000 habitants et qui va aller jusqu'à des détails comme
ceux-là.
M. Dion
(Sylvain) : Je rêve... pas
«je rêve», je suis très nostalgique de mon CLSC que j'avais à Lac-Etchemin
avec son conseil d'administration qui
desservait 17 000 de population. Maintenant, j'ai un gros CISSS Chaudière-Appalaches.
Ceci dit, la parenthèse est fermée.
Première,
deuxième ligne. Bien d'accord avec vous. Je pense qu'il faut améliorer
l'environnement de pratique de nos médecins pour que ce soit davantage
attractif, mais il va falloir également que nos médecins comprennent que c'est là qu'on doit se diriger, puis peut-être
que, mais qu'on ait livré la marchandise, on sera capable peut-être de
mettre davantage de pression auprès du gouvernement pour dire : Il faut
que tout le système fonctionne, et pas seulement la première ligne, mais que
les liens entre la première et la deuxième se fassent.
Mme
Lamarre : Mais aussi mettre le patient au coeur de ça, là. Quand on
s'échange de l'information, on sait très bien que cette information-là, si c'est juste un mot sur une demande de
consultation, ça n'aide pas le patient, ou si on retarde le retour d'une
évaluation par un spécialiste à un médecin de famille, on n'aide pas le
patient, là.
M. Dion (Sylvain) : Je suis d'accord
avec vous. Sur la rémunération mixte, vous vouliez savoir quoi?
Mme
Lamarre : Bien, vous aviez parlé de ce modèle-là dans... Vous
aviez : Mettre en place un mode de rémunération, votre
recommandation n° 5. À quoi vous pensiez?
M. Dion (Sylvain) : C'est quelque
chose qu'on travaille déjà depuis plusieurs années pour... Actuellement, la rémunération est sur base de temps uniquement,
avec des forfaits qui sont versés selon le nombre de patients qu'on suit. On veut faire évoluer cette rémunération-là
pour maintenir quand même un certain forfait quotidien qui couvre
l'ensemble des activités du médecin et de
rajouter une composante d'actes pour les patients qui sont vus. À l'intérieur de
ça, ce que ça permet de préserver,
c'est notre modèle de pratique, mais on ajoute un élément d'efficience avec la
rémunération à l'acte.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je cède la parole à
notre collègue de Lévis pour huit minutes.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le
Président. Dr Dion, Dre Risi, Dre Commisso. Je vais vous permettre de
continuer un peu, c'est intéressant. C'est un des points aussi, la rémunération
que vous souhaiteriez, la rémunération mixte,
c'est-à-dire ce que l'on vit présentement, à l'acte, à, quoi, 80 %, par
rapport à une rémunération qui pourrait tenir compte de la prise en charge, bon, ce qui est aussi proposé par de vos
collègues, des médecins, le milieu. Ça fait aussi partie de la solution,
on doit passer par là.
M. Dion (Sylvain) : Pour les
médecins de CLSC, il est évident que, quand on pense à la rémunération mixte, il y a là une composante qui est liée à
l'efficience, au nombre de patients que tu vois. Donc, on trouve là... Puis, on
ne se le cachera pas, là, les médecins qui sont allés en CLSC, là, allaient là
parce qu'ils n'avaient pas à se casser la tête avec rien, hein? C'était un
tarif horaire qui était versé. On perd peut-être un petit peu, là, la notion
de — je
n'aime pas ça utiliser
le terme, mais appelons un chat un chat — la productivité, et on est d'avis, nous, que
cette mesure-là, de la rémunération mixte, va créer un nouvel
environnement au niveau de la rémunération, une nouvelle façon de voir les
choses qui devrait donner des résultats positifs. C'est ce qu'on vise. Et, bon,
en même temps, il y a comme un genre d'incitatif qui est créé à l'intérieur de
cette rémunération-là.
Par contre, il
faut qu'on garde une base
forfaitaire. Il n'y a pas un mode de rémunération qui est
pratique... qui est, je dirais,
idéal, qui est parfait. Ce qu'on avait comme chance au niveau de la pratique en CLSC, c'est que, quand on fait des téléphones à
nos patients, qu'on règle des problèmes, quand on fait des représcriptions, on
est rémunérés pour ça. Donc, on veut garder
notre base forfaitaire pour reconnaître cette partie-là de notre pratique parce
qu'on évite au patient de prendre un
rendez-vous pour rien pour avoir ses résultats d'examen, là. Donc, pour le
patient, il y a un gain là, puis c'était beaucoup apprécié, on veut
préserver ça tout en rajoutant l'autre composante qui est plus une rémunération
à l'acte pour les patients, là, qui sont évalués.
M. Paradis (Lévis) : Je reviens sur
votre pratique personnelle, votre réalité à vous. Vous me dites : On est 1 000 médecins de CLSC omnipraticiens; madame
travaille pour l'une, davantage en santé publique. Vous faites beaucoup avec, bon, clinique jeunesse, etc. Alors, c'est une
clientèle qui est très différente. Est-ce que je comprends, à travers ce
que vous me dites, que le projet de loi
n° 20, tel qu'il vous est présenté, pour votre pratique et votre réalité,
fait en sorte que vous auriez
beaucoup de mal à être productifs et atteindre les gains d'efficacité que l'on
demande lorsqu'on s'adresse à vous dans un projet comme celui-là?
M. Dion (Sylvain) : Premièrement,
vous le décrivez bien, nos pratiques sont hétérogènes en CLSC, donc le modèle, l'approche proposée par le projet de loi
avec du mur-à-mur, on voit mal comment est-ce que ça pourrait atterrir
dans nos milieux.
Ceci dit,
toute l'approche des quotas de nombre de patients, elle est là, la difficulté.
On parlait tout à l'heure... Moi, je fais plus une pratique de type ambulatoire.
Ça ressemble beaucoup à ce qu'un médecin fait en cabinet. Par contre, j'ai des collègues qui ne font que de la santé
mentale jeunesse. Est-ce qu'on peut s'entendre que, quand il rentre un
jeune dans leur bureau, ça prend plus, là,
que 20 minutes, là, pour voir ce patient-là et que, les évaluations, ça
inclut également beaucoup de contacts
avec le centre jeunesse, avec l'école, avec un psychologue, etc. Donc,
l'approche qui est proposée ne rejoint pas nos types de pratique que
l'on a en CLSC.
M. Paradis (Lévis) : Quelle est la
réalité? Je me permets, vous avez vos collègues avec vous, puis, bon, je comprends, mais je ne veux pas non plus forcer la
voix à qui que ce soit. Mais cette réalité-là dont vous me parlez, par exemple, du suivi d'une clientèle jeunesse, du
suivi d'une clientèle en fin de vie également, vous en parlez, vous avez
même dit et vous écrivez : Le p.l.
n° 20 entre en contradiction avec certains des principes déontologiques
les plus fondamentaux. Et il y avait une pensée derrière ça.
Permettez-moi de comprendre un peu ce que suppose le projet de loi par rapport
à une pratique collée sur une intervention jeunesse, par exemple.
Mme
Comisso (Adriana) : Bien, je peux vous expliquer, en fait, la clinique
jeunesse, comment ça fonctionne chez nous.
On a des infirmières qui ont maintenant des ordonnances collectives. Donc, ça,
c'est une façon aussi d'augmenter l'efficacité. Nos infirmières sont
capables de voir les patients qui viennent pour un dépistage d'infections
transmises sexuellement, par exemple, de les
voir sans que le médecin ait à intervenir. Donc, elles vont faire le dépistage,
prescrire les tests, et même les patients
qui ont des tests positifs, donc qui ont une infection à gonorrhée ou à
chlamydia, par exemple, mais qui sont
asymptomatiques toujours, elles vont pouvoir leur prescrire encore une fois la
médication nécessaire, le traitement sans que le médecin ait à
intervenir. Donc, ça, ça donne beaucoup d'autonomie à l'infirmière, c'est très intéressant. Et puis il faut un médecin répondant
par contre, donc, moi, je suis là, je suis dans la clinique ITSS ce
matin-là. Je vais voir les patients qui ont
des symptômes, tout ce qui demande mon expertise, finalement, mais les
infirmières sont capables d'avoir une
certaine autonomie, mais je suis le médecin répondant. Il y a aussi des
infirmières dans les écoles.
Il y a des infirmières qui travaillent dans les
écoles, il n'y a aucun médecin, mais on est disponibles pour eux. S'il y a un jeune qui cause problème, bien, à ce moment-là,
on va pouvoir répondre pour eux. Elles vont pouvoir nous appeler. Mais
ça, ça demande à avoir une rémunération à tarif horaire, hein? Donc, moi, je ne
peux pas... je ne charge aucun acte, je fais juste aider l'infirmière. Donc,
ça, c'est juste un exemple, puis ça, c'est le programme jeunesse.
Il y a plusieurs programmes comme ça dans les
CLSC. Ces programmes-là sont en péril. Si jamais le projet de loi n° 20 passe, à ce moment-là, il n'y a
plus aucun médecin. Moi, je ne vais pas pouvoir atteindre mes quotas, je
ne vais pas pouvoir avoir assez de patients à mon nom, inscrits à moi. Donc,
c'est un exemple pour vous donner.
M. Dion (Sylvain) : Le lien avec la
déontologie, ce que nous, on voit dans ce projet-là, c'est que le projet de loi va faire en sorte d'amener les médecins à
prendre des patients moins lourds pour pouvoir aller atteindre les quotas
qui leur sont demandés.
M. Paradis (Lévis) : Et là on vous
dira qu'il y a une pondération, on vous en a parlé il y a deux instants.
• (17 heures) •
M. Dion (Sylvain) : Mais, un, on ne
la connaît pas, et, deux, ce qu'on vous illustre, c'est que ça va devenir d'une complexité bureaucratique qui n'a pas
d'allure, là. Donc, sur le plan déontologique, il y a ça. L'autre affaire
sur le plan déonto, c'est que c'est évident que, si à un moment donné, tu as
une obligation de faire un travail à la chaîne, nous autres, on craint là qu'il
y a une menace à la qualité de la pratique et du suivi qu'on fait à nos
patients.
M.
Paradis (Lévis) : Je reviendrai sur la notion des AMP, parce qu'il
s'est dit beaucoup de choses là-dessus, puis il s'en dira encore beaucoup. Vous
avez prôné, vous avez expliqué que l'on devrait revoir le principe des AMP. D'aucuns suggèrent, et nous en sommes, d'abolir
graduellement les AMP en évitant les bris de service, en le faisant à
partir de cohortes qui ont davantage d'expérience, donc de le faire sur une
période donnée en monitorant, si vous me permettez,
là, en regardant, en ayant des indicateurs pour éviter les bris de service dont
je vous parlais. Et certains diront : Bien, on risque d'avoir un
désengagement total, créant le chaos, parce que tous les omnipraticiens
voudront donc quitter pour s'en aller en cabinet.
Votre vision de ça.
Est-ce que vous craignez... Est-ce que vous y croyez, à une abolition graduelle
des actes médicaux particuliers?
M. Dion
(Sylvain) : Je pense, moi, qu'il faut qu'on y aille progressivement
dans cette matière-là, et, le plus important, comme je le disais tout à l'heure,
c'est qu'on passe un nouveau message. S'il y avait un AMP à offrir au Québec,
ça devra être de la prise en charge et du suivi de patients dans la communauté.
Ceci
dit, est-ce qu'on risque de créer une pénurie en milieu hospitalier? J'en doute
fort, parce que, quand
même, les médecins qui y pratiquent actuellement, les médecins de famille, ils
font un travail qui est intéressant, d'une part, mais ils sont également
conscients, là, que, s'ils désertent le bateau, ça va être le fouillis total,
et il doit y avoir une transition là-dedans pour un nouveau partage avec les
médecins spécialistes.
Les AMP, à un moment
donné, ça a peut-être eu sa raison d'être, parce qu'on comprendra que, dans les
années 90, on avait créé une très grande
pénurie de médecins avec un programme de mises à la retraite qui nous a
fait énormément mal. Avec l'effet
concomitant de la mise en place des AMP qui amenaient les gens dans les
établissements, on s'est retrouvés, en première ligne, avec un important
déficit de médecins, là. Donc, pour ce qui est des AMP, il faut aller
progressivement.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, on va céder la parole maintenant à
notre collègue de Mercier pour trois minutes.
M. Khadir :
Merci. Dre Risi, Dre Comisso, Dr Dion, bienvenue. Vous savez, moi-même, je suis
spécialiste en maladies infectieuses, mais
mes docteurs préférés, c'est les médecins de CLSC. Tellement que, bon, enfin,
ce n'est pas une préférence basée sur
des choix personnels, mais sur le choix collectif que nous avons fait dans
notre parti de penser que ça devait
être à l'alentour de CLSC, qui sont une idée vraiment géniale, mais délaissée
par l'establishment médical parfois nous
représentant depuis des années et les gouvernements successifs, qu'on doit
organiser la première ligne, la renforcer, de sorte que nous avons même mis ça comme un des axes principaux de notre
dernière campagne électorale, avec 600 millions qu'on irait
chercher en négociant de meilleurs prix pour nos médicaments. Donc, pour mieux
utiliser les ressources au lieu de les gaspiller en prix trop chers, au lieu de
les gaspiller en prix trop chers, on renforcerait la première ligne.
Mais
il faut quand même reconnaître certaines limitations, certains problèmes
auxquels vous avez fait allusion, et j'aimerais
que, pour aider le ministre... Parce qu'il a besoin de notre aide. Lui et moi,
on connaît peu la pratique de médecine d'omnipratique.
En fait, je lui en parle, parce que je suis sûr qu'il a, je dirais, la...
j'essaie de trouver le bon mot quand même,
pour ne pas prêter des intentions... l'humilité nécessaire pour reconnaître
que, comme radiologiste, il ne connaît pas la pratique d'omnipraticien,
surtout dans les CLSC.
Alors, comment ça se
fait, parce qu'il y a deux versions à ça... Pourquoi, qu'est-ce qui fait que le
personnel dans les CLSC ne veut pas faire le travail clérical? C'est juste une
espèce de non-collaboration ou parce que, déjà, ce personnel-là est
complètement dépassé par les autres exigences de leur travail et qu'ils sont
mal financés?
M. Dion (Sylvain) : Au niveau des CLSC, il y a eu des CLSC qui se sont vraiment construits,
qui ont été créés sur une base de besoins de services médicaux. Puis,
historiquement, on voit que c'est des CLSC qui fonctionnent quand même
relativement bien et où le support à la pratique est tout de même, je dirais,
acceptable.
Par
contre, on en a d'autres, CLSC, plus dans les deuxièmes vagues, les années 80,
là, où c'étaient des CLSC dits plus
sociaux, mais que, bon, il y avait quand même besoin des médecins. Le médecin,
il est devenu un mal nécessaire. C'est
ce qui a limité, je crois, en bonne partie... On parlait tout à l'heure, là, de
l'establishment médical, mais moi, je pense qu'il y a beaucoup de directions générales d'établissement qui ne
voulaient pas avoir de médecins dans leurs établissements ou, à tout le moins, c'était le mal nécessaire
toléré, et les efforts pour supporter cette pratique-là n'ont pas été
déployés.
M. Khadir :
D'accord. Qu'est-ce qui empêchait, alors, d'avoir des accès 24 heures sur 24...
pas 24 heures, mais sept jours sur sept au
moins ou là où ça l'exige, les besoins le commandent, même 24 heures sur 24?
Est-ce que c'est parce que les médecins et les intervenants sociaux ou
autres intervenants de santé ne voulaient pas, ou c'est parce que c'est un
manque de financement, ou parce qu'il n'y avait pas de besoins?
M. Dion
(Sylvain) : Bien, moi, je pense que, d'une part, il y a un problème
d'effectifs en CLSC, là. Autant il a été possible d'attirer des médecins en
CLSC à une certaine époque, autant, dans les dernières années, ça s'est avéré être très difficile. Donc, si tu as une équipe de
cinq, six médecins, tu ne peux pas avoir une accessibilité qui est
étendue, comme vous le décrivez.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup.
M. Khadir : C'est terminé?
Le Président (M.
Tanguay) : Alors, ceci met fin à l'échange avec les parlementaires.
Nous remercions donc les représentantes, représentants de l'Association des
médecins en CLSC.
Et je suspends quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 6)
(Reprise à 17 h 11)
Le Président (M. Tanguay) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux.
Alors, nous avons l'honneur de recevoir les représentantes
du Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James.
So, welcome to your National
Assembly. You have a 10-minute presentation and afterwards you will have an
exchange with the Members of the National Assembly.
Please, make sure just to
mention your name and your functions, your responsibility within the
organization. C'est votre tour de parler. Merci.
Conseil cri de la santé
et des services
sociaux de la Baie-James (CCSSSBJ)
Mme Petawabano (Bella
Moses) : Thank you, Mr. President, Minister,
Members or Parliament. I'm Bella Petawabano. I'm the chair of the Cree Board of
Health and Social Services of James Bay.
Mme
Kitty (Darlene) : And I'm Dr. Darlene Kitty, family physician,
Chisasibi Hospital, president of the Council of
physicians, dentists and pharmacists for region 18.
Mme
Petawabano (Bella Moses) : On behalf of the Cree Board of Health and
Social Services, I would like to thank you for allowing
the board to address Bill 20. That assistance deeply concerns us, given its
potential impacts on the maintenance and sustainability of access to medical
services in a board's territory.
Our presence here today also
underscores our unconditional support of the Council of physicians, dentists
and pharmacists as to the detrimental consequences of Bill 20 in its current
form, as outlined in the memoire of the Cree Board of Health.
The memoire prepared by the
CPDP explains the difficulties of recruiting physicians to work in the Eeyou
Istchee, «the people's land», that is to say region 18 of the health and social
services network. She points out that the proposed
requirements of Bill 20 will have a negative impact on the board's part-time
and temporary doctors. This in turn will lead to a loss of physicians
and a limit access to family physicians in Eeyou Istchee.
We share Bill 20 stated
objective of improving access to family medicine. Our strategic regional plan
strives to serve of that very objective.
However, far from improving access to family medicine, Bill 20, as now drafted,
would hinder it. For the reasons that Dr.
Kitty will elaborate in a few minutes, the implementation of Bill 20 in its
current form would lead to a massive
exodus of physicians from region 18. This is simply unacceptable in a remote
region like Eeyou Istchee that is already facing severe challenges, both
in health conditions and in recruiting and retaining physicians.
Any measures having such
effects would be contrary to Québec's treaty obligations to the Cree of Eeyou Istchee set out in section 14 of the James Bay and
Northern Québec Agreement. They would also be inconsistent with Québec's undertakings in the Cree-Québec Health
Agreement of 2012. One
key principle of section 14 of the JBNQA is that the
Cree health board has the jurisdiction over and responsibility
for administering health and social services in region 18.
Another key principle is
that in implementing the JBNQA and in dealing with the Cree health board,
Québec must recognise and, to the maximum extent
possible, allow for the unique difficulties of operating facilities and
services in the north. This entails among
other things: in recruiting and retaining staff, generally to ensure that
working conditions and benefits
should be sufficiently attractive to encourage competent personnel from outside
region 18 to accept post for periods of time ranging from three to five years; in budgeting for the
development and operation of Health and Social Services and facilities,
to compensate for the disproportionate impact of northern costs, including
transportation, construction and fuel costs.
By virtue of these specific provisions, Québec commits to recognise and allow
for the unique difficulties faced by the Cree health board in recruiting
and retaining staff in the remote region of Eeyou Istchee. However, Bill 20 would compensate the ability of the
board to recruit and retain family physicians.
As signatories of the
Cree-Québec Health Agreement of 2012, the parties committed to implement the strategic regional plan of the
Cree health board. A central priority of the plan is to improve access for the
Cree to local health and social
services trough the integrated delivery of Health and Social Services in the
Cree communities. The strategic regional plan explicitly refers to the exceptional challenges faced by the board
in obtaining and retaining qualified personnel to provide the health and
social services needed in region 18.
These challenges include high staff turnover related
largely to difficulties associated with the Nordic conditions, isolation and
distance. The Cree-Québec Health Agreement includes a funding framework for the
period of 2013‑2018 in order to permit the Cree health board to implement its
strategic regional plan. In recognition of the historical underfunding of the board and the severe health and social
challenges facing the Cree, this funding includes a development
envelop to allow the board to catch up on the programs and services offered to
the Cree. It will not be possible to achieve this objective without an adequate
number of physicians and other health professionals.
The Cree health board has
made strenuous efforts to recruit and retain physicians in order to improve
access to family medicine and increase a quality of
care in the Cree communities. But all these efforts would be compromised by the requirements that Bill 20 would impose
on family physicians working in region 18. These requirements, which
include minimum caseload, minimum number of hours, would have the negative
effect of reducing the number of family physicians working with the board in
region 18 and be detrimental to the health and well-being of the Cree.
This would be contrary to
the treaty rights of the Cree under section 14 of the JBNQA. Québec has a constitutional obligation to consult and accommodate the Cree
before making any decisions or taking any actions that might have adversely affect Cree treaty rights under the JBNQA. No such
consultation has taken place. Instead, in order to
secure any invitation to these hearings, the
board was obliged to solicit the Committee on Health and Social services at the
National Assembly, a process that does not meet Québec's constitutional duty to consult and accommodate the Cree.
As already stated, the
implementation of Bill 20 in its current form would lead to address the
reduction in the number of physicians and
the quality of medical services in region 18. Since Cree patients would
necessarily have to be treated
outside the region at a much greater cost, this reduction would have the direct
and no less drastic effect of increasing the cost of the non-insured Health Benefits program, which is currently
under discussion with your ministry. Dr. Kitty.
• (17 h 20) •
Mme
Kitty (Darlene) :
The CMDP of region 18 would like to emphasize our concerns regarding Bill 20 in its current form. Rather than increased access to
family physicians and medical care, it will have the opposite effect.
The implications of Bill 20 will lead to a cascade of consequences for family
physicians, particularly our part-time and «dépanneurs»
physicians who, because of personal reasons, such as partner, children, aging
parents living down in the South,
their work in emergency departments, family practices and other clinics in the
South... To meet quotas, number of weeks
mentioned in Bill 20, these physicians will likely choose to stay in the
South even if they are exempt from region 18.
Specialists and public health
physicians will also be affected. The lost of family physicians will negatively
impact full-time physicians remaining who
will have much increased workload. And some will leave for family
reasons. Medical coverage and work with
nurses with «rôle élargi», recent efforts in recruitment and retention,
knowledge and expertise in indigenous health and remote medicine, and
teaching medical trainees will be affected.
Then,
health services will decline. Physicians will focus on essential services, and
clinics for community health, chronic disease management and preventive care will decrease, which will
lead to a decline in health status. Significant health disparities in Eeyou Istchee and other aboriginal communities
will worsen, such as diabetes, increasing complications such as heart and kidney disease, mental health,
addictions and social issues. Challenges due to complexity of care and limited resources will be magnified. All this will
lead to a significant decrease in the quality of care, culturally safe
care and access to care in Eeyou Istchee.
Family physicians in region 18
and the rest of Québec are the
backbone of the healthcare system and provide good
primary care, but their autonomy, career choices and scope of practice will be
reduced. Therefore, the Cree health board
and the CPDP oppose Bill 20 in its current form. Our treaty rights to
health, obligation to provide health and social services to the Cree
must be fully respected to avoid severe impact and loss of physicians. We
request an exemption from Bill 20 or
that specific consideration to the bill and its bylaw be made so that our
physicians can continue to serve the Cree population who, like other
aboriginal communities in Québec and Canada, face
many challenges in their health and social contexts.
Mme Petawabano (Bella
Moses) : The Cree Board of Health and Social
Services of James Bay wishes to find
solutions for these issues. Thank you for your consideration and your
commitment to improving health and social services in the remote regions
of Québec.
Le
Président (M. Tanguay) : Thank you very, very much for your presentation. Now, it is time to
have an open discussion with the Members of the National Assembly, and, to that effect, for
a period of 15 min 30 s, I'll let the minister ask you questions and to
exchange with you. Thank you very much.
M. Barrette : Thank you, Mr. President. Mrs. Moses
Petawabano and Dr. Kitty, welcome to your National Assembly for those hearings. I'm quite pleased
to see that you made this trip to come here, and to address our commission, and to
make sure that your point of view is well expressed and well received by us,
parliamentaries, and it will be.
As
you can see, at my right, with me, there's Mr. Kelley, Minister Kelley, and let
me extend my welcome to all the members of your community, who made also, obviously, the trip from James
Bay to this commission,
and to the consultants that are accompanying... that are with you today, I
know a few people of.
OK, so, to tell you the truth,
I'm quite happy for you to be here to express yourselves and to make your point
in terms of making sure that Bill 20 does
not impact you in any way. As, obviously, you know, in our asking for this
to be implemented, there are agreements
between your nation and our nation in order to provide a given number of
services, and there are agreements providing your authority on a large part of
those services and there are agreements about financing those services. And I
can tell you one thing, as of today, and that will go on for the whole process,
those agreements will be honored. What exists today and what has been agreed
upon will be maintained.
I
can understand your first reaction and, in many ways, I would be very
comfortable to tell you that your reaction to... the current status of the bill might have
significant negative effects on the medical services that are provided in
region 18, and, as such, I received very positively the comments that you have
made a few moments ago.
That being said, I need to
tell you that the bill in its current form is addressing medical services in Québec's areas outside regions,
especially region 18. Clearly, there will be provisions in the bill that
are not published as we speak, but that will
soon be published, that will make it so that what exists today basically will
remain, OK? So, roughly said, if I
may, the way services are provided in your community as we speak today will
remain. Your authority will remain and there
will have no provision in the law that will apply negatively to you. And, by
saying that, I'm addressing the issue of physicians or staff coming from
the South, going to the North to provide services in your communities. It will
not be possible for them to be penalized by the fact that they go to your
communities.
• (17 h 30) •
There will be arrangements that will
be clear, that will make it so that a physician, for instance, that comes from the South, momentarily or for a given period of time, that
will go to your community to provide services... There will be provisions prohibiting any penalty to that
physician based on the fact that, for instance, the ratios, their hours, their
quotas or whatever are not met in the
South... no, on a yearly basis because they went from the South to the North,
OK? What will happen is that the way
things are functioning today, and I understand, having practiced close to your
community in the past, I quite
understand... I understand quite well your problematics, the way services are
provided, and the distances, and the dispensaries, and all that. I
understand the problems that you're facing and I
understand the scope of the issues that you're
facing and how difficult it is to face those problems on a day-to-day basis or
on a yearly basis. So, it is our intention to make sure that
Bill 20 in any way will not affect you.
Now, if I can put it differently, let
me just tell you, to resume in a nutshell, what you're doing today... The doctors, what they are doing
today coming from the South to your community, and yourself Dr. Kitty, you will
not be affected by Bill 20.
Bill 20 will be adapted to your reality in both ways. It has to be adapted
to your reality, and your reality cannot and will not affect a physician that comes from the South to the North.
That's the way it's going to be. I cannot tell you today the details of what I'm saying, I can just reaffirm
what I just said : that there will be provisions in the bill that will not
allow anyone to be penalized or anyone in
your community actually practicing having to change his or her own practice in
order to adapt Bill 20. Bill 20 will have to adapt to you. OK?
Now, it would very interesting for me
to... That being said, now that you know that we will not in any way... or we will do whatever we can...
no, whatever we have to, and you will have the opportunity to, as you always
have, either trough Mr. Kelley's Ministry or trough my Ministry, to
express yourselves to make sure that, if there is something wrong happening,
let's put it this way, we will answer your call and we will adapt the
situation.
Now, that being said, can you tell me
what would be the specifics of what is not working well in your community today in relationship with the South community in order
to improve things? Now that you know that Bill 20 will not affect you, that being said, it doesn't mean that
things are perfect in terms of medical services provided to your
community. So, there must be some ways to
improve that. And, since you've made that trip, I'm please to give you this
opportunity to address those issues with us today.
Mme
Kitty (Darlene) : Thank you, Minister Barrette. One of the things...
one of the priorities that we have in addressing Bill 20 is the potential
loss — and it's a highly potential loss — of physicians that work in the South. The part-time physicians and «dépanneurs» physicians, many of them work
in emergency departments. We have quite a few emergency doctors from Montréal General, Royal Victoria Hospital who
come up to do their «dépannage», and they are obligated obviously to work in the South because they will be
expected to meet Bill 20 there, the obligations of Bill 20.
So, our concern is, even though physicians working in region 18 will be
exempted, the part-time and «dépanneurs» physicians may not be able to come to
work because they're still obliged to meet Bill 20 in the South. So, we
must find a solution for that.
M.
Barrette : There is already a solution, and I can give you a rough
example of the solution. The kind of work
that you're addressing in your comment, not only will it be addressed, but it
will be compensated in a way that a doctor
working at the Montréal General doing one week a month, for instance,
moonlighting in Chisasibi for instance, that doctor will be
double-compensated for his work in your community. Not only will he be
compensated, compensated in terms of
Bill 20, not in terms of money, but he will be compensated, and, in many
ways, it will be an incentive for him to go to your community. OK? We have provisions in the bill that will make
it so that there is no way for that doctor, for this example... will be
penalized. And, in many, many instances, it may be an incentive
for him, for her to do that again and do more.
Mme
Kitty (Darlene) : We appreciate that that is
being considered.
M.
Barrette : Rest assured that it is really, to
us, our intention to make sure that there is no detrimental effect on the practices of doctors or services provided
by doctors practicing mainly in the South that, today and in the future,
will continue going in your community. And,
if that is to happen, I will be there to answer your call because the way
things are designed is to make sure that
this kind of detrimental effect will not happen. As I said, we understand fully
what is at stake here for you and, in many ways, you're facing more dire
situations than we do in the South.
Le
Président (M. Tanguay) : Thank you very much.
Now...
Mme
Kitty (Darlene) : ...
Le Président (M.
Tanguay) : Sure.
Mme Kitty (Darlene) : ...many, many cases when our physicians work very
hard. Sometimes, we're on planes escorting patients to
the South. We lose doctors for a day because they're down bringing that patient
to ICU. And, over the years, it has come to
a comfortable level because of our recruitment efforts. And, in the last year
or so, we've actually come up to a
level that's very built... well-balanced medical team built of family
physicians and some emergency doctors,
specialists — we
suffer a shortage right now, but we're trying to recruit specialists — and,
all together, we strive to give care to the Cree nation. Of course, you realise that indigenous
health and social issues are paramount in our regions and other regions
in Québec, and it's great that we've built this team. Now, we're afraid our
efforts will be set back because of Bill 20.
M.
Barrette : ... again, rest assured that we will do whatever we need to
do to make sure that what you have today will remain,
and that goes for both GP's and specialists.
Le
Président (M. Tanguay) : Thank you very much. And now, in order to
allow our Minister responsible for the Native Affairs
to have a conversation with you, I need to have the consent of the colleagues.
Est-ce qu'on a le consentement
pour laisser le ministre des Affaires autochtones... Oui? Alors, M. le
ministre.
M. Kelley : Merci beaucoup,
M. le Président.
Just very quickly, welcome. I'd like to
thank the Minister for his opening. I met with one of your «dépanneurs» doctors from
Chisasibi who lives in my part of the world and works in your part of the
world, and I had a long conversation with
the Minister earlier about the unique mix because you have the doctors that
live permanently in your communities, but the swing team, the
«dépanneur» team, play a role that's very important.
A
number of agreements have been signed in the past. I think I see Marcel
Villeneuve in the room, and we signed an agreement in 2005 that was very forward
looking in terms of our relationship with the Cree nation. It created, I
think, the first department of public health in a First Nation and across
Canada, so it's really something very innovative. So, we have to continue to
build on the strength of it.
With our former colleague Yves
Bolduc, I was in Mistissini recently, and there's a magnificent clinic that he authorised
when he was Minister of Health. And very rarely in the life of a politician we
get to see the realisation of something we
had a hand in and getting trough the various comities and cabinet and get
approval, and go to Treasury Board and all those other things. So, we
were in Mistissini. It's a magnificent building, it's a very forward-looking
building.
So,
I came here today to listen to my colleague but just to assure you that we will
work together to make sure that the specific reality of the Cree, when it comes to providing health care
and their work with the Québec Government, we take that into account. It
applies to the Inuit as well, in Northern Québec, who have their own realities
in Kuujjuaq and Puvirnituq and everything else. So, I thank you very much for
bringing the Cree reality to our reflections today.
Le
Président (M. Tanguay) : Thank you very much. Now, I'll turn to our
colleague from the opposition. Et
je vais laisser la parole à notre collègue de Taillon pour une période de
11 minutes.
• (17 h 40) •
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Mme la présidente
Petawabano, Dr Darlene Kitty, je vais poser mes questions en français. Je comprends bien l'anglais, donc vous
pourrez répondre en anglais, mais je vais poser mes questions en
français, si vous permettez.
D'abord, je
veux vous dire que je suis très contente de vous rencontrer. Le 18 février
dernier, nous avons eu, le Cercle des
femmes parlementaires, une première rencontre avec le congrès des femmes élues
de l'Assemblée des Premières Nations.
Il y avait 60 femmes des Premières
Nations qui ont rencontré toutes les femmes députées de cette législation,
tous partis confondus, et ça a été vraiment une occasion de bien comprendre les
réalités que vous vivez.
Vous avez
parlé, dans votre présentation, de maladies comme le diabète, de santé mentale,
de dépendance. Les conversations que j'ai eues avec les femmes, les
chefs des Premières Nations étaient sur les difficultés d'accès à la dialyse pour des patients diabétiques. Je suis
pharmacienne et je sais comment ça fait une différence d'avoir accès ou
non-accès à la dialyse, et comment l'accès vous oblige à vous déplacer loin de
votre milieu de vie pour avoir accès à ces services
importants et essentiels, et les choix difficiles parfois
que des membres de votre communauté doivent faire en finalement décidant de ne
pas avoir accès à la dialyse pour ne pas s'éloigner de leur milieu de vie. Et
je trouve que c'est terrible qu'en 2015 on soit obligés de faire des choix
aussi difficiles que ça et que les gens de vos nations soient difficilement...
aient ce genre de difficulté d'accès.
Alors, je
vous remercie beaucoup pour la qualité du mémoire que vous avez déposé et pour
la présentation que vous avez faite.
J'ai bien entendu les commentaires du ministre, et je suis contente, et je
crois que vous pouvez vous fier sur nous pour valider et nous assurer que ce qu'il a dit arrivera. Mais je ne
peux m'empêcher d'être surprise et déçue qu'il n'ait pas prévu, et écrit, et rédigé déjà, dans le projet de
loi n° 20, sa vision pour les gens de votre communauté. Ça vous aurait
évité probablement beaucoup de préoccupations ou d'incertitudes, et je crois
que c'était quelque chose qui normalement aurait
dû être inclus dans le projet de loi n° 20, parce que normalement on doit
penser à ces choses-là avant de déposer un projet de loi. Nous allons
bien suivre les amendements et nous allons nous assurer que vos représentations
seront bien entendues.
Vous avez,
dans votre mémoire, deux tableaux très intéressants, un à la page 19 et un à la
page 27. Vous nous montrez comment, sur vos territoires, il y a un
équilibre fragile entre les médecins à temps complet, les médecins à temps partiel et ceux qui sont dépanneurs. En
fait, si on regarde à la page 27... Alors, à la page 27 de votre mémoire,
nous voyons qu'il y a une augmentation du nombre de médecins entre 2011 et 2015...
«Page 27».
Mme
Kitty (Darlene) : Sorry, we're looking at the English version.
Mme Lamarre : Oh!
Maybe...
Mme Kitty (Darlene) :
The page numbers don't match. We got it.
Mme Lamarre : It's
just the personal medical staffing. Sorry! OK.
Ce que l'on
voit, c'est que, pour des médecins que vous aviez un certain nombre en 2011, il
y a eu une augmentation en 2015, mais
que, dans l'ensemble des médecins que vous avez, sur 140 médecins, vous en avez
119 qui sont soit à temps partiel ou
des dépanneurs, ce qui rend vos effectifs médicaux particulièrement vulnérables
et fragiles, et pour lesquels un
changement de législation peut faire une différence dans cet état que vous avez
acquis. Est-ce que vous pouvez
nous parler des facteurs qui ont permis,
quand même, d'avoir l'augmentation du nombre de médecins entre 2011 et
2015?
Mme Kitty (Darlene) : This increase is due to the many
efforts of our physicians who teach medical students
and residents over the years. These medical
trainees return to the North and become «dépanneurs» or permanent
physicians. It also is because we reach out
to career fairs, and medical schools, and the family medicine programs here, in
Québec, to trying to
recruit physicians.
Because
of the way we work and the team building that we've been doing over the last
couple of years, word gets out to other physicians that have not come to the North as a medical
student or resident, and they tell others. So, the results of those numbers in recruitment show that. And
also it attracts people who are physicians who enjoy remote medicine and
challenges of working in aboriginal communities.
So,
over the years, it's a very good increase, but it's very fragile, it's a
delicate balance, and there's always some turnovers, because physicians return to the South
because their young children are starting school, because their partner cannot
get a job in the North, they seek for their training, and there are many other
reasons like that, that's very individualized for those physicians.
If we are looking at
Bill 20 and we had to think of the worst possible situation, we totaled
the number of part times and «dépanneurs»
and compare it to the total, and we get 85%. 85% of our total physicians have a
potential to leave the territory if
Bill 20 goes through and applies to us. And that leaves barely no...
hardly no physicians in our territory.
In our territory, although it's
16 000 across nine communities, almost 17 000, a few numbers of
non-Cree but mostly Cree, the challenges
they face in their medical needs, the health care problems that they have,
social issues... we need physicians
to come and work, learn about the culture, learn about the health problems and
interact in the communities, and they enjoy this, and that's what
attracts them, and that's what helps us recruit, but that balance is so thin,
so it's important that we retain physicians as much as possible.
We
have other challenges, like housing for physicians, you know, and we also have
three new clinics starting to be built in the coming
years and a new hospital.
Le
Président (M. Tanguay) : Thank you very much. Now, we'll let our colleague from Duplessis ask
you a couple of questions. Thank you.
Mme
Richard : Bonjour,
Mme Petawabano, Mme Kitty. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Je dois
vous dire que je suis extrêmement contente de vous entendre, que vous
savez, je...
Une voix : ...
Mme
Richard : O.K. On
me dit de parler plus lentement, là. Dans mon coin de pays, je parle assez
vite, puis, comme le temps nous
manque souvent, j'ai ce défaut-là de parler très, très vite. J'ai adoré vous
entendre, parce que j'ai beaucoup de similitudes avec vous. C'est ma réalité, en Basse-Côte-Nord, sept communautés autochtones pas reliées par le reste du monde par un réseau routier. Écoutez,
l'hémodialyse, moi aussi, j'ai eu à défendre ce dossier-là pour qu'on
puisse l'implanter dans ma région, parce que, sinon, et ça fait partie surtout
des réalités des peuples autochtones, le diabète, et tout ça, donc ils devaient
s'expatrier.
J'ai entendu le ministre, je vous le souhaite
sincèrement, que ça ne soit pas votre communauté ainsi que les médecins qui s'adaptent au projet de loi n° 20, mais que le projet de loi n° 20
s'adapte aux réalités qu'est le Québec
de ses régions nordiques, qu'est le Québec également.
Je veux vous
poser une question. Il ne me reste pas beaucoup de temps. Est-ce qu'après avoir entendu le
ministre de la Santé vous croyez, vous avez un espoir que celui-ci ait
compris vos réalités et que celui-ci fasse une exception pour votre communauté? Je le souhaite sincèrement. Je peux
vous dire, je vais vous laisser la parole, mais je peux vous dire qu'en terminant, de ce côté-ci, moi, je vais m'assurer
que le ministre respecte sa parole puis je vais continuer à débattre
pour qu'il ait la même ouverture pour mon
coin de pays. Je veux vous entendre, si vous croyez réellement que le projet de loi n° 20 ne viendra pas
compromettre les services chez vous.
Le Président (M.
Tanguay) : You have 30 seconds left.
Mme Kitty (Darlene) : I am more reassured, but not
completely until I see it in black and white on paper. I think it is very important to realize that our physicians need
those special considerations. As I reemphasize, part-time and «dépanneurs» physicians need to have some sort of credit for
the work they do in the South plus in the region 18, and not be penalized, and they can still achieve their
commitment to the North and do the work that they love to do up there.
Le
Président (M. Tanguay) : Thank you.
Mme Kitty (Darlene) : It is very hard work and they want to
come but we fear the worst with this bill and I am glad
at least this will be considered. Just one more point for the dialysis.
Dialysis, we already have services, a
satellite unit in Chisasibi Hospital, 19 patients right now receiving dialysis there three days a
week. We anticipate in the near future this might go to six days a week because
our dialysis needs are growing and
also, in Mistissini, they just opened a dialysis clinic there. I'm not sure
exactly how many people right now. They
just started with the nurses training, the laboratories there. So, we
anticipate, though, that we will have more need for dialysis in the
future and it is because of the chronic kidney disease that we see for...
because of diabetes and other kidney
diseases that cause kidney failure and will eventually lead to dialysis. So,
our family physicians follow these patients and, because of the complex nature of their care, we have to be more
informed and adapt at caring for patients with kidney disease to try and prevent that progression, but
inevitably we will have more Cree patients on dialysis in the coming
years.
Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much. It is time now to
let our colleague from Lévis to speak, and he asked us
to give you part of his time, 1 min 30 s. So colleague, you have 6 minutes
left. M. le député de Lévis, pour six minutes.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Mme Petawabano, Dr Kitty, merci. Votre mémoire
est extrêmement instructif. Vous avez
une réalité que vous décrivez parfaitement, et les gens qui nous écoutent et nous
regardent comprendront l'importance de votre présence ici et le besoin
d'être rassurées en vertu d'un projet de loi qui, manifestement, tel que présenté, a raison de vous faire craindre
et de provoquer des inquiétudes. Ma collègue de Taillon parlait de données
qui sont extrêmement intéressantes. Il y en
a plusieurs : bien sûr, les effectifs et la répartition de vos effectifs,
la fragilité de ceux-ci, de même que,
en pages 18, 14, bon, l'état de santé de la communauté et les problématiques
auxquelles vous devez faire face. Le
ministre vous a rassurées en vous disant que vous ne seriez pas touchées. Je
comprends, cependant, que vous auriez
souhaité être consultées avant que ne soit présenté le projet de loi
n° 20, ce qui n'a pas été le cas. Confirmez-moi.
Mme
Kitty (Darlene) : We were not consulted.
• (17 h 50) •
M. Paradis (Lévis) :
Dites-moi l'effet immédiat du projet de loi n° 20, celui dont on discute,
chez les médecins qui aujourd'hui
vous donnent des services. Outre le fait qu'ils vous manifestent une inquiétude
également, est-ce qu'il y a des réactions
automatiques? Je vous explique. Des professionnels nous ont dit que certains
médecins de famille songeaient déjà, nonobstant
les propos du ministre pour votre communauté et la région 18... que les
médecins de famille souhaitaient déjà... ou pensaient déjà à quitter le
milieu de la médecine familiale. Des gens disaient : Nous irons ailleurs.
Est-ce que les médecins, le personnel
soignant qui travaille avec vous, ont manifesté ces inquiétudes? Est-ce qu'il y a déjà des signes concrets qui vous font
craindre le pire?
Mme Kitty (Darlene) : Definitely. There is already one
physician leaving from Chisasibi and I am sure others...
Most of them have families in the South or
young children. There are some young couples in the North with babies,
but eventually they will leave for the South
when their kids start kindergarten, but they might end up leaving sooner
because they are parents or grand-parents in
the South, and many of the physicians that are part time or «dépannage» already
work down South. Their homes are there,
their families are there, and, you know, it's very isolating when you are
working up in the North, you are away from your family. So, if Bill 20
happened, we fear that most of the physicians will stay in the South, although they don't want to, and that
leaves the bare minimum physicians left in the territory to run clinics.
In
Chisasibi hospital, we need five physicians to run the hospital; in the
Mistissini clinic, four physicians minimum.
And, in the villages, the smaller communities, they will loose their physicians
because their priorities will be more
to those busier, larger communities. And, you know, obviously, the health
services will be impacted because their physician is part of the health care team and we work closely with the
nurses in the communities, especially in Chisasibi and Mistissini, and
also with other health professionals there.
And also we have other obligations,
administrative work, teaching medical students in residence, and, if they see this happening with Bill 20,
they are not going to come to the North, they might do family medicine
residency somewhere else other than Québec, and the medical students won't
choose family medicine for residency. So, it has a ripple effect, and we rely so much on
medical student in residence. We enjoy teaching them about our health of the
people, the culture and alternative
approaches to treating our patients using culturally safe practice. So, this is
all going to be lost if Bill 20 happens, say, tomorrow, and that's why, as soon as we heard, we had to start
working on preparing our position to oppose Bill 20 and present our
concerns.
M. Paradis
(Lévis) : Le défi que vous avez, ce que vous me racontez, c'est de
maintenir vos équipes qui sont dévouées et
qui ont une tâche à accomplir hors de l'ordinaire, et vous en faites mention à
la page 21. Vous parlez du rôle et de
l'emploi du temps des médecins de famille chez vous. C'est énorme, ce que l'on
a à accomplir. Le temps requis n'a pas
de commune mesure avec le travail d'un médecin de famille en zone urbaine, par
exemple à Québec ou à Montréal, à la lumière de ce que vous me
présentez.
Vous me parlez d'enseignement, de jeunes qui
pourraient choisir d'aller vers une autre voie.
Le Président (M.
Tanguay) : En quelques secondes, malheureusement.
M. Paradis
(Lévis) : Est-ce que vous
sentez, là aussi, que des choix se font et vous craignez que des gens
changent de profession en raison du projet de loi tel qu'il est?
Mme Kitty (Darlene) : It's very possible.
Le Président (M.
Tanguay) : Thank you very much.
Mme
Kitty (Darlene) : If they are forced to stay... to train in Québec and
stay under Bill 20 legislation, they won't want to
choose family medicine.
Le
Président (M. Tanguay) : Thank you very much. Now, it's time for our
colleague from Mercier, the riding of Mercier, to have
a two-minute conversation with you. Collègue, three, trois.
M. Khadir : (S'exprime en
cri) ...à tout le peuple, en fait, à tous les gens d'Eeyou Istchee qui sont
avec vous.
• (18 heures) •
Je
voudrais vous... I would want to insure you that you're not the only ones that
the Government has not consulted over this bill. In fact, every other group that
has come here and every group that we have consulted, professionals,
directions of health care, health care
facilities, people in the universities who are involved in, you know, finding
solutions for access, nobody,
strictly nobody has been consulted by the Minister — or
unless we don't know — because up to now... So, you have not been the only ones, and it's not a directed
discrimination. Unfortunately, we have all been discriminated
by this non-democratic approach of this Government.
I
have heard the response of the Minister to your preoccupations. It's good, but
I think it would be wrong that the Government considers that as a favor given
to your people, because we consider, in my party, that, for so long, your people has been dispossessed from unmeasurable
amounts of resources, billions, literally, of natural resources, for example, in return of which, I think, it wouldn't be exaggerated... Correct
me if I'm wrong, it wouldn't be exaggerated at least partially to compensate all the wrongdoings, all the insufficiencies of
our past policies, that today the health care facilities in Eeyou Istchee could include dialysis program, a
comprehensive dialysis program, because it's an important aspect of the
problems that you see. I don't think it would be exaggerated, am I wrong?
Mme
Kitty (Darlene) :
It's much less expensive to prevent kidney diseases or monitor it in early
stages than to build dialysis units. So, how do we do
that? We need family physicians to do that, and nephrologists.
M.
Khadir : Of course. So, what I'm saying is that
I think it wouldn't be exaggerated, from my point of
view, that the people, the Cree people...
Le Président (M. Tanguay) : 10
seconds.
M. Khadir : ...asked for whatever it takes
to prevent, through interventions, «les services de première ligne», first-line
services to prevent...
Le Président (M.
Tanguay) : Thank you.
M. Khadir : ...but also its necessary
dialysis program.
Le Président (M.
Tanguay) : Thank you very much.
M. Khadir : After all, you deserve it.
Le Président (M.
Tanguay) : Thank you very much.
Mme Kitty (Darlene) : Thank you.
Le Président (M.
Tanguay) : This is all the time we have. So,
thank you very much for your participation.
Alors, ceci met fin à nos travaux pour la
journée. Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à
demain, après les affaires courantes. Merci.
(Fin de la séance à 18 h 2)