(Onze heures trente-trois minutes)
Le Président (M.
Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la
Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
téléphones cellulaires.
La commission est
réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 10, Loi
modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des
services sociaux notamment par l'abolition des agences régionales.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire :
Oui, M. le Président. Mme Richard (Duplessis) est remplacée par
M. Pagé (Labelle).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ce matin, nous allons débuter nos auditions avec les
représentants de la Fédération des médecins résidents du Québec, et par la
suite nous entendrons M. Damien Contandriopoulos. Nous ajournerons à
18 heures.
Je
souhaite donc maintenant la bienvenue aux représentants de la Fédération des médecins
résidents du Québec. Pour les fins
d'enregistrement, je vous demanderais de bien vouloir vous identifier et de
même que les personnes qui vous accompagnent,
et par la suite vous disposerez d'une période de 10 minutes pour votre
exposé. Alors, la parole est à vous.
Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ)
M. Dahine
(Joseph) : Merci beaucoup, M. le Président. Mon nom est Joseph Dahine,
je suis le président de la Fédération des
médecins résidents du Québec. Je suis accompagné, à ma droite, par M. Jean
Gouin, qui est le directeur général
de notre fédération, et, à ma gauche, par Me Patrice Savignac Dufour, qui
est notre directeur des affaires juridiques.
Avant
de débuter, si vous le permettez, j'aimerais dire qu'on ne peut passer sous
silence l'événement malheureux qui se
passe ce matin à Ottawa. Une telle attaque sur une institution démocratique
mérite d'être soulignée et dénoncée internationalement. Et ça nous fait
réaliser la chance qu'on a de s'exprimer aujourd'hui à l'Assemblée nationale.
Donc,
M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les parlementaires, bonjour. La
Fédération des médecins résidents du Québec remercie la Commission de la
santé et des services sociaux de lui permettre de faire valoir son point de vue
relativement au projet de loi n° 10 modifiant l'organisation et la
gouvernance du réseau de la santé.
Je me permets un
petit bémol avant de débuter. Nous nous expliquons mal la précipitation avec
laquelle le gouvernement procède aux consultations alors qu'il s'agit d'une
pièce législative d'importance et que son analyse exhaustive par l'ensemble des acteurs concernés demeure, pour nous,
incontournable. À cet égard, nous nous réservons la possibilité de faire parvenir ultérieurement des
précisions à la commission. Ceci étant dit, nous sommes heureux de
partager avec vous les premiers constats de
notre analyse du projet de loi. Et nous soumettons bien humblement dans ce qui
suit quelques recommandations qui seraient, toujours selon nous, de nature à le
bonifier.
Comme vous le savez,
notre fédération regroupe les associations des médecins résidents des quatre
facultés de médecine du Québec, soit
3 800 médecins en formation postdoctorale, et il va de soi que la
relève médicale, autant en médecine
de famille que dans les autres spécialités, est très préoccupée par l'avenir du
réseau de la santé et des services sociaux
et par l'impact que les changements proposés dans le projet de
loi n° 10 auront sur leur pratique future. Tous ceux qui
participent aux travaux sur le projet de loi seront d'accord, le réseau de la
santé et des services sociaux québécois fait
face à d'énormes défis. Force est de constater, toutefois, que les nombreuses
tentatives de réformer le réseau, au cours des 30 dernières années, ont au mieux ralenti l'accélération des
problèmes mais sans jamais les régler à la satisfaction des usagers. Est-ce que le projet de
loi n° 10 constitue, cette fois, un pas dans la bonne direction?
Souhaitons-le. Mais tous les citoyens, et a fortiori les acteurs du
réseau de la santé et des services sociaux, gagneraient à ce que le
gouvernement donne plus de détails sur ce qui est prévu suite au projet de
loi n° 10.
Parce qu'en effet
quels sont les objectifs poursuivis à moyen et à long terme? Parce qu'une
nouvelle réforme des structures — et c'est le sentiment qui se dégage à la
lecture du document — n'est
certainement pas une solution en soi.
Signer un chèque en blanc au ministre de la Santé et des Services sociaux sans
savoir ce que nous recevrons en échange ne fait politiquement et
démocratiquement pas de sens.
Ceci dit, la FMRQ
voit d'un bon oeil que le gouvernement du Québec s'apprête à proposer des
changements significatifs dans l'organisation du réseau de la santé. Toutefois,
nous nous devrons de formuler certaines critiques. Nous vous exposerons donc nos commentaires, que nous avons regroupés
selon cinq grands thèmes : la gouvernance — ce sur
quoi on passera le plus de temps — la réalité universitaire, les effectifs
médicaux, les pouvoirs du ministre et l'insuffisance
de clarté des objectifs poursuivis par le gouvernement à moyen et à long terme
dans le cadre de la réforme.
Donc,
d'abord la gouvernance et le partage des pouvoirs. Si la FMRQ partage
l'objectif du projet de loi de simplifier
les structures hiérarchiques et décisionnelles et de les dépolitiser, force est
de constater que la façon proposée de
le faire comporte plutôt des risques de les politiser davantage. Le projet de
loi n° 10 a essentiellement pour effet de transférer de nombreux
pouvoirs que détenaient les agences et les conseils d'administration des CSSS
directement dans les mains du ministre de la
Santé et des Services sociaux, tel que stipulé aux articles 8 à 19, tout en
laissant certaines responsabilités aux
nouveaux centres intégrés de santé et des services sociaux, les CISSS, qui
deviendront des mégaétablissements
qui auraient à gérer un nombre important d'installations. Ce faisant, on
éloigne le pouvoir décisionnel des installations où sont dispensés les
soins aux patients.
Et,
afin d'éviter d'entrer dans une lourde description du processus de nomination,
là, je me permets de résumer en mentionnant que le ministre aurait
essentiellement à nommer lui-même, au sein des conseils d'administration, les
administrateurs indépendants, les présidents-directeurs généraux, les P.D.G.
adjoints ainsi que les présidents des conseils
d'administration. En fait, même les administrateurs issus des groupes liés aux
établissements seraient choisis par le ministre. On ne peut que se
questionner sur l'indépendance des conseils d'administration ainsi créés.
On
exige également de ces groupes qu'ils soumettent au ministre un minimum de
quatre candidatures, à défaut de quoi
il nommera lui-même les administrateurs à ces postes. Le projet de loi réserve
au ministre en poste le pouvoir ultime de décider qui sera issu de ces
groupes au conseil d'administration, et ce, même si une candidature faisait
consensus localement. Faut-il, par exemple,
penser que le ministre choisira l'administrateur issu des 11 CMDP de la
Montérégie en fonction d'au moins 44 candidatures soumises par les CMDP
actuels? L'article 149 le lui permettrait.
• (11 h 40) •
Les actuelles
dispositions du projet de loi n° 10 risquent d'être perçues par les
dirigeants et les gestionnaires du réseau comme
une mise en tutelle, un énorme préjugé à leur endroit, comme si leur compétence
était remise en doute de la part du
gouvernement. On le voit dans les nombreuses dispositions du projet de loi
permettant une intervention tous azimuts du ministre, notamment en ce
qui a trait à sa prérogative de confier des mandats aux P.D.G. adjoints afin
que les choses se fassent selon les
orientations ministérielles. En effet, centraliser un grand nombre de pouvoirs
décisionnels vers les nouveaux CISSS et
directement dans les mains du ministre de la Santé et des Services sociaux, tel
que soulevé, aux articles 8 à 19, 42, 43, 59, 63, 67, 70, 71, 80,
130 et 131, est pour le moins exceptionnel et questionnable.
De plus, nous sommes préoccupés
par la grande centralisation proposée dans le cadre du projet de loi
n° 10, qui se fait au détriment des paliers locaux. Dans cette optique,
nous croyons qu'il est primordial que les médecins de famille qui oeuvrent en établissement soient adéquatement représentés au
sein de la nouvelle structure proposée, notamment au niveau du C.A. des établissements, afin de
faire valoir les préoccupations des clientèles les plus vulnérables, dans
une optique de maintenir l'accessibilité et la qualité des soins en première
ligne.
Je vais maintenant vous
parler un petit peu de la réalité universitaire. À l'article 7, on se
demande quelle serait la mission exacte des établissements suprarégionaux qui y
sont identifiés et pour quelle raison cette mission particulière leur incombe. Dans la même veine, il nous apparaît étrange
que les CHU de Québec et de Sherbrooke ne soient pas considérés de la même façon que les quatre établissements
suprarégionaux de Montréal, compte tenu de leur mission d'enseignement, de recherche et d'évaluation des
technologies mais également de leur responsabilité à l'effet d'assurer l'accessibilité aux soins dans les régions qu'ils
desservent, notamment par le biais des corridors de services, en
fonction des territoires des RUIS. La FMRQ
est d'avis que les établissements comptant un institut universitaire ou un
centre affilié universitaire devraient bénéficier de la présence d'un
représentant des universités au sein de leur C.A. comme les établissements où l'on retrouve un CHU et compte
tenu du fait que ces milieux ont une mission de formation et de recherche.
En
ce qui a trait aux effectifs médicaux, le projet de loi n° 10 confère au
ministre les pouvoirs dont disposaient préalablement
les agences. La FRMQ souhaite en savoir plus sur le processus que le ministre
entend privilégier à cet égard. En
cette ère de pénurie de médecins dans certaines spécialités et de saturation
dans d'autres, la relève médicale est d'avis que toute la démarche
d'élaboration des plans d'effectifs médicaux doit faire l'objet d'une procédure
qui doit être clarifiée davantage si le ministre devait détenir toute la
latitude à cet égard.
L'avenir des tables
des chefs de département de médecine spécialisée et des tables régionales n'est
pas clair. Doit-on comprendre du projet de loi qu'elles n'existeront plus?
Par ailleurs, nous
nous inquiétons du fait que le gouvernement puisse avoir l'intention de
modifier l'octroi des PEM, qui sont les postes attachés aux établissements, qui
sont actuellement disponibles en spécialité pour les transformer en PREM, c'est-à-dire des postes régionaux, comme c'est le
cas pour la médecine de famille. En d'autres mots, un médecin nouvellement recruté pourrait-il devoir assurer une
couverture dans tous les établissements de la Côte-Nord, par exemple?
Comment se fera la répartition de l'effectif médical interinstallations sur le
même territoire? Et par qui? Et quel en sera le moyen de contrôle?
Rapidement revenir
sur les pouvoirs du ministre dont j'ai parlé tout à l'heure, là. Le projet de
loi doterait le gouvernement du pouvoir de
réglementer tout ce qui touche le réseau de la santé, et ce, sans aucune
nécessité de consulter et sans même
avoir à passer par l'étape préalable de la publication d'un projet de
règlement, contrairement à ce que la loi prévoit actuellement. Quelle
est la nécessité de ces nouveaux pouvoirs qui ne sont normalement exercés que
dans des situations graves et urgentes?
Et
finalement je m'en voudrais de passer sous silence le grand absent : un
système d'évaluation de la performance. Dans sa forme actuelle, le projet
de loi comporte plus de questions que de réponses qui mériteraient d'être
repensées avant son adoption. À cet effet,
plus de temps permettrait une consultation plus grande des acteurs du réseau et
une analyse plus approfondie des impacts potentiels du projet de loi.
Mais, au-delà de toutes ces considérations, le problème principal de cette réforme est qu'elle n'adresse toujours pas ce qui
est, selon nous, la plus grande faille du système de santé du Québec : l'absence d'un système efficace
pour colliger les données sur sa performance et en faire l'analyse dans
des délais raisonnables. Comment le ministre compte-t-il mesurer la réussite de
sa réforme?
Nous comprenons sa volonté de vouloir
assurer l'efficience du système de santé, étant donné l'importance des dépenses de santé pour l'État, mais nous pensons
encore que les établissements sont les mieux placés pour cerner leurs besoins locaux et qu'il leur appartient de faire
leurs preuves et justifier les budgets que le gouvernement leur accorde.
À ce titre, un droit de regard du ministre ne serait-il pas plus pertinent et
efficace qu'une apparente mise en tutelle indifférenciée
à la grandeur de la province, qui ne peut mener qu'à un enchevêtrement des
décisions et à de la microgestion, ce
qui est contraire aux bons principes de gouvernance? À notre avis, dans sa
forme actuelle, ce projet de loi ne corrigera pas les problèmes du réseau tant que nous ne nous doterons pas
d'indicatifs de performance clairs, de cibles atteignables et mesurables
et de banques de données accessibles et analysables.
Et je termine avec
ça. Aux yeux de la Fédération des médecins résidents du Québec, si nous formons
d'autres cohortes de médecins à qui nous ne
donnons pas les outils nécessaires afin qu'ils puissent tenir compte des
indicateurs de performance dans leur pratique, le legs que nous leur cédons
nous condamnera à répéter les erreurs du passé, et on se questionnera encore
dans 10 ou 20 ans sur la meilleure façon de réformer le système. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre
présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange, et je
cède maintenant la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux pour
un bloc de 21 min 30 s.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Dr Dahine, M. Gouin,
Me Dufour, alors, merci d'être venus ici nous faire part de vos commentaires sur le projet de
loi n° 10, qui sont très instructifs comme toujours. Alors, vous me permettrez de prendre
quelques minutes pour répondre à un certain nombre de questionnements que vous
avez mis sur la table et pour finir par vous poser quelques questions plus
spécifiques sur les conséquences du projet de loi n° 10 en lien avec
les commentaires que vous avez faits.
Alors,
dans un premier temps, je me dois de rappeler... Parce que tantôt vous allez entendre de
l'opposition, comme depuis le début, un certain nombre de commentaires qui
malheureusement, malgré les commentaires que j'ai faits et que je continuerai de faire, ne reflètent pas la
réalité. Le projet de loi actuel n° 10 est un projet de loi dont une partie des éléments sont transitoires, et les éléments
qui sont transitoires sont les éléments de nomination. Et je vais vous le dire pour que ce soit bien clair : La raison pour
laquelle il y a ça, bien c'est basé sur un peu l'expérience que
l'on a vécue dans les dernières
années. Et vous serez d'accord avec moi, pour avoir suivi l'actualité, que,
quand on regarde la performance de certaines directions et de certains conseils
d'administration dans le passé, sans nommer personne, mais qui ont fait
grandement la manchette, force est de constater que la performance n'a pas toujours
été là. Et l'objectif du ministre, le mien en particulier, est de faire en sorte qu'à la case départ, lorsque
la structure sera mise en place, on ait eu la possibilité de se donner les moyens les plus élaborés possible
pour s'assurer que la compétence et la connaissance du réseau soient là aux premières
nominations, pour qu'après, lorsque la LSSSS soit réécrite — parce
qu'elle va l'être — les
processus normaux de nomination reviennent en place. Quand je dis «normal», je
dis ça de façon historique.
Maintenant,
le projet de loi, Dr Dahine, j'insiste sur un fait. Vous vous interrogez sur la finalité du projet de loi. Alors, le projet de loi, et je
l'ai dit à plusieurs reprises et je le redis aujourd'hui, ne vise pas, un, à
changer quelque point de service que ce soit ni changer la nature et la
mission des points de service qui existent, ce qui signifie que, dans un CISSS
éventuel, qu'il ait des installations universitaires ou non, la mission des
installations va demeurer la même. Peut-être qu'on va nous suggérer, dans cette
commission parlementaire, de garder les mêmes dénominations, ce avec quoi je serais d'accord, mais, une chose est
certaine, le projet de loi a une finalité qui est très claire, et je l'ai dit
d'une façon non équivoque : on vise à faire en sorte que l'intégration des
soins se fasse d'une façon maximale et que les décisions qui se prennent dans notre système de santé se prennent en
fonction des patients et non des structures, que les décisions se prennent en fonction de l'individu
qui paie des impôts et non de la protection de la mission ou de
l'intérêt académique, professionnel ou
structurel d'un individu. Le rôle qui sera donné à ces administrations-là,
Dr Dahine, est un rôle qui
viendra des orientations ministérielles, et ces orientations-là seront ciblées
vers le patient. Et, comme je le dis, et je faisais une tournée, la
semaine dernière, des administrations et à tout le monde je disais la même
chose, dans le futur vous vous poserez toujours une question en premier avant
de prendre une décision : Est-ce que c'est bon pour le patient? Est-ce que ça corrige quelque chose qui ne fonctionnait pas? Bien
sûr, les administrations auront à
respecter certains budgets, c'est bien clair, ça, c'est un sine qua non de la
vie publique, mais la finalité de cette vie-là qui est de servir la population,
bien il faudra que ça s'exerce en quelque part. Alors, ça, ça devrait répondre essentiellement
aux questionnements que vous nous posez.
Qu'est-ce qui va
arriver aux médecins lorsqu'ils vont arriver en pratique, vos membres? Alors, évidemment,
vous représentez des membres qui vont, pour la moitié, grosso modo, là, en
médecine de famille, et l'autre moitié, en médecine
spécialisée. Est-ce qu'on va demander aux gens d'aller faire une run de
lait sur tout le Québec parce
que... Non. La réponse, c'est non. À un
moment donné, il y a une question de bon sens, là. Est-ce que parce qu'on a un
CMDP dans une région on est capable
d'avoir, par exemple, des sous-CMDP ou des règles de CMDP qui respectent les
installations? Oui. Mais, oui, par contre,
la région devra prendre la responsabilité de donner les services dans sa
région, certainement. Est-ce que ça
veut dire que la région est capable, oui ou non, de s'organiser pour avoir une
concentration d'individus dans une
installation ou l'équivalent d'un établissement aujourd'hui? Oui. Est-ce
que l'installation... Je m'excuse. Est-ce que le CISSS devra prendre ses responsabilités
régionales? La réponse, c'est oui aussi, parce que la définition... ou plutôt
la mission de ces CISSS là est de servir les patients et non les intérêts
individuels de tout un chacun. Alors, dans cette optique-là, vous voyez que les
choses vont dans ce sens-là.
• (11 h 50) •
Alors là, j'aimerais vous entendre essentiellement
sur... Ah! puis je m'excuse, je reviens sur un élément que vous avez soulevé,
la table des chefs. La table des chefs, là, ça devient le CMDP et le conseil
d'administration de la région.
Et la mission de la table des chefs, qui aujourd'hui, comme vous le
savez, est d'une totale inefficience dans les grands centres, va devenir
réellement efficiente parce que, dans sa fonction, ça va être ça. Ce que devait
être la table des chefs, ça ne l'a jamais été, sauf dans certaines régions. Là,
non seulement ça va l'être, ça va être une obligation.
Alors, vous qui arrivez bientôt... dont les
membres et vous-mêmes, évidemment, allez arriver bientôt en pratique, j'aimerais vous entendre sur la
problématique, dans une région, dans la province, de l'intégration des soins,
du cheminement du patient dans le continuum,
allant de la première ligne jusqu'à la médecine ultraspécialisée. Trouvez-vous,
vous, que ça fonctionne correctement? Et
peut-être que vous allez me dire que ça fonctionnerait mieux s'il y avait
des gens qui dirigeaient, ce avec quoi je vais être d'accord. Et peut-être me
direz-vous aussi que ça irait mieux, comme vous l'avez suggéré tantôt, s'il y avait des outils de collecte de données,
ce avec quoi je suis totalement d'accord. Mais, à partir du moment où on
vous donne ces outils-là, ne trouvez-vous pas, dans votre lecture de la situation
actuelle, que la fluidité, le cheminement du patient et son accès, évidemment,
sont actuellement sous-optimaux et qu'il y aurait lieu qu'une instance s'en
occupe?
M. Dahine (Joseph) : Bien, je
répondrai de la façon suivante : On est d'accord avec l'objectif
d'améliorer la fluidité des patients. Ceci
étant dit, je ne suis pas capable de citer, dans votre projet de loi, les
passages qui vont garantir cette
efficacité-là. Et ma question, qui s'adresse à vous, en fait, M. le ministre,
c'est : À la lumière de tout ce que vous nous avez dit, là, les engagements que vous venez de prendre, là, pas de
run de lait, objectif patients, êtes-vous capable de les intégrer dans
une réécriture du projet de loi lorsque le projet sera présenté devant
l'Assemblée nationale? Parce qu'effectivement, du moment où vous répondez au
flou officiellement — et
notre responsabilité, c'était de vous les présenter
aujourd'hui, et vous l'avez fait sur certains aspects — bien vous répondez aux inquiétudes de la
relève médicale. Donc, serez-vous
capable de prendre l'engagement de réécrire le projet de loi en prenant les
engagements que vous venez de prendre aujourd'hui, là, sur les réponses
que vous nous avez données?
M.
Barrette : La réponse est évidemment oui. D'ailleurs, c'est la raison
pour laquelle on est ici en commission parlementaire, pour recevoir des
critiques constructives comme celles que vous nous faites. Et vous avez raison,
à un moment donné il faut répondre à certains
questionnements, mais vous comprendrez que le projet de loi et les règles
qui s'ensuivent, ce sont deux exercices qui se suivent, l'un et l'autre, mais
qui ne se font pas en même temps. Mais je comprends de votre commentaire que,
si certaines garanties ou certains éclaircissements étaient faits, vous verriez
d'un oeil plus positif le projet de loi.
M. Dahine
(Joseph) : Certainement.
Puis on aimerait être, justement, assis à cette table-là de façon peut-être...
avec une proximité plus grande pour, justement,
vous faire parvenir davantage de commentaires, parce que notamment quand
vous avez parlé... Un de vos premiers commentaires était sur le fait que les
mesures étaient destinées à être transitoires. Bien, je pense que justement ce
serait quelque chose qu'on pourrait préciser, justement, quels seront ces
délais-là, et ainsi que tous les autres points qu'on a mentionnés.
Parce que je
vous donne l'exemple, en termes de fluidité des patients, là, à quel point,
pour nous, notre fédération, on n'est
pas capables de voir comment concrètement ça va se réaliser. Prenez l'Institut
de cardiologie à Montréal, là, que vous
avez désigné comme établissement de support régional. S'il y avait un
établissement qui aurait besoin de, justement, faire partie d'un centre intégré pour assurer la transition des services
pour le patient, c'est bien l'Institut de cardio, parce que, si tu as un problème de crise cardiaque, tu vas
être traité cinq étoiles, on est très fiers de cette institution, mais, si tu
développes une appendicite aiguë durant ton hospitalisation, bien ça va
être très difficile d'être transféré dans un autre hôpital.
Donc, il y a
ces contradictions-là qu'on a soulevées et que, si on entend aujourd'hui que
vous êtes disposé à nous revenir puis à collaborer afin de modifier
certains passages, bien on ne peut qu'être heureux, parce qu'effectivement on
travaille tous dans le bénéfice des patients.
M.
Barrette : Bien, je vous remercie de m'ouvrir cette porte-là,
Dr Dahine, parce que vous venez de mettre sur la table un point qui
est extraordinairement important en prenant l'exemple d'un patient à l'Institut
de cardiologie ou dans un institut similaire
qui serait l'objet de problèmes de santé autres que celui de la spécialisation
de l'institution. Alors, ce que vous
nous dites, c'est qu'actuellement, dans notre système, il y a un manque
d'intégration qui peut, à la limite, nuire au patient de par le manque
de fluidité, c'est ce que je comprends.
M. Dahine
(Joseph) : Effectivement. Et
ça, c'est un problème connu depuis longtemps, vous le savez. On n'est
simplement pas certains que la solution à ce problème-là soit un changement de
gouvernance.
Je pense que
d'un côté il y a le changement de gouvernance dont vous parlez dans votre
projet de loi et sur lequel on a émis
certaines réserves et, de l'autre côté, les objectifs pour améliorer la qualité
des soins, qui, eux, malheureusement, ne
sont pas vraiment détaillés dans le projet de loi. Et je vous invite, là, à
nous faire parvenir les extraits, là, qui, à vos yeux, parlent de ces
objectifs-là, parce qu'à part dans le préambule, moi, je ne les ai pas trouvés.
Mais effectivement il y a lieu d'améliorer la façon dont on livre les soins et
les services au gouvernement. C'est une des frustrations que les médecins et
certainement la relève médicale vivent.
Des exemples, il y en a au jour le jour, vous le
savez comme moi. Moi, je travaille aux soins intensifs, je termine ma formation
dans cette spécialité-là. Si tu es dans un hôpital en région où tu as un
patient qui dépasse, dans la gravité de la situation,
la capacité de tes installations, bien, comme médecin, tu vas devoir magasiner
une unité de soins intensifs dans un grand centre, et ce n'est pas de
l'utilisation du temps du médecin qui est optimale. Le médecin devrait être au
chevet des patients.
Ceci
étant dit — et
c'est là qu'on vous demande de faire la preuve, M. le ministre — où, dans votre projet de loi, est-ce que vous êtes capable
de garantir cette amélioration-là? On vous parle des indicateurs de performance
et des outils qui sont absents. Moi, je pense
qu'au minimum vous devriez être capable de récrire ce projet de loi afin que les citoyens, la population, les patients et la
communauté médicale soient rassurés quant à vos objectifs.
M.
Barrette : Bien, encore une fois, Dr Dahine, vous n'avez pas d'idée à quel point j'apprécie vos
commentaires, vous n'en avez pas d'idée.
Je veux simplement vous rappeler que, sur le
plan législatif, il y a des choses qu'on peut mettre dans un projet de loi puis il y a des choses qu'on ne peut pas mettre, mais le projet de loi dans sa finalité, et je le dis ici, vous me permettez de
l'aborder, c'est évidemment d'aborder les problèmes que vous venez
spécifiquement de mettre sur la table. Vous venez
de faire référence au fait que, dans le cas, par exemple, d'un transfert de
patient, un médecin perd du temps, du temps précieux et même parfois du temps de trop, vu de l'angle de la problématique du patient, pour transférer un patient qui en a besoin pour passer d'une installation X à Y, qui
est de plus haut niveau. Et là c'est un problème. Et là j'aurais envie
de vous dire : C'est quoi, la solution? Mais, avant que vous me disiez
c'est quoi, la solution, n'est-ce pas le reflet que la structure actuelle pose
un problème? Parce que, pour régler ce problème-là, ce n'est pas le médecin qui
peut le faire. D'ailleurs, si le médecin
pouvait le faire, il ne perdrait pas son temps à régler ce problème-là. Et je
comprends ce que vous me dites, puis vous avez bien raison. Quand vous
me dites : Vous le savez très bien, c'est vrai, je le sais très bien, c'est ce à quoi on veut s'adresser. Alors, si le
mode de fonctionnement actuel empêche de régler ces problèmes-là qui...
Et à la limite je pense que peut-être même
que vous vous retenez de dire que, dans certaines circonstances, le patient est
lésé, puis vous pourriez le dire, puis je
serais d'accord avec vous. Mais, la structure, si elle ne le permet pas
actuellement, c'est qu'il y a un
problème de structure. Est-il possible de mettre en place une structure
qui va, dans sa mission intrinsèque — ça s'appelle
une orientation ministérielle — régler le problème? Là, j'aimerais vous
entendre. N'est-ce pas la structure qui pose et cause ces problèmes-là?
M. Dahine (Joseph) : La question,
c'est, à ce moment-ci : Pourquoi est-ce qu'on en est au point où nous en
sommes, en 2014, si ce n'est qu'une question de structure? Et j'ai envie de
vous demander spécifiquement comment est-ce
que votre projet de loi répond à ce problème de structure là, parce que je ne
suis pas nécessairement convaincu que les problèmes sur le terrain pourraient être réglés par un conseil
d'administration dans un centre intégré qui ne connaîtrait pas nécessairement les réalités locales. Parce qu'il
ne faut pas se le cacher, c'est très difficile, pour un médecin ou
n'importe quel membre professionnel du
réseau de la santé, de bien comprendre l'ampleur des décisions qui sont prises
dans son unité de soins. Bien, imaginez dans un autre département. C'est
déjà difficile. Imaginez dans un autre établissement, dans un lieu géographique
qui est situé à des kilomètres de distance.
Donc, je ne
suis pas nécessairement sûr que, justement, la centralisation, qui est le thème
qui se démarque de votre projet de
loi, répond à la problématique — sur laquelle nous sommes d'accord, sur
laquelle nous sommes d'accord — de livraison des soins aux
patients.
M.
Barrette : Écoutez, la réponse à ça, elle est relativement simple. La
structure administrative reçoit une mission. Et je vais reprendre l'exemple que vous avez pris tout à l'heure, qui
est un exemple patent. Vous avez pris l'exemple de l'Institut de cardiologie de Montréal. Je ne suis
pas sûr qu'ils vont être heureux d'entendre se faire citer comme ça,
mais vous avez la candeur d'aborder le problème d'une façon pragmatique, qui
existe, et je ne le nie pas. Alors, il n'en reste pas moins qu'une
administration d'un CISSS qui inclurait, par exemple, l'Hôpital
Maisonneuve-Rosemont et l'Institut de
cardiologie aurait l'autorité pour avoir le corridor de services et faire en
sorte que ses membres puissent aller couvrir
pour la pyélonéphrite et l'hépatite aiguë qu'il y a aurait dans l'autre hôpital
parce que ce n'est pas un problème de cardio,
alors qu'actuellement on a des problèmes de couverture de ce type-là, qui se
fait au bon vouloir des gens et parfois qui est sous-optimal, ne serait-ce qu'en horaires. Bien, ça, là, c'est
le rôle d'une organisation, qui est parfaitement capable, par son
administration qui a ses antennes partout, de déterminer quels sont les
problèmes. Et ça, ce raisonnement-là, on peut le faire de l'Institut de
cardiologie jusqu'à la première ligne, là.
• (12 heures) •
M. Dahine (Joseph) : Bien, je pense simplement
que, si c'est effectivement la volonté du gouvernement, bien ça devrait être précisé dans le projet de loi, parce que,
pour le moment, l'impression que les professionnels sur le terrain ont à la lecture de ce projet-là, qui nous arrive assez rapidement,
là, je dois le rappeler, sans consultation
préalable, ce n'est pas l'impression que
vous nous donnez aujourd'hui mais bien plutôt le ministre
qui ne fait pas vraiment
donner des orientations mais qui va aller gérer dans les moindres détails le
travail qui se fait localement. Donc, si votre volonté est beaucoup plus de
superviser que de gérer, bien ça devrait être inscrit dans le projet de loi.
M. Barrette :
Bien, si vous me le permettez, Dr Dahine, c'est qu'il y a des choses qui
se disent et d'autres qui ne se disent pas
dans un projet de loi, puis il
y a des choses qui se disent dans les
explications que l'on donne soit au public,
dans les médias ou soit en commission
parlementaire. Je l'ai dit à plusieurs
reprises, la relation qui est visée
par le projet de loi est de créer une
structure organisationnelle qui, pour une fois, intègre la totalité du spectrum...
je m'excuse, du continuum de soins qui existe, O.K., mais dans un
contexte de donneur d'ouvrage, d'orientations qui sont livrées par
l'organisation sur le terrain. Dans les faits, l'optique que nous mettons sur
la table vise, et de la façon la plus grande jamais faite au Québec, une
responsabilisation et une régionalisation de l'action. Ce n'est pas de la
microgestion du gouvernement, là, c'est des
orientations données par le ministère... Et ça, je pense que c'est normal. Le
système de santé, c'est un système public. Et donc les gens qui le
financent doivent être imputables en quelque part, puis ça, c'est le ministre, que ce soit moi
ou que ce soit un autre, mais la délivrance et l'organisation sur le terrain
dans des orientations claires devrait être la responsabilité d'une
organisation qui est celle que nous proposons.
Alors, qu'est-ce que
vous en pensez, de tout ça?
M. Dahine (Joseph) : Bien, la question, c'est : Pourquoi, à ce moment-là, l'appliquer à
la grandeur de la province? Pourquoi est-ce qu'une étape préalable ne
serait pas de se doter des outils pour identifier exactement où sont les problématiques et, si vous me permettez
l'analogie, procéder à des modifications beaucoup plus chirurgicales que
vraiment de faire table rase et de
potentiellement bouleverser le réseau pendant plusieurs années, qui va devoir
se remettre encore à essayer de comprendre son rôle dans toutes les
orientations que vous essayer de lui conférer?
Donc, à notre avis,
peut-être que c'est ambitieux pour le problème que l'on vit dans la mesure où
nous ne le comprenons pas encore parce qu'on
n'a pas ces outils-là, on n'a pas les indicatifs de performance, on n'a pas les
bases de données nécessaires pour comprendre
exactement où est-ce que le système est mauvais et où est-ce qu'il peut
s'améliorer. Et, pour savoir si on peut s'améliorer, il faut savoir où on ne
performe pas.
Donc,
nous — et je
pense que... en tout cas j'espère que vous partagez cette inquiétude-là — la question qu'on vous... je pense,
qui doit se poser aujourd'hui, c'est : Pourquoi procéder de façon
indifférenciée à ce changement de structure là?
M. Barrette :
Bien, la... Aviez-vous fini votre question?
M. Dahine
(Joseph) : Oui, oui.
M. Barrette :
La réponse à ça, elle est très simple. Elle est de deux ordres, là.
Les
problématiques qui sont vécues dans le réseau sont du même type partout mais à
des ampleurs différentes, évidemment.
À un moment donné, il faut arriver à un modèle qui puisse corriger la situation
sur tout le territoire avec les capacités de chacun des territoires.
Alors, évidemment, si on prend le CISSS de la Gaspésie, par exemple, le CISSS n'a pas d'hôpital universitaire, par exemple,
contrairement à presque la moitié des CISSS qui ont tout le continuum de
soins sur leurs territoires. Donc, la
responsabilité du CISSS va être évidemment de faire des corridors de services
avec d'autres institutions, donc d'autres CISSS qui ont ce type de
capacité là.
La
deuxième raison, Dr Dahine, elle est simple, c'est que la population
s'attend à un moment donné — plus tôt que tard — à avoir
un résultat. Bien des choses ont été essayées, bien des choses ont été dites,
et le résultat n'est pas encore là. Et mon opinion est que les problèmes
sont quand même identifiés, et personne n'agit. Nous, on essaie d'agir pour le
bénéfice de la population.
J'aimerais
ça terminer... Parce qu'il me reste juste deux minutes. J'aimerais vous
entendre sur une des questions qui est très importante pour nous, qui
n'est pas dans le projet de loi, comme tel, mais qui est attachée au projet de
loi, parce que ça va avoir un grand impact,
ce mode-là, sur ça, qui est le financement à l'activité. Est-ce que vous voyez
ça d'un oeil favorable ou non, vous qui entrez bientôt en pratique, que ce
soit, là, du bord de la médecine de famille que du côté de la médecine plus
spécialisée?
M. Dahine (Joseph) : Et, juste pour qu'on s'entende sur les termes, pouvez-vous brièvement
expliquer qu'est-ce que vous voulez dire par «financement à l'activité»?
M. Barrette :
Le financement à l'activité, ça veut dire qu'au lieu d'avoir un financement
historique des institutions et du système de santé en
général chaque service médical se
voit attribuer un coût, un coût de revient qui est évalué en fonction de
l'activité en question, qui peut être subdivisé en étapes pour l'activité ou
l'activité au complet.
Je vous donne un
exemple. On pourrait, pour une cholécystectomie, évaluer l'activité de la cholécystectomie
ou prendre l'activité au complet : la
consultation d'un chirurgien, la préop, la chirurgie comme telle, le postop, le
suivi jusqu'à, mettons, trois visites. Alors, on pourrait avoir un financement
complet de l'activité ou par subdivisions, et là on peut décliner ça avec
toutes les activités.
M. Dahine (Joseph) : Mais on l'a mentionné dans notre mémoire. Selon nous, effectivement, les établissements ont à justifier
les budgets que vous leur accordez, et il est nécessaire d'évaluer leurs
activités. Je pense que, si ça mène effectivement à ce que le Québec se
dote d'outils pour être capable d'effectuer cette évaluation-là, et qu'il
choisisse les critères d'évaluation selon
des données probantes, et qu'il fasse l'exercice de façon rigoureuse,
scientifique et sérieuse, bien ça ne peut qu'augmenter l'imputabilité
aux yeux de la population.
Anecdote brève. C'est
quelque chose que... Moi, j'ai travaillé pendant un mois à Londres, en
Angleterre, où il y avait des problèmes d'urgence, 12, 14 heures
d'attente, un peu comme au Québec. Et un jour ils ont décidé que leur objectif, c'était que, si tu rentres à l'urgence,
il faut que tu sois vu en dedans de quatre heures. À la quatrième heure,
soit tu retournes à la maison avec une prescription ou tu te fais admettre à
l'hôpital. Et, pendant le mois que j'étais là, je n'ai jamais vu ce pourcentage-là,
le pourcentage de patients admis à... qui se sont présentés à l'urgence, être
inférieur à 96 %.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ceci met fin au bloc d'échange avec la banquette ministérielle.
Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Taillon pour un bloc de
12 min 50 s.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci d'être là, Dr Dahine,
M. Gouin et Me Savignac Dufour. Écoutez, je dois vous dire que
c'est vraiment très, très intéressant de vous lire, de lire votre mémoire et de
vous entendre. Je
pense que vous avez une réflexion qui est très pragmatique, qui est très proche
du terrain, qui est très proche des citoyens, des patients, et je pense
que c'est ça qu'on veut entendre aussi.
J'aimerais aussi que le ministre entende, parce
que, là, vous commencez à être plusieurs à apporter ce son de cloche là, cette dimension. C'est trop centralisé,
c'est trop gros au niveau de la structure, et on n'est absolument
pas sûr qu'on va avoir des impacts
concrets, réels et rapides pour la population parce que ce genre de
réaménagement retarde, déstabilise l'organisation des soins pendant des
années.
Alors, moi,
la première question que j'aurais à vous poser, parce que je pense que ça
aussi, ça traduit une façon d'analyser le projet de loi n° 10,
c'est : Est-ce que vous avez été consultés au préalable pour ce projet de
loi n° 10? Comme association, est-ce que vous avez été consultés?
M. Dahine (Joseph) : Non.
Mme
Lamarre : Vous n'avez pas été consultés, d'accord. Alors, ce que je
comprends bien dans l'organisation, c'est
qu'il semble y avoir énormément de choses qui sont encore dans la tête du
ministre en termes d'articulation et de déploiement. Et où je vous rejoins très bien, c'est que, oui, il y a une
différence entre un projet de loi et les règlements, mais habituellement
le projet de loi doit être assez précis et clair pour qu'on puisse anticiper la
nature des règlements qui s'en viennent. Et,
dans ce cas-ci, il y a un manque clair de transparence, d'orientations, de
principes directeurs et aucune notion
sur des impacts cliniques, et c'est ça qu'on recherche. Et là-dessus on se
rejoint tout à fait. Alors, la notion de décréter des concentrations de
pouvoir, ça ne donne absolument pas de garantie qu'on va avoir un changement,
et même ça peut permettre de penser qu'on va avoir des retards dans les
changements qui sont en train de s'opérer actuellement.
Ma question, à ce moment-ci, c'est : Dans
la perspective de ce que vous voyez, quels sont les éléments sur le terrain, dans l'organisation des soins qui sont
les plus prioritaires? Je vais vous donner une piste parce que la
question est un peu large, mais hier et
avant-hier nous avons eu la FMOQ et la FMSQ, et je trouve que votre fédération
représente très bien l'ensemble, puisque
vous incluez des résidents qui sont en médecine familiale, des futurs
spécialistes en médecine familiale,
et des spécialistes en... Quels sont les éléments manquants dans la
collaboration qui pourraient améliorer les services à la population, donc la collaboration entre le médecin de
famille et les médecins spécialistes? Ça nous a été rapporté comme quelque chose de problématique. Est-ce qu'on
peut faire quelque chose? Et auriez-vous des solutions à proposer?
• (12 h 10) •
M. Dahine
(Joseph) : Bien, je pourrais
vous dresser une liste avec des points précis, mais j'ai envie de
répondre d'abord en essayant d'être un petit peu plus large, parce que c'est
peut-être des choses qui pourraient s'appliquer à l'ensemble des problématiques du réseau. Et je me permets de faire une
analogie médicale, puis c'est peut-être un petit peu difficile de
suivre, si vous faites partie du gouvernement, mais, croyez-moi, là, ça ne
devrait pas être trop éloigné de votre réalité.
Si on considère le projet de loi comme étant quelque
chose de nouveau, de nouveau, hein, en médecine on ne pourrait pas décider de vendre un nouveau médicament sans qu'il y ait eu
des preuves de son bénéfice, et, pour ça, il faut que ce soit fait de façon rigoureuse, avec des...
de façon scientifique, rigoureuse puis avec des données probantes. Ici,
on a la communauté qui a les aptitudes
pour faire ces études-là de façon épidémiologique et de façon socioéconomique,
et je pense que, si le gouvernement veut s'assurer que les résultats
seront là à la finalité de son projet de loi, bien il devrait collaborer avec ces gens-là. On a cette expertise
pour s'assurer que, pour tous les problèmes qu'on va être capables de
lisser ensemble — on
pourrait prendre le temps de discuter aujourd'hui — bien,
que les solutions seront pragmatiques, et que la solution générale qui serait présentée aux parlementaires et adoptée en Assemblée nationale aurait des impacts à terme, et que dans cinq ou 10 ans on
soit capable de dire : Ça marche-tu ou ça marche pas?
L'autre aspect que je veux mentionner, c'est
que, si le gouvernement décide, mettons, pour la collaboration médecin de famille et spécialistes, comme vous le
dites, de se baser sur des colonnes de chiffres, de dire : Effectivement,
c'est très difficile pour un patient qui a un médecin de famille d'avoir une consultation
avec un spécialiste ou d'être capable de voir un chirurgien, bien là, à ce
moment-là, on parlerait de données en temps... ou on parlerait de données cliniques, mais ce que j'essaie de communiquer,
c'est qu'en ce moment ce ne sera pas très aisé d'obtenir ces
chiffres-là, parce qu'on n'a pas
nécessairement les outils en temps réel. Donc, ce sur quoi on va se baser pour
évaluer la problématique, bien on va
dire : Bien, j'ai un médecin de famille, il est supposé voir
1 000 patients pour dire de quoi. S'il en voit 1 000, ça
veut dire qu'il a bien fait sa job. Ce qui n'est pas nécessairement vrai, parce
que, si ensuite tu interroges les patients, les
1 000 patients individuellement, bien peut-être qu'il va dire :
Oui, j'ai été vu une fois pour ma visite annuelle, mais, quand j'ai appelé parce que j'ai un problème aigu,
je n'ai pas été capable d'avoir un rendez-vous, donc je me suis quand
même présenté à l'urgence et j'ai quand même encombré le réseau.
Donc, l'attention que je voudrais vous apporter,
c'est que, tant et aussi longtemps que vous vous baserez sur des données démographiques plus ou moins vagues ou
des colonnes de chiffres... Parce qu'à un moment donné on a cité le chiffre de 220 millions de dollars
d'économies, mais ça ne veut pas nécessairement dire que cette économie-là
d'argent se manifeste en une amélioration des soins aux patients. Bien, on ne
pourra pas dire que ce projet de loi là accomplit un bénéfice pour les
patients. C'est comme... Je ne sais pas si ça répond un petit peu...
Mme
Lamarre : Oui, un peu. En fait, ce que j'entends, si j'essaie de
traduire un peu, c'est : Beaucoup mieux planifier la trajectoire de
soins, accompagner le patient et surtout partir du patient plutôt que de partir
d'un pouvoir décisionnel suprême. Et ça, on
l'entend dans le discours, mais, dans les activités et dans le projet de
loi n° 10, ça ne part pas du
patient, ça ne part jamais du patient. Et je pense que, votre exercice, j'y
adhère tout à fait dans différentes interventions que j'ai eu l'occasion
de faire dans ma vie.
Je vous dirais, intéressant aussi, la
notion... Et je suis tout à fait d'accord avec vous sur le système
d'évaluation de la performance. Et vous avez dans votre mémoire, en conclusion...
Et je suis tellement fière d'entendre la relève en médecine s'intéresser à l'importance d'avoir des indicatifs de
performance clairs, des cibles atteignables et mesurables, des banques
de données accessibles et analysables. À l'époque où... Au moment où on apprend
les buts du Canadien en temps réel, qu'on
ait aussi peu de données vraiment techniques, concrètes sur nos patients, c'est
inconcevable, et je pense que vous
avez tout à fait raison. Ma préoccupation, c'est de dire : Si on a plein
de bonnes idées, qu'on a 10 priorités mais qu'on en fait passer
d'autres qui sont au niveau des structures avant de passer des choses comme
celle-là, avant de déterminer le parcours
d'un patient dans le système de santé, eh bien, on risque, encore une fois, de
décaler et d'arriver à la même conclusion que vous 10 à 20 ans plus
tard avec des situations qui aujourd'hui causent des préjudices aux patients. Moi, je me refuse d'admettre qu'il n'y a
pas de préjudice au non-accès actuellement de certains patients au
système de santé. Il y a des préjudices, et donc je pense qu'il faut y voir.
Donc,
pouvez-vous me donner quelques exemples peut-être dans vos
expériences? Au Royaume-Uni, je sais que c'est un très beau modèle pour ça. Donc, vous avez travaillé...
Avez-vous des expériences de succès à partir d'indicateurs qui sont
disponibles?
M. Dahine (Joseph) : Bien, il faut savoir que, dans cette expérience-là... Je n'avais pas
terminé mon exemple, mais il y avait
quand même certains effets pervers, là. Donc, il faut juste
se préparer à ne pas choisir des cibles de façon aléatoire, sans exercer la rigueur scientifique — que nous exerçons dans tout autre aspect de notre
pratique médicale — à
un changement de structure démocratique ou administrative. D'autres
exemples, bien, en fait, je ne peux pas vraiment vous donner des
exemples de choses qui fonctionnent parce que... En fait, je peux vous donner
des exemples de choses qui ne fonctionnent pas, dans le sens où ça fait, bon,
maintenant à peu près 10 ans que je suis en formation, puis, dans les deux dernières années, tout ce que j'ai fait,
c'est des soins intensifs. Puis je vous dirais que beaucoup de mes
collègues, la relève médicale, on aime
prendre des projets d'amélioration de la qualité de l'acte. On veut que notre
système, au Québec, fonctionne mieux
et, pour ce faire, bien on étudie les données qu'on a. Mais j'ai fait deux
projets, un à l'Hôpital Sacré-Coeur
et un à l'Hôpital Saint-Luc, pour obtenir tout simplement des données de base
sur quel genre de patient est-ce qu'on admet,
combien de temps est-ce qu'ils restent aux soins intensifs, c'est quoi, le
délai entre le moment où on signe leur congé puis le moment où ils reçoivent leur lit à l'étage, et, croyez-le ou
non, ces données qui sont de base à toute organisation, ou à la communauté, ou à un professionnel médical qui
essaie de s'améliorer, bien ces données de base là, elles ne sont pas accessibles. Ça m'a pris plus de 30 heures à
essayer de confronter une base de données prise par des commis, des secrétaires,
des tentatives de base de données non
uniformisées mais informatisées, avec les dossiers médicaux papier aux
archives médicales, des heures et des heures, et ce n'est pas normal pour des
données qui sont de base.
Donc, c'est des
problématiques que j'ai vécues mais qu'on vit dans plein d'autres spécialités,
que ce soit en oncologie, que ce soit en
médecine interne, que ce soit en chirurgie générale ou en chirurgie cardiaque.
Si l'organisation locale ne se donne pas la mission de mettre comme
priorité cette rigueur-là pour obtenir ces données-là et de se doter eux-mêmes de leurs propres outils, bien c'est un
travail qui n'est pas fait. Et malheureusement même les CMDP dont c'est la mission, le Collège des médecins nous
dit : La mission des CMDP, sachez-le, c'est de faire l'évaluation de la
qualité de l'acte, bien, ont de la
difficulté à le faire. Ce n'est tout simplement pas normal. Et je pense que je
parle au nom de tous mes collègues quand je dis que nous, nous prenons
ce sujet-là à coeur.
Malheureusement,
je n'ai pas plusieurs exemples à vous partager aujourd'hui de choses qui ont
fonctionné. Tout ce que je peux vous
donner, c'est des groupes dans des endroits très, très précis qui, par rigueur
scientifique, ont décidé de se doter de ces outils-là, et ça fonctionne,
eux autres, ils en sont heureux. Mais ce n'est pas normal que ce ne soit pas
uniformisé en 2014 au Québec.
Mme Lamarre :
...une meilleure standardisation et vraiment une action concrète sur l'informatisation
sont déterminantes.
On a très peu de
temps, vous le savez, il nous reste 1 min 57 s. Je laisse la
parole à mon collègue le député de Rosemont.
M.
Lisée : Merci. Merci, M. le Président. Merci d'être là, merci pour la qualité de vos
interventions. L'échange que vous
avez eu avec le ministre aussi est intéressant, parce
que ce qu'on voit dans la franchise
de votre mémoire, c'est... Vous dites : «Signer un chèque en blanc
au ministre de la Santé [...] sans savoir ce que nous recevrons en échange ne
fait politiquement et démocratiquement pas
de sens», et c'est... Effectivement, donc, on sait que le ministre a d'autres
projets pour la suite des choses, et donc on n'a pas la vision d'ensemble. Et
la vision d'ensemble, bien elle devrait partir des données de base dont vous venez de parler et de reconstruire à partir de
là, plutôt que de commencer par cette centralisation.
Vous
êtes très clairs sur le fait que le projet éloigne le pouvoir décisionnel des
installations où sont dispensés des soins, le fait que le ministre va
nommer la totalité des administrateurs, le fait même que... Ne pas prévoir de
durée minimale pour les P.D.G. et les P.D.G. adjoints n'entraîne-t-il pas,
demandez-vous, le risque de politiser davantage leur nomination? Bon, le
ministre va présenter ça, il est prêt à des bonifications. Dans la mesure où on
a le canevas général — et je ne pense pas qu'on va s'en
sortir — qu'est-ce
que vous proposeriez, en termes de gouvernance, pour essayer de ramener un peu de décentralisation et de
rapprochement par rapport aux problématiques locales dans la proposition
que fait le ministre en termes de désignation des administrateurs et des
P.D.G.?
Le Président (M.
Tanguay) : Vous avez 20 secondes.
M. Dahine
(Joseph) : Je vais vous soumettre que peut-être qu'on pourrait
considérer de, pour l'instant, garder les structures telles quelles, comprendre
davantage où sont les problèmes, puis ensuite adapter les structures aux
problèmes qu'on aura documentés de façon rigoureuse et scientifique.
Le Président (M. Tanguay) : Il vous
reste cinq secondes.
M. Dahine (Joseph) : Merci.
Le Président (M. Tanguay) : Vous
faites le don, je vous remercie beaucoup. Alors, sans plus tarder, nous allons
maintenant céder la parole au député de La Peltrie pour un bloc de
8 min 40 s.
M.
Caire : Merci, M.
le Président. Dr Dahine, bonjour. M. Gouin, Me Dufour.
Vous avez dit
tout à l'heure que scientifiquement on ne pourrait pas administrer un
médicament dont on n'a pas prouvé la valeur thérapeutique. Dans la même
logique, est-ce que vous continueriez à administrer un traitement dont vous
savez qu'il est inefficace?
M. Dahine (Joseph) : Vous avez
entièrement raison, la réponse est non.
M.
Caire :
D'accord. Est-ce que vous diriez que la façon dont le système est structuré
présentement, c'est efficace?
• (12 h 20) •
M. Dahine
(Joseph) : Il ne faut pas non plus jeter le bébé avec l'eau
du bain, là. Il y a des endroits où effectivement on... Hein?
M.
Caire : Diriez-vous
que c'est efficace? Globalement, diriez-vous que c'est efficace?
M. Dahine
(Joseph) : Il y a
des endroits où il y a des inefficacités, mais en général je pense
qu'on a plusieurs exemples d'excellentes performances.
M.
Caire : C'est moi,
le politicien, là.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Dahine (Joseph) : Mais il y a
place à amélioration, pour répondre à votre question.
M.
Caire : D'accord. Donc, vous pensez qu'il faut effectivement réformer notre système. La structure du système, vous êtes d'accord
qu'il faut la réformer.
M. Dahine (Joseph) : On l'a dit dans
notre mémoire noir sur blanc.
M.
Caire : Parfait. Alors, à ce moment-là, je vais peut-être
faire un peu de pouce sur la question de mes collègues : Quelle est la portion du système que vous
souhaiteriez réformer? Vous êtes dans le système, vous le dites vous-même,
depuis 10 ans. Donc, vous avez une expérience, et c'est cette expérience
dont on a besoin pour guider nos travaux. Et je suis d'accord avec... Soit dit en passant, là, malgré peut-être
l'apparence de mes questions, je suis d'accord avec plusieurs
points que vous abordez, mais qu'est-ce que vous réformeriez dans le réseau? Où est-ce que vous dites : Ça, vraiment, là, au niveau de la gouvernance locale... Puis mon collègue
l'a abordé, là. Comment on pourrait s'assurer d'avoir quand même un
certain niveau de gouvernance locale?
M. Dahine
(Joseph) : C'est une
excellente question. Puis c'est intéressant, parce que nous-mêmes, à la
fédération, on a procédé à un exercice de réévaluation de notre gouvernance,
dans la dernière année et demie, et puis le constat qu'on s'est rendu compte, c'est que ce n'est pas nécessairement
bénéfique de ramener le processus décisionnel puis le remâchage
d'informations puis d'orientations à un petit groupe de personnes qui va
ensuite déléguer. Ce qu'on s'est rendu
compte, c'est que les gens aiment être impliqués, en médecine et, j'en suis
persuadé, dans les autres domaines de la santé, et je pense que de garder cette motivation-là en leur permettant
leur implication locale, tout simplement, par contre, en leur démontrant un souci qu'on est intéressé à ce
qui se passe localement puis qu'on va les épauler lorsqu'ils vont avoir
des embûches... Ce n'est pas nécessairement
un changement de gouvernance — mais encore là je ne connais pas le
processus de nomination des conseils d'administration, à l'heure actuelle, en
profondeur — mais
je crois que c'est vraiment plus un changement de mentalité.
Et puis cette mentalité-là, elle se traduit
aussi dans certains autres aspects qui nous sont chers, à la fédération
médicale, comme tout simplement, là, les effectifs médicaux. Pour l'instant,
pour me trouver une job, là, j'ai moins de
description de ce qui est recherché par des établissements que quelqu'un qui
regarde les petites annonces pour se trouver une job dans un dépanneur. Là, en ce moment, j'ai le nom d'une
spécialité dans un hôpital : endocrinologue à Gatineau. Pour faire
de la thyroïde? Pour faire du diabète? On ne le sait pas.
Donc, ces éléments-là, je pense qu'il y a un
détachement entre la pratique au jour le jour puis, nous, ce qu'on recherche comme médecins, comprendre dans quoi on
s'embarque, puis ce que le gouvernement offre à l'heure actuelle.
M.
Caire : Je suis d'accord avec vous que le projet de loi a
besoin de précisions, mais, justement, travaillons sur ces précisions. Diriez-vous... Bon, je prends des... Vous parliez
des PREM, donc, qui normalement devraient être une responsabilité régionale, je pense que vous êtes
d'accord avec ça. Vous avez parlé des systèmes informatiques, et là vous
êtes dans mon domaine de compétence à moi.
Une des pires choses qu'on peut faire, c'est demander à chaque localité
de développer son système informatique. Si
vous voulez être sûr que ça ne marche pas, c'est la bonne façon de faire.
Donc, vous êtes d'accord pour dire qu'on peut régionaliser ces choses-là. Les
politiques d'achat, j'imagine que vous êtes d'accord pour... Donc, il y a un
certain...
Seriez-vous
d'accord pour dire qu'administrativement, régionaliser les décisions, ça peut
être une bonne chose? Mais ce que je
comprends de votre intervention, c'est qu'au niveau médical, de garder une
certaine autorité locale, c'est nécessaire. Donc, est-ce que vous faites
cette distinction-là entre les deux?
M. Dahine
(Joseph) : Oui, et c'est peut-être là où l'obstacle est le plus
difficile, c'est dans les subtilités. Le diable
est dans les détails, comme on dit, mais c'est absolument nécessaire. Parce que
ce que vous avez mentionné sur la régionalisation de l'information,
c'est essentiel de nos jours. Ce n'est pas normal que, quand je travaille à
l'Hôpital Royal Victoria puis que je donne
congé à un patient pour une pneumonie, dans ma tête je me dise : Il ne
s'est pas représenté à l'urgence dans
30 jours, ça veut dire que j'ai bien fait ma job, mais que, dans le fond,
je n'ai jamais su qu'il avait juste traversé
Parc puis qu'il s'est ramassé à l'Hôtel-Dieu. Donc, de ce côté-là,
effectivement... Mais ça, ça fait juste démontrer ce dont on parle depuis tout à l'heure. Puis ce qu'on
dit, c'est qu'on a besoin de connaître les problèmes, puis de les
mesurer, puis d'en mesurer l'impact.
Mais
vous avez entièrement raison qu'il faut faire la distinction aussi avec l'implication
locale. Et, selon nous, le projet de
loi ne répond ni à l'un ni à l'autre, dans le sens où il n'y a pas la volonté
de... ou en tout cas il n'y a pas la garantie que les gens vont pouvoir
maintenir leur mainmise localement ou leur motivation localement et, de l'autre
côté, qu'on a des garanties de mesure de performance puis de réponse aux
objectifs, là.
M.
Caire : Écoutez, sur les mesures de performance, là, je suis
tout à fait d'accord avec vous. Pour faire plusieurs demandes d'accès à l'information qui sont sans
réponse parce qu'on dit : Bien, on ne le sait pas... C'est assez
aberrant.
D'ailleurs, on a un
projet de loi, hein, qui a été déposé pour nous dire combien de gens
travaillent pour nous présentement, là.
C'est assez pathétique quand on est obligé de légiférer pour savoir combien de
monde travaille pour nous, là. C'est un peu... C'est un peu triste.
Mais, bref, au niveau des indicateurs de
performance, j'en suis, mais encore là je vais vous poser la question :
Vous mettez ça à quel niveau? Est-ce que
vous dites que c'est au ministère à élaborer ces indicateurs de performance, à
évaluer la performance? Vous mettez ça au niveau régional. Est-ce que vous le
mettez au niveau local, ça aussi, chacun est responsable d'évaluer sa propre...
Comment vous faites ça?
M. Dahine
(Joseph) : Non, je pense que, pour les indicateurs de performance, ça
doit être une orientation ministérielle.
Ceci étant dit, je pense qu'il faut accepter l'expertise que les gens ont sur
le terrain. Puis je pense que c'est l'exemple
parfait d'une collaboration qu'il devrait y avoir entre les médecins, entre les
chercheurs, entre les scientifiques, entre les universitaires et le
législateur.
M.
Caire : O.K. Donc, ça, vous dites : Que le ministère
s'en occupe. Donc, dans le fond, ce que vous dites, c'est : Donnez
les orientations, évaluez les résultats puis laissez-nous travailler.
M. Dahine
(Joseph) : Exactement.
M.
Caire :
Sauf que je reviens à ma question initiale, puis elle est fondamentale. On fait
quand même une distinction entre une responsabilité régionale et une
responsabilité locale, on s'entend là-dessus?
M. Dahine (Joseph) : Bien, en tout cas, moi, je pense qu'il faut la préciser, parce que la
responsabilité locale, dans le projet de loi, elle n'est pas clarifiée,
là, elle est inexistante.
M.
Caire :
Je vous suis. Mais vous êtes d'accord pour dire qu'il ne faut pas tout laisser
au local...
M. Dahine
(Joseph) : Bien non.
M.
Caire :
...et qu'on a donc besoin d'une autorité régionale?
M. Dahine
(Joseph) : Oui.
M.
Caire : Et, à ma connaissance, les médecins résidents ont
toujours été favorables à l'abolition des agences, là, je ne pense pas me tromper en disant ça. Donc, vous
êtes quand même d'accord pour dire qu'il faut adresser cette
préoccupation régionale là tout en maintenant une autorité locale.
Je
vous pose la question : Comment on la dessine, cette autorité locale?
C'est le temps de nous le dire, là, parce qu'on est à l'étape de
potentiellement le modifier, le projet de loi. Comment on dessine cette
autorité locale là?
M. Dahine (Joseph) : Avoir eu plus de temps, on aurait peut-être pu
étoffer la... Non, non, non, mais le temps d'analyser le projet de loi,
là, oui.
M.
Caire :
...adopté puis... Ça ne s'arrête pas aujourd'hui, Dr Dahine, je vous
rassure, là, ça ne s'arrête pas aujourd'hui, là.
M. Dahine (Joseph) : Oui. Bien, je pense qu'il va falloir vraiment... Moi, je veux répondre
de façon sérieuse et documentée à
votre question et je pense que ça va nous prendre plus de temps pour être
capables d'étoffer notre réponse. Puis on vous fera parvenir les
commentaires.
Mais
vous me donnez l'opportunité de... Je me permets une mise en garde aux
parlementaires : Je ne vois pas la presse, là, on ne voit pas la
nécessité d'exercer cette réforme-là de façon aussi rapide, sans qu'on puisse
avoir ces échanges-là qui sont bénéfiques, là.
M.
Caire :
Écoutez, je vous suis parfaitement, d'autant plus que votre intervention a
permis au ministre de confirmer ce que nous,
on dit : La dernière réforme, qui a été effectuée il y a 10 ans, a
été un échec. Donc, effectivement, vous avez raison. Si on ne veut pas
échouer sur celle-là, il faut faire les choses correctement.
Maintenant, je vous
rassure, ça ne s'arrête pas aujourd'hui, là. Vous répondez à nos questions
aujourd'hui, mais sachez en tout cas que, du
côté de la coalition, on sera toujours très intéressés à entendre vos
commentaires, puis à prendre note de
vos suggestions, et à les transmettre au ministre, si tant est que vous ne le
faites pas directement. Mais je pense
qu'il serait... Parce que plusieurs intervenants nous ont parlé de gouvernance
locale, et je pense que tout le monde s'entend
pour dire : Il y a des responsabilités qui doivent échoir à une région,
mais il y en a d'autres qui doivent rester au niveau local, mais
personne ne semble vraiment capable de faire la distinction, l'espèce de
séparation entre les deux puis comment tout
ça devrait s'orchestrer. Puis je pense que — et je vais le dire — la réforme du ministre a quand même
l'intérêt de dire que le modèle ne fonctionne pas, il faut le changer. Alors,
aidez-nous à dire comment.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à ce
bloc, à l'échange. Il nous reste à vous remercier, aux représentants de
la Fédération des médecins résidents du Québec. Alors, merci beaucoup.
Et je suspends les
travaux quelques instants pour permettre à notre prochain intervenant de
prendre place.
(Suspension de la séance à
12 h 29)
(Reprise à 12 h 32)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux. Je
souhaite maintenant la bienvenue à nos prochains intervenants. Pour
les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous
présenter. Je vous rappelle que vous disposez d'une période de cinq minutes
pour votre présentation, et par la suite il y aura une période d'échange.
Alors, la parole est à vous.
M. Damien Contandriopoulos
M.
Contandriopoulos (Damien) : Bonjour. Damien Contandriopoulos, de
l'Université de Montréal. Je vous remercie de l'invitation.
Le Président (M.
Tanguay) : ...qui vous accompagne?
Mme Perroux
(Mélanie) : Mélanie Perroux.
Le Président (M.
Tanguay) : Bienvenue. Alors, vous avez cinq minutes pour votre
présentation.
M.
Contandriopoulos (Damien) : Bien, merci beaucoup de l'occasion de
présenter. J'ai été convoqué à titre d'expert.
Je suis chercheur à l'Université de Montréal, et ma présentation aujourd'hui
est essentiellement une présentation qui
se fonde sur les données scientifiques disponibles. J'ai entendu dans la
présentation précédente l'intérêt qui était porté à savoir qu'est-ce qu'on sait sur l'efficacité de
l'intervention proposée. Je pense que notre mémoire, qui a été écrit à
quatre, est essentiellement ça, c'est d'apporter une analyse du lien entre les
modifications législatives qui sont proposées et leurs effets prévisibles.
Cette analyse est
facilitée par le fait que c'est un domaine dans lequel il existe énormément de
littérature scientifique. Nos délais étaient
courts, mais en quelques jours on a pu trouver plus d'une centaine d'articles
scientifiques sur le sujet. Et c'est une
littérature qui est extrêmement convergente, donc la totalité des données vont
dans la même direction.
Cette
littérature-là a été principalement développée aux États-Unis, en
Grande-Bretagne, où il y a eu des efforts à très, très grande ampleur, similaires à ceux qu'on veut implanter au
Québec, de procéder à des fusions administratives de façon à diminuer les coûts et améliorer
l'accessibilité. On a fait la même chose en Alberta en 2008. Et on peut
apprendre et je pense qu'on doit apprendre des résultats qui ont été obtenus
dans ces autres juridictions.
De façon très, très, très convergente, les
données scientifiques indiquent que les avenues législatives qui sont mises de
l'avant dans le projet de loi ne produiront pas les résultats qui sont visés
par le projet de loi. Si on le prend de façon plus détaillée, une amélioration de
l'efficience, une diminution des coûts, la totalité des études indiquent
que les processus de fusion administrative
entraînent une hausse des coûts. Et, quand il y a une tentative de contrôler de
façon très stricte les coûts en étranglant
les budgets, ce qu'on voit, c'est qu'on a des organisations qui deviennent
dysfonctionnelles.
Là où il y a
une possibilité de gain par le biais des fusions, c'est dans le cas de fusions
très verticales. Or, ce qui est mis
de l'avant dans le projet de loi, c'est essentiellement des fusions
horizontales à grande échelle, on va fusionner des CSSS entre eux. Le potentiel de gain d'intégration
verticale, au Québec, a déjà été perçu en 2003, il était faible. Depuis,
il n'y a probablement pas de gain potentiel, donc, en termes d'économies.
Le deuxième aspect, c'est l'intégration des
soins. Les fusions administratives sont, sur le principe, un rapprochement des structures décisionnelles
centrales des institutions. Donc, ça va procéder à une intégration du
centre décisionnel, mais ça ne cause pas et
ce n'est une condition ni nécessaire ni suffisante à ce qu'il y ait une
intégration des soins. Pour qu'il y ait une intégration des soins, une
intégration clinique, il faut travailler sur les processus très
microcliniques qui sont essentiellement à la base du travail autour des
patients. On n'a pas besoin de fusionner les établissements pour produire ça. Et fusionner les établissements est, au contraire, souvent un obstacle, parce que ça mobilise
les administrations dans des choses qui ne touchent pas les soins aux patients.
Troisième
élément, c'est la qualité technique.
Là encore, les données indiquent de façon unanime qu'on n'a pas une
amélioration de la qualité technique, sauf dans le cas très particulier
d'interventions chirurgicales, entre autres, très spécialisées qui sont
produites dans les institutions à trop faible volume. Il est peu probable qu'au
Québec on arrive à avoir ces effets-là.
En termes de
qualité, par contre — puis ça
nous amène à un autre élément central — c'est la question du coût
d'opportunité. À partir du moment où on met en place un processus de fusion
administrative à très grande échelle, on va
monopoliser l'attention de nos gestionnaires, l'attention de nos
administrateurs pour une chose qui est gérer et donner du sens au processus de fusion. Pendant toute cette
période-là, les administrateurs ne seront pas disponibles pour
travailler à l'amélioration de la qualité,
pour optimiser les processus de soins, pour développer des innovations qui sont
susceptibles d'améliorer la qualité. Ici,
encore une fois, les données sont unanimes : les processus de fusion
administrative sont des processus
dans lesquels la qualité des soins dans les institutions concernées est mise en
danger, et, de façon générale, on voit
une diminution de la qualité. Plusieurs études américaines ont même montré une
augmentation de la mortalité suite à des processus de fusion
administrative à grande échelle.
Pour que des fusions marchent, par ailleurs, il
va falloir que ça vienne de la base, qu'on prenne le temps de consulter, qu'on prenne le temps de laisser les
cliniciens, les administrateurs très, très proches du terrain donner leur
avis et d'eux-mêmes élaborer la nature des
fusions qui sont projetées. Quand on regarde actuellement la direction qui est
prise, qui est une approche très, très, très centralisée, très, très, très
«top-down», c'est généralement associé à un très fort niveau d'échec dans les
processus de fusion.
Donc, si on
revient là-dessus, notre analyse ne permet pas de croire que les propositions
législatives qui sont sur la table
sont liées de façon causale aux objectifs qui sont mis de l'avant dans le
projet de loi. Donc, il n'y a pas de raison de croire que ça va fonctionner. Et, en tant que chercheur, c'est extrêmement
dommage de constater que pourtant il existe beaucoup de connaissances
sur ce qu'on devrait faire. On devrait travailler sur les incitatifs
systémiques, briser les silos. Et, s'il en existe, des silos, dans le système
de santé, c'est des silos au niveau des structures de financement. On devrait
travailler sur les incitatifs de financement, on devrait travailler de façon
très, très microclinique sur...
Une voix : ...
M. Contandriopoulos (Damien) : Je
vous remercie.
Le Président (M. Tanguay) : Bien,
vous pouvez finir votre phrase.
M. Contandriopoulos (Damien) : ...sur
le travail des cliniciens et travailler sur la première ligne avant tout. Je
vous remercie.
Le Président (M. Tanguay) : Je vous
remercie beaucoup, M. Contandriopoulos. Et maintenant je cède, pour une
période d'échange, la parole au ministre pour un bloc de
9 min 30 s.
M. Barrette : Bon, bien,
M. Contandriopoulos, je suis content qu'on se rencontre pour la première
fois en personne. On a eu à échanger par
média interposé à plusieurs reprises dans le passé, alors je suis content que
vous soyez là. Madame. Alors, merci d'être venus.
Écoutez, sans entrer dans un débat avec vous sur
les différentes études, compte tenu du court temps qui nous est imparti, j'aimerais ça vous laisser la parole
pour que vous nous fassiez part de votre vision des solutions à mettre en place pour améliorer notre
système de soins. Ça, je sais que vous avez des opinions très élaborées
là-dessus, je vous laisse tout le temps, tout le champ nécessaire, mais
dites-nous concrètement ce que vous feriez pour améliorer le système de soins
et pourquoi.
M.
Contandriopoulos (Damien) :
Ça va me faire plaisir. Essentiellement, je pense qu'on peut trouver deux sources
de données qui nous permettent de proposer des solutions qui sont ancrées dans
les données probantes. La première, c'est effectivement la littérature scientifique. Il existe des caractéristiques qui sont
partagées par l'ensemble des systèmes de
santé performants, qu'on aille les chercher aux États-Unis, comme le Kaiser
Permanente, qu'on aille les chercher... comme, là, ce que fait le Danemark dans les soins
à domicile, qu'on aille les chercher en Angleterre, comme ce que fait le
NHS dans l'action aux soins de première
ligne. Quand on regarde à travers l'ensemble de ces systèmes-là, il y a un
certain nombre de caractéristiques qui sont partagées par tous les systèmes
performants, puis je vais y revenir. Donc, ça donne une première source de
données qui nous permet de savoir qu'est-ce qui fonctionne.
• (12 h 40) •
La deuxième source de données, on est en train
de terminer un projet de recherche qui est financé par les Instituts de recherche en santé du Canada, dans
lequel on a procédé à des entrevues auprès de l'essentiel des acteurs
centraux dans le système. On parle de
directeurs d'établissement, on parle de gestionnaires dans les agences, on
parle de professionnels, on parle des ordres. Donc, on a fait des
entrevues à très grande échelle sur quels sont, pour les gens qui occupent des
positions structurantes dans le système de santé, les forces, les faiblesses,
les défis et les solutions. On est en train de terminer notre analyse. Et ce qui est remarquable là-dedans, c'est que,
quand on consulte les gens dans le réseau, leur vision des problèmes est très similaire, et surtout leurs
visions des solutions sont très similaires. Encore plus intéressant,
c'est que la vision des solutions que
mettent de l'avant les gens dans le réseau est extrêmement convergente avec ce
que la littérature scientifique nous
dit, et, quand on regarde de quoi il
est question, il est question avant tout d'agir sur la première ligne, d'agir en essayant de faire en sorte qu'il y ait une substitution d'un certain nombre de
services qui sont actuellement
offerts dans des institutions spécialisées vers des soins qui sont offerts dans
la communauté par des équipes qui sont proches des gens à la fois
géographiquement et à la fois socialement. Ces équipes-là, donc, sont la pierre
d'assise d'un système de santé performant.
Pour arriver
à travailler là-dessus, il faut donc repenser de façon
très, très profonde la nature de ce qu'on appelle les
soins de première ligne et les structures dans lesquelles ils sont dispensés.
Il faut travailler à essayer de repenser quel est
le rôle des GMF et comment on est capable de mettre en place des structures
qui partagent le fait que les GMF sont locaux mais qui arrivent à
impliquer d'autres professionnels, en particulier avoir recours à beaucoup plus
grande échelle au travail des pharmaciens. Actuellement, il y a des choses qui sont sur la table et qui sont actuellement bloquées, entre autres sur la capacité des pharmaciens de prescrire un certain nombre de
médicaments. Avoir recours à beaucoup plus grande échelle... Et je sais
que vous l'avez proposé, et c'est quelque chose qui est extrêmement... qui a un
potentiel extrêmement fort, de déployer beaucoup plus d'infirmières
praticiennes spécialisées en première ligne, de travailler sur les
désincitatifs systémiques à ce qu'il y ait un travail interprofessionnel qui
soit beaucoup plus poussé. Je sais que, là
encore, vous avez pris position plusieurs fois sur ce sujet en disant qu'il y avait une place plus grande pour des équipes interprofessionnelles en
première ligne.
Quand on
regarde cette caractéristique de mettre en place des soins de première ligne beaucoup
plus structurés, d'une part, on va
toucher les vrais problèmes. Quand on regarde quels sont les... le niveau
d'insatisfaction de la population par rapport à l'accès aux services,
c'est essentiellement dans la première ligne qu'il se trouve. Quand on compare
les résultats des soins de santé québécois
par rapport au Canada ou au reste du monde, le Québec
se situe réellement dans le peloton de queue des pays qui ont la moins
bonne capacité d'offrir des soins de qualité accessibles en première ligne.
Donc, probablement que le problème est réellement là, et l'intervention devrait
être là.
Or, ce qui
est intrigant, là-dessus, c'est que, quand on regarde la proposition
législative qui est sur la table, c'est une proposition qui est majeure, qui bouleverse le système pendant plusieurs
années. Or, il n'y a rien dans cette proposition-là qui soit
susceptible de transformer la façon dont les soins de première ligne sont
réellement offerts.
M. Barrette : O.K. Combien de temps
il me reste?
Le Président (M. Tanguay) : Oui, M.
le ministre, il vous reste un peu plus de cinq minutes.
M.
Barrette : Parfait. Écoutez,
je suis content que... D'ailleurs, j'ai
trouvé très intéressant votre commentaire, parce que je ne vous ai pas entendu souvent, même pas une fois, parler
du mot «patient». Et à l'opposition on reproche souvent au projet de loi de ne pas avoir le mot «patient»
dans le projet de loi, puis je constate que, pour des gens de votre
expertise, vous pouvez avoir un discours sur le système de santé sans prononcer
le mot «patient». Ça doit être un grand traumatisme pour certains auditeurs.
Ceci dit, j'ai été aussi très intéressé de
constater que vous avez fait référence à Kaiser. Et Kaiser, vous me corrigerez, c'est probablement le système à large
échelle le plus étudié sur la planète et c'est un système qui intrinsèquement
intègre la totalité du continuum de soins, même jusqu'à la recherche, jusqu'à
un certain point, là, mais Kaiser fait essentiellement
tout ce qu'on fait en termes de soins primaires, et secondaires, et tertiaires,
de la première ligne jusqu'à l'hôpital un peu plus spécialisé. Vous êtes
d'accord, j'imagine, là, avec ça.
M. Contandriopoulos
(Damien) : Je suis d'accord.
Et, à ce titre-là, Kaiser est atypique, puisqu'il existe beaucoup
d'autres HMO américains, et peu partagent le niveau de performance de Kaiser.
M. Barrette : ...de Kaiser est un
succès...
M. Contandriopoulos (Damien) : Tout
à fait.
M. Barrette :
...et le projet de loi, pour vous rassurer, essaie de s'en inspirer. Et Kaiser
est quand même une organisation où c'est la philosophie de l'organisation
d'avoir, dans son système, mis en place un certain nombre de paramètres, de
philosophies qui ne sont pas du tout des philosophies, là, mais des objectifs,
des façons de mesurer, des façons de protocoler. Bref,
Kaiser a fait, par sa structure, une certaine obligation de normalisation de la
pratique médicale et s'est occupé et de l'accès jusqu'à... au cheminement du
patient jusqu'aux soins plus spécialisés.
À cet égard-là, à
partir du moment où je vous dis que le projet de loi, essentiellement, s'en
inspire et vise ça, est-ce que ça vous rassure?
M.
Contandriopoulos (Damien) :
Ça me surprend plus que ça me rassure. Je
pense qu'effectivement Kaiser...
M. Barrette :
...vous surprendre, c'est bien la première fois.
M.
Contandriopoulos (Damien) : Non, ce n'est pas la première fois. Mais je
pense que Kaiser est un exemple effectivement remarquable, et on va être d'accord là-dessus,
sur l'intégration clinique, sur le
fait qu'un patient qui se présente
dans une clinique de Kaiser va rentrer dans un continuum de soins, quelle que
soit la nature de ses besoins, qui va être parmi les meilleurs possible
dans le monde.
Ce
que je dis, par rapport à la proposition du projet
de loi qui est sur la table, c'est
que, tel qu'il est rédigé, le projet de loi procède à une fusion administrative
à grande échelle et qu'il n'y a aucune donnée scientifique qui permet de croire que de créer des fusions à grande échelle
cause ou est une condition nécessaire à l'apparition de cette intégration des
services telle que Kaiser l'a réussie. Mais ce qu'il faut voir, c'est qu'il y a
plusieurs systèmes américains qui ne sont pas intégrés de façon administrative,
qui sont des réseaux virtuels et qui arrivent à une intégration des soins qui,
elle aussi, est remarquable.
M.
Barrette : Ça, je comprends, je suis d'accord avec vous. C'est juste
que, pour le dernier exemple que vous donnez,
ça, ça demande une... bon, je vais dire, une littératie et une participation
beaucoup plus élaborées par rapport à des participants, là, il faut
qu'ils y croient, là, alors que chez Kaiser, comme vous le savez certainement
très bien, on doit adhérer, lorsqu'on arrive
chez Kaiser, à ça, à ce système-là. Et Kaiser est un système qui a, au sens
bénéfique du terme, imposé des standards à la structure.
Je
comprends qu'à la lecture du projet de loi vous n'ayez pas pu tirer ces
conclusions-là, mais peut-être allez-vous être d'accord avec moi avec le fait que ce projet de loi là permet de
mettre en place le squelette qui fait en sorte que, si les orientations
ministérielles sauraient être d'une kaiserisation de notre système de santé, ce
levier-là pourrait nous permettre d'y arriver pour le bénéfice des patients.
M.
Contandriopoulos (Damien) : Encore une fois, on va être d'accord sur
l'objectif ultime. Effectivement, n'importe
quel système de dispensation de soins doit fondamentalement... Puis là on parle d'intégration des valeurs.
Quand on regarde la littérature, il y a une
intégration clinique, l'intégration des valeurs ou l'intégration des objectifs,
il y a une intégration administrative. L'intégration des valeurs est
quelque chose de fondamental.
Est-ce
que, tel que je le comprends, le projet de loi permet d'arriver à cette
intégration des valeurs, qui est quelque chose qui est désirable, ça ne fait aucun doute? Malheureusement, là, je
ne connais aucune donnée scientifique qui permet de croire qu'une
gestion qui est très centralisée, très directive permette d'arriver à créer
cette unification des valeurs.
M. Barrette :
Ça, j'aimerais faire un correctif là-dessus, parce que c'est sûr que c'est
quelque chose qui est véhiculé par à peu
près tout le monde, là, mais, encore une fois, la relation — vous étiez là, je pense, quand j'ai fait
ce commentaire-là avec vos prédécesseurs — l'objectif est que le
gouvernement en soit un qui donne des orientations et que l'exécution se fasse sur le terrain. Et, quand on regarde
Kaiser — vous
l'avez étudié en long et en large, je sais que vous êtes très bilingue en Kaiser, si vous me le
permettez — Kaiser
met en place des normes qui doivent être suivies, il y a une
imputabilité.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, ceci
met fin à ce premier bloc d'échange. Je cède maintenant la parole à Mme
la députée de Taillon pour un bloc de 5 min 45 s.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour
M. Contandriopoulos. Bonjour, madame. Écoutez, je vais tout de suite enchaîner parce qu'on a peu de
minutes avec vous, mais ce que j'entends du ministre actuellement, c'est
qu'il est d'accord pour viser une
normalisation de la pratique médicale avec certains standards et des
indicateurs comme le Kaiser Permanente. Je pense qu'on a déjà des
instruments qui existent pour ça, l'INESSS a dans ses fonctions... l'Institut national d'excellence en santé et en
services sociaux a cette mission-là, mais on ne lui donne pas le pouvoir
de le faire, on ne lui donne pas les
instruments pour actualiser ça et on ne cultive pas l'importance d'une
reddition de comptes, d'une façon d'avoir un
suivi de ces obligations-là, et je pense que c'est ce courage-là qui manque.
Sans tout retourner la structure à l'envers, on était capable et on est
encore capable, par un suivi plus étroit, par des éléments mobilisateurs au niveau des professionnels de la
santé mais avec certains indicateurs très précis auxquels on ne peut pas
échapper, de faire en sorte qu'on va réaméliorer et continuer le processus qui
a été mis en marche.
Les GMF, je le
rappelle, ils ont été mis en marche il y a déjà plus de 10 ans, et ça a
pris seulement... l'année dernière avant que le ministre de la Santé, Réjean
Hébert, demande un peu plus de reddition de comptes et une ouverture plus grande au niveau des heures. Le
ministre nous avait confirmé que tout ça serait réglé avant décembre
2014. Je ne sais pas si l'arrivée du projet de loi n° 10 l'exempte de
cette obligation-là, mais j'aimerais bien l'entendre. Puis j'aimerais vous entendre aussi sur différents
moyens qu'on a peut-être déjà dans notre système actuel pour accéder à
ça et quelles sont peut-être les pistes qui sont déjà en marche mais qu'on a
l'habitude de commencer quelque chose et de l'interrompre à chaque fois qu'on a
un changement de ministre.
M.
Contandriopoulos (Damien) : En fait, je me référerais encore aux
résultats de l'étude dont je vous ai parlé tout à l'heure sur les consensus qui existent, deux consensus, le
premier sur le modèle d'imputabilité actuel dans le système qui ne fonctionne pas bien. Beaucoup de demandes de
la part du ministère à Québec auprès des établissements de produire des rapports, de produire des données. Ces
données-là sont peu utilisées et en fait rendent peu service à
l'optimisation des soins, on parle
essentiellement d'une reddition de comptes bureaucratique qui ne donne pas lieu
à une réelle imputabilité par rapport aux soins offerts aux patients.
La deuxième chose, c'est qu'il existe peu de leadership
de la part du ministère, actuellement, pour donner des orientations qui sont fondamentales. La question n'est pas, donc,
le besoin d'avoir des orientations claires, la question est le moyen de
transmettre ces orientations-là. Est-ce qu'il y a besoin de fusionner à très
grande échelle la totalité des établissements
du Québec pour que le ministère de la Santé donne des orientations claires qui
vont dans la bonne direction? Je ne pense pas qu'il existe de données
scientifiques qui permettent de le croire.
Des orientations claires qui sont nécessaires et
qui pourraient être faites très rapidement, vous parlez de l'INESSS, il y a des ordonnances collectives
nationales. Elles portent le titre de «nationales», mais, à toutes fins
pratiques, elles dépendent des décisions
individuelles de chacun des établissements. Et elles sont très peu déployées au
Québec, on pourrait gagner beaucoup à ce que ces ordonnances collectives
soient déployées. On parle du droit de prescrire des pharmaciens qui est encore perdu dans les limbes réglementaires. On
parle encore de quelque chose qui pourrait être très concrètement dirigé
depuis le ministère de la Santé, qui fait partie des prérogatives du ministère
de la Santé, et qui, depuis un certain temps, n'est pas mis en place de façon
suffisamment convaincante.
Et un autre
levier qui est central, c'est tout celui qui touche la rémunération médicale.
Il faut se servir du mode de rémunération et des enveloppes de
rémunération médicales pour orienter la pratique dans la direction où on la
veut. Et, là encore, quand on regarde la
première ligne, actuellement, on a des modes de rémunération des médecins qui
sont souvent contre-productifs par rapport à
ce qu'on vise : accessibilité, augmentation de la productivité, travail
interdisciplinaire.
• (12 h 50) •
Mme
Lamarre : Écoutez,
il reste deux minutes. Je crois que mon collègue de Rosemont aimerait bien s'adresser...
M. Lisée : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup d'être là tous les deux. À entendre vos échanges avec
le ministre, on sent que... Bon, l'objectif, c'est évidemment le continuum de soins qui doit se faire entre les
intervenants en première ligne. Le ministre dit : Bien, je vais tout
fusionner ça et puis je vais faire en sorte que, quand je donnerai les directives, ils vont travailler ensemble. Vous, vous dites : C'est le contraire. Et vous dites ici : «Le
succès d'un projet de fusion administrative auquel les acteurs sur le terrain
ne croient pas est sérieusement compromis.» En fait, ce que vous dites,
c'est que cette fusion-là va être contre-productive si l'objectif, c'est le
continuum de soins.
On donne l'exemple
de Kaiser, qui effectivement est un genre de contrat d'adhésion. Si on va
travailler à Kaiser, c'est qu'on accepte le continuum de soins, qui est
contre-intuitif pour le reste de la profession médicale américaine et contre-intuitif au Québec. Mais là est-ce que vous
croyez qu'il est possible d'imposer par une fusion administrative une
nouvelle culture, même si cette culture-là, elle est souhaitable et, selon
l'étude dont vous parliez tout à l'heure, elle est voulue par un certain nombre
de gens à la base?
M.
Contandriopoulos (Damien) : On revient encore aux conditions qui
ne sont ni nécessaires ni suffisantes. Pour en arriver à une unification
de la culture comme ça, on n'a pas besoin de procéder à des fusions
administratives. Et, d'autre part, si on procède à des fusions administratives,
rien n'indique qu'on va créer cette unification de la culture.
Quand on
parle de Kaiser, on parle d'un système qui est particulier à plusieurs égards.
C'est un système qui a une histoire, qui s'est créé avec une culture
particulière. Encore une fois, je reviendrais... Ce n'est pas le seul HMO aux États-Unis, mais il se distingue des autres à
beaucoup d'égards. Quand on regarde la capacité d'avoir une pratique
médicale qui est très, très, très enlignée
sur un certain nombre de principes, Kaiser a la capacité de sélectionner ses
professionnels d'une façon que...
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à ce bloc
d'échange. Je cède maintenant la parole au député de La Peltrie
pour un bloc de 3 min 50 s.
M.
Caire : Merci, M.
le Président. Bonjour à vous deux. Vous avez parlé, dans les processus de
fusion, d'une certaine transition. Dans un
tableau que le ministre nous a déposé récemment, on parle de coûts de
transition, quand on procède à ces
fusions-là, de l'ordre de 165 millions. Je voulais savoir, selon les
études, les analyses que vous avez faites, si ces coûts-là vous semblent
réalistes.
M. Contandriopoulos (Damien) : Bien,
d'une part, c'est difficile pour moi de porter un jugement sur les coûts exacts. Ce qui me laisse perplexe, c'est
qu'on a fait une analyse des discours qui avaient été produits par le
ministère de la Santé; on voit deux chiffres
apparaître. On voit, d'une part, des économies récurrentes de l'ordre de
200 millions, et là vous me parlez
d'investissement pour assumer le processus de fusion. J'ai du mal à voir
comment les deux s'intègrent.
Une chose qui
est sûre, c'est que, quand on regarde les caractéristiques qui rendent une
fusion un succès, il va falloir qu'il
y ait une approche qui soit de concertation, qu'il y ait une capacité de
convaincre les acteurs sur le terrain, pas de les contraindre mais bien de les convaincre du bien-fondé, donc qu'on
arrive à leur promettre un projet qui est porteur. Actuellement, quand j'écoute... J'ai lu avec
attention toutes les transcriptions qui ont eu lieu des groupes qui sont
venus présenter ici, je vois de la part des acteurs sur le terrain beaucoup
plus de préoccupations que de conviction quant au projet qui est sur la table.
Et là-dessus il y a un besoin d'arriver non seulement à mettre des ressources,
mais arriver à faire en sorte que les gens achètent le
projet. Et c'est extrêmement difficile, dans le contexte actuel où on propose une fusion administrative qui serait une ixième
fusion... une ixième réforme de structure, au Québec, d'arriver à faire
en sorte que les gens sur le terrain
considèrent ça comme une méthode gagnante pour arriver à des objectifs qui sont
consensuels : intégration des soins, amélioration de la qualité.
M.
Caire :
Mais vous avez analysé plusieurs
systèmes dans le monde. Vous avez dit : Les fusions, ça ne
fonctionne pas. J'imagine que, dans les
autres fusions qui ont été faites dans les autres systèmes, il y en a
eu, des coûts de transition. On s'entend
qu'on parle de départs à la retraite, on parle d'attrition. C'est assez usuel,
j'imagine, d'avoir des coûts de transition.
Donc, normalement, ça ressemble à quoi, là, dans
les fusions que vous avez analysées? Ça ressemble à quoi, normalement, les
coûts de transition?
M.
Contandriopoulos (Damien) :
Quand vous parlez de coûts de transition, est-ce que vous parlez des
économies qui seront produites par...
M.
Caire : Non, je parle de... Parce que, quand on parle de
départs à la retraite, normalement, ça vient avec des conditions particulières qu'on va offrir aux gens, bon, c'est ce qu'on a
déjà vécu par le passé. Dans ce cas-ci, le ministère nous parle de 165 millions. J'imagine que c'est
parce qu'on va proposer des départs à la retraite à des gens qui normalement
la prendraient un peu plus tard, pour
s'assurer d'une certaine attrition. Alors, je voulais voir, au niveau des
analyses que vous avez faites... Parce que vous dites : Ça ne
fonctionne pas. Mais ça ne fonctionne pas pourquoi?
M. Contandriopoulos (Damien) : La
littérature scientifique se centre, en termes d'analyse des effets, sur les coûts qui sont évités par le biais d'une fusion,
donc les économies d'échelle, essentiellement, qu'une fusion produit.
Cette littérature-là indique que les économies d'échelle sont d'inexistantes à
très modestes.
Je n'ai pas
vu de littérature scientifique qui porte sur les investissements nécessaires
pour rendre possible une fusion. Je ne veux pas dire qu'ils n'existent
pas, mais on ne les a pas analysés.
M.
Caire :
O.K. Vous dites que les économies d'échelle sont inexistantes. Là, j'essaie de
voir... Dans ce cas-ci, le ministère parle de l'abolition de
1 300 postes de cadre. Comment peut-on abolir 1 300 postes
de cadre et ne pas avoir d'économie récurrente suite à ça? Comment ça s'est
passé ailleurs?
M.
Contandriopoulos (Damien) : Ailleurs, ce qu'on a vu, c'est que, même
dans les endroits où on avait essayé de contrôler le nombre de postes de
cadre, très rapidement les demandes du système ont fait en sorte que les
besoins de coordination entre les
établissements, le besoin d'être capable de suivre comment l'offre de services...
C'est des institutions qui sont ouvertes 365 jours par année,
24 heures sur 24. Ça a des demandes, et ces demandes-là ont fait en sorte
que, même quand on essaie de contrôler le nombre de postes de cadre, rapidement
on est obligé de céder à... Il faut garder les choses fonctionnelles.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, merci beaucoup. Alors, ceci
met fin au bloc d'échange avec le député de La Peltrie. Je cède
maintenant la parole à Mme la députée de Gouin pour un bloc de
2 min 30 s.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. Avant de poser ma seule et unique
question, vous le comprendrez, je
voudrais exprimer un malaise certain à faire venir des chercheurs de renom nous
rencontrer et à ce qu'on leur donne uniquement une demi-heure d'échange
avec nous, je me sens un petit peu mal à l'aise. Je vais...
Le
Président (M. Tanguay) : Mme la députée, vous soulevez le point puis...
La motion a été adoptée telle quelle et unanimement. Je vous remercie
pour votre point de vue. Alors, je vous en prie.
Mme David
(Gouin) : Je ne pense pas que je faisais partie de l'unanimité,
n'ayant pas le droit de vote dans cette commission. Donc, je tiens à
souligner...
Le Président (M. Tanguay) : Non, au
salon bleu.
Mme David (Gouin) : Pardon?
Le
Président (M. Tanguay) : Les
125 députés ont été d'accord à ce que la motion soit libellée de cette
façon-là.
Mme David (Gouin) : D'accord. Alors,
à ce moment-là, je le regrette, ça m'a échappé.
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
Il n'y a aucun problème, je vous en prie.
Mme David
(Gouin) : Et j'aurais souhaité qu'on entende les experts un peu plus
longuement, parce qu'ils sont très intéressants et ils ont beaucoup à
nous apporter.
Je reviens avec une question sur «fusion» et
«intégration». Le ministre nous dit souvent : Il faut fusionner pour mieux
intégrer la dispensation des services, y compris en première ligne. Est-ce que
malgré tout vous pensez que...
Même si cette mégafusion qu'on nous annonce n'était pas la meilleure pour
aboutir aux objectifs proposés par le projet
de loi, croyez-vous qu'il y aurait tout de même certaines fusions ou certains
rapprochements d'établissements à faire pour assurer un accès aux
services sociaux et de santé à tout le monde sur le terrain?
M. Contandriopoulos (Damien) : On
peut tout à fait imaginer qu'il y ait encore des potentiels d'intégration verticale qui existent. En particulier, on regarde
à Montréal, la réforme de 2003 a été faite avec toutes sortes de
contraintes. Il reste beaucoup d'établissements autonomes, il reste beaucoup de
CSSS qui n'ont pas d'hôpitaux. Là, dans ces cas-là, on parle qu'il existe effectivement potentiellement une intégration
verticale, donc intégrer les services de première ligne avec un hôpital. C'est plus prometteur. On parle
de... Il y a à travers tout le Québec des processus, actuellement, de
fusion d'établissements, des centres de réadaptation, entre autres, qui
essayaient de se rapprocher et qui sont en processus d'intégration, qui, là, pour l'instant, ont tout mis sur la glace en
attendant de savoir ce qui allait se produire. Est-ce qu'il existe un potentiel de regroupement à des niveaux
plus régionaux, à une optimisation des structures? Ça ne fait aucun doute.
Est-ce que, maintenant, cette intégration doit
prendre place à l'échelle du Québec et regrouper sur une base régionale tout? La littérature indique qu'il y a
un plafonnement des gains, en termes d'optimisation de la qualité et des
coûts, qui tourne autour d'un bassin de
population de 100 000 personnes. Au-delà de
100 000 personnes, une seule organisation, on ne voit plus de gain. Quand on va très au-delà
de 100 000 personnes, ce qu'on voit, c'est une diminution de la
qualité et une augmentation des coûts.
La structure
proposée en Montérégie, c'est 1,5 million de personnes, mais en fait la
quasi-totalité des structures proposées sont largement au-delà du
100 000 personnes. Et, là encore, c'est des données qui sont très
largement...
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, il nous reste à vous
remercier, M. Contandriopoulos, de même que Mme Perroux qui
vous accompagnait.
Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux
de la commission jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 15 h 6)
La
Présidente (Mme Hivon) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses
travaux. Je demande évidemment à toutes les personnes dans la salle de
bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones.
On va donc poursuivre les consultations
particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 10,
Loi modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des
services sociaux notamment par l'abolition des agences régionales.
Alors, je
souhaite maintenant la bienvenue à nos invités de la Conférence régionale des
élus de la Côte-Nord. Pour les fins
d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que les
personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour faire votre présentation, et par la suite nous allons procéder de part et
d'autre à un échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à
vous.
Conférence régionale
des élus de la Côte-Nord (CRECN)
Mme Anctil
(Micheline) : Merci. Donc, en présentation, Micheline Anctil. Je suis
la présidente de la Conférence régionale
des élus de la Côte-Nord. Je suis accompagnée de M. Claude Dahl, qui est
directeur général, et de M. Charette, qui est directeur aux
affaires publiques.
Mme la Présidente — Mme Hivon — M. le
ministre — Dr Barrette — Mmes
et MM. les parlementaires, je tiens,
premièrement, à vous remercier sincèrement de l'opportunité que vous nous
donnez de faire entendre la voix des Nord-Côtiers dans le cadre de cette
commission sur la santé et les services sociaux.
Permettez-nous
tout d'abord de vous laisser des images représentatives de notre réalité dans
le domaine de la santé. C'est un
avion King Air en location et en permanence qui dessert les
citoyens et les citoyennes de la Basse-Côte-Nord en cas d'urgence. Il en coûte 438 000 $ par
année, et l'avion n'a pas encore débuté sa mission, chaque vol s'ajoute à ce
coût. C'est aussi un hélicoptère qui est en
permanence à Chevery, dont le coût s'élève à 400 000 $. Nous sommes
certainement la seule région où, dans le système de la santé et des services
sociaux, on gère des quatre-roues et des motoneiges pour desservir les villages de la Basse-Côte pour les
services préhospitaliers. Ce sont aussi des hébergements qui
appartiennent au centre de santé et services sociaux du territoire pour les
médecins, les infirmiers et les infirmières qui couvrent cet immense territoire. Ce sont 2,5 millions de
coûts supplémentaires de main-d'oeuvre indépendante, auxquels il faut
ajouter 1 million pour leurs frais de
séjour et de déplacement. Afin de dispenser des services sociaux, les
professionnels doivent couvrir une distance équivalente au trajet
Québec-Toronto. Des images, donc, qui démontrent simplement que la Côte-Nord a
des particularités qui dépassent l'entendement et qui reflètent la démesure de
notre territoire.
La Côte-Nord
s'étend sur 1 280 kilomètres de littoral entre Tadoussac et
Blanc-Sablon, sans oublier l'île d'Anticosti,
en plein milieu du golfe, et les villes de Schefferville et de Fermont, situées
au nord à plus de 500 kilomètres à l'intérieur des terres. Quelque
95 000 personnes vivent sur ce territoire, dont
12 740 autochtones. La MRC du Golfe-du-Saint-Laurent — qui était la MRC de la Basse-Côte-Nord qui a
tout simplement changé de nom dans les dernières périodes — est à
majorité anglophone, contrairement au reste de la région qui est francophone.
Ça représente des défis de très grande importance pour un accès
équitable aux services de santé et services sociaux à notre population.
L'étendue du territoire.
Il faut retenir que la démesure, ça fait partie de notre quotidien. La
diversité des milieux sur ce même territoire exige des pratiques adaptées à
chaque milieu. Impossible de desservir les citoyens de Baie-Comeau de la même façon que ceux de Blanc-Sablon, et pourtant
chacun mérite une couverture adéquate de services.
L'accessibilité aux services de première ligne
et aux services spécialisés doit être comparable au reste du Québec.
Il en est tout autrement pour les milieux ruraux, qui doivent se déplacer sur
de longues distances pour rencontrer un médecin ou pour avoir accès à des services psychosociaux, par exemple. L'accessibilité aux services spécialisés exige, pour la moitié de la population
nord-côtière, de faire des déplacements de 111 kilomètres
à 369 kilomètres pour recevoir, par exemple, des services
de chirurgie d'un jour, une consultation en gynéco ou une colonoscopie.
• (15 h 10) •
Le recrutement et la rétention de la main-d'oeuvre,
c'est vraiment un défi constant pour la Côte-Nord. La difficulté à maintenir des
effectifs médicaux suffisants en région éloignée est bien connue, mais il en
est de même pour d'autres types de ressources : les paramédics, les
ressources psychosociales. On parle de pénurie de pharmaciens, d'infirmiers et
d'infirmières, d'orthophonistes, de travailleurs sociaux, de nutritionnistes,
et bien d'autres.
En plus de la
difficulté de maintenir la main-d'oeuvre, d'ici les trois prochaines années,
53 % des effectifs seront à renouveler, ce qui représente
1 941 départs projetés sur 3 680 employés. Le recours à la
main-d'oeuvre indépendante est un enjeu
fondamental pour notre territoire, comme démontré. Il faut ajouter le temps
supplémentaire, qui est largement utilisé pour combler les besoins de
services. Ces phénomènes n'auront pas tendance à diminuer avec les départs qui
sont projetés dans les prochaines années.
À ces défis,
bien sûr, il faut ajouter des coûts de production de services, le
vieillissement de la population de la Côte-Nord, qui est bien documenté,
les problèmes de santé, les problèmes sociaux des autochtones et la complexité
de l'organisation des services sur la Côte-Nord.
Les
inquiétudes de la région, maintenant, concernant le projet de loi. La fusion de
tous les établissements de la Côte-Nord en une seule entité avec un seul
conseil d'administration inquiète grandement les élus nord-côtiers quant à ses conséquences sur l'accès aux services pour
la population, et nous doutons sincèrement de l'impact de ces mesures en vue de favoriser et simplifier l'accès aux
services pour la population. Nous ne croyons pas que ça puisse
contribuer à l'amélioration de la qualité et la sécurité des soins et
d'accroître l'efficacité et l'efficience de notre réseau.
L'identité et
un sentiment d'appartenance des Nord-Côtiers est intimement lié au territoire
de leur municipalité et de leur MRC. Ils sont attachés à leurs centres
de santé, pour lesquels ils ont consacré du temps, des énergies et, dans
plusieurs cas, ils ont contribué à la création même de ces organisations. La
population sera-t-elle au rendez-vous de participer
aux orientations et décisions et de supporter financièrement un établissement
régional? Quelle contribution réelle pourra
exercer un comité des usagers qui aurait du mal à assurer une représentation
territoriale en plus de la multiplicité des missions et des contraintes
liées, premièrement, à l'organisation de ses propres rencontres?
La représentativité des six MRC de la Côte-Nord
sera-t-elle assurée au conseil d'administration du nouveau centre intégré?
Alors qu'une centaine de personnes participent actuellement à l'administration
des services de santé et des services
sociaux de notre région, le conseil d'administration du centre intégré réduit
ce nombre à sept. La population sera-t-elle en mesure de faire connaître
ses besoins et ses particularités avec une si faible représentation?
L'éloignement des lieux de décision pour les MRC
peu populeuses de l'est du territoire est très préoccupant. L'accessibilité aux services de première ligne,
déjà difficile dans les petites communautés éloignées, est menacée. À
titre d'exemple, lorsque des choix budgétaires s'imposeront, les décideurs
situés à 500 kilomètres et plus des populations concernées hésiteront-ils à sacrifier les services hospitaliers de
première ligne en territoire éloigné au profit des structures centrales? Les usagers issus des MRC de la
Minganie, du Golfe-du-Saint-Laurent et de Caniapiscau sont-ils condamnés
à requérir leurs services en faisant du «fly-in/fly-out» pour avoir des
services?
La complexité de gestion d'un établissement
réparti sur un territoire, et je le rappelle, de 1 280 kilomètres, où
s'ajoutent des communautés nordiques situées
donc à 500 kilomètres au nord : un défi hors du commun. Comment
l'équipe de gestion arrivera-t-elle à créer
une synergie d'action avec des membres séparés par des distances supérieures au
trajet Québec-Toronto? Le temps consacré,
pour les gestionnaires, aux déplacements et le coût de ces déplacements
permettront-ils réellement de générer des économies?
La
Présidente (Mme Hivon) : Il vous reste un petit peu plus d'une
minute, donc je vous inviterais à conclure.
Mme Anctil (Micheline) : Le
partenariat avec les organismes communautaires et les autres acteurs locaux, le partage des préoccupations pour une même
population. Est-ce qu'on ne risque pas de créer des frontières entre le
réseau public et le réseau communautaire plutôt que desservir ensemble une
population et de couvrir une prestation de services,
de même que les écoles, les municipalités qui s'engagent à créer des
environnements favorables à la santé et au développement social?
Les économies anticipées par les fusions et
l'agence seront-elles au rendez-vous? La prise en charge par un gestionnaire d'un nombre plus élevé
d'intervenants, même provenant d'établissements voisins, peut générer des
économies d'échelle, mais, dans une région comme la Côte-Nord, une équipe plus
nombreuse d'intervenants signifie une équipe dispersée sur un très grand
territoire, avec des déplacements multiples et coûteux.
La conférence régionale des élus pense que les
responsabilités de l'accès équitable aux services spécialisés et surspécialisés, les gestes incompatibles avec les
règles de saine gestion et la gouverne des actifs informationnels
d'intérêt commun doivent relever du ministre.
La Présidente (Mme Hivon) :
Il faut vraiment conclure. Quelques secondes.
Mme
Anctil (Micheline) : C'est difficile.
Une voix :
...
La
Présidente (Mme Hivon) : Vous êtes prêt... De consentement? Est-ce
qu'il y a consentement? 30 secondes.
Mme Anctil
(Micheline) : Merci. Je vais accélérer. Cependant, la centralisation
au ministère de plusieurs responsabilités assumées actuellement par l'agence de
santé et des services sociaux nous questionne sérieusement, comme la gestion des plans régionaux en main-d'oeuvre, le développement des ressources
humaines de même que
les inspections en certification au niveau des résidences, l'examen des mésententes, etc. Quels sont les bénéfices de
gérer ces fonctions depuis Québec ou Montréal?
Les attentes de la
région, pour terminer. La Conférence régionale des élus de la Côte-Nord
souhaite que le ministre prenne en considération les spécificités
nord-côtières dans son projet de loi. Elle souhaite également accompagner le ministre
dans ses réflexions pour mieux adapter le but de sa réforme à la réalité
nord-côtière, et nous demeurons disponibles,
toujours dans le but que la Côte-Nord ait accès à des
services de qualité et qui répondent aux besoins de ses citoyennes et citoyens
et des services de proximité. Je vous remercie beaucoup.
La
Présidente (Mme Hivon) : Merci, Mme Anctil, de votre présentation. Alors, sans
plus tarder, je vais céder la parole à la partie ministérielle pour une
période d'échange d'une vingtaine de minutes. M. le ministre.
M. Barrette :
Merci, Mme la Présidente. D'abord, Mme Anctil, M. Dahl et
M. Charette, merci de vous être déplacés.
Comme vous dites, vous venez de loin, et dans le sens ici, c'est loin aussi, et
je suis bien content que vous ayez pris le temps de faire ce voyage-là
pour venir de nous faire part de vos commentaires.
Évidemment, à l'état
actuel d'avancement des travaux de cette commission parlementaire, les gens
viennent, évidemment, avec des impressions qui sont véhiculées par
toutes sortes de commentaires qui sont faits sur la place publique par
un paquet de monde, puis je peux comprendre vos appréhensions, mais je vais
vous dire d'entrée de jeu deux ou trois éléments.
Premièrement, pour ce
qui est de la spécificité de votre région, je la comprends très bien, et c'est
la... Je n'ai aucune critique et aucun autre
commentaire que de vous dire que je partage votre vision de la chose et j'ai la
même lecture que vous pour ce qui est
des enjeux auxquels on doit faire face dans votre région. Alors, dans votre
région, évidemment, l'enjeu principal, ce n'est pas une question de développer
un hôpital universitaire ou d'avoir des soins tertiaires
ou quaternaires mais bien d'amener les services le plus près possible du
citoyen, et le plus près possible du citoyen sur tout le territoire qui est celui de votre région. Là-dessus, je
souscris aux commentaires que vous avez faits. Et ça, on est bien, bien,
bien conscients de ça.
• (15 h 20) •
Et l'essence ou... Je
le dis à chaque fois pour un peu défaire ce que tout le monde fait comme
commentaires, parce que ça devient quasiment
un procès d'intention, là. On donne des intentions au projet de loi qui
n'existent pas, alors que la réalité
du projet de loi est de faire en sorte que... Un des premiers commandements du
projet de loi est de faire en sorte que les décisions qui se prennent
soient en fonction du bénéfice du patient, d'une part, et la première chose qui
doit être faite dans toutes les régions est
d'amener le service le plus près possible du citoyen. Alors, dans une région comme la vôtre, dont la problématique première est évidemment
d'avoir des effectifs, toutes catégories
confondues, on s'entend, là, et ensuite d'amener le service près du
citoyen, moi, je peux vous dire que c'est la préoccupation première de notre
gouvernement et c'est une des premières finalités du projet de loi.
Maintenant,
quand arrive la question du bénéfice d'avoir une intégration des services, bien
là je vous dirais que, chez vous
comme ailleurs, à partir du moment où on a amené le service près du citoyen,
l'intégration est une question qui devient aussi pertinente. Et, cette
intégration-là, j'ai envie de prendre l'exemple que vous vivez actuellement.
Vous n'êtes pas sans savoir que l'agence régionale chez vous, actuellement, qui
aura essayé de faire et même, à certains égards,
réussi, là... qui aura eu à intervenir dans le même esprit... Vous savez que
récemment il y a eu des interventions à faire dans la gestion du centre
hospitalier de Sept-Îles, vous savez qu'il y a eu un certain nombre de
problèmes et que la direction régionale a eu
à intervenir. Je ne veux pas rentrer dans le détail puis faire ni un procès
d'intention ni un procès, procès, là,
mais, quand on regarde ce qui s'est passé dans votre région, il n'en reste pas
moins qu'à un moment donné il a fallu
qu'une instance rassembleuse, on va dire... et, dans le cas présent, parce que
vous avez un excellent directeur d'agence régionale, là, il a fallu que votre directeur d'agence fasse une
intervention auprès de l'administration pour corriger le tir.
Le projet de loi, là,
c'est dans ce sens-là que vous devez le voir, si vous me le permettez. C'est un
projet de loi qui vise à faire en sorte que,
oui... L'intégration que l'on vise dans la structure qui est celle de la
loi n° 10, bien ça permet à
une entité qui est au-dessus de sa propre mêlée, à un moment donné, d'intégrer
soins et services sociaux — et, j'insiste, soins et services sociaux, parce que vous y
avez fait référence tout à l'heure avec justesse — qu'à un moment donné
tout ça, ça soit intégré. Et ça doit se coordonner, qu'on soit chez les
Naskapis ou qu'on soit chez vous, à Sept-Îles, ou à Baie-Comeau, et là tout le
reste entre les deux, là, jusqu'à Blanc-Sablon. Puis on ne parlera pas de
Blanc-Sablon aujourd'hui, parce que ça,
c'est un cas, évidemment, particulier, que vous connaissez bien et que je
connais bien aussi, et ça dure depuis
des années, mais il n'en reste pas moins qu'il y a, à un moment donné, un
intérêt à ce qu'il... Elle est là, la plus-value,
là. Chez vous, la problématique n'est pas une problématique de développer des
services tertiaires ou quaternaires mais bien d'accès aux services et,
pour nous, d'intégration des services dans un continuum et un contexte qui fait
qu'il y a une plus-value, comme vous le vivez actuellement, d'avoir une gestion
qui est un petit peu au-dessus de la mêlée, parce que c'est un peu ça qui s'est
passé.
Alors,
moi, je comprends très bien ce que vous me dites en termes de problématique
d'intégration... non, je m'excuse, de
problématique de distribution des services et de difficultés de personnel, mais
je peux vous rassurer sur un point et
j'insiste là-dessus, l'objectif n'est pas de centraliser d'aucune manière. Au
contraire, l'objectif est de donner la responsabilité d'une orientation
ministérielle à la région, et une des orientations ministérielles va être
d'amener le service près du citoyen, peu
importe où il est, particulièrement la première ligne. Puis, dans une région
comme la vôtre, la première ligne, bien c'est quelque chose qui est le
nerf de la guerre, dans une certaine mesure, parce que vous avez la première
puis la deuxième ligne, et après il faut des corridors de services avec une
autre région. Et, dans votre cas, évidemment,
l'autre région, normalement, c'est Québec. Et ça, je dirais que de toute façon,
actuellement, ça fonctionne assez bien, je pense, quoique ce n'est pas
parfait, là, je vous l'accorde si vous avez des critiques à faire.
Maintenant,
j'aimerais ça vous entendre en termes d'intégration, votre vision, parce que
vous avez fait référence à plusieurs
reprises à la main-d'oeuvre indépendante. Ça, vous m'intriguez, là, puis
j'aimerais ça vous entendre là-dessus, ce que vous voyez là-dessus, parce que moi, je voyais beaucoup d'intérêt,
personnellement, là, à bien développer la première ligne et particulièrement à utiliser les
infirmières, mais vous, vous me parlez de main-d'oeuvre indépendante. Y a-tu
quelque chose, là, que je ne saisis pas? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mme Anctil (Micheline) : Pour la pénurie de main-d'oeuvre, je prendrais,
par exemple, l'exemple des orthophonistes. On est une région qui a beaucoup
de difficultés à recruter des orthophonistes, mais, pour desservir la
population qui a besoin du service, il y a
des contrats, à ce moment-là, qui sont donnés, des fois, interétablissements,
hors région, mais il y a aussi les
orthophonistes, par exemple, en privé qui viennent desservir les régions. Mais
il y a un coût très important à ce... par conséquent, autant au niveau
du contrat, donc, salarial que des frais de séjour et de déplacement.
Au niveau des infirmiers et des infirmières, c'est
un problème criant. Le recrutement des médecins, qui tend quand même à s'améliorer avec les dernières années mais...
Les médecins dépanneurs, il y a aussi un coût très, très important à ce niveau-là. On voit des infirmiers et des
infirmières quitter l'établissement pour démarrer des agences de main-d'oeuvre indépendantes parce que, dans
le fond, ils peuvent desservir selon l'horaire qui les intéresse, ne pas être
disponibles trois mois par année, si c'est
ce que... si c'est à leur souhait. Alors, on est un peu en otage, on est liés à
ces contrats-là qui coûtent très, très cher et qui ne favorisent pas un
sentiment d'appartenance et la même passion, le même dévouement à l'égard des services à la clientèle. C'est
«fly-in/fly-out». Alors, en plus de coûter très, très cher, évidemment,
on pense que les retombées ne sont pas toujours très constructives.
M. Barrette :
Et, à cet égard-là, est-ce que vous avez des souhaits ou suggestions
particulières?
Mme
Anctil (Micheline) : Bien,
je pense qu'il y a plusieurs mesures pour... on devrait avoir comme
objectif de stabiliser le plus
possible le recrutement, favoriser le recrutement pour des régions éloignées — puis
évidemment que la rétention du
personnel est aussi très, très importante — en donnant des conditions
favorables et en faisant en sorte de développer une plus grande appartenance,
une plus grande intégration dans l'organisation et dans la communauté. Alors, il faudrait y réfléchir précisément, sur
plusieurs mesures à mettre en place, mais présentement on constate que...
Cette façon de faire était quand même pour suppléer, là, à un manque criant de main-d'oeuvre,
mais là il y a comme une façon de faire qui s'est installée et sur laquelle on
ne pense pas qu'on est très gagnants.
M.
Barrette : O.K., mais
vous n'avez pas de suggestion spécifique. C'est plus un espoir que vous
exprimez qu'un moyen spécifique que vous, comme élus, là, vous...
Mme
Anctil (Micheline) : Bien,
je pense qu'il faut prendre, premièrement, des moyens au niveau du
recrutement, il faut favoriser que des
professionnels viennent s'installer dans nos régions. Au niveau du recrutement,
il faut peut-être accompagner nos enfants qui s'en vont aux études à
l'extérieur par des conditions de formation et s'assurer d'un retour en
région par des bourses, par des façons d'accompagner cette jeunesse; de pouvoir
leur créer des conditions de travail durant l'été, par exemple, mais, par la
force des choses, s'attacher aussi de futurs travailleurs.
Ça
pourrait aussi s'appliquer dans d'autres domaines que, par exemple, la
médecine, la pharmacie, etc. Dans les services sociaux et dans d'autres
domaines, je pense que ça pourrait aussi s'appliquer.
M.
Barrette : Côté services sociaux, est-ce que vous avez quelques commentaires
à nous faire, dans la région? Au sens large du terme, évidemment, là.
Mme Anctil
(Micheline) : Bien, dans ce que j'ai écourté un petit peu dans ma
présentation, je parlais un peu des services
sociaux. Pour nous, c'est extrêmement important de maintenir l'offre de
services des services sociaux. Que ce soit, par exemple, au niveau de la
protection de la jeunesse, on le sait, par exemple, au niveau des communautés autochtones, c'est bien documenté, les
problématiques sont importantes à ce niveau-là en négligence, en
consommation, donc... Et tout retrait de
services, je dirais, au bon moment d'intervention auprès de la jeunesse, de
façon précoce, aura des coûts et
risque d'avoir des coûts dramatiques, pas juste des coûts financiers mais des
coûts dramatiques pour ces jeunes-là qui ont besoin de services au bon
moment. Donc, encore une fois, une desserte à proximité pour ces jeunes qui
sont identifiés problèmes ou négligence.
Mais c'est aussi toutes des conditions dans les communautés qui font en sorte
aussi que les jeunes, par les organismes
communautaires, par les municipalités, par les services de loisirs, puissent
aussi vivre dans leur communauté, vivre des expériences intéressantes.
Dans les
écoles, la même chose. C'est quoi, le problème des jeunes qui décrochent en
secondaire II, secondaire III? Bien, peut-être qu'il faut
aller voir quelle a été l'intégration à la maternelle puis voir comment les
communautés peuvent
aussi porter la jeunesse à l'intérieur de leur développement. Puis, bon, il y a
ceux qui vivront des problématiques qu'il faut accompagner le plus
rapidement possible.
Alors, pour
moi, ces services-là, c'est des services de proximité, bien ancrés dans les
milieux avec les organismes communautaires et les autres réseaux, qui
ont une contribution aussi très importante à faire. Je pense qu'il ne faut
certainement pas se retirer des services sociaux et du développement social
dans nos communautés.
• (15 h 30) •
M.
Barrette : Moi, je suis bien content que vous abordiez ça, la jeunesse,
Mme Anctil, parce que, quand
j'ai fait la tournée des régions, la semaine dernière, dont la vôtre, évidemment, j'ai abordé cet élément-là puis j'ai pris moi-même l'exemple
des centres jeunesse. Les gens qui commentent actuellement le projet de loi et qui ne s'informent pas beaucoup, bien ils ont l'impression qu'on va aller couper les services sociaux, alors que c'est exactement le contraire. Puis je prends souvent l'exemple des centres jeunesse. Les centres jeunesse, on sait que, comme vous le dites avec justesse, les jeunes qui sont pris là-dedans, ils ont d'abord...
bien peut-être pas d'abord, mais ils ont aussi des problèmes,
évidemment, d'ordre juridique, mais en même temps, souvent, ils
ont un problème de santé physique, ou de santé mentale, ou de
toxicomanie, évidemment. Et, ces gens-là, lorsqu'arrive le moment pour ces problèmes-là de frapper du côté santé
de notre système, bien, souvent
l'arrimage est difficile, là, et un des objectifs du projet de loi ou en fait
le fondement du projet de loi est de faire l'intégration des soins et
services sociaux et de faire en sorte que tout le monde soit traité sur le même
pied.
Tantôt vous disiez qu'il fallait qu'il y ait une
équité entre les citoyens et les lieux où les citoyens vivent, et vous avez parfaitement raison, mais c'est aussi
vrai dans leur condition clinique. Et en jeunesse, souvent, et on nous
l'a rapporté à plusieurs reprises, on voit
des jeunes dans des situations difficiles comme celle que vous décrivez, et au
moment où ils doivent avoir accès aux services de santé, peu importe le type de
service de santé, bien, souvent l'arrimage se fait
mal, et la porte est difficile à ouvrir. Et l'objectif du projet de loi est de
faire en sorte que cette intégration-là se fasse et que les blocages qu'il y a toujours entre les
activités qui sont à plus petit budget mais avec une aussi grande
importance... elle se fasse, parce que
souvent, dans notre réseau, celui qui va se faire opérer pour une hernie
discale par un neurochirurgien va se
faire traiter dans le système avec plus d'attention que le jeune dans un centre
jeunesse qui a besoin d'un appui pour un problème de santé physique qui
peut être parfois mineur mais significatif pour lui dans cette situation-là.
Alors, je
veux vous rassurer sur un point. L'objectif du projet de loi n'est pas du tout,
en aucune circonstance, de minimiser,
au contraire, ou de négliger tous les services sociaux et soins de santé
physique ou mentale qui sont à petit budget
mais à grande importance, mais à petit budget, puis qu'ils vont se sentir
délaissés par le système, c'est le contraire. Et ça, ça s'applique
particulièrement chez vous, où en plus, évidemment, de la distance, vous avez
aussi les poids relatifs des activités, puis ce n'est pas toujours évident à
ramener ensemble.
Moi, je vous
inviterais, là... Je vous invite sincèrement à avoir une bonne discussion avec
le président de l'agence et les
directeurs des institutions que j'ai rencontrés. Je vous avouerai que j'ai
reçu, évidemment, les mêmes commentaires que vous faites, mais la fin de la conversation, qui a duré plus de deux
heures, là, a été très, très positive, et les gens voient la plus-value de ça, là. Puis je vous invite à avoir
une conversation avec ces gens-là parce que, quand on voit ce que l'on
veut faire en termes d'intégration et de traitement de chacun des gens ou
chacune des organisations dans votre réseau ou dans votre territoire, il y a
une plus-value.
Maintenant, pouvez-vous me parler un peu de la
problématique chez vous des soins de longue durée?
Mme Anctil
(Micheline) : Oui. Les statistiques nous parlent présentement,
d'ailleurs, d'un vieillissement accéléré de notre population. La
Côte-Nord était une population relativement jeune. Maintenant, on sait donc
qu'au cours des prochaines années, l'accélération, là, du vieillissement, on a
deux MRC qui seront particulièrement touchées, la MRC de
La Haute-Côte-Nord et la MRC de Manicouagan.
Alors, c'est
sûr que les soins de longue durée sont devenus, au cours des dernières années,
et, je pense, de façon favorable, des milieux davantage de fin de vie.
L'objectif, dans le fond, et je pense que c'est ce que les aînés aussi
souhaitent ardemment, c'est de demeurer le plus longtemps possible dans leur
communauté, avec des ressources, par contre,
hein, ils ne doivent pas être laissés dans leurs maisons et laissés pour
compte. Et, pour nous, ce que ça signifie, c'est qu'au fil du
vieillissement, qui malheureusement va apporter une certaine perte de mobilité
au départ et d'autres problématiques, ça
doit absolument être accompagné de services et du bon service au bon moment.
Donc, il faut qu'on déploie dans
notre région... — et,
encore là, l'éloignement, les petits milieux, tout ça revient dans nos défis
quotidiens — créer
dans nos communautés, pour les personnes
âgées qui seront fragilisées par la maladie, un ensemble de services
graduellement, donc, pour les
maintenir dans le milieu avec des ressources en habitation; bien sûr, la santé
et les services sociaux, des ressources au niveau du transport aussi
pour avoir accès aux services, mais aussi les services de loisirs, des services
au niveau de la culture, donc créer des milieux de vie dynamiques et de compter
sur le fait que la majorité des aînés sont aussi des aînés qui sont en bonne
santé et qui veulent contribuer au développement de leur collectivité.
Donc, je pense aussi qu'on peut utiliser ce
potentiel au niveau des aînés. Et des fois je m'amuse à dire : Nous sommes
assez vieux, pour ne pas dire assez grands pour parler en notre propre nom, au
niveau des aînés, alors faire participer, autrement dit, les aînés à la
définition des services qu'ils ont besoin et les amener à contribuer pour que finalement,
pour repréciser ma réponse, les soins de longue durée soient des soins, je
dirais... une période la plus courte possible
de la vie, en autant qu'on peut demeurer dans d'autres ressources en sécurité,
avec des services de qualité qui les accompagnent.
Je pense que c'est la volonté des aînés et c'est sur ça qu'on doit travailler,
mais pas à n'importe quelle condition, dans des conditions de services,
donc, à proximité, des communautés qui s'entraident. Donc, en termes de développement social, je pense que l'application
se fait là aussi — dans les
soins de longue durée, si c'est une clientèle de fin de vie, c'est aussi une clientèle très fragilisée par la maladie,
qui a donc besoin d'une gamme de services — et faire que ce ne soient pas des
milieux de vie de stationnement mais qu'il y ait encore un milieu où il y a de
la vie.
La Présidente (Mme
Hivon) : Il vous reste environ 2 min 30 s.
M. Barrette : Merci. Bien, je vous
remercie beaucoup, madame, de ces commentaires-là. Moi, je vais quand même terminer là-dessus. Tout simplement, je peux
vous dire que le projet de loi, contrairement à ce que bien des gens laissent
entendre, c'est un projet de loi... Bien sûr, on s'entend, là, puis on ne s'en
cache pas, il y a un certain nombre d'économies
à faire, mais je ne me cacherai pas non plus en vous disant que ce n'est pas
chez vous qu'on va faire des milliards,
là, en termes d'économies, là, compte tenu de toutes les contingences que vous
avez. Alors, c'est bien évident que,
dans cette optique-là, il y a des endroits où il y a des économies à être
faites qui sont plus grandes que d'autres, puis il y a des endroits où elles sont plus petites que
d'autres, puis il y a des endroits où on n'en fera pas bien, bien. Et, compte
tenu de vos contingences physiques et
géographiques, bien évidemment que, chez vous, l'objectif, ce n'est pas ça.
L'objectif chez vous est de faire comme
ailleurs, est de faire en sorte qu'on puisse bénéficier de l'intégration des
soins maximale de façon à ce que,
pour le patient, pour le citoyen, on ait accès partout et qu'on chemine
correctement partout sur le territoire.
Et la philosophie qui est derrière le projet de
loi est une philosophie qui vise à faire en sorte que le ministre ne fasse qu'une chose, le ministre donne des
orientations, et les gens localement, régionalement, qui sont les mieux
placés pour faire cette coordination-là, la fasse, et la coordination soit
faite selon des paramètres qui sont les orientations du gouvernement, et les
paramètres premiers sont les soins accessibles de proximité, là où le patient
se trouve, et le cheminement, par la suite,
adéquat, dans votre cas à vous, vers vos hôpitaux de soins secondaires que sont
Baie-Comeau, évidemment, et
Sept-Îles, et après de mettre en place les corridors de services avec Québec.
Alors, la finalité, là, est vraiment une finalité d'intégration au
bénéfice du patient, et on pense qu'au bout de la ligne tout le monde va y
gagner, tant sur le plan économique que de
la dispensation des soins et services. Et rappelez-le... retenez-le, s'il vous
plaît, madame : Nous ne toucherons pas aux services sociaux dans
votre région.
La
Présidente (Mme Hivon) : Merci, M. le ministre. Alors, on va
passer à une période d'échange avec l'opposition officielle pour une
période de 13 minutes. Mme la députée de Taillon.
Mme Lamarre : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bienvenue et merci d'être parmi nous, Mme Anctil. Vous
avez très bien défendu, très bien présenté le contexte. Bienvenue,
M. Dahl, et bienvenue, M. Charette.
Écoutez, dans
la réforme qui nous est proposée, je constate que la région de la Côte-Nord a
actuellement sept CSSS. Pouvez-vous
nous expliquer quelques illustrations de qu'est-ce que ça pourrait donner si on
n'en avait qu'un seul, CSSS, en fait si tous ces CSSS étaient regroupés
dans les fonctions d'un CISSS, là, d'un centre intégré?
Mme Anctil (Micheline) : Bien, on a
parlé des distances, on a parlé tantôt, hein, de l'étendue du territoire. Alors, une entité administrative, présentement on
parle donc de l'agence de la santé et des services sociaux qui est
localisée à Baie-Comeau. Alors, vous
comprenez ce que ça signifie, donc, comme distance ou, je dirais, comme
éloignement de ce centre décisionnel.
• (15 h 40) •
Mme Lamarre : Mais, par exemple, une
personne qui aurait une difficulté d'accès à un service ou à un soin soit de santé ou de services sociaux devrait donc
trouver une façon d'acheminer sa demande jusqu'à Baie-Comeau, là, qui
est le lieu du CISSS, qu'il serait localisé, qui serait choisi. Donc, ça rend
l'accès beaucoup plus difficile.
Mme Anctil (Micheline) : C'est extrêmement éloigné. Et ce qu'on mettait en évidence un peu
dans nos propos tantôt, c'est que les gens ne se retrouveront pas dans
cette nouvelle entité là. Si je réside à Blanc-Sablon ou à
Kawawachikamach, comment la structure du côté de Manicouagan, à 500, 600 kilomètres...
Comment je peux intervenir? Comment je peux
faire valoir mes besoins, mes réalités dans un si grand éloignement? Pour nous,
c'est mission impossible. Et je
pense que les gens resteraient tout simplement dans chacune de leurs... dans leurs communautés avec leurs problèmes,
je ne crois pas qu'on ferait un
avancement au niveau de la qualité des services, de la qualité de la desserte.
Quand on parle de services de
proximité, le bon service, aussi, donné au bon moment. C'est l'accès, tout simplement, qui est en danger, selon nous, par un tel regroupement administratif.
Mme Lamarre : Est-ce que je me
trompe ou, dans vos régions, les établissements n'ont peut-être pas non plus... ils ont peut-être plus de polyvalence
parce que justement ils sont plus uniques pour desservir un grand
territoire? Donc, il n'y a pas la même
exclusivité de mission qu'on va avoir, par exemple, dans un CLSC à Montréal qui
est à côté d'un hôpital universitaire, on n'a pas cette même dynamique
là. Pouvez-vous nous en parler un petit peu? Quel genre de services un CLSC
peut offrir, par exemple, dans...
Mme Anctil (Micheline) : Tous les services
de première ligne. Alors, j'ai été directrice générale d'un centre de santé pendant toute ma première carrière, plus
de 36 ans. Alors, c'est les trois missions sur le même toit, CHSLD,
urgence médicale avec tous les
services complémentaires, bien sûr, et la mission CLSC, tout ça sur le même
toit avec des organismes communautaires, avec de l'interréseaux, avec
les écoles, etc. C'est un défi monumental déjà dans nos établissements.
Une pratique
de généraliste, une pratique qui est extrêmement importante parce que c'est la
première intervention, c'est la
première demande, par exemple, que ce soit un problème de santé physique ou un
problème de santé mentale, cette
première ligne, elle peut faire toute la différence dans la suite des services
à la personne, alors on déploie la gamme complète de services, allant de la promotion jusqu'à la fin de vie et au
curatif. Alors, il faut être extrêmement polyvalent, un peu spécialiste en tout. Mais on doit donc
aussi avoir une garantie d'avoir un accès aussi à des services
spécialisés. Cette
première ligne là, il faut la garantir, la maintenir, la développer, je n'ai
pas d'autre mot pour le mentionner, mais ce n'est pas aussi le
département des miracles, hein, il faut aussi avoir accès à des corridors de
services. M. le ministre parlait tantôt des
corridors de services avec les centres hospitaliers mais aussi avec les autres
régions. Que ce soit en santé ou en
services sociaux, il faut qu'il y ait une fluidité de circulation, les
corridors de services, qu'ils soient garantis, que ce soit pour la
pédopsychiatrie ou la gynéco ou... Alors, il faut que tout ça prenne pied,
s'articule, toujours centré sur la circulation du patient peu importe s'il
vient de Fermont ou de Chevery.
Mme Lamarre : Mme la Présidente,
avec le consentement de mes collègues, si c'est permis, la députée de Duplessis
aimerait poser quelques questions aussi.
Peut-être que
je conclurais ma portion en disant : Ce que je comprends, c'est que vous
avez déjà fait énormément d'efforts
d'intégration et que vous êtes déjà intégrés dans vos territoires. Il y a
peut-être quelques corridors à accélérer, mais la concentration et
l'éloignement de, déjà, toutes ces régions éloignées ne semblent pas bien
servir la population et reconnaître aussi les caractéristiques et la diversité
des besoins sur un aussi grand territoire.
Mme Anctil
(Micheline) : Tout à fait. Ce n'est pas, donc, non plus la première
fois qu'il y a des modifications ou des
changements dans le réseau de la santé et des services sociaux, et à chaque
fois, à chaque décennie, les gestionnaires sur chacun des territoires,
on a travaillé très fort. On a travaillé ensemble aussi à assurer une desserte
à notre population, à bien comprendre les
besoins, les particularités puis à parfois dépasser un peu les limites pour
être capables de dessiner un service
qui soit au bénéfice de notre population. Et, oui, on a travaillé, on a mis en place, je pense,
aussi des façons de faire, des
modèles de pratique, je pense, qui sont novateurs, mais on a toujours
eu le souci des services à proximité, des services sécuritaires, des services de qualité, des
services qui sont en mouvance, qui s'adaptent aux réalités des populations.
Mais je pense qu'on peut dire que la couverture de services qu'on a présentement
sur la Côte-Nord est digne de mention.
Mme Lamarre : Vous avez plus besoin,
probablement, d'avoir des professionnels de la santé qui viennent se joindre dans les équipes que d'avoir une
réforme qui remet en question des choses que vous avez réussi à bien
aménager. Je vous remercie beaucoup. Je passe la parole à ma collègue.
La
Présidente (Mme Hivon) : Juste... Est-ce qu'on a le consentement pour laisser la parole à Mme la députée de Duplessis? Vous avez le consentement,
Mme la députée. À vous la parole.
Mme
Richard (Duplessis) :
Merci, Mme la Présidente. Merci au ministre et aux collègues
aussi d'avoir donné leur consentement. Mme Anctil, M. Dahl, M. Charette, bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci pour votre mémoire. Mme Anctil,
je vous reconnais là toute votre expérience passée dans le réseau de la santé.
Le ministre, tantôt, vous a posé quelques questions
au niveau des places en CHSLD. Il fait souvent référence aux pôles que sont Baie-Comeau et Sept-Îles,
mais, Mme Anctil, vous connaissez très
bien notre région, vous savez qu'il
n'y a pas de CHSLD à Fermont. Vous connaissez toute la problématique aussi en Basse-Côte-Nord,
en Minganie. J'aimerais vous entendre un petit peu plus là-dessus, peut-être rappeler au ministre qu'il n'y a pas de centre
d'hébergement pour nos aînés privé dans ces régions-là.
Et j'aimerais
aussi vous entendre un peu plus, parce
que vous avez parlé d'éloignement, le
centre de décision, pour nous, comment c'est important. Et vous savez
qu'on a quand même de bonnes relations avec les gens de Baie-Comeau,
avec l'agence de santé, avec tous les gens du réseau de la santé, mais c'est un
immense territoire, et centraliser tout ce centre intégré de santé et de services sociaux à Baie-Comeau... On a évacué aussi toute la notion des dispensaires, hein, à Blanc-Sablon, mais il y en a aussi en Minganie.
Donc, j'aimerais vous entendre un
petit peu plus parler de cette
portion-là du territoire que je pense qu'on ne retrouve nulle part ailleurs au Québec.
Mme Anctil (Micheline) : Oui. Donc,
je vais revenir un peu peut-être en précisant mes propos en ce qui concerne
les aînés, les CHSLD. Pour moi, l'importance, c'est qu'à une grandeur territoriale les aînés puissent retrouver une gamme de services bien appropriée à
l'évolution, finalement, du vieillissement. On le sait, les aînés vivent dans
leurs grandes maisons. Quand c'est devenu
trop grand, il y a d'autres types d'appartement qui sont nécessaires, des HLM,
etc. Puis, là encore, ça ne veut pas dire
que c'est présent, je dis : Il faudrait qu'il y ait ça, donc, des
habitations communautaires, de l'habitation sociale. Par la suite, il
faut de l'habitation avec un début de services et graduellement, bien sûr, des CHSLD, des places en CHSLD toujours avec une
dimension territoriale, parce qu'en vieillissant les gens ne veulent pas
juste avoir des services donnés par des professionnels, ils veulent aussi être
dans leurs communautés avec les gens qu'ils
ont connus, tout près de leurs familles, dans l'intergénérationnel aussi.
Alors, on a des communautés actuellement en Basse-Côte-Nord où les gens sont à Harrington Harbour, puis que leurs
familles sont à l'autre bout du territoire, puis qu'ils vont faire une visite par année. C'est dramatique,
ça, c'est inacceptable, O.K.? C'est pour ça tantôt que je disais :
Des CHSLD où il y a encore de la vie, et non pas juste de fin de vie. Pour moi,
c'est toute la différence.
Alors, le
défi, c'est un défi de gamme de services. Et on a des trous, on a des trous, et
c'est à ça, je pense, qu'il faut veiller,
donc, à développer des modèles, innover, mais il faut s'assurer d'avoir la
gamme de services pour les gens qui sont fragilisés par la maladie puis
compter sur les aînés, qui ont une contribution sociale à apporter puis qui ne
demandent pas mieux que de rester actifs dans leurs communautés.
La Présidente (Mme Hivon) :
Il vous reste un peu moins de trois minutes.
• (15 h 50) •
Mme
Richard (Duplessis) : Merci. Mme Anctil, vous savez, bon,
le ministre, avec son projet de loi, veut créer une mégastructure régionale. Moi, j'ai toujours été de celles, puis je
pense que vous aussi... On est pour une décentralisation et non pour une
centralisation avec un immense territoire, vous l'avez dit.
On va aller
aussi avec un financement par activité. Moi, j'aimerais vous entendre
là-dessus. Je vais vous donner l'exemple.
On sait que les conditions budgétaires sont ce qu'elles sont. Le ministre veut
bien nous rassurer en nous disant que
les services vont être maintenus, puis il ne faut pas faire peur à notre monde,
mais quand même notre réalité... Je vais donner l'exemple de Fermont, où
l'urgence est ouverte 24 sur 24 avec un médecin, avec une infirmière. Fermont, c'est Fermont, hein, il y a beaucoup de
«fly-in/fly-out». Souvent, ils viennent consommer des services; d'autres fois,
non. Si on devait se retrouver avec des statistiques, à une fin d'année, où on
a fréquenté l'urgence deux fois seulement la nuit
pendant un mois, une semaine, moi, je pense que le ministre se réserve le droit
d'aller diminuer le financement. Et là ce ne sera pas Fermont qui va être capable, comme on dit, de défendre son point de vue, puisqu'on n'aura plus de gens ni au conseil d'administration qui vont pouvoir siéger sur ces CSSS, c'est le
ministre qui les nomme. Donc, il n'y
a plus de critique à y avoir,
et ça, ça me fait peur aussi.
Puis je
prends l'exemple aussi de la Minganie, et tout ça, là. On oublie souvent que,
dans les régions comme la nôtre, les personnes se déplacent très
souvent. Pour aller simplement à une petite chirurgie d'une cataracte d'un
jour, là, ça coûte très cher aux personnes
âgées, souvent c'est eux qui se font opérer, là, pour les cataractes... ou des
traitements de chimiothérapie, de radiothérapie. Donc, c'est ça, les services
de proximité aussi au citoyen. C'est le citoyen qui sort l'argent de ses poches
pour pouvoir obtenir les services. Je suis sûre que, Mme Anctil, ça aussi, ça
doit faire partie de vos préoccupations.
Mme Anctil
(Micheline) : Et ça fait
partie des particularités d'une région comme la nôtre avec son étendue.
Il doit y avoir dans chacun de nos
territoires un seuil de services, c'est-à-dire qu'il
n'y a pas juste la performance
calculée, je dirais, là, en chiffres
d'utilisation des services, c'est qu'il
y a aussi un seuil de services qu'il
est nécessaire de maintenir dans une
communauté. Et c'est dans ce sens-là que, même si l'urgence n'a pas
l'utilisation... le nombre de patients, tout ça, c'est nécessaire de
maintenir le service. C'est ça que j'appelle le seuil de services.
Et on doit
aussi admettre la spécificité que les services ont un coût, parce qu'à Montréal,
une infirmière qui fait des visites à domicile, peut-être qu'avec un
ticket de métro elle va en voir 25 dans son avant-midi; chez nous, c'est peut-être
100 kilomètres sur lesquels elle va en voir cinq en s'en allant. Et c'est
nécessaire, ce seuil de services là, pour atteindre les objectifs de services
de proximité, services de qualité et services sécuritaires.
La
Présidente (Mme Hivon) : Merci beaucoup. Alors, on va maintenant passer à la période
d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. M. le député de La Peltrie,
la parole est à vous pour une période de 8 min 50 s.
M.
Caire : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour à vous trois. Mme Anctil, dans votre présentation, vous
avez dit : Je ne vois pas en quoi une
grande structure avec un seul conseil d'administration pourrait régler nos
problèmes, puis vous avez, je pense,
tracé de façon assez claire les problèmes en question, bon, attirer, évidemment,
les ressources dans votre région, la
prestation de services, l'intégration, la rétention. Donc, ça, je le comprends
assez bien. Mais vous avez l'air à faire une espèce d'adéquation entre la multiplication des conseils
d'administration et la prestation de services, puis c'est là où j'ai peut-être
un petit peu plus de difficultés à vous suivre. Donc, en quoi le réseau actuel
sert mieux les Nord-Côtiers que d'avoir une structure peut-être plus grande,
plus intégrée? C'est là que j'essaie de comprendre le raisonnement.
Mme Anctil
(Micheline) : C'est-à-dire que, de la façon qu'on le vit actuellement, moi, je pense qu'on a besoin d'une
structure régionale, qui est présentement l'agence de la santé et des services
sociaux, qui a une mission bien particulière
de coordonner l'ensemble des services, de coordonner, bien sûr,
des budgets, s'assurer de l'équité aussi des services entre les territoires. Mais je pense que le véritable dessin de
services, il doit être plus à proximité. À la grandeur des MRC, il peut peut-être y avoir des
regroupements aussi, mais je ne pense pas que c'est une structure... À
l'étendue de notre territoire, à nos particularités, aux communautés
anglophones ou aux communautés autochtones aussi, je ne pense pas que c'est une structure régionale qui va être en mesure, avec
ce qu'on voit comme conseil d'administration, de vraiment prendre en
considération et de dessiner vraiment les services pour chacun des territoires,
les objectifs que nous avons de services de
proximité et avec toutes ces particularités qui doivent prendre pied dans les
milieux. Il y a le sentiment d'appartenance aussi des communautés qui
aide à la prestation de services ou au maintien du dynamisme des communautés. Je pense que c'est beaucoup plus à proximité que ça peut se faire que
d'une grande structure régionale, dans une région comme la nôtre, en
tout cas.
M.
Caire : Bien, je
vais faire un peu de pouce sur ce que vous venez de dire. Parce que, bon, vous
dites : Les agences jouent un rôle de
coordination. Écoutez, je fais référence à au moins deux rapports du
Vérificateur général où le rôle des
agences a été sévèrement critiqué pour leur inefficacité. Même chose pour les différents conseils d'administration, où le vérificateur... des CSSS notamment et des agences
mais des CSSS aussi, où on disait : Bien, écoutez, l'efficacité est
très, très relative. Donc, encore là, je
comprends ce que vous me dites, puis ça, beaucoup d'intervenants nous l'ont
dit, hein, soit dit en passant,
d'avoir une capacité locale à décider dans la prestation de services, je le
comprends, mais je pense qu'on reconnaît
tous la nécessité d'avoir une instance régionale qui est capable de faire une
coordination, un arbitrage, bon, gérer les
ressources, les systèmes informatiques, les groupes d'achats — on en a parlé à plusieurs reprises — de façon plus efficace.
Vous ne pensez pas au
contraire que d'avoir une structure qui va avoir un rôle clair, bien déterminé,
avec des responsabilités claires, ce qui n'était pas le cas des agences, ça va
au contraire amener des gains d'efficacité, et qu'on devrait
peut-être plutôt travailler, à l'intérieur de ça, à définir des autorités
locales sur la prestation de services? Parce que
demain matin, là, les établissements physiques ne vont pas disparaître, là.
Donc, vous ne pensez pas qu'à l'intérieur du cadre du projet de loi qui
nous est proposé il n'y a pas moyen de bonifier peut-être cette faiblesse-là
qui semble être identifiée par beaucoup d'intervenants?
Mme
Anctil (Micheline) : En tout cas, ce qu'on perçoit maintenant, c'est
qu'il y a une très grande faiblesse au niveau
de la représentativité, des particularités territoriales, dans cette grande
structure centralisée. On ne s'y reconnaît pas et on est inquiets de ça.
Si vous voulez ajouter...
M.
Caire :
Je reviens...
M. Charette (Yannick) : ...je veux juste ajouter quelque chose. C'est
difficile de comprendre... Par exemple, pour les grands centres d'une région aussi grande, il y a aussi une
compréhension à y avoir des petits milieux de ces grands centres là. Le pouvoir décisionnel qui, par
exemple, serait à Baie-Comeau, les gens qui y vivent, à Baie-Comeau, il y
a des subtilités dans notre région, à même
notre région qui sont difficiles à comprendre si on n'y est pas, sur ce
territoire-là. Je veux dire, les gens, par exemple, de Baie-Comeau ont
énormément de difficultés de comprendre une réalité qui est à Blanc-Sablon. Il
n'y a pas de route, il n'y a pas de système d'eau, il n'y a pas... C'est
difficile, si on n'est pas là, de comprendre la complexité de ce que ça
implique, ce milieu-là.
M.
Caire : Ce que je veux dire, c'est... Puis je vous rejoins
là-dessus, là, je comprends qu'il peut y avoir des réalités très locales qui méritent d'être adressées. Ceci
étant dit, est-ce que ça veut dire qu'il faut maintenir en place des
structures qui ont prouvé leur inefficacité?
Puis même le Vérificateur général remet en question l'efficacité des différents
conseils d'administration. Mais est-ce qu'à l'intérieur de ce qui est proposé
il n'y a pas une façon d'adresser ce problème-là, dont je ne nie pas l'existence, bien entendu? Puis c'est un peu plus
dans ce sens-là qu'était mon intervention. Comment peut-on rendre tout
ça plus efficace?
Mme Anctil
(Micheline) : Quand on... Un patient m'avait déjà dit, à titre de
directrice générale : Si vous voulez connaître la qualité des services, Mme la
directrice, venez tenir le pied de mon lit de temps en temps. Ça m'avait vraiment frappée. C'est que je
pense aussi qu'il faut que les gestionnaires, que les gens qui orientent les services... Il faut aussi qu'ils soient à
proximité des territoires, il faut qu'ils soient auprès de leurs équipes. Il y
a un vécu qui ne peut pas se faire avec la distance qu'on aurait,
on a besoin... On parle de rétention du personnel, on parle d'innovation au niveau des modèles de
pratique, du travail en équipe; il faut quand même qu'il y ait des
gestionnaires à proximité pour qu'on
arrive à mettre en place ces éléments-là. Puis effectivement, la qualité des
services, je pense aussi que ça demande
à ce qu'un directeur général aussi fasse, à un moment donné, le tour des
patients sur les départements, les écoute,
les entende. Ça fait une bonne évaluation de services, habituellement, ces
tournées-là.
• (16 heures) •
M.
Caire : J'entends ça parfaitement, mais je repose un peu ma
question, parce que vous reconnaissez d'emblée
qu'il y a des réalités régionales qui doivent être adressées, qui doivent être
de la responsabilité de quelqu'un qui
est en autorité, et ce que vous dites, par contre, c'est qu'au niveau de la
prestation de services, donc des considérations plus locales, il faut des gens
en autorité. Est-ce que ça nécessite une grosse structure avec un conseil
d'administration, puis des bureaucrates — vous comprenez ce que je veux
dire — ou
ça nécessite d'avoir quelqu'un qui a une
autorité, et qui est capable d'agir rapidement, mais qui n'est pas
nécessairement tributaire d'un conseil d'administration dont l'efficacité, en
tout cas, a été remise en question par le Vérificateur général lui-même, là?
La Présidente (Mme
Hivon) : Il nous reste, pour indiquer, une minute.
Mme Anctil
(Micheline) : Je dirais deux choses par rapport à ça. Si le projet de
loi parle, donc, d'un conseil unifié, un conseil d'administration unifié, il
doit y avoir au sein de ce conseil-là davantage que ce qui est là sur la table
présentement, c'est-à-dire des représentations, des représentativités
territoriales. Pour nous, c'est incontournable.
Et il doit y avoir sur les territoires, effectivement, peut-être des structures
qui méritent qu'on s'y attarde pour les
alléger, pour faire en sorte... En tout cas, les choses peuvent toujours être
améliorées. C'est à ce rendez-vous, là, moi, que je suis, et on offre notre contribution dans ce sens-là. Ça peut être
revu, mais ça ne peut pas être annulé. Il doit y avoir des structures de
gestion des services territoriaux.
La Présidente (Mme
Hivon) : Donc, 10 secondes de la fin. Ça va aller?
M.
Caire :
Ça va, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Hivon) : Alors, Mme Anctil,
M. Charette et M. Dahl, je vous remercie de votre
présentation.
Et, sur ce, nous
allons suspendre nos travaux jusqu'à 17 heures. Merci.
(Suspension de la séance à
16 h 1)
(Reprise à 17 h 24)
La Présidente (Mme Hivon) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission va reprendre ses travaux. Je demanderais à toutes les personnes, donc, dans la
salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
Donc, nous
allons poursuivre les consultations particulières sur le projet de
loi n° 10. Je souhaite la bienvenue à nos invités de l'Université McGill. Pour les fins
d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter et
présenter les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes — je vais vous avertir à une minute de la
fin pour votre exposé — et
par la suite on va procéder à une période d'échange avec les membres de la
commission. Donc, la parole est à vous.
Université McGill
M. Eidelman (David) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. M. le ministre, membres de la commission. Permettez-moi de me présenter. Mon nom est David
Eidelman, je suis vice-principal Affaires de santé et doyen de la
Faculté de médecine de l'Université McGill.
Et je suis heureux d'être devant une
ancienne de McGill, si j'ai bien compris. Je suis accompagné, à ma droite, par Olivier Marcil,
vice-principal aux communications... relations externes, et, à ma
gauche, Mme Pascale Mongrain, directrice générale de la faculté de
médecine. Permettez-moi de mentionner que le président du Conseil des gouverneurs de l'Université
McGill, M. Stuart Cobbett, de
même que la principale et vice-chancelière de l'université,
Mme Suzanne Fortier, s'excusent de ne pas avoir pu se libérer, compte tenu
du très court préavis dont dispose la commission pour nous convoquer devant ses
membres.
Nous
souhaiterions tout d'abord remercier la Commission de la santé et des services sociaux de l'occasion
qui est offerte à l'Université McGill d'exprimer son point de vue au sujet du projet
de loi n° 10, lequel concerne la mission même de notre institution,
soit l'enseignement et la recherche dans les disciplines du vaste secteur de la
santé et des services sociaux.
J'aimerais dire que l'Université McGill
reconnaît la nécessité d'une réforme du système de santé, notamment afin d'améliorer les services aux patients et de
les placer au centre des préoccupations des acteurs de ce système. À ce titre et de manière générale, McGill est favorable
aux dispositions du projet de loi qui proposent d'assurer une véritable intégration des services, permettant ainsi un
parcours des soins plus simple et plus fluide pour les patients. Nous
sommes également favorables à l'allègement des structures et de la paperasserie
au profit d'une gestion des ressources plus efficace et plus adaptée à la
situation actuelle.
Alors, on aimerait aborder trois sujets. Le
premier, c'est la mission d'enseignement et de recherche.
Nous estimons cependant qu'il est essentiel de
préserver et de promouvoir la mission d'enseignement et de recherche dans les
établissements du réseau de la santé et des services sociaux afin qu'ils
demeurent rattachés aux établissements à
vocation universitaire et, à terme, aux nouvelles entités auxquelles ils auront
été intégrés. Il est crucial que la
réforme en cours ne vienne pas compromettre les réalisations conjointes issues
de la création des réseaux universitaires intégrés en santé, les RUIS,
et des établissements qui ont des liens de longue date avec les universités.
En
conséquence, l'Université McGill souhaite formuler les recommandations
suivantes. Recommandation 1.1 : Nous recommandons le maintien de la désignation universitaire des divers
centres de santé, centres hospitaliers universitaires, centres affiliés
universitaires, instituts universitaires où sont réalisées nos activités
d'enseignement et de recherche.
Deuxième
recommandation, 1.2 : Nous recommandons que le projet de loi intègre le
soutien de la mission d'enseignement
et de recherche universitaire des établissements, y compris les centres
universitaires à vocation sociale, en
assurant, un, la reconnaissance et le maintien de leur mission d'enseignement
et de recherche et leur financement pour cette mission; deux, la reconnaissance de leurs liens particuliers avec les
établissements universitaires via les contrats d'affiliation en vue de
leur pérennité; et, trois, le maintien de leur reconnaissance existante à titre
de centres de recherche par les organismes subventionnaires, au-delà de leur
intégration opérationnelle.
Recommandation
1.3 : Nous recommandons qu'un comité soit intégré à la structure de
gouvernance des CHU et des centres intégrés de santé et de services
sociaux ayant une vocation d'enseignement et de recherche afin d'assurer le développement de cette mission. Si ce rôle est
confié au comité consultatif actuellement prévu au projet de loi, il
doit l'être explicitement, et sa composition doit être adaptée en conséquence.
Le deuxième sujet qu'on aimerait aborder, c'est
la gouvernance des nouvelles instances. Nous sommes très préoccupés par ce qui apparaît être une diminution
de la participation des universités à la gouvernance des établissements du réseau de la santé et des services sociaux. La
participation des universités à la gouvernance de ces établissements est
fondamentale. Elle contribue à la formation
de nos futurs professionnels de la santé et des services sociaux — les médecins, les résidents, les
infirmières, les physiothérapeutes, travailleurs sociaux, psychologues,
etc. — et
permet de renforcer les partenariats en
enseignement et en recherche et de s'assurer que les soins qui y sont prodigués
soient pour toujours enrichis par les progrès de la science.
• (17 h 30) •
Nous sommes convaincus que la mission
d'enseignement et de recherche comme partie intégrante du modèle d'organisation
du réseau de la santé et des services sociaux doit être explicitement reconnue,
et ce, sur deux plans principaux :
celui des liens formels entre les universités et le réseau de la santé, visant
à assurer une formation de pointe des étudiants
en sciences de la santé et l'excellence de la recherche, tant fondamentale que
clinique, d'une part, et celui de la gouvernance des nouvelles instances
que le législateur souhaite introduire avec le projet de loi n° 10,
d'autre part.
En conséquence, l'Université McGill souhaite
formuler les recommandations suivantes.
Recommandation 2.1 :
Nous recommandons que trois sièges soient réservés à des représentants
universitaires au conseil d'administration
des établissements suprarégionaux et que ces dispositions soient également
prévues dans le cas où le CISSS comporte un centre affilié universitaire
ou institut universitaire.
Recommandation 2.2 :
Nous recommandons que le mode de désignation des représentants universitaires
au conseil d'administration des
établissements régionaux ou suprarégionaux soit modifié de façon à ce que les
universités puissent elles-mêmes désigner leurs représentants, sous réserve de
l'approbation du ministre.
Recommandation 2.3 :
Nous recommandons de réaffirmer, dans le cadre du projet de loi, le rôle des
conseils d'administration dans l'évaluation et la nomination des présidents-directeurs
généraux. Nous recommandons aussi que le projet de loi prévoie que les
universités soient formellement consultées lors du choix du président-directeur
général et du président-directeur général adjoint d'un centre intégré de santé
et de services sociaux lorsqu'ils incluent au moins une installation avec
désignation universitaire. En ce qui concerne les CHU, ils devraient être
invités à faire partie d'un éventuel comité de sélection.
Le
troisième sujet que j'aimerais aborder, c'est l'identité des établissements
désignés. L'Université McGill observe qu'il
n'existe aucun mécanisme, dans le projet de loi n° 10, en vue de
protéger le nom, les missions particulières ou le statut bilingue des établissements de santé
concernés ni de favoriser l'engagement des citoyens envers leurs
établissements. Bien que le projet de loi propose l'institution de comités
consultatifs, ceux-ci ne peuvent être mis en place qu'à la demande des salariés
ou des professionnels de santé, et le fonctionnement de ces comités reste à être
précisé. Dans ce sens, nous estimons que le
projet de loi, dans sa forme actuelle, pourrait mettre à risque certains des
liens de longue date établis avec les
communautés locales desservies par les établissements, l'engagement des
citoyens envers leurs institutions locales,
de même que la capacité des établissements à répondre aux besoins de ces
communautés. De manière particulière, les
citoyens engagés auprès des établissements affiliés à l'Université McGill ont
une longue tradition de bénévolat et de philanthropie que nous ne
souhaitons pas mettre à mal.
En conséquence,
l'Université McGill souhaite formuler les recommandations suivantes.
3.1 : Nous
recommandons que le projet de loi n° 10 réaffirme l'importance de la
mission particulière des institutions de
santé et de services sociaux concernées, notamment leur nom, leurs liens avec
les institutions d'enseignement et les communautés locales ainsi que
leurs missions particulières et leurs relations avec les fondations... et aussi
leur statut bilingue.
Recommandation 3.2 :
Nous recommandons que le projet de loi n° 10 établisse des mécanismes
explicites favorisant la participation de la
communauté, notamment en permettant aux établissements de mettre en place des
conseils locaux chargés de préserver la mission culturelle, éducative et de
recherche d'une institution donnée.
En conclusion,
l'Université McGill souscrit à l'objectif général du projet de loi n° 10,
à savoir l'amélioration des services aux
patients en les plaçant au centre des préoccupations des différents acteurs du
système. McGill collaborera à la mise sur pied du nouveau modèle
d'organisation et de gouvernance du système de santé proposé par le projet de loi n° 10 afin de profiter des occasions
qui en découleront, tant pour l'enseignement que pour la recherche.
Toutefois, il devra permettre le maintien et
la promotion de la mission d'enseignement et de recherche au sein des
établissements affiliés.
Il est également
important que le législateur intègre la pleine participation des universités à
la gouvernance du nouveau modèle de gestion.
Cette collaboration passe par une augmentation du nombre de représentants
universitaires au sein des conseils d'administration des établissements
concernés, par l'adoption du processus de désignation de représentants universitaires avec l'entière
participation des universités et par la consultation des universités au
moment de la désignation du président-directeur général et du
président-directeur adjoint.
Finalement,
l'Université McGill tient à réitérer son désir de collaborer à l'atteinte des
objectifs que l'Assemblée nationale fixera dans le meilleur intérêt de
la population québécoise. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Hivon) : Merci à vous, Dr Eidelman. Donc,
avant de poursuivre, j'aimerais savoir si nous avons le consentement des
membres de la commission pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue.
Des voix :
Consentement.
La
Présidente (Mme Hivon) : Donc, nous allons procéder à la
période d'échange avec la partie ministérielle. M. le ministre, la
parole est à vous.
M. Barrette :
Pour?
La Présidente (Mme
Hivon) : Pour une période de 23 minutes.
M. Barrette :
Merci, Mme la Présidente. Alors, Dr Eidelman, bienvenue. M. Marcil,
Mme Mongrain. Alors, d'abord, je vous
présente un peu nos excuses, mais la vie parlementaire a fait qu'on a eu un
vote, ce qui, malheureusement, vous a
décalés. Mais je vous remercie quand même d'avoir eu la patience de nous
attendre et de participer à ces échanges, qui sont très, très
importants, évidemment, particulièrement compte tenu de l'intervention que vous
faites ici, très réfléchie et détaillée.
Alors,
d'abord, je tiens à vous remercier pour la pertinence et le détail des
commentaires que vous nous avez faits, c'est
très apprécié. Et je comprends de vos propos que vous avez bien lu le projet de
loi et compris sa finalité et je vous en remercie.
Maintenant,
je vais reprendre peut-être un peu point par point les recommandations que vous
faites, là, simplement pour vous donner une réponse aux demandes que
vous faites.
Alors,
vous avez bien compris, évidemment, que l'objectif ici en était un
d'intégration de soins et que ce projet de loi là visait essentiellement
à faire en sorte que le patient en trouve un grand bénéfice, tant sur la plan
de l'accès aux soins que de son cheminement dans le réseau de la santé, et ce,
évidemment, pour ce qui est de l'Université McGill, dans les CISSS, qui offrent
la continuité du continuum. Évidemment, vous, vous allez pouvoir offrir dans
les CISSS liés à l'Université McGill tout le continuum de soins, de la première
ligne jusqu'aux soins universitaires les plus quaternaires possible, dans
certains cas, incluant, évidemment, tous les soins et services sociaux qui sont
rattachés souvent à la santé en général que
sont la réadaptation, la santé mentale, et ainsi de suite. Alors,
effectivement, nous avons cette finalité-là en tête dans le projet de
loi et, de ce côté-là, nous nous rejoignons sur la finalité des choses.
Maintenant,
il y a une chose qui, pour nous, est très, très importante, et vous y avez fait
référence et vous nous demandez de vous rassurer sur ce point-là, et je
vais le faire. Pour nous, il est extrêmement important, extrêmement important que la filiation qui existe actuellement
entre les universités, donc, dans votre cas, l'Université McGill et ses hôpitaux à la fois universitaires et affiliés,
demeure. C'est vous qui êtes l'organisation qui est la plus à même
d'évaluer la performance et la pertinence des soins de niveau tertiaire et
quaternaire et d'enseignement dans vos hôpitaux affiliés. Il aurait été, pour nous, tout à fait déplorable
si les hôpitaux universitaires avaient décidé de profiter de cette
occasion-là pour rapatrier dans les U les
activités qui se retrouvent dans les A ou dans les instituts. Alors, il est de
notre intention de garantir de toutes les façons possibles, dans ce
projet de loi là — et
ce sera par les modes d'application, évidemment, du projet de loi — les activités qui demeurent à être préservées dans les hôpitaux
affiliés, et pas simplement les hôpitaux... les activités
d'enseignement, mais les activités aussi de recherche à proprement parler.
Et, à cet égard-là, bien je vous rejoins aussi
sur la nécessité que vous exprimez que ces institutions-là gardent leur nom, leurs fondations et leurs liens avec
leurs structures de fondation caritative et de recherche. Et là-dessus on
vous rejoint tout à fait, et c'est dans notre
intention d'aller de l'avant pour satisfaire les exigences que vous évoquiez
dans vos commentaires. Je suis tout à
fait d'accord avec vous que cette reconnaissance-là doit passer par les
contrats d'affiliation et donc que les
choses soient formalisées dans les contrats d'affiliation, qui, comme on le
sait tous, là, passent par l'approbation du ministre éventuellement.
Quant aux différents modes de représentation, je
comprends votre point, mais j'aimerais ça peut-être tantôt que vous élaboriez
sur la nécessité de trois plutôt que de deux. Mais ça, j'imagine que vous avez
une logique, là, qui sous-tend cette demande-là. Nous, évidemment, on était
plus dans le deux que dans le trois, mais j'aimerais ça vous entendre sur les
raisons qui feraient en sorte qu'on devrait être plus dans ces chiffres-là
qu'autrement.
Maintenant, je
suis tout à fait d'accord avec vous qu'il doive y avoir une représentation sur
les conseils d'administration venant de l'université comme telle, dans
le cas des CHU et des CHA. Ça, on s'entend là-dessus, il n'y a pas de problème.
• (17 h 40) •
Ceci dit, pour ce qui est des nominations, vous
nous recommandez aussi que vous ayez, comme université, votre mot à dire, comme
c'est le cas actuellement, dans la nomination des P.D.G. Je suis tout à fait d'accord
avec vous. Comme je le dis à chaque groupe
qui vient nous rencontrer, le projet
de loi n° 10 vise à mettre en place des choses qui sont permanentes, qui vont faire en sorte que,
lorsqu'on aura réécrit la LSSSS et ses lois connexes, les nominations
seront selon un protocole qui ressemble
beaucoup plus à ce que vous nous proposez. Entre-temps, il y a une période de
transition à vivre et qui, pour des raisons
de rapidité, fait en sorte que les processus de nomination sont un petit peu
différents, tel que c'est abondamment critiqué par tout le monde à date.
Maintenant, sur le plan du troisième point, ça,
je suis tout à fait d'accord avec vous, le projet de loi prévoit dans son essence qu'il y ait toujours des
mécanismes qui fassent en sorte que soient préservés le sentiment
d'appartenance et la participation des
communautés locales dans la vie de leurs institutions, comme il est prévu,
évidemment, qu'il y ait encore le statut bilingue. Ça, là-dessus, il n'y
a absolument aucun problème.
Puis, là-dessus, sur cet élément-là, je vais
quand même faire un commentaire. Vous avez fait référence, dans vos commentaires, au fait que les nominations
puissent être suggérées par les employés simplement d'une institution,
mais, quand vous regardez l'article 131,
c'est «toute autre personne». Ça veut dire que ça peut être le corps médical,
ça peut être n'importe qui dans la
communauté. Il fallait mettre dans le texte de loi un lien avec les gens qui
sont dans l'institution, pour les
mises en nomination des membres de ce comité-là, mais ce n'est pas réservé
exclusivement, là, aux employés, et c'est donc ouvert à d'autres
personnes.
Donc,
globalement, nous, en termes du projet de loi, là, on va essentiellement, dans
notre esprit, dans la direction que
vous nous suggérez, avec quelques points d'interrogation, un de ces points
d'interrogation là étant plus trois que deux.
Et, sur un autre élément, un de ces éléments-là,
j'aimerais ça vous entendre sur la mécanique. Comme vous le savez — je
viens de le dire, puis on s'en était parlé dans une conversation récente, là,
quand j'ai rencontré tous les doyens — l'objectif du ministère est de faire en
sorte que les missions universitaires qui sont exercées dans les
hôpitaux affiliés soient préservées.
Maintenant, pour les préserver, est-ce que vous avez des idées particulières
sur la mécanique à mettre en place? Moi, par exemple, je pense l'avoir
évoqué, il y a des hôpitaux affiliés qui ont des activités qui sont vraiment U,
des hôpitaux qui ont des activités plutôt A, puis parfois, dans des hôpitaux
affiliés, il y a des activités qui ne sont
ni U ni A. Et une des façons, par exemple, de garantir la protection des
activités U est évidemment de passer par le contrat d'affiliation, qui
garantit les budgets, les résidents et les ressources qui viennent avec
l'enseignement, mais en même temps,
localement — et ça,
c'est une suggestion, là, je ne vous dis pas que ça va être définitivement ça
et j'aimerais vous entendre
là-dessus — est-ce
que, par exemple, de passer par une départementalisation d'une activité...
Admettons que vous avez l'oncologie dans un
hôpital affilié, le Jewish General, par exemple, l'Hôpital général juif, est-ce
que, par exemple, si on départementalisait
l'oncologie dans l'hôpital, ce serait, pour vous autres, une garantie
supplémentaire recherchée... ou y aurait-il d'autres mécaniques que vous
envisageriez?
M. Eidelman
(David) : Merci beaucoup. Mme la Présidente, j'aimerais remercier M.
le ministre pour ses commentaires et j'aimerais essayer d'aborder les questions
qu'il a soulevées.
Pour ce qui
est des trois membres sur le conseil
d'administration d'un CHU, pour nous,
c'est important. Il faut se
souvenir qu'auparavant c'était quatre et ça a été réduit à deux. Nous croyons
que c'est très important, pour toutes les raisons
que le ministre a soulevées au sujet de l'importance de la
mission universitaire, d'avoir une bonne représentation dans le conseil
d'administration afin d'être sûrs que
la mission d'un CHU soit alignée bien avec la mission universitaire.
Par exemple, actuellement au CUSM où moi, je participe, il y a
deux représentants au conseil
d'administration officiels, et moi, je suis
invité d'office, sans vote, pour être présent. Donc, on a fait ça pour aller
autour mais vraiment pour avoir le
niveau d'implication de l'université nécessaire. Nous croyons que trois membres est le minimum.
Et surtout, comme on a fonctionné pendant très longtemps avec quatre, il
me semble très normal qu'on fait un compromis entre le deux actuel qui n'est
pas suffisant et le quatre qu'on avait avant.
Nous croyons que le passé des hôpitaux
universitaires, et surtout le CUSM et sa relation avec l'Université McGill,
chez nous, y compris... pas seulement le CUSM mais les autres centres affiliés
comme l'Hôpital général juif, l'Institut universitaire de santé mentale Douglas
et aussi l'Hôpital St. Mary's, nous avons une relation très étroite entre eux et l'université McGill. En fait, on
a un organisme qu'on appelle le MAHN, le McGill Academic Health Network.
On aimerait l'appeler en français, mais ça se traduit en RUIS, alors ça fait
une petite confusion. Donc, on l'appelle le MAHN.
On se réunit régulièrement pour discuter des affaires universitaires entre
les hôpitaux et la faculté, et, l'université, la rectrice et le président du conseil
d'administration de l'université siègent aussi sur ça, pour souligner
l'importance que nous accordons à la relation entre l'université et les
hôpitaux.
Pour ce qui est de la départementalisation de
certains services, je peux simplement vous expliquer ce qu'on fait chez nous, à McGill, par exemple, en cancérologie, où, grâce à un don très généreux de la famille Rossy,
on a essayé... on n'a pas essayé, on
a réussi à réunir les services d'oncologie de tous nos hôpitaux qui offrent ce
service-là, y compris le CUSM, l'Hôpital général juif et le St. Mary's,
pour travailler ensemble. Et nous avons chez nous un département universitaire très fort dans tous les domaines qui
fait en sorte que les professeurs qui travaillent dans chacun des
hôpitaux sont reconnus comme professeurs à part entière. Il n'y a pas une
différence si un professeur se trouve à l'Hôpital général juif, ou au CUSM, ou
au St. Mary's. Et on a eu déjà des chefs de département universitaire qui
se trouvaient dans tous les hôpitaux que nous avons.
Donc, pour
moi, la mécanique pour assurer la pérennité des services universitaires dans
les centres hospitaliers affiliés, ça
prend plusieurs choses. D'abord, ça prend le contrat d'affiliation. Deuxièmement, ça prend la volonté de la faculté de médecine de le faire, et
nous avons démontré depuis longtemps qu'on a cette volonté-là. Ça prend aussi l'implication d'une population et communauté
locale qui prend au sérieux la mission universitaire. On est très
heureux, chez nous, d'avoir dans nos quatre
centres les plus importants, les quatre établissements les plus
importants, des communautés qui sont très, très
impliquées et qui valorisent beaucoup la mission universitaire, et c'est pour ça, en
fait, qu'on a souligné l'importance de cette
implication-là. On est très heureux d'entendre le ministre
et sa volonté de préserver l'implication de la communauté locale dans
les activités des hôpitaux.
J'aimerais
dire, Mme la Présidente, qu'on serait plus rassurés si c'était plus clair
dans le projet de loi, par
exemple, où... les comités consultatifs,
leur rôle et leur fonctionnement soient un peu plus clarifiés, comme on demande
dans nos recommandations, pas parce que... On fait confiance au ministre
et au gouvernement de le faire, mais quand même nous croyons que c'est important que... Dans la législation, le législateur doit être assez clair dans ses recommandations afin d'aider dans
l'interprétation par après.
Alors, je crois que j'ai touché sur tous les
sujets qui ont été soulevés par M. le ministre.
M. Barrette : Sur un autre aspect, évidemment,
vous, aujourd'hui, vous parlez au nom de l'Université McGill, donc vous pouvez
parler à la fois au nom du CUSM et aussi au nom du CISSS qui est du côté de
McGill, celui qui est au centre de l'île, qui inclut l'Hôpital général
juif et St. Mary's.
Est-ce que vous, finalement, vous considérez que
l'intégration qui est proposée actuellement, tant sur le plan de l'enseignement
que la dispensation des soins, sera bénéfique pour le patient, de la manière
qu'elle est dessinée dans vos organisations?
• (17 h 50) •
M. Eidelman (David) : Mme la
Présidente, pour moi, c'est évident qu'il faut prôner une intégration plus accrue entre les différents services qui sont
offerts aux patients. Moi, je travaille même maintenant un peu comme
médecin, et c'est sûr que le système actuel a besoin d'une réforme.
Pour l'enseignement et la recherche, c'est sûr
que, si le système de santé fonctionnait de façon plus intégrée, ça aiderait dans un certain sens, mais c'est très
important qu'on ne perde pas de vue les particularités de chacun de nos
établissements. Donc, il faut trouver une façon de faire ça qui à la fois
augmente l'intégration et qui augmente l'offre de services aux patients mais qui ne sacrifie pas les particularités et
les aspects spéciaux de chacun de nos établissements. Donc, c'est difficile à répondre avec une réponse
tout à fait claire parce que c'est difficile à prévoir exactement
comment ça va se dérouler une fois que c'est implanté. En général, on est d'accord
avec ça.
Oui, mon collègue me
rappelle qu'il y a aussi toutes sortes d'autres établissements dans le RUIS, y
compris des petits établissements avec des missions très particulières, comme,
exemple, via l'Hôpital Mont-Sinaï, qui offre les
soins palliatifs et les soins de longue durée pour les problèmes de poumon, il
y a le centre de réadaptation... Il y a toutes sortes d'établissements.
Ils vont être fusionnés de façon administrative, mais reste à voir comment ça
va fonctionner sur le terrain. Et c'est pour
ça que j'hésite à donner une approbation totale, en disant que, comme j'ai dit
dans mon mémoire, l'Université McGill
favorise une intégration accrue. On croit que la réforme est nécessaire. On
demande au gouvernement d'être aussi clair que
possible dans le projet de loi sur comment ça va fonctionner pour nous aider à
bien comprendre et aussi mieux planifier nos activités de recherche et
d'enseignement.
M.
Barrette : Parfait. J'aimerais ça aborder un autre élément qui n'est
pas dans le projet de loi comme tel mais qui vient avec dans une certaine mesure. Au gouvernement — et je sais que, du côté de McGill, il y a
beaucoup de travaux, là, qui ont été
faits dans certaines institutions — on s'en va vers un mode de financement qui
sera plutôt un financement à l'activité, et, dans le cadre de cette
intégration-là, ça aura des impacts.
Est-ce que vous avez
une opinion ou des réflexions à nous faire part dans cette optique-là?
M. Eidelman (David) : Alors, merci encore une fois, Mme la Présidente, M. le ministre, à
toucher sur un sujet qui est très
proche à McGill. Mme Wendy Thomson, l'ancienne directrice de l'École de
travail social, a été la présidente d'une commission qui a travaillé sur
ce sujet-là.
Alors, pour nous,
nous croyons que certainement le financement à l'activité est très important
pour être sûr que l'argent suit le patient
le plus possible. Pour nous, ça nous aiderait à planifier. Moi, en tant que
doyen, ce n'est pas moi qui planifie sur le terrain les opérations de
l'hôpital, mais je dois planifier en grandes lignes avec les directeurs généraux où on va investir, dans chacun de nos
hôpitaux, dans les spécialités, par exemple les technologies de pointe,
etc., et, si on comprend mieux le financement du budget, ça aide certainement à
mieux gérer le système.
Toutefois,
il est à souligner qu'un financement seulement basé sur les activités peut
mener aussi à des risques, parce que chacun de nos hôpitaux a un niveau
de complexité des patients différent. Des fois, si le financement n'est pas
bien encadré et bien aligné avec les coûts d'exploitation, ça peut mener à des
aberrances aussi.
Donc,
en principe... C'est un peu comme le projet de loi dans sa totalité. On est
pour en principe, mais le diable est dans les détails.
M. Barrette :
Comme toujours.
M. Eidelman
(David) : Comme toujours, c'est ça.
M. Barrette :
Le financement à l'activité, écoutez, techniquement c'est quelque chose que le
gouvernement libéral a toujours mis de
l'avant. Et on se rappellera que le dernier gouvernement, par son ministre des
Finances, s'était exprimé très favorablement en faveur du financement à
l'activité, alors, techniquement, c'est quelque chose qui devrait se réaliser sans qu'il y ait d'opposition.
Mais, comme vous dites avec justesse, le diable est dans les détails. Et
le financement à l'activité n'est pas toujours quelque chose de simple à faire,
mais ça doit être fait, je pense.
Le
temps passe, là. Cinq minutes? Alors, vous, vous êtes les champions,
évidemment, du côté de McGill, de la philanthropie et du caritatisme.
Vous battez pas mal de monde, et c'est à votre honneur, et ça doit être
reconnu. Ceci dit, évidemment, le côté philanthropique est un aspect qui était
dépendant d'un côté identitaire d'une institution, évidemment, et ça, c'est
tout à fait normal.
De
la façon, du moins, dont on les présente en affirmant qu'on veut maintenir le
nom, qu'on veut maintenir la mission,
est-ce que vous avez des suggestions supplémentaires ou des réflexions
supplémentaires à nous faire pour que nous puissions nous assurer, dans
l'application de ce projet de loi là éventuel, de maintenir intacte et même de
promouvoir cette activité-là, cet aspect-là
de la vie de vos institutions et ailleurs, là? Parce qu'à la limite je pense
qu'on a des choses à apprendre de vous pour ce qui est de la philanthropie.
Est-ce qu'il y a des éléments là-dedans que vous pensez qu'on devrait peaufiner
pour s'assurer du maintien de tout ça... ou éviter, le cas échéant?
M. Eidelman
(David) : Merci beaucoup de cette question. Mme la Présidente, comme
on a fait dans nos recommandations, nous
croyons qu'un mécanisme pour faire ça, c'est d'augmenter l'importance des
comités consultatifs. Dans mon
expérience, c'est vrai qu'à McGill on a une plus longue tradition de
philanthropie que dans les autres établissements au Québec, mais, d'après mes conversations avec mes collègues doyens et
des collègues qui travaillent dans les autres hôpitaux, je suis heureux
de voir que c'est de plus en plus présent dans les hôpitaux traditionnellement
francophones, par exemple à l'Hôpital Sainte-Justine, ou Maisonneuve-Rosemont,
ou d'autres, et je crois que c'est à l'honneur de ces institutions-là.
Mais,
pour le faire travailler, c'est très important que les gens aient l'impression
qu'ils font une levée de fonds pour leur hôpital. Ça veut dire qu'ils
doivent avoir un mécanisme d'être impliqués au jour le jour d'un hôpital, le quotidien. S'ils sont écartés de ça ou s'ils
voient l'hôpital comme un département du ministère de la Santé et des
Services sociaux, ça va être impossible
d'aller chercher de l'argent. Honnêtement, je n'ai rien contre le ministère, je
travaille avec le ministère
quotidiennement, mais personne ne va faire une philanthropie pour le ministère
de la Santé et des Services sociaux
ni pour l'Assemblée nationale, le gouvernement québécois. Les gens vont aller
donner... ils vont donner l'argent quand
ils pensent qu'ils ont une certaine appartenance et même ils se sentent en
quelque sorte propriétaires de l'établissement.
Et, si on prend le
meilleur exemple, c'est l'Hôpital général juif, qui est connu pour ça, les gens
qui travaillent là-bas, et pas seulement sur le conseil d'administration, mais
ils ont toutes sortes d'autres conseils qui existent dans l'hôpital, de la
fondation, de coopération, et tout ça. Oui, peut-être, dans la loi actuelle,
ces comités-là n'ont pas de pouvoir, mais ils ont un pouvoir très important
pour rallier les gens autour de l'hôpital. Et moi, je suggérerais que tous les
hôpitaux du Québec et tous les autres centres qui s'occupent de nos patients,
qui travaillent dans les services sociaux,
aient des comités, ou des corporations, ou des fondations pareilles, parce que
ça nous aiderait à bien faire le travail.
Mais une autre chose,
c'est le bénévolat. Vous savez que, dans nos hôpitaux, c'est impossible de les
faire fonctionner sans les bénévoles.
Personne n'a... Pour vraiment avoir un bénévolat qui réussit, il faut avoir des
occasions pour les bénévoles à se voir présents. Alors,
actuellement, certains des bénévoles sont très présents sur les conseils d'administration,
mais ça, ça va disparaître pour les établissements... pour les
installations — c'est
comme ça que ça s'appelle dans la loi — il faut trouver un autre moyen. Alors, les
comités consultatifs, c'est un mécanisme qui peut être très, très utile
pour ça.
Et il faut aussi
donner aux institutions la possibilité de créer d'autres structures qui
n'auront pas, peut-être, un pouvoir
décisionnel mais qui pourraient avoir quand même un pouvoir consultatif qui
aiderait à impliquer les gens dans le fonctionnement
de l'hôpital et augmenterait le sens d'appartenance, qui est très, très
important et pour le bénévolat et pour la philanthropie. Et, moi, je crois, dans les hôpitaux comme l'Institut de
cardiologie de Montréal, comme Sainte-Justine, comme l'Hôpital général juif, le CUSM, les hôpitaux qui ont réussi à
faire ça, ça aide beaucoup à vraiment faire fonctionner ces
établissements-là.
La Présidente (Mme
Hivon) : Merci. Alors, nous allons maintenant passer à une
période d'échange avec les représentants de l'opposition officielle pour une
période de 14 minutes. Donc, Mme la députée de Taillon, la parole est à
vous.
Mme Lamarre :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. C'est un plaisir de vous accueillir et de
vous entendre, Dr Eidelman, M. Marcil et Mme Mongrain. Merci
pour votre présentation concise et claire.
J'ai quelques
questions. La première : Est-ce que vous avez été consultés dans le
processus d'élaboration du projet de loi n° 10?
M. Eidelman (David) : Merci de la question, Mme la Présidente. Nous n'avons pas été consultés
dans l'élaboration du projet de loi, mais, en tant que doyen et
président de RUIS, j'ai été consulté avec les autres doyens par le ministre,
qui nous a convoqués après pour en discuter.
Mme Lamarre :
Donc, après le dépôt du projet de loi.
M. Eidelman
(David) : C'était après l'élaboration de la loi, du projet de loi.
• (18 heures) •
Mme
Lamarre : D'accord, je vous remercie. Je vois... Dans votre rapport,
il y a quand même quelques recommandations qui sont très intéressantes
au niveau du maintien de la fonction de recherche. Est-ce que vous la sentez diluée, cette fonction de recherche, à
l'intérieur de la structure? Est-ce qu'il y a une façon dont vous aimeriez
qu'elle soit signalée de façon plus significative?
M. Eidelman
(David) : Merci de la question. Mme la Présidente, la recherche est
très importante pour toutes les universités
qui ont des facultés de médecine au Québec et toutes les universités en
général. Pour nous, à McGill, une de
nos raisons d'être ici, au Québec, c'est de faire de la recherche. Et on ne
sent pas une menace à la recherche, mais on aimerait voir une plus grande présence de la recherche dans le projet de
loi, où c'est clairement indiqué... Et
j'ai apprécié les commentaires du
ministre au sujet de la recherche, c'est très bien, mais, comme j'ai mentionné
avant, nous serons plus rassurés de voir ça plus clairement exprimé dans
la loi, pour nous aider à bien comprendre comment ça va marcher dans le futur.
Dans le cas de notre
université, le CHU est reconnu comme un établissement suprarégional, qui aide
un peu, parce que notre centre de recherche,
au CUSM, est le plus grand au Québec et le troisième au Canada. Mais on a
aussi des centres de recherche très importants à l'Institut LadyDavis,
à l'Hôpital général juif et aussi au centre universitaire de santé mentale Douglas qui sont des fleurons de la
recherche québécoise, et nous aimerions avoir dans la loi les mécanismes
qui vont assurer ça.
Toutefois,
je suis rassuré que... La volonté exprimée par le ministre est claire, que ce
soit une priorité. Et moi, je crois
que, pour la société québécoise, c'est essentiel qu'on reste toujours forts en
recherche, qui est le futur de notre société.
Mme Lamarre :
Merci. Ce matin, on a accueilli un chercheur qui parlait de deux formes
d'intégration, des intégrations horizontales ou de l'intégration verticale,
selon les vocations. Donc, j'aurais deux questions, en fait, une première qui vise... Justement, en santé mentale,
on le sait, c'est un enjeu important. Sur l'île de Montréal, il y a
quelques établissements qui sont dédiés à la santé mentale. De quelle façon
voyez-vous que le projet de loi n° 10 va faciliter la cohésion, la fluidité dont on parle beaucoup et
dont on a besoin, autant pour les clientèles jeunes, moins jeunes, quand
elles passent le stade de l'identification de l'enfance à l'adulte, mais aussi
pour différents problèmes? Alors, ça, ce serait une première question.
Ma
deuxième question, toujours en lien avec le commentaire de ce matin, c'est
qu'on disait : À force de vouloir réduire le nombre de structures,
parce que c'est l'objectif qui se traduit, là, dans le projet de loi, ça amène
un côté où les gens se sentent obligés d'en recréer d'autres. Et là je note
dans vos recommandations... Par exemple, en 1.3, vous avez une référence à un
comité intégré à la structure de gouvernance. En 3.1, vous voulez avoir
d'autres... dans le deuxième
paragraphe : «...mettre en place des conseils locaux chargés de préserver
la mission culturelle, éducative et de recherche
d'une institution donnée.» Vous avez fait référence au comité consultatif, les
liens avec la fondation, donc déjà on sent
que vous avez besoin d'avoir d'autres structures. Alors, simplement me donner
un peu votre avis là-dessus, votre vision.
M. Eidelman (David) : Merci. Merci
de ces questions-là. Mme la Présidente, pour ce qui est... Je n'arrive pas à lire ma propre écriture ici sur la...
J'aimerais aborder d'abord la santé mentale, parce que je crois que c'est la
question la plus
importante. Je suis un simple pneumologue, donc je ne suis pas un expert en
santé mentale, mais j'ai consulté avec Mme McVey, qui est la
directrice générale de notre Institut universitaire en santé mentale, et, comme
vous le savez peut-être, tous les centres
universitaires de santé mentale se sont concertés pour en discuter, et j'ai été
rassuré de voir qu'ils étaient très
contents de se trouver dans des centres... dans l'intégration verticale — c'est ça, la première question que
vous m'avez posée. Et l'intégration
verticale, pour eux, ça veut dire qu'ils vont pouvoir travailler en plus
étroite collaboration avec la première
ligne. Et, comme vous le savez, pour la santé mentale, même si on a besoin des
grands centres universitaires de
santé mentale pour faire la recherche, et tout ça, le travail de santé mentale,
ça se passe dans les rues, O.K.? Donc, avoir un lien très étroit avec la
première ligne, c'est très important.
Toutefois, la problématique, c'est que nous demandons à nos
centres d'expertise en santé mentale d'avoir aussi des rôles
suprarégionaux, et ça, ce n'est pas tout à fait évident dans le projet de loi.
On aimerait être sûrs que, pour les établissements universitaires comme le
Douglas, comme l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal, par exemple,
leur rôle suprarégional soit reconnu aussi, afin d'être sûrs qu'ils peuvent
continuer à faire leur travail. Par
exemple, pour le Douglas, ils font du
travail dans le Nord-du-Québec, en Abitibi, avec la région de l'Outaouais, et c'est évident que ça va continuer. Et on a confiance, on est confiants
que c'était l'intention du gouvernement toujours que ça continue, mais ce n'est pas dans le
projet de loi.
Pour revenir sur l'aspect théorique entre
l'intégration verticale versus horizontale, pour moi, ça, c'est une intégration
horizontale administrative et une intégration verticale, je l'espère,
fonctionnelle, parce que, pour nous, et je
ne sais pas si... Moi, en tant que patient et aussi en tant que médecin, j'ai
déjà vécu des situations où on a un patient et on ne sait pas comment le faire transférer d'un
endroit à l'autre quand il a besoin d'un autre service qui est offert dans
un autre endroit. Moi, je travaille à l'Hôpital général de Montréal, et des
fois j'ai un patient qui vient de l'Ouest-de-l'Île, et j'aimerais arranger un service, et je n'arrive pas à le faire. Donc,
une intégration verticale en santé mentale... en santé, excusez, et services sociaux a beaucoup
d'allure, parce que c'est vraiment comme ça qu'on peut améliorer la fluidité
de l'accès aux services, et ça, du point de vue de la personne qui est concernée, le client ou le patient. Et, pour
l'administration, je crois que, pour moi et
le ministre... pour vous, c'est très important, l'administration. Pour les gens qui ont besoin de nos services, c'est moins important. Eux, ils s'attendent à ce qu'on
s'arrange pour faire en sorte que les services soient offerts de la
meilleure façon possible.
Mme Lamarre : D'accord. Et, quand
vous avez parlé que les centres suprarégionaux offraient des services dans des régions plus éloignées du Québec,
au niveau du financement à l'activité et au niveau des budgets régionaux, est-ce
que
vous voyez qu'il peut y avoir des tentations, si les demandes sont très
importantes, de privilégier ou en
tout cas, dans des contextes très serrés comme ceux qui nous sont
imposés, d'austérité, de diminuer les services aux régions par rapport aux services qui sont requis dans la population
qui est immédiatement à proximité du centre? Comment vous voyez
que ça pourrait être précisé, disons?
M. Eidelman (David) : Bien, c'est
pour ça que j'ai dit que le diable est dans les détails. En fait, dans les
autres endroits dans le monde où on a fait le financement à l'activité, il y a
toutes sortes de résultats qui sont arrivés. Il y a des très bons résultats et
des fois des mauvais résultats. C'est très important que ça soit encadré et
aussi que les missions des établissements soient très claires.
Alors, ici,
au Québec, on a l'avantage de... La façon dans la Loi sur
les services de la santé et les services sociaux actuelle, les hôpitaux ont des désignations particulières, et ça, ça
relève de leur mission. Donc, j'attends à ce qu'il y ait une augmentation au CUSM, par exemple, de certaines activités
tertiaires et quaternaires, pourvu que le financement à l'activité reconnaît la
complexité des cas. En même temps, j'espère et je m'attends de voir à ce que
les hôpitaux régionaux auront l'argent nécessaire à faire le travail à
proximité du patient grâce à ces mêmes fonctions.
Alors, ça
peut aller dans les deux sens. Alors, on peut voir, oui, une chose aberrante,
mais, si c'est bien encadré, ça peut mener à un financement plus logique
et des services plus appropriés pour la population locale, où les budgets historiques, des fois, font aussi des aberrances parce que
les gens ne veulent pas perdre leur budget, donc ils continuent de faire des choses que peut-être
ils ne devraient pas faire et au contraire. Donc, c'est vraiment
important, la façon, comment c'est implanté, cet aspect-là.
Mme Lamarre : Mais vous êtes quand
même d'accord que ce n'est pas précisé actuellement dans le projet de loi n° 10?
M. Eidelman (David) : Je suis tout à
fait d'accord que ça pourrait être plus précis.
Mme
Lamarre : D'accord.
Qu'est-ce que vous pensez du fait que le CHU de Québec
et le CHUS à Sherbrooke soient intégrés à des CISSS dans leurs régions
respectives?
• (18 h 10) •
M. Eidelman (David) : Merci. Mme la Présidente, un des avantages d'être doyen à la
Faculté de médecine de l'Université McGill, c'est que ce n'est pas ma responsabilité,
ce qui se passe au CHUS et au CHU de Québec. Mais, en général, je vois des avantages et des
désavantages. C'est pour ça que j'ai soulevé avant la question des rôles
suprarégionaux des établissements qui se trouvent au sein d'un CISSS. Je vais
retourner dans mon coin, là, prenons le Douglas ou l'hôpital juif. Tous les deux, ils ont des activités suprarégionales qui
sont très importantes, et tout le monde est d'accord qu'ils doivent continuer, mais, d'après leur
désignation dans le projet de loi, ce n'est pas clair qu'ils ont droit à faire
ça. Et c'est la même chose, d'après moi, pour le CHU de Québec, CHUS de
Sherbrooke.
Moi, je crois qu'il y a des avantages,
pour un CHU, de se trouver dans un CISSS, parce que moi, quand je
regarde en tant que médecin, au CUSM, comment je vais arranger les services à
domicile si le CUSM ne fait pas partie d'un CISSS?
Si on est au Jewish, le CISSS, c'est le même organisme, alors arranger les
soins à domicile, ça peut être plus facile, en principe, parce que c'est
la même administration. Si on se trouve au CUSM, on risque d'avoir besoin
d'arranger des choses avec d'autres administrations. Donc, ça prend des
contrats d'affiliation ou... des contrats pour arranger ça.
Donc,
il y a des avantages et désavantages des deux côtés. Moi, je crois, ce serait
mieux si à la fois les liens entre les suprarégionaux comme le CUSM avec
les CISSS avoisinants soient mieux éclairés et en même temps, pour les CHU qui se trouvent au sein d'un CISSS, leur rôle
suprarégional soit éclairé aussi dans le projet de loi. Donc, des deux
côtés, c'est très difficile de dire lequel serait le meilleur des deux mondes.
Il va falloir attendre et voir l'expérience qu'on va vivre bientôt.
La Présidente (Mme
Hivon) : Il reste une minute.
Mme
Lamarre : Oui, c'est ça, il nous reste une minute. Mais qu'est-ce qui
est, pour vous, l'innovation du projet de loi n° 10 que vous
ne pouvez pas faire actuellement et que vous allez faire dans le cas où le
projet de loi n° 10 serait en vigueur?
M. Eidelman (David) : L'avantage de ça, la chose, c'est de voir pour une fois d'une façon
concrète qu'on souligne l'importance de l'intégration. Jusqu'à
maintenant, dans le système de santé québécois, on est parmi les derniers à aborder cette question-là. Tous nos
établissements, y compris ceux qui sont affiliés à McGill, y compris
l'Université McGill elle-même, ont
tendance à voir : O.K., moi, j'ai ma chose, là, et je vais arranger les
choses pour moi, c'est rare de voir des établissements travaillant ensemble. Nous avons fait certains efforts
ici, au sein du groupe McGill, mais c'est vrai que voir une intégration sur papier, c'est très avantageux,
parce que ça démontre clairement que les frontières entre les établissements
ne sont plus là pour empêcher la qualité des soins offerts aux patients.
Toutefois — et je
vais répéter la même phrase — le diable est dans les détails. Et, dans
le projet de loi actuel, comme on en fait... dans nos recommandations, il y a
des choses qui doivent être vraiment éclairées. Et ceci est bien expliqué dans
les recommandations qu'on a faites.
La
Présidente (Mme Hivon) : Merci. Alors, on va maintenant passer
à la période d'échange avec les représentants du deuxième groupe
d'opposition pour une période de neuf minutes.
M.
Schneeberger :
Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour à vous trois. M. Eidelman, vous
semblez généralement assez favorable
au projet de loi. Par contre, moi, je voudrais quand même souligner quelques
bémols que vous nommez aussi à l'intérieur, surtout en matière de
gouvernance des conseils d'administration. Il y a plusieurs groupes ici qui
critiquent un peu, depuis le début de la commission, le danger de la
politisation du réseau de santé, étant donné que
le ministre se donne des droits, là, que ce soit temporaire ou non, au niveau
des nominations. Et, dans votre mémoire, vous... je le cite : «Selon les meilleures pratiques de
gouvernance, il appartient normalement au conseil d'administration — cela est même l'une de ses
principales responsabilités — d'évaluer, de manière indépendante, la
nomination du président directeur général d'établissement et d'en recommander
la nomination à l'autorité gouvernementale. Le conseil doit également jouer son rôle dans l'appréciation et
l'approbation du plan budgétaire et du plan stratégique des
établissements, conformément à la proposition de la direction administrative.»
Moi,
je voudrais savoir : Selon vous, est-ce que c'est une disposition qui
devrait être retirée du projet de loi n° 10? Parce que, si le
ministre nomme en plus les membres de l'administration et qu'il nomme aussi le
président-directeur général, est-ce que cela respecterait ou respecte les
meilleures pratiques de gouvernance, à votre point?
M. Eidelman (David) : Merci de la question. Mme la Présidente, d'abord, j'aimerais répéter
qu'on est favorables au principe du projet de loi. Si vous lisez notre
mémoire, c'est évident qu'il y a des aspects du projet de loi, nous pensons,
qui peuvent être améliorés. Donc, j'aimerais être clair là-dessus.
En
ce qui a trait à la gouvernance, dans notre mémoire, comme vous venez de citer,
c'est sûr que nous croyons qu'il y a
des améliorations à apporter au projet de loi pour faire en sorte que la
gouvernance des établissements soit en ligne avec les meilleures pratiques partout au monde. Moi,
j'ai compris de la part du ministre qu'il propose ça comme une mesure temporaire. Je respecte ce... mais je ne vois pas
ça dans le projet de loi, où c'est indiqué que c'est temporaire. Peut-être
c'est une façon de nous rassurer. Pour nous, nous croyons que l'intégration
proposée pourrait être accomplie même d'emblée
avec une gouvernance normale, on ne voit pas la nécessité de faire ça d'une
façon plus musclée. Mais, de toute façon, si c'est nécessaire, si ça
s'avère nécessaire, d'après le gouvernement, on aimerait voir plus clairement
exprimé que c'est une mesure temporaire,
parce que, pour nous, une fois que c'est dans la loi, pour toutes fins
pratiques, ça existe, et on ne sait pas comment, quand ça va arrêter
d'exister. Alors, on serait beaucoup plus rassurés par une gouvernance... pas
traditionnelle, une gouvernance de meilleures pratiques au moment où le projet
de loi est accepté.
M.
Schneeberger : O.K. L'Université McGill est une grande
institution. Vous, en temps qu'administrateur... Moi, je voudrais savoir
si vous avez déjà eu l'expérience ou été témoin de cas similaires où est-ce
que, justement, des nominations... où, même si elle est temporaire, elle soit
suspendue. Et, si oui, avez-vous des détails ou des exemples à nous donner?
M.
Eidelman (David) : Merci de
la question. Mme la Présidente, mon collègue me chuchote dans l'oreille
que je suis médecin, je ne suis pas administrateur, mais je dois avouer que je
suis administrateur quand même, même si... Et des fois je suis même fier d'être
administrateur, surtout d'une grande institution comme l'Université McGill.
Dans mon
expérience, les conseils d'administration sont arrangés un peu comme c'est
décrit dans notre mémoire. Donc, comme je viens de dire, je favorise et
l'Université McGill favorise une structure de conseil d'administration qui
ressemble au modèle qu'on a proposé dans notre mémoire.
M.
Schneeberger :
O.K. Tout à l'heure, vous disiez que le diable était dans les détails. Moi, je
dirais que, sur certains points, c'est le manque de détails, le diable
est où est-ce qu'il y a un manque de détails. Et surtout ce que vous dites... Vous parliez d'un cas où est-ce que...
du continuum de soins. Moi, actuellement, au niveau du projet de loi, je
ne le vois nulle part. J'aimerais ça vous
entendre. Vous, qu'est-ce qui vous fait croire qu'au niveau du projet de loi
c'est une réalité qui va se produire, là, au niveau du continuum de soins?
• (18 h 20) •
M. Eidelman (David) : Merci, Mme la
Présidente. Il y a beaucoup de recherche qui a été faite sur la façon d'améliorer la qualité des soins. Par exemple, il y a le fameux professeur d'administration à Harvard, Michael Porter, qui a parlé vraiment de «value chain», et, dans ça,
l'idée, c'est d'arranger les services d'une façon... pour permettre aux
clients d'accéder aux services d'une façon
facile et d'une façon où chacun des services est arrimé l'un avec l'autre.
L'avantage de structures comme celle
proposée en principe dans le projet de loi, c'est qu'il est plus facile
d'organiser la chose comme ça. Alors,
en principe, comme j'ai dit d'emblée, nous
sommes en faveur, parce que nous voyons dans le nouveau système la possibilité
de faire une intégration améliorée et de faire des services qui sont plus
accessibles au patient du point de vue patient. Pourtant, comme vous dites, il
n'y a pas assez de... ce n'est pas assez éclairé dans le projet de loi pour
comprendre comment ça va fonctionner sur le terrain, et c'est pour ça qu'on a
une certaine hésitation.
M.
Schneeberger : O.K., oui, je suis d'accord. Mais par contre,
ce matin, la fédération des médecins disait un peu le contraire. Eux, ils ne voyaient pas de note qui...
tu sais, il n'y a aucune ligne directement qui précise ça.
C'est un but, oui, mais je pense qu'au niveau du projet de loi cela
devrait être complété par plus de détails, tu sais, que ce soient des écrits, parce que, tu sais, je veux dire, il faut
se donner un but, puis, le but, il faut qu'il soit écrit dans le projet de loi,
là.
M.
Eidelman (David) : Mme la
Présidente, je suis certainement de l'avis que le projet de loi peut être plus
clair sur les détails et la façon comment ça
va être implémenté. Toutefois, je dois dire qu'en principe, si on voulait
organiser le système de santé à
partir du principe de l'intégration du point de vue du patient, ce serait en
quelque sorte comme c'est proposé dans le projet de loi.
Quand c'est
traduit en actions, est-ce que ça va fonctionner de cette manière-là? Ça reste
à voir. Mais le fait qu'on fait une
intégration des différents établissements avec différentes missions, ça créé la
possibilité, au moins, ça ouvre la porte à la possibilité de faire une
intégration verticale, qui actuellement, dans notre système, est très difficile
à accomplir, parce que chacun des établissements a un budget séparé et donc va
toujours défendre ses intérêts. Parce que, comme plusieurs ont dit, les temps qui courent, les budgets sont très, très
serrés, et personne ne veut offrir des services pour lesquels ils n'ont pas le budget. Donc, si le budget est
intégré sur plusieurs établissements, il y a la possibilité au moins de
proposer un fonctionnement plus efficace. Et
efficace pas seulement du côté financier, mais aussi de côté pratique pour le
patient, parce que, quand moi, j'ai un
patient et j'ai besoin, je ne sais pas, de le référer pour des soins dans un
autre établissement, ils ne vont pas me dire : Mais il y a une
liste d'attente de six mois, on peut créer des programmes qui sont intégrés sur
plusieurs établissements. Est-ce que c'est expliqué dans le projet de loi? Non.
Mais est-ce qu'il y a le potentiel dans le projet de loi? Oui.
La Présidente (Mme Hivon) :
Il vous reste 30 secondes.
M.
Schneeberger :
Bien, merci beaucoup pour ces explications. Puis ça a été très intéressant de
vous entendre.
La
Présidente (Mme Hivon) : Alors, je vous remercie tous les
trois, représentants de l'Université McGill, donc, de cet exposé.
Et donc, compte tenu de l'heure, nous ajournons
nos travaux jusqu'à demain, après la période des affaires courantes. Merci.
Bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 h 23)