(Onze
heures vingt-six minutes)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission
de la santé et des services sociaux
ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La
commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 10, Loi modifiant
l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux
notamment par l'abolition des agences régionales.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Hivon (Joliette) est remplacée par M. LeBel (Rimouski); Mme Richard (Duplessis) est remplacée par M.
Pagé (Labelle).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ce matin, nous allons débuter
avec les représentants du réseau FADOQ, suivi du Réseau québécois
d'action pour la santé des femmes. Nous ajournerons les travaux à
19 heures.
Alors,
je vous souhaite la bienvenue, représentants, représentante du réseau FADOQ.
Pour les fins d'enregistrement, je
vous demanderais, dans un premier temps, de bien vouloir vous identifier. Par
la suite, vous disposerez d'une période de 10 minutes de
présentation; s'ensuivra un échange avec les parlementaires. Alors, la parole
est à vous.
Réseau FADOQ
M. Dupont
(Maurice) : Alors, Maurice Dupont, président du réseau FADOQ. Alors,
tout d'abord, je tiens à remercier la commission de nous donner l'opportunité
de pouvoir exprimer notre position aujourd'hui.
Le
Président (M. Tanguay) : M. Dupont, excusez-moi, pouvez-vous identifier
celles et ceux qui... s'en vient, ça s'en vient?
M. Dupont
(Maurice) : Oui, c'est inclus dans le texte.
Le Président (M.
Tanguay) : Ah! Pardon.
M. Dupont (Maurice) : Alors, je suis accompagné du directeur général, Danis Prud'homme, ainsi
que de notre attachée politique, Caroline Bouchard, qui m'assisteront
pour la période de questions.
D'abord,
nous tenons à souligner que nous ferons notre présentation en toute humilité,
puisque nous n'avons eu que 48 heures d'avis pour la préparation de
cette rencontre.
Le réseau FADOQ est
un regroupement de personnes de 50 ans et plus qui compte plus de
350 000 membres. Il y a près de
45 ans, l'objectif majeur de la fondatrice, Marie-Ange Bouchard, était de briser l'isolement des aînés en leur
offrant une panoplie d'activités sportives, culturelles et de loisirs. Aujourd'hui,
outre le volet des loisirs, l'intérêt de l'organisme
est d'encourager le gouvernement à faire des choix judicieux tenant compte du
contexte démographique qui fait du
Québec l'une des sociétés occidentales dont le vieillissement de la population
est le plus marqué. Ainsi, le réseau FADOQ
profite de cette tribune pour susciter une prise de conscience afin d'assurer
une qualité de vie adéquate à tous les aînés du Québec.
À
chacune de nos présentations en commission parlementaire, nous réitérons
l'importance d'agir en matière de vieillissement
au Québec, puisque nous sommes la deuxième société qui vieillit le plus
rapidement au monde, immédiatement derrière le Japon. Nous devons faire
preuve de créativité, d'originalité pour répondre aux besoins grandissants d'une population vieillissante. À ce
titre, nous avions espoir que le gouvernement propose une nouvelle réforme
visant à améliorer les services aux usagers.
Force est de constater que ce n'est pas la priorité ayant motivé la rédaction
du projet de loi n° 10.
D'abord,
en prenant connaissance du projet de loi, plusieurs questions nous semblent
fondamentales : Pourquoi l'État
québécois choisit de s'inscrire à contre-courant du modèle hospitalier
décentralisé pour tendre vers un renforcement majeur de la centralisation en santé? Le projet de loi n° 10 semble
faire reculer le lieu de décision et de le ramener vers Québec. Pourtant, nous croyons au contraire que
l'autonomie décisionnelle doit se rapprocher de l'usager afin de favoriser
la desserte de services adéquats et près des besoins de la population.
Ensuite,
il nous semble hasardeux de proposer une réforme du système de santé en n'ayant
ni consulté tous les acteurs concernés ni en se donnant le temps de
réfléchir à la meilleure manière de procéder pour que le projet de loi transcende les âges et les gouvernements tout en
nous inscrivant dans la pérennité et dans l'efficience. D'ailleurs, c'est
ce que nous avions fait à l'époque de la commission Castonguay-Nepveu.
• (11 h 30) •
Dans un
troisième temps, nous sommes perplexes quant à la pertinence du projet de loi
n° 10 dans l'amélioration des
soins desservis à l'usager et dans la mise en place d'un réel continuum de
soins. Nous y voyons un statu quo dans le
bris de service, ce qui pour nous est inacceptable. Nous devons d'abord
concentrer nos efforts à répondre aux besoins de l'usager pour ensuite valoriser l'apport de la première ligne et des
services de proximité. Ce n'est pourtant pas en ce sens que nous dirige le projet de loi n° 10.
Autrement, au fil des ans, nous avons pu constater que les discours politiques
vagabondent entre le maintien à domicile, la
mort dans la dignité, le bien-vivre dans sa communauté en santé. À quand
une politique de consolidation afin de penser à un système de santé efficient?
En parlant d'efficience, M. le ministre, au
nombre de nouveaux pouvoirs autoarrogés, nous espérons pouvoir observer dans le futur une réelle transparence,
puisqu'en tant que décideur et gestionnaire principal du système de santé
vous aurez largement du pain sur la planche. À ce titre, M. le ministre, en
temps d'austérité, nous souhaitons réitérer l'importance de mettre l'humain,
l'usager au coeur de vos décisions. La réalité financière de l'État reste
certes une importante priorité, cependant la
santé de la population ne doit jamais être brimée en faveur des priorités du
Conseil du trésor.
En
conclusion, M. le Président, nous demandons au gouvernement de considérer la
mise sur pied d'une commission visant
à étudier la meilleure manière de réellement reformer notre système de santé
afin de garantir un système universel, un
meilleur accès aux soins, une plus grande cohérence du système et une meilleure
qualité de soins, particulièrement dans
un contexte de vieillissement de la population, le tout dans une vision
commune, sociétale, partagée et non imposée. Nous devons décloisonner le
système de santé afin de travailler en collaboration et assurer une meilleure
efficience. Réduire le travail en silo permettrait de mettre en place des
politiques reflétant cette vision d'ensemble recherchée.
C'est
d'ailleurs pourquoi le réseau FADOQ demande la mise sur pied d'une politique
nationale du vieillissement afin de prendre en compte la réalité
démographique qui nous attend dans les prochaines années. Cette politique doit répondre aux besoins particuliers d'une société
vieillissante, et ce, dans une perspective intergénérationnelle. En somme,
le projet de loi n° 10 propose une
restructuration administrative qui ne semble pas aller dans le sens d'une
réelle réforme en profondeur. Nous
devons considérer mettre l'épaule à la roue pour réfléchir ensemble à des
solutions durables. Merci, M. le Président.
Le Président
(M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Dupont. Maintenant, nous allons
débuter la période d'échange avec les
parlementaires. Je cède immédiatement la parole, pour une période de
20 minutes, au ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Barrette :
Merci, M. le Président. Alors donc, M. Dupont, M. Prud'homme et Mme
Bouchard, bienvenue et merci de...
Bien, vous étiez un peu sur une liste d'attente. Je suis désolé que vous ayez
juste 48 heures, mais je comprends aussi de vos propos que vous avez quand même un peu suivi les
commissions parlementaires ainsi que réfléchi sur le sujet. Et je suis bien content que vous soyez là, malgré
le court délai qui vous a été accordé suite au désistement d'un autre groupe.
Maintenant, ça n'enlève rien, évidemment, à la
pertinence de votre propos, que je reçois très favorablement. Puis je vais vous avouer qu'évidemment je suis un
peu content des propos que vous tenez, parce que je sais qu'il y a un acte de foi là-dedans, dans une certaine mesure,
là. Mais, comme vous l'avez entendu maintenant depuis trois semaines, les choses que nous voulons faire sont exactement
celles que vous nous demandez de faire mais que vous pensez que nous ne ferons pas. Mais il n'y a pas grand-chose dans
ce que vous avez dit qui ne sont pas dans nos objectifs à... terme et qui seront
éventuellement exposés.
Mais évidemment, comme vous l'avez compris et
vous l'avez noté aussi, c'est une réforme qui est de nature administrative, qui est un canevas, là, sur lequel
d'autres éléments vont venir se greffer, et les autres éléments vont tenter
de répondre le plus efficacement possible à
certaines inquiétudes que vous avez ou certains commentaires que vous avez
faits, notamment en ce qui a trait à
l'accès. Et, pour ce qui est de l'intégration et la cohérence du système, bien,
c'est ce qu'on vise. Tous les commentaires que vous avez faits sont
exactement les raisons pour lesquelles on fait ça.
Je ferai deux remarques. Le système de santé tel
qu'on le connaît, il a bientôt... tel qu'on le connaît... disons qu'il a 40 ans, un peu plus, là, mais il a au
moins 20 ans dans le mode actuel, là, et on n'a pas réussi à en faire ce
que vous demandez. Et, quand on efface une problématique publique de cet
ordre-là, il y a seulement deux avenues possibles : il y a
celle que vous proposez, qui est celle des grandes commissions,
et des analyses, et de longues et profondes consultations; et il y a
celles qui sont plus directes, on va dire, en termes d'approche, qui est celle que l'on a actuellement.
Je vous rappellerai...
Et on ne peut pas, on ne peut pas oublier cet épisode-là. Vous avez parlé de la
commission Nepveu, là, et vous n'êtes
pas le premier à en parler. Moi, je vous parlerai de la commission Rochon, de
cette grande époque, là, de retour à
l'équilibre budgétaire, de ces grandes réflexions là et consultations-là qui
ont été faites, puis on se rappellera ce
à quoi ça nous a menés dans le passé : allés nulle part. Alors, moi, des
commissions, là... Il y a eu la commission Clair, c'était bien intéressant. J'y ai participé de a à
z. Est-ce que ça a donné quelque chose? Non. Pourquoi ça n'a rien donné?
Parce que personne n'a rien décidé.
Alors, à un
moment donné, là, il faut que quelqu'un décide quelque chose et que ses idées
soient les plus précises possible au moins dans sa tête. Et j'entends déjà
l'opposition dire que ce n'est pas écrit, il faudrait que ce soit écrit.
Oui, oui, ça va s'écrire à un moment donné,
là. Puis j'espère qu'au bout de la ligne les gens constateront ce qui a été
fait, et ce qui
se fera devra aller dans le sens de ce que vous dites. Je souscris à ce que
vous dites, mais le chemin n'est peut-être pas celui que vous voudriez,
mais c'est la direction dans laquelle on va.
Je termine en
vous répondant à la question : À quand un système cohérent? Bien, j'espère
maintenant, parce que la cohérence dans notre système, elle n'est pas
là, et j'espère qu'elle le sera. Je vous laisse la parole.
M.
Prud'homme (Danis) : On
entend bien ce que vous dites. Notre préoccupation, je pense qu'elle est louable,
de voir que, dans ce qu'on peut lire actuellement, ce qu'on peut
comprendre avec ce qui est écrit, oui, vous l'avez mentionné, c'est administratif, ça se veut une restructuration de
pouvoirs politiques économiques : couper, ajuster, équilibrer un budget, entre autres. C'est pour ça qu'on a un
peu de difficulté à voir comment l'usager comme tel va bénéficier de davantage de services de qualité, davantage de
services et de soins dont on a actuellement besoin, et que, si on regarde
comment on peut livrer les soins
actuellement, on a beaucoup de difficulté à voir comment on pourra faire mieux
avec ce qu'on est. Ça, c'est une chose.
La deuxième
chose, si on regarde du côté du vieillissement de la population... Puis je sais
que bien des gens disent : Vous
ramenez toujours ça, mais c'est parce que ça fait longtemps qu'on le sait,
qu'on va arriver là. Et malheureusement, malgré ce fait-là, on n'a jamais préparé rien face à ça, ou pratiquement
rien, ce qui fait qu'aujourd'hui on parle du système de santé, mais on a été ici pour six autres
commissions qui parlaient de six autres sujets. Donc, à ce point-là, nous, ce
qui nous préoccupe, et je pourrais
même dire qui commence à un peu nous faire peur, c'est qu'en agissant en silo,
en ne se donnant pas de réelle vision
pour 30, 40, 50 ans et en ne consultant pas de la façon dont on devrait le
faire... Parce que vous parlez de commissions qui peut-être n'ont rien
donné, mais je pense que celle qu'on aborde au niveau où on est aujourd'hui avec le système de santé, celle qui a
mis sur pied ce qu'on connaît, bien, je pense que ça a bien fonctionné
pendant des dizaines et des dizaines d'années, là.
Force est
d'admettre aussi que, quand on commence à voir des coupures, ça a aussi l'effet
inverse en général sur à peu près
tout ce qui se passe, là. Vous le savez, le gouvernement est là pour créer de
la richesse et d'investir pour aller chercher
davantage. En coupant, ça donne un mauvais signal en partant. On est d'avis...
On comprend qu'il ne faut pas aller
dans des déficits effarants, là, mais je pense qu'il y a des façons de faire
autres. On le sait, c'est des chiffres... On ne jouera pas de guerres de chiffres, là, mais le Fonds monétaire, quand
on parle d'investissements d'un gouvernement, ils vont en chercher 1,6 de plus que ce qui est investi. Bien,
quand on coupe, c'est à peu près la même chose mais à l'envers. Ça fait
qu'on a de la difficulté à voir qu'on va améliorer actuellement les services de
cette façon-là.
• (11 h 40) •
M. Barrette : On est dans un dialogue,
et puis c'est tout à fait correct, alors échangeons.
Il y a deux approches, là, ici, là. Puis là je
ne veux pas lancer des flèches empoisonnées inutilement, mais froidement, là,
et objectivement il y a deux façons de regarder ça, là : ou bien on fait
des grandes commissions qui malheureusement ne donnent pas de résultats... Puis
on l'a vu dans les années 90, là, c'est l'autre gouvernement qui a fait... qui a mis en place des grands principes,
là, qui ont été consultés, discutés, approfondis, et le système a été perturbé
pendant 15 ans après. Ça fait deux,
trois ans, là, qu'on commence à en sortir. L'année dernière ou dans les
18 derniers mois, on vous a fait miroiter un paquet de choses qui
étaient irréalisables parce que non budgétées. Puis ça, c'est un fait, là. Ce
n'est pas une appréciation, c'est un fait.
Le Québec n'avait pas le 2 milliards nécessaire
pour faire ce qui avait été annoncé. Ce
n'était pas faisable. À un moment
donné, quelqu'un doit avoir... Et il
me semble que c'est la chose que vous devriez... peut-être plus que
d'autres parce que vous représentez une clientèle qui a vécu... Normalement,
les gens qui ont vécu choisissent ce qui est
sûr ou raisonnablement solide plutôt que d'éventuelles chimères. Alors, nous,
ce que l'on dit essentiellement, là,
c'est, bon, une chose : actuellement on ne coupe pas, actuellement on fait
les correctifs nécessaires pour que le système de santé et de services
sociaux demeure public et accessible. Sinon, on n'y arrivera pas.
Maintenant,
pour ce qui est de la restructuration administrative, elle est faite entre
autres pour que, dans une structure donnée,
on puisse vous donner des services de la façon correcte, ordonnée, organisée,
coordonnée. Et là, actuellement, ça ne se fait pas. Et ça peut se faire
à certains niveaux, mais ça ne se fait pas dans le continuum de soins complet.
Alors, on va
dans votre sens, sauf que le chemin que l'on prend n'est pas exactement le même
chemin qui a été pris précédemment.
Mais peut-être qu'on aura des résultats. Mais je peux vous dire une chose, par
exemple : Moi, quand je regarde
comment ça fonctionne dans le réseau, que ce soit en services sociaux ou santé,
l'intégration n'est pas là, la coordination
n'est pas là, et il y a des sous qui se perdent. Et, quand des sous se perdent,
ce sont des sous de moins pour donner
dans les services. C'est ça qui est l'approche, là. C'est simple, cette
affaire-là, sauf que ça demande certains efforts, et une grande
implication, une grande connaissance de ce qui se passe sur le terrain, et
surtout de prendre des décisions.
Nous, on est
ouverts à tout, là. Et, à partir du moment où cette loi-là est promulguée, si
elle l'est évidemment, bien là c'est
un dialogue continu. Et, pour ce qui est de la place de l'usager, il n'y a pas
une séance, une audience où un groupe ne
m'en a pas parlée et à qui je n'ai pas répondu — il n'y en a pas un, là — que j'étais bien d'accord à ce que les
usagers aient une place significative.
Encore
faut-il que leur place soit non
seulement réelle, mais significative
dans le sens opérationnel du terme. Et, quand je dis «opérationnel»,
encore faut-il que vous ayez les ressources pour faire vos interventions et
qu'elles soient entendues. Est-ce que
c'est le cas actuellement? Non, à mon avis. Il y a beaucoup
de places, là, où les gens peuvent parler. Mais est-ce que l'impact est là, est maximal? Tiens, on va le
dire comme ça. Si vous me dites que oui, bien, tant mieux, on ne va rien
changer. Si vous me dites que non, bien, peut-être qu'il y aurait des
choses à changer. On est bien ouverts à faire des changements.
M.
Prud'homme (Danis) :
J'entends bien ce que vous dites, mais du côté... Si on parle de
restructuration pour arriver à ce que vous expliquez, il y a quand même
un plan. Lequel? On ne sait pas actuellement. Par exemple, quand on parle d'un modèle centré sur le patient, est-ce qu'on
voit à quelque part une politique provinciale du médicament concernant les prix, la pénurie, l'accès? Est-ce qu'on voit quelque part où on parle de soins préventifs, où on va
améliorer ce côté-là, où on va aller définir... par rapport aux soins
préventifs, curatifs, palliatifs centrés sur un patient avec les hôpitaux,
des cliniques, des centres de santé, la télémédecine, la communauté?
Parce que, dans le monde, on ne réinvente pas la roue, là. Puis, des fois, il faut un peu se
coller à ce qui se fait ailleurs, parce
qu'il y a des choses qui se font
bien, et regarder que, dans certains
endroits, on voit la communauté, donc le communautaire,
qui prend une place réelle parce que
l'État n'a pas les moyens d'appuyer tous les services. On doit jouer avec tous
les acteurs. Ça, on ne le voit pas comme plan. Alors, vous nous
permettrez un peu d'être préoccupés, là, dans ce cas-là, de se restructurer
sans avoir le plan.
M.
Barrette : Je vous l'ai dit d'entrée de jeu, là, je comprends vos
craintes, parce que, vous avez raison, ce n'est pas visible, et l'opposition, vous allez l'entendre, va s'en plaindre
aussi. C'est juste que les éléments que vous abordez, qui sont tous très pertinents... et non seulement
ils sont pertinents, mais il faut s'y adresser, mais ce sont des éléments qui
se traitent, par définition, à d'autres tables.
Une politique
du médicament, il y en a une. Peut-elle être meilleure? Oui. Mais on n'a pas à
mettre ça dans cette loi-là, là.
Est-ce que ça doit se coordonner, cette loi-là? Oui, mais ça n'a pas à être
dans cette loi-là. La prévention, le public, la santé publique, ça existe, là. Il y a une ministre déléguée qui
s'occupe de ça, et elle travaille sur un paquet de choses que vous allez
sans aucun doute apprécier éventuellement, mais ce n'est pas à être dans cette
loi-là.
Comme vous
l'avez dit, là, c'est une loi qui est administrative,
qui vient intégrer pas simplement les soins, mais un paquet de services ou de secteurs
gouvernementaux qui viennent s'arrimer là-dedans. Mais on ne peut pas les
mettre dans la loi comme telle. Mais
je comprends votre inquiétude, et c'est pour ça qu'on est ici, pour que je puisse vous répondre
et vous dire : Rassurez-vous, on va entrer ça.
Vous faisiez
référence au communautaire. Ici, il y
a au moins, à date, là, une douzaine d'organisations communautaires qui sont venues, la plupart que
l'on connaît. Et je le dis aujourd'hui comme je l'ai dit précédemment : Vous avez raison, là, le système de santé sans le communautaire, c'est
assez difficile. C'est essentiel de garder le lien avec le communautaire, comme
je respecte leur désir de vouloir garder une autonomie philosophique et
fonctionnelle. Je le comprends, ils veulent du financement, c'est
correct, ça s'organise.
Comme vous
avez fait référence à la télémédecine... Écoutez, on travaille là-dessus. Tous
les gouvernements, mais le gouvernement précédent aussi a travaillé
là-dessus. Bon, il y a des obstacles informatiques qui existent dans notre loi — on va les appeler comme ça — mais la télémédecine va permettre
éventuellement une certaine façon différente de faire, de pratiquer la médecine et de donner des services, même sociaux
à la limite, et ça, c'est, permettez-moi un anglicisme, un «work in progress», là. Mais ça ne s'écrit pas
dans la loi. Mais ce que vous dites, ce à quoi vous faites référence, moi, je
suis bien d'accord avec ça et je peux vous dire que c'est sur notre table à
dessin, mais ça va venir après.
M.
Prud'homme (Danis) : Je
comprends qu'au niveau du projet de loi on ne peut pas détailler tout ça. Par
contre, à l'intérieur de ce qu'on lit ou à l'intérieur d'autres
écritures, on ne le voit pas. Donc, vous dites qu'on travaille dessus
actuellement, sur plein de choses, mais... Puis là vient le point suivant qu'on
apportait, c'est-à-dire : On voit plein de différentes politiques qui sont mises sur pied ou qui veulent être mises
sur pied. Vous avez dit : Certaines grandes commissions n'ont rien donné. Là, on parle de volonté aussi des
gouvernements, parce qu'on sait, et on l'a mentionné, quand les gouvernements changent, là on change le
fusil d'épaule, et ça, c'est par un manque de vision totale de la société,
là, on s'entend. Si on se donne une vision
de société pour les 30, 40 prochaines années, on devrait être en mesure de
bâtir tout le monde ensemble, et là on enlève le fait que c'est un ou
l'autre qui prend le pouvoir.
Le but, c'est
de s'en aller dans la bonne direction parce qu'on n'a pas... en tant que tel, on n'en a plus, de temps pour réagir, puis ça fait des années qu'on essaie
d'amener de l'avant le fait qu'il
faut agir de façon
proactive et non pas réactive. Parce qu'on l'a dit, puis, je ne sais pas, les gens
ne semblent pas le réaliser, à quel point on vieillit au Québec rapidement, où il y a plein de services qu'on ne
pourra pas offrir à ces gens-là, qu'on ne pourra pas soutenir de la façon
qu'on est structurés.
Donc, je comprends ce que vous dites avec le
projet de loi, on le comprend très bien au niveau de notre organisation, mais on a quand même des
préoccupations de voir que les choses qu'on vient de parler, vous dites :
Ça se fait ou c'est en train de se
faire, nous, on ne sait pas ça. Donc, nous, c'est difficile de réagir sur des
choses qui ne sont pas — je vais utiliser le mot fort, là — diffusées
de façon transparente aux gens qui sont impliqués à essayer de voir comment ça peut se passer ou comment on doit être
impliqués. Parce qu'à la base de tout ce que j'ai mentionné ça prend l'implication des gens, notamment des patients,
parce que c'est eux qui ont le choix en bout de ligne ou devraient avoir
le choix, ce qui n'est pas le cas
actuellement. Donc, ça, de ce côté-là, pour nous, c'est quelque chose de
primordial. Et de un.
Et, de deux,
bien, quand on dit «grandes commissions», ce qu'on veut dire, c'est que les
bonnes personnes sur le terrain
soient consultées, autant ceux qui prodiguent les soins, autant ceux qui
reçoivent les soins, de la bonne façon, parce qu'ils sont sur le
terrain. Donc, ces gens-là ont des solutions viables qui souvent ne sont pas
exploitées.
M.
Barrette : Je suis d'accord avec vous là-dessus. Peut-être que là
l'histoire va faire en sorte qu'au lieu d'avoir eu des commissions qui
auront eu des effets délétères comme dans les années 90 ou des commissions qui
étaient très bonnes, qui ont fait
d'excellents rapports mais qui n'ont pas été appliqués, bien, peut-être que là
on va faire quelque chose qui n'aura pas été commissionné mais qui aura
donné des bons résultats. On va se souhaiter ça.
Ceci dit,
j'aimerais ça vous entendre plus spécifiquement sur un thème qui vous est
évidemment très cher, qui n'est pas
dans le projet de loi, qui ne peut pas être dans le projet de loi, mais qui
devra habiller éventuellement ce projet de loi là. Parlez-nous de votre vision de ce que devrait être ce que vous
appelez une politique du vieillissement. En fait... Et, plus précisément, si vous
me parlez d'une politique du vieillissement, vous me parlez implicitement de ce
qui n'existe pas ou s'exerce mal actuellement.
• (11 h 50) •
M.
Prud'homme (Danis) : Tout à
fait. En fait, si on recule, pour faire ça simple... parce que je pense que — pour être
simpliste dans l'approche puis réduire le temps — on a quand
même eu deux différentes politiques,
soit de maintien à domicile, soit de
vivre en santé dans sa communauté, qui, force est d'admettre, après 10 ans
n'ont pas donné grand-chose ou peu de chose, malheureusement.
Si on parle
d'une politique provinciale ou nationale du vieillissement, je
pense qu'il faut prendre en considération ce qu'on appelle — et on reste dans le milieu de la santé,
là — les
déterminants de la santé, c'est-à-dire qu'il faut s'attendre à ce que les gens aient des logements qui ont de
l'allure, qu'ils soient capables de se loger aussi, qui ont des revenus sur
le bon sens du monde, qu'ils sont capables
de subvenir à leurs besoins. On parle aussi au niveau, donc, de l'éducation,
sensibilisation au niveau des gens, on parle au niveau de la nourriture, on
parle au niveau des soins.
Donc, on
touche à peu près à tout ce qui existe dans la société. Ça devrait être ça, la
politique du vieillissement, et c'est
ce qu'on ne fait pas actuellement, on travaille en silo, parce qu'on fait une
chose pour les fonds de pension pour équilibrer, on fait une chose pour
un système de santé sans avoir nécessairement une vision englobante de tout ça.
M.
Barrette : Plus spécifiquement sur... Je vais... Parce que, là, il ne
me reste pas beaucoup de temps... Parlez-moi de ce que vous trouvez qui
manque actuellement en maintien à domicile.
M. Prud'homme (Danis) : Pardon?
Excusez-moi.
M. Barrette : Parlez-moi, si vous
pouvez — bien,
dans le peu de temps qu'il me reste — de ce qu'il manque
actuellement en maintien à domicile.
M.
Prud'homme (Danis) : Bien,
si vous regardez, quand on a soumis certaines choses par rapport au maintien
à domicile... Par exemple, on ne peut pas
actuellement assurer les services et les soins que les gens ont besoin. Et de
un. Et, de deux, on sait que ça doit
être les soins à domicile qui sont privilégiés, mais, quand on regarde au
niveau du budget en santé, ce n'est
pas la majorité des fonds qui sont dédiés aux soins à domicile, plutôt le
contraire. Donc, déjà là, on parle des deux côtés de la bouche, là,
quand on dit ça. Donc, ça, c'est déjà un gros problème.
L'autre problème, c'est qu'il y a un manque de
coordination au niveau des différents soins qui sont donnés à domicile. Quand on parle de soins à domicile, on
parle aussi de soins... parce qu'on s'en va par là, évidemment, quand,
malheureusement, dans le processus, là, si on est malade ou...
Le
Président (M. Tanguay) : Je vous remercie beaucoup. Je dois
malheureusement maintenant... malheureusement pour vous qui étiez à compléter votre réponse. Je cède la parole à la collègue députée de Taillon
pour 11 min 30 s. Et dans l'échange vous pourrez
compléter, je vous en prie, M. Prud'homme.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour, M. Dupont,
M. Prud'homme, Mme Bouchard. Donc,
merci d'être là pour témoigner de ce qu'une grande partie de notre population
au Québec a besoin, ce dont elle a besoin, je
dirais, d'une façon urgente.
Et ce que j'essaie de... quand je décode de
votre mémoire et de votre présentation, ce que vous dites, c'est qu'il y a déjà plusieurs éléments urgents à offrir
à la population qui ont été ciblés, qui ont été démontrés. Et, au
lieu d'aller vers la mise en vigueur
de ces choses-là... Vous parlez, par
exemple, là, de mourir dans la
dignité, du maintien à domicile. Ces
éléments-là sont déjà connus, on sait qu'ils auraient une valeur ajoutée
immédiate si on commençait à les appliquer tout de suite, et donc au lieu
de penser à ça on nous met une réforme pour laquelle on ne voit pas bien encore
les garanties des améliorations, alors que ça, ça a vraiment été démontré au Québec mais aussi ailleurs
dans le monde. Et donc ce qu'on constate,
c'est qu'il y a peut-être juste tout
simplement un manque de volonté
d'appliquer et de rendre vivantes sur le terrain, pour les patients,
pour les citoyens, des approches qui ont fait leurs preuves et qui seraient
capables d'être déjà bénéfiques à la population.
Alors, moi,
j'aimerais vous entendre parler, là. Vous avez une phrase dans votre mémoire
qui dit qu'au niveau des
concepts de maintien à domicile, de mourir dans la dignité ou de vivre dans sa
communauté, et ce, en santé, on sait que
c'est important, on sait qu'il faut aller vers ça, mais il n'y a pas d'actions
concrètes. Qu'est-ce que vous proposez comme actions concrètes qui
pourraient déjà être en vigueur et qui aideraient concrètement les personnes
âgées du Québec?
M.
Prud'homme (Danis) : Bien,
écoutez, dans un premier temps, je pense qu'il faut le voir en vision de
société. Oui, on a... Notre
membership, c'est 50 ans et plus, oui, on a 350 000... plus de
350 000 membres, mais notre but aussi, c'est de voir à
l'intergénération.
Donc,
aujourd'hui, ce qu'on s'offre, on sait que ça devient pesant parce que ce n'est
pas efficace par rapport au... si on
parle de l'investissement par rapport au retour sur investissement qu'on a. Et
de un. Et, de deux, on sait que, dans la
démographie, la pyramide inversée qui est commencée, sans vouloir jouer sur les
mots ou faire peur au monde, là, ce n'est pas le but, mais on sait qu'à
ce moment-là les revenus vont changer aussi par rapport aux gens. Et là, nous, vraiment,
notre préoccupation, c'est de s'assurer que notre système
soit viable pour les 40 prochaines années, donc ceux qui sont dedans actuellement, les aînés qui en
ont besoin comme les jeunes, et ceux qui seront dedans dans 40 ans, parce
qu'on va évoluer par rapport à la démographie. Ceci étant dit, quand on regarde
ça, quand on touche... Et on a été en commission parlementaire ici, là, pour les soins palliatifs, les soins de
fin de vie. Donc, on en a pour — et
on ne jouera pas sur les chiffres — environ
20 %. Mettez-en 30 %,
mettez-en 40 % s'il faut, il y en a quand même 60 % qui manque
de ça à ce moment-ci.
Si on parle
de soins à domicile, on n'est pas capables de les rendre comme il faut. Si on
parle de gens qui ont besoin des
proches aidants, on ne les reconnaît pas comme du monde, ils ont de la misère,
et c'est eux qui se brûlent eux-mêmes et
qui finissent, dans certains cas, par
mourir avant l'aidé. Sinon, ils vont mourir après parce qu'ils sont brûlés. Ils n'ont pas les moyens, parce que, quand ils arrêtent pour
aider les gens, la société ne reconnaît pas que ces gens-là, ce sont des
proches aidants, donc elle coupe leur salaire, coupe leur pension
future. Vous voyez? C'est un cercle vicieux, là.
Et le but
n'est pas de critiquer, le but est d'essayer de bâtir là-dessus.
Mais, pour savoir comment on doit faire ça et mettre les lacunes qu'on connaît aujourd'hui en place, bien, il
faut toujours bien se donner une vision de qu'est-ce qu'on veut comme société. Il faut
toujours bien savoir à quel endroit on va mettre les investissements, qu'est-ce
que la population veut. C'est important de savoir ce qu'elle
veut, la population. Ce n'est pas juste une... quelques
centaines de personnes qui décident ce qu'une population veut pour
40 ans. Oui, on a élu des gens au pouvoir, mais, quand même, quand on parle de modifications de société majeures,
il faut inclure la société. Et souvent c'est ce qu'on ne va pas faire
comme il faut ou pas à plein, sous prétexte qu'on doit sauver du temps, sous
prétexte que ça va coûter cher.
En tout cas,
comme gestionnaire, moi, je peux vous dire que, quand je soumets des plans ou
des restructurations, je suis bien
mieux d'avoir un plan solide en arrière pour que mon conseil d'administration
l'accepte... sans avoir tous les détails,
parce qu'on doit faire une certaine confiance, je suis d'accord, mais on sait
quand même ce qui ne va pas comme lacune, mais on ne l'aborde pas
actuellement.
Mme
Lamarre : Alors, dans le projet de loi n° 10, vous ne voyez pas
vraiment le plan d'action complet, hein? C'est un peu ça que vous nous dites. Il y a un morceau, là, le ministre
appelle ça le squelette, mais on a de la difficulté à anticiper qu'est-ce qui... comment ça va se
concrétiser pour les citoyens, qu'est-ce que ça va changer dans le quotidien
des gens.
Juste vous
dire par contre, au niveau des soins palliatifs, il y a quand même pas mal
d'améliorations qui ont été apportées.
On est à 90 % de l'atteinte des objectifs. Mais les gens veulent de plus
en plus mourir à domicile, et là je pense qu'on a effectivement des choses à préparer, à planifier pour qu'on
puisse vraiment répondre à leurs besoins. Et je vous dirais qu'à l'intérieur de ces besoins-là que la
population exprime il y a également des enjeux qui ont un impact économique.
C'est-à-dire qu'un patient qui meurt à domicile, eh bien, il y a finalement des
économies, jusqu'à un certain point. C'est
triste d'aborder cet enjeu-là, mais, puisqu'il faut en parler, il y a
effectivement une façon de présenter les choses et d'actualiser les choses pour plusieurs mesures. Quand on voit le
recours à l'urgence qui coûte beaucoup plus cher que de bien organiser une première ligne ou de
favoriser le soutien à domicile, il y a des économies à réaliser si on le fait
bien et de façon planifiée. Et là on
voit qu'on ne s'attarde pas à ces objectifs-là du tout actuellement dans le projet
de loi n° 10, on travaille à modifier des structures et on... Votre
historique et ce dont beaucoup de gens ont témoigné, c'est que ce
réaménagement-là non seulement n'accélère pas le processus, mais le ralentit et
le paralyse pendant des années.
Alors là, ce
que vous nous dites, c'est qu'il y a une urgence, il y a une urgence. Et donc
les personnes que vous représentez, ce sont quoi, leurs urgences à
elles?
M.
Prud'homme (Danis) : En
fait, vous en avez plusieurs. Si on parle de soins à domicile, si on parle des
proches aidants, on retrouve ces gens-là dans notre créneau d'âge, les
50 ans et plus. On sait que les proches aidants, c'est majoritairement des femmes de 60 ans et plus
environ, donc parmi les plus pauvres actuellement, si on parle des 65 ans
et plus dans la population... ce sont les femmes.
Donc, quand,
tout à l'heure, on parlait des déterminants de la santé, on parle de revenus,
on parle de logement, on parle d'aide
et de soutien. Quand on parle de maintien à domicile, c'est ce qu'on n'a pas.
On pourrait aborder les taxes foncières,
parce que les gens doivent quitter leur domicile parce que ça monte en fou, les
taxes. Pas parce qu'ils ont fait des châteaux ou des... mais parce que
les maisons autour, c'est rendu des châteaux.
Donc, on a
comme un manque de vision de dire : On sait que ça coûte moins cher rester
à domicile, mais on les envoie de
leur domicile parce qu'ils ne peuvent plus payer leurs taxes, puis on ne va pas
modifier notre façon de faire la taxation foncière. Voyez-vous, là? À ce
niveau-là, on touche ça. À l'autre niveau, on touche au niveau des revenus minimaux. Au niveau... On est en train de réviser
la façon de faire des fonds de pension tout en n'essayant pas de voir comment on pourrait, au lieu, dire : Comment
on peut faire pour que tout le monde ait des revenus viables lorsqu'ils
arrivent à 65 ans?, ce qui n'est pas le cas actuellement et ce qui est
loin d'être le cas.
• (12 heures) •
Mme
Lamarre : ...sous la lorgnette de l'austérité. Je vais laisser la parole à mes deux collègues, qui
auraient une question à vous poser. Il ne nous reste pas beaucoup de
minutes, malheureusement, alors on va aller plus rapidement.
M. Lisée : D'accord. Merci, M. Dupont, M. Prud'homme, Mme
Bouchard. Vous dites deux choses essentielles. Bien, la première, effectivement, comme ma collègue de Taillon
le dit, vous dites : «Il y a une incompatibilité à voir tous les problèmes
du réseau par la lorgnette de l'austérité. Les priorités du Conseil du trésor
ne doivent pas primer sur l'état de santé des
Québécois.» Il faut bien répéter, là, que l'opération qui
est en cours, de fusion, a des objectifs administratifs, mais aussi des objectifs de trouver 200 millions de dollars qui ne seront pas remis dans les soins, mais qui
seront remis au président du Conseil du trésor. D'ailleurs, l'urgence, la raison pour laquelle ils veulent faire ça
vite, c'est parce qu'ils ont besoin
d'argent vite. Il y a des gens qui sont venus dire ici qu'il n'y aurait
pas un sou trouvé là-dedans parce que ce genre de fusion ne génère pas
des économies.
Mais,
quand vous dites : «À quand la mise en place de mesures concrètes
permettant aux acteurs de la première ligne
de fournir ces services de façon optimale?», est-ce que, par rapport à ce qui
avait été présenté par Réjean Hébert sur
les soins à domicile... Est-ce que vous considérez qu'il y a
une volonté politique actuelle d'avancer rapidement sur ce terrain,
comme c'était le cas lorsque Réjean était ministre?
M.
Prud'homme (Danis) : Écoutez,
si on parle de maintien à domicile puis de volonté, c'est sûr que, dans un
cas, on pourrait voir qu'une restructuration
est nécessaire, mais nous, on a besoin de voir où l'usager se situe là-dedans.
Ça, c'est la première chose, et ce qu'on ne
voit pas actuellement. De l'autre côté, quand on parle de maintien à
domicile et de volonté, c'est une
chose, mais l'autre aussi, dans ce cas-là, il faut démontrer ce qu'il en est,
et quels sont les moyens qu'on a pour assurer ça, et surtout avec la
façon avec laquelle on va le faire.
Voyez-vous, on est un peu, dans les deux cas, on
va le dire, entre l'arbre et l'écorce, parce que, d'un bord, on veut
restructurer pour bien agir, pour arriver à donner ce qu'on veut... ce qu'on
devrait, mais nous, on ne le voit pas nécessairement — puis
plein d'autres, d'ailleurs — et,
de l'autre côté, on parle de mettre un programme au niveau du maintien à domicile, où là aussi on avait un
peu de difficulté à voir, par rapport aux sommes investies, qui étaient loin
d'être nécessaires, comment on pourrait y arriver à long terme. Donc, il y a un
peu des deux, là.
M. Lisée : Je disais qu'il y a une différence de
priorités. Notre priorité, au gouvernement Marois, c'était le virage des soins à
domicile; la priorité du gouvernement actuel, c'est de fusionner les structures...
collègue.
M.
LeBel : Moi, je vous ai
entendus aussi en... Bonjour, tout le monde. Je vous ai entendus en commission
sur le projet de loi n° 3, sur les régimes de retraite. Vous étiez
assez durs envers le gouvernement sur sa vision puis vous parliez d'appauvrissement des aînés, et tout ça,
puis là... Mais la décision semble assez prise, là, par le gouvernement, malheureusement, et là, par
rapport au projet de loi n° 10, le ministre répète souvent : C'est un
squelette, on verra pour ajouter les affaires, on verra plus tard,
faites-moi confiance. Il y a, dans d'autres domaines aussi, des interventions
du gouvernement actuellement, dans le développement local, régional, entre autres, là, qui sèment certaines inquiétudes au niveau des aînés. Je parle des tables régionales des aînés au niveau...
Ça fait que je vois qu'il y a beaucoup d'inquiétudes.
Est-ce que la
politique nationale du vieillissement... Parce que, la politique nationale, je
comprends que ça peut être... ça va
toucher la santé, ça devrait toucher la santé, le logement, le revenu, les
loisirs, il y a des enjeux économiques, c'est large, votre... puis je pense que c'est
majeur, il faudrait y aller vers ça. Mais, après toutes ces interventions-là,
est-ce qu'on peut croire qu'une telle
politique... Après toutes les décisions qui semblent assez prises, est-ce qu'on
peut croire que ça vaut la peine
encore de lancer une réflexion sur une politique nationale du vieillissement?
J'ai l'impression qu'on prend des décisions avant d'avoir fait la
réflexion.
M.
Prud'homme (Danis) : Bien,
en fait, c'est un peu ce qu'on disait au niveau de dire : La consultation
doit se faire comme il faut, avec les
bons acteurs, qui est la société, parce que c'est nous qui allons vivre les 30,
40 prochaines années. Donc, de ce
côté-là, ce qu'on doit faire, c'est s'assurer que... Qu'est-ce qu'on veut se
donner, comme société? Et ça, c'est
les citoyens qui peuvent répondre à ça. Qu'est-ce qu'on veut se donner comme
revenus à 65 ans? Quels sont... Si on
parle de la Régie des rentes qu'on veut bonifier, comme nous, on le demande, à
50 %, avec différents leviers... On sait que ça ne sera pas demain
matin que ça va se produire, là, mais, quand même, ça, c'est une mesure
concrète pour assurer que les gens vont avoir quelque chose.
Si on parle
de maintien à domicile, il y a des solutions actuelles que plein d'organisations
similaires à la nôtre, avec
lesquelles on travaille... on peut mettre de l'avant et on peut vous donner un
coup de main. Parce que notre but à nous est de s'assurer que ça marche.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Prud'homme. Merci beaucoup. On va maintenant céder la parole au collègue député de La Peltrie
pour une période de 7 min 30 s.
M.
Caire : Merci,
M. le Président. Bonjour à vous
trois. Merci pour votre présentation aujourd'hui. J'entends vos préoccupations, puis, en lisant votre mémoire, il y a
des éléments sur lesquels j'avais besoin peut-être de certaines précisions. Parce que vous dites notamment
que, bon, c'est une refonte administrative qui va éliminer des structures sans
doute superflues, donc je pense qu'il y a
une admission, là, qu'il y a peut-être un trop grand nombre de structures dans le
réseau de la santé, structures qui amènent, à mon avis... puis je veux vous
entendre là-dessus... qui ont des conséquences, hein, une surbureaucratisation et donc monopolisation de ressources à
des fins autres que des services. Je parle de ressources humaines, je
parle de ressources financières, évidemment.
Donc, les
conséquences... puis vous semblez les dissocier un peu de la prestation de
services, mais les conséquences sur
la prestation de services, elles sont réelles. Et vous, vous semblez faire une
distinction parce que vous dites plus loin : On devrait plutôt s'attaquer aux problèmes que
sont les problèmes de rupture de service sur la première ligne, puis vous
donnez une série d'exemples. Donc, j'aimerais vous entendre, là. Comment
dissociez-vous cette structure-là, qui monopolise
nécessairement des ressources humaines et financières, de la prestation de
services, à laquelle vous dites : On doit s'attaquer plus
particulièrement?
M.
Prud'homme (Danis) : Bien,
je pense qu'il y a plusieurs façons de le voir. Dans un premier temps, on sait
que chacune des ressources qu'on met sur le
terrain, comme gestionnaires, doit apporter un service additionnel à notre
client, quelle que soit l'entreprise.
Actuellement, ce n'est peut-être
pas toujours le cas. C'est peut-être comme ça qu'on
le voit quand on parle d'une structure, mais, nonobstant
ça, il faut faire attention. Le gouvernement, je l'ai dit tout à l'heure, est
un moteur pour l'économie. C'est lui qui crée, là... qui fait que ça va rouler
comme il faut, rondement.
Quand on pense... En
ce moment, on a un peu... Et c'est la vision qui est lancée, là. Je ne dis pas
que c'est nécessairement ça que les gens ont comme vision au niveau
des gouvernements, mais ça semble dire que notre État,
nos fonctionnaires ne sont pas aussi efficaces que le privé, ça fait
qu'on va les couper, on va les restructurer. Mais il faut faire attention parce que ce niveau-là qu'on a
actuellement, qu'on a créé, il faut l'analyser comme il faut
avant de dire qu'il faut le couper
puis qu'il n'est pas efficace, et de un. Et de deux, c'est quand même
à peu près, quoi, 30 %,
40 % du produit intérieur brut, ces gens-là qu'on a actuellement?
Ça fait que c'est sûr que, si on va jouer là-dedans, là, ça va affecter
l'économie en général.
Je
vais vous dire où j'en viens. C'est que, quand on a vécu la crise en 2008, là,
c'était l'industrie privée qui a créé la crise. Les gouvernements, tous
mis en semble, au niveau canadien, ont octroyé plus de 70 milliards de
dollars pour soutenir l'industrie privée. Combien on donne aujourd'hui pour
soutenir l'industrie publique, pour s'assurer qu'elle fonctionne bien, pour la valoriser, pour que les services soient mis en
place? Il ne faut pas jouer deux poids, deux mesures, là. C'est un peu de ça qu'on parle, de structures,
il faut faire attention. Et de l'autre côté, les soins, on est d'accord :
chaque ressource additionnelle,
chaque sou additionnel qu'on va nous demander — parce qu'on nous en demande déjà pas mal,
merci, là — ça
devrait donner un service sur le terrain, et non pas quelque chose d'autre.
M.
Caire : Mais, en lisant votre mémoire, la compréhension que
j'ai de ce que vous nous dites, c'est que le système actuel échoue. Vous parlez de rupture de services,
vous parlez de... bon, conditions des aînés qui sont loin d'être optimales
au niveau de la prestation de services. Donc,
vous êtes d'accord pour dire que le système actuel échoue à traiter nos aînés
correctement. Je vais répondre en partie à
votre question. Le budget de la santé, c'est quoi? 37 milliards, quelque
chose comme ça?
Une voix :
...
M.
Caire : Oui, 32, 33 milliards, en tout cas, 44 %
du budget de la province. J'imagine que vous êtes d'accord avec moi qu'on doit être plus exigeants envers
notre système que ce que le système nous offre présentement. Puis sans tomber, là, dans les débats... Le public, le
privé : vous avez votre opinion, le ministre a la sienne, j'ai la mienne.
Mais ne serait-ce que sur ce qui nous
unit tous, d'avoir un système qui est performant, on va s'entendre que, si on
constate... et ça a été constaté à de
nombreuses reprises, notamment, par le Vérificateur général : il y a trop
de paliers administratifs. Certains sont
hautement questionnables quant à leur pertinence et leur efficacité. C'était le
cas des agences de santé, notamment.
Donc,
je repose un petit peu ma question parce que, dans le fond, si on abolit ce
palier-là, et... bon, est-ce que le ministre
va trop loin dans la centralisation, peut-être ça? Mais, dans l'objectif de
libérer des ressources, d'intégrer les services, donc d'augmenter la
prestation de services et d'augmenter les ressources en première ligne, vous ne
voyez pas ça d'un bon oeil?
M. Prud'homme
(Danis) : Enfin, on voit d'un bon oeil de s'assurer qu'il y ait
davantage de services sur le terrain. Ce
qu'on a de la difficulté à voir, comme je disais tout à l'heure, c'est comment
ça va nous donner ces services-là. On
peut comprendre qu'on a besoin — et je le redis — d'une restructuration administrative, mais
ça prend un plan en dessous pour
savoir, ça, ça va apporter quoi sur le terrain. Ça, on ne le sait pas, et,
comme gestionnaire, si je présentais ça à mon conseil, ce serait non
reçu. Donc, j'ai besoin... on a besoin de savoir plus pour appuyer. On
s'entend, là.
• (12 h 10) •
M.
Caire : Si je traduis ce que vous me dites... Vous dites : Écoutez,
ce qu'on ne voit pas là-dedans, c'est des objectifs au niveau de la performance de la prestation de services. On
ne voit pas ces objectifs-là dans le projet
de loi. Donc, on voit un peu l'aspect
général, mais les objectifs sont loin d'être clairs. C'est ça que vous nous
dites?
M. Prud'homme (Danis) : On a de la difficulté à voir que l'usager va être
mis comme point central, il va recevoir davantage de services qu'il a actuellement, oui, on a de la difficulté à voir ça, et de un. Et de deux, avant de couper
des structures — on
est d'accord qu'il pourrait y en avoir trop, de structures — il
faut toujours bien savoir comment elles fonctionnent,
à quoi elles servent, et, s'il y en a qui servent à la coordination, ce n'est peut-être
pas des soins sur le terrain, mais ça
aide à ce que les soins se rendent sur le terrain. On a déjà une
lacune en coordination. Avec des superstructures, on est loin de penser
que la coordination va être encore mieux. Donc, voyez-vous, il y a des deux
côtés, là.
M.
Caire : Diriez-vous
qu'il manque peut-être un certain volet de gestion plus localisée, d'une
part? Et, d'autre part, est-ce que
vous ne voyez pas d'un bon oeil le fait de justement... Puis je donne toujours
les mêmes exemples : par exemple, tout ce qui s'appelle comptabilité, systèmes
informatiques, ressources humaines, est-ce qu'il n'y a pas des gains d'efficacité justement à aller chercher en
les regroupant dans une structure plus importante? Parce
qu'on nous a dit à de nombreuses reprises... Notamment au niveau de la gestion des systèmes informatiques, un des problèmes du réseau — qui, à
mon avis, est probablement le plus grand défi du ministre — c'est
la multiplicité des petits systèmes d'information qui ne se parlent pas, qui amène des lacunes informationnelles épouvantables. Donc, en ayant une structure plus large,
mieux intégrée, vous ne pensez pas, comme gestionnaires, justement qu'on peut
aller chercher des gains d'efficacité appréciables?
M.
Prud'homme (Danis) : Je pense
qu'il y a une... ça se pourrait, oui, mais il y a quand même
une différence entre une structure de
communication et une structure... de la communication organisationnelle ou structurelle, là, comme on dit, par rapport à une
structure fonctionnelle qui donne les services sur le terrain. Il faut
dissocier les deux.
Une voix :
...
M.
Caire : Comment?
C'est fini?
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
M.
Caire : Déjà? Ah...
Le
Président (M. Tanguay) :
Oui. Nous allons maintenant céder la parole à la collègue
députée de Gouin pour un bloc de trois minutes.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. Vous conviendrez que trois minutes, ce n'est pas
très long, alors on va essayer d'y aller rondement. Mais je veux faire du pouce
sur ce que mon collègue de la Coalition
avenir Québec vous posait comme question, parce que c'est ça qui
m'intéressait, moi aussi. Dans votre mémoire, vous dites que les services de proximité sont difficiles à obtenir,
l'accès proprement dit aux services de santé, la main-d'oeuvre qui s'essouffle,
la coordination déficiente. Bon, pour vous,
ce sont des exemples criants de bris de services. Vous le qualifiez comme ça.
Donc, la question
que j'ai envie de vous poser, c'est... Le ministre, lui, nous dit :
En ayant une structure centralisée dans
chacune des régions, il va y avoir une fluidité dans l'organisation des services. Justement, les gens, qu'ils soient aînés ou non, vont pouvoir passer facilement
de la première à la deuxième ligne. Ça va être mieux coordonné, donc normalement plus efficace. Mais vous, vous semblez dire dans votre mémoire :
Non, la solution n'est pas là, et visiblement vous êtes inquiets que les communautés ne puissent plus
avoir aucun palier décisionnel. Alors, j'aimerais ça que vous précisiez votre
pensée là-dessus. Trouvez-vous qu'effectivement le passage de la première ligne
à la deuxième manque de fluidité? Pensez-vous
qu'une structure centralisée — régionalement,
on s'entend, mais sous la haute direction du ministre — répond à ça? Auriez-vous préféré un
renforcement des structures décisionnelles de proximité?
M.
Prud'homme (Danis) : En
fait, si on regarde les besoins actuels, nous, on pense que l'usager, s'il est
mis au coeur de tout ce qui se passe par rapport à lui, ça prend des structures locales au niveau des décisions par rapport à ses soins. Ça n'empêche pas
d'avoir des encadrements de niveau régional et des supraencadrements de
niveau provincial. Je pense que toute organisation, la nôtre en
premier... On a un bureau provincial, 16 bureaux régionaux et 840 bureaux
locaux. On est capables de fonctionner. On a
des structures centrales, mais on a quand
même un processus
décisionnel décentralisé. Je ne
réinvente pas la roue, là. Il y a plein de gens qui font ça, il y a
plein d'entreprises qui font ça et il y a plein de façons
de faire ça.
Donc, nous,
on veut s'assurer que ce soit l'usager qui bénéficie, que sa décision soit dans
ses mains, donc locale, et qu'il y
ait un encadrement, bien entendu. Parce que, là, ce qu'on voit, c'est des soins
qui ne sont pas égaux d'une région à
l'autre ou même d'une localité à l'autre, des services offerts dans une, mais
pas offerts dans l'autre. Ça, c'est des choses qu'il faut régler par des encadrements, pas par des... En tout cas, on
ne le voit pas, dans le projet actuel, que ça va régler ces problèmes-là
actuellement, parce que la décision ne sera plus locale.
Mme David (Gouin) : O.K. Est-ce
qu'il me reste quelques instants?
Le Président (M. Tanguay) : 20
secondes.
Mme David (Gouin) : O.K. Mais est-ce
que, avec toutes les personnes que vous rencontrez — vous avez énormément
de membres — est-ce qu'on vous parle de ce problème de
la difficulté de passer de la première à la deuxième ligne ou si le
problème principal qui est noté par vos membres, c'est l'accès à la première
ligne?
M.
Prud'homme (Danis) : En
fait, il y a les deux. L'accès, premièrement, à notre système comme tel, si on
a besoin d'y accéder. Ça, c'est très
difficile, avec, selon le cas, plusieurs mois d'attente dans certains cas,
même, et ça, c'est une chose. La
deuxième chose, c'est la coordination au niveau du continuum. Ça aussi, c'est
un problème. Donc, on a les deux.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin aux
échanges avec les parlementaires. Alors, je remercie les représentants
et représentantes du réseau FADOQ. Et j'invite maintenant les représentants du
Réseau québécois d'action pour la santé des femmes à prendre place et je suspends
momentanément nos travaux.
(Suspension de la séance à 12 h 16)
(Reprise à 12 h 25)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Avant d'entendre la prochaine représentante, je demanderais aux
collègues le consentement pour dépasser l'heure prévue des commissions.
Alors, est-ce que nous avons le consentement?
Des voix : Consentement.
Le
Président (M. Tanguay) :
Oui. Merci beaucoup. Nous allons maintenant entendre la représentante du Réseau québécois d'action pour la santé des femmes. Vous disposez évidemment
de 10 minutes de présentation. Veuillez, s'il vous plaît, vous assurer de bien vous identifier pour les
fins d'enregistrement dès le départ, et, par la suite, il y aura un
échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.
Réseau québécois
d'action pour la
santé des femmes (RQASF)
Mme
Assayag (Lydya) : Parfait. Merci, M. le Président. Je m'appelle Lydya Assayag
et je suis la directrice du Réseau québécois
d'action pour la santé des femmes, le RQASF pour les intimes. Et je viens ici
vous proposer la vision, la position
de notre réseau par rapport au projet de loi n° 10 et, par ricochet, par
rapport à la réforme en cours, puisque ce
projet de loi n'est pas seulement... est une position administrative, certes,
courageuse, certes, mais touche bien au-delà d'une mesure
administrative.
Alors, premièrement, qui sommes-nous? Nous
existons depuis 20 ans. Nous sommes un organisme à but non lucratif qui fait la promotion de la prévention et
de l'amélioration de la condition de vie des femmes. Nous avons des groupes
partout au Québec dans les 17 régions, qui
eux-mêmes ont des membres, qui eux-mêmes donnent des services aux femmes.
Ça peut être des centres de service, des
centres de santé, des sages-femmes, des syndicats de corps professionnels, des
médecins, bref, quiconque est intéressé par
l'amélioration de la vie des femmes. Nous faisons surtout beaucoup de promotion
et de sensibilisation.
Et nous
sommes là devant vous aujourd'hui pour vous dire que nous sommes très
inquiètes. Pourquoi très inquiètes? Parce que, comme il en est fait état
dans notre mémoire, les femmes et la santé sont intimement liées, à beaucoup de
raisons dont je vais revenir plus tard, si
les 10 minutes me permettent. Et, étant donné l'état déjà actuel de la
santé des femmes, étant donné l'état
actuel du réseau de la santé, étant donné que peu ou très peu d'évaluations ont
été faites par rapport au système de santé actuel, nous sommes très
inquiètes pour les générations futures, aussi, de l'impact de ce projet de loi.
Donc, si vous
me le permettez, je vais très brièvement dresser un tableau de pourquoi les
femmes sont inquiètes. Et, quand je
dis «les femmes», on s'entend évidemment qu'il y a une diversité totale de
femmes, mais qu'il y a quand même des
liens communs. Premièrement, femmes et santé. Depuis le début de l'humanité — sinon, on ne serait pas là aujourd'hui — les femmes soignent, elles soignent dans
l'informel, ce sont les proches aidantes, 75 %, sinon plus. Elles soignent dans l'informel auprès des enfants,
majoritairement auprès des enfants, auprès des conjoints, conjointes, des amis,
des proches, enfin, bref, je pense que nul n'est besoin de le prouver devant
cette commission. Deuxièmement, elles représentent
82 % du personnel de la santé, ce qui n'est quand même pas rien. Donc, il
y a une longue tradition des femmes, et
ça, de façon... pour l'histoire de l'humanité, pas juste ici, à l'effet d'une
relation intime entre le fait de prendre soin dans le sens large et le
fait de soigner et les femmes.
Deuxième
élément majoritaire, c'est que les femmes sont les principales utilisatrices du
système, donc forcément toute réforme, administrative ou pas, les
affecte particulièrement. Comment elles en sont les principales utilisatrices? D'abord, par leur vie reproductrice et aussi pour
toutes... Elles consomment plus de médicaments, elles ont plus de maladies
chroniques, elles sont beaucoup plus
médicalisées dans les actes naturels de leurs vies : accouchement,
ménopause, etc. Donc, par conséquent, dès qu'on touche ne serait-ce qu'un iota
au système de santé ou à la santé, on touche en double les femmes.
Troisième
effet majeur, c'est que, si on applique les déterminants sociaux de santé, et les gens avant moi, la FADOQ vous en avait fait état, comme d'autres personnes
aussi devant vous... Si on applique
les déterminants de santé, c'est-à-dire les conditions de vie qui déterminent la santé d'une population en
général, telles que reconnues par l'OMS et telles que reconnues par la science de la santé publique
depuis la révolution industrielle, si on prend les déterminants un à un... Je
ne ferai pas tout cet exercice-là, au
risque de vous endormir, mais, si on prend les principaux déterminants de la
santé et qu'on les applique dans une
analyse comparative hommes-femmes dans notre société aujourd'hui, bien, les
femmes en sortent beaucoup plus vulnérables, en termes de leur santé,
que les hommes.
• (12 h 30) •
On parle du
premier déterminant : la paix. Vous allez dire : On n'est pas en zone
de guerre. Non, on n'est pas en zone
de guerre, mais il existe une guerre informelle larvée qui... les victimes...
qui est la violence faite aux femmes, et, bon, il suffit de lire les journaux récemment pour avoir
une idée de l'ampleur de ce phénomène. Deuxièmement, un autre déterminant
majeur : la situation socioéconomique. Les chiffres sont... De quelque
façon qu'on le prend, travail égal, salaire
égal, surreprésentation de chefs de familles monoparentales, différences
de salaires pour un même niveau d'éducation, enfin, etc., emplois
précaires, il y a eu de nettes améliorations heureusement, mais il y a encore
un écart assez considérable entre la situation économique des hommes et des
femmes, et ce dont ont parlé un peu avant moi la FADOQ aussi.
Autre déterminant de santé : le pouvoir. Il
est reconnu que le fait d'avoir du pouvoir sur sa vie... bon, aussi illusoire que le pouvoir peut être, mais le fait
d'avoir au moins le sentiment d'avoir du pouvoir sur sa vie est un facteur
majeur de santé, et le pouvoir... Bon, il y
a beaucoup de définitions du pouvoir, mais une des définitions généralement
acceptées, c'est la participation aux lieux
institutionnels de pouvoir, donc on parle députés, ministères, administrations
locales, et il y a encore une sous-représentation des femmes à ce niveau-là.
Et finalement
le dernier déterminant de santé, qui est le cumul des rôles sociaux dont
j'aimerais pouvoir revenir un peu
plus, qui est le fait de jongler constamment, constamment avec de multiples
rôles. Les hommes ont aussi de multiples rôles, mais le poids des rôles
socioféminins est particulièrement élevé : travailleuses, mères,
soignantes, principales responsables
des charges domestiques encore aujourd'hui, proches aidantes, etc. Tout ça
ensemble fait que tout ce qui touche santé touche encore plus les
femmes. Ça, c'était pour la mise en contexte.
Maintenant,
si on s'attarde un peu particulièrement à la réforme, la réforme qui est proposée...
À notre humble avis, cette réforme va
plutôt provoquer des coûts additionnels, coûts humains et financiers, que des
économies. Bien que les buts en sont
fort louables, et nous partageons tout à fait les buts — nous partageons l'urgence de faire une
réforme et nous saluons le courage de
vouloir réformer le système de santé — néanmoins, selon l'état des connaissances en
santé publique, tout porte à croire que les moyens utilisés pour
atteindre ces objectifs ne semblent pas adéquats.
Première
chose : la prévention. Je sais qu'ici on ne parle que du projet de loi
n° 10. Néanmoins, il y a différentes mesures qui sont déjà en place, comme par exemple une coupure de
30 % d'un budget de santé qui est déjà famélique, de 2 % de
tout le budget de la santé et de la prévention. Déjà, couper dans la
prévention, c'est s'attirer des problèmes financiers
puisque l'on sait qu'il vaut mieux prévenir que guérir, aussi bien en termes
humains qu'en termes financiers.
Deuxièmement, la médicalisation. Nous sommes
dans une société où la réponse à la grande majorité des problèmes de santé,
santé mentale, santé physique, systèmes sociaux, se répond par un médicament.
Il y a beaucoup d'explications, il y a beaucoup de raisons là-dessus que je
pourrai élaborer si ça vous intéresse, mais le fait est qu'on médicalise énormément de problèmes sociaux, et ça,
ça a un coût, ça a un immense coût, en termes de médicaments — il ne
faut pas oublier qu'ils ont doublé depuis 20 ans — en termes d'utilisation des services et en
termes surtout du fait qu'on ne règle
pas les problèmes. Donc, si on ne s'attaque pas à ce problème majeur, il est
évident que les coûts vont continuer à augmenter, coûts qui sont déjà
disproportionnés par rapport à d'autres systèmes de santé.
Autre volet
qui nous fait croire que, malheureusement, la réforme n'atteindra pas les
objectifs qu'elle s'est donnés, c'est
le mode de rémunération des médecins, qui est actuellement à peu près... vous
pourrez me corriger si mes chiffres ne sont pas exacts, mais à peu près un
quart du budget de la santé, qui est lui-même à peu près 40 % du budget de
la province. Donc, c'est quand même quelque
chose de majeur. C'est possible qu'il y ait une réforme qui s'en vient dans
le futur, je ne sais pas, mais, à date, rien
ne nous indique qu'une réforme majeure de la rémunération des médecins va
avoir lieu.
Et finalement
le dernier thème qui nous fait croire que cette réforme n'atteindra pas ses
objectifs, qu'au contraire elle va à
l'encontre de ses objectifs, c'est la question d'accessibilité. Je ne suis pas
la première à être devant vous aujourd'hui à vous parler du fait qu'il y a un problème d'accessibilité des
services. Je sais que vous en êtes parfaitement conscients, et il se pose de façon particulièrement criante pour
les femmes pour les raisons que je vous ai indiquées tout avant. J'en ai
cité quelques exemples, mais je pourrais
vous en donner beaucoup d'autres, si ça vous intéresse, puisque nous sommes
présentes sur le terrain, rappelons-le, dans
toutes les régions du Québec. Donc nous savons qu'est-ce qui se passe sur le terrain, donc on est très au courant de cette
réalité. Et d'autres que nous, comme le Protecteur du citoyen, comme d'autres
signataires de mémoires, ont constaté
l'effritement lent et graduel de l'accessibilité des services au Québec. La
notion d'accessibilité et
d'universalité est déjà beaucoup en brèche. Or, d'après l'état des
connaissances en santé publique, des
mesures administratives proposées n'ont pas
de lien avec l'accessibilité des services. Et, à cet effet-là, je vous réfère
au mémoire dont nous reprenons à notre part l'analyse et les
conclusions de l'équipe de M. Contandriopoulos — j'espère que je n'ai pas massacré son
nom — qui fait
un état des connaissances en la matière sur la compression horizontale des
structures, sur la concentration de pouvoirs
au niveau central, etc., et qui reprend les différentes mesures proposées, et
qui fait une démonstration, je pense,
convaincante. Mais j'ai d'autres arguments, si vous en avez besoin, à l'effet
que cette structure-là ne va pas répondre aux objectifs.
Alors, en
gros, si je me permets juste un mot, d'une part, c'est que le travail que vous
avez en tant que commissaires, je
pense que c'est très important parce qu'on parle du futur des générations, et
donc ce n'est pas à la légère qu'il faut mesurer les impacts du projet de loi qu'il y a devant nous... Et je tiens à
rappeler que le premier rôle d'un intervenant de santé, ce n'est pas de guérir, c'est d'abord de ne pas
nuire. Or, à notre humble avis, le projet de loi proposé va nuire. Je vous
remercie.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci pour votre présentation. Vous avez
excédé de 1 min 30 s, que le ministre a bien voulu
évidemment vous accorder. Alors, M. le ministre, pour la période d'échange,
cela vous laisse un bloc de 17 min 30 s.
M.
Barrette : Alors, merci, M. le Président. Mme Assayag, bienvenue. Je
dois avouer que votre présentation était très intéressante et très articulée. Ceci dit, vous avez fait une
présentation qui était très globale et, à la limite, je ne dirais pas philosophique, mais vous avez embrassé le
thème de la santé au sens très large du terme. J'ai envie de vous demander,
là, si vous avez des commentaires
spécifiques au projet de loi et des demandes à nous faire spécifiques au projet
de loi parce que la présentation que
vous avez faite, très intéressante, m'apparaît une dissertation sur notre
système de santé et sur la
philosophie qu'on devrait avoir en Occident sur la desserte de soins ainsi que
sur la prévention, et ce à quoi je souscris abondamment. C'est une
discussion qui est très intéressante, mais, dans cette commission qui vise
essentiellement à l'analyse et la critique du projet de loi n° 10,
avez-vous quelque chose de plus spécifique à nous proposer?
Mme
Assayag (Lydya) : Oui, j'ai
beaucoup de choses plus spécifiques à vous proposer. D'abord, la santé, c'est
un tout. Donc, je comprends que le mandat de
la commission est limité à un projet de loi n° 10, mais ne parler que
d'une loi n° 10 hors contexte ne
permet pas d'en mesurer ses impacts. Donc, oui, il y a une proposition de
réforme, mais on ne pourrait pas
parler de modification de structures si on ne parle pas de ce qu'il y avait
avant. Donc, il est difficile de pouvoir commenter les articles du projet de loi si on ne parle pas de la
situation actuelle, et moi, je suis tentée de dresser un portrait de la
situation actuelle.
Je comprends, je partage votre point
de vue à l'effet que c'est très méga, mais c'est parce que, sous-jacent à ce
projet de loi, on ne sent pas une vision de
la santé, et le problème du système de santé depuis déjà plusieurs décennies,
c'est cette absence de vision de santé. Et,
si on se réfère aux autres systèmes — parce qu'on n'est pas les seuls évidemment
à essayer d'avoir un système de santé performant
et d'avoir un système de santé qui répond aux besoins de la population — les autres
pays qui ont tenté de modifier des réformes, on peut voir que ce qui
fonctionne, c'est d'avoir une vision. C'est pour ça que je me suis permis de prendre du temps, de parler de la vision
parce que, sans cette vision et cette direction, toute tentative risque d'échouer à court terme. Et nous
sommes préoccupés par le long terme parce que c'est le long terme que la
population va suivre, et non pas le court terme. C'est pour ça qu'il y a cette
vision globale.
Par rapport aux structures particulières de
centralisation, je vous réfère au mémoire qui s'intitule Analyse logique
des effets prévisibles du projet de loi
n° 10 et autres avenues d'intervention, présenté par M. Damien Contandriopoulos, qui s'articule en trois volets. La première, qui
mentionne qu'en parlant d'efficience il est fort improbable que l'augmentation
des coûts... il y aura une augmentation des coûts administratifs — c'est
normal, toute réforme implique une certaine modification — et que, pendant le temps où la modification
va être incorporée, les coûts administratifs, les coûts humains, bien, ne vont pas être détournés aux soins, vont
être détournés à la réforme, alors qu'on n'a pas encore terminé l'ancienne
réforme... et en faire le bilan.
Le
deuxième élément que je me permettrais de soumettre à votre attention, c'est la
question des fusions. Les fusions administratives — et de
l'aplatissement de la structure — fonctionnent quand il s'agit de... pour
faire des économies d'échelle, quand ils
fonctionnent avec des petits établissements. Or, beaucoup des établissements de
la province ne sont pas des petits
établissements et donc, par conséquent, les coûts qu'on espère, enfin, gagner
de cette réforme semblent peu probables.
C'est la même chose pour les fusions. Les fusions des établissements, c'est
surtout... Ce qui est proposé par la réforme,
ce sont des fusions hybrides. C'est à la fois horizontal... beaucoup
d'établissements, horizontal, et une certaine complexion au niveau
vertical. Or, il y a peu à atteindre... selon les expériences passées d'autres
pays et qu'on peut observer, il y a peu à atteindre des fusions horizontales.
Et
finalement le but de la loi sur la santé et les services sociaux, c'est des
services... de mettre le patient au coeur des soins. Or, ce projet de loi s'attaque aux structures et non pas aux
services des patients. Donc, on ne voit pas le lien entre la modification de structure et la
garantie... enfin, «garantie», c'est un grand mot, il n'y a pas grand monde qui
peut garantir grand-chose, mais
disons l'espoir que ça va vraiment améliorer les services qui en ont beaucoup
besoin. Est-ce que j'ai répondu à votre question?
• (12 h 40) •
M. Barrette :
Oui, oui, oui, tout à fait. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, il n'y a
pas de bonnes ou de mauvaises ni questions
ni réponses, là, alors, je comprends très bien votre opposition et votre
approche. Écoutez... Et je vais
reprendre vos derniers mots, je pense qu'il faut tous avoir l'espoir que les
choses iront pour le mieux. Je suis tout à fait d'accord avec vous que le projet de loi n'est pas une dissertation
ni sur le contexte ni sur les choses qui sont à venir, et je suis d'accord avec vous qu'on doive espérer,
dans votre cas et dans mon cas, travailler pour avoir comme finalité une
amélioration des soins et des services
sociaux pour l'usager et qu'on... et je pense qu'ici dans cette salle, tous les
parlementaires sans exception
travaillent dans ce sens-là. Nous n'avons pas tous les mêmes opinions
évidemment sur la façon de le faire, mais nous avons certainement tous la même
intention en termes de finalité, et je pense qu'on vous rejoint à bien des égards. Et malheureusement, évidemment, c'est sûr que, compte tenu de la situation
actuelle, ce sera l'avenir qui vous
répondra plutôt que nous aujourd'hui. Alors, M.
le Président, je vais passer la
parole à ma collègue de l'opposition.
Le
Président (M. Tanguay) :
Oui. Alors, nous poursuivons les échanges, et, en ce sens, je cède la parole à
la collègue de Taillon pour un bloc de 11 min 30 s.
Mme Lamarre :
Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Assayag. Merci pour votre
présentation.
Je
suis très contente de voir certains de vos chiffres, entre autres au niveau de la prévention. Dans le fond, ce que vous nous dites, c'est qu'on est en train de
choisir d'aller vers quelque chose où les bénéfices sont très, très
hypothétiques et où on n'est absolument
pas sûrs du tout, même, du scénario qui vient après le squelette qu'on nous
propose, alors que vous, vous avez
des données probantes, démontrées. Je vais vous donner deux exemples quand vous
dites... de l'impact de mesures
préventives appliquées. Par exemple, pour chaque dollar investi au niveau du développement de la petite enfance,
on a une économie de 2 $ à 16 $.
Ça, c'est du concret, c'est du documenté, et ça vient confirmer l'importance
d'investir dans la petite enfance et de protéger. Et, quand on a vu des
gens nous dire que les jeunes qui avaient des problèmes d'orthophonie avaient des délais de deux, trois ans avant d'être
traités, on voit, là, qu'il y a des éléments, en plus d'autres
dimensions, bien sûr, qui touchent la petite enfance. Et un autre indicateur
pour lequel vous avez démontré aussi un impact :
la promotion de la santé en milieu de travail, qui touche énormément des jeunes
familles, des jeunes parents... un impact pour chaque dollar investi,
2,75 $ à 4 $ de bénéfices. Alors, il y a des mesures concrètes qui,
au niveau économique, puisque l'enjeu ultime
de toute cette réforme... Il y a une fluidité, mais il y a aussi des économies,
là, qui sont bien, bien... En tout
cas, qu'on nous dit d'espérer et qu'on n'a vraiment pas de démonstration
confirmée là-dessus.
Alors donc, d'une
part, vous nous démontrez l'impact et la valeur d'investir dans la prévention,
ce qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi. Et, je rappelle, c'est un
projet de loi sur la gouvernance. Or, la gouvernance, là, elle doit aussi anticiper les mesures qu'elle va avoir,
et votre mémoire et votre présentation
me font réaliser que, dans le projet
de loi n° 10 qui porte sur la gouvernance, on n'a pas de préoccupation ni de
l'état de situation de laquelle on part ni concrètement
des indicateurs de performance qui vont pouvoir nous dire dans deux ans que ça
a été bénéfique ou qu'au contraire ça nous a ramenés en arrière de ce
qu'on voulait.
Alors,
je trouve que votre mémoire, il nous amène vraiment une nouvelle
dimension. Vous êtes quand même... Vous
passez, là, à la 60e position, mais vous apportez quelque chose de très intéressant. J'aimerais ça vous entendre parler parce
que vous avez vraiment orienté votre présentation sous cet angle-là.
Mme Assayag (Lydya) : Oui. Si je
comprends bien, vous voulez m'entendre sur la prévention.
Mme
Lamarre : Sur la prévention
et sur des indicateurs de performance parce
que, là, si on est dans un projet
de gouvernance, on devrait au moins, dans
notre gouvernance, là, comme tout bon conseil
d'administration, se dire quels
seront les éléments qui vont nous permettre
de dire dans deux ans, dans cinq ans : On a bien fait ou on n'a pas
bien fait, et je ne les retrouve pas là.
Mme
Assayag (Lydya) : Oui. Et d'ailleurs,
en parlant de... Merci de me poser la question, ça me permet d'élaborer sur la question de la gouvernance et surtout des
mesures d'évaluation. Et je comprends tout à fait le souhait du ministre de
centraliser pour avoir plus d'imputabilité parce
qu'il y a vraiment
un problème d'imputabilité du système social. Il est aberrant qu'un système qui
gruge autant les ressources communes ait si peu d'autoévaluation. Ça ne fait
qu'un an ou deux ans qu'on publie, par exemple, tous les incidents — je n'arrive jamais à dire ce mot — nosocomiaux — il faut me corriger — dans le
sens que les problèmes, les décès, les problèmes produits par le système de
santé lui-même, c'est un des
indicateurs parmi tant d'autres. Mais il y a beaucoup de professionnels de
santé qui n'ont pas de cible, qui n'ont pas d'objectif, qui n'ont pas
d'échéance et qui, en termes de gestion, tout simplement est absolument... en
particulier les médecins, à cause de leur situation
particulière, de la forme de leur rémunération, leur position historique dans le système,
etc.
La tendance
le confirme, les études le confirment, c'est que, pour épargner en santé — et, quand je dis «épargner», je dis épargner coûts financiers et coûts humains — il faut une vision de 20, 30 ans. Les
Suédois... les pays nordiques ont commencé il y a à peu près... un peu
plus de 30 ans, et, vous savez, la première chose qu'ils ont faite en matière
de prévention et de promotion de la santé,
c'est que, d'abord, ils ont établi un revenu minimum garanti, ils sont allés
sur les déterminants de santé. Deuxièmement, qu'est-ce qu'ils ont fait?
Des véritables mesures conciliation travail-famille. C'est pour vous donner un indice d'une façon autre de concevoir la santé,
et qui marche, mais après 30 ans. C'est comme le port de la ceinture de sécurité, vous savez, en auto, ou le fait
de... les habitudes de fumer par exemple, les études montrent que ça prend 20 ans pour avoir un effet. Donc, le
problème que nous voyons dans ce projet de loi, c'est qu'il n'y a pas de
projection. Enfin, il y en a peut-être une,
mais on ne la voit pas, on ne la sent pas. Donc, c'est pour ça que j'ai pris
tant de temps de parler vision :
c'est qu'en santé, pour pouvoir récolter, il faut investir. Vous savez, il y a
un proverbe qui dit : Si on veut
aller vite, on va seul, mais, si on veut aller loin, on va ensemble. C'est la
même chose que nous constatons.
Mme
Lamarre : Tout à fait. Alors, écoutez, je vais passer la parole à mon
collègue, mais, juste avant, je veux juste
revenir parce que moi, je pense que, sur l'imputabilité que vous évoquez, le
ministre a actuellement des moyens entre les mains qui lui permettraient de demander plus d'imputabilité. Il y a
déjà, dans certaines situations, des indicateurs de performance qui sont...
qui ont été prévus dans des ententes et qui ne sont pas demandés, qui ne sont
pas vérifiés.
Et l'autre
dimension à laquelle vous avez fait référence, c'est le système d'information.
Beaucoup de groupes qui sont passés
nous ont dit que c'était l'absence ou, en tout cas, la carence, la déficience
de nos systèmes d'information qui faisait en sorte qu'on n'avait pas de
fluidité dans notre système, et si on n'avait... et on n'avait pas
d'indicateurs de performance, et de façons
de reconnaître les bons résultats et d'encourager les bonnes pratiques. Et donc
nos systèmes d'information, qui sont très déficients et qui sont
excessivement en retard, si on avait mis la priorité là-dessus actuellement, je pense que, dans deux ans, on
aurait pu espérer gagner beaucoup plus que de s'embarquer dans un projet
où on brasse des structures et où on
déstabilise les éléments qui sont déjà en train de fonctionner correctement.
Alors, je passe la parole à mon collègue.
• (12 h 50) •
M. Lisée : Merci. Merci
beaucoup pour votre approche rafraîchissante. Effectivement, c'est un thème ou
un angle qui n'avait pas été abordé comme vous l'avez fait.
De toute évidence, le fait de concentrer
énormément d'énergie et de faire un bouleversement de structures au moment où il y a des besoins de première ligne
importants et des besoins de qualification de la qualité des interventions
qui seraient importants... On va
détourner... vous dites «ne pas nuire» — c'est le thème de votre mémoire — alors, on sent que des énergies considérables ne sont pas mises
au bon endroit pendant quelques
années. On dit que ça a pris presque 10
ans avant de tirer les effets de la réforme précédente. Alors, on en a pour
combien d'années? Celle-ci est encore plus gargantuesque que la
précédente.
Vous dites
aussi que la question des femmes, l'impact sur les femmes est
constamment sous-évalué, y compris dans
la gestion. Alors, évidemment, ce que le ministre veut faire maintenant,
c'est de détruire les outils locaux de gestion où les acteurs locaux ont
une représentation, y compris les comités d'usagers.
Maintenant,
est-ce que vous vous êtes penchés sur la parité ou la... Dans la représentation
actuelle sur les conseils d'administration
ou dans la désignation des directeurs généraux, à quelle distance sommes-nous
de la parité hommes-femmes et est-ce que cela aurait un impact sur la
bonne évaluation des problématiques femmes dans le système?
Mme Assayag (Lydya) : Je n'ai pas
les chiffres sous la main. Je doute fort de la parité, mais je ne peux pas m'avancer de façon... avec certitude, je ne
voudrais pas vous donner l'information... mais pour moi n'est pas surtout là où
réside le problème. On parle de système d'évaluation. Vous avez un système
d'évaluation très efficace, qui sont les bénéficiaires.
Demandez aux gens, demandez aux femmes, demandez à vos soeurs, à vos mères,
demandez à vos cousines, à vos voisines... Regardez-les aller, regardez ce qu'elles assument comme
charges de santé formelle et informelle; regardez ce qu'elles consomment comme médicaments; regardez
la solidité de leur santé mentale; c'est ça, votre système d'évaluation. C'est simple, regardez autour de
vous et vous allez voir que c'est déjà très fragile. Alors, vous comprenez
notre inquiétude de vouloir mettre en place
quelque chose sans s'assurer d'avoir des fondements solides pour au moins
consolider l'hémorragie interne.
Au niveau de la prévention, écoutez,
actuellement, c'est 2 %, le budget de la province, c'est absolument ridicule. Et là ça va être encore moins parce
qu'il y a 30 % de coupures qu'on vient de voir. Donc, tout ce dont on
discute aujourd'hui, c'est une question de long terme. Il faut
absolument, en santé comme dans beaucoup... avoir une vision à moyen et à long
terme et des objectifs à moyen et à long terme. On n'en sortira pas.
M. Lisée :
S'il y avait une mesure à mettre en oeuvre au cours des 12 prochains mois
qui serait une priorité, selon vous, ce serait laquelle?
Mme Assayag
(Lydya) : Oh my God! Avec quel budget?
M. Lisée :
Avec un budget... Bien, avec un budget raisonnable; on va travailler le
ministre, un budget raisonnable, une mesure, un budget raisonnable.
Mme Assayag (Lydya) : Une mesure à
mettre en santé dans les 12 prochains mois? Ce serait l'accès aux premières lignes, l'accès aux services de première
ligne, qui est la base du système, et en même temps je triche, j'en mets
une deuxième : l'information.
Vous savez, quelqu'un d'informé, c'est quelqu'un
qui coûte beaucoup moins cher au système de santé, et on revient avec la notion de prévention et de
promotion de la santé. Un patient qui participe à la décision, c'est un patient
qui coûte beaucoup moins cher et qui,
humainement, va être moins malade aussi. Et il y a moult exemples, moult
exemples des choses... y compris ici
au Québec. Allez voir la chaire de santé sur le patient à l'Université de
Montréal, allez voir... Je veux dire,
ça ne prend pas plus d'argent pour avoir un système de santé efficace, ça prend
une réforme sur qu'est-ce qu'on veut
dire de la santé, et qu'on mette vraiment... qu'on ne fasse pas, qu'on
n'écrive pas noir sur blanc sur une feuille... qu'on mette vraiment le patient au centre de la
décision. On ne parle même plus de consentement éclairé, on parle maintenant
de décision partagée en termes de relation
de santé. Donc, voyez-vous, c'est pour ça qu'on a beaucoup de difficultés à
voir les liens entre la réforme et les effets escomptés.
M. Lisée : Merci beaucoup.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole
au collègue député de La Peltrie pour 7 min 30 s.
M.
Caire : Merci, M.
le Président. Merci beaucoup pour votre présentation. Vous avez, dans vos
précédents échanges, fait référence à
l'évaluation de la performance. Vous avez dit : Comme gestionnaires, on ne
peut pas se lancer dans une réforme
de cette ampleur, alors qu'on n'est même pas capables de mesurer la performance
de notre système. Je vous ai entendue... Là, ce que vous venez de dire,
bon, si on veut s'informer, il y a les proches qui nous informent, mais, du point de vue de la gestion, du
gestionnaire donc, de quelle mesure de performance parlez-vous et de quelle
façon devrait-on élaborer ces outils-là de mesure de la performance?
Mme Assayag (Lydya) : La première
chose, mettre le pied sur le frein et revenir en arrière, c'est-à-dire, la direction actuelle, c'est les mégastructures,
mégastructures d'hôpitaux. Regardez, bon, le CHU à Montréal ou d'autres choses, c'est les mégas, O.K.? C'est le gros, le
méga, le centre, le centre. Tout nous indique que ça, ça ne fonctionne pas, ça, c'est une vision de la santé, c'est une
réalité de santé qui existait il y a 60 ans, 70 ans. Ça ne marche plus comme ça
pour toutes sortes de raisons : le
vieillissement de la population, les connaissances scientifiques, le fait de travailler en équipe, le multidisciplinariat, le... En tout cas, je peux vous en parler pendant longtemps, mais je n'ai pas beaucoup
de temps.
Donc, la
première chose à faire, c'est : en santé, «small is beautiful». En santé,
c'est aller le plus proche des gens, garder le plus proche les gens dans
la communauté et s'en faire des alliés, pas : Nous, le système de santé,
vous, la population, puis on vous donne des services. Non, on est ensemble dans
le même problème et on essaie de régler ensemble
le tout. Utilisez les ressources des gens — et ils en ont plus que vous ne le pensez — responsabilisez
les gens sur la santé. Mais ça, c'est
la prévention, ça, c'est l'information, ça, c'est du long terme. Donc, la première chose,
c'est ça.
Deuxième
chose, principe en santé : la taille unique, ça ne fonctionne pas, «one
size fits all», ce n'est pas possible, c'est
l'adapter, adapter les soins de santé... Or, on ne peut pas l'adapter quand on
est loin. Loin des yeux, loin du coeur. Des mégastructures ne peuvent
pas... C'est juste une impossibilité de connaître ce qui se passe sur la
particularité régionale, la particularité
des femmes, la particularité de la population anglophone, des autochtones, des immigrants, des jeunes. C'est juste matériellement impossible.
Donc, plus on est proches de la réalité des gens, plus on peut... C'est les
services qui doivent s'adapter à la population, ce n'est pas la population qui
doit s'adapter aux services.
Voyez-vous,
ça prend une gymnastique. C'est pour ça qu'humblement à notre avis, c'est un changement de cap qu'il faudrait.
M.
Caire : Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la collègue députée
de Gouin pour trois minutes.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. Madame, bonjour. C'est absolument
passionnant. Moi, j'aimerais vous
entendre sur les femmes, davantage. Il me semble qu'on n'en a pas assez parlé, et
vous êtes la représentante d'un réseau important sur la santé des
femmes.
En ce moment, là, quand vous rencontrez les groupes en santé des femmes, quels sont
leurs objectifs prioritaires, autrement dit, quels sont les problèmes majeurs en santé et
services sociaux, là, vécus par les femmes du Québec en ce moment
dans les différentes régions du Québec?
Mme
Assayag (Lydya) : Premièrement, c'est inégal d'une région à l'autre, ce n'est pas... La première
chose, c'est le service de première ligne; c'est essentiel, essentiel.
Bon, je ne parle pas des femmes... Vous savez que les femmes souffrent plus de maladies chroniques. Elles
vivent plus longtemps, quoique l'écart s'est réduit entre hommes et
femmes, mais elles ont plus de maladies chroniques, donc l'utilisation
de services et de soins à domicile...
Deuxièmement, toute la médicalisation de... Vous savez, la biologie des femmes fait
en sorte que nous sommes plus réglées
par des systèmes hormonaux et donc, par conséquent, tout ce qui est puberté,
vie sexuelle, vie reproductive, le fait
d'être enceinte, accouchement, ménopause, bref... et vieillesse, tout ça, la
réponse à ça, elle est médicale, uniquement médicale, alors qu'elle
n'est pas juste une réalité médicale. Ça coûte beaucoup plus cher, ça ne
fonctionne que sur le curatif et même ça
fonctionne très mal. Donc, ce fait de transformer des choses qui sont
naturelles pour une femme en problèmes de santé, ça ne marche pas. Ça les enferme, ça
les empêche de... alors que les problèmes majeurs des femmes, c'est surtout, je l'ai mentionné, la
violence, la pauvreté, le fait de ne pas avoir accès au pouvoir sur leur vie,
sur leur santé, sur celle de leurs proches et le fait qu'on ne prend pas
en mesure leurs besoins. La preuve, c'est que ce projet de loi a été fait sans une étude... une ADS, une analyse
différenciée selon le sexe. Comment ça se fait qu'un projet de loi sur la santé, qui touche la
moitié de la population et qui touche doublement, triplement les femmes à
cause de ce que je vous ai exposé... il n'y a pas
d'étude d'impact sur les femmes? Ce n'est pas normal. C'est comme si vous
voulez avoir un projet de loi
sur les arbres, mais que vous n'analysiez pas la composition des arbres que
vous voulez protéger. Il y a des choses de base : donc, première ligne, participation au pouvoir,
médicalisation des processus de la vie et prise en considération de
leurs conditions socioéconomiques.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Il vous reste 20 secondes.
Mme David
(Gouin) : J'aurais bien aimé
vous entendre sur toute la question de l'accessibilité à la contraception et
l'avortement. En 10 secondes?
Mme
Assayag (Lydya) : Oh my God!
C'est en danger de plus en plus. Les gains féministes des 30, 40 dernières
années sont en train d'être sapés graduellement mais sûrement.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, Mme Assayag, représentante du Réseau québécois d'action pour la santé
des femmes.
Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux
de la commission jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 15 h 8)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
téléphones cellulaires.
Nous allons poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 10, Loi modifiant l'organisation et la gouvernance du
réseau de la santé et des services sociaux notamment par l'abolition des
agences régionales.
Nous
accueillons maintenant les représentants, représentantes de la
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Bienvenue. Vous disposerez d'une période de 10
minutes pour votre présentation. Je vous demanderais de bien vouloir vous présenter, pour les fins
d'enregistrement, et par la suite s'ensuivra un échange avec les parlementaires.
Alors, la parole est à vous.
Fédération des
travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ)
M. Boyer (Daniel) : Merci, M. le
Président. Alors, je suis Daniel Boyer, le président de la FTQ. Je suis accompagné... On va se séparer, d'ailleurs, la
présentation de 10 minutes. Je suis accompagné de Lucie Levasseur, qui est la présidente québécoise du Syndicat canadien
de la fonction publique, le SCFP, Jean-Pierre Ouellet, le président du Syndicat
québécois des employés de service, section locale 298 de la FTQ, et Dominique
Savoie, qui est du service de la recherche à la FTQ.
Merci
de nous accueillir, bien évidemment. Écoutez, d'entrée de jeu, je pense que c'est sans
surprise qu'on va demander le retrait
du projet de loi, qui ne permettra pas, à notre avis, bien au
contraire, là, d'atteindre les objectifs qu'il prétend poursuivre, soit de favoriser et simplifier l'accès aux services
pour la population, de contribuer à l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et
d'accroître l'efficience et l'efficacité du réseau. On est d'accord avec ces
objectifs, mais nous réclamons les
véritables moyens d'y parvenir. Les actions urgentes à mettre de l'avant sont
toutes négligées par le projet de loi et le ministre, car ce qui compte pour le ministre, c'est de créer une
structure qui lui permettra de faire ce qu'il veut, quand et comme il le
veut, tout en éliminant les critiques et les propositions différentes des
siennes.
• (15 h 10) •
Notre propos ne sera pas original. Presque tout
le monde qui s'est présenté devant vous a décrié ou exprimé d'importantes craintes face à la réforme proposée.
Nous voulons cependant élargir notre propos à l'ensemble de l'oeuvre gouvernementale. Nous avons vraiment l'impression que des tendances se dégagent de
toutes les annonces gouvernementales et
de tous les projets de loi déposés au
cours des derniers mois. Je vous dirais qu'on est face à un projet de société
d'autant plus emballant qu'est le retour à l'équilibre budgétaire, et on
dirait qu'on n'a plus les moyens de rien.
Nous ne
voulons pas être impolis, mais il n'y a pas de moyen de le dire
autrement : On en a marre d'être invités à un dialogue social, alors qu'il s'agit plutôt d'un monologue
antisocial, marre de tous ces projets de loi déposés sans être accompagnés
d'analyses sérieuses, marre d'être consultés à la sauvette, sans qu'on nous
laisse le temps d'examiner les tenants
et les aboutissants de divers scénarios et de débattre démocratiquement dans
nos instances. Nous avons vraiment l'impression que vous êtes
indifférents à toutes les solutions qui ne sont pas les vôtres. Nous en avons
aussi marre de l'attitude gouvernementale,
qui n'a aucun respect pour la démocratie participative, pourtant un des piliers
de la construction du Québec moderne.
Dans le réseau de la santé et des services sociaux, le mouvement syndical et la
société civile sont complètement évincés par la disparition de tous les
conseils d'administration des établissements de proximité et par l'exclusion de
personnes les représentant dans les C.A. des CISSS.
Nous voulons
aussi attirer votre attention sur les pressions que toutes ces orientations
proposées par le gouvernement feront
porter sur le réseau de la santé et des services sociaux. Par exemple, les
services de garde éducatifs ont notamment été mis sur pied pour aider
les enfants québécois à prendre un bon départ dans la vie, quel que soit le
revenu de leurs parents. En coupant dans un
tel investissement, les pressions seront plus fortes sur le système éducatif,
mais aussi sur les services sociaux à
l'enfance. Par exemple, les coupes en matière de santé publique, en plus de
bâillonner des scientifiques à la manière Harper, pourront avoir des
effets négatifs sur la santé des populations ainsi que celle des travailleurs
et travailleuses.
Au lieu de
faire de la prévention, il faudra alors recoller les pots cassés, ce qui
justifiera encore plus de ressources dans
le curatif médical. Les orientations auront aussi des effets négatifs sur la
santé économique du Québec et de chacune de ses régions. En effet, l'État — le réseau de la santé et des services
sociaux à l'avant-plan — est un important employeur dans plusieurs localités du Québec. Le gouvernement s'est vanté de
l'impact de l'effet libéral sur l'économie du Québec. C'est plutôt le contraire qu'on observe
actuellement, et on peut douter de sa capacité à renverser la vapeur quand tout
ce qui est proposé, ce sont des coupes.
Les données
les plus récentes montrent que la situation du niveau de l'emploi est
désastreuse : moins d'emplois, moins
bons emplois. Dans la dernière année, il s'est perdu 100 000 emplois à
temps plein, 69 000 à temps partiel ont été créés. Et l'avenir ne s'annonce pas plus rose. Le Plan Nord aura toutes
les difficultés à porter des fruits, alors que les prix des métaux sont à
la baisse. Les coupes gouvernementales dans les ministères et les secteurs
ainsi qu'un gel des effectifs entraîneront la perte de bons emplois. Le pacte
fiscal à rabais avec la municipalité et la disparition des CLD n'aidera
sûrement pas à créer une dynamique de création d'emplois. Lucie.
Mme Levasseur (Lucie) : Notre plus
grande inquiétude concernant le projet de loi n° 10 est que la réforme proposée n'ouvre la porte encore plus grande au
privé avec les annonces de supercliniques, d'attente de services ou de sous-traitance. Qui veut noyer son chien l'accuse
de la rage. Un réseau affamé par ces coupes successives ne peut pas bien fonctionner. Il est alors plus facile de
vendre l'idée de la privatisation comme moyen de régler les problèmes.
Pourtant, les études sont nombreuses
pour montrer les coûts de la sous-traitance ou en illustrer les dérapages,
comme l'a illustré récemment le président du SPGQ dans le secteur de
l'informatique.
Le ministre annonce que le dossier unique est
pour demain matin, alors que le coût du projet Dossier santé Québec
va coûter 1,6 milliard de
dollars, trois fois plus que prévu.
Il sera prêt en 2021, alors qu'il avait été promis en 2011. Pire, le
dossier ne répondra même pas aux besoins.
Qu'attend
donc le gouvernement pour se retirer de ce projet et pour développer
son expertise à l'interne? Il y a
d'autres économies substantielles à
s'éloigner de la privatisation dans le réseau de la santé et des services sociaux, mais le gouvernement ne s'y intéresse tout
simplement pas.
Un chercheur de l'Université Carleton, qui a
fait une analyse pour chaque province canadienne, prévoit des économies de plus
de 3 milliards de dollars annuellement au Québec par la mise sur pied
d'une politique d'assurance médicaments avec un régime public universel et des
mesures de contrôle de coûts des médicaments. Il faut croire que l'entreprise
pharmaceutique fait tout un lobby pour que ça n'arrive pas.
L'IRIS,
l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques, vient de déposer
une étude annonçant des économies
pouvant aller jusqu'à 4 milliards de dollars si Québec rachetait les
contrats signés en PPP pour les hôpitaux universitaires, comme ça s'est fait en Angleterre, par exemple. Pourquoi le gouvernement refuse-t-il de rendre les contrats publics?
A-t-il autre chose à cacher?
L'Association médicale du Québec est venue nous
dire que la lutte au surdiagnostic pourrait représenter des économies de
5 milliards chacun... chaque année, en plus de donner un service de
meilleure qualité à la population. Quel est le soutien gouvernemental dans ce
dossier? Mystère. Le gouvernement affirme que la société québécoise n'a plus les moyens de se payer toute la gamme des
services que nous avons et qu'il faut donc couper plus de 3 milliards de dollars dans divers
programmes. Les économies que le gouvernement pourrait faire en s'éloignant de
la privatisation pourraient sauvegarder les
programmes actuellement menacés, et il en resterait encore pour être
réinvesties dans le réseau, là où les besoins sont mal comblés, dans la
première ligne, dans le soutien à domicile, dans la santé mentale, dans les
services sociaux à l'enfance, et autres. Jean-Pierre.
M. Ouellet
(Jean-Pierre) : Pour régler
une bonne partie des problèmes et des coûts du réseau, la pratique médicale
aurait dû être au coeur des réformes. Toutes
les commissions d'enquêtes et groupes d'experts l'ont dit, mais les gouvernements successifs n'ont pas osé toucher à
l'autonomie des médecins. Au contraire, on les encourage à devenir des entrepreneurs, créer des cliniques médicales
privées, subventionnées en argent et en personnel par le réseau public.
On ne touche pas vraiment à la rémunération à l'acte, qui a des effets pervers
importants.
Le ministre vante le modèle états-unien des
établissements de Kaiser Permanente, sans souligner cependant qu'une caractéristique des plus importante, c'est
que les médecins sont des salariés soumis aux mêmes mécanismes de gestion que les autres membres des équipes
multidisciplinaires. Nous n'avons pourtant pas entendu le ministre annoncer
quelque changement que ce soit dans l'organisation du travail ou la
rémunération des médecins. Au contraire, ce dont
il nous rabâche les oreilles, avec la complicité de son ancienne famille, la
CAQ, c'est la lutte à la bureaucratie et aux postes-cadres, tout cela
étant jugé inutile. Nous voulons insister sur le fait que l'augmentation du
nombre de cadres n'est qu'un indice de plus
de bureaucratie : il n'en est pas la cause, et c'est sur la cause qu'il
faut agir. Le projet de loi ne permettra
pas de le faire, ne serait-ce qu'à cause de la taille démesurée des CISSS. La
bureaucratie se déplacera aussi vers le ministère, qui réclamera encore
plus de redditions de comptes en tout genre.
On croit que
l'adoption de modes de gestion importés du privé, où tout doit être évalué,
mesuré, quantifié, pesé, a introduit
encore plus de paperasse à remplir. Et puis, si la place du privé augmente
encore, il faudrait bien surveiller puis s'assurer de la qualité des soins qu'on y dispense. Prenons l'exemple de
la certification des résidences privées pour aînés, qui a amené des nouvelles lois et des nouveaux
règlements, par exemple, un certain niveau de formation pour le personnel,
seuil de minimum du personnel, installation
de gicleurs. Ça va prendre des gens du secteur public pour vérifier que cette
certification-là est en application.
Depuis une
vingtaine d'années, ce sont des normes, des règles et des procédures, ici, de
l'entreprise privée qui ont été
implantées dans le réseau. La bureaucratie actuelle est issue de ces modèles du
secteur privé et elle sera encore plus
encouragée par les membres du C.A., choisis selon des compétences du milieu des
affaires, comme la vérification, les
risques, les ressources humaines, la gouvernance et l'éthique. Nous avons
d'ailleurs été particulièrement scandalisés par les commentaires de l'Institut sur la gouvernance d'organisations
privées, qui se demande à quoi peut bien servir les compétences jeunesse et services sociaux. Il nous
semble évident que le secteur privé ne comprend pas les finalités des organisations publiques. Peut-être serait-il temps
de s'éloigner de tels modes de gestion et de revenir à des fonctionnements
plus respectueux des finalités des
organisations publiques, ce qui pourrait contribuer à diminuer la bureaucratie
issue du secteur privé.
M. Boyer
(Daniel) : On a
malheureusement une forte impression de déjà-vu à chaque nouvelle réforme
structurelle. On nous a affirmé, sans
en faire un bilan, que la précédente n'avait pas permis de réaliser les
objectifs. Du même souffle, sans plus
de démonstration, on nous affirmait que la nouvelle y arrivera. C'est ce qu'on
nous dit encore une fois, et encore une fois nous faisons preuve d'un grand
scepticisme face aux réalisations qui pourront être atteintes par le présent
projet de loi. Enfin, nous sommes convaincus que les conséquences négatives
sont largement plus grandes que d'éventuels bénéfices non démontrés.
La FTQ demande au ministre de retirer son projet
de loi et de surseoir à tout autre changement qu'il voudra implanter — par exemple, le financement à l'activité des
établissements — tant et
aussi longtemps qu'il n'aura pas déposé un livre blanc sur une réforme globale du réseau de la santé et des
services sociaux, le tout devant être accompagné d'études sérieuses sur
les effets des différentes propositions.
• (15 h 20) •
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, vous avez dépassé de
1 min 40 s, donc 11 min 40 s. À la demande
du ministre, vous avez eu l'occasion de
terminer, et je l'enlève sur son temps. Alors, M. le ministre, il vous reste un
bloc de 19 min 30 s.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, M. Boyer, Mme Levasseur,
M. Ouellet, Mme Savoie et M. Laverdière, bienvenue. Alors, d'abord, bien, merci de nous avoir fait cet exposé. Je
pense que vos propos expriment, sans aucun doute, clairement votre
pensée et la philosophie qui la sous-tend, qui sous-tend vos propos. Je pense
que, dans un exercice démocratique comme une
commission parlementaire, c'est le rôle de recevoir les opinions et les
critiques, évidemment, sauf que ces
opinions-là et ces critiques-là, ultimement, ont comme objectif, en commission
parlementaire, d'améliorer, si tant... ceci est possible, le projet de
loi qui est en étude.
J'ai pris quelques notes pendant votre
présentation, puis je vous donne ça en rafale, là. Alors, vous nous avez demandé le retrait, vous nous avez parlé des CPE,
des scientifiques qui seraient bâillonnés. Vous avez parlé, en faisant référence... en moult détails, de la santé
économique du Québec. Vous avez parlé d'emplois, de supercliniques, de coupes,
de privatisation, de sous-traitance. Vous
avez parlé d'un autre syndicat, le DSQ, l'assurance médicaments, les PPP. Vous
avez insinué qu'on avait quelque chose à
cacher. Vous avez parlé des cadres, vous avez parlé d'un certain nombre de
mesures, des RPA, la certification, l'IGOPP, le déjà-vu, pour nous demander en
finale, à nouveau, de retirer. Il y a deux éléments qui touchent essentiellement le
projet de loi, mais pas directement, directement, qui est la pratique médicale.
Je l'ai dit à plusieurs reprises : Ça, c'est un élément auquel on va
s'adresser d'autres manières.
À la suite de votre
présentation, M. Boyer, j'ai juste une question, une seule : Avez-vous
quelque chose de spécifique auquel vous voudriez vous adresser à propos du
projet de loi n° 10?
M. Boyer
(Daniel) : Bien, M. Barrette, ce n'est pas pour rien...
M.
Barrette : Je comprends, là, je comprends votre position politique, là. Maintenant,
moi, au bout de la ligne, là, pour ce qui est de tous les éléments que
vous avez mentionnés, M. Boyer, ça, c'est le peuple qui va juger dans une
élection. Et, si les gens nous jugent sur les éléments, la grille d'analyse que
vous avez, qui est une grille d'analyse électorale...
Je la comprends, mais ce n'est pas ici que ça va se régler, à cette date
et à cette heure; ça va se régler en 2018. Et maintenant, pour le projet
de loi n° 10, est-ce qu'il y a quelque chose de spécifique auquel vous voulez vous adresser?
Ça va me faire plaisir. Sinon, je ne peux pas dire autre chose, là, je ne peux
pas rien faire.
M. Boyer
(Daniel) : M. Barrette, vous me donnez la... Je peux-tu répondre?
Le Président (M.
Tanguay) : Allez-y.
M. Boyer
(Daniel) : M. Barrette, écoutez, là, c'est vrai que c'est un exercice démocratique,
la commission parlementaire, puis ça nous permet d'amender des projets de loi,
puis ce n'est pas pour rien qu'on a fait ce genre de présentation là. On nous a déjà conviés... qu'on était des partenaires
importants dans le réseau de la santé, dans le but de faire les modifications qui sont jugées
nécessaires dans le réseau de la santé. En aucun temps, on n'a été consultés.
On nous a déposé un projet de loi sur
lequel il faut intervenir. Je pense qu'on l'a fait, et vous avez les réponses
de la FTQ dans notre mémoire. Mais vous comprendrez que l'exercice
démocratique ne s'exerce pas juste au moment des élections. L'exercice
démocratique s'exerce pendant toute la durée d'un mandat. L'exercice
démocratique, ça devrait être la consultation des acteurs du milieu.
Puis vous savez, je
ne ferai pas de leçon à personne, là, mais toute réforme nécessite une
mobilisation des acteurs d'un réseau. Là, on
a droit à une réforme majeure, une réforme majeure où, encore une fois, on
rebrasse le réseau d'un bout à
l'autre. On l'a fait il y a 10 ans, on en est à peine sortis, puis je ne suis
pas sûr qu'on en est sortis, là. On a rebrassé
le réseau il y a 10 ans, on va le rebrasser encore. Et, pour faire ce genre de
réforme là, il faut que les acteurs du réseau soient mobilisés. Moi,
écoutez... On se promène sur le terrain, on rencontre nos membres, on rencontre
les travailleurs, les travailleuses qui travaillent
dans le réseau de la santé et des services sociaux. On rencontre des cadres,
des cadres supérieurs, des cadres
intermédiaires, on rencontre des médecins, on rencontre plein de monde. Puis je
pense que tout le monde est venu vous
dire qu'ils n'étaient pas d'accord avec cette réforme-là. Donc, où vous allez
trouver des gens mobilisés pour mettre en place cette réforme-là? On a
des doutes, on a de grands doutes.
Puis,
écoutez, quand... je vous l'ai mentionné, là, vous parlez d'une consultation,
mais la commission parlementaire ne
peut pas être une consultation : elle se doit d'être plus large que ça.
Quand on nous invite à un dialogue social, on est bien prêts à être des partenaires. On est bien
prêts à être des partenaires, mais ça ne doit pas se limiter à une présentation de 10 minutes et à répondre à vos questions
pendant une quarantaine de minutes, là. L'exercice démocratique doit être plus
large que ça. Vous avez des travailleurs,
des travailleuses dans ce réseau-là, du personnel d'encadrement, des médecins,
des professionnels, des techniciens, dans ce
réseau-là, qui ont donné leur vie à ce réseau-là puis qui ont de bonnes idées
pour trouver des solutions en santé et dans
les services sociaux. Et vous en faites fi et vous vous octroyez l'ensemble des
pouvoirs, comme ministre, et ça, je vous avoue que ça nous inquiète.
Puis,
quand je parlais tantôt des fusions qui ont été faites il y a
10 ans, on est partis... et là je ne me souviens pas du nombre d'établissements de santé qu'il y avait il y a 10 ans. Il
y en avait à peu près
800, je pense qu'on a ramené ça à 180. On
a créé des monstres. On l'a dit à l'époque et on va le redire encore : On
a créé des monstres en termes
d'établissements, et on est loin des établissements puis des services de
proximité avec ces monstres-là.
Là,
ce qu'on fait avec le projet de loi n° 10, on fusionne les monstres
ensemble. Vous vous imaginez ce que ça va donner? Des méchantes guerres
tantôt, là, et là on n'est plus dans les services de proximité, on n'est plus
dans des établissements de proximité, loin
de là. On va être dans 28... Puis j'avais fait une blague quand je vous avais
déjà rencontré, M. Barrette,
j'ai dit : Est-ce qu'on va avoir, un jour, un seul hôpital au Québec? On
n'est pas loin de ça puis on a un seul dirigeant
de notre réseau de santé, avec ce projet de loi là, puis c'est le ministre.
Puis ça, bien, on va déplorer ça. On va déplorer ça parce qu'on pense
qu'on est des acteurs importants, dans ce réseau-là, puis qu'on mérite plus que
d'être consultés uniquement en commission parlementaire.
M.
Barrette : Cette critique-là, elle a été faite abondamment, et j'ai
répondu tout aussi abondamment, et je suis convaincu que vous avez suivi ou quelqu'un dans votre bureau a suivi les
travaux à la commission parlementaire, et j'ai suffisamment, je pense, expliqué le fait que c'était une loi de
transition dans laquelle il y avait, effectivement, les pouvoirs que vous me reprochez, mais qui étaient
temporaires et qu'ils allaient disparaître dans le premier mandat puisqu'on
aura à réécrire la LSSSS. Et ça, cet élément-là... j'y ai répondu, à
cette critique-là, c'est-à-dire, abondamment.
Maintenant,
pour ce qui est de la consultation, rien ne... c'est le contraire... ce n'est
pas le contraire, mais, comme je l'ai
dit à plusieurs reprises, les éléments qui sont dans ce projet de loi là sont
d'ordre purement administratif, et des choses devront se greffer, puis,
effectivement, il y aura à travailler ensemble, c'est clair, M. Boyer.
Maintenant,
je comprends le sens de votre propos, là. Le chemin qu'on a choisi est
celui-là. Y a-tu des éléments spécifiques, M. Boyer, auxquels vous
voulez qu'on s'adresse?
M.
Boyer (Daniel) : Bien, tu sais, je vous dirais... Tantôt, je parlais
des monstres qui ont été créés lors des fusions,
il y a 10 ans, et des nouveaux monstres qui seront créés. Vous savez, ce qui a
été créé il y a 10 ans — puis on a eu l'occasion
de vous le dire — ça n'a
généré aucune économie. Tout a été centré autour de l'hôpital, et on constate
que ça va être encore davantage ça. On a sacrifié... On a peu amélioré
les services de première ligne, on a sacrifié... Toute la mission prévention, toute la mission CSLC ont été
concentrés autour de l'hôpital, là-dedans, puis là on vient, en plus de ça, intégrer tout le volet psychiatrie, tout le
volet santé et services sociaux, donc les centres jeunesse, les centres de
réadapt, on vient les intégrer dans les CISSS.
Moi, je vous avoue,
je suis inquiet pour les services sociaux qui seront donnés au Québec, parce
que tout dorénavant sera centré autour de
l'hôpital, et ça, c'est notre grande... c'était l'inquiétude qu'on avait en 2003,
avec le projet de loi n° 25, qui
fusionnait les établissements, et nos craintes se sont avérées
puisqu'aujourd'hui les CLSC ont beaucoup moins de pouvoirs qu'ils en avaient avant. C'est le pouvoir de l'hôpital
et il n'y a à peu près rien d'autre, et là on vient en rajouter, on vient mettre l'ensemble des
services sociaux dans ces grands établissements, ces monstres. On vient les
mettre dans ce décor-là, et je vous avoue
qu'on est très sceptiques, on est très sceptiques. On n'est plus dans les
services de proximité. On pense que,
si on veut des services de proximité, il faut travailler dans le sens
inverse : il faudrait rapetisser les établissements, et non pas les
grossir davantage. Ils sont déjà suffisamment gros.
• (15 h 30) •
M.
Barrette : Écoutez, tout ce que je peux vous répondre là-dessus, c'est
les éléments qui sont dans le projet de loi qui ont été dits ici, là.
Moi, je suis comme vous, j'en rencontre plein, de monde, là, et je n'ai pas la
même lecture ni le même message que le vôtre.
C'est peut-être à cause du fait que vous et moi, on est deux interlocuteurs
dans deux sphères différentes. Mais
les messages que moi, j'ai du terrain sont des messages qui sont positifs, là.
Je vais vous avouer qu'il y a bien du
monde qui n'ose pas aller sur la place publique puis dire : C'est une
bonne chose pour toutes sortes de
raisons, compte tenu du climat qui est entretenu. Mais moi, le message que j'ai
du terrain, et des gens qui sont dans le
milieu — et là je
parle du personnel et du corps médical — et des citoyens, là, qui utilisent ou qui
ont des services de ce système-là,
là, mais qui ne sont pas dans des organisations représentatives, bien là, eux
autres, moi, j'ai des messages qui sont assez pas mal positifs, merci, là. Je
comprends que ce n'est pas l'allégresse sur le terrain, c'est normal,
mais je n'ai pas la même lecture que vous.
Maintenant, et ça a été dit ici à plusieurs reprises, ce qui a été fait dans la
dernière, entre guillemets, réforme,
là, c'est vrai que ça n'a pas été parfait, mais ce n'est pas vrai que ça a tout
été négatif. Ça, ce n'est pas vrai,
là. Il y a des choses significatives qui ont été faites et qui méritent, et
pas... non seulement elles méritent, mais
qui devront rester telles quelles puisque ce que l'on vise évidemment est de
faire en sorte qu'on intègre ce qui n'a pas été intégré.
Alors,
on peut, pour toutes sortes de raisons, noircir le tableau noir foncé, là, mais
il n'en reste pas moins qu'il n'est
pas noir foncé. Il n'est pas rose non plus, là, je suis d'accord avec vous,
mais ce n'est pas vrai que tout ce qui a été fait est négatif, ce n'est
pas vrai, là, ça, là. Je ne suis pas d'accord avec vous, là, mais pas du tout.
Vrai que certaines économies qui étaient
visées n'ont pas été faites, puis on sait pourquoi, parce qu'il n'y avait pas
les leviers adéquats pour faire en
sorte qu'on évite des dépenses intempestives. Ça, c'est arrivé par exemple,
bien d'accord. Ça n'arrivera pas cette fois-ci.
Maintenant,
pour ce qui est de l'hospitalocentrisme et des CLSC, ce projet de loi là vise à
faire le contraire, et ça, ça a été
dit à tour de bras. Je comprends que vous ne trouvez pas un bout dans le texte
qui va le justifier, mais en même temps
ça ne justifie pas qu'on conclut d'une façon aussi affirmative que la vôtre que
la réforme actuelle va être ultra, ultra, ultrahospitalocentriste. C'est correct, là, ça fait partie d'un certain
discours, mais il n'y a rien qui indique ça, surtout pas à partir du
moment où moi, je vous indique le contraire.
Et, pour ce qui est
des CLSC, les CLSC, c'est vrai qu'ils ont eu à coordonner leur travail plus
avec l'hôpital, mais je n'ai pas vu aucun
CLSC, moi, se transformer en hôpital puis je n'ai pas vu aucun CLSC changer
profondément sa mission nulle part.
Nommez-moi un CLSC, là, qui est devenu une clinique sans rendez-vous mur à mur,
à la merci des médecins, tiens. Il
n'y en a pas. Ils font encore ce qu'ils faisaient, là, ils font un peu de
première ligne, ils font de la pédiatrie, ils font du domicile, des soins à domicile, ils font tout ça, là, ils
font la santé mentale, ils font du communautaire au sens large du terme, là, et je fais référence à
l'arrimage entre le non communautaire et le communautaire, ils font des prises
de sang, ils font... Écoutez, là, les CLSC, là, ce n'est pas vrai, là, que ça a
été transformé à 180 degrés.
On
peut prendre tous les éléments du système de santé, là, puis, cet après-midi,
on a tous les représentants syndicaux, bien,
je dis à tout le monde qui est en arrière : Attelez-vous, là, parce que je
suis aussi, moi, dans ce système-là. J'en sors et je ne vois pas ce que vous voyez, puis vous ne pouvez
pas faire la démonstration que les CLSC ont été détruits et qu'il n'y a pas eu d'amélioration dans le système. Je ne vous
dis pas que c'est parfait, par exemple, mais le tableau noir, noir foncé, là,
et les prédictions sombres que vous faites, bien, dites-moi sur quoi vous les
basez, M. Boyer. Je comprends que vous
n'ayez pas été consulté, là, puis que vous auriez aimé l'être, et d'ailleurs,
l'opposition va poser la question, elle pose la question à tout le monde :
Avez-vous été consulté? Puis la réponse, c'est non. C'est facile, là. C'est un
projet de loi qui arrive, il arrive.
Maintenant, est-ce que ça disqualifie la valeur du projet de loi et sa
finalité? Moi, je pense que non, puis quelqu'un jugera dans quatre ans,
là.
M. Ouellet
(Jean-Pierre) : Mais, M. le ministre, qui avez-vous consulté pour élaborer
le projet de loi n° 10? Sûrement pas
les acteurs sur le terrain. Vous avez manqué un rendez-vous important le 16 juin
de cette année, le premier grand
rendez-vous national de la santé organisé par une organisation patronale, qui
est l'AQESSS, et le mouvement syndical, et tous les intervenants, les
ordres professionnels étaient présents et vous n'étiez pas présent. Qui
avez-vous consulté, M. le ministre?
M. Barrette : Parce qu'à ce
moment-là j'étais en train de l'écrire, là...
M.
Ouellet (Jean-Pierre) : M. le
ministre, laissez-moi terminer, M. le ministre, laissez-moi terminer, M. le
ministre. Le réseau de la santé,
c'est le plus gros ministère, c'est un gros paquebot, et, à chaque réforme, il
y a des hommes et des femmes sur le terrain qui vivent les changements
et qui doivent opérationnaliser ces changements-là.
Qui avez-vous
consulté pour faire cette réforme-là? Je vous ai posé une question l'autre
jour : Est-ce que vous serez
présent au prochain rendez-vous le 9 décembre où on va aborder les solutions
pour améliorer le réseau de la santé et
des services sociaux? Vous m'avez fait comme réponse que vous seriez absent.
Moi, vous pouvez bien être dans votre tour
d'ivoire, M. le ministre, mais ce réseau-là est composé de milliers d'hommes et
de femmes qui dispensent des services à tous les jours, et cette réforme-là, avec des établissements, comme on
va voir en Montérégie, de 32 000 salariés, où est-ce qu'on se fait déjà poser la question par les
salariés : Où on va se ramasser demain matin? Est-ce que je vais devoir
travailler à 100 kilomètres de chez
nous?, ce sont des hommes et des femmes qui dispensent les soins de santé à
tous les jours, nous ne croyons pas
que c'est une manière de mobiliser votre personnel, parce que vous êtes
responsable de ce ministère-là, et de la manière que vous élaborez le projet
de loi n° 10, ça se transforme...
Le
Président (M. Tanguay) : À
ce stade-ci, vous allez me permettre juste de faire une mise au point pour que
nos débats se poursuivent dans la sérénité.
Nous avons ici, à l'Assemblée
nationale, l'article
32, qui prévoit un décorum. Alors, on
va continuer à consulter de façon sereine, constructive. On peut se dire des
choses, on peut être totalement en désaccord, mais on va continuer ça sur
un bon ton. Alors, M. le ministre.
M.
Barrette : Alors, pour
répondre à votre question, pour ce qui est de l'AQESSS, je vais vous donner
la réponse. L'AQESSS a-t-elle résolu
les problèmes du système de santé dans les 15 dernières années? La
réponse, c'est non. Alors, à un
moment donné, les organisations qui ont la responsabilité de la gestion et de... peut-être
pas la responsabilité, mais qui participent très activement à
cette gestion de cette organisation-là ne la trouvent pas, la solution, et
n'arrivent pas à améliorer. Puis ce n'est pas
faute d'efforts, c'est juste que le cadre où on est actuellement, ils ne peuvent pas y arriver.
Alors, quand vous me demandez d'aller à ce sommet-là qui est piloté par
l'AQESSS, j'ai des réserves personnelles qui sont évidentes.
Maintenant, pour ce qui est de la Montérégie
pour prendre votre exemple, je l'ai dit ici, là, les commissions parlementaires servent à recevoir ces commentaires-là et faire certains ajustements à la suite. Et
j'ai déjà laissé entendre clairement sur la place
publique, puis je peux vous le redire ici aujourd'hui, que des ajustements, il
y en aura pour la Montérégie. C'est à ça que
ça sert, la commission parlementaire. Alors, moi, il ne me reste à peu près
plus de temps, là, M. le Président.
Le Président (M. Tanguay) : Il vous
reste à peu près 3 min 30 s.
M.
Barrette : Ah! il me reste trois minutes? Ah! j'ai mal chronométré mon
affaire. Alors, ça sert à ça, les commissions
parlementaires. Alors, les commentaires qui ont été faits en Montérégie vont
résulter en des aménagements.
M. Ouellet
(Jean-Pierre) : Ça serait bon
pour plusieurs régions du Québec, la Capitale-Nationale, un seul CISSS...
M.
Barrette : Bien, qui vous dit qu'on n'en fera pas? Et ça aussi, là,
c'est passé dans les journaux, c'est passé dans les journaux, là. J'ai déjà annoncé que certains ajustements
étaient envisageables. Mais ça, ça passe par les audiences qui sont ici et ça passe après ça par des
amendements lorsqu'on fera l'étude article par article, mais ça sera la
conséquence et le décours normal de ces audiences-ci, incluant la vôtre.
Moi, encore
une fois, je vous relance avec la même question : Spécifiquement, dans le
projet de loi actuel, il y a des choses spécifiques que vous voulez voir
changer ou non, à part le retrait complet, là?
M. Ouellet
(Jean-Pierre) : Vous avez
compris, mais, M. Barrette, je peux juste vous dire une chose : Peut-être
que vous pouvez percevoir — puis
on s'est un petit peu défoulé, là — ...
M. Barrette : Je vous comprends.
M. Ouellet
(Jean-Pierre) : ...qu'on voit
tout en noir. On ne voit pas tout en noir, on est fiers de ce réseau de la
santé puis des services sociaux qu'on a. On
en est fiers, mais, à toutes les fois, on dirait que les ministres de la Santé
qui se succèdent sont tous plus imaginatifs les uns que les autres, et
ce qu'on a à nous proposer comme solution, c'est un rebrassage de structures. Et c'est ça qui nous inquiète parce que...
Écoutez, on est fiers de notre système de santé publique, là, et on veut le conserver puis on veut
l'améliorer, mais on ne pense pas que c'est en rebrassant ses structures qu'on
va y arriver, parce que, je vous l'ai
dit tantôt, ça a pris 10 ans, puis même qu'on n'est pas au bout de nos 10 ans,
là, on n'est pas passé au travers
encore des fusions, de la création des CSSS et là on va tout rechambarder
encore. Je vous le dis, on est inquiets.
Puis vous me dites que les CLSC n'ont pas perdu de pouvoir. Je m'excuse, on ne
leur a pas donné les moyens qu'ils devaient avoir dans ce réseau-là. On
est inquiets.
Vous me parlez
de services à domicile. Il y a tellement peu de moyens qu'on a donnés aux CLSC
que la communauté est obligée de se
prendre en main, puis il y a des entreprises d'économie sociale qui donnent des
services et des soins aux personnes
âgées qui sont à domicile parce que le CLSC, on ne lui a pas donné les moyens,
puis on va encore moins leur donner des moyens. Et, demain matin, je
vous le dis, c'est l'ensemble des services sociaux qui vont y passer, nos centres jeunesse, nos centres de réadap; ça nous
inquiète. Puis, si on a un bilan noir, là, si on fait un bilan noir... Je vous le
dis, là, on en est fiers, de notre réseau de la santé et on veut surtout
travailler à l'améliorer, mais on veut participer avec vous à l'amélioration
puis de trouver des solutions.
Le Président (M. Tanguay) : Je pense
que, Mme Levasseur, vous voulez intervenir.
Mme Levasseur (Lucie) : Oui, s'il
vous plaît. Merci.
Le Président (M. Tanguay) : Je vous
en prie.
• (15 h 40) •
Mme Levasseur (Lucie) : M. Barrette,
on vous a rencontré le 7 juillet dernier, et la première chose que vous nous avez dite, c'est : Si vous venez me voir
ce matin pour me convaincre que ça prend un service public de santé, ne perdez pas votre temps, je suis moi-même
convaincu. C'est exactement ce que vous nous avez dit le 7 juillet. Ce qu'on
voit dans le projet de loi, comme dit
Daniel, nous inquiète parce qu'on a l'impression que c'est de l'administration
privée vers où on nous envoie.
Quand vous dites que vous êtes allé sur le
terrain consulter les gens et que les gens sont favorables, comme Jean-Pierre, je me demande qui vous avez consulté parce que
nous, les gens qu'on rencontre, ils sont essoufflés, ils sont à bout, ils ne savent plus comment notre système
va se présenter dans les prochains mois, dans les prochaines années. Est-ce qu'ils vont garder leurs jobs? Alors, vous comprendrez, M. Barrette, que les consultations que vous avez faites, je ne sais pas où elles se situent, mais nous, sur le
terrain, nos travailleurs, travailleuses sont très, très, très inquiets, et
nous aussi.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ceci met fin au bloc d'échange avec le gouvernement. Je cède maintenant
la parole à notre collègue députée de Taillon pour un bloc de 12 minutes.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Levasseur, M. Boyer, M. Ouellet
et Mme Savoie, merci de votre présentation, merci de votre analyse.
Moi, je
regarde, et je nous entends tous, et je me dis : Il y a
une chose certaine, c'est qu'on veut protéger notre système public en santé. Et il y a également
un constat qu'on fait tous, c'est qu'il est vulnérable actuellement, il n'est pas dans un état de
stabilité. En pharmacie, on parle d'un état d'équilibre, là, dans... Et on le
sent fragile. Et donc l'ampleur et la
nature des modifications qui nous sont imposées par le projet de loi n° 10 nous amènent à le percevoir... à percevoir
ça comme le rendant encore plus vulnérable.
Et moi, je dirais que, dans le fond, il y a certains éléments que vous avez cités qui sont des approches concrètes. Et j'aime
le titre de votre mémoire : Une réforme inutile, des actions urgentes.
Il y a des moyens concrets,
pratiques qu'on peut mettre en place rapidement et qui n'ébranleront pas la charpente de notre
système public, et le ministre commence par faire l'inverse, et ça, c'est
inquiétant.
On aurait
besoin d'avoir des choses pour stabiliser notre système actuel avant de le
rebrasser. Et il y a quelque
chose
qui m'apparaît déterminant aussi, c'est dans le modèle de gouvernance, parce que
le titre de ça, c'est de la gouvernance,
et, dans la gouvernance... On peut exercer une gouvernance avec de la
coercition et, dans certains cas, dans certains
types d'organisations peut-être... mais rarement ça s'applique. Mais ce qui est
certain, c'est que, dans un réseau de santé, c'est un réseau qui
travaille avec des humains pour des humains, et la coercition, elle ne donnera
jamais la performance qu'on attend. Donc, ça
prend beaucoup plus de la mobilisation, de l'appropriation, et
ça, ça fait partie d'un modèle de
gouvernance qui est sain, et c'est ça qu'on n'entend pas actuellement, je pense, du ministre, et c'est ça qu'on voudrait entendre, lire et vraiment retrouver par écrit. On a également
seulement un morceau du casse-tête, et tous les
autres nous sont, à ce moment-ci, non accessibles.
Alors, je pense que ce que vous traduisez, c'est
ce grand inconfort et ce sentiment d'absence de transparence qui est nécessaire
pour prendre des décisions éclairées. Vous êtes des gens qui avez cette
approche-là habituellement.
Alors, je vous demanderais tout simplement :
Si vous aviez à faire des recommandations dans la séquence, qu'est-ce qui devrait être fait actuellement pour
que notre système de santé soit préservé et plus performant? Puis, ensuite,
je passe la parole à mon collègue de Rosemont, le député de Rosemont.
M. Boyer
(Daniel) : Écoutez, je vais
vous répéter ce qu'on répète depuis 10, 20, 30 ans, hein? Vous avez parlé
de mobilisation des acteurs dans le réseau;
la solution, elle est là. Pour trouver des solutions aux problèmes, je ne
dirais pas «graves» du réseau, là,
parce que je veux bien peser mes mots, mais il y a des problématiques qui sont
là depuis des années puis qu'on
n'arrive pas à trouver des solutions, bien il faudrait mettre au jeu les
acteurs, il faudrait mettre au jeu les hommes, les femmes qui
travaillent dans ces réseaux-là. Puis ça, on ne l'a pas...
Puis j'ai déjà
posé la question au ministre, j'ai dit : Vous voulez abolir 1 300
postes de cadres — je ne
suis pas le défenseur des cadres ici, là, mais, en même temps, ça prend
un minimum d'encadrement dans ces grands réseaux là — vous
voulez abolir 1 300 postes de cadres, vous voulez abolir certaines tâches
administratives, une certaine bureaucratie. Est-ce que vous ne pouvez
pas le faire dans le réseau actuel? Pourquoi tout rebrasser ce réseau-là?
Moi, je pense
que les solutions peuvent être amenées dans le réseau actuel qu'on connaît,
mais en donnant aussi à chacune des
parties d'un CSSS ou à l'ensemble des établissements qui donnent des services
sociaux la possibilité de réaliser le
mandat qu'ils ont, sinon on n'y arrivera pas, sinon on n'y arrivera pas. Puis
effectivement vous avez tout à fait raison,
je l'ai mentionné d'entrée de jeu, là : toute réforme, il faut mobiliser
les acteurs, il faut mobiliser les personnes qui vont mettre en place cette réforme-là, et ce n'est pas le cas. On a
plutôt tendance à voir qu'il y aura des conséquences à ceux qui n'obéiront pas aux ordres du boss, là,
et ça, je vous avoue que ça nous inquiète. Ça nous inquiète surtout quand
c'est une grande réforme comme celle-là et
qu'elle vise autant de travailleurs, travailleuses parce que c'est notre plus
grand réseau
public. Puis, écoutez, c'est du monde qui rendent des... Vous l'avez dit, c'est
des hommes, des femmes — Jean-Pierre l'a mentionné tantôt — qui
rendent des services à une population vulnérable. Je ne reprendrai pas les
termes qu'on a entendus hier à la commission Charbonneau, là, mais c'est du
monde qui... les gens qu'on représente, ils rendent des services à du monde vulnérable. Ne les rendons pas vulnérables, s'il
vous plaît, ne les rendons pas vulnérables, parce que, là, ça va être du monde vulnérable qui vont rendre
des services à du monde vulnérable, là, ça ne sera pas drôle pas du tout.
Il y a du monde qui se dévoue jour après
jour dans ce grand réseau de la santé là, et je pense qu'ils n'ont surtout pas
besoin d'une réforme de structure, surtout pas besoin.
Mme Levasseur
(Lucie) : Et, si vous permettez, posons-nous la question simple qui
est là depuis le début : Est-ce que ça
règle deux priorités majeures : réduction de l'attente à l'hôpital, accès
à un médecin? Est-ce que le projet de loi règle ça? Je pense que la
réponse, c'est non.
M.
Lisée : Mme Levasseur, M. Ouellet, M. Boyer,
heureux que vous soyez là. Vous m'avez vu, au cours des années et dans plusieurs de vos instances, faire des
conférences, dans vos collèges de formation aussi, vous dire deux choses :
Essentiellement, que l'avenir du secteur
public dépend de la capacité du secteur public à repousser toutes les
tentatives de privatisation, et
ça, ça passe par une mobilisation de la base, c'est-à-dire de vos
salariés, pour constamment être une force de proposition, hein,
c'est constamment ce que je vous ai dit, être une force de proposition plutôt
qu'une force seulement de revendication pour
apporter des solutions pour une amélioration constante du service. Et ceux qui,
même dans le secteur privé, sont un
peu éclairés savent que la moitié des innovations viennent des salariés si on
leur laisse la chance et si on les motive, si on les reconnaît, si on
les valorise... en particulier des gains de productivité.
Alors,
effectivement, la meilleure réforme possible et celle que je propose depuis des
années, c'est de harnacher les bonnes
volontés des salariés et des cadres. Et là ce qu'on a comme réforme, c'est une
réforme qui dit que c'est seulement le
ministre qui sait ce qui est bon, qui va nommer tout le monde et qui va abolir
finalement les instances dans lesquelles les salariés et les autres acteurs pouvaient faire des propositions.
Alors donc, je suis d'accord avec vous, ça va dans le sens inverse d'une
bonne gestion des choses.
Et, juste une
remarque avant de vous poser une question, le ministre tout à l'heure a dit
qu'il y a des gens qui n'osent pas dire
publiquement le bien qu'ils pensent de la réforme. Bien, c'est particulier
parce qu'on devrait s'attendre à ce
que tout le monde en dise du bien. Compte tenu que c'est le ministre qui va
nommer tous les membres des conseils d'administration, les membres des
comités d'experts, tous les directeurs généraux et tous les directeurs généraux
adjoints, on penserait qu'il y a des
centaines de personnes voulant être nommées qui disent du bien de la réforme.
Le fait qu'ils n'en disent pas de
bien devrait nous indiquer qu'il n'y a pas grand monde qui ose même en dire du
bien, même si c'est dans leur intérêt personnel d'attirer l'attention du
ministre.
Il y a une chose que vous relevez là-dedans :
évidemment qu'on va mobiliser une énergie folle pendant plusieurs années à essayer de réformer des structures, mais
ce que vous dites aussi, c'est qu'en fait la création de ces supramégacentres
suprarégionaux va obliger la renégociation
des ententes collectives pour leur donner une fausse homogénéité sur des larges
territoires.
Je
voudrais que vous m'expliquiez un peu, là, en quoi votre énergie, plutôt que
d'être centrée sur l'amélioration des soins, va être canalisée dans une
immense renégociation.
• (15 h 50) •
M. Boyer (Daniel) : Je commencerais... Avant de vous parler des négociations, je vous
dirais que l'énergie des gestionnaires
du réseau et du personnel du réseau va être concentrée à revoir cette
structure-là, parce qu'écoutez je dis souvent, non pas à la blague, puis
c'est assez sérieux : Un établissement... des fusions d'établissements, de
monstres comme ceux-là, ce n'est pas vrai
qu'à 23 h 59 on a 10 établissements puis qu'à minuit on en a un.
Vous savez ce que ça demande, et
c'est très complexe, dans un réseau qu'est celui de la santé. Vous avez un
territoire donné, je prends celui, exemple, de la Montérégie et là je ne
sais pas combien il y a de services... qu'il y a d'urgences en Montérégie, mais
mettons qu'il y en a cinq. Il faut toujours bien se poser la question :
Est-ce qu'on en maintient cinq? Puis, si on n'en maintient pas cinq, on les
maintient où? Puis on attaque quel personnel? Et là, pour vous dire, là, j'ai
juste parlé des urgences, là. Donc, vous imaginez les énergies que le réseau,
le personnel du réseau, les cadres du réseau, ceux qui réfléchissent à l'organisation
des soins, l'organisation des services, l'organisation du travail vont mettre
de temps et d'énergie juste pour l'organisation de ce nouveau réseau là, de ces nouveaux CISSS là. C'est démentiel.
Comme on en a mis dans la négociation de chacune des ententes dans chacun de ces nouveaux CSSS il y a
10 ans, on devra en remettre encore.
Et
là, écoutez, je ne le sais pas, comment est-ce qu'on... on réussit toujours. Vous savez, le milieu syndical a cette facilité de s'adapter, même
dans des périodes difficiles, on réussit toujours, mais ça va
devenir complexe tantôt de négocier ces
grandes conventions collectives là. À l'époque, on appelait ça des conventions
locales. Là, ça ne sera plus des conventions locales, je vous avoue que ça va quasiment être des conventions
nationales pour chacun des CISSS. Mais je vous avoue que ça va être
compliqué, avec plein de missions, plein de sites, et là, plein de sites, là...
Juste celui dans Chaudière-Appalaches, je
pense qu'il y a 26, 27 sites au moment où on se parle. Imaginez-vous, là, après les fusions : du personnel
qui travaille dans un et même plusieurs
sites... Je ne sais pas ce qu'on va être capables de négocier, comment on va être
capables d'organiser le travail, même
au-delà de la négociation de la convention
collective, comment on va être
capables d'organiser les soins. Je ne le sais pas.
M.
Lisée : On dit
souvent — et
légitimement — que
les conventions collectives trop précises enlèvent la fluidité dans l'organisation du travail et l'amélioration des processus,
mais, si les conventions collectives sont adaptées localement, elles peuvent être plus proches du réel, et on
sait que, localement, les gens ont beaucoup plus de fluidité. Mais là on vous impose
des conventions collectives suprarégionales qui vont mettre de la rigidité dans
le système.
M. Boyer (Daniel) : Vous avez tout à fait raison. Plus on va
négocier gros, plus ça va être rigide, plus on va tenter d'avoir un pattern pour l'établissement qui sera dorénavant le CISSS, et moins ça va correspondre à la
réalité de chacun des sites où nos gens vont travailler et où les services
seront donnés. Ça, c'est bien évident.
M.
Lisée : Il me reste
une minute. Seulement sur la question du privé dans la santé, le ministre
vous a dit en privé, il l'a dit en
public, que lui est un tenant du secteur public. Vous connaissez ma position là-dessus
aussi, je pense qu'il
faut plus de public, moins de privé, et je suis intéressé à plusieurs
des propositions que vous avez faites, qui devraient être examinées. Mais ce que vous introduisez dans votre
mémoire, c'est de dire que le management privé, avec cette réforme, va dominer les conseils d'administration qui vont
rester, et c'est pourquoi la chambre de commerce s'est dite si contente de la réforme parce qu'elle, elle y voit de
meilleurs partenariats avec le privé. Alors, pourquoi est-ce que la chambre de
commerce comprend le contraire de ce que le ministre pense?
M. Boyer (Daniel) : Parce qu'elle y voit un intérêt, bien évidemment. L'introduction du
privé dans la santé... Je ne sais pas
combien il y a d'organisations qui sont venues dire qu'elles étaient favorables
à l'implantation du projet de loi n° 10, mais, en tout cas, je sais
que la fédération des chambres de commerce est favorable parce qu'on y voit une
opportunité d'intégrer le privé dans la
santé, encore plus de privé, et d'occuper les sièges administratifs,
effectivement. Si on veut des
administrateurs agréés, entre guillemets, sur nos conseils d'administration et
moins de place pour la société civile, bien, évidemment, là, comment
vous pensez qu'elles vont se prendre, ces décisions-là?
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup.
M. Boyer
(Daniel) : Ils vont favoriser...
Le
Président (M. Tanguay) :
Merci. Ceci met fin à l'échange. Maintenant, nous allons céder la parole au député de La Peltrie pour un bloc de
8 min 30 s.
M.
Caire : Merci, M. le Président. Dans votre présentation, vous avez abordé assez rapidement
la question des cadres.
En tout cas, de mon point
de vue, puis je ne sais pas comment
vous, vous voyez ça, mais c'est un problème qui a
été reproché au réseau de la santé
d'être suradministré, de générer beaucoup de bureaucratie et d'avoir un personnel
d'encadrement qui était nettement supérieur à ce qui serait potentiellement
requis.
Maintenant,
j'aimerais comprendre votre démarche, parce que vous dites qu'il est possible
de réduire la bureaucratie dans le contexte actuel, mais, en maintenant plusieurs
entités, vous n'avez pas le choix d'avoir plusieurs responsables administratifs dans chacune des entités. Donc, à part
regrouper des services et donc regrouper les entités administratives,
comment vous faites pour diminuer la bureaucratie et alléger la structure?
M. Boyer (Daniel) : Écoutez, il ne faudrait pas non plus voir la bureaucratie comme quelque
chose de négatif, hein, je veux dire,
ça en prend, une certaine bureaucratie, ça prend une certaine administration
des services et des soins. Bon. En
même temps, j'y fais toujours référence parce que c'est ce qui est arrivé il y
a 10 ans. Quand on a fusionné les établissements, il y a eu
effectivement une baisse du taux d'encadrement parce qu'on a regroupé des
services et on a constaté au fil du temps
que le personnel d'encadrement a augmenté
plus rapidement que le personnel qui donne des services et des soins au fil des années. Aujourd'hui, en
pourcentage, il y a plus de cadres en pourcentage qu'il y en avait en 2003, et le pourcentage de salariés a beaucoup moins
progressé que le nombre de cadres.
Donc,
oui, on va économiser sur le nombre de cadres au moment où on va implanter.
Mais, écoutez, quand on regroupe les services, on peut penser qu'on fait des économies
d'échelle, mais là je vous avoue que l'échelle... La façon de diminuer la bureaucratie dans le système
actuel... bien, évidemment, il faudrait peut-être qu'il y ait un peu moins de reddition de comptes, parce
que, là, tout le monde fait sa reddition de comptes, tout le monde. Puis là je
vous dirais qu'avec le projet de loi
n° 10 il devra y avoir encore plus de reddition de comptes pour la bonne
et simple raison que c'est comme le
ministre qui va tout décider, et lui est imputable parce que c'est un élu, et
il va exiger de la reddition de comptes davantage qu'au moment où on se parle. Puis nous, on pense qu'il faut
qu'il y ait de la reddition de comptes, mais trop, c'est comme pas assez. Et de
remplir 20 000 requêtes pour avoir accès à quelque chose, c'est peut-être
un problème, mais c'est un problème qui se règle dans le réseau actuel,
là.
M.
Caire : Je vais faire du pouce sur ce que vous avez dit
parce que c'est important. Je pense que vous avez raison quand vous dites qu'il y a beaucoup de reddition
de comptes qui se fait, pas mal pour la même affaire. En fait, l'AQESSS nous a dit : Écoutez, sur 240 rapports, il y
en a 90 qui sont dus au ministère, 150 qui sont dus aux agences, puis là-dessus
il y en a un paquet qui se dédoublent. Mais
justement, si on abolit les structures... Chaque structure qui fait une demande
de reddition de comptes, si la structure
n'est plus là, les agences, ils n'en demanderont plus, de redditions de
comptes, ils n'existeront plus. Alors, est-ce qu'il n'y a pas justement
là une opportunité de diminuer cette surreddition de comptes? Et, encore une fois, si vous gardez 95 établissements,
bien, vous n'avez pas le choix, ça vous prend 95 D.G., 95 directeurs des
ressources humaines, 95 directeurs des ressources informatiques, puis ça, c'est
des choses qui peuvent être... Je
comprends votre préoccupation de décision de terrain, mais, quand on parle de
gestion de système informatique...
Puis je voudrais faire aussi du pouce sur ce que
madame a dit tout à l'heure. Moi, je viens du milieu de l'informatique, puis la raison de l'échec du DSQ, c'est justement que
tout le monde implantait son système informatique, mais il n'y en a pas un qui se parle, il n'y en a
pas un maudit qui se parle. Donc, pourquoi ne pas avoir justement un système
informatique national? Ça, il faut s'assurer qu'il est compatible, là, donc, il
n'y en a pas de problème.
Donc, j'essaie... Dans votre logique,
là, j'essaie d'avancer puis dire : Mais, si on fait cette intégration-là
des services, ce regroupement-là des
services, ça ne va pas plutôt dans le sens de ce que vous souhaitez : des
systèmes informatiques plus compatibles, plus performants, moins de
surreddition de comptes parce que moins d'entités qui demandent des informations à tout le monde, moins de cadres qui
font tous la même affaire? Vous ne voyez pas au contraire qu'il y a là une opportunité... puis ce n'est pas parfait, là,
je suis d'accord avec vous, là, il y a des grosses améliorations à apporter,
mais il y a quand même une opportunité d'aller dans le sens de ce que vous
souhaitez, non?
M. Boyer (Daniel) : Oui, mais on pense que ça se fait dans le réseau actuel. Ça peut se
faire dans le réseau actuel. Je veux
dire, un système informatique unique, là, est-ce qu'on a besoin d'avoir un seul
établissement de santé au Québec pour
avoir un système d'informatique unique? Bien non, on peut implanter ça. Tant
mieux s'il y a un meilleur partage de l'information, mais...
M.
Caire : ...autonome, M. Boyer, le problème, c'est que chaque
entité choisit son système informatique, c'est ça, le problème qu'on a rencontré, là, à toutes fins utiles, là. Je
partage votre préoccupation sur le DSQ, là, mais ça reste que chaque région était responsable de son propre
développement de ses propres bases de données, de ses propres réseaux. À
un moment donné, tout le monde ne va pas dans le même sens, là. Ça, c'est
malheureusement humain, là.
M. Boyer
(Daniel) : Mais, vous voyez, il y a 10 ans, on s'est dit la même
affaire : On va avoir moins de bureaucratie,
moins d'administration, moins de cadres, puis on se ramasse aujourd'hui à
l'inverse, on en a plus qu'on en avait il y a 10 ans. Pourquoi?
M.
Caire :
Mais je suis d'accord avec vous, là, il y a un devoir de vigilance, là.
M. Boyer (Daniel) : On a créé de grands établissements, puis ça va demander de la... il
faut que ça se parle, ce monde-là. Ça a bien beau être une seule
administration...
M.
Caire :
On s'entend.
M. Boyer (Daniel) : ...mais, quand vous avez 50 sites, je m'excuse, là, mais il va falloir
que ça se parle, tout ce beau monde là, là, sinon on va avoir un méchant
problème, là.
M.
Caire :
Mais, à 50, c'est difficile, imaginez-vous à 128.
M. Boyer (Daniel) : Non, mais je vous dis 50 sites par établissement, par CISSS, parce
qu'on va avoir le même nombre de sites demain matin, là.
M.
Caire :
D'établissements physiques, vous voulez dire, là.
M. Boyer
(Daniel) : Oui, oui, d'établissements physiques, oui, oui, tout à
fait.
M.
Caire :
Je suis d'accord. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole
à la collègue députée de Gouin pour une période de trois minutes.
• (16 heures) •
Mme
David (Gouin) : Merci, M. le Président. Pour continuer dans la... pas
dans la logique, mais dans la foulée de
ce que le collègue vient de demander, ma petite analyse à moi, c'est que la
nature ayant horreur du vide, si on crée un CISSS par région, à l'exception de Montréal où il y en a cinq, oui, à un
moment donné, on va retrouver un certain nombre de cadres additionnels,
parce que c'est tellement gros qu'on va finir par créer des directions
sous-régionales. C'est mon impression. Est-ce que vous partagez cette
impression?
M. Boyer (Daniel) : C'est ce qui est arrivé... c'est ce qui arrive dans le réseau actuel.
Vous avez bien beau dire que vous
avez dorénavant un directeur des ressources humaines par CSSS, mais il y a
combien de directeurs adjoints, il y
a combien de sous-adjoints, il y a
combien... Écoutez, il y a des CSSS à Montréal qui ont 50,
75 personnes aux ressources humaines. C'est d'immenses services de
ressources humaines, là.
Mme
David (Gouin) : Donc, en termes de bureaucratie, en termes de nombre de cadres, ce n'est pas parce qu'on
a un seul établissement par région qu'on est
en train de résoudre ce problème de peut-être une trop grande bureaucratie, un trop
grand nombre de cadres.
Mais je veux vous
amener aussi, dans le temps que j'ai, qui est court, sur un autre terrain. On a
brièvement évoqué la question de la
négociation des accréditations syndicales. Moi, j'aimerais que vous nous en
disiez un petit peu plus long. Parce
que, si jamais cette réforme devait être mise en oeuvre dès le
1er avril prochain — ce
qui est le souhait du ministre, je
pense — est-ce
qu'on ne se retrouve pas dans une situation assez particulière d'à la fois
entreprendre des négociations de
centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs du secteur public
pour leurs conditions de travail et, en même temps, toute cette
redéfinition de leurs lieux de travail, des établissements? Comment vous voyez
ça?
M.
Boyer (Daniel) : Je l'ai dit tantôt, on a cette faculté de s'adapter,
mais en même temps on voit ça assez important
comme changement, là. Un, il y a la négociation, bien sûr, des conditions de
travail; il va y avoir les fusions d'établissements; il va y avoir,
suite à la négociation, un redécoupage des accréditations syndicales,
inévitablement. Et je vous avoue que la vie syndicale dans ces établissements-là
est très difficile au moment où on se parle.
Quand
on est sur un territoire... Puis ça va être encore plus difficile pour la suite
des choses, là, avec les établissements
monstrueux qu'on aura. Quand vous avez un territoire de 120 kilomètres,
26 sites sur le territoire, comment vous faites pour avoir une vie syndicale active, alors qu'il y a
des gens qui ne se rencontreront jamais dans leur vie alors qu'ils font partie
d'un même syndicat? C'est très difficile d'avoir une vie syndicale.
Maintenant,
j'entends la réponse du ministre qui va me dire : Oui, mais c'est les
patients qui m'intéressent, ce n'est
pas la vie syndicale. Mais, en même temps, ceux qui donnent les services puis
les soins, là, c'est les travailleurs puis les travailleuses, puis je pense qu'il faut qu'ils se retrouvent dans
leur vie syndicale, il faut qu'ils se retrouvent comme travailleurs,
travailleuses, il faut qu'ils se retrouvent dans les conditions de travail dans
lesquelles ils oeuvrent.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ceci met fin à l'échange. Alors, je remercie les représentantes,
représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.
J'invite
maintenant les représentants de la Coalition des tables
régionales d'organismes communautaires à prendre place, et, dans
l'intervalle, je suspends nos travaux.
(Suspension de la séance à
16 h 3)
(Reprise à 16 h 6)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue à nos prochains invités,
les représentantes de la Coalition des tables régionales d'organismes communautaires. Alors, bienvenue à l'Assemblée nationale.
Vous
disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation. S'il vous plaît, prendre le temps de bien vous
identifier pour les fins d'enregistrement, et par la suite s'ensuivra une période d'échange avec les parlementaires.
Alors, la parole est à vous.
Coalition des tables régionales d'organismes
communautaires (CTROC)
Mme Cyr (Claudelle) : Alors, Claudelle Cyr, directrice du Regroupement des organismes
communautaires de l'Estrie et représentante pour la Coalition des TROC
aujourd'hui.
Mme Lapierre (Valérie) : Oui, et Valérie Lapierre, représentante aussi
pour la Coalition des TROC. Je suis au ROC-03, à Québec.
Mme Cyr (Claudelle) : Alors, merci. Donc, la Coalition
des tables régionales d'organismes
communautaires réunit 14 regroupements
régionaux d'organismes qui représentent des milliers d'organismes de base qui
oeuvrent au sein du secteur de la santé
et des services sociaux. La CTROC a comme mission d'analyser l'organisation du
réseau public de la santé et des
services sociaux et ses impacts sur la population et sur les organismes. Elle
permet aux organismes communautaires
en santé et services sociaux, tous secteurs d'intervention confondus, d'avoir
une instance nationale qui fait la promotion... et leurs intérêts et
ceux de la population auprès desquels ils interviennent.
Nous
sommes aussi reconnus comme interlocutrices importantes auprès du ministère de
la Santé et des Services sociaux, et
on est membres du Réseau québécois de l'action communautaire autonome, de la
Coalition Solidarité Santé et de la Coalition opposée à la tarification
et la privatisation des services publics.
Donc,
depuis la réforme Côté, les organismes communautaires, on a vu notre apport
reconnu par la Loi en santé et services sociaux, mais parallèlement on a
dû faire preuve de vigilance à plusieurs reprises afin de protéger notre autonomie et notre spécificité et afin que l'État
ne nous perçoive pas comme de simples dispensateurs de services sociaux.
Ce
qu'on remarque, c'est que le projet de loi n° 10 introduit une fois de
plus une nouvelle gouvernance dans le réseau de la santé. C'est une
continuité, en fait, avec la loi qui était à l'époque le projet de loi
n° 127, la Loi visant à améliorer la gestion du réseau de la santé et des
services sociaux adoptée en juin 2011, pour laquelle nous étions déjà intervenus.
En plus d'avoir de
grandes craintes quant à l'importance qui va être accordée à la prévention et
aux services sociaux dans la nouvelle
structure — je pense
que ce n'est pas une nouveauté depuis le début de la commission, mais on
va marteler encore — de
même qu'à la place réservée à la population et aux organismes communautaires au
sein des décisions, nous sommes quand même... nous sommes aussi étonnés de
découvrir l'ampleur des pouvoirs du ministre.
Il
est d'ailleurs important de préciser que la CTROC souscrit au mémoire de la
Coalition Solidarité Santé, qui va
vous être présenté après nous, ainsi que celui produit par Damien
Contandriopoulos relativement aux objectifs que le projet de loi prétend
atteindre et à la perturbation que la loi risque de créer. Néanmoins, on a
décidé quand même d'intervenir, là, sur le projet de loi directement et de
formuler certaines recommandations.
Donc, par
rapport à la place des services sociaux et la prévention, bien, le projet de
loi prévoit une mégafusion de
l'ensemble des établissements sur un même territoire sociosanitaire, et nous
sommes fortement inquiets des dérives que pourrait
entraîner une telle fusion par rapport notamment à la diminution des ressources
allouées aux services sociaux et à la
prévention, entre autres toute la question de la Direction de la santé
publique, qui continue à relever de ce qui sera un CISSS. Donc, pour
nous, on ne sait pas qu'est-ce que ça va donner comme place pour la prévention.
Aussi, on a
la question des conseils d'administration des CISSS qui vont... Lorsqu'ils vont
être confrontés à des choix
budgétaires, quelles dépenses ils vont diminuer en premier, outre
l'administration? Nous, on craint que les programmes voués à la
prévention arrivent en deuxième place face aux besoins d'un centre hospitalier.
• (16 h 10) •
Donc, la
préoccupation qu'on a... Bien sûr, on n'a pas d'article de loi précis qui dit
qu'on va diminuer rien, il n'y a
pas d'article qui dit que les enveloppes
peuvent bouger nécessairement, mais en même temps les dommages collatéraux...
on craint à des dommages collatéraux.
Donc, pour nous, il faudrait s'assurer que la
mission préventive puis celle relative aux services sociaux soient protégées. C'est pourquoi qu'on fait la recommandation de prévoir un mécanisme pour protéger les ressources et les budgets
consentis à la mission préventive et aux services sociaux du réseau de la santé
et des services sociaux et un accès équitable pour ces missions aux nouveaux
budgets alloués, le cas échéant.
Sur la question de l'élargissement des pouvoirs
du ministre, on a entendu le ministre à plusieurs reprises en commission parlementaire parler de mesures qui sont transitoires. Donc,
nous, ce qu'on dit, c'est : Peut-être, mais dans le projet de loi actuel, il n'y a rien qui fait référence aux
mesures... à ce que ça serait des mesures transitoires. Bien, donc, on
va revenir là-dessus, mais ça, on tenait à le souligner.
Ce qu'on
craint, c'est une politisation du réseau de la santé et des services sociaux.
On est inquiets des pouvoirs de
nomination qui sont octroyés au ministre. Est-ce qu'il y a risque de nominations
partisanes, tous partis confondus, peu importe
quel parti serait au pouvoir une fois la loi adoptée? Donc, est-ce qu'il y
aurait risque de nominations partisanes? Il y a la question de
l'article 134 qui permet des sanctions aux conseils d'administration.
Donc, ça nous interpelle aussi. Donc, c'est pourquoi on recommande que
toute disposition donnant de nouveaux pouvoirs au ministre soit liée à la
mesure transitoire et que des délais d'application soient inscrits pour ces
mesures.
Sur la
question des mégafusions, c'est-à-dire l'article 129 du projet de loi, là aussi on a encore des inquiétudes. Est-ce qu'on est en train d'assister... On en parle beaucoup
dans notre mémoire : on est des regroupements régionaux, on est nés de la régionalisation.
L'article 129 pourrait permettre des méga-CISSS, donc plusieurs régions
ensemble. Pour nous, ça nous inquiète
énormément, donc on recommande de retirer du projet de loi cet article-là et d'abroger l'article 318 de la loi en santé
et services sociaux.
Sur la
question de parole citoyenne et communautaire,
évidemment, encore une fois, des inquiétudes. Ce qu'on voit, c'est un conseil d'administration d'experts.
À l'époque, le projet de loi n° 127, en 2011, c'était la même chose, on a
enlevé encore des pouvoirs citoyens et
communautaires. Dans la composition actuelle des C.A., on ne fait plus
référence aux citoyens. Mais non
seulement on ne fait plus référence aux citoyens, mais nous, comme organisme
communautaire, on a déjà un siège au
conseil d'administration de l'agence de la santé et des services sociaux et
donc... Puis on pense que notre
apport est intéressant et on recommande donc d'ajouter à l'article 11 du profil
des compétences le profil compétences communautaires et de voir comment
on pourrait avoir quand même des représentants de la population.
Sur la question de l'attribution des subventions
aux organismes communautaires, j'irais tout de suite sur la question du financement. Pour nous, on y a vu...
Là, je pense que c'est le bout qui nous interpelle le plus, au niveau du
financement. C'est qu'on a vu une possibilité de confusion sur l'étanchéité du
financement qui est alloué via notre Programme de soutien aux organismes
communautaires, le PSOC, et toute la question du financement par entente de
services qui est possible actuellement avec les CSSS.
Donc, ce qu'on voit actuellement, certains
organismes communautaires, en vertu de l'article 108 de la loi en santé, font des ententes de services avec les CSSS
pour de la dispensation de services. Donc, on parle d'achat de services à ce moment-là. Le CSSS fait une entente avec une
ressource alternative en santé mentale : Réserve-moi deux lits, puis là
il y a un échange, à ce moment-là, de services et d'argent.
Le projet de
loi actuellement dit : On garde le financement des organismes
communautaires ou régionaux aux CISSS.
Ça, là-dessus, nous, on est d'accord à ce que ça reste là, évidemment. Par
ailleurs, le financement des organismes communautaires, actuellement, au régional, c'est pour le financement à
notre mission, donc ce n'est pas pour de l'achat de services. Si on veut acheter nos services — ce qu'on n'est pas tout à fait d'accord,
mais, en entente, là, on s'entend que c'est négocié, c'est autre
chose — à
ce moment-là, c'est les CSSS.
Là, on
dit : Les CISSS... l'établissement régional va assumer les responsabilités
des articles 99.1 et suivants de la
loi en santé, mais ils vont aussi avoir un volet régional... qui sont pour les
organismes communautaires. Mais, nous, ça,
ça nous interpelle beaucoup, parce qu'on dit : Comment le même
établissement va pouvoir continuer à nous financer à notre mission via le PSOC puis, en plus de ça, il
va pouvoir nous contracter pour des services... directement de l'achat de services? Donc, est-ce qu'il y a un danger de
glissement? Est-ce qu'éventuellement on irait plus vers l'achat de services?
Ça, c'est des questions auxquelles le projet de loi ne répond pas, mais plutôt
nous interpelle.
Donc, c'est pourquoi on recommande que le PSOC
soit géré par un département distinct de celui qui sera responsable des autres formes de financement qui peuvent toucher les
organismes communautaires, donc : ententes de services, financement
par projet, etc.
La question
de la gestion budgétaire par programme-service aussi nous questionne. Est-ce
que nous, on va devoir souscrire à
une gestion comptable des programmes-services, compte tenu du type de
financement qu'on a à notre mission, qui
est le programme PSOC? On recommande donc d'exclure ce programme-là de la
gestion budgétaire par programme-service.
Ça n'empêche pas qu'une entente de service soit gérée autrement, c'est un autre
département. Mais, quand on parle du financement à la mission, nous, ce
qu'on demande, c'est de le sortir de la gestion par programme-service.
Finalement, sur la
question de la régionalisation, on l'a dit tout à l'heure, on est né de la
régionalisation. Évidemment, on va militer
en faveur de la régionalisation. Mais, au-delà de dire juste qu'on est né de là
et on veut ça, on voit quand même que
c'est important. Il y a des spécificités régionales, il y a des façons... il y
a des particularités aux régions, et
pour nous, donc, c'est incontournable que les régions puissent continuer à
faire des planifications stratégiques régionales
pour permettre justement une cohésion, même si c'est juste un CISSS au niveau
des services pour l'ensemble de la région.
Donc, ce
qu'on fait comme recommandation, c'est en lien avec l'article 64 du projet
de loi. On recommande donc que
l'établissement régional demeure responsable d'élaborer un plan stratégique
pluriannuel pour le territoire de sa région et que ce plan soit approuvé
par le ministre, conformément aux articles 346.1 et 346.2 de la loi en santé.
L'autre
recommandation par la suite, c'est qu'on dit que, dans le fond, la modification
de l'article 64, c'est en cohérence
avec la recommandation qu'on fait précédemment : que l'article 346.3 ne
s'applique pas à un établissement régional.
Évidemment, cet article-là fait référence à l'obligation des agences d'avoir
une table des directeurs généraux d'établissement, ce qu'il n'y aura
plus.
Sur la
question de Montréal, simplement rappeler notre recommandation. Je n'élaborerai
pas. Si vous avez des questions, on
reviendra. Donc, on recommande le maintien d'une structure de coordination
régionale du réseau de la santé et des services sociaux et que cette structure
devrait relever directement du ministère de la Santé et des Services sociaux
pour avoir l'autorité nécessaire face aux cinq CISSS de la région et autres
établissements. Et cette mesure devrait s'appliquer
aux autres régions pour lesquelles on songerait à implanter d'autres CISSS,
notamment la Montérégie, comme on a entendu tout à l'heure.
Dernière...
Autre spécificité pour nous, c'est la question du financement des programmes de
développement des ressources humaines
dans le milieu communautaire. L'article 78 du projet de loi, il donne les
pouvoirs de financement pour les activités de perfectionnement au
ministre de la Santé et des Services sociaux. Ce qu'on dit, c'est que c'est le ministère... le ministre qui va s'en occuper.
Actuellement, ce financement-là, on le reçoit de nos agences. Plusieurs de nos
regroupements font des demandes à part du
programme PSOC, à part du financement à l'admission. On fait une demande
de subvention avec un programme de formation
pour nos ressources humaines, pour la gouvernance aussi. Les conseils d'administration, on les supporte, on les
soutient, donc on a des formations aussi sur ça. On a des formations... Par
exemple, l'actuel projet de loi, on peut avoir une formation pour l'expliquer.
Mais ces argents-là viennent de l'agence en surplus au financement à
notre mission.
Donc là, ce
qu'on se retrouverait à faire, c'est : On fait une demande de notre
subvention à l'agence, mais tout le
programme de perfectionnement de nos ressources humaines, et de bonnes
pratiques, et de saines gouvernances, qui sont chères à l'Assemblée, ici, il faudrait faire la demande au ministre.
Nous, on dit : Bien, tant qu'à tout laisser au régional pour la question des organismes communautaires,
sur la question du financement des programmes de développement de ressources
humaines des organismes communautaires, on recommande donc de le laisser à
l'instance régionale, donc que ça soit aussi exercé par l'instance
régionale.
Finalement, en conclusion, la question des liens
entre les décideurs et bâilleurs de fonds et les organismes communautaires demeure au coeur de nos
préoccupations. Les membres de la CTROC participent depuis 20 ans à des travaux avec les instances régionales lorsque les
enjeux concernent notre milieu. Les regroupements régionaux ont mis en place des concertations avec les agences, avec les
acteurs concernés. On a des cadres de référence régionaux qui nous permettent,
là, de se gouverner au sein de notre région. Et on compte continuer à jouer ce
rôle-là auprès de l'instance régionale, peu importe son appellation.
Donc, on recommande que le ministre préconise la
participation des regroupements régionaux d'organismes communautaires au processus de transition avant l'implantation
éventuelle de la loi n° 10, ceci incluant les comités qui
pourraient travailler sur des enjeux touchant de près ou de loin les organismes
communautaires.
• (16 h 20) •
Les tables
régionales d'organismes communautaires ou les regroupements d'organismes
communautaires, on a des liens
vraiment privilégiés avec nos agences
de la santé, puis ça facilite beaucoup, d'une
part, le lien entre les organismes
justement sur le terrain et les décideurs. Ça nous permet de pouvoir aller aider
un organisme aussi qui ne va pas bien. Les agences vont nous appeler s'il
y a des difficultés, par exemple dans un conseil
d'administration, où est-ce que,
là, on peut intervenir puis justement aider à la bonne entente.
Donc, en
conclusion, nous tenons à dire qu'actuellement on est inquiets — on le
dit depuis tantôt — de
l'orientation que semble vouloir prendre le ministre par le biais de ce
projet de loi. Nous percevons ici de sérieuses menaces à l'existence et à la consolidation des services
sociaux qui sont essentiels au bien-être de la population québécoise. Le projet
de loi n° 10 annonce la création de
superstructures qui seront naturellement centralisées autour des centres
hospitaliers. Par exemple, les besoins d'une maison de jeunes pourraient
être vite oubliés lorsque viendra le temps de répartir les enveloppes jeunesse. Pire encore, les enveloppes
jeunesse pourraient être aussi limitées lorsque le centre hospitalier aura
besoin d'acheter un nouvel appareil diagnostique. C'est donc aussi l'approche
de prévention qui est menacée.
Surtout, la fusion de l'ensemble des
établissements locaux et la centralisation au sein d'un seul siège social pour l'ensemble d'une région sociosanitaire nous
interpellent particulièrement. La régionalisation visait à approcher les
décisions des citoyens en respect des spécificités des milieux, puis ça visait
à atteindre une meilleure prestation des services
adaptés, comme je disais tout à l'heure, aux réalités de chaque région. Un
pouvoir de décision centralisé permettra-t-il
une adaptation aux besoins régionaux? Assisterons-nous au retour de programmes
mur à mur inefficaces dans plusieurs régions? Finalement, qu'en
sera-t-il des services de santé et des services sociaux en région? Comment peut-on garantir le maintien de services dans une
municipalité rurale et éloignée des grands centres? Lorsqu'il sera question
de mettre en place les compressions
budgétaires, décidera-t-on d'essayer d'offrir des services d'urgence dans une
région desservant
à peine 5 000 personnes de population, alors que l'urgence de la
ville centre déborde et que des ressources supplémentaires doivent lui
être octroyées?
Dans
un contexte de compressions budgétaires, le présent projet de loi fait craindre
le pire à nos membres et à plusieurs
autres intervenants sociaux concernant la question entre autres de la
régionalisation et du fait qu'on s'éloigne du citoyen.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup pour votre exposé. Vous aviez
10 minutes de prévues; vous avez pris
16 minutes à la demande du ministre. Donc, il me priait de vous donner de
son temps pour vous permettre de conclure.
Alors, M. le
ministre, de 20, il vous reste 14 minutes.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, Mme Cyr et
Mme Lapierre, bien, bienvenue. Je vois que vous avez pris le temps de réfléchir et de vous présenter
pour nous faire une présentation — qui est un pléonasme — assez détaillée puis très orientée
sur le projet de loi. Je vous en félicite et je vous en remercie. Et vous
intitulez votre mémoire La régionalisation en péril.
Vous m'avez
probablement entendu dire — et
je vais le redire en personne — ce que n'est pas le projet de loi n° 10. Un, ce n'est pas
hospitalocentriste, ça ne vise pas à être hospitalocentriste. Au contraire, il
y a plein d'éléments dans le projet
de loi n° 10 qui visent votre secteur d'activité. Et ma collègue ministre déléguée
députée de Soulanges, dans quelques
instants, vous en fera part, c'est dans notre intention, au contraire, de faire
en sorte que votre secteur d'activité soit protégé.
Encore
aujourd'hui, même si on approche de la fin des commissions parlementaires et
même avec tout ce qui a été dit mais
malheureusement pas toujours rapporté, il est toujours surprenant de constater
que les gens voient dans ce projet de loi là une attaque quasi en règle
des services sociaux. Ce n'est pas ça, là. Le projet de loi n° 10, c'est
un projet d'intégration. Je peux comprendre
que des gens n'aiment pas l'intégration, mais aujourd'hui, dans le monde où on
est rendus, je pense que l'intégration est nécessaire. Je pense que
l'aspect de gestion est obligatoire.
D'ailleurs,
vous-mêmes, dans votre propre présentation et à propos de vous-mêmes, vous
parlez de votre gestion à vous. Vous
y tenez, à votre gestion; vous en faites, de la gestion. Vous avez fait
référence... Vous êtes une des organisations communautaires qui a parlé le plus de gestion de ses propres affaires en
trois semaines. Vous avez des budgets... Vous recevez vos budgets, vous êtes en faveur de plans, vous êtes en
faveur... Vous ne l'avez pas dit comme ça, mais vous êtes en faveur
de reddition de comptes. Vous êtes en faveur d'une saine gestion, là. Et, quand
on est dans le communautaire, c'est comme aussi normal, parce que vous essayez de
faire en sorte que le dollar qui vous
est donné fasse le plus de millage possible.
C'est
drôle, c'est exactement ça qu'on veut faire dans le système que vous qualifiez
plus d'hospitalocentré. Mais ce n'est
pas ça, l'idée, là; l'idée est de faire en sorte que, nous comme vous, là, on
puisse arriver puis, au bout de la ligne, réussir à faire plus avec ce que l'on a pour pouvoir donner les services
en quantité appropriée aux gens. On se retrouve donc essentiellement sur la même patinoire, je dirais, pas nécessairement avec les mêmes outils, mais avec certainement la même finalité.
J'aimerais
ça que vous élaboriez un peu. Ça m'a beaucoup interpellé, ça, quand vous avez parlé... Vous
l'avez dit très vite, hein? Votre présentation était extrêmement
chargée, puis j'ai bien vu que vous vouliez passer tous vos messages — et
vous l'avez fait, félicitations! — mais
il y a un bout sur lequel vous êtes allés vite, parce que c'est difficile
de le dire en quelques mots, là, alors juste bien saisir ce que vous disiez,
là.
Vous
êtes toujours, dans le communautaire — puis
je le comprends, là, ce n'est pas une critique — sensibles et jaloux de votre autonomie, de votre façon de faire. En même temps, vous
voulez quand même que le lien soit gardé pour ce qui est du côté du financement avec l'établissement régional, le CISSS, via le
PSOC ou autre chose, et, de la manière que vous l'avez dit, la relation
entre les deux, là, pour moi, ce n'était pas clair.
Vous
voulez avoir le financement, vous ne voulez pas être dans un mode d'achat de
services, mais vous voulez un lien
dans lequel vous donnez des services. Exactement, là, qu'est-ce que vous
voulez? Je suis sûr que c'est clair pour vous, c'est juste qu'à la
vitesse où vous êtes allés, là, ça n'a pas été clair pour moi.
Mme Cyr
(Claudelle) : Ce qu'on dit, c'est qu'on est conscients que certains
organismes communautaires contractent des
ententes de services avec les CSSS, donc que là c'est de l'achat de services.
Par contre, on a un financement
à la mission qui vient du programme PSOC,
puis pour nous il est important, ce financement-là, là, c'est notre financement de base. Donc, ce qu'on
demande, c'est une étanchéité entre ces deux choses-là. Qu'un organisme qui est
justement autonome décide de négocier
librement une entente de services avec un CSSS, c'est une chose, mais, en même
temps, ça n'enlève pas qu'il a
un financement de base. Et, s'il décide de s'inscrire dans de la
production de services pour le réseau public
de santé, bien ça n'enlève pas le fait qu'il est minimalement, d'abord et avant
tout, un organisme financé par le Programme de soutien aux organismes
communautaires.
Nous,
ce qu'on dit, c'est : Maintenons cette étanchéité-là qui était là. Parce
qu'avant que... S'il n'y a pas de fusion, le programme PSOC vient de l'agence; et les ententes, c'est le CSSS qui
fait le chèque. Ce n'est pas l'agence qui fait le chèque, ce n'est pas
le ministère... bien, oui, là, par la bande, mais le chèque est quand même...
c'est le CSSS, là. On s'entendra, mais, bon.
Donc, l'entente est avec le CSSS comme producteur, alors que le financement à la mission... Ce n'est pas
le CISSS qui finance le financement à la mission. Il ne finance pas de la production
de services, même si, par la bande, on pourrait dire qu'on fait ça, mais
ce n'est pas ça, là.
M.
Barrette : O.K. Là,
je comprends pourquoi je n'ai pas compris. Parce que les organismes
communautaires qui sont venus
précédemment, évidemment, s'enquièrent tous du maintien du financement. Puis ça, on l'a dit clairement, là, non seulement il va être
maintenu, il va être protégé.
Du même souffle, rares... et je pense
que vous êtes la seule organisation qui le dit comme vous le dites. Parce que,
si on peut, pour une partie, à l'opposé de
ce que d'autres ont dit, à savoir que... Et, même aujourd'hui, il y a des gens qui ne veulent pas avoir de l'achat de services. Il y a
même des mots qui ont été utilisés : On ne veut pas être payés pour
des actes. C'est une expression qui a été utilisée, là.
Alors,
vous, je comprends ce que vous dites, vous voulez que la base soit protégée et
que vous soyez libres avec ça dans votre mission et votre culture...
Mme Cyr
(Claudelle) : Mais on ne veut pas être perçus comme des prestataires,
cela dit.
M. Barrette :
Non, non, je comprends, je...
Mme Cyr (Claudelle) : Ce qu'on dit, c'est qu'on est conscients que ça existe, puis donc, à ce
moment-là, une fois que c'est là,
bien on ne va pas aller dire, nous, à l'organisme communautaire qui a contracté
une entente comment se gouverner.
Donc, ce qu'on dit, c'est : On est conscients que c'est là puis on ne veut
pas que ça aille vers ça, mais sauf que, pour le moment, comme c'est là,
qu'on maintienne minimalement cette étanchéité-là.
M.
Barrette : C'est correct. O.K.
Mais je peux vous rassurer, là, on ne s'en va pas dans une direction de
diminution des services sociaux ni du
financement à votre type d'organisme, là. Et, quand vous
faites référence à l'importance que vous avez dans le système, vous avez
une oreille très, très attentive et favorable ici.
M. le Président, je
vais passer la parole à ma collègue pour la période qui reste.
Le
Président (M. Tanguay) :
Oui, il reste à peu près... un peu plus de 6 min 30 s.
Alors, la parole est à la ministre déléguée à la Réadaptation, la
Protection de la jeunesse et à la Santé publique.
• (16 h 30) •
Mme
Charlebois :
Bonjour, Mme Cyr et Mme Lapierre. Merci d'être là et de nous faire part de vos
préoccupations. À mon tour de vous
rassurer concernant les services sociaux. Je suis la ministre déléguée aux
Services sociaux, alors je ne suis pas là juste pour faire du décor dans
le ministère, mais bien pour m'occuper des services sociaux. Je veux vous
rassurer, le projet de loi n° 10 est aussi conçu pour les services
sociaux. Quand on parle d'intégration de services, de coordination, c'est dans
ce sens-là.
Je
vais y aller tout de suite sur le type de travail que vous faites dans les
organismes communautaires, qui est fort important, tout le monde en convient. Il n'y a pas un député à
l'Assemblée nationale qui n'est pas conscient du travail qui est fait par les organismes communautaires,
moi la première. Avant d'être ministre, on est député avant tout, puis j'ai
toujours travaillé avec mes organismes communautaires. Et à mon tour de vous
rassurer sur le fonctionnement. Vous savez
qu'il y a un comité de travail, un groupe de travail qui a travaillé, qui... ça
fait bien du travail, là, mais qui s'est réuni et a justement planché sur 11 engagements. Vous avez dû être mises au
courant de ça. Et, à l'engagement 4, ça dit carrément que le ministère «s'engage à maintenir ou à
accroître le niveau actuel de prépondérance et à intégrer dans les orientations
ministérielles la prépondérance du soutien financier à la mission globale sur
les trois modes de financement», et les trois
modes de financement, bien, c'est la mission globale, les ententes de services
et les projets ponctuels. Comme vous l'a
dit le ministre, ce n'est pas là pour s'éteindre, ça. C'est un engagement, puis
je compte bien tenir mes engagements qui sont là-dedans.
Et
j'ai aussi le goût de vous dire que ce que j'ai entendu beaucoup quand j'ai
rencontré des groupes communautaires, des
organismes communautaires, c'est qu'on m'a parlé de la lourdeur de la reddition
de comptes, dans le système, à faire et
au CSSS, et à l'agence, et pour le... Il y en avait partout, de la reddition de
comptes, alors que là, avec le CISSS, vous allez avoir un endroit à faire de la reddition de comptes. Ce qui ne
veut pas dire que vous ne pouvez pas avoir des ententes de service avec les points de service qui seront
là, parce que les CSSS ne seront plus des CSSS, mais il n'en demeure pas
moins qu'il va y avoir... tous les points de
service qui existent vont rester là. Ça va être juste mieux intégré. Il va
avoir un dossier d'usager, de patient.
Puis
ça, vous n'en avez pas beaucoup parlé, dans votre mémoire, à moins que j'aie
mal... Parce que, comme le ministre disait, vous aviez tellement de
choses à nous dire qu'à un moment donné ça allait vite, mais je n'ai pas beaucoup entendu parler de toute l'expertise à
maintenir toute l'intégration des services. Parce que vous travaillez, veux
veux pas, avec le réseau. Je comprends que
vous êtes indépendants. Puis, à cet effet-là, je veux vous rappeler aussi que
la loi des... la LSSSS, là, la loi de santé
et services sociaux, va rester là, hein? Alors, votre autonomie est vraiment
protégée, là. Cette loi-là va
demeurer en vigueur. Puis je veux vous rassurer là-dessus. C'est
superimportant, là, parce qu'il y en a qui
véhiculent que l'autonomie des organismes communautaires est mise en péril. Ce
n'est pas ça du tout qui est envisagé. C'est superimportant que vous
puissiez garder votre autonomie.
Et je comprends qu'un
changement, ça dérange, mais je veux juste vous rappeler qu'à travers le temps,
de 2002‑2003 jusqu'à ce qu'on quitte, qu'on
prenne... qu'on devienne l'opposition officielle, on était partis de
274 millions à 500 quelque
millions de financement aux organismes communautaires, alors qu'en 18 mois tout
ce que vous avez eu... Vous avez eu des promesses, mais l'argent n'a pas
suivi. Moi, en ce moment... J'ai toujours donné l'heure juste. J'ai toujours
donné l'heure juste. Je vous ai dit, dès mon arrivée, qu'il y avait un contexte
budgétaire. On s'en allait vers 5 milliards
de déficit puis on ne pouvait pas aller là-dedans. Mais je me suis assurée
qu'on maintienne votre financement, les
organismes communautaires, parce que, pour moi, c'était important, et le
ministre de la Santé a travaillé avec moi en ce sens-là.
Alors,
j'aimerais ça vous entendre parler... J'espère que je vous ai rassurées sur les
budgets protégés. Puis ça ne sera pas
par programme-service dans votre cas parce que je vous ai dit qu'il y avait
l'entente qu'on a travaillée, le ministère et vous. Mais j'aimerais ça vous entendre, là,
parler de l'intégration de l'ensemble pour l'usager, là, qui est dans la
machine, là, qui est dans le système de santé, parce qu'il peut arriver
qu'on ait besoin de soins de santé, de services sociaux, de services des organismes communautaires. Comment
vous voyez ça, toute l'intégration, qu'il y ait un dossier par citoyen? Parce qu'ultimement il y en a un qui paie, c'est
celui qui est le payeur de taxes qui va chercher des services à travers tout
ça puis qui veut le maximum pour qu'est-ce
que tout le monde paie. Parce que c'est l'argent des citoyens qu'on utilise,
là.
Mme
Lapierre (Valérie) : Bon.
Bien, premièrement, je voulais revenir sur... par rapport au contexte
budgétaire, juste dire
qu'effectivement notre coalition a discuté à ce sujet-là, par rapport à la
commission de la fiscalité — eux, ils ont fait des propositions — parce que nous, on considère qu'il y a des
choix budgétaires qui se font actuellement. Donc, le fait que la reconduction n'ait pas eu lieu ou le
montant n'ait pas été budgété, bien, à un moment donné, il y a des choix
qui se sont faits. Ça, je veux dire, c'est
le gouvernement qui a pris des décisions, puis ça, ça vient... ce n'est pas
entre nos mains. Puis on a fait des
propositions là-dessus, ça fait que j'inviterais l'ensemble des députés, si ça
les intéresse, à vérifier le mémoire qu'on a déposé dans le cadre de la
consultation pour la fiscalité.
Par rapport à
l'intégration pour... l'intégration des services, dois-je rappeler qu'en
premier lieu les organismes communautaires ne sont pas partie intégrante
du réseau de la santé et des services sociaux, mais sont des partenaires,
travaillent en alternative, et, oui, au besoin, peuvent contracter, peuvent
travailler en partenariat, en collaboration, effectivement,
mais... puis ont été beaucoup mis à contribution dans le cadre des projets
cliniques avec la création des CSSS,
bien sûr? Mais, pour le reste, en ce qui est l'intégration des services, si
vous voulez avoir notre avis par rapport au projet de loi actuel, on ne
voit pas vraiment en quoi ça va faire une amélioration. Justement, c'est un
squelette, ce projet de loi là. Ce qu'on
entend beaucoup de la part du ministre, c'est qu'il y aura d'autres projets à
venir, donc on part avec une partie
de l'information qui nous manque. Donc, on ne peut pas vraiment répondre à des
questions sur l'intégration des services avec ce qu'on voit pour
l'instant.
Pour le
reste, en lien avec la LSSSS, je me permettrais quand même de dire aussi que
j'ai entendu qu'il y aurait une
refonte complète de la loi de santé et services sociaux, et donc, pour ce
sujet-là aussi, on ignore complètement ce qu'il adviendra. Y aura-t-il
des sujets là-dessus qui nous toucheront ultérieurement? On verra, mais, encore
là, on nage en pleine zone grise. Donc, c'est légitime qu'on ait des
préoccupations à ce sujet-là.
Et, pour ce
qui est de l'autonomie des organismes communautaires et de l'étanchéité du
PSOC, on peut comprendre qu'actuellement
il y a un cadre de référence en action communautaire qui est en travail et qui
a été mis en arrêt et... un cadre de référence également en action
communautaire, et c'est des infos qu'on n'a aucun feed-back sur la situation
qu'il adviendra d'ici quelques mois, quand ce sera adopté.
Donc, pour le
reste, on repassera. Il nous manque trop de données pour avancer là-dessus.
Pour l'étanchéité du PSOC, on est
assez clairs là-dessus : pour l'instant, il n'y a rien dans le projet de
loi qui nous garantit ça. C'est ça, notre préoccupation. Donc, on entend ce que vous dites par rapport au fait
que, oui, vous avez une préoccupation à ce que ça soit conservé. Nous, on demande vraiment à ce que
ça soit clarifié dans le projet de loi parce que, pour l'instant, ça ne
l'est pas.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Malheureusement, j'ai un rôle
ingrat. On est maintenant rendus sur
le temps de la collègue députée de Taillon. C'est la difficulté que l'on a dans
nos échanges, des fois. Alors, vous aurez l'occasion de poursuivre, avec la ministre, le dialogue. Alors, collègue
députée de Taillon, pour une période de 12 minutes.
Mme
Lamarre : Alors, bonjour, Mme Cyr et Mme Lapierre. Écoutez, merci de
votre présentation et puis merci d'attirer
notre attention sur certains éléments. Moi, je vais... Évidemment, on essaie
d'aller... de tirer profit le plus possible de chaque groupe, mais vous attirez notre attention sur quelque chose
qui n'a pas été attiré jusqu'à maintenant, l'article 78. Dans votre mémoire, à la page 15, vous dites que
ça «donne au ministre les fonctions de déterminer les orientations en matière de planification [de] main-d'oeuvre», mais
vous avez dit, dans votre présentation, que ça impliquait également les activités de perfectionnement, les activités
de formation. Alors, j'aimerais savoir combien de membres vous avez à la
Coalition des tables régionales d'organismes communautaires.
Mme Cyr
(Claudelle) : Bien, on est
14 tables régionales membres de la coalition des TROC, mais on représente,
donc, dans chacune de nos régions, les organismes
communautaires. Donc, pour 14 tables, ça doit être 2 500 organismes,
quelque chose comme ça.
Mme
Lamarre : Quelques milliers de personnes. Alors, bravo! Mais, en plus,
je me dis, ce que je comprends, là, de
l'article 78, c'est que là, maintenant, les autorisations de perfectionnement,
elles vont devoir toutes remonter au ministre.
Mme Cyr
(Claudelle) : ...proposé
dans le projet de loi, ce que ça dit, c'est : «Le ministre exerce les
fonctions d'une agence prévues aux
articles 376 et 377 de cette loi.» Et, par rapport aux organismes
communautaires, nous, on est à l'article
376.3, qui dit : Le financement de programmes de formation des organismes
communautaires... Donc, c'est ce que le projet de loi dit.
Mme
Lamarre : ...quand on pense qu'on va gagner de la fluidité, de
l'efficience, et tout ça, ça veut dire que, quand vos membres vont vouloir participer à des
programmes de perfectionnement, il va y avoir, donc, une autorisation préalable
qui, au lieu de venir de l'agence, comme
c'est le cas, et qui s'ajuste probablement à certains besoins particuliers de
certaines régions ou d'organisations... là, ça va tout monter, ça, au
ministre.
Mme Cyr
(Claudelle) : Bien, c'est ce que ça dit.
Mme Lamarre : C'est ce que ça dit.
C'est bien ça.
Mme Cyr (Claudelle) : Mais, nous,
comment ça fonctionne, c'est que, dans plusieurs régions...
• (16 h 40) •
Mme Lamarre : Ça va prendre ou bien
beaucoup, beaucoup de gens au ministère...
Mme Cyr (Claudelle) : Pardon?
Mme
Lamarre : Ou bien ça va prendre beaucoup, beaucoup de gens
au ministère pour gérer ces demandes-là...
Mme Cyr (Claudelle) : Oui. Non, mais...
Mme Lamarre : ...ou bien ça va vous
amener potentiellement des retards dans...
Mme Cyr
(Claudelle) : On n'allège
pas notre reddition de comptes en faisant ça — je veux faire référence à la ministre Charlebois — parce que, pour le moment, ce qu'on fait,
c'est qu'on a déjà des liens avec nos agences, et dans plusieurs tables régionales — ce n'est pas toutes les tables, mais, comme
nous, en Estrie, ça fonctionne comme ça, je sais que, dans les
Laurentides aussi, ça fonctionne comme ça, et il y a d'autres tables
régionales, ça fonctionne comme ça — on fait une demande à l'agence, on soumet un
programme de formation, et dedans on inscrit, là, donc les sujets, et ce programme-là est financé à partir de cet
article de loi là. Bien sûr, le programme de formation, il est en lien avec le
perfectionnement des ressources humaines et le perfectionnement au niveau des
conseils d'administration, aussi, des organismes
communautaires. Mais, avec ce projet de loi là, ce qu'on nous dit, c'est :
On ne va plus aller directement à l'agence demander ça, on va aller au
ministre.
Mme Lamarre : C'est bien ça qu'on
comprend.
Mme Cyr
(Claudelle) : C'est ça. Mais
donc, pour nous, nous, ça ne l'allège pas du tout. Mais non seulement ça
n'allège pas, mais, avec l'agence, le fait
qu'on a des liens, on voit des particularités dans nos régions où est-ce qu'il
y a peut-être plus de besoins dans
cette région-là — par
exemple, on le nomme dans notre mémoire, le roulement de personnel, on doit former nos coordinations dans
une région plus qu'une autre — bien là, le programme va être adapté
à cette réalité-là. Là, ce qu'on comprend...
Mme Lamarre : Ça peut alourdir vos
démarches.
Mme Cyr (Claudelle) : Oui,
absolument.
Mme
Lamarre : Ça peut les complexifier. Ça éloigne. Et, je pense, ça
illustre bien, là, comment ça éloigne dans le sens... c'est une forme de centralisation qui éloigne le processus de
décision. Et on peut comprendre que vous pouvez être plusieurs à faire
des demandes puis que ça risque à un moment donné de bloquer. Vous êtes
peut-être mieux de vous prendre d'avance pour vos demandes de perfectionnement,
peut-être deux ans d'avance avant que la réponse revienne pour que vous
puissiez y assister. Mais, définitivement, je pense qu'il y a une concentration
de pouvoirs qui risque de faire en sorte
que, malgré la bonne volonté de tout le monde, il y ait des délais importants.
Et, dans le fond, ça vise à quoi? Ça
vise à contrôler la nature des formations auxquelles vous pourriez
considérer... qui seraient importantes et
qui étaient actuellement évaluées probablement beaucoup plus localement,
régionalement par l'agence qui était près de vous, dans le fond, et avec qui vous avez des liens fréquents. Donc,
ça, ça m'apparaît être un exemple, là, d'une centralisation, alors c'est
important.
L'autre
dimension, c'est dans les cadres de référence régionaux. Donc, actuellement, ce
que je comprends, c'est que vous avez
au sein de l'agence une personne ou des personnes qui sont vraiment désignées
pour comprendre vos besoins. Quand
vous lisez le projet de loi n° 10, à qui vous voyez, dans le conseil
d'administration du CISSS, qui ferait le travail de l'agence
actuellement ou des gens de l'agence que vous rencontrez?
Mme Cyr
(Claudelle) : Bien, je vais
laisser ma collègue... là-dessus, mais juste dire : Ce n'est pas avec le
conseil... Le conseil d'administration de l'agence, on va les voir, on
va les interpeller, mais, dans chaque agence, il y a une responsable ou un responsable du Programme de
soutien aux organismes communautaires. Donc, c'est avec eux qu'on a des comités statutaires, là. On appelle ça notre
responsable PSOC, là, donc, dans notre jargon, notre responsable PSOC. Avec cette personne-là, on a des comités
statutaires dans l'année. Mais, pour les conseils d'administration, le lien,
là, je pourrais laisser...
Mme
Lapierre (Valérie) : Non. Je
vous dirais que, même au plan du conseil d'administration... Si je me réfère
même à de la façon que ça se passe actuellement, la place pour le
communautaire, une chance qu'il y a des séances publiques d'information parce
que, sinon, c'est assez limité. On a une personne qui a le profil, mais, avec
le mandat qu'elle a, en séance publique, ce
qu'on en voit, bien, il n'y a pas vraiment de questions, là, spécifiques au
communautaire, donc,
qui sont apportées — très
rarement, disons — quand le
sujet est à l'ordre du jour. C'est vraiment, comme ma collègue dit, au niveau des directions et du personnel des
agences, où il y a un responsable PSOC, des directions des programmes-clientèle qui sont davantage au fait de la
situation au Programme de soutien aux organismes communautaires, de l'ensemble
des critères d'admissibilité, etc., puis du fonctionnement général, là, du
programme.
Mme
Lamarre : Mais on comprend que le projet de loi n° 10 va diminuer
le nombre de ces personnes qui sont un peu vos personnes-ressources
finalement dans... et qui va changer un peu la structure.
Mme Cyr
(Claudelle) : On ne le sait pas, en fait.
Mme Lapierre
(Valérie) : Bien, c'est ça. On l'ignore.
Mme Lamarre :
On est dans l'inconnu. Alors, je laisse la parole à mon collègue de Rosemont.
M. Lisée :
Merci. Merci à vous deux, Mme Cyr, Mme Lapierre. Comme on le fait à chaque fois
qu'il y a une organisation communautaire qui vient, la ministre déléguée
affirme que le gouvernement précédent avait promis sans budgéter. Juste pour les gens qui nous écoutent, nous avons tous voté,
au printemps dernier, une résolution unanime à l'Assemblée nationale disant qu'il fallait rehausser le financement de base des organisations communautaires.
Pour nous, c'était un vote, c'était
un engagement. Nous avons décidé, en Conseil des ministres, avec le Conseil
du trésor, de financer 120 millions de plus sur trois ans, et nous
avons, vous l'avez dit, organisé un comité avec vous, avec vos organisations, pour voir à la ventilation de ces sommes. Alors, il n'y a
aucun doute que nous l'aurions fait. Pour les membres du gouvernement actuel, voter cette résolution unanime, ce n'était pas un engagement, c'était une cible, comme on le voit maintenant, et on comprend
aussi que c'est une cible qu'ils ne tenteront même pas d'atteindre au cours des
quatre prochaines années. Donc, il
faudra attendre les 100 jours du prochain gouvernement péquiste pour
l'appliquer, et je peux vous dire que nous allons l'appliquer.
Maintenant,
vous avez dit que cette réorganisation pouvait mettre à risque le lien que vous
aviez avec les agences régionales de
santé. Bien, aujourd'hui, mon collègue de Rimouski me montre qu'à Saint-Jérôme on lit, dans le
journal Le Nord : «L'agence largue les organismes
communautaires. Le Regroupement des organismes communautaires des Laurentides [...] annonce qu'après 20 ans de collaboration l'agence [les largue]. La décision a été prise lors de la séance
du conseil
d'administration de l'agence [...] le
5 novembre dernier, à laquelle étaient présentes quelque
40 personnes en provenance [d'organisations] communautaires...» Le regroupement dénonce le fait que le C.A. de
l'agence ait refusé de reconduire l'outil qui donne les balises pour le financement.
Est-ce que
vous êtes au courant de ça et est-ce
que c'est... Qu'est-ce qui se passe avec ça? Et est-ce
que ça nous donne une idée de
ce qu'on va vivre au cours des prochains mois?
Mme Lapierre
(Valérie) : Bien, en fait, ça, c'est directement en lien avec les
travaux actuels sur le projet de loi
n° 10, parce que
ce qui est sur la table, c'est de dire : On ne va pas s'engager pour le
prochain C.A. C'est ça qui a été nommé,
donc, pour le C.A. de la prochaine structure régionale. Donc, pour ces
raisons-là, on va s'abstenir de prendre une décision qui pourrait engager le prochain C.A. Donc, on est déjà en
train d'avoir des conséquences sur le fonctionnement
général sur le terrain, alors que le projet de loi n'est toujours pas adopté et que les amendements, s'il y a
lieu, n'auront pas encore été
inscrits. Donc, ça, c'est une conséquence directe, en tout cas, à notre point de vue, là... pas seulement à notre point
de vue, en fait, c'est ce qui est rapporté dans l'article.
M.
Lisée : Est-ce que
vous pouvez dire en quoi ce cadre-là qui vient de sauter était important?
Et le fait que le C.A. de l'agence a
décidé de le faire sauter, qu'est-ce
que ça crée comme incertitude pour
vos travaux et les services que vous rendez à des gens vulnérables?
Mme Cyr (Claudelle) : Nos cadres de références, c'est des cadres qu'on a négociés, qui sont
sur nos balises de reconnaissance des organismes, donc quand est-ce
qu'on reconnaît ou pas un organisme communautaire comme un organisme au sein de la loi en santé et services sociaux. C'est un cadre qui porte sur le financement. Le fait qu'il n'ait pas été reconduit, est-ce que ça veut dire qu'il
ne sera pas reconduit dans six mois? Ça, on ne le sait pas non plus. Ce qu'on
comprend, là, c'est que tout est arrêté en
attendant la finalité. En attendant que tout soit terminé, on n'ose pas aller
loin.
Par ailleurs, le
cadre des Laurentides était un exemple au Québec. C'est un peu dommage que ça
ait été...
M.
Lisée : ...pour vous
dire que j'ai entendu la ministre tout à
l'heure dire que ce n'est pas vrai.
Alors, elle le dira à M. Jean Poitras, président du conseil
d'administration de l'agence, qui dit — j'ouvre les guillemets : «Nous devons
nous garder un devoir de réserve,
c'est une question d'éthique pour les instances qui nous suivront.» Et donc le
président du C.A. de l'agence dit : Parce qu'il y a un projet de loi
n° 10, je largue les organisations communautaires parce que je ne
sais pas ce que nos successeurs décideront.
Mme
Charlebois :
M. le Président?
Le Président (M.
Tanguay) : Un rappel au règlement, oui?
Mme
Charlebois :
Oui, question de règlement. Je ne peux pas laisser dire toutes sortes de choses
comme ça. Probablement que le député n'est
pas au courant, là, mais ces choses-là, là, c'est carrément des erreurs, puis
il a pris des vieux articles de journaux, puis c'est absolument,
totalement erroné. Les groupes communautaires vont avoir leur financement.
Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : O.K. Mme la ministre, ceci n'est pas un
rappel au règlement. Alors, M. le député de Rosemont.
M. Lisée :
Le même rappel au règlement. Le président du C.A. de l'agence a été cité disant
cela. Alors j'ai hâte de voir comment la ministre va corriger cette
situation dans les jours qui viennent.
Le Président (M. Tanguay) : Alors,
on ne fera pas un débat là-dessus. Si ça vous va, ceci termine donc
l'intervention. Je cède maintenant la parole au collègue député de Lévis, je
crois, pour une période de 8 min 30 s.
• (16 h 50) •
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le
Président. Mesdames, merci de la présentation très étoffée. On l'a tous dit, bien
sûr.
Je reviendrai
sur la recommandation, notamment...
la page... la recommandation 8. Dans votre document, vous parlez de
l'article 64 du projet de loi. Vous souhaitez demander que l'établissement
régional demeure responsable de l'élaboration du plan et des orientations
régionales. Vous souhaitez conserver cette marge de manoeuvre là afin de pouvoir — et vous l'écrivez bien — adapter les orientations avec la réalité du
milieu. Vous ne dites pas non non plus aux balises nationales. Je veux en savoir davantage. Sur quoi portent vos
inquiétudes : pouvoirs du ministre qui feraient en sorte qu'on s'éloigne des besoins du milieu?
Parlez-moi de vos inquiétudes. Parlez-moi de ce que vous souhaiteriez et
comment ça s'installe, que tout ça.
Mme
Lapierre (Valérie) : Pour ce
qui est des pouvoirs du ministre, c'est certain qu'il y en a plusieurs qu'on va
remettre en question parce que, pour nous,
il y a une histoire là-dedans de pouvoir à la base, pouvoir au milieu, le
pouvoir de proximité. On s'attend à
ce que les personnes sur le terrain soient souvent les mieux placées pour
savoir c'est quoi, leurs besoins.
Actuellement, là, avoir des C.A. entièrement nommés par le ministre et un
P.D.G. nommé par le ministre, etc., même
si, pour l'instant, semble-t-il, avec ce que le ministre nous explique, ce
serait transitoire — même si,
pour l'instant, on ne le voit pas dans le projet de loi — ça
demeure un problème.
Je vous donne
un exemple. Aujourd'hui, je parlais avec un organisme de Charlevoix qui était
très inquiet parce que, pour
l'instant, déjà, le principe de fusion l'inquiétait. Il disait : Comment,
quand il y a un problème dans ma région... Parce qu'eux autres ils ne se considèrent même pas partie intégrante de
Québec, la région de Québec, pour leur identité, O.K.? Quand j'avais un problème, j'allais voir la personne au C.A. du
CSSS et je lui disais c'était quoi, le problème, la situation, puis le C.A. allait en tenir compte.
Qui qui va parler au nom des personnes sur le terrain si tout est nommé d'en
haut? Qui va...
La couleur
régionale, c'est important qu'elle soit prise en compte. Il y a des endroits où
le territoire est énorme, avec beaucoup moins de population. Il y a des
endroits où le territoire est très, très peuplé et beaucoup plus petit,
beaucoup plus restreint. Est-ce que le ministre va savoir déjà les besoins des
gens sur le terrain? Puis pas rien que le ministre.
Je veux dire, à un moment donné, il faut laisser un peu une marge de manoeuvre
aux régions, il faut laisser une marge
de manoeuvre même au plan local, qui, pour l'instant, disparaîtrait dans le
projet de loi n° 10. La marge de manoeuvre,
bien, nous autres, on la voit minimalement comme : il faudrait au moins
qu'on ait des personnes, une personne élue
par la population sur le C.A., pas pour avoir une compétence, expertise en
gestion, mais pour avoir un regard citoyen sur qu'est-ce qui se passe,
là, dans la région.
Ça fait que
ça, c'en est, des exemples. On demande la même chose par rapport à un profil
communautaire, qui, jusqu'à maintenant... On a tout le temps eu un
profil communautaire dans les CSSS, même dans les établissements comme en dépendance. Dans le fond, dans l'ensemble
des établissements, on a notre place, là, puis là on ne l'aura plus si on se fie à ce qui est écrit là. Puis je ne
parle même pas d'une personne qui nous représente, parce qu'elle n'a pas un
mandat de représentation au sens où on
l'entend, nous, mais elle amène une vision qui est teintée de ça. Donc là, on
parle d'une expérience citoyenne, d'une
expérience communautaire, puis, à la limite, ça pourrait être des personnes,
justement, vers qui les gens pourront se tourner pour être plus
entendues dans la grosse structure, là. Parce que je pense que le citoyen, plus il est éloigné du lieu décisionnel,
plus il s'y perd, moins il y va puis moins il s'y intéresse, puis, après ça, il
se pose des questions sur comment ça se fait que ça ne va pas bien puis
pourquoi on n'est pas entendus.
M. Paradis
(Lévis) : Vous demandez...
Vous parlez de C.A. parce qu'on y est. Évidemment, le maintien... bien, la participation d'un membre de la population,
vous dites : Ça en prend au moins un, voire... Vous écrivez : On en
avait deux, ça en prend au moins un.
Souhaitez-vous encore et souhaiteriez-vous qu'on passe par l'élection d'un
membre de la population sur le C.A.,
sachant pertinemment que ça ne marche pas très fort puis que ce n'est pas très
populaire non plus à ce chapitre-là?
Mme
Lapierre (Valérie) : C'est
sûr que, plus on s'éloigne, comme on disait tout à l'heure, du local,
moins les gens y voient leur compte, hein,
moins c'est concret pour eux puis plus c'est flou. Ça fait que c'est certain
qu'il y aurait peut-être d'autres aménagements à réfléchir, mais...
Je ne sais pas si toi, tu avais autre chose à
suggérer.
Mme
Cyr (Claudelle) : Par rapport au... On est très conscients, là, qu'on
a de la misère à avoir un taux de participation adéquat en commission scolaire.
En CSSS, c'est encore pire au niveau du taux de participation. On est conscients de ça. Est-ce qu'il faut... Comment il
faudrait l'aménager? Moi, je pense qu'il faudrait prendre le temps de le
réfléchir, mais je pense qu'il faut quand
même garder ce souci-là d'avoir autre chose que juste des experts sur le
conseil d'administration parce que ça
a quand même fait ses preuves dans certains C.A. où est-ce que justement le souci de la population... Parce que
moi, je suis aidante naturelle parce que j'aide ma mère qui a le cancer, bien,
ça, je sais que ça appartient aussi aux experts
à qui ça peut leur arriver dans leur vie. Mais il y a un souci de population
qui est là, qui est quand même... qui amène les décideurs à pouvoir prendre... à
avoir une sensibilité qu'ils... pas qu'ils n'ont pas, qu'ils n'ont pas le temps parce que ce n'est pas ça,
leur job, c'est des gestionnaires. Leur job, ce n'est pas de se rappeler qu'ils
sont aidants naturels, même s'ils le
sont. Ça fait que ce qu'on dit, c'est : Gardons ça. C'est précieux, ça,
pour notre système de santé
public.
M. Paradis (Lévis) : Puis j'ajouterai... Vous parlez, puis vous en avez parlé, du profil
communautaire que vous souhaitez également voir établi et là de la
participation de la population. Revenons sur ce profil communautaire. Le membre
du C.A. idéal avec ce profil-là, quel est-il? Qui est-il? Qu'est-ce qu'il doit
posséder?
Mme Lapierre (Valérie) : Bien, minimalement, il doit être impliqué dans le
milieu communautaire. Actuellement,
la loi, de la façon qu'elle est faite, puis ça, c'est déjà le cas, quelqu'un
pourrait se faire... pourrait prendre le siège organisme communautaire, et,
après deux mois, ne plus travailler dans le milieu, ne plus avoir aucun lien
avec le milieu et continuer son
mandat de, dans le fond, profil communautaire, tout... l'entièreté de son
mandat. Je pense qu'à un
moment donné, je veux dire, il faut quand même
aussi garder un lien avec le terrain, puis c'est l'esprit de cette demande-là.
Donc, c'est certain...
Mme Cyr (Claudelle) : Et nous, on pense que ce serait intéressant de travailler... Si on y va... Si, effectivement, au niveau des amendements, on dit : Le profil
de compétence organisme communautaire, on le maintient... Et ça serait intéressant de voir, en dehors, là, de l'étude
article par article, comment on peut le réfléchir, ce siège-là. Parce que, bon,
des collèges électoraux, c'est un peu
compliqué, là, de représenter, là... puis que nous, on organise ça. Ça, on
comprend, là, par rapport à notre... On ne pourra pas faire ça. Mais
comment s'assurer justement que ça soit un représentant de l'organisme
communautaire, etc.? Moi, je pense qu'on peut... Il faudrait prendre le temps
de réfléchir, mais il faut maintenir ce
siège-là, mais de prendre... prendre le temps... ce n'est pas quatre ans, mais
prendre le temps de réfléchir comment
on le voit, ce poste-là. D'ailleurs, on travaille, là. Ça, la ministre
Charlebois l'a nommé, puis c'est vrai, les travaux continuent avec le ministère. Nos délégués, donc,
voient à ce qu'on peut continuer à faire des travaux là-dessus. Moi, je pense
qu'il faut le réfléchir, ce poste-là.
M. Paradis (Lévis) : Sentez-vous cette préoccupation puis ces avancées-là, ces travaux que
vous faites maintenant compromis ou menacés par le projet de loi
n° 10?
Mme Cyr (Claudelle) : On n'a pas ces indications-là, très honnêtement, mais on n'a pas
d'indication contraire non plus. On
ne peut pas se prononcer. On ne pourra pas vous dire : Non, le projet de
loi n° 10, il fait en sorte que ça arrête tous nos travaux. Ce n'est pas ça qu'on entend. On n'entend pas non plus
que les travaux vont continuer pendant plein d'années. Mais, pour le moment, on n'a aucune indication que ça va
arrêter, mais... On peut être inquiets, mais on n'a pas... Honnêtement,
là, on n'a pas d'indication que ces travaux-là n'auront plus lieu.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant
céder la parole à notre collègue députée de Gouin pour une période de
trois minutes.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour. Deux questions.
La
première. Vous dites : Pour Montréal et toute autre région où il y aurait
plus d'un CISSS, il faudrait quand même une coordination régionale.
Alors, moi, j'entends tout de suite certains qui vont dire : Bien là,
est-ce qu'on recrée les agences — je ne suis pas certaine que c'est exactement
ce que vous dites, là — dans toute leur ampleur et leur complexité? Mais, au fond,
vous dites quoi exactement?
Mme Cyr (Claudelle) : Bien, en fait, on reprend les préoccupations de nos... de la région de Montréal,
entre autres, qui
ont quand même... Ils vont déposer un mémoire à la commission;
j'inviterais les gens à le lire. Ils ne sont pas invités, mais ils vont déposer, les regroupements de Montréal, un mémoire là-dessus. Ce qu'ils
demandent, c'est de dire : Bien, ça
prend quand même une coordination en haut parce que le... bien, entre autres, à Montréal, le CISSS de l'Est, il va être responsable de coordonner certaines affaires pour
la région, alors que son collègue à côté, lui, il n'aura pas cette responsabilité-là. Comment qu'on va fonctionner? Est-ce qu'il va y avoir un peu plus de... Est-ce que c'est le CISSS de
l'Est qui va avoir juste les liens avec les
organismes communautaires, par exemple? Parce que, pour nous, dans le projet de
loi, on reste avec le régional.
Donc,
c'est toutes ces inquiétudes-là de dire : On ne peut pas donner... Comme,
actuellement, un CSSS n'a pas un
pouvoir, il y a une agence... Je comprends, là, que ce qu'on veut faire avec ce
projet de loi là, c'est abolir ça. Est-ce que ça veut dire maintenir une superstructure? Ce n'est pas ce que la
région de Montréal demande, mais ils demandent un minimum, une coordination qui va permettre... Par exemple, sur la
problématique de l'itinérance, pourquoi ça serait juste à l'Est? Pourquoi
il n'y aurait pas... Donc, c'est quelque chose... c'est ça qu'on regarde.
Mme David
(Gouin) : Je pense que j'ai le temps rapidement pour une deuxième
question.
Le Président (M. Tanguay) :
1 min 30 s.
• (17 heures) •
Mme David (Gouin) :
Merci. Vous plaidez beaucoup pour que les organismes communautaires soient non
pas représentés, j'ai bien compris, mais que des personnes avec une
vision communautaire continuent de participer aux conseils d'administration des CISSS. C'est le cas en ce moment. Moi,
j'aimerais ça que vous nous disiez, avec peut-être un exemple ou deux, qu'est-ce que ça apporte
concrètement, là, où vous... Bien, partout où il y a des CSSS, avez-vous
un ou deux exemples pour nous dire qu'est-ce que ça donne qu'il y ait des gens qui
ont une vision communautaire sur un CSSS?
Mme Lapierre (Valérie) : Sur un
CSSS?
Mme David (Gouin) : Sur le C.A.
Mme
Lapierre (Valérie) : C'est
certain qu'il y a beaucoup de problèmes déjà actuellement par rapport à ça, O.K., sauf que
ça amène quand même la parole justement aux spécificités qui se
passent sur le terrain, O.K.? Ça amène aussi à ne pas, comment je pourrais dire... à avoir immédiatement une information cruciale
parce que les organismes communautaires,
on l'a dit au début, même s'ils ne feront pas partie intégrante du réseau, sont
partenaires. Souvent, ils travaillent
souvent en collaboration avec le réseau, ne serait-ce que pour avoir un
éclairage sur l'identité, sur le fonctionnement
du communautaire, sur leur autonomie. Ça, là, c'est de l'éducation populaire à
refaire constamment. O.K., même auprès de nos propres organismes, là.
Des fois, il y a des nouveaux C.A...
Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.
Mme Lapierre (Valérie) : C'est ça,
là.
Le
Président (M. Tanguay) :
Merci. Alors, ceci met fin à l'échange avec les parlementaires. Nous
remercions donc les représentantes de la Coalition des tables régionales
d'organismes communautaires.
Et nous allons suspendre momentanément nos
travaux. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 1)
(Reprise à 17 h 28)
La
Présidente (Mme Montpetit) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons commencer. Alors, je souhaite la bienvenue à nos invités de la Coalition Solidarité
Santé. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire votre exposé et, par la
suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la
commission. La parole est à vous.
Coalition Solidarité
Santé
M. Fournier (Jacques) : Bonjour. Mon
nom est Jacques Fournier. Je suis retraité et responsable bénévole du dossier
santé à l'AQDR, qui est l'association québécoise de défense des droits des
retraités.
M. Falardeau (Denis) : Denis Falardeau,
je suis à l'ACEF de Québec, Association coopérative d'économie familiale. Nous
sommes un groupe de promotion et de défense des intérêts des citoyens
consommateurs.
Mme
Marcotte (Josée) : Bonjour. Je suis Josée Marcotte, vice-présidente à
la Fédération de la santé et des services sociaux affiliée à la CSN et
également responsable du dossier de la condition féminine.
M. Benoit
(Jacques) : Et moi-même, je
suis Jacques Benoit, le coordonnateur de la Coalition Solidarité Santé. J'y vais?
La Présidente (Mme Montpetit) : La
parole est à vous, vous pouvez y aller.
• (17 h 30) •
M. Benoit
(Jacques) : Alors, M. le ministre, Mme la ministre, MM., Mmes les députés, il y a moins d'un an, le
12 mars dernier, la Coalition Solidarité
Santé tenait à Montréal une assemblée publique intitulée Les
10 ans des CSSS : quel bilan?
David Levine,
ex-P.D.G. de l'Agence de santé et des
services sociaux de Montréal, André-Pierre Contandriopoulos, professeur et chercheur à l'Université de
Montréal, René Lachapelle, ex-organisateur communautaire du réseau et chercheur
associé à l'UQO et Johanne Archambault,
ex-responsable à l'Observatoire québécois sur les réseaux locaux de services
nous ont fait part de leur évaluation
respective des fusions d'établissements et des résultats obtenus au regard des
attentes.
Nous
croyons que le ministre Barrette aurait eu intérêt à procéder à ce type
d'exercice d'évaluation des 10 ans des
fusions d'établissements de santé et services sociaux. Nous sommes fermement
convaincus que le contenu de son projet
de loi n° 10 s'en serait grandement ressenti. En effet, pour savoir où
aller, il peut être utile parfois de savoir d'où on vient. Alors, pour que nous en ayons tous et
toutes une bonne idée aujourd'hui, nous allons vous partager plusieurs éléments
qui découlaient de cette assemblée.
Pour toutes les personnes qui étaient présentes
ce soir-là, les fusions de 2004 n'ont pas rempli les promesses faites. Au contraire, elles ont plutôt causé les
problèmes suivants : augmentation du pouvoir des médecins au détriment
de la première ligne, perte de proximité des
services, peu ou pas d'intégration ni de continuité des services et une
approche populationnelle trop
complexe, coupures et réductions de services, détérioration des services
sociaux, des structures trop grosses et ingérables, un recul de la démocratie,
un impact négatif sur le personnel et les relations de travail, une gestion
inappropriée, que l'on appelle la nouvelle gestion publique, et enfin
l'augmentation de la privatisation.
De tous ces impacts-là, le dernier,
l'augmentation de la privatisation, c'est le pire des résultats qu'on a vu se
développer avec les fusions. On a utilisé les ressources du public au service
du privé, contrairement à ce que disait le gouvernement
libéral de l'époque dans son slogan. On a ainsi sous-traité des services
d'entretien, de buanderie, d'alimentation,
de fournitures médicales, des services à domicile, des chirurgies, des agences
de personnel; on a utilisé des PPP pour des hôpitaux, dans
l'hébergement, etc. Bref, en dix ans, la sous-traitance, la privatisation,
l'économie-socialisation, la
communautarisation et les PPP ont pris place et sont mieux implantés partout
dans notre système public de santé et de services sociaux.
On aurait été en droit de s'attendre à mieux de
notre ministre de la Santé et des Services sociaux de l'époque, M. Philippe Couillard, pour défendre notre système
public de santé et de services sociaux. Et, si ce n'était pas le résultat
escompté, il est encore temps de faire
marche arrière. On ne peut faire la même erreur deux fois, parce que, la
deuxième fois, ce n'est plus une erreur : c'est un choix.
Or, le projet
de loi n° 10 qui nous est présenté, de par les fusions à encore plus
grande échelle, ne fera qu'amplifier tous
ces problèmes qu'on vient de vous nommer, privatisation incluse. Le
projet de loi n° 10 consacre en plus l'omnipotence du ministre et de son ministère, ce qui revient à
dire que l'on consacre l'éloignement des milieux, le déracinement et la méconnaissance des complexités du terrain. C'est
la recette parfaite pour augmenter l'inefficacité, les erreurs et le gaspillage
sans diminuer les budgets consacrés à l'administration.
Pire encore,
le projet de loi nous présente la question d'une gouvernance efficace pour un réseau
de santé publique comme un choix de
mode de gestion ou un choix de gestionnaires, alors que ce qui importe d'abord,
c'est de savoir dans quel cadre va
s'opérer cette gestion, quelles orientations, quelles valeurs serviront de
guide. Ce sont ces valeurs et ces orientations
qui vont guider tout le travail et les choix qui se feront dans la gestion et
dans la prestation des soins et services. Il n'y a rien de ça dans le
projet de loi n° 10.
Alors, si
nous visons une réelle amélioration de la gouvernance, c'est là qu'il faut
débuter : par exemple, bien, par
le respect des principes de la loi canadienne sur la santé, à savoir : la
gestion publique, l'universalité, la transférabilité, l'intégralité et
l'accessibilité, de même qu'une interdiction de surfacturation et d'imposition
de frais modérateurs; par exemple, par la propriété publique de la prestation
des soins et services sociaux et de santé, y incluant celle des soins
personnels intimes, qu'on appelle souvent les activités de la vie quotidienne,
les AVQ, dans les soins à domicile; par exemple,
par l'étanchéité absolue entre la pratique des médecins participants et celle
des médecins non participants; et par bien d'autres orientations et
valeurs encore.
Mais alors,
que dire d'un projet de loi qui ne présente, selon les dires du ministre,
qu'un seul morceau du puzzle? Alors,
pour savoir à quoi va ressembler notre système de santé quand tous les morceaux du puzzle seront
en place, il nous faut aborder ici quelques pièces manquantes.
On va
commencer par le financement d'activités. Ce mode de financement est l'instrument budgétaire par lequel va se poursuivre la sous-traitance, la privatisation et le développement du système privé de soins et services amorcé par les fusions
de 2003 et qui se poursuivra grâce au projet
de loi n° 10. Parce que,
quand on établit un prix pour chaque chose,
quand on met en concurrence les prestataires et leurs services, que le moins
cher devient le meilleur, qu'on vise le
volume plutôt que la qualité, quand le patient est vu comme un revenu plutôt
qu'un malade qu'on doit soigner, ce n'est plus de la santé, c'est un marché. Le financement d'activités ne
fait qu'augmenter les coûts administratifs et la bureaucratie, qui doit contrôler la saisie et la gestion des
données tout en n'apportant aucune nouvelle ressource dans les services.
Ce type de financement a été appliqué au Royaume-Uni il
y a déjà une décennie. Ce mode de financement a été accompagné d'un accroissement du recours au privé pour la
prestation des soins, en invoquant bien sûr le libre-choix du patient.
L'Association
des consultants du Service national de la santé au Royaume-Uni a adressé une
lettre à l'Association médicale
canadienne en 2005 pour les dissuader d'emprunter cette voie de financement au Canada. Leur lettre soulève nombre
de problèmes qui découlent de cette orientation de financement, des problèmes dont on se tient loin quand on veut maintenir et
développer un système public de santé et de services sociaux.
Les
supercliniques. Alors que nos constats sur le terrain nous amènent à dire qu'il y a
recul de la première ligne et que l'organisation et le développement d'équipes multi devraient être visés
prioritairement, le ministre, lui, va ouvrir des supercliniques
composées de soins et de services spécialisés ne répondant en rien à cet objectif
identifié comme prioritaire depuis plus de
40 ans avec la commission
Castonguay-Nepveu. Dans ces supercliniques, les usagers pourront payer avec leurs cartes d'assurance-maladie. On
nous a dit ça pendant la campagne électorale et on nous l'a répété depuis
aussi, le ministre et le premier ministre
aussi. Bien, nous, ça ne nous rassure pas du tout, pas du tout, sur les
orientations de marché à long terme
de ce gouvernement, parce que, quand est-ce qu'on a entendu ça, dans le passé,
dire qu'en CLSC ou à l'hôpital, bien
on pourrait payer avec notre carte d'assurance-maladie? Si le financement est
axé sur le patient et qu'il suit le
patient, j'imagine qu'effectivement la carte d'assurance-maladie va jouer un
rôle clé. Puis, le jour où le gouvernement diminuera
les budgets ou décidera de réviser le panier de services couvert, on suppose
qu'il va remplacer la carte d'assurance-maladie par la carte de crédit.
Avec les
supercliniques, on est encore plus loin d'un redéploiement des services sociaux
pour travailler en amont et
développer une réelle politique de santé. Nous sommes plutôt dans le
développement d'une politique active de soutien financier pour consolider et développer le pouvoir de la médecine
privée, principalement celle des médecins spécialistes. On revient...
La Présidente (Mme Montpetit) : Je
vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.
M. Benoit (Jacques) : Oui. On
revient avec le public au service du privé.
Enfin, on s'en
voudrait d'oublier l'accord de libre-échange Canada-Europe qui, comme tous les
accords de libre-échange, a sa
section Marchés publics, une section par laquelle les gouvernements s'engagent
à ouvrir aux marchés, donc à la
sous-traitance et à la privatisation, les services publics, y compris en santé
et services sociaux. On ne sait pas encore
tout ce que ça comprend, l'accord de libre-échange, mais... Le ministre et son
gouvernement en savent sûrement beaucoup
plus que nous, mais on a des doutes, quand même, on peut imaginer. Nous l'avons
dit maintes et maintes fois par le passé, nous le répétons encore
aujourd'hui : La santé, ce n'est pas une occasion d'affaires.
C'est pour
ces raisons, M. le ministre, Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, pour
toutes ces raisons que nous rejetons le projet de loi n° 10. Merci.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie pour votre présentation.
Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec la partie
ministérielle pour une durée de 15 min 30 s. Donc, la parole est
au ministre.
• (17 h 40) •
M. Barrette : Merci, Mme la
Présidente. Alors, M. Falardeau, M. Fournier, Mme Marcotte et M. Benoit, bienvenue et merci d'avoir pris le temps, d'abord,
de faire sans doute un travail de consultation auprès de vos membres — le
contraire me surprendrait — et
d'avoir pris le temps de venir vous exprimer ici d'une façon aussi claire et
précise quant à votre position par rapport au projet de loi n° 10,
dont je comprends que la suggestion principale est de le retirer.
Alors, je
vais simplement faire quelques commentaires sur les commentaires
que vous avez faits. Essentiellement, vous
nous faites un... vous tenez un discours qui vise à faire en sorte qu'évidemment
le projet de loi soit retiré parce que vous y voyez des choses
qui sont celles que vous percevez, et vous faites essentiellement une analyse — et
j'irais même jusqu'à dire quasiment un procès — du financement
d'activités et des supercliniques, et vous allez jusqu'à citer les médecins spécialistes. Libre à vous. Vous savez,
la beauté, là, de l'Occident et certainement du Québec, c'est son côté démocratique et donc de
libre expression. Et je suis content que vous ayez l'opportunité de vous
exprimer.
Ceci dit, je
ne vois pas à partir de quoi ou de quoi que ce soit, dans ce projet de loi, qui vous permette de tirer la conclusion,
un, que le financement d'activités est un péché aussi mortel que vous le
décrivez, deux, que les supercliniques soient le même péché aussi mortel
que vous le disez... voulez... décrivez, pardon. Trois, où elle est, la
privatisation, là-dedans, là? Ça, je ne le vois absolument pas. Puis, pour ce
qui est des médecins spécialistes, je n'embarquerai pas là-dedans parce qu'il n'y a aucune référence à cet élément-là dans le projet de loi n° 10. En fait, il n'y a aucune référence à
ce que vous voyez. J'aimerais éventuellement que vous me précisiez exactement ce qui vous indique ça. Ce n'est pas là,
puis je peux vous dire d'une façon formelle que ce n'est pas la direction dans
laquelle on va.
Mais, par contre,
je vous dirai ceci avant de vous redonner la parole : Moi, là, ça
m'étonnera toujours, mais vraiment
toujours, ça me stupéfait toujours comment
on peut arriver et tenir un discours qui fasse en sorte qu'à partir du moment
où on mesure... que mesurer, gérer d'une
façon serrée les deniers publics signifie qu'on mette en opposition la
performance à la concurrence, la
concurrence au privé, que ce discours-là, là, fasse en sorte que, parce qu'on est public, il ne faut pas mesurer,
il ne faut pas gérer de façon rationnelle, il ne faut pas avoir à l'esprit
constamment de regarder ce que l'on fait pour voir si le dollar payé par les impôts de tous ceux et celles qui
nous écoutent aujourd'hui et qui nous liront demain soit dépensé
correctement.
Et je ne peux pas concevoir comment on peut
faire l'amalgame entre mesurer et gérer correctement, et la privatisation automatique. Je ne suis pas capable
de voir ça, là. Je comprends comment vous pouvez construire ce discours-là,
là, mais il n'y a rien dans le projet de loi qui vous indique ça de quelque
manière que ce soit. Expliquez-moi ça.
M. Benoit
(Jacques) : Nous, ce qu'on
aimerait comprendre, M. le ministre, c'est sur quoi vous vous basez pour arriver avec un projet de loi de ce genre-là?
Quelle évaluation vous avez de 10 ans de fusions de CSSS? On vient de vivre
10 années de fusion. Votre chef, votre premier ministre, notre premier ministre a procédé à des fusions pareilles il y a
10 ans. On veut savoir quelles sont
les évaluations que vous avez en main pour pouvoir dire que c'est tellement bon
qu'on peut maintenant fusionner à encore plus grande échelle. Parce que
nous, de notre côté, sans savoir que vous étiez pour déposer un tel projet
de loi... parce que,
le 12 mars, vous n'étiez pas encore ministre
de la Santé... Puis, quand on a
organisé cette assemblée-là, il n'y avait pas encore d'élections en vue,
en tout cas, pas tout à fait, enfin...
On a organisé
une assemblée juste pour dire : Ça fait 10 ans que ça existe, il serait peut-être
temps qu'on fasse un bilan pour voir qu'est-ce qu'il en est. On a demandé à des gens... On n'a pas pris juste du monde de
gauche, là, on n'a pas pris juste des syndicalistes, là. David Levine, ça a été
le P.D.G. de l'agence de Montréal, une des plus grosses agences, sinon la plus grosse. Les quatre personnes qui
étaient là... Mme Johanne Arsenault, qui était à l'Observatoire québécois
sur les réseaux locaux de services... Tous
ces gens-là ont été unanimes pour dire : Les fusions, ça n'a jamais
rempli les promesses que ça devait...
que ça avait fait. Si ces gens-là, qui sont aussi différents, qui ont été
placés à divers endroits dans la structure, et tout ça, ont le même
discours, tiennent le même... arrivent aux mêmes conclusions, puis que les travailleurs et les travailleuses, que les gens qui étaient là aussi
dans l'assistance, qui sont des usagers et des usagères... Il y avait du monde de Saint-Henri qui sont venus
nous dire : Nous autres, on a perdu des services. On n'est plus capables
maintenant d'avoir des services qu'on avait avant. Ce monde-là... Tout le monde
tient ce discours-là.
Puis qu'est-ce que vous nous proposez? Vous nous
proposez un projet de loi dans lequel vous multipliez par 10 encore ces fusions-là. Moi, là, je veux bien
répondre à votre question sur comment on voit ça, la... comment on peut penser qu'il y ait de la privatisation, mais on ne
le pense pas, on le voit, on le voit comme parmi les résultats des 10 ans. Si on voit
ça pendant... des résultats des 10 ans puis que vous multipliez par 10 ces
affaires-là, bien, ça va aussi se multiplier par 10.
Ça fait que
moi, je vous repose la question, M. le ministre : Où est votre évaluation
de la chose? Parce que j'ai écouté...
hein, aujourd'hui, on passe en direct ou en différé, peu importe, mais il y a
bien d'autre monde qui sont passés avant nous, puis vous avez dit à bien du
monde : On le sait, c'est quoi, le problème. C'est drôle, M. Couillard, il
a dit la même chose il y a 10
ans : On le sait, c'est quoi, le problème. Tous ceux qui ont fait des
réformes, ils ont dit : On le sait, c'est quoi, le problème. Pourtant, on
n'a pas amélioré des choses tout le temps, là, hein? Il y a du monde qui se plaignent.
Il y a des députés qui ont dit ici : Le budget n'arrête pas d'augmenter de...
O.K. Alors donc, qu'est-ce qu'on fait? On continue
à faire la même chose! C'est Einstein qui disait : La folie, c'est de
faire toujours la même affaire en espérant un résultat différent. Il
faut qu'on arrête de faire ça puis, surtout, qu'on évalue qu'est-ce qu'on a de
fait.
Je vous
repose donc la question avant de vous redonner la parole : Qu'est-ce que
vous avez comme évaluation à déposer
sur la table pour au moins que des gens qui sont ici, autour de la table, que
des gens qui suivent la commission, que
des gens qui s'intéressent au système de santé et services sociaux, que tous
ces gens-là, qui sont des citoyens du Québec et qui sont des payeurs de taxes aussi, que tous ces gens-là sachent
quelle est l'évaluation que vous faites, où ont été les problèmes, tous
les problèmes, puis quelles sont les solutions qui sont les meilleures dans ce
cadre-là?
M.
Barrette : Très bien. Alors, la réponse, ici, elle est relativement
simple, et je vais essayer de vous la faire dans le laps de temps le
plus court possible.
Premièrement,
ce n'est pas une question d'évaluation, c'est une question de constat, O.K.?
Les gens à qui vous faites référence,
les quatre personnes que vous avez nommées — que je connais très bien, particulièrement
deux d'entre elles et par leurs
parcours et par leurs écrits — sont à même de constater qu'en tant
qu'acteurs principaux dans le réseau de la santé et des services sociaux... et
là je ne ferai pas de... ni de calomnies ni de médisance, je ne nommerai
personne, ils sont à même de
constater qu'ils n'ont pas livré la marchandise, pour l'un ou l'une, et, pour
l'une ou l'autre, n'ont pas... ont
des biais qui sont connus, classiques, des agendas qui sont les leurs. Et je ne
ferai pas de procès d'intention à personne.
Alors, ce à quoi vous faites référence est un
discours que je qualifierais de classique pour les individus en question. Mon constat, venant du réseau, ayant
vécu dedans pendant 20 ans, ayant, comme vous dites, vécu les réformes, et ayant vécu les points d'achoppement à chaque
place, à chaque niveau : Je suis d'accord avec vous sur un point, il y a
des choses qui n'ont pas été faites puis il
y a des résultats qui n'ont pas été obtenus. Mais, par contre, je vais vous
dire une chose. Je ne sais pas de
quel milieu vous venez exactement, là, mais je vais vous dire une chose :
Les décisions qui devaient être
prises ne l'ont pas été. Et je pourrais nommer des décisions des gens que... à
qui vous faites référence, dans des grands ensembles, qui ont fait
exactement ça, c'est-à-dire ne pas prendre les décisions qu'il fallait prendre.
J'arrive ici
fort de cette expérience et je fais une proposition qui est un point de départ,
qui va être suivi d'autres choses. La
seule chose que je peux vous dire aujourd'hui de pertinente à votre
commentaire : Bien, à la prochaine commission parlementaire, bien,
on se reparlera puis on verra si j'ai échoué.
• (17 h 50) •
M.
Falardeau (Denis) : Mais, M. le ministre, à la lecture du projet, ce
que je vois... On parle de concentration, fusions, on parle d'efficience, on parle d'économies. On parle de
services, j'en conviens. Mais comment vont se conjuguer justement ces
soucis d'efficience et de service?
Et, entre autres, je mentionne notamment... À l'article 59, on parle d'une prestation de services, mais
sécuritaire. Et, si vous me
permettez, je vais vous faire part d'une expérience de quelqu'un
dans mon entourage. C'est une personne, c'est un citoyen qui est en
phase terminale, il est en fin de vie. Et remontons le temps, à plus d'un an
environ. Cet homme-là, ce citoyen,
commençait à sentir des problèmes de santé. Recherche d'un médecin. Impossible de
se trouver un médecin. Finalement,
frappe à la porte d'une clinique sans rendez-vous.
Le médecin lui diagnostique une
infection et lui prescrit des
antibiotiques. Peut-il devenir son médecin traitant? Non. On le laisse aller à lui-même. Impossible de se trouver un médecin par la suite.
On se retrouve à cet été. Cet homme-là devait
partir en vacances. Problème respiratoire. Va à l'urgence. On lui
enlève plus d'un litre de liquide au poumon droit pour, finalement, avec les
examens d'usage... Deux semaines après, on
lui dit : Bien, monsieur, venez d'urgence à l'hôpital, on doit vous
opérer. Pour finalement lui dire : On ne va pas vous opérer. Nous avons deux nouvelles à vous donner,
une bonne et une mauvaise. La bonne : ce n'est pas nécessaire
de vous opérer; la mauvaise, c'est parce que votre espérance de vie est
trop courte : c'est un cancer généralisé.
Dans ce projet de loi là, des problèmes d'accès aux soins, des problèmes
d'accès à un médecin... je ne vois pas de solution là-dedans, M. le
ministre.
M. Barrette : Vous avez terminé?
M. Falardeau (Denis) : Oui.
M.
Barrette : Alors, voici. Je
vais répondre à votre question qui, malheureusement... à laquelle on ne peut pas répondre d'une façon précise pour l'épisode de
soins que vous avez relaté, hein? Parce
que, dans l'histoire que vous nous
racontez, il y a un certain nombre d'éléments que vous inférez qui
ne sont pas nécessairement... auxquels on ne peut pas nécessairement
tirer la conclusion que vous tirez. Ce n'est pas compliqué, là : ce que
vous dites, là, c'est qu'il y a un diagnostic
qui a été raté, la personne s'est retrouvée dans une situation irréversible
quelques mois plus tard. C'est ça que vous relatez. Ça, ça s'appelle
l'évaluation de l'acte médical, ça s'appelle... dans une institution, si c'est
le cas, et ça s'appelle le Collège des
médecins, dans un autre cas, et il pourrait très bien être démontré que ce que
vous relatez soit tout aussi triste, mais pas du tout dans le registre
que vous mentionnez.
Et alors vous
avez raison, là : tout ce dont vous parlez sur cet élément-là n'est pas
dans le projet de loi n° 10. Ce n'est pas un argument pour critiquer le
projet de loi n° 10. Il y en a deux, par contre, qui sont un argument
pour, un, le critiquer, deux,
l'appuyer, même si vous ne voulez pas le faire. L'accès. Je l'ai dit 100 fois
en trois semaines : Le projet de
loi n° 10, en termes d'accès à la première ligne, ce n'est pas ça qui va
régler ça, c'est autre chose. Le «autre chose» est en train de se discuter, et on verra bien où est-ce que ça va finir.
Je l'ai dit, là. Je ne peux pas être plus clair que ça. Ne reprochez pas
au projet de loi n° 10 de ne pas s'adresser à l'accès, alors qu'il n'est
pas fait, le projet de loi, pour s'adresser à l'accès.
Deuxièmement — et là ça devrait vous permettre de
l'appuyer — le
projet de loi n° 10 vise à faire en sorte que, l'accès étant idéalement réglé, le cheminement du
patient entre la première ligne et l'investigation subséquente, qui, dans
l'exemple que vous avez donné, n'est
définitivement pas idéal, dans l'exemple que vous donnez tel que raconté...
bien, le projet de loi n° 10
vise exactement ça. On n'est pas dans la privatisation, là, puis on n'est pas
dans le drame dramatique, là, puis on
n'est pas dans l'abolition des services sociaux, là; on est dans le
pragmatique, la vraie vie quotidienne que vous relatez. Le projet de loi n° 10, là, il vise ça, pas l'accès. Mais
après, là, ce que vous venez de raconter, là, bien, ça vise exactement
ça.
Dites-moi, à
ce moment-là, que le projet de loi n° 10, s'il arrive à cette fin-là,
n'aurait pas aidé la personne que vous
connaissez. Parce que ce que vous avez raconté, c'est le monde d'aujourd'hui,
dirigé et commenté par vos références, et
ça ne donne pas les résultats escomptés. Je n'ai pas besoin de faire d'études
puis de consultations, là, je vis ça à tous les jours. Pas besoin, moi, là, de
grandes conférences cosmiques, là, de «whatever», là, pour me faire dire par
David Levine, ou Pierre-André
Contandriopoulos, son fils, ou sa belle-fille qu'est-ce qui ne marche pas dans
le service de santé. Je le vis à tous les jours. Alors, ce à quoi on
s'adresse, c'est... Le projet de loi n° 10, c'est exactement ça. C'est
tout.
Vous pouvez,
comme d'autres l'ont fait, le voir négativement. C'est un pays libre, puis je
suis heureux d'en débattre avec vous. Mais je suis content que vous me
donniez un exemple pratique, par
exemple, parce que
c'est exactement ça qu'on
vise. Après, quand on arrivera avec des mesures qui visent la première... en
fait, la première ligne, dans l'exemple que vous donnez et, dans les faits, ce que l'on doit viser, bien,
j'espère que vous serez plus ravi et que ce que l'on aura à proposer
aura les résultats que vous escomptez. Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Montpetit) : Oui,
je vous remercie. Ceci met fin à l'échange, le temps étant écoulé. Alors, je
passe la parole à l'opposition officielle pour une durée de 10 minutes. Mme la
députée de Taillon.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Mme Marcotte, M. Benoit, M.
Falardeau, M. Fournier, bienvenue,
merci pour votre présentation. Je
pense que votre démarche que vous avez faite début mars — donc, vous avez certainement planifié ça depuis, comme vous dites, beaucoup
plus longtemps, un congrès comme celui-là — ça témoigne de votre préoccupation à
ce qu'on ait un rendement approprié dans notre système de santé. Les Québécois investissent beaucoup, ils investissent... Plus de
45 % de leur budget, du budget est investi en santé. Et on a également...
Et je partage votre indignation par rapport
à la non-performance actuelle de notre système... et aux préoccupations que le
manque d'accessibilité occasionne.
Ce que je
pense et ce que j'entends — puis je pense qu'on a eu plusieurs groupes qui sont venus dire des
choses semblables — c'est
que le ministre prévoit que le projet de loi n° 10 va lui donner la
possibilité — et
il l'a répété plusieurs fois — de donner des orientations au niveau du
système. Alors, moi, je ne vois pas ce qui l'empêche actuellement de les
donner, ces orientations-là, et, ensuite, de s'assurer qu'il y a...
Il y a un mot qui est ambigu, c'est la reddition
de comptes. Alors, la reddition de comptes, pour certaines personnes, quand on le... c'est remplir 200
formulaires. Et mon collègue de la CAQ s'obstine à beaucoup revenir sur cette
dimension-là, 200 formulaires. Il y a une
façon de demander de la reddition de comptes, de l'imputabilité, de
responsabiliser les gens en leur
donnant des indicateurs de performance et en agissant au niveau du financement,
effectivement, de la rémunération.
Vous avez tout à fait raison. Et le financement à l'activité n'est plus une
référence; on parle maintenant de
financement au résultat. Et, quand un patient n'a pas le résultat attendu ou
qu'on sait qu'il y a des cibles au niveau de son résultat...
Mon patient
diabétique, il devrait avoir ses cibles, dans ses glycémies, qui sont normales,
et il ne devrait pas aller cinq fois
à l'urgence de l'hôpital dans une année si une équipe — médecins, infirmières, pharmaciens,
nutritionnistes — fait
en sorte que ce patient-là, au lieu d'aller
cinq fois à l'hôpital, il y va deux fois, et... Au lieu d'aller... d'avoir des
glycémies qui ne sont pas contrôlées, c'est bien contrôlé, et son hémoglobine,
glyquée, bien, ça, ça vaut quelque chose. Ça vaut quelque chose dans
notre système de santé. Mais ce n'est pas le fait de poser des actes à
répétition qui le donne. Mais tout ça... le
ministre a cette latitude-là de modifier ces choses-là, de les influencer, sans
passer par le projet de loi n° 10. Et le lien que vous questionnez, c'est : Pourquoi le projet de loi
n° 10 et quelles sont les garanties que le projet de loi n° 10 va
nous donner ce qu'on a besoin et ce que les citoyens disent qu'ils ont besoin
en amélioration de l'accessibilité?
Alors, moi, j'aimerais ça que vous me disiez, à
partir de votre analyse et de ce que vous avez compris de vos conférenciers... Mais aussi, je suis très
sensible, moi, au témoignage que vous avez présenté, monsieur, sur ce qui
arrive à des patients, parce que je
travaille aussi en soins palliatifs et je l'ai entendue, cette situation-là. Et
ne serait-ce que le doute que les choses qui devaient êtres faites au bon moment n'ont pas
été faites au bon moment, c'est déjà énorme. Et, dans une société comme le Québec, on ne devrait pas laisser les gens
avoir ce doute-là, surtout quand ils ont fait la démarche de consulter.
Donc, quels
sont vos éléments de solution? Quels sont les éléments que vous avez vus qui
seraient compatibles avec notre modèle actuel, sans le projet de loi
n° 10, et qui aideraient à notre système?
M. Benoit
(Jacques) : Juste, d'entrée...
un petit peu, si vous me permettez, parce que le ministre a dit quelque chose,
il a terminé, puis je n'ai pas pu me raccrocher et remettre un peu de...
Mme Lamarre : ...
• (18 heures) •
M. Benoit
(Jacques) : ...la question
de la privatisation, où c'est qu'elle est, puis tout ça. J'imagine qu'on est
tout seuls à imaginer des choses,
puis, comme vous semblez voir qu'il y a comme deux catégories de citoyens,
semble-t-il, au Québec : il y a
ceux qui partagent votre opinion et les autres, qui peuvent s'appeler Levine,
qui peuvent s'appeler Contandriopoulos,
qui peuvent s'appeler Mme Archambault ou qui peuvent s'appeler, ici, les gens
qui sont autour... C'est ça que je semble en comprendre.
Mais je vais
vous citer quand même — c'est
assez amusant — la
fédération des chambres de commerce, hein, ce n'est pas nous autres, là, c'est eux autres qui disent ça, hein? Ils
disent... Ils sont extrêmement contents du projet de loi, ils l'applaudissent, hein, puis ils disent... Par
rapport, par exemple, aux nominations sur des futurs conseils
d'administration, des individus indépendants, ils disent : On ose
croire que le ministre saisira alors l'occasion d'inviter davantage d'entrepreneurs
à siéger aux conseils d'administration, insufflant ainsi davantage
d'entrepreneuriat dans la gestion.
Nous,
quand on regarde le projet de loi puis qu'on voit les compétences qui sont
suggérées pour ces administrateurs-là, on
a un petit peu de misère à comprendre en quoi quelqu'un qui aurait des
compétences en gouvernance et éthique, en gestion des risques et qualité, en ressources humaines, en ressources
immobilières, informationnelles, en vérification de performance, en quoi
cette personne-là va être capable de régler la question des listes d'attente en
pédopsychiatrie ou encore en quoi cette personne-là connaît les choses pour
savoir comment on peut s'occuper de donner un bain à une personne âgée? En quoi cette personne-là ou ces
personnes-là vont avoir l'expérience de juger c'est quoi, faire un suivi
de deuil? Tous ces gens-là ont des
expériences qui ne concordent pas du tout avec un système de santé et services
sociaux, mais ils ont des compétences dans les vraies affaires. Ça, les
vraies affaires, on a entendu ça pendant la campagne électorale et depuis la campagne électorale. Ça, pour les vraies
affaires, on le sait qu'il y en a, des compétences, et nous, on pense que le
projet de loi, il vise bien plus à faire en sorte que des vraies affaires s'opèrent
au Québec.
Là-dessus, je vais passer la parole à mon
collègue à l'autre bout.
M.
Fournier (Jacques) : Bien,
en réponse à votre question, effectivement, le ministre a présentement tous les pouvoirs pour donner les orientations. C'est comme
si, effectivement, le projet
de loi mis de l'avant ne répond à
aucun, aucun, aucun des objectifs réels qu'on poursuit.
Là,
j'aimerais vous livrer un témoignage. J'ai été intervenant dans le réseau de la
santé depuis 1978. J'ai travaillé 27
ans dans le réseau et sept ans de bénévolat après, donc ça fait 36 ans de
millage. J'ai analysé les réformes Lazure, Côté, Rochon, et tout. Le témoignage que je voudrais vous faire, c'est :
en 2003, j'étais intervenant dans un bon petit CLSC efficace, performant, les
employés dévoués qui ne comptaient pas leurs heures. On était 240. Du jour au
lendemain, on est devenus 4 000.
On a été fusionnés avec un hôpital, six CHSLD, trois CLSC. Du jour au
lendemain, les complicités professionnelles,
qui sont tellement importantes, qui avaient été bâties, tissées au cours des
années ont disparu. Les gens étaient
en mode survie; les cadres étaient en chicane entre eux. Du jour au lendemain,
on a vraiment diminué notre rendement. Mes collègues de travail, les travailleuses sociales, pleuraient,
certaines faisaient des burn-out. Pour ma chance, j'étais admissible à la retraite, pas comme eux,
et j'ai pris ma retraite. Mais je les revois encore, et elles me disent :
Jacques, on fait un travail pour
lequel on n'a pas étudié. Notre travail n'a plus de sens. Et ça, c'est le
résultat de la fusion de 2003. Imaginez, la fusion de 2014 serait pire.
Je pourrais
vous raconter des tonnes de témoignages comme ça, de consoeurs de travail qui
ont été démobilisées complètement par
la réforme de 2003, et ce qu'on nous promet, c'est pire. Alors, l'histoire que
le ministre a besoin de plus de choses, c'est complètement «out of».
Et, un
dernier point que je voulais ajouter, parce qu'en tant que représentant des
aînés ça me tient à coeur, un des défauts
majeurs du projet de loi, c'est d'augmenter l'hospitalocentrisme. Il y a
la Protectrice du citoyen qui a dit : Des fonds ont été dévoyés, des fonds destinés au maintien à domicile ont été
dévoyés pour combler les déficits des hôpitaux. Le ministre nous dit : Article 55, c'est merveilleux. Et l'article
55, au mieux, c'est un baroud d'honneur, au pire, c'est une arnaque parce que, quand les hôpitaux auront à
combler leurs déficits, ils prendront encore l'argent dans le maintien à
domicile. Alors, au nom des retraités, je suis en désaccord profond.
M. Lisée : Merci...
La Présidente (Mme Montpetit) : Il
vous reste 1 min 30 s, M. le député de Rosemont.
M. Lisée : Une minute. Alors, je vous salue tous. Je vous ai
entendu citer la chambre de commerce, tout
à l'heure, sur la
privatisation, effectivement, ce bout où la fédération des chambres disait que
c'était une occasion d'insuffler davantage
d'entrepreneuriat dans la gestion, mais ils continuaient en disant : C'est
une manière pragmatique et sereine d'envisager des alliances avec le secteur privé.
Alors, c'est pour ça que vos inquiétudes, elles sont réelles, elles sont
fondées. Nous allons être très vigilants.
On entend le
ministre qui dit : Non, ça ne sera pas comme ça, ça ne sera pas comme ça,
mais, d'une part, on va être très vigilants... moi, je suis de ceux qui
croient que ce service doit être public et davantage public qui ne l'est maintenant. Et, sur la question du recul de la démocratie, vous avez fait un calcul
que je voudrais relever. Vous dites : Le projet de loi abolira, à
l'échelle du Québec, 1 343 postes de représentation dans tous
les conseils d'administration; dans 66 % des cas, ce sera une
suppression d'expertise. Vous pouvez me dire qu'est-ce que ça signifie, ça?
M. Benoit
(Jacques) : Qu'est-ce que ça
signifie, vous dites? Bien, par exemple, il y a l'expertise des sages-femmes
qui ne sera plus là, qui va disparaître. Il
y a des gens, même... Quand on parle d'expertise citoyenne, là, ça fait rigoler
bien du monde, ça. Pourtant, c'est
extrêmement important, l'expertise citoyenne, parce que la personne qui a un
pouvoir sur sa santé, elle risque
d'être moins malade parce qu'elle a un pouvoir. On dit, par exemple, que la
dépression, c'est une perte de pouvoir sur sa vie. Bien, ça doit avoir
une raison en quelque part, la démocratie dans la santé.
La
Présidente (Mme Montpetit) : ...M. Benoit. Donc, la parole est au
deuxième groupe de l'opposition pour une durée de 6 min 30 s. M. le
député de Lévis.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, Mme la
Présidente. Mme Marcotte, M. Fournier, M. Falardeau, M. Benoit, je reviens
sur la notion des C.A. Vous en avez parlé il
y a quelques instants, vous faisiez mention du fait qu'on pourrait y retrouver
des gestionnaires. Pour le bénéfice des gens qui regardent et des gens qui
s'inquiètent aussi de l'accessibilité, et de la fluidité de leurs portefeuilles, et le reste, je vous pose une question,
puis ça suscitera une réflexion de votre part... bien, en tout cas, pour le moins, un
éclaircissement : Quand on injecte — et les gens pourraient se poser la
question — des
milliards de
dollars, 33, 34 milliards dans un réseau de santé, est-ce que
vous ne pensez pas qu'à travers un C.A. c'est peut-être utile d'avoir des gestionnaires? Plusieurs groupes
ont aussi dit qu'on devrait avoir d'autres membres du C.A. qui présentent
un profil, par exemple communautaire, encore
cet après-midi. Est-ce que c'est vraiment maléfique d'avoir des gestionnaires sur
un C.A. d'un réseau de santé?
M. Benoit (Jacques) : C'est votre
question?
M. Paradis (Lévis) : Oui.
M. Benoit (Jacques) : Je ne crois
pas que ce soit grave ou maléfique d'avoir des gestionnaires sur un conseil d'administration d'un réseau de santé. Qu'ils
soient majoritaires, indépendants du réseau, pour quoi faire? Ça veut dire
qu'on va prendre des gens qui ne connaissent
pas le réseau, qui ne connaissent pas comment ça fonctionne là-dedans, puis
c'est eux autres qui vont venir décider?
On va prendre
du monde pour régler votre histoire à vous. Mettons que vous avez un problème
chez vous, on va vous caller, là, du
monde, là, qui viennent de la région à côté, du village là-bas, de la ville
là-bas, du pays là-bas, ils vont tous venir puis ils vont régler votre
problème. Vous allez dire : Qu'est-ce qu'ils connaissent de moi? Qu'est-ce
qu'ils connaissent de ce que je suis, de ce
que je vis, de ma réalité, de ma culture, de si je me lève le matin ou pas,
c'est quoi, ma job, qu'est-ce... Ces
gens-là, ils vont décider de quoi? Ils vont... Ça va être quoi, leurs
expériences? Ah! ils connaissent ça. Non, non, non, ce n'est pas
suffisant.
La Clinique
communautaire de Pointe-Saint-Charles, par exemple, qui est une clinique
communautaire où est-ce que le conseil d'administration est formé de
citoyens, cette clinique communautaire là a un ancrage important dans la communauté, dans sa communauté. Les gens qui
participent au conseil d'administration, ils n'ont peut-être pas tous des
diplômes en arrière, mais ils vivent dans le
quartier, ils sont les premiers capables de dire : Voici ce qui se passe
dans mon quartier, voici comment on
peut intervenir, voici comment on peut améliorer les conditions de santé, les
conditions de vie, voici sur quoi il
faut travailler, il est peut-être mieux de mettre l'argent là plutôt que là
parce que là, ça va rapporter plus parce
que ça va causer moins de problèmes à la longue. C'est ça aussi, faire de la
prévention. Les gens connaissent leur vie, connaissent leur réalité, ils sont capables, à travers le pouvoir qu'ils
exercent, de pouvoir poser des bons gestes, orienter, donner des bonnes
orientations pour que les choses se fassent correctement.
Moi, ce que je vois là-dedans, là, ce n'est pas
tout à fait ça, ce n'est pas du tout ça qu'on est en train de nous mettre en place. On est en train... La fédération
des chambres de commerce applaudit à ce projet de loi, l'IGOPP dit... L'IGOOP, mon Dieu! on nous dit que... C'est un
grand institut... L'IGOPP, ils ne comprennent pas, eux autres, c'est quoi,
une compétence en services sociaux puis en
jeunesse. Ils se demandent pourquoi il faudrait qu'ils aient ça. Bien oui, ils
se demandent pourquoi, dans le fond. C'est un système de santé et
services sociaux, mais pourquoi est-ce qu'on aurait quelqu'un qui serait une
compétence là-dedans? C'est incroyable!
M. Paradis (Lévis) : Mais je
comprends. Remarquez que d'avoir des gestionnaires puis d'avoir des gens qui présentent un profil se rapprochant de l'usager,
de l'utilisateur, du client, un n'empêche peut-être pas l'autre. Vous me
parlez d'équilibre et de représentativité,
c'est un peu ça que vous me dites, c'est-à-dire qu'un profil n'écrase pas l'autre.
• (18 h 10) •
M. Benoit
(Jacques) : Non seulement
qu'un profil n'écrase pas l'autre, mais qu'on ne fasse pas une superstructure
qui est totalement loin du terrain où est-ce
que les gens... Vous dites... Quelqu'un — je ne sais plus qui, lequel — disait tantôt : Bien, vous ne trouvez pas qu'il y a... de toute façon, il
y a très peu de démocratie et très peu de monde actuellement qui s'implique. Il n'y a
pas vraiment de monde qui vote, il n'y a pas... On a formé des structures qui
sont... On a éloigné les points de
décision du terrain, de la population,
des réalités, de ce qu'elles vivent. C'est bien normal que la démocratie s'exerce de façon difficile, et ça prend du temps à recomposer cette
chimie-là. Puis là ce qu'on va faire, c'est : on va défaire ça puis
on va le renvoyer... On va faire ça encore à plus grande échelle.
La Direction
de l'évaluation du ministère de la Santé
et Services sociaux, il y en a une, évaluation, qui existe au ministère. La direction d'évaluation, en 2010, a
fait un rapport puis, dans son rapport, sa conclusion, c'était : il ne
faut pas qu'il y ait de changement à
ce qui est là parce que ça va venir contrecarrer les efforts qu'on a effectués
jusqu'ici. Là, ce n'est pas moi qui
l'évalue, là, c'est la Direction de l'évaluation du ministère. Je veux dire...
je demande au ministre sur quoi il se
base. J'en ai une, étude, ici, qui vient du ministère puis elle dit : Il
ne faut pas rien bouger, ça va jeter à terre tout ce qu'on a réussi à
bâtir à date.
M. Paradis
(Lévis) : Je comprends votre
inquiétude, vous l'avez bien exprimée. Je m'en vais dans un autre sens parce qu'il nous reste peu de temps. À la page 2
de votre document, vous écrivez... dénoncez la sous-traitance — vous en parlez — de
certains services. Vous nommez notamment les services d'entretien. Prenons
celui de la buanderie pour l'exemple. Pour
ceux qui vous écoutent aussi et que vous représentez toujours, j'aimerais que
vous leur expliquiez c'est quoi, le problème de sous-traiter, par
exemple un service de buanderie, dans la mesure où ça coûte moins cher aux
contribuables.
M. Benoit
(Jacques) : Je vais laisser
madame ici répondre, mais je vais terminer avec un petit exemple tantôt.
Mme
Marcotte (Josée) : Donc, souvent... Il est vrai que, dans le projet de
loi, ce n'est pas écrit. La sous-traitance, c'est souvent insidieux. Donc, on a vu, avec les projets de fusion, de
plus en plus de projets de sous-traitance. Avec les projets de sous-traitance, ce qu'on constate...
Bien, d'abord, ce qu'il faut dire, c'est que, dans le réseau de la santé, ce
sont majoritairement des femmes qui y
travaillent, et c'est aussi important d'investir dans des emplois de femmes que
d'investir par exemple dans les ponts, dans les routes, d'autant plus
que ce sont des emplois socialement rentables.
Donc, dans les sous-traitances, souvent, ce
qu'on voit, c'est que les entreprises qui sont là pour faire de la sous-traitance, leur principale préoccupation, ce
n'est pas la qualité des services, c'est faire des profits. Donc, ce qu'on...
La Présidente (Mme Montpetit) : Je
vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.
Mme
Marcotte (Josée) : ...c'est qu'à long terme, souvent, le coût est plus
important pour l'État que s'il était offert dans le public.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, Mme Marcotte, MM.
Benoit, Falardeau et Fournier. Je vais donc
suspendre les travaux pour quelques instants et j'invite le prochain groupe, la
Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec à bien vouloir
prendre place, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 18 h 13)
(Reprise à 18 h 15)
La
Présidente (Mme Montpetit) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons donc reprendre les travaux. Je
souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les fins d'enregistrement, je
vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire votre exposé, et, par la
suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.
La parole est à vous.
Fédération
interprofessionnelle
de la santé du Québec (FIQ)
Mme
Laurent (Régine) : Merci.
Bonsoir à toutes et à tous. Merci, Mme la
Présidente. Alors, je suis
accompagnée, à mon extrême droite, de
Suzanne Prévost, qui est conseillère au secteur sociopolitique de la
fédération; à côté de moi, Nancy Bédard, qui est vice-présidente à la
fédération, coresponsable de la négociation; à ma gauche, Line Larocque, première vice-présidente de la fédération, responsable du secteur
sociopolitique, condition féminine, et, à côté de Line, Lucie Mercier,
conseillère syndicale au secteur sociopolitique à la FIQ.
Alors, tout d'abord, merci à la commission de
nous permettre d'exprimer nos commentaires sur le projet de loi n° 10.
Pour débuter, quelques remarques d'ordre général. Des réformes de la santé, il y en a
eu plus d'une dans les deux dernières
décennies, et, à chaque fois, on nous a promis à peu près la même chose : une amélioration de l'accès et de la qualité des soins à moindre coût. Remontons à Marc-Yvan Côté en 1990.
Le slogan était Mettre le
citoyen au coeur du système. On se retrouve aujourd'hui
en 2014 devant une autre énième réforme qui fait les mêmes promesses.
Pourtant,
l'immense chantier de 2003, cette réforme-là adoptée sous le bâillon par le
précédent gouvernement libéral,
n'est toujours pas terminée, et surtout, il n'est pas encore possible d'en
mesurer tous les impacts. En date d'aujourd'hui, au moment où on se parle, certains CSSS sont
encore à finaliser l'intégration des différentes missions au sein du nouvel établissement, et leur réseau
local n'est pas totalement déployé. Nonobstant le caractère inachevé de la
présente... précédente
réforme, les modifications suggérées dans le projet de loi n° 10
s'inscrivent, quant à nous, dans la même
lignée, la même stratégie et la même idéologie que celle ayant inspiré les
auteurs du projet de loi n° 25 en 2003. Et, en plus, nous n'avons toujours
pas le portrait global de ce qu'il y a à venir pour le réseau de la santé.
Toujours dans l'optique d'améliorer la fluidité
et l'accès aux soins, le projet de loi n° 10 propose d'élargir encore davantage la notion de soins intégrés afin
d'inclure la réadaptation, les centres jeunesse dans ces nouveaux CISSS.
Pourtant, les évaluations n'ont pas permis
de démontrer que l'intégration des services de santé au sein des CSSS améliore
la fluidité entre les services ou encore
donne un meilleur accès à ceux-ci. L'expérience de l'Alberta démontre que cette
solution n'est pas la bonne. De plus,
de nombreux Québécois et Québécoises n'ont toujours pas de médecin de famille, et nos urgences
sont toujours bondées.
On n'est pas tout à fait remises, les professionnelles en soins, de la dernière réforme. Les
fusions d'établissements de 2003 ont été source de stress en
raison de l'adaptation nécessaire, de faire en sorte... de différentes cultures
d'un établissement à l'autre d'une même région, et on subissait ça
pendant qu'on travaillait à dispenser des soins à la population. L'ampleur de la réforme proposée cette fois-ci est telle que, quant à nous, la période d'instabilité, d'insécurité administrative, d'organisation du travail qui en résultera prendra des années, ce qui, quant à nous, aura inévitablement des répercussions sur les soins dispensés aux patients. Bref, la dernière chose dont les
professionnelles en soins et la population avaient besoin pour améliorer l'accès, la
sécurité, la qualité des soins, les conditions de pratique, c'est d'une réforme
de structure.
Le ministre de la Santé a eu l'honnêteté de dire lui-même que le projet de loi n° 10
ne réglera pas les problèmes d'accès
aux soins. Alors, pourquoi avoir mis de l'avant une gigantesque
restructuration qui n'agira pas sur ce qui ne va pas? Si le véritable objectif de cette réforme est
de réduire les coûts du système, pourquoi alors les postes budgétaires les plus importants ne sont pas touchés, soient la rémunération des médecins, qui, de 2003 à 2014, a augmenté de 120 %, et les médicaments? Ces deux postes budgétaires ensemble totalisent 34 %
des dépenses en santé ces dernières années. Pour nous, sous le prétexte
de la nécessaire austérité économique pour redresser les finances publiques, le
gouvernement procède à un démantèlement
systématique des mesures que les Québécois et Québécoises ont choisi de se
donner d'un commun accord pour vivre dans une société plus juste et
équitable en santé, en éducation, en CPE et en culture. En définitive, on assiste, quant à nous, à un désengagement de l'État au profit des marchés privés, alors même que la
recherche de profits est incompatible avec l'offre de services et de
soins sécuritaires et de qualité pour tous.
• (18 h 20) •
Plus particulièrement, je vais commencer avec les impacts sur le palier local. La création de
CISSS fait disparaître le palier local et a pour conséquence d'éloigner
les soins des patients. La fusion de centres d'activité dans les nouveaux CISSS pour réaliser des économies d'échelle aura
pour effet d'obliger les patientes et les patients à se déplacer encore plus
pour recevoir des soins.
La FIQ
dénonce l'absence de balises claires visant à protéger les missions dans les
futurs CISSS. Cette absence de
balises aura pour conséquence de favoriser l'hospitalocentrisme et la mission
curative au détriment des missions à caractère plus préventif et social. Il en va de même pour les budgets qui seront dorénavant
octroyés sur la base des programmes-services, toutes missions
confondues.
Autre préoccupation, la réforme mise sur la
table pour accélérer, quant à nous, et faciliter la mise en place du
financement à l'activité. La FIQ pense aussi que ce projet de loi ouvre encore
plus la porte au privé, et nous sommes préoccupés
de garder un réseau public de santé. Pour les tenants de la marchandisation de
la santé, il y a une perspective de profits alléchante. En contrepartie, voilà une opportunité pour un gouvernement de se départir de sa responsabilité de protéger un bien commun.
Le projet de loi n°10 a aussi des effets sur
les professionnels en soins. La FIQ déplore la perte de représentativité
des professionnels en soins au sein des C.A.
d'établissement. Cette représentation moins importante aura pour effet de
remettre en question leur rôle premier, soit
celui d'apprécier la qualité des soins. De même, la relation avec les objectifs
du projet de loi n°10... La FIQ s'interroge
au sujet de la place qu'auront les DSI, les DSP, les DSH dans les nouveaux
établissements afin de garantir à la population des soins de santé de qualité
et sécuritaires.
Passons
rapidement sur les pouvoirs du ministre. Je pense que ça a été largement
dénoncé. Seulement énoncer qu'on nous
dit qu'il y a l'abolition des structures des agences de santé, mais les
pouvoirs sont simplement répartis entre les nouveaux CISSS et le ministre. Le ministre a des pouvoirs et des
fonctions qui sont très importants, quant à nous, et ça allume une lumière rouge. Le ministre va pouvoir
donner les orientations, priorités nationales et régionales, priorités sur
l'équilibre budgétaire, le budget, les services, les subventions, l'allocation
des ressources, la nomination des C.A. des établissements
régionaux, des P.D.G., des P.D.G. adjoints, des comités, l'établissement de la
structure organisationnelle des établissements, des corridors de
services, signer les ententes avec les cliniques médicales associées,
possibilité de fusionner les établissements
publics que vise ce pouvoir, déterminer l'usage commun de certains biens et
services par les établissements. Le ministre élabore aussi des plans
régionaux en matière de planification de main-d'oeuvre et de développement des ressources humaines. Sur ce
point, cela remet en question l'application de l'article 231 de la loi santé
et services sociaux qui demande la participation des employés et de leurs
syndicats à l'élaboration d'un plan d'action triennal
sur la planification de la main-d'oeuvre et le développement du personnel.
Quant à la réglementation où c'est écrit dans le projet de loi :
«Prendre toute mesure [...] utile à l'application de la présente loi» sans
obligation de publier le règlement, vous verrez parmi nos recommandations qu'on
insiste là-dessus.
Le projet de
loi n°10, c'est aussi pour nous une réforme au service de la grande entreprise.
Faisons un bond dans l'histoire. La
fonction d'approvisionnement est apparue avec la Révolution tranquille pour
faire échec au patronage. Elle a été introduite en santé dans les années
70. Il y a eu depuis plusieurs règlements qui ont été passés. La loi de 2005...
la loi n° 25, pardon, de 2003, la
réforme de M. Couillard qui a introduit le concept de contractualisation dans
le domaine de la santé et services
sociaux, surtout dans celui des services... Cette forme de contractualisation,
c'est une séparation des acheteurs et des fournisseurs ou prestateurs de soins et de
services. Les fusions d'établissements vont simplifier la vie des fournisseurs en diminuant le nombre
d'établissements de 182 à 28, diminution du nombre de groupes
d'approvisionnement en commun de 11 à 3, faciliter l'atteinte des
objectifs de volume d'approvisionnement et de valeur de seuil.
Et là j'insiste sur nos questionnements quant à
l'accord Canada-Union européenne. Les provinces et les municipalités sont visées par les marchés publics, valeur de seuil pour
les biens et les services, pour les travaux de construction aussi, et, dans la santé, cet accord est
applicable au ministère de la Santé et Services sociaux, aux agences, aux
établissements, aux groupes d'achats
en commun notamment. Ajoutons la possibilité d'obliger un établissement public
ou un établissement privé
conventionné à utiliser les services d'un groupe d'approvisionnement en commun
ou à participer à un processus d'appel
d'offres mené par un tel groupe. Ça pose problème pour les objectifs de
développement économique régional.
Prenons l'hébergement des personnes âgées menacé
de tomber sous la coupe des accords de commerce. Deux exemples : l'agence régionale de la Capitale-Nationale, en 2007, signait un contrat de 20 ans avec un promoteur privé pour l'achat de 116 places. Ça a
augmenté à 256 places, et la valeur a doublé : 18 millions,
selon le Vérificateur général.
Autre exemple, l'agence de Montréal, en janvier 2014, qui a octroyé 11 contrats
de gré à gré avec des CHSLD privés
d'une valeur variant de 7,1 millions à 20,6 millions. Ces contrats se
qualifient pour les appels d'offres entrevus en
vertu de l'accord Canada-Union européenne. En clair, le projet de loi n° 10 constitue une occasion d'affaires en santé, et
la santé devient une marchandise. Pourquoi...
La Présidente (Mme Montpetit) : Mme
Laurent, je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.
Mme
Laurent (Régine) : Je me
dépêche. Le ministre a pourtant annoncé en août 2014 la fin de
l'entente qui liait l'Hôpital du Sacré-Coeur à la clinique RocklandMD
parce que les coûts avaient explosé. Pourquoi avoir fait une telle annonce et,
quelques mois plus tard, consacrer ce modèle dans le projet de loi n° 10?
La FIQ
préconise une approche résolument axée sur la recherche de solutions, et, en ce
sens, le mémoire contient une série
de recommandations proposant des solutions pour améliorer l'accès aux services
de santé au sein du réseau. La FIQ
offre toujours son soutien et son expertise au ministre s'il veut bien mettre
de côté le projet de loi n° 10 et travailler avec nous à trouver
des solutions. Merci, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Montpetit) :
Je vous remercie. Donc, nous allons débuter avec les échanges avec la partie
ministérielle pour une période de 15 minutes. M. le ministre?
M.
Barrette : Merci, Mme la Présidente. Mme Laurent, c'est toujours un
plaisir de vous rencontrer. Mme Larocque, Mme Bédard, Mme Mercier,
Mme Prévost, bienvenue.
Alors,
écoutez, je ne peux pas m'empêcher, Mme Laurent, de faire la remarque que je
vais faire. J'ai compris cet après-midi
que j'étais rendu dans une autre phase des commissions parlementaires, qui est
celle évidemment des syndicats et des
groupes apparentés, et je comprends qu'il y a comme une espèce de front commun,
à l'image du front commun de
négociation, pour ce qui est de la demande de retirer le projet de loi.
Évidemment, les chances que ça arrive aujourd'hui, là, sont faibles.
Mais je comprends que vous avez aussi développé un argumentaire commun, qui, à
certains égards, Mme Laurent, est un peu
différent du discours que la FIQ peut tenir en d'autres circonstances, mais...
Je n'entrerai pas dans ces
détails-là, mais je vais quand même personnellement vous dire que je pense que,
dans cette réforme-là ou sans cette réforme-là, il demeure important,
pour le ministère de la Santé et des Services sociaux et moi personnellement, d'avoir l'occasion de travailler étroitement avec
vous. Et je maintiens ce que j'ai toujours dit : Je pense qu'ensemble on
peut trouver un certain nombre de solutions, dans un cadre relationnel qui est
normal.
Alors, je dis
ça, là, je pèse mes mots en disant ça parce que je ne peux pas,
Mme Laurent, comme je l'ai dit aux autres organisations
aujourd'hui, là, je ne peux pas accepter, puis je comprends, là, je
l'accepte — je
le reçois, là, je veux dire — mais je ne peux pas être d'accord avec
l'argumentaire que vous, aujourd'hui, tous les groupes qui... Vous vous êtes un peu coordonnés, là, puis ça va être
la même affaire demain. Je ne peux pas voir, là, à quel point vous pouvez
voir une migration ou une transformation
vers la privatisation avec le projet de loi n° 10, là. Je ne le vois pas.
Puis je ne peux pas voir comment vous pouvez voir ça, mais ce n'est pas
grave. Mais c'est votre impression, puis je la reçois.
Mais je vais faire un commentaire précis, par
exemple, Mme Laurent. Vous avez fait référence aux achats regroupés comme étant
la porte ouverte aux fournisseurs, et à la privatisation, et ainsi de suite. Je
suis dans les achats regroupés, moi, Mme
Laurent, depuis 2001. Les achats regroupés substantiels au Québec, ça a
commencé à la suite d'une intervention que j'ai faite moi-même,
pancanadienne, qui, à l'époque, avait amené des transferts de fonds
substantiels vers les provinces et qui avait résulté dans les achats
regroupés qui ont été les premiers.
• (18 h 30) •
Je vais
donner des chiffres, Mme Laurent. Les achats regroupés, là, ça existe encore
dans certains équipements médicaux
spécialisés. Puis je vais vous donner ma propre spécialité, j'y participais
encore avant l'élection du 7 avril. Juste une image, là, qui vaut... pas 1 000 mots, qui vaut des
millions de mots, là. Un «scan», un tomodensitomètre, Mme Laurent, là, en 2001, au gouvernement, c'était normé pour
le haut de gamme à 1,5 million, 1,7 million de dollars, O.K.? En
2001, à l'époque, on avait fait
baisser les prix aux alentours de 1,2 million puis on était bien contents,
on était bien fiers. On a continué à
participer à des achats regroupés qui sont faits par l'État, là, et qui, selon
vous, nous ouvrent la porte au privé. Les
achats regroupés sortent aujourd'hui pour les mêmes compagnies, pour les mêmes
gammes d'équipements d'aujourd'hui, là,
haut de gamme, à 750 000 $.
750 000 $, là, pour que vous entendiez bien le chiffre. On est
14 ans plus tard, et les prix qui
sortent sont à moitié moins. 14 ans! Pas pour des machines de 14 ans
d'âge, là, pour une machine contemporaine haut de gamme. Les achats regroupés, là, ça fonctionne. Et là je pourrais
vous dire, là, les derniers achats regroupés qu'on a faits en équipements, comme des lentilles pour la
cataracte, et ainsi de suite, là, pas juste des crayons. Il y a toujours eu des
achats regroupés, là : papier, crayons,
des choses comme ça. Mais, pour certains équipements qu'on n'a jamais faits,
là, ça fonctionne, ça fonctionne.
Alors,
arriver, là, et dire après, dans mon cas, 15 ans d'expérience là-dedans,
qui ont été au bénéfice du système public,
qu'on va privatiser le système de soins... Écoutez, je le prends avec humour,
mais ce n'est pas la réalité que vous décrivez, Mme Laurent. Alors,
à un moment donné, le discours... Je comprends, là, qu'il y a un discours
politique et syndical dans les interventions qui sont faites ici, dans cette
salle. C'est normal, c'est absolument normal, mais on déborde largement de la
discussion du projet de loi n° 10, on déborde de ça largement.
Vous
dites par exemple que, dans les CISSS, on va faire des fusions des centres
d'activité qui vont obliger les patients
à se déplacer. Il me semble que j'ai dit assez clairement que l'objectif, ce
n'était pas ça, là. Et j'imagine que demain on va probablement venir me
dire que, comme ça a été dit cette semaine, oui, oui, on va forcer les gens à
aller dans un... on va choisir le
médecin pour lui, puis probablement qu'on va me dire qu'on va choisir le pire
médecin possible pour les patients.
Il
y a quelques minutes, là, le groupe d'avant vous, ce n'est pas compliqué, on
abolissait les sages-femmes. Ce n'est
pas compliqué, là, dans le projet de loi, il n'y a plus de sages-femmes. Là,
c'est difficile d'avoir une discussion sur un projet de loi si on est dans ce genre d'interprétation là. Mais je
vais quand même aller, Mme Laurent, là, et vous posez une ou deux
questions, et faire un ou deux commentaires, là.
Pour ce qui est de la
représentation et des fonctions d'infirmière, là, les DSI, tout ça, là, les CII
et les... Bon. Regardez, là, il n'est pas
question pour nous autres, là, d'abolir toute la représentation et la gestion
de «nursing» dans le réseau. Ce n'est
pas écrit nulle part, là, ça, dans le projet de loi. Et vous avez fait
référence à une affaire qui m'a beaucoup surpris. Ma compréhension du projet de loi est que les choses qui
existent actuellement dans ce domaine-là vont rester. Vous avez, à propos de l'article 231 de la
loi, peur que les établissements perdent la représentation des employés et des
syndicats. Je peux vous dire que ce n'est
pas le cas, mais je ne comprends pas pourquoi vous tirez cette conclusion-là,
Mme Laurent.
Mme Laurent (Régine) : Merci. Sur les achats regroupés, ma collègue va
faire les précisions. Moi, je voudrais en apporter une, M. le ministre. Je pense que vous avez la perception qu'il y a
une coordination syndicale, là. Ce n'est pas du tout le cas. La FIQ a toujours eu à coeur de maintenir son indépendance et de faire valoir elle-même les valeurs qu'elle porte. Et que ça coïncide avec d'autres organisations syndicales, tant mieux, mais nous ne sommes pas guidés par ça, et
il n'y a rien de commun ni de coordonné dans ce que nous livrons ici. C'est
livré à partir des consultations des membres de la fédération et avec le
comité exécutif de la fédération.
Vous
avez aussi dit effectivement que les chances sont faibles qu'on vous fasse
changer d'idée. Cependant, nous avons
un devoir de conscience de dire ici, à la commission, ce que nous pensons
et les impacts qu'on peut voir malheureusement
sur la population et sur nous comme professionnels en soins.
Dans
le mémoire, vous avez dû voir aussi que la FIQ est en mode solution depuis un
certain temps. On aurait aimé ça être
entendus et avant le projet de loi
n° 10. Il y a des outils qui existent actuellement, et qui ne sont pas mis
en place, et qui permettraient, un,
des économies d'argent, mais une meilleure prise en charge de la population,
c'est-à-dire d'être capable d'occuper
pleinement notre champ de pratique, nos champs d'exercice par une application,
dans notre jargon, à la loi
n° 90 sur les ordonnances collectives. Et ça fait plus de 10 ans, si
ma mémoire est bonne, que ça existe, cette loi-là, un outil adopté par l'Assemblée nationale, mais
que, mystère et boule de gomme, on ne sait pas pourquoi, mais on nous empêche de le faire. Et ça coûterait moins cher
parce que, chaque fois qu'on ferait un acte qui ne serait pas fait par un
médecin, c'est de l'argent en moins réclamé à la Régie de l'assurance maladie
du Québec.
L'autre
chose qui nous fait parler aussi de privatisation, c'est que le gouvernement
libéral précédent a permis d'avoir dans
le réseau de la santé des gens qui sont venus des firmes de Proaction, Fujitsu,
«lean» Toyota et compagnie dire aux
gestionnaires déjà payés du réseau comment
gérer autrement et me dire à moi, comme infirmière : Comment ça se fait que vous vérifiez deux fois le bracelet avant de rentrer en salle d'op?
Il y a des problèmes comme ça, et on sait très bien qu'ils sont venus segmenter notre travail, nous
empêcher d'avoir un peu plus de temps pour vraiment entrer en relation d'aide avec les patients. Alors, forcément, on y
voit une privatisation et on y voit une mise en place, par ces segmentations,
d'être capable de mettre un prix sur tout ce qu'on fait, donc le financement à
l'activité.
C'est
vrai que les DSI et les CII sont présents, mais une seule personne sur un
conseil d'administration avec des gens la plupart nommés par le
ministre. Comment est-ce que c'est possible, ces gens-là étant à l'extérieur du
terrain, et demander à une seule personne
d'être capable d'influencer un conseil d'administration sur la qualité des
soins? Et on dit ça à partir des
faits d'aujourd'hui. Aujourd'hui, quand nous avons à discuter d'un problème de
qualité de soins, qui on nous met en
face de nous, dans la majorité des établissements? Quelqu'un des ressources
humaines et quelqu'un des ressources
financières. J'ai beaucoup de respect pour ces gens-là, mais, quand je leur
dis : Voici le niveau de soins x d'un patient, donc j'ai besoin d'une infirmière auxiliaire de plus ou d'une
infirmière de plus, tout ce qu'on me dit, c'est qu'il n'y a pas
d'argent, on est dans le rouge. Je n'ai aucun impact sur les besoins du
patient.
Quand je parlais de
l'article 231 de la loi santé et services sociaux, ce qui est prévu, c'est
que normalement l'employeur et les syndicats
doivent faire une planification de la main-d'oeuvre, qu'ils regardent par
exemple c'est quoi, la moyenne d'âge,
combien de gens vont pouvoir partir à la retraite dans x années, c'est quoi,
les besoins en main-d'oeuvre pour les
prochaines années, comment est-ce qu'on va faire du recrutement, comment est-ce
qu'on essaie de garder les gens. Cet
exercice-là, de ce qu'on comprend du projet de loi, dans la mesure où c'est le
ministre qui va regarder la planification de la main-d'oeuvre, on ne
pourra plus localement faire ce travail-là de planification de main-d'oeuvre, ce qu'on demande depuis des années, et que, dans
ce cas-ci, si on avait été écoutés, on serait peut-être moins dans le trouble dans
le réseau de la santé en termes de main-d'oeuvre.
Je vais passer la parole à ma collègue.
M.
Barrette : Me permettez-vous de... Parce que le temps va passer, moi,
je n'aurai pas le temps de vous répondre, là. Permettez-moi de vous
répondre, là, Mme Laurent, là-dessus, parce que c'est important.
Premièrement,
pour ce qui est de la loi n° 90, là... O.K., je le refeuilletais pendant
que vous me parliez, parce que je l'ai lu, là, votre mémoire, avant que
vous arriviez, même si on l'a eu à la dernière minute. Je l'ai lu en diagonale.
Mais la loi n° 90 n'est pas écrite dans
aucune de vos 10 recommandations. Puis j'essayais de la voir dans le texte
aussi, là, mais comme on l'a eu il
n'y a pas longtemps peut-être que je ne l'ai pas vue, mais elle n'est pas là.
Puis vous avez bien raison d'en
parler, de la loi n° 90, vous avez raison. Ça m'apparaît, ça, beaucoup
plus pertinent, mais sauf que la loi n° 90, Mme Laurent, elle n'est pas... ce n'est pas une chose qui doit être
inscrite dans la loi n° 10. La loi n° 10, le projet de loi vise à faire en sorte que le CISSS, qui a une
orientation ministérielle — probablement, il y en a une qui va l'être, là — qui va être d'actualiser par tous les
moyens possibles la loi n° 90, que... ça fait longtemps qu'elle aurait dû
être mise en application, bien ça va se faire par une orientation
ministérielle.
Mme Laurent,
je vous soumets ceci : dans le monde de la santé, je pense que les gens
ont une méconnaissance de ce que doit être un conseil d'administration.
Ce à quoi vous faites référence quand vous me dites : À qui je vais aller m'adresser quand il y a un problème?, c'est au
directeur général. Le conseil d'administration n'est pas là pour gérer au
quotidien, le conseil d'administration est
là pour s'assurer que le directeur général fasse sa job correctement. Le
conseil d'administration est là pour
s'assurer que les orientations qui sont mises de l'avant... S'il n'y avait pas
de gouvernement, là, puis que c'était
une entreprise, on va dire ça comme ça, ou un hôpital normal comme aujourd'hui,
le conseil d'administration, son
rôle, ce n'est pas d'aller gérer le sixième AB, là, puis dire que : Oui,
bien là, il faudrait qu'il y ait trois
infirmières au lieu de deux, là. Son rôle, c'est de faire en sorte que ce qui
est à être livré soit livré et que le directeur fasse son affaire. On met un poids et une responsabilité au conseil
d'administration qui n'est pas la bonne. Ce n'est pas les bonnes. Ce
dont vous parlez, c'est une responsabilité de l'équipe de direction, et c'est
normal.
Et la loi
n° 90, encore une fois, elle n'est pas là, là, mais c'est quelque chose
qui est extrêmement important, je suis d'accord
avec vous, et ce sera fait, mais ça passe par une autre voie qui va venir
s'intégrer avec ce que la loi n° 10 va mettre en place. Elle est là, la réponse, là. Et, quand vous faites référence à un certain nombre d'autres
choses, bien là vous entrez dans
votre dernière page, là, on est loin de la loi n° 10, là, parce que
là c'est le gouvernement, là. Là, vous me proposez d'augmenter les
impôts des entreprises. On est loin du projet de loi n° 10, là.
• (18 h 40) •
Mme
Laurent (Régine) : Vous avez
raison, M. le ministre, et peut-être que c'est un effet pervers du fait de ne pas avoir
une vision globale de tout ce qui s'en vient dans le réseau. Ça fait qu'on est
obligés à chaque fois de dire le maximum et ce qu'on pense qui devrait être fait
avant ou après. On n'a pas la vision globale.
La loi n° 90,
on en parle à la page 45, avec la recommandation 9, que je vais vous laisser regarder parce que
je ne veux pas prendre de temps...
M. Barrette : Je l'ai devant moi,
là. Ce que vous me proposez...
Mme Laurent (Régine) : La page... On
dit : «La FIQ recommande au gouvernement...»
M. Barrette : Non, non, la recommandation
9, Mme Laurent.
Mme Laurent (Régine) : Excusez-moi.
M.
Barrette : La recommandation 9, je l'ai devant moi, là. Je sais ce à quoi vous faites
référence, évidemment, mais la
loi n° 90, c'est bien plus que ça, là.
Mme
Laurent (Régine) : Oui, je
le sais, mais regardez ce qu'on amène. C'est qu'on parle, en début de page, de...
la loi n° 90 autorise à faire
plus, etc. dans notre champ d'exercice. C'est juste pour vous rappeler que,
oui, on en a parlé de 90, et voici ce qu'on en a mis.
Pour les
C.A., vous avez tout à fait raison, M.
le ministre, mais les C.A., ils ont quand même
un rôle avec la direction d'établissement. Et, quand on intervient au conseil
d'administration et qu'on essaie de
faire comprendre : Voici ce qui se passe au niveau de la qualité
des soins, voici les problèmes de soins sécuritaires, et que le C.A. met en
face de... pour répondre à l'ensemble de la population qui assiste, quelqu'un
des finances qui dit : On n'a pas d'argent, ou quelqu'un des ressources humaines qui dit : Je n'ai pas
d'argent, bien on n'est pas dans une discussion sur la qualité et la sécurité
des soins. C'est ce que je voulais mettre de l'avant.
M. Barrette : Bien, merci, madame.
La Présidente (Mme Montpetit) : Mme
Laurent, le temps étant écoulé, je cède donc la parole au groupe de
l'opposition officielle pour une durée de 10 minutes. Mme la députée de
Taillon.
Mme Lamarre : Merci, Mme la
Présidente. Mme Prévost, Mme Bédard, Mme Laurent, Mme Larocque et Mme Mercier, merci d'être là, merci pour votre
vision globale. Parce qu'effectivement on est très circonscrits dans une
partie de vision, et c'est très difficile de
faire des recommandations cohérentes dans un contexte comme celui-là, mais
vous avez fait une analyse assez globale, et
moi, je retiens un des éléments où vous dites que le projet de loi n° 10
souffre, à la base, d'un double déficit démocratique. Je pense que vous
avez pesé vos mots.
Alors,
un, non seulement les Québécoises et Québécois auraient dû être informés des
visées et des orientations du Parti
libéral en matière de santé avant les récentes élections... Et, deux, il existe
un consensus retentissant de l'ensemble des acteurs du réseau de la santé de toutes provenances et professions à
l'égard du fait que le projet de loi n° 10 doit être rejeté parce
qu'il ne correspond pas aux besoins du réseau.
Alors, compte
tenu du peu de temps qu'on a, j'aimerais ça que vous nous définissiez, si vous
aviez eu à prioriser, quatre ou cinq besoins du réseau. Je sais que vous
avez formulé des solutions, mais j'aimerais mieux que vous me le rapportiez en
besoins du réseau. Quels sont les besoins majeurs prioritaires du réseau avant
le projet de loi n° 10?
Mme
Laurent (Régine) : Alors,
c'est, d'une part, l'accessibilité. Et, par là, je dirais une meilleure prise
en charge, parce qu'on a, comme vous
le savez, une grande partie de nos concitoyens et concitoyennes qui, par
exemple, souffrent de maladies chroniques. Et on pourrait faire une
meilleure prise en charge si on nous le permettait, si on appliquait cette fameuse loi n° 90, où on
pourrait par exemple ajuster la médication, faire un suivi pour des gens qui
ont des problèmes d'hypertension, de
cholestérol, etc. On pourrait le faire. On nous empêche de le faire et on
pourrait le faire dans le cadre
législatif d'aujourd'hui avec la formation que nous avons aujourd'hui. Donc, on
pourrait faire mieux autant à l'intérieur des hôpitaux que dans la
communauté. Donc, il y a le problème d'accessibilité.
On a un
problème, à mon avis, aussi, qui est d'être capable de dispenser des soins
sécuritaires. En ce moment et de par
le code de déontologie, moi, je peux le dire, comme porte-parole de la
fédération, mais, à tous les jours, 24 heures par jour, il y a des gens qui ne reçoivent pas
l'ensemble des soins auxquels ils ont droit. C'est-à-dire qu'on est placés...
ou on est obligés de faire les priorités
parmi les priorités. Quand ça fait une heure que j'aurais dû donner l'insuline,
pour moi, comme infirmière, il y a un
problème majeur. Il y a un problème de conscience aussi. Quand je suis obligée
de dire à quelqu'un : Écoutez,
oui, je suis obligée de... Oui, on a signé votre congé, je le sais que vous
n'êtes pas prêt, mais je n'ai pas le temps de vous faire de
l'enseignement... Ne pas faire de l'enseignement, ce n'est pas correct, ne pas
faire de l'enseignement, c'est condamner les
gens à ce que leur état se détériore et retour par l'urgence. Quand on parle de
soins sécuritaires, on veut le faire, on veut être capable d'avoir du
personnel de soutien qui va nous aider à le faire.
On a un
problème aussi quand on parle des CHSLD. Le projet de loi n° 10 ne vient
pas régler les problèmes de nos personnes âgées en CHSLD aujourd'hui,
qui, cette nuit, vont avoir une infirmière pour 160 patients. Ce n'est pas
normal. Que les infirmières auxiliaires qui
sont de jour commencent à donner des médicaments à sept heures le matin puis elles finissent à 11 h 30, avant le
dîner pour recommencer à une heure, ce n'est pas normal. Vous le savez de par
votre formation, quand on n'est pas
capable de respecter les horaires de médicaments, surtout si c'est des personnes
âgées, bien on ne s'aide pas. Quand
on est obligé de donner encore plus de médication pour dormir parce qu'on n'a
pas le temps de s'asseoir puis de comprendre ce qui... C'est ça qu'on
veut, c'est être capable de soigner et d'être près des gens.
Et
l'expérience de l'Alberta... On n'est pas plus innocents que les Albertains.
L'Alberta a fait... ils ont refait une mégastructure
il y a 10 ans, et celle qui était responsable en 2013, l'année
dernière, a dit que ça n'a aucun bon sens, il faut revenir à un palier régional. Pourquoi on va le faire, nous autres?
Tirons profit de leur expérience malheureuse. Puis l'Alberta, ce n'est quand même pas la plus pauvre
des provinces du Canada. Ils l'ont essayé, ça ne marche pas. Ils l'ont
essayé ailleurs, ça ne marche pas. C'est pour ça que je dis : On n'agit
pas sur ce qui ne va pas et on n'agit pas sur les deux portions où ça coûte le
plus cher au réseau de la santé.
Mme Lamarre : Et on aurait certains
leviers déjà actuellement pour pouvoir le faire...
Mme Laurent (Régine) : On pourrait
tout faire ça maintenant.
Mme Lamarre : Je laisse la parole à
mon collègue député de Rosemont. Il nous reste 5 min 27 s.
M. Lisée :
Merci. Bon, je vous salue. Je vous connais bien, vous m'avez invité dans vos
instances, et j'étais très heureux
que vous preniez ce virage. Vous dites : «La FIQ : fer de lance du
syndicalisme de proposition». Je vous salue, parce que j'ai toujours dit
que les organisations syndicales, bien sûr défendaient leurs membres, mais
elles devaient aussi défendre le service
public en apportant des solutions et que c'est de la base que viennent les
meilleures solutions. Vous tentez
d'engager ce mouvement, et je vous salue. Et c'est évidemment le contraire de
ce que la réforme est en train de faire.
Et, quand
vous dites dans votre mémoire : «La motivation au travail, l'implication,
l'engagement, tout comme la mobilisation au sein des organisations
syndicales, sont largement tributaires du sentiment d'appartenance et de la fierté de travailler pour un employeur»... Et
détruire, finalement, l'existence des établissements de santé à la base pour
créer un genre de fourre-tout, c'est mettre en péril ce sentiment d'appartenance,
donc cette volonté d'engagement.
Mais il y a
un mécanisme que vous commentez sur la question de privatisation qui nous
inquiète tous. Vous, vous dites :
Finalement, le ministre est en train de modifier l'autorisation que l'on donne
pour, disons, faire un contrat avec une clinique privée, clinique
médicale associée. Jusqu'à maintenant, c'était l'agence régionale qui voyait
qu'il y avait un manque dans l'offre de
soins et qui proposait au ministre de pallier à ce manque d'une façon ou d'une
autre. Et là peut-être que le ministre aurait pu décider d'aller vers un
modèle superclinique ou RocklandMD.
Ce
ministre-ci, il nous dit, il n'a pas aimé ça, RocklandMD. Il ne veut pas faire
ça, mais il crée une loi qui fait que
le ministre, lui, s'il change d'avis, ou le ministre d'après... Même des
ministres d'avant auraient été d'accord. Et là c'est une autorité non
identifiée du CISSS qui conclut à l'existence d'un manque. Et là le ministre
pourra lui-même décider de donner au privé.
Bon. Et vous dites finalement : Il y a une brèche légale, qui est en train
d'être ouverte, qui va rendre
beaucoup plus facile à quelqu'un qui aurait la volonté politique d'aller au
privé et de le faire. Et, comme les administrateurs — on le voit dans le profil qui est
donné — pourraient
venir du privé, bien cette recommandation pourrait venir plus souvent. Donc, ce que vous nous dites,
c'est qu'il y a un genre de... les planètes sont en train de s'aligner pour
rendre ça plus facile.
• (18 h 50) •
Mme
Laurent (Régine) : Oui,
là-dessus, vous avez tout à fait raison. Et, quand on parle du privé, on se
demande... C'est parce que ce qu'on a
voulu démontrer là, c'est : Arrêtez de penser que le privé, c'est la
panacée à tout. Ce n'est pas vrai. RocklandMD a démontré que ça coûtait
plus cher, donc faisons autrement.
Alors, quand on a vu cet article-là dans le
projet de loi, évidemment ça nous a fatigués. Parce que, vous avez raison, on
pouvait au moins, à l'agence de la Capitale-Nationale ou de Montréal, aller
dire à l'agence : Bien, voyons! Comment
ça se fait que vous prenez telle clinique? Il y en a une telle autre. On avait
quand même, au niveau du conseil d'administration
et de notre présence aux agences régionales, un peu tenté d'influencer. On n'y
arrivait pas souvent, je vous l'accorde, mais il y avait quand même ça.
Maintenant on ne saura même plus sur quels critères ça a été fait, tandis
qu'au moins les agences étaient obligées de
dire les critères. Donc, on ne sait pas. Peut-être que c'est là, mais on ne l'a
pas vu.
Sur la motivation, et le sentiment d'appartenance, et l'engagement, on travaille dans le réseau de la santé et nous, on a envie de travailler dans un réseau de santé
qui soit humain, tant pour nous que pour les patients qu'on soigne. Et la
notion d'engagement, c'est important.
Et, s'il n'y avait pas l'engagement des professionnels
en soins, au moment où on se
parle, M. le député, il y
en aurait... le réseau de la santé,
ce serait épouvantable pour nos concitoyens et concitoyennes.
Donc, ce
qu'on ne veut pas... Quand je disais en début : Il n'y a
rien pour les professionnels en soins, on va être dans un grand dérangement... En ce moment, les cadres du réseau... tout
le monde est bloqué, personne n'ose
plus rien faire, même des
projets intéressants, parce
que personne ne veut déplaire au ministre,
parce que tout le
monde attend. Le projet de loi va-tu être adopté, pas adopté? On ne bouge pas parce qu'on ne veut pas se
faire chicaner, on ne veut pas se faire dire qu'on a mal fait les affaires,
parce qu'on va en payer le prix plus tard. Ça n'a pas de sens!
M. Lisée : ...occasion, donc on sait que le ministre
a cette idée des supercliniques pour pallier, pense-t-il, à des problèmes
d'accès de première ligne. Vous, vous avez une autre proposition plus légère,
plus simple. Pouvez-vous l'expliquer?
Mme
Laurent (Régine) : Oui. Pour
nous, la première ligne, ça vient de discussions que nous avons faites. Nous
sommes une organisation syndicale de professionnels
en soins, et on a dit : On est capables de faire des propositions. Et ce que nous faisons,
ici, dans la région de Québec, c'est de participer à une recherche-action pour
avoir des données probantes et prouver à tout le monde que d'avoir une
clinique de proximité — toute
petite structure, allez la voir — avec des infirmières praticiennes, des infirmières cliniciennes, des infirmières
qui ont été longtemps dans les urgences, qui ont parti ces cliniques-là... Et on participe à cette
recherche-action. Pourquoi? Parce
qu'on pense que tout le monde n'a pas besoin tout le temps à chaque fois de voir un médecin.
Alors, ce que ça fait, dans cette petite
clinique de quartier, c'est que les gens sont capables... Par exemple, quelqu'un...
C'est de valeur... Moi, j'ai eu des enfants. L'otite commence le samedi soir à
8 h 15. On n'a pas envie que les parents continuent à passer
la nuit à l'urgence parce que ce n'est pas un cas urgent. En ce moment on peut
prescrire.
La
Présidente (Mme Montpetit) :
Je vous remercie, Mme Laurent. Merci. Alors, je cède la parole au deuxième groupe de
l'opposition officielle pour une durée de 6 min 30 s. M. le
député de La Peltrie.
M.
Caire : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, mesdames. Bonjour, Mme Laurent.
Vous avez
fait un certain nombre d'affirmations qui, je vous l'avoue, m'ont
ébranlé, notamment quand vous parlez de RocklandMD. Peut-être faire une petite mise à jour parce que non seulement il n'y a rien
qui fait la démonstration que RocklandMD
donne des soins à plus cher, mais il y a une étude qui a été commandée par le
conseil d'administration qui va exactement
dans le sens contraire. J'ai eu l'occasion d'ailleurs de la présenter au
ministre, qui ne l'avait pas lue. Et c'est tellement vrai que le ministre a été
obligé de revenir sur sa décision et commander une enquête interne dont nous
attendons impatiemment les conclusions, d'ailleurs.
Mais ce qui
me turlupine, Mme Laurent, c'est que je vous entends beaucoup faire la
promotion du public, mais très peu faire la promotion de l'efficacité,
de l'intérêt du patient, de l'intérêt du contribuable. Et, si d'aventure vous aviez raison, si d'aventure RocklandMD s'avérait
être plus cher, bien je serais le premier à dire d'ailleurs : Faisons-le
au public. Mais, à l'inverse, si
RocklandMD s'avère être plus productif et moins cher pour l'intérêt du patient
et pour l'intérêt du contribuable,
j'aimerais vous entendre dire : Bien, que le ministre, au contraire, en
signe plus, des ententes comme celle-là. Et, dans ce sens-là, le projet
de loi ouvre la porte à ce genre de situation là.
De plus, je
vois dans vos recommandations un certain nombre de recettes qui ont été
rejetées par la population. Donc,
j'essaie de comprendre, là, quand vous parlez d'augmenter les impôts ou les
revenus de l'État... Mais je vois, dans votre bilan ou dans votre
proposition, là, qu'il y a une augmentation d'impôt, diminution des crédits
d'impôt, crédits d'impôt qui, soit dit en
passant, sont des incitatifs à l'épargne. Alors, j'ai un petit peu de
difficulté à comprendre comment on peut vouloir diminuer des incitatifs
à l'épargne quand on dit aux Québécois : Pensez à votre retraite, pensez à
l'avenir. Ça m'apparaît être un peu un
contremessage un peu bizarre. Et vous proposez des augmentations de taxes, mais
je veux juste vous signifier, là, que tous
les partis majeurs politiques qui ont présenté des candidats à la dernière
élection ont tous rejeté ces solutions-là.
Alors, dans
un contexte démocratique, comment... Puis vous avez le droit, là, de le penser,
puis vous avez le droit de le
défendre, puis on est dans une démocratie, mais en même temps vous comprenez
que le gouvernement n'a pas la légitimité de faire ça, même si, de temps en
temps, ils reviennent un petit peu sur leurs promesses, notamment sur les
tarifs d'électricité et d'autres
tarifs, mais on ne peut pas aller dans ce sens-là. Et vous faites des
recommandations que je trouve particulières,
des propositions dont l'efficacité est contestée internationalement. Vous
parlez de maintenir le financement
par mission. Alors, l'efficacité de ça n'est absolument pas démontrée, au
contraire.
Donc, là...
En fait, je vous dirais, il y a la recommandation 9 avec laquelle je suis assez d'accord. Il y a
une autre loi aussi qu'on a hâte de
voir appliquée, c'est l'entente avec les pharmaciens. Ça aussi, je pense que ça
pourrait nous amener des gains
d'efficacité. Mais, sinon, vous proposez le confort syndical, vous proposez le
maintien de ce qui ne fonctionne pas
puis des augmentations d'impôts, et vous mettez de côté de façon assez
arbitraire, je dois dire, des ententes — notamment, on prend RocklandMD comme exemple — qui, jusqu'à preuve du contraire, augmentent le
volume de soins et diminuent les
coûts par opération, ce qui m'apparaît être bon pour le patient, bon pour le
contribuable, donc c'est bon pour tout
le monde.
Alors, j'essaie de voir, là, un peu, là, où est
l'intérêt du patient et du contribuable dans vos recommandations, puis je vous
avoue qu'à première vue je ne le vois pas.
Mme Laurent (Régine) : Je vais y
aller? Merci. Sur RocklandMD, on peut bien faire une guerre de chiffres, M. le député, mais je pense que probablement que, si c'était aussi clair, il n'y aurait pas en
ce moment une enquête interne pour en déterminer vraiment si c'est plus
cher ou moins cher.
Ce que vous
dites... Ce n'est pas vrai qu'on est dans le confort syndical. Ce n'est pas
vrai. Nous avons fait un débat et qu'est-ce qu'on a fait? On a proposé...
Qu'est-ce qu'il y a dans notre mémoire? Ce que nous disons : Pour ce que
nous sommes payés à salaire, on peut faire
plus, meilleure prise en charge d'au moins 20 %, 23 % de la population qui en ce moment doit forcément passer par un médecin, égal coût à la RAMQ
et que... Ce n'est pas une obligation. On n'est pas dans le confort
syndical.
Nous avons
fait un débat pour dire — puis il n'y a rien qui nous prouve le contraire non plus — que de ne pas le faire par mission, ça va coûter moins cher. Nous
avons une préoccupation comme professionnels en soins, parce que nous sommes persuadés — et ça aussi, c'est démontré — qu'il faut faire de la prévention. Et on ne
veut pas que tout soit vers l'hôpital,
vers l'urgence parce que c'est ça qui est bien sexy, mais ce n'est pas vrai. Il
faut faire de la prévention. Faire de
la prévention, ça prend du temps, ça prend des années avant d'en voir les
effets. Mais nous, on pense que c'est bon pour la population.
Vous m'avez dit que les recettes ont été
rejetées. Les recettes qui sont là, de la coalition à laquelle nous appartenons, nous, ça va comme valeurs. Nous
pensons que les impôts, c'est la façon la plus juste de redistribuer les choses
et de garder nos services publics. Le crédit
d'impôt, c'est de l'épargne, c'est vrai, mais il y a combien de monde qui sont
capables d'avoir les moyens de cette
épargne-là? On pense que ce n'est pas tout le monde au Québec qui a les moyens
de vivre, de subvenir à leurs besoins et en plus d'avoir de l'argent pour
épargner.
Nous sommes
dans l'efficacité, et notre efficacité, c'est qu'on le voit toujours à
travers : c'est quoi que ça va donner pour les patients et qu'est-ce que ça va donner pour les professionnels
en soins qui les soignent? On est très connectés. C'est parce que je ne
peux pas me déconnecter du fait que ma pratique, c'est connecté aux soins. Si
je ne suis pas capable de dispenser des
soins sécuritaires, je ne suis pas bien comme professionnelle, mais le patient
non plus. Et, quand on défend un réseau
public de santé, c'est aussi dans ce sens-là. Et, quand j'ose vous dire ici,
dans l'enceinte de l'Assemblée nationale,
qu'on n'est pas capables aujourd'hui de dispenser, de remplir ou de combler
l'ensemble des besoins des patients du
Québec, c'est grave ce que je vous dis là. J'en suis très consciente et j'en
suis surtout très malheureuse, parce que je ne pense pas... je pense qu'on devrait être capable de faire mieux et que
la population du Québec mérite mieux que ça. Et c'est pour ça qu'on
amène des solutions, pour faire mieux, non pas qui coûtent plus cher.
La Présidente (Mme Montpetit) : Je
vous remercie. Compte...
Mme Laurent (Régine) : Oh, je suis
désolée!
La Présidente (Mme Montpetit) : Non,
le temps est écoulé. Je dois mettre fin aux échanges. Donc, je vous remercie
Mmes Laurent, Prévost, Bédard, Larocque et Mercier.
Compte tenu
de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, après les
affaires courantes, afin de poursuivre les consultations particulières
et les auditions publiques sur le projet de loi n° 10.
(Fin de la séance à 18 h 59)