(Quatorze
heures onze minutes)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission de la santé et des
services sociaux ouverte. Je demande
à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La
commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 10, Loi modifiant
l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux
notamment par l'abolition des agences régionales.
M. le secrétaire, y a-t-il
des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lisée (Rosemont) est remplacé par M. Pagé (Labelle);
Mme Richard (Duplessis) par M. Lebel (Rimouski).
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Cet après-midi, nous accueillons l'Association
du personnel d'encadrement du réseau, la Fédération des centres d'action
bénévole du Québec, le Regroupement des entreprises d'économie sociale en aide à
domicile ainsi que le Regroupement des aidants naturels du Québec.
Nous ajournerons nos travaux à 18 heures.
Auditions (suite)
Alors,
je souhaite la bienvenue aux représentantes, représentant de l'Association du personnel d'encadrement du réseau. Je vous demanderais dans un premier temps de bien vouloir vous identifier. Par la suite,
vous disposerez d'une période de 10
minutes de présentation. S'ensuivra une période d'échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.
Association du personnel d'encadrement
du réseau (APER)
Mme
Alovisi (Franceen) :
Bonjour. Je suis Franceen Alovisi. Je suis la directrice générale de l'APER,
santé et services sociaux.
M. Samoisette (Christian) :
Moi, c'est Christian Samoisette. Je suis président de l'association de l'APER.
Mme Chiquette
(Anne-Marie) : Me Anne-Marie Chiquette, chef de contentieux de l'APER.
Le Président (M.
Tanguay) : La parole est à vous.
Mme
Alovisi (Franceen) : M. le
Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, membres de la commission, j'aimerais, pour débuter, vous présenter... Bien,
on s'est déjà présentés, ça fait que... Je voudrais vous
remercier de l'opportunité qui nous est donnée de venir vous exposer notre
réflexion quant au projet de loi
n° 10. Notre association oeuvre depuis 41 ans auprès
des cadres et regroupe plus de 1 500 membres dans toutes les missions de
notre réseau. Notre façon de faire,
à l'association, a comme avantage de nous donner une vision terrain de ce qui
se passe dans nos établissements.
Le
26 août dernier, nous avons rencontré le ministre Coiteux ainsi que le ministre
Barrette concernant l'état des finances du Québec et les positions du ministre
de la Santé et des Services sociaux quant à des solutions possibles provenant de ce réseau. Donc, notre mémoire vise à
répondre à ces deux éléments importants, c'est-à-dire trouver des solutions provenant de notre
réseau afin de diminuer de façon récurrente la pression sur les finances
publiques.
Nous
avons consulté nos membres, acteurs principaux au quotidien de la gestion de ce
réseau, nous permettant ainsi d'apporter des éléments de réponse. Pour
ce faire, nous avons séparé le réseau en deux systèmes différents, le premier étant le réseau de la santé et des services sociaux, donc essentiellement les établissements eux-mêmes et le personnel y travaillant, le deuxième
étant le système médical, comprenant les omnipraticiens et les médecins
spécialistes.
Les
cadres et dirigeants du réseau de la
santé et des services sociaux ont un
pouvoir de gestion uniquement sur le premier
groupe. De façon générale, les Québécois sont très satisfaits
des services reçus dans celui-ci. Par
contre, ils n'ont absolument
aucun pouvoir de gestion sur le système médical. On impute donc à tort la responsabilité
de la gestion médicale aux cadres et dirigeants du réseau pour les problèmes
qui relèvent en grande partie de ce système médical.
Ainsi,
malgré la bonne volonté de ces dirigeants, il leur est impossible de contrôler
et d'évaluer les médecins qui travaillent
au sein de leur établissement respectif. Ils ne peuvent exiger, à l'instar des
autres professionnels, la ponctualité, le
savoir-être, un nombre minimal de dossiers, des redditions de compte sur la
quantité des actes posés de même que sur leur sécurité et leur qualité.
Il
est important de comprendre que le budget du système médical
tel que nous a été confirmé par la RAMQ, pour l'année 2013, représente plus de 5,5 milliards de dollars.
Qui plus est, les cadres du réseau de la santé et des services sociaux n'ont
aucun contrôle sur ce budget. En fait, à l'heure actuelle, il n'existe aucune
reddition de comptes sur ce budget de 5,5 milliards autre que les vérifications faites par la RAMQ sur les gestes médicaux
posés en lien avec la facturation des médecins.
Ce budget ne tient pas compte des sommes
colossales que les CSSS versent aussi aux groupes de médecine familiale et pour
lesquels il n'existe aucun système de reddition de comptes.
Nos cadres ne
peuvent ni vérifier ni encadrer la gestion de ce budget, et pourtant on leur
impute la responsabilité globale du réseau, incluant ce budget et le
médecin qui l'utilise. Si nous retirons ce budget du budget global du réseau,
ce portefeuille indépendant représenterait à
lui seul le troisième poste budgétaire en importance du gouvernement du Québec après
la Santé et l'Éducation, mais avant le service de la dette. Et pourtant il
n'existe aucun mécanisme de contrôle de ce budget à l'heure actuelle.
En outre,
nous suggérons fortement que le ministre s'assure d'appliquer la jurisprudence et la
fiscalité actuelle en ce qui concerne
le statut de travailleur autonome des médecins au Québec.
Il est clair que ceux-ci, lorsqu'ils travaillent en établissements, ne rencontrent
pas les définitions légales et fiscales du statut de travailleur autonome.
Selon nos estimations, le Québec pourrait récupérer 130 millions de
dollars annuellement de façon récurrente.
Nous suggérons fortement que les médecins
travaillant en établissements soient encadrés par un contrat de travail de quatre ans, renouvelable, et par lequel
les cadres pourront, à l'instar de tous les autres professionnels du réseau,
encadrer les médecins en : leur
obligeant un nombre de dossiers et de patients; participer à une évaluation
annuelle des actes, des façons de
faire et des façons d'être; une gestion de la ponctualité, particulièrement au
bloc opératoire, aidant ainsi à la
gestion des listes d'attente. Ceci aurait comme impact direct de permettre aux
cadres d'être en mesure de gérer les
listes d'attente pour un médecin de famille, les listes d'attente pour les
chirurgies, l'attente aux urgences et la gestion des GMF. Qui plus est, ceci permettrait aux médecins de mieux connaître
le système de santé et des services
sociaux actuel en étant partie
prenante de ce système au même titre que tous les autres professionnels et
employés y travaillant.
Ceci
permettrait aussi d'avoir une meilleure compréhension de la pertinence des
autres services professionnels autres
que médicaux et assurerait une meilleure communication entre ceux-ci et les
médecins, facilitant, par le fait même, l'application des lois n° 90
et n° 21, c'est-à-dire la délégation des actes médicaux
aux autres professionnels tout aussi bien formés que les médecins, par
exemple pharmaciens, sages-femmes,
physiothérapeutes, ergothérapeutes, travailleurs sociaux, personnel
infirmier et personnel paramédical, etc.
Autre proposition de nos membres et qui concerne le coût des libérations syndicales dans
notre réseau. Loin de nous l'idée de supprimer l'exercice de la liberté
syndicale, nous croyons quand même que le gouvernement pourrait récupérer plus de 30 millions de dollars
annuellement et de façon récurrente s'il faisait preuve de moins de
générosité à l'égard du paiement des libérations syndicales à l'instar
du secteur privé.
• (14 h 20) •
Ces deux
suggestions parmi d'autres mentionnées à notre mémoire constituent des
solutions concrètes afin de répondre à la demande formulée par le ministre
Coiteux sans pour autant toucher aux services à la population. En conséquence,
nous trouvons que le projet de loi n° 10, qui amène certaines pistes
intéressantes, a une ampleur non nécessaire selon nous afin de rencontrer les
demandes posées par le problème budgétaire du Québec. Il faut d'abord comprendre que toute réforme exige un minimum de
sept années d'implantation, travail fait essentiellement par les
cadres, qui devront s'investir dans les
rouages administratifs découlant de cette réforme plutôt
que dans les services aux patients et aux usagers.
Le projet de loi, dans sa mouture actuelle, amène automatiquement une gestion
perpétuelle du changement pour les
cadres puisque les P.D.G. et les P.D.G.A. sont et seront nommés par les
divers gouvernements successifs. On change le P.D.G., on change l'équipe de direction, qui
change elle aussi son équipe de cadres. On change de P.D.G., on change aussi les orientations de gestion à l'interne. Les
changements sont menés par les cadres, et ceux-ci, pour être en mesure
de les mettre en application, doivent avoir
une vision claire de ce qu'on attend d'eux, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Par ailleurs, nous constatons que le réseau dans sa forme actuelle n'a pas la
capacité d'absorption d'une réforme de
cette envergure. C'est pourquoi nous proposons la théorie des petits pas en
suggérant une réforme partielle regroupant les services administratifs
et de soutien pour une région donnée, tels la paie, l'informatique, les achats
regroupés et la gestion des baux et des
immeubles. En procédant par étapes, nous pourrions évaluer les bénéfices
dégagés ou non par cette centralisation régionale de ces services. En outre, et
le plus important pour nos membres, cette première étape ne toucherait pas aux services directs aux patients
et aux usagers. À cet égard, nous vous suggérons de lire notre mémoire à cet effet.
M. le Président, j'espère que les membres de cette commission auront compris que
toute réforme ne peut se faire sans
l'apport du personnel d'encadrement du réseau de la santé et des services sociaux, qui en sont la pierre angulaire.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, nous allons débuter avec la période d'échange
avec les parlementaires, et, pour ce faire,
pour un premier bloc de 22 minutes, je cède immédiatement la parole au ministre
de la Santé et des Services sociaux.
M. Barrette : Merci, M. le Président.
Alors, Mme Alovisi, M. Samoisette et Me Chiquette, bienvenue à ces audiences. Alors, je vous remercie d'avoir pris le
temps et d'avoir d'abord réfléchi à la situation, consulté vos
membres et de venir nous présenter
votre lecture de la situation. Et je prends bien note de vos commentaires, qui seront certainement
pris en considération.
Alors,
je vais revenir quand même sur un certain nombre d'éléments que vous avez
soulevés. Pour ce qui est des médecins,
je suis d'accord avec vous que, dans une certaine mesure, il doit
y avoir une certaine culture qui doit changer. Je suis d'accord. D'ailleurs, comme je l'ai dit à plusieurs reprises lors de
mon allocution, suite au dépôt du projet
de loi en conférence de presse
que j'ai faite, la première chose que j'ai dite, c'est qu'on devait viser par
ce projet de loi là un changement de
culture. Et, quand on dit «changement de culture», évidemment,
on inclut tout le monde dans le réseau de la santé, incluant les médecins. Et je suis tout à fait d'accord avec certains éléments
que vous dites, mais, évidemment, pas tous les éléments que vous
mentionnez.
Quand je vous
écoute et que je lis votre mémoire, je constate que vous orientez votre propos
de façon significative vers tout le
monde, sauf vous-mêmes. Alors, c'est les médecins, c'est le statut de
travailleur autonome, c'est les libérations syndicales, c'est ceci, c'est cela. Mais, vous, là, comme cadres, y
a-t-il ou non, dans votre lecture, des points à améliorer ou non?
Puis je vais
vous donner un exemple, moi. Moi, j'ai vu des cadres, là, qui n'ont pas
performé à la hauteur attendue et
qui, au bout de la ligne, se sont retrouvés dans des postes marginaux de
salariés non syndiqués. C'est une espèce de situation très particulière, là, où on n'ose pas couper certains postes,
parce que, en quelque part, dans le milieu des cadres, il y a comme une
espèce de régime, là, où on est ce qu'on est, là, puis on est quasiment
intouchables.
Est-ce que
vous êtes en train de me dire... et je vais vous poser la question très
directement, là, Mme Alovisi, je vais
vous la poser très directement : Aujourd'hui, nous dites-vous que, dans le
réseau de la santé et services sociaux, le niveau d'encadrement qui existe est tel qu'il est tellement parfait
qu'on ne puisse pas faire une restructuration là-dedans? Ça, là, c'est vous, là : vous vis-à-vis
vous-mêmes, pas vous vis-à-vis les médecins, vis-à-vis les syndiqués, vis-à-vis
les directions générales, vis-à-vis
le gouvernement. Vous êtes dans une situation, là, parfaite, en équilibre, puis il
n'y a pas d'économie à faire
là?
Mme
Alovisi (Franceen) : Moi, je pense qu'il y a déjà des coupures qui ont
été faites au niveau des cadres. On a déjà
regardé les structures, et ça commence à se faire, vous avez déjà ciblé
1 300 postes de cadres à couper, mais je pense que c'est important de regarder les façons de
faire. Les cadres, quand on regarde les taux d'encadrement, c'est parce qu'on
fait la moyenne provinciale, n'est-ce pas?
Puis on regarde toutes les différentes missions sans nécessairement comprendre
ce que demande un taux d'encadrement dans
chaque mission. Encadrer quelque chose au niveau des employés au niveau de la protection de la jeunesse, c'est différent
d'encadrer des infirmières dans une unité de soins. On regarde, on regarde...
on compare des pommes avec des oranges.
C'est sûr que, quand on a regardé les taux d'encadrement, on a regardé les
postes de conseillers cadres. Les
conseillers cadres ne supervisent pas nécessairement des employés, sauf qu'il y
a des postes de conseillers cadres qui
ont été créés suite à la mise en place des CSSS, suite à la mise en place de
différentes lois qui ont été passées
au niveau de la prévention, des inspections, la gestion de qualité et de
risques, et je pourrais en nommer d'autres.
C'est sûr que les cadres hiérarchiques, je pense qu'ils travaillent très, très,
très fort ainsi que les cadres-conseils, et les cadres hiérarchiques ne peuvent pas regarder au niveau de la
qualité de l'acte. Il faut s'assurer, dans notre régime québécois, de donner les bons services à notre
clientèle. C'est le cadre qui s'occupe de s'assurer qu'on donne les bons
services, et il est là pour s'occuper des patients.
Mme
Chiquette (Anne-Marie) : Si
vous permettez, sur le plan légal, M. Barrette, on a un règlement imposé.
C'est un décret de conditions de travail.
Alors, même si on peut laisser croire par les médias qu'il y a comme un système
où on protège les cadres, les cadres ne sont
pas protégés. On n'a pas la sécurité d'emploi, comme les conventions
collectives le prévoient; on a une
stabilité de trois ans pour aider un cadre à se replacer. Mais vous avez déjà
commencé, M. le ministre, à couper 4 000 postes de cadres-conseils,
ils sont devenus du jour au lendemain... J'en ai accompagné une, ça faisait 28 ans et demi qu'elle était cadre, et, par une
technicienne, elle a appris qu'elle était syndiquée puis qu'elle payait une
cotisation syndicale. Ça fait 28 ans qu'elle
est assise devant le syndicat, et elle apprend qu'elle est syndiquée à six mois
de sa retraite. Elle n'a pas eu le choix, M.
Barrette, elle n'a pas eu le choix, M. le ministre, elle la prise, la décision
que vous avez prise, elle l'a pris. On n'a pas le choix, on n'est pas
syndiqués.
M.
Barrette : Je comprends, mais ce n'est pas la question que je vous
pose. La question que je vous pose, là, vous, dans votre lecture, là, êtes-vous... me dites-vous aujourd'hui, là,
qu'actuellement le taux d'encadrement dans notre système de santé et de
services sociaux est à ce point idéal qu'il n'y a pas de restructuration à faire?
Mme Chiquette (Anne-Marie) : Il
était idéal, il ne l'est plus.
M. Barrette : Il ne l'est plus.
Mme
Chiquette (Anne-Marie) : Si
vous voulez que les changements de la réforme se fassent, ça va se faire par
des leaders, comme on l'a fait au niveau des CSSS. C'est les gestionnaires qui
vont pousser le personnel à faire ces changements-là.
Il en faut assez. Un chef d'unité... j'ai des chefs d'unité qui sont des
infirmières et qui sont là en temps supplémentaire pas payé pour remplir
le quota d'infirmières parce qu'il en manque dans les hôpitaux.
• (14 h 30) •
M.
Barrette : Alors, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, l'exercice
que l'on fait est un exercice qui vise à faire en sorte qu'il y ait
effectivement des économies que l'on retrouve à certains niveaux, et le niveau
est dans la haute direction, et, plus on
s'approche des soins, normalement, il n'y aura que peu ou pas de changements.
Bon. C'est ça qui est l'objectif de
l'exercice. Et, même vous, quand vous me parlez de la théorie du petit pas,
bien, il y a certains éléments que vous mettez vous-même en commun, là. Alors, si
vous mettez, par exemple, la paie en commun, il y a des cadres qui ne seront plus là. Bon. Alors, on a déjà une piste
de réponse, là, à la question que je vous posais tantôt. Il y a donc des
économies à faire dans l'encadrement. Alors, si on s'entend là-dessus, c'est
déjà un bout.
Alors, est-ce
que les coupures que... Et on espère tous et toutes que les coupures vont se
faire d'une façon raisonnée, hein,
qu'on ne coupe pas de façon paramétrique. Je vous dirais que... Je pourrais
vous poser la question : Quelle est la meilleure coupure? Celle que l'on fait plus chirurgicalement ou celle
que l'on fait paramétrique? La pire, pour moi, c'est la paramétrique. Alors, quand vous nous dites, la
théorie des petits pas, moi, je veux bien, c'est à peu près ça qu'on essaie de
faire, où il y a la mise en commun de ceci et de cela. Le projet de loi
n° 10 vise à faire ça. Le projet de loi n° 10, c'est écrit noir sur blanc, là : on vise une
intégration horizontale et verticale de la chose administrative pour faire des
économies d'ordre administratif, entre autres, et ça, bien, ça passe par les exemples que vous avez donnés vous-même
en termes de petits pas. C'est tout. Alors, l'objectif
n'est pas d'aller couper une infirmière-chef, ça n'a jamais été l'objectif
parce que c'est beaucoup trop
près des soins.
Maintenant,
est-ce que, à l'autre bout, il est possible de faire des économies
d'échelle sur le plan administratif et autres? La réponse, c'est oui.
Vous parliez des achats regroupés. Les premiers achats regroupés d'équipements
le moindrement coûteux, là, au-delà de
100 000 $, qui ont été
faits au Québec, ça s'est fait avec une équipe de fonctionnaires, dirigée par M. Denis Giguère, en 2001, et
moi-même, lorsque j'étais dans une autre fonction. Je suis très expérimenté
là-dedans, j'en fais encore la promotion.
Dans une vie antérieure, j'en ai fait des publicités à la télévision. Alors, on
est en faveur de ça. Mais, quand on
fait ça, au bout de la ligne, c'est sûr que là il y a des économies aussi dans
le nombre de cadres. Des achats
regroupés, au bout de la ligne, ça demande des gens en moins grand nombre dans
les structures d'achats qui existent
dans notre système. Vous y faites référence un peu vous-même quand vous parlez
d'achats. Quand vous parlez d'achats regroupés, là, par définition il y
a moins de cadres. Alors, je comprends que vous êtes d'accord avec le fait
qu'il y ait des économies à aller faire dans le niveau d'encadrement.
Mme
Chiquette (Anne-Marie) : Les
cadres sont d'accord de faire l'effort nécessaire, M. Barrette, ils l'ont
toujours démontré. De toutes les
réformes, ils étaient là, ils ont fait les réformes à la demande des ministres
successifs. Ils sont là pour le
faire. Ce qu'on vous dit, c'est que, oui, les cadres vont le faire, mais
maintenant, avec ce que nos membres ont vu... quand nos membres nous disent : On est condamnés à gérer avec les
médecins, ce n'est pas pour rien qu'on l'amène sur la table. Quand nos membres nous disent :
Bien, écoutez, je pense que la générosité de payer les libérations syndicales...
On est peut-être rendu à une étape au Québec
où il faut y penser puis se dire : Bien, peut-être qu'on devrait payer
moins ou les couper un peu. Oui, nos cadres vont être touchés de toute
façon, Dr Barrette, de toute façon. Quelle que soit la réforme, ils ont été, un, les acteurs principaux pour les mettre en
place, et, deux, touchés. On est témoins terrain de toutes ces
réformes-là. Moi, j'ai accompagné, Franceen a accompagné, Christian...
Mme
Alovisi (Franceen) : Moi, j'ai été cadre du terrain longtemps, ça fait
que j'ai vécu beaucoup de réformes et j'ai aidé à les faire actualiser.
Mme Chiquette (Anne-Marie) : À les
mettre en place.
M. Barrette : Je ne veux pas vous
interrompre, là.
Mme Chiquette (Anne-Marie) : Non,
j'ai fini.
M. Barrette : O.K. Alors, je... Vous
dites une phrase qui est très dure, là. Vous venez de dire une phrase extraordinairement dure et que je vais vous
laisser le loisir d'élaborer : Vous êtes condamnés à gérer avec des
médecins. Et moi, je peux vous dire que je voudrais que les médecins
participent à la gestion.
Mme
Alovisi (Franceen) : Bien, c'est exactement ça. Je pense que, s'il y a
une reddition de comptes ou que les médecins,
ils ont ce qu'ils ont besoin pour pouvoir gérer, parce que, sinon... On les a
qui gèrent, mais ils courent d'un côté
et de l'autre et ne sont pas réellement axés à gérer la bonne chose, parce
qu'il faut qu'ils fassent de la recherche, ils font de l'enseignement, ils voient les patients, mais
la portion gestion, c'est celle qui est toujours mise de côté et qui est moins
importante. Pour gérer, il faut avoir une
formation en gestion, et, si j'ai bien lu les choses de Kaiser Permanente, que
vous avez citées, ministre Barrette,
ils donnent la formation en gestion aux médecins et en plus ils leur donnent un
incitatif pour faire de la gestion.
Parce que, c'est sûr, il faut avoir une gestion clinico-administrative. Le
milieu dont je suis issue, je travaillais
avec mes médecins spécialistes pour gérer mes secteurs, mais quand mon médecin
avait de la disponibilité pour le faire,
et ce n'était pas toujours facile parce qu'il n'était pas souvent disponible
pour m'aider à prendre des bonnes décisions de gestion.
M. Barrette : Et avez-vous vécu une
bonne expérience?
Mme
Alovisi (Franceen) : Moi, j'ai vécu une très bonne expérience, mais il
a fallu que je travaille très fort pour aller... qu'on soit au même pied
d'égalité.
M.
Barrette : Moi, je vais vous rassurer parce que moi, j'ai fait toute
ma carrière avec une gestion partagée, au complet, O.K.? Ça a été... J'ai été le deuxième centre, on a mis ça en
place à Maisonneuve-Rosemont, et ça a toujours été très bien et ça s'est toujours très bien passé. Et
peut-être ne le savez-vous pas, mais les médecins maintenant ont l'incitatif
en question, d'une part, et, d'autre part,
la formation est disponible. Et la question qui reste à régler, c'est de
s'assurer qu'ils soient au
rendez-vous. Et il y a des manières de faire ça et ils vont être au
rendez-vous, à mon avis, éventuellement, avec les prochaines choses que
l'on va faire.
Je suis content
aussi que vous fassiez référence à Kaiser Permanente, vous avez raison, mais
vous savez probablement aussi que,
dans l'arbre décisionnel jusqu'à la direction de l'organisation comme telle,
c'est une organisation où les médecins sont extrêmement impliqués à tous
les niveaux là : à la direction d'un hôpital, à la direction de l'organisation, au conseil d'administration comme
tel. Alors, quand... je comprends votre souhait de les voir participer et je pense que ça arrivera parce que les
obstacles pour que ça arrive sont levés. Mais il n'en reste pas moins que — comment dirais-je — ce n'est
pas dans une relation conflictuelle ou compétitive avec les cadres que ça va
donner le succès escompté, là.
Mme
Chiquette (Anne-Marie) :
Quand je vous répète cette phrase-là, c'est les cadres qui nous la répètent
depuis bien des années. Ce que ça
veut dire, c'est qu'on n'a pas de mesure qu'on peut mettre en place, par
exemple, si un médecin vient au bloc opératoire, alors que toute l'équipe est
prête à 7 h 30, qui, lui, arrive systématiquement à 8 h 30. C'est bon, des médecins, pour gérer, mais c'est bon aussi
qu'ils soient partie prenante du réseau et qu'on soit capables de les gérer
pour être en mesure de gérer les problèmes
qui relèvent beaucoup du monde médical, sur lesquels on n'a pas de pouvoirs comme cadres, parce qu'ils sont des travailleurs autonomes, et ils
sont un peu satellitaires du réseau, ils ne sont pas partie prenante du réseau. C'est bon, des médecins
gestionnaires, parce qu'ils vont effectivement... Comme le Dr Bolduc : il était DSP, il avait une compréhension de la
gestion. Mais il faut comprendre notre réseau, et les médecins sont autour.
M.
Barrette : Alors, moi,
regardez, je vais m'affubler d'une compétence que je pense avoir : je
connais le réseau. J'ai été chef de
département pendant 11 ans. J'ai été au CMDP à mon hôpital
pendant 11 ans. J'ai occupé tous les comités qui existent, là. Je comprends très
bien comment fonctionne le réseau. Et je peux vous dire une chose : Vous
ne pouvez pas, comme moi, je ne peux pas, faire l'évaluation
professionnelle d'un médecin.
Mme Alovisi (Franceen) : On ne
demande pas de faire ça, Dr Barrette.
M. Barrette : Non, non, mais c'est
parce que...
Mme Alovisi (Franceen) : Oui.
M.
Barrette : O.K. Une gestion partagée, ça veut dire qu'il y a une
gestion qui est partagée, et je pense et j'espère que c'est ce que vous
visez, là. Une gestion partagée, ça veut dire que les...
Mme
Alovisi (Franceen) : Je pense que c'est les objectifs visés qu'il faut
regarder, les objectifs, que les médecins aient les mêmes objectifs pour
aller dans le même sens, hein?
M. Barrette : C'est ça.
Mme
Alovisi (Franceen) : Il faut avoir une stratégie de gestion, on s'en
va vers les mêmes objectifs, et ils sont imputables des mêmes objectifs
que nous, et c'est ça qui est important.
M.
Barrette : Ils le seront dans la nouvelle structure, parce que, dans
la nouvelle structure, je vous rassure, le thème de l'imputabilité sera un thème qui sera très développé et le thème de
l'imputabilité va mettre en cause tous les participants dans le réseau. Ceci dit, il n'en reste pas moins
que, dans la période vers laquelle on s'en va, là, l'imputabilité touche tout le monde, que ce soient les médecins ou que ce
soient les cadres, et je suis content quand même de vous entendre dire qu'il y a des économies à faire du côté de
l'encadrement, comme je vous réponds qu'il y a des améliorations à apporter,
entre autres sur le plan de l'imputabilité, du côté des médecins. Mais ça
marche dans les deux sens, ça.
Et je termine
là-dessus. Votre mémoire, bien, c'est un mémoire que je comprends, je comprends
le sentiment qui est derrière. Mais c'est une vision qui est la vôtre,
et je pense qu'il y a plus qu'une facette à la médaille. Là-dessus, M. le
Président, je vais terminer mon intervention ici.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, les débats se
poursuivent. Je cède maintenant la parole à la représentante de
l'opposition officielle, la députée de Taillon, pour un bloc de 13 minutes.
• (14 h 40) •
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Franceen
Alovisi, M. Samoisette et Mme Chiquette, bienvenue. Merci pour vos commentaires. Ce sont des commentaires qui
nous permettent d'avoir un regard sous un autre angle de notre système de santé, et je pense qu'on a besoin aussi
d'avoir cette vision-là, et je vous remercie de l'apporter, parce
qu'elle est difficile à porter et vous le faites avec beaucoup de courage.
D'entrée de
jeu, je trouve que, dans le fond, ce qu'on constate, c'est que, pour faire une
réforme de cette ampleur-là, comme celle
qui est prévue au projet de loi n° 10 et à tous les autres projets qui
vont se greffer à ce squelette, eh bien, il faut aussi avoir de la collaboration et du soutien de tous les membres,
de tous les équipiers. Et donc on entend que, de votre côté, c'est sûr qu'il y a une forme de démobilisation,
certainement de questionnement de gens qui ont donné beaucoup, qui ont
eu le sentiment qu'ils ont fait le maximum avec les outils de contrôle qu'ils
avaient. Parce qu'il faut bien comprendre que, pour gérer, il faut aussi qu'on obtienne les mécanismes,
ne serait-ce que les indicateurs de performance. Notre système n'est pas informatisé, il ne vous fournit pas,
comme gestionnaires, les bonnes informations pour que vous puissiez faire les bonnes analyses et, ultimement, les bonnes recommandations. Mais là ce que vous évoquez aussi, c'est que, dans le fond, il y a 12 000
personnes actuellement, au Québec, qui sont responsables de porter notre
système de santé, qui ne savent pas
où elles s'en vont, où elles vont se retrouver. Et on peut comprendre, là, que
déjà, à partir du mois de novembre,
mais là on le sait depuis septembre, il y a un état, là, de démotivation
certain au niveau de vos membres. Donc, je comprends que vous n'avez pas
été consultés avant le projet de loi n° 10. Est-ce que ma conception est
bonne?
Une voix :
...
Mme
Lamarre : D'accord. D'aucune façon. Alors, pouvez-vous nous parler de
ces 12 000 personnes? Elles sont comment? Elles se répartissent
comment dans la nature de leur poste de gestion?
Mme Alovisi
(Franceen) : Nous, la majorité de nos membres, ce sont des cadres
intermédiaires, mais nous avons par contre des cadres supérieurs.
Présentement,
les cadres sont très inquiets. Ils ont peur de voir toutes les années qu'ils
ont données au régime de santé et
services sociaux... Ils ont peur de reculer en arrière. Parce qu'on en a vécu
beaucoup, de changements au niveau des
réformes, et tout ça. C'est que tu organises tes choses, tu as fait beaucoup de
choses au niveau de la meilleure façon d'offrir
le service à la clientèle au moindre coût possible pour qu'il y ait le moins
d'attente. On suit nos processus, on fait des révisions de processus, qu'on les appelle, les kaizen, qu'on les
appelle, l'approche Toyota, les «lean». On a commencé à faire ça et on
commence à voir les résultats de ces processus-là qu'on a analysés.
Là,
on va tout chambouler, on ne sait pas comment ça va se passer. Moi, la
trajectoire du patient... Comme professionnelle, je suis
physiothérapeute et je pense à mon patient. Je pars de son diagnostic. Il a
besoin peut-être de réadaptation. Qu'est-ce
qui va se passer dans son insertion sociale? Je regarde du début à la fin
qu'est-ce qui va se passer au niveau
de la trajectoire de soins. Et, moi, ce qui m'inquiète, c'est que je ne vois
pas et les cadres ne voient pas où on s'en va avec le projet de loi. On
voit, oui, des mégacentres, et tout ça, mais comment ça va se traduire pour le
patient, l'approche populationnelle, les réseaux
locaux de services, et tout ça? Comment ça va se traduire? C'est ça que les
gens ne comprennent pas. Ils ne
savent pas : Est-ce que moi, je vais avoir un emploi? Si jamais le nouveau
directeur ne m'aime pas, bien là où est-ce que je peux aller me chercher
un autre emploi? Est-ce qu'il va falloir que je me déplace sur la Côte-Nord
parce que je suis en Montérégie puis là mon établissement ne me veut plus?
C'est
parce que, des fois, quand... parce que les cadres, ils n'ont pas de sécurité
d'emploi, hein? Les gens pensent qu'ils
en ont une; ils n'en ont pas. Ça fait que, du jour au lendemain, ton directeur
ne t'aime pas, tu es à la porte. Il faut que tu essaies de te replacer.
Tu es quand même soit physiothérapeute, infirmière ou autre, tu as quand même des
compétences, mais tu ne fittes pas avec ton
supérieur. Mais ailleurs tu fittes parce que tu as de l'expertise à amener. On
sait que les cadres du réseau de la santé, la majorité, c'est les experts dans
leur domaine qu'ils sont allés chercher pour s'assurer de donner des bons services. Moi, on est allé me chercher
parce que j'étais l'experte, une des expertes en pédiatrie au niveau du développement de l'enfant. C'est pour
ça qu'on est allé me chercher en gestion pour que je puisse travailler avec les professionnels, m'assurer d'une
interdisciplinarité et m'assurer que le service était donné au client. Ça fait
que là ils ne savent plus c'est quoi,
la vision, où est-ce qu'on s'en va, et ils sont très inquiets. J'ai des gens
qui m'appellent tous les jours :
Mais là mon poste va-tu être coupé? Là, on vient de me couper mon salaire, où
est-ce que je m'en vais? On veut-u encore de moi avec toutes les années
que j'ai données? Tu sais, c'est...
Mme Lamarre :
Je vous comprends, en même temps, je vous dirais que, dans un contexte de
réforme, il y a beaucoup de gens qui sont insécures, et je pense
qu'il faut trouver une façon de rassurer vos équipiers. Mais, moi, ce qui
me préoccupe, et je pense
que les gens qui nous écoutent aussi, c'est comment on peut faire mieux avec
les mêmes équipes, avec des équipes différentes,
mais il faut faire mieux. Là, on est vraiment là.
Mme Alovisi
(Franceen) : Puis il faut supporter les employés à travers tous les
changements.
Mme
Lamarre : Et où je suis très
sensible à votre argumentaire, c'est, quand, dans votre mémoire, vous nous...
Je l'ai calculé, là, en 40 ans, il y a
eu 13 réformes. Ça, ça fait une réforme aux trois ans, alors que tout le monde s'entend, depuis le début de la commission, pour dire que ça
prend sept ans avant de retomber sur nos pattes quand on fait une réforme. Alors, je vous comprends très, très
bien parce que vous avez beau essayer de suivre, les changements
de ministre se font plus vite que votre capacité d'adapter...
Mme Alovisi
(Franceen) : On n'est pas capables.
Mme
Lamarre : ...et je sais que
c'est très réel. Et, même lorsque j'étais pharmacienne dans ma pharmacie
puis je regardais les réformes
passer, je me disais : Ceux qui ont à gérer tout ça, c'est... Je veux
dire, à un moment donné, ça ne suit
plus, là, on ne peut plus faire de notre mieux avec la réforme. Et le modèle qui nous est proposé est
malheureusement un modèle qui risque de changer encore et encore chaque
fois qu'on aura un ministre, d'où, dans votre mémoire, une recommandation pour dire : On devrait avoir
un peu plus de pouvoirs... à un institut qui n'est pas politisé, ou, en tout
cas, on devrait faire en sorte que ça ne soit pas le politique qui soit
déterminant le plus dans l'évolution.
Et je vous
rejoins aussi, parce qu'on a parlé de prévention, de santé publique. Alors,
quand on met un programme de prévention, souvent, les résultats sont
seulement dans 10 ans, alors ce n'est pas tentant pour un gouvernement de dire : J'ai la
performance, en un an, à atteindre un déficit zéro, et donc il n'y a pas de
place pour ces mesures-là, ou, en tout cas, c'est beaucoup plus
difficile de leur trouver une vraie place.
Si
je reviens à notre projet, il y a deux choses que je voudrais entendre, parce
que j'ai quand même entendu, moi, des
éléments positifs dans ce que vous avez proposé. D'abord, le projet de loi, son
objectif au départ, c'est de dire qu'il abolissait les agences, mais, dans le fond, on n'abolit pas les agences,
on recrée des méga-agences et on abolit les CSSS. Donc, ça, pour vous
qui êtes des gestionnaires, j'aimerais ça que vous nous disiez un peu comment
ça se produit.
Et
ce que j'entends aussi à partir de vos demandes par rapport aux médecins ou à
tous les autres organismes ou personnes
qui y gravitent, le projet de loi prévoit un financement à l'activité. Et, de
plus en plus, quand on regarde même les
modèles comme Kaiser Permanente ou Cleveland Clinic, c'est un financement au
résultat qu'on va... Alors, l'activité ne nous garantit pas les
résultats. Et l'exemple, si on peut le reprendre, des primes données à la prise
en charge, on a donné... Et, moi, c'est ce
qui m'a toujours étonné; c'est qu'on donne la prime lorsqu'on a une signature
d'une prise en charge puis on n'a pas
de garantie que la prise en charge va avoir lieu, alors qu'en
Colombie-Britannique, par exemple, on
a dit aux médecins : Si vous avez des patients diabétiques qui vont trois
fois par année à l'hôpital, si vous réduisez ça à deux fois, vous aurez votre prime. On a une prime
au résultat. On a mieux accompagné nos patients et on attend d'avoir les
résultats, puis là on la donne, on donne cette prime-là.
Alors,
comme gestionnaires, j'aimerais vous entendre parler peut-être sur des
approches que vous considérez être peut-être plus performantes et qui
vont faire qu'on... sans tout retourner à l'envers, on serait capables déjà
d'avoir beaucoup mieux pour l'argent qu'on met.
Mme Chiquette (Anne-Marie) : Je vais répondre à la première question au niveau
des réformes. Vous avez vu, il y en avait 13, mais ça, 13, ça vient des
ministres. Nous, on fait des relations de travail. Moi, ça fait 30 ans,
presque, que je fais des relations de
travail. On change de D.G., on change les cadres supérieurs. En l'espace de
deux ans, ils ont tous changé. Ce
n'est pas des incompétents; ils n'ont pas l'orientation du nouveau D.G.
Nouveaux cadres supérieurs, nouveaux cadres
intermédiaires. Alors, c'est à répétition. Une réforme ministérielle, une
réforme d'un nouveau D.G., un Kaizen, une
gestion lean, nommez-les, là. On est plus souvent dans la gestion de ces
réformes-là que dans la gestion des services aux patients. Puis c'est ça, notre priorité. Puis c'est ça, la priorité de
nos gens, c'est ça qu'ils ont à coeur. C'est des gens extrêmement dédiés. Moi, je suis fière de les
défendre depuis 25 ans. C'est des gens qui sont là quand il y a des grèves,
c'est des gens qui sont là quand il y a le
verglas. C'est des gens qui sont là puis qui ne disent pas un mot, qui vont
faire le travail qu'ils ont à faire.
Il y a une réforme à faire d'un ministre, ils vont la faire, O.K.? On casse
beaucoup de sucre sur leurs dos.
La
réforme qu'on veut faire actuellement, on a déjà travaillé très, très, très
fort pour la réforme des CSSS. Il y a énormément
de gens, même des gens des conseils d'administration qui ont travaillé, qui y
ont cru, qui ont cru à leurs CSSS, qui
ont cru pour leurs communautés, qui ont cru l'approche populationnelle, qui ont
tout fait ça. Et là, du jour au lendemain, on dit : Non, non, c'est
des boîtes vides, ces établissements-là.
C'est beau sur
papier, hein, un centre jeunesse, un CHSLD, un CLSC, boum! On met tout ça
ensemble, mais il y a du monde dedans. Un cadre qui travaille à l'urgence ne va
pas aller travailler en prévention, et vice versa. C'est énorme, ce qu'on
demande aux gens avec cette réforme-là, c'est énorme.
Mme Lamarre :
...ne sont pas tous interchangeables, et il y a du temps d'apprentissage.
• (14 h 50) •
Mme Chiquette
(Anne-Marie) : Du tout, absolument pas. Comment vont-ils communiquer
d'une mission à l'autre? Vous savez, nous,
on a la moitié des gens, nos membres, ils viennent du réseau de la santé,
l'autre moitié, des services sociaux.
Quand on les rencontre, là, puis qu'on a à travailler sur un document, les gens
de la santé : Bon, point un, point
deux, point trois, point quatre. Les gens des services sociaux : Bien là,
on va discuter des raisons pour les changements. C'est des mentalités tellement différentes. Il y a même des directeurs
des ressources humaines qui me disent : Ça fait 20 ans qu'on est fusionné puis ça fait 20 ans que les médecins ou les cadres de ces établissements-là
fusionnés ne se parlent pas. Alors,
c'est pour ça qu'on a dit : Faisons d'abord un essai avec ce qui touche
moins aux services à la population, parce
que ce qu'on a eu comme information, nous, nos directeurs des ressources
humaines qu'on a consultés, c'est de
dire : On n'a pas la capacité humaine
de faire cette réforme-là à la grosseur qu'elle a. On a une négociation de convention collective
qui s'en vient; ça prend les cadres. Ensuite, vous allez avoir la négociation locale. Vous allez faire comment? La fusion des unités d'accréditation, bonne chance! Ça va être le fun,
ça, une partie de plaisir pour les cadres. Les cadres sont partout dans ces changements-là. On va en
couper 1 300 d'ici trois ans. Il
y en a qui s'en vont à leur retraite, il y en a qui ont été décadrés, comme je vous dis, du jour au lendemain, ils sont
devenus des syndiqués ou des syndicables non syndiqués, 4 000, puis il y en a d'autres qu'on a coupé leur
salaire. On les a embauchés à tel salaire, puis le ministère a décidé
que, non, c'est un autre salaire. Ces gens-là ne sont pas très motivés, ne
sachant pas où ils s'en vont.
M. Samoisette
(Christian) : Et, en plus, juste pour faire un petit peu de millage
là-dessus aussi, ces gens-là, pardonnez-moi
l'anglicisme, sont victimes de «cadre bashing» quasiment quotidiennement. Vous
avez juste à écouter les lignes ouvertes, les lignes ouvertes et puis...
Mme Lamarre :
Alors qu'on s'entend tous pour dire que ça...
M. Samoisette
(Christian) : ...c'est vraiment ça. Le support n'est pas là.
Mme
Lamarre : Ça va nous en
prendre, des cadres, et ça nous en prend. Alors, au lieu de travailler à
essayer de bonifier, de mieux vous
accompagner, de vous donner les leviers — j'entends bien aussi qu'il y a des leviers
que vous n'avez pas — bien, c'est sûr que là, le choix qu'on fait,
c'est un choix qui démotive les compétences et qui aussi... Moi, je suis préoccupée par la vision
d'interchangeabilité de toutes les compétences en quelques jours ou en quelques
semaines. On l'a vu aussi, là, dans les transferts dans les
établissements de santé, dans les CSSS...
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup.
Mme
Lamarre : ...de postes d'infirmières qui sont aux soins intensifs puis
qu'on veut envoyer en ambulatoire.
Le Président
(M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je me dois maintenant de céder la
parole à notre collègue député de Lévis pour un bloc de neuf minutes.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le
Président. Mme Alovisi, Mme Chiquette, M. Samoisette, merci d'être là. Beaucoup de choses dans votre document. Je
reviendrai sur deux éléments pour tenter de comprendre un peu ce qui se
passe actuellement dans cette avant-réforme avec ceux et celles que vous
représentez.
Est-ce qu'on
a l'impression... ou j'ai l'impression, à travers vos propos, que s'installe
une certaine lassitude chez vos
membres, voire même une certaine résignation, c'est-à-dire qu'on s'en va vers
quelque chose, on se demande ce que sera
notre demain, on se demande ce que ça va donner, parce qu'il y a des objectifs
à ça, bien sûr, puis ces objectifs-là doivent retrouver l'usager,
c'est-à-dire on travaille pour lui, on bonifie tout ça pour lui. J'ai comme
l'impression, et corrigez-moi, puis
expliquez-moi, pour avoir parlé à certains cadres, du personnel d'encadrement
qui disent : Bon, bien, tant
pis, on va faire avec, tu sais, oui, on va participer, mais on va faire avec...
Pour certains, on a l'impression qu'ils ont un peu lancé la serviette : On verra ce qu'on deviendra demain.
Notre expertise sera assurément récupérée, puis on s'en servira
autrement. Je l'ai entendu par certaines personnes.
Comment ça se
passe là? Comment ils sentent ça à tous les jours? Comment ils vous le disent?
Puis avez-vous l'impression que certains ont déjà abandonné en
disant : Ça ne sert à rien?
Mme
Alovisi (Franceen) : Je pense qu'on voit un peu les deux visions. Il y
en a qui ont abandonné, surtout ceux qui
voient, qui s'en viennent plus proche de la retraite. Ils ont dit : Je ne
sais pas si je suis capable de passer à travers une autre réforme, un autre changement. Il y en a
d'autres qui se disent : Regarde, on est là pour les clients, on va
essayer de faire de notre mieux pour
le patient, l'usager, puis on va essayer de se centrer là-dessus, puis on verra
par la suite qu'est-ce qui va se
passer. Mais les gens sont inquiets; ils veulent savoir s'ils vont avoir un
emploi le lendemain. Ils ont des
familles à faire vivre, là. Tu sais, ça revient à ça, là. Mais, pour donner le
service, ils vont le faire puis ils vont faire ce que leurs directeurs vont leur dire de faire parce
que, quand même, il y a quand même une hiérarchie là-dedans, hein? Le cadre intermédiaire va continuer à desservir sa
clientèle, s'assurer que ses employés font la bonne job. Puis ils vont essayer de supporter leurs employés là-dedans,
parce que ce n'est pas juste les cadres qui ont peur. C'est les employés
qui ne savent pas où ils vont être demain : Ça va-tu changer? On essaie de
les réconforter, eux autres aussi.
M.
Samoisette (Christian) :
Puis il ne faut pas oublier non plus que le cadre en question, il se trouve
pris entre deux feux. Il reçoit des
commandes d'en haut, mais aussi il prend tout ce qui arrive par en
dessous : les plaintes, les gens qui
sont... Les inquiétudes, l'anxiété, ça, ça affecte des services, là,
automatiquement que... Je vous donne un exemple. Mettons, un cadre qui a un employé qui est en détresse carrément, cet
employé-là n'est pas en état de rendre des services à la population de manière optimale. Donc, en plus,
il faut que le cadre s'oublie littéralement pour essayer de calfeutrer,
patcher, si on veut, la situation. Parce qu'il n'y a pas de solution durable,
il peut juste faire du ponctuel, littéralement.
M. Paradis
(Lévis) : Il y a
des objectifs dollars à travers tout ça, bien sûr.
Vous en avez parlé. Est-ce que ceux et
celles que vous représentez y croient? On m'a souvent parlé à l'extérieur de : Il va falloir aussi gérer la transition puis ça risque
de coûter aussi pas mal de sous. Est-ce qu'on croit aux objectifs dollars de la
réforme?
Mme
Alovisi (Franceen) : Je pense
que les... en regardant les mégastructures, je pense que ça va
augmenter la bureaucratie. Je ne suis
pas sûre que ça va coûter moins cher. Quand on a fait la réforme
vers les CSSS, je ne suis pas sûre qu'il
y a eu des bénéfices de coûts là-dedans.
C'est ce que les gens disent, ils ne sont pas sûrs que ça va
sauver énormément de sous.
M. Paradis
(Lévis) : Vous dites :
«Ce n'est pas parce qu'on fusionne des entités — c'est en page 14 — que les gens à l'interne vont se parler et collaborer ensemble.» Vous l'écrivez
noir sur blanc. Dites-moi-z-en davantage parce que c'est un constat qui
est un peu inquiétant.
Mme
Alovisi (Franceen) : Bien, c'est parce que, quand on... Je peux vous
donner un exemple que moi, j'ai vécu. J'avais
un secteur où je gérais ce qu'on appelle un genre de guichet unique pour des
évaluations de développement des enfants,
hein? Ça fait que, là, on faisait les évaluations, on posait les diagnostics,
puis là il fallait les envoyer vers le reste du réseau. Mais là il y avait beaucoup de difficultés de communication
entre les différents réseaux vers qui on essayait d'envoyer les patients pour un suivi. On était
obligés de pallier, donner des services en attendant qu'ils arrivent ailleurs
parce qu'on n'arrivait pas à concilier. Moi,
personnellement, dans mon centre hospitalier, j'ai déjà intégré un centre de réadaptation dans mon
centre hospitalier. Comme chef professionnelle en physiothérapie, c'était moi,
la personne qui avait la responsabilité,
avec les autres chefs professionnels, d'intégrer les professionnels de
réadaptation. Mais les gens du milieu hospitalier
ne comprenaient pas ce que font les gens du milieu de réadaptation. Et nous
sommes 14 ans plus tard et ça ne comprend
pas une mission et l'autre. Comment ça se fait que c'est plus lent en
réadaptation? Nous autres, on est habitués de faire ça vite, là, dans les urgences dans les centres hospitaliers.
Il y a une incompréhension de qu'est-ce qui se passe ailleurs.
M. Samoisette (Christian) : Et de
leurs rôles respectifs.
Mme
Alovisi (Franceen) : Et des rôles respectifs. Ça fait qu'il y a un
gros travail à faire là-dedans. Ça fait que, si tu t'en vas mettre une mégastructure, tu intègres un centre jeunesse,
un centre de réadaptation en déficience physique, un centre
de réadaptation en déficience intellectuelle... Déjà, qu'entre le DP puis le
DI, ça se chicane entre les enfants 0-5 ans, parce qu'on n'est pas capables de
dire qu'il est déficient intellectuel avant un certain âge... C'est parce qu'il
y a du travail à faire encore avant
de... Il faut travailler la communication. Le gros problème, c'est la
communication entre les différentes positions, l'arrimage. Ce n'est pas
fluide.
M. Paradis
(Lévis) : J'allais dire,
hein : Vous avez parlé beaucoup de gestion, mais l'arrimage, l'intégration de
cette même information, pour que tout soit, tu sais... assurer la fluidité dont
on parle beaucoup, ça fait partie...
Mme Alovisi (Franceen) : Exact.
M. Paradis
(Lévis) : Parce que
vous me dites que c'est une préoccupation majeure au moment où on se parle.
Mme
Alovisi (Franceen) : Bien,
moi, ma préoccupation, c'est le patient. Je veux qu'il ait les
services, tu sais, c'est ça, là, je veux qu'il ait les services dont il
a besoin.
M. Paradis
(Lévis) : Vous direz, en
page 3 : «...nous croyons que le système de la santé et des services sociaux devrait
relever d'un organisme comme l'Institut national d'excellence en santé et
services sociaux et être dépolitisé.» Parlez-m'en davantage.
Mme
Alovisi (Franceen) : Bon. Bien, c'est parce que, comme vous aviez dit
tantôt, si on regarde les réformes, c'est
quasiment aux trois ans, hein, dépendant des élections. Si c'est le... si les
personnes sont nommées par le parti en pouvoir,
c'est qu'il n'y a pas de continuité de soins. Tu changes de vision avec un
nouveau D.G. ou une nouvelle équipe de
direction chaque fois. Ça fait que, là, les gens qui sont sur le terrain, bien
là, tu sais, ça se peut que, du jour au lendemain, on change la façon qu'on fait les choses. Puis
c'est la continuité au patient, il faut penser au patient. C'est le patient, sa
famille... Il faut qu'il y ait une
continuité dans la vision. Ça fait que, si c'est un organisme extérieur, c'est
qu'on peut avoir un travail, avec le
parti politique en pouvoir, avec l'organisme, mais là on va avoir une
continuité dans la philosophie, dans la façon de procéder, et on peut
faire également une amélioration. Puis on ne sera pas toujours sur une planche d'équilibre pour savoir où est-ce qu'on s'en va,
mais là on va être capables de consolider. On n'a jamais eu le temps de
rien consolider dans notre réseau. On part d'une réforme à l'autre.
M. Paradis (Lévis) : Ça répond à la
question de toute la notion d'imputabilité.
Mme Alovisi (Franceen) : Bien oui!
Mme Chiquette (Anne-Marie) :
Définitivement.
Mme Alovisi (Franceen) : Il faut
être imputables des décisions qu'on prend puis d'être capables de bien les
analyser puis voir le résultat.
• (15 heures) •
Mme
Chiquette (Anne-Marie) : Est-ce qu'on a des données probantes sur la création des CSSS? Pas beaucoup.
L'AQESSS en a fait un peu. C'est un
changement majeur, c'est des fusions de missions. On n'a pas beaucoup
de données probantes sur les
bénéfices ou les non-bénéfices de la création des CSSS, et on demande d'en
faire une autre qui est encore plus grosse, et on a encore moins de
monde et moins d'argent pour la faire.
M. Paradis
(Lévis) : C'est peut-être
le temps d'aborder la notion de l'argent, rapidement, sur une portion très
précise de votre mémoire
concernant les paiements pour libération syndicale. Est-ce que ça veut dire d'abord... Comment
arrivez-vous à ce chiffre-là? Secundo, est-ce que ça veut dire qu'on gaspille
depuis longtemps? Ce n'est pas d'hier.
Mme
Chiquette (Anne-Marie) :
Bien là, on ne portera pas de jugement sur le passé. C'est une demande d'accès
à l'information au ministère qu'il nous a
donnée, parce que nous autres, on sait terrain. Vous avez un agent de grief qui
est libéré à l'année, payé, dans son bureau, un bureau dans l'hôpital, pour
recevoir les griefs des employés. Donc, les libérations
syndicales pour les congrès, les libérations syndicales... Nommez-les. Puis,
une chance, il y a eu un changement à un moment donné avec le ministre
Couillard à l'effet de... au niveau des frais d'arbitrage. Parce que là, vous savez, si vous
n'aviez pas un remplacement de trois heures, on déposait un grief; ça coûte
plus cher d'arbitre, on paie le... Vous comprenez, là?
On
est comme un petit peu comme gestionnaire lié par les conventions collectives
qu'on n'a pas toutes négociées. Puis
le fait aussi qu'avec les syndicats, bien, ils ont des libérations syndicales,
ils sont donc assis pour prendre les griefs... On n'a rien contre ça,
c'est une liberté, mais qu'ils se le paient.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin aux
échanges avec les parlementaires. Je tiens à vous remercier, les
représentantes, représentant de l'Association du personnel d'encadrement du
réseau.
J'invite
maintenant les représentants de la Fédération des centres d'action bénévole du
Québec à prendre place. Et, dans l'intervalle, je suspends momentanément
nos travaux.
(Suspension de la séance à
15 h 2)
(Reprise à 15 h 5)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je
souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Fédération des
centres d'action bénévole du Québec.
Alors, bienvenue à
l'Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de
présentation. Au préalable, s'il vous plaît,
veuillez, pour les fins de l'enregistrement, bien vouloir vous identifier, et,
après ça, la parole est à vous. Merci.
Fédération des centres d'action
bénévole du Québec (FCABQ)
Mme Sauriol
(Lyne) : Alors, bonjour à tous, M. le ministre Barrette, membres de
l'opposition. Mon nom est Lyne Sauriol. Je
suis la présidente de la Fédération des centres d'action bénévole du Québec et
je suis accompagnée par M. Fimba
Tankoano, le directeur général. Avant de vous présenter le résumé, en fait, du
mémoire qu'on vous a déposé, juste
vous mentionner que ce mémoire-là a fait l'objet d'une consultation auprès de
nos membres au cours du mois d'octobre.
Alors, voilà. La
Fédération des centres d'action bénévole du Québec a été créée en 1972. C'est
un organisme à but non lucratif qui regroupe 112 centres d'action bénévole
présents partout dans toutes les régions du Québec.
La
fédération a pour mission de mobiliser, soutenir et représenter les centres
d'action bénévole afin de stimuler la
promotion, la reconnaissance et le développement des différentes pratiques de l'action
bénévole au sein de la collectivité. Au
Québec, ça représente environ 30 000 bénévoles qui donnent de leur temps à
diverses causes par le biais des centres d'action bénévole membres de la
fédération.
La
fédération, loin de vouloir se positionner comme experte sur les questions
organisationnelles du réseau de la santé
et des services sociaux, souhaite par contre, de manière cohérente avec sa
mission, exprimer ses inquiétudes face à ce projet de loi et défendre
les intérêts de l'action bénévole et également celui des usagers.
M. Tankoano (Fimba) : Alors, concernant l'impact sur les services à la population, la FCABQ
est inquiète, dans un premier temps,
de constater que la réforme n'aborde pas les services de première ligne. Les
centres d'action bénévole jouent un
rôle important en faveur d'une meilleure accessibilité aux services de santé
pour les usagers tant au niveau des soins
hospitaliers que pour les soins à domicile. La FCABQ s'inquiète donc de la
réduction potentielle des soins de proximité relatifs aux services sociaux et à la prévention au profit des soins
hospitaliers. C'est pourquoi nous rejoignons la position défendue par Me Jean-Pierre Ménard lorsqu'il
affirme que le risque d'hospitalocentrisme est très élevé, et le projet de loi
ne comporte pas vraiment de mesure pour assurer un équilibre entre les
différentes missions des CISSS.
La FCABQ déplore par
ailleurs que le climat d'incertitude actuel affecte les bénéficiaires, les
travailleurs du secteur et la qualité des
soins présentement octroyés. Les centres d'action bénévole consultés ont
exprimé leur scepticisme quant aux impacts positifs du projet de loi
n° 10 en ce qui concerne l'amélioration des services à la population. Nous
pensons que le temps qu'on va prendre pour
mettre en place les procédures ne puisse venir... les changements ne viennent
nuire à la qualité des soins, à la qualité
des prestations que la population devrait recevoir, et cela inquiète beaucoup
les centres d'action bénévole, et ils voient ces changements d'un
mauvais oeil.
La centralisation des
services au sein de grandes villes des régions administratives soulève
également des questions à propos de la
représentativité des régions au sein des nouvelles instances, des distances à
franchir pour accéder à certains
services et de la reconnaissance des problématiques spécifiques aux petites
municipalités. De plus, avec l'adoption du projet de loi n° 10, le patient sera désormais contraint de
recevoir des services aux endroits choisis ou imposés par les CISSS. La FCABQ anticipe donc une recrudescence
des besoins au niveau de l'accompagnement-transport bénévole à cause
justement de toute cette question de distance.
• (15 h 10) •
Pour
ce qui concerne l'impact sur la participation et l'implication citoyenne, la
FCABQ déplore la disparition des conseils
d'administration liés aux CSSS. C'est près de 1 343 postes de conseils
d'administration qui disparaîtront à l'échelle du Québec, dont 890 suppressions d'expertise. Plus spécifiquement, dans
les établissements, il s'agira de 172 postes réservés au communautaire
de moins à l'échelle du Québec et 344 postes élus par la population qui vont se
voir supprimés.
La réduction
de moitié du nombre d'usagers au conseil d'administration préoccupe aussi la
FCABQ. Non seulement nous nous
inquiétons de constater que le gouvernement éloigne les citoyens des processus démocratiques... décisionnels, mais elle se montre très préoccupée... nous nous
montrons très préoccupés aussi par la réduction de l'expertise communautaire
dans les conseils d'administration de ces établissements qui vont bientôt voir
le jour.
Les membres
de la FCABQ ont aussi exprimé un malaise devant l'importante concentration des
pouvoirs dans les mains du ministre.
Pour nous, on le voit comme un recul dans la gestion participative et démocratique de notre système de santé.
Quant aux impacts généraux sur les services, le
projet de loi n° 10 n'aborde que très peu les éléments liés à la présence du milieu communautaire dans le réseau de
la santé et des services sociaux québécois. Et nous rejoignons encore une position de Me Jean-Pierre Ménard lorsqu'il
soulignait que le fonctionnement en silo va se voir probablement... va probablement accroître, si on se réfère que,
depuis 2003, les fusions qui avaient déjà été faites n'ont pas réussi à
résoudre ce problème-là. Donc, on
craint que cela ne vienne augmenter avec des mégastructures, que les gens ne se
perdent dedans.
La FCABQ désire profiter du présent mémoire pour
réaffirmer sa conviction selon laquelle les soins et l'aide dispensés par le
milieu... Je reprends. Je m'excuse. La FCABQ désire profiter du présent mémoire
pour réaffirmer sa conviction selon laquelle les soins et l'aide dispensés par
le milieu communautaire sont, sans remplacer les soins de santé traditionnels,
primordiaux et complémentaires dans le bon fonctionnement du secteur de la
santé et des services sociaux au Québec. Si
les services de proximité sont coupés, la population risque de se tourner
davantage vers des centres de
services auxiliaires, à savoir les centres d'action bénévole, qui constituent
des organisations visibles et actives en région. La FCABQ ne peut ni ne veut, dans aucun cas, devoir pallier pour les
manquements du gouvernement au niveau de la dispensation des soins de santé ou d'aide sociale. Elle désire
d'ailleurs s'assurer que les argents nécessaires pour répondre à
l'accroissement de la demande seront proportionnellement revus à la lumière de
ces argumentaires.
Mme Sauriol
(Lyne) : En regard de ce qui
vous a été présenté précédemment, la fédération a formulé les recommandations suivantes. D'abord,
la fédération est contre l'adoption du projet de loi 10 tel que
proposé. Conséquemment, elle demande
au ministre de mettre en place un comité d'experts qui aura pour mandat
d'évaluer d'une façon holistique le système de santé et services sociaux
actuel de manière à poser un diagnostic duquel émaneront des recommandations
quant aux moyens à privilégier pour atteindre les trois objectifs visés par la
présente loi n° 10.
Toutefois, si
le ministre décide d'adopter le projet de loi 10 tel qu'il le présente dans son
document, la fédération recommande au ministre de porter une attention
plus particulière à ces éléments : premièrement, conserver les conseils
d'administration des CSSS sous forme de
comités consultatifs bénévoles auprès des CISSS et mettre en place des mécanismes pour conserver la proximité des
services avec les différents milieux; deuxièmement, maintenir
à deux le nombre de membres du comité
des usagers siégeant aux conseils d'administration des CISSS et s'assurer que
l'un ait une expertise dans le
secteur de la santé et l'autre dans le secteur des services sociaux;
troisièmement, reconnaître l'importance du secteur communautaire dans la dispensation de services
multiples, tous complémentaires à l'offre du réseau de la santé et des services sociaux, et considérer son rôle dans
l'organisation de ce dernier et en arrimer un financement qui soit
proportionnel à celui-ci; et dernièrement, la quatrième recommandation, la
fédération souhaite que la répartition des budgets aux organismes communautaires soit déterminée régionalement. Conséquemment,
elle recommande que le programme SOC soit administré par les CISSS de
manière à conserver le caractère spécifique et régional de cette enveloppe, et
ce, en collaboration avec une équipe de conseillers affectée par région. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup pour votre présentation. Maintenant, nous allons débuter les périodes d'échange avec les parlementaires pour un bloc de
22 minutes. Je cède maintenant la
parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, Mme Sauriol et
M. Tankoano — pardon,
excusez-moi, vous devez avoir ça
souvent, un problème de syllabes, là, je suis désolé. Alors, merci d'avoir
consulté vos membres et d'être venus nous présenter vos conclusions et
vos observations à cette audience, et je pense que c'est très important que
vous le fassiez, compte tenu de l'importance
de l'implication que vous avez dans notre système de santé. Et, d'entrée de
jeu, là, je vais vous le dire tout de
suite, là, pour moi, ce que vous faites est essentiel, ne peut pas être
négligé, il doit être promu et reconnu.
Et, aujourd'hui, là, je prends ce moment pour le dire : À bien des égards,
si vous n'étiez pas là, on aurait de la misère à avoir un système de santé comme on l'a aujourd'hui. Alors, non
seulement je vous dis ça parce que je le pense, mais j'espère que vous en serez convaincus et que vous ne pensez
certainement pas que le projet de loi qu'on met en place ici est un
projet de loi pour diminuer l'importance de votre contribution.
Par contre,
je vous ferai la remarque suivante qui vient de remarques qui ont été faites au
micro ou à l'extérieur des caméras à
propos du monde communautaire duquel vous provenez. Souvent, les gens me disent
un peu quelque chose d'opposé à ce
que vous me dites, en ce sens que les gens ne veulent pas que le gouvernement
entre trop dans votre monde parce que
votre monde, c'est une culture particulière, puis vous ne voulez pas devenir...
Il y a des gens qui m'ont déjà dit ça
chez vous, là... bien, pas chez vous personnellement, là, évidemment, mais dans
le monde communautaire: On ne veut
pas, nous, faire partie du système de santé officiellement, on n'est pas des employés
du gouvernement, c'est une culture particulière,
on est là, nous, pour aider et donner des services, mais on le fait dans notre
monde à nous. Puis, honnêtement, je
le comprends à bien des égards. C'est vrai que vous avez une culture qui n'est
pas exactement celle du milieu du travail, on va dire, au sens propre du terme, et, quand vous dites, là que voulez
plus de reconnaissance, moi, je suis bien d'accord avec vous, mais je ne
pense pas que ce que j'entends, moi, du milieu, ça va dans la direction de vous
absorber dans le système de santé. Je ne pense pas que ce soit ça que vous
vouliez.
Maintenant, je vais reprendre un ou deux
commentaires que vous avez faits parce que c'est pour moi des commentaires... Je sais d'où ils viennent, là,
puis je sais l'influence qui est à l'origine de ces commentaires-là. Tu sais,
le projet de loi
n° 10, je l'ai dit à toutes les audiences ou presque, c'est un projet de
loi qui vise à faire en sorte que la relation entre le gouvernement et un CISSS soit une relation de donneur d'ouvrage
avec quelqu'un qui exécute une orientation ministérielle. Et je sais, là, qui
dit ça et je sais qui est un peu votre ressource, mais il n'y a rien, là, dans
le projet de loi qui indique qu'on va éloigner les services, couper les
services, atteindre les services de proximité. C'est le contraire. L'objectif du projet de loi est de faire en sorte
que le service de santé ou le service social se rapproche le plus possible
du citoyen et qu'à partir du moment où cet
accès-là est obtenu le cheminement du citoyen, l'usager, le patient, dépendamment de la nomenclature que vous préférez,
puisse se faire avec le moins d'ambages possibles, de la façon la plus fluide possible, de la façon la plus
coordonnée possible. C'est exactement le contraire. Et, quand vous nous dites
du même souffle que — là, j'ai pris quelques notes, là — vous craignez que les services de proximité
soient coupés, que le patient ou
l'usager se perde dans le système, c'est le contraire, et j'ai donné moult
exemples à cet effet-là. Mais ce qui me
surprend le plus, et ça, c'est une citation qui vient de Me Ménard parce qu'il
l'a dit à plusieurs reprises dans les médias, c'est quand vous dites que le CISSS va vous contraindre — c'est le mot que vous avez utilisé — d'aller là où le CISSS va vous
envoyer.
• (15 h 20) •
Là, écoutez, c'est sûr qu'à partir du moment où
on a une vision négative du projet de loi c'est difficile de se convaincre. Et je l'ai dit à Me Ménard sur les
ondes, en direct, dans une entrevue radiophonique que j'ai faite : Le
CISSS, comme n'importe quel système normalement constitué de santé ou de
services sociaux, doit offrir aux citoyens un cheminement de proximité et de
qualité qui soit optimal. Et, par définition, ça veut dire que, si vous,
monsieur, vous, madame, dans votre CISSS,
vous êtes malade, bien, normalement, là, vous devriez vouloir que le système
vous dise : Voici, j'ai accès à
un médecin de famille et, si j'ai besoin d'aller voir un spécialiste parce que
j'ai un cancer, bien, vous n'aurez pas
à frapper la porte de qui que ce soit, on va vous orienter. Mais là, si ça, ce
n'est pas correct, là... Et je l'ai entendu, là, je l'ai entendu. Il y a des gens, là, qui nous disent et qui écrivent que
ce n'est pas une bonne idée. Bien là... Écoutez, là, si le système
de santé, là, doit être un — pardonnez-moi l'expression anglophone — un «free-for-all», là, bien, regardez, c'est
parce que c'est ça qu'on a actuellement, là. Actuellement, il n'y en a pas, là,
de cheminement, il n'y a pas de prise en charge ordonnée.
Maintenant,
jamais on n'a dit dans le projet de loi, jamais... Vous ne pouvez pas trouver
un article qui suggère ça, qu'il va
enlever le choix du citoyen à se faire traiter par le médecin et le milieu
qu'il veut. Mais il est de la responsabilité d'un gouvernement d'offrir cette possibilité-là, c'est-à-dire un
cheminement de proximité en qualité, et en quantité, et en géographie au
citoyen. Si le citoyen ne veut pas le prendre, c'est comme ça.
Alors, je
vous donne un exemple, là. Aujourd'hui, là, ce que le gouvernement libéral a
mis en place... C'est nous qui avons
mis ça en place avant. On a mis en place la gestion des listes d'attente pour
la chirurgie, et on dit aux gens : On vous garantit d'être opérés en dedans de six mois — mettons, on va prendre ce chiffre-là,
là — et on
vous informe des chirurgiens, pour la
pathologie que vous avez, qui ont la disponibilité de vous opérer en dedans de six mois. Oui, mais moi — mettons, vous — je veux tel chirurgien. Oui, mais sa liste
d'attente est de huit mois. Il n'y a jamais personne au gouvernement qui a empêché cette personne-là
d'aller voir un autre chirurgien, mais on a offert la possibilité, sur le plan
de l'organisation, au citoyen, au patient de
pouvoir se faire opérer en dedans de six mois. Je vous donne un autre exemple,
toujours dans la chirurgie. Je vous donne la
garantie, avec le Dr X, qui est dans votre hôpital près de chez vous, de vous
faire opérer pour votre problème en dedans de six mois. Oui, mais je m'en vais
en Floride. Je peux-tu le faire dans neuf
mois? Bien oui, vous pouvez le faire dans neuf mois. Alors, je ne vois pas, là,
je ne le vois pas, là, ce que vous voyez, et j'aimerais ça que vous m'expliquiez où vous voyez ça. Mais je suis
là, ici, pour vous répondre à vos appréhensions, et c'est ça.
Maintenant,
si je prends vos quatre recommandations spécifiques, les conseils d'administration des
CSSS, vous voulez les conserver sous
forme de comités consultatifs. Vous allez voir, là, c'est un peu ça qui est
dans le projet de loi. Ça se
fait, là, puis c'est les comités aviseurs. Ça existe. Ça peut devenir un point
de chute pour les usagers, pour ce qui est des récriminations ou commentaires
qu'ils auraient à faire.
Vous voulez
que soient maintenus les budgets, les enveloppes et la gestion locale dans les CISSS des PSOC, du
programme que vous connaissez, évidemment,
auquel vous faites référence. C'est dans le projet de loi. C'est comme ça
que ça va se passer. Ce que vous demandez, il est là.
Vous voulez la reconnaissance de l'importance de
votre secteur. Je ne peux pas vous le dire plus clairement que ça, là : le communautaire est extrêmement important, il n'y
a pas de doute là-dedans,
et je ne vois pas, encore une fois, comment un CISSS peut se priver de
l'apport que vous faites à notre réseau. Ce n'est juste pas possible.
Maintenant,
pour ce qui est du nombre de membres du comité des usagers au conseil d'administration, on a eu beaucoup de suggestions, beaucoup
de recommandations, beaucoup de réflexions qui ont été exprimées ici, et je
suis d'accord qu'il doive y avoir, dans la
structure, un poids important pour la voix des usagers. Et, avec les commentaires qu'on nous a faits, on est à réfléchir sur les modifications
qu'on fera au projet de loi, mais on vous rejoint là-dessus.
J'aimerais ça
peut-être vous poser la question... Écoutez,
à partir du moment où je vous dis ça, est-ce
que ça vous rassure? Parce
que je vois que vos craintes sont
appuyées sur des interprétations, alors que... Peut-être que j'aurais envie
de vous demander : C'est où, dans la loi, que vous voyez... qui
suscite ces craintes-là?
M.
Tankoano (Fimba) : Alors,
merci, M. le ministre, pour toutes ces précisions-là. On dit souvent que, quand
il y a des inquiétudes, c'est qu'il
y a du flou. Vous avez cité que nous
avons eu des sources ailleurs. Bien évidemment, nous
nous sommes basés sur la documentation qui était disponible. Dans le projet de loi, ce que vous avez dit, tout est mis en évidence pour l'accessibilité. Mais nulle part dans le projet de loi nous ne voyons cela apparaître clairement. Ce n'est écrit clairement nulle part. C'est vous qui
le dites. Moi, je vous crois, parce
que je sais que vous êtes de bonne
foi, mais, tant
qu'on ne le voit pas dans un document clairement écrit, nous, on ne peut pas prendre
pour acquis que ça va l'être. C'est
pour ça que nos recommandations sont des inquiétudes que nous énonçons. Si les
choses étaient clairement décrites, on aurait un comparatif. Sauf qu'on
n'avait pas ce comparatif, et c'est aujourd'hui, devant vous, que nous, on a
ces précisions-là.
L'autre
chose, concernant le comité aviseur dont vous parlez, dans le projet de loi, c'est dit qu'il faut en faire la demande, et on va évaluer... le ministre va évaluer pour voir si c'est faisable ou pas. Ce
n'est pas systématique comme ce que
nous, on demande. Ce que nous, on demande, c'est que les conseils d'administration restent de façon systématique, alors que le comité aviseur, ce n'est pas
systématique, il faut le demander, et ce n'est pas garanti qu'on va l'avoir.
L'autre
aspect concernant le cheminement de l'usager, ce n'est pas décrit non plus dans
le projet de loi. Peut-être que, si
on avait eu un document, un livre blanc sur la question où vous alliez
profondément dans les différentes structures que vous voulez mettre en place, le rôle de chacune des structures et
comment ça va fonctionner, on aurait eu beaucoup plus... on aurait une vision, on aurait peut-être compris votre vision
par rapport à ce que vous voulez mettre en place. Mais aller directement
avec un projet de loi sans nous avoir consultés auparavant, ça aussi, c'est une
démarche qui nous inquiète. On aurait pu
voir une consultation avant pour savoir comment nous aussi, on pensait par
rapport à cette réforme-là. Et on
aurait pu vous donner des... comment dirais-je, nos commentaires bien avant, et
le projet de loi aurait peut-être déjà intégré
toutes nos inquiétudes à la base. Ça fait qu'il y a, dans le processus même,
nous pensons, des étapes qui ont été sautées et que nous manquions
d'information pour pouvoir abonder dans le même sens que vous.
M.
Barrette : Merci. Je vous rassure ou je vous mets à niveau, c'est un
projet de loi administratif. Ce projet de loi, c'est un projet de loi
qui vise à mettre en place un squelette, comme je dis à chaque fois, qui va
recevoir un certain nombre d'éléments. C'est
un projet de loi administratif à la base. Et vous avez raison sur un point, je
suis d'accord avec vous : ce serait plus simple s'il y avait tout
ce qui vient après, comme par exemple les orientations ministérielles. Les orientations ministérielles, je pense qu'il y a
bien des chances que vous soyez consultés, parce que ces orientations-là seront
les livrables à livrer. Quand on dira, par exemple :
Votre budget de PSOC dans votre CISSS est de tant, ou vous allez recevoir
un budget de tant, et vous avez
l'obligation, comme c'est écrit dans le projet de loi, de ne pas l'envoyer
ailleurs pour protéger votre activité, bien, ça, ce sera une orientation
qui sera un livrable pour lequel la direction du CISSS sera imputable.
Quand une orientation ministérielle qui sera
établie dira évidemment : Voici, les soins de première ligne doivent être donnés sur tout le territoire d'une
façon... selon des critères a, b, c, d, bien ça, c'est une orientation
ministérielle à être définie, mais ça ne s'écrit pas dans un projet de
loi pour toutes sortes de raisons, parce que, d'abord, ce n'est pas nécessairement universel. Il peut y avoir des
orientations qui sont générales, mais d'autres qui puissent être plus
spécifiques à une région, mais le
projet de loi, lui, il sert de squelette pour pouvoir permettre d'exécuter ces
orientations-là. Et, en quelque part,
c'est comme normal de le faire comme ça. Et le projet de loi, lui, il est là
pour mettre en place la structure légale qui va permettre l'exécution
éventuelle d'orientations ministérielles dans un cadre donné.
Je comprends
votre point, je comprends la source de vos inquiétudes, mais j'espère
qu'aujourd'hui j'ai pu vous rassurer
un peu sur la finalité — bien, peut-être pas complètement, un peu, j'ai dit — du projet de loi, qui va essentiellement
dans le sens exact des commentaires que vous avez formulés.
M. le Président, à cette étape-ci, j'aimerais
passer la parole à mon collègue, au député de Maskinongé.
Le Président (M. Tanguay) : Oui.
Alors, M. le député de Maskinongé, la parole est à vous.
• (15 h 30) •
M.
Plante : Merci beaucoup. Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour
votre présentation. Écoutez, je vais revenir
sur deux petits points. Parce que je suis un député de région, vous savez. Le
comté de Maskinongé se situe dans la
Mauricie, un secteur rural qui comporte beaucoup de municipalités et où les
organismes communautaires, effectivement, comme vous l'avez dit, ont un rôle très, très important. Et il y a deux
petits points dans votre présentation qui m'ont accroché un peu plus l'oreille ou fait un petit pincement
au coeur, en disant que le projet de loi n° 10 qu'on... manifesterait,
dans le fond, une perte de services
pour les gens en région. Ça, j'ai beaucoup, beaucoup de difficultés, puis,
comme le ministre vous l'a répondu et
vous l'a signifié, pour nous, en région, ce que ça signifie, c'est une
continuité de soins en ligne directe, sans attente, et permettre,
justement, aux gens d'être inclus globalement dans le système régional et leur
permettre d'accélérer leurs soins, de ne pas
avoir une double liste d'attente, etc. Donc, pour nous, on pensait que c'était
une bonne nouvelle.
Et j'ai
rencontré mes organismes communautaires chez nous qui étaient enchantés du
comité aviseur, qui est un peu votre
recommandation... En tout cas, du moins, pas sur le même point, mais, si on
s'entend bien là-dedans... J'aimerais entendre
votre opinion là-dessus, parce que, dans la loi, il manifeste exactement la
même chose que vous demandez. Ça permet
aux gens de la région, aux gens locaux, soit des organismes, tout ça, de faire...
d'être un petit peu le chien de garde des
services dans leurs points de service, chacun. Et, pour moi puis pour les
organismes de ma région, c'était tout de même une excellente nouvelle. Alors, j'aimerais vous entendre... voir un
petit peu la distorsion entre le projet de loi puis entre votre
proposition qui, pour moi, semble être la même chose, tant le comité aviseur
que le conseil d'administration, là. C'est juste la façon de l'appeler, là,
qui, pour moi, est différente. Mais est-ce que ça répond à votre demande?
Parce qu'à
mon opinion, dans la loi, c'est clairement indiqué que c'est pour permettre aux
gens de se manifester, d'être le
gardien des services puis aussi de laisser la place aux gens locaux d'être
représentés au niveau des soins de santé, là. Donc, j'aimerais vous
entendre là-dessus.
Mme Sauriol (Lyne) : Dans un premier temps, vous
avez mentionné, au niveau de l'accessibilité dans les régions... Pour avoir vécu d'autres réformes qui
bouleversent, qui ont bouleversé souvent les établissements et, donc, en
bout de ligne,
les gens qui travaillent à l'intérieur des établissements — je pense que les personnes qui ont passé avant nous vous l'ont exprimé dans ce sens-là — ça
a un impact, en bout de ligne, au
niveau des patients, qu'ils soient
rencontrés en centre hospitalier, en
centre de réadaptation, en CLSC ou tout ça. Et, parfois, ça fait qu'il y a
des personnes qui tombent dans un
vide de services. Ça s'est produit, puis c'est tout à fait inquiétant de voir
que ça peut se passer à nouveau, malgré tous les efforts qui sont faits par autant les gens qui travaillent dans le
réseau de la santé que par les gens qui travaillent dans le milieu
communautaire. Ça fait que c'est une inquiétude qu'on exprime, parce que ça
s'est déjà produit auparavant.
L'autre
aspect, concernant le comité aviseur, bien, c'est une bonne nouvelle, effectivement, si on veut mettre en place
un comité aviseur qui va aller dans ce sens-là, mais de vraiment
réunir des gens qu'on va consulter et écouter et prendre compte de leurs inquiétudes mais aussi de leurs recommandations pour la mise en place de tout ça. Voilà. Je ne sais pas si tu as de quoi à ajouter?
M. Tankoano (Fimba) : Oui. J'aimerais juste ajouter que, concernant cette question
de comité aviseur, la seule difficulté
que nous avons à ce niveau-là, c'est que ce comité aviseur n'est pas
systématique. Bon, ça reste que c'est une demande qui doit être faite, et la demande va être évaluée, analysée. Ça
se peut que ce comité aviseur ne soit pas mis en place. La seule chose que
nous...
Si
vous voyez, dans notre mémoire, on pose beaucoup de questions aussi. On n'avait pas suffisamment d'information dans les documents
qui nous ont été transmis pour pouvoir voir clairement qu'est-ce que vous entendiez par tous ces articles qui sont dans le projet de
loi. Ça donnait, comme le ministre a dit, un squelette, mais un squelette,
c'est un squelette, il n'y a pas de chair à l'intérieur pour que nous, on
puisse évaluer. Donc, on pose les questions par rapport à ça.
S'il y avait suffisamment d'explications qui nous disaient comment ces
comités aviseurs là allaient être mis en place et aussi la garantie... C'est une garantie que nous voulons par rapport aux espaces démocratiques et aux espaces de participation des
citoyens. C'est ces garanties-là qu'on ne retrouve pas dans la loi.
Et,
pour nous, de maintenir les conseils d'administration des CSSS, c'est une
mesure systématique qui permettrait d'assurer au moins cette vie
démocratique et cette participation des citoyens au sein du système. C'est
juste ça, nos inquiétudes.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ça termine... Merci
beaucoup, alors nous allons poursuivre nos échanges. Et je cède
immédiatement la parole à la collègue députée de Taillon pour un bloc de
13 minutes.
Mme Lamarre :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Sauriol et M. Tankoano, merci.
Bienvenue. Écoutez, d'abord, je veux
souligner le travail des 30 000 bénévoles que vous représentez. C'est
inconcevable, inestimable, le travail
que vous faites. Je suis nouvellement députée, je suis dans ma circonscription
natale, et je découvre à chaque jour l'intensité et la qualité du
travail qui est fait par les bénévoles, et je vous dis comment, dans notre
système — le
système de santé, mais système en général,
parce que vous soutenez les gens sous d'autres aspects également — vous avez un lien déterminant. Vous êtes vraiment le ciment qui permet à
beaucoup de gens de rester debout, d'avoir encore leur dignité et d'être
capables de circuler dans notre société. Alors, je vous remercie, et partagez
et transmettez mes remerciements à vraiment
l'ensemble des gens qui s'investissent dans l'ombre, hein, avec beaucoup
d'humilité, mais avec une performance et une contribution
exceptionnelles. Donc, merci beaucoup.
Je
reprends et je continue sur votre comité, le comité consultatif parce que j'ai
également les mêmes inquiétudes. Et
j'entends le ministre nous dire qu'il n'y a rien dans le projet de loi qui
prévoit que les gens ne seront pas obligés d'aller à un endroit. Il n'y a rien dans le projet de loi
qui interdit que... mais il n'y a rien qui le dit, et c'est ça que vous dites,
et c'est ça qu'on dit, et c'est ça
que j'espère que le ministre va bien entendre et va clarifier, parce qu'il n'y
a rien sur la trajectoire de soins
dans le projet de loi n° 10. À part le voeu pieux de l'objet de l'article
1, il n'y a aucun autre des 160 articles qui sont dans ce projet de loi là qui nous donnent des précisions, une
clarification ou qui évoquent même la trajectoire de soins. Donc, je veux... c'est un squelette, mais c'est un
squelette où il n'y a vraiment pas de circulation, puis les os ne sont même
pas attachés les uns avec les autres, là, pour l'instant.
Alors,
moi, je vous comprends très bien d'être inquiets. Puis une des illustrations de
cette espèce de non-arrimage, c'est votre première recommandation qui
dit : «Conserver les conseils d'administration [...] sous forme de comités
consultatifs...» Et là j'entends le ministre
vous répondre... Je pense qu'il fait référence à l'article 131 du projet de
loi. Et là il faut bien le lire comme
il est écrit, parce que ça, c'est écrit, là, ce n'est pas nous qui l'imaginons.
On lit ce qui est écrit là. Alors :
«Le ministre peut, à la demande d'un groupe d'employés ou de professionnels qui
occupent [...] ou de toute autre personne du milieu — donc,
on comprend que les bénévoles pourraient — constituer un comité
consultatif — mais
attention — chargé de faire des recommandations à cet
établissement sur les moyens à mettre en place pour préserver le caractère culturel, historique ou local des
établissements fusionnés en vertu de la présente loi et d'établir, le cas
échéant, les liens nécessaires avec les fondations de
l'établissement — donc,
des fondations — ainsi
qu'avec les responsables d'activités de
recherche du milieu.» On n'est pas dans les activités que vous faites comme
bénévoles auprès des citoyens. Donc,
il y a une clarification, et l'article 131, là, il faut qu'il soit pas mal plus
long, pas mal plus détaillé pour que vous y retrouviez les garanties que
vous recherchez.
Mais donc votre
recommandation à vous, c'est quand même de dire : Les conseils
d'administration des CSSS actuellement
peuvent-ils au moins demeurer? Quelle est votre contribution actuellement à ces
conseils d'administration au niveau des CSSS, concrètement, là, pour
qu'on puisse visualiser et s'assurer qu'on retrouve ça dans l'article 131?
Mme
Sauriol (Lyne) : Bien, il y a
des représentants des centres d'action bénévole sur plusieurs
des conseils des CSSS ou de d'autres organisations communautaires. Mais
on sait que, parmi nos membres, il y en a plusieurs qui contribuent
actuellement.
M. Tankoano
(Fimba) : Et même des agences.
Mme
Sauriol (Lyne) : Et aussi,
également, au niveau des agences. On a des membres de conseils d'administration
des agences parmi nos membres bénévoles, là, qui siègent à une ou l'autre des
instances.
Mme
Lamarre : Et, au niveau, donc, des CSSS, quelle est la contribution
concrète? Pouvez-vous me donner un exemple de ce qu'un bénévole apporte,
au sein d'un CSSS, dans son vécu avec les citoyens, là?
Mme
Sauriol (Lyne) : Au niveau
du conseil d'administration, les bénévoles qui sont présents vont démontrer
comment ça se passe sur le terrain. Ils vont
faire part aussi de ce qu'ils observent, de ce qu'on leur rapporte, de ce qui
est observé au niveau du système, des trous
dans le système, de l'impact au niveau des personnes qui sont accompagnées
au quotidien par ces bénévoles-là. Les bénévoles voient énormément de choses.
C'est une centaine de bénévoles, en moyenne, et peut-être plus, là, je n'ai pas
la... par centre d'action bénévole qui...
M. Tankoano (Fimba) : 300.
Mme Sauriol (Lyne) : 300 en moyenne?
M. Tankoano (Fimba) : Oui.
• (15 h 40) •
Mme
Sauriol (Lyne) : En tout cas, beaucoup de bénévoles par centre d'action bénévole, ça
dépend des centres, là, et qui
observent, qui accompagnent des personnes, là, au quotidien dans le réseau de
la santé. Ça fait qu'ils vont faire part
souvent aux membres de conseils d'administration de ce qu'ils voient pour
essayer de faire corriger ces choses-là ou ils vont participer également aux décisions qui sont prises en regard de
l'établissement, des orientations qui sont prises, mais ils ont toujours à l'esprit, justement,
les personnes auprès desquelles ils font leur action bénévole. Ils n'ont pas
d'intérêt autre que celui-là de représenter les usagers, les
bénéficiaires des services.
Mme
Lamarre : Écoutez,
je... C'est intéressant. Hier matin... vendredi matin, j'étais à Longueuil, au
Centre de bénévolat de la Rive-Sud,
et on me faisait remarquer qu'à tous les matins il y a un service d'appels
automatiques qui rejoint 450 personnes qui vivent seules dans leurs
maisons et qui fait du repérage par rapport à de la détresse...
Mme Sauriol (Lyne) : Le programme
PAIR.
Mme
Lamarre : ...un AVC qu'une
personne aurait pu faire toute seule. Donc, vous êtes vraiment
en soutien et vous pouvez témoigner de ces gens, parce que ces gens-là
ne sont plus nécessairement... Ils se sont parfois sortis du système et du réseau, et vous êtes leur lien, et
vous êtes leur témoin, aussi, au sein des conseils d'administration. Donc,
vraiment, je pense qu'il y a une valeur ajoutée certaine à vous avoir très
proches de nos décisions.
Je vais laisser la parole à mon collègue député
de Rimouski puis je vais me remettre de ma toux. Merci.
Le Président (M. Tanguay) : M. le
député de Rimouski.
M.
LeBel : Oui, merci, M. le Président. Bonjour. Tantôt, le ministre disait : Votre
monde, votre monde, tu sais, vous avez
une culture différente. Moi, j'ai un peu tiqué là-dessus, parce que, pour avoir
travaillé dans le milieu communautaire
puis connaître beaucoup les centres
d'action bénévole dans une communauté, ce n'est pas deux mondes. Les gens... Vous êtes des partenaires dans le
réseau, vous livrez les services puis vous le faites en lien avec les
institutions, tu sais, en lien, entre
autres, avec le CSSS, mais je comprends, je visualise, parce que, pour l'avoir
vu, les... Il y a un conseil d'administration dans le CSSS, avec la
direction. Il y a des liens dans une communauté qui n'est pas très grande, une communauté rurale. Il y a des liens qui se font
entre les bénévoles et le conseil d'administration et la direction. Les gens
se parlent, les gens se disent les enjeux,
ont une vision, et ça se fait quotidiennement. Et c'est ça, je pense, que vous
pensez qu'on peut perdre si on
régionalise, s'il y a des grands ensembles. Ce lien que vous avez directement
au quotidien avec les gens, pour se
virer de bord, pour donner le service, pour aller chercher le monde, ce
lien-là, il risque de casser, et dans le
bas du Saint-Laurent, les gens le voient, là. La CRE Bas-Saint-Laurent, conseil
des élus, a proposé un peu la même chose que vous, qu'il y ait des
comités consultatifs dans chaque CSSS.
Pour ça, pour garder ce lien de proximité entre
votre monde, qui est pourtant des partenaires, qui est le même monde dans la communauté, avec les... Et moi, je...
Puis, effectivement, comme ma collègue lisait dans l'article, on n'est pas là, là. Le comité consultatif, le comité
aviseur, ce n'est vraiment pas la même chose. Moi, je compte sur vous pour
nous aider à... quand on sera rendu à
l'étude article par article, pour trouver la bonne formule pour répondre à vos
besoins.
Puis
j'aimerais ça savoir comment vous voyez ça. Comment ça pourrait se passer au
quotidien, ce lien-là avec un comité consultatif? Quelle force que vous
voudriez donner à ce comité-là?
M. Tankoano
(Fimba) : L'une de nos discussions qu'on a eues lors de la
consultation, c'était d'imaginer les CSSS
sans conseil d'administration, donc des gestionnaires qui se retrouveraient
avec un pouvoir absolu de prendre les décisions
en se référant à un conseil d'administration qui est à mille lieues d'eux. Et
on se disait : Ça serait une gestion assez centralisée de toutes
les décisions, et donc la préoccupation première des usagers et du milieu ne
serait pas forcément représentative des décisions que ces
gestionnaires vont prendre, et surtout s'ils reçoivent des commandes financières, comme, genre : Débrouillez-vous
pour que ça coûte moins cher. Bien, alors, les gestionnaires ont — nous en sommes aussi, on sait comment procéder à des coupures pour répondre à
des commandes financières — ...mais sans tenir compte, justement, de l'impact que cela va
avoir sur les usagers en tant que tels. Et, pour nous, un comité aviseur doit être un contre-pouvoir,
doit avoir suffisamment de poids pour analyser et valider des décisions qui
vont avoir un impact direct sur les usagers. Et ce n'est pas question que les
gestionnaires soient libérés de cette consultation, de ce contre-pouvoir, et c'est pour ça que nous tenons à
ce que, que ce soit un comité aviseur ou un conseil d'administration consultatif — peu importe le nom qu'on va lui donner — on lui donne cette prérogative-là de jouer un
rôle de contre-pouvoir et de pouvoir
analyser toutes les décisions qui vont être prises avant que ces décisions ne
soient mises en oeuvre.
Et
c'est la même chose qui ne convient pas non plus dans le projet de loi
n° 10, parce que nous ne sentons pas que nous avons été consultés avant la mise en... la proposition de ce
projet de loi là. Parce que, si on avait été consultés avant, ça nous aurait permis de nous exprimer et
d'avoir déjà un projet de loi qui nous ressemble. Là, on a un projet de loi
qu'on ne comprend même pas bien et que
personne n'est capable de l'expliquer, sauf quand on est devant M. le ministre.
Lui, il comprend très bien le projet de loi et il peut l'expliquer, mais
personne n'arrive à mettre vraiment le doigt sur qu'est-ce qu'on vise
exactement.
Quand
on regarde les trois objectifs visés, nulle part dans le projet de loi c'est
clairement expliqué comment on va
faire pour les atteindre et même pour sauver 200 millions, sauver
200 millions en abolissant des postes. Est-ce qu'on a pensé un peu à l'analyse des coûts directs et
indirects que cela peut apporter? Avoir sauvé 200 millions, c'est
peut-être beau à dire, mais les retombées de ça : Combien de gens
vont perdre leur emploi? Combien vont tomber en maladie? Combien vont tomber en chômage? Combien ça va nous
coûter, en bout de compte, sur la facture globale de notre société par
la suite? On n'a pas fait cette analyse-là.
En
plus, nous pensons qu'avoir des comités aviseurs ou des conseils
d'administration qui vont jouer ce rôle de contre-pouvoir va aussi
amener le gouvernement, s'il veut vraiment nous consulter, d'avoir... de penser
à, comment dirais-je, une consultation
profonde de tout le système de la santé et de nous faire ressortir un nouveau
système de la santé, pas une réforme
structurelle. Pour nous, les files d'attente attendent 16 heures aux urgences,
c'est ça qui nous préoccupe. Nous,
nos bénévoles, quand ils accompagnent quelqu'un, une personne pour son
rendez-vous médical, aller attendre... malgré
le rendez-vous, aller attendre six heures aux urgences avant de voir un
médecin, c'est ça qui nous inquiète, nous. Nous, la façon dont le système est organisé, qu'il y ait un directeur,
un D.G. là, un président ou chef de quoi, peu importe ce que le
squelette peut être, il n'y a aucun problème, ce que nous, on veut, c'est de
voir l'impact direct sur...
Le
Président (M. Tanguay) : Excusez-moi, je dois maintenant céder la
parole au collègue député de Lévis. Et, dans vos échanges avec le collègue député de Lévis, vous aurez
l'occasion de poursuivre. C'est mon rôle ingrat de président de tenir le
temps, alors je cède la parole au député de Lévis.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Merci, Mme Sauriol. M. Tankoano, merci. Je
comprends, à la base, hein, puis je
ne répéterai pas non plus ce que les collègues ont pu dire de l'importance de
ce que vous êtes, de ceux que vous
représentez, puis encore faut-il... Le grand défi, c'est pour, demain, d'avoir
encore davantage de bénévoles qui font assurément la différence parce
que, même à ce chapitre-là, ce n'est pas facile non plus, et vous devez le
constater, de recruter des bénévoles, qui
sont écrasés par la tâche et qui savent être des rouages essentiels à la bonne
marche du réseau de la santé. Et le
ministre l'a dit lui-même : Sans votre participation, on ne pourrait pas
avoir un réseau aussi efficace. Et je
le constate, moi, à travers énormément d'organisations, des bénévoles qui le
font, et je le dis souvent, par vocation. On a l'impression que c'est au-delà de l'effort, mais on le fait pour
l'être humain. Je comprendrai aussi que, dans cette réforme proposée, vous faites une grande
différence, et vous venez de le dire, notamment M. Tankoano, entre
l'administratif et l'humain. Le but de l'exercice, c'est vraiment, dans
votre vision des choses, l'humain d'abord.
Je
reviens deux secondes puis, ensuite, je passerai sur autre chose, mais cette
volonté que vous avez de faire en sorte
qu'on conserve les conseils d'administration des CSSS sous forme de comités
consultatifs bénévoles sans pouvoir décisionnel
auprès des CISSS, on en a parlé, et vous avez dit pourquoi c'était important.
Avez-vous songé à comment ça
s'applique? Qui y siège? Qui fait le lien? Comment se transpose l'information,
par exemple, du comité, les CISSS, les... Est-ce que vous avez pensé à
l'application de cette recommandation-là dans les faits?
• (15 h 50) •
M. Tankoano (Fimba) : Alors, il y a plein de possibilités à ce niveau-là, et nous pensons que l'une des choses qui devraient être regardées, c'est de voir... Le système
de santé actuellement a une multitude d'acteurs qui tournent autour.
C'est de s'assurer d'une certaine
représentativité de ces acteurs-là au
niveau de ces conseils d'administration, de telle sorte que, quand on parle d'un système de santé intégré, on prenne en compte toutes les
composantes qui contribuent justement
à ce système de santé là. Et, à ce niveau-là, nous pensons qu'au niveau... si jamais la recommandation serait
acceptée, qu'on devrait veiller à
cette représentativité-là, qu'on ait des membres usagers, des organisations communautaires qui travaillent
en lien avec ces membres usagers là qui se retrouvent sur ces conseils d'administration et aussi qu'il
y ait des gens du système de... des experts du système
de la santé aussi, si je peux dire, des professionnels du système
de la santé aussi, qu'il se retrouve,
en fait, dans ces comités ou ces conseils
d'administration, une somme
d'expertises qui touche tous les secteurs qui sont rattachés ou qui
contribuent au système de la santé.
M. Paradis
(Lévis) : Sans pouvoir décisionnel, mais avec un pouvoir de recommandation.
M. Tankoano (Fimba) : Avec un
pouvoir de recommandation assez fort.
M.
Paradis (Lévis) : Ça veut
dire quoi «assez fort»? Ça veut dire qu'on peut infléchir une décision, mais on
n'a pas de pouvoir décisionnel, alors on la prend où, sa force?
M.
Tankoano (Fimba) : C'est
dans la légitimité qu'on va donner à ce comité qu'on va prendre la force. Si on
met en place un comité... Nous, les
fédérations, on fonctionne comme ça. On a un conseil d'administration, mais
on a des comités. Les comités ont,
dans nos statuts, le pouvoir de recommandation, et le conseil
d'administration entérine les recommandations des comités. Quand les comités donnent des recommandations, vu que c'est le conseil d'administration
qui les a mandatés, il est tenu, par respect de ses règlements généraux, de
considérer ces recommandations et de les analyser au meilleur de sa connaissance
pour l'intérêt du collectif.
Donc, il ne
suffit pas de mettre en place, pour nous, un comité aviseur qui va faire des recommandations qu'on va mettre dans les
tiroirs. Il faudrait que ce comité-là soit légitime et que les personnes qui
les mettent en place au comité assument la responsabilité quand sera le
temps de recevoir les recommandations.
M. Paradis
(Lévis) : Faisons encore un
peu de chemin sur cette proposition-là. Qui désigne les membres? Il y a quelqu'un qui les désigne. Ensuite, est-ce
que c'est un comité par établissement physique ou un pour chaque CISSS?
M.
Tankoano (Fimba) : La
réflexion n'est pas encore arrivée jusque-là,
il faut qu'on l'avoue, quand même, mais on n'est pas d'accord que ça soit le ministre qui désigne
unilatéralement les personnes qui doivent siéger là. Nous pensons que les régions doivent être capables, par un
processus démocratique et consensuel, de trouver une façon d'assurer cette
représentativité-là, de telle sorte qu'il y
ait quand même une certaine indépendance et... pas «une certaine», une
indépendance des personnes qui
siègent là et qu'elles puissent s'exprimer sans avoir aucune contrainte que
cela soit-il. Et d'ailleurs ça nous
fait penser que — dans
notre mémoire, nous l'avons souligné aussi — on n'est pas trop à l'aise avec le fait que
tout soit décidé par... que les conseils d'administration, les
conseillers soient nommés par le ministre. On se pose la question de l'indépendance de ces personnes-là.
Et, en plus, il y aura un salaire qui va être rattaché à leurs fonctions, alors
qu'avant ils étaient plus ou moins bénévoles dans leurs tâches. Tous ces
paramètres nous inquiètent un peu.
M. Paradis
(Lévis) : Je vais vous
laisser un peu réfléchir sur l'application. Vous me dites : Ah! Il y a
encore du travail à faire, mais...
M. Tankoano (Fimba) : Il y a
encore du travail à faire. Si jamais on veut nous...
M. Paradis
(Lévis) : En tout cas, vous
mettez de la chair autour du squelette, vous en parliez, pour paraphraser
puis prendre vos propos également.
Vous dites
que vous avez consulté ceux que vous représentez : les bénévoles, les
comités d'action bénévole, qu'ils vous
ont exprimé leur scepticisme en ce qui concerne l'amélioration des services à
la population, parce que c'est votre volonté
première. L'inquiétude majeure manifestée et exprimée par ces gens que vous
avez rencontrés en support à votre mémoire,
quelle est-elle? Perte de services très, très précisément? Le fait d'être
perdus dans une mégaréforme? Qu'est-ce qu'on vous dit?
Mme
Sauriol (Lyne) : Bien, il y
a ces aspects-là, il y a de mettre beaucoup d'accent au niveau du curatif,
moins au niveau du préventif aussi.
On sait que c'est difficile, faire de la prévention. Les organismes
communautaires, on en fait beaucoup;
les établissements aussi en font également beaucoup, de la prévention,
participent à des comités aussi pour faire
de la prévention à toutes sortes de niveaux. Puis c'est long à mettre en place
tous ces systèmes-là, sauf que ça a un impact
direct au niveau de la détérioration de la santé d'une population d'avoir... de
faire de la prévention. Si on fait
plus de prévention au niveau de la cessation du tabagisme, de la mise en forme, de la maltraitance, de
la violence, en tout cas, des maladies cardiovasculaires, bon, etc., pour
essayer de développer chez la population de meilleures habitudes et de saines habitudes de vie, ça a un impact au niveau de la santé physique des gens et de l'utilisation des hôpitaux. Les gens, s'ils ont un meilleur état de santé, bien, retardent l'utilisation des
soins de santé, donc ça coûte moins cher au système. Si on oriente davantage nos... on investit moins
au niveau de la prévention et plus au niveau du curatif, bien, ça va avoir
un impact, les gens vont prendre moins soin
de leur santé, parce que c'est toujours à répéter, la promotion de la santé.
M. Paradis
(Lévis) : Je me permets...
Il reste peu de temps, mais vous avez mentionné... Au bénéfice de ceux qui nous regardent, ce que vous faites, hein, il y
a bien des choses évidemment, mais vous avez mentionné les popotes roulantes, l'accompagnement-transport; vous en
avez parlé il y a quelques instants, eu égard aux listes d'attente. Est-ce que
ceux que vous représentez, est-ce que les usagers craignent la disparition de
services précis?
M. Tankoano (Fimba) : Oui, tout à
fait.
M. Paradis (Lévis) : Comme?
M.
Tankoano (Fimba) : Comme
l'accompagnement-transport, les popotes, les visites d'amitié, surtout, et les
téléphones d'amitié, qui sont des services
de prévention essentiels parce que ça joue au niveau psychologique. Et on le
sait, que les médicaments... la
médication à elle seule ne suffit pas pour améliorer l'état de santé d'un
individu si, au niveau psychologique,
cette personne-là n'est pas soutenue. Et donc ces services-là, ça inquiète
beaucoup. Qui plus est, quand on entend qu'il y aura des coupures de 30 %
au niveau de la santé publique, ça vient renforcer justement cette
inquiétude-là. Et d'ailleurs, dans
l'étude de l'agence de la santé publique qui est parue en mai 2009, c'était
clairement indiqué que les coûts
directs en santé étaient moins importants que les coûts indirects au niveau de
la santé. Le rapport... Il y a un tableau, au niveau de la page n° 2 de ce rapport, qui indique ça clairement,
qu'il faut investir plus dans la prévention pour avoir des meilleurs résultats et des économies d'échelle
aussi. Pour nous, on considère qu'injecter de l'argent au niveau de la prévention, et, bien sûr, dans le communautaire,
parce que c'est eux qui font plus de prévention, ce n'est pas une dépense,
c'est plutôt un investissement qu'il faudrait considérer.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci complète votre
participation au débat concernant le projet
de loi n° 10. Nous vous remercions, vous, représentants de la Fédération
des centres d'action bénévole du Québec. J'invite maintenant les représentants du Regroupement des entreprises
d'économie sociale en aide à domicile à prendre place, et je suspends
momentanément nos travaux.
(Suspension de la séance à 15 h 58)
(Reprise à 16 heures)
Le Président
(M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous sommes maintenant à souhaiter la
bienvenue aux membres et représentants du Regroupement des entreprises
d'économie sociale en aide à domicile.
Alors,
bienvenue à l'Assemblée nationale. Je vous demanderais, pour les fins
d'enregistrement, de bien vouloir vous
identifier. Par la suite, vous disposerez d'une période de 10 minutes pour
faire votre présentation. S'ensuivra une période d'échange avec les
parlementaires. Alors, la parole est à vous.
Regroupement des
entreprises d'économie
sociale en aide à domicile
M. Caron
(J. Benoit) : Alors, Benoit
Caron, je suis directeur général de la Fédération des coopératives de services
à domicile et de santé du Québec. Et je suis accompagné, à ma gauche...
Mme Gasse
(Marie-Claude) :
Marie-Claude Gasse, présidente de la Coalition des entreprises d'économie
sociale en aide à domicile et aussi
directrice générale de Coup de main à domicile, qui est l'EESAD située à
Rimouski, dans le Bas-Saint-Laurent.
Mme St-Laurent
(Hélène) : Hélène
Saint-Laurent, porte-parole de l'Aile rurale des entreprises en économie
sociale et directrice aussi d'une entreprise, Entre-Tiens de la
Haute-Gaspésie, située à Sainte-Anne-des-Monts.
Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.
M. Caron
(J. Benoit) : Alors, M. le Président, M. le ministre, M. Barrette, que nous sommes particulièrement heureux de rencontrer aujourd'hui, Mmes, MM. les députés, nous tenons à vous
remercier de nous donner l'occasion de vous faire part de l'avis des
entreprises d'économie sociale en aide à domicile concernant le projet de loi
n° 10.
Notre présentation se veut constructive. Nous
avons pour unique objectif de contribuer à l'amélioration des services à la population. Avant tout, nous tenons
à souligner qu'il existe une source importante d'économie si le Québec met
en place une réelle stratégie dans les soins et le soutien à domicile, des
économies chiffrées à plus de 200 millions
de dollars par année, comme l'annonçait récemment le Regroupement des comités
d'usagers. Alors, c'est d'importantes sommes
d'argent qui permettraient... Si le virage des soins à domicile serait pris, ça
nous permettrait de faire ces économies-là.
Une des premières étapes, M. le
ministre, c'est que votre gouvernement s'inscrive, à notre avis, dans les pas de la politique Vieillir
et vivre ensemble, adoptée sous la ministre Marguerite Blais.
Notre présentation aura principalement trois
volets : tout d'abord, une rapide présentation des EESAD et des relations que ces entreprises ont développées avec
le réseau de la santé; nous reviendrons ensuite sur les points positifs et les avantages de ce projet de loi; finalement, nous nous attarderons sur les points plus
sensibles où il nous semble que des ajustements devraient être apportés
afin de bonifier ce projet de loi.
Le réseau des
EESAD comprend 102 entreprises d'économie sociale qui sont accréditées par le ministère de la Santé et des Services sociaux.
Elles sont présentes dans les 17 régions administratives du Québec. Ces
entreprises sont administrées principalement par et pour leurs usagers
et exploitées à des fins non lucratives. Elles offrent 7 millions d'heures
de services à 100 000 usagers en perte d'autonomie. Les EESAD
emploient plus de 7 800 préposés d'aide à domicile qui possèdent les compétences et l'expertise requises afin
d'assurer un soutien et des soins à domicile de qualité aux citoyens qui
en ont besoin. Soulignons que ce métier est reconnu par une norme
professionnelle du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale.
À l'heure actuelle, la clientèle des EESAD est
quasi exclusivement composée d'aînés en perte d'autonomie. L'usager principal est une femme de 70 ans, vivant
seule et ayant de faibles revenus. Les CISSS vont devenir les interlocuteurs
essentiels des EESAD puisqu'ils remplaceront les CSSS, qui font actuellement le
référencement des services d'aide à la vie quotidienne et à la vie domestique
dans beaucoup de cas.
Les EESAD développent en
ce moment un projet avec le ministère de la Santé et des Services sociaux afin d'accentuer leur offre de services en matière
d'activités de la vie quotidienne, c'est-à-dire les soins aux personnes dispensés par les EESAD. Le vieillissement de la population,
conjugué à l'obligation d'utiliser les ressources de manière efficiente nous laissent penser que, dans l'avenir, les CISSS
auront de plus en plus recours aux EESAD. Nos organisations offrent un service de qualité à des tarifs deux à trois
fois moins chers que dans le réseau public sans pour autant marchandiser
la santé, puisque les EESAD, je vous le
rappelle, sont des entreprises exploitées à des fins non lucratives,
administrées par et pour leurs usagers.
J'aborde maintenant
la deuxième partie de notre intervention. Nous allons revenir sur les avantages
que les EESAD ont identifiés avec
votre réforme, M. le ministre. Nous ne pouvons que féliciter la mise sur pied
d'une lisibilité au réseau de la
santé et de la diminution des lourdeurs administratives. À l'heure actuelle, et nous le constatons tous les
jours, les directives et les
orientations prises au plus haut niveau ont de la difficulté à s'appliquer
totalement sur le terrain. Votre réforme,
avec les CISSS, doit changer cette façon de faire. Les soins et le soutien à
domicile en sont de bons exemples.
Depuis une
dizaine d'années, la plupart des plans d'action et des politiques des
différents gouvernements en santé ont
mis l'accent sur l'importance du soutien à domicile des personnes âgées.
Pourtant, force est de constater que l'indépendance locale a créé des
distensions importantes entre les CSSS et leurs pratiques. Certains CSSS ont
investi dans le soutien à domicile, alors
que d'autres ont privilégié l'utilisation de ressources plus traditionnelles
pour répondre au vieillissement de la population.
Les CISSS
doivent aussi aboutir à une simplification administrative. Si les CISSS
permettent l'uniformisation des demandes et formulaires administratifs,
cela aura déjà un impact positif sur nos organisations. Certaines EESAD travaillent avec plusieurs CSSS, et les documents
ou formulaires demandés ou les pratiques sont différentes d'un CSSS à
l'autre, ce qui complexifie le travail des EESAD.
Les EESAD sont
présentes dans l'ensemble du territoire québécois et sont donc à même de
soulever la problématique de
l'iniquité entre les citoyens. Votre réforme doit absolument augmenter l'équité
des services et des soins entre les
citoyens. Par exemple, dans la politique intitulée Chez soi : le premier
choix, adoptée en 2003, il est prévu que les personnes à faibles
revenus, dans le cadre du PEFSAD, le Programme d'exonération financière pour
les services d'aide domestique, n'ont pas à
assumer la différence normalement payée par l'usager. Celle-ci est alors prise
en charge par le CSSS. Pourtant, son
application est très différente. Certains CSSS l'appliquent, alors que
d'autres, absolument pas.
Finalement,
les CISSS doivent permettre une meilleure reconnaissance et valorisation des
EESAD. Les CISSS doivent adopter une
approche positive en reconnaissant l'expérience, la compétence et la qualité de
service des EESAD et de leurs préposés d'aide à domicile dans le soutien
à domicile en favorisant, bien entendu, l'usage de leurs services.
Dans ma
dernière partie d'intervention, nous souhaitons ne pas passer sous silence
certains points du projet de loi
n° 10 qui nous inquiètent. Nous espérons vraiment que vous saurez nous
entendre. La quasi-totalité des intervenants qui nous ont précédés l'ont
mis de l'avant, mais nous ne pouvons qu'abonder dans leur sens en soulignant
que nous sommes inquiets du manque de
représentation sur les conseils d'administration. Nous pourrons revenir, durant
la période de questions, sur les
raisons qui nous motivent à intervenir sur ce sujet, mais, attendu l'importance
des entreprises d'économie sociale
qui travaillent en partenariat avec le réseau de la santé, il nous semble
essentiel que les C.A. comptent au
minimum des administrateurs issus de nos rangs. Cela aussi a été répété au
cours des consultations particulières, mais les CISSS vont être des mégastructures avec à leur tête des
gestionnaires qui seront, par la force des choses, éloignés de la réalité
du terrain.
Afin d'être constructifs et positifs, nous
arrivons avec des solutions pour contrer ces problèmes, de modestes solutions. Vous devriez insister pour que chaque
CISSS signe des ententes de service avec les EESAD de son territoire, mais aussi qu'il mette sur pied une table de
concertation réunissant l'ensemble des partenaires et fournisseurs de services
de soutien à domicile : les EESAD, les
sociétés Alzheimer, les coopératives de santé. Ces tables de concertation
permettraient aux gestionnaires des CISSS d'avoir l'avis et le ressenti
terrain des partenaires externes. L'objectif est d'éviter que les décisions prises le soient exclusivement dans l'intérêt
des acteurs internes du réseau de la santé plutôt que de la population. Par ailleurs, nous
recommandons qu'un représentant des EESAD puisse siéger, bien entendu, au
comité des CISSS, qui portera certainement le comité de soutien à
domicile.
En conclusion, M. le ministre, nous tenons à
rappeler que le réseau des EESAD est favorable à toute mesure visant à améliorer l'efficience du réseau, mais
ces changements de paradigme doivent s'accompagner de réelles mesures
concernant le vieillissement de la population. D'ici 10 ans, le nombre de
personnes âgées de 75 ans et plus devrait croître de 40 %. Toute réforme,
aussi pertinente et bonne soit-elle, verra son efficacité compromise si elle
n'est pas accompagnée de la mise en place d'une réelle stratégie de soins et de
soutien à domicile. Avec les CISSS, vous allez disposer, M. le ministre, de structures qui intégreront pleinement vos
orientations. Vous disposez d'une fenêtre d'opportunité pour mettre en
place cette stratégie de soins et de soutien à domicile.
M. le
ministre, à travers le projet de loi n° 10, nous aimerions savoir — d'ailleurs, je vais terminer là-dessus — ce que vous comptez faire pour les
services à domicile et les entreprises d'économie sociale en aide à domicile.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, pour votre présentation. Maintenant, pour un premier bloc d'échange
de 22 min 30 s, je cède la parole au ministre de la Santé et des
Services sociaux.
• (16 h 10) •
M. Barrette :
Merci, M. le Président. Alors, M.
Caron, Mme Gasse et Mme St-Laurent, merci d'être ici. C'est assez
rafraîchissant de vous entendre parce que vous avez une approche qui reflète
bien votre vie professionnelle, c'est-à-dire une approche très terre à terre,
au quotidien. Et je suis bien content d'entendre ça, comme je suis bien content que vous fassiez
référence aux deux politiques que le gouvernement
libéral a mis en place dans les
années 2000, c'est-à-dire Chez soi : le premier choix et Vieillir et vivre
ensemble, qui était le programme qui était à l'origine de la défunte
assurance autonomie, qui était une copie non financée de la chose, évidemment.
Vous
avez fait référence à un certain
nombre de choses qui m'ont étonné, par exemple. M. Caron, j'aimerais bien que vous élaboriez là-dessus parce que vous avez,
à plusieurs reprises, relaté des distorsions régionales... interrégionales,
on va dire, peut-être, là, et des iniquités
dans le réseau. Pouvez-vous élaborer un petit peu plus là-dedans? Parce que je
pensais qu'il y avait quand même une certaine uniformité.
Et,
en passant, pour ce qui est de votre demande d'avoir une simplification et une
uniformisation de la bureaucratie, le
formulaire et compagnie, pour ce qui est des relations entre les CISSS et les
EESAD, je pense que vous avez tout à fait raison, là. Mais, à la base, vous trouvez qu'il y a beaucoup d'iniquités
et de distorsions d'une région à l'autre. Pouvez-vous m'éclairer un peu
plus?
M. Caron (J. Benoit) : La semaine dernière, M. le ministre, nous avions
la chance d'avoir 96 gestionnaires des 102
EESAD, et on a eu une journée de travail et, bien entendu, cette réalité-là a
été clairement énoncée encore parce qu'on a naturellement, avant d'arriver avec le mémoire, avant de le déposer à
la commission, validé certains éléments avec ces intervenants-là et on
affirme qu'effectivement, d'un CSSS à l'autre, les pratiques sont très
différentes, tout comme d'ailleurs les
investissements, etc. Mme Gasse et Mme St-Laurent sont deux femmes vraiment
terrain, alors je vais leur laisser la parole parce qu'elles, elles vont
pouvoir témoigner de leur expérience.
M.
Barrette : Et gênez-vous pas pour aller dans le détail parce que ça
m'intrigue beaucoup. Techniquement, vous allez être d'accord probablement avec moi, ça devrait être quand même
quelque chose d'assez uniforme, là, et là ce que je comprends, c'est que
ça ne l'est pas du tout, là.
Mme
Gasse (Marie-Claude) : Non. Ce que M. Caron donnait comme exemple,
c'est qu'on a certaines EESAD, avec
les fusions avec les CSSS, qui font affaire avec différents CSSS sur le même
territoire. Il y a des CSSS qui disent : Bien, nous, on va appliquer ce qu'il y a dans la politique Chez soi : le premier choix, en disant, pour une
personne qui est vulnérable, qui est à faibles revenus : Je vais l'aider à s'acheter des services et je vais
payer sa part. Par contre, l'autre CSSS, qui est sur le même territoire, qui fonctionne avec la même EESAD, dit :
Moi, j'ai des compressions internes à faire, donc je coupe les achats externes de services. Donc, à ce moment-là, ça se traduit par une perte de services directement sur le
terrain.
M. Barrette :
Parce que le CSSS n° 2, dans votre exemple, ne paie pas la compensation.
Mme Gasse
(Marie-Claude) : Entre autres. C'est un des exemples qu'on peut
retrouver sur le terrain.
M. Caron (J. Benoit) : Mais ça peut être tout simplement dans la
pratique. Actuellement, il y a quand
même une volonté de multiplier
les ressources, c'est-à-dire, considérant la demande qui est très importante,
on sait que, dans les prochaines années — tantôt,
je vous ai parlé des 75 ans — il faut avoir le maximum de ressources, que
ce soit des ressources
du réseau public, que ce soit les ressources des EESAD. On en a quand même
quelques-unes, là. Alors, je vous donnais l'exemple au
niveau des activités de la vie quotidienne : il y a des CSSS qui
développent des partenariats avec les EESAD
de façon à aller livrer différents services d'AVQ, alors que d'autres CSSS
n'ont même pas commencé à le faire. Alors,
il y a des endroits où on a des centaines d'heures, d'autres endroits où il n'y en a pas du tout. Puis je ne sais pas si,
Hélène, tu as d'autres exemples que tu voudrais donner, là?
Mme St-Laurent (Hélène) : C'est pas mal comme Marie-Claude disait tantôt,
là, c'est vraiment au niveau, là, de... Comme nous, chez nous, en tout cas, à Sainte-Anne-des-Monts, c'est ça,
il y a un montant que l'hôpital donne, ils paient le service carrément des personnes. Et maintenant
c'est une clause grand-père, ils ont décidé qu'ils arrêtaient ça. Donc,
les gens s'attendent à avoir une gratuité de service, et là, vu qu'ils ne l'ont
plus, bien, ils n'achètent plus les services.
M.
Barrette : Est-ce que c'est la même... Parce que là je ne veux pas
minimiser... Ce n'est pas péjoratif, ce que je vais dire, mais est-ce que c'est la même chose à Montréal? Vous, vous
êtes à Sainte-Anne-des-Monts, vous à Rimouski. Est-ce que, dans les
places plus...
M. Caron (J. Benoit) : On était, la semaine dernière, avec les neuf
EESAD de la région de Montréal puis, là aussi, c'est des pratiques qui sont différentes. On a deux EESAD, entre autres,
qui vont intervenir au niveau des activités de la vie quotidienne, les autres EESAD n'interviennent
pas, puis les CSSS ne leur réfèrent pas de services non plus, là. Puis
c'est variable d'une région à l'autre, M. Barrette, là.
M.
Barrette : ...de l'entendre puis j'espère que l'opposition va
comprendre que la réponse à ça est une orientation ministérielle, dans le cadre d'une loi qui met en
place un cadre qui fait en sorte qu'il y a une uniformité dans le réseau,
et que l'opposition ne fera pas comme
tantôt, à essayer de vous faire accroire que vous n'aurez pas de service et que
vous n'aurez pas le choix. Mais je suis bien content de vous entendre.
Maintenant,
je vais revenir sur un autre élément. Bien, en fait, est-ce que
votre impression est que les EESAD n'ont
pas de budget... ou les agences puis les CSSS, pardon, ou les agences n'ont pas
de budget protégé ou c'est vraiment, vraiment,
vraiment aléatoire d'un CSSS à l'autre actuellement?
Mme
Gasse (Marie-Claude) : C'est
aléatoire d'un CSSS à l'autre. Il y a des CSSS qui ont fait le choix d'investir directement en soutien à domicile et récoltent les fruits de ça aujourd'hui. Il y en a d'autres qui n'ont pas pris encore ce virage-là. Et on est dans un moment un peu
charnière où, si on veut faire des économies dans le curatif, bien, il faut investir en soutien à domicile et dans la prévention, mais
ils n'ont pas nécessairement cet argent-là pour l'investir actuellement. C'est aussi un des effets pervers des fusions, à l'époque, où les
budgets de soutien à domicile n'ont malheureusement pas été
protégés. Donc, malheureusement, il y a des conseils
d'administration, à un moment donné, qui ont dû faire les durs choix
de prendre ces budgets-là pour aller boucher des trous dans la gestion d'un hôpital
ou d'un CHSLD, mais cet argent-là ne se retrouve pas sur le terrain.
Donc, aujourd'hui, on récolte aussi les fruits de ça.
M. Barrette : Je comprends. Encore
là, un exemple de la nécessité d'avoir une orientation claire et expliquée clairement,
malgré ce que certaines personnes peuvent en penser.
Oui, M. Caron?
M.
Caron (J. Benoit) : Je
désirerais simplement... Vous savez, nous, on est juste les porte-parole de ces 102 entreprises là, et les propos qu'on tient aujourd'hui
sur la disparité des pratiques et la... en tout cas, des façons de faire qui
sont différentes d'une région à l'autre...
M.
Barrette : Je vous comprends
très bien, alors que votre domaine est un secteur
d'intervention où les choses devraient être assez uniformes, là. Comme je dis
souvent : Vous savez, opérer une vésicule biliaire, là, elle s'opère
de la même manière à Gaspé qu'à Montréal,
là. Et les soins à domicile, dans le type de services que vous donnez,
devraient être donnés de la même manière et dans le même cadre que
partout, mais ce n'est pas tout le monde qui comprend ça.
Vous avez
fait référence tantôt à certaines problématiques qui étaient liées au PEFSAD. Pouvez-vous
élaborer un petit peu là-dessus? Parce que ça, c'est un autre programme
qui vient de Chez soi : le premier choix, là.
M. Caron
(J. Benoit) : Oui. Le programme
d'exonération financière a été la pierre angulaire, je pense,
du développement des services
à domicile au Québec,
là, en 1996‑1997, et c'est par l'entremise de ce programme-là
qu'on a pu créer ces 102 entreprises là, qui sont des entreprises d'économie
sociale, je vous le rappelle, là. Et le programme d'exonération financière permet à l'usager d'avoir une aide financière en fonction de son revenu pour avoir accès aux services. Alors, le programme, malheureusement...
On parlait tantôt de la politique Vieillir et vivre ensemble, votre collègue...
ou vos collègues de l'époque, Mme Blais et Mme Vien aussi... On avait, à
l'intérieur de cette politique-là, anticipé
une augmentation de l'aide financière à l'usager. Parce qu'avec le temps les entreprises ont dû
augmenter leurs tarifs simplement
pour avoir la main-d'oeuvre, là, parce qu'il y a eu des augmentations de
salaire minimum, et il s'est écoulé
beaucoup d'années, plusieurs années depuis, là. Donc, augmentation de tarifs
signifie inévitablement augmentation de
la facture pour l'usager, usager qui, je vous l'ai dit tantôt... 73 % sont
des femmes de 70 ans à faibles revenus. Alors, quand elles ont besoin de deux heures par semaine, ce n'est pas si mal,
mais, quand elles ont besoin de plus d'heures par semaine, la plupart
n'ont à peu près pas la capacité de payer.
Donc, quand
on parle du PEFSAD, ce qu'on parle, c'est l'augmentation de l'aide financière à
l'usager pour qu'il puisse maintenir son accès à l'entreprise, aux
services. Et malheureusement, dans le dernier budget, M. Barrette, le
5 millions qui était promis n'y était pas.
M. Barrette : O.K. La...
M. Caron (J. Benoit) : ...pour le
prochain.
M. Barrette : Pardon?
M. Caron (J. Benoit) : On espère le
prochain.
M. Barrette : Ah! vous savez, on vit
tous d'espoir, nous aussi. Là, je vais vous poser une question qui... Je ne veux pas vous mettre mal à l'aise, là, mais, si
vous avez... Je cherche quand même votre opinion parce que vous avez des...
vous êtes vraiment des gens qui sont sur le terrain régulièrement. Évidemment,
on sait, là, que la demande va augmenter. Vous y avez fait référence
vous-mêmes. Est-ce que ces modes-là, l'EESAD, le PEFSAD, et ce type d'activités là qu'on a mis en place, nous...
Évidemment que, dans le futur, ça sera appelé à augmenter. Donc, il y aura
une problématique de financement. On se
comprend? On est d'accord? Mais est-ce qu'il y a d'autres types de mesures
que vous pensez qu'on devrait avoir? Est-ce
que les mesures qui sont celles que l'on connaît sont suffisantes, ou devrait
être adaptées différemment, ou y a-t-il,
encore une fois, des suggestions que vous pourriez nous faire en termes d'aide
à domicile et de maintien à domicile?
Puis en même
temps je vous poserais... si vous voulez, peut-être, là, joindre ça à une
question qui est très pragmatique :
Est-ce que votre coordination avec les gens qui font les ISO-SMAF, les
évaluations, ça se passe bien, de façon coordonnée et uniforme dans la
province?
Mme Gasse (Marie-Claude) : Vous avez
posé plein de questions très pertinentes.
• (16 h 20) •
M. Barrette : Quand ça commence par
un sourire, ça commence mal, hein, en commission parlementaire.
Mme Gasse (Marie-Claude) :
Je vais tenter d'y répondre en peu de
mots, ce qui est très difficile dans mon cas.
M. Barrette :
...vous avez tout votre temps, madame.
Mme Gasse (Marie-Claude) : En fait, ce que vous avez nommé, c'est que le
PEFSAD, c'est sûr que c'est un très
bon véhicule pour permettre l'accessibilité aux services aux personnes dans le besoin, mais
ça ne peut pas être le seul véhicule,
parce que c'est un programme qui est à tarification mixte, donc le client paie une portion pour avoir des services. Quand on parle de d'autres services, comme les
AVQ, aider au lever, s'habiller, se laver, c'est actuellement encore un service qui est financé à 100 % par l'État, donc qui ne peut pas être
financé dans le PEFSAD. Donc, oui, il va falloir trouver d'autres
moyens.
Par
contre, ça m'amène à dire qu'on doit trouver comment rendre les services de
manière encore plus efficace, et je
m'explique. J'ai des domiciles où Benoît le disait tantôt, on est en intensité
de services. Il y a des endroits où on va qu'on est là sept matins par
semaine. Si on est là sept matins par semaine pour s'assurer de faire le lavage
parce qu'il y a de
l'incontinence, de s'assurer que la personne a bien déjeuné, prévoir le dîner,
prévoir le souper, s'assurer que l'entretien est fait et que ce n'est pas dangereux pour que la personne qui est à
mobilité réduite puisse éviter les chutes, il y a, des fois, des aberrances qu'on rencontre, et c'est
souvent l'exemple que je donne : Pourquoi j'aurais un auxiliaire familial du CLSC qui devrait venir, et souvent un différent
à chaque matin, pour faire la pose de bas support ou pour changer la culotte d'incontinence quand on a déjà quelqu'un
qui est sur le terrain et qui souvent est déjà formé pour le faire? Donc,
là, on a une incongruence entre le réseau et
nos organismes où on pourrait améliorer l'efficacité et, avec le même
dollar, donner beaucoup
plus de services à la population. On a plein d'exemples comme ça qui pourraient
rendre le service encore plus efficace.
Et
l'autre question que vous avez posée, c'est au niveau des relations avec les
CSSS. Je vous dirais que, dans la majorité des cas, les relations sont
très bonnes, sauf que souvent elles sont à trop haut niveau. Il faut qu'on
trouve le moyen d'améliorer les
communications entre les intervenants terrain. Et ça, c'est beaucoup
plus difficile, parce que, malgré qu'on
soit un partenaire du réseau local de services, encore souvent on se fait
dire : Bien là, c'est confidentiel. Vous ne pouvez pas être assis autour de la table quand on discute d'une situation
particulière. Et ça, ce que ça va entraîner, c'est que, des fois, le téléphone sonne chez nous, il est 4 heures le vendredi
après-midi, puis on me dit : Bien, Mme X, il faut que je la sorte
de l'hôpital, ça me prend des services à partir de demain matin. Et là nous, on
dit : Wo! Minute, là! Ça prend quels
services? Est-ce que le domicile est adapté? Est-ce que je suis capable d'envoyer
quelqu'un qui est formé, que le
service soit donné sécuritairement? Et là ils ont fait toutes leurs rencontres
de discussion de cas, mais jamais on n'a
été interpellés, et là nous, souvent, on va arriver avec des limites, en
disant : Bien, ça ne marche pas à cause de ça, ça, ça. On doit recommencer au début. Pourquoi il n'y
aurait pas des lieux où on pourrait s'associer au départ pour s'assurer qu'une situation fasse qu'elle est bien organisée,
qu'on puisse la ramener à domicile sécuritairement plus rapidement? À ce moment-là, encore une fois, c'est une
question d'efficacité. Les sous dans le réseau, les lits, entre autres à
l'hôpital ou à l'hébergement, pourraient être utilisés pour les bonnes
raisons.
M. Caron (J. Benoit) : Nous, M. Barrette, on ne comprend pas...
J'adhère, naturellement, à tout ce que Mme Gasse vient de préciser. On ne comprend pas, puis ça
fait quand même plusieurs années, là, qu'on travaille avec le gouvernement, avec le ministère de la Santé
et des Services sociaux... Je vous
dirais qu'à l'administratif, au
ministère de la Santé, on a l'impression
qu'on se comprend un peu plus. Mais, au-delà de ça, au niveau politique, on ne
comprend pas qu'on... On était avec quelqu'un d'un CSSS la semaine
dernière qui nous disait qu'il y a un... Je pense, c'était 30 % ou
40 % des personnes qu'elle avait en
attente pour aller en hébergement qui étaient des cas de services à domicile,
qui n'étaient pas des cas
d'hébergement, mais qui n'étaient pas en services à domicile. Pourquoi on
n'investit pas en services à domicile, alors
qu'on sait qu'en hébergement une personne va coûter 90 000 $, sans
compter l'infrastructure, et qu'au pire, en services à domicile, ça va coûter 20 000 $, ou
30 000 $, ou 40 000 $? On va quand même économiser
50 000 $ ou 60 000 $. Alors, je ne sais pas en quelle langue il faut le dire, mais pourquoi ne pas
investir véritablement en soutien à domicile si on veut faire des
économies? D'autant plus que le soutien à domicile, vous savez... On vous a
parlé des 102 EESAD, et elles interviennent
dans 1 000 municipalités. Très
souvent, l'EESAD va être le seul créateur d'emplois dans la municipalité.
Donc, il y a une participation au développement socioéconomique exceptionnelle
de la part des EESAD.
M.
Barrette : Je vais vous avouer que votre question est très légitime,
et je me la pose moi-même. Ça m'amène...
Une voix :
...
M. Barrette :
Non, mais j'ai des réponses, par exemple, que je ne dirai pas là. Il y a des
réponses à ça. Mais, parmi les réponses,
c'est sûr que vous avez un rôle important à jouer, et je comprends que vous
êtes partout, à toutes fins utiles, là. Il n'y a pas grand place où vous
n'êtes pas.
M. Caron (J.
Benoit) : ...Minganie, Abitibi, on est partout.
M. Barrette :
Et, dans tous les cas, vous êtes à but non lucratif?
M. Caron (J.
Benoit) : Exploitées à des fins non lucratives.
M. Barrette : O.K. Il doit y avoir quelque
chose de méchant là-dedans, là, j'imagine.
M. Caron (J.
Benoit) : De méchant?
M.
Barrette : L'opposition va
trouver quelque chose... Je
comprends donc de vos propos que la
coordination avec le pur public se fait mal.
M. Caron
(J. Benoit) : Pourrait se
faire mieux. Mais c'est, je dirais... Bien, ce n'est pas vrai que... Tout n'est
pas une catastrophe, là.
M. Barrette : Mais, en tout cas, ce
n'est certainement pas uniforme dans la province.
M. Caron
(J. Benoit) : Non, ça, c'est
certain, certain, M. Barrette. Moi, je l'entends. Je suis à la direction de la
fédération et, à chaque semaine, j'ai des
échanges avec des gestionnaires, avec des administrateurs d'entreprise qui me disent : Bien, chez nous, ça ne marche pas, ça. Ce que tu nous as
dit la semaine passée en rencontre provinciale, là, bien, ça ne marche
pas chez nous. Ce n'est pas de même qu'ils fonctionnent.
Alors, c'est
sûr qu'il y a... Dans le projet de loi n° 10, personnellement, je vous
dirais que ce que j'apprécie... Il y a plein
de mauvais côtés puis, effectivement, on a peu d'information, c'est un
squelette, vous l'avez dit tantôt dans une autre rencontre. Mais il
demeure quand même que le projet de loi n° 10 cible l'importance d'une
uniformisation ou d'une orientation partagée
régionalement et localement. Nous, en soutien à domicile, ça fait des années
qu'on pense que le plus gros problème
qu'on a, c'est que c'est... on a parlé de disparité régionale, on a parlé
d'individualité régionale qui fait en sorte qu'on fonctionne de 17
façons différentes, là. Il faut regarder quand même, puis je me permettrai de
terminer là-dessus... Il est important de
considérer des caractéristiques régionales. Ce n'est pas vrai que... Embaucher
quelqu'un en Minganie, ça coûte beaucoup plus cher que d'embaucher
quelqu'un dans Chaudière-Appalaches ou même dans le Centre-du-Québec. Alors, il
y a des réalités régionales qu'il faut considérer, mais il y a des
orientations, je pense, qui doivent être partagées par l'ensemble des régions.
M. Barrette : Alors, je suis content
de vous entendre. Ça rejoint essentiellement la pensée que l'on a, et une
orientation qui doit être mise en application par un CISSS ne se mettra pas en
application nécessairement de la même manière
d'un endroit à l'autre, mais elle sera la même d'un endroit à l'autre, par
exemple. Et ça, c'est l'esprit de la loi que bien des gens,
malheureusement, ne comprennent pas ou critiquent à l'aveugle, et c'est la
réalité.
Ceci dit, M. Caron, j'aimerais ça, parce que là,
le temps passe et je vais manquer de temps bientôt, je pense...
Le Président (M. Tanguay) : Encore
cinq minutes.
M.
Barrette : Le futur, comment le voyez-vous? Puis là je sais que vous
allez me dire — parce
que, spontanément, quand on se fait
poser une question comme ça, on va répondre : Oui, ça va bien, puis le
futur est rose, puis on... Mais pas nécessairement.
Est-ce que vous, avec une croissance attendue de votre secteur d'activité, vous
voyez des difficultés de recrutement, par exemple, ou de développement?
M. Caron
(J. Benoit) : Absolument. Je
vais laisser la parole aussi à mes deux collègues, là, qui sont encore plus
près du terrain que moi.
M. Barrette : Et des causes.
M. Caron
(J. Benoit) : Moi, je dis
souvent, quand je rencontre des gens, demain matin, si vous voulez, je vous
crée 1 000 emplois. On était à Montréal puis on était avec les neuf
EESAD la semaine dernière puis on se disait : Combien tu en veux? Tu en prendrais combien? Alors, oui,
le recrutement, l'attrait et la fidélisation de la main-d'oeuvre est le plus
important problème. Vous savez que les
7 800 ou la grande majorité de ces emplois-là ont été créés au cours
des 15 dernières années, mais l'ont été aussi auprès de clientèles quelquefois
qui étaient un peu plus éloignées du marché du travail. Donc, ça a une valeur
économique, à notre sens, encore plus grand, et ce n'est pas vrai qu'il n'y a
pas de main-d'oeuvre. De la main-d'oeuvre,
il y en a. Dans les profils qu'on cherche, avec des formations qu'on peut leur
offrir et les amener à être prêts à intervenir, la main-d'oeuvre existe.
La seule chose, c'est qu'il faut aller la chercher.
Je parlais la
semaine dernière avec quelqu'un du ministère de l'Économie, de l'Innovation et
des Exportations. On disait :
Des jobs, si vous voulez qu'on vous en crée, on est capables d'en créer, mais
il nous manque une piastre ou deux.
En fait, les préposés d'aide à domicile, comme c'est des entreprises exploitées
à des fins non lucratives, les usagers doivent payer le moins cher
possible si on veut qu'ils aient accès, puis ça a pour conséquence qu'on
maintient les salaires peut-être un peu en
bas de ce qu'on souhaiterait offrir, ce qu'ils mériteraient. Bon, remarquez,
là, on n'est pas au salaire minimum,
on est plus élevé que ça, là, sauf que, pour faire du recrutement, si on était
capable d'avoir une piastre ou deux de plus, c'est sûr qu'on aurait
probablement la majorité des préposés d'aide à domicile dont on a besoin.
Le plus grand problème qu'on a, en fait, on en a
deux, puis je vais me taire là-dessus : le recrutement de la main-d'oeuvre puis d'être capable de répondre à la
demande parce qu'elle va aller en croissant énormément au cours des
prochaines années.
• (16 h 30) •
Mme Gasse (Marie-Claude) :
Moi, j'aurais envie de dire : On n'est pas là, premièrement, pour se
substituer au réseau, on est là pour
travailler en complémentarité et être capables d'être encore plus efficaces.
Des cas simples, on est capables d'en prendre beaucoup pour que le réseau, qui a des
professionnels, puisse s'attarder aux cas qui sont un peu plus complexes. On est dans un vieillissement de
la population. Je n'apprendrai rien à personne, les besoins vont aller en grandissant, et le réseau ne sera malheureusement
pas capable de répondre à tous les besoins seul. Donc, c'est aujourd'hui
qu'il faut regarder comment on peut faire
mieux avec le même dollar pour donner des services encore plus efficaces ou
aussi efficaces.
On a une recommandation dans notre mémoire, entre
autres, qui est d'aider à créer des
alternatives à l'hébergement. On a
besoin de faire des partenariats avec des OBNL d'habitation, avec des offices municipaux d'habitation, peu importe avec qui, mais qui sont souvent à but non lucratif
aussi, pour qu'il y ait un lieu de résidence dans lequel on peut faciliter
la dispensation de services et qui coûte beaucoup moins cher à la société
qu'une place en hébergement, par exemple.
J'oserais
dire qu'on a plein d'exemples à vous donner, on n'a pas beaucoup de temps. On
vous a demandé une rencontre dernièrement, vous auriez peut-être intérêt
à nous rencontrer rapidement, mais je sais aussi que vous êtes à Rimouski la
semaine prochaine, donc je vous invite à visiter ces alternatives-là n'importe
quand.
M.
Barrette : C'est très possible, je vous remercie beaucoup. Pour ce qui
est du rendez-vous, vous comprenez que
les commissions parlementaires compliquent mon horaire. Mais ça me fera plaisir
de vous rencontrer. Là-dessus, j'ai terminé. M. le Président.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup.
M. Barrette : Merci.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, M. le ministre. Alors, nous allons maintenant céder la parole à notre
collègue députée de Taillon, pour un bloc de 13 min 30 s.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Caron,
Mme Gasse et Mme St-Laurent, merci. Merci de votre contribution
aussi puis de votre éclairage. Je pense que c'est vraiment quelque chose qui
nous aide à mieux comprendre, d'abord, le
travail, très proche des gens, que vous accomplissez. Et je pense qu'on doit
écouter beaucoup. Plus les gens sont proches des citoyens, plus on
devrait les écouter.
Ça va
m'amener finalement à vous parler un peu de certaines de vos recommandations,
où vous dites... Par exemple au
niveau des conseils d'administration, vous souhaiteriez qu'il y ait quelqu'un
qui représente les organismes d'économie sociale. On a beaucoup de gens qui viennent, et tout le monde veut être
au sein du conseil d'administration. Est-ce que, si on ajoutait la dimension soutien à domicile, ça permettrait de
rejoindre, dans le fond, plusieurs groupes qui partagent les mêmes
préoccupations et la même prise de conscience des besoins sur le terrain?
M. Caron
(J. Benoit) : Je dirais
qu'on est uniques au Québec, alors... C'est vrai que les EESAD sont uniques.
Il y a beaucoup d'autres intervenants...
Vous en avez vu plus que nous, on en a vu, qui sont passés ici en commission ou
qui passeront en commission. Mais on sait
que le soutien à domicile, pour les prochaines années, c'est un enjeu et un
défi excessivement important qui
risquent peut-être de contribuer à rendre les finances publiques ou le budget
du ministère de la Santé plus
acceptable. Hein, on le sait, que ça coûte beaucoup moins cher. Je ne vous
répéterai pas les chiffres que je vous ai dits tantôt concernant les
coûts relatifs à l'hébergement versus le soutien à domicile.
Mais,
considérant qu'on va être des acteurs... Les 102 EESAD et
7 800 préposés, qui seront probablement 10 000 dans peu de temps, vont jouer un rôle primordial
là-dedans. Alors, on trouve qu'il est important... Puis naturellement je
ne vous cacherai pas que... Comme tout le
monde l'avait demandé, on s'est dit : On va le demander nous aussi, là,
mais il demeure quand même... Là où
ce n'est pas une blague, c'est qu'il faut qu'on ait un lien étroit. Et les gens
sur le terrain le voient à tous les
jours : quand le réseau public et le fournisseur, le prestateur de
services qu'est l'entreprise d'économie sociale en aide à domicile, ne se parlent pas, n'ont pas de lieu
d'échange, bien, ce n'est pas un fonctionnement, ce n'est pas une opérationnalisation qui est aussi
efficace. Donc, que ce soit au conseil d'administration, à des comités sur le
soutien à domicile, il faut que les acteurs qui livrent le service aient
un lieu d'échange et aussi pour témoigner de la réalité.
La crainte
qu'on a avec le projet de loi n° 10, on l'a dit aussi, c'est que,
finalement, cette mégastructure-là, qui va avoir des bons côtés à notre avis, risque aussi d'avoir de mauvais
côtés. Puis il faut essayer autant que faire se peut de contrer ça. Puis un des mauvais côtés, c'est de
s'éloigner du terrain. Donc, on veut amener le terrain le plus près possible
de là où les choses vont se décider.
Mme Lamarre : Je comprends très
bien, parce que les entreprises d'économie sociale ont été créées, là, à l'époque de Lucien Bouchard, en 1996. Puis vous
avez entendu, pendant les 18 mois où on a été au pouvoir, l'intensité.
Je pense qu'on a vraiment remis en priorité
l'importance du soutien à domicile, et on dirait que c'était un peu précurseur,
malgré les autres programmes qui existaient,
mais... On a vraiment remis ce... Maintenant, tout le monde parle du soutien
à domicile. C'est ce que vous faites, vous,
depuis déjà bien des années. Mais là, vraiment, on se dit : Ce n'est plus
seulement une option, il faut que ça soit structuré, pensé, planifié et
que ce soit soutenu et garanti.
Et, comme
vous, moi, je sais que, sur des territoires que j'ai côtoyés, le budget de
soutien à domicile était celui qui
était rapatrié en fin d'année et qui était passé à un autre budget qui était
prioritaire. Alors, c'est sûr qu'il y aura toujours plein de potentiel pour dépenser de l'argent. Comme pharmacienne, moi, je sais que, par exemple,
les médicaments ont la capacité de
vraiment toujours prendre énormément, et c'est très difficile de positionner
tout ça. Mais je sais qu'aussi ce que
vous faites, et les chiffres que vous avez donnés sur les coûts d'une
journée... d'une année en CHSLD, autour de 60 000 $, on peut en faire, des visites à
domicile, on peut en accompagner, des patients à domicile, avec cet argent-là.
Alors, je pense qu'il faut vraiment vous donner la possibilité de nous décrire
comment vous voulez que ça s'arrime, comment
ça se concrétise. Très précisément... Parce que je pense qu'on partage tous,
là... le ministre, les partis d'opposition partagent tous l'importance, là, de donner une nouvelle place au soutien
à domicile. Contrairement aux autres enjeux, il y a une nouvelle place vraiment à créer pour cette priorité-là. Quels
seraient les changements au projet de loi n° 10 qui vous donneraient des garanties, pas seulement des
«ça serait mieux», là, mais des garanties que la fluidité et le budget
vont être là et vont inclure le soutien à domicile?
Mme
Gasse (Marie-Claude) : C'est
une grosse question parce que nous, on n'est pas dans la gestion du réseau,
hein, on est dans la gestion à côté. Je
pense qu'il faut qu'il y ait des lieux d'échange qui soient formels. On est une
structure qui offrons des services
directement sur le terrain, mais on pense que ce serait une erreur pour le
ministère de la Santé de se priver de
la manne d'informations que nous, on peut leur apporter. Je dis souvent :
On est les yeux et les oreilles du
CLSC sur le terrain. On forme notre monde pour qu'il soit capable de faire du
dépistage précoce, qu'il soit capable de
voir quand est-ce que c'est normal, une situation, quand est-ce que c'est lié
au vieillissement, quand est-ce que c'est anormal, quand on doit sonner l'alarme, à qui on doit la sonner pour
être capable d'intervenir précocement et que cette personne-là ne se ramasse pas dans un endroit...
j'aurais envie de dire «plus poquée», là, mais que son état de santé se
détériore rapidement et qu'elle soit prise en charge beaucoup plus tard. Donc,
c'est difficile pour nous de vous dire comment
faire pour gérer dans le réseau. Nous, la gestion qu'on fait, c'est de notre
côté, et on pense que, depuis des années, on est vraiment très efficaces, mais on est aussi une source
d'informations incroyable, et on doit trouver à quel endroit on peut avoir
des liens d'échange pour encore et toujours maintenir ou améliorer cette
efficacité-là
Mme St-Laurent
(Hélène) : Je voudrais juste ajouter que l'endroit est important. Si
je prends chez nous, en Gaspésie, le CISSS
sera à Gaspé. Moi, à Sainte-Anne-des-Monts, c'est deux heures et demie de
route. Donc, c'est important d'en
mettre un peu plus local puis pas juste des régionaux, pour qu'on soit capables
justement d'avoir ces lieux d'échange là puis d'être capables d'y
participer.
M.
Caron (J. Benoit) : Ce que j'allais ajouter par rapport à vos deux
questions...Vous nous demandiez : Bien précisément dans le projet de loi n° 10, qu'est-ce qu'il devrait y
avoir pour vraiment donner suite aux orientations qu'on est en train de... sur lesquelles on est en train
d'élaborer? Bien, il faut que le projet de loi n° 10 ou ce qui viendra après,
parce que ce n'est pas avec le projet de loi
n° 10 que tout va se terminer, je pense que c'est le démarrage d'une démarche,
il faut vraiment, au Québec, qu'on ait un
virage soutien à domicile et qu'on ne fasse pas que de le dire, mais qu'on le
fasse vraiment, c'est-à-dire... Je
vous donnais l'exemple tantôt, de Mme Tremblay qui a besoin de deux heures, ça
va très bien. Quand elle a besoin de
quatre heures, de cinq heures, de six heures, de 10 heures, et qu'elle est à
faibles revenus, et que le programme
d'exonération financière a été 10 ans, même plus que ça, 12 sans subir
d'indexation, bien, ce n'est pas vrai qu'on
fait du soutien à domicile. Donc, il faut que le projet de loi n° 10 contribue,
et ses suites, à permettre, au Québec, qu'on
fasse vraiment du soutien à domicile. L'autre élément aussi, c'est qu'il faut
que les entreprises aient les moyens de payer leurs employés convenablement, et là on va être capables de faire
du soutien à domicile. Mais il faut aussi le vouloir. Il faut que le réseau public le décide, il faut que
le ministre décide que le soutien à domicile, c'est une voie qui est priorisée
maintenant.
• (16 h 40) •
Mme Lamarre :
Bien, je pense que c'est ce que Réjean Hébert avait fait comme ministre de la
Santé. Il l'a clairement dit et il a mis le
budget de 100 millions de dollars. Je rappelle qu'en campagne électorale
notre premier ministre actuel avait promis 150 nouveaux millions en
soins à domicile, et on ne les retrouve pas. Mais il est certain qu'à un moment donné il va falloir faire une permutation
de budgets, et les mettre aux bons endroits, et les mettre en amont, et ça
rejoint les enjeux de prévention, de
promotion, jusqu'à un certain point presque de la santé publique parce que ce
qu'on fait comme accompagnement à des
patients âgés qu'on aide à domicile, on évite des fractures de hanches, on
évite des allers-retours multiples,
là, des grands utilisateurs qui font quatre ou cinq fois des allers-retours. Et
toute la sécurité que vous apportez
aux gens... Parce que, souvent, quelqu'un qui a une maladie pulmonaire,
respiratoire obstructive chronique, il
va être anxieux et, s'il sait que vous venez puis que vous allez être capable
d'établir le contact puis de faire le lien avec le CLSC, ça va le rassurer. Ça va faire
parfois la différence entre une consultation à l'urgence ou non dans des contextes qui
peuvent être mieux planifiés. Alors donc, vous avez certainement une contribution
à faire à ce niveau-là.
Je
voudrais vous entendre parler davantage de vos alternatives à l'hébergement. Vous les avez
énumérées rapidement tantôt, mais j'aimerais que vous nous en parliez parce que
je pense que vous avez vraiment... vous êtes des
gens très, très proches de ces
alternatives-là et vous tenez compte aussi de la réalité urbaine et de la
réalité régionale. Donc, pouvez-vous
nous parler un peu... parce qu'à
Montréal aussi il y en a, des problèmes, hein, pour le soutien à domicile.
Mme
Gasse (Marie-Claude) : Oui. Il y a deux avenues, en fait, là. Il y a
beaucoup d'EESAD qui ont développé des partenariats,
comme je le disais, avec des organisations à but non lucratif où la personne va
avoir un appartement autonome à elle.
Donc, on cogne avant de rentrer puis, si elle ne veut pas qu'on rentre, bien,
c'est correct, on ne rentre pas. Donc, on va avoir des équipes sur place
qui vont nous permettre de donner des services à l'ensemble des locataires d'un
étage particulier, par exemple, mais il est
chez lui, il a le droit encore de payer ses factures, il a le droit de décider
qu'est-ce qu'il va manger pour dîner,
il a le droit de sentir l'odeur de la nourriture quand elle cuit. Mais, en même
temps, c'est ce qui les aide à ne pas s'en aller en hébergement, par
exemple.
On a
développé, chez nous, une alternative comme ça. Ça nous a permis de sortir deux
personnes du CHSLD, dont un monsieur
qui était là depuis 10 ans, qui dit qu'on lui a sauvé la vie. Je ne dis
pas qu'on peut le faire partout, mais, souvent, dans des cas d'handicap physique lourds,
il y a été un moment donné où il n'y avait pas d'endroit pour envoyer ces gens-là, donc ils se retrouvaient dans un
CHSLD. Donc, si on est capables de faire des partenariats et de développer
des services dans des unités où on améliore
grandement la qualité de vie, je pense que c'est un partenariat gagnant pour
tout le monde.
On
a une autre avenue, aussi, où il y a beaucoup d'EESAD qui ont développé des
partenariats avec des résidences privées
d'hébergement, où on sait que, dans les dernières années, avec le resserrement
des normes, avec la certification des
personnes âgées, il y a beaucoup de petits propriétaires qui ont dû fermer
parce qu'ils n'avaient pas les moyens de s'en sortir. Et, en faisant des partenariats avec les EESAD, on reprend
tout ce qui est services aux résidents. Donc, lui va s'occuper souvent de la bâtisse, le propriétaire,
j'entends, et l'EESAD va prendre en charge les services en collaboration
aussi avec le CSSS du coin. Donc, ça permet aux
propriétaires de petites résidences de pouvoir les maintenir ouvertes et d'éviter qu'une personne âgée que son état de
santé se détériore un peu doive obligatoirement déménager ailleurs en ressources intermédiaires ou même en CHSLD. Donc,
ça nous permet, même si l'état de santé se dégrade, de pouvoir maintenir la personne dans son domicile plus
longtemps dans le temps. Et ça aussi, c'est gagnant au niveau de l'état de
santé et de la qualité de vie des gens.
Mme
Lamarre : Je suis curieuse, je trouve que vos deux exemples sont très
éloquents, mais le patient qui était en
CHSLD... Et c'est vrai qu'on a... Il faut quand même se féliciter parfois, mais
je pense que l'approche pour les personnes handicapées, on a développé
maintenant beaucoup plus de soutien, même s'il y a encore toujours mieux à
faire. Mais il y a peut-être des contextes
où, il y a 10 ans, des gens avec certains handicaps physiques ne pouvaient
plus se déplacer à l'intérieur d'une
maison, et maintenant on est capables de trouver des logements ou des façons
pour eux de circuler. Comment vous avez repéré ce patient-là en CHSLD?
Mme Gasse
(Marie-Claude) : Ça faisait 10 ans qu'il essayait de trouver une
place pour sortir de là.
Mme Lamarre :
...démarches?
Mme
Gasse (Marie-Claude) : Oui. Puis on est arrivés, puis on a essayé,
puis, avec... Dans les années, on a essayé à plusieurs reprises de les sortir, et finalement c'est un partenariat
avec l'OMH qui nous a permis de le faire. Mais l'état de santé de cette personne-là se dégradait. Tu es
dans un CHSLD, tu ne choisis pas ce que tu manges, tu essaies de te faire
des amis autour, ta vie sociale fait qu'à un
moment donné, woups, ils décèdent; tu te fais d'autres amis, ils décèdent;
tombe en dépression, se fait médicamenter pour la dépression; ne dort
pas bien la nuit, parce qu'il y a des changements de protection, il y a beaucoup de circulation dans les corridors,
médicamenté pour être capables de dormir. Donc, quand on a réussi à le sortir de là, et c'était vraiment un
succès, je dois vous dire qu'il en avait beaucoup à dire. Et juste de le voir
faire pousser ses tomates, c'était un gain vraiment important pour nous.
M. Caron (J. Benoit) : Je veux juste ajouter, Mme Bellemare, quand on
parle d'alternative à l'hébergement, c'est que, trop souvent encore, ici, au Québec, quand une personne a une perte
d'autonomie importante, on pense à l'hébergement. Mais l'alternative à
l'hébergement, ça peut être simplement de rendre accessible et de lui permettre
d'avoir accès aux services qui feront en
sorte qu'elle va pouvoir rester dans son appartement. C'est une alternative à
l'hébergement, c'est aussi ça qu'on veut sous-entendre.
Vous savez, 87 %
des gens de plus de 65 ou 70 ans, ils souhaitent une chose, rester chez eux.
87 %.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la
parole au député et collègue de Lévis pour un bloc de neuf minutes.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le Président. Merci, Mme Gasse,
Mme St-Laurent et M. Caron. Vous dites beaucoup
de choses. J'ai pris beaucoup de notes et je pense que les gens qui nous
regardent sont sensibles à ce que vous nous
racontez également, parce qu'il y a là une voie intéressante, une voie
d'avenir. L'exemple de ce monsieur qui a quitté le CHSLD pour, maintenant, sa propre résidence, c'est
un exemple probant, et d'autant plus que vous dites un peu plus tôt :
30 % à 40 % des usagers en attente
d'hébergement n'étaient pas des cas d'hébergement. Donc, ça signifie
l'importance du fait que vous soyez
là, qu'avec le même dollar on pourrait donner et faire davantage. Vous venez de
le signifier également.
73 % de votre
clientèle a 65 ans et plus, et, pour demain, les statistiques prouvent que vous
en aurez encore davantage. Monsieur, madame
souhaitera rester à la maison. Outre les référencements, est-ce qu'ils vous
connaissent? Est-ce que vous êtes...
J'ai comme l'impression quelque part... Puis, regardez, je côtoie et j'ai parlé
à beaucoup d'aînés qui apprécieraient avoir votre présence et votre
soutien, qui n'y ont probablement pas pensé parce qu'ils ne vous connaissent
pas. Est-ce que je me trompe, mais, à ce niveau-là, il y a aussi du chemin à
faire?
M. Caron (J. Benoit) : Vous ne vous trompez pas du tout. Si vous parlez...
Si vous faites des sondages autour de
vous, les gens qu'il y a dans votre environnement, vous allez constater que, si
vous dites «EESAD», là, les gens ne connaissent
pas ça. Il y a quand même... C'est au-delà de 7 millions d'heures de
services qu'on rend, là, à 100 000 personnes. Bien, malheureusement, je dirais que les gens
découvrent l'EESAD un peu tardivement, au moment où c'est très avancé, puis il y a déjà une perte d'autonomie ou il y a
déjà des besoins qui auraient pu être satisfaits bien avant, mais qui ne l'ont
pas été pendant longtemps.
Alors,
le PEFSAD, le programme d'exonération financière, qui permet, si on pense au
niveau de l'aide domestique... Là, je
ne parle pas des activités de la vie quotidienne. Mais on ne fait pas de
publicité sur le PEFSAD, hein, parce que c'est déjà 74 millions qu'il coûte. Pas sûr qu'on veuille qu'il
augmente tant que ça. Par contre, on a vu, à l'intérieur du PEFSAD, une augmentation des populations âgées,
c'est-à-dire, les usagers, il y a 10 % de plus âgés qu'on avait il y a
10 ans aujourd'hui. Mais il y a une
méconnaissance effective de la population, des citoyens et même des organismes.
Puis il y a peut-être des
intervenants de CSSS aussi qui ne sont pas tout à fait conscients de tous les
services qu'un EESAD peut rendre.
M. Paradis
(Lévis) : Et vous me parlez...
J'ai en mémoire des aînés qui... Alors, je les revois, là, l'inquiétude dans les yeux parce que les services donnés par le
CLSC de proximité n'étaient peut-être plus suffisants. Et, quelque part,
j'ai comme l'impression, pour ces gens-là,
qui, manifestement, ne vous connaissaient pas, il aurait pu y avoir quelque
chose permettant de continuer à avoir une qualité de vie puis une espérance de
vie dans leur propre domicile.
Mme Gasse (Marie-Claude) :
Malheureusement, on est beaucoup connus par ceux qui ont eu besoin de nos
services ou qui en ont encore besoin, mais pas beaucoup par la population.
M. Paradis
(Lévis) : Vous avez
parlé — ça,
c'est inquiétant — de
doublons de services. Je l'appelle comme ça, mais, à un moment donné, en disant : Il y a des choses qu'on peut
faire que le CLSC fait, mais qu'on pourrait faire à la place, faisant en sorte qu'on maximise le pouvoir
du dollar. Il me semble que c'est tellement logique. Qu'est-ce qui fait
qu'on se joue dans les pattes, entre guillemets, sans vraiment s'en rendre
compte? Expliquez-moi.
Mme Gasse
(Marie-Claude) : C'est-u moi qui ose dire le mot? Je vous dirais que
la plus grande limite actuellement,
ce sont les syndicats. Ils parlent de substitution d'emplois, et nous, on parle
de complémentarité de services, donc on ne parle pas le même langage.
M. Caron
(J. Benoit) : On ne veut pas...
Il n'y a pas d'emplois qui vont disparaître parce que les EESAD vont avoir une intervention plus importante. La
croissance de la population, la croissance des besoins vont faire en sorte
qu'on ne pourra même pas répondre. Alors, ce qu'on pense, nous, c'est
que les ressources des CSSS — Marie-Claude l'a précisé tantôt — devraient
se concentrer sur des services plus spécialisés. On n'a pas la prétention de
pouvoir tout faire, mais on a la prétention de pouvoir faire beaucoup
plus que ce qu'on fait actuellement.
Alors, Marie-Claude donnait l'exemple des bas de
soutien...
Mme Gasse (Marie-Claude) : Des bas
support.
M. Caron (J. Benoit) : ...des bas
support. Avec une formation adéquate, là, la personne, la préposée d'aide à domicile qui intervient au niveau des AVD et des
AVQ est capable de les mettre. Ça ne prend pas un deuxième intervenant
dans un CSSS, dans la même journée, qui va faire 25 kilomètres.
Mme Gasse (Marie-Claude) : Si on a
besoin d'un changement de culotte d'incontinence puis qu'il y a eu un dégât, pourquoi il faut que la personne attende
dans cette culotte souillée là, pendant une heure et demie, que le préposé
du CLSC arrive quand on est déjà sur place
et on pourrait le faire dès maintenant et éviter d'autres problématiques
reliées à ça?
Mme
St-Laurent (Hélène) : Puis
l'avantage, aussi, c'est que ça fait moins de monde dans le domicile. Parce que
les gens, c'est... Quand on rentre chez eux,
hein, c'est dans leurs affaires. Ça fait que, s'il y a moins d'intervenants qui
peuvent y aller, c'est un plus pour eux autres.
M. Paradis
(Lévis) : Les gens qui nous
écoutent comprendront qu'il y a un discours mathématique là-dedans. Il y
a des piastres au bout du compte, évidemment, là, on épargne quelque part.
• (16 h 50) •
M. Caron (J. Benoit) : On estime que...
Puis ce n'est pas nous nécessairement, là... Une heure dans le réseau public, c'est à peu près 55 $. Nous, c'est la
moitié et même moins que la moitié. Donc, pour le même montant, on donne
deux heures de service. Donc, c'est important.
M. Paradis
(Lévis) : Vous parlez de
vocabulaire, vous parlez... Vous avez dit : Bon, c'est le syndicat.
L'espèce d'harmonisation de la pensée
dans une volonté commune de mieux faire... Vous allez changer le vocabulaire ou
faire des approches? C'est une fin de non-recevoir, quoi?
Mme Gasse (Marie-Claude) : On tente
depuis quelques années. Je vous dirais que les syndicats ne sont pas toujours tendres avec nous, même si plusieurs
EESAD sont syndiquées quand même. C'est difficile et pas juste au niveau
provincial, au niveau local. Il y a des CSSS
qui ne développent pas du tout de partenariat avec les EESAD et qui ont de la
difficulté à faire des achats de services,
parce que les syndicats mettent des bâtons dans les roues. Donc, ça, c'est une
réalité avec laquelle on doit
composer, et on va devoir trouver une solution, parce qu'avec le vieillissement
de la population, le réseau, je l'ai
dit tout à l'heure, ne pourra pas faire tout, tout seul. On pense qu'on doit
avoir de bons services au bon moment par le bon intervenant et que c'est
comme ça qu'on va être gagnants, et, pour nous, c'est le citoyen qui est à la
base de tout. Ce qu'on
veut, c'est que le citoyen reçoive des services, reçoive des services de
qualité à la hauteur de ce qu'il est en droit de recevoir.
M. Paradis
(Lévis) : Vous parlez de
financement, évidemment, vous avez la clientèle, vous avez ceux qui donnent
le service. Parlez-moi un peu de votre de
taux de roulement. Garder du personnel, ce n'est pas évident. Le travail que
font ceux de qui vous nous parlez, ce n'est pas seulement physique,
c'est psychologique aussi. C'est un accompagnement physique, c'est un accompagnement mental également. On brisera des
cycles d'isolement à travers ça également. Moi, je le vois comme ça. La prévention qui évite le curatif par la suite,
est-ce que vous avez de la difficulté à ce niveau-là? Parce que c'est exponentiel. Pour demain, on va
avoir encore davantage de demandes. Vous avez besoin de personnel. Vous l'avez dit, ce n'est pas nécessairement
facile. Ce n'est pas des salaires à tout casser, puis la pression, ça devient
presque de la vocation. Est-ce que c'est un écueil pour plus tard?
Mme Gasse
(Marie-Claude) : Pour plus tard, je ne le sais pas. Aujourd'hui, on en
vit un peu, mais, encore là, ce n'est
pas uniforme à la grandeur du Québec. Benoît parlait tantôt que, pour être
capables d'être concurrentiel ou être capable
de faire une bonne rétention, il manquerait 1,50 $, 2 $ de l'heure, qu'on serait capables de payer, et ça
favoriserait grandement. Et on le
sait parce que les EESAD qui ont trouvé les moyens de le faire ont un taux de
rétention beaucoup plus grand.
J'ose dire
aussi qu'il y a des gens qui nous disent : Votre taux de roulement est
bien trop important; il n'y a pas de qualité de services. Moi, je
compare souvent au réseau de la santé, hein? C'est quoi, un roulement de
services, un roulement de personnel? Est-ce
que c'est une infirmière qui est dans un secteur, puis l'autre est malade, qui
va remplacer l'autre, puis finalement
ça change beaucoup d'intervenants au CLSC aussi ou c'est, comme Hélène disait
tantôt, d'essayer de limiter le
nombre d'intervenants qui rentrent dans un même domicile pour être capable de
donner des services d'une meilleure
qualité? Parce que, quand il y a une prise en charge ou quand il y a une
détérioration assez grande de l'état de santé, je peux vous dire qu'il y a du trafic dans une maison, là. Il y a
des préposés de chez nous, il y a des auxiliaires du CLSC; des fois, il y a l'infirmière, il y a le
physiothérapeute, il y a l'ergothérapeute; des fois, ils ont aussi la coiffeuse
qui vont les coiffer. C'est vraiment
beaucoup de monde, assez pour qu'à un moment donné les personnes qui sont
malades disent : Wo! Il y a trop
de monde, là. Allez-vous-en, je n'en veux plus, de services. Et, ceux-là aussi,
on les échappe, parce que l'état de santé se détériore plus rapidement
après.
Donc, oui, on
a encore du travail à faire sur notre taux de roulement. Ce n'est pas toujours
facile, parce qu'il faut trouver l'équilibre entre le prix qu'on peut
charger au client pour qu'il ait accès aux services et, en même temps, les conditions de travail qu'on peut offrir à notre
personnel. On a fait des gros pas dans ce sens-là, il nous manque encore
quelques pas à faire, mais, pour ça, il faut être capables de le financer. Et,
si on était comme n'importe quelle autre organisation,
on dirait : Il n'y a pas de problème. Demain matin, moi, je suis une
entreprise, je les augmente, mes services, puis je vais payer la personne au juste coût pour être capable de la
garder. Mais j'ai peut-être plusieurs Mme Tremblay à côté qui, eux autres, n'auront plus les moyens
d'avoir accès à ces services-là et qui vont revenir dans le système de santé
par une autre porte.
Donc, à ce
moment-là, on a envie de dire : C'est au gouvernement à faire les bons
choix, faire des choix de société et investir aux bonnes places.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à la
période d'échange. Nous vous remercions beaucoup, les représentantes,
représentant du Regroupement des entreprises d'économie sociale en aide à
domicile.
J'invite maintenant les représentants du
Regroupement des aidants naturels du Québec à prendre place et je suspends
momentanément nos travaux.
(Suspension de la séance à 16 h 54)
(Reprise à 16 h 56)
Le Président (M. Tanguay) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Nous souhaitons maintenant la bienvenue aux représentants
et représentantes du Regroupement des aidants naturels du Québec.
Pour les fins de l'enregistrement, je vous
demanderais de bien vouloir vous identifier dans un premier temps. Par la
suite, vous disposerez d'une période de 10 minutes pour votre présentation, et,
par la suite, nous aurons un échange avec les parlementaires. Alors, la parole
est à vous.
Regroupement des
aidants
naturels du Québec (RANQ)
Mme Girard
(Suzanne) : Oui. M. le Président, M. le ministre de la Santé, les membres de la commission. Les membres du Regroupement des aidants naturels : Mme Johanne
Audet, qui est la présidente, M. Mario Tardif, le coordonnateur, et moi-même.
Je suis la vice-présidente, Suzanne Girard.
Alors, nous
tenons, dans un premier temps, à remercier les membres de la commission
de nous donner l'occasion de présenter ce mémoire. Par ce mémoire, nous
voulons contribuer à l'amélioration des services de santé et des services sociaux, et plus particulièrement ceux qui
visent les proches aidants.
Au
Québec, il y a plus de 1 200 000 personnes qui, à titre non
professionnel et sans rémunération, s'occupent d'une personne à autonomie restreinte en lui offrant du
soutien. C'est près de 20 % de la population âgés de 15 ans et plus
qui sont proches aidants auprès d'un
enfant, d'un conjoint, d'un père, d'une mère, d'un autre membre de la famille
et des amis.
Les proches
aidants forment la structure portante du réseau de la santé, car ils assument
plus de 80 % du soutien à
domicile. Pour le Québec, on peut estimer la valeur de leur contribution
annuelle à plus de 4 milliards de dollars. Il s'agit d'une contribution vitale pour les personnes
vulnérables. Lorsque le passage à un centre d'hébergement s'avère nécessaire,
les proches aidants poursuivent leur
accompagnement de la personne aidée. Dans tous les cas, l'aide revêt une
signification relationnelle de nature affective, nécessitant une
disponibilité et un engagement réel envers la personne aidée.
Les groupes
communautaires soutenant les aidants naturels contribuent activement à mettre
sur la place publique la réalité des proches aidants. Les groupes
communautaires sont présents sur l'ensemble du territoire du Québec. Ils alimentent le nécessaire débat public sur le
partage des responsabilités dans la société québécoise entre l'État et les
familles dans le soutien des
personnes fragilisées. Ces groupes ont développé une expertise qui s'exprime
par des pratiques, des activités et des actions améliorant concrètement
les conditions de vie des personnes aidantes.
C'est pour se
donner une voix commune que des organismes communautaires de proches aidants
ont créé, en 2000, le Regroupement
des aidants naturels du Québec. Le Regroupement des aidants naturels du Québec,
c'est un organisme qui agit à l'échelle nationale. Il réunit
actuellement plus de 85 organismes.
• (17 heures) •
M. Tardif
(Mario) : Bonjour. Le projet de loi n° 10 sur l'organisation et
la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux peut être une
occasion de changer la culture du réseau en privilégiant les services de
première ligne et de soutien à
domicile. Pour que ce changement soit possible, il faut, à notre avis, accorder
plus de place à l'expertise et
au savoir-faire des proches aidants ainsi
que des personnes malades, en perte d'autonomie ou vivant avec des limitations.
Ce n'est qu'en écoutant et en accordant un
pouvoir d'influence réel à ces personnes que les objectifs d'amélioration du
réseau de la santé et des services sociaux pourront être atteints.
Que ce soit
au domicile ou en institution, les proches aidants jouent un rôle clé auprès
des personnes vulnérables. Ils sont
un acteur invisible du système de santé et des services sociaux. Les proches aidants sont reconnus par le réseau pour leur déléguer des tâches, mais
bien peu pour répondre aux obligations que le réseau a envers eux.
Pour accorder
la place qui revient aux proches aidants, le Regroupement des aidants naturels
du Québec demande :
Qu'il y ait
un poste réservé au conseil d'administration des centres intégrés de santé et
de services sociaux et des établissements
suprarégionaux et que ce poste soit pourvu à partir d'une liste de candidatures
proposées par les organisations représentatives des proches aidants;
Que soit créé un conseil national consultatif
relevant directement du ministre de la Santé et des Services sociaux
constitué d'organismes représentatifs des patients, des proches aidants et des
autres usagers du réseau de la santé et des services sociaux;
Que l'on profite de la réorganisation du réseau
de la santé et des services sociaux pour améliorer les services pour les proches aidants et de soutien à domicile
en prenant des mesures nécessaires pour que chaque centre intégré de santé et de services sociaux se conforme à la
politique Chez soi : le premier choix — je
m'excuse, j'ai de la misère — aux
précisions pour favoriser l'implantation de la politique de
soutien à domicile et à la politique Vieillir et vivre ensemble — chez soi, excusez-moi — dans
sa communauté au Québec;
Que l'évaluation des besoins des proches aidants
soit faite systématiquement par le réseau de la santé et des services sociaux;
Que soient données aux régions les ressources
qui permettent d'offrir du support direct aux proches aidants.
Mme Audet (Johanne) : Nous croyons
que les organismes communautaires autonomes en santé et services sociaux comme les groupes qui soutiennent les
proches aidants apportent une contribution importante, complémentaire à celle du réseau public de la santé, et cette
contribution des groupes communautaires est indispensable pour les personnes
aidantes et les personnes vulnérables. La
qualité de cet apport se caractérise et se réalise par l'autonomie et le
respect de la mission de ces organismes.
Pour
renforcer le réseau des organismes communautaires autonomes, le Regroupement
des aidants naturels du Québec demande :
Une augmentation significative du financement à
la mission de ces derniers;
Que le projet
de loi n° 10... dans le fond, le ministère de la Santé et des Services
sociaux réitère son engagement à respecter l'autonomie des groupes
communautaires;
Que les
collaborations du réseau avec les organismes communautaires se réalisent sur
une base volontaire de la part des groupes et dans le respect de leurs
missions.
La réalité
vécue par les proches aidants touche les compétences de nombreux ministères et
organismes gouvernementaux, que ce
soit relativement à l'égalité entre les hommes et les femmes, la conciliation
travail et responsabilité proches
aidants, l'insertion à l'emploi, les normes du travail, le régime des rentes du
Québec pour ne donner que quelques exemples.
C'est pour cela que le Regroupement des aidants naturels du Québec recommande
que le ministre de la Santé et des
Services sociaux prenne l'initiative d'entreprendre les travaux nécessaires
pour doter le Québec d'une loi-cadre sur les proches aidants.
Le projet de loi
n° 10 vise à changer les structures du réseau en promettant à la fois des
économies financières pour l'État
québécois et un changement de culture pour humaniser le réseau.
Malheureusement, dans le projet de loi n° 10, on voit peu de
mesures nous permettant de croire à l'atteinte d'une humanisation du réseau de
la santé et des services sociaux. Notre
expérience sur le terrain nous pousse à être inquiets que cette réforme ne
rencontre pas ses promesses. Il nous apparaît que,
pour remettre les proches aidants, les patients et les usagers du réseau de la
santé au centre du système, il faut leur
donner la place nécessaire pour que ces derniers soient parmi les acteurs des
changements et non des spectateurs éloignés des lieux de décision.
Nous espérons
que nos recommandations permettront de contribuer à l'amélioration du projet de
loi. Peu importe ce qui arrive au
projet de loi n° 10, le Regroupement des aidants naturels du Québec
continuera à mettre de l'avant une vision
d'un système de santé et de services sociaux plus humain, et nous serons
toujours disponibles et prêts à contribuer avec tous les acteurs sociaux
à la réalisation de cet objectif. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant
débuter une période d'échange, et je cède la parole au ministre de la
Santé et des Services sociaux pour un bloc de 23 min 30 s.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, M. Tardif, Mme Audet et Mme Girard. Je vais tout de suite faire un commentaire, pour moi quasiment fondamental, sur le
dernier qui a été fait. Vous espérez que notre système soit humanisé, je suis bien d'accord
avec vous. J'ai eu quelques contacts, dans le passé, avec certains d'entre
vous, et vous savez que c'est quelque chose qui, pour moi, est important. Et certainement que le projet
de loi n° 10 vise à faire ça,
bien que je puisse concevoir, à cette
étape-ci, qu'il y ait encore des interrogations dans le grand public et les organisations qui oeuvrent dans votre, évidemment, créneau.
Vous avez fait référence, et j'en suis bien
content... parce que, dans la catégorie humanisation, je trouve que, lorsque
politiquement on fait des annonces qui sont totalement, mais totalement
impossible à mettre en application, c'est la chose qu'en politique on peut faire de plus négative, en ce qui me
concerne, hein? Le gouvernement du Parti
libéral, en 2003, avait mis en place une politique
qui est, vous avez noté vous-mêmes, là, Chez soi : le premier choix. Et on
a investi là-dedans. Et le Parti
libéral a, au fil des années, jusqu'en
2012, presque doublé les sommes qui étaient investies dans ce secteur d'activité là, et je concède que ce
n'était peut-être pas suffisant, mais c'était pas mal plus que ce
qui était fait avant. Et je vous concède
qu'on doive s'adresser encore à ça aujourd'hui. Et, comme vous le savez, évidemment,
ça s'est poursuivi par la politique
Vivre et vieillir ensemble, et, là
aussi, on a fait des investissements supplémentaires qui vont dans le sens
que vous voulez. Mais malheureusement le
gouvernement précédent nous a mis dans une situation extraordinairement déficitaire, à un point tel que ça a remis en
cause certains engagements. Et je trouve déplorable que, dans cette
circonstance-là, on ait annoncé des programmes qui n'étaient pas
finançables, mais le public a déjà jugé de ça.
Vous nous
suggérez, avec pertinence, d'augmenter le financement... du financement, du
soutien à tous les types d'aides à
domicile, proches aidants, communautaire, et ainsi de suite, et on travaille
fort là-dessus. Et on espère qu'après le retour à l'équilibre budgétaire
on puisse aller de l'avant dans cette direction-là.
Il y a un
élément que vous avez touché, qui est celui de l'autonomie des groupes
communautaires, puis je suis bien
content que vous l'ayez touché parce que... Je ne sais pas si vous étiez ici...
Je pense que vous n'étiez pas ici il y a deux heures, un intervenant y a fait référence, et je disais que, sur le
terrain, les gens veulent, dans le communautaire, garder leur autonomie, leur culture propre, et je suis
content que vous l'exprimiez, évidemment, parce que je pense que ça doit...
Vous êtes les mieux placés, évidemment, puis
il y a une culture, là, chez vous, qui est celle d'être des proches aidants,
et, dans le communautaire, vous avez à garder votre culture, et on doit vous
appuyer là-dessus.
Alors, ceci
dit, c'est-à-dire que, oui, on est d'accord à tout faire pour qu'on puisse
améliorer le financement de tous les
groupes communautaires et de tout ce qui touche les proches aidants ou, du
moins, le maintien à domicile. Puis ça va tout ensemble, ça, à un moment
donné, évidemment, là.
Vous nous proposez aussi une loi-cadre, et ça,
c'est quelque chose, une loi-cadre. Ça a des finalités, là, qui normalement sont assez spécifiques. Pouvez-vous
plus élaborer sur ce que vous visez par ça, parce que vous comprendrez qu'une loi-cadre, dans le cadre... C'est un
pléonasme, là, je le comprends... En fait, ce n'est pas un pléonasme, mais
c'est l'utilisation inappropriée
peut-être, dans la même phrase, du même mot. Mais là on touche des individus.
C'est une loi, là, qui rentre dans vos vies privées, là.
Vous visez quoi exactement si vous pouvez
élaborer là-dessus, là?
• (17 h 10) •
M. Tardif
(Mario) : Bonjour, M. le ministre. Ce qu'il faut comprendre, c'est
qu'on ne peut pas demander qu'au ministère
de la Santé et des Services sociaux de répondre aux besoins des proches
aidants. Plusieurs mesures qui relèvent d'autres ministères ont un impact direct sur la réalité des proches
aidants. Ce que nous, on aspire, c'est qu'un peu dans la même mesure
qu'il y a eu une loi-cadre pour l'élimination de la pauvreté le Québec se dote
d'un outil pour que l'ensemble des
ministères établissent dans leurs législations, dans leurs actions... Et pas
juste les ministères, il y a plein d'institutions
qui relèvent de l'État, O.K., dont leurs décisions et leurs façons de faire
affectent la vie des proches aidants. Donc,
qu'il y ait une loi-cadre qui envoie un message clair et des paramètres pour ce
faire, pour être capable d'évaluer, de
suivre une démarche dans ce sens-là,
qu'on adapte, qu'on fasse le changement de culture ensemble
au Québec pour que
l'ensemble des composantes de la société,
incluant les employeurs, incluant l'État, incluant les organisations syndicales, incluant les
autres acteurs de la société civile, on se dirige ensemble pour construire une société
qui permet de répondre aux défis
qu'on a du maintien à domicile des gens, du vieillissement de la population
et donner une réponse au fait des limitations
de la vie, qu'on ne peut pas laisser juste d'un point de vue médical. La question
de... Qu'est-ce qui arrive aux gens qui soutiennent les gens qui ont
besoin d'être soutenus? Qu'est-ce qui arrive avec le fait que...
Vous savez,
ça demande des modifications, à notre sens, des modifications au niveau des normes du travail, ça demande des modifications, à notre sens...
Il y aurait un travail à faire au
niveau, là, des filets de sécurité
sociale. Il y aurait un
travail à faire au niveau des régimes des rentes du Québec. Il y aurait
un travail à faire au niveau d'un certain nombre de mesures qui
relèvent de la RAMQ. Puis, si on prend le temps de faire la liste exhaustive — puis
ça, on pourrait prendre
le temps — il y a un travail qu'on a à faire pour se donner les moyens, puis c'est à
l'État, je crois, d'assumer le leadership là-dedans, de dire : Bon. Comme société,
on prend l'ensemble des moyens pour soutenir les personnes vulnérables et les personnes qui les soutiennent.
Et, au fond, c'est un appel qu'on lance, ça prend quelqu'un
qui prend l'initiative, et puis on vous lance cet appel-là.
M.
Barrette : Avec des suggestions
plus documentées, éventuellement, j'en suis convaincu, je serai intéressé à
recevoir ça. Mais, entre-temps, je vois à peu près où vous voulez aller pour la
plupart des éléments... des paramètres que
vous avez évoqués, mais il y en a deux qui m'interpellent plus ou qui me laissent
sur un grand point d'interrogation. Quand vous dites, régime des rentes,
je pense voir où vous voulez aller, là, mais RAMQ, là, je le vois moins.
M. Tardif
(Mario) : Écoutez,
par exemple, en ce moment, au niveau de l'hébergement, O.K., tous les conjoints, conjointes de fait
qui, souvent, sont des proches aidants de personnes, ne sont pas reconnus comme
étant conjoints, conjointes, ça veut dire
que la contribution qui est demandée à la personne hébergée est plus
élevée. Donc, ça veut dire que les
sommes disponibles pour vivre sont inférieures. Donc, ça, ça implique... C'est
à la fois quelque chose qui touche presque principalement des femmes, c'est un archaïsme au niveau
du statut marital, et ça touche presque exclusivement... ça touche un nombre incroyable de proches aidants.
Puis, si on prend la peine de déterrer, on pourrait en trouver d'autres.
Donc, il y a
des séries de petites mesures, de politiques qui méritent être revues avec l'angle, c'est
quoi, l'impact pour les proches aidants, et c'est très large.
M.
Barrette : Oui, ça, je suis d'accord
avec vous. Du côté de la RAMQ, est-ce
qu'il y a quelque chose de plus précis?
M. Tardif (Mario) : Bien, la RAMQ,
ils gèrent... C'est eux qui font l'évaluation pour l'hébergement. C'était l'exemple que j'avais en tête. Puis je pense que,
si on prend la peine de regarder dans le détail, je pourrais vous en sortir
d'autres, mais je ne n'étais pas préparé à...
M. Barrette : Mais, si je comprends,
vous trouvez que c'est sous-optimal actuellement.
M. Tardif (Mario) : Pardon?
M.
Barrette : Si je comprends
votre commentaire, c'est que vous trouvez que, de ce côté-là,
pour ce qui est de l'évaluation,
de l'hébergement, ça se fait de façon sous-optimale aujourd'hui.
M. Tardif
(Mario) : Bien, en ce
moment, ce qui est clair, c'est que les conjoints non mariés sont pénalisés, et
que ça pénalise les femmes, ça pénalise les proches aidants. Ça, c'est
manifeste.
M.
Barrette : Parfait.
J'aimerais ça aborder peut-être un autre sujet d'un autre angle. Dans votre
esprit, jusqu'où on doit aller dans
les proches aidants? Est-ce qu'on
doit rester aux couples, on doit aller loin dans la famille? On va jusqu'où,
là?
Mme Audet
(Johanne) : Je peux
répondre. Bien, en fait, il y a une diversité de situations qui existent, c'est
sûr, quand on prend soin de notre
conjoint, on est impliqué, il n'y a pas d'autre personne possible. En tout cas,
souvent, c'est seulement le conjoint.
Donc, nous, c'est les proches aidants, peu importe la maladie de la personne
qui est aidée, et ceux qui ont besoin de soutien. En fait, les gens,
quand ils arrivent en demande d'aide, c'est rarement parce que c'est en prévention, là, c'est vraiment parce qu'ils ont
épuisé toutes leurs ressources. Donc, il faut vraiment prendre au sérieux
les gens qui arrivent en demande d'aide
parce qu'ils vont avoir épuisé toutes les ressources à leur disposition pour
soutenir leurs proches. Ils vont être
eux-mêmes épuisés. Donc, qui aider? Bien, moi, je vous dis, les proches
aidants, en général, qui arrivent en demande d'aide. Et même faire un petit peu de prévention, ce ne serait pas de trop parce qu'on sauverait beaucoup
au niveau du système de la santé.
M. Barrette : Et puis, plus
spécifiquement en termes de répit, avez-vous des recommandations particulières?
Sûrement, Mme Girard, que vous en avez.
Mme Girard (Suzanne) : Oui. Alors,
oui, disons que notre organisme a eu la chance, avec la fondation de la fédération des médecins, d'obtenir du répit, du
répit à domicile pour les personnes malades. Ce n'est pas du gardiennage,
ce n'est pas... Ce sont des gens qui ne
peuvent se déplacer de leur domicile. Et, pour nous, le répit, ça a été analysé
comme le premier besoin des proches
aidants dans toutes les régions du Québec,
et y compris, en 2006, par Mme Blais, et l'analyse a été faite à nouveau
en 2011‑2012 par l'Université de Sherbrooke, et c'est le besoin.
Le problème
qu'on a, parce qu'on sait que ça
répond, mais c'est qu'actuellement on agit avec les gens... Alors, comme
Johanne a dit, ils sont pratiquement aussi malades. Quand ils viennent nous
demander de l'aide, ils sont pratiquement
aussi malades que leur aidé. Ils n'ont pas... C'est de faire connaître, ça a
été dit tout à l'heure par le groupe des
EESAD, avant que les... Pourtant, on fait de la publicité, on se fait connaître
partout. On fait connaître le service auprès des intervenants, auprès de tous les CSSS en tout cas, il y en a quatre
dans la capitale nationale, et, malgré tout, les gens apprennent souvent
tardivement que le service existe, et je dirais qu'il nous faudrait...
Actuellement, on donne un nombre d'heures
par année pour chaque aidant, mais les aidants auraient besoin de répit. Ce qui
est demandé beaucoup, c'est la nuit,
le répit d'urgence, le répit des fins de semaine, être capable de partir trois,
quatre jours. Et, pour le moment, le répit que nous offrons grâce à la fondation, il est gratuit,
et on réalise... Il est gratuit et les gens ont de la difficulté malgré tout à l'accepter, c'est inouï! Puis ce sont des
gens, comme ça a été dit par l'équipe... le groupe qui est passé avant nous,
les gens ont peu d'argent pour se payer des heures de répit. Alors, si on
demandait quelque chose...
Et je
voudrais revenir au fait que c'est le temps, je pense, M. le ministre, avec la
loi n°10, de donner une place aux
proches aidants. On sait tous que tout le monde veut vivre à domicile, et il y
a quelques... il y a des gens qui devront être déplacés ailleurs pour d'autres raisons, mais, si on avait les
services, on pourrait vivre et mourir à domicile puis ça coûterait pas
mal moins cher, ce serait une bonne économie pour l'État aussi, mais c'est
qu'il faut travailler tous en concertation
pour être capables d'offrir les services dont les aidants ont besoin. Alors, je
rappelle qu'il faudrait... Je trouve votre question extraordinaire parce
que le répit, là, c'est tous les jours, les gens auraient besoin de répit le
soir, la nuit beaucoup. Actuellement, ils n'en ont pas, et les fins de semaine,
ils n'ont pas accès au répit, et c'est la seule façon...
Vous savez tous que l'aidant souvent décède
avant l'aidé. C'est presque inévitable. Alors, souvent, quand la personne a du répit, et on offre aussi du soutien
psychosocial, et la personne revoit la manière de vivre son engagement, et ça va bien par la suite. Dans la plupart des
cas, la personne poursuit son engagement jusqu'à la fin, et, très souvent,
le décès a lieu à la maison. La personne n'a
pas besoin d'être localisée quand... C'est démontré, quand ils ont des services,
le soutien.
Nous, comme
organisme communautaire dans la capitale, on fait partie du Regroupement des
aidants naturels du Québec, et ce que
j'entendais tout à l'heure... Nous, on travaille en étroite collaboration avec
les EESAD, les gens qui vont à
domicile, et, je le redis, on ne peut pas accepter chez soi quelqu'un qui n'est
pas formé pour avoir soin d'un grand malade,
et c'est tout ça que, M. le ministre, vous devez revoir, pour mettre tout ça
ensemble, pour qu'on puisse d'abord faire accepter les EESAD... Nous,
sans les EESAD, on ne donnerait pas de répit. Alors, voilà.
• (17 h 20) •
M.
Barrette : Bien, je vais en profiter quand même, là, Mme Girard, pour
souligner l'extraordinaire travail que vous
faites dans la région de la Capitale-Nationale, puis, et je le dis avec conviction, le dollar, chez vous, va loin. Vous
faites beaucoup avec peu, mais vous
faites, je dirais même, énormément avec peu, et je vous en félicite. Et je
profite du fait que vous soyez ici, parce que
là vous parlez au nom du Québec, pour vous poser la question
corollaire : Je comprends
que ce qui existe dans la région de la Capitale-Nationale n'est pas la norme
dans tout le Québec?
M. Tardif
(Mario) : Il y a
une diversité de pratiques qui correspond aux histoires des milieux. Il y a
des milieux où les agences, les CSSS,
n'ont jamais cru à la nécessité du soutien aux proches
aidants, ou y ont peu cru, disons, pour être plus honnête. Donc, ces milieux-là, généralement, il y a
peu de services. Il y a des milieux où ils ont cru à la capacité des milieux de s'organiser, et les milieux se sont
organisés en collaboration avec les EESAD, des fois, sur leurs propres
bases, avec des services de forme et
d'intensité différentes qui correspondent à la fois à ce que le monde pouvait
bricoler sur le terrain, si on fait
avec ce qui est faisable, et à la fois au besoin qui est exprimé par les
personnes. Donc, tu as des places où tu
as de la présence-surveillance qui
permet de répondre à des besoins légers, tu as des places où il y a
un soutien qui permet de répondre à
des besoins plus lourds, tu as des places où ils ont développé du répit plus à
l'extérieur des heures régulières,
plus le soir, la fin de semaine, puis aussi, c'est souvent en complémentarité
avec ce qui se faisait dans le
réseau. Donc là, on constate, dans plusieurs places, en
ce moment, qui... Dans les faits, il y a,
dans bien des places, une réduction,
là, des heures offertes en centre de jour. C'est clair que ça cause un défi au
monde sur place. Et, effectivement, il y a des milieux où il n'y en a pas, de répit qui est
structuré. Donc, ça dépend toujours de l'historique du milieu, et comment les
partenaires locaux ont pu travailler ensemble, et beaucoup de comment la
réponse a été faite par les agences et maintenant d'autres joueurs, là, qui
sont entrés en ligne de compte aussi, qui sont arrivés depuis peu.
L'autre chose
aussi, on s'entend que, dans le réseau public, pour avoir une bonne
collaboration avec le réseau public, il
faut que celui-ci reconnaisse les personnes aidantes pour qui elles sont,
c'est-à-dire à la fois des partenaires, à la fois des clients du réseau puis à la fois des citoyens
à part entière. Et ça, ça reste un défi en ce moment, et l'une des choses
qui est manifeste, qui souligne qu'on ne tient pas compte que ce sont aussi des
clients du réseau, c'est qu'il n'y pas d'évaluation,
presque, qui est faite des besoins des personnes aidantes. Et, nous, ça nous
apparaît un problème significatif. Il
y a un message aussi qui est envoyé aux intervenants sur le terrain en disant :
Dans votre intervention, ce qui compte, c'est la personne malade, mais la personne à côté, oubliez-la, elle va
disposer des tâches. Donc, nous, on pense que ça enverrait un message beaucoup plus clair, ça permettrait aussi une
intervention plus structurée, et un suivi plus clair, hein, du soutien à faire au proche aidant s'il y aurait
une évaluation des besoins qui serait faite. Et c'est un enjeu, là, qui dure
depuis des décennies.
M.
Barrette : Oui. D'ailleurs, c'est un peu nouveau pour moi, pas le
domaine parce que, comme vous le voyez, là, j'ai déjà été en contact avec Mme Girard et d'autres équipes,
là... d'autres organisations plutôt dans la province, sur ce sujet-là, mais ce qui m'étonne, par contre,
c'est que vous avez un discours qui est assez voisin de celui de ceux qui
vous ont précédé, des EESAD : il y a un
problème de coordination et d'intégration dans le réseau, là. Il n'y a pas de...
Vous avez besoin des EESAD, eux considèrent qu'à certains égards il y a un
problème de coordination avec le — entre guillemets — public,
là, ce qui est plutôt gouvernemental, et vous-même, vous dites qu'il n'y a pas
d'évaluation de vos gens. Ça fait qu'il y a un problème, là,
d'intégration et d'évaluation globale et coordonnée, on va dire.
M. Tardif (Mario) : Nous, c'est
clair, à notre sens, que les services de maintien à domicile n'ont pas été une véritable priorité, puis ça se voit au niveau de
l'enveloppe budgétaire qui a été consacrée, ça se voit au niveau des efforts.
Il y a eu beaucoup de discours sur les
proches aidants, beaucoup de discours sur le maintien à domicile, mais la
livraison a été en dessous. Et
l'autre élément, je peux vous dire, même quand il y a eu des argents annoncés
et descendus, une fois rendus sur le terrain, on ne les a pas toujours vus. Donc, il y a des
choses qui se sont perdues. On pourrait parler d'agences, comme Lanaudière, on pourrait en parler d'autres,
là, où c'est étrange comment les sommes... On ne sait pas où est-ce
qu'elles sont arrivées.
M.
Barrette : Je suis d'accord. Et c'est vrai que, dans les deux
dernières années, il y a eu beaucoup de discours.
Vous
avez — changement
de registre — dans
votre mémoire, fait référence à la représentation. Et il y a plusieurs groupes qui sont venus ici, d'usagers, de personnes
handicapées, de personnes avec des limitations, et ainsi de suite, qui ont fait le même commentaire, évidemment. Certains
groupes ont fait la suggestion d'avoir un comité national des usagers,
temporaire ou permanent, qui relèverait directement du ministre.
Qu'est-ce
que vous en pensez, d'une part? Et, d'autre part, est-ce que, compte tenu du
fait que, puis vous l'exprimez quand
même assez bien vous-même... Tout le communautaire, là, des projets dans les
salles, et ainsi de suite, en quelque part,
vous êtes liés. Vous vous, à la limite, fréquentez dans vos vies
professionnelles, on va dire. Alors, est-ce que vous vous reconnaîtriez
là-dedans s'il y avait ça? D'abord, êtes-vous en faveur d'une formule comme
celle-là? Si oui, vous reconnaîtriez-vous? Auriez-vous des suggestions, si oui
toujours?
M. Tardif
(Mario) : Vous me permettez?
Mme Girard
(Suzanne) : Oui, vas-y et puis... Oui.
M. Tardif
(Mario) : Le comité national, ça fait partie de nos recommandations.
M. Barrette :
Vous recommandez un comité national pour vous?
M.
Tardif (Mario) : Ah non! Mais on le recommande, le comité national qui
inclut aussi les usagers, les patients et les autres usagers.
M. Barrette :
O.K. Donc, vous êtes... Est-ce que...
M. Tardif
(Mario) : Pour le comité national...
M. Barrette :
Vous en recommandez deux ou un, là?
M.
Tardif (Mario) : Pour le comité national, on est d'accord, un comité
avec tout le monde. Ceci dit, pour les C.A. des CISS, c'est autre chose.
M.
Barrette : Non, non, je comprends. Mais, pour le comité national,
donc, vous vous reconnaîtriez dans une telle organisation.
M. Tardif
(Mario) : Oui. Ça fait partie de nos demandes.
M.
Barrette : O.K. Non, c'est parce que je n'avais pas compris la
demande. Je pensais que la demande était pour un comité national
spécifique aux proches aidants.
M. Tardif
(Mario) : Non.
M.
Barrette : O.K. Bien, écoutez, c'était très éclairant. Je vous remercie
beaucoup de votre présentation et de vos commentaires. M. le Président.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, je
cède maintenant la parole à la collègue de Taillon pour un bloc de 14
minutes.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue,
bienvenue. On s'est déjà rencontrés aussi dans le cadre de la Commission des relations avec les citoyens où vous
avez présenté, de façon très éloquente, le bilan et les besoins des
proches aidants. Alors, Mme Audet, M. Tardif, Mme Girard, soyez les
bienvenus.
Moi,
ce que j'ai retenu dans les présentations à la Commission des relations avec
les citoyens aussi, c'était l'importance du répit. Il y a peut-être une forme de fusion qui peut être possible au
niveau de la transmission de l'information et de l'éducation, mais définitivement, au niveau du répit, il y a des
caractéristiques régionales, il y a des besoins qui sont très
différents, ne serait-ce que même que... On parle de régions, mais la ville de
Montréal est une région, puis on voyait comment
c'était difficile, dans le fond, de percer à ce niveau-là et également au
niveau de certaines régions plus éloignées. Et ce que vous nous avez aussi fait prendre conscience, c'est que les
proches aidants, très souvent, ne se reconnaissent pas comme tels, et ils ne savent même pas qu'ils
sont vraiment des proches aidants. Ils sont des conjoints, ils s'occupent
de leurs maris ou de leurs femmes depuis
toujours et ils ne demandent pas d'aide. Alors, je pense que cette commission-là
nous aide encore à propager ce message, et vous les représentez très, très
bien.
Moi, j'ai
quelques questions que j'avais ciblées pour vous, en particulier avec les deux
premières recommandations. Si on fait le lien avec le projet de loi
n° 10, notre objectif, c'est aussi de bonifier ce projet de loi là.
La
première de vos recommandations, il y a le poste réservé au sein des conseils
d'administration avec la dimension proches
aidants. Et vous dites, par contre, que ce poste soit pourvu à partir d'une
liste de candidatures proposées par les organisations représentatives.
Est-ce
que vous considérez que ces organisations-là auraient la capacité de désigner
la personne elle-même? Donc, pas
nécessairement le ministre, parce que, dans le projet de loi n° 10, c'est
le ministre qui les choisit. Vous auriez une petite préférence pour la
désigner entre vous?
M.
Tardif (Mario) : Regardez, on a fait une proposition dans le cadre du
projet de la loi n° 10, donc on va s'en tenir à la proposition qu'on a déposée. C'est clair qu'on croit que le
milieu a la capacité de faire ces propositions. Ceci dit, il appartient, le pouvoir, au ministre, qui
lui appartiendra. Et, là-dedans, pour nous, ce qui est important, c'est que la
personne qui soit là soit une personne qui soit issue du milieu, d'un consensus
du milieu.
Mme Audet (Johanne) : Parce qu'il ne faut pas oublier, hein, qu'il y a 80 % du soutien à
domicile qui est assumé par les proches aidants. C'est une statistique qui est
vraiment éloquente. Donc, on pense qu'il y a une place qui revient à ces
gens-là d'emblée dans les postes décisionnels.
• (17 h 30) •
Mme
Lamarre : Et là ça m'amène à
votre deuxième recommandation, dont
le ministre a parlé tantôt, qui est le comité national consultatif où
vous avez dit que vous seriez prêts, là, dans le fond, à partager le rôle avec
les autres. Est-ce que vous pourriez me dire
quelles sont les valeurs propres à chacune de ces deux représentations-là?
Parce que, pour moi, il y a deux
éléments, mais je veux vous entendre avant de me dire quelles sont les
caractéristiques et la valeur ajoutée d'une représentation au sein du
conseil d'administration des CISSS ou/et du comité national consultatif.
M.
Tardif (Mario) : On s'entend qu'au niveau du comité national, c'est
les préoccupations nationales, donc : Quelles vont être les politiques, quels vont être les cadres de
référence — c'est ce
genre d'éléments là — qu'est-ce
qui ne fonctionne pas au niveau du
réseau de façon systémique? Est-ce qu'on peut avoir une place pour en parler?
C'est ce genre d'éléments là, donc,
qui relève du général qui mérite d'être parlé quelque part et qui n'appartient
pas à la compétence des conseils
d'administration, là, des futurs CISSS ou des actuelles agences, ou CISSS.
Donc, c'est ça qu'on veut, puis aussi
avoir l'occasion de donner la parole aux personnes. Vous savez, les personnes
qui accompagnent les gens qui ont des soins,
qui vivent des dépendances, les personnes qui, elles-mêmes, vivent les
situations ont un rapport avec le réseau de la santé, et on développe une connaissance et une expertise. Elles sont
capables de voir qu'il y a des choses qui peuvent être améliorées, elles
sont capables de faire des propositions. Puis on est capable de voir les choses
qui sont systémiques. Donc, l'idée, c'est d'être capable d'apporter, dans un
lieu, ce qui est systémique.
Et,
au niveau des CISSS, là, on s'entend qu'il y a des enjeux qui sont plus locaux
de comment on applique les politiques, de comment ça roule sur le terrain,
quelle est l'expertise qui vient des personnes aidantes et des personnes...
bien, nous, on va parler des personnes
aidantes, quelle est l'expertise qui vient de comment ça se roule, comment on
peut améliorer les choses, où est-ce qu'il faut attacher le grelot, si
on me permet l'expression, et où, bien, ça va très bien puis il faut encourager le monde à continuer dans ce sens-là. Donc, on
est vraiment plus dans une variation qui est plus opérationnelle, bien qu'on parle d'immenses territoires
où ça va rester pas mal encore... Mais on est plus, là, plus près de l'opérationnel que du systémique puis des
grandes politiques, des mesures, puis de comment on planifie l'approche
aux soins, par exemple, qui seraient plus à discuter à la table nationale.
Mme
Lamarre : Bien, moi, je comprends bien votre besoin et je vous avoue
que ce que je regarde des 19 CISSS, c'est que c'est un peu des cônes, des cônes
parallèles qui, normalement, devraient intégrer pour des territoires.
Mais, ce que vous nous dites... Tantôt, j'ai
bien aimé quand vous avez parlé d'une standardisation des services, quand vous
avez parlé d'une mise en commun de
certaines compétences ou expertises. Ça, il faut avoir aussi des lieux de
partage de compétences et de connaissances transversales pour donner
l'alerte, et c'est un petit peu ce que certains experts sont venus nous dire : que c'était très vertical,
mais qu'il n'y avait pas beaucoup de liens de communication entre les gens.
Donc, le comité national répondrait à ça. Mais, ma crainte, je vous la
transmets, c'est qu'on ne retienne pas votre demande d'être au niveau du conseil d'administration de chacun des CISSS
puis qu'on regroupe tout le monde dans le comité national, et ça, je ne suis pas sûre que ça répondrait non plus
aux caractéristiques propres à chaque région. Alors, j'aimerais
peut-être vous entendre là-dessus.
Mme Girard (Suzanne) : Moi, j'ai été longtemps à siéger au conseil
d'administration du CSSS Vieille-Capitale et je sais que, localement, c'est là que se prennent les décisions. Et
ce que je vois, c'est que, quand on dit que le proche aidant, c'est la structure portante du système de
santé... Puis, comme j'ai dit à l'autre mémoire, si on sortait tous les aidants
de la maison demain matin, ce serait épouvantable.
On le verrait bien, l'apport des aidants. Mais les aidants actuellement ne sont jamais officiellement nulle part, ni dans
une loi ni sur un siège très officiel au CSSS ou encore le CISSS, là. Je dis
et on dit que c'est l'occasion ou jamais de mettre
en... de donner une place à celui qui donne le plus de soins à domicile,
qui permet au système de santé d'aller dans le bon sens, selon les politiques
ministérielles, mais pour être capable de parler au nom des aidants. S'ils ne
siègent pas...
Actuellement, ce qu'on observe dans la province, c'est que, quand on veut avoir un
point de vue sur les aidants, on
interpelle des tables qui n'ont pas de liens directs avec les proches aidants,
mais je pense qu'en 2015, c'est le temps d'avoir une place officielle
pour les proches aidants, qu'ils soient délégués par un organisme de proches
aidants qui représente les proches aidants,
qui donne le point de vue puis qui défende le soutien à domicile. C'est
l'avenir, de toute manière. C'est déjà le présent depuis longtemps, et
c'est l'avenir, hein?
Mme
Lamarre : Bien, je pense effectivement de le nommer...
Mme Girard
(Suzanne) : Oui, il le faut.
Mme Lamarre :
...et de vraiment lui donner la juste voix...
Mme Girard (Suzanne) : Le danger, si on l'évacue du — «l'évacuer», je n'aime pas tellement le
terme, là — du
CISSS, je trouve qu'on enlève du pouvoir
pour parler pour le soutien à domicile. Si on veut renforcer le volet du
soutien à domicile, on a besoin du proche aidant, de ses compétences.
Mme Lamarre :
Je vous remercie, je suis d'accord.
Donc,
vous parlez également, dans le projet de loi n° 10, qu'il faut réitérer
l'engagement à respecter l'autonomie des
groupes communautaires. On a entendu, un peu plus tôt, il y a quelques semaines,
le ministre des Finances parler, là, que
les groupes communautaires pourraient dans le fond se substituer à différents
niveaux, au niveau du système de santé et des services sociaux. Est-ce
que vous avez eu le temps de faire une réflexion, une analyse par rapport à ça?
Mme Audet (Johanne) : Bien, en fait, les groupes communautaires, hein, ils ont été constitués
par des proches aidants. En tout cas.
chez nous, dans Bellechasse, c'est les proches aidants qui ont créé leur propre
organisme, puis on est à l'affût des besoins, on regarde avec eux. Ils
font partie de la structure. Donc, on pense qu'on est quand même bien placés, puis il faut garder notre autonomie pour
rester près des besoins. On l'a vu avec différentes formules, quand les commandes viennent d'en haut, souvent ça ne reflète
pas les besoins des proches aidants. Donc, on est avec eux au quotidien. On les côtoie, on connaît leurs
besoins, on les consulte, ils font partie des conseils d'administration. Donc,
je pense que c'est les meilleures
personnes pour nous orienter. Donc, on veut conserver cette autonomie-là et ne
pas se faire imposer des ententes de
service qui souvent ne sont pas adaptées à toutes les réalités. On parle
d'uniformisation. Oui, je veux bien,
là, mais quand même il y a des choses différentes qui se déroulent de façon
aussi différente dans les régions. Il faut donner la parole à ces
régions-là puis aux proches aidants.
Mme
Lamarre : Pouvez-vous me décrire des caractéristiques différentes de
contribution des proches aidants qui sont
attendues, là, que les proches aidants apportent? Parce qu'on voit toujours le
conjoint, mais parfois il y a le fils, la fille, il y a d'autres
personnes autour qui gravitent et qui apportent d'autres types. Pouvez-vous
nous en présenter quelques-uns? Parce que je
trouve aussi que... Je félicite votre organisation, qui a aussi développé des
services pour soutenir et réunir les proches aidants entre eux, pour les
sortir de leur isolement, et ça, je trouve ça extraordinaire aussi.
Mme Girard
(Suzanne) : ...bien votre question, vous aimeriez une image un peu de
que sont les cohortes de proches aidants.
Mme Lamarre :
Exactement.
Mme Girard (Suzanne) : Bon. Alors, voilà. C'est qu'on sait que la
majorité des proches aidants — je vais parler du 45-50 quelques années — les enfants sandwich, qu'on appelle, qui
sont... qui travaillent... qui commencent... qui ont des enfants, et eux-mêmes souvent ont des enfants
malades, et souvent les parents commencent à devenir malades ou à
s'affaiblir, si vous voulez.
Et,
ensuite, on a les gens de 60 ans, 70 ans. On a actuellement... En tout cas, je
parle pour notre association, il y a des
gens de 90 ans qui nous appellent que ça fait des sept, huit ans qu'ils
ont quelqu'un à la maison; ils ont soin de cette personne-là sans aucune
ressource. Il y a différentes... On dit que la majorité, c'est 45-56 ans, mais
on sait que le vieillissement... l'espérance
de vie s'allonge de plus en plus, mais il y a quand même beaucoup de gens de
70, 80, 90 ans qui sont aussi des proches aidants de conjoint.
Et,
encore la semaine dernière, il y a une dame qui nous a appelés, elle avait soin
de son fils de 60 ans. Il est malade depuis la naissance. Et, nous, avec le projet de répit de la fondation
des médecins spécialistes, c'est tous les aidants, quel que soit leur âge. Alors, les enfants... On offre
du répit pour les enfants, quelle que soit la catégorie d'âge, la tranche
d'âge. Il n'y a pas de discrimination. Alors c'est un peu le portrait de
tous les...
• (17 h 40) •
Mme Lamarre :
...de toutes les possibilités?
Mme Girard
(Suzanne) : Oui, oui.
M. Tardif
(Mario) : Je vous dirais...
Mme Girard
(Suzanne) : Ils sont épuisés, à part ça.
Mme
Lamarre : Bien, c'est un peu
ce que je pense, c'est que, souvent, les gens attendent d'être épuisés avant
de faire appel à vos services et au soutien que vous pouvez apporter. Oui,
monsieur?
M. Tardif
(Mario) : ...compléter
l'intervention de Suzanne, je vous dirais que c'est les proches aidants qui nous
disent qu'ils sont traités comme des numéros dans le réseau de la santé, O.K.?
Mme Girard
(Suzanne) : Oui, ça, c'est vrai.
M. Tardif
(Mario) : C'est les proches
aidants qui nous appellent pour dire que leurs patrons les ont mis dehors
parce qu'ils trouvaient qu'ils prenaient
trop de temps pour s'occuper de leurs proches. C'est les proches aidants qui
nous disent qu'ils n'ont plus
d'argent, parce que ça leur a fait des frais de transport ou que, catastrophe,
leur voiture ne marche plus puis leur père est à une heure et demie de
distance.
C'est ça, la
contribution des proches aidants. Elle est très concrète, elle est très
matérielle. Puis c'est les proches aidants aussi qui, entre eux puis
entre elles, trouvent les moyens de se soutenir. Et ça, c'est une force
extraordinaire.
Mme
Lamarre : ...sens des responsabilités, je trouve, des proches aidants,
hein? On les sent très conscients d'une grande responsabilité. Puis je pense qu'il y a un message à partager à
l'ensemble du réseau de la santé. On veut être plus responsables comme professionnels de la santé
aussi dans nos missions, mais je pense que les proches aidants ont parfois
des messages et des exemples à nous donner,
parce qu'ils assument avec une très grande responsabilité le soutien à leurs
proches.
Mme Girard
(Suzanne) : ...ajouter que
nous, comme organisme communautaire, notre mission, c'est le maintien à domicile, c'est d'aider l'aidant à assumer son
engagement. Mais moi, j'observe, là, qu'il y a un désir de soutenir son proche. Mais il y a là une misère, je dirais une
misère humaine aussi : pas de moyens, de l'épuisement, de l'isolement.
Et ils frappent à toutes les portes, puis,
finalement, quand ils arrivent avec nous... En tout cas, ça aide un peu à la
hauteur de nos moyens.
Mme Lamarre : ...mais définitivement
une trajectoire, une trajectoire d'aide et une trajectoire de soins.
Mme Girard (Suzanne) : Oui.
Mme Lamarre : On parle toujours de
trajectoire de soins, mais «trajectoire d'aide» serait aussi nécessaire.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant
céder la parole au collègue député de Lévis pour un bloc de
9 min 30 s.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le
Président. Merci, M. Tardif, Mme Audet, Mme Girard. J'ai apposé récemment,
dans un bureau, ce document que vous m'aviez
remis il y a quelques années alors qu'on travaillait ensemble beaucoup pour faire connaître ce qu'étaient aussi les
proches aidants. Et je le regarde... puis avec beaucoup de fierté également, et
je vous en remercie.
Une voix : ...
M. Paradis
(Lévis) : Merci beaucoup.
D'autant plus que la situation, à ce moment-là, lorsqu'on parlait ensemble,
lorsqu'on tentait de faire changer les
choses... Nous sommes maintenant en 2014, il s'est passé quelques années, mais
il y a encore beaucoup de travail à
faire. Il y a encore beaucoup de travail à faire sur la perception qu'on a de
l'aidant maintenant, l'aidant qui
souvent deviendra clientèle parce que lui-même épuisé, l'aidant à qui on va
offrir du répit, mais qui se fera violence
parce qu'il va se culpabiliser du fait de laisser celui ou celle qu'il aide par
amour pour se donner un peu de temps puis
en se disant : Bien, ça y est, je me désengage. On va penser quoi? Ce
n'est pas, ce n'est vraiment pas évident. Alors, ça met tout en lumière
l'importance de ce que vous faites et de votre action.
Et là, bien,
je vous dis, je m'étonne aussi de voir qu'on a encore beaucoup de chemin à
accomplir. Le document dont je vous
parle, qu'on avait échangé, il date de 2009, ça fait cinq ans de ça, et, à ce
moment-là, on se questionnait sur les ressources,
la facilité à les trouver, la disparité entre une région où ça va mieux puis
une région où ça se comprend moins. On
a avancé, ou c'est à pas de tortue qu'on fait du chemin, actuellement, malgré
toute la bonne volonté qu'on exprime puis le soutien de tout le monde
ici, là?
Mme Girard
(Suzanne) : J'ai le goût de
vous répondre ceci : On dit, depuis très longtemps : Les aidants ne
se reconnaissent pas, mais moi, je dis : Quand la société ne le
reconnaît pas, il ne peut pas se reconnaître. J'entends des gens, là, qui, parce qu'ils ont une maladie
orpheline... Il y en a peut-être 2 000 dans la province, tant mieux pour
eux, ils réussissent à soulever la province, mais nous, personne ne nous
reconnaît, donc c'est...
C'est pour ça
que je me dis : C'est la raison pour laquelle, n'étant pas reconnus,
n'existant pas dans aucun conseil d'administration,
aucune loi... C'est du personnel invisible, finalement, le proche aidant. C'est
ce qui fait que, quand on veut
faire... On sait qu'on a de l'argent d'une fondation; des agences, c'est très
difficile. Trouver un bailleur de fonds, on n'a pas suffisamment de visibilité pour l'intéresser. On n'est pas
reconnus, donc on n'intéresse personne. C'est comme la poule et
l'oeuf : par où ça va commencer, à un moment donné, là?
Mais je me
dis, un jour ou l'autre, il faut qu'il y ait des fondations qui nous aident, il
faut que les agences nous aident, il
faut que le ministère de la Santé nous reconnaisse et, après, ça nous aide à aller
chercher... comme avait dit le Dr Barrette
lors de notre premier projet, c'est un levier, mais ce levier-là, vous êtes
encore les seuls dans la capitale à nous l'offrir, heureusement. Mais vous êtes très connus dans la capitale, mais il faut
que les aidants soient reconnus officiellement pour que tout s'enchaîne.
Mme
Audet (Johanne) : Il y a
eu quand même plusieurs organisations qui ont débuté des services un petit peu partout au Québec. Donc, je pense
qu'il y a eu quand
même une amélioration. Il y a eu
certaines consolidations aussi du Programme
de soutien aux organismes
communautaires pour les organismes
proches aidants. Mais je pense qu'on a fait quand même quelques petits pas
vers l'avant, mais, si on parle de 1 million
de personnes qui jouent ce rôle-là au Québec, selon des intensités différentes, bien, je pense qu'il y a encore des
pas à franchir énormes pour pouvoir soutenir ces gens-là qui en ont
grandement besoin.
Donc, oui, je
pense qu'on a avancé quand même, c'est un peu plus reconnu, on en parle plus.
Il y a plus de groupes qui se sont fondés pour les soutenir, mais il y a
encore du chemin à faire.
M. Paradis
(Lévis) : On parlait... On
parle de réforme de projet, tout à l'heure, on se faisait dire : C'est la
troisième en 20 ans, on s'est fait
dire : C'est la 13e en 40 ans. Est-ce que vous considérez qu'aujourd'hui
ce projet-là constitue une opportunité...
Parce qu'il y en a eu d'autres avant, mais celle-ci est une opportunité
essentielle, à ce moment-ci, de faire en
sorte que vous soyez connus et reconnus dans un contexte de projet comme celui
qui vous est proposé, qui vous est présenté?
M. Tardif (Mario) : Écoutez, la question...
Notre point de vue, on l'avait dit l'année dernière aussi devant la commission parlementaire sur l'assurance
autonomie : Pour nous, c'est clair que le statu quo est intolérable.
Alors, c'est clair que toute
opportunité, on va tendre la main puis on va essayer de la... on va essayer
d'ouvrir des portes, et c'est dans le
concret qu'on va voir qu'est-ce que ça va faire. Je vous dirais que, par le
passé, on a été plutôt déçus. Mais je ne veux pas parler de l'avenir. Moi, je veux parler de l'espérance que,
peut-être, on va arriver à quelque chose. Mais c'est clair que, par le
passé, on a été très déçus.
M. Paradis
(Lévis) : La situation est
assez... Vous le dites, hein, vous avez consulté des régions, des personnes,
des proches aidants, des intervenants, qui
disent tous craindre la bureaucratisation, la déshumanisation... Ce n'est pas
léger comme terme, là : la déshumanisation de ce réseau. Ils vous
disent quoi, les proches aidants, de fait? Comment ils l'expriment? Quelle
image ils mettent là-dessus?
Mme Audet (Johanne) : En fait, il y
a un roulement de personnel incroyable à domicile, donc on change de personne
régulièrement. Ça peut être cinq bains par semaine à domicile, mais ça peut
être cinq personnes différentes. Donc, nous,
on pense qu'il y a une déshumanisation parce que c'est quand même quelque
chose, là, laisser entrer quelqu'un dans
son domicile pour avoir accès à des services. On a consulté 260 proches
aidants, et c'est une majeure... Ça ressemble à tout ce que les proches aidants nous ont dit, dans le fond : la
difficulté à avoir des services, la difficulté à être reconnus, à avoir du soutien psychosocial, à avoir accès,
même, à des crédits d'impôt, qui ne sont pas adaptés à tout le monde. Donc,
on a l'impression qu'on se sert des proches aidants comme un instrument du
soutien à domicile. C'est eux...
Aussitôt qu'il y a un proche aidant dans un
dossier, souvent, on a tendance à en mettre de plus en plus sur ses épaules et à se dire : Bien, ça va bien aller
tant qu'il va être capable de faire le plus possible. Dans ce temps-là, je ne
peux pas croire qu'on se sent quand même dans un système qui est humain.
On sent plutôt qu'on nous délaisse toutes les responsabilités
pour en prendre moins du côté du réseau de la santé. Donc, c'est l'équilibre
qu'on cherche à atteindre, parce que
c'est clair que les familles vont toujours vouloir prendre soin de leur proche
qui est malade, qui est fragilisé. Mais,
quand ils arrivent en demande d'aide, quand ils ont des besoins d'aide, il faut
être là pour les soutenir adéquatement.
• (17 h 50) •
M. Tardif
(Mario) : Vous savez, actuellement, de façon... Plus souvent
qu'autrement, de la façon que ça fonctionne,
il faut que vous fittiez dans le programme. Il faut que vous preniez le service
qui vous est offert, même s'il n'est
pas adéquat, sinon, vous n'aurez rien d'autre. Moi, j'en ai accompagné, du
monde, puis là tout ce qu'on leur offrait, c'était un bain pour la personne aidée. Ils disaient : Bien non, ce
n'est pas ça que j'ai besoin. J'ai besoin d'autre chose. Là, je
disais : Bien, prends le bain, ça va quand même te faire trois quarts
d'heure où tu vas... Une fois que la relation de confiance va être faite avec la personne qui vient donner le bain, ce
qui prend un certain temps, là, ça va te donner un bout où tu vas être
moins sur le stress. Là, ce n'était pas...
Par contre,
ça fait longtemps que j'ai été sur le terrain. Depuis, le roulement de
personnel est tellement rendu élevé que
je ne suis pas sûr que je dirais encore ça aujourd'hui. Mais c'est très clair
que la logique, ce n'est pas s'occuper du besoin de la personne, c'est : Est-ce que la personne peut fitter
dans l'offre de services? Et, si elle peut fitter, c'est bon. Là, tu vas l'avoir, ton offre de services. Mais, si ce
n'est pas ça que tu veux, si tu ne fittes pas dedans... «Fitter», excusez-moi,
il faut correspondre — je viens de me rendre compte du niveau de langage — si on ne correspond pas, eh bien, «too bad».
Donc, il y a comme un problème où c'est les
impératifs de la logique bureaucratique qui dictent ce qui est disponible et
non les besoins des personnes. Là, on est
devant quelque chose où on est objet, on n'est plus un citoyen, on n'est plus
une personne.
M. Paradis
(Lévis) : Est-ce qu'on
s'entend, en terminant — il me reste peut-être 20 secondes — pour se dire puis profiter de ces quelques minutes pour les gens qui regardent, pour
dire : valorisation, travailler sur la valorisation du rôle? Ça se fait, puis manifestement, souvent,
on a l'impression que c'est un naturel. C'était l'ancienne dénomination.
Bien oui, tu dois aider, c'est quelqu'un que
tu aimes. Mais il y a plus que ça. Valorisation du rôle dans un réseau qui, si
vous n'y êtes pas, devient inconsistant.
M. Tardif (Mario) : Reconnaissance,
et la reconnaissance, ça se fait par des actes.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, sur ces mots, nous remercions les représentants
du Regroupement des aidants naturels du Québec. Merci beaucoup pour votre participation active à nos travaux parlementaires.
Compte tenu de l'heure, la commission ajourne
ses travaux jusqu'à demain, 10 heures, afin de poursuivre les consultations
particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 10.
(Fin de la séance à 17 h 52)