(Dix
heures quatre minutes)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission de la santé et des
services sociaux ouverte. Je demande
à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La
commission est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 10, Loi modifiant l'organisation et la
gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par
l'abolition des agences régionales.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Oui, M. le Président. Mme Richard (Duplessis) sera remplacée par M. Pagé
(Labelle).
Auditions
(suite)
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Ce matin, nous allons débuter avec la Table
de coordination nationale des réseaux
universitaires intégrés de santé ainsi que l'Ordre des orthophonistes et
audiologistes du Québec. Nous ajournerons à 21 h 30.
Alors,
je vous souhaite la bienvenue d'entrée de jeu. Je vous demanderais de bien
vouloir vous identifier, et par la suite
vous disposerez d'une période de 10 minutes pour une présentation. S'ensuivra
un échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.
Table de coordination
nationale des réseaux universitaires
intégrés de santé (TCN des RUIS)
M. Bergeron (Rénald) : Bonjour. Je me présente, Rénald Bergeron, doyen de la Faculté de médecine et président
du RUIS de l'Université Laval. Je suis accompagné des collègues qui sont
coordonnateurs des quatre RUIS : Mme Isabelle
Bayard, de l'Université de Montréal; M. Samuel Benaroya, de l'Université McGill; Mme Louise Montreuil, de
l'Université Laval; et M. Marc Lauzière, de l'Université de Sherbrooke.
Donc,
le mémoire qu'on présente est le fruit d'un consensus de l'ensemble des membres
de la Table de coordination nationale
des réseaux universitaires intégrés du Québec, connu sous l'acronyme des RUIS,
que j'utiliserai par la suite.
Au
nom des quatre réseaux universitaires intégrés du Québec, je tiens à vous
remercier d'abord de nous donner l'opportunité
de nous présenter devant vous dans le cadre de l'étude du projet de loi
n° 10. Cette opportunité nous permet de mieux faire connaître ce que sont et que font les RUIS et comment
leur action pourra continuer à être mise à profit dans le cadre des changements de gouvernance qui
sont proposés. À cette fin, les RUIS vous soumettent trois recommandations.
D'abord, un peu
d'histoire. Les réseaux universitaires intégrés de santé du Québec ont comme
mission de générer la concertation, la
complémentarité et l'intégration des missions de soins, d'enseignement et de
recherche des établissements de santé ayant une désignation
universitaire et des universités auxquelles ils sont affiliés, tout en
privilégiant la concertation et la collaboration entre tous les membres
partenaires des RUIS.
C'est
en juillet 2003 que le ministre de la Santé et des Services sociaux, M.
Philippe Couillard, créait, par décision administrative, les RUIS, lesquels furent subséquemment introduits dans
la LSSSS, en 2005. Il existe donc quatre RUIS au Québec, un par université ayant une faculté de médecine, soit Laval,
McGill, Montréal et Sherbrooke. La loi prévoit que le comité de direction des RUIS est formé de tous les directeurs
généraux des établissements ayant une désignation ou affiliation universitaire, des P.D.G. de
chacune des agences de santé et de services sociaux et du doyen de la faculté
de médecine associés à ce réseau.
Le
mandat des RUIS. Il faut d'abord comprendre que chaque RUIS a son caractère
propre. Chacun, donc, a fait évoluer
ses priorités et sa façon de travailler selon les caractéristiques, besoins et
attentes de l'ensemble de ses membres et
évidemment selon les différents mandats qui lui ont été confiés par le
ministère. Au moment de leur création, on attendait des RUIS qu'ils favorisent l'excellence dans
l'accomplissement des missions universitaires, en maillage serré avec leurs
réseaux cliniques. Leurs champs d'intérêt
touchaient essentiellement les services médicaux spécialisés et
ultraspécialisés des hôpitaux avec désignation universitaire.
Au
fil des ans, le ministère a clairement affirmé deux grandes priorités, soit
l'accès aux services et le développement d'une première ligne forte. Les partenaires des RUIS — je tiens à le répéter, il s'agit ici des
facultés, des agences et des établissements à désignation ou affiliation
universitaire — ont
considéré nécessaire de soutenir ces deux priorités. Les RUIS se sont donc
attardés à identifier des moyens susceptibles de consolider et soutenir les
équipes cliniques locales. D'abord, ils se
sont assurés d'obtenir la nécessaire collaboration des centres tertiaires pour
développer des corridors de services
reposant sur de hauts standards cliniques, efficaces et efficients, répondant
aux besoins de toutes les régions à desservir. Depuis quelques années,
ils favorisent aussi l'intégration étroite des volets santé et social.
Une chose est
claire : les RUIS n'ont pas le mandat d'organiser les services qui
relèvent des agences et des établissements,
pas plus que celui d'organiser les programmes de formation ou de recherche qui
sont sous la responsabilité des
universités. L'expérience des 10 dernières années a clairement démontré la
valeur ajoutée des effets de cette concertation et de la mobilisation
des acteurs du réseau de soins et services avec ceux des réseaux universitaires
autour d'objectifs communs qui favorisent le
rapprochement et la complémentarité des missions de soins, d'enseignement et de
recherche au bénéfice de la population.
Dans la
réalisation de leur mandat, les RUIS vont au-delà de faire des propositions.
Leur action synergique, par et pour
leurs membres, leur a permis, d'une part, de concrétiser l'essentielle alliance
entre les besoins académiques et ceux de
l'organisation des services et, d'autre part, de répondre aux attentes et
besoins des régions de leurs territoires, et ce, avec le soutien de l'expertise des centres universitaires. Donc, les
RUIS existent au profit de l'ensemble des partenaires et des régions de leurs territoires. Ils agissent
en conséquence dans le traitement des dossiers. Après 10 ans d'activité,
ils présentent une feuille de route qui témoigne de leur valeur ajoutée.
• (10 h 10) •
Je passe aux
recommandations. Ce retour sur
l'histoire des RUIS et l'évolution de leur mandat nous amène aux trois recommandations
que j'évoquais, d'entrée de jeu, en début de présentation. Les RUIS tiennent à
affirmer qu'ils souscrivent aux objectifs
fondamentaux poursuivis par le projet
de loi à l'effet de favoriser et de simplifier l'accès aux services, de
contribuer à améliorer la qualité et la sécurité et à accroître l'efficacité et
l'efficience.
La première
recommandation, c'est de permettre la réalisation du plein potentiel des RUIS
en réaffirmant et en consolidant leur mandat dans le cadre de la réforme
proposée par le projet de loi.
En faisant en
sorte que les équipes des milieux universitaires soient à l'écoute et puissent
répondre aux besoins des attentes des
autres milieux de soins et services de leurs territoires, les RUIS contribuent
à deux défis majeurs pour le système
de santé : un, que tout Québécois, peu importe son lieu de résidence,
puisse bénéficier des services accessibles et répondent aux plus hauts standards de qualité et, deux, que toutes
les équipes cliniques locales disposent du soutien, de la formation et des connaissances nécessaires pour
travailler en réelle collaboration interprofessionnelle et pour assurer au réseau l'efficacité et l'efficience attendues.
C'est d'ailleurs à cette condition que les équipes oeuvrant en première et
deuxième ligne pourront garantir le meilleur
accès possible aux services à la population de leurs territoires et en même
temps soutenir efficacement les centres
surspécialisés en leur permettant de se concentrer sur leurs missions
tertiaires et quaternaires.
Les RUIS sont
un outil puissant pour contribuer à la transformation du réseau de la santé et
des services sociaux, notamment en maintenant une réciprocité entre les
universités et les CISSS dans leurs territoires respectifs. Leur rôle aurait
davantage à être mieux défini dans le texte de loi pour mieux servir
l'efficacité du réseau.
Nous
énumérons ici un certain nombre de points qui devraient être tenus en compte
sur la fonction des RUIS : promouvoir
et soutenir la participation des établissements de leurs réseaux et territoires
respectifs à l'enseignement clinique dans les diverses disciplines de la
santé; en collaboration avec leurs partenaires, identifier et contribuer à
combler les besoins de formation du personnel des établissements et de leurs
réseaux respectifs; fournir sur demande l'expertise nécessaire à la planification, à la mise en oeuvre ou à l'évaluation de
projets locaux, régionaux, suprarégionaux, voire même nationaux; promouvoir et soutenir l'implantation d'une culture
d'évaluation dans les établissements de leurs réseaux et territoires
respectifs; favoriser la complémentarité de services dispensés par les
établissements des régions de leurs territoires;
soutenir le développement de la recherche dans des secteurs d'activité
considérés prioritaires pour le développement du réseau et notamment en première ligne; et, enfin, élargir le mandat
des RUIS pour inclure la dimension des services sociaux.
La création des CISSS et l'importance du travail
et de la formation en interdisciplinarité incitent à une telle inclusion. Les CISSS créent une opportunité de
renforcer une approche concertée entre le social et la santé tant dans la
pratique que dans les aspects académiques.
Vous retrouvez en page 7 du mémoire des exemples de mandats ministériels
dont les RUIS se sont acquittés au fil des ans.
Recommandation 2 :
Maintenir, intégrer, valoriser et développer dans les CISSS les missions
académiques héritées des établissements qui les composent.
Les
changements proposés par le projet de loi ont pour objectif d'assurer une
véritable intégration des services, permettant
ainsi un parcours de soins plus simple et plus fluide pour les patients.
Cependant, la valeur et la contribution de la mission académique dans cette réforme méritent d'être réaffirmées
et précisées pour que les RUIS soient en mesure de continuer leur travail de mobilisation et de concertation de tous les
établissements avec affiliation universitaire au profit de l'ensemble
des régions de leurs territoires.
La création
des CISSS laisse entrevoir des possibilités intéressantes au niveau de
l'enseignement et de la recherche. Ces établissements, de concert avec
les établissements à vocation suprarégionale présents dans un territoire de
RUIS, peuvent et doivent être le moteur de
développement des meilleures pratiques en mettant à profit une capacité
d'innover importante au plan de
l'efficacité et de l'efficience. Il est essentiel de protéger les acquis
académiques des établissements qui
composent les CISSS afin que ceux-ci puissent rehausser globalement la
performance et la qualité de l'offre clinicoacadémique.
Recommandation 3 : Protéger la
dimension académique en assurant une représentation universitaire adéquate dans
la gouvernance des CISSS et des établissements suprarégionaux.
En tant que RUIS, nous soutenons les
recommandations des milieux universitaires qui désirent avoir une
représentation adéquate au sein des conseils d'administration des CISSS
regroupant les établissements avec mission universitaire
et les établissements à vocation suprarégionale. Pour bien s'acquitter
de leur mandat, les RUIS ont besoin de continuer à travailler
conjointement avec les décideurs académiques, les décideurs cliniques et les
gestionnaires d'organisation de services dans l'ensemble de leurs territoires. À cet effet, pour que les acquis et la mission académique aient une représentation
propre dans la gouvernance des CISSS, il faut aussi s'assurer que les
directeurs de l'enseignement et de la recherche participent au comité de
direction.
Enfin, nous
reconnaissons avec les universités que les impératifs de la gestion de la
recherche et de l'enseignement, dont
les universités sont redevables devant les organismes accréditeurs et
subventionnaires, requièrent un dialogue formalisé entre les
institutions partenaires par le biais, entre autres, de contrats d'affiliation.
En
conclusion, voilà la vision des RUIS pour leur implication future dans
l'évolution du réseau de la santé. Nous souhaitons que la composition des comités de direction de chaque RUIS
intègre les représentants des instances permettant de poursuivre l'interaction entre les établissements
avec affiliation universitaire, les facultés et le CISSS des territoires.
Nous souhaitons aussi que les quatre RUIS
puissent poursuivre leur concertation par le biais de la table de coordination
nationale. Enfin, c'est une vision qui mise sur la continuité et le désir de
contribuer positivement aux transformations annoncées,
lesquelles doivent préserver, selon notre expérience, les dynamiques locales
d'organisation de services là où la population s'adresse en premier.
Nous sommes disposés à répondre aux questions. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, Dr Bergeron. Alors, s'ensuit donc une période d'échange avec
les parlementaires. Le gouvernement avait 23 min 30 s... je dis
«avait» parce qu'à la demande du ministre on vous a laissé excéder de deux minutes, donc, de 23 min 30 s.
J'invite maintenant le ministre à échanger avec vous pour une période de
21 min 30 s.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, Dr Bergeron,
Mme Bayard, Dr Benaroya, M. Lauzière, Mme Montreuil,
merci d'être venus nous faire cette
présentation-là, qui est très intéressante et très à point. J'ai lu votre
mémoire, je le relisais pendant que
vous faisiez votre présentation, et ça me donne l'impression que vous décrivez
le projet de loi n° 10 mais avec
un autre nom, qui est celui des RUIS, parce qu'essentiellement vous allez même
un peu plus loin que moi, je pensais aller.
Et je comprends d'ailleurs la raison pour laquelle vous allez dans cette
direction-là. Vous, vous visez une intégration réelle mais qui va
jusqu'au côté académique, et ça, je le comprends très bien.
Maintenant,
j'aimerais ça que vous puissiez prendre quelques moments pour nous expliquer
peut-être comment, aujourd'hui, on
n'est pas arrivés ni, évidemment, à ce que vise le projet de loi n° 10 en
termes d'intégration... Et c'est vrai
que les RUIS ont fait beaucoup de choses, ça, je vous le concède. C'est tout à
fait vrai, là, particulièrement sur le plan académique et sur certains corridors de services. Mais, moi, ma lecture,
puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus, est qu'il y a encore du chemin à faire. Puis j'aimerais ça que vous puissiez
prendre quelques moments pour nous expliquer un peu, pour vous, du côté de la vision des RUIS, qu'est-ce qu'il manque
actuellement dans le système pour qu'on puisse arriver à nos visions respectives, qui sont assez chevauchées, je
dirais, là. Ce que vous avez décrit, ça correspond pas mal à ce qu'on a exprimé
dans la commission parlementaire à date. Je sais que vous les avez suivies,
d'ailleurs vous étiez ici hier, là, et qu'on a eu d'autres discussions
avant pour Québec.
Alors,
comment, du côté du RUIS... Qu'est-ce qu'il manque aujourd'hui pour que le RUIS
fonctionne à la hauteur que l'on voudrait, votre vision étant très
proche de celle du projet de loi n° 10?
• (10 h 20) •
M. Bergeron (Rénald) : Je vous
remercie. Je pense que vous faites référence, quand vous nous posez cette
question, à notre première recommandation : permettre qu'on atteigne notre
plein potentiel en termes de capacité de favoriser
l'intégration soins, enseignement, recherche. En 2003, 2005, lorsqu'on a créé,
suite au rapport Carignan, cette structure RUIS, qui n'est pas une
structure qui gouverne le système mais qui est une instance de concertation et
de collaboration entre les réseaux de soins
et les réseaux d'enseignement et de recherche pour assurer... Parce que vous
savez que l'ensemble de la formation
des professionnels de la santé, et là je ne m'adresse pas uniquement aux
médecins, là, je m'adresse à tous les
professionnels de la santé, ils sont formés en partie dans les milieux
universitaires, dans la formation de
base, mais la formation professionnelle comme telle s'exerce dans les milieux
cliniques, d'où la nécessité du maillage étroit entre les fonctions
universitaires puis les fonctions cliniques.
En plus que
les milieux cliniques contribuent à la formation des professionnels, les
milieux universitaires contribuent à
rehausser la qualité des soins et services par le développement des
connaissances et le transfert des connaissances dans les milieux. Donc, poursuivre ces objectifs-là à
travers la réforme qui s'annonce, c'est, pour nous, continuer à rester un lieu
de concertation et s'assurer qu'on développe
les meilleures pratiques, qu'on les applique en temps utile, qu'on ne délaisse
pas des secteurs du réseau, je dirais,
laissés à eux-mêmes, sans avoir le support, entre autres, des réseaux
universitaires et des milieux
cliniques à vocation suprarégionale ou vocation tertiaire et quaternaire qui
assurent que le patient pourra circuler dans ce réseau-là en temps
utile, pour lui, avec le soutien de chacun des membres du réseau.
M. Barrette : Si on rentre un petit
peu plus... Vous aviez fini?
M. Bergeron (Rénald) : Oui, c'est
beau. C'est un peu...
M. Barrette :
Vous m'aviez bien lu. Effectivement, c'est en regard de la
recommandation 1. Et d'ailleurs je peux vous dire qu'en regard des réalisations que les RUIS ont faites, dans
votre document, à la page 7, par exemple, vous avez fait des choses qui étaient exceptionnelles, dont
les trois premiers items, pas que les deux autres ne le sont pas, là, mais
c'est vraiment, vraiment des avancées dans
la façon de pratiquer certains actes, particulièrement le point 3, là,
pour ce qui est de la télémédecine
dans les ACV. Ça, ça vient des RUIS, ça. Ça, ça vient du monde universitaire.
Et je souscris à ce que vous dites sur ce plan-là.
Mais,
encore une fois, je reviens un peu à ce que l'on vit sur le terrain
actuellement. Le RUIS, vous le dites bien, puis je d'accord avec vous, le RUIS, c'est un terrain de concertation,
et corrigez-moi si je me trompe, mais le RUIS a quand même eu des difficultés à mettre en place certains
corridors de services, certains liens avec le réseau. Puis là je ne dis pas ça négativement, je dis ça dans le sens,
simplement, qu'en termes de gouvernance ne trouvez-vous pas que, le RUIS, tel
que vous le présentez, par rapport au projet
de loi n° 10, les finalités se ressemblant beaucoup dans votre
présentation, il y a un manque en
termes de lignes de commandement, de gouvernance, d'autorité, dans l'état
actuel des choses, là?
M.
Bergeron (Rénald) : Les RUIS
ne revendiquent pas un rôle de gouvernance du réseau. On pense que le rôle
d'animation qu'on joue en mettant ensemble
les acteurs qui sont responsables de la distribution des soins et services et les
acteurs qui ont la mission universitaire et qu'on échange sur les meilleures
façons... Et les sept ou huit points que j'ai mentionnés, et qui sont
mentionnés dans le rapport, visent justement à permettre, entre autres, que
l'ensemble du réseau clinique puisse
participer à la formation des professionnels, que les milieux universitaires
puissent descendre les meilleures
connaissances dans l'ensemble du réseau clinique, qu'on puisse ensemble
utiliser nos ressources pour mieux évaluer
l'ensemble du réseau, pour faire une meilleure intégration social, santé dans
le réseau. Actuellement, la transformation des problèmes cliniques, avec l'évolution de notre société, amène un
développement important des maladies chroniques, le vieillissement de la population, tout le monde en parle. Ça exige
qu'on travaille en étroite collaboration, les professionnels du secteur santé et social, pour assurer le
meilleur service possible avec une meilleure concertation. Et là c'est comment
soutenir la collaboration interprofessionnelle dans les réseaux.
C'est dans ce
sens-là. Et je ne pense pas que nous, on doit développer une nouvelle gouverne
du réseau. C'est à travers les établissements puis les structures des
établissements que ce réseau-là donne ses lignes de conduite sur les services.
Les milieux universitaires, en maillage avec ce réseau-là, deviennent des
agents, je dirais, de soutien et de développement plus intégré. Je ne sais pas
si mes collègues ont des commentaires additionnels. Louise aurait un mot.
Mme Montreuil (Louise) : Oui. En
fait, ce qui est important, c'est que, quand on travaille pour, on dit, la collaboration, l'intégration, on s'organise pour
descendre jusqu'au terrain et
jusqu'aux équipes locales, et on s'organise pour faire travailler ceux qui, par la suite, vont être pris avec les
changements qui vont avoir été introduits. Donc, si on veut que les
équipes tertiaires...
Quand on parle de corridors de services, notre
rôle, comme disait notre président, n'est pas de déterminer les corridors de
services mais faire en sorte que ces corridors de services là amènent les
équipes locales qui sont sur le terrain à
être capables de bien prendre en charge ce qui peut être pris en charge en
première ligne. Tout le monde veut que les
services soient accessibles localement, donc il faut s'organiser pour donner
aux cliniciens qui sont en place la formation
nécessaire, le soutien nécessaire, et de leur centre régional et des centres
tertiaires, pour qu'il y ait une espèce de continuité.
Alors, notre
rôle, c'est de mettre ce monde-là ensemble, et, quand les nouvelles pratiques
émergent, ce n'est pas quelque chose qui leur est parachuté d'en haut, c'est quelque chose qu'ils ont vu venir, qu'ils ont travaillé conjointement de
part et d'autre et qui, là, fait qu'on peut avoir un résultat intéressant. Et
c'est dans ce sens-là que, les exemples dont on parlait tout à l'heure, c'est comme ça qu'on les a travaillés avec le
monde, donc il n'y a pas de surprise pour personne. Sinon, ça reste du
papier.
M.
Barrette : O.K. Mais vous êtes d'accord — vous allez probablement être d'accord, je
vais vous laisser évidemment répondre
à ce commentaire-là — qu'en
quelque part il doit y avoir une gouvernance qui fasse la promotion de ça et qui s'assure que ce que vous mettez de
l'avant se réalise. Et actuellement... puis là je vais prendre un exemple
qui est, pour moi, simple, là, qui n'est
peut-être pas très simple pour tout le monde, là, mais, quand je vous écoute, à
un moment donné, dans un RUIS, de la
façon dont vous le présentez, le cancer du côlon devrait avoir un ou deux
protocoles, là, qui devraient être
établis et entendus, puis on le suit, et celui qui fait le suivi dans un
hôpital plus communautaire, bien, il est
en lien direct avec les universitaires, et on suit le protocole, et là ça
devient une question de gouvernance. Est-ce que je me trompe, là?
M.
Bergeron (Rénald) : Je vous
donnerais peut-être un des exemples qu'on a donnés, c'est, entre autres, le
travail sur l'infarctus du myocarde. Avec l'Université de Montréal et les quatre RUIS, on a pu réduire de
30 minutes l'accès du patient à
l'urgence la plus proche pour avoir une intervention rapide. C'est parce qu'on a mis ensemble les connaissances et mis ensemble les tables qui travaillaient
sur le projet que ça a pu s'étendre à tout le réseau.
L'exemple sur la téléthrombolyse ou la
thrombolyse dans les ACV, dans les accidents vasculaires cérébraux, actuellement on est en train de démontrer qu'on
peut permettre à des patients d'éviter des séquelles majeures en pouvant
les traiter, peu importe où ils sont dans
une région, avec l'aide d'une concertation puis d'une communication entre des
neurologues, dans un milieu quaternaire, et
l'imagerie qui se rend en temps utile
pour déterminer si les conditions de ce patient-là lui permettent de recevoir la thrombolyse. Et les exemples
qu'on a eus après la mise en place, pendant deux ans, du protocole nous
permettent maintenant de l'étendre à l'ensemble du réseau.
C'est comme ça dans plusieurs dossiers qui sont
soumis aux RUIS, de regarder comment on peut faire des interventions plus concertées et diffuser ces modèles d'intervention là
à travers l'ensemble du réseau.
Ça n'exige pas de nous qu'on commande l'action, ça exige qu'on favorise
la concertation pour que l'action se fasse.
M.
Barrette : Je comprends très bien ce que vous dites et je suis
d'accord avec ce que vous dites d'ailleurs, mais ne trouvez-vous pas qu'actuellement on a des exemples ponctuels de succès comme la téléthrombolyse mais
qu'à large échelle on est encore à une certaine distance, trop grande,
de l'intégration qu'on voudrait avoir?
Je
vais vous donner un exemple, là, sans nommer d'hôpital, là, mais vous étiez
ici hier, je le donnais. Je rencontrais dernièrement un hôpital plus communautaire,
un hôpital de grosseur moyenne, qui n'a jamais réussi, en 10 ans, à avoir
un corridor de services en oncologie avec
son hôpital universitaire affilié. C'est parce qu'à un moment donné c'est ça
qu'on veut, là. C'est le genre de
chose qui ne se fait pas dans le réseau, pas par mauvaise intention de la part
des RUIS mais, je dirais, par absence
de pouvoir de mettre en place. Parce que, comme vous le dites avec justesse, le
RUIS fonctionne en mode de
concertation, et, en mode de concertation, évidemment il faut que l'autre
partie le veuille. Et parfois il y a des évidences, puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus, là, en termes de
corridors qui devraient se faire puis qui ne se font pas, et ils ne se font pas parce qu'il y a des
individus, à un ou deux bouts de la ligne, qui décident de dire non malgré les
bonnes intentions et les bonnes volontés des RUIS.
• (10 h 30) •
M.
Bergeron (Rénald) : C'est
une question qui amène d'autres acteurs à pouvoir y répondre, parce
que ce n'est pas les RUIS qui commandent la décision de
dire : On va s'occuper de telle ou telle problématique de santé ou on est
prêts à faire l'harmonisation.
L'autre chose, on a compris aussi, puis mes collègues
le confirmeront sans doute, qu'on ne peut pas gérer plusieurs dossiers... Ce n'est
pas à l'infini, les dossiers qu'on peut mettre en place en même temps avec cette concertation-là. Donc,
il faut, avec l'aide du ministère et avec l'aide des réseaux cliniques, définir...
puis avec l'aide... en sachant aussi les connaissances où on est rendu,
dans quel secteur on peut mettre en place une telle concertation, et diffuser l'ensemble... et proposer une intervention,
l'évaluer et ensuite la diffuser.
Donc, il y a un certain délai nécessaire pour
chaque fois qu'on veut normaliser ou étendre une formation à l'ensemble
du réseau. Je ne sais pas, Dr Benaroya, si vous avez la même vision
que moi, mais je vous laisserais peut-être
en parler un peu.
M.
Benaroya (Samuel) : M. le ministre, M. le Président — étant
là depuis le commencement — la
raison d'être des RUIS, étant la
création du premier ministre dans le temps, c'était d'arrimer le secteur
académique avec leur expertise, soit universitaire ou d'établissement d'enseignement, avec le besoin de toute la communauté québécoise
et c'était de donner une vision et une responsabilité accrue de la responsabilité
sociale à ces acteurs-là.
Alors, dans
le temps, cette façon de faire a évolué, et ce qu'on a appris, c'est... La
meilleure façon d'y aller de l'avant,
ce n'était pas en gérant des choses avec une autorité qu'on n'avait pas mais en
facilitant les relations entre les acteurs qui avaient l'autorité nécessaire
mais peut-être, parfois, pas l'expertise ou la neutralité pour faire avancer
les choses entre régions. C'est de telle
façon qu'on a eu des succès dans le temps, soit dans les éléments qui ont été
abordés ou dans d'autres éléments, par exemple la télésanté, la santé
mentale à distance, les services
qu'on fait au Grand Nord, la
promotion de la formation en région, etc. Tout ça, ça a été fait par
l'entremise d'une bonne volonté entre les acteurs, mais sans autorité, tel que vous le décrivez, et
sans beaucoup de budget non plus, comme vous le savez. Et c'est pour ça,
peut-être, que, dans le projet de loi, il n'y a qu'une ligne sur les RUIS.
Ce qu'on
voudrait, là, c'est que... Même sans budget et sans autorité, les RUIS ont été une expérience
avec une plus-value, pour le Québec,
unique, peut-être, au Canada, parce
que ça n'existe pas, ça, ailleurs,
cet arrimage entre le milieu académique et le milieu clinique, de telle
façon. Et ce qu'on voudrait suggérer, c'est que, dans le projet de loi, qui va beaucoup
dans le sens de ce que sont les objectifs des RUIS, la plus-value des RUIS soit mise de
l'avant comme quelque chose
qui pourrait supporter cette mise en place de ce projet de loi, et de ne pas
oublier le rôle et la responsabilité sociale du
secteur académique dont on parle, et de reconnaître ça d'une façon explicite.
C'est ça qui manque, pour répondre à votre question.
M.
Barrette : Je comprends. Sur
un autre point, quand on regarde le développement des RUIS, vous allez convenir avec moi que le développement n'a pas été
géographiquement très cartésien, il y
a eu un côté plutôt
aléatoire, on va dire. Et là, nous,
le projet de loi n° 10 vient
cartographier le Québec, vient faire un découpage. Comment vous voyez ça à
court, moyen, long terme?
M. Bergeron
(Rénald) : J'oserais dire
que le développement ne n'est pas
fait tout à fait de façon aléatoire, mais il a tenu compte à la fois
d'une cartographie physique des régions et il a tenu compte des liens qu'avait
chacune des universités dans ce réseau. Pour
être capables de bien prendre en compte la mission qu'on avait, il fallait
aussi, avec la période où on a
augmenté les admissions en médecine et augmenté les admissions dans plusieurs
programmes de santé, être capables d'avoir des bassins, je dirais, cliniques
suffisants pour être capables de faire la formation.
Donc, les
réseaux d'influence ont été faits de telle sorte qu'il y ait des exceptions au
découpage physique. Comme, on sait que, dans le RUIS Laval, que je
préside, Saguenay est associé, dans sa mission universitaire, avec le RUIS de Sherbrooke. Dans le RUIS de McGill, ils occupent
des positions territoriales qui sont dans le RUIS physique de Sherbrooke
mais par association dans leurs fonctions
universitaires. Les découpages se sont faits comme ça. Montréal a fait la même
chose, et l'université occupe certaines parties du RUIS de Laval et d'autres
parties pour des fonctions, et nous nous occupons...
nous travaillons, entre autres, avec Joliette dans un campus clinique pour des
capacités réelles de fonctionnement. Ça
n'a pas empêché l'efficacité clinique, d'une part, et ça a permis à ce que nos
capacités académiques ou nos obligations académiques puissent être
rendues.
La nouvelle...
ou le projet de loi peut amener à repenser ou à créer d'autres exceptions pour
assurer la fonctionnalité de chaque
université en lien avec ces lieux cliniques de prédilection qu'ils ont pour
assurer la formation. Et je pense que
ça n'a pas été aléatoire mais bien en fonction des liens naturels ou qui
s'étaient développés au fil du temps, qu'on a voulu respecter.
M.
Barrette : O.K., deux points, peut-être, qui sont liés... bien, pas
nécessairement liés, mais qui peuvent l'être. Nous, on veut évidemment garder les affiliations. Est-ce que vous avez
quelque chose à nous dire sur l'affiliation de vos centres hospitaliers à l'intérieur d'un CISSS?
Parce qu'un CISSS, ce n'est pas nécessairement un hôpital universitaire affilié, mais vous avez des affiliations, souvent,
qui sont ponctuelles pour certaines activités. Comment voyez-vous la
problématique, si vous en voyez une?
M.
Bergeron (Rénald) : Là,
«affiliation» et «désignation», on comprend, dans le projet de loi, qu'un bon
nombre d'établissements actuels avec désignation ministérielle
universitaire ou affiliation avec une université vont entrer dans un même établissement avec une dénomination CISSS.
Pour la fonctionnalité des RUIS, ces représentations-là de ces établissements, que la loi semble vouloir
appeler des installations, on devrait pouvoir les retrouver dans nos comités
RUIS encore fonctionnels pour assurer le
plein travail qu'on fait actuellement et l'optimiser dans le futur. C'est un
peu le sens de la
recommandation 2 et 3, c'est sur la composition des RUIS, s'assurer que
les établissements qui ont une vocation universitaire définie puissent faire partie de la table des RUIS. Parce
que juste les représentants P.D.G. d'un CISSS ne seront pas en mesure de
tout amener l'expertise avec eux pour être capables de faire le maillage
nécessaire entre les missions cliniques et académiques.
M. Barrette : Est-ce que... Oui,
allez-y.
M. Benaroya
(Samuel) : Vous posez une
question essentielle vis-à-vis la reconnaissance de ces installations, si on veut employer ce terme-là, qui ont une
vocation académique, et ça, ça soulève une tension qui est d'emblée mise de
l'avant par le projet de loi. Le projet de
loi parle de fusion complète d'établissements pour créer des CISSS, mais en
même temps on parle d'une
reconnaissance de l'installation qui a une vocation académique vis-à-vis son
centre de recherche, sa fondation,
son corps professoral qui a un lien universitaire et l'expertise qui se trouve
là, qui donne au volet ruissien et au
volet expertise, vis-à-vis le restant du réseau, une vocation qui est
différente que le CISSS au complet qui a une vocation clinique pour un
territoire concerné. L'objectif, je crois, serait d'arrimer les deux. Alors,
ça, c'est un défi pour vous, comment établir cette reconnaissance
d'établissements, ou installations, qui ont cette vocation-là dans une période
où il y aura une fusion complète de ces installations dans un regroupement qui
est plus grand.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, ceci met fin à la période d'échange avec la banquette
ministérielle. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Taillon pour
une période d'échange de 14 minutes.
• (10 h 40) •
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Dr Bergeron,
Mme Bayard, Dr Benaroya, Mme Lauzière et...
M. Lauzière, pardon, et Mme Montreuil, bonjour. Merci beaucoup de votre
présentation, de votre mémoire aussi. Je pense que les RUIS apportent
une espèce de renouvellement dans notre système de santé, parce qu'ils
déploient des nouvelles stratégies
d'intervention, des nouvelles façons de travailler en collaboration. Vous avez
fait référence... Je suis aussi professeure titulaire de clinique à
l'Université de Montréal, donc je sais très bien qu'il y a énormément de projets qui se font au niveau clinique, donc pour
la population, des projets qui touchent vraiment les patients, et des projets
également sur l'organisation des soins et
qui sont beaucoup coordonnés par les RUIS. Malheureusement, ce que je constate,
c'est que, très souvent, ces projets-là, qui sont des projets gagnants, dont
les résultats sont positifs, qui font l'objet de publications, de présentations dans des congrès mondiaux, on ne les
applique pas ensuite ici, au Québec, pour les Québécois. Ça reste
quelque chose qui n'est pas entendu pour être repris après et appliqué auprès
des patients du Québec.
Alors, je me
dis : Dans le projet de loi n° 10, est-ce que... Je vois que vous
avez répondu à plusieurs
fois à des mandats ministériels, mais est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'avoir une situation
où les RUIS pourraient faire des recommandations par eux-mêmes sur des
mesures qui amélioreraient la fluidité des services de santé au Québec? Parce
que vos recherches sont aussi très branchées sur le Québec. On n'importe pas
des modèles de l'extérieur, là, on fait des
choses avec notre modèle québécois sur l'interdisciplinarité ou sur une meilleure organisation des soins. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
M.
Bergeron (Rénald) : La loi,
la LSSSS, quand on a défini les RUIS, prévoit que les RUIS puissent donner des
avis, voire des propositions, voire des recommandations tant aux agences qu'aux établissements, qu'au ministère. Et la table
de coordination nationale, qui réunit les quatre RUIS, a un comité exécutif qui
réunit les présidents des RUIS avec ses vice-présidents, les P.D.G. des
agences, le sous-ministre de la DGSSMU, donc la direction générale des soins et
services santé, sociaux du ministère, avec
son directeur des affaires universitaires, et, plusieurs fois par année, nous
nous réunissons pour échanger sur les
enjeux du réseau et les possibilités d'intervention que nous avons. Et chaque
RUIS a la possibilité de déposer sa vision des développements ou des
enjeux qu'il y a dans son réseau. Et donc c'est par là...
Tout n'est
pas commandé par le ministère, mais il
y a des projets qui sont issus de
certaines régions, qui passent par la
table de coordination et qui reviennent par une demande au ministère.
Les exemples qu'on a donnés... Par
exemple, ce qu'on travaille actuellement sur la maladie
d'Alzheimer avec la formation des médecins en première ligne dans les réseaux des GMF est issu d'une concertation de l'ensemble
du réseau, et chacun des réseaux RUIS est en train d'étendre à la fois la formation, mais la capacité
d'intervention pour des détections précoces et des interventions en milieu...
chez le domicile du patient pour
assurer l'intervention la plus efficace possible, le plus tôt possible dans la
découverte de la maladie. Donc, c'est un exemple où on peut intervenir
en proposition et à soutenir des interventions.
Il n'y a
pas beaucoup de projets qu'on a réalisés, je pense,
qui se font à l'extérieur du Québec sans qu'ils ne se fassent au Québec. Tous
les projets que nous avons soutenus sont en mouvement. Je pense à la douleur
chronique, je pense à l'initiative qui a été créée, du
Réseau de collaboration sur les pratiques interprofessionnelles, qui déploie actuellement une formation à l'ensemble des intervenants dans les régions pour être
capable de rapprocher nos professionnels
santé et nos professionnels des services sociaux pour une meilleure
intervention, l'optimiser auprès des clientèles, c'est un autre exemple.
Donc, je ne crois pas que les RUIS sont
seulement en réponse à des demandes ministérielles, mais on est en interaction ensemble à produire, je dirais, à
définir, même, quelles sont les orientations qu'on pourrait le mieux travailler
ensemble. Et, dans l'histoire de notre
évolution des dernières années, chaque RUIS se voit, à son tour et selon ses intérêts,
ou ses capacités, ou ses expertises... se
voir doter d'une analyse d'une situation et de la proposer
à ses collègues par la suite.
Mme Lamarre : Et la façon dont vous
procédez actuellement vous donne satisfaction, et vous ne voyez pas d'intérêt, là, à peut-être préciser ça dans le
projet de loi n° 10? Est-ce qu'il y aurait une façon de préciser davantage
votre contribution? Je pose la question, là, vraiment en toute
objectivité, là, si, là, ça fonctionne.
M.
Bergeron (Rénald) : Nous
avons mis dans... Nous avons explicité, dans notre mémoire, qu'on pense que la
loi n° 10 devrait convenir que les RUIS
doivent continuer, que leur mandat puisse être élargi avec les points que j'ai
signalés tantôt, qui sont à la
page 8 du mémoire, je crois, et qu'on puisse travailler en synergie avec
le réseau. Et je pense que c'est en ce sens-là que le projet de loi
devrait faire davantage état de cette capacité de concertation et de
mobilisation des différents acteurs touchant les secteurs cliniques et
académiques au profit de la transformation de notre système et au profit de
meilleurs soins pour l'ensemble de la population.
Mme Lamarre : Merci. Dans votre
introduction, vous avez parlé de quelque chose qui me semble très, très pertinent et qui traduit peut-être, là, l'espèce
de décalage que je vois entre ce qui peut se faire et ce qu'on enseigne dans
nos universités. Et, peut-être, ce qu'on
retrouve un peu moins sur le terrain, c'est toute la culture d'évaluation, la
culture d'évaluation des professionnels de la santé, que ce soient les
pharmaciens, les infirmières, les médecins, savoir qu'on doit être capable de contribuer à fournir des
informations qui vont par la suite permettre une rétroaction et une évaluation
de nos compétences, de nos actions, bonnes
et moins bonnes, pour qu'on donne à la population du Québec le meilleur de ce qu'elle mérite, puisqu'elle nous donne déjà
beaucoup. En santé, elle mérite d'avoir le mieux, et, pour ça, je pense qu'il n'y a aucun individu qui peut se soustraire
à un processus d'évaluation. Est-ce que, dans le projet de loi n° 10, vous
voyez des éléments qui vont contribuer à ça?
M. Bergeron
(Rénald) : De mémoire, je ne
le vois pas précisément, mais c'est clair que, pour nous, tout cet aspect
d'évaluation des pratiques, les unités
d'évaluation des technologies et modes d'intervention en santé travaillent de
concert dans nos réseaux, ensemble, à
produire quelles sont les pratiques qui ont le plus de capacités à donner les
effets attendus avec le moins
d'effets, je dirais, néfastes. Et actuellement nos réseaux travaillent souvent
proche avec les résultats qu'amènent
les groupes comme INESSS, en particulier. Et nos CHU, en particulier dans les
quatre RUIS, travaillent à développer
ces pratiques d'évaluation là à l'intérieur des moyens qu'ils ont. J'oserais
penser qu'ils sont quand même minces, ces
moyens-là, actuellement, et qui fait qu'on n'arrive pas à donner autant qu'on
voudrait. Mais, cette préoccupation-là, tous les établissements dans nos réseaux RUIS réclament cette capacité
de mesurer ce qu'ils font pour être capables d'ajuster l'intervention de
manière plus efficace. Oui, Sam.
M. Benaroya
(Samuel) : Vous et M. le
ministre avez dit des choses semblables vis-à-vis un rôle accru du secteur
académique dans la réforme, ce qui est de donner de son expertise sur des
aspects de plus-value de la réforme qu'on pourrait
mesurer. Et je suis complètement d'accord avec vous deux qu'on pourrait
encadrer dans le projet de loi un élément qui dirait que les RUIS,
c'est-à-dire le réseau académique, les universités, les centres hospitaliers
avec désignation, devraient être... faire
partie prenante de... même de la direction des CISSS qui vont être créés
vis-à-vis les enjeux qualité de service, la mesurer, l'évaluation des
services, la mesurer, l'expertise vis-à-vis la formation de la recherche qui
pourrait être intégrée dans le fonctionnement de tous les CISSS au Québec — ça se
fait déjà, mais ça pourrait être renforcé — et de faire de ça un volet de responsabilité
accrue pour ce réseau-là, qui devait l'avoir, ça fait partie de leur mandat ici, au Québec, d'avoir une responsabilité
sociale au-delà de leurs propres murs. Et c'est ça, l'idée de l'intégration.
C'est que les partenaires s'ajustent
ensemble pour donner de leur propre expertise pour la plus-value de la
population, pas seulement dans la région du territoire, mais dans la
région élargie du Québec.
Alors, je
pense que vos suggestions vont vraiment dans le sens du mémoire, et même encore
peut-être plus précis que signalé
dans le mémoire. Et je pense que nous sommes d'accord avec cette façon de faire
pour l'avenir. Alors, merci pour l'avoir soulevé.
• (10 h 50) •
Mme
Lamarre : Parce que je crois que les milieux universitaires sont ceux
qui ont, en général, l'objectivité. Ils sont perçus comme des organismes qui ont moins de partis pris que
d'autres par rapport à l'innovation et, justement, la reconnaissance de
la valeur ajoutée de cette mesure. Je vous dirais que, par contre, ma
perception, c'est qu'il faut dépasser les
mesures, il faut changer les comportements aussi après. Et ça, c'est là, je
pense, qu'on arrive à des dimensions qui
ne sont pas nécessairement dans votre mandat mais qui, je pense, auraient dû
être faites depuis déjà très longtemps.
Je prends un
exemple. Pour les patients qui ont une insuffisance rénale, on sait que la
clairance de la créatinine, c'est une
mesure qui évalue le fonctionnement des reins. Eh bien, ça devrait être
disponible à beaucoup plus de professionnels, parce que cette mesure-là, elle permet de diminuer les doses de
médicament ou de changer de médicament pour un autre patient. On le sait, on a tout le potentiel pour
le faire, on a des médecins compétents pour le faire, des pharmaciens, des
infirmières, d'autres professionnels, peut-être, et on ne
rend pas ces données-là disponibles, et on ne permet pas aux professionnels de
réaliser la protection qu'ils peuvent faire auprès de leurs patients.
Alors,
c'est un peu dérangeant qu'en 2014 on soit encore juste dans des contextes où
on fait seulement des mesures ou des
projets pour dire : Ah! c'est sûr, ça démontre que ce serait mieux, mais
on ne le transporte pas après auprès des professionnels, et les patients n'en bénéficient pas. Alors, je ne sais
pas comment il faut le faire, mais, en tout cas, sachez que moi, je pense que les RUIS ont un rôle aussi
de démontrer vraiment et d'insister pour que certaines mesures, certains
éléments d'intervention soient faits
autrement et qu'ils donnent vraiment la protection de la population à laquelle
elle a droit. Alors, là-dessus, je pense que vous avez un mandat et une
crédibilité pour pouvoir faire évoluer ces choses-là.
Je vous dirais... Les
services sociaux. Tantôt, vous avez parlé de la maladie d'Alzheimer. Puis il
nous reste une minute, mais, dans les
projets que vous faites... Parce que, dans des maladies, en particulier dans la
santé mentale, les enjeux, ensuite,
c'est vraiment la thérapie. Oui, ça peut être intéressant, les médicaments,
mais il y a toutes les dimensions sociales
qui gravitent ensuite sur la pertinence de l'intervention et la qualité de vie
de la personne malade et des proches aidants.
Est-ce que vous avez des projets qui vont jusque-là? Est-ce que vous encouragez
également le développement de projets innovateurs dans l'organisation
des soins pour les services sociaux?
M. Lauzière (Marc) : Si vous me permettez, présentement, à partir de l'INESSS, il y a deux
guides de pratique qui sont mis à...
qui sont en train de se développer : un guide de pratique clinique sur le
repérage des maladies Alzheimer et les maladies apparentées et un guide
pour l'utilisation optimale des médicaments pour l'alzheimer. Ça fait qu'à la demande de la table de coordination nationale,
bien, je représente les quatre réseaux sur le comité de suivi, de
l'implantation et de la préparation
de ces... Alors, c'est un exemple, là, qui nous permet, les RUIS, de voir
comment ces guides-là vont être
implantés dans chacune de nos régions et avec chacune de nos particularités
régionales et de territoire. Alors, c'est peut-être un exemple qui
pourrait... Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à
l'échange avec les représentants de l'opposition officielle. Je cède maintenant la parole au représentant du deuxième
groupe d'opposition, le député de La Peltrie, pour une période de
9 min 20 s.
M.
Caire : Merci, M. le Président. Bonjour à vous cinq. Dr
Bergeron, tout à l'heure, vous avez dit : Quand on a établi les RUIS, il y a des affinités naturelles
qui sont venues remplacer un peu, si vous voulez, ou se... aller au-delà des
frontières administratives, des découpages administratifs. Vous avez donné
l'exemple de Sherbrooke et Saguenay—Lac-Saint-Jean,
vous-même avec Joliette, McGill. Et je vois, dans votre recommandation 2,
que vous semblez avoir des craintes
que ces affinités-là se perdent dans le nouveau redécoupage administratif des
CISSS puis je me demandais pourquoi. Parce
que, dans le fond, ce que je comprends, c'est que les liens naturels vont
rester des liens naturels au-delà des découpages
administratifs, puisque ces découpages administratifs là, actuels, n'ont pas
empêché ces liens-là de se faire. Donc, de quelle façon on peut
appliquer la... ou quelle est la pertinence, je dirais, de la
recommandation 2?
M. Bergeron (Rénald) : La recommandation 2 ne vise pas d'abord ces
craintes-là mais vise la représentation des milieux avec vocation académique au sein des RUIS pour qu'on puisse être en maillage fonctionnel,
rester en maillage fonctionnel. Parce qu'actuellement, si on se fie sur la
définition, les CISSS qui vont, par exemple, regrouper des établissements
à l'intérieur desquels un établissement est relié à une université, un autre à
une université, sur le plan administratif, ça peut être compliqué de gérer les
représentations. Et c'est pour ça qu'on soulignait l'importance de maintenir les relations avec — je vais appeler ça les installations, comme
elles sont nommées dans la loi — les installations à vocation universitaire et garder leurs liens avec
l'université d'attache dans laquelle ils travaillent actuellement. C'est ça
qu'on veut dire. On n'a pas voulu soulever
une crainte comme tant de porter attention, qu'il fallait maintenir ces
liens-là pour assurer la fonctionnalité qu'on connaît actuellement.
Il
y a certains territoires qui causent peut-être des problèmes plus spécifiques.
Je dirai qu'on ne les a pas analysés en tant que RUIS. On laisse aux
établissements et à leurs universités d'attache à définir la problématique plus
clairement.
M.
Caire :
Puis, à ce moment-là, comment on peut adapter ou modifier le projet de loi pour
s'assurer de maintenir ces liens-là?
M. Bergeron
(Rénald) : Nous avons...
M.
Caire :
Quelles recommandations vous nous feriez, là, dans les modifications du projet
de loi?
M. Bergeron (Rénald) : Le projet de loi ne s'est pas attaché à définir
quelle serait la composition des RUIS. Ce qu'on dit, c'est qu'il
faudrait qu'ils en parlent un peu plus ou qu'ils nous consultent pour définir
qui devrait être présent sur les nouveaux
comités directeurs des RUIS. Nous, on plaide pour que les établissements ou les
installations qui ont mission universitaire, par contrat d'affiliation
ou désignation, puissent demeurer. Évidemment, les directions des CISSS et les directions d'hôpitaux, que je
vais appeler à vocation suprarégionale hors CISSS, devraient effectivement
être présentes aussi à ces tables-là. C'est
un peu comme ça qu'on... Mais là il y a une analyse plus fine à faire
ensemble pour assurer qu'on n'échappe pas, là. Peut-être qu'Isabelle, tu peux
compléter.
Mme Bayard
(Isabelle) : En fait, une
partie de la préoccupation, c'était également que, dans les CISSS, l'héritage
des établissements qui vont composer ces CISSS là, ceux qui ont une vocation
académique, puissent continuer de l'exprimer aussi avec leadership à l'intérieur des CISSS. Donc, il y a
leur contribution au niveau des RUIS et dans les comités de direction de RUIS, mais, au sein même de leur nouvel
établissement, qu'ils puissent continuer de promouvoir et de développer leur mission académique, donc
éviter que ce soit noyé dans le reste. Parce qu'il y a quand même des
acquis importants, il y a un leadership, dans les établissements, qu'il faut
reconnaître et valoriser.
M.
Caire : Ce qui m'amène, de façon logique, à la
recommandation n° 3. Le CHU de Sherbrooke, hier, nous disait :
Bon, bien, ce serait intéressant qu'à
l'intérieur du CISSS, de notre CISSS, on ait des gens qui nous représentent, deux représentants au conseil d'administration. On
a aussi eu l'institut de cardiologie de Québec qui a dit : Bien, nous,
il faudrait qu'on ait un conseil
d'administration complètement autonome. C'est essentiel pour préserver notre
mission, notre efficacité. Vous
parlez, vous, d'avoir une représentation universitaire adéquate. Comment on
peut concilier ça? Parce que même le
niveau universitaire ne semble pas s'entendre sur ce qui serait adéquat comme
degré d'autonomie ou comme degré d'influence dans le cadre de la
présente réforme, bien évidemment, là.
M. Bergeron (Rénald) : Sans vouloir questionner le modèle de la réforme,
juste vous exposer... puis ce n'est pas aux RUIS... Ce n'est pas notre rôle premier de définir les
représentations des universités sur les conseils d'administration. Par
ailleurs, on peut, en tant qu'instance de concertation, comprendre que, dans
une région, par exemple, où il y a 10 établissements
à vocation universitaire, qui ont chacun, actuellement, deux représentants sur
les conseils d'administration... Si
le projet se maintenait de la même façon et qu'ils se regroupent sous un seul
CISSS, il n'y aurait qu'un seul représentant universitaire sur le conseil d'administration, c'est ce que les
universités semblent vouloir dire, ça fait un affaiblissement important de représentation. Et la capacité de
communiquer les enjeux de la recherche et de la formation professionnelle
à de multiples professionnels est affaiblie sérieusement.
Pour
la capacité de travail des RUIS, ce
n'est pas au niveau des conseils
d'administration que nous, on
travaille. On travaille avec les établissements à désignation... ou les installations à désignation universitaire. Notre apport, et c'est pour ça qu'on n'insiste pas, on appuie les
universités dans leurs demandes pour avoir une représentation adéquate afin que la communication entre... Parce qu'une grande
partie des milieux cliniques, actuellement, accueillent un grand nombre d'étudiants en formation de différentes
disciplines, ce qui plaide en faveur d'une représentation ajustée. Sam,
peut-être?
• (11 heures) •
M.
Caire :
Mais, parallèlement à ça, bien... Aviez-vous terminé? Je m'excuse.
M. Bergeron
(Rénald) : Je passerais peut-être... Sam aurait peut-être...
M.
Caire :
Oui, allez-y, allez-y.
M. Benaroya (Samuel) : On pourrait répondre à votre question,
M. Caire, d'une façon plus générale, c'est-à-dire : Étant
donné les enjeux qui ont été soulevés par Dr Barrette et Mme Lamarre
sur le rôle accru des RUIS ou le secteur académique,
une façon de le faire, c'est d'intégrer cette expertise dans les directions
et/ou les conseils d'administration des
établissements qu'on va créer, c'est-à-dire les CISSS. Alors, c'est la même
chose qui est dite par les universités, par les centres académiques, les centres désignés. Tous disent la même
chose : Pour pouvoir renforcer et promouvoir notre volet
académique, il faudrait cette expertise-là reconnue au sein d'un conseil
d'administration qui a une responsabilité pas seulement
clinique, mais aussi enseignement, recherche, évaluation de la technologie,
évaluation de la qualité, etc., au sein de la direction de
l'établissement qu'on va créer. Ça, c'est le point général.
Alors,
la façon de faire, ça pourrait être d'avoir sur les conseils d'administration
des personnes qui ont ces expertises-là, qui pourraient promouvoir cette
façon de faire au sein de chaque CISSS. Parce que, finalement, chaque CISSS au Québec a un volet académique. Alors,
c'est ça, le grand enjeu ici, et vous l'entendez de différents intervenants,
qui le posent d'une façon différente, mais l'objectif est le même pour tous.
M.
Caire : Bien, justement pour nous éclairer dans la réflexion...
Parce que, tout à l'heure, le ministre disait : Vous allez quand même, peut-être, même plus loin que ce
que la réforme nous propose en disant... Vous voulez intégrer tout le volet académique. Je pense que ce n'est pas une
mauvaise idée. Maintenant, est-ce que ça ne devrait pas se traduire par une certaine forme d'autorité, là? Parce que vous
avez parlé : Bon, bien, les RUIS sont des organismes de concertation,
de discussion, on travaille de cette
façon-là, mais effectivement, sur le volet corridors de services, il y a
peut-être eu des lacunes. Sur
l'intégration du volet académique, vous ne pensez pas qu'on pourrait passer à
une autre étape, à un autre niveau puis, justement, avoir un volet un
peu plus décisionnel?
M. Bergeron (Rénald) : Nous ne réclamons pas de prendre une partie du
pouvoir à la fois du ministre, ou des régions,
ou des établissements à se déterminer. Ce que nous, on souhaite, c'est
assurer le maillage des missions, et on n'a pas besoin d'avoir une délégation d'autorité pour le faire. D'ailleurs,
la création des RUIS n'a pas voulu donner l'autorité aux RUIS de décider
les choses.
Le
Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Alors, ceci, malheureusement... J'ai un rôle ingrat comme président,
je vous ai même accordé quelque temps supplémentaire. Alors, ceci met fin à la période d'échange. Merci d'avoir participé au débat. Merci aux représentants, représentantes
de la Table de coordination nationale des RUIS.
J'invite maintenant le prochain groupe à prendre
place et je suspends momentanément nos travaux. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 4)
(Reprise à 11 h 8)
Le Président (M.
Tanguay) : Alors, nous allons reprendre nos travaux. Nous accueillons maintenant
les représentantes, représentants de l'Ordre des orthophonistes et
audiologistes du Québec. Je vous invite donc à vous présenter, et par la suite vous aurez une période de 10 minutes
pour votre présentation, et s'ensuivra un échange avec les
parlementaires. Alors, la parole est à vous.
Ordre des orthophonistes et
audiologistes
du Québec (OOAQ)
Mme Caouette (Marie-Pierre) : Bonjour, M.
le Président, M. le ministre, membres de la commission. Mon nom est
Marie-Pierre Caouette, je suis présidente et directrice générale de l'ordre. Je
suis accompagnée de François Bergeron, qui est audiologiste et vice-président de l'ordre, et Mme Josée Larocque, qui est
directrice des services professionnels aussi à l'ordre.
Merci
de nous donner l'opportunité de présenter le point de vue de l'Ordre des
orthophonistes et audiologistes du Québec.
Après un rappel de la mission de l'organisation et des conséquences des troubles de la communication, nous allons proposer... en fait, présenter quatre préoccupations. Et, pour la
population, dans un esprit de partenariat avec l'État, nous proposerons des pistes de solution
relativement simples et peu coûteuses pour bonifier le projet de loi et éviter
des effets imprévisibles.
En
fait, la mission de l'Ordre des
orthophonistes et audiologistes du Québec,
c'est de protéger la population dans le
domaine d'exercice des 400 audiologistes et 2 200 orthophonistes
du Québec, soit l'audition, le langage, c'est-à-dire parler, comprendre, lire, écrire, la voix, la
parole, la communication et leurs troubles. L'ordre intervient aujourd'hui,
donc, dans l'angle de la protection
du public. Notre propos ne concerne pas tant le modèle de gouvernance et la
gestion de la structure organisationnelle, parce que ce n'est pas, en
fait, la compétence d'un ordre, mais nous allons plutôt mettre l'accent sur les impacts possibles des moyens mis
de l'avant dans le projet de loi pour l'accès et la qualité aux services
des personnes rendues vulnérables par un trouble
de la communication. Et, je le rappelle, ce sont des personnes qui, en raison de la nature même de leurs atteintes, ne
sont pas en mesure de venir exprimer eux-mêmes leurs préoccupations devant la
commission.
• (11 h 10) •
D'entrée
de jeu, l'Ordre des orthophonistes et
audiologistes partage les objectifs visés par le projet de loi. Compte tenu des pressions exercées sur les finances
publiques, l'ordre adhère aussi au fait qu'une mobilisation de l'ensemble
des intervenants doit se faire sans
plus attendre pour optimiser le réseau de la santé et des services sociaux, il
ne faut pas l'oublier.
Si
l'Ordre des orthophonistes et audiologistes croit que le leadership manifesté
par le dépôt du projet de loi
n° 10 peut être une opportunité, un momentum de
commencer les travaux, il faut cependant que cette activité, cette action soit planifiée et concertée pour devenir, en fait, un
levier de mobilisation et susciter l'adhésion aux changements de culture, en
fait, pour que la synergie nécessaire soit au rendez-vous sur le terrain pour
éviter les dérapages qu'on pourrait appréhender.
Parce que, si l'ordre partage l'intention, il n'est cependant
pas convaincu que les moyens choisis vont donner les effets escomptés pour répondre aux besoins réels des personnes qui
ont des problèmes de communication, notamment
l'amélioration de l'accès aux services en réadaptation, sans en sacrifier ni la
qualité ni la sécurité.
Les
personnes, rappelons-le, les plus susceptibles de présenter des problèmes
de communication, c'est-à-dire les moins de 14 ans et les plus de
65 ans, représentent une personne sur trois au Québec. Dans son mémoire
déposé à la commission, l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec
présente beaucoup de données qui sont très loin de ce qu'on peut retrouver dans les salles d'urgence et
dans les salles de chirurgie. En fait, c'est pour permettre aux décideurs
d'apprécier l'ampleur de ces problématiques
et de mieux mesurer les impacts des troubles de la communication. Donc, l'objectif de l'ordre, c'est d'éclairer les élus, dans une
perspective plus globale, dans les décisions qu'ils auront à prendre, spécifiquement dans le cadre du projet de
loi n° 10, mais aussi pour, encore une fois, assurer la cohérence dans
l'ensemble des mesures qui seront requises pour optimiser le service de
santé.
Si
les problématiques de communication sont méconnues et souvent invisibles, leurs
conséquences, elles, sont très
lourdes pour la population, pour la qualité de vie des gens et aussi en raison
des pressions énormes qu'elles exercent sur le système de la santé et sur l'ensemble des finances publiques.
Parmi ces conséquences, mentionnons l'échec de la scolarisation et de la diplomation,
l'intimidation, le décrochage scolaire, l'intégration et le maintien en emploi
compromis, des conséquences
psychosociales comme l'isolement, la dépression, l'appauvrissement, la
détérioration de la qualité de santé.
Les troubles de la communication causent aussi de l'épuisement chez les proches
et chez les soignants. Ils sont une entrave
au maintien à domicile sécuritaire, à la capacité de prendre ses médicaments
adéquatement ou de suivre un traitement tel que prescrit, à exprimer ses besoins et, ultimement, ses dernières
volontés à ses proches ou aux intervenants. Donc, on voit que les troubles de la communication nuisent
à la pleine participation sociale. Ils entraînent une perte de productivité,
ils contribuent à aggraver l'état de santé
et à augmenter les coûts en santé aussi, et donc, au final, ils ont des
répercussions significatives sur l'ensemble de la société.
Donc, les quatre
préoccupations que l'ordre aimerait apporter sont les suivantes :
D'abord,
en ce qui concerne la prise de décision, autant dans les conseils
d'administration que dans les conseils... les directions d'établissement
des nouveaux CISSS, qui seront les décideurs qui vont posséder la connaissance
de la complexité du continuum de soins en
réadaptation et en services sociaux, incluant l'expérience des usagers par
rapport à ce type de services?
On dit
souvent : On ne sait pas ce qu'on ne sait pas. Alors, l'ordre pense qu'il
y aurait lieu de prévoir la nomination de gardiens de cette expérience
au sein des instances décisionnelles.
Deuxièmement,
comment va-t-on garantir à la population la pérennité des services en
réadaptation dont ont besoin les personnes qui présentent, par exemple,
des déficiences langagières et auditives?
Ce sont des
problématiques complexes qui nécessitent des interventions en
interdisciplinarité, souvent par des équipes spécialisées,
surspécialisées. Et l'ordre est extrêmement préoccupé par le fait que le volet
de déficience langagière a disparu de
plusieurs régions dans l'annexe I de l'actuel projet de loi et ose espérer
qu'il peut prendre pour acquis que ce n'est qu'une coquille qui sera
rapidement corrigée.
L'ordre
souhaite que les budgets en réadaptation soient garantis, fermés et indexés
annuellement de façon à ce que les
surplus générés par les projets d'optimisation demeurent dans les programmes
concernés, en fait, pour continuer de
réduire les temps d'attente et
améliorer la qualité des soins, mais aussi pour motiver les équipes à
poursuivre leurs efforts. Autrement
dit, on veut éviter que des prises de
décision non intégrées, avec une vision plutôt à court terme, fassent en sorte que des surplus générés par l'optimisation
en réadaptation soient systématiquement pompés dans les salles d'urgence,
par exemple, quelque chose qui pourrait se passer.
Troisièmement,
le projet de loi n° 10 peut-il vraiment contribuer à simplifier la
trajectoire en respectant la logique de services en orthophonie et en
audiologie sur tout le continuum?
Donc, oui,
les orthophonistes et les audiologistes sont en réadaptation, mais on parle
aussi de toute la première ligne
qu'il faut renforcer, donc la prévention, l'intervention précoce en petite
enfance, le soutien aux familles, aux autres intervenants de l'équipe, maintien à domicile, etc. Les décisions
concernant la pertinence des services vont-elles s'effectuer en tenant
compte des données probantes et des meilleures pratiques connues pour préserver
l'efficacité de ce type d'interventions?
Dans le projet de loi actuel, par exemple, on voit qu'il y a des regroupements
d'établissements qui ont été faits, à
Montréal notamment, qui sont faits en fonction de la géographie. Et il y aurait
tout avantage à ce que le découpage soit réajusté de façon à tenir
compte davantage d'une logique de trajectoire de soins.
Finalement,
les nouvelles mégastructures mises de l'avant par le projet de loi. À
l'intérieur de ces mégastructures, qui
va être responsable du soutien aux professionnels et d'assurer le maintien de
la qualité des soins pour la population? En d'autres mots, qui prend
soin de celui qui prend soin?
L'ordre est
particulièrement soucieux que les professionnels présentement reliés au conseil
multidisciplinaire, les
interlocuteurs de l'ordre, continuent d'être soutenus par des leaders qui
connaissent la logique des soins. Qui va être imputable des
professionnels? Qui va les évaluer? Qui va évaluer la performance?
Donc, en
terminant, l'ordre réitère son souhait de poursuivre la réflexion et les
travaux avec l'État afin de mettre ses
compétences au service des élus pour une prise de décision éclairée et
cohérente pour la population. Merci de votre attention.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, s'ensuit maintenant une période d'échange avec les
parlementaires, et je cède la parole au ministre de la Santé et des Services
sociaux pour une période de 21 minutes.
M. Barrette : Merci, M. le
Président. Mme Caouette, M. Bergeron, Mme Larocque, bienvenue.
Je suis très content que vous ayez pris ce
temps-là pour venir nous faire part de vos impressions et de vos opinions sur
le projet de loi n° 10. Puis,
d'entrée de jeu, bien, écoutez, je vous remercie de vous avoir exprimé dans le
sens du projet de loi n° 10. Je
pense que vous avez bien compris la finalité de la chose et surtout le contexte
dans lequel ce projet de loi s'inscrit. Et cette lucidité-là me rafraîchit, je vous dirais, parce que, des fois, on
reçoit des commentaires qui sont plus intempestifs. Là, vous avez fait
un commentaire qui était très réfléchi, et je vous en remercie, il va dans le
sens du projet de loi.
Maintenant,
vous avez aussi soulevé des points, dans vos quatre points, qui...
permettez-moi, là, puis vous me corrigerez
si j'interprète mal vos propos, vous avez exprimé des inquiétudes parce
qu'évidemment, dans le projet de loi, il n'y a pas de règlement, il n'y a pas de démonstration de comment va se
faire la transition, et ainsi de suite. Et je comprends très bien vos inquiétudes, elles sont, de la façon
dont vous l'exprimez, tout à fait normales, et je les reçois très positivement.
Je vais reprendre des points pour que vous
puissiez avoir une réponse claire à votre questionnement, puis après peut-être
qu'on échangera sur le détail de votre profession.
Pour ce qui est de la prise de décision, quand
vous regardez le projet de loi, la prise de décision va se faire, évidemment, par une direction. Et, quand on met
dans le projet de loi les éléments qui visent à ce que des gens soient évalués
selon leurs compétences avant d'être nommés
dirigeants, qu'ils soient au conseil d'administration, ou P.D.G., ou P.D.G.
adjoints, ou directeurs — parce qu'il va y avoir des directeurs — bien, l'objectif, c'est de s'assurer que les
gens qui soient nommés soient compétents en gestion mais aussi — puis
je l'ai dit à plusieurs reprises et je le redis aujourd'hui avec
insistance — qu'ils
aient une connaissance du réseau.
• (11 h 20) •
Et, quand vous dites que vous espérez que les
gens qui vont décider savent de quoi ils parlent quand vient le temps de la réadaptation de l'audiologie,
l'orthophonie, et ainsi de suite, vous avez 100 % raison. On ne peut pas
mettre en place... Et c'est un peu la
raison pour laquelle il y a cette mécanique-là. Et on me reproche constamment
d'avoir un pouvoir, mais mon pouvoir,
il vise à faire en sorte — puis on l'écrira d'une autre manière dans le futur — que, quand les gens sont nommés à la direction d'un CISSS, peu importe le niveau,
du conseil, au P.D.G., au directeur, bien, il faut absolument
qu'on ait une compétence élargie. On ne peut pas... Puis je ne tolérerai pas,
moi, qu'une administration d'un CISSS soit — comme
vous l'avez dit avec justesse — compétente en bloc opératoire seulement.
Ça, ça s'appelle un département de chirurgie. Ce n'est pas ça, un CISSS, là.
Alors, il est
essentiel pour nous de faire en sorte
que les gens de votre secteur et, je dirais, des secteurs connexes, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas les
spectaculaires, là, la salle d'opération, l'hôpital, donc, tout ce qui est
réadaptation, tout ce qui est plus
vers le social... Parce que vous, évidemment, vous êtes dans un secteur
d'activité qui est clinique, mais, comme vous l'avez bien exprimé, il y a un volet
social qui est conséquentiel. Alors, on ne peut pas passer à côté de ça.
C'est la même chose pour la jeunesse, c'est
la même chose pour la déficience physique ou intellectuelle. Ces
administrations-là, dans la loi,
doivent, de façon garantie, et ça sera le cas, avoir des représentants qui ont
la connaissance appropriée du milieu.
Peut-être
que vous conviendrez, ou non, puis vous y reviendrez tantôt, que parfois il
peut y avoir des chevauchements de
connaissances entre certains secteurs. Je pense à la réadaptation. Est-ce que
la réadaptation intellectuelle et physique sont à ce point-là éloignées l'une de l'autre qu'on doit avoir deux
personnes? Ça, je suis ouvert au débat. Est-ce qu'une personne qui est dans votre secteur peut chevaucher
un autre plan, un autre secteur d'activité? C'est vous qui allez me dire
votre opinion là-dessus, mais il devra y avoir quelqu'un qui a une
connaissance, j'allais dire «minimale», mais évidemment
elle devrait être maximale, dans votre secteur d'activité. Si on ne fait pas
ça, là, le projet de loi ne donnera pas
de résultat. L'intégration qu'on vise, là, l'intégration qu'on vise, que tout
le monde admet, là... À date, là, les gens qui viennent, qui sont moins corporatistes, là, je dirais, bien, ils
voient bien, là, que l'intégration... Les gens, c'est difficile de dire que l'intégration n'est pas là
actuellement, parce que c'est un peu un aveu d'échec, mais moi, je le
dis : L'intégration n'est pas
idéale. Et je pense que vous y faites référence vous aussi, et vous avez une
inquiétude à l'effet que ça soit pire après qu'avant. Il faut que ça
soit le contraire. Alors, vous devez être là, dans une forme quelconque, au
niveau de l'administration, avec des gens compétents et qui sont compétents
aussi en gestion.
Quand vous
abordez la question des budgets garantis et indexés, là vous tombez dans un
autre registre, puis vous le savez, puis je comprends pourquoi vous le
faites, puis je suis bien d'accord, puis je le prends très positivement. Évidemment, c'est un engagement qu'on ne peut pas
faire, c'est la situation budgétaire du Québec. Mais, quand vous me demandez par contre de garantir que vos budgets
vont être maintenus, ça, je peux le faire. S'il y a une chose qui n'arrivera
pas, là, dans les orientations
ministérielles... ça va être le contraire. Une organisation ne pourra pas faire
communiquer des vases du petit budget à grande importance pour les
patients au gros budget plus spectaculaire pour les médias.
Alors, la
crainte de tout le monde qui est dans une activité de plus petit budget, comme
vous, c'est d'être avalé par
l'hôpital. La salle d'opération... Vous l'avez dit vous-même, puis vous avez
raison, et ça, c'est ma responsabilité de faire en sorte que les orientations soient claires, que les services que
vous donnez doivent continuer, doivent être protégés, doivent être intégrés. Le lien que vous devez
avoir avec la clinique... Parce que vous avez un lien quand même avec la
clinique, là, vous êtes dans un environnement
clinique, mais, à un moment donné, vous avez à travailler avec des médecins,
et tout ça, là, chirurgiens parfois, bien, il faut que ça soit développé. Et la
fluidité doit être là. Alors, je peux vous
rassurer sur ce point-là. C'est essentiel. Si on ne garantit pas vos budgets,
encore une fois, on n'a pas fait un travail adéquat. Maintenant, l'indexer, bien là, je souhaite de pouvoir dire ça.
Je vais aller voir mon collègue au Conseil du trésor, je vais lui
proposer ça dès ce matin, mais je ne peux pas vous donner cette garantie-là,
évidemment.
Par contre,
quand vous dites que, si on fait de l'optimisation et qu'on fait des économies,
certainement que ça doit rester chez
vous, moi, je l'ai vécu dans ma carrière... J'ai été chef d'un département
pendant 10 ans, là, puis j'ai fait des économies pendant 10 ans, puis, à chaque année, là, ça s'en allait
dans le déficit de l'hôpital. J'ai arrêté parce que c'est démotivant. On fait des économies, on ne peut pas
les réinvestir dans notre secteur. Qu'est-ce que ça donne de faire des
économies, là? Alors, vous avez raison sur ce point-là, puis j'abonde dans
votre sens.
Vous avez
parlé de la pérennité, de l'interdisciplinariat et le fait que, dans
l'annexe I, vous avez espéré que c'est une coquille. Votre souhait est exaucé, c'est une coquille. Alors, les
annexes... Bon, évidemment, de temps en temps, il y a toujours des coquilles dans des documents. Mais il
n'est pas question, au Québec, de centraliser, par exemple, à Québec, là,
l'audiologie, orthophonie de tout ce qui est au nord de Trois-Rivières, là. On
ne fera pas ça, là. Alors, ce sont des soins ou des investigations de
proximité, et ces éléments-là doivent être conservés.
Le quatrième
élément, qui est le plus sensible pour moi, parce que c'est le plus difficile,
qui est le découpage, et la logique de trajectoire de soins, et
l'évaluation... le soutien aux professionnels. Moi, quand vous me parlez de
soutien aux professionnels, évidemment, je fais le pas tout de suite vers la
qualité. La qualité, au Québec, on ne l'évalue pas suffisamment. Vos prédécesseurs, il y a quelques minutes, je ne
sais pas si vous étiez dans la salle quand le RUIS parlait, ils ont dit
du bout de la langue — je
les connais tous personnellement — ils ont dit du bout de la langue ce
qu'ils ne pouvaient pas dire de façon très
ouverte : La qualité, il ne s'en fait pas assez puis il ne s'en mesure pas
suffisamment. Alors, moi, je suis de ça.
Et je pense qu'aujourd'hui la qualité... le
contrôle de qualité ne se fait pas à la hauteur que ça devrait se faire parce que les autorités qui sont en place ne
l'imposent pas. Et, une direction de Suisse... — de Suisse! — de CIUSSS ou de CISSS, ça sera des orientations ministérielles,
tout simplement. Le contrôle de qualité devra se faire. Moi, je peux vous
nommer un département, là, que je connais
très bien, là, où il n'y a pas eu d'évaluation de la qualité de l'acte depuis
six ans. Ce n'est pas normal, ce
n'est pas normal. Et je suis sûr que vous pourriez me nommer des hôpitaux où on
ne prend pas le temps, dans votre propre
secteur, de le faire parce qu'il n'y a pas de ressources, pas de temps, pas de
ci, pas de ça. À un moment donné, il faut s'y adresser, je suis
d'accord.
Maintenant,
aujourd'hui, quand on regarde — et ça, c'est là-dessus que je voudrais vous
entendre, puis je vais vous donner la
parole, là — quand on
regarde aujourd'hui en termes d'intégration et de fluidité, là, vu de votre
angle à vous, pour cette clientèle-là qui est particulière, qu'est-ce
qui manque?
Mme
Caouette (Marie-Pierre) :
D'abord, M. le Président, je suis persuadée qu'il y a beaucoup de citoyens qui
vont être rassurés, d'une certaine façon,
par les propos du ministre, et l'ordre accueille favorablement l'ouverture que
le ministre démontre, depuis le début de la commission, à bonifier l'actuel
projet de loi.
En ce qui concerne la fluidité des
services — peut-être
que je passerais la parole à Mme Larocque — pour améliorer, en fait... C'est certain qu'on peut
beaucoup renforcer la première ligne et optimiser au niveau de la réadaptation.
Il y a des façons de le faire. Peut-être, Josée, si tu veux...
M. Barrette : Si vous me
le permettez, madame, avant que vous preniez la parole, je veux juste un peu
clarifier ma pensée, là. Vous avez
parlé du découpage. Évidemment, vous êtes dans un secteur d'activité... On ne
peut pas mettre nécessairement de
laboratoire d'audiologie dans chacun des CISSS. Alors, il doit y avoir, à un
moment donné, des corridors de
services, c'est comme ça qu'on le voit. Et vous ne pouvez pas être limités, là,
à un seul CISSS à cause du volume, là, que
vous comprenez aussi bien que moi, là, parce qu'évidemment vous êtes là-dedans.
Je m'excuse de vous avoir interrompue, madame.
Mme Larocque (Josée) : Ça va. En fait, on veut s'assurer que les lignes
de services soient fluides et qu'il n'y ait pas de bris de service entre la première ligne, par exemple, et la
réadaptation, ce qu'on peut vivre présentement dans certains secteurs,
là, du Québec.
Mme Caouette (Marie-Pierre) : Donc, souvent, en raison des listes d'attente, on
va avoir des gens qui vont être identifiés...
par exemple des enfants, qui vont être identifiés très tôt. La mission se
termine après une évaluation. L'enfant est
orienté vers le bon soin mais est sur une liste d'attente pendant deux ans, il
ne peut pas entrer au centre de réadaptation, se retrouve à l'école... Il est évalué depuis peut-être l'âge de trois
ans, mais il n'a jamais reçu de services pour le préparer à l'entrée à
l'école. Peut-être, François, tu me faisais un signe par rapport à
l'audiologie?
M. Bergeron (François) : Oui, c'est ça, donner une couleur audiologique
pour répondre à votre question. En termes de bris ou de manque de fluidité, au Québec, la première ligne en audiologie,
elle est à peu près inexistante, alors il y a un trou béant audiologique
dans la première ligne. Alors, on peut comprendre que la fluidité, elle est
manquante dès le départ. On a un peu plus de
services en deuxième, en troisième, mais, en première, on n'en a pas. Donc,
c'est sûr que, si on me posait la
question : Qu'est-ce qu'on pourrait bonifier?, on pourrait bonifier la
première ligne de façon à assurer une certaine fluidité.
Mme Caouette (Marie-Pierre) : Clarifier un peu plus ce qui appartient à la
première ligne, la deuxième ligne, la
troisième ligne et, en tenant compte des disparités régionales, s'assurer qu'il
y a une équité partout en province et que c'est... Il y a des endroits où une chatte n'y retrouverait pas son
petit, là. Par où on entre dans les services en orthophonie, en audiologie? Comment on fait, une fois qu'on est
identifié, pour recevoir les services auxquels on a besoin à tous les
moments où on en a besoin, donc... puis la bonne personne au bon moment, là,
toute l'approche...
M.
Barrette : Quand vous parlez de l'accès en première ligne, là,
pouvez-vous me donner un exemple pratique d'un enfant, là, qui n'a pas accès? Comment ça se passe sur le terrain?
Parce que ce que je comprends de vous, c'est que vous, là, quand vous faites votre intervention, vous l'avez, votre
corridor, mais il y a une liste d'attente à l'autre bout, mais, avant
d'arriver à vous, il y a un problème.
Mme Caouette
(Marie-Pierre) : Oui. Et je pense qu'on a commencé des travaux avec le
ministère de la Santé et des Services sociaux justement pour clarifier un peu
ce qui relève de la première ligne. Les orthophonistes, les audiologistes ne sont pas présents, présentement,
dans les GMF, les audiologistes sont absents des CLSC, les orthophonistes ne sont pas dans toutes les
régions. Donc, vraiment, c'est ce qui fait que c'est très difficile, là,
d'avoir accès à des services.
• (11 h 30) •
M. Bergeron (François) : Je peux vous le recadrer avec mon exemple de la
première ligne. Bon, on sait qu'au Québec
on est en train de mettre en place un programme de dépistage néonatal pour les
enfants. Là, on parle vraiment de première ligne, c'est en train de se
passer.
Là,
O.K. pour les enfants, mais parlons des personnes âgées. On a entendu tantôt
les gens du RUIS nous parler du vieillissement. Tout le monde en parle, c'est
vrai, mais c'est une réalité, le vieillissement de la population.
Je pense que je ne vous apprendrai
rien en vous disant que les gens deviennent de plus en plus sourds à
mesure qu'ils vieillissent, et ces
gens-là, pour accéder aux services, il
faut qu'ils parlent direct à la
deuxième ligne, donc au processus d'évaluation,
dans des centres hospitaliers, pour ensuite
arriver à la réadaptation, quand ils
finissent par y arriver. Mais, si on avait en première ligne tout un protocole ou une façon de prendre en charge les
personnes âgées pour, d'emblée, leur permettre d'avoir moins d'isolement, d'avoir plus de contacts avec leur entourage,
mais déjà on permettrait d'une part de désengorger la deuxième et la troisième ligne et de leur
donner un service de proximité beaucoup plus efficace et beaucoup plus rapide.
Mme Caouette (Marie-Pierre) : En fait, dans le temps imparti, les démarches
qu'on a faites nous permettaient juste
de comprendre à quel point c'est une responsabilité partagée par plusieurs
instances de renforcer la première ligne, de trouver ces définitions-là.
C'est dans cette optique-là qu'on proposait notre aide pour poursuivre les
travaux en partenariat, en synergie avec les autres instances. Mais c'est assez
complexe de simplifier tout ça.
M.
Barrette : Je ne peux pas m'empêcher de vous poser la question :
Ce que l'on fait actuellement en ce qui a trait au dépistage néonatal, est-ce que, de votre point de vue, c'est
satisfaisant? Je veux dire à terme, là. À terme, pas maintenant.
Mme Caouette (Marie-Pierre) : Je vais me tourner vers mon collègue
M. Bergeron, qui a participé aux travaux d'implantation.
M.
Bergeron (François) : Vous l'avez
dit vous-même, tout est dans le processus d'évaluation de l'efficacité. Le
programme de dépistage néonatal tel qu'il
est mis en place, en ce moment il est sur papier, il est en processus d'essai
dans certains centres. On verra,
quand il sera implanté partout, s'il rencontre les objectifs du programme. En
théorie, sur papier, il devrait,
parce qu'il a été construit sur la base d'autres programmes dont l'efficacité
avait été démontrée. Alors, si ça marche
ailleurs, ça devrait marcher ici. Est-ce que c'est ce qui va se passer en bout
de course? On le verra quand on sera au bout de l'implantation du
programme, mais, en théorie, oui.
Mme
Caouette (Marie-Pierre) : Et
comment on va faire pour y arriver? Dans plusieurs régions, il y a environ
deux audiologistes par 100 000 habitants.
On sait que les audiologistes sont à 90 % des femmes dont une sur deux a
moins de 35 ans. Il suffit qu'il
y ait un congé de maternité dans une région puis la fluidité des services vient
d'en prendre un sapré coup, là.
M. Barrette : Ça fait longtemps que
je n'ai pas vérifié, mais est-ce que vos programmes de formation sont complets?
Ils sont...
M. Bergeron (François) : Complets dans
quel sens?
M. Barrette : Bien, les postes
offerts aux étudiants sont remplis.
Mme
Caouette (Marie-Pierre) : En
fait, en audiologie, il y a une école au Québec, c'est l'Université de Montréal, et les
finissants, présentement, ne se trouvent pas d'emploi et vont vers la pratique
privée.
M.
Barrette : Ah! intéressant.
Une autre question qui... Puis là je fais du pouce sur ce que j'ai
dit tout à l'heure. Donc, évidemment,
on ne peut pas mettre un laboratoire dans tous les CLSC, par exemple, là, ou dans toute... Est-ce
que vous... Puis là je ne veux pas du
tout, du tout vous révéler des intentions, là, je veux juste avoir votre
opinion. En termes d'organisation de soins, est-ce que vous verriez
des façons de faire différentes par rapport à ce qu'on a aujourd'hui, en
termes de répartition géographique? Parce
que, comme je l'ai dit tantôt, c'est sûr que vous autres, vous ne pouvez pas
être attachés à un seul CISSS, vous n'êtes
pas 1 000, là, dans la province, là, et là, à un moment donné, il doit y
avoir une répartition géographique.
Est-ce que la répartition, telle qu'on la vit actuellement, du moins pour ce
qui est sous l'influence gouvernementale,
là, pas le privé, le public, est adéquate, devrait être améliorée, devrait être
changée? Comment voyez-vous ça?
Mme
Caouette (Marie-Pierre) :
Bien, en fait — peut-être,
Josée, tu pourras compléter — c'est certain que, quand on parle de nombre de professionnels par
100 000 habitants, avec une personne sur trois, au Québec, qui est à
risque d'avoir des troubles de la communication, c'est nettement
insuffisant pour répondre aux besoins. Ça, c'est certainement la première
chose.
Je ne sais pas, peut-être que je ne réponds pas
complètement à votre question.
M.
Barrette : Non, non, je comprends votre point. Moi, en fait, là, où je
voulais aller... bien, en fait, je voulais avoir votre opinion, parce que je ne veux pas aller nécessairement à un
endroit spécifique, là. Est-ce que vous verriez, par exemple, que, dans
une région, on désigne des pôles, c'est là que ça se passe, et on quadrille le
Québec?
Mme
Caouette (Marie-Pierre) :
Oui, je pense que ça, c'est dans le sens de la demande qui nous a été faite par
le ministère de la Santé et des Services
sociaux, de présenter un peu le travail des orthophonistes et des audiologistes
en première ligne. On est en train de travailler là-dessus. C'est assez
complexe, et je n'oserais pas m'avancer ce matin, M. le Président, dans des modèles de service, là, au risque de me mettre
le pied dans la bouche. Mais c'est certainement des travaux que l'on pourrait poursuivre avec le ministère pour arriver
avec des pistes de solution beaucoup plus concrètes.
M.
Barrette : Si je vais dans l'autre sens de l'équation, c'est-à-dire
après que vous ayez fait des évaluations, je suis un peu surpris, ça m'étonne, là, je vais vous avouer, là, je
m'attendais à ce que vous soyez plus détaillés. Pas parce que vous n'êtes pas détaillés, là, ce n'est pas ça
que je veux dire, là. Je pensais que vous aviez... Je m'attendais à ce que
vous donniez plus d'exemples que la liste
d'attente, un coup qu'on est passés chez
vous. Là, ce que je comprends, c'est que
la capacité n'est pas idéale pour pendre en charge à la suite... Je comprends, c'est la liste
d'attente. Mais, à part ça, vous ne
voyez pas d'autres problèmes d'accès à des appareils, d'accès à des techniques,
d'accès à des chirurgiens, d'accès à
ceci, cela. J'interprète votre propos comme si, si on réglait la liste
d'attente — dans
votre vision de la chose — on a la capacité pour prendre en charge et traiter ces
gens-là.
Mme
Caouette (Marie-Pierre) :
Non, pas du tout. En fait, M. le Président, c'est que, dans le temps imparti,
là, on a sorti les éléments qu'on
pouvait, mais c'est beaucoup plus complexe que ça, là. Et c'est vraiment dans
ce sens-là qu'on voulait offrir notre aide pour poursuivre les travaux,
parce que c'est beaucoup plus complexe.
M. Bergeron (François) : Je peux
peut-être rajouter un peu?
Mme Caouette (Marie-Pierre) : Oui.
M.
Bergeron (François) : Bon,
effectivement, on peut répondre à votre question sous plusieurs angles,
là : l'angle des ressources
professionnelles, l'angle des ressources technologiques. Supposons que je
prends juste l'angle des ressources technologiques, vous savez comme moi
qu'il y a un programme de la Régie de l'assurance maladie pour les aides auditives, les prothèses auditives, et c'est un
programme qui a été bâti, à l'origine, sur des bases de déficit auditif, donc
vous avez accès si vous avez tel genre de
déficit, alors qu'on a travaillé, depuis des années, à essayer d'amener la
régie à comprendre que l'approche
devrait être plus axée sur des besoins que sur un déficit. Alors, ce n'est pas
parce que j'ai un déficit de
30 décibels que j'ai besoin d'une aide technologique, ce n'est pas parce
que j'ai un déficit de 30 décibels que je n'en ai pas besoin. Donc,
l'approche besoin est très différente de l'approche critériée telle qu'on l'a
en ce moment.
Alors, si
votre question, c'est : Est-ce que, par exemple, pour les prothèses
auditives, on répond à la demande des besoins
au Québec? Ma réponse est claire, c'est non, parce qu'on a une décision qui est
basée sur des critères, on n'a pas un choix
qui est basé sur des besoins. Si on avait une approche besoin, on verrait que
la demande serait assez différente en termes
de besoin, en termes de nécessité technologique. J'ai pris l'exemple des
prothèses auditives, je pourrais le multiplier dans d'autres aides
technologiques, et ça serait la même chose continuellement, là.
M. Barrette : O.K. Et, sur le plan
des procédures plus complexes, les implants, tout ça, ça, ça va, ou...
Mme Caouette (Marie-Pierre) : Vous
parlez à un spécialiste des implants.
M. Barrette : Vous voyez comment
j'aborde des sujets intéressants pour vous.
M. Bergeron (François) : Vous tombez
dans mon jardin, effectivement. Comme vous le savez très bien, le programme implants, c'est un programme qui a
grandi beaucoup avec les années, que l'indication pour l'implant cochléaire
en particulier... mais je pourrais rentrer
les implants de l'oreille si j'étais encore plus exact, que les indications
s'élargissent de plus en plus, et que la
démonstration d'efficacité de ces technologies-là est de plus en plus démontrée,
et que, donc, les besoins iraient en augmentant.
Si vous me disiez demain matin qu'on était à
budget illimité pour les implants de l'oreille au Québec, je vous trouverais beaucoup, beaucoup, beaucoup de clients
facilement. Mais on est à budget limité et puis on fait avec le budget limité qu'on a et en essayant de choisir les
meilleures personnes qui vont nous donner la meilleure efficacité en bout de
course. Mais il reste que, si on avait un
budget illimité, je pourrais vous trouver beaucoup, beaucoup d'autres clients,
facilement.
M. Barrette : Vous savez que je vais
vous décevoir, hein, le budget ne sera pas illimité.
M. Bergeron (François) : Oui, je
sais, mais, si vous m'amenez dans cette direction-là...
M.
Barrette : Mais, non, je comprends, là, on fait une blague. Mais je
comprends quand même... je comprends quand
même les points d'achoppement que vous soulevez. Donc, si je résume, vous, le
projet de loi n° 10, dans la mesure où on s'occupe bien de vous,
c'est un avantage pour la clientèle, là.
Mme Caouette (Marie-Pierre) : En
fait, on s'occupe des besoins de la population.
M.
Barrette : Bien, de vous, je veux dire... évidemment, je parlais de la
clientèle, évidemment. Mais, en termes d'intégration, il y a une
plus-value à faire cette affaire-là, là, dans la mesure où on résout quelques
problèmes en aval et en amont.
Mme
Caouette (Marie-Pierre) : En
fait, on partage les intentions, mais, les moyens, dans la version actuelle,
on n'est pas certains que ça va vraiment contribuer à renforcer la première
ligne...
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup...
Mme Caouette (Marie-Pierre) : ...puis
à optimiser la réadaptation.
M. Barrette : Très bien. Merci,
madame.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. On passe maintenant du côté
de l'opposition officielle, et je cède la parole à la collègue députée
de Taillon pour une période de 12 min 30 s.
• (11 h 40) •
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour,
Marie-Pierre Caouette — Marie-Pierre que je connais très bien comme ancienne présidente
d'ordre — M.
Bergeron, bienvenue, et Mme Larocque. Je trouve que votre présentation est très appliquée. En fait, on sent
qu'il y a des moyens concrets qui sont possibles pour répondre aux besoins
de la population.
Je vous dirais que, depuis que je suis députée,
j'ai eu plusieurs organismes qui sont venus me rencontrer pour témoigner, entre autres, de l'urgence d'intervenir
chez les tout-petits en audiologie et orthophonie, parce que c'est du temps
qui ne se récupérera jamais. Et, quand on
laisse s'implanter un décalage, quand on a un jeune de deux ans, trois ans qui
a un problème en orthophonie et qu'on
lui propose une liste d'attente qui l'amène, comme vous l'avez illustré, à
l'âge de six
ans, les dommages sont déjà faits. Il a été, dans certains cas, marginalisé, stigmatisé, il a de la difficulté
à l'école, il se considère toujours
en situation de rattrapage. Donc, cette priorité-là est
majeure. Puis, à l'autre bout, on a évidemment,
aussi, toutes les personnes âgées pour qui
les problèmes d'audition conduisent à de l'isolement,
conduisent très souvent à une perte d'autonomie et, dans le fond,
viennent un petit peu interférer avec leurs capacités parfois même de rester à domicile seuls. Donc, il y a vraiment,
dans votre mission, des enjeux qui ont une valeur ajoutée importante
et immédiate.
Mais ce qu'on me dit,
c'est que, déjà aujourd'hui, il y a des listes d'attente de deux ans et trois
ans pour nos tout-petits. Et moi, je
n'entends pas et j'ai peur un peu que le projet de loi n° 10...
Parce que, depuis qu'on est dans ce projet de loi là, on n'a aucune amélioration apportée concrètement dans notre système
actuel. Et ces jeunes-là, ils n'auront pas deux ans deux fois. Ils ont
deux ans cette année, puis, dans trois ans, quand on va retomber sur nos
pattes, ou quatre ans, ou cinq ans, il va
être trop tard pour eux. Alors, moi, ce que je vous dis, c'est qu'il faut qu'on
trouve et qu'on continue à faire avancer
des dossiers parallèlement au projet
de loi n° 10 pour faire des
changements immédiats. Donc, ça, je pense que c'est déterminant.
Moi,
ce que j'entends de votre proposition... Il y a quelque
chose de très, très
clair. Vous nous dites : À l'article 8 du projet de loi n° 10, si on avait une garantie, dans la composition
du conseil d'administration, qu'on a un représentant réadaptation et
services sociaux, on aurait une meilleure chance que cette dimension-là soit toujours,
toujours ramenée dans les décisions et qu'elle
trouve sa juste part.
La composition
actuelle qui est proposée dans le projet de loi n° 10 va beaucoup en
fonction de nature de professionnels. Moi,
je pense qu'on pourrait très bien définir ça plutôt en nature de besoins
populationnels, et le besoin de la réadaptation et des services sociaux,
il est majeur, il est urgent et il a un impact économique aussi. Quand on ne
s'occupe pas bien tôt de ces jeunes-là, c'est toute leur vie ensuite qu'on fait
du rattrapage, on augmente les risques de décrochage
scolaire, de délinquance. Alors, c'est toute la société qui paie, toute sa vie,
pour quelque chose qui aurait pu être
corrigé, bien accompagnés, autant pour les enfants que pour les parents, dans
ce cas-là, qui sont souvent désespérés de ne pas avoir accès aux
services.
Donc, moi, je vois
que, si, dans le paragraphe de préambule de l'article 8, on précisait
qu'il faut qu'il y ait au moins un membre du conseil d'administration des
CISSS qui soit quelqu'un qui a la sensibilité et la priorité réadaptation et
services sociaux, on aurait une meilleure assurance. Est-ce que vous êtes
d'accord avec ça?
Mme Caouette (Marie-Pierre) : Comme on le dit, l'ordre n'est pas un spécialiste
de la gouvernance. Donc, c'est pour
ça qu'on a présenté des pistes de solution. On laisse, en fait, au législateur
le soin de trouver le moyen optimal, mais, pour nous, ce qui est important, c'est que le résultat soit au
rendez-vous, et, en ce sens, M. le Président, ce que Mme Lamarre apporte
fait beaucoup de sens, là, effectivement.
Mme
Lamarre : Parce qu'actuellement est-ce que vous retrouvez cette
garantie-là, là, dans l'article 8 qui précise la composition des
conseils d'administration des CISSS et des établissements suprarégionaux?
Mme Caouette (Marie-Pierre) : Non. Je pense que ce qui est important, c'est de
préserver... Dans le système de la
santé, il y a trois grandes communautés de professionnels, en fait les
médecins, dentistes, pharmaciens, tous les soins infirmiers, et l'ensemble des autres professions, qui sont souvent
rattachées à la réadaptation et aux services sociaux, et je pense que c'est important, comme on disait, de
s'assurer qu'il y ait des gardiens de cette connaissance-là. Oui, ça prend
des gens qui ont des compétences en gestion
et en gouvernance, mais cette connaissance-là, très pointue, est importante
aussi.
François, tu voulais...
M. Bergeron (François) : Je voulais rajouter quelque chose de très concret. Dans la structure
actuelle... Bon, moi, je suis professeur au programme d'orthophonie à
l'Université Laval, ici. Donc, on fait de l'enseignement, mais on fait aussi beaucoup de recherche, et, dans la structure
actuelle, lorsqu'on a des résultats de recherche intéressants qui peuvent
amener des changements cliniques qui peuvent
être bénéfiques pour la population, j'ai accès à la direction générale du
centre de réadaptation auquel je suis
affilié. Je suis capable de m‘asseoir avec le directeur général, de lui
expliquer les résultats de la
recherche, et, en général, ce directeur-là comprend très bien ce dont je parle
et peut réinvestir ces résultats-là en termes de services clientèle.
Ce
que Marie-Pierre exprime comme inquiétude, puis c'est aussi ce qu'on exprime
comme inquiétude, c'est : Dans la
nouvelle structure va-t-on toujours être capables de faire ça? Est-ce qu'on va
pouvoir avoir un réseau d'influence qui, au bout du compte, va ramener le service clinique qui est issu de
recherche, dans mon cas, mais qui peut être issu de bien d'autres choses, pouvoir le ramener auprès des
clients pour pouvoir changer la façon dont on donne les services? C'est
un point d'interrogation, puis je pense que c'est ce que Marie-Pierre exprime.
Mme Lamarre :
Votre exemple est très éloquent, puis je pense qu'il faut absolument penser à
préserver ces façons de collaborer.
Vous
avez aussi parlé de la première ligne, et ça, je pense qu'en orthophonie,
audiologie, on a maintenant besoin de
regarder les choses différemment. Et la première ligne, elle devrait être plus
capable d'agir beaucoup plus efficacement, beaucoup plus rapidement.
Cette culture du délai, du report...
Vous avez aussi parlé de la trajectoire de
soins. Moi, je travaillais plus avec les personnes âgées, mais les
allers-retours multiples avant de réussir à avoir leurs fameux appareils
auditifs, c'est compliqué pour les gens, c'est
long. Et je
pense que c'est ça qui est la priorité pour eux, comment on peut faire, on a
des gens compétents au Québec, comment on peut faire.
J'ai
entendu plusieurs questions sur les plateaux techniques, sur les implants, mais
je pense que ce qui manque aussi,
c'est l'accès à des professionnels. Et, vous l'avez évoqué, là, dans le réseau,
il n'y a pas beaucoup d'accès à ces professionnels,
et ça amène des délais ou bien les gens doivent payer, et là ça ramène à tout
ce que le Protecteur du citoyen nous a dit hier et ses préoccupations,
il y a l'accessibilité, l'équité et l'efficience. Je pense que ce sont nos trois priorités. Et actuellement il y a
des écarts dans ça, mais je ne suis pas sûre que le projet de loi n° 10,
en tout cas, me donne la réassurance. Est-ce
que, vous, ça vous la donne, cette réassurance qu'on va avoir vraiment une
meilleure équité, une accessibilité facilitée?
Mme Caouette (Marie-Pierre) : Non. Bien, particulièrement en ce qui concerne la
prise de décision, c'est là où on avait beaucoup d'inquiétude. Quand on
voit aussi... Si on regarde, là, dans toute la couronne de Montréal, Laval, Lanaudière, Laurentides, Montérégie,
Centre-du-Québec, où les ratios de professionnels sont très, très faibles,
beaucoup de centres ont peur de
refoulement vers Montréal, de débordement vers Montréal. Entre la première, la
deuxième ligne, souvent il y a des
gens qui se retrouvent en réadaptation, besoin d'une réévaluation, woups! il
faut qu'ils retournent en audiologie,
au centre hospitalier. Ça se promène d'un volet à l'autre. Alors, il y a tout
cet aspect-là de travaux de clarification des trajectoires.
Et
ce qui est préoccupant avec un réseau de prise de décision centralisé, c'est de
dire... Est-ce que le danger serait de
dire, à un moment donné, comme on a vu dans le plan d'accès : Bon, bien,
on va répondre rapidement aux enfants, alors
on prend les ressources en adulte, on les amène en enfant? Ils ne sont pas spécialisés
pour ça. On déplace des ressources surspécialisées
en réadaptation qui sont là aussi pour contribuer à la recherche, à
l'enseignement, à la formation continue, woups! on va les déplacer vers la première ligne pour donner un coup de
main. Ça, ce serait le genre de décision intempestive, là, qui pourrait
avoir des répercussions vraiment néfastes.
Mme
Lamarre : Parce qu'on se rend bien compte, c'est ça, que les
compétences ne sont pas toujours substituables, et il y a des expertises qui se développent. Et malheureusement on le
voit beaucoup, là, dans les coupures actuelles, il y a un petit peu une
pensée magique qu'on peut déménager, par exemple, une infirmière des soins
intensifs au soutien à domicile puis que ça
va se faire égal. Je pense qu'il y a des compétences et il y a des spécialités
à l'intérieur même... Même si ce ne sont pas des spécialités officielles, on
peut comprendre quand même que le dépistage et l'encadrement d'un enfant et celui d'une personne âgée, ça
réfère à d'autres compétences, à des compétences différentes. Donc, moi, je
suis bien contente...
Mon
autre question, c'était justement sur la simplification des trajectoires, puis
je pense que vous illustrez très bien.
Je rajouterais que, pour les personnes âgées au Québec, quand on doit se
déplacer en hiver, les risques de fracture de hanche sont nombreux, et
ça, ça finit par coûter pas mal plus cher que d'avoir, finalement, planifié les
deux ou trois rendez-vous et les rencontres
avec différents professionnels avec une meilleure synchronisation. Puis on a
des gens qui attendent effectivement
très, très longtemps entre le diagnostic et le traitement, des gens à qui il ne
reste plus tellement d'années, parfois, à vivre et qui ont bien, bien besoin
de ce support-là.
• (11 h 50) •
Mme Caouette (Marie-Pierre) : Quand on pense à l'audition particulièrement, il y a une détérioration, hein, de l'audition avec l'âge. Il y a
une personne sur trois à 65 ans qui a un problème auditif, une personne
sur deux à 75 ans. On sait que
ça prend en général sept ans avant qu'une personne ressente les premiers
symptômes de perte auditive et consulte. Au moment où cette personne-là
est prête à consulter, s'il y a deux ans de liste d'attente, il y a des problèmes.
Et
on le remarque sur le terrain quotidiennement, des situations de dangerosité, hein? Par exemple, quand il y a eu l'incendie
à L'Isle-Verte, on a beaucoup parlé des gens qui ont été sauvés, qui n'avaient
plus leurs lunettes et plus leurs dentiers, on n'a pas beaucoup parlé
des gens qui n'avaient pas réussi à sauver leurs prothèses auditives. Mon
premier réflexe, ça a été de dire : Peut-être
que c'est ceux qui sont restés à
l'intérieur, parce qu'ils n'ont pas entendu l'alarme, parce
que, s'ils avaient eu une évaluation, on aurait peut-être trouvé que la
prothèse auditive, ce n'est pas l'idéal pour eux, mais ils auraient pu avoir des mesures d'aide à
l'audition, comme des lumières qui clignotent, comme des matelas qui vibrent.
Donc, il y a tout ça qui fait ces augmentations de... Oui.
M. Bergeron (François) : Je pense que tout le rationnel qui a justifié la mise en
place du programme de dépistage néonatal chez les enfants, c'est qu'avant que le programme
existe l'âge moyen de dépistage était deux ans et demi. Et, comme vous l'avez si bien dit, deux ans et demi,
c'est comme : on a passé le bon moment, les retards de langage sont
installés, et on ne peut plus vraiment
faire grand-chose pour y remédier. En ayant un programme de dépistage
efficace, on devrait ramener ça vers
six mois. Donc, si, à six mois, on arrive à avoir un diagnostic, normalement,
en bout de course, on devrait atténuer les difficultés.
Alors,
cette logique-là s'applique aussi à l'autre extrémité, là. Si on prend en
charge plus rapidement les personnes
âgées en raison de leurs problèmes d'audition, on devrait s'attendre à ce qu'on
puisse diminuer les impacts de cette perte d'audition là avec le temps.
La logique est la même, là.
Mme
Lamarre : Ce que j'entends,
c'est qu'il y a des besoins urgents pour les Québécois,
et actuellement toute l'énergie du réseau de la santé est paralysée, en
attente, stabilisée pour un projet de
loi n° 10 qui lui-même
n'est qu'une première partie d'un
autre et de plusieurs autres projets
de loi. Et la population,
pendant ce temps-là, elle n'a pas les services auxquels elle a droit, et
il y a des rendez-vous manqués à tout jamais pour des jeunes et des moins
jeunes Québécois.
Je passe la parole à mon collègue député de Rosemont.
Le
Président (M. Tanguay) : Oui. M. le député de Rosemont.
Mme Lamarre :
Merci.
M. Lisée :
Merci, M. le Président. Merci, chers collègues. Mme Caouette,
M. Bergeron, Mme Larocque. Vous savez peut-être, Mme Caouette,
que l'orthophonie fait partie de ma vie. Vous le savez? Parce que ma soeur, Marie-Claude Lisée, est orthophoniste. Donc, on
était ensemble à Montréal pendant qu'elle faisait ses études à l'Université de Montréal, et puis, depuis,
c'est une de mes fenêtres sur le système de santé
et de services sociaux. C'est ma
soeur qui a travaillé avec les enfants, avec les aînés, qui a connu les
réformes, les formations, les redditions
de comptes, les différentes étapes, alors ça m'a donné constamment non seulement
une conscience de l'importance de
l'orthophonie et de l'audiologie, mais aussi de l'organisation interne
et comment elle peut aider et ne pas aider, les rapports avec les commissions scolaires, les instituts hospitaliers, les
continuums de soins, les non-continuums de soins, les mauvaises allocations de
ressources. Alors, tout ça, je sais que ça
fait partie de ce qui ne devrait pas nuire mais ce qui devrait aider, et
parfois on voit que ça...
Alors, vous posez une
question importante, parce que... Donc, il y a des listes d'attente. On sait
qu'il y a des enfants qui ne sont pas vus,
il y a des rendez-vous qui ne sont pas pris et il y a des fenêtres
d'opportunité qui sont manquées à jamais,
et que, donc, les coûts sociaux pour la suite sont beaucoup plus grands que le
coût aurait été d'investir maintenant.
Vous
dites : Avec le projet de loi n° 10 et toutes ces fusions, quel
sera le poids des services sociaux, de la réadaptation, de l'orthophonie à l'intérieur de la structure? Et vous
dites : Est-ce qu'on va être membres du conseil d'administration? Est-ce que les CISSS vont avoir
quelqu'un qui va porter notre regard dans un contexte budgétaire où chacun se bat pour chaque dollar, chaque million
de dollars? Et vous demandez : Est-ce que ça va être pire... moi, je
dirais : Pire que maintenant?
Parce que, maintenant, vous avez des CSSS avec des conseils d'administration où
vous êtes représentés.
Et,
selon une étude du ministère de la Santé, de 2010, qui est citée dans le
mémoire de la Protectrice du citoyen... Hier, elle disait que, dans le système actuel, où vous êtes représentés,
les CSSS intégraient un centre hospitalier dans 85 % des cas. Les
évaluateurs ont mesuré l'écart des dépenses de première ligne sur l'ensemble
des dépenses du CSSS, dans un échantillon
représentatif d'établissements. Et là, alors qu'on savait que l'objectif
global, c'est d'essayer de déporter graduellement la proportion
budgétaire du curatif vers le préventif, tout le monde est d'accord qu'il faut
aller vers là, bien, les CSSS ont fait en
sorte que, cinq ans plus tard après leur instauration, les dépenses de première
ligne se sont accrues par rapport à
celles de deuxième et de troisième ligne dans seulement deux des huit CSSS
étudiés. Dans deux autres cas, elles
ont diminué de façon importante, et, dans les six restants, les variations sont
minimes. Alors : «Selon l'évaluation du ministère : "Ces résultats n'appuient pas le discours tenu
par la majorité des CSSS évalués quant aux efforts réalisés pour réallouer les dépenses vers la première
ligne." [Et] en résumé — dit la protectrice — la mission médicohospitalière des établissements fusionnés semble avoir été
favorisée, en dépit des efforts mis de l'avant pour réorienter les budgets.»
Alors,
ça, ça veut dire qu'on était dans une structure dans laquelle vous aviez des
porteurs de ballon, des champions,
et, malgré ça, l'hospitalocentrisme a happé les budgets ou la proportion des
budgets dans la plupart des cas. Et
là on dit : Mais on va refusionner ça avec un encore plus grand
hospitalocentrisme, avec une désignation, par le ministre, du directeur général, du directeur général
adjoint, de tous les membres des conseils d'administration et les membres des
comités d'experts. On va éliminer plein de
conseils d'administration qui étaient plus proches des gens dans des
institutions qui disparaissent, alors que, dans plusieurs cas, c'étaient
des bénévoles, ou des intervenants, ou des gens qui étaient engagés là-dedans et qui, donc, vont se sentir
dépossédés de leurs institutions, donc moins engagés. Alors, je comprends
que vous soyez... je partage votre inquiétude.
Bon.
Alors, vous dites : On aimerait ça être présents sur les conseils.
D'autres avant vous ont dit : Bien, peut-être que la première chose à faire, ce serait de ne pas
faire cette réforme, de modifier les continuums de soins, de mieux évaluer
la qualité. Comme le dit le ministre, on a
besoin de plus d'évaluations avant de savoir comment se réorganiser. Mais il y
a d'autres hypothèses qui ont été avancées, et j'aimerais vous entendre
là-dessus. Alors, il y a quelqu'un qui a dit, par exemple : Bien, dans les CISSS, il faudrait s'assurer que, dans
tous les cas, soit le P.D.G., soit le P.D.G. adjoint vienne du côté services sociaux plutôt qu'hospitalier et
curatif. Ça, c'est une hypothèse. L'autre hypothèse, c'est de dire : Bien,
il faudrait que, dans la répartition des
CISSS, en fait, il y ait des CISSS services sociaux et qu'il y ait des CISSS
santé. Alors, ce serait une façon de
s'assurer qu'il y ait des gens qui soient aux commandes dont c'est la fonction
et dont c'est la mission. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Caouette (Marie-Pierre) : Comme on l'a mentionné, M. le Président, l'ordre
n'est pas un spécialiste des structures
organisationnelles et... En fait, ce qu'on est venus dire à la commission,
c'est : Il y a des travaux qui devraient être faits sur le renforcement de la première ligne. Il y a des façons
d'optimiser la réadaptation, même sans projet de loi n° 10. On en a mis dans l'annexe 7 de notre mémoire.
Il y a des projets d'optimisation qui commencent à être faits, qui portent
fruit, qui devraient être étendus partout en
province. Donc, il y a des impératifs financiers, il y a des questions
d'organisation. Nous n'avons pas ces données-là, à l'ordre, et nous
laissons le soin à la commission et aux législateurs d'en décider.
Mais
ce que nous demandons, c'est que les membres de la commission portent une
attention particulière aux effets. Donc,
peu importe le moyen choisi par les spécialistes et ce qui sera recommandé par
les meilleures pratiques, que l'effet, en fait, soit que nous puissions
faire ces travaux-là, quand on disait : On ne souhaite pas nécessairement,
nous, les orthophonistes et les
audiologistes, être représentés sur ces conseils d'administration là, mais que
les personnes en place soient
gardiens de ces besoins de la population et de la connaissance des mesures à
mettre en place spécifiquement pour cette catégorie de la population.
M. Lisée : Très
bien. J'étais content d'entendre le ministre, tout à l'heure, répondre à votre
question sur la protection et
l'indexation des budgets, en disant qu'il était attentif à cette nécessité,
mais, en fait, ce qu'on voit, la situation actuelle, les budgets actuels, même s'ils étaient indexés,
n'épuisent pas les listes d'attente. Alors donc, ce qu'il faudrait, dans une
perspective à court et moyen terme, c'est
que, la part des budgets de la santé, qui sont le principal poste de dépenses
au gouvernement du Québec, graduellement, la proportion qui aille à des
services comme le vôtre augmente par rapport à l'ensemble.
Alors,
je dis : Soyez plus audacieux, les orthophonistes. Ne demandez pas un
budget fermé et indexé, demandez un
budget adapté aux besoins. Et, en ce moment, il y a de l'inventaire d'enfants
qui attendent et il faudrait, de toute urgence, faire en sorte qu'il n'y
ait plus de ces listes d'attente.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à l'échange. Nous remercions donc les
représentantes, représentants de l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du
Québec.
Et,
compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de la commission
jusqu'après les affaires courantes,
soit vers 15 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
12 heures)
(Reprise à 15 h 51)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors,
à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
téléphones cellulaires.
Nous allons poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 10, Loi modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services
sociaux notamment par l'abolition des agences régionales.
Nous
débutons notre après-midi avec les représentantes et représentants de
l'Ordre des dentistes du Québec. Je vous demanderais de bien vouloir, dans un
premier temps, vous identifier, et par la suite vous disposerez d'une période
de 10 minutes pour votre présentation,
et ensuite nous aurons la période d'échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.
Ordre des dentistes du Québec (ODQ)
M. Dolman (Barry) : Mmes et MM. les députés, je tiens à remercier la commission
parlementaire de nous offrir l'occasion d'être ici aujourd'hui.
Permettez-moi d'abord de me présenter, Dr Barry Dolman, président de
l'Ordre des dentistes du Québec et dentiste en pratique. Également, je désire
vous présenter les personnes qui m'accompagnent : Dr André Lavallière, président de l'Association des dentistes en
santé publique; Dre Marie-Ève Asselin, chef du département de
dentisterie pédiatrique au CHU Sainte-Justine; et Me Caroline Daoust,
directrice générale de l'ordre.
Nous
sommes très heureux de participer à cette consultation tenue par l'assemblée
générale sur le projet de la loi n° 10. Être
invités ici aujourd'hui dans le cadre de cette réflexion majeure est pour
nous la reconnaissance de l'importance de la santé buccodentaire dans la
santé globale d'un individu et de la médecine dentaire dans la médecine
générale.
Au-delà
de la réforme administrative, au sujet de laquelle il est difficile pour nous
de se prononcer, l'ordre voit surtout cette mobilisation comme une
grande opportunité. Comme vous le savez, tous les Québécois ont une bouche. Cependant,
la pratique des dentistes était organisée, de façon générale, en parallèle avec
des réseaux des établissements publics
de... La médecine dentaire est restée en quelque sorte en marge du programme
des soins de santé universels. Il demeure
que la bouche est un élément essentiel du corps humain et que les affectations
buccodentaires ont une incidence directe sur la santé des personnes et
des populations.
Le Québec doit absolument
améliorer sa performance en termes de qualité de la santé buccodentaire et
ainsi d'éviter des coûts curatifs importants
à court, moyen et long terme. Reconnaître ce problème au niveau de nos instances est une première étape importante que nous
espérons de franchir aujourd'hui. C'est pourquoi nous souhaitons que la restructuration soit l'occasion
pour le ministre d'adopter des orientations claires pour l'ensemble
du réseau, orientations qui
permettent une meilleure organisation des services dentaires au sein des établissements du réseau de la santé, et une uniformité sur tout le territoire
du Québec. Par exemple, nous avons pu constater et même documenter que les
soins d'hygiène de base, pour certaines
clientèles, dépendant du réseau de la santé, sont le fruit des initiatives
locales ou régionales supportées par certains gestionnaires ainsi que
par des efforts de professionnels et d'aidants naturels.
Il
est donc indispensable que l'allègement des structures que souhaite implanter
le ministre marque le début d'une compréhension nouvelle de la santé qui inclut la
santé de la bouche à la part entière dans toutes les régions. Pour y venir,
nous suggérons qu'un responsable des soins
dentaires soit désigné dans chaque région administrative afin de répondre
au ministre de l'application et de l'efficacité des mesures
de santé publique et d'accès aux soins édictées par le gouvernement.
Nous
croyons aussi que, dans le contexte de l'uniformisation et intégration des
joueurs clés pour l'amélioration de la qualité, il est urgent que les
dentistes obtiennent toutes les autorisations d'accès — consultations,
écritures et références — aux
six domaines de Dossier santé Québec afin de pouvoir partager avec les autres
intervenants les renseignements de santé jugés essentiels aux services de
première ligne et au continuum des soins.
Nous
n'avons pas à exposer la pertinence pour tous les intervenants, surtout ceux
qui sont appelés à poser des diagnostics,
à prescrire des médicaments et à exécuter des traitements invasifs, d'avoir
accès à l'historique médical et pharmaceutique permanent d'un patient et
de ne pas avoir à le faire à chaque occasion, au risque qu'il soit incomplet.
L'intégration des dentistes au DSQ doit être une priorité. Il va de la qualité,
de la sécurité et l'efficacité des services.
Dans
un autre ordre d'idées, réaliser une réforme administrative dont le but ultime
est l'augmentation de la qualité des services de santé par une revue de
leur gestion, l'occasion pour repenser des programmes doit être faite.
L'Ordre des
dentistes est convaincu que la prévention en santé dentaire devrait être
incluse dans une politique nationale
de santé et dans le Programme national de la santé publique. Parmi des mesures
préventives que le programme doit considérer, l'ajustement du taux de
fluorure dans l'eau de consommation est primordial. À l'heure actuelle, nous détenons suffisamment de connaissances pour faire
la démonstration que cette mesure simple et peu coûteuse pourrait avoir
des effets directs sur la maladie, et donc sur les coûts des soins à court,
moyen et à long terme.
La fluoration
est reconnue comme une des 10 plus importantes mesures en santé publique du
XXe siècle. Quelque 210 millions des citoyens américains ont l'accès à l'eau fluorée, de même que
76 % de nos voisins de l'Ontario. Il est certainement le temps que le
Québec suive cet exemple et agisse pour le bien de nos générations futures. De
notre côté, nous allons poursuivre
des efforts de sensibilisation et d'information. Cependant, le gouvernement doit nous appuyer de façon
équivoque pour contrer les arguments démagogiques qui alimentent des
inquiétudes et peurs des citoyens de bonne foi.
La carie est
une maladie chronique, la plus répandue chez les enfants. Elle les affecte
10 fois plus que l'asthme, a des conséquences désastreuses sur leur
santé globale.
L'Ordre des
dentistes réitère sa «confidence» envers le ministre, envers les gestionnaires
et tous les intervenants du monde de la santé. Il veut être considéré
comme un partenaire à part entière et contribuer de façon le plus efficace possible au mieux-être de la population. À cet
égard, il souhaite être consulté et il offre sa plus entière collaboration pour
toutes les questions où son expertise pourrait être utile, dans tout domaine
qui touche la santé.
Pour
conclure, voici ce que nous recommande aujourd'hui : de nommer un responsable de la santé
buccodentaire dans chaque centre
intégré de la santé et services sociaux; d'adopter des orientations claires
concernant l'organisation et l'intégration
des services buccodentaires au sein des établissements du réseau, au même titre
que l'ensemble des services de santé — on
ne peut pas dissocier la bouche d'un corps humain — troisième fois, d'assurer l'intégration de la santé
buccodentaire dans une politique de santé nationale et dans un programme
national de santé publique; et d'inclure des mesures de prévention, d'assurer d'inclure l'ajustement du taux de
fluorure dans l'eau de consommation dans l'ensemble des actions de santé publique; et finalement,
enfin, pour des raisons de sécurité et de qualité des soins, l'Ordre des
dentistes recommande au ministre de
prendre des travaux afin de rendre accessible aux dentistes le Dossier santé Québec. Je vous remercie.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Maintenant s'ensuit une période d'échange avec le ministre, notamment,
qui dispose d'une période de 23 min 30 s. Alors, la parole est
au ministre.
M. Barrette : Merci, M. le Président.
Alors, Dr Dolman, merci d'être venu avec vos collègues, évidemment, Dre Asselin, Dr Lavallière,
Me Daoust. Alors, je suis bien content que vous soyez là parce que ce
n'est pas un sujet que l'on aborde fréquemment. Mais par contre je suis
d'accord avec vous qu'il a toute son importance.
On sait que,
dans notre réseau, évidemment, les CMDP ont un «D», et le «D», c'est vous, et
je... Ma compréhension est que
l'intégration ou du moins la position que peuvent occuper les dentistes dans
notre réseau, pas simplement hospitalier, là, mais au sens large du terme, n'est peut-être pas à la hauteur de
ce que vous, dans votre milieu, vous voudriez. Pourriez-vous peut-être
élaborer là-dessus?
• (16 heures) •
M. Dolman (Barry) : Je m'excuse, je
n'ai pas entendu la dernière portion.
M.
Barrette : J'ai dit : Est-ce que
vous pouvez élaborer là-dessus? Parce
que ma compréhension du monde des
chirurgiens-dentistes, entre autres, en particulier, et de la dentisterie en général, dans notre réseau
de santé, là, qu'on soit en première
ligne, en CHSLD ou à l'hôpital, n'est pas toujours optimale, selon le point de vue des dentistes que je connais ou
des chirurgiens-dentistes que je connais. Et est-ce que vous pourriez
élaborer là-dessus pour nous dire un peu où sont les points
d'achoppement et où les choses pourraient s'améliorer?
M. Dolman
(Barry) : Je vais faire un commentaire, et après ça je pense que la meilleure façon de... je vais diriger
votre question à quelqu'un
qui travaille tous les jours dans l'hôpital, Dre Asselin. Mais, pour nous,
là, c'est une opportunité en or de créer un système égal à travers
toutes les institutions, ce qui n'est pas le cas présentement.
Dre Asselin.
Mme Asselin (Marie-Ève) : En fait,
je suis très chanceuse de travailler, moi, au CHU de Sainte-Justine. J'ai beaucoup
d'appui de la part des gens qui dirigent cet hôpital-là. Par contre,
je sais que c'est très différent ailleurs à Montréal
et dans d'autres centres hospitaliers, et je
souhaiterais que mes collègues puissent avoir autant d'appui que moi, j'en ai
au CHU Sainte-Justine.
Par contre,
le problème d'accès aux soins de nos
populations demeure, et, malgré qu'on a un rôle important au CHU Sainte-Justine, on a de la difficulté à
traiter nos enfants. Bon, évidemment, moi, c'est jusqu'à 18 ans, mais il y
a un véritable problème d'accès aux soins pour nos populations
pédiatriques, spécialement les populations médicalement compromises. Ces patients-là cherchent à avoir des soins de base. Il y a
un problème financier, parce qu'après 10 ans la couverture n'est plus là. Mes patients handicapés
qui sont des survivants du cancer ou nos enfants prématurés qu'on a
sauvés, ils ont énormément de problématiques médicales : ils ont mal aux
dents, ils ont des infections buccodentaires importantes,
ils sont hospitalisés pour des abcès dentaires. On cherche à soigner leurs
problèmes, qui sont des problèmes
simples, on parle de douleurs, d'infections, on ne parle pas de soins, là,
esthétiques ou de soins ultratechnologiques. Et ces patients-là,
malheureusement, ne peuvent recevoir les soins auxquels ils ont droit.
M. Barrette :
Mme Asselin, au début de votre phrase, vous m'avez quasiment traumatisé
parce que vous m'avez dit que vous
aviez un grand support des gens au CHU Saint-Justine; je suis sûr que vous
l'avez académiquement. Mais après
vous vous êtes rattrapée, ça m'a moins traumatisé. Parce que, normalement,
l'accès au bloc opératoire est un problème à Sainte-Justine, à moins que
ça se soit résolu.
Mme Asselin (Marie-Ève) : Oui et non. En fait, on a pris une décision, au
CHU Sainte-Justine, de traiter seulement les enfants médicalement compromis pour, justement, que ces patients-là
puissent avoir un accès à des soins dentaires sous anesthésie générale dans des
délais relativement courts. Ces enfants-là ne peuvent pas être traités
ailleurs. Il y a un système
alternatif qui existe à Montréal, où, en clinique privée, on peut faire des
soins dentaires sous anesthésie générale. Ces patients-là doivent par
contre être en bonne santé. Donc, pour nos enfants malades... Puis ça, effectivement,
c'est jusqu'à 18 ans. Après 18 ans, malheureusement, je ne sais pas
où ces patients-là peuvent aller.
Il
y a un accès pour les soins sous anesthésie générale au CHU Sainte-Justine. Là,
on parle de centres hospitaliers montréalais, mais, si vous allez à
l'extérieur de Montréal, l'accès n'est malheureusement pas là. Il y a un accès,
mais l'histoire aussi, c'est que les parents
doivent payer pour les frais dentaires une fois que le patient a plus que
10 ans. Et ça, souvent, pour ces
familles-là, qui doivent quitter leur emploi pour s'occuper de leurs enfants,
ça peut représenter beaucoup, beaucoup d'argent.
Et malheureusement
nous, à l'hôpital, on est toujours un petit peu devant la situation de choisir
qui on va traiter. On a de l'argent qui
revient de dons de différentes compagnies, mais il faut choisir qui va avoir
accès à cet argent-là. Et, tous les
jours, j'ai des mamans qui pleurent parce que leurs enfants ont mal aux dents,
puis elles me disent : Marie-Ève, je n'ai pas d'argent pour les soigner, les dents de mon enfant. Puis nous,
on se retrouve à avoir la décision : Est-ce qu'on les traite gratuitement, ces enfants-là? Oui, on va
le faire, mais ça sera... Bon, je vais sacrifier mon temps et mon
salaire, et ça me fait plaisir de le faire, mais je pense qu'il faut
définitivement les aider, ces enfants-là.
M.
Barrette : Dites-moi une chose, je sais que, pour les procédures qui
se font sous anesthésie générale, il y a d'autres formules
qu'hospitalières qui ont été essayées.
Mme Asselin (Marie-Ève) :
Tout à fait.
M. Barrette :
Comment vous voyez ça?
Mme Asselin (Marie-Ève) : Je trouve que c'est une initiative excellente.
Des patients en bonne santé n'ont pas nécessairement...
ne doivent pas nécessairement être traités sous anesthésie générale en milieu
hospitalier. Ils peuvent être très bien traités en clinique privée, et
ça se fait présentement à Montréal. C'est un système qui est extrêmement efficace, on arrive à traiter de nombreux,
nombreux patients chaque jour. Et c'est des patients qui, malheureusement, ne
seraient pas traités en milieu hospitalier,
parce que les enfants malades prendraient la place, évidemment, de ces
enfants-là en bonne santé.
Mais
la question demeure : Est-ce que c'est normal, en 2014, qu'on ait autant
d'enfants affectés par la carie de la petite enfance puis qu'on doive
traiter tous les jours environ 10, 15 enfants sous anesthésie générale
pour leurs soins dentaires? Je ne pense pas.
M. Barrette :
Et ces expériences-là — je
ne sais pas si ce sont les mêmes que moi, j'ai vues — elles
sont publiques ou elles sont partiellement privées?
Mme Asselin (Marie-Ève) : En fait, c'est la même chose, c'est pratiquement
la même chose qu'en centre hospitalier.
Les soins dentaires sont couverts par l'assurance
maladie si le patient a moins de 10 ans ou au-delà de l'âge de 10 ans s'il est bénéficiaire de
l'aide sociale. La seule partie qui n'est pas financée par le gouvernement, contrairement
au milieu hospitalier, c'est les médicaments que l'anesthésiste va utiliser
pour endormir l'enfant. Pour des familles
à faibles revenus, on arrive à trouver. Ce n'est pas un montant qui est
astronomique, là, mais on arrive à trouver de l'aide auprès des CLSC et des
organismes, Jeunesse au soleil. Il y a une façon d'aider nos familles
défavorisées. Donc, l'accès pour ces
enfants-là, on peut y arriver. Encore une fois, ça reste limité à la région de
Montréal. Pour certains enfants en dehors de Montréal, c'est très
difficile de venir à Montréal, que ce soit une journée, pour obtenir ces
soins-là.
Mais, encore une
fois, la question qu'il faut se poser, c'est : Est-ce que c'est normal
qu'en 2014 on ait autant d'enfants d'âge
préscolaire avec des caries dentaires importantes qui nécessitent une
anesthésie générale? Et ça, à mon avis,
ce n'est pas normal. Il faut se réveiller. Il faut agir avant que la carie
arrive. Il faut agir dès le plus jeune âge des enfants, on parle de l'âge de... même chez la femme
enceinte, avant qu'elle ait son enfant, puis nous assurer qu'on puisse prévenir
la carie dentaire. Il a été démontré qu'une
fois que la carie dentaire, chez le jeune enfant, est là, c'est une maladie qui
est extrêmement agressive, c'est
pratiquement impossible de la contrôler. Par contre, si on agit avant qu'elle
se développe, on peut arriver à la
contrôler. Et plus l'enfant va consulter le dentiste rapidement, plus il va
être en mesure, par la suite, d'utiliser des services préventifs et plus
on va être en mesure, par la suite, d'éviter des soins curatifs.
M. Barrette :
Je me rends compte que je ne vous avais pas bien suivie. Donc, vous parlez de
chirurgies sous anesthésie générale qui ne
sont pas faites chez des enfants qui ont des malformations ou des choses
exceptionnelles. On parle de caries dentaires.
Mme Asselin (Marie-Ève) : On parle
de caries dentaires, oui.
M.
Barrette : Et qui se rendent à l'anesthésie générale.
Mme Asselin
(Marie-Ève) : Tout à fait. Comme Dr Dolman l'a mentionné, la
carie dentaire est la maladie chronique la
plus prévalente chez le jeune enfant, O.K.? Et là on parle d'enfants de zéro à
cinq ans. Évidemment, quand vous avez
une bouche complète à restaurer, avec des extractions, des soins assez
importants, c'est impossible de penser qu'un enfant de deux ans, trois
ans va rester assis sur une chaise de dentiste pour arriver à faire ces
soins-là.
M. Barrette :
Bien d'accord avec vous.
Mme Asselin
(Marie-Ève) : Et ces enfants-là souffrent.
M. Barrette :
Oui, là aussi. Et la solution?
Mme Asselin (Marie-Ève) : La solution, c'est de travailler sur la
prévention, de travailler aussi en collaboration avec les médecins, avec les infirmières, avec les différents
intervenants du réseau de la santé pour vraiment arriver à agir avant qu'on ait un problème de carie dentaire
aussi important. Et ça, si on parle juste, par exemple, au niveau des habitudes
alimentaires, on sait que les habitudes
alimentaires vont être instaurées chez le jeune enfant en très, très bas âge.
Quand moi, je vois, dans mon bureau
privé, un enfant de trois ans, quatre ans, cinq ans avec des caries, on sait
que, malheureusement, c'est trop
tard. Moi, ce que je souhaiterais, c'est de voir ces enfants-là avant l'âge
d'un an pour, justement, réussir à prévenir ces problèmes-là. Et malheureusement on sait aussi que les enfants
médicalement compromis sont encore plus affectés par la carie dentaire,
mais c'est encore plus difficile pour ces enfants-là d'obtenir des soins de
base.
M.
Barrette : O.K. Alors donc, quand vous nous parlez de politique de santé
buccodentaire dans une politique nationale
de prévention en santé publique, c'est dans cette optique-là, donc, que vous
nous présentez ça, d'une part. Et, d'autre part, cette prévention-là,
qui est l'acteur principal, selon vous?
Mme Asselin (Marie-Ève) :
Pardon?
M. Barrette :
Qui est l'acteur principal en termes de prévention de maladies buccodentaires?
Mme Asselin
(Marie-Ève) : Je pense que c'est véritablement un effort de
collaboration auprès des différents intervenants dans le domaine médical.
Évidemment, les dentistes ont un rôle à jouer, mais malheureusement ce n'est souvent pas les dentistes qui vont voir les
enfants en premier. Ce qu'on a réalisé aussi, c'est que les enfants vont voir
un médecin, vont voir une infirmière,
vont voir une sage-femme, vont voir beaucoup d'autres intervenants du milieu
médical avant de voir le dentiste ou le dentiste pédiatrique.
M.
Barrette : O.K. Quand vous nous parlez, je pense, avec justesse,
évidemment, d'avoir une meilleure intégration des services
buccodentaires au sein des établissements du réseau, je soupçonne — à
tort ou à raison, vous allez me le dire — que la situation n'est pas la
même en pédiatrie qu'en adultes.
Mme Asselin
(Marie-Ève) : Tout à fait.
M.
Barrette : Et je comprends qu'en pédiatrie, vous et le Children, vous
êtes la place, là, vous êtes les deux endroits où ça se passe. Mais
ailleurs il y a moins de services. C'est ça que je comprends.
Mme Asselin
(Marie-Ève) : Tout à fait, oui.
M. Barrette :
Et, en adultes, comment vous voyez les choses?
• (16 h 10) •
Mme Asselin (Marie-Ève) : Je vais vous dire ce que je dis à mes patients
quand ils quittent le CHU Sainte-Justine à 18 ans. Je regarde les parents puis je leur dis : Bonne
chance, parce que je ne sais pas qu'est-ce qui va arriver avec vous, je ne sais pas comment vous allez trouver des soins.
Ils sont chanceux chez nous, dans
notre établissement, mais... Parce qu'aussi les gens nous
ont permis de développer ce qu'on a développé présentement, mais je sais qu'ils
n'auront pas accès à des soins de qualité une fois qu'ils auront atteint l'âge
de 18 ans, malheureusement, et je n'ai pas de solution pour ces
familles-là à l'heure actuelle, à leur offrir.
M. Barrette :
Parce que, là, vous me dites des choses troublantes. Vous dites qu'ils n'auront
pas de soins de qualité après 18 ans?
Mme Asselin
(Marie-Ève) : Oui.
M. Barrette :
C'est-à-dire?
Mme
Asselin (Marie-Ève) : Bien,
si vous avez un enfant qui est malade, il a besoin de soins spécialisés, je
veux dire, il ne peut pas être traité nécessairement en cabinet privé,
il a besoin d'être traité en milieu hospitalier, peu importe sa pathologie particulière. Mais, si vous
avez un centre hospitalier qui n'a pas de service dentaire, comment cet
enfant-là va pouvoir être traité... bien, cet adulte-là, là?
M.
Barrette : Donc, ce que vous nous dites, c'est qu'à l'extérieur du
public il n'y a pas vraiment d'accès non plus?
Mme Asselin
(Marie-Ève) : Très peu.
M. Barrette :
À Montréal et encore moins à l'extérieur?
Mme Asselin
(Marie-Ève) : Oui.
M. Barrette :
Et quelle est la situation dans les autres grandes régions du Québec, là,
sommairement?
Mme Asselin
(Marie-Ève) : Je pense que vous connaissez ça mieux que moi.
M. Lavallière (André) : Bien, il y a des lacunes majeures en termes
d'accessibilité aux soins buccodentaires au Québec pour différentes
clientèles. La Dre Asselin en a mentionné au niveau des enfants ou des
adolescents, mais, au niveau des adultes et des personnes âgées, il y a des
lacunes majeures d'accessibilité, pour une multitude de raisons. À l'occasion,
c'est pour des raisons financières, les gens à faibles revenus. Il y a des
barrières culturelles aussi. Oui, il y a de
l'éducation qu'on devrait faire, améliorer l'éducation auprès de la population,
mais il faut organiser nos services beaucoup
plus près de la population. Actuellement, ce que font les cabinets privés,
c'est très, très bien, ça rejoint 50 %, 60 % de la population.
Il y a 30 % à 40 % de la population au Québec qui a de la difficulté
à avoir accès à des soins buccodentaires de base — nettoyage des dents,
détartrage, obturation, restauration — et qui engendre des dépenses importantes de santé dans notre réseau. La
personne à faibles revenus qui n'a pas d'argent, lorsqu'elle a mal aux dents,
où est-ce qu'elle se présente? À l'urgence.
Elle voit un médecin. Le médecin fait une ordonnance : antibiotiques, analgésiques. Le patient va à la pharmacie,
bénéficie du programme médicaments sans que le problème de fond ne soit
traité. Qu'est-ce qui arrive trois mois plus tard? Récidive de l'abcès, et on
recommence.
Quand
on dit que le bon service doit être offert par le bon professionnel au bon
moment au bon endroit, le dentiste n'est
pas présent dans la structure du réseau de la santé. Et les clientèles
vulnérables, qui sont souvent prises en charge par notre réseau, devraient avoir aussi accès à des
soins buccodentaires de base, et ces services-là n'existent pas au Québec
depuis plusieurs années, et c'est un
problème majeur qu'on doit reconnaître et sur lequel on doit nécessairement se
pencher, avec des directives claires.
C'est
la même chose, les personnes en perte d'autonomie. Auparavant, les personnes
dans les centres d'hébergement avaient
des prothèses dentaires, les personnes avaient des dentiers. Les soins de base
étaient faciles, on mettait les prothèses dans un verre d'eau le soir. Mais maintenant la clientèle âgée qui
arrive en centre d'hébergement a des dents : 40 % des
personnes qui arrivent en centre d'hébergement, actuellement, ont des dents,
et, lorsqu'elles sont admises en centre d'hébergement,
il y a des caries, il y a des abcès, il y a des dents de fracturées, il y a des
gens qui ont des infections, de la douleur dans la bouche. Et comment
peut-on se nourrir si on a de la douleur, si on a des infections?
On
ne peut pas dissocier la bouche de l'ensemble du corps humain. Une infection
dans la bouche est tout aussi importante qu'une infection au niveau de
n'importe quelle partie du corps. Et il y a une lacune importante en termes d'accessibilité pour des clientèles vulnérables,
on en a au niveau des enfants, des adolescents, au niveau des centres de
réadaptation, au niveau des centres jeunesse.
D'améliorer l'accessibilité non seulement aux services curatifs, mais principalement aux services préventifs... On sait
que, si on investissait davantage dans la prévention, on pourrait réduire
considérablement les coûts en termes de
services curatifs au Québec. La santé dentaire des Québécois est une des pires
en Amérique du Nord. Les enfants, au Québec,
ont 50 % à 80 % plus de caries que chez nos voisins nord-américains.
On a le taux d'édentation... un des
taux d'édentation les plus élevés en Amérique du Nord : 15 % des
adultes, au Québec, sont complètement édentés, alors qu'on parle de
7 % en Ontario et aux États-Unis.
Il
y a une mesure préventive qu'on n'a pas parlée jusqu'à maintenant : la
fluoration des eaux de consommation. 70 %
de la population en Ontario a accès à une mesure préventive qui est efficace.
C'est la même chose aux États-Unis, 70 %,
alors qu'au Québec seulement 3 % de la population québécoise a accès à une
mesure de santé publique qui permettrait de réduire de 30 % à
40 % les coûts en termes de santé dentaire.
M.
Barrette : Vous savez que la fluoration, évidemment, est un sujet,
malheureusement, je dirais, politiquement difficile. Est-ce que vous pensez que... En fait, dans votre expérience
ou dans ce que vous voyez dans votre littérature, est-ce qu'il y a des
campagnes de promotion de la fluoration individuelle? Parce qu'on peut le faire
comme ça aussi, évidemment. Est-ce que ça donne des résultats comparables à la
fluoration systématique?
M. Dolman
(Barry) : Je pense que, pour la fluoration, l'évidence est assez
évidente. Je pense que ça prend un petit peu de leadership autour des
législateurs de prendre des décisions, parce qu'une par une on ne peut jamais convaincre la population, parce qu'il y a de la
désinformation partout. La semaine passée, j'étais à la radio, à Sherbrooke, puis il y a des gens qui amènent des
discussions complètement en dehors de la norme, parce que le fluor est, dans la table périodique, à côté d'un autre
élément. C'est complètement hallucinant pour une personne éduquée d'avoir ce
genre de discussion, mais, pour une raison ou l'autre, il y a beaucoup de
pénétration à travers les ondes.
Mais, juste
pour retourner au sujet de la loi n° 10, une façon que je pense qu'on peut
améliorer cette situation, c'est d'avoir un petit peu de direction à
l'intérieur de votre restructuration. Parce que, présentement, si on regarde la
situation à Sainte-Justine, on ne peut pas comparer les
services à Trois-Rivières, à Chicoutimi qu'à Montréal. Et, le problème, ce n'est pas normal qu'on ait deux
classes de citoyens. Si tu parles, par exemple... Dre Asselin m'a raconté
une histoire qu'un jeune enfant qui a reçu un traitement de chimiothérapie et,
après le traitement, on a été obligé d'enlever
certaines dents. Maintenant, cette personne, si elle est une résidente de Gaspé,
si le patient retourne à Gaspé, même si, à l'intérieur de la loi, tel qu'il
présente... couvre les soins pour 12 mois ou 24 mois après, pour ce
genre de patient, les traitements
sont juste couverts si le patient retourne de Gaspé à Sainte-Justine pour le
traitement. Si le patient essaie de
suivre ce traitement à Gaspé, ce n'est pas couvert. C'est parce qu'on n'a pas
un système, maintenant, égal pour tous
les citoyens. Et ça, c'est quelque chose que j'espère qu'à l'intérieur de votre
réforme on peut regarder vraiment en profondeur.
C'est très
important qu'un patient qui rentre dans un CHSLD est examiné. On regarde les
yeux, la bouche, les oreilles, mais
on ne va pas nécessairement faire un examen global du patient... et oublier la
bouche. On n'a pas beaucoup de
dentistes dans tous les CH à travers la province de Québec. Et souvent on a un
autre problème : du moment qu'on a une retraite d'un professionnel,
des fois c'est difficile de remplacer le dentiste à l'intérieur d'une
institution.
M.
Barrette : Et j'aimerais ça... Écoutez, vous ne l'avez pas beaucoup
abordé, vous l'avez effleuré : Comment voyez-vous l'apport des
hygiénistes dentaires là-dedans, dans ce «big picture» là, là?
M. Dolman
(Barry) : Les hygiénistes
dentaires, c'est une partie de l'équipe dentaire. En pratique privée, à travers
la province
de Québec, les hygiénistes
travaillent avec nous tous les jours, en collaboration. C'est sûr que
les hygiénistes doivent être un élément
essentiel dans ce portrait, mais, avant de traiter un patient, ça prend un
diagnostic. On ne peut pas nécessairement
faire un traitement sans diagnostic. Le moment qu'on fait un diagnostic, on
peut travailler en équipe avec des
autres personnes à l'intérieur du réseau, des pédiatres, des hygiénistes, des
assistants et les dentistes. L'ordre n'a pas de problème avec cette
solution multidisciplinaire.
M.
Barrette : Est-ce que — et
là je le prends à dessein, là — par exemple, en CHSLD, un autre professionnel, comme un hygiéniste, pourrait être
utilisé dans une fonction de dépistage ou non?
M. Dolman
(Barry) : Bien, je peux
donner le porte-parole, Dr André Lavallière, il travaille
présentement dans un système, qui est approuvé par
l'Ordre des dentistes du Québec, où on a peut-être ce genre d'expérience ensemble.
• (16 h 20) •
M.
Lavallière (André) : C'est
certain que la contribution de l'hygiéniste dentaire peut être très importante
en termes de dépistage,
contribuer au détartrage des dents, mais rapidement on va se rendre
compte, en centre d'hébergement, que
la quasi-totalité des clients ont besoin aussi des services dentaires par un
dentiste. Tout ça doit être organisé. C'est certain qu'au niveau de la réglementation qui existe au Québec il y a
certaines barrières qui devraient être atténuées, mais, tout ça, je
pense qu'à partir du moment où que
les gens sont conscients qu'il y a un problème
majeur d'accessibilité, et si on
désire organiser les services de façon plus efficace et plus efficiente, à ce
moment-là on doit nécessairement aussi revoir
la réglementation pour s'adapter aussi au contexte qui existe dans les
établissements du réseau. On sait qu'il y a eu les modifications réglementaires concernant les infirmières,
les nutritionnistes, et tout ça, et l'exercice doit être nécessairement
complété, au niveau du domaine dentaire, entre les hygiénistes et les dentistes
pour pouvoir adapter le contexte vraiment pour mieux répondre aux besoins de la
population.
M. Dolman
(Barry) : Et, même aujourd'hui,
les hygiénistes, à l'intérieur de la loi, présentement, peuvent offrir un grand service à l'intérieur des institutions
pour aider de faire éduquer des préposés autour de cette population. L'ordre
est très ouvert de trouver des solutions.
M. Barrette : Alors, si je résume un
peu votre propos global, vous trouvez que vous n'êtes pas suffisamment intégrés
dans notre système de santé pour ce qui est des fonctions qui vous
appartiennent?
M. Dolman (Barry) : Ça, c'est
évident. Ça, c'est évident.
M. Barrette : O.K. Et là je vais
vous poser une question que je ne veux pas négative, mais c'est une question purement pragmatique. Vous êtes l'ordre,
évidemment, et l'ordre, vous avez des... pas des intérêts, mais vous avez de
la qualité à défendre, le public à défendre,
l'accès, évidemment, à défendre. Est-ce que le milieu de la dentisterie... — au sens
large du terme, là, parce que vous avez plusieurs sous-spécialités — est-ce que le milieu est prêt à faire ce que
vous dites? Dans ce sens que, si, évidemment, on élargit le panier de
services publics, évidemment ça sera élargi dans une tarification publique et donc qui est d'un autre ordre par rapport à ce
qui existe. Est-ce que le milieu, à votre avis, est prêt à aller dans
cette direction-là? Je pense que vous allez dire oui, là, mais malgré tout...
M. Dolman
(Barry) : Mais, c'est
certain, ça dépend du contexte à l'intérieur. Parce que vous avez présentement
deux paliers. Vous avez le côté privé, supporté par comme des
minihôpitaux, des minientreprises. Dans mon rôle comme président de l'ordre, je représente le public, j'essaie de faire
le maximum possible pour accroître l'accès. L'ordre a fait beaucoup de
démarches dans la dernière année. On a un comité d'accès qui a travaillé pour
un an là-dessus pour essayer d'avoir un
sondage dans la population, tous des spécialistes, à travers la province, dans
des hôpitaux, dans des réseaux des usagers. Même notre fondation a
commencé d'offrir des soins gratuits.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Alors, ceci met fin au bloc dévolu au gouvernement. Maintenant,
je cède la parole à la représentante de l'opposition officielle, Mme la députée
de Taillon, pour un bloc de 14 minutes.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue,
Dr Dolman, Mme Daoust, Dr Lavallière et Dre Asselin. Merci pour le témoignage que
vous nous apportez de nouvelles réalités en santé buccodentaire, et je pense
que c'est tout à fait vrai et tout à fait approprié.
Je
vais essayer quand même de faire le lien entre vos recommandations et le projet
de loi n° 10, parce que c'est ce
qui nous réunit aujourd'hui. Donc, dans un premier volet, j'entends beaucoup
votre préoccupation pour intervenir en prévention,
donc en amont, et donc encourager la santé publique, qui contribue à faire en
sorte que nos tout-petits, qui deviendront plus grands et aînés un jour,
bénéficient des meilleurs soins le plus tôt possible.
Dans le projet de loi
n° 10, il y a des économies qui ont été annoncées par le ministre, de
220 millions, mais il y a un
20 millions qui a été, finalement, soustrait des programmes de santé
publique des régions dans un contexte où, déjà, on avait un petit budget
en santé publique et en prévention d'à peu près 335 millions sur
35 milliards, là, dans l'ensemble de notre domaine de la santé. Comment
vous réagissez à ce choix-là qui a été fait?
M. Dolman (Barry) : Je suis loin d'expert en finances à l'intérieur du système de santé. La
seule chose que je peux dire : On ne sait pas le résultat de cette
restructuration. C'est possible que la restructure va avoir un autre genre d'«equilibration» à l'intérieur du système. Je
pense que, si, à la fin, on peut avoir un traitement des citoyens du Québec égal à travers la province, peut-être,
certaines coupures, peut-être, vont être justifiées. Le problème, pour moi,
c'est d'avoir, par exemple, un citoyen à
Gaspé ou Chicoutimi qui ne peut pas avoir le même service qu'à Montréal ou dans
Lanaudière. Je pense que ce n'est pas normal.
Et
surtout on... Le focus pour l'ordre présentement, c'est les patients les plus
vulnérables : ou les enfants ou les aînés. Et je pense que c'est très important d'adresser cette situation
maintenant parce que, pour les aînés, pour les personnes dans des CHSLD,
comme Dr Lavallière a parlé, cette population démographique va augmenter
énormément dans les prochains 15 ans,
et, si on ne peut pas faire un genre de changement de structure... Parce que,
présentement, honnêtement, ça ne marche pas.
Mme
Lamarre : Vous travaillez, donc... Vous décrivez quand même des
problèmes qui sont déjà bien installés, qui sont très présents. Et on n'a pas la confirmation, là, qu'ils vont
être... même pas traités, reconnus. Dans le projet de loi n° 10, en fait, vous comprenez qu'on
travaille seulement sur de la gouvernance, là, et de l'organisation, mais pas
encore sur des mesures concrètes qui vont arriver sur le terrain. Alors,
j'entends bien les mêmes messages que ceux qu'on a entendus du Protecteur du citoyen au niveau de l'équité, de
l'accessibilité et de l'efficience. Et je pense qu'il y a aussi une
dimension urgence qu'il faudrait ajouter dans cette dimension-là.
Il
y a une autre dimension, au niveau de la santé publique et de la prévention,
qui est un peu en lien avec le projet de
loi n° 10, et je le dis vraiment sans aucune partisanerie, c'est qu'à
chaque fois qu'on politise un système de santé on crée le risque, en tout cas,
que, pour un gouvernement, les mesures qui vont avoir un impact seulement dans
10 ans ou dans 15 ans, comme celles que vous préconisez, ne
seront pas priorisées, parce que c'est sûr qu'on n'est pas sûrs que ce sera
encore nous qui serons là, et donc on veut bien être sûrs d'avoir le crédit de
ce qu'on aura mis sur pied. Donc, à travers
le fait de politiser le système de santé... Et ça inclut tout le système de
santé, tous les volets du système de santé. Mais plus on le politise, plus on s'expose à ce que la santé publique,
les mesures de prévention, les problèmes de déficience intellectuelle soient laissés pour compte, un peu
parce que leur impact n'est pas tangible rapidement. Alors, est-ce que
c'est un peu votre vision par rapport à ça?
M. Dolman (Barry) : Pour nous, je peux dire que le même mémoire peut être présenté, quoi
que ce soit qui est en charge de la
législation présentement. Le problème, c'est le même problème. Une jeune
personne avec une carie qui a suivi un traitement de cancer, la
solution, quoi que ce soit le côté de cette Chambre, c'est la même solution
pour cette personne.
Comme président de
l'ordre, je représente le public. Et la seule chose que je peux vous dire en
beaucoup de transparence : Que,
présentement, pour l'ordre, on voit qu'on a certains problèmes et on espère
qu'une restructuration dans un
certain contexte peut adresser les problèmes qu'on voit. À l'intérieur de la
restructuration, est-ce qu'il y a plusieurs façons de le faire? Je ne
suis pas expert là-dedans, je suis quand même dentiste. Je ne suis pas
nécessairement un gestionnaire, je n'ai pas
une maîtrise dans l'administration d'un hôpital. Moi, je vois le quotidien, je
vois des patients tous les jours et
je fais un sondage à l'intérieur de mes collègues qui travaillent dans une
institution : Dre Asselin, qui travaille tous les jours à Sainte-Justine,
Dr Lavallière, qui travaille tous les jours en santé. Je pense qu'il y a
des mesures qu'on peut le faire. Il y
a certaines choses qu'on peut corriger demain matin à l'extérieur de la loi
n° 10 : la fluoration, elle va avoir un effet, le DSQ.
Mais
ça, ce n'est pas le but de cette rencontre. Alors, je répète, je pense que, si
tout le monde quitte cette salle avec
une certaine perspective que, la prochaine fois que tu vas regarder une
législation, tu ne vas pas oublier cette portion du corps humain, moi,
j'ai fait mon travail aujourd'hui.
• (16 h 30) •
Mme
Lamarre : Je comprends bien, mais en même temps je pense que vous
pouvez certainement nous aider à placer
le mieux possible au bon endroit, dans un processus de réaménagement
législatif, l'endroit où vous pouvez entrer et où vous pouvez vous positionner. Et j'essaie de décoder, mais je crois
comprendre qu'il y a effectivement des mesures rapides qui vont être prises mais que la plupart de vos recommandations
relèvent beaucoup de la santé publique et de la prévention, dans
certaines de ses applications.
Mais
vous avez aussi évoqué le Dossier santé Québec, et effectivement, là, on fait
appel à l'urgence, en tout cas au
retard que le Québec a pris par rapport à son système d'information et à une
informatisation qui intégrerait des professionnels comme les dentistes,
et je souscris tout à fait à ça, parce que je crois que la thérapeutique a
beaucoup évolué. Moi, je regarde au niveau
de la prévention, on connaît maintenant les liens entre le tabagisme et les
problèmes dentaires. On connaît
également plusieurs médicaments qui ont des interactions, qui ont des impacts.
On pense, pour les gens qui nous
écoutent, aux biphosphonates qu'on donne pour prévenir des problèmes et qui ont
un impact dans la nécrose maxillaire.
On pense aux patients nombreux qui ont de la radiothérapie, qui ont des
traitements de chimiothérapie également. Donc, votre intégration au dossier DSQ fait en sorte que vous allez
pouvoir faire les liens de cause à effet beaucoup plus facilement et que
ça va faciliter votre diagnostic et également la collaboration avec les autres
professionnels. Donc, pour vous — je vous ai déjà entendu le demander — donc,
le fait d'être reliés au DSQ, c'est un élément important.
M. Dolman
(Barry) : Très important.
Comme personne certainement expérimentée en pharmacie, tu comprends que la plupart des gens, aujourd'hui, à un certain
âge, prennent beaucoup de médicaments qui amènent une sécheresse de la bouche, qui causent encore un autre niveau
de carie dentaire. Si je peux vous laisser avec la recommandation clé qu'on veut avoir, c'est de nommer un responsable
de la santé buccodentaire dans chaque centre intégré de la santé et des
services sociaux. Ça, ça va... pour avoir une voix directe dans des décisions.
Mme
Lamarre : Vous avez décrit des problèmes très... Moi, quand on parle
des patients, ça me touche beaucoup, là,
et vous avez décrit des situations vécues par des patients, jeunes et moins
jeunes, des problèmes réels, concrets, aigus. Dès que quelqu'un a eu mal aux dents, on sait que c'est urgent aussi. À
la lumière de ce que vous décrivez, là, comme priorités puis comme
problèmes que les gens vivent sur le terrain, en quoi le projet de loi
n° 10 est-il prioritaire?
M. Dolman
(Barry) : C'est prioritaire
parce que, présentement, on a beaucoup de décisions, dans des régions du Québec, qui sont faites, je peux dire, des
décisions aléatoires, à la discrétion. Et je pense que ce n'est pas normal
qu'on ait deux classes de citoyens.
Je pense que tout le monde à travers la province, des familles avec des jeunes
enfants, des familles qui n'ont pas
accès, avec des patients qui sont malades, des personnes qui sont en perte de
mobilité... Ce n'est pas normal que,
parce que tu restes à Alma, Québec, tu ne peux pas avoir un service. Parce que
le cancer est le cancer partout. Alors, normalement, le système de santé
marche pour tout le monde à travers le système. Pourquoi pas à l'intérieur de
la collaboration dentaire et la médecine?
Mme
Lamarre : Mais je vous entends sur l'urgence de l'accessibilité, mais,
très honnêtement, quand je regarde la réforme qui nous est proposée dans
le projet de loi n° 10, j'ai un peu de difficultés à voir, là, en quoi, de
façon... ce morceau-là, en tout cas, on sait
qu'il y en aura peut-être d'autres, là, mais ce morceau-là, en quoi il nous
donne les garanties que vous allez réussir à mieux aider l'ensemble des
Québécois? Est-ce que c'est la priorité prioritaire?
M. Dolman
(Barry) : J'espère que la
garantie, ça va être les personnes élues qui vont penser de les citoyens.
Pour nous, c'est l'uniformité. Si on
peut avoir l'uniformité, je vais être très heureux. Et je pense que,
présentement, on n'a pas l'uniformité à travers le système. J'espère que
l'opportunité de changer la structure va amener une uniformité.
Mme
Lamarre : Qu'est-ce que vous voyez dans le projet de
loi, concrètement, là, qui
vous permet de voir que vous allez avoir ça?
M. Dolman
(Barry) : On n'a pas étudié
mot par mot à l'intérieur de toutes les structures, parce que,
comme je t'ai dit, je suis dentiste,
je ne suis pas un administrateur. Je
ne suis pas un expert en administration des hôpitaux. J'essaie de régler
des problèmes des citoyens à l'intérieur, encadré par l'information que je peux
le faire. Je pense que c'est une opportunité
de changer quelque chose. Alors, c'est sûr qu'une opportunité, ce n'est
pas nécessairement une garantie, mais, pour nous, comme dentistes, on regarde la situation
toujours : diagnostic, plan de traitement, exécuter le
traitement en espérant d'avoir les résultats.
Alors, à l'intérieur de vos délibérations ici aujourd'hui et pendant les semaines, c'est à
vous autres de faire une délibération sur le diagnostic et d'établir le
plan de traitement. Pour nous, à l'intérieur du diagnostic, je suis ici pour amener certains faits pour vous aider dans le
diagnostic du système. Alors, l'élaboration du plan de traitement, c'est à des autres
personnes qui ont beaucoup plus d'expertise que moi.
Mme
Lamarre : Bien, écoutez,
j'entends bien votre message, mais je
pense qu'il y a même une étape
préliminaire sur laquelle vous
insistez, qui est prédiagnostique, puisqu'on parle aussi de la prévention et de programmes,
là, beaucoup plus importants, auxquels, je crois, il faut effectivement rallier davantage les spécialistes buccodentaires que vous êtes.
Alors, écoutez, moi, je vous remercie, ça répond à mes questions.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, Mme la députée de Taillon. Je cède maintenant la parole au représentant
du deuxième groupe d'opposition, le député de La Peltrie, pour une période
de 9 min 20 s.
M.
Caire : Merci, M. le Président. Bonjour. Bonjour à vous,
merci de votre présentation.
Écoutez,
je vais être d'une totale honnêteté avec vous, là : Je ne peux pas dire
aujourd'hui que, dans le cadre du
projet qui est déposé par le ministre, votre présentation m'a éclairé beaucoup
sur la façon dont on peut répondre aux préoccupations dont vous nous avez fait part.
J'entends les iniquités dont vous parlez, j'entends qu'on a besoin peut-être
d'une meilleure intégration, mais, sur
comment on peut le faire, vous dites : Bien, c'est à vous à réfléchir à
cette question-là. Mais le but des
consultations, c'est justement pour que les gens puissent nous aider dans notre
réflexion. Puis je voudrais peut-être
vous donner l'opportunité, là, d'élaborer, dans le contexte, évidemment, du
projet de loi n° 10, là, sur la façon dont la création des CISSS,
par rapport aux structures actuelles, peut nous aider à atteindre cette
intégration-là puis à régler les iniquités dont vous nous faites part.
M. Dolman (Barry) : Bien, je pense que la meilleure façon de changer quelque chose à
l'intérieur du sujet devant nous
autres aujourd'hui, devant tout le monde, si c'est une question de changer la
structure, présentement... On n'a pas de responsable de la santé buccodentaire dans chaque centre à travers la
province de Québec, même si on parle de l'agence, même si on parle de structures
telles qui existent maintenant. Alors, dans une nouvelle structure, on espère
d'avoir une entrée dans le système.
Si on a une voix dans ce système, peut-être on va avoir une chance de changer
les paramètres pour traiter des personnes à travers la province de
Québec.
M.
Caire : Corrigez-moi si je me trompe, mais le ministre y
faisait référence tout à l'heure, le CMDP, le D, c'est les dentistes. Pour
vous, ce n'est pas une structure suffisante? Parce qu'il y a quand même une
responsabilité au niveau de la
qualité de la prestation de services, il y a une responsabilité qui est quand
même très lourde et qui est assumée normalement par un dentiste. Donc,
ça, cette instance-là, pour vous, elle n'est pas suffisante? De quelle façon on
peut l'améliorer?
M. Dolman
(Barry) : Bien, souvent, à l'intérieur des institutions, le D
n'est pas égal aux autres personnes à l'intérieur des comités.
M.
Caire : 1caAh! bien là,
éclairez-moi, là. J'aimerais ça vous entendre élaborer là-dessus. Vous voulez
dire quoi, là? Il y a comme deux classes de décideurs au sein du CMDP?
M. Dolman (Barry) : La réalité, c'est : dans certains hôpitaux, quand on amène des
solutions abordées par les dentistes
à l'intérieur du comité, ça avait l'air que c'est moins valable que dans
d'autres secteurs. Dans certains hôpitaux régionaux, certains genres de
traitements ne sont pas élaborés de la même façon que dans les autres.
M.
Caire : 1cPuis comment
vous expliquez ça? C'est quoi, c'est culturel ou... Comment vous l'expliquez
et, deux, comment on peut changer ça?
• (16 h 40) •
M. Dolman (Barry) : Bien, je pense que la façon de changer, c'est d'avoir une vision de
haut en bas vis-à-vis des dentistes
qui sont impliqués à l'intérieur de la direction centrale de la santé. Le problème
tel qu'il existe... Comment est-ce
qu'on peut expliquer, par exemple, qu'il y a certaines choses qu'on peut faire
à Montréal, à Sainte-Justine, qu'on ne
peut pas nécessairement faire à Chicoutimi, hein? Parce que les personnes qui
dirigent le système à Chicoutimi ont décidé
que, par exemple, ils ne donnent pas nécessairement une priorité au bloc opératoire, le même genre de priorité qu'on
a à Montréal.
M.
Caire :
Puis comment on peut corriger cette façon-là? Comment peut-on tirer profit de
l'opportunité de la création de la nouvelle
structure pour changer ce... Parce
que ce que vous me dites là, là,
c'est éminemment culturel, là. Vous me dites que la médecine dentaire en
milieu hospitalier, elle est regardée de haut. Hein, c'est ce que vous dites. Et
ça, c'est éminemment...
M. Dolman
(Barry) : Mais, peut-être, je vais laisser mes collègues qui
travaillent dans des hôpitaux...
M.
Caire : Oui. Non,
je vous en prie. Et ça, c'est éminemment culturel, mais comment peut-on se
servir de l'opportunité qui est créée
par la réforme proposée pour corriger cette lacune-là et faire en sorte que
le D du CMDP ait la même valeur que les autres membres?
M. Lavallière (André) : Au sein des établissements, il y a très peu de
dentistes impliqués dans des établissements du réseau actuellement. Au Québec, il y a peut-être 150 ou
200 dentistes sur 5 000. Et souvent les dentistes, au niveau d'un CMDP... On va retrouver trois ou quatre
dentistes pour peut-être 500 médecins au niveau du conseil des médecins
et dentistes. Les dentistes qui sont en
place sont souvent en place pour avoir accès à un plateau technique, avoir
accès au bloc opératoire pour traiter de leurs patients.
Mais, si on regarde
la fusion des établissements qu'on a connue au courant des dernières années,
centres hospitaliers, centres d'hébergement
et CLSC, même si les CMDP ont été fusionnés, les dentistes ont été incapables
de développer davantage de services
pour les autres clientèles au sein de l'établissement, c'est-à-dire que, s'ils
travaillaient auprès d'un centre
hospitalier auparavant, leur pratique continue d'être concentrée auprès de la
clientèle hospitalière. Et, même si les CMDP ont été fusionnés et que
l'établissement devrait répondre aux différentes missions, CLSC, centres d'hébergement et centres hospitaliers, les
services n'ont pas été développés au sein des établissements. Et je pense que
la principale raison, c'est un manque
d'orientations et de politiques claires émanant du ministère par rapport à
l'organisation des services dentaires au sein des établissements.
Mon opinion personnelle... et je ne veux pas
engager l'ordre là-dessus, mais on peut remanier les structures énormément, mais, si on remanie les structures
mais sans orientation claire, sans politique claire, je n'ai pas l'impression
que la modification
des structures va avoir un impact réel sur l'accessibilité aux services, sur
l'organisation de services de
qualité, de services sécuritaires, et on n'atteindra probablement pas les
objectifs d'efficience et d'efficacité qu'on désire avoir si on n'a pas
de politique et d'orientation très, très claire.
M.
Caire :
...le sentiment qu'une meilleure intégration à l'intérieur d'une structure plus
large... Donc, l'objectif étant
d'avoir une intégration plus efficace des services, est-ce que vous avez
l'impression que, dans ce contexte-là, une politique ne pourrait pas tirer sa pleine efficacité? Je comprends que
vous dites : Ça prend une politique ministérielle. Mais, dans une structure plus large, où il y a, je
pense, une meilleure intégration des services, à ce moment-là est-ce que vous
ne pensez pas que la piste d'atterrissage est un peu plus facile?
M. Lavallière (André) : Oui et non.
Les établissements vont devenir beaucoup plus gros, beaucoup plus de services. Dans un contexte où est-ce que les
ressources financières sont limitées, il va y avoir certains tiraillements au sein des établissements, et de là l'importance de
politiques et d'orientations claires, parce que, sinon, les services vont se
développer de façon très, très, très différente d'un établissement à l'autre.
Ça fait que,
oui, l'intégration va être favorisée par la fusion des établissements, la mission
de CLSC, la mission centres
d'hébergement, réadaptation, centres jeunesse. C'est bien beau, on élargit
vraiment l'ensemble des services. Oui, ça
peut favoriser l'intégration, mais il y a des services qui pourraient aussi,
peut-être, disparaître. Il y a un risque qui est là, et je pense... Peut-être que les services dentaires...
Le fait de pouvoir défendre les services dentaires en l'absence d'orientation ou de politique claires... Dans un
contexte où est-ce que les ressources financières peuvent être limitées,
je pense que les services dentaires peuvent
être à risque au courant des prochaines années et, au lieu d'améliorer l'accessibilité au service aux clientèles
vulnérables, je crains même qu'il y ait une réduction de l'accessibilité. Il
faudra être très, très, très
vigilants en termes de politiques, en termes d'orientations. À mon point de
vue, il y a un enjeu majeur à ce niveau-là.
M.
Caire : Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à la
période d'échange avec les parlementaires. Nous vous remercions, les
représentants de l'Ordre des dentistes du Québec.
Et j'invite
maintenant le prochain groupe à prendre place, et nous suspendons momentanément
nos travaux. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 45)
(Reprise à 16 h 49)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, nous allons reprendre nos travaux. Nous accueillons maintenant
les représentants, représentantes de
Coalition Priorité Cancer au Québec. Alors, je vous inviterais à vous
présenter, dans un premier temps, et par la suite vous disposerez de
10 minutes. Une période d'échange s'ensuivra. La parole est à vous.
Coalition Priorité
Cancer au Québec
Mme
Rodrigue (Nathalie) : Merci, M. le Président. M. le
ministre, mesdames et messieurs les
membres de la coalition, je me présente, Nathalie Rodrigue, présidente
de la Coalition Priorité Cancer au Québec, et je suis très bien accompagnée aujourd'hui
de M. Serge Dion, président du comité patients et survivants de la coalition,
ainsi que de M. Jérôme Di Giovanni, secrétaire de la coalition.
Au nom des
54 organismes qui composent la coalition, nous vous remercions d'avoir
bien voulu accepter que nous vous présentions notre mémoire concernant
le projet de loi n° 10.
• (16 h 50) •
Au cours des
25 dernières années, notre système de santé a vu beaucoup
de changements et de réformes. Que ce soient des fusions
d'établissements, les changements de mission, les virages ambulatoires, les
groupes de médecine familiale, les
regroupements des syndicats, l'ampleur et la multiplication de ces réformes ont
généré une forme d'instabilité chronique.
Si l'on en juge par les motifs qui sous-tendent le projet de loi n° 10 sur l'organisation et la gouvernance du réseau, force est de constater que les réformes
antérieures n'ont pas ou peu permis d'améliorer l'accessibilité et la fluidité
des soins.
Incidemment,
toutes ces réformes ont toujours eu ou ont toujours été faites soi-disant
dans le meilleur intérêt du patient.
Ainsi, au fil des ans, nous avons vu que le patient était tour à tour au
centre, au coeur, au milieu des préoccupations, mais
sans jamais que celui-ci soit vraiment impliqué dans les
décisions et l'offre de services. Est-ce
qu'ils ont vraiment été dans le coup? Non.
Les
changements que propose le ministre dans le projet
de loi n° 10 visent la
réorganisation du réseau et de sa gouvernance.
Il s'agit essentiellement d'un changement de structure. Nous souhaitons que
cela contribue réellement à améliorer
l'accès et la fluidité des services aux patients en éliminant les barrières
érigées par les différentes organisations et la
bureaucratie inhérente à leur gestion. Il n'est pas dans la compétence de la
coalition de s'engager dans une discussion sur le type de structures qui peuvent convenir le mieux pour la mise en
oeuvre des orientations ministérielles. Toutefois, il est juste de vouloir obtenir des
garanties qu'en ce qui concerne la lutte contre le cancer, par exemple, l'accessibilité
des services ne sera
pas diluée dans les méandres des futurs CISSS et que la réorganisation des
structures n'ajoutera pas une couche de plus aux obstacles que trop
souvent doivent franchir les personnes atteintes du cancer.
Sans plus tarder, je passe la parole à M. Dion.
M. Dion (Serge) : Alors, si le patient doit être au centre des préoccupations du système de santé, il serait normal qu'on lui demande ce qu'il pense, quels sont ses
besoins et quelles sont les solutions qu'il peut proposer pour continuer à
l'améliorer. C'est incidemment... La loi le
précise, quand on dit : «La raison d'être des services est la personne qui
les requiert.»
Bien
que le projet de loi maintienne des dispositions déjà prévues dans
la loi, comme par exemple la participation
d'un représentant du comité des
usagers au conseil d'administration des établissements ou encore le forum de la population, et qu'il oblige les établissements à tenir annuellement une séance publique d'information, nous ne croyons pas que cela soit
de nature à assurer réellement, effectivement, la participation des personnes et des groupes qu'elles forment aux
décisions.
La
coalition ne veut pas minimiser l'importance
et le rôle des comités d'usagers et des forums de la population. Ils ont leur utilité, on est d'accord. Seulement,
la complexité de la gestion des établissements et la somme considérable des
informations à assimiler pour bien jouer le
rôle que l'on attend d'eux font en sorte que leur influence est pratiquement
négligeable.
Alors,
nous nous sommes posé certaines questions. Pourquoi, par exemple, ne
maintient-on qu'un seul représentant du
comité des usagers par conseil d'administration, alors que sept ou huit membres
indépendants seront nommés par le ministre
en fonction d'un profil de compétence? On parle de gestion ici. Alors, ne
pourrait-on pas songer à mieux pondérer la composition de ces conseils
en faisant une plus grande place aux usagers en recourant à leur expertise?
Le
30 septembre dernier, en conférence de presse, la coalition, conjointement
avec le Conseil pour la protection des
malades, l'Alliance des patients pour la santé et le Regroupement québécois des
maladies orphelines, on demandait la création d'un comité national des
patients relevant directement du ministre de manière à faire valoir au plus
haut niveau les besoins et l'opinion des
patients ainsi que de leurs proches. Nous réitérons cette demande aujourd'hui.
Elle nous semble tout à fait
compatible avec les orientations que préconise le ministre et permettrait
d'équilibrer les rapports entre la
machine administrative et les groupes de patients qui, pour l'instant, n'ont
pas beaucoup de place pour s'exprimer.
Par
ailleurs, nous voulons nous assurer que les droits des patients seront protégés
dans le cadre de cette réorganisation, comme le prescrit la Loi sur les
services de santé et les services sociaux aux articles 4, 5 et 6.
Puisque
l'établissement sera maintenant régional, quel choix aura donc le patient? Ne
devrait-on pas plutôt parler du lieu où il
réside, où il désire recevoir ces services? Un autre exemple, entre autres, on
se souviendra de la directive de l'agence régionale de Montréal,
entérinée par la direction de la cancérologie, d'obliger les patients traités
dans les hôpitaux montréalais mais dont la
résidence était dans le 450 à changer d'établissement pour suivre leur
radiothérapie soit à Laval ou à
Longueuil, et ce, au grand mépris de leur médecin traitant. Officiellement,
cette directive émise au début de
l'année n'a pas été rapportée. Officieusement, nous savons que cette pratique
se poursuit actuellement et que les patients n'en sont pas
nécessairement informés. Mme Rodrigue.
Mme Rodrigue (Nathalie) : Plus de 20 000 personnes mourront du
cancer cette année et près de 60 000 recevront un diagnostic de cancer. Heureusement, même si on
est encore incapable de mesurer réellement l'incidence du taux de survie du cancer au Québec, faute d'un registre
convenable, les personnes survivent de plus en plus longtemps grâce aux
médicaments, aux nouvelles technologies et aux pratiques médicales. Le cancer
est maintenant reconnu comme une maladie chronique.
En juin 2003,
dans un discours à l'Assemblée nationale, le ministre de la Santé et des
Services sociaux, le Dr Philippe Couillard,
proclamait le cancer comme une priorité du gouvernement et de son ministère.
Depuis, les choses ont évolué,
plusieurs dans le bon sens, comme la création d'une direction québécoise de
cancérologie, la mise sur pied d'un
plan d'action en cancérologie, la création de centres régionaux en oncologie ou
le développement de la recherche clinique.
D'autres ont moins bien évolué, comme les délais d'attente ou l'accès aux
services qui, dans plusieurs régions, demeurent
difficiles, l'implantation chaotique du registre du cancer ou le suivi après
traitement des personnes atteintes du cancer.
En
2013, une enquête de la firme Léger auprès de 1 500 patients
souffrant de maladies chroniques a révélé que la moitié des patients ont
déjà renoncé à des soins en raison des délais d'attente pour prendre un
rendez-vous avec un professionnel de la santé.
Quant
à répondre aux besoins des patients, au Québec, 80 % des patients
voudraient mourir à domicile. Dans les faits, 85 % des patients meurent à
l'hôpital. Il existe des solutions, et, pendant la période de questions, on se
fera un plaisir de vous les
présenter. Mais, dans le cadre de cette réorganisation, nous souhaitons que le
ministre nous fasse part rapidement de ses orientations concernant
l'offre de services à domicile.
Pour
les suivis post-traitement, beaucoup de difficultés aussi sont rencontrées par
les personnes touchées par le cancer. On parle de réadaptation, retour
au marché du travail, etc.
Actuellement, il est
quasiment impossible de savoir combien coûte le cancer au Québec...
Une voix :
...
Mme Rodrigue (Nathalie) : Oui, il me laisse 30 secondes. Alors, pour
cette raison, nous avons fait faire une étude économique qui est disponible
sur notre site Internet et qui dit que près de 4,1 milliards ont été dépensés
pour le cancer cette année au Québec, et ça exclut les dépenses privées.
Dans un autre ordre d'idées, nous aimerions que
le Québec participe pleinement aux indicateurs mesurant les rendements du système de la lutte contre le
cancer développé par le Partenariat canadien contre le cancer. Ces indicateurs
couvrent tout le
continuum, de la prévention jusqu'aux soins de fin de vie, incluant les meilleures
pratiques. Mis à part quelques données, le Québec n'y figure pas. Encore
là, nous payons le prix de l'absence d'un véritable registre du cancer, tableau de bord de la lutte contre le cancer. Dans
ces circonstances, comment rendre quelqu'un imputable de quelque chose qu'on ne mesure pas?
Je passe maintenant
la parole à M. Di Giovanni.
M. Di Giovanni (Jérôme) :
Merci beaucoup. Monsieur... Est-ce que j'ai le micro?
Mme Rodrigue
(Nathalie) : Je vais te l'avancer. Non, il est pris là...
M. Di Giovanni
(Jérôme) : O.K. Parfait. Donc, vous m'entendez?
Le Président (M.
Tanguay) : On vous entend bien, M. Di Giovanni.
M. Di Giovanni (Jérôme) : Parfait. O.K. M. le Président, en raison que je
dois lire en braille, en raison de ma déficience
visuelle, je vous demanderai un accommodement d'au moins une minute,
1 min 30 s, pour faire ma présentation.
Le Président (M.
Tanguay) : Tout à fait. Prenez votre temps, M. Di Giovanni.
• (17 heures) •
M. Di Giovanni (Jérôme) : Merci beaucoup. Vous êtes très gentil. Je n'aurai
pas besoin de vous citer la charte dans ce cas-là, des droits, pas la
charte des valeurs.
Les
organismes communautaires, dans la loi de la santé et des services sociaux...
Et, je vous fais remarquer, on cite
beaucoup la loi, la coalition, c'est parce que c'est une loi où tout se trouve
à l'intérieur, mais cela ne veut pas dire nécessairement qu'elle est appliquée, cette loi-là. Dans la loi de la
santé et des services sociaux, les organismes communautaires jouent et ont un rôle très important dans le système de
santé, dans le réseau de la santé et des services sociaux. Et je vous citerais au niveau de
l'article 334, qui spécifie clairement c'est quoi, un organisme
communautaire en santé et services sociaux.
Les
articles 2.1° de la loi spécifient clairement que les personnes et leurs
associations doivent assurer leur participation
à la gestion du réseau, à l'administration du réseau, à la détermination des
orientations du réseau de la santé et du système de la santé.
L'article 2.3° spécifie clairement qu'on doit partager les responsabilités
entre le secteur communautaire, le réseau de la santé et des professionnels
dans le réseau de la santé.
L'article 100,
clairement, spécifie que les établissements doivent définir leurs services,
leur panier de services en collaboration avec les organismes
communautaires. Mais cela, malheureusement, ne se produit pas.
Deux éléments
ressortent de tout l'historique de l'application de la loi de la santé et des
services sociaux et le secteur
communautaire. Premièrement, il y a un manque de reconnaissance de l'expertise
du secteur communautaire en santé et
services sociaux, et ce manque de
reconnaissance de cette expertise-là fait que les organismes sont
continuellement en péril de fonctionnement et doivent très souvent
surcharger le personnel qui travaille à l'intérieur de ça.
L'autre
élément, c'est au niveau du financement des organismes communautaires, qui est très
instable, puis ici on ne parle pas du PSOC, mais on parle vraiment de
l'ensemble du financement de ces organisations. L'étude que Mme Rodrigue a mentionnée, l'étude économique,
démontre que la valeur économique des services rendus par des organismes
communautaires en oncologie est évaluée à plus de 50 millions de dollars qui n'est pas financé par le ministère de
la Santé et des Services sociaux ou l'État québécois.
La
précarité du financement des organismes communautaires a fait que certains
de ces organismes ferment leurs portes,
notamment OMPAC, qui est l'organisme multiressources pour les
personnes ayant le cancer. Un organisme qui existait depuis 30 ans,
qui offrait des services à plus de 2 000 personnes vivant avec le
cancer, a dû fermer ses portes. Pourquoi?
Parce que Centraide a coupé son financement, parce que Centraide ne finançait plus la santé
physique et parce que, ce manque de financement là, le ministère de la Santé,
et l'agence de la santé de Montréal, a refusé de compenser ce manque de
financement.
Lorsqu'on
parle de reconnaissance et la participation des organismes communautaires en
santé, je voudrais donner un exemple
en oncologie, là je fais référence à l'article 2.1° : Assurer la
participation à l'organisation, au développement et à la gestion. Dans le plan directeur, on doit mettre sur pied un
comité de concertation des organismes communautaires. Effectivement, le comité est en voie d'être mis
sur pied. C'est plus un comité consultatif qui va se réunir une ou deux fois
par année pour consulter la DQC, comment
mettre en oeuvre son plan, faire part de ses commentaires, puis, suite à cela,
bien, on se réunira dans six mois, dans
12 mois, puis on viendra chercher notre opinion. Ce que nous, on demande,
c'est vraiment un comité, tel que
c'est stipulé dans l'article 2.1°, qui va travailler avec la DQC, va
travailler avec le ministère pour la mise en oeuvre de ce plan.
Et,
en conclusion, on voudrait réitérer notre demande au ministre, et même, non, on
va la réitérer à l'Assemblée nationale, de mettre sur pied un comité
national pour la mise en oeuvre du projet de loi n° 10. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup à vous trois. Maintenant, nous
allons débuter la période d'échange. Et, après ajustement du temps
accordé au ministre, il dispose d'un bloc de 19 min 30 s. À
vous, M. le ministre.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Merci, M. le Président. Alors, Mme
Rodrigue, M. Dion, M. Di Giovanni, bienvenue. Désolé du retard, là. La
vie parlementaire fait en sorte que c'est moi qui ai été retardé tout à
l'heure, ce qui fait que vous passez plus tard aujourd'hui.
Écoutez,
bien, je vous remercie de faire votre présentation, présentation qui est assez
claire. Je m'attendais à ce que vous soyez même plus revendicatrice,
mais vous avez...
Mme Rodrigue
(Nathalie) : ...M. le ministre.
M. Barrette :
Bien, c'est ça. Bien, moi, ça m'arrive...
Mme Rodrigue
(Nathalie) : Nous, on veut collaborer. On se choque quand ça n'a pas
d'allure, mais...
M.
Barrette : Ça m'arrive, moi aussi, des rumeurs de même, ça fait que je
vous comprends très bien. Mais c'est très bien.
J'aimerais
ça aborder un, ou deux, ou trois éléments, là, que vous avez traités dans votre
présentation, un peu pour faire écho
à ce que vous avez dit. Je comprends qu'à la Coalition Priorité Cancer vous
êtes évidemment en faveur de la fluidité
et de l'intégration, vous avez aussi fait référence au fait qu'actuellement
dans le système il y avait quand même des
barrières et une certaine bureaucratie. Et ça, sur ce point-là, j'aimerais ça
que vous nous donniez quelques exemples de barrières dans le cheminement du patient actuellement dans le
système, des barrières, qu'elles soient, là, physiques, organisationnelles, ainsi que les problèmes
bureaucratiques qui font qu'actuellement le patient chemine difficilement.
Puis je comprends que, quand vous dites ça,
vous êtes probablement en faveur avec au moins l'aspect du projet de loi
qui vise à faire tomber ça.
Mme Rodrigue (Nathalie) : En effet. Parce que, quand on parle de
difficultés pour un patient, on sait qu'il y a à peu près 25 % à
30 %, premièrement, de patients qui n'ont pas de médecin de famille et on
sait que plusieurs sont diagnostiqués pour
un cancer à l'urgence, donc beaucoup trop tard. Ils sont passés au travers des
mailles des processus de dépistage,
etc. Aussi, on sait que, même lorsqu'un patient a un médecin de famille, ça
peut prendre plusieurs mois avant d'avoir
un rendez-vous avec son médecin. Et, lorsqu'il a un rendez-vous avec son
médecin, ça peut prendre plusieurs mois avant d'avoir des résultats de laboratoire
de pathologie, etc.
On
sait qu'à Québec, présentement, c'est plus de trois mois pour des
diagnostics de cancer de la peau. Les échantillons
sont reçus au mois de juin, ils sont préparés pas les technologistes au mois de juillet puis, au mois
d'octobre, ils ne sont pas encore lus par les pathologistes. Donc, c'est
des délais pour les résultats d'analyse.
Après
ça, délais pour le diagnostic, délais pour la thérapie, que ce soit une chimio,
ou pour une radiothérapie, ou pour une chirurgie. Et par la suite,
lorsque les patients sont pris en charge, la plupart nous disent : Nous
sommes bien traités; il n'y a pas de
problème. Mais, quand le phénomène de soins est terminé, ils retombent encore
entre deux chaises, où souvent ils ne
sont pas pris en charge par le CLSC pour être référés en réadaptation, parce
que le dossier est resté à l'hôpital puis qu'on ne sait pas comment le
transférer.
Donc,
les clients doivent se battre dans un système qu'ils ne connaissent pas. On a
des témoignages de personnes qui
connaissent le système, comme des travailleurs sociaux, puis qui ont de la
misère à s'y retrouver. Alors, imaginez la personne qui n'a pas ces connaissances-là et qui doit se débattre en
plus d'avoir affaire avec la maladie, avec l'appauvrissement, avec tout
ce qui entoure le continuum de soins, finalement, en cancer. Je vais vous...
M.
Barrette : Je suis content que vous l'abordiez comme ça, parce
qu'effectivement c'est ça qui est, pour moi aussi, le problème. Évidemment, comme vous le dites avec justesse, un
coup qu'on est rentré dans la phase de traitement, ça va bien. Le traitement, ça va bien au Québec.
Mais il y a l'avant, comme vous avez bien décrit, puis il y a l'après qu'on
oublie tout le temps. Parce qu'après, bien, il y a de la convalescence, il y a
de la réadaptation, il y a...
Mme Rodrigue
(Nathalie) : Retour au marché du travail.
M. Barrette : Il y a de l'adaptation à une nouvelle vie, dans
certains cas, l'adaptation qui nécessiterait, vous allez être probablement d'accord avec moi, un
accompagnement, ne serait-ce que ça. Et notre système, actuellement, n'offre
pas ça ou du moins n'intègre pas ça. Et on
gagnerait grandement, pas juste pour le cancer, et je comprends que vous êtes
ici pour le cancer, évidemment...
Mme Rodrigue
(Nathalie) : Bien, pour toutes les maladies chroniques.
M.
Barrette : Mais, pour toutes les maladies chroniques, le système
gagnerait grandement, à mon avis, à ce que quelqu'un en quelque part ait
la capacité ou du moins la mission d'intégrer tout ça. Je vous écoutais nous
raconter qu'on a fait des... On a quand même
fait des progrès dans la lutte contre le cancer avec nos programmes de lutte et
nos protocoles, et tout, et tout,
mais, quand je vous écoute, je comprends aussi que, le bout d'après, là, ou le
bout d'avant, on ne l'a pas réglé, le bout de l'avant étant l'accès,
évidemment, et le cheminement du patient, et le bout d'après étant le
post-traitement. Alors, ça, dans ce sens-là, j'imagine que le projet de loi
n° 10 vous encourage un peu plus puisque...
M. Di Giovanni
(Jérôme) : Pas nécessairement. Je vais vous répondre par rapport...
M. Barrette :
Pourquoi?
M. Di Giovanni (Jérôme) : ...par rapport au bout d'après. Prenons un
dossier. Prenons un patient qui a subi ses traitements, doit sortir de l'hôpital avec le cancer ou un autre type de
maladie chronique, mais parlons du cancer. Le dossier doit automatiquement être transféré au CLSC pour
qu'il puisse ensuite déterminer quels sont ses besoins en maintien à domicile, adaptation de maison, réinsertion en
milieu du travail, et c'est-à-dire de faire l'évaluation par l'ergothérapeute
qui doit être attaché au CLSC ou en privé.
Lorsque ça fait six mois, on doit attendre 12 mois pour aller chercher ça.
Il y a des besoins immédiats en termes de maintien à domicile, en termes
de l'hygiène, puis tout ça.
Le
dossier doit aussi... Et ça veut dire le dossier médical, la certification que
ce patient-là a des besoins en raison des
limitations fonctionnelles dues à la maladie, doit être transféré au centre de
réadaptation de sa région et par rapport à son type de limitation fonctionnelle, de déficience. Cela ne se fait
pas. Puis un exemple qu'on a, nous autres, c'est que même pas... le CLSC, ils ne connaissaient pas le
processus à suivre pour transférer le dossier au centre de réadaptation et quels étaient les documents nécessaires qui
doivent être transférés au centre de réadaptation pour qu'on enclenche le
processus d'évaluation des besoins, même pas
de l'adaptation, mais de l'évaluation des besoins. Puis, si on parle de retour
au travail, bien là, on rentre Emploi-Québec avec ses programmes. Les services
sont là, ils sont tous là, mais c'est un problème
de culture, et de gestion, et d'organisation du travail. Tout le monde
travaille en silo. Et là, la réadaptation en mange un coup, puis le
patient, c'est lui qui souffre.
Le
projet de loi n° 10, il y a des... Ce qui est intéressant dans votre
projet de loi, c'est que ça nous permet de faire cette réflexion-là. Ce
qui est inquiétant, c'est que, si on n'obtient pas notre comité d'associations
de patients, on va retourner au même point,
c'est-à-dire qu'on va modifier les structures, on ne touchera pas à la pratique
professionnelle, on ne touchera pas à
la pratique organisationnelle du réseau de la santé et des services sociaux,
puis, dans cinq ans, dans six ans,
dans sept ans, on va crier au
scandale parce que ça coûte trop cher, puis on va refaire la même
chose. Parce que le projet
de loi n° 83 de l'ancien ministre de la Santé, le ministre Couillard,
qui est maintenant premier ministre, promettait ça aussi. Si on relit tout ce qui s'est dit dans les débats de la
commission parlementaire et des mémoires, beaucoup de ces choses-là
étaient déjà mentionnées.
• (17 h 10) •
M.
Barrette : Ça va? Alors, M. Di Giovanni, moi, je suis content que vous
l'abordiez sous cet angle-là, parce que
c'est exactement ce que l'on veut faire. Moi, je fais les mêmes constats que
vous, en ce sens que le cheminement du patient,
et la coordination, et l'intégration, le cheminement du dossier, la
coordination entre une instance et l'autre instance, c'est exactement ce qui ne fonctionne pas. Et en
plus ça ne fonctionne pas pour des gens qui sont dans des situations de grande vulnérabilité et de grandes problématiques
médicales et de santé. Et le projet de loi n° 10, je peux vous rassurer
là-dessus, c'est ce que ça vise à corriger.
Et
actuellement, quand vous nous dites que c'étaient les mêmes objectifs avant,
O.K. Mais ça ne s'est pas réalisé. Et
on sait pourquoi ça ne s'est pas réalisé. Une des problématiques qui fait en
sorte que la chose ne s'est pas réalisée, c'est que personne n'avait ni
l'autorité ni la volonté, je dirais, sur le terrain, de la faire, cette
intégration-là.
Quand
je fais le parallèle aujourd'hui avec ce qu'on a fait en termes de programme de
lutte contre le cancer, pour la
partie purement traitement ou investigation et traitement, on a fait un bout de
chemin, mais il n'en reste pas moins que, quand on a décidé d'aller dans cette direction-là, on y est allés. Et,
avec le projet de loi n° 10, ce que l'on veut décider, c'est de
faire ce qui n'a pas été fait : l'intégration du cheminement complet.
Et,
quand vous dites, avec justesse, M. Di Giovanni, que c'est un changement de
culture que l'on doit atteindre, que
vous tentez d'atteindre, sachez que, dans mon allocution au dépôt du projet de
loi, ça a été ma première phrase : Changer la culture. Et changer la culture, ça veut dire que les décisions se
prennent pour le patient. Et prendre les décisions pour le patient, bien, ça veut dire qu'une personne saine
d'esprit comme vous est capable de réaliser qu'il y a des points d'achoppement.
Puis ça ne prend pas un Ph. D. en
économie pour voir les points d'achoppement, mais, à un moment donné, ça prend de
la volonté et parfois des lois pour faire en sorte que ces points-là
d'achoppement soient corrigés.
Mme Rodrigue (Nathalie) : C'est pour ça qu'il faut impliquer des patients
dans l'élaboration des services, pour répondre aux besoins.
M.
Barrette : Et c'est là où je voulais en venir, je suis content que
vous ayez terminé ma phrase, dans une certaine mesure. Comment vous le voyez, là — je le comprends un peu mais pas
complètement — le
fonctionnement... Je comprends la
finalité, évidemment, mais comment voyez-vous le fonctionnement, l'intégration
dans cette structure-là de ce que vous appelez un comité national de
patients qui relève du ministre?
M. Di Giovanni
(Jérôme) : Je vais vous répondre, je vais utiliser votre projet de loi
pour y répondre.
M. Barrette :
Mais allez-y.
M. Di Giovanni (Jérôme) : Dans un premier temps, allons à
l'article 11. L'article 11, ce qu'il spécifie, en fin de compte, c'est les critères que vous mentionnez au
niveau de la nomination par le ministre. Dans ces critères-là, c'est très
bon... Si on lit ça, là, c'est quelqu'un qui
est en M.B.A. ou à l'ENAP, qui sort avec un beau diplôme. Il manque un certain
nombre de critères, dont tout le critère du
partenariat et du travail avec le secteur communautaire. Ce n'est pas inné, ça,
ça prend des compétences pour
travailler avec ça. Toute la question aussi de la coordination, l'organisation
et l'implication du patient et de sa
famille à l'intérieur du panier de services. Ça prend que les gestionnaires qui
vont être à la tête de vos CISSS doivent avoir ces compétences-là.
Le
comité national va pouvoir travailler avec vous pour élaborer ces critères et
s'assurer que les gens qui vont être embauchés, qui vont aller sur les conseils
d'administration, vont avoir ces critères-là pour mettre en place cette
nouvelle structure. L'article... c'était quoi? Deux secondes...
Une voix :
59.
M. Di Giovanni (Jérôme) : Oui, l'article 59, merci bien.
L'article 59, c'est extrêmement intéressant. C'est parce que, là, on voit ce que vous voulez faire avec la
structure, c'est-à-dire, bon, bien, l'établissement régional pour assurer,
en fin de compte, toute la participation de
la population à la gestion. Ça me fait penser à quelque chose qui existait en
1983, le Forum de la population. Le concept
était beau, mais, lorsqu'il a été mis en opération, c'était une vraie farce. En
anglais, on appelle ça du «window dressing»,
c'était du cosmétique. Les gens se réunissaient à tous les deux mois, donnaient
leur avis à la régie... à l'agence, ça finissait
là : Revenez dans deux mois. On posait des questions de suivi, c'étaient
des belles phrases creuses, très bien structurées, mais ça ne donnait
rien. Le comité va pouvoir travailler avec vous pour mettre en place les
critères, le processus, les mécanismes.
L'article 105, c'est l'établissement du plan en concertation avec les organismes communautaires, mais il faut mettre en place la structure, il faut savoir comment ça va se
faire. Ça l'est dans la Loi sur les services
de santé et services sociaux, mais ce
n'est pas vraiment appliqué. Cette fois-ci, grâce à votre projet de loi, ça
nous permet de poser ces questions-là, d'avoir
ce genre de discussion là, puis maintenant on demande une voix à la mise en
oeuvre de cela. Vous le reconnaissez jusqu'à
un certain point, M. le ministre. Vous voulez vous donner un comité pour vous
aviser au niveau des nominations. Bien,
donnez-vous un comité d'associations de patients qui va vous aviser comment
mettre le patient au centre et comment gérer le réseau en fonction des
besoins du patient.
Mme Rodrigue (Nathalie) : Je pourrais peut-être rajouter, pour donner un
exemple concret — parce
que vous comme moi, on est
pragmatiques — la
question du 450 versus le 514 pour les traitements en radiothérapie. Si on
avait consulté aussi les patients
avant de mettre cette directive-là en place, probablement qu'on aurait dit, les
patients : Oui, d'accord de
rapprocher les soins. Moi, je demeure à Laval, d'accord pour avoir ma
radiothérapie à Laval, même si j'étais traitée
à Maisonneuve avant. Si j'ai la même qualité de soins, si je n'ai pas un cancer
qui nécessite un niveau 4 au niveau de l'offre de services, je suis d'accord. Et, si je peux avoir vraiment
l'assurance que mes traitements seront similaires à ce que j'avais à
Montréal, parfait.
Mais, lorsqu'on parle
de soins spécialisés et surspécialisés qui ne se donnent pas en région... C'est
sûr que les médecins de Montréal essaient de
trouver l'oncologue ou le radiologiste à Laval ou à Longueuil qui va
dire : Oui, on va lui donner le
traitement de telle manière. Mais, avec la manière qu'on a procédé, c'est qu'on
a dit : On coupe les budgets, vous
allez être financés selon ce que l'agence prévoit et vous allez envoyer vos
médecins dans le 450. Et par la suite ce que ça cause, c'est qu'il y a des patients qui retombent sur des listes
d'attente parce que, là, il y a des délais. Il n'y a plus de délai à Montréal. On a même, à
Maisonneuve-Rosemont... si quelqu'un a besoin d'un traitement de radiothérapie,
allez-y, vous allez passer vite.
Mais
on a fait ça en catimini, l'agence, la Direction québécoise de cancérologie,
les agences de la Montérégie et de Laval,
et on n'a pas demandé au patient qu'est-ce qu'il en pensait. Puis en même temps
on dit dans la loi : Le patient a le droit de choisir son médecin et son hôpital, alors que cette décision-là
va totalement à l'encontre. On s'est fait traiter de menteurs, en disant que ce n'était pas vrai que ça
s'était fait. Ça se fait dans les faits, M. le ministre, je vous le dis, O.K.?
Ça se fait, les archivistes trient les
dossiers des patients 450 dans une pile, on essaie de les retourner dans leur
secteur, même si ça fait un troisième
cancer pour une personne qui a toujours eu le même oncologue dans un hôpital
montréalais. On lui dit : Bien là,
c'est fini, le lien est coupé, vous retournez dans votre quartier. Peut-être
qu'on n'aurait pas procédé de la même
manière ou avec un petit peu plus de jugement si on avait eu des patients
autour de la table avant de prendre une décision.
M.
Barrette : Mme Rodrigue, vous savez très bien que... Je sais que ce
que vous dites est vrai, je l'ai abondamment critiqué moi-même. Cette affaire-là a été extrêmement mal faite, et, à
bien des égards, c'était insultant pour les patients puis c'était
déstabilisant aussi pour les patients.
Mme Rodrigue
(Nathalie) : Puis c'est les patients qui écopent, là.
M. Barrette :
Tout à fait. Je suis d'accord avec vous. Et ce n'était pas la chose à faire, il
fallait simplement s'adresser essentiellement aux nouveaux patients et laisser
aller les patients avec leurs...
Mme Rodrigue
(Nathalie) : Qui étaient là déjà, en place, c'est ça.
M.
Barrette : Exactement. Ce n'était pas compliqué à faire, cette
affaire-là, Mais évidemment ça n'a pas été fait de même.
Mme Rodrigue (Nathalie) : Et d'offrir peut-être à des patients qui étaient
déjà là : Est-ce que, pour un traitement semblable, similaire, vous êtes prêt à aller... à retourner dans votre
région? Mais de lui laisser le choix, de le proposer et de laisser le
choix au patient.
M.
Di Giovanni (Jérôme) : ...même
pas la référence, c'était fait à des médecins... Les médecins étaient laissés
à eux-mêmes : Trouve un nouveau médecin, puis merci, bonjour.
M.
Barrette : Mais je suis tout à fait d'accord. Cette affaire-là, c'est
mal pensé. Évidemment, personnellement, je ne l'aurais pas fait comme ça
et aujourd'hui je suis déçu d'apprendre que le problème existe encore. Alors,
je vous remercie de me le faire noter.
Mme
Rodrigue (Nathalie) : Je
vous invite à lire LaGazette, l'article de La Gazette sur
l'hôpital juif, entre autres, qui est paru le 26 octobre, je pense.
M. Barrette : Oui, celui-là, je l'ai
lu. Celui-là, je l'ai lu.
Mme Rodrigue (Nathalie) : Oui, très
intéressant.
• (17 h 20) •
M.
Barrette : Maintenant, je vais quand même faire un petit bout
éditorial, puis me vous corrigerez, là, si vous n'êtes pas d'accord. Je pense quand même que le rôle du gouvernement est
de ramener ou d'amener le service le plus près du patient possible dans toutes les circonstances et, à qualité égale...
Parce que je pense qu'on peut dire ça, «à qualité égale». Surtout dans une intégration comme le projet de
loi n° 10 veut faire, à un moment donné il y aura une uniformisation des
protocoles, là, ça veut dire qu'on pourra vraiment, là...
Une voix : ...
M.
Barrette : Et vous et moi, on sait qu'on peut avoir un diagnostic dans
une région et ne pas avoir le même dans l'autre, là. Alors, on sait
qu'il y a des problèmes de ce côté-là et on se comprend très bien. Et, là
aussi, ça devient une question essentiellement d'intégration. Mais vous allez
être d'accord avec moi qu'à un moment donné on doit quand même, de façon budgétaire — on n'a pas le choix de l'avoir, là — amener le service au patient, et il y a une
conséquence au bout de la ligne.
C'est que, malgré le fait qu'on laisse le patient choisir, à un moment donné le
choix peut être près de lui, et on ne peut pas toujours investir dans le
même centre, là.
M. Dion
(Serge) : Oui. On n'est pas
contre, nous, au comité, sauf que moi, depuis plusieurs mois, je suis en
tournée provinciale, et puis je vais
sur le terrain, je vais voir ce que les gens ont à dire, et puis, je dirais,
les problèmes les plus souvent
mentionnés, c'est justement ça, c'est : Comment ça se fait que la loi me
dit que j'ai le droit de faire... d'aller où est-ce que je veux, de choisir mon médecin et que, dans les faits,
effectivement, ça ne se fait pas? J'ai des gens aussi en région qui nous ont dit : Écoutez, on manque
de ressources en oncologie, on a une infirmière pivot pour je ne sais pas
combien de dossiers. Comment on va faire
pour régler tout ça? On aimerait peut-être aller ailleurs, on ne nous le permet
pas.
Je reviens
sur votre projet de loi, l'article 39, qui dit qu'«un établissement public
ne peut refuser de recevoir un usager
dirigé vers ses services par un autre établissement». Je pense que vous allez
avoir beaucoup de difficultés à faire respecter cet article-là, et puis
on va avoir beaucoup de difficultés à expliquer ça à nos gens sur le terrain.
M.
Barrette : Il ne me reste pas beaucoup de temps, je pense qu'il me
reste juste le temps de répondre à cette question-là, si vous me
permettez, là, ça ne sera pas très long, de prendre un peu de temps, mais ça ne
sera pas long.
Le Président (M. Tanguay) : Il est à
vous, il est à vous.
M.
Barrette : C'est parce que ça, c'est la quadrature du cercle. La
quadrature du cercle fait qu'à un moment donné on ne peut pas tout budgéter. Et, d'un côté, on veut ramener, on veut
ramener le service le plus près du citoyen possible et on veut absolument laisser le choix au citoyen
d'aller où il veut. Mais, de façon prospective, là, c'est impossible de prévoir que les patients vont accepter d'aller au
point de service qui est près de chez eux, même s'il est démontré que la
qualité est là. Alors, à partir du moment où
moi, j'amène le service — je prends la radiothérapie, par exemple — dans le 450 avec un niveau de professionnalisme qui est équivalent à l'hôpital
universitaire, bien, je l'ai amené, le point de service, puis, si les gens ne veulent pas le prendre, je
fais quoi? Alors, est-ce que je continue à financer proportionnellement plus
grandement un autre centre parce que les gens veulent aller là ou, à un moment
donné, j'équilibre les choses?
Mme
Rodrigue (Nathalie) :
Autrement dit, il faut que le financement suive le patient, justement, qu'on
cesse de financer historiquement.
M. Barrette : Je comprends, mais en
même temps est-ce qu'un des deux puits devient sans fin? Ça, c'est la
quadrature du cercle.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à cette
période d'échange avec le ministre. Je
cède maintenant la parole à notre collègue députée de Taillon, de l'opposition
officielle, pour une période de 14 minutes.
Mme Lamarre :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme Rodrigue,
M. Di Giovanni, M. Dion. Je vous donnerais le temps de répondre à la dernière intervention que
vous aviez avec le ministre, vous étiez sur une envolée. J'aimerais vous entendre
pour quelques minutes, parce que nos minutes sont très comptées, mais quand
même j'aimerais vous entendre finir votre réponse.
M. Di Giovanni (Jérôme) : Il y a un certain nombre d'éléments par rapport à
ça. Premièrement, il faut connaître les services qui existent sur le
territoire, O.K.? On réfère à l'article... à la loi de la santé, c'est
clairement spécifié : les personnes, il
faut qu'elles soient informées des services qui existent. Mais moi, je voudrais
bien voir, disons, depuis les deux
dernières années... Est-ce qu'il y a une campagne d'information, depuis les
trois, depuis les cinq, depuis les 10 dernières années, pour nous informer des services qui
existent, et passée par l'entremise du secteur communautaire, en partenariat?
Non.
L'autre
élément, lorsqu'on parle... Puis ça, je suis d'accord que les ressources sont
limitées. Parce qu'il y a un bout de
phrase qui existe, «tenant compte des ressources humaines, financières et
matérielles», on est tout à fait d'accord, mais c'est une phrase qui est devenue passe-partout, qui nous est servie
continuellement, mais moi, je voudrais bien qu'on le démontre, qu'est-ce qu'on demande là, que les
ressources n'existent pas. Et la démonstration n'a jamais été faite. La seule chose qu'on entend : Les ressources
n'existent pas, ça nous coûte tant de millions de dollars, même milliards de
dollars par année, et on n'a plus les
moyens. Bien là, on va s'asseoir — c'est ça, l'idée du comité national
aussi — on va
s'asseoir puis on va regarder ça. Si on est
dans la loi qu'on doit gérer, on est responsable de la gestion puis on doit
être impliqué dans l'administration,
dans le développement, faisons-le vraiment par rapport à ça. Et ça, c'est
qu'est-ce qu'on demande actuellement par rapport à toute cette
question-là des coûts puis de l'information, puis de s'assurer qu'on a vraiment
les services au bon moment, à la bonne place puis pour les bons besoins.
Mme Rodrigue (Nathalie) : Et je pense qu'en impliquant les patients dans
les décisions ou dans la mise en place de
certains services on aurait une vision
plus agrandie des impacts de faire un choix ou de ne pas faire un choix. Je
parlais tout à l'heure que 80 %
des Québécois désiraient mourir à domicile. Dans les faits, au Québec, c'est
9 %. On en a 5 % qui
meurent dans les urgences, à peu près 50 % dans des lits de courte durée,
des lits électifs, qui retardent des chirurgies et qui coûtent encore de l'argent au système, parce que la personne qui
pourrait retourner au travail après sa chirurgie est en arrêt de
travail. On n'a pas cette vision-là au ministère. On a : Comment ça coûte
là, maintenant?
Mais,
si on ferait comme il s'est fait dans certaines régions, dont certains secteurs
de Montréal, la région d'Arthabaska et de L'Érable, où des hôpitaux...
des médecins, dans des hôpitaux, se sont fait des alliances avec des
infirmières, des travailleurs sociaux, des
organismes communautaires sur le terrain pour maximiser l'offre de soins à
domicile de fin de vie, on est arrivé
à des taux de décès à domicile de 50 %. Alors, c'est d'autant moins de
personnes qui occupent des lits à l'hôpital,
c'est d'autant plus de personnes qui sont respectées dans leur choix. Et les
personnes qui vont à l'hôpital puis qui auraient voulu rester à la
maison, c'est souvent que ça n'a pas été possible, parce qu'il n'y avait pas
personne... il n'y avait pas de proche
aidant. Parce que pour... Quand même, il faut savoir que, pour aider les gens à
domicile, maintenir les gens à
domicile, ce n'est pas seulement avec les médecins, les infirmières, les organismes
communautaires, ça prend quand même un proche aidant. Donc, il faut
aussi le soutenir dans sa vie puis dans ses défis qu'il a à relever.
Mais
les personnes qui vont mourir à l'hôpital prennent un espace de temps moins
élevé. Au lieu d'être deux mois, des
fois, dans un lit d'hôpital, ils vont arriver puis, deux, trois jours plus
tard, ils vont être décédés, parce qu'on a été capables de les garder à la maison dans de belles conditions, en
absence de douleur. Mais il vient un moment donné que, parfois, ce n'est pas possible de décéder à
domicile. Mais la pression que ça enlève quand les groupes s'organisent et décident de travailler ensemble et non de se
regarder comme des chiens de faïence, parce que le communautaire, ce n'est pas bon... ou etc. Quand cette confiance-là
s'établit entre les différents acteurs sur le terrain, on arrive à des beaux
résultats qui font économiser énormément au système de la santé.
Donc, il va falloir
que... Quand on parlait... C'est ça, c'est un changement de culture. Puis,
quand on fait ces mouvements-là, il faut
apprendre aussi à se mesurer. Puis nous sommes encore dans une culture de la
non-mesure. On compile, dans les
agences, des statistiques, des statistiques, mais on n'a pas d'indicateur
fiable pour savoir où on s'en va.
Mme
Lamarre : Si vous me permettez, c'était une de mes interventions,
parce que, là, les minutes filent, on n'a que neuf minutes, là.
Mme Rodrigue
(Nathalie) : Oui. Excusez-moi.
Mme
Lamarre : Alors donc, d'abord, moi, je veux vous dire qu'il y avait eu
aussi une enquête, il y a trois ans, où
on avait, au Québec — et vous
aviez participé, la Coalition Priorité Cancer — démontré que 18 % des personnes qui
apprenaient qu'elles avaient un cancer n'avaient
pas de médecin de famille. Alors, ça traduit bien ce que vous avez dit. Ça veut
dire que les gens l'apprenaient à l'urgence, en se rendant à l'urgence,
peut-être après avoir fréquenté quelques urgences rapides dans des cliniques médicales, mais finalement, à
l'urgence d'un hôpital, finissaient par l'apprendre. Et c'est sûr que, dans un contexte où on manque de
médecins de famille, si on doit les attribuer à quelqu'un, ce patient qui a
un diagnostic de cancer va avoir besoin d'un
suivi d'un médecin de famille pour gérer tout ce qui accompagne, autant au
niveau psychologique que physique, les besoins de cette population-là. Donc, je
comprends très bien votre démarche.
On va revenir
un peu avec le projet de loi n° 10. Moi aussi, j'avais ciblé, là, les
indicateurs éprouvés. Je trouve tout
à fait inacceptable que le Québec soit le seul pour lequel on ne puisse pas
extrapoler les statistiques canadiennes. Alors, pour les gens qui nous
écoutent, on peut être capable de savoir, partout au Canada, la prévalence de
certains cancers, les durées de
traitement, la nature des traitements, et tout ça, mais pas avec le Québec,
parce qu'on n'a pas organisé notre système d'information pour ça. Et
ça, ça m'apparaît être une priorité, parce que, ce que vous avez dit avec
justesse, quand on ne sait pas ce qu'on
cherche, on n'a pas de chance de le trouver puis, quand on n'a pas d'indicateur
pour le mesurer, on n'a pas de chance de s'améliorer puis de faire qu'on soit
plus performant.
Alors, vraiment, il y a quelque chose qui
est là mais que moi, j'ai de la misère à déduire de façon automatique avec le projet de loi n° 10, là. Je ne peux
pas voir du tout de lien entre les deux. Et peut-être qu'il est là, mais, à ce moment-là, ce qui ressort dans votre mémoire, ce
qui ressort dans la proposition de beaucoup d'autres, c'est qu'avec le
projet de loi n° 10 il faut absolument que le ministre nous donne ce qui
est dans sa tête pour l'instant, c'est-à-dire les orientations et plans de transition,
parce que, sinon, on ne sait pas à quoi on dit oui, à quoi on dit non, à quoi
on dit peut-être, puis à quoi on veut améliorer. Alors, est-ce que
vous pouvez me donner un exemple de trajectoire de soins que vous
souhaiteriez avoir pour les patients qui ont un cancer?
• (17 h 30) •
Mme Rodrigue (Nathalie) : Bien, comme on disait tout à l'heure, ça commence déjà au
niveau de la prévention. Mais on peut peut-être y aller comme
l'exemple en 2013 : le ministre Hébert nous avait annoncé la création d'un programme provincial
de dépistage du cancer colorectal par la recherche de sang occulte dans les
selles. Les tests se font à l'hôpital
de Sherbrooke présentement, au CHU de Sherbrooke. Le projet pilote devait
partir dans huit régions définies.
La problématique
là-dedans, c'est que, oui, les huit régions participent, mais ce n'est pas un
programme de dépistage, c'est du dépistage
opportuniste, qu'on appelle. Ce qu'on a fait, c'est qu'on a priorisé les
personnes qui étaient sur des listes
d'attente en colonoscopie pour, je dirais... bon, roder, ce n'est pas français,
là, mais pour tester le système. Et
on a priorisé, pour la colonoscopie, les personnes qui avaient une recherche de
sang occulte positif. Ça, c'est très bien. Il fallait commencer par faire un ménage là-dedans, parce qu'étant donné
qu'on ne se mesure pas on n'a pas non plus le taux de positivité des colonoscopies, combien de colonoscopies sont
faites pour la bonne raison et combien d'autres sont juste faites en
prévention et qu'on ne trouve aucun polype ou aucune lésion cancéreuse.
Deuxièmement,
présentement, on n'a pas donné les budgets pour informatiser ce programme-là.
Alors, présentement, le médecin va prescrire à son patient d'une manière
opportuniste, bon, va dire : À risque, parce que votre père, votre grand-père, etc., a eu le cancer. Le patient s'en
va à son CLSC ou à son hôpital, prend les tubes pour les prélèvements, s'en va
chez lui, fait le prélèvement, retourne à l'hôpital. La requête est
remplie — papier — et c'est envoyé à toutes les semaines à
Sherbrooke. Quand ça arrive à Sherbrooke, il faut enregistrer ces requêtes-là.
Alors, présentement, on a huit commis pour enregistrer les requêtes qui
arrivent à Sherbrooke, pour un technologiste médical qui fait les analyses. Et, quand les
résultats sortent, ils sont retournés, dans les hôpitaux qui ont reçu les
prélèvements, par fax.
Mme
Lamarre : Ce que vous traduisez, c'est vraiment transformer les
pratiques organisationnelles et professionnelles.
Mme Rodrigue (Nathalie) : Oui, oui. Pourquoi on n'a pas fait un système
central testé sur huit régions, un bureau qui envoie les requêtes chez les patients, directement, de 50 ans, puis le tester comme ça, avec le tube de prélèvement,
que le patient colle dessus son code à
barres qui est identifié à son nom, qui est retourné à l'hôpital?
Les résultats retournent au central, et, si c'est positif, on dirige le
patient dans une clinique pour faire faire une colonoscopie.
Mme Lamarre :
Mais ce qu'on comprend, c'est que les centres intégrés...
Mme Rodrigue
(Nathalie) : Ça aurait été trop simple, je ne le sais pas.
M. Di Giovanni (Jérôme) : Je voudrais ajouter quelque chose à ce que Mme
Rodrigue vient juste de dire. Avant de...
Mme
Lamarre : Les centres intégrés ne règleront pas ce problème-là, là. Ce
que je comprends, c'est que la...
Mme Rodrigue
(Nathalie) : Bien, on ne sait pas, parce que... On ne sait pas. Là, je
ne le vois pas.
Mme
Lamarre : En tout cas, ce que vous proposez, c'est une intégration
unique, centrale pour tout le Québec, mais pas nécessairement...
Mme Rodrigue
(Nathalie) : Mais il faudrait... Comme le programme de dépistage du
cancer du sein.
M. Di Giovanni (Jérôme) : Mais, par rapport à ça, avant de lancer le programme,
il y a eu une étude qui a été faite
pour savoir est-ce qu'on a un programme de dépistage. Et, cette étude, dans la
première page, on mentionne : Ça n'inclut
pas les personnes ayant une déficience auditive, ça n'inclut pas les personnes
qui ont un problème d'élocution, ça
n'inclut pas les personnes des communautés culturelles qui ne peuvent pas
parler anglais et français. Parce que l'étude a été faite au téléphone, vous devez parler soit en français ou en
anglais. Donc, ça exclut tout un pan de la société québécoise. Et ça,
c'est l'Institut national de la santé publique qui a fait l'étude.
M. Dion (Serge) : Et j'aimerais ajouter qu'au-delà des voeux pieux où est-ce que beaucoup
de gens ont beaucoup de bonnes idées... c'est très bien, mais, si on n'a
pas les ressources pour les appliquer, bien, ça devient complètement ridicule. Écoutez, moi, je demeure dans
l'Outaouais, et puis ma médecin m'a recommandé une colonoscopie. Et elle m'a
dit textuellement : «Si tu veux aller
dans le système public, ça va prendre cinq ans. Et, si tu vas dans le privé, ça
va prendre beaucoup moins de temps
que ça.» Donc, je suis allé de l'autre côté de la rivière et je l'ai eu en
trois semaines. Donc, c'est à se
demander... Oui, on peut avoir des beaux programmes, on peut avoir un paquet de
bonnes idées, mais, encore là, si on n'a pas les ressources pour les
appliquer, ça tombe entre deux chaises.
Mme
Lamarre : Il faut peut-être être... Il faut peut-être cibler mieux nos
populations et faire un effort. Mais ça, c'est un effort qui est vraiment, à ce moment-là, une priorisation qui
s'apparente plus au programme sur lequel il a été travaillé, là, il y a
un an, avec Dr Latreille, sur le programme de...
Mme Rodrigue (Nathalie) : De
cancérologie.
Mme Lamarre : ...plan d'action du
cancer. Et effectivement je pense que, pour le cancer, il faut garder ces
organisations-là qui sont vraiment de nature nationale et non pas les
refragmenter dans toutes les régions.
Mme Rodrigue (Nathalie) : Dans
toutes les régions...
Mme
Lamarre : On a besoin
d'avoir une centralisation, une coordination, mais centrale. Donc, à ce moment-là, je pense que vous le faites
bien valoir.
J'ai beaucoup
aimé aussi quand vous avez fait valoir la valeur des services offerts par les organismes communautaires. Moi, je peux
dire que, dans Taillon, je suis impressionnée de voir l'intensité, la qualité,
la parcimonie des gens qui reçoivent un
petit budget dans les organismes communautaires et les miracles qu'ils
réussissent à faire. C'est incroyable, comment
ces gens-là travaillent intensément. Et donc je ne retrouve pas, effectivement,
une juste place dans le projet de loi
n° 10 pour cette communauté qui s'investit, et qui est très, très
présente, et qui, quelque part, avec de petits budgets, réussit à faire
faire des économies qui sont vraiment très importantes et très significatives.
Mme
Rodrigue (Nathalie) : Et on
ne réussira pas un virage vers la première ligne si on n'intègre pas les
groupes communautaires et si on ne
soutient pas les proches aidants. Si on ne fait pas ça, si on ne met pas de
l'argent... Mais, comme vous dites,
avec 20 $ dans le communautaire, on fait pour beaucoup, peut-être pour
200 $ dans le public, donc il y a vraiment... Les ressources sont là, sur le terrain, les gens
veulent aider... Parce que, lorsqu'on travaille à titre bénévole, là, c'est
parce qu'on veut, c'est parce qu'on
croit à la mission. Et ça, c'est très important. Et les proches aidants ont
besoin de soutien. En cancer, 30 % des proches aidants meurent
avant la personne qu'elles soignent. C'est très important.
Mme Lamarre : Donc, toute la
dimension des services sociaux qui accompagnent...
Mme Rodrigue (Nathalie) : Et le
service à domicile.
M. Di Giovanni (Jérôme) :
L'accompagnement.
Mme Lamarre : ...et de
l'accompagnement font partie, vraiment...
Mme Rodrigue (Nathalie) : Ils font
partie de la solution.
Mme
Lamarre : Et je pense que c'est ça qu'il ne faut pas oublier, c'est
qu'on a un ministère de la Santé et des Services sociaux et que ces
services sociaux, là, ont vraiment un lien...
Une voix : ...
Mme
Lamarre : Bien, je suis contente de vous voir, parce que c'est la
première fois qu'on vous voit, mais je suis très heureuse de vous voir
dans nos travaux, Mme Charlebois.
Mais donc
c'est important qu'on rallie, mais qu'on les inclue dans la continuité, et non
pas que ça soit deux morceaux distincts.
Mme Rodrigue (Nathalie) : Non, il
faut qu'ils travaillent ensemble.
Mme Lamarre : Et...
La Présidente (Mme Montpetit) : Mme
la députée de Taillon...
Une voix : Et on peut faire
plus, on peut faire plus également au niveau des proches aidants.
La Présidente (Mme Montpetit) : ...je
vous remercie, le temps est écoulé.
Mme Lamarre : Parfait.
La Présidente (Mme Montpetit) :
Donc, M. le député de La Peltrie, c'est à vous pour
9 min 20 s.
M.
Caire : Pour
combien de temps, vous dites?
La Présidente (Mme Montpetit) :
9 min 20 s.
M.
Caire : Merci. Bonjour. Merci pour votre présentation. Je
voulais revenir avec vous sur quelques sujets. Le projet de loi n° 10 vise une intégration des services, bien sûr,
et vous avez fait, dans votre présentation, allusion au registre du cancer. Bon, dans le contexte de la
lutte contre le cancer, on peut penser que c'est un outil essentiel. Dans le
contexte du projet de loi n° 10, de quelle façon peut-on travailler avec
ces outils-là? Dans un contexte d'intégration de services évidemment, de
quelle façon peut-on le faire évoluer, de quelle façon peut-on l'améliorer?
Mme Rodrigue (Nathalie) :
Bien, le registre du cancer peut servir à bien des choses. Dans un contexte de
la loi n° 10... Bien, pour savoir
comment, justement, un centre de santé, dans une région donnée, va organiser
ses services, c'est un peu... ça aide
beaucoup de savoir aussi quel type de cancer on a, est-ce qu'il y a une
incidence pour un type de cancer
plutôt qu'un autre? S'il y a des traitements qui se donnent, ce n'est pas juste
de savoir que c'est de la chimio, mais quel type de chimio a été donné
et laquelle est la plus performante.
Dans
le registre, présentement, on n'a pas les taux de survie. Alors, on va savoir
qu'une personne a un cancer du côté
gauche, au poumon, qu'on a donné de la chimio, puis on ne sait pas si ça
fonctionne ou si ça ne fonctionne pas. Parce qu'on ne sait pas c'est quel type de chimio puis, s'il y a eu un mélange
de différents médicaments, on ne le sait pas plus. Si ça a été de la
radio, c'est : radio. Mais, à quelle dose, etc., on n'a pas ça au
registre.
Donc,
les médecins ne peuvent même pas le consulter pour savoir si une thérapie
fonctionnerait mieux qu'une autre et
ainsi améliorer les services et diminuer les coûts, parce qu'il y a peut-être
des traitements qui se donnent qui ne sont
pas nécessaires, il y a peut-être des traitements qui pourraient se donner puis
qui ne sont pas connus d'un spécialiste parce que... Un médecin ne peut pas tout savoir, mais, s'il peut se
comparer avec d'autres personnes, d'autres collègues de travail ou sur
d'autres régions, etc., ça peut améliorer aussi la qualité des services.
On
peut décider... Dans une région donnée, si on voit qu'il y a de plus en plus de
femmes qui ont un cancer du sein
autour de 40 ans, bien, peut-être que le programme de dépistage, dans
cette région-là, pourrait débuter plus tôt. Puis on pourrait aussi travailler à rechercher les causes : Est-ce que
c'est une cause environnementale? Est-ce qu'il y a une industrie quelconque, dans la région, qui peut
peut-être avoir une influence sur la santé des gens, etc.? C'est à ça qu'un
registre peut servir et devrait servir.
• (17 h 40) •
M. Di Giovanni (Jérôme) : Mais il y a un autre élément extrêmement
important : le registre, ça implique aussi des ressources humaines. Pour mettre en place un registre, ça prend des personnes qui ont fait la collecte de
données puis classé ça. Il y a l'Association québécoise des registraires en oncologie, qui ne participe
même pas aux discussions à la DQC par rapport à ça. Ils ont été expulsés
parce qu'ils étaient trop...
Mme Rodrigue
(Nathalie) : Critiques.
M. Di Giovanni
(Jérôme) : ...trop critiques.
Deuxièmement, ça implique aussi — puis
ça, ça s'adresse au ministre — une
planification de la main-d'oeuvre. On a
combien de registraires en oncologie? Ça prend des compétences précises et
particulières. Est-ce qu'il y a un plan de développement de main-d'oeuvre? Est-ce
qu'il y a une reclassification de la profession par rapport à ça? Ce n'est pas uniquement
dire : On achète un logiciel puis on se met à pitonner là-dessus, c'est beaucoup
plus complexe que ça.
M.
Caire : Mais vous
attirez mon attention, j'aimerais ça que vous me parliez de l'association des registraires en
oncologie. Vous dites qu'ils ont été expulsés de discussions. De quelles
discussions et en quoi étaient-ils critiques, là? J'aimerais ça vous
entendre là-dessus, là.
Mme Rodrigue (Nathalie) : Ils étaient critiques dans le sens que, dans les hôpitaux,
les registraires en oncologie colligent
toutes les données pour un vrai registre, sauf que ça demeure des registres
locaux. Et ce qu'on a demandé à la Direction
québécoise de cancérologie de
transmettre à la RAMQ, à la Régie de l'assurance maladie, qui a maintenant le
registre sous son égide, c'est, bon, le sexe
de la personne, son nom, sa région, le type de cancer, le type de traitement,
et c'est à peu près tout. Ça ne collige pas,
comme on disait, le taux de survie, le vrai type de traitement. S'il y a un
deuxième traitement, un traitement de deuxième intention, ce n'est pas
colligé dans le registre. Et, sur le terrain, les personnes n'ont pas les
capacités de colliger deux registres, non plus.
Alors,
ce que l'association demandait, c'est qu'on forme plus de registraires en
oncologie, mais qu'on crée le titre d'emploi
de registraire en oncologie, parce que, pour être registraire, c'est une année
de plus, au cégep, qu'un archiviste médical.
Mais, pour le moment, ces personnes-là n'ont pas de reconnaissance de titre
d'emploi, ils vont aller étudier un an de plus, ils ne seront pas payés plus ou à peine. Là, on leur demande de
remplir un registre, ils sont en nombre insuffisant sur le terrain, à l'hôpital, et de dupliquer les
données pour les envoyer au registre à la RAMQ, alors que, si on avait eu un
système intégré, lorsqu'ils auraient rentré
les données à l'hôpital, dans leur registre, ça se serait transféré
automatiquement. Mais là ce n'est pas ça, alors on recommence le
travail.
Et
il y a eu un document récemment, qui est sorti, sur la planification de la
main-d'oeuvre pour les registraires en
oncologie, mais ça ne tient pas compte de ce double aspect là. Alors, on
dit : Il y a assez de registraires en oncologie au Québec, présentement, pour fournir les données
au registre. Oui, mais le registre est incomplet. Et qui va rentrer les statistiques, à ce moment-là, pour les registres
locaux dans les hôpitaux, si on dit que ces personnes-là doivent prioriser
le registre du cancer au Québec, qui est incomplet? Alors, qu'est-ce qu'on
fait?
M.
Caire : Je vais devoir sans
doute changer de sujet, parce qu'il ne doit plus me rester beaucoup de temps,
mais on aura certainement l'occasion de revenir là-dessus.
Vous avez, tout à l'heure, critiqué
les comités d'usagers ou l'efficacité des comités d'usagers, puis ça m'a
interpellé, parce qu'hier la
Protectrice du citoyen nous disait justement l'importance de maintenir les
comités d'usagers, et même de s'assurer qu'il y a une représentation sur
le terrain. Donc, vous allez un petit peu à contresens...
Mme Rodrigue (Nathalie) : On ne l'a pas critiqué, on a même suggéré qu'il y
en ait plus au conseil d'administration.
M. Dion
(Serge) : Nous, on suggère d'augmenter... de pondérer...
M.
Caire :
Mais de les inclure au conseil d'administration.
Mme Rodrigue
(Nathalie) : Beaucoup plus. En plus grand nombre.
M. Di Giovanni (Jérôme) : Les inclure au conseil, de leur donner les
ressources nécessaires pour qu'ils puissent faire leur tâche à l'intérieur du conseil. Est-ce que
vous avez déjà participé à un conseil d'administration d'une agence ou d'un centre
de réadaptation? Vous arrivez là avec une tonne de documents, beaucoup, beaucoup d'information qui circule.
Donc, si vous, vous êtes là comme représentant qui devez prendre une décision,
vous avez besoin d'un support pour
passer à travers tous ces documents-là. Puis ce n'est pas une personne sur
sept, sur huit, sur 12 qui va faire vraiment,
vraiment la différence. Donc, il faut réfléchir à tous ces éléments-là.
L'autre
élément qui est extrêmement important : lorsqu'une agence, ou un centre de réadapt, ou d'autres
structures du réseau invitent un organisme communautaire à nommer quelqu'un pour aller siéger sur un conseil d'administration
ou sur un comité, dès que cette personne-là
s'assoit sur la chaise, elle n'est plus la représentante de l'organisme, elle
devient sa propre représentante.
Donc, automatiquement, la structure de la santé va la couper. C'est un
organisme. À chaque fois qu'elle
parle, si elle dit : Bien, mon organisation, on dit : Ah non! Vous
êtes ici en tant que vous-même, en tant que citoyenne. Donc, il y a
un problème là.
On
dit qu'on doit participer à la gestion, à l'administration, mais il faut
que ça soit en tant que représentant de l'organisme. Donc, la question des comités d'usagers, c'est dans la loi. Dans
les centres de réadaptation, dans les
hôpitaux, il y a la représentation
des associations de patients, des organismes communautaires aussi qu'il faudra
voir par rapport à ça. Puis il faut y
réfléchir, comment ils peuvent vraiment jouer leur rôle en tant que décideurs,
pas en tant que personne qui va aller acquiescer à une décision déjà
prise, et qu'elle est très bien revanchée puis très bien présentée.
M. Dion (Serge) : Tout à fait. Au-delà du droit
de parole, ces gens-là, qui, on l'espère, seront en plus grand nombre dans ces établissements-là, auront pas seulement un droit de parole,
mais participeront activement aux instances décisionnelles où est-ce
qu'eux le poids de leur parole aura le même poids que tout le monde autour de
la table.
M.
Caire :
Merci.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, il nous reste à vous remercier, aux
représentants de la Coalition Priorité Cancer au Québec.
Maintenant, je
demande au prochain groupe de prendre place. Et nous allons momentanément
suspendre nos travaux. Merci.
(Suspension de la séance à 17
h 46)
(Reprise à 17 h 50)
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous allons poursuivre nos travaux. Peut-être
une petite technicalité avant d'enchaîner.
Je me dois de vous demander le consentement pour dépasser l'heure prévue. Nous devions
siéger jusqu'à 18 heures, mais nous
dépasserons visiblement l'heure prévue pour les commissions. Alors, est-ce que nous avons consentement pour
dépasser l'heure?
Des voix :
...
Le Président (M.
Tanguay) : Oui? Consentement. Parfait. Merci beaucoup.
Alors, nous
accueillons maintenant les représentants, représentantes de la Confédération
des organismes des personnes handicapées du
Québec. Je vous demanderais, pour des fins d'identification, de bien vouloir
vous identifier, et par la suite vous
disposerez d'une période de 10 minutes pour votre présentation, et ensuite
les échanges, comme vous le savez, avec les parlementaires. Alors, la
parole est à vous.
Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN)
Mme Vézina (Véronique) : Bonjour. Merci, M. le
Président. M. le ministre, Mme la ministre, MM., Mmes les députés. Merci de nous recevoir. Je me présente : Véronique Vézina,
présidente de la COPHAN. J'ai deux de mes collègues avec moi : M.
Richard Lavigne, qui est directeur général, et M. Robert Labrecque, qui est un
militant de longue date.
Avant
de commencer notre présentation, on aurait deux accommodements à vous demander.
La première : en raison de nos
limitations, on a de la difficulté à savoir qui est autour de la table. Donc, si
c'était possible que vous puissiez vous présenter.
Et la
seconde : il est possible qu'on dépasse d'une minute ou deux le temps de
notre présentation. Donc, si vous pouvez nous offrir cet
accommodement-là, ce serait apprécié.
Le
Président (M. Tanguay) : Est-ce que vous voulez que chaque personne, avec sa voix, s'identifie dans... le
lieu...
Mme Vézina (Véronique) : Oui, s'il vous
plaît.
Le
Président (M. Tanguay) : O.K.
Alors, on va vous accommoder. Alors, évidemment, président Marc Tanguay, député de
LaFontaine. Et je vais à ma droite, et là allons-y, collègues.
M.
Barrette : Alors, Gaétan
Barrette, qui est ministre de la
Santé. Puis, si jamais vous entendez quelqu'un
tousser, c'est moi, si c'est un homme; si c'est une femme, c'est ma
collègue.
Mme
Charlebois : Lucie
Charlebois, ministre déléguée à la Réadaptation — en tout cas, vous me connaissez — Protection
de la jeunesse et Santé publique, qui tousse aussi.
M. Plante : Marc Plante, député de
Maskinongé.
M. Iracà : Alexandre Iracà,
député du comté de Papineau en Outaouais.
Mme Simard : Bonsoir. Caroline
Simard, députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré,
et qui tousse aussi.
M. Giguère : Pierre Giguère, député
de Saint-Maurice.
Mme Montpetit : Marie Montpetit,
députée de Crémazie.
Mme
Lamarre : Bonsoir. Diane Lamarre, députée de Taillon et porte-parole
de l'opposition, santé et accessibilité aux soins.
M. Lisée :
Bonsoir. Jean-François Lisée, député de Rosemont et critique de l'opposition
pour les services sociaux.
M.
Caire : Éric Caire,
député de La Peltrie.
M.
Schneeberger : Sébastien
Schneeberger, député de Drummond—Bois-Francs.
Mme David (Gouin) : Françoise David,
députée de Gouin.
Le Président (M. Tanguay) : Alors,
voilà. Merci beaucoup. Alors, votre 10 minutes commence maintenant.
Mme Vézina
(Véronique) : Merci. D'abord,
je vais brièvement vous présenter la COPHAN. On est un organisme,
pour et par, qui défend les droits des
personnes ayant des limitations fonctionnelles et leurs proches. On regroupe
61 associations provinciales et régionales qui couvrent l'ensemble du territoire
québécois.
Je vais commencer ma présentation par la lecture
de la préface d'une politique gouvernementale, L'accès aux documents
et aux services offerts au public pour les personnes handicapées :
«Le Québec a réalisé de grands progrès [...] au cours
des 30 dernières années pour offrir aux personnes handicapées le meilleur
accès possible aux services publics. Plusieurs barrières architecturales ont
été levées, des secteurs de services ont été adaptés, des programmes conçus spécifiquement pour les personnes handicapées ont été développés. Il faut
saluer ce progrès et s'en servir comme assise pour faire un pas de plus pour lever les obstacles qui peuvent encore
créer des situations de handicap pour les personnes
handicapées. Il ne s'agit pas ici de générosité ou de compassion, mais bien
d'égalité. Or, l'égalité suppose parfois un traitement
différent, le recours à des moyens adaptés pour diffuser de l'information et offrir des services. [...]Ce faisant, nous permettrons à [toutes] les citoyennes et [à tous les] citoyens, sans exception, de
bénéficier des avantages des services publics.
En retour, l'ensemble de la collectivité profitera de la participation et de la contribution de tous. Voilà certainement l'un des meilleurs investissements qu'une société
puisse faire.»
Ce texte
inspirant a été signé par le ministre de la Santé et des Services sociaux de
2007, M. Philippe Couillard.
Les personnes
ayant des limitations sont doublement concernées par le réseau de la santé et
des services sociaux. Elles le sont
comme utilisatrices des services destinés à l'ensemble de la population et de
services répondant aux besoins créés
par leurs limitations. La COPHAN formule aujourd'hui des recommandations afin
que les citoyens et les citoyennes ayant des limitations, ainsi que
leurs proches, puissent trouver des services auxquels ils et elles ont droit.
La COPHAN est sceptique sur la capacité du
projet de loi à répondre aux besoins des personnes qui ont des limitations. Des changements, il y en a eu
beaucoup ces 30 dernières années.
Combien de groupes d'experts, de commissions
d'enquête et d'autres avis en tout genre
depuis la commission Castonguay-Nepveu qui, pour la première fois, affirmait
qu'il faut
«reconnaître que le handicapé est un citoyen à part entière [et que] le
handicapé a besoin de certains biens et de certains services pour surmonter, dans la mesure du possible, son
handicap et pour développer intégralement sa personnalité au sein de la société». Certes, les choses ont
évolué depuis 1971, mais force est de constater que ce sont bien davantage
les luttes du mouvement associatif que les
diverses politiques, orientations ou plans d'action qui ont permis aux
personnes ayant des limitations de faire respecter leurs droits.
Parmi
cette multitude de documents qui ont été produits, nous avons retenu quelques
noms prometteurs : Chez soi :
le premier choix; Pour une
véritable participation à la vie de la communauté; Proximité, accessibilité
et continuité des services; Un geste porteur d'avenir; De
l'intégration à la participation sociale; Projet clinique : un
préalable à une meilleure
accessibilité, continuité et qualité des services; Afin de faire mieux ensemble; Vieillir
et vivre chez soi. Le projet doivent être apportés au projet de loi,
pas essentiellement en injectant des fonds, mais également en intégrant nos
recommandations.
Dans
ce qui suit, la COPHAN s'appuiera sur la Loi assurant l'exercice des droits des
personnes handicapées, loi contenant
des obligations pour le ministère de la Santé et des Services sociaux et ses
actuelles agences. Comme le préciseront nos recommandations en fin de présentation, il s'agit là d'inscrire dans
la structure des CISSS la participation des personnes ayant des
limitations aux décisions collectives les concernant ainsi qu'à la gestion des
services qui leur sont offerts, l'élaboration de plans d'action à l'égard des
personnes handicapées et la mise en accessibilité du parc immobilier, l'accessibilité
des biens et services achetés ou loués, la nomination d'un coordonnateur de
services aux personnes handicapées, l'accès aux documents et aux services
offerts au public pour les personnes handicapées.
Je te laisse
continuer, Richard?
M. Lavigne
(Richard) : O.K. Merci, Mme la... J'ai-tu quelque chose, là?
Le Président (M.
Tanguay) : ...bien.
M. Lavigne
(Richard) : Oui. Vous m'entendez?
Le Président (M.
Tanguay) : Oui, très, très bien.
M. Lavigne (Richard) : Alors, M. le Président, messieurs dames,
ministres, députés, on va vous parler rapidement de la question de l'implication citoyenne aux instances proposée par le
projet de loi n° 10. Alors, on va commencer par ce que l'on
considère, nous, comme un déficit démocratique. À titre d'exemple,
actuellement, nous avons, dans les établissements,
deux représentants des usagers, et, la réforme proposée qui va, d'une part,
ramener, à peu de choses près, sauf
Montréal, là, un établissement par région, là on nous propose un seul usager pour
l'ensemble des programmes-services qui
vont relever de cet établissement-là. Alors, je pense que je n'ai pas besoin
d'expliquer bien, bien longtemps que c'est quelque chose qui, pour nous, est non seulement... bien, ce n'est pas
vraiment acceptable, en ce qui nous concerne, lorsqu'on fusionne tout ça
et qu'on enlève encore des postes aux représentants des usagers.
Pour ce qui est des
comités des usagers comme tels, à moins qu'on ne sache pas lire la loi, et
c'est toujours possible, là, peut-être qu'on
l'a mal lue, mais qu'est-ce qu'il va advenir de toute cette question des
comités des usagers? Quels seront
leurs mandats, leur financement, leur composition, leur fonctionnement, et tout
ça? Alors, ça, pour nous, ce n'est
pas clair. Est-ce que ça va changer, est-ce que ça ne changera pas? Il y a une
chose qui est claire, c'est que ça va devenir des grosses assemblées
générales d'usagers régionales. Alors, est-ce que ça va être efficient?
Pour les conseils
d'administration, on parle de représentants — je pense que c'est sept
représentants — dits
«indépendants». Peut-être qu'il y aurait
lieu de songer, là, à élargir cette composition-là à des représentants, par
exemple, des organismes communautaires, des usagers, des divers
programmes-services offerts dans la région.
Pour
ce qui est, maintenant, du comité consultatif de l'article 131, la même
chose, on considère que la question qui
relève des personnes qui ont des limitations fonctionnelles... comment tout ça
va se retrouver dans l'ensemble des dossiers qui vont être assumés par
les CISSS.
• (18 heures)
Pour
ce qui est, maintenant, du financement, on parle qu'on va sauver des fonds, là,
en faisant cette réforme-là. Et nous,
on veut bien, d'une part, sauver des fonds, mais surtout on veut que les fonds soient
mieux utilisés pour répondre encore mieux aux besoins. Je pense que,
pour les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, il y a des listes d'attente qui existent toujours, et ces listes
d'attente là ne semblent pas vouloir, là, diminuer, notamment... peut-être pas
pour le premier service en réadaptation,
mais pour les autres services subséquents. Tout est une question
d'interprétation de qu'est-ce que
c'est que l'attente. Alors, peut-être que les surplus que le ministre va
dégager seraient peut-être utiles... pas
peut-être, très utiles pour notamment les services aux personnes qui ont une
limitation fonctionnelle et à leurs familles.
Pour
ce qui est, maintenant... Là, je saute des bouts, là, le temps file, là. Pour
ce qui est des services de réadaptation, vous comprendrez que les
personnes qu'on représente et leurs familles doivent avoir accès encore plus à
des services d'adaptation, réadaptation et d'intégration sociale. Et il faut
que, d'une part, des corridors de services qui sont prévus assurent non seulement le maintien, mais le
développement des services de réadaptation, dans une région, oui, mais d'une
région à l'autre, notamment lorsque des
expertises pointues sont développées pour des clientèles moins nombreuses, par
exemple — on parle de masse critique — que les CISSS qui ont des faibles... qui
n'ont pas beaucoup de monde, par exemple, de tel ou tel type de limitation, ne créent pas des petits centres de
réadaptation pour réinventer la roue, lorsque pas tellement loin ou... Et ces services-là peuvent continuer et
protéger les masses critiques afin de développer la recherche, et tout ça.
Éviter, là, de réinventer la roue, finalement.
Pour terminer, rapidement, les
organismes communautaires. Je pense que vous en avez entendu parler tantôt,
nous, le problème qu'on a avec les organismes communautaires, c'est que,
de plus en plus, ces organismes-là sont invités, avec un grand I — avec un grand I, c'est-à-dire avec des subventions — à devenir, là, des prestataires de services.
Alors, comment les organismes
communautaires vont-ils, d'une part, être bien financés pour faire ça et,
d'autre part, pouvoir rester
autonomes dans leur fonctionnement? Vous rappeler seulement que, beaucoup
d'organismes communautaires, dans leur
mission de base, c'était la défense collective des droits ou la promotion des
intérêts des personnes. Alors, quelle sera la capacité de ces organismes-là de continuer à faire ça s'ils ont des
contrats du réseau de la santé et des services sociaux?
Je continuerais bien,
mais je pense que je n'ai plus de temps. Peut-être que mon collègue pourrait
aller lire rapidement les recommandations.
Puis peut-être qu'il y a d'autres éléments qu'on pourra apporter dans les
discussions, parce qu'il y a des choses qu'on n'a pas eu le temps d'aborder
mais qui nous préoccupent beaucoup.
M. Labrecque (Robert) : Donc, la liste des recommandations est dans notre
mémoire, et, pour respecter le temps alloué, nous vous les présenterons
en résumé.
Compte tenu des
obligations faites au gouvernement par la Loi assurant l'exercice des droits
des personnes handicapées, la COPHAN recommande que chaque CISSS se conforme
explicitement aux orientations de cette loi, notamment
celles sur la participation des personnes ayant des limitations à la prise de
décisions les concernant ainsi qu'aux services
offerts, et que le respect de ces orientations fasse l'objet d'une reddition de
comptes publique. Cela implique des dispositions particulières pour toute
instance de concertation et consultative, notamment le comité des usagers et le
conseil d'administration.
La
COPHAN recommande que chaque CISSS soit soumis aux articles de cette loi sur le
plan d'action pour l'intégration des
personnes handicapées, sur l'accessibilité des biens et services achetés ou
loués, et sur les coordonnateurs des services des personnes handicapées.
La
COPHAN recommande que chaque CISSS soit soumis à la politique gouvernementale
sur l'accès aux documents et aux services, et donc aux standards
gouvernementaux d'accessibilité du Web.
La COPHAN recommande
que les regroupements régionaux d'organismes de personnes handicapées soient
reconnus comme interlocuteurs privilégiés.
Pour
la réadaptation, la COPHAN recommande que la loi assure la pérennité et le
développement des services, y compris pour la clientèle plus rare, aux
prises avec des situations complexes ou dites émergentes.
Pour
la COPHAN, chaque service ou programme offert à la population doit également
profiter de l'expertise pour s'adapter
aux personnes ayant des limitations. M. le ministre, vos récentes prises de
position sur l'accès à la mammographie nous indiquent que vous comprenez
exactement la portée de ce dernier point.
Pour
les organismes communautaires, la COPHAN recommande que les mécanismes de
financement de la LS4... LSSSS
plutôt, respectent leur autonomie. La COPHAN recommande également que soient
maintenues à un niveau régional toutes
les dispositions de soutien financier à des organismes communautaires et que
les CISSS soient responsables de ce financement, incluant celui visé au
deuxième alinéa de l'article 554 de la LSSSS.
Concernant
le financement, la COPHAN recommande que les économies soient réinvesties dans les services aux personnes ayant des limitations et que les
autorisations prévues à l'article 55 du projet
de loi fassent l'objet d'une
reddition de comptes publique et annuelle.
Pour finir, nous
recommandons que le ministre enclenche une véritable concertation avec la
COPHAN pour améliorer, programme par programme, l'indépendance et l'autonomie
des personnes ayant des limitations. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, considérant que l'on a dépassé le 10 minutes, et c'est à la
demande du ministre que nous allons prendre ces trois minutes-là sur le temps,
donc, dévolu aux députés formant la banquette ministérielle, je cède maintenant
la parole au ministre de la Santé pour une enveloppe totale de 18 minutes.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, Mme Vézina, M. Lavigne et
M. Labrecque, bienvenue. Je suis très heureux de vous revoir. On
s'est déjà rencontrés dans d'autres circonstances, il n'y a pas longtemps, et
on se revoit aujourd'hui. D'ailleurs, je vais en profiter pour vous
remercier pour vos bons mots pour la mammographie et je vais vous réitérer... peut-être pas vous réitérer,
mais je vous avais dit que j'agirais, et mon équipe a été mandatée pour
officiellement changer la
réglementation pour que, dans l'obtention d'un permis d'opération d'un LIM,
d'une clinique de radiologie, lorsqu'il
y a une inspection technique et physique pour les appareils, soit incluse une
composante spécifique à l'accès, et
ça, suite aux interventions que vous avez faites. Alors, en français,
ça signifie que, dans le futur... bien, en fait, à partir de maintenant, pour avoir un permis d'opération, il va falloir
démontrer qu'on est capable de se rendre à la machine et que la machine est capable de faire des
mammographies sur une personne qui a des limitations et qui est en chaise
roulante. Alors, je vous remercie de votre intervention. C'est grâce à
vous qu'on a décidé de faire ça. Vous avez porté à notre attention une situation qui était passée un peu
dans les craques du plancher et vous aviez bien raison de faire l'intervention
que vous avez faite. Alors donc, merci pour ça.
Maintenant, je vais
reprendre un peu les propos que vous avez pris puis vous donner quelques
informations supplémentaires. Premièrement, bravo pour le mémoire. Je dois vous
avouer que je m'attendais à ce que ce soit un mémoire
très détaillé et très structuré, et il l'est. Et vous connaissez bien vos lois
et vous avez une logique qui est implacable. Et globalement je peux vous dire que les recommandations que vous nous
faites sont très recevables. Il y a des choses là-dedans qui sont peut-être un peu plus difficiles, puis il y a
un ou deux éléments que je voudrais aborder, puis je vais vous expliquer
pourquoi.
Dans votre mémoire, vous faites référence, et
vous l'avez fait, vous aussi, dans votre présentation à plusieurs reprises, à l'espoir que, si on fait des économies,
on puisse les réinvestir dans votre domaine spécifique, qui est celui des
personnes handicapées ou avec des limitations. Moi, je
suis d'accord avec vous que, si on fait des économies, elles devraient aller à l'endroit qui a fait ces
économies et qu'elles soient réinvesties dans votre secteur. Je veux simplement
mettre un bémol. Le projet de loi n° 10, c'est un projet de loi, évidemment,
qui cherche à aller chercher des économies du côté administratif pour revenir à l'équilibre budgétaire, et après s'assurer
que notre système de santé ait sa pérennité et qu'on puisse contrôler la croissance des coûts. Les économies
que l'on recherche sont des économies, et j'insiste là-dessus, à cette étape-ci, qui visent le retour à l'équilibre
budgétaire et donc, par définition, qui ne vont pas nécessairement être réinvesties ou soient réinvestissables, à moins d'avoir des
économies qui excèdent ce qui est nécessaire pour retourner à l'équilibre budgétaire, auquel cas, je suis bien
d'accord avec vous, ces économies-là, si on peut les réinvestir dans votre
secteur, si elles viennent de chez vous, il
faudra le faire, et, là-dessus je suis tout
à fait d'accord avec votre
revendication et recommandation.
Maintenant, pour ce qui est de la représentation...
parce qu'évidemment, pour vous et comme pour tout le monde, c'est quelque chose
qui est très important. Je prends bonne note des recommandations que vous nous
faites et j'ai envie, à cette étape-ci, de vous poser une question, surtout que
vous étiez là quand le groupe précédent, la Coalition Priorité Cancer, a fait
sa présentation, elle a fait des représentations en termes de comité des
usagers national. Est-ce que vous autres, vous avez des visions de cet ordre-là
ou, essentiellement, vous visez les conseils d'administration et les comités
des usagers locaux? Et, entre parenthèses, je vous le dis tout de suite, le financement
des comités des usagers va être maintenu. Il n'est pas question qu'on aille
couper là-dedans. Je vous laisse la parole.
• (18 h 10) •
M. Lavigne (Richard) : O.K. Si vous
permettez, M. le Président, M. le ministre, nous, bien sûr, on parle de comités... Lorsque M. Labrecque a lu la recommandation : On souhaite que le ministre mette sur pied un comité avec nous pour
revoir les programmes, programme par programme, on parle au niveau, là,
national, hein, provincial, voir les orientations,
les couvertures, et tout ça. Mais, sur le terrain, en région, nous avons, dans
notre milieu, à la COPHAN, des regroupements d'organismes de personnes
handicapées, qu'on appelle des ROPMM, et ces organismes-là sont sur le terrain, en région, et ça prend une synergie entre
ce qui se fait en haut et du comment que ça se fait en bas. C'est pour
ça qu'on dit oui. Nous, on propose un comité national pour les personnes qui
ont une limitation fonctionnelle et leurs familles, pour les orientations et
tout ça, et, au plan régional, bien, qu'il soit inclus un mécanisme, là, pour
que les programmes, services, dans leur
ensemble et ceux dédiés aux personnes qui ont une limitation fonctionnelle
soient accessibles. Parce que, Mme la
présidente l'a dit tantôt, on n'est pas juste handicapés, on est citoyens
aussi, puis malheureusement, en plus
d'être handicapés, on risque d'être aussi malades, à un moment donné, être un
petit peu moins jeunes qu'avant, etc.
Alors, on
n'est pas juste handicapés, on est d'autre chose aussi, et peut-être que, là,
ça va être le temps, dans votre réforme,
de le faire pour de bon, celui-là. J'espère que... C'est une opportunité,
d'ailleurs, de faire du CISSS une organisation qui va décloisonner les
clientèles, mais qui va quand même les servir.
M.
Barrette : Donc, je comprends de votre propos, là, qu'actuellement
vous n'êtes pas vraiment intégrés, et, pour vous autres, ce n'est pas juste une question d'accès physique, là. Vous
avez, dans le cheminement dans notre système de santé, des problèmes
réels qui sont au-delà de la personne qui n'a pas ce genre de limitation là.
M. Lavigne
(Richard) : Bien, je vous
dis qu'on a encore... L'exemple de la mammographie, c'est un exemple qu'on vous donnait, là, puis il y en a d'autres.
Il y a d'autres difficultés, là, pour certains types de limitations
fonctionnelles, d'accéder aux
services dits généraux, là. Puis souvent, lorsque quelqu'un a besoin d'un
service dit général, bien : Ah! bien,
ça, c'est un handicapé, on va l'envoyer sur le bord des personnes handicapées,
mais ce n'est pas nécessairement la bonne
place. Alors, c'est pour ça qu'on voudrait, avec vous, éventuellement, établir
ça et s'assurer que, dans les régions, ça revient. Et notre présidente,
je pense, veut compléter, là.
Mme Vézina
(Véronique) : Peut-être pour
compléter ce que M. Lavigne vient de vous dire, quand on parle d'accès
aux services généraux, il y a différents
problèmes. Je peux vous donner comme exemple une personne qui se présente
aux urgences, qui est en fauteuil roulant,
on ne sait pas où est le lève-personne pour la transférer dans son lit. On
court pendant quelques heures après
le lève-personne pour essayer de la mettre dans un lit, on lui propose de le
faire à bras, ce qui n'est pas faisable parce que la personne a des
difficultés, a des douleurs, on ne peut pas la transférer.
On propose à
d'autres personnes qui viennent de subir, par exemple, une chirurgie cardiaque,
et qui retourne à domicile, et qui a
besoin de soutien à domicile... spécifiquement à sa chirurgie, on lui propose,
comme elle est déjà avec des services
de soutien à domicile en DP-DI-TED, on lui propose de retourner dans ce programme-là,
et on la met sur une liste d'attente
en lien avec le plan d'accès pour les personnes qui ont une déficience, et on
lui envoie une lettre pour lui dire
que son dossier est jugé modéré et qu'elle aura des services dans un an, alors
que c'est à la sortie de l'hôpital qu'elle avait besoin de son aide. Au lieu de lui donner des services
posthospitaliers, on la transfère dans des services pour personnes
handicapées. Donc, c'est différents problèmes comme ceux-là que les personnes
rencontrent.
M.
Barrette : Bien là, on peut dire que, s'il y a des gens qui ne sont
pas vraiment au coeur du système dans leur intégration, c'est bien vous
autres.
M. Lavigne
(Richard) : Bien, en tout
cas, on vous parle de ce qu'on rencontre, là. Je veux dire, il ne s'agit pas de
se comparer aux autres, je serais bien malaisé de répondre pour les autres, là,
Puis nous, on parle de ce qu'on entend tous les jours dans tous nos
organismes régionaux, locaux, et c'est, pour nous... Voyez-vous, M. le
ministre, c'est vous, le ministre, c'est
vous autres, le gouvernement. Vous avez le pouvoir et le devoir d'améliorer les
choses. Et nous, on voit ça comme une opportunité, mais, comme on disait tantôt,
il y a quand même des choses qu'on souhaite avoir des garanties dans l'application du projet de loi. Puis après
ça, bien, on parlera, là, dans une autre étape, peut-être plus de la loi de la santé et services sociaux. On s'attend à ça, là.
J'espère juste qu'on va avoir un peu plus de temps pour se revirer de bord
cette fois-là, par exemple, M. le ministre.
M.
Barrette : M. Lavigne, j'ai toujours apprécié votre sens direct,
de vos propos, là. Vous n'avez pas la langue dans votre poche, puis moi, j'aime ça. Qu'est-ce qui manque, là,
actuellement, le plus pour vous autres, juste le côté santé et services
sociaux, disons, là?
M. Lavigne
(Richard) : Bien, écoutez,
il y a deux choses, là, puis il y en aura d'autres, là. Il y a toute la
question des services de soutien à domicile. Je pense qu'on s'entend
tous, là, qu'il y a des choses à régler là. Je pense que la COPHAN... on n'est pas trois de la COPHAN, on a de
nos membres qui écoutent ça, là, puis je pense qu'il y en aurait qui prendraient bien le micro pour venir vous en
parler, là, je suis sûr de ça. Il y a toute la question du soutien aux
familles, les listes d'attente dans
les services de réadaptation, dans les services généraux. Écoutez, il y a
beaucoup de choses à améliorer.
Et de
l'argent... Il y en a eu, de l'investissement, il y en a eu, de l'argent. C'est
juste qu'à un moment donné il faut voir comment on peut faire mieux tout
court. Pas faire mieux avec moins, faire mieux. Parce que le faire mieux avec moins, là, c'est le moins qui arrive avant le
mieux, souvent. Alors, nous, on aimerait ça faire mieux pour commencer puis,
quand on fera mieux, bien, on verra si on peut développer. Parce que
les listes d'attente, elles grandissent, puis ça, bien, ça peut... ça
compromet, ça compromet certaines personnes dans leur processus de
participation et ça génère d'autres dépenses
que la société va finir par absorber pareil. Alors, c'est pour
ça qu'on propose, notre instance, notre comité, avec vous, là, avec le ministère, avec vous, au plan national,
pour revoir ça. Je sais bien qu'on ne fera pas ça demain matin, là,
mais, peut-être, dans vos projets, là, ce serait une bonne idée.
M.
Barrette : Avant de passer
la parole à ma collègue Mme la ministre déléguée, j'ai envie de vous poser une question : Quel est le meilleur véhicule qu'il vous faut pour vous faire
entendre? Parce que, manifestement, notre système,
un, ne vous prend pas nécessairement en considération à la hauteur que vous l'espériez — parce que vous nous demandez vous-mêmes de faire mieux, puis je le comprends — mais
en même temps, le système, je ne suis pas sûr qu'il est bien informé. Le
système, en général, là, j'entends. Je ne parle pas des gens avec qui vous
travaillez quotidiennement, là, parce que
je pense qu'il y a des gens là-dedans qui sont très dévoués et très au fait de
ce que vous vivez. Mais, de façon globale, là, quel est le véhicule qui
vous manque?
M. Lavigne
(Richard) : Le véhicule qui
nous manque, c'est un véhicule qui, on espère, va changer... il a commencé
à changer, mais c'est toute la perception
que l'on a des personnes qui ont des limitations fonctionnelles. On est encore
vus, malheureusement, M. le ministre,
messieurs dames de la commission, comme étant des usagers, des receveurs de
services. On n'est pas vraiment dans le
coup. On est là comme étant des receveurs de services, et cette approche-là
fait de nous toujours des gens à la remorque de.
Je crois que,
depuis 30 ans, le milieu des personnes qui ont des limitations, on a
soumis des idées. Je ne dis pas qu'on
a toujours raison, mais, à un moment donné, il faut accepter de parler d'égal à
égal et non pas toujours de l'intervenant ou du décideur qui a un pouvoir sur la personne handicapée. Vous aimez
ça quand je suis direct, bien, c'est un peu ça, là, c'est un peu ça, le problème qu'on a. Et on doit
travailler ensemble, puis les commissions parlementaires comme aujourd'hui,
c'est utile pour faire comprendre à la
population que ce n'est pas payant, pour une société, de mettre le monde comme
ça de côté. Il faut payer à un moment donné.
Et les services sociaux dont on parle aujourd'hui, pour nous... et ça devrait
être pour tout le gouvernement non
pas une dépense, mais des investissements qui vont être rentables au plan
économique et social, éventuellement.
M.
Barrette : Mais je vous écoute, M. Lavigne, puis je laisse la parole
après, mais c'est comme si vous me disiez que le véhicule des conseils
d'administration, ce n'est pas le bon, il faudrait un véhicule spécifique.
M. Lavigne
(Richard) : Tous les
véhicules sont bons, M. le ministre. Tous les véhicules, toutes les occasions
sont bonnes. C'est juste qu'il faut, à
l'intérieur d'un conseil d'administration qui sera relativement important,
qu'on ait ce souci, par la voie de représentants d'usagers d'organismes
communautaires de notre réseau, avec du soutien comme M. Di Giovanni disait tantôt, là, avec du soutien, d'amener les
conseils d'administration à prendre conscience. Puis, nous, ça ne nous tente pas d'être en compétition contre
les malades. Ce n'est pas ça, le but, là. C'est ça qu'on ne veut pas, être en
compétition pour l'attention publique et
administrative, contre des personnes qui sont malades, qui ont, elles aussi, le
droit à avoir les services dont elles ont besoin.
Mais il ne
faut pas toujours comparer, et c'est ça qu'on fait souvent : Oui, mais,
Richard, il faut que tu comprennes, on
a des problèmes de santé. Je comprends tout ça. Je comprends tout ça, mais, à
un moment donné, on ne peut pas, sous prétexte que quelque chose nous
apparaît plus important, laisser tomber les autres.
M. Barrette : Merci, M. Lavigne. Je
passe la parole à Mme la ministre déléguée.
Mme
Charlebois :
Bien, merci, M. le ministre. D'entrée de jeu, je vais vous dire merci d'être
ici et de nous faire part de vos réflexions. On a déjà eu des échanges,
et tantôt j'avais quelqu'un, à mon bureau, qui représentait un autre groupe de personnes avec
des limitations et qui avait sensiblement les mêmes propos que vous, et ce que
je comprends, c'est beaucoup plus
large que la définition de personne handicapée va devoir un jour se faire, et
la perspective doit être vue dans son
ensemble, pas juste dans le réseau de la santé et des services sociaux, mais
dans l'ensemble de la société, que ce
soit l'intégration au travail, ou etc., là. Il faut avoir une perspective plus
large, puis c'est un peu ça que j'entends dans les propos depuis tantôt.
Mais,
si on revient au projet de loi n° 10, vous savez, pour moi, il y avait une
grande importance, dans le projet de
loi n° 10, de nous assurer de l'accessibilité et de la qualité des
services pour toutes les personnes qui l'utilisent, autant au niveau des services sociaux que des soins de
santé. Parce que ça doit être intégré, l'accessibilité doit se faire dans le
sens où... Comme vous l'avez dit, ce n'est
pas parce qu'on est handicapé qu'on est différent des autres. On a aussi besoin
de soins de santé, mais il y a aussi des services sociaux pour l'ensemble des
gens, tout comme vous.
Est-ce
que vous ne pensez pas que le projet de loi n° 10 va permettre justement
une meilleure accessibilité, dû au fait
qu'ensemble... tout le réseau va être ensemble, enfin qu'on va briser des
silos, qu'on va faire en sorte qu'au niveau réadaptation,
notamment, les gens en réadaptation — puis c'est déjà commencé, je
pense, sur le terrain, à certains endroits — les gens en réadaptation, tant physique
qu'en déficience intellectuelle, etc., tout le monde travaille ensemble
maintenant, puisse vraiment s'intégrer dans un service, que le dossier patient
soit là pour tout l'ensemble des services et qu'on puisse optimiser ça,
pour une fois? Qu'est-ce que vous pensez de ça, vous autres?
• (18 h 20) •
M. Lavigne (Richard) : Bien, écoutez, ça fait depuis... Moi, j'ai
commencé à militer, là, j'étais très, très, très jeune, là. J'ai participé à la commission Rochon, hein, dans les
années 80 quelques, là, et on en parle de ça... Je pense que... Ça, nous, Mme la ministre et M. le Président, oui,
on est d'accord qu'il faut le faire, mais il faut le faire parce qu'à un
moment donné ce n'est pas juste les lois qui changent les choses, hein, c'est
ce qui vient après. Parce que, si les lois changeaient
tout, on serait tous égaux au Québec. La charte des droits dit qu'on est tous
libres et égaux au Québec. Alors, une loi toute seule, là, bon, on veut
bien, c'est un outil.
Et nous, on vous
dit : Oui, il faut le faire, mais il faut prendre le temps de bien le
faire pour ne pas créer des problèmes en
essayant d'en régler d'autres. Et c'est pour ça que, oui, les conseils
d'administration, les comités d'usagers, il faut s'assurer que les gens sont
présents, il faut que les gens soient capables de contribuer. Mais ça prend, à
un moment donné, un boss — puis le boss, bien, à ce que je sache, c'est
vous, les ministres, avec des conseils du groupe de travail qu'on vous propose pour les orientations
générales, pour la couverture des programmes — puis ça prend des gens en
région qui sont en lien avec les groupes nationaux comme les nôtres pour
pouvoir faire les suivis.
Mais je pense qu'il y
avait Robert qui voulait parler. Je ne suis pas sûr, là, mais...
M. Labrecque (Robert) : Mme Charlebois, tantôt vous disiez : Oui, ça
se fait, l'intégration se fait tranquillement, de tous les services. Sauf que ce qu'on constate encore, puis on l'a vu
dernièrement, c'est que, si on prend une personne handicapée qui va à l'hôpital pour un problème de
santé et qui en ressort, qui a besoin de services tout de suite à domicile,
souvent ça va lui être offert, à cause des
listes d'attente, de s'en aller en CHSLD. Pour 15 heures de services de
plus par semaine, la personne se ramasse en CHSLD.
Moi,
mon profil, pour en donner un que je connais, moi, je représenterais aux
alentours de 90 000 $ en CHSLD, 75 000 $ plus
30 000 $ d'administration. À domicile, si j'avais des services qui
viendraient du CLSC ou des banques d'économie sociale, je représenterais aux
alentours de 60 000 $ plus les frais administratifs. Comme je gère
tous mes services à domicile... Et je crois
qu'on devrait essayer d'inciter les
gens à aller vers ça. C'est mon discours à moi. Mais je sais qu'il
y a des personnes handicapées qui ne
sont pas capables d'y aller à 100 %. Moi, j'y vais à 100 %, puis
c'est une grande partie de mon
travail dans la semaine, j'ai 100 % de mes services qui sont donnés à
13,05 $ de l'heure et, de cette façon-là, je coûte environ
36 000 $ à l'État. Donc, je représente surtout une économie, pour
moi, qui est aux alentours de 54 000 $ par année, si on veut, si on
se base sur un 90 000 $.
Donc,
je pense que ce qu'il faut faire, c'est essayer de prendre une espèce
d'intégration, oui, pour que les gens soient mis pas seulement dans des
silos, mais qu'ils soient placés au bon endroit, et ça, là, c'est tout à votre
honneur d'essayer de répartir ça
correctement. Sauf que, si on voit des intervenants dans nos dossiers... Je
pense que les meilleures instances pour défendre les personnes handicapées, c'est des affaires...
des choses comme la COPHAN, puis ça, vous devriez vous asseoir à côté de la COPHAN, à côté des
personnes handicapées, réserver des postes dans les endroits où il y a quelque chose à dire. Parce qu'on
représente plus qu'une personne handicapée. On disait qu'avant ça on était
infirme, ensuite handicapé, personne à mobilité réduite. J'ai dit : Moi,
là, je n'en ai rien à foutre des appellations contrôlées, je suis un millésime,
O.K.? Ça, je dis ça, moi, depuis environ 30 ans...
Le
Président (M. Tanguay) : ...beaucoup.
Merci beaucoup. Alors, le temps est épuisé. Nous allons maintenant passer — peut-être
qu'on vous laissera le temps de compléter votre phrase — du côté de la collègue de Taillon
pour une période de 12 min 30 s.
Mme Lamarre :
Merci beaucoup, M. le Président. Oui, j'aimerais bien vous entendre finir votre
phrase.
M. Labrecque (Robert) : Bien, c'est pour ça, il faut essayer de laisser
la chance aux personnes qui sont sur le terrain de vous le dire, où ils sont les silos, de vous le dire, où il y a
des économies de structure à faire. Parce que c'est beau de passer du
CLSC à une autre instance, si moi, je m'en vais en institution demain matin, le
CLSC va avoir, probablement, aux alentours de 20 nouvelles personnes qui
vont rentrer et qui sont sur les listes d'attente, qui vont avoir chacun deux heures par semaine. Puis moi, je vais
me ramasser que je vais coûter 90 000 $. Donc, si vous savez calculer,
c'est assez... Moi, j'en ai assez dit. Merci.
Mme
Lamarre : Alors, je vous remercie beaucoup. Bien, bien contente de
vous rencontrer, Mme Vézina, M. Lavigne, M. Labrecque. Et puis je
vois que vous avez des accompagnateurs aussi.
Alors, écoutez, je
vais rapidement laisser la parole à mon collègue le député de Rosemont, qui a
beaucoup de questions pour vous. Mais moi,
j'en ai quand même au niveau de la conclusion, parce que, dans la conclusion,
souvent, c'est ce qui nous reste sur
le coeur puis qu'on n'a pas eu la chance de manifester, mais vous manifestez
une préoccupation, en lien avec le
projet de loi n° 10, sur la question du financement à l'activité et sa
faisabilité dans le domaine des services sociaux. Donc, ça, ça
m'apparaît être important.
C'est vrai qu'il y a
des dimensions qui n'apparaissent pas facilement dans les modèles, la
modélisation de l'évaluation des activités
et également l'intégration des établissements sur un régime des plaintes.
Alors, si vous aviez quelques
minutes... Nos minutes sont comptées, on n'a que 11 minutes tous les deux,
mais, si vous vouliez en prendre une ou deux pour répondre à ces
premières questions là, pour ensuite laisser la place...
M. Lavigne (Richard) : Pour les plaintes — ça va aller vite pour les plaintes — nous, on pense que... Actuellement, là, il y a un processus qui existe, là, du local
au régional, puis tout ça. Mais maintenant qu'on nous offre un établissement
unique par région, sauf Montréal, toujours,
comme de raison... Nous, on revendique depuis toujours puis on réinsiste sur
l'importance d'avoir un mécanisme de plainte crédible, c'est-à-dire
indépendant. Lequel? On n'a pas eu le temps de l'étayer, on n'a pas eu tout le temps qu'il fallait, mais je pense qu'il
faudrait qu'on regarde, là, avoir un mécanisme efficient, efficace et surtout indépendant, de plaintes. On
ne vous contera pas les résultats des plaintes en santé et services sociaux,
là, c'est une comédie de justification. On va arrêter là pour aujourd'hui.
Pour
ce qui est de votre autre dimension, écoutez, en services sociaux et même en
santé, l'activité en question, il
faut être prudent de... Je ne dis pas que ce n'est pas important, mais il faut
être prudent avant d'installer ça, du mur-à-mur. Il y a maintenant, là, dans
certains... Dans plus en plus d'endroits, on est en train d'identifier comment
ça prend de temps, donner un bain à quelqu'un, par exemple, ou donner
tel, tel service. Mais, tu sais, quelqu'un qui donne un bain à quelqu'un, à X ou à Y, ce n'est pas
nécessairement, pour toutes sortes de raisons, le même temps qu'on doit donner
à cette personne-là. Puis, pendant
qu'on donne un bain à quelqu'un, là, en passant, là, je pense qu'on lui parle
un petit peu aussi. Il y a comme des choses intangibles qui se passent,
là. Mais, si on fait ça à la chaîne, à la machine, il y a un risque... il n'y a
pas un risque, c'est sûr qu'on s'en va dans un mur.
Alors,
c'est ce genre de choses là qu'on voudrait discuter, et, on le dit bien dans
notre mémoire, on n'a pas eu le temps
de le développer, puis ça, il faut le développer avec tout le monde, notamment
les gens de l'Assemblée nationale, et du gouvernement, et les autres
partenaires.
Mme Lamarre :
Merci beaucoup. C'est très, très éclairant. Merci.
Le Président (M.
Tanguay) : M. le député de Rosemont.
M.
Lisée : Merci, chère
collègue, M. le Président. Très heureux de vous revoir. J'ai rencontré plusieurs
d'entre vous depuis quelque
temps, Mme Vézina, M. Lavigne, M. Labrecque. Je signale aussi que
vous avez une accompagnatrice qui
fait la traduction en langage des signes pour une dizaine de vos membres.
Alors, c'est très bien, je suis très
content que vous fassiez ça.
Bon,
dans votre mémoire, finalement, vous dites : Il y a une situation réelle,
c'est qu'il y a un Québécois sur 10 qui a une incapacité modérée ou grave et qu'il y en a un sur trois au-delà de
85 ans. Ça, c'est la situation telle qu'elle se présente. Et le
principal problème à résoudre, c'est qu'au moment où on se parle
3 500 personnes, par exemple, qui ont des déficiences intellectuelles ou un trouble du spectre de l'autisme sont
en attente d'un premier service de réadaptation, et là-dedans il y a
850 enfants. Alors, si on avait à se concentrer sur un problème, là, qui
vous concerne, là, ça serait ça.
Mais
là on vous fait venir pour vous demander votre opinion sur la plus grande
fusion d'organismes de santé de l'histoire
du Québec, et là votre première réponse, c'est de dire : Bien, vous savez,
des fusions, on en a connu, y compris de
l'actuel premier ministre, qui était ministre de la Santé, qui nous avait dit
que les fusions qu'il proposerait, ce seraient les meilleures de l'histoire du Québec, et que ça n'a rien changé, et
que, celles-ci, on vous dit que ça va être les meilleures de l'histoire du Québec, puis, d'après vous, vous
ne voyez pas, et je vous cite, par quelle magie ce qui n'a pas été fait avant
serait fait par cette fusion-ci.
Et
là vous dites : Écoutez, nous, on a un problème. On a un problème parce
que, même après les fusions précédentes, on a l'impression que nous ne sommes pas assez entendus pour nos
clientèles, qui avons des particularités par rapport à l'ensemble des clientèles qui ont des besoins. Vous
avez dit, M. Lavigne, là : On ne fait pas le poids, on n'est pas dans
le coup. Dans le mémoire, on
dit : On ne fait pas le poids. Alors, ça, c'est votre autre problème, vous
trouvez qu'on ne fait pas le poids.
Alors, quelle est la réponse que vous donne le ministre dans son projet de loi?
C'est d'abolir les endroits où vous êtes.
• (18 h 30) •
Alors, vous
dites : «L'exemple le plus patent de ce recul des instances donnant la
parole aux principaux concernés n'est-il pas qu'au lieu de quelque
200 comités d'usagers, il n'y en aura plus que 28...» Et comment et par
qui seront formés les futurs comités
d'usagers? Vous dites : «Pour prendre l'exemple des centres de
réadaptation, les usagers qui siégeaient au conseil d'administration
connaissaient les besoins de leurs pairs, ce qui est loin d'être assuré dans un
établissement comptant autant de missions» que les futurs CISSS. Et là je dois avouer
que vous faites un portrait excellent du
rapetissement de votre place dans la discussion des orientations et des besoins, et d'ailleurs un droit qui est reconnu aux usagers dans
la loi sur les services sociaux. Évidemment, ça ne dit pas quelle est l'ampleur
de ce droit, mais là, clairement, vous faites la démonstration que ce droit va
être ratatiné.
Et là vous dites : Bien, au
moins, dans les 28 qui restent, on aimerait être représentés. Bien, moi, je vous suggérerais de dire : Bien, au moins, gardez les
200 comités d'usagers, trouvez-leur une autre fonction, changez leur nom.
Parce qu'il y a quand même... Les
établissements, les endroits où on donne les soins, ils vont subsister, vous le
dites, c'est toujours les mêmes
endroits où on va aller, puis ça ne réglera pas le problème du continuum de
soins qu'on ait moins de gens qui connaissent
le réseau, qui connaissent les besoins, qui sont des usagers qui puissent
parler aux professionnels qui appliquent les orientations. Alors, là-dessus, ce n'est pas une question, je vous
dis, c'est presque un reproche, je trouve que vous n'êtes pas assez revendicatifs. Parce que le
démantèlement des lieux où vous êtes, où, déjà, vous dites que vous n'êtes pas
assez entendus, ça devrait être... on devrait mettre un cran d'arrêt
là-dessus.
Deuxième
chose qui m'a beaucoup frappé dans votre mémoire, c'est que vous dites : Écoutez,
nous, déjà, on ne fait pas le poids
dans les instances, vous réduisez nos places dans les instances, mais aussi
vous questionnez... Vous dites : «La
COPHAN questionne cette orientation de l'État québécois de considérer les
organismes communautaires comme du "cheap labor" et d'oublier
que beaucoup d'entre eux sont constitués pour défendre les droits[...].
«En
fait, la COPHAN croit que les organismes communautaires sont l'expression
essentielle d'une réelle vitalité de
la société québécoise...» Et, parce que c'est le cas, ils devraient «être
financés sur des bases claires, stables et qui [en] respectent
totalement leur autonomie».
Alors,
vous le savez, nous avions, le gouvernement précédent, prévu une augmentation
du financement de base de vos associations.
Mais
j'aimerais vous entendre sur une déclaration que le ministre des Finances a
faite hier. Entre guillemets, il dit : «Il y a énormément d'organismes communautaires qui peuvent livrer des
services sociaux. Ça coûte moins cher que s'il s'agit d'un réseau.» Fin de citation. Alors, vous aviez écrit votre
mémoire avant d'entendre M. Leitão. Voulez-vous lui répondre
aujourd'hui?
M. Lavigne (Richard) : Si je peux me permettre, puis je crois même... je
ne sais pas si c'est la même citation, mais on parle même, par exemple,
qu'on pourrait donner des services de réhabilitation aux enfants handicapés. La
réhabilitation, je ne savais pas qu'on avait ça au Québec pour les personnes
handicapées, je pensais qu'on parlait de réadaptation.
Mais c'est un exemple, là... Puis moi, je ne fais pas de politique là-dessus,
mais, quand on entend ça, c'est très, très, très désolant, pour rester,
là, gentil, là, que le ministre des Finances...
Il
annonce une orientation : Ça coûte moins cher, les groupes communautaires.
Je ne comprends pas qu'on utilise cet
argument-là. En tout cas, à ce que je sache, quelqu'un qui rend un service,
qu'il soit dans un groupe communautaire ou dans un réseau public, si le service
est le même, pourquoi ça ne vaut pas la même chose? Nous, on n'est pas venus ici pour défendre ni les syndicats, ni les
établissements, ni les ci puis les ça, on est venus vous parler des personnes
et de leurs familles. Puis effectivement, les groupes communautaires, plus ça
va, plus qu'on les traite comme du «cheap
labor», malheureusement. On n'utilise
pas les leviers dont les organismes communautaires disposent, on les utilise,
et nous, on demande au gouvernement de stopper ça.
S'il
y a de l'argent à sauver, s'il vous plaît, il y a d'autres moyens. Puis, si
vous en voulez, des moyens, je pense que
vous en avez en tête, et ça, c'est quelque chose que nous... Quand j'ai appris
ça ce matin, je trouvais ça très déplorable qu'on profite de... Je pense que c'est dans un institut économique
machin, là, que ça a été dit, là. Bien, je pense que les groupes
communautaires, il faut arrêter de les prendre pour des «cheap labors», puis ce
n'est pas vrai qu'on fait tout nécessairement à moins cher. Je pense que, si on
a moins d'argent, les gens s'épuisent beaucoup plus, hein? Puis le bénévole, c'est bien beau, mais, à un moment
donné, il faut faire attention à ça. Parce que, si c'est ça que le Québec veut
faire, bien, on va-tu demander à des médecins d'être bénévoles, des infirmières
d'être bénévoles? Puis là, bien là, quand ça arrive aux groupes
communautaires, bien, ce n'est pas grave, des bénévoles. Je vais m'arrêter là,
ça me pompe.
M.
Lisée : O.K. M. Lavigne, simplement pour ceux qui nous
écoutent, il faut savoir que les organisations communautaires sont
financées partiellement par l'État. Et on salue les efforts que la ministre
déléguée a faits pour réussir à indexer
l'enveloppe globale qui est accordée, mais on sait qu'à l'intérieur de cette
enveloppe globale là il y a des sommes qui sont réparties autrement,
donc il y a un certain nombre d'organismes qui n'ont pas eu une indexation organisme par organisme, même si l'enveloppe, là,
a été faite, mais nous avions tous
convenu d'une augmentation plus importante. Parce qu'il y a un retard
pour la mission de base de ces organismes-là, et nous voulions offrir entre 40
et 50 millions de dollars de
plus par année pour ce que vous faites en
ce moment, pour ce que vous faites en ce moment. Parce qu'on sent qu'il y a
une dégradation de la capacité de ce que vous faites en ce moment.
Mais
j'aimerais ça, dans la minute qui reste, pour les gens qui nous écoutent, pour
le ministre, la ministre déléguée, que
vous nous disiez, là... Parce qu'on entend ça souvent : Il y a les
organismes, qui sont extraordinaires, qui prennent 1 $ puis qui font 100 $ avec, de
services, parce qu'ils sont généreux, parce qu'ils sont dédiés, parce qu'ils
ont des bénévoles. Ils font un
certain nombre de choses. Alors, évidemment, le ministre de la Justice, lui,
qui est en pression pour essayer de
trouver des économies, il dit : Bien là, on va vous délester des
responsabilités supplémentaires qui sont en ce moment dans le réseau de la santé et des services
sociaux. Mais vous, vous dites : Non, nous, on ne veut pas avoir ces
responsabilités-là, ça ne fait pas partie de notre mission. Ça fait
qu'aidez-nous à comprendre quelle est la ligne que vous tracez entre les
services que vous rendez et que vous pensez que c'est normal que vous rendez,
en plus de la défense des droits, et les services qui sont rendus par le
réseau, qui, d'après vous, ne doivent pas vous être délestés.
M. Lavigne
(Richard) : Pour la COPHAN,
simplement vous dire que nous, on est deux employés, et, avec 1 $,
avec 3 $, 4 $, on a fait 10 mémoires et avis durant un an.
Alors, ça, c'est le produit final.
Nous, on fait
de la défense des droits. Ce qu'on dit, et dans notre politique et à toutes les
fois que la COPHAN parle, c'est qu'il
faut respecter l'autonomie des organismes communautaires. On ne dit pas que les
organismes communautaires n'ont pas le droit de donner des services. Ce qu'on dit, c'est que les
groupes communautaires ont une mission, ont leurs valeurs et que l'État
doit en tenir compte, d'une part. Et, lorsque l'État sollicite un organisme
communautaire comme prestataire de services,
s'il vous plaît, traitez-le comme il se doit, pas dire, comme on entend,
là : On ne les paiera pas cher,
eux autres, ça va faire la job. Et je suis convaincu, là, que Mme la ministre
aux Services sociaux ne pense pas ça, et probablement que le ministre
qui a dit ça hier, il a peut-être été mal cité ou je ne sais pas trop. Mais
nous, on tient à mettre au clair que ce n'est pas ça, là, l'objectif.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Désolé de vous couper la
parole. Je dois maintenant... C'est mon rôle ingrat de président, de faire respecter le temps. Pour
8 min 20 s, le porte-parole du deuxième groupe d'opposition,
le député de La Peltrie.
M.
Caire : Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. Ce que
vous nous dites, c'est que, dans sa forme actuelle, la structure du réseau de la santé échoue à vous
faire une place convenable dans ses instances décisionnelles. Ça fait que la
question que j'ai envie de vous poser,
c'est : Dans le projet qui nous est proposé, dans la restructuration, de
quelle façon, concrètement, pourriez-vous être impliqués au niveau
décisionnel et représentatif?
M. Lavigne (Richard) : Comme on dit dans notre mémoire, d'une part, il y
a l'article 1.2 de la loi sur l'exercice des droits des personnes handicapées qui dit que les personnes doivent
être impliquées dans des programmes et services qui les concernent, et tout ça. Il y a les plans d'action pour les
personnes handicapées. Pour ce qui est des usagers, des groupes
communautaires qui représentent les personnes, on disait tantôt : Un
comité avec le ministre et la COPHAN pour
regarder l'ensemble des programmes, on parle de santé et services sociaux,
parce qu'on parle... On dit ça à tous les ministres : La révision des programmes, il faut travailler
ensemble, mais il faut que ça retombe de façon cohérente dans les régions. C'est pour ça que le réseau COPHAN est
intéressant. Nous avons des groupes nationaux, des groupes régionaux et
des groupes locaux.
Ensuite,
en termes de représentation dans les instances, il y a toute la question des
comités des usagers. On passe de 200
à 28 comités d'usagers. Nous, ce qui nous importe, ce n'est pas le nombre
de comités d'usagers, c'est comment ça
va fonctionner, quelle sera la composition et leur impact. Je l'ai dit tantôt,
nous, on n'est pas venus ici pour protéger ni défendre des structures,
on parle d'axer sur les résultats. Et nous, on veut bien croire que la réforme
proposée va marcher, mais vous me permettrez
d'être un peu sceptique. Tu sais, je ne dis pas que ce n'est pas vrai, juste
que ce n'est pas automatique. Alors,
c'est pour ça qu'on souhaite avoir plus d'usagers au C.A., des représentants
des groupes communautaires dans les régions, nommés par et parmi
eux-mêmes, et des comités consultatifs avec des personnes qui ont une
limitation fonctionnelle issus des milieux, pas des handicapés de service, là,
des gens des réseaux.
M.
Caire : J'entends ce que vous me dites, mais je vous dirais
qu'il y a plusieurs personnes qui sont venues nous faire sensiblement les mêmes représentations, et,
dans le projet de loi, il est prévu que les gens des conseils d'administration,
ainsi que le P.D.G. et le P.D.G. adjoint, vont être nommés par le ministre.
Vous en pensez quoi, de ça?
• (18 h 40) •
M. Lavigne (Richard) : Bien, écoutez, on en pense quoi? À certains
égards, on trouve que le ministre devrait s'en remettre à la vie
communautaire des usagers dans les régions. Je veux dire, je comprends que le
ministre est imputable, il a des
comptes à rendre, ça, c'est vrai, et, parfait, ça, c'est pour ça qu'on les
élit, ces ministres-là, c'est pour qu'ils
nous rendent des comptes, là. Mais, à un moment donné, entre ça et la
difficulté de teinter, entre guillemets, les organisations régionales de
la couleur des communautés environnantes, je pense que le ministre peut très
bien avoir un peu... C'est parce que, tu
sais, c'est... L'extrême d'un bord puis l'extrême de l'autre, ce n'est pas
mieux. Je pense que le ministre a
compris ce que la COPHAN dit, et nous pensons que le ministre, ses équipes et
que l'Assemblée nationale vont retenir
ça et qu'ils vont trouver une façon pour que la reddition de comptes se fasse,
pour que les services se développent et que les citoyens de tous les
horizons des régions soient impliqués de façon constructive et significative.
Je n'ai pas d'article de loi à vous
proposer. Nous, on a proposé des recommandations, mais, pour le reste, on peut
en discuter avec qui voudra bien, là, mais, pour ce soir, là, je n'ai
pas le texte précis de l'article.
Le
Président (M. Tanguay) : Pas de problèmes. Et je cède la parole au
député de Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger :
Oui. Merci, M. le Président. Tout à l'heure, je ne sais pas si c'est M. Lavigne
ou vous, le dernier... Votre nom, déjà? Excusez-moi. Vous venez de parler.
M. Lavigne
(Richard) : Lavigne. Vous l'avez, oui.
M.
Schneeberger : Lavigne. C'est ça. Bon. Parce qu'il y a
Richard l'autre bord, peut-être que je confondais les deux noms, là.
Tout à l'heure, vous parliez justement que, certaines fois, quand, au niveau du
système de la santé, au niveau des services, vous avez un besoin spécifique, vu
que vous vous considérez comme handicapé, vous avez un handicap, on vous
transfère dans un autre département, alors que le... J'aimerais ça vous
entendre un petit peu plus à ce niveau-là, il y a des... ou si vous avez des
cas spécifiques, ou de la manière que ça marche, parce que je trouve que c'est
troublant. Parce que, oui, on peut être handicapé, ça ne veut pas dire que le
bobo, il est différent parce qu'on est handicapé, là.
M.
Lavigne (Richard) : Je vous
demanderais... Bien, peut-être, Mme la présidente, là, vous pourriez peut-être
répondre à ça.
Mme Vézina
(Véronique) : Je vous dirais
que, dans les services pour personnes handicapées, quand on les compare
aux services généraux, on a beaucoup tendance à travailler en silo. Il y a des
services qui existent pour les personnes handicapées.
On dirait que l'ensemble des services devrait être donné par ce réseau-là ou ce
silo-là. J'ai donné deux exemples tantôt,
quand j'ai parlé des difficultés d'avoir accès aux urgences. Il y a la
mammographie qui a été traitée récemment. Une femme, par exemple, qui vient d'accoucher, et qui a des limitations,
et qu'on réfère à un organisme communautaire de personnes handicapées parce qu'elle a des difficultés d'allaitement,
je ne suis pas sûre que c'est le bon endroit où la référer.
Et il y a
plusieurs exemples comme ceux-là où, les personnes, au lieu de les envoyer dans
les services qui concernent, par
exemple, la toxicomanie, la santé mentale ou d'autres réseaux, on les transfère
dans les programmes pour personnes handicapées pour leur donner le
service. Je vous ai donné l'exemple de soins posthospitaliers qu'on a transférés en services en DP-DI-TED. La même chose
au niveau de la maternité où on transfère les femmes dans des réseaux qui concernent les personnes handicapées, alors
que ce qu'elles viennent chercher, c'est des services qui sont en lien avec les
soins de leurs enfants ou des soins en lien avec l'allaitement, par exemple.
Même chose au niveau du traitement... du soin pour le cancer, par exemple. La personne va chercher son
diagnostic, elle reçoit les traitements qui sont nécessaires dans le réseau régulier, mais, rapidement, on la
ramène toujours dans les services pour personnes handicapées, alors que,
concrètement, c'est dans les services
généraux qu'elle doit aller chercher ces services. Et, si on fait ça, c'est
qu'on n'a pas l'habitude de recevoir
ces personnes-là, on n'a pas la formation nécessaire et, au lieu d'aller
chercher l'expertise dans les réseaux
particuliers pour donner le service dans les réseaux réguliers, je dirais,
bien, on préfère transférer les personnes dans les réseaux pour
personnes handicapées, où, là, on n'est pas en mesure de donner le service.
M. Lavigne
(Richard) : Juste un petit
exemple — on voulait en parler puis on n'a pas eu
l'occasion — c'est
toute la question des activités du domaine de la santé publique, la
santé publique au plan national, au plan régional. On avait dit... Je ne sais pas si M. Barrette est toujours là, mais on en a
parlé rapidement quand je l'ai vu. À un moment donné, ces gens-là, ils ne veulent pas s'occuper des
personnes qui ont une limitation fonctionnelle. On dirait que nous, on n'est
pas visés par les campagnes de prévention,
par les campagnes d'information sur la santé publique. Les documents, les
campagnes ne sont pas accessibles. Tu sais,
c'est... Et pourtant, lorsqu'on a fait la première À part entière, il y
avait eu des engagements de la Santé publique. Mais la Santé publique
les a tous rejetés, et on dirait qu'il n'y a rien à faire avec ces gens-là, on dirait. Je m'excuse de le dire
comme ça, mais on n'est pas capables de retenir leur attention. Véronique veut
compléter.
Mme Vézina
(Véronique) : Quand il y a
eu la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1), il y a trois ans,
quatre ans, je ne me souviens pas, les
campagnes d'information n'étaient pas accessibles aux personnes handicapées,
les lieux de vaccination, certains,
pas l'ensemble, mais n'étaient pas accessibles, et c'était difficile d'avoir
l'information sur l'accessibilité de ces sites de vaccination là. C'est un
exemple parmi tant d'autres. La prévention pour le cancer du sein, c'est la même chose. C'est le réseau
communautaire qui a développé des
outils pour permettre aux personnes handicapées d'avoir accès à
l'information sur ces campagnes de... pas de vaccination, mais de prévention
là.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup...
Une voix : ...
Le Président (M. Tanguay) : Oui, il
reste 20 secondes.
M.
Schneeberger : ...alors,
sclérose en plaques, et puis je peux vous assurer que... Justement, tantôt,
j'aimais beaucoup votre intervention au niveau des CHSLD, parce que, souvent,
les services ne sont pas tout à fait au point, dépendamment de l'état de la personne. Et se faire dire, parce qu'on
doit aller aux toilettes : Faites dans votre lit, parce qu'on n'a pas le temps de vous mettre aux
toilettes... De toute manière, c'est pire, parce que c'est plus facile d'aller
mettre une personne sur une toilette
que de changer le lit. Alors, c'est là que, justement, quand on peut donner
des soins à l'intérieur même d'une résidence ou autre, qui est
spécifiquement faite pour des gens comme ça, oui, on va sauver de l'argent, au
lieu de les mettre dans des centres hospitaliers qui n'ont pas de raison d'être
pour ces gens-là.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de Gouin pour une période de trois minutes.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. Mme Vézina, M. Lavigne, M. Labrecque,
je vais aller droit au but, parce que je n'ai pas beaucoup de temps.
Moi, ce qui
me frappe dans tout ce que j'entends... enfin, une des choses qui me frappe
dans tout ce que j'entends, c'est
qu'on est en train de débattre de mégastructures, en fait, alors que ce que
vous nous dites, c'est : Il y a des problèmes, sur le terrain, de
compréhension des gens face à nos réalités, il y a un problème de financement,
de toute évidence, puisqu'il y a des
milliers de personnes en attente de services. Et donc j'ai simplement envie de
vous demander : Mais vous, là,
de quoi auriez-vous envie en priorité? Qu'est-ce qui serait important
prioritairement pour vous autres si on disait : On veut faire une
réforme des services sociaux et de santé? Ça serait quoi, le plus important?
M. Lavigne (Richard) : C'est une question qui demanderait beaucoup
de temps de réponse. Simplement, ce que je vous dirais : C'est une question d'accès, d'accès à l'ensemble
des services. Lorsqu'on parle, au Québec, d'une approche inclusive pour les personnes qui ont une
limitation fonctionnelle, ce n'est pas un rêve, ça. Quand on parle
d'accessibilité universelle, ce n'est
pas des histoires de prendre une bière autour d'une table dans une brasserie,
là. C'est sérieux. On refait toujours les affaires à côté pour les
personnes qui sont handicapées : des réseaux parallèles, des intervenants
en parallèle, un monde parallèle, et c'est
ça qui n'est pas rentable, parce qu'on maintient les gens dans l'isolement,
puis les autres qui ne connaissent
pas les personnes handicapées, ils sont maintenus dans leur ignorance. À un
moment donné, il va falloir qu'on commence.
Et,
la réforme, c'est vrai qu'on nous propose des mégacentres, des
mégaétablissements, mais est-ce qu'on va être capables de faire vraiment un mégacentre inclusif? Nous, on est peut-être
naïfs, mais on pense que c'est encore faisable, mais il faut qu'on
prenne les dispositions pour le faire. Mais la base, là, c'est l'inclusion, une
approche globale des personnes. On n'est pas
juste des handicapés, on est d'abord des personnes qui ont des limitations. Et
l'enquête canadienne le dit : En
quelque part, il y a 33 % des Canadiens, Canadiennes qui ont des
limitations, peut-être pas aussi graves, là, mais 33 %, ça,
c'est pas mal de monde, ça.
Mme David
(Gouin) : Autrement dit, ce que vous nous dites, c'est : Comme
classe politique puis comme société québécoise, il faut vraiment se réveiller
et consentir à l'idée qu'investir dans l'accès à n'importe quel service pour les personnes handicapées et pour les
personnes qui ont des limitations fonctionnelles, ce n'est pas une dépense,
c'est un investissement. Il faut qu'on y consente au nom de l'inclusion.
M. Lavigne (Richard) : Vous avez raison. Si vous et moi, Mme David, on
s'en va tous les deux pour la même raison dans un hôpital, pourquoi vous
passez par une porte, puis moi, par l'autre?
Mme David
(Gouin) : Vous avez entièrement raison.
M. Lavigne (Richard) : C'est juste ça, là, c'est une image, comme ça,
vite, vite, en passant, là. Ça prend deux portes : une pour l'handicapé puis une pour le normal.
Puis, c'est bien pour dire, hein, si on avait juste une porte accessible, là,
bien, on sauverait un trou, on sauverait une
porte. Tu sais, à un moment donné, les économies, ce n'est pas juste en coupant
qu'on les fait, c'est en étant logique dans les investissements qu'on fait.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous remercions les représentants de la Confédération des
organismes des personnes handicapées du Québec.
Compte tenu de
l'heure, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 19 h 30.
(Suspension de la séance à
18 h 49)
(Reprise à 19 h 34)
Le
Président (M. Tanguay) : S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
téléphones cellulaires.
Nous allons
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 10, Loi modifiant
l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux
notamment par l'abolition des agences régionales.
Nous
poursuivons donc nos consultations avec les représentants, représentantes de
l'Ordre des pharmaciens du Québec. Je
vous souhaite, d'abord et avant tout, la bienvenue. Je vous demanderais, pour
des fins d'enregistrement, de bien
vouloir vous identifier, et par la suite vous disposerez d'une période de
10 minutes, et ensuite l'échange se poursuivra avec les parlementaires.
Alors, la parole est à vous.
Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ)
M. Bolduc (Bertrand) : Alors, très bien, mon nom est Bertrand Bolduc. Je suis président de
l'Ordre des pharmaciens du Québec. À ma gauche, j'ai Mme Manon Lambert,
qui est directrice générale et secrétaire de l'ordre, et, à ma droite, j'ai M. Martin Franco, qui est
pharmacien à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont et qui est ici en tant que membre
de l'exécutif de l'Ordre des pharmaciens du Québec.
Alors, Mmes et MM. les
parlementaires, bonsoir. D'abord et avant tout, j'aimerais vous remercier de
nous recevoir ici ce soir et de nous donner l'opportunité de faire nos
commentaires sur le projet de loi n° 10.
D'entrée de jeu et à
l'instar de plusieurs intervenants qui ont présenté en commission, nous
souscrivons aux objectifs du projet de loi,
qui est de simplifier l'accès aux services pour la population, de contribuer à
améliorer la qualité et la sécurité
des soins et d'accroître l'efficience du réseau. Et l'ordre partage vos préoccupations, M. le ministre, à l'effet d'utiliser les fonds publics de
la meilleure façon qui soit. Les choix que nous faisons comme société doivent
tenir compte du fait que l'investissement qui est fait à un endroit ne pourra pas l'être ailleurs. Nous sommes
d'avis, toutefois, que certaines modifications devraient être apportées au projet
de loi pour lui permettre d'atteindre
son plein potentiel. Nous utiliserons
les minutes qui suivent et qui nous sont accordées afin de vous présenter nos
principales préoccupations. Je vais passer la parole à
Mme Lambert.
Mme Lambert
(Manon) : Alors, beaucoup plus que d'abolir un palier décisionnel, le projet
de loi crée des superstructures et centralise
de nombreux pouvoirs au ministre. N'étant pas expert en la matière, l'ordre ne
s'avancera pas à prédire l'impact
réel qu'aura cette centralisation sur l'atteinte des objectifs énoncés. Par contre,
nous sommes à même de constater que
cette réforme de la gouvernance est un virage important lorsqu'on compare
ses objectifs à ceux ayant mené à l'instauration des CSSS et à l'approche
populationnelle qui était promue il y
a moins d'une dizaine d'années.
L'ordre se questionne donc quant à l'impact
de ces changements sur la capacité d'innovation et de création de valeurs
dans nos milieux.
Dans un autre
ordre d'idées, l'ordre est heureux de constater que les comités régionaux de
services pharmaceutiques, ou CRSP
pour ceux qui sont dans le domaine, instances qui relevaient des agences,
survivent à la présente réforme. En effet,
considérant notamment l'importance du médicament et des services pharmaceutiques
dans l'arsenal thérapeutique moderne,
la pertinence de cet organe n'est pas à remettre en question.
L'ordre s'interroge toutefois sur une particularité pour la région de Montréal. En effet, le CRSP
est constitué au sein du CISSS du Sud-Est-de-l'Île-de-Montréal. Or, dans
l'état actuel du projet de loi, nous nous questionnons à savoir quelle portée
auront les recommandations et avis du CRSP sur les autres établissements de la région montréalaise. Des mécanismes
devraient être prévus pour faire en sorte que les orientations
régionales qu'il adopte soient adoptées par les autres établissements.
Dans le même
esprit, nous tenons à manifester notre inquiétude quant à la perte du siège
réservé à un membre du CRSP aux conseils d'administration des établissements. Le législateur avait cru bon, il y a
quelques années, de corriger une
lacune à l'effet que les CRSP ne disposaient pas d'un siège aux C.A. des
agences. Lors d'une modification ultérieure à la loi, cet oubli avait été
corrigé, pour revenir aujourd'hui à la case zéro si on regarde le projet de loi
n° 10.
Cette décision entraînera de nouveau une perte
de sensibilité des C.A. à la situation des pharmaciens exerçant leur profession en milieu communautaire. Pourtant,
la transition des patients les plus vulnérables entre la communauté et les établissements de santé, par exemple la
personne âgée sous polypharmacie, n'est pas aisée dans notre système et conduit fréquemment à des incidents médicamenteux
et à des hospitalisations. Par ailleurs, des dépenses publiques annuelles
en médicaments de près de 1 milliard de
dollars dans les établissements de santé et d'environ 3 milliards de
dollars dans la communauté devraient conduire naturellement le
législateur à considérer l'importance de l'avis du professionnel spécialiste de
leur utilisation.
Finalement, notons que les pharmaciens
communautaires représentent 71 % des effectifs pharmaceutiques de la province et qu'ils ne sont pas représentés par
les CMDP. Pourtant, les pharmacies privées représentent maintenant une porte d'entrée naturelle des patients aux services
de première ligne. Cette réalité a d'ailleurs été reconnue par le législateur,
puisqu'elle est à la base même de l'adoption unanime du projet de loi
n° 41.
Pour toutes
ces raisons, l'ordre ne comprend pas la tendance répétitive des instances
politiques et administratives à
oublier d'intégrer la dimension pharmaceutique dans le processus de prise de
décision. Ainsi, nous suggérons qu'un pharmacien membre du CRSP siège
aux conseils d'administration des CISSS. Je vais passer la parole à
M. Franco.
• (19 h 40) •
M. Franco (Martin) : Pour des motifs
de la protection du public, l'ordre demande depuis plusieurs années à pouvoir délivrer des permis de spécialiste, et ce,
sans succès. Devant la création des superdépartements de pharmacies réunissant les pharmaciens qui ont développé des
expertises dans les domaines de pointe comme l'oncologie, la cardiologie,
les soins critiques et la santé mentale, il nous apparaît de plus en plus
urgent de permettre à l'ordre de distinguer les généralistes versus les spécialistes. La façon de permettre cette
distinction passe par la reconnaissance d'une première spécialité structurante et large sur laquelle
pourraient ensuite prendre assise des spécialités plus pointues comme
l'oncologie.
Les fusions
proposées dans le cadre du projet de
loi n° 10 réuniront dans un même
établissement une combinaison de
services généraux spécialisés et surspécialisés prodigués par des pharmaciens
ayant un seul et même titre d'emploi, et
ce, sans qu'ils aient nécessairement les expertises requises pour permettre de bien
prendre en charge les clientèles dans les
multiples situations de ces établissements. Prenons l'exemple du pharmacien qui
a développé une expertise pointue en pédopsychiatrie qu'on
délocaliserait dans une installation qui prodigue des soins généraux, ou du
pharmacien plus généraliste qu'on délocaliserait
dans une installation qui offre des soins spécialisés ou surspécialisés. Dans
un contexte d'établissement régional,
il pourrait être tentant de déplacer les pharmaciens, sans égard aux expertises
développées, pour palier les
problèmes de pénurie localisés dans une ou deux installations seulement.
Afin d'éclairer les décisions concernant la localisation des ressources
humaines pour répondre aux besoins, la reconnaissance de la spécialisation en
pharmacie devient encore plus nécessaire.
L'ordre est inquiet du pouvoir que le ministre
se donne d'exiger que des établissements publics fassent usage commun de certains biens, mais surtout certains
services, sans aucune consultation. La centralisation de la préparation de solutions de chimiothérapie auprès d'un seul
fournisseur, en Ontario, sans se préoccuper des procédures et des façons
de faire particulières à chacun des
établissements, a conduit à une crise sans précédent en 2013 alors que
1 202 patients ont été
touchés. De ce nombre, près de 1 000 patients ont reçu des doses
insuffisantes de chimiothérapie du type cyclophosphamide et de
gemcitabine. La majorité des patients étaient traités pour des cancers.
Centraliser
certains services spécialisés comporte donc de nombreuses implications. L'ordre
voit mal comment de telles décisions
pourraient provenir du central sans aucune consultation préalable des autorités
compétentes, comme les CMDP, les
chefs de département ou les ordres. En ce sens, nous suggérons de modifier l'article 133
pour faire en sorte que le ministre
soit tenu de consulter les organes et les organisations chargés de surveiller
la qualité de l'acte et de protéger le public
avant de pouvoir exiger que les établissements fassent usage commun de certains
biens ou services professionnels.
M. Bolduc
(Bertrand) : Un des
objectifs du projet de loi est de favoriser l'accès aux services pour la
population. Pendant que le réseau de
la santé subira des changements profonds, des projets d'amélioration des
pratiques professionnelles qui ont produit des résultats concrets dans d'autres pays et même dans
d'autres provinces — et, je
dirais même, dans toutes les autres
provinces du Canada — tardent
à être mis en application ici, au Québec. On pense, évidemment,
à la loi n° 41, qui a pourtant fait l'objet d'une
adoption unanime par vous, les parlementaires.
Malheureusement, même si l'Ordre des pharmaciens et le Collège des médecins du Québec
ont livré la marchandise depuis plus
d'un an, la population est privée de ses bienfaits. Puisque le projet de loi n° 10 a pour but de simplifier l'accès aux services pour la population et d'accroître
l'efficacité de ce réseau, nous profitons de l'occasion pour demander que le
ministère de la Santé conclue rapidement, je souligne, rapidement, un
accord avec l'AQPP, l'association des pharmaciens propriétaires, afin de mettre en vigueur les
nouvelles activités des pharmaciens. Le projet de loi n° 10 est un
projet intéressant, mais les effets ne seront pas immédiats, les effets
de la loi n° 41 peuvent l'être tout de suite.
Donc,
en conclusion, l'ordre souscrit aux objectifs du projet de loi n° 10. Les
ratés du système, notamment en matière d'accès, et les sommes
colossales et croissantes qui y sont investies justifient une intervention de
l'État pour corriger le tir. Néanmoins, comme pour l'utilisation des
médicaments — et
vous nous permettrez un peu l'analogie ici — l'utilisation
du remède appliqué doit être basée sur des données probantes, et le dosage
utilisé doit être adapté au patient. Sans ces précautions, le malade ne
pourrait pas guérir, ou, pire, voir son état se détériorer.
Nous avons voulu, par
cette présentation et notre mémoire, apporter des commentaires que nous
souhaitons constructifs et qui pourraient
contribuer à faire en sorte que notre système de santé, dont la propre santé
n'est pas optimale, il faut le dire,
reçoive le traitement le plus adéquat dans les circonstances. Nous vous
demandons aussi de considérer la place importante
du pharmacien, qui nous semble souvent victime d'oubli par le système de santé
et dans le projet de loi n° 10, où il est peu mentionné.
Nous vous remercions
pour votre écoute, et évidemment nous sommes disponibles pour vos questions.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, s'ouvre à l'instant une période d'échange. Nous allons
débuter avec un premier bloc de 21 min 30 s avec le ministre de
la Santé et des Services sociaux.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, M. Bolduc, Mme Lambert et
M. Franco, bienvenue. Désolé pour le
retard, là, on était cédulés un petit
peu plus tôt, mais les aléas
parlementaires font en sorte que, parfois, on est un petit peu décalés. Alors, je suis bien désolé, surtout que
j'en suis en partie responsable, de ces aléas-là. Mais, quand même,
on est ensemble et on peut avoir des
discussions fructueuses, comme vous l'avez déjà introduit de si belle
façon. Et je vous remercie quand même
des bons mots que vous avez eus, là. Je
pense que, dans le projet de loi n° 10, vous constatez qu'il y a quand
même des choses qui sont positives
là-dedans, quoique vous ayez certaines réserves, que je comprends, mais je vais y revenir essentiellement... pas essentiellement,
je veux dire, mais un peu point par point.
En
lisant votre mémoire, je constate que... Et ça, je veux faire un correctif, c'est important
pour moi. En lisant votre mémoire,
vous le lisez comme étant un exercice de centralisation. Et là je veux
rectifier le tir ici — et je l'ai dit à plusieurs reprises, je le redis encore puis je le
redirai encore plusieurs fois dans ces commissions-là — l'objectif ici est de faire exactement le contraire, en ce sens que
la relation que le gouvernement doit avoir, à mon sens, avec son réseau est une relation de donneur d'ouvrage, en ce sens
que le gouvernement, c'est son rôle, le ministère de la Santé, le ministre,
je pense que c'est son rôle de donner des
orientations, et que ce soit le rôle des CISSS de livrer la marchandise. C'est
le rôle du ministre de s'assurer
qu'il y ait une certaine imputabilité et de faire des évaluations. C'est le
rôle du CISSS de respecter certaines balises et de livrer ce qui a à
être livré.
Alors,
non seulement ce n'est pas une centralisation comme telle, mais, en fait, c'est
probablement la décentralisation, au
sens européen du terme, je dirais, la plus grande qu'on aura vue. On ne peut
pas, je pense, au Québec, aller aussi
loin que les Européens, qui, dans certains pays, délèguent la santé aux
municipalités, par exemple, avec des pouvoirs
de taxation, et de négociation de salaire, et de rémunération de professionnels
localement. La culture québécoise, je pense, ne nous permet pas ça. Mais
il n'en reste pas moins que l'étape d'avant, qui est celle que l'on propose,
est parfaitement faisable pour le bénéfice
du citoyen, qui, normalement, si les orientations sont claires et bien
détaillées, va y trouver... y tirer son compte... y trouver son compte,
pardon. Alors, je voulais revenir sur cet élément-là parce que vous y faites
référence au début de votre mémoire, et ce n'est pas ça. Je vous le dis, là, ce
n'est vraiment pas ça.
Un
des éléments que je retiens de... Je ne sais pas si vous avez fait exprès, là,
mais il n'en reste pas moins que vous avez fait référence à un modèle
qui m'est cher, parce que je l'utilise régulièrement. Vous avez fait, à la
page 4, référence, vous-mêmes, à
Cleveland Clinic. Cleveland Clinic et ce à quoi vous faites référence quand
vous le citez, bien, c'est
essentiellement ce qu'on veut. Cleveland Clinic, on le sait, là, c'est une
organisation qui prend tout un État puis qui va de la première ligne
jusqu'à... Le Cleveland Clinic est connu sur la planète.
Et
vous faites référence à l'innovation. Moi, je vous dirais ici de le voir avec
un autre angle. Le Québec n'a, à mon
sens, jamais réussi à disséminer, diffuser, étendre à la grandeur de son réseau
une innovation qui a été développée dans un milieu. Si c'est arrivé, là,
ça doit se compter sur les doigts d'une main, puis je ne les sais pas moi-même. En général, il y a des innovations qu'on
voit dans un milieu, puis, le transposer à l'hôpital qui est à 1 kilomètre
à côté ou au CLSC qui est à 1 kilomètre à côté, on n'y arrive pas. Or, le
projet de loi n° 10 va faire en sorte qu'on va réduire nos interfaces et, techniquement, là — je dis bien «techniquement» — quand on en a 28 autour de la table, c'est
pas mal plus facile d'ordonner, dans
une certaine mesure, un changement de direction ou d'appliquer l'innovation à
la grandeur du réseau que quand on en
a 182. Et le projet de loi vise à avoir ce que j'appellerais ce bénéfice
marginal là, qui n'est pas marginal
du tout. De l'innovation, au Québec, c'est quelque chose qui se vit mais ne se
dissémine que rarement. Et ça, c'est une faiblesse de notre système.
• (19 h 50) •
Et, le projet
de loi n° 10, dans sa restructuration et dans son mode, qui est basé sur
une relation de donneur d'ouvrage,
bien, je pense que le ministre, quand il va voir qu'il y a un bon coup qui est
fait dans le CISSS Untel et que ce coup-là est reproductible, normalement, bien, il devra l'être,
donneur d'ouvrage, livrable, alors qu'actuellement on est plus dans une
espèce de cacophonie où il y a bien des gens qui ont bien des initiatives qui
ne sont pas toujours mesurées, qui ne sont
pas toujours évaluées, qui ne sont pas toujours documentées, même. Alors, quand
arrive le temps de le disséminer, c'est impossible.
Alors,
je veux juste vous rassurer, là, sur
ce que vous voudriez voir. Parce que je
comprends que vous ne voulez pas une centralisation à outrance et que vous
voudriez plus des possibilités style Cleveland Clinic. Bien, c'est là qu'on va,
c'est exactement là qu'on va.
Pour
ce qui est des CRSP, il n'était pas question, pour nous autres, évidemment, de faire
disparaître ça. C'est très important, et je reçois favorablement votre commentaire.
C'est vrai que n'a pas été considéré suffisamment à sa juste valeur le fait d'avoir un pharmacien sur les conseils d'administration. J'en prends note et je reçois ce commentaire-là, évidemment, tout à fait favorablement.
Je
suis surpris, très surpris, puis là, là-dessus, je vais vous laisser la parole tout de suite... Moi, la seule chose que je peux
voir qui va dans le sens de votre inquiétude de la mise en commun, et particulièrement dans la direction de ce que vous avez évoqué comme problème qui
a été vécu en Ontario, là, que je connais bien, il y a juste l'article 133
qui fait référence à ça, là. Et c'est vrai
qu'il est large, l'article 133, mais je peux vous rassurer que je comprends très bien ce que vous
évoquez, et ça n'a jamais été dans notre esprit qu'on aille dans cette
direction-là. Quand on parle de mise en commun, là, on parle de mise en commun de certaines choses qui sont plus
évidentes, là. Puis je vais vous en donner une comme ça, là, très facilement : dans un CISSS, une
salle d'opération qui est utilisée à 20 %,
là, bien, elle va être utilisée par quelqu'un, là, elle ne va pas rester utilisée à 20 %, là. Une salle d'opération
qui n'est pas utilisée à au moins 85 %, c'est de la sous-utilisation.
Donc,
quand on parle de mise en commun, c'est d'abord et avant tout s'assurer que les
équipements qui sont en place soient
utilisés à leur pleine capacité, pour des raisons évidentes de productivité,
d'une part, et, d'autre part, de... bien, de productivité dans le bon sens du
terme, c'est-à-dire : produire plus au même coût, à l'exception,
évidemment, des fournitures
médicales. Mais l'objectif n'est pas du tout et il n'a jamais été... Et je
comprends votre point. Puis je vais vous avouer que je n'ai même pas
pensé — c'est
pour vous montrer à quel point ce n'était pas dans notre esprit, là — de concentrer des préparations pharmacologiques dans
un centre puis les distribuer à gauche et à droite, avec tous les risques
que ça comporte dans notre système actuel.
Parce que vous pourriez très bien continuer dans le sens qu'on n'a pas... tu
sais, on n'a pas de prescripteur, on
n'a pas de ci, on n'a pas de ça. On n'est pas olympiens dans notre contrôle de
qualité, là, actuellement.
Y
a-tu d'autres choses que vous voyez, là, qui vous fait... ou que vous avez
entendues qui pouvaient vous faire penser qu'on allait aller dans cette
direction-là ou que vous craignez actuellement?
Mme Lambert (Manon) : Bien, il y a eu, dans le réseau, effectivement, des discussions sur...
par exemple, de dire : On va
créer une centrale de préparation stérile pour une région donnée, pour tout
Montréal. Ce n'est pas impossible, c'est
juste que nous, on a fait une série d'inspections ciblées dans les
établissements. Quand vous dites qu'on n'est pas idéal dans nos façons
de faire, notamment...
M. Barrette :
Ce n'est pas une critique, on s'entend, là.
Mme Lambert (Manon) : Non, non, non, mais ce que je voulais vous dire... En tout cas, je
voulais vous rassurer, M. le ministre, parce qu'au Québec on a fait
preuve d'innovation, à l'Ordre des pharmaciens, et on a fait une série d'inspections dans les établissements avec une
production de norme, et notre norme est en train d'être exportée dans les
autres provinces canadiennes. Donc, on a bien fait notre travail à ce
niveau-là.
Mais tout ça pour
vous dire qu'au niveau des préparations stériles, effectivement, il y a eu,
dans le passé, des discussions qui voulaient
peut-être dire : Bien, on va rentabiliser ces équipements-là puis on va
faire de la centralisation à travers
une région donnée, à travers plusieurs établissements, ce qui n'est pas
impossible. C'est juste qu'il y a un certain nombre de choses qu'il faut vérifier et il faut avoir l'expertise pour
le faire. Et c'est dans ce sens-là qu'on dit : Bien, si on va vers ce genre de service là, il faudrait au moins
prévoir qu'il y ait une consultation des organismes qui sont chargés de protéger le public. Mais on n'est pas contre le
fait d'une mise en commun éventuelle des services, bien au contraire, là.
M.
Barrette : Moi, je vais vous rassurer là-dessus : Il serait
absolument inopportun pour un gouvernement de ne pas vous consulter si on envisageait d'aller dans cette direction-là.
Peut-être avez-vous fait le parallèle avec OPTILAB, là? Parce
qu'OPTILAB, ça a été un peu le précurseur de tout ça, où on concentrait les
laboratoires puis on déplaçait des prélèvements,
et ainsi de suite. Moi, je suis d'accord avec vous, il y a des choses qui se
font puis il y a des choses qui sont plus
difficiles à faire. Et, à un moment donné, c'est vous qui avez l'expertise. Et
je peux vous rassurer sur une chose : Ce n'est pas venu de nos esprits, ici, à Québec, là. Ça, ça a été évoqué
sur le terrain en quelque part. Je l'apprends aujourd'hui, mais ce n'est pas quelque chose sur laquelle on mise au
moment où on se parle. Ceci dit, s'il advenait que vous, dans le milieu,
ou une administration l'envisageait, je suis tout à fait d'accord avec vous, ça
ne peut pas se faire sans vous consulter, c'est impossible.
Ce
qui m'amène à vous demander de peut-être élaborer un petit peu plus sur une
autre préoccupation que vous avez
évoquée — parce que
vous avez évoqué plusieurs préoccupations qui me surprennent, parce que je ne
les avais pas vues ou pensées
moi-même — vous
avez fait référence à la délocalisation des pharmaciens. Je vois mal où le système pourrait gagner à
délocaliser des gens qui ont une expertise.
Mme Lambert
(Manon) : Bien, vous avez peut-être... Écoutez, je peux vous donner un
exemple peut-être plus précis que vous
connaissez bien. Vous avez, dans l'est de Montréal, donc, Maisonneuve
qui va être fusionné avec Santa Cabrini, avec Rivière-des-Prairies, si
je ne m'abuse, puis c'est un peu l'exemple à partir duquel... Alors, on a Santa
Cabrini qui est en pénurie chronique de pharmaciens...
M. Barrette : C'est vrai.
Mme
Lambert (Manon) : ...et
Santa Cabrini, donc, qui est un établissement plus général, puis, de l'autre côté, on a un établissement superspécialisé avec la pédopsychiatrie, puis
Maisonneuve où on a des expertises, quand
même, qui sont assez... des
pharmaciens extrêmement spécialisés, par exemple en oncologie ou soins
critiques, et tout ça. Alors, il
pourrait être tentant, pour régler à court terme un problème de pénurie qui
perdure, dans un contexte d'établissement
centralisé, de dire : Bon, bien, on pense qu'il y en a un petit peu trop
là, ou ils sont plus nombreux, ils ont une masse critique plus grande, donc on
va délocaliser des personnes.
Or, on perd
de l'expertise à ce moment-là, et ce n'est possiblement pas la solution. Parce que,
même si, au moment où on se parle,
il n'y a pas de spécialité de reconnue — et
vous savez qu'on aimerait bien pouvoir en reconnaître — il
demeure que des expertises spécialisées sur
le terrain en pharmacie, il en existe, vous en avez probablement vous-même été témoin dans votre expérience à titre de
médecin. Et donc, à notre avis, il faut faire attention pour éviter de
considérer : un pharmacien égale un pharmacien. Alors, un
pharmacien n'égale pas un pharmacien, parce qu'on a des expertises
spécialisées. Qu'on veuille le reconnaître ou pas, elles sont là, et il faut y
prendre garde.
M.
Barrette : Si je prends ce commentaire-là à l'envers, ou cette inquiétude-là à l'envers aussi — pas
à l'envers au sens où elle n'est pas
justifiée, là — à
partir du moment où on intègre, par
exemple, les hôpitaux que vous venez de mentionner, par exemple, est-il possible quand
même de soutirer une plus-value de cette intégration-là sans délocaliser
les gens, mais en mettant en responsabilité... en donnant une responsabilité
d'organisation supplémentaire à certains individus qui pourraient prendre sous
leur aile l'autre centre?
Et là la
question qui est parallèle... ou qui est corollaire — pardon, je m'excuse, elle n'est pas
parallèle du tout, elle est
corollaire : Là arrive la question du contrôle de qualité dans le monde du
médicament, dans le monde, certainement, de l'hôpital. Là, je ne veux pas entrer nécessairement dans le
contrôle de qualité dans l'officine, parce
que les CISSS ne vont pas dans les officines, là, comme ils ne vont
pas dans les cabinets de médecin, mais les deux sont un peu, pour moi,
en parallèle. Quelles sont les possibilités qu'on peut envisager ou qui sont
envisageables, selon vous, à l'ordre, et qu'est-ce
que ça demanderait s'il y a des
possibilités réelles? Puis globalement, bien, comment voyez-vous le contrôle
de la qualité dans le système actuel et dans le futur?
Mme
Lambert (Manon) : J'y vais?
Bien, écoutez, en fait, qu'on soit dans un contexte de fusion comme prévu
au projet de loi ou dans un système qui serait plus d'établissement de
corridors de services pharmaceutiques, il y a des choses qui se sont faites
dans le réseau, actuellement, pour des établissements qui étaient davantage en
pénurie puis qui ont été soutenus par
d'autres. Évidemment, dans le cas de l'est de Montréal, on n'est peut-être pas
dans cette situation-là, mais je peux
vous donner l'exemple dans Charlevoix, où il y a eu de la télépharmacie qui
s'est faite avec de la validation à distance; dans le coin de Chibougamau, où effectivement,
même, il y a de la consultation à distance maintenant via de la télépharmacie. Donc, les patients
peuvent avoir leurs conseils par des pharmaciens à ce niveau-là. Donc, il n'y a pas besoin, nécessairement,
de fusion à ce niveau-là, mais c'est clair que, dans le cadre d'une fusion, en prenant garde, évidemment, de ne pas délocaliser les pharmaciens, oui, il y a certainement possibilité de soutenir un petit peu plus la clientèle.
Il y a peut-être
des gains d'efficience à faire au niveau de certaines pratiques de distribution
ou ce genre de chose là, mais c'est
sûr qu'au niveau de la pharmacie clinique, bien, demain matin, on ne peut pas
multiplier les ressources, et c'est là que
la difficulté va être peut-être un petit peu plus grande. Donc, on ne pourra pas
régler en délocalisant les pharmaciens. Peut-être un petit peu de gains d'efficience au niveau de
la distribution, qui pourrait peut-être aider à dégager un pharmacien, c'est peut-être
ce que je vois qui pourrait être l'avantage.
• (20 heures) •
M.
Barrette : Il y a
un autre sujet, bien, dans la même catégorie, qualité, là, que j'aimerais
aborder avec vous. Quand j'ai déposé
le projet de loi et que j'ai fait ma première conférence de
presse, je disais que ce que je visais, puis je le dis encore, c'est un changement de culture dans
notre système. Et là je voudrais aborder avec vous... puis là j'aimerais
vraiment... Là, prenez le temps qu'il faut, là, puis allez-y dans le détail, si
vous voulez, là. Moi, comme ministre, là, je vais
vous dire, le document que j'aime le moins de tous les documents que je reçois,
c'est le rapport annuel des incidents, accidents. C'est celui que j'aime le moins parce que
lui, là, il est dépendant de notre mode de fonctionnement à nous tous et
à nous toutes dans le système. Qu'on soit
médecin, qu'on soit préposé, qu'on soit... peu importe, là, tout le monde dans le système est mis en cause là-dedans. Puis ça, c'est vraiment,
pour moi, un élément fondamentalement culturel.
Et, quand on
regarde, évidemment, le rapport annuel des incidents, accidents, il y a toujours
le lot des incidents, accidents pharmacologiques. Et évidemment, là, je
ne veux surtout pas que vous pensiez que je mets en cause la compétence des pharmaciens, là, parce qu'on sait que c'est la procédure qui est, en général, le problème, là, le
problème dit de façon non péjorative.
Le risque zéro n'existe pas, l'erreur zéro n'existe pas, mais n'importe quel ministre, peu importe le parti, va vouloir baisser ce
nombre d'incidents, accidents là le plus bas possible et, idéalement, l'amener
à zéro.
Vous, là,
dans votre monde, qui regardez ça à tous les jours... Parce que,
vous, ça doit vous déprimer, là, quand vous...
Vous, vous préparez ça, vous managez ça, vous vous occupez des achats, vous vous
occupez de la distribution, puis là, à un moment
donné, vous êtes obligés, là — puis ça vous revient toujours, dans une
certaine mesure, là — de
constater qu'il y a eu des problèmes, et
là vous faites les analyses : Qu'est-ce
qui nous manque? Moi, là, un des objectifs du projet de loi n° 10, c'est un changement de culture, et je
postule, à tort ou à raison, que, pour changer une culture, il faut avoir une organisation propre. La culture, là, de
butinage, là, d'une fleur à l'autre, là, ça ne marche pas, ça. On l'a essayé.
Ça fait des années qu'on l'essaie puis ça ne
fonctionne pas. Dans une organisation intégrée, à un moment donné, je pense
que c'est plus probable qu'on ait un changement de culture, parce qu'on le
promeut dans l'organisation, une culture d'entreprise. Vous, là, de votre
lorgnette, où sont nos problèmes en termes d'incidents, accidents
pharmacologiques?
Mme Lambert (Manon) : En fait...
Veux-tu y aller?
M. Franco (Martin) : Bien, en fait,
la question est large, parce qu'on parle...
M. Barrette : Elle est
volontairement large pour vous laisser le temps de répondre.
M. Franco (Martin) : Mais elle est
large, et il faut se référer à ce qu'on appelle le circuit du médicament, c'est-à-dire du moment que le patient a un problème de santé puis qu'on s'en va
jusqu'à la prescription, à la préparation puis à l'administration de la médication, puis la suite aussi, tout ce
qui est en lien avec comment le patient va accepter ça comme... pour sa santé. Ce qui nous manque, fondamentalement, c'est... C'est sûr qu'il
y a une vision... Il y a
du travail en silo qui se produit
puis il y a beaucoup de travail... il y a beaucoup
de gens aussi qui travaillent à... Il
y a beaucoup de questions
qui se font au niveau des structures. Puis le projet de loi n° 10, ça
va amener des gens qui vont
travailler sur les structures pour
essayer de faire de l'intégration, c'est correct. Mais jusqu'à quel point il va
falloir investir autant d'énergie alors
qu'il faut effectivement, comme vous le dites, consacrer notre temps pour
essayer de régler ces problèmes-là, puis de faire les analyses, puis
amener des solutions?
Ça fait que,
le temps étant limité pour tout le
monde, moi, je pense
qu'il y a deux éléments : le travail en silo à un
niveau interprofessionnel, nécessairement, parce qu'on a des cultures de
profession qui sont différentes, je pense qu'il faut qu'on rétablisse les ponts à ce moment-là, mais aussi faire en
sorte que les gens aient moins à se préoccuper de toutes ces — je vais vous dire comme ça — histoires d'administration puis plutôt se
concentrer sur le patient. Puis un des éléments du projet de loi
n° 10, c'est que ça va, pendant les prochaines années du moins, amener ces
éléments-là où on va nécessairement avoir des gens qui vont consacrer beaucoup
d'énergie à harmoniser et standardiser les pratiques, nécessairement. Mais, pour régler ces problèmes-là d'administration et
d'erreurs de médicament... Je pense, entre autres, que vous avez en fonction, là, deux problèmes qui
peuvent être en partie solutionnés. Mais c'est sûr que l'énergie qu'on
va consacrer à ça, d'un point de vue système de la santé, ne sera pas
négligeable, là.
M. Barrette : Sauf que, corrigez-moi
si je me trompe, c'est un sine qua non.
M.
Franco (Martin) : Faire ça,
c'est... Vous voulez dire... Qu'est-ce que vous voulez dire, quand il y a sine
qua non?
M.
Barrette : Dire que, mettre cette énergie-là pour standardiser,
uniformiser, contrôler et mesurer, il va falloir le faire, à la grandeur
du réseau, correctement à un moment donné, là.
M. Franco (Martin) : Ça va prendre
du temps. Vous pensez que ça se fait comme ça?
M. Barrette : Non.
M. Franco (Martin) : Ça, ça va
prendre du temps. Parce que c'est un changement de culture, vous le dites.
M. Barrette : Voilà.
M. Franco
(Martin) : D'une certaine
façon, un changement de culture, il faut l'opérer, il faut y donner un sens,
mais, nécessairement, il faut aussi que...
On gère des humains, au final, puis c'est des humains qui donnent des soins de
santé à d'autres humains. Ça fait qu'il faut
s'assurer que ces gens-là acceptent ou s'approprient le tout. Puis on est
encore en train de subir, je vous
dirais, ou d'essayer encore de faire le processus d'intégration des CSSS. On
est encore là depuis 2004. Je veux
dire, on est quand même loin. Ça fait qu'un des éléments, c'est : Est-ce
qu'on peut apprendre, d'une certaine
façon, de nos expériences passées puis de se dire comment on peut faire
pour éviter que ça prenne autant de temps à faire toute cette
réorganisation, si je peux dire ça, administrative, structurelle? Si vous
permettez...
Mme
Lambert (Manon) : Par
ailleurs, si vous me permettez d'ajouter... Si vous me permettez d'ajouter, une
bonne source des erreurs médicamenteuses...
Parce qu'effectivement vous avez raison, là, ça représente à peu près 40 %
de vos rapports annuels, là,
30 % à 40 %, c'est les erreurs médicamenteuses. Soit dit en passant,
à peu près 40 % proviennent de problèmes de prescription, 40 %
d'administration, 20 % autour de la distribution. Donc, c'est à peu près
la répartition qu'on...
Mais un de
nos problèmes est beaucoup la communication d'information, même à l'intérieur
d'un même hôpital. Tu sais, on
dit : Le problème est à l'extérieur des hôpitaux, là, mais, à l'intérieur
d'un même hôpital, toutes les périodes charnières...
On passe de l'urgence à l'étage, on passe de la salle d'op à l'étage, on passe
de l'étage à la pharmacie privée. C'est
toutes des zones... — et vous
le savez probablement plus que moi — c'est toutes des zones qui sont très
propices aux erreurs médicamenteuses. Et un des
problèmes qu'on a, c'est beaucoup la transition entre la première ligne, donc la pharmacie communautaire, et l'hôpital et
ensuite l'hôpital et la pharmacie communautaire. D'ailleurs, c'est une pratique
organisationnelle requise, maintenant, de faire les BCM. Or, le projet de loi
ne nous apporte pas nécessairement beaucoup
de réponses à ce niveau-là, va favoriser, peut-être, la communication
intraétablissement, qui va être élargie parce qu'on va avoir plus d'établissements, et ça, c'est une bonne nouvelle,
mais la communication entre l'établissement puis la première ligne pour diminuer ou minimiser les erreurs va demeurer. Et
c'est d'ailleurs quelque chose qu'on constate, la difficulté de la
circulation de l'information. Vous savez, on travaille à soutenir nos membres...
La
Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Je vous remercie. Ceci
met fin au bloc ministériel, donc je donne la parole à la députée de
Taillon pour un bloc de 13 minutes.
Mme
Lamarre : J'ai une demande particulière du ministre, d'ajouter une
question. Alors, je vous prête quelques minutes.
M.
Barrette : ...Mme la députée, que vous allez apprécier vous aussi, je
demeure en faveur de la spécialisation.
Mme Lamarre : Vous demeurez en
faveur de? Je m'excuse...
M. Barrette : De la spécialisation.
Mme Lamarre : De la spécialisation.
M. Barrette : Je suis sûr que vous
appréciez.
Mme Lamarre : Alors donc, vous me
permettrez de saluer mes tout récents collègues, mon successeur, Bertrand Bolduc, Manon Lambert, directrice
générale, et Martin Franco. C'est un grand plaisir pour moi de vous accueillir.
J'entends le
ministre, je vous lis, je lis énormément aussi de gens qui, depuis deux
semaines, viennent nous voir, et où
on a une difficulté dans la compréhension, c'est que... — je rejoins bien le ministre quand il dit que
ça prend des orientations claires et
une imputabilité — c'est
sur les moyens d'arriver aux orientations claires et à l'imputabilité. Et,
connaissant notre ministre actuel, je pense
qu'il avait et qu'il a encore, dans notre système actuel, les moyens de donner
des orientations claires. Et je pense aussi qu'il y a des éléments
d'imputabilité qui sont déjà possibles, par exemple le rendement des GMF, par exemple les temps d'attente, l'utilisation, le
soutien à domicile. L'élément qui va être probablement déterminant pour améliorer l'imputabilité, c'est
probablement dans l'amélioration de nos systèmes informatiques, dans une meilleure qualité de l'information, et ça, ce
n'est pas le projet de loi n° 10 qui va nous le donner. Et, s'il y a
quelque chose, le projet de loi
n° 10 vient un peu créer une forme de diversion par rapport à toutes
sortes d'objectifs et, je vous dirais,
d'obligations qui sont beaucoup plus urgentes et qui vont malheureusement être
mises de côté pendant plusieurs années,
le temps de tout simplement faire en sorte que notre système de santé retombe
sur ses pieds. Alors, ça, c'est très préoccupant.
Par ailleurs,
j'entends aussi le ministre reconnaître que, du côté des pharmaciens, en tout
cas, c'est très difficile de passer
d'un poste à un autre et qu'il y a effectivement des caractéristiques, et je
trouve que, malheureusement, dans beaucoup
des coupures qui sont appliquées dans nos établissements de santé, ça semble
être beaucoup moins senti en ce qui
concerne les infirmières. Et c'est préoccupant, parce que des lits de soins
intensifs ne peuvent pas nécessairement... des infirmières en soins intensifs ne peuvent pas nécessairement se
convertir en infirmières en pédiatrie du jour au lendemain. Alors, il y a certainement des éléments sur
lesquels on... On s'entend sur les grands objectifs, mais certainement pas sur
les moyens et sur la déstabilisation
profonde, pour ne pas dire la paralysie que le projet de loi n° 10 et tous
les autres qui vont devoir s'associer à ça vont engendrer.
Alors, moi, je regarde, dans vos recommandations
avec... Quand j'ai lu votre mémoire pour... L'article 133, j'y voyais une autre illustration où je sais que,
dans certaines régions du Québec, il y a, par exemple, à partir d'un robot, une
préparation centralisée de Dispill, par
exemple, et où des gens nous ont déjà
relaté qu'il y avait eu une pénurie d'un médicament puis
que, tout à coup, l'hôpital, qui n'est plus équipé, dans le fond, pour faire
les ajustements, reçoit 80 Dispill dans
lesquelles il manque un ou deux médicaments, parce que la centrale est en
rupture d'approvisionnement.
Alors, est-ce que
vous voyez en quoi le projet de loi n° 10 va nous aider là-dessus? Et, au contraire, je pense
que votre préoccupation pour le 133, l'article 133, m'apparaît tout
à fait possible, là, dans un contexte comme celui-là.
• (20 h 10) •
Mme
Lambert (Manon) : Bien, en
fait, comme je disais... Et je
comprends ce que le ministre
nous a dit et je lui fais totalement
confiance. Maintenant, les ministres passent, et les hôpitaux restent ou les CISSS restent, et les... Évidemment, notre
recommandation, bien que je sois rassurée avec le ministre actuel, notre
recommandation, de dire qu'avec 133, si on
va dans des services plus spécialisés et professionnels que la... il devrait y
avoir une modification au projet de
loi pour faire en sorte que tous ministres qui succéderont éventuellement au
Dr Barrette aient la même préoccupation de consulter les autorités
quand il s'agit de centralisation. Parce qu'on ne centralise pas des services professionnels comme on centralise la production
de pièces Toyota, là. Puis je pense que vous avez tout à fait dit que vous
étiez d'accord avec ça. Donc, dans ce
contexte-là, nous, on serait rassurés qu'il y ait cette modification-là pour
permettre...
Parce que, malheureusement, les soins et services
pharmaceutiques... Puis, dans le mémoire, on donnait l'exemple, encore,
d'Ebola, la semaine dernière, on a tendance à oublier — et
oublier entre guillemets — toujours
qu'il y a deux
trajectoires naturelles pour les patients dans le domaine de la santé, et
encore plus aujourd'hui. Il y a évidemment...
En première ligne, il y a les cabinets privés et il y a la pharmacie, donc les
patients viennent à la pharmacie. Et la même chose au niveau des
établissements de santé, la pharmacie a pris une importance non négligeable, et
on a tendance à l'oublier. Donc, d'avoir des
mécanismes de consultation officielle prévus à la loi nous rassurerait
beaucoup.
Mme Lamarre : Dans votre mémoire,
vous faites référence aux établissements suprarégionaux et vous vous questionnez un peu là-dessus puis aussi le fait
qu'il n'y ait pas Sherbrooke et Québec. Est-ce que vous avez une réflexion?
Mme
Lambert (Manon) : Bien, en
fait, quand on a lu le projet de loi, on s'est beaucoup questionné, parce que,
bon, on a observé, évidemment, comme on
disait, quatre établissements suprarégionaux, tous dans la région de Montréal.
Par ailleurs, Québec, où tout est intégré, Sherbrooke... Et évidemment, en
pharmacie, comme en médecine d'ailleurs, probablement en nursing aussi, là, je
connais un peu moins ça, mais les établissements universitaires actuels, avec
les contrats d'affiliation, forment une
bonne partie des résidents en pharmacie, notamment, et des étudiants en
pharmacie. Donc, que va-t-il advenir de ces... Et évidemment ils font ça
au-delà de la région, hein? On sait que, par exemple, à Québec, ils vont souvent former les effectifs pour tout l'Est-du-Québec.
Donc, qu'est-ce qu'il va advenir dans ces missions d'enseignement là, qui sont des missions, par
définition, qui sont suprarégionales, alors que l'établissement n'a pas de
mission suprarégionale, alors que
l'établissement sera peut-être sous-financé par rapport à ces aspects-là? Donc
qu'est-ce qui va arriver avec la
qualité de l'enseignement, la qualité de la recherche? C'étaient des
préoccupations qu'on avait. Puis on questionnait la logique puis on
n'arrivait pas à trouver pourquoi c'était différent à Montréal qu'ailleurs.
Mme Lamarre : Merci.
Mme Lambert (Manon) : ...études
montréalaises chauvines.
Mme
Lamarre : Écoutez, je vais être très prudente sur le prochain sujet,
mais vous l'abordez dans votre mémoire, ça concerne la loi n° 41,
et je vais rester dans des questions plus générales. Peut-être que mon collègue
aura d'autres questions là-dessus. Mais ce
que je voudrais m'assurer à ce moment-ci : Est-ce que vous avez encore un
accord, un soutien du Collège des
médecins et de l'Ordre des pharmaciens dans le projet de loi n° 41? Parce
que c'est quand même historique, il y a eu un travail particulier qui a
été fait. Est-ce que c'est encore présent et est-ce qu'il y a encore une
volonté des pharmaciens de mettre en application la loi n° 41 et d'en
faire bénéficier la population?
M. Bolduc
(Bertrand) : Alors, nous
sommes en tournée régionale présentement, on parcourt le Québec pour voir
les membres, et, clairement, le premier
sujet qu'on aborde, c'est la loi n° 41. Les pharmaciens sont prêts, ils
veulent procéder à la mise en place de ces nouvelles activités là. Les patients
leur demandent toujours.
Avec le
Collège des médecins qui, essentiellement, est tout à fait prêt, le comité
conjoint de surveillance est prêt, les
formations sont faites, nous sommes prêts à appuyer sur le bouton. Et ça, c'est
une mesure qui permet d'avoir un accès aux
soins de santé immédiat. Et la journée que l'entente entre le ministère et
l'AQPP sera définie et approuvée, on pourra mettre en place ces
activités-là de façon extrêmement rapide.
Donc, on a
une mesure qu'on peut mettre en place vite, et le ministère n'a qu'à donner un
mandat clair, rapide à ses
négociateurs avec l'AQPP et en venir à une entente rapide. S'il y a
autant d'énergie qui est mise là-dessus qu'avec les négociations avec
les médecins spécialistes et les médecins omnipraticiens, je pense que ça va
aller très, très, très rapidement, et on
pourrait offrir un très beau cadeau de Noël aux Québécois, c'est-à-dire une nouvelle gamme de services en
pharmacie qui va dégorger un petit peu... désengorger les urgences et permettre
aux gens d'avoir des soins de qualité.
Il y a
une étude qui est parue récemment, en Angleterre, qui montre que beaucoup,
beaucoup de cas qui s'en vont dans les urgences présentement pourraient être...
on pourrait s'en occuper en pharmacie. Et on est prêt, tout est prêt. Et le
Collège des médecins, absolument, est tout à fait prêt à nous soutenir et à
continuer de travailler avec nous là-dedans.
Mme
Lamarre : Je reviens au rapport annuel des incidents et accidents,
parce que c'est vrai que c'est vraiment dans le terrain d'un ordre professionnel de prendre les mesures. Quelles
seraient les balises, quels seraient les outils qui pourraient peut-être être prévus dans le projet de
loi n° 10, qui aideraient à réduire cet élément-là? Le ministre en a
parlé, je pense qu'il y a une notion
aussi de nombre d'interventions par jour, là. On sous-estime, à un moment
donné, le nombre d'ordonnances, au Québec, qui sont faites autant en
hôpital qu'en officine. Et c'est sûr que ça multiplie. À chaque prescription, il y a un risque. Comme
pharmacienne, moi, j'ai toujours dit : Si on fait 200 ou
300 ordonnances par jour, on a
un potentiel de 200 erreurs par jour, et la moindre ordonnance, même celle
d'acétaminophène, mal remplie peut amener des conséquences pour un
patient.
Mais je pense
que, si on va vers une meilleure informatisation, un meilleur réseautage, quels
seraient les outils qui seraient les
plus performants pour obtenir des meilleurs indicateurs et diminuer... Notre
préoccupation première, c'est bien sûr de diminuer les erreurs.
Mme Lambert (Manon) : Bien, en fait,
je vous dirais qu'on ne l'a pas mis dans la question du transfert des
pharmaciens, mais, au contraire, dans un premier temps... On peut penser
qu'ensuite on pourrait peut-être, par une meilleure
standardisation, avoir moins d'erreurs, mais, au départ, il va falloir prendre
garde dans ces superstructures-là où
on va fusionner, donc, des établissements avec des procédures différentes, des
façons de faire différentes. Le ministre l'a souligné tantôt, la majorité des erreurs, hein, 80 % des
erreurs sont des erreurs de système. Ce n'est pas des erreurs parce que les gens sont
incompétents, c'est des processus, c'est des systèmes qui ne se parlent pas, de
l'information qui ne se transmet pas,
des façons de faire qui ne sont pas similaires. Donc, dans un contexte de
fusion, il y aura beaucoup d'énergie qui va devoir être dégagée dès le
départ pour standardiser les processus, parce que l'établissement A puis l'établissement B ne procèdent probablement
pas de la même façon pour distribuer, ils ont chacun leurs particularités, et
il faudra s'assurer que ça, ce ne soit pas générateur d'erreurs.
Dans un deuxième
temps, je vous dirais que l'autre préoccupation qu'on a... Évidemment, l'ordre,
vous le savez — vous connaissez bien l'ordre,
Mme Lamarre — donc,
l'ordre est assez présent, que ce soit en pharmacie communautaire ou en établissement de santé en matière
d'inspection professionnelle, et on a entrepris un gros programme d'inspection
professionnelle, et notre nouveau président
a dit souvent, lors de la tournée, qu'on a commencé à ISO-ifier les pharmacies.
Alors, qu'est-ce que ça veut dire, ça? C'est qu'on demande de plus en plus à
nos pharmaciens de mettre en place des politiques,
des procédures, de former leur personnel, de s'assurer que, s'il y a des
événements, ils les notent, qu'ils les analysent
et qu'ils fassent les modifications nécessaires aux processus pour, finalement,
corriger la situation et éviter surtout que l'erreur se reproduise.
Et
c'est un cycle de mesures correctives. Et, honnêtement, je ne pense pas que ça
soit dans la loi ou des outils dans la loi qui vont permettre de
corriger ce genre de choses là. Il faut, premièrement, développer une culture...
La
Présidente (Mme Montpetit) : Mme Lambert, je vous demanderais de
conclure, il reste quelques secondes.
Mme Lambert (Manon) : Oui. Il faut développer une culture de non-culpabilisation des gens, et
surtout travailler aux processus, et
penser qu'en situation de fusion il y aura une période charnière où les erreurs
pourraient augmenter. Il va falloir y prendre garde.
• (20 h 20) •
La
Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie beaucoup. Alors, pour la
suite, je céderai la parole au député de La Peltrie pour un bloc de
8 min 30 s.
M.
Caire : Merci, Mme la Présidente. Ce qui ressort beaucoup
dans les... D'abord, je vous salue — excusez-moi. Merci d'être là, surtout
à cette heure.
Ce
qui ressort beaucoup dans les consultations, c'est énormément d'inquiétudes de
la part des professionnels qui composent
le système, et souvent, dans leurs interactions avec le ministre, le ministre
va dire : Ce n'est pas l'objectif, ce n'est pas ce vers quoi on
veut s'en aller. J'ai le sentiment que, dans la tête du ministre, sa réforme,
elle est très claire, mais, au niveau du
projet de loi, ça l'est peut-être un peu moins, et j'en veux pour preuve votre
intervention. Vous dites : C'est
un projet de loi qui amène une très grande centralisation. Le ministre nous
dit : Non, non, c'est exactement le contraire.
Donc,
moi, j'aimerais savoir ce que vous avez lu, dans ce projet de loi là, qui vous
amène à conclure qu'on s'en va vers
une trop grande centralisation puis comment on pourrait clarifier le projet de
loi pour aller un peu plus dans le sens
de ce que le ministre semble vouloir faire, donc rétablir les ponts entre ce
qu'on en comprend puis ce qui est la volonté du ministre.
Mme Lambert (Manon) : On peut donner quelques exemples. Évidemment, toute la question, bon,
au niveau de la centralisation des
décisions quant à la nomination des membres de conseils d'administration, on
passe d'un conseil d'administration
où il y avait une certaine balance quant à l'origine des forums de nomination,
alors que, là, on passe vers un
conseil d'administration qui va être à 100 % nommé par le conseil
d'administration : P.D.G., P.D.G. adjoint qui va être nommé par le ministre. On a pour preuve
aussi, bien, comme je disais, la question de la mise en commun des services
où le ministre peut, de lui-même, décider
qu'on va mettre en commun certains services. Donc, ça part du central. Ce n'est
pas nécessairement un constat des milieux, ça part du central à ce niveau-là.
Au
niveau de l'établissement des corridors, donc la possibilité que le ministre a
de lui-même établir un corridor dans
la mesure où le corridor n'est pas jugé satisfaisant... Comprenez-moi, je
comprends que le ministre dise : Il faut que les corridors de services...
Et on souscrit à l'importance de l'intégration des services, mais est-ce que
c'est le ministre qui doit lui-même
dresser les corridors s'il n'est pas satisfait ou revenir à l'établissement
puis dire : Écoutez, vous avez des problèmes, est-ce que vous pouvez me proposer d'autre chose? Vous
comprenez? C'est le fait que le ministre, en cas de problème, puisse lui-même intervenir plutôt que de
travailler à demander aux gens, dire : Écoutez, vos... justement, en
termes d'orientation, les corridors ne sont
pas géniaux sur tel, tel, tel aspect, retournez à votre planche à dessin et
faites-moi une proposition. Et là on
aurait, à ce moment-là, une connaissance des gens, des populations locales.
Sinon, ça va être une somme
d'informations importante qui va devoir remonter au ministre pour qu'il puisse
prendre des décisions appropriées pour satisfaire aux besoins locaux.
Donc, c'est ce genre
de choses là qui nous inquiète un petit peu.
M.
Caire :
Donc, si je vous suis bien, ce que vous dites, c'est que le ministre devrait
effectivement établir les orientations,
juger de la performance et agir si besoin est, agir sans intervenir, donc ne
pas tomber dans la microgestion. Je
vous comprends et je dirais même que je suis assez d'accord. Là, par contre, où
j'ajoute peut-être un bémol, c'est que je dois admettre que, comme députés d'opposition, on se lève à tous les
jours pour lui demander : Pourquoi ci, pourquoi ça, qu'est-ce qu'il va faire avec ci, qu'est-ce qu'il
va faire avec ça? Comment on peut tracer la ligne entre la microgestion
et la capacité du ministre à obtenir des résultats?
Mme
Lambert (Manon) : Bien,
écoutez, vous avez... On parlait de Cleveland Clinic. Ce n'est pas un hasard,
on savait que vous aimez bien Cleveland Clinic, M. le ministre. Mais on parlait
de Cleveland Clinic parce qu'il y a une différence,
à mon avis, entre la reddition de comptes, le fait de remonter l'information au
ministre et la véritable responsabilisation.
Cleveland Clinic, là, ce n'est pas juste l'intégration des structures, parce
que c'est en partie ça, mais Cleveland
Clinic, c'est beaucoup une responsabilisation des professionnels, d'une équipe
de professionnels intégrée qui est responsable
autant des résultats cliniques que des coûts. Donc, il y a une
responsabilisation, là, vraiment, là, au niveau des équipes qui prennent
en charge, là, totalement les résultats cliniques.
Les résultats
cliniques, par ailleurs, sont définis non pas en fonction des professionnels
eux-mêmes, de ce qu'eux voient comme
résultats cliniques, mais de la valeur qui est produite pour le patient. Donc,
c'est toute une culture. Et le Cleveland
Clinic ne fonctionne pas parce qu'on a le responsable de l'État... le
gouverneur de l'État — voyons! — qui décide que ça va
aller de tel sens ou de tel sens. On a une réussite parce qu'ils ont un P.D.G.,
Paul Cosgrove, qui est un médecin
visionnaire, qui donne du sens à tout
ça dans l'organisation. Et, à notre avis, le ministre
doit travailler à créer ce sens-là auprès des gestionnaires pour qu'on
arrive ensuite à créer de la valeur pour les patients.
M.
Caire : Mme Lambert, par contre, force est d'admettre
qu'on a à composer, à l'intérieur du réseau
de la santé du Québec, dans la
réalité du Québec, avec des chocs culturels, vous l'avez admis vous-même, au
sein même du réseau. Donc, est-ce
qu'il n'est pas normal, dans un premier temps... Puis est-ce que le projet de
loi n° 10 peut répondre à cette préoccupation-là ou à cette
aspiration-là? Est-ce
qu'il n'est pas
normal, au départ, d'avoir peut-être
une direction plus intransigeante justement pour
s'assurer que cette culture-là se mette en place, d'une part? Et, d'autre part — je vous repose un peu ma question — comment peut-on tracer la ligne
entre microgestion et assurance d'avoir des résultats? Parce que, bon, tout le monde s'entend, là, c'est une réforme qui est majeure.
Ça va plonger le réseau dans des changements pour
plusieurs années. Il y a déjà eu
des échecs de la part du gouvernement libéral, tentativement, là, au début des années 2000.
On ne veut pas se relancer dans un autre processus qui va nous conduire à un
autre constat d'échec dans 10 ans. Donc, comment on fait pour bien
partir cette réforme-là puis aller chercher le maximum d'efficacité?
Mme
Lambert (Manon) : Bien, écoutez, moi, je vous dirais que... Et puis on
n'est pas des experts en matière de gouvernance de système, là. Il y a probablement des gens qui sont venus vous éclairer là-dessus.
Mais le modèle qu'on est en train de prendre, qui est la fusion vraiment des établissements, qui va prendre plusieurs années à créer, effectivement, un consensus au niveau de
l'équipe, avec un sens qui n'est pas toujours bien compris de la part des intervenants, avec un risque important de
démobiliser, ça, c'est un modèle, puis on peut choisir de le prendre puis on
peut... Dans la littérature, il y a
eu des résultats ou pas. Il y a
d'autres modèles, par ailleurs, qui
sont issus, par exemple, de la Nouvelle-Zélande, où on demande aux établissements, aux districts, de créer des
alliances pour fonctionner, qui donnent des bons résultats, avec toutefois une possibilité
au niveau local pour vraiment
satisfaire les besoins de la clientèle. Donc, on crée des alliances entre les différentes
composantes du réseau, et c'est une obligation qui est donnée par le central de
créer ces alliances-là, avec une
surveillance — je ne suis pas en train de dire qu'il ne faut pas
donner d'orientation
puis qu'il ne faut pas surveiller — avec une surveillance puis avec des leviers qui sont efficaces.
Quand
on parle du Cleveland Clinic, encore une fois, le levier, là, c'est que les
professionnels qui n'embarquent pas dans le système, bien, ils ont des pénalités,
et des pénalités économiques. Les médecins sont salariés, les infirmières
sont salariées, et il y a vraiment, là... En
d'autres termes, on met les bottines où vont les babines, c'est-à-dire que
l'important, c'est le patient, et
tout le système de reddition de comptes et de prestation de soins est tourné
autour du patient, pas autour du système. Est-ce que cette réforme-là va
permettre de tourner autour du patient? On l'espère, on l'espère.
M.
Caire : Dans la nomination des gens qui vont composer le conseil
d'administration, normalement on s'en remet à un comité d'experts, et le ministre doit choisir
à l'intérieur de cette liste-là. Par contre, il y a une petite clause dans le
projet de loi qui dit que, si la liste ne fait pas son affaire, le ministre
peut toujours...
Le Président (M.
Tanguay) : En conclusion, s'il vous plaît.
M.
Caire :
...a toujours le privilège de ne pas... Est-ce qu'on pourrait s'assurer, d'une
part, oui, d'un comité d'experts, mais d'avoir aussi, dans chacune des régions,
une certaine mainmise sur la composition de la liste et...
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup.
M.
Caire :
Peut-être une autre fois.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. C'est ça.
8 min 30 s, c'est court. Alors, je cède la parole maintenant à notre collègue députée de Gouin pour une période de trois minutes.
• (20 h 30) •
Mme David (Gouin) :
Alors, imaginez trois minutes, M. le Président, ce qui fait que je vais juste
faire un minicommentaire. J'ai parfois l'impression qu'on assiste, autour du
projet de loi n° 10, à un débat sur la démocratie, finalement, et je commence à me demander si on est en train de parler
d'avant-garde éclairée, ce qui est une chose que je propageais, moi, il
y a 30 ans, ou bien si on est encore dans la participation citoyenne.
Mais
ma question va porter sur tout à fait un autre point. En page 10 de votre
mémoire, vous faites une sorte de mise en garde sur des problèmes éthiques à prévoir
si les organisations sont trop grosses, si on réduit le nombre de clients potentiels. Vous êtes quand même
très clairs là-dessus. Vous dites : S'il y a trop de contraintes
financières dans les organisations,
la documentation nous apprend que ça peut favoriser l'émergence de pratiques
moins éthiques. C'est quand même troublant puis un petit peu épeurant ce que
vous dites, surtout pour un parti politique comme le mien qui
met de l'avant un projet qui
s'appelle Pharma-Québec et qui dit : Il me semble que le Québec, justement,
qui veut économiser des sous, en économiserait si on procédait à des achats groupés
de médicaments, centralisés, mais bien plus centralisés encore, là,
centralisés au ministère de la Santé.
Est-ce que je
crois comprendre que, dans le fond, et c'est tout à fait votre droit, vous
n'êtes pas d'accord avec cette proposition
ou vous pensez qu'il faut faire autrement? J'aimerais vous entendre là-dessus,
parce que vous avez quand même un petit chapitre, là, sur cette
question.
M. Bolduc (Bertrand) : Oui aux
achats centralisés, mais il faut faire attention à la centralisation. Il faut
faire attention à la centralisation
intra-CISSS, parce qu'on va avoir plusieurs établissements qui sont regroupés. Il va-tu y avoir des gens
qui seront favorisés, moins favorisés? Donc, toute la gestion intra-CISSS va
être difficile, d'abord et avant tout, parce que les ressources sont
déjà limitées.
Et de regrouper encore plus les achats, ça
comporte des avantages, évidemment, mais potentiellement des problèmes, des problèmes de pénurie, des problèmes
de concentration. On a vécu un épisode, il y a quelques mois, avec le paclitaxel, un médicament pour le cancer, où on
avait des groupes d'achat qui payaient un petit peu plus cher que l'autre,
mais leur fournisseur a pu fournir, alors
que l'autre a dû débourser 100 fois le prix pour avoir accès au même
produit, donc 4 000 $ au lieu de 44 $. Donc, il faut faire
très attention.
Alors, oui à
une meilleure gestion, à un meilleur mécanisme d'approvisionnement, mais il
faut parfois même aller changer la réglementation, notamment au Conseil
du trésor, pour avoir de la double adjudication, s'assurer que non seulement on a des prix compétitifs, mais on a
aussi de l'approvisionnement qui est là, donc. Parce qu'avec les pratiques
qu'on a, si on centralise trop — on a vu, dans le Canada anglais, ils sont
très centralisés — on a des
problèmes potentiels qui arrivent. Donc, oui à la centralisation, mais
attention aux effets secondaires de cette pratique-là.
Mais là, nous, ce qu'on dit là-dedans, c'est
aussi intra-CISSS, parce qu'on va avoir un chef, on n'en aura plus plusieurs. Et là, évidemment, bien, les humains
étant des humains, il faut faire attention à qui va bien gérer les choses,
et on ne voudrait pas négliger des gens. Parce qu'il va y avoir des grands
CISSS, là. Donc, il faut faire attention.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, il nous reste à vous
remercier. Merci beaucoup, les représentants de l'Ordre des pharmaciens
du Québec.
J'invite le prochain groupe à prendre place et
je suspends nos travaux.
(Suspension de la séance à 20 h 32)
(Reprise à 20 h 35)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je vous invite, chacun et chacune d'entre vous,
à prendre place. Nous allons poursuivre maintenant
avec les deux représentantes des Médecins québécois pour le régime
public. Nous vous souhaitons la bienvenue. Nous
vous demandons, dans un premier temps, de bien vouloir vous identifier pour les fins d'enregistrement. Par la
suite, vous aurez une période de 10 minutes, de laquelle suivront les
échanges avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.
Médecins québécois pour
le
régime public (MQRP)
Mme
Pelletier (Karyne) :
Bonsoir. Donc, mon nom est Karyne Pelletier, puis je suis avec Dre Isabelle
Leblanc, qui est la présidente de notre regroupement.
Donc, comme
vous l'avez mentionné, on représente MQRP, soit les Médecins québécois
pour le régime public. On est un organisme qui regroupe des médecins, en fait, de
différentes disciplines, spécialités, lieux de pratique, différentes régions du Québec aussi, qui se sont regroupés
pour, en fait, favoriser le maintien puis l'amélioration du système public
de santé, un système qu'on veut accessible à
tous. Donc, ce sont nos objectifs principaux. Puis je vais céder la parole à ma
collègue pour débuter la présentation.
Mme
Leblanc (Isabelle) :
D'abord, merci beaucoup d'avoir finalement accepté de nous recevoir à la
commission. On n'a malheureusement eu pas beaucoup de temps pour
préparer le mémoire. On a déjà vu qu'il y avait quelques coquilles, on est
désolées à ce sujet-là. On va envoyer une version un peu plus finie dès qu'on
aura le moment.
En fait, une
de nos premières inquiétudes avec cette réforme-là, avec le projet de loi
n° 10, c'est que tout semble très
rapide. Nous, on est des médecins, on est des cliniciens puis, en général, on
pose un diagnostic avant d'arriver avec un plan de traitement, surtout si le plan de traitement est un plan
assez drastique comme une chirurgie. On se demande si vraiment on a posé
le bon diagnostic puis on arrive avec le bon plan de traitement pour ce qui se
passe.
On se demande aussi pourquoi on veut un projet
de loi si rapide, pourquoi on veut changer les choses si rapidement. Il semble vraiment y avoir une presse.
Même cette commission-ci, tout a été fait rapidement, on veut que tout soit adopté avant Noël. On a des inquiétudes,
on se demande où est le rush, en fait, pourquoi c'est si rapide et surtout
pourquoi il y a si peu de consultations, si
peu de consultations avec les gens sur le terrain, si peu de consultations avec
les cliniciens, avec les patients, avec la population.
Une
autre de nos inquiétudes, évidemment, c'est avec ces gros regroupements
d'établissements. On est tous encore un
peu en syndrome de stress post-traumatique des dernières fusions, les créations
des CSSS. Ça a été très difficile sur le terrain, ça a été difficile
pendant plusieurs années. Je pense qu'on se remet à peu près... on commence à
peine à s'en remettre. Puis cette idée
d'avoir des organisations énormes puis qui nous semblent centralisées — même si on comprend dans le discours que peut-être qu'en fait ce n'est
pas si centralisé que ça, mais ça nous semble très centralisé — c'est quelque chose qu'on trouve
inquiétant. On a vu, avec la création des CSSS, qu'il y avait une perte de
motivation, une perte de vocation de
certains établissements, que plusieurs des soignants, les médecins, les
infirmières, le personnel paramédical, étaient moins intéressés ou
avaient moins l'occasion de participer à la gestion et aux orientations des
établissements.
On pense
aussi qu'une structure aussi simple avec, en fait, deux paliers, le ministre et
les CISSS, ça nie un peu le côté
complexe et organique d'un système de santé. Oui, c'est sûr que le système peut
être allégé, mais il y a quand même différents
aspects à prendre en considération, qui sont connus surtout des gens sur le
terrain ou des gens au point de vue local.
Puis aussi le fait que la première ligne... on croit comprendre encore que ça
vient peut-être dans un prochain projet de loi, mais, en ce moment, la première ligne, ils sont vraiment très
séparés, mis à l'écart de ce projet de loi là. C'est quelque chose qui
nous inquiète aussi.
L'idée
aussi qu'il y a de moins en moins de participation citoyenne, que ce soit au
sein des conseils d'administration... Il y aura beaucoup moins de
conseils d'administration à cause de toutes les fusions, évidemment. Les
membres des conseils d'administration vont
être nommés par le ministre. Il y aura des membres qui seront dits
indépendants, mais on n'est pas
certains qu'ils vont vraiment être indépendants, probablement beaucoup du
milieu des affaires. Comme MQRP, qui
a peur que le système de santé devienne de plus en plus privé, c'est quelque
chose, évidemment, qui nous fait peur. De
moins en moins de CMDP, d'organisations où les médecins, les dentistes, les
pharmaciens peuvent participer à la gestion et aux orientations de leurs
propres établissements, c'est quelque chose qu'on trouve inquiétant.
Et surtout,
beaucoup, la perte du processus démocratique, donc il n'y aura plus de
représentants de la population au sein des conseils d'administration. Un
seul représentant des patients par CISSS, ça nous semble très, très peu. Et on voit, en fait, qu'il n'y a plus
de contre-pouvoir. Il y a des décisions qui sont prises, mais il n'y a nulle
part où la population, les patients ou les membres du personnel peuvent
aller contester certaines décisions ou discuter de certaines décisions. Donc,
cette perte de pouvoir là est quelque chose qui nous fait très peur.
Finalement,
la déstabilisation. Encore une fois, on pense à ce qui s'est passé, 2005, 2007, avec les fusions. Les gens vont être occupés à gérer la réforme, pas à
s'occuper de leurs patients. Ça, c'est quelque chose qui risque d'être très
difficile pendant plusieurs années. Ça va
fragiliser les soins, encore une fois, pour plusieurs années puis probablement
créer une certaine perte de repères pour la population et aussi pour le
personnel soignant.
• (20 h 40) •
Mme
Pelletier (Karyne) : Comme
Dre Leblanc l'a déjà mentionné, rapidement, là, ce qu'on retire également
de la lecture de ce projet de loi là, c'est
ce qu'on appelle la nouvelle gestion publique. En fait, ce qu'on voit, c'est
une réforme, vraiment, de la
gouvernance du système, qui s'inspire surtout d'un mode de gestion
entrepreneurial, qui est donc axée sur la performance. Puis la
conséquence d'un mode de gestion de ce type-là, selon nous, c'est l'ouverture à
la privatisation des soins puis les services sociaux, puis c'est ce qu'on
craint le plus, en fait. Un mode de gestion de ce type-là, ça ouvre directement la porte à une concurrence, dans un
premier lieu, à la concurrence à l'intérieur même du système public déjà en place puis éventuellement,
possiblement, à la concurrence d'un système réellement privé versus le
système public.
Ces
principes-là ou ce qui découle de cette nouvelle gestion publique là... En
fait, ça existe déjà, là, on le voit et on constate déjà cette réforme-là au niveau de la gouvernance. C'est déjà
amorcé, par exemple avec la création des centres médicaux spécialisés, tout le laisser-faire qu'on constate autour des
frais accessoires illégaux puis l'éclosion, là, à notre avis, qui va se poursuivre, de la sous-traitance
de certains services à des entreprises privées, par exemple dans les soins
à domicile ou autres. Dans ce projet de loi
là, en fait, nulle part il n'est fait mention que les ententes de service
faites en sous-traitance doivent être
faites avec des établissements publics. Donc, on ne voit pas de réelle volonté
de protéger ce qui est dans le giron public, puis c'est une de nos
grandes inquiétudes.
Donc,
globalement, l'ouverture au privé qu'on voit découler directement du projet de
loi n° 10 risque, à notre avis, de
compromettre la qualité des soins puis surtout, en fait, de compromettre
l'accès aux soins de la population. Donc, pour toutes ces raisons-là, ce qu'on demande, en fait, au gouvernement, c'est
de faire un peu une pause puis de bien considérer les impacts du projet avant de procéder à son
adoption. On a l'impression que, là, la commission est déjà rapide, comme
on l'a mentionné tantôt, puis je pense qu'il faut confirmer notre diagnostic
avant de choisir le traitement approprié.
On s'oppose,
évidemment, à une dérive, là, du mode de gouvernance du système puis on pense
qu'au Québec on doit cesser d'accumuler des réformes de type
structurel et administratif puis plutôt mettre au coeur des décisions la
clinique puis les soins à la population. Voilà.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant
enchaîner avec une période d'échange avec les parlementaires, et je cède
immédiatement la parole au ministre de la Santé.
M. Barrette : Pour une période de?
Le Président (M. Tanguay) : De
21 min 30 s.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Bien, d'abord, Dre Pelletier
et Dre Leblanc, merci d'être venues. J'apprécie... Je m'attendais à ce que ça soit d'autres
représentants du MQRP qui viennent, mais je suis content que ça soit vous. On
ne se connaît
pas, alors c'est nos premiers contacts ensemble pour débattre de ce sujet-là.
Vous savez, dans le passé, on n'a pas toujours été sur la même longueur
d'onde et... Ce n'est pas péjoratif, c'est...
Vous
dites que le projet de loi n° 10 est un déficit démocratique, puis on est
dans la démocratie, puis on peut se parler quand même dans une
commission parlementaire.
Mme Leblanc
(Isabelle) : C'est pour ça qu'on est là.
M.
Barrette : Voilà. Et je suis
bien content qu'on puisse débattre. Mais, d'entrée de jeu, écoutez,
je comprends ce que vous me dites
puis je vais commencer par répondre à votre première question.
Et, même si on est à Québec, je ne vais pas répondre par la bouche de mes canons, mais par la couleur de mes
cheveux. Vous me demandez : Pourquoi maintenant
et si vite? Parce que la couleur de mes cheveux devrait vous indiquer que moi,
des réformes, j'en ai vu pendant plus longtemps que vous...
Puis je ne veux pas être péjoratif, là, puis je ne veux pas que vous preniez ça
mal, mais, regardez, c'est parce que
ça fait... moi, ma carrière, elle a un certain nombre d'années, là, ça ne
s'améliore jamais. Alors, à un moment donné, là, à force de répéter les
mêmes choses...
Et
je vais aller plus loin, là. On le sait, ce qui ne fonctionne pas, là. On le
sait essentiellement, là, et on sait très bien que, dans notre réseau, une des raisons pour lesquelles on n'a pas
les services à la hauteur que l'on devrait, c'est une question de gouvernance. Et, quand je dis
«gouvernance», je ne parle pas du directeur d'hôpital, là. Je parle de tous ceux
qui ont un pouvoir d'influence dans le
système : les médecins, les directeurs, les gestionnaires, le ministre,
tout le monde. Le monde de la santé
ne fonctionne pas tout le monde dans la même direction, dans le même objectif. Vous le voyez à tous
les jours dans votre vie professionnelle. Je
ne sais pas dans quel milieu vous pratiquez, là, mais... Bien, juste par
curiosité, dans quel milieu vous pratiquez?
Mme Leblanc
(Isabelle) : Moi, je travaille dans une UMF-GMF à St. Mary's.
Mme Pelletier (Karyne) :
Moi, je suis à l'Hôpital du Sacré-Coeur.
M.
Barrette : Bon, alors, vous
avez les deux extrêmes. Vous avez un hôpital universitaire et un GMF. Je ne
dis pas que c'est... Je ne dis pas ça
au sens négatif du terme, évidemment, mais vous voyez que l'intégration ne se fait
pas. Vous, en GMF, là, vous avez des difficultés
d'accès à tout le reste, puis, vous, à Sacré-Coeur, là, bien, on vient frapper
à votre porte dans certains secteurs
d'activité, puis les corridors ne se font pas. Ils ne se font pas, puis je
pourrais vous en nommer, là, puis je
n'en nommerai pas parce que ça va nommer des gens, puis on n'est pas ici pour
faire des procès, mais ça ne se fait pas.
Ça
fait qu'aux deux bouts, là, du système, là, ça ne s'intègre pas, et on arrive à la
maison le soir, là, vous, nous trois et nous tous, là, puis on se
dit : Comment ça se fait que ça ne marche pas, cette affaire-là, à la
quantité d'argent qu'on met dedans? Alors,
la réponse à votre question, pourquoi?, là, c'est ça. Parce qu'à un moment donné, là, il faudrait
bien que ça fonctionne. Et la raison pour
laquelle ça ne fonctionne pas, c'est parce qu'il n'y a pas un sens clair qui
est donné, il n'y a pas de directive
claire, il n'y a pas d'imputabilité, parce qu'on sait ce qu'on doit faire. Si
on avait, vous et moi, à discuter de ce que l'on doit faire, là, on
saurait quoi faire.
Mme Leblanc (Isabelle) : Mais, si je peux me permettre, vous dites que
vous avez vu plusieurs réformes, vous en avez vu plus que moi, puis ça
ne marche jamais.
M. Barrette :
Bien, c'est-à-dire que...
Mme Leblanc (Isabelle) : C'est un peu ce qu'on vient dire aussi, c'est
qu'en fait il y en a eu beaucoup. La réformite aiguë, je pense que ça
fait 30 ans qu'elle dure dans le système de santé, au moins. Pourquoi
celle-ci puis pourquoi si rapidement?
M.
Barrette : O.K. Quand je dis que ça ne fonctionne jamais, c'est dans
mon cadre de référence à moi, sur mon échelle de Richter. Sur mon
échelle à moi, ce qui ne fonctionne pas, c'est l'intégration. Quand vous dites
ou quand bien des gens qui sont venus ici
ont dit que la réforme des années 2000 n'a pas fonctionné, ce n'est pas
vrai. Il y a eu de la réelle intégration au niveau des CSSS. Il y en a
eu de ça, là. Ce n'est pas vrai, là, qu'il n'y a pas eu d'intégration.
Vous,
là, en GMF, sur le terrain, vous avez eu des bénéfices avec le petit hôpital
communautaire, si vous en avez un sur
votre territoire, que vous n'aviez pas avant. Mais l'étape après, là, de
l'hôpital communautaire jusqu'à, mettons, mon hôpital — qui est
Maisonneuve-Rosemont, là, si vous ne le saviez pas — mais ça, ça ne s'est pas fait, et ça, ça
devrait se faire. Et c'est ce que tout le monde dit, là. Tout le monde
vient en commission parlementaire nous dire qu'on a des inquiétudes. Tout le monde dit la même affaire, mais tout le monde, à
divers égards ou de diverses manières, reconnaissent le bien-fondé de
l'intention.
Pourquoi
ça marcherait, celle-là? Ça marcherait parce que, pour la première fois, il y
aura des directives claires qui vont
être données, et vérifiées, et exercées dans le sens de l'intégration complète.
Personne ne va pouvoir rester sur la ligne de touche. Un hôpital comme
Maisonneuve-Rosemont ne pourra pas faire comme maintenant, par exemple, ou Sacré-Coeur, jouer son rôle, seul dans son coin,
d'hôpital universitaire affilié sans avoir de corridor de services avec les hôpitaux
de son territoire.
Mme
Leblanc (Isabelle) : Et,
dans votre perspective, ce genre de gestion là, c'est de haut en bas que ça se
fait.
M.
Barrette : Bien, non, ce n'est pas une question de...
Mme Leblanc
(Isabelle) : Ça prend quelqu'un en haut qui...
• (20 h 50) •
M.
Barrette : Non, ce n'est pas une question de haut en bas, c'est une
question qu'à un moment donné il faut imprimer
un mouvement. Normalement, dans notre société, le mouvement, c'est rare qu'il
vient du bas, là. Il vient, en général, de l'autorité, là. Puis je ne vais pas
insister sur le terme, mais c'est à ça que ça sert, un ministre, à un moment
donné, là, prendre des décisions puis aller dans une direction.
Je retenais le
commentaire de mon collègue le député de La Peltrie tantôt, qui disait
qu'à un moment donné il faut la partir,
cette affaire-là. N'est-il pas normal qu'au départ on puisse... ce n'est pas
les termes qu'il a utilisés, mais qu'on
puisse avoir ce genre de pouvoir là pour le partir? Bien, c'est ça, l'idée.
C'est le partir et, après, le laisser sur son erre d'aller, avec des
règles plus standard, on va dire. C'est ça qui est l'idée.
Mais,
quand je vous écoute... Et ça, j'aimerais ça que vous m'expliquiez comment vous
pouvez tirer ces conclusions-là,
comment pouvez-vous conclure... Et je suis convaincu que vous avez suivi, à
date, les audiences. Vous les avez suivies, hein? Je ne peux
pas comprendre comment vous pouvez conclure qu'on vise la privatisation. Il
faut que vous m'expliquiez ça, là, parce
que, celle-là, là, je ne la vois pas, là. Je m'évertue, séance après séance, à
expliquer qu'on veut que le système
demeure public et pérenne, que ce soit centré sur le patient et que ce soit
intégré, que ça fonctionne pour tout
le monde, incluant les personnes qui ont des handicaps et d'autres problèmes de
maladie chronique, qui sont venues s'exprimer ici, là, d'une façon
limpide. Puis tout ce qu'ils disaient, là, c'était vrai. Je l'ai vu, moi, ce
qu'ils disent, puis ils n'ont pas dit tout
ce qu'ils pouvaient dire. Expliquez-moi, là, ça m'intéresse, là, comment vous
pouvez, dans l'état actuel du débat
et de l'écriture du projet de loi, conclure qu'on s'en va vers la privatisation, la
sous-traitance au privé.
Et
là je vais terminer, puis je vous laisse la parole, là, écoutez,
là où vous m'estomaquez le plus, c'est quand vous nous dites que la performance, essentiellement, ce
n'est pas une bonne affaire. Là, là, tu sais, c'est comme croire en Dieu
et ne pas y croire, un athée et un croyant
ne se convaincront jamais l'un l'autre, là. Mais convainquez-moi, là, parce que je ne vois pas comment vous
pouvez conclure ça.
Mme Pelletier (Karyne) : Bien, pour répondre peut-être
à votre première question, vous avez défini la gouvernance tantôt comme étant tous les acteurs qui ont un
impact ou une influence sur le système, puis je pense qu'on est d'accord avec
vous sur cette définition-là. Puis justement, nous, ce qu'on redoute avec la transformation du
mode de gestion puis avec la
transformation particulièrement des C.A. puis du mode d'administration des instances de soins, c'est qu'on implique de plus en plus de nouveaux acteurs, dans cette
gestion-là, qui sont issus de l'entreprise privée puis qui ont une vision plutôt
entrepreneuriale de la santé.
Quand
on parle de performance, c'est sûr qu'on peut... «Performance», c'est un terme
vague, puis on peut le définir de plusieurs
façons. La performance qui vise un meilleur accès des soins puis avec une
qualité des soins irréprochable, on ne sera jamais contre ça, évidemment.
On partage quand même un intérêt commun. Mais la performance au sens d'obtenir le plus pour le moins de coûts en
mettant de côté peut-être l'accès aux soins, ça, on est contre, évidemment.
Donc, c'est une question
de définition de la performance. Puis ce qu'on redoute... Où on voit
l'ouverture au privé, c'est surtout via, justement, l'idéologie derrière
la nouvelle gestion publique du système de santé.
Mme Leblanc
(Isabelle) : Je pense que, quand, justement, on écoute la commission,
c'était assez clair que la plupart des gens
qui sont des cliniciens ou qui sont dans le milieu de la santé ont des grandes
inquiétudes par rapport au projet
de loi. Par contre,
la personne que j'ai vu l'applaudir,
c'est la personne de la chambre de commerce qui a dit que c'était justement de l'ouverture pour les
entreprises privées. Donc, on n'est pas les seuls, je pense, à faire cette
lecture-là.
Je pense que, comme
vous disiez tout à l'heure, les objectifs, quand on lit l'énoncé, les objectifs
de ce projet de loi là sont louables, mais on ne voit pas comment le projet de
loi, tel qu'il est, va remplir ces objectifs-là. Ça ne parle pas beaucoup des soins aux patients, ça ne parle pas tant que ça,
moi, comme médecin de première ligne, de l'intégration avec la première ligne, et ça parle de sous-traitance,
mais ça ne parle jamais de garder ça dans le giron du public. Parfois, quand on écrit... quand on veut
faire la gouvernance ou quand on veut donner des orientations, on peut dire qu'on préférerait que ça soit public,
justement. On peut le mettre dans nos valeurs. Je ne l'ai pas vu. Peut-être que
c'était là, mais je ne l'ai vu nulle part.
M.
Barrette : Pardonnez-moi, là, mais peut-être que moi-même, j'ai mal lu
mon propre projet de loi, là, mais où vous dites qu'on parle de
sous-traitance, là, au privé ou que ça laisse penser que ça va aller vers le
privé?
Mme Leblanc (Isabelle) : Attendez. C'est surtout dans l'article 80. Ça ne
parle pas nécessairement privé ou public, ça ne mentionne pas, mais
c'est à l'article 80, donc des ententes de services.
M.
Barrette : Oui, mais des ententes de services, c'est des ententes de
services essentiellement verticales dans le réseau, ce qui manque
énormément...
Mme Leblanc
(Isabelle) : Est-ce que vous...
M.
Barrette : Je donne souvent ce genre d'exemple là : Aujourd'hui,
vous, si vous faites de l'hôpital de temps en temps et que vous êtes dans un plus petit hôpital, puis vous avez un
patient à transférer, et vous devez faire six téléphones avant qu'on vous dise
oui, alors que... bien, quatre, alors que, normalement, ça devrait être un
automatisme. Une saine gestion, ça devrait être un automatisme.
J'aimerais
par contre profiter du fait que vous soyez... Parce que vous avez noté et pas
vraiment reproché que la première ligne n'était pas là puis qu'il y
aurait probablement d'autres choses, puis je comprends, et c'est vrai que la première ligne n'est pas visée par ce projet de
loi là. Elle l'est dans le sens de l'intégration mais pas de l'accès. Et,
malgré tout, je voudrais profiter de
votre expertise. Qu'est-ce qu'il nous manque pour que la première ligne
fonctionne, compte tenu du nombre de médecins qu'on a au Québec?
Mme
Leblanc (Isabelle) : Bien,
une meilleure organisation, mais je pense que c'est justement ce que vous
faites, demander aux gens comment ça
peut être mieux organisé, qui va aider. Je pense qu'il faut que nos patients
aient accès aux soins dont ils ont
besoin sans avoir à payer. Je pense que ça, c'est très important. Moi
personnellement, dans la vie, ce qui
serait le mieux pour le meilleur accès à mes patients, pour que je puisse voir
plus de patients, c'est qu'ils aient
accès à des psychologues, à des physios sans avoir à payer, parce que ça, c'est
un gros problème. C'est des gens qui
reviennent, les maladies chroniques qu'on n'arrive pas à envoyer au bon
spécialiste parce qu'ils viennent voir
les médecins. Un meilleur accès aux spécialistes aussi pour certaines
consultations, puis surtout pouvoir avoir accès aux spécialistes en
établissement pour ne pas que mes patients aient besoin d'aller payer 250 $,
300 $ pour une coloscopie, soi-disant
pour leur sédation, pour ça, quand ils ne peuvent pas se le permettre. Moi,
c'est ce que je vois, dans mon UMF, qui m'aiderait le plus à pouvoir
voir plus de patients puis à leur donner des meilleurs services.
M. Barrette : Et chez les médecins
de famille eux-mêmes?
Mme Leblanc (Isabelle) : Chez les
médecins de famille eux-mêmes?
M. Barrette : Oui.
Mme Pelletier (Karyne) : Qu'est-ce
que vous voulez dire?
M.
Barrette : Est-ce qu'actuellement vous trouvez... Est-ce
qu'on a un problème de capacité au Québec en termes...
Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, il y
a le problème que les médecins de famille font beaucoup, beaucoup de deuxième
ligne. On peut commencer à parler d'AMP, et tout ça. On doit tous faire de
l'hôpital, travailler dans des CHSLD ou
faire des activités qui sont considérées prioritaires, alors que je ne
comprends pas pourquoi voir mes patients au bureau, ce n'est pas
prioritaire. Ça, c'est sûr que c'est un problème.
Ça, c'est sûr
qu'il y a aussi beaucoup de gens qui sont formés comme médecins de famille qui
ne travaillent pas comme médecins de
famille, qui travaillent seulement en hôpital comme intensivistes, comme
urgentologues, comme médecins
accoucheurs. Mais c'est d'autres problèmes. Puis peut-être qu'avec un meilleur
accès à tous les autres professionnels
les gens vont être capables de voir plus de patients aussi, ceux qui font du
cabinet. Mais je pense que les médecins de famille doivent retourner
dans leur cabinet puis avoir de l'aide.
Tout à
l'heure, il y avait des gens de l'Ordre des pharmaciens. Les pharmaciens
peuvent faire une partie du travail, les
infirmières spécialisées en soins de première ligne aussi. Il y a beaucoup de
gens qui peuvent mettre l'épaule à la roue aussi, mais je pense que, pour trouver des solutions, il faut demander
aux gens, il faut demander aux gens qui sont sur le terrain, puis c'est... on a l'impression que ça
n'a pas nécessairement été fait. Peut-être que vous le faites puis que ça n'a
pas transparu là-dedans, mais, moi, c'est l'impression que j'ai.
M.
Barrette : Bien, le projet de loi n° 10 n'est pas un projet de
loi de première ligne, évidemment, là, mais je profite du fait que vous soyez dans ce domaine-là, parce qu'en plus vous
êtes dans une UMF, vous enseignez, donc vous formez la prochaine génération et vous avez donc une influence
significative sur le comportement des futurs diplômés et futurs praticiens, évidemment. Et j'ai envie de
vous poser la question, alors je vais vous la poser : Si vous étiez à ma
place, vous feriez quoi pour améliorer la première ligne?
Mme
Leblanc (Isabelle) : Bien,
je demanderais aux patients ce qui serait le mieux puis je demanderais... Je
pense que je ferais des... Oui, on fait beaucoup ça.
M. Barrette : Aux patients?
Mme Leblanc (Isabelle) : Oui. Je
pense que je parlerais à des groupes de patients pour voir qu'est-ce qui les aiderait, eux. Je pense que je parlerais à des
groupes de médecins de famille, puis
pas juste — sans vouloir insulter personne — les gens qui ont grimpé jusqu'en haut des
fédérations. C'est des gens qui sont très importants, mais il y a aussi des gens sur le terrain, qui passent
peut-être un peu moins de temps à faire tous les niveaux de politique puis qui
voient plus de patients. S'asseoir avec eux
puis voir ce dont ils ont vraiment besoin. Mais j'essaierais de voir... puis je
suis persuadée... Moi, je suis à Montréal,
je suis dans Côte-des-Neiges, je suis dans un endroit qui est très différent,
je suis sûre, de ce que les médecins
de famille vivent à Jonquière, ou à Chisasibi, ou à Beloeil, là. Je pense qu'il
faudrait aussi voir des gens de
différents endroits, comment ça se passe pour eux. Mais je pense que je
consulterais les gens. Mais moi... On est différents, c'est sûr.
M. Barrette : Vous allez
probablement être d'accord avec moi sur le fait que, vous, en médecine de
famille... l'accès, vous l'avez dit
tantôt, à la consultation, ça, je pense qu'on s'entend là-dessus, c'est une
évidence, mais l'accès aussi à
différents moyens d'investigation d'une façon rapide et efficace, que ça améliorerait
quand même votre productivité, là.
Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, ça améliorerait surtout les soins aux
patients. Je pense que ça, c'est l'autre chose. Productivité, c'est une chose, mais des fois ça prend un peu plus de
temps pour voir des patients, pour faire des bons... donner des bons soins. Mais je pense que ça
améliorerait vraiment la façon dont les patients sortiraient de mon bureau.
Ils seraient plus satisfaits puis ils
seraient en meilleure santé. Mais je pense qu'il y a aussi accès... Il n'y a
pas juste les méthodes diagnostiques,
il n'y a pas juste le médical, il y a tout ce qu'il y a autour aussi, puis, en
première ligne, on voit que c'est un problème que les gens n'aient pas
accès à ces choses-là.
M. Barrette :
Et je comprends de votre commentaire précédent que vous voudriez inclure dans
le système public d'autres professionnels.
Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, ils sont déjà inclus, mais aidés dans
les... Ils sont dans les CSSS, mais ils sont très durs d'accès, puis ça
n'a peut-être pas nécessairement aidé avec les CSSS.
Le Président (M.
Tanguay) : Il reste huit minutes.
M. Barrette :
Huit minutes?
Le Président (M.
Tanguay) : Cinq minutes, pardon.
M. Barrette :
Pourriez-vous nous parler... Vous, à Sacré-Coeur, est-ce que vous êtes
spécialiste ou vous êtes médecin de famille?
Mme Pelletier
(Karyne) : Moi, en fait, je suis un médecin résident en médecine
interne.
M. Barrette :
Vous êtes en résidence en médecine interne?
Mme Pelletier
(Karyne) : Oui.
M. Barrette :
O.K. Ça fait que vous n'avez pas encore expérimenté tous les problèmes de
fluidité dans notre système, juste dans l'hôpital.
Mme Pelletier (Karyne) : Mais, avant d'être en médecine, j'étais
orthophoniste et j'ai pratiqué à la Cité de la santé.
M. Barrette :
Donc, vous avez vu les problèmes d'accès.
Mme Pelletier
(Karyne) : Donc, j'ai quand même une expérience du système de plusieurs
points de vue.
• (21 heures) •
M.
Barrette : C'est bon.
J'aimerais ça que l'une et l'autre, vous me parliez de votre vision dans un système
où les choses sont bien intégrées, et
les choses bien intégrées sont... Évidemment, le corollaire de ça est que c'est
évidemment la bonne personne qui fait la bonne chose. On
s'entend, là, c'est devenu un adage quasiment passe-partout, là, mais qui ne se
réalise jamais. Dans la première
ligne, l'infirmière, quel est actuellement... bien, j'ose quasiment dire le rôle qu'elle ne
joue pas ou comment organiseriez-vous les
choses pour qu'elle le joue? Puis, si vous me dites qu'elle ne devrait pas
jouer le rôle, dites-le-moi aussi, ça va...
Mme Leblanc (Isabelle) : Dans un monde parfait, là? Bien, nous, où je
travaille, on a trois niveaux d'infirmière. On a des infirmières auxiliaires, des infirmières cliniciennes et des
infirmières spécialisées en soins de première ligne. Je pense que les infirmières spécialisées en soins de
première ligne... Moi, je crois beaucoup au partenariat avec les médecins. Je sais qu'il y en a certains qui ont leur clinique, puis je pense que c'est un
modèle qui fonctionne bien aussi, mais nous... Je pense que ça me fait plaisir de voir mes patients avec des problèmes
de santé chronique seulement une ou deux fois par année puis que l'infirmière avec qui je travaille les voit les
autres fois, les voit quand ils ont des ennuis de santé puis s'occupe du suivi en général. Moi, je peux ajuster
les médicaments, m'occuper des cas plus complexes. Notre infirmière
clinicienne aussi, elle peut faire beaucoup de... elle peut faire des visites
pour les enfants, elle peut faire les examens gynécos
pour les femmes en bonne santé, elles peuvent partager certains suivis de
périnatalité. Il y a beaucoup de choses qui peuvent être faites, mais je pense qu'encore une fois ce n'est
peut-être pas l'idéal, dans un système, quand c'est le médecin qui
décide de ce que les autres font. Puis moi, je sais ce qui serait mieux, selon
moi, pour mon système où je travaille, mais
peut-être que les infirmières, elles ont un point de vue différent. Mais,
encore une fois, je pense que je leur demanderais pour voir ce que
c'est, puis...
M.
Barrette : Votre opinion m'intéresse. C'est ce que je recherche, parce
que vous êtes là-dedans plus que moi.
Mme
Leblanc (Isabelle) : Puis
les infirmières auxiliaires peuvent prendre les poids, prendre les tensions,
faire les vaccins. C'est ce qu'on
essaie de faire, mais ça ne marche pas tout le temps. Mais ça marche mieux que
ça marchait.
M. Barrette : ...le travail de
l'infirmière de façon plus indépendante du médecin, ou vous devez vous... ou
peut-être, dans votre pratique, plus sous un mode de supervision?
Mme
Leblanc (Isabelle) : Ça
encore, tu sais, je pense que ça dépend. C'est une grande question, puis ça
dépend de l'équipe avec qui on
travaille. Nous, parce qu'on a le problème... bien, pas le problème, mais on a
le fait ajouté qu'on a des médecins
résidents aussi qui doivent apprendre à faire certains actes, comme donner des
vaccins, qu'en général on peut
déléguer à des infirmières, on est plus sur un mode de partenariat. Si j'étais
dans une clinique, en cabinet, je ne sais pas, il faudrait que je voie
ce qui fonctionne le mieux, mais, en général, c'est plus du partenariat. En
général, je pense qu'avec la communication,
la discussion puis pouvoir discuter des cas avec les infirmières pour voir ce
qu'elles préféreraient faire ou comment elles pensent gérer certaines
choses, c'est ce qui serait le mieux.
M.
Barrette : J'ai la chance d'avoir deux personnes qui ont un niveau de
spécialisation différent ou un secteur de spécialisation différent.
Vous, vous êtes en médecine interne? Vous arrivez à la fin de votre formation
ou...
Mme Pelletier (Karyne) : Non. En
fait, je commence ma résidence.
M. Barrette : Vous commencez votre
résidence.
Mme Pelletier (Karyne) : Oui.
M.
Barrette : Bien, par curiosité, comment voyez-vous la médecine interne
dans le futur? La voyez-vous médecine interne consultante ou médecine
interne médecin traitant?
Mme Pelletier
(Karyne) : En fait, je pense
que ça dépend. Si le modèle reste comme il est actuellement, je pense que ça dépend beaucoup du lieu de pratique du
médecin. Moi, ce que j'ai pu dégager comme constat, c'est qu'en milieu
universitaire la médecine interne, comme toutes les autres sous-spécialités de
la médecine interne et spécialités en général,
fonctionne plus sur le mode consultant, puis il y en a quand même relativement
peu qui hospitalisent. En région, je
pense que ça fonctionne différemment. Il y a un principe, qui existe ailleurs
mais pas ici, d'internistes qui hospitalisent, en fait, là. Non, je pense qu'il y a plusieurs modèles différents, mais,
en ce moment, ça dépend beaucoup, d'une région à l'autre, des ressources disponibles puis aussi, je pense, à quel point
l'interniste est à l'aise avant de référer dans un centre spécialisé ou
non, tu sais. Ce que j'ai vu dans les régions, c'est pas mal ça.
M.
Barrette : En tout cas, je peux vous dire une chose, si le projet de
loi passe, vous allez voir un univers nouveau s'ouvrir devant vous, là.
Je voudrais
terminer là-dessus, parce qu'il ne me reste pas beaucoup de temps,
45 secondes, je peux vous rassurer, dans notre vision du projet de loi n° 10, quand on parle de
performance... vous avez raison, je suis d'accord avec ce que vous dites quand vous dites que la performance, ça
peut vouloir dire bien des choses : ça peut vouloir dire la qualité, ça
peut vouloir dire la production, ça peut
vouloir dire un ensemble de choses, mais c'est vraiment la performance au sens,
évidemment, clinique que l'on recherche, mais on ne peut pas, à mon
avis, faire abstraction du fait qu'il doit y avoir quand même des volumes qui soient attendus et délivrables pour des
raisons de gestion des deniers publics. Je comprends évidemment votre
appréhension et j'y souscris, mais je tiens à vous rassurer : L'objectif
n'est pas de marchandiser la médecine ou de
la réduire à des simples quantités et des colonnes de chiffres; il y a des
patients qui sont en travers de ça. Mais,
malgré tout, compte tenu du fait qu'on a des budgets à gérer, il y a un élément
performance qu'on n'a pas le choix d'aborder. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. C'est malheureusement tout le
temps que nous avons. Je passe maintenant... Je cède maintenant la
parole à la députée de Taillon pour un bloc de 13 minutes.
Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le
Président. Alors, bienvenue. Je suis très contente que vous ayez pu présenter. Je vous remercie pour votre
mémoire. Ne vous en faites pas pour les coquilles. Déjà, que
vous l'ayez souligné, ça témoigne de votre rigueur, et elle est tout à
fait reconnue.
Par rapport à votre préoccupation pour la tendance vers le privé, je dois vous dire
qu'il y a certains indices qui sont préoccupants et qui, effectivement, nous laissent croire qu'à force de laisser se désintégrer un système
on va faire en sorte
que les gens vont souhaiter que, dans
le fond, on paie puis on règle la situation
plus rapidement. Et, devant la constance... Moi, depuis 2009... Quand je suis arrivée à la présidence
de l'Ordre des pharmaciens, déjà on disait qu'on avait 25 % des
Québécois qui n'avaient pas de médecin de famille. Ça, c'est 2 millions
sur 8 millions. On est même montés
jusqu'à 29 %, on a toujours ce problème-là, et ce n'est pas ça qui est
notre préoccupation, actuellement. Donc, c'est sûr que cette absence, vraiment, cette carence, cette privation
d'accès, elle amène des gens automatiquement ailleurs.
Et, la
population qui nous écoute, là, ce qu'ils veulent surtout, c'est... Les papas,
les mamans qui ont des petits enfants,
qui sont obligés, quand l'enfant pleure durant la nuit, d'être, à 6 heures
du matin, dehors, en attendant, sur le palier de la clinique médicale,
pour pouvoir rentrer et espérer être dans les 30 premiers chanceux qui
vont avoir une place, c'est
ça qui les préoccupe. Les gens, ce qu'ils veulent, c'est... Quand ma patiente
de 92 ans, il y a quelques mois, qui a commencé un zona le vendredi midi, qui a dérangé son jeune fils de 70 ans
qui travaille encore à Montréal, qui est venu la chercher, qui l'a amenée dans une clinique médicale, qui l'a amenée à
l'urgence, et où c'était impossible d'avoir accès pour faire soigner son zona, a été obligée de
retourner le lendemain matin, à 6 heures du matin, attendre pour avoir une
place à 11 heures, c'est ça que les gens ne veulent plus.
Et il y en a,
des moyens, pour y arriver, il y a la reddition de comptes des GMF. Le
gouvernement est là maintenant depuis
sept mois, on nous avait promis qu'il y aurait une reddition de comptes sur les
heures d'ouverture, on ne l'entend pas,
il n'y a pas un mot qui est dit là-dessus. Moi, je ne vois pas de mécanisme de
suivi là-dessus. Alors, il y en a d'autres, mécanismes, pour améliorer l'accès à l'urgence : la bonne personne
au bon endroit. On a parlé des infirmières, des optométristes, des
physiothérapeutes, des pharmaciens, il y a plein de potentiels qu'on peut
utiliser déjà dans notre organisation sans tout travailler au niveau des
structures.
Donc, l'espèce
de non-dit... Parce qu'on n'entend pas le ministre se prononcer du tout sur ces
enjeux-là. Et, tout mettre son
énergie sur un projet, le projet de loi n° 10, j'ai l'impression un peu
que c'est comme si, quand le toit coule, on pensait engager un architecte pour réaménager les pièces de la
maison. Le toit coule, là, il faut arrêter le toit de couler, il faut prendre
des mesures concrètes. Et je pense que c'est un peu ça, le cri d'alarme que
vous donnez par rapport à votre conscience et votre proximité des
patients.
Alors, ce que
je me dis, c'est que c'est préoccupant. Quand le ministre dit que ce n'est pas
vers le privé, je regarde le modèle
de la capitale nationale où on va avoir 89 établissements avec
28 000 employés, c'est toute une organisation à... Et, quand on regarde, en fin de semaine,
finalement, la Fédération des chambres de commerce du Québec qui applaudit
au projet de loi n° 10 et qui dit que
ça va assurer... il faut absolument mettre des hommes d'affaires dans les sept
postes où on va avoir les conseils
d'administration... Si le ministre veut nous rassurer, qu'il précise déjà que
ce ne seront pas des hommes
d'affaires. Déjà, ça va nous donner une indication de sa ferme volonté à ne pas
permettre que ça tourne vers ça.
Et, quand on
dit, dans cet article, là : Les secteurs de l'entretien ménager, des
services informatiques, de la gestion du
parc immobilier, des chirurgies d'un jour, de l'hébergement et des soins de
longue durée ainsi que des soins à domicile, écoutez, c'est tout un pan de mur, ça, de notre système de santé et de
la continuité des soins. Alors, en même temps, on veut une intégration qui, semble-t-il, va nous
permettre de tout relier, mais on voit bien qu'on a des morceaux dans ça qu'on
pourrait échapper.
Alors,
qu'est-ce que vous voyez comme élément de... qu'est-ce que vous voyez... Parce
que je trouve aussi que vous
représentez bien les deux milieux. Moi, j'ai entendu beaucoup qu'une partie des
problèmes, au-delà des solutions que
j'ai proposées, était beaucoup dans les liens entre les médecins spécialistes
et les médecins de famille. Il semble y avoir des interruptions, des difficultés
d'information. Est-ce
qu'on ne peut pas régler des choses
comme ça avec des moyens simples, sans tout remettre en question au
niveau de notre système de santé?
• (21 h 10) •
Mme
Leblanc (Isabelle) : Bien, il y a plusieurs
moyens, mais vous parliez tout à
l'heure des problèmes d'accès.
Oui, les heures d'ouverture des GMF, c'est
sûr, accès à voir des médecins en dehors des heures de bureau. Mais il faut
parler des frais accessoires, il faut parler
des patients qui doivent payer pour aller voir leurs médecins, que ce soient
des frais qui soient légaux ou
illégaux. C'est quelque chose qu'on
voit beaucoup à Montréal, on voit ça beaucoup à Québec, il y en a beaucoup sur la Rive-Sud. Pas des
médecins privés, là, pas des gens qui sont hors RAMQ. Pour aller voir votre
médecin de famille, pour aller voir votre
gastroentérologue, votre gynéco, il faut payer des frais, votre ophtalmo, il
faut payer des frais. Ça, c'est un
gros problème pour l'accès. Si ça, ça pouvait être réglé, probablement que ce
serait plus facile, déjà, pour les patients d'avoir accès à certains
médecins, certains médecins spécialistes.
La liste d'épicerie de choses qui peuvent être
privatisées... Il y en a beaucoup qui le sont déjà : l'entretien ménager,
les cafétérias, il y a beaucoup de choses qui sont en train d'aller du côté de
la privatisation.
Est-ce qu'il
y a d'autres solutions que le projet de loi n° 10 pour les problèmes
d'intégration? Oui. Ce qui va être intéressant
de voir avec le projet de loi n° 10, c'est pour les médecins de famille
qui, comme moi, travaillent en établissement,
on va être dans les CISSS. On nous promet une meilleure intégration, mais on va
voir si ça va être plus facile pour
nos patients d'aller voir des spécialistes, d'aller voir d'autres
professionnels de la santé sans avoir à payer. Mais les médecins de
famille qui travaillent en cabinet, ils vont être encore plus éloignés,
probablement, de la grosse structure.
Peut-être qu'ils vont se trouver encore plus aliénés de la situation. Ça, c'est
quelque chose qui est inquiétant, aussi.
Mais c'est
sûr qu'il y a beaucoup de solutions pour améliorer les choses sur le terrain.
Encore une fois, je pense que le
Québec est un endroit qui est très vaste et qu'il y a vraiment différentes
façons de faire les choses selon les régions. Puis ça, c'est autre chose. Je pense qu'avec les mégafusions certaines
des institutions qui ont vraiment un côté régional risquent d'être perdues
un petit peu dans les fusions territoriales.
Mme
Pelletier (Karyne) : Je
trouve que vous l'avez bien mentionné tantôt : Les préoccupations des
patients, elles sont vraiment concrètes, elles sont pragmatiques. C'est
sur le terrain, c'est ce qu'ils vivent quand, en situation d'urgence, ils ont
besoin d'avoir accès à un médecin ou à un autre spécialiste professionnel de la
santé. Puis, tu sais, peut-être que, ce
soir, on n'a pas toutes les solutions d'emblée, mais je pense que le fait
qu'aux paliers de gestion, dans les
conseils d'administration, par exemple, il n'y ait plus du tout de
participation citoyenne puis qu'on ait juste des hommes d'affaires, ce n'est certainement pas la solution,
je pense, pour se rapprocher des besoins de la population. Il y a comme
une inadéquation, là, évidente, à mon sens, à ce niveau-là.
Mme
Leblanc (Isabelle) : Puis je
pense que les soignants aussi, les gens du milieu de la santé, les médecins,
les pharmaciens, les dentistes pour
les CMDP, puis les autres personnes, vont perdre encore plus leur voix. Puis
probablement que
la solution passe par eux, aussi. Je ne pense pas vraiment que les solutions
peuvent être imposées de haut en bas. Je pense qu'il faut que les gens achètent un petit peu le nouveau modèle,
s'il est pour y avoir un nouveau modèle. Puis ce n'est pas en ayant des CMDP qui vont être énormes, où les gens devront
faire probablement une heure d'auto pour se rendre à leurs réunions trimestrielles... ça risque
d'être vraiment problématique. Donc, voir un peu ce qui se passe puis consulter
les gens, c'est probablement ce qui serait essentiel.
Mme
Lamarre : Il y a quand même des régions, je crois, qui fonctionnaient
assez bien avec le modèle actuel, donc
peut-être aller voir qu'est-ce qui fonctionnait. On a parlé du bassin de
population. Avec des populations de 500 000 et moins, il semble y avoir des moyens de bien
fonctionner dans notre structure actuelle, toujours en ajoutant des
orientations probablement plus
claires et une imputabilité qu'on suit vraiment. Et ça, je pense, ça prend le
courage de vraiment faire... de suivre les engagements que les gens ont
pris dans les ententes.
Je laisse la suite à mon collègue député de
Rosemont.
M. Lisée :
Merci à toutes les deux. Moi, je ne suis pas un spécialiste des questions de
santé, mais je suis le critique pour
les services sociaux, mais ça m'intéresse beaucoup de savoir comment on peut
améliorer le système de santé. J'en suis un utilisateur, notamment depuis que je suis père d'enfants, je l'ai
connu encore plus de cette façon-là, pas pour mon cas personnel. Mais je
suis... j'aime... Je suis un tenant du pouvoir citoyen et je pense
qu'effectivement il y a des grandes orientations
qui doivent être décidées par ce temple de la démocratie, il y a des décisions qui
doivent être prises, il y a la reddition
de comptes qui doit être faite à la fois dans les services, dans
l'administration et chez les médecins. Mais qu'un système aussi... s'il
est large, s'il est important, pour être en santé, il doit avoir de la participation
citoyenne.
Alors,
vous nous donnez un chiffre, vous dites : En 2005, à l'époque, avant, des
réformes, il y avait 800 représentants de patients, au total, sur les conseils d'administration partout au
Québec. Après la réforme du ministre, il y en aura 28. On est passés de 800 à 28. Et vous dites : Le
partage des pouvoirs et la participation citoyenne qui permettent cette gestion
locale essentielle au bon fonctionnement de
tout système de santé et de toute société démocratique seront évacués par
le projet de loi.
Bon, moi, je
donne le bénéfice du doute au ministre, hein? Je pense qu'il veut bien faire.
Et je l'entends, grâce à vous,
expliquer ce qu'il veut faire. Il dit : On le sait, ce qui ne fonctionne
pas dans le système. Moi, j'ai les cheveux... plus de sa couleur d'origine, alors j'ai connu des
réformes, et il sous-entend qu'avant de les perdre, ses cheveux, il voudrait
que ça marche une fois pour toutes. Et,
comme il sait ce qu'il faut faire pour assurer l'intégration puis le continuum
de soins, il a décidé de virer tout le monde qui ne voulait pas aller
dans la bonne direction, réduire le nombre de conseils d'administration, réduire le nombre d'établissements. Bon, on a eu des
spécialistes qui sont venus puis qui ont dit : Écoutez, toute la science de l'administration de la
gouvernance nous dit que ce type de fusion là ne donnera aucun impact positif.
Mettons ça de
côté. Est-ce que... On sent, puis dans le dialogue que vous avez eu, que vous
aussi, vous voulez le continuum de
soins puis vous voulez l'intégration. Puis, en fait, sur le diagnostic, vous ne
me semblez pas très loin, O.K.? C'est
sur le remède. Bon, est-ce que vous pouvez, en réponse à ma question, expliquer
au ministre qu'il pourrait avoir son objectif de continuum de soins et
d'intégration et que ça irait encore mieux s'il laissait la démocratie locale,
la rétroaction, le pouvoir citoyen des usagers s'approprier cette réforme-là et
l'appuyer plutôt que de disparaître?
Mme
Leblanc (Isabelle) : Je
pense qu'on a mentionné ça quelques fois, mais on peut peut-être rementionner.
Puis l'autre chose, je pense, qui risque d'être problématique, c'est que ce
n'est pas facile de gérer des médecins. Les médecins,
ce n'est pas des gens... Non, mais il faut le dire. Je connais moins les autres
professions, mais ce n'est pas facile, vous
le savez probablement encore mieux que moi. Puis, en général, si les médecins
ne sont pas à l'aise avec un nouveau système, ça ne fonctionne pas très
bien.
Puis juste
ça, si on regarde... Juste, moi, ce que je connais, les médecins, nos réunions,
ça risque d'être vraiment difficile
d'arriver puis de dire : Bon, on bouleverse tout le système, puis, oui, il
y a des bons... des buts à la fin, des objectifs qui vont être adéquats à la fin, mais vous ne les voyez pas dans ce
projet de loi là, ça va venir, ça risque d'être difficile. Puis je pense qu'en consultant puis en voyant dans
les milieux comment les choses fonctionnent, c'est comme ça que les gens vont pouvoir décider que ça vaut la peine de
se taper les deux, trois ans de déstabilisation que la réforme va créer,
parce que...
M. Lisée :
Dans les 30 secondes qu'il me reste, là, c'est que le ministre, il
dit : Je les connais, moi, les médecins, puis effectivement ils n'écouteront pas. Alors, je veux avoir tout le
pouvoir pour leur dire : C'est par là qu'on va! Mais est-ce qu'en siphonnant tous les autres lieux de
pouvoir ça aide ou ça nuit à la capacité de dire aux médecins comment faire?
Mme
Leblanc (Isabelle) :
D'emblée, ils ont une belle expression où ils disent qu'«essayer de faire une
réunion de médecins, c'est comme
essayer de faire un troupeau de chats». Ça fait que j'imagine tout le temps le
gars avec son lasso qui essaie d'attraper des chats qui courent partout,
je pense que c'est pas mal comme ça.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je cède la parole au
député de La Peltrie pour une période de 8 min 30 s.
M.
Caire :
Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Merci de votre présentation.
Écoutez, d'entrée de jeu, je dois
vous admettre qu'il y a plusieurs éléments de votre présentation avec lesquels
je suis plus ou moins d'accord. En fait, je vous dirais qu'il n'y a pas beaucoup d'éléments avec lesquels je suis
d'accord. Notamment, quand vous nous parlez de participation citoyenne, là, vraiment, là, à
part dans l'imaginaire collectif, je ne vois pas où il y avait une
participation citoyenne quand on
parle de moins de 1 % de participation dans les élections des conseils
d'administration. Le Vérificateur général
a même dit que cette structure-là était dysfonctionnelle. Puis, pas plus tard
qu'hier ou avant-hier, la Protectrice du
citoyen est venue dire que, compte tenu du contexte d'abandon total des
citoyens de cette structure-là, il était justifié de les abolir.
Ça
fait que j'essaie de voir, là... Puis, tu sais, ce n'est pas des méchants
capitalistes qui sont venus nous dire ça, là. La Protectrice du citoyen,
normalement, elle a quand même le mandat de s'assurer justement que le citoyen
est bien représenté. Alors, j'ai de la difficulté à m'expliquer cette
position-là que vous défendez, là, vraiment, honnêtement.
Mme Leblanc (Isabelle) : On est plus... On fait de la représentation.
Donc, auparavant, il y avait un représentant de la population générale puis un représentant des patients, des
usagers, qui étaient sur chacun des conseils d'administration. Pour
avoir vu certaines de nos réunions de conseil d'administration où on parlait de
sujets en particulier, ils avaient un point
de vue qui était différent que celui des soignants, que celui des
administrateurs. Puis là ils n'ont aucun endroit où... Le patient, il
peut faire une plainte contre son médecin, mais c'est à peu près tout. Il n'y a
plus aucun endroit où il peut aller parler de comment fonctionne le système,
parler, justement... Ils ont des problèmes d'accès, mais où ils vont pouvoir en
parler, où ils vont pouvoir amener les problèmes qu'ils vivent? Il n'y aura plus
d'endroit pour eux.
Mme Pelletier
(Karyne) : Moi, je pense que c'est le rôle... Pardon.
• (21 h 20) •
M.
Caire :
Vous ne pensez pas que les comités d'usagers peuvent faire ce travail-là? En
fait, la Protectrice du citoyen disait
elle-même que, oui, il fallait maintenir les comités d'usagers en place, leur
donner des moyens. Tout à l'heure,
les représentants... la COPHAN sont venus nous dire sensiblement ça, aussi.
Donc, cette tribune-là, pour vous, des comités d'usagers, ce n'est pas
une tribune qui est suffisante, ce n'est pas une tribune qui est pertinente?
Mme Leblanc (Isabelle) : C'est que c'est extrêmement pertinent, mais les
comités d'usagers, en général, donnent plus
leurs opinions sur ce qui ne va pas, ils ne donnent pas leurs opinions sur où
on s'en va. Puis les conseils d'administration souvent vont plus parler d'orientations, de choix. C'est sûr que, bon,
on parle, là, des établissements comme on les connaît, qui sont plus petits puis qui font partie d'une
communauté, et, dans cette communauté-là, il y a des gens qui ont envie de
venir s'exprimer sur le type de soins ou le type d'orientations que les
hôpitaux ou les établissements, les CLSC, les CSSS doivent... les objectifs qu'ils doivent essayer de combler
ou les orientations qu'ils doivent prendre. Peut-être que, dans une mégastructure où il y a 10 ou
12 établissements, ça, ça ne deviendra plus nécessaire. Mais, en ce moment,
ça peut être important pour les gens de pouvoir donner leurs points de vue.
Mme Pelletier (Karyne) : En n'étant pas sur le terrain, on voit moins bien
peut-être la participation citoyenne, la participation vraiment des
patients. Mais des regroupements de patients, ça existe, il y en a plusieurs.
Puis, MQRP, c'est d'ailleurs dans nos
mandats, dans nos objectifs de créer des alliances avec les regroupements de
patients qui ont, tu sais, des champs
d'intérêt ou des mandats différents mais qui sont là pour plutôt proposer
justement des solutions pour la
première ligne, pour mieux répondre à leurs besoins, ce qui est moins le rôle
du comité de l'usager, par exemple, qui a un rôle tout à fait pertinent mais qui est différent. Puis ces
regroupements-là, ils existent, puis on collabore avec eux d'un point de vue local, chose que ça va être
moins possible quand le niveau de gestion local, justement, va être pas mal
diminué, là, avec le projet de loi.
M.
Caire : Mais je regardais le profil des gens sur le comité
d'administration, puis vous ne pensez pas que, des gens qui amènent une compétence très particulière
dans différents champs d'activité, ce n'est pas de nature à le rendre plus efficace? Je sais que vous n'aimez pas le mot
«performance», donc je m'abstiendrai, mais vous ne pensez pas que ça va
le rendre plus efficace, puis ce n'est pas... Est-ce qu'ultimement le but du
réseau de la santé, ce n'est pas d'être efficace? Je veux dire, on est là pour
soigner les gens, là. Je comprends qu'on peut lui donner toutes sortes d'autres
tâches connexes, là, mais moi... Puis je
vous donne un exemple, là : en pédopsychiatrie actuellement, le temps
d'attente, c'est deux ans. C'est scandaleux. Je veux dire, le
système échoue lamentablement. Puis je peux vous donner des exemples comme ça
parce que... je ne suis pas sur le terrain, mais, comme usager avec mes
enfants, comme le disait le député de Rosemont tout à l'heure, on
consomme des soins de santé, puis je peux vous dire qu'à plusieurs, plusieurs, plusieurs égards le système de santé actuellement,
il échoue lamentablement. Donc, comme médecins, j'imagine que vous êtes d'accord avec moi que, si un traitement ne
fonctionne pas, il faut changer le traitement. Le système ne fonctionne
pas, il faut le changer, parce qu'il nous coûte des...
Mme Leblanc (Isabelle) : Quand le traitement ne fonctionne pas, il faut
des fois se demander si on essaie de soigner le bon problème, aussi.
Puis est-ce que le problème, c'est vraiment la gouvernance en ce moment? Est-ce
que le problème, c'est vraiment qu'il y a trop d'établissements? Est-ce que le
problème, c'est qu'il y a des patients puis des usagers... il y a des patients puis des membres de la population sur le
conseil d'administration? Est-ce que le problème est autre? Puis je
pense que c'est un peu la question qu'on pose aussi.
Vous
avez raison, si le traitement ne marche pas, on change de traitement. Mais on
s'arrête, on prend une pause, puis on
se dit : O.K., mais est-ce qu'on traite la bonne chose? Puis on a combien
de réformes, là, qui n'ont pas vraiment amélioré les choses?
M.
Caire : Mais, à titre d'exemple, on a dit : Le système
est sous-financé. Bon, bien, depuis 10 ans, le budget de la santé a augmenté de 64 %. On nous a
dit, il y a 10 ans : On est en pénurie de médecins. Le nombre de
spécialistes a augmenté de 23 %,
le nombre d'omnipraticiens, c'est un peu moins que 20 %, et, les
pharmaciens, c'est autour de 25 %. Là, on ne parle plus de pénurie. Et ce que le Commissaire à la santé
nous dit récemment, c'est que les délais d'attente dans les urgences augmentent, les délais d'attente ou le
délai sur les chirurgies, ça augmente. Donc, les indicateurs de performance,
là, puis je ne veux pas vous choquer en disant ça, nous indiquent que le
système échoue.
Alors, si le
problème, ce n'est pas le sous-financement, si le problème, ce n'est plus la
pénurie de personnel, c'est quoi, le
problème? Parce qu'en attendant nous, les patients, on attend. Ça fait que moi,
je veux bien, là, qu'on défende le
système, puis qu'on ne veut pas aller au privé, puis qu'on ne veut pas faire
ci, puis qu'on ne veut pas faire ça, mais quelles sont nos alternatives, à nous, les patients, qui
sommes sur des listes d'attente ou qui croupissons dans des salles d'attente
pour voir un médecin et qui, dans une
proportion extrêmement large, quittons l'urgence sans avoir vu le médecin?
Pourquoi? Parce qu'on est tannés
d'attendre puis qu'on a d'autres choses à faire dans la vie. Un système qui
nous coûte 44 % de notre budget, c'est quoi, le problème?
Mme
Pelletier (Karyne) :
J'aimerais bien vous répondre par une question aussi. Si la solution que vous
proposez, c'est d'amener plus de
privatisation puis une concurrence entre le privé puis le public... On s'entend
que le nombre de médecins, c'est un
nombre limité, qui est fini. S'il y a 30 %, par exemple, des médecins qui
vont passer dans un système strictement privé, ce n'est pas ça qui va
faire... qui va aider à diminuer la liste d'attente pour les patients au
public. Il n'y aura pas plus de médecins
pour répondre à la demande, puis il va y avoir le même nombre de patients, ils
vont juste être divisés dans des
silos différents. Ceux qui vont avoir accès peut-être plus rapidement, c'est
ceux qui vont avoir des moyens financiers pour le faire. Donc, je vous
renvoie la question dans ce sens-là.
M.
Caire :
Je vous entends ce soir, à cette heure-là, parce que je me dis : Vous
devez avoir des solutions. Parce qu'il
y a une liste très longue de choses que vous ne voulez pas, mais la liste des choses
que vous souhaitez m'apparaît beaucoup
plus courte. Alors, comment fait-on pour améliorer le système? Vous me
dites : Je ne veux pas de la privatisation. Parfait. Je ne veux pas de la performance. Parfait. Je ne veux pas de la
concurrence. Parfait. Mais comment est-ce qu'on fait pour les soigner,
les patients, d'abord? Parce qu'à date on a... tout ça, on ne l'a pas, il n'y a
pas de privatisation, il n'y a pas de
concurrence, il n'y a pas de performance, il n'y a même pas d'évaluation. Tout
ce que vous voulez, c'est en place, et le système échoue. Comment on le
fait fonctionner?
Mme
Leblanc (Isabelle) : Il y a
de la privatisation. Puis, la performance, il faut la définir, mais des bons
soins de santé pour les patients,
c'est ça, être performant. Ça ne veut pas dire non plus le nombre... ce n'est
pas nécessairement le nombre d'actes,
le nombre de patients vus divisé par le nombre d'heures où vous avez travaillé,
parce que, souvent, faire un bon
travail avec des patients, ça prend un petit peu plus de temps. Mais c'est sûr
qu'un des problèmes c'est un problème d'organisation. Puis on ne dit pas
le contraire, il y a probablement une façon de faire une réorganisation. Mais on ne pense pas que la réorganisation se fait
en enlevant les structures actuelles puis en mettant encore une organisation
très hospitalocentriste. Quand tout tourne
autour des hôpitaux... Dans les CISSS, peut-être que tout devrait tourner
autour des soins de santé primaires. Peut-être qu'on devrait revoir à
nouveau les cliniques, les cabinets...
M.
Caire : Donc, vous
amenez une piste de solution, allons-y.
Mme Leblanc (Isabelle) : ...puis
tourner autour de ça.
M.
Caire : Faire
tourner ça autour des soins de santé primaires...
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup...
M.
Caire : Comment on
fait ça?
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci. C'est tout le temps
dont nous disposons. Je cède maintenant la parole à notre collègue
députée de Gouin pour une période de trois minutes.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. Contrairement à mon collègue de la
deuxième opposition, c'est sûr que
moi, j'ai beaucoup d'affinités avec ce qui a été présenté ce soir. J'aimerais
dire à mes collègues que la participation citoyenne, quand elle est encouragée, c'est quelque chose d'assez
génial. Il y a un exemple qui est assez connu au Québec, c'est la Clinique communautaire de
Pointe-Saint-Charles. Je vous invite à aller la visiter parce que voilà un très
beau modèle de participation citoyenne qui mériterait, tiens, justement,
d'être disséminé partout à travers le Québec.
Ce qui me
frappe beaucoup aussi ce soir, c'est deux phrases de notre collègue le
ministre. Il dit : Le mouvement — parce qu'on est d'accord qu'il faut qu'il y ait du mouvement dans tout ça, là,
ça, là-dessus, je pense qu'on s'entend — il doit venir de l'autorité. J'ai trouvé ça intéressant. Je pense que, là, le
ministre s'assume. Il nous dit l'exacte vérité : Il va imprimer le
mouvement. Et il nous dit aussi que la première ligne n'est pas visée par le
projet de loi n° 10.
Or, pour
répondre à la question de mon collègue — je n'aurai pas beaucoup de questions pour
vous, je suis désolée, parce qu'on
est un peu d'accord — oui, il
y en a, des solutions pour régler les problèmes que mon collègue a mentionnés.
Parce qu'ils sont réels, ces problèmes-là.
Je les vis, moi aussi; autour de moi, c'est pareil. Et je pense que les
personnes qui sont venues présenter un mémoire ce soir
nous en ont parlé quand elles disent : Il faut mettre, justement, toutes
les ressources... pas toutes les ressources,
mais une bonne partie des ressources sur la première ligne. Il faut donner plus
de place aux infirmières
praticiennes. Les pharmaciens sont venus nous dire : Donnez-nous des
possibilités de poser plus de gestes. Bien, voilà déjà des solutions, me
semble-t-il, à un certain nombre de problèmes. Alors, dans le temps qu'il reste,
je vais vous demander : Avez-vous d'autres pistes?
Mme
Leblanc (Isabelle) : Bien,
c'est vraiment ça, c'est vraiment de s'assurer que tous les gens peuvent avoir
accès à des soins de santé primaires qui ne sont pas nécessairement faits
seulement par des médecins omnipraticiens, il y a beaucoup d'autres
professionnels de la santé qui peuvent collaborer.
Puis je pense que l'autre chose aussi, c'est, si
tout le monde peut avoir quelqu'un qui s'occupe de leurs soins de santé de base, peut-être éviter des
consultations, des consultations qu'on voit beaucoup chez nos collègues spécialistes, qui se consultent les uns les
autres, alors que, souvent, si on retourne au médecin de famille ou à
l'infirmière praticienne spécialisée, beaucoup de ces consultations-là
peuvent être évitées. Puis, si nos patients ont accès à nos consultations sans
avoir à payer, c'est un gros plus aussi, là.
Mme
Pelletier (Karyne) : Ça me
fait penser que... Je pense qu'on l'a mentionné rapidement dans le mémoire,
mais aussi, au sein même de la formation
médicale puis de l'approche médicale, il y a beaucoup de surdiagnostics, de
traitements, de tests d'imagerie qui sont prescrits sans réelle... comme
preuve...
Mme Leblanc (Isabelle) : Pertinence.
Mme Pelletier (Karyne) : ...c'est
ça, sans réelle pertinence clinique, là, démontrée, qui sont faits des fois par
peut-être l'inexpérience, pour répondre aux
demandes du patient. C'est complexe, là, mais je pense qu'il y a une avenue
aussi à étudier par rapport au sein même de
la formation des médecins puis des autres professionnels de la santé. Puis je...
Ah! c'est terminé?
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. J'allais vous laisser le soin
de terminer votre phrase. Alors, merci beaucoup aux représentantes des
Médecins québécois pour le régime public.
Compte tenu
de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain matin, après les
affaires courantes. Merci.
(Fin de la séance 21 h 30)