(Onze
heures trente-trois minutes)
Le Président (M.
Tanguay) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte.
Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission est
réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 10, Loi modifiant l'organisation et la gouvernance
du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l'abolition des
agences régionales.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire :
Oui, M. le Président. Mme Hivon (Joliette) est remplacée par M. Kotto (Bourget)
et Mme Richard (Duplessis) est remplacée par M. Pagé (Labelle).
Auditions (suite)
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Ce matin, nous allons débuter avec la Centrale
des syndicats du Québec, suivie de la Confédération des syndicats nationaux.
Nous ajournerons nos travaux à 19 heures ce soir.
Alors, je souhaite,
d'entrée de jeu, la bienvenue aux représentantes, représentants de la Centrale
des syndicats du Québec. Pour les fins d'enregistrement, je vous demanderais de
bien vouloir vous présenter. Par la suite, vous disposerez d'une période de
10 minutes de présentation, s'ensuivra un échange avec les parlementaires.
Alors, la parole est à vous.
Centrale des syndicats du
Québec (CSQ)
Mme Chabot
(Louise) : Louise Chabot, présidente de la Centrale des syndicats du
Québec. À ma droite, Claire Montour,
présidente de la Fédération de la santé du Québec, Claude Demontigny, président
de la FSSSS. À ma gauche, Lise
Goulet, qui est conseillère au dossier action sociale et professionnelle,
principalement en santé et services sociaux, et Nathalie Léger,
conseillère juridique à la CSQ.
M.
le ministre, M. le Président et parlementaires, merci de l'invitation, qu'on
puisse faire valoir notre point de vue sur le projet de loi n° 10.
Bien,
d'entrée de jeu — ça fait
longtemps qu'on y travaille — je vais vous réitérer la volonté de la
Centrale des syndicats du Québec et
de ses fédérations de la santé qui la composent de favoriser et d'améliorer
l'accès aux services sociaux et de
santé pour l'ensemble de la population québécoise, d'augmenter la quantité et
d'améliorer la qualité des services
offerts et d'améliorer l'environnement de travail et les conditions d'exercice
du personnel qu'on représente. C'est un engagement qui a toujours fait
partie de notre mission, puis c'est comme ça qu'on se présente ici aujourd'hui.
Mais
je vous avouerais que, quand on a reçu le projet de loi n° 10, ça a été
une onde de choc en nos rangs, une onde de choc assez importante. C'est... je
vais mettre ça... un séisme. Si j'avais à le décrire sur l'échelle de Richter,
je ne sais pas à quel niveau, mais un bon
niveau 6. Parce qu'on a été étonnés de voir qu'en raison des besoins dans notre
système de santé et des services sociaux ce
projet de loi là, à notre avis, ne répondra pas aux besoins les plus criants
qui permettraient d'améliorer l'offre de services à la population, la qualité
et les conditions de travail du personnel.
Ce
projet de loi là, c'est un brassage de structures dont la pertinence, à notre
avis, n'est pas démontrée. La fusion de tous les établissements publics
d'une même région en une seule entité administrative, appelée CISSS, soulève
une multitude d'enjeux. Au fond, on n'abolit
pas les régies régionales, on les maintient, puis ça devient l'établissement,
et les établissements qu'on connaît deviennent des points de service.
On se questionne
aussi sur la précipitation du gouvernement dans ce dossier, qui ne nous permet
pas de faire collectivement le travail de réflexion qui s'impose. Ce n'est pas
une petite réforme : c'est une grande réforme. Dans l'histoire du Québec, ça va être une réforme d'une
ampleur qu'on a rarement vue, et on ne comprend pas l'empressement et la
précipitation, parce que, si on a bien compris, tout ça devrait être réglé en
décembre.
Le
projet de loi n° 10 ne s'attaque pas aux vrais problèmes. À notre avis, le
défi prioritaire de notre système de santé
demeure l'accès aux services et aux soins, et rien, rien dans le projet de loi
ne nous permet de voir en quoi la réforme des structures administratives proposée va permettre de régler ces
problèmes-là : problème d'accessibilité à un médecin de famille, combler les besoins de lit pour les
personnes en perte d'autonomie, pallier aux soins à domicile. Je n'ai pas
besoin de vous en convaincre, j'imagine. Une
perte aussi de proximité en matière de services à la population. À notre avis,
la diversité et l'étendue des territoires
qui vont être desservis par les nouveaux CISSS et la centralisation, ça soulève
de nombreuses inquiétudes.
Sans une
participation significative des ressources locales et une implication des
communautés, nous sommes convaincus que la nouvelle structure ne pourra
pas identifier correctement les besoins sociosanitaires au sein d'un établissement. Sans une vigilance locale aussi — ce
que nous avons actuellement — les mégastructures risquent de centraliser les ressources et les services autour
des villes centres au détriment des localités qui sont les plus éloignées.
Donc, la proximité des services ne pourra pas être assurée.
Des missions
spécifiques sont aussi menacées. Le regroupement, sous un même chapeau
administratif, de plusieurs dizaines d'établissements qui ont des mandats très
différents risque de dénaturer certaines missions jugées essentielles. On craint qu'il soit encore plus
difficile de maintenir un niveau adéquat de services de nature préventive et
psychosociale par rapport aux besoins les
plus criants, qui sont les services médicaux et curatifs. Comment va se faire
l'arbitrage pour l'attribution des ressources entre les services spécialisés,
ultraspécialisés, les soins de première ligne, à domicile ou encore les centres
de réadaptation, les services jeunesse et les nombreux services sociaux, qui
sont déjà sous-financés? À notre avis, ça risque d'être fort complexe.
Une
centralisation aussi des pouvoirs qui est inquiétante. Par le projet de loi
n° 10, le ministre de la Santé et des Services sociaux s'attribue
de nombreux pouvoirs et démontre une volonté de centraliser à Québec de
nombreuses responsabilités de planification,
d'organisation, de coordination, de supervision, d'évaluation et d'enquête.
L'ampleur des pouvoirs
discrétionnaires qu'il s'octroie est trop importante. Le désir d'intervenir
dans la microgestion des établissements constitue, selon nous, autant de
risques d'ingérence politique et de politisation du système de santé.
• (11 h 40) •
Il
y a plusieurs articles dans le projet de loi. Le ministre pourra notamment
fusionner deux ou trois établissements, modifier lui-même tout corridor de services établi qu'il considère comme
inadéquat pour assurer une continuité de services. Le ministre va s'assurer de la coordination des
activités des établissements au sein d'une même région et même intrarégionales.
C'est beaucoup pour un seul homme. Pour les
travailleuses du réseau de la santé et pour une organisation comme nous autres, si on avait un grand besoin en santé,
c'est de construire sur ce qui existe déjà, pas de tout rebrasser, de tout
saccager puis de repartir à neuf. Et
construire sur ce qui existe déjà est possible, c'est possible, parce qu'on
croit que ce projet de loi là n'améliorera pas les services et ne
réalisera pas non plus les économies escomptées de 220 millions.
Il
y a des enjeux syndicaux aussi dans ce projet de loi là. En forçant les fusions
des établissements, le projet de loi
n° 10 va imposer des fusions d'accréditations syndicales. À notre avis,
encore là, c'est un accroc à la démocratie, pour des organisations syndicales... d'avoir le choix d'être représentées par
l'organisation de leur choix. Là, ça va être imposé et forcé. Puis, avec les
nouveaux établissements et la taille des établissements, le rôle des
organisations syndicales aussi risque
d'être affaibli. On sait l'importance du rôle syndical au niveau des ressources
humaines, au niveau de la qualité des
soins et de l'organisation du travail. Ça va être des bouleversements qui sont
importants, et importants pour les travailleuses et les travailleurs.
En
conclusion, on vous dit qu'on refuse le discours fataliste qu'on nous présente
actuellement sur à la fois l'état de
nos finances publiques, mais aussi sur notre capacité, comme société
québécoise, de financer adéquatement nos services. Les services de santé et les services sociaux,
comme les services de l'éducation, c'est un investissement dans la société.
Ça fait en sorte que, plus nos services publics
sont forts, plus la société... on vient réduire les inégalités sociales. Je
pense que ça, c'est un modèle que la
société a voulu se donner. Ce modèle-là, on veut absolument le préserver puis
le bonifier.
Comme parlementaires,
comme élus, vous savez à quel point nos programmes sociaux, nos services
publics tiennent à coeur la société
québécoise. Ça fait qu'on nous invite... S'il y a quelque chose, dans ce projet
de loi là, qu'on vous invite, c'est
qu'il n'y a pas d'empressement à tout bousculer. C'est impensable de voir une
réforme comme ça sans avoir pris le
temps de consulter les travailleurs, de consulter les acteurs du milieu, de
mobiliser l'ensemble de ceux qui sont
en lien avec la prestation de services. Puis ça, ça pourrait prendre des mois. Je
vais le dire comme ça : Ça aura beau être la plus belle réforme, s'il n'y a pas... voyons, je voulais dire «acceptabilité
sociale», je pense que ce n'est pas démontré.
Notre
lecture de ce projet de loi là puis de l'empressement pour le faire adopter, c'est
qu'il faut lier absolument le projet
de loi au retour de l'équilibre budgétaire, qui nous est annoncé pour 2015‑2016.
Il n'y a aucune autre opportunité qui
vient justifier un tel empressement. Et je citerais même le ministre, que j'ai
entendu pour... commenter un autre dossier, qui n'est pas le projet de
loi n° 10, là : c'est les charlatans dans le dossier du cannabis.
Vous avez fait une très belle démonstration
comment que le fédéral était pressé, pressé d'imposer le cannabis, sans avoir
fait les règles, sans avoir tenu compte
des règles à partir du moment que c'est un médicament. Vous avez, comme conseil
médical, été au fédéral, faire comprendre
au fédéral de dire qu'il n'y avait pas d'empressement... mais là on avait ça
dans les dents. Bien, nous, on ne veut pas avoir une réforme comme ça
dans les dents, bâclée, qui ne répondra pas aux besoins de la population, qui
ne réalisera pas d'économie puis qui, en
plus, va fragiliser notre système, notre système public, qu'on tient à coeur.
Merci, Mmes, MM. les parlementaires.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant débuter une période d'échange avec un bloc dévolu au ministre de la Santé et des Services sociaux et
des collègues pour 20 minutes. M. le ministre de la Santé.
M. Barrette :
Merci, M. le Président. Alors, Mme Chabot, Mme Montour, M. Demontigny, Mme
Goulet, Mme Léger, bienvenue. Alors, il est
très important, évidemment, pour nous de pouvoir avoir votre vision de la
situation actuelle, surtout que je suis d'accord avec vous qu'il est
très important que cette réforme-là se fasse ensemble.
Je
suis content aussi que vous nous disiez que ce serait la plus belle réforme si
elle avait été faite, dans votre opinion, dans d'autres conditions. Alors, je comprends que, si les conditions
avaient été là, la réforme aurait eu... elle aurait été non seulement très belle, elle aurait été dans le sens
que vous voulez, c'est-à-dire améliorer les soins et faire en sorte qu'on
ait un meilleur réseau de santé et, à la
limite, qu'on ait un système de santé qui soit géré de façon optimale. Je
retiens, par votre commentaire... et
je ne pense pas le déformer en disant que, si c'est la plus belle réforme à la
condition d'être consultés, c'est que le fondement du projet de loi
n° 10 est exactement adéquat aussi. C'est le sens de ce propos-là, à moins
que vous ne vous soyez trompés dans votre propos. Alors, je vous remercie de ce
commentaire-là.
Maintenant,
vous nous dites aussi qu'il faudrait le lier au retour à l'équilibre
budgétaire. O.K. Il est lié à l'équilibre budgétaire. Le projet de loi n° 10 se fait dans le contexte du
retour à l'équilibre budgétaire et est composé de plusieurs éléments,
dont un élément qui est celui, évidemment, de l'économie de 200 millions
pour ce qui est de la structure elle-même,
qui nous permettra — et c'est
un élément parmi d'autres — de revenir à l'équilibre budgétaire. Mais, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, Mme Chabot, et
je pense vous l'avoir dit dans d'autres circonstances aussi, l'exercice que
l'on fait est un exercice qui n'est pas
simplement lié au retour à l'équilibre budgétaire, et ça, je l'ai dit sur
plusieurs tribunes.
Aujourd'hui,
on travaille non seulement pour revenir à l'équilibre en 2016, mais on travaille
aussi pour avoir un système que l'on
veut se payer sans générer de déficit et de donner évidemment les soins
appropriés à la population en 2026, en 2036, en 2046. Le retour à
l'équilibre budgétaire aura été, pour le moment, une occasion de faire un pas
de plus — dans une période qui est plus difficile, je
vous le concède, qui est celle du retour à l'équilibre budgétaire — pour mettre en place cette réforme, qui est une partie d'un puzzle, mais qui
fera en sorte qu'après le 31 mars 2016 la société québécoise pourra bénéficier à long terme d'un
système de santé pérenne, qui donne les services adéquatement, à mon
avis. Alors, il est lié au retour à l'équilibre budgétaire, il y a quelque
chose qui est très clair là-dedans.
La
mobilisation, bien, écoutez, je pense que, lorsque la poussière retombera et
lorsque cette période-ci sera passée, d'une
part, et que, d'autre part, les autres... les éléments qui sont nécessaires
pour remettre un peu notre système... pas sur les rails au sens où le système est complètement déraillé, mais il
manque des éléments en termes d'amélioration, ou de performance, ou de capacité de donner les services
en qualité et en quantité. Vous avez dit ça, là, en introduction, vous visez à ce que... ou vous souhaitez que les
réformes qui soient mises en place — je vous cite — visent d'abord et avant tout l'accès et qu'on favorise l'augmentation de
la quantité et de la qualité. Vous avez raison, on est là aussi, sauf que le
projet de loi, lui, en soi, ne fait pas tout
ça. Mais le projet de loi vise à mettre en place une structure, un squelette,
un terme que certaines personnes
n'aiment pas, alors je peux utiliser le canevas, si vous le prenez, si vous
préférez. Mais, au bout de la ligne,
on doit mettre en place une structure qui va faire en sorte qu'au bout de la
ligne l'ensemble de l'oeuvre sera préservé et amélioré. Alors, il faut
le voir comme ça, le projet de loi n° 10.
L'accès, je
l'ai dit, là, je l'ai dit à plusieurs reprises : C'est un point qui est
majeur. Nous sommes en train de nous y
adresser avec les instances appropriées. Mais les mesures qui doivent être
mises en place pour améliorer l'accès sont des mesures qui passent par
un autre chemin, mais qui doivent être appliquées dans un cadre spécifique, et
ce cadre spécifique là est celui que le
projet de loi n° 10 vise à mettre en place. Et le projet de loi
n° 10, dans sa définition ou sa finalité, n'est pas un projet de
loi qui vise à chambarder de A à Z le réseau de la santé, et je vais me citer
moi-même : C'est un projet de loi qui
vise à terminer l'intégration qui aurait dû être faite précédemment et qui n'a
pas pu être faite pour des raisons sociales. Et vous êtes partie prenante de
ces raisons sociales là parce que, vous avez raison, c'est dans la continuité de la dernière réforme, qui a été
stoppée un peu à mi-chemin, je dirais, parce que socialement il y a eu un
certain niveau de contestation auquel votre organisation et d'autres ont
participé allègrement.
• (11 h 50) •
Et je
comprends aussi — et je ne
le critique pas, Mme Chabot, je ne fais qu'un constat — et j'irais même plus loin : les
contestations qui ont eu lieu dans le passé ont eu lieu sur la base
d'interprétations, comme, aujourd'hui, les commentaires
qui sont faits se font aussi sur la base d'interprétations. Depuis hier — et précédemment, mais particulièrement
depuis hier — bien des gens... et il y en aura d'autres
aujourd'hui dans la journée, là, qui sont présents derrière vous... les gens viendront nous dire que c'est un projet
qui favorise la privatisation. Il n'y a rien là-dedans, là, qui vient favoriser
la privatisation. On met en place une
structure qui fait en sorte qu'avec les autres mesures, un, on améliorera
l'accès, et deux, on améliorera tout
ce qui se passe après l'accès. Après l'accès, là, il y a la fluidité, il y a
l'intégration des soins et services
sociaux, verticalement et horizontalement. Et, quand on parle de vouloir
améliorer la quantité, la qualité — mais surtout la qualité — bien, à un moment donné, il faut avoir une structure
d'organisation qui puisse permettre de développer une culture dans cette
culture-là, des éléments forts que sont... entre autres, la qualité.
Et, quand
j'écoute votre intervention... Elle m'intéresse, votre intervention, parce qu'à
aucun moment Mme Chabot, ni vous ni
vos prédécesseurs n'ont remis en question l'intégration qui s'est faite dans
les CSSS et les RLS, à aucun moment. Pourtant,
là, cette réforme-là, là, quand elle a été commencée, en 2003‑2004, elle a été
décriée avec les mêmes termes. Aujourd'hui,
on est rendus à un moment où vous ne le contestez pas, vous ne demandez pas de
revenir à avant la dernière réforme. Vous pouvez critiquer, avec
justesse, qu'il y a eu des achoppements dans la dernière réforme, mais vous ne
remettez pas en cause ce qui a été fait précédemment.
Ce qui
signifie, conséquemment, s'il y a une logique là-dedans, que, si on vient, par
le projet de loi n° 10, mettre en place une structure qui vient
intégrer ce qui est déjà intégré, donc faire les pas qui nous manquaient en
termes d'intégration, techniquement, là, ça
devrait être bon pour la société. Et, si on arrive à faire en sorte qu'on
puisse arrimer correctement tout ce qui est communautaire, réadaptation,
santé mentale, soins à domicile, et ainsi de suite, bien là peut-être qu'on aura réussi à faire quelque chose
de bien pour la société, et imaginez-vous que c'est essentiellement ce que l'on veut faire. Alors, moi, je vais vous
poser la question dans un instant, après avoir terminé mon introduction :
Où est ce problème-là puisqu'on a déjà fait une partie puis vous ne
voulez pas la défaire?
Quant à vos
commentaires et critiques, que je comprends, sur la centralisation et sur le
pouvoir du ministre, il n'y a rien,
là, d'écrit dans la... il n'y a rien, là, de clairement écrit qui dit qu'il y
aura une centralisation dans l'hôpital, par exemple, ou à Québec, de notre système de santé. Oui, il y
a un certain pouvoir... pas certain, là, mais qui est clairement significatif
dans les mains du ministre au démarrage,
mais je l'ai dit à tout le monde et je vous le redis à vous : Bien, ce
pouvoir-là est un pouvoir de démarrage, et la LSSSS sera réécrite, et la
façon de faire des nominations se fera d'une façon que vous considéreriez
probablement plus normale.
Alors, je
cite l'IGOPP, qui est venu ici... Je le sais que c'est quasiment un péché de
citer l'IGOPP, mais je vous rappellerai
que le gouvernement du Parti québécois, lorsqu'il était au pouvoir, pendant 18
mois, pour certains dossiers spécifiques d'envergure, faisait affaire avec
l'IGOPP. Alors, on peut être à gauche et faire affaire avec des gens qui ont
une compétence considérée probablement de
droite par vos organisations... et donner des conseils judicieux. L'IGOPP,
ici, dans cette Chambre, a dit qu'il était
tout à fait recevable pour un ministre, dans une réforme de cette ampleur-là,
d'avoir des pouvoirs accrus sur une base de démarrage.
Pour ce qui est de la centralisation des
décisions à Québec, je me suis exprimé largement là-dessus quant à la nécessité, dans une structure comme la nôtre,
d'avoir la possibilité, la capacité et la responsabilité, pour un ministère, de
donner des orientations. Les journaux sont
inondés d'articles, encore aujourd'hui, sur la sacro-sainte Suède en disant qu'en
Suède, en Suède, le ministre... pas le
ministre, mais le ministère est plus petit et il donne des orientations. C'est
ça qu'ils font : ils font des
lois, des règlements et des orientations, et l'exécution se fait sur le
terrain. C'est drôle, c'est essentiellement l'essence de notre propos,
mais, en général, ces propos-là sont, disons, modulés dans la communication.
Alors,
écoutez, moi, je comprends évidemment... et je suis content que vous veniez ici
nous faire part de vos craintes, c'est
tout à fait normal. Des craintes, il ne peut pas ne pas y en avoir, c'est
impossible. Les commissions parlementaires servent à améliorer le projet de loi et à répondre à vos inquiétudes, ce
que j'espère avoir fait. Maintenant, je vous pose la question : Vous ne remettez pas en question
toute l'intégration qui s'est faite dans la dernière réforme. Est-ce que je
peux raisonnablement conclure que vous êtes en faveur de ce qui a été fait
précédemment?
Mme Chabot
(Louise) : Bien, si j'ai
autant de temps pour vous répondre... Écoutez, la dernière réforme, on va
y revenir. Bien, premièrement, la
recommandation de notre mémoire, c'est de rejeter le projet de loi qui est
devant nous. Donc, vous pouvez faire
la déduction qu'effectivement rejeter le projet de loi, ça veut dire que le
projet de loi qui est devant nous ne mérite pas qu'on le mette de
l'avant pour répondre aux besoins de la population.
La dernière fois, en 2005, même projet de loi,
projet de loi n° 25, on s'est retrouvés à peu près dans la même situation à l'automne, projet de loi adopté sous
le bâillon en décembre, 15 décembre exactement. Est-ce qu'on vit avec, depuis? On vit surtout... Puis il y a des failles
dans ça, il y a des failles dans le système qu'on connaît aujourd'hui, puis
on pourrait les dénombrer, tant au plan des
services, puis tout ça. Mais ce qu'il faut se rappeler surtout, puis là je
vais... Marc-Yvan Côté, Jean Rochon,
Philippe Couillard, hein? C'est des réformes qui ont commencé en 1991, ils
avaient tous le même mantra : Mettre
l'usagère et l'usager au coeur du système. C'est ça, les motivations des
réformes. Quel bilan faisons-nous de ça? Est-ce que nous avons réussi?
Le modèle
qu'on vit actuellement, il est loin d'être parfait. Il n'est tellement pas
parfait que, depuis qu'il est là, on
fait tout pour l'améliorer. Mais la connaissance ou le milieu dans lequel notre
personnel exerce... Regardez tout ce qu'on
a pu faire depuis. Ah! il y a de l'essoufflement. Le personnel est fatigué. On
leur demande de plus en plus de la performance
dans le système comme on le connaît aujourd'hui et on travaille beaucoup pour
améliorer cette intégration-là qui a été imposée en 2005 par les
travailleuses et les travailleurs en place.
C'est pour ça
que, dans les solutions, on est convaincus qu'une intégration, ça ne passe pas
par une fusion puis par des
structures, mais par le personnel en place, en misant sur des équipes
multidisciplinaires. C'est ça, le sens de notre travail. Puis on y est arrivés dans certaines situations, hein? Qu'on
pense aux infirmières praticiennes spécialisées, qu'on pense aux infirmières de liaison, qu'on pense aux
groupes de médecine familiale, ce sont tous des moyens qu'on s'est
donnés. Mais quel bilan on fait de la réforme?
Vous nous
parlez de l'institut d'experts en gouvernance, mais, justement, une réforme qui
est là depuis 10 ans... Sur quoi on
s'appuie pour dire — je
relancerais la question — que le modèle qu'on connaît aujourd'hui ne répond plus, qu'il faut totalement le mettre à terre puis il
faut reconstruire quelque chose de neuf? Puis ça, c'est quelque chose qui a été
pensé entre... il n'y a pas longtemps, là,
depuis l'élection, puis qui devra se conclure en décembre. C'est assez
étonnant, là, que... C'est assez
étonnant de nous voir proposer une telle précipitation, un tel empressement. Quelle
est la motivation? Quelle est la
motivation, si le coeur de cette réforme-là est ce que vous dites : c'est
l'accès aux soins, c'est des services de plus grande qualité, c'est
quoi... pourquoi qu'on s'énerve?
Les personnes
qui sont derrière moi, M. le ministre, ce n'est pas les personnes qui vont
passer après nous, même s'il y en a.
Ça, c'est une délégation de la CSQ, des infirmières, des inhalothérapeutes, des
psychologues, des techniciens en
éducation spécialisée, de l'ensemble de nos syndicats, qui sont venus ce matin
faire un clin d'oeil à l'ensemble des députés.
Dans le fond, on avait une certaine posologie pour se calmer un peu le pompon,
puis, de prendre deux pilules par jour, c'est inoffensif, puis ça donne
une grande lucidité à l'exercice.
Mais ce qu'on
vous dit... Puis peut-être qu'on vous le dit de bon ton, mais on pense qu'on
est à côté, à côté de la track avec ce projet de loi là. Ce qui a été
mis en place en 2005, on travaille depuis à essayer de faire en sorte que ça réponde
à quelque chose d'humaniste et de populationnel, par toutes sortes de moyens.
Puis ce qu'on vous dit, M. le ministre, c'est : Travaillez, construisez
là-dessus, construisez sur ce qui existe. Ne voulez pas à tout prix entrer dans
l'histoire pour une autre réforme qui
s'intitulera la réforme Barrette et qui va mettre encore pendant des années...
et vous dites : Quand la poussière va retomber, là... pendant des
années : ça ne se calcule pas en mois, ça ne se calcule pas en semaines quand on parle de la mobilisation...
pendant des années, les gestionnaires, les travailleuses vont être mobilisés
sur une structure, à savoir : Comment
on doit organiser les soins? Quels seront les protocoles? Ça va être ça, la
mobilisation du réseau. Est-ce que c'est ça qu'on a besoin? C'est non,
M. le ministre.
• (12 heures) •
M.
Barrette : Mme Chabot, je suis content que vous le mettiez de cette façon-là. Je l'ai dit et je vais le
répéter au bénéfice de ceux qui vous
accompagnent, qui sont des gens du terrain : Les efforts qui ont été faits
jusqu'à aujourd'hui pour mettre en place les corridors, les protocoles
et les différentes formes d'intégration au niveau des CSSS, des RLS,
et ainsi de suite, demeurent. Ça demeure, je le répète. Il y a
des niveaux d'intégration qui ne se sont pas faits, ceux vers le haut.
Et je prends souvent mon propre hôpital comme exemple, qui est l'Hôpital
Maisonneuve-Rosemont, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, nous ne sommes pas
intégrés, à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, aux CSSS qui sont autour de
nous. Ce n'est pas normal.
Alors,
dans un CISSS, comme par exemple le CISSS de l'est de Montréal, ce qui est visé n'est pas de défaire le
mode de fonctionnement du CSSS
Lucille-Teasdale, mais de faire en sorte que la connexion de la première ligne
jusqu'à l'Hôpital
Maisonneuve-Rosemont se fasse de façon optimale et horizontalement avec les
autres services qui sont d'ordre de réadaptation, sociaux, et ainsi de
suite. C'est ça qui est la finalité de l'affaire.
Alors,
c'est sûr que, si vous considérez, à la case départ, malgré ce que je vous dis,
que le projet de loi vise à défaire tout
ce qui a été fait, bien, vous avez raison, là, c'est la fin du monde qui s'en
vient. Mais ce n'est pas ça, ce n'est pas ça. Et, quand bien même l'opposition s'évertue à dire que c'est ça, ce n'est
pas ça. Par contre, l'intégration qui manque vers certaines ressources ou entre certaines ressources, certaines
missions, bien là il y a quelqu'un qui doit la faire parce qu'elle ne s'est pas
faite, et le projet de loi n° 10 vise à aller là.
Alors,
je vois mal comment cette réforme-là peut être vue et prédite comme étant ce
que vous mettez sur la table. Je comprends encore une fois vos
inquiétudes, mais ce n'est pas là qu'on veut aller. Au contraire, on veut aller
à un endroit où ce qui a été fait et bien
fait perdure, soit préservé, et qu'on préserve et garantisse certaines
missions. Je le répète, là. Il n'y a
pas un point de service qui va disparaître. Il n'y a pas une mission dans un
point de service qui va changer. Il n'y a pas une intégration qui a déjà
été faite qui va désintégrer, hein?
Mais
par contre, là, avec le projet de loi n° 10 tel qu'il est écrit, tous les
gens qui sont venus ici à date qui sont dans des secteurs d'activité
plus près du social et du communautaire, qui voient, par exemple, leur budget
s'évanouir lorsqu'il y a un déficit
hospitalier, bien, ils auront leur budget protégé. Et il y aura, dans les
orientations ministérielles, des
obligations qui seront amenées à ces organisations-là pour faire la coordination
appropriée entre ce qui est en haut et
ce qui n'est pas en haut, horizontalement et verticalement, ce qui manque
actuellement. Nous répondrons à la personne qui nous dit : Quand je
sors de l'hôpital puis que j'arrive au CLSC, je tombe dans un néant parce qu'il
n'y a aucune intégration, et nous répondrons
à la personne qui rentre dans le système et qui ne sait pas où aller après, où
elle devra aller. Ce n'est pas bon, ça?
Mme Chabot (Louise) : Vous avez le fardeau de nous le démontrer. Nous, on pense que ce que
vous mettez en place, ça n'arrivera
pas, parce que là il y aura un ministre de... Mes collègues syndicaux ont même
parlé... Il y aura peut-être un
hôpital à Québec. Il va y avoir un seul P.D.G. nommé par le ministre pour un
ensemble d'établissements, que vous appelez
maintenant points de service, parce que c'est ça qu'ils vont être, des simples
points de service d'une mégastructure qui,
dans certaines régions... je pourrais vous décrire des territoires qui ne sont
pas les pires, puis là on va demander à un seul homme à Québec et à une
seule personne dans des régions administratives de voir à la beauté de toute la
belle intégration que vous nous décrivez.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, Mme Chabot. Je dois
maintenant passer la parole à la collègue députée de Taillon pour la poursuite des échanges. Vous aurez l'occasion
d'étayer votre pensée à ce sujet. Mme la députée de Taillon...
Mme Lamarre :
Merci...
Le Président (M.
Tanguay) : ...pour une période de 12 minutes. Pardon.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Mme Chabot, Mme Montour, M.
Demontigny, Mme Goulet et Mme Léger,
bienvenue. Je vais entrer tout de suite dans le vif du sujet pour qu'on utilise
au maximum chacune de nos minutes.
Première
démarche. Écoutez, moi, ce que j'entends le ministre... Je vais vous dire, vous
avez évoqué avec une très grande lucidité, là, la difficulté d'accès, et
vous n'êtes pas les premiers. Et ce qui me déçoit et ce qui m'inquiète beaucoup,
c'est que, quand ça revient dans la bouche du ministre, c'est comme un peu
banalisé, ce manque d'accès là. On ne
sent pas, là, que le ministre est conscient de ce que ça représente pour les citoyens, les gens qui sont dans
la salle, les gens qui nous écoutent,
ce manque d'accès là, et c'est... Je l'invite à prendre le téléphone puis à essayer de se trouver un rendez-vous dans une clinique médicale avec un médecin en
faisant accroire qu'il a une infection urinaire, par exemple, puis qu'il fasse le parcours du pèlerin qui est
demandé aux citoyens du Québec qui paient pour leur système de santé et qui y ont droit, et qui
font que les Québécois, quand ils ont... qu'est-ce qu'ils ont à faire
avant d'arriver ultimement à trouver un médecin et à avoir les soins,
c'est une vraie course à obstacles. Parfois, on tourne en rond. Il n'y a pas de
relais et il n'y a pas de fil d'arrivée dans bien des cas.
Alors,
c'est ça qu'il
faut que le ministre
prenne conscience, et c'est pour ça que, si on en était bien conscients,
ce serait ça, sa priorité, et non pas ce
qu'il propose dans le projet de loi
n° 10, qui devient, dans le fond, un faux prétexte. L'abolition
des agences est devenue un faux prétexte pour finalement faire vraiment des réaménagements
profonds.
Et
vous avez évoqué tantôt que vous aviez des craintes. Le ministre a dit :
Il n'y aura pas un point de service qui va être changé. Il a énuméré, là, énormément de choses. Alors, moi,
j'entends bien ça. On va passer à des amendements éventuellement sur le projet de loi. Alors,
l'article 129 du projet de loi, qui dit : «Lorsqu'il juge que la fusion de
deux ou de plusieurs établissements permettrait d'assurer une meilleure
continuité [des] soins, le ministre peut» la faire, cette fusion-là... alors, je comprends qu'il va être
prêt à abolir, enlever cet article-là parce qu'il nous dit : Il n'y aura
pas un point de service qui va changer, il n'y aura pas une situation de
terrain qui va changer à ce niveau-là. Alors, moi, je pense qu'il y a plusieurs éléments, dans le contenu,
dans ce qu'on lit du projet de loi n° 10, qui nous inquiètent et qui nous
amènent à être tout à fait justifiés, comme vous l'avez fait, à se poser
les questions que vous vous posez.
Je vais vous poser une
question. Je vais laisser aussi la chance à mon collègue, et on a peu de
minutes. À la page 17 et à la page 18 de
votre mémoire, vous mettez en doute les économies de 220 millions qui sont
annoncées et vous considérez qu'il y
a des dépenses qui n'ont pas été dévoilées, là. Parce que là on parle juste
d'économies très grossières, mais on
n'a pas présenté les façons d'induire certains coûts avec une réforme de cette
envergure-là. Alors, vous parlez d'impacts
sur les mégastructures qui vont être plus difficiles à diriger — et non seulement plus difficiles, mais elles
vont être à distance — les coûts du nouveau modèle qui n'ont pas
été présentés et qui va superviser le personnel des futurs centres intégrés, les CISSS, donc j'aimerais vous
entendre sur ces enjeux-là. Parce que c'est sûr que, si on enlève l'argument
qu'on n'a pas d'accès puis qu'on n'a pas
d'économie, ça remet beaucoup de choses en question sur la pertinence du projet
de loi n° 10.
Mme Chabot
(Louise) : Je vous remercie.
Je vais laisser des collègues répondre à la question. Mais, d'entrée de jeu, c'est une occasion aussi pour nous de vous
inviter — parce
que vous serez appelés, à court terme, sur ce projet de loi là, à l'étudier — à réclamer finalement un BAPE sur la
question, qu'il y ait une étude d'impact, une analyse d'impact. C'est impensable d'adopter un projet de loi de
cette ampleur-là dans le temps qu'on vous demande. Ça fait qu'on va inviter
tous les parlementaires à le faire.
Vous avez
souligné quelques éléments de notre mémoire. On est inquiets aussi sur le
phénomène de la privatisation. Ce
n'est pas parce qu'on va trouver un article précis, là, qui... Mais, depuis la
dernière réforme, vous savez qu'on a fait beaucoup de batailles,
particulièrement... vous avez parlé d'accès, là, particulièrement pour les
personnes en perte d'autonomie. La question
des partenariats public-privé au niveau des résidences pour les héberger, la
question des soins à domicile, je
pense qu'il n'y a pas des semaines ou des mois où on n'adresse pas ces
questions-là. Ça fait que ça, c'est des enjeux prioritaires pour notre réseau, puis c'est ça, le message qu'on
veut laisser. C'est là-dessus qu'il faut s'attaquer.
Je vais laisser Mme Goulet répondre à la partie
que vous évoquez au niveau des coûts.
• (12 h 10) •
Mme Goulet
(Lise) : Alors, d'entrée de
jeu, on a déploré dans le mémoire de ne pas avoir entre les mains un budget
ni le détail financier du scénario. Donc,
les chiffres qu'on a vu circuler sont souvent partiels, ça cible souvent le
nombre de postes de cadre abolis. Par
contre, ce qu'on comprend, c'est que l'ensemble des responsabilités sont
maintenues. Elles sont soit
rapatriées au niveau central, à Québec... Le transfert des 35 systèmes
d'information, avec les mêmes
obligations de la part du ministre,
suppose qu'il y aura des gens pour
continuer ce travail-là. On maintient une structure régionale pour améliorer l'intégration des services au niveau
régional. Mais, quand on prend la région de la Mauricie—Centre-du-Québec, on parle d'à peu près 1 500 organisations qui offrent des services
de santé et services sociaux, c'est autant de partenaires à coordonner pour déployer une offre de service
adéquate. Ça va prendre des gens pour faire ce travail-là. Donc, si ce n'est
pas les réseaux locaux qu'on va abolir, il
va falloir qu'il y ait une équipe qui s'en occupe. Alors, on ne voit pas
l'abolition des postes de cadres
comme nécessairement une économie en termes... au niveau de la main-d'oeuvre.
C'est parce que ça va prendre des gens pour le faire fonctionner, le
système. On l'admet, c'est un système complexe, et ce n'est pas 1 300
postes de cadres qui va lui permettre de fonctionner et de faire des économies
annoncées.
Autre chose,
même si ce n'est pas l'objet du projet de loi, le financement à l'activité
qu'on sent venir va impliquer également
une nouvelle infrastructure informatique, des gens pour recueillir l'ensemble
des données cliniques informationnelles pour développer ce nouveau modèle de financement là. C'est autant de
ressources informatiques à mettre en place, autant de structures, de locaux, de... Écoutez, si
vraiment le projet est bien réfléchi et intègre tous ces éléments, pourquoi ne
pas les mettre au jeu complètement? Dans un contexte où on veut une
gouvernance responsable, bien, nous, on s'attend à voir des scénarios détaillés, des données probantes, et surtout un bilan
de ce que nous a rapporté la première vague de fusions puis qu'est-ce que nous coûtera la deuxième vague. Alors, je
pense que, dans une gouvernance responsable... Voilà.
Le Président (M. Tanguay) : Oui, M.
le député de Rosemont.
M. Lisée :
Merci. M. le Président, chers collègues.12169 Bon,
d'abord, bien, je suis très heureux de vous voir et, en certains cas, de vous revoir. Merci de votre...
Vous avez bien fait vos devoirs, à lire votre mémoire; même, vous avez vu ce qu'il manquait en termes d'éléments financiers
et autres pour donner une réponse encore plus éclairée de ce genre de
grand saut dans le vide, d'acte de foi que le ministre nous demande de faire
sur ses intentions.
Comme vous,
je suis très préoccupé par la mécanique favorable à la privatisation qu'on
retrouve dans le projet de loi, en
particulier cet article qui va donner au ministre la capacité de décider, de
déléguer à une clinique médicale associée certains soins, et ce sera à lui de le décider, alors que, jusqu'à
maintenant, dans les régions, dans les CSSS, il y avait quand même une possibilité de freiner ça par la
représentation qui maintenant est abolie. Évidemment, c'est une régression sur
la représentation locale,
l'implication locale et évidemment la mobilisation. C'est une dévalorisation de
tout ce que les gens, localement, ont fait pour appuyer leurs
établissements.
À la page 20
de votre mémoire, vous parlez de la syndicalisation. Bon, vous savez, j'ai eu
l'occasion de vous le dire à
plusieurs reprises lorsque vous m'avez invité dans vos instances, moi, je suis
très favorable à un syndicalisme de propositions.
C'est normal que les syndicats revendiquent et défendent leurs membres, mais,
si on veut avoir un système public qui se défend bien, les organisations
de travailleuses et de travailleurs, essentiellement, doivent constamment proposer, de la base, des façons d'améliorer la
gestion, la productivité, l'efficacité et la qualité. Et je salue les propositions
que vous avez faites à cet égard.
Mais ici il y
a quelque chose qui est très sous-estimé de la part du public, certainement du
ministre et sûrement de la CAQ.
Lorsque vous dites que «l'expertise syndicale et les relations de confiance se
construisent au fil des années [et]
nous craignons que [l']importante réforme administrative vienne bouleverser les
dynamiques de travail», ce que vous expliquez, c'est que, lorsque des représentants
syndicaux ont des interlocuteurs locaux, des administrateurs locaux, ils
peuvent prévenir un certain nombre de conflits. Mais là, comme les unités
syndicales seront fusionnées et que les administrateurs
seront éloignés, vous dites : «Dans les faits, les directions risquent de
ne plus être disponibles pour rencontrer les [...] représentants
syndicaux. [...]nous craignons que [...] les espaces de dialogue entre la
direction et le personnel disparaissent ou deviennent inefficaces.» Pouvez-vous
m'expliquer en quoi ce serait générateur de conflits?
Mme
Montour (Claire) : Bien,
écoutez, si je peux me permettre, je vais reprendre cet élément-là. Quand on
regarde la structure dans nos
établissements de santé et le rôle et la place que les syndicats doivent
prendre... est nécessaire pour justement
se donner des conditions de travail qui nous permettent de régler des
situations, de faire preuve de créativité pour justement donner des conditions de travail à notre monde qui sont
intéressantes... Ils nous permettent plus que juste des conditions de travail, c'est aussi des conditions d'exercice de la profession qui améliorent la qualité des soins.
Quand on a du personnel mobilisé,
quand on a de la stabilité, quand on a du monde qui sont présents en quantité,
c'est la qualité des soins aussi
qu'on parle, ce n'est pas juste de dire : Je rentre à matin, je sors à
quelle heure? C'est plus large que ça.
Mais, quand
on est un syndicat qui actuellement, déjà... On ne reviendra pas sur la loi
n° 25, 30, les établissements de santé qui sont devenus des CSSS,
qui ont été agrandis. On s'est replacés là-dedans, et ce n'est pas terminé pour
le personnel. On veut plein de statistiques sur l'augmentation de l'épuisement
professionnel, le temps supplémentaire obligatoire,
le recours aux agences privées. C'est du quotidien dans nos milieux, il faut gérer
ça. Maintenant, on va retrouver un
directeur général dans des... exemple, sur 42 000 kilomètres carrés,
avec 1 000 établissements, sites, services, des gros hôpitaux, des
petits, bon, tout ça.
M. Lisée : Il n'aura même pas
le temps de répondre à votre appel, là.
Mme
Montour (Claire) : Comment
vous voulez... Et, syndicalement, on a un rôle à jouer, et c'est nécessaire
et c'est primordial. Et l'employeur, sur le
terrain, nous permet et donne... Il y a des conditions, il y a des CRT, des
comités de relations de travail, qui
nous permettent de jouer ce rôle-là. Comment on va faire quand il faudra
rencontrer le monde, solutionner les problèmes et donner de la force au
réseau de santé? Ça ne peut pas se faire dans le projet de loi n° 10.
M. Lisée : ...avec des
administrateurs locaux, la frustration va monter.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je dois maintenant céder la parole au représentant du deuxième groupe d'opposition, le collègue
député de La Peltrie, pour une période de huit minutes.
M.
Caire : Merci, M.
le Président. Bonjour à vous toutes
et monsieur. Mme Chabot, vous avez posé un certain nombre de questions. Puis je n'ai pas l'habitude faire des longs
préambules, étant donné les huit grandes minutes que nous avons à passer ensemble, mais je vais peut-être
faire une petite digression parce que vous avez dit : Quelle est l'urgence d'agir? Écoutez, 10 ans de réforme, un bilan du Commissaire à la santé qui nous dit : Le
système de santé ne fonctionne pas...
Il ne va pas bien, le système de santé, là, puis j'espère aujourd'hui que,
devant les caméras de l'Assemblée nationale, vous ne viendrez pas nous dire que ça va bien : Oui, il y a des
petits problèmes à corriger, mais ça va bien. J'espère que vous ne me direz pas ça parce que ce serait assez
spécial, assez spécial. Quand on pense qu'il y a des milliers de personnes
qui quittent les urgences du Québec sans
avoir vu un médecin parce qu'ils ont attendu trop longtemps, quand on pense
qu'il y a encore aujourd'hui des dizaines de
milliers de Québécois sur des listes d'attente, qui attendent depuis plus de
six mois, plus d'un an pour une
chirurgie — je
prends encore mon exemple — quand on pense qu'aujourd'hui il faut se battre, madame, il
faut se battre pour mettre son enfant sur une liste d'attente pour rencontrer
un pédopsychiatre puis qu'il y a deux ans
d'attente, il échoue, le système, là. Alors, quelle est l'urgence? Elle est là,
l'urgence : donner des soins aux Québécois, donner aux Québécois un
système de santé qui est à la hauteur de leurs aspirations.
Là où je vous
rejoins, c'est quand vous dites : Quel est le bilan de la dernière
réforme? Savez-vous c'est quoi, le problème? On ne peut pas le faire
parce qu'il n'y a pas d'indicateur de performance, il n'y a aucun indicateur de
performance. Et j'imagine que vous allez
être les premiers, au niveau du mouvement syndical, à dire : Aïe! Ça prend
de la compétition, ça prend de la
mesure de performance, il faut être capable de savoir où on s'en va. On a
déposé un projet de loi, madame, pour
savoir combien d'employés travaillent pour le gouvernement. Il n'y a pas une
entreprise privée au Québec qui peut
survivre avec une gestion comme celle-là. Je sais que vous n'aimez pas le mot
«privé», mais je vais quand même me permettre de le prononcer, là.
Dans le
réseau de la santé, là, du moment où vous êtes malade jusqu'à temps où vous
êtes guéri, là, ce qu'on appelle un
épisode de soins, on ne sait pas combien ça coûte. On ne sait pas combien ça
coûte, soigner un Québécois. Dans une entreprise
privée, là, c'est impossible. Il n'y a pas une entreprise privée qui peut
survivre sans avoir ses coûts d'opération, ses coûts de production. C'est impossible, impossible. Alors, on n'est pas
capables de le faire, le bilan, parce qu'on ne s'est jamais donné les outils pour le faire, le bilan : mesurer la
performance, mesurer la qualité, mesurer l'accessibilité.
• (12 h 20) •
Vous nous
dites : J'espère que ce projet de loi là n'ouvre pas la porte au privé.
Moi, je vais vous dire : Savez-vous quelle est la meilleure façon de fermer la porte au privé? Il y en a
une, à mon avis, c'est d'être plus efficace que le privé. Parce que, quand vous
appelez pour un examen à votre hôpital puis qu'on vous dit : L'attente est
de 12 à 18 mois — et ça,
là, je le vis personnellement,
régulièrement, régulièrement, 12 à 18 mois — puis là vous appelez à la clinique à
Val-Bélair puis on vous dit :
Pas de problème, venez-vous-en la semaine prochaine, qu'est-ce que vous pensez qu'on va faire? Qu'on va attendre 12 à 18 mois parce que
le méchant privé... il ne faut absolument pas se servir du méchant privé? J'ai entendu
des gens, qui pourtant
sont des défenseurs «all the way» du système public, me dire : Bien oui, j'irais au
privé. Vous voulez que le privé soit
exclu du réseau de la santé? Soyez plus efficaces que le privé. Soyez plus
efficaces que le privé. C'est, à mon
avis... Et, s'il vous plaît, n'insultez pas mon intelligence en me disant : Oui, mais c'est parce que
le privé monopolise des ressources
qu'on pourrait avoir dans le système public parce
que, je veux dire, sur 18 000 médecins, il y en a 260 qui pratiquent au privé. Si vous dites :
Rapatrions ces 260 médecins là puis on règle tous les problèmes
d'accessibilité, j'ai de la misère à vous suivre.
Là
où j'avais... Peut-être trouverons-nous un terrain d'entente. Je pense que nous
avons une qualité de personnel soignant
extraordinaire dans le réseau de la santé. Ça, je le crois sincèrement. Quand
on est pris en charge, on est bien pris
en charge. Mais il y a un problème d'accessibilité qui est majeur, et ça, c'est
symptomatique d'un réseau qui est déficient dans ses opérations. Alors, pourquoi réformer le système? Parce qu'il
échoue. Pourquoi le réformer rapidement? Parce que les gens attendent, malgré des impôts colossaux, malgré des montants
colossaux qui sont investis dans ce réseau de la santé là... 44 % du budget, et c'est en augmentation constante, à
tel point qu'un jour il va falloir se demander où est-ce qu'on va arrêter. Vous, vous dites :
Continuons, ça en prend plus, plus de ressources, plus de ressources, plus
d'argent. Mais, à un moment donné, là, le gestionnaire responsable va
dire : On ne peut pas parce qu'il y a aussi un réseau de l'éducation, il y a aussi un ministère des
Transports, il y a aussi un ministère de la Sécurité publique, il y a aussi un
ministère de la Justice, hein? Il y a
d'autres missions dans l'État qui sont fondamentales et qui ont besoin de ces
sommes-là aussi, des deniers publics de l'État. Donc, il va falloir
qu'on fixe une limite.
Si
on propose le statu quo comme vous le faites, comment peut-on rendre le système
plus efficace, et ce, dans un court laps de temps? Parce que les
Québécois attendent ce moment-là depuis au moins 10 ans.
Mme Chabot (Louise) : Eh! vraiment plein de choses.
Bien, on va commencer par une chose : nous, on ne démonisera pas le système de santé au Québec.
On a un bon système de santé au Québec en
général, on a... Toutes les statistiques que vous donnez toutefois sur les problèmes d'accès et les listes d'attente, vous allez
retrouver ça dans notre mémoire. Mais partir a priori que le système de santé québécois n'est pas bon... Mais vous avez dit : Il est
de qualité, là. Puis ce n'est pas un
affront à notre intelligence, on va se rejoindre, parce qu'il y a de la grande qualité puis on a fait des grands pas dans notre système de santé et des services sociaux. Puis, si on a fait des grands pas, bien, c'est parce qu'il y a du personnel puis qu'il y a
des besoins en soins puis on a voulu y répondre. Mais là on peine à y répondre.
Et
savez-vous ce qui se passe... Puis la façon de garder un système de qualité,
bien, c'est de mieux, oui, le financer. Parce que la nature a horreur du vide. Si on crée effectivement... Parce
qu'on ne voit pas aux questions d'accessibilité de façon criante... Parce que c'est le problème de notre système de
santé, le problème d'accessibilité, ce n'est pas un problème de qualité.
Mais, si on n'y voit pas, la nature a horreur du vide, puis là on voit
apparaître des entreprises privées, des marchands — parce qu'il y a de l'argent à faire dans le
réseau de la santé, hein? — dire : Bien, on pourrait s'approprier ça. Nous, on pense que ce n'est pas là, la
solution. On peut la partager ou pas, parce qu'on sait aussi quelle solution
vous partagez.
Mais je vais terminer avec une chose. Je veux
laisser la parole à Mme Montour. L'urgence, on va être d'accord avec vous, c'est d'améliorer la qualité et la quantité
des soins, mais il n'y a pas d'urgence à adopter une réforme qui ne réglera rien des problèmes dont vous avez parlé.
C'est un projet de loi de structure et non pas un projet de loi pour améliorer
nos services de santé et les services
sociaux. Ça fait que vous devriez être d'accord avec nous de rejeter le projet
de loi et de s'attaquer aux vrais problèmes du système.
Mme Montour (Claire) : Bien, peut-être pour en rajouter, on en a entendu
parler tantôt, là, les corridors, les protocoles vont demeurer les points de service. Mais, écoutez, il faut se rappeler
que, depuis qu'il y a eu la dernière fusion qui était pour tous ces motifs-là qu'ils n'ont pas
rencontrés, parce que les problèmes sont toujours présents... Donc, il faut
corriger l'accessibilité. Il faut se
dire que, si ce projet de loi là, malgré toute l'opposition puis qu'on demande
le retrait, s'il fallait fusionner
tout ça, il faut tout recommencer les protocoles, préserver nos missions. Parce
que les protocoles, à l'époque, là, on
a commencé à les voir dans nos établissements par rapport à des missions, type
d'établissement, type de service qui est donné, les services sociaux,
les soins de santé.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ceci met fin donc à l'échange
avec les parlementaires. Nous vous remercions, les représentantes,
représentants de la Centrale des syndicats du Québec.
J'invite
maintenant les représentants de la Confédération
des syndicats nationaux à prendre
place et je suspends momentanément nos travaux.
(Suspension de la séance à
12 h 25)
(Reprise à 12 h 29)
Le Président (M.
Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre
nos travaux.
Des voix :
...
Le
Président (M. Tanguay) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Merci
beaucoup. Nous allons poursuivre nos
travaux.
Nous accueillons maintenant les représentants,
représentantes de la Confédération des syndicats nationaux. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Dans un
premier temps, pour les fins d'enregistrement, nous vous demandons de bien
vouloir vous
identifier. Par la suite, vous disposerez d'une période de 10 minutes de
présentation. S'ensuivra un échange avec les parlementaires. Alors, la
parole est à vous.
Confédération des syndicats
nationaux (CSN)
M. Lacharité (Jean) : Merci, M. le Président. Alors, M.
le ministre, MM., Mmes les parlementaires, merci de nous accueillir
ici. Je vais vous présenter les gens qui m'accompagnent. Alors, à ma droite,
Jean Dalcé, qui est économiste et
salarié aux relations du travail de la CSN au Service des relations du travail;
Michel Tremblay, qui est président de la Fédération des
professionnèles, affiliée à la CSN; Guy Laurion, qui est vice-président de la Fédération de la santé et des services sociaux,
affiliée à la CSN; et Me Anne Pineau, qui est adjointe au comité exécutif de la
CSN. Merci de nous accueillir.
• (12 h 30) •
M. le ministre, je vais vous étonner. En commençant, je vais vous dire un certain
point de convergence parce que
je viens de vous entendre pendant la
présentation de la CSQ. Je suis d'accord avec vous que votre projet de loi est en parfaite continuité
avec le projet de loi de M. Couillard, 2004, il y a
10 ans. C'est, je pense, la phase finale de ce qui avait été entrepris
par la réforme Couillard.
Je
suis aussi d'accord avec vous quand vous dites que ce projet de loi nous est soumis dans un contexte d'austérité budgétaire
et de compressions budgétaires dont on voit les effets, je vous dirais, plutôt
catastrophiques parce que c'est à coups
de dizaines de millions dans les CSSS actuellement, et ces compressions budgétaires
ne s'attaquent pas à la bureaucratie, s'attaquent directement aux
services à la population. On en voit les effets déjà. Et on sait qu'on vise l'équilibre
budgétaire 2015‑2016 et qu'on veut récupérer, dans l'ensemble, 3,2 milliards
dans la révision des programmes, dont 2 milliards additionnels dans le
réseau de la santé et des services sociaux. Et ce n'est pas vrai que c'est en
s'attaquant uniquement aux structures administratives ou bureaucratiques qu'on va
pouvoir atteindre ce 2 milliards là. Donc, on est convaincus que votre projet de loi va vous
permettre d'appliquer des compressions budgétaires qui vont affecter les
services à la population.
Je
suis aussi d'accord avec vous quand vous dites que, comme organisation
syndicale, la CSN, on a été fortement critiques
de la réforme Couillard il y a 10 ans. Puis on a été fortement critiques parce
qu'on mettait en doute ce que visait la
réforme Couillard, qui sont exactement les mêmes objectifs que vous visez dans
votre projet de loi, dans l'énoncé à l'article 1. Quand vous dites que
vous visez à «favoriser et à simplifier l'accès aux services [pour] la
population, [à] contribuer à l'amélioration
de la qualité et de la sécurité des soins et [à] accroître l'efficience et
l'efficacité de ce réseau», c'est ce que M. Couillard nous disait alors
qu'il était ministre de la Santé et des Services sociaux.
Force
est de constater que, 10 ans plus tard, aucun résultat provenant de ce côté-là,
du côté de ces objectifs-là, rien n'a
été réglé au niveau des services de première ligne, rien n'est réglé au niveau
des soins à domicile. Les missions sociales
sont plutôt des parents pauvres du système de santé et de services sociaux, les
soins aux aînés sont les parents pauvres.
On a même commencé une privatisation avec le CHSLD en PPP, Saint-Lambert, qui
est une catastrophe, à notre avis :
un taux de roulement de personnel de plus de 100 % en un an, des
conditions de travail déplorables, parce que le propriétaire nous dit qu'il a signé un contrat avec le gouvernement qui
ne lui permet pas d'améliorer les conditions de travail, et ce qui entraîne effectivement ces conditions de travail
aussi précaires et aussi indécentes, ce taux de roulement, et qui brise
la qualité des services aux personnes aînées qui y habitent.
Alors, bref, rien n'a
été réglé. Et là vous nous proposez la phase finale qui va nous amener dans ce
qu'on a appelé, nous — je vais utiliser les mêmes termes ici qu'on
a utilisés dans les médias — dans des structures mammouth, du
jamais-vu, des unités administratives qui vont regrouper 28 000,
30 000 salariés sans compter les cadres. Et on est convaincus d'une chose, c'est que ça va accroître le taux d'encadrement
nécessaire dans le réseau pour assurer la gestion de ces structures-là.
D'ailleurs, c'est un
autre objectif visé par la réforme de M. Couillard, pour qui j'ai beaucoup de
respect par ailleurs tout comme pour vous,
M. le ministre, mais on se doit d'être critique dans la société quand on a des
convictions. M. Couillard nous disait
que ça diminuerait le taux d'encadrement, alors il a augmenté de 30 % dans
les 10 dernières années. Et nous, on
pense que vous allez aggraver le problème. Tout en continuant à négliger... ou
ce que ça aura comme effet, c'est de
négliger les carences qu'on vit dans le système. Et là je tiens à dire une
chose ici : On a un bon système de santé au Québec, une fois qu'on est
dedans. Le problème, il est au niveau de l'accessibilité. Le problème est au
niveau des services de première
ligne, je l'ai mentionné. Le problème est au niveau des missions sociales. Et,
quand vous regroupez sous un même
chapeau administratif l'ensemble des missions — l'urgence, l'hôpital, CHSLD, CLSC, centres jeunesse,
centres de réadaptation en déficience
physique, centres de réadaptation en déficience intellectuelle, et j'en oublie
sûrement — moi,
j'ai bien l'impression que, malgré votre article
55 du projet de loi n° 10 — parce que je parle bien du projet de loi n° 10, ici,
hein, je suis partie de l'objet de votre projet de loi, je sais que
vous avez fait des reproches à d'autres groupes qui ne parlaient pas du projet
de loi — quand
vous regroupez tout ça sous un même chapeau administratif, bien, moi, j'ai l'impression qu'on va vivre l'hospitalocentrisme
encore plus fortement, que non seulement on ne réglera pas les problèmes, mais qu'on va les aggraver, parce que, veux veux
pas, et c'est humain de faire ça, on va mettre l'argent là où ça saigne,
et j'ai... Notre crainte, c'est que les
missions sociales soient complètement noyées, soient complètement dénaturées,
et là on va s'entraîner des coûts
sociaux absolument astronomiques pour l'avenir, parce que, quand on
laisse des jeunes qui ont des
problèmes, qui ont des difficultés, puis qu'on ne traite pas ces
difficultés-là, les difficultés s'aggravent et là les coûts sociaux augmentent. Quand on laisse des personnes
en déficience intellectuelle sans être traitées adéquatement ou sans avoir d'accès à des traitements, ou à des soins,
ou à des services, on aggrave le problème. Déjà qu'un autre parent pauvre
du système, c'est la santé mentale, au
Québec, on le sait, c'est bien documenté, ça, alors, on pense que votre projet de loi, qui ne s'attaque qu'à des structures, ne règle en rien
l'ensemble des problèmes que l'on vit.
C'est
vrai qu'il y a une croissance des coûts très importante dans le
système, on ne nie pas ça, mais vous ne vous attaquez pas aux bonnes
causes. Je n'en nomme que deux : les médicaments et la croissance
vertigineuse, dans les dernières années, de
la rémunération des médecins. Je sais que vous êtes un tenant de la
rémunération à l'acte. Nous, on pense
que le meilleur système, ça peut être un système mixte par exemple. Et nous, on pense qu'il y a des obligations qui devraient être données aux médecins en termes de rendement, en termes de performance, et ce que le système de rémunération
à l'acte ne favorise pas en termes de nombre de patients à traiter, en termes
de...
Alors, écoutez,
nous, on pense que vous faites fausse route, et ça, sans compter un des effets
de votre projet de loi, qui
est une attaque en droite ligne à la démocratie participative dans le système.
Bien, vous ne pouvez pas nier ça, M.
le ministre, là. Vous vous donnez tous les pouvoirs, vous
nommez tous les dirigeants des CISSS... En passant, je vais faire une petite blague ici : par chance que vous
n'avez pas appelé ça les centres régionaux, parce que ça aurait fait un drôle
d'acronyme que je ne prononcerai pas. Mais
vous vous donnez... vous allez devenir omnipotent du réseau, M. le ministre. Vous nommez tout le monde, vous déterminez leur rémunération, vous nommez
des gens qui sont éloignés des besoins de
la population, qui sont des gens, des experts en gouvernance, des experts en
ceci et en cela, mais qui n'ont pas nécessairement l'expertise des besoins de la population. Et
votre projet de loi, au lieu de placer la personne au centre, au
coeur du réseau de la santé et des services sociaux — on
est loin de ça, là — il
ne s'attaque qu'à des structures administratives, à des structures
mammouth, qui, à notre avis, vont être ingérables.
• (12 h 40) •
Nous, on pense qu'il y a des choses à améliorer
dans le système. Je vous donne un exemple : on est tout à fait disposés à discuter d'organisation du travail dans
le réseau, mais on ne peut pas discuter d'organisation du travail uniquement
de façon macro et dans des structures
administratives aussi lourdes. Il faut que ça se discute établissement par établissement aussi. On peut le faire de façon macro, mais il
faut que ça ait des effets sur le terrain, et, pour en discuter, j'ai des
collègues ici qui sont des experts là-dedans, qui pourront revenir
là-dessus.
Vos pouvoirs,
M. le ministre, vous allouez les budgets... Et je vous ai bien écouté. La
journée que vous avez déposé votre
projet de loi, vous avez fait un point de presse en après-midi. Vous avez été
assez clair, vous avez dit : Je vais prendre les orientations, je vais prendre les décisions et
les gestionnaires sur le terrain vont exécuter. J'espère ne pas trop trahir
ce que vous avez dit, pas du tout. Donc, les
gens, dans les CISSS, au niveau des gestionnaires, vont devenir des exécutants.
Et vous avez même ajouté une menace à peine
voilée : Ceux qui n'entreront pas dans le rang, ils iront travailler
ailleurs. C'est assez dur, ça, comme
prise de position, et, en matière de dialogue social, mettons qu'on est plus
dans le monologue quand on met de l'avant des propos comme ceux-là.
Alors, M. le
ministre — puis
j'aurais bien d'autres choses à dire, mais on pourra ajouter dans les
échanges — on
vous demande simplement de retirer le projet
de loi parce que, ça a été dit par d'autres, il n'y a aucune consultation des
acteurs du réseau. Je me souviens que vous
m'avez déjà dit personnellement ne pas consulter — ça va être trop long, il faut agir
rapidement — mais
on pense que votre projet de loi sur la table actuellement ne permettra pas de
régler les problèmes qui sont criants dans
le réseau en matière d'accessibilité et de première ligne, de mission sociale,
de soins pour les personnes aînées.
Et je me pose une question : Que va-t-il advenir de la santé publique, de
tout le volet prévention? Parce qu'en
abolissant les agences... Vous savez très bien que les DSP sont liés directement
aux agences. Bon, ils vont se
retrouver dans la structure mammouth, mais... Et déjà qu'on a entendu que vous
vouliez imposer des compressions de 30 % au secteur de la santé
publique.
Et je vais
terminer par une autre question sur vos pouvoirs. À l'article 59, alinéa
12° : «Le ministre est responsable de soutenir les établissements
dans l'organisation des services — ça, ça va — et d'intervenir auprès
de ceux-ci pour favoriser la conclusion
d'ententes de services visant à répondre aux besoins de la population...» Vous
avez dit aux différents intervenants
que nulle part il n'était question de privatisation dans votre projet de loi,
mais des ententes de services avec qui, M. le ministre?
Le Président (M. Tanguay) : En
conclusion, M. Lacharité.
M. Lacharité (Jean) : Je termine
là-dessus.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Pour que ce soit un dialogue,
vous aviez droit à 10 minutes, vous en avez pris 14. Le ministre m'a demandé de vous les accorder, les
quatre minutes additionnelles. Alors, le ministre aura l'occasion de
discuter avec vous pour 12 minutes, passant de 16 à 12.
Avant de céder la parole au ministre, j'aimerais
demander aux collègues le consentement pour qu'on puisse poursuivre nos débats au-delà de l'heure prévue,
soit 13 h 15. Consentement? Consentement. Alors, M. le ministre, la
parole est à vous.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Je regrette quasiment de vous avoir
laissé mon temps, pas parce que ce n'était pas intéressant, c'est parce que là je pensais en avoir quatre de plus,
mais j'ai réalisé que j'ai perdu trois minutes à cause de ma collègue de Gouin qui est apparue puis c'est
bien correct. J'ai fait un mauvais calcul et je me suis trompé moi-même
dans mon échelle.
Alors, M.
Lacharité, M. Tremblay, M. Dalcé, M. Laurion et Mme Pineau, bienvenue. Je vous
remercie de votre style de
présentation et de votre précision dans votre présentation. Vous avez fait une
présentation à propos du projet de loi
n° 10, je vous remercie beaucoup. J'apprécie et je ne commenterai pas les
parties prédictives, négatives que tout le monde a, là, je n'irai pas sur ce qui va obligatoirement aller mal selon les
interprétations que vous pouvez faire, mais je vais aller sur les points
où on peut dialoguer, et on va parler... on va commencer par le dialogue
social.
Regardez, M. Lacharité, moi,
personnellement, là, quand vous me reprochez d'avoir des pouvoirs trop grands
en termes d'orientations puis
d'exécutants, voyez-le dans l'autre sens, dans le sens suivant : le
dialogue social est le dialogue qui
va exiger du ministre, moi ou un autre, de donner les bonnes orientations. C'est à ça que ça sert. Quand le projet de loi
n° 10 va être mis en place, là,
le dialogue social n'arrête pas, les pressions n'arrêtent pas. Les orientations
ministérielles doivent être composées
d'un certain nombre de choses, dont des choses qui sont standard pour ce qui
est de la pratique médicale, la
partie médicale comme telle, des standards de pratique, des évaluations de
qualité de l'acte, et ainsi de suite, mais
il y a des orientations sociales et aussi thérapeutiques, là, tel traitement,
à qui on va donner accès, là... pour lequel on va donner accès à la population ou non, et ainsi de suite. Ces orientations-là
sont le fruit d'un dialogue social et doivent l'être. Maintenant, à
partir du moment où il y a ce dialogue social là, libre à l'administration du
CISSS de trouver la meilleure manière
possible de livrer cette marchandise-là. Je ne vois pas ce qui est malsain
là-dedans, là. Et, si on peut échanger sur chacun des thèmes, je vais
aborder les autres thèmes.
Ne
trouvez-vous pas que le dialogue social doit passer par ce chemin-là? Vous
reprochez le fait que les gens sur le terrain
soient des exécutants. Moi, je pense qu'on ne peut pas reprocher ça. Ce n'est
pas une question d'être exécutant, c'est
qu'en quelque part, si le gouvernement ne donne pas
d'orientations qui sont le résultat d'un dialogue social, il sert à quoi, le gouvernement? À ce
moment-là, ce que l'on créerait, si
on enlève le palier gouvernemental, on créerait 20, 10, 15, 18 gouvernements régionaux. On peut faire ça.
C'est juste que le Québec, je ne pense pas qu'il y ait une structure
sociale et administrative pour réussir ça. Personnellement, c'est ce que
je pense.
Vous
me reprochez, dans une certaine mesure, d'avoir été dur pour ce qui est de
l'imputabilité. Bien, moi, je pense
qu'il en faut, de l'imputabilité, là, parce que
l'imputabilité... Moi, je ne sais pas comment vous voyez le
réseau de la santé, là. Moi, je le
vois de la... J'ai toujours essayé, dans ma pratique, dans ma vie, de le voir
du côté du patient. C'est sûr que je le vois aussi du côté du médecin, des infirmières, et ainsi de suite, là,
mais, du côté du patient, là, actuellement, est-ce que ça fonctionne idéalement? Évidemment, la réponse, c'est non. Et est-ce que ça pourrait
mieux fonctionner? Oui. Et, dans un
cadre où on donne des orientations et où on s'attend à des résultats, n'est-il
pas normal de voir un principe d'imputabilité
s'appliquer? Et l'imputabilité, dans le merveilleux monde de la gestion, ça peut être une félicitation
à la fin, là, puis ça peut être un
bonus à la fin, mais, quand ce n'est pas bon, on fait quoi, là? On dit :
Continue ton excellent travail, puis on se reverra l'année prochaine? Mais, à un moment donné, il faut
bien agir et moi, je pense que, dans le réseau, on a longtemps pas agi. C'est comme ça que je vois la chose. Et
ça, ça devrait me permettre de compléter mon commentaire sur les pouvoirs
du ministre. Je l'ai dit à plusieurs reprises — je vois que vous avez entendu
ce que j'ai dit, là, depuis le début : C'est temporaire et, à un moment
donné, ça va revenir à ce que c'est.
Vous
avez parlé des causes qui sont les problèmes du système que sont le médicament et les médecins, tant par leur rémunération que par les obligations. J'ai
dit à plusieurs reprises, vous l'avez entendu tantôt : les médecins,
l'accès, c'est une autre affaire qui va se régler d'une autre
manière, mais les principes sur lesquels vous sous-tendez votre critique
sont corrects. Je n'ai pas de problème avec ça, sauf sur un point. Je vais vous annoncer quelque
chose que vous ne savez probablement pas, d'ailleurs, il y a bien du monde qui ne le
sait pas, et particulièrement toute la famille Contandriopoulos ne le sait pas, là, parce que ce n'est pas des chiffres, là, mais la rémunération
mixte — M.
Lacharité a fait la démonstration, là,
c'est dans les chiffres, là, c'est démontré, un plus un égal deux, là, c'est
dans les chiffres gouvernementaux, là — la rémunération
mixte est un mode de rémunération qui diminue la production. C'est comme ça sur
la planète entière, alors qu'au
moment où l'accès est un problème aussi de productivité pure on propose, tout
le monde propose la rémunération mixte.
Ça ne marche pas, ça a été essayé partout, on l'a essayé, nous autres. Chez
nous, au Québec, la rémunération mixte a baissé la production de
30 %, 30 %, à un point tel que, si j'avais continué ma carrière
précédente, je l'aurais abolie, M.
Lacharité. La rémunération à l'acte a le bénéfice de la productivité, a le
désavantage, si les choses ne sont pas libellées correctement, d'entraîner certaines dérives. Les dérives, bien, elles
doivent être contrôlées. Ça se contrôle, personne ne les a jamais
contrôlées, on va les contrôler.
• (12 h 50) •
Quand
vous nous dites qu'il n'y a pas de résultat probant dans la dernière réforme... Puis je suis content qu'au moins on ait un dialogue, là, qui soit clair, net
et précis, là. Oui, on s'entend, là, c'est effectivement la continuation
de et la finalisation de. C'est vrai,
là, je vous l'accorde, et je l'ai dit à plusieurs reprises qu'il y a
des choses qui n'ont pas fonctionné idéalement,
mais on va... On a vu où les choses avaient accroché d'une part, et je ne pense
pas qu'on puisse dire que ce qui
s'est fait dans la dernière réforme ait été totalement négatif, là. Il y a
des choses qui ont été positives. Il
y a des choses qui étaient visées qui ne se sont pas réalisées,
puis on sait essentiellement où ça a bloqué, et c'est pour ça que, dans le
projet de loi, il y a un certain nombre de provisions, là, dont des pouvoirs,
pour empêcher que ça se reproduise.
Moi,
je ne peux pas conclure comme vous le concluez que la dernière réforme a été à
ce point-là négative. Je vois le
contraire, là. Il y a eu des choses positives sur le terrain. Notre gouvernement, en soins à domicile, a fait beaucoup. Est-ce
que
c'est suffisant? Bien, écoutez, c'est le défi de la prochaine décade. On
s'entend là-dessus. Est-ce
qu'on doit s'y adresser? La réponse, c'est oui. Mais c'est sûr que le projet de loi n° 10, là, ce n'est pas ça qui
va le régler, c'est un projet de loi de structures. Ça va se régler par des orientations ministérielles par
exemple, puis ça va se régler quand ces budgets-là seront protégés et
seront dirigés de façon correcte vers ces services-là. On s'entend, là,
là-dessus, là.
Mais moi, je vous
rejoins sur un paquet d'éléments. Il en faut un, dialogue, là, je suis d'accord
avec vous.
Une voix :
...
M.
Barrette : Pardon? Non, non,
je suis d'accord avec vous, mais pas sur tout, là, attendez, là.
Vous non plus, vous n'êtes pas d'accord
avec moi sur tout, là. Mais, si c'est le cas, attendez, on va faire la nouvelle
pas mal ce soir. Mais, en quelque part, là, nous, on pense qu'il faut avoir une approche un peu différente de
ce que l'on a eu à date pour avoir des résultats. Ça vous rassure-tu?
M.
Lacharité (Jean) : Brièvement,
parce que je vais laisser la parole à mes collègues
sur d'autres éléments, mais on est d'accord
sur la question de... D'abord, que vous donniez des orientations, ça, c'est le rôle du ministre, mais que vous vous ingériez dans de la microgestion, ça, ce n'est pas le rôle du ministre, et moi, je crains que votre projet
de loi vous permette ça. Et il faut
laisser l'espace aux gestionnaires locaux, puis, dans la mesure où il y avait
des membres de la société civile qui pouvaient participer aux orientations
régionales et locales, c'était ça, l'idéal. Maintenant, ça, c'est complètement
aboli, là, par les nouveaux CSSS.
M. Barrette : Non, ce n'est pas aboli. Je vais vous arrêter, je
ne suis pas d'accord avec vous là-dessus. Moi, je l'ai présenté tout le long de la commission parlementaire comme étant une forme de régionalisation réelle.
Parce qu'il y a des orientations qui sont données, les
organisations ont la responsabilité de livrer une certaine marchandise. Je
comprends que le terme n'est pas
idéal, là... mais c'est quand même... il y a des livrables, là. Mais, pour ce
qui est de... Moi, là, ce n'est pas
un projet de loi qui vise la microgestion, c'est le contraire. Normalement, là,
c'est l'administration locale qui devrait être à la caméra à chaque fois
qu'il y a un drame, pas à l'Assemblée nationale. C'est bon pour la période de questions, ce n'est plus utile pour la société,
mais, quand... Parce qu'on ne peut pas faire abstraction de la possibilité que
l'ensemble de l'administration fonctionne mal, et là, à un moment donné, il
faut bien que le ministre ait la possibilité d'intervenir,
moi ou un autre, là. Si on constate que, dans un CISSS donné, là, ça boite,
mais ça boite beaucoup, là, vous venez
me voir, vous, là : Dr Barrette, là, ça va mal, là-bas, là, vous n'avez
pas mis les bons joueurs. Bien là, j'attends quoi, là? J'attends la prochaine réélection dans trois ans
ou je débarque, puis on fait une intervention? Il faut avoir ce pouvoir-là à
quelque part. Et j'irai même jusqu'à vous
prédire que ça va arriver, ce que je vous dis là, là. Vous allez débarquer à un
moment donné dans nos bureaux puis vous
allez dire : O.K., c'est bien beau, tout ça, là, mais il y a un bout qui
ne marche pas dans tel endroit, on a
averti les autorités de la place, puis il ne s'est rien passé. Il faut bien que
le ministre ait la capacité d'intervenir.
M.
Lacharité (Jean) : M. le
ministre, quand vous nous dites, à l'article 130, que «le ministre peut [...]
prescrire des règles relatives à la structure organisationnelle de la
direction des établissements», ça va loin, ça. Ça va loin.
M. Barrette : Ça va loin?
M. Lacharité
(Jean) : Bon, ceci étant
dit, on est d'accord avec l'imputabilité, là. Ça, on ne s'opposera pas à ça.
Puis vous avez même une clause pénale, je ne me souviens plus...
M.
Barrette : Si un hôpital universitaire refuse de jouer son rôle en termes
de corridor de services avec les autres hôpitaux, régionalement ou suprarégionalement... C'est sa job, là, puis
moi, je peux vous dire que, dans certains hôpitaux de ce calibre-là, il y en a qui ne veulent pas la
jouer, leur job... la jouer, leur... la prendre, leur responsabilité. Mais à un
moment donné il faut que quelqu'un mette les
points sur les i puis les barres sur les t. Comme j'ai deux t dans mon nom,
je suis habitué d'en mettre, des barres sur les t, là.
M. Lacharité (Jean) : Michel.
M.
Tremblay (Michel) : Moi, je
voudrais revenir sur le dialogue social. Où on est sceptiques par rapport à
votre position sur le dialogue social
d'une part, c'est que, bien, jusqu'à maintenant, la forme de consultation que
vous avez faite, ce que vous avez fait
auprès des agences, faire signer des ententes de confidentialité avec les D.G.
quand vous donnez de l'information, nous, on pense que, pour faire un débat serein,
il aurait été correct de mettre sur la table l'ensemble des morceaux que vous avez dans votre sac sur la suite
des choses. Quand on prétend qu'il va arriver telle affaire, vous nous dites : Ce ne sera pas ça, ce qui s'en vient,
c'est autre chose. Est-ce qu'on pourrait faire un débat beaucoup
plus large, compte tenu de l'importance du dossier de la santé, des
services sociaux?
Répondre à un
élément... Hier, vous étiez surpris que les sages-femmes soient inquiètes,
alors qu'elles n'ont pas été entendues, elles n'ont pas été reçues, le
Regroupement des sages-femmes. Bien, je comprends que vous allez les rajouter
dans les C.A. C'est probablement un oubli de votre part, et on en prend note.
Sur le bilan...
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Par contre, désolé, je dois
céder la parole maintenant à la collègue députée de Taillon. Vous pourrez, dans l'échange avec elle, compléter.
C'est le rôle ingrat de la présidence de tenir le temps. Alors, Mme la
députée de Taillon, pour 9 min 30 s.
Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le
Président. M. Lacharité, vos collègues, M. Tremblay, M. Laurion, Mme Pineau, M. Dalcé, bienvenue. Alors, moi,
j'entends différentes choses, et ce que je comprends du ministre, c'est
qu'il revient souvent sur l'importance, pour lui, que lui donnera le projet de
loi n° 10 de déterminer des orientations. Mais je ne vois pas dans le système actuel ce qui l'empêche de les
donner, ces orientations-là. Il a toute la latitude pour les donner. Je pense qu'où on est vraiment
déficients et où notre système de santé public, on le rend vulnérable, c'est
dans les lacunes par rapport aux
mesures de résultats et aux mécanismes qu'on n'a pas mis en place pour valider
ces résultats-là.
Et je vais
citer le premier ministre actuel, M. Couillard, qui a fait la réforme en 2003,
mais qui a eu l'honnêteté de reconnaître, le 1er décembre 2011, dans une
conférence qu'il a donnée à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain... Il a dit : «Est-ce que c'est
vraiment une bonne chose que le ministre de la Santé soit le dirigeant ultime
du système de santé[...], ou [s']il ne
devrait pas, comme élu, être parmi ceux qui évaluent les résultats du système
et [également]
posent des questions par rapport aux objectifs que lui, comme homme ou femme
politique, aura déterminés?» Et je
pense que notre système de santé actuellement paie un lourd prix à ce qu'on
n'ait pas des mécanismes de résultats qui
soient vraiment garantis. Et la première étape à ça, ce n'est pas le projet de
loi n° 10, c'est un système d'information vraiment bien adapté où on peut savoir qu'on suit le patient et on...
l'information suit le patient, suit le citoyen, suit l'usager dans ses
différentes démarches en termes de service social et également en termes de
santé.
Alors, les
grandes orientations, là, je pense que tout le monde au Québec les a dites,
tous les gens qui sont passés ici, on
les connaît : c'est la première ligne, c'est les soins à domicile, c'est
le soutien aux plus démunis, c'est la prévention, c'est l'accompagnement des gens avec des
déficiences intellectuelles et physiques, et ça, on n'a pas besoin d'un projet
de loi pour ça. Mais les paramètres
de vérification, de validation, ça, on a besoin d'interventions là-dessus.
Alors, je pense qu'on est en train de
passer à côté, parce que les paramètres de contrôle que je vois, c'est plus le
contrôle des individus que la partie de vérifier des résultats
thérapeutiques ou des résultats sociaux pour nos citoyens.
Moi,
j'aimerais vous donner le temps, M. Lacharité, de parler de votre
crainte parce que je l'ai déjà, moi, encerclé, de l'article 59, le
12° alinéa. J'aimerais ça, vous entendre développer cet aspect-là du projet de
loi n° 10.
• (13 heures) •
M. Lacharité (Jean) : Bien, écoutez,
nous, on pense que c'est la porte ouverte à la privatisation. Si, avec les compressions budgétaires, on diminue le panier de
services dans le réseau public de santé et de services sociaux, s'il y a...
on diminue encore plus
l'accessibilité, ce qui est un problème, là, puis que les listes
d'attente augmentent, bien, la réponse, ce sera peut-être : Bien là, on va en donner un bout au secteur
privé pour répondre aux besoins de la population. Nous, c'est comme ça qu'on voit ça. On n'est pas tout
seuls à voir ça comme ça. J'ai très bien entendu la présidente de la Fédération des chambres de commerce du Québec
venir dire ici que c'était merveilleux, ce projet de loi là, parce que ça
ouvrait la porte à la privatisation du
système et qu'enfin le système deviendrait beaucoup plus compétitif parce que
le privé y serait inclus, ce qui est totalement faux. Si c'était le cas,
là, le CHUM puis le CUSM, on ne vivrait pas les dépassements de coûts
astronomiques. C'est presque le triple de ce qui était prévu au départ.
Et là, si on
veut trouver de l'argent, là, moi, je pense... j'invite le gouvernement à
rapatrier ces deux centres-là dans le
réseau public pour les 35 années à
venir. Parce que, sur la base de ce qu'on a vécu dans les deux
dernières années où les coûts sont
passés de 2 point quelques milliards à 6 point quelques milliards, ne serait-ce
qu'au niveau de la construction avec des scandales qu'on a bien vus — dont un, quelqu'un qui est emprisonné à l'étranger, puis
qu'on n'est pas capable de rapatrier,
puis qui a même falsifié son curriculum vitae, ce qu'on a vu dans les
médias dernièrement — bien,
je vais vous dire que par ailleurs je suis content qu'il y ait une clause pénale, là, si on peut régler ces
cas-là, là. Moi, j'ai appelé ça — je
ne me souviens plus du numéro de la clause, là... vous prévoyez des amendes, là — la
clause Porter, pour ne pas le nommer. Je suis content que ce soit là,
mais, si c'est pour contrôler les individus parce que le ministre veut faire de
la microgestion puis qu'il y a
des gens qui disent : Non, ça ne répondra pas vraiment
aux besoins de la population dans telle région, dans telle localité ou
dans tel centre, bien, ça, ça ne va pas, effectivement.
Mais 59.12°, pour nous, ça ouvre toute la porte
à n'importe quoi. Et c'est vrai que, s'il y a beaucoup moins d'accessibilité dans le réseau, qu'on diminue le
panier de services, bien, on va se tourner vers le privé et l'article 59.12°
permet au ministre d'obliger les établissements ou les nouveaux CISSS à
conclure des ententes de service.
Mme
Lamarre : ...la parole à mon
collègue. Mais est-ce
que vous croyez quand même... Parce que, si on est dans une perspective
d'amélioration par rapport à ce qu'on a, que, si on avait des meilleurs
indicateurs de performance, on pourrait
améliorer quand même un peu la... donc, créer une compétition — mais
à l'intérieur du système public, ce n'est pas une
compétition mais une concurrence — avoir certains indicateurs qui
permettraient de dire : Bien, on peut faire mieux, ou même de donner de
temps en temps aussi une félicitation
à des gens qui travaillent bien puis qui performent bien, alors que, là, l'absence d'indicateurs fait
que tout le monde est mis dans le même panier et qu'on ne sait pas vraiment
qu'est-ce qui est le plus efficace et le plus efficient...
M.
Lacharité (Jean) : On a des
indicateurs pour identifier des lacunes en matière de livraison ou de
dispensation de services, que ce soit
dans le réseau de la santé ou dans celui des services sociaux. Puis qu'on
puisse amener les correctifs nécessaires pour corriger ces lacunes-là,
parfait, on est loin d'être contre ça.
M. Lisée :
Merci, chère collègue. M. le Président, je suis content de vous voir et de vous
revoir. M. Lacharité, M. Tremblay, M.
Laurion, Mme Pineau, M. Dalcé, vous me connaissez, vous m'avez vu parfois, dans
vos instances, plaider pour, à la fois, bon, le respect des droits des
salariés que vous représentez, mais aussi vous inciter à être une force de proposition. Je pense que l'avenir du secteur
public et la défense du secteur public face aux intrusions du privé résident
dans la capacité des associations de travailleurs et de travailleuses de
proposer constamment des façons d'améliorer la qualité du service, sa performance, sa productivité, et c'est donc le
contraire de ce que le ministre nous propose, c'est-à-dire une réforme par le haut. Moi, je crois aux
réformes par le bas, et même les bons «managers» savent que 50 % des
innovations, même dans le secteur
privé, on les trouve chez les salariés qui ont une très bonne idée de la façon
dont le travail devrait être organisé
et... à la fois pour protéger la qualité de leur travail et la qualité des
services qu'ils donnent aux citoyens.
Et vous avez
raison de dire dans votre mémoire que cette réforme, celles qui l'ont précédée
provoquent un état perpétuel de
désorganisation. C'est ce qu'on nous annonce, là, pour les prochaines années,
un état perpétuel de désorganisation qui
fatigue et démobilise les travailleurs sur le terrain sans résoudre les
véritables problèmes. Et puis vous dites aussi très bien que tout ce débat que nous avons maintenant,
enfin, nous empêche de discuter des vraies affaires. Les vraies affaires,
c'est que, d'abord, cette réorganisation,
elle doit trouver 200 millions pour remettre au Conseil du trésor, et on
doute tous du fait qu'on va trouver
ces 200 millions, mais qu'il y a une commande supplémentaire de quelques
milliards où une partie devra venir de la Santé, et vous notez déjà que les dernières coupes
annoncées en santé publique frappent la prévention des agressions sexuelles, la prévention des
traumatismes, la prévention des chutes à domicile, la prévention du jeu
pathologique, la sécurité alimentaire
des populations vulnérables, etc. C'est ce qui est en train de se passer sur le
terrain pendant qu'on discute de structures.
Maintenant,
j'aimerais vous entendre sur un aspect que vous soulevez, qui est celui du fait
que, malgré la volonté exprimée par
les gouvernements de protéger les budgets des services sociaux, de la
prévention et dont on sait qu'ils sont insuffisants
puis qu'il y a des listes d'attente, en quoi est-ce que la proposition du
ministre va rendre ce glissement des budgets de la prévention vers le
curatif plus grave que ce n'est le cas actuellement?
M.
Lacharité (Jean) : Permettez,
M. le président, je vais céder mon droit de parole à M. Laurion puis à M.
Tremblay pour répondre aux questions.
Le Président (M. Tanguay) : Pour
malheureusement 20 secondes, qu'il reste.
M. Laurion (Guy) : 20 secondes?
Le Président (M. Tanguay) : Oui,
allez-y, s'il vous plaît.
M. Laurion
(Guy) : En 20 secondes, écoutez, je suis content de vous entendre dire
qu'il y a une démobilisation au
niveau du personnel; les statistiques, je veux dire, par rapport à la gestion
du personnel dans le réseau de la santé et services sociaux, sont
frappantes. Décembre 2013, le rapport en est sorti.
On parlait
tantôt aussi en même temps de consensus et on n'avait pas le temps de consulter
les intervenants du milieu. Je
rappellerai que le 16 juin dernier, on a tenu un grand rendez-vous national où
c'est que l'ensemble des composantes
du réseau, donc 425 participants autour d'une même table dans un même lieu
réunis, 22 organismes représentés au niveau du minisommet en
soirée, 100...
Le Président
(M. Tanguay) : Merci beaucoup, merci beaucoup. Vous pourrez...
l'occasion de compléter votre réponse. Je cède maintenant la parole au
député de La Peltrie pour 6 min 30 s.
M.
Caire :
Je veux juste vous rassurer, il est comme ça avec nous autres aussi. En fait,
deux sujets que je veux aborder avec vous : la question de la
privatisation puis la question de la gouvernance.
Sur la
privatisation, je vous ferais un peu la même remarque que j'ai faite à vos
prédécesseurs. Quand vous avez, par
exemple — puis je
vais prendre un exemple bien concret — quand vous avez besoin d'une IRM puis qu'on
vous répond dans le système que c'est
des mois d'attente et qu'il n'y a pas de liste intégrée, donc, là, vous appelez
à chaque hôpital, là, pour essayer de
vous magasiner votre hôpital, puis qu'à toutes les fois on vous dit :
C'est des mois, et des mois, et des mois d'attente, puis qu'au privé on
vous dit : C'est deux jours, vous feriez quoi? Parce qu'on n'est pas épais
à temps plein, là. C'est 665 $ au privé
une IRM. Si j'ai le choix entre payer ça puis prendre ma carte d'assurance
maladie pour le même délai, je ne
suis pas fou, je vais prendre ma carte d'assurance maladie. Mais vous ne pensez
pas que les échecs successifs d'accessibilité... Parce que, je le redis,
notre réseau de la santé nous donne une qualité de soins exceptionnelle quand on est capables de voir un professionnel,
quand on est capables de le voir, parce que, si tu n'es pas capable de le
voir, ton médecin, il a beau être bien bon, il n'est pas bon pour toi, tu ne le
vois pas. On s'entend?
Donc, vous,
vous feriez quoi si votre enfant, votre femme avait besoin d'un examen puis
qu'on vous dit : Dans le réseau public, c'est 12 à 18 mois, au privé,
c'est la semaine prochaine. Vous feriez quoi?
M. Lacharité (Jean) : Je vais
laisser la parole à M. Tremblay.
M.
Tremblay (Michel) : Bien, je
vais vous répondre en deux temps. Premièrement, ça existe déjà pour les
services de réadaptation physique
pour les cas de CSST et les cas de SAAQ. 90 % des cas actuels sont traités
dans le privé, et ça coûte au Québec
plus cher que dans toutes les autres provinces canadiennes réunies parce qu'on
fait affaire avec le privé. Oui, je suis d'accord avec vous, c'est... si
on essaie d'aller au public, on n'est pas capables d'y aller.
Donc, comment
est-ce qu'on peut rendre ce système efficace et efficient? On a parlé beaucoup,
dans ce lieu puis au cours des
dernières années, d'efficacité, efficience puis on a un texte de convention
collective où on met en place un comité
où on revoit des moyens d'améliorer la qualité et l'efficience des services,
l'organisation des services et la charge de travail, la satisfaction et la valorisation au travail, les questions
de nature professionnelle, la dispensation des services hors de l'établissement. Cette version-là est
signée par le Dr Bolduc, mais j'en ai des versions signées par tous les
ministres de la Santé. Et il n'y a
jamais eu de message clair du ministère pour dire : Est-ce que,
localement, on peut regarder, de façon
paritaire, la façon de revoir l'organisation du travail? Moi, je pense que la
réponse à votre question, elle passe par là.
M.
Caire :
Bien, je détecte dans votre réponse qu'on s'entend sur une chose :
l'organisation échoue à être plus efficace.
Je veux juste donner quelques statistiques. Dans les 10 dernières années, le
budget de la santé a augmenté de 64 %.
C'est une moyenne d'augmentation entre 5 % et 7 % par année, ce qui
est pas mal plus que le PIB, que l'inflation, que tous les autres ministères, donc, des investissements massifs. Le
corps médical a augmenté : les omnipraticiens, un petit peu moins que 20 %, les spécialistes,
un peu plus que 20 %, donc beaucoup plus rapidement que la population et,
malgré ça, le Commissaire à la santé nous
dit : L'attente dans les urgences a augmenté, l'attente sur les listes
pour une chirurgie
a augmenté, donc l'accessibilité globalement a diminué, malgré un
investissement en ressources et humaines et financières sans précédent.
Alors,
on s'entend que ce n'est pas une question de sous, parce que tantôt vous
faisiez référence, si on coupe dans les
budgets... on n'a pas coupé dans les budgets au Québec, on a investi
massivement et on n'a pas de résultat au dixième du début du
commencement des ressources qu'on a mises dans le réseau.
Or,
là, moi, je veux bien qu'on fasse des comités, puis des commissions, puis des
grands rendez-vous nationaux, puis
des grandes réunions, là, mais M., Mme Tout-le-monde, qui est dans la salle
d'attente, là, puis qui s'en va... C'est 6 500, l'année passée, personnes qui ont quitté une salle d'urgence
sans avoir vu le médecin parce qu'ils avaient attendu trop longtemps. Eux autres, là, qui paient des
impôts puis qui en paient en
tabarouette, des impôts puis des taxes, là, ils s'en foutent des comités, là. Ce qu'ils veulent,
c'est voir un médecin. Or, comment on réorganise le réseau pour qu'on voie un médecin?
• (13 h 10) •
M. Lacharité (Jean) : Ce n'est pas parce que je ne suis pas capable de vous répondre, mais je
veux permettre aux personnes qui m'accompagnent de pouvoir répondre.
Alors, Michel en premier.
M.
Caire :
Oui, oui, allez-y.
M. Tremblay (Michel) : Bien, je pense que ça revient au dialogue social.
Il faut que tous les intervenants du réseau s'assoient et regardent l'ensemble de la situation, ce qu'on a commencé
à faire avec l'AQESSS, et on se revoit en décembre. Et c'est dans ce sens-là que, quand on dit que le
bilan actuel de la dernière réforme... Nous, on constate... Il y a actuellement
des CSSS où il y a un hôpital et il y a des CSSS où il n'y a pas d'hôpital. Le
bilan qu'on fait est différent dans les deux
situations. Quand il n'y a pas d'hôpital, les services de prévention, les
services de soins à domicile sont davantage mis en place, les cours prénataux sont meilleurs que quand il y a un
hôpital parce que tout l'argent s'en va dans l'urgence. Pourquoi l'argent s'en va dans l'urgence? Vous
l'avez dit, tout le monde est obligé d'aller frapper à la porte de l'urgence
parce qu'il n'y a pas de coordination sur le
réseau pour se trouver un médecin traitant, pour se trouver un médecin qui
peut faire un suivi médical. La majorité des
interventions qui sont faites en urgence ne devraient jamais se retrouver en urgence. Donc, comment trouver une solution à ça?
Ce n'est pas dans 10 minutes aujourd'hui, mais est-ce qu'on peut trouver
une façon de s'asseoir et faire un dialogue social autour de la situation?
M.
Caire : Écoutez, je ne veux pas être méchant, mais vous avez
plus de questions que de solutions. Puis, je suis d'accord avec vous, le projet de loi du ministre,
il est loin d'être parfait, là, puis il a besoin d'être amélioré. Notamment,
sur la gouvernance, vous dites : Le
ministre a trop de pouvoir. En même temps, il y a une reddition de comptes puis
je dois admettre que le ministre
répond quotidiennement à un paquet de questions sur un paquet de sujets.
Comment on fait pour donner au
ministre le pouvoir d'agir puis de faire avancer la réforme tout en s'assurant
que ça ne devient pas un nid à bonbons partisans, là?
M.
Laurion (Guy) : Moi, là, je vais vous inviter. On va aller faire une
tournée, que ça soit en centre jeunesse, CHSLD, CRDI entre autres, on va aller voir les travailleurs,
travailleuses qui donnent, sur le terrain, les services, à savoir... puis leur dire : Écoutez, il n'y a pas de
compression dans le réseau, il y a bien de l'argent qui a été investi. Ce
réseau de la santé et services sociaux
là, là, sur les 20 dernières années, il n'y a pas eu une stabilisation, on a
toujours eu des réformes par-dessus
réformes et sans même — encore là, vous parlez d'indicateurs ou de constats — sans même arriver à un constat de ce
qu'on a mis en place, est-ce que c'est bon ou pas bon.
On parle
d'intégration sur des services, mettons, qui ne seraient pas inclus...
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup.
M.
Laurion (Guy) : ...puis les CISSS, je veux dire, vont y répondre. Pour
quelle raison qu'à ce moment-là, dans ces
parties-là, on n'est pas en mesure, dans un premier temps, avec ce qu'on a
actuellement... Où c'est que ça ne fonctionne pas? Pourquoi qu'on n'est
pas capables de sortir des consensus, puis trouver les solutions? Le...
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je dois maintenant céder la
parole... Ça tombe deux fois sur vous, vous
allez le prendre personnel, mais il ne faudrait pas. Je me dois, c'est mon
rôle, de céder maintenant la parole à notre collègue députée de Gouin
pour trois minutes.
Mme
David (Gouin) : Merci, M. le Président. Une fois n'est pas coutume, je
vais vous en donner, moi, des pistes de solution, que je n'ai pas
inventées, parce que ça fait des heures qu'on écoute des gens venir nous
parler, là. Il y a l'association médicale
des médecins qui nous a dit : Il faut éviter les «sur» :
surtraitement, surdiagnostic, surmédicalisation. Réorganiser la profession médicale, je pense que ça commence à être
important, là. On ne manque plus de médecins de famille, ce n'est pas normal qu'on ne puisse pas... qu'on ne soit pas
capables d'en voir. Des services de proximité, il va falloir se dire que
les GMF doivent être ouverts le jour, le soir, la fin de semaine, puis il
faudrait peut-être revaloriser l'action des
CLSC. Utilisation des infirmières praticiennes ou surspécialisées, plusieurs
nous l'ont dit. Développer le réseau des
services de maintien à domicile. Moi, je pense que les gens nous le disent, ce
qu'il faut faire; ce que je ne sais pas, c'est pourquoi on ne fait pas
ça et, plutôt que de faire ça, on s'attaque à une réforme de structure.
Et,
dans la minute qui va vous rester, il y a un point que vous n'avez pas abordé
dans votre mémoire, c'est celui des
conséquences du projet de loi n° 10 sur toute l'organisation syndicale et
tous les bouleversements que ça va apporter dans les prochains mois.
J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.
M.
Lacharité (Jean) : Bien, on
pense qu'au niveau des relations de travail ça va être invivable, parce que
rien de mieux que des relations de
proximité pour aborder des relations de travail qui... puis éviter des
conflits, et on pense que ça va
entraîner une judiciarisation des relations de travail. On est pas mal
convaincus de ça parce qu'imaginez-vous, là, dans une seule unité syndicale, pour 10 000, 12 000
salariés, là — parce que
ça va être par catégories, là, il y a quatre catégories dans le
réseau de la santé et des services sociaux — avec un patron qui n'est pas dans
l'établissement nécessairement, mais
qui est sous le chapeau de... administratif, je vais le dire comme ça, de
l'hôpital, si c'est un problème dans
un centre jeunesse, comment on va régler ça? Si c'est un problème dans un
centre de réadaptation, comment on va
régler ça? Avec un gestionnaire qui n'a probablement pas la connaissance du tout du milieu? Alors, ça va être des dépôts
de griefs par-dessus dépôts de griefs.
Et je vais vous dire, un comité de santé et
sécurité au travail, par exemple, pour 28 000 salariés, paritaire, comment ça va fonctionner? Comment on va pouvoir
faire avancer le dossier de la santé et sécurité au travail? Nous, on a d'énormes préoccupations à cet égard-là et on
pense qu'on va démobiliser les gens du réseau, qu'on va diminuer leur sentiment d'appartenance. Les salariés terrain,
là, on va diminuer leur sentiment d'appartenance, et une démobilisation puis une démotivation des gens du réseau, c'est
loin d'être ça qui va améliorer la qualité des services à la population. Et ce
n'est pas parce que les gens ne voudront pas rendre de bons services, c'est
parce qu'ils ne trouveront plus à qui s'adresser lorsqu'ils vont vivre
un problème dans le réseau. Ils ne trouveront pas le gestionnaire à qui
s'adresser, il va être beaucoup trop éloigné d'eux-mêmes, puis il ne comprendra peut-être
pas ce que les gens vivent, puis il ne comprendra peut-être pas le
problème de service, la lacune du service qui doit être donné aux citoyens.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin aux échanges avec les parlementaires. Nous
remercions les représentants de la Confédération des syndicats nationaux.
Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux
de la commission jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 16)
(Reprise à 15 h 6)
La
Présidente (Mme Montpetit) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires. Nous allons poursuivre les consultations particulières et audiences publiques sur le projet de loi n° 10, Loi
modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des
services sociaux notamment par l'abolition des agences régionales.
Alors, je
souhaite la bienvenue à nos invités de la Société Saint-Jean-Baptiste.
Pour les fins d'enregistrement, je vous
demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour faire votre exposé, et par la suite nous procéderons à
la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.
Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB)
M. Laporte (Maxime) : Alors, Mme la
Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, alors je suis Maxime Laporte. Je suis le président général de la
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. À ma gauche, Mathilde Lefebvre, qui est l'auteure de l'étude de
l'Institut de recherche en économie contemporaine sur la bilinguisation du système de santé au Québec. À ma droite, M.
Éric Bouchard, qui est coordonnateur aux affaires politiques et responsable
des Partenaires pour un Québec français à la Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal.
Je vais
commencer en présentant un peu ce qu'est la Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal. La SSJB a été fondée en
1834 par le journaliste Ludger Duvernay dans le cadre du mouvement patriote.
Elle préexiste donc à la législature de la province du Québec où nous nous trouvons en ce moment, en plus d'être la
plus ancienne institution militante et toujours active pour la promotion et la défense des intérêts du Québec. Depuis
ses tout débuts, la SSJB n'a eu de cesse de s'impliquer activement dans
la vie démocratique du Québec. Elle a joué un rôle important dans son histoire
culturelle, sociale et économique, tout comme dans la définition de notre
identité nationale.
En plus d'être
à l'origine de la fête nationale du Québec, rappelons que la SSJB a contribué
de près à de nombreuses réalisations
et institutions dans notre histoire : les Hautes Études commerciales, la
chambre de commerce de Montréal, la
première caisse d'épargne, la Société nationale de fiducie, les premières
mutuelles d'assurance, les prêts et bourses
via le Prêt d'honneur, l'école des beaux-arts, la première école technique, le
Monument national, la Fédération nationale
Saint-Jean-Baptiste, qui est le premier mouvement féministe à voir le jour au
Québec, la croix du mont Royal, l'adoption
du fleurdelisé comme drapeau du Québec, l'adoption du français comme langue
officielle du Québec, et, plus récemment, les Partenaires pour un Québec
français, le Mouvement Québec français, la Coalition pour l'histoire.
Quant
à ses combats contemporains pour le français dans le milieu de la santé, eh
bien, convaincus que la vitalité et
la pérennité de la langue française au Québec passent d'abord par nos
institutions, notamment le milieu de la santé, la société est intervenue
à plusieurs reprises ces dernières années afin d'attirer l'attention des
citoyens et des décideurs publics sur
diverses problématiques en lien avec ces considérations. Avec le regretté Dr
Denis Lazure, ancien ministre, et le professeur
Guy Rocher, sociologue, elle a initié la Coalition pour un seul méga CHU dans
le but de dénoncer la construction de deux
mégahôpitaux universitaires à Montréal, l'un francophone et l'autre
essentiellement anglophone. La
décision de construire ces deux institutions monstres plutôt qu'une seule aura
jusqu'ici coûté des milliards de dollars en trop, quant à nous, aux contribuables québécois et continuera de
coûter cher, sans qu'il n'y ait vraiment de justification convaincante
en termes démographiques, économiques et d'efficacité administrative. À terme,
cette situation, nous le prétendons,
affaiblira la cohésion linguistique dans la métropole, de même que le français
comme langue de l'administration, langue du travail et langue des
services.
• (15 h 10) •
La
SSJB était également là pour déplorer la bilinguisation institutionnelle et
l'anglicisation de l'hôpital Lachine dans
le contexte de sa fusion avec le CUSM. L'hôpital Lachine était le dernier
hôpital francophone de l'ouest de l'île de Montréal, secteur où les francophones subissent un taux d'assimilation
de 12 %, cette proportion atteignant 18 % chez les jeunes
francophones de 24 à 34 ans et 84 % chez les allophones.
Ce genre de décision
génère réellement des conséquences concrètes pour les patients. Par exemple, en
2012, M. Réal Brochu, un patient de
l'hôpital Lachine, déclarait ne pas avoir pu être soigné dans la langue
officielle du Québec. La société s'est aussi battue avec succès pour que
l'institut Gingras-Lindsay-de-Montréal, le plus important centre de réadaptation au Québec, conserve un statut
d'établissement francophone à la suite de fusions. Enfin, la SSJB, bien sûr,
est intervenue à plusieurs reprises afin de
sauver le seul hôpital francophone hors Québec, l'Hôpital Montfort, qui a fait
l'objet de nombreuses menaces de fermeture par le passé.
Que
ce soit bien clair dans l'esprit de tous et chacun : nous avons commandé
et dévoilé plus tôt cette semaine une étude
de l'Institut de recherche en économie contemporaine. Il s'agit d'une recherche
objective et rigoureuse de 47 pages au
sujet de la bilinguisation de nos institutions de santé au Québec. Sujet
important, puisque l'affaiblissement de la santé du français au Québec est dû en grande partie au laxisme quant au
maintien de la langue française, langue commune du Québec et de nos services publics. Cette étude,
qui est annexée à notre mémoire, est assortie d'une autre étude de l'économiste
Henri Thibaudin, qui a été produite en 2011, et qui elle-même fait plus de 50
pages.
Alors,
il serait injuste de réduire tout cet exercice à une simple volonté de tirer
des roches aux Anglais, comme l'a
prétendu hier le député de Rosemont. Ce genre de commentaires, qui
m'apparaissent non fondés, détournent complètement
le débat et n'apportent rien de constructif. Nos documents ensemble pèsent
peut-être le poids d'une petite brique ou d'une petite roche, mais nous
n'entendons les lancer au visage de personne. Nous ne nous positionnons pas contre quiconque, mais pour le Québec, et c'est
bien l'intérêt général qui nous fait intervenir. Il est évident que notre
discours ne consiste pas à blâmer les
anglophones, mais à critiquer les législateurs, ainsi que le pouvoir fédéral de
dépenser et de s'ingérer dans les
compétences des provinces, alimentant à coup de millions de dollars la
concurrence canadienne au modèle d'intégration
et d'aménagement linguistique québécois. Ce que nous voulons souligner, ce sont
les incohérences d'un système qui dit : Nous avons une langue
officielle, mais qui laisse dépenser des millions pour la contourner.
Ce
que nous prônons, par ailleurs, c'est qu'il y ait davantage de mesures visant à
préserver les droits des travailleurs francophones
et davantage de mesures aussi visant à concrétiser le projet collectif des
Québécois, depuis les années 70 et même
avant, de faire du Québec un État officiellement français, donc avec des
institutions françaises, de manière à permettre par ailleurs une intégration harmonieuse des nouveaux arrivants. Nous
sommes donc en faveur de la cohérence institutionnelle prescrite par la Charte de la langue française,
loi fondamentale du Québec, et tout le mémoire est orienté vers l'exigence
d'avoir une approche institutionnelle cohérente par rapport au principe de la
loi 101. Nous sommes ouverts et certes favorables
au fait que la communauté anglophone ait des institutions bilingues reconnues,
mais il faut s'assurer du même souffle que la société québécoise
préserve le français comme langue institutionnelle et que soit garanti le droit
des Québécois de travailler en français, et
en français seulement, dans toutes les institutions qui ne sont pas reconnues
bilingues.
Je vais maintenant
passer la parole à l'auteure de la recherche de l'IREC, qui est Mathilde
Lefebvre.
Mme Lefebvre
(Mathilde) : Combien de temps il me reste, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme
Montpetit) : Il vous reste un petit peu moins que quatre minutes.
Mme Lefebvre (Mathilde) : O.K. Alors, j'accompagne aujourd'hui la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal dans l'espoir de sensibiliser la
commission à un enjeu qui est trop souvent relégué aux oubliettes, à savoir la
pression continuelle qu'exerce l'anglais sur
le français au Québec. Force est de constater que la Charte de la langue
française, dans son projet d'encadrement des institutions publiques
unilingues françaises, a échoué. De nos jours, on peut, avec un minimum de débrouillardise, vivre complètement en
anglais dans certaines régions du Québec, car nos institutions laissent le choix aux usagers de la langue dans laquelle
ils sont servis. Ceci pose de réels problèmes dans le maintien de la langue
française dans la société québécoise, comme l'a rapporté mon collègue.
Depuis
1971, le nombre de Québécois de langue maternelle anglaise est pratiquement en
constante diminution, tandis que ceux
dont l'anglais est la première langue officielle parlée ne cessent d'augmenter.
On montre, de cette façon-là, à quel
point l'intégration des immigrants au Québec se fait de plus en plus en anglais
et non en français. Le fait de rendre accessibles en anglais, à la
grandeur du Québec, les services institutionnels, contrairement à ce que
semblent croire plusieurs politiciens, n'est
pas qu'une simple courtoisie que l'on fait aux anglophones, c'est participer à
l'effritement d'une langue commune
propre à la majorité des Québécois, c'est permettre aux allophones de choisir
de s'intégrer en anglais à notre société et c'est marcher sur notre
droit de travailler en français.
Aujourd'hui,
plus de 35 % de tout le personnel soignant travaille régulièrement ou le
plus souvent en anglais. Entre 2001 et 2006, cette portion du personnel
soignant travaillant le plus souvent ou régulièrement en anglais a augmenté de 13,5 %. Présentement, des 277
établissements de santé, 149 offrent des services en anglais, 38 sont
complètement bilingues.
Pour
nous, le projet de loi n° 10 est une opportunité de réparer les erreurs
des dernières réformes de la Loi sur la santé et les services sociaux,
cela en révisant et en resserrant les mesures qui s'inscrivent autour du droit
des anglophones de recevoir des services de
santé et des services sociaux en anglais et en procédant à une rigoureuse
réforme des directives ministérielles s'adressant aux personnes
responsables d'élaborer des programmes d'accessibilité aux services en langue anglaise. Il importe
grandement, pour la vitalité de notre seule langue officielle, de revoir nos
façons de faire. Il semble parfaitement inefficace et inutilement
coûteux de procéder comme nous le faisons en ce moment, c'est-à-dire en adaptant tout le système à une minorité d'usagers,
plutôt que d'exiger de ces derniers qu'ils s'adaptent, comme à peu près partout
ailleurs dans le monde, au système commun à tous. Merci.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie pour votre présentation.
Nous allons donc débuter la période d'échange avec la partie
ministérielle pour une durée de 19 min 30 s. M. le ministre,
c'est à vous.
M.
Barrette : Merci, Mme la Présidente. Alors, je m'excuse, là, je n'ai
pas... Alors, M. Laporte, c'est ça... alors, Mme Lefebvre et M.
Bouchard, merci d'être venus. Bienvenue.
Je ne vous
cacherai pas que j'ai été un peu surpris que vous vous inscriviez aux audiences
sur le projet de loi n° 10, mais
je comprends maintenant très bien la finalité que vous recherchez dans votre
intervention, parce qu'elle est d'abord et avant tout linguistique, et j'irais même jusqu'à dire qu'elle est, à
la limite, d'ordre politique, au sens large du terme.
Au début,
quand j'ai lu la recherche qui a été publiée dans Le Devoir, j'ai
été surpris aussi parce qu'honnêtement vous
relatez une réalité qui me surprend. Pour avoir circulé beaucoup évidemment
dans le réseau de la santé et des services sociaux, les chiffres que vous avancez sont, pour moi, surprenants. Je
ne veux pas contester ce que vous dites, là, mais je suis juste un peu étonné.
Puis, comme je n'ai pas eu accès à l'étude avant aujourd'hui, je ne peux pas
vraiment faire de commentaires sur
l'étude, donc je n'en ferai pas, mais je peux commenter ce qui est sorti
évidemment dans les médias. Alors, la
lecture ou le tableau que vous brossez de la situation linguistique dans le
réseau de la santé et des services sociaux m'étonne. Je ne peux pas, là, contester ou argumenter sur la validité
des chiffes, je peux juste vous dire que ça m'étonne.
Maintenant,
quand arrive la question de... pas la question, mais l'affirmation
qu'actuellement on est en train de bilinguiser,
là, ça, ça me scie. Alors là, il faudrait... Je vais vous demander de
m'expliquer en quoi le projet de loi n° 10, qui, dans les faits juridiques, ne fait que reconduire la situation
actuelle... Ça ne fait que ça, là. Il n'y a rien de plus, il n'y a rien de moins, et ce que les anglophones
demandent, c'est d'avoir rien de moins. Ils ne demandent pas d'avoir plus, ils
demandent rien de moins. Et, comme le projet de loi n° 10 est écrit comme
ça, je ne comprends pas... Puis je vous demanderais
de m'expliquer plus dans le détail votre conclusion, là, autre par... que nous
constatons... par une étude que je ne
peux pas commenter, là. Expliquez-moi comment, juridiquement, là, ce projet de
loi là vient bilinguiser le Québec. C'est ça qui sort dans les médias,
là, et ça vient de votre bouche, là.
Mme
Lefebvre (Mathilde) : Oui.
En fait, le projet de loi n° 10, à la lecture que nous en avons faite,
vient simplement appuyer un processus
qui est déjà enclenché depuis les années 90, à savoir qu'il y a une volonté de
la part du ministère de la Santé de
rendre accessible une gamme la plus complète possible de services en anglais et
la plus proche possible des patients.
Ça, c'est écrit presque mot pour mot dans le cadre de référence pour
l'élaboration des programmes d'accessibilité des services de santé en
anglais. Ce que le projet de loi n° 10 vient faire, et nous inquiète,
c'est qu'en fusionnant les établissements
qui ne sont pas nécessairement bilingues, qui ne sont pas nécessairement
désignés, à des établissements qui le
sont, on va se retrouver de facto avec des services... avec des établissements
désignés en plus grande quantité dans le Québec. C'est cette portée-là,
dans le projet de loi, qui nous inquiète profondément.
De plus, en
ce moment, en tout cas c'est ce qui est écrit dans la plupart des programmes
d'accessibilité aux services accessibles en ce moment, la politique
d'embauche du personnel soignant et du personnel de l'établissement est à la discrétion de l'établissement, ce qui est tout à
fait logique. Si on fusionne ensemble des établissements, est-ce que ça fait
en sorte qu'un établissement qui n'avait
nulle part dans sa politique d'embauche l'exigence de connaître l'anglais pour
employer du personnel... est-ce que ça fait
en sorte qu'en étant fusionné à un établissement qui, lui, a, dans sa politique
d'embauche, l'exigence de la connaissance de langue anglaise... est-ce
que ça ne fait pas en sorte justement
que, là, on va généraliser cette politique-là, finalement, d'embauche?
• (15 h 20) •
M.
Barrette : Je ne veux pas
vous interrompre, là. Écoutez, là, vous me subjuguez encore plus. Parce que,
un, quand je vous entends me dire ce
que vous venez de nous dire, en parlant de l'évolution de la société québécoise, vous contestez, à toutes
fins utiles, la charte des droits, là... la Charte de la langue française. Vous
dites que ça se bilinguise et que le système
fait en sorte qu'on va bilinguiser plus, alors que ce que l'on fait, c'est
appliquer les demandes de la charte qui...
Ce n'est pas compliqué, là, ce qu'on... Essentiellement, c'est que, lorsque
la population est en suffisamment grand nombre,
il y a un statut, il y a une désignation bilingue, puis ailleurs
il y a un plan d'accès, et la charte garantit aux minorités d'avoir des
soins dans leur langue.
On fait quoi,
là, si ça, c'est trop? Parce que ce que vous me dites, là, c'est que ça, c'est
trop. Et là, essentiellement, vous
nous décrivez les dernières années... l'évolution des dernières années comme étant une évolution
qui nous dirige vers la bilinguisation,
faute de protections suffisantes; faute de protections suffisantes, ça veut
dire que la charte n'est pas bonne.
Maintenant, vous dites que, dans le projet...
Mme Lefebvre (Mathilde) : ...
M. Barrette : Bien là, si c'est ça...
Mme Lefebvre
(Mathilde) : Oui, allez-y, allez-y.
M. Barrette : Bien non, mais c'est
parce que, si c'est ça... Parce que je vous vois hocher de la tête puis je le comprends, vu de votre angle. Si c'est ça, là, je
peux vous dire que le projet de loi n° 10, il n'est pas fait pour réécrire
la Charte de la langue française ni la charte des droits et libertés,
là.
Mme Lefebvre (Mathilde) : Non, j'en...
M.
Barrette : Alors donc, ça, c'est l'évolution de la société, d'une
part. Et, d'autre part, vous dites que le projet de loi n° 10 va empirer les choses, alors que le projet de loi
n° 10 ne fait que reconduire l'existant. Dit en français — puis je ne dis pas ça de façon sarcastique, là — ça signifie que l'établissement qui devient
une installation qui va être dans un
CISSS, s'il avait un statut bilingue avant, va le garder. Le CISSS, lui, va se
retrouver dans le même cadre législatif qu'on a, donc la charte, et, malgré la charte, l'installation qui était
désignée bilingue va le rester. Là, j'ai de la misère à imaginer un scénario qui va faire que l'hôpital de
Gaspé va devenir bilingue ou l'hôpital de La Sarre va devenir bilingue
à cause de la loi n° 10, alors que la
loi n° 10 ne fait que reconduire les accès qui existent actuellement dans
la société. Et, encore une fois, la communauté anglophone, à mon avis et
à juste titre, ne demande que ça.
Et puis je vais faire une autre parenthèse, par
exemple, parce que je ne peux pas m'empêcher de la faire, cette parenthèse-là : moi, je suis de la génération
qui a connu les inconforts linguistiques historiques du Québec, et j'ai connu,
moi, la séparation anglais-français de la
société québécoise. Et aujourd'hui, là, je suis obligé de constater une
affaire, à ma grande surprise,
là : les anglophones qui sont au Québec, de souche, c'en est gênant, là, à
un moment donné, là, ils se font tellement un devoir de nous parler en
français, là, que c'est quasiment insultant de leur parler en anglais, là.
Puis, quand je vais revenir dans les hôpitaux anglophones... on se fait parler
en français, là. Je comprends, là, qu'il y a de l'anglais, là, mais écoutez, là, moi, je... Peut-être qu'on n'a pas la
même lecture — et
manifestement on ne l'a pas — mais l'évolution de la société québécoise s'est dirigée bien plus vers le
français de la part de la communauté anglophone que de l'anglais... de
francophone à l'anglophone. Et il y a la question des allophones. Ça, c'est une
autre affaire.
M. Laporte (Maxime) : Alors, bien...
M. Barrette : Mais juste, si vous me
le permettez...
M. Laporte (Maxime) : Oui.
M. Barrette : On peut-u juste voir,
là, qu'est-ce qui fait encore une fois qu'actuellement, là, ça fait ça? Parce
qu'encore une fois, là, la manière que vous le présentez, la charte n'est pas
bonne.
M. Laporte (Maxime) : Bon...
M. Barrette : Puis ce qu'on fait
plus loin, là, bien là ce n'est pas assez.
M. Laporte (Maxime) : Mme la
Présidente...
M. Barrette : Là, j'en perds mon
français, mon latin et mon anglais, là.
M. Laporte
(Maxime) : Ah bien! Mme la
Présidente, je vais inviter le ministre à approfondir sa lecture de notre
étude. Je comprends qu'il en a pris
connaissance aujourd'hui ou hier. Elle est publiée depuis le début de la
semaine. Elle explique tout cela, essentiellement.
La culture institutionnelle, dans le système de
la santé, liée aux principes linguistiques et d'aménagements linguistiques va à
contresens de l'esprit, à tout le moins, de la Charte de la langue française et
de ce qui était prévu initialement, très clairement. Le...
M. Barrette : Je m'excuse de vous
interrompre, mais en quoi?
M. Laporte
(Maxime) : Oui, voilà, j'y
arrivais. La Charte de la langue française prévoit bien sûr que le français
sera la langue des services publics, la
langue du travail, la langue commune, la langue officielle. Elle prévoit
également qu'il y aura un espace aménagé pour la minorité anglophone. Or,
depuis 1986, on a inséré, dans la Loi sur les services de santé et services sociaux, par exemple, le principe, la notion de personne d'expression anglaise. Donc, ce
régime qui est là actuellement, et aussi celui qui est projeté, qui le reporte, va bien au-delà de la
protection de la minorité anglophone, notamment du fait de cette notion de personne d'expression
anglaise, par laquelle on institue, par la porte d'en arrière, un système de services bilingues qui fait de l'anglais la
langue par défaut des allophones et, dans certains cas, du travail, puisqu'il est question d'embauche. De plus en plus, on exige que des travailleurs québécois, dans les institutions de santé et services sociaux, connaissent l'anglais. Or, le
droit de travailler en français au Québec, c'est un des plus fondamentaux qui se
trouvent dans la Charte de la langue française.
Donc, on
institue une forme de bilinguisme par la porte d'en arrière, le gouvernement fédéral le finance de par ses
programmes, et cela contredit les principes mêmes de la Charte de la langue
française, qui veut que le français soit la langue commune et, bien sûr, qu'il y ait des
institutions reconnues pour la minorité anglophone. Alors, dans un Québec français,
et non bilingue anglais-français à la Trudeau, il n'y a aucune raison de
conférer à des personnes d'expression anglaise
un statut qui soit supérieur aux personnes d'expression espagnole ou chinoise, par exemple, qui fréquentent nos institutions
francophones. Alors, j'insiste, le modèle actuel est basé non sur le principe
du français langue officielle, langue commune,
langue d'intégration, mais sur un bilinguisme institutionnel rampant
anglais-français à la canadienne... qu'elle nuit à la francisation des
allophones au Québec et aussi aux droits du travail.
L'article 65 du projet de loi semble aller
encore plus loin que ce qui était actuellement prévu dans la LSSS en universalisant finalement l'obligation pour chaque établissement, désormais, d'élaborer un programme d'accès en
langue anglaise. Jusqu'ici, les agences, avec la collaboration des
établissements, le faisaient pour les établissements qu'elles indiquent. Or, il y a vraiment
une tendance, on dirait, une volonté — puisque
la loi aussi ne parle pas pour ne rien dire — à
systématiser cette offre de services là pour couvrir finalement
des éventualités. Dans certaines régions, comme Chaudière-Appalaches, qui a 3 % des... peut-être que Mme Lefebvre va
pouvoir compléter cette partie-là, il n'y a, à toutes fins pratiques,
pas d'anglophone, et on finance les institutions de cette région-là.
À l'inverse,
par contre, à Laval, on finance ces services-là en moindre proportion que la
proportion d'anglophones ou de, comme
le dit la LSSS, personnes d'expression anglaise. Ces distorsions-là, bien, en
viennent à miner le principe fondamental
qu'on a voulu se donner au Québec, que nos institutions publiques soient en
français. Ce n'est pas magique, faire
du Québec un État français, ça ne repose pas entre les mains de chaque citoyen
qui doit se battre avec chaque commis de dépanneur, ça passe par les institutions.
L'État, le gouvernement a une responsabilité, et nous constatons que cette
responsabilité-là n'est pas entièrement assumée.
De plus, tant
qu'à faire un projet de loi, on aurait pu prévoir, à mon avis, des mesures pour
favoriser et pour garantir le droit
du travail en français dans les institutions de santé publique et aussi
l'intégration des nouveaux arrivants comme patients, comme bénéficiaires, comme contribuables, dans ce contexte.
Or, on ne constate aucune initiative positive en ce genre.
Et aussi, dernier élément... Donc, j'ai parlé de
la notion de personne d'expression anglaise, j'ai parlé aussi de l'article 65, et aussi la question des fusions.
Peut-être, je vais laisser Mme Lefebvre compléter là-dessus. Ces fusions auront
des incidences, nous en sommes convaincus, sur la langue des institutions qui
seront ainsi fusionnées et intégrées à des plus grands groupes, dans
plusieurs cas.
• (15 h 30) •
M.
Bouchard (Éric) : Tu sais,
pour schématiser, tu sais, un peu plus, c'est de dire : La Charte de la
langue française, en 1977, dit :
Parfait, il faut faire du français la langue commune de tous. C'est ça, le
principe. Puis ça part de la commission Gendron, la commission Gendron qui a étudié le français pendant
plusieurs années au début des années
70. Le principe de la langue commune,
c'est de dire : Il faut que ça se passe partout en français
au Québec. Mais on a une communauté anglophone, puis c'est clair que cette communauté
anglophone là, on ne veut pas... dans le fond, on veut qu'elle ait des services
puis on veut que, principalement, là, les gens puissent aller de la maternelle à l'université, à l'école, puis on veut que les gens puissent se faire servir dans une
langue. C'est pour ça qu'on prévoit plus de 30 établissements dits bilingues.
En 1986, ce
qui arrive, c'est... on dit : Oui, qu'est-ce qui arrive si on a un
anglophone qui s'en va, exemple, dans une région où il n'y a pas de
service en anglais? Donc là, on étend le fait, on dit : On va faire en
sorte que toutes les personnes d'expression
anglaise... donc, d'expression
anglaise, ça veut dire : tous ceux qui s'exprimeraient un petit peu mieux en anglais qu'en français, pas nécessairement un anglophone...
mais il faille donner des services dans cette langue à cette personne-là. Or, le gouvernement n'a pas
d'argent pour faire ça. On dit : Là, grosso modo, là où le nombre le
justifie ou là où il y a du personnel puis des ressources nécessaires...
Ce qui est
arrivé avec le temps... Ça n'avait pas beaucoup d'incidence au départ, mais là,
depuis quelques années, Patrimoine
Canada, par le biais de Santé Canada et par le biais de l'Université McGill,
finance la bilinguisation de certains postes
dans les institutions un peu partout au Québec, et ça... C'est là qu'on dit
qu'il y a une bilinguisation de l'ensemble du système de santé, donc,
même dans les institutions qui étaient dites francophones.
Ce que ça
crée, c'est qu'il va y avoir... Au départ, ça n'a l'air de rien, mais il y a un
poste, deux postes. Puis là, bien, ce
qu'il peut arriver, c'est : prime au bilinguisme. Et là, lorsqu'un
francophone veut pouvoir... ou même un allophone qui ne parle pas anglais veut pouvoir travailler dans institution
francophone, on lui dit... Ce qui arrive au départ, ils ne pourront pas dire... dans un établissement, qu'il
soit fusionné ou pas, dire : Bon, bien, nous, aux ressources humaines,
on exige une certaine forme de bilinguisme. Et c'est ça qu'on est en train de
critiquer ici : c'est que...
Puis ce que
fait le projet de loi n° 10, c'est qu'il dit : Non seulement ce sera...
avant ça, c'étaient les agences qui faisaient
les programmes d'accès en langue anglaise. Là, maintenant, chaque
établissement, au Québec, de santé devra avoir son propre programme. Ça, ça veut dire que chaque établissement
devra s'assurer qu'il y ait au moins... puis ça, c'est sur l'ensemble des
services. Donc, sur l'ensemble des services, il faudrait qu'il y ait quelqu'un
qui soit en mesure de répondre en
langue anglaise. Or, ce qu'on propose, nous, dans le mémoire, c'est de
dire : Est-ce qu'il n'y aurait pas plutôt un service
d'interprétariat? Parce que c'est 9 millions par année que Patrimoine
Canada donne pour bilinguiser l'ensemble du service. À 9 millions par
année, je peux vous dire qu'il y aurait des interprètes en langue anglaise, et
l'ensemble des anglophones du Québec pourrait avoir des services en langue
anglaise avec 9 millions par année.
Donc, quand
on dit qu'on pourrait suggérer quelque chose d'autre, à la place d'étendre et
de mettre à l'ensemble des institutions
un programme d'accès à la langue anglaise, il aurait pu être proposé... puis
c'est ce qu'on vous propose très
cordialement, M. le ministre : de revoir ça et peut-être de faire un
service peut-être plus d'interprétariat, à la place de continuer à fonctionner avec le programme fédéral
de Patrimoine Canada. Et c'est ce que l'étude montrait : c'est la façon
dont on bilinguise l'ensemble du système de
santé. Donc, on ne parle pas des établissements qui sont bilingues. Ce n'est
pas de ça dont on parle. On parle des établissements qui sont francophones au
départ depuis le début de la loi.
Est-ce qu'on éclaircit un petit peu plus la
chose?
M. Barrette : Non, non.
Votre discours, votre intention, c'est clair. Moi, ce sur quoi je
m'interrogeais, c'est la logique
derrière, là, ce qui sous-tend dans... ce qui vous fait conclure ça. Là, avec
ce que vous me dites, là, déjà, je peux vous dire une chose : Vous interprétez des clauses qui ne sont pas
du tout la réalité, là. Quand on parle de plan d'accès, c'est
conditionnel. Le plan d'accès pour les hôpitaux non bilingues... Ce n'est pas
du tout une obligation de rendre accessible
la totalité des services en anglais dans un hôpital. Le plan d'accès, il est
fait — et ça,
c'est très clair — pour
donner le pouvoir à une agence, dans sa région — et là, dans le cas
présent, dans un CISSS — de
déterminer ce qui raisonnablement devrait être accessible, puis d'avoir une
manière de fonctionner pour donner un...
Puis la manière de
fonctionner, là, ça peut être différentes manières, là. Ça peut être un
interprète ou du personnel bilingue. Mais en
aucun cas cet article-là de la loi n'exige qu'on bilinguise l'institution mur à
mur. Ce n'est pas ça du tout, c'est
une sélection. Alors, c'est bien évident qu'un CISSS qui est dans une région
donnée, à 99 % francophone, le plan d'accès va peut-être se limiter
à un interprète, là, hein?
Mme Lefebvre (Mathilde) : Mais, M. le ministre, on sait que ce n'est pas
écrit dans la loi que c'est obligé. Mais...
M.
Barrette : Bien oui, mais là je le sais bien. Non, mais c'est parce
qu'on peut construire... C'est parce que vous ne m'avez pas laissé finir, et je veux juste finir mon bout, là. C'est
sûr que, si... La comète sur laquelle il y a un satellite, là, actuellement, là, elle peut tomber sur la Terre, c'est possible,
puis elle peut tomber sur le Parlement. Mais je comprends, là, tout est possible, là. Mais là, vous, vous
faites une extrapolation, que je comprends, là, c'est dans votre code génétique
de le faire, là.
Mme Lefebvre
(Mathilde) : Avec tout le respect que je vous dois, M. le ministre, ce
n'est pas du tout une extrapolation : c'est l'observation d'une tendance.
Même depuis la réforme de Couillard en 2003-2006, il y a eu une tendance nette vers l'utilisation de plus en plus fréquente de l'anglais dans les services de santé. Ça,
c'est l'Institut national de santé publique qui l'a montré dans un...
dans des études...
La
Présidente (Mme Montpetit) :
Je vous remercie, Mme Lefebvre. Malheureusement, le temps est
écoulé. Vous pourrez peut-être
continuer par la suite. Donc, je vais céder la parole à la députée de
Taillon pour une période de 12 minutes.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, M. Laporte, Mme Lefebvre, M. Bouchard,
bienvenue. Nous n'avons que 12
minutes, et j'ai deux de mes collègues qui aimeraient bien parler et vous poser
des questions également. Donc, on va juste utiliser au maximum.
Donc,
tout simplement, dans la dimension des fusions d'établissements, on a reçu des représentants de la minorité anglophone qui semblaient avoir des préoccupations aussi par rapport à la fusion des établissements, et vous, vous nous en présentez aussi, que je comprends très bien.
Alors, pouvez-vous nous dire un peu quels seraient les correctifs qu'on
pourrait appliquer pour que vous soyez rassurés?
Je
ne parle pas de toutes vos grandes recommandations, là, parce
qu'il y en a qui débordent vraiment
du projet de loi n° 10,
là, simplement...
Mme Lefebvre (Mathilde) : Non, non, c'est correct. Mais, en gros, en gros,
ce serait de... C'est ça, on va y aller avec, disons, la recommandation
qui serait peut-être la plus importante en ce sens-là. Ce serait vraiment de
s'assurer, finalement, que la politique d'embauche de chaque établissement ne
soit pas à la discrétion de l'établissement qui...
Si chaque établissement
a la possibilité de décider que son personnel doit être bilingue, on va se
retrouver, comme c'est le cas en ce moment, dans des situations comme en... dans la région sociosanitaire,
pardon, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, où est-ce qu'il y a une population anglophone d'un peu moins de 10 %. Puis là dans plusieurs établissements de cette région-là, on se retrouve
à considérer — puis
même, parfois, on exige carrément — que le personnel soit bilingue, le personnel de jour soit bilingue.
Ça, à notre sens à nous, c'est dangereux, c'est inquiétant, parce que ça
empiète directement le droit de travailler
en français au Québec. C'est quelque chose qui nous préoccupe. On ne comprend
pas que ce soit quelque chose... En fait,
on... Là, je parle vraiment personnellement, là. C'est quelque chose qui, à mon
sens, ne devrait pas être discrétionnaire à
l'établissement : ça devrait être une politique beaucoup plus globale,
parce que ça s'inscrit directement
dans un article de la Charte de la langue française, finalement. C'est quelque
chose qui est national, ce n'est pas quelque chose qu'un établissement
devrait avoir le droit de gérer.
Par
contre, effectivement, dans les établissements... dans les institutions qui
sont historiquement anglaises, comme par
exemple le Jewish General Hospital, ça, je peux comprendre, c'est normal. On
comprend que les Anglais veuillent garder
leurs institutions à eux, c'est une valeur normale tout à fait compréhensible.
Mais pourquoi est-ce qu'à Québec, dans la capitale
nationale où est-ce qu'il y a moins de 2 % de la population qui est
d'expression anglaise... Là, je dis vraiment :
d'expression anglaise, parce que ça, ça veut dire toutes les personnes qui
connaissent mieux l'anglais que le français.
Ce n'est pas des gens qui sont de langue maternelle anglaise. Pourquoi est-ce
que, pour un aussi petit bassin de la population
qui soit anglophone, faut-il y avoir un hôpital qui offre tous ses services en
anglais? Pourquoi est-ce qu'il faille faire des pieds et des mains pour
une si petite quantité de la population que ça? Je comprends qu'il y ait une
valeur historique. Mais, comprenez-vous, il y a quand même...
Il y a toujours un
ton tellement différent entre la façon avec laquelle on s'adresse aux personnes
d'expression anglaise puis des personnes
comme la Société Saint-Jean-Baptiste, qui veut finalement préserver l'identité
d'une culture. J'ai écouté
attentivement la commission lors des audiences du Québec Community Groups
Network. Le ton du ministre de la
Santé était tellement différent. Je suis désolée de devoir le renoter, là, mais
c'est une réalité dans laquelle on doit vivre constamment.
Mme Lamarre : Je vous
remercie beaucoup.
Je vais passer la parole au critique en
matière de langue, le député de Bourget, et puis ensuite à mon
collègue de Rosemont.
Le Président (M.
Tanguay) : Je vous en prie, M. le député.
• (15 h 40) •
M.
Kotto : Merci, M. le Président. Madame, messieurs, merci d'être là. S'il vous plaît, prenez note, je vais vous donner
mes questions en vrac pour laisser du temps à mon collègue de Rosemont.
Je vais me rendre à la page 11 de votre mémoire, Procéder à la révision des statuts des établissements actuellement reconnus, l'absence de
révision dont on parle. Vous
dites : «L'OQLF nous informe qu'aucun contrôle n'est effectué pour
vérifier que les établissements reconnus depuis la fin des années 70 desservent toujours des populations qui sont majoritairement de
langue autre que le français. Il est donc
possible que des établissements aient présentement le droit, en vertu de leur reconnaissance par
l'OQLF, d'engager des employés qui ne
s'expriment qu'en anglais. Ceci signifie également qu'en ce moment le gouvernement peut désigner des
établissements — les
obliger à rendre l'entièreté de leurs services accessibles en anglais — pour
lesquels nous n'avons pas fait le profilage linguistique des usagers
depuis plusieurs décennies.»
Est-ce que vous
pouvez élaborer là-dessus? Premier point.
Deuxième
point, vous dites... assertion que je reprends relativement à l'échange que
vous avez eu avec le ministre : De
plus en plus, on exige, à l'embauche,
la connaissance de l'anglais. Je reprends l'expression du ministre : Est-ce que c'est une extrapolation ou une réalité mesurée?
Troisième
petit point. Page 12 du mémoire, vous dites : «On confère de ce fait aux
allophones anglotropes un statut privilégié
qui prévaut sur le statut des autres allophones [du] Québec : par exemple,
une "personne d'expression espagnole" ne parlant ni français
ni anglais n'a pas quant à elle accès aussi facilement à des services adaptés
dans sa langue.» J'aimerais avoir une élaboration là-dessus.
Deux petites
questions subsidiaires : Est-ce que vous êtes contre le bilinguisme
individuel? Question. Autre question : Doit-on restreindre les droits
acquis aux anglophones? Voilà.
M. Bouchard (Éric) : Commençons par les questions subsidiaires, M. le député de Bourget. Je parle quatre langues. J'arrive de Barcelone et je parlais à plusieurs
personnalités politiques en catalan, et ils en étaient ravis. Ça m'a
ouvert tout un champ de mondes et de
connaissances. Donc, parler plusieurs langues, on s'entend là-dessus, parler
français, le parler bien, parler
l'anglais, évidemment, de
plus en plus. J'étais dans des
discussions avec un paquet de monde qui venaient de Hollande, qui venaient de Catalogne, qui venaient des États-Unis : on parlait en français, en anglais, en catalan et en espagnol. Donc, ça nous a ouvert un... Là-dessus,
là, je pense qu'il n'y a plus personne au Québec de sérieux qui est
capable de dire que la Société Saint-Jean-Baptiste serait contre le fait
qu'on parle plusieurs langues.
Le
combat de la Société Saint-Jean-Baptiste, c'est sur le bilinguisme
institutionnel, qui a un impact sur la langue de travail et qui a un impact aussi sur le... je veux dire, les
transferts linguistiques chez beaucoup de francophones. Donc, on dit : Dans l'ouest de l'île de Montréal,
beaucoup de francophones s'anglicisent, et chez nombre de
personnes arrivées de... nombre d'allophones. Donc, là-dessus, on est
plus... on travaille sur la question du bilinguisme institutionnel.
Pour la question de
la reconnaissance des établissements. Il fut une époque... j'étais attaché
politique de Pierre Curzi, et nous avons
déposé le projet de loi n° 593, le 27 mars 2012, dans le salon bleu, de
l'autre côté. On disait quoi? Comment
on peut compter les gens qui rentrent? Puis on n'est pas pour demander aux gens
qui sont en train de se faire
soigner : Tu parles-tu français? Tu parles-tu anglais? Pourquoi on est arrivés à
ça? Parce que l'institut Gingras-Lindsay, qui était avant ça l'Institut de réadaptation de Montréal,
suite à la fusion, il y avait le conseil d'administration qui disait :
Bien non, maintenant, c'est un établissement bilingue. Là, on a dit : Bien
là, comment on va compter ça? Ça fait que, là, l'OQLF a mis quelqu'un à la porte puis voyait la langue de chacune des
personnes qui rentrait. Puis là ils ont calculé... puis là ils se sont aperçu que c'était presque
seulement un établissement francophone. Mais là on ne peut pas commencer
à faire ça partout.
Donc,
ce qu'on avait suggéré, c'est de dire... Et, aujourd'hui, on peut faire un
paquet de choses. C'est que, lorsqu'on a
notre carte d'assurance maladie, lorsqu'on la demande à chaque année, langue
maternelle : français, anglais, autre... Lorsque la personne arrive, elle est malade : schlick-schlick, il
n'y a pas de question qui est posée. Et, à la fin de l'année, il est clair que tu peux dire... ou sur cinq ans,
ou sur 10 ans, on peut évaluer si un établissement... dessert quoi? Ah! il
dessert plus d'allophones. Ah! c'est
vrai, on est dans la région de Laval. Ah! O.K. finalement, ce n'est pas plus
d'anglophones : c'est plus d'allophones. Et là on peut adapter nos
services avec de l'interprétariat. Donc, ça, c'est une façon de voir les
choses.
Pour les autres
questions, je vais laisser mes collègues y aller. Non, mais c'était bien parti.
Une voix :
L'extrapolation. Mme Lefebvre, vous alliez répondre au ministre.
Mme Lefebvre (Mathilde) : O.K. Oui,
oui, oui. Concernant le fait d'exiger la connaissance de l'anglais lors
de l'embauche, moi, je me suis essentiellement basée sur ce qui était
contenu dans les programmes d'accessibilité des services en anglais de chacune des agences de santé du Québec.
Ces programmes-là, bon, ça datait... il y en avait que ça datait de 2007, il y en avait d'autres, c'était de 2011. Toujours est-il que, dans plusieurs de ces programmes,
il est indiqué que de... il est vraiment
indiqué, ce n'est pas une extrapolation que je fais... mais que, de plus en
plus, on va exiger l'anglais.
Par exemple, en Estrie, dans le programme de l'Estrie, c'est indiqué, et je cite :
«Dans certains établissements, c'est devenu une pratique courante
d'évaluer le niveau de connaissance de [l'anglais] du nouveau personnel lors de
l'embauche.» Donc, on n'exigera pas
l'anglais, mais, forcément, si on évalue la connaissance de l'anglais à
chaque fois, forcément, quelqu'un
qui va parler anglais va probablement être embauché, contre quelqu'un
qui ne parlera pas l'anglais, finalement.
Dans
le même ordre d'idées, dans l'agence de Laval, on mentionne que le taux de
personnel bilingue recherché est de 20 % à 25 %, c'est-à-dire
environ 7 % de plus que la population d'expression anglaise sur le
territoire.
M. Lisée : ...
Mme Lefebvre (Mathilde) : Oui?
M. Lisée : ...le
1 min 47 s qui reste...
Mme Lefebvre (Mathilde) : Ah oui!
M.
Lisée : ...pour vous
indiquer... Éric, Maxime, content de vous revoir. Madame, vous avez fait un
travail remarquable...
Mme Lefebvre (Mathilde) : Merci.
M. Lisée : ...de donner des connaissances
importantes.
Évidemment,
lorsqu'on fait des propositions qui vont dans la vie des gens, et surtout dans
les services médicaux, je pense que la balise première, ça devrait être
l'humanisme. Et là ce que vous proposez, de limiter l'exigence d'offrir des services en anglais aux seuls établissements reconnus, le CUSM et les 38 autres, ça veut dire que, nulle part ailleurs au
Québec un résident anglophone, comme il
y en a, n'aurait droit de parler anglais
à un urgentologue qui connaît l'anglais, selon votre proposition. Ça,
j'appelle ça tirer des roches aux Anglais.
Deuxièmement...
Des voix : ...
M. Lisée : C'est ce que vous dites! Il y aurait un interprète. C'est-à-dire qu'une dame anglophone de Gaspé qui
va à l'hôpital de Gaspé, où
l'urgentologue connaît l'anglais parce
qu'il les connaît presque tous...
n'auraient pas le droit de se parler
en anglais. Il y aurait un interprète. Mais, pire, vous dites :
Limiter le droit d'exiger d'être servi en anglais aux seules personnes de langue maternelle
anglaise. Mais savez-vous qu'à Côte-Saint-Luc il y a énormément
d'anglophones dont
la langue maternelle est le yiddish, le polonais, le hongrois? Et ce que vous
dites par cette recommandation-là, c'est que, si un Juif anglophone, qui est ici depuis la Deuxième Guerre mondiale,
se rend au Jewish, vous allez lui interdire de parler anglais au
personnel médical. Vous allez demander d'avoir un traducteur. C'est ce que ça
signifie, votre recommandation, c'est ce que ça signifie. Alors, comment
expliquez-vous des... Moi, si c'est votre proposition, elle n'a
pas de sens.
Le
Président (M. Tanguay) : ...malheureusement. Alors, ceci termine le bloc, mais vous aurez l'occasion,
dans votre dialogue, dans vos
réponses, peut-être, avec les autres collègues... Le rôle de la
présidence est ingrat, c'est de partager le temps et le faire respecter.
Je cède la parole, donc, au collègue député de Lévis pour huit minutes.
M. Paradis (Lévis) : Bon, on va
faire du chemin un peu là-dessus également, parce que beaucoup de choses
devaient être dites. Merci d'être là, Mme Lefebvre, M. Laporte, M. Bouchard.
Et je reviens
sur la recommandation 4, notamment, telle qu'exposée il y a deux instants. Ce que
j'y lis et ce que j'y comprends...
puis là vous serez en mesure de nous donner davantage d'information... on dit : Limiter le droit d'exiger d'être servi en anglais aux seules personnes de
langue maternelle anglaise. Ça
fait partie de votre recommandation 4, c'est
du mot à mot. Bon an, mal an, les statistiques nous disent que 40 % des immigrants qui arrivent au Québec ne parlent pas français, que, de ce nombre-là... bien sûr
qu'on parle d'efforts de francisation, il y a des choses qui doivent être
faites, mais, de ce nombre, un peu
moins de la moitié vont apprendre le français après leur arrivée. Et je vous
repose la question à peu près dans le
même sens, mais d'une autre façon : Alors, on fait quoi? Ces gens-là,
s'ils ont besoin d'être soignés, ils ne peuvent plus discuter avec
personne, et on leur dit : Bye-bye, chez vous?
• (15 h 50) •
M. Laporte
(Maxime) : On a bien compris
la question et on voit bien les inquiétudes, qui, à mon avis, résultent d'une distorsion dans l'interprétation de ce qu'on
avance. Je vous explique pourquoi. En fait, la réponse, c'est qu'on va
faire comme dans tous les pays du monde. Ce qui arrive, c'est qu'il y a un
espace, comme je le disais tantôt, qui est réservé,
bien sûr, à des institutions anglophones au Québec, et ça, il n'est pas
question de toucher à ça, il va sans dire. Mais le Québec n'est pas un État bilingue. C'est simple : c'est un
État français, et on veut qu'il soit français. Cela ne se fait pas magiquement, comme je le disais tantôt. Cela
se fait par le biais des institutions. Quand vous dites, effectivement, qu'un nouvel arrivant... En fait, une bonne portion de nouveaux arrivants qui
ne parlent pas français ici, on s'entend que c'est un problème.
Et vous dites, ensuite de ça, que,
bien, il faut faire en
sorte, effectivement... il y a des lacunes quelque part, il faut prendre nos responsabilités pour
faire en sorte qu'ils se francisent. Cela ne se passe pas uniquement par le
biais des cours de francisation, ça se passe par le biais des institutions.
Si une personne, peu importe son origine, arrive
dans une institution à Gaspé, comme le disait le député de Rosemont, qui semble nous tirer des roches, mais,
bon, je lui pardonne... S'il y a quelqu'un qui parle juste anglais qui arrive à l'hôpital de Gaspé, quelqu'un se
débrouillera, bien évidemment, pour lui répondre en anglais, dans la langue
qu'il sait parler. S'il parle
espagnol, le sait-on, peut-être qu'il y aura quelqu'un qui va parler espagnol,
il va se débrouiller. On n'est pas contre la débrouillardise. Être débrouillard, c'est une chose,
mais modifier l'ensemble d'une institution pour s'adapter à cette langue-là, c'est une autre chose, et ça ne répond pas
à l'esprit de la Charte de langue française telle qu'elle a été
promulguée en 1977 et préparée par le Dr Camille Laurin.
M. Bouchard
(Éric) : Et donc, là...
M. Paradis
(Lévis) : Vous voulez ajouter? O.K.
M. Bouchard
(Éric) : Oui. Je peux ajouter?
M. Paradis
(Lévis) : Oui.
M. Bouchard (Éric) : Et c'est là tout le combat de la question linguistique, c'est de
dire : Ah! Ha! vous ne voulez pas
qu'on parle en anglais dans nos institutions. Ce n'est jamais ça qui est dit.
Ce qu'on dit, c'est qu'au niveau de la loi, quand on met quelque chose dans la loi c'est qu'on bilinguise par la loi
des institutions. C'est ça qui est grave. Dans la vraie vie, O.K., à Montréal, O.K., les jeunes
entre 25 et 45 ans, O.K., donc la génération qui a été à l'école après la loi
101... Parce que Camille Laurin, dans
son projet de loi, disait : Oui, le français langue commune, mais les
Québécois devront apprendre
l'anglais. J'ai été de cette génération-là, nous l'avons appris. Donc, il est
clair que la majorité des gens au Québec vont être en mesure de se
débrouiller pour donner des services en anglais. Mais c'est lorsque...
M. Laporte (Maxime) : Et, lorsque — et je
fais du chemin là-dessus — le personnel soignant, le personnel médical n'est pas en mesure de se débrouiller, eh bien, ça
existe déjà, des banques d'interprétariat. Nous suggérons de les systématiser. C'est une solution qui va être moins
coûteuse que toutes les formations, en fait, en anglais qui sont données
par... généralement, par l'Université McGill, qui se font en ce moment. Alors,
c'est un peu ça, l'idée.
Je ne sais pas si tu
voulais ajouter quelque chose?
Mme Lefebvre (Mathilde) : En fait, l'idée, ce n'est pas d'interdire de
parler anglais dans les institutions : c'est de s'assurer que le fait de ne pas le faire ne
soit pas illégal. C'est juste ça. Or, en ce moment, c'est ce que sous-entend
la loi dans son article 15.
M. Laporte (Maxime) : Autrement, on revient un peu à la logique du premier ministre, de M. le
premier ministre qui, avant d'être
premier ministre, en campagne électorale, nous disait : Dans une usine, il
faudrait que tout le monde... et que
l'usine, pratiquement, elle-même... que tout le monde parle anglais, au cas où
il y aurait un anglophone, un Américain, qui passerait par là. Ce n'est
pas comme ça que ça se fait institutionnellement, un pays.
M. Paradis
(Lévis) : Alors, l'obligation légale serait de se débrouiller?
M. Laporte
(Maxime) : Non, c'est... Bien...
Mme Lefebvre
(Mathilde) : Il n'y aurait pas de...
M. Paradis (Lévis) : Non, non, c'est parce que vous dites ça : On va passer par la
débrouillardise pour faire en
sorte qu'on puisse donner le service.
M. Bouchard (Éric) : Non. Nous avons suggéré — on
le répète encore
une fois — un service... J'ai de la misère à le dire, par
contre. Pouvez-vous m'aider?
M. Laporte
(Maxime) : D'interprétariat.
M. Bouchard
(Éric) : C'est difficile.
M. Laporte
(Maxime) : Voilà, pour toutes les langues, pas juste l'anglais.
M. Bouchard
(Éric) : Pas juste l'anglais. Pourquoi quelqu'un qui sortirait du...
je ne sais pas, un...
M. Paradis (Lévis) : Parce que le Polonais qui arrivera à Québec et qui parle polonais devra
aussi recevoir des services.
M. Laporte (Maxime) : Bien, s'il n'est pas capable de s'exprimer dans la langue française...
Pourquoi est-ce qu'on fait de l'anglais la langue par défaut de tous les
immigrants, monsieur?
M. Bouchard
(Éric) : C'est ça, la question.
M. Laporte
(Maxime) : C'est une
aberration. Ça ne cadre pas avec les principes
et la philosophie de l'État du Québec
tel qu'on a voulu le reconfigurer depuis Camille Laurin. Ça ne cadre... Nous ne
sommes pas le Canada bilingue de Trudeau : nous sommes le Québec officiel
de René Lévesque avec la langue officielle française de René Lévesque. C'est simple. En France, ils ne fonctionnent pas
bilingues français-anglais. Vous comprenez l'idée? En Allemagne, peu
importe les exemples, au Japon, ils ne fonctionnent pas bilingues
japonais-anglais. Ici, on veut un État français. Je ne comprends pas pourquoi nos représentants politiques craignent de parler
de ça, alors que ça va dans le sens de... à mon avis, de la responsabilité historique de... qu'on a d'assurer l'avenir
du français au Québec. Et, comme je le dis, ce n'est pas magique. Ne
remettez pas ça dans les mains des individus : ça se fait par le biais des
institutions publiques.
C'est
pour ça. On ne s'attaque pas à des individus, nous. On ne lance des roches à
personne. On parle des institutions, comment
est aménagé, comment est organisé l'aménagement linguistique au Québec. C'est
problématique. Dans la fonction publique...
Ça, c'est l'étude de M. Thibaudin qui est en annexe 1, vous lirez ça. C'est
hallucinant, le nombre de postes
dans... On parle de 6 milliards de dollars environ qui sont dépensés pour des postes
bilingues, la plupart étant occupés par des francophones. Le Québec
investit des sommes pour se bilinguiser lui-même.
M.
Bouchard (Éric) : Et, d'un
autre côté, on envoie l'OQLF, avec quelques millions de dollars, cogner
aux portes des entreprises
et dire : Oui, bien là, il va falloir que vous vous francisiez, là, ça n'a
pas de bon sens. La langue de travail, ça
doit être en français. Alors, d'un côté, on met des milliards dans des postes
bilingues institutionnels, et, de l'autre côté, là, on crée un organisme, une institution pour essayer d'aller franciser l'entreprise privée, qui, elle... C'est-à-dire, il y a un déséquilibre.
On peut-u mettre ça sur la place publique, et juste discuter du déséquilibre,
et, avec vous, les législateurs, de voir qu'est-ce qu'on peut faire avec
ça?
M. Paradis
(Lévis) : O.K.
J'aurais aimé continuer sur une partie de la page 7, où vous décrivez une
incohérence — c'est
comme ça que vous la nommez — avec un établissement désigné à Québec pour
2 % de population anglophone.
Mais le 2 % égale quand bien même 15 000 anglophones. J'aimerais bien
qu'on fasse du chemin un peu sur cette vision incohérente dont vous nous
parlez, là, ou, en tout cas, cette incohérence-là.
Mais force est de constater que...
Le Président (M. Tanguay) : Il n'y a
plus de temps.
M. Paradis (Lévis) : ... il n'y a
plus de temps.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, cher collègue. Alors, je cède maintenant la parole à notre collègue
députée de Gouin pour trois minutes.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. En tout cas, vous secouez le
prunier, ça, c'est sûr. Ça nous amène forcément,
tout le monde, à réfléchir. Ce n'est pas mauvais, c'est même excellent. Mais
j'ai un peu de problèmes, moi aussi, avec ce que vous dites, pas avec
tout. Qu'il y ait bilinguisation ou qu'il y ait une certaine forme
d'anglicisation rampante dans un certain
nombre de nos institutions publiques dans les dernières années — j'ai discuté avec plusieurs d'entre vous là-dessus — moi, j'en conviens, comme dans toute la
société québécoise. Et moi aussi, je suis pour ça, parler l'anglais,
l'espagnol, et tout. Je les parle mal, mais je suis pour ça.
Mais c'est quand vous nous apportez certains
exemples où, là, je suis un petit peu plus mal à l'aise, donc, peut-être à l'instar de certains collègues... Par
exemple, vous dites que, sur l'ensemble des emplois où le... dans le secteur
de la santé, là, qui ont l'anglais pour
langue de travail principale, c'est 12 % des emplois. Bien, 12 %,
moi, ne me paraît pas abusif,
franchement. Maintenant, que ça soit mal distribué, que des employeurs, dans
des milieux très, très largement francophones,
se mettent, si c'est le cas, à exiger l'anglais comme compétence nécessaire à
l'embauche, là, c'est vrai, il y a un
problème. Alors, ça, moi, peut-être que ce que je dirais, c'est que j'aimerais
qu'on le documente davantage, parce que, si c'est vrai, c'est un problème. Vous dites : Il y a trop de
disparités entre les régions. Tu sais, Chaudière-Appalaches, il y a des
établissements... pourtant il n'y a presque pas d'anglophones. Laval,
Montérégie : plus d'anglophones ou de gens d'expression anglaise, puis moins d'établissements. D'accord. Ça, si
c'est vrai, en tout cas, il faut certainement le regarder.
Mais vous ne
pensez pas, tout de même, qu'en... Puis moi, je suis une défenseure de la
langue française. Mais vous ne pensez pas, tout de même, que, dans
Parc-Extension, si quelqu'un arrive au CLSC... D'abord, il y a déjà des interprètes, là. Mais ça se peut qu'il y ait des
moments où on doive donner des services sociaux ou médicaux en anglais, parce que c'est la seule langue avec laquelle
l'intervenante ou l'intervenant puis la personne vont se comprendre, pour
un certain temps, au moins, en tout cas,
jusqu'à ce qu'il y ait francisation. On parle de gens malades, de gens
vulnérables, on parle de gens qui ont
un besoin de service social. Je vais être très humble et vous le dire, qu'il
m'arrive, dans mon comté, que le personnel dise quelques mots d'espagnol
ou d'anglais devant des personnes qui ont vraiment des difficultés.
Donc, vous comprenez que ce n'est pas si simple
qu'on le dit, tout ça, là.
M.
Bouchard (Éric) : Bien...
Mais on dit la même chose, là. On le répète encore, juste pour être sûrs que
tout le monde comprenne bien :
S'il y a des gens qui ont de la difficulté, puis que, par débrouillardise ou
par... Puis de plus en plus de monde
parle de plus en plus de langues au Québec, donc il y a possibilité de... Puis
on ne fera pas dire : Non, non, non!
On ne te parlera pas en anglais, toi, madame du Parc-Extension, tu viens de
débarquer. Ton mari n'a pas de travail, tes enfants, tu ne sais pas où
est-ce que... Tu sais?
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin aux
échanges. Nous remercions les représentants de la Société
Saint-Jean-Baptiste.
J'invite maintenant les
représentants de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé
et des services sociaux à prendre place et je suspends nos travaux
momentanément.
(Suspension de la séance à 16 heures)
(Reprise à 16 h 2)
Le Président (M. Tanguay) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux.
Je souhaite
la bienvenue, donc, aux représentantes de l'Alliance du personnel professionnel
et technique de la santé et des
services sociaux. Je vous demanderais, dans un premier temps, pour les fins
d'enregistrement, de bien vouloir vous
identifier. Par la suite, vous disposerez de 10 minutes de présentation,
s'ensuivra un échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à
vous.
Alliance du personnel professionnel et technique
de la santé et des services sociaux (APTS)
Mme Dubé
(Carolle) : Merci. M. le
Président, M. le ministre, MM. et Mmes les députés, merci de nous accueillir. Je vais vous présenter mes collègues.
D'abord, à ma droite, Mme Nicole Déry, troisième vice-présidente de l'APTS; Mme
Chrystine Montplaisir, conseillère au sociopolitique; et Mme Solange Debrat,
conseillère à la recherche; et je suis Carolle Dubé, présidente de
l'APTS.
Donc, d'abord, quelques mots sur notre
organisation. L'APTS, c'est une organisation syndicale qui regroupe 32 000 personnes qui occupent des
emplois de professionnels et de techniciens dans le réseau de la santé et des
services sociaux, donc des gens qui donnent au quotidien des soins et
des services à la population dans différents secteurs : en réadaptation, en nutrition, des gens qui
travaillent comme intervenants psychosociaux, qui sont dans les services diagnostiques, les services de prévention et le
soutien clinique. Donc, ce sont des gens qui sont au coeur des services et des
soins et des gens qui ont aussi à coeur de donner des soins de qualité à la
population.
Donc, c'est
en leur nom qu'on se présente ici aujourd'hui devant vous pour vous demander de
ne pas adopter le projet de loi
n° 10, parce que selon nous, encore une fois, on propose pour le réseau
une réforme des structures d'établissement, une réforme administrative au lieu de s'attaquer aux véritables enjeux
de notre réseau de la santé et des services sociaux. Selon nous, ce
projet de loi n'est pas la solution pour relever les défis de notre réseau.
L'APTS considère que ces principaux défis sont
les suivants : d'améliorer l'accessibilité des services et leur proximité, de donner accès à un médecin de
famille, de financer suffisamment les programmes de prévention de première
ligne et les services à domicile, d'assurer
la continuité des soins, de réduire la bureaucratie par la réduction des
contrôles excessifs. De plus, les
établissements doivent composer avec l'épuisement du personnel, et ça, selon
nous, ce sont des conséquences
directes des différentes réformes du passé combinées aux compressions et
coupures budgétaires importantes des dernières années.
L'objectif de
cette restructuration est censé être l'amélioration des services pour la
population. D'ailleurs, on lit dans le préambule du projet de loi que la
création d'établissements à mission élargie et l'implantation d'une gestion à
deux niveaux hiérarchiques favoriseront et simplifieront l'accès aux services
pour la population, contribueront à l'amélioration de la qualité et de la
sécurité des soins et vont accroître l'efficience et l'efficacité de ce réseau.
Or, lorsque nous lisons les articles du projet
de loi, nous remarquons que les termes «qualité», «sécurité des soins», «accès aux services» reviennent peu en
comparaison du terme «budget». En fait, après une lecture attentive du projet de loi, nous constatons que le contrôle
budgétaire et la centralisation des pouvoirs sont les lignes directrices de
cette réforme.
Nous sommes
persuadés que le projet de loi ne répond pas au défi du réseau et qu'il
n'améliorera pas l'accès aux services
pour la population, d'abord parce que le projet de loi n° 10, c'est encore
une réforme des structures des établissements. Du point de vue clinique,
les fusions déstabilisent les communautés de pratique. La création des CISSS va
nécessiter une nouvelle intégration alors que
l'intégration clinique suite à la création des CSSS n'est pas achevée. La
fusion d'établissements dont les
missions sont différentes crée aussi des situations où une mission est
favorisée au détriment de d'autres.
Ainsi, avec la création des CSSS en 2004, la
mission des CLSC a été diluée, et les transferts des budgets de deuxième et troisième ligne vers la première ligne
se sont peu concrétisés. Les fusions d'établissements, pour réussir, doivent
être des fusions à petite échelle réalisées
avec la consultation et la participation des acteurs concernés pour obtenir
leur adhésion. Elles doivent aussi
être accompagnées d'un plan de transition, de ressources humaines et de
ressources financières. Selon nous, ces conditions de succès ne sont pas
réunies dans le projet de loi n° 10.
Le ministre
prétend que sa réforme permettra de réaliser des économies par la réduction de
la bureaucratie. Nous sommes
convaincus du contraire. Les grosses structures en santé et services sociaux
créent de la bureaucratie plutôt que de
l'alléger. Nous craignons que les établissements aient à rendre encore plus de
comptes. L'augmentation du nombre de cadres qui a fait suite à la réforme
de 2004 en témoigne. L'augmentation de la bureaucratie a eu des conséquences importantes chez nos membres : plus de
paperasse, donc beaucoup moins de temps pour donner des services à la
population. Encore une fois, les
budgets ne seront pas investis dans des solutions durables : la
prévention, la première ligne, les soins à domicile, l'accessibilité des services, et il ne faudrait pas également
oublier le personnel. Nous croyons en effet qu'un personnel en bonne
santé physique et psychologique est le meilleur gage de l'efficacité et de la
qualité des services.
Selon
nous, la centralisation prévue avec le projet de loi porte atteinte aux
services de proximité. Le projet de loi éloigne de façon importante les patients, le personnel, les groupes
communautaires du lieu décisionnel. On constate que le ministre décidera
des soins de toutes les régions du Québec. Il va les planifier, les organiser,
les coordonner et les superviser. Il est
illusoire de croire qu'une analyse centralisée à Québec permettrait de prendre
des décisions éclairées et différenciées pour chacune des régions du
Québec. Cette approche va, selon nous, à l'encontre d'une approche
populationnelle.
L'atteinte à
l'autonomie des établissements, les décisions unilatérales et le manque de
participation du personnel qui
caractérisent le projet de loi n° 10 vont à l'encontre de plusieurs
experts de plusieurs commissions qui ont, dans le passé, analysé notre réseau. Tous recommandaient
que chaque établissement du réseau se donne un projet d'organisation associant tous les acteurs concernés à
l'amélioration des services à la population. On est bien loin des réformes
précédentes où le patient était au centre des décisions des
établissements.
De plus, le
projet de loi est proposé sans consultation préalable et mené au pas de course.
Les acteurs du réseau ne sont pas
associés à un projet qui asservira les conseils d'administration et les
directions du réseau au ministre. Si le projet de loi est adopté, les membres du personnel, les directions des
établissements, les cadres devront consacrer beaucoup de travail pour
mettre en oeuvre une telle réforme dans un contexte d'incertitude et de
compressions budgétaires. Les énergies ne seront alors plus consacrées aux
vraies priorités.
En conclusion, nous vous demandons de ne pas
adopter le projet de loi n° 10. À nos yeux, ce projet de loi n'apporte pas de vraie solution aux problèmes du
réseau de la santé et des services sociaux du Québec et doit être abandonné
pour prévenir leur aggravation. Nous espérons plutôt un vrai débat qui permettrait
de repenser la façon de faire de la médecine
au Québec et de dégager une vision globale de la santé et des services sociaux. Ce débat ne peut se
faire sans la participation des
principaux acteurs du réseau, dont l'adhésion est essentielle au succès de
toute réforme d'envergure. Nous
souhaitons que cette vision globale place au sommet des priorités la
prévention, la première ligne et le personnel, trois aspects qui ont été grandement négligés par les réformes
précédentes du réseau de la santé et des services sociaux. Merci.
• (16 h 10) •
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant
débuter la période d'échange, et, pour ce faire, je cède, pour une
période de 20 minutes, la parole au ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, Mme Dubé, Mme Déry... c'est
Mme Debrat, hein, si j'ai bien compris, et Mme Montplaisir, merci d'être venues aujourd'hui nous faire votre
présentation. Alors, je comprends bien, évidemment, que vous représentez les autres professionnels, à
l'exception des infirmières, essentiellement, et... dont le personnel de ma
spécialité, et je suis bien au fait évidemment, et peut-être plus que la
moyenne, de votre univers.
Maintenant,
je pense que vous avez suivi les commissions parlementaires. Et, comme on
approche de la fin, je pense que ce
n'est peut-être pas nécessaire pour moi de répéter — et je vais le faire quand même un peu, là,
mais peut-être pas pendant
10 minutes — qu'évidemment
ce que vous exprimez, ce sont des craintes, des craintes que je comprends,
je comprends les craintes de tout le monde.
Mais j'ai répondu à moult reprises et d'une façon très détaillée que ce que
vous estimez comme étant le décours
qui va suivre l'adoption du projet de loi, bien ce n'est pas ça qu'on vise, là.
Alors, je ne vais pas microgérer le système de santé à partir de Québec et je
ne vais pas, comme vous avez dit, soigner le monde à partir de Québec puis décider les protocoles de
soins dans chacun des hôpitaux ou CLSC et centres de réadaptation du Québec, là. Je l'ai dit très clairement, il s'agit
ici d'une question d'orientation à être déterminée par le ministre. Et je n'ai
pas entendu un seul groupe me dire que le
ministre ne devait pas avoir la responsabilité de donner des orientations. Et,
quand vous me répondrez, bien, vous me direz si vous pensez que je devrais ne
pas avoir ce rôle-là.
Puis j'ai bien aimé l'expression du deuxième
groupe qui est passé ce matin, la CSN, qui nous parlait d'un dialogue social — et j'y ai bien répondu — parce que je pense que c'est comme ça qu'il
faut le voir : le dialogue social sert à déterminer les orientations, l'État étant là pour servir la population.
Et, dans un système le moindrement structuré — même s'il n'y a pas de structure, il en faut quand même un peu, là — il faut que quelqu'un donne des orientations
puis il faut que quelqu'un fasse le
travail. Alors, ça résume essentiellement la chose sans rentrer dans le détail
dans lequel je suis entré dans le
passé et que vous avez entendu amplement vous-mêmes en suivant les audiences de
la commission parlementaire.
C'est
toujours intéressant d'entendre les critiques dans un contexte où on met dans
la même dissertation, là, dans le même discours qu'on a intégré des choses dans
le CSSS, hein? Parce que ça, ça signifie que les CSSS ont réussi à faire
quelque chose en intégrant, et puis ça a été bon, pas parfait, mais ça a été
bon. Et, quand nous, on vous dit qu'on va compléter
cette intégration-là, intégrer ce qui a été intégré... Et c'est assez difficile
de tirer la conclusion que ça va être la
fin du monde quand ce qui a été fait dans un premier temps n'a peut-être pas
été idéal, n'a peut-être pas été totalement simple. Mais ça s'est fait
et ça a eu des effets bénéfiques. Ce n'est pas parfait, mais ça a eu des effets
bénéfiques.
Et je n'ai entendu personne, même pas
l'opposition, même pas eux autres, là, je n'ai entendu personne nous demander de revenir à l'époque pré-2003, personne.
Savez-vous pourquoi? Parce que l'époque pré-2003, c'était l'époque Rochon du gouvernement du Parti québécois, qui a
mis tout à l'envers. On l'a oublié, ça. Ça, c'était une réforme qui n'a
pas marché «big time»! Mais il n'y a
personne qui demande d'abolir les CSSS, personne, et vous non plus. C'est
toujours intéressant de voir ça.
Alors, on en
est là. Vous dites qu'on devrait s'occuper de l'accès des soins à domicile.
Vous avez tout à fait raison, mais ce
n'est pas dans le projet de loi n° 10 comme tel. Et, vu qu'on arrive à la
fin de cette commission parlementaire et des audiences — et vous êtes probablement le dernier groupe... en fait, vous êtes
le dernier groupe qui représentez des
employés, là, qui sont vraiment
sur le terrain, là, le groupe que
vous représentez, là, vous êtes dedans à tous les jours, là, puis dans
tous les secteurs — bien,
je vais vous rappeler des souvenirs, là.
C'est
vrai, là, qu'en 2003... en 2004, 2005, là, quand cette réforme-là, ça a été mis
en place par l'avant-dernier gouvernement,
c'est vrai que ça a causé beaucoup d'émotion, hein, syndicale. Mais je n'ai vu
personne, moi, là, là, sur le terrain,
là. J'étais sur le terrain, moi, là, là. Il n'y a personne qui arrivait le
matin au travail, là, en étant déboussolé, là. Ce n'est pas vrai, là. Il
y a eu des contorsions émotives syndicales d'appartenance. Ça, c'est clair.
C'est clair que les colonnes du temple organisationnel syndical ont été
ébranlées, c'est clair. Mais, dans le pain quotidien, là, le monde rentrait au travail normalement. Je travaillais
là-dedans, moi, dans ce temps-là, là, puis il n'y a personne qui était dans
la rue, puis il n'y a personne qui faisait
des réunions deux fois par jour et qui était en dépression parce qu'il y avait
cette réforme-là.
Mais je vous
accorde, là, il y a eu de l'émotion syndicale, il y a eu des changements
administratifs. Et ce que je vous
accorde aussi, là, parce que ça, je l'ai vu, là, il y a eu la multiplication
des cadres. Ça, je l'ai vu, là. On nommait des directions adjointes à
ceci, directions adjointes à cela, là. Là, les hôpitaux qui avaient marché
pendant 10 ans avec un directeur, là, à
un moment donné, là, il en avait cinq. Ça, j'ai vu ça, là. Puis on nommait ci,
puis on nommait ça, puis ça n'a donné absolument rien. Ça coûtait de
l'argent de plus, il y avait zéro amélioration, bien des papiers de plus. Puis il y a eu les bureaucraties. Puis ça, c'est vrai
qu'il y en a eu, des bureaucraties, puis c'était compliqué, puis il y avait des
rapports, puis on perdait du temps, puis on en perd encore aujourd'hui. Puis
ça, vous avez raison.
Bien, c'est drôle, hein, c'est à ça qu'on veut
s'adresser. On veut s'adresser à ça pour qu'on puisse revenir à la fonction première des gens que vous représentez et
des gens que les autres organisations représentent, c'est-à-dire des professionnels qui sont là pour donner des soins
dans un système qui est fluide et fonctionnel puis dans un système, là, où il n'y a pas un cadre à chaque niveau, là, un
cadre de l'inspiration puis un cadre de l'expiration, hein? On peut respirer,
là, mâcher de la gomme, travailler, marcher
puis avoir une reddition de comptes qui soit simplifiée et que ça fonctionne.
Vous avez
raison, là, ça n'a pas été parfait, la réforme, là, mais, vous le dites
vous-mêmes, là, il y a des choses qui ont
fonctionné dans cette réforme-là et à un point tel que vous ne voudriez pas
qu'elles soient touchées. Elles ne le seront pas. Puis je l'ai dit à plusieurs reprises : On intègre ce qui a
déjà été intégré. Ce qui est intégré est intégré, là, et ce qui n'a pas
été intégré, essentiellement, c'est ce qui est au-dessus des CSSS... ça ne l'a
pas été.
De quoi vous
plaignez-vous, les CSSS? Vous vous plaignez que, pour se rendre chez vous, ça
ne marche pas, puis passer après
vous, ça marche mal. Puis vous avez raison. C'est vrai. Mais le projet de loi
n° 10, c'est ça qu'il vise. Et quand bien même l'opposition, là, irait faire des points de presse comme ils
ont fait aujourd'hui puis dire que c'est la fin du monde, bien, ça fait
juste démontrer l'incompréhension abyssale de comment fonctionne un système de
santé.
Moi, je l'ai
vécu, là, je sais comment ça marche, je sais où est-ce qu'ils sont, les
problèmes. Je ne vous dis pas que
j'ai réponse à tout, par exemple, je vous dis deux affaires : J'ai des
réponses puis je vais travailler avec vous autres pour le bénéfice de
ceux qui nous regardent et celles qui nous regardent, qui, lorsqu'il y a eu la
dernière élection, ont demandé que quelque
chose se passe. Il va se passer quelque chose, mais ce ne sera pas
l'apocalypse, à mon avis, que vous envisagez.
Maintenant,
je vous pose une question, là, puis je ne peux pas m'empêcher de vous la
poser : Les CSSS, là, il y a eu des choses qui sont bonnes
là-dedans, parlez-nous-en donc.
• (16 h 20) •
Mme Dubé
(Carolle) : J'aimerais...
Oui, je vais vous en parler. Je vais revenir aussi sur l'époque 2003‑2004.
J'y étais aussi comme dirigeante syndicale
et dans d'autres réformes aussi qu'on a connues avant celle de 2003‑2004.
Et, quand on vous partage aujourd'hui les
craintes, les appréhensions de nos gens qui sont sur le terrain... En fait, ce
que les gens nous rapportent, c'est
toutes ces réformes-là, les impacts entre les objectifs qui étaient visés et
les impacts et la commande qui a été
difficilement rendue. Bien, les gens ont beaucoup de difficultés aujourd'hui,
en 2014, de croire aux objectifs que vous nous présentez avec le nouveau
projet de loi.
La différence qui est très importante, je pense,
par rapport à l'état de santé des gens, je vous dirais qu'en 2003‑2004, quand on partageait avec nos gens — parce que c'est ce qu'on fait, hein, quand
il y a des projets de loi, on partage
ça, nous, avec nos membres, avec nos délégués — bien, c'est sûr qu'on a un peu, je vous
dirais, vendu le projet de réforme des CSSS, parce qu'on trouvait que
les objectifs étaient louables et on avait des réserves par rapport à la mission CLSC qu'on a présentée. Et nos gens ont
comme embarqué, entre guillemets, dans cette organisation-là. Les gens, depuis 10 ans, travaillent très fort au quotidien pour faire en sorte que ces soins-là
et les services soient plus fluides, qu'il y ait une meilleure
intégration. Mais ce qui est arrivé durant ces 10 dernières années là,
c'est que le réseau a subi des compressions.
Toute cette transformation-là qui a été mise en place n'a pas été mise en
place avec les ressources pour la supporter.
Donc, c'est supporté, ça, par les gens, et ça
fait en sorte qu'aujourd'hui on a énormément de gens qui sont en détresse, qui sont en absence, qui se battent au
quotidien pour pouvoir donner les soins à leurs patients. Et c'est sûr qu'une
nouvelle réforme comme qu'il est annoncé... Parce qu'on va s'entendre que p.l. n° 10, la
création des CISSS, c'est énorme, là.
On trouvait ça gros en 2004, les CSSS, là on parle de quelque chose qui, dans
certaines régions, va faire en sorte qu'on avoir des points de service
qui vont être à plus de 1 000 kilomètres, là, entre Sept-Îles puis
Fermont, là.
Donc, les
gens, là, cette réforme-là, bien, ce que ça vient leur dire, ce que ça vient
leur rappeler, c'est tous les efforts qui
ont dû être déployés pour mettre en place les CSSS. Les gens se demandent
comment ils vont y arriver. Et surtout leur inquiétude, c'est que ça se
fait, tout ça, de façon, selon nous, très précipitée, sans adhésion de tout ce
monde-là. Parce que, contrairement à
2003-2004, où il y avait une adhésion — une certaine adhésion du personnel, quand
même, comparativement à aujourd'hui,
il y avait une adhésion qui était quand même un peu plus grande — je ne me rappelle pas, moi, d'avoir entendu
en commission parlementaire, à l'époque, tout le rejet face à cette loi-là; les
gens avaient amené des amendements.
Mais on n'est pas du tout dans le même contexte aujourd'hui. Aujourd'hui, il
n'y a même pas d'adhésion du personnel d'encadrement des directions
d'établissement.
Moi,
là, j'ai sur mon bureau actuellement des résolutions de C.A. d'établissements
qui demandent l'abolition, qui
demandent que ce projet de loi ne soit pas adopté. Ça fait que je pense qu'on
n'est pas dans une même situation puis dans un même contexte qu'on était
en 2004 avec le projet de loi n° 25.
M.
Barrette : Écoutez, Mme Dubé, là, je vais vous faire deux... un
certain nombre de remarques. Un, moi, j'ai rencontré entre autres les gens de la région à laquelle vous venez de
faire référence, qui est la Côte-Nord. Il y avait, avant, 1 000 kilomètres entre Fermont puis
Sept-Îles, puis il y a encore 1 000 kilomètres aujourd'hui, puis il y
a bien, bien, bien des kilomètres
entre Baie-Comeau puis Sept-Îles. Mais, quand on prend les gens de réadaptation
de cette région-là, eux, dans
l'ancienne réforme, ont demandé à se fusionner sur ces milliers de kilomètres
carrés là de territoire. Ils l'ont demandé eux-mêmes. Ils l'ont fait, et c'est mieux que c'était. J'ai rencontré
les directeurs de cette région-là, et ils sont en faveur de la chose, et
ils y voient un avantage.
Quand vous me dites, là, que les directions des
établissements ne sont pas en faveur, je les ai quasiment tous rencontrés, et ils y voient leurs avantages. C'est
clair, ceux qui sont sur le terrain et comprennent comment le système fonctionne, ils voient l'avantage. Je ne vous dis
pas qu'il n'y a pas d'effort, ce n'est pas ça que je vous dis, mais ils voient l'avantage
de ce style d'évolution là de notre réseau, ils le voient.
Maintenant,
moi, quand j'étais, en 2003, sur le terrain, là... je ne sais pas comment ça
s'est passé en commission parlementaire,
je n'ai pas suivi ça, mais j'ai regardé ce qui se passait dans la rue, par
exemple, là, puis ce n'était certainement pas... ce n'était définitivement pas l'approbation et la collaboration,
là, le monde était dans la rue, là. Alors, là, aujourd'hui, on arrive avec une structure, une finalité, qui
est la continuité de ce qui a marché en partie, de laquelle on a compris et on
a constaté ce qui avait été les
problèmes. On se donne les pouvoirs pour les éviter, on... Évidemment qu'on me
reproche de prendre les pouvoirs de
l'éviter. Mais évidemment... tant qu'à faire, il faudrait le statu quo. Et
justement, Mme Dubé, le statu quo, c'est-u ça qu'il faudrait? Moi, ma
réponse : Je pense que non.
Actuellement,
ça marche-tu dans notre système correctement? Oui dans certains secteurs, non
dans l'ensemble. La population
est-elle tannée que ça ne marche pas? Ça, c'est un grand OUI, avec un o
majuscule, un u majuscule puis un i majuscule. Alors, moi, je veux bien,
là... Et la commission parlementaire sert à recevoir les commentaires et les critiques, puis je suis content que les gens les
fassent, et j'en prends note, et il y aura des ajustements pour répondre aux
critères. Mais, à un moment donné,
construire tout le discours sur «l'apocalypse s'en vient» — parce que je pense que ça va arriver... je serais bien content que ça
n'arrive pas, mais, si ça arrive, ça va être désastreux — bien, moi, j'aime mieux prendre la
partie que, oui, si on faisait tel, tel changement, là, ça serait bien. Parce
que, comme vous le dites, puis le groupe
d'avant l'a dit, puis ils l'ont dit toute la journée, à ma grande surprise,
jusqu'à la CSQ : Oui, c'est vrai
qu'il y a des
choses qui ont fonctionné, mais ce n'était pas parfait. Finalement,
ma journée est plus surprenante que je pensais qu'elle allait être.
Mme Dubé
(Carolle) : Tant mieux. Je
veux juste vous rappeler qu'en 2003 on était beaucoup en... on était dans
la rue pour d'autres projets de loi qui étaient plus la réorganisation
syndicale.
M.
Barrette : Je le sais. Mais,
pour ce projet de loi spécifique, pour cette réforme-là, Mme Dubé, là,
convenez avec moi qu'il y avait une opposition qu'on va qualifier de
dynamique.
Mme Dubé
(Carolle) : Je vais te
laisser la parole, Nicole. Je ne pense pas qu'on est venus ici aujourd'hui en vous demandant le statu
quo. Je pense qu'on a, dans notre mémoire, proposé certaines solutions. On ne
détient pas non plus toute la vérité. Par contre, dans le cadre de cette commission-là,
il y a un ensemble de groupes qui sont venus ici vous faire des propositions. Ce qu'on vous demande,
bien, c'est qu'on assoie ensemble l'ensemble des acteurs du réseau pour
qu'on travaille ensemble à les trouver, ces solutions-là pour améliorer les
services à la population.
M. Barrette : Je peux vous assurer
que, dans la transformation qu'on préconise, si le projet de loi est adopté
nous serons assis, tous et toutes, à la même table pour travailler ensemble.
Mme Déry
(Nicole) : Quand on parle de
statu quo, on est d'accord que le statu quo n'est peut-être
plus possible. Par contre, entre le
statu quo puis l'instauration de mégastructures, il me semble qu'on pourrait
trouver quelque chose.
Je crois que
les objectifs que votre projet de loi a — entre autres augmenter l'accès aux soins, avoir un médecin de famille pour tout le monde, une meilleure
structure de première ligne — ça
peut se faire dans le réseau actuel, pas besoin de fusionner, de faire
ce qu'on appellerait des monstres avec les établissements.
Écoutez,
tous les experts, les études scientifiques le prouvent : les mégastructures
ne génèrent pas d'économie, ni à
court terme, ni à long terme, c'est le contraire qui se passe. Ce n'est pas moi
qui le dis, c'est des chercheurs, c'est des gens que c'est leur travail de le faire. M. Contandriopoulos
est venu vous le dire aussi, en commission :
Ça ne génère pas d'économie puis à long terme ça augmente la
bureaucratie. On l'a vu avec les CSSS en 2004. Vous l'avez avoué vous-même
qu'au départ il y avait moins de cadres, mais plus la structure grossit, plus
l'encadrement élargit, et la bureaucratie augmente. Et ça ne rapproche pas du
tout les services de la population.
Quand vous
dites qu'il y a une adhésion, là, ce n'est pas ça qu'on voit chez nos membres;
on voit des gens qui sont inquiets, qui sont inquiets pour la pérennité du
service de santé. On voit des gens qui sont épuisés des réformes puis on voit des gens qui disent : On a à
peine fini... on commençait... Oui, c'est vrai que ça a été... il y a eu des
belles choses dans les CSSS. Ça
commence à être intégré, on s'en vient, puis on nous coupe tout de suite
l'herbe sous le pied avec une autre réforme. On va passer des années
encore à refaire des structures puis on ne s'occupera pas des soins.
Et,
d'année en année, tous les constats disent : Il faut renforcir la première
ligne. En 2003, ça s'est dit; en 2010, constat :
le gouvernement... le ministère le dit : Il faut renforcir la première
ligne. Puis on ne peut pas faire de grande réforme sans que les acteurs du réseau y soient associés,
ça ne marchera pas. Il faut toujours renforcir la première ligne. On sait
ce qu'on fait, mais on dirait qu'on continue
de ne pas le faire. Et les mégastructures, moi... nous ne croyons pas que ça va
améliorer l'accès aux services. Nous croyons qu'on pourrait continuer à
travailler dans le sens où on est dans les structures actuelles.
M.
Barrette : Bon, je pense vous avoir indiqué quelle était mon opinion
là-dessus dans mes réponses précédentes.
Je vais faire un dernier commentaire, parce que
le temps file, un commentaire très simple. Pour ce qui est des opposants au projet de loi n° 10, il y a
essentiellement une source qui est répétée par tout le monde, qui est une
source qui est à l'opposé, mais à
180 degrés de ma façon de penser, qui est-ce qu'elle est, est la source
«contandriopoulosienne», parce que c'est toute une famille, là. Écoutez,
là. C'est parce qu'à un moment donné il faudrait que vous les lisiez, là. Je ne
vous dis pas que vous ne les avez pas lus, là, mais il y a toujours un biais
dans leurs études, et il est toujours là.
Je l'ai déjà
écrit, j'ai écrit des lettres ouvertes là-dessus, là. Des structures comme
celle que l'on propose, il y en a des
10 fois plus grosses qui fonctionnent très bien et qui sont des modèles
dans plusieurs pays. Alors, c'est sûr que, quand on a un agenda qui est celui de certains, entre guillemets, chercheurs,
là, et que leur agenda ne passe pas, bien on construit des discours qui font en sorte que leur opinion va
être à l'opposé. Elle est à l'opposé, elle sera toujours à l'opposé. Mon
espoir profond, là, c'est de vous revoir dans quatre ans et avoir pu démontrer
que ce que l'on propose aura donné les résultats
escomptés, donc à l'opposé de ce que les gens avec qui vous avez des contacts
proposent... pas proposent, mais analysent et les conclusions qu'eux
autres tirent.
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
• (16 h 30) •
M. Barrette : Là-dessus, M. le
Président, je n'ai pas pu terminer, il ne me reste plus de temps, là.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, je cède la parole maintenant
au député de Rosemont pour un bloc de 12 minutes.
M. Lisée : Merci, M. le
Président. Mme Déry, Mme Dubé, Mme Montplaisir, Mme Lebrat... C'est ça?
Une voix : ...
M. Lisée : Debrat.
Alors, on a entendu le ministre de la Santé dire à l'instant : Moi, je
sais comment ça marche, moi, je le
sais, comment ça marche, et l'opposition — on est là — est d'une ignorance abyssale, abyssale. Eh
bien, l'opposition, on a entendu
beaucoup de gens qui partagent notre ignorance abyssale, évidemment les
chercheurs, entre guillemets, dont le
ministre vient de parler avec un mépris affiché. L'association des
établissements sont contre sa réforme, l'association des établissements.
D'ailleurs, ils vont disparaître avec la réforme. La fédération des
infirmières, les regroupements de groupes
communautaires, l'Association des cadres de la santé sont venus, là, avec un
discours extrêmement dur, là, de dévalorisation de leur rôle. Ça doit
être des ignorants abyssaux. La Fédération des médecins omnipraticiens, la Fédération des médecins spécialistes, la Fédération
des médecins résidents sont tous venus dire que ce n'était pas une bonne idée. Ça fait beaucoup de monde dans le camp de
l'ignorance abyssale, beaucoup de monde. Mais le ministre, lui, lui, il connaît ça. Hein, il a vu — on a à peu près le même âge — la pub : Lui, y connaît ça!,
c'est sûr.
D'ailleurs,
les seuls médecins qui sont pour sa réforme, c'est lui, le médecin qui est
premier ministre, peut-être le médecin qui est ministre de l'Éducation
puis le médecin qui est secrétaire général du gouvernement. Vous savez, le
quatuor médico-politico-libéral qui nous gouverne, là. Disons, il y a trois
médecins... il y en a un, je ne suis pas sûr, il y a trois médecins ou quatre
qui sont d'accord avec la réforme. Ils sont des élus.
Je me
souviens de quelqu'un, que lui, il connaissait ça. En 2003, le chef du Parti
libéral, M. Charest, il avait un très bon candidat qui s'appelait...
qui est maintenant premier ministre, M. Couillard, puis il disait :
Lui, il connaissait tellement bien ça que, dans les semaines qui suivraient,
les listes d'attente dans les urgences allaient fondre. Dans les semaines qui
suivraient.
M. Pagé : L'effet libéral.
M. Lisée : C'était l'effet
libéral, me souffle mon collègue député de Labelle. Alors, vous savez, le
niveau de scepticisme face à ceux qui
connaissent ça, il est assez élevé. Puis ce que vous avez dit tout à l'heure,
sur le fait que la réforme de 2003,
il y avait des appréhensions, bien sûr, il y avait des inquiétudes, il y avait
des correctifs proposés, mais il n'y
avait absolument pas le concert généralisé, dans toutes les strates du milieu
de la santé, contre la réforme qu'on voit aujourd'hui, la réforme qu'on
propose aujourd'hui.
Et moi,
j'étais conseiller de M. Bouchard au moment de la réforme Rochon. Elle
était controversée, mais tout le monde
était d'accord avec le principe du virage ambulatoire. Tout le monde était
d'accord avec le principe qu'il fallait moderniser, qu'on était en retard, parce que le premier ministre Robert
Bourassa n'avait pas laissé le ministre de la Santé, Marc-Yvan Côté,
faire la réforme dont tout le monde pensait qu'elle était nécessaire à ce
moment-là.
Alors, même quand on se replonge dans le passé,
jamais n'a-t-on vu un ministre proposer une réforme aussi colossale lui donnant un pouvoir aussi
gargantuesque et faisant front à une opposition aussi générale. Ça, c'est une
première dans
l'histoire des réformes de la santé au Québec. Et moi, je n'avais jamais vu un
ministre de la Santé qui traitait avec autant
de légèreté les commentaires qui lui sont faits, qu'ils viennent d'infirmières,
de médecins, de cadres, de syndicats ou
de chercheurs. Ça, franchement, c'est la première fois que je vois ça. Et,
lorsqu'il vous dit : Ne vous inquiétez pas, ensuite, lorsque j'aurai tout ce que je veux, je vais m'asseoir avec
vous puis je vais vous consulter, je comprendrais que vous ayez un brin de scepticisme, parce que le
passé récent... en fait, l'actualité étant garante de l'avenir proche, disons
que c'est mal parti. Ça prendrait vraiment un chemin de Damas majeur.
Maintenant,
il y a une chose, en tant qu'humaniste, qui m'intéresse beaucoup dans votre
mémoire, c'est lorsque vous dites que
ce genre de réforme permanente de la gestion provoque des effets négatifs sur
la santé du personnel de la Santé.
Vous avez entendu le ministre dire : Non, non, non! Moi, je connais ça.
J'étais là en 2003, puis c'est sûr qu'il y a eu des ajustements, mais il n'y a...
personne n'est tombé malade. Bien, vous avez des statistiques, là, qui disent
qu'en 2012‑2013 les problèmes de santé mentale, troubles
musculosquelettiques et autres absences prolongées pour maladie ont totalisé 19 millions d'heures. Ça a coûté
presque 400 millions de dollars. Les coûts de l'assurance salaire ont crû de 6 % en un an. Depuis 2003‑2004, le nombre
d'heures payées en assurance salaire a augmenté de 24 % pendant que les
coûts grimpaient de plus de 50 %.
Ça, ce n'est
pas des prédictions apocalyptiques, comme le dit le ministre, ce sont des
statistiques de constat de la réalité.
Mais dites-moi, puisque vous représentez les gens qui sont ainsi affectés,
pourquoi c'est si dur pour la santé du personnel de Santé de vivre à
travers des réformes comme celle que le ministre propose?
Mme Dubé
(Carolle) : Vous savez, nos
gens, ce sont des gens qui ont fait des études universitaires ou collégiales
pour exercer un métier qui, presque à 100 %, va les amener à travailler, à
s'occuper... puis à donner des services à la population
dans le réseau. La très grande majorité veulent aussi travailler dans le réseau public. Donc, c'est des gens qui ont vraiment une formation qui
leur permet de pleinement exercer leur métier.
Ce qui s'est
passé, en vrai, de ce que les gens nous rapportent depuis 2003, la façon dont
l'intégration des services s'est
faite, vous savez, quand on a mis ensemble un hôpital, quelques CHSLD, un CLSC,
bien, on a mis ensemble des établissements qui avaient des missions, des
visions de travail qui étaient différentes et on a demandé à ces gens-là de
travailler ensemble, mais on n'a pas donné ce qu'il fallait du tout pour mettre
en place toute cette réforme-là, ces changements-là,
pour gérer les changements. Donc, ça, ça s'est opéré quelques années très, très
difficilement. Écoutez, ils n'avaient
même pas les systèmes informatiques pour le faire. On a coupé à l'époque un
certain nombre de cadres parce que
c'était aussi dans un contexte de compressions budgétaires que ça se faisait. L'objectif
était aussi d'amener des réductions à ce
niveau-là. Donc, pendant un certain nombre d'années, les gens ont été... ça a
été désorganisé, les gens ont été laissés à eux-mêmes, ils devaient s'organiser pour rendre les services, et, à
travers toutes ces années-là, bien, il
y a eu aussi des compressions,
des coupures.
Donc, tout ça
mis ensemble, où les gens sont bousculés dans leur pratique professionnelle,
toutes sortes de directives qui sont
parfois contradictoires, toutes sortes de méthodes... Puis je vais vous faire
grâce longuement de vous parler... tous les projets d'optimisation à la
proaction qui sont venus jouer dans la pratique professionnelle des gens et
faire en sorte que les gens ont de moins en moins de moyens pour exercer leur profession, leur travail, et ils font face
à des choix entre donner des services
à mon patient et être capables de répondre à toutes ces nouvelles exigences là,
de paperasse, de statistiques, et
tout ça. Eh bien, ça fait en sorte que les gens, bien, développent des problèmes de santé, développent
des problèmes de santé physique et des problèmes de santé psychologique, parce
que c'est excessivement difficile de travailler dans un contexte comme ça.
M. Lisée : Bien, ce problème...
On est tous pour la reddition de comptes, puis on est tous pour la reddition de
comptes qui nous permet de savoir que chaque
dollar des contribuables est utilisé au maximum, mais surtout pour la qualité
des soins. Mais là vous dites, de façon très
intéressante, dans le mémoire, que la reddition de comptes statistique qui est
imposée aux établissements a des effets pervers sur la qualité des soins.
Alors, je vous lis rapidement : «...dans
l'objectif de répondre à la priorité statistique de réduction de la liste d'attente pour des soins à domicile, les
intervenants ouvrent des dossiers pour les personnes qui sont sur la liste en
faisant une première visite à domicile, puisque c'est le nombre de
visites à domicile qui est pris en compte par le système statistique. [Une fois] cette étape franchie, la
personne quitte la liste d'attente. Toutefois, comme les intervenants sont
débordés, le dossier se retrouve dans une autre liste d'attente, pour
l'obtention [de] services, [mais cette liste-là] ne figure pas dans les cibles de performance. [Ainsi,] on a créé une liste
d'attente "cachée" ou "fantôme". Il y a [...] eu [une]
visite à domicile, mais pas de suivi[, et]
personne n'a pu fournir l'aide dont la personne a besoin. C'est [ainsi] que
certains CSSS ont atteint — voire dépassé — la cible d'augmentation des visites à
domicile fixée à 10 % par le [ministère], qui les a cités en
exemple pour mettre de la pression sur les autres!»
Mais
qu'est-ce que ce serait, des bons critères d'évaluation pour juger qui seraient
des critères qui donneraient la bonne incitation à la qualité des soins,
plutôt qu'un critère à essayer de traficoter les listes?
• (16 h 40) •
Mme Dubé (Carolle) : Bien, ce que
nos gens nous rapportent, là, c'est que, dans les statistiques qui leur sont demandées, il y a des choses qu'ils ne peuvent
prendre en considération en termes de
statistiques, mais qui a énormément
d'importance dans le travail que les gens font. Donc, il y a toutes sortes de
directives. Quand on vous parle de directives qui viennent, qui changent avec le temps, bien, ça, c'est un peu les
dernières directives, je vous dirais, là, particulièrement des gens qui
sont dans les soins et les services à domicile, où ce qui compte, en termes de
statistiques, c'est le service à domicile,
d'être à domicile, alors qu'il y a un ensemble de travail indirect qui doit être fait par les professionnels
pour bien faire leur travail, et ça, malheureusement, ça compte moins ou
ça compte très peu dans les statistiques. Ça fait qu'ils ont une pression de stater ou d'avoir des
bonnes statistiques plus élevées, et là ça donne l'impression qu'on a plus
de visites à domicile. Mais, dans les faits,
on n'a pas nécessairement donné des meilleurs services, mais on a fait
des...
M. Lisée :
Vous fixeriez le bon critère par résultat, par réduction du problème de santé
identifié au début par rapport à la fin?
Mme Dubé
(Carolle) : Vas-y, Nicole.
Mme Déry (Nicole) : On a commencé à regarder, à l'APTS, en groupe de travail, avec des gens
qui travaillent sur le terrain... Ils
connaissent très bien ça, la façon de faire. Le problème qu'ils identifient
souvent, c'est qu'on a utilisé un système
statistique, qui n'était pas fait pour ça, pour faire de la reddition de comptes. Donc, ça a des effets pervers, et on a essayé d'amener des solutions. La solution du gouvernement a été d'engager des firmes comme Proaction... je l'oublie, son nom, ça se dit très mal, hein... a
été d'engager des firmes privées pour essayer de ramener tout ça, mais des
firmes qui ne connaissent pas la réalité du
terrain et qui se sont mises à encadrer les pratiques professionnelles,
de dire à un psychologue ou à une travailleuse sociale qu'elle doit prendre 20
minutes pour un deuil parce que 30 minutes, c'est trop long puis ça ne rentre pas dans la
statistique. On en est venus à mettre du temps, à fixer sur des... On a mis un
prix sur l'empathie puis sur
l'autonomie professionnelle des gens qui rendent des services psychosociaux.
C'est complètement inadapté.
Nous,
ce qu'on a demandé, dans notre groupe de travail qu'on a fait avec nos
intervenants... on a commencé à établir des pistes de solution puis on
avait demandé... Et, dans certaines régions, je ne me rappelle plus, mais ils
ont commencé à le faire, il y a des CSSS
qui, carrément, ont tassé tout ce qui avait été investi par les firmes, ont
complètement tassé ça pour dire : D'accord, on va le revoir avec
vous puis on va voir qu'est-ce qu'on peut faire.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup.
Mme Déry
(Nicole) : Il y en a, des solutions. On en aurait, des solutions.
Le
Président (M. Tanguay) :
Merci. Je vais maintenant céder la parole au collègue député de La Peltrie pour huit minutes.
M.
Caire : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci pour votre
présentation. Il y a certains éléments que vous avez amenés sur
lesquels j'aimerais revenir parce que je les ai trouvés extrêmement
intéressants.
Vous
me permettrez d'abord un préambule que je vais essayer le plus court
possible pour vous laisser le temps de parler. Mais j'ai entendu le
ministre dire tout à l'heure : J'espère qu'on va se revoir dans quatre ans
pour que vous puissiez voir qu'on a eu les résultats
escomptés. Encore faudrait-il que le projet
de loi nous fasse part de ces résultats-là,
parce que, dans le projet de loi, il n'y
a pas vraiment d'objectif,
et ça, je pense que c'est une lacune qu'il devra corriger.
Ceci
étant dit, vous nous dites : On nous a déjà servi cette recette-là,
et ça n'a pas fonctionné, puis là vous voulez nous servir la même recette. J'ai eu aussi l'occasion
de dire ça au ministre : La recette, je pense qu'elle est bonne,
mais je pense qu'elle a été mal
appliquée. Et, comme vous, je souhaiterais m'assurer qu'il y aura, dans l'application
de cette recette-là... qu'il y aura
des façons de s'assurer que, cette fois, on ne répète pas les erreurs du passé.
Encore faudrait-il admettre qu'il y a eu des erreurs dans le passé. Ce
serait déjà un bon bout de chemin.
Mais,
à deux reprises, vous avez dit : Dans les dernières années, on a vécu des
coupures et des compressions, puis je vous
crois, là, je suis convaincu que c'est vrai. Ce qui m'interpelle, par contre,
c'est que, dans les 10 dernières années, le budget de la santé et des services sociaux a augmenté de 64 %. Ça a augmenté de 5 % à 7 % chaque
année, à tel point qu'un précédent gouvernement libéral a mandaté Claude Castonguay pour dire : Écoute, qu'est-ce qu'on peut faire? Parce qu'à ce
rythme-là le contribuable va faire un chèque au ministère de la Santé puis ça
va s'arrêter là, là. Comment expliquez-vous
qu'on ait mis autant de ressources financières pour financer le réseau de la
santé, mais que, rendu à votre niveau, ça se soit traduit par des
compressions et des coupures?
Mme Dubé
(Carolle) : Peut-être que... Je pense qu'il y a une certaine perte de
contrôle sur certains postes budgétaires, quand on pense au poste, par exemple, des médicaments, où ça, ça a évolué de façon... Puis je ne
pourrais pas vous donner les statistiques, puis peut-être mes collègues pourront rajouter... C'est des
postes, ça, qui ont explosé dans les
dernières années, toute la question aussi de la rémunération, et la pratique
médicale qui engendre quand même des dépenses
importantes dans notre ministère, dans le réseau. On pense aussi que les besoins de la
population ont augmenté de façon
importante dans les dernières années. Nous, quand on regarde les embauches dans
nos secteurs d'emploi dans les dernières années, il y a eu quand même une
évolution pour répondre en partie — je vais le dire ainsi — aux besoins de la population, parce qu'actuellement, dans plusieurs
de nos secteurs, on a des listes d'attente, des services qui ne sont pas
rendus malgré le fait qu'on ait embauché des
gens. Donc, c'est sûr qu'il y a eu une évolution au niveau du poste budgétaire
de ce poste-là.
En
même temps, dans les dernières années, dans les deux, trois derniers budgets,
on a imposé aux établissements, aux
budgets qui visent les établissements, des compressions importantes, et ça se
traduit dans notre quotidien par des gens qui ne sont pas remplacés, des postes qui sont laissés vacants, donc
encore des services qui ne sont pas rendus par nos gens.
M.
Caire : Vous avez
dit : On a vu les fusions des établissements, l'objectif était de
rationaliser, de diminuer la bureaucratie.
Et je salue quand même le ministre, qui a admis qu'effectivement ce n'est pas
ce qui s'est produit. Ce qui s'est produit, c'est qu'au contraire on a vu le nombre de cadres
augmenter, la paperasse, la surreddition de comptes augmenter de façon exponentielle. Puis — je l'ai dit puis je ne m'en cache pas — je pense que la recette est intéressante.
Mais qu'est-ce qu'on peut faire pour éviter
de retomber dans ces pièges-là? Qu'est-ce qu'on peut faire pour éviter que ce
qui est souhaité, c'est-à-dire qu'il y ait plus... une meilleure intégration
des services... c'est-à-dire, pas éviter une meilleure intégration des services, mais favoriser
évidemment une meilleure intégration des services, favoriser la communication
entre la première et la deuxième ligne, qu'il y ait moins de bureaucratie,
moins de surredditions de comptes, moins d'encadrement,
plus de ressources qui vont vers les services? Comment on peut faire pour
s'assurer que cette réforme-là nous amène à cet objectif-là?
Mme Dubé
(Carolle) : J'aurais le goût
de vous dire que la première des choses, c'est qu'on ne devrait pas l'adopter
parce qu'on pense sérieusement qu'il faudrait
prendre le temps de faire vraiment un état de la situation, parce que c'est
vrai que c'est complexe, notre réseau
de la santé, c'est complexe, les établissements, c'est complexe et c'est
énorme, le budget qui est alloué pour
ce secteur-là. Donc, nous, ce qu'on pense, c'est qu'il faudrait prendre le
temps de s'arrêter, faire le point,
faire une analyse de la pratique dans nos établissements, de la pratique
médicale, de l'ensemble de ce que les gens font comme travail, de revoir la gouvernance. Il faut prendre le temps
de faire tout ça et non pas précipiter notre réseau dans une réforme
comme vous vous apprêtez... comme le ministre s'apprête à le faire.
M.
Caire :
C'est peut-être notre premier gros désaccord, je vous dirais, considérant que
le citoyen, le contribuable, le
patient, l'usager, le client, nommez-le comme vous voulez, là, ne reçoit pas
les services. Puis, pour moi, la qualité des services, c'est deux choses : c'est la prestation de service, mais
c'est l'accessibilité aussi. Ça joue dans la qualité du service. Quand tu n'as pas un service dans le bon délai,
bien, ça joue sur la qualité du service, c'est clair. Et donc, considérant le
peu d'accessibilité de notre système de
santé, vous ne trouvez pas, au contraire,
qu'il est urgent de trouver des solutions pour que nos enfants reçoivent les services dans le bon délai? Puis vous
êtes un peu dans ce domaine-là, là,
alors, quand on parle d'un enfant qui est sur une liste d'attente pour
voir un pédopsychiatre puis qu'il y a deux ans d'attente, c'est scandaleux,
vous allez être d'accord avec moi.
Donc, vous ne
trouvez pas qu'au contraire il y a urgence d'aller de l'avant puis de s'assurer
que notre réseau soit capable de
donner accès à ces services-là le plus rapidement possible et que le problème
qui fait en sorte qu'ils ne sont pas
accessibles ne vient pas de la qualité des professionnels, mais de
l'organisation du travail? Donc, c'est un problème structurel. Donc,
attaquons-nous aux structures, là, vous ne pensez pas?
• (16 h 50) •
Mme Dubé
(Carolle) : Oui, on trouve
que... Je suis tout à fait d'accord avec vous que c'est une honte de voir des
gens attendre si longtemps pour avoir accès à des professionnels en première
ligne, et c'est ce que disent tous les rapports,
tous les experts, et c'est ce qu'on dit : Investissons... revoyons de
façon globale notre système de santé et non pas seulement de façon parcellaire, avec les structures;
revoyons la première ligne, revoyons la prévention, redonnons un accès en première ligne. Mais c'est sûr que,
dans un contexte de compressions, c'est difficile. Il faut
investir, et tant des ressources
humaines en première ligne... Et ça, nous ne croyons pas que les mégastructures
vont améliorer l'accès aux services de première ligne.
M.
Caire : Si vous me permettez, vous ne pensez pas qu'il
faut aussi y aller... Je veux dire, une législation ne peut pas s'adresser à l'ensemble des problèmes.
On va y aller une législation à la fois, là. Mais vous ne pensez pas que justement un
des problèmes, c'est que, dans cette structure-là, il y a
tellement de couches, tellement de niveaux décisionnels, dont un qui
n'est clairement pas nécessaire, là, on parle des agences de santé...
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Je dois maintenant céder la parole...
M.
Caire : Une autre
fois, peut-être.
Le Président (M. Tanguay) : Je dois maintenant
céder la parole à notre collègue députée de Gouin pour trois minutes.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. Dans la même ligne, vous dites, dans votre
mémoire : Voir une ergothérapeute prend un an d'attente, ce qui n'est vraiment
pas drôle. Vous en êtes rendus même à référer des patients à des services privés. Je vous comprends, là, mais,
franchement, il faut le faire! Et mon collègue dit : Ça prend deux ans pour voir un pédopsychiatre. Mais moi, j'ai bien
de la misère à voir comment cette mégastructure qui, je pense,
va être un peu dysfonctionnelle et
qui va recréer des sous-structures, j'en suis certaine... Comment est-ce que
ça peut régler le fait qu'on attend deux ans pour voir un
pédopsychiatre? Parce qu'il me semble que, si on attend deux ans pour voir ce professionnel de deuxième ligne, dans ce cas-ci,
c'est ou bien parce qu'il n'y en a pas assez dans telle ou telle région ou alors, s'il
y en a assez, ils ne donnent peut-être
pas les services aux bonnes places. Alors là, moi, je questionnerais la
structure du CSSS. Mais est-ce que
vraiment le fait d'avoir un seul établissement dans une région ferait en sorte que la personne verrait... ou
l'enfant verrait plus vite un pédopsychiatre? Je vous pose la question.
Mme Dubé
(Carolle) : C'est sûr qu'à
l'heure actuelle on n'est pas capables de faire cette équation-là, nous, que
cette mégastructure-là va faire en sorte que
les listes d'attente vont diminuer, que les gens vont avoir accès plus rapidement à des services, là. Je vous dirais qu'on ne voit rien actuellement dans le projet de loi. Et même ce qui
nous inquiète... Parce qu'on partage aussi qu'il y a une urgence d'agir, hein? Parce que, quand
il y a des services qui ne sont pas donnés à des enfants en bas âge, ça a des conséquences probablement à
très, très long terme. Donc, à tous les niveaux, pour plusieurs et un nombre important de services, il y a urgence
d'agir. Mais là ce n'est pas ça qu'on va faire dans les prochaines années
dans les établissements, c'est qu'on va travailler à mettre en place ces
nouveaux CISSS là.
Écoutez, ça a
pris facilement cinq ans, six ans, puis, dans certains endroits, ce n'est pas
encore complété, toute la
réorganisation de ces CSSS là. C'est encore plus grand et plus gros, ce qu'on
veut mettre en place. Ça va nécessiter énormément
d'énergie, de travail pour la mise en place de ça. Et c'est sûr que, pendant
que les directions d'établissements, pendant
que les conseils d'administration, que le personnel va faire ça, bien, c'est sûr
qu'on ne réfléchira pas à améliorer les services puis à trouver des
solutions pour donner des meilleurs services à la population.
Le Président (M. Tanguay) : 30
secondes.
Mme David (Gouin) : Donc, si je
comprends bien, vous êtes loin d'être convaincues que la création des CISSS va
régler le problème soulevé par le ministre — et qui, je pense, est
réel — du
manque d'intégration ou de fluidité entre la première et la deuxième ligne.
Mme Dubé (Carolle) : Bien, on ne
pense pas que c'est les outils qu'il faudrait... que le réseau a de besoin
actuellement pour atteindre ces objectifs-là.
Mme David (Gouin) : Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous remercions les
représentantes de l'Alliance du personnel professionnel et technique de
la santé et des services sociaux.
J'invite
maintenant les représentants de l'Observatoire Vieillissement et Société et je
suspends nos délibérations.
(Suspension à 16 h 54)
(Reprise à 17 h 1)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux et accueillir
les représentantes, représentants d'Observatoire Vieillissement et
Société. Je vous demanderais, dans un premier temps, de bien vouloir vous identifier. Après cela, vous
disposerez d'une période de 10 minutes de présentation. S'ensuivra un
échange par la suite avec les parlementaires. Alors, la parole est à
vous.
Observatoire Vieillissement et Société (OVS)
M. Ledoux (André) : Alors, André
Ledoux, gérontologue de l'Observatoire Vieillissement et Société.
Mme Jeliu
(Gloria) : Gloria Jeliu,
pédiatre à la retraite et membre de l'Observatoire Vieillissement et Société.
Mme Piccolo (Alida) : Alida Piccolo.
Alors, je suis membre du conseil d'administration de l'Observatoire Vieillissement et Société, bénévole, je m'occupe
de la vigie multiculturelle et, dans le passé, pédagogue et gestionnaire.
M. Laporte
(Pierre-Étienne) : Pierre-Étienne
Laporte. Je suis un sociologue de profession. J'ai aussi fait un stade...
un stage, disons, à l'Assemblée nationale comme député d'Outremont et je m'intéresse beaucoup... je me suis beaucoup intéressé, dans ma carrière de sociologue,
professeur d'université, et ainsi de
suite, là, à la question
de l'évaluation des politiques publiques, n'est-ce pas, et
j'aimerais, à un moment donné, revenir sur cette question-là parce qu'en vous écoutant parler puis en écoutant la télévision, je
constate qu'il y a une bonne partie des questions auxquelles vous êtes confrontés qui pourraient être beaucoup plus
clairement répondues, si nous avions des données d'évaluation de politiques
comme c'est le cas par exemple dans des pays
comme la Suède ou les Pays-Bas. On n'en a pas, on n'en a pas, puis on en
manque, et... Alors, je voudrais faire peut-être une petite intervention sur
ça, si vous le permettez.
M. Ledoux
(André) : M. le ministre,
mesdames et messieurs, l'Observatoire Vieillissement et Société est honoré
d'avoir été invité à participer aux travaux
de cette commission parlementaire. Nous sommes un organisme à but non lucratif
qui a pour objectif principal le
bien-vieillir des aînés avec, en trame de fond, la lutte contre l'âgisme. Nous
comptons près de 7 000 membres et nous célébrons cette
année notre 10e anniversaire de fondation.
Nous tenons à
souligner d'entrée de jeu que nous sommes bien au courant des objectifs
socioéconomiques dans lesquels
s'inscrivent plusieurs des mesures adoptées ou en voie d'adoption par le
gouvernement, dont en particulier le projet de loi n° 10. Ce
projet, faut-il le rappeler, propose notamment l'abolition de 18 agences de
santé et de services sociaux, la suppression
de 200 conseils d'administration d'établissement de santé et la réaffectation
de 1300 cadres, tout en maintenant
les points de services. Le projet de loi n° 10 ne mentionne aucun
changement dans les régions sociosanitaires, les fondations hospitalières et les activités de recherche. Les centres
CISSS, chapeautés par un conseil d'administration de 13 à 15 personnes,
auraient le mandat d'offrir tous les services actuellement dispensés par les
établissements. Le nouveau
découpage administratif serait constitué de 21 CISSS, 16 en région et
cinq à Montréal, et de quatre établissements suprarégionaux. Ainsi, pour
bien savoir ce qui se passe dans le réseau, il suffira maintenant d'examiner 28
rapports annuels au lieu de 200, comme
l'exigeait l'ancienne structure, une simplification organisationnelle qui
favorise le rendement et l'efficacité tout en conduisant à un allégement
de la bureaucratie.
Pour
terminer cette introduction, l'Observatoire Vieillissement et Société est
avant-gardiste. Plusieurs sujets sur lesquels
il s'est penché ont été traités ultérieurement dans les politiques
gouvernementales. Grâce à ses moyens de diffusion — site
Internet, bulletin mensuel et conférences grand public — l'observatoire rejoint une majorité de
personnes âgées. Notre organisme se
veut une véritable boîte à idées, et ses prises de position sur différents
sujets d'actualité qui concernent les
aînés sont attendues autant par le grand public que par les décideurs.
L'observatoire a relevé un certain nombre
de défis, et, à titre d'exemple, nous pouvons mentionner l'implantation d'un
code d'éthique dans les résidences, les
visites des entreprises pour favoriser l'engagement des aînés au travail, les
contacts intergénérationnels, la diffusion des connaissances et
l'évaluation du code thérapeutique hospitalier.
Nous
allons passer outre à la partie 1 de
notre mémoire, qui établit une comparaison entre la loi n° 25
et le projet de loi n° 10. Alors nous allons directement à la partie 2, qui traite de la gouvernance et de
l'organisation des CISSS. La grandeur et la complexité des nouveaux territoires que les CISSS
devront servir fait sourciller l'Observatoire Vieillissement et Société. En
effet, la taille des nouveaux établissements, l'éloignement des sites, le risque d'une coordination boiteuse
et l'absence des établissements suprarégionaux dans les régions autres que celle de Montréal
pourraient nuire sans doute à la
prestation des services à la population. Il y a un danger potentiel que, compte tenu de la grosseur d'un CISSS, les hauts dirigeants perdent un certain contact avec les professionnels
qui sont sur le terrain et qui livrent les services. Déjà, il est difficile pour un administrateur d'une institution de garder le contact avec la base
compte tenu de ses responsabilités. Ce serait tout un défi de gérer de
10 à 15 établissements avec des mandats et des missions différents et des
volumes de ressources humaines qui peuvent varier entre 8 000 et
15 000 employés.
Le
projet de loi n° 10 propose un nouveau code de nomination des membres
du conseil d'administration, la nomination
de certains membres par les autorités politiques et d'autres par la cooptation.
Cette façon de procéder laisse prévoir une difficulté majeure à la
lumière des études sociopolitiques sur les changements institutionnels de
grande envergure. Il s'agit, selon nous, d'un déficit important de consultation
et de participation citoyenne.
Par
ailleurs, le ministre prend tout le pouvoir des agences au lieu de
décentraliser vers les établissements de santé. Et l'Observatoire
Vieillissement et Société fait siens
les propos de l'association des retraités de l'éducation, l'AREQ (CSQ), qui avoue, et je cite : «Nous souscrivons au
principe de l'imputabilité, mais, en même temps, il y a un risque d'abus de
pouvoir et de politisation du système de
santé. Il a été beaucoup question des nominations partisanes ces derniers
temps. La population décrie ce genre de pratique, il ne faudrait pas que le
projet de loi 10 les encourage.» Fin de la citation.
Une
question maintenant sur la privatisation des soins de santé. L'Observatoire Vieillissement et Société est très préoccupé par l'impact de
ce projet de loi sur la privatisation des soins de santé. Les pouvoirs
démesurés du ministre pourront forcer les
futurs mégaétablissements à faire appel aux services des nouvelles supercliniques
qui, on peut le prévoir, seront
privées, comme le sont les centres médicaux spécialisés, les CMS. La mise en
place de la privatisation du financement et de l'important marché de
l'assurance privée pourrait bien voir le jour. Les coûts des soins de santé
pourraient alors exploser, et l'on pourrait
assister à la survenue d'un système de santé et de services sociaux à plusieurs
vitesses. Le système de santé du
Québec deviendrait alors une mine d'or pour les compagnies d'assurance et les
cabinets privés de médecine. Médecins
spécialistes et actionnaires de ces compagnies s'en donneraient à coeur joie,
et la population pourrait en payer chèrement le prix.
• (17 h 10) •
L'Observatoire Vieillissement et Société souscrit aux préoccupations de la Fédération
des chambres de commerce du Québec qui
soutient, je cite : «Les Centres intégrés de santé et de services sociaux
qui auront les responsabilités d'organiser les soins, devront, selon la FCCQ,
s'assurer de livrer les services "au meilleur coût". Pour cela, le
privé serait une option incontournable : les CISSS devraient faire appel à
"divers types d'organisations pour une livraison optimale", écrit la fédération, soit le public, les
entreprises privées, les coopératives et les organismes sans but lucratif.» Fin
de la citation.
Les effets sur les services de santé.
Nous pensons que la restructuration proposée et les pressions budgétaires
auront un impact sur les soins aux
personnes âgées, le climat de travail et le sentiment d'appartenance. Parfois,
si les organisations sont trop
grandes, nous constatons que le sentiment d'appartenance à une institution est
moins présent, et il y a perte un peu
de fierté à travailler pour une institution ou une mission donnée. Sous la
forme actuelle de gouvernance, des citoyens peuvent se présenter et se
faire entendre au conseil d'administration de l'institution si nécessaire actuellement.
Nous doutons que, dans les nouveaux
supraconseils d'administration, un usager d'une institution intégrée à un CISSS
puisse facilement se faire entendre.
Pour l'Observatoire Vieillissement et
Société, les questions suivantes demeurent fort pertinentes. Le projet de
loi réduira-t-il le temps d'attente dans les
cliniques d'urgence? La population aura-t-elle plus facilement accès à un médecin
de famille? Les services à domicile et
l'appui aux proches aidants profiteront-ils d'un progrès notable? Le patient
pourra-t-il subir une intervention chirurgicale dans un délai
raisonnable?
Le sort réservé aux personnes aînées,
c'est un thème qui nous interpelle beaucoup
à l'observatoire. C'est un truisme
d'affirmer que les besoins de la population
vieillissante s'accroissent à un rythme inquiétant. Les statistiques sont fort
loquaces là-dessus. Selon l'Institut de la
statistique du Québec, données pour l'année 2014, le nombre de personnes de
65 ans et plus surpassera celui des jeunes
de moins de 20 ans en 2023, et l'on assiste à une croissance importante du
nombre d'aînés partout au Québec. Le vieillissement, c'est donc un enjeu
auquel la société québécoise reste confrontée.
Dans le projet de
loi n° 10, que deviendront la
gériatrie et la gérontologie? La nature, la variété et la complexité des soins requis par les personnes aînées ont
beaucoup augmenté. Ces soins peuvent être de nature physique ou sociale
et peuvent aller de la première ligne à la troisième ligne.
Nous pensons, à titre d'exemple, que
la centralisation des services et la suppression d'un conseil d'administration
de proximité coupera les ailes au
développement de projets innovants, tel que celui par exemple de l'Institut universitaire de
gériatrie de... tel que celui que l'Institut universitaire de gériatrie de
Montréal a entrepris. Sans tête vraiment dirigeante, comment un projet si prometteur qu'AvantÂge
pourra-t-il être poursuivi ? On semble avoir oublié que le projet AvantÂge,
de l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal,
lancé en octobre 2014, est le premier centre de promotion de la santé
des aînés à vocation provinciale, qui comprend des conférences, des formations
et des ateliers.
Pour l'Observatoire Vieillissement et Société, il est
fondamental d'insister sur les conditions de vie de la personne âgée au Québec et de participer à améliorer la
prise en charge de cette clientèle vulnérable par l'accessibilité aux services
dans tous les territoires couverts par les
établissements régionaux ou les CISSS. En ce sens, nous constatons la présence
de services gériatriques représentés par l'Institut universitaire de gériatrie
dans l'établissement régional du Sud-Est-de-l'Île-de-Montréal,
mais il nous est impossible d'identifier de tels services dans les autres
établissements. Une question se pose : Est-ce que les services
gériatriques seront représentés dans tous les territoires sociosanitaires?
Aussi,
croyons-nous que l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal devrait
devenir un établissement suprarégional dans le projet de loi n° 10, et en
voici les raisons : l'institut universitaire dessert toute la population
du Grand Montréal; il est l'étalon AA des établissements du genre au Québec et
au Canada...
Le
Président (M. Tanguay) : M. Ledoux.
M.
Ledoux (André) : ...l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal...
Le Président
(M. Tanguay) : M. Ledoux.
M. Ledoux (André) : ...est la seule institution de ce type à faire
partie de la Table de concertation des aînés de l'île de Montréal...
Le
Président (M. Tanguay) : M. Ledoux.
M.
Ledoux (André) : ...et finalement son rôle le place sûrement à un
niveau semblable...
Une voix :
Il vous demande de terminer.
M.
Ledoux (André) : Oui.
Le
Président (M. Tanguay) : M. Ledoux, je vous inviterais à conclure...
M.
Ledoux (André) : Oui, je termine avec la conclusion de... Deux paragraphes
à lire.
Le
Président (M. Tanguay) :
Nous sommes déjà sur le temps des parlementaires. Alors, si vous
pouvez conclure, vous allez ainsi conserver du temps pour dialoguer avec
les parlementaires. Merci.
M. Ledoux
(André) : D'accord, d'accord. Alors, très rapidement, l'objectif de la réforme administrative est de diminuer
le taux d'encadrement pour arriver à réduire les dépenses tout en améliorant
les services pour le citoyen. Tout nous
suggère qu'une approche de changement sociétal de type paternaliste devrait
nuire à son efficience et à son efficacité en dernière analyse.
L'abolition des 1 300 postes de cadres sera-t-elle une véritable source
d'économie? Les coûts de transition de la réforme ne risquent-ils pas de
réduire à des miettes les économies générées?
Pour
terminer, l'Observatoire Vieillissement et Société s'inquiète profondément du
fait que les médias, tous d'une même
voix, et les mémoires déposés à ce jour devant la commission parlementaire sur
le projet de loi n° 10 conduisent à un large consensus selon lequel
la réforme proposée par le ministre Barrette est loin de répondre à des
objectifs d'amélioration de l'accessibilité
et de la qualité des services de soins à la population. Et toute révision
devrait inclure une vision et un
cheminement qui intègrent une préoccupation d'offrir de meilleurs services
accessibles à la population en général,
soins aussi à des clientèles plus vulnérables, comme les personnes âgées. Loin
de faire l'unanimité, ce projet de loi n° 10 devrait faire l'objet
d'une révision. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, juste pour donner les
indications parlementaires, des 10 minutes prévues, vous avez fait 15 min 30 s. Donc, le ministre le
prend sur son temps, et, de 22 min 30 s, le ministre dispose de
17 minutes pour dialoguer avec les représentants de l'observatoire. Alors, M.
le ministre.
M. Barrette : Merci, M. le
Président. Alors, Dr Ledoux, Dre Jeliu, M. Laporte et Mme Piccolo, bienvenue. Dre Jeliu, vous ne devez pas vous rappeler de moi,
là, parce que je n'étais pas à ce point-là exceptionnel, mais vous avez été un de mes professeurs. Alors, bienvenue.
Alors, écoutez, vous avez abordé, Dr Ledoux, un grand nombre de sujets,
et je vais essayer de répondre à certaines de vos appréhensions. Mais, avant,
je vais faire quelques commentaires.
Vous savez,
actuellement, vous vous posiez la question il y a quelques instants — on est juste avant votre conclusion — si le système de santé... si cette
réforme-là allait améliorer l'accès, vous donner accès à un médecin de famille,
faire quelque chose de significatif pour les
proches aidants, permettre aux gens d'avoir des chirurgies quand c'est nécessaire, dans un délai raisonnable. Vous avez fait
référence aux aînés, et je vous comprends. Vous avez abordé la question juste avant qu'on vous demande de
conclure, la question de l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal et
de sa fonction suprarégionale. Bien, j'ai envie de vous dire que, quand
vous abordez tous ces sujets-là, bien, force est de constater que le système actuel ne fonctionne pas idéalement puisque
vous abordez des sujets qui sont essentiellement au coeur des problèmes
de notre système de santé.
Et vous avez
devant vous des parlementaires qui vont dire un certain nombre de choses. Et je
commencerai par vous exprimer, là, à
quel point j'ai été étonné il y a quelques minutes. Je pense que vous étiez là,
et vous avez entendu mon collègue le
député de Rosemont nous expliquer... et je ne le savais pas, et vous, vous
étiez tous là, dans cette période-là, alors,
vous êtes à même d'apprécier la saveur du commentaire de mon collègue député de
Rosemont, qui nous a expliqué qu'il
était conseiller de M. Lucien Bouchard lorsque la réforme Rochon a été mise en
place, le plus grand désastre que vous
avez vécu dans le système de santé québécois. Et le député de Rosemont se
demandait à mon propos que... si le passé était garant de l'avenir, qu'est-ce qu'il arriverait. Bien, je vais lui
renvoyer la balle : Qu'est-ce qu'il va arriver si jamais il se retrouve chef de son parti et à la tête de
l'État, alors qu'il a conseillé et a été à la tête de l'organisation du plus
grand désastre sociosanitaire du Québec?
En plus, il
était membre récemment d'un gouvernement qui, et ça, vous êtes certainement à
même d'apprécier la tristesse de la
chose, il a été membre d'un gouvernement qui a annoncé un programme alléchant
intellectuellement, qui était
l'assurance autonomie, qui n'était évidemment rien d'autre que le programme mis
en place par le gouvernement libéral précédent, Vivre et vieillir
ensemble, sauf qu'il était décuplé en promesses intenables puisque... on les
sait aujourd'hui de par la situation des
finances publiques du Québec... il était intenable parce que le budget n'était
pas là.
• (17 h 20) •
Alors, c'est
vrai, là, qu'on peut avoir des inquiétudes parce que, si le passé est garant de
l'avenir, bien, dans le futur, si on
change de gouvernement — et j'espère que ça ne soit pas le cas — bien, on aura soit un autre désastre dans le
réseau de la santé soit un mégadéficit
encore plus grand dû au réseau de la santé. Imaginez-vous ce qu'on a devant
nous!
Je reviens à
ce que vous disiez, Dr Ledoux. Est-ce qu'on peut améliorer l'accès, avoir un
médecin, se faire opérer, avoir une
politique pour les aînés? Le gouvernement libéral, dans les années 2000, là, on
a mis en place deux politiques, hein,
deux politiques qui visaient les soins à domicile, le soutien aux aînés. Vous
allez me dire que ce n'est pas parfait, vous avez bien raison. Est-ce qu'on peut faire mieux? On va essayer de
faire mieux. Mais le projet de loi n° 10 va dans cette
direction-là.
Et je vais
reprendre certains éléments que vous avez soulevés quant aux commentaires, là,
que vous avez faits du projet de loi.
Pour ce qui est des établissements suprarégionaux, de la façon dont vous le
décrivez, je comprends votre interrogation,
mais je vous rassure là-dessus : c'est vrai que les dénominations auraient
dû l'inclure, mais jamais il n'a été question...
parce que vous avez dit qu'il n'y avait pas d'établissement suprarégional en
dehors de Montréal et vous avez fait
référence à l'Institut universitaire de gériatrie. Pour tous les établissements
qui ont aujourd'hui une mission suprarégionale,
c'est conservé, là. Et ça, je l'ai dit à plusieurs reprises : Les missions
des établissements, peu importe la dénomination,
sont conservées. Alors, à Québec, à Sherbrooke et à l'Institut universitaire de
gériatrie... et c'est la même chose
pour le Douglas par exemple, ces missions-là... ou Louis-H., là, ces
missions-là, suprarégionales, demeurent. C'est vrai qu'on peut adapter la dénomination pour le dire plus clairement,
c'est quelque chose probablement à laquelle on va s'adresser, mais je vous réconforte sur ce
point-là : la nature suprarégionale des missions de ces établissements-là
sera préservée telle qu'elle l'était
et sera, à la limite, promue, évidemment, parce que ce sont des établissements
d'excellence.
Pour ce qui est du processus de nomination, du
pouvoir, de la politisation et de l'imputabilité, vous avez très clairement suivi les commissions parlementaires,
monsieur... je m'excuse, M. Laporte, vous y avez fait référence il y a
quelques instants, juste avant votre introduction. C'est transitoire, là. Et je
l'ai dit en point de presse tantôt : Le danger
de politisation, il n'est pas là. Je me suis clairement exprimé sur la façon
dont les choses allaient se passer, tout comme je me suis clairement exprimé sur le fait que les nominations,
après le démarrage, redeviendront à la, entre guillemets, normale, c'est-à-dire que le processus sera loin du ministre
parce que, comme je l'ai dit, ce n'est pas le genre de pouvoir que je
donnerais dans les mains d'autres individus, notamment mon prédécesseur au
Parti québécois.
Vous avez fait référence assez largement... et
ça, Dr Ledoux, ça m'a beaucoup, beaucoup, beaucoup interpellé, et j'ai de la misère avec ça, je vous le dis, là,
j'ai de la misère avec ça, j'en ai toujours eu. Pendant toute ma carrière... Et l'opposition officielle, au Parti
québécois, en font un fer de lance qui défie la rigueur intellectuelle. Ça la
défie parce que ça ne devient que de la
désinformation pure et simple quand on dit que, dans un système de santé, un
cabinet de médecins public ait de la
privatisation. Écoutez, là, ça défie l'entendement. À partir du moment — et ça, je vais vouloir vous entendre
après, là — Dr
Ledoux, là, vous le savez, là... Vous et Dre Jeliu, là, vous avez pratiqué la
médecine, là... ou, Dr Ledoux,
peut-être que vous la pratiquez encore, là... je m'excuse, je ne veux pas vous
mettre à la retraite avant le temps, là, je ne sais pas votre statut,
mais vous savez très bien, là, qu'à partir du moment où le gouvernement,
publiquement, finance à 100 % le
service médical qui est donné dans un cabinet, bien, on n'est pas dans un
domaine de privatisation, privatisation étant une entreprise à profit.
On n'est pas là-dedans, on est dans une négociation où le gouvernement et l'autre partie font des
évaluations conjointes, négocient une rémunération qui tient compte des budgets
d'opération, tout comme le gouvernement,
avec son réseau, fait un état de situation sur la nature et l'ampleur des
budgets d'opération, et, dans les
deux cas, c'est de l'argent public qui s'en va financer des activités. Et,
constamment — et vous
le faites un peu — on associe l'activité en cabinet, qui est en
réalité une activité conventionnée, à une activité privée, alors que ce
n'est pas le cas, ça ne peut pas être le cas.
Maintenant,
on pourrait peut-être... vous pourriez me dire : Un médecin en cabinet ou
un groupe de médecins en cabinet peut faire des profits. C'est possible
parce qu'ils gèrent plus serré que dans le public, parce que ça aussi, c'est possible, comme il est possible de gérer plus serré dans le public, et le
projet de loi n° 10 va comme insister... ou inciter les gestionnaires du
réseau public à gérer de façon plus responsable dans les cas où ça s'applique, parce qu'il y a des cas où ça ne s'applique pas
Il y a
des gens qui sont de bons gestionnaires. Il y a quelques
semaines, j'étais dans un hôpital où il y
avait un souper de fondation, où l'hôpital
a fait une économie, à chaque année, là, pendant les trois dernières
années, de 3 %. Ce n'est pas rien, là. Dans le cas en question, ça
monte à des millions de dollars. Puis il y a l'hôpital à côté, lui, qui
est plus 3 %, puis il est
pareil. Là, à un moment donné, je pense que c'est normal de pouvoir dire, bien,
aux plus 3 % : Bien, peut-être que vous pourriez vous inspirer de meilleures pratiques de gestion.
Alors, moi, j'ai de la difficulté évidemment quand vous faites cette association-là. Et vous aurez
sûrement quelque chose à me répliquer là-dessus, ça m'intéresse de l'entendre.
Pour
ce qui est de la gouvernance, et, là-dessus, j'aimerais vous entendre aussi, je
ne vois pas pourquoi un usager n'aurait
pas la capacité et la facilité d'aller voir un dirigeant pour aller faire part
de ses commentaires, comme ça se passe maintenant. Mais la question que
j'ai envie de vous poser, parce que je l'ai posée à beaucoup de groupes :
Dans le système de santé, vous qui avez une
longue expérience dans le réseau, est-ce que l'usager devrait avoir plus de pouvoir
dans son institution ou nationalement dans
un comité d'usagers qui aurait une voix forte? Ça, ça m'intéresserait de
l'entendre de votre part parce que je
pense que ce que vous visez souvent comme usager expérimenté, c'est la
possibilité d'avoir une voix forte.
Et moi, dans mon expérience, je ne trouve pas que la voix de l'usager est
toujours forte dans les institutions que
l'on a, dans le mode de gouvernance actuelle, ou, si la voix est forte, elle
n'est pas toujours entendue dans ma lecture de l'affaire. Même la mienne, quand j'étais en pratique, elle n'était
pas nécessairement entendue. Vous nous suggérez de lutter contre l'âgisme, je suis d'accord avec vous. L'implication des
personnes plus âgées, il n'y a pas de problème.
Je
peux vous dire une chose, en conclusion, là, certainement qu'on va vouloir
aller dans la direction dans laquelle vous nous invitez d'aller, et,
là-dessus, je vous laisserais commenter sur la partie cabinet et la partie
gouvernance en fonction des usagers.
M. Ledoux
(André) : Oui, Alida.
Mme Piccolo (Alida) : Oui. Bien, on vous avait posé une question concernant pourquoi un
usager n'irait pas au conseil
d'administration d'un CISSS. Moi, je constate actuellement que les conseils
d'administration sont beaucoup plus restreints,
sont très au niveau de la proximité, et ce n'est pas toujours évident pour un
représentant... pas un représentant, mais
un usager de venir faire valoir son point de vue à un conseil d'administration.
Bon. Nous, on s'intéresse au niveau des personnes âgées, alors c'est souvent un
membre de la famille, c'est un ami qui va venir, mais il ne faut oublier que
ces personnes-là ont des responsabilités
autres, et ce n'est pas toujours évident, bon, de se libérer, de voir les
structures... les structures sont
très complexes. Alors, on souscrit, là. Espérons que ça va simplifier les
choses, mais la structure est très
complexe. De pouvoir venir faire valoir son point de vue, ce n'est pas facile
et ce n'est pas évident, mais on pense vraiment
que, dans une suprastructure comme celle-là, ce sera encore plus difficile de
venir... Là, actuellement, bon, on peut s'inscrire... quelqu'un qui veut
faire une représentation peut s'inscrire au conseil d'administration. Mais,
même maintenant, c'est difficile, et il n'y en a pas beaucoup.
Bon,
l'autre point, c'était au niveau de... les usagers... Pardon? Le Comité des
usagers. Le Comité des usagers...
M.
Barrette : Je m'excuse, Mme Piccolo, j'opposais ça à un comité
national des usagers, qui aurait des ressources et qui aurait un certain pouvoir ou, du moins, un pouvoir plus grand
qu'aujourd'hui mais sur une base de comité national.
Mme Piccolo (Alida) : Bien, c'est intéressant, la notion de comité national, mais je pense
qu'au niveau d'un comité national on perd un peu la notion de proximité.
Souvent, les problématiques, bon, sont reliées à une institution, à une problématique qui s'est présentée dans le
quotidien, alors... Encore là, c'est... Comment ramener cette préoccupation-là
qu'on trouve au niveau de la base, là, à un
niveau national? Je pense que c'est intéressant d'avoir un niveau national,
mais, je pense aussi, c'est important,
au niveau de la proximité de la base, d'avoir des mécanismes faciles d'accès,
là où quelqu'un peut s'exprimer, là.
• (17 h 30) •
M.
Barrette : Non, je comprends très bien votre point. Donc, est-ce
que je dois comprendre qu'un comité
national, pour vous, vous n'y voyez
pas nécessairement d'avantage? Parce qu'il y a beaucoup
de groupes qui sont venus puis qui ont
évoqué cette possibilité-là. Certains même le réclamaient. Et, à
chaque fois que j'ai des gens qui représentent de près ou de loin les
usagers, je leur pose la même question.
Mme Piccolo (Alida) : Il y a un avantage, mais pas seulement
d'avoir un comité national, parce que je pense qu'on y
perd au niveau des préoccupations, au
niveau de la base. Mais l'avantage
d'un comité national... bon, c'est national, alors, bien sûr, c'est près du ministre. On présume aussi que
des recommandations seront faites et seront acheminées au ministre.
Alors, c'est au niveau du
cheminement. Alors, il y a l'avantage d'avoir un comité national, mais il y a
aussi, je pense, là, peut-être une
certaine... je pense qu'il faudrait avoir les deux. Alors, le comité de
proximité et de voir comment ces comités de proximité peuvent acheminer
les préoccupations au niveau d'un comité national.
M.
Barrette : O.K. Parfait, merci. Et peut-être, Dr Ledoux, je vous
redonnerais la parole sur le commentaire que vous aviez fait sur le
cabinet.
M. Ledoux (André) :
Le cabinet?
Mme Piccolo (Alida) : Sur le
cabinet.
M.
Ledoux (André) : Le cabinet dans quel sens?
M.
Barrette : Bien, dans le sens où vous considérez... vous avez exprimé
beaucoup, beaucoup de craintes dans votre introduction sur la
possibilité ou le potentiel de développer le privé à cause du projet de loi
n° 10...
Mme Piccolo
(Alida) : Ah! le privé, O.K.
M.
Barrette : ...et vous avez fait référence beaucoup, beaucoup au
cabinet. Vous avez même dit à un moment donné... vous avez fait référence, même, à la Fédération des chambres de
commerce, et vous l'avez citée, parce que la Fédération des chambres de commerce faisait référence au fait que dans
le privé, entre guillemets, là, ça pouvait coûter moins cher. Et là vous
aviez un malaise avec ça.
M. Ledoux
(André) : Peux-tu répondre à ça, à cette question-là?
Mme Piccolo (Alida) : Bien, je pense que c'est au niveau... c'est la Fédération des chambres
de commerce qui ont amené ce
point-là, que, dans un système, c'est important d'avoir divers services
disponibles, divers moyens : le public, le privé, le communautaire. Alors, on pensait que probablement le privé,
dans un contexte comme celui-là, prendrait une certaine importance.
M.
Barrette : Ce n'est pas l'objectif, je peux vous rassurer. L'objectif
de ce projet de loi là n'est pas de privatiser de quelque manière que ce soit notre système de santé, mais au contraire
de faire en sorte que la gestion soit la plus serrée possible et la plus précise et imputable possible,
de façon à ce qu'on puisse dégager les sommes adéquates pour maintenir
notre système de santé à long terme en place, parce que c'est ça qui est
l'enjeu.
Il y a beaucoup
d'enjeux, là, mais l'enjeu global, premier de tout ça, même si on ne veut pas,
là, même si l'opposition voudrait ne pas
aller là... il n'en reste pas moins qu'on a une situation budgétaire difficile,
d'une part, qui exige de nous de revenir à l'équilibre budgétaire, mais
en même temps de mettre en place des façons de faire, et des décisions, et des orientations qui vont faire en
sorte que pas en 2016, mais en 2026, en 2036, en 2046 le système soit là
pour tout le monde, jeunes et vieux, public.
Alors, monsieur le...
Bien, vous... Oui, allez-y, parce que je n'ai quasiment plus de temps, là.
Mme Piccolo
(Alida) : Oui. Bien, on est heureux d'entendre ce que vous venez de
dire. Moi, j'avais juste un commentaire. Au
niveau de la composition du conseil d'administration, l'article 11, là, on a
ajouté le profil jeunesse, là, qui
est un peu différent des autres profils, et, bien, nous, en tant que
représentants et valorisant le bien-être des personnes âgées, bien, on recommande qu'il y ait un profil
gériatrie, personnes âgées. C'est une clientèle quand même assez... qui va toujours en augmentant, les problèmes se
complexifient. Alors, on trouverait ça de bon aloi de retrouver aussi ce
profil, jeunesse et personnes âgées.
M. Barrette :
Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je vais maintenant céder la
parole à la collègue députée de Taillon pour un bloc de
13 min 30 s.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Laporte, Dr Ledoux,
Dr Jeliu et Mme Piccolo. On a déjà eu la chance de se rencontrer
dans d'autres contextes.
Mme Piccolo
(Alida) : Oui.
Mme
Lamarre : Écoutez, merci
d'être là et de veiller sur le vieillissement et sur la société par cet observatoire. Et je
pense qu'on manque de sages qui
prennent le temps d'observer notre système et je vous remercie d'exercer
cette vigilance pour nous.
Le
projet de loi n° 10 est un exemple où je pense
que les personnes âgées doivent vraiment prendre place et prendre part à la réflexion qui aurait dû conduire, dans le fond, au préalable, à la meilleure définition des besoins. Et je pense que
tout le monde est conscient des limites de nos budgets, mais comment faire
plus et comment mieux répondre aux besoins des gens que vous représentez? Je pense que vous avez certainement énormément de contributions à nous donner, à nous
apporter, et malheureusement on n'a que 13 minutes pour les entendre ou
une heure au maximum.
Juste
pour regarder un peu... Ça fait plusieurs fois, je vais vous dire, que
j'entends le ministre proposer à des groupes d'usagers d'être amalgamés, finalement, dans un
grand comité national des usagers. Je tiens à rappeler que le ministre,
dans la défense du projet de loi n° 10, persiste à dire qu'il ne sera là que pour
émettre des grandes orientations, que le vrai pouvoir sera au sein des CISSS, des conseils d'administration des
centres intégrés de services de santé
et de services sociaux.
Donc,
quand je vois cette opportunité, entre guillemets, qu'il semble vouloir offrir
aux usagers, je me dis : Oui, tant mieux, s'il veut offrir un
deuxième niveau d'intervention, mais attention de ne pas vous soustraire à ce
niveau d'intervention, qui devient, selon la
philosophie qu'on déduit du projet de
loi n° 10, le lieu de décision,
le lieu d'influence. Et je pense que
vous devez revendiquer et maintenir cette présence au sein des CISSS, comme
vous le faites très bien.
Et vous avez raison d'évoquer le fait que,
malgré le fait que vous représentez plus de 20 % de la population, vous
devez toujours soulever le fait que vous devez être ajoutés dans les
perspectives qui sont prévues. Et vous faites vraiment maintenant partie de la solution du
système de santé, parce qu'il faut qu'on trouve effectivement des solutions,
et je suis sûre que vous en avez. Moi, je suis impressionnée par toutes les
initiatives qui originent des regroupements de personnes âgées, du soutien, des proches aidants. Il y a énormément
d'actions, d'énergie et d'initiatives très positives.
Et
je suis désolée qu'on ne vous ait pas permis de participer, au départ, à
apporter vos solutions à notre système de
santé, alors je vais vous donner des minutes pour que vous me disiez comment
vous voyez que vous pourriez... si vous vouliez, par exemple, soutenir le... faire valoir le soutien à domicile.
Moi, je ne vois rien, là, dans le projet de loi n° 10 qui va améliorer le contexte actuel. Qu'est-ce que
vous aimeriez pour le soutien à domicile? Je suis désolée, mais on a été
vraiment un parti qui avons clairement
affirmé notre volonté de soutenir les gens à domicile et de mettre des budgets
pour ça, alors je veux vous entendre là-dessus.
• (17 h 40) •
Mme Jeliu
(Gloria) : Mes commentaires seront très brefs. Ayant connu plus de
85 printemps, j'appartiens maintenant à
ce qu'on appelle le cinquième âge, et c'est à ce titre que je prends la parole
au nom de mes congénères âgés, ceux
qu'on appelle les seniors, les aînés, les vieux et parfois sournoisement les
PPH : passera pas l'hiver. N'oublions pas, n'oublions pas que l'autodérision et l'humour représentent des éléments
très solides de la résilience qui appartient aussi aux personnes âgées.
J'aimerais rappeler
très, très, très brièvement un certain nombre de données que M. le ministre et
vous tous connaissez, c'est le changement
extraordinaire qui vient de se produire depuis plusieurs années, qui est le
renversement de la pyramide des âges.
Renversement de la pyramide des âges qui fait qu'au lieu d'avoir une pyramide
avec une base large et un sommet
pointu nous avons de plus en plus une pyramide qui a une base de plus en plus
fine et fragile et un sommet qui pèse
sur le reste de la population et qui est le site d'un certain nombre d'enjeux
et de défis que nous tous, y incluant le
gouvernement, devons remplir et répondre.
Donc, la pyramide inversée, c'est une donnée que tout le monde connaît.
Tout
le monde sait aussi que nous tous,
nous vieillissons, sans exception, à des rythmes divers, mais que quel que
soit ce rythme divers, qui parfois est relié
à l'endroit où nous vivons, à la couche de population plus ou moins riche
à laquelle nous appartenons, n'oublions pas que tous, nous allons être
vieux et que tous, nous allons connaître des maladies.
Vous
savez comme moi qu'après 70 ans les maladies, les différentes
insuffisances fonctionnelles physiques et intellectuelles vont s'abattre sur la population. Nous savons en
plus qu'il y a des maladies neurodégénératives telles que la maladie d'Alzheimer, telles que le parkinson et
d'autres, il y en a plusieurs... représentent une augmentation extrêmement rapide et constituent
un des défis les plus grands que nous avons à répondre et à essayer de
résoudre. Ceci représente des données
extrêmement graves, et je pense que les modifications du projet de loi n° 10, qui ont été
conçues dans un objectif de
simplification et d'amélioration des services, qui sont, nous le savons tous,
insuffisants et très difficilement accessibles actuellement... ce projet de loi n° 10 ne me paraît pas faire la
place qu'il faut aux services particuliers, je dis bien particuliers,
que réclame la population âgée. Je m'explique.
Les services médicaux
qui doivent être accordés à cette population, qui représente aujourd'hui
1,3 million de personnes, c'est-à-dire
16 % de la population, ces services doivent passer par une expertise
particulière. Cette expertise particulière
actuellement n'existe pas. Et pourquoi n'existe-t-elle pas? Parce que les
programmes de formation des futurs gériatres
sont insuffisants. Les programmes de formation et le désir qu'ont nos étudiants
en médecine de s'occuper des personnes
âgées n'est pas évident, et ceci représente un défi et un enjeu très
particulier. Et la place que les services qui seront accordés aux personnes âgées n'est pas évidente dans le projet de
loi n° 10. On me répondra, j'imagine, que c'est le rôle des CISSS, des centres intégrés de santé,
mais, connaissant la manière dont actuellement les CSSS fonctionnent et qu'ils ne peuvent actuellement pas répondre aux
soins particuliers de la périnatalité, on voit mal et je vois mal comment
en rajoutant éventuellement les soins aux
personnes âgées on pourra arriver à un équilibre recevable de soins à l'égard
de la population.
Donc,
je fais une très brève parenthèse, qui est tout aussi importante que la
complexité des soins aux personnes âgées :
le savoir est un élément de pouvoir. Or, la recherche sur les maladies
dégénératives, même si elle est amorcée dans certains centres, et le rôle que les prestataires de services vont
devoir accomplir n'est pas clair. On a évoqué tout à l'heure, auprès de ma collègue de ma gauche... elle a
évoqué le fait que le profil jeunesse est présent dans le choix des membres
indépendants des conseils d'administration.
Je concours absolument à la proposition qui est faite, qu'il devrait y avoir un profil vieillesse, de
manière à ce que les arguments, les compétences de ces personnes qui seraient
nommées dans ces conseils d'administration permettent effectivement de
répondre aux besoins très particuliers de la population âgée.
La
petite diversion ou le petit sentier de côté que j'aimerais prendre est le
suivant : J'ai dit que le savoir est une forme de pouvoir. Or, la recherche sur certaines maladies dégénératives
n'est pas représentée, sauf dans certains instituts que nous connaissons bien, aussi bien dans la
ville de Montréal que dans la ville de Sherbrooke. Et je pense que la recherche
devrait avoir une place très particulière autour de la prestation des soins des
personnes âgées et autour des maladies neurodégénératives qui s'abattent de
façon progressive sur une fraction de la population qui, par ailleurs — ceci
n'a jamais été souligné, je pense, par
personne — possède
des atouts qui ne sont pas utilisés, que ça soit en termes d'expérience,
que ça soit en termes de créativité, que ça
soit en termes d'imagination. Cette source d'information et de services — et de services dans un sens très
large — n'est
pas exploitée.
J'aurais aimé que le
projet de loi n° 10 puisse répondre aux besoins de cette population qui a
des besoins complexes en termes de
prestations de soins. Complexes parce que les soins doivent être distribués
dans différents endroits, que ça soit
au domicile des personnes âgées, de plus en plus, que ça soit dans les
CHSLD — 4 %
de la population seulement accède aux
soins... aux CHSLD. Donc, prestations de soins complexes, amélioration de la
formation des futurs gériatres, augmentation
du nombre des gériatres m'apparaissent des points très importants qui devraient
être privilégiés dans le futur projet de loi, qui par ailleurs a des
objectifs entièrement recevables. Et, à cet égard...
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup...
Mme
Jeliu (Gloria) : ...je pense
qu'on doit féliciter ceux et celles qui ont essayé de produire une loi future
qui répondrait à une amélioration de notre système de santé. Et je
terminerais...
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, je dois maintenant céder. Je vais vous...
Mme Jeliu (Gloria) : Une seule
phrase!
Le Président (M. Tanguay) : Une
seule phrase? Je vous en prie.
Mme Jeliu
(Gloria) : Une seule
phrase : N'oublions pas que les civilisations et les gouvernements sont jugés par le soin qu'ils prennent à l'égard de leurs
enfants et de leurs personnes âgées.
Le
Président (M. Tanguay) :
Merci. Je cède maintenant la parole au collègue député de Lévis pour un bloc de
neuf minutes.
• (17 h 50) •
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le Président. Dre Jeliu, Mme Piccolo, Dr Ledoux,
M. Laporte, vous avez tout
à fait raison, hein? Vous savez, pour moi, ce que vous dites est d'une extrême
importance. On aurait tort de ne pas écouter, écouter davantage, et se
servir, et puiser dans l'expérience de nos aînés.
J'avais
l'opportunité, il y a peu de temps, de discuter avec un grand monsieur
de 104 ans, qui était à l'origine ou presque... au début du Mouvement Desjardins et qui me racontait comment l'économie
devrait progresser à la lumière de ces années passées. Quelle richesse,
quel enseignement! Et vous en êtes. Merci d'être là.
J'irai sur
deux questionnements en vous donnant le loisir de pouvoir commenter et
d'expliquer, parce que vous êtes là
pour ça. Abordons ce thème-là. M. Laporte l'a abordé un peu en tout début
de présentation, lorsque vous êtes arrivés. Le projet de loi n° 10 est muet, il ne contient pas d'objectif, de
paramètre... d'objectif, de cible à atteindre. Le ministre le dit et on le sait, le projet de loi n° 10
doit être centré sur le client, l'usager, l'aîné, le jeune, le moins jeune,
faisant en sorte qu'on puisse avoir de l'accessibilité. On parle de fluidité.
Comment arriver à évaluer l'échec ou la réussite sans indicateur de performance, sans être capable d'évaluer ce qui se passe?
Ça en prendra. On n'en a pas. On devrait se doter d'objectifs et d'indicateurs. Pouvez-vous,
M. Laporte — vous
l'avez abordé — ou vos
collègues, me parler des expériences étrangères, de votre vision de
l'évaluation potentielle de ce qui est proposé là par rapport à ce que ça
devrait être? Probablement avez-vous des données. Instruisez-nous à ce
chapitre-là.
M. Laporte
(Pierre-Étienne) : Eh bien,
d'abord, je veux dire, d'entrée de jeu, que je suis entièrement d'accord, comme peut-être tout le
monde l'est, avec l'objectif
du projet, qui est d'optimiser l'efficience et l'efficacité des services de
santé et des services sociaux. Mais, en lisant le manuscrit de la loi
n° 10, j'ai été étonné de ne retrouver nulle part une place qui serait accordée à l'évaluation de
politiques et à l'évaluation de programmes. Et ça m'a, disons, d'autant plus
surpris que, dans les pays qui ont connu, au cours des 10 dernières
années — je
pense par exemple à la Suède et aux Pays-Bas — des réformes de politiques
publiques de santé et de services sociaux, l'évaluation occupait une place considérable, de sorte qu'aujourd'hui, par
exemple, on peut regarder la littérature — j'en ai ici, là, devant moi, là — et c'est plein d'études sur cette
question-là dans ces pays-là. O.K.?
Donc, je
demande au... Là, la question que je pose au ministre, en fait, c'est :
Quelle place avez... Il y a deux questions. La première, c'est : Quelle place avez-vous l'intention d'accorder
à l'é-va-lu-a-tion? Et, d'autre part, comment pensez-vous que cette évaluation devrait se manifester dans
l'ensemble du système, soit de façon centralisatrice, ou de façon centralisée,
ou de façon décentralisée?
M. Paradis
(Lévis) : Sans vouloir être
impoli et vous couper, le ministre, bien que je sois généreux, ne pourra répondre à la question. Il le fera peut-être
plus tard, j'en suis convaincu.
M.
Caire : On lui a
déjà posé la question, puis il ne nous a pas répondu non plus.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Paradis
(Lévis) : Reste que...
Changeons la donne. Vous demandez au ministre : Comment prévoyez-vous
évaluer? Ramenez-le à vous. Comment
devrait-il prévoir cette évaluation? Quelle est la méthode, selon vous, qui
serait la plus efficace? Que voulez-vous lui suggérer?
M. Laporte (Pierre-Étienne) : Ah!
bien, évidemment, c'est tout le problème de l'évaluation de politiques. C'est-à-dire, il devrait avoir, dans cette
gouvernance dont vous parlez, dont le ministre parle dans son projet... on
devrait nous donner ou nous fournir de l'information sur comment
l'évaluation sera institutionnalisée.
M. Paradis (Lévis) : ...les
indicateurs de performance?
M. Laporte
(Pierre-Étienne) : Oui, les
indicateurs de... Bien, les indicateurs... Non, non, je reviens aux... les
indicateurs d'efficience et les indicateurs
d'efficacité, O.K.? Mais ça, ça rejoint le problème de la performance dont vous
parlez.
Mais
moi, j'en ai eu, des expériences, toute ma vie professionnelle. Les politiciens
en général sont assez réfractaires à l'évaluation de politiques
publiques.
M. Paradis
(Lévis) : À l'évaluation...
Bon. Vous me parlez de modèle suédois, aux Pays-Bas. Quels ont été leurs
modèles d'évaluation dans ces politiques ressemblant à la réforme dont parle,
de cette envergure-là?
M. Laporte
(Pierre-Étienne) : Bien,
leur modèle d'évaluation, ça a été, d'une part, celui de prévoir des
disciplines et des compétences,
disons, affirmées en matière d'évaluation dans les différentes institutions de
mise en place du changement, n'est-ce pas? Et, d'autre part, ça a été
d'accorder une place très, très importante — et on le voit dans les documents qui nous citent le nombre d'études qui
ont été faites là-dessus en Suède et aux Pays-Bas — une place importante aux chercheurs d'université ou de ministère sur
cette question-là, O.K.? De sorte que les gens sont capables de savoir, d'une année à l'autre ou d'une quinquennie à une
autre, n'est-ce pas, où en sont les objectifs prévus, O.K.? Et ça, je l'ai
vu moi-même dans ma carrière de
fréquentation des bureaucraties privées, publiques et politiques, n'est-ce pas?
Il y a une espèce de réticence à vouloir s'évaluer.
M. Paradis (Lévis) : On fait
l'examen, mais on a peur de la note.
M. Laporte (Pierre-Étienne) : Oui,
on a peur de la note. C'est tout à fait ce qu'on disait.
M. Paradis (Lévis) : Je ne sais pas
s'il reste du temps. En tout cas, s'il m'en reste un peu...
Le Président (M. Tanguay) : Deux
minutes.
M. Paradis
(Lévis) : Dr Jeliu, vous
avez parlé de l'importance de la
gériatrie, de la gérontologie. Vous avez parlé de formation également dans votre propos il y a quelques instants.
Est-ce que c'est une impression ou c'est une réalité? Les étudiants en
médecine actuellement ont-ils un intérêt pour la gériatrie? J'ai l'impression
qu'on ne l'a pas.
Mme Jeliu
(Gloria) : Ce n'est pas une
invention, cela est vrai. Le désir de s'orienter en gériatrie est très mince.
Il augmente tranquillement depuis quelques
mois ou quelques années, mais il y a eu des statistiques très maison — passez-moi l'expression — qui
démontrent que le désir de s'orienter en gériatrie est très ténu chez les
futurs médecins. Et ce qui est curieux,
c'est que ce désir est plus grand en début de formation, et, en fin de
formation, ce désir diminue. Comme si la culture universitaire — qui est une donnée qu'on connaît, par
ailleurs — affadissait
le désir humaniste d'aider cette portion de la population qui est la plus fragile et la plus vulnérable. Certes,
les défis que rencontre un médecin qui s'occupe de personnes âgées sont très différents de ceux que
rencontrerait un pédiatre. Je l'ai été pendant une cinquantaine d'années
et je sais de quoi je parle, les défis ne
sont pas les mêmes, même si la fragilité existe aux deux pôles de la vie. Un
enfant est fragile, mais il a une force vitale que peut-être la personne
âgée n'a plus ou a moins.
Ceci étant dit, l'objectif d'une loi aussi
importante devrait être de favoriser le plus possible les conditions qui permettent une prestation de soins améliorée, tant
au niveau des très jeunes... Je ne parle pas des centres jeunesse, ce n'est
pas l'endroit pour en parler. Je pourrais vous en dire beaucoup, de choses...
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup.
Mme Jeliu (Gloria) : ...mais
j'arrête là. Merci bien.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, donc, aux membres de
l'Observatoire Vieillissement et Société.
J'invite maintenant les représentants du comité
Une métropole en action à prendre place, et, dans l'intervalle, je suspends
momentanément nos travaux.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
(Reprise à 18 h 5)
Le Président (M. Tanguay) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux. Nous accueillons maintenant les représentantes,
représentants du comité Une métropole en action. J'aimerais, dans un premier temps, pour les fins d'enregistrement,
que vous vous présentiez, et, par la suite, vous disposerez d'une période de
10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez un échange avec les
parlementaires. Alors, la parole est à vous.
Une métropole en action
Mme Hotte (Geneviève) : Merci.
Alors, bonsoir, M. le Président. Je me présente : Geneviève Hotte. Je suis
présidente du conseil d'administration du CSSS de Bordeaux-Cartierville—Saint-Laurent.
Je suis accompagnée de Mme Manon Boily, qui
est directrice générale de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont; de Mme Lynne McVey,
directrice générale de l'Institut universitaire en santé mentale
Douglas; de M. Yves Masse, directeur général du CSSS de Dorval-Lachine-LaSalle et de M. Jean-Marc Potvin,
qui est directeur général du Centre jeunesse de Montréal — Institut universitaire.
M. le
ministre, membres de la commission, merci de nous permettre de venir vous
présenter les résultats des travaux du
comité Métropole en action. Le comité que nous représentons a été constitué en
juin 2014, dans le cadre des travaux sur la planification stratégique du
réseau montréalais. Métropole en action avait pour mandat particulier d'étudier
les possibilités de regroupements de
services, d'expertises et d'établissements dans le but d'alléger, de simplifier
et d'assurer une meilleure fluidité des parcours de soins et de
services. Le comité réunissait 26 membres représentatifs du réseau montréalais, des présidents de conseils
d'administration, des directeurs généraux, des patients et des représentants
des milieux universitaires et médicaux.
Au dépôt du
projet de loi n° 10, nous avons constaté d'importants points de convergence
avec notre proposition montréalaise, entre autres, la création de cinq
CISSS. De plus, notre rapport repose sur l'analyse de 67 indicateurs ciblant les habitudes des 1,9 million de
Montréalais et leur état de santé. Nous souhaitons aujourd'hui vous présenter
les éléments qui diffèrent du projet
de loi n° 10 et qui, nous le pensons, permettraient à la population de
consommer localement l'ensemble de la gamme des services, un gage de
succès des nouveaux CISSS à Montréal.
Nous
proposons 12 recommandations et 11 mesures de soutien, des leviers
incontournables pour assurer une mise en
oeuvre efficace de cette réforme. Nous sommes convaincus que l'intégration des
services doit se faire à Montréal. La spécificité et la complexité de Montréal
commandent certains aménagements, que nous venons vous exposer aujourd'hui.
Je passe maintenant la parole à mon collègue M.
Yves Masse.
M. Masse
(Yves) : Merci Mme Hotte.
J'aimerais vous parler de la composition des CISSS proposés par Montréal
en action. Les ajustements structurels que nous
proposons dans le rapport visent à créer des CISSS dont l'offre de service
sera globalement comparable et mise sur les
acquis cliniques et les ententes de service déjà existantes. Métropole en
action recommande le déplacement du
CSSS du Coeur-de-l'Île vers le CISSS du Nord-de-l'Île. Tout d'abord, sachons
que les trajectoires de consommation
de soins de services de cette population se font beaucoup plus vers les
installations du nord que vers les
installations de l'actuel CSSS Jeanne‑Mance. De plus, il existe déjà de
nombreux liens cliniques très fonctionnels
entre l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, l'Hôpital Jean-Talon et l'Hôpital
Fleury, par exemple en chirurgie orthopédique et en obstétrique.
Une autre modification proposée dans notre
rapport vise l'intégration de l'Hôpital Rivière-des-Prairies au CISSS de l'Est. Cette recommandation permet
d'assurer la complémentarité des services spécialisés en santé mentale avec
l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal, lorsque vient la
transition de l'adolescence à la vie adulte, et de favoriser la consolidation des ententes qui ont déjà cours entre la
pédopsychiatrie et la déficience intellectuelle adulte. Un autre
argument pris en compte pour cette recommandation est la proximité des usagers.
En effet, la clientèle de l'Hôpital Rivière-des-Prairies provient
majoritairement de l'est de Montréal.
Je laisse maintenant la parole à mon collègue M.
Jean-Marc Potvin.
• (18 h 10) •
M. Potvin
(Jean-Marc) : Alors, merci,
M. Masse. Bonsoir. Nous souhaitons maintenant vous parler de la configuration particulière du CISSS Sud-Est.
Alors, aux établissements déjà prévus au projet de loi n° 10, nous
proposons d'ajouter l'Institut de réadaptation Gingras-Lindsay,
l'Institut Philippe-Pinel, le CRDITED de Montréal et le Centre jeunesse de Montréal, Institut universitaire. Avec
le CSSS Jeanne-Mance, l'Hôpital chinois et l'Hôpital Notre-Dame, qui se joindra au CSSS Jeanne-Mance, le CISSS du
Sud-Est offrira un regroupement de services spécialisés régionaux qui, nous en avons la conviction, amènera une valeur
ajoutée à la région de Montréal. Rappelons que le Centre de réadaptation
en dépendance de Montréal, Institut
universitaire, les deux centres de réadaptation en déficience physique
Lucie-Bruneau et Raymond-Dewar et l'Institut universitaire de gériatrie
de Montréal étaient déjà au CISSS Sud-Est.
Le regroupement de ces acteurs est naturel.
Ceux-ci sont impliqués auprès des mêmes clientèles et présentent plusieurs caractéristiques communes concernant le
développement de leurs pratiques cliniques respectives, dont la majeure,
rappelons-le, est de nature psychosociale et
de réadaptation. On n'a qu'à penser à une famille où un enfant handicapé est
signalé au directeur de la protection de la
jeunesse pour motif de maltraitance, mettant en cause, par exemple, les
problèmes de toxicomanie de ses
parents. Les situations d'enfants en besoin de protection qui interpellent
plusieurs missions de services sont
légion, et le modèle du CISSS Sud-Est permettra la synergie recherchée par le
projet de loi entre les services sociaux spécialisés et avec la première
ligne également.
Le CISSS du
Sud-Est aurait quatre désignations universitaires axées sur les clientèles
vulnérables qui offriraient une
formidable opportunité de développer les liens avec le milieu universitaire
dans le domaine des sciences humaines et
sociales. Le CISSS du Sud-Est est un projet porteur, fortement préoccupé dans
sa gouverne stratégique par les personnes vulnérables, par ailleurs très présentes sur le territoire Jeanne-Mance.
Il sera un pilier pour le développement de l'expertise et des services
adaptés à ses clientèles pour tout le territoire montréalais, voire pour le
Québec.
Alors, merci. Et je cède maintenant la parole à
Mme Lynne McVey.
Mme McVey
(Lynne) : Bonjour. Au point
n° 3 du mémoire du comité Montréal en action sont proposées 11 mesures prioritaires de soutien à la mise en
oeuvre visant à favoriser l'atteinte des objectifs de la réforme. Nous tenons
à mettre en lumière quelques-unes de ces mesures.
Dans un
premier temps, le comité souligne l'importance de protéger et de développer les
missions universitaires. Afin d'y
arriver, nous considérons essentiel que des représentants des milieux
universitaires soient nommés au sein des conseils d'administration des CISSS. Il est aussi impératif de prévoir,
à même l'organigramme des CISSS, un encadrement spécifique pour l'enseignement et la recherche, c'est-à-dire qu'ils
aient une place au comité de direction des CISSS. Enfin, nous recommandons de bien
définir dans la loi les corridors de services suprarégionaux déjà établis et
tout autre rôle et responsabilité des établissements à vocation
universitaire, qui seront intégrés dans les CISSS.
Le
comité aimerait également aborder avec vous l'importance du maintien des
spécificités linguistiques et culturelles des établissements. Il y a à Montréal 20 établissements désignés
bilingues et 22 indiqués pour offrir des services en anglais. Nous jugeons essentiel que le projet de loi
n° 10 prévoie le maintien de ces désignations, d'autant plus que ces
établissements représentent, pour les fondations, la communauté et les
patients, des ports d'attache importants.
Les patients et leurs
familles sont tellement attachés à ces établissements que, dans plusieurs cas,
après leur rétablissement, ils se joignent à
nous pour bonifier l'offre de services. Ceci est aussi une ressource
indispensable pour le réseau public de la santé au Québec. Nous tenons à
préciser que deux patients ont activement participé au comité Métropole en action, un ajout et une richesse
importante pour nous. Le comité recommande donc de prendre les mesures nécessaires pour assurer la participation active
des usagers et des citoyens au sein de la gouverne et du fonctionnement
des CISSS. Leur apport est important au cours de cette réforme et pour les
années à venir.
Je cède maintenant la
parole à Mme Manon Boily pour le mot de la fin.
Mme
Boily (Manon) : Merci, Mme McVey. Permettez-moi, pour clore cette
présentation, d'insister sur trois éléments qui vont faire en sorte que les changements majeurs auxquels vous nous
conviez et qui sont souhaités par le réseau montréalais de la santé
soient couronnés de succès.
D'abord, nous voulons
réitérer l'importance d'offrir une première ligne forte, facilement accessible.
Nous souhaitons une première ligne à
proximité du citoyen, qui met à contribution toute l'équipe de soins :
médecins, infirmières, pharmaciens,
travailleur social ou tout autre professionnel de la santé; une réelle
organisation de soins intégrés, avec des corridors de services clairement établis, fluides et coordonnés avec la
deuxième et troisième ligne afin d'offrir la gamme complète pour bien desservir les Montréalais, ceci
dans un environnement qui respecte les désignations universitaires, qui, avec des approches de patient partenaire et
de développement d'expertise de pointe et de recherche, participe sans contredit à l'excellence et
à la qualité des soins offerts dans les établissements de santé au Québec.
Deuxièmement, nous souhaitons la disponibilité des ressources humaines, financières
et matérielles permettant d'agir sur
la base des besoins et des services rendus à la population. Nous croyons
fermement qu'en fonction des ressources disponibles une répartition équitable des
ressources entre les CISSS et les établissements autonomes permettrait à ces
nouveaux établissements d'assumer leurs responsabilités envers les Montréalais
et les autres régions.
Et,
finalement, il nous apparaît essentiel la mise en place d'un
système d'information, tant clinique qu'administratif, efficace, fiable et disponible en temps opportun
comme condition sine qua non de succès, qui nous permettrait d'agir, de
soutenir notre offre de services, de nous évaluer, de nous ajuster, de rendre
compte à la population.
Je
conclus en vous assurant de la plus grande collaboration de l'ensemble
des participants de Montréal en action à la mise en place d'une organisation de services intégrés de santé et de services sociaux pour la région de Montréal. Enfin, M.
le Président, nous disons aux 97 000 personnes qui travaillent dans le
réseau de la santé montréalais et aux centaines de milliers d'usagers
que nous desservons qu'ensemble nous sommes prêts à passer aux défis de
l'avenir.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à votre
présentation. Je cède maintenant la parole au ministre de la Santé et
des Services sociaux pour une période de 20 minutes.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, Mme Hotte, M. Masse,
Mme McVey — on s'est
déjà rencontrés dans d'autres circonstances — M. Potvin,
Mme Boily, merci d'être ici. Et, d'entrée de jeu... Et merci d'être ici
avec, évidemment, la présentation que vous
venez de faire et le mémoire que vous venez de déposer. Et, au risque de dire
des choses que n'entendra pas
l'opposition officielle — j'espère qu'elle va l'entendre, on attend l'attention — alors, j'ai un regret, un grand
regret fondamental : c'est que vous n'ayez pas été là le jour 1. Mais
les circonstances, on va dire, administratives
de la gestion des commissions parlementaires... fait que vous êtes ici les
derniers à présenter vos commentaires et votre mémoire, qui sera,
évidemment, très sérieusement considéré malgré tout dans ces audiences.
Et je me permets de
rappeler et d'insister sur ce fait : vous êtes ici, Mme Hotte,
présidente d'un conseil d'administration,
l'Hôpital du Sacré-Coeur, et vos collègues sont directeurs généraux
d'institutions variées dans le continuum de soins.
Et,
d'entrée de jeu, je vais vous poser une question qui est très simple, là, qui
est bien importante pour moi, pour que
l'opposition l'entende, que le public l'entende, et, s'il y a encore des
journalistes, qu'ils l'entendent, qui suivent la commission. Je ne vous ai pas demandé de faire ça, là, Une métropole en
action, là : C'est une action spontanée dans la région de Montréal?
Mme Hotte (Geneviève) : M. le Président, les travaux du comité Métropole
en action ont débuté en juin 2014. Et
pourquoi on avait commencé ces travaux-là? C'était dans le cadre de la
planification stratégique de la région montréalaise. Il faut se rappeler qu'il y a 10 ans, à
Montréal, il y a eu la création de 12 CSSS. Et là on souhaitait aller plus
loin. Alors, le projet Métropole en action, c'est pour proposer une
nouvelle gouverne qui intègre les établissements et plusieurs missions afin de mettre en place des corridors de
services beaucoup plus fluides. Donc, on voulait se baser sur les acquis
qu'on a bâtis dans les dernières années pour aller plus loin.
Donc,
évidemment, on a commencé au mois de juin, et, quand on a vu le dépôt du projet
de loi n° 10, on avait déjà, de
notre côté, fait une recommandation avec cinq, six et quatre établissements non
intégrés. On a poursuivi nos travaux par
rapport aux établissements spécialisés, parce que, dans notre première
recommandation, on ne s'était pas rendus à ce niveau-là. C'est suite au
projet de loi n° 10 qu'on a poursuivi nos travaux.
• (18 h 20) •
M.
Barrette : Mais vous vous rendez compte à quel point ça doit être
impressionnant pour les gens qui sont en face de moi. Vous, là, qui êtes sur le terrain, à un moment donné de
votre histoire, pour améliorer, comme vous le dites, la fluidité et l'intégration des soins dans la
grande région de Montréal, là, vous, volontairement, seuls, vous avez décidé
de vous réunir et de travailler pour faire
ces propositions-là, parce que vous aviez estimé à ce moment-là qu'il y avait
un grand bénéfice pour la population
et notre réseau de la santé. J'en suis stupéfait,
madame. Je suis sûr qu'en face de nous ils
le sont aussi. Ça veut dire que vous, qui êtes des acteurs principaux et
majeurs et représentez tout le continuum de soins, vous avez pensé à une mécanique qui va... qui se
fait... et que vous avez construite au même moment où nous, on faisait nos travaux dans nos officines et qui sont arrivés
à des conclusions similaires. Vous n'avez pas d'idée à quel point vous
me faites plaisir.
Maintenant, écoutez, je ne peux pas rater cette occasion-là. Et je
dois dire que les travaux que vous avez faits, moi aussi, ça m'a surpris quand j'ai constaté — parce qu'à un moment donné vous les avez
rendus publics — que vous
alliez essentiellement dans la même
direction. Dans une certaine mesure, ça m'a non seulement rassuré, mais
encouragé à aller de l'avant,
évidemment. Et, vous, qui avez des problématiques qui, à bien des égards, sont
plus complexes qu'ailleurs, à bien
des égards, pour toutes sortes de raisons... j'ai été très, très agréablement
surpris que vous arriviez à ces conclusions-là, qui sont évidemment à
l'opposé d'un grand nombre de commentaires qui ont été faits à date, et
particulièrement par l'opposition, qui voit
évidemment l'enfer au bout du tunnel, au bout du projet de loi n° 10, alors
que vous, pendant tout l'été qui
vient de passer, vous n'y voyez peut-être pas le ciel, mais certainement
quelque chose de plus rose qu'aujourd'hui.
Je vais
aller... aborder quelques points spécifiques de votre présentation qui
m'apparaissent importants. Mme McVey, je
sais que vous, vous avez toujours eu, dans votre carrière, un grand souci de
performance, d'intégration, d'efficacité dans le réseau. Vous avez toujours été à la recherche d'un certain
nombre d'innovations, puis vous en avez fait vous-même dans le passé. Vous êtes en santé mentale. Alors,
je comprends que vous, lorsque vous aviez vos réflexions en santé mentale,
vous avez vu... même si vous êtes dans un hôpital
universitaire à vocation suprarégionale, vous avez vu un avantage à ce
modèle-là. Pouvez-vous nous en dire un peu plus long?
Mme McVey (Lynne) : Merci beaucoup
de poser cette question. En effet, j'oeuvre en santé mentale depuis trois ans, comme directrice générale, et on
constate, après avoir travaillé en santé physique, que, pour la santé mentale,
l'accès aux soins est un problème majeur à
la largeur du Québec. Et il y a quand même plusieurs projets de changements
transformationnels, des projets «lean» Six
Sigma, qui sont installés à Montréal à même plusieurs établissements, et on
a vu l'avantage d'alléger les structures, de
soutenir davantage des projets de changements transformationnels pour atteindre
des résultats pour la population.
On avait deux patients qui étaient avec nous et
qui ont réitéré l'importance d'améliorer l'accès aux services, surtout chez les
jeunes. Et puis, avec un bon tableau de bord, avec des bons indicateurs de
performance, on croit bien qu'il y a une
synergie qui s'installe à même des CISSS. On se rapproche des projets de
changements transformationnels pour que la population puisse en
bénéficier davantage.
M.
Barrette : Et c'est du ouï-dire, là, puis je veux le confirmer avec
vous : des gens m'ont rapporté qu'un des avantages que vous avez vus, quand vous avez appris la configuration du
projet de loi n° 10, était la possibilité, pour vous, en santé mentale, d'avoir un lien plus formel,
maintenant, en termes d'intégration jusqu'à la première ligne... en santé
mentale.
Mme McVey
(Lynne) : Oui. Alors, oui,
peut-être que je pourrais parler du CISSS de l'Ouest, entre autres, dans
lequel on retrouve : Institut
universitaire en santé mentale, centre jeunesse, et aussi centre Batshaw, qui
est le centre de jeunesse, Centre de
réadaptation Ouest-de-Montréal, trois centres de santé et de services sociaux
et un CHSLD. Là, nos chercheurs,
quand je les ai rassemblés pour parler de ce regroupement, voient là une
opportunité intéressante pour s'installer dans la prévention et l'intervention précoce davantage chez les jeunes.
Le futur de la santé mentale passe par la prévention. Dans une cour d'école, on peut imaginer qu'on peut
identifier certains jeunes enfants qui seraient à risque d'avoir des problèmes de santé mentale, et, plutôt que de se
faire référer à un service en psychiatrie, par exemple, ils pourraient aller
dans une classe normalisée, où il y aurait des interventions auprès de ces
jeunes-là et de leurs familles, à l'abri de la stigmatisation.
Alors,
normalement, des chercheurs en neurosciences aussi, on pense qu'ils seraient
plus intéressés à être dans leurs
laboratoires, mais, au contraire, on voit là une occasion vraiment très
intéressante de rapprocher la spécialisation en santé mentale vers des
interventions précoces vers des jeunes enfants et leurs familles plus tôt dans
leur trajectoire, avec une intégration avec la première ligne plus
forte.
M. Barrette : Merci.
M. Masse (Yves) : J'ajouterais peut-être...
M. Barrette : Oui, allez-y.
M. Masse (Yves) : Effectivement, au
niveau de la première ligne, étant le CSSS actuellement voisin de l'institut Douglas, déjà on a des liens. Et, oui,
on convient d'ententes d'établissement à établissement. Alors, le fait d'être dans le même CISSS, bien, va être plus facilitant,
effectivement. Ça va découler plus naturellement, hein? Plutôt que
de faire des ententes formelles, on va être à l'intérieur de la même organisation.
Puis,
effectivement, lorsqu'on parle de première ligne, qu'on a besoin de
consultations au niveau des psychiatres, bien, ça va être d'autant plus facile. Puis, effectivement, le lien de recherche : je
pense que, pour les chercheurs, ça
ouvre l'accès à des données
cliniques. Puis, lorsqu'on parle d'accès à un système d'information clinique, le fait d'être dans des ensembles plus grands, bien,
les cliniciens ont accès à l'ensemble des données de la population du territoire.
M.
Barrette : Donc, vous y
voyez un avantage. Vous deux, vous êtes dans l'ouest de l'île. Je vais vous
poser la question à tous les deux. Sur la question linguistique, on a
essayé, nous, de faire un découpage un peu qui ressemble évidemment,
là... parce qu'il y a une convergence entre... avec le vôtre. À
partir du moment où, sur une base réglementaire, on garantit les statuts bilingues... C'est ce que vous nous demandez, en quelque sorte, là. Ni chez vous, au Douglas, ni chez vous... Bien, vous, vous êtes à LaSalle, là, mais, dans le CISSS
comme tel, si on garantit, ça, un, rassure la population et ça règle le problème, s'il y en a un?
Mme McVey
(Lynne) : Pour les
installations qui sont intégrées, il
y a une préoccupation d'assurer la pérennité de
leur désignation. Mais, certainement, on voit l'avantage du regroupement et on est
ravis de voir que, dans le projet de
loi n° 10, il y a, là, un commentaire spécifique pour assurer que ces désignations
seront maintenues. Dans le CISSS du Centre-Ouest, par exemple, ou au
CISSS du Centre, c'est un peu le même enjeu aussi, ainsi qu'au CUSM.
M.
Barrette : Parfait. Je ne sais pas qui va prendre la question, mais l'avantage que vous voyez, dans la santé
physique proprement dite, dans la santé
mentale, lorsqu'on arrive dans la réadaptation, est-ce que... je comprends que vous voyez le même avantage aussi, vous là, là?
M. Potvin (Jean-Marc) : Oui, absolument.
C'est sûr que, quand on parle, par exemple, des programmes de réadaptation, des programmes de services sociaux,
bien, il y a des liens entre ces programmes-là. Alors, je
mentionnais tantôt qu'un enfant qui est signalé en besoin de
protection souvent peut vivre avec des parents qui ont des problèmes
de santé mentale ou avec des parents
qui ont des problèmes de dépendance. Il y a des enjeux de corridors
de services entre les programmes de services sociaux et de réadaptation
spécialisée.
La proposition qu'on vous ferait, Montréal en action, intègre un certain nombre de services
sociaux et services de réadaptation au sein d'un même CISSS, et on pense
véritablement que ça constitue un atout. Le fait aussi d'avoir plusieurs programmes
regroupés dans un même CISSS permet d'établir des meilleurs corridors de
services avec la première ligne. Les associations d'établissements en réadaptation, tant physique, que déficience
intellectuelle, que centres jeunesse,
sont venues vous rencontrer aussi, vous ont fait part de préoccupations, entre autres, sur la question de préserver l'expertise dans ces programmes-là, dans des entités qui vont être de
très grandes entités. Je pense que la proposition qu'on fait
à Montréal permet, tant dans l'ouest que dans l'est, de
préserver les expertises et d'assurer une préoccupation autour
des services sociaux dans les CISSS de Montréal.
M.
Barrette : Merci. Ça doit
être de la torture, là, pour d'autres, ici, là, d'entendre qu'il y a
des bénéfices même dans ce secteur d'activité là. Je me permets ce genre
de remarque là parce qu'on est à la fin, et puis ce fut long.
Je veux
aborder deux sujets qui sont pragmatiques et qui vont viser peut-être plus
vous, Mme Boily et Mme Hotte...
sûrement tout le monde, là, puis je vous laisse la possibilité de vous exprimer
ad lib, là. Il y en a un qui est plus spécifique peut-être à vous,
M. Potvin, je ne sais pas qui va la prendre. Pinel, là, Pinel nous fait
beaucoup de représentations pour rester
seul. Vous, vous le mettez dans le Sud-Est. Quelle est votre opinion? Écoutez,
il n'y a pas de bonne ou mauvaise réponse, là, je sollicite votre
opinion.
• (18 h 30) •
M. Potvin
(Jean-Marc) : Bien, dans les
discussions qu'on a eues autour de l'Institut Philippe-Pinel, on l'a placé
au CISSS Sud-Est. Bon, c'est un petit
établissement, puis Pinel a une mission de réadaptation aussi, évidemment, en
santé mentale, mais... de
réadaptation en santé mentale. Et on a pensé que ce serait un atout qu'il
puisse être regroupé avec un établissement où il va y avoir une
concentration autour de la réadaptation.
Il y a des
clientèles communes aussi entre
l'Institut Philippe-Pinel, par
exemple, et les centres jeunesse. Il y a des mandats légaux à Pinel aussi, et, au CISSS
Sud-Est, bien, il y aura des mandats légaux en protection de la jeunesse, en
justice pénale pour les adolescents, UPS-Justice, aussi, rattachés à
Jeanne-Mance.
Alors, on a
pensé, au fond, qu'autour des clientèles vulnérables, autour des problématiques
traitées dans le cadre du CISSS
Sud-Est, que l'institut Pinel aurait toute sa place dans ce CISSS là, puis il y
aurait des liens à faire avec eux, là.
M.
Barrette : O.K. Là, je ne veux pas être péjoratif dans mon
commentaire. Il n'a pas été mis là parce qu'il fallait le mettre à
quelque part. Vous y voyez un avantage pour l'ensemble de votre secteur
d'activité, là?
M. Potvin (Jean-Marc) : Oui,
absolument. On y voit un avantage pour les corridors de service.
M. Barrette : Parfait. Merci. Là,
j'aborde un sujet purement... j'allais dire administratif, mais qui est plus universitaire,
là, parce que vous y avez fait référence. Quand j'ai rencontré les doyens...
Parce que j'ai rencontré les doyens, après
le dépôt du projet de loi n° 10, pour commencer les discussions sur
l'arrimage entre les missions universitaires, évidemment, et le fonctionnement des CISSS. Et vous êtes plusieurs CISSS
à avoir des hôpitaux affiliés aux universités, qui ne sont pas évidemment des centres universitaires, mais qui sont
affiliés, donc à mission significativement universitaire. Alors, je leur
ai dit qu'il n'était pas question que les CHU avalent les CHA et que les
missions universitaires des hôpitaux affiliés soient
préservées. Et j'ai ma petite idée là-dedans et je sais très bien que ça va
passer par le contrat d'affiliation. Et le
contrat d'affiliation, évidemment, ça se négocie entre vous autres,
l'université, mais c'est signé par le ministre. Alors, le ministre peut
donner des orientations et protéger, par le fait même, les hôpitaux... les
missions universitaires des hôpitaux
affiliés. Comment vous voyez ça? Et surtout ce qui m'intéresserait, c'est de
voir vos solutions ou les précautions que vous m'invitez à prendre
administrativement pour protéger les missions universitaires. Et là je laisse...
à tout le monde de donner son opinion, là.
Mme
Boily (Manon) : Bien, je pourrais peut-être commencer. D'abord, il
clair que, pour les centres hospitaliers universitaires affiliés, comme par exemple Maisonneuve-Rosemont ou
Sacré-Coeur... l'importance que soient reconnus les acquis actuels qui
ont été développés au cours des années au niveau des missions académiques
soient confirmés.
Deux moyens. Bien
sûr, le projet de loi propose un article qui pourrait peut-être être bonifié.
Le deuxième moyen : clairement,
l'entente formelle avec le contrat d'affiliation avec l'université, qui
s'engage à reconnaître les spécificités académiques qui ont été
développées dans nos institutions, incluant aussi nos centres de recherche.
Donc,
ces éléments-là sont largement discutés dans le cadre de nos réunions du RUIS
et ont été aussi discutés dans le
cadre de nos travaux Une métropole en action, font l'objet de recommandations
particulières, notamment de prévoir une
place tant au niveau du... des places au niveau du conseil ou encore au niveau
de l'équipe de direction... et que ces éléments-là
soient confirmés. Le rapport de Métropole en action reçoit, pour l'ensemble des
éléments qui y sont proposés, l'appui
formel des deux doyens, tant du réseau de l'Université de Montréal que de
l'Université McGill, et, en ce sens-là, on s'entend et on s'attend à ce que les universités poursuivent dans la
même veine. Nous avons écouté aussi et nous avons pris connaissance du
mémoire de l'Université de Montréal — moi, j'en ai pris
connaissance — et
les éléments de reconnaissance qui devraient
être inclus dans le contrat d'affiliation nous apparaissent comme des
conditions gagnantes.
M. Barrette :
Parfait. Mme Hotte, peut-être, ou... Ça va?
Mme Hotte (Geneviève) : Bien, moi, j'ai envie de vous dire que les cinq
CISSS seront à mission universitaire.
M. Barrette :
Tout à fait.
Mme Hotte (Geneviève) : Alors, ça, c'est sûr que c'était une des
conditions préalables, c'est que chacun ait une... la mission universitaire qu'on avait développée
depuis quelques années, elle soit maintenue dans les nouveaux établissements,
dans les nouveaux CISSS. Ça fait que, dans
le fond, ce qu'on souhaite, c'est que ça soit conservé, maintenu, et que ça se
développe aussi. Je vais donner l'exemple de
mon CSSS, qui est un établissement, un centre affilié universitaire avec un
centre de recherche, mais plus au niveau des affaires sociales. C'est juste mon
CSSS qui l'est. Il va falloir que ça se développe
et que ça s'étende à l'intérieur du CISSS du Nord. Évidemment, je ne voudrais
pas que ça soit restreint seulement au
territoire de Bordeaux-Cartierville-Saint-Laurent. Il faut que nos pratiques
puis la recherche que l'on fait, dans le fond, se déploient à
l'intérieur du futur CISSS.
M.
Barrette : Ce n'est peut-être pas la place, mais je vais aller un pas
plus loin, puis ça va vous donner un «preview»,
là — je
cherchais le mot en français, il ne me venait pas — de réunions ultérieures qu'on va avoir bientôt. Moi, je vise essentiellement à faire en sorte que, sur le plan
administratif, dans vos hôpitaux qui seront inclus dans... les hôpitaux
universitaires affiliés, là, j'entends, dans lesquels il y a des activités de
calibre universitaire, qu'il y ait, si nécessaire,
dans certains cas, une départementalisation de ces activités-là pour qu'elles
soient toujours protégées face à des collègues ou des activités qui ne
sont pas nécessairement orientés sur le même niveau.
Je
pense, par exemple, à l'ophtalmo à Maisonneuve-Rosemont, où c'est clair que
tout le département universitaire a
une activité universitaire, mais ce n'est pas le cas de la radiologie. Et, à
Sacré-Coeur, par exemple, vous avez la traumatologie. À un moment donné,
certaines personnes pourraient être appelées à couvrir un autre centre
hospitalier, s'il y a une découverture, par
exemple, mais je pense qu'on doit protéger, d'une certaine manière, une
activité de pointe. On pourrait citer
la traumatologie, par exemple, à Sacré-Coeur. Moi, je vise ce genre de chose
là. Est-ce que vous êtes confortable avec ça à cette étape-ci, même si
je vous dis ça de façon très sommaire?
Une voix :
Mme McVey...
Mme McVey (Lynne) : J'apprécie énormément cette façon de penser en ce qui a trait à la
départementalisation de la recherche.
M. Barrette :
Par exemple, oui.
Mme McVey (Lynne) : Je pense que la bonne recherche suit une proximité des patients... et
aussi que les idées de la recherche
soient alimentées par les enjeux cliniques. Alors, de départementaliser trop la
recherche sans avoir une intégration près des patients et transfert de
connaissances... et qu'il y ait cette bidirectionnalité-là, je pense que c'est
important de préserver ça aussi. Et alors...
M. Barrette :
Peut-être une phrase?
Le Président (M. Tanguay) : Oui.
M. Barrette :
Je suis d'accord avec vous. Quand je dis «départementalisation», c'est dans le
CISSS, donc effectivement avec le continuum.
Mme McVey (Lynne) : C'est ça. O.K.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la
parole à la collègue députée de Taillon pour un bloc de
12 min 30 s.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonsoir — à cette heure-ci, presque — Mme Boily, Mme Hotte, M. Masse, Mme
McVey et M. Potvin.
D'abord, je
veux vous remercier et vous féliciter d'avoir pris l'initiative de générer
cette réflexion et cette action pour
la ville de Montréal, parce qu'effectivement, depuis 2003, le modèle de
l'agence centralisée était problématique au niveau de l'île de Montréal, et on se rendait compte, là, qu'il y avait
vraiment une difficulté, malgré la bonne volonté de beaucoup de
personnes, de faire en sorte que les soins et les services soient offerts de
façon adéquate.
Maintenant, quand je regarde votre présentation
et votre mémoire, et puis votre présentation était vraiment particulièrement claire et éloquente... mais je me
dis : Qu'est-ce que l'agence ne faisait pas et que les cinq CISSS vont
faire mieux? Et, dans vos recommandations,
ce que je vois, c'est que, dans votre découpage, très souvent, vous avez tenu
compte de spécificités et vous avez
souhaité, dans certains cas, regrouper certaines missions pour assurer une
continuité, et je pense que c'est un
modèle qui est adapté pour l'île de Montréal et pour la variété et les
caractéristiques spécifiques et complexes de l'île de Montréal.
Maintenant,
si je fais le cheminement inverse par rapport au reste de la province, on fait
actuellement, avec le projet de loi
n° 10, ce que vous avez essayé de défaire sur l'île de Montréal,
c'est-à-dire qu'on regroupe en un seul grand territoire toutes les missions. Et c'est ça que les gens sont
venus dire : Attention, parce qu'il y a des missions qui doivent être un
peu plus centralisées, un peu plus
regroupées pour assurer une meilleure continuité. Donc, je pense qu'il y a une
dimension qui fait que l'île de
Montréal a des besoins et que votre réflexion est certainement positive dans le
sens de cette collaboration. Je note
aussi la collaboration avec laquelle vous avez fait ça. Et ça aussi, c'est une
dimension où il faut que les gens se sentent interpellés, et donc qu'ils
aient... ils se sentent mobilisés par le projet.
Vous
démontrez également que, dans le contexte législatif actuel, c'est possible de
faire mieux. Vous n'avez pas eu
besoin du projet de loi n° 10 pour concevoir ce plan d'intervention. Et
donc c'est un peu ce qu'on dit, là, vous avez réussi à relocaliser différentes choses et à faire des propositions qui
amèneraient une amélioration des soins. Alors, moi, je pense que vous avez énormément de mérite et je
pense que vous avez énormément aussi de vision, puis je vous remercie
pour ce temps que vous avez passé et cette initiative que vous avez prise.
Avec ce que vous dites, comme question, j'aurais
peut-être quelques scénarios, parce que vous avez réfléchi beaucoup.
Mais il reste que, sur l'île de
Montréal, avec les quatre centres
suprarégionaux et les cinq... ça va faire quand
même
neuf grands établissements, et, dans certains cas, on peut avoir des gens
qui vont avoir quand même à se déplacer ou il y a peut-être des enjeux, par exemple, de santé publique
plus propres à Montréal qui vont surgir. Est-ce que vous avez
prévu des mécanismes de communication transversaux? Parce qu'actuellement, dans
les CISSS, on est vraiment dans le vertical, et on a parlé de cette importance, dans certains enjeux, d'avoir aussi du
transversal, dont le chercheur, M.
Contandriopoulos, que le ministre écorche ardemment depuis quelques jours...
• (18 h 40) •
Mme Hotte
(Geneviève) : M. le
Président, peut-être juste pour vous dire, dans les 10 dernières années, il s'est fait vraiment de belles choses à Montréal, et il reste que la population
à Montréal, elle est très mobile, et,
dans le fond, la proximité de
plusieurs services de santé fait en sorte qu'elle va chercher ses services de
santé et services sociaux un peu partout
sur l'île. Dans les 10 dernières
années, on a pu établir des trajectoires de consommation de services de santé et services sociaux de nos populations.
C'est sur ces éléments-là qu'on s'est basés pour déterminer, dans le fond, les regroupements
que l'on propose.
Alors, évidemment, on ne pourra jamais, à même un même CISSS, couvrir l'ensemble de la consommation parce que les gens sont toujours libres d'aller
chercher, dans le fond, des services de santé à l'hôpital qu'ils souhaitent. Mais, quand on regarde les regroupements qu'on propose
dans Métropole en action, ça fait en sorte qu'on a essayé de maximiser, ce que j'ai envie de dire, le taux de rétention
des populations à l'intérieur d'un même CISSS. C'est sûr que, nonobstant
ça, il devrait y avoir des ententes, entre autres avec les CHU. Puis,
là-dessus, je passerais la parole à Mme Boily.
Mme Boily
(Manon) : En fait, nos
travaux ont visé à définir une
nouvelle organisation robuste en mesure d'offrir la très grande majorité des services à offrir à une population.
Deuxièmement, il est souhaité que cette entité, qui, dans le projet de loi, s'appellera le CISSS, dispose de
l'ensemble des leviers pour coordonner l'ensemble des services qui sont requis pour la population dont il est responsable.
Ceci implique donc qu'il aura à convenir, avec des partenaires, le cas
échéant, lorsque le service n'est pas disponible au sein de son CISSS...
convenir d'ententes avec d'autres partenaires.
L'inverse
est vrai. Par exemple, l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont doit offrir à une très
grande partie de la population québécoise
des services de greffe des cellules hématopoïétiques. Les CISSS du Québec
conviendront, formaliseront des corridors
qui sont déjà existants. Donc, ce type d'élément là va se faire et va se
poursuivre. L'élément facilitant aussi, c'est que nous étions 42 établissements publics. Nous serions maintenant
neuf établissements publics pour la population montréalaise, ce qui en
principe devrait simplifier l'ensemble des coordinations que nous avons à faire
entre nous.
Enfin,
j'insisterais sur le fait que nous souhaitons disposer aussi de leviers formels
pour convenir des ententes pour la
population pour les services de première ligne. Par exemple, avec le volet des
équipes médicales des territoires, ce que l'on souhaite — ce qui serait le mandat des CISSS — c'est d'avoir la capacité de faire les
ententes de nature contractuelle avec
les équipes médicales des territoires pour garantir l'accès aux services
médicaux avec des équipes multidisciplinaires pour prendre en charge les clientèles plus vulnérables, des personnes
âgées, des personnes atteintes de maladies chroniques, notamment.
Mme Lamarre :
Je note aussi que vous avez insisté, dans votre présentation, sur la participation
de patients, d'usagers qui ont été intégrés.
Elles avaient quel âge, les personnes qui étaient présentes sur votre... Parce que
le groupe précédent nous a souligné
le fait qu'on pensait beaucoup aux groupes jeunesse, et vous avez dit que vous
l'avez ajoutée, cette dimension-là, mais que les personnes âgées étaient
plus oubliées. Puis on se rend bien compte, dans le projet de loi n° 10, effectivement, que, si on crée une catégorie,
on comprend que la dimension jeunesse a quand même certaines
caractéristiques, mais il y a les services sociaux et la gériatrie aussi qui maintenant
représentent...
Mme Hotte
(Geneviève) : Au niveau des patients partenaires qui étaient sur le
comité Métropole en action, il y avait une mère de famille qui avait vécu des problèmes
avec son adolescent, au niveau des problèmes de santé, alors qui avait vécu un parcours, j'ai
envie de vous dire, assez laborieux et qui nous ramenait toujours à
dire : Oui, mais est-ce que ça
corrige ce parcours-là, ce vers quoi on s'en va? Comment ça va améliorer les
choses dans le futur? Alors, c'était quelqu'un de très terrain, donc à
peu près, j'ai envie de... c'est difficile de donner l'âge, là, mais c'est une
mère de famille. Et l'autre, c'était
vraiment une personne qui avait des problèmes de santé chroniques et qui nous
faisait, dans le fond... et c'était
quelqu'un aussi qui était, bien, j'ai envie de dire, relativement jeune, là, et
qui était... qui... dans le fond, aussi, qui nous interpellait à
différents moments sur : Est-ce que les trajectoires vont être simplifiées
dans ce nouveau système-là? Merci.
Mme
Lamarre : Donc, ça illustre la valeur de citoyens, d'usagers et de
patients au sein des instances. Merci. Je passe la parole à mon
collègue.
M.
Lisée : Merci. Alors, je vous salue tous. Merci d'être là,
Mme Boily — que je
connais en particulier parce que
l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont est dans la circonscription de Rosemont — Mme Hotte, M. Masse,
Mme McVey, M. Potvin.
Je
reprends là où ma collègue de Taillon a laissé. Dans les propositions que vous
faites, vous parlez de l'importance de
la responsabilité populationnelle et des citoyens et patients partenaires. Vous
dites : «Il faut mettre en place et développer des mécanismes de concertation et de collaboration
avec les partenaires du milieu. Prendre les mesures nécessaires pour
assurer la participation active des usagers et des citoyens afin d'implanter
une culture de soins axés sur les patients.»
Alors,
que pensez-vous de la proposition du ministre de démanteler la totalité des
comités d'usagers et la totalité des conseils d'administration des
établissements actuels?
Mme Hotte (Geneviève) : Au niveau des conseils d'administration, c'est
sûr que, déjà, par notre proposition, on
savait très bien qu'on passe de 42 établissements à neuf établissements, donc
c'est sûr que ça réduit énormément le nombre
de conseils d'administration; sauf qu'il faut comprendre que, pour le résident
d'un territoire, ça va être beaucoup plus
facile de se référer à un CISSS plutôt qu'à différents établissements, comme à
l'heure actuelle, s'il y a une problématique
au niveau de la trajectoire des soins. Alors, pour nous, c'est une
simplification parce qu'il y a beaucoup moins de structures.
Par rapport à la
participation des usagers, moi, j'ai envie de vous dire, par rapport à ça, au
niveau du comité Métropole en action, pour
nous, c'est important que le patient, que l'usager soit au coeur de cette
réforme-là, et c'est comme ça qu'on a
bâti, nous, notre scénario qu'on vous propose ce soir, parce que c'est vraiment...
Il faut faire en sorte qu'il y ait une
prise en charge des patients et qu'ils soient en mesure de recevoir, dans le
fond, des soins d'une façon continue, sans bris de service, et que le patient se sente pris en charge. Alors, c'est
dans ce sens-là que nous, on a fait notre proposition.
M.
Lisée : On est tous d'accord là-dessus, mais, quand même, il y
a une participation active des citoyens en ce moment par l'existence de
comités d'usagers qui n'existeront plus. Alors, puisque vous recommandez de
prendre les mesures nécessaires pour assurer
la participation active des usagers, comment est-ce que vous allez le faire
s'il n'y a plus de comités d'usagers?
M. Masse
(Yves) : Ah! O.K. Vas-y.
Mme Hotte
(Geneviève) : J'aimerais souligner, peut-être, M. Masse...
Le Président (M.
Tanguay) : Oui, appel au règlement?
M.
Barrette : C'est l'article 35.6, je pense. C'est parce qu'on dit des
choses qui ne sont pas réelles, là. Dans le projet de loi, il y a encore des comités des usagers, et le député de
Rosemont, à deux reprises, dit qu'il n'y a plus de comités des usagers.
Il y a des comités des usagers.
Le Président (M.
Tanguay) : O.K. Sur l'appel au règlement, M. le député de Rosemont.
M. Lisée : Bien,
sur les questions de fait, des comités d'usagers vont être créés au niveau
régional et suprarégional, mais je parle des comités d'usagers au niveau
des établissements de santé existants.
Le Président (M.
Tanguay) : O.K. Bon.
M. Barrette :
M. le Président, les propos du député de Rosemont ont été très clairs : à
deux reprises, il y a un démantèlement — ce sont ses mots — du
comité des usagers.
Le Président (M.
Tanguay) : Bon, alors là, on ne fera pas de débat là-dessus.
M. Barrette :
Ils ne seront pas démantelés, ils sont là.
Le Président (M.
Tanguay) : À l'ordre, s'il vous plaît! On ne fera pas débat là-dessus.
J'invite le député de Rosemont à poursuivre.
M. Barrette :
...
Le
Président (M. Tanguay) : On va poursuivre, ça a bien été. Il reste
quelques minutes à nos débats. Alors, je vous en prie, M. le député de
Rosemont, poursuivez.
M.
Lisée : En ce moment, dans les lieux de dispensation des soins,
il y a des comités d'usagers. Le ministre veut qu'il y en ait au niveau régional, alors ceux-là n'existeront plus au
niveau des lieux de dispensation des soins. Comment, vous, proposez-vous
de faire participer les usagers, comme vous le dites, dans votre mesure 3.4?
• (18 h 50) •
Mme McVey (Lynne) : Alors, on sait qu'il y aura un usager sur les C.A. des CISSS, une contribution importante. Et on voit aussi, à l'article 131 du projet de loi, une opportunité de représenter des clientèles vulnérables où on
pourrait aussi voir la participation d'usagers partenaires avec nous dans la prise de décision. Il y a aussi, dans l'organigramme des CISSS, une opportunité aussi d'inclure des
patients. Métropole en action n'a pas suivi un règlement comme tel. On a invité...
Le Président (M.
Tanguay) : Merci.
Mme McVey
(Lynne) : ...deux patients à participer, qui a été très intéressant.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole
au député de La Peltrie pour un bloc de 8 min 30 s.
M.
Caire : Merci, M. le Président. Bonjour à vous cinq. Dans
votre présentation, vous dites... bon, à partir de juin, vous avez pris l'initiative de vous concerter à
travers le comité que vous avez créé. Vous en êtes arrivés à la conclusion
que cinq établissements sur l'île de Montréal pouvaient desservir la
population, et les quatre centres universitaires étaient... gardaient leur
autonomie, leur indépendance. La question que j'ai envie de vous poser,
c'est : Pourquoi en arrivez-vous à la conclusion que les centres
universitaires ne devraient pas être intégrés aux CISSS?
Mme Hotte (Geneviève) : Au niveau des centres universitaires à Montréal,
vous savez, qui vivent des projets importants
présentement de construction pour déménager prochainement, alors on trouvait
qu'au niveau des enjeux au niveau des
centres universitaires ils en avaient suffisamment pour les prochaines années
avec le... Ils sont en train de revoir leurs
projets cliniques. Ils sont en train de planifier tout le déménagement, la
nouvelle construction du CHUM, la même chose
au niveau du CUSM. Sainte-Justine est en rénovation importante. Alors, on
s'était dit... Nous, d'emblée, on les avait vraiment exclus au niveau de les intégrer à même nos CISSS. Toutefois,
ce qui est important, c'est que chacun des CISSS va consommer des services de ces établissements-là. Ce qui est important
pour nous, c'est que les corridors qui existent déjà entre chacun des
établissements et les centres affiliés universitaires soient maintenus et même
renforcés.
M.
Caire : Donc, ce que vous me dites, c'est que les
bouleversements qui sont vécus, notamment par le CUSM et le CHUM, là... Parce que, Sainte-Justine, je
comprends qu'il y a des travaux de rénovation, là, mais on... ça reste... puis
ce n'est pas un déménagement, puis
l'Institut de cardiologie de Montréal, que je sache, là, ne va pas déménager
non plus. Mais vous dites : Les
bouleversements qu'ils sont en train de vivre au niveau des édifices justifient
de ne pas les intégrer aux CISSS. Je
vous pose la question parce qu'à Québec on s'est posé la même question. Le CHU
et le CHA viennent de fusionner. Les
gens nous disaient : Bien, écoutez, c'est déjà un bouleversement
important. Donc, votre recommandation serait à l'effet que le CHU de
Québec ne soit pas intégré au CISSS de Québec, si on suit la même logique.
Mme Hotte (Geneviève) : Par rapport à ça, moi, j'ai envie de vous dire,
au niveau du comité Métropole en action, on n'a pas du tout fait de réflexion sur d'autres établissements à
l'extérieur de Montréal. On s'est concentrés vraiment sur les
établissements de Montréal.
M.
Caire :
Mais la logique veut que les mêmes causes amènent les mêmes effets. Vous allez
être d'accord avec moi?
Mme McVey (Lynne) : Il y a des enjeux particuliers à Québec que nous
n'aurions pas forcément à Montréal, et le comité Métropole en action ne
s'est pas penché sur les enjeux de la Capitale-Nationale.
M.
Caire :
O.K.
M. Potvin (Jean-Marc) : Peut-être
faire valoir aussi la complexité de la région de Montréal, là. C'est que déjà c'est
une intégration de 42 établissements en cinq CISSS, cinq structures, dans un modèle
qui est différent du modèle des régions
du Québec, de chacune des régions du Québec
où il n'y aura qu'un seul CISSS. Alors, je pense
qu'il y a déjà là beaucoup de pain sur la planche à Montréal,
et une trop vaste intégration aussi pourrait rendre les choses complexes.
M.
Caire : Mais en
fait je vous dirais que, pour poursuivre dans la logique du ministre,
le ministre disait : Bien, le CHU de Québec, il avait déjà amorcé la fusion, donc
c'est une continuité. Ce que je
comprends, c'est que vous aviez
déjà amorcé la réflexion sur les fusions. Donc, dans ce cas-là aussi, ça va
être une continuité, j'imagine.
Mais
je vais vous emmener sur un autre sujet, là. J'aurai ces discussions-là en
temps opportun avec le ministre.
Vous avez fait mention — je pense, c'est Mme McVey — aux
indicateurs de performance, et vous avez mis l'emphase sur le fait que
c'est un élément qui va être important dans la réussite du projet d'intégration.
J'aimerais vous entendre là-dessus parce que, s'il y a une chose qui fait
cruellement défaut à notre réseau de la santé en général, ce sont ces indicateurs de performance. Comment vous voyez ça?
Comment on les établit? Ils mesurent quoi? On les utilise comment? Si
vous avez poussé votre réflexion là-dessus, je serais intéressé à vous
entendre.
Mme McVey (Lynne) : Dans un premier temps, le comité Métropole en action, on s'est penchés
sur le fait qu'un tableau de bord,
avec quelques indicateurs de suivi
pour... dans la gestion de risques, dans la transition, serait important pour
l'ensemble des neuf établissements à Montréal. L'idée ici, c'est de suivre des indicateurs
comme l'accès. On a une préoccupation, naturellement, de maintenir l'accès à même la
transition. Nos urgences ont besoin de nous pour que nos trajectoires de soins soient fluides. Alors, des
indicateurs sur l'accès, c'est quelque
chose qui serait important
pour nous.
Les
indicateurs de gestion de risques, en
ce qui a trait à la mortalité de la population,
pourraient être une autre suggestion.
J'en ajoute moi-même personnellement ici, mais je pense que l'idée, c'est
qu'on choisirait, entre les cinq CISSS, les quatre établissements, quatre ou cinq indicateurs pour suivre la santé
de la population et aussi la fluidité des trajectoires de
soins à travers la transition.
M.
Caire : Le temps
file. Je vais poser une question qui me tient à coeur, et je ne sais pas si c'est
M. Masse ou M. Potvin qui y a fait
référence : l'intégration des systèmes informatiques. Moi, je suis
convaincu que cette réforme-là passe
ou casse par l'intégration de ces systèmes informatiques. Et j'aimerais savoir
si vous, vous avez fait l'évaluation, parce que vous représentez quand même des
organisations assez différentes, pour lesquelles il doit y avoir plusieurs systèmes informatiques, plateformes, gestion de
base de données, etc. Comment on procède à l'intégration de tout ça en un tout cohérent? Est-ce que c'est chaque CISSS
qui doit être responsable d'en assurer la coordination? Est-ce que
cette responsabilité-là, dans le but d'avoir une uniformité des
plateformes et des systèmes de gestion, devrait plutôt se faire au
niveau du ministère? Comment vous avez réfléchi cette épineuse question?
M. Masse (Yves) : Bien, en fait, il faut savoir... il y a différents systèmes
d'information. Si on prend, tout d'abord, sur le volet, je dirais, le
plus préoccupant pour le groupe, le volet clinique, alors, déjà, à Montréal, on
a un système d'information clinique qui a été choisi, sélectionné voilà cinq
ans pour avoir une base commune.
M.
Caire :
Dans vos organisations?
M. Masse
(Yves) : Même si on était dans des établissements différents, on a une
base commune de système d'information clinique...
M.
Caire :
O.K. Ah! c'est bon, ça.
M. Masse (Yves) : ...lequel utilise différentes sources, que ce soit le laboratoire, que
ce soit l'imagerie, et puis il y a
des interfaces qui ont été faites, qui ont été développées au fil du temps.
Alors, ça n'exige pas que l'ensemble des établissements aient tous les mêmes fichiers sources des mêmes
fournisseurs, il y a de l'interconnexion. Mais, je dirais, au niveau du système qu'on appelle le système
OASIS, qui est le système d'information clinique, lui, il est un système
commun, alors ce qui permet effectivement...
Puis on parlait de mobilité, tantôt, des patients, mais il y a mobilité du personnel, mobilité des médecins. Alors, quand
qu'ils vont d'un établissement à l'autre, bien, d'avoir un système d'accès
similaire, c'est facilitant.
Ce que je mentionnais
aussi tantôt, le fait d'avoir des grands ensembles, mais... au niveau
confidentialité de l'information, mais c'est
encore facilitant aussi. Un patient qui est vu au Douglas, qui sera vu, pour un
autre épisode de soins, à l'hôpital
du Lakeshore, ça fait partie du même ensemble, alors toute l'information
clinique sera disponible à ce moment-là pour médecins, infirmières.
M.
Caire :
...
M. Masse (Yves) : Bien, en fait...
M.
Caire : Parce que, là, ce que vous dites, c'est qu'à
l'intérieur d'un CISSS on a une organisation. Je comprends. Mais, si on
veut pousser la réflexion, on pourrait le faire même inter CISSS.
M. Masse (Yves) : Oui. Mais en fait,
là, il y a toute la notion... lorsqu'on parle de systèmes d'information de patients, de la confidentialité des données des
patients... Alors, à l'intérieur d'un ensemble où les gens, les professionnels
de la santé, ont accès, on ne peut passer
d'un à l'autre comme ça. Ce n'est pas l'ensemble complet de Montréal à ce
moment-là.
Mme McVey
(Lynne) : Mais déjà, pour
les résultats de laboratoire, les résultats de radiologie et un troisième, là,
on peut voir... les médecins peuvent voir un patient qui transige de différents
établissements à l'heure où on se parle.
M. Masse (Yves) : Tout à fait.
Mme McVey (Lynne) : Et ça, ça va se
transférer à l'intérieur des CISSS.
M. Masse (Yves) : Avec la...
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
M.
Caire : Le DSQ.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je remercie les
représentantes, représentants du comité Une métropole en action. Nous allons compléter nos travaux dans quelques
minutes, et je vous invite à demeurer à vos places afin de terminer de
façon ordonnée.
Mémoires déposés
Alors,
maintenant, je dépose, M. le secrétaire, les mémoires des personnes et des
organismes qui n'ont pas été entendus
en consultation. J'en fais le dépôt. Je demande maintenant le consentement aux
collègues pour poursuivre au-delà de l'heure prévue pour permettre les
remarques finales. Avons-nous consentement?
• (19 heures) •
Des voix : ...
Remarques finales
Le
Président (M. Tanguay) : Oui? Alors, merci beaucoup. Alors, après
entente avec les groupes parlementaires, nous prenons quelques minutes pour faire des remarques finales. Et, en
ce sens, pour une période maximale de trois minutes, je cède la parole
au député de La Peltrie.
M. Éric Caire
M.
Caire : Merci, M.
le Président. S'il y a une chose qu'il faut retenir de l'ensemble des
consultations, c'est que la réforme soulève
beaucoup de crainte, suscite des espoirs — je pense que c'est indéniable — crée des opportunités. Ceci étant dit, j'ai entendu, de la part du
ministre, et ça, ça me fait peur un peu : Le passé est garant de l'avenir.
J'ose croire que, dans ce
contexte-ci, ce n'est pas vrai. La réforme qui a été entreprise en 2003 est
essentiellement la même chose qui nous est suggérée ici, peut-être à
plus grande échelle, mais je pense que ce n'est pas... comme on dit, la taille
n'a pas d'importance, là, ce qui est
important, M. le Président, c'est la réussite de cette réforme-là dans laquelle
le gouvernement va nous lancer.
Il y a un certain nombre d'éléments qui devront
être mis en place pour s'assurer de cette réussite-là, M. le Président, j'aurai l'occasion d'en discuter sur
une autre tribune. Mais, s'il y a une chose qu'on doit retenir de l'ensemble
des consultations, c'est que la réforme
suscite des craintes, nous devons en tenir compte. Le projet de loi devra être
bonifié parce que, dans sa forme
actuelle, il ne satisfait pas à l'ensemble des exigences auxquelles on peut
s'attendre d'une réforme comme
celle-là. Mais il y a un potentiel indéniable, et je pense qu'il serait
malheureux de s'empêcher d'aller de l'avant parce qu'il y a des
difficultés à surmonter.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, collègue de La Peltrie.
Je cède maintenant la parole à la députée de Taillon pour une période
maximale de trois minutes.
Mme Diane Lamarre
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je pense que ce
projet de... cette commission parlementaire
nous a permis d'accueillir plusieurs groupes. Ces groupes, ils se sont
exprimés, et je pense qu'il faut tous prendre
acte de cette expression. Si on les résume, sur les 64 heures de commission,
trois groupes ont exprimé leur avis en faveur,
48 contre et 16 ambigus. Alors, je crois qu'il y a matière à réfléchir, et à
être prudents, et à respecter la population. Mais tous ceux qui sont venus ont dit leur attachement au système
public, ont dit l'urgence de l'accessibilité, qu'elle soit améliorée, et ce, avant, après l'urgence, incluant le
soutien à domicile, le caractère essentiel de la représentation des usagers
dans les CISSS, la crainte de voir être engloutis les services sociaux par le
curatif, l'urgence d'une meilleure circulation
de l'information et l'ajustement des modes de rémunération en fonction de
résultats cliniques. Je crois que nous devons prendre acte de ça.
Ce que je
constate du ministre, c'est que, dans ses remarques préliminaires, l'objectif
du projet de loi n° 10 était de
favoriser et de simplifier l'accès aux services pour la population; c'est bien
écrit dans les notes explicatives. Dans son point de presse, aujourd'hui, il a
dit que le projet de loi n° 10 ne s'adresse pas à l'accessibilité. Ce sera
un élément auquel on va s'adresser
par une autre voie, sur laquelle nous travaillons. Alors, cette ambiguïté nous
amène à avoir énormément de vigilance
et de questionnement par rapport aux vrais motifs de la loi n° 10 et aux
impacts sur la désorganisation potentielle qui a été exprimée. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, Mme la députée de Taillon. Je
cède maintenant la ministre... la parole — pardon — au
ministre de la Santé et des Services sociaux. Vous disposez de trois minutes
également.
M. Gaétan Barrette
M.
Barrette : Alors, je vais m'adresser évidemment à la population qui
nous écoute, et c'est à elle qu'évidemment l'exercice est dévolu. Alors, c'est un projet de loi qui a été déposé,
et je le dis clairement et de façon non équivoque : Le projet de loi vise à améliorer l'expérience
patient, de par sa fluidité, son accès, la qualité, la sécurité, on l'a dit. Et
il est très intéressant de constater comment s'est déroulée la
commission parlementaire, et je dirais que, jusqu'à la dernière seconde,
jusqu'à la dernière seconde, il y aura eu des commentaires que je ne
qualifierais pas, parce qu'apparemment qu'il
y a des propos parlementaires que je ne peux pas dire, mais je citerai la
députée de Taillon, M. le Président, qui a mentionné qu'il y avait des
intentions... des vraies intentions du projet de loi n° 10, comme s'il y
avait des intentions cachées. C'est
déplorable que, dans un exercice démocratique comme celui-ci qui vient d'avoir
lieu, ça se soit passé d'une façon... de cette façon-ci, avec une espèce
de teinte... même pas une demi-teinte, une teinte de désinformation.
Mais je vais
terminer ainsi avec vous, les gens de la région de Montréal. Vous êtes
30 % de la population, hein? Vous
avez, vous, essentiellement, sur votre territoire, toute la complexité qui
existe dans le continuum de soins de santé et de services sociaux, et vous avez spontanément mis en place
essentiellement le modèle qu'on utilise, quoique notre modèle, c'est vrai, vous ne l'avez pas dit comme
tel, mais il va juste plus loin un peu en intégrant les services sociaux
dans votre modèle. Et vous arriviez à la conclusion, comme nous, que c'est
bénéfique pour la population, puis je vous en remercie. C'est un exercice remarquable dans une conjecture très
particulière. Et, si c'est bon pour 30 %
de la population, pourquoi, si en
ajoutant les rives de Montréal, et là ça fait 40 %, ça ne serait pas bon,
et pourquoi ça ne serait pas bon à Sherbrooke, qui d'ailleurs embrasse
les principes du projet de loi, pourquoi ça ne serait pas bon à Québec?
Personne ne s'est présenté ici en supportant le
maintien des agences et personne n'a nié la plus-value de la finalité. Tout le monde a exprimé des craintes,
mais évidemment des commissions parlementaires, ça sert à faire en sorte
qu'on puisse bonifier un éventuel projet de
loi, et c'est ce qu'on fera sûrement et, je l'espère, à partir de maintenant,
dans un climat constructif et non un climat qui est celui dans lequel on
a vécu cette commission parlementaire ci.
Alors, je
pense que, collectivement, comme parlementaires, nous devons être au service de
la population et faire en sorte que nous arrivions à destination,
surtout comme quand des gens qui représentent des services de 30 % de la population nous ont dit aujourd'hui et
malheureusement pas au début que oui c'était une direction qui était la bonne
pour le bénéfice de la population. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Tanguay) :
Merci. Alors, compte tenu de l'heure, je lève la séance, et la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 19 h 7)