(Onze
heures cinquante minutes)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît.
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux
ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La
commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et
auditions publiques sur le projet de loi n° 10, Loi modifiant
l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux
notamment par l'abolition des agences régionales.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Giguère (Saint-Maurice)
est remplacé par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); Mme Hivon (Joliette) est remplacée par M. Kotto (Bourget); Mme Richard
(Duplessis) est remplacée par M. Pagé (Labelle).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ce matin, nous accueillons
d'abord l'Association médicale du Québec et ensuite, en audition
conjointe, l'Association des Townshippers et Voice of English Speaking Quebec.
Alors, merci beaucoup
aux représentants du premier groupe, soit l'Association médicale du Québec, je
vous souhaite la bienvenue. Pour les fins
d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous identifier, et par la
suite vous disposerez d'une période de 10 minutes pour votre exposé. Alors,
la parole est à vous.
Association médicale du Québec (AMQ)
M. Marcoux (Laurent) : Merci, M. le Président. Mon nom est Dr Laurent
Marcoux, et je suis accompagné de M. Normand Laberge, le directeur
général de notre association.
Dans un premier
temps, qu'il nous soit permis de remercier les membres de la Commission de la
santé et des services sociaux de permettre à
l'Association médicale du Québec d'exprimer son point de vue préliminaire sur
le projet de loi n° 10.
L'Association
médicale du Québec est la seule association québécoise qui rassemble l'ensemble
de la profession médicale du Québec,
soit les omnipraticiens, les spécialistes, les résidents et les étudiants en
médecine. L'Association médicale
compte sur un vaste réseau de membres pour réfléchir aux enjeux auxquels est
confrontée la profession médicale, proposer
des solutions et innover pour repenser le rôle du médecin dans la société et
constamment améliorer la pratique médicale.
Notre intervention se
veut lucide et constructive. Elle est guidée essentiellement par notre souci de
contribuer efficacement et positivement à
l'amélioration des services à la population. Nous avons toujours été les
instigateurs d'une réflexion
approfondie, pondérée, respectueuse et constructive sur les modèles
d'organisation les plus propices à rendre les meilleurs services aux citoyens du Québec. Nous sommes la voix
objective, non teintée de considérations syndicales ou corporatives.
Les
délais qui nous ont été impartis n'ont pas permis de procéder à une
consultation exhaustive de nos membres. Nous avons toutefois eu des échanges avec plusieurs médecins qui forment
les instances décisionnelles et consultatives de notre association. Nos commentaires toucheront principalement les
points suivants : le regroupement de la structure, l'impact sur la
qualité des services aux patients, la gouvernance du réseau et la période de
transition.
Je
n'aurai pas le temps d'aborder en détail tous ces éléments et je veux surtout
m'attarder au regroupement des structures et à la gouvernance du réseau.
À la lecture de notre mémoire, vous serez à même de constater notre grande
inquiétude quant à certains points de ce projet de loi. Il est primordial de
clarifier un point très important. L'AMQ est fondamentalement
d'accord avec toute mesure qui se traduira par une diminution de la
bureaucratie dans le réseau de la santé.
Nous avons déjà témoigné ici de notre volonté à ce sujet. Ainsi, nous ne sommes
pas opposés au principe de l'abolition des agences régionales.
Ce
qui nous préoccupe, c'est de voir comment les responsabilités de coordination
présentement assumées par les agences régionales vont dorénavant
s'exercer. À cet égard, l'Association médicale du Québec s'inquiète du
caractère extrêmement centralisateur de la
nouvelle organisation proposée. Cette poussée centralisatrice va à l'encontre
de toute tendance lourde qu'on
observe dans l'ensemble des systèmes de santé occidentaux. En effet, les modes
de fonctionnement qui y sont
privilégiés sont ceux qui rapprochent la prise de décision des milieux
cliniques où se donnent les services de santé.
J'arrive, d'ailleurs,
d'Ottawa, où des discussions entourant la gouvernance réunissaient des
représentants de toutes les provinces. Je
peux vous assurer que ces préoccupations de gouvernance sont partagées partout
au pays. La plupart des provinces ont
opté, à divers degrés, pour une plus grande centralisation du système de santé.
Cela a été le cas particulièrement au Nouveau-Brunswick et la
Nouvelle-Écosse, et surtout en Alberta.
Il y a quelques
années, l'Alberta a adopté une gouvernance centrale, mais a dû y mettre fin quelques
années plus tard à cause des problèmes de cafouillage que ça avait amené, et on
voulait, à ce moment-là, remplacer les agences qui ressemblaient à nos
agences qu'on a ici actuellement. Et on avait fait ça certainement dans une
bonne cause, en vue d'améliorer l'efficacité et l'efficience du réseau. Mais on
a dû faire volte-face assez rapidement parce que cette centralisation a été vite jugée inefficace et surtout déconnectée des
réalités locales et des besoins de la population et des professionnels sur le terrain. En effet, le
gouvernement albertain a rompu avec un modèle qui est passablement similaire
à celui qui est préconisé dans le projet de
loi n° 10. Cette rupture a été rendue nécessaire en raison des problèmes
multiples vécus par les
établissements dispensateurs de services, dont une forte démobilisation des
équipes de soins sur le terrain.
Le
projet de loi n° 10 modifie de façon significative la gouvernance du
réseau de la santé et des services sociaux. Celui-ci passera d'un système de gestion de trois à deux paliers,
notamment par l'abolition des agences régionales et la création d'un seul établissement par région, que
nous appellerons des centres intégrés de santé et de services sociaux, les
CISSS.
Nous
craignons que la mise en place des CISSS se traduise non pas par une diminution
de la bureaucratie, mais bien par un déplacement de la bureaucratie vers
le haut, en transférant au ministère les responsabilités des agences régionales,
accordant ainsi de nouveaux pouvoirs au ministre. Notons, par exemple, le
pouvoir de prescrire les règles relatives à
la structure organisationnelle des établissements régionaux et le pouvoir de
faire enquête sur les pratiques des établissements,
le pouvoir de modifier ou d'établir des corridors de services et aussi
l'immense pouvoir de nommer des membres
de conseils d'administration des CISSS ainsi que les présidents-directeurs
généraux et leurs adjoints. La taille des
nouvelles structures régionales nous inquiète tout aussi, du moins pour
certaines régions. Il nous apparaît inconcevable qu'un seul conseil
d'administration administre tous les points de service d'une région aussi vaste
que la Montérégie.
Et
parlons aussi des centres suprarégionaux. L'Association médicale du Québec
s'interroge sur la logique de la création
de centres suprarégionaux prévue dans le projet de loi. Nous saluons le fait
que le gouvernement reconnaisse dans son projet de loi la mission
suprarégionale du CHUM, du CUSM, du CHU Sainte-Justine et de l'Institut de
cardiologie. Pourquoi ce même raisonnement n'est-il pas aussi valable et
appliqué pour le CHU de Sherbrooke et le CHU
de Québec? La taille du territoire desservi par ces deux établissements leur
confère amplement le statut de centres suprarégionaux.
De quelle façon les CISSS, auxquels ils seront intégrés, selon le plan prévu au
projet de loi, pourront-ils gérer ces deux mégastructures tout en
continuant à desservir adéquatement les autres centres de soins?
L'intégration
des deux CHU au CISSS de leurs régions respectives défie toute logique
organisationnelle, mais surtout
clinique et académique. Le gouvernement doit reconnaître le statut des centres
suprarégionaux du CHUS et du CHUQ, au
même titre que ceux de Montréal. Ces deux centres doivent conserver leurs
conseils d'administration distincts afin de préserver leur mission
propre de centres de soins ultraspécialisés voués à l'enseignement, à la
recherche et à l'évolution technologique.
En somme, nous
recommandons au gouvernement de revoir le découpage des régions en évitant de
s'en tenir strictement aux territoires actuels des régions sociosanitaires.
L'exercice a été possible pour la région de Montréal, pourquoi ne le serait-il pas d'autres régions? Pourquoi passer de 182
établissements à 28? Pourquoi pas 35 ou 40? Nous croyons que, tout en poursuivant le désir fort légitime d'alléger les
structures du réseau, le gouvernement est allé trop loin. En médecine, on dit que l'intention est bonne,
mais, quand la dose est trop forte, elle peut devenir toxique, et je crois que
c'est ce que nous vivons actuellement.
Enfin,
en guise de conclusion, deux brefs commentaires. Nous sommes très déçus de
constater que les efforts de rationalisation
semblent exclure tout l'appareil ministériel. Un simple coup d'oeil à
l'organigramme du ministère, sur le site
Internet, donne une idée de l'ampleur
importante de l'appareil administratif,
auquel on ne touche pas. Encore une fois,
les pouvoirs conférés au ministre sont tels qu'il y a un sérieux risque de voir
la bureaucratie régionale remplacée par une bureaucratie centrale
chargée d'assumer les responsabilités des agences abolies.
Enfin,
nous sommes conscients des impératifs budgétaires qui guident l'action gouvernementale,
mais cette réforme livrera-t-elle les
gains attendus? Les économies attendues, de l'ordre de 220 millions de
dollars par année, annoncées par le
ministre ne pourront être réalisées qu'à moyen terme en raison des conditions
de protection d'emploi consenties aux cadres et aux professionnels du
réseau. Si elles sont effectives au rendez-vous, ces économies seront-elles
significativement induites par les investissements qui devront être réalisés
pour assurer la transition administrative nécessaire?
Or,
il y a d'autres moyens de générer des économies. L'Association médicale du
Québec a rendu public en août dernier
un plan d'action en vue de contrer les effets pervers du surdiagnostic, du
surtraitement et de la surmédicalisation. Nous attendons toujours un
signe...
• (12 heures) •
Le Président (M.
Tanguay) : Je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.
M. Marcoux (Laurent) : J'ai terminé, M. le Président. Nous attendons
toujours un signe de leadership de la part du ministère pour s'attaquer
à ce fléau. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Tanguay) : On m'indique que le ministre vous accordait
également... Aviez-vous réellement terminé? Le ministre, sur son temps...
M. Marcoux
(Laurent) : J'ai terminé, vraiment. Oui, j'ai terminé.
Le
Président (M. Tanguay) : Bon, parfait. Alors, je vous remercie
beaucoup. S'enchaîne immédiatement, donc, une période d'échange avec le
ministre pour un bloc de 22 minutes, et je lui cède immédiatement la parole.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Dr Marcoux, M. Laberge, merci
d'être venus. C'est vraiment un échange que je vais espérer le plus fructueux possible. Alors, je vais faire une
intervention la moins longue possible, mais je vais quand même l'introduire en faisant un ou deux
commentaires sur la présentation que vous avez faite, dont je vous remercie
pour la pertinence, ainsi que le mémoire.
À date,
évidemment, les gens, dans ces audiences-ci, là, ont fait certains commentaires
qui se recoupent, et je vais juste
essentiellement, là... pas corriger, là, mais simplement donner quelques
précisions sur l'optique du projet de loi n° 10, qui, j'en
conviens, de la manière qu'il est écrit, peut être interprété différemment.
Le projet de
loi vise essentiellement... Et je vais vouloir vous entendre là-dessus, puis
suivez-moi bien où je veux aller, là,
vous allez comprendre sans aucun problème. Ce que l'on vise, c'est de faire en
sorte que la relation entre le... On passe de trois paliers à deux
paliers, là. Et on passe d'un palier direct, on part du gouvernement à
directement une organisation régionale. Et on vise à ce que la relation soit
une relation non pas centralisatrice, mais, au contraire, régionalisée.
Mais — et c'est là-dessus que je
vais vouloir vous entendre — le
gouvernement, à quelque part, doit avoir la responsabilité
de donner des orientations, à moins que vous trouviez, et que ce soit ça, votre
opinion, que le gouvernement n'ait plus aucun rôle en termes
d'orientation à donner. Alors, nous, on vise à ce que le gouvernement soit le
donneur d'ouvrage, si vous me passez
l'expression — mais qui
est bien connue dans le milieu — et que l'autorité qui est maintenant...
qui a sous sa responsabilité un certain nombre d'établissements et un certain
nombre de services ait la responsabilité d'intégrer tout ça.
Et, dans
cette optique-là — bien,
c'est la question que je vous pose — est-ce que vous trouvez que le gouvernement
ne devrait pas jouer ce rôle-là, auquel cas,
ça veut dire qu'on a 18 régions, donc 18 systèmes de santé différents et
indépendants les uns des autres? Si on est d'accord sur le fait que le
gouvernement soit un donneur d'orientation, un donneur d'ouvrage, en quelque part le gouvernement a aussi une certaine
responsabilité de surveillance. Et, quand on dit «surveillance», il faut quand même qu'il y ait un pouvoir d'intervention
utilisé aussi parcimonieusement que possible, et ce pouvoir-là doit
exister, il droit être écrit à quelque part dans la loi. Donc, ce que l'on
vise, nous, c'est une relation quotidienne d'orientation exécutée sur le
terrain et, donc, de l'imputabilité.
Et là je fais un pont avec la philosophie que
vous mettez sur la table depuis maintenant plus d'un an avec l'Association médicale canadienne, qui est celle de
Choosing Wisely, là, qui est celle de faire le bon choix, la pertinence
des examens, la sécurité, et ainsi de suite. Ça, ça demande une culture
organisationnelle, c'est une culture d'entreprise.
Et, pour avoir une culture d'entreprise, bien il faut être une entreprise.
Alors, ne trouvez-vous pas que le fait d'aller
dans la direction où on veut aller, ça ne favorise pas... — vous comprenez la double négation, là — que ça va dans le sens où vous
voudriez que ça aille?
Et je vais
enrober le tout en essayant de puiser
dans votre expérience. Parce que vous, à l'Association médicale du Québec
et, donc, du Canada, vous avez toujours été à l'affût de ce qui se passait à
l'extérieur en termes de grands ensembles et
de modes opérationnels. Et d'ailleurs vous avez, dans le passé, organisé des
missions et des visites, auxquelles j'ai
moi-même participé, où on est allés, par
exemple, voir comment fonctionnait un
grand groupe comme Cleveland Clinic, Cleveland
Clinic qui est un ensemble qui gère, à
toutes fins pratiques, un État, qui
est l'Ohio et qui est 6 millions d'habitants ou de clients, si vous
préférez, et dans laquelle on intègre tout, de la première ligne jusqu'au
sommet des sommets, qui est
évidemment Cleveland Clinic comme telle, avec toutes sortes de règles, toutes
sortes de paramètres. Et c'est quand même
une organisation où l'intégration se fait. Si je vous dis, moi, qu'à partir du
moment où on écrit le projet de loi n° 10 et on s'en va dans une direction qui ressemble à ça
et à la lecture des commentaires que je viens de vous faire, ne trouvez-vous
pas que ce qui est sur la table a des bénéfices pour la population?
M. Marcoux (Laurent) : Merci, M. le
ministre. Je vois dans votre intervention trois questions, mais je vais commencer par la dernière : Est-ce qu'on voit
dans le projet de loi n° 10 un modèle d'intégration qui ressemblerait au
modèle Cleveland? Le modèle Cleveland...
M.
Barrette : Pardon. Je vous informe simplement que la finalité de ce
que l'on veut faire, c'est cet ordre-là. Et là moi, ce que j'aurais été intéressé à entendre de vous, c'est votre
opinion sur ça, dans la mesure où le projet de loi n° 10, comme je vous le dis, là, sa finalité est de faire
ça : une relation directe entre le milieu et le gouvernement qui a la responsabilité
de donner des orientations, mais une intégration dans la région qui est dans
l'esprit et la manière des Kaiser Permanente et Cleveland Clinic de ce monde.
M. Marcoux (Laurent) : Dans les
Kaiser Permanente et dans les Cleveland Clinic, les décisions cliniques se prennent à la base. Il y a, dans ces
organisations-là, une liberté des professionnels en accord avec la population.
C'est bien certain que les grandes
orientations gouvernementales, on ne les nie pas, mais il ne faut pas qu'elles
soient dans la direction de donner
les lignes de conduite qui se traduisent jusqu'aux activités locales. Et ce que
l'on voit dans ce projet de loi n° 10 là, c'est que les activités locales semblent être dictées... il n'y a pas de
palier de coordination, semblent être dictées directement à des CISSS régionaux avec un seul conseil
d'administration où les valeurs de la première ligne, par exemple, pourront
difficilement trouver leur place.
M. Barrette : Pourquoi?
M. Marcoux
(Laurent) : Parce que, dans
les organisations, c'est toujours le plus fort qui a raison, on le sait, et
le plus fort, dans une organisation comme un
CISSS qui comprendra des centres hospitaliers, c'est l'hospitalocentrisme, c'est les intérêts de
l'hôpital et ceux qui sont plus près du conseil d'administration qui aura été
nommé par le ministre qui feront
valoir leur position de façon prioritaire. Et je vois très difficilement
comment la première ligne va se reconnaître là-dedans et comment les
organismes communautaires vont pouvoir faire concurrence à partir de directions
données directement par le gouvernement à ce
conseil d'administration là qu'il a lui-même nommé. Il y a là une inquiétude de
démocratisation de la population.
Je
le disais dans mon exposé, les systèmes de santé occidentaux qui fonctionnent
ont toujours mis la voix du patient prêt
à exprimer ses besoins et, oui, une gouvernance qui vient faire l'harmonie dans
tout ça. Mais d'abord le citoyen qui reçoit
les soins doit être très près du prestataire de soins pour ne pas qu'il y ait
de dérive. Et c'est à ce moment-là... Et je fais le lien avec Choisir avec soin, Choosing Whisely. La lutte contre
la surmédicalisation, le surdiagnostic, il faut, à ce moment-là, que ce soient des gens de la base qui
l'exercent. On ne peut pas l'imposer du haut, il va y avoir un mécontentement,
une révolte de la part des professionnels de la santé.
M.
Barrette : Donc, si je vous suis, Dr Marcoux, là, ce que vous me
dites, c'est que, si l'orientation ministérielle qui est donnée aux CISSS au Québec est de mettre l'emphase sur la
première ligne et la coordination des soins dans le parcours du patient de la première ligne à la
troisième ligne, disons, là, vous, vous considérez, là, qu'un CISSS n'est pas
capable de faire ça.
• (12 h 10) •
M. Marcoux
(Laurent) : Il va être en conflit avec d'autres intérêts. Cette
mégastructure va être en conflit avec des intérêts qui vont être... où le
lobbying va être beaucoup plus fort.
Je donne un exemple.
Il y a 30 ans... 40 ans que je suis dans le domaine de la santé et qu'on plaide
pour les méthodes préventives. On sait que les méthodes préventives vont nous
apporter plus de bénéfices sur la santé que les méthodes curatives. On investit le millième en méthodes préventives et on achète... on multiplie les «CT
scan», les résonances magnétiques,
les grandes salles d'opération, les salles de soins intensifs pour des patients
en phase terminale qu'on devrait s'occuper
ailleurs, on maintient les patients, parce
qu'il n'y a pas d'autres structures, dans des établissements de santé.
Je
pense que, même avec la meilleure volonté, de dire : Oui, on voudrait que
la première ligne soit primordiale, et
avec la prévention des soins, il va y avoir un lobbying tellement fort parmi
les gens que vous allez avoir vous-mêmes nommés dans un conseil d'administration — comme en Montérégie, par exemple, qui
représente 1,5 million de personnes — que les
gens vont se dire incapables de livrer la marchandise parce que, vous savez, en
santé comme ailleurs, le budget est toujours limité. Il faut faire des
choix.
M.
Barrette : À ce moment-là, Dr Marcoux, là, j'ai envie de vous poser
une question suite à un constat. Ce que vous nous dites, c'est le constat de ce que vous avez vécu dans votre carrière,
et je dois vous avouer que j'ai vécu la même affaire, alors on s'entend là-dessus. Et force est de constater que ce
que nous, vous et moi, avons vécu, c'est dans le système actuel, et, dans le système actuel, on est obligés
de conclure que spontanément ce que l'on voudrait pour notre système, la
génération spontanée des bonnes pratiques n'arrivera pas, et il va bien
falloir, à un moment donné, qu'il y ait une intervention quelconque extérieure.
Si ce n'est pas une
intervention extérieure pour arriver où vous et moi voudrions arriver,
qu'est-ce que vous pensez qui devrait être
fait? Si le chemin qu'on propose à nous, là... Parce que ce que vous nous
dites, c'est que... Puis je suis très
intéressé à vous entendre parce que vous avez une longue expérience. On le sait
qu'actuellement, là, on ne l'a pas
fait spontanément nous autres mêmes, là. Et, si vous me dites qu'avec un
système dans lequel il y a une imputabilité dans laquelle on donne des consignes, là on n'est pas capables de le
faire non plus, il reste quoi? Ça veut dire que la cause est désespérée?
À moins que vous ayez une solution. Puis je suis très, très intéressé à
l'entendre.
M. Marcoux
(Laurent) : La solution, c'est plutôt le fruit d'une réflexion des
membres de notre conseil... des membres
décideurs et des membres consultatifs de notre organisation, mais on pense que
réduire l'emprise du ministère au
niveau de l'administration des soins, ça serait une bonne chose. Il faut
assurer une marge de manoeuvre plus grande et une autonomie aux CISSS, parce que les directives qui vont venir
d'ici ne seront sûrement pas mauvaises, mais est-ce qu'elles sont
applicables dans toutes les régions?
On
va prendre l'exemple d'un CISSS d'une région que je connais bien, la
Montérégie, que je connais même très bien.
On a été là pour organiser les GMF, j'étais chef du DRMG à ce moment-là, on a
beaucoup travaillé en Montérégie. La
Montérégie, c'est une région qui est une seule région... qu'elle a des entités
semblables, mais elle a de grandes différences culturelles, et des besoins différents, et des façons différentes
d'appliquer. Et ça, c'est les gens eux-mêmes à la base qui nous le
disent. Les gens qui sont à Longueuil ne sont pas comme les gens de Cowansville
ou de Haut-Saint-Laurent à Barrie Memorial. Il
y a des structures, il y a des attentes qui sont complètement différentes. Et
il faut laisser la chance que ce ne soit pas un dictat d'en haut qui
vienne nous dire, dans l'application clinique...
Je
parle toujours de l'application clinique, comment vont se faire les choses.
Dans l'intégration administrative et
financière qui vient supporter l'administration clinique, oui, on peut mettre
des barrières, mais, une fois que ces barrières-là sont faites, on doit laisser les gens se réunir
autour de conseils d'administration où ils se reconnaissent, reconnaissent la
population qu'ils desservent et que la
population qu'ils desservent leur parle. C'est ce que les gens de la base nous
ont dit. C'est facile de vous le dire
parce que c'est mon opinion personnelle, mais c'est... Il y a un bon jumelage,
mais c'est d'abord ce que les gens,
nos médecins de la base, nous ont dit, nos omnipraticiens, nos médecins de
famille, ce que nous ont dit aussi
les gens des organismes communautaires et la réflexion de nos médecins de notre
association, qui sont dans différents endroits dans la province.
M.
Barrette : Et le projet de loi n'empêche pas ça, d'aucune manière. Le
projet de loi vise à faire en sorte qu'il y
ait une structure qui ait la responsabilité de favoriser ça, d'une part, et ait
la responsabilité de s'assurer qu'il y ait une coordination entre les différentes instances, peu importent les
instances, pour que le patient s'y retrouve là-dedans et qu'on puisse lui permettre de cheminer
facilement et sans obstacle dans le parcours de soins. Et actuellement, je
pense que vous allez être d'accord avec moi, au-delà de la problématique
de la pertinence qui est réelle, il y a aussi une problématique de cheminement dans le parcours de soins, et ce
cheminement-là, il n'y a personne qui a trouvé de solution à date, là.
M. Marcoux (Laurent) : Je ne nie pas que l'intention soit bonne dans le
projet de loi, mais comment que les gens peuvent s'exprimer — vous
dites : Ils vont avoir l'occasion de s'exprimer — alors
que leur conseil d'administration lui-même,
ce n'est pas eux qui l'ont nommé? Le président d'un conseil d'administration
n'aura même pas de gouverne sur son propre directeur général qu'il
n'aura pas nommé lui-même.
M.
Barrette : Mettons que vous êtes dans une circonstance où il l'a
nommé, là, on a corrigé ça, les nominations, admettons que les nominations se font comme vous voudriez. Est-ce que ce
système-là, si vous faites le parallèle avec les grands ensembles qui existent ailleurs, que vous connaissez bien...
ne serait-il pas favorable, plus favorable pour le patient, plus bénéfique que ce que l'on voit
aujourd'hui? C'est parce que, si ce n'est pas le cas, ça veut dire que des
grands ensembles comme Cleveland et
puis Kaiser sont moins bons que nous. Et on sait qu'eux sont meilleurs que
nous. En tout cas, je ne sais pas
votre opinion là-dessus, là, mais en termes... Bien, en fait, je vais vous
laisser nous donner votre opinion là-dessus.
En termes d'organisation de soins, de desserte, de coordination, d'accessibilité,
y a-tu quelque chose au Québec qui s'approche de ces deux grandes
organisations-là?
M. Marcoux (Laurent) : Actuellement, on l'a dit, il y a probablement un
palier de décision qui est de trop, mais il va devoir rester dans les régions. Qu'il soit divisé autrement, qu'il
soit refondu, ça, je suis d'accord avec vous. Il y a des régions administratives de santé actuellement
au Québec qui sont peut-être trop petites, qui n'ont pas cette capacité-là.
Mais regroupons-les en régions qui font du sens,
en mettant moins. Mais il va toujours y avoir, à notre point de vue, pour
les CISSS, un devoir de coordination. Ça ne
s'appellera pas des agences, mais il va y avoir, dans ces CISSS-là, un appareil
de coordination; vous avez parlé de surveillance tantôt, mais ça peut être
d'orientation, et de maintien, et de...
Et
surtout il y a de la médiation à faire entre les établissements qui ont des
cultures, des traditions, des objectifs et des partenariats à établir entre eux. Je ne pense pas que ça se dicte d'en
haut. On arrive aux mêmes résultats, mais les gens, dans une société démocratique, aiment avoir à
décider pour eux à partir d'orientations qui sont données par le gouvernement.
Je ne nie pas que le ministère doive
continuer à être la main-d'oeuvre des grandes orientations, des capacités, des...
mais les gens devront avoir à
choisir, sinon toute cette question de démobilisation qu'on a vue dans les
systèmes qui se sont centralisés et
ensuite redéployés de façon... Ils ne se sont pas redéployés pour aucune
raison. Ils se sont redéployés parce qu'il
y avait là un cafouillage, et les gens ne se reconnaissaient pas, il manquait
d'adhésion. Parce qu'on ne travaille pas seulement qu'avec un système, on travaille avec des gens qui sont sur le
terrain, des gens qui quotidiennement se dévouent pour des patients. Ils doivent y trouver leur
compte au point de vue professionnel là-dedans. Et ça, c'est important. Et
c'est ça qu'on appelle l'intégration des soins.
M.
Barrette : ...là-dessus. Et, je peux vous rassurer, l'objectif du
projet de loi n° 10, il n'est pas de reproduire l'Alberta,
là. Ce n'est pas au ministère de la Santé qu'on va gérer le pain quotidien du
réseau de la santé, au contraire,
mais bien au niveau de l'éventuel CISSS. Et, dans un CISSS, au bout de la
ligne, le CISSS doit avoir la responsabilité
de s'assurer que la coordination se fasse dans son réseau et que le service
soit amené aux citoyens, mais il doit y avoir aussi des orientations. Et
moi, je suis d'avis que, tant qu'il n'y aura pas une orientation claire avec
une certaine ligne d'autorité, là, la
première ligne, elle ne se réglera jamais. Puis force est d'admettre que dans...
Ça fait combien d'années, là, vous? Je ne veux pas vous vieillir, mais
ça fait plus d'années que...
M. Marcoux
(Laurent) : Ça fait 35 ans que je suis en pratique de médecine de
famille.
M.
Barrette : 35 ans que vous êtes en pratique, et on a tout vu, mais on
n'a pas vu de résultats positifs significatifs pour la première ligne, puis on ne s'est même pas encore adressé à la
problématique de la pertinence des examens. Alors, à un moment donné, il va quand même falloir
peut-être réussir à imprimer un mouvement pour définitivement changer la
culture.
M. Marcoux (Laurent) : ...M. le ministre, puis c'est pour ça qu'on a
fait appel à vous pour lancer notre projet de Choisir avec soin et de contrer le surdiagnostic. Malgré les faibles
moyens qu'on a — on
aurait bien aimé avoir le leadership du
gouvernement là-dedans — il y a des projets qui lèvent. En Gatineau, il y a des groupes de
médecins qui s'y attaquent, à ce
problème-là. Au Saguenay—Lac-Saint-Jean,
il y a des médecins qui se sont regroupés puis ils ont dit : Oui, on est
conscients... on n'est pas les seuls
coupables du surdiagnostic et de la dépense indue qui est faite avec le
surexamen, mais on doit mobiliser nos
patients et on doit se conscientiser ensemble pour changer cette culture-là où
que le plus, c'est le meilleur. Et je
pense que les médecins, quand on leur... quand ils réalisent qu'une chose est
bonne, ils ont toujours été volontaires
à suivre les directives pour arriver aux meilleurs soins de leurs patients.
Parce que le surdiagnostic, comme on
vous l'a dit, nuit aux patients mais nuit aussi aux ressources qui doivent être
attribuées aux patients pour de meilleurs services.
• (12 h 20) •
M.
Barrette : Je suis d'accord avec vous sur ce point-là. Et on va y
arriver, là, faites-vous-en pas, ça fait partie du plan — on
va dire ça comme ça. Ceci dit, pourriez-vous prendre quelques
minutes pour aborder une autre problématique
dans la gestion de notre système de santé,
qui est celle du financement à l'activité? Parce que c'est une chose que vous
avez analysée aussi, là, l'an passé.
M. Marcoux
(Laurent) : Vous, savez, M.
le ministre, que l'Association médicale du Québec s'est prononcée en faveur du financement à l'activité. Nous
pensons que c'est un moyen qui permettra de mieux répartir et de permettre
à chaque établissement, chaque département
de faire les efforts pour arriver à offrir le plus de services et probablement,
en bout de compte, à meilleur compte.
Il y a des
conditions préalables au financement à l'activité. Il y a tout le système de
l'informatique. Le système informatique doit être présent pour permettre
d'évaluer, quantifier, mesurer. Et aussi il y a des établissements qui vont être freinés dans leur financement à
l'activité parce que, si les ressources ne sont pas là... Je ne parle pas des ressources
financières, parce qu'elles vont venir, les ressources financières, avec le
paiement à... avec l'activité qui va avoir été faite. Mais les ressources
humaines, par exemple, les ressources en termes de locaux, est-ce que leurs
locaux vont être suffisants pour répondre, même si l'équipe est très dédiée à
faire beaucoup plus de chirurgies puis dire : Bien, on va en faire
parce que c'est payé à l'activité puis ça va devenir comme une activité de
production?
Et il faut qu'il y ait des éléments de mesure
pour aussi garantir la qualité de ces actes. Ce n'est pas tout de s'emballer à
faire des examens parce qu'ils sont payés, il faut qu'ils soient de qualité.
Et, dans ce projet de loi n° 10, justement,
il y a une chose qui nous inquiète, je n'en ai pas parlé beaucoup : Où
vont être les CMDP, les conseils de médecins et dentistes des
établissements, qui sont là pour autoréguler la pratique des médecins pour
assurer pour le patient une meilleure
qualité de l'acte? Ce n'est que leur seul rôle. Parfois, ils débordent un peu,
mais ce rôle-là, d'évaluation de la qualité
et du maintien de la qualité dans leur établissement... Je fais le rapport
parce que, dans les financements à l'activité, il va falloir garder une très grande préoccupation de faire les mesures
adéquates pour que les activités restent de qualité.
M.
Barrette : Mais ça, je peux vous rassurer, on est tout à fait en
synchronisme avec vous sur ce plan-là. Je peux même vous dire qu'à la Santé on a eu de longues discussions avez les
Finances, surprenamment, sur ce point-là, et les Finances sont tout à fait d'accord à s'engager dans cette direction-là,
tout en constatant évidemment, comme vous le faites avec justesse, qu'il faut quand même quelques
outils de mesure et ressources supplémentaires pour mettre ça en place.
Et on a déjà commencé à travailler en ce sens-là. Ça fait que, tant du côté de
la mesure que du côté de la pertinence des examens, évidemment, on est sur la
même page.
Je vais vous poser une dernière question, parce
que je pense que mon temps... 30 secondes?
Le Président (M. Tanguay) :
30 secondes.
M. Barrette : Le 5 milliards
d'économies, vous avez pris ce chiffre-là où?
M. Marcoux (Laurent) : Ce chiffre-là
vient...
M. Barrette : Il est québécois ou il
est canadien?
M. Marcoux
(Laurent) : Il vient d'une étude
américaine, je vous le concède, mais il a été repris par des études canadiennes plus segmentaires. Mais on arrive toujours
à des économies de l'ordre de 18 % à 30 % des soins de santé si on prescrivait les
examens et on faisait les traitements avec la plus grande pertinence.
M. Barrette : ...30 %, c'est
énorme.
M. Marcoux
(Laurent) : 18 %
correspond, si on fait l'extrapolation américaine, à ici. Mais il y a eu
d'autres études qui ont été faites au
Canada, et on arrive à 13 %. Mais convenons-en que, si on ne récolte pas
5 milliards, ne serait-on pas près,
avec un petit effort mobilisé, d'en récolter la moitié, 2 milliards,
2,5 milliards? Ça serait quand même substantiel. Et...
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup.
M. Marcoux
(Laurent) : ...moi, comme
médecin, mon principal point, c'est l'économie. Mais c'est que le surdiagnostique nuit aussi au patient. Et le
patient qui demande du surdiagnostic — parce que c'est souvent le patient qui
le demande — il
faut le conscientiser à ne pas se nuire lui-même, alors...
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Marcoux. Ceci met fin
au bloc d'échange avec la banquette ministérielle. Je cède maintenant la
parole à notre collègue députée de Taillon pour un bloc de 13 min 10 s.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue,
Dr Marcoux et M. Laberge. Je salue également M. Nadon, à l'arrière. Alors, très contente
de vous accueillir. L'Association médicale du Québec est reconnue pour sa
conscience profonde du terrain, de la proximité des patients et également sa
capacité à mobiliser les médecins.
J'étais aussi
de la mission à Cleveland et de d'autres missions que vous avez organisées et
je sais que vous êtes capables de
mobiliser les médecins de famille et les spécialistes et que vous avez une
vision qui est très avant-gardiste. Et vous soutenez également le travail
interdisciplinaire. Alors, je pense que ce sont ces dimensions-là qui doivent primer quand on veut vraiment trouver des
solutions.
J'entendais tantôt mon collègue ministre — en
fait, je ne suis pas ministre, mais vous êtes mon collègue député quand même — et je pense qu'il y a une dimension qui a été complètement escamotée dans toutes les comparaisons qu'on essaie de faire, c'est le point de départ. Et on ne
part pas au même endroit qu'aux États-Unis, qu'à Cleveland où qu'à Kaiser Permanente. On part du Québec
et, au Québec, on a une carence grave, dramatique d'accès et on a un manque d'argent important, et ça, ce sont nos deux données de base
dans notre système. Et, si on demandait aux patients ce qu'ils pensent et aux citoyens qui nous
écoutent, c'est ça, le problème. Ils veulent avoir un meilleur accès et ils ne
veulent pas que ça coûte trop cher,
donc ils veulent qu'on rentabilise le mieux possible. Ce sont nos deux responsabilités. Et ça,
ça change beaucoup de ce qui se fait
ailleurs quand les dossiers ou les... on compare avec des systèmes
qui sont développés depuis plusieurs années dans d'autres contextes
économiques et surtout des contextes
de départ. Alors, moi, je vous dis, on a 2 millions de Québécois
qui n'ont pas de médecin de famille et qui subissent des préjudices de ça.
Alors, moi,
je pense que c'est la séquence qui n'est pas correcte avec le projet
de loi n° 10. Les priorités, il y a
des mesures simples qui existent déjà
pour donner accès, et elles ne sont pas mises en vigueur, et le ministre les retarde en faisant prioriser le projet de loi n° 10. La
reddition de comptes pour les GMF, les soins à domicile, certaines contributions des autres professionnels
de la santé, ce sont des choses qui doivent arriver plus vite que le projet de
loi n° 10.
Deuxième niveau où je rejoins peut-être une partie
du projet de loi n° 10, c'est l'informatisation, et vous y faites référence dans votre... On ne peut pas parler de
financement à l'activité si on n'a pas priorisé d'abord l'informatisation.
Et ensuite il y a un élément très important dont je vais vous parler tantôt parce que
vous y référez aussi, c'est la mobilisation des
équipes et des professionnels de la santé. Et après on peut penser vraiment
ou en tout cas parallèlement à ça, mais certainement pas en débutant par tout désorganiser... on peut entendre des orientations. Ces orientations-là, elles peuvent s'entendre à différents moments. Mais, actuellement, ce que les groupes nous disent depuis deux semaines,
depuis le début des travaux, c'est
que ce ne sont pas des orientations ministérielles, c'est un contrôle
ministériel, et ça, c'est très différent.
Donc, à la
lumière de ce plan d'action là, moi, j'aimerais ça vous entendre par rapport à
différentes mesures, mais, entre
autres, pour faire valoir le contrôle, vous parlez de la nomination des
conseils d'administration, et même par rapport au comité qui devrait gérer, comité d'experts, qui lui va être aussi
nommé par le ministre. Est-ce que vous pouvez nous donner un peu votre
perception par rapport à ça? C'est à la page 8 et 9 de votre mémoire.
M. Marcoux
(Laurent) : Bien, nous
pensons que le conseil
d'administration d'un établissement, qu'il soit petit ou grand,
doit être la voix de ceux qu'il dessert, surtout en santé. Et le fait que...
comment un citoyen va pouvoir référer... ou un professionnel de la santé va-t-il pouvoir référer à membre
du conseil d'administration pour faire valoir un changement ou une modification, une altération dans les orientations ou dans les décisions parce
qu'il vient présenter un besoin qu'il
connaît bien? Il n'y a aucune connexion avec cette personne-là, elle ne le représente
pas.
C'est bien
certain qu'il y a deux médecins, puis on en est très heureux, sur les conseils
d'administration, mais ils sont...
excusez l'expression, mais coincés dans un conseil d'administration avec lequel
il y a peu d'alliances faites parce que
les directives viennent d'en haut. Si je ne m'abuse, j'ai entendu, dans
l'explication de ce projet de loi là, que, si le P.D.G. ou les membres du conseil d'administration nommés ne font pas les
directives, c'est parce qu'ils en sont incapables, et on va les modifier, on va les changer. On va
les changer jusqu'à ce qu'ils accomplissent non pas l'orientation, mais la
direction ministérielle, et ça, ça nous
inquiète. Parce que l'administration des usines n'est pas démocratique, et
l'administration des soins, parce
qu'on touche à l'humain, doit avoir une certaine part de réceptivité de la part
de ceux à qui... On ne les traite pas malgré eux, on les traite avec eux
et selon leurs besoins.
• (12 h 30) •
Mme
Lamarre : Je suis tout à fait d'accord avec votre commentaire. Et
d'ailleurs j'évoquerais, finalement, dans d'autres projets de loi ou dans d'autres... entre autres, sur le
développement durable, qui fait appel aussi à la mobilisation des gens, le gouvernement actuel a fait référence
à l'importance de l'acceptabilité sociale et l'acceptabilité, dans notre cas,
de tous les intervenants de tous les paliers
du système de santé. Et ce à quoi malheureusement on assiste actuellement,
c'est beaucoup plus des contraintes et de la
coercition, et donc ça nous questionne. Si vous aviez à travailler la
mobilisation de la première ligne, comment vous fonctionneriez?
M. Marcoux (Laurent) : La
mobilisation de la première ligne, je crois qu'il y a seulement qu'un mot,
c'est l'interdisciplinarité. On n'a pas une première ligne unique. La première
ligne, ce n'est pas le médecin, ce n'est pas l'infirmière,
c'est l'ensemble de l'interaction de ces gens-là entre eux, avec le social,
tous ceux qui oeuvrent auprès du patient,
et qu'on crée une cellule auquel le patient... Il n'y a pas un patient qui va
se reconnaître dans un CISSS. Un patient va se reconnaître dans son
organisation locale dans laquelle il ressent... Oui, le ministère peut donner
les orientations, favoriser les modes de
rémunération, peut favoriser, lors des négociations, pour que ces choses-là
arrivent, mais l'intégration de la clinique de première ligne se fait
par une équipe interdisciplinaire. Pas multidisciplinaire, interdisciplinaire.
Mme Lamarre :
Est-ce qu'il y a déjà dans notre organisation actuelle des moyens pour un
ministère de donner des orientations?
M. Marcoux
(Laurent) : Je pense que le
ministère et le gouvernement ont beaucoup de moyens, et ils pourraient
les exercer, ne serait-ce que lors des négociations. Les modes de rémunération,
ce n'est pas la panacée, mais on voit... Je vous dis que j'étais à la
conférence des négociations, au lac-à-l'épaule du conseil d'administration canadien de l'Association médicale canadienne et
j'ai entendu des expériences qui m'ont absolument animé. Il y a des groupes de médecins en Colombie-Britannique qui ont pris en
charge des communautés, pas des communautés de 1,5 million, ils ont pris des communautés qui se ressemblaient,
rurales parfois, urbaines parfois, avec des budgets en fonction des populations qui étaient là, puis ils ont le
devoir — le
devoir, et c'est lié dans leur mode de rémunération — de rendre ces services-là. Ils sont «accountable», ils sont redevables, vis-à-vis
le gouvernement, des budgets pour desservir une population bien
circonscrite et dans laquelle les gens peuvent s'impliquer.
Mme
Lamarre : Vous faites référence également, à la page 11 de votre
mémoire, aux économies éventuelles, donc le 220 millions qui a été
évoqué, duquel vous avez peut-être pris connaissance. Mais je vous le répète,
là, il y a 20 millions qui part de la
Santé publique dans les régions pour être reconcentré au niveau du ministère.
Je vois que, juste avec, par exemple,
les tests de laboratoire dont vous parlez, des tests qui sont vraiment convenus
qu'on devrait interdire ou, en tout
cas, qu'on ne devrait pas laisser faire en première ligne, hein... Même dans
les tests de laboratoire, il y a des tests
de premier... Les premiers tests qu'on passe, on ne devrait pas nécessairement
avoir tout l'arsenal. Et il y a déjà des centaines de millions de dollars qui sont récupérables à ce niveau-là.
Et vous évoquez, vous, dans le 220 millions... on parle d'économies, mais on n'a pas parlé de coûts
de transition. Est-ce que vous avez réfléchi à quelques éléments de coûts
de transition qui vont être associés à une concentration comme celle-là, du
pouvoir?
M. Marcoux (Laurent) : Bien, au point de vue clinique, je... Au point de
vue administratif, je ne pourrais pas vous
dire, ce n'est pas mon domaine. Mais, au point de vue clinique, il va falloir,
si on veut récupérer... mais moi, je pense surtout récupérer au niveau du surdiagnostic et non pas au niveau de la
coupure des postes dans les agences actuelles. Mais on va devoir réinjecter de l'argent parce qu'il va falloir reformer
des structures. On n'a pas qu'à amputer le système de santé pour penser qu'il va continuer à
fonctionner, il va falloir mettre quelque chose à la place comme transition, et
ça, ça coûte nécessairement quelque chose.
Et
aussi, dans le cas du surdiagnostic, bien il faudrait donner la bougie
d'allumage pour que ça parte. Actuellement, elle part par la bonne volonté des conseils des médecins et dentistes et
des organisations locales, mais il y a beaucoup plus que ça à en retirer. Mais, oui, il y a un
investissement à faire. Et ce 200 millions là, pour ce qu'on fait pour
centraliser le système de santé, je
ne vois pas le bénéfice avant plusieurs années à cause des droits qui sont
garantis aux fonctionnaires... aux
gestionnaires qui sont là et aussi au fait qu'on ne peut pas couper quelque
chose sans momentanément le remplacer par autre chose. On ne peut pas
laisser ça en suspens.
Le
système de santé, c'est complexe. Ce n'est pas comme une chaîne de montage où
on l'accélère, les choses vont plus vite. Un système de santé, c'est
très complexe, et il faut que les changements se fassent en mettant en place
des méthodes transitoires, et c'est à ça qu'on fait allusion, qui ont des coûts. Je
ne pourrais pas vous les chiffrer, mais elles ont nécessairement des
coûts.
Mme Lamarre :
Je vous remercie. Je laisse la parole à mon collègue le député de Rosemont.
M. Lisée :
Merci, Dr Marcoux, M. Laberge, M. Nadon. Vous avez parlé de la dose de
concentration qui est tellement forte qu'elle peut nuire au patient, le patient
étant ici la totalité des patients et le système de santé. On sait que
c'est un organisme extrêmement complexe, il doit y avoir des orientations, des décisions, de la reddition de comptes, mais aussi
de la rétroaction, de la rétroaction pour savoir ce qui se passe à la base et
ce que les intervenants, les médecins, les cadres constatent.
Dans
la hiérarchie qui est proposée par le projet
de loi, où le ministre
désigne les membres de conseil
d'administration, les P.D.G., les P.D.G. adjoints et les comités
d'experts, que pensez-vous que ça va donner en termes de rétroaction, c'est-à-dire
de capacité pour ces gens qui ont été nommés de dire la vérité au pouvoir, de
dire que telle orientation ne fonctionne
pas, telle modification serait nécessaire, compte
tenu du fait qu'ils sont tous
redevables, pour leur emploi actuel et futur, de la décision du
ministre?
M. Marcoux
(Laurent) : Bien, vous êtes au coeur de ce que je disais tantôt. On
craint, on n'a pas de lunette magique pour
en être sûrs, mais on craint fortement que, le fait que les gens nommés par le ministre
disent au ministre ce qu'il faut pour les patients, il se crée une confrontation
avec la base. Et c'est là qu'on parle de démobilisation.
On
est dans un système où il y
a des activités faites par des professionnels.
Il y a eu de nombreuses études faites sur
la gestion des professionnels où... Oublions les patients qui ont leur mot
à dire, mais les professionnels dans un système d'organisation de professionnels, le professionnel se sent en devoir de dire
ce qu'il veut, il est l'expert, et c'est ça qui fait la différence. On peut mettre d'autres experts,
mais — vous
savez qu'est-ce que ça fait des experts entre eux — celui qui applique les choses, qui est sur
le terrain, il va dire que c'est lui qui a raison parce qu'il voit le résultat.
Et
je vous invite à lire Henry Mintzberg, qui a fait des études intéressantes là-dessus,
sur le fait que la gestion des professionnels doit laisser une place au
professionnel de terrain, qui est dans l'activité, qui a les mains dedans, pour
donner les suggestions et de savoir comment
ça fonctionne. Le professionnel, je ne parle pas que des médecins, là, je
parle des médecins, des infirmières, des pharmaciens, ces gens-là sont au
quotidien. Au-delà de leur aspiration de négociation financière, ils ont des
idées à dire, ils ont des choses à dire.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci, M. Marcoux. Alors, je cède maintenant
la parole au député de La Peltrie pour un bloc de
8 min 50 s.
M.
Caire : Merci,
M. le Président. Bonjour à vous deux.
Je veux revenir sur le surdiagnostic. C'est quelque chose que vous soulignez, à raison, je pense. D'ailleurs,
j'ai entendu le ministre en faire aussi mention dans certaines de ses interventions publiques. Justement,
la question que je me posais : Le CISSS, tel qu'il est
proposé, va redéfinir la configuration de
l'administration, mais aussi l'intégration des services, et est-ce
que nous ne croyez pas que cette façon-là de faire pourrait prévenir le surdiagnostic, au sens où ça devient
un peu plus difficile d'aller se magasiner un médecin puis un diagnostic ou...
M. Marcoux (Laurent) :
Je vais d'abord définir ce qu'est le surdiagnostic. Le surdiagnostic, c'est sûr
que le magasinage peut en faire... le
magasinage du patient d'un médecin à l'autre pourrait occasionner du
surdiagnostic, de la surconsommation, que je pourrais dire. Mais le
surdiagnostic, c'est toute activité d'investigation qui est faite chez un patient qui n'a ni symptôme et que ces
symptômes-là n'atteindront pas de conséquence. Ça veut dire que les gens qui se
présentent en pleine santé pour un examen
général puis ils ont une batterie de tests, mais longue comme ça, qui coûte une
fortune, ce n'est pas vrai que c'est
pertinent, ce n'est pas pertinent. Et tout traitement qui n'apporte pas de
valeur ajoutée...
Et ça, ce n'est pas
l'Association médicale du Québec qui les définit, ces choses-là, ce sont des
associations professionnelles pancanadiennes, l'Association des radiologistes,
l'Association des chirurgiens généraux, qui nous disent : Tel acte, là, ça n'a pas sa place dans telle circonstance.
On a donné des exemples, ce serait peut-être un petit trop long pour
embarquer là-dessus actuellement.
Mais
le surdiagnostic, il y a quatre raisons qu'il y a du surdiagnostic. Oui, il y a
le médecin qui, par ses habitudes
de travail, prescrit trop largement. Il y a le patient qui en demande trop. Il
y a la culture, dans une culture
nord-américaine, où plus c'est mieux. Ce n'est pas vrai que plus c'est mieux en
médecine. C'est peut-être vrai dans...
Un gros gâteau, c'est peut-être mieux qu'un petit gâteau. Mais, en pratique, plus
de radiographies, ce n'est pas bon, c'est délétère pour le patient,
c'est nuisible. Donc, ce n'est pas vrai.
Et
aussi le système. Et, dans le système, c'est un peu plus «touchy», pour
employer une expression très courante.
Mais le système, c'est quand les négociations font que, si je fais plus d'examens, je vais avoir plus de rémunération, ou que telle compagnie
d'assurance demande des examens, ou que tel employeur veut avoir des
radiographies de la colonne lombaire
de tous ses gens qu'il emploie. C'est inutile, et c'est dommageable pour le
patient, et ça coûte quelque chose à quelqu'un. C'est ça, le surdiagnostic,
c'est ça, la question. Je ne sais pas si ça répond à votre question, M. Caire.
• (12 h 40) •
M.
Caire : Bien, en
partie, mais... Bien, en fait, vous l'avez abordé, on dit souvent que le
patient met beaucoup de
pression, et souvent, si un médecin ne me donne pas...
M. Marcoux
(Laurent) : ...effectivement.
M.
Caire : ...ne me
donne pas satisfaction, ou, tu sais : Par rapport aux recherches que
j'ai faites sur Internet, ce que tu
me dis, ça ne fitte pas, donc je vais aller voir un médecin tant et aussi longtemps
que je n'aurai pas l'ensemble des évaluations et examens...
M. Marcoux
(Laurent) : Ou je vais talonner mon propre médecin aussi longtemps
qu'il ne me le donne pas.
M.
Caire : Ou encore.
Donc, dans ce sens-là, vous ne croyez
pas qu'une meilleure intégration
amène aussi une meilleure coordination des soins.
M. Marcoux (Laurent) : L'intégration va faire en sorte que le patient
ne pourra plus magasiner, c'est ça que vous entendez?
M.
Caire :
Bien, je vous pose la question : Est-ce que ça ne pourrait pas être une
solution à ça?
M. Marcoux
(Laurent) : Je vous ai dit que je pense que le magasinage n'est pas la
seule raison, là, mais ça n'empêche... Si on
n'intervient pas, nous, comme médecins et comme société, en faisant... Actuellement, qu'est-ce qu'on fait avec Choisir avec soin, qui est notre programme
de contrer le surdiagnostic, c'est qu'on a émis des recommandations. Il y en a
30 qui sont sorties sur différents sujets, la sinusite, les lombalgies, et il
va y en avoir 30 autres qui vont sortir. C'est dans des sites publics. Il
faut les publiciser, il faut
amener les gens à y réfléchir, il
faut amener les médecins à y
réfléchir pour qu'ils soient mieux outillés pour répondre à leurs
patients.
Moi,
je ne pense pas que le patient, le plus souvent, il magasine d'une place à
l'autre tant qu'il ne l'a pas eu, c'est qu'il coince son médecin à lui
prescrire puis que le médecin finalement, il dit : Bien, je vais lui
prescrire, ça va le satisfaire. Puis c'est dans ce sens-là. Je ne vois pas comment, un système qui est intégré par un conseil d'administration unique puis qui rejoint une grande population,
on va réussir plus, avec cet outil administratif
là, à contrer le surdiagnostic. Je ne
dis pas qu'ils ne peuvent pas y collaborer quand même, là, mais ce n'est pas le
moyen direct pour le faire, ce n'est pas le moyen naturel pour le faire,
ce n'est pas le moyen que ça ne se fera pas si ça, ça n'existe pas, mais ce
n'est pas en opposition nécessairement, c'est que...
M.
Caire : Je comprends. Vous avez fait référence, plus tôt, au
fait que l'Alberta avait procédé à des réformes qui étaient sensiblement similaires à celle qui est proposée aujourd'hui
et avait dû revenir en arrière. Je comprends que, sur le principe des
CISSS, vous n'êtes pas en désaccord, vous êtes...
M. Marcoux
(Laurent) : ...un peu loin.
M.
Caire : ...vous
êtes plutôt inquiets de la délocalisation des soins ou, en tout cas, de la
capacité à décider au niveau de
l'administration des soins. Qu'est-ce qui a été fait en Alberta qui était
correct? Surtout, qu'est-ce qui a été fait en Alberta qui n'était pas correct et qui a amené cette espèce de recul là?
Quels sont les pièges qu'on devrait éviter, finalement?
M. Marcoux (Laurent) : Bien, en Alberta, on n'avait fait, à toutes fins
pratiques, qu'une seule agence pour la province. Ce n'est pas comparable tout à
fait au Québec parce que l'Alberta a 1,5 million de population, c'est comme la Montérégie à peu près, là. Et puis,
en Alberta, on avait je crois que c'était neuf agences de gestion de santé. Et il y avait ça au départ, puis on a
ramené ça à peu, et là il y a eu... Les gens ne se reconnaissaient pas parce
que, même s'il n'y a pas beaucoup de
population, il y a des différences culturelles, il y a des différences de
besoins, et les gens ne pouvaient pas
s'exprimer dans ce système de soins là. Ça fait qu'ils sont revenus en arrière
et maintenant ils ont fait un moyen terme — corrige-moi — trois
à...
Une voix :
...
M. Marcoux (Laurent) : Cinq? Cinq grandes régions administratives.
Et là les gens s'impliquent, se mobilisent pour une activité pour
laquelle ils se sentent responsables.
M.
Caire : Vous parliez, tout à l'heure, de peut-être 35 à 40
établissements. J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Sur quelle base,
dans le fond, est-ce qu'on devrait définir le nombre?
M. Marcoux (Laurent) : Ah! C'est sur la base de ce que j'avais dit
précédemment. C'est que de réduire ça trop à des grands établissements puis en ayant trop de contrôle, on trouvait ça
un petit peu toxique, ça fait qu'on voulait donner un petit peu d'air à la posologie, là, la mettre
un petit peu moins concentrée. Pourquoi réduire à 25? Pourquoi ne pas ajouter
les établissements suprarégionaux puis qu'on monterait de 28 à 29 par deux...
toute chose comme ça.
Puis
peut-être qu'il y a des secteurs que c'est un petit peu grand, un petit peu
trop de les réunir ensemble pour faire
seulement que 25... Ne pensons qu'aux centres jeunesse qui vont être intégrés
là-dedans. Comment ils vont trouver leur
place, comment ils vont trouver leur voie de spécificité dans les CISSS? Qui va
les écouter? Qui va les entendre? Qui
va répondre à leurs préoccupations? C'est là l'objet de notre inquiétude
vis-à-vis des mégastructures comme
celles-là, où tout est intégré. Est-ce que
28, c'est mieux? Plus qu'on va rapetisser, plus qu'on va arriver à une; mais là
on a comme l'idée que c'est vraiment trop, là. Mais 28, ça nous semble à
terme un peu toxique, c'est pour ça qu'on a dit : Bien, agrandissons, pourquoi
pas 40...
M.
Caire : Oui, mais
vous n'avez pas un critère qui vous dit... Comme hier, il y a
un de nos intervenants qui disait : Écoutez, il y a
une littérature qui nous dit que, des organisations d'au-delà de 100 000 habitants, on perd de l'efficacité. C'était un petit peu dans ce sens-là qu'était ma
question. Vous parlez de 35 à 40. Est-ce que c'est un chiffre que vous avez
donné à titre d'exemple ou vous avez vraiment
réfléchi à la question puis vous dites : Bon, bien, je regarde la
configuration du Québec, la
population, les réalités régionales et, de l'avis de l'association, 35 à
40 CISSS seraient plus apte à mieux représenter...
M. Marcoux (Laurent) : Non. Je n'irais pas, là... C'était un chiffre
approximatif qui voulait dire : Pourquoi pas un peu plus? Je pense qu'une structure qui... c'est
une structure où les gens se reconnaissent. Je vous ai dit que j'avais oeuvré
en Montérégie? La Montérégie, si on la met à
plat, elle ne se reconnaît pas. Elle se reconnaissait parce qu'elle référait
à une unité de coordination qui était
l'agence. Ce n'est pas que je préconise qu'on revienne aux agences, mais je
pense que les structures qui sont terrain peuvent s'unir ensemble puis se
coordonner, puis faire des choses, puis c'est fort utile. Puis ce n'est pas nécessairement
100 000 habitants, ce n'est pas nécessairement 200 000, ça va
dépendre du contexte culturel, du
contexte démographique, du contexte où les gens sont habitués de vivre
ensemble. Quand qu'on parle de l'ouest de la Montérégie, c'est une communauté qui se reconnaît, la région de
Valleyfield, Châteauguay, et on a là 350 000 personnes. Et on peut arriver dans des endroits plus petits
comme les Îles-de-la-Madeleine où les gens ne sont que 20 000, mais ils se
reconnaissent. Ils se reconnaîtraient comment avec une population autre?
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci beaucoup,
M. Marcoux. Alors, je cède maintenant la parole à notre collègue députée
de Gouin pour un bloc de trois minutes.
Mme
David (Gouin) : Merci, M. le Président. Je vais, moi aussi, vous poser
des questions vraiment très précises et
un peu dans la lignée de mon collègue. Vous nous avez dit :
L'Alberta — est-ce
que j'ai bien compris? — l'Alberta, la province au complet, c'est 1,5 million
d'habitants à peu près?
Une voix :
C'est plus que ça.
M. Marcoux (Laurent) : C'est peut-être maintenant plus parce qu'ils ont beaucoup
d'immigration. Là, ici, je suis peut-être dans les... Mais ce n'est
pas...
Mme David
(Gouin) : Bon, mettons, deux.
M. Marcoux (Laurent) : Oui, mais
mettons-en pas trop, par exemple, parce que le...
Mme
David (Gouin) : Bon, bien, mettons deux, pour le bénéfice des gens qui
nous écoutent.
M. Marcoux
(Laurent) : Oui, deux ou trois, là, deux et demi, oui.
Mme David (Gouin) : Alors, mettons, 2 millions d'habitants; à peu près,
d'après vous, d'après vos connaissances, cinq agences.
M. Marcoux
(Laurent) : Bien, pas d'après mes connaissances, d'après leur
expérience.
Mme David
(Gouin) : Oui, c'est ça.
M. Marcoux
(Laurent) : Oui, c'est ça, à peu près.
Mme
David (Gouin) : Les chiffres
sont là. Donc, à peu près 2 millions d'habitants; d'après les informations dont vous disposez, cinq agences. En Montérégie, si on prend
toute la Montérégie, vous la connaissez bien, on parle de combien d'habitants?
M. Marcoux
(Laurent) : 1,5 million. 1 350 000 million à
1,5 million.
Mme David
(Gouin) : O.K. Et donc, là, on est en train de parler d'un CISSS. Moi,
je pense que ce sont des chiffres qui
parlent. En plus des différences culturelles dont vous avez parlé, je pense
aussi, comme vous, qu'on ne peut pas
se fier uniquement sur le bassin de population, qu'il faut tenir compte des particularités
géographiques, et, au Québec, elles sont nombreuses.
J'ai
une autre question pour vous, et c'est aussi en pensant aux gens qui
nous écoutent puis qui ne sont pas tous des experts comme vous l'êtes. Il a été fait mention, depuis hier, du
modèle Kaiser, de la Cleveland Clinic. Une question simple : Dans les deux cas, est-ce qu'on parle d'établissements
publics, est-ce qu'on parle d'établissements privés?
M. Marcoux (Laurent) : C'est des établissements privés, mais
c'est des regroupements. C'est des assureurs, en fait, qui regroupent
des clientèles, des clientèles non sélectionnées — c'est ce qui fait que
ça peut ressembler à une population normale — et
qui proposent un système de santé qui est plus sur le modèle de la
capitation. Donc, ça veut dire qu'on
a un montant total pour traiter ces gens-là. Et les gens qui travaillent
doivent travailler selon des modèles préétablis, mais des modèles préétablis qu'ils adaptent à la base. Les départements eux-mêmes font leurs modèles, mais il faut que
ça soit en concordance avec la philosophie du gestionnaire principal.
Mme
David (Gouin) : Et, disons, si on parle... Et là, je m'exprime comme
une néophyte vraiment, mais je pense que
ça peut être utile aux gens qui nous écoutent. La Cleveland Clinic
couvre-t-elle l'ensemble des habitants de la ville de Cleveland?
M. Marcoux (Laurent) : Non, ce n'est pas comme ça. Ils ont même des
clientèles en Floride, si je ne me trompe pas. Ils ont des clientèles dans l'Ouest américain. Et ils en ont à
Cleveland sûrement. Ils sont là, oui, c'est sûr. Mais pas tout
Cleveland.
Mme
David (Gouin) : Donc, on parle ici d'un modèle particulier couvrant
des gens qui sont assurés, si j'ai bien compris, avec cet organisme. On ne parle pas du modèle public que nous
connaissons au Québec, de CLSC, de CSSS, et tout, on est dans quelque
chose d'assez différent.
M. Marcoux (Laurent) : Pas tout à fait... C'est différent. C'est
différent, mais il y a quelque chose de semblable, et là-dessus M. le
ministre a raison, c'est qu'il y a une prise en charge d'un groupe qui est
quand même important, 8 millions de personnes...
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup.
Mme David
(Gouin) : O.K. Merci.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup à vous, MM. Marcoux et Laberge, représentant
l'Association médicale du Québec.
Je
vais maintenant laisser le temps au prochain groupe de prendre place et je
suspends temporairement nos travaux.
(Suspension de la séance à 12 h 50)
(Reprise à 12 h 55)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je
souhaite maintenant la bienvenue à des gens qui participeront à une audition conjointe. Nous entendrons d'abord,
pour une période de cinq minutes, les représentants et représentantes de
l'Association des Townshippers et, dans un deuxième temps, notre bloc de
10 minutes de présentation se subdivisera pour une deuxième portion de cinq
minutes aux représentantes, représentants de Voice of English-Speaking Québec.
Alors, pour
les fins d'enregistrement, dans un premier temps, je cèderais la parole à
l'Association des Townshippers. Je
vous demanderais de bien vouloir vous présenter et je vous indiquerai lorsque
le cinq minutes sera écoulé. Par la suite, nous irons avec la
présentation des personnes de Voice of English-speaking Québec.
Alors, pour
l'Association des Townshippers, veuillez s'il vous plaît vous présenter. Et
vous disposez, donc, de cinq minutes. La parole est à vous.
Association
des Townshippers et Voice of
English-speaking Québec (VEQ)
M. Cutting (Gerald) : Merci beaucoup. C'est vraiment un privilège et honneur
d'être présent cet après-midi. Malheureusement, on avait entendu qu'on avait
10 minutes chaque, ça fait qu'on pourra...
Le
Président (M. Tanguay) : Ce sera malheureusement cinq minutes chaque,
pour un total de 10 minutes. On s'excuse du quiproquo. Alors, la parole
est à vous pour cinq minutes.
M. Cutting (Gerald) : Bon. Alors,
qu'est-ce qu'on va faire d'abord, c'est que je vais présenter, à ma gauche, Mme Rachel Hunting, notre directrice exécutive, et
c'est notre présidente sortante, Mme Heather Bowman, et le trésorier de notre association, M. Jim Kanner. Et qu'est-ce
que je vais le faire, c'est que je vais procéder tout de suite. Au lieu de
parler de l'association, je vais donner la
parole tout de suite à Mme Hunting pour souligner les points les plus
importants dans notre mémoire.
Mme
Hunting (Rachel) : Très bien.
Alors, nous limiterons nos commentaires essentiellement à deux problèmes
principaux qui se dégagent de notre lecture du projet de loi n° 10.
La première
inquiétude, c'est : Comment le projet de loi n° 10 assure-t-il le
droit de recevoir des services en anglais? En regard de cette question, il semblerait que le projet de loi soit
rédigé avec les meilleures intentions. Comme nous le voyons dans l'article 65, l'exigence imposée à
chaque établissement d'élaborer un programme d'accès aux services en anglais est clairement identifiée avec une liste
de conditions qui sont sujettes à l'approbation ministérielle. Toutefois, un
changement de ministre et/ou de gouvernement
pourrait facilement permettre à un établissement quelconque de justifier la
terminaison d'un plan d'accès. Ce n'est pas une position confortable où se
trouver si vous êtes dans une situation minoritaire.
Comment les exigences définies dans l'article 65 garantiront-elles
l'élaboration de programmes d'accès pour la communauté d'expression
anglaise à la suite d'un changement de gouvernement ou de ministre?
Articles 155, 156 and 157 outline the
requirements needed to effect a smooth transition concerning the ongoing access to services in English
until new access plans are drawn up. How would the English-speaking community
contribute to the development of
these access plans without formal representation? How will Bill 10 be modified to reflect this
oversight?
Plusieurs
plans d'accès actuellement en voie d'implantation sont le résultat d'années de consultation,
de sensibilisation aux besoins
spécifiques de la communauté d'expression anglaise et de surveillance continue
des établissements qui les appliquent
actuellement. Il est clair que, selon le concept proposé d'établissements
régionaux, chaque région aura son organisme
de régie avec de nombreux points de service. C'est la transformation de
nombreux établissements bien connus en points de service qui a
désespérément besoin d'être clarifiée afin d'y assurer la participation de la
communauté d'expression anglaise.
La deuxième inquiétude, c'est la composition des
structures de gouvernance des conseils d'administration régionaux. Compte tenu
de l'ambiguïté du langage utilisé dans la rédaction de ce projet de loi, nous
devons poser la question : Nous garantira-t-on, à nous en tant qu'acteurs
à part entière de l'histoire et du développement continu du Québec rural, un siège à la table où seront prises
les décisions? À maintes reprises, nous avons démontré que, comme
minorité, nous pouvions ajouter à la sagesse collective dans l'ensemble de la
collectivité. À l'heure actuelle, il existe deux espaces réservés aux comités
régionaux sur l'accessibilité des soins de santé et services sociaux aux
personnes d'expression anglaise pour les
agences de l'Estrie et Montérégie. Des membres de la communauté d'expression
anglaise sont actifs sur une
multitude de comités d'usagers des établissements de santé et sont aussi
officiellement représentés sur plusieurs conseils d'administration du
CSSS dans les régions de l'Estrie et Montérégie-Est.
• (13 heures) •
For
the English-speaking community in the Eastern Townships of Québec, the lack of
a formal designation of representation from within the
English-speaking community in the proposed governing structure is by far the
most pressing yet easiest issue to remedy in
this bill. With guaranteed representation from within our community, our community can effectively participate as
active partners in the ongoing process of reorganizing a quality health care
system that is both accessible and affordable for all Quebeckers.
Pour conclure, le principal problème qui doit être
reconnu, c'est que la situation de la population d'expression anglaise dans le Québec rural, particulièrement
des communautés qui ont déjà vu leurs établissements être avalés dans une
structure plus englobante et méconnaissable,
est très différente de l'expérience des anglophones dans les grands centres
urbains tels que Montréal.
Compte tenu
des énormes pouvoirs qui seront octroyés au ministre et au nouveau conseil
d'administration des établissements
régionaux issus du projet de loi n° 10, il est impérieux que les
anglophones se voient accorder, dans la loi, une représentation issue de la communauté sur les conseils
d'administration, et ce, comme un geste tangible d'inclusion dans le secteur de la
santé et des services sociaux, avec comme mandat de s'assurer l'accès continu
aux services de santé et services sociaux pour la population de langue
minoritaire et que ce soit traité de la façon appropriée. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci pour votre
présentation. Et, par la suite, évidemment, vous aurez un échange avec les différents groupes parlementaires qui vous
permettront donc de compléter vos représentations. Et nous sommes sincèrement désolés du quiproquo
qui vous fait passer de 10 à cinq, mais nous aurons l'occasion d'y aller
avec les échanges.
J'invite
maintenant les représentants de Voice of English-speaking Québec à bien vouloir
se présenter et d'y aller de leur présentation de cinq minutes. Merci.
M. Ireland
(Taylor) : Merci, M. le
Président Tanguay, vice-présidente Hivon, M. Barrette, merci pour l'invitation.
My name is Taylor Ireland, je suis le
président de Voice of English-speaking Québec. Je suis ici aujourd'hui avec M.
Jean-Sébastien Jolin-Gignac, notre directeur exécutif, ainsi que Mme Helen
Walling, notre ancienne présidente.
Le Voice of English-speaking Québec, c'est une
organisation autonome à but non lucratif qui représente les anglophones et les gens qui parlent anglais dans
la région de Québec. Nous sommes 14 565 habitants dans la région de
Québec, soit 1,9 % de la population.
Par contre, si on compare les années antérieures, on constate que notre
population d'anglophones de Québec
bénéficie d'une forte croissance de près de 2 000 individus depuis cinq
ans. Il s'agit de la première augmentation
de notre population en près de 150 ans. Cette croissance s'explique
principalement par des naissances au sein de notre communauté et
l'apport de nouveaux arrivants de langue anglaise, comme moi-même.
À cet effet,
VEQ accueille près de 500 nouveaux arrivants chaque année. Près de la moitié de
ceux-ci arrivent avec leur famille,
représentant pas moins de 200 familles qui s'installent dans notre région
chaque année. Ces nouveaux arrivants anglophones représentent un
potentiel de main-d'oeuvre bilingue important et essentiel au développement économique de notre région. Ils mentionnent
toujours... Ils ont toujours trois questions : Comment je peux apprendre
le français? Comment je peux trouver un emploi? Et est-ce qu'il y a un
hôpital anglophone à Québec? Je vais donner la poursuite à M. Jean-Sébastien
Gignac pour la poursuite.
M.
Jolin-Gignac (Jean-Sébastien) : Bien, moi aussi, je tiens à vous remercier. Je sais que notre présence
ici est le fait d'un accord de tous
les partis, donc on vous en remercie. C'est certain que notre analyse du projet
de loi n° 10 nous amène à penser
qu'il pourrait y avoir des conséquences sérieuses et préjudiciables à notre
communauté. Je vais tenter de vous les exposer rapidement.
D'une part,
il y a la disparition d'une institution essentielle à la vitalité de la
communauté anglophone de Québec. Le
Jeffery Hale—Saint Brigid's,
c'est beaucoup plus qu'une institution qui offre des services de santé pour
notre communauté. Les gens de la
communauté y font du bénévolat, ils y contribuent financièrement par le biais
des fondations qui la supportent, ils sont actifs au niveau de la
gouvernance. Et on a même de nombreux professionnels qui de fait travaillent
pour l'institution sans être payés par l'institution. C'est une institution qui
est au coeur de tout ce qui est la communauté
anglophone à Québec, et la survie de l'institution est intimement liée à la
survie et à la croissance de notre communauté.
C'est donc un impact qui serait majeur pour notre communauté, la disparition du
Jeffery-Hale, comme entité autonome.
Il y a la
perte définitive des outils de gouvernance de la communauté sur sa seule
institution de santé. Bien sûr, le
projet de loi n° 10 prévoit la disparition du conseil actuel du Jeffery-Hale
au profit d'un conseil pour le CISSS de la Capitale-Nationale qui
serait, bien sûr, nommé exclusivement par le ministre. Logiquement, ça abolit
la gouvernance communautaire, qui a été
tellement profitable à notre communauté, qui a permis à notre institution de
systématiquement adapter et bien
comprendre les besoins d'une communauté minoritaire en ce qui a trait à la
prestation de services de santé.
Un autre
point qui est très important pour nous, c'est la perte des connaissances et de
l'expertise qui est requise pour desservir efficacement une communauté
linguistique minoritaire. On ne questionne pas ici la bonne intention du CISSS qui serait nouvellement créé, seulement on
doute que cette nouvelle entité soit en mesure de desservir la communauté
anglophone avec autant d'efficacité,
d'attention et de sensibilité que le Jeffery-Hale a toujours fait pour notre
communauté. De forcer la fusion du Jeffery-Hale avec les autres
établissements de la région de Québec, ce serait de faire passer la communauté
anglophone à un statut de goutte d'eau dans un vaste océan. Ce ne sera pas
profitable du tout pour notre communauté.
Et finalement
un dernier point qui est important, c'est l'érosion probable et définitive de
l'accès aux services de santé en
langue anglaise pour la région. Le projet de loi n° 10 est dépourvu
d'assurance réelle quant au maintien des services, et les garanties qui sont prévues et les
mécanismes qui sont proposés permettraient au CISSS, à court et moyen terme,
de se libérer de ses obligations de façon...
très facilement, sans contraintes réelles. Notre voix serait peut-être écoutée,
mais serait-elle entendue? On en doute fortement.
On a, à
Québec, un établissement qui est unique dans tout l'Est du Québec, qui a fait
ses preuves, qui dessert les deux
communautés, notre communauté minoritaire mais aussi la communauté francophone.
Lors de la dernière réforme, en 2004,
l'établissement s'était entendu avec le ministre de la Santé de l'époque, le Dr
Philippe Couillard, pour permettre au
gouvernement de maintenir et d'atteindre ses objectifs tout en maintenant la
survie d'une institution qui est au coeur de ce que nous sommes comme
communauté.
Nous invitons
donc le gouvernement à considérer les ajustements qu'une réponse adaptée aux
besoins et à la réalité de la
population d'expression anglaise de la Capitale-Nationale pourrait exiger et
encourage celui-ci à explorer les solutions pouvant être mises de l'avant. On sait que nos partenaires de la
communauté travaillent sur des options qui permettraient au gouvernement
d'atteindre ses objectifs tout en maintenant l'existence de l'institution
Jeffery-Hale‑St Brigid's...
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.
M. Jolin-Gignac (Jean-Sébastien) : Comme dans tout ce que l'on fait comme communauté,
et je vais conclure là-dessus...
Le Président (M.
Tanguay) : On m'autorise, donc, sur le temps du gouvernement, à vous...
O.K.
M. Jolin-Gignac (Jean-Sébastien) : Tout ce que la communauté anglophone fait à Québec,
c'est dans une perspective de faire
partie de la solution et non du problème. Ce qu'on vous demande aujourd'hui,
c'est l'opportunité de continuer d'être... de faire partie de cette
solution en vous permettant d'atteindre vos objectifs tout en maintenant une
institution qui est fondamentale pour la survie de notre communauté. Merci
beaucoup.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, s'enchaîne une période
d'échange, tout d'abord, avec les représentants
de la banquette ministérielle. Nous allons débuter en ce sens avec le ministre
pour un bloc de 20 minutes.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Cutting, Mme
Hunting, Mme Bowman, M. Cameron, je crois — c'est ça? — ...
Une voix :
...
M.
Barrette : ...O.K., M. Ireland, M. Gignac et Mme Walling, merci d'être
venus. Et encore une fois je me joins à
notre président pour s'excuser du quiproquo qu'il y a eu pour le temps, mais je
n'en prendrai pas beaucoup. Vous allez pouvoir intervenir plus.
Comme
vous le voyez, en commission parlementaire, je suis accompagné de plusieurs
députés du Parti libéral, et certains
d'entre eux voudront s'adresser à vous, et je vais leur laisser la parole tout
à l'heure, dont M. Birnbaum, que vous connaissez, M. Reid et peut-être
aussi M. Hardy.
Alors,
écoutez, je suis très sensible à l'argumentaire que vous faites et je tiens à
dire que, pour nous, l'importance de
la contribution de votre communauté est là, et est reconnue, et sera toujours
reconnue chez nous. Comme vous l'avez vu
dans le projet de loi n° 10, il y a une attention particulière qui a été
portée à la situation de la communauté anglophone dans l'esprit de garantir les acquis que vous aviez
et de les garantir de façon perpétuelle. Et il y a peut-être un ou deux éléments que vous avez relevés qui méritent
discussion, puis j'aimerais ça les aborder juste pour apporter quelques
précisions.
Alors,
il va de soi que, comme vous avez dit, M. Gignac, entre autres, il va de soi
que, dans toutes les communautés, qu'elles
soient francophones ou anglophones, l'hôpital est un outil ou un service qui
est très identitaire, qui est très près de la communauté et qui joue un lien qui est très important, et il va de
soi que ce lien-là, on a voulu le préserver dans le projet de loi n° 10, d'une part. Et, d'autre
part, on a voulu que le projet de loi ne vienne pas atteindre certains éléments
qui sont essentiels à votre vie
communautaire, comme aux francophones, c'est tout le monde. Alors, il va de soi
que le projet de loi n° 10 n'a
pas voulu volontairement s'adresser, par exemple, aux fondations, à la
recherche, pour les milieux où ça
existe, et le lien qui existe, qui est très important dans les communautés,
entre ces institutions-là que sont les fondations,
qui son rattachées à des hôpitaux, et le bien et la collaboration que ça fait
avec les hôpitaux. C'est la raison pour
laquelle les hôpitaux vont garder leur nom, que les fondations vont toujours
pouvoir exercer leur travail en fonction de l'hôpital en question, et
c'est la même chose pour l'activité de recherche.
• (13 h 10) •
Maintenant,
pour ce qui est de l'aspect purement
linguistique des services médicaux qui sont donnés au Québec, peut-être qu'il y
a un point de compréhension, là, qui
n'est pas clair dans la lecture qui est faite du projet de loi. Le projet de
loi, il est écrit d'une telle manière
que tout ce qui est écrit actuellement dans la LSSSS se retrouve sous la responsabilité du CISSS de façon pleine et entière. Alors, je pense
que c'est vous, Mme Hunting, qui faisiez référence aux plans d'accès. Les plans d'accès qui sont prévus dans la LSSSS actuellement doivent être reconduits et promus de la même manière, mais, à ce
moment-là, par le CISSS.
Alors,
peut-être qu'il y
a une problématique d'interprétation de part et d'autre. Mais ces éléments-là
ne sont pas remis en cause d'aucune
manière, là. Au contraire, ils sont préservés comme, par exemple, le statut
bilingue de certaines institutions
est préservé. Je comprends, par exemple, de votre intervention et de votre
mémoire, que vous avez confiance que
nous, on va le préserver, mais peut-être qu'un autre gouvernement — vous y avez fait référence vous-même — puisse ne pas le faire, là. Vous
pourrez revenir là-dessus, ça nous intéresse.
Mais,
quand on regarde l'article 14 de notre projet de loi, c'est un article qui
essentiellement, dans son écriture, oblige
ces institutions-là et le ministre, à toutes fins utiles, de prendre en
considération dans ses nominations et ses actions, de prendre... Et je cite, là : «Lorsqu'il
procède aux nominations, le ministre doit tenir compte de la représentativité
des différentes parties du territoire
couvert par un établissement ainsi que de la composition socioculturelle,
ethnoculturelle, linguistique — et c'est souligné — ou
démographique de l'ensemble des usagers qu'il dessert.»
Alors,
ça serait difficile évidemment pour un ministre de passer outre l'obligation
qui vient dans cet article-là, de prendre
en considération la représentativité de la communauté anglophone lorsque la
communauté est significative dans une
région donnée. Alors, quand je prends l'exemple de l'ouest de Montréal, là, ou
des Cantons-de-l'Est, parce que, dans les Cantons-de-l'Est, ça
s'applique, c'est bien sûr que c'est difficile pour un ministre de passer à
côté de ça. Mais je comprends que vous ayez
certaines inquiétudes. D'ailleurs, ça serait intéressant de voir ce que pensent
nos collègues de l'opposition sur ce point-là.
Mais
je tiens à vous rassurer, les éléments qui sont là reconduisent l'actuel et, le
cas échéant, viennent spécifiquement
affirmer le fait que ce qui existe doit être appliqué à nouveau et exercé par
le CISSS. Et, s'il y avait des aménagements
à faire ou des éléments qui vous rassureraient plus, moi, je suis bien ouvert à
certaines suggestions. Mais actuellement c'est dans notre intention de
faire en sorte que ce vous avez d'acquis sur ce plan-là soit maintenu de...
(panne de son) ...possible.
Si vous le
voulez, je vais peut-être passer... Ou vous pouvez prendre... me répondre, si
vous voulez, ou je peux passer la parole à mes collègues.
Le Président (M. Tanguay) : M.
Jolin, vous vouliez intervenir?
M.
Jolin-Gignac (Jean-Sébastien) : On comprend ce que venez de mentionner, M. le ministre Barrette. Il
n'en demeure pas moins que, dans la
structure que vous proposez, dans le meilleur des mondes, pour une population
comme la nôtre, qui représente
2 % de la communauté à Québec, on pourrait potentiellement avoir un
représentant sur le conseil d'administration.
Présentement,
au sein du Jeffery-Hale, il y a 10 membres sur 18 qui sont élus par la
communauté, et on en a un nombre additionnel,
qui joue entre quatre et cinq, qui sont des gens qui, sans être élus par la
communauté, sont nommés parce qu'ils
ont fait preuve de leur sensibilité et de leur préoccupation pour la
communauté. On fait référence... encore une fois, je parle d'une population de 2 %. C'est irréaliste de
penser que la préoccupation envers le maintien des services de santé et services sociaux en langue anglaise va
être la même dans la nouvelle structure qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Et, d'autre
part, comme je l'ai mentionné, la lecture de la loi nous amène à penser que les
mécanismes de protection des responsabilités à l'égard de la communauté
anglophone, donc la nôtre, c'est un mécanisme qui est beaucoup trop ferme pour en assurer la survivance dans le temps
en fonction des changements de ministre ou de gouvernement. Alors,
pour nous, la structure qui est proposée élimine la gouvernance communautaire
en plus de notre capacité
d'influencer les décisions qui touchent les soins de santé qui sont offerts à
nos membres. C'est la problématique majeure pour nous.
Le Président (M. Tanguay) : Oui.
M.
Barrette : Moi, j'aimerais vous entendre sur un point... en fait, sur
deux points. Pour ce qui est de la dispensation des services et de l'accès aux services en anglais, il y a une autre
région qui a vécu une situation similaire, pire, dans une certaine mesure, parce qu'on a fermé l'hôpital, et
c'était le Sherbrooke Hospital. Moi, j'ai habité à Sherbrooke, là, j'ai travaillé au Sherbrooke Hospital, alors je connais
bien cette situation-là. Puis peut-être que les Townshippers peuvent nous dire
quelle est leur lecture de la situation, mais les services ont été maintenus quand même
dans la région, d'une part. Et, d'autre
part, dans la région de Québec, il n'est pas question de fermer l'hôpital. Il
n'y a pas un point de service,
là, au Québec, qui va disparaître...
Une voix : ...
M.
Barrette : Si vous me le permettez, je vais juste terminer.
Maintenant, pour ce qui est du rôle du ministre, là, j'aimerais ça que
vous donniez des précisions sur votre appréhension qu'un éventuel ministre,
lui... un autre ministre viendrait toucher à ça. En tout cas, je ne vois pas ça
de notre bord, là.
M.
Jolin-Gignac (Jean-Sébastien) : On ne questionne pas votre intention personnelle d'affecter ces
éléments-là, seulement, ce qui est proposé n'offre aucune garantie réelle quant
au maintien de ces services-là. Ça ne peut être plus clair pour nous. Et, d'autre part, comme je le disais,
la structure actuelle, qui fonctionne, qui fonctionne à une rentabilité de
coûts qui est un exemple à suivre au Québec,
permet à la communauté d'influencer les décisions qui touchent la prestation
de services à ses membres, ce qui ne sera plus possible dans la nouvelle
structure.
Présentement,
quand une décision difficile doit être prise, puisque c'est plus une
décroissance des investissements qui
sont faits dans l'institution qu'une croissance, les membres du conseil
d'administration gardent systématiquement en tête — et là je
parle de l'ensemble des membres — qu'est-ce qui est bien ou préjudiciable pour
la communauté anglophone. Ce n'est
pas une réalité qui va se maintenir dans la nouvelle structure que vous
proposez. On n'a aucune garantie qu'on aurait un représentant, et, même s'il
y en avait un, il serait un parmi un groupe de membres du conseil.
Et, pour
nous, les garanties, comme je vous disais, on ne questionne pas les... on
comprend et, à bien des égards, on partage les objectifs du gouvernement
de mieux rentabiliser les sommes qui sont investies en santé et services sociaux pour la population du Québec. Seulement,
notre évaluation de la chose, c'est qu'on va abolir une institution qui
est essentielle à la survie d'une communauté minoritaire. C'est l'impact direct
et indirect du projet de loi.
Le
Président (M. Tanguay) : M. Jolin, vous allez me permettre, comme
président de commission, de prendre un
rôle un peu plus actif. Il reste un peu plus de 10 minutes. M. Cutting, vous
avez demandé la parole, et par la suite je reviendrai avec M. le
ministre, s'il veut revenir.
M. Cutting
(Gerald) : Bien, c'est juste
pour faire un peu de contexte qu'on vit présentement dans les «townships».
Ça fait des années qu'on a fait la transition ou que les établissements
anglophones ont été intégrés. Prenez comme un exemple
Sherbrooke Hospital, c'est maintenant le centre gériatrique. Ça ne veut pas
dire que tous les anglophones sont présentement dirigés vers ce centre-là, mais on a
travaillé ensemble, les deux communautés, dans la langue française, pour
bâtir quelque chose très, très intéressant.
Et ce qu'on
voit, c'est que vous dites : Oui, on va garder les établissements, on va
garder la mission, mais, pour nous
autres, de s'assurer que, quand on parle de la structure de gouvernance, — ça, ça change, il y a des changements
majeurs — on veut être assurés qu'on peut continuer à
faire ce travail-là. Ce n'est pas tellement intéressant pour nous autres
de recevoir les décisions, on veut être partie de la discussion, on veut être
partie de la création des nouvelles politiques.
On comprend très bien que présentement il faut faire des choses majeures pour
aller chercher les fonds pour assurer
un service de qualité dans le futur. On est parfaitement d'accord. C'est la
façon qu'on se trouve où il y a vraiment, pour nous autres...
Et c'est une
grande difficulté quand ça vient le temps d'exprimer ces choses-là à notre
communauté. Est-ce qu'on va être
participants ou... Qu'est-ce qui va se passer? Et il y a une solution claire.
Donnez-nous au moins un siège sur ces nouvelles structures de
gouvernance où la communauté anglophone pourra vous proposer un nom ou
peut-être c'est trois, cinq noms de gens qui
viennent de notre communauté qui pourraient nous représenter d'une façon
efficace. C'est tout ce qu'on demande.
M. Barrette : J'en prends bonne
note, M. Cutting. Je vais passer la parole à mon collègue, le...
Le Président (M. Tanguay) : Oui.
Alors, M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Tanguay) : Et je
vous indique qu'il reste une période de huit minutes totales à l'échange.
• (13 h 20) •
M.
Birnbaum : D'accord, merci. Cela me fait plaisir, à mon tour, de vous
accueillir à l'Assemblée nationale, surtout avec fierté d'avoir eu l'honneur de travailler avec les Townshippers
ainsi que Voice of English-speaking Québec pour peut-être un quart de
siècle.
Throughout that time, I'd love to share
with my parliamentary colleagues that I've never seen any of the actions be contrary to those that all
Quebeckers can share, as was mentioned. Every intervention I've ever participated in or seen from... with the Townshippers was based on la notion de vivre-ensemble, et de comprendre
le fait français au Québec, et
de trouver une place honorée pour la pleine contribution des communautés de
langue minoritaire.
Entre autres, je désire aussi saluer quelques membres de la délégation, entre autres, Royal Orr et Richard Walling. On
est plusieurs vieux routiers qui ont eu à travailler très, très
fort pour instaurer les garanties qui existent en législation, des garanties qui feraient
la fierté des francophones hors Québec si elles existaient dans les autres
provinces, les garanties pour les services et la gouvernance.
Vous en convenez avec moi qu'on est devant un projet
de loi — parce
que vous ne vous avez pas prononcé là-dessus — qui
vise à une plus grande fluidité vers le service au patient, une plus grande
efficacité et un focus sur le soin du
patient et la continuité de ce soin-là, tout en misant sur ses besoins et pas
les besoins structurels, et aussi d'éliminer et de limiter le plus que possible la bureaucratie. Alors, si je peux bien
comprendre, vous êtes à l'aise avec les grands axes de ce projet de loi
là.
En même temps, on se trouve devant un projet
de loi qui est, par définition, une
loi qui peut être bonifiée. Si j'ai bien
compris, il y a deux volets qui vous tiennent à coeur, deux questions
très, très importantes, c'est-à-dire l'accès aux services en anglais ainsi que
le mot à dire, l'accès à la gouvernance des établissements au sein de la
communauté anglophone. Sur ces deux questions,
je crois que vous aurez compris qu'il
y a des articles assez constructifs à cet égard. Et je comprends que, de votre
lecture, c'est ces articles à bonifier.
Sur le plan, dans un premier temps, de l'accès aux services, les articles 155 à 157,
entre autres, on voit, de ma lecture, un libellé assez intéressant. Auriez-vous une proposition pour bonifier ces
articles en ce qui a trait à l'accès aux services à travers des établissements, pas seulement des établissements attachés, identifiés à la communauté anglophone?
Le Président (M. Tanguay) : Alors,
qui veut prendre la question?
Mme Hunting (Rachel) : What's important in terms of access to services is a guarantee that what is available presently will not change in the
law with a new minister or with a new government, and also a clarification of the language, that the language is explicit,
and it's clear, and it demonstrates the inclusion of the English-speaking
minority in terms of services.
Le Président (M. Tanguay) : ...Jolin,
rapidement et après... ou Mme Walling.
Mme
Walling (Helen) : Oui.
J'aimerais juste dire... Je pense qu'il y
a deux points. C'est intéressant, même si on
est des anglophones autour de la table, on n'a pas vraiment
la même perception de qu'est-ce qu'on voudrait. Pour nous, ici, à Québec, on ne parle vraiment pas juste d'un siège
autour d'une table de conseil
d'administration. Je sais, moi, j'ai
fait partie de l'agence de Québec
pendant quatre ans, j'étais la seule anglophone autour de la table. C'était intéressant, j'avais des collègues extraordinaires, mais le point de vue des anglophones souvent n'a pas été écouté parce qu'on fait 2 % de la population. Ça fait que, pour nous, là,
d'avoir seulement qu'une représentation autour de cette table-là, je ne pense
pas que c'est vraiment ça qu'on recherche.
On recherche vraiment une gouvernance, puis la gouvernance de nos institutions.
Puis,
ministre Barrette, vous avez parlé que les structures vont rester, le Jeff puis
Saint Brigid's, on est très, très contents
de ça, mais on veut vraiment être capables de prendre les décisions
importantes. On est une minorité ici. Il faut toujours se battre. Quand on se lève le matin, nous, on est sur le
radar : Qu'est-ce qui va se passer pour les anglophones à Québec? Ça fait que c'est sûr que les gens que
vous allez choisir vont être des bonnes personnes, on ne doute pas de ça,
mais c'est qui qui va se réveiller puis qui
va penser : Est-ce que les employés sont bilingues dans nos centres?
Est-ce qu'il y a une place pour ma
belle-mère qui a besoin d'aller à Saint Brigid's Home? Est-ce qu'on a des
choses, des services pour nos
nouveaux arrivants qui arrivent puis qui viennent à Québec pour faire partie de
cette belle ville là? Mais c'est vraiment ces décisions importantes.
On parle de
fondation. On a quand même des bons sous cachés, mais, je veux dire, le point
de vue de ça, c'est : Pensez-vous
vraiment que les fondations vont donner quand on n'a aucune partie sur les
décisions importantes? Ça fait 150
ans qu'on vit, qu'on va bien, qu'on ajuste, qu'on innove. Puis, même l'année
passée, on a gagné le... ce n'est pas un prix, mais c'est la mention d'honneur d'Agrément Canada. Je pense qu'on
fait des choses comme il faut. 150 ans, d'être effacés par une loi,
qu'on comprend le but, l'importance, mais ça va bien chez nous, on fait les
choses comme il faut.
On est petit,
on fait qu'est-ce qu'on peut avec qu'est-ce qu'on a. On aimerait bien être
capables de trouver une porte de
sortie ou d'entrée pour être capables de s'asseoir pour voir qu'est-ce qu'on
peut faire pour garder qu'est-ce qu'on a déjà, qui va très bien. On est une
partie de la solution et pas du problème. Puis, à tous les quatre ans, il faut
que je vienne puis il faut que je répète
la même chose à différentes émissions. On veut travailler avec vous, on veut
faire les bonnes choses pour la
population anglophone et francophone. On sert les francophones aussi. On a une
perle ici qui est même vue comme modèle ailleurs, pourquoi qu'il
faudrait qu'on perde ça à cause d'une loi?
Le Président (M. Tanguay) : Je vais
maintenant céder la parole... Mme Hunting, vous pourrez reprendre la question. J'ai besoin du consentement
pour permettre au député d'Orford d'intervenir. Avons-nous le consentement?
Oui? Alors, consentement. Et, Mme Hunting, vous reprendrez la question du
député d'Orford. Il nous reste 1 min 30.
M.
Reid :
Merci. On va aller rapidement. Écoutez, sans vouloir allonger, là, le
Sherbrooke Hospital, ça a été mon hôpital
avec mes enfants quand j'étais plus jeune. C'est un hôpital anglophone, mais on
avait un excellent service francophone. Juste pour situer le débat, je pense qu'il faut comprendre que
l'intégration a nécessité beaucoup d'efforts et on arrive à quelque chose d'intéressant. Moi, je voudrais me
concentrer sur un élément et, dans la perspective, là, c'est l'hôpital de
Magog, dans mon comté, et l'hôpital de Coaticook, dans le comté de mon collègue
ici, de Saint-François.
L'article 131
parle de comité consultatif d'établissement. Enfin, c'est un comité
d'établissement. C'est un comité qui
a à faire des recommandations sur le caractère culturel, historique, local. Ça
inclut évidemment notre culture, notre culture
de communauté anglophone. Et c'est un comité de sept personnes nommées par le
ministre. Évidemment, c'est encore peut-être un peu le même problème.
J'aimerais
savoir votre opinion là-dessus parce que cet élément-là, cette présence-là, qui
n'est pas centrale, mais cet élément-là qui est établissement par établissement,
là où les soins sont donnés, devrait possiblement diminuer la préoccupation en tout cas... peut-être en tout cas
affecter positivement la préoccupation que vous avez. Et j'aimerais avoir
votre opinion là-dessus. Ou est-ce que le
fait qu'encore une fois c'est nommé par le ministre et que peut-être ça
pourrait changer dans différentes
époques, là, politiques ou autres, est-ce que ça, ça fait en sorte que ce n'est
pas aussi intéressant que ça pourrait l'être?
Le Président (M. Tanguay) : Alors,
pour 30 secondes, Mme Hunting.
Mme
Hunting (Rachel) : Bien,
moi, je voulais juste aussi dire, par rapport à ce qu'Helen vient de dire,
c'est aussi une importante différence
entre les communautés anglophones rurales et urbaines. On est une communauté
d'expression anglaise, mais on a des réalités qui sont entièrement
différentes, et il faut en tenir compte.
Pour ce qui
est des nominations ministérielles, ce qui nous inquiète, c'est la façon qu'ils
vont être nommés. Ces gens-là, la
liste de noms, le contexte, ça vient d'où? Est-ce que c'est la communauté qui
va donner... Comme M. Cutting avait proposé, est-ce que c'est nous qui
va vous fournir une liste de personnes qui seraient intéressantes, qui ont une expertise, autour de la table ou est-ce que c'est
une... a ministerial appointment that doesn't necessarily represent a community
that that person will be speaking for? That's really where
we're coming from in terms of representation.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je crois que, M. Jolin, vous
vouliez intervenir. Malheureusement il
n'y a plus de temps, M. Jolin, c'est maintenant le bloc de questions de
l'opposition officielle. Mais l'échange se poursuit, et vous aurez l'occasion peut-être de revenir sur des
éléments antérieurs, on voit ça régulièrement en commission parlementaire. Alors, je cède immédiatement la
parole à la députée de Taillon pour un bloc de 12 min 30 pour la
poursuite des échanges.
Mme Lamarre : Mais je suis prête à
laisser M. Jolin apporter son commentaire tout de suite.
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
M.
Jolin-Gignac (Jean-Sébastien) :
M. Jolin-Gignac (Jean-Sébastien) : Pour répondre à la question de M. Reid... Pour
répondre à votre question, vous nous
disiez : Est-ce qu'un comité consultatif nommé par le ministre représente
une alternative intéressante à ce que nous avons présentement, un
conseil d'administration élu par la communauté?, la réponse est non, ce n'est
pas une alternative
intéressante pour nous, du tout. On est partie prenante de toutes les décisions
qui touchent notre communauté, versus la possibilité d'avoir un comité
consultatif qui serait nommé par le ministre. On ne sait pas comment les membres vont être choisis pour, encore là, offrir
des recommandations qui pourraient ou ne pourraient pas être appliquées,
dépendamment de la volonté du ministre. Ce
n'est pas un mécanisme qui est suffisant pour nous, du tout. Merci beaucoup.
• (13 h 30) •
Mme Lamarre :
...plaisir. Écoutez, d'abord, je veux vous saluer, M. Cutting, Mme Hunting, Mme
Bowman, M. Ireland, M. Jolin, Mme Walling,
vous dire qu'on est très sensibles à votre argumentaire. Je vous dirais que
votre sentiment de ne pas avoir été
entendus et de peut-être ne pas l'être autant que vous l'auriez souhaité, il
est ressenti par beaucoup d'organismes
qu'on a accueillis depuis le début de cette commission parlementaire, mais
j'entends une sensibilité toute particulière.
Et ce que je veux saluer, ce sont les... le travail que vous avez fait pour arriver
à un certain équilibre dans le cas de
la région de l'Estrie, et, bon, à une certaine dynamique, en tout cas, de
collaboration et d'écoute mutuelles. Et je trouve que c'est très, très important, cette dimension-là, et ça nous
ramène à beaucoup de préoccupations que les gens expriment par rapport à
l'éloignement du palier local dans ce projet de loi là. Nous pensons que les
gens, quand ils se parlent localement, ils
se comprennent, ils s'apprécient, ils se respectent et ils trouvent des
solutions. Et le danger de tout concentrer en présumant qu'on a les
solutions à tout... eh bien, ça exclut beaucoup de dimensions qui trouvent
leurs solutions par elles-mêmes sur le terrain.
Alors,
vous êtes vraiment le reflet de cette préoccupation qui se traduit dans
l'ensemble du projet. Et, quand on parle
d'une directive ou d'orientations, nous, ce qu'on voit, c'est un contrôle qui
éloigne énormément la prise de décision de la sensibilité de toutes les réalités qu'on a au Québec, et je pense
qu'il faut les traduire et il faut les représenter. Donc, nous sommes
tout à fait sensibles à ce que tous les citoyens et les membres des communautés
locales participent à la gouvernance comme
membres des C.A. Et vous évoquez même, dans la région de Québec, non seulement
la dynamique et les caractéristiques
de la population anglophone mais de certains sous-groupes aussi. Alors, dans
des perspectives plus petites, on a
cette possibilité-là de trouver des solutions. Et je vous dirais
qu'historiquement nous avons toujours confirmé les droits à la minorité anglaise du Québec,
historiques, en santé et en éducation. Nous avons toujours laissé la place pour
que ces réalités-là puissent s'exprimer et se réaliser.
Je
trouve aussi que votre intervention illustre... Un système de santé prend des
années à trouver son état d'équilibre, à
trouver le respect mutuel mais aussi évidemment l'efficacité dans les soins. Et
cet état d'équilibre là doit respecter toutes les caractéristiques, les
caractéristiques démographiques — vous les illustrez bien — entre le milieu rural et urbain, et les
caractéristiques linguistiques, et d'autres
types de caractéristiques aussi qui marquent particulièrement le domaine de la
santé.
Alors,
quand on fait grand remue-ménage et qu'on recentre tout ça, on perd toutes ces
nuances et ces capacités-là. Il reste
qu'on doit quand même trouver une façon d'améliorer l'efficience de notre
système de santé et d'améliorer l'accès. Donc, ma première question, ce serait : Comment trouvez-vous que
l'accès se passe dans vos régions, la région de l'Estrie et la région de
Québec, en termes d'accès aux soins de santé dans la dynamique où vous êtes?
Le Président (M.
Tanguay) : Qui veut répondre?
Une voix :
Bien, moi...
Le Président (M.
Tanguay) : M. Hunting?
M. Cutting (Gerald) : Je peux commencer en disant que, pour les anglophones de la région de
l'Estrie et une partie de la région
de Montérégie, à cause qu'on est rural, quand tu parles des problèmes des
anglophones, c'est aussi des problèmes
pour des francophones aussi. On est dispersés sur un grand territoire, on est
dans des petits villages, on est dans la
campagne, et, pour avoir l'accès, au point de départ, c'est peut-être plus
difficile que pour des gens qui sont dans un grand centre comme Montréal ou même à Québec. On parle des distances. On
parle des gens qui souvent se trouvent... ils sont tout seuls. On a une population en vieillissance, et c'est une
population qui a besoin de beaucoup de support, et c'est pour ça que c'est absolument essentiel qu'on ait
des services qui ont été bâtis avec une connexion avec la communauté, avec les gens qui ont besoin de services. Et
souvent, quand on parle : Qu'est-ce qui vous intéresse le plus quand on
parle des services?, la réponse est toujours la même : Santé. C'est
toujours santé. Et, pour ça, je crois que, quand...
Là, je vais prendre
comme exemple la population anglophone. On est encore plus dispersés. Le
territoire des Cantons-de-l'Est, historique,
c'est la même grandeur que le pays de la Belgique. D'abord, c'est absolument
essentiel qu'on travaille ensemble
avec les établissements des points de service pour avoir des points de réception, d'accueil. Et souvent on travaille avec ces établissements-là pour bâtir exactement des systèmes nécessaires pour s'assurer que ces gens-là ont un bon
service et un service à point. Et je vais dire ça une centaine de fois, un
millier de fois, on l'a fait ensemble.
Le Président (M.
Tanguay) : Est-ce qu'il y a M. Jolin également qui voulait
intervenir?
M. Jolin-Gignac (Jean-Sébastien) : Écoutez, pour répondre à la question,
l'accès en santé et services sociaux
en anglais dans la région, ça se passe très bien
parce qu'on a un modèle qui fonctionne bien. En anglais, on
dit : Si ce n'est pas brisé, pourquoi
tenter de le réparer? On a quelque
chose qui fonctionne. Je pourrais
vous donner mille et un exemples.
Moi-même,
j'ai utilisé les services du Jeffery-Hale. Je suis francophone. Je suis allé
avec ma fille pour un suivi de ce qui
était une mononucléose, une pneumonie, une inflammation de la rate, on pensait
qu'elle avait le cancer à un certain
moment. Quand on est retournés faire nos tests, on a eu un service impeccable.
Et, parallèlement à la prestation de services qu'on recevait, il y avait
une dame anglophone qui recevait le même type de service de radiographie, et
c'était fait parallèlement dans les deux langues, de façon impeccable. Puis
c'est un modèle qui fonctionne.
J'ai une de mes employées qui vient
des États-Unis, elle a suivi son conjoint ici, qui est dans les
forces militaires. Elle a accepté de
le suivre parce qu'elle avait des assurances qu'il y avait des services de santé en langue anglaise qui étaient disponibles pour eux. Ils voulaient commencer à
fonder leur famille. Ils ont maintenant un petit garçon. Ils ont utilisé les services qui sont offerts par le Jeffery-Hale, les
services prénataux. Ils ont utilisé les services après naissance du
Jeffery-Hale. Ça fonctionne.
L'accessibilité se fait bien, on réussit à desservir les deux communautés de
façon efficace et à moindres coûts
que si la structure était changée puisque nos fondations investissent et mettent de
l'argent à payer des professionnels qui,
bien qu'ils travaillent pour l'institution, ne sont pas payés par
l'institution. Il n'y a pas d'argent à sauver en fusionnant de
façon forcée le Jeffery-Hale à un CISSS qui couvrirait la Capitale-Nationale.
Le Président (M.
Tanguay) : Mme la députée de Taillon.
Mme Lamarre :
Oui, bien, écoutez, je trouve que c'est très éloquent, ce que vous nous dites.
Et je pense que l'enjeu, dans notre système
de santé et de services sociaux — parce que vous y avez fait référence aussi,
il n'y a pas que la santé, mais il y
a également tous les services sociaux — c'est de ne pas bouger ce qui fonctionne
bien puis d'améliorer ce qui ne va
pas bien. Et là on n'est pas sûrs du tout dans la recette qu'on nous propose.
Comme on en a, en plus, seulement un
morceau sous forme d'un morceau du casse-tête, avec plusieurs autres choses qui
vont surgir et qu'on n'a pas bien traduites
encore, eh bien c'est préoccupant. Et je comprends bien votre préoccupation. Je
laisserais peut-être mon collègue député de Bourget vous poser une
question. Le temps court, alors je vous laisse. Et je vous remercie.
Le Président (M.
Tanguay) : Oui. M. le député de Bourget.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, soyez les bienvenus. Très
rapidement. Pour notre gouverne, est-ce que
vous pouvez nous dire, distinctement évidemment, relativement à vos deux
associations, quelles en sont les sources de financement?
Mme Hunting
(Rachel) : Pour les associations?
M. Kotto :
Oui.
Mme Hunting (Rachel) : Pour Townshippers, on est financés 75 % par
le financement de Patrimoine canadien. On
reçoit peut-être 15 % qui découlent de Santé Canada. Et le reste, ça vient
soit des dons, des levées de fonds, ou des projets municipaux, ou des
enveloppes de projets locaux.
M. Kotto :
O.K.
Le Président (M.
Tanguay) : ...
M. Jolin-Gignac (Jean-Sébastien) : ...surtout en ce qui a trait à notre organisme,
on a un financement de base qui accordé par Patrimoine Canada, qui
représente un peu en dessous du tiers de notre budget d'opération. Ça change d'année en année, mais on a toujours été en mesure
de convaincre certaines instances du gouvernement provincial pour des projets, au niveau des aînés, par exemple, de
nous supporter. Et également, dans les dernières années, on a bonifié
notre financement par le biais de fondations et par le biais d'un travail avec
le secteur privé.
M. Kotto :
O.K. Et est-ce que vous pouvez, encore distinctement, nous donner une idée du
poids réel de vos communautés distinctes, le poids réel en termes de
pourcentage de la population globale?
Mme Hunting (Rachel) : Les Cantons-de-l'Est historiques, c'est les régions administratives 05,
partie de 12, 16 et 17. On est 46 695 personnes, et ça fait
partie... ça fait un 5 % de la population totale du territoire.
• (13 h 40) •
M. Ireland (Taylor) : Pour nous, à Québec, on est 14 565 personnes, à peu près
1,9 % de la population, donc. Mais
c'est depuis cinq ans... les derniers cinq ans, on a été capables de grandir.
On a reçu 2 000 de plus d'individus. Donc, c'est la première fois que
nous avons une croissance dans notre communauté depuis 150 ans.
Une
autre chose qui est très importante dans notre communauté, surtout à Québec,
c'est qu'à peu près 25 % de notre
population va renouveler à chaque année. Donc, il y a toujours des personnes
qui arrivent de l'extérieur de la province, soit avec la base militaire,
mais aussi avec des industries comme les jeux vidéo, hautes technologies. Puis
nous avons aussi bonifié les ententes avec la ville de Québec pour aider
les nouveaux arrivants de s'intégrer dans la ville de Québec.
Même,
moi-même, je viens de la Saskatchewan, quand je suis arrivé à Québec, je savais
trois mots français, «oui», «non» et
«pamplemousse». Et, même à 25 ans, c'était très rassurant de savoir qu'il y
avait une organisation, un hôpital anglophone,
même si, à 25 ans, on ne pense pas nécessairement le service de santé. Mais
c'est très important pour notre communauté.
Et, pour
ramener l'idée de l'accessibilité, le fait que nous avons beaucoup de personnes
qui arrivent chaque année, les
nouvelles personnes qui arrivent, c'est très important que... Notre conseil
d'administration, c'est le leader de notre communauté. L'hôpital, ça devient comme le parlement, ça devient comme
l'hôtel de ville, c'est une place où on regarde... nous avons un
sentiment de communauté en regardant notre hôpital. Mais ces leaders-là qui
viennent du conseil d'administration sont
capables de chercher nos nouveaux arrivants pour les intégrer dans le système
de santé en général.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Ireland. L'échange se
poursuit maintenant avec le représentant de la deuxième opposition, le
député de La Peltrie, pour un bloc de 8 min 30 s.
M.
Caire : Merci, M. le Président. Bonjour à vous tous. Je
comprends, de vos inquiétudes, qu'un éventuel changement de gouvernement pourrait amener une façon
différente de traiter la communauté anglophone. Et je rappellerai à ma collègue,
pour mémoire, que le précédent gouvernement
nous a honorés du projet de loi n° 14, qui avait, entre autres, comme
objectif de vous enlever des droits.
Notamment, j'ai eu à faire cette bataille-là pour les militaires de la base de
Valcartier, là, à qui on voulait
enlever le droit d'envoyer leurs enfants à l'école en anglais. Alors, je
comprends parfaitement vos appréhensions d'aujourd'hui.
Maintenant,
ce que je comprends... Puis je vais peut-être m'adresser un peu plus, là, à M.
Jolin, parce que vous parlez
effectivement de cette grande institution qu'est le Jeffery-Hale, et vous
semblez faire un... Je dirais, vous semblez avoir une demande assez précise de maintenir le conseil d'administration
élu compte tenu de la situation particulière de la communauté anglophone à Québec. Et, pendant que
vous échangiez avec mes collègues, j'essayais de réfléchir, en me disant : Bon, bien, depuis hier, il y a
plusieurs groupes qui sont venus nous dire aussi, pour des raisons différentes,
autres que linguistiques, mais qui
venaient nous dire : Nous sommes particuliers, nous avons des réalités
particulières. Et je me disais :
Bon, si on maintient les conseils d'administration dans chacun des cas, on va
avoir 28 CISSS mais 280 établissements hors
CISSS et, dans le fond, est-ce qu'on va vraiment avoir avancé? Puis je me
demandais si la notion d'avoir un établissement
avec un statut particulier mais avec une mission particulière, et, dans ce
cas-ci, on parle évidemment du Jeffery-Hale,
à l'intérieur du CISSS, mais qui aurait comme une mission particulière de
s'assurer d'offrir des services à la communauté
anglophone, est-ce que ce genre d'accommodement là, si on peut l'appeler comme
ça, pourrait être de nature à vous rassurer?
M.
Jolin-Gignac (Jean-Sébastien) : Je pense que, à prime abord, ce qu'il est important de mentionner,
c'est que notre rôle comme
organisation qui dessert la communauté n'est pas de définir nécessairement les
structures qui pourraient être mises
en place. Nous, on se fait la voix de la communauté et on explique que les préoccupations
sont très présentes, les gens ont
peur pour la survivance de leurs institutions et de leurs services. On sait que
nos partenaires travaillent sur des avenues
de solution, ils veulent faire partie de la solution avec le gouvernement. On a
des solutions. J'ai eu vent qu'ils avaient des solutions qui
permettraient au gouvernement d'atteindre les objectifs de sa réforme sans
abolir le conseil d'administration ou la gouvernance actuelle du Jeffery-Hale.
Ce qu'on demande au gouvernement, c'est d'être prêt à écouter nos partenaires
pour trouver une solution avec eux.
Mais, encore
là, comme je vous dis, je comprends que la réponse, elle peut être un peu
platonique, mais ce n'est pas mon
rôle de définir quelle serait la structure idéale à proposer versus ce qui est
proposé dans le projet de loi. Mais on sait
qu'on a des avenues qui permettraient au gouvernement d'atteindre ses objectifs
tout en maintenant la place de l'institution au coeur de la communauté et systématiquement en mesure de répondre aux
besoins évolutifs d'une communauté qui a une réalité culturelle et
linguistique différente de la majorité.
M.
Caire :
Est-ce que vous faites un lien direct entre la capacité à avoir des services en
anglais et le fait d'avoir un contrôle absolu sur le conseil
d'administration, là, ou vous dites : Bon, bien, dans le contexte de la
réforme qui est proposée, je reviens avec
l'idée d'un établissement désigné? Au fond, c'est un peu ça qui est votre
préoccupation, ce n'est pas... J'essaie
d'être... peut-être de préciser ma question : Est-ce que le conseil
d'administration est un «deal breaker» ou c'est vraiment... vous
dites : Écoutez, nous ce qu'on veut c'est...
Parce que je
vous écoutais dire : Bon, bien, moi, ce qui me rassurerait, c'est de
savoir que j'aurais des services en anglais. C'était rassurant pour moi.
J'ai, dans ma circonscription, une communauté anglophone importante et je suis convaincu que ce que vous dites trouve écho chez
eux aussi. Et je vous avoue que j'ai une sensibilité particulière à cette
question-là. Je me disais : Dans le fond, est-ce que l'assurance que la
communauté anglophone veut avoir, c'est une assurance
qu'il y aura toujours des services en anglais pour les membres de la communauté
anglophone ou cette notion-là de contrôler les orientations de
l'établissement...
M.
Jolin-Gignac (Jean-Sébastien) : Oui. Le souhait de la maintenance des services actuels, et bien sûr,
fait partie de notre démarche.
Maintenant, la problématique qu'on avec le projet de loi, c'est qu'on ne pense
pas que les mécanismes qui sont mis en place permettraient de garantir
la survivance de ces services-là à long terme.
La
gouvernance, pour nous, c'est essentiel. Comme je le disais, sur un conseil
d'administration de 18 individus, il
y en a 10 qui sont votés par la communauté, puis on en a toujours au moins
quatre qui sont approchés parce qu'ils ont démontré qu'ils ont une préoccupation réelle pour les intérêts de la
communauté. Quand une décision doit être prise, si une décroissance des
ressources est imposée par le ministère ou, dans le cas passé, par l'agence,
les 18 personnes qui sont assises
autour de la table, le premier prisme d'analyse qui est utilisé, c'est :
Quel pourrait être l'impact possible sur la communauté anglophone et sur la communauté francophone majoritaire qu'on
dessert également? On a une crainte réelle que ce premier angle d'analyse là disparaisse dans une nouvelle
structure où on n'aurait aucune garantie de représentation. Et, même si on en avait une, comme Mme Walling l'a
exprimé, on a fait partie de structures semblables avec l'agence, où on est... les gens écoutent ce qu'on a à dire,
mais les points qui sont amenés ne sont pas pris en considération en définitive
dans la prise de décision.
M.
Caire :
Bien, je pense que vous soulevez un problème qui est réel, qui est peut-être
même un peu plus large, à savoir,
dans la nouvelle structure... Puis effectivement, là-dessus, là, ce que vous
dites, ça trouve écho chez nous, à savoir la future grande capacité du ministre à nommer
l'ensemble des membres d'un conseil d'administration, le P.D.G., le P.D.G.
adjoint. Effectivement, je me
demandais : Est-ce que, dans ce contexte-là qui nous est proposé, il n'y
aurait pas lieu effectivement de
sensibiliser le ministre au fait que la communauté doit avoir son mot à dire
sur les gens qui vont les représenter au conseil d'administration? Puis ça, c'est vrai pour vous, mais je pense que ça va
être vrai pour l'ensemble des CISSS du Québec.
M. Jolin-Gignac (Jean-Sébastien) : Pour nous, c'est absolument essentiel. Et, comme
je le disais tantôt, je ne veux pas
systématiquement me répéter, mais on a une structure qui fonctionne, on a...
Tous les indicateurs qui pourraient être
utilisés pour évaluer éventuellement le succès de la réforme, ce sont des
indicateurs qu'on a déjà accomplis. On a un excellent ratio de managers par employés sur le terrain. Comme je le
disais, il y a un investissement considérable qui est fait par la communauté, qui est fait sur la base
du fait que c'est une institution qui représente la communauté. On entend, au
sein de notre communauté, cette crainte qui est réelle, là. La gouvernance de
l'institution nous garantit la maintenance des services et la capacité
de s'adapter à la réalité qui est systématiquement changeante.
Dans
les dernières années, on a développé... si on comparait à peut-être 10, 15 ans,
il y avait moins de services prénataux
pour la communauté anglophone, et ça, ça s'est développé dans un contexte où le
budget de l'institution n'a pas
nécessairement systématiquement grandi. On a développé des services pour
répondre aux besoins des immigrants anglophones
et allophones qui arrivent à Québec. Ça a été fait parce que l'institution, du
conseil d'administration jusqu'aux gens qui les supportent, jusqu'aux
bénévoles, jusqu'aux employés ont cette préoccupation-là à coeur.
Le Président (M.
Tanguay) : Il y avait...
M. Ireland
(Taylor) : Et on pense que cette réalité-là va disparaître avec le
projet de loi.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci pour les dernières 30 secondes, il
y a M. Cutting, un collègue qui voudrait peut-être prendre la parole. M.
Cutting.
M. Cutting (Gerald) : J'ai juste un autre mot à dire, que ce que je vais prendre dans ce
projet de loi, c'est des gestes concrets
pour assurer à la population anglophone qu'on est vraiment un... on va faire
partie de la solution, on va faire
partie du changement. Et il me semble qu'il y a certains moyens de faire ces
gestes-là. Mais, à la fin de la journée, il faut être conscient que la meilleure façon de s'assurer de sécuriser
quelqu'un, c'est de dire : Hey! Vous allez être à la table quand on va prendre des grandes décisions.
Et on revient toujours, je pense, à cette même discussion. Et, pour les Townshippers, on n'a pas un Jeff pour
protéger.
• (13 h 50) •
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup.
Des voix :
...
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Ceci met fin à ce bloc.
Des voix :
...
Le
Président (M. Tanguay) : Je
cède maintenant la parole, pour un dernier bloc de trois minutes,
à la collègue députée de Gouin.
Mme
David (Gouin) : Merci, M. le Président. D'abord, merci beaucoup d'être là. Je
trouve que vous nous rappelez deux
choses fondamentales : que d'appartenir à une minorité, ce n'est jamais
facile — là-dessus,
on est très nombreux à pouvoir se
comprendre; puis, deuxièmement, que d'appartenir à une communauté, c'est une
richesse incroyable. Et ce que vous êtes en train de nous dire,
c'est : Nous, comme communauté, nous voulons... vous avez dit faire partie
de la solution, moi, je parlerais de votre
engagement, je... C'est évident que vous voulez décider. Et vous ne pouvez pas
savoir à quel point je vous comprends.
Vous
nous dites : Que l'on soit dans le Québec rural, que l'on soit dans la
ville de Québec, au fond, il y a quelque chose comme une injustice si je
compare, par exemple, à ce qu'on veut créer à Montréal, où, là — j'ai
lu le projet de loi — de
toute évidence, la communauté anglophone est assez bien représentée dans les
lieux de gouvernance prévus par le projet de loi n° 10. Si je
comprends bien, vous nous dites : Que ce soit en région rurale ou que ce
soit à Québec, donnez-nous les mêmes capacités. Est-ce que je me trompe?
M. Jolin-Gignac (Jean-Sébastien) : Pas du tout. Et c'est clair que ça fait partie de
la problématique, selon nous. Et, mes
collègues de Townshippers l'ont mentionné, ils avaient le genre d'établissement
qu'on avait par le passé; ils ne l'ont
plus. Si vous demandez à la population anglophone, je pense, des Townships,
s'ils préféreraient revenir au genre de services que nous, on a, là, d'après moi, on aurait pas loin de
100 % des gens qui voteraient pour ça. Alors, je le mentionne encore, ce n'est pas brisé, alors pourquoi tenter
de réparer quelque chose qui fonctionne bien, qui répond aux besoins de la
majorité francophone tout en desservant efficacement la minorité?
Et ce n'est pas
décider pour décider, c'est décider parce qu'on a une connaissance accrue des
besoins de la communauté. On a l'expertise
de travailler avec les nouveaux arrivants. On a la compréhension de ce que
c'est que d'arriver de Saskatchewan, puis parler trois mots de français,
et devoir cheminer dans un système qui est assez complexe. On demande de
pouvoir continuer de servir le gouvernement dans l'atteinte de ses objectifs.
Mme
David (Gouin) : Et
savez-vous ce qui est fascinant? C'est qu'à partir peut-être
de mots différents, de réalités différentes,
sous un angle différent, vous dites à
peu près la même chose que la
quasi-totalité des intervenants qui sont venus ici depuis le début de la
commission. Alors, je vous en remercie.
Des voix : Merci beaucoup.
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, merci beaucoup. Ceci met fin à notre échange. Nous vous
remercions donc, vous, représentants,
représentantes de l'Association des Townshippers de même que Voice of
English-speaking Québec.
Compte tenu de l'heure, la commission ajourne
ses travaux jusqu'au lundi 27 octobre, à 14 heures. Merci.
(Fin de la séance à 13 h 53)