(Quatorze heures six minutes)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission de la santé et des
services sociaux ouverte. Je demande
à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie
de leur téléphone cellulaire.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n°10, Loi
modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des
services sociaux notamment par l'abolition des agences régionales.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Richard (Duplessis) est remplacée par M. Pagé (Labelle).
Auditions (suite)
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Cet après-midi, nous accueillons le Protecteur du citoyen, l'Université de Sherbrooke et l'Institut
universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec. Nous ajournerons les
travaux à 17 heures.
Alors, sans
plus tarder, nous souhaitons la bienvenue à la Protectrice du citoyen et les
personnes qui l'accompagnent. Pour
les fins d'enregistrement, je vous demanderais de bien, donc, vous identifier,
de même que les personnes qui vous accompagnent,
et par la suite vous disposerez d'une période de 10 minutes pour votre
exposé. Alors, la parole est à vous.
Mme Lamarre : M. le Président.
Le Président (M. Tanguay) : Oui,
pardon. Excusez-moi. Oui.
Mme
Lamarre : Compte tenu de l'importance du témoignage et de la
présentation du Protecteur du citoyen, je me demandais si on pouvait, avec le consentement, décaler pour ne pas
perdre les huit minutes que nous avons déjà amputées.
Le Président (M. Tanguay) : Alors,
avec consentement?
Une voix : ...
Mme Lamarre : Vous êtes gentil.
Le
Président (M. Tanguay) : Consentement. Alors, c'est accordé. Mme la
Protectrice du citoyen, le micro est à vous. Merci.
Protecteur du citoyen
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Alors, M. le Président, je suis
accompagnée, à ma droite, de M. Claude Dussault, qui est vice-protecteur, et, à ma gauche, de M. Michel Clavet, qui est
conseiller et spécialiste des enjeux de gestion en santé et services
sociaux.
M. le ministre,
Mmes, MM. les membres de la commission, je vous remercie d'avoir sollicité le
point de vue du Protecteur du
citoyen. Conformément à notre mission, notre angle premier d'analyse est celui
de l'impact concret de tout projet de loi sur la qualité des services
publics et le respect des droits des usagers. Le Protecteur du citoyen n'a
aucun attachement particulier aux
structures. Ses préoccupations concernent l'accès des citoyens à des services
de santé ainsi qu'à des services
sociaux de qualité, en temps opportun, de manière équitable et dans le respect
des impératifs d'un régime universel.
Il lui importe que la condition économique d'un citoyen ne lui soit pas
préjudiciable et que ce soit son état de santé et non sa capacité de
payer qui lui permette cet accès en temps requis. C'est sur la base de ces
seuls intérêts et impératifs que nous avons examiné le projet de loi.
Le Protecteur du citoyen s'intéresse aux
questions qui touchent la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux parce que, dans un grand nombre
de situations problématiques constatées, les dysfonctionnements que nous avons observés ont des liens directs ou
indirects avec la gouvernance. Le manque fréquent de coordination dès lors
que deux établissements ou plus doivent collaborer, les problèmes
d'accessibilité aux services sont la première cause d'insatisfaction chez nos
plaignants, et ils peuvent être liés à des facteurs comme l'organisation du
travail, le manque d'imputabilité ou l'inefficience de certains processus. Ce
sont des dimensions importantes de la gouvernance.
Si j'avais à faire la
synthèse des constats de nos interventions, je dirais que l'accès à des
services de qualité, clairement définis, bien intégrés et dispensés à des coûts
raisonnables passe par un allègement des structures, une imputabilité renforcée et une clarification du
panier de services. Je constate que le projet de loi n° 10 cible ces deux
premiers enjeux, je reviendrai sur le troisième.
• (14 h 10) •
Dans la mesure où plusieurs conditions sont
respectées, les objectifs visés par le projet de loi rejoignent les
préoccupations du Protecteur du citoyen. Mais je veux insister sur les risques
importants que pose la réorganisation projetée
et attirer votre attention sur la nécessité d'une transition rigoureuse,
ordonnée, avec des échéanciers raisonnables et qui incluent une évaluation des coûts de transition réaliste et crédible.
Bref, si le Protecteur du citoyen est d'accord sur le fond
et à terme avec la destination proposée, il marque l'importance de prendre le temps de bien faire les choses et de baliser strictement le chemin à parcourir. Une
chose est certaine, et je suis bien consciente qu'il s'agit là d'un défi
important, parallèlement à cette réforme sur la gouvernance et non
après, la prestation de services doit être améliorée au plan de l'accessibilité,
de l'équité et de l'efficience partout au Québec.
Je suis d'avis que la disparition d'un palier décisionnel,
celui des agences, permettra de mettre fin au chevauchement des responsabilités qui existe actuellement entre
le ministre, les agences et les établissements. La répartition plus claire
des responsabilités entre le ministre et les
nouveaux CISSS est aussi de nature à renforcer la coordination du réseau et son
imputabilité. De même, l'une des forces de
ce projet de loi est la meilleure intégration des services qu'il permet
d'anticiper. La fusion des
établissements au palier régional a le potentiel d'améliorer la continuité des
services, leur fluidité et, par voie
de conséquence, à terme, leur accessibilité. C'est pourquoi, sauf sur les
territoires plus populeux, le Protecteur du citoyen souscrit à cette logique qui consiste à établir un établissement
par région. Nous y voyons une réponse pertinente au problème, trop souvent rencontré dans nos enquêtes, de manque de
coordination lorsque plusieurs établissements sont sollicités dans le parcours de services d'un
usager. Trop souvent, les plans de services ne sont pas réalisés, mis à jour,
suivis ou intégrés par chacun des
établissements concernés. Voilà pourquoi, entre autres, le Protecteur du
citoyen appuie l'idée de
l'intégration régionale des services. Cela étant dit, j'invite à la prudence.
Les experts s'entendent pour estimer à environ un demi-million
d'habitants le seuil maximal au-delà duquel la planification et la coordination
des services deviennent moins efficaces.
Cela pose la question de la valeur du modèle proposé dans les régions plus
populeuses comme la Montérégie, les Laurentides et la
Capitale-Nationale.
Au-delà de
ces questionnements qui touchent la nouvelle structure proposée, ma principale préoccupation, et je tiens à la marquer, concerne la planification de la transition. Une réorganisation d'une telle ampleur n'est pas sans susciter
des appréhensions très importantes chez les
divers acteurs du réseau. Il importe que cette transition soit menée de manière
transparente, en prenant le temps d'évaluer
tous les impacts, positifs comme négatifs, des mesures proposées et d'en
évaluer les coûts directs et
indirects à l'aide de normes économiques et comptables reconnues. Je pense,
entre autres, aux coûts importants qu'entraînera à court et moyen terme
la gestion intégrée des divers actifs informationnels que le ministère compte rapatrier. Également, il faut prévoir les
différentes étapes de façon détaillée et accorder des échéanciers réalistes
de réalisation.
C'est à ces conditions essentielles qu'on pourra envisager sereinement
l'implantation d'une telle réforme. Sinon, et cela serait vraiment
regrettable, c'est l'usager qui va en faire les frais.
Un autre risque, que d'autres intervenants ont
aussi souligné, est que la mission médicohospitalière absorbe une large part des ressources au détriment de la
prévention, de l'intervention psychosociale ou de réadaptation au sein des futurs CISSS. À ce sujet, notre mémoire note
les risques que soit favorisée la mission médicalohospitalière en dépit des efforts mis de l'avant pour réorienter les
budgets vers la première ligne de services. C'est du moins ce qui s'est passé
lors de la création des réseaux locaux de services en 2005, et cela est reconnu
par une évaluation qu'a produite le ministère de la Santé et des Services
sociaux lui-même.
On dit que le
passé est garant de l'avenir. J'en appelle à toute la vigilance du ministre et
du ministère pour éviter que cette
restructuration ne se réalise au détriment de la prise en charge adéquate des
problématiques qui en ont un crucial besoin. Les programmes-services
importants paraissent plus à risque : jeunes en difficulté, soutien à
l'autonomie des personnes âgées, santé mentale, dépendance, déficience physique
et déficience intellectuelle ainsi que troubles envahissants du développement. Au-delà de l'article 55 du projet de loi, qui interdit avec pertinence la permutation des budgets entre les programmes-services, d'autres pare-feux et des
balises claires doivent être établis pour éviter des glissements budgétaires
en défaveur des missions de prévention, de réadaptation et d'intervention psychosociale.
Une autre préoccupation, la préservation de la participation des usagers. L'abolition du système
électoral actuel pour le choix des représentants de la population, tel que le prévoit le projet de loi, se justifie. Le taux infime de participation à ces élections,
le grand nombre de sièges laissés vacants faute de candidats ou encore de
candidats élus par acclamation, ainsi
que le coût élevé de l'exercice amènent effectivement à questionner la
validité même de ce processus. De même, la participation des usagers et
le respect de leurs droits ne sont pas incompatibles avec le choix d'une représentation au conseil d'administration
fondée sur l'expertise, tel que le vise le projet de loi.
Cependant, il m'apparaît essentiel de préserver
les espaces de participation démocratique — je réfère, entre autres, au comité des usagers. Il est impératif
que les usagers et les comités qui les représentent puissent donner leur point
de vue aux autorités sur la qualité des
services et le respect de leurs droits. Il y a là une lacune, à mon avis, et
notre mémoire esquisse quelques suggestions pour y suppléer. Entre
autres, nous recommandons de maintenir à deux le nombre de représentants des usagers au conseil
d'administration, l'un devant avoir de l'expérience auprès des établissements
de santé et l'autre, auprès des établissements de services sociaux.
J'en viens à
la clarification du panier de services. Année après année nous observons
l'effritement graduel de l'offre publique
de services de santé et, d'une manière encore davantage marquée, de services
sociaux. De plus en plus, on exclut dans les faits, sans annonce officielle, des services qui autrefois
étaient couverts par le régime universel. En réalité, l'offre de services présentée est
plus généreuse que ce que les ressources disponibles permettent d'offrir, et,
de longue date, on laisse aller. Étant donné la difficulté à faire face
à la croissance des coûts, on réduit les services en périphérie ou on procède à une désassurance implicite. Une autre
approche est celle qui consiste à sortir le service du milieu hospitalier
pour l'offrir en clinique. L'acte médical
est alors couvert par la RAMQ, mais sa composante technique ne l'est pas. Des
usagers se trouvent alors à devoir assumer ces frais. Comment expliquer à un
usager qu'il doit payer 40 $ pour un sparadrap
de 4 cm carrés installé à la suite d'une chirurgie mineure dans une clinique,
alors qu'à l'hôpital les pansements sont gratuits?
À défaut de faire des choix clairs et
transparents, l'iniquité s'installe. Il y a ici un enjeu de gouvernance. Sur quelles balises devront s'appuyer les
gestionnaires pour concrétiser l'intégration des politiques régionales en
conséquence de la sanction du projet
de loi? Il ne faut pas qu'ils choisissent le nivellement par le bas de l'offre
de services en raison des pressions
budgétaires. À notre avis, c'est au ministre que revient la responsabilité de
définir les balises d'une offre de services équitable.
Je conclus sur l'impérieuse nécessité et le
devoir d'intérêt public que la mise en oeuvre de ces modifications proposées à l'organisation et à la gouvernance du
réseau s'harmonise avec le déploiement de tous les efforts requis pour maintenir et améliorer la prestation de services
au plan de l'accessibilité, de l'équité et de l'efficience partout au Québec.
Je vous remercie.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, Mme la Protectrice du citoyen. Alors, s'amorce une période d'échange. Nous allons débuter avec les
représentants de la banquette ministérielle. Et je cède la parole au ministre
de la Santé pour une période de 23 min 30 s.
M.
Barrette : Mme St-Germain, M. Dussault, M. Clavet, merci d'être venus,
et surtout merci pour la clarté, la limpidité
et la substance de votre mémoire. Je dirais qu'en quatre pages vous avez résumé
essentiellement toute la pensée qu'il
y avait derrière le projet de loi. Et je reçois très favorablement vos
critiques parce que le projet de loi n'est pas parfait et les critiques que vous venez de nous faire, entre
autres dans vos derniers propos, sont, à mon avis, très pertinentes. Vous
me permettrez juste de renchérir puis peut-être vous donner un peu la parole
là-dessus un peu plus.
Dans les deux
dernières semaines, j'ai été dans une activité de fondation d'un hôpital moyen.
Moyen, pas au sens péjoratif du
terme, là. Moyen au sens, là : ce n'est pas un hôpital universitaire, puis
ce n'est pas un CLSC, puis ce n'est pas
péjoratif. Et l'hôpital se plaignait que ça faisait 10 ans qu'il voulait avoir
un corridor de services en oncologie avec le plus gros hôpital, qui, lui, était universitaire évidemment, puis
qu'il n'a jamais été capable. Et mettons que, comme vous l'avez dit, en termes d'intégration, c'est
censé être ça qu'on cherche dans notre système de santé, faire en sorte que, le patient qui est dépisté ou diagnostiqué à la
première ligne, qui arrive à son investigation en deuxième ligne et, quand
c'est nécessaire, d'aller à la troisième
ligne, ça se fasse sans ambages, et malheureusement ça ne se fait pas. Et vous
y avez fait référence... Bien, en
tout cas, ça se fait parfois, mais ça ne se fait pas tout le temps. Et, comme
Protectrice du citoyen, j'imagine que
vous avez de nombreux exemples à nous donner à cet effet-là. Je comprends donc
que l'intégration, pour vous, est un élément qui est très pertinent dans
notre système de santé et j'irais même jusqu'à dire que c'est une des
faiblesses de notre système de santé. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
• (14 h 20) •
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Effectivement, les constats de nos
enquêtes nous amènent à réaliser combien il y a un fonctionnement en
silo dans le réseau de la santé et que même, à l'intérieur d'une même région,
il y a un fonctionnement en morcellement qui fait qu'il y a une inéquité intrarégionale.
C'est très difficile d'avoir un portrait d'ensemble et d'avoir des services qui sont offerts en
continuité à partir du moment où un citoyen a un diagnostic. Souvent, d'ailleurs,
on publie les délais d'attente en tenant compte du moment où on a eu le
diagnostic, c'est une chose, mais le début du traitement, souvent, c'est
beaucoup plus loin. Alors, pour le citoyen, c'est encore de l'attente, c'est
des bris de service qui peuvent être parfois
très dommageables et c'est un déséquilibre entre les services de santé et les services sociaux qu'il demeure aussi à
intégrer.
Alors, c'est
pourquoi, moi, je souscris, théoriquement en tout
cas, à cette volonté de faire en
sorte que, sur une base régionale,
les services vont être intégrés. Donc, le rôle du nouvel établissement, du CISSS, selon ma compréhension, ça va être de s'assurer que
les politiques sont bien intégrées, qu'il y a une fluidité entre les services,
qu'on a une vue d'ensemble du portrait de l'usager et de ses besoins et qu'il n'y aura pas d'inéquité interrégionale. Donc, on va organiser les services à l'échelle de la région d'une
manière qui devra être plus efficace, plus efficiente et donner à terme de
meilleurs résultats.
M.
Barrette : C'est exactement,
Mme Saint-Germain, ce que l'on veut faire, c'est fondamentalement ça. Et,
quand, il y a deux semaines, je faisais la tournée des régions en
rencontrant toutes les directions de toutes les institutions, je disais à tout
le monde la chose suivante : Un
jeune dans un centre jeunesse doit être traité sur le même
pied d'égalité qu'un individu qui va
se faire opérer en neurochirurgie. Il
y en a un qui est très spectaculaire parce que
c'est la grande technologie puis c'est la grosse chirurgie, puis il y en a
un autre qu'on a tendance à oublier évidemment et qui se sent un petit peu largué. Et l'objectif
est de faire... Et ça, c'est, pour moi, une orientation ministérielle. Les gens
sur le terrain doivent livrer, l'orientation doit être claire, tout le
monde doit être traité sur le même
pied et avec la même équité, comme vous le disiez.
Vous avez
fait mention de risques, et je dois vous avouer que je suis très sensible à
votre opinion là-dessus parce
que
j'ai les mêmes appréhensions, parce qu'évidemment on ne peut pas prédire le futur, mais on veut
essayer de se prémunir contre des
écueils. Vous avez mentionné la nécessité d'avoir une transition rigoureuse et
des balises claires des garde-fous budgétaires. Peut-être que vous allez me dire qu'à
partir du moment où on fait de la réforme ce n'est pas nécessaire d'aller
à la vitesse de la lumière, peut-être que
vous allez dire autre chose. J'aimerais ça vous entendre sur cet aspect-là, les
garde-fous, la transition, comment vous voyez cette affaire-là. Et quelles
recommandations pourriez-vous nous faire... ou, du moins, quels écueils
penseriez-vous qu'on devrait éviter dans cette optique-là?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Alors, M. le Président, sur la vitesse, je vous dirais qu'il ne faut pas
se précipiter, en même
temps qu'une réforme ne doit pas non plus s'éterniser. Par contre,
le succès d'une réforme, c'est beaucoup basé sur
la connaissance des risques, ce que le ministre
vient d'appeler les écueils, et sur les mesures de contingentement, donc
les mesures de prise en charge pour pouvoir contrer ces réformes-là ou ces
risques-là.
M. le ministre, vous avez publié, il y a quelque temps... ou rendu public un tableau sur les
économies qui sont cumulées, et je me
rends compte donc que ça, c'est un aspect, une dimension quand même
qui est importante de la dimension économique et comptable, mais, sur le plan financier, il y a
aussi, à mon avis, d'autres risques à considérer, par exemple celui de l'intégration, enfin, du rapatriement au ministère
des 35 systèmes d'information. Je
pense qu'à la base même ce
concept-là, il est positif, et l'objectif
derrière ça, c'est notamment de faire
en sorte que ces systèmes-là
puissent fonctionner ou être utilisés de manière à accompagner
l'intégration des services : un seul dossier patient, une seule liste
d'attente, une seule carte d'identification au sein des établissements.
Donc, l'objectif,
il est louable, mais il y a de nombreux risques financiers. On connaît les
coûts, on connaît des dérapages qui
sont survenus dans des systèmes informatiques, à commencer par le Dossier santé lui-même.
Alors, sur ce plan-là, moi, j'invite à beaucoup non pas, comment dire, de
crainte, mais à beaucoup d'implication pour s'assurer qu'il n'y aura pas de
dérapage financier, que ce qu'on demande n'est pas trop gros et que ces
systèmes-là vont être fonctionnels au
moindre coût possible et le plus efficaces possible. Parmi les autres risques
aussi, c'est celui surtout que les
établissements sont principalement hospitaliers à l'intérieur des CISSS, et on l'a
vu avec la réforme de 2005, c'est celui qu'on n'assure pas un équilibre
entre les besoins médicaux, médicaux hospitaliers et les besoins psychosociaux.
Je vais prendre une analogie. Je pense que le
ministre est assez près de ces enjeux-là. Dans certains dossiers, au niveau
médical, on est capables d'avoir un diagnostic clair notamment parce
qu'on a des équipements radiologiques de fine pointe, etc. et on peut
dire, bon, après une IRM : Voici le diagnostic. Dans d'autres dossiers, par exemple la santé mentale, où les besoins en
accompagnement sont, oui, des soins médicaux psychiatriques mais après beaucoup
d'accompagnement psychosocial, malheureusement on n'a pas cette capacité scientifique d'être
aussi précis et d'avoir non seulement des diagnostics, mais des plans de
soins. Présentement, il y a déjà un déséquilibre, et un déséquilibre au niveau,
je dirais, des ressources et même de l'organisation des services. Alors, il y a
quand même ce risque-là que cette réforme...
C'est plus facile de couper les budgets quand on n'a pas un diagnostic précis. Donc,
cette réforme-là doit préserver cet équilibre et même le renforcer entre
les besoins médicaux-hospitaliers et les besoins psychosociaux, à mon avis,
très importants. Le système d'informatique, j'en ai parlé.
Certains ont
reproché trop de pouvoirs au ministre. Moi, je dirais plutôt, sous une seule
réserve, l'imputabilité est beaucoup plus claire présentement, mais je
pense que ça va prendre un plan très précis pour s'assurer que tous les éléments de l'imputabilité sont vraiment suivis
parce qu'il y aura une reddition de comptes qui va devoir être vraiment très importante, et il n'est pas exclu qu'au fur
et à mesure d'une implantation comme celle-là des réajustements doivent
être faits. Alors, ça, pour moi, c'est important.
Le rôle du
président-directeur général adjoint m'apparaît déterminant et, en tout respect,
à mon avis, il devrait pouvoir
désigner lui-même qui sera son président-directeur général adjoint. Je pense
qu'il y a déjà un conseil d'administration qui est là pour veiller au grain. Le ministre a aussi d'importants
pouvoirs au niveau de l'orientation et de la reddition de comptes. À mon avis, ce sont des balises
suffisantes. Et il mériterait, je crois, d'avoir une marge de manoeuvre
beaucoup plus claire.
Enfin, j'en
ai parlé, ce n'est pas un des risques les plus importants, mais c'est quand
même un risque, il faut éviter que
les gestionnaires soient trop éloignés de la connaissance de l'état de la
dispensation des services et de leur qualité. Ça, c'est une dimension qui est une lacune présentement, le fait qu'il y
ait beaucoup de conseils d'administration, que les gens soient souvent en réunion, qu'on ait beaucoup
d'enjeux liés à la technocratie qui éloignent de la qualité des services
et de la reddition de comptes. Combien de
fois nous avons appris à un directeur général d'établissement des problèmes
de fonctionnement systémiques dans son
établissement? Vous me direz que c'est notre travail de le faire. Oui. Mais, en
même temps, c'est toujours étonnant de
constater qu'on a à apprendre ça à un directeur général d'établissement. Alors,
à mon avis, il y a un risque
d'éloigner de la prestation de services le dirigeant qui va être responsable de
la mise en oeuvre des orientations
que le ministre aura décidées et même d'éloigner un conseil d'administration.
Alors, il faut vraiment être certain
de cette proximité dans la connaissance des besoins et, entre autres, les
comités d'usagers, les commissaires... en fait, ce sera le commissaire aux plaintes et à la qualité des services,
mais les commissaires adjoints ont vraiment leur place. Je note ou je comprends que les comités de gestion
des risques, les comités sur la qualité des services sont maintenus. Ce sont
des comités très importants, y inclus le comité sur la gestion des accidents et
incidents. Alors, voilà pour, donc, les principaux.
M. Barrette : Je peux vous rassurer.
Oui, effectivement, ils sont maintenus...
Mme Saint-Germain (Raymonde) :
Ils sont maintenus, oui?
M. Barrette : ...parce que j'ai la
même opinion que vous. C'est assez amusant, parce qu'on ne s'est jamais rencontrés,
puis là-dessus on a pas mal la même opinion sur bien des éléments. Pour ce qui
est de la nomination des dirigeants, l'idée, dans l'intervention du ministre, qui était décriée
par bien des gens, là, dont des gens ici, autour de la table... mais la finalité était de pouvoir
sélectionner avec des experts des gens qui ont la compétence en gestion. Je
trouve que ça, c'est plus facile à
évaluer que la connaissance et la compétence dans les soins. Et je suis
d'accord avec vous, là, je suis
exactement sur la même ligne, il faut s'assurer que les gens qui dirigent...
C'est plus facile pour le P.D.G. parce qu'en général ces gens-là vont être issus du terrain. Pour le conseil
d'administration, en général c'est plus difficile parce que ce n'est pas tout le monde qui sont dans le conseil
d'administration et qui ont une expérience en santé. Et vous savez comme
moi, pour entendre l'autre côté de la
montagne, là... Les gens viennent à vous pour vous raconter les mauvais coups,
on va dire... peut-être pas les mauvais coups, là, mais les...
Mme Saint-Germain
(Raymonde) : Déficiences.
M. Barrette :
Pardon?
Mme Saint-Germain
(Raymonde) : Les déficiences.
M.
Barrette : Les déficiences du système. Souvent, les déficiences du
système, vous allez être d'accord avec moi, viennent souvent d'une méconnaissance en haut, comme vous venez de le
dire. Alors, pour moi, il est très important de sélectionner des gens sur les conseils d'administration qui savent
comment ça marche, un hôpital, qui savent comment ça marche, des
services sociaux, qui savent aussi qu'il faut lier les deux en quelque part.
Et j'aimerais ça vous
amener sur le terrain que moi aussi, j'affectionne un peu, l'imputabilité. Vous
la voyez comment, l'imputabilité dans ce système-là ou dans tout système?
• (14 h 30) •
Mme Saint-Germain
(Raymonde) : Bien, l'imputabilité, elle est liée à la marge de
manoeuvre de chacun, c'est-à-dire qu'il faut
que les responsabilités soient clairement partagées, ce que le projet de loi
n° 10, quant à moi... ce sur
quoi il est une amélioration par rapport à la réalité. Donc, responsabilité
suffisamment partagée, marge de manoeuvre et moyens pour accomplir les
responsabilités. Sur la marge de manoeuvre, comme je vous disais, sous réserve
que le président-directeur général puisse
avoir la capacité de nommer ses collaborateurs, il me semble qu'il aurait une
marge de manoeuvre assez claire et que le rôle du conseil d'administration
est également clarifié.
Et
l'autre élément, c'est d'avoir le contrôle sur ce dont on est responsable. Et,
dans le système qui existe, il y a beaucoup
trop de silos, il y a beaucoup trop d'intermédiaires entre le gestionnaire
principal de l'établissement et le ministère, notamment un conseil d'administration par établissement local, ce qui, à
mon avis, entraîne, là, des coûts de gestion très importants et parfois même des pertes de temps
très importantes. Et je dirais que le système actuel rend le ministère capable
de se dissocier de ce sur quoi il ne veut
pas être tenu responsable et d'assumer parfois des responsabilités qui ne
devraient pas être les siennes.
Quelque part, le ministère a beau jeu présentement d'invoquer le meilleur des
deux mondes selon ce qui fait son affaire, et, avec respect, nous, au
Protecteur du citoyen, on le constate.
M.
Barrette : Et est-ce que je comprends aussi que ce que vous constatez
est qu'actuellement dans la chaîne de commandement,
il n'y en a pas d'imputabilité, là? Ce que je comprends de votre propos, c'est
que finalement tout le monde se cache sur le palier qui est au-dessus ou
en dessous, là.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Bien, c'est une zone de confusion
actuellement, l'imputabilité, il faut bien le dire. Est-ce que c'est le président du conseil d'administration ou le
directeur général de l'établissement qui est responsable? Des conseils d'administration formés de bénévoles,
dans un contexte qui n'est pas adapté à la gestion d'un réseau public de cette envergure-là, c'est certain que ce n'est
pas porteur d'imputabilité. En même temps, les zones mêmes, je dirais,
de définition des responsabilités du ministère et d'accomplissement de ces
responsabilités sont encore à clarifier.
Il
y a des choix qui ont été faits dans certains cas. Par exemple, le ministère
est responsable du contrôle ultime de
la qualité dans les programmes et les services. C'est un enjeu de protection
des usagers. On voit que souvent il a remis cette responsabilité aux agences, que les agences, bon, avec des budgets
toujours moins élevés que ce qui serait souhaitable pour chacun — mais on vit dans une réalité qui est
celle-là — ont
souvent coupé sur l'inspection, le suivi des recommandations des inspections. Alors, le contrôle de la qualité
a été déficient, ce qui a entraîné des dysfonctionnements, ce qui entraîne
des préjudices aux citoyens, ce qui entraîne des coûts.
Alors, oui, la chaîne
de commandement n'était pas suffisamment claire, alors que maintenant, en tout
cas en théorie, ce qui est prévu est porteur
de clarification de cette chaîne-là. On va savoir davantage qui fait quoi. En
même temps, évidemment c'est très
lourd à gérer dans certains cas. C'est pourquoi je pose certaines questions,
notamment sur l'organisation dans les régions de la Capitale-Nationale,
des Laurentides et de la Montérégie.
M. Barrette :
C'est-à-dire, pour ces trois-là?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : C'est-à-dire qu'il y ait un seul
CISSS dans ces régions-là, qui sont quand même des régions de plus d'un demi-million d'habitants, alors qu'il y a
des études d'experts qui indiquent qu'au-delà d'un seuil d'un demi-million c'est quand même plus difficile. Alors,
est-ce que, dans ces régions-là, il y aura des adaptations qui seront
possibles? On verra, avec le temps, on sera... En tout cas, on mettra... Vous
parliez des écueils. On mettra peut-être
une sonnette, là, sur l'écran radar du plan de transition pour voir comment ça
se passe dans ce type de régions là, entre
autres, avec le statut aussi des établissements universitaires de la
Capitale-Nationale et de l'Estrie, je pense que ce sera à regarder
aussi.
M.
Barrette : Est-ce que, sur ce point-là en particulier, est-ce que...
La pensée qu'on a développée est à l'effet qu'un CISSS devrait autant
que possible, mais ce n'est pas toujours possible... Par exemple, ce n'est pas
possible en Gaspésie. Est-ce que ce serait...
La pensée voulait que, le plus souvent possible, on puisse avoir dans le CISSS
la chaîne complète, de la première ligne jusqu'à une certaine forme de
tertiaire. Tout le monde ne peut pas avoir un hôpital universitaire, on
s'entend, mais qu'il y ait quand même un hôpital...
Je vous donne
un exemple, là. Chicoutimi, là, l'Hôpital de Chicoutimi, c'est un hôpital qui a
son équivalent dans le réseau universitaire, là. Ce n'est pas un centre
officiellement, totalement affilié à une université, même s'il y a des activités académiques, il n'en reste pas moins que
c'est un hôpital qu'on peut considérer de ce niveau-là. Il se fait de la
chirurgie cardiaque, il se fait de la
neurochirurgie et il se fait tout le reste dans cette région-là. Et on a essayé
de faire en sorte que, tous les
CISSS, lorsque possible — puis c'est presque possible partout — il y ait cette chaîne-là au complet.
Êtes-vous confortable avec ce concept-là?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Avec ce concept-là, oui, dans la mesure où — et
c'est ce qui nous semble être prévu — les
corridors de services seront facilités, justement, pour la deuxième et la
troisième ligne notamment. Et, bien,
avec 28 établissements, c'est certain que ce sera plus facile qu'avec
182. Mais encore une fois, c'est l'imputabilité qui est clarifiée, mais il faut vraiment s'assurer... Ça devient lourd à gérer. Donc,
l'écran radar est très alerte pour mesurer l'écart entre ce qui est
prévu et l'impact sur les services.
M.
Barrette : Et je ne peux pas
m'empêcher de revenir, parce que vous y revenez vous aussi, puis je pense qu'il
faut y revenir aussi : L'imputabilité, vous, là, pratiquement, vous la
voyez jusqu'où? Jusqu'où ça doit aller, l'imputabilité? L'optique du projet de loi n°10, c'est de faire en sorte que le ministère
donne des orientations et que les gens qui sont dans la gestion gèrent,
mais de façon imputable. Mais imputable, en pratique, surtout vous qui le voyez
de l'autre bord, là...
Vous preniez
tantôt l'exemple du contrôle de la qualité. Moi, je peux vous dire que vous
avez bien raison. Je peux vous dire que, dans notre réseau, là, du contrôle de
la qualité, il s'en fait, mais pas à la tonne. Puis on pourrait améliorer
bien des choses. Alors, à un moment donné,
l'imputabilité, ça veut dire que techniquement il y a une sanction au bout, là,
quand les choses qui sont demandées ne sont pas livrées. Comment vous voyez ça?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Bien, moi, je vois que, dans le
fond, l'imputabilité, c'est ce qui fait en sorte que le gestionnaire ou
la personne responsable doit s'assurer que ce qui est dû au citoyen, ce qui est
annoncé dans les programmes et services est livré et que, si ce n'est pas le
cas — parce
qu'il peut y avoir de très bonnes raisons pour lesquelles on n'arrivera pas à le faire — on sonne l'alarme rapidement là où on doit
rendre des comptes, souvent ça va être chez
le ministre, avec la nouvelle réforme, pour indiquer, pour regarder les mesures
qui doivent être prises pour trouver des solutions.
Alors, dans
le fond, le meilleur signe que l'imputabilité est correctement exercée, c'est
quand celui qui est imputable est
capable de dire : J'en suis là dans l'atteinte des objectifs, dans la
livraison des services, et voici que je vais atteindre mon objectif ou que je ne l'atteindrai pas. Et je
vous dirais que, pour mieux mesurer l'imputabilité, chaque année, il faudrait
aller jusqu'à demander des indicateurs de
performance différents dans certains rapports annuels. Parce que je regarde les
rapports annuels des agences, et souvent ce
sont les rapports d'activités et ça démontre ce que l'agence a fait, mais ça ne
démontre pas quel a été l'impact sur la
prestation des services qui étaient annoncés et ce qui doit être fait pour
améliorer cet impact-là.
M. Barrette : Il me reste moins de
temps. Il me reste à peu près quatre minutes, M. le Président, je dirais?
Le Président (M. Tanguay) : À peu
près. Trois... oui, quatre minutes.
M.
Barrette : J'aimerais ça aborder deux sujets rapidement, Mme
Saint-Germain. Vous avez abordé deux éléments, les régions
universitaires comme Sherbrooke et la Capitale-Nationale. Est-ce que vous
croyez que l'hôpital purement universitaire devrait être séparé du reste ou il
devrait être intégré dans un CISSS ou non?
Et l'autre
élément, là, c'est comme l'élément de la quadrature du cercle que vous avez
abordé, j'aimerais ça vous entendre — peut-être terminer là-dessus, parce que ça
peut être une réponse d'une heure, là. Vous avez parlé du panier de
services. Vous voulez dire quoi exactement par ça, quand vous l'abordez, ce
sujet-là?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : O.K. M. le Président, sur le premier
point : Est-ce que les hôpitaux universitaires
de la Capitale-Nationale et de l'Estrie devraient être intégrés?, je n'ai pas
la réponse. J'ai plus soulevé la question
parce que, contrairement à toutes les autres régions, si on exclut Montréal, ce
sont les deux seules régions qui ont
des hôpitaux universitaires qui vont être appelés à travailler en corridor de
services, et, dans le fond, j'ai plus envie de retourner la question au ministre en disant : Pourquoi vous avez
fait ces exceptions-là pour eux, alors qu'on aurait pu leur donner ce statut particulier? Ça fait partie
de ce qui doit être sur l'écran radar. À mon avis, il y a peut-être là un
risque à gérer dans la transition... ou il y a certainement là un risque
de gérer...
Ce que
j'entends par le panier de services, M. le Président, c'est... Vous savez, à
l'origine, le régime universel, on a
annoncé des services précis qui sont couverts par la Régie de l'assurance
maladie dans la mesure où évidemment... on dit toujours : Dans la mesure où les ressources sont
disponibles. Ces services-là du panier de services, ils sont aussi annoncés dans des politiques du ministère, dans
des programmes. Et, dans la réalité — c'est ça qu'on appelle le panier de services — et, dans la réalité, on se rend compte que
de plus en plus, souvent sur une base locale, même pas régionale, mais aussi régionale, parce qu'il y a eu des dépenses ou il
y a eu des budgets qui sont différents, on va gruger sur ces services-là ou, avec le temps, on les effrite, on
trouve des modes de dispensation qui vont être différents, mais qui vont,
dans certains cas, faire que des citoyens
vont assumer des frais et d'autres pas, notamment par le recours à des
cliniques privées. Et je veux être
bien claire, le Protecteur du citoyen ne s'oppose pas du tout au recours à une
prestation de services qui soit faite
par des cliniques privées dans la mesure où ça demeure à l'intérieur du régime
universel et dans la mesure où c'est transparent et où c'est équitable
pour tous les citoyens.
Alors, pour
moi, en termes clairs, le panier de services, c'est ce qui est prévu à la loi,
annoncé dans les programmes, les politiques,
les orientations du ministère. Prenons les services de soutien à domicile. On sait très bien que la
stratégie pour désengorger les
urgences, désengorger aussi les hôpitaux, où il y a des moindres coûts, et
éviter, entre autres, l'hospitalisation
des personnes âgées en CHSLD, d'y aller le plus tard possible, c'est des
services de soutien à domicile, qui,
jusqu'à maintenant, relèvent beaucoup des CLSC, mais, dans la réalité, on n'a
pas mis suffisamment de ressources pour
faire en sorte que ces services soient offerts de manière à atteindre les
objectifs hospitaliers qu'on a. Donc, tout ça, c'est une question d'équilibre. Alors, concrètement, dans les services
de soutien à domicile, il y a un effritement important du panier de
services.
Je pourrais
vous donner l'exemple de la santé mentale, les jeunes et aussi, tiens,
l'exemple en réadaptation, les jeunes
qui ont des besoins des services de centre de réadaptation physique et
intellectuelle à la fois. Ce sont deux silos, les CRDI, les CRDITED, ce sont des silos très importants. On ferme le
dossier en déficience physique lorsqu'il y a une demande en déficience intellectuelle pour la même personne. Alors, ça,
voyez-vous, pour moi, c'est plus qu'effritement du panier de services, c'est le retrait de certains services à des
conditions qui ne sont pas prévues par le ministère, qui ne sont pas prévues dans les programmes, mais qui
deviennent, dans les faits, pour des enjeux de gestion budgétaire, des
décisions locales, mais qui créent des inéquités et un effritement du panier de
services.
• (14 h 40) •
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met précisément
fin à la période d'échange de 23 min 30 s. Je cède
maintenant la parole à notre collègue députée de Taillon pour un bloc de 14
minutes.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Saint-Germain, M. Dussault et M.
Clavet. Merci, effectivement, pour votre mémoire, pour votre présentation, qui
font une analyse très précise de différents enjeux. Et vous êtes les
premiers aussi à aborder certains enjeux sur lesquels j'aimerais vous entendre.
Je commencerais, en fait, par votre conclusion,
où vous dites maintenir...un des objectifs, dans le fond, et des priorités du ministre et du ministère de la Santé actuellement devraient être de maintenir et d'améliorer la
prestation de services au plan de l'accessibilité, de l'équité et de l'efficience. La préoccupation qu'on a, c'est
que beaucoup de gens constatent
l'ampleur de cette réforme, et on n'entend pas le ministre, parallèlement à l'évolution du projet
de loi n° 10, nous exprimer de
quelle façon transitoirement — parce que c'est une transition qui peut
durer un an, deux ans, trois ans — il va
prendre d'autres actions concrètes pour améliorer l'accessibilité qui fait
défaut, maintenir également... assurer mieux l'équité.
Et vous
citez, dans votre présentation, le dossier des frais accessoires, par exemple,
pour lequel le ministre s'est souvent
opposé, et, pour l'instant, on n'entend plus rien, là, au sujet des frais
accessoires. Et votre exemple, je le cite, là : 40 $ pour
l'application d'un pansement, 100 $ pour l'application des gouttes dans
les yeux. On entend ça, là, les citoyens nous en parlent régulièrement.
Alors, le projet de loi n° 10 semble paralyser toute autre initiative sur
l'accessibilité, l'équité et l'efficience. Quelles
recommandations vous nous donneriez pour assurer qu'on ait quand même des
actions concrètes qui se positionnent en attendant la mise en place de
toute cette réforme?
Mme Saint-Germain
(Raymonde) : D'une part, il m'apparaît très important qu'il y
ait une directive claire du ministre
à tous les conseils d'administration, aux présidents-directeurs généraux des
CISSS, à l'effet que, pendant cette période
de transition, les programmes et les services demeurent à moins qu'une décision
formelle soit prise à ce niveau-là. Et,
en même temps, la responsabilité première de l'établissement de chacune des
régions, là, exclusion faite de Montréal, devra être de continuer de dispenser les services. Et il ne faut pas
que cette réforme-là donne lieu à, comment
dire, une mise à côté de la priorité à la dispensation des services.
Alors, ça, c'est vraiment, donc, très important.
En plus, je
pense qu'il faut s'assurer qu'au niveau des conseils d'administration les
enjeux de qualité des services, la nomination, entre autres, des commissaires,
du commissaire régional aux plaintes et à la qualité des services et de
ses commissaires adjoints, ça devra
continuer de se faire et dans un délai très raisonnable. Et il ne faudra pas...
Il faudra qu'on soit très près, en
d'autres termes, de ces gens-là pour mesurer ce qui est l'écart entre ce qui
devrait être en termes de qualité et la réalité sur le terrain.
On a parlé
des délais. Autant il ne faut pas que cette réforme-là se fasse sur des années,
autant il faut que le plan de
transition, le plan de mise en oeuvre soit très rigoureux, très réaliste et
qu'il soit connu de tous les intervenants parce qu'il n'y a rien de
pire, dans des situations comme celle-là, que le manque d'information, que
l'absence d'un plan qui permet aux gens de mettre l'épaule à la roue en
sachant où on s'en va. Donc, c'est une autre dimension qui est très importante, le plan de transition, le fait qu'il
soit connu et aussi l'accompagnement — très important — aux changements qui vont se faire. Notamment, au niveau de la
gestion des effectifs, on voit que — et ça, on peut le comprendre — c'est une des façons de faire des économies, donc, de diminuer les coûts de
gestion du réseau. En même temps, c'est des humains qui vont être touchés. Tous ne prendront pas leur
retraite ou n'étaient pas sur le point de prendre leur retraite. Alors, cette
gestion-là, sur le plan humain, des impacts va être aussi vraiment très
importante.
Quant à l'effritement
du panier de services, je veux juste ajouter : En théorie, du moins, la
vision derrière cette réforme-là, elle paraît quand même intéressante
sous l'angle d'économies à faire dans des processus lourds, dans une organisation trop lourde.
Et, à terme, normalement, ça devrait permettre d'avoir plus d'investissements
dans les services et moins d'investissements dans le coût de
dispensation de ces services-là. Si on prend des exemples, comme une liste d'attente régionale, une carte d'identification
régionale, une capacité d'avoir une plus grande fluidité entre les services,
notamment la fusion entre les CRDP et les
CRDI, ce qu'on peut voir dans le dossier TED, si c'est bien géré, en soi, c'est
une source d'intégration. Alors, je dirais,
il y a plusieurs facteurs qui influencent une amélioration de la prestation et
de l'impact des services, et ça tourne beaucoup autour de la qualité de
la transition.
Mme Lamarre : Alors, c'est certain
que, tout comme vous, j'adhère à l'importance de l'imputabilité et de la reddition de comptes, mais il me semble que, dans
l'état actuel de nos structures, il y avait quand même place — et je pense que, dans vos rapports, vous l'avez souvent évoqué — à ce qu'il y ait amélioration de
l'imputabilité et de la reddition de comptes. Alors, on demande un peu aux gens
de faire un acte de foi à l'endroit d'une nouvelle structure qui va
déstabiliser pendant un bon bout de
temps tout notre système sans qu'on ait pu se donner la chance, dans le fond,
de répondre à ça.
Mais je ne
veux pas vous entendre trop sur ce dossier-là, je pense que vous avez raison.
Et j'aime beaucoup votre recommandation.
Donc, ce que vous demandez et ce qu'on pourrait déjà dire qu'on demande au
ministre, c'est un plan de transition détaillé qui prenne compte de la
gestion des risques identifiés, mais aussi qui indique les répercussions financières, parce que, pour l'instant, on a
évoqué seulement, et vous avez raison, le tableau de 220 millions
d'économies. Vous avez vu que, dans ça, il y a un 20 millions de
santé publique qui est retiré à toutes les régions et recentralisé. On n'est pas sûrs de l'impact de ça, mais les
répercussions financières... il y a des coûts à cette réforme-là, et ils ne
sont jamais présentés. Donc, vous demandez qu'il y ait dans le plan de
transition une évaluation aussi des répercussions économiques.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Effectivement, au-delà des
évaluations qui sont plus comptables au niveau des effectifs, à mon avis, il faut aussi une évaluation des coûts
économiques, parce qu'il y a des investissements à faire pendant la
réforme pour s'assurer qu'elle sera bien implantée. Alors, ça compte aussi.
Par contre,
M. le Président, je voudrais apporter une précision à ma réponse précédente. Il
ne faut pas oublier que les révisions à l'organisation et la gouvernance
n'abolissent pas les installations locales. Peut-être qu'au fil du temps, on
verra à en fusionner, ça, c'est autre chose,
mais les services de proximité demeurent. C'est certain qu'un seul
établissement par région ne veut pas
dire qu'on abolit les installations qui dispensent des services de manière...
sur le plan local. Ça, c'est vraiment important de garder ça en tête,
là.
Mme
Lamarre : Mais simplement, au niveau du conseil des médecins dentistes
et pharmaciens... Donc, pour le grand
public qui nous écoute, les établissements ont un regroupement de médecins,
dentistes et pharmaciens dont la responsabilité
est de s'assurer aussi de qualité des actes qui sont posés dans les hôpitaux,
par exemple, dans l'hôpital où on va.
Là, on comprend qu'on n'aurait qu'un seul mégagros CMDP qui serait responsable
d'évaluer la qualité de l'acte dans
tous les hôpitaux du territoire, si je pense à la Montérégie, des hôpitaux, donc,
entre Vaudreuil-Soulanges et Contrecoeur, incluant tous ceux de Longueuil, et là, on se dit : Pour les
participants, pour les médecins qui participent, les pharmaciens, les
dentistes, comment faire entendre leurs voix?
Et, les
expériences où il y a eu des fusions de ces CMDP, tous les médecins qui
ont eu à gérer ces fusions, d'abord
ils n'étaient pas nombreux à vouloir prendre
cette responsabilité-là, mais ils évoquaient le fait qu'avec justesse
chaque personne veut le mieux pour
son petit sous-établissement ou son établissement local et donc qu'il y avait énormément de temps qui était passé non pas à s'assurer de la qualité de l'acte,
mais bien à tout simplement gérer la conciliation de tous ces besoins
pertinents mais parfois très différents et difficiles à prioriser.
Alors,
comment vous voyez, au niveau de la qualité... Je sais que vous êtes très
sensible à la qualité des soins. Comment
vous voyez que ces grands CMDP vont pouvoir répondre mieux dans le contexte
prévu au projet de loi n° 10?
• (14 h 50) •
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Bien, je pense, M. le
Président, que l'imputabilité, on en
a parlé, va incomber aux membres des
CMDP de s'assurer que leurs confrères et consoeurs dans les établissements concernés sont bien consultés. Ce sera à eux... On parle d'imputabilité, mais ça ne va pas jusqu'à
définir tous les modes de consultation interne. Donc, ce sera à eux de se doter de façons de faire qui vont faire en sorte que
le CMDP régional sera vraiment en mesure de rendre compte sur une base régionale de la nature des
problématiques. Et, dans certains cas, je dois dire avec respect, je ne suis pas certaine que les problématiques locales sont à
ce point disparates pour qu'on ne puisse pas, si on a une vision d'ensemble
au niveau régional, qu'on ne puisse pas justement faire le point et trouver les
solutions qui s'imposent.
Ce que l'on constate, au Protecteur du citoyen,
trop souvent, présentement, c'est justement qu'au niveau des décisions qui doivent se prendre par les agences,
donc niveau régional, on n'a pas une vision suffisamment adéquate et
il y a trop de silos entre les instances locales et les instances régionales.
Alors, sur ce plan-là... Et je comprends qu'il y a des risques et que
ça ne se fera pas du jour au lendemain, mais, à mon avis, ça dépend de la
qualité des modes de travail que vont
se donner les CMDP et, je dirais, de la bonne volonté de tous les membres au
sein des installations de se
concerter. Alors, je pense que, oui, il y a des défis, mais qu'ils ne
sont pas insurmontables.
Mme
Lamarre : On parle quand même de CMDP qui risquent d'avoir entre 1 600 et 2 000 membres maintenant.
Alors, c'est ça, ça va être quand même un grand défi, mettons.
Un des
éléments aussi sur lequel vous attirez l'attention, c'est l'article
161 du projet de loi n° 10, qui, tel que libellé, donne au ministre, dans le fond, la possibilité de se soustraire à
l'obligation de publication et au délai d'entrée en vigueur.
Là encore, pour ceux qui nous écoutent, je
dirais qu'il y a une structure qui fait qu'il y a
des étapes avant l'adoption d'un projet de loi
qui permettent aux gens, au grand public et à tous les organismes de prendre
connaissance de la dernière version ou des
versions en évolution d'un projet de loi, surtout de cette ampleur-là. Et, par
l'article 161 du projet de loi n° 10, le ministre, dans le fond, se donne l'autorisation de transgresser à
cette obligation-là. Ça m'apparaît être très, très rare. Est-ce que vous pouvez me donner votre avis sur
cette autorisation, là, qu'il semble s'être autoadministrée dans le projet
de loi n° 10?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : En fait, ça s'est fait de plus en
plus au cours des dernières années, par une technique de légistique, qu'on soustraie un règlement pris par le
gouvernement de la prépublication et donc de la consultation des citoyens. Dans ce cas-ci, cette technique est
à nouveau utilisée. Et, à mon avis, c'est d'autant plus important de modifier,
d'amender cet article-là que, puisque les...
il y aura de moins en moins d'instances de consultation, les CISSS vont avoir
une responsabilité, une imputabilité très
grande au niveau régional, il me semble qu'à mon avis ce serait une autre façon
de s'assurer de la consultation des citoyens
et de la consultation de toute personne intéressée qui a, à des fins
constructives, au fond, des
recommandations à faire lorsque les règlements sont publiés. Alors, pour moi,
c'est très important et ça s'inscrit dans,
je dirais, les écueils qui sont à éviter, c'est-à-dire celui de ne pas tenir
compte du point de vue des gens qui sont les utilisateurs du réseau ou de ceux qui ont une expertise et qui
voudraient l'exprimer dans l'exercice de la gouvernance de ce réseau-là.
Alors,
à mon avis, ça peut sembler technique comme recommandation, mais, dans la
plus-value, la valeur ajoutée que ça
pourrait avoir pour le gouvernement et pour le ministre, c'est une disposition
qui devrait être abrogée, et tous les
règlements devraient être prépubliés, d'autant plus que, s'il y avait une situation
d'urgence, la Loi sur les règlements prévoit
qu'on peut réduire les délais de publication et qu'on peut même procéder par
exception dans la mesure où on le justifie. Alors, je pense que c'est
une recommandation que je maintiens.
Mme
Lamarre : Alors, on espère
que le ministre l'entendra. Et donc, pour... Je partage aussi...
À la lumière de votre rapport, vous
aviez évoqué quatre de vos recommandations sur six qui concernaient les problèmes de santé
mentale, et j'entends bien votre préoccupation, et on la perçoit, et on la reçoit bien aussi de la part des organismes
qui s'en inquiètent, donc s'assurer
de la juste part entre le soutien aux personnes avec un problème de santé
mentale par rapport aux grandes technologies.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, Mme la députée de Taillon. Je cède maintenant la parole au député de La Peltrie pour un bloc de
9 min 30 s.
M.
Caire : Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. Mme la Protectrice, je
voudrais aborder avec vous les questions
de gouvernance et de participation citoyenne. J'ai trouvé très intéressante votre
présentation, puis, à certains égards, je suis assez d'accord avec les
constats que vous faites.
Par contre,
au niveau de la définition des conseils
d'administration, un des éléments qui
ont été avancés, auquel je souscris,
je dois le dire d'emblée, c'est la possibilité que le critère de compétence ne soit pas
nécessairement le premier critère.
Quand on pense que le ministre a le pouvoir de désigner tout le monde, il y a cette espèce de crainte qu'un changement de ministre amène un changement
aussi à ce niveau-là, qui est peut-être moins souhaitable non seulement sur des bases qui sont moins souhaitables, mais sur le
fait qu'on a aussi une certaine stabilité, là, qui ne serait pas là, d'une part.
D'autre part, vous avez aussi dit : Ce serait intéressant que le P.D.G.
puisse nommer ses collaborateurs,
notamment son P.D.G. adjoint. Est-ce
qu'il ne serait pas souhaitable, dans le même ordre d'idées, que le conseil
d'administration puisse désigner
lui-même son P.D.G., puisqu'il y a une certaine forme d'imputabilité,
normalement, d'un P.D.G. envers son conseil d'administration et du conseil
d'administration envers le ministère?
Donc, j'aimerais vous entendre peut-être un peu
plus là-dessus.
Mme Saint-Germain
(Raymonde) : En fait, je vais commencer par l'expertise des
membres des conseils d'administration. Je pense quand même qu'il y a
des balises dans la loi qui font en sorte que le ministre, quel que soit le
ministre, là, ne pourra pas nommer qui il veut sans qu'il ait
eu des recommandations de la part notamment des comités
de gouvernance, là — on
me donne l'article — en
fait, lorsque le président... Bon.
C‘est
l'article 9, en fait. Les représentants devront être...
Les experts devront être nommés par le ministre, mais à partir
des recommandations d'organismes reconnus qui sont spécialisés dans
la gouvernance. Alors là, à mon avis, il y a
quand même déjà une première balise, c'est-à-dire qu'en principe ces organismes-là sont des
organismes indépendants qui auront recommandé des personnes qualifiées en
matière de gouvernance, et ça, ça m'apparaît important.
Sur
la question de l'usager, des usagers, je recommande qu'il y en ait deux plutôt qu'un au conseil
d'administration, donc le maintien de la représentation actuelle,
qui est déjà quand même peu nombreuse, et que le deuxième soit quelqu'un qui
est plus habitué de transiger ou de... expérimenté avec des établissements de services sociaux pour justement prévenir ce
déséquilibre, justement, entre tout ce qui est médical, hospitalier
versus les importants services en santé et services sociaux.
Par ailleurs, votre question, vous dites : Est-ce que ça devrait être le conseil d'administration plutôt que le ministre? Vous savez qu'avant la réforme de 2005 c'était quand même
le ministre, sur recommandation d'un comité, qui nommait les présidents-directeurs
généraux des agences de la santé. À mon avis, ce n'était pas une mauvaise
formule. J'ai un peu de difficultés,
s'agissant d'un réseau public, à faire davantage confiance à des conseils
d'administration non élus par la population
plutôt qu'à un ministre qui, lui, est... c'est un député, il est élu par la
population, le premier ministre juge qu'il a les qualités pour être un ministre de la Santé. Donc, en ce qui me
concerne, ce n'est pas incompatible avec une gestion adéquate.
Et je pense qu'il y a
suffisamment de balises dans la loi pour faire en sorte que les membres des
conseils d'administration seront des gens
experts parce que c'est vraiment une approche de nomination d'expertise plus
représentation des usagers. Et, à mon avis, s'il y avait vraiment des
nominations qui ne répondent pas aux critères
d'expertise, bien c'est qu'on aurait un problème d'imputabilité, là, du
ministre parce que les balises sont quand même dans la loi sur ce
plan-là, à mon avis.
• (15 heures) •
M.
Caire :
Je me permets peut-être de signaler
que vous avez raison sur le fait qu'il
y a un comité d'experts qui soumet au ministre un certain nombre de candidatures. Mais il est
aussi précisé que, si le ministre n'est pas d'accord avec la liste, il peut passer outre. Est-ce que
ces dispositions-là devraient être retirées du projet de loi et s'en tenir à la liste du
comité d'experts?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Sur ce plan-là, je dirais qu'on n'a pas manqué d'excès de prudence,
alors qu'il y a d'autres risques aussi à gérer. C'est une
précision effectivement dans la loi qui suscite des interrogations. Ce serait intéressant d'entendre pourquoi elle est là. Mais
c'est vrai que c'est une précision très pointue et que normalement, avec
le nombre aussi, c'est un minimum de quatre noms, donc ça pourrait
effectivement être suffisant.
M.
Caire :
O.K. Dans un autre... bien, dans la même continuité, vous parlez de
l'importance d'avoir les comités d'usagers,
qui jouent un rôle important au niveau de la nouvelle structure. J'en suis.
Maintenant, là où je me questionne, c'est :
Des CISSS qui vont couvrir un très grand territoire, comment on peut
orchestrer, organiser les comités d'usagers pour qu'ils soient significatifs quand même au niveau local, favoriser
la participation citoyenne — et question à développement, vous le
comprendrez — et
comment on peut les intégrer à la structure de gouvernance pour qu'ils soient
plus que des spectateurs avisés, là?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : M. le Président, je veux apporter
une précision. Je n'ai pas parlé des comités de résidents parce que c'est clair qu'ils seront maintenus. Dans le cas
des comités d'usagers, c'est quand même moins clair, c'est une préoccupation effectivement très importante pour le
Protecteur du citoyen, et c'est pourquoi j'ai souligné, entre autres, que ce sera important que les
regroupements d'usagers qui existent actuellement et qui justement permettent
de favoriser les liens entre les usagers des
divers établissements des diverses régions puissent continuer de travailler. Ce
sont des regroupements aussi qui aident à la
formation des comités d'usagers et qui reçoivent une aide du ministère pour
pouvoir se concerter. Alors, ça, ça m'apparaît une dimension importante. En
même temps, les deux représentants des usagers
qui seront au conseil d'administration des CISSS, effectivement, ce sera
important qu'ils puissent avoir accès à ces regroupements, à ces comités
pour pouvoir avoir le son de cloche du terrain. Alors, maintien effectivement
des regroupements des comités d'usagers et des comités de résidents.
M.
Caire :
Parce que, dans des grands territoires, on comprend que les comités d'usagers
sont constitués de gens qui sont
essentiellement bénévoles, qui veulent s'impliquer dans leur communauté. La
question que je me posais, c'est : Est-ce qu'il n'y a pas un danger? Parce que, dans le réseau, c'est des
gens qui travaillent à temps plein, c'est plus facile de se réseauter dans ce contexte-là que quand on
fait ça de façon un peu... à temps partiel, comme implication sociale. Donc, quels outils on pourrait leur donner, selon
vous, aux comités d'usagers, pour s'assurer que ce sont quand même des réseaux qui sont solides, bien structurés, où
l'information se véhicule bien, surtout dans des très grandes structures,
et où on est capable, là, de leur donner
vraiment la capacité d'assumer pleinement leur rôle de chien de garde des
usagers?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Alors, en plus du maintien de leur
regroupement actuel au niveau du Québec, qui leur permette d'avoir accès à de la formation en commun, des
pratiques communes, différents dossiers, par exemple, pour accompagner un plaignant, on y fait référence
au paragraphe 45 de notre mémoire, mais sans donner, je dirais, autant de solutions précises, là, que peut-être elles
seraient requises. Mais ce qu'on soulève, c'est que le projet de loi pourrait
créer, par exemple, un comité régional qui
regrouperait tous les comités des points de service, des sous-comités d'usagers
dans chacune des installations ou encore
diviser les territoires en zones de comités d'usagers. Ce sont des moyens
possibles.
Mais on pense
que, dans le plan de transition, il faudrait proposer des moyens qui
permettraient plus concrètement cette
participation démocratique des usagers, là, au système public. Et auparavant on
soulignait qu'effectivement, sur ce
plan-là, je pense que les architectes de la réforme, là, pourraient être plus
précis et plus concrets. Parce
qu'encore une fois c'est une façon, autant pour le ministre que pour les
conseils d'administration et le président-directeur général, d'avoir le
pouls de la population et, dans certains cas, de rectifier le tir au fur et à
mesure que des problèmes se présentent,
avant que ça se développe et que ça devienne beaucoup plus gros. Donc, question
pertinente et réponse, j'en suis
consciente, plus générale. Mais, effectivement, il y a un soutien plus grand à
apporter pour une meilleure concertation des comités d'usagers.
M.
Caire : Vous êtes
d'accord qu'il y a une réflexion à poursuivre de...
Mme Saint-Germain (Raymonde) :
Oui, oui.
M.
Caire :
Je vais aussi... Vous avez amené la notion des entités qui deviennent trop
grosses. On a entendu, la semaine
dernière, quelqu'un qui est venu nous dire que la littérature disait qu'au-delà
de 100 000 une structure perdait de
son efficacité au niveau administratif. Vous amenez le chiffre de 500 000.
Bon, vous avez parlé d'études, mais j'aimerais ça vous entendre peut-être un peu plus précisément
là-dessus. Parce qu'effectivement, même si le chiffre est différent il y a quand même une préoccupation de voir des
structures qui, dépassé une certaine taille, deviennent inefficaces. Et donc
je comprends...
Le
Président (M. Tanguay) : Malheureusement, le temps est écoulé. Je vais
vous laisser 10 secondes peut-être pour rapidement répondre, si vous
voulez répondre.
M.
Caire :
Déjà?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : En fait, je vais... On va mettre à
la disposition de l'ensemble des membres de la commission nos sources
sur cette question-là...
Le Président (M.
Tanguay) : Ah! Parfait!
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : ...qui sont quand même très
précises. Et le chiffre à nous, effectivement, c'est un demi-million,
500 000.
Le Président (M.
Tanguay) : Bon, alors je vous remercie beaucoup... nous vous
remercions, donc, d'avoir participé à nos travaux.
Et
j'invite maintenant les représentants de l'Université de Sherbrooke à prendre
place, et nous allons suspendre momentanément nos travaux.
(Suspension de la séance à
15 h 6)
(Reprise à 15 h 9)
Le Président (M.
Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous souhaitons maintenant
la bienvenue aux représentants de l'Université de Sherbrooke.
Alors,
je vous demanderais de bien vouloir vous présenter, ainsi que ceux qui vous
accompagnent. Et par la suite vous
disposerez d'une période de 10 minutes pour votre exposé, et après s'ensuivra
un échange. Alors, la parole est à vous.
Université de Sherbrooke (UdeS)
Mme
Samoisette (Luce) : Merci beaucoup de nous recevoir pour qu'on soit en
mesure de vous faire part de nos commentaires
sur le projet de loi n° 10. Je suis Luce Samoisette, rectrice de
l'Université de Sherbrooke. Je suis accompagnée de Pierre Cossette, doyen de la Faculté de médecine et des sciences de
la santé, et Alain Webster, entre autres, vice-recteur aux relations
gouvernementales, avec d'autres fonctions aussi.
• (15 h 10) •
Alors,
allons-y d'entrée de jeu. En fait, le titre de notre mémoire résume l'essentiel
de notre objectif. Pour nous, il est
en effet essentiel de maintenir la qualité des soins offerts à la population de l'Estrie, de la Montérégie, du Saguenay—Lac-Saint-Jean et du Centre-du-Québec en préservant des liens fructueux existant entre
les secteurs de la santé et l'éducation supérieure. Nous souscrivons aux
objectifs généraux du projet de loi n° 10. Cependant, ce projet de loi
n'aborde pas spécifiquement la question de l'arrimage entre le secteur
de la santé et celui de l'enseignement supérieur, et les changements de
gouvernance proposés pourraient avoir un impact à ce niveau.
Il importe de
préciser certains éléments afin de préserver et de consolider des
collaborations exemplaires qui participent à
la qualité des soins ainsi qu'à la préparation de la relève des professionnels
de la santé. Il s'agit d'optimiser l'utilisation
des fonds publics pour les deux grandes missions gouvernementales, soit la
santé et l'éducation. Bien que la
Faculté de médecine et des sciences de la santé soit la faculté de l'UdeS la
plus engagée avec le réseau de la santé et de son RUIS, il ne faut pas oublier que plusieurs autres facultés
collaborent à la formation des spécialistes avec un ou plusieurs établissements. Par exemple, notre Faculté des
lettres et sciences humaines intervient avec les stagiaires en psychologie et service social, notre Faculté de droit
intervient également, en plus de notre Faculté d'éducation physique et
sportive, la Faculté de génie, Faculté des sciences et également la
Faculté d'administration.
Ce déploiement
académique s'est avéré également un puissant moteur de recrutement et de
rétention de la main-d'oeuvre médicale et
professionnelle des établissements partenaires, toujours au bénéfice des
populations desservies. Toutes ces
collaborations s'appuient sur des contrats d'affiliation. Elles s'accompagnent
de représentations appropriées dans
la gouvernance de ces établissements, de nominations concertées dans les postes
clés de gestion et de mécanismes de direction et de coordination locale
de l'enseignement universitaire.
Comme
ses partenaires, l'UdeS propose à la commission parlementaire des modifications
qui viendront soutenir les objectifs
du projet de loi. Nous voulons en plus préserver et accroître la contribution
des milieux universitaires à la qualité des soins et à l'amélioration de
la performance globale du système de santé et services sociaux québécois.
Je
vais maintenant laisser la parole à notre doyen de la Faculté de médecine et
des sciences de la santé pour vous parler plus amplement des
recommandations que nous faisons.
M. Cossette (Pierre) :
Merci, Mme la rectrice. Donc, nous vous présenterons quatre enjeux avec les
recommandations qui en découlent. Le premier enjeu qu'on voit, c'est
qu'il importe de préserver les liens fonctionnels au niveau de la gouvernance entre les institutions d'enseignement
et de santé. À cet effet, l'Université de Sherbrooke recommande d'octroyer
deux sièges pour les représentants
universitaires au C.A. des CISSS qui comprennent des établissements désignés
CHU, CHA ou institut.
Nous
recommandons que le mode de désignation des représentants universitaires au
conseil d'administration de ces établissements
soit modifié de façon à ce que les universités puissent elles-mêmes désigner
leurs représentants, sous réserve de l'approbation du ministre.
Nous
recommandation aussi d'établir des mécanismes formels de consultation lors de
la nomination des P.D.G. et P.D.G. adjoints de ces mêmes établissements
afin d'établir le profil requis, évaluer les candidatures et contribuer à la
rédaction des éléments pertinents du mandat.
On
recommande aussi de reconduire toutes les dispositions pertinentes des contrats
d'affiliation en place avec les établissements intégrés aux CISSS,
incluant la nomination de directions de l'enseignement dans les installations désignées CHU ou/et CHA et la création de
mécanismes de coordination de stages dans les CISSS nouvellement constitués.
C'était pour notre premier enjeu.
Deuxième
enjeu, il s'agit de reconnaître, valoriser et développer le pôle central de
Sherbrooke et de le doter des moyens
pour remplir sa mission, soutenir la présence des programmes de formation qui
s'y trouvent et appuyer les soins de la fine pointe qui y sont associés.
Conséquemment, l'Université de Sherbrooke recommande :
Pour le réseau de la
santé québécois, la création d'une catégorie distincte de CISSS qui sera
reconnue comme centre intégré universitaire
de santé et de services sociaux, qui seraient des CIUSSS. Seul un CISSS
intégrant un CHU désigné en vertu de
l'article 88 de la Loi de la santé et des services sociaux peut obtenir ce
statut. Notre mémoire présente la
mission proposée des CIUSSS, mais, par faute de temps, on pourra y revenir si
vous avez des questions, mais ce à quoi pourrait ressembler une
désignation de CIUSSS.
Considérant
qu'on pourrait avoir cette désignation-là, nous recommanderions, pour l'Estrie,
la reconnaissance d'un CIUSSS qui
comprendra l'ensemble des établissements de la région, et plus spécifiquement
un centre hospitalier universitaire,
un centre de réadaptation affilié et l'Institut universitaire de gériatrie. Ça
comprendrait aussi la désignation du
CIUSSS Estrie comme institut universitaire de première ligne; l'élargissement
de la base populationnelle au territoire des Cantons-de-l'Est, incluant
les territoires des CSSS La Pommeraie et Haute-Yamaska; l'intégration des CSSS
du Centre-du-Québec, soit Drummondville et le CSSS Arthabaska-Érable de
l'Estrie, de manière à assurer les masses critiques
nécessaires pour maintenir les programmes de formation spécialisés et
surspécialisés et les corridors d'enseignement; le maintien des ententes de corridors de services déjà conclues avant le
projet de loi n° 10 et répondant aux besoins de la population
desservie.
L'Université de
Sherbrooke est convaincue que l'Estrie constitue un milieu de premier choix
pour amorcer l'implantation au Québec de ce
nouveau modèle intégré de soins et de services, en association aussi avec la
région du Centre-du-Québec. Nous proposons d'effectuer une démarche
rigoureuse d'évaluation de cette transformation.
Troisième
enjeu : favoriser la gestion de l'arrimage santé-éducation en Montérégie
et permettre la poursuite du développement
de la mission universitaire à Charles-Le Moyne et à son centre de recherche. À
ce chapitre, l'Université de
Sherbrooke recommande de subdiviser le territoire de la Montérégie en fonction
des territoires d'enseignement et des corridors
naturels de services, principalement primaires et secondaires. Cela se traduirait
par les modifications suivantes : regrouper
les CSSS et leurs territoires, Champlain, Charles-Le Moyne, Pierre-Boucher,
Richelieu-Yamaska ou Haut-Richelieu—Rouville et Pierre-De Saurel dans un CISSS; de
rattacher les CSSS Haute-Yamaska et La Pommeraie au CIUSSS de l'Estrie, comme
mentionné plus tôt; et de regrouper les CSSS de la région ouest et sud dans un
CISSS rattaché au RUIS de l'Université McGill, donc Jardins-Roussillon... On
pourra revenir si vous avez des questions sur le modèle.
Deuxième point, nous
recommandons de maintenir la désignation universitaire de Charles-Le Moyne et
les mécanismes de gestion prévus au contrat
d'affiliation en vigueur avec l'Université de Sherbrooke, notamment pour sa
direction de l'enseignement et de la recherche.
Troisième
point, de prévoir l'implantation d'un mécanisme de coordination des activités
d'enseignement dans l'ensemble de ce nouveau CISSS, qui comprendra
plusieurs activités d'enseignement dans toutes ses installations.
Quatrième
enjeu. Notre quatrième enjeu, c'est de reconnaître et préserver les avancées
réalisées depuis l'implantation des
réseaux universitaires. En fait, en préambule, avant d'aller directement aux
recommandations, il faut réaliser que, bien avant les RUIS, la Faculté de médecine et l'Université de Sherbrooke
travaillaient en réseau avec un enseignement déployé en centre secondaire. Par exemple, ça fait plus de
30 ans que nous déployons à Drummondville et Victoriaville une variété
de stages de formation.
De
même façon, l'Université de Sherbrooke et son CHUS déployaient des corridors de
services permettant à la population en réseau d'obtenir les soins
surspécialisés de qualité et de constituer les masses critiques qui soutiennent
la formation en CHU et en institut. Bien que l'élaboration de ces ententes
impliquait les agences, elles étaient conclues essentiellement avec des établissements et leur corps médical. Or, ces
établissements seront remplacés par des CISSS. Ça devient un enjeu assez important lorsque le CISSS est dirigé à partir
d'une localisation hors du réseau de l'Université de Sherbrooke.
Donc, l'Université de
Sherbrooke recommande la garantie du maintien du territoire de desserte de
services surspécialisés du territoire du RUIS
de l'Université de Sherbrooke. Elle recommande aussi, dans le cadre de cette
reconnaissance des territoires de RUIS dans
leurs limites actuelles, de confirmer les distinctions nécessaires pour les
réseaux d'enseignement au Saguenay—Lac-Saint-Jean et en Montérégie afin de permettre
le maintien des déploiements actuels des
activités académiques d'enseignement et de recherche qui s'y retrouvent et de
poursuivre le développement pertinent en télésanté et en téléformation,
sur la base du déploiement des RUIS.
Mme
Samoisette (Luce) : Encore une fois, l'Université de Sherbrooke et sa
Faculté de médecine et des sciences de
la santé souhaitent préserver l'arrimage entre le secteur de la santé et celui
de l'enseignement supérieur au bénéfice des populations desservies, un objectif que partage sans aucun doute le
gouvernement. Pour ce faire, la réalisation des recommandations que nous
faisons aujourd'hui est primordiale. Merci de votre attention.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant
passer à la période d'échange pour un bloc de
22 min 30 s. Je cède la parole au ministre de la Santé et des
Services sociaux.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Mme Samoisette, M. Webster, Dr
Cossette, bienvenue. Je dois avouer que je suis agréablement surpris de la présentation, pas surpris dans tous
les sens du terme, vous allez évidemment comprendre pourquoi puis vous le savez sûrement. Mais je
comprends, de votre présentation, que vous allez dans le sens du projet
de loi n° 10, et plus loin.
M.
Cossette (Pierre) : En fait, avec le modèle des CIUSSS, tout à fait.
Donc, c'est une intégration, notamment pour
l'Estrie, qui va dans le sens du projet de loi. Il faut savoir qu'il y avait
déjà des intégrations en cours des plus petits... Parce que l'Estrie est
composée de deux gros établissements de santé puis de plusieurs petits
établissements de santé. Il y avait déjà
plusieurs fusions en cours. Et il y a effectivement, selon nous, un potentiel
d'intégration verticale parce que le
CSSS, IUGS puis ces établissements-là concernent essentiellement la première
ligne, tandis que le CHUS, c'est deuxième,
troisième, quatrième ligne. Donc, on pense qu'il y a un potentiel réel
d'intégration spécifiquement pour l'Estrie. Pour ce faire, par contre,
le bassin de population doit être suffisant pour vraiment tirer profit de ça,
d'où l'importance d'ajouter d'autres CSSS
qui pourraient faire ce même type d'intégration là, première, deuxième ligne
avec sa troisième, quatrième ligne du milieu universitaire.
• (15 h 20) •
M.
Barrette : Donc, je comprends que vous, sur le plan... Parce que vous,
vous êtes clinicien à la base, même si
vous occupez évidemment des fonctions académiques, là, vous êtes un clinicien
de formation. Je comprends que vous voyez
positivement cette intégration-là dans une région comme la vôtre, intégration qui va de la première ligne, évidemment,
jusqu'à la quatrième ligne, qui est
le CHU comme tel, et vous y voyez un avantage. Je ne veux pas mettre des mots
dans la bouche, mais je veux juste...
M. Cossette (Pierre) : ...certainement
du potentiel, en tout cas, un beau potentiel qu'on pourrait réaliser.
M.
Barrette : Donc, dans le
sens contraire, s'il n'y en a pas, il
y a quand même des choses qui
peuvent boiter...
Mme Samoisette (Luce) : On est déjà
en processus. Dans la région de Sherbrooke, ça fait longtemps que les institutions sont en processus pour travailler ensemble et faire une certaine
fusion. Donc, on était déjà avancés à ce niveau-là.
M. Barrette : Vous êtes en train de
me dire que je suis en retard sur vous.
Mme Samoisette (Luce) : C'est vous
qui le dites.
M. Barrette : C'est correct, ça. Ça
ne me dérange pas d'être en retard sur vous, ça permet à certaines autres personnes de comprendre que le projet de loi n° 10 a une plus-value. C'est
déjà quelque chose de positif en soi en termes pédagogiques.
Ceci dit, maintenant qu'on a compris, tout le
monde, qu'il y avait un avantage à faire cette intégration-là, évidemment j'en suis, là, puis je veux vous le
dire, c'est vrai que, vous, à Sherbrooke, je le savais avant, dans mes
fonctions précédentes, et je le note
aujourd'hui, vous avez fait beaucoup, vous avez vraiment beaucoup intégré. Vous
avez été à la base de bien des
avancées en termes d'organisation des soins au Québec. Vous avez été les
premiers à faire un certain nombre de
choses, dont délocaliser, par exemple, là, vous avez été les premiers à
délocaliser les facultés de médecine, et
vous avez été probablement les premiers à aller dans la direction réelle de ce
que voulaient être les RUIS. Dans une certaine
mesure, les CISSS, c'est quasiment les avatars, dans une certaine mesure, ou la
forme évoluée des RUIS, ou plus officialisée,
puis vous avez été les premiers à embarquer là-dedans. Et d'ailleurs je vous en
félicite, c'est quelque chose qui est
tout à fait louable parce qu'à Sherbrooke vous avez réussi à éviter les écueils
ou les problèmes de compétition entre le
très universitaire et le très première ligne. Et ça, c'est normalement le but
d'un système de santé puis c'est à votre honneur.
Maintenant,
quand je regarde... pas quand je regarde, mais, quand j'écoute votre
présentation, je suis obligé de constater... — puis là, corrigez-moi si je fais une lecture
exagérée de la chose — je suis obligé de constater que vous trouvez que vous êtes trop petits puis que vous voudriez
être un petit peu plus gros par rapport à ce qu'on propose. C'est correct
de dire ça?
M.
Cossette (Pierre) : Oui. En
fait, si on veut vraiment capitaliser sur le modèle, si on fait une
analogie avec des modèles américains comme la Cleveland Clinic, qui
vient intègrement de la première à la quatrième ligne, bien, pour Cleveland Clinic, ça prend Cleveland, ça prend une
base populationnelle qui permet vraiment d'aller dans
ce sens-là. Donc, c'est un des
enjeux significatifs qu'on voit dans le projet de loi.
M. Barrette : Alors donc, vous, à à
peu près 300 000, vous trouvez que vous êtes un petit peu petits.
M.
Cossette (Pierre) : Tout à fait.
M.
Barrette : O.K. Parfait. Maintenant, je veux juste avoir quelques
clarifications sur vos propositions. Et là je veux vraiment, vraiment... Sentez-vous libres, là. Je sais que c'est
toujours un peu «touchy», sensible de faire telle ou telle affirmation, là, puis je ne veux pas vous mettre
du tout mal à l'aise, mais, dans votre vision, là, vous voulez intégrer dans
votre CISSS une partie de la Montérégie au complet, là. Je comprends bien ce
que vous me dites, là?
M. Cossette
(Pierre) : Oui...
M. Barrette :
Parce que, de la manière que je lis votre affaire, de la manière que vous
l'avez présentée, là, le CISSS de Sherbrooke, il va partir du Lac-Mégantic
jusqu'au fleuve dans sa partie est.
M.
Cossette (Pierre) : Pas tout à fait, là, je dirais. C'est sûr que, pour
ce qui est de la Montérégie
spécifiquement, pour répondre à votre
question, on pense qu'en intégrant les deux CSSS de la
Montérégie on fait une pierre deux coups. On adresse une situation d'une région qui est vraiment
très grande au niveau administratif,
qui est la Montérégie, là. Et je sais
que plusieurs personnes en Montérégie travaillent à essayer de voir comment
pourrait s'organiser la desserte des soins. Donc, ce serait une pierre deux coups. Donc, ça permet à la fois
d'équilibrer certains territoires, d'en faciliter la gestion.
Et,
donc, pour ce qui est de ce volet-là, c'est clair aussi que, si on prend les
territoires de Granby puis Cowansville, dépendamment des ministères ou des institutions avec qui on fait affaire,
parfois ça fait partie de la Montérégie, parfois des Cantons-de-l'Est. Donc, on pense que, dans un modèle comme
celui-ci — puis
c'est ce que la population de ces CSSS là aussi demande, puis leur admininistrateur — l'intégration avec Sherbrooke serait plus
porteuse. De toute façon, plus de 50 %
de leurs soins tertiaires sont consommés à Sherbrooke, les corridors
d'enseignement sont déjà là, ils font partie du réseau universitaire.
Donc, je ne sais pas si je réponds bien à votre question.
M.
Barrette : Bien,
partiellement. Bon, je peux vous dire tout
de suite que je comprends bien les
demandes qui sont faites de Granby puis Brome-Missisquoi, là. Vous
savez, les nouveaux noms, les gens en perdent leur latin, à un moment donné, avec les nouveaux noms, ils sont plus habitués à se faire appeler de
l'ancien nom. Mais, je comprends, effectivement, les populations locales s'expriment exactement
dans le sens que vous le dites. Puis je dois vous avouer que je suis
sensible à l'argument.
Par contre,
j'aimerais ça vous entendre parce que ça pose... Pour moi, ça pose un problème,
puis j'aimerais ça avoir votre vision
là-dedans plus précisément. Quand vous me demandez... quand
vous proposez de regrouper les CSSS de Champlain,
Charles-Le Moyne, Pierre-Boucher puis Richelieu-Yamaska, là vous cherchez à
intégrer dans le CIUSSS de l'Estrie des CSSS, alors que...
Une voix :
Non.
M. Barrette :
Bien, c'est comme ça que vous l'écrivez, là.
M.
Cossette (Pierre) : O.K.
Non. Pour nous, il y a deux choses. L'intégration vise seulement,
pour ce qui est de la Montérégie,
vise seulement Granby puis Cowansville. Ce qu'on propose par la
suite puis pourquoi on s'y intéresse, c'est
parce qu'on a un centre
d'enseignement très important à Charles-Le Moyne, dans lequel on a plus de 100
équivalents temps plein en tout
temps, de tous types d'enseignants, et on est préoccupés par la capacité de la
Montérégie, à l'heure actuelle, tel
que proposé dans le projet de loi, à dégager des gestions efficientes qui vont
permettre d'organiser le travail puis d'organiser tout ce qui vient
avec.
Donc,
nous, l'idée qu'on a, c'est qu'une fois qu'on soustrait, si on va selon notre
hypothèse, Granby et Cowansville de
la Montérégie, bien, à ce moment-là, on peut resubdiviser la Montérégie en deux
puis y aller de façon plus
concordante avec les territoires naturels, si on veut. Donc, si on prend toute
la portion sud-ouest de la Montérégie, donc
Valleyfield, Châteauguay, si on parle en termes de territoires, et les autres,
là, qui m'échappent, bien c'est des territoires qui naturellement vont surtout vers le West Island, vers McGill, et
puis, si on en faisait un CISSS distinct, il pourrait se gérer assez bien. Le réseau tertiaire irait
spontanément surtout vers McGill, ce qui est déjà le cas, et il pourrait se
donner des règles de gouvernance propres, ce qui ferait que la portion
résiduelle de la Montérégie, si on le dit comme ça, là, Pierre-Boucher, Charles-Le Moyne, Saint-Hyacinthe—Saint-Jean puis Saurel, bien, là, ça fait quelque
chose qui ressemble à 800 000 de
population. C'est encore très, très gros, mais, au moins, là, il y a une
certaine homogénéité de densité urbaine. Et puis, on peut penser, par exemple, qu'à l'intérieur d'un tel CISSS,
Charles-Le Moyne, qui est un centre affilié universitaire, pourrait se déployer comme centre régional, avec une
belle cohésion des soins, là, sur la Rive-Sud. Il y aurait des grands, grands défis encore pour ce CISSS-là,
mais ça aurait avantage à donner une solution pour la Montérégie qui
serait peut-être plus gérable et surtout en lien avec les corridors naturels,
là.
M.
Barrette : Mais vous ne demandez pas à ce que... Parce que faisons
l'hypothèse qu'on sépare la Montérégie en deux...
M. Cossette
(Pierre) : Oui.
M.
Barrette : Ça serait deux CISSS, mais les deux CISSS, vous comprenez
que ça intègre tout. Ça ne peut pas être deux CISSS qui intègrent
simplement deux CSSS. Il faut que ça implique la réadaptation, la jeunesse...
M.
Cossette (Pierre) : Oui, oui, oui, tout à fait.
M. Barrette :
...les CHSLD, ainsi de suite, là.
M. Cossette
(Pierre) : Oui.
M. Barrette :
C'est juste pour qu'on ait une...
M. Cossette
(Pierre) : Bien, si on prend, par exemple, le Centre montérégien de
réadaptation, c'est déjà une institution
universitaire affiliée à l'Université de Sherbrooke. On envoie de nombreux
stagiaires là. Donc qu'il soit intégré avec
le CSSS Champlain—Charles-Le
Moyne actuel... bien, dans le CISSS de ce qui serait Longueuil, mettons, disons,
Longueuil, Saint-Hyacinthe, Saurel et Saint-Jean...
M.
Barrette : Ce n'est pas une critique, c'est juste qu'on clarifie nos
pensées respectives, là. Nous, on ne peut pas... Ce n'est pas l'intention du gouvernement, si on faisait
l'hypothèse d'une séparation de la Montérégie, de faire un CISSS de CSSS
en laissant de côté tout le reste, là.
M. Cossette
(Pierre) : Non, non, je me suis exprimé juste en fonction de
territoires, là, mais effectivement qu'il y aurait les autres éléments de
services sociaux qui sont à intégrer, tout à fait.
M.
Barrette : O.K. Et vous ne demandez pas que ce CISSS éventuel là de la
partie est de la Montérégie fasse partie intégrante du CIUSSS de
l'Estrie. Il y aurait des contrats de services?
Une voix :
Oui.
M. Barrette :
Parfait. O.K. Je comprends bien votre point. Un autre élément que je voulais
aborder, là, dans votre position... Ah oui!
Bon, évidemment, ça, vous vous attendez à ce commentaire-là, là. Là, vous me
demandez, dans votre deuxième
recommandation, l'intégration des CSSS de Drummondville et d'Arthabaska au
CIUSSS de l'Estrie. Ça, vous savez que, si je fais ça, ça rend obsolète
le CISSS de Mauricie—Centre-du-Québec,
là.
M. Cossette
(Pierre) : Bien, il y a deux éléments...
M. Barrette :
Vous faire grossir fait maigrir l'autre d'une telle façon que l'autre...
• (15 h 30) •
M. Cossette
(Pierre) : Il y a deux éléments là-dedans. Puis c'est sûr que je ne
voudrais pas m'avancer sur le territoire de
la Mauricie, que je connais moins, sinon que je peux constater que sa taille
est assez proportionnelle à ce que serait
le Saguenay—Lac-Saint-Jean,
dans lequel il y a aussi un campus délocalisé de la Faculté de médecine et des
sciences de la santé. Donc, ils ont
des niveaux académiques similaires, on pourrait dire, là, la Mauricie et le
Saguenay—Lac-Saint-Jean.
Pour
nous, l'enjeu, il est vraiment de maintenir les territoires d'enseignement, les
corridors de services avec le Centre-du-Québec,
donc, parce que, dans la Mauricie—Centre-du-Québec, il y a le Centre-du-Québec, puis
c'est des milieux qui historiquement
ont une affiliation importante avec l'Université de Sherbrooke. Avec
l'autoroute 55, il y a 40 minutes, là,
entre l'hôpital de Drummondville puis le pavillon Fleurimont du CHUS, par
exemple. C'est des centres qui réfèrent beaucoup. Puis l'exemple qu'on donnait, là, ça va jusqu'à nos résidents
en pédiatrie, ils vont chercher les bébés, là, puis les mères en
difficulté à Drummondville, là.
Donc,
pour nous, là, la réorganisation dans un territoire géré complètement à
partir de Trois-Rivières pose des défis organisationnels importants et des défis pour le futur. Donc, pour nous, c'est très
important de nommer cet enjeu-là parce
qu'on a une portion significative de
notre enseignement qui est là. On a de l'enseignement en médecine de famille, en
chirurgie, en médecine interne, en psychiatrie. Donc, ces milieux-là sont
déployés depuis très longtemps comme milieux régionaux. Puis ça combine
autant l'enseignement que les soins cliniques.
Donc,
notre but n'est pas de défaire des choses qui marchent, là. Si la population
de ces territoires-là obtient des soins secondaires ailleurs,
il n'y a pas d'enjeu là pour nous, pas du tout. En fait, de toute façon,
Drummondville puis Victoriaville sont des
milieux qui sont relativement autonomes pour les soins primaires et
secondaires. Donc, ce qu'ils ont
besoin surtout, à mesure qu'ils se développent, c'est des soins tertiaires. Et
puis, dans ce cadre-là, le lien avec Sherbrooke
peut peut-être complémenter davantage
si on veut vraiment un potentiel d'intégration. Donc, c'est clair
que, pour nous, il y a un enjeu vraiment pour le futur avec comment ces
réseaux-là vont être dans notre réseau universitaire.
M.
Barrette : Vous ne trouvez
pas que le lien avec la Montérégie serait suffisant pour vous autres? J'imagine
que...
M. Cossette
(Pierre) : Bien, ça dépend. On s'est positionnés comme étant peut-être
un succès futur, parce que je ne veux pas présager, il y a beaucoup
de travail devant nous. Donc, si on intègre plus, on pense qu'on peut avoir un succès ou un grand succès, dépendamment
du territoire sur lequel on nous donne la possibilité de déployer nos services intégrés puis l'enseignement et les
corridors qui viennent avec.
M.
Barrette : J'ai pris des
notes sur votre présentation puis je
vais quand même pouvoir vous donner des réponses tout de suite. Bon, je comprends votre demande, là, puis je pense que ça
fait partie des choses qu'il va vraiment falloir prendre
en considération pour ce qui est du nombre de sièges pour les représentants...
sur le C.A. pour les hôpitaux universitaires. Je vous ai répondu, je pense,
pour ce qui est de la problématique des P.D.G., là; c'est la même chose.
Une chose sur
laquelle je veux insister, là, le projet de loi, il est clair là-dessus à mon
sens, il n'est pas question de
toucher aux missions et aux ententes qu'il y a dans les hôpitaux affiliés pour
quelque niveau d'affiliation que ce soit. Évidemment, le Québec, on a vécu, vous le savez, là, vous y avez
participé vous-même, vous avez été des initiateurs... on a participé, à un moment donné, quasiment à une
surenchère de la délocalisation. Et là, maintenant, on a des centres affiliés en formation à Montréal pour l'Université
Laval. À Chicoutimi, toutes les universités sont là quasiment, dans le Centre-du-Québec aussi. Il y a juste à Sherbrooke
que les autres universités ne sont pas allées mettre une succursale. Ça doit s'en venir en quelque part, j'imagine. Ça
pose certains problèmes, mais pas pour la création des CISSS. Et on n'a pas l'intention de toucher aux affiliations
d'aucune manière. Je pense que ça a été bénéfique pour le Québec et je pense
que ça va continuer à l'être. Alors, de ce côté-là, je tiens à vous rassurer,
on n'ira pas jouer là-dedans.
Par contre,
je suis très sensible à la dénomination que vous demandez, et ça, je pense
qu'on s'en était parlé un peu précédemment,
c'est un aménagement avec lequel on est très, très, très confortables, pas
simplement pour vous, là, la même chose pour d'autres. Je pense que la
reconnaissance universitaire de votre CISSS doit exister dans le titre et dans
les fonctions. Et il n'est pas question
qu'on prenne une décision qui vienne nuire à votre mission universitaire. Ça,
ça nous apparaît, au gouvernement, très, très clair.
On a parlé
des subdivisions pour la Montérégie, là; ça, ça va. Et, pour ce qui est des
RUIS, bien évidemment les RUIS, c'est
une création qui est plus ou moins... c'est né d'ententes, de «gentlemen
agreements» entre les universités, c'est
plus ou moins officiel, mais, comme je l'ai dit, les CISSS vont venir un peu
officialiser ça, quoiqu'on ne puisse pas calquer les CISSS évidemment
sur les RUIS.
Il y a un
élément, par exemple, sur lequel vous avez... que vous avez abordé, mais que vous
n'avez pas détaillé, puis j'aimerais
ça vous entendre là-dessus, parce que vous nous le demandez de façon
spécifique, et c'est la question... Laissez-moi
le retrouver. C'est la question de l'institut de première ligne, là. Là, je ne
le retrouve plus, là, mais vous y avez fait référence à un moment donné.
Et je sais que, pour vous autres, c'est quelque chose qui est assez important
pour maintenant et le futur. Puis j'aimerais
ça que vous élaboriez un petit peu là-dessus puis que vous articuliez ça avec la
vision du CISSS.
M. Cossette (Pierre) : Bien, en
fait, c'est une question qui a été discutée avec les directions du CHUS et du
CSSS-IUGS. Il y avait eu d'enclenché dans les derniers deux ans un processus de
désignation d'institut de soins de première ligne
pour lequel il y a eu un processus éliminatoire et pour lesquels deux
institutions restaient en lice jusqu'à maintenant, donc ce qui est le
CSSS-IUGS à Sherbrooke et le CSSS de la Vieille‑Capitale.
Ultimement,
si vous me demandez mon avis, je
pense qu'il faudrait qu'il y ait un institut de première ligne dans chaque réseau universitaire. Ça, ce serait
mon choix. Mais c'est sûr qu'à l'heure actuelle, si on veut donner, dans le cas
de l'Estrie, une couleur universitaire vraiment de la première à la quatrième ligne, d'avoir
cette reconnaissance-là pour les gens qui travaillent au niveau première
ligne, qu'ils comprennent bien qu'eux aussi vont être investis de la mission universitaire puis de regarder comment des interventions de quartier ou des choses en
amont peuvent influencer les soins en aval,
parce qu'il y a déjà une affiliation universitaire et puis c'est très interdisciplinaire, comme approche... Donc, c'est
sûr que, pour tous les gens qui travaillent
présentement en première ligne dans le réseau de Sherbrooke, cette
désignation-là viendrait enrichir beaucoup
le CIUSSS pour ne pas que le CIUSSS soit juste l'affaire des anciennes
installations du CHU, mais soit vraiment une mission imbriquée dans
toute la nouvelle organisation qui serait le CIUSSS de l'Estrie. Et, à ce
moment-là, cette dénomination-là ou cette
désignation-là a une valeur symbolique qui peut être assez forte pour mobiliser
les gens puis les chercheurs autres que ceux qui font de la recherche
surspécialisée, là, en soins de troisième ligne, là.
Donc, l'autre
élément, c'est qu'on veut beaucoup développer la recherche en médecine de
famille. On a des unités qui se
développent dans les UMF de l'Estrie, puis ça aussi, ça viendrait être un poids
supplémentaire pour reconnaître la
contribution qu'ils ont à l'avancement des connaissances. Donc, pour toutes ces
raisons-là, cette désignation-là serait vraiment un plus important pour
le CIUSSS en devenir, si on veut.
M.
Barrette : Alors, j'espère que l'opposition va écouter ce que je vais
dire parce que, là, je vais vous mettre des mots dans la bouche que je n'ai jamais mis — ils n'écouteront pas. Alors, si je comprends
bien, vous seriez la première Faculté de médecine à enseigner la
médecine de façon intégrée, de la première à la quatrième ligne, hein?
M. Cossette (Pierre) : Bien, on
pense qu'on le fait déjà.
M. Barrette : Mais vous le feriez
plus, avec votre institut de première ligne, là.
M. Cossette (Pierre) : On pourrait
faire de la recherche là-dedans davantage.
M. Barrette : Très bien, et un
bénéfice pour la société et la clientèle. Voilà. Merci. C'était très clair.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin au bloc
d'échange avec le ministre. Je cède maintenant la parole à Mme la
députée de Taillon pour un bloc de 13 min 30 s.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Samoisette, Dr
Cossette, M. Webster, bienvenue. Alors,
écoutez, j'entends bien votre démarche et l'analyse détaillée, la lecture
détaillée que vous avez faite du projet de loi et aussi des aménagements territoriaux pour
essayer d'améliorer un petit peu, là, la répartition. Tout comme vous, je
partage le côté totalement disproportionné du CSSS de la Montérégie et
certainement certains autres aménagements qui ont d'ailleurs été évoqués par
Mme Saint-Germain, Protecteur du citoyen, avant vous.
Je vous avoue
par contre que l'exercice auquel vous vous êtes prêtés me questionne un peu
dans le sens où on fait un peu le
cheminement inverse, c'est-à-dire que, pour répondre aux besoins de
l'Université de Sherbrooke, ce que vous
proposez, ce sont des rapatriements et des déplacements de patients sur des
longues distances et dans des territoires qui ne sont pas nécessairement des territoires facilement accessibles.
Malgré le fait que vous disiez qu'il y a 40 minutes entre Drummondville et Sherbrooke, il reste qu'il
y a des autoroutes, qu'il y a des gens âgés qui ont de la difficulté à se
déplacer, et la dimension intégrée que vous
proposée en tout cas m'apparaît être un peu dangereuse dans le sens où, plutôt
que de partir du parcours du citoyen, du
patient qui est chez lui, dans sa maison, dans un troisième étage, on se
dit : Bien, la vocation universitaire fait en sorte qu'on aurait
besoin de définir des corridors et d'aller chercher des bassins de population
qui assureraient une diversité.
Je vous avoue
que j'ai vraiment, vraiment de la difficulté à voir... Je comprends le bien-fondé,
je comprends la mission universitaire, je suis moi-même une universitaire, mais
là je trouve qu'il y a un danger. Il y a un danger. C'est peut-être le caractère très profond des
transformations auxquelles on est confrontés qui nous amène à chercher des
solutions, mais je vous avoue que ça
me préoccupe, là. Quand je pense à la personne, là, qui va être avec le CLSC La
Pommeraie puis qui va avoir à se
rendre à Sherbrooke ou qui va recevoir des soins de Sherbrooke, ça me...
Donnez-moi plus d'information peut-être, des exemples.
• (15 h 40) •
M.
Cossette (Pierre) : Je vous remercie de votre question, ça va me
permettre d'éclaircir un point qui, de toute évidence, n'était pas suffisamment clair dans la présentation. C'est
parce que c'est la façon dont... On travaille déjà en réseau, à l'heure
actuelle. Et, si on prend le cas de Cowansville puis de Drummondville, ces deux
exemples là, c'est deux CSSS où la
population n'est pas... Bien, Drummondville,
je trouve ça proche, là, à 40 minutes, parce
qu'à Montréal, des fois, les
kilomètres sont courts, mais les minutes sont longues, là. Donc, c'est deux
populations qui n'ont pas accès immédiatement sur leur territoire à un
centre tertiaire.
Donc, si on
regarde... si on le pose à l'envers, le problème, puis je pense que ce n'est
pas pour rien que la population de
Cowansville elle-même demande d'être attachée au CHUS de l'Estrie au moment où
on se parle, incluant les membres du
C.A., c'est qu'eux, ils se demandent : Quel est le centre tertiaire le
plus proche de chez nous?, puis la réponse, c'est Sherbrooke. Donc, c'est ça qui est le plus proche
en temps, c'est ça qui est le plus proche en fiabilité de transport. Donc,
pour eux, déjà, donc, il n'y en a pas, de
centre tertiaire proche de chez eux, donc ils doivent s'intégrer, pour offrir
la gamme complète à leur population, à un centre tertiaire à quelque
part.
C'est sûr qu'à Drummondville, si on prend cet
exemple-là, il faut développer le plus possible régionalement les soins là. Mais, d'ailleurs, c'est un établissement
exemplaire à plusieurs égards, qui ont développé une vaste gamme de soins primaires et secondaires avec des
alliances diverses. Mais, déjà au moment où on se parle, quelqu'un qui fait un
infarctus à Drummondville se fait dilater
l'artère coronaire à Sherbrooke, là. Donc, ça, ça a été fait il y a déjà
plusieurs années, c'est tout installé, même au niveau du transport
préhospitalier. Donc, si vous vous trouvez... Si vous avez un infarctus maintenant à Cowansville, Granby,
Drummondville ou Victoriaville, l'ambulance va vous amener directement à
la bonne urgence du CHU Fleurimont où vous
allez avoir une angioplastie. Donc, vous allez être débouché avec un ballonnet
dans des temps qui sont vraiment exemplaires
compte tenu de la distance, parce que la distance, évidemment, là, on ne peut
pas faire autrement. Donc, ça fonctionne déjà comme ça.
Maintenant,
notre but, c'est de dire : Si on va dans la logique du projet de loi, bien
il faudrait que ce fonctionnement-là se reflète dans le territoire qui
est défini. Donc, c'est pour ça que... Puis, quand on arrive sur des modèles
pour la Montérégie... La Montérégie, il
pourrait y avoir plusieurs autres modèles, j'en conviens bien, quoique, pour
Granby et Cowansville, clairement le
centre tertiaire le plus proche, c'est Sherbrooke. Pour le reste de la
Montérégie, bien on ne voulait pas
simplement arriver en disant : Ah! Bien, la Montérégie nous semble plus
grosse. On voulait arriver avec une proposition
qui aurait certains mérites puis qui peut être débattue. Ce n'est pas qu'on
veut se mêler de toute l'organisation des
soins en Montérégie, mais on se disait que, si on table sur la convergence
université-santé, qui est assez fructueuse à plusieurs égards, ça
pourrait donner une proposition comme celle qu'on vient de déposer.
Mais, pour ce
qui est de Cowansville et de Granby ou de Drummondville, si on demande à ces populations-là...
ou même les pouvoirs locaux — j'ai
parlé avec le maire de Drummondville — c'est
sûr qu'eux, les soins tertiaires, ils viennent
les chercher à Sherbrooke, là, en majorité, déjà. Donc, c'est déjà ça.
Donc, nous, on se dit : Puisque la population, quand elle ne peut
pas avoir les soins chez elle, vient à Sherbrooke, pourquoi ne pas l'indiquer dans la constitution,
là? On a une réforme, c'est le temps
de le faire si on réforme les choses. Et puis, à ce moment-là, notre but,
c'est de servir la population avec des soins, là, donc...
Puis c'est
une autre raison aussi pourquoi on table sur la télémédecine, là, qui est
passée vite, vite à la fin, là. Mais c'est
parce qu'on veut développer la télémédecine avec ces
endroits-là aussi parce qu'on est conscients que les distances sont différentes, dans un réseau comme Sherbrooke,
d'une réalité de l'île de Montréal ou de ville de Laval. Mais, ceci dit, les
distances sont importantes à beaucoup d'autres endroits au Québec aussi.
Mme
Lamarre : Dans le fond, vous
nous dites, en tout cas, que le découpage par région sociosanitaire, ce
n'est pas toujours le plus approprié. Mais je veux juste vous ramener
que les soins tertiaires ne sont pas non plus les soins auxquels les gens ont
besoin dans des aspects plus chroniques de leur vie. Donc, c'est juste cette
dimension-là.
Moi, je vous
avoue, j'aurais un peu fait le chemin à l'inverse. Vous savez que, dans ce projet-là, il y a cinq CISSS et quatre à vocation suprarégionale. Je me serais
attendue à ce que vous revendiquiez une vocation plus suprarégionale au niveau de Sherbrooke,
puisque ça a été questionné, le fait que tous les centres suprarégionaux
étaient à Montréal. Et effectivement,
ce que je connais de Sherbrooke, l'université mais aussi les centres
hospitaliers, vous avez, par la télémédecine, vous avez, par beaucoup de
fonctions au niveau suprarégional...
M.
Cossette (Pierre) : C'est implicite que le CIUSSS est un centre
suprarégional. Peut-être que je ne l'ai pas dit assez explicitement.
Mais c'est essentiel, donc...
Mme Lamarre : ...en tout cas, là.
M.
Cossette (Pierre) : Bien, c'est quand on a parlé de la description de
ce qu'est un CIUSSS. Par définition, c'est une mission universitaire
suprarégionale, parce qu'on ne peut pas faire tout le suprarégional sur l'île
de Montréal.
Mme Lamarre : Vous demandez à ce
qu'il y ait...
M. Cossette (Pierre) : Bien, c'est
clair que c'est un... avec les prérogatives intégrées d'une mission CHU,
clairement la mission suprarégionale est intégrée dans le CIUSSS de l'Estrie,
clairement.
Mme
Lamarre : Parce que, pour les centres suprarégionaux, il n'y a pas la
même obligation, là, territoriale et de services de première ligne, deuxième ligne, troisième ligne, là, pour
les autres qui sont déjà prévus, là, dans le projet de loi.
M.
Cossette (Pierre) : C'est ça. Bien, nous, on a choisi de se concentrer
sur ce qu'on pourrait faire pour Sherbrooke puis notre réseau pour améliorer son positionnement. Clairement, le pôle
de Sherbrooke est suprarégional. Et, même si c'est un territoire géographique
vaste, encore là je veux être clair, l'idée d'avoir des soins primaires et
secondaires dans son milieu local — même
pas régional, local — c'est
là que ça doit être. D'ailleurs, nos unités de médecine de famille, là, à l'Université de Sherbrooke, on en a ouvert une il
y a deux ans à Cowansville, on en ouvre une à Saint-Jean, il y en a une à Drummondville, il y en a à Saint-Hyacinthe, ces
soins-là sont locaux, là. C'est extrêmement important que ça demeure
local, même pas régional. C'est local que les gens ont besoin de la grande
majorité de leurs services. Mais c'est déjà comme
ça, là, dans la réalité sur le terrain. Puis l'enseignement qu'on y fait dans
ces disciplines-là, il est local. Donc, les disciplines de base à Drummondville, médecine interne, chirurgie
générale, psychiatrie, les résidents vont à Drummondville, là. C'est là
qu'ils sont, là. Ils sont dans leurs réseaux locaux.
Mme Lamarre : Est-ce que vous avez
été consultés pour le projet de loi n° 10?
M. Cossette (Pierre) : Avant son
dépôt?
Mme Lamarre : Avant?
M. Cossette (Pierre) : Non.
Mme Lamarre : Non? O.K. Plusieurs
groupes nous ont dit être d'accord avec les grands objectifs du projet de loi n° 10, donc améliorer l'accès,
l'efficacité, la qualité et la fluidité, mais pas nécessairement retrouver les
éléments pour atteindre ces
objectifs-là. Qu'est-ce que vous pensez du projet de loi tel qu'il est
actuellement dans la perspective d'améliorer, par exemple,
l'accessibilité aux soins?
M.
Cossette (Pierre) : Bien, les recommandations ou les propositions
qu'on fait vont dans le but de permettre au projet de loi, pour le territoire sous notre... pas juridiction, mais
pour le territoire du RUIS de Sherbrooke, d'atteindre les objectifs. Donc, c'est le but qu'on a en
faisant les recommandations, c'est de se rapprocher de l'atteinte des objectifs
du projet. On pense que c'est des éléments qui sont très importants.
Mme
Lamarre : Mais, par rapport à d'autres... Parce qu'avec votre vocation
universitaire vous êtes un peu plus détachés,
je vous dirais, par exemple, des réflexions ou des positions des CMDP. C'est
sûr que, si on a des gens d'hôpitaux, ils
vont venir nous dire : Bien, le CMDP... Alors, vous avez, peut-être, avec
votre rôle universitaire, un petit peu plus de recul, donc, par rapport au projet comme il est là. Est-ce que vous
pensez qu'il y a des gains d'efficience au niveau, entre autres, des conseils des médecins, dentistes et
pharmaciens, là, qui vont être fusionnés et qui risquent de se retrouver, là,
avec des nombres très, très importants... On
parle de 1 600 à 2 000 médecins dans un même CMDP qui couvre
plusieurs territoires et plusieurs établissements de différentes
vocations.
M.
Cossette (Pierre) : Mais mon collègue doyen de McGill vous a dit, je
pense, quelques fois dans sa déposition que le diable est dans les détails. Donc, c'est sûr que, là, ici, on a
des enlignements, mais la façon dont ça va être géré va faire toute la différence. Donc, cet équilibre-là
entre la gestion régionale ou suprarégionale puis les niveaux ou les paliers
locaux va être essentiel pour
l'administration des soins, là. Ça a toujours été comme ça puis ça ne va pas...
Peu importe la gouvernance qu'on
donne, l'administration va demeurer... Il faut que tout ceci puisse continuer à
fonctionner au niveau local.
Comme je vous dis, c'est pour ça aussi que, dans
notre recommandation 2, on est volontaires pour évaluer la démarche avec des experts qui pourraient être
issus de notre... On a des experts en organisation de la santé au centre de
recherche de
Charles-Le Moyne. Il y en a d'autres au Québec. On serait contents de pouvoir
évaluer cette démarche-là pour voir
les bénéfices ou non, mais on pense qu'en appliquant les recommandations qu'on
vous fait, on peut faire un succès dans notre réseau.
Mme Lamarre :
D'accord. Dites-moi, il y a eu plusieurs personnes qui sont venues un peu nous
transmettre certaines préoccupations soit au niveau de l'organisation concrète
de tout ça, au niveau peut-être aussi, là, du plan de transition. Est-ce que vous pensez qu'un projet pilote serait intéressant?
Est-ce que vous seriez intéressé à le coordonner, à l'évaluer?
M. Cossette
(Pierre) : Question hypothétique.
Mme Lamarre :
Oui, oui, c'est une question hypothétique.
M. Cossette
(Pierre) : En politique, je pense qu'on ne répond pas à ça. C'est sûr
que nous...
Des voix :
Ha, ha, ha!
Mme
Lamarre : Parce qu'on se rend compte que c'est toute une modification
dans les structures, là, à travers la
province. Et il y a certainement quelque chose qui mérite d'être préévalué
avant de lancer tout notre système de santé. Donc, est-ce que c'est
quelque chose que vous envisageriez?
M. Cossette
(Pierre) : Bien, ce que je peux dire, là, les gens du CHUS viendront
présenter avec les gens du CSSS-IUGS plus
tard cette semaine... La position de l'Estrie, elle est concertée, là. Les gens
ont travaillé ensemble et pensent qu'on peut faire quelque chose dans ce
sens-là. Donc, ça appartient au gouvernement après ça de décider de comment il
mettra ça en application.
Mme Lamarre :
Plusieurs personnes ont des préoccupations par rapport à la reconnaissance des
services sociaux, du soutien aux personnes
avec des déficits intellectuels, avec des besoins qui sont beaucoup plus longs,
qui ne sont pas aussi précis qu'une
maladie, un symptôme, un traitement, mais vraiment des processus, maladies de...
problèmes de santé mentale. Comment
vous voyez la valeur ajoutée du projet de loi n° 10 par rapport aux soins
et à l'accompagnement de ces personnes-là?
• (15 h 50) •
M.
Cossette (Pierre) : Bien, je pense qu'il y a... Encore, là, le diable
va être dans les détails. Mais c'est
sûr que, par exemple en Estrie, la désignation pour l'institut de
première ligne est un élément important qui serait un signal qui permettrait de dire aux gens qu'on va aussi
s'intéresser et suivre ça de près et qu'on va être capables... Parce que,
dans le centre de recherche en question, les chercheurs qui sont là,
c'est des travailleurs de la Faculté des lettres et sciences humaines, des départements de service social, de
psychologie et aussi de la Faculté d'éducation physique et sportive. Donc,
on a cette approche-là interdisciplinaire vraiment assez intégrée dans nos préoccupations. Évidemment, les règles de gestion qui découleront du projet de
loi seront extrêmement importantes pour s'assurer que tous les besoins sont couverts de façon équitable.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin au bloc de 13 min 30 s. Je cède maintenant la parole au député de La Peltrie
pour un bloc d'échange de neuf minutes.
M.
Caire : Merci, M. le Président. Mme Samoisette, M. Webster, Dr Cossette,
bonjour. Vous arrivez avec une présentation
qui, je dois dire, à certains égards, est assez différente de ce qu'on a
entendu jusqu'à date, notamment sur
le fait que vous souhaitez
effectivement avoir une organisation qui est plus importante, en disant :
Bien, si on a une masse critique, on
est capables d'avoir une meilleure continuité dans l'organisation des soins.
Puis je vous dirais qu'à date j'ai plutôt
entendu le contraire. Donc, il y avait une préoccupation assez grande qui a été
exprimée par les fédérations médicales notamment sur la délocalisation
des décisions au niveau de la prestation des soins. Puis on a même entendu que
des organisations de plus de 100 000...
même, la Protectrice du citoyen, tout à l'heure, disait que des organisations
de plus de 500 000 perdent rapidement de leur efficacité administrative. Donc, j'aimerais vous entendre sur ce que vous avancez,
donc : Si on a une plus grande
population, on va être, au contraire, plus efficaces. Donc, j'aimerais ça, vous
entendre là-dessus.
M. Cossette
(Pierre) : Bien, au niveau universitaire, ce qui est important, puis
au niveau du réseau, c'est de conserver...
Ce qui serait très important, pour
nous, là, puis c'est l'essence, on pense qu'on contribue d'une façon positive au leadership puis aux soins de santé dans tous
les territoires dont on vous a parlé. Donc, à l'intérieur du cadre fixé par le projet de loi, on essaie de voir
comment on peut le mieux possible maintenir les arrimages qui sont déjà
existants.
Est-ce qu'il y a des enjeux de gestion? Il
y a beaucoup d'enjeux de gestion à
des regroupements, mais il y a aussi des
potentiels. Notamment, en Estrie, on a la chance d'avoir un dossier
informatisé clinique qui est là depuis plus de 20 ans. Donc, un des enjeux qu'on a dans nos territoires
référents puis pour l'information et même pour la recherche, parce qu'on a une base de données de recherche qui utilise les données de ces
patients-là qui consultent essentiellement en Estrie... Bien, un des potentiels gains
qu'on peut avoir par des regroupements comme ça, c'est d'élargir cette base-là
et de s'assurer que
l'information transite bien — les consentements aux soins permettent de
transiter l'information — et qu'elle suit les patients dans leur trajectoire.
Néanmoins,
c'est très important que la plus grande proportion des soins locaux possible
soit donnée localement. Ce n'est pas du tout une question de faire un
vacuum autour de Sherbrooke. Au contraire, c'est juste une question de regarder ce qui se fait déjà en termes
d'articulation des soins entre les centres référents, de corridors
d'enseignement où nos étudiants sont
déployés puis, dans le cadre de ce projet de loi là, de s'assurer que ce projet
de loi là ne met pas en péril ces
corridors-là, ces acquis-là, ces façons de fonctionner là, qui fonctionnent
depuis longtemps, là. Donc, nous, on travaille depuis longtemps avec Drummondville, on travaille depuis longtemps avec le
CHUS, on travaille, bon, depuis plus de 20 ans avec Charles-Le Moyne. On ne veut pas qu'ils soient
nécessairement dans le CIUSSS comme tel parce que c'est une population différente qui a des soins sur la
Rive-Sud. Mais, pour nous, c'est vraiment l'importance, dans le contexte de ce projet de loi là,
de s'assurer de maintenir les arrimages pertinents entre le réseau de la santé
puis l'éducation.
M.
Webster (Alain) : Si vous me permettez, il y a quelque chose de
fondamental dans le discours que nous
tenons. On n'est pas en train de
dire : Élargissons le territoire desservi par l'Université de Sherbrooke en réponse à des besoins de développement de l'université.
Tout ce qu'on dit simplement, c'est : Depuis des années, nous avons
développé une concertation avec ces
milieux, de Drummond, Victo, Montérégie, qui fonctionne très, très bien. Ce
nouveau découpage du territoire ne
doit pas nous faire reculer au niveau des soins de santé et de la collaboration
avec ces milieux, il faut au contraire
trouver une façon de maintenir ces liens spécifiques. C'est pour ça que, dans le cas de Drummond
et de Victo, on parle d'intégration,
ce qui peut se faire de plusieurs façons possibles, pour s'assurer que ces liens
tertiaires sont maintenus et que le
découpage du territoire ne se transformerait pas en une perte de services pour
ces populations. On ne veut pas en faire plus qu'on fait présentement, mais on veut être sûrs que ce qu'on fait actuellement va continuer à être très,
très bien fait, parce qu'on
pense fondamentalement qu'on travaille bien.
M.
Caire : Bien, en fait, ce que je comprends de votre message,
c'est qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre une structure qui est plus
large et une prestation de soins locale qui est efficace. Au contraire, il y a
même un avantage au niveau de l'intégration.
Donc, il n'y a pas de raison de craindre qu'une structure plus importante
vienne empêcher, au niveau local, d'avoir une prestation de soins qui
est efficace, qui correspond aux besoins de la population locale et...
M.
Cossette (Pierre) : Au contraire, cette structure-là doit valoriser
puis renforcer les prestations locales le plus possible.
M.
Caire : Diriez-vous, dans le fond, que c'est plus une
question de volonté des individus à l'intérieur de la structure que de
la structure elle-même, là, si les soins locaux sont efficaces ou moins
efficaces, là?
M.
Cossette (Pierre) : Ça prend aussi de la structure. Parce que nous, à
l'heure actuelle, l'Université de Sherbrooke, on travaille avec des établissements de santé. Les agences sont là pour
nous aider, et tout ça, mais c'est avec des établissements de santé. Et là la présente réforme va fusionner ces
établissements de santé dans des entités régionales. Donc, nous, on a besoin de... Les établissements
qui sont là et surtout les populations qu'ils desservent puis les lieux de
stage que ça représente, il faut rester arrimés avec ces établissements-là,
dans l'état actuel.
M.
Caire : Je vais accélérer parce que mon collègue aimerait
aussi intervenir, M. le Président. Je vais revenir sur le modèle de gouvernance. Parce que vous
dites : Bon, pour les centres intégrés universitaires... Puis vous
m'excuserez, mais la dénomination,
esthétiquement, je pense qu'il faudrait travailler là-dessus, là. Mais, bref,
vous parlez de deux membres sur le
conseil d'administration qui sont issus du milieu universitaire. Je vous dirais
que j'ai une crainte puis que j'aimerais partager avec vous, c'est
d'avoir des conseils...
Parce
que chacun veut avoir son membre au sein du conseil d'administration, puis je
pense qu'un des avantages de ce qui
est proposé c'est de garder le conseil d'administration dans une taille où il
peut être efficace. Mais là, si on se ramasse
avec, bon... Récemment, la communauté anglophone nous disait : Bien, nous,
on aimerait ça avoir des représentants sur
le conseil d'administration. Vous dites : L'université voudrait avoir des
représentants. Donc, on va se ramasser avec des conseils d'administration d'une dimension plus importante, moins
efficace. Est-ce que c'est la seule façon pour le milieu universitaire
d'avoir une espèce de contrôle ou d'avoir...
M.
Cossette (Pierre) : Bien, en fait, on ne cherche pas le contrôle, on
veut vraiment l'arrimage. Et pourquoi deux? Il y a longtemps, c'était quatre, mais là on avait baissé à deux, c'est
parce qu'il y a : médecine et autres. Donc, si je prends le cas de Champlain—Charles-Le Moyne, bien, la médecine, c'est
beaucoup, mais il y a aussi plein d'autres affiliations. Au CHUS, c'est la même chose. Donc, ça prend ces deux
aspects-là. Puis cet arrimage-là est très important. Les universités investissent lourdement dans les centres de
recherche, dans les salaires de professeurs, dans des facilités d'enseignement...
M.
Caire : Mais, comme je dis, c'est parce que je veux garder...
Je comprends cette préoccupation-là de... pardon, je comprends la préoccupation de l'arrimage.
Maintenant, est-ce que d'avoir des membres dûment déterminés par le milieu
universitaire, est-ce que c'est la seule
façon d'y arriver ou il y a une autre façon de le faire sans augmenter indûment
la taille du conseil
d'administration? Parce que, de mon côté, la préoccupation, c'est que, si on
arrive à 20, 30, 40, je ne sais pas combien de membres au conseil
d'administration... Mme Samoisette, vous...
Mme
Samoisette (Luce) : Bien, pour nous, là, c'est important d'avoir des
représentants au conseil d'administration parce que le volet Enseignement et recherche, dans les centres
hospitaliers universitaires puis dans tous les centres affiliés, c'est très important, c'est un volet très
important. Il y a les soins, mais il y a la recherche et il y a l'enseignement.
Alors, il faut qu'on fasse valoir
auprès d'un conseil d'administration c'est quoi, les impacts sur
l'enseignement, la recherche puis cet
impact-là aussi qu'est-ce que ça aura sur les soins. Il faut qu'on ait notre
mot à dire, il faut que, aussi, quand on parle d'un D.G., il faut qu'on soit capables de dire c'est quoi, les
besoins en enseignement et en recherche, les liens, mais pas juste avec la Faculté de médecine, avec toutes
les autres facultés aussi. Et c'est en étant sur le conseil d'administration
qu'on peut faire valoir ça.
M.
Caire :
Puis vous pensez que le fait d'être à l'intérieur d'un CIUSSS, ça ne serait pas
déjà une préoccupation de premier
plan pour un conseil d'administration que de maintenir l'intégration ou
l'arrimage avec sa mission universitaire?
Mme Samoisette (Luce) : ...loin des
yeux, loin du coeur.
M.
Cossette (Pierre) : J'ai eu la chance, dans les dernières années...
Parce que, dans nos établissements affiliés, que ça soit Charles-Le Moyne, ou au CHUS, ou même à Chicoutimi, il y a
eu des nouveaux D.G. qui ont été nommés. Puis le réseau de la santé est sous d'énormes pressions financières, et
je ne vous apprends rien là, donc, et ce n'est pas long que... Parce que l'enseignement n'est jamais
la première priorité, elle est toujours la deuxième, là, ou la troisième,
donc, puis il y a toujours quelque chose de plus urgent qui arrive.
Donc, même
dans des milieux avec la vocation universitaire bien ancrée, quand arrive le
temps des compressions, bien là, on...
C'est normal, c'est naturel. Si j'étais gestionnaire d'un établissement,
j'irais vers le plus urgent. Mais c'est très, très important. On veut que ça fonctionne au niveau du terrain, il
faut vraiment que l'arrimage soit là aussi au niveau de la gouvernance puis au niveau des directions, de
la gestion, sinon le... Puis c'est des missions qui sont tellement imbriquées, là, que, si on n'est pas là pour...
Puis ce n'est pas une question de contrôle, c'est une question d'enrichir les
débats puis de donner des perspectives.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Peut-être le député de
Drummond—Bois-Francs
pour un dernier 10 secondes.
• (16 heures) •
M.
Schneeberger : 10 secondes?
Le
Président (M. Tanguay) :
Aviez-vous un message à lancer ou c'était un débat et que vous vouliez lancer
le débat?
M.
Schneeberger : On
va saluer les gens...
Le
Président (M. Tanguay) : O.K. Je
voulais vous offrir le dernier 10 secondes pour lancer un message, mais,
si c'est un débat, alors malheureusement je dois constater qu'il n'y a plus de
temps.
Alors, nous vous remercions, merci beaucoup, les
représentants de l'Université de Sherbrooke.
Et je demande au prochain groupe de prendre
place. Et je suspends momentanément nos travaux. Merci.
(Suspension de la séance à 16 heures)
(Reprise à 16 h 5)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! On
demanderait aux gens de bien vouloir... ceux qui ont à quitter la salle,
de bien vouloir quitter la salle.
Alors, nous
allons poursuivre nos travaux. Je souhaite la bienvenue à nos prochains
invités, soit les représentants de
l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec.
Je vous demanderais de bien vouloir vous identifier dans un premier temps, et par la suite vous
disposerez d'une période de 10 minutes pour votre présentation. Alors, la
parole est à vous.
Institut universitaire
de cardiologie et
de pneumologie de Québec (IUCPQ)
Mme Nadeau
(Madeleine) : Bonjour. Je me
présente, Madeleine Nadeau, présidente du conseil d'administration de
l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec.
Je suis accompagnée par le Dr De Larochellière, cardiologue et chef du département de cardiologie, et par le Dr Simon
Martel, pneumologue et chef du département de pneumologie, de même avec
Me Annie Caron, notre directrice des affaires institutionnelles.
Alors, M. le ministre, M. le Président de la commission, membres de la commission, je veux tout d'abord
vous remercier, au nom du conseil d'administration de l'institut, de nous avoir invités à la commission
pour vous faire part de notre point de vue sur le projet de loi n° 10.
M. le ministre, on veut vous dire que l'on
partage vos objectifs de toujours améliorer la qualité des soins et la fluidité des services au bénéfice des Québécois.
On veut vous assurer que vous aurez toujours notre pleine collaboration
à cet égard. Et je
tiens dès le départ à vous féliciter pour la décision que vous avez prise dans votre
projet de loi de maintenir l'Institut
de cardiologie de Montréal comme un établissement autonome, étant donné qu'il
offre des soins spécialisés et ultraspécialisés aux Québécois, de
l'enseignement, de la recherche et qu'il a une vocation suprarégionale.
Là où on ne
vous suit pas, M. le ministre, c'est pourquoi on n'a pas obtenu ce même statut.
On est pourtant un institut de plus grande envergure que l'ICM parce
qu'en plus de la cardiologie tertiaire on offre également des soins spécialisés et ultraspécialisés en pneumologie et
en obésité, et ce, à la demande même du ministère. On est, à ce titre, le
seul centre coeur-poumons-obésité au Canada,
ce qui fait de nous un institut unique. On est aussi le seul institut de
pneumologie du Québec, le centre
d'excellence en chirurgie bariatrique et on est le seul centre de recherche au
Canada et un des rares dans le monde à avoir parfaitement arrimé nos
trois axes de recherche sur nos trois spécialités uniques.
Tout ça fait
de nous le spécialiste québécois et canadien des maladies chroniques
sociétales. Donc, pourquoi ne pas
nous donner à nous aussi l'autonomie dont on a besoin pour continuer à
développer notre expertise dans nos domaines? Il faut que la commission le réalise, c'est un Québécois sur trois que
l'institut sert présentement, soit 2,2 millions d'habitants qui vont être touchés par cette situation. C'est
22 comtés au Québec qui sont concernés, dont plusieurs députés qui sont
membres de cette commission sont présents aujourd'hui.
Mais on a
bien entendu le message que vous vouliez obtenir nos commentaires, M. le
ministre. Alors, on est bien contents
aujourd'hui de venir vous aider à bonifier votre projet de loi. Notre demande
est simple, M. le ministre, on veut que
l'institut soit inclus à l'article 7 du projet de loi et se voie reconnaître
son statut d'institut universitaire suprarégional avec une gouvernance
autonome. C'est le seul moyen de pouvoir préserver l'expertise de l'institut.
• (16 h 10) •
M. le ministre, laissons de côté les idéologies
et soyons pragmatiques, regardons la situation froidement. La suppression de l'autonomie de l'institut en
l'intégrant dans un nouveau centre régional de soins généraux va avoir des impacts
négatifs majeurs pour l'institut. Contrairement à ce que vous prétendez depuis
le début de cette commission, ça va clairement faire régresser
l'institut et la région de Québec au grand complet.
Bien sûr,
vous nous direz de ne pas nous en faire, que ça va être comme avant, que notre
désignation universitaire va demeurer, qu'on va pouvoir garder notre nom
antérieur, que notre fondation va pouvoir continuer à opérer comme avant.
Pour nous, M. le ministre, ce sont juste
des illusions, parce que, sans le maintien de notre autonomie, ça ne veut absolument rien dire. Il ne faut surtout
pas minimiser la situation.
Le vrai problème,
et vous savez où il se situe, c'est qu'en nous fusionnant avec un CISSS vous
nous enlevez tous les leviers
décisionnels dont on a besoin et notre capacité d'agir rapidement
et efficacement pour répondre aux nombreux défis particuliers qu'on doit rencontrer pour
continuer à bien servir les Québécois et à rayonner à l'international. Avec
cette fusion, on se retrouverait très minoritaires dans le CISSS pour faire
valoir nos priorités.
M. le ministre, nos activités exigent des prises de décision rapides, adaptées
à notre réalité particulière. Mais, si on devient une coquille vide, sans une gouverne autonome, on ne pourra plus
répondre aux missions particulières que vous nous avez pourtant confiées.
Pourtant, c'est ce que l'on souhaite le plus au monde en ce moment. Tout le
monde est mobilisé à l'interne en ce moment.
Tant les médecins que l'ensemble du personnel, on veut pouvoir continuer à
faire profiter la population de notre expertise unique.
Il ne faut
pas se le cacher, M. le ministre, le nouveau CISSS va avoir de gros défis, et on
peut présumer que les services de première et deuxième ligne vont
prendre beaucoup de place. Nous, pendant ce temps, si on est fusionnés, qu'est-ce qu'on va faire? On va mettre beaucoup d'énergie pour tenter de maintenir le cap. Mais
on n'y arrivera pas. On n'y arrivera simplement pas.
Le
développement des activités universitaires de la région de Québec va donc être
durement affecté. On risque de perdre
également des chercheurs et cliniciens de renommée internationale qui vont
peut-être nous préférer des instituts autonomes.
Le centre de recherche va devenir beaucoup moins compétitif au niveau
international par rapport notamment à
l'Institut de cardiologie de Montréal. Et l'apport économique attendu au niveau
des activités du centre de recherche de l'institut ne sera pas au rendez-vous. Il faut rappeler à la commission
que, juste en 2013‑2014, ce sont des investissements de l'ordre de
33 millions de dollars qui ont bénéficié à la région.
Pour nous, M. le ministre, le problème avec ce
projet de loi, c'est qu'il offre une solution unique sans tenir compte de la réalité terrain. Permettez-moi cette
analogie. Vous avez pensé et élaboré un nouveau design. Vous avez choisi
un modèle uniforme pour l'ensemble des
établissements du Québec et pour l'ensemble des régions sans distinction, sauf
pour Montréal. Vous avez créé dans toutes
les régions un magasin général de soins de santé et de services identiques.
Vous démolissez les établissements spécialisés et ultraspécialisés, mais
vous leur trouvez un rayon dans le nouveau grand magasin général où ils vont
devoir faire entrer toute leur expertise.
Vous ne vous
trompez pas sur nos prétentions, M. le ministre. Nous pensons que le modèle de
magasin général peut très bien
convenir à un certain nombre de régions et nous ne sommes pas en train de dire
que c'est un mauvais magasin, loin de
là. Mais ne tombez pas dans le piège de croire que le modèle du magasin général
va convenir aux besoins de toutes les
régions, et surtout pas de tous les services qui étaient offerts auparavant
dans des établissements spécialisés et ultraspécialisés.
Cette
décision, M. le ministre, on se l'explique d'autant plus mal qu'il n'existe
aucun problème à Québec, vous l'avez
d'ailleurs vous-même souligné à plusieurs reprises. La région de Québec n'a pas eu à attendre
un projet de loi pour arrimer
et mettre en place des ententes pour créer des corridors de services efficaces.
Dans ces circonstances, pourquoi
on a besoin d'une loi pour continuer à faire
ce qu'on fait déjà bien? Pourquoi appliquer un puissant remède à la région
de Québec, M. le ministre, alors que le patient n'est pas malade?
En plus, vous
possédez déjà les leviers nécessaires dans votre projet de loi, au chapitre
III, si vous voulez déterminer des nouveaux corridors de services. Cette solution, vous en conviendrez,
serait beaucoup moins drastique que celle que vous avez
privilégiée pour l'instant et ça aurait aussi pour net avantage de rétablir
l'équilibre qui a été brisé par le projet de loi et les
rapports de force entre les activités universitaires de la région de la
Capitale-Nationale par rapport à la région montréalaise. Je vous rappelle, à
cet effet, que, dans la nouvelle organisation du réseau, il y aura au total 28 établissements de santé au Québec, donc 28
P.D.G. De ce nombre, neuf seront de la région de Montréal. Combien pour la région, pour la grande région universitaire de
Québec? Un seul P.D.G., puisqu'il n'y aura qu'un seul établissement, et
zéro établissement universitaire. Je pense que là-dessus les chiffres parlent
d'eux-mêmes.
En conclusion, M. le ministre, nous vous posons cette question qui est cruciale
pour nous et pour l'ensemble du réseau
de la santé du Québec : Pourquoi vouloir faire disparaître le plus important
centre de cardiologie tertiaire du Québec, le
seul institut universitaire en pneumologie du Québec, le centre d'excellence
en chirurgie bariatrique du Québec, le seul centre
coeur-poumons-obésité-métabolisme du Canada, le seul centre de recherche canadien et un des
rares au monde à effectuer des
recherches, qui permet des avancées technologiques scientifiques directement applicables aux soins et qui en améliore sans cesse la qualité?
Avons-nous
les moyens de nous priver de cette expertise unique qui a été développée depuis
100 ans au bénéfice de l'ensemble des
Québécois? Avons-nous les moyens de nous priver des
meilleurs professionnels et des meilleurs chercheurs dans ces domaines? Avons-nous les moyens de nous
priver des retombées économiques et scientifiques majeures que créent les activités effectuées au centre de recherche de l'institut
pour la région de la Capitale-Nationale et pour le Québec
en entier?
Nous sommes présentement devant une incompréhension totale face à cette décision, M. le ministre, et nous vous demandons
humblement de répondre à ces questions et de nous expliquer cette décision, de
l'expliquer également à la
population du Québec, qui va être très perdante au change. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, Mme Nadeau. À la demande du ministre, nous vous avons accordé le temps de terminer votre intervention,
ce qui va amputer d'autant le temps qui était dévolu au ministre, donc qui va passer de 23 min 30 s à 21
minutes, donc pour un bloc de 21 minutes d'échange avec le ministre. M. le
ministre de la Santé.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Mme Nadeau, Dr De Larochellière, Dr
Martel, Me Caron, bienvenue, je suis
content que vous soyez ici. C'est une commission parlementaire où les gens sont
invités à venir s'exprimer, puis je pense que vous l'avez fait avec la
plus grande transparence possible. Je vous en remercie.
Ceci dit,
j'aimerais ça... Écoutez, là, je vais vous poser une question, une première
question : Vous dites quoi si je mets l'institut de cardio de
Montréal dans un CISSS?
Mme Nadeau
(Madeleine) : M. le ministre, je vous réponds : Vous avez pris
une excellente décision de lui laisser dans
son autonomie parce qu'il en a absolument besoin pour poursuivre ses activités de développement. C'est un fleuron du Québec, le centre de cardiologie de Montréal.
Québec, c'est un fleuron aussi, le centre de cardiologie et de pneumologie
de Québec. Vous avez pris une bonne décision, et je vous félicite...
M. Barrette : Et je peux très bien
la renverser, par exemple, je peux très bien mettre le... Parce que ça a
été considéré. Je peux très bien mettre l'institut de cardio avec le CHUM.
Mme Nadeau (Madeleine) : Ce serait
malheureux...
• (16 h 20) •
M.
Barrette : La raison pour laquelle je vous pose cette question-là, Mme
Nadeau, elle est très simple, c'est parce que vous me proposez une vision pour le moins apocalyptique de ce qui va
arriver à l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, là. Je ne vois pas...
Vous ne m'avez pas donné d'explication concrète qui supporte votre
vision, qui est extrêmement négative. Vous avez été très transparente, je vais
l'être moi aussi.
Je vais vous
donner un ou deux exemples, là. Le premier exemple, Mme Nadeau, là, c'est que...
Et ça a été dit clairement. Puis je ne vous dis pas que vos arguments ne
sont pas valables, là. Je veux juste qu'on se comprenne, là. Vous m'avez dit clairement que, selon vous, là, ce
n'est pas compliqué, on va détruire la carrière de tout le monde à l'institut
universitaire de cardio et de pneumo de
Québec. Vous allez perdre vos chercheurs, vous allez perdre votre mission, vous
allez perdre votre développement. Vous allez
essentiellement tout perdre, là, vous allez devenir quasiment un CLSC. Je ne
vois pas, là, comment ça, ça peut arriver. J'aimerais ça que vous m'expliquiez...
Je vais vous
donner un exemple. Le premier groupe qui est venu ici, là, O.K., c'est la
fédération des fondations hospitalières du Québec. Et, sachant que
probablement vous alliez venir à un moment donné, et d'autres hôpitaux
universitaires, je leur ai posé une question très simple : Est-ce que,
dans votre opinion, le fait de faire... d'intégrer un hôpital universitaire, ça va nuire à sa fondation? Et la réponse a été
catégorique. En fait, le président de la fédération des fondations a été surpris de la question et il a
répondu, là, d'une façon assez surprenante — surprenante dans le sens où il était pas mal surpris — que, non, il ne voyait pas... Il était
surpris de la question parce que, pour lui, il ne voyait pas de lien
entre les deux. Alors, voilà pour la question de la fondation.
Or, on sait
que les fondations vivent sur la réputation des hôpitaux, la notoriété des
hôpitaux. Alors, ces gens-là, là, des
fondations nous disent : À partir du moment où les installations, là,
l'hôpital qui est le vôtre garde sa mission, n'est pas altéré dans sa vision et dans sa finalité, je
ne vois pas, là, moi, comment vous... J'aimerais ça que vous me l'expliquiez,
là. Elle est où, la cascade qui part
de maintenant, là, CISSS, et puis, woups! c'est fini, vous devenez, à toutes
fins utiles, un CLSC? De la manière que vous le décrivez, là, Mme Nadeau,
là, c'est la fin de votre hôpital. J'ai de la misère à voir le lien entre le début de la cascade et la fin que vous
décrivez dans votre présentation, qui était très claire, soit dit en passant.
M.
De Larochellière (Robert) :
Avec tout votre respect, M. le
ministre, ce que Mme Nadeau vous a décrit, c'est une
réalité qui est propre à celle d'un institut. J'ai entendu tantôt l'éloquente
présentation des collègues de Sherbrooke,
qui ont décrit une réalité très différente.
Quand on parle de la perte de notre expertise, on parle de la perte de
l'expertise d'un institut dont 60 % de la clientèle est une
clientèle suprarégionale dépendante d'autres CISSS sur lesquels notre institut va perdre toute influence administrative.
On parle d'un institut où 70 % des clientèles sont des clientèles
tertiaires et quaternaires, ce qui
est une réalité très différente de celle d'un CHU, où il y a 30 % des
clientèles qui sont des clientèles tertiaires
et quaternaires. Alors, ces clientèles-là, cet arrimage, et cet arrimage parfait
que nous avons établi dans notre institut
entre les axes de la pneumologie, de l'obésité et de la cardiologie, ce parfait
arrimage-là, c'est ça qui est menacé.
M. Barrette : Mais pourquoi?
M. De Larochellière (Robert) :
Alors, cet arrimage-là est menacé parce que tout ça repose sur des échanges académiques, tout ça repose sur des partenariats
qui sont établis avec des chercheurs à l'étranger, avec des partenaires de l'industrie et qui vont nécessiter beaucoup de
flexibilité au niveau administratif. Cette flexibilité-là est essentielle au
niveau administratif pour arriver à prendre des décisions qui vont pouvoir être
prises rapidement. La recherche est un milieu
compétitif, et, si on n'arrive pas à prendre nos décisions rapidement, les
décisions seront prises plus rapidement ailleurs, puis l'argent va aller ailleurs, la recherche va aller
ailleurs, puis les chercheurs vont suivre la recherche. Alors, c'est ça qui est menacé chez nous. Alors, que ce
soit à Montréal, à Toronto ou ailleurs, c'est ce que nous sentons comme
menace. C'est une menace sincère et c'est une préoccupation très importante.
L'IUCPQ se
positionne, là. On a un centre de recherche qui est reconnu comme exceptionnel
aux yeux du FRQS. On a un volume de
traitement clinique en cardiologie qui est plus gros que celui de l'autre
institut que le projet de loi n° 10 reconnaît. Alors, comment faire en sorte que nous puissions garder cette
reconnaissance-là et comment faire en sorte qu'on va être capables de transporter cette
reconnaissance-là à l'intérieur d'un CISSS qui va avoir des problèmes très
importants?
Le CISSS de
Québec, là, c'est un CISSS, vous le savez mieux que moi, qui va avoir un budget
annuel de 1 milliard de dollars.
1 milliard de dollars, là, c'est un portefeuille de ministre.
1 milliard de dollars, c'est ce qui va gérer l'ensemble des établissements que le CISSS de Québec va
pouvoir compter. Le CISSS de Québec, c'est un CISSS qui a fait un travail
extraordinaire d'intégration, vous nous l'avez dit tantôt.
L'IUCPQ a
fait un travail absolument exceptionnel au cours des dernières années pour
améliorer sa performance économique.
Je pourrais vous citer un paquet d'exemples que vous connaissez aussi bien que
moi. Quand on va arriver à l'intérieur d'un CISSS qui va être pris avec des
réalités où on a un CHU de 1,3 milliard à 1,5 milliard à construire, on a un établissement
à construire à La Malbaie, un autre établissement à construire à
Baie-Saint-Paul puis qu'on va faire valoir qu'on a un projet de recherche intéressant pour lequel il faut avancer
en cardiologie tertiaire ou quaternaire, on risque d'être loin dans les priorités. On risque de courir après
nos compétiteurs, si on veut les appeler comme ça, dans le domaine de la
recherche en cardiologie et de ne pas être capables de les suivre.
Vous nous
imposez de courir le 110 mètres haies avec une jambe coupée aussi vite que les
autres vont courir le 100 mètres. Ça
devient impossible, M. le ministre. Quand on va s'asseoir à la table pour vous
parler, on va avoir un P.D.G. de
CISSS, il va y avoir neuf P.D.G. des CISSS de la région de Montréal, il va y
avoir quatre P.D.G. d'institutions universitaires
de la région de Montréal, zéro de Québec. Au hockey, on appelle ça manger une
volée. Alors, c'est ça qui nous
attend, M. le ministre. Et, quand on va en être rendus là, bien on va les
perdre, nos chercheurs, puis on va perdre l'intérêt, puis on va perdre notre mobilisation et cette motivation-là
très importante qui est aujourd'hui mobilisante pour l'ensemble des
médecins et des chercheurs à l'IUCPQ.
Alors, M. le
ministre, pour moi, la question fondamentale que j'ai envie de vous poser,
c'est : Pourquoi refuser de
donner à l'IUCPQ le statut que vous avez donné à l'Institut de cardiologie de
Montréal? C'est ça, la vraie question. C'est
tout ce qui reste, M. le ministre, après avoir parlé. Tout ce qui reste,
c'est : Pourquoi l'Institut de cardiologie de Montréal et pourquoi
pas l'IUCPQ?
M.
Barrette : Alors, la question ici, je suis content que vous la placiez
comme ça parce qu'effectivement c'est juste
ça, la question, la question, c'est essentiellement une question de statut
comparatif d'abord et avant tout, parce que dans le fond, là, vous savez bien comme moi que l'apocalypse, ça
n'arrivera pas, là, mais ce que vous voulez, c'est la même indépendance que l'autre. Puis je ne vous dis pas
qu'on ne vous la donnera pas. Mais le fond du fond, là, c'est celui-là.
D'abord et
avant tout, vous posez le problème exactement de la même manière qu'un centre
de réadaptation. Un centre de
réadaptation, là, a exactement peur de ça, d'être avalé par l'hôpital. Et là
vous me décrivez une situation essentiellement apocalyptique. Les
gestionnaires du réseau, là, de ce CISSS-là, là, vont se donner comme mission
de vous rabaisser et de ne pas garder la
performance que vous représentez en vous avalant vers le centre de
réadaptation, tant qu'à faire. C'est ça que vous me décrivez, là. Vous
me décrivez des gestionnaires qui seront incapables de gérer dans votre intérêt et qui, si on donne l'orientation
ministérielle, par exemple, de garder votre statut et de garder tout ce
qui fait de vous ce que vous êtes, ne seront pas capables de le faire.
Je vais vous
conter une petite histoire, juste une histoire personnelle qui va vous faire
rire, parce que, moi, elle me fait
rire beaucoup. Alors, il y a deux ans, là, je suis allé en vacances en
Nouvelle-Angleterre et puis je suis arrêté, à l'automne, à Nantucket. O.K.? Nantucket, ce n'est pas exactement un
centre hospitalier universitaire de Nantucket, là, c'est au mieux un CLSC, là. Il n'y a tellement pas
d'ouvrage là qu'il n'y a pas de technicienne en radiologie en permanence
sur place, elle est à la maison. Je me suis
enfargé sur le trottoir, je suis tombé sur le poignet, je me suis cassé le
poignet. Je savais que j'avais une
fracture qui n'était pas bien, bien grave, mais j'étais sûr d'en avoir une. Je
suis allé passer une radiographie au
cas où, gnangnan, gnangnan. Alors, mes films, là, ils ont été lus par le Mass
General parce que le groupe du Mass General fait une bonne partie de l'État du
Massachusetts, incluant Nantucket. Puis, juste aux dernières nouvelles,
là, le Mass General, par rapport à vous
autres, je pense que c'est aussi connu, puis c'est aussi notoire, puis ça
ramasse autant d'argent, puis il y a
autant de chercheurs, puis il y a autant de tout ce que vous voulez. Mais la
radiologiste de garde, au Mass
General, a lu ma fracture linéaire du poignet qui a eu besoin d'une attelle
seulement. Expliquez-moi, là, comment le Mass General peut être ce qu'il
est et en même temps couvrir Nantucket...
Mme Nadeau
(Madeleine) : M. le ministre...
• (16 h 30) •
M.
Barrette : ...sans perdre sa notoriété, ses chercheurs, et ainsi de
suite? Mon point, c'est que je comprends votre point, mais j'aimerais ça avoir des arguments de votre part qui seront
fondés sur autre chose que l'impression que la fin du monde va vous arriver parce que vous pensez que
le système qui va être mis en place va être tellement délétère pour vous autres que, dans le fond,
je vais donner la mission au CISSS de vous détruire.
Le Président (M.
Tanguay) : Mme Nadeau.
Mme
Nadeau (Madeleine) : M. le ministre, je ne commenterai pas votre expérience personnelle, mais je vais
revenir sur vos propos avant de... Je vais
vous dire, M. le ministre, avec tout le respect que je vous dois, que je
suis en désaccord avec plusieurs points que vous avez soulevés dans vos commentaires.
C'est vrai, tout
comme vous, le patient, la rapidité de l'action, l'amélioration des services
est au coeur de nos préoccupations. Mais, pour ça, je dois vous réitérer ceci,
comme institut, il est de notre
devoir et de notre responsabilité de
demander de conserver notre gouvernance autonome et notre vocation
suprarégionale pour pouvoir... Ce n'est pas une question de structure, c'est pour pouvoir continuer à offrir les
meilleurs soins spécialisés, ultraspécialisés que nous offrons à
2,2 millions d'habitants du Québec, pour continuer à développer notre
expertise au bénéfice de tous.
En
clair, M. le ministre, tout ce que nous vous demandons, c'est très simple, nous
vous demandons de nous inclure à l'article
7, comme l'ICM. C'est essentiel pour nous, c'est ça qui fait de nous le seul...
et qui confirme le seul spécialiste québécois des maladies chroniques sociétales, pour qu'on soit capables
de continuer à servir les Québécois. Le projet de loi, il ne faut pas se faire d'illusions, il va
entraîner la mort à petit feu de l'expert québécois des maladies chroniques
sociétales C'est les maladies
cardiovasculaires, respiratoires reliées à l'obésité. Enlever notre autonomie,
notre capacité de prendre des décisions rapides et efficaces... C'est
vital pour continuer à nous développer.
J'ai
le goût, en ce moment, de vous faire une analogie qui peut illustrer mon
propos, si vous me permettez cette analogie. Si, demain matin, le
ministère fédéral de la Santé indiquait, pour des raisons économiques ou
autres, qu'il rapatriait unilatéralement
tous les pouvoirs du ministère de la Santé du Québec au fédéral, mais qu'il
vous disait de ne pas vous inquiéter, qu'il va vous préserver votre
titre de ministre et va vous laisser vos bureaux, il va vous laisser vos
employés, qu'il va continuer à payer votre loyer, votre dépense, mais, à chaque
fois que vous voudrez donner une orientation
à vos activités, à chaque fois que vous voudrez investir dans des activités
propres à votre ministère et utiles aux Québécois, vous devrez lui en
faire la demande et attendre le traitement de votre dossier avant de pouvoir
agir... M. le ministre, c'est exactement ce
qui va se produire pour nous si on est fusionnés avec le CISSS de Québec et
qu'on perd notre gouvernance autonome.
L'enjeu,
pour nous, est très important. Ce n'est pas juste une question de titre, c'est
une question d'être capables et
d'avoir le pouvoir et les leviers pour répondre aux besoins de la population
dans nos domaines d'expertise. L'enjeu, il est là, il n'est pas ailleurs. Je vais vous dire, pour nous, si rien
n'est changé au projet de loi — j'espère que ça n'arrivera pas — il est raisonnable de penser qu'en moins de
10 ans les habitants du Nord, de l'Est et du Nord-Est du Québec peut-être
qu'ils vont être obligés de se rendre à Montréal pour obtenir des soins
spécialisés.
L'enjeu
est crucial, M. le ministre. Et je suis persuadée qu'on partage cette
préoccupation de bien desservir les Québécois
dans des domaines de pointe. Je suis sûre que c'est votre préoccupation
également. À moins que vous me dites non. Je ne vous ai pas entendu nous dire que ça ne vous préoccupe pas que les
Québécois aient accès à ces excellents services.
M. Barrette :
Et évidemment vous ne m'entendrez pas dire une chose comme celle-là, donc,
comme vous ne m'entendrez pas dire ou
décider que je... mettre en place quoi que ce soit qui diminue votre niveau de
prestation de soins. Ce que vous
dites à propos de l'institut, c'est tout vrai, j'en conviens à 100 %. Que
vous me disiez que vous voulez préserver votre statut de support
régional, je peux vous garantir que je...
C'est
vrai que les terminologies dans le projet de loi sont non idéales, c'est vrai,
je suis d'accord avec vous. Et je suis
d'accord avec vous que, dans les dénominations, il doit y avoir clairement un
statut suprarégional pour votre installation, votre établissement. Je suis d'accord avec vous avec ça, et ce sont des choses qui vont être corrigées. Comme
on l'a dit tantôt aux gens de Sherbrooke,
le côté universitaire et le côté suprarégional de vos institutions doit être reconnu, j'en suis, je suis tout à fait d'accord avec
vous.
Maintenant,
si vous me permettez de reprendre votre parallèle, contrairement à ce que vous pensez, je ne peux pas
faire ce que je veux, moi, là, là. Je reprends votre exemple, là. Moi, je dois
aller au Conseil du trésor quand je prends des décisions qui ont des dollars qui sont mis en cause. Je suis comme
vous, je suis autonome, mais il faut que j'aille demander à quelqu'un au-dessus de moi. Et le au-dessus de moi ne
m'empêche pas de gérer le ministère
de la Santé et des Services sociaux non plus, mais, en quelque part, il y a
une autorisation qui doit venir. Et je ne dis pas qu'on doit vous mettre dans
une structure où vous devez être assujettis
à qui que ce soit, surtout pas si la structure vous reconnaît votre
mission comme c'est la finalité. Je
suis d'accord avec vous, Mme Nadeau, pour ce qui est de la
dénomination, de la notoriété, il y a des choses
à corriger, je suis d'accord 100 %
avec vous, mais... Et je vous pose la question, là — parce que là j'imagine qu'il nous
reste moins de temps, là — ...
Le Président (M.
Tanguay) : Il vous reste à peu près trois minutes.
M.
Barrette : ...y a-t-il, Mme Nadeau... Et là je vais faire un parallèle
qui est imprécis. Je sais qu'actuellement, dans la région de Québec, vous étiez quand même en réflexion pour
joindre... avant que je présente le projet de loi n° 10, là, vous étiez en réflexion pour joindre le CHU de
Québec. Vous étiez dans cette réflexion-là. Je ne vous dis pas... Puis je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche,
là, je ne vous dis pas que vous aviez conclu que vous alliez le faire, mais
vous aviez une réflexion, là, qui est
engagée là-dessus ou du moins il y avait des pourparlers avec... Là vous me
dites non?
Mme Nadeau (Madeleine) : Non. Je
regrette, mais non.
M.
Barrette : Y a-t-il un chemin qui vous apparaîtrait praticable pour
que, vous et moi, arrivions à une destination qui nous satisfasse l'un
et l'autre?
Le Président (M. Tanguay) : Mme
Nadeau.
Mme Nadeau
(Madeleine) : M. le ministre, nous sommes vos partenaires, nous ne
sommes pas vos adversaires. Je vous
ai dit d'entrée de jeu, nous souhaitons collaborer avec vous, nous souhaitons
collaborer de tout coeur avec vous. Ce
que je vous dis : Vous avez fait un design pour le système de santé au
Québec. Ce que je vous dis tout simplement : Dans ce design-là, il s'est glissé quelque part
une erreur. Cette erreur-là, c'est de ne pas mettre l'IUCPQ dans votre article
7 et lui conserver son autonomie. Je
ne vous demande pas de défaire quoi que ce soit. Je m'approche de vous. Ce que
je vous dis : Prenez l'IUCPQ et
mettez-le sous l'article 7 en lui conservant sa pleine autonomie. Si on obtient
cet élément-là, ça enlève ce
déséquilibre Québec-Montréal et ça nous met sur la même longueur d'onde. Et
vous allez pouvoir continuer pour
longtemps à être responsable et avoir la fierté d'avoir deux instituts de
cardiologie, un de cardiologie, un de cardiologie et pneumologie de Québec, très performants, dont
vous allez être fier, dont les Québécois vont être fiers. Et, pour y arriver,
dans l'ensemble de votre projet, avec cet
élément de modification là, nous serons au rendez-vous pour collaborer avec
vous, nous serons au rendez-vous pour que
vous puissiez atteindre vos objectifs à 100 %. Nous sommes d'accord que le
Québec est dans une situation financière
difficile. C'est un défi majeur qui vous attend. Nous voulons relever ce
défi-là avec vous. Nous le souhaitons de tout coeur. Donnez-nous l'oxygène,
donnez-nous l'opportunité, en nous inscrivant à l'article 7 de cette
loi-là, de nous joindre à vous et de faire le reste du chemin ensemble.
M.
Barrette : Bien, Mme Nadeau, je vous remercie de vos commentaires, je
vais les prendre en considération de façon sérieuse et...
Mme Nadeau (Madeleine) : Merci.
M.
Barrette : Bien, on va revenir un peu plus tard avec d'autres
décisions. Mais vous avez fait un plaidoyer qui était très clair, et
j'en prends bonne note.
Mme Nadeau (Madeleine) : Merci, M.
le ministre.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à ce
premier bloc d'échange. Je cède maintenant la parole à notre collègue
députée de Taillon pour un bloc de 14 minutes.
• (16 h 40) •
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Mme Nadeau, Dr De
Larochellière, Dr Martel et Me Caron, merci,
merci d'être là. Je dois vous dire d'entrée de jeu qu'à ma première lecture du
projet de loi n° 10 j'ai eu la même réaction que vous, c'est-à-dire : Comment se fait-il qu'on n'ait
pas un centre suprarégional à Québec et à Sherbrooke et... à Québec. Il est clair que l'Institut
universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec doit avoir ce statut
et doit être reconnu par, non pas le
titre ou une pseudocompétition avec Montréal, mais par la nature même des actes
que vous posez, de la recherche que
vous faites et du caractère très de pointe que vous... la mission de pointe que
vous avez. En tout cas, je suis très consciente de la distinction.
Et autant je
suis pour une intégration verticale de notre système de santé, qui passe à
travers toutes les démarches, incluant
les gens qui ont des besoins au niveau des services sociaux, des gens qui ont
des problèmes en santé mentale, qui ont
des besoins particuliers, avant même la première ligne ou parallèlement à la
première ligne, deuxième ligne, troisième ligne, mais il faut quand même reconnaître qu'au Québec on a quelques
secteurs d'excellence, d'expertise et de recherche, et ce sont les
créneaux dont on doit être fiers et qu'on doit protéger, et vous appartenez
certainement à ça.
Et tantôt
vous avez fait une analogie et peut-être que je la bonifierais ou, en tout cas,
je la nuancerais, je pense qu'elle
traduirait peut-être mieux ce que vous essayez d'illustrer. Par exemple, le
sport, qui est quelque chose de bénéfique et auquel on veut que tout le
monde ait accès, bien il se fait de différentes façons et à différents niveaux.
Il faut une intégration, il faut un sport au
niveau scolaire, il faut un sport d'élite même, il y a du sport-études, il y a
du sport dans la rue, mais, à un
moment donné, on décide qu'on a quelques individus qui sont de compétiteurs
olympiques qui rayonnent à travers la
planète, et qui font avancer de façon particulière la connaissance, la
recherche, le rayonnement, et qui ont même, je dirais, un impact économique. Donc, il y a des retombées économiques
certainement à certaines recherches que vous faites, ne serait-ce que dans l'accueil des étudiants du Québec, mais
aussi des étudiants étrangers, la collaboration avec des experts
étrangers. Alors, tout ça, je pense que le Québec en a bien besoin et je pense
qu'il faut vraiment soutenir. Et, à travers ça, la reconnaissance d'un statut suprarégional devrait
vous être reconnue sans que vous ayez à livrer un combat exceptionnel.
Je trouve que vous avez, dans votre
présentation, un élément où j'aimerais peut-être vous entendre et qui va peut-être nous aider, tous ensemble, à convaincre
le ministre. Vous avez, dans l'enjeu 3... Vous avez dit — et tout ceci, en tout cas, pour moi, m'apparaît clair — que et l'Institut de cardiologie de
Montréal, comme vous l'avez dit, et l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec sont des pôles
de grande expertise. Mais vous dites, donc, dans l'enjeu 3 : «...il montre des forces distinctes reconnues au niveau
international.» Pourriez-vous me parler de quelques forces distinctes
qui sont reconnues au niveau international?
M. De
Larochellière (Robert) : Bien, si on parle de l'Institut de
cardiologie de Montréal, on parle d'un centre absolument exceptionnel. Si on parle de l'IUCPQ, on parle d'un centre
absolument exceptionnel. Alors, en ce sens-là, on se ressemble.
La différence réside surtout dans nos missions.
Alors, on a des missions fortes en cardiologie, une mission également en pneumologie, qui n'existe pas à
Montréal, puis une mission avec une surspécialisation en chirurgie bariatrique,
dans le traitement de l'obésité. Alors, ça
fait de nous un institut unique. Et ce n'est pas seulement d'avoir ces trois
missions-là qui fait de nous une force unique, c'est le fait d'avoir
réussi à intégrer parfaitement ces trois missions-là de façon horizontale entre eux autres quand c'est le temps
de donner des soins aux patients, mais aussi au niveau de la recherche.
Alors, au niveau de la recherche, ces trois missions-là sont parfaitement
alignées sur les trois réalités cliniques de dispensation
des soins, et ces recherches-là, qui sont conduites dans les trois axes,
cardiologie, pneumologie et obésité, améliorent
la prestation des soins aux patients dans les trois axes. Alors, c'est ce qui
fait de nous un institut unique. C'est une caractéristique qui est très
importante.
Notre centre de recherche est extrêmement
productif. Quand les gens parlent de l'Institut de cardiologie de Montréal, on parle d'un joyau. Quand on parle de
l'IUCPQ, on parle aussi d'un joyau. Alors, notre centre de recherche a
une prestation en volume qui est égale, voire supérieure quand on regarde le
nombre de publications par chercheur qui émanent de chez nous.
Alors, on a
un institut unique qui est le seul
institut — et là je
vais sortir des frontières québécoises pour aller au Canada — le seul institut canadien des maladies
sociétales. Affaiblir l'institut, c'est affaiblir le seul institut de soins et
de recherche des grandes maladies
sociétales. Il ne se passe pas une semaine sans qu'on parle des problèmes
épidémiologiques de cardiologie,
pneumologie et d'obésité; ce n'est pas pour rien. Alors, ça prend un institut
qui conduit les recherches, et c'est
ça que nous faisons. À l'IUCPQ, on conduit les recherches sur les grandes
maladies sociétales. Et, comme on est présents
dans les trois axes, que les trois axes sont parfaitement alignés au niveau
vertical, horizontal, dans le sens que vous voulez, bien c'est ça qui
fait de nous un institut unique.
Alors, perdre
l'institut, c'est perdre quelque chose qui ne s'en ira pas nécessairement à
Montréal. Perdre l'institut, c'est
perdre quelque chose qui va peut-être s'en aller à Toronto, à Cleveland, au
Mass, alors c'est ça. Alors, tu sais, c'est ça, perdre l'institut, c'est sortir
des investissements, prendre 3 millions dans la dernière année... On a un
chercheur... On a parlé d'une
première, la semaine dernière, on a implanté une valve mitrale de façon
absolument extraordinaire. Alors, on en
a parlé la semaine dernière. Bien, on a un chercheur qui vient... qui est en
finalisation d'une entente avec la NIH pour amener un contrat de 9 millions de dollars de recherche à
l'institut, mais tout ça vient du fait qu'on a eu une gouvernance qui
nous a permis d'avancer dans ces soins ultraspécialisés là. Et perdre
l'autonomie de cette gouvernance-là, c'est possiblement
renoncer à ça et possiblement renoncer aux chercheurs qui conduisent ces
travaux-là. Je m'excuse, M. le ministre,
mais c'est une grande inquiétude et c'est une inquiétude sincère de tous les
chercheurs et de tous les cliniciens de notre centre.
Mme
Nadeau (Madeleine) : Est-ce que je peux me permettre de vous ajouter
juste un élément? On a des économies à faire
au Québec, on en est conscients, et tout le monde veut y participer. Mais, à la
lecture de notre document, de notre mémoire, je veux vous ajouter ceci,
c'est qu'à l'institut actuellement, en termes de performance de gestion, selon
le palmarès, les données du ministère de la
Santé, sur les 126 établissements, nous sommes le septième établissement le
plus performant au Québec. L'agrément...
Agrément Canada, quand ils sont venus nous évaluer l'année passée, ils nous ont
donné la note exceptionnelle, notre gouvernance, elle a mérité la note 10 sur
10.
Dans ce
contexte-là, quand on regarde notre taux d'encadrement, le nombre de cadres qui
est disponible, nous sommes parmi les plus performants au Québec. On
manque de cadres, en réalité, on est en dessous de la moyenne québécoise, on a moins de cadres que la moyenne du
Québec, on a encore beaucoup moins de cadres qu'à l'ICM. Donc, quand on regarde notre modèle de gouvernance... On
a reçu des messages de différents gouvernements nous rappelant... je ne dirais pas nous rappelant à l'ordre, mais nous
sensibilisant à la situation financière du Québec. On les a écoutés et on a
fait le ménage chez nous. Donc, on se pose
la question : Sur le plan financier, quelle est la valeur ajoutée de nous
fusionner puisque nous sommes en bonne situation financière?
M. Martel
(Simon) : Peut-être
en complétant, en termes de soins également, parce
qu'on est déjà dans un modèle d'intégration,
peut-être pas dans une structure administrative intégrée, mais dans un modèle
de soins qui nous permet de collaborer
étroitement avec nos partenaires du réseau, que ce soit à l'intérieur de la
région 03, ou même, vous allez voir
dans notre mémoire, avec plusieurs régions qu'on collabore. Donc, on participe,
nos collègues cardiologues vont dans les autres régions, nos
pneumologues également, on participe à ça. On essaie d'intégrer...
Justement, on
parlait d'intégration avec la première ligne. Moi, je peux parler du cancer du
poumon. Donc, on a mis en place un
réseau de coordination d'investigation du cancer du poumon qui s'adresse
justement avec les cliniques de médecine familiale de tout le territoire. Donc,
on a tout fait ça justement pour être des partenaires actifs du réseau, même
si on parle beaucoup de nos missions tertiaires et quaternaires qui sont très
importantes, mais on est aussi des acteurs importants
avec la première ligne ou la deuxième ligne justement pour permettre la prise
en charge rapide des patients, une
belle fluidité. Et aussi éventuellement on parle de maladies chroniques
sociétales, ces patients-là, bien, on veut justement les aider à rester à domicile et on collabore à
plusieurs projets, justement, pour permettre des meilleurs soins, justement,
à ces patients-là à domicile.
• (16 h 50) •
Mme
Lamarre : Alors, écoutez,
je pense que ce que vous me décrivez, ça correspond vraiment
à la vocation d'un site
suprarégional. C'est vraiment dans ces dimensions-là qu'on veut que ça se
réalise et ça se concrétise. Je vois
aussi qu'à travers votre recherche il y a probablement de l'innovation
technologique qui peut amener éventuellement des économies dans l'organisation des soins. Mais il faut avoir, donc, des
gens qui ont aussi ce recul et cette distance pour juste être capables
de bien prendre la mesure d'une innovation plutôt que d'être constamment pris
dans un type de fonctionnement traditionnel.
On voit
toutes les nouvelles technologies au niveau du diagnostic. Ce matin, on m'a
montré un appareil qui permet de
détecter la fibrillation auriculaire, il y a plein de nouvelles technologies,
et c'est sûr qu'à ce moment-là un rôle suprarégional permet même d'être...
de donner des conseils au ministre sur une nouvelle façon de réorganiser les
soins en tenant compte de cette nouvelle
technologie, puisqu'au Québec je pense qu'une de nos défaillances ça a été
peut-être de continuer à rester dans
des vieilles pratiques ou dans des vieux stéréotypes où on voit, par exemple,
que certains spécialistes continuent de
faire des activités qui pourraient être faites par d'autres professionnels, et
ainsi de suite pour les médecins de famille, et ainsi de suite pour tous
les niveaux de soins infirmiers.
Donc, je
pense que ce que vous reflétez, c'est vraiment une mission qui est celle d'un
centre suprarégional. Et je vous
soutiens absolument dans votre démarche. J'ai confiance que le ministre nous
aura entendus. Et je pense, en tout cas,
que vous faites un très bon rapport. Je voudrais vous entendre parler un peu
des retombées économiques. Vous avez parlé
de la recherche ou du retour de recherche que vous avez. Peut-être que ces
éléments économiques là pourraient être... Vous avez parlé de
33 millions de dollars.
M. De Larochellière (Robert) : C'est
le budget du centre de recherche au cours...
Mme Lamarre : C'est votre budget,
mais...
M. De
Larochellière (Robert) : ...les
investissements dans le centre de recherche au cours de la
dernière année.
Mme Lamarre : O.K. Mais, dans des
retours de...
M. De Larochellière (Robert) :
Alors, le centre de recherche, c'est 700 employés. Vous avez parlé tantôt de chercheurs étrangers qui viennent séjourner chez
nous. On appelle ça communément des «fellows», du côté des médecins. On en accueille 24 cette année, le plus gros programme
de «fellowship » au Québec actuellement. C'est des médecins étrangers qui viennent travailler chez nous pour
un an ou deux avant de rapporter leur expertise et la notoriété de notre
institut.
Mme Lamarre : ...reçoit quelque
chose pour l'accueil de ces «fellows»?
M. De
Larochellière (Robert) : L'hôpital
ne reçoit pas d'argent, mais le séjour de ces médecins-là favorise la productivité, nous permet d'amener... Ils arrivent
la plupart d'entre eux avec des bourses qui supportent leur venue ici, parce qu'ils ont des coûts. Alors, ils viennent vivre chez nous avec leur famille
pendant un an ou deux. Ils viennent travailler en recherche principalement, contribuent beaucoup à la vie académique.
Alors, c'est ce que les programmes de «fellow» apportent chez nous. Mais, au-delà de ça, la vie économique d'un centre de recherche, il y a des
employés permanents, il y a les
investissements de nos partenaires de l'industrie qui sont très importants, de
façon annuelle, qui amènent des argents dans la région de Québec, qui
favorisent les travaux des chercheurs qui sont en place. Alors...
M. Martel
(Simon) : Peut-être pour ajouter. Même que, si on regarde, depuis la
création de l'institut — dans le fond, on a été nommés en 1996 — cette performance-là a amené une belle
intégration avec nos axes cliniques, nos axes de recherche, a fait une croissance extraordinaire de notre centre de
recherche. On est passés d'un centre de recherche qui était beaucoup
plus petit, beaucoup plus modeste, et maintenant on est tout près de 800
employés. On a parlé plus de 700, mais je
pense que c'est 796 employés. Donc, on a eu une croissance importante. Et ça
vient avec... justement on parle de renommée,
d'attraction, de gens qui viennent travailler avec nous, de collaborations,
après ça, en échange. On a des gens
qui viennent chez nous, mais, après ça, ça nous permet de faire des
collaborations avec ces gens-là et d'amener des investissements qui sont
très intéressants pour la région.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à ce bloc
d'échange. Je cède maintenant la parole à notre collègue de
La Peltrie pour un bloc de 9 min 30 s.
M.
Caire :
Merci, M. le Président. Bonjour à vous quatre. Je dois vous dire que votre
présentation se distingue par la
clarté de vos propos et de vos revendications, parce que je pense qu'on n'est
plus à l'étape de recommandations, on parle
vraiment de revendications. Puis je veux vous dire que c'est probablement la
première présentation où j'ai commencé avec des questions et j'ai fini avec des
réponses.
Parce que, quand j'ai
lu le projet de loi, moi aussi, je me suis étonné de voir effectivement qu'il y
avait ce deux poids, deux mesures et je me
posais la question : Est-ce que l'erreur, c'est de ne pas intégrer les
instituts aux CISSS ou l'erreur,
c'est de les intégrer? Et visiblement vous répondez à cette question-là.
D'ailleurs, le ministre vous l'a dit : Voudriez-vous que j'intègre l'Institut de cardiologie de Montréal aux
CISSS? Et vous avez dit : Non, ce serait une erreur. Ce serait une erreur. C'est vraiment fondamental
pour vous de garder cette autonomie-là. Puis j'aimerais qu'on
s'entretienne, peut-être qu'on aille un petit peu plus loin dans cette réflexion-là.
Parce que
vous semblez dire qu'un conseil
d'administration d'un CISSS ne serait
pas en mesure de vous donner la
flexibilité nécessaire. Donc, au quotidien, là, qu'est-ce qui est votre réalité? Qu'est-ce qui fait
en sorte que vous ayez besoin de
réunir le conseil d'administration rapidement, prendre des décisions? Quels
types de décisions nécessitent cette flexibilité-là?
Quelles situations vous mettent dans une position, je dirais, d'urgence, où
c'est d'avoir un investissement ou de
ne pas l'avoir, d'obtenir la venue d'un chercheur ou de ne pas l'obtenir, de
voir même peut-être des chercheurs quitter? Parce que vous avez dit, Dr De Larochellière, que les chercheurs
vont suivre les fonds de recherche, ce qui est tout à fait normal. Donc, pouvez-vous nous en dire un peu plus
sur cette réalité-là au quotidien pour bien faire comprendre au ministre que
l'institut de cardiologie de Québec a besoin du même statut que celui de
Montréal?
M. De
Larochellière (Robert) : L'autonomie de gouvernance d'une institution,
c'est une autonomie qui lui permet de gérer
son budget, si je comprends bien, et qui lui permet aussi de signer des
ententes avec des fournisseurs et éventuellement
des partenaires. Alors, la perte de la capacité pour une installation physique
de gérer son budget ou de signer des
ententes va faire en sorte que ceci va devoir être amené à un autre niveau
administratif, beaucoup plus large, qui va avoir des problématiques très
importantes, on ne les nie pas, on voit l'ensemble des problématiques, mais
qui vont avoir une réalité puis une vision
bien différentes. Alors que nous, on est 70 % de soins spécialisés et
ultraspécialisés, bien, si on prend
un CISSS, ça va être 80 %, 90 % de soins de première, deuxième et début
de troisième ligne. Alors, le conseil d'administration va être pris avec
toutes sortes de problématiques très importantes, sociales, accessibilité des médecins de famille, organisation des GMF, de
grands problèmes qui vont faire en sorte que le problème qui va pouvoir
être mis sur le brûleur arrière, là, bien...
M.
Caire :
...
M. De
Larochellière (Robert) : Et voilà. Et voilà. Alors, c'est possiblement
ce qui nous permet aujourd'hui d'être
compétitifs. Quand on parle de recherche, on parle d'un monde de compétition
qui est aussi féroce sinon plus que le monde
du sport. Cette compétition-là, elle est internationale, elle est en tout
temps. Pendant que je vous parle présentement, on est au congrès canadien, des collègues qui sont en train de défendre
des projets, en train de... Alors, c'est continu, ça ne s'arrête pas.
Et cette perte de
l'autonomie administrative, cette perte de la capacité de réaction, cette
difficulté de pouvoir appeler un
administrateur à l'hôpital, un directeur général, une direction des finances
pour lui expliquer que, oui, ça vaut la peine d'investir dans cette
technologie-là, oui, le développement, les efforts que ça prend pour développer
une façon... par le poignet pour
aller voir les artères coronaires, à long terme ça va mener à quelque chose.
Bien, aujourd'hui, ça a mené à une
façon qui a changé, qui a révolutionné les soins en cardiologie. Aujourd'hui,
une coronarographie, une dilatation des artères, le patient arrive à
l'hôpital, sort le même soir.
Bien, il y a eu des investissements,
il a fallu que notre établissement nous suive, il a fallu qu'ils acceptent des efforts économiques quand on a développé, quand on
a fait un projet de recherche original, pas supporté par l'industrie, hein, puis qu'on a conduit ce projet de recherche
là puis qui a fait en sorte qu'aujourd'hui ça a changé la pratique de la
cardiologie tertiaire non pas seulement qu'à
l'institut, mais sur l'ensemble du territoire québécois, voire de l'Amérique du
Nord. Alors c'est ça, la flexibilité
puis l'autonomie dont nous avons besoin. Et c'est cette flexibilité puis cette
autonomie-là qui rendent la recherche
plus dynamique puis qui permettent d'avancer, puis d'aller chercher, puis de
retenir ces chercheurs-là.
Mme Nadeau
(Madeleine) : M. Caire, je voudrais compléter ce que dit mon
collègue.
M.
Caire :
Allez-y, madame.
• (17 heures) •
Mme
Nadeau (Madeleine) : Elle est majeure, cette question-là. Parce qu'au
fond l'autonomie de gouvernance, qu'est-ce
ça veut dire? Ça veut dire l'identité. Ça veut dire l'identité juridique, c'est
ça que ça veut dire. Et les organismes subventionnaires,
si on devient un département du CISSS, les organismes subventionnaires, les
sommes qu'on reçoit et qui
contribuent au développement économique de la région... On ne transige pas avec
un département. Les organismes subventionnaires,
ils ont leur identité juridique. Alors, quand ils traitent, ils veulent traiter
comme toutes les entreprises, ils
traitent avec le décideur. On ne traite pas avec le représentant du décideur.
Quand on est prêt à mettre des millions,
on veut une entité juridique distincte avec... celle qu'on traite. C'est ça,
les règles du jeu. C'est ça, dans la vraie vie, ça marche comme ça. Je m'excuse
de le dire crûment, mais c'est ça, la game. Je ne sais pas... Simon, tu le sais
plus que moi.
M. Martel
(Simon) : Bien, en fait, les opportunités... Souvent, on a
l'impression que c'est au ralenti, des fois, les choses, mais je pense que les opportunités sont vraiment rapides. Et
Dr De Larochellière faisait allusion à nos contacts qu'on peut avoir
facilement avec la direction des finances, le directeur général. Toutes les
semaines, des chercheurs vont discuter avec la direction des finances,
la directrice des finances pour tel projet : C'est important. Donc, d'avoir
une efficacité dans la gestion nous permet justement d'avoir des opportunités
de partenariat, que ce soit avec d'autres institutions
à travers le Canada et le monde ou d'autres partenaires de l'industrie. Donc,
cette flexibilité-là facilite le travail,
justement, de demeurer toujours à la fine pointe puis en avant du train, pas
dans le wagon en arrière, en avant du
train. Donc, je pense que c'est ça, je pense, qu'on défend pour que ce soit une
garantie pour nous autres de pouvoir toujours offrir cette plus-value-là
qu'on a à l'IUCPQ.
M.
Caire :
Tout à l'heure, le ministre faisait le parallèle avec les fondations qui
disaient essentiellement : C'est important
que les institutions auxquelles nous, on est rattachés, gardent leur nom parce
que les donateurs veulent avoir l'assurance
que l'argent qui va être donné va aller à cette institution-là. Mais, dans le
fond, ce que vous dites, c'est : Dans notre cas à nous, c'est différent parce que c'est le centre de décision
qui doit réagir très rapidement, puis, quand on est noyés dans un... Vous faisiez le parallèle tout à
l'heure avec un magasin général. Quand on est le gérant de département des
fruits, bien, c'est bien de valeur, mais on n'est pas le gérant du magasin.
Plusieurs
organismes sont venus plaider leurs particularités, et la revendication était à
l'effet d'avoir un représentant au
sein du conseil d'administration. Mais vous, vous êtes formels, on n'est pas à
ce niveau-là, il faut vraiment avoir une entité juridique complètement
indépendante.
Mme Caron (Annie) : Si vous me
permettez, M. Caire. Effectivement, parce que, si on avait seulement une représentation au niveau d'un conseil
d'administration, comme vous avez entendu l'ensemble des porte-parole
aujourd'hui, ça ne nous permettrait
pas d'établir, et de déterminer, et de faire voter les priorités de la
troisième et de la quatrième ligne, qui
est l'institut universitaire de cardio et de pneumo de Québec, par rapport aux
priorités qui vont être assez urgentes pour la première ligne et la
deuxième ligne avec l'adoption éventuelle du projet de loi n° 10.
Parce que,
vous le savez, l'adoption du projet de loi n° 10, le ministre vise
essentiellement à une meilleure fluidité au niveau des première et deuxième lignes. Donc, essentiellement, ça va
être leur priorité, donc, demain matin. Et, comme Dr De Larochellière vous l'a mentionné, Dr Martel
également, nous, nos priorités se situent ailleurs. Donc, une simple
chaise de représentant au sein d'un conseil d'administration, ça ne serait
nettement pas suffisant, avec respect pour M. le ministre. Donc, nous, la
gouverne autonome, quand on parle de gouverne autonome, ce dont on a besoin,
c'est véritablement d'avoir un conseil
d'administration autonome, un établissement autonome — donc, je vais prêcher pour ma paroisse — donc, au niveau... une entité juridique
distincte pour faire en sorte véritablement de pouvoir continuer à se développer. Puis comment on va le faire? C'est
d'avoir justement une gouverne proche. Donc, les décideurs doivent être
proches de nos médecins, de nos surspécialistes. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, il nous reste à vous
remercier, les représentants et représentantes de l'Institut
universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec.
Compte tenu
de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain matin, 10 heures.
Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 17 h 4)