(Neuf heures cinquante-cinq
minutes)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission de la santé et des
services sociaux ouverte. Je demande
à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant
l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et
modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation
assistée.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Non, M. le
Président.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Vous êtes en forme ce matin?
Donc, ce matin, nous allons débuter avec les remarques préliminaires
puis nous recevrons le Regroupement provincial des comités d'usagers, suivi de
l'Association des jeunes médecins du Québec. Je vous rappelle que nous
ajournerons les travaux à 21 h 30.
Remarques préliminaires
Alors, sans
plus tarder, j'invite maintenant M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux à faire vos remarques préliminaires pour une période de six
minutes.
M. Gaétan Barrette
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, permettez-moi de souhaiter
la bienvenue d'abord, évidemment, au regroupement
des comités d'usagers qui sont ici ce matin avec nous, qui sont les premiers à
s'exprimer, à nos collègues de
l'opposition et au public, évidemment, qui nous écoute et qui va suivre, j'en
suis convaincu, avec beaucoup d'intérêt les discussions, les audiences
sur ce projet de loi.
M. le
Président, ce matin, quand je me suis levé, j'ai eu une pensée pour le public
qui nous écoute, parce qu'au Québec
des centaines de personnes, encore une fois, probablement, faisaient la queue à
moins 24 °C, partout au Québec, devant un bureau de médecin pour avoir accès. En quelque part,
aujourd'hui, M. le Président, des centaines de personnes vont aller à
l'urgence dans la journée puis vont peut-être être vues ce soir ou plus tard.
Nous avons, au Québec, une problématique
d'accès qui est significative, et le projet de loi n° 20, qui est un
complément au projet de loi n° 10, est un projet qui vise à régler ou, du moins, à favoriser de la façon la plus
optimale possible l'accès aux médecins de famille et aux médecins spécialistes, et aussi, évidemment, à
apporter des modifications pour ce qui est du financement de la procréation médicale assistée. Ces gens-là, M. le
Président, qui attendent aujourd'hui s'attendent évidemment à ce que des
actions soient prises, et évidemment elles seront prises.
Le projet de loi n° 20 est un projet de
rémunération, d'une part, mais c'est un projet de rémunération qui a deux volets : un volet économique et un volet
conditionnel. Et ce projet-là, là, le projet de loi n° 20, est un projet
de loi qui vise essentiellement à
déterminer ce pour quoi on paie et à quelles conditions. C'est une obligation.
Nous sommes dans une situation budgétaire que les gens connaissent, et
des décisions doivent être prises à cet égard-là.
Je
commencerai donc par la procréation médicalement assistée. La procréation
médicalement assistée a été l'objet d'une
multitude de commentaires dans les médias, le Commissaire à la santé et au
bien-être a parlé à certains égards de dérapage.
Et ça fait partie de ce qu'on appelle des choix de société. Nous avons choisi,
M. le Président, de déposer un projet
de loi à cet égard, qui fait en sorte que l'implication du public, des impôts
et des taxes des citoyens, se fasse d'une telle manière que le paiement de ces actes-là ne passe plus par la RAMQ
mais par un crédit d'impôt et que le paiement de ces services médicaux là se fasse à condition qu'il y ait des balises de
l'exercice claires. D'ailleurs, les balises que nous avons proposées et incluses dans le projet de loi
sont essentiellement celles qui ont été proposées par le Commissaire à la
santé et au bien-être dans son analyse
exhaustive qu'il a faite de cette situation. Donc, d'un côté, on agit sur le
mode de paiement, tout en le préservant pour les plus démunis, et, de l'autre
côté, on vient encadrer d'une façon claire, nette et précise la pratique
de ce type de services médicaux.
Du côté des
médecins spécialistes, c'est la même chose. Le paiement reste ici public, par
la RAMQ, mais le mode de paiement se
fait à certaines conditions, des conditions qui font en sorte que les médecins
spécialistes auront l'obligation de s'assurer,
dans leur mode opérationnel quotidien, du bon fonctionnement, de la fluidité de
notre réseau de santé, et particulièrement
notre réseau hospitalier, et on y reviendra, à plusieurs égards, sur les
éléments qui seront touchés. Mais essentiellement,
les médecins spécialistes, bien, écoutez, on demande, par exemple, de gérer les
listes d'attente en chirurgie pour faire en sorte qu'il n'y ait plus de
gens — il y en
a 7 000 aujourd'hui au Québec — qui attendent plus d'un an. C'est une
question de gestion, et on veut que les gens se responsabilisent, et ainsi de
suite. On y reviendra, évidemment.
Du
côté de la médecine de famille, évidemment, bien là, on connaît le problème. Il
est extrêmement connu, et il n'y a
pas une semaine où il n'est pas publié une étude, dont la dernière, celle du
Commonwealth Fund, qui considère que le
Canada est presque le dernier de sa cohorte quant à l'accès aux médecins de
famille, particulièrement au Québec, où, encore une fois, je le rappelle, il y a 20 % de plus de médecins
qu'ailleurs au Canada, particulièrement l'Ontario. Que faisons-nous, M. le Président? Il y a des choses
très simples. On dit : Voici, il est possible d'aller chercher une
capacité supplémentaire et, à partir
de maintenant pour avoir accès à une pleine rémunération, il y aura des
conditions à respecter. C'est tout. Notre objectif, M. le Président, est
d'abord et avant tout d'aller exploiter une capacité qui n'est pas offerte
à la population. C'est ça, l'essence, M. le
Président, du projet de loi n° 20, pour ce qui est de la médecine de
famille : d'abord faire le constat qu'il y a une capacité non
offerte à la population.
À
cet égard, nous avons donné des heures de formation, plus de cinq, près de six,
aux oppositions et pour partager avec
elles tous nos constats. Ils sont aujourd'hui à la même page, au même moment
que nous en termes de connaissance de la base de données.
La
première question à laquelle il faut répondre aujourd'hui dans ces audiences,
M. le Président, c'est : Faisons-nous le même constat? Et je vois déjà, dans les mémoires qui ont été
proposés, déposés, que, oui, le constat est fait. Maintenant, à partir du moment où on fait ce constat-là, M. le
Président, bien, il doit, ce constat d'une capacité supplémentaire à offrir à
la population... bien, on doit l'organiser, l'organiser, M. le Président. Et,
pour l'organiser, bien, il faut des règles. Et ces règles-là, M. le Président, elles seront définies
et peaufinées à la suite des commentaires qui seront faits ici, en commission
parlementaire. Alors, ces audiences-là,
aujourd'hui, sont extrêmement importantes, M. le Président, pour faire en sorte
qu'après avoir constaté qu'on a de la marge
on puisse l'organiser au bénéfice de tout le monde, incluant les
professionnels, mais surtout de la population qui nous écoute et qui
attend encore inutilement des services.
• (10 heures) •
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. le ministre. J'invite
maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, d'accessibilité aux soins et députée de
Taillon à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de
3 min 30 s.
Mme Diane Lamarre
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, le Québec est le
détenteur d'un triste record, celui d'être le champion en manque d'accès aux soins de santé. Or, chaque mesure qui
est prise par un gouvernement a des conséquences.
Ces conséquences sont parfois bonnes, mais parfois mauvaises. Pour le ministre,
imposer par la force d'une loi des
quotas aux médecins, en particulier les médecins de famille, ça semble être
quelque chose de facile, mais toute action
ne donne pas les garanties d'un bon résultat et de l'amélioration d'accès
attendue. Dans les faits, il y a des effets néfastes à une loi qui est simpliste, indéchiffrable dans ses
règlements. Donc, elle peut avoir des conséquences désastreuses et
causer l'effet contraire.
On
est très préoccupés par les personnes qui sont plus malades, les personnes qui
ont des problèmes de santé mentale, pour lesquelles les consultations ne
peuvent s'inscrire dans des colonnes de chiffres. Ces personnes-là, laissées
pour compte dans le carcan du projet de loi
n° 20... Parce que le projet de loi n° 20 veut déterminer des quotas,
il veut mettre un carcan. Alors, on a besoin d'avoir du contenu, de
savoir davantage qu'est-ce que le ministre veut mettre dans les règlements, ces règlements-là seront toujours
bonifiables après les consultations, et le ministre refuse de nous déposer
les règlements, et il nous donne une coquille
vide sur laquelle on va se pencher, sur laquelle déjà des organismes comme
le Barreau du Québec, la FMOQ refusent de se pencher. Parce qu'on ne peut pas
comprendre quel sera concrètement l'impact
sur la population et dans la vraie vie des citoyens si on n'a pas accès, à tout
le moins, au projet de règlements qui sont
déjà en référence pour 36 articles du projet de loi n° 20. Alors,
j'invite le ministre à déposer ces règlements. C'est un souci de transparence, cette transparence nous a
été promise par le gouvernement libéral, et on bonifiera, au besoin, les
règlements à partir des consultations.
Ce
projet de loi a un impact direct sur les médecins, et le ministre a aussi fait
un choix, un choix délibéré d'inclure la
procréation médicalement assistée dans ce projet de loi, diluant, à toutes fins
utiles, toute la possibilité de ces gens de pouvoir faire valoir les enjeux qui se rattachent à cette dimension-là.
Le Québec veut des enfants, il veut des bébés. Et on a, dans la procréation médicalement assistée, déterminé
qu'il y avait, comme le Commissaire à la santé l'a dit, des écarts, qu'il y avait des choses à bonifier. Mais entre
bonifier et jeter le bébé avec l'eau du bain, il y a vraiment une différence,
et le fait que le ministre ait choisi
stratégiquement de mettre ce projet dans le même projet que celui des médecins
fait en sorte que toute l'attention médiatique ne porte pas sur cet
enjeu-là.
Alors,
encore une fois, le ministre devra nous montrer un grand souci de transparence, et, s'il est sûr que c'est si bon, s'il est sûr que c'est parfait, cette
mesure qu'il s'apprête à nous offrir, qu'il nous en parle clairement
au complet. Souvent, on l'entend
dire : C'est clair, c'est facile à comprendre. Bien là, ça ne l'est pas
dans le projet de loi général. On a besoin d'avoir du plus concret et on espère que le ministre va nous
donner le plus concret, et ça, ça passe par les règlements. Qu'il les
donne aux groupes qui vont venir présenter.
Je
les remercie d'ailleurs d'accepter de venir dans un contexte qui n'est
pas facile, parce que s'exprimer sur quelque chose qui est aussi général, c'est très difficile de
comprendre comment concrètement on va arriver à la conclusion qu'on
souhaite tous, c'est-à-dire que les citoyens du Québec aient accès à leur système
de santé.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, collègue députée de Taillon. Je cède maintenant la parole à notre collègue député de Lévis
pour ses remarques préliminaires pour une période maximale de 2 min 30 s.
M.
François Paradis
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le Président. Il est vrai qu'aujourd'hui la journée est importante,
et, cette portion, en tout cas, de
discussion, nous aurons... et manifestement elle est majeure pour les gens qui
nous regardent et nous écoutent, l'intérêt
est manifeste pour la population. C'est un problème qu'on adresse depuis déjà longtemps : Doit-on aujourd'hui faire autrement? La réponse est oui, mais comment
le faire? Peut-on faire autrement sans passer par le punitif, le coercitif?
Je pense que oui aussi.
De fait, dans
ce projet que nous aurons à analyser par le biais des commentaires qui nous seront faits, il y
a des manquements. Le projet, actuellement, est squelettique, il manque de chair, la chair
étant les règlements qui s'y rattacheront et qui nous permettraient de mieux comprendre ce
qui va se passer pour vous, pour nous, pour ceux qui nous parleront, mais, bien entendu, et je salue les gens qui
viendront ici, les groupes qui viendront nous expliquer et nous proposer des
solutions. Et là c'est important,
nous avons proposé des mesures alternatives qui, nous le pensons, pourraient
faire une différence, notamment
revoir le mode de rémunération des médecins basé présentement sur l'acte, faire en sorte qu'on puisse se baser sur la prise en charge, rééquilibrer le
mode de rémunération.
Ce n'est pas d'hier qu'on en parle, ça fait
40 ans, toutes les commissions sur la santé se sont penchées sur le problème : revoir les activités médicales particulières qui obligent les médecins à rester en établissement, alors
qu'ils sont prêts à aller en cabinet.
C'est une volonté commune, et nous avons suffisamment de médecins, nous le
croyons, pour faire en sorte que la
couverture médicale en établissement soit suffisante. D'ailleurs, cette même
mesure a été applaudie par l'actuel ministre de la Santé, qui en était
en 2012 et qui avait dit, à ce chapitre : Bravo! On démenotte les
médecins, applaudissons à cette
minirévolution. Nous pensons que ça fait partie aussi des solutions, sans
qu'elles ne soient coercitives ou punitives, c'est ce que l'on entend
souvent.
Aujourd'hui,
ce que je souhaite, c'est qu'il y ait une ouverture globale, une ouverture de
la part du ministre pour faire en
sorte que ce qui nous sera proposé par les groupes qui viendront nous voir
trouvera une oreille attentive et permettra peut-être de faire différent, de faire différemment, de régler un
problème qui perdure, qui vous inquiète à la maison, de faire en sorte que collectivement on puisse
proposer autre chose. Au-delà de ce qui nous est proposé, sur lequel il manque
beaucoup d'éléments, nous pourrons peut-être
voir d'autres avenues de solution. Je vous le dis et je le répète : Nous
en avons proposé, il en existe, j'ose espérer que nous pourrons en
reparler. J'ai l'impression qu'aujourd'hui... Puis on a l'impression qu'au
cours des prochains jours on partira sur une guerre de chiffres. Ça va au-delà
de ça, la santé de la population. Ce ne sont
pas que des chiffres, ce sont d'abord et avant tout des patients, des usagers,
des humains qui encore aujourd'hui
attendent ou... à l'urgence, ou voient des interventions reportées, ou se
demandent qu'est-ce que sera leur demain en attente d'un examen qui
pourra faire en sorte que le diagnostic oblige un traitement qui manifestera...
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
M. Paradis
(Lévis) : ...ébranlera le
patient mais ébranlera aussi son environnement, ceux qui l'entourent. Quand
on parle santé, on ne parle pas seulement d'une personne...
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup.
M. Paradis
(Lévis) : ...on parle de
l'environnement. Nous espérons que nous aurons tous une oreille attentive
pour aller plus loin et trouver des solutions appropriées. Merci, M. le
Président.
Le
Président (M. Tanguay) : Je vous remercie beaucoup, collègue de Lévis.
Je demande maintenant aux collègues le
consentement pour permettre au
collègue de Mercier de faire des remarques préliminaires pour une durée de deux
minutes. Y a-t-il consentement? Il y a consentement. Alors, la parole à
vous, collègue de Mercier.
M. Amir Khadir
M. Khadir : Je veux remercier mes collègues.
Pour Québec solidaire, il est clair que nous appuyons l'idée et la volonté exprimées par de nombreux acteurs depuis
des années, qu'il faut absolument une réforme qui puisse améliorer l'accessibilité aux médecins pour la population du
Québec. Et, le ministre actuel, c'est à son honneur d'avoir agi rapidement
pour penser à présenter un projet de loi qui
vient proposer, mettre quelque chose sur la table pour corriger cette
situation.
Cependant, à
l'examen et après avoir entendu à peu près tous les intervenants, tous les
intervenants, y compris ceux qui
appuient du bout des lèvres le projet de loi, s'entendent pour dire que, dans
les moyens, bien que tout le monde soit
d'accord avec l'intention, dans les moyens, le ministre risque d'aggraver le
problème, notamment en favorisant les mauvaises
pratiques, c'est-à-dire quantitatives,
axées sur la production des pratiques qui, aujourd'hui même, ont cours
dans certaines cliniques médicales, où des
médecins qui sont très axés sur la quantité font le maximum qu'ils peuvent
faire dans une semaine et, au bout de trois jours, ferment la clinique. Et ça
donne à leurs activités... Leur pratique est orientée
en fonction de leurs besoins et non pas du besoin de la population.
Et, avec des propositions du ministre, on vient décourager des bonnes pratiques où il s'agit de tenir compte de la
complexité des problèmes des patients et de vraiment aborder
les problèmes dans leur entièreté, ce qui prend du temps,
demande de la patience, et encourager les mauvaises pratiques qui sont quantitatives, qui sont au
volume, qui encouragent une forme de pratique qui néglige la complexité des
problèmes des patients qui se retrouvent ensuite à l'urgence ou en un autre
point de santé, consommant ressources et énergie dans le système de
santé.
Donc,
dans cette optique-là, j'invite le ministre à, disons, attirer, je dirais, l'admiration de
tous les acteurs de la santé, qui lui
demandent plus d'écoute et une collaboration pour trouver ensemble
des solutions, et donc de retirer son projet de loi, et se baser sur des
consensus qui existent dans le réseau pour agir dans le système...
• (10 h 10) •
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
M. Khadir : ...et améliorer l'accessibilité aux médecins omnipraticiens pour l'ensemble
de la population. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, collègue de Mercier.
Auditions
Alors, chers collègues,
nous débutons donc notre période de consultation et d'audition. Nous sommes
heureux ce matin de rencontrer les
représentants du Regroupement provincial des comités d'usagers. Vous disposez
d'une période de présentation de
10 minutes. Par la suite s'ensuivra une période d'échange avec les
différents parlementaires. Pour les fins d'enregistrement, je vous demanderais de bien prendre le temps de vous
nommer, de nous dire également vos fonctions. Et, sans plus tarder, la
parole est à vous pour 10 minutes. Merci.
Regroupement provincial
des
comités des usagers (RPCU)
M.
Ménard (Claude) : Bonjour, M. le Président, M. le ministre, membres de la commission. Je suis Claude
Ménard, président du Regroupement provincial des comités des
usagers, et je suis accompagné du directeur
général, Pierre Blain.
Nous sommes
heureux de voir que ce sont les usagers qui ouvrent cette commission.
Pour nous, tout repose sur le droit
de l'usager à avoir accès à un médecin, ça en est primordial. Avant même
d'entamer son mémoire, le Regroupement provincial
des comités d'usagers du réseau de la santé
et de services sociaux tient à
réitérer son admiration pour le travail des médecins et de tout le
personnel du milieu de la santé et des services sociaux.
L'objet de
cette commission parlementaire ne porte pas sur le dévouement mais sur
l'organisation du travail que tout gouvernement doit mettre en place
pour protéger la santé et la sécurité de la population, plus particulièrement
le travail des médecins. Les différentes
réformes qui se sont succédé au Québec depuis les 20 dernières années
n'ont pas donné tous les résultats
attendus. En effet, aucune n'est allée assez loin pour revoir l'organisation du
travail de ceux qui donnent les soins, les médecins.
M. Blain
(Pierre) : Je vais enchaîner.
Nous avons consulté différentes études qui ont mesuré la performance du réseau de la santé et des services sociaux du
Québec. Malheureusement, dans ce cas-ci, c'est en se comparant qu'on se
désole, car les chiffres parlent.
Il faut
reconnaître que, comparée aux autres provinces canadiennes, la performance du
système de santé québécois est moins
bonne que l'ensemble des provinces. Le Québec se classe malheureusement au
huitième rang des provinces canadiennes
quant à la performance globale de son réseau de santé. Et, au niveau
international, la situation n'est guère mieux. On doit malheureusement admettre que la performance du système
québécois est faible, sinon très faible. Les usagers le savent,
puisqu'ils le vivent à tous les jours.
Les études
nous indiquent que les problèmes viennent tant du dysfonctionnement global que
de l'inaccessibilité aux soins, aux
médecins et aussi, dans certains cas, à la mauvaise organisation des cabinets
de médecins. Mais, pire, la disponibilité
des médecins du Québec a diminué depuis 2007, surtout en ce qui concerne le
nombre d'heures consacrées aux soins directs aux patients. Les chiffres
de la Régie de l'assurance maladie du Québec indiquent que de nombreux médecins pratiquent à mi-temps, malgré les
incitatifs financiers offerts. Nous pouvons même affirmer que les médecins
rendaient, en moyenne, 7 % moins de services médicaux en 2012 qu'en 1990.
Nous allons
maintenant aborder le paradoxe du médecin entrepreneur. Plusieurs usagers du
réseau de la santé et des services sociaux sont outrés lorsqu'un médecin
se présente en tribune publique affirmant : Moi, en tant que petite entreprise. De façon générale, les médecins en
cabinet privé sont ceux qui dispensent les services de première ligne et
ils sont, dans ce cas-ci, rémunérés à l'acte. À notre grand étonnement, aucune
contrainte n'est liée à l'acte dispensé. Ainsi, selon les chiffres du
Collège des médecins, nous aurions 19 500 médecins au Québec, ce
serait donc 19 500 petites entreprises
privées qui offriraient des services au gouvernement du Québec
sans aucune coordination ni aucune exigence de rendement. Pour nous, les
usagers, cela ne fait pas aucun sens.
Il nous apparaît donc clair qu'il est normal que
l'État demande des comptes et du rendement aux médecins omnipraticiens et aux
médecins spécialistes qui font partie du réseau de la santé et des services
sociaux et qu'il leur demande de suivre un
certain nombre d'usagers. Le RPCU déplore toutefois que l'on en soit venu à
devoir légiférer pour s'assurer que
chaque usager ait accès à un médecin. Le RPCU souhaite la reprise des négociations entre les parties. En effet,
plusieurs de nos membres, dont le comité des usagers du Sud
de Lanaudière, craignent que le projet
de loi n° 20 ne favorise
pas le recrutement en région. Il faut donc les rassurer.
Cependant,
dans notre naïveté d'usager qui ne connaît pas vraiment ce que fait un
médecin et dans l'optique du projet
de loi n° 20, nous avons tenté
d'y voir plus clair en faisant une hypothèse. D'un côté, un travailleur moyen québécois travaille 35,5 heures par semaine pendant
50 semaines, ce qui lui donne 1 770 heures de travail annuel. De
l'autre, nous avons
basé notre analyse sur une semaine de travail de 30 heures pour un médecin
pendant 45 semaines. Cela le fait donc travailler 1 350 heures. Le médecin doit faire 12 heures
d'activités médicales particulières, ce qui représente 540 heures. Le
médecin, selon notre scénario, ne travaillerait donc que 810 heures en
cabinet privé pour chaque année, s'il est à temps plein, bien sûr.
On dit que la
qualité du contact avec le patient est importante et qu'il faut s'occuper des
maladies chroniques et de certaines
catégories de patients qui demandent plus de temps. Nous sommes tout à fait
d'accord. C'est pourquoi, selon notre
hypothèse, un médecin pourrait voir facilement 500 patients pendant une
heure. Ce serait donc au-delà de 5/8 % de son temps en cabinet privé qui serait pour les clientèles
particulières. Il lui resterait donc 310 heures à consacrer à d'autres
patients, et présumons qu'il les verrait aux
15 minutes, comme cela se passe actuellement, ce qui veut dire 1 240 patients de plus. Donc, en ne travaillant que 18 heures par semaine en
cabinet privé, on pourrait facilement voir 1 740 usagers.
Expliquez-moi qu'est-ce qui cloche dans nos
chiffres. Ce qui cloche dans notre raisonnement, c'est que les médecins ne semblent pas savoir comment travailler
ensemble et mettre en commun les ressources que leur offre un groupe de
médecine familiale. Ce qui cloche dans nos chiffres, c'est qu'il faut que le
médecin partage sa tâche avec d'autres professionnels
de la santé, comme les infirmières et les professionnels du milieu.
8 500 omnipraticiens pourraient desservir une population plus grande que le Québec. Et,
aussi, à quand le Dossier santé Québec? Il faut surtout aussi que l'on change
la rémunération du médecin pour mettre en place la rémunération à l'activité.
Un mot enfin
sur la procréation assistée. Cette partie aurait dû faire l'objectif d'une
législation à part. Cela étant dit, le
RPCU croit que la procréation assistée devrait être réservée aux femmes qui ont
un problème de santé, c'est-à-dire aux femmes qui, sans intervention, ne
pourraient procréer, et elle devrait avoir lieu dans des établissements
publics.
M. Ménard
(Claude) : Malgré notre
admiration pour le travail des médecins, des états d'âme et des soupirs ne
feront rien changer pour l'accès des usagers
au réseau de la santé et des services sociaux. On comprend que la disponibilité
des médecins du Québec a diminué depuis
2007, surtout en ce qui concerne le nombre d'heures consacrées aux soins
directs aux patients, aux usagers. Le
RPCU croit donc raisonnable que... le projet de loi n° 20. Le droit pour
l'usager d'avoir accès à un médecin
est primordial. Le RPCU déplore toutefois que l'on en soit venu à devoir
légiférer pour s'assurer que chaque usager ait accès à un médecin.
En ce qui a
trait à la procréation assistée, elle devrait être réservée à permettre
l'enfantement par une femme par des moyens d'assistance, sans confondre
procréation assistée et fertilisation artificielle. Merci de votre attention.
• (10 h 20) •
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, s'enchaîne maintenant une période d'échange avec les parlementaires, et, pour une enveloppe de
20 min 30 s, je cède maintenant la parole au ministre de la
Santé et des Services sociaux.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, M. Ménard,
M. Blain, merci beaucoup de vous présenter ici ce matin, d'abord avec votre mémoire, mais particulièrement
parce que vous, vous avez raison, je suis d'accord avec vous : c'est
vraiment la bonne chose de commencer ces
audiences-là avec les usagers. C'est un projet de loi pour les citoyens et les
citoyennes, et il me semble que la première
personne ou le premier groupe qui devait s'exprimer, c'est vous, et je vous
remercie d'être là, ici, ce matin. Et, comme
vous, là, et j'insiste là-dessus parce que c'est très important, je suis en
parfait accord avec le fait que vous souligniez le fait que nos professionnels,
qu'ils soient médecins, infirmières, préposés, technologues, ils sont là, là, la qualité, elle est là. Et je salue leur
travail, et, comme vous, là, on doit souligner ça. Mais, par contre, on
fait essentiellement le même constat que vous au fil des années, on constate
que les choses ne vont pas nécessairement en s'améliorant.
Vous avez
probablement été surpris comme moi, il y a quelques instants, d'entendre notre
collègue de Mercier affirmer haut et
fort qu'effectivement il y a une problématique de confrontation de besoins, le
besoin du médecin personnel et le
besoin de la population. D'ailleurs, le député de Mercier a pris un exemple
assez patent, là, qui est celui d'un médecin à temps partiel. Vous avez été probablement aussi surpris d'entendre
l'opposition officielle parler beaucoup, beaucoup de procédures et très peu du patient. Parce que
c'est lui qui est au coeur, là. Et ce qui est au coeur, c'est le patient qui
attend. Alors, nous, on vous rejoint
puis on est vraiment très contents de votre présentation, évidemment, et dans
l'esprit de votre présentation. Parce
que vous, vous êtes le récipiendaire des services quand vous avez accès aux
services, puis vous êtes la personne en attente dans la file quand vous
avez besoin de services, et vous représentez les usagers.
J'aurais une
première question à vous poser. Actuellement, là, avant même... On comprend,
là, puis j'ai compris votre point,
puis je suis tout à fait d'accord avec votre point, la situation pourrait être
meilleure. Mais, dans les dernières années, là, ou dans la dernière
année, vous n'avez pas vu de détérioration dans la dernière année?
M. Blain (Pierre) : M. le Président.
Le Président (M. Tanguay) : Oui.
M. Blain
(Pierre) : Effectivement,
nous, le Regroupement provincial des comités des usagers, on est un peu le
comité consultatif, si on peut dire, de la
population, nous recevons énormément. J'étais, la semaine dernière, dans une
résidence pour personnes âgées, ici, Côté-Jardin, et avec des gens formidables
d'un certain âge, et je leur posais la question : Est-ce que vous avez un
médecin? Ils disaient : Bien, on a un médecin dans la résidence. Donc,
pour moi, effectivement, les besoins sont
comblés. Comme tel, je n'ai pas vu effectivement de détérioration, sauf que je
n'ai pas vu non plus d'amélioration.
J'ai consulté aussi plusieurs
personnes parce que... Peut-être, certains d'entre vous le savez, mais j'ai
travaillé dans le milieu du sida
aussi, et c'est des problématiques de santé qui sont multiples. Donc, je me suis
renseigné pour voir avec des gens, des amis, des collègues, et d'autres
personnes, et aussi avec d'autres personnes qui ont des maladies chroniques, et, pour eux, ils disent, quand ils
sont traités par leurs médecins... Parce qu'ils ont un médecin de famille, ils
peuvent le faire. Et, pour eux justement,
quand on parle d'un rendez-vous, j'ai dit : Combien de fois par année
avez-vous un rendez-vous d'une heure
avec votre médecin? Bien, on n'en a pas. Autrement dit, ils ont accès, ça se
fait, et la qualité de l'acte est là.
Maintenant, la différence, c'est qu'il faut que tout le monde le mette de la
même façon et le comprenne.
M.
Barrette : Parfait. Donc, je vous posais la question, évidemment elle
était un peu biaisée, parce que, souvent, bien des gens...
M. Blain
(Pierre) : Je vous connais.
M.
Barrette : ...bien des gens affirment qu'avec les efforts de retour à
l'équilibre budgétaire on coupe des services. Mais vous qui parlez au
nom des usagers, là, vous n'avez pas une recrudescence de plaintes à cet
effet-là?
M. Blain
(Pierre) : Absolument pas.
M.
Barrette : Mais, au fil des années, je comprends que vous avez observé
que l'offre, là, sur une période de 15 ans, n'allait pas en
augmentant, elle allait plutôt en diminuant. Est-ce que je me trompe?
M. Blain (Pierre) : Absolument. Selon nous justement... Et ça, ce sont les chiffres qui
parlent. Comme je vous dis, dans
certains cas, les chiffres, on en fait ce qu'on veut, mais, dans ce cas-ci, je
pense qu'ils sont extrêmement importants. Il y a eu diminution du nombre d'actes. Il y a une tendance qui se
manifeste aussi, et on l'a vu avec des groupes de médecins, des groupes de jeunes médecins qui disent :
Bien, nous, on veut justement, peut-être, avoir une autre qualité de vie qu'on
n'avait pas dans le temps. Mais, pour moi
comme tel, on n'a pas de
détérioration comme telle, mais je pense qu'il faut qu'on améliore.
Ce
que vous disiez ce matin, en ouverture, M. le ministre, concernant le moins 24 °C, moi, je dis aux usagers,
quand ils m'appellent puis : «J'ai été obligé d'attendre dehors avec mon
petit bébé», bien, je dis : Allez à l'urgence. J'aime mieux que vous alliez à l'urgence. Comme ça, au moins, vous allez
être assis à l'intérieur puis vous ne serez pas sous la pluie. Mais ce n'est pas ça, un service de première ligne. Un
service de première ligne, c'est de pouvoir avoir accès, c'est de pouvoir organiser ses services pour qu'on
prenne un rendez-vous par Internet. C'est ça, un service de première
ligne, et c'est de ça qu'on a besoin, et c'est comme ça qu'il faut qu'on
l'organise.
M.
Barrette : Et je suis bien d'accord avec vous. Et ce qui
m'impressionne dans ce que vous me dites, c'est que, et ça, je n'ai jamais été vraiment,
nécessairement, conscient de ça parce que... Je suis content que vous soyez là,
parce que souvent vous devez vous
sentir comme oubliés, là, dans tout cet appareil-là, là. Mais on vous appelle,
c'est ça que vous nous dites, là. Il y a plein de citoyens, patients,
citoyennes qui vous appellent parce qu'à toutes les portes qu'ils frappent,
bien, ça ne répond pas.
M. Blain (Pierre) : On reçoit des appels continuellement à nos bureaux, aussi dans des
courriels. Nous sommes justement le haut-parleur de ces usagers quand on
vient ici devant vous. Nous recevons ces plaintes-là. Le nombre de personnes qui sont désespérées : Je n'ai pas
de médecin de famille, qu'est-ce que je peux faire? Bien, je ne peux pas vous
aider, mais peut-être qu'on peut voir
ensemble des solutions. Et, oui, effectivement, il y a des choses à faire, mais
surtout il faut écouter. Mais le
problème, c'est une question d'organisation. On a suffisamment de médecins, on
l'a dit. Moi, j'ai rencontré des
médecins absolument formidables, j'ai eu un petit problème de santé récemment,
mais sauf qu'il y en avait trois. J'aurais peut-être pu en voir un seul
plutôt qu'en voir trois, alors les deux autres auraient pu faire autre chose.
Je
donnais l'exemple aussi d'une personne diététique. En même temps qu'est
arrivé... qu'on a diagnostiqué à un de mes
amis qu'il pouvait être diabétique, pardon, en même temps il y a eu un de mes
employés qu'on disait qu'il pouvait être
diabétique. La différence de traitement entre les deux, c'est que le médecin,
dans un cas, a passé une heure avec lui pour lui dire : «Ne mange pas de tomates, il y a trop de sucre
là-dedans», et, à côté, c'était plutôt une diététicienne qui a donné les
mêmes conseils. C'est là justement, travailler en commun.
On
parle justement que 70 % des prescriptions des médicaments ne sont pas
respectées. Bien, je pense que c'est aux
pharmaciens à expliquer correctement comment prendre un médicament, et c'est
là, je pense, qu'à ce moment-là les médecins pourraient se concentrer sur
des choses essentielles.
M.
Barrette : Parce que ça, ce que vous dites là, là, les usagers s'en
rendent compte, là. C'est ce que je comprends.
M. Blain (Pierre) : Ce que je vous dis là, moi, M. le ministre, c'est du gros bon sens.
Nous autres, on est plancher des
vaches. Et c'est ça qu'on nous dit et c'est ça que tout le monde nous dit quand
ils nous appellent : Moi, là, achalez-moi pas avec les chiffres, ce que je veux avoir, c'est accès à un médecin.
Et c'est ce qu'on vous demande, le droit d'avoir accès à un médecin. Et je pense qu'on a suffisamment de
médecins, on a suffisamment de médecins dédiés au Québec pour qu'on
puisse y avoir accès.
M.
Barrette : O.K. Je reprends un peu les chiffres que vous avancez.
Vous, vous êtes confortable avec ce que vous avancez comme chiffres, là,
vous considérez que c'est des chiffres qui sont fiables, là.
M. Blain
(Pierre) : Bien, je ne vois pas
comment on peut être autrement. Ces chiffres-là, en passant, parce que plusieurs ont dit : On a été appelé trop tard
pour se préparer pour la commission parlementaire, j'ai présenté ces
chiffres-là, là, le 9 décembre
dernier. D'ailleurs, Mme Lamarre était à la même réunion que moi ici, à
Québec, Je les ai présentés à un journaliste
du Devoir. Donc, autrement dit, moi, déjà depuis le dépôt du projet
de loi, j'ai commencé à me préparer pour venir devant vous, parce que je
savais que j'étais pour être appelé.
M.
Barrette : Vous aviez raison, puis je suis très surpris que d'autres
organisations n'aient pas eu la même certitude, mais ça, c'est une autre
affaire. Mais vous vous êtes préparé, et je vous en félicite et en remercie.
Écoutez, j'ai
envie de vous poser une autre question, mais une question d'usager, là, hein,
puis tantôt, là, vous avez dit, là...
Vous avez fait référence à un patient qui est très malade, qui a une maladie
plus sévère, plus chronique. Parce que
les maladies chroniques, on s'entend, ne sont pas toutes sévères, là, hein?
Parce qu'il y a beaucoup, beaucoup d'emphase mise là-dessus, puis les gens font l'équation souvent, dans, je dirais,
les groupes d'intérêts, là... maladie chronique, sévérité, ça ne va pas
nécessairement ensemble, on s'entend là-dessus, là.
M. Blain (Pierre) : Absolument.
• (10 h 30) •
M.
Barrette : Et vous faisiez référence au fait qu'il y a... des
patients — et j'en
suis, là, je suis d'accord avec vous, là — peuvent avoir besoin d'être vus pendant une
heure, on s'entend là-dessus, il y a des patients plus lourds que d'autres.
Mais il y a des patients moins lourds. Vous,
là, dans votre organisation, je vois que les gens sur le terrain vous parlent
et, à la limite, se confient, parce que
probablement qu'il y a des gens qui vous disent des choses qu'ils ne diraient
pas à d'autres, ils n'iraient pas
devant une caméra raconter ça. Est-ce
que vous sentez, là, que, quand on a
un problème mineur, le fait d'être vu pendant 15, 20 minutes, là, c'est un
problème? Est-ce que les gens sortent de là en se disant constamment
insatisfaits, ou on peut conclure que, oui, oui, il y a des problèmes qui
peuvent se régler rapidement?
M. Blain
(Pierre) : Moi, je pense que,
d'abord, c'est une qualité de communication entre un professionnel et un
usager. C'est ça, la chose la plus
importante et c'est ça aussi qu'il faut que les professionnels apprennent à
faire. J'ai vu, malheureusement...
J'ai vécu une expérience extrêmement difficile dans ma vie, quand ma belle-mère
a été... devait avoir une chirurgie
cardiaque et que, le médecin, le chirurgien, de la façon qu'il lui parlait,
j'ai été obligé d'intervenir, et je lui disais : Vous ne parlerez pas à madame de cette façon-là, elle a
84 ans, elle est malade et, demain, elle est opérée, pouvez-vous
être raisonnable aussi dans la façon...
Donc, non, je pense que les médecins peuvent
donner un service de qualité, bien sûr, en comprenant bien la situation.
On a vu aujourd'hui, dans le journal, des problématiques, entre autres, avec une personne qui s'était suicidée. J'ai vécu exactement le même problème avec un de mes amis qui s'est suicidé, qui avait
vu trois médecins, qui était allé chercher des prescriptions partout,
mais c'est tout simplement qu'il y a un manque de coordination. Mais d'abord,
le médecin, il faut qu'il fasse son travail. Il faut qu'il le comprenne bien.
M.
Barrette : Je vais aller toujours
dans cette direction-là, puis je suis content que vous l'abordiez, votre
réponse, je ne pensais pas que vous
alliez aller là, mais ça fait bien mon affaire, parce que, vous avez raison,
j'allais y revenir un petit peu plus
tard, puis vous allez comprendre où je veux aller... La communication, c'est
essentiel. Puis probablement que vous allez être d'accord si je dis que le citoyen,
là, parce que les citoyens ne sont pas tous des patients, là, ils ne se
rendent pas tous à l'hôpital, là, mais appelons-le le citoyen, il a un grand
lien de confiance avec son médecin.
M. Blain
(Pierre) : C'est le plus grand lien de confiance qu'on peut
avoir. Si on n'est pas capable de faire confiance à son médecin, à ce moment-là autant ne pas
remettre nos mains et notre vie, dans beaucoup de cas, à un médecin. Dans certains cas, on veut avoir une seconde opinion, bien sûr,
parce que, quand on arrive dans des problématiques plus
graves comme le cancer, on veut... ce n'est jamais vrai. Mais sauf que
la communication est l'élément essentiel.
Et c'est pour ça que j'ai beaucoup d'admiration
pour ce que l'Université de Montréal a fait avec sa faculté de communication, qu'ils montrent comment communiquer
à un médecin. Pour moi, c'est essentiel. Et d'ailleurs je l'ai vu même, maintenant, dans la communication que les jeunes médecins peuvent avoir. J'ai tombé
à terre, depuis quelques mois, quand je me présente dans un
cabinet de médecin puis qu'il me donne la main quand j'arrive : Bonjour.
Mais, mon Dieu! c'est le monde à l'envers.
M.
Barrette : Alors, je vais
aller... Ah! puis vous avez tout à
fait... Oui, bien, j'ai tendance à
dire que vous avez raison, mais on ne
s'en ira pas là à matin, pas de mon bord. Mais je vais aller un cran plus loin.
Vous savez, dans le projet de loi, il y a
un concept qui s'appelle l'assiduité, et moi, je postule... puis vous me direz
ce que vous en pensez, là, parce
que
ce n'est pas une question à laquelle probablement vous vous
attendez, là. Il y a des gens qui disent que l'assiduité, ça ne marchera pas, hein? Il y a
des gens qui disent... Parce que nous, on dit : Chers médecins, adaptez votre
pratique à la population, affichez vos rendez-vous, et le patient,
quand il va en avoir besoin, il va venir chez vous. Et les gens disent :
Non, non, non, ils vont aller ailleurs, et
là je vais être pénalisé. Et moi, je postule, puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus...
C'est que le citoyen, là, M. et Mme
Tout-le-monde, là, vous, moi, on va aller d'abord chez la personne qui
nous connaît et en qui on a confiance
avant d'aller voir une tierce partie à qui on va devoir raconter à nouveau.
C'est le contraire : à partir du moment où le lien est là, l'assiduité va se
faire toute seule, à la condition que la disponibilité soit là.
Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Blain (Pierre) : C'est pratiquement pareil
comme si j'étais d'accord avec vous tout le temps, ce qui n'est pas tout
à fait le cas, vous le savez.
M.
Barrette : Non, je le sais,
la dernière fois, vous n'étiez pas d'accord avec moi tout le long, au projet de loi n° 10.
M. Blain (Pierre) : Non, mais ce que je veux dire, c'est que vous avez raison, parce que
moi, j'ai la chance d'être dans un
groupe... d'avoir un médecin, une femme médecin qui est dans un groupe de
médecine familiale et, à partir de ce moment-là,
je suis toujours rassuré parce que c'est toujours le même dossier qu'on voit,
peu importe, je n'ai pas besoin de
raconter à chaque fois mon histoire, parce que le dossier est là, et tout est
là. Par conséquent, je vois toujours, dans le fond, mon médecin, qui, elle, si jamais elle n'est pas là, pourrait me
rassurer en me passant à quelqu'un d'autre qui le fait.
Mais
moi, je ne vois pas... Présentement, justement, ce n'est pas la plainte que les
usagers ont. Oui, parfois, la plainte
qu'ils ont, c'est de dire : C'est difficile de voir même son médecin
attitré. Bien sûr, si c'est parce qu'on a une grippe, je pense que ce n'est pas nécessairement là qui
est la chose la plus importante, mais, dans un groupe de médecine familiale,
on est capables de le faire. Mais, quand c'est notre santé comme telle qui a
été diagnostiquée lors d'un rendez-vous d'examen
médical et qu'on a des suivis, je
pense que c'est là justement
l'assiduité qu'on doit avoir dans son médecin, principalement.
M. Barrette :
Et là je vais vous demander une question, je pense, difficile pour vous, là, parce
que ça vous demande un peu de porter un
jugement sur le grand public, là. Moi, je
pense que, si l'offre des services et
les plages de rendez-vous étaient plus grandes — puis c'est ça qui est l'objectif — ce n'est pas vrai que les patients vont se
garrocher pour aller voir le médecin
pour rien. C'est une crainte qui est souvent exprimée par les médecins. Dans le
projet de loi n° 20, ils me
disent : Oui, mais là, là, si vous mettez des plages, là, puis vous nous
forcez à afficher des plages, là il y a plein de monde qui vont se précipiter pour venir, puis ce ne sera pas nécessaire
qu'ils viennent. Qu'est-ce que vous en pensez, de ça?
M. Blain (Pierre) : Moi, je ne vois pas... Effectivement, ça, c'est... De toute façon,
c'étaient des propositions qui ont
été faites par la Fédération des médecins omnis, qui avait dit : On va
ouvrir des plages. Moi, je dis : Ce n'est pas la solution, ouvrir des plages. Ce n'est pas ça, le problème,
c'est d'avoir accès à un médecin de famille. C'est ça, la différence. Ouvrir des plages, c'est d'avoir accès à un
médecin, point. Ce n'est pas avoir accès à un médecin de famille. C'est ça, la
différence. Cependant, il faudrait que le
médecin de famille puisse avoir des plages pour voir ses patients, ses usagers,
ses propres personnes qu'il s'occupe,
quand ils doivent être vus par lui, parce qu'il juge important d'être vu par
son médecin. C'est ça, la plage ouverte.
M.
Barrette : Alors, si je résume, là : Dans votre lecture, vous, de
l'angle de l'usager, là, qui regardez le système, dans votre lecture,
c'est clair qu'il y a de la capacité non offerte.
M. Blain (Pierre)
: Moi, j'ai été un peu renversé quand on a commencé à parler que justement
beaucoup de médecins préféraient travailler
à temps partiel. Et là je me suis rappelé mes vieux cours d'économie, là, la
pyramide de Maslow, là, qui dit
qu'une fois qu'on a comblé les besoins économiques de quelqu'un, après ça, ce
n'est plus ça qui compte, c'est la
qualité de vie, c'est la couleur de la Mercedes, peut-être, ou des choses comme
ça. Ce qui est important, c'est : Ayons
des médecins qui vont vouloir travailler. Et je pense que, même avec des
ouvertures, on est capables d'avoir accès à tout le monde. Mais qu'on ne
vienne pas nous dire : Présentement...
J'ai
lu d'autres choses aussi qui m'ont un peu troublé. D'entendre des médecins, des
jeunes médecins qui disent : Bien,
nous, on ne voudrait pas travailler tout seuls parce qu'on a peur, on n'est pas
capables de consulter... Je pense que tous
les médecins ont toujours consulté, même s'ils étaient en cabinet privé. Je me
souviens du Dr Badeau, quand j'avais 6 ans, puis qui n'était pas
sûr si j'avais une infection, puis qui appelait un de ses collègues, là. Donc,
je pense que ces consultations-là peuvent se faire. Donc, pour moi, c'est un
faux problème.
M.
Barrette : Du côté de la PMA, si on va de l'autre côté du projet de
loi, est-ce que j'ai bien compris votre position à l'effet que vous
voulez... vous êtes en faveur d'une gradation des interventions permises?
M. Blain (Pierre) : Premièrement, pour nous... La première des choses, c'est un problème de
santé. Une femme qui a besoin d'avoir
assistance pour procréer, c'est un problème de santé. Par conséquent, on doit
lui donner des facilités pour qu'elle puisse le faire, c'est certain.
Ensuite
de ça, c'est les experts qui vont pouvoir nous dire l'âge, est-ce qu'il entre
en considération, est-ce que le
nombre, etc. Nous, on n'est pas en mesure de le dire, sauf que, nous, ce qu'on
sait, c'est que les personnes qui veulent avoir un enfant, des femmes
qui veulent avoir un enfant, et je dis bien : Des femmes qui veulent avoir
un enfant, à ce moment-là, devraient avoir la possibilité d'avoir des enfants.
M.
Barrette : Vous n'avez pas pris formellement position quant aux modes
de soutien financier que l'on offre. Et, dans le mémoire, vous n'avez
pas pris...
M. Blain (Pierre) :
Non, on n'en a pas...
M.
Barrette : Est-ce qu'il y a quand même des commentaires que vous
pouvez nous relayer du grand public que vous représentez?
M. Blain
(Pierre) : Oui. C'est bien sûr,
c'est un peu gênant de commencer à parler de gros sous dans ce temps-là,
sauf que je pense que... Si on établit des
balises et qu'on établit le nombre de possibilités, etc., je pense qu'à partir
de ce moment-là on va y répondre, à ces balises-là, et on va pouvoir le
faire. Moi, je pense... je ne sais pas. Je ne veux pas rentrer dans une guerre de chiffres pour savoir : Est-ce qu'on
devrait dépenser 100 millions ou 200 millions? Mais, pour moi,
c'est plutôt... plus général que ça.
M.
Barrette : Sur le principe... En fait, je ne vous demande pas votre
opinion personnelle, je vous demande la perception que vous ressentez
des gens.
• (10 h 40) •
M. Blain
(Pierre) : La perception qu'on a reçue, parce que,
ça, on avait... Les commentaires qu'on vous a donnés là, c'est exactement
les mêmes commentaires, parce que nous avions été consultés par le Commissaire
à la santé, et j'ai pratiquement reproduit
textuellement ce que j'avais mis au Commissaire de la santé quand il a présenté
ses balises et qu'il a présenté son
mémoire. Nous, c'est exactement la même chose. Donc, par conséquent, on pense que
ça doit être restreint, ça doit être revu, qu'on doit restreindre
jusqu'à un certain point, et on pense surtout que ça doit être surtout dans des
établissements publics, parce qu'on a investi beaucoup, et je pense que c'est un
service essentiel, bien sûr.
M.
Barrette : Une dernière chose : Est-ce que vous considérez que de
consulter avant d'édicter un règlement, c'est une bonne chose?
M. Blain
(Pierre) : Je ne voudrais pas
rentrer là-dedans. Pour moi, étant donné que j'ai été... Pour moi, chaque
commission fonctionne différemment. Je pense
qu'on est capables de faire valoir des choses et je pense qu'en passant
j'ai mis un peu de balises pour les directives qui devraient être mises en
place. Et je pense que c'est la tâche d'un parlementaire
de faire valoir ces points de vue là. Et je dis aussi : Je pense que, M.
le ministre, vous devriez retourner à la table de négociation avec les
fédérations de médecins.
M. Barrette : J'y suis à toutes les
semaines, mais je suis tout seul.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la
parole aux collègues de l'opposition officielle et, en ce sens, je cède
la parole à la collègue de Taillon pour une enveloppe de 12 minutes.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Ménard,
M. Blain, bienvenue. Merci pour votre présentation. Vous savez que la dimension des usagers, des patients est
quelque chose qui est vraiment essentiel. Je suis porte-parole de l'opposition en santé et
accessibilité aux soins, et c'est une priorité pour moi. Dans ma pratique, j'ai
été à même de recevoir au quotidien
des milliers de gens qui, dans toutes sortes de contextes, subissaient des
conséquences d'un manque d'accès à notre système de santé.
Pendant tous
les débats qui ont eu lieu sur ce sujet-là, on a beaucoup fait référence à la
différence entre avoir un médecin de
famille, c'est-à-dire être inscrit auprès d'un médecin de famille, et avoir
accès vraiment à son médecin de famille
quand on est malade. Et on est capable de dire, dans l'accès à son médecin de
famille, d'avoir aussi une vision de
travail d'équipe, c'est-à-dire qu'à l'intérieur d'un groupe de médecins, si mon
médecin habituel n'est pas là mais qu'un autre médecin, qui a accès à mon dossier, à mes antécédents, à mon
histoire familiale, peut avoir accès, ce serait bon. La maladie, ça frappe le
soir, les fins de semaine. À quel endroit dans le projet de loi n° 20
voyez-vous une meilleure garantie d'accès au système de santé les soirs
et les fins de semaine?
M. Blain (Pierre) : À mon point de vue,
ce seront les engagements que les médecins devront prendre. La première des choses, si on parle d'accès à un
médecin de famille, c'est bien sûr accès à un cabinet. Pour moi, c'est... Le
soin primaire est donné d'abord par les cabinets de médecin. Par la suite,
quand on a besoin d'un autre niveau, on a
accès aux spécialistes et on a accès aux hôpitaux. Mais, comme tel, avoir accès
à un médecin de famille, c'est surtout pour prendre soin de sa santé en
général.
Ce que vous me
posez comme question, en réalité, c'est : Accès à un médecin, et, pour
moi, c'est là où, présentement, les
groupes de médecine familiale, même si on dit qu'ils doivent être ouverts de
8 heures le matin à 8 heures le soir, sept jours par semaine, mais je... de 8 heures à midi, ce
n'est par ailleurs pas suffisant pour avoir juste accès à un médecin,
parce qu'à ce moment-là le reste du système devra toujours continuer à
compenser l'accès comme tel à un médecin, pas à son médecin de famille mais à
un médecin.
Mme
Lamarre : Alors, je suis bien d'accord avec vous et je pense que
l'augmentation d'un volume d'actes... je
ne suis pas certaine qu'à ce moment-ci ça nous donne la garantie qu'on
recherche de l'étalement de ces actes-là. Et l'étalement de ces actes-là
est probablement une dimension très importante dans le manque d'accès qu'on a
actuellement.
Et je vous
dirais même que, pour tout le monde ici qui avons une préoccupation aussi de
faire que chaque dollar va être
utilisé de façon optimale... Si je prends l'exemple de quelqu'un qui a un zona,
si les symptômes commencent en après-midi, tous les rendez-vous ont été donnés,
et, ce patient-là, sa seule porte d'entrée actuellement, ça va être l'urgence
d'un hôpital, qui n'est pas optimale, parce
que ce n'est pas une priorité P1, P2, P3, P4. Ça va être un P4, P5. Et on a
besoin, par contre, d'avoir un traitement rapide dans cette maladie-là.
Donc, le projet de
loi n° 20, on le voit, il crée beaucoup de mécontentement, beaucoup
d'insatisfactions, avec certains effets où
on entend des médecins qui vont se dire : Moi, je vais prendre ma retraite
plus vite; moi, je vais changer ma pratique, je vais passer du système
public au système privé. Et pourtant, même si on augmente du volume, on n'a toujours
pas les garanties qu'on n'aura pas inutilement recours à l'urgence, qui
coûte très cher, hein, une consultation à l'urgence, ça, c'est 250 $
juste pour entrer puis ouvrir un dossier, alors que c'est autour de 30 $
si on va voir un médecin de famille,
puis ça pourrait peut-être être moins si on voyait une infirmière praticienne
spécialisée ou un pharmacien. Donc, comment
vous voyez, encore une fois, l'amélioration de cette garantie d'accès dans le
projet de loi n° 20? Qu'est-ce qui pourrait être amélioré pour
qu'on ait cette garantie d'accès là, cet étalement des heures?
M. Blain (Pierre)
: Si je peux me permettre, je dois vous donner raison dans beaucoup de
points là-dessus. Pour moi, c'est une
question d'organisation de services. Ça nous prend des cliniques qui sont
ouvertes peut-être 24 heures. Justement,
c'est une organisation autre. C'est aux médecins, peut-être, à organiser quelque
chose, semblable, pour faire en sorte qu'on puisse couvrir plus
largement un ensemble comme ça.
Le
problème que j'ai déjà entendu dans le passé... Parce que j'étais président de
la fondation d'un hôpital, et nous autres,
on avait voulu payer un médecin à l'urgence, mais on disait : Non, vous ne
pouvez pas faire ça, parce qu'on n'est pas
certains d'avoir le volume. Alors, le problème va se reposer encore une fois de
la même façon, c'est-à-dire... Ça va être
encore une fois une question de gros sous : Est-ce que je vais faire assez
d'argent si je reste ouvert 24 heures par jour?, malheureusement. Par conséquent, est-ce qu'il faut aller plutôt vers une
autre forme de rémunération? Est-ce qu'il faudrait plutôt revenir à
l'idée de nos CLSC qui pourraient, eux, être ouverts plus loin?
Moi,
c'est drôle, hein, en France — encore une fois, je vais vous parler de la
France, mais j'ai beaucoup d'amis médecins
français, mais qui sont salariés — ce sont des salariés. Ils ne sont pas des
personnes qui sont traitées à l'acte. Ils
sont salariés. Je ne vous dis pas qu'ils travaillent 24 heures par jour,
là, ce n'est pas ça que je vous dis, sauf qu'on a un accès beaucoup plus facile à partir de ce
moment-là. Mais je pense que c'est une question... Et vous avez tout à fait
raison, peut-être que le projet de
loi ne rentre pas là-dedans, pour cette partie-là, mais, pour moi, c'est une
question d'accessibilité, c'est une question d'organisation.
Mme Lamarre : J'apprécie beaucoup toute la dimension que vous
avez faite au niveau des comparaisons. Vous savez que c'est sûr qu'on a des chiffres. Au briefing technique, le
ministère nous a donné d'autres chiffres. Et on peut vraiment aller dans
des guerres de chiffres et des interprétations de chiffres et d'heures
travaillées, de jours travaillés, inclure
des heures de formation, et tout ça. Il reste qu'un médecin de famille ne fait
pas que voir des patients, il doit aussi analyser des résultats de laboratoire, il doit aussi préparer ses
rendez-vous avec les médecins, il doit faire des suivis, des rappels
téléphoniques de patients le soir, et tout ça.
Je
vois aussi que vous avez regardé... Puis vous êtes le Regroupement provincial
des comités des usagers, donc vous
devez aussi avoir des liens avec d'autres provinces. Par exemple, en Ontario,
les médecins de famille ne sont pas soumis
à des activités médicales particulières à l'hôpital, à tout le moins. Comment
vous voyez ça, comme différence? Et,
quand vous rencontrez des gens en Ontario, qu'est-ce qu'ils vous disent par rapport
à l'utilisation des médecins de famille,
et aux spécialistes aussi, parce qu'il y a un travail qui se répartit? Qui fait
les heures que les médecins de famille font en activités médicales
particulières dans les urgences en Ontario? Qui les fait, ces heures-là?
M. Blain (Pierre) : Je suis sûr que M. le président va me permettre de parler jusqu'à 4
heures cet après-midi sur ce sujet-là.
Le Président (M.
Tanguay) : De consentement, on peut tout faire.
M. Blain (Pierre) : Vous avez tout à fait raison. Et c'est la différence majeure qu'on a
entre le Québec et, peut-être, d'autres provinces. Je ne vous dis pas
que c'est aussi bon, là, en Ontario, ce n'est pas ce que je dis du tout. Il y a
un système d'organisation qui est différent. Les médecins à qui j'ai parlé et
les usagers aussi... Parce que notre système comme
tel est à peu près unique. Effectivement, nous, ici, on a fait le choix de
demander aux médecins de s'orienter... de
faire du travail aussi en centre hospitalier, et, pour moi, c'est un choix de
société qu'on a fait. Est-ce que c'est le bon choix? Bien, c'est à vous de le juger. Mais moi, pour les médecins à qui
j'ai parlé en Ontario — parce que j'ai des amis même
là — ils me
disent : Bien, nous autres, on ne voudrait plus retourner dans le système
du Québec. Parce que plusieurs médecins
du Québec ont été de l'autre côté, parce que, pour eux, ils pensent qu'ils sont
capables de mieux se concentrer sur la problématique de leurs médecins.
C'est
pour ça qu'on a été bien naïfs dans nos chiffres, hein, comme vous le voyez. On
n'a même pas calculé, dans les
heures... On a mis les heures d'activités médicales particulières, mais on n'a
pas calculé si ça devait rentrer dans un décompte. On n'a pas voulu rentrer
là-dedans. Mais, oui, vous avez raison, peut-être
que notre système au Québec devrait être
repensé pour que justement les hôpitaux soient peut-être
desservis différemment. Est-ce que c'est envisageable? Je ne le sais pas, je
ne suis pas un spécialiste là-dedans, mais sauf qu'on voit ailleurs des choses
qui se passent.
• (10 h 50) •
Mme
Lamarre : Au niveau
de la procréation assistée, qu'est-ce
que c'est, la réaction des usagers? Parce que
vous représentez ces usagers. On
pense souvent aux usagers âgés, mais, dans ce cas-ci, ce sont des usagers
jeunes, des couples qui recherchent à avoir un enfant. Comment ils
réagissent par rapport au projet de loi?
M.
Blain (Pierre) : La peur, oui, effectivement, parce qu'on ne veut pas être restreint dans son choix. La
différence aussi, quand une femme
décide d'avoir un enfant, ça peut se passer peut-être à un âge différent dans
sa vie. Plusieurs femmes maintenant
ont décidé d'avoir des enfants vers la fin de la trentaine, et c'est peut-être
juste à ce moment-là que le problème peut se poser.
Par
conséquent, oui, ce qu'on a entendu, c'est des gens nous dire : Bien, on
ne voudrait pas avoir de restriction. Mais,
pour moi, entre ne pas avoir de restriction et d'avoir juste un bar ouvert, je
pense qu'il y a une marge à faire, et, à ce moment-là, je pense que vous
autres, vous aurez... en mesure de peut-être balancer cette marge-là. Mais,
oui, il y a présentement une peur qui
peut s'établir, mais sauf que je pense que vous pouvez les rassurer facilement
en faisant ça.
Mme
Lamarre : On est tout à fait
d'accord, tout le monde, je pense, sur le fait que le projet de loi qui a été
adopté à l'époque, en 2012, par le
ministre Bolduc était un projet de loi qui méritait d'être recadré. Maintenant,
quand on recadre, des fois on cadre
trop petit. Et là on a un peu le sentiment, lorsqu'on entend les gens, de dire
qu'on a créé un désincitatif à la
procréation médicalement assistée et qu'on fait en quelque sorte un obstacle à
l'accès, parce qu'on demande aux gens de
débourser d'avance pour quelque chose qui, malheureusement, ne donne pas un
résultat garanti. Et, même s'il y a des remboursements prévus, il reste qu'il y a un investissement de base à
faire. Est-ce que des gens vous ont parlé du fait que cette situation-là
les empêcherait finalement de demander accès à la procréation assistée, des
usagers éventuels?
M. Blain
(Pierre) : Oui, bien sûr. On veut
s'assurer que, justement, un problème d'argent ne devienne pas une contrainte. Ça, c'est une chose qui est
importante. Si c'est un problème de santé, il ne faut pas que ça devienne une
contrainte pour ne pas avoir
d'enfant, si le diagnostic a été posé et qu'on peut avoir un enfant peut-être
avec des moyens. Et c'est là la différence aussi et c'est là où il faut
revoir peut-être certains aspects du projet de loi.
Le
Président (M. Tanguay) : Ceci met fin donc à la période de temps
dévolu aux représentants de l'opposition officielle. Je cède maintenant
la parole au collègue de Lévis, je crois, pour une période de huit minutes.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le
Président. Bienvenue, M. Blain, bienvenue, M. Ménard. Content de vous revoir
également, content de vous entendre. Content
parce que vous représentez ceux pour qui on parle aujourd'hui dans un projet
qui manifestement les touche. Et c'est à travers ce discours-là et cette
vision-là, je pense, qu'on devra prendre des décisions
et qu'on devra surtout travailler. Vous en êtes. Et vous m'avez fait sourire
tout à l'heure, parce que vous me disiez
et vous nous disiez : Vous savez, il y a des gens qui disent qu'on n'a pas
eu le temps de se préparer, mais je l'étais. M. Blain, on vous aurait demandé de vous présenter il y a deux ans,
vous auriez été prêt, hein? Vous êtes toujours prêt à vous présenter,
parce que vous les suivez de près, et j'apprécie.
La perception
du patient, j'y reviens. On a donné beaucoup de chiffres, vous en donnez
également, et il s'est dit des choses
sur la force de travail, le nombre de jours travaillés et puis, bon, le médecin
qui veut en faire moins, le médecin veut
en faire plus. Quelle est la perception de ceux que vous représentez? Est-ce
que les gens ont l'impression que les médecins ne travaillent pas assez?
Quelle est la perception de l'usager et du client sur le système actuel?
M. Blain
(Pierre) : Moi, j'ai l'impression plutôt que ce n'est pas que
le médecin ne travaille pas. Plutôt, c'est qu'il n'y en a pas assez. Et
c'est ça, la différence, je pense. Les médecins offrent des services et, dans
certains cas, l'usager ne sait pas où aller le chercher. Si le
groupe de médecine familiale était vraiment mis en place, si on travaillait en collectivité,
à ce moment-là on saurait qu'on peut se présenter dans notre clinique, et on
pourrait avoir des choses, puis on pourrait
être servi rapidement parce que... Je prends le mot, intentionnellement,
«servi» parce que, pour moi aussi, ça en fait partie de ça, c'est du
service, et, pour moi, c'est là, c'est une question d'organisation. Donc, non, ce n'est pas que les médecins ne travaillent pas, ce n'est pas ça. C'est qu'on a l'impression
qu'ils ne sont pas là, qu'il n'y en a pas assez. Le médecin imaginaire
plutôt que le malade imaginaire.
M. Paradis (Lévis) : M. Ménard.
M. Ménard
(Claude) : Je vais vous donner un
exemple que j'ai vécu tout récemment. Une bonne amie à moi a besoin d'une réquisition pour une mammographie,
pour une chirurgie quelconque, contacte son médecin de famille, et le
médecin de famille dit : Je veux te voir pour pouvoir signer ta
réquisition. Est-ce qu'il y a obligation, est-ce qu'il y a nécessité? Quand on parle d'organisation du travail, je pense qu'une autre personne aurait pu prendre sa place
puis, un, sous l'autorisation du
médecin, remplir la réquisition sans être obligée de voir cette personne-là.
Quand on parle d'organisation de travail, je pense qu'il faut revoir
certains aspects au niveau de façon de faire.
M. Paradis
(Lévis) : Je m'accroche à ce
que vous me dites là, vous l'avez dit également, M. Blain, vous avez dit «gestion», et vous avez raconté l'histoire de
cette personne qui passe une heure avec le médecin pour avoir des conseils en
diététique, alors qu'on aurait pu faire le
travail autrement. Pourquoi ça ne se fait pas, selon vous, actuellement? Pourquoi on ne délègue pas
comme ça? Est-ce que le mode de rémunération actuellement... Est-ce que la façon de faire fait en sorte qu'on n'a
pas ce réflexe-là?
M. Blain
(Pierre) : Je ne pense pas que ça soit une question
juste de rémunération. Je pense que c'est plutôt une question de
mentalité de certains médecins. On l'a vu, bon, on vient de commencer à vouloir
déléguer les actes à des infirmières, on
vient de commencer de vouloir déléguer des actes à des pharmaciens, et je pense
que c'est ça plus qu'autre chose. C'est un vieux
réflexe, c'est le vieux réflexe justement d'un système de santé qui était paternaliste
puis qui commence à être dépassé.
M. Paradis (Lévis) : Le ministre disait tout à l'heure, il a commencé sa phrase comme ça, il
a dit : «Il y en a qui disent»,
pour amener une situation et vous la faire commenter. Je vais faire la même
chose : Il y en a qui disent que, si on modifiait le mode de rémunération en introduisant le principe de la
prise en charge du patient, et pas seulement l'acte, qu'on s'occupe d'un patient
puis on est rémunéré pour le patient qu'on s'occupe, on se l'approprie, on a un
incitatif de suivre un patient, que,
si on rééquilibrait cette méthode de rémunération là avec une méthode mixte, on
se donnerait une chance. Vous réagissez comment?
M. Blain (Pierre) : Vous avez tout à fait raison. C'est là-dessus qu'on conclut notre
mémoire, à ce niveau-là. On pense que, présentement, ce n'est pas juste le fait
d'avoir de la rémunération à l'acte, il faut maintenant qu'on passe dans
une autre façon de rémunérer, c'est-à-dire à l'activité et peut-être un système
mixte. Certains disent qu'il faut revenir peut-être
au concept même du salariat. Bien, réfléchissons ensemble, mais je pense que la
prise en charge à l'activité, je pense,
pourrait solutionner beaucoup de choses. Et, à partir de ce moment-là, la prise
en charge de l'activité, en passant, c'est
parce qu'un établissement de santé, un hôpital va passer un contrat avec un
médecin pour lui dire : Tu vas le suivre, et on va te rémunérer en fonction de ça, puis ça va être un ensemble. Et
c'est ça, je pense, qui est une chose importante.
M. Paradis (Lévis) : M. Blain, on a parlé de temps de consultation aussi, il y a peu de
temps, vous l'avez abordé dans votre
mémoire. Est-ce que vous sentez là une inquiétude de la population également?
Parce qu'il a été dit... Et les médecins
ont même dit : Écoutez, si on nous met des quotas, si on nous met une
charge supplémentaire... Parce que tous les médecins ne voudront pas travailler de la même façon, ne supporteront
pas de la même façon. Est-ce que vous sentez cette inquiétude d'une personne qui dit : On ne
prend plus le temps de me parler? Parce qu'il y a aussi cette notion importante,
vous l'avez évoquée dans le cas de votre
mère, prendre le temps d'expliquer, de comprendre puis, à l'occasion, bien, de
répéter, parce que l'usager, le patient a besoin de se faire répéter des
choses. Craignez-vous que le projet de loi, tel que décrit, modifie la
façon de faire et inquiète l'usager?
M. Blain (Pierre) : Vous me permettrez d'être poli : Disons que je pense qu'on essaie
de faire peur au monde, malheureusement, et, pour moi, si on fait peur
au monde, ils vont avoir peur, c'est certain.
Oui,
effectivement, le problème, c'est qu'on veut avoir accès à son médecin, on veut
pouvoir lui parler correctement puis
on veut pouvoir comprendre ce qu'il nous dit. Le problème est là. Nous,
présentement, on essaie de donner des outils aux usagers. Je suis en
train de préparer, là, une espèce de petit guide de questions qu'on va donner à
l'usager.
Le
problème, là, c'est quand on sort du cabinet du médecin puis qu'on nous a donné
des grands noms puis toutes sortes d'affaires, on ne sait pas quelle
maladie qu'on a en réalité, et il faut qu'on l'écrive. Je pense que c'est là aussi
qu'il y a une relation qui doit s'établir
avec le médecin. Il faut qu'on travaille avec les médecins pour qu'on puisse
avoir justement des solutions pour
que l'usager comme tel comprenne bien ce qu'on lui dit et aussi puisse suivre
correctement ses traitements. Oui, autrement, il va avoir peur.
M. Paradis (Lévis) : Je saute à une autre question, parce que je ne sais pas le temps qu'il
me reste, et puis je voulais l'aborder également, M. le Président.
Le Président (M.
Tanguay) : Un peu moins... 1 min 30 s.
• (11 heures) •
M. Paradis (Lévis) : Ah! O.K. On va tomber à celle-là. J'en ai tellement à vous poser. Je
reviens sur la procréation assistée,
puis sachant et comprenant que vous n'avez pas nécessairement étudié le phénomène
dans son ensemble, en chiffrant, et
tout ça, mais comprenons bien, à travers vos propos, dans la mesure où on parle
de services offerts aux femmes qui présentent
une condition médicale d'infertilité — c'est un programme jeune, depuis 2010 qu'on
a un programme tel qu'il est là, il a
seulement quatre ans — avez-vous l'impression que, si on se contentait de gérer les abus, de faire en sorte de replacer dans le contexte et
d'éviter qu'il y ait des dérives, dans sa forme actuelle, le système, il est
valable et solide?
M. Blain (Pierre) : Oui, absolument. Et là la différence est le nombre de fois, on peut mettre des balises, est-ce que c'est vraiment essentiel, etc.?
Oui, je pense que vous avez raison, on pourrait peut-être mieux gérer à ce
niveau-là.
M. Paradis
(Lévis) : Oui. Je compléterai...
Le Président (M.
Tanguay) : 40 secondes, 40 secondes.
M. Paradis (Lévis) : Je compléterai, M. le
Président. M. Blain, vous dites que
vous déplorez que l'on en soit venu à devoir
légiférer pour s'assurer que chaque usager ait un médecin de famille. Ce que vous nous dites, c'est qu'il
y a moyen de faire autrement. Écoutons les suggestions, agissons autrement, pas obligé de passer par
un projet de loi qui en inquiète plus d'un.
M. Blain
(Pierre) : C'est une question d'argent, c'est une question de négociation.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M.
Blain.
Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous cédons maintenant
la parole à notre collègue député
de Mercier pour trois minutes.
M. Khadir : Merci,
M. le Président. Messieurs,
bienvenue. Vous avez mis le doigt... En fait, notre système de santé, on en convient tous, a
une maladie qui s'appelle faible accessibilité aux médecins, chez la population. En fait, on est la province canadienne
qui a le plus de difficultés, 26 %. Les meilleures sont la Colombie-Britannique et l'Ontario, par
exemple, avec d'autres petites provinces, qui sont plus petites en termes de territoire. Mais l'Ontario et la Colombie-Britannique,
qui se comparent à nous, ont mis des
réformes en place depuis à peu près 10 ans, mais qui ne sont pas du tout... qui
ne vont pas du tout, du tout dans le sens de ce que propose le ministre
actuellement...
Une voix :
...c'est sûr.
M. Khadir :
...des réformes qui ajustent le financement, agissent en fait sur ce que vous
avez dit, par exemple le partage des
tâches entre les différents intervenants, une... Vous savez que le projet de
loi actuel n'en a pas? Êtes-vous
conscient de ça?
M. Blain
(Pierre) : Oui.
M. Khadir : Vous avez mis le doigt sur le fait qu'il faut
des pratiques plus collectives. Est-ce
que vous avez vu quelque chose
dans le projet de loi qui adresse ce problème-là?
M. Blain
(Pierre) : Non.
M. Khadir :
Non. Vous avez parlé du fait que les 19 000 praticiens au Québec, les
médecins, se considèrent actuellement comme
des entreprises individuelles et qu'il faudrait revoir ça, cette
organisation-là, et pour une meilleure reddition de comptes. Est-ce
qu'il y a quelque chose que vous avez vu dans le projet de loi qui va dans ce
sens-là?
M. Blain
(Pierre) : Présenté comme ça, non, absolument pas.
M. Khadir : Non. Ensuite, vous avez dit qu'on a besoin de
revoir la rémunération. La rémunération à l'acte, telle que pratiquée
actuellement, introduit des problèmes. Vous avez vu des systèmes, par exemple,
où des médecins étaient employés,
recevaient un... étaient au salariat, et ça semblait mieux fonctionner. Est-ce
que vous avez vu quelque chose dans le projet de loi qui va dans ce
sens-là?
M. Blain
(Pierre) : Ce que je vois, c'est possiblement avoir un accès supérieur
à un médecin, alors...
M. Khadir :
Mais, le changement de... tu sais, revoir le modèle de rémunération pour l'équilibrer
autrement, est-ce que vous voyez quelque chose dans le projet de loi?
M. Blain
(Pierre) : Présenté comme ça, non, pas vraiment.
M. Khadir : Non. Vous avez dit que vous pensez, en réponse à
mon collègue, que, pour ce qui est de la procréation assistée, si on évitait les dérives, on pourrait fonctionner avec, disons, le cadre actuel, et ça
pourrait bien fonctionner. Donc, en
fait, vous ne partagez pas parfaitement le point de vue du ministre, dans son
projet de loi, qui veut sabrer de manière assez importante dans
l'accessibilité à la procréation assistée.
M. Blain (Pierre) : C'est que, pour moi, de la
façon que je comprends le projet
de loi, c'est un accès à un médecin, à
un médecin de famille, et, pour y arriver, on y met justement un contrat entre
un médecin et l'État pour qu'il puisse prendre en charge un certain nombre de
personnes. Ce que vous me parlez, c'est d'une organisation autre, ce qui n'est
pas la même chose.
M. Khadir :
Loin de moi, messieurs, l'idée d'essayer de prendre en défaut qui que ce soit, mais je
comprends que vous avez tenté d'être...
Le Président (M.
Tanguay) : Quelques secondes.
M. Khadir : ...courtois avec le ministre,
donc vous avez appuyé le projet de
loi. Mais, pour l'essentiel, pour ce qui est du contenu, vous avez
énormément d'opinions qui divergent complètement...
Le Président (M.
Tanguay) : Merci.
M. Khadir :
...avec le contenu du projet de loi.
M. Blain (Pierre) : Ce n'est pas tant d'opinions qui divergent que des suggestions pour
qu'on puisse solutionner...
M. Khadir : ...
M.
Blain (Pierre) : Exact.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous vous remercions, bien évidemment, donc vous, les
représentants du Regroupement provincial des comités d'usagers.
J'invite
maintenant nos prochains invités, les représentants de l'Association des jeunes médecins du Québec,
à prendre place. Et nous suspendons quelques instants.
(Suspension de la séance à
11 h 5)
(Reprise à 11 h 8)
Le Président (M.
Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous recevons maintenant
les représentants de l'Association des
jeunes médecins du Québec. Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de
10 minutes de présentation. Par la suite s'ensuivra un échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous. S'il vous plaît, bien prendre soin de vous nommer, de nous donner
vos fonctions, et par la suite vous disposez de 10 minutes. Merci.
Association des jeunes médecins du Québec (AJMQ)
M. Gladu
(François-Pierre) : D'accord. Donc, François-Pierre Gladu, président
de l'Association des jeunes médecins depuis
quelques années. Je suis médecin de famille à Montréal, en cabinet et en
établissement. Ma collègue...
Mme Dougherty (Élizabeth) : Élizabeth Dougherty, médecin de famille, membre
de l'AJMQ et aussi à l'exécutif de
l'AJMQ, médecin de famille à Saint-Hyacinthe, en établissement et en cabinet, et aussi
professeur d'enseignement clinique à l'Université de Sherbrooke.
M. Gladu (François-Pierre) : On a demandé à des collègues spécialistes de venir
aujourd'hui, de d'autres spécialités,
mais ils ont dit que ça les touchait moins, donc finalement on est deux
médecins de famille ici aujourd'hui.
L'Association
des jeunes médecins, qu'est-ce que c'est? Donc, c'est une association dont la
mission est la promotion de l'équité
intergénérationnelle entre médecins et de l'accessibilité à des services
médicaux d'excellente qualité. Bien oui, c'est dans l'article 4 de notre règlement général. Donc,
contrairement aux autres syndicats, notre but, ce n'est pas seulement
les intérêts des médecins.
Tout
en appuyant très clairement l'objectif du projet de loi d'améliorer
l'accessibilité, l'AJMQ déplore d'abord l'absence de transparence quant aux règlements qui en découleront.
Alors, les parlementaires, en ce moment, vous allez devoir vous forger une opinion sur un projet de
loi qui est, grosso modo, une coquille vide et qui n'a pas les règlements
d'application.
• (11 h 10) •
Avec
12 % plus de médecins de famille per capita que dans le reste du Canada,
on note au Québec la plus grande proportion de patients orphelins. Je
vous dirais à ce sujet-là que c'est nous autres qui avons tiré la sonnette
d'alarme en 2005, il y a 10 ans. Donc,
2 millions de Québécois sans médecin de famille, ça vient de nous ça. Ça a
été repris par la suite. Il y a eu un
article scientifique, dans le journal des médecins de famille du Canada, qui a été fait à cette époque-là.
La
principale cause est la répartition du travail des médecins de famille, caractérisée par un
hospitalocentrisme unique au Canada,
au détriment de la pratique en cabinet. Cette situation découle de plusieurs
décisions non avisées de l'administration
provinciale depuis 25 ans, dont les activités médicales prioritaires — ce qu'on appelle les AMP à partir de
maintenant, pour aller plus vite — la notion du lui-même dans la Loi
médicale — sur
lequel on pourra parler plus tard — les
plafonds de revenus trimestriels qui ont été imposés aux cabinets dans les
années 80, la diminution du nombre d'admissions en médecine dans les années 90, et les plans régionaux
d'effectifs médicaux dont l'application a été très rigide, avec
multiples effets secondaires.
Il
est à noter qu'aucune des mesures coercitives que je viens de noter n'ont été
reprises... il n'y en a aucune qui a été reprise par les autres juridictions,
soit provinciale ou à l'international. Le Québec fait figure de cavalier
seul là-dedans. Ces mesures ont eu comme conséquences l'explosion
des dépenses en deuxième et en troisième ligne hospitalière et des coûts
de gestion accrus à cause d'un contrôle bureaucratique excessif. Autrement dit,
l'argent, au lieu d'aller vers le patient,
s'en va dans les bureaux pour gérer tout ça. En somme, l'implication des
médecins de famille en établissement,
si nécessaire soit-elle, en partie, est devenue
disproportionnée au détriment de l'offre de médecins de famille en première
ligne, dédiés à la prise en charge et au suivi des patients afin qu'ils
n'aillent pas du tout à l'hôpital.
Au
lieu de prendre acte des meilleurs résultats des autres provinces et d'abolir
ces mesures bureaucratiques, le projet
de loi n° 20 en rajoute, notamment
en augmentant contre toute logique l'activité hospitalière obligatoire de 20 à
25 ans.
Le
projet de loi n° 20 repose sur des prémisses erronées tant en ce
qui a trait au nombre de jours travaillés, d'heures travaillées par les médecins de famille qu'à la
hauteur de l'investissement relatif en santé au Québec,
qu'à l'impact des mesures favorisant
la prise en charge qui ont été prises jusqu'ici par l'administration provinciale. En fixant des quotas de patients pris en charge et en pénalisant la consultation d'un médecin
à l'endroit de son patient, le projet
de loi n° 20 va à l'encontre des obligations déontologiques du
médecin — le
Collège des médecins pourra vous en
parler plus tard. Un système de
quotas, on a tous vu ce que ça a donné en URSS dans la fin des
années 90 : ça explose, ça crée des pénuries. Et c'est
exactement ce que l'on vit actuellement.
Le projet de loi n° 20 a aussi
d'autres conséquences. Il incitera à la sélection de patients probablement plus
en bonne santé, plus propices à
l'atteinte des quotas et de l'assiduité voulue par le projet de loi n° 20,
ce qui va mettre la hache dans la qualité de la prise en charge dans,
comme M. Paradis en parlait tout à l'heure, l'écoute, la polyvalence aussi qu'amène
la pratique de groupe en cabinet. En outre, l'application du projet de loi
sonnera le glas de la pratique de la médecine familiale dans des pointes
d'expertise, en soutien aux programmes des établissements de santé, pour les
clientèles vulnérables. On pourra en discuter plus tard, quels types de
cliniques spécialisées.
L'AJMQ... Ah! pardon,
je vais faire un petit quelque chose sur les quotas à nouveau. L'AJMQ propose
plutôt d'abolir les AMP, les contraintes
bureaucratiques qui existent actuellement, afin de permettre aux médecins qui
ont l'intérêt ou les habiletés d'être
à l'hôpital de continuer à conserver une pratique à l'hôpital, mais, pour ceux
qui auraient un intérêt à aller en
cabinet, bien, de revenir davantage vers le cabinet, comme c'est le cas dans
les autres provinces. Pourquoi choisir des
quotas plutôt que l'abolition progressive des AMP? Bien, il faut se rendre
compte que les AMP, ça a été comme un coup
de volant violent à gauche dans les années 90, encore une fois, au
début 2000, et que le p.l. n° 20, c'est un coup violent de volant à droite pour ramener le monde vers les
cabinets. Bien, vous savez, quand vous faites ça en automobile, où vous
vous retrouvez? Vous vous retrouvez dans le fossé, et c'est ce qu'il risque
d'arriver.
Donc,
les solutions que l'AJMQ prône. L'abolition progressive des AMP. Donc, sur deux
ans, à chaque six mois, on libère des cohortes de cinq ans de pratique,
donc les 15 à 20 ans qu'on libérerait d'abord. Six mois plus tard, s'il
n'y a pas de bris de service, si, en effet,
il y a une diminution de la demande hospitalière, comme on prévoit, on passe
aux 10
à 15 ans, etc. Donc, il y a une manière raisonnable, progressive,
sécuritaire de le faire et de revenir vers la normalité de
l'organisation en première ligne qui a cours dans les autres provinces.
Également,
l'augmentation du ratio de médecins de famille par rapport aux autres médecins
spécialistes. Pourquoi c'est
important? Bien, c'est que le médecin de famille a un rôle de coordination.
Donc, autrement dit, quand on a un médecin de famille — et ça,
les évidences scientifiques tant internationales qu'intranationales le
montrent, et vous avez les références à
la fin de notre mémoire — donc ça diminue de 50 % le recours à l'urgence, de 33 %
les hospitalisations et de 33 % les coûts de santé — donc on parle d'imagerie, laboratoire, investigation, etc. — et de 19 % la mortalité. Donc, c'est
quand même majeur comme évidences
scientifiques, et c'est pour ça que c'est important de garder ce rôle de
coordination là devant une médecine qui, autrement, est devenue
hyperspécialisée dans tous les autres domaines.
Finalement,
la rémunération par le médecin de famille de la coordination de ces soins-là.
C'est quelque chose qui n'existe pas,
qui existe en médecine dentaire, qui existe en pharmacie, mais pas pour le
médecin, dans la Loi médicale. Donc, ça, c'est qu'on appelle la notion
du lui-même, qu'il faudrait abolir.
La
valorisation de la prise en charge des patients dans les enveloppes
budgétaires. Donc, tout ça peut se faire à même les enveloppes actuelles. Il n'est pas question de mettre plus d'argent,
à moins qu'on en ait éventuellement, puis je vais vous expliquer pourquoi après. Mais, dans les
enveloppes budgétaires actuelles, on peut favoriser la prise en charge, par
exemple en rémunérant davantage quand un
patient expose trois, quatre, cinq problèmes dans une visite plutôt qu'un
patient qui est vu pour un problème ponctuel uniquement, ce qui n'est pas
le cas depuis 40 ans.
Et
finalement, bien, je rajouterais la révision complète des plans régionaux
d'effectifs médicaux, qui a donné lieu à
toutes sortes de problèmes, par exemple un médecin qui ne peut pas prendre en
charge la clientèle dans une région X, par exemple Charlevoix, mais qui pourrait y aller faire du dépannage à
hauts frais, à grands frais pour l'État, ce qui est totalement illogique, et le réinvestissement de
l'État en première ligne. Alors, pourquoi? Bien, c'est qu'on s'est rendu
compte... et ça, c'est des statistiques
objectives que l'Institut canadien d'information sur la santé publie, ça, à
chaque année depuis une dizaine
d'années — c'est un
organisme fédéral — et on
s'est rendu compte que le Québec était la dernière province pour ce qui est du financement de la
santé au Canada. Donc, on parle d'un écart de 1 milliard, juste en
première ligne, pour les médecins,
donc les financements de cabinet, et de 2,8 milliards au total en santé,
ce qui est majeur. Alors, on n'est
même pas la cinquième ou sixième province canadienne, on est la dernière
province canadienne de ce côté-là.
Donc,
évidemment, une fois que l'État pourrait y voir son intérêt, un
réinvestissement en première ligne pourrait occasionner un retour sur
l'investissement de 150 %. Comment on le sait? C'est que la
Colombie-Britannique avait les mêmes défis
que nous avons actuellement en 2002-2003. Et ils ont décidé d'investir des
sommes, timides au début, 200,
300 millions, et ils se sont rendu compte, à chaque année, qu'ils ramassaient
450 millions en hospitalisations de moins. Et donc, finalement, en
2007, ils ont doublé les montants investis dans ce qu'on appelle le General
Practice Services Committee. Alors, si les
parlementaires y voient un intérêt, bien sûr, le réinvestissement en première
ligne va rapporter au trésor de l'État et en qualité de soins également,
parce qu'on ne veut pas que les gens aillent à l'hôpital.
Avec
ces mesures ciblées, avec une approche qui rassemble plutôt que de diviser et
un rétablissement du lien de confiance
à l'endroit de la profession médicale, qui a été ébranlé par des affirmations
biaisées et erronées sur lesquelles on
pourra développer, l'Association des jeunes médecins du Québec considère que
l'objectif d'accessibilité aux services médicaux sera atteint de façon
rapide, économique et durable. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, ceci met fin à votre
présentation. Alors, nous allons débuter la période d'échange. Je cède
la parole au ministre de la Santé pour une période de 19 minutes.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Dr Gladu et Dr Dougherty,
merci d'être venus ce matin. C'est dommage que vous n'ayez pas de représentant des autres spécialistes, mais, comme
le projet de loi n° 20 est un projet de loi qui touche aussi les
médecins de famille, je peux comprendre que vous n'avez pas raté l'occasion de
venir ici ce matin.
Je
vais reprendre un peu... certains éléments de votre présentation pour mettre
certains éléments en perspective, parce
que, le mémoire, on l'a eu il y a quelques instants. Je viens de le parcourir
en diagonale, et vous reprenez certains éléments. Puis j'aimerais mettre un certain nombre de choses, là, en
exergue pour clarifier la chose pour ce qui est de la population.
Bon. Revenons sur
l'histoire. Vous faites référence souvent à ce qui se passe ailleurs au Canada.
Moi, je vous soumettrai — puis j'aimerais que vous m'en fassiez la
démonstration du contraire si c'est possible — que vous avez raison : le Québec
n'est pas comme le reste du Canada. Mais...
M. Gladu (François-Pierre) : Je ne
vais pas vous contredire du contraire, là.
• (11 h 20) •
M.
Barrette : Non, non, mais ce que vous considérez comme étant des
mesures qui étaient, dans votre présentation, comme inappropriées, bien
moi, je pense qu'elles ont été appropriées dans le contexte où elles ont été
posées.
Les mesures
que... On se rappellera, et je pense que... Bien, vu que vous êtes
l'Association des jeunes médecins, peut-être que vous n'étiez pas en
pratique à ce moment-là, et c'est très probable, mais, quand les AMP, les
activités médicales particulières, là... ou
peu importe le p qu'on lui donne, là, quand ça a été mis en place, c'est parce
qu'il y avait un problème, un
problème qui n'existait pas ailleurs au Canada. Et le problème était, encore
une fois... Parce que c'est comme le
péché originel, c'est comme la pomme de l'Adam médical. La pomme, en médecine,
c'est le service, c'est la quantité de services. C'était ça,
initialement, les AMP. Il y avait des problèmes de services qui n'étaient pas
donnés. Ai-je besoin de rappeler Shawinigan?
Non. Est-ce qu'il y a ça dans le reste du Canada? Non. Il n'y a pas eu ça dans
le reste du Canada. On n'a jamais eu,
jamais — et là je
vais invoquer la couleur de mes
cheveux par rapport aux vôtres — de situation dans le Canada où on a eu à mettre en place ce genre de
mesures, parce qu'on n'a jamais eu à vivre des crises provenant du désinvestissement périodique des
médecins face à leur implicite responsabilité sociale. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Gladu
(François-Pierre) : O.K., intéressant. C'est pour ça qu'on vous a mis des éléments de contexte tout à l'heure. Ces incidents-là, premièrement, il y a en eu ailleurs
dans le Canada, mais il n'y a pas eu personne qui est mort
dans le Canada. Mais il y a
eu des urgences à découvert, et les gouvernements de ces provinces-là ont réagi plus rapidement que le Québec en ajustant la rémunération de manière à ce
qu'un quart de travail à l'urgence soit payé plus qu'une journée de travail en cabinet, ce qui est bien normal, parce que,
quand vous êtes de nuit, bien, ça doit être rémunéré un petit peu plus, ce qui n'était pas le
cas au Québec à ce moment-là.
Deuxièmement, les AMP, ce contexte de découverture là à l'urgence a eu lieu justement
dans un contexte où le gouvernement avait pris des décisions de mettre
des plafonds aux médecins à chaque trimestre, ce qui les a incités à diminuer leur temps de travail à la fin des
années 80. Enfin, le gouvernement a également décidé de diminuer les admissions en
médecine, ce qui a eu un impact sept ans plus tard sur la crise de Shawinigan,
en 2002.
Donc, à
chaque fois, le gouvernement a pris des décisions qui ont eu un effet
délétère, et la réaction pour corriger ça temporairement a été
disproportionnée. Par exemple, quand les AMP, au début, ont été imposées, il
s'agissait de 200 médecins qui étaient
assujettis. Maintenant, on est à 3 800 médecins qui sont assujettis, avec une moyenne
d'heures... Alors qu'au contrat, à la
réglementation sur les AMP, on parle de 12 heures, la moyenne actuelle de
ces 3 800 médecins là, c'est
28 heures. Pourquoi? Un ensemble de mesures bureaucratiques qui
s'imbriquent une dans l'autre, par exemple les PREM et les AMP. Les hôpitaux ont le choix entre un médecin qui va leur
offrir 12 heures au contrat, pour respecter la réglementation provinciale, ou 20 heures ou
25 heures. Qu'est-ce que vous pensez qu'ils vont choisir pour combler un PREM? Bien, ils vont prendre celui qui leur en
offre le plus. Et ces heures-là au contrat ne comptabilisent pas les heures
de garde de nuit, de fin de semaine et les comités qui sont obligatoires par la
loi.
Donc, bien
évidemment, vous vous rendez compte que cette législation-là a eu un effet
totalement disproportionné par
rapport à ce qui a été... à ce qui était nécessaire, et, de l'aveu même du
ministre Legault, qui les avait augmentées en 2002, elles étaient supposées être temporaires, ce qui n'a pas été le
cas finalement. Donc, vous comprenez qu'il n'y a aucune autre province
qui nous a suivis dans ces mesures bureaucratiques là, mur à mur.
M.
Barrette : Et je vous
soumettrai que les autres provinces n'ont pas eu à nous suivre parce que
le comportement du médecin moyen dans les autres provinces était
différent de celui du Québec, d'une part.
D'autre part,
d'autre part, et ça, je pense que c'est un élément qui est important,
les AMP qui sont... Je m'excuse, je reviens en arrière. D'autre part, le
Canada entier a réduit ses admissions, entrées en médecine. Ce n'est pas juste
le Québec, là. Le Canada entier, dans les mêmes années, ont diminué leurs
entrées en médecine. Alors, quand vous conjuguez
les diminutions d'entrées en médecine avec les problématiques d'accès dans
les urgences et dans les hôpitaux,
bien, le Canada aussi vivait la même
problématique, là. Vous présentez ça comme si c'était une amplification propre
au Québec. Mais, pas du tout, c'était
comme ça partout au Québec, et le Québec a suivi le même calendrier, le même
calendrier en termes de réduction
d'entrées en médecine et en termes de réaugmentation des entrées en médecine.
Ça, c'est un fait, là, ce n'est pas...
M. Gladu (François-Pierre) : On
s'entend là-dessus.
M. Barrette : C'est un fait.
M. Gladu (François-Pierre) : Ce
qu'on vous a parlé, c'était une conjugaison de facteurs...
M. Barrette : Bien oui, mais c'est
parce que vous avez dit que le...
M. Gladu (François-Pierre) : ...donc,
les plafonds trimestriels, la diminution des admissions...
M.
Barrette : Vous avez dit qu'il y avait un élément qui a amplifié, là.
Mme Dougherty
(Élizabeth) : ...les retraites.
M. Gladu (François-Pierre) : ...les retraites qui ont été données. Ça, c'est unique au Canada. Donc, c'est une
conjugaison de facteurs, Dr Barrette, et vous les connaissez, ces
facteurs-là.
M.
Barrette : Bien oui, mais je
comprends, mais c'est parce que vous dites une chose qui n'est pas vraie, là. Ce
n'est pas la diminution des entrées en médecine qui a amplifié le problème. Tout
le monde a fait la même affaire.
Mme Dougherty (Élizabeth) : On dit que ce n'est pas seulement
les admissions, les entrées en médecine, c'est conjugué aux mises à la
retraite, aux plafonds et suite à d'autres mesures qui ont été prises.
M.
Barrette : Bien oui. Mais ce
que je dis aussi, c'est que, dans le Canada anglais, l'intensité du travail du médecin de famille est différente de celle
du Québec, mais ça, on y reviendra dans un instant.
M. Gladu
(François-Pierre) : On devrait en parler tout de suite.
M. Barrette :
Non, non!
M. Gladu
(François-Pierre) : Parce que c'est la clé du problème,
Dr Barrette.
M.
Barrette : On va aller aux
quotas. Vous savez bien que, dans des systèmes comme en Angleterre, il y en a un,
quota, il y en a un, et le système fonctionne très bien.
Il y en a un, quota, là. Ce n'est pas une lubie, là. Il
existe, ce quota-là. Et là vous
faites référence à l'investissement que le Québec fait de moins en santé par rapport au reste du Canada et vous le chiffrez à 1 milliard de dollars en médecine
de famille. Et, dans le tableau que
vous présentez dans votre mémoire, vous
faites abstraction de l'actualisation que vous devriez faire pour ce qui est de
la rémunération per capita qui est faite aux médecins, l'argent dépensé per capita pour la rémunération des médecins. Alors, évidemment que, lorsque vous mettez le différentiel qui est dans votre mémoire, bien,
si vous ne prenez pas en considération que, si on payait aujourd'hui ce qui est étalé, ce qui va s'actualiser à un moment donné, la rémunération,
elle est adéquate, d'une part...
Une voix :
...
M.
Barrette : Bien oui! Mais
c'est parce que l'investissement du milliard qui monte, là, bien, la grande partie
de ça est dans la rémunération des médecins, qui serait à niveau si on n'avait pas étalé. Voilà un
autre problème dans la présentation que vous faites. Ensuite...
M. Gladu
(François-Pierre) : Me permettez-vous de répondre?
M.
Barrette : Oui, je vais vous
laisser répondre, puis ensuite, si vous n'avez pas d'objection, on va aller sur
le lui-même, parce que je vais avoir une question bien intéressante à vous
poser sur ce point... sur ce plan-là.
M. Gladu
(François-Pierre) : Donc, pour ce qui est de la comparaison avec
l'Angleterre, il faut réaliser que l'Angleterre
a un système totalement différent. En Angleterre, il n'y a pas d'agence
régionale de santé. Les groupes de médecins
de famille reçoivent l'argent de la région et... oui, et, avec ces argents-là,
ils achètent les services hospitaliers. C'est complètement différent. Le
médecin de famille est au centre du système, à tel point, là, M. le ministre,
que les médecins de famille ont un revenu
net plus important que celui des radiologistes, en Angleterre. Vous comprendrez
qu'on n'est pas du tout dans le même système, là...
M. Barrette :
Mais...
M. Gladu
(François-Pierre) : Est-ce que je peux continuer et faire ma réponse,
M. Barrette?
M. Barrette :
Mais revenez aux quotas, revenez aux quotas, Dr Gladu, revenez aux quotas.
M. Gladu
(François-Pierre) : Pardon?
M. Barrette :
Revenez aux quotas des Anglais.
M. Gladu (François-Pierre) : Alors, justement, les quotas n'ont pas été
établis à des fins punitives, à des fins d'incitatif, d'une part, et, d'autre part, il n'y a pas d'AMP, donc les
médecins peuvent se consacrer à la prise en charge.
M. Barrette :
Y en a-t-il un ou non?
M. Gladu (François-Pierre) : Je ne
suis pas au courant. Je ne peux pas vous dire.
M.
Barrette : Bien, oui, il y en a, vous le savez très bien, c'est
1 600.
M. Gladu (François-Pierre) : Je ne peux pas vous dire. Honnêtement, je n'ai
pas d'information là-dessus. Ce que je peux vous dire, c'est qu'on est
au Canada... Nous sommes...
M. Barrette :
Dr Gladu, vous êtes un individu extrêmement informé...
M. Gladu (François-Pierre) : Nous sommes au Canada, et il n'y a personne
d'autre qui a utilisé cette méthode-là.
Maintenant, je vais continuer ma réponse, parce
que vous avez soulevé plusieurs
points. Alors, vous avez dit : Le
comportement des médecins de famille est différent au Québec
de celui des autres provinces. Alors, quelles sont les données objectives
que l'on a? Ce qu'on sait, dans les médias, c'est que vous avez avancé le
chiffre de 117 jours. Je pense que
c'est important que les parlementaires comprennent d'où vient ce
117 jours. Alors, le 117 jours, il a été fait en enlevant les demi-journées, en fait tout ce qui était en
bas de sept heures de travail n'a pas été inclus et tout ce qui est en haut de
14 heures de travail n'a pas été compté comme deux journées, premièrement.
Mme Dougherty
(Élizabeth) : En travail rémunéré par la RAMQ, ici, bien entendu.
• (11 h 30) •
M. Gladu (François-Pierre) : Uniquement. Deuxièmement, ce 117 jours là,
ça a été une moyenne faite à partir de
tous les médecins, outre les urgentologues. Alors, pourquoi c'est important,
les urgentologues? Parce qu'un urgentologue, c'est comme un pilote d'avion, ça ne travaille pas 220 jours par
année comme un médecin en cabinet, ça travaille environ 150 jours par année. Pourquoi? Parce qu'ils
ont des chiffres qui changent entre le jour, le soir et la nuit. Et donc, eux,
un temps plein, c'est 145, 150 jours. Or, M. le ministre a choisi un quota
de 175 jours et moins, donc tous les 2 000 urgentologues de la FMOQ ne comptent pas là-dedans. À la
FMSQ, il y a environ 100 urgentologues. Donc, vous comprenez que ça
touche beaucoup plus une fédération que l'autre.
Et
enfin tout ce qui est non rémunéré par la RAMQ, donc l'enseignement
universitaire, les appels téléphoniques aux patients, les comités des CMDP, n'est pas inclus, évidemment, dans
les statistiques de la RAMQ, parce que ce n'est pas de la facturation,
c'est fait bénévolement. Ça fait partie du travail du médecin.
Donc,
vous comprenez que le 117 jours, c'est totalement artificiel. Autrement
dit, il a pris un échantillon rapetissé des médecins, puis il a enlevé les journées partielles, et il n'a pas
compté les doubles journées comme des doubles journées. Quand on pondère ça d'une manière très
conservatrice... et je vais vous l'expliquer, vous l'avez dans le mémoire, là,
mais un quart de journée et moins
compte pour zéro, entre un quart de journée et une demi... pardon, moins d'une
demi-journée compte pour zéro. Entre
une demi-journée et une journée, on compte pour une demi-journée de travail.
Entre une journée et moins de deux
journées de travail, c'est-à-dire moins de 24 heures, on compte... moins
de 16 heures, pardon, on compte encore une journée de travail. Et c'est
seulement en haut de 14, 15 heures qu'on compte deux journées de travail.
Ça, ça correspond aux gardes de
24 heures à l'hôpital. Autrement dit, une pondération très conservatrice,
et les chiffres de la RAMQ, à ce
moment-là, font état de 247 jours, et non pas de 117. Même quand on ne
fait pas cette pondération-là, on a 192 jours pour les médecins de
famille, 193 jours pour les autres spécialistes.
Quand
on veut comparer avec les autres provinces, on n'a pas les données de la RAMQ
pour comparer les jours travaillés. Par contre, on a les heures
travaillées. Dans le Sondage national des médecins, au début c'était à chaque deux, trois ans, maintenant c'est à chaque
année, mais, depuis 10 ans, les statistiques sont stables, les médecins du Québec, les médecins de famille du Québec font
autant d'heures que leurs collègues des autres provinces. On parle de 2 660 heures. Je ne sais
pas si vous avez une idée c'est quoi, là, c'est comme 58, 59 semaines de
40 heures, là.
Ces
données-là qui ont été sorties dans les médias étaient malhonnêtes, M. le ministre. Et je pense qu'à tout le moins les parlementaires
devraient pouvoir compter sur des données fiables de la RAMQ, tant pour la
Fédération des médecins spécialistes que
pour la Fédération des médecins omnipraticiens, et des données qui incluent les
pondérations pour les urgentologues
et les pondérations pour les journées de moins de sept heures et les journées
de plus de 14 heures.
M.
Barrette : Bon,
Dr Gladu, on ne fera pas ici des guerres de méthodologie, mais il y a plusieurs
méthodologies.
M. Gladu
(François-Pierre) : Bien, vous l'avez commencée, M. Barrette.
M. Barrette :
Non, mais c'est parce que...
M. Gladu
(François-Pierre) : Vous basez votre projet de loi là-dessus.
M.
Barrette : C'est parce que
vous n'avez pas nécessairement le même accès que nous à certaines données,
et il y a plusieurs méthodes qui sont utilisables, elles ont été
présentées aux oppositions, et toutes les méthodes convergent. Mais on ne fera pas cette bataille-là. Parce que
ça serait trop long à... Il reste 5 min 30 s, là, à peu près,
là, et on ne peut pas régler ça ici.
Par contre,
vous avez présenté comme étant un des éléments qui sont importants le lui-même.
Alors là, vous allez nous expliquer exactement
ce que vous voulez par cette mesure-là. Et avant je vous informe, parce que
manifestement vous avez dit que vous
n'étiez pas informés, l'Angleterre a des quotas, là. Qu'ils soient de
1 600, ou 1 000, ou peu
importe, ils ont des quotas. Ça remonte à Margaret Thatcher, ça fait
longtemps, là.
M.
Gladu (François-Pierre) :
Donc, l'Angleterre, vous dites qu'ils ont des pénalités de 30 % lorsqu'ils
n'atteignent pas ces quotas-là?
M. Barrette : Non, je ne vous parle
pas des pénalités, je vous parle du quota.
M. Gladu (François-Pierre) : Bien,
c'est ça qui est sur la table, là.
M. Barrette : Je vous parle du
quota. Maintenant, parlez-nous...
M. Gladu
(François-Pierre) : Bien, un
quota qui est à visée incitative et un quota qui est à visée punitive, avec
ou sans AMP, c'est complètement différent.
M. Barrette :
Mais oui, mais, il y a un quota. Vous contestez le quota en disant qu'il n'y en
a pas ailleurs, moi, je vous dis qu'il y en a ailleurs.
M. Gladu (François-Pierre) : On joue
sur les mots, là, alors...
M. Barrette : Bien non.
M. Gladu
(François-Pierre) : Bien
oui. Je vous dis qu'il n'y a pas d'AMP puis qu'il n'y a pas de punition, ça
fait que...
M. Barrette : Alors là, le lui-même,
voulez-vous nous expliquer votre vision du lui-même?
M. Gladu
(François-Pierre) : Oui.
Donc, le lui-même, c'est ce qui permet, quand vous allez à la pharmacie ou
voir le dentiste, qu'un employé technique
fasse la majeure partie du travail quand il s'agit d'un acte technique simple,
et la coordination de ces actes-là est faite par le médecin dentiste ou le
pharmacien de manière à ce qu'il puisse se concentrer
sur son expertise. Autrement dit, un employé avec une formation moindre va
faire les actes plus simples, et un
employé avec une formation plus complexe va faire les actes les plus complexes,
dont la coordination et, dans le cas du
médecin, le diagnostic et le traitement, c'est interdit dans la Loi médicale,
et ça amènerait une bouffée d'air frais dans l'organisation des cabinets médicaux, de manière à ce que le médecin
puisse arrêter de prendre les tensions artérielles, prendre la liste des médicaments, etc. Même à
travers les ordonnances collectives, ça encouragerait le développement des
ordonnances collectives une fois que les
actes techniques faits par les employés techniques sont déjà pris en charge par
les employés du médecin. Donc, ça serait une
bouffée d'air frais et ça devrait être utilisé de concert avec le
réinvestissement en première ligne.
Et là j'y reviens, à l'investissement, parce que
vous avez mis en doute les chiffres de l'ISIS. Les chiffres de 2013 — c'est les plus récents disponibles — font état, en ce qui a trait aux dépenses
per capita, que le Québec est la dernière province. Et ce n'est pas en 2013 seulement, là, ça dure depuis au moins
10 ans. À chaque année, c'est ça, le rapport de l'ISIS. L'écart est de 1 milliard. Alors,
1 milliard dans les cabinets, grosso modo, pour les parlementaires, ça
veut dire 1,5 milliard dans les
coffres de l'État en hospitalisation, médicaments et investigations moindres.
Donc, vous comprenez qu'il y a des
intérêts industriels qui ne veulent pas qu'on aille dans cette direction-là,
parce qu'il y a des intérêts industriels qui sont au privé pour l'imagerie et les laboratoires. Donc, vous
comprenez qu'il y a un problème de ce côté-là, des intérêts forts, là.
Oui, exactement.
M.
Barrette : Dr Gladu, je vais vous en donner un, exemple, moi. Je
vais vous donner la clause classique qui a été devant les tribunaux, qui est le tapis roulant fait par une infirmière
dans un bureau de médecin de famille, hein? C'est ça, le par lui-même, que le monde comprenne, qui nous
écoute, là. Vous allez voir le médecin, le médecin demande ou prescrit le tapis roulant, il est fait dans la pièce à
côté, l'infirmière fait le tapis roulant, le médecin, lui, à ce moment-là,
interprète le résultat. Comment voulez-vous payer ça?
M. Gladu
(François-Pierre) :
Évidemment, là, il faut le payer d'une manière moindre que si le médecin
faisait l'acte lui-même, mais il faut
payer une certaine partie de ça pour encourager le développement de l'offre de
service en cabinet.
Mme Dougherty (Élizabeth) : Puis
encourager le travail en équipe multidisciplinaire.
M. Gladu (François-Pierre) :
Absolument.
M.
Barrette : Alors, c'est très bien. Est-ce que vous êtes au courant que
votre fédération demande à ce que cet acte-là soit payé au même tarif
que si c'est le médecin qui le faisait?
M. Gladu (François-Pierre) : Le jeu
de la négociation, nous, on laisse ça aux fédérations.
M. Barrette : Je comprends, mais
êtes-vous au courant de ça, d'une part?
Mme Dougherty
(Élizabeth) : Oui.
M. Barrette : Et, d'autre part,
avez-vous un estimé du coût du par lui-même tel que vous le proposez?
Mme
Dougherty (Élizabeth) : Si
on avait la notion du lui-même, par contre ça aiderait nettement le financement
des cabinets de première ligne en augmentant
l'accessibilité, parce que le temps que mon infirmière passe à questionner
mon patient, commencer l'examen physique avec le poids, la pression, le tour de
taille, alouette...
M. Barrette : ...un estimé.
Mme
Dougherty (Élizabeth) :
...puis que j'arrive après, bien, si c'est financé, moi, pendant ce temps-là, je peux voir un autre patient,
je vais voir deux fois plus de patients dans une heure.
M. Barrette : Avez-vous un estimé?
M.
Gladu (François-Pierre) : Honnêtement, vous ne parlez pas aux bonnes personnes pour un estimé des dépenses.
Ce que je vous dis, c'est qu'au niveau du Conseil du trésor il faut avoir une vision d'avenir pour investir cet
argent-là, pour en ramener par la suite en hôpital.
M.
Barrette : Très bien.
N'est-ce pas ce que fait le financement du gouvernement dans les UMF...
pas les UMF, pardon, les GMF? Oui.
M. Gladu (François-Pierre) : Les
GMF, là, il y a plusieurs problèmes.
M. Barrette : Ah!
M. Gladu
(François-Pierre) : Oui.
Vous voyez, c'est que ça a été essayé, hein? Puis d'ailleurs
on va parler des CLSC, des GMF. Les
GMF, là, il faut comprendre que c'est l'agence régionale qui
envoie les employés. Ils sont là, mais ils ne font pas ce qu'on voudrait
qu'ils fassent.
M. Barrette : Ah bon!
M. Gladu
(François-Pierre) : Alors,
ils ne sont pas coordonnés par le médecin. Dans le fond, ils n'ont
pas de patron. Alors, ils sont en parallèle des médecins, c'est ce qui est à
peu près la pire chose à faire.
M. Barrette : Le médecin a-t-il des
responsabilités à un moment donné?
M. Gladu
(François-Pierre) : Ah! mais
on aimerait ça en avoir, définitivement. Malheureusement, la loi ne le
permet pas.
M.
Barrette : Pouvez-vous nous
parler... Parce que, là, il me reste juste 45 secondes, parlez-moi de
l'accès adapté et pourquoi ça ne se fait pas de façon étendue.
M. Gladu
(François-Pierre) : Je suis
content que vous posiez la question, parce
que de l'accès adapté, ce n'est
pas une distinction des autres provinces,
hein, tout le monde en fait un peu. Mais je vous ramènerais au début
des années 80, fin 80, il n'y avait
pas de notion d'accès adapté, parce
que les médecins le faisaient
spontanément, parce qu'il y avait
assez de médecins en cabinet. Au
Québec, il nous manque 800 ETP, médecins en cabinet, par rapport à
l'Ontario, à cause des AMP. Alors,
bien sûr, quand il y a une pénurie de médecins amenée par des quotas comme les
AMP, là, tout le monde est pressurisé, puis ils essaient de voir les
patients, puis ils ne peuvent pas les voir. Mais, définitivement, dans une
situation de pénurie, vous avez raison, l'accès adapté peut être une solution à
petite dose. Par exemple...
M. Barrette : Mais pourquoi,
pourquoi à petite dose?
M. Gladu (François-Pierre) :
Pourquoi à petite dose? Parce que, dans le fond, la médecine est organisée en rendez-vous et en sans rendez-vous. Les sans-rendez-vous pour les problèmes
ponctuels sont vus par les médecins du même
groupe que le médecin inscripteur, et ça,
c'est efficace pour les problèmes ponctuels. Par contre, ce qui a eu des difficultés,
c'est : comme il manquait de soldats en
cabinet, même les sans-rendez-vous n'étaient plus accessibles, et les gens allaient
faire la file dehors à des moins 20°, moins 30°. Ça a fait les médias
et ce n'était pas une bonne affaire.
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
M. Gladu
(François-Pierre) : Juste
terminer sur la réponse. Donc, l'accès adapté, pourquoi en petite dose? Parce
que, si vous mettez 10 plages horaires
de rendez-vous qui sont en accès adapté, dans le fond, ce que vous avez, c'est
un sans-rendez-vous.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, je cède la
parole à notre collègue députée de Taillon pour une période de
11 min 30 s.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue,
Dr Gladu, bienvenue, Dre Dougherty. Je vous permettrai de terminer votre information, le message que vous nous
transmettez, mais en étant conscients que les minutes roulent pour tout
le monde et qu'il nous reste très, très peu de minutes ensemble.
M. Gladu (François-Pierre) : Alors, ce que je voulais continuer, c'est que
l'idéal, dans ce contexte-là, c'est d'avoir deux à trois périodes d'accès adapté, peut-être trois ou quatre,
dans une demi-journée de 10 à 12 périodes, de manière à ce qu'il y ait
de la flexibilité dans l'horaire du médecin, et ça va, ça aussi, amener une
bouffée d'air frais. Et c'est déjà en place, hein, c'est assez étendu au Québec
actuellement.
Mme Dougherty (Élizabeth) : Les
médecins sont très, très satisfaits, ceux qui procèdent par accès adapté, l'engouement est clairement là, ils sont très
satisfaits. Les patients sont satisfaits de voir leurs médecins de famille
quand ils ont un problème
semi-ponctuel, je pourrais dire, là, sans parler nécessairement de l'otite,
mais non plus d'examen annuel, un
genre d'entredeux pour les demandes de consultation. Les gens sont très satisfaits. Ça fait qu'effectivement il faut pousser vers ça.
M. Gladu
(François-Pierre) : Mais il
ne faut pas tomber dans le piège de transformer la médecine familiale en sans rendez-vous, ce qui est grosso modo la médecine des années 70 et qui
n'apportera pas les bienfaits au
niveau de la diminution des
dépenses. Donc, il faut...
• (11 h 40) •
Mme
Lamarre : Merci. Alors, écoutez,
moi, je vais à la page 15 de votre mémoire, où vous dites : «Le
nombre minimal d'heures
d'activités médicales devant être exercées.» Depuis le début, on parle d'AMP, d'activités médicales particulières, pour le grand public, ce n'est peut-être
pas très bien connu, mais, au Québec, on demande aux médecins de famille de travailler au moins 12 heures,
12 heures à l'extérieur du cabinet privé, soit principalement en urgence, parfois, dans
d'autres contextes, par exemple avec les personnes
âgées, en CHSLD ou dans des services
comme ceux-là. Et ça, c'est unique au Québec, c'est ce que vous nous
dites, et ce qu'on a entendu, et ce qui est réel.
Et vous avez
des statistiques qui sont assez éloquentes sur ce que ça génère. Parce qu'on comprend bien que, si on demande
à des médecins de faire 12 heures, on n'exclut pas le fait que ces
médecins-là en fassent plus que 12, et ils peuvent
donc en faire 20, 30, 35. Jusqu'à un certain point, ils peuvent consacrer toute
leur pratique médicale à l'urgence et ne
plus être disponibles en cabinet privé pour voir des patients au quotidien et
dans une perspective de suivi et de prise en charge. Et vous avez des statistiques assez importantes, assez
intéressantes à la page 15, vous dites : «70 % des heures
travaillées par les jeunes médecins se font
en établissement et le temps passé en établissement n'a eu cesse d'augmenter;
les [activités médicales prioritaires] existent seulement au Québec et sont en
grande partie responsables de la piètre performance
en termes d'accès à la prise en charge par un médecin de famille; [et] le
système actuel d'[activités médicales prioritaires]
rend l'atteinte des cibles d'inscription de patients de 1 000 par médecin
inatteignable pour un grand nombre.»
Je pense
qu'il y a énormément, dans ça, d'éléments qui expliquent les disparités entre
le système de santé du Québec et
celui des autres provinces, et c'est un exemple d'une mesure qui a été prise et
qui a amené quelque chose de positif pendant
un certain temps, mais qui a amené quelque chose qui a finalement, en cours de route,
modifié fondamentalement l'accessibilité à la première ligne au Québec.
Et là je
pense qu'on est rendus vraiment à parler des vraies choses et ce que je
comprends du projet de loi n° 20. Est-ce
que votre compréhension, c'est qu'on change les AMP? Moi, j'aimerais ça vous
entendre parler sur votre compréhension de ce qu'on retrouve clairement dans le projet de loi n° 10, pas
des règlements, pas de la conférence de presse que le ministre nous a donnée... dans le projet de loi n° 20.
Qu'est-ce que vous, qui avez fouillé de façon très documentée — et
je vous en félicite — le projet de loi n° 20 et la situation
des médecins, qu'est-ce que vous retrouvez dans le projet de loi n° 20 sur
les obligations en termes d'activités médicales prioritaires?
Mme Dougherty
(Élizabeth) : On change
quatre trente sous pour une piastre, puis même qu'il y a une taxe dessus,
là, parce qu'avec les AMP versus les AMF, activités de médecine de famille, on
augmentait de cinq ans à 25 ans le nombre
d'années nécessaires en établissement puis, en plus, à 35 ans les quotas
obligatoires pour les médecins. 35 ans pour un médecin qui commence à travailler, comme moi, à 26 ans, ça
me mène à 61 ans. 61 ans, ça commence à être un âge général
qu'on peut ralentir.
M. Gladu
(François-Pierre) : Mais tu
es rentrée tôt en médecine, toi. La moyenne des médecins finissent entre
30 et 32 ans. Vous rajoutez 35 ans à ça, c'est toute la carrière, là.
Mme
Lamarre : Ce qu'on comprend, c'est que, dans le projet de loi
n° 20, il n'y a pas une diminution de l'impact de ces AMP, il y a
même une intensification, et on va dans un contexte qui nous caractérise, et
qui nous caractérise négativement. Alors, c'est ce que vous nous confirmez dans
votre lecture actuelle.
M. Gladu
(François-Pierre) : Je pense
que ce qu'il faut comprendre, là, c'est que, dans les autres provinces, les
autres médecins spécialistes, donc
l'équivalent de nos 10 000 médecins spécialistes ici, font rouler les
hôpitaux avec l'apport des médecins de famille à hauteur de 20 % de
leur facturation. Ici, pour une raison qui est difficile à comprendre, les médecins spécialistes des
hôpitaux au Québec ont besoin d'un apport de médecins de famille à la hauteur de
40 % de leur facturation.
Comment
on est arrivés là? Bien, à chaque année depuis 1993, les 200,
300 finissants, eux, ils commencent à 70 % à l'hôpital, pour toutes sortes de raisons :
l'intérêt mais aussi les AMP, les primes, l'effet conjugué dont on vous a
parlé. Et donc, du 20 % qu'on
était en facturation à l'hôpital en début des années 90, à chaque nouvelle
cohorte de 300 à 400 étudiants
qui finissaient puis qui étaient à 70 %, eux autres, à l'hôpital, bien, ça
a fait monter le pourcentage global de
l'ensemble des médecins de famille progressivement jusqu'à 40 %. Et, quand
on parlait qu'il manquait 800 ETP en cabinet, ça vient de ça. Donc, il suffirait de diminuer, pas à
20 %, à 30 % de la facturation des médecins de famille en abolissant progressivement les AMP pour que tous
les médecins de famille... pardon, tous les citoyens aient un médecin de
famille et puissent le voir en temps opportun.
Donc,
il ne s'agit pas de jeter le bébé avec l'eau du bain, il faut y aller
progressivement. Et, même si on fait ça, les médecins québécois... les médecins de famille québécois vont être
davantage en hôpital que dans les autres provinces, mais au moins on aura gardé l'expertise hospitalière des
médecins de famille qui est là, tandis que, si on donne un coup de barre comme le projet de loi
n° 20, là, on joue sur des cohortes de plusieurs milliers de médecins, et
on va empêcher les choix de carrière
en médecine familiale, et on va forcer des médecins actuellement à l'hôpital à
aller en cabinet contre leur gré. Ce n'est jamais une bonne affaire
quand vous forcez quelqu'un à aller dans un champ de pratique particulier. Un,
il n'aura peut-être pas la compétence ni l'intérêt.
Mme Dougherty (Élizabeth) : La question de compétence est très importante
ici, parce que quelqu'un qui fait de
l'urgence, des soins intensifs, un médecin de famille... Des médecins de
famille à l'urgence puis aux soins intensifs, là, c'est comme ça, là, dans les hôpitaux régionaux.
Si, du jour au lendemain, vous dites : Bien, non, toi, tu vas aller
prendre 250, 500 patients au
bureau, ce n'est pas la même game, là. Il ne sait plus comment gérer un bilan
lipidique, parce qu'il n'a pas fait
ça depuis cinq ans, 10 ans, 15 ans. Les normes ont changé, ils ne se
sont pas renseignés là-dessus parce qu'ils ont été faire de la formation pointue sur les soins aigus, critiques et
non pas sur le bilan lipidique, l'examen périodique des enfants, etc.
Mme Lamarre :
Vous représentez l'Association des jeunes médecins du Québec, donc vous
représentez des médecins de famille et des
spécialistes. Vous avez signalé qu'il n'y en avait pas, mais est-ce que vous
trouvez que les mesures coercitives
dans le projet de loi n° 20 sont équivalentes pour les médecins de famille
et pour les médecins spécialistes?
M. Gladu (François-Pierre) : Bien, dans le fond, la différence, c'est qu'il y
a des pénalités qui sont prévues pour les médecins de famille qui ont été
beaucoup plus médiatisées que pour les autres médecins spécialistes, mais là,
bon, tout est laissé à la voie
réglementaire du ministre, qui a été signer un gros chèque en blanc. Dans le
fond, là, ce n'est pas une bonne affaire, puis, eu égard aux anciennes
loyautés du ministre, bien, on voit ça avec extrêmement de suspicion.
Maintenant,
il faut comprendre que, même pour les autres médecins spécialistes, ce que le
projet de loi prescrit n'est pas une
bonne affaire. C'est comme si on disait aux médecins spécialistes des
hôpitaux : Vous ne faites pas la job parce que vous êtes paresseux, dans le fond, ou vous n'allez pas
répondre aux consultations assez rapidement, alors que, dans le fond, c'est un problème de plateau
technique, d'accès à la radiologie, d'accès aux laboratoires, d'accès à toutes
ces choses-là qui font qu'un hôpital peut rouler. Et je vous dirais même que ce
problème de plateau technique là qui explique
en partie les pénuries ou les attentes actuelles existe aussi en première
ligne. Donc, pourquoi un patient va aller voir 10 fois un médecin pour un
problème de douleur? Bien, c'est justement parce que la consultation en
clinique spécialisée pour une
infiltration ou pour la clinique de douleur n'a pas été faite. Donc, il y a des
problèmes d'accès aux plateaux
techniques. D'imposer des quotas d'en haut vers le monde qui travaille, ça ne
va pas régler ces problèmes d'accès là.
Alors,
comme je vous disais, on revient au problème que le Québec est la province qui
investit le moins en santé. Je suis sûr que, dans les médias, ce n'est
pas du tout l'image qu'on a du Québec, et c'est pourtant ça.
Mme
Lamarre : Est-ce que l'accès aux règlements du projet de loi
n° 20 vous permettrait d'avoir plus confiance, autant pour les médecins spécialistes que pour les
omnipraticiens, à ce qu'on va peut-être retrouver dans la version finale
de ça, ne serait-ce que pour mieux commenter, mieux éclairer votre
argumentaire?
Mme Dougherty
(Élizabeth) : C'est sûr que ça aiderait pour avoir une position plus
claire et plus, comment je pourrais dire...
plus étoffée. Parce que, là, on fait beaucoup de suppositions, étant donné que
c'est un chèque en blanc, comme le Dr Gladu le dit, mais...
M. Gladu (François-Pierre) : Mais là je veux rajouter quelque chose. C'est
que, pour vous, là, puis pour l'exercice démocratique, il aurait été nécessaire d'avoir ces règlements-là avant
de commencer la commission parlementaire, comme il aurait été nécessaire d'examiner objectivement les prémisses du
projet de loi, à savoir les jours travaillés. Vous savez que, depuis deux, trois semaines, il y a un
black-out à la RAMQ, les journalistes ne peuvent plus avoir de réponse sur les
jours travaillés. Alors, ça, ça aurait été important que vous, vous ayez accès
aux jours travaillés des deux fédérations, pondérés d'une manière conservatrice
mais objective, et ce n'est pas le cas.
Alors,
grosso modo, vous nous demandez notre avis sur le projet de loi. Si ce n'était
que de nous, on le déchirerait, on irait en états généraux et on aurait
des solutions viables et durables pour partir sur un meilleur pied.
Mme
Dougherty (Élizabeth) :
Parce qu'on ne nie pas qu'il y a un problème d'accès, mais le problème d'accès,
ce n'est pas parce que les médecins de
famille et les médecins des autres spécialités sont paresseux. C'est un
problème d'organisation,
d'accès aux plateaux techniques, de coordination vraiment entre les médecines
des autres spécialités puis la
médecine de famille, mais aussi les autres professions. Donc, il faut englober
là-dedans les pharmaciens, les infirmières, les physiothérapeutes, tous ceux qui gravitent dans le système de santé.
Ça prend un effort de concertation pour que les gens aient accès puis qu'ils ne viennent pas voir 10 fois leurs
médecins de famille parce qu'ils n'ont pas eu encore leurs consultations
en médecine spécialisée. Ça prend vraiment une réorganisation du réseau.
On ne nie pas
qu'il y a un problème. On dit juste que la solution qui est présentée dans le
projet de loi n° 20 va être délétère au lieu d'être vraiment une
vraie piste de solution.
Mme
Lamarre : Effectivement, il y a des enjeux très simplistes dans ce
projet de loi là et il y a des enjeux de coordination interdisciplinaire, et à l'intérieur même de la profession
médicale. Je laisse les dernières secondes qui restent à mon collègue
député de Rosemont.
La Présidente (Mme Montpetit) : M.
le député de Rosemont, il vous reste 15 secondes.
M. Lisée : Est-ce que vous
trouvez que le paiement à l'acte est trop élevé par le mode de rémunération, et
on pourrait revoir ça, comme ça se fait dans d'autres provinces?
M. Gladu (François-Pierre) : C'est une bonne question, mais c'est parce que
vous avez... il vous manque de l'information
encore, comme parlementaire. Depuis 10 ans maintenant, les médecins de
famille sont au mixte. Ça n'a pas
paru du tout dans les médias, mais il y a à peu près un tiers qui est payé par
la capitation, hein, on ne s'imagine pas ça, mais un tiers est fait par
des forfaits de prise en charge pour...
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
M. Gladu
(François-Pierre) :
...justement inciter à la prise en charge, un tiers au tarif horaire si vous
voulez, quand il y a des cas qui durent plus longtemps, et un tiers à
l'acte. Donc, on est déjà au mixte.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Nous allons maintenant céder la parole... et vous pourriez peut-être compléter, si d'aventure ça vous est
permis, votre réponse. Alors, je cède la parole au collègue député de Lévis,
7 m 30 s.
M. Paradis (Lévis) : Merci. Merci,
M. le Président. Merci d'être là, Dr Gladu, Dre Dougherty. Moi, je
vais continuer à faire un petit bout de
chemin là-dessus puis je reviendrai sur d'autres questions, mais parlons-en, du
mode de rémunération des médecins et
de cette mixité, en tout cas, qui pourrait faire une grande différence également,
plutôt que d'être majoritairement à l'acte présentement. Je vous laisse
poursuivre votre explication sur ce dossier-là.
• (11 h 50) •
M. Gladu
(François-Pierre) : ...la
médecine familiale, ce n'est pas majoritairement à l'acte, c'est rendu complètement mixte, comme dans les autres
provinces, d'ailleurs. Dans certaines autres spécialités, c'est encore complètement à l'acte. Par exemple, en pharmacie,
c'est complètement à l'acte en pharmacie communautaire, mais, en pharmacie d'établissement, c'est à salaire. Donc,
dans le système de santé, il y a divers modes de rémunération qui sont
adaptés aux champs... aux milieux de pratique.
Mais il faut
comprendre, par contre, que... Tout à
l'heure, il y a quelqu'un qui parlait des CLSC, là. Les CLSC, ça a montré, je vous dirais, un peu l'inefficacité du
salariat pour les médecins. Ça a duré 40 ans, cette expérience-là, et, il
y a deux ans, le gouvernement a tiré
la plug pour justement empêcher les nouveaux médecins d'aller à salaire. Au
contraire, il voulait les mettre au mixte pour avoir un certain
incitatif à la productivité.
Alors, je
pense que d'avoir un mode mixte empêche d'avoir des tares venant d'un mode de
rémunération seulement.
M. Paradis
(Lévis) : Est-ce qu'on
parlerait, à ce moment-là, de rééquilibrer cette mixité-là? Parce qu'actuellement, en principe et vue
large, sur le dossier, ça passerait par là.
M. Gladu (François-Pierre) : Bien,
je vous dirais que non, puis je vais vous dire pourquoi. Le collectif des enseignants en gériatrie, il y a à peu près trois,
quatre ans, ont sorti dans les médias justement sur cette question-là, et
devinez quoi? Ils n'ont pas demandé
plus de salaire. Au contraire, ils ont demandé plus d'actes. Pourquoi? Parce
que les personnes âgées complexes ont
plusieurs diagnostics à faire au cours d'une même visite, et la manière de
donner de la valeur à ces diagnostics-là,
c'est justement de mettre des actes qui vont être par système ou par
diagnostic, ce que les pharmaciens peuvent déjà faire.
Donc, au contraire, ça a été trop de l'autre
côté, trop vers le salariat et la rémunération par forfait, si vous voulez — pour les clientèles complexes, on
s'entend — il faut
revenir un petit peu plus vers plus d'actes. Ça fait que...
M. Paradis
(Lévis) : Je reviendrai
sur... parce qu'on a parlé d'AMP, et j'y reviens dans un instant. On a parlé
de mode de rémunération, on en parle présentement. Vous avez parlé de la notion
du lui-même, je rappellerai cette déclaration
du ministre de la Santé lui-même en 2012, puis on parlait à ce moment-là... et
j'ouvre les guillemets seulement pour
rappeler les choses, il disait : «Si je lui propose de s'entourer, de
travailler plus, de voir plus de patients et en plus de perdre des revenus, donnez-moi [de] la corde,
il y a des arbres ici, je vais aller me pendre.» C'est ce que le ministre
disait, ouvrez les
guillemets, sur une vision de la rémunération. On s'en rappelle, je pense qu'on
sourit à ça, mais je vous dirai que
l'arbre a tenu bon, puis finalement c'étaient seulement des propos comme ça. Je
vois le ministre sourire — parce que les gens ne le voient pas.
M. Gladu
(François-Pierre) : M.
Paradis, je vais juste vous citer que le... M. Barrette, à ce moment-là, avait
dit que, lorsqu'on enlève les
menottes aux médecins de famille, on voit des patients, et je pense que ça
résume tout notre mémoire.
M. Paradis (Lévis) : Alors,
parlons-en, Dr Gladu, des menottes. Parce que des gens diront... Et là
j'essaie de revenir avec le contexte et des
propos qui rejoindront les gens qui sont moins familiers au mode de
fonctionnement. L'AMP, pour madame
dans sa maison, qui aujourd'hui, bon, prendra un rendez-vous pour demain, elle
comprend peut-être moins le principe,
et c'est tout à fait normal. Mais certains diront : Ah! ça y est, si on
enlève cette façon de faire qui avait été mise en place parce qu'il y avait un besoin, mais maintenue alors qu'on
a l'impression que ce n'est plus nécessaire, est-ce qu'on ne risque pas, à ce moment-là, une
découverture? Et, sinon, comment se fait-il que maintenant ça puisse
fonctionner, si on y va graduellement, sans créer de choc traumatique?
M. Gladu
(François-Pierre) : Bien,
exactement comme ça, alors en libérant les cohortes de cinq ans, donc les plus
vieux d'abord, là, les 15 à 19 ans de pratique. Six mois plus tard, le
ministre de la Santé évalue si, en effet, l'apport nouveau de médecins de famille en cabinet a
diminué la demande hospitalière sans créer de bris de service ailleurs. Il faut
comprendre que cette cohorte-là a une
obligation de six heures par semaine. Eux, dans les faits, sont à
20 heures par semaine, donc moins que les plus jeunes.
Donc, cette
cohorte-là, c'est un bon début. On peut commencer ça d'une manière sécuritaire,
et, si six mois plus tard, comme on
le propose, les résultats sont bons, eh bien, on passe à la cohorte suivante,
donc les 10 à 15 ans de pratique... les 11 à 15 ans de pratique, pardon, et ainsi de suite, à chaque
six mois. Évidemment, il n'y a rien qui dit qu'il ne va pas falloir arrêter à un moment donné puis prendre une
pause plus longue, ça fait partie du jeu de gestion que le ministre de la
Santé a à faire. Mais il faut commencer à
quelque part pour revenir à la normalité de l'organisation médicale dans les
autres provinces.
M. Paradis
(Lévis) : Reprenons pour
ceux et celles qui nous écoutent et nous regardent : l'objectif étant de
faire en sorte qu'en cabinet on
puisse maintenant retrouver des médecins qui pourraient traiter, que l'on ne
voit pas et qui sont en centre hospitalier ou en établissement.
M. Gladu (François-Pierre) :
Absolument.
M. Paradis (Lévis) : On se comprend
sur la base.
Mme
Dougherty (Élizabeth) :
Souvent obligés et qui auraient aimé faire du cabinet, puis qu'à cause des
moyens, les AMP, les PREM, ils sont
pris à l'hôpital puis ils ne peuvent pas aller en cabinet du tout ou très peu,
dans certains cas. Ça fait que ça aiderait définitivement l'accès.
M. Paradis
(Lévis) : Est-ce qu'il est
vrai, Dr Gladu, Dre Dougherty, de dire que, dans l'autre sens
également, il y a des médecins de
famille qui apprécient travailler en établissement et qui, de toute façon, sans
AMP, décideraient de choisir cette pratique-là?
Mme Dougherty (Élizabeth) : Tout à
fait.
M. Gladu
(François-Pierre) : Alors,
grosso modo, vous avez, sur les 3 800 assujettis aux AMP en ce moment, là,
vous avez... Pour prendre les choses simples, là, vous avez quatre cohortes de
900, là, par cohorte de cinq ans, là... Il y a 900 médecins par cohorte de
cinq ans, donc quatre fois neuf, 36, là, 3 600 médecins.
De ces
médecins-là, il y en a la moitié qu'on leur a posé la question : Qu'est-ce
que vous feriez s'il n'y avait plus d'AMP?
Il y en a la moitié qui ont répondu : On ferait davantage de cabinet, soit
complètement du cabinet ou en partie du cabinet, et il y en a la moitié qui ont répondu : Non, moi, je ne
changerais rien à ma pratique, j'aime ça, l'hôpital. Autrement dit, il y a un potentiel de
1 900 médecins de plus à avoir en cabinet, donc la moitié, qui
voudrait changer, en tout ou en partie. Et donc, quand on regarde, on
évalue à peu près à demi-temps qui irait en cabinet, de plus, pour chacun de
ces médecins-là, en moyenne, c'est notre
800 ETP qu'on a besoin pour être à parité avec l'Ontario pour le nombre de
médecins en cabinet.
M. Paradis (Lévis) : Rassurons les
gens qui nous regardent et qui nous écoutent. Il y a le milieu urbain, puis il y a le milieu plus rural également, puis il y a
des régions au Québec aussi. Et là des gens s'inquiéteront à dire : Oui,
mais est-ce que ce ratio-là et cette
possibilité-là de ne pas risquer la découverture s'appliquent aussi lorsqu'on
est en région?
M. Gladu
(François-Pierre) : O.K.,
ça, c'est important. C'est une très bonne question. Parce que,
même pour les médecins qui couvrent
ces hôpitaux-là en région, c'est une
question. Et ce qu'on se rend compte, c'est que, dans les autres provinces, il y a aussi des régions, et ils n'ont
pas ce problème-là. Pourquoi? Bien, parce qu'ils ont un apport d'autres
spécialités, ce qu'on appelle les 12 spécialités qu'on dit générales, donc
le médecin interne, le pédiatre, le psychiatre, il y en a 12 comme ça qui sont des spécialités
générales, donc qui sont plus en région qu'au Québec. Et en effet, de concert
avec l'abolition progressive des AMP, il va
falloir prévoir des mécanismes pour être sûr que les citoyens des régions ont
accès aux services de médecine
spécialités, dans les spécialités générales, là, au même titre qu'un patient à
Montréal peut l'avoir.
Évidemment,
on comprend que ça ne touche pas les surspécialités, qui doivent être en
hôpitaux universitaires. On parle des
spécialités générales qui doivent être diffusées partout à travers le Québec
pour pouvoir prendre en charge, comme dans le reste du Canada, les
patients hospitalisés en région.
M. Paradis (Lévis) : Madame, monsieur — évidemment le temps file vite — je reviens sur le mode de rémunération
des médecins. Vous avez dit qu'on peut
revoir le mode de rémunération puis, bon, déterminer sa forme et sa façon de
faire à coût nul, parce qu'évidemment tout est une question d'argent aussi, le
nerf de la guerre, c'est aussi la piastre. Pour augmenter une prise en charge, comment peut-on y arriver?
Les gens diront : Bien là, si on fait ça puis que ça coûte davantage, déjà
que le budget est très important, est-ce qu'on peut y arriver et comment?
Mme Dougherty (Élizabeth) : On va sauver de l'argent en sauvant, comme on a
démontré tout à l'heure, des hospitalisations,
en ayant le meilleur accès en première ligne. L'hôpital, on le sait,
Mme Lamarre l'a dit tantôt aux autres intervenants qui étaient ici, ça coûte une beurrée, là. Si on peut
l'éviter, on va sauver des coûts. Si on peut aussi éviter des examens radiologiques inutiles, des
laboratoires inutiles, en ayant une prise en charge plus tôt, en distribuant
mieux les ressources, on va arriver dans les...
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant céder
la parole au collègue député de Mercier pour un temps de trois minutes.
M. Khadir :
Merci, M. le Président. Vous avez, à juste titre, souligné tout à l'heure, dans
votre présentation, que le Québec a
connu un sous-financement important au cours des dernières années, qui fait en
sorte qu'en santé, en fait, c'est au
Québec qu'on dépense le moins par habitant. Et, si on tient compte du fait
qu'au Québec, lorsqu'on a investi, malgré tout, au cours des 10, 15 dernières années, ça a surtout été fait
pour payer des médicaments de plus en plus chers, en plus grande
quantité, en en consommant davantage et aussi en augmentant le salaire de
certains médecins, notamment les médecins spécialistes, les maudits
microbiologistes que nous sommes, d'accord?
M. Gladu
(François-Pierre) : Bien, si on ne veut pas avoir le virus du Nil, on
est mieux de vous avoir.
M. Khadir :
Donc, si on regarde vraiment les soins primaires, les soins de première ligne,
le renforcement de l'accessibilité, il doit y avoir un écart incroyable
avec le reste du Canada.
Pouvez-vous
me donner quelques exemples, à mes collègues aussi, des meilleures pratiques
qui ont fait en sorte que la
Colombie-Britannique fait si bien et que nous ne sommes pas capables... En
fait, ils ont une accessibilité deux fois plus grande... En fait, où on
a des problèmes d'accessibilité deux fois plus grands que la
Colombie-Britannique?
M. Gladu (François-Pierre) : Bien, ça, c'est le General Practice Services
Committee. Alors, ce que ça a fait, grosso modo, là, c'est de
dire : Le jeu de négociation entre les fédérations médicales et le
ministre, ça ne mène nulle part et ça crée
des conflits. Sortons ça du jeu politique, et ça va être un organisme
indépendant dont le but, ça va être de renforcer
la première ligne. Le gouvernement a mis, la première année, quelque chose
comme 250 millions, comme je vous
disais tout à l'heure, et, au fil des années, ils se sont rendu compte que ça
leur rapportait 150 % de leur investissement. Et, en 2007, ils ont doublé le montant investi.
Et, depuis ce temps-là, bien, c'est comme ça qu'ils ont réussi à rendre la
médecine familiale une carrière attractive
pour l'ensemble des médecins. Et maintenant leur ratio de médecins de famille
par spécialiste est en haut de 51 %, 52 %, alors, que nous, on est à
47 %. Problème de coordination ici.
M. Khadir :
Donc, vous êtes en train de dire que les fédérations médicales, qui sont des
corporations, qui, comme la FMSQ et la FMOQ, sont des corporations pour
l'intérêt des médecins dans leurs négociations, ont introduit des anomalies qui causent les problèmes qu'on connaît,
en partie, qui sont responsables des différentes orientations prises,
qui font qu'on a des problèmes d'accessibilité aujourd'hui, n'est-ce pas?
M. Gladu
(François-Pierre) : Je vous dirais que c'est en partie.
M. Khadir :
En partie.
M. Gladu (François-Pierre) : Je pense que le gouvernement a une part de
responsabilité, les fédérations aussi.
Mme Dougherty
(Élizabeth) : C'est le jeu des négociations.
M. Gladu
(François-Pierre) : C'est ça.
M. Khadir :
Très bien. Notamment, par exemple, dans la reconnaissance des autres
praticiens, on sait, au Québec, à quel
point... Jusqu'à encore récemment, ma collègue de Taillon, lorsqu'elle était à
l'Ordre des infirmières, venait ici même...
M. Gladu (François-Pierre) : Des
pharmaciens.
M.
Khadir : ...je
m'excuse, des pharmaciens, demander une plus grande reconnaissance de leur
contribution. Et qui s'opposaient principalement? Est-ce que vous vous
rappelez?
Mme Dougherty (Élizabeth) : C'était
principalement...
M. Khadir : La Fédération des
médecins spécialistes, la Fédération des médecins omnipraticiens.
M. Gladu
(François-Pierre) : Moi, je
vais vous dire, M. Khadir, là-dessus, j'ai un léger inconfort, parce que...
M. Khadir : Mais il faut
quand même nommer les choses.
• (12 heures) •
M. Gladu (François-Pierre) : Oui,
mais il faut...
Le Président (M. Tanguay) : En
10 secondes.
M. Gladu
(François-Pierre) : Oui. Il
faut juste comprendre qu'en ce moment on a un système un peu bizarroïde, où le médecin fait des actes techniques simples qui devraient être faits
par un employé, puis, de l'autre côté, on dit qu'il va y avoir des
diagnostics qui vont être faits par un tiers. Il faut régler les actes
techniques en premier, tu sais?
M. Khadir : On comprend, mais
donc un problème de culture...
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup.
M. Khadir : ...dont les fédérations
médicales n'ont pas permis de régler.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous remercions les représentants de l'Association des jeunes médecins du Québec.
Et, compte tenu de l'heure, je suspends les
travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 1)
(Reprise à 15 h 21)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs téléphones cellulaires.
Nous allons
donc, chers collègues, poursuivre les consultations particulières et
auditions publiques sur le projet
de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de
médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses
dispositions législatives en matière de procréation assistée.
Je souhaite maintenant
la bienvenue aux représentantes de l'Association des obstétriciens et gynécologues du Québec. Merci beaucoup pour votre présence. Vous disposez d'une période de 10 minutes
pour faire votre présentation. Par la
suite s'ensuivra un échange avec les parlementaires. S'il vous plaît, prendre le temps de vous nommer, donner vos titres et
fonctions. Et la parole est à vous. Merci beaucoup.
Association des
obstétriciens et
gynécologues du Québec (AOGQ)
Mme Girard
(Isabelle) : Merci beaucoup, M. le
Président. Est-ce que
ça va pour la voix, vous m'entendez bien?
Le Président (M. Tanguay) : Oui.
Mme Girard
(Isabelle) : O.K.
Alors, mon nom est Dre Isabelle Girard. Je suis présidente de l'Association des obstétriciens et
gynécologues du Québec — c'est plus facile pour moi de le dire que
pour vous. Je suis accompagnée de Dre Sylvie Bouvet, qui est la
présidente désignée de l'association.
Alors, tout
d'abord, on veut tout de suite préciser aux membres de la commission que notre
association va laisser le soin à la
Fédération des médecins spécialistes de vous faire part de ses observations et
commentaires en ce qui a trait aux
dispositions de la partie I du projet de loi. Nous partageons sans réserve
la position de la fédération, qui va venir vous la présenter le 17 mars. Nos commentaires à nous
vont donc porter strictement sur la partie II du projet de loi, qui vise
la modification profonde du programme public de procréation médicalement
assistée.
Avant tout,
il faut le dire haut et fort, le programme québécois de PMA a connu un très
grand succès, qui a été reconnu de
façon mondiale, et les résultats qui en sont ressortis, ils sont éloquents. Le
programme a quand même connu des
dérapages, parce qu'il a été implanté trop rapidement, sans encadrement. Ces
dérapages étaient prévisibles et avaient été annoncés par notre ministre ici et par notre association lors de sa
lancée. Personne ne peut prétendre être surpris de voir les dérives qui
en ont découlé.
Ceci étant dit, on comprend qu'il faut
absolument que le programme fasse l'objet d'une rationalisation pour des
raisons budgétaires et qu'il faut mieux
encadrer la couverture. Aujourd'hui, nous, on voudrait vous proposer quatre
modifications au projet de loi qui
vous permettront d'éviter des écueils qu'on a identifiés, potentiels, pour la
deuxième vie du programme de procréation médicalement assistée.
Alors,
on va commencer par notre première recommandation, qui a rapport avec
l'article 10. Alors, d'entrée de jeu, dans l'article 10, le projet de loi confie au Collège des médecins
le mandat de concevoir des lignes directrices en matière de procréation médicalement assistée. C'est
parfait puis c'est ça qui doit être fait. Il faut qu'il y ait des sociétés
savantes qui émettent les lignes
directrices ou des algorithmes de traitement dans la procréation médicalement
assistée. Mais, dans les articles qui
suivent, 10.1, 10.2, 10.3, tous les autres, le projet de loi vient déterminer
les limites de la pratique médicale, vient
s'immiscer dans le lit des gens pour surveiller les relations sexuelles, alors
que le gouvernement vient de confier le mandat au collège. C'est comme si on disait au collège : On vous
confie le mandat d'écrire des lignes directrices, mais voici ce que vous
allez écrire.
Nous
voulons soumettre respectueusement que le gouvernement devrait se concentrer à
énoncer clairement ce qui est couvert, ce qui n'est pas couvert et
laisser ces sociétés savantes définir l'application des soins de procréation médicalement assistée. C'est d'autant plus
important que la science évolue. Quand on inclut des critères d'utilisation des
services de procréation médicalement assistée dans la loi, on prend une photo
statique de la situation de la science aujourd'hui.
Puis les lois, on le sait, elles ne se changent pas facilement. Alors, les
critères risquent de devenir rapidement caducs, et on risque d'être face à des obligations de traitement qui ne
correspondront pas aux meilleurs soins possible pour les gens qui
recevront de l'assistance dans la procréation médicalement assistée.
Donc,
on recommande, nous, de retirer les articles qui viennent présumer des critères
comme l'âge, le nombre d'inséminations
artificielles, le nombre de relations sexuelles requises avant une fécondation
in vitro. On sait qu'il y en a qui
vont pouvoir avoir toutes les relations qu'ils veulent, si une femme a les
trompes bouchées, elle peut essayer tant qu'elle veut, ça ne va jamais fonctionner. Donc, on dirait qu'il faudrait retirer ces critères-là et référer plutôt à un
algorithme de cheminement ou aux lignes directrices qui seraient créées
par des sociétés savantes.
Notre
deuxième recommandation : On est d'accord avec le gouvernement de ne pas
couvrir la fécondation in vitro pour
les femmes de moins de 18 ans et celles âgées de plus de 42 ans.
C'est une prérogative administrative qui appartient à l'État. Et on pense qu'on devrait toujours,
comme dans les autres pays, appliquer les critères de remboursement selon
les chances de succès, dans la procréation médicalement assistée, puis aussi
selon les critères médicaux.
Mais
de là à rendre illégal tout traitement de FIV pour une femme de 42 ans et,
pire, de rendre passible de sanctions pénales
un médecin qui va référer une patiente à un centre privé, ailleurs dans le
monde, alors qu'elle paierait de sa proche poche, là, c'est un petit peu exagéré. Nous voudrions que le projet soit
assoupli, parce qu'il est absolument possible d'obtenir des traitements
efficaces et sécuritaires, tant pour les mères et pour l'enfant, même si elles
ont plus de 42 ans.
On
peut prendre un exemple d'aberration, là, de ça. Le programme permettrait à une
femme de 35 ans, obèse, sédentaire,
prédiabétique, hypertendue, d'avoir accès à des traitements de FIV. Avec ce
portrait médical, les chances de succès sont diminuées, sans compter les
risques de complications obstétricales et néonatales. Malgré ça, on accepte de
rembourser des traitements pour ces
femmes-là. D'un autre côté, une femme de 42 ans en excellente santé — on
se met toutes au marathon puis au
demi-marathon, hein, dans la quarantaine, ces temps-ci, c'est ça qui est à la
mode — cette
femme-là, elle va faire l'objet d'une
investigation physique avancée avec son médecin. Elle va voir un cardiologue,
elle va faire... Ils vont vérifier
sont état de santé au complet, mais elle n'aura pas le droit de recevoir des
traitements de FIV, c'est même illégal. Pourtant, elle peut être en bien
meilleure forme physique qu'une femme de 35 ans.
Si
on pousse encore un peu plus loin, puisque seule l'insémination
artificielle demeure couverte pour cette femme-là, les couples vont se tourner vers des inséminations répétées,
avec très peu de chances de succès, alors que la FIV devrait être médicalement priorisée. C'est comme jeter notre argent
par les fenêtres. Laissons ces femmes aller chercher les meilleures conditions possible en payant
elles-mêmes pour leurs traitements. Une fois que le gouvernement décide de désassurer un service, les gens doivent avoir
le libre choix de leurs corps et des traitements qu'ils décident de recevoir.
Si on parle du
médicalement requis, malgré que la FIV va être rendue accessible avec des
crédits d'impôt, les couples vont quand même
devoir avancer des sommes importantes pour obtenir ces traitements, et, en
plus, les critères pour avoir accès
aux crédits d'impôt sont nettement très stricts... trop stricts. Voici ce que nous
envisageons qu'il pourrait se
passer : les couples risquent de favoriser des traitements couverts par
l'assurance maladie au détriment de la fécondation in vitro lorsque ce
serait la meilleure option médicalement requise.
Je
vais vous donner un exemple : une jeune femme de 27 ans qui a déjà un
enfant, qu'elle a eu à l'âge de 20 ans, et là, aujourd'hui, elle est aux prises avec une endométriose sévère.
Cette femme-là, parce qu'elle a déjà un enfant, elle n'a pas le droit au crédit d'impôt pour la
fécondation in vitro. Dans ce cas, faute de soutien financier, elle va avoir
tendance à opter pour une chirurgie
pour essayer de traiter son endométriose, parce que ça, c'est couvert par l'assurance maladie. Et pourtant, dans l'endométriose, la littérature est claire que la chirurgie va être efficace dans le traitement
de la douleur mais que ça peut avoir
même des effets néfastes sur la fertilité à long terme en réduisant la réserve
ovarienne, les capacités de devenir enceinte. Le premier choix médical
dans ce cas-là, c'est vraiment la fécondation in vitro.
Et
j'ajouterai qu'une seule chirurgie de ce type, ça coûte pratiquement autant
qu'un cycle de fécondation in vitro sans
donner de résultats probants, et ça expose la femme à des risques chirurgicaux
réels, parce que ce sont des chirurgies complexes et difficiles. Nous craignons que la réduction des dépenses
escomptées, liée au changement de la loi, soit diluée dans des coûts généraux de soins de santé et qu'au
bout du compte les économies attendues ne soient pas au rendez-vous. On ne le dépensera pas en surface, on va le
dépenser dans des pochettes, dans les salles d'opération, on va aller faire des
laparoscopies diagnostiques, aller faire des chirurgies.
Avec la FIV, on obtient un contrôle presque
parfait du nombre de grossesses multiples grâce à la politique du transfert embryonnaire unique, qui est incluse
dans la loi actuellement. Le fait de contraindre l'accessibilité à la FIV avec le crédit d'impôt va entraîner des conséquences néfastes.
Cette politique prise par le gouvernement constitue un retour en arrière vers des alternatives non optimales, avec
plus de risques pour la santé et les conséquences ultimes d'une augmentation
des grossesses multiples et de leur lot de complications foetales et
néonatales.
• (15 h 30) •
Notre
troisième recommandation : On veut parler des centres universitaires. Les
trois centres universitaires qui
existent actuellement, à McGill et à l'Université de Montréal, continuent
d'offrir... nous considérons qu'ils devraient continuer
d'offrir des services complets et gratuits, qui partent de l'investigation
jusqu'au traitement en fécondation in vitro, et maintenir le rôle de
formateur de médecins spécialistes et surspécialistes au Québec. La recherche
fondamentale et clinique est essentielle
pour le développement d'un traitement de pointe. Or, le projet de loi ne
garantit pas que les milieux universitaires
pourront continuer d'effectuer des programmes de recherche en FIV et que les
traitements vont être couverts pour les patientes.
Sur le plan
strictement éthique, la recherche ne doit pas devenir une façon détournée
d'obtenir des soins remboursés. En
nommant un comité d'éthique, le gouvernement vient encadrer les programmes de
recherche qui vont être déployés au Québec,
et, avec un tel encadrement, il n'y aura aucune raison que les traitements
prodigués dans le cadre de programmes de recherche ne soient pas
couverts.
Pour des
raisons d'équité, nous recommandons de préciser clairement dans le projet de
loi que tous les traitements des
patients soient couverts par l'assurance maladie lorsqu'ils sont effectués dans
le cadre d'activités de recherche. C'est éthiquement questionnable quand quelqu'un a des avantages financiers
qu'il va recevoir : Je te donne trois cycles pour le prix d'un si tu acceptes de participer dans un
projet de recherche. Et c'est un peu ça qui est l'idée qu'on veut soutenir dans
ça.
Notre quatrième et dernière recommandation...
Le Président (M. Tanguay) : Il vous
resterait une minute.
Mme Girard (Isabelle) : Bien, c'est
parfait.
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
Mme Girard
(Isabelle) : Je vais y
arriver. Je vous remercie de m'écouter. Nous recommandons d'inclure nommément dans le projet de loi la création d'un
registre de naissances. On ne l'a pas vu passer dans la loi actuelle, il
était dans la loi antérieure. Nous sommes
convaincus que, si le registre de naissances avait été mis en oeuvre dès le
début du programme,
certains des ratés qui se sont produits ne seraient jamais arrivés. Là, on va
modifier le programme de
façon profonde puis on n'a encore pas
de moyen de surveiller quels vont être les effets qui vont arriver
secondairement à ces modifications-là. Ce registre devrait être créé en même
temps que la modification de la loi pour nous permettre d'assurer
une surveillance.
Pour
conclure, bien, les ratés du programme de PMA sont dus à la vitesse
d'implantation et à l'absence des suivis des résultats. Donc, on vous demande aujourd'hui de ne pas répéter les erreurs du passé. Puis je vous remercie beaucoup, puis ça me fera plaisir de répondre à vos
questions.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, vous me permettrez, juste pour des éléments d'intendance
du temps : Alors, votre exposé, qui
devait durer 10 minutes, a duré 11 minutes. C'est parfait, il n'y a
aucun problème. Nous
prenons donc cette minute-là sur le temps du ministre. Alors, M. le ministre, pour une période de 17 min 30 s, la parole est à
vous.
M. Barrette : Merci, M. le Président.
Alors, Dre Girard, Dre Bouvet, bonjour. Merci d'être ici aujourd'hui et merci, évidemment, de votre excellente présentation ainsi que la
très bonne rédaction de votre mémoire. Je pense que vous jetez un
éclairage très pertinent sur la situation actuelle.
Bien, d'abord,
je vous remercie de prendre en considération les impératifs et de reconnaître
les impératifs que le gouvernement a, à savoir les impératifs budgétaires.
Je pense qu'on ne peut pas passer à côté de
ça, là, c'est une réalité qui est
incontournable, d'une part. Et, d'autre part, je pense qu'on est tous d'accord,
sans entrer dans le détail et sans aller dans des exemples parfois scabreux, là, il y a eu des dérapages, vous
en convenez, on en convient aussi, le Commissaire à la santé et au bien-être en avait fait état dans son rapport. Et je suis heureux de
constater que vous reconnaissez la nécessité de nous adresser à cette problématique-là dans un angle budgétaire qui
est le nôtre, on comprend l'un et l'autre, ou les uns les autres, mais aussi sur le plan clinique,
il y avait des choses à faire, et je suis content que là-dessus on soit sur la
même page.
Maintenant, je comprends aussi, puis
corrigez-moi si je me trompe, là : à l'exception des éléments que vous abordez dans vos recommandations, vous êtes
confortables avec le reste des éléments et articles qui traitent des autres
éléments. Est-ce que je dois comprendre que,
pour ce qui est des autres balises qui ne sont pas traitées dans vos
recommandations, qui viennent du rapport du Commissaire à la santé et au
bien-être, ça vous va?
Mme Girard
(Isabelle) : Je vous dirais
qu'on est d'accord avec l'idée générale. On a des questions
qu'on s'est posées, entre autres par rapport à la préservation de la fertilité et le règlement
qui dit qu'en bas de 18 ans on n'a pas le droit de recevoir des soins. Puis on trouve que ce n'est pas clair, à
savoir, si une jeune fille de 16 ans... ou un jeune homme de 16 ans qui a un cancer du testicule puis
qui va perdre sa fertilité suite aux traitements, peut être éligible à des...
la fille, à des stimulations ovariennes, préservation de fertilité, et
tout ça.
M.
Barrette : La réponse, c'est oui.
Mme Girard (Isabelle) : Ensuite de ça, on a des difficultés
aussi, un peu, avec le fait que la loi s'immisce dans la relation patient-médecin. En tant que médecins,
nous, on est responsables de toujours s'assurer que nos patients sont en sécurité, reçoivent le meilleur traitement, le
traitement de pointe. En mettant dans la loi qu'un médecin ne peut pas conseiller au couple... comment vous avez mis ça,
là... au projet parental, aux gens qui recherchent un projet parental... — j'essaie d'être politiquement correcte dans mon expression. Si on ne peut pas les
diriger et que ces gens-là, sur Internet, vont se trouver n'importe quelle clinique à l'extérieur,
puis décider d'aller se faire implanter quatre puis cinq embryons, puis,
en bout de ligne, revenir avec des
complications beaucoup plus grandes, bien, est-ce qu'on ne va pas à l'encontre
de notre devoir déontologique de les
protéger? Parce qu'ils vont y aller de toute façon. Puis, au moins, on pourrait
les guider puis les diriger vers des endroits plus sécuritaires, les
conseiller à travers ça, etc.
Donc,
on a d'autres difficultés, mais on voulait, à cause de l'obligation du temps,
insister sur certains points, et c'est pour ça qu'on n'est pas allées
dans ces détails-là, là. On pensait plus d'en parler pendant les questions.
M.
Barrette : O.K., parfait. Bien, je vous invite, à n'importe quelles
questions, de les aborder, parce que c'est l'objectif de ces
consultations-là, là, d'aller dans le détail.
Juste
un commentaire, puis je pense que vous le savez, là, c'est une chose dont j'ai
déjà parlé dans le passé : La clause
de la référence à l'extérieur, c'est une clause qui aurait pu porter un nom
comme souvent, en médecine, des clauses, ou des diagnostics, ou des maladies portent des noms, alors elle aurait
pu être la clause XYZ, et elle voulait non pas et elle veut encore
aujourd'hui non pas empêcher ce que vous proposez ou vous évoquez, la
bonne référence, mais bien empêcher la mauvaise
référence, celle, comme vous venez de le dire, qui est faite pour
spécifiquement avoir des implants multiples, des transferts multiples.
Et, comme vous le savez, malheureusement c'est arrivé.
Et, quand on fait des
règles comme celles-là, évidemment, vous conviendrez avec moi qu'on fait des
règles évidemment pour favoriser les bonnes pratiques, mais souvent, en même
temps, non seulement favoriser les bonnes pratiques,
mais empêcher les mauvaises. Et, comme il y a eu au moins quelques exemples où
ça s'est fait, de documentés, puis on
n'entrera pas dans le détail, évidemment, là, parce que ça ne serait pas
approprié ici, bien, c'est pour ça qu'on le fait. Si vous avez des
suggestions à nous faire pour avoir le même résultat, gênez-vous pas.
Mme Girard (Isabelle) : Je pense que l'algorithme de cheminement ou les
lignes directrices qui devraient être écrites
par des spécialistes en EGRI, la nouvelle spécialité reconnue par le collège,
en collaboration avec le Collège des médecins,
pourraient certainement couvrir, justement, les bonnes pratiques médicales. Et
le Collège des médecins, je pense, est un très bon «body» qui peut
s'occuper de surveiller, justement, la qualité des soins et s'assurer que les
mauvaises pratiques ne sont pas appliquées, et je pense que c'est leur rôle
primaire. Alors, c'est ma recommandation.
M. Barrette :
Je suis bien confortable avec votre commentaire, mais, spécifiquement sur la
non-référence à l'extérieur, y a-tu des
moyens auxquels vous pensez qui pourraient faire en sorte qu'on arrive,
autrement que par la crainte, à éviter ce genre de situation là?
Mme Girard
(Isabelle) : Moi, je pense que le rôle...
M. Barrette :
Puis encore une fois, là, dans un contexte où on l'a vu, vous et moi, là.
• (15 h 40) •
Mme Girard (Isabelle) : Oui. Je pense que le rôle du gouvernement, c'est
de dire ce qui est couvert, ce qui n'est pas couvert, puis, à partir de là... C'est sûr qu'après 40 ans, là,
le coût pour produire un enfant vivant, ça monte à 75 000 $, puis, à 43 ans, c'est 100 000 $
pour avoir un enfant vivant. C'est des coûts prohibitifs qui n'ont pas de bon sens.
Mais, si on décide de ne plus assurer
parce qu'on n'a pas les moyens en tant que société de se payer des enfants à ce
prix-là, à ce moment-là il reste que le choix appartient à l'individu de
faire ce qu'ils veulent avec leurs corps.
On
s'est battus pour avoir le droit de vote dans les années 60, pour les
femmes, on vient de se battre pour avoir le droit de mourir, puis là on est en train d'enlever le droit d'avoir
un enfant aux femmes. Moi, je regarde dans ma pratique, là, vous me parlez de pratique de tous les jours,
je fais des échographies obstétricales puis, cette semaine, je faisais les
rapports : 41 ans, 44 ans,
43 ans. Et là j'ai dit : Mon Dieu! Je suis allée voir les
statistiques, c'est plus de 5 % des femmes qui accouchent en ce moment, au Québec, qui ont plus de 40 ans.
Alors là, pourquoi, tout d'un coup, du jour au lendemain, on va rendre illégal pour une femme de 42 ans
et plus de rechercher une grossesse, parce que ses ovules sont trop vieux
puis que ses chances ne sont pas bonnes,
quand un homme de 37 ans qui n'a pas de bon sperme, lui, il a le droit,
avec sa femme, d'avoir une ICSI, une
injection intracytoplasmique avec un sperme de donneur ou avec une manipulation
de son sperme? C'est une injustice.
Puis ce n'est pas une
question qui, je pense, va dans la loi. Je pense que c'est une question qui est
au niveau éthique. On a le droit de dire
qu'on ne couvre pas parce qu'on n'a pas les moyens, mais, si les gens sont prêts
à passer à travers les coûts puis à
travers les risques, ils peuvent prendre le choix. Puis je pense
que les médecins doivent avoir le droit
de pouvoir diriger ces personnes-là aux bons endroits pour ne pas qu'on subisse
les retours avec conséquences, les femmes qui reviennent avec des
triplets puis des quadruplets.
M.
Barrette : Bon, écoutez,
moi, je comprends votre argument puis je trouve
que c'est un débat intéressant. Je
comprends quand même de votre position que, dans le cas du médecin qui
volontairement référerait un patient ailleurs pour avoir des implants
multiples, vous êtes d'accord qu'il faudrait l'empêcher?
Mme
Girard (Isabelle) : Oui.
M.
Barrette : Bon. Ça, c'est un
cas de figure. Et ça, là, c'est un élément de la loi que l'on cherche. Maintenant, l'autre élément, qui est 42 ans et plus, je comprends votre point. Alors là, je vais vous poser une question
médicale et en l'agrémentant du commentaire que vous avez fait tantôt,
mais dit différemment.
Vous
avez pris l'exemple d'une endométriose tout
à l'heure, bon, et vous avez dit que cette personne-là, là, devrait avoir une chirurgie. Bon. Et vous nous avez dit
aussi que la chirurgie pour l'endométriose n'était pas un geste qui favorisait
la fertilité. N'est-ce pas là un cas de
figure où le médecin ne devrait pas proposer cette chirurgie-là? Et vous le
présentez comme étant : Bien là,
elle va passer par une chirurgie pour l'endométriose, alors qu'à la case départ
le médecin, éthiquement, ne devrait pas lui proposer ça.
Une voix :
...
M.
Barrette : Et là ce n'est pas ça, ma question, et ça, c'est une
introduction, parce que le cas de figure que vous prenez, prenez-le pas mal, là, mais je trouve que
je peux le battre. Par contre, le cas de figure éthique auquel vous faites
référence, qui est le libre choix au-delà de 42 ans, là, je m'adresse à
vous deux, en fait, parce que vous êtes toutes les deux dans ce domaine-là,
évidemment, au-dessus de 42 ans, là, il y a un risque pour la mère et pour
l'enfant, il existe, il n'est pas le même qu'à 20 ans. Ça, on va convenir
de ça, là. Dans votre science d'aujourd'hui, est-ce qu'il est possible pour nous, pour la société, pour les
corps professionnels, les ordres professionnels, le gouvernement qui gère
notre système d'avoir des règles qui
garantissent la sécurité, donc qui sélectionnent les cas où c'est faisable sans
risque, et qu'on laisse la personne aller?
La
finalité gouvernementale de mettre une frontière à 42 ans, c'est
exclusivement non pas le coût, mais bien la sécurité de la mère et de l'enfant.
Alors là, la question, c'est : Aujourd'hui, là, est-ce que vous trouvez
que, vraiment, il y a des justifications de le permettre? Ce n'est pas une
question de choix pour nous, là.
Mme Girard
(Isabelle) : Justification de quoi? Je m'excuse, je n'ai pas entendu.
Des justifications de...
M.
Barrette : Est-ce qu'il y a des justifications de le permettre au-dessus de 42 ans sur la
base de la sécurité de la mère et de
l'enfant? Pour nous, ce n'est pas une question de coût, ce n'est pas une question
de gérance dans la liberté des femmes,
c'est une question de protection de la mère et de l'enfant. Parce qu'il
y a un enfant, on n'en parle jamais, là. Mais prenons ça ensemble, là : Est-ce qu'il y a une science aujourd'hui pour le permettre dans des circonstances spécifiques? Parce
que je comprends de vos
commentaires précédents que ça ne devrait pas être la liberté absolue au-dessus
de 42 ans, à moins que j'aie mal compris.
Mme Girard (Isabelle) : Alors, Dr Barrette, vous avez énoncé
trois sujets. Est-ce qu'un médecin qui réfère pour des transferts qui n'ont pas de bon sens, trois
puis quatre, ça ne devrait pas exister? La réponse, c'est oui. Quant à moi, ça
devrait être surveillé par le Collège des
médecins, qui va se mettre des règles d'application et qui va pouvoir
identifier les médecins qui travaillent hors normes.
La deuxième question...
M.
Barrette : Je vais vous
arrêter ici pour clairer ça, puis, comme ça, on n'y reviendra plus. Je suis
convaincu que le médecin, face à
cette décision-là, le référent, va avoir plus peur de moi que du collège, juste
de même, à cause de ce qui est dans la loi.
Mme Girard (Isabelle) : Écoutez, moi, je
pense que le Collège des médecins est
un organisme très respectable et je peux vous dire que...
M. Barrette :
Pas que ce n'est pas respectable, je ne dis pas ça, là.
Mme Girard (Isabelle) : ...quand je reçois une lettre du collège... Moi,
je travaille pour le collège, dans des comités, puis, à chaque fois que je reçois une lettre, j'ai peur que ce soit une
lettre contre moi, puis, à chaque fois, c'est pour me féliciter d'avoir été nommée dans un comité, puis
je fais : Ouf! Alors, on peut continuer là-dessus, là, mais je pense
que ça ne va pas régler notre problème.
M. Barrette :
Mais ce n'est pas dit négativement envers le collège, là, il ne faut pas...
Mme Girard (Isabelle) : Non, non. L'endométriose, la réponse, ce n'est
pas que c'est de la mauvaise pratique de
faire de la chirurgie, on dit... Je n'ai pas dit que la FIV était indiquée dans
les cas d'endométriose, j'ai dit que, dans les choix de thérapie, dans un cas d'endométriose sévère, les résultats
statistiques de grossesse et les coûts étaient moindres
si on allait vers la fécondation in vitro. Maintenant,
quand quelqu'un est limité par sa capacité de payer, il va peut-être choisir
un traitement qui va avoir des chances de succès moindres parce que
sinon il n'y aura pas de chance de
succès. Alors, c'est ma réponse.
M. Barrette : Je poserai la question
tout à l'heure au collège. Mais n'est-ce pas une situation où le médecin
lui-même ne devrait pas proposer ça?
Mme Girard (Isabelle) : Mais, comme je vous dis, ce n'est pas nul,
l'endométriose, là. Le «numbers needed to treat», là, le nombre de laparoscopies qu'on doit faire en endométriose
pour obtenir une grossesse, c'est 12, ce n'est pas zéro, tu sais? On finit par y arriver, mais on va opérer
12 femmes pour y arriver. Donc, on va faire passer des femmes à travers
des chirurgies et on va y arriver. Si on
perd la fécondation in vitro dans l'endométriose, les taux de succès sont d'à peu près 30 %
par cycle de fécondation in vitro. Donc, c'est sûr que, statistiquement, tu as
des meilleures chances de devenir enceinte.
Mais, si tu n'as pas l'argent pour te le payer, parce que tu as déjà un enfant
ou parce que tu as déjà fait un cycle, puis tu as le droit juste à un
cycle, puis tu faisais 60 000 $, ça fait que tu as été remboursée à
50 % de ton cycle, bien, à ce moment-là
tu vas dire : Opérez-moi. Si ça ne marche pas, bien, pendant ce temps-là,
je vais ramasser de l'argent puis j'irai en FIV. Donc, la réponse, ce n'est pas
que c'est nul. Puis le médecin ne fera pas de la mauvaise pratique parce
qu'il va passer par la chirurgie en premier, il va retourner aux anciennes
pratiques qui se faisaient auparavant.
Maintenant,
à 42 ans... Je reviens avec mon exemple de tantôt, de la femme de
35 ans, prédiabétique, hypertendue, obèse. Il y a des femmes de 42 ans qui sont en bien meilleure
condition physique que des femmes beaucoup plus jeunes, puis il y a des femmes qui ont des risques de
grossesse beaucoup plus élevés, même avant 42 ans. L'âge n'est pas un
critère nécessairement de santé et de
risque. L'important, c'est de baliser et de s'assurer que ces femmes-là sont en
bonne santé pour devenir enceintes,
puis elles deviennent enceintes. Je les vois passer, moi. Je les soigne, je les
suis, ces femmes-là. Et elles
viennent me voir en vélo avec leurs casques, puis c'est le mois d'octobre, puis
il fait moins 10°, puis elles sont en
«shape», et elles n'ont pas l'air d'avoir 42, 43. J'en ai eu une de 46 ans
récemment qui était enceinte, elle est devenue enceinte. Je ne l'empêcherai de devenir enceinte en disant : Tu as
40 ans, c'est rendu dangereux pour ta vie. Quand une femme me demande : Qu'est-ce que vous pensez,
docteur, si je décide d'avoir un bébé à 42 ans?, hein, je ne vais pas lui dire : Bien, c'est dangereux, vous ne devriez
plus, à moins... Puis là, parce qu'elle est infertile, je vais lui dire :
C'est dangereux, vous ne pouvez plus, je vous enlève le droit? Je vous
laisse sur ma question.
M.
Barrette : Sur le plan juste scientifique, là, oublions, là, qu'on est
dans le contexte de l'analyse de
cette loi-là, il y a quand même un risque qui est plus élevé pour la mère et
l'enfant à partir d'un certain âge, là. La médecine n'a pas changé
depuis qu'il y a la FIV.
Mme Girard (Isabelle) : Les risques augmentent avec l'âge, les risques
augmentent avec les conditions médicales. Alors, l'âge ne devrait pas être le seul critère qui est écrit dans
votre loi. Si vous voulez mettre tous les critères qui vont dire qu'une femme ne devrait pas devenir enceinte,
il y en a des pages et des pages. Là, vous en avez choisi un, puis il porte atteinte à des femmes en bonne santé, parce
que ce n'est pas toutes les femmes de 42 ans qui ne peuvent pas devenir
enceintes.
M.
Barrette : J'en conviens. Alors, ce que vous nous dites, c'est que
vous, au nom du libre choix, et je le comprends, ce n'est pas une critique
quand je dis ça, là, vous voulez que la loi permette la prise de risque.
Mme Girard
(Isabelle) : Que la loi permette...
M. Barrette :
La prise de risque.
Mme Girard (Isabelle) : La loi? Bien oui! Les gens, ils se font faire des
chirurgies plastiques puis ils se font faire des... Ils s'achètent des gros chars sport, puis ils conduisent à
160 kilomètres-heure, puis, si on ne les pogne pas, même à... Tu sais, à un moment donné, là, il y a une liberté
dans la vie. Il y a des gens qui boivent trop, il y a des gens qui fument
trop, il y a des gens qui mangent mal. On
n'est pas dans leurs lits, dans leurs maisons, en train de vérifier qu'ils font
tout comme il faut puis qu'on s'assure qu'ils ne prennent aucun risque.
M.
Barrette : Mais je comprends, là. C'est juste que, si vous prenez
l'exemple de la Ferrari, il y a des limites de vitesse aussi, là. Et
l'auto va à 300 kilomètres-heure, mais la limite est encore à 100, là.
Mme Girard (Isabelle) : ...a le choix de la suivre ou de ne pas la
suivre. Vous pouvez décider de ne pas assurer, mais la personne peut
décider d'aller le chercher.
M. Barrette :
Mais je comprends votre point. Mais, à la question, là, que je vous pose, actuellement,
là, vous n'avez pas de recommandation spécifique pour dire... Parce que, là,
vous me mettez devant une situation qui est trop blanc ou trop noir. Là, vous considérez que la loi est noire, puis ce
que vous me proposez, c'est blanc. Il n'y a pas rien entre les deux, là.
Mme Girard
(Isabelle) : C'est très général, là. Sur quel sujet vous me dites ça,
que je ne propose rien?
M. Barrette :
Bien, sur le 42 ans et plus.
Mme Girard
(Isabelle) : Sur le 42 ans...
• (15 h 50) •
M. Barrette :
La question que je vous posais, c'est que...
Mme Girard (Isabelle) : ...moi, je
dis : Ce n'est pas assuré, point.
M.
Barrette : Donc, ce n'est pas assuré, point, et il n'y a pas de
balise, il n'y a rien d'autre.
Mme Girard (Isabelle) : Bien, si on regarde, là... Je ne sais pas si vous
avez vu le rapport de l'INESSS qui a été publié le 20 février, la
semaine passée...
Le Président (M.
Tanguay) : Merci. Je vais maintenant...
M. Barrette :
J'ai fini, moi?
Le Président (M.
Tanguay) : ...peut-être vous permettre... Oui,
17 min 30 s. Nous avions pris une minute...
M. Barrette :
Ah! Excusez-moi.
Le
Président (M. Tanguay) :
...du 18 min 30 s. Je vais céder la parole à notre collègue députée de
Taillon, qui peut-être pourra vous permettre de compléter votre réponse.
Mais vous disposez, collègue, de 11 minutes. Merci.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Bien, écoutez, je pense qu'on va aller dans des
questions tout à fait
semblables, mais en continuité. D'abord, je veux vous souhaiter la bienvenue, Dre Girard
et Dre Bouvet. Vraiment, votre
mémoire est très, très intéressant, très concret, très précis, et je
pense que vous avez mis en relief, en quelques éléments, les quatre grandes décisions, les lignes
directrices par rapport à une législation,
et, clairement, dans le projet de loi, on a des choses qui doivent
s'apparenter à une ligne directrice.
Vous
avez également fait référence, en préambule, à un programme adopté trop
rapidement, une loi adoptée trop rapidement,
qui manquait... donc qui était mal définie et mal encadrée. Je peux vous dire
qu'on est actuellement dans un sprint d'adoption de lois qui nous
inquiète énormément, parce que, dans cette précipitation-là, effectivement, les
lois arrivent avec des ambiguïtés, avec des
situations qui n'ont pas été bien anticipées, avec des impacts qui sont
énormément coûteux, dans certains
cas, et qui ne donnent surtout pas ce qu'on recherchait au départ pour le bien
de la population. Donc, je pense qu'on doit vraiment prendre acte que
cette loi, qui a été adoptée en 2010, qui était bien fondée, mais dans la
précipitation, sans balise, n'a pas donné actuellement tout ce qu'on voulait.
Ceci
étant dit, il y a des éléments très positifs dans cette loi-là, et
on doit peaufiner. On est dans l'amélioration, et
c'est ce que le commissaire nous proposait, des mesures claires et simples pour
peaufiner. Et j'en retiens quelques-unes
que vous avez évoquées. Le registre des
naissances, qui est votre quatrième recommandation,
et, pour moi, ça s'inscrit dans une
grande responsabilité qui fait défaut actuellement dans notre système de santé.
Qu'est-ce qu'on cherche? On cherche à créer des choses et on renonce à notre
responsabilité de surveiller ce qui a été élaboré. Et c'est ça, la grande
carence de notre système de santé, on ne
veut pas surveiller. Et, dans le projet de loi n° 10, on ne veut pas
surveiller, on veut mettre des choses interdites. On ne veut pas se
donner l'obligation de faire les éléments de surveillance qui sont nécessaires.
Donc, moi, j'apprécie vraiment énormément votre présentation.
Juste pour donner un
peu d'illustration dans ce que vous dites, la différence entre des lignes
directrices puis imposées, et
cette loi-là m'apparaît être très importante par certains dérapages au niveau
de ce qu'on essaie d'implanter par la
loi, si on appliquait à l'extrême les mesures dont vous faites référence en
médicaments, par exemple, on sait très
bien
que les femmes qui ont 35 ans et qui fument ne devraient plus prendre de
contraceptifs oraux, alors on devrait empêcher le remboursement des contraceptifs oraux chez les femmes de
35 ans qui fument, parce qu'il y a des risques d'AVC plus importants. On
ne le fait pas, cet exercice-là.
Je vous en donne un
autre, qui est plus proche de la gynéco-obstétrique : les femmes
épileptiques qui sont sur médication.
Certains de leurs médicaments vont augmenter les risques de problèmes de
malformation. On n'empêche pas les
femmes épileptiques d'avoir des bébés, on veut qu'elles deviennent enceintes,
mais on les balise, on les accompagne, on
suit davantage. Donc, ce sont ces mécanismes de surveillance là auxquels on ne
veut pas se contraindre en mettant des
barrières, clairement, à l'accès, des barrières qui sont beaucoup
plus discriminantes, finalement, à l'endroit des femmes, dans ce
dossier-là, que dans bien d'autres domaines.
Alors, moi,
j'aimerais vous entendre par rapport à la direction hors Québec, par exemple,
l'interdiction de se diriger hors Québec. Est-ce qu'à votre connaissance il y a d'autres
situations où, les médecins, on leur interdit de diriger des patients à
l'extérieur du Québec?
Mme Girard (Isabelle) : C'est une bonne question, en fait, même une des
questions qu'on se posait par rapport à, justement, aller chercher des
soins hors Québec. C'est évident que, parfois, dans les systèmes de santé,
hein, il va toujours y avoir des technologies qui vont être développées de façon
ponctuelle dans des endroits géographiques, et il peut arriver parfois qu'une personne ait besoin
d'aller recevoir un traitement dans un autre endroit, puis c'est là où elle
va vraiment recevoir le meilleur soin pour sa santé. Et le
fait d'être empêchée de pouvoir y aller peut effectivement faire en sorte que... bien, elle ne sera pas empêchée,
mais que, si on ne peut pas lui dire que ça existe, elle peut choisir une
option qui ne sera pas nécessairement la meilleure pour sa santé.
Et
je ne pense pas... mais, sincèrement, moi, je suis gynécologue obstétricienne, là, ça fait que je ne connais pas ça, peut-être
qu'il faudrait demander au Collège des médecins, mais je ne pense pas qu'il existe aucun autre endroit où les gens sont empêchés d'aller à l'extérieur pour aller chercher des soins,
où les médecins n'ont pas le droit de diriger leurs patients vers le meilleur endroit possible pour
recevoir les meilleurs soins possible si le patient décide d'aller à
l'extérieur.
Mme Lamarre : Est-ce que vous trouvez cohérent que les modifications à la PMA soient dans le même projet de loi que les quotas des
médecins de famille, parce que le ministre a fait référence au fait qu'il y
avait des analogies? J'aimerais vous entendre sur ces analogies-là.
Mme Girard (Isabelle) : Bien, écoutez, nous, on attendait la modification de la loi depuis longtemps, là, puis elle est tombée dans la loi n° 20. Évidemment, ça nous a un peu surpris. Je pense
qu'en quelque part ce que ça fait aussi c'est que ça fait tomber la PMA au fond du baril.
Et puis la visibilité qu'il y a eu pour défendre les droits des femmes est
presque nulle.
Moi,
j'avoue que j'avais préparé des communiqués de presse, je m'étais même inscrite
pour le lobbyisme, au cas où j'aie
besoin de parler puis d'écrire des lettres ouvertes dans la presse.
J'ai eu zéro appel de journalistes pour savoir quelle était l'opinion des obstétriciens et gynécologues
à ce sujet-là, ce qui veut dire que c'est sûr que ça a été noyé. Et c'est un
peu déplorable, parce que,
dans ce projet de loi là, il
y a des endroits où, vraiment,
entre autres, il y a atteinte à la liberté, il y a
atteinte à l'intégrité de l'individu, quand on va jusqu'à
dire combien de relations sexuelles on devrait avoir avant de pouvoir avoir le droit d'avoir des soins de PMA,
quand on décide de l'âge auquel on a le droit d'avoir des enfants. Ce sont des principes importants qu'il faut défendre.
Je pense qu'en tant que députés vous devez entendre ça aujourd'hui, et on doit... vous êtes là
pour représenter la population, représenter les femmes et les hommes qui font un
projet d'avoir des enfants. C'est une maladie, l'infertilité, et on ne
devrait pas être puni parce qu'on est malade.
Donc,
c'est sûr que c'est déplorable que ça soit passé sous la table puis que ça
n'ait pas reçu l'attention que ça aurait dû recevoir. J'espère qu'aujourd'hui, nous, comme on n'a pas besoin de
parler de l'article 1 puis de l'article 2, bien, on va pouvoir
avoir une oreille un peu plus attentive.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup. Et, comme opposition officielle, vous savez,
on est d'accord qu'il y ait besoin de
balises, qu'il y ait besoin de vraiment surveiller des aspects, d'accompagner
mieux. Est-ce que vous, vous êtes d'accord aussi avec ce principe-là?
Mme Girard (Isabelle) : Absolument. Je pense que... Nous, dès la sortie
de la loi en 2010, on était allés en conférence de presse, accompagnés du ministre Barrette, qui, alors, était
président, et on avait décrié la vitesse à laquelle ils nous ont demandé d'écrire un processus de soins, à
l'intérieur d'un mois, hein, c'était tellement rapide. On a essayé de faire des
rebours, des vérifications au fur et à
mesure où on s'en allait, on a essayé d'instaurer des balises. Il y avait un
registre qui devait être fait pour offrir un suivi.
Le
grand problème, aussi, était que les centres publics qui devaient soutenir ce
bateau-là n'étaient même pas encore créés,
il y avait McGill qui existait à ce moment-là. Donc, il fallait tout faire en
même temps. Et puis les cliniques privées ont pris le bateau. Mais les cliniques privées n'avaient pas de comptes
à rendre, aucun compte à rendre. La seule clinique qui a dû rendre des
comptes était la clinique Procrea, parce qu'eux autres, ils sont publics, ils
ont des actions. Donc, leurs livres étaient ouverts, ils ont été obligés de les
montrer. Mais, toutes les autres, là, il n'y avait aucun moyen de savoir où allait l'argent, comment ça se passait,
parce que les livres n'étaient pas ouverts. Ça fait que c'était comme si on donnait un chèque en blanc à des cliniques qui
sont parties et qu'il y avait une autorégulation de comment ils allaient
appliquer la fécondation in vitro. Ça fait qu'évidemment ça a eu de dérapes.
Mais
ce qui est le plus dommage dans ça, c'est que le programme était un très bon
programme. Les résultats qui en sont ressortis...
on est passé de 26 % de grossesses multiples en fécondation in vitro à
6 %. C'est le plus bas taux au Canada, et je pense que c'est un,
sinon le plus bas taux au monde. Et, veux veux pas, c'est remarquable. Et le
grand événement qui a produit ça, c'est le
fait qu'on a mis un seul embryon, parce qu'on n'était pas limités par la
capacité de payer des gens qui
recevaient les soins. Et ça, c'est dommage parce que la manière dont ça se passe actuellement... Puis évidemment c'est un choix de société, là, il faut
qu'on limite les coûts, on n'a pas l'argent de se payer un gros système comme ça. Là, on avait, là,
l'espèce de gros SUV, là, qui...
• (16 heures) •
Mme Bouvet
(Sylvie) : Ferrari.
Mme Girard (Isabelle) : Hein? Bof! Ferrari ou le gros SUV, c'est
familial, je ne sais pas trop, ce n'est pas ça qu'on a les moyens de se payer. Mais la manière de
limiter les coûts, est-ce que c'est la manière qu'on utilise actuellement ou est-ce qu'on devrait plutôt y aller en disant : Bon, bien, on se donne
un nombre de cycles, on se donne un budget annuel? Il
faut ramener ça dans les organismes publics universitaires avec une gestion faite par des gens scientifiques qui font de la recherche puis qui émettent des lignes directrices,
et avoir le contrôle.
En ce moment, là, dans chacun des hôpitaux, actuellement, il y a un exercice de contrôle des coûts qui est en train de se faire. On est capable de le faire parce qu'on est capable d'avoir accès aux livres,
aux soins, aux actes et à tout. Et
c'est cette vision-là qui était en train de ressurgir, parce que, tranquillement, à travers l'espèce de bombe atomique qui est arrivée en 2010, la poussière est tombée, on a
commencé à voir clair. Même les gens qui étaient dans le bonanza se rendaient compte qu'il fallait qu'ils
s'autorégulent parce que ça n'avait pas de bon sens. Le Collège des médecins était sur le point de
publier des lignes directrices, qui vont sortir et qui sont extraordinaires,
d'une très grande qualité.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci à vous.
Mme Girard
(Isabelle) : Le ménage se faisait.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Nous cédons maintenant la parole au collègue député de Lévis pour une
période de 7 min 30 s.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Merci, Dre Girard, merci, Dre Bouvet.
Puis je continue, moi aussi, hein? Je
vous dirai que vous abordez des notions extrêmement importantes que j'ai, et
nous avons l'impression qu'il aurait été
pas seulement plus agréable, mais, en tout cas, manifestement plus efficace de
scinder le projet de loi et de pouvoir adresser
votre questionnement et vos inquiétudes en dehors de cette option ou de ce
visage d'une rémunération des médecins puis
peut-être de ce que vous voudrez, parce que ce que vous dites est extrêmement
important. J'ai aussi l'impression, quelque
part, que vous êtes un peu noyés à travers ça et que vous n'avez pas la
visibilité que vous auriez souhaité et que vous auriez dû avoir.
Il y a des choses que vous dites, j'ai pris deux,
trois thèmes, et, à quelque part, c'est inquiétant pour ceux et celles qui comprennent maintenant aussi. Parce qu'il y a
des notions à comprendre à travers ce que vous dites, puis ce n'est peut-être
pas le lot de tout le monde aussi. Alors, c'est important que vous soyez là
pour nous faire part de ces inquiétudes.
Vous
dites : Là, on va retourner aux anciennes pratiques que l'on faisait
avant. Vous dites que... Vous avez parlé du fait que c'était un programme qui, malgré ses problématiques, a donné
des résultats. Nous étions en tête de peloton dans un contexte comme celui-là, avec des objectifs à atteindre. Est-ce
qu'à la lumière de ce que dit le Commissaire à la santé et au bien-être, c'est-à-dire de resserrer
le programme, de resserrer sa gestion, de faire qu'on évite les abus, est-ce
que ça n'aurait pas été aussi suffisant,
plutôt que de tomber dans une modification et des interdictions comme on le
voit maintenant dans le projet de loi n° 20?
Mme Girard (Isabelle) : Mais c'est là où toute la question se pose,
évidemment. Maintenant, où on est rendus dans le cheminement, il faut
faire avec, comme on dit, puis essayer d'aller. Évidemment, vous arrivez avec
le rapport Salois — puis ils vont vous présenter, eux autres
aussi — je pense
que ça, c'est une autre des grandes étapes qui s'est faite dans la dernière année, l'année et demie, où
on a vraiment regardé le système, on l'a analysé, puis on arrivait avec des solutions possibles pour rationaliser les
coûts, rationaliser les soins, protéger les patients aussi. Je pense que le
système était en train de s'organiser.
Maintenant,
effectivement, là, on est pris avec la loi, mais je pense que la loi, elle a
quand même des bonnes balises, elle a
des bonnes idées, elle récupère quand même bien. Nous, on est là pour
dire : Il faut que le médicalement requis soit disponible, il faut que les soins soient
disponibles à la population, mais il faut que ça réponde aussi à la capacité de
payer du gouvernement, à nos valeurs
de société, et ça, bien, ce n'est pas les médecins qui vont décider comment ça
s'applique, c'est vraiment au niveau de la loi, et puis on va suivre ce
qui est recommandé. Mais il était vraiment temps, c'est sûr, d'arriver avec des changements. Maintenant, là,
vous me demandez : Est-ce qu'on aurait dû faire autrement? Nous, on
suit le courant, là, comme vous autres, puis on va faire le mieux qu'on peut
avec ce qui va arriver.
M. Paradis (Lévis) : Suivre le courant, c'est une chose, ça dépend où il nous dirige, hein?
Si on tombe dans une chute, on essaie de ramer ou de pagayer à l'envers,
histoire de s'en sortir un peu.
Mme Girard (Isabelle) : D'où l'importance du registre. C'est pour ça que
nous, on demande absolument qu'il y
ait un registre qui suive, parce qu'il faut voir où on va aboutir en bout de
ligne avec tout ça. Parce que, là, on a à peu près réussi à avoir une photo du bateau où est-ce qu'on était rendus,
avec le rapport Salois, avec le Collège des médecins, avec l'autorégulation qui s'organisait, mais il
n'y a toujours pas de registre qui a été créé. Ça fait que, là, si on change encore la donne puis qu'on ne fait pas de suivi, bien, est-ce qu'on va
se ramasser en meilleure position ou en pire position? La question est
dans les airs.
M. Paradis (Lévis) : ...des inquiétudes, hein? Vous savez, moi, je l'apprends comme ça, à
travers ce que vous me dites, et
j'imagine que les gens aussi le conçoivent. Tu sais, on peut arrêter quelque
chose puis, à un moment donné, se rendre
compte que cet arrêt-là brusque de quelque chose qui pouvait être bonifié fait
en sorte, à un moment donné, qu'on ne
rattrape jamais notre erre d'aller. On ne roulera jamais au même rythme, puis
quelque part, bien, au bout du compte, on
remarquera, avec une photo instantanée, qu'on aura peut-être
un peu reculé par rapport à l'endroit où on s'est arrêtés. C'est une inquiétude que je sens — en
tout cas, que vous manifestez — collée
sur celles... vos patientes, et les gens, et les couples qui vous
rencontrent.
On
a parlé de la notion du 35 ans, une personne qui a un état de santé
déficient par rapport à une dame de 42 ans qui, manifestement... Et vous l'avez dit aussi, hein? Je veux dire, la société
d'aujourd'hui fait en sorte que ces femmes-là, à 42, 43, 44, 45 ans, ont, pour plusieurs
d'entre elles, un bon état de santé. Ce n'est peut-être pas généralisé
tout le temps, mais, en tout cas, bref, est-ce qu'à travers
l'évaluation que vous en faites, sinon que l'âge, le chiffre, le 42 ou le 35...
Est-ce qu'on aurait dû ou on devrait
davantage se baser sur l'état de santé de celles qui souhaitent recourir au
service plutôt que sur un chiffre aléatoire?
Mme Girard
(Isabelle) : Alors, je vais revenir... Ça va me faire revenir à ce que
je discutais avec le ministre Barrette tout
à l'heure. L'INESSS a produit, le 20 février, un document très intéressant
dans lequel ils ont fait une revue mondiale
de comment les services de procréation médicalement assistée sont gérés dans
les pays qui offrent des services remboursés.
Et là, si vous voulez aller voir, c'est des tableaux, c'est très facile à voir.
Mais, en gros, là, quand on regarde la conclusion, c'est les indications qui
sont remboursées, c'est le médicalement requis et les chances de succès, O.K.?
Alors, ce n'est pas compliqué, là, il faut tout simplement se faire des lignes
directrices, se baser sur la science puis regarder...
À
42 ans, les chances de succès ne sont pas bonnes, mais par contre, si une
femme veut faire un diagnostic préimplantatoire
pour réimplanter des embryons de bonne qualité, qui n'ont pas de défaut au niveau
des chromosomes, ou si une femme
prend un don d'ovule, ses chances de succès vont être les mêmes que si elle
avait 32 ans. Par contre,
est-ce qu'on a les moyens de se payer ça? La
réponse, c'est non. Mais, si la femme, elle a les moyens de se le payer, elle,
pourquoi elle n'y aurait pas droit? Puis là, quand elle va être enceinte d'un
bébé avec un don d'ovule qui vient d'une femme de 28 ans, bien, son risque
d'anomalie au niveau du bébé, il va être celui d'une femme de 28 ans.
M. Paradis (Lévis) : Vous avez parlé, Dre Girard et Dre Bouvet, du registre des
naissances comme instrument primordial,
essentiel à la bonne marche d'un programme comme celui-là. Pour ceux qui sont
moins... Pour ceux et celles qui sont
moins familiers avec cette démarche, pouvez-vous m'expliquer davantage cet
élément-là, ce qu'il changerait et quelle forme devrait-il prendre?
Mme Girard (Isabelle) : En fait, un registre des naissances, ce serait de
garder les statistiques de chacune... chacun des individus — je ne veux pas dire «les femmes», parce qu'il peut y avoir des
individus qui sont dans un projet parental — et de
voir chacun des actes qui ont été effectués, donc une stimulation avec des
médicaments par la bouche, une stimulation avec des injections, des
inséminations intra-utérines, des cycles de fécondation in vitro, et là de
regarder par rapport à ça combien de gens deviennent enceintes, une fois qu'ils
sont enceintes avec une grossesse viable, combien font de fausses-couches, puis après ça, après qu'ils ont
fait une fausse couche, combien vont avoir des enfants vivants en bout de ligne, et puis là, après ça, le développement
même de ces enfants-là jusqu'à l'âge de deux ans, cinq ans. On peut les
suivre pendant longtemps.
À
travers de ça, on peut regarder les complications. Parce qu'on parle toujours,
hein, c'est quoi, les complications chez
les gens qui ont des problèmes de fertilité? Est-ce que les complications sont
associées au fait qu'elles sont plus âgées? Quand les femmes paient, elles vont arriver plus tard dans le système en
fécondation in vitro, parce qu'il faut qu'elles réussissent à ramasser l'argent. Puis, d'habitude, quand tu as
25 ans, c'est rare que tu es
capable de payer entre 7 000 $ et 10 000 $, là. Dans le privé, c'est ça que ça coûtait dans le
temps. Donc, évidemment, elles arrivent plus vieilles. Est-ce que c'est parce qu'elles étaient plus vieilles
qu'elles avaient plus de complications? Est-ce que, maintenant, une femme de 25 ans qui
a les trompes bloquées et qui a le droit d'avoir son cycle de fécondation in
vitro, elle va avoir vraiment un taux
de complication plus élevé qu'une femme de 25 ans qui n'a pas de trouble
de fertilité qui devient enceinte? Donc, est-ce que c'était un biais ou pas un biais? Est-ce qu'on augmente les
risques? Puis de voir un peu qu'est-ce qui se passe avec tout ça.
Et là ce qui va se
passer avec la nouvelle loi, c'est qu'on va aller vers des inséminations
intra-utérines avec stimulation. Ça peut
donner jusqu'à 30 % de grossesses multiples. Quand on parle du succès du
système... du programme de procréation médicalement assistée puis qu'on
dit qu'on a passé de 26 % à 5 % de grossesses multiples, c'est en fécondation in vitro. Et le nombre absolu de
grossesses multiples au Québec, depuis le programme, il n'a pas baissé. Le
nombre absolu de prématurés n'a pas baissé.
• (16 h 10) •
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup.
Mme Girard (Isabelle) : Leur provenance, c'est les stimulations et les
inséminations, ce n'est pas les fécondations in vitro.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant céder
la parole à notre collègue de Mercier pour une période de trois minutes.
M. Khadir :
...poursuivre sur exactement cette lancée. Vous êtes d'avis, d'après ce que
j'ai compris dans votre rapport, que, si on limite trop par les
changements apportés par ce projet de loi, on risque de pousser vers les autres
méthodes, dont les stimulations, c'est-à-dire par la bouche, par injection,
etc.
Mme Girard
(Isabelle) : Oui.
M. Khadir :
Et donc est-ce que j'ai raison de croire, donc, qu'on peut prévoir une
augmentation des grossesses multiples avec toutes les complications et
les coûts qui viennent avec?
Mme Girard (Isabelle) : Proportionnellement au nombre de cycles, la
réponse, c'est oui. On en a vu plus. Parce que c'est le dénominateur qui n'était pas le même, hein? C'est que le
nombre total de personnes qui ont reçu des soins a augmenté de façon extrême. Là, on va avoir une
baisse du nombre de fécondations in vitro puis on va avoir une augmentation.
Donc, proportionnellement, si on regarde par
rapport à chaque individu qui reçoit des services de procréation médicalement
assistée, la balance va pencher vers l'insémination et la stimulation, donc
vers l'augmentation du taux de grossesses multiples.
Et c'est ce qui est en train de se faire en Ontario actuellement, où eux
autres, ils remboursent les inséminations tant que tu veux, donc tu en
fais, puis ça donne ce genre de résultat là.
M. Khadir : Donc, les standards internationaux
actuellement favorisent deux critères, bien qu'il faille, dans chaque
critère, établir des balises, que vous recommandez, que ça soit les experts
médicaux et le Collège des médecins, mais globalement
c'est quand c'est médicalement requis et quand il y a de bonnes chances de
réussite du processus de fécondation in vitro.
Parce
que, là, contrairement à la grossesse normale... pour rappeler à mon médecin et
collègue, nous avons étudié, nous, à
la faculté, il y a 20, 25 ans, et, la grossesse normale, il n'y avait pas moyen
de vérifier la qualité du foetus avant de l'implanter, c'était un processus naturel, et, chez les patients, chez
les femmes au-dessus de 35, petit à petit, avec l'âge, le risque de complication augmentait. Ce n'est pas le
cas dans une fécondation in vitro, parce qu'on regarde, on peut déterminer
la qualité du foetus, n'est-ce pas, implanté.
Mme Girard (Isabelle) : On peut le
faire au besoin, si c'est nécessaire.
M. Khadir : Très bien. Maintenant, vous avez
dit qu'il y a des considérations de coûts rattachés à ça, vous avez dit que, peut-être, on n'a pas le moyen de se le
payer. Je vous rappellerai qu'au Québec, actuellement, suivant les dernières
analyses publiées par des experts
indépendants, on paie nos médicaments 1,5 milliard de dollars plus cher.
Le programme au total a coûté, la
dernière année, à peu près 70 millions, d'accord? C'est au moins — là, aidez-moi dans le calcul — au moins
20 fois plus cher. On gaspille 20 fois en médicaments ce que nous
coûte ce programme, qui répond à des besoins. Est-ce que vous pensez que c'est de bons choix de société qu'on fait de
payer à de forts prix des médicaments qui vont dans la poche de
multinationales pharmaceutiques?
Mme Girard
(Isabelle) : Bien, nous, on
est des médecins, là, ça fait qu'on a des patients devant nous, puis on
veut leur donner les meilleurs soins possible. Je laisse cette question-là dans
votre champ, M. le député.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup.
M. Khadir : ...on paie trop
cher les médicaments...
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
M. Khadir : ...qu'on pourrait faire une
économie là et le donner en services aux patients. Lequel préférez-vous?
Payer trop cher les médicaments ou des patients...
Mme Girard (Isabelle) : Moi, je
taxerais les bouteilles en plastique.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, merci beaucoup. Alors, nous
vous remercions pour votre présentation et nous suspendons quelques
instants.
(Suspension de la séance à 16 h 14)
(Reprise à 16 h 16)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos consultations. Nous
recevons maintenant les représentants du Collège des médecins du Québec.
Vous disposez d'une période de temps de 10 minutes.
Par la suite, il y aura un échange avec les parlementaires. Je vous prierais de bien vouloir vous identifier, avec vos
fonctions, d'entrée de jeu. Alors, la parole est à vous.
Collège des médecins du
Québec (CMQ)
M. Bernard
(Charles) : Alors, Charles
Bernard, président-directeur général du Collège des médecins du Québec.
M. Robert (Yves) : Yves Robert,
secrétaire du Collège des médecins du Québec.
M. Bernard
(Charles) : Alors, M. le Président, M. le ministre, alors, chers Mmes et MM. les parlementaires, le Collège des médecins
vous remercie de lui permettre de présenter ses observations concernant le projet de loi n° 20. Ce projet de loi s'inscrit dans une vaste réforme
du système de santé comprenant plusieurs projets de loi passés et à venir.
Il y a trois semaines, le Collège des
médecins a rendu publics, à l'occasion d'une conférence de presse, ses
commentaires, ses préoccupations sur
ce qui est actuellement connu de cette réforme. Le document qui en faisait état
est joint en annexe.
La
collaboration de tous dans la réalisation d'un chantier d'une telle ampleur
sera nécessaire, et les conditions facilitant
cette collaboration devront être présentes, notamment l'écoute, le soutien aux
changements, l'esprit de collaboration et le maintien de la motivation
de tous.
Toutefois, on
ne peut qu'avoir des doutes sur la réalisation de ces conditions dans la
conjoncture actuelle. En fait, on ne
peut pas ignorer les tensions existantes entre l'État et ses employés, les
professionnels de la santé, dont les médecins, les bouleversements liés aux déménagements des grands hôpitaux
universitaires de Montréal, l'implantation de nouvelles structures consécutives à l'adoption du projet de
loi n° 10, les changements de mode de financement des établissements,
le tout dans un contexte plus global de
réduction et de contrôle des dépenses de l'État. Comment ignorer ce tableau
global quand vient le temps, pour un
ordre professionnel comme le Collège des médecins, dont la mission est la
protection du public, de commenter,
avec les informations très limitées actuellement disponibles, un projet de loi
de nature coercitive pour la profession médicale?
Nous tenterons quand même de le faire en formulant davantage de questions que
de suggestions.
Si
l'accessibilité aux médecins est un problème réel, surtout et particulièrement
en première ligne, il est faux de croire
que la responsabilité repose uniquement sur les médecins. La situation devant laquelle
nous nous retrouvons est le résultat
de nombreuses mesures incitatives et coercitives déterminées par des décideurs
au-dessus des médecins sur le terrain.
En résumé, le projet de loi ne décrit que le cadre d'obligation de quotas, de
durée, de délais minimums attendus de
la part des médecins, moyennant des pénalités touchant la rémunération, le tout
à être précisé dans un règlement dont le contenu reste inconnu.
• (16 h 20) •
Il n'y a
aucune information sur les modalités d'application annoncées dans le futur
règlement du gouvernement, qu'on
persiste à ne pas rendre public. Ce règlement contiendrait une grille
d'équivalence qui permettrait de préserver une couverture adéquate de tous les services particuliers offerts par les
médecins de famille, tels que les clientèles lourdes, l'enseignement, les soins de fin de vie,
traitement de toxicomanie, personnes souffrant de problème mental, couverture
d'urgence et plusieurs autres, tout en
augmentant l'accessibilité en temps réel de l'évaluation, de la prise en charge
et du suivi des problèmes courants et
des maladies chroniques. Cette grille, qui ressemble de plus en plus à une
formule magique, suscite notre curiosité et notre appréhension. Elle
vise à n'en pas douter à augmenter le volume d'activité.
Serait-elle
véritablement un outil permettant de rendre compte équitablement des besoins de
la clientèle et des impératifs de
qualité auxquels les médecins seront soucieux de se conformer? Sera-t-elle une formule permettant, par
de nombreuses et inévitables exceptions,
d'échapper aux contraintes prévues au projet
de loi en cas de non-respect?
Sera-t-elle suffisamment robuste pour résister à une interprétation
aléatoire lors d'une éventuelle contestation judiciaire d'une application des pénalités monétaires prévues?
Sera-t-elle la solution miracle à laquelle personne n'avait pensé ou la
déception plus vraisemblable d'une
autre mesure dont les effets bénéfiques ou pervers n'ont pas été adéquatement
évalués, comme beaucoup d'interventions antérieures mises de l'avant par
l'État? Ou ne sera-t-elle, finalement, qu'une couche de complexité additionnelle
à l'application d'une entente médicale déjà trop complexe et qu'il faudra un
jour penser à simplifier?
À notre avis,
comme nous l'avons déjà dit, les solutions aux problèmes
complexes du système de santé doivent davantage faire appel à la collaboration qu'à la coercition. Plutôt que de punir, ce qui pourrait être une mesure de
dernier recours pour les cas d'exception, il faudrait soutenir. Plusieurs
mesures déjà demandées dans le passé tardent à être implantées, telles que les ordonnances collectives, l'informatisation du
réseau, le partage d'activités médicales avec d'autres professionnels
de la santé, l'accès adapté, l'accès aux plateaux techniques, et j'en passe. Le
collège a été, pour beaucoup d'entre elles, l'initiateur et le promoteur, mais
leur implantation, la plupart du temps, a été freinée par l'appareil de l'État
lui-même.
Que dire de
cette portion connue du projet de loi sans en connaître les modalités d'application?
Nous avons eu l'occasion d'exprimer les effets pervers possibles liés aux
comportements d'adaptation qui pourront tenter les médecins pour éviter les pénalités prévues. Il n'y a aucune
information disponible sur les mesures de soutien à la première ligne que le ministre entend promouvoir ou mettre de
l'avant. Il n'y a aucune garantie que l'accès va véritablement être amélioré,
puisqu'il dépend en grande partie de l'organisation des services qui devrait
être faite par les nouveaux établissements régionaux,
qui n'existent pas encore, et dont les personnes responsables sont en cours de
nomination, et dont les plans d'action sont à définir, à écrire et à
mettre en place.
À cette
étape-ci, vous comprendrez que le collège reste dans l'expectative avec ses
questions sans réponse et ses préoccupations
quant à la qualité et à la sécurité des services pour les patients et du
maintien de la motivation et de la bonne volonté des médecins à exercer
malgré les contraintes et les faiblesses du système de santé. Nous souhaitons
que tous garderont l'espoir assez longtemps
pour ne pas perdre la foi dans l'orientation gouvernementale, puisqu'à cette
étape-ci il s'agit bien d'un acte de foi.
Le projet de loi aussi, vous en avez entendu
parler par nos prédécesseures, l'association des gynécologues et obstétriciens du Québec, concerne également la
procréation médicalement assistée. Alors, on a des commentaires aussi à
vous donner.
Comme nous
avons eu l'occasion de le mentionner il y a trois semaines, le collège recommande
de séparer, le projet de loi, des
critères ouvrant au financement public de certaines activités de procréation
médicalement assistée à celles des
normes de bonnes pratiques médicales dans ce domaine, en laissant exclusivement
au Collège des médecins ce dernier aspect
relativement à sa mission et à son mandat. Voilà pourquoi nous sommes d'accord
avec les modifications proposées à l'article 10 de la Loi sur les
activités cliniques et de recherche en matière de procréation assistée.
Nous sommes à
finaliser les lignes directrices sur les activités de procréation médicalement
assistée en identifiant des niveaux
de soins et, pour chacun d'entre eux, les activités qui y sont reliées, la
compétence requise pour les médecins ainsi
que les données de surveillance à obtenir et l'analyse à effectuer, guides qui
devraient être adoptés d'ici juin, probablement avant que vous ne votiez la loi n° 20. Nous souhaiterions que le
ministre renforce dans la loi l'obligation de se conformer à ces lignes directrices et laisser au collège le
mandat d'effectuer la surveillance de ces activités et, le cas échéant, d'en
faire rapport au ministre.
Le
collège n'entend pas se prononcer sur le bien-fondé de financer publiquement ou
non la procréation médicalement assistée
en tout ou en partie, ce qui est le privilège du gouvernement. Notons
toutefois, comme on l'a dit précédemment, que le financement public en vigueur depuis le mois d'août 2010 a
présenté certains avantages, en particulier la réduction des grossesses multiples liées à la fertilisation
in vitro. La volonté de désassurer substantiellement le programme public
mis en place en 2010 ne devrait pas compromettre le maintien de l'objectif de
réduction des effets secondaires des techniques de procréation médicalement assistée,
en particulier le nombre de grossesses multiples. On en a parlé, les
gynécologues vous en ont parlé.
Enfin,
il reste plusieurs questions en suspens que nous souhaiterions discuter plus en
détail avec les autorités du ministère
de la Santé et des Services sociaux responsables de ce programme. Les
discussions avec l'équipe ministérielle ont déjà été amorcées à cet
égard et s'annoncent constructives.
En
conclusion, le projet de loi n° 20, dans sa première partie, n'est rien
d'autre qu'un cadre confiant au ministre de la Santé et des Services
sociaux le pouvoir d'établir des quotas à respecter par les médecins de famille
et d'autres spécialités ainsi que de
déterminer les pénalités sur la rémunération à défaut d'atteindre ces quotas.
Toutes les modalités d'application
seront contenues dans un règlement du gouvernement à venir. Dans ce contexte,
il est difficile pour le Collège des
médecins d'émettre une opinion sur les avantages et les inconvénients à
escompter. Le collège aurait souhaité plus
de transparence de la part du gouvernement quant au plan d'ensemble
de la réforme en santé dans lequel s'inscrit le projet de loi pour mieux
apprécier les avantages et les inconvénients.
Le collège a
plus de questions et de préoccupations que de réponses à cette étape-ci. L'accumulation
et la vitesse des changements
implantés dans le réseau de la santé, les négociations de l'État
avec les employés du secteur public, la restructuration globale du réseau, le
déménagement de deux grands centres hospitaliers universitaires constituent à
nos yeux une conjoncture à très haut
risque de dérapage et de danger pour la qualité et la sécurité des services de
santé en général et pour les services médicaux en particulier.
Pour le volet
touchant les activités de procréation médicalement assistée, le collège
laisse au gouvernement le soin de déterminer la nature et le
niveau de couverture financière publique de ces activités, mais recommande de
lui laisser la responsabilité qui lui revient d'établir et de surveiller le respect des normes des
bonnes pratiques médicales dans ce domaine.
Voilà quelques réflexions. J'espère que j'ai
tenu le temps, M. le Président?
Le Président (M. Tanguay) : Oui. Il
vous reste même 20 secondes.
M. Bernard (Charles) : Bien, c'est
merveilleux! Alors, on apprend.
Le
Président (M. Tanguay) : Je vous remercie beaucoup. Alors, maintenant débute la période d'échange pour une
période de 17 minutes avec le ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Barrette : Dr Bernard,
Dr Robert, je vais essayer d'aller relativement vite, puis j'imagine que ça
va être possible pour vous. Vous êtes
capables, évidemment, sans aucun problème, d'être concis. J'ai
17 minutes, et, en 17 minutes, on ne pourra pas faire le tour
de ce sujet-là, mais par contre il y a des choses qui m'apparaissent importantes.
Alors, vous
venez aujourd'hui puis vous nous dites que vous avez plus de questions
que de solutions. En 2009-2010, vous
participiez à une table de concertation sur l'accès et, dans votre mémoire,
vous dites que vous êtes d'accord avec le diagnostic.
Vous faites essentiellement notre constat. Vous constatez la même
chose que nous et vous êtes d'accord avec. Aujourd'hui, vous nous dites que vous n'avez pas de solution
à proposer. Je suis étonné qu'il n'y
ait pas de solution à
proposer, d'une part.
D'autre
part, et là c'est une question que je vous pose, je pense que, si vous êtes d'accord
avec le diagnostic... — c'est vos mots. Bien, confirmez-moi si vous considérez qu'au Québec il y a une
capacité non offerte, une capacité non offerte à la population par le
corps médical.
M. Bernard
(Charles) : D'abord, je dois
dire que le diagnostic est excellent, et, on le répète aujourd'hui, vous
avez raison, il y a un problème
d'accessibilité. Là où on n'a pas de proposition à faire, c'est que le
gouvernement n'a pas fait le ménage dans les projets qui sont sur la
table et qui sont en chantier. J'en ai fait état tantôt. Il y a énormément d'activités qui ont été proposées, qui ont été
mises en chantier au Québec et qui sont restées lettre morte ou en suspens.
Je pourrais vous en faire état de plusieurs,
là, qui auraient pu améliorer l'accessibilité, mais je sais que vous... On n'a
pas de temps à perdre là-dessus, mais
vous comprenez très bien de quoi je veux parler, ne serait-ce que le Dossier
santé Québec qui traîne, ne serait-ce
que les exemples que je vous ai cités dans la lecture de vos... excusez, de mon
résumé. Alors donc, là, on a déjà une partie du problème qui pourrait
être résolu.
Et ce qui nous fait peur, c'est que ces
chantiers-là n'ont même pas été réalisés, et là on en a à peu près cinq, six autres, peut-être 10 chantiers qui s'en
viennent. Il faudrait peut-être commencer par terminer ceux qui sont déjà
établis. Et là on est dans une
dynamique, si vous voulez, de changements énormes. Vous en êtes, là, on va
changer... on déménage deux hôpitaux
universitaires, on place un paquet de nouveaux directeurs généraux dans des
hôpitaux qui ne sont même pas encore
tout à fait créés. Imaginez-vous... Moi, là, vous me demandez de vérifier la
sécurité des soins qui vont se passer dans
ces établissements-là, la qualité des médecins qui vont pratiquer dans ces
établissements-là. Alors, pour nous, on se pose des questions. Et, si vous étiez assis à notre place, vous auriez
les mêmes préoccupations, j'en suis sûr, parce que vous êtes médecin
également.
• (16 h 30) •
M.
Barrette : Je comprends, Dr Bernard, mais je comprends aussi que
vous faites le même constat que nous. Je comprends de vos propos que vous considérez aussi qu'il y a un problème
de capacité. Et j'irais aussi, pour ce qui est de l'hôpital, à dire qu'il y a des problèmes de
fonctionnement, qui sont des choses que vous avez vues à plusieurs reprises
vous-mêmes. Et il n'y a pas
10 chantiers, là, il y en a deux... en fait, il y a trois. Le prochain est
en financement à l'activité.
Maintenant,
ça me permet de m'adresser à la question... Vous dites que ce projet de loi là
n'est que des quotas. Ce matin, si
vous avez suivi la comparution de l'Association des jeunes médecins, vous avez
été probablement surpris de constater
que c'était probablement la seule organisation au monde qui ne sait pas qu'il y
a des quotas en Angleterre, et ça, j'ai trouvé ça
étonnant. Mais ici, au Canada, là, dans une de nos provinces voisines, très
près de nous, le gouvernement de la province en question propose ou demande à
ses médecins, dans leurs équipes de santé familiale — ça
s'appelle comme ça — d'avoir
une prise en charge de 1 800 patients
et évidemment de travailler en collaboration avec des infirmières, auquel cas, s'ils travaillent avec une infirmière, ils
doivent en prendre 400 de plus et, avec une infirmière praticienne spécialisée,
800 de plus.
Au
Québec, et c'est une question que je vous pose, est-ce que chez vous, au
collège, voir un médecin prendre en charge
2 500 patients, 3 000 patients, ça nécessite une
inspection? Est-ce que c'est un signe de mauvaise pratique médicale?
Est-ce qu'il est possible d'avoir de la qualité avec une prise en charge
significative?
M. Bernard (Charles) : Je peux vous répondre là-dessus que ce n'est pas
nécessairement un signe de mauvaise pratique
que d'avoir un volume, mais c'est un indicateur qu'on doit poser des questions.
Effectivement, si vous avez un volume
très grand de pratique, on peut vérifier si la pratique, à l'intérieur de ce
volume-là, respecte les normes. Parce que, si on applique tous les guides de pratique, vous le savez très bien, puis
si on a une clientèle variée, il est très difficile de voir un très grand volume. Alors, c'est sûr et certain
que, si vous pratiquez dans une clinique sans rendez-vous puis que vous avez un
problème à résoudre, vous allez voir un grand nombre de problèmes. Mais, si
vous avez une clientèle plus âgée, et là je ne vous ferai pas toute la
litanie des exceptions...
M. Barrette :
On s'entend là-dessus, Dr Bernard, mais...
M. Bernard
(Charles) : ...il y en a des dizaines et des dizaines.
M. Barrette :
On s'entend là-dessus.
M. Bernard (Charles) : Et c'est là-dessus que nous, on se pose des
questions. C'est que ce qu'on entend dans les médias... Et vous en avez
fait état vous-même que vous allez avoir des modulations, des ci ou des ça.
M. Barrette :
Tout à fait.
M. Bernard (Charles) : Mais est-ce que, quand on va gérer
50 exceptions, ce n'est pas complexifier encore plus l'affaire?
M. Barrette :
Ici, oui. Mais actuellement, Dr Bernard, c'est...
M. Bernard (Charles) : Parce que, là, il ne faut pas être trop
simpliste, là, de la façon de gérer ça. Nous, après ça, on va avoir à gérer la visite chez les médecins
puis vérifier s'ils pratiquent correctement. Alors donc, pour nous, il y a une
difficulté, là, qu'on rencontre. Vous la comprenez, cette difficulté-là, aussi.
M.
Barrette : Ici, la problématique, Dr Bernard, est une problématique
populationnelle. Et vous, évidemment, vous
êtes un ordre dont la mission est de protéger le public. Et notre objectif est
de faire en sorte que la population générale, incluant les patients
vulnérables, incluant... hein, bon, soit prise en charge.
Deux questions.
Est-ce que vous considéreriez que le gouvernement actuel d'une autre province
canadienne qui demande à ses médecins de
famille de prendre, dans une répartition démographique normale,
1 800 patients est contraire à la protection du public? Parce
que c'est ce qu'on... On demande moins que ça, nous autres, là.
M. Bernard (Charles) : Mais juste pour vous dire, avant de laisser la...
Nous, dans notre code de déontologie révisé,
je vous inviterais à lire l'article 3 puis 3.1, c'est exactement ça :
on oblige les médecins maintenant à avoir cette vision de donner un service collectif. Alors donc, si vous avez vu ça,
vous voyez qu'on a cette responsabilité-là, puis on l'accepte. Ce que vous me parlez, c'est plus des
négociations avec les fédérations, c'est des ententes à venir. Ce n'est pas
nécessairement l'affaire du Collège des médecins, là. On est en dehors, hors
champ, pour nous.
M. Robert (Yves) : Et, pour répondre à vos questions, premièrement, on a déjà limité le
nombre de patients qu'un médecin
devait voir, parce qu'il en voyait 2 500, et c'était trop pour offrir une
bonne qualité. On l'a déjà fait dans le passé. Deuxièmement, qu'est-ce que le gouvernement qui impose 1 800 impose
comme pénalité s'ils ne respectent pas leurs 1 800?
M. Barrette :
Ça, c'est une autre question.
M. Robert (Yves) : Troisièmement, est-ce qu'ils ont, dans cette autre province, imposé des
activités médicales particulières et des plans d'effectifs médicaux?
Le
Président (M. Tanguay) : À titre de président, vous allez me permettre
d'intervenir. Il s'agit d'un dialogue.
M. Robert
(Yves) : D'accord.
Le
Président (M. Tanguay) : Nous sommes heureux de vous recevoir à votre
Assemblée nationale, et je vous invite donc à poursuivre sur un bon ton.
Merci.
M.
Barrette : Moi, j'essaie de mettre en parallèle des situations
similaires. Ici, au Québec, une des critiques, face au projet de loi,
qui est la plus véhiculée est ce que l'on appelle le quota. Bien, le quota, il
existe parce qu'il y a un problème d'accès.
Et l'accès, ça passe, et vous en conviendrez... Puis, si ce n'est pas correct,
ce que je dis, je vous invite à me
contredire, mais je vais le prendre avec plaisir. À un moment donné, avant
d'avoir des soins organisés, il faut quand même avoir une disponibilité, une offre de services. Et cette offre de
services là doit correspondre à un certain volume.
Un volume
n'est pas un péché en soi. Et, quand je regarde ce qui se fait dans une autre
province, on dit : 1 800 de façon
générale, là, pas 1 800 patients malades chroniques en fin de vie,
1 800 qui respectent la démographie de la population. Si la personne n'a pas d'activité hospitalière,
nous, on parle de 1 500, et, si la personne a des activités hospitalières,
1 100, qu'ils disent, nous, on parle de 1 000. Est-ce que c'est dangereux? Parce que, moi, ce qui m'importe
ici, c'est votre opinion d'organisation
qui est là pour protéger le public. Le reste, la négociation, les états d'âme
d'un ou de l'autre... Dans une société
qui a un problème d'accès qui passe par l'offre de services, est-ce que les
paramètres qu'on met là, là, sont des paramètres
contraires à la protection du public, vu de votre angle? Et, avec un paramètre,
là, un paramètre... pas un paramètre, mais une condition claire,
1 500, là, pour quelqu'un qui ne fait pas d'hôpital, mais avec une
répartition démographique normale, donc la
même proportion que dans la population de malades vulnérables, toxicomanes, en
santé, jeunes, moins jeunes, et ainsi
de suite, est-ce qu'on est, nous, avec ces paramètres-là... on met la
population en danger?
M. Robert
(Yves) : Ça dépend essentiellement... Pourquoi est-ce
qu'on n'aurait pas pensé à ça dans
des ententes antérieures?
M. Barrette : C'est une bonne question.
M. Robert
(Yves) : Pourquoi
est-ce que les ententes n'avaient pas favorisé ça
auparavant? Pourquoi est-ce
qu'on attend 2015 pour faire ce genre
d'ententes là? Et surtout quel support va-t-on offrir aux médecins de première
ligne pour être capables d'atteindre ces objectifs? J'appellerais ça des
quotas, on pourrait appeler ça des objectifs. Qu'est-ce qui empêche de le faire
déjà, actuellement? C'est ça, la question.
M.
Barrette : Bien oui. Et là
je vous renverrais un peu la balle. Quand je prends votre mémoire, vous faites
un constat et, dans votre constat,
vous constatez que le passé n'a pas donné les effets escomptés. Non seulement il ne les a pas donnés, mais, en réalité, et vous le dites, et je suis d'accord
avec votre affirmation, vous dites qu'il
y a des décisions qui ont été prises sans contrepartie dans le
temps. Par exemple, vous faites référence aux décisions des
années 90, où on a mis les médecins à la retraite. Puis après ça
vous faites référence aux AMP qu'on n'a pas adaptées avec le temps.
Mais force
est de constater, puis là j'aimerais vous entendre là-dessus,
force est de constater que les objectifs qui étaient visés par ces mesures-là, dans le passé, ont... Les mesures ont
atteint leurs objectifs, mais elles ont été mal gérées avec le temps. Ce genre de mesures là, là, ça fait
la job, passez-moi l'expression, là. Et ça, le collège, je pense
que vous vous en rappelez, il y avait des problèmes,
là, dans les hôpitaux quand il y a eu les AMP. Il fallait le faire. Par contre,
il n'y a pas eu d'équilibre à la suite. Les mises à la
retraite, ce n'était pas une bonne idée, mais il a fallu... Puis baisser les entrées en faculté de médecine, ce n'était pas
une bonne idée, puis tout le monde le dit, et on est revenus. Mon point, ici, c'est que
ces mesures-là que vous-mêmes constatez qu'elles ont eu l'effet escompté, bien,
elles ont été nécessaires pour avoir l'effet recherché.
Aujourd'hui, vous faites le constat... Je ne dis
pas que l'effet recherché était bon, là, je dis que, quand on a mis les médecins à la retraite, c'était pour sauver de
l'argent, c'était le retour à l'équilibre budgétaire. Tout le monde a dit que
ce n'était pas une bonne idée pour la
population, puis ça n'a pas été une bonne idée, mais ça a sauvé l'argent, puis
je ne suis pas sûr que ça en a sauvé tant que ça. Mais aujourd'hui, là,
on est dans une situation où les dernières années montrent qu'il n'y a pas d'effet pour la population. Et là
nous, on met en place des choses qui nous apparaissent raisonnables et qui
sont inférieures en objectifs, ce que d'autres provinces proposent.
Là, vous
allez me dire : Les autres n'ont pas de pénalité. O.K., mais il ne reste
pas moins que, ces chiffres-là, ils mettent
sur la table, dans une province qui a moins de docteurs per capita que nous...
Et la question que je vous repose : Est-ce que nos chiffres, en
termes de capacité, généreraient des pratiques dangereuses?
• (16 h 40) •
M. Bernard
(Charles) : Notre analyse
sur cette question-là, c'est que probablement, probablement, je ne suis pas sûr, que cette mesure-là ou ces mesures-là
vont atteindre un objectif à très court terme, O.K.? Mais, comme vous avez
dit, les autres mesures antérieures ont
atteint un objectif à court terme, mais il n'y a pas eu d'adaptation, et ça a
fait que ça a dégénéré, pour ne pas dire foiré.
Maintenant,
on amène de nouvelles mesures, puis ça, c'est tout à votre honneur d'essayer de
trouver des solutions, si vous
voulez. On en est, nous, de trouver des solutions, mais on dit que ces
solutions-là doivent sortir d'une discussion. Et là on veut imposer un quota. Très bien, peut-être que ça va régler le
problème pour un an ou deux. Mais, nous, notre impression et notre expérience nous prouvent qu'il va y avoir
probablement des effets pervers qui vont arriver, probablement pas mal plus vite qu'on peut penser. Et là on va
se ramasser avec le même problème. On va être avec quoi devant nous?
Rien. Le problème ne sera pas résolu.
Alors,
pourquoi ne pas essayer de trouver, avec toutes les parties prenantes, des solutions
qui vont être à plus long terme, mettre en place ce qui est déjà amorcé,
amener des nouvelles mesures, puis qui ne soient pas nécessairement punitives? Parce que, les mesures punitives, là,
je n'ai jamais trouvé que ça avait donné bien, bien des résultats à très long
terme. Et, de toute façon, comme on a dit dans notre mémoire,
il va sûrement y avoir des contestations de toutes ces mesures
punitives là qui vont arriver et ça va créer un climat d'affrontement.
Je pense qu'en médecine, en tout cas dans la pratique médicale que moi, je connais, que j'ai faite depuis
presque 40 ans, le combat, là, ce
n'est pas tellement la solution. On essaie d'être partenaires avec
nos patients, on essaie de discuter avec
les gens, de résoudre des problèmes, alors je pense qu'on devrait essayer
la même méthode pour essayer de solutionner ce problème-là. Et vous le
dites vous-même que les solutions antérieures ont été des mesures nécessaires,
mais très temporaires, qui n'ont pas donné des résultats à long terme.
M.
Barrette : Elles ont donné,
les mesures, le résultat qu'elles visaient à ce moment-là. Ceci dit, Dr
Bernard, j'en conviens avec vous que
le dialogue est la... mais, du dialogue, il y en a depuis 15 ans,
là. Mais ça, c'est de la politique, là. N'allons
pas nécessairement là. Moi, ce qui m'intéresse, c'est, dans votre
vision, là, dans votre perception de la qualité de l'acte, là... Les
paramètres qu'on met là n'empêchent pas la qualité, n'empêchent pas la saine organisation
des soins, n'empêchent pas le collège de faire des guides de pratique, de
prendre en considération ceci, cela. Vous avez vous-même... Et là je vous pose une question : Pourquoi
vous avez changé le code de déontologie pour inclure des éléments comme ceux que vous avez mis, là, la responsabilité de
prendre en charge les patients, de donner des services, une espèce d'obligation
morale de donner des services requis à la population?
M. Bernard
(Charles) : La réponse est dans votre question : C'est qu'on
voyait les problèmes.
M. Barrette :
Donc, vous voyiez le problème, mais c'est parfait.
M. Bernard (Charles) : Bien oui, mais on l'a dit depuis toujours qu'on
le voit, le problème. On l'a, le diagnostic. On a toujours dit que le diagnostic est bon. Nous, dans notre juridiction
à nous, on a essayé de prendre les mesures, dans notre juridiction à nous, qu'on peut amener les médecins à offrir des
services et à offrir pas juste des services individuels mais couvrir la collectivité des services de
santé. Alors, on a fait des efforts quand même importants, et ça, c'en est
une...
M.
Barrette : Je comprends. Puis je vous remercie de votre commentaire.
Il ne me reste pas beaucoup de temps, puis
il faut absolument que je vous pose la question que vous avez eue à l'avance
tantôt : J'aimerais ça vous entendre sur le plus de 42 ans. Êtes-vous capables de nous dire si, oui ou
non... Bon, d'abord, la première question, c'est : N'y a-t-il pas
un risque supplémentaire pour la femme de plus de 42 ans...
M. Bernard (Charles) : Je vais vous donner une réponse très sommaire, et
je vais laisser le... parce que c'est un dossier, vous savez, qui est dirigé probablement plus par le
Dr Robert que par moi. Mais tantôt vous parliez de gestion de risques, hein? En médecine, c'est notre job, on
gère des risques tous les jours. Vous en avez géré, des risques, pendant
votre carrière de médecin. Alors, pourquoi,
quand on parle de stimulation ovarienne, dans la loi, qui amène un risque de
grossesses multiples, de danger pour les
foetus, danger pour la mère qui est porteuse, ça, c'est imposé, il y a des
risques, vous gérez des risques, là,
là-dedans, dans cette loi-là, et, à 42 ans, qui est un autre genre de
risque, lui, on ne veut... on ne l'accepte pas? Alors, c'est ça qui est
difficile à comprendre. Je vais laisser Dr Robert, sur le côté plus...
M. Barrette :
Vous demandez de baliser de façon plus étroite la stimulation ovarienne?
M. Robert
(Yves) : Absolument, parce que c'est la cause première,
probablement...
M. Barrette :
C'est parfait.
M. Robert (Yves) : ...des grossesses multiples, O.K.? Donc, nous, on arrive... En fait, ce
qu'on vous recommande dans cette
portion de la loi, c'est essentiellement de laisser les lignes directrices
qu'on va produire comme étant la norme, de nous laisser la surveiller, si... On faisait allusion tantôt au
fameux registre qui était prévu dans la loi puis qui n'est jamais né finalement, ça nous inquiète. On va faire le
travail, on va le faire nous-mêmes, avec la collaboration des fertologues. Et
puis le risque à 42 ans, pour répondre à votre question de façon précise...
M. Barrette :
...ils vont vouloir continuer, mais il faut absolument que... Me permettez-vous?
Le
Président (M. Tanguay) : Mais là on n'a pas le temps... De
consentement, il faut aller sur le temps de la collègue de Taillon. Alors, pour
une période de 10 minutes, laissez-vous à messieurs le temps de terminer?
Mme Lamarre :
...en échange d'une reconnaissance éternelle.
Le Président (M.
Tanguay) : Ah!
Mme Lamarre :
Je suis dans le rouge.
Le Président (M.
Tanguay) : Alors, je constate le consentement.
M. Barrette : ...pour le bénéfice de
tout le monde, surtout des parlementaires, et ceux qui nous écoutent, et vous : Le registre, il est encore dans la
loi, il reste. Il n'a pas été appliqué, il sera appliqué. Alors, quand on
s'interroge sur la...
M.
Bernard (Charles) : Bien,
c'est-à-dire qu'il n'est pas appliqué, ça devait être la responsabilité de la
Santé publique, M. le ministre. Et
nous, on va prendre l'initiative de le remettre à jour, parce qu'on a un comité
de périnatalité. Vu que ça ne se fait pas, on va le faire, c'est notre
job, de surveiller la qualité.
M.
Barrette : Voilà. Mon point était qu'on n'a pas besoin de le mettre
dans la loi, il était déjà là, puis il n'a pas été appliqué, puis il va
l'être.
Le
Président (M. Tanguay) : Bon. Alors, j'ai constaté un
40 secondes, gracieuseté de la collègue de Taillon. Nous sommes
déjà... Alors, c'est à son crédit. Alors, votre 10 minutes est déjà entamé
de 45 secondes. À vous.
Mme Lamarre : Merci, M. le
Président. Bonjour, Dr Bernard. Bonjour, Dr Robert. C'est un plaisir
de vous retrouver. Écoutez, on va aller
essayer... dans le vif du sujet, là, parce qu'on est rendus trop intenses, on
ne pourra pas ralentir. Vous
comprenez, je lis un peu votre communiqué, là, aujourd'hui, vous avez très bien
saisi que, dans le programme, dans le
système du médecin... du ministre,
pour avoir son système de quotas, il va y avoir des points-bonis pour
certains patients et il va y avoir
des équivalences pour d'autres choses. Autrement
dit, on a un potentiel de
10 points, là, puis on l'échange, puis on choisit des choses.
Alors,
comment vous pensez que vous allez être capables d'arbitrer la prise en charge
de l'ensemble de la population? Si un
médecin décide de choisir, pour échapper à certaines contraintes, de faire, par exemple, beaucoup, beaucoup,
beaucoup d'enseignement, ce qui n'est pas négatif, là, mais qui... il décide, lui, qu'il va
chercher ses points-bonis, au lieu de les prendre en voyant des patients, de faire de l'enseignement ou de s'occuper exclusivement de
toxicos, de toxicomanes, comment vous allez vous assurer que la
population va être couverte mieux par ce système, qui est la révélation de
l'heure?
M. Bernard
(Charles) : Bien, écoutez,
on n'a pas de remède magique, là, pour savoir que toute la population...
D'ailleurs, actuellement, on a un problème
d'accès, puis on le reconnaît, alors on veut bien essayer de trouver des
solutions. Par contre, là, c'est une
grille hypothétique. Moi, je veux dire, des hypothèses, là, on peut en discuter
jusqu'à demain matin. Mais c'est difficile pour moi de vous dire comment
on va...
Mme Lamarre : ...tout de suite, ça
prend des règlements. Je pense que...
M. Bernard
(Charles) : ...on va mesurer
ça. La difficulté, on vous l'a dit dans notre présentation, c'est qu'on ne connaît pas ça, les normes, ou, en tout cas, la charte, ou le gabarit, ou appelez ça comme vous voudrez, de
cette affaire-là. Alors, comment vous
voulez qu'on puisse vous dire comment on va gérer ça? C'est impossible de
savoir ça. Déjà, c'est très difficile d'évaluer la qualité d'une
pratique médicale. Alors, est-ce
qu'on va continuer à le faire pour
les médecins qui vont poser des actes
dans les cas qu'ils vont avoir? Mais ça va être très difficile, c'est sûr et
certain, de mesurer l'impact sur la collectivité, si c'est ça que vous
voulez savoir.
Mme Lamarre : Je vous comprends tout
à fait, parce que je pense qu'effectivement ces aspects-là sont déterminants pour qu'on puisse apprécier jusqu'à
quel point l'ensemble de la population va être mieux prise en charge. Et vous ne
les avez pas, et nous ne les avons pas non plus. Et c'est ça qu'on demande dans
les règlements. Et, pour la population, ce n'est pas facile à comprendre pourquoi
des règlements au lieu d'une loi. Mais c'est parce que
ces modalités-là, c'est vraiment
ce qui va nous permettre, en bout de piste... Et j'espère qu'au niveau du gouvernement on fait cette démarche-là et
que le ministre s'assure que c'est fait. Est-ce qu'en accumulant tous les points-bonis sur
certains sous-groupes de patients on
ne vient pas peut-être, même, diminuer encore plus le nombre de patients qui va
avoir accès à un médecin de famille? On pourrait arriver à cette
conclusion-là, malgré le fait que ça a l'air attrayant sous ce principe-là.
Donc, moi, je
pense qu'il y a vraiment, à ce niveau-là, une urgence d'avoir accès aux
règlements pour qu'on puisse faire des
extrapolations de modèle. À moins que le ministre nous dépose un modèle clair,
net et précis où on démontre qu'avec
le nombre de patients qui est prévu et les modalités de sous-groupe qui vont
donner des points-bonis on va assurer une meilleure prise en charge de
l'ensemble de la population du Québec.
M. Robert
(Yves) : Une des choses qui
nous préoccupent, c'est effectivement le fait qu'on doit atteindre les quotas
médecin par médecin plutôt que par groupe de médecins, éventuellement. Parce
qu'un des problèmes auxquels on a à faire
face actuellement dans certaines cliniques, c'est que, lorsqu'un médecin prend
sa retraite, comme les patients sont inscrits
à son nom à lui, les autres médecins de la même clinique ne sont pas intéressés
à prendre sa clientèle. Donc, on crée
des problèmes d'accessibilité en rendant des patients orphelins. Et là, si on
responsabilisait davantage le groupe de médecins, bien, ces patients-là
pourraient être retransférés ou redistribués à travers l'équipe de soins.
Donc,
éventuellement, c'est une des choses qui est faite dans l'autre juridiction à
laquelle le ministre faisait allusion, c'est-à-dire
qu'on responsabilise avec un nombre d'inscriptions, mais pas seulement un
médecin individuellement, mais l'ensemble
du groupe de médecins. Et ça, ça peut être une solution qui peut permettre
justement de pallier au fait que non seulement
on ne veut pas que les médecins travaillent ensemble, mais ils vont être en
compétition les uns avec les autres pour des patients éventuels. Ça fait
que ce n'est pas simple. Ça ne sera pas simple à régler.
• (16 h 50) •
Mme Lamarre : Dans le projet de loi
n° 20, on a un certain nombre de paramètres qui sont assez coercitifs à l'endroit des médecins de famille, et certains
autres paramètres à l'endroit des spécialistes. Dans l'exercice de vos
fonctions de surveillance de la
qualité et... On entend beaucoup, en tout cas du côté du terrain, des
difficultés de collaboration entre spécialistes et
médecins de famille, en partie causées par les déficiences au niveau des
systèmes informatiques, mais aussi par
toutes sortes de situations où, de part et d'autre, il n'y a pas vraiment un
encouragement à cette collaboration intense, pour toutes sortes de raisons, les gens ont des occupations... Est-ce
que vous voyez, dans le projet de loi n° 20, quelque chose qui va
améliorer la collaboration entre le médecin de famille et le médecin
spécialiste?
M. Bernard (Charles) : Ce dont vous faites état, c'est d'avoir des
corridors de services. Le projet de loi qui est présenté actuellement
donne un temps pour répondre à des consultations urgentes. Alors, ça, c'est
dans un cadre très précis. Ce n'est pas la
majorité des consultations, parce que, quand vous allez voir votre médecin à
son cabinet ou ailleurs dans l'hôpital,
vous pouvez avoir une demande de consultation, puis ce n'est pas nécessairement
une consultation urgente, puis les délais peuvent être très longs. Si
c'est ça, votre question, c'est sûr que le projet de loi répond à une demande urgente de consultation chez des spécialistes. Je
pense que c'est trois heures, si je me souviens, dans la lecture du projet, là.
Mme Lamarre :
Entre 7 heures et 17 heures, là, durant le jour.
M. Bernard
(Charles) : Oui. Alors, c'est ça.
Mme
Lamarre : Mais donc exclusivement à l'intérieur d'un hôpital, et pas
nécessairement entre les médecins de
famille, entre les médecins de GMF et les spécialistes, de façon générale.
Est-ce qu'il n'y aurait pas un besoin aussi d'améliorer cette
fluidité-là au niveau de l'efficacité?
M. Bernard (Charles) : ...une sensibilisation, nous, au Collège des
médecins, énorme concernant cette fluidité-là, si vous voulez appeler ça comme ça, entre les
médecins de famille et les médecins spécialistes. Alors, c'est sûr et certain
que, dans certains milieux, je pense que ça,
ça existe. Probablement qu'il y a encore des déficits à certains endroits. Mais
c'est plus une initiative des médecins
eux-mêmes, qui doivent s'organiser. Il y a une question d'organisation de
travail là-dedans, là. Alors donc, il
y a peut-être des médecins qui nécessitent d'avoir une meilleure organisation
de leur travail pour répondre dans des délais raisonnables.
Mme
Lamarre : Au niveau de la procréation médicalement assistée, vous
recommandez, tout comme l'association des
gynécologues, obstétriciens, l'abolition de certains articles dans le projet de
loi. Vous allez de 10.1 à 10.6. L'association, eux, abolissait
l'article 10.6. Pouvez-vous nous donner un peu les raisons pour lesquelles
vous demandez ça?
M. Bernard (Charles) : Je vais laisser le Dr Robert vous répondre là-dessus, mais, nous,
ce qu'on a dit essentiellement, c'est
qu'on veut laisser au gouvernement, ici, le loisir de décider ce que vous
financez, ce que vous ne financez
pas. Ça, c'est votre décision, et tout ça. Par contre, en ce qui concerne les
normes de pratiques puis l'expertise médicale, avec tout le respect que
je dois à tout le monde ici, je pense que les experts, c'est les médecins, dans
ce domaine-là, alors laissez-leur faire leur travail. C'est à eux à dicter ça.
Puis, deuxièmement,
il ne faut pas trop encarcaner la science. Parce que vous savez qu'on a
énormément de recherche qui se fait dans
plusieurs domaines, dans celui-là comme dans d'autres, et il y a eu de
l'évolution. Si on avait eu la même
discussion il y a 15, 20 ans, on ne parlerait même pas de procréation
médicalement assistée. Alors, voyez-vous qu'on a fait des pas de géant?
Et probablement, si on se rencontre à nouveau, ce que je souhaite ardemment,
dans cinq, 10 ans, probablement qu'on
sera rendus à une étape plus loin ou à d'autres choses. Alors, il faut faire
attention quand on met dans des lois... il ne faut pas trop attacher la
science dans des lois, à mon humble avis.
M. Robert (Yves) : Et là on était tout à fait d'accord avec l'Association des
obstétriciens et gynécologues, qui nous
a précédés. Si on le met dans la loi, ça risque d'avoir comme effet pervers de
fixer les pratiques médicales, alors que
c'est un domaine qui est en évolution constante. Donc, voilà pourquoi on
propose davantage : fixons-nous sur les lignes directrices et
laissons la possibilité d'évoluer les pratiques médicales et les bonnes
pratiques médicales en vertu de ces lignes
directrices, qui vont être plus faciles à changer que des lois. Et donc c'est
essentiellement ce qu'on dit.
En
particulier, la proposition touchant l'article 10.2, qui concerne
l'évaluation psychosociale des patients, on a eu l'occasion de faire deux enquêtes de qualité récemment et on s'est aperçu
qu'il n'existait pas de norme là-dedans. Donc, nous, ce qu'on souhaite faire, c'est travailler avec l'Ordre des
travailleurs sociaux et l'Ordre des psychologues pour établir ce que doit contenir et ce que doit évaluer cette
évaluation psychosociale dans le but de l'inclure dans les lignes directrices,
qui, elles-mêmes, vont évoluer.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup.
M. Robert (Yves) : Parce qu'on s'est aperçu qu'il n'y avait pas
beaucoup de normes, puis, même si c'était prescrit par la loi, il n'y
avait pas de référence actuellement pour avoir une bonne évaluation
psychosociale. Donc, ça reste à travailler encore.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous cédons maintenant
la parole au collègue député de Lévis pour sept minutes.
M.
Paradis (Lévis) : Merci, M.
le Président. Merci d'être là, Dr Bernard, Dr Robert. Je vais faire un petit
bout sur la procréation assistée
parce que vous y êtes, puis on y était maintenant, puis je reviendrai par la
suite... Est-ce qu'on est en train de
se rendre compte — et votre
vision de la chose — que ce
programme, très récent encore — on parle de décembre 2010 — aurait
pu être bonifié, encadré, mieux géré, réglementé, plutôt que de le modifier
complètement, même à l'échelle de ce qui devra être financé ou pas? Est-ce
qu'on va... Est-ce qu'on est en train... Tout à l'heure, les spécialistes nous ont dit : On a fait des
avancées extraordinaires, on est en tête de peloton, il y a des résultats
manifestes, chiffrés, statistiques. Est-ce
qu'il n'y a pas danger, là, alors que vous étiez à établir des lignes, et tout
ça, d'aller trop vite, et de finalement ramer contre-courant, et
reculer?
M. Bernard
(Charles) : On vous invite à
la prudence dans ce domaine-là en disant qu'il ne faudrait pas reculer
et annuler les bénéfices qu'on a retirés de
ça jusqu'à maintenant, abstraction faite du financement, là. Et c'est sûr qu'il
y a eu — on peut en témoigner, là, très
longtemps — de... il
y a eu probablement des abus qui ont été faits, il y a des choses qui n'ont pas été correctes dans l'application de ce programme-là, mais il y a
eu des choses correctes. Alors, ça, il ne faudrait pas l'éliminer, il ne
faudrait pas...
M. Paradis
(Lévis) : Et je comprends que le Commissaire à la santé et au bien-être le dit également,
là, je veux dire, bon, il le dit, écoutez...
M. Robert (Yves) : Il y avait des
ajustements qui étaient nécessaires, il n'y a aucun doute là-dessus.
M. Paradis (Lévis) : Tout le monde
s'entend.
M. Robert
(Yves) : La question,
c'est l'intensité des ajustements. Mais ça, ça devient, jusqu'à
un certain point, très lié au financement, et ça reste le privilège du gouvernement de décider jusqu'à quel niveau il
souhaite le financer. C'est clair que
les conditions qui prévalaient jusqu'à maintenant pouvaient favoriser plus facilement certains
choix que ceux qui sont prévus dans le projet de loi.
M. Paradis (Lévis) : Dr Robert, je
comprends, et vous venez de le dire : On était en train d'établir des
lignes directrices, elles doivent être probablement prêtes pour juin, peut-être même avant que l'on dispose du projet de loi n° 20. Puis
vous dites aussi, en substance, en débutant : Vous savez, on a plein de
tables de concertation ou de travail où on est en train d'avancer puis on n'a pas terminé. C'est vos mots, vous avez
dit : On n'a pas terminé ce qui a été commencé. Et ça, moi, ça m'inquiète. Ça inquiète probablement les gens qui nous regardent et nous écoutent. Ce que vous me dites,
et corrigez-moi si je me trompe, vous étiez déjà, en raison du diagnostic que
vous approuvez et du constat, en mode modifions,
mais là on est en train de briser cet échange au profit d'un projet de loi que vous questionnez parce
que vous ne le connaissez pas,
je veux dire, il vous manque des éléments.
M. Bernard
(Charles) : Si vous me
répondez... Dans notre juridiction, le Collège des médecins, en ce qui concerne
la collaboration interprofessionnelle, la qualité des soins, effectivement on a
plusieurs chantiers, et, dans certains chantiers,
c'est complètement arrêté ou, en tout
cas, retardé — si
j'utilisais un mot québécois, «stallé».
Ça, c'est facile à comprendre.
M. Paradis (Lévis) : ...des fois, ce
n'est pas facile à redémarrer quand c'est «stallé», hein? Vous le savez.
M. Bernard (Charles) : C'est ça.
M. Paradis
(Lévis) : Je comprends. Vous avez abordé la difficulté que vous aviez d'évaluer en fonction de
ce que vous ne connaissez pas, je
veux dire, et, dans votre mémoire, c'est ça partout. On n'a pas les règlements.
Il est punitif, mais on peut
difficilement apporter des solutions, parce
qu'on ne sait pas comment tout ça va s'appliquer. Mais vous nous dites
aussi : Il y aura assurément... Puis vous en faites un... vous
dites : Écoutez, il va falloir qu'on gère aussi ça, les contestations potentielles après qu'on ait décidé
que quelqu'un n'aura pas répondu à ce qu'on lui demande au chapitre de
la civilité ou des quotas, et le reste.
À la lumière de ce que vous lisez là-dedans,
avez-vous l'impression qu'on peut même dénaturer la Régie de l'assurance
maladie du Québec, qui, quelque part, deviendrait potentiellement un tribunal
administratif pour gérer les exceptions, les problèmes, les révisions, etc.? Et
je vois sourire Dr Robert.
M. Bernard
(Charles) : L'assurance
maladie du Québec, ce n'est pas un tribunal administratif, loin de là. Je pense qu'il n'y a pas grand-chose à gérer que
d'administrer un programme. Alors, lui, il répond aux normes qui lui sont
soumises et il va simplement administrer son
programme. Par contre, les gens peuvent avoir recours à d'autres tribunaux
ou à d'autres niveaux pour contester ces
choses-là, sur l'interprétation, par contre, que peut faire la Régie de
l'assurance maladie ou d'autres intervenants dans le dossier.
M. Paradis
(Lévis) : Mais, encore là,
vous jugez, à la lecture du projet de loi, que plusieurs articles qui...
D'ailleurs, bon, on nous a dit qu'ils
devraient être récrits, parce que, bon, ils s'arrimaient mal avec le n° 10
déjà adopté. Il y a plein d'articles qui doivent être repensés, réécris,
sur lesquels on devra réfléchir à nouveau.
M. Bernard
(Charles) : Oui, mais, pour la procréation médicalement assistée, par
contre, je dois vous dire qu'on a déjà
amorcé, suite à cette présentation-là, des discussions avec les autorités ou le
ministère de la Santé, et ça va bien.
Alors, je pense qu'il y a eu une certaine ouverture et une écoute sur certaines
propositions concernant les normes de pratiques puis la qualité de
l'exercice. Ça, je dois avouer qu'il y a une ouverture à ce point de vue là.
Concernant, comme je vous ai parlé tantôt, le
financement, on vous laisse ça entre les mains. Vous êtes les décideurs, et
c'est à vous de décider ça.
M. Paradis
(Lévis) : Vous dites, en
page 4, à travers les inquiétudes que vous manifestez : «Quel sera
l'incitatif pour reprendre la
clientèle d'un médecin qui doit cesser son exercice?» Hier encore, je voyais
l'exemple d'un médecin de 82 ans, le Dr Paul-Émile Godin, que vous
avez peut-être vu, 2 000 patients, secteur Beauport...
M. Bernard (Charles) : Savez-vous
qu'on a au-dessus de 220 médecins...
M. Paradis (Lévis) : ...au-dessus de
80 ans.
M. Bernard (Charles) : ...de cet
âge-là qui pratiquent encore?
• (17 heures) •
M. Paradis (Lévis) : Mais ça,
j'aimerais vous entendre, parce que ça fait aussi partie de vos inquiétudes fondamentales, c'est-à-dire : C'est bien beau
donner des quotas, mais le médecin qui quitte devra, bon, en principe, selon
la loi, répartir ses patients. Et ce n'est pas...
M. Bernard (Charles) : Ça va faire
partie de la liste des exceptions, alors...
M. Robert (Yves) : ...pour
témoigner, parce que, lorsqu'un médecin cesse son exercice, s'il ne trouve pas
de cessionnaire de dossiers, dans la loi
médicale celui qui est responsable d'assurer le suivi, c'est le secrétaire de
l'ordre — ça,
c'est moi. Et donc, dans ce contexte-là, il faut
trouver des cessionnaires avec les régions, avec les agences à l'époque, et
tout ça. Ce n'est pas évident de trouver des personnes qui sont prêtes, au pied
levé, à prendre 2 000 patients.
Et donc ces personnes-là, avec les
mécanismes qu'on connaît actuellement, doivent passer par les guichets d'accès
pour pouvoir être réparties à travers, avec une liste de priorités, et
tout ça.
Ce n'est déjà
pas possible de le faire, donc on peut bien l'imposer dans la loi, là, mais je
ne sais pas quel miracle va faire en sorte qu'on va être capables de
pouvoir les répartir. C'est ça, la question, là, pratique. Et j'en ai parlé
avec la FMOQ, on a fait une table de concertation avec des gens du ministère,
de la FMOQ, les personnes des régions, les directeurs
régionaux de médecine générale, puis les solutions, là, ne sont pas
miraculeuses, là, je veux dire. Si vous avez des solutions, parfait,
mais ce n'est pas en imposant des quotas qu'on va nécessairement régler le
problème.
M. Bernard
(Charles) : Il faut regarder
aussi la faisabilité des choses. Quand on fait des propositions, qu'on impose
des règlements, qu'on impose des lois, il
faut que ça soit réalisable et faisable, et donc il faut regarder les forces en
place, il faut regarder les possibilités. Nous, tout ce qu'on vous dit :
Actuellement, il y a beaucoup de tumulte dans le réseau, puis, quand vous amenez des nouveautés, ça va être
difficile d'implanter, là. J'ai bien hâte de voir ce qui va se passer...
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup.
M.
Bernard (Charles) : ...après
le 1er avril, là, c'est la date butoir pour les changements des nouveaux
établissements, et tout ça, là.
Alors, tout ce que je souhaite, c'est que tout se passe dans l'harmonie puis
dans ce que les gens ont souhaité.
Le Président
(M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant céder la parole
au collègue de Mercier pour trois minutes.
M. Khadir : Merci, M. le Président. Messieurs,
bienvenue. Chers collègues. Je prends la discussion là où vous la laissez.
Donc, comme vous l'avez dit dans votre mémoire, vous craignez pour le réseau,
pour sa stabilité, pour sa capacité à
gérer autant de changements rapidement, d'autant plus que, d'après ce que j'ai
compris de votre mémoire, c'est que vous ne retrouvez pas, dans ce projet de loi, quelque chose qui fait suite,
qui englobe, qui intègre ce qui a déjà été fait ou qui tient compte de
ce qui a déjà été fait, et c'est pour ça que vous avez de sérieuses réserves,
si j'ai bien interprété.
Pour notre part, Québec solidaire, nous, on
pense que le ministre pourrait rencontrer beaucoup d'admiration, beaucoup, je dirais, d'approbation de la part de
tout le monde s'il retirait son projet de loi et venait avec un projet de loi plus mobilisateur, plus inspiré de ce qui a été
fait pour vraiment prendre les meilleures pratiques et tenir compte de ce qu'on
a fait, pour ne pas repartir à zéro puis rebraquer.
Maintenant,
le commissaire, comme on est ici en terrain où on cherche des solutions
également, le Commissaire à la santé
et au bien-être a fait une série de propositions, et je voudrais savoir, je
voudrais les nommer et savoir si, selon vous, ça tient compte de ce qui a été fait dans le passé et si ça peut
être un élément qui perturbe ou qui améliore le réseau.
Alors,
favoriser la pratique médicale en groupe ainsi que l'interdisciplinarité dans
la pratique médicale. Est-ce que c'est...
M. Bernard (Charles) : ...de toute
évidence.
M. Khadir :
Très bien.
M. Bernard (Charles) : Je vais dire
plus ou moins. Alors, plus.
M. Khadir : Soutenir
l'implantation du dossier médical informatisé et du dossier de santé
partageable.
M. Bernard (Charles) : Plus, plus.
M. Khadir : Explorer de nouvelles modalités de
prestation de soins et agir sur les pratiques, par exemple assistance à
distance par des robots...
M. Bernard (Charles) : On vient
d'écrire un guide sur la télémédecine. C'est plus.
M. Khadir : Que vous nous avez envoyé, que j'ai
reçu, que le ministre a reçu, très bien. Tout ça n'est pas dans le
projet de loi, dois-je répéter, actuellement.
Favoriser les pratiques d'autosoins et soutenir
la contribution des proches aidants. Est-ce que ça peut être...
M. Bernard (Charles) : Plus.
M. Khadir : Plus. Agir sur la planification et
la gestion des activités cliniques. Là, il y a un élément quand même,
dans l'imposition des quotas, qui est une mesure d'efficience.
J'aimerais
juste rappeler au ministre — je ne sais pas qui l'a informé sur la
Grande-Bretagne : La Grande-Bretagne a implanté plusieurs incitatifs. Il n'y avait pas de mesure punitive. On
peut questionner la valeur respective de chacun de ceux-là, c'est des
incitatifs positifs. Et ce n'est pas des quotas individuels, c'est des QOF, là,
Quality and Outcomes Framework, qui, dans
des établissements ou dans des pratiques, cherchent à atteindre d'abord des
standards de qualité accompagnés des
éléments d'efficience, mais ce n'est pas les mêmes quotas dont on parle,
absolument pas. On pourra y revenir.
Implanter des
mécanismes d'appréciation et d'amélioration continue de la performance
clinique. Est-ce que ça perturberait le système de santé actuellement?
M. Bernard (Charles) : Plus.
M. Khadir : Plus. Agir sur le
financement des soins, c'est-à-dire balancer.
M. Bernard (Charles) : Bien, ça, on
a déjà dit qu'il va y en avoir de toute façon, il va falloir qu'il y ait des
nouveaux financements qui se passent avec tout le remodelage.
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
M. Khadir : Très bien.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, je vous remercie. Ceci met fin
à notre échange. Merci, donc, aux représentants du Collège des médecins
du Québec.
Nous suspendons quelques instants. Merci à vous.
(Suspension de la séance à 17 h 5)
(Reprise à 17 h 7)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos consultations. Nous recevons
ce soir la représentante du Collège québécois
des médecins de famille. Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période
de 10 minutes de présentation. Par la suite, il y aura un échange avec les
parlementaires. Et je vous prierais de bien vouloir vous identifier d'entrée
de jeu. Alors, la parole est à vous.
Collège québécois des
médecins de famille (CQMF)
Mme Dumas
Pilon (Maxine) : Merci.
Donc, Dre Maxine Dumas Pilon. Je suis médecin de famille et présidente
du Collège québécois des médecins de famille.
Bonsoir à
tous, merci d'être encore là à cette heure qui, ma foi, va s'étendre et
s'étirer... de ce que j'en comprends, oui?
O.K. Excellent. Merci de me recevoir en commission parlementaire sur
ce sujet très intéressant et qui aura su capter notre attention à tous. En
tant que présidente du Collège québécois des médecins de famille, je suis honorée de
présenter devant vous les grandes lignes de notre mémoire.
Le Collège québécois
des médecins de famille est une organisation à but non lucratif, à visée non syndicale, qui
représente au-delà de 4 000 médecins de famille au Québec. Nous
sommes la section provinciale du collège canadien des médecins de famille et qui est aussi
responsable, conjointement avec le Collège des médecins du Québec, de
l'agrément des programmes en médecine de famille. Nous travaillons donc
en concert avec le collège canadien des médecins de famille et ses
30 000 membres pour soutenir les médecins de famille du Québec afin
qu'ils puissent prodiguer des soins de
grande qualité à leurs patients, et ce, depuis 60 ans. On prend fierté à
se voir un peu comme une pouponnière de leaders dans le domaine de la
médecine, et des leaders qui sont engagés à l'excellence en médecine de
famille.
Le collège
québécois endosse évidemment la valeur d'imputabilité sociale qui est véhiculée
par le projet de loi n° 20, et on est nécessairement en faveur de
l'objectif visé, qui est celui d'avoir un médecin de famille accessible en
temps opportun pour chaque Québécois. Nous
émettons cependant d'importantes réserves, du présent projet de loi, en ce qui
a trait au maintien de la qualité des soins, notamment pendant la période de
transition et d'implantation dudit projet de
loi, sur les impacts sur la valorisation de la médecine de famille et sur les
impacts sur l'enseignement, la recherche
et le leadership médical. En effet, le projet de loi n° 20 risque de
compromettre la qualité des soins s'il n'est pas imbriqué dans une vision
globale d'excellence et s'il n'est pas arrimé à un support adéquat et fait dans
des délais qui sont raisonnables.
• (17 h 10) •
Le CQMF
propose le centre de médecine de famille comme vision d'excellence pour
l'organisation des soins de première
ligne, et ce, depuis 2011. Le centre de médecine de famille, c'est une vision
qui a été développée par le collège canadien
des médecins de famille, qui n'est pas nouvelle et qui n'est pas la révolution,
mais qui s'en vient de plus en plus intéressante
et de plus en plus reconnue internationalement. Il repose sur 10 grands piliers, soit les soins centrés sur les patients, un médecin de famille personnel, les
soins dispensés par une équipe, l'accès en temps opportun, qui nous est tous
très cher, les soins complets globaux, la
continuité, les dossiers médicaux électroniques, l'éducation et la formation,
le soutien au système et l'évaluation du processus.
Plusieurs
études ont démontré que ce type de modèle de soins, plutôt axé sur les besoins
des patients plutôt que sur le nombre
de rendez-vous octroyés, arrive en tête de liste pour les
résultats de soins, la satisfaction des prestataires, contribuant ainsi
à une meilleure expérience d'ensemble pour les patients. Des études encore plus
récentes nous ont démontré en plus qu'ils
réduisent les coûts globaux, ce qui nous intéresse tous, une diminution de
l'utilisation non nécessaire
des soins de santé, et, en plus, on a décrit une amélioration de l'accès et la
satisfaction des patients et des cliniciens. Il
y a donc quelque chose d'assez intéressant dans ce modèle-là qui devrait
retenir ou accrocher un peu notre attention.
Vous remarquez cependant que le neuvième pilier
du CMF parle essentiellement... ou rapporte à la notion de support, parce qu'il est essentiel de supporter
nos équipes en première ligne afin qu'elles puissent actualiser cette vision.
Le support actuellement est soit
insuffisant, soit il est mal connu des médecins. À titre d'exemple, le
Programme québécois d'adoption du
dossier médical électronique n'a été déployé qu'en 2013 au Québec,
alors qu'il a été déployé en 2001, soit il y a 12 ans, en Alberta. Actuellement, les Albertains vont chercher des taux de
89 % d'adhésion aux dossiers médicaux électroniques. On a une décennie de retard là-dessus,
ce qui explique un peu nos difficultés à être efficaces en médecine sur
certains aspects.
Le deuxième risque
important du p.l. n° 20, c'est la partie sur la dévalorisation de la
médecine familiale. Donc, l'absence de consultation qui a eu lieu
jusqu'à maintenant, et l'approche coercitive, a nécessairement entraîné une démotivation assez importante des troupes et a
renversé des années d'efforts à valoriser et promouvoir la médecine de famille auprès de notre relève. En effet, le
collège canadien des médecins de famille et le CQMF ont été engagés notamment par la création des groupes
d'intérêts en médecine de famille, et ce, depuis respectivement 2003 et 2005,
afin de faire connaître la médecine de
famille auprès de nos jeunes étudiants en médecine et de les faire choisir
cette spécialité parmi les autres.
Tout cela allait très bien, on a en effet vu un
bond intéressant de 24 % en 2003 jusqu'à 2013... excusez, 2014, où on a vu
36 % de choix. Donc, on a vraiment eu un gain dans l'intérêt que les
étudiants de médecine portaient à la médecine familiale. Ce que je peux
partager avec vous aujourd'hui, c'est que ce n'est pas tout à fait ce qu'on
ressent quand on parle avec nos jeunes
médecins aujourd'hui. On a vraiment l'impression que cette approche-là, cette approche non collaborative, est en train de
littéralement démotiver notre relève pour venir choisir la médecine familiale,
ce qui, vous pouvez l'imaginez, aura un
impact important éventuellement sur la possibilité qu'on aura à avoir des
nouveaux médecins.
Finalement,
c'est important aussi de garder en tête que les médecins de famille sont un
groupe et une spécialité qui veulent
trouver des solutions, qui sont engagés dans l'équité et l'efficacité pour les
patients, et ils sont nécessairement, par
conséquent, les partenaires du changement. Ils voudraient absolument être en
collaboration avec le ministère à cette heure-ci pour trouver les
solutions à ce problème important qu'est l'accès.
Le troisième et dernier risque du p.l.
n° 20, à notre avis, est son atteinte au rôle de l'enseignement, de la recherche et du leadership ou de la gestion
médicale. Donc, évidemment, quand on définit la productivité selon le nombre de patients vus, tel que c'est présenté
dans le p.l. n° 20, il peut y avoir une possibilité de ne pas
reconnaître les autres fonctions essentielles que sont l'enseignement, la
recherche et le leadership.
Nous ne saurions trop insister sur l'importance
de l'enseignement. Il faut savoir que le collège canadien des médecins de famille tout comme le Collège des
médecins du Québec sont responsables de l'agrément des programmes de résidence — de résidence — en médecine de famille et établissent des
critères très, très rigoureux, très importants, qui maintiennent et qui assurent que nos jeunes
médecins gradués sont compétents. Donc, il sera très important de maintenir
et de protéger l'enseignement.
Même chose
pour la recherche en première ligne. Comme vous le savez peut-être tous, de
plus en plus on a un intérêt vers la
recherche en première ligne et on réalise que les premières... La molécule la
plus efficace manque d'efficacité si
le patient ne la prend pas. Et on commence de plus en plus à s'intéresser à
qu'est-ce qui se passe dans le bureau entre le médecin puis le patient, qu'est-ce qui fait
qu'un patient va suivre son traitement, qu'est-ce qui... c'est quoi, ces
facteurs-là. Et ça, c'est la
recherche en première ligne. Très, très important d'y faire attention, car il va
nous renseigner énormément.
Finalement,
il faut garder en tête que la majorité des médecins de famille ont des rôles
importants en leadership, que ce soit
en direction de département, des directions de comité, DSP, des chefs de DRMG,
il y en a de toutes les notes. Ils sont très impliqués et engagés dans
l'amélioration continue, tant universitaire que communautaire ou hospitalière.
En conclusion, la littérature scientifique nous
démontre qu'un système de santé qui investit dans les soins de première ligne complets et globaux réussit mieux à
améliorer la qualité du système, l'équité et l'efficacité. Un système de
soins primaires robuste où les médecins de
famille jouent un rôle de premier plan est associé à de meilleurs résultats,
tant pour la santé des patients que pour la satisfaction globale.
Par
conséquent, le collège québécois recommande au ministère d'adopter une vision
globale de l'amélioration des soins,
incluant l'accessibilité telle que présentée dans le centre de médecine de
famille, et d'en bonifier le support, et de prévoir des délais
raisonnables. Deuxièmement, il invite le ministère à adopter... à valoriser et
à promouvoir la médecine de famille par un
climat respectueux du dialogue et de collaboration, axé sur la recherche de
solutions avec les médecins de
famille. Finalement, nous invitons le ministère à honorer les soins indirects
prodigués par les enseignants, les
chercheurs et les leaders, gestionnaires médicaux par la reconnaissance du
temps nécessaire à accomplir ces fonctions essentielles.
Le collège
réitère ses préoccupations par rapport au maintien de la qualité des soins, la
valorisation de la médecine de famille et de l'atténuation des autres
rôles des médecins de famille, mais nous continuons d'endosser les valeurs d'imputabilité sociale. Nous continuerons, de
notre côté, à déployer nos efforts afin de faire connaître les outils
d'amélioration de la pratique du
centre de médecine de famille par les médecins du Québec et nous continuerons
de supporter la relève auprès de nos étudiants en médecine, nos
résidents et nos jeunes médecins en début de pratique.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Merci, Dre Pilon, pour votre
présentation. Nous allons donc maintenant débuter la période d'échange
avec la partie ministérielle. M. le ministre, vous avez 17 minutes.
M. Barrette : Merci, Mme la
Présidente. Alors, Dre Dumas Pilon, bonjour et bienvenue.
Mme Dumas Pilon (Maxine) : Bonjour,
merci.
M. Barrette : Il faut que je parte
mon chronomètre, parce qu'on est très chronométrés ici.
Mme Dumas Pilon (Maxine) : D'accord.
M. Barrette : Puis c'est bien
correct. Écoutez, d'abord, je vous remercie de venir nous entretenir de votre vision de la médecine de famille. Malheureusement,
on n'a pas pu prendre connaissance complètement, là, du mémoire, là, qu'on a eu il y a quelques instants, mais ce n'est
pas grave. Et non seulement j'ai bien compris ce que vous nous dites, ce
que vous venez de nous dire, mais j'y
souscris. Je n'ai pas de problème avec ça, mais j'ai un bémol ou un commentaire
à faire.
Ce que vous
prônez, on veut le prôner, mais, dans la démarche qui est celle d'une
organisation sociétale, qui est le
gouvernement avec son réseau de la santé, il y a une hiérarchie des décisions
ou il y a une hiérarchie des enjeux. On est tous pour la qualité, on est tous pour le patient, on est tous pour
la science, on est tous pour l'enseignement, on est tous pour la
recherche, mais encore faut-il, à la case départ, avoir l'accès. Et l'accès
passe par un concept qui n'est pas toujours mis de l'avant dans les
discussions, qui est la disponibilité, la quantité de...
Et je
comprends que c'est froid comme commentaire, là, mais, comme je le dis souvent,
et je ne le dis pas du tout à la blague, quand bien même on regarde un
catalogue de voyage, là, pour les prochaines vacances de l'été prochain, il y a un moment donné où on va regarder la
quantité d'argent qu'on a, puis on va choisir en conséquence. La qualité, là,
on doit le faire. Tout ce que vous dites,
moi, j'y souscris entièrement, mais encore faut-il que l'offre de service, en
termes de plage de rendez-vous, là,
pondérée, parce que la pondération est très importante, est essentielle. Et le problème
qu'on vit depuis plusieurs années, il n'est pas résolu.
Et je vous soumettrais, puis je vais vous
laisser prendre la parole là-dessus pour avoir votre opinion... Il y a beaucoup
d'efforts qui ont été faits dans les dernières années, les 10, 15 dernières
années, par des incitatifs, par ceci, par
cela, et ça n'a jamais donné les résultats escomptés. Bon. Ou bien il y a une
capacité maximale exercée actuellement
en médecine de famille et en médecine spécialisée, ou bien il y a une marge à
aller chercher. Ça ne peut pas être un et l'autre, c'est un ou l'autre.
Et ici, là, vous entendez... Et on l'entend sur le terrain, là, il y a une
panoplie de commentaires qui vont du retrait
du projet de loi au danger de ci, au danger de ça, mais tout le monde évite de
parler de la capacité potentielle non
offerte. Qu'en pensez-vous, de cette capacité-là? Le Collège des médecins, qui
est venu ce matin, là... pas ce
matin, cet après-midi, avant vous, qui nous dit dans son mémoire : Le
constat est bon, et le constat, c'est qu'il y a la capacité non offerte,
est-ce que vous avez une position contraire à ça ou non?
• (17 h 20) •
Mme Dumas
Pilon (Maxine) : Je pense
qu'il est important de garder en tête... C'est certain que le «rostering»,
«patient rostering», et d'établir les
critères au niveau de la capacité d'une pratique sont des éléments qui sont
fondamentaux à faire fonctionner un
système de santé qui a du sens. Et c'est la vision qui est amenée aussi dans...
la vision du centre de médecine de
famille. Ceci étant dit, le point persiste qu'en faisant cet exercice-là ça
doit être fait dans un système qui est global, dans une vision qui est plus
concertée. Malheureusement, actuellement, le projet de loi amène beaucoup plus
une dissension au lieu d'amener une concertation et une collaboration.
Donc,
la capacité pourrait être bonifiée, comme on l'a beaucoup dit, par un support
adéquat, qu'on parle des retards qu'on
a avec les DME, qu'on parle des retards qu'on a à établir des modèles de
collaboration, parce qu'il y a toutes sortes d'embûches à toutes sortes de niveaux. L'expérience terrain est riche
pour nous renseigner actuellement sur les obstacles à toutes ces
étapes-là ou les mesures dont vous avez parlé, par rapport auxquelles vous
faites le constat que ça n'a rien donné.
Bon, mon avis diverge sur le «rien donné». Je pense que ça a donné des
résultats, mais peut-être pas les résultats que la population attend
actuellement ou encore avec lesquels le ministère est satisfait. Mais ça, c'est
un autre débat.
M. Barrette :
Je comprends ce que vous me dites, mais il n'en reste pas moins... Et là je
vais le dire différemment. Ce à quoi
vous faites référence, le DME, tout ça, là, le DSQ, et ainsi de suite, là...
Bon, d'abord, les DME sont là, là, c'est... et il y a une réticence au milieu. Peut-être pas vous, de votre
génération, puis je ne veux pas faire de jugement, là, mais il y a une réticence à passer au DME. Il existe,
le DME. Le DSQ, il y a 35 % des médecins au Québec qui sont inscrits.
Ça fait longtemps qu'il est disponible. Je
comprends que ce n'est pas parfait, mais il existe. À la fin de
l'année 2015, 100 % de la
donnée va être disponible pour les trois domaines en question. Et, encore
aujourd'hui, il y a 35 % des gens qui sont inscrits. Mais ces éléments-là, ce sont des éléments qui viennent
bonifier un élément de base, qui est, lui, plus froid, qui est la
capacité offerte, qu'on peaufine, qu'on amplifie par le DME, par le DSQ, et
ainsi de suite.
Il y a quand
même une problématique, là, à laquelle les gens ont une espèce de résistance.
Et vous conviendrez peut-être avec
moi — puis je
veux vous entendre là-dessus — que, s'il n'y avait pas le projet de loi
n° 20 aujourd'hui, là, il n'y a
pas grand monde qui serait assis à trouver des solutions, là, parce que... Ils étaient
assis avant le dépôt du projet de loi,
puis moi, j'étais assis aux mêmes tables, imaginez, puis je n'avais personne
qui se précipitait pour me proposer des solutions.
Mme Dumas
Pilon (Maxine) : C'est
intéressant, Dr Barrette, parce que nous, on n'a pas été assis à la même
table que vous et...
M.
Barrette : Bien, c'est normal, parce que vous n'êtes pas... comme vous
avez dit tantôt, vous n'avez pas un rôle, entre guillemets, syndical.
Mme Dumas
Pilon (Maxine) : Non, mais
on a un rôle sur la promotion, la valorisation, le développement de
l'excellence en médecine de famille, et ce, depuis toujours. Donc, je crois que
c'est important de réaliser qu'on a été invités
hier soir à cette commission-ci et qu'on n'a pas été consultés jusqu'à ce très,
très dernier moment, d'où — et je m'excuse — le délai dans le mémoire, que vous avez
reçu, en effet, quelques heures après qu'on ait été avisés qu'on devait être
ici.
M. Barrette : Ce n'était pas une
critique.
Mme Dumas
Pilon (Maxine) : Néanmoins,
je crois que vous mettez le doigt sur... Vous avez peut-être été sur des tables
de consultation sur l'amélioration de l'exercice. Personnellement, je n'étais
peut-être pas assise à ces tables-là, et
ça m'aurait fait plaisir de vous parler de ces visions-là, de nos
préoccupations et de nos solutions. Et je crois qu'il y a vraiment beaucoup à
apprendre des modèles tels que le centre de médecine de famille. Pas que je
veux insinuer que vous ne les connaissez pas, je crois que vous connaissez ces
modèles-là, mais de les imbriquer dans des projets de loi ou de les
imbriquer dans des projets d'amélioration de la santé au Québec.
M. Barrette : Je vais prendre la
balle au bond, si vous me le permettez.
Mme Dumas Pilon (Maxine) : Bien sûr.
M. Barrette : Je vous interromps,
puis je m'en excuse, mais je vais prendre la balle au bond juste pour une question de sémantique, de dénomination, là, de
nomenclature. Le centre de médecin de famille, vous faites référence aux
«medical homes», aux maisons...
Mme Dumas Pilon
(Maxine) : Patient's Medical Home, Patient
Centered Medical... yes.
M.
Barrette : Bon, c'est ça. O.K., parfait. Puis je prends la balle au
bond parce que je vais vous poser la question suivante. On sait tous les deux, je pense, là... Bien, en fait, je pense
savoir, puis vous me confirmerez si je suis dans la bonne direction ou non... Je considère
qu'aujourd'hui tous les médecins de famille devraient pratiquer l'accès adapté.
Et ce n'est pas le cas, c'est
marginal. Pourquoi? On sait, là, tous, que l'accès adapté, même si les médecins
ne travaillent pas une minute de
plus, va améliorer l'accès. Vous, là, qui êtes dans la formation, qui êtes dans
la pureté de la médecine, on va dire, vous n'êtes pas syndicale, vous ne
négociez pas, ce n'est pas votre territoire, vous êtes dans l'intérêt du public. Pourquoi
les médecins ne font pas massivement ce virage-là? Puis là je vais aller plus
loin : Pourquoi vous ne me proposez pas de l'imposer dans
la loi, tant qu'à faire?
Mme Dumas
Pilon (Maxine) : Bien, O.K.,
bonne question. Donc, premièrement, on partage la même vision sur l'accès adapté, qui est le quatrième pilier du
centre de médecine de la famille. Donc, on est tous les deux engagés là-dedans.
Je peux vous dire qu'on a un... Bien, vous
savez qu'il y a les formations de la FMOQ et du CMQ à ce
sujet-là. Le CQMF, bien, en fait, le collège canadien a aussi un PDF sur comment le faire, qui est en
déploiement au Canada. Pourquoi les médecins?
C'est une question, à mon
avis, de diffusion. Je crois que, là
où on a eu de la difficulté... ou ce que moi, j'observe en tant que clinicienne sur le terrain, c'est
que... La première fois que j'ai entendu parler de l'accès adapté, c'est il y a
un an et demi, et depuis ce jour que j'essaie de le mettre en application.
Bien, ça prend un moment dans une clinique de 50 médecins à faire ces changements-là. Donc, les changements
prennent le temps, même pour les plus motivés d'entre nous, même pour
les plus engagés d'entre nous.
Deuxièmement, je crois qu'il y a une question de diffusion. Je crois que ces modèles-là... je
ne sais pas à quel point le ministère
a été proactif dans les faire connaître. Et on peut se poser la question
à qui ça appartient, mais, à la limite, ce n'est pas nécessairement important. Ce qui est important au bout de la
ligne, c'est qu'on travaille maintenant à faire connaître ces modèles-là...
M. Barrette : ...ah! Excusez-moi.
Allez-y.
Mme Dumas
Pilon (Maxine) : Non. Bien,
je... Essentiellement, je crois qu'il y a... En effet le pourquoi,
à mon avis, c'est que les outils...
Si le ministère a mis les outils de l'avant, si la FMOQ a mis les
outils de l'avant, si le CMQ, et le
collège canadien, et le Collège québécois des médecins de
famille ont mis des outils de l'avant, peut-être qu'on a un peu de difficultés à les faire
diffuser auprès de nos membres, mais je crois que c'est là que le travail doit
aller. C'est pratiquement des stratégies de marketing qui doivent être adoptées
actuellement.
M.
Barrette : Alors, je suis
content que vous l'abordiez. Mais, juste pour votre information et l'information de mes collègues
parlementaires, les premières formations en accès adapté ont
été mises en place au Québec par des gens qui sont ici, dans cette salle, au ministère de la Santé et des Services sociaux, mais n'ont pas été promues par... je ne parle
pas de vous, là, je parle de d'autres organisations. Et aujourd'hui vous avez l'impression que d'autres organisations en font la promotion, mais
ça vient d'ici. Et la résistance a été énorme. Et je ne comprends pas encore aujourd'hui pourquoi cette résistance est encore là. Parce que
l'accès adapté est une mesure, c'est un changement de pratique, puis vous allez
être d'accord avec moi, là, qui
augmente l'accès et augmente la qualité aussi. Et, si on avait plus de
disponibilités, bien, peut-être... Je vous entends, je vous vois hocher de la
tête, je comprends pourquoi vous hochez de la tête, là, mais il ne reste
pas moins que ça nous dirige vers plus de qualité, une mécanique qui est plus
en faveur de celle-là.
C'est la même
chose avec le travail interdisciplinaire. Pourquoi le milieu de la
médecine familiale est si résistant? Alors,
on comprend tous les deux, sans doute, vous allez être d'accord
avec moi, que la capacité de donner des services, s'il y avait à la fois l'accès adapté et la collaboration avec les infirmières, pas pour dupliquer les
examens, là, ou les visites, ou les services, mais bien pour collaborer,
ça, c'est la maison médicale.
Mme Dumas Pilon (Maxine) : Tout à
fait. Non, non, on partage une vision là-dessus.
M. Barrette : Elle est où? Et pourquoi
ce frein-là? Est-ce que, ça aussi, je devrais le mettre dans la loi?
Mme Dumas Pilon (Maxine) : Répétez
votre question. J'ai mal entendu.
M. Barrette : Est-ce que, ça aussi,
je devrais le mettre dans la loi?
Mme Dumas
Pilon (Maxine) : Bien,
personnellement, je ne vous encourage pas nécessairement à travailler à travers les lois. Ce n'est pas nécessairement mon mode de collaboration favori, en toute honnêteté. Et je crois qu'on est
plus ici pour vous parler justement
d'une manière de collaborer qui viendrait de la base. Et, les résistances,
j'espère qu'il y a de la recherche qui se fait là-dessus, parce
que c'est un sujet très, très fascinant, pourquoi ces difficultés-là.
Comme je vous
dis, je peux vous parler de mon expérience de clinicienne, mais ce n'est pas le
but de l'expérience ou de l'exercice aujourd'hui. Je suis ici en tant
qu'en présidente du collège québécois. Ce que je peux vous dire, c'est que mon
expérience avec mes membres actuellement, c'est que les membres sont engagés. Est-ce
qu'ils y arrivent? Est-ce qu'ils comprennent toujours les méandres de comment
on fait pour engager une infirmière clinicienne quand, dans le CSSS à côté, ils les paient plus cher puis que
c'est difficile dans le nôtre d'en engager une? Est-ce qu'ils comprennent, est-ce qu'ils saisissent toutes les complexités de comment on délègue? Et puis,
s'ils ne l'ont jamais fait, là, c'est comme n'importe quel nouveau travail, nouvelle collaboration, il faut apprendre à travailler ensemble. Et ce
n'est pas nécessairement intuitif. Ça n'a pas été montré nécessairement dans les universités il y a 20 ans. Donc, ce n'est pas donné nécessairement dans l'intuitif. Mais ce que je peux vous dire, c'est que le collège québécois
est clairement engagé à faire la promotion des modèles de collaboration entre les différents professionnels
de la santé. Et on parle d'infirmières, on parle d'infirmières praticiennes, mais, s'il vous plaît, on peut
élargir ça. Les médecins de famille sont bien outillés quand ils travaillent avec des
pharmaciens, avec des travailleurs sociaux, avec des physios, des ergos, et
pour ne nommer que ceux-là.
• (17 h 30) •
M.
Barrette : Je vais toucher à
un autre élément. Vous êtes évidemment dans l'enseignement. Et je peux vous dire tout de suite que les pondérations vont prendre en
considération pas simplement la lourdeur de la clientèle, mais aussi l'enseignement.
Je vous rassure là-dessus.
Je
reproche... et je fais ce reproche-là aux universités et, le reproche
que je leur fais — puis
je leur ai dit, là, je ne fais pas de
révélation, là, ils ne seront pas surpris de m'entendre aujourd'hui dire ça — je leur reproche de ne pas former les
gens de la manière qui correspond, dans la formation, à ce qu'ils vont vivre
après. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça? Est-ce que je suis dans le champ gauche
ou vous trouvez que la formation qui est donnée, de façon pragmatique, pas théorique, dans le pain quotidien de la
formation, ça ne correspond pas à ce qui devrait être fait? Autrement dit,
entre le 30 juin puis le 1er juillet, là, ça devrait être une transition avec
un minimum de stress, parce qu'on vole de nos propres ailes, mais on ne
devrait pas voir autre différence, ça devrait être notre quotidien qu'on vivait
avant, là.
Mme Dumas Pilon (Maxine) : Je pense que les préoccupations que vous
mentionnez sont clairement connues du collège canadien des médecins de
famille et des universités. Je vais leur laisser leur champ d'expertise, qui
est définitivement de définir ces standards-là...
M. Barrette :
Mais, dans ce que vous voyez...
Mme Dumas Pilon (Maxine) : Dans ce que je vois, est-ce que la formation est
adéquate? Je pense qu'on est...
M. Barrette :
Je ne parle pas de la théorie de la médecine, là, je parle de l'organisation,
là.
Mme Dumas Pilon
(Maxine) : Est-ce que les médecins sont compétents, ou la partie
manager?
M. Barrette :
Je vais vous donner un exemple, le mien, là. Moi, quand j'ai fini ma résidence,
là, quand j'ai commencé le lundi, là, le 3 juillet, je m'en rappellerai
toujours, c'était un 3 juillet, bien, le 3 juillet, j'avais une
petite inquiétude, parce que, là, on vole de
nos propres ailes, mais j'étais totalement fonctionnel. Je ne travaillais pas à
la même vitesse, parce qu'il y a une
petite hésitation quand on commence, c'est normal, il y a une insécurité
minimale, c'est normal, mais je
n'étais pas perdu, là, je n'étais pas surpris de la charge de travail. Je
n'étais pas surpris de ce que j'avais à faire dans une journée, alors que j'ai l'impression qu'actuellement, quand les
jeunes sortent de leur formation, ils passent, là, de l'univers a à l'univers b, là, puis là il y a une
immensité entre les deux, là. C'est comme si on traversait le Grand Canyon
dans la même journée, là.
Mme Dumas Pilon
(Maxine) : Écoutez, je crois qu'il y a matière à continuer comme
d'habitude à faire de l'amélioration
continue dans nos programmes de formation de nos résidents. Il y a évidemment
un peu, je vous dirais, un «mismatch»
du fait que la majorité des unités d'enseignement sont en établissement, alors
que la majorité de la pratique de la
médecine familiale se pratique en communauté. C'est un phénomène qui est connu.
C'est une donnée qui est connue. C'est
définitivement quelque chose qui est au coeur de ce que je connais des conversations
qui ont lieu au niveau du collège canadien
par rapport aux standards et au développement de curriculums. C'est, je crois,
en effet, une réalité qui est très bien connue des universités.
Je
pense qu'on essaie tous de travailler, mais ce n'est pas vrai qu'on peut tout
d'un coup mettre, tu sais, la clé dans la
porte de toutes les UMF puis d'en rouvrir toute une gang en communauté. C'est
le genre de changements qui ne se font pas
en criant ciseau. Donc, par conséquent, en ayant toute la connaissance de ce
qui est un modèle optimal, et je reviens à mon fameux centre de médecine de
famille, c'est un lieu d'enseignement, c'est un lieu efficace, c'est un lieu
centré sur les patients, et c'est un
lieu où il y a de l'accessibilité puis de la collaboration interprofessionnelle.
Donc, mon rôle à moi, c'est de vraiment mettre de l'avant ce modèle-là pour en
faire le modèle d'excellence, la vision d'excellence aussi, le modèle de base dont je vais faire la promotion et
que j'espère que toutes les unités de médecine familiale au Québec vont
adopter pour en faire des milieux performants, qui vont être... par conséquent
préparer les médecins de la prochaine génération à travailler dans des milieux
efficaces et performants.
M.
Barrette : Je vous rejoins là-dessus. Puis il me reste
30 secondes, alors je vais vous poser la question qui tue, comme à Tout
le monde en parle, et il n'y aura pas de spot, inquiétez-vous pas.
Mme Dumas Pilon
(Maxine) : Ah non?
M.
Barrette : Ni de musique. Si
on vous donne, là... Si vous êtes dans l'environnement approprié et que le nombre de patients inscrits respecte la démographie habituelle de la population, là,
c'est-à-dire 17 % de personnes au-dessus de 65 ans et plus, et ainsi de suite, là, ne trouvez-vous pas... ou
trouvez-vous que, si vous ne faites que du cabinet, suivre
1 500 patients dans des conditions appropriées, c'est parfaitement
faisable?
La Présidente (Mme
Montpetit) : Peut-être très rapidement...
Mme Dumas Pilon
(Maxine) : Bien, je vais vous ramener au document...
La Présidente (Mme
Montpetit) : ...comme notre temps est écoulé, là. Un petit
10 secondes.
Mme Dumas Pilon (Maxine) : Je vais vous ramener à nos documents du centre de
médecine de famille sur le patientsmedicalhome.ca.
Je crois qu'il existe aussi en français. On a un beau document sur «patient
rostering» puis on a un autre très
beau document sur «panel size», qui décrivent très bien, à mon avis, les
facteurs qui devraient influencer la grandeur d'un... le nombre de
patients qu'un médecin peut prendre.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, Dre Dumas Pilon. Mme la
députée de Taillon, pour 10 minutes.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bienvenue, Dre Dumas
Pilon. Pour avoir côtoyé régulièrement
le Collège québécois des médecins de famille, je suis tout à fait d'accord avec
vous. Vous êtes une réelle pouponnière de médecins engagés qu'on
retrouve à beaucoup d'endroits, au ministère, à différents endroits, mais des médecins engagés qui réfléchissent sur notre
système de santé et qui souhaitent changer
des habitudes. Et c'est difficile de
changer des choses, il y a de la résistance. Et je vous félicite d'avoir ce
courage de vouloir demander l'excellence et de vouloir demander qu'on fasse mieux, et je pense qu'on a besoin des
jeunes pour se faire stimuler et se faire requestionner par rapport à
des vieux modèles qu'on a.
Il reste
qu'on a quand même une réalité
particulière au Québec. Et moi, j'ai fait beaucoup de collaboration internationale, donc, à un moment donné, on
dit : On a une responsabilité d'assurer un minimum de services à
l'ensemble de la population. Et, au Québec, on a 2 millions sur
8 millions de Québécois qui, vraiment, sont privés d'accès à des moments peut-être stratégiques, pas tous, mais à
des moments, dans certains cas, importants. Donc, il faut trouver une
solution.
Et moi,
j'entends beaucoup parler du travail interdisciplinaire, puis, comme je suis
pharmacienne, je ne peux pas être
contre, c'est sûr. Mais en même temps je me dis : Il y a peut-être des
choix qu'on fait qui dépassent notre capacité à payer. Et ce que je me dis, c'est : Est-ce qu'on a bien
positionné, par rapport à un citoyen, un patient qui a un besoin simple, l'utilisation ou le recours à un
professionnel qui est disponible, seul, pour faire une partie de l'activité,
avec un rapport au médecin de famille
qui coordonne le tout? Et cette vision de dire : Il faut toujours tout
faire en équipe, je pense qu'on n'aura pas les moyens d'être toujours
cinq autour d'un patient, mais il y a une coordination, il y a une façon de
coordonner cette information-là et ce travail-là qui doit être fait.
Et là je vous
rejoins totalement, et je pense que c'est cet élément, c'est ce maillon qui est
manquant dans notre chaîne
actuellement. Ça passe beaucoup par l'informatisation, parce qu'actuellement on
est toujours obligé de s'appeler, de
s'envoyer des fax, des moyens de communication complètement désuets. Mais on a
quand même ce besoin de faire que des gens vont faire des choses
individuellement puis qu'on va réserver, pour des sous-populations... On parle
de 250 000 Québécois qui sont
vraiment des gens avec des maladies chroniques graves, des problèmes de santé
mentale qui ne peuvent pas se traiter
seuls dans des petites consultations. Là, je pense que c'est ça qu'on doit
peut-être déterminer, on devrait
faire des choses simples mais réglées simplement par des professionnels qui
sont disponibles facilement. Et, ce
250 000 là, qui fait vraiment les portes tournantes au niveau d'urgence de
l'hôpital, qui coûte très cher, qui est vulnérable, qui a besoin d'une
équipe autour de lui, là je pense qu'on devrait tous travailler ensemble.
Est-ce que,
pour vous, ça vous apparaît une façon logique d'envisager comment on peut à la
fois donner des services aux
2 millions de Québécois qui n'ont pas accès à notre système de santé et en
même temps être capables de répondre à l'interdisciplinarité qui est
requise pour des patients qui sont beaucoup plus complexes?
Mme Dumas
Pilon (Maxine) : Je pense
que le concept de soins collaboratifs ou de soins prodigués par une équipe
dans le centre de médecine de famille réfère
plutôt à : Ça, c'est ma maison, là, ou c'est mon centre de médecine de
famille où je vais chercher mes soins, et ça ne veut pas dire que je vais
parler à mon médecin à chaque fois que j'y vais puis que je vais rencontrer six personnes à chaque fois. Ce
que ça dit, c'est que, si j'ai besoin de parler avec une pharmacienne, c'est
à une pharmacienne que je vais parler. Si j'ai besoin d'un Pap test, je vais peut-être
juste voir l'infirmière praticienne, peut-être même l'infirmière clinicienne, si elle a été formée adéquatement. Et, si un jour j'ai besoin d'un soin médical, au sens où j'ai
besoin de l'expertise médicale, il y a aussi un... je suis attachée à un
médecin de famille.
Donc, cette vision-là ne dit pas qu'on est six à
la fois sur chaque patient. Évidemment, ça va être un petit peu intense et ça va dépasser nos budgets,
on s'entend tous là-dessus. L'idée, c'est de rattacher. Est-ce qu'on est
physiquement sous le même
toit? Pas nécessairement, je veux
dire, ce sont ces réseaux... Je pense que, les soins coordonnés, on en a
assez parlé, c'est cette notion-là d'avoir
des réseaux qui sont efficaces, des liens qui sont efficaces à travers, entre
autres, les fameux DME de toutes sortes.
Donc, oui, je
crois que la collaboration se doit d'être faite. Et le meilleur professionnel,
le professionnel le plus approprié
voit le patient au moment où il en a de besoin, à travers une équipe axée
autour d'un médecin de famille, dans le centre de médecine de famille.
• (17 h 40) •
Mme
Lamarre : On parle beaucoup de l'accès adapté, l'accès en temps
opportun. Dans le contexte actuel, où on sait, par exemple, qu'on pourrait offrir ce genre d'accès là, comment on
pourrait en même temps garantir que les plages de soir, de fin de semaine seraient bien couvertes, tout en tenant
compte du fait qu'on a des personnes, des professionnels, pas seulement les médecins, il y a des
pharmaciens, des infirmières, qui sont jeunes mais qui veulent gérer
adéquatement leur vie familiale
également? Est-ce que vous voyez une façon d'optimiser l'accès adapté ou
l'accès en temps opportun tout en assurant un étalement dans les plages
horaires?
Mme Dumas
Pilon (Maxine) : C'est un
point intéressant. C'est certain qu'il y a différents modèles,
là. Je n'ai pas besoin de vous parler
des GMF, les choses du genre, parce que ça ne vient pas de
nous, ça vient de vous, et... bref. Mais
ce qui est intéressant là-dedans... Je discutais avec un collègue
de l'Ontario il y a quelques mois, et il me disait qu'il avait fait un sondage auprès de ses patients pour
regarder : Mais qu'est-ce qui
est important pour vous au niveau des soins? C'est quoi, le degré de disponibilité que vous recherchez chez moi?
Est-ce que c'est de me voir le soir, les fins de semaine? Est-ce que c'est de me voir en dedans de trois
jours? Est-ce que c'est de me voir en dedans d'une semaine? Qu'est-ce qui
importe? Et ce qui était très intéressant de son étude à
lui, avec sa clientèle, c'était de réaliser que sa clientèle à lui ne lui demandait pas une ouverture les fins de
semaine, puis ils voulaient juste être capables d'être vus à peu près en
dedans d'une semaine.
Mon
point n'est pas que les heures non traditionnelles, je dirais, ne sont pas
importantes, mais mon point, c'est que
l'exercice important ici, c'est d'amener les médecins à consulter leurs
clients, et ça, c'est ce qu'on appelle les soins centrés sur le patient. C'est
le pilier numéro un du centre de médecine de famille. C'est quoi, ce
dialogue-là qu'on doit engager avec nos patients pour dire : Mais
vous — dans
ma communauté, moi, je travaille à Côte-des-Neiges, là, à Montréal — bon, bien, de quoi vous avez de besoin, là? Qu'est-ce
que vous avez besoin qu'on fasse, nous, en tant qu'équipe de médecine de famille, pour desservir... pour
vous servir adéquatement? Est-ce que c'est des heures le soir? Est-ce que c'est
des week-ends ou est-ce que c'est qu'on
puisse vous voir en dedans de trois jours? Qu'est-ce qui est vraiment important
ici?
Ça se peut qu'ils
nous disent : Soir et week-end, hein? Puis, bon, bien, à ce moment-là, je
pense que c'est important d'écouter puis
c'est important d'adapter les modèles. Mais ce qui m'apparaît encore plus
important que les heures, encore plus
important que le nombre de patients, encore plus, c'est le dialogue avec les
patients, et vraiment d'engager un
réel dialogue avec nos patients, puis de s'intéresser à notre communauté, puis
dire : Comment je peux vous servir?
Mme
Lamarre : Parce qu'il reste qu'on a aussi un autre objectif. Oui, on a
cet objectif de vraiment avoir des liens étroits avec le médecin, mais on a aussi l'objectif, qui nous coûte très
cher, d'éviter le recours inutile à l'urgence. Alors, il faut trouver un juste milieu. Parce que ce n'est
pas juste ce que le patient veut. S'il a un zona, s'il a une décompensation
d'asthme, il a besoin de voir rapidement un médecin, idéalement son médecin,
mais sinon une équipe, mais il n'a pas nécessairement...
Et là lui va peut-être vous dire : Bien, moi, je suis prêt à attendre
deux, trois jours. Il ne peut pas évaluer la pertinence de vous voir
rapidement dans ces situations-là, mais ces situations-là sont actuellement... — ce
que le commissaire nous dit, le Commissaire
à la santé — occupent
60 % des visites à l'urgence, des P4 et P5. Alors, il y a un coût
important qu'on ne met pas sur le soutien à domicile, par exemple.
Donc,
comment vous voyez... Qu'est-ce que vous voyez... Mettons que vous êtes une
équipe de 10 jeunes médecins, ce
serait quoi, l'option, le scénario qui serait possible? Vous parliez du
dialogue, mais, le dialogue, comme je vous dis, il y a une limite dans
la perspective où il y a un minimum de disponibilité aussi qui doit être étalé.
Mme Dumas Pilon (Maxine) : Je crois qu'on s'entend qu'accès en temps
opportun c'est une clé, là. On s'entend que c'est une pierre angulaire de soins de qualité. On est tous d'accord
là-dessus. Puis, pour un zona, pour la majorité
des choses, ça ne se passe pas... on
va tomber P3, P1, P2, P1, là, si on est dans des choses qui peuvent se
dealer... excusez-moi, se traiter en
clinique externe, c'est parce qu'on n'est pas dans du gros, gros aigu, il y a du
semi-aigu. Donc, j'ai l'impression que ce n'est peut-être pas tant sur
les horaires en soi mais vraiment la disponibilité le jour même qui est probablement
l'élément... Évidemment, c'est agréable de pouvoir voir son médecin... Moi,
j'aimerais ça, pouvoir voir mon médecin sans
manquer le travail. On s'entend tous là-dessus, là, mais ce n'est peut-être pas essentiel.
Encore une fois, par contre, je crois que le travail de groupe, hein, c'est
des solutions qui existent déjà, qui sont déjà mises de l'avant. Les GMF
sont supposés couvrir des plages élargies. Je crois que ce sont des mesures qui
existent déjà et qui ont intérêt à continuer à se déployer, là.
Mme
Lamarre : Si vous aviez à
choisir entre le privilège de, mettons, travailler 30 heures-semaine au lieu de
36, comme le modèle qui est proposé
dans le projet de loi n° 20, et de faire un soir et une journée par fin de semaine sur trois, qu'est-ce que vous choisiriez, comme jeune médecin?
Mme Dumas Pilon
(Maxine) : Bien, vous me demandez ça en qualité de Maxine Dumas Pilon...
Mme Lamarre :
Oui, comme...
Mme Dumas Pilon
(Maxine) : Oui?
Mme
Lamarre : Bien, vous auriez
30 heures à faire, donc vous auriez certainement congé deux
jours-semaine, là, mais vous auriez cette option-là.
Mme Dumas Pilon (Maxine) : Oui. Puis ce qui se passe... Il y a
l'AMQ, actuellement, qui vient de
faire un sondage...
La
Présidente (Mme Montpetit) : Dre Dumas, je vous mentionne : Une
très courte réponse encore, on arrive au bout du temps.
Mme Dumas Pilon (Maxine) : Oui. Bien, je vous dirais : «Stay tuned» sur
le sondage de l'AMQ qu'ils sont en train de faire auprès des médecins, je crois
qu'on va avoir des réponses, par rapport à ce genre de questionnement là, qui
vont être intéressantes, qui vont être riches pour nous répondre.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie beaucoup. Alors, pour
une durée de sept minutes, la parole est au député de Lévis.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Merci. Bienvenue, Dre Dumas Pilon.
Je vais revenir sur des notions, histoire de favoriser la compréhension et
d'avancer un peu dans votre vision de ce que devrait être le modèle idéal. On
a beaucoup parlé d'interdisciplinaire, de travailler ensemble, de travailler en équipe,
c'est une volonté partagée par ceux
que vous représentez. Corrigez-moi, vous m'avez dit que vous représentiez
4 000 médecins de famille? Ça commence à être quand même
important.
Et je
reviens... Vous avez tenté de répondre tout à l'heure, puis on vous a posé la
question, je pense que le ministre l'a
abordée : Pour arriver à ce modèle idéal, que nous manque-t-il? Comment
vous l'évaluez? Ça bloque où, et qu'est-ce qu'on devrait faire pour arriver à ce modèle idéal, de travailler de
façon interdisciplinaire et de favoriser le dialogue, et de faire en
sorte qu'on puisse créer le modèle dont vous me parlez?
Mme Dumas
Pilon (Maxine) : Bien, essentiellement, un peu comme on l'a mentionné, donc, qu'est-ce qui est dans le chemin et qu'est-ce qu'on a à faire, je
crois qu'on va toujours y revenir, mais le financement dans la première ligne, dans la communauté, c'est important. C'est
nécessairement un élément qui fait partie, c'est le neuvième pilier, le support interne et externe aux centres de médecine
de famille. Donc, ça fait partie, il faut y croire, il faut en parler, il faut
le mettre au centre des conversations, il
faut se concerter, il faut le faire connaître. Il y a toute la partie de la
diffusion, on en parlait tantôt avec
le programme d'adoption, là, des dossiers électroniques. Mais il faut le faire
connaître, il faut qu'on sache qu'il existe. Et, même chose avec les
formations à l'accès adapté, il faut les faire connaître, il faut savoir
qu'elles existent. Donc, je crois qu'il y a des efforts de...
M. Paradis (Lévis) : Diffusion.
Mme Dumas Pilon (Maxine) : ... — merci — de
diffusion, en effet, qui sont à faire, et il y a des efforts de concertation,
de collaboration qui sont à faire aussi. Comme, O.K., qu'est-ce qui est dans le
chemin?
Et je reviens
avec la fameuse recherche. Je sais que, quand on les... On veut souvent
subordonner la recherche à l'accès,
mais en même temps elle est là, la réponse, c'est la recherche, c'est les
unités et le support qui est notre gros réseau de recherche, actuellement, en santé primaire, qui vont être capables de
nous donner ce genre de réponses là : pourquoi ça bloque. Et ça, si on ne met pas des équipes de
chercheurs là-dessus, on ne le saura jamais, on ne comprendra pas les processus,
les différents aspects.
M. Paradis
(Lévis) : Alors, je
comprends par votre réponse qu'on est encore à la recherche du diagnostic final,
puis on est trop tôt pour appliquer un traitement.
Mme Dumas
Pilon (Maxine) : Bien, je
crois qu'il y a différents traitements qui sont déjà en cours, il y a déjà de
très belles solutions qui existent. On ne va
pas réinventer la roue. Il s'agit maintenant de les faire connaître, de les
diffuser. Je crois qu'il y a beaucoup
ce travail-là qui est à faire actuellement, de se laisser le temps aussi à ces
choses-là, et, encore une fois,
d'étudier ce qu'on fait, d'évaluer. L'amélioration continue, ça passe par
l'évaluation. Donc, si on veut améliorer nos structures, si on veut améliorer notre accès, des choses comme ça,
on doit étudier le phénomène, et d'où l'importance de porter attention à
notre recherche, entre autres pour ces éléments-là.
M. Paradis
(Lévis) : Je me recolle au projet
de loi n° 20. Vous avez parlé de démotivation potentielle, on se... eh bien, potentielle ou actuelle. Le sentez-vous
déjà? Est-ce que vous sentez déjà un impact, sur ce qui est proposé, sur la
motivation des jeunes médecins de famille, par exemple?
Mme Dumas
Pilon (Maxine) : Oui, oui,
oui. Ça, il n'y a aucun doute. Allez faire un tour sur Facebook, je
pense que ce n'est pas du domaine du
mystère. La démotivation, l'impact est très important, d'où l'importance de
s'en venir avec un dialogue constructif.
Et je pense que c'est très important à ce moment-ci qu'il y ait ce dialogue-là
qui soit établi, que le ministère nous amène un message qui est porteur,
qu'il nous amène un projet qui est inspirant, qu'il y ait une concertation de la base pour être capable de s'en
aller vers quelque chose. Actuellement, je crois qu'en effet il y a des
effets importants qui ont lieu avec ce projet de loi là.
M. Paradis
(Lévis) : Mais c'est à ce
point important que l'on nous disait récemment que, pour une première fois,
dans les choix de carrière, la médecine de
famille avait supplanté la médecine spécialisée. Mais vous craignez ce
débalancement à nouveau.
Mme Dumas Pilon (Maxine) : On va
voir les résultats du CARMS qui vont arriver au printemps.
M. Paradis (Lévis) : En avril.
Mme Dumas
Pilon (Maxine) : Mais c'est
sûr qu'on est tous inquiets de cet impact-là. Il va se réaliser ou il ne
se réalisera pas, ça, ça reste à voir. Mais, oui, on est très inquiets à ce
sujet-là.
M. Paradis
(Lévis) : Bon. Je reviens
sur le projet de loi n° 20 et l'impact sur ceux, en tout cas, qui vous
expriment leurs inquiétudes. Il y a aussi des pistes de solution qui
sont proposées, par exemple de permettre à des médecins de famille de faire davantage de cabinet, si
graduellement on abolissait les activités médicales particulières. Votre vision
là-dessus :
Est-ce que c'est une... Vous dites qu'il y a plein de solutions, est-ce que
c'en est une pour faciliter puis s'approcher des modèles idéaux dont
vous nous parlez?
• (17 h 50) •
Mme Dumas Pilon (Maxine) : Bon. Comme l'ensemble des acteurs et des personnes
qui ont été invitées aujourd'hui, je
n'ai pas vu le règlement, et c'est un élément clé qu'il nous manque à tous pour
être capables d'avoir une opinion assez bien étayée sur la question.
M. Paradis
(Lévis) : Oui, mais est-ce que c'est une contrainte?
Mme Dumas Pilon
(Maxine) : Les AMP?
M. Paradis (Lévis) : Prenons-le comme ça. Est-ce que les AMP sont actuellement une contrainte pour un médecin de
famille qui souhaiterait faire davantage de cabinet et s'approcher d'une
consultation au moment opportun? Est-ce qu'on vit là une contrainte pour
ceux qui vous parlent?
Mme Dumas Pilon (Maxine) : C'est certain que, si on nous oblige à faire du
travail hospitalier, ou du travail en CHSLD, ou quoi que ce soit, évidemment,
ça fait partie de l'histoire qu'on ne fera pas autant de cabinet, ça, c'est certain. Donc, je crois qu'il y a, dans cet
aspect-là un peu coercitif, nécessairement quelque chose, comme je viens de le
dire, qui est coercitif et qui va limiter.
De
ce que j'ai compris des documents qui transitent actuellement, c'est que les
AMP, elles vont être transformées par
les AMF. Donc, pour nous, c'est un peu du pareil au même, là. C'est la même
chose. À moins que je n'aie rien compris, mais, ma compréhension, c'est
qu'on fait du pareil au même ici. Vous me faites...
M. Paradis (Lévis) : La suggestion dont je vous parle, évidemment, dans les AMP, de
les abolir, évidemment, vous
comprendrez que ce n'est pas dans le projet de loi du ministre de la Santé actuellement,
bien au contraire.
Je continue à même
enseigne : mode de rémunération. C'est questionné par plusieurs, en
disant : Voilà qu'on peut changer aussi
des choses. Passer à un mode de rémunération mixte basé sur la prise en charge
du patient, par exemple, est-ce que ça fait partie des avenues
potentielles qui amélioreraient notre système de santé et votre pratique également?
Mme Dumas Pilon (Maxine) : Bien, encore une fois, le collège québécois
ne se positionne pas nécessairement sur
les enjeux financiers, on va laisser ça à nos collègues de la FMOQ, on va
laisser ça aux spécialistes qui viennent vous parler...
M. Paradis
(Lévis) : Mais vous avez quand même une vision, je veux dire...
Mme Dumas Pilon (Maxine) : J'ai quand
même une vision, je pense qu'il
faut... bien, il faut être assez au clair avec les avantages et inconvénients. Je crois qu'on va aller chercher de
la qualité avec des rémunérations mixtes, quelque chose comme ça, mais je ne suis pas certaine que
ça va venir nous aider côté de l'accessibilité, parce que la rémunération
à l'acte fait que plus on voit de patients,
mieux on est payés. Donc, actuellement, s'il y a une rémunération qui va amener
du volume, c'est bien celle-là. Par contre...
M. Paradis
(Lévis) : D'où l'importance de modifier cette...
La
Présidente (Mme Montpetit) :
Je vous remercie. C'est malheureusement tout le temps qu'on avait pour les échanges. Merci
beaucoup, Dre Dumas Pilon, pour votre présentation et les
réponses offertes aux membres de la commission.
Compte tenu de
l'heure, je suspends donc les travaux de la commission jusqu'à
19 h 30.
(Suspension de la séance à
17 h 52)
(Reprise à 19 h 36)
Le
Président (M. Tanguay) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Nous
allons donc poursuivre les consultations particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 20, Loi
édictant la Loi favorisant l'accès aux
services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant
diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.
Je
souhaite maintenant la bienvenue à la représentante de l'Association
des cliniques médicales du Québec. Vous disposez d'une période de
10 minutes pour votre présentation. Je vous demanderais, s'il vous plaît,
pour des fins d'enregistrement, de bien
vouloir vous nommer ainsi que nous mentionner vos fonctions. Après votre
10 minutes, une période d'échange avec les parlementaires
s'ensuivra. Alors, la parole est à vous.
Association
des cliniques médicales du Québec (ACMQ)
Mme Girard
(Isabelle) : Merci, M. le Président. Je m'appelle Isabelle Girard, je suis la
directrice générale de l'Association
des cliniques médicales du Québec. Dû au fait que nous n'avons eu qu'un très court
délai, malheureusement, les deux coprésidents de l'association
n'ont pu se joindre à moi ce soir. Par contre, le conseil d'administration de l'association vous remercie sincèrement de nous
donner l'opportunité de venir vous présenter notre vision des choses.
Avant
d'entrer dans le vif du sujet, je propose de vous faire un bref retour sur
l'historique de notre association, qui
est très jeune. C'est en 2012 que tout cela a commencé. Il y avait
un groupe d'amis, propriétaires de clinique médicale, qui se posait des questions, dont la principale
était : Comment se fait-il que tous les propriétaires de clinique que nous
connaissons pensent qu'ils savent comment améliorer le système de santé mais
que personne ne les consulte jamais pour
connaître leurs idées? Ils ont alors commencé à discuter de la possibilité de
constituer un regroupement qui pourrait réunir les propriétaires de clinique et partager avec le reste de la société
leurs idées et leurs préoccupations. Par
la suite, nous avons décidé
d'organiser une première assemblée de propriétaires de clinique pour voir si
cet intérêt était partagé par d'autres propriétaires.
C'est donc à
l'occasion d'un repas dans un restaurant montréalais, avec une quinzaine de
cliniques représentées, que fut officiellement prise la décision de
créer une association. Ce soir-là, les médecins et les non-médecins se sont entendus sur quelques éléments cruciaux, y
compris : la nouvelle association serait ouverte uniquement aux cliniques
où travaillent des médecins qui
participent à la RAMQ, donc des cliniques qui font partie du système public de
la santé; la nouvelle association
réunirait autant les propriétaires médecins que non-médecins, mais elle
encouragerait l'entrepreneurship médical,
vu le rôle primordial joué par les médecins dans le réseau et dans les
cliniques; et finalement la nouvelle association serait constituée de
cliniques de première ligne et de cliniques offrant des services spécialisés.
Les enjeux qui préoccupaient les propriétaires
de clinique étaient nombreux, mais on peut les organiser sous trois grands
chapeaux, qui sont devenus les grandes priorités de l'association.
Premièrement,
le financement. Dans le monde d'aujourd'hui, avec les technologies et les
avancées de la médecine, il coûte
très cher de faire fonctionner une clinique médicale. Or, dans bien des cas,
les seuls revenus de ces cliniques sont ceux des loyers que paient les médecins. Un grand nombre de cliniques
médicales sont vouées à l'échec si les formules de financement ne sont
pas examinées et modernisées.
Deuxièmement,
la gestion des cliniques. Dans bien des cas, les médecins ou autres
propriétaires de ces cliniques n'ont
pas de formation en gestion et ils pourraient tirer bénéfice de l'expérience de
leurs collègues. L'association doit permettre
de contribuer à la formation en gestion de ses membres et de partager les
meilleures pratiques organisationnelles.
• (19 h 40) •
Troisièmement, les cliniques doivent faire des
investissements importants et acquérir des biens et services. L'association a déjà conclu plusieurs partenariats
en regroupant le pouvoir d'achat de ses membres pour réduire les coûts
d'exploitation. D'une manière très sommaire, c'est donc mon rôle que de
travailler sur ces priorités.
J'aimerais poursuivre avec quelques chiffres. Au
Québec, il y a environ 2 000 cliniques médicales publiques réparties sur l'ensemble du territoire. Ces
cliniques jouent un rôle majeur dans la livraison des soins de santé aux
Québécois. Sur l'ensemble des visites
médicales réalisées au Québec, plus de 80 % des consultations en médecine
générale et près de 40 % des
consultations en spécialité sont effectuées en clinique. En ce qui concerne
notre association, nous comptons actuellement une soixantaine de
cliniques où travaillent plus de 1 000 médecins omnipraticiens et
spécialistes. Ce nombre est en constante
augmentation, puisque notre association est très jeune et qu'elle est de plus
en plus connue et reconnue dans le monde médical. Je crois que ces
chiffres mettent les choses en perspective.
Donc,
lorsqu'on pense au système de santé québécois, on pense souvent aux hôpitaux,
aux CLSC, aux établissements de la
santé, bien entendu. On pense également aux médecins, qui font justement
l'objet du projet de loi n° 20. Mais les médecins ne sont pas toujours à l'hôpital. Au contraire, la plupart
d'entre eux partagent leur pratique entre les établissements publics et les cliniques médicales. Il est donc
important de reconnaître que l'univers des cliniques médicales a énormément
évolué depuis quelques années. La création des GMF puis des cliniques-réseaux
et des cliniques-réseaux intégrées constitue
une véritable petite révolution. Le support financier accordé par le
gouvernement depuis de nombreuses années à ces cliniques contribue à offrir une gamme de services toujours plus
développée, complète et sophistiquée. L'engagement du gouvernement à créer également les
supercliniques est également fort prometteur dans la mesure où ces
supercliniques auront les moyens de leurs ambitions.
Nous en
arrivons donc au projet de loi n° 20 et à la vision de nos membres.
Disons-le de prime abord, l'ACMQ supporte
le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec dans ses initiatives
de vouloir s'assurer que chaque Québécois
ait accès à un médecin de famille, que les médecins généralistes et
spécialistes soient facilement disponibles pour rendre des services à la population et que la prise en charge de la
santé globale de nos citoyens québécois soit plus efficace.
L'ACMQ n'est
pas fondamentalement contre ce projet de loi et pense d'ailleurs que plusieurs
aspects de celui-ci sont atteignables
et réalisables, moyennant une révision du financement des cliniques médicales
et de l'organisation des soins.
Puisque l'objectif du projet de loi est d'augmenter l'inscription et la prise
en charge des Québécois par la même équipe
de médecins, il faut s'attendre par contre à ce que cette augmentation
d'inscriptions et de prises en charge génère un accroissement significatif de l'achalandage dans les cliniques
médicales, puisque c'est essentiellement dans ces milieux que s'exécute
ce type de prise en charge.
Or, le financement des cliniques médicales du
Québec est dans un état extrêmement précaire, si bien que l'ACMQ est convaincue que, même si le projet de
loi, tel que libellé, est adopté, le ministère devra faire face à une nouvelle
réalité que personne n'a soulevée jusqu'à maintenant, c'est-à-dire l'incapacité
d'actualiser ce projet de loi avec le problème réel, dû au sous-financement des
cliniques médicales de la province, qui ne leur permettrait pas de rendre à la
population les services attendus et visés par le projet de loi n° 20.
Soulignons que la réalité financière des
établissements publics n'a rien à voir avec la réalité financière des cliniques
médicales hors établissement. En effet, dans
nos cliniques, les gestionnaires doivent s'occuper d'embaucher, de former,
de gérer les ressources humaines matérielles
et financières. Les propriétaires de clinique médicale doivent non seulement
prendre soin de leurs patients, mais également travailler pour organiser tout
cela et voir aussi au financement de toute l'organisation,
en s'assurant surtout de ne pas être déficitaires, car, contrairement aux
établissements publics, le ministère n'est pas là pour éponger les
dettes.
Le
financement des cliniques médicales du Québec provient essentiellement de deux
sources, soit, d'une part, du loyer
versé par les médecins à la clinique à partir de leurs revenus professionnels
payés par la RAMQ, ainsi que, d'autre part, des services non assurés,
des frais accessoires ou administratifs. Ces dernières sources de financement
sont constamment remises en question soit par le Collège des médecins soit dans
les médias. Il est vrai que nos GMF et cliniques-réseaux sont partiellement
financés par le ministère, mais même ces cliniques sont aux prises avec un
enjeu important quant à la gestion de leurs finances.
L'association
souhaite donc que l'augmentation de la charge de travail des médecins soit
accompagnée d'un ajustement profond du mode de financement des cliniques. En
outre, l'association souhaite soumettre quelques recommandations, qui se trouvent dans le document que nous avons déposé
un peu plus tôt, et que je vous lis à l'instant : Il serait
souhaitable que le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec pondère
la lourdeur médicale des patients dans le
calcul des patients considérés inscrits auprès d'un médecin, en ce sens qu'un
patient souffrant de multiples maladies chroniques requiert beaucoup
plus d'attention qu'un patient relativement en bonne santé.
Il
serait important également de prévoir une charge de travail compatible à la
réalité avec un équilibre sain pour la conciliation travail-famille et également
une charge de travail adéquate pour les médecins plus âgés en préretraite qui souhaitent continuer de pratiquer tout en
réduisant progressivement leurs heures de travail, car nous ne pouvons pas nous
permettre de perdre leur contribution, encore essentielle et appréciée de la population.
Nous
souhaiterions également que le ministère révise complètement le financement des cliniques médicales pour s'assurer qu'elles puissent non seulement survivre, mais également se développer pour ainsi répondre aux besoins
découlant, entre autres, du projet de loi n° 20.
Et,
pour terminer, nous aimerions que le ministère prévoie un financement additionnel payé
aux cliniques pour du personnel
supplémentaire dans les cliniques médicales, tel que les techniciens,
infirmières, psychologues, diététistes, etc., et les infrastructures nécessaires pour aider les médecins à prendre en charge plus
de patients dans une approche multidisciplinaire, plus particulièrement
en ce qui a trait au suivi des maladies chroniques. Je vous remercie de votre
attention.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, Mme Girard. Alors, nous allons maintenant débuter une période
d'échange avec les parlementaires, et, en ce sens, je cède la parole au ministère de la Santé pour une
période de 21 min 30 s.
M. Barrette :
Merci, M. le Président. Alors, Mme Girard, merci d'avoir accepté l'invitation
de venir ici nous exposer votre point de vue. Dans tous les gens que l'on rencontre, vous n'êtes pas beaucoup...
je pense que vous n'êtes probablement pas plus qu'un ou deux représentants...
de gestionnaires. Alors, c'est intéressant, parce que vous allez nous donner
une autre vision. Ce matin, on a eu la vision des usagers qui voyaient qu'on
pouvait faire mieux puis qu'il y avait la capacité. Et là on va voir la vôtre, parce que
vous, en plus, là, vous êtes dans le moteur, là, vous êtes dans la
mécanique de l'affaire.
Juste
pour qu'on se situe bien et surtout pour que les gens qui nous écoutent
comprennent bien le cheminement, là...
bien, pas le cheminement, mais simplement d'où vous venez, là, au sens large du terme,
là : Vous, vous n'êtes pas médecin.
Mme Girard (Isabelle) : Non. Moi, je suis infirmière de formation. Je
suis dans le réseau des cliniques depuis déjà de nombreuses années.
J'ai été dans différents domaines, autant dans les hôpitaux,
les CLSC. J'ai travaillé dans le privé
et le public. Donc, ça me donne vraiment une vision globale. Et puis j'ai été gestionnaire
de clinique dans les dernières années,
et maintenant je suis consultante auprès des gestionnaires pour
les aider justement à optimiser les services et les soins à
l'intérieur de leurs cliniques, dans le but évidemment de rentabiliser le tout.
M.
Barrette : Donc, en ayant
été, à la base, infirmière, vous êtes bilingue en santé et vous êtes bilingue
en gestion.
Mme Girard
(Isabelle) : Effectivement, tout à fait.
M. Barrette :
Ce qui est une qualité. Ou c'est deux qualités.
Mme Girard
(Isabelle) : Merci.
M.
Barrette : Et, toujours
pour qu'on se situe, là... Parce que, vous savez, il y a des mots qui sont péché
sur la place publique, et il y en a
un qui s'appelle «privé». Alors, ça, c'est un péché, on le sait. Mais, en
réalité, vous, vous parlez de cliniques conventionnées. Elles sont
publiques.
Mme Girard
(Isabelle) : Exactement.
Nous, on fait vraiment la distinction entre ce qu'on appelle les
cliniques privées et les cliniques
publiques. On a vraiment une terminologie au sein de l'association qui nous permet de dire : La clinique
publique est à gestion privée, tandis que la clinique privée, c'est vraiment un
endroit où le médecin est désaffilié de la RAMQ.
M. Barrette : Et votre clientèle,
les gens que vous représentez, là, ils sont publics, là.
Mme Girard (Isabelle) : Entièrement
publics.
M. Barrette : Pour tout le monde,
là.
Mme Girard (Isabelle) : Exactement.
Ça fait partie de la mission de l'association que d'avoir seulement des
cliniques publiques.
M. Barrette : Ah oui? Vous n'avez
pas de... Vous n'avez pas de privé privé, là?
Mme Girard
(Isabelle) : Non. On ne voulait
pas rentrer dans ce débat-là. Notre but, c'est vraiment de travailler
avec le ministère et les instances à faire en sorte qu'on ait un système de
santé public qui fonctionne bien.
M.
Barrette : Parfait. Vous comprenez pourquoi je pose ces questions-là,
là. Parce que d'autres gens pourraient partir
sur... puis là le discours déraperait, là. On est dans notre réseau public
financé par la Régie de l'assurance maladie, puis il n'y a rien qui sort
de là.
Alors,
toujours pour qu'on se situe, et je comprends aussi que vous avez probablement
un éventail de types de cliniques, vous avez des GMF, des
cliniques-réseaux...
• (19 h 50) •
Mme Girard
(Isabelle) : On a vraiment
autant du cabinet d'un seul médecin qui travaille à son domicile que les
grosses cliniques. On a des CRI également,
là, donc, GMF, multisite, un seul site, cliniques-réseaux, cliniques-réseaux
intégrés, cliniques de médecine spécialisée
également, on couvre un peu de tout, les
cliniques de gastroentérologie... C'est vraiment très, très vaste, dans
la mesure où c'est RAMQ.
M. Barrette : Alors, le regard que
vous posez, là, est un regard vaste sur le milieu non hospitalier public.
Mme Girard (Isabelle) : Exact.
M.
Barrette : Parfait. Et, toujours pour se situer, là... Puis je vais
arriver aux questions après, là, évidemment. Là, c'est juste pour qu'on comprenne, là, que les gens n'arrivent pas
après puis en disant : Ah oui! Mais, eux autres, c'était privé, puis ce
n'est pas la même affaire, et ainsi de suite, là. Alors, les gens que vous avez
dans votre association, ce sont des
cliniques dans lesquelles oeuvrent... il n'y a pas de sélection, là, il y a
autant d'hommes que de femmes, puis il y a tous les groupes d'âge,
puis...
Mme Girard (Isabelle) : Exact. C'est
très, très, très vaste, là.
M. Barrette : O.K. Alors, il n'y a
pas de biais de sélection.
Mme Girard (Isabelle) : Non.
M.
Barrette : Parfait. Alors,
ça m'amène, à ce moment-là, à vous inviter à nous parler de la capacité de
produire de nos cliniques. Vous voyez
les médecins, vous, là, oeuvrer, là. Vous voyez ce que c'est capable de faire,
un médecin organisé, dans une
journée. Et vous voyez aussi... sans aucun doute, à mon avis,
là, là je vais un peu à la pêche, mais vous voyez aussi ce que peut
faire le passage de la pratique que moi, je qualifie de traditionnelle de la
médecine, avec des rendez-vous annuels, là, puis des choses comme ça, le passage
de ce modèle-là à l'accès adapté, qui
est très marginal dans notre réseau
aujourd'hui mais qui est spectaculaire en résultats et qui aurait pu se faire
depuis longtemps. Et j'imagine que
vous avez vu ça puis j'aimerais ça que vous nous en parliez en termes de charge
de travail, de capacité de prendre les gens en charge.
Ah! une
dernière chose, parce qu'en termes de clientèle, n'ayant pas de biais de
sélection, j'imagine que, dans vos
cliniques, il y a la répartition de la société, là : il y a les patients
âgés, il y a des patients avec des maladies chroniques, il y a des
patients lourds, des patients plus légers, ainsi de suite.
Mme Girard (Isabelle) : Exact, tout
à fait.
M.
Barrette : Alors, parlez-nous donc de ça un petit peu, là, de ce que
ça peut faire, une clinique organisée, là, par rapport à avant et
maintenant, mettons, en accès adapté?
Mme Girard
(Isabelle) : Je vous dirais
que ce qui est déplorable au niveau du réseau des cliniques, c'est qu'on
fait partie du réseau public.
Malheureusement, on n'est pas inclus dans tout l'aspect statistique, etc., donc
on n'a pas de chiffres encore...
M.
Barrette : Je vous arrête là-dessus.
Mme Girard
(Isabelle) : Oui?
M.
Barrette : Rassurez-vous, comme on dit dans les amateurs de sport, là,
«dans mon livre à moi», là, j'ai toutes vos statistiques et je les
regarde, puis elles sont intéressantes.
Mme Girard
(Isabelle) : On espère pouvoir travailler avec vous avec ces chiffres-là,
justement, pour donner des résultats.
Malheureusement, je ne peux pas vous donner de chiffres exacts au niveau de la
productivité et tout. Par contre, on
peut vous dire sincèrement qu'il y a de nombreuses cliniques au Québec qui sont
productives, qui sont efficaces, qui sont très bien organisées et qui
offrent une première ligne de soins très, très, très avantageuse pour la
population.
Le
problème, c'est que les cliniques travaillent en silo, travaillent dans des
CSSS qui n'offrent pas nécessairement la
même structure, le même encadrement, n'ont pas accès à la même information
toujours, ou à du support, de la même façon.
Donc, ça fait en sorte qu'on a des cliniques qui sont peu performantes versus
d'autres qui sont très, très performantes. Et l'association a pour mission justement de créer ce regroupement et ce
réseau-là pour que les gens puissent partager leurs façons de faire pour
qu'on devienne de plus en plus efficients.
Je pense qu'un des
défis actuellement, c'est au niveau de l'organisation du travail. On a
différentes... Vous parliez de l'accès
adapté. Oui, l'accès adapté, ça fonctionne très bien. Le défi actuel de tout
gestionnaire de clinique, c'est que,
même s'ils ont des médecins à l'intérieur de leurs cliniques qui ont suivi la
formation, qui ont un intérêt et tout... c'est d'aller à l'intérieur de la clinique et d'aller le mettre en place.
C'est l'implantation. Et là, là-dessus, il n'y a pas beaucoup de ressources qui existent. Souvent, les médecins
arrivent dans leurs cliniques en disant : Aïe, écoute, moi, j'aimerais ça.
O.K., comment on fait ça? Ah! bien là, je ne
sais pas trop, voici la théorie; mais là de façon à le mettre en pratique, ça
devient particulièrement difficile.
C'est sûr et certain
que la réalité aussi des finances vient quand même intervenir sur la
productivité de nos cliniques. Mais c'est
sûr et certain que, quand on met des bons processus en place et qu'on travaille
de façon organisée, on peut offrir des services.
M. Barrette :
Pouvez-vous nous donner un exemple de quelqu'un que vous avez vu passer d'un à
l'autre?
Mme Girard (Isabelle) : Oui. Expérience personnelle où on a pris un
médecin qui venait d'un CLSC. On sait très
bien que nos CLSC sont peu
productifs. Quand on regarde le nombre de patients inscrits pour un médecin en
CLSC versus un médecin qui travaille
dans une clinique-réseau, la charge de patients inscrits est très, très, très différente, c'est le double, des fois même le triple.
M. Barrette :
Avez-vous des exemples de chiffres?
Mme Girard (Isabelle) : On sait que, dans les CLSC, ça tourne autour de
800 patients maximum, tandis que, dans nos cliniques... on a des cliniques, vous savez, on a des médecins
qui font de l'«advanced access» puis qui montent à 2 500 et 3 000 patients
en donnant un service de très belle qualité, là. Leurs patients peuvent les
rencontrer en moins de 24 heures,
48 heures, c'est très efficace. Donc, c'est vraiment le médecin qui le prend
en charge ou sinon c'est le reste du GMF.
Donc,
vous me demandiez un exemple concret, le médecin qui part du CLSC, qui était
quand même performante au niveau d'un CLSC, parce qu'elle avait à peu
près 1 200, 1 300 patients inscrits à ce moment-là, qui arrive
dans une clinique, qui ouvre... donc, a la capacité vraiment de changer son
mode de pratique, et là, je vous le dis, autant pour elle que pour ses patients, ça a été une période
d'adaptation, c'est une gestion du changement qui doit être prise en charge quand même, mais quand c'est bien fait...
ce médecin-là, en l'espace de quelques mois à peine, est partie de 1 200,
1 300 patients et elle a augmenté
jusqu'à 2 600. Et honnêtement elle prend encore des patients à l'occasion.
Et c'est une clientèle qui était...
Elle avait vraiment des patients très lourds, beaucoup de patients vulnérables
au niveau santé mentale, problèmes respiratoires, les enfants, etc.,
mais elle a réussi à... Puis aujourd'hui elle peut officiellement dire, ce médecin-là, qu'elle est nettement plus heureuse.
Puis le soir elle sait à quelle heure elle va arriver chez elle pour s'occuper
de ses enfants, chose qu'avant elle n'avait aucun contrôle là-dessus.
M.
Barrette : Parce que, là, vous êtes en train de nous traumatiser tout
le monde, ici, autour, là. Alors donc, on parle d'une mère de famille,
là, qui arrive à concilier son travail...
Une voix :
...monoparentale.
M.
Barrette : ...monoparentale, qui arrive à concilier sa vie
professionnelle. Alors, je comprends que, le fait de passer de sa pratique traditionnelle en CLSC à
l'accès adapté dans un cabinet bien géré, elle n'est pas passée de, mettons,
40 heures-semaine à 90 heures, là.
Mme Girard (Isabelle) : Non, non, au contraire. Les premières semaines
ont été plus difficiles, soyons honnêtes, mais c'est sûr et certain qu'elle est passée plutôt, justement, du 60,
70 heures à son CLSC à faire du 50 heures, en ayant une
nettement meilleure pratique, autant pour elle que pour sa clientèle...
M.
Barrette : Juste pour qu'on comprenne bien, là, parce que c'est très,
très, très impressionnant ce que vous nous racontez, elle voit sa
clientèle, elle voit ses inscrits, là... les 2 500, 2 600, vous
disiez, là, c'est sa clientèle à elle.
Mme Girard (Isabelle) : Tout à fait.
M. Barrette : Et là elle a développé
une pratique, parce que c'est ça, l'accès adapté, où les patients... elle est
disponible, elle affiche essentiellement...
Mme Girard (Isabelle) : Elle est
disponible.
M.
Barrette : ...une disponibilité, et, au lieu de donner des rendez-vous
annuels, là, périodiques, là elle est disponible, puis les patients
viennent.
Mme Girard (Isabelle) :
Effectivement.
M.
Barrette : Et là je vais vous poser une question, parce qu'il y a
beaucoup de gens qui disent ça, que, dans les médecins, les médecins — puis là vous le voyez, vous, dans votre
réseau — disent :
Si j'affiche mes rendez-vous, les gens vont venir exprès pour rien.
Est-ce que c'est ça que vous voyez?
Mme Girard
(Isabelle) : On ne voit pas
ça. Ce que je vous dirais qui est une grosse crainte chez les médecins...
C'est que beaucoup de médecins connaissent
leur clientèle, donc ils sont en mesure de guider leur
secrétaire-réceptionniste, à dire :
O.K., voici, cette plage horaire là, donnez-la pour tel type. Lui, on va lui
donner un petit peu plus de temps, je le sais que... Ils ont une espèce
de contrôle. Ce qui, je pense, est très craintif pour le médecin, c'est
justement de perdre ce contrôle-là. Et
honnêtement les patients ne viennent pas pour rien. On sait que les gens ne
s'adressent pas... C'est sûr qu'il y
aura toujours des exceptions à la règle, comme dans toute chose, mais en
général les patients vont se présenter pour des bonnes raisons, puis à ce moment-là ils sont vus en temps réel,
rapidement. On peut réagir vite à la situation pour corriger le
problème, puis passer à l'autre étape.
Par contre,
il faut être honnête, l'«advanced access» fonctionne bien parce que, quand mon
patient vient, je ne vois pas huit
pathologies en même temps, tu sais? De toute façon, je pense que, d'un point de
vue médical, le médecin a tout
intérêt à se concentrer sur une seule pathologie à la fois, de là à revoir son
patient plus d'une fois dans un court laps de temps. C'est ces habitudes à donner autant aux médecins qu'à la
population. C'est sûr et certain, on
vous le dit, là : Les patients,
ils appellent au départ, dans les cliniques, en disant : Oui, mais je ne
pourrai pas voir mon médecin, elle me dit
de rappeler dans deux mois, mais, dans deux mois... Parce qu'eux aussi ont un historique puis une
expérience qui fait en sorte qu'ils ont été échaudés souvent, tu sais?
• (20 heures) •
M. Barrette : Sauf que, là, avec ça,
là, ça disparaît. Les gens...
Mme Girard
(Isabelle) : Les gens
s'habituent. Les gens s'habituent. Par contre, dans la phase de transition, il
faut être honnête, ça prend de
l'accompagnement. On ne peut pas laisser ni les médecins ni la clientèle juste
affronter ce changement-là tout seuls, faire cette transition-là de
façon unique.
M.
Barrette : Et une transition, dans votre expérience, puisque
manifestement vous en avez beaucoup, là, dans la transition, plus que moi... De faire cet accompagnement-là, on parle de
combien de temps? Est-ce qu'on parle de mois, de semaines, d'années?
Mme Girard
(Isabelle) : Ça dépend de
chaque médecin. Comme je vous dis, un médecin qu'on parle vraiment qu'il change
complètement de milieu, avec une nouvelle pratique, c'est peut-être un huit à
12 semaines. Par contre, le médecin
qui a déjà des rendez-vous pour son année complète, lui, bien, probablement que
ça va prendre justement un an avant d'habituer tout le monde. Par
contre, la transition va se faire graduelle.
M. Barrette : Et d'épuiser ses
rendez-vous déjà donnés.
Mme Girard (Isabelle) : Pardon?
M. Barrette : Et d'épuiser ses
rendez-vous déjà donnés.
Mme Girard
(Isabelle) : C'est ça.
Exactement. Puis souvent, dans une situation comme ça, ce n'est vraiment
pas le médecin qui est en problématique, mais c'est la clientèle, là, eux
autres sont habitués d'avoir leurs rendez-vous un an d'avance pour avoir une garantie, puis là ils ont l'impression qu'ils
n'auront plus de garantie. Donc, il y a quand même un message à passer à la population en arrière de ça, de
dire : Ayez confiance aussi en ces modèles-là. C'est des modèles
qui fonctionnent, vous allez être satisfaits. Mais il faut nous donner notre
chance aussi de le démontrer.
M. Barrette : Et ça m'amène à
toucher à un autre aspect qui est souvent véhiculé, que... Je pense connaître votre réponse, mais je vais vous la poser quand
même, parce que, quand c'est moi qui le dis, ce n'est pas vrai, là, mais,
quand c'est vous qui
le dites, parce que vous voyez ça, les gens vont peut-être plus le croire. Vous
avez entendu parler évidemment, dans le projet de loi n° 20,
puisque vous êtes ici, qu'on met en place la notion de l'assiduité. Et moi, je postule, puis vous me... je pense que vous n'avez
pas nécessairement la statistique, mais vous avez une donnée qui est
encore plus importante, je dirais, qui est celle du patient qui parle. Le
patient, il raconte.
Mme Girard (Isabelle) : Oui, tout à
fait.
M.
Barrette : Il vient voir le médecin, là. Moi, je postule que
l'assiduité ne sera jamais un problème, parce qu'à partir du moment où on sait qu'il y a de la place
chez son médecin on va voir notre docteur, parce qu'il y a la relation de
confiance.
Mme Girard (Isabelle) : Je vous
dirais que, dans une clinique d'envergure, je suis d'accord avec vous, c'est possible. Par contre, ce qui nous inquiète, nous,
au niveau de l'association, c'est pour tous nos médecins plus âgés, tous
les cabinets qui sont plus petits, qui, eux,
n'offrent pas de sans rendez-vous, ou ne sont pas nécessairement affiliés à un
groupe de médecine familiale. À ce
moment-là, pour eux, ça va devenir un défi important. C'est sûr que, pour les
jeunes mères de famille également,
pour les gens qui avaient des pratiques plus spécialisées... Je vous donne un
exemple. On a beaucoup de jeunes
médecins aujourd'hui qui font des suivis d'obstétrique, donc, faisant du suivi
obstétrique, ne prennent pas
nécessairement de patients inscrits à leur charge, tu sais? Donc, eux, si on
leur demande de faire ça, ils vont être obligés de diminuer certains
services, etc., bon.
M.
Barrette : Mais en même temps, s'ils sont pondérés correctement...
Parce qu'évidemment suivre une grossesse, ça demande plus de visites.
S'ils sont pondérés adéquatement, ça revient aux mêmes résultats en termes de
visites.
Mme Girard
(Isabelle) : C'est
exactement ça. Tout à fait. Puis c'est ce qu'on disait, nous, l'association. Ce
qu'on aimerait, c'est que le ministère pondère autant la lourdeur que le
type de clientèle, là, qu'on va...
M.
Barrette : C'est ce qu'on veut faire. Comme par exemple, on s'entend,
là, qu'un médecin qui suit 200 grossesses, bien, c'est l'équivalent
de quelqu'un qui suit 1 500 patients, là.
Mme Girard (Isabelle) : C'est ça.
Tout à fait.
M. Barrette : C'est exactement le
même nombre de visites, là.
Mme Girard
(Isabelle) : Puis, un
médecin qui suit un patient qui a quatre codes de vulnérabilité, bien, c'est
sûr et certain que ça a une plus
grosse valeur au niveau du traitement puis du suivi qu'un patient qui a un code
de vulnérabilité, tu sais?
M.
Barrette : L'exemple que vous venez de nous donner, là, c'est une
exception ou c'est en général? Pas le 2 500, mais le fait qu'on arrive, là... Parce que, vous
savez, vous l'avez entendu, là, lorsqu'on dit, là... On dit qu'une pratique
normale, là, ça devrait être une prise en
charge de 1 500 patients si on ne fait pas d'hôpital, 1 000 si
on en fait. Ça, en accès adapté, ça ne vous apparaît pas comme étant la
fin du monde, là?
Mme Girard
(Isabelle) : C'est tout à
fait faisable. Mais je vais quand même vous ramener à l'aspect que, pour
mettre ça en place, ça prend de
l'accompagnement, puis, pour faire cet accompagnement-là, ça prend un support,
et un support financier. C'est...
M.
Barrette : Du côté du financement, je vais vous avouer que j'ai une
difficulté. Et là je vais... Et là sentez-vous très libre d'aller jusqu'où
vous pouvez aller, parce qu'il y a sûrement des informations qui sont plus
d'ordre confidentiel, là, mais vous
avez évidemment mis l'emphase sur l'importance du financement. Or, la rémunération des médecins inclut ce qu'on appelle un
horaire technique, là, vous, vous êtes familière avec ça, mais c'est des coûts
d'opération pour un cabinet. Techniquement,
si le volume s'accroît dans la même journée, le financement s'améliore, mais,
malgré ça, ce que je comprends
de votre discours... Et ça me surprend, je dois vous avouer, parce que,
si vous arrivez à créer des circonstances où la productivité augmente,
le financement devrait être adéquat, mais vous semblez nous dire que non.
Mme Girard
(Isabelle) : Effectivement, et je vous explique pourquoi. Actuellement, les montants qui sont versés sont versés directement
aux médecins, et non aux cliniques. Et il est là, le défi des cliniques. En ce
moment, il y a beaucoup de compétition pour le recrutement, il y a beaucoup
de compétition au niveau des loyers, que ce soit à pourcentage ou vraiment des loyers fixes mensuels. Les cliniques, il n'y a
pas de permis, n'importe qui peut ouvrir une clinique à un coin de rue de l'autre, et tout. Donc, de plus en
plus, il y a de la compétition comme ça, et on voit sur le
terrain des montants, des taux de loyer qui baissent de façon dramatique
pour attirer des médecins, justement, pour offrir tous les services. Pour maintenir notre statut GMF, notre statut
clinique-réseau, on doit en attirer, des médecins, évidemment,
hein, il faut qu'on en fasse, de la
rétention. Et c'est un gros défi en
ce moment. Et beaucoup
de problèmes de finances au niveau des cliniques sont
reliés au fait que les ententes sont faites directement aux médecins. Les
montants sont versés aux médecins.
Je
vais vous donner un autre exemple très simple : le Programme québécois
d'adoption du dossier médical électronique.
Ce programme-là a été négocié, et c'est une prime qui est remise aux médecins,
mais on va s'entendre : Qui fait
la formation? Qui achète l'infrastructure technologique informatique nécessaire?
Qui va assurer l'entretien de toute cette
infrastructure, etc.? Et qui va payer les licences? Habituellement, c'est la clinique, ce n'est pas le médecin de façon
individuelle...
M.
Barrette : Je comprends que, le modèle dans lequel vous êtes, vous et les 60, vous n'êtes pas
dans un modèle de partenariat avec les médecins mais plus dans un
locateur-locataire.
Mme Girard
(Isabelle) : Exactement. C'est ça. Et je vous dirais que la majorité
des cliniques fonctionnent comme ça, c'est vraiment : la clinique se finance. La première source de revenus, c'est vraiment
le loyer des médecins. Puis là, je
vais être très honnête avec vous, je suis dans le réseau et je
me promène partout, des cliniques qui réussissent à obtenir des médecins qui paient encore leur 30 % de frais de loyer, elles disparaissent à
vue d'oeil, là. C'est des cliniques hyperspécialisées qui ont des champs
de pratique, là, qui leur permet d'aller chercher des médecins qui veulent vraiment se spécialiser, donc qui sont prêts à en
donner un petit peu plus en échange de ce qu'ils vont y gagner au bout.
Mais la majorité des cliniques...
Le Président (M.
Tanguay) : ...
Mme Girard
(Isabelle) : Oui.
Le Président (M.
Tanguay) : ...à ce moment-là continuer, évidemment, l'échange. Prêt
pour 13 minutes.
Mme Lamarre :
Bien, bonjour, Mme Girard.
Mme Girard
(Isabelle) : Bonjour, Mme Lamarre.
Mme
Lamarre : Enchantée de vous revoir, donc, dans un autre monde
maintenant, l'Association des cliniques médicales du Québec. Écoutez, je
trouve intéressant ce que vous avez apporté comme information. J'ai quand même quelques interrogations par rapport à certaines
informations que vous avez données. Par exemple, le cas du médecin dont vous parlez, en CLSC, par rapport à la pratique en
clinique, est-ce que ce médecin-là, sans la nommer, pourrait vous dire qu'en CLSC, par exemple, elle avait des cas qui
étaient très lourds au niveau pathologique et, en plus, qu'il y avait des
problèmes sociaux importants qui faisaient que les consultations... Parce que
j'ai fait des consultations pendant
10 ans en CLSC, puis les cas qu'on avait en CLSC étaient plus lourds, en
général, là, que les cas qu'on voit en général dans une clinique
médicale.
• (20 h 10) •
Mme Girard (Isabelle) : ...souvent, c'était une clientèle plus lourde au
niveau des CLSC. Par contre, cette médecin-là est partie avec presque exclusivement sa clientèle du CLSC, qu'elle a
déménagée dans la clinique où elle allait pratiquer. Donc, elle a gardé exactement la même clientèle.
Et ce qui était le fun, quand même, de cette expérience-là, c'est qu'on avait le feeling des
patients également. On avait le feed-back qui disait : On avait peur,
nous. Et, au bout d'un certain mois, ils
nous ont dit : Bien, on s'attendait à ce que ce soit comme le CLSC, mais
on se rend compte que finalement notre médecin
est quand même plus disponible. Donc, elle avait exactement la même clientèle,
qu'elle a transférée, mais dans une organisation de soins beaucoup mieux
adaptée et mieux prise en charge.
Mme Lamarre :
Imaginons un GMF, par exemple, mettons que ça serait ça. Alors, effectivement, il
y avait autour d'elle d'autres professionnels,
mais elle aurait pu en avoir aussi au CLSC, mais peut-être que ce n'était pas organisé de la même façon.
Mme Girard
(Isabelle) : Elle était déjà dans un GMF au CLSC. Donc, elle était
habituée...
Mme
Lamarre : Donc, c'est un changement vraiment au niveau de la gestion.
Ce n'est pas le CLSC comme tel qui a fait la différence, c'est vraiment
la gestion.
Mme Girard
(Isabelle) : C'est vraiment au niveau de la gestion de sa pratique
médicale.
Mme
Lamarre : O.K. Parce que, tantôt, vous avez dit : On va avoir
besoin de financement supplémentaire. Je ne peux pas parler des cliniques privées... dans le fond, des cliniques
publiques, mais quand même qui ne sont pas GMF. Peut-être que vous en avez. Mais, dans les GMF, il reste que le
gouvernement a quand même bien soutenu les GMF en injectant, là... Il y avait un article très
éloquent, en fin de semaine, qui parlait de 500 000 $ pour le
démarrage d'un GMF et ensuite, de
façon récurrente, 345 000 $ par année, par GMF. Donc, il y a quand
même de l'argent qui va au fonctionnement, au soutien avec le personnel infirmier, à l'informatisation, à
l'ajustement au niveau des infrastructures. C'est 82 millions par
année en tout, là, pour l'ensemble des GMF.
Mme Girard
(Isabelle) : Ces
subventions-là effectivement soutiennent ces cliniques-là, qui sont, soyons
honnêtes, plus performantes que les autres qui n'en ont pas. Ça, c'est
sûr et certain. Par contre, il y a quand même des aspects qui ne sont pas pris en compte dans ces
subventions-là, dont la composante technique. Aujourd'hui, on est vraiment dans
l'avènement des technologies, quelles
qu'elles soient, que ce soit au niveau de la gestion d'une salle d'attente, du
dossier médical électronique, mais
également de tout ce qui est appareil diagnostique. Ces choses-là ne sont pas
subventionnées d'aucune façon par le ministère en ce moment.
Donc, je vous
donne l'exemple d'un appareil à ECG. Dans un GMF ou une clinique-réseau, je
n'ai pas le choix d'avoir un ECG sur
place pour être capable de soutenir mon équipe médicale, mais cet appareil-là
coûte quand même entre 10 000 $
et 15 000 $, juste pour ça. Donc, il faut, à quelque part,
l'immobiliser et il faut le financer d'une certaine façon. Il y a plein de petites choses comme ça qui ne sont
pas incluses. Quand vous me dites : Oui, on donne quand même de l'argent
qui va aider à payer justement du secrétariat, du soutien administratif, à
payer une partie des loyers, et tout...
Mme Lamarre : L'informatique aussi,
l'informatisation des dossiers.
Mme Girard (Isabelle) : Oui, oui.
Mme
Lamarre : Il y a des infrastructures aussi, là, dans tout ça. Il y a
des équipements de bureau...
Mme Girard
(Isabelle) : Il y a des
infrastructures, mais est-ce que tout est pris en compte? Honnêtement, non.
Et, quand on parle de soutien au niveau GMF,
on parle d'une infirmière, bien, c'est sûr et certain que le ratio maintenant
idéal, c'est une infirmière à peu près pour
deux médecins dans un environnement «advanced access», justement d'accès
adapté. À ce moment-là, si je veux être
vraiment performante avec mes médecins, il faut que je leur donne du support
infirmier, que ce soit une infirmière auxiliaire ou des infirmières, mais il
faut trouver le moyen de le financer, ça, et actuellement ça ne l'est pas
entièrement.
Mme
Lamarre : Vous avez, à la page 3 de votre mémoire, là, un
paragraphe qui dit que les frais accessoires sont essentiels à votre fonctionnement et que ça, ça
vous fait craindre... Donc, vous êtes en même temps favorable, mais vous
dites : Si on veut aller vers cette
augmentation des ratios patients-médecin, il faut absolument qu'il y ait de
l'argent en plus qui soit donné.
Mme Girard
(Isabelle) : Il faut qu'on
soit capables de financer nos cliniques plus adéquatement actuellement, il n'y a pas de doute. C'est sûr que les frais
accessoires, c'est un parmi tant d'autres. Le défi qu'on a beaucoup en ce
moment, vous le savez, c'est le code
de déontologie qui a passé le 7 janvier dernier, qui va être effectif le
7 juillet, qui vient mettre beaucoup
de contraintes au niveau des médecins, autant au niveau des frais accessoires,
au niveau des détails des factures et vraiment des avantages financiers.
Donc, on
parle d'un laboratoire. On sait que beaucoup de cliniques... Là, à ce
moment-là, je ne parle peut-être pas
nécessairement d'un gros GMF ou d'une clinique-réseau qui est très bien, quand
même, subventionnée et soutenue par ces montants-là, mais une clinique
qui n'a pas de subvention. Si je veux avoir une infirmière, si je veux avoir
une secrétaire, si je veux avoir un service
pour ma clientèle, bien, souvent, ces cliniques-là vont avoir un service de
laboratoire privé qui va les aider à
financer ce manque de financement, dans le fond, qui existe au niveau public.
Donc, ça, c'est quand même un défi en ce moment.
Mme Lamarre : Il reste
6 min 21 s. J'ai mes deux collègues qui aimeraient bien vous
poser des questions.
Mme Girard (Isabelle) : Allez-y, pas
de problème.
Mme Lamarre : Alors, peut-être y
aller... Merci.
Le Président (M. Tanguay) : Oui,
collègue députée de Duplessis.
Mme Richard : Merci, M. le
Président. Bonsoir, Mme Girard. Mme Girard, vous avez parlé beaucoup
d'un médecin qui préférait une clinique
privée, une clinique même publique au fait de travailler dans un CSSS. Vous
avez été assez éloquente pour nous faire part de la situation même d'une
maman monoparentale.
Moi,
j'aimerais savoir : Dans les fonctions que vous occupez présentement,
est-ce que, le volet patient, vous avez regardé aussi cette réalité?
Qu'est-ce qui fait que, si moi, je suis suivie par mon médecin de famille dans
un CSSS, je pourrais éventuellement le
suivre s'il décidait de quitter le CSSS pour s'en aller dans une clinique?
Qu'est-ce qui fait qu'un patient,
lui, va continuer à suivre le médecin? Ou qu'est-ce qui fait qu'il ne le suivra
pas, le médecin, nécessairement, dans son choix?
Mme Girard
(Isabelle) : En général,
s'il ne le suit pas, c'est une question de proximité, souvent. C'est une
question de distance ou... Je vous
dirais qu'en tout cas, dans cette situation-là puis dans d'autres que j'ai
vues, les patients vont suivre leur
médecin parce qu'ils ont confiance en leur médecin, parce qu'ils ont une belle
relation avec eux, puis ça, c'est important.
Mme
Richard : Dernière petite
intervention, pour laisser la parole à mon collègue. Est-ce que vous avez
entendu des propos provenant des patients où, au-delà de suivre le
médecin parce qu'il va continuer à assurer le suivi, ils trouvaient des meilleurs services, que ce soit au
niveau d'un psychologue, diététicienne, ou autres, qu'ils n'auraient pas
nécessairement, peut-être, retrouvés dans un CSSS?
Mme Girard (Isabelle) : Pas nécessairement. Parce que, vous savez, au
sein des cliniques, on fait plein d'ententes aussi. Puis, comme je vous disais, ce qui est un défi actuellement,
c'est qu'avec un CSSS on arrive à faire une entente, puis l'autre CSSS
n'a pas les mêmes ressources. Donc, on essaie de travailler là-dessus quand
même.
Mme Richard :
Merci. Je comprends qu'il le fait pour suivre son médecin, c'est ça?
Mme Girard
(Isabelle) : Oui.
Mme Richard :
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Tanguay) : Et, pour encore un peu moins de 3 min 30 s,
le collègue de Rosemont.
M.
Lisée : Merci. Madame, merci d'être là. Bon, j'essaie de
décomposer le financement, là, de la clinique. Alors, le médecin qui arrive chez vous, qui passe de 800
à 2 500 patients, il est payé à l'acte, alors donc son revenu a
augmenté considérablement?
Mme Girard
(Isabelle) : Oui. Oui.
M. Lisée :
Mais le revenu qu'il donne à la clinique, c'est un loyer?
Mme Girard
(Isabelle) : Tout à fait.
M. Lisée :
Et vous dites que les loyers baissent à cause de la concurrence avec les
cliniques?
Mme Girard
(Isabelle) : Oui.
M.
Lisée : Et c'est-à-dire que, là, il y a un volume qui a
augmenté, le revenu du médecin a augmenté, mais pas le revenu de la
clinique? Et donc vous dites...
Mme Girard (Isabelle) : Les dépenses de la clinique continuent
d'augmenter également avec l'inflation, avec les différents...
M.
Lisée : C'est ça. Et là vous dites, donc : Soit par les
frais accessoires, soit autrement, l'État devrait compenser. Ne pensez-vous pas que, justement, le médecin
devrait davantage compenser? Est-ce qu'il n'y a pas un problème ici de non-participation du médecin aux frais de la
clinique, même si la clinique lui offre l'infrastructure nécessaire pour
augmenter le service, mais augmenter aussi sa rémunération?
Mme Girard (Isabelle) : Effectivement. On doit être honnêtes avec vous,
c'est un défi actuellement, et on aimerait beaucoup travailler avec les différentes instances à trouver une
solution à ça. Mais il n'y a pas de doute que l'argent, les montants qui sont remis aux médecins devraient
être payés directement aux cliniques et non directement aux médecins, parce
que, là, c'est ça, les batailles de loyer se font aller, et ça devient un défi
au quotidien.
M.
Lisée : Alors, on a un très beau cas de privatisation du revenu
du médecin et de socialisation des dépenses de la clinique. Merci.
Mme Lamarre :
Moi, j'aimerais savoir... Quand, actuellement, il y avait une prise en charge
pour un patient vulnérable, dans le contexte actuel, le médecin reçoit
200 $. Il reçoit une prime de 200 $, on en a déjà entendu parler.
Mme Girard
(Isabelle) : C'est ça, un forfait.
Mme
Lamarre : Mais qu'est-ce qu'il y a d'inclus dans ce 200 $
là? En quoi s'engage le médecin quand il touche ce 200 $ là?
Mme Girard
(Isabelle) : Vous savez, les médecins sont payés à l'acte, mais tout
ce qui est forfait va leur être payé directement à eux dans leurs comptes
personnels, donc les cliniques n'ont pas accès à ça. Donc, on ne va pas chercher le montant de loyer qui devrait être
applicable sur ces forfaits-là nécessairement. Je ne vous dis pas que c'est
une généralité. Ça se voit dans certaines
cliniques, dans d'autres... Ça reste quand même de l'individualisme. Donc,
est-ce que le médecin accepte, lui,
d'être honnête? Il y en a qui le font puis qui disent : Bien, regarde,
oui, ça te revient. Puis, il y en
d'autres, bien, ce n'est pas possible. Puis, comme je vous dis, la compétition
fait en sorte que ça devient plus difficile.
• (20 h 20) •
Mme
Lamarre : C'est une information pertinente. Mais moi, je voulais juste
comprendre : Est-ce que, dans vos
cliniques, si vous avez un médecin qui a eu
une inscription d'un patient vulnérable, il doit automatiquement, par exemple, offrir
du temps en accès ouvert? Parce que
ce qu'on a entendu, c'est : Certains patients et certains médecins, là,
mais... donc, des patients avaient
été inscrits avec un médecin, le médecin avait reçu le 200 $, mais, dans
les faits, le patient était vu une
fois dans l'année seulement pour son rendez-vous régulier, quand il n'était pas
malade, mais, en cas d'urgence, infection
urinaire ou quelque chose, il n'y avait pas de disponibilité du médecin. Donc,
moi, je dis : Qu'est-ce qu'on avait comme vision dans la notion de prise en charge pour ce contexte-là? Il y
a d'autres endroits où je sais que des médecins ont travaillé très fort avec
les patients, ont vu les patients régulièrement, mais on a quand même aussi
entendu parler de ces situations-là. Donc, dans une clinique plus encadrée,
est-ce que vous avez des exigences particulières, puisque vous avez
aussi l'accès ouvert?
Mme Girard
(Isabelle) : Tout est dans
l'organisation de travail puis le travail multidisciplinaire pour offrir et
encadrer cette clientèle vulnérable là et travailler en collaboration avec les
médecins pour offrir justement un service adéquat et une prise en charge
vraiment adéquate et globale de la santé du patient.
Mme Lamarre : Est-ce que vous avez
des infirmières praticiennes spécialisées dans ces cliniques?
Mme Girard
(Isabelle) : Il y a les
cliniques-réseaux, les cliniques-réseaux intégrées ont effectivement accès aux
infirmières praticiennes. Ça a été démontré,
ces infirmières-là sont un ajout vraiment important et qui aide énormément
la qualité de travail des médecins. Ça
permet de déléguer beaucoup. Il y en a encore beaucoup, de travail, à faire au
niveau de la délégation des actes, que ce soient les ordonnances collectives
données aux infirmières, que ce soit le travail à faire avec les pharmaciens aussi. Je pense que la
clinique est le centre, mais elle doit travailler avec l'ensemble des
intervenants.
Le Président
(M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons céder maintenant la parole
à notre collègue de Lévis pour une enveloppe de temps de
8 min 30 s.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le
Président. Merci, Mme Girard, d'être là. C'est intéressant, ce que vous
nous racontez. En fait,
confirmez-moi... On parle beaucoup de gestion, et vous le dites, dans
l'organisation, dans la gestion, dans
le financement, bon, et c'est à plusieurs reprises évoqué à travers votre
mémoire. Vous êtes un peu, actuellement, victimes du marché,
manifestement.
Mme Girard
(Isabelle) : On est
victimes, je crois, d'une évolution et d'un développement, au sein des
cliniques, qui est encadré par une
loi de l'assurance maladie qui date de plus de 40 ans et de tout
l'avancement technologique qui n'a, je crois, pas été pris en compte
dans tout ce développement-là aussi.
M. Paradis (Lévis) : En fait, qui
n'a pas suivi, en quelque sorte.
Mme Girard (Isabelle) : Ça n'a pas
suivi, exactement.
M. Paradis (Lévis) : Bon. Et en même
temps vous faites affaire avec des professionnels et vous dites : Bien, quand ils changent, et qu'ils comprennent, et
qu'ils arrivent dans les cliniques, on voit que leur pratique, même
dans la qualité de vie à travers leur pratique, c'est beaucoup
plus efficace, c'est beaucoup plus productif, et, bon, ils gagnent au change. Le médecin de qui vous parlez est sensible
à votre argumentation? Parce qu'il doit bien s'en rendre compte que le marché
le favorise, bien sûr, et qu'en ce sens-là... tout l'accompagnement technologique
puis multidisciplinaire que vous assumez, à
travers ce que vous nous dites, à défaut de pouvoir avoir les montants requis
tels que vous le souhaiteriez, bien
là, il est conscient de ça. Il profite du marché, lui aussi, en disant :
Bien, écoutez, c'est comme ça que ça marche ou je ne m'en viens pas avec
vous?
Mme Girard
(Isabelle) : Oui, tout à
fait. Mais ce qu'il faut savoir, c'est que tous ces changements-là ne se font
pas sans crainte. C'est des décisions qui
viennent de loin, qui prennent beaucoup de temps à prendre, et malheureusement
on n'a pas encore un gros historique qui
permet de mettre autant la population que les médecins en confiance par rapport
à tout ça. Donc, ça reste quand même, là,
quelque chose qu'il faut qu'on travaille avec eux puis qu'on leur donne
l'encadrement nécessaire pour leur permettre... Mais c'est des méthodes qui
travaillent... qui rendent leur pratique nettement plus confortable.
Il ne faut
pas oublier non plus qu'un médecin travaille dans un environnement qui lui
permet de développer, lui, des
méthodes d'efficience dans sa pratique au quotidien. Et là, quand j'arrive en
disant : On change toute la façon de faire, évidemment c'est
complètement déstabilisant, là. C'est une gestion de changement très, très
lourde à laquelle il faut penser, et c'est
là, je crois... Je pense qu'elle est là, la crainte des médecins d'aller un peu
plus de l'avant. Ils savent, ils connaissent...
À peu près tous les médecins connaissent d'autres médecins qui ont tenté
l'expérience et qui ont réussi, et qui
a donné des bons résultats. Par contre, souvent, ils sont conscients aussi que
ce médecin-là... Comme la médecin dont je
vous parle, évidemment, c'est sûr qu'elle était encadrée par d'autres médecins
qui avaient de l'expérience, par une équipe multidisciplinaire, par une gestionnaire qui était présente, qui l'accompagnait avec le dossier médical
électronique. Tu sais, c'est un ensemble aussi. Ce n'est pas un seul
élément. C'est vraiment... C'est un tout.
M. Paradis
(Lévis) : Vous m'avez parlé
tout à l'heure... Vous nous avez parlé de l'expérience patient, évidemment
dans un contexte de nouvelles façons de
faire, puis il y a l'expérience médecin, par exemple. Et qui, à travers votre
analyse et votre expertise à vous, a le plus de difficultés à faire
cette transition-là? Ce sera le médecin ou le patient?
Mme Girard (Isabelle) : Je dirais que c'est à peu près
50-50. Comme je vous l'ai exprimé dès le début, il y a autant un travail à faire auprès de la population
qu'un travail à faire auprès des médecins. Et les médecins, des fois ils
le veulent, mais ils ne savent pas comment
l'appliquer. Et, comme je vous le dis, il y a un coût associé à ça. Et souvent
les finances ne sont pas là pour appuyer ce désir de changement.
M. Paradis (Lévis) : En fait, pour vous permettre de donner l'appui significatif à celui que
vous irez chercher dans une clinique.
Mme Girard (Isabelle) : C'est ça. C'est sûr et certain que toute cette
gestion-là va demander peut-être un peu
de secrétariat, va demander du support, d'avoir une équipe un petit peu plus
lourde pendant un certain temps pour accompagner...
Parce que c'est un travail aussi de gestion de changement auprès du personnel
de soutien, dans la clinique, à apporter. Donc, tout ça également a un
coût.
On
le sait, la situation n'étant déjà pas évidente au niveau des finances, bien,
les gestionnaires doivent faire des choix
et prioriser certaines choses, des fois. Puis c'est souvent... S'il y a un seul
médecin dans la clinique qui veut, c'est un gros investissement.
M. Paradis
(Lévis) : Mme Girard, vous nous avez parlé de cet exemple de
cette médecin qui est passée de 800 patients
à 2 500, voire 3 000. Ça fait plaisir au ministre
d'entendre ça, et surtout que vous disiez que ça se passe très bien. Mais ce n'est pas le cas de tous vos
médecins non plus. Voyons les choses de façon réaliste également.
Pour celle-ci à 2 500,
3 000... Et, même là, le Collège
des médecins disait plus tôt, puis on en parlait parce qu'ils étaient ici, que,
la norme à 2 500, 3 000, on
questionnera la qualité de la pratique. Mais disons que ça va bien. Vous
demandez quand même, à travers vos
recommandations et dans votre conclusion, de prévoir dans le p.l. n° 20
une charge de travail compatible à la réalité, avec un équilibre qualité
de vie, conciliation travail-famille. Alors, ce n'est pas un portrait harmonisé
d'une pratique comme celle-là.
Mme Girard (Isabelle) : Je vous disais : Il ne faut pas le prendre
de façon individuelle. Ce n'est pas une seule action, ce n'est pas
seulement l'«advanced access» qui a été mis en place, c'est un accès adapté
entouré d'une équipe multidisciplinaire, entouré d'un encadrement et d'une
gestion du changement. Donc, c'est vraiment un tout qu'on a apporté, à ce médecin-là, qui lui a permis de
faire l'expérience et de réussir. Et, comme je vous le dis, elle est
superheureuse. Et je vous dirais
qu'en général, des témoignages qu'on a, les médecins réussissent tous à
augmenter au moins... tu sais, de façon
assez importante le nombre de clients qu'ils peuvent voir ou de sans
rendez-vous disponibles pour leur clientèle, et tout.
M. Paradis (Lévis) : Mais vous êtes aussi consciente du fait que — probablement, corrigez-moi, vous y
êtes — des
médecins décideront et jugeront, je le mets
entre guillemets, là, le quota réclamé comme étant inapproprié à leur style
de pratique.
Mme Girard (Isabelle) : Tout à fait. Je pense qu'il faut savoir respecter
ça également. Par contre, la plus grande majorité des médecins ou... Je pense que l'avenir aussi, dans
l'organisation des soins, passe par ce genre de solution. Mais, comme je
vous le dis, c'est un défi justement pour le gestionnaire d'une clinique de
dire : Bon, bien, écoute, moi, à l'intérieur de ma clinique, j'ai
22 médecins. J'en aurais peut-être 10 qui seraient d'accord. Les 12 autres
ne sont pas intéressés ou ne sont pas prêts
encore, et tout. Donc, ils vont peut-être le devenir à voir l'expérience des
autres par la suite, mais c'est d'y aller aussi graduellement.
Mais,
comme je vous le dis, je pense que la solution maîtresse, ce n'est pas juste de
dire : Changez votre façon de
faire, c'est : Changez-la, mais on va être là, puis on va vous tenir la
main, puis on va vous accompagner là-dedans. Et cachons-nous-le pas, ça ne sera pas nécessairement facile pendant les
premiers temps, mais on vous garantit qu'au bout il va avoir un résultat
positif autant pour votre patient que pour vous.
M. Paradis
(Lévis) : Partagez-vous l'inquiétude manifestée par certains du fait
que des médecins plus âgés décideront de laisser la pratique à un certain
moment donné? Vous gérez des cliniques médicales...
• (20 h 30) •
Mme Girard
(Isabelle) : C'est une crainte et c'est des témoignages que nous
recevons dès maintenant. Les médecins, avec la loi n° 20, actuellement...
Le projet de loi n° 20, on a plusieurs médecins qui sont en préretraite,
qui travaillent trois, quatre jours-semaine,
qui disent : Je ne serai pas capable de garantir l'assiduité. Dans ce cas-là, bien, tant qu'à faire trop, bien, je suis aussi bien de
partir tout de suite en retraite, puis je ferai autre chose, je me
consacrerai d'une autre façon, etc.,
mais je vais laisser, je vais fermer mon cabinet. Mais là on comprend que, quand même, ces médecins-là, souvent c'est des médecins, justement, qui ont une
expertise, qui ont une façon de faire un petit peu plus développée, donc ils sont capables d'avoir... ils ont souvent plus
de patients inscrits, c'est du 2 000 patients, 3 000 patients.
Et donc, là, si ces cliniques-là
ferment, les petites cliniques, et tout, où c'est les médecins retraités, bien,
à ce moment-là, il va falloir récupérer en quelque part les patients, là.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à
l'échange avec les parlementaires. Nous vous remercions donc, Mme
Girard, représentante de l'Association des cliniques médicales du Québec.
Le
temps de laisser les autres représentants prendre place, nous allons suspendre
momentanément nos travaux.
(Suspension de la séance à 20 h 31)
(Reprise à 20 h 35)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux. Nous recevons
maintenant les représentants de Concerto groupe santé. Bienvenue à votre
Assemblée nationale. Vous disposez d'une période
de 10 minutes pour votre exposé. Pour des fins d'enregistrement, nous vous
prions de bien vouloir vous identifier ainsi que le titre de vos
fonctions et responsabilités. Après votre présentation de 10 minutes, une
période d'échange s'ensuivra avec les parlementaires. Alors, la parole est à
vous.
Groupe Santé Concerto
inc. (Concerto)
Mme Chabot
(Guylaine) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les
députés, merci de nous entendre ce
soir. Je suis Guylaine Chabot, associée et vice-présidente, Affaires
stratégiques et administratives; Dr Alain Larouche, médecin de famille, urgentologue, gestionnaire des
affaires médicales aux niveaux local, régional et national du réseau de la santé de 1985 à l'an 2000, aujourd'hui
président du Groupe Santé Concerto et membre du comité de discipline du Collège des médecins; le Dr Gerry Bédard, médecin
de famille, toujours en pratique en GMF, tour à tour urgentologue et
chef de département DSP, aujourd'hui vice-président, Affaires cliniques et
organisation des services.
Le Groupe
Santé Concerto est une société privée constituée de médecins de famille, de
gestionnaires et d'infirmières issus
ou encore en pratique au sein du réseau de la santé et qui épousent les valeurs
d'un système de santé public, universel, viable et de qualité.
Au cours des
dernières années, nous avons eu le privilège de participer aux réformes de
notre système de santé. Malgré
certains succès, nous avons pu assister à de nombreux rendez-vous manqués en
raison d'une incapacité du réseau et de ses médecins d'assurer sa
viabilité et de s'adapter à l'évolution des besoins de santé de la population.
Pour cette
raison, nous avons conçu et financé un modèle de soins, basé sur les meilleures
pratiques professionnelles observées
dans le monde, pour s'attaquer au défi de l'heure, celui des maladies
chroniques. Nous y priorisons les personnes les plus vulnérables de notre société non seulement en raison de leurs
besoins, mais parce que le fait de bien coordonner les soins et les services de ces patients permet
de générer des gains d'efficience significatifs. Le modèle se traduit notamment
par des algorithmes de décision basés sur
les lignes directrices et adaptés à la présence de plusieurs pathologies chez
un même patient. Des logigrammes
fonctionnels indiquent également le partage des rôles de chacun des membres de
l'équipe interdisciplinaire pour
ainsi assurer une coordination optimale des soins auprès des malades
chroniques. Alors, pour le bénéfice de
la population qui nous écoute, quand on dit «maladies chroniques», on parle de
diabète, hypertension, dyslipidémie,
asthme, autres maladies pulmonaires obstructives chroniques, insuffisances
cardiaque, rénale, santé mentale, troubles
du déficit de l'attention et les maladies articulaires inflammatoires. Alors,
je cède la parole à Dr Alain Larouche.
M.
Larouche (Alain) :
Alors, le diagnostic au sujet du problème de l'accès aux services médicaux,
notamment à ceux des médecins de
famille, fait consensus. Comme l'objectif du projet de loi n° 20 vise à
optimiser l'utilisation des ressources
médicales et financières du système de santé en vue d'améliorer l'accès aux
services de médecine de famille et de
médecine spécialisée à la population de toutes les régions du Québec, nous ne
pouvons être en désaccord, du moins sur
le fond. Nous croyons cependant que l'occasion est belle de conjuguer cet
objectif à ceux poursuivis par la loi n° 10 en favorisant des initiatives concrètes
d'amélioration de l'offre de services de santé, dans le contexte du
regroupement des établissements et de ses structures décisionnelles,
incluant celles des médecins.
Le réseau de la santé est en ce moment convié à
une adaptation de l'offre de soins aux patients, actuellement morcelée, compartimentée, mal coordonnée et trop
souvent discontinue. Le rôle des médecins dans cette adaptation est majeur et requiert une approche innovante
caractérisée par la collégialité ainsi que par le travail interdisciplinaire et
un réseau de services. C'est pourquoi
nous prônons l'ajout de mesures axées sur la rentabilité d'une approche
collective de la pratique des médecins.
Concrètement,
il s'agit d'établir une alliance stratégique entre les établissements et les
médecins en vue d'offrir... excusez-moi,
en vue d'une offre de services pertinente, structurée et pratico-pratique
auprès des clientèles les plus coûteuses pour notre système de santé : les malades chroniques. Les maladies
chroniques touchent 50 % de la population, occasionnent plus de 75 % des dépenses en santé et
augmentent à une vitesse fulgurante, ce qui met en cause la pérennité de notre
système de santé public. À titre
d'exemple, un lit sur deux est monopolisé en tout temps par à peine 3 % de
la population du Québec. C'est un phénomène qu'on observe ailleurs,
d'ailleurs, aussi.
Nous proposons aussi de créer un effet levier
majeur non seulement sur l'accessibilité, sur la continuité et la fluidité des services, leur efficacité et leur
efficience, mais aussi sur les résultats de santé des patients, sur leur
satisfaction et la participation à
leurs soins. Nous croyons que le contexte budgétaire actuel favorisera ce type
d'alliance, pour autant que des modalités budgétaires et d'allocation de
ressources soient mises en place, ce qui fait également l'objet de nos
recommandations.
• (20 h 40) •
Alors, nous avons, au sujet des médecins de
famille, six points sur lesquels nous voulons insister.
1° La liste
des activités médicales apparaissant au projet de loi devant être dressée par
l'agence sur recommandation du DRMG
ne comprend pas de mention spécifique pour le suivi des patients chroniques en première ligne médicale, en lien étroit avec la deuxième et troisième ligne de
soins. La solution la plus efficace pour ce type de problème
est celle d'une première ligne bien organisée, bien outillée et bien
mesurée.
2° Réduire progressivement à 10 ans
l'obligation de répondre à des activités médicales en établissement afin de
créer un changement de culture qui incitera
les médecins de famille à faire plus de prises en charge en première ligne.
Cela aura pour effet
de réduire progressivement de 40 % vers 20 % les activités médicales
exercées en deuxième ligne par les médecins de famille, rendant ainsi le
Québec comparable aux autres provinces.
3°
La pertinence d'une responsabilité collective, c'est-à-dire une gestion du
respect des règles par les pairs et des mécanismes de reddition de comptes, au lieu d'une responsabilité
individuelle devrait être évaluée en vue de favoriser le travail en collégialité. Nous croyons qu'une
population inscrite auprès d'un groupe de médecins de famille, dont le total
de personnes inscrites serait au moins égal
à la somme des inscriptions, tel qu'il va être prévu ou demandé dans le
règlement à venir, de chacun des
médecins qui composent ce groupe, serait une approche plus attrayante pour les
médecins. Les GMF et les
cliniques-réseaux pourraient se prêter à cette formule. Cependant, la
reconnaissance de cette responsabilité collective
devrait être rendue dans le cadre d'un projet clinique et organisationnel du
réseau local de services, qui est prévu à la loi de la santé et des
services sociaux.
La
rémunération comprendrait ainsi deux volets : a, un paiement global pour
l'inscription d'une clientèle auprès des
médecins du groupe, comprenant le suivi tant par les médecins que par les
professionnels travaillant en interdisciplinarité avec le médecin, et un paiement à l'acte pour le
diagnostic et le traitement de problèmes ponctuels, par exemple les patients
qui se rendent au sans rendez-vous.
4°
Nous croyons que les groupes de médecins doivent être soutenus par une équipe
interdisciplinaire de proximité. Celle-ci
doit être outillée avec des approches standardisées de soins et de suivi et des
outils permettant de suivre des patients chroniques, dont les patients chroniques complexes, laissant ainsi plus
de temps aux médecins de famille pour porter des diagnostics et
prescrire des traitements, ce pour quoi ils sont les mieux formés.
5°
Des résultats en lien avec l'état de santé des patients et avec l'efficacité et
l'efficience des processus devraient être
fixés tant à l'établissement du territoire qu'au réseau de services de santé et
de services sociaux et être inclus dans le projet clinique et
organisationnel du réseau local visé aux articles 99.2 à 99.8 de la LSSSS.
Et
finalement, 6°, ces résultats devraient être mesurés tant pour des fins
d'adaptation de l'offre de services que pour des fins de reddition de
comptes. Gerry.
M. Bédard (Gerry) : Donc, au regard des médecins spécialistes, la compréhension que nous
avons des articles 10, 11 et 12
du projet de loi est de rendre l'accès aux services de consultation des
médecins spécialistes plus facile, que
ce soit à l'unité d'urgence ou en mode électif. Ils visent également à faire en
sorte que, lorsque le nombre le justifie, les médecins spécialistes reprennent la responsabilité du suivi des
patients hospitalisés. Une conséquence souhaitable de ces mesures est de soulager la tâche des médecins
de famille en milieu hospitalier, donc beaucoup plus élevée que leurs collègues du reste du Canada, rendant notamment
leurs services plus disponibles en première ligne de soins. Nous sommes
d'accord avec cette approche.
L'un
des grands défis à relever est celui de s'assurer de l'équité dans le partage
des tâches entre les spécialistes d'une même spécialité pour l'ensemble
de la population desservie. Tout comme pour les médecins de famille, nous croyons que le projet de loi n° 20 devrait
miser sur la reconnaissance de la participation d'un médecin à un effort
collectif d'un groupe de médecins
pour rencontrer les obligations reliées aux privilèges accordés à chacun de ces
médecins. Une telle disposition
permettrait à un groupe de médecins d'en arriver à une répartition des tâches et
des privilèges qui ferait consensus.
Au
regard des coûts et du financement, d'entrée de jeu nous affirmons que le
scénario le plus onéreux entre tous est
celui du statu quo. Affirmer le contraire serait de conclure que les fonds
affectés actuellement aux soins et aux services le sont de manière
optimale, ce qui n'est évidemment pas le cas.
Dans le cadre de la
commission parlementaire sur le projet de loi n° 28, nous avons soumis des
modalités budgétaires et des modalités de
financement qui pourraient permettre de soutenir le réseau dans des changements
qui ne peuvent plus être repoussés. L'intention ici est d'instaurer un
mécanisme incitatif, sous forme d'accès à des services professionnels et à des outils normalisés pour la prévention et la
gestion des maladies chroniques ainsi que la promotion des saines habitudes de vie, et cela pour faire en
sorte que les CISSS et les CIUSSS se dotent d'une approche structurée et standardisée et puissent capitaliser notamment
sur les économies engendrées, sur les gains d'efficience, les gains de productivité et sur l'amélioration de l'état
de santé et de la satisfaction des patients.
En conclusion, dans
notre mémoire, nous avons illustré les gains d'efficience potentiels d'un tel
mode de fonctionnement, selon notre expérience d'un projet à valeur ajoutée
réalisé sur deux ans avec la collaboration de deux GMF comptant quelque
25 médecins. On peut y lire que les gains d'efficience cumulatifs pour un
CISSS et trois GMF, sur cinq ans, sont de l'ordre de 12 millions de dollars, soit l'équivalent de trois fois les coûts
investis : 4 millions de
dollars. Projetés sur l'ensemble de la population
du Québec sur 10 ans, il s'agit de gains nets de l'ordre de 30 millions de dollars, et on parle ici d'une population de 50 000 habitants.
Nous pourrons répondre à vos questions à ce sujet.
Nous
pourrons aussi, si le temps le permet, vous expliquer les résultats de la seule
prise en charge de 58 patients dits
complexes, pendant une période de trois mois, qui a permis d'économiser
16 jours-civière et 56 jours d'hospitalisation. Nous pourrons parler des résultats de l'expérience
des patients et de la satisfaction au travail de l'équipe interdisciplinaire
en première ligne.
Il
nous fera enfin plaisir de vous parler plus en détail du modèle de
rémunération, lorsque les médecins participent à l'élaboration et au suivi des plans d'intervention interdisciplinaires
individualisés, dans un tel mode de dispensation de soins.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, s'ensuit maintenant
une période d'échange pour une période de 20 minutes. Je cède
maintenant la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, je ne veux pas faire
d'impair, c'est Mme «Chabotte» ou Dre «Chabotte»?
Mme
Chabot (Guylaine) : Chabot, oui.
M.
Bédard (Gerry) : Madame.
M. Barrette : O.K. Chabot?
Excusez-moi. Dr Larouche, on s'est
connus, et Dr Bédard. Je ne sais pas si vous êtes encore en pratique.
M. Bédard
(Gerry) : Oui, tout à fait.
M.
Barrette : Écoutez, bien, je vous remercie. On passe une soirée très
intéressante, parce qu'on a des angles très
différents de ce que l'on a eu ce matin. Je suis content de voir que vous ne
nous demandez pas d'investir 1 milliard de dollars pour améliorer
le système de santé. C'est intéressant de voir ça.
Ceci
dit, et je vais vraiment vous donner la parole, parce que les éléments, les six
éléments que vous venez d'énumérer,
on est d'accord, je vous suis là-dedans, là, il n'y a aucun problème. Et je
vais les repasser rapidement. Juste pour
que j'aie bien compris, là, vous nous proposez, au premier point, d'inclure des
heures d'AMP de suivi de maladies chroniques.
C'est ça? Parfait. Je comprends... parce qu'il y a peu de gens qui le disent
comme ça, vous ne voulez pas que les
médecins de famille sortent de l'hôpital, vous voulez qu'ils réduisent
l'hôpital. Mais, à long terme, vous ne voulez pas qu'ils sortent, hein? Il n'y a pas beaucoup de monde qui le disent
comme ça. En troisième lieu, la pertinence, on est tous d'accord avec
ça. En quatrième lieu, la responsabilité collective, et ainsi de suite.
Là,
du côté de la rémunération, là, pour moi, ce n'est pas clair, ce que vous me
proposez. Mais c'est clair... Ce n'est
pas vrai, là, mais je vais vous dire... En fait, c'est moi qui n'est pas clair,
mais je vais l'être dans un instant. Quatrièmement,
l'interdisciplinarité, la proximité, ça va. Cinquièmement, c'est la
performance. C'est une tarification qui
dépend de la performance, selon des indicateurs, l'hémoglobine glyquée, des
choses comme ça. Sixièmement, c'est le
cousin de 5°, là, où vous mesurez. Et là, pour ce qui est des médecins
spécialistes, ça, ça va, on s'entend. Vous recherchez à avoir des médecins traitants plutôt que des
médecins consultants. J'ai bien compris, même si ce n'est pas comme ça que
vous l'avez dit.
Et
là arrive, là, votre... Vous prenez comme exemple... Vous nous avez dit que
vous seriez prêts à en parler, puis là je vais vous donner
15 minutes, là, ça va me faire plaisir. Expliquez-moi ce que vous avez
fait dans les deux GMF et trois CSSS, là, parce que, celle-là, je ne l'ai pas
comprise, parce que vous ne l'avez pas détaillée.
Maintenant,
je vais être plus clair : Servez-vous de l'exemple que vous avez donné
pour nous expliquer ce que vous nous
proposez qui garantirait un meilleur accès. Et je vous pose une première
question avant de vous laisser la parole pour nous expliquer le reste : Est-ce que je comprends que vous
comprenez qu'il y a de la capacité dans notre réseau qui n'est pas
exploitée, là, et que notre organisation des services fait en sorte que l'accès
n'est pas là, dans mon esprit, et comme le
groupe d'avant vous l'a bien exprimé, un, en termes d'offre de services, en
termes de temps, et, deux, en termes d'organisation
du travail? Moi, je comprends que vous avez la même lecture que nous autres
là-dessus. Et là vous avez fait quoi
exactement? Puis qu'est-ce que... C'est quoi que vous proposez exactement pour
arriver à ça : plus d'accès, plus de disponibilité? Ça, ce n'est pas clair. Donc, expliquez-moi le
12 millions en me disant, à la case départ, si vous êtes d'accord
que notre réseau a de la capacité non exploitée actuellement.
• (20 h 50) •
M. Larouche (Alain) : Je vais aller avec quelques points d'information
complémentaires, puis je vais laisser la parole à Gerry pour ce qui est
de la suite.
Vous
savez, M. le ministre, dans notre réseau, là, tout le monde connaît les bons
termes. Le quoi, là, il est assez bien
connu : il faut s'occuper des malades chroniques. Nous, on est dans le
comment. On est vraiment venus vous... Pardon?
M. Barrette :
Moi aussi.
M. Larouche (Alain) : On va bien s'entendre. On a aussi une rémunération
uniquement pour... c'est-à-dire une proposition
de rémunération pour vous soulever le fait qu'actuellement les médecins sont
payés, permettez-moi l'expression, quand
ils voient le patient ou quand ils peuvent toucher le patient. Or, un modèle
d'intervention efficace comme on le propose
nécessite que le médecin, oui, porte le diagnostic, institue le traitement,
mais plus le patient est handicapé, plus il est malade, plus il est vulnérable, plus on lui demande de confier
les soins à l'équipe qui l'entoure. Alors, nécessairement, le patient... ou le médecin ne voit pas ce
patient-là, donc, en vertu de notre mode de rémunération, il n'est pas
rémunéré. Donc, l'idée d'y aller avec une rémunération pour l'ensemble
des activités qui sont faites dans ce contexte-là.
On
est aussi de l'école de croire qu'il y a assez d'argent dans le système de
santé, on le dit publiquement, je l'ai même
écrit dans des chroniques auxquelles je participe. Vous savez, le problème de
l'heure, c'est les maladies chroniques, certes, 40 % de la population
adulte au Québec et au Canada souffre d'au moins deux maladies chroniques et
plus. Mais, de la façon dont on est
organisés actuellement, c'est très, très morcelé. Alors, le patient qui est
diabétique, hypertendu, insuffisant
cardiaque parce qu'il a fait son infarctus, déprimé parce qu'avoir tout ça on
peut être déprimé, bien, il doit cogner à plusieurs portes. Ça coûte une
fortune, en plus de donner des mauvais résultats. Le manque de coordination est
un symptôme ou un problème majeur, et le
fait qu'on n'aborde pas les problèmes conjoints, concomitants chez un même
patient cause aussi un problème. Donc, on
préconise beaucoup, aussi, le suivi simultané de ce qu'on appelle les comorbidités,
là. Là-dessus, Gerry, j'arrête. Vas-y pour le GMF, comment on a fait ça.
M. Bédard
(Gerry) : Oui. Donc, ce que
nous avons fait, c'est : à l'implantation du modèle qui comprend une
équipe interdisciplinaire, nous avons sélectionné les patients les plus lourds,
ceux qui consommaient le plus en termes de services d'urgence et de lits d'hospitalisation
à l'intérieur de ces GMF. Une fois identifiés ces patients-là, on a développé
avec l'équipe interdisciplinaire un plan
d'intervention interdisciplinaire, donc adapté pour chacune, je dirais, des conditions
globales de ces patients-là et avons assuré
un suivi serré de ces patients-là, un suivi proactif, donc, de ces patients
plus lourds. Et c'est ainsi que,
comparé et basé, en fait, sur une affirmation d'un dénommé Steven Shortell, aux
États-Unis, qui dit que 3 % de
la population consomme 50 % des lits, donc c'est à partir de ce postulat-là...
on a donc suivi ces patients-là et
regardé ce que les gens avaient consommé dans les trois années antérieures à la
mise en place du projet, et regardé pendant la période où nous avons pu développer les plans d'intervention
disciplinaires, et regardé maintenant la consommation de ces
patients-là, et en sommes donc venus au résultat de la réduction.
M.
Barrette : Ça, ce dont vous me parlez, c'est ce qui avait été fait à
Saint-Jérôme, ce qui se fait actuellement à Chicoutimi, Jonquière. C'est les 50 patients qui sont les grands
consommateurs, puis il y a une équipe multi qui les prend en charge.
M. Bédard
(Gerry) : Pas juste ça. Si
je peux me permettre, il y a une distinction à faire. Ce qui se fait
actuellement beaucoup au Québec,
c'est les grands consommateurs de l'urgence uniquement, et c'est ce qu'on voit
le plus. Nous, notre approche, elle
est en amont, c'est-à-dire à l'intérieur du GMF : Est-ce qu'on est
capables d'identifier, un, oui, les plus grands consommateurs de l'urgence, mais aussi les patients qui sont
hospitalisés le plus souvent? Et, au lieu de travailler à partir de l'urgence, on met vraiment le médecin de famille
et l'équipe interdisciplinaire au coeur de la solution, avec le patient,
pour faire en sorte de réduire la consommation.
M.
Barrette : C'est l'approche du CLSC de Verdun avec l'hôpital. Et je
comprends très bien ce que vous me dites. Là, je ne voyais pas où vous alliez, là, mais là je comprends. C'est
lesquels, les deux GMF, trois CSSS, où vous avez fait ça?
M. Bédard (Gerry) : C'est les deux GMF du
Sud-de-Lanaudière, donc au GMF L'Assomption, et le GMF Médi-Centre à Mascouche.
M. Barrette : Et vous avez dit, je
pense, ou j'ai mal compris, trois CSSS?
M. Bédard (Gerry) : Non.
M. Barrette : J'ai peut-être mal
compris, excusez-moi.
M. Bédard (Gerry) : Un CSSS en fait.
M. Barrette : Un CSSS, O.K.
M. Bédard (Gerry) : Un CSSS qui
était le CSSS du Sud-de-Lanaudière.
M. Barrette : Qui est à
Le Gardeur. O.K.
M. Bédard (Gerry) : C'est ça.
M. Barrette : Alors, je vous laisse
continuer, mais là je saisis bien ce que vous vouliez dire, là.
M. Bédard (Gerry) : O.K. Donc,
conséquemment aussi, avec la mise en place de l'équipe interdisciplinaire, l'augmentation, je dirais, du suivi par les
professionnels autres que les médecins, au niveau de l'accès, quand on parle de
l'accès, est-ce que ça peut augmenter
l'accès? Alors, la réponse, c'est oui. Et on a vu dans ces GMF là augmenter le
nombre d'inscriptions, parce que
les médecins sont libérés, je dirais, des tâches les plus lourdes, qui ne sont
pas nécessairement... Comme
on dit souvent, quand le diagnostic est fait, le traitement est débuté, souvent
les autres professionnels peuvent prendre la relève et assurer le suivi de ces patients-là, atteints d'une
ou de plusieurs maladies chroniques, donc ce qui libère du
temps médecin pour assurer une plus grande prise en charge de patients.
M.
Barrette : Juste pour qu'on
comprenne bien, parce que c'est... est-ce
que vous êtes une équipe externe à
ces deux GMF là, qui est arrivée et
qui a débarqué, ou vous avez demandé à... ou conseillé ou accompagné les gens
de ces deux GMF là pour fonctionner différemment?
M. Bédard
(Gerry) : Alors, on a accompagné les GMF. Ce qui est arrivé, c'est
que, l'équipe interdisciplinaire, ce
sont des professionnels qui ont été délocalisés du CSSS vers les GMF, avec, je
dirais, une gestion de changement, là, très importante pour assurer des modes de pratique et des modes de prestation
de soins différents de ce qui se faisait antérieurement.
M.
Barrette : ...vous, là, est-ce que je dois comprendre que vous êtes
des consultants qui débarquez dans... Vous êtes débarqués à Le Gardeur, vous avez dit : Voici le modèle
qu'on vous propose, on va identifier les 50 grands consommateurs, et là vous proposez de délocaliser
des équipes, mais vous n'êtes pas des praticiens dans ces GMF là, vous êtes
des conseillers. C'est ça?
M.
Bédard (Gerry) : On est des consultants, mais, pour être bien clair,
on n'est pas à l'identification des 50 plus grands utilisateurs, on est plus à la prise en charge globale de la
population, mais avec une attention particulière aux grands malades chroniques, donc basée sur la pyramide de
gestion des maladies chroniques de Kaiser Permanente, qui est 1, 2, 3, 4, là, pour les niveaux, 4 étant la population générale,
mais... c'est-à-dire, 4 étant vraiment les patients les plus complexes. Donc,
vraiment, on identifie et on catégorise les patients selon cette pyramide-là.
M. Barrette : Vous auriez dû me dire
ça au début...
M.
Larouche (Alain) : Si vous permettez, M. le Président. Alain
Larouche. La stratégie est simple. C'est parce qu'il faut que tant le CSSS que le groupe de médecins de famille y trouvent leur
compte, parce que c'est une situation contractuelle
un peu particulière, du fait qu'on dit au CSSS : Délocalise ton personnel
dans les GMF, mais l'avantage que tu
vas en tirer, c'est qu'on va couper des visites à l'urgence et des séjours sur
civière, évidemment, puis des hospitalisations. Donc, sa valeur ajoutée, au CSSS, se situe beaucoup à cet endroit-là,
alors que, pour les médecins de GMF, leur valeur ajoutée, c'est beaucoup de la qualité de l'organisation du travail, donc
le plaisir de se présenter au travail avec une équipe comme ça.
L'exemple du
chef du GMF de L'Assomption, qui cherchait à recruter depuis des années des
nouveaux médecins, il était stabilisé
à huit, on a été deux ans et demi chez lui, puis, quand on a quitté, il était
déjà rendu à 15. Donc, il a recruté dans
le temps de le dire sept nouveaux médecins, avec l'argument central qu'avec les
jeunes médecins qui avaient peur ou qui
étaient craintifs de la lourdeur de s'occuper des malades chroniques il
disait : Bien non, regarde, quand tu vas arriver, c'est cette équipe-là qui va s'occuper de tes plus
grands malades; on te demande tout simplement de venir collaborer pour
le diagnostic puis la prestation de services, et les autres services du GMF aussi.
M.
Barrette : Dans les faits, là, cette intervention-là, est-ce que vous
êtes capables de nous dire l'impact que ça a eu en termes, par exemple, de visites de patients inscrits, de patients
pris en charge dans les deux GMF en question? Est-ce que, par exemple, là, les deux GMF... Je ne sais
pas combien qu'il y a de médecins dans les deux GMF exactement, là, mais admettons qu'il y a 10 médecins de
chaque côté, là, puis qu'ils ne font pas d'hôpital, est-ce qu'ils sont passés
de 15 000 patients pris en charge par GMF à 25 000?
Est-ce que vous avez pu quantifier ce genre de chose là?
M.
Larouche (Alain) :
Oui. Dans le premier GMF, celui de L'Assomption, la courbe a été très
impressionnante, parce que les
médecins ont plongé dans le modèle. De mémoire, ça approchait entre 20 %
et 25 % d'augmentation sur une
période de 18 mois, évidemment qui était assortie de recrutement de
nouveaux médecins aussi. Et, dans l'autre GMF, qui a moins plongé dans le
modèle, qui était plus pratique, un peu plus traditionnel, la hausse a été
moins marquée, parce qu'ils ne
prenaient pas vraiment de nouveaux patients. Ils préféraient voir leurs
patients un peu plus souvent. Mais les résultats de santé pour les
patients, par contre, ont suivi le rendez-vous.
• (21 heures) •
M. Barrette : O.K. Et, toujours pour
bien comprendre, là, en termes de mode de rémunération, qu'est-ce que vous proposez exactement? Là, je comprends que
vous arrivez à l'hôpital, mettons, là, à Le Gardeur dans le cas présent,
mettons n'importe quel hôpital, peu importe, vous délocalisez et vous
relocalisez du personnel. Mais vous avez bien insisté
sur le fait que le mode de rémunération auprès des médecins avait un impact.
Pouvez-vous élaborer là-dessus? Ça, vous
n'avez pas d'influence, là-dessus, là, parce que c'est le paiement RAMQ, là, mais vous faites des suggestions, là.
Vous suggérez essentiellement une rémunération mixte, à toutes fins utiles, là.
M. Larouche (Alain) : Exactement.
Alain Larouche toujours. Dans le GMF qui a moins embarqué dans le modèle, je vais vous dire... C'est que la
philosophie qui est à la base des parcours de soins qu'on propose, des
trajectoires de soins, c'est de dire
aux médecins, comme je le disais en introduction : Plus ta clientèle est
hypothéquée, vulnérable, plus on la confie à l'équipe. Alors, dans le
premier GMF, à L'Assomption, ça a bien fonctionné comme ça. Dans le deuxième, bien, il y avait... leur
rémunération était impactée. Donc, le patient recevait un message double. Donc,
on le confiait à l'infirmière principalement, les diététistes et autres,
mais en même temps le médecin le voyait en parallèle pour s'assurer...
M. Barrette : Ça, c'est de la double
facturation pour le système.
M. Larouche (Alain) : Voilà.
M. Barrette : Et ça, c'est à
proscrire.
M.
Larouche (Alain) : Alors donc, d'où l'idée de dire : Bien, ce
serait peut-être intéressant de regarder un mode de
rémunération — mais
ça on peut laisser libre cours à votre imagination — qui favorise le
transfert du patient vers l'équipe interdisciplinaire sans que le revenu du
médecin soit nécessairement pénalisé.
M.
Barrette : Je fais ce
commentaire-là parce qu'il y a
beaucoup de gens qui tiennent au «par lui-même», là, pour le jargon médical, mais souvent le «par lui-même»
est décrit dans les faits comme étant une double facturation, et ça, pour
le système, ce n'est évidemment pas viable.
Donc, il y a eu de la résistance dans un des
deux. Est-ce que je dois appeler ça comme ça? Oui?
M. Bédard
(Gerry) : Oui, bien, tout à fait. Je pense que ce genre de changement
là n'est pas nécessairement simple à prime abord. C'est vraiment un changement de
culture, un changement de façon de faire dans la dispensation des soins, de déléguer des responsabilités, de,
entre guillemets, lâcher un peu le contrôle pour le donner vers les autres
professionnels. On ne se le cache pas, ça va créer de la résistance.
Maintenant,
dans le GMF qui a le plus embarqué, le GMF L'Assomption, une fois que le projet
de démonstration s'est terminé, les gens... les médecins ont décidé, par
entente avec le CSSS, de garder l'équipe interdisciplinaire presque en totalité et de continuer à travailler sur le
même modèle, donc ce qui donne un peu comme les GMF : quand on les a mis
en place, on avait peur, mais après ça on ne veut plus reculer, on ne veut pas
aller en arrière.
M.
Barrette : Alors, confirmez-moi ce que je sais, mais c'est toujours
agréable de l'entendre d'une autre personne : Les médecins qui avaient peur au départ, qui sont
embarqués dans un des deux, ils n'ont pas perdu un sou, là, ils ont juste
changé leur pratique, parce qu'il y avait du travail en masse, là, on s'entend
là-dessus?
M. Bédard (Gerry) : À ce que je
sache, ils n'ont pas perdu un sou.
M. Barrette : Et le deuxième, bien,
lui, il avait peur d'en perdre. Ça fait qu'ils ont résisté.
M. Bédard (Gerry) : Voilà, c'est ça.
Donc, la résistance était plus grande, et le délai pour, je dirais, faire le
changement complet nous a manqué un peu, là, mais...
M. Barrette : ...plus d'accès dans
le premier que dans le deuxième, augmenté, j'entends.
M. Bédard (Gerry) : Sur la période
de temps, oui.
M. Barrette : Votre équipe
multidisciplinaire était composée de quels types de professionnels?
M. Bédard
(Gerry) : Un peu tous les
types de professionnels. Principalement, on avait trois infirmières de plus.
Donc, à terme, c'était de viser trois
infirmières de plus, une nutritionniste, pharmacien, travailleur social,
inhalothérapeute, physio, ergo et kinésio.
M. Barrette : Et...
M. Bédard (Gerry) : Psychologue
aussi, je m'excuse.
M.
Barrette : Et ces gens-là,
en moyenne, là, macro, là, ils n'étaient pas là tous les jours dans le GMF ou
sur le terrain. Il devait y avoir une périodicité, j'imagine, là?
M. Bédard
(Gerry) : Oui. Bien, en
fait, pour les infirmières, c'étaient des temps-complets. Pour ce qui est des
pharmaciens, inhalothérapeutes, c'étaient
des demi-temps. Travailleuse sociale, à temps complet. Psychologue, physio,
ergo, c'était prévu pour être des demi-temps.
M.
Barrette : Et qui...
Allez-y, Dr Larouche. Bien, peut-être que je vais poser ma question,
puis vous continuerez. Qui assignait
le travail à ces équipes-là? C'étaient les médecins du GMF ou... Le pharmacien,
là, mardi matin, il débarque là, il avait une entente de départ? On
l'informait de va ici, va là? Comment ça fonctionnait?
M. Bédard
(Gerry) : Bien, en fait,
chaque professionnel avait des tâches. Ce qu'on faisait, c'est avec les
trajectoires de soins. Donc, pour
chacune des maladies chroniques, il y
avait des trajectoires de soins qui
étaient déployées, et ces trajectoires-là
étaient... en fait pouvaient être combinées pour avoir le portrait global d'un
seul patient, et, à l'intérieur de
ces trajectoires-là, les tâches et les responsabilités étaient déjà prévues pour les professionnels.
Donc, il y avait une partie qui correspondait aux
trajectoires de soins.
Le deuxième volet, c'était au niveau des plans
d'intervention interdisciplinaires. Donc, pour les patients les plus lourds, les professionnels agissaient vraiment
comme des intervenants directs pour les patients. Donc, ça, c'était une
deuxième partie.
Et une
troisième partie pour différents sujets, notamment, si on parle du
pharmacien, pour les patients polymédicamentés,
donc huit, 10, 12 médicaments, essayer de faire une revue de la médication
et de compliance avec les patients.
M. Barrette : Dr Larouche, je
vous avais interrompu, là.
M.
Larouche (Alain) : Oui, c'est parce que je vous voyais
calculer, M. le ministre, puis je me disais qu'actuellement on serait prêts à déployer dans un autre CSSS qui, lui, a décidé de ne
pas attendre, qui a délocalisé la totalité des membres de son service, qu'on appelle les services
généraux, là, du CLSC, dans les locaux attenants au GMF et... parce qu'il se dit : De toute façon, j'aime autant me mettre en contact immédiatement avec ces médecins de famille là pour organiser l'offre de services en
première ligne, donc je les mets ensemble.
Maintenant, ce qui lui manque, c'est les outils,
puis l'approche, puis la gestion du changement pour permettre à ces gens-là de travailler ensemble. Parce que ce n'est
pas de tous les mettre dans un même local qui va faire en sorte que ces gens-là vont travailler en
interdisciplinarité. Il faut leur donner des outils, puis surtout gérer...
les former et gérer la gestion du changement.
M. Barrette : Alors, une dernière question, il nous reste
20 secondes, je ne peux pas m'empêcher de vous la poser : Vous avez des équipes multi qui s'occupent des
plus complexes, et là il reste autre chose. Est-ce que j'en demande trop
dans mon projet de loi?
M. Larouche (Alain) : Bien, en fait, comme on vous a dit, la stratégie, c'est
qu'on vise ceux qui sont les plus hypothéqués. Mais l'objectif, c'est
qu'avec les gains d'efficience qu'on veut avec ceux-là... c'est d'offrir les
services à l'ensemble de la population, donc dépistage...
Le Président (M.
Tanguay) : Merci...
M. Larouche (Alain) : ...prévention niveau 1, changement des habitudes de
vie, puis on additionne... trajectoire de soins pour les patients qui
sont stables, etc. On grimpe comme ça dans la pyramide.
M. Barrette :
...sont capables de prendre en charge 1 000 patients dans votre
système?
Une voix :
Certainement.
M. Barrette :
Bon, merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci. Je cède maintenant la
parole à la collègue députée de Taillon pour une enveloppe de
13 minutes.
Mme Lamarre :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonsoir, Mme Chabot,
Dr Larouche et Dr Bédard. Merci,
parce que c'est vraiment très rafraîchissant d'avoir votre mémoire, de voir des
pistes de solution qui tiennent compte de la complexité des patients, de la complexité du réseau, de la complexité
des obligations qu'on impose au médecin quand il a à prendre en charge des patients, et puis de la possibilité de
collaboration interprofessionnelle, qui sont, dans le fond, les grands enjeux dont on parle mais qu'on
articule rarement. Et vous, vous avez eu le courage et vous avez démontré
sur le terrain que ça pouvait se faire et que ça donnait des conséquences
positives. Alors, compte tenu de toute cette expérience-là, je vais vous poser
quelques questions un peu plus précises.
Vous apportez une
dimension que j'aime beaucoup, qui va faire image, je pense, pour la
population, c'est la dimension comptes à recevoir, une espèce de provision
d'argent, de sommes qui seraient attribuées quand l'équipe médicale a donné certains résultats
thérapeutiques. Alors, c'est un peu l'équivalent de la prime, mais la prime
après au lieu de la prime avant. Et
j'aimerais ça vous entendre parler de ce modèle-là. Je pense que la
Colombie-Britannique l'a développé,
mais, au Québec, est-ce que vous l'avez expérimenté, sans l'expérimenter
directement? Mais, sinon, juste nous parler du modèle de la
Colombie-Britannique dans ce dossier-là.
M. Larouche (Alain) : Bien, c'est parce que, voyez-vous... Puis ce n'est pas
vrai juste pour nous, c'est vrai pour quiconque
a une idée innovatrice. On va rencontrer la direction de l'établissement puis
on dit : Bien, voici, tu pourrais faire
des gains d'efficience. Mais, pour la direction de l'établissement, c'est une
dépense, parce qu'il dit : Bon, les lits que je vais libérer, la salle d'urgence que je vais libérer, de toute
façon j'ai des listes d'attente, puis ça va se remplir. Alors, c'est très, très prévalent, ça, c'est très ancré
dans l'esprit des gestionnaires. Alors, face à ça... Et puis l'autre, là, c'est
ce qu'on appelle la dictature du
1er avril au 31 mars, c'est : il faut que le dollar investi le
1er avril rende des comptes au 31 mars.
Alors,
on s'est dit : Étant donné que ça prend quand même une injection d'énergie
puis d'argent, de fonds, au début, pourquoi
ne pas permettre à l'établissement de se créer un compte à recevoir, donc
d'inscrire à son bilan, bon, ce qui lui permettrait de respecter son
objectif d'équilibre budgétaire, lequel compte à recevoir serait remboursé par
des gains d'efficience mesurés et convenus avec les autorités ministérielles et
l'établissement, dire : Bien, voici, tu as tant de journées d'hospitalisation, tant de séjours à l'urgence qui ont été
évités. On a mis une telle valeur là-dessus et puis on te donne une période de trois ans, le temps d'être
efficace avec la clientèle puis de générer de réelles économies, de réels
gains d'efficience pour rembourser ce compte à recevoir au bilan de
l'établissement.
• (21 h 10) •
Mme
Lamarre : Alors, ça m'apparaît quelque chose de très intéressant, qui
apporte un incitatif positif plutôt qu'un incitatif négatif. Et ça, je
pense que c'est gagnant.
Vous avez aussi fait
certaines propositions et puis... Vous proposez, par exemple, à la page 6,
de réduire progressivement à 10 ans
l'obligation de répondre aux activités médicales particulières. Or, on voit
que, dans le projet de loi
n° 20, on allonge la période où les médecins étaient ou seraient
susceptibles, là, d'être soumis aux AMP, là, à ces activités médicales particulières. Mais on a aussi
eu des gens qui nous ont dit carrément : Il faudrait aller vers
l'abolition complète des activités
médicales particulières si on veut que les médecins de famille quittent un peu
l'hôpital et redeviennent disponibles en cabinet. Donc, je voudrais vous
entendre sur ce dossier-là.
M. Bédard (Gerry) : Oui.
Bien, en fait, je pense qu'au Québec on a un modèle unique en termes
d'implication des médecins de famille à l'intérieur des établissements
de santé, que ce soit à l'urgence, aux soins intensifs, sur les unités de soins, et je pense qu'on ne devrait pas
perdre cet aspect-là au niveau de la formation médicale et de la qualité que
ça entraîne dans la dispensation des soins. Je pense que c'est vraiment une
valeur ajoutée.
Maintenant,
quand on regarde les difficultés d'accès au niveau des médecins de famille, où
on considère que 25 % de la
population n'a pas de médecin de famille, il y a certainement là, je pense, un
gain à y avoir à réduire les activités médicales particulières. Ce qui
n'empêcherait pas un médecin qui veut continuer à travailler à l'urgence ou
continuer à faire de l'hospitalisation de le
faire, mais l'obligation elle-même pourrait se terminer après 10 années.
Et tout ça, évidemment, pour ne pas
créer de choc non plus, pourrait se faire, je pense, de façon graduelle, sur
l'espace d'à peu près une dizaine d'années, donc en réduisant
progressivement.
Mme Lamarre :
Est-ce que vous avez un avis, une opinion sur le nombre d'heures d'activités
médicales particulières? Actuellement, on
sait que c'est prévu pour être 12, il y aurait des séquences où ça tomberait à
six. Est-ce que vous avez déjà évalué ce qui serait peut-être un ratio
optimal?
M.
Bédard (Gerry) : Pas évalué de façon précise, mais mon expérience
personnelle me dit que... Je pense que 12 heures,
ce qui représente à peu près une semaine de garde aux cinq à six semaines,
mettons, à l'hospitalisation, pour moi,
c'est une exposition suffisante au niveau des spécialistes, et tout ça, pour
l'apport bénéfique, je pense, pour les médecins de famille et aussi en
termes de services rendus aux établissements de santé.
Mme
Lamarre : On l'entend beaucoup, cette formule, là, d'une semaine sur
quatre, cinq ou six semaines, mais il est
sûr que, si on pense à un accès en temps opportun pour un médecin de famille,
ça veut dire que ce médecin de famille là est exclu complètement de son bureau privé pendant une semaine, parce
qu'il est exclusivement à l'hôpital. Et donc ça veut dire, si je vous suis bien, qu'il faut absolument que le reste de
l'équipe assure la continuité. Parce que, dans les faits, ce qu'on
observe très souvent, c'est qu'on dit : Ah! bien là, le médecin n'est pas
disponible pour une semaine, vous rappellerez
dans une semaine, ou dans huit jours, ou dans 10 jours. Alors ça, est-ce
que vous voyez des façons de stimuler l'intérêt des médecins de la
clinique pour accepter de prendre en charge le médecin quand il est absent
pendant une semaine comme ça?
M.
Bédard (Gerry) : Bien, ne serait-ce que l'exemple de l'accès adapté.
Ce qui est recommandé quand on met en
place l'accès adapté dans un GMF ou dans une clinique médicale, c'est de
s'assurer qu'on ait quand même un collègue qui puisse nous couvrir le temps de nos absences, parce qu'au-delà des
semaines à l'hospitalisation on prend aussi des vacances, donc, des congés ou des congrès. Et donc c'est de s'organiser
à deux, trois médecins pour être capables de se couvrir, entre guillemets, à l'intérieur du GMF et de
répondre à la clientèle avec la même rapidité que si le médecin était sur
place.
M. Larouche (Alain) : Si vous permettez, c'est aussi pour ça qu'on recommande
de viser les mesures collectives. Autrement
dit, si un groupe de médecins... parce qu'une veut travailler un peu moins ou avoir
un enfant, l'autre veut avoir un
champ de compétence plus spécifique, mais qu'ensemble ils conviennent de
couvrir une population inscrite qui serait la même si on s'adressait à eux individuellement puis de couvrir les
heures de garde, de couvrir les heures d'ouverture, si on visait...
Parce
que, vous savez, aujourd'hui, un Québécois qui est inscrit, il n'est pas
inscrit auprès d'un GMF, il est inscrit auprès d'un médecin qui est dans un GMF. Alors, quand ce médecin-là
quitte pour retraite ou quoique ce soit, ce patient-là se trouve non inscrit, il se retrouve orphelin.
Alors, d'où l'idée d'essayer de miser sur une rémunération, une rémunération
ou une reconnaissance de la pratique
collective, comme étant éligible, là,
aux objectifs poursuivis par le projet de loi n° 20,
donc de donner un accès puis d'optimiser les ressources médicales et
financières.
Mme
Lamarre : Mais il y avait
déjà, si je ne me trompe pas, dans le modèle des GMF actuellement, une bonification à une
équipe, par exemple, de 10 médecins s'ils acceptaient de prendre
un certain volume de patients vulnérables. Je pense qu'on n'avait peut-être
pas bien défini qu'est-ce qu'il y
avait dans ça, mais, ce genre de partage de responsabilités et de population, je pense que c'est nécessaire. Parce
que, dans les faits, là, les gens vont vous dire : Quand mon médecin part
en vacances pendant trois semaines, il n'y a
personne, on me dit d'aller à l'urgence, là. Il n'y a personne qui prend la
relève très concrètement
actuellement, là, ça se produit beaucoup moins en tout cas que ça se
produisait. Il y a 10 ou 15 ans, on avait ce genre d'échange là, mais là, actuellement, on ne peut pas dire
que c'est courant d'avoir ce transfert ou ce partage de clientèle.
Mme
Chabot (Guylaine) : Si vous me
permettez. Guylaine Chabot. Dans le modèle qu'on préconise, il faut aussi
considérer le fait que notre équipe
interdisciplinaire est présente. Alors, elle est formée, elle est prête à
suivre les patients. Alors, peut-être
que, dans certains cas, la personne n'a pas besoin de voir nécessairement
le médecin, peut voir l'infirmière, le
pharmacien ou, enfin, il y a une équipe qui est présente. Ce n'est pas une
absence totale d'un professionnel de la santé. Alors, en ce sens-là, je
pense que le modèle peut répondre, là, à la préoccupation que vous soulevez.
Mme Lamarre : Il y a un soutien quand même, c'est ça, avec une
continuité, avec des professionnels qui connaissent bien le patient aussi
et à qui le patient fait confiance. C'est intéressant.
Dans la même page, il y avait une autre... le paragraphe 3,
où vous dites : «La pertinence d'une responsabilité collective[...] — c'est un peu de ça dont on parle. Nous croyons qu'une population inscrite auprès
d'un groupe de médecins de famille, dont le total de personnes inscrites serait au moins égal à
la somme des inscriptions...» En lisant ça puis, en passant, parce qu'il faut se ramener à notre
projet de loi n° 20, là, on essaie de voir... il reste qu'il pourrait y
avoir, je dis bien hypothétiquement,
une tentation quand même, même si on travaille en équipe, de privilégier un
ensemble de patients plus légers
qu'un ensemble de patients plus lourds, plus malades, plus complexes. Comment
on pourrait s'assurer que la population qui est choisie est
représentative de l'ensemble de la population?
M. Larouche
(Alain) : Ce qu'on
propose au gouvernement, c'est de donner ce sceau d'approbation là ou d'homologation là à ce GMF une fois qu'on aura
évalué ce qu'on appelle, nous, dans notre jargon, leur indice de maturité,
indice de maturité à prendre en charge la
santé d'une population. Donc, il y aurait une évaluation préalable pour voir où
en est rendu le GMF, et le CSSS,
parce qu'on évaluerait aussi... parce que c'est une alliance entre le CSSS et
les GMF, où ils en sont rendus, avec un plan de conversion pour corriger
les points faibles, donc de s'assurer d'atteindre ce genre d'objectif là. Et
puis, quand le plan de conversion est exécuté, au fur et à mesure, le GMF
pourrait donc recevoir son accréditation
santé populationnelle, et non pas que des clientèles, comme vous le dites, là,
qui pourraient être plus faciles à suivre
parce que moins de complications, moins de vulnérabilité ou absence de problème
de santé mentale, parce qu'on n'aime pas les problèmes de santé mentale
ou des choses comme ça. Oui.
M. Bédard
(Gerry) : Et, si je peux me permettre de rajouter, un des modes de
régulation, si on veut, c'est quand même le guichet des patients
orphelins auquel le GMF est en fait rattaché par sa localisation dans le
territoire. Donc, il y aurait moyen aussi,
par ce biais-là, d'avoir un certain contrôle sur la qualité des patients pris
en charge à l'intérieur d'un GMF et
faire en sorte qu'effectivement il n'y ait pas, je dirais, du «cherry picking»,
comme on dit en anglais, là, de clientèle plus légère.
Mme
Lamarre : Écoutez, je vais vous laisser avec une dernière question,
mais avant, puisque vous allez prendre tout le reste de mon temps pour
répondre, je veux vous remercier, parce que je pense que votre présentation et
votre mémoire illustrent la complexité, la complexité des patients, la
complexité d'un système de santé, la complexité du travail des professionnels de la santé. Vous avez fait valoir la
complémentarité, vous avez montré que c'était possible de le faire, et je pense que vous avez aussi, à
travers ce modèle-là, préservé une sensibilité aux patients, à leurs
propriétés, à leurs effets, à leurs
maladies, à leurs différences, et je pense que ça, c'est un modèle qui est beaucoup
plus proche de la vraie vie des gens, et je pense qu'il apporte ces
nuances-là.
Et ma
dernière question, ça concerne finalement le lien que vous faites entre la
première ligne médicale et les liens étroits
entre la deuxième et troisième ligne, donc avec les spécialistes. J'aimerais
voir quelle est la solution, le modèle que vous trouvez le plus gagnant
dans ce contexte-là.
• (21 h 20) •
M. Bédard
(Gerry) : En fait, j'ai eu l'occasion de développer, au CSSS du
Sud-de-Lanaudière, ce qu'on appelle l'accueil clinique qui est... c'est
un genre de guichet unique d'accès pour les patients que l'on dit subaigus...
Le
Président (M. Tanguay) : ...je dois passer... C'est tout le temps que
la collègue avait, j'ai même excédé de 20 secondes votre temps.
Alors, je vais céder la parole maintenant au collègue député de Lévis pour
8 min 30 s.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le
Président. Bonjour, Dr Larouche, Dr Bédard, Mme Chabot. Je vais
vous permettre de continuer, c'est intéressant. Puis, de fait, hein, je vous dirai qu'à travers ce document-là
extrêmement bien préparé,
bien, il y a, à travers ça, une vision de solutions se
rapprochant des objectifs à atteindre, et, en ce sens-là, bien,
permettez-moi de vous donner du temps pour compléter à bon escient la réponse
que vous faisiez.
M. Bédard
(Gerry) : Merci. Donc, pour
continuer, on a eu l'occasion de développer ce qu'on appelle l'accueil clinique, qui était un guichet unique d'accès pour des patients atteints de problèmes subaigus. Donc, au
lieu de les référer à l'urgence, avec, je dirais, des protocoles bien
standardisés et approuvés par les spécialistes, ces patients-là étaient dirigés
dans le module ambulatoire, à l'Hôpital
Le Gardeur, pour ne pas le nommer, et ils étaient pris en charge donc sur
une base ambulatoire, on évitait l'urgence.
Donc, sur le même
genre de modèle, on est capable aussi, avec entente avec les spécialistes, de
développer des liens, des corridors de services pour les patients
atteints de maladies chroniques qui commencent, je dirais, à devenir instables, donc, avant même que ce qu'on
appelle en jargon médical la décompensation arrive, donc essayer de prévenir
plus rapidement et éviter que les
patients se présentent à l'urgence et soient hospitalisés. Donc, le plus vite
on est capable d'agir sur ces patients-là... Et souvent c'est par des
gestes simples. Mais, d'avoir accès à un examen diagnostique, le spécialiste qui vient juste ajuster un petit peu
la médication, la thérapeutique, on est capable de restabiliser rapidement les patients et éviter que ces
patients-là soient hospitalisés inutilement.
M. Paradis (Lévis) : Alors, votre
approche prévoit aussi ce préventionnisme-là pour faire en sorte que ça ne dégénère
pas par la suite.
M. Bédard (Gerry) : Tout à fait.
M. Paradis
(Lévis) : Vous parlez, bon,
du projet vitrine tripartite et puis, bon, vous en tracez les grandes lignes,
ma foi, à la lumière des expériences que
vous avez vécues, très positives. Mais vous dites également que, dans le cadre de ce projet-là, vous
deviez évaluer les risques inhérents aux résistances des différents acteurs. Je
comprends que, maintenant, vous arrivez avec un résultat
et que vous souhaitez porter le message et étendre l'action, mais racontez-moi
un peu ce que vous avez dû faire ou quels ont été les écueils que vous avez
rencontrés? Quels ont été les segments de résistance? Parce que ça ne s'est pas
fait comme ça, du jour au lendemain, sans aucun problème, tout le monde a
dit : Ça y est, on embarque, on rame, puis ça avance, là.
Mme
Chabot (Guylaine) : Oui.
Guylaine Chabot. Si je peux me permettre de répondre, je dirais que, chez les
médecins, il y a eu peu de résistance,
mais il y en a eu, compte
tenu qu'on propose des façons de
faire qui sont différentes. Alors, il y a eu une adaptation nécessaire,
mais je dirais que ça s'est généralement bien passé.
L'écueil le plus important,
je dirais, est du côté des gestionnaires de l'établissement, qui, parfois,
voient des modèles comme ceux-là, qui
sont innovateurs, comme si on enlevait quelque chose à l'hôpital, comme on
enlève des professionnels aux CSSS pour
les donner à des médecins de famille. Alors, la compréhension, et la vision, de
la part de gestionnaires, dans notre cas, a été certainement un défi
pour nous.
Le troisième et le
dernier élément, je vous dirais, en termes, pas d'écueil, mais, je dirais, de
résistance, est celui de la pratique des
infirmières. C'est sûr qu'on arrive avec, encore ici, de la formation qui est
requise. On dit : Bon. Voici,
dorénavant, vous devez changer vos modes de pratique. Alors, c'est sûr qu'au
début il y a un peu de résistance. Mais
le fait d'entrer dans le système qu'on propose et de voir le résultat chez les
patients ont fait en sorte qu'en bout de ligne, quand on a mesuré le
taux de satisfaction au travail des infirmières et des autres professionnels de
l'équipe interdisciplinaire, on a eu un taux jugé à 85 % de satisfaction
pour ce qui est de la collaboration interprofessionnelle.
M. Paradis
(Lévis) : On parle de collaboration interprofessionnelle, donc
d'interdisciplinaire, de délégation, également.
Est-ce qu'à ce chapitre-là il y a eu de la résistance de déléguer davantage, et
de se conserver le diagnostic, et déléguer à l'équipe le suivi du
patient? Est-ce que ça a fait partie des résistances que vous avez rencontrées?
Mme
Chabot (Guylaine) : Bien, comme on le disait tout à l'heure, ça dépend
des GMF. Dans certains GMF, les
médecins étaient davantage prêts à déléguer, étaient déjà dans un mode très
collaboratif avec les infirmières qui étaient en place. Dans le deuxième GMF, il y a eu un petit peu plus de
résistance quant à la délégation des actes. C'est une réalité à laquelle
on a été confrontés, effectivement.
M. Paradis (Lévis) : Et, à ce titre-là... Je vois que le Dr Larouche veut prendre la parole.
À ce chapitre-là, est-ce qu'il y a
une façon, à la lumière de votre expérience... Est-ce que vous avez mis au
point une façon pour contrer ou, en tout cas, favoriser cette
délégation-là, parce que vous vous êtes rendu compte qu'il y avait des
irritants à aplanir?
M. Larouche
(Alain) : Oui. Parce que la résistance n'est pas que des
médecins vers les professionnels, mais entre
les professionnels aussi, parce qu'ils ont des façons de faire. Écoutez, la
méthode, c'est de leur souffler dans le cou, d'être très près et de
l'enseignement, l'enseignement, l'enseignement, puis leur montrer des résultats
concrets pour qu'elles puissent constater
d'elles-mêmes que le changement de pratique donne des résultats auxquels elles
ne s'attendaient pas. Donc, très présents, des données pour leur montrer
des résultats, c'est ce qu'on a fait.
M. Paradis (Lévis) : Vous avez fait l'expérience dans une région donnée, avec une
particularité socioculturelle, socioéconomique,
bon, etc., une réalité. Est-ce que ce que vous proposez comme modèle... En tout
cas, je comprends que c'est un peu ça,
c'est un modèle organisationnel, c'est un modèle aussi de gestion du
changement, bon, basé sur l'interdiscipline,
et tout, ça. Est-ce qu'à votre avis il est exportable partout? Parce que vous
avez choisi une région donnée. Est-ce que le modèle peut s'établir
partout dans le réseau, selon vous?
M. Larouche (Alain) : Partout où on est prêts. On ne peut pas faire pousser une
fleur en tirant dessus. C'est pour ça
que je parlais tout à l'heure de l'indice de maturité. Donc, c'est des milieux
qui lèvent la main, qui disent : On voudrait essayer, mais on a
besoin d'aide. Ces milieux-là, oui.
On
ne rêve pas en couleurs. Il faut être réaliste. Ce n'est pas tous les milieux,
à ce moment-ci, qui sont capables de le
faire. Mais, vous savez, c'est comme pour d'autres choses, hein? Dès qu'on va
atteindre un point de rupture où les gens vont se dire : Bon, il y a 10 %, 15 %, 20 % des
endroits qui le font, puis les gens aiment ça, travailler là, les patients sont
supercontents, la bascule va se produire,
puis là ça va aller beaucoup plus vite. Mais c'est d'atteindre ce plateau-là où
il faut être réaliste, là, puis viser sur quelques années.
M. Paradis
(Lévis) : Dr Bédard, quelque chose à ajouter, non, là-dessus?
M. Bédard
(Gerry) : Non, non. Tout est beau.
M. Paradis (Lévis) : O.K. Excellent. Et le temps file, mais j'aimerais que vous reveniez un
petit peu, pour bien comprendre... Parce qu'on a beaucoup parlé de mode
de rémunération, hein, puis vous en avez parlé également, de la rémunération à l'acte, le mode de rémunération
mixte, on parle de rémunération basée sur la prise en charge en se demandant
comment établir un ratio pertinent puis,
bon, efficace. Reparlez-moi de ce mode de rémunération que vous souhaiteriez voir
différent, j'aimerais le comprendre davantage.
M.
Bédard (Gerry) : En fait, le premier mode, c'est d'abord ce qu'on
appelle effectivement la rémunération mixte, c'est-à-dire une rémunération ou un forfait en fonction de la lourdeur
des patients, qui permettra aux médecins de déléguer sans avoir crainte de perdre une rémunération par
rapport au fait de voir les patients ou d'avoir à voir les patients pour
être rémunérés. Donc, ça, c'est le premier mode.
Le deuxième
mode, en fait, c'est la libération, si on veut, de temps médecin pour travailler
aussi avec l'équipe interdisciplinaire,
en étroite collaboration notamment dans le développement des plans
d'intervention interdisciplinaires pour
les patients les plus lourds, donc ce qui pourrait être un mode horaire ou un
mode forfaitaire pour l'élaboration de ces plans interdisciplinaires là,
contrairement au paiement à l'acte actuel.
M. Paradis (Lévis) : Je me permets
de vous poser la question parce que le projet vitrine a eu lieu, vous nous en parlez, avec des résultats excellents pour un,
questionnables pour l'autre, mais en fonction du fait qu'on soit pris ou
pas à passer à ça. C'est ce que vous me
dites. Est-ce qu'actuellement vous êtes encore en processus de proposer et
d'établir le modèle ailleurs qu'à l'endroit où vous l'avez déjà fait?
Le
Président (M. Tanguay) : Rapidement, en 10 secondes. En
10 secondes. C'est tout le temps qui nous reste.
M.
Larouche (Alain) : On
a un milieu qui est prêt. On aimerait avoir un appui de nos amis du ministère,
voire même du ministre pour être capables de passer à l'action.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup.
M. Larouche (Alain) : Un
appui.
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, sur ce message d'action, nous
remercions les gens de Concerto groupe santé.
Compte tenu
de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, après les
affaires courantes. Merci.
(Fin de la séance à 21 h 29)