(Quatorze heures quatorze minutes)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et
des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle
de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 10, Loi modifiant l'organisation et la gouvernance du
réseau de la santé et des services sociaux notamment par l'abolition des
agences régionales.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Richard (Duplessis) est remplacée par M. Pagé (Labelle).
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Cet après-midi, nous allons
débuter avec les remarques préliminaires, puis nous recevrons
l'Association des fondations d'établissements de santé du Québec, la Fédération
des médecins spécialistes du Québec et le Collège des médecins du Québec. Nous
ajournerons les travaux à 17 h 15.
Remarques préliminaires
Alors, sans
plus tarder, je vous invite maintenant, M. le ministre de la Santé et des
Services sociaux, à faire vos remarques préliminaires et vous disposez
d'une période de six minutes.
M. Gaétan Barrette
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Je tiens d'abord à saluer mes
collègues députés, de notre parti ainsi
que des oppositions, à participer à cette
commission parlementaire ainsi que toutes les personnes qui participent à cette
commission sur le projet de loi n°10, projet de loi visant à modifier
l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux
notamment par l'abolition des agences régionales.
Alors, il va de soi que c'est un projet de loi
qui est important, et que tous les débats entourant un tel projet de loi le sont également, et que les travaux de cette
commission le sont tout particulièrement. En effet, il s'agit ici d'un
exercice fondamentalement démocratique et tout aussi fondamentalement
essentiel. Je dis «une étape importante», car les travaux sont l'occasion d'entendre les commentaires de personnes, de
groupes et d'organismes concernés par ce projet et il est l'occasion
d'approfondir et de mieux comprendre leur point de vue, qu'ils soient en accord
ou non avec le projet de loi que j'ai déposé à l'Assemblée nationale le 25
septembre dernier.
Le projet de loi n° 10, M. le Président,
vise un objectif prioritaire, c'est-à-dire simplifier le parcours de soins des
patients québécois. Je l'ai dit lors de mon allocution à la suite du dépôt du
projet de loi n° 25 au salon bleu, ce projet
de loi vise à faire en sorte que, une fois pour toutes, les décisions soient
prises en fonction du patient, du patient et toujours du patient.
Notre gouvernement croit fondamentalement au
professionnalisme du personnel et des gestionnaires du réseau de la santé. Par
contre, nous croyons également que le cadre administratif actuel du réseau ne
favorise pas un parcours optimal et
simplifié pour les citoyens québécois et qu'il y a donc lieu, à cette étape-ci
de l'évolution de notre système de santé, de poser des gestes, des
nouveaux jalons pour faire en sorte que, une fois pour toutes encore une fois, on puisse arriver à destination,
c'est-à-dire à un système qui soit centré sur le patient d'abord et avant tout,
pour son bénéfice et non pour le bénéfice des structures.
Une meilleure intégration des services de santé
et des services sociaux passe inévitablement par une réforme majeure des paliers administratifs et de
gouvernance du réseau, et c'est un exercice qui est là, pour nous,
incontournable. En effet, et je l'ai personnellement
vécu dans ma carrière, plus il y a de paliers administratifs, plus il y a de
chasses gardées, et plus il y a de
chasses gardées, plus il y a d'obstacles pour le citoyen. Par l'institution
d'un établissement unique intégré de santé
et de services sociaux par région, nous visons une véritable prise en charge du
patient et nous voulons mettre fin aux silos.
Nous visons, en somme, donc, une intégration de tous les services de santé et
services sociaux dans notre système sur un territoire donné, une gestion administrative saine et rigoureuse, une
meilleure fluidité dans les services, un parcours de soins simplifié,
une circulation de l'information clinique facilitée, évitant notamment au
patient d'avoir à répéter continuellement les mêmes renseignements à chaque
intervenant qu'il rencontre.
Sachez, M. le Président, que j'aborde le
processus législatif actuel avec ouverture. Je crois fondamentalement que le projet de loi n° 10 peut être bonifié
par le processus parlementaire actuel. Par contre, nous devons tous et
toutes toujours garder l'intérêt des usagers au coeur de nos préoccupations,
car c'est pour eux que nous débattrons du projet de loi dans les prochaines
semaines.
M. le Président, ce projet
de loi vise à mettre en place une structure qui fera probablement, de
l'histoire du Québec, la plus grande
régionalisation qui n'a jamais été faite. Contrairement aux critiques qui ont
été portées à date et aux critiques
qui viendront sans aucun doute, il ne s'agit pas d'un processus législatif qui
vise une quelconque centralisation, mais bien une relation tout à fait
normale qui aurait dû toujours vouloir... dû être en place dans le passé, à savoir un ministère qui donne des
orientations et une administration régionale qui en fait la gestion
appropriée dans un mode le plus intégré possible pour le plus grand bénéfice
des patients, et c'est ce que l'on vise, M. le Président.
C'est
pourquoi je tiens, en terminant, à remercier toutes les personnes et tous les
groupes qui participeront à cette commission, car je n'ai nul doute que
nous parviendrons ensemble à bonifier ce projet de loi là, le projet de loi
n° 10, de manière à réduire la bureaucratie et améliorer l'organisation
même de notre système de santé. Je vous remercie, M. le Président.
• (14 h 20) •
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. le ministre. J'invite
maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière de
santé et d'accessibilité aux soins et députée de Taillon à faire ses remarques
préliminaires pour une durée maximale de 3 min 30 s.
Mme Diane Lamarre
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Je vous salue tous, collègues. Merci aux invités
également d'être présents. Nous avons très hâte de vous entendre et nous
considérons que votre opinion est très utile et sera indispensable à la mise
sur pied d'un projet de loi n° 10 qui sera vraiment conforme aux besoins
de la population.
Alors,
d'entrée de jeu, je voudrais dire que le ministre a déposé un projet de loi sans aucune consultation externe, qui
apparaît, à première vue à tout
le moins, être la somme de ses
réflexions personnelles. Nous espérons donc grandement que le ministre va prendre, dans le cours de cette commission parlementaire, le temps d'entendre mais surtout de
prendre en considération ce que les autres organisations ont à apporter, ceux,
en fait, qui sont proches du vrai monde, ceux qui sont proches des patients. Et aucun professionnel de la santé,
aucun médecin, aucun pharmacien, aucune infirmière ne peut avoir la
prétention seul de connaître l'ensemble des besoins de la population. Nous
avons donc un devoir d'entendre attentivement et de prendre en considération ce
qui nous sera dit.
Le titre même
du projet est un peu étonnant, on parle de l'abolition des agences. On
sait que c'était une expression qui était dans l'air et qui plaisait
depuis longtemps au ministre. Dans les faits, on constate que ça concerne
beaucoup plus l'abolition des CSSS, qui sont
les instances qui étaient les plus proches de la population. On parle d'un
projet qui est centré sur le patient. 104 fois le mot «ministre»
apparaît dans le projet, aucune fois le mot «patient». Alors, je pense qu'actuellement on assiste — et on va le faire rigoureusement — à l'étude d'un projet de loi qui est un
premier morceau d'un casse-tête. Le ministre a déjà annoncé qu'il y en
aurait d'autres, morceaux. Et on va malheureusement devoir se prononcer sur un
morceau sans voir les autres morceaux. Et aujourd'hui on apprend en plus que ce
sera transitoire, ce morceau-là.
Alors, j'espère qu'on va vraiment être dans un
processus d'écoute active et qu'on va vraiment tenir compte, vraiment de façon très significative, de tout ce
qui va être prononcé. Il n'y a rien sur le parcours du patient, mais il y
a bien des choses sur le contrôle du
ministre dans ce projet de loi là. Alors, pour l'instant, le parcours du
patient, il demeure encore très
obscur. Et on ne voit pas de quelle façon l'accès au système de santé par les
patients va être concrètement amélioré, si ce n'est dans une perspective où, en rebrassant tout, éventuellement
peut-être que dans cinq ou sept ans… Parce qu'à chaque réforme de cette
ampleur-là on a une désorganisation. Donc, on parle d'intégration. Et est-ce
que l'intégration du patient, l'intégration de nos nouvelles structures doit
absolument passer par une forme de désintégration de tout notre système de
santé? Alors, c'est très préoccupant.
J'espère
qu'on va travailler vraiment intensément, avec une perspective de grande écoute
de toutes les organisations. Et je les remercie énormément d'être
présentes et de s'exprimer clairement. Merci au nom des patients.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup pour ces remarques. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de santé
et de services sociaux et député de La Peltrie à faire ses
remarques préliminaires, pour une durée maximale de 2 min 30 s.
M. Éric Caire
M.
Caire : Merci, M.
le Président. À mon tour de saluer les collègues de l'opposition et du
gouvernement, le ministre et vous-même, M. le Président, qui avez une tâche
très lourde à assumer pour les prochaines semaines.
M. le
Président, d'entrée de jeu, je tiens à dire que la Coalition avenir Québec
n'est pas hostile à ce projet de loi là,
loin de là même, je devrais dire. Par contre, s'il y a des éléments qui sont
intéressants, il y a aussi des choses qui nous inquiètent. Et, à
proprement parler, je dois dire que ce n'est pas la première fois que le Parti
libéral nous propose une réforme de cette
nature-là, j'oserais même dire, avec la même recette, sans toutefois obtenir
des résultats dignes de ce nom. C'est
ce que nous rapporte le Commissaire à la santé dans son plus récent rapport, où
on apprend que, dans les faits, l'attente augmente dans les urgences,
sur les listes d'attente en chirurgie, et ce, malgré des ressources qui ont été
mises à la disposition du réseau sans précédent.
Donc, M. le
Président, il va être fondamental, je pense, que nous fassions les bons choix.
Il va être fondamental que cette
réforme-là soit conduite avec doigté et, pour reprendre les propos de ma
collègue, en ayant à l'esprit effectivement non seulement le patient,
mais l'ensemble du réseau pour s'assurer que nous travaillons dans la
collaboration et non dans la confrontation. Je comprends qu'on ne peut pas rallier tout le monde,
je comprends qu'il y aura toujours des oppositions et je comprends, M.
le Président, que quelquefois il faut aller de l'avant malgré certaines
oppositions, je le comprends parfaitement.
Mais je pense que d'avoir une oreille attentive à tous ceux qui vont venir nous
parler et d'avoir à l'esprit qu'on ne peut pas plonger le Québec dans
une autre mauvaise réforme, c'est fondamental.
M. le
Président, le ministre l'a dit, le patient
est au coeur de cette réforme. Je dois dire que ça demeure à démontrer de la part du ministre. Je ne dis pas que ce n'est
pas le cas, mais je dis qu'à la lecture du projet de loi il est permis de
poser des questions, et il y aura des
garanties supplémentaires à donner de la part du ministre. J'entends qu'il est
ouvert aux amendements. Ça tombe bien, M. le Président, nous en aurons à
lui proposer.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, M. le député de La Peltrie. Nous avons, chers collègues, une
demande d'intervention. Nous y sommes… Jamais je n'oserais vous oublier, Mme la
députée de Gouin.
Mme David (Gouin) : C'est bon, ça.
Le Président (M. Tanguay) : Alors, nous avons effectivement la députée de
Gouin qui demande une intervention aux
remarques préliminaires de deux minutes. J'ai besoin du consentement de tous
les groupes parlementaires. Est-ce que ça
va? Oui? Consentement. Merci beaucoup. Alors, Mme la députée de Gouin, pour une
période maximale de deux minutes.
Mme Françoise David
Mme David
(Gouin) : Oui. Merci, M. le Président. Merci à tous les collègues. M.
le Président, ce que je veux dire très rapidement au ministre cet
après-midi, c'est qu'à Québec solidaire nous sommes en faveur d'une réforme
profonde du système de services sociaux et de santé, mais pas forcément celle
qui nous est proposée, ou, en tout cas, certainement pas dans sa totalité, une
réforme profonde qui doit mettre non pas le patient au coeur du système, mais
la personne au coeur du système.
Je rappelle
que notre système de services sociaux et de santé ne traite pas que des
personnes malades, il traite des jeunes en difficulté, il traite des
aînés en situation de perte d'autonomie, des personnes handicapées. Bref, c'est
un système énorme, complexe, et il ne
faudrait jamais oublier — puis parfois les mots ont leur importance — cette dimension des services sociaux
auxquels, pour des raisons un peu historiques dans mon cas, je suis très
attachée et que je vais tenter de rappeler souvent.
Qu'est-ce que
devrait faire une réforme en profondeur du système des services sociaux et de
santé? Elle devrait d'abord et avant tout, à notre avis et au-delà des
réformes structurelles, s'attacher à tout ce qui s'appelle première ligne, prévention, promotion de la santé. C'est là
que devraient aller les ressources humaines et financières, aller chez
les gens, travailler avec les gens avant
qu'ils tombent tellement malades qu'on soit obligés de développer toute la
panoplie de mesures qu'on utilise dans des hôpitaux hyperspécialisés, avec les
technologies, les médicaments très coûteux, etc. Là, il y a, à notre avis, une
vraie réforme à faire.
Il y a une réforme démocratique à faire aussi.
On a connu une époque, dans les années 1970-1980, où les citoyennes, les
citoyens de nos milieux avaient quand même un rôle à jouer dans les
orientations de leur CLSC, par exemple, des
services de proximité. Malheureusement, la réforme proposée nous met aux
antipodes de cette situation. Je dois avouer que ça m'inquiète. Et je
pense que nous devrons aussi attacher beaucoup d'importance au fait qu'un bon
système de services sociaux et de santé réduit grandement les inégalités
sociales, et ça, c'est un objectif auquel nos concitoyens sont très attachés.
Merci, M. le Président.
Auditions
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, Mme la députée de Gouin. Je
souhaite maintenant la bienvenue à nos
invités. Nous allons débuter aujourd'hui avec les personnes représentant
l'Association des fondations d'établissements de santé du Québec.
Pour les fins
d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous
rappelle que vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre exposé
et que par la suite nous procéderons à une période d'échange avec les membres
de la commission. Alors, la parole est à vous.
Association des
fondations d'établissements
de santé du Québec (AFESAQ)
M. Gibb (Roger S.) : M. le
Président, bonjour. Je remercie la commission pour nous recevoir aujourd'hui pour présenter notre mémoire. Je suis accompagné
par Mme Nicole Fauré, qui est membre du conseil d'administration de L'Hôpital de Montréal pour enfants, et M. Roland Granger,
notre président-directeur général. Je suis Roger Gibb, ce suis président
du C.A. de l'AFESAQ et je suis aussi président du C.A. du CSSS à Saint-Jérôme.
Aujourd'hui, dans les 10 minutes qui
suivent — j'espère
que je vais respecter ça, mais sûrement vous allez me le rappeler — je vais faire un tour rapidement de la mission de l'AFESAQ; le
profil du réseau des fondations qu'on trouve à travers notre province,
leur statut; le projet de loi n° 10 et comment ça impacte les fondations;
l'importance du sens de l'appartenance entre
les fondations, leur établissement et leur communauté; et finalement un
partenariat voulu entre le ministère, l'établissement et les fondations.
Notre
mission, c'est d'unir les fondations du secteur de la santé et des services
sociaux, représenter leurs intérêts, initier
et encourager le maillage et favoriser une culture d'excellence, d'éthique et
intégrée en gestion philanthropique. Notre vision : créer une force
reconnue en services du don en santé.
• (14 h 30) •
Notre réseau. On trouve chez nous 118 membres
qui représentent toutes les régions du Québec, les gros, les moyens, les petits. On a les membres qui cherchent
25 000 $ par année, on a
d'autres qui cherchent 40 millions de dollars par année. En tout, les 242
fondations ici, au Québec, amassent 300 millions de dollars par année,
300 millions nets. Les fondations
sont des organismes à but non
lucratif enregistrés auprès de
l'Agence du revenu Canada et elles sont exclues du périmètre comptable
du gouvernement.
Au sujet du projet de loi n° 10, d'abord, j'adresse la question des postes au conseil d'administration des établissements régionaux et
suprarégionaux. Nous exprimons notre satisfaction de voir qu'un poste
d'observateur est prévu pour un représentant des fondations au sein des C.A. des établissements. Ce geste
témoigne l'importance accordée
par le ministre à la présence d'un représentant des fondations et, par le fait
même, un endossement de leur mission.
Le champ
d'action de la fondation est de la philanthropie. Pour qu'elle réussisse ses activités
de collecte de fonds au bénéfice de son établissement dédié, elle a
grand besoin de la complicité de la haute direction, incluant évidemment le conseil
d'administration et ses membres. Il
importe aussi que la fondation soit aux premières loges pour connaître
les orientations stratégiques, les projets de développement et les priorités d'investissement. Cette proximité est nécessaire
puisqu'elle permet de découvrir les opportunités pouvant intéresser les
donateurs potentiels tout en faisant en sorte que
les administrateurs, les cadres, les professionnels de la santé, les personnels
infirmiers et les bénévoles soient continuellement informés des projets
et des réalisations de la fondation. Il s'agit d'une condition essentielle à
leur engagement personnel. C'est ainsi qu'on développe une culture
philanthropique ici, au Québec.
Pour qu'il y ait
de la fluidité entre la fondation et son établissement, la réciprocité
est aussi de mise. C'est dans cet esprit que la pratique courante est
que le directeur général de l'établissement siège au conseil d'administration
de la fondation. Notre poste d'observateur
nous permettra de rencontrer nos objectifs relatifs à la philanthropie et la
collecte de fonds. Notre droit de parole sera donc nécessaire à cette fin. Nous
ne souhaitons nullement, par contre, nous placer en porte-à-faux ou en situation
qui pourrait nuire à nos activités, dont, entre autres, nos fidèles donateurs
et éventuels prospects, mais aussi les représentants seront toujours là pour défendre les choix stratégiques
concernant la philanthropie.
L'exclusion
des administrateurs d'une fondation. L'article 10 du projet n° 10 indique, au
deuxième paragraphe : «De plus,
à l'exception du membre observateur, une personne membre du conseil
d'administration d'une fondation […] ne peut être membre du conseil
d'administration de l'établissement», les CISSS dans la plupart des cas.
Concernant cette disposition, l'AFESAQ considère qu'en agissant ainsi le ministre
se prive d'un bassin important de personnes aptes à occuper la fonction
d'administrateur des nouveaux établissements.
Les conseils d'administration des fondations
sont composés de personnes de compétences, d'expériences et de connaissances variées. Il s'agit de gens
bénévoles et engagés à la cause de la santé. Ils sont habituellement des
gens d'affaires, des professionnels ayant
des racines dans leur communauté. Dans une grande ville, la situation est
différente, mais en région le bassin est
restreint, et les personnes ayant le profil recherché se trouvent souvent au
sein des conseils d'administration des fondations. Si vous cherchez des
gens influents et férus, ce serait dommage d'éliminer les administrateurs des
fondations.
L'appartenance et la proximité. La santé est la
toute première cause des Québécois. Pour les soins de santé, l'hôpital domine… — l'hôpital, l'aspect générique des
établissements — l'hôpital
domine parce qu'il est en première ligne.
L'hôpital est devenu avec le temps une institution importante dans la
communauté par la nature de ses services et par son importance économique dans la communauté. Cette proximité génère des
comportements pour protéger sa pérennité et assurer l'accès à des
services en quantité et de qualité. C'est pour ces raisons que l'hôpital
devient la cause et que l'appartenance est
si forte dans la communauté. Ce sentiment développe aussi la responsabilité de
la soutenir par les dons des
particuliers et les entreprises, d'où découle l'engagement de nombreux
bénévoles et le développement de partenariats avec la fondation de
l'hôpital et des établissements du secteur des services sociaux.
Les changements annoncés nous font craindre
l'effritement du sentiment d'appartenance d'une communauté à son hôpital. La modification
de la configuration du réseau telle qu'annoncée et les changements possibles de
la dénomination des lieux de services de première ligne risquent d'avoir des
impacts négatifs au niveau de la collecte des
dons. L'identité et l'appartenance
sont et ont toujours été les principaux ingrédients qui font le succès des
collectes de fonds. Nous demandons donc que les points de service conservent
leur appellation d'origine à laquelle les donateurs sont liés ou identifiés.
Les fondations évidemment pourront maintenir leur dénomination sociale
actuelle.
Concernant
les équipements acquis dans le passé par un financement de la fondation par les
différentes sources, nous demandons qu'ils demeurent affectés à leur
lieu actuel et au service de la communauté qui les a financés. Plusieurs
fondations sont présentement en campagne majeure ou quinquennale, il importe
que le ministère garantisse que les projets
ou équipements financés par ces campagnes se réaliseraient tel que convenu
entre les établissements et leurs fondations. Toujours en lien avec la
proximité, il faut aussi que les nouvelles administrations ciblent dorénavant
les projets en fonction des points de
service. Autrement dit, les projets nécessitant le financement d'appoint des
fondations sont ventilés par lieux d'appartenance et ciblés aux fondations
respectives.
Avant de
clore cette section, nous tenons à attirer l'attention des membres de la
commission sur un fait important concernant la contribution des
fondations. À maintes reprises, les fondations nous ont fait part que les
projets nécessitant des fonds de développement — modernisation, mettre
à niveau leurs équipements — ont
été réalisés par les fonds de la fondation
uniquement. Ce type de contribution est rendu nécessaire en considération des
budgets alloués à l'établissement.
Donc, il faut savoir que, dans nombre d'hôpitaux, les fonds versés par le
ministère sont inférieurs à ceux versés par leur
fondation. Dans le cas des centres jeunesse et de réadaptation, les fondations
sont souvent les seules à financer les programmes dédiés aux clientèles.
Pour un partenariat mutuellement profitable. La
fondation occupe un champ d'action bien défini qu'est la collecte de fonds au bénéfice exclusif de sont
établissement dédié. Pour réussir dans ses activités, elle tisse des liens
avec les milieux pour permettre à son
établissement de dégager les marges de manoeuvre. L'apport soutenu de la
fondation comme donateur majeur et promoteur de la visibilité de
l'établissement en fait un partenaire unique et de premier plan. Cette
reconnaissance officielle doit être exprimée clairement, et les rapports entre
eux devraient être exprimés. Il existe un grand
potentiel de partenariat entre l'établissement et sa fondation, et de même
qu'entre eux et avec le milieu. Pour tirer parti de ce potentiel, l'établissement et la fondation doivent intégrer
leur planification et leurs communications. De sa part, l'établissement
doit bien définir les règles de sollicitation internes avec sa fondation et,
quant à la fondation…
Le Président (M. Tanguay) : Je vais
vous inviter à conclure, M. Gibb.
M. Gibb (Roger S.) : …avec les
priorités définies par les mécanismes de l'établissement.
Le Président (M. Tanguay) : Alors,
en conclusion, M. Gibb.
M. Gibb (Roger S.) : En conclusion,
en conclusion — et
ça tombe bien parce que je suis au dernier message au ministère — pour
accroître la contribution philanthropique au réseau de la santé et services
sociaux du Québec, nous avons besoin
de la complicité du ministère et de toute… du réseau de santé et services
sociaux. Chaque établissement devrait
avoir une orientation stratégique en lien avec le développement de la culture
philanthropique de l'établissement. Et, de sa part — en
terminant — le
ministère devrait inciter les établissements à tirer pleinement profit de la
seule source de revenus publics et
privés et favoriser l'engagement des administrateurs et des cadres à soutenir
leurs fondations. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Gibb. Je vous remercie,
donc, pour votre présentation. Nous allons
maintenant débuter la période d'échange avec les représentants de la banquette
ministérielle. Et je cède maintenant la parole au ministre de la Santé
et des Services sociaux pour une période d'environ 16 minutes. M. le
ministre.
• (14 h 40) •
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, M. Gibb, Mme Fauré, M.
Granger, d'abord, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue et de m'excuser du retard, là. J'ai eu un petit
retard journalistique avant d'entrer en salle. Alors, je suis très content que vous soyez les premiers à
vous présenter devant nous pour nous donner votre opinion. Et je tiens à
souligner d'entrée de jeu l'importance qu'au ministère nous apportons à la
contribution des fondations dans notre réseau
hospitalier et de services sociaux.
Parce que, des fondations, il n'y en
a pas juste dans les hôpitaux, il y en a aussi dans les parties qui sont plus rapprochées des services sociaux. Et je
tiens à dire à quel point les efforts que vous faites sont bénéfiques
pour notre système de santé, et je souscris à votre vision. En termes de
partenaires, vous avez un «input», si vous me passez l'anglicisme, qui est
définitivement non négligeable et qui est à être préservé.
Ceci dit, je
suis aussi d'accord avec vous qu'il est extrêmement important de garder le lien
identitaire avec les institutions.
Vous nous avez posé une question à savoir si… ou vous espériez, du moins, que
le projet de loi ne toucherait pas aux dénominations, aux noms des
institutions. Et, comme vous l'avez peut-être vu dans le projet de loi comme tel, il n'y a pas de provision qui vise à changer
les noms des institutions, d'une part. Et, d'autre part, je peux vous
assurer que c'est dans notre intention, dans
ce projet de loi là, qui est une loi qui, encore une fois, est transitionnelle,
de faire en sorte que le nom des
institutions demeure et donc que la fondation qui utilise le nom de l'institution
garde sa fonction et son attachement,
puisque vous êtes à tous les égards le lien entre la communauté, d'où viennent
évidemment les donateurs mais aussi où se retrouvent les gens qui sont
servis souvent par l'institution, et l'institution en elle-même. Alors, de ce côté-là, je tiens à vous rassurer, cet élément-là
non seulement va être conservé et doit être, comme toujours, cultivé,
dans la mesure où évidemment, dans un CISSS,
ultimement, vous ne décidiez pas de fusionner des fondations, ça, c'est une
chose qui vous appartiendra, ça ne sera jamais à l'État d'aller jouer dans ces
platebandes-là.
Et, si je fais un pas de plus, les fondations
sont souvent attachées à des projets de recherche et des choses de cet ordre-là, et, là non plus, on ne va pas, en ce
sens que le lien que vous avez avec une éventuelle institution ou un
pavillon d'un CISSS, si on peut le mettre
sur ce plan-là, vous devez le conserver. Avec un bémol, et je vous
l'émets : évidemment, comme dans le régime actuel, s'il advenait
que vous aviez, par exemple… — parce que ce sont des choses qui se passent régulièrement — s'il advenait que vous aviez à financer un
équipement, par exemple, que ce soit un équipement physique ou un
équipement purement technique, médical, je pense qu'il est tout à fait
raisonnable de conclure qu'une interaction
doit se passer avec l'administration du CISSS de façon à ce que les coûts
induits, s'il y en avait, soient pris en considération avant d'autoriser le déploiement de tel ou tel équipement.
Mais ça, c'est déjà comme ça, et je pense que vous allez être d'accord
avec ça.
Maintenant, donc, pour ce qui est de la vie de
fondation en lien avec l'institution actuelle, le projet de loi normalement ne
devrait rien changer. J'ai bien compris et je reçois favorablement votre
commentaire à l'effet qu'il doit y avoir un
arrimage entre la planification de l'institution et la planification en termes
de levées de fonds de la fondation, je
suis tout à fait d'accord avec vous. Par contre, vous avez exprimé votre
satisfaction pour ce qui est de la possibilité pour vous d'avoir encore un droit de cité dans cette
organisation-là, mais vous avez eu une hésitation ou, du moins, peut-être
un petit reproche à faire en ce qui a trait à la présence sur les conseils
d'administration, vous y avez fait référence.
Et j'aurais
ma première question à vous poser. Est-ce qu'à partir du moment… En fait, j'ai
deux questions, à cette étape-ci, à vous poser. À partir du moment où
votre lien est conservé avec une institution physique, une installation qui garde son nom, est-ce que ça, pour vous, ça demeure
suffisamment satisfaisant pour garantir des levées de fonds, premièrement? Et, deuxièmement, est-ce que, sur un
conseil d'administration, la possibilité d'être présent mais non votant
est suffisamment satisfaisante pour vous qui représentez les fondations?
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, M. le ministre. Alors, M. Gibb.
M. Gibb
(Roger S.) : Dr Barrette,
pour la première, évidemment, j'apprécie énormément vos commentaires en
termes d'identification de l'établissement puis la relation qui est vitale.
C'est fondamental d'avoir une telle relation entre la fondation et
l'établissement, donc, bravo!
Pour la
question du C.A., et je répète, dans la région, où, comme j'ai mentionné… Et je
comprends, au niveau des CISSS, les administrateurs seront rémunérés, ce
qui n'est pas le cas actuellement, évidemment. Mais pour dire que le nombre de
personnes qui sont disponibles à donner de leur temps soit en établissement,
soit à un CISSS, soit à une fondation, c'est
quand même restreint, puis souvent, comme vous savez, dans la communauté, c'est
souvent les mêmes personnes. Donc, on
maintient que, dans la loi actuelle, vous le mettez, vous excluez les membres
de fondations actuels pour être
membres… j'assume, pour les sept membres indépendants du CISSS. Donc, nous on
juge que c'est possible. D'ailleurs, je suis un ancien président d'une
fondation. Je siège toujours sur le C.A. de la fondation à Saint-Jérôme et je suis président du C.A. du CSSS. Donc, ça se
fait. On peut marcher puis mâcher de la gomme en même temps. Donc, je ne
vois pas pourquoi il y a une limitation de… que ce monde-là ne soit pas
éligible pour les postes indépendants. Puis je maintiens, ils pourraient… nous maintenant… qui pourraient faire les
deux, occuper les deux fonctions en même temps.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. M. le ministre.
M.
Barrette : Est-ce que je dois comprendre que je… Ça va paraître
bizarre, là. Est-ce que je dois comprendre
que j'avais mal compris votre position? Vous, vous voudriez pouvoir faire
partie des membres indépendants du conseil d'administration, tout
simplement?
M. Gibb
(Roger S.) : Mais, si j'ai bien compris, là, le projet de loi, dans
les sept indépendants qui viennent de la communauté, les membres des
fondations, de C.A. de fondations sont exclus. Donc, nous demandons qu'ils
soient considérés comme d'autres citoyens.
M.
Barrette : O.K., je comprends bien votre point. J'ai un autre aspect
que j'aimerais pouvoir aborder avec vous. Ayant été moi-même impliqué
dans plusieurs fondations, j'ai donc eu, depuis le dépôt du projet de loi, un
certain nombre de conversations avec des gens qui sont impliqués dans la
fondation elle-même et qui sont en même temps, parfois, receveurs de bénéfices qui viennent des fondations, donc, de
donations. Et j'ai été très surpris de constater que des gens abordaient la problématique actuelle en se
disant que, même en gardant la dénomination de l'hôpital, la fondation pourrait avoir une certaine difficulté à lever des
fonds parce que, même si l'hôpital garde sa dénomination,
l'installation, comme elle ferait partie d'un CISSS, ça serait moins attirant
pour des donateurs.
Est-ce que vous avez des informations ou des
perceptions à nous faire part sur ce point? La question, donc, étant : Est-ce qu'un institut universitaire X
qui a une grande renommée internationale, si cet institut-là ou cet
établissement-là faisait maintenant partie d'un CISSS, ça serait moins
valorisant pour un donateur, une compagnie ou une grande organisation, une corporation de donner parce que,
même si la dénomination reste, même si la mission reste, même si les
fonctions restent, parce que soudainement il y aurait l'intégration dans un
CISSS, malgré toutes les garanties, un donateur aurait tendance à ne pas
donner?
Le Président (M. Tanguay) : M. Gibb.
M. Gibb (Roger S.) : On appelle ça
une «loaded question».
M. Barrette : …
M. Gibb
(Roger S.) : Non, je comprends et je suis à Québec. Je vais perdre… je
risque de perdre les membres, mais la réponse, pour moi, est non.
L'identification des donateurs de la communauté avec leur instance, avec leur établissement, peu importe la structure, à mes
yeux, organisationnelle, pour moi, M. et Mme Tout-le-monde, ils ne sont
pas nécessairement conscients de ça. Je pense qu'il y a une présence physique
active. Les patients, là, ils vont… ou les rechercheurs,
les étudiants, ils vont à ces institutions-là, et je ne vois pas pourquoi elles
perdraient nécessairement le don. Il
y en a sûrement d'autres dans la pièce qui peuvent me dire autrement, mais je
ne vois pas l'impact, la création… que la perte d'une agence… la création d'un CISSS changera la justification
puis la volonté des donateurs si les dossiers sont bien présentés.
11789 15397 M.
Barrette : Je vous remercie. Je ne voulais pas vous mettre sur la
sellette ou vous mettre mal à l'aise, mais je
profite de vous trois, parce que vous venez de fondations, pour certains
d'entre vous, qui levez beaucoup de fonds et qui recevez des fonds des grandes corporations, et c'était très
important pour moi d'avoir votre opinion là-dessus, puisque ces corporations-là sont sensibles à ce genre de
situation là. Et je comprends, dans votre lecture, peut-être, de vous trois,
je pense que vous parlez d'une même voix, que ce n'est pas un problème en soi.
M. Gibb (Roger
S.) : Non.
M. Barrette : Parfait.
M. Gibb (Roger S.) : M. Granger,
vous avez un commentaire?
• (14 h 50) •
M. Granger (Roland) : En toile de
fond, ce qui est arrivé dans le réseau, lorsque l'annonce du projet de loi, ça a été : On sera obligés de fusionner.
Premier réflexe qui a été. Même dans la documentation que vous avez
produite, le ministère, c'est bien écrit que vous ne souhaitez pas les fusions, vous
ne voulez pas non plus provoquer de fusion de fondations.
Ce qui est important,
c'est que la fondation qui est reliée à l'hôpital dans telle ville qui porte probablement le même nom demeure cette entité reliée à cet établissement-là
et que les collectes de fonds qui seront faites à l'avenir seront faites pour
des projets pour être insérés dans ce même lieu-là. Si on est capables de
garantir ça, en tout cas pour les moyennes et plus grandes fondations, ce sera vraiment
important. Évidemment, dans le réseau, il y a beaucoup de fondations, d'ailleurs
vous avez vu les chiffres, là. Mais c'est tout là, le message qu'on a
concernant le sentiment d'appartenance et la proximité. Il faut que le donateur
puisse mesurer l'impact de son don et aussi voir ce que ça peut produire comme changement dans sa vie et dans
l'offre de services de son établissement. Il faut que ça reste au niveau local, et
c'est pour ça que le niveau des appellations est vraiment important.
M. Barrette : Parfait, merci. J'ai
oublié de le mentionner tout à l'heure, quand je vous disais que, pour nous, il n'était pas question de changer les
dénominations des hôpitaux, qu'il n'était pas question de vous empêcher de
vivre votre vie telle qu'elle était, au
contraire, j'ai oublié de vous dire que nous allions vous donner la garantie
que les levées de fonds que vous
faisiez ou feriez continueraient à être dédiées à l'institution à laquelle vous êtes rattachés. Alors, c'est un côté qui est
identitaire et qui est essentiel, et aucunement nous n'avons l'intention
d'aller jouer là, d'une part.
Et, d'autre
part, s'il advenait, dans le futur, que vous vouliez faire autre chose, ça vous
appartient. C'est pour ça que, le projet de loi, on n'y touche pas, au
sens où il n'y a pas de provision qui dit : Vous allez faire ceci, vous
allez faire cela. C'est dans le sens où vous
continuez votre vie comme avant, avec le succès que ça a eu à date. Et on
espère que vous allez continuer et
que vous allez pouvoir continuer à faire les investissements dans les institutions en question, avec le bémol que
j'ai donné tantôt, qui est le respect de l'équilibre budgétaire qu'un hôpital
ou que cette institution-là régionale aura à respecter compte
tenu des temps d'aujourd'hui — on
appellera ça les temps modernes — parce que je pense qu'on est dans cette situation-là pour longtemps.
Du côté de la
recherche à proprement parler, est-ce
que vous voyez un problème d'un ordre
particulier ou si c'est un peu comme le reste, là?
M. Gibb
(Roger S.) : Je pense que je
vais inviter Mme Fauré à commenter. Children's... peut-être
qu'ils ont un programme de recherche plus important que je connais.
Mme Fauré
(Nicole) : Je ne penserais
pas qu'au niveau des fondations ça affecte beaucoup notre programme
de recherche. Au contraire, je pense que
c'est un élément clé, là, au niveau des collectes de fonds, pour toutes les
institutions. Alors, si justement on peut
garder cette identité-là de chacune des fondations… Puis même nous, on fait
partie d'un tout qui s'appelle le
CUSM, là, mais on veut garder notre identité en tant que L'Hôpital de Montréal
pour enfants. Et notre donateur, s'il décide qu'il veut donner à la
pédiatrie, bien il donnera à la pédiatrie. Mais on revient au fait de
l'identité, là, c'est bien important.
Puis nous, dans notre cas, si je compare, mettons, à Sainte-Justine, qui est
séparé du CHUM, il faut qu'on se démarque et puis par nos différents
projets, mais aussi par notre identité.
M.
Barrette : Parfait. Je ne
sais pas si mes collègues ont des questions. Moi, je pense que ça fait le tour, de
notre côté, pour ce qui est de la problématique des fondations, M. le Président.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le
ministre. Je passe maintenant
la parole à la collègue députée de Taillon pour une période d'échange d'environ
9 min 30 s.
(Panne de son)
Mme Lamarre : ...du projet de loi n°10?
M. Gibb (Roger S.) : Non.
Mme Lamarre : D'aucune façon?
D'accord. Donc, vous avez pris connaissance du projet de loi de façon... en
même temps que tout le monde.
M. Gibb (Roger S.) : Bien, à moins
que M. Granger... Non.
Mme
Lamarre : D'accord. Merci. Donc, si je reviens à votre projet de loi,
je vois, à la page 4, la dernière partie du paragraphe 6, vous témoignez
avec raison… Et je peux vous dire que, pour connaître aussi bien la
contribution des fondations, vous jouez un
rôle exceptionnel, essentiel dans, entre autres, l'acquisition d'équipements
qui sont importants, et vous y faites référence.
Vous dites : «Ce type de contribution a été nécessité en raison des
budgets insuffisants alloués à l'établissement pour le remplacement des équipements.»
Et vous ajoutez également : «…il faut savoir que, dans de nombreux hôpitaux,
les fonds versés par le ministère sont inférieurs à ceux versés par la
fondation. Dans le cas des centres jeunesse et de réadaptation, les fondations
sont souvent les seules à financer les programmes dédiés aux clientèles.»
J'aimerais vous entendre sur ce sujet.
Le Président (M.
Tanguay) : M. Gibb.
M. Gibb (Roger
S.) : Comme je l'ai mentionné en introduction, je porte deux chapeaux parce
que je suis aussi affecté à un CSSS, mais je
parle où je vis en termes de l'AFESAQ, en termes des fondations. Il reste que vous savez que, dans un établissement, dans un hôpital — je parle d'un hôpital — il y a toutes sortes de besoins, de toutes
sortes, médical, clinique, les patients,
toutes sortes de besoins, de demandes, certains qui sont justifiés, mais ils
sont tous justifiables dans une façon ou une autre, d'autres moindres.
Puis on sait très bien que les ressources financières du ministère sont restreintes. Donc, il y a les items qui tombent un
peu plus bas dans la liste des priorités. Donc, dans ce sens-là,
certains achats, certains approvisionnements
vont se faire, payés par le ministère, d'autres, ils seront payés par la
fondation. Et, vous savez, pour le
nouvel équipement, ça tombe macro dans deux listes : ou bien ça remplace
l'équipement désuet, ou bien c'est
l'équipement qui est identifié avec des grands projets d'immobilisation, les
projets capitaux. La liste de souhaits ou l'argent pour les listes des
souhaits, disons, dépendant de l'établissement, peut être plus ou moins. Donc,
on réfère certains établissements où il y a
peu d'argent pour l'achat de l'équipement qui se trouve dans une des deux
options ici. C'est à ça que je réfère. Et, du côté des services sociaux,
c'est encore plus vrai. M. Granger, pour autre chose?
M. Granger
(Roland) : Il arrive fréquemment que des fondations nous disent :
Bien, dans tel projet qui a été présenté, il y a une opportunité pour
l'établissement, il y a une perte d'équipement, il y a une problématique, et
bien souvent, quand il y a ces types de
développements là, on constate que c'est la fondation qui a réussi à régler le
problème avec ses propres fonds parce que
les fonds alloués du ministère sont des enveloppes fermées. Alors, c'est pour
ça quand on dit que les projets de développement et les marges de
manoeuvre bien souvent accordées aux directeurs généraux des établissements
proviennent des fondations.
Mme Lamarre :
Dans notre structure actuelle, il y avait une place importante et il y a une
place importante pour des représentations
des usagers. Alors, j'imagine que les usagers sont ceux qui peut-être
réussissent à faire plus de représentations
au niveau des fondations pour les besoins des centres jeunesse, des centres de
réadaptation par rapport à l'acquisition d'équipement de haute
technologie qui n'est pas toujours au vu et au su des citoyens. Donc, comment vous voyez la possibilité de maintenir à la fois
les deux objectifs, de fournir des équipements et de soutenir les
centres jeunesse et la réadaptation?
Le Président (M.
Tanguay) : M. Gibb.
M. Gibb (Roger
S.) : Il faut… et on a touché, dans notre mémoire, l'importance du
partenariat, partenariat communauté et fondation, parce que souvent vous savez
que l'image, la voix de l'établissement passe par la fondation, et c'est voulu pour qu'on… une belle expression anglaise, on
«sing from the same songbook», on chante de la même page, donc il faut
que les fondations et les établissements soient arrimés dans leurs besoins ou
leurs demandes vis-à-vis la communauté.
Pour
les comités d'usagers, dont, je pense, tu fais référence, j'ai été cinq ans
comme président de la fondation… pas vraiment question de ça. Nos
stratégies du côté fondation viennent de gestionnaires des établissements. On travaille… Il y a une liste de besoins, comme je
l'ai mentionné il y a trois minutes, il y a une liste de besoins, une
liste d'équipements qui est développée par les médecins, par les
professionnels, et le D.G. de l'établissement et le D.G. de la fondation
travaillent avec la même liste. Les comités d'usagers sont représentés du côté
CSSS, mais ils ne sont pas actifs… en tout
cas, dans la fondation que je connais. Est-ce que je me trompe? Donc, non, on
ne va pas avoir deux listes, une liste pour les fondations puis une
autre pour les établissements.
Le Président (M.
Tanguay) : Mme la députée de Taillon.
• (15 heures) •
Mme Lamarre :
D'accord. Écoutez, moi, j'entends, par exemple, là… Si on prend un exemple
concret en Montérégie, où on va avoir 1,5 million d'habitants... en fait, on a 1,5 million d'habitants et
on a deux grands hôpitaux qui ont des fondations très connues, ça
risque, donc, le CISSS, de se retrouver avec un seul nom, le CISSS d'un de ces deux hôpitaux-là, par
exemple. Vous avez parlé de
l'appartenance et de l'identité, mais là, concrètement, actuellement, on parle de l'agence de la Montérégie, on va
parler éventuellement du CISSS de tel hôpital. Donc, comment vous
allez faire pour ramener l'appartenance vraiment concrète de la population
locale à l'hôpital qui va être... une petite partie ou une partie du CISSS, du
grand CISSS?
M. Gibb (Roger
S.) : Bien, si je m'inspire des propos du Dr Barrette, ils vont
maintenir leur identité.
Mme Lamarre :
Donc, ils vont garder le même nom, et vous pensez que les gens vont...
M. Gibb (Roger S.) : Mais c'est ça
que je viens d'entendre.
Mme
Lamarre : Oui, on s'entend. Mais moi, je veux avoir votre opinion à
vous, votre perception...
M. Gibb (Roger
S.) : Bien, je me fie à vous, vous êtes les législateurs.
Mme Lamarre :
Mais, sur le principe, ce qu'on comprend, c'est que, si l'Hôpital Charles-Le
Moyne garde son nom, vous pensez que ça n'affectera pas du tout la capacité, par
exemple, de la Fondation Charles-Le Moyne de récupérer des sommes, même si le
CISSS porte le nom de Pierre-Boucher, par exemple?
M. Gibb (Roger
S.) : De mon humble avis, non.
Mme Lamarre :
Non. D'accord.
M.
Gibb (Roger S.) : D'autres, sûrement,
quand je sors ici : Ça, non, peut-être, M. Gibb, vous vous êtes trompé. Moi, je ne vois pas... On a une relation très
étroite, on va maintenir ça, entre les établissements puis les fondations, on va maintenir ça. Qu'est-ce
qui se passe ici, au Québec, ou entre les deux, pour moi, ça ne touche pas
nécessairement cette relation-là.
Mme
Lamarre : Sur l'identité. C'est bon. Maintenant, vous savez que...
Vous avez parlé beaucoup d'équipements. On sait que, dans les cartons du ministre, il y a aussi le développement
de cliniques privées qu'il veut équiper avec des équipements. Alors, est-ce que le fait de mettre ces équipements-là dans
des cliniques privées, au niveau de votre travail, ça ne risque pas de
déplacer la demande pour les hôpitaux, qu'on se fie de plus en plus à la
fondation de l'hôpital pour acquérir les
nouveaux équipements au détriment d'autres organisations qui vont être générées
sur le terrain et également des centres jeunesse, des centres de
réadaptation et d'autres vocations que vous desservez?
Le Président (M.
Tanguay) : M. Gibb, pour encore une minute d'échange.
M.
Gibb (Roger S.) : O.K. Juste pour que je comprenne bien, vous dites
que l'équipement de l'établissement soit transféré dans une clinique
privée?
Mme
Lamarre : Non. Je dis que les sommes d'argent prévues pour
l'acquisition d'équipements pourraient être transférées dans des
cliniques privées, puisqu'on va construire des cliniques privées...
M. Gibb (Roger
S.) : Je n'ai pas...
Mme
Lamarre : ...et donc votre besoin à vous, qu'actuellement vous
répartissez entre deux grands enjeux, des équipements médicaux ou de
l'aide à un centre jeunesse, là vous allez être sollicités davantage pour
contribuer au rehaussement des équipements de votre établissement de santé?
M. Gibb (Roger
S.) : Madame, oui.
Mme Fauré
(Nicole) : Je crois sincèrement que nos fondations et nos donateurs,
qui sont de plus en plus sophistiqués, quand ils donnent pour une pièce
d'équipement à l'institution publique, cet équipement-là va rester à l'institution. Surtout qu'aujourd'hui on est à
court, tout le monde veut de nouveaux équipements, alors je ne pense pas
qu'il va y avoir de transferts, là.
Mme Lamarre :
On ne pense pas aux déplacements, on pense aux sommes que le gouvernement
consent actuellement...
Mme Fauré
(Nicole) : Non, mais, la fondation de l'établissement...
Mme Lamarre :
...il va les mettre ailleurs.
Mme Fauré
(Nicole) : Oui, je comprends, mais je ne pense...
Mme Lamarre :
Et donc ça va créer plus de pression sur votre fondation.
Le Président (M.
Tanguay) : En terminant.
Mme
Fauré (Nicole) : Je ne penserais pas que la fondation, qui donne des
fonds à une institution publique, va aller donner… Parce que ces fonds-là sont dédiés. Alors, de toute façon, ils
ne peuvent pas s'en aller vers une clinique privée, là.
Mme Lamarre :
Ce n'est pas ça...
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, ceci met fin à l'échange avec la députée de Taillon. Je cède
maintenant la parole, pour une période de 6 min 20 s, au député de
La Peltrie.
M.
Caire : Merci, M. le Président. Bienvenue à vous trois. Ma
première question. M. Gibb, vous avez dit, d'entrée
de jeu, que vous souhaitiez que, dans les sept membres indépendants, un
représentant de la fondation puisse être considéré. Vous avez aussi dit qu'il était important pour une fondation
de bien connaître les orientations de l'institution qu'elle dessert.
Puis j'essayais de voir si vous faisiez un lien entre une participation d'un
membre de la fondation au conseil d'administration et la capacité à avoir cette
connexion-là avec son établissement.
Le Président (M.
Tanguay) : M. Gibb.
M. Gibb (Roger
S.) : Je ne suis pas sûr que j'ai tout à fait compris la question.
M.
Caire : Bien, est-ce que, pour vous, être membre du conseil
d'administration, faire partie des sept membres indépendants, c'est la
façon de s'assurer que la fondation va être...
M.
Gibb (Roger S.) : Non, non. Peut-être… sûrement je me suis mal
exprimé. Je dis simplement que, au moment que vous êtes en train de monter le nouveau C.A. des CISSS, de 13
personnes, où il y a sept personnes indépendantes, où il y aura des noms
soumis à une table d'experts, s'il y a du monde — femmes, hommes — qui
sont qualifiés et qui se trouvent à un C.A.
d'une fondation, actuellement ils sont ignorés. Nous, on réclame qu'ils
devraient être considérés. Ils ne devraient
pas être pénalisés. Mais c'est juste dans ce sens-là, ce n'est pas d'avoir plus
de représentation au niveau du C.A.
du CISSS, ce n'est pas ça du tout. C'est simplement qu'on a du monde compétent,
même très compétent autour des C.A. des fondations, et, s'ils sont
invités à soumettre leurs noms pour évaluation, pourquoi pas?
M.
Caire : Dans le fond, ce que vous dites, c'est que ce n'est
pas un critère que d'être membre de la fondation…
M. Gibb (Roger
S.) : Non, non, non.
M.
Caire :
…pour être membre du C.A., mais ce n'est pas un critère non plus de l'exclure
parce qu'il est…
M. Gibb (Roger
S.) : Exact, c'est ça. Non, non, non.
M.
Caire :
O.K., je comprends, là.
M.
Gibb (Roger S.) : Le monde compétent et expérimenté… Prenons le cas
d'avocats, par exemple. Il y a, dans certaines
professions, comme avocats ou d'autres, un nombre restreint qui sont prêts à
donner de leur temps, à 400 $ de l'heure, pour la cause publique.
M.
Caire :
Un bon comptable, c'est un bon comptable.
Mme
Fauré (Nicole) : Juste pour compléter, faire la boucle sur ça, je
pense que ce qu'il est important aussi de comprendre, c'est que la
fondation est au service de son institution, puis ce qu'on veut, nous, c'est de
se donner tous les outils possibles pour
qu'il y ait un arrimage entre les besoins de l'hôpital et nos donateurs. Puis
souvent nos donateurs, de plus en plus, ce qu'on remarque, c'est que
c'est des dons dédiés, puis, nécessairement, des fois, ce n'est pas le besoin de l'institution. Alors, il faut qu'on
travaille ensemble. Puis justement, la FESAQ, on vient de conclure… on a
développé un guide pour aider les
institutions et les fondations à travailler mieux ensemble à aller chercher les
bons fonds pour les bons équipements,
les bons besoins ou la bonne recherche. Alors, pour nous, le fait d'avoir
peut-être un membre de notre fondation qui, si on n'en trouve pas
d'autre, mais pourrait être aussi sur le conseil du CISSS, ça serait un atout additionnel,
je pense, naturel.
M.
Caire : Un des objectifs du projet de loi, c'est de réduire
l'administration, la bureaucratie. Dans la collecte de fonds, on sait que souvent c'est une préoccupation
des donateurs que l'argent aille à… vous en parliez tout à l'heure d'un
projet dédié ou qui soit vraiment utilisé à des fins d'acquisition
d'équipements ou, bon, pour améliorer la qualité de l'hôpital de façon générale et non pas en bureaucratie. Et souvent les
fondations ont cette préoccupation-là de dire : Écoutez, nos frais d'administration sont vraiment minimes
parce que c'est une préoccupation. Est-ce que vous avez l'impression
que, dans la perception d'éventuels
donateurs, le fait que le projet de loi veuille s'attaquer à la réduction de
l'administration, ça pourrait même faciliter la collecte de dons?
Le Président (M.
Tanguay) : M. Gibb.
M.
Gibb (Roger S.) : Question intéressante. Comme j'ai mentionné tout à
l'heure avec Dr Barrette, le donateur moyen ou une corporation, je ne
suis pas sûr qu'ils sont préoccupés par la structure au-delà de l'hôpital. Ils
ont une demande de faite pour l'oncologie, ou pour les enfants, ou pour
d'autres causes, ou la santé mentale, la corporation ou l'individu, ils font une évaluation et, si c'est justifié, ils vont
faire une demande pendant un an ou cinq ans. Mais le fait que le… Tant mieux si notre système de santé est
plus efficace puis on offre le meilleur service aux patients. Bravo!
Puis pas de gaspillage dans le réseau, encore mieux. Peut-être, peut-être.
C'est une question intéressante. Oui, peut-être…
M.
Caire :
Perceptuellement. Bien, je vois M. Granger qui a peut-être envie de… avec la
permission du président.
Le
Président (M. Tanguay) : M. Granger, oui.
M.
Granger (Roland) : La seule situation qui peut être problématique,
c'est qu'actuellement on a beaucoup de directeurs généraux
d'établissements qui siègent sur le conseil d'administration de la fondation.
Et Mme Fauré a fait référence au guide qu'on
va publier bientôt. Dedans, c'est marqué important que le directeur général de
la fondation siège au comité de direction de l'établissement.
Dans la structure qui
se présente, ça va être un problème problématique, parce que le D.G. de
l'établissement qui va avoir huit, neuf, 10
fondations dans sa région ne pourra pas siéger sur chacun de ces conseils-là.
Et il va falloir être créatif, là,
pour trouver une façon qu'il y ait partage des objectifs, mais que le directeur
ou la directrice de la fondation ait l'opportunité
de découvrir à l'intérieur de l'établissement les opportunités de lever des
fonds. Des fois, c'est des projets, c'est
une situation qui est arrivée au niveau d'un malade, etc., manque d'équipement,
et le directeur général va saisir ces occasions-là pour aller chercher
des fonds. Alors, c'est peut-être là, la problématique qu'il peut y avoir, là,
d'être proche entre les deux D.G. comme
tels. C'est le seul problème, pour l'instant, en tout cas, que je vois à la
grande structure.
Le Président (M.
Tanguay) : Pour un dernier 20 secondes.
M.
Caire : Oui. Bien, en fait, vous soulevez une problématique
intéressante. Puis quelle serait la solution que vous proposeriez, à ce
moment-là?
• (15 h 10) •
M. Granger
(Roland) : Bien, écoutez, là, on va attendre que la structure se mette
en place, là, comme telle. Mais je sais que
nous, on va avoir des réflexions à faire pour déjà modifier notre guide pour
cet aspect-là comme tel. Mais il faudra… bien, en tout cas, dans la préoccupation
de M. le ministre d'aussi mettre, dans les définitions de tâches des nouveaux D.G. des établissements, d'avoir un lien
avec la fondation, important, mais aussi de vérifier, dans les
compétences de ce nouveau D.G.-là, sa probité à être prophilanthrope à
l'intérieur de l'établissement parce que…
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Granger, c'est tout le
temps dont nous disposons. Vous pourrez peut-être compléter, avec la
magnanimité de notre collègue de Gouin qui dispose de trois minutes pour un
échange avec vous.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. Je vais essayer d'être magnanime,
mais j'ai quand même une question. Bonjour, messieurs, madame. Écoutez, au
point Exclusion des administrateurs d'une fondation, vous nous dites : Peut-être qu'à Montréal ça ne cause
pas de problème ou dans les grands centres, mais, en région, il y a un
bassin plus restreint de gens qui pourraient
occuper un siège de ce qu'on appelle les indépendants, là, sur un conseil
d'administration. Et vous soulignez à juste titre que, parmi les
administrateurs de vos fondations, il y a évidemment des gens que vous qualifiez d'«influents et férus», et je n'en doute
pas un instant. Mais ne pensez-vous pas quand même qu'y compris en région il y a plein de gens, dans d'autres milieux
peut-être, dans des milieux communautaires, dans toutes sortes de
milieux, là, de proximité avec la
communauté, qui auraient aussi tout ce qu'il faut pour participer au conseil
d'administration du CISSS?
M. Gibb (Roger
S.) : Mme David, peut-être, peut-être. Mais je peux vous dire que je
suis bénévole depuis aisément 10 à 12 ans de
façon importante, et recruter les membres du C.A. bénévoles, ce n'est pas
donné, ce n'est pas facile. Ce n'est
pas facile. Le nombre de personnes disponibles… ils ne sont pas si présents que
ça. Et je sais très bien qu'autour de nos
tables ils font... Il faut bien dire que les tables des C.A. des fondations
sont importantes. À Saint-Jérôme, c'est 29, au Children's, c'est 42, je pense, donc il y a toute une gang autour de la
table. Donc, nous, on dit simplement qu'à enlever ce monde-là, qui sont
actifs, qui sont professionnels, qui sont motivés, qui connaissent le milieu,
le réseau, de ne pas considérer ces noms-là pour le poste au CISSS… Et, s'ils
sont considérés, après ça, ils ne sont plus au bénéfice de la fondation qui livre l'argent important à leur
établissement. On dit : Pourquoi? Ils peuvent faire le même poste, le
même rôle sur deux C.A. Pourquoi pas? Mme Fauré…
Mme David (Gouin) :
Je comprends très bien puis je ne porte pas de jugement là-dessus, mon idée
n'est pas faite pour le moment. Mais je voulais simplement souligner qu'il y a
aussi d'autres personnes férues, peut-être moins influentes, mais certainement
férues, avec des capacités, qui peuvent aussi occuper un poste comme celui-là.
Mais
j'ai une deuxième question qui touche, moi aussi, la question des fondations
qui subventionnent ou qui, en fait,
donnent de l'argent, là, pour des programmes dédiés aux clientèles. Et là on parle d'entre autres centres jeunesse,
centres de réadaptation. Et on dit : Elles sont souvent les seules à le
faire, ce qui, j'avoue, me sidère un peu. Mais tant mieux que vous soyez là,
mais, il me semble que ça veut quand même dire qu'il y a un problème quelque
part.
Et
je repose la question de ma collègue de l'opposition officielle, c'est
que, même si le ministre
nous dit : Il y aura des garanties, comme il n'y a qu'un seul
conseil d'administration sur l'ensemble du territoire d'une région, quelle garantie ultime aura l'établissement de service
social, disons, que vraiment l'argent récolté va aller à ses fins à lui et
non pas à quelque chose ailleurs dans la région décidé par le conseil
d'administration du CISSS?
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Je vous accorde 15 secondes.
M. Gibb (Roger
S.) : J'invite M. Barrette à répondre à la question.
Le Président (M.
Tanguay) : Il n'y a plus de temps, mais je vous accorde 15 secondes,
s'il vous plaît, pour répondre. Vous avez 15 secondes pour répondre. Je vous
l'accorde.
M. Gibb
(Roger S.) : 15 secondes, mais vais dire : Dr Barrette, écoute,
nous, on travaille en bonne foi, comme Mme
Fauré vient de dire, en collaboration étroite avec les établissements, on a
quand même un système de vérification pour s'assurer que l'argent est
bien dépensé dans la bonne place, écoute, à l'avenir…
Mme Fauré
(Nicole) : Les fondations gèrent les budgets des fondations et non pas
le budget qui sera alloué au CISSS, là. Alors, ça sera le conseil du
CISSS…
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup…
Mme Fauré (Nicole) : …à bien gérer
ces budgets-là.
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, je vous remercie beaucoup. Vous êtes
notre premier groupe, nos premiers représentants, alors vous nous avez
aidés à briser la glace. Je vous remercie beaucoup pour votre participation.
Et je vais
maintenant inviter les représentants de la Fédération des médecins spécialistes
du Québec à prendre place.
Et, dans l'intervalle, je suspends nos travaux.
(Suspension de la séance à 15 h 15)
(Reprise à 15 h 18)
Le Président (M. Tanguay) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Je souhaite
maintenant la bienvenue aux représentants et représentantes de la Fédération
des médecins spécialistes du Québec.
Pour les fins d'enregistrement, je vous demande
de bien vouloir vous présenter, également présenter les personnes qui vous
accompagnent. Et par la suite vous disposerez d'une période de 10 minutes pour
votre exposé. Alors, la parole est à vous.
Fédération des médecins
spécialistes du Québec (FMSQ)
Mme Francoeur (Diane) : Bonjour, mon
nom est Diane Francoeur, je suis la présidente de la Fédération des médecins
spécialistes du Québec. Je suis accompagnée de mon vice-président, le Dr
Raynald Ferland, ainsi que notre directeur
des affaires juridiques, Me Sylvain Bellavance, et de Mme Nicole Pelletier, la
directrice des communications.
Alors, M. le Président, M. le ministre, M. le vice-président,
mesdames messieurs membres de la commission, bonjour.
La Fédération des médecins
spécialistes du Québec remercie la commission
de l'occasion qui lui est offerte de s'exprimer
sur le projet de loi n° 10. La fédération regroupe près de 10 000 médecins spécialistes, répartis dans 35 associations médicales, chirurgicales et de
laboratoire. Bien qu'heureuse de pouvoir s'exprimer devant la
commission, la fédération déplore le court
délai qui lui a été imposé pour le faire. À court de temps, nous avons dû faire
porter notre réflexion première sur les enjeux de ce projet sur la
médecine spécialisée. Cependant, évidemment, nous sommes conscients que cette
réforme a une plus large portée et concerne les autres professionnels de la
santé avec qui nous travaillons en étroite collaboration au quotidien.
Ce projet de
loi suscite beaucoup de questions qui ne trouvent pas de réponses. Nous nous
réservons le droit de compléter notre
analyse et de faire part à la commission de notre position finale, mais d'emblée,
nous considérons que le projet de loi est irrecevable.
• (15 h 20) •
D'abord, comme commentaire général, est-ce que
chaque nouveau gouvernement, voire chaque nouveau ministre de la Santé, se doit de faire subir une réforme importante du
réseau de la santé? Le réseau de la santé du Québec a subi de profondes transformations depuis plus de
20 ans. Les médecins, les travailleurs du réseau de la santé ainsi que
nos patients ont tous eu à subir les contrecoups de ces transformations
successives. Doit-on à nouveau les affliger d'une nouvelle réforme?
Or, de façon
générale, le projet de loi n°10 remet en question l'organisation locale des
soins de santé et concentre entre les mains d'une seule personne, le
ministre de la Santé et des Services sociaux, une gamme de pouvoirs et de
responsabilités hors du commun. Dans ce contexte, nous lançons un appel à la
prudence et à la nécessité de nous donner un temps d'analyse, de réflexion et
de consultation acceptable avant d'adopter une telle réforme.
M. le
Président, permettez-moi de citer l'actuel ministre de la Santé, qui affirmait,
dans un passé pas si lointain : «…une
condition […] s'impose encore aux élus qui se disent prêts à agir, prêts à
prendre les vraies décisions : écouter ceux et celles qui oeuvrent
quotidiennement dans le système public de santé, ceux-là qui font même la
différence dans la vie des malades.»
Dans nos commentaires spécifiques, nous retenons
les trois points suivants. Le premier : la fusion de l'agence et des établissements d'une région. Au
cours des dernières années, la fédération a milité en faveur de
l'abolition des agences. L'objectif était
d'abolir un palier décisionnel que nous jugions superflu. D'aucuns pourraient
croire que ce projet est de nature à
réjouir la fédération, mais est-ce la vraie conséquence du projet de loi n°10?
À notre avis, ce n'est pas le cas.
Pour
la fédération, l'abolition des agences régionales signifiait l'octroi d'une
plus grande autonomie à chacun des établissements du réseau, lesquels
sont les plus à même de prendre des décisions visant à assurer l'organisation
et la dispensation des soins à la
population. On doit s'interroger sur l'impact de cette réforme et être
convaincu des bienfaits qu'elle entraîne.
Quant aux impacts, malheureusement trop de
questions demeurent en suspens. Il faut bien comprendre que certains
établissements régionaux regrouperont plus de 2 000 médecins répartis dans
une dizaine d'installations différentes,
parfois séparées par plusieurs centaines de kilomètres et desservant une
population de plus de 1 million de personnes, comme par exemple la
Montérégie.
Est-ce là un
gage d'efficacité et d'efficience? Ne devrait-il pas y avoir des critères de
regroupements minimaux et maximaux? Pourquoi certains centres
universitaires fusionnés, comme à Sherbrooke et à Québec, alors que d'autres seront
autonomes, comme à Montréal? Comment s'établira la gestion médicale d'un tel
réseau? La fusion de tous les conseils
médecins, dentistes et pharmaciens — auxquels je référerai à l'acronyme
CMDP — rendra-t-elle
plus difficile cette gestion? Compte
tenu de la réorganisation actuelle des laboratoires, comment réconcilier le
fait que certaines grappes qui sont déjà en fonction soient distinctes
des regroupements régionaux?
Lorsqu'un
médecin présentera une demande de privilège dans un établissement régional,
dans quelle installation sera-t-il tenu ou lui sera-t-il permis
d'exercer? Le médecin aura-t-il à se déplacer d'une installation à l'autre? Si
oui, de quelle façon et dans quelles
conditions? Au cours des années, nous avons réussi à diminuer les pénuries et à
assurer la couverture du vaste territoire québécois en rendant plus favorable
la pratique en région. Les obligations que ce projet pourrait imposer vont-elles faire en sorte que les jeunes médecins
n'oseront plus s'engager en région? Risquons-nous de créer de nouvelles pénuries? Quel sera l'impact de
toute cette réforme sur les soins des patients? Seront-ils eux-mêmes
régionalisés?
Il importe
donc, pour la fédération, que le ministre de la Santé définisse davantage sa
vision sur l'organisation de la pratique médicale, les statuts du
médecin et l'exercice de leurs privilèges et obligations. Nous le répétons, le
projet de loi n°10 soulève bien des
interrogations, bien des doutes, voire des craintes. Nous croyons que les
centres régionaux seront parfois trop
vastes et inefficaces et ne pourront développer une identité commune. Nous
sommes d'avis que les plus petits établissements seront défavorisés et
que leur mission sera mise en péril par leur fusion avec des établissements
plus importants.
Nous croyons
que la fusion des CMDP engendrera une diminution de la participation des
médecins dans la gestion médicale et dans l'évaluation de la qualité de
l'acte et qu'il y aura moins d'implication des médecins plus éloignés du centre décisionnel. Il est malheureusement que
ceux-ci vont perdre le sentiment d'appartenance qu'ils avaient
auparavant et risquent d'être démotivés. Plutôt que d'encourager la
participation des médecins, les fusions engendreront conflits, frustrations et
méfiance envers les instances décisionnelles du CISSS. Trop de questions, de
doutes, de craintes sur l'impact d'un tel projet de loi.
Deuxième
point : l'instauration d'une nouvelle gouvernance au sein des
établissements régionaux. Nous avons revendiqué l'importance de
dépolitiser le réseau de la santé. Or, en permettant au ministre de la Santé de
nommer lui-même chacun des membres du C.A.
et des hauts dirigeants, le projet de loi va dans le sens contraire et accroît
l'influence politique du ministre sur le réseau de la santé. Déjà, nombre
d'intervenants du réseau hésitent à se prononcer sur la réforme actuelle en
raison de la concentration des pouvoirs qui échoient au ministre de la Santé et
de la possibilité que tout dissident en subisse les conséquences.
En ce qui a
trait à la nomination du P.D.G. et du P.D.G. adjoint, que doit-on dénoncer? Le
projet de loi n° 10, qui met entre les mains du ministre la
désignation de ses hauts dirigeants, ou le subterfuge actuel, qui laisse croire
qu'il s'agit d'une décision de
l'établissement, alors que celle-ci est plutôt souvent dictée par Québec? Sur
cette question, le projet de loi n° 10 a, à tout le moins, la
qualité d'être transparent.
Si le projet de loi n° 10 devait réformer
la gouvernance des établissements, ce devrait être pour mettre en place la
nécessaire et combien importante cogestion médicale. La fédération trouve
important que, dans tous les établissements
de santé, au moins un des deux postes, le P.D.G. ou le P.D.G. adjoint, soit
occupé par un médecin. En effet, la
désignation d'un médecin à l'un de ces postes aurait non seulement pour effet
d'assurer que l'expertise pourra être mise à contribution dans le cas de
l'organisation et de l'administration d'un établissement, mais également que
cette tâche pourra être accomplie de manière plus indépendante afin d'assurer
une meilleure dispensation des soins aux patients.
Pour ce qui est
du dernier point, la redistribution des pouvoirs des agences et l'omniprésence
du ministre de la Santé, la fédération souhaite émettre trois
commentaires à ce niveau. D'abord, la fédération se questionne sur cette simple
redistribution de pouvoirs, alors que l'abolition des agences aurait été
l'occasion de procéder à une révision de ce
pouvoir et supprimer plusieurs d'entre eux. Par ailleurs, il nous apparaît
important de préciser que l'allègement ou l'élimination de différentes structures administratives ne doit pas se
traduire par l'élimination de structures fonctionnelles de concertation visant une meilleure organisation des
services de santé, telle la table régionale des chefs de département.
Deuxième
point, l'ensemble des pouvoirs ou des responsabilités qu'une agence exerçait à
l'égard de l'établissement sera dorénavant du ressort du ministre. La
présente réforme préconise ainsi une centralisation des structures et des modes de prise de décision qui vont à l'encontre
du consensus actuel des experts en organisation des services de santé en
faveur d'une plus grande décentralisation.
La fédération dénonce l'ampleur de cette appropriation ministérielle des
pouvoirs appartenant actuellement aux
agences. Le ministre se trouvera ainsi à faire de la microgestion quotidienne
dans le réseau.
Troisième
point, le projet de loi n° 10 propose également l'ajout d'une panoplie de
nouveaux pouvoirs qui bénéficieront tant au ministre qu'au gouvernement.
Ceci renforce à nouveau…
Le Président (M. Tanguay) : En
conclusion, s'il vous plaît, madame.
Mme Francoeur
(Diane) : …la centralisation…
Le Président (M. Tanguay) : En
conclusion, s'il vous plaît.
Mme Francoeur (Diane) : En
conclusion, la Fédération des médecins spécialistes du Québec lance un appel à l'extrême prudence aux parlementaires et insiste
sur la nécessité de s'attarder davantage aux impacts potentiels de ce
projet de loi et aux mesures irréversibles qu'il introduirait s'il était adopté
sans amendements appropriés.
Comme nous
l'avons dit d'emblée, dans son état actuel, le projet de loi n° 10 est
irrecevable. Nous demandons au ministre de reconnaître que son projet de
loi va trop loin et qu'il doit être clarifié, modifié et bonifié. Il pourra
alors évidemment compter sur notre collaboration pour participer à des échanges
constructifs et rigoureux, dans l'intérêt du réseau de la santé et celui des
patients.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup pour votre présentation.
Alors, débutons les échanges maintenant avec les représentants de la banquette ministérielle. Je cède la parole
au ministre pour une période d'environ 21 minutes.
• (15 h 30) •
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Dre Francoeur, Dr Ferland, Mme
Pelletier, Me Bellavance, alors, bienvenue à cette commission
parlementaire. D'ailleurs, je tiens d'abord à vous remercier d'avoir déposé,
séance tenante, un mémoire avec, effectivement, de si courts délais qui sont hors de mon contrôle. Et je suis content
de constater que vous venez ici dans
l'optique de participer de façon constructive aux débats sur le projet de loi n° 10 et je vous en remercie. Ceci dit, j'ai pris quand même quelques notes sur
la présentation de votre mémoire, que j'ai regardé en diagonale évidemment
pendant votre présentation, Dre Francoeur, et je me permettrai certains
commentaires.
Alors, évidemment,
dans les débats parlementaires que nous commençons aujourd'hui, les débats ne peuvent se faire
que sur une compréhension mutuelle des faits qui sont devant nous et de leur
interprétation. Alors, le projet de
loi, vous en avez pris connaissance évidemment et vous avez fait part de votre interprétation de
la chose, alors ça me permet de prendre
quelques moments pour rectifier peut-être certains éléments qui peut-être
vous ont échappé dans des commentaires que j'ai passés dans les
dernières semaines.
Alors, lorsque, Dre Francoeur, vous faites
référence au fait que ce projet de loi là vise à faire en sorte que le ministre,
en l'occurrence moi-même, ou tout autre ministre fasse de la microgestion, évidemment
il n'en est pas le cas, il n'y a
pas... L'objectif du projet
de loi est de faire en sorte qu'on
met en place une structure qui fasse en sorte qu'au contraire le mode de
gestion du gouvernement... pas du gouvernement, mais du réseau de la santé se
fasse dans un mode où le gouvernement soit le donneur d'ouvrage — qui
est une expression consacrée dans le réseau comme vous le savez — le
donneur d'orientations et que la gestion se fasse évidemment sur le terrain, le
terrain devenant celui des CISSS. Et, en cet état-là, le projet de loi vise à
faire essentiellement la forme de régionalisation et donc de décentralisation la plus poussée qu'on aura vue
dans le Québec et la forme de décentralisation au niveau de la
région dans un contexte qui est particulier,
qui est celui d'une intégration. Et l'objectif est de faire en sorte qu'il y ait
au bout de la ligne une intégration des services, tous les types de
services.
Et, comme
vous êtes vous-même, Dre Francoeur, à même de le constater, particulièrement dans le type de pratique que vous avez, vous savez que le très
spécialisé qui est, par exemple, votre domaine d'activité, qui est aussi
parfois lié à du social et du communautaire,
parfois l'arrimage ne se fait pas toujours idéalement, et l'objectif est de
faire en sorte que cet arrimage-là se fasse. Alors, ici, la question
n'est pas de savoir s'il y a une centralisation, l'objectif n'est pas là. L'objectif est de savoir si… — ou du moins le débat — s'il est possible, dans une structure
régionalisée comme un CISSS… si les
différentes instances sont capables de s'asseoir à une même table, et avoir les
mêmes débats, et intégrer tous leurs services, et leurs procédures, et
leur gestion, et c'est ce que l'on vise.
Lorsque vous nous suggérez... lorsque vous nous
critiquez... — j'accepte
la critique, c'est pour ça qu'on est ici,
évidemment — d'avoir
la possibilité d'avoir un P.D.G. ou un P.D.G. adjoint qui soit un médecin dans
le cadre d'une gestion partagée,
bien, bienvenue. Rien dans la loi n'exclut la possibilité qu'un médecin se
présente à un de ces deux postes là
ou, à la limite, aux deux postes. Lorsque vous faites référence à la table
régionale des chefs, bien la table régionale des chefs, dans une
intégration des soins et des services sociaux dans un réseau, bien la table
régionale des chefs non seulement elle n'a
pas besoin d'être là, mais il doit y avoir mieux de la part des médecins. Ce
projet de loi là est un appel à la communauté médicale à participer à la
gestion et à participer à l'intégration des soins et services sociaux. C'est
exactement le contraire de ce que vous nous avez décrit. Mais je peux
comprendre qu'à la lecture du projet de loi vous ayez eu cette
interprétation-là et je suis content de vous entendre revendiquer cet
élément-là.
Vous êtes
bienvenus. Le corps médical est bienvenu. Vous êtes ici pour nous faire des
suggestions, et on va les entendre parce que le projet de loi vise
spécifiquement à ce que tout le monde, qu'il soit gestionnaire, ou médecin, ou quoi que ce soit dans le réseau, et le personnel
aussi, participe à un projet territorial d'intégration de soins et de
services sociaux de façon à ce que, pour une
fois, les décisions se prennent en fonction du patient et non l'intérêt de tel
groupe ou sous-groupe. Alors, vous êtes
bienvenus. Et, avec les critiques que vous faites, je constate que vos
critiques vont dans le même sens que
ce que nous voulons faire, dans le même sens. Vous avez parlé, par exemple,
d'implication des médecins; on la
veut, l'implication des médecins. L'implication des médecins se fera dans un
cadre qui sera l'éventuel cadre, et à cet égard-là vous aurez des
suggestions à nous faire.
Je vais vous…
Ça m'amène ici à vous poser une question qui est simple en regard des critiques
que vous posez actuellement. La Fédération des médecins spécialistes du
Québec, dans les trois dernières années — et vous avez pris le relais à la suite du départ d'un président
que l'on connaît — la
Fédération des médecins spécialistes a participé activement à un exercice qui s'appelle OPTILAB, OPTILAB, qui était
l'intégration sur un territoire de tous les services, de toutes les procédures, de tous les médecins, de
tous les privilèges, de tout le tout, le tout, le tout des laboratoires,
ça touchait quatre spécialités. Et, à ma connaissance, la Fédération des
médecins spécialistes a embrassé ce concept-là et actuellement ne s'en est pas
retirée. Or, le projet de loi n° 10 pourrait être qualifié non seulement
d'un OPTILAB, mais d'un OPTITOUT puisque c'est à grande échelle ce qu'OPTILAB
aura été dessiné pour faire. Alors, j'ai de la difficulté — j'aimerais
vous entendre là-dessus — à
concevoir que, pour OPTILAB, dont la finalité et le mode de fonctionnement est exactement le projet de loi
n° 10 sur un territoire, c'est exactement la même chose, comment il se
fait que, du jour au lendemain, un projet de
loi qui fait la même chose mais à une plus grande échelle devienne
immédiatement irrecevable?
Toujours dans
le même ordre d'idée — et votre collègue de gauche, Dr Ferland, pourrait nous éclairer
sur ce point, et je l'invite
fortement — il y a
une région au Québec, une seule, qui a fait 90 % du travail que le CISSS
de la Capitale-Nationale ferait. 80 % à 90 % du cheminement de
l'éventuel CISSS de la Capitale-Nationale a été fait dans la région de Québec, et ça s'est fait dans l'harmonie et au
bénéfice de tout le monde. Encore une fois, là aussi, comment peut-on
prendre en compte un élément comme celui-là, où exactement ce que le projet de
loi n° 10 veut faire a été fait en quasi-totalité et que là soudainement
aujourd'hui, aujourd'hui, là, à cette heure-ci, ça devient irrecevable?
Je conviens,
Dre Francoeur, avec vous qu'il puisse y avoir encore des choses à améliorer,
qu'il y ait encore des points d'achoppement, mais je comprends aussi de
votre intervention que vous êtes disposés à participer de façon constructive à la chose. Puis j'aimerais, à la
lumière des mes commentaires et des vôtres, voir s'il n'y a pas
maintenant un terrain d'entente ou un terrain
de communion plus évident et quels sont vos commentaires ou vos orientations à
cet effet-là.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, M. le ministre. Alors, Dre Francoeur.
Mme
Francoeur (Diane) : Alors,
merci, M. le Président. Vous me pardonnerez, M. le ministre, je n'ai plus
l'habitude de lire dans vos pensées,
mais je vais essayer de répondre à toutes vos questions parce que vous avez
adressé quand même un nombre considérable d'interrogations. Tout d'abord, en ce
qui concerne le projet OPTILAB, je me permettrai
de vous dire que c'est probablement une des raisons pourquoi les médecins
spécialistes sont si inquiets, parce que,
lorsque vous avez pris vos nouvelles fonctions, vous avez décrété que le projet
n'aurait pas lieu tant qu'il n'y aurait pas un système d'informatique
unique et qu'il n'y aurait pas les budgets, et, à ce jour, le projet OPTILAB
est parti sans système d'information unique,
sans budget et sans réglementation en ce qui concerne les médecins. Et il y a eu
certains projets de modification de la loi
médicale qui ont été proposés, mais qui ont été finalement remis à des
considérations futures.
Alors, oui, je comprends que vous avez une
préoccupation sur la régionalisation, mais, vous savez, jusqu'à maintenant, le ministère de la Santé a eu du mal à
créer des pôles régionaux, la raison étant bien simple, parce qu'on ne voulait pas qu'il y ait de la chicane entre deux
établissements en donnant des fonctions particulières à un centre plutôt
que l'autre, et, à ce moment-là, on en
donnait pour tout le monde. Alors, pour nous, c'est difficile de croire que
soudainement, parce qu'on a un nouveau
projet de loi qui… Je veux bien croire qu'on est de bonne foi et que vous avez
déjà tout prévu, la cogestion et tous
les règlements, mais, lorsqu'on lit le projet de loi tel qu'il a été déposé, je n'ai pas la réponse à
toutes ces questions dedans.
• (15 h 40) •
M. Barrette : Ce n'était pas la question
que je posais. J'aimerais vous entendre sur le fond, Dre Francoeur. Sur le fond, ce que vous me dites, là, à
l'instant, est à l'effet que les choses promises ne se sont pas toutes
réalisées, et je vous l'accorde, je
vous l'accorde, mais, sur le fond, je ne vous ai pas entendu me dire que
l'essence du projet OPTILAB, qui est essentiellement le même que le projet
de loi n° 10, était non fondé, et je ne vous ai pas entendu ne pas être
d'accord. Et, si vous n'êtes pas pas d'accord, vous êtes donc d'accord.
Mme Francoeur (Diane) : Alors, le
projet en soi... Parce que vous me demandez de préciser un projet que vous n'avez pas décrit dans tous ses détails dans
le projet de loi. Alors, le projet OPTILAB, encore une fois, je le
répète, le fond, qui est de travailler par
région, par grappe… D'ailleurs, nous avons été très surpris que ce projet qui
est si cher à votre coeur ne
représente pas les mêmes CISSS que ce qui est dans votre projet de loi n°10.
Alors, déjà là, est-ce qu'on va changer
tout le système, à faire des grappes, ça a déjà été tellement difficile de
passer ça au sein du réseau, pour arriver avec un nouveau projet de loi qui ne respecte pas les mêmes alliances?
Vous savez, quand on prend deux hôpitaux, et qu'on leur demande de
s'entendre, et qu'on arrive, quelques mois, quelques années plus tard, et qu'on
dit : Non, maintenant vous faites affaire avec celui-là, c'est extrêmement
difficile.
Cela dit, les
médecins spécialistes sont toujours prêts à participer de bonne foi, pour
utiliser un terme populaire, et nous serons toujours prêts à s'assurer
que le gouvernement nous permettra de travailler, parce que ce qui inquiète
beaucoup les médecins, c'est de pouvoir travailler au quotidien. Si on prend un
territoire, par exemple, comme la Montérégie,
il n'y a absolument aucun règlement dans votre projet de loi qui nous permet de
dire aux jeunes médecins qu'ils ne
seront pas obligés de travailler dans les cinq ou six établissements qui sont
couverts par cette région, et ça, c'est extrêmement irritant et
inquiétant pour les médecins qui sont sur place.
Le Président (M. Tanguay) : M. le
ministre.
M. Barrette :
Merci, M. le Président. Alors, je comprends bien cet élément-là. Donc, je
comprends, de votre intervention, que vous
nous demandez de préciser les modalités d'attribution de privilèges. Ceci dit,
je comprends aussi de votre
intervention que vous ne niez pas les bénéfices et avantages qu'il peut y avoir
à l'intégration. Je vous rappellerai, et corrigez-moi si je me trompe, que, quand on regarde l'intégration des
laboratoires, ça s'est fait dans tout le territoire du Saguenay—Lac-Saint-Jean
au bénéfice la population et du système, puisqu'il y a eu des économies, et que
ça s'est fait aussi dans la grande région de Québec, dans quatre spécialités,
au bénéfice des citoyens et du système pour les économies générées, et que, oui, je suis d'accord avec vous qu'il y a
des éléments à clarifier, mais, sur le fond, le fond qui est celui du projet de loi n°10, qui est
l'intégration, je comprends que, si les conditions de pratique, ou
d'attribution de privilèges, ou de
répartition de la charge de travail dans cette organisation étaient à votre
satisfaction, le projet de loi n°10, vous y souscririez allègrement.
Le Président (M.
Tanguay) : Dre Francoeur, je vous en prie.
Mme Francoeur
(Diane) : M. le Président. Écoutez, vous nous demandez de signer un
chèque en blanc. Je n'ai pas vu rien de tel
dans votre projet de loi. Par ailleurs, sur le terrain, présentement, il y a
des corridors de services qui fonctionnent extrêmement bien dans
certaines régions et qui ne respectent pas nécessairement la distribution que vous avez décidée. Donc, encore une fois, ce sont
des structures qui sont fonctionnelles qui se sont établies au fil des
années qu'on risque de mettre en péril pour satisfaire des enjeux qui ne sont
pas toujours clairs.
Le Président (M.
Tanguay) : Oui, M. le ministre.
M. Barrette :
Oui, M. le Président. Pouvez-vous me donner des exemples de corridors de
services?
Mme Francoeur (Diane) :
Exemple, si on regarde... Vous savez, on a passé par les RUIS, on a eu les RUIS
académiques, les RUIS fonctionnels. Il y a
certaines régions qui étaient couvertes par l'Université McGill, par
exemple l'Abitibi. L'Abitibi, la plupart des
médecins spécialistes étaient formés à l'Université de Montréal, ils nous
connaissaient, ils préféraient nous appeler. Donc, il y a eu un enjeu de
distribution de services, à ce moment-là.
Présentement, ce
qu'on craint, c'est qu'il y a des alliances qui ont été faites… Si on regarde,
par rapport au projet OPTILAB, est-ce que l'ouest de la ville de Montréal va
aller comme prévu ou est-ce que ceci sera modifié? Il y a quand même, sur le terrain,
des ententes de services qui ont été faites, et, pour nous, de mettre en péril
juste pour avoir un nouveau projet de loi qui se veut uniforme mais qui
n'est pas du tout détaillé amène une certaine inquiétude sur le terrain, surtout que l'histoire des fusions n'a
pas toujours été très heureuse. Si on prend des petits hôpitaux, parce que ce sont eux surtout qui
donnent des services à… pas des petits malades, à des vrais patients, et, dans
les petits hôpitaux…
Je
vais vous donner un exemple. L'hôpital de LaSalle, qui a été fusionné, dans les années
90, avec Verdun, les médecins
ont été démobilisés, il y a eu des clans, les médecins ont démissionné, ils
sont revenus au travail. Ensuite, pour les récompenser, on les a fusionnés avec Lachine. Alors, ce genre d'établissement, auquel vous avez annoncé l'ouverture de l'urgence la semaine dernière, est très inquiet. Ça leur a pris 10 ans, avoir
leur urgence parce qu'ils se sont perdus dans tous les dédales administratifs et ils ont été victimes
des mauvais choix qui ont été faits. Et, à ce moment-là, malheureusement, c'est cette institution qui a perdu la possibilité d'avoir des
plateaux techniques. Et les petits établissements qui vont
être associés aux grands, et même, dans la
région de Québec, si on… Je comprends que vous êtes heureux de la
performance du CHUQ lorsqu'on
parle des hôpitaux comparables sur… dans la ville de Québec, mais par contre, lorsqu'on vient y ajouter l'hôpital de Charlevoix et de La Malbaie ainsi que tous les
autres établissements qui vont être ajoutés, à ce moment-là les médecins
sur place sont inquiets de l'harmonie qui était présente.
Le Président (M.
Tanguay) : Oui, M. le ministre, en vous rappelant que, pour ce bloc,
il vous reste un peu moins de quatre minutes.
M.
Barrette : Alors, vous savez, Dre Francoeur, du côté du ministère et
de mon côté personnel, ce qui m'importe le plus, c'est évidemment le patient d'abord et avant tout. Alors, à cet
effet-là, Dre Francoeur, pourriez-vous me parler ou me faire quelques commentaires sur l'importance de ce
qui est appelé essentiellement l'accueil clinique, qui est
essentiellement de l'intégration de services de santé?
Mme Francoeur
(Diane) : L'accueil… Excusez-moi.
Le Président (M.
Tanguay) : Oui, je vous en prie.
Mme Francoeur (Diane) : L'accueil clinique fait partie des services que
les médecins spécialistes ont essayé de développer pendant les négos
justement pour permettre un accès plus rapide à la deuxième ligne. L'accueil
clinique n'est pas du tout dans le projet de
loi n° 10. Évidemment, tout ce qui nous permettra de faire de la médecine
spécialisée en deuxième ligne, nous sommes toujours intéressés et preneurs,
mais je ne vois pas la pertinence de votre question dans le dépôt du projet de
loi.
Cela dit, vous savez,
lorsqu'on parle d'un territoire, par exemple, comme la Montérégie, je verrais
très mal le patient qui a besoin de voir un
orthopédiste d'aller faire son scan à Pierre-Boucher, sa résonance à Charles-Le
Moyne pour finir par aller à Valleyfield consulter l'orthopédiste qui l'opérera
à Anna-Laberge. Alors, c'est une inquiétude qui n'est pas exclue dans le détail
de votre projet de loi.
Le Président (M.
Tanguay) : M. le ministre.
M.
Barrette : Alors, l'élément est très pertinent puisque l'élément… un
des objectifs fondamentaux du projet de loi n° 10 est d'intégrer les soins et services sociaux pour assurer
la fluidité du patient dans le système de santé et faire en sorte que justement le patient qui a besoin d'une
prothèse de hanche à Saint-Hyacinthe puisse avoir accès et aux examens
d'investigation et au chirurgien dans sa région sans ambages et sans obstacle.
Et, si je ne m'abuse, tous les projets d'accueil clinique existent parce qu'il
y a des problèmes d'accueil clinique, et ces problèmes-là en général sont des problèmes d'accès et de coordination, donc
d'intégration. À ma connaissance, les négociations sur l'accueil clinique
ne sont pas là pour faire des négociations comme telles, mais bien pour
résoudre des problèmes. Et le projet de loi n° 10, dans sa forme, vise précisément à régler ça à la grande échelle d'une
région. Et j'imagine que vous convenez avez moi que le lien entre la
première, la deuxième et la troisième ligne au Québec doit être plus fluide.
Le Président (M. Tanguay) : Dre
Francoeur.
Mme
Francoeur (Diane) : Alors,
présentement, il y a quand même des corridors de services, en ce qui
concerne la deuxième et la troisième ligne, qui pourront toujours être
optimalisés. Je pense que notre système pourrait de toute évidence être plus
performant à tous les niveaux.
Cela dit, je pense qu'en ce qui concerne la
médecine spécialisée les enjeux sont souvent reliés à l'accès aux plateaux
techniques, et évidemment, si votre projet de loi réussit à garantir l'accès
aux plateaux techniques à tous les médecins spécialistes, en principe les
listes d'attente devraient fondre comme neige au soleil, mais permettez-nous d'être perplexes. Évidemment, si nous sommes dans
l'erreur, nous serons les premiers à nous lever le matin et à être très heureux à aller travailler, parce que ce n'est pas
le cas présentement, les plateaux techniques ne sont pas au rendez-vous.
• (15 h 50) •
Le Président (M. Tanguay) : Pour un
dernier 30 secondes, M. le ministre.
M. Barrette :
Je comprends donc que vous doutez, mais, si ça se réalise, vous allez être
heureuse, donc vous êtes d'accord avec le fond. Mais vous avez le droit
de douter.
Le Président (M. Tanguay) : Un
dernier 10 secondes.
Mme
Francoeur (Diane) : Alors,
permettez-moi, sans vous insulter, M. le ministre, que je refuserai toujours
de vous donner un chèque en blanc.
Le
Président (M. Tanguay) : Bon. Alors, merci beaucoup pour cet échange.
Maintenant, je cède la parole à la représentante de l'opposition
officielle, la députée de Taillon, pour un bloc de 12 min 30 s.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue, Dre
Francoeur, Dr Ferland, Me Bellavance, et Mme Pelletier, merci d'avoir
répondu à l'appel rapide. D'entrée de jeu, je voudrais vérifier avec vous si
vous avez été consultés avant le projet de loi n° 10.
Le Président (M. Tanguay) : Madame…
Dre Francoeur.
Mme Francoeur (Diane) : On en
rêvait, mais ce n'est pas arrivé.
Mme Lamarre : Donc, aucune
consultation…
Mme Francoeur (Diane) : Aucune.
Mme Lamarre : …aucune communication,
aucun appel. Merci beaucoup.
Je vais
regarder un petit peu… J'ai trouvé que vos commentaires étaient très articulés
dans votre mémoire, même si on sent
que ça a été fait avec beaucoup de rapidité. Vous avez évoqué différents
éléments. Le premier sur lequel j'aimerais attirer votre attention, vous
avez dit, à la page 5, que, dans la structure actuelle, le ministre prévoit une
amélioration de l'accès, mais que vous
redoutez des pénuries au niveau des spécialistes. On n'a pas beaucoup de
minutes, hein, on a 11 minutes, donc
on va essayer d'aller le plus rapidement possible. Mais, quand même,
pouvez-vous illustrer un exemple de ça? Vous en avez illustré dans votre
présentation, mais plus concrètement encore.
Mme
Francoeur (Diane) : Alors,
c'est assez facile à expliquer. Vous savez, la fusion des établissements
nous fait craindre, surtout par manque de
règlements clairs, nets et précis, est-ce que les jeunes médecins… On a
travaillé pendant des années pour couvrir le territoire québécois et on
s'en tire quand même très bien présentement. Est-ce que les jeunes médecins
auront peur de s'engager à aller, par exemple, prendre un poste à Rimouski? On
sait que la difficulté est souvent de
trouver un travail pour le conjoint qui a du mal à s'installer dans la région,
et en plus, si on arrive avec des jeunes enfants… Qu'on soit homme ou femme, si on amène notre conjoint en région
et qu'en plus on lui dit : Lundi, Rivière-du-Loup; mardi, Rimouski;
mercredi, Matane; jeudi, Sainte-Anne-des-Monts; vendredi, Gaspé, c'est plus
difficile à vendre au niveau familial. Et
ça, pour nous, c'est une inquiétude parce que le règlement n'est pas clairement
défini, et on craint définitivement,
par exemple, que les jeunes médecins, par crainte de voir le règlement changer
en cours de route, décident plutôt
d'aller au Nouveau-Brunswick, qui est à peine un petit peu plus loin, où les
conditions sont plus clairement définies.
Mme
Lamarre : Merci. Tout comme vous, on avait compris, dans l'exercice
sur lequel on croyait que le ministre travaillait,
que ça conduirait à l'abolition des agences, mais ce qu'on constate, c'est que,
dans le fond, on a recréé les agences et
ce qui a été supprimé, ce sont vraiment les organisations locales, comme vous
l'évoquez très bien dans votre mémoire. J'essaie de voir : Au niveau des médecins spécialistes, est-ce que
vous arrivez à voir des avantages à ce que la structure plus proche des
gens soit diminuée en termes de pouvoirs?
Le Président (M. Tanguay) : Oui, Dre
Francoeur.
Mme Francoeur (Diane) : Nous avons
toujours défendu le principe d'abolir les agences justement pour diminuer les
paliers dans la prise de direction. Je vais vous donner un exemple. Au niveau
des effectifs médicaux, la structure qui est
en place présentement fait que souvent les dossiers vont prendre un temps fou à
l'agence à être étudiés, alors qu'il
va y avoir un poste qui est déjà disponible selon le site du ministère qui est
en principe toujours à jour, mais on se doit d'attendre, par exemple,
l'avis de conformité de l'agence pour…
Si on parle de l'agence de Montréal, par
exemple, on peut attendre pendant une année complète avant que le médecin
spécialiste ait la confirmation qu'il aura le poste pour lequel il a pris un
engagement pendant la quatrième année de sa
formation, par exemple. Alors, nous, on croit que ce genre de structure n'amène
rien de plus. Et ce que nous avons toujours souhaité, c'était de donner…
que les décisions évidemment se prennent au sein du ministère face à ce que chacun des établissements devra livrer comme
services, mais, une fois la décision et le budget pris, que tout se
règle localement et que l'établissement comme tel ait plus de pouvoirs, parce
que, lorsqu'on parle d'imputabilité, il faut qu'on soit capables de gérer tous
nos enjeux et toutes nos crises aussi.
11789 15429 Mme Lamarre : Merci. Écoutez, ce que j'entends
tantôt du ministre,
et j'en suis très heureuse, il semble que la Capitale-Nationale, dans la structure actuelle, sans le projet de loi n° 10, ait réussi à atteindre 80 % à 90 % des objectifs et de la
façon dont on veut que ça fonctionne. Donc, ça veut dire que, sans le projet de
loi n° 10, il y a des façons de réussir
dans notre… gagner de l'efficience, comme on le souhaite, et faire en sorte que
la population ait un meilleur accès aux soins. Donc, peut-être que ce
que vous pouvez nous dire, c'est qu'est-ce que vous voyez, vous, quand vous
dites «local», à quel niveau vous voyez ça
par rapport à une région comme la Montérégie, par exemple, puisqu'on en a
parlé.
Le Président (M. Tanguay) : Dre
Francoeur.
Mme
Francoeur (Diane) : Alors,
en Montérégie, on sait qu'il y a certains enjeux qui vont être distribués
parmi les établissements. Si on regarde, Charles-Le Moyne ont développé une
expertise en cancer. À ce moment-là, on s'attendrait
à ce qu'ils soient désignés, parce qu'il y a un centre de radiothérapie, pour
offrir les services de cancérologie dans
le 450. Si on regarde, par exemple, Pierre-Boucher a développé une expertise
davantage en mère-enfant. On n'a jamais voulu leur donner le titre de
pôle régional pour la Montérégie en mère-enfant, même si maintenant ils
accueillent des nouveau-nés qui sont
retransférés dans la région à partir de 34 semaines et qu'ils vont desservir
toute la population de la Montérégie.
La raison est simple, c'est qu'on ne voulait pas amener de chicane entre les
établissements de la Montérégie en leur donnant un statut particulier.
Toutefois, le travail est fait. Alors, nous, ce que nous souhaitons, c'est que
les établissements qui ont une mission qui sera définie soient à même de
développer ces secteurs d'activité sans avoir justement
à passer par les agences, qui essaient toujours de ménager la chèvre et le chou
pour faire plaisir à tout le monde.
Mme Lamarre : Alors que l'expertise
au niveau des CSSS est déjà là et la reconnaissance de ces expertises-là existe déjà. Vous avez vécu, je pense,
l'expérience de la dernière réforme au niveau de la création des agences et
les fusions. Vous diriez que ça a pris
combien de temps avant que le système de santé retombe sur ses pattes et qu'on
profite un peu de ces fusions ou de cette nouvelle structure?
Mme Francoeur (Diane) : Lors de la
dernière réforme, en ce qui concerne la médecine spécialisée, là où on a eu un défi majeur, ça a été dans la délivrance
des soins avec les CSSS au niveau des soins à domicile. Je m'explique.
Tous les suivis postopératoires, l'organisation de la physiothérapie, les
psychologues, travailleuses sociales, tous les suivis mère-enfant, lorsqu'il y
a eu les fusions de CSSS, on a eu une certaine angoisse, je dirais, sur le
terrain, où malheureusement les patients ont
dû rester hospitalisés souvent plus longtemps que prévu parce que les
structures n'étaient pas en place, il
n'y avait pas de couverture les week-ends, alors qu'on sait que les gens sont
malades 24-7. Et ça prend quand même quelques années, d'où notre
questionnement, quand vous aurez la chance de lire notre mémoire, que… Parce que vous savez que nous avons été avisés
vendredi, à 16 h 30, de la confirmation de la date d'aujourd'hui. Alors,
on a, dans notre mémoire, précisé que ce qu'on souhaitait, c'est d'améliorer
évidemment le système, mais est-ce qu'on a besoin de tout changer au complet,
avec un nouveau projet de loi, pour s'assurer qu'on donnera des meilleurs soins
aux patients? On remet un peu ça en question.
Le Président (M. Tanguay) : Mme la
députée de Taillon.
Mme
Lamarre : Merci. Je sais que les spécialistes sont particulièrement
touchés par les cinq, six suprarégionaux. On a vu la décision du
ministre de tous les concentrer à Montréal. Est-ce que ça pose un problème par
rapport à, par exemple, la région de Québec
ou la région de Sherbrooke, qui ont également des établissements universitaires
avec une vocation qui pourrait peut-être s'apparenter à une vocation
suprarégionale?
Mme Francoeur (Diane) :
Si vous me permettez, M. le Président, je laisserais la parole à mon collègue,
Dr Raynald Ferland, qui travaille dans la belle région de Québec, pour
vous transmettre les inquiétudes des médecins de Québec.
Le Président (M. Tanguay) : Oui, Dr
Ferland.
• (16 heures) •
M. Ferland
(Raynald) : Il faut comprendre une chose, dans la capitale régionale,
il y a deux éléments qu'il faut… qui sont à considérer dans ce qu'on
appelle la réussite correcte du regroupement. C'est, un, la distance réduite
entre les différents établissements et,
deux, une vocation qui est relativement similaire. On est dans un centre
universitaire où il n'y avait que deux types d'établissements, les CHA
et les CHU, donc une vocation qui était comparable. Maintenant, avec le projet
de loi, on agrandit cette région jusqu'aux limites de Charlevoix, inclus, et ce
n'est pas du tout la même vocation dans ces
centres d'établissements là. Et le risque est justement
là, c'est que ces centres secondaires deviennent des orphelins de la
réforme, d'une loi comme la loi n° 10.
L'autre élément que je veux apporter à votre
attention, c'est que la réforme qui s'est faite dans la région de Québec
ne s'est pas réalisée en un an, en deux ans ou en trois ans, ça s'est étalé sur
20 ans. J'ai connu la réforme du début avec
un premier regroupement, j'ai connu la fermeture de certains centres
secondaires lors de la politique de déficit
zéro, avec le premier ministre Bouchard, et on a eu la deuxième vague de
regroupements, où il y a eu la fusion du CHA et du CHU, qui date de quelques années. Vous pouvez comprendre que
l'ampleur d'un projet de loi comme il est déposé présentement
représente un grand défi et suscite beaucoup d'inquiétude quand on a déjà vécu
à une moins grande échelle de tels types de regroupement.
Le Président (M. Tanguay) : Mme la
députée de Taillon.
Mme Lamarre : Alors, je vous
reposerais la question : Dans l'expérience, là, de 2003-2005, vous diriez
que ça a pris combien de temps à ce qu'on puisse vraiment, que les citoyens
puissent vraiment constater l'impact de cette mesure-là, de cette réforme?
M. Ferland (Raynald) : Vous parlez
du regroupement, du dernier regroupement, la dernière fusion?
Mme Lamarre : La dernière fusion,
CHSLD, CLSC, avec les agences.
M. Ferland
(Raynald) : Écoutez, ce
n'est pas encore, à mon avis, finalisé et ça n'a pas encore la cohérence
d'une fusion actuellement, je regrette. Et je l'ai connue dans deux… je l'ai
connue ici et je l'ai connue dans la région de Chaudière-Appalaches, où je
pratique également, et c'est sensiblement la même problématique.
Mme Lamarre : Donc, plutôt que de
travailler à améliorer la cohérence de cette structure-là, plutôt que de
travailler au soutien à domicile à l'intérieur de la structure, à la
performance, à la reddition de comptes des GMF, aux liens entre spécialistes et omnipraticiens et à tous les autres
professionnels, à mieux utiliser les professionnels pour différents
services et soins aux patients, bien là on est en train de refaire encore un
bouleversement qui pourrait prendre jusqu'à neuf ans, 10 ans avant de permettre
qu'on relance des actions concrètes, malgré l'empressement du ministre?
M. Ferland (Raynald) : Oui, je
pense.
Le Président (M. Tanguay) : Dr
Ferland.
Mme Lamarre : C'est une préoccupation
que vous partagez?
M. Ferland (Raynald) : C'est effectivement
un des risques et une des inquiétudes que nous avons en tant que professionnels
de la santé oeuvrant dans ces milieux-là en collaboration avec la médecine de
première ligne. Si on veut y créer une
fluidité, il va falloir qu'on soit au coeur des décisions. Ce qu'on présente
dans le projet de loi, ce que je reproche au projet de loi, c'est d'avoir une structure purement
administrative sans connaître tout ce qui est au-dessous de la structure
administrative, l'impact que ça peut avoir et l'implication de ces
ressources-là.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Ça termine le bloc dévolu à l'opposition officielle. Je vais maintenant
céder la parole au collègue député de La Peltrie pour une période de
8 min 30 s.
M.
Caire : Merci, M.
le Président. Bonjour, Dre Francoeur, bonjour, Dr Ferland, bonjour aux autres
invités. D'entrée de jeu, vous avez manifesté une préoccupation par le fait que
les CISSS pouvaient amener les médecins spécialistes
à avoir à pratiquer dans toutes sortes d'établissements assez éloignés les uns des autres, et je me
demandais, dans le contexte de la réforme actuelle, comment on pourrait régler
ce problème-là.
Le Président (M. Tanguay) : Dre
Francoeur.
Mme
Francoeur (Diane) : Alors, présentement, il y a certaines actions qui ont été tentées, par exemple, au niveau des salles d'opération, ce qu'on appelle les zones
franches, qui sont des salles d'opération qui ne sont pas comblées à temps plein, que les médecins spécialistes vont pouvoir
utiliser justement pour diminuer les listes d'attente. Je pense que ce genre de
décisions font partie des travaux qu'on peut faire pour essayer d'améliorer.
Maintenant, notre inquiétude est : Comme il
n'y a aucune définition de quelle sera la gouvernance réelle sur le terrain, et
c'est ce qui inquiète énormément les médecins, lorsqu'ils auront leurs
privilèges, est-ce qu'ils devront s'attendre à être obligés de couvrir tout un
territoire? Un territoire aussi grand que la Montérégie, c'est impossible à
couvrir. On ne peut pas... Moi, de base, je suis obstétricienne-gynécologue. Je
ne peux pas faire des accouchements dans trois hôpitaux, là; oubliez ça, c'est
impossible, là. Alors, tant qu'on n'aura pas une description claire et nette de
quelles seront les attentes envers les médecins et les privilèges...
Évidemment, vous savez, nous, on a toujours le
même enjeu, on veut travailler. Alors, si vous m'offrez des plateaux techniques
ailleurs qui sont bien équipés, avec du personnel qui est performant, on va y
aller en courant tellement on va être heureux de participer. Malheureusement,
l'histoire nous fait craindre le contraire. Et, surtout, d'avoir un projet de
loi où les règlements ne sont pas définis, pour nous, c'est encore de signer un
chèque en blanc, et après on craint d'être utilisés et déployés selon le bon
vouloir du gouvernement en place.
M.
Caire : Donc, si je
vous suis, vous aimeriez voir inscrit dans la loi le fait que le privilège d'un
médecin est encore associé à un établissement physique.
Mme Francoeur (Diane) :
Définitivement, pour nous, ça va rassurer les gens. Parce que, vous savez, dans
le quotidien, les gens vont couvrir ailleurs. Comme Dr Ferland le disait, il
travaille au CHUL, il couvre Chaudière-Appalaches. Et la plupart des médecins
spécialistes vont couvrir certains territoires, surtout lorsqu'on a des activités
plus tertiaires par exemple, ou... On sait qu'il y a déjà, via les RUIS, des obligations,
des engagements qui ont été pris envers les
centres. Et certainement le fait que le médecin ait un point d'attache et
qu'il le fasse d'une façon volontaire, pour nous, est une garantie du
bon fonctionnement et de la collaboration.
M.
Caire : O.K. Avec votre permission, Dre Francoeur, je
m'adresserais peut-être plus à Dr Ferland, parce que le projet de loi prévoit que les CHU de Québec
et de Sherbrooke vont être intégrés aux CISSS, ce qui ne sera pas
le cas du CHUM, de Sainte-Justine et
du CUSM. Est-ce que l'erreur, c'est d'intégrer les CHU aux CISSS ou
l'erreur, c'est de les laisser à
l'extérieur des CISSS? Parce que, dans votre intervention, là, c'est le bout que
j'ai peut-être moins... moins saisi.
M. Ferland (Raynald) : Écoutez, on
en fait, d'ailleurs, mention dans le mémoire, notre inquiétude, c'est deux poids, deux mesures. Sur quelle base on a
arrêté le fait que le processus qui avait été amorcé à Québec
dans la fusion du CHU versus celle
qui, à Montréal, est, pour l'instant, non intégrée de cette
façon-là? Écoutez, je n'ai pas la réponse.
On a connu, nous, un processus qui s'est fait
progressivement, comme je vous ai dit tout à l'heure, sur 20 ans à peu près, un
processus qui a été très progressif avec les hauts et les bas, mais dans une
limite géographique qui était relativement acceptable. Est-ce que c'est le bon
processus? À Sherbrooke, qui est une ville de dimension plus petite, je pense
que ça s'est fait d'une façon naturelle, les milieux étant... beaucoup moins de
milieux impliqués.
Le fonctionnement du CHU à Québec a ses erreurs, a quand même ses forces de
façon... Pour la fluidité entre les différents milieux, pour l'organisation
de la structure des services, ça peut aller en autant que, comme Dre Francoeur vous mentionnait tout à l'heure, le plateau
technique soit au rendez-vous. Si on considère que le patient est au coeur
de la réforme, il est difficilement pensable
qu'un patient puisse être opéré dans un milieu, être suivi dans un troisième
milieu dans un contexte où actuellement les dossiers du patient sont encore des dossiers papier. Et il faut toujours,
je pense, penser au patient dans un premier temps, et ça fait partie de
la difficulté qu'on vit à Québec, actuellement.
M.
Caire : Je prends
la balle au bond. Parce que ce que je comprends du projet de loi, c'est que, la
réforme, elle est essentiellement administrative. Vous semblez dire que les
impacts seront aussi d'ordre opérationnel. Est-ce que vous êtes en train de me
dire qu'on pourrait voir un allongement des listes d'attente en chirurgie, par exemple, parce que ça amène une certaine désorganisation au niveau du
terrain?
Le Président (M. Tanguay) : Oui, Dre
Francoeur.
• (16 h 10) •
Mme Francoeur (Diane) : Écoutez, je
pense qu'avant de spéculer sur l'augmentation des listes d'attente, il faudrait d'abord savoir un
petit peu plus qu'est-ce qui va arriver avec la centralisation.
En principe, on devrait au moins utiliser les ressources qui sont sur
place.
Alors, pour revenir sur votre point tout à
l'heure, j'aurais deux petits commentaires à faire. Dans la région de Québec et
comme à Montréal, d'ailleurs, il y a deux enjeux qui sont inquiétants par
rapport au fait d'avoir nommé des CHU et
d'avoir, à Québec et à Sherbrooke, joint les CHU aux CISSS. L'enjeu le plus omniprésent dans la région
de Québec, c'est le statut de l'IUCPQ, qui est un institut. Alors, pourquoi
cet institut n'a pas eu la reconnaissance
d'institut? C'est quand même un institut qui a des chiffres qui sont
définitivement comparables à l'Institut de cardio. Pourquoi l'institut de
neuro, à Montréal, n'a pas été reconnu comme un institut? Ce sont des questions
qu'on se pose, qu'on vous a mises dans le mémoire.
Et, à
l'inverse, au sein des CHU, par
exemple, sur Montréal,
un dossier qui nous questionne énormément, c'est
celui de la santé mentale. Vous savez, la santé mentale, c'est le parent
pauvre du réseau de la santé, et présentement il y a quand même
un bon déploiement des services qui doivent être offerts au sein du Québec,
sous-financés, mais bien déployés, si
on veut, au niveau des… sous-financés
surtout au niveau des partenaires, travailleurs sociaux, les
psychologues, etc. Et, dans
ce modèle de déploiement de services, les CHU ont aussi une certaine desserte
locale parce que, par exemple, si on habite
à côté de Saint-Luc, dans la rue parce qu'on n'a pas d'adresse, on va être
servi à l'Hôpital Saint-Luc même si c'est un CHU. Et ça, c'est une
inquiétude pour nous : Est-ce que les CHU devront n'avoir plus aucune
première ligne? Les soins autour seront-ils disparus? Encore une fois, ce sont
des enjeux auxquels on doit avoir un peu plus de détails.
Le Président (M. Tanguay) : M. le
député de La Peltrie, pour 20 secondes à peu près.
M.
Caire :
Oui. Bien, je vais reposer ma question parce que je ne suis pas sûr d'avoir
bien saisi la réponse. Parce qu'on
disait que la réforme se faisait au niveau administratif, donc on fusionnait
les administrations. Vous semblez dire que ça pourrait avoir un impact sur la vocation des établissements. Par
exemple, l'Institut de santé mentale de Québec, ce que j'avais compris, c'est qu'il continuerait à
s'occuper de santé mentale, qu'il soit gouverné par un CISSS ou un CSSS
ou qu'il soit autonome. Je n'ai pas…
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Quelques secondes pour répondre, rapidement.
Mme Francoeur
(Diane) : Bien, écoutez, à
chaque fois qu'on met de petits centres avec des gros, soit que le gros
mange le petit ou qu'il soigne tellement bien qu'il va nuire au gros et ne pas
respecter sa mission universitaire. C'est l'inquiétude qu'on a présentement.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci, Dre Francoeur. Je vais maintenant
céder à Mme la députée de Gouin pour une période de trois minutes.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. Bonjour. Une question. C'est sûr que
je comprends parfaitement votre
inquiétude face à un modèle, au fond, qui est centralisateur
régionalement — disons-le
comme ça — et qui
remonte assez vite au ministre. Les CSSS déjà étaient une forme de petite
centralisation par rapport à ce qu'on connaissait avant. Donc, je comprends
très, très bien ce point de vue là. J'ai quand même pourtant une question.
À Montréal,
qui est la ville où j'exerce ma fonction de députée, plusieurs hôpitaux
n'appartiennent à aucun CSSS, et je ne parle pas seulement du CHUM et du
CUSM, on peut parler de Maisonneuve-Rosemont, de Sacré-Coeur, etc. Et j'entends parfois, à l'intérieur de certains CSSS,
la difficulté d'arrimer les services avec les gens de ces hôpitaux.
Donc, la tentation serait grande, à vrai
dire, de dire : Bien, à tout le moins, est-ce que les hôpitaux comme
ceux-là — les
exemples que je vous ai donnés — devraient minimalement appartenir… faire
partie d'un CSSS? Qu'est-ce que vous répondez à cette question?
Le Président (M. Tanguay) : Dre
Francoeur.
Mme Francoeur (Diane) : Vous savez,
les centres qui n'ont pas été attachés, si on veut, avec des CSSS, en principe,
dans la gestion laquelle on a présentement, étaient censés être autonomes et
avoir quand même des liens avec les CSSS où
les patients habitent et, en principe, ces hôpitaux-là n'avaient pas de port
d'attache parce qu'on disait que les patients étaient référés, donc on
préférait les retourner près de leur milieu de vie, ce avec quoi nous sommes
tout à fait d'accord.
Moi, je vous dirais, peu importe la réforme, que
ce soit le système actuel amélioré, amélioré plus-plus, ou le projet de loi n° 10 moins-moins ou plus-plus,
l'important, c'est que, lorsque le patient vient à l'hôpital, il soit
capable de retourner chez lui et d'avoir des
soins qui sont près de chez lui et que les corridors de services se fassent.
Parce que, cela dit, l'entente
administrative ne va pas régler le problème au quotidien des ententes qui
doivent se faire entre deux centres, entre les médecins, pour recevoir
que ce soit du un au deux, du deux au trois, du trois au deux ou du deux au un.
Et on sait que c'est un enjeu qui est concret, qui est réel.
La distribution avec les CSSS a quand même
amélioré, parce que, si on regarde... Moi, j'ai pratiqué toute ma carrière à Sainte-Justine, on avait une couverture
extraordinaire sur toute l'Abitibi, en mère-enfant, qui marchait très
bien. Mais toutes ces relations-là se font à petits pas. Et, nous, ce qu'on
souhaite, c'est surtout ne pas mettre en péril ce qui fonctionne seulement par
volonté d'avoir une restructuration administrative. Les gains ne seront pas
présents.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, Dre Francoeur. Ceci met fin au bloc de trois minutes dévolu à la députée de Gouin. Je remercie les
représentantes, représentants de la Fédération des médecins spécialistes du
Québec pour leur participation à la commission parlementaire.
J'invite
maintenant les représentantes, représentants du Collège des médecins du Québec
à prendre place et, dans l'intervalle, je suspends nos travaux.
(Suspension de la séance à 16 h 16)
(Reprise à 16 h 20)
Le Président (M. Tanguay) : J'invite
les collègues à prendre place. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants
du Collège des médecins du Québec.
Pour
les fins de l'enregistrement, je vous demanderais, bien évidemment, de vous identifier, et par la suite vous disposez d'une période
de 10 minutes pour votre présentation. Alors, la parole est à vous.
Collège des médecins du
Québec (CMQ)
M. Bernard
(Charles) : …plaisir, M. le Président. Alors, d'abord, je me présente, Charles Bernard, président-directeur
général du Collège des médecins, et je suis accompagné du Dr Yves Robert, qui
est secrétaire du Collège des médecins du Québec.
Alors, avec 10 minutes, on va y aller d'entrée
de jeu à notre mémoire. Vous avez
reçu, M. le Président, par
voie électronique notre mémoire Je vous invite à le lire.
M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs les parlementaires, le Collège des médecins vous remercie de lui permettre de vous
présenter ses réflexions relativement au projet de loi n° 10, Loi
modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau de santé et des services
sociaux, notamment par l'abolition des agences régionales.
D'entrée de jeu, le Collège des médecins souhaite affirmer qu'il comprend les
motivations, notamment budgétaires,
ayant amené le gouvernement à vouloir modifier les structures et la gouvernance
du réseau de santé et des services sociaux.
Le collège constate que le projet de loi n° 10 propose une réforme majeure
du réseau axée sur les structures et la gouvernance et tient à souligner
le courage politique nécessaire pour proposer une réforme d'une telle
envergure.
L'organisation et la gouvernance du réseau
public de santé et de services sociaux relèvent effectivement du gouvernement au pouvoir. Il est d'usage que le
Collège des médecins du Québec, dont la mission est d'assurer la qualité
des services médicaux, s'impose un devoir de
réserve quand il est question de l'organisation des services et de la
gouvernance du réseau. Il est clair
toutefois que l'organisation et la gouvernance du réseau ne sont pas sans lien
avec le maintien et le développement de la qualité des services
médicaux. Il est précisé d'emblée, dans les notes explicatives et le premier
article du projet de loi, que l'un des objectifs est — je
cite — «de
contribuer à l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins». Or,
pour assurer une médecine de qualité, il est bien connu que le collège a
traditionnellement misé et mise toujours sur le professionnalisme, c'est-à-dire
l'autonomie et l'imputabilité des acteurs.
Le collège tient donc à faire part de certaines
de ses préoccupations face à ce projet, en espérant que ses commentaires soient
utiles et constructifs. Après avoir situé la réforme proposée dans une
perspective historique, nous limiterons nos
commentaires aux aspects du débat concernant plus précisément la qualité des
services médicaux.
Nous n'avons pas l'expertise nécessaire, ni la
juridiction, d'ailleurs, pour traiter de la difficile question de la forme d'organisation et de gouvernance et
d'assurer l'efficience et l'efficacité du réseau public de la santé et des
réseaux sociaux et, par ricochet, une
meilleure accessibilité des soins. Toutefois, nous pensons que certaines
conclusions s'imposent dès que la
question est considérée dans une perspective historique. Comment concilier le
fait que la gestion du réseau est très centralisée alors que la
prestation des services est avant tout une affaire locale? La question se pose
depuis la création du réseau, d'autant plus
que le réseau, couvrant à la fois les services de santé et les services
sociaux, est immense.
Pour préparer
nos commentaires, avons relu les mémoires que nous avions présentés devant
cette commission parlementaire en
2003 et en 2005 — petit
devoir de mémoire — sur les
projets de loi nos 25
et 83 qui avaient mené à la création
des centres de services de santé et de services sociaux et l'organisation du
réseau actuelle. Nous avions souligné à
l'époque le message paradoxal qui était envoyé. D'un côté, on créait des
réseaux locaux de santé à qui on confiait la responsabilité de définir leurs projets cliniques à partir de
caractéristiques de la population dont ils avaient la responsabilité, comme si le décideur souhaitait lancer un message
de confiance à l'instance la plus proche du patient, l'encourageant à faire preuve de jugement dans l'utilisation
appropriée des ressources qu'on lui confiait. C'était le projet n° 25. De
l'autre côté, le même décideur multipliait
les contrôles internes, les commissaires, les comités de vigilance, etc., et
les contrôles externes, encore des commissaires et des pouvoirs
d'inspection, comme si finalement ces instances ne méritaient pas qu'on leur
fasse confiance. C'était le projet n° 83.
Nous avions
exprimé à vos prédécesseurs nos appréhensions face à ce double message et au
risque d'hyperfonctionnarisation d'un système de santé davantage centré
sur le contrôle, la surveillance et l'inspection que sur la responsabilisation des acteurs pour assurer à la population les
services de qualité dont elle a besoin. Nous étions préoccupés à
l'époque par les coûts engendrés par l'hypertrophie de ces mécanismes de
contrôle, alors qu'on visait justement un meilleur contrôle budgétaire.
10 ans plus
tard, il semble, à la lecture du projet de loi, que cette vision paradoxale
persiste et amène le décideur non seulement à maintenir une certaine
méfiance face aux gestionnaires du réseau, mais également face aux instances
qui étaient responsables d'en effectuer le
contrôle, au point de devoir éliminer un niveau d'intervenants, celui des
agences, pour ne conserver que deux niveaux
de gouvernance, soit celui ministériel et celui régional. Le projet de loi
propose en effet de passer du système
actuel de gestion à trois niveaux à un système à deux niveaux, qui devient ainsi l'unité établissement
des réseaux de santé et des services sociaux.
Nous
comprenons très bien qu'une des motivations à la réforme proposée se rapporte aux contraintes budgétaires qui
s'imposent à l'état et à l'impératif d'efficience qui leur est associé. On veut
que les fonds investis se traduisent en services démontrés efficaces et utiles
pour le citoyen. Mais, en adoptant une perspective historique, on voit bien que
l'ajout ou le retrait des instances intermédiaires ne résout pas nécessairement
ce paradoxe.
Donnons la chance au coureur et admettons qu'une
gestion plus serrée puisse briser les silos, améliorer la coordination sur le
plan régional, faciliter le cheminement des personnes qui nécessitent des
services et accroître l'accessibilité. Mais encore faut-il que les services
requis existent et qu'ils soient au rendez-vous. Il nous semble très significatif que l'on doive, parallèlement à ce
modèle à deux niveaux, recréer les établissements suprarégionaux
autonomes qui, ayant une vocation nationale,
échappent au moule unique du CISSS. Et nous constatons avec un peu
d'étonnement que tous ces établissements seraient situés à Montréal.
Si
vous nous permettez une analogie, le réseau proposé ressemblera à un train avec
19 wagons faits dans le même moule, avec une seule locomotive, le ministère de
la Santé et des Services sociaux, et un seul mécanicien, le ministre de la Santé et des Services sociaux. Permettez-moi de poursuivre cette analogie. Deux
questions émergent à notre esprit :
Mais où va le train? Et quelle source d'énergie le fera avancer? Il ne faudrait
pas que la direction où nous allons ne soit dictée que par la dimension
des rails, c'est-à-dire le cadre étroit imposé par le Conseil du trésor et les
conditions financières de l'État. Il ne faudrait pas que, faute d'essence, ce
train soit condamné à rester stationné.
Le
projet de loi est centré sur la structure, mais où sont passées
les missions des établissements et des intervenants, c'est-à-dire leur raison d'être et leurs objectifs? La source d'énergie est, selon nous, la science,
la recherche, l'innovation, la
créativité, la motivation du personnel et l'amélioration des pratiques
et la qualité des services offerts. Toutes ces forces ne peuvent être
coordonnées que si elles existent. Pour assurer ces services de santé de
qualité, ces forces doivent exister à chacun des niveaux de soins, c'est-à-dire
la première ligne, deuxième ligne et troisième ligne. Les mandats confiés à
chacun de ces niveaux doivent être bien définis et bien défendus.
Nous
ne trouvons pas dans la forme actuelle du projet de loi cette préoccupation de préciser qui sera chargé de protéger
et de développer les services de première ligne et d'innover dans ce secteur,
non plus qu'en deuxième et troisième lignes.
Au contraire, on mélange dans un même établissement des centres ultraspécialisés avec des services de
première ligne, des services de réadaptation
avec des services de prévention et curatifs, comme si, par miracle, les conseils d'administration qui allaient saisir l'importance de faire la
nuance et les arbitrages requis entre des services de première ligne pour répondre à des besoins préventifs, de
suivi des malades chroniques et de soins à domicile proches des citoyens
de niveau local, de deuxième ligne pour les
services spécialisés à portée régionale et de troisième ligne pour des
services ultraspécialisés, d'innovation et de recherche de niveau national.
Avec toute la complexité de chacun de ces niveaux, l'attribution des ressources
ne peut se faire par un simple calcul mathématique ou paramétrique.
Il faut penser à
protéger des missions spécialisées ou ultraspécialisées. Pensons simplement aux
secteurs de pointe — je
donne des exemples — la
cardiologie, la pneumo, néphrologie, cancérologie et j'en passe. Pensons aux
instituts de gériatrie pour une population qui est très vieillissante, comme
vous le savez, et au défi que représente le domaine de la santé mentale.
Dans cette
perspective, nous nous interrogeons sur le choix trop limité à nos yeux des
établissements suprarégionaux. Pourquoi
les limiter à quatre à Montréal, alors qu'il
y a quatre réseaux universitaires
intégrés de santé, les RUIS, incluant
les facultés de médecine de l'Université
Laval et celle de l'Université de Sherbrooke? Pourquoi ne pas reconnaître les missions particulières des
instituts, par exemple, de gériatrie, de santé mentale et de cardiologie?
Pourquoi ne pas préserver ces fonctions
d'innovation sur une base de domaine d'activité plutôt que sur une base
géographique? Ainsi, par exemple, on
pourrait regrouper tous les instituts de santé mentale au Québec sous une même
administration, de même que celle de cardiologie — je vous donne des
exemples.
Nous croyons que tous
ces aspects de recherche, d'innovation et d'enseignement mériteraient d'être
revus pour préserver la fonction de
troisième ligne et la cohérence d'ensemble de ces activités sur le plan
national plutôt que de les confier et de les intégrer, pour ne pas dire
les diluer, dans des services directs à la population gérés par une instance
régionale à qui on ne peut quand même pas demander de décider en fonction d'une
mission suprarégionale.
De
la même façon, nous savons que le développement et la consolidation de la
première ligne constituent la base de la pyramide des soins du réseau de
santé et qu'elle a toujours été cruellement négligée depuis la mise en place du
système public de santé au Québec. Or, dans ce projet de loi, non seulement ne
voit-on pas le plan pour l'améliorer, mais elle est complètement exclue au
profit des établissements, alors que la majorité des médecins de première ligne
exercent hors établissement. Quand va-t-on voir un plan précis qui reliera les
médecins de première ligne au réseau des établissements pour consolider la
première ligne?
Il faut également
éviter le piège de la fragmentation territoriale des services. L'un des risques
d'une gestion régionale des services sera, à cause du coût de certains
services, de spécialiser certains centres sur le plan régional. Il nous
apparaît que cette tentation de spécialisation de certains centres et
fragmentation des services dans le territoire risquent d'être un des principaux
effets secondaires de la réforme proposée, empêchant de favoriser et de
simplifier l'accès aux services de la population.
• (16 h 30) •
Une voix :
...
M. Bernard
(Charles) : Oui. Alors, je vais directement vous dire que ce que nous
voulons vous sensibiliser, M. le Président, et chers membres de cette commission… 10 minutes, c'est très court. D'habitude, on avait 20 minutes.
En résumé, le Collège
des médecins comprend les motivations, notamment budgétaires, ayant amené le gouvernement à vouloir modifier les structures et la gouvernance du réseau. Le
collège constate que le projet de loi
n° 10 propose une réforme majeure du réseau et souligne le courage
politique, encore une fois, nécessaire pour proposer une telle réforme d'une
telle envergure.
Mais
nous voulons simplement exprimer certaines préoccupations : la persistance
du message paradoxal qui est envoyé; le manque d'intégration entre les
structures proposées; une meilleure définition des établissements et des
missions suprarégionales; la frappante singularité de l'organisation des
services à Montréal par rapport au reste du Québec;
l'articulation entre les RUIS et le réseau des services proposés;
l'accentuation de la distance entre le décideur de l'établissement et le
dispensateur de services; le danger de la fragmentation territoriale; une
grande centralisation des décisions; et un alourdissement du fonctionnement des
CMDP — on
n'a pas pu en parler; et la nécessité de préserver l'autonomie professionnelle
et la collaboration interprofessionnelle. Voilà, M. le Président.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup, Dr Bernard. Vous avez référé à 20 minutes,
c'est un bloc de 20 minutes, et vous avez
tout à fait raison, de discussion et d'échange que vous avez maintenant avec le
ministre de la Santé. Et je m'empresse de lui céder la parole. M. le
ministre de la Santé.
M. Barrette : Merci, M. le
Président. Alors, d'abord, Dr Bernard, permettez-moi de vous féliciter pour
votre récente élection.
M. Bernard (Charles) : ...M. le
ministre.
M. Barrette : Alors, je vais prendre
quand même quelques instants pour éclairer le collège sur certains éléments.
Pour ce qui est des établissements suprarégionaux, je concède avec vous qu'il y
a une apparence de vision paradoxale de la
chose. Et je vous dirai d'emblée, d'entrée de jeu, que la seule et unique
raison pour laquelle il y a des établissements
qui ont été nommés peut-être pas... Peut-être qu'on aurait dû utiliser une
terminologie différente, mais la problématique
des institutions qui sont là était une problématique de construction, de
transition dans leur construction, tout simplement. On croyait et on croit toujours qu'à cette étape-ci, pour ce
qui est des CHU à Montréal, il y avait suffisamment de complexité dans leur migration vers leurs
nouveaux locaux pour faire en sorte qu'on n'aille pas dans cette
direction-là avec eux autres initialement.
Ceci dit, toujours pour jeter un éclairage qui
va peut-être vous permettre de moduler votre commentaire, la mission des établissements, dans le projet de loi,
qui est proposée ne change pas, d'une part. Et je sais que vous étiez là
lorsque j'ai fait ce commentaire-là avec les
deux groupes précédents, mais le projet de loi n'est pas un projet de loi
qui vise à faire en sorte que le ministre gère le réseau, mais bien que le
ministre donne des orientations qui, elles, sont exercées dans le réseau. Et moi, j'ai l'impression — puis je voudrais vous entendre là-dessus
tantôt — qu'avec
cet élément-là vous êtes d'accord que la gestion du réseau se fasse de
la façon la plus régionale possible.
Maintenant, à
partir du moment où les missions des installations ne changent pas, n'êtes-vous
pas... ne seriez-vous pas d'accord avec le fait que le problème qui va
toujours subsister en est un de coordination entre les différentes instances? J'écoutais la dernière intervention de
Mme la députée de Gouin, tout à l'heure, face à la Fédération des
médecins spécialistes, qui faisait observer à la présidente de la FMSQ, avec
justesse, que des institutions qui n'étaient pas dans des CSSS ou des RLS ne jouaient pas leur rôle d'intégration dans le
réseau de la santé, ils ne le faisaient pas. Puis moi, je peux témoigner
de ça, j'étais dans un hôpital comme ceux auxquels Mme la députée de Gouin a
fait référence. Et on sait, et je suis d'accord avec vous, qu'un des problèmes
que l'on a dans notre système est de faire en sorte que notre première ligne
soit — donc,
n'est pas actuellement assez — développée et qu'à partir du moment où on
ait accès à la première ligne on puisse cheminer d'une façon intégrée dans
notre système de santé. Alors, je vous laisse la parole sur cet élément-ci.
Les CSSS et les RLS ont eu un effet bénéfique,
quoi qu'en dise tout le monde de la dernière réforme. C'est vrai que, sur le plan budgétaire, ça n'a pas été le succès nécessairement escompté, pour des raisons
qu'on connaît et qu'on a les moyens actuellement d'éviter. Mais il n'en
reste pas moins que ces réseaux et CSSS-là ont intégré des choses par rapport
aux services et soins à donner aux patients. Et le projet de loi n° 10, si
on le voit comme il devrait être vu, c'est-à-dire qu'il vient intégrer ce qui a été déjà intégré,
donc qu'il inclut les centres
hospitaliers de plus grande
envergure qui n'ont pas fait cette étape-là.
Bien, à partir du moment où on garde les missions des établissements, qu'on intègre ce qui a été
intégré, est-ce qu'à la lumière de ça
vous changez votre commentaire ou le transformez-vous en quelque chose
d'un petit peu plus favorable? Quoiqu'il est déjà favorable, puisque vous nous
dites qu'on a beaucoup de courage de faire ce que l'on fait. J'imagine qu'en
ayant du courage ça doit être positif aussi.
Le Président (M. Tanguay) : Oui.
Merci. Dr Bernard.
M. Bernard (Charles) : Oui. Effectivement,
M. le ministre, on est positifs puis on essaie de l'être. D'abord, je reçois
votre commentaire sur les hôpitaux universitaires montréalais, la complexité du
déménagement, j'en suis également et je suis témoin de ça. Puis on est, si vous voulez, un petit peu partie prenante de tous ces déménagements-là
parce qu'on vérifie la qualité de l'exercice des membres, puis je peux vous
dire qu'effectivement c'est un très grand chantier, puis ce n'est pas un
euphémisme.
Ceci étant
dit, l'intégration dont vous parlez, là, de la première ligne, nous, on la souhaite,
et, si vous me dites que c'est
garanti dans votre projet de loi, on va le saluer, on va le saluer. Alors, nous,
dans notre mémoire, ce qu'on voulait souligner,
c'est que la première ligne a toujours été un peu l'enfant pauvre par rapport à l'intégration aux établissements. Alors, le patient, vous le savez très bien, vous aussi, pour
l'avoir expérimenté, est souvent laissé à lui-même, après avoir consulté
une première fois en première ligne, pour affronter le monstre que sont les établissements
ou le réseau de deuxième et troisième lignes. Alors, si, par ce projet de loi
là, vous me garantissez qu'on va avoir un cheminement ou des corridors plus
fluides, alors bravo! Peut-être que je laisserais pour...
M. Barrette : Si vous me
permettez...
Le Président (M. Tanguay) : Oui, M.
le ministre.
M. Barrette : Si vous me permettez,
je vais faire un commentaire tout de suite dans ce sens-là. Je viens de
terminer une tournée de tous les directeurs d'établissement, et ce que je leur
dis et que j'ai répété, donc, au moins mille fois, c'est
que, dans cette réforme-là, le ministre donne des orientations. Et une des orientations
sera de faire en sorte que tout citoyen,
tout patient soit traité égal. Ça veut dire : qu'on soit un adolescent dans un
centre jeunesse, ou qu'on soit à la première ligne, ou qu'on aille se
faire opérer en neurochirurgie, où c'est très complexe, le réseau doit traiter tout
le monde de la même façon. Donc, l'obligation sera d'amener le service près du
patient pour la première ligne et d'ensuite
faire l'intégration nécessaire pour que le patient chemine correctement dans ce
réseau-là et qu'à chaque étape dans ce réseau-là les gens gardent leur
mission actuelle, mais que l'intégration et la coordination se fassent adéquatement,
dans un esprit de maintien de qualité et de sécurité.
Le Président (M. Tanguay) : Oui, Dr
Bernard? Dr Robert, pardon.
M. Bernard (Charles) : Oui,
j'inviterais le Dr Robert…
M. Robert (Yves) : En fait, la
question est intéressante. Parce que, si on regarde le CSSS Saint-Laurent—Bordeaux-Cartierville, où est intégré l'Hôpital du
Sacré-Coeur, pour ne pas le nommer, ce qui mobilise le plus la direction
et le conseil d'administration,
c'est bien davantage l'hypertrophie de l'Hôpital Sacré-Coeur que les services des CHSLD
puis des CLSC qui sont autour. De la même façon, dans ce qui est proposé, si on
regarde le CSSS de l'Est-de-l'île qui est proposé dans le projet de loi,
imaginez la chose : on a l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, que vous
connaissez bien, l'Hôpital Santa-Cabrini, l'Institut Philippe-Pinel et
Louis-H.-Lafontaine, qui, dans une autre époque, était une municipalité,
à l'époque de Saint-Jean-de-Dieu, donc on
imagine la difficulté pour un conseil
d'administration à établir des
priorités entre un centre tertiaire de portée nationale comme
Louis-H.-Lafontaine et des services de première ligne au CLSC ou à l'Hôpital
Santa Cabrini, par exemple. Donc, c'est là où on a de la difficulté à savoir
comment l'équilibre va pouvoir s'établir pour un conseil d'administration qui
va devoir attribuer des ressources et comment va-t-on préserver des fonctions
qu'on a déjà avec des instituts surspécialisés comme Pinel ou comme Louis-H.
Lafontaine? C'est un peu ça, notre interrogation.
• (16 h 40) •
M. Barrette : Et votre interrogation
est légitime, et c'est l'essence, je vous dirais, du projet de loi. Comme vous
le dites, ayant oeuvré dans ce secteur-là de la ville de Montréal, j'ai été à
même de constater que les liens de fluidité qui devaient aller, par exemple,
entre le CSSS Lucille-Teasdale, ou encore l'Hôpital Santa Cabrini, ou encore Maisonneuve-Rosemont, qui est l'hôpital
universitaire affilié de l'est de Montréal,
n'étaient pas exactement la grande fluidité et certainement pas la
grande coordination et, à bien des égards, étaient problématiques.
Sans entrer
dans les détails, que vous connaissez évidemment aussi bien que moi, on sait
très bien que le transfert d'un patient d'un à l'autre de ces
établissements-là a souvent été d'un laborieux absolument indéfendable, d'une part. Et, d'autre part, si on va à l'autre extrême
qui est la première ligne, bien là la coordination a toujours été pour le
moins boiteuse, s'est améliorée avec les
CSSS, mais ne s'est pas rendue jusqu'à la fin de la ligne sur la hiérarchie des
soins que l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont. Or, vous serez d'accord
probablement avec moi pour dire que ces obstacles-là devraient, un jour, sauter et qu'une des voies pour faire sauter ça
c'est d'avoir une intégration que je qualifierais, à cause du projet de loi, d'obligée, mais qui aurait dû se
faire spontanément. Et force est de constater qu'après 15, 20 ans le
spontané dans cette optique-là n'arrive jamais. Alors là, l'objectif du projet
de loi est de faire en sorte qu'on y arrive.
Je sais que
vous êtes très instruits de ces choses-là, mais j'aurais envie de vous demander
de me demander… pas de me demander,
mais de faire des commentaires si je vous demandais de faire le parallèle entre
ce que je viens de dire et ce que
l'on voit dans des grandes entreprises de santé que sont, par exemple,
Cleveland Clinic et Kaiser Permanente, qui sont essentiellement des modèles qui s'y ressemblent, et que vous
connaissez, et qui corrigent ça. Qu'en pensez-vous?
Le Président (M.
Tanguay) : Dr Bernard.
M. Bernard (Charles) : Comme vous disiez d'entrée de jeu, si
l'intégration se fait, O.K.?, si elle se fait, on est entièrement
d'accord, on est partants, on va collaborer. La question est… Là, vous dites
que vous allez obliger les gens à faire un mariage obligé dans toutes les
régions du Québec avec un CISSS et avec des institutions qui n'ont pas nécessairement la même vocation. Nous, on s'est
interrogés sur certaines institutions qui avaient des vocations… Parce
que, si vous parlez de Cleveland Clinic, ils donnent des services, mais ils ont
une partie qui est réservée, dédiée pour la recherche, pour les soins de pointe,
qui n'a rien à voir avec les services conventionnels, et tout ça. On pourrait
en citer plusieurs exemples.
L'exemple des
États-Unis, je le trouve un peu boiteux parce qu'il y a des institutions qui
sont complètement différentes, hein? On a,
aux États-Unis, des instituts en cancérologie et en oncologie qui sont de
pointe, qui ne donnent pas
nécessairement les services de base, hein, vous savez ça? À Houston, Texas, là,
si vous allez à certaines institutions, vous n'aurez pas les services de
base, vous allez avoir les services ultraspécialisés uniquement. Alors,
l'intégration n'est pas constante ou partout étendue de la même façon.
Alors,
ici, ce qu'on veut faire, c'est un modèle où c'est pareil dans toutes les
régions, très bien, mais il ne faudrait pas perdre de vue qu'on a des institutions qui ont des vocations
particulières. Parce qu'il ne faut pas oublier que qu'est-ce qui fait
avancer les soins pour les gens, c'est aussi les soins de recherche, la
recherche, et puis les soins de pointe. Si on
ne fait pas ça, alors, à ce moment-là, on n'avancera pas puis on va garder, si
vous voulez, une médecine de base, point.
M. Barrette :
Si vous me permettez, Dr Bernard, je veux juste apporter un correctif sur ce
que vous venez de dire. Cleveland Clinic, c'est un réseau qui prend l'Ohio au
complet, puis, quand on est dans le sud de l'Ohio, c'est de la
première ligne et de la deuxième ligne, puis on peut se retrouver à Cleveland
Clinic en haut, et Kaiser Permamente évidemment, c'est la même chose quoique ça
soit moins connu du grand public.
Et
ce que le projet de loi n° 10 veut faire en termes d'intégration n'est pas
de changer la mission des installations qui existent actuellement, mais
d'en assurer l'intégration, ce qui signifie que le CISSS le plus glorieux, dans
une certaine mesure, est un CISSS comme
celui de Québec, comme celui de Sherbrooke, comme celui du centre de l'île
parce que ces CISSS là pourront offrir le continuum complet de soins et de
façon intégrée, allant de la première ligne au tertiaire, quaternaire.
Si vous êtes au centre
de l'île, normalement nous serons capables, au centre de l'île, d'intégrer tout
ce qui est connexe à ce continuum-là, donc
de la réadaptation, donc la santé mentale, et ainsi de suite, mais aussi de la
première ligne jusqu'à un hôpital
quaternaire comme le Jewish. C'est ça que ça fait. Et, si cette intégration-là
est réussie, êtes-vous d'accord avec le fait que, pour le patient, il y
a un gain là-dedans, là?
M. Robert
(Yves) : C'est vrai, dans tous les exemples que vous avez donnés, il y
a un prérequis qui a été mentionné par le Dr
Ferland juste avant nous, c'est le fait qu'ils avaient une proximité
géographique qui leur permettait de faire
ces services-là. Quand on essaie de transposer ce modèle-là dans une région
géographiquement grande, comme les Laurentides, Lanaudière ou… où les centres
hospitaliers sont très distants l'un de l'autre et où, pour des impératifs budgétaires,
le conseil d'administration va devoir concentrer les services spécialisés
dans une portion de la région, ça pourra signifier éventuellement, pour quelqu'un
qui avait des services à proximité, pour donner l'exemple de Mont-Laurier, être obligé de se déplacer à Saint-Eustache pour
avoir sa radiothérapie, pour donner un exemple, donc, ou à Saint-Jérôme.
Mais il peut y avoir des problèmes liés à la
géographie qui fassent sorte que les choix vont devoir se faire et
pourraient être très différents dans leurs conséquences lorsqu'on est dans une
grande région géographique par rapport à des régions comme Montréal, ou Québec,
ou Sherbrooke.
M. Barrette : Je comprends votre
point, sauf que, dans le projet de loi n° 10, il est bien clair, et je
l'ai dit à plusieurs reprises, il n'y a pas
de point de service qui disparaît et il n'y a pas de mission qui change. Il y a
une intégration qui se fait. Et, en
se faisant, bien, ça signifie ça… Et je prends l'exemple du Dr Ferland, que je
n'ai pas eu le temps de reprendre, là, malheureusement l'horloge ne nous
le permettait pas. Mais, à partir du moment où les chirurgiens du CHUQ, du CHU
de Québec, sont les chirurgiens qui vont à La Malbaie et à Baie-Saint-Paul,
c'est déjà eux autres, pourquoi la chaîne de soins et le continuum ne seraient
pas totalement intégrés? C'est déjà les mêmes médecins.
Dans la catégorie, comme vous venez de le dire,
d'avoir à se déplacer pour avoir des services, demain matin l'hôpital de
Chibougamau ne va pas fermer, mais, aujourd'hui comme demain matin, le patient
qui a un cancer à Chibougamau devra avoir sa
radiothérapie à Chicoutimi. Alors, pourquoi ne serait-il pas possible d'avoir
une intégration complète dans cette région-là, qui est d'ailleurs déjà
en train de se faire?
Et j'aimerais
vous entendre là-dessus : Le problème de fluidité n'existe-t-il pas dans
la province de Québec et particulièrement
dans la région de Montréal? Et cette façon de faire là, d'intégrer, ne
résoudrait-elle pas ça au bénéfice des patients? Ou, en corollaire,
est-ce qu'il y a des patients qui se trouvent au moins un peu lésés par le fait
que notre système, en termes de fluidité, boite?
M. Bernard (Charles) : Vous avez
raison...
Le Président (M. Tanguay) : Dr
Bernard, oui.
M. Bernard (Charles) : Excusez, M.
le Président. J'attendais...
Le Président (M. Tanguay) : Je vous
en prie.
M. Bernard (Charles) : O.K. Vous
avez raison sur la question de la fluidité, puis, je vous le répète, on est entièrement d'accord, tout ce qui peut améliorer
la fluidité pour les soins des patients, nous, on va appuyer cette
démarche-là. Mais, quand vous donnez les
exemples du patient dans une région en périphérie de la ville de Montréal,
probablement que ça va se réaliser, et je le souhaite ardemment, mais, si vous
prenez l'exemple de l'île de Montréal, c'est un peu différent parce que, là, vous avez créé un CISSS et trois autres ou
quatre autres instituts qui vont devenir des CISSS, mais indépendants les uns des autres. Alors, est-ce
qu'ils vont avoir justement cette intégration-là sur l'île de Montréal?
On peut se poser la question. Alors donc, c'est la seule question qui peut
venir dans l'exemple que vous nous citez, là.
Le
Président (M. Tanguay) : Oui. M. le ministre, en vous rappelant que,
pour ce bloc de 20 minutes, il nous reste un peu plus de trois minutes.
M.
Barrette : O.K. Alors donc, je comprends que... et je vous l'accorde,
là, il y a une problématique sémantique que j'ai tenté d'expliquer tout
à l'heure pour ce qui est des CHU, mais, sur le plan de l'intégration, je
comprends qu'il y a un avantage, là, vu de votre côté aussi. Bon.
Sur le plan
du contrôle de qualité, est-ce que le fait d'aller du côté d'un CISSS, vu du
collège, ça vous apparaît être un problème?
M. Bernard (Charles) : Ce n'est pas
un problème, mais c'est un défi.
M. Barrette :
D'accord.
M. Bernard
(Charles) : Parce que vous
comprendrez que, nous, l'inspection professionnelle va se faire sur un
niveau régional maintenant, alors… Lorsqu'on se présente dans une institution,
on visite un établissement désigné. Maintenant,
l'établissement, ce sera la région, ce sera l'ensemble de ça. Alors, déjà,
nous, on vous a allumé une petite lumière
jaune dans notre rapport, dans notre mémoire, en vous disant que déjà les CMDP
locaux, là, dans les établissements, ont
de la difficulté souvent à faire leur travail, alors on se pose simplement la
question : Seront-ils aptes à le faire dans cette nouvelle
structure-là, tout simplement? Pour nous, ça sera un défi.
Par contre,
on avait déjà abordé la question avant que vous proposiez votre loi n° 10
parce que, nous, on voulait désigner des inspecteurs du collège pour des
régions données parce que justement ces gens-là avaient besoin de soutien.
Alors, déjà, la démarche était enclenchée au Collège des médecins en ce qui
concerne... vous appelez ça la régionalisation pour la vérification et
l'inspection de la qualité des soins dans une région. Alors, d'avoir cette
unité-là qui va être régionale, pour nous,
c'est un défi, mais ça va se faire. Par contre, je vous le dis, le
travail va être... le plus grand défi
va être pour les conseils des médecins et dentistes, qui vont être obligés de
se réorganiser parce qu'ils vont être
obligés d'avoir un regroupement et de refaire, si vous voulez, la façon dont
ils font leur travail, leurs différents comités, etc., d'évaluation, et tout.
• (16 h 50) •
M.
Barrette : …très rapide. Est-ce qu'avant aujourd'hui vous avez été
consultés par qui que ce soit de la part du ministère de la Santé et des
Services sociaux sur ce projet de loi? Et aujourd'hui vous considérez-vous
consultés?
M. Bernard
(Charles) : Bien, nous, dans
notre livre à nous, quand il y a un projet de loi, on n'est pas
consultés parce qu'on doit réserver ça pour
les membres de l'Assemblée nationale, à ce qu'on m'a expliqué. Alors donc, on
n'a jamais vraiment été consultés sur aucun projet de loi avant, puis pas plus
celui-ci. Mais aujourd'hui ça nous fait plaisir de vous donner nos commentaires et de participer si on peut améliorer le
produit, comme on dit. Alors, probablement que… j'espère que vous allez écouter ce qu'on vous a soumis et que ça peut
apporter quelques modifications pour le patient. Parce qu'il faut
comprendre que, et vous et nous, on a exactement le même objectif, c'est les
soins de qualité au patient. Alors, on n'est
pas là pour défendre aucun intérêt corporatiste ou quoi que ce soit. Le Collège
des médecins, il faut que vous le compreniez, puis je le répète depuis
que je suis là, moi, on est là pour le patient. Alors, si vous me proposez des mesures… Et je vous l'ai répété, là, je vous ai
dit que, nous, dans la gouvernance, et tout ça, on n'est pas les
spécialistes, mais, en ce qui concerne la dispensation de la qualité de soins,
par exemple, là, on est là. Et, si vous me demandez : Y aura-t-il des
difficultés ou des défis?, oui, mais ce n'est pas insurmontable.
M. Barrette : Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ceci met fin au bloc de 20
minutes. Je cède maintenant la parole, pour un bloc de 12 minutes, à la
députée de Taillon.
Mme Lamarre : Merci, M. le Président.
Bonjour, Dr Bernard, bonjour, Dr Robert. Alors, bien agréable de vous retrouver ici. Je vous avoue que, juste avant
de vous poser des questions, j'ai quand
même quelques observations
qui me frappent, là, à partir des réponses que le ministre donne, ou des questions
qu'il pose, ou des affirmations.
Le ministre
redit constamment qu'il veut simplement donner des orientations qui vont être reprises dans le réseau. Alors, moi, je me
questionne : Fondamentalement, qu'est-ce qui l'empêche, dans le contexte
actuel, sans projet de loi n° 10, de donner des orientations? J'aimerais
bien un jour avoir une réponse. Parce qu'il me semble que donner des
orientations, quand on est ministre, on a cette possibilité-là. Et actuellement
je pense qu'il y a des exemples où il y a
des choses qui ont bien fonctionné, donc il n'a pas eu la chance, il ne s'est
pas donné le privilège de juste donner les orientations et il nous dit
qu'il va le faire par le biais du projet de loi n° 10.
Les deux autres exemples qu'il donne, et je l'ai
entendu à quelques reprises parler du Cleveland Clinic et de Kaiser Permanente, je dois bien informer la
population — parce
que les gens nous écoutent — que ce sont deux modèles
exclusivement privés et, donc, où on fait appel beaucoup, beaucoup à des
indicateurs et à de la reddition de comptes qui peuvent aller jusqu'au
congédiement de certains professionnels de la santé qui n'atteignent pas ces…
Alors, je
trouve qu'actuellement on a un discours dichotomique où le ministre dit qu'il
veut simplement donner des orientations,
puis, en même temps, il semble clairement vouloir se donner des pouvoirs pour
procéder à des approches comme celles
qu'on a vues dans ces organisations-là. Et, pour un ministre qui veut seulement
donner des orientations, je relève quelques mots, là, mais «le ministre
fixe», «le ministre est responsable», «le ministre doit développer», alors on
n'est pas dans les orientations, là. En tout cas, je vois une dichotomie au
niveau de la terminologie utilisée.
Ça me sert de
préambule, parce que je trouve que vous apportez quand même, au niveau du
Collège des médecins, une dimension fondamentale qui est celle de la
responsabilité et de l'imputabilité des gens qui sont dans le système. Et
j'aimerais vous entendre sur peut-être de quelle façon vous voyez que, dans la
structure actuelle, on aurait pu améliorer l'imputabilité.
Le Président (M. Tanguay) : Dr
Robert ou Bernard.
M. Bernard
(Charles) : Bien, écoutez,
nous, comme on vous a dit tantôt, le professionnalisme, c'est la base,
si vous voulez, d'un service de qualité. Alors, si on démotive les troupes, si
on les sort du processus décisionnel, si on les sort de tout, à ce moment-là les gens ne
seront plus au rendez-vous. Ils vont venir «puncher», comme on dit en
bon québécois, puis ils vont s'en aller,
puis ils vont oublier tout le reste, hein? Alors donc, ce n'est pas ça qu'on
veut, nous. Nous, on veut des gens
qui soient investis dans les services de santé et les services sociaux, on veut
que ce soient des gens qui soient motivés à donner les services, qu'ils
soient près des patients.
Alors, je vous le répète, les services, c'est
des services locaux. L'administration, c'est sûr que plus vous vous éloignez du patient à qui vous donnez un service,
plus c'est difficile de comprendre ses besoins. Ça, on s'entend là-dessus,
tout le monde. Alors donc, c'est sûr et certain que, si on veut uniquement
contrôler, bien là c'est d'autre chose, mais, si
on veut vraiment donner un service de qualité, à ce moment-là, ça, c'est un autre discours et c'est une autre façon de voir
les choses. Alors, pour nous, l'imputabilité, la responsabilité, le
professionnalisme, c'est le professionnel qui est près de son patient et qui
s'investit auprès de lui. Je ne sais pas si ça répond à votre question.
Mme Lamarre : Oui, ça répond, merci.
Dans la mission d'un ordre qui est celle de protéger le public et donc, dans ce cas-ci, de protéger aussi, donc, les
patients, je comprends que, dans la structure… comment voyez-vous que, par
exemple, la santé mentale, les centres jeunesse, les gens avec des déficiences
physiques mais chroniques vont être mieux servis par le projet de loi n° 10?
Quels sont les éléments qui vous permettent de dire qu'ils vont avoir une
meilleure... on va être sûr qu'ils ne seront pas les oubliés du système?
M. Bernard (Charles) : Je n'ai pas
de boule de cristal, Mme la députée. J'aimerais bien ça, par contre. Mais tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on a, dans
notre mémoire, essayé de vous sensibiliser au fait qu'il ne faut pas
oublier qu'il y a des missions
particulières, et, dans ces missions particulières là, on avait les instituts,
là, on a donné l'exemple tantôt en
santé mentale, on a donné l'exemple en cardiologie. Alors, si on nous donne
l'assurance que ces missions-là ne seront pas oubliées ou mises de côté,
alors, bravo, tant mieux! Mais je veux juste vous dire qu'on vous répète qu'il ne faut pas les oublier. Alors, moi, je n'ai pas
la garantie actuellement puis je ne peux pas... je ne suis pas un
visionnaire de la gouvernance du réseau public de santé au Québec, mais ce que
je peux vous dire, c'est qu'il ne faut pas les perdre de vue, ces besoins-là et
ces missions-là particulières.
Mme Lamarre :
Dans le projet de loi, il y a quand même plusieurs éléments qui ont réfléchi à
la gouvernance pour les centres
spécialisés pour les services secondaires et tertiaires, mais, comme vous
l'avez évoqué, peu sur la première ligne et encore moins pour les
services qui sont de nature préventive ou de nature à soutenir des besoins de
nature plus sociale ou des besoins de santé mentale, par exemple, qui sont
moins facilement... qui demandent plus de temps et plus de nuances.
M. Bernard
(Charles) : On a souligné le
fait... on a souligné le fait que peut-être on n'avait pas vu assez sur
la première ligne, mais mes collaborateurs et moi, à la lecture de ce projet de
loi là, on s'est dit : Peut-être que c'est un début, peut-être qu'il y a autre chose qui va suivre. Je l'ignore, là,
parce que je ne suis pas dans les secrets des dieux. Mais c'est sûr et certain que, quand on s'attaque
d'abord à la structure… est-ce qu'il y a d'autre chose qui peut venir par la
suite? Alors, c'était un peu le sentiment qu'on avait, à la lecture de ce
document-là.
Je ne sais pas si je peux laisser mon collègue
aussi vous donner le sentiment qu'on avait à la lecture de ça. Comme je vous dis, nous, on n'est pas des
spécialistes de la structure, on n'est pas de l'institut de la gouvernance, on
est un ordre professionnel. Alors donc...
mais habituellement, quand on fait des réformes puis qu'on fait une réforme
dans la structure, il peut y avoir
d'autres choses qui pourront accompagner cette réforme-là. Et nous, on a espoir
que… ce qu'on vous a dit dans notre mémoire, c'est que la première ligne
sera abordée à ce moment-là puis la fluidité, comme a dit M. le ministre
tantôt, puis l'intégration se fera. C'est notre plus grand souhait.
Le Président (M. Tanguay) : Dr
Robert.
M. Robert (Yves) : En fait, c'est
intéressant parce qu'en parlant de fluidité, un des ministres… de vos prédécesseurs qui est actuellement premier
ministre était là pour nous présenter le projet de loi n° 85 en 2005... ou
n° 83, nous disant que son objectif, c'était
d'améliorer la fluidité des services. Donc, on l'attend encore un peu, si je
comprends bien, cette fluidité des services. Et une des questions et des
préoccupations qu'on a, c'est en regroupant, et comme je le disais tantôt, sous un seul conseil d'administration
plusieurs missions différentes et qu'il va y avoir des arbitrages à faire à un moment donné parce qu'il va y avoir des
décisions à prendre, bien qu'est-ce qui va faire pencher la décision
d'un côté ou de l'autre? Le plus gros
hôpital? Le plus gros budget? Le plus gros lobby? Ça va être quoi exactement?
Et c'est ça un peu qui nous préoccupe dans la gestion quotidienne des
choses.
On peut s'entendre sur les grands principes,
tout le monde va être d'accord pour faire en sorte que la population soit le
mieux servie, mais la question, c'est dans le comment et dans les décisions qui
vont se prendre. Il va peut-être y avoir des conséquences qu'on ne mesure pas
toujours et des missions qui seront peut-être laissées pour compte au profit
d'autres missions qui répondent à d'autres impératifs.
• (17 heures) •
Mme
Lamarre : On comprend que, le projet de loi n°10, on nous demande un
peu de donner notre consentement les yeux fermés à quelque chose qui est
un morceau d'un tout dont on ne sait même pas combien il y a de parties, hein? On ne sait pas, là, s'il reste quatre autres
projets de loi ou cinq autres projets de loi. On sait qu'il y en a d'autres qui vont arriver, mais on ne sait pas lesquels. Et on
demande, donc, de faire un acte de foi sur un projet qui est très philosophique, très administratif
et où on ne retrouve pas les enjeux pour la population, et ça, ça m'apparaît
très préoccupant.
Juste pour donner un
exemple concret — je
pense que, Dr Robert, vous allez être sensible à ça — vous
savez que, dans le 220 millions qui est économisé par le projet de loi
n° 10, il y a un 20 millions qui vient, finalement, de la Santé
publique. Alors, comment vous réagissez à ça?
M. Robert (Yves) : Bien, je vous
dirais que vous me l'apprenez. Et je n'avais pas suivi ça, ce dossier-là en particulier. Mais, dans le domaine de la santé
publique, c'est évident qu'il va falloir maintenir un certain niveau d'investissement. On a d'ailleurs fait un petit
commentaire concernant les responsabilités du directeur,
particulièrement dans la région de Montréal, où il va falloir ajuster une
mission supraterritoriale du CISSS qui va s'occuper de cet encadrement du personnel là. Et, quand on pense à
la santé publique, on voit les effets qu'on peut avoir à l'occasion de certaines
crises, dont on parle ces jours-ci et qui mobilisent beaucoup de ressources.
Donc, il va falloir voir un peu comment intégrer cela.
Mme Lamarre : Mais ça illustre quand
même qu'une centralisation à tous azimuts a… Parce qu'il y a des enjeux de
santé publique qui sont très locaux aussi, qui sont très régionaux et qui, là,
pour l'instant, sont balayés et tous
éliminés. On récupère 20 millions en santé publique sur un budget qui
était déjà de 335 millions, par rapport à un budget global de la santé qui est de
35 milliards. Alors, je trouve qu'on fait peut-être un choix sur ce
20 millions, là, qui est peut-être questionnable dans la
perspective, là, des économies de masse qu'on pense pouvoir nous attribuer avec
le 220 millions.
J'aurais une question supplémentaire. Vous
parlez de la singularité de l'organisation des services à Montréal par rapport au reste du Québec. Comment vous
considérez la région de Montréal? Votre siège social y est, donc je sais
que vous êtes certainement sensibles aussi à la difficulté d'organisation.
Comment vous voyez que le projet de loi
n° 10, avec ce qu'on en a actuellement entre les mains, va contribuer à
améliorer en diminuant le nombre de CSSS, par exemple, de 12 à six et en
créant des mégastructures?
Le Président (M. Tanguay) : Tout en
vous rappelant qu'il reste un peu plus d'une minute à l'échange.
M. Bernard (Charles) : Merci. Alors,
bien, écoutez, on a abordé un petit peu la question tantôt, la question de la région montréalaise puis des CISSS, avec la
particularité. On a bien compris de la part de M. le ministre qu'il y avait une situation, dans
l'histoire du Québec, particulière, où il y avait deux établissements qui
étaient actuellement en construction ou en développement et qui devaient déménager. Mais c'est sûr et certain qu'il y aura toujours,
dans la région montréalaise, à cause du volume, à cause de la population,
à cause aussi de la diversité des services, une difficulté dans cette
intégration-là. Alors, le défi est encore beaucoup plus grand là que si on est
dans une région…
Tantôt, on
citait un exemple, la région de Québec,
que je connais bien aussi, où les établissements sont beaucoup
similaires, si je peux m'exprimer comme ça, et l'offre de services est un petit
peu plus déjà intégrée, et la clientèle est un petit peu plus restreinte que
dans une région comme la région de Montréal.
Alors, il y
aura toujours une difficulté là pour réaliser ce genre de projet là. Alors,
écoutez, le modèle qui est proposé dans ça, nous, on trouve qu'il nous
soulevait une question; on vous la soumet. On n'a pas la solution idéale non
plus. Comme je vous ai dit, je n'ai pas de
boule de cristal pour savoir comment ce serait mieux organisé. Mais il y a une
difficulté particulière dans la région de Montréal, et ça sera toujours,
d'après moi, une situation à bien analyser avant de prendre des décisions.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, monsieur… Dr Bernard. Ceci
met fin au bloc de 12 minutes dévolu à l'opposition officielle. Je cède
maintenant la parole au représentant du deuxième groupe d'opposition, le député
de La Peltrie, pour une période de huit minutes.
M.
Caire : Merci, M.
le Président. Dr Bernard, Dr Robert, bonjour. Sur le projet de loi n° 10 à
proprement parler, est-ce qu'il y a des
éléments qui pourraient nuire à la pratique médicale que vous avez identifiés
puis qui devraient être corrigés?
M. Bernard (Charles) : Bien, tantôt,
on vous l'a souligné, il faudrait faire attention à la démobilisation de notre côté, des médecins. Je pense que nos
prédécesseurs ici, devant vous, vous ont souligné que, lorsqu'il y a eu une
des premières fusions, il y a eu un certain
nombre de médecins qui se sentaient comme démobilisés face à tout ça. Ça
s'est un peu corrigé avec le temps. Souvent, l'expérience, l'exercice a peut-être
permis à ces gens-là d'intégrer…
Mais il y a toujours,
face au changement, une difficulté.
Alors, je pense que, lorsqu'on va faire le changement, on le dit dans
notre mémoire, il va falloir que vous fassiez attention à ce que, lorsqu'on
apporte le changement ou qu'on réalise le
changement… Parce qu'il ne faudrait pas que, pendant le changement, on n'offre
pas des services de qualité à nos patients. Alors, ça, c'était une des
choses qu'on discutait lorsqu'on a préparé le mémoire, c'est que, dans cette période de transition là, parce qu'il y en aura
sûrement une — j'ignore
combien de temps, là, que ça va prendre pour faire cette transition-là, il y en aura une — il faudrait être très, très, très vigilants
pour que les énergies ne soient pas uniquement mises sur la transition
puis le changement, puis qu'on oublie qu'on a des patients puis qu'on a des
gens à servir. Parce que c'est ça,
l'objectif de tout ça, là. Vous êtes ici, puis nous, on est ici pour servir,
apporter des soins à nos patients. Si on oublie ça, on fait fausse
route. Alors donc, même quand on fait des changements, même quand on modifie, même quand on change les structures, il ne faut
pas oublier puis perdre de vue qu'il faut qu'on donne des services à nos
patients. Alors, ça, c'est une préoccupation qui nous…
M.
Caire : Reformulé différemment, Dr Bernard… Parce que vous
nous parlez du…
M. Bernard
(Charles) : Ce n'est pas la réponse que vous attendiez?
M.
Caire : Bien, en fait, c'est… Au niveau de la qualité de
l'acte médical, y a-tu des éléments… Parce que, là, vous me parlez de démotivation, puis je comprends
qu'il y a un facteur humain, puis les médecins n'en sont pas exempts. Mais je parlais au niveau de la qualité de l'acte
médical. Est-ce qu'il y a des éléments là-dedans qui vous disent :
Attention, ça, ça va avoir… ça va apporter
une hypothèque sur la qualité de l'acte médical, qui est finalement votre
centre de préoccupation au niveau du collège?
M. Robert (Yves) : Je donnerais comme réponse là-dessus que la LSSSS définit et donne des
responsabilités aux chefs de
département clinique, aux directeurs des services professionnels et aux CMDP
beaucoup. Donc, actuellement, l'évaluation
de la qualité de l'acte se fait dans chaque département sous l'égide du CMDP
d'un établissement. Donc, une des
questions qu'on peut se poser, c'est… Quand on a un CMDP avec 200 médecins,
c'est une chose; quand on a un CMDP avec
2 000 médecins, c'est une autre chose. Et donc la question qui peut se
poser, c'est qu'on peut bien dire, effectivement…
Bien,
quand on est en Outaouais, que le siège social du CISSS est à Gatineau et puis
qu'on travaille à Maniwaki, c'est sûr
qu'on n'arrivera pas à la réunion du CMDP qui aurait lieu à 4 heures, à la fin
de la journée, en se déplaçant puis en faisant un aller-retour juste
pour aller à la réunion du CMDP. Donc, ça, c'est bien évident qu'il va falloir
trouver des nouvelles façons de fonctionner et responsabiliser les milieux
localement.
Et
donc la question qu'on se dit, c'est qu'avec l'état précédent, où on avait 695
établissements, l'état actuel, où on a 95 CSSS, et l'état futur, où on
va avoir 19 établissements, si on grossit beaucoup les CMDP, ça va être une
charge qui va être extrêmement lourde pour
les CMDP. Et donc la question, c'est : Va-t-il y a voir les ressources
appropriées? Parce que gérer un groupe de
2 000 médecins puis gérer un groupe de 200 médecins, ce n'est pas la même
dimension. C'est bête et méchant.
M. Bernard
(Charles) : Si je peux me permettre d'ajouter une seule chose…
Le Président (M.
Tanguay) : Oui, Dr Bernard.
M. Bernard
(Charles) : …c'est que la qualité des services qui sont offerts par
les médecins, elle aussi est tributaire des
plateaux techniques et de l'équipement qu'on met à leur disposition. Alors, si
vous avez de l'équipement archaïque ou si avez des plateaux techniques
qui ne répondent pas aux normes, nous, on sera les premiers à dénoncer la situation et, d'ailleurs, on le fait déjà. Alors,
ça, c'est un piège qui nous guette aussi dans toute mesure de réforme,
ou quoi que ce soit. Alors donc, il faut s'assurer que, dans ces réformes-là,
on n'oubliera pas qu'il y aura probablement du développement à faire, même si
on est dans une période de restrictions budgétaires.
M.
Caire : O.K. Mais, M. le Président, pour continuer avec la
réponse du Dr Robert, je pense qu'on est sur une piste intéressante.
Parce que je conviens avec vous que ça va être beaucoup plus difficile au
niveau de l'évaluation de l'acte. À ce
moment-là, comment vous, du Collège des médecins, vous préconisez qu'on puisse
pallier à cette possibilité-là? Parce
qu'on veut tous que la qualité de l'acte médical demeure. Et donc comment vous
préconisez qu'on puisse pallier à cette éventuelle difficulté là?
M. Robert
(Yves) : Pour un médecin, la chose importante, c'est d'avoir le
sentiment d'appartenir à son établissement, comme il l'était auparavant avec
son hôpital. À partir du moment où il va se sentir étranger dans l'hôpital,
qu'il va sentir qu'il ne fait pas partie d'une organisation, on va avoir un
problème. Et la clé pour que ce soit encouragé,
ce sentiment-là, c'est l'information. Dans la mesure où il est capable de
communiquer et où la notion de distance va être secondaire et il va
avoir le sentiment d'être dans le même hôpital puis qu'il communique avec les
décideurs comme il le faisait auparavant en croisant son D.G. dans le corridor,
dans la mesure où cette accessibilité à des outils d'information efficaces et utiles… il va… ça va probablement faciliter
l'intégration des… la pratique médicale et donc la qualité éventuelle.
• (17 h 10) •
M.
Caire :
Si je m'adresse à la question des médecins spécialistes plus particulièrement,
tantôt Dr Francoeur nous disait que le privilège devrait être associé avec un établissement
physique particulier, est-ce que vous allez un peu dans ce sens-là aussi avec
votre commentaire?
M. Bernard (Charles) : Bien, je
pense que ce que le Dr Robert vient
de nous dire, c'est un petit peu dans le même sens, c'est-à-dire un
sentiment d'appartenance. Alors, c'est sûr et certain que, si l'établissement
devient régional, la difficulté sera là,
mais il faudrait créer ce sentiment d'appartenance là. Puis, pour ce qui
concerne le Collège des médecins, comme je vous ai dit tantôt, on avait déjà
dans nos cartons une vision de régionalisation puis on a aussi un travail qu'on voulait faire, de prévention face aux établissements puis à l'évaluation de la qualité. C'est peut-être
moins en mode d'inspection après coup, mais d'essayer d'éviter que les problèmes
arrivent. Alors, si on va visiter des établissements ou qu'on rencontre les médecins dans une région puis qu'on les aide à
éviter les pièges, ou tout ça, à ce
moment-là, pour nous, c'est un
pas de plus.
M. Robert
(Yves) : L'avantage pour
nous de la réforme actuelle, c'est qu'on va avoir moins
d'interlocuteurs.
M.
Caire : C'était ma prochaine question, M. le Président. Du point
de vue du collège dans votre capacité à vérifier
la qualité de l'acte professionnel, est-ce
que cette réforme-là est positive ou
plutôt… Mais je comprends que vous…
M. Bernard
(Charles) : On va avoir le même nombre de médecins, mais par contre,
nous, en plus de faire des visites individuelles ou des inspections
individuelles comme tous les autres ordres professionnels, on visite des établissements. Et, à ce moment-ci, les établissements, bien, on va en avoir moins. On n'aura peut-être
pas 200 quelques établissements à visiter, on va en avoir 19. Alors donc, mais
ça sera des immenses… Alors, ça sera à nous de mettre au point des
outils qui vont répondre à cette demande-là.
M.
Caire : Donc, si
je vous comprends, vous dites : Que l'administration soit régionalisée,
soit, mais l'application des soins ou l'organisation des soins doit
garder son caractère local.
M. Bernard (Charles) : Bien oui. Bien, écoutez, on ne peut pas donner
des soins uniquement à partir de la
ville de Québec à travers toute la province.
Tu sais, je pense que ça, c'est utopique, là. Les gens qui sont à Gaspé
actuellement, là, ils s'attendent à avoir
des soins de santé de la même qualité que ceux qui sont donnés au centre-ville
de Montréal ou au centre-ville de Québec. Alors, puis je pense qu'actuellement,
en tout cas du côté médical, on s'efforce à ce que nos médecins donnent cette
qualité-là et cette accessibilité-là.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ceci met fin au bloc de huit
minutes. Je cède maintenant la parole, pour un bloc de trois minutes, à
la députée de Gouin.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. J'aimerais continuer sur la question
de la vérification des soins. Ce n'était pas
du tout ça que j'avais prévu, mais il y a quelque chose qui m'intéresse. Vous
dites : Ça va être plus pratique,
il y aura moins d'interlocuteurs. Oui, mais, attendez, là, il y a quelque chose
d'un peu virtuel dans cette idée que, dans
une région, il n'y a qu'un seul établissement. C'est réel juridiquement, c'est
sûr, il y a un seul conseil d'administration, mais le nombre de sites, d'installations, appelez-le comme vous voudrez,
d'établissements, dans le langage ordinaire, là, demeure exactement le
même. Le ministre nous a dit : Moi, je ne ferme aucun point de services.
J'ai de la difficulté à voir en quoi le
projet de loi n° 10 facilite votre vie. Je comprends que ça fait peut-être
moins de conseils d'administration à rencontrer,
mais c'est parce que je n'ai pas l'impression que c'est ça, le coeur de votre
travail. J'imagine que vous voulez rencontrer les gens sur le terrain.
Il va y en avoir autant puis autant de points de services. Donc, en quoi est-ce
que ça améliore votre vie?
M. Bernard
(Charles) : Bien, moi, je ne veux pas améliorer ma vie, je veux
améliorer la vie de mes patients d'abord.
Deuxièmement, ce que je peux vous dire, c'est que, dans l'organisation de
services, dans un centre hospitalier, il y a un conseil des médecins,
dentistes et pharmaciens, et c'est lui, localement, qui doit voir à la qualité
des soins de premier chef, c'est lui qui est
le premier niveau. Actuellement, si vous avez 200 établissements, bien il y a
200 conseils des médecins et dentistes qui font ça. Si vous arrivez à un
niveau où cette institution-là est maintenant régionalisée, pour dire quelque chose, bien là le CMDP va
s'organiser. Et, nous, c'est ces comités-là qu'on va aller voir puis qu'on va,
à travers leur travail, évaluer la façon dont ils évaluent… Ils vont
avoir un très grand défi. Eux ont encore un plus grand défi que nous, les conseils des médecins, dentistes et
pharmaciens, dans l'évaluation de leur acte au niveau régional. Je ne
sais pas si vous comprenez ce que je veux dire?
Mme David
(Gouin) : Je comprends très bien.
M. Bernard
(Charles) : Alors donc, le plus grand défi va être au niveau local.
Nous, on est comme la deuxième ou troisième
ligne dans la vérification de la qualité. Quand ça ne va pas en quelque part,
ils nous appellent puis on y va, et
on y va aussi préventivement. Mais on est la deuxième ou troisième ligne. C'est
localement que ça va être plus compliqué à réorganiser. Alors, on fait
juste… Dans le mémoire, on vous souligne ça. Alors, on dit : Faites
attention, les conseils de médecins, dentistes et pharmaciens auront une
difficulté supplémentaire à s'organiser.
Et
je sais… Écoutez, à Québec, j'ai été invité lors de la première assemblée du
conseil des médecins et pharmaciens du
nouveau CHU ou CHUQ. Il n'y a jamais
eu un aussi grand… En passant, c'est le plus grand conseil des médecins,
et dentistes, et pharmaciens au Québec actuellement, là. Ils sont 1000…
plusieurs centaines de médecins regroupés dans
un même CMDP, comme on l'appelle. Alors, j'étais à cette première rencontre-là,
il y avait du monde, mais les gens étaient motivés, un petit peu déçus
au début, mais ça a fini par fonctionner, et l'évaluation de la qualité de
l'acte se fait quand même, et c'est…
Mme
David (Gouin) : Mais on
s'entend que c'est possible aussi
parce que vous avez dit, puis vos prédécesseurs aussi, qu'on est dans un
milieu géographiquement relativement restreint.
M. Bernard
(Charles) : Oui. C'est vrai.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Compte tenu de l'heure, la commission
ajourne ses travaux jusqu'à demain matin, 10 heures, afin de poursuivre
ses consultations particulières. Merci.
(Fin de la séance à 17
h 16)