(Onze heures trente et une minutes)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Collègues, à l'ordre, s'il vous plaît!
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la
santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Collègues, la
commission est réunie afin de procéder à des consultations
particulières et auditions publiques sur les conditions de vie des
adultes hébergés en centre d'hébergement et de soins de longue durée.
M. le Secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Non, M. le
Président.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Bergman) : Merci. Alors, on reçoit maintenant la
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Bienvenue. Vous
avez 10 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec
les membres de la commission. Mais, pour
fins d'enregistrement, on a besoin de vos noms et vos titres. Et le prochain
10 minutes, c'est à vous.
Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
M. Ouellet (Jean-Pierre) :
Jean-Pierre Ouellet, président du Syndicat québécois des employés de service affiliés à la FTQ et vice-président de la FTQ. Je
suis accompagné, à ma gauche, de — votre droite — Benoit Hamilton, conseiller aux communications du SQEES-298, et, à
ma droite, Pierre-Guy Sylvestre, économiste au Syndicat canadien de la
fonction publique.
Merci, M. le Président, merci, Mmes et MM. les
parlementaires, de nous permettre de vous entretenir sur la situation des CHSLD. La FTQ représente
60 000 travailleuses et travailleurs, que ce soit dans le secteur public,
dans les résidences privées de
personnes âgées, 8 000 travailleuses, ou dans le réseau d'économie
sociale, dans les coopératives de maintien de soins… d'aide à domicile
pour les aînés au Québec, nous représentons environ
2 000 travailleuses. Nous représentons
sur, quoi… 600 000 membres qui sont, bien entendu, très inquiets face
au vieillissement de la population.
La FTQ a
signé le contrat social en faveur des aînés du Québec l'an passé, en
avril 2013, où, dans ce contrat social là, à la FADOQ, on demande que, dans chaque geste qu'on posera dans la
société, on tienne en compte le vieillissement de la population sur
quatre points : la santé, le bien-être, la sécurité et l'appartenance. Une
petite blague, en passant, sur l'appartenance :
On n'aime pas voir la vieillesse au Québec. Quand qu'on entend des déclarations
du premier magistrat de la ville de
Québec, le maire Labeaume, dire : Un CHSLD sur la Grande Allée, wo! là, ça
en dit long sur le regard qu'on a sur la perte d'autonomie de nos vieux,
de nos aînés au Québec.
Vous savez,
le pouvoir gris est à nos portes. Vous connaissez déjà les chiffres. D'ici
2031, plus de 2,2 millions de la population aura plus de
65 ans, et on évalue que les gens en perte d'autonomie légère ou lourde,
ça va être entre 400 000 et 600 000 personnes. On est inquiets
du désengagement de l'État dans les soins aux aînés et par rapport à la vieillesse. Encore aujourd'hui, on va parler des
CHSLD. Je suis un peu d'accord avec M. Paul Brunet, du conseil
provincial des malades, il me semble qu'on en parle beaucoup puis il me semble
qu'on a apporté des solutions qui sont longues à être mises en vigueur sur le terrain. Et je pense que les
parlementaires, vous les connaissez, les solutions. J'aurais le goût de
dire : Comme en relations de travail, vous êtes victimes un peu de votre
propre turpitude.
Depuis 10 ans, on ferme des milliers de
lits dans les CHSLD publics et privés. On annonce, dans la région de Québec,
encore 151 fermetures de lits dans les CHSLD, dans la région de Montréal,
500 fermetures de lits dans les deux
ans. 202 CHSLD au Québec, 81 jugés vétustes, on est inquiets à savoir si
vous allez les fermer. 3 800 personnes en attente d'hébergement dans les CHSLD. C'est le
ministère de la Santé qui a décidé d'augmenter le nombre d'heures-soins
pour accéder aux CHSLD, à trois heures-soins et plus, provoquant ainsi un
alourdissement de la clientèle. À l'heure actuelle,
et je prends votre document, 76 % des gens hébergés en CHSLD ont plus de
75 ans, dont, on évalue, entre 60 % et 80 % ont des problèmes cognitifs, alzheimer et de démence. Après
10 ans de CSSS, qu'est-ce que nous constatons?
3 000 cadres de plus dans le réseau de la santé, pas beaucoup de
préposés aux bénéficiaires de plus sur le terrain pour donner des soins de
qualité, et qui sont déjà donnés en qualité.
J'ai vu la
déclaration de l'AQESSS il y a deux jours : CHSLD victimes d'une campagne
de dénigrement, et nous sommes en
parfait accord avec cette déclaration-là. Vous savez, les CHSLD au Québec,
c'est 38 000 personnes hébergées avec un personnel de qualité, des professionnels des soins de la
santé : infirmiers, infirmières auxiliaires, ergothérapeutes, physiothérapeutes, et des milliers de préposés aux bénéficiaires, qui
sont les bras, les jambes de nos gens en perte d'autonomie, qui font un travail extraordinaire, avec
empathie, compassion, don de soi, dévouement au quotidien. Il ne faudrait pas prendre quelques dérapages qu'on
voit sur la place publique et généraliser ça à l'ensemble des CHSLD au
Québec.
Ce
n'est sûrement pas en utilisant des agences de placement à outrance, du
personnel d'agences de placement, surtout dans la grande région de
Montréal, qu'on va penser à améliorer la qualité des soins et des services. Ce
n'est sûrement pas en implantant des «lean»
Toyota avec des personnes en perte d'autonomie, souffrant de maladies
cognitives, qu'on va améliorer la qualité
des soins. Avec ce genre de clientèle là, ça prend du temps, ça prend de la
douceur. Il ne faut pas calculer le temps à la minute près.
J'ai l'impression, des fois, que vous faites
penser à Luc Langevin, parce que les parlementaires, vous avez la responsabilité ultime… Puis le ministère de la
Santé ne se dirige pas tout seul, hein? Vous avez la responsabilité
ultime… Et, quand je dis que vous me faites penser à Luc Langevin, de la main
gauche, on montre toujours les CHSLD, mais, pendant
ce temps-là, on ne voit pas ce que la main droite fait. La main droite, là,
c'est la clientèle de moins de trois heures-soins. Où est-elle?
Tu sais, on voit un développement anarchique des
ressources d'hébergement dans les secteurs des aînés en perte d'autonomie. On a rien qu'à regarder : 2006,
86 000 places d'unités locatives en résidence privée de personnes
âgées; en 2014, 120 000 places
dans les résidences privées de personnes âgées — et dites-moi pas que c'est juste de
l'hébergement, là, il se fait des
soins dans les résidences privées de personnes âgées, de plus en plus une
clientèle alzheimer, avec des unités fermées, des gens… — une
certification qu'on ne finit pas de réaliser. Et il s'agissait de voir le feu
de L'Isle-Verte pour apprendre qu'on s'apprêtait à reporter d'un an la
formation des préposés aux bénéficiaires, les seuils minimaux du personnel. Et ça, il a fallu de voir un feu
pour que ça sorte, parce que je ne suis pas sûr qu'on l'aurait vu passer. Si
c'est si important que ça, la qualité de vie de nos aînés au Québec, rapidement
la formation des préposés aux bénéficiaires... Je vous rappelle que, dans ce secteur d'activité là, on a élargi le Code
des professions pour pouvoir permettre des soins invasifs donnés par des
préposés. Donc, rapidement une formation obligatoire.
Sans parler
des milliers de lits qui se développent en ressources intermédiaires. On prend
de l'argent du public pour envoyer développer des lits en ressources
intermédiaires opérées par des gens du secteur privé qui ne sont pas visés par la certification des résidences privées de
personnes âgées. Ça fait qu'on a un peu d'inquiétude qu'est-ce qui peut
se passer dans les RI. Je ne veux pas vous
parler aussi des PPP, on en parlera un peu plus tard, parce que, pour nous,
quant à nous, les PPP, c'est un fiasco dans l'hébergement des aînés au Québec.
Ça amène aussi un grave problème. Cessons de
parler d'universalité, d'accessibilité et de gratuité. Quand tu es en CHSLD, il y a un plafond maximum pour le
paiement d'hébergement. Dans les résidences privées de personnes âgées,
ce n'est pas vrai que c'est universel, accessible et gratuit, là, c'est entre
1 500 $ et 6 000 $, dépendant de la résidence, dépendant
des soins que tu auras besoin. Si tu es chanceux, tu vas gagner à la loterie de
la RI, parce que, dans les RI, il y a un
plafond maximum aussi pour le coût de l'hébergement, mais, si tu n'es pas
chanceux, comme ma belle-mère, tu vas
te ramasser dans une résidence privée de personnes âgées, alzheimers,
mais — je vais
prendre le langage du gouvernement, des fonctionnaires — qui
ne cote pas assez pour aller dans un RI ou dans un CHSLD public.
• (11 h 40) •
Vous savez,
les conditions de travail des gens qui oeuvrent dans ce secteur d'activité,
dans les résidences privées, dans les
RI, frisent le salaire minimum, moyenne salariale de 12 $ de l'heure. Ça
fait que surprenez-vous pas qu'il y ait un roulement de personnel énorme. Dans la région de Montréal, dans les
établissements qu'on représente, 50 % du personnel change en un an.
Dès que tu as la chance d'améliorer ton sort monétairement, tu t'en vas chez un
autre employeur. Ce n'est sûrement pas ça
qui est la garantie des soins de qualité dans le secteur privé. Nous sommes
convaincus que, quand tu opères des résidences pour personnes âgées avec
une notion de faire de l'argent, à but lucratif, il peut y avoir des dérapages et il va y avoir des dérapages. À ce
propos, la CSN et la FTQ avons demandé au ministère de la Santé une
table de travail sur les conditions de
travail dans les résidences privées pour personnes âgées et dans les ressources
intermédiaires.
En terminant,
nous apprenions, le 11 février dans Le Devoir, CHSLD :
une philosophie à changer, Marie-France Simard et André Gagnière, qui
président le comité scientifique et le comité consultatif du ministère de la
Santé, qui nous disent qu'après avoir consulté les experts il faudra
avoir beaucoup de courage pour dire maintenant que, les CHSLD, ce sont des soins palliatifs : «Changer la
philosophie en CHSLD nécessiterait de revoir toute l'offre de services,
selon Mme Simard. Bien des pratiques ne trouvent plus leur sens quand les mois
sont comptés.» Ça fait qu'on passe d'un milieu
de vie espéré… maintenant, on nous parle d'un milieu de soins palliatifs. Nous
sommes inquiets que ça cache encore des
coupures dans les services offerts à la clientèle que nous devons prendre soin
quotidiennement, à tous les jours. Merci.
Le
Président (M. Bergman) : Merci, M. Ouellet, pour votre présentation.
Maintenant, pour le bloc ministériel, Mme la députée de
Sainte-Rose.
Mme
Proulx : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Ouellet, M.
Hamilton et M. Sylvestre. Bienvenue parmi nous. Alors, j'entends bien que vous avez plusieurs
préoccupations à plusieurs niveaux dans tout ce qui concerne, là, l'hébergement
en centre de soins de longue durée. Vous
parlez, entre autres, de cette nécessaire continuité dans les soins. Alors,
dans une logique de continuum de soins, comment vous voyez la place des CHSLD
dans cette logique-là?
Le Président (M.
Bergman) : M. Ouellet.
M. Ouellet (Jean-Pierre) : La place des CHSLD… Parce qu'à partir du moment où est-ce qu'on décide
que c'est une clientèle avec plus de trois heures-soins c'est sûrement
un service de dernière ligne et non pas de première ligne. Sans ça, la première ligne… Avant ça, il y a
quelques années, on hébergeait une clientèle beaucoup plus légère. C'est
un endroit pour donner… Trompons-nous pas, hein? Une clientèle de plus de
75 ans avec plus… tout près de 75 % de cette clientèle avec des soins
de troubles cognitifs, ça a changé le portrait, hein, il y a quelques années et
ça amène une problématique. Parce que, là, on parle
beaucoup des aînés en perte d'autonomie. Il y a toujours bien 11 % de la clientèle en hébergement dans nos CHSLD qui ne
sont pas des aînés. Je ne sais pas comment qu'ils peuvent se retrouver dans ce… Il faudrait voir peut-être à établir pour
ce genre de clientèle là soit des unités spécifiques, et ainsi de suite,
parce que ce n'est pas la même sorte de
services de santé que tu vas donner à une clientèle qui est en perte cognitive
qu'à une clientèle… un cas de
sclérose en plaques de 35 ans, de 40 ans, qui a toute sa tête. Parce
que tous… Les pertes cognitives, là, c'est la mémoire, c'est le
sensoriel, et ainsi de suite. Et ça aussi, il faudrait voir à trouver des
solutions à ça, là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme
Proulx : Oui. Vous soulevez un point qui nous a été mentionné à
maintes reprises, là, parmi les groupes qui sont venus témoigner devant nous : toute cette préoccupation par
rapport aux personnes qui ont des profils diversifiés et des besoins diversifiés et de l'intérêt que ça peut
représenter, de les regrouper dans des îlots ou dans des unités
particulières. On nous a en même temps parlé, quand on nous rapportait, par
exemple, des exemples à l'intérieur d'un CHSLD où il peut y avoir des unités particulières, de défis liés aussi à
l'organisation du travail. Et on nous mentionnait qu'on a souvent besoin d'une plus grande flexibilité dans
l'organisation du travail. Comment vous voyez ça? Est-ce que, pour vous,
c'est quelque chose qui est une avenue intéressante? Et comment vous voyez, là,
le fait d'organiser le travail autrement?
Le
Président (M. Bergman) : M. Ouellet.
M. Ouellet
(Jean-Pierre) : C'est une avenue intéressante, mais il faut être
conscient qu'avec ce genre de clientèle là il y a beaucoup plus de besoins à
répondre. Une clientèle qui a tous ses sens cognitifs, je prends toujours l'exemple d'une personne sclérose en plaques, ce
n'est pas vrai qu'en deux minutes tu vas pouvoir faire une toilette. Il
va falloir que tu mettes… Moi, je pense
qu'avec ce genre de clientèle là ça prend plus de personnel qu'avec une
clientèle en perte cognitive. Les besoins
sont plus grands. Juste sur l'échange verbal, c'est sûr que, quand tu donnes
une toilette à une personne qui est alzheimer, tu vas échanger avec elle, mais tu
n'auras probablement pas le retour d'ascenseur. Mais la personne qui est sclérose en plaques, là, qui a
des problèmes, qui a des problèmes de douleur, qui a des problèmes... ce
n'est pas facile, d'être dans un CHSLD, il faut que tu prennes plus de temps,
il faut que tu jases plus longtemps, il faut que tu y ailles avec douceur. Vous savez, être sclérose en plaques dans un
lit, que tu ne peux pas te gratter un coude, là, puis tu as besoin de te faire gratter le coude, là, bien, ça
prend du personnel. Mais, si tu es dans des formules «lean» Toyota, que
tu dois donner 15 minutes à un client, cinq minutes pour faire manger, c'est
sûr que tu vas passer à côté des besoins.
Vous
savez qu'il y a quelques années on répondait à 90 % des besoins de la
clientèle. Maintenant, on dit : Taux de satisfaction, 60 %. Il y a toujours bien 40 %, là, qui est
évacué quelque part. Il me semble qu'on devrait viser l'excellence et
non pas le plus bas pourcentage.
M. Hamilton
(Benoit) : Concernant l'organisation...
Le Président (M.
Bergman) : M. Hamilton.
M. Hamilton (Benoit) : Woups!
Pardon. Concernant l'organisation du travail, on laisse entendre, dans
le document de consultation, qu'il y a une
rigidité par rapport notamment aux conventions collectives. Il faut
comprendre que, souvent, c'est l'employeur
qui rigidifie les relations de travail aussi avec les employés. C'est parfois
beaucoup plus simple d'aller et
d'appliquer la lettre de la convention, de la part de l'employeur, pour
s'assurer d'avoir un milieu de travail... s'assurer de ne pas avoir de
problème au niveau des relations de travail. La rigidité, là, ne vient pas
nécessairement des syndicats. À vrai dire,
le syndicalisme aujourd'hui, là, ce n'est pas nécessairement ce qu'on entend
sur les chaînes de nouvelles continues ces temps-ci, là. On est prêts,
nous, à aller s'asseoir avec les employeurs, à trouver des façons de travailler en harmonie. En fait, on ne souhaite
que ça. D'ailleurs, certains de nos membres s'en plaignent, quand il y a
une rigidité à outrance sur l'application de la convention collective ou des
spécifications locales, que l'employeur change son mode de gestion pour
appliquer à la lettre... Ça fait beaucoup de malheureux, là, dans le milieu de
travail aussi, là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
Oui, effectivement, je pense qu'il y a un grand constat qu'on peut faire quand
il s'agit des relations de travail. Ce sont
des liens de réciprocité. C'est quelque chose... c'est une danse qui se danse à
deux, vous avez tout à fait raison.
Et je poursuis sur
l'organisation du travail. Vous avez mentionné un peu... J'entends des
préoccupations, là, tout ce processus «lean»
qui est implanté. Et il y a d'autres que vous dans cette… pas nécessairement
cette commission-ci, mais que j'ai
entendus dans d'autres dossiers, des gens qui nous ont parlé de la firme
Proaction, qui a implanté ce processus «lean»
et ce minutage de chacun des actes. Alors, j'aimerais ça, vous entendre sur
votre vision et comment vous percevez, là, ce processus-là.
Le Président (M.
Bergman) : M. Ouellet.
M. Ouellet
(Jean-Pierre) : On le disait, ce n'est sûrement pas en confiant à des
firmes du privé des modèles de gestion
«lean» Toyota... Peut-être qu'une gestion «lean» Toyota sur une chaîne de
montage de conserves, ça peut aller, mais «lean» Toyota avec une clientèle en perte d'autonomie…
Vous savez, aller au rythme d'une personne âgée qui est alzheimer, là, si vous la bousculez — puis, quand je dis «bousculez», là, ce n'est
pas au terme physique — au terme
de la rapidité, vous la déstabilisez complètement. C'est le contraire, il faut
prendre plus de temps, plus de douceur, plus d'empathie. Cette
personne-là a perdu ses repères, n'a plus la mémoire. J'ai beau être — je
suis un préposé de bénéficiaires de formation — le meilleur préposé aux bénéficiaires,
dans cinq minutes, je vais revenir, elle ne me reconnaîtra pas. Ça fait que, si je veux la bousculer, c'est là, des
fois, que tu vas avoir des réactions d'agressivité, de colère, parce
que, malgré qu'ils n'ont pas de mémoire, ils ont encore des sentiments et des
sensations. Ce n'est pas avec des formules Proaction et «lean» Toyota, où qu'on
veut minuter le temps du repas, le temps de la toilette, le temps pour amener
la personne à la toilette, qu'on va réussir à humaniser les soins dans nos CHSLD.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.
• (11 h 50) •
Mme
Proulx : Oui. Et j'aimerais ça que vous nous parliez de
l'impact de ce processus-là aussi sur les travailleurs. Parce qu'on
entendait justement, hier, un centre qui venait nous parler d'une dynamique
extrêmement positive qui semblait y avoir
place et à quel point c'était important d'avoir l'engagement des gens et
d'avoir vraiment du personnel qui a
envie de s'investir auprès des bénéficiaires. Et là vous parlez de l'impact,
hein, du minutage des activités sur les bénéficiaires. Mais le
personnel, lui, comment vos membres réagissent dans cette façon de faire, là?
Le Président (M.
Bergman) : M. Ouellet.
M. Ouellet (Jean-Pierre) : Bien, c'est... le personnel n'apprécie pas. Vous
savez, je l'ai dit d'entrée de jeu
que c'est un personnel dévoué au quotidien, qui sont là avec leur compassion,
leur empathie. Quand tu as l'impression de terminer
ta journée puis que tu n'as pas fait le devoir accompli... Moi, j'ai vu des
gens rester après leurs heures de travail, bénévolement, hein, pour
pouvoir rendre un service à une cliente ou un client parce que, dans le cadre
de leur travail, avec le minutage, ils ne
sont pas arrivés à faire tout ce qu'ils voulaient. S'en aller chez eux, le
soir, tu n'enlèves pas ton habit de préposé puis tu la laisses dans ta
case, au travail, là, puis tu t'en vas. Tu travailles avec des êtres humains.
La perte de tel être… Le décès, là, ne
pensez pas que les gens, ce sont des machines — je parle des préposés, là — la
perte d'un être cher, parce que...
Remarquez qu'on s'attache beaucoup moins, hein? La moyenne de vie est de
18 mois maintenant en CHSLD. Tu as moins le temps de t'attacher à
ta clientèle, compte tenu de l'alourdissement. Mais ce ne sont... Moi, je
reviens toujours à la base : Travailler avec des humains, ce n'est pas
travailler avec des cannes de conserve, et y aller sur la base du temps de
travail, c'est déshumaniser les soins qu'on a à donner.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
Oui. J'aimerais maintenant aborder — ...
Le Président (M.
Bergman) : ...
Mme
Proulx : …oui — la
dimension du financement de notre système public, le système d'hébergement. Alors, quels sont les grands
constats que vous faites et... mais c'est surtout… Vous savez, l'intérêt pour
nous, de la commission, c'est aussi d'avoir des recommandations. S'il y
a des choses que vous trouvez qui ne fonctionnent pas de manière optimale,
j'aimerais entendre aussi quelles seraient vos recommandations pour améliorer
le système.
Le Président (M.
Bergman) : M. Ouellet.
M. Sylvestre(Pierre-Guy) :
Bien, écoutez, si on parle...
Le Président (M.
Bergman) : M. Sylvestre.
M. Sylvestre (Pierre-Guy) : Oui. Si on parle des CHSLD en PPP, bon,
présentement, il y a eu des expériences malheureuses, par
exemple le CHSLD en PPP de Saint-Lambert-sur-le-golf. Ici, le modèle PPP, c'est
bien le modèle où est-ce qu'on a la conception, la construction, on a la maintenance, la gestion et le
financement sur 25 ou 30 ans. Donc, en anglais, là, on va appeler
ça le «Design-Build-Finance-Maintain-Operate», là. Ça, c'est le modèle, là,
bon, qui a été importé. Et, si on prend ce
modèle-là, le problème, au niveau du financement, et ça, c'est connu, ça a été
reconnu même par le P.D.G. de PPP Canada inc., le financement privé
coûte plus cher. N'importe quelle grande multinationale privée va avoir… lorsqu'elle va aller sur le marché des
capitaux, va toujours emprunter à un taux qui est beaucoup
plus élevé. Donc, ça, une fois que c'est démontré, on sait que le
financement privé est plus cher.
Maintenant,
où est l'avantage du privé? Bien, d'un point
de vue théorique, c'est qu'il va y avoir
une concurrence qui va être tellement forte qu'on va avoir des économies
qui vont être réalisées parce qu'il va y avoir une plus grande productivité. Par
contre, si on n'a pas une concurrence qui est très forte, et ça a été le cas
dans les PPP au Québec, autant pour le CHUM,
le CSUM que les CHSLD en PPP, bien, à
ce moment-là, la seule source d'économie
qui peut être faite, c'est sur le dos
des travailleurs. Donc, si vous voulez avoir une qualité qui est égale mais
avec des conditions salariales ou une
rémunération globale qui sont 10, 20 ou 30 fois... 30 % inférieures à celles du réseau public,
bien, à ce moment-là, ce qu'on envoie comme message… Le résultat de la
politique, ici, va être de diminuer la qualité. Donc, on privatise, les
économies proviennent de la diminution de la qualité de services.
Si on regarde concrètement
le dossier du CHUM, bien, récemment il y a un expert, M. Pierre Hamel, qui a démontré que ça allait coûter le double. Donc, il
n'y a pas eu d'économie parce qu'on a privatisé les services de santé.
Si vous regardez le cas du CSUM, je n'ai pas besoin d'élaborer longtemps sur la
faible compétition qu'il y a eu. Vous connaissez
mieux que moi, probablement, le dossier du CSUM. Donc, ça, ce sont deux
exemples, ici, concrets, en santé, qui démontrent que ça a coûté plus
cher. Pour le CHSLD Saint-Lambert-sur-le-golf, il y a eu des problèmes de
qualité, mais je suis persuadé que, dans quelques années, on sera capable de
démontrer qu'il n'y a pas eu d'économie.
Et puis, bien
là, si on s'écarte du milieu de la santé puis qu'on regarde d'autres PPP, tout
récemment, les entreprises Aires de
service Québec, là, pour les haltes routières qui ont été construites en
PPP — et là
c'est des projets simples, là, en santé c'est des projets complexes, où
est-ce qu'il y a beaucoup plus de risques — bien, il y a eu des
problèmes. Ils ont fait faillite et ils poursuivent aujourd'hui le gouvernement
parce qu'ils disent que le contrat a été mal interprété.
Donc, voilà
pour l'aspect financement privé. Je pense que ça a été démontré, il y a
plusieurs chercheurs qui ont écrit des études qui sont assez théoriques,
mais qui sont capables de démontrer avec plusieurs exemples, également au
Québec, que c'est un gros problème.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste une minute.
Mme Proulx :
Oui. Alors, rapidement, j'aimerais vous entendre sur cette nécessité que vous
soulevez, de revoir la tarification des usagers dans les CHSLD.
Le Président (M. Bergman) :
M. Ouellet.
M. Ouellet
(Jean-Pierre) : À l'heure actuelle, si tu es en CHSLD, il y a trois barèmes : 1 711 $ — de
mémoire, j'y vais de mémoire, là — chambre simple, chambre double et plus de…
1 400 quelques. RI, à moins de me tromper, je pense que ce sont les
mêmes critères. Si tu es dans un RI, c'est les mêmes barèmes. La tarification
dans le secteur privé, les résidences
privées de personnes âgées, puis je vous dirais que c'est là qu'il y a le plus
de monde hébergé, on parle de
120 000 personnes hébergées, entre 1 500 $ et
6 000 $. On a vu, dans une résidence privée pour personnes
âgées à Valleyfield, facturer les services… un menu de services facturés à la
carte. J'ai été scandalisé d'apprendre qu'on facturait… Un préposé qui parle
avec une résidente 15 minutes, on facture la cliente. Si c'est ça,
humaniser les soins, revenons au secteur public, on ne facture pas dans le
secteur public, il y a un plafond. Imaginez-vous la pression… Tantôt, je disais : Gagner à la loterie de la
RI. Quand tu es une personne en perte d'autonomie et que tu ne réponds
pas…
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît. En conclusion.
M. Ouellet
(Jean-Pierre) : …aux plus de
trois heures, que tu dois aller dans le privé, la pression sur les
familles… Vous savez, ma belle-mère, là, à 2 500 $ par mois, nous
devons compenser en fouillant dans nos poches. Ça fait que je me dis : Les personnes qui sont seules,
qui n'ont pas les moyens, où sont-elles? Probablement que ce sont eux qui
se retrouvent dans les RI, les chanceux, parce qu'il y a un maximum. Mais tous
ceux qui sont dans le privé, là…
Le Président (M. Bergman) :
Malheureusement, le temps pour ce bloc s'est écoulé. Maintenant, le bloc de
l'opposition officielle. Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Merci beaucoup, M. le
Président. M. Ouellet, M. Hamilton, M. Sylvestre, bienvenue. Vous le
savez, la commission se termine aujourd'hui. Je tiens tout d'abord à,
peut-être, mettre en perspective… Vous avez parlé, en commençant, de Me Paul Brunet. Quand il a quitté la commission
parlementaire, ce n'était pas aussi noir que lorsqu'il est arrivé, parce qu'à un moment donné, en parlant, il
a avoué : Oui, il y a eu des améliorations au cours des ans, oui, il y
a beaucoup de choses qui ont été faites.
Parce que souvent, quand on revendique, on voit le côté beaucoup plus sombre
des choses que le côté qui est plus intéressant et l'évolution.
Vous avez
raison de dire que vous appuyez l'Association québécoise des établissements de
santé et de services sociaux qui parle de campagne de dénigrement. C'est
l'une des raisons pour laquelle on fait cette commission parlementaire. Il faut que le dénigrement, au
niveau de nos centres d'hébergement de soins de longue durée, cesse. Il
faut qu'on soit capable aussi de montrer un portrait positif. Et, durant cette
commission parlementaire, on a eu beaucoup d'exemples
de petits milieux de vie, de petits CHSLD, des gens qui sont venus nous dire
comment ça se passait, comment c'était merveilleux, comment ils étaient
capables de composer, ne serait-ce que le centre polonais, hier, qui était ici,
ou Saint-Jean-Eudes. On a eu beaucoup d'exemples.
On voulait
aussi faire la démonstration que, les plus jeunes qui vivent en CHSLD, leur
stimulation intellectuelle n'est pas
la même. Et ça, je crois que cette commission parlementaire a réussi à dire
que, si on est capable de créer des milieux de vie à l'extérieur de
CHSLD, ce serait le choix ultime, parce qu'évidemment c'est plus difficile pour
les jeunes, le 11 %, de se retrouver en
CHSLD. Donc, on a cheminé énormément. Vous avez même dit, M. Ouellet,
qu'on est rendu… en 2003, on parlait de
milieu de vie, et là, maintenant, on parle de soins palliatifs. Ça fait que
vous voyez comment ça évolue très, très, très rapidement.
Moi, je vous ai entendu beaucoup plus brosser le
côté sombre, mais je pense qu'il y a l'autre côté aussi de la médaille, qui
fait en sorte que ça va bien. Je veux vous dire, je suis d'accord avec
vous : Il faut que les préposés aux bénéficiaires
aient tous la même formation. Ça aussi, on l'a entendu ici. Ça ne se peut pas
qu'il y ait une formation pour un puis une formation pour un autre, que
ce ne soit pas équivalent puis qu'on puisse embaucher quelqu'un comme préposé aux bénéficiaires du jour au lendemain, sans que les
personnes n'aient reçu de formation. Ça, il faut que ça cesse, il faut que ce
soit la même formation.
Ça fait que
je veux vous entendre là-dessus puis je veux vous entendre aussi sur le côté
qui s'appelle aussi… un côté intéressant de ce milieu de vie. Puis après
ça je passerais la parole à mon collègue le député de Jean-Talon.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Ouellet.
M. Ouellet
(Jean-Pierre) : Je suis
content de savoir que les gens de Saint-Jean-Eudes sont passés ici, et
l'Institut canadien-polonais, ce sont des travailleuses et travailleurs
syndiqués chez nous et…
Mme
Blais : Ils
s'entendent bien avec le syndicat.
• (12 heures) •
M. Ouellet (Jean-Pierre) : Tout à
fait. Et le côté sombre que vous décrivez, que vous dites qu'on décrit, ce n'est pas dans les CHSLD, là, on vous a parlé du
côté des résidences privées de personnes âgées, des RI et des PPP. Parce
que, je vous le dis, dans les CHSLD publics
et privés, il se fait des… C'est pour ça que je disais… Puis ce n'est pas
deux, trois dérapages qui vont venir ternir la réputation de milliers de
travailleuses et travailleurs qui se dévouent au quotidien puis qu'il y a des beaux résultats. Je pense à Yvon-Brunet à
Montréal. Il y a des résultats positifs dans les CHSLD.
La formation.
Vous savez, la clientèle s'est alourdie dans les CHSLD : les maladies
cognitives. Tout ce qu'on a pu réussir à obtenir lors de la dernière
négociation de la convention collective du secteur public, parce que c'était
une de nos priorités pour les préposés aux
bénéficiaires, c'est la formation AGIR, un budget de 14 millions. Une
formation de deux jours dans une
durée de vie de convention collective de cinq ans, avec une clientèle qui
évolue, avec les diagnostics qui évoluent rapidement, ce n'est pas
suffisant. Ça prendrait une formation continue.
Le côté
sombre n'est pas nécessairement du côté des CHSLD. Par contre, si je reviens
encore dans les résidences privées,
on retarde d'un an, jusqu'en 2016, par un décret ministériel, la formation des
préposés aux bénéficiaires. Parce qu'en résidence privée, je vous le
répète, en résidence privée, à l'heure actuelle, il y a des préposés qui
donnent des médicaments, qui vont donner de
l'insuline, qui n'ont pas de formation. On a poussé pour avoir de la formation,
on a applaudi la certification qui
exigeait une formation. C'est pour ça que je pense que, dans ce secteur-là, il
va falloir accélérer le processus.
Parce que, je le répète, les gens qui sont en CHSLD, ce n'est peut-être pas un
système parfait, mais il y a une équipe
multidisciplinaire complète pour donner des soins de qualité et peut-être pas
un milieu de vie parfait. Tu n'as pas ce bagage-là et ce personnel-là
dans les résidences privées et dans les RI, et c'est là qu'on héberge
120 000 personnes. C'est-u moins
important parce qu'ils ont moins de trois heures-soins? Nous ne croyons pas. Ce
sont des êtres humains comme vous et
moi. Ils n'ont peut-être pas assez d'heures pour aller en CHSLD, où est-ce
qu'il va y avoir des ergothérapeutes, des
physiothérapeutes, une diététicienne au service alimentaire. Tu n'as pas ça
dans les résidences privées de personnes âgées. Ça fait que, vivement,
terminons la certification.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Hamilton.
M. Hamilton (Benoit) : Oui. Je
voudrais peut-être ajouter à ce que vient de dire mon confrère Ouellet, que,
concernant la formation, il y a un consensus clair, là, de part et d'autre,
comme quoi il faut améliorer la formation, notamment des préposés aux
bénéficiaires, autant dans le privé que dans les RI ou les CHSLD.
Cela étant
dit, la nouvelle réglementation qui va rentrer en vigueur, là, bientôt dans les
résidences privées pour personnes
âgées, il faut être conscient que ça va créer une pénurie de main-d'oeuvre. Ça
va créer une pénurie de main-d'oeuvre,
il va y avoir une demande, il va y avoir aussi, entre les employeurs… tenter
d'aller recruter des gens qui sont formés comme il se doit.
Je crois qu'il
est plus que temps, il est plus que temps… en tout cas, c'est notre volonté,
nous, à la FTQ, et avec nos collègues
de la CSN, on demande à aller s'asseoir et regarder comment qu'on pourrait
améliorer la rétention des employés, s'assurer
qu'il y ait moins de gens qui… du va-et-vient, là, dans les résidences. Et il
faudrait explorer comment… et en collaboration avec les employeurs, par
ailleurs, qui vont, eux-mêmes, aussi en tirer profit, plutôt que se tirer dans
le pied, les uns, les autres. Donc, nous, on
demande à ce qu'il y ait une table de travail sectorielle qui pourrait se
mettre en place pour regarder c'est
quoi, les avenues qui s'offrent à nous pour s'assurer du meilleur service
possible et d'employés heureux. Des
employés heureux, ça contribue à faire un milieu de vie où est-ce que les
bénéficiaires aussi sont heureux.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à notre
commission. Par rapport à la formation des
préposés, je pense que c'est unanime, il faut regarder comment le faire, puis
je suis d'accord. Puis, je prends la balle au bond, là, on apprécie beaucoup aussi que les gens veuillent collaborer
pour améliorer les soins. Ça, en passant, l'organisation du travail, là, ça se fait vraiment à deux. Puis, moi, en
tout cas, ce que j'ai vu dans le réseau, là, lorsque j'étais ministre, là, il y a une bonne
collaboration avec vos organisations. C'est sûr, quand on arrive publiquement,
là, il faut se le dire, là, on sort dans les
journaux, chacun sort ses positions, mais, quand on arrive autour de la table
puis qu'on travaille ensemble, les gens veulent vraiment que ça
fonctionne mieux.
En passant,
c'est pour le bien des patients mais aussi pour le bien des travailleurs. Et il
n'y a aucun avantage à avoir des
travailleurs qui ont de la frustration, des travailleurs qui sont déçus,
surtout des travailleurs qui n'aiment pas rentrer le matin. Mais,
je tiens à le témoigner, dans le réseau de la santé, c'est 300 000 personnes,
la grande majorité, quand ils rentrent, ils veulent
travailler avec les gens, travailler en équipe. C'est des emplois quand même
qui sont intéressants, avec une certaine sécurité d'emploi. Mais c'est surtout
des gens de coeur qui veulent travailler. Et là-dessus je tiens à vous dire que, dans cette commission… un type de
professionnel qu'on apprécie beaucoup, qu'on doit vraiment mettre sur la place publique… parce qu'on parle souvent des
infirmières, des médecins, des pharmaciens, mais les préposés, c'est le
coeur de notre système actuellement.
Les personnes
aînées, ce qu'elles ont besoin beaucoup, c'est des gens attentifs à leurs
besoins, mais c'est des gens aussi qui vont s'occuper de leurs besoins
quotidiens, journaliers. Souvent, ce n'est pas de la haute science qu'on a besoin, là, c'est vraiment du «care», là. Vous
savez, en médecine, on dit toujours… ou en santé, là, on dit toujours :
Il y a le «cure» puis le «care», hein? Ceux
qui veulent… Quand tu vas voir un médecin, c'est parce que tu veux être… tu
veux guérir. Mais ce qu'on va avoir de plus en plus besoin dans notre société,
c'est des personnes aînées qui ont des pertes d'autonomie et qu'il faut aider
pour justement répondre à leurs besoins de base.
Ça fait que, ça, là-dessus, je pense qu'on
partage… Je dois vous avouer, pour avoir rencontré vos syndicats à plusieurs reprises, là, autour d'une table
privée : Je pense qu'on a le même discours. En public, on comprend qu'il y
a des positions syndicales, là, qui se
prennent, un peu comme vous avez prises tantôt, là, mettons, contre la méthode
«lean», ou des choses comme ça. Mais
l'expérience, par contre, qu'on a eue… Même avec vos syndicats, ça a été
discuté, ça. Et puis les gens ont pris le projet Proaction… qui, en
passant, n'est pas un projet «lean», hein? «Lean», là, ce n'est pas du…
Proaction, c'est un projet temps et mouvement.
Mais je vais vous donner un exemple. Moi, je
suis allé au CSSS du Lac-Mégantic, et puis, quand j'ai fait ma tournée, il y a
une préposée, pas n'importe qui, là… c'est probablement une de vos membres à
Lac-Mégantic, là. En tout cas, peut-être, ce n'est pas vos membres, ils sont au
moins membres d'un syndicat, certain, là. Et puis elle m'a accroché puis elle a dit : Dr Bolduc — elle a dit — la plus belle expérience que j'ai eue, c'est
le projet «lean» que notre établissement nous a fait faire, parce qu'ils
nous ont demandé notre opinion, ils ont travaillé avec nous autres, puis, à la
fin, la transformation qui a été faite, là, c'était en fonction de, moi, ce que
je pense qui est le mieux, mais avec des supports… des gens qui nous
supportent.
Parce que,
quand vous avez… tantôt, là… Je vous invite à changer votre langage, là, mais
le problème «lean», Toyota, là,
c'est… un, ça s'applique partout, puis ce n'est pas vrai que c'est inhumain. La
plupart des gens qui l'ont fait, là, c'est
vraiment le côté humain. Et le premier principe du projet «lean», c'est les
gens qui sont sur le terrain, vos membres, qui travaillent ensemble pour
voir comment on va travailler ensemble pour justement éviter de faire du
travail inutile, comment on fait pour
travailler ensemble pour que la préoccupation du patient… Et puis, juste pour
vous dire, là, au début, là, le ministre actuel, il se posait des
questions, puis actuellement c'est l'un de nos plus gros promoteurs de «lean»
au Québec, pas du projet Proaction, on est d'accord — Proaction,
ça a été mis de côté — mais
des projets «lean», il en a annoncé pour plusieurs millions de dollars l'année
dernière.
Et puis la
littérature scientifique, pas, là, l'idéologie, l'opinion puis comment est-ce
que moi, je pense que ça devrait être,
là, la littérature scientifique, là, bien éprouvée, là, dit que, lorsqu'on
applique ça, les gens, ils travaillent moins en atteignant les mêmes
résultats. Parce que l'objectif… Vous regarderez les 14 principes des
projets «lean», là, un des objectifs, c'est
que les gens travaillent moins, éliminer la surcharge de travail. Je pense
qu'on partage cette opinion-là. L'autre
objectif, c'est que ce soient les gens sur le terrain, les gens qui prennent
des décisions entre eux, qui, eux autres, décident c'est quoi, les meilleures manières de faire. La troisième
chose, dans le projet… Regardez, je ne sais pas si vous les connaissez,
les 14 principes de la méthode Toyota. Les connaissez-vous?
M. Ouellet (Jean-Pierre) : Non.
• (12 h 10) •
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Bon, bien, on a avantage à en parler, dans ce cas-là. Troisième principe, là,
c'est, entre autres, un programme de formation. Il faut former nos gens au
maximum. Toyota est la compagnie qui forme le plus
les gens au monde. Puis, si, aux États-Unis, ils prennent ça dans leurs
hôpitaux, en France, ils prennent ça dans leurs hôpitaux… Je suis allé également en Belgique, en Angleterre, c'est
unanime, tout le monde dit : Si on pouvait utiliser ces
méthodes-là… Puis ils essaient de les utiliser, de généraliser ça, pour laisser
aux gens sur le terrain… pour le faire.
Le quatrième,
c'est d'utiliser les meilleures technologies simples, là, éprouvées, mais que
les gens peuvent utiliser eux autres
mêmes. C'est sûr, si vous ne connaissez pas les 14 principes de la méthode
Toyota, je vais vous inviter peut-être à aller le voir, puis moi, je
vous inviterais même à faire une formation puis aller en faire un, projet.
Et, en passant, pourquoi je vous dis ça? Ce
n'est pas pour vous contredire, parce que je pense que vous avez pris votre
position tantôt, là, ce n'est pas pour vous contredire. C'est qu'en
médecine j'ai appris quelque chose : à un moment donné, il ne faut pas vivre selon les mythes ou ce que les gens
disaient auparavant, il faut aller voir qu'est-ce qui fonctionne puis
qu'est-ce qui est bon. Puis moi, je l'ai vendue, la méthode Toyota, là, parce
que c'est une méthode pour les employés.
C'est pour que les employés travaillent moins, que les employés soient plus
heureux. Puis, dans la méthode Toyota… Puis allez voir, là… Puis vous
m'avez dit, je ne sais pas… On s'est rencontrés en réunion privée, première chose que j'ai dite : Il faut
éliminer la surcharge de travail dans le réseau de la santé. Il faut éliminer
la surcharge de travail dans le
réseau de la santé, les gens travaillent trop fort. Ils travaillent trop fort
parce qu'on est mal organisés, on est mal organisés. Puis on l'a vécu,
on a vu…
Puis, en passant,
allez dans les colloques, là, ou… c'est fait dans des projets de CHSLD. On a eu
des échos récemment, les gens commencent par dire : On a revu tout le
processus d'accueil, mais on l'a revu avec la méthode «lean», les principes, et
c'est les employés qui viennent témoigner comment aujourd'hui ça fonctionne
mieux. Puis l'objectif, ce n'est pas de les faire travailler plus fort, c'est
de les faire travailler moins fort. C'est sûr que, si vous ne connaissez pas la méthode, vous ne connaissez pas
les 14 principes, vous n'avez pas vu les projets puis que vous
dites à vos
membres : N'embarquez pas là-dedans parce que c'est l'employeur qui ne
travaille pas bien, puis qu'on n'embarquera pas là-dedans, on n'est pas sur la même base. Mais, si vous ne voulez
pas appeler ça du «lean», ça ne me dérange pas, là, mais les principes,
ce sont les mêmes. En passant, ce qui a été prouvé…
La Présidente (Mme
Proulx) : En conclusion, M. le député.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Je pense que je
suis en train de les convaincre, c'est dommage
que je n'aie pas autant de temps, là. Mais moi, je vous inviterais, là,
écoutez… Puis, vous avez vu, mon discours est très respectueux, là. Je
vous inviterais officiellement — il y a des gens qui nous écoutent,
là : Travaillons donc ensemble, cherchons donc les meilleures façons pour
que nos employés soient les plus heureux dans le réseau de la santé puis
également, à la fin, travaillons pour le bien-être du patient. On partage la
même chose…
La Présidente (Mme
Proulx) : …M. le député.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : …mais éliminons nos préjugés.
Merci, Mme la Présidente. Dommage, ils n'auront pas le temps de
répondre.
La
Présidente (Mme Proulx) : Alors, le bloc pour l'opposition
officielle est maintenant
écoulé. On va maintenant aller avec la députée de Groulx pour le deuxième
groupe d'opposition.
Mme
Daneault : Merci, Mme la Présidente. Merci de votre présence. Bien, j'abonde un peu
dans le même sens que mon collègue. Je
pense que, qu'on appelle ça la
méthode Toyota, qu'on appelle ça la méthode «lean»… Puis, je dirais,
c'est péjoratif un petit peu comme nom. Déjà, au départ, on a l'impression
qu'on va couper du temps, on va couper des ressources. Quand moi, je… «Lean»,
là, ce n'était peut-être pas le meilleur nom pour être attractif.
Mais,
moi, ce que je vous suggérerais… Puis je sais que vous ne ferez pas l'éloge du
privé, là, ça, on ne s'attend pas à
ça, mais il reste qu'il y a eu des belles réalisations dans le privé.
Là, vous avez pris les pires exemples, mais il y a aussi des très beaux exemples, puis moi, sincèrement, je
voudrais que les beaux exemples, que ça soit du privé ou du public, soient la
base de nos discussions, soient la base de notre remise en question. On ne peut
plus aujourd'hui continuer à fonctionner de la même façon qu'il y a
10 ans, puis qu'il y a 20 ans, puis en confrontation.
Je pense que la
première des choses, c'est qu'on s'assoit tout le monde à la table. Moi, je
peux vous dire qu'on achève l'exercice, là, de la commission, mais tous les
gens qui sont venus ici ont eu des témoignages, ont des expériences positives. Moi, j'aimerais ça que tout ce beau monde là se
retrouve autour d'une même table puis qu'on soit capables d'arriver… Je pense qu'on doit revoir le
mode de travail au sein des CHSLD, on doit ouvrir avec… une ouverture, mais avec nos employés, avec nos bénéficiaires en
premier, on doit arrêter d'imposer des façons de faire. Je pense qu'il y a des gens, dans le
réseau, qui sont créatifs, qui ont eu des belles expériences, qui avancent,
mais malheureusement on a de la misère à l'exporter parce que les gens
résistent au changement.
Puis
aujourd'hui moi, je voudrais vous entendre dire que vous êtes
prêts, vous aussi, à collaborer pour arriver à ce qu'on modifie nos façons de faire de façon à
appliquer les meilleures pratiques. On a à sortir du mode centre
hospitalier qui s'est importé dans les CHSLD. On doit revoir notre rigidité au
niveau de chacun des employés, de ses tâches. Et je pense que plus vite on va le
faire, mieux on va arriver, mais plus on va rendre nos employés, aussi, heureux.
Parce que ce n'est pas une
tâche facile, à chaque jour, de travailler avec des gens qui sont en perte
d'autonomie. Il y a des gens qui étaient…
qui deviennent agressifs, et, à chaque jour, de leur donner de l'amour, de leur
donner des soins, ça prend une patience. Ces employés-là méritent des
médailles à chaque jour, méritent de l'encouragement, méritent du support de la
part des employeurs, de la part des syndicats. On doit revoir… Mais il y en a,
des exemples où ça se passe bien, où finalement,
malgré le fait que c'est exigeant, on réussit à rentrer au travail le matin
puis à être heureux. Et les bénéficiaires, eux, les patients, c'est les
premiers à en bénéficier. Puis moi, je pense qu'on est à l'étape… puis c'est
vrai qu'il y a plusieurs recommandations, mais on doit revoir ça puis on doit,
je pense, vous entendre aujourd'hui nous dire que vous êtes d'accord à faire ce
pas-là.
La Présidente (Mme
Proulx) : Merci, Mme la députée de Groulx. Le temps est malheureusement
écoulé.
Mme
Daneault :
Vous ne laissez pas répondre monsieur? D'habitude, on leur laisse un deux
minutes.
La Présidente (Mme
Proulx) : Oui. Alors, s'il y a consensus, je vous invite à
répondre. M. Ouellet.
M. Ouellet (Jean-Pierre) : Le «care» et le «love», pour nous, ça ne va pas
avec le «lean» Toyota. Et peut-être
qu'on ne connaît pas les 14 principes, mais les travailleuses et les travailleurs
qui nous en parlent ne nous en parlent pas de façon
positive. Je suis d'accord avec Mme Daneault, moi, il faut faire un débat,
et nous sommes prêts à collaborer. Mais
le débat ne doit pas se faire autour d'une table dans une commission parlementaire. C'est un débat de société tellement important.
2,2 millions, en 2031, de plus de 65 ans. J'ai le goût de vous dire :
Où avez-vous pris le mandat pour accélérer la privatisation au Québec?
Où avez-vous pris le mandat pour décider... Quand avez-vous fait un débat de
société sur l'hébergement de nos aînés et la clientèle en perte d'autonomie au
Québec?
En
terminant, j'aurais le goût de vous dire : Vous avez su vous élever
au-dessus de la partisanerie pour le mourir dans la dignité, on devrait
être capables de s'élever au-dessus de la partisanerie et faire un sommet sur
le vieillir dans la dignité au Québec. Et nous serons partie prenante et nous
amènerons des solutions à ce sommet-là.
Le Président (M. Bergman) : Merci. Malheureusement, le temps s'est écoulé. M. Ouellet, M. Hamilton,
M. Sylvestre, merci pour être ici avec nous aujourd'hui et partager
votre expertise.
Je
demande à Dre Nancy Vasil pour prendre sa place à la table et je suspends pour
quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à
12 h 17)
(Reprise à 12 h 18)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, on reçoit maintenant
Dre Marie-Andrée Bruneau et Dre Nancy
Vasil. Bienvenue à la commission. Vous avez 10 minutes pour faire votre
présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission.
Pour les fins d'enregistrement, on a besoin de vos noms, vos titres. Et le
prochain 10 minutes, c'est à vous.
Mme Marie-Andrée Bruneau
Mme Bruneau (Marie-Andrée) : D'accord. Je suis donc Dre Marie-Andrée Bruneau. Je suis
gérontopsychiatre à l'institut de gériatrie
de Montréal et je suis aussi directrice de la Division de
gérontopsychiatrie à l'Université de
Montréal.
Mme Vasil
(Nancy) : Et je suis Dre Nancy Vasil, gérontopsychiatre à l'Hôpital
Maisonneuve-Rosemont.
Le Président (M.
Bergman) : Alors, le prochain 10 minutes est à vous pour
faire votre présentation.
Mme Bruneau (Marie-Andrée) : Oui. Moi, comme gérontopsychiatre, je travaille
comme consultante à l'Institut universitaire de gériatrie, aux programmes de longue durée
entre autres, à la clinique de cognition et aussi au programme
d'hébergement pour orientation. Dre Vasil, donc, est gérontopsychiatre à l'Hôpital
Maisonneuve-Rosemont.
On
vient ici parce qu'on est des témoins privilégiés des coupures budgétaires
imposées aux établissements par le ministère
de la Santé, qui, selon nous, ont des
répercussions directes sur la qualité des soins. Nous assistons tous les
jours nos collègues infirmières,
professionnelles de la santé, qui sont débordées et qui ne peuvent pas accorder
les soins requis à des patients vulnérables en fin de vie. Les coupures budgétaires
ont des répercussions sur la qualité des soins, la salubrité des lieux, la
qualité alimentaire et même sur la quantité de fournitures.
• (12 h 20) •
Comment voulez-vous
accorder des soins de qualité dans ce contexte? Comment on peut créer un milieu
de vie dans ces conditions? Où trouver le
temps de rencontrer les patients, leur parler, tenir compte de leurs habitudes
quand des restrictions de poste confinent
les employés à voir juste à la tâche minimale? Comment voir au bien-être
et à la sécurité de 220 résidents en perte d'autonomie sévère lorsqu'on
est la seule infirmière de plancher la nuit? C'est pourtant des ratios de personnel standard au Québec
actuellement. Et que dire des ratios des ressources intermédiaires, qui sont
encore moindres, ou des résidences privées? Jusqu'à dernièrement, il n'était
pas nécessaire d'avoir sur place en tout temps un intervenant possédant des
compétences cliniques.
Nous constatons
également quotidiennement la souffrance induite aux patients et à leurs
familles par le processus d'hébergement
actuel, où on inflige de multiples déménagements successifs, déménagements
souvent arbitraires et précipités, à des clientèles fragilisées.
Nous sommes ici parce
que nous ne pouvons pas rester impuissantes dans nos bureaux d'hôpitaux sans dénoncer ce que nous voyons sur le terrain depuis
plusieurs années et sans chercher à trouver des pistes de solution. Nous
nous faisons également la voix de nos collègues médecins mais aussi autres
professionnels de la santé qui soignent des personnes âgées au quotidien.
Donc,
le problème... je présume que, rendus ici, vous connaissez bien sûr les
statistiques de vieillissement de la population,
ça fait que je peux me permettre de passer ça. Vous savez que ça représentera,
en fait, les personnes âgées, 23 % en 2026. Il y a une enquête de
l'Institut de la statistique du Québec aussi qui a démontré que la proportion
de personnes âgées vivant seules est du
quart chez les 75 ans et de la moitié chez les plus de 85 ans, que la
plupart vivent... en fait, plus du
tiers vivent sous le seuil de faibles revenus, que la proportion d'aînés qui
ont une incapacité modérée ou grave augmente
d'un groupe à l'autre pour atteindre 60 % chez les 85 ans et plus, et
qu'en raison de leur incapacité près de la moitié des personnes âgées ont besoin d'aide pour l'une ou l'autre de
leurs activités de la vie quotidienne ou domestiques. Donc, bien sûr, ça
engendre un besoin croissant en soins de longue durée.
On
constate l'alourdissement dans les soins de longue durée de la clientèle, hein?
La moyenne d'âge est désormais de...
en fait, 89 % des personnes hébergées ont maintenant en haut de
65 ans et ils ont des degrés d'incapacité croissants. Et on
remarque que le groupe qui nous intéresse particulièrement, ceux avec déficits
cognitifs avec ou sans trouble de comportement, augmente constamment. En 2008,
c'était déjà 60 % à 80 % des résidents.
Vous savez sans doute
qu'en raison du vieillissement accéléré de la population les maladies
dégénératives, autrement appelées démence ou troubles neurocognitifs désormais,
dont la maladie d'Alzheimer, vont atteindre des proportions préoccupantes. Donc, la démence, c'est un syndrome avec une
dégradation de la mémoire, du raisonnement, mais aussi du comportement et de l'aptitude à réaliser les activités
quotidiennes. La prévalence augmente avec l'âge : 10 % chez
les 65 ans, jusqu'à 40 % chez les très âgés.
La
progression des démences, ça engendre certes des déficits cognitifs mais aussi
des troubles du comportement, appelés désormais SCPD pour symptômes
comportementaux et psychologiques de la démence, et ça, ça inclut autant des symptômes d'anxiété, de dépression que de la psychose,
des hallucinations, des délires, de l'errance, des cris répétitifs, de la désinhibition agressive, donc les patients atteints de
troubles neurocognitifs peuvent présenter ça. En fait, on dit que 80 % à 97 % des personnes
atteintes de démence d'alzheimer vont présenter, à un moment de leur évolution,
un ou l'autre de ces SCPD.
Les SCPD sont
associés à une détérioration cognitive plus rapide et à un hébergement précoce.
Ça augmente les incapacités fonctionnelles
et la mortalité, et ça diminue la qualité de vie du résident et de sa famille.
On le sait, hein, que les soignants,
les aidants font plus d'anxiété et de dépression quand il y a ces
problématiques associées. Dans les milieux de soins, par exemple, on estime que 40 % à 60 % des résidents
atteints de la maladie d'Alzheimer présentent de l'agitation, de l'agressivité ou de l'irritabilité, et la
proportion de patients hébergés en longue durée qui étaient traités avec des
antipsychotiques en 2005 était de 25 % à Montréal, et il y a une progression
dans le taux de prescription, malgré des avertissements de Santé Canada.
L'augmentation s'explique sans doute par des difficultés à implanter des
mesures non pharmacologiques, qui sont pourtant le traitement de première
intention, en raison de ressources matérielles et humaines insuffisantes.
Est-ce
que vous avez analysé le rapport alzheimer dans la commission de 2009?
Êtes-vous au courant de ce rapport? Vous
le connaissez bien? Vous savez qu'on citait des problématiques à ce niveau-là,
donc de formation inadéquate du personnel,
de manque d'encadrement, d'alourdissement de la tâche des infirmières, du
personnel en nombre insuffisant, un
manque de stabilité du personnel, les difficultés d'accès à des ressources
médicales et infirmières, l'attente pour être admis dans un milieu
substitut choisi qui est très longue, etc. Et on recommandait...
Donc,
les recommandations sont de «favoriser, pour les stades moins évolués de la
maladie, des regroupements de six à 14 personnes dans des espaces
au design architectural approprié et où travaille un personnel formé aux
besoins psychologiques et physiques des
personnes atteintes»; et «promouvoir [aussi] le développement de milieux de
vie substituts polyvalents capables de répondre aux besoins du malade non
seulement dans les phases précoces, mais aussi [quand] ses besoins changent. [...]d'un environnement sécuritaire [quand il y a] des problèmes [...]
d'errance ou d'agressivité, ou d'un milieu enrichi en soins infirmiers
[quand] la dépendance physique grandit ou que la personne a besoin de soins
palliatifs»; et aussi la disponibilité d'une unité sécuritaire pour les
patients qui présentent de l'agressivité physique importante ou des troubles du
comportement incompatibles avec la vie sur les autres unités. Et
ça, ça nécessite un ratio personnel-patients plus élevé que celui des
unités habituelles et des services d'un consultant psychiatrique.
Où
en sommes-nous actuellement sur le terrain? Les directives ministérielles actuelles sont à l'effet de diminuer le nombre de lits en
CHSLD et de revoir la clientèle, à savoir une clientèle très lourde, qui
n'aurait plus qu'un pronostic vital de
18 mois. Est-ce que le ministère détient les données démographiques et cliniques
précises sur sa clientèle hébergée ainsi
que sur leurs besoins lorsqu'on impose des changements massifs dans les orientations de services? Les patients qui n'auraient pas ce pronostic ou
qui ne cotent pas dans les ISO-SMAF très sévères — pour ceux qui
connaissent les catégorisations — devraient se retrouver dans des ressources
dites intermédiaires ou dans le réseau privé. Bien. Mais les ressources intermédiaires, comme vous le savez,
c'est des places achetées par le gouvernement, là, dans le réseau privé,
qui accueillent des personnes âgées nécessitant entre une à trois heures-soins
par jour, selon les cotations. Le problème, c'est
qu'il n'y a actuellement aucun ratio de personnel-résidents qui est imposé en
fonction de leur taille. En fait, on doit garantir seulement la présence constante d'une personne qui possède une
formation en réanimation cardiorespiratoire.
Il y a eu une enquête
de l'Association des ressources intermédiaires d'hébergement du Québec, en
2010, qui démontrait que la clientèle de ces ressources s'alourdissait. On
faisait état en moyenne d'un ratio d'un employé pour 10 résidents mais que le ratio variait de façon importante, selon
le moment de la journée ou le programme. Et, dans ces 10… dans cet employé-là pour 10 résidents, on
comptait aussi le personnel dédié à la cuisine ou à l'entretien. Donc,
ce n'est pas nécessairement du personnel
clinique. 10 % de la clientèle était identifiée comme ayant un trouble
grave du comportement, presque 40 % des ressources mentionnaient
accompagner les résidents dans leur fin de vie, et seuls 17 % des employés
possédaient une formation postsecondaire.
De
plus, depuis janvier 2014, les budgets des ressources intermédiaires ont
également été coupés. La nouvelle grille d'évaluation des clientèles
évalue, dans certains cas, à la baisse les soins nécessaires pour la gestion
des troubles de comportement. Le calcul du
nombre d'heures-soins minimise souvent la lourdeur engendrée par ces troubles.
Par exemple, sur 29 items à
l'ISO-SMAF, il y en a un pour le comportement, il n'y en a que cinq sur les
fonctions mentales en général.
C'est sûr qu'on
accorde une grande importance aux troubles physiques, la mobilité,
l'incontinence, etc., qui engendrent la
dépendance à un niveau accru de soins, mais un patient mobile et continent,
même sans trouble grave de mémoire,
peut présenter des comportements perturbateurs. Par exemple, il peut présenter
une désinhibition agressive et un trouble du jugement tel qu'il
nécessite un encadrement puis des interventions spécialisées 24 heures sur
24. Vous me dites qu'il me reste une minute ou vous voulez dire
quelque chose?
Une voix :
…
Mme Bruneau (Marie-Andrée) : O.K. Bon, je vais devoir m'interrompre à
mi-chemin. Vous savez qu'actuellement le maintien à domicile est
privilégié comme recours alternatif à l'hébergement. Pourtant, d'après une
enquête de l'ISQ, près d'une personne sur cinq avec une incapacité grave a
mentionné un besoin d'aide non comblé. Donc, le maintien à domicile, actuellement,
ne répond pas à la demande.
La plupart des gens
qui ont des besoins d'aide la reçoivent d'une source bénévole ou d'une source
payée par eux-mêmes. Il y en avait seulement
18 % qui recevaient une telle aide du CLSC. On voit le fardeau pour les
aidants à ce moment-là. L'aide est
souvent de trois heures et moins par semaine, et la proportion de personnes
ayant un besoin d'aide non comblé augmentait avec la gravité de
l'incapacité. Le Protecteur du citoyen, vous le savez, a fait une enquête sur
les nombreuses plaintes. Je crois qu'il est venu ici présenter son rapport sur
le maintien à domicile.
Je
veux absolument vous parler du programme PHPE qui a été mis en place par
l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal en 2009 suite à la
fermeture des unités de soins prolongés. On oriente donc les patients qui
engorgent les urgences actuellement, qui vont peut-être aller en hébergement,
vers des unités d'évaluation et d'orientation,
pour un maximum de trois mois. Sauf que ces patients-là passent maintenant
trois lieux d'hébergement en dedans de leurs parcours, donc d'abord un
lit d'évaluation, un lit de transition, puis éventuellement leur hébergement
temporaire. Et, s'ils font une rechute à travers ça, bien, il faut qu'ils
recommencent tout le processus.
• (12 h 30) •
J'aurais
voulu vous donner des exemples de patients. Par exemple, madame Y, qui
souffre de schizophrénie, qui a été
admise à l'urgence pour une perte d'autonomie. Madame Y n'était plus capable de parler, de manger, de marcher
en raison de graves effets secondaires liés
à sa médication antipsychotique. À l'hôpital, on l'a déclarée démente et
inapte, ses biens ont été vendus, elle a subi une stomie pour l'alimenter sans
obtenir son avis. Elle fut envoyée rapidement au programme PHPE. Pourtant, une modification de sa médication lui aurait
permis de reparler, de manger et de marcher normalement, ce qui n'avait pas été fait à l'hôpital à défaut du temps
et de l'expertise. Moi, je me permets de faire ces traitements-là comme
gérontopsychiatre, mais je m'inquiète de tous ces autres patients qui sont
dirigés dans des programmes PHPE, où il n'y a pas d'expertise médicale, voire
psychiatrique. Donc, les périodes d'évaluation et de transition se traduisent souvent par une détérioration de l'état de ces
patients-là, et il est connu que chaque déplacement augmente la
morbidité et la mortalité.
Dernièrement, face à
l'engorgement chronique des lits hospitaliers par ces patients, l'agence a revu
sa politique et a décidé que les CSSS
devaient prendre les moyens de retourner à domicile les patients ou les
relocaliser dès le signalement de la
fin de soins aigus faute de quoi ils ont des pénalités financières. Ça a permis
de diminuer le nombre de patients en
attente et la durée d'attente à l'hôpital, mais désormais la personne doit
attendre à domicile. Cette procédure peut avoir un effet pervers, comme on le voit régulièrement. En l'absence de
rehaussement visible des services de maintien à domicile, les soins
complexes reposent désormais sur l'aidant
naturel principalement, et ça pose un risque pour les patients dont l'aidant est épuisé ou qui retourne seul à domicile
dans une condition déjà précaire. Je vois…
Le Président (M.
Bergman) : En conclusion.
Mme Bruneau (Marie-Andrée) : …vous voulez que je conclue! J'ai tellement
d'autres patients à vous parler.
Le Président (M.
Bergman) : Et j'apprécie le
travail que vous avez fait pour cette présentation.
Mme Bruneau (Marie-Andrée) : Bon. Bien sûr, le ministère fait état des hausses
dans l'investissement pour le maintien
à domicile, mais, du même coup, impose des compressions budgétaires au réseau,
hein, on a parlé de 45 millions pour le soutien à domicile en 2011,
mais des compressions de 300 millions.
En
deçà des restrictions budgétaires puis des contraintes à recevoir de l'aide à
domicile, pourquoi les lits hospitaliers demeurent engorgés encore?
Est-ce qu'on a bien évalué le problème?
Heureusement,
il y a des initiatives bénéfiques dans tout ce processus-là, entre autres
l'implantation de l'approche adaptée à la personne âgée dans les milieux
de soins aigus, qui devrait aider à améliorer les soins à cette clientèle. Je travaille moi-même sur plusieurs comités sur
l'organisation des soins pour les SCPD, et on fabrique, avec le
ministère, des outils, des guides de pratique, d'évaluation et d'intervention.
Il
a été démontré qu'il est possible de réduire des comportements d'agitation
grâce à une évaluation rigoureuse du comportement puis un plan
d'intervention individualisé, souvent par des moyens de nature plus
organisationnelle, comme une approche de soins centrée sur la personne, mais
aussi une modification de l'environnement physique, qui y est pour beaucoup, donc — on en a parlé — des petits îlots de patients, de 10 à
12 personnes, avec des mesures de sécurité discrètes, des chambres simples, personnalisées qui permettent de
minimiser les stimuli perturbateurs, de prévoir différents espaces avec
différentes fonctions et des aménagements de type résidentiel.
Il faut aussi,
d'après nous, regrouper des clientèles pour répondre aux besoins spécifiques.
Pour nous, ça fait du sens que, par
exemple — et la
littérature recommande ça aussi — les patients soient regroupés selon, par
exemple, s'ils ont des troubles cognitifs
sans trouble de comportement, ceux qui font beaucoup d'errance, ceux qui ont
des problèmes graves d'agressivité,
qui nécessitent une prise en charge particulière, les patients jeunes, les
patients qui n'ont que des problématiques
de santé mentale, et, à ce moment-là, l'organisation des soins puis l'expertise
du personnel se construisent autour
des besoins spécifiques des clientèles, avec des bénéfices sur la qualité des
usagers. Bien sûr, ça prend un processus souple d'attribution des places
et de la collaboration interétablissements.
Et l'autre point
fort, c'est l'importance de valoriser le
personnel qui travaille en soins prolongés et d'assurer une formation
adéquate — nous
sommes en train de… On vient de recevoir les budgets pour faire un programme en
e-learning sur les SCPD qui va être offert à
l'ensemble du Québec, nous l'espérons, d'ici les prochains mois ou
années — et
de veiller aussi à ce que le personnel soit en nombre suffisant…
Le Président (M.
Bergman) : En conclusion, s'il
vous plaît.
Mme Bruneau
(Marie-Andrée) : … — c'est cela! — en termes de ratio personnel
pour favoriser la stabilité des équipes.
Le
Président (M. Bergman) : Merci
pour votre présentation. Je vois que vous avez fait beaucoup de travail
pour cette présentation, on vous remercie
beaucoup. Maintenant, pour le bloc du
gouvernement, Mme la
députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Merci, M. le Président. Bonjour, Dre Bruneau, Dre Vasil.
Bienvenue. D'entrée de jeu, je voudrais vraiment vous féliciter et
vous remercier pour toute cette présentation. C'est vraiment un tour d'horizon
très complet, et je pense qu'on est en mesure
de constater que vous avez certainement mis beaucoup de temps et d'énergie, là, à nous préparer
cette présentation, et je vous en remercie.
Ce qui ressort, je
pense, de votre présentation, c'est les défis et les pressions sur le système,
aussi, de toute l'évolution de la clientèle, l'alourdissement et toute cette
prévalence que vous semblez dire de plus en plus grande, là, au niveau de problèmes cognitifs, et ça, bien, on l'a
entendu de d'autres. On l'entend de vous, on l'a entendu de d'autres
aussi, à quel point ça présente des défis en
termes d'équipe soignante, en termes d'approche, en termes d'organisation physique des lieux aussi. Vous préconisez des plus petits
îlots, le regroupement des bénéficiaires par type de problématique ou
par profil plus séminaire, et ça, c'est quelque chose qui est revenu souvent, là, tout au long de la commission.
Ça semble être une piste à tout le
moins intéressante, et on avait même des commentaires à l'effet que ce n'est
pas quelque chose qui coûte nécessairement
beaucoup plus cher. C'est une question bien souvent d'organisation des
ressources existantes.
À
ce niveau-là, vous avez parlé de ratio et vous avez parlé de l'importance, là, au niveau des équipes soignantes, du... J'aimerais ça que vous nous élaboriez un peu plus sur votre vision
optimale, je dirais… tu sais, on ne regardera pas si on a les moyens, on regardera ça après, mais votre
vision optimale d'un ratio dans l'équipe soignante, par rapport aux infirmières, aux
infirmières auxiliaires, aux préposés. Qu'est-ce que c'est, la meilleure
formule, à votre avis?
Le Président (M.
Bergman) : Dre Bruneau.
Mme Bruneau (Marie-Andrée) : Oui. Ça dépend du regroupement de clientèle dont
on parle. Si je me préoccupe des
patients, par exemple, errants, ça va être beaucoup
l'aménagement physique qui va être nécessaire,
plus que le ratio de personnel, donc pour sécuriser l'environnement,
pour faire en sorte qu'il puisse y avoir de l'errance thérapeutique.
Si
on parle de patients qui ont des troubles de comportement de type agressivité,
agitation, irritabilité, en général on parle de ratios beaucoup moindres
que ça, c'est-à-dire à peu près un patient pour… Qu'est-ce que je vais dire?
C'est combien? Bien, en fait, en général,
sur les unités, là, qu'on a déjà fait l'exercice, d'à peu près 12 lits, on
parle qu'il doit y avoir quatre ou
cinq équivalents temps plein de jour, donc au moins une infirmière formée, une
auxiliaire, deux préposés. Idéalement,
il faut qu'il y ait des temps partiels soit de psychoéducateurs, ou de récréothérapeutes,
ou d'ergothérapeutes qui puissent
faire des programmes d'activité thérapeutique. Parce qu'on a beau penser que,
tu sais, on met des patients dans un environnement
puis qu'ils passent leur vie à attendre, à regarder le mur, bien, ça, ça génère
des troubles de comportement, donc il
faut planifier un peu un horaire, une journée qui a des activités... En fait,
les interventions non pharmacologiques les plus probantes dans la littérature, c'est d'avoir des activités sociales
organisées et aussi d'avoir des activités physiques qui sont appropriées à l'état physique de la personne,
donc des circuits de marche, de pouvoir aller dehors de façon sécurisée.
Donc, il y a
l'environnement qui est très important, il y a le personnel qui est formé. Mais
surtout, encore une fois, au niveau du
personnel, il y a le ratio, mais il y a la formation et il y a l'approche, qui
change tout au tout lorsqu'on a un
patient avec des troubles de comportement où on peut arriver à limiter la
médication quand on a un environnement approprié.
Vous avez parlé de succès. Il y en a, des résidences qui ont bâti des
environnements qui sont appropriés. Donc, il y a tout ça, un peu, à
regarder, là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Sainte-Rose.
Mme
Proulx : Et, puisque vous
parlez de formation, j'aimerais vous entendre un peu plus. Vous êtes toutes
les deux, si je ne me trompe pas,
gérontopsychiatres. Donc, si je vous parle un peu plus, là, des clientèles avec
des problèmes de santé mentale, des troubles cognitifs, est-ce que vous
pensez que, dans le réseau actuel des CHSLD au Québec, nous avons ce qu'il faut? Et, en termes de formation du
personnel, est-ce que le personnel est suffisamment outillé pour avoir
une approche adéquate envers ces
clientèles-là? Et, si non, qu'est-ce que vous préconisez, qu'est-ce que vous
recommanderiez?
Le Président (M.
Bergman) : Dre Bruneau.
• (12 h 40) •
Mme Bruneau
(Marie-Andrée) : Bien, évidemment,
comme dans le rapport alzheimer, on fait état d'une formation insuffisante à l'heure actuelle, donc c'est pour ça que le
ministère a mis en branle un groupe de travail, dont je fais partie,
qui voit à mettre en place, donc, un programme de formation. Comme je le disais dans mon exposé, on a
eu les budgets pour développer des capsules de formation sur le Web, qui vont
être… que les employés vont pouvoir s'approprier dans des réunions
d'équipe après un cas difficile, dans des discussions un peu à tout moment de
la journée, selon des thématiques. C'est un
peu ça, l'idée, et de le diffuser d'abord au projet d'implantation du plan alzheimer,
éventuellement, au Québec.
C'est sûr qu'on espère… c'est un début, on espère que le ministère
va continuer dans cette voie-là, parce
que ce n'est quand même pas des gros budgets actuellement pour le plan alzheimer,
comparativement à ce qui a été donné en France ou aux États-Unis, là, par ratio
de population. Donc, on espère continuer, dans ce sens-là, à former le
personnel. Nos formations s'adressent
beaucoup aux préposés, aux infirmières auxiliaires, mais ça peut faire toute la
chaîne. On se rend compte que nos médecins aussi ont besoin de
formation, les gestionnaires ont besoin de formation pour comprendre c'est
quoi, le problème, puis comment leur politique s'applique à ces patients-là.
Vous
savez, en médecine, il y a très peu, encore, de formation pour les personnes
âgées dans les facultés, aussi, médicales
de nursing, etc. Très peu de temps est consacré à l'enseignement des soins aux
personnes âgées, et ça, c'est voué à changer, mais il faut comme
infiltrer un peu tous ces milieux-là.
Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme
Proulx : Je pense que ma
collègue de Masson voulait intervenir.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Masson,
il vous reste 4 min 30 s.
Mme
Gadoury-Hamelin : O.K. Alors, merci, mesdames, d'être là. Vous avez
abordé la question de la clientèle qui souffre de troubles cognitifs, plusieurs personnes nous ont
dit, effectivement, que c'est très, très présent, de plus
en plus. Il y a des gens qui nous ont
parlé, dans la région de Granby, entre
autres, avoir réussi à faire des
choses intéressantes, entre autres à réduire beaucoup la médication, en
collaboration avec l'équipe de médecins, qui a collaboré à cette réalisation-là. Ils nous ont dit avoir réussi à réduire beaucoup
la médication, les contentions, naturellement, et d'aborder aussi un horaire plus souple en
fonction des réalités des gens, pas
lever les gens nécessairement tous au même moment, leur donner une certaine liberté en tant que… Compte
tenu que c'est votre formation et vos connaissances, et votre compétence est à ce niveau-là, croyez-vous
que c'est vraiment possible, là, de faire ce genre de mouvement là
puis que ça peut être réussi pour nos aînés qui sont dans cette situation-là?
Le Président (M.
Bergman) : Dre Bruneau.
Mme Bruneau
(Marie-Andrée) : Tout à fait, quand il
y a une collaboration entre l'administration qui a ce désir-là, qui comprend les besoins, et le personnel, et les patients, et
les aidants. On en a plein, d'exemples de réussite de la sorte. C'est sûr, je pense, qu'il y a
des milieux où c'est plus facile à faire, quand il n'y a pas la complexité de
Montréal, où il y a je ne sais plus combien de CSSS, puis les hôpitaux, puis c'est le «free-for-all» pour
attribuer le patient va où. Je vous dirais
qu'à Montréal c'est pour ça qu'on s'arrache les cheveux régulièrement. Dans
d'autres régions, je pense que c'est peut-être plus simple de
s'organiser.
Et
on est pris aussi avec des bâtiments vétustes dont le budget de rénovation est
important. En même temps, on voit des
fois… Chez nous, on a réussi avec peu de moyens à faire, par exemple, peindre
des fresques sur les unités fermées pour que les patients errants, qui
vont toujours sur la porte de bout de corridor puis qui rendent fou tout le
monde, arrêtent d'aller là parce qu'il y a une
fresque qui représente une bibliothèque, c'est comme un trompe-l'oeil qui est
fait par des artisans très
compétents, et donc juste ça, ça vient diminuer l'agitation. De pouvoir
aménager nos salles de bains, que ça ait l'air un petit peu plus spa que les tuiles vertes et blanches
hospitalières puis le spot dans le front quand ils se font laver, ça
diminue la résistance aux soins. Ça fait qu'il y a quand même des aménagements
qui peuvent se faire à peu de frais, mais c'est sûr que ça prend beaucoup
d'énergie et d'imagination de la part du personnel.
Puis,
dans la dernière année, on a assisté — en tout cas, chez nous — à des coupures budgétaires qui font en
sorte qu'il y a de moins en moins de place à pouvoir être imaginatif, parce que
les employés sont débordés par la tâche. Il n'y
a plus moyen d'aller chercher un toast pour monsieur X la nuit, parce que
lui, il est agité la nuit puis parce qu'il a faim. Si on lui donne un toast, il va aller se
recoucher. Mais on ne lui donne pas de toast parce que le budget de la
cafétéria a été coupé puis parce
qu'il n'y en a plus, d'employé, pour aller la chercher, ils sont occupés à
couvrir les 220 lits de patients lourds qui ne vont pas bien la
nuit. Ça fait que ça a des répercussions quand il y a des coupures comme ça.
Alors, je pense que
c'est une réflexion qui doit se faire à tous les niveaux de la société et qui
doit impliquer autant la haute direction que le personnel. Mais je pense
que c'est urgent de le faire parce
qu'on… Je vous enverrai le mémoire,
où il y a plein d'exemples de patients, où, tous les jours, on vient révoltés
de voir comment nos patients sont traités.
Le Président (M.
Bergman) : Dre Vasil.
Mme Vasil (Nancy) : C'est parce que…
Si je peux me permettre. Bon, O.K., plus de personnes âgées, plus de démence, de plus en plus de symptômes
comportementaux et psychologiques dans la démence, hein, 80 % en
moyenne. Ces patients-là… Bon, O.K., il faut
que notre personnel soit bien formé, mais il faut qu'il
soit en nombre suffisant. Je tape encore
sur ce clou-là parce que l'approche préconisée internationalement, pas juste au
Canada… mais toutes les revues de littérature
disent que l'approche numéro un, c'est
l'approche non pharmacologique. L'approche non pharmacologique, à la base, ça veut dire :
Je connais mon patient, je connais qui il est, son identité, ses besoins, ses
habitudes, ses routines, et c'est ça qui va me permettre, à l'aide d'une grille, d'identifier, bien, pourquoi il est
agressif à ce moment-ci. Et il y a autant de raisons d'être agité, agressif ou en
détresse psychologique qu'il y a de patients. Donc, on ne peut pas avoir des
recettes toutes faites. Il faut connaître
les gens. Et, quand on a un personnel en nombre insuffisant ou instable et que
les patients ne connaissent pas, c'est
une problématique, aussi, centrale, si je peux me permettre.
Le Président (M.
Bergman) : Malheureusement, le temps
s'est écoulé. Et il y a maintenant le bloc
pour l'opposition officielle. M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. Bienvenue. Puis d'abord je suis très heureux que vous
soyez nos dernières personnes qui viennent
présenter, parce que, la gérontopsychiatrie, il y a plusieurs personnes qui ne
savent même pas c'est quoi et puis qui ne savent pas qu'en termes de spécialité médicale c'est quand même une spécialité qui est en train de se développer beaucoup. Et puis, juste
pour vous… En tout cas, je pense qu'il y a beaucoup de… il va y avoir
beaucoup de développement au cours des prochaines années dans ce domaine pour
une raison très simple : il y a plus de clientèle. Et puis on avait les données, hein?
C'est 80 % des gens qui sont en CHSLD qui
ont des problèmes cognitifs. Donc,
aussi, il y en a qui ont des problèmes de comportement. Donc, il va falloir que
ces approches-là se généralisent. Moi, je suis quand même confiant qu'on n'aura pas le
choix d'investir là-dedans. C'est un… Puis c'est urgent de le faire. Ça, je pense que vous nous
faites un beau message.
Juste en passant, le plan
sur les maladies Alzheimer, c'est le
Dr Bergman qui l'a fait. Bien, notre président, c'est
son frère, ça fait que c'est un beau hasard,
là. Ça fait qu'on est fiers de notre…
M. Bergman.
Une voix :
…
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Ah oui! Aïe,
oui! D'ailleurs, j'ai rencontré
Dr Bergman très récemment, là, qui est responsable maintenant de la
médecine de famille à l'Université McGill.
Et puis je
trouvais intéressant… Puis je reçois très bien, très, très, très bien vos
messages. Puis on ne fera pas de politique, mais on est conscients qu'on est dans un contexte de coupures. Ça, je pense
que c'est ce que vous veniez dénoncer, dans un premier temps. Mais je pense
aussi que ce qu'il faut dire, c'est qu'on n'aura pas le choix, au Québec, d'avoir une
stratégie pour prendre en charge ces clientèles-là qui, de toute façon… Vous
l'avez très bien décrit, on les a de toute
façon, on ne les a juste pas à la bonne place puis on ne les a pas avec les
meilleurs soins. Et, plutôt que d'investir dans les médicaments, on doit
investir dans les nouvelles approches que vous prôniez.
Légalement,
moi, je vais vous… Également, je vais vous dire, là, il y a une différence
entre Montréal puis ailleurs dans la
province. Ça, récemment, j'ai eu une
expérience personnelle à l'unité de gériatrie du CHUL, où on a rencontré
des gérontopsychiatres, et je tiens à les féliciter publiquement, là, ils ont
fait un travail extraordinaire. Et, ce que vous demandiez, au CHUL, actuellement, ils ont fait une nouvelle unité, qu'on a inaugurée il y a… je pense que c'est deux ou trois ans, et cette unité-là est très, très, très fonctionnelle. Et ça,
je tiens à vous le dire, là, il y a des choses qui se font bien.
Montréal, quelles solutions que vous… Parce que
moi, je pense qu'il y a beaucoup de développement à faire partout, mais, Montréal, là, c'est vraiment une problématique particulière. Et
récemment il y a des changements, également. Entre autres, le programme
a été aboli, là, le programme qui avait été mis en place. Je pense au…
Mme Bruneau (Marie-Andrée) : …abolition et des…
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : C'est
ça. Comment vous voyez l'avenir pour ces clientèles-là à Montréal?
Le Président (M. Bergman) : Dre Bruneau.
• (12 h 50) •
Mme
Bruneau (Marie-Andrée) : Hum! Je ne sais pas, moi. Je ne connais pas bien
l'agence de Montréal. C'est sûr que, de l'extérieur, l'impression qu'on en a, c'est de
proposer souvent des projets et que, d'année en année, on repropose, on repropose, on repropose. On a proposé une unité,
justement, de réadaptation pour des troubles de comportement, parce
qu'on se rendait compte que, tous les patients PHPE, il y en avait encore qui
étaient refusés, qui restaient dans les hôpitaux
en raison de troubles de comportement. Ça fait qu'on
s'est dit :
On va offrir un peu ce qui se fait à l'institut de santé mentale de Québec ou au
Moe Levin, au Douglas, une unité où on va essayer de stabiliser ça pour
les retourner vers des milieux d'hébergement
moins restrictifs. Bon, ça fait des années, on ne sait pas où est rendu le
dossier. J'ai eu des rencontres, là,
récemment avec l'agence, et le message est de fermer les unités specs, de
diminuer le parc de lits.
Je ne sais pas comment c'est
organisé. Moi, je pense qu'il faudrait qu'il y
ait un leadership qui… il faudrait qu'il y
ait un leadership politique
qui regarde ce qui se fait au niveau
de l'agence et qu'il y ait une coordination avec les CSSS.
On voit que, différents CSSS, c'est épars :
dépendamment si mon patient en externe a besoin de maintien à domicile, dans un CSSS le lendemain c'est fait, dans l'autre je peux attendre deux ans, puis il a le
temps de mourir à domicile. Je ne le sais
pas comment… Je pense que ça prend un leadership, et revoir comment
travaille l'agence pour qu'il y ait
vraiment une coordination de ça. Il y a quand même des belles initiatives aussi
à Montréal, mais, bon, encore une fois, on a des coupures qui sont imposées
aussi par l'agence, qui sont importantes.
Je pense
qu'on n'arrête pas de redire les mêmes
principes sur différentes tables pour ces patients-là, il faudrait à un
moment donné que ça se mette en action, en
plan d'organisation.
Pour ce qui
est de la gérontopsychiatrie, pour vous dire, le collège royal a reconnu cette
surspécialité-là depuis peu. Il y a eu les premiers examens à l'automne dernier — nous avons eu la joie de les
repasser, Dre Vasil et moi — et actuellement on est à peu près 40 gérontopsychiatres certifiés au Québec,
donc… bien, certifiés, mais il y en a qui sont des grands-pères, mais donc…
Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous
reste cinq minutes.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci,
M. le Président. Moi, je pense
que, définitivement, il va falloir
augmenter le nombre de résidents en
gérontopsychiatrie puis je pense qu'il y a de l'orientation à ce niveau-là.
Vous savez qu'on est en train de diminuer les résidents dans les
spécialités chirurgicales. En tout cas, on commence à en avoir assez, mais
même les associations nous demandent de
diminuer le nombre. Par contre, en gériatrie... en gériatrie générale, en
gérontopsychiatrie, de la physiatrie, tout
ce qui est médical qui était peu populaire
auparavant, la rhumatologie — parce que c'est
également associé avec le vieillissement — tout
ce qui est en regard du vieillissement, il faut qu'on
augmente nos ressources.
Il n'y a pas
seulement que des gérontopsychiatres aussi, ça nous prend des équipes… des
neuropsychologues. Tu sais, voilà
10 ans, les gens, neuropsychologie, ils ne connaissaient pas beaucoup ça,
maintenant c'est beaucoup utilisé. Et
puis on ne peut plus faire des évaluations de patient comme auparavant, juste avec un questionnaire, ça prend toute la
batterie de tests qui va avec. Donc, c'est ça
qu'on doit mettre en place progressivement.
La difficulté qu'il y
a actuellement, c'est dans un contexte de
difficultés financières très fortes au niveau du gouvernement, où même les gens veulent
réinvestir, mais, s'ils n'ont pas l'argent, ils ne seront pas capables de le
mettre, on va se retrouver avec des patients qui ne
seront pas pris en charge, donc on va les prendre en charge au mauvais endroit. Je voudrais peut-être vous écouter là-dessus, là,
oui.
Le Président (M.
Bergman) : Dre Vasil.
Mme Vasil (Nancy) : Si je peux faire un commentaire aussi sur la
question auparavant, c'est-à-dire comment réorganiser, je pense que ça va être important de consulter les
gens sur le terrain puis de ne pas mettre le fardeau… Parce qu'on parle beaucoup de soins à domicile, mais,
quand une famille est épuisée, que le patient a des troubles de
comportement, qu'ils l'amènent à l'hôpital, c'est
un peu son dernier recours, et, quand on lui dit : On va le retourner à
domicile pour attendre l'hébergement, bien, il y a des familles, là, qui sont
dévastées, qui sont au bout du rouleau. Je pense qu'il faut être très prudent à
ce niveau-là. Le maintien à domicile, c'est
excellent pour plusieurs personnes âgées, là, je ne dénonce pas ça du tout, mais, quand on a des troubles de
comportement et des familles épuisées, il ne faut pas que ça soit les
CSSS, qui ne sont pas en contact avec ces
gens-là, qui décident de l'orientation, ça
perd du sens. Donc, il faut respecter aussi les évaluations des gens sur le
terrain.
Mme Bruneau
(Marie-Andrée) : Actuellement, les
CSSS viennent dans les hôpitaux évaluer les patients avec leur grille ISO-SMAF
sans nécessairement consulter les dossiers ou parler à l'équipe traitante qui
essaie de le stabiliser. Ils prennent des décisions en disant : C'est en
bas de trois heures-soins, donc retour à domicile
pour attendre l'hébergement. Et on retourne les patients,
des fois, dans des conditions qui n'ont pas de bon sens, des troubles de
comportement justement, là, qui vivent dans des lieux insalubres parce qu'ils
ne sont plus capables, mais ils font de l'accumulation, on va les retourner là
attendre leur hébergement, ça ne fait aucun sens. Ou
des aidants, justement, épuisés parce qu'ils
se sont fait frapper puis que ça fait des années qu'ils
sont là 24 heures sur 24, bon, on leur dit :
Bien, il va attendre à domicile
l'hébergement. Donc, il y a cet aspect pervers là des nouvelles directives. Il
faut que les gestionnaires viennent
sur le terrain voir les contrecoups, des fois, des décisions, qu'on espère toutes être faites de bonne foi, là,
mais…
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de
Jean-Talon, il vous reste deux minutes.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui, merci,
M. le Président. Bien, écoutez, moi, je reçois très, très, très bien votre
message, là, parce que c'est de la
coordination que ça prend, des soins intégrés.
Juste
pour vous dire : Il y a plusieurs choses
que vous nous parlez, des interventions qui doivent être faites, ce n'est pas plus
cher, c'est juste qu'il
faut savoir quoi faire. Et, au Québec, je le
sais, il y a des endroits… Quand, tantôt, vous parliez du programme pour l'approche adaptée, là, ça a été sorti en
janvier 2010, on en a fait beaucoup la promotion, mais, avant que ça
s'installe dans chacun des établissements — entre autres, j'avais
rencontré les gens de Maisonneuve-Rosemont — comment
on fait pour s'organiser que, dès qu'ils
arrivent à l'urgence, on puisse les prendre en charge, hein? Parce que vous savez… vous connaissez le
principe : un patient âgé qui passe 24 heures sur une civière à l'urgence, s'il a 75 ans quand il entre à
l'urgence, le soir il a 85 ans, puis, en plus de ça, avec les troubles
cognitifs, les troubles d'orientation que
ça va apporter…
Je
pense qu'on a les recettes, puis on
sait qu'est-ce qui doit être fait. La
difficulté se situe à deux niveaux :
c'est qu'il faut que les gens changent leur façon de faire et puis que tout le
monde collabore, tant du côté du ministère, l'agence,
et puis les établissements, et aussi les professionnels de la santé sur le
terrain. Et puis cette résistance-là doit partir. Et puis on ne pourra
pas faire ça s'il n'y a pas d'injection d'argent. S'il n'y a pas de l'argent
qui vient avec ça, ça sera… on ne pourra pas réussir
ça.
Le Président (M.
Bergman) : Dre Bruneau, un commentaire, pour une minute
seulement.
Mme Bruneau (Marie-Andrée) : Bien, je pense que les professionnels que je
côtoie quotidiennement veulent changer leur façon de faire, veulent
développer des stratégies alternatives à la médication, mais il faut leur
donner les moyens, et ça, ça veut dire du temps et des ressources, aussi,
matérielles, ce qui n'est pas le cas
actuellement. J'ai un collègue ontarien qui
donnait comme exemple qu'il y a un patient qui a des SCPD, vous savez, le
cerveau dégénère, c'est un peu comme le
cerveau des petits enfants qui n'est pas
encore développé — ce
n'est pas une analogie pour faire de l'infantilisation, au contraire, mais c'est pour la compréhension
neurobiologique — il dit : Un bébé qui pleure,
qui fait des coliques, la maman va commencer par se demander : Est-ce qu'il a
faim? Est-ce qu'il a soif? Est-ce que sa couche est pleine? Est-ce qu'il
a besoin d'être changé? Est-ce qu'il a assez dormi?
Le Président (M.
Bergman) : En conclusion, s'il
vous plaît.
Mme Bruneau (Marie-Andrée) : Il ne va pas sauter dessus pour lui faire une
injection d'Haldol, hein? Et c'est un peu la même chose avec quelqu'un qui n'est plus
à même d'exprimer ses besoins. Il faut le connaître, il faut savoir ses
habitudes puis il faut répondre à ses besoins de façon adéquate.
Le
Président (M. Bergman) :
Maintenant, pour le bloc… le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée
de Groulx, pour une période de 3 min 30 s.
Mme
Daneault : Merci, M. le
Président. Alors, merci d'être ici. Votre témoignage est très utile à la
commission, je peux vous dire, et c'est aussi
de la musique à mes oreilles, parce que je pense qu'effectivement les mesures
non pharmacologiques,
maintenant, sont bien connues mais
malheureusement ne sont pas suffisamment appliquées au Québec et je pense qu'il est urgent qu'on agisse en ce sens-là, parce
que nos aînés méritent d'être aimés, d'avoir un confort et une dignité en fin de vie plutôt qu'une
médication pour les calmer, et je vais être la première à vous appuyer en ce
sens-là.
Vous
avez mentionné les PHPE, et plusieurs groupes
nous ont informés de cette situation-là, qui
est déplorable, qui fait en sorte
qu'on a à déplacer le même patient plusieurs fois et
évidemment se retrouver devant, souvent, une
dégradation de son état. Selon vous, est-ce que c'est
la majorité de la clientèle qui passe par ce canal-là pour l'évaluation et…
Le Président (M.
Bergman) : Dre Bruneau.
Mme Bruneau (Marie-Andrée) : Bien, en fait,
antérieurement, les hôpitaux avaient des unités de soins de longue durée. C'est
là que les patients passaient des fois plusieurs mois avant d'avoir un
hébergement permanent, puis ça donnait
le temps de réfléchir, en quelque part, où
était le lieu le plus approprié pour eux. Puis
c'étaient un peu des petites unités
de vie, hein, dans le fond, avec le médecin puis le personnel qui s'adaptaient
à cette clientèle-là. Donc, en décidant de couper ça, ils ont mis en place le PHPE, ce qui fait que ces patients-là
en attente d'hébergement passent nécessairement par ça. Donc, ils sont
sortis des hôpitaux, envoyés dans des programmes PHPE.
Il faut comprendre
qu'il y en a chez nous, à l'institut de gériatrie, il y a du personnel médical spécialisé,
des spécialistes, mais il y en a qui se retrouvent dans des CHSLD où il y a un
médecin une demi-journée par semaine. Et, des fois, moi, je vois des patients qui sortent du PHPE, en fait, ils sont
passés à l'urgence, ça fait quatre jours qu'ils sont à l'urgence, et on a décidé qu'ils allaient aller en
hébergement, congé, fin de soins actifs, ils arrivent chez nous
instables. On n'a pas les dossiers, on doit
recommencer. On se bat avec l'hôpital pour les retourner, pour dire : Pouvez-vous les soigner? Il refuse ses médicaments, il refuse
l'hébergement. On n'a pas fait des démarches judiciaires pour dire : Refus catégorique du majeur inapte. On doit avoir des ordonnances
d'hébergement ou de soins. On se bat avec les hôpitaux pour les
retourner. Le patient se fait trimbaler d'un
bord et de l'autre comme ça, il passe en transit,
après ça ailleurs, des fois dans nos lits à nous,
parce qu'on a aussi des soins de longue durée, avant d'aller en hébergement
permanent. S'il n'était pas décompensé au début, il l'est à la fin, croyez-moi,
puis la gérontopsychiatre a de la job dans ce contexte-là. Ça fait que…
Le
Président (M. Bergman) :
Malheureusement, le temps s'est écoulé.
Dre Bruneau, Dre Vasil, merci pour votre présentation, merci d'être ici avec nous
aujourd'hui et partager votre expertise avec nous.
Je suspends pour
quelques instants, collègues, avant de procéder aux remarques finales.
(Suspension de la séance à
13 heures)
(Reprise à 13 h 2)
Mémoires déposés
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors,
collègues, nous sommes à l'étape des remarques finales. Avant de procéder aux remarques finales, je dépose les mémoires
des organisations qui n'ont pas été entendues en consultation. Et aussi, pour votre information, collègues, on a entendu
36 groupes depuis qu'on a commencé ces auditions et aussi on a reçu deux autres mémoires des
organisations, que je viens de déposer. Et, à date, on a reçu, sur notre
questionnaire en ligne, 150 personnes qui ont rempli leurs questions en
ligne pour l'envoyer à la commission.
Remarques finales
Alors, maintenant,
pour les remarques finales, j'invite maintenant la députée de Groulx, la
porte-parole du deuxième groupe d'opposition, à faire ses remarques finales.
Mme la députée de Groulx.
Mme Hélène Daneault
Mme
Daneault : Merci, M. le Président. Alors, d'abord, je
voudrais souligner et remercier les différents intervenants qui sont
venus nous sensibiliser à ce qu'est le milieu de vie en CHSLD et à ce qu'on
devrait dorénavant, je pense, promouvoir. Je
pense que ça a été très clair de la part de plusieurs intervenants
qu'actuellement on a de plus en plus de mesures non pharmacologiques qui
ont été scientifiquement démontrées beaucoup plus efficaces que les manoeuvres
thérapeutiques, alors pharmacologiques. Je pense qu'actuellement on le sait, on
est au courant, mais on doit l'implanter à
l'ensemble du réseau, parce que je pense que tous les Québécois et les
Québécoises, nos aînés, méritent d'avoir cette qualité de vie, d'avoir
cette dignité en fin de vie.
Et
je pense qu'on a aussi mis en évidence qu'on a besoin de plus de formation au
niveau du personnel soignant. Je pense
qu'on est confrontés de plus en plus au vieillissement de la population, à de
plus en plus de maladies cognitives, de troubles de comportement qui sont méconnus des familles d'abord, mais
aussi du personnel soignant. Et je pense qu'on aurait tous avantage à
être mieux informés, à être mieux formés pour rassurer nos patients, nos aînés,
et de manière à les aimer davantage, à leur donner un soin de confort plutôt
que de la médication pour les calmer.
Je pense qu'on a vu,
au fil des entrevues… Je pense qu'il y a des beaux exemples qui se font
actuellement au Québec, qui méritent d'être
importés. Et je pense que ces exemples-là, ils sont autant dans le milieu
public que dans le milieu privé, et
on a à les importer, je pense, à l'ensemble du Québec. Et on a entendu vraiment
des beaux exemples, on a entendu des gens qui sont
impliqués dans le réseau et qui veulent faire mieux. Et on a entendu aussi des
gens qui sont venus nous dire : Ça fait
longtemps qu'on vous le dit, qu'on vous le répète, maintenant on doit agir. Et
je pense que, comme élus, on a la
responsabilité, maintenant, d'agir. Et moi, je peux vous dire que j'en fais une
de mes préoccupations et une de mes
priorités. Parce que nos aînés méritent d'être traités dans le meilleur, dans
le plus grand des conforts. Et, peu importe du milieu social d'où ils
viennent, ils doivent avoir droit à ce qui se fait de mieux. Et je pense qu'on
a des exemples au Québec, mais on doit absolument s'assurer que tout le monde
puisse en bénéficier.
Je pense
qu'une autre préoccupation qu'on doit avoir, c'est l'évaluation de nos aînés, on n'a pas le droit de les promener d'un milieu à l'autre, de faire trois transitions pour arriver
à leur trouver l'endroit qui est le plus adapté à leurs besoins. Je pense
qu'on est… On a, aujourd'hui, le constat… On a, bon, établi cette politique-là
il y a quelques années, on doit revoir ça, parce qu'on
s'aperçoit… Le constat, il est clair, de la majorité des intervenants :
Quand on fait subir ça à ces gens-là,
premièrement, on assiste à une détérioration de leur état et… pour eux, mais
aussi pour leurs familles. Alors, ça, pour moi, c'est une urgence, qu'on doit évaluer les patients dans leur milieu,
soit milieu hospitalier, soit à domicile, une fois pour les diriger au
bon endroit. On ne doit plus leur faire subir ces multiples déménagements là,
ni à eux ni à leurs familles.
Alors, en terminant, je veux remercier l'ensemble
des intervenants qui sont venus, je pense que ça nous a fait grandir. Et je veux remercier mes collègues de
l'opposition comme du gouvernement. Je pense qu'encore une fois on a
fait la démonstration qu'on est capables de
travailler de façon non partisane, et, bon, on l'a fait dans mourir dans la
dignité. Je pense qu'encore une fois on l'a
démontré aujourd'hui, puis plus on va le faire, plus c'est les Québécois et les
Québécoises qui vont en bénéficier et
plus moi, je vais être heureuse de participer à cet exercice-là. Alors, merci
de m'avoir permis d'être heureuse
puis d'avoir… Puis je pense qu'on va pouvoir permettre aux Québécois et aux
Québécoises de l'être davantage. Merci, M. le Président.
• (13 h 10) •
Le
Président (M. Bergman) : Merci, Mme la députée de Groulx. Maintenant,
pour l'opposition officielle, pour ses remarques finales, Mme la députée
de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme Marguerite Blais
Mme
Blais :
Merci beaucoup, M. le Président. Contrairement aux remarques préliminaires,
d'entrée en matière pour le début de
la commission parlementaire, je n'ai pas écrit de notes, je veux y aller
spontanément, avec mon coeur.
Je trouve qu'on a
vécu, M. le Président, une expérience extraordinaire et je tiens, premièrement,
à vous remercier, vous, à remercier toute
votre équipe, l'équipe de la recherche aussi pour l'excellent travail, toutes
les personnes qui se sont déplacées.
Et il y a des gens qui sont partis, là, de la Gaspésie, d'un peu partout, pour
venir nous rencontrer, ce sont des moments importants pour eux, et nous
avons cette obligation de respect, d'écoute. Et je tiens évidemment à souligner l'excellent travail de la partie
ministérielle et de la CAQ, et je trouve qu'on a été capables de faire une
équipe ensemble. Et elle a raison, ma collègue la députée de Groulx, de
s'élever au-dessus de la partisanerie politique.
Vous savez, M. le
Président, quand j'ai déposé cette idée de vouloir faire une commission
parlementaire pour étudier les conditions de
vie des adultes hébergés en CHSLD, je pense que ça n'a pas passé comme une
lettre à la poste. Je me souviens
très bien d'un échange : Pourquoi une commission parlementaire sur ce
sujet? On avait eu une consultation publique.
Mais finalement, ne serait-ce que pour parler des jeunes qui se retrouvent...
du 11 % de personnes de 65 et moins qui se retrouvent dans les
CHSLD, qui vivent vraiment des situations de vie très, très, très différentes
des personnes beaucoup plus âgées et à un âge très avancé, de leur stimulation
intellectuelle qui n'est pas la même, et d'entendre parler des façons dont on devrait faire différemment, peut-être les
regrouper, peut-être faire de plus petits îlots, je crois que ça va nous donner, à nous, parlementaires, et au
gouvernement, une possibilité d'aller beaucoup plus loin, d'autant plus qu'actuellement le gouvernement parle énormément
d'assurance autonomie, de faire en sorte de maintenir les aînés à la
maison le plus longtemps possible. Et nous sommes tous d'accord avec ça. Mais
vient un moment où on ne peut plus rester à
la maison, et ça prend inévitablement des lieux sécurisés, avec du personnel à
la bonne place, des infirmières, des infirmières
auxiliaires, ça prend des préposés aux bénéficiaires, ça prend des bénévoles,
ça prend des conseils d'administration, ça prend des comités des
usagers, des conseils d'administration, ça prend des médecins dans les CHSLD.
On vient d'entendre actuellement, là, qu'il y a très peu de gérontopsychiatres,
il y en a quatre d'accrédités. Donc, on voit qu'il y a une très, très grande
évolution.
Et, avant de céder la
parole à mon collègue qui veut parler, le député de Jean-Talon, juste dire que
j'ai été heureuse d'entendre même la Protectrice du citoyen — et
ce n'est pas du tout partisan — hier,
dire qu'elle appuyait le projet de
loi n° 399. Et, quelle que soit
la situation dans l'avenir, j'espère que le gouvernement, quel que soit le
gouvernement, adoptera une loi, un jour,
pour protéger les personnes vulnérables dans les réseaux de la santé, dans le
réseau de la santé et des services sociaux. Je pense qu'on est rendus
là, à protéger davantage nos personnes vulnérables. Et il y a bien d'autres
champs d'application. Alors, merci beaucoup. Merci encore une fois à toute
l'équipe pour l'excellent travail.
Le Président (M.
Bergman) : Merci, Mme la députée. M. le député de Jean-Talon.
M. Yves Bolduc
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord, M. le
Président, je voudrais remercier les
députés du gouvernement puis notre collègue de l'opposition, parce qu'on a fait
vraiment des auditions non partisanes. On cherche ensemble des solutions pour
améliorer le sort de nos aînés.
On
a pris la perspective CHSLD, mais, lorsque vous prenez la perspective CHSLD,
nécessairement vous devez avoir des
discussions sur la condition générale de nos aînés depuis les résidences
privées, soins à domicile, également les ressources
intermédiaires. Le constat que je fais, M. le Président, dans un premier
temps : il y a des belles choses qui se
font au Québec. Il y a eu de l'évolution au cours des dernières années, puis je pense
que cette évolution continue dans le bon sens. Mais il y a encore beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail à faire, travail au niveau des conditions de nos personnes
aînées en CHSLD, c'est vrai, mais également dans tout le continuum de services
qu'on veut mettre en place ici, au Québec.
Ce continuum de services là, il est important, parce
que tous constatent que, oui, il y a
des CHSLD, mais il y a toute la
partie avant les CHSLD. Et, si on veut utiliser nos CHSLD à bon escient, il faut
qu'on s'organise pour que les gens
n'y arrivent seulement qu'au moment opportun. D'où l'importance des évaluations.
Ça, je pense
qu'indépendamment des partis on veut tous la même chose, on veut tous avoir ce
bon continuum de services là.
Également,
ce que nous avons vu, c'est les investissements qui seraient nécessaires. Tout le monde sont venus nous dire que ça
prend plus de formation, ça prend plus de personnel, ça prend aussi une
nouvelle organisation du travail, ça prend les infrastructures. M.
le Président, aujourd'hui, ce que je nous fais comme message : Prenons en
considération tout ce qui a été dit,
regardons ensemble comment on peut le travailler pour réussir à
l'appliquer le plus rapidement
possible, en tenant compte, naturellement, du contexte, qui n'est pas un contexte facile au niveau
financier. Mais, si on ne s'en occupe pas,
ces patients-là vont être dans des lits de courte durée, vont nous coûter
encore plus cher. Et chacun d'entre nous, un jour, on va avoir des
personnes près… Puis, je suis certain, il y en a plusieurs d'entre vous qui en
ont déjà, comme j'en ai, moi, présentement, qui ont besoin de ces services. Et, un jour, ce sera nous aussi qui
vont devoir en profiter. Donc, pour
le Québec, c'est important qu'on prenne en considération les soins aux
personnes aînées, mais, en plus de ça, qu'on développe chacune des
ressources nécessaires pour qu'à un moment de notre vie on soit capables de
répondre en temps réel.
J'insisterais là-dessus
pour terminer, M. le Président : Ce qu'on doit viser maintenant, M. le
Président, c'est d'éliminer tous les délais
dans le réseau de la santé. Lorsqu'une personne attend six mois dans une ressource
temporaire parce qu'elle n'a pas de lit disponible, il y a
un problème d'ajustement de ressources. Donc, il faut qu'on développe
les bonnes ressources aux bons endroits, mais surtout on doit avoir comme ça…
comme objectifs : éliminer les délais, évaluation dans des délais courts, mise en place des traitements
dans des délais courts puis avoir la bonne personne à la bonne place
dans des délais courts, puis je pense qu'on aurait des grands gains et surtout
des meilleurs soins à donner à nos personnes aînées.
Je tiens à remercier tout
le monde dans votre équipe, M. le Président, pour le travail qui a été fait.
Le Président (M.
Bergman) : Merci, M. le député. Maintenant, sur le côté ministériel,
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Suzanne Proulx
Mme
Proulx : Merci, M. le Président. Permettez-moi de saluer tout d'abord les membres de la commission,
mes collègues du gouvernement, mes collègues des deux groupes d'opposition et
vous, M. le Président.
Écoutez,
d'entrée de jeu, moi aussi, je souhaite souligner le caractère non
partisan de cette commission.
Comme le soulignait ma collègue de Groulx,
on a fait la démonstration, à travers l'étude du projet de loi n° 52, que
c'était possible. Et donc serait-ce
dire que la Commission de la santé et
des services sociaux est en train de
développer un nouveau modèle? Je pense que ce serait certainement
souhaitable.
Les
conditions de vie en CHSLD sont bien
sûr un sujet d'une très grande
importance. En même temps, il s'agit aussi d'un sujet très sensible, pour lequel il est nécessaire d'avoir
une écoute, de la compassion et de l'empathie aussi envers les intervenants qui oeuvrent auprès des
clientèles dont il a été question ici depuis un mois. Je pense
que cette commission, notre commission, a su faire un travail minutieux
d'écoute et qu'elle s'est engagée dans une réflexion qui saura certainement
bénéficier à l'ensemble des personnes aînées du Québec.
Parce que le Québec
est un des endroits dans le monde qui vieillit le plus rapidement. Sa population
âgée de 65 ans et plus croît très rapidement
et devrait représenter plus de 25 %
de la population d'ici 2007. Cette réalité en soi est un véritable défi, le défi 2017, oui. Le défi, entre
autres, c'est de réfléchir aux moyens et aux mesures qui peuvent être
mis en place pour assurer le bien-être, la
sécurité et la santé des aînés, quel que soit le milieu de vie dans lequel ils
choisissent de vivre. Que ce soit à
domicile, en résidence privée pour aînés ou encore en CHSLD, nous devons revoir
nos façons de faire dans le réseau de la santé afin de répondre le mieux
possible aux besoins particuliers de cette population.
Mais
les CHSLD n'hébergent pas que des aînés, et voilà un autre défi majeur dont on
ne parle pas assez souvent. Lors de
cette commission, nous avons mis en lumière la problématique des adultes
hébergés et qui ne se retrouvent pas toujours
dans le milieu de vie qui serait le plus favorable à leur épanouissement, tant
personnel que social. Ainsi, l'amélioration
de nos pratiques doit être un objectif que l'on se donne collectivement. Et je
pense que la large participation à cette
commission démontre bien qu'il s'agit là d'un objectif partagé par l'ensemble
des partenaires et des intervenants qui se sont exprimés devant cette commission. Nous avions pour objectif de
dégager des réponses novatrices et efficaces pour mieux répondre aux nombreux défis que pose
l'hébergement de soins de longue durée, qui fait face à un
alourdissement de ses usagers, dans une logique de continuum de services.
Les
CHSLD constituent des partenaires incontournables de notre réseau et
continueront de l'être dans le futur. Si, a priori, la commission devait
se pencher sur les conditions de vie des adultes hébergés dans les CHSLD, la
grande diversité des interventions que nous
avons eu le plaisir d'écouter a permis de nous intéresser au bien-être des
aînés dans une diversité de milieux de vie et des personnes handicapées
en quête d'autonomie aussi. Le fait de pouvoir compter sur la présence d'acteurs et d'intervenants issus d'une variété de
domaines, de différents types de milieu de vie et provenant de plusieurs régions du Québec nous a permis
d'avoir un portrait plus global de la situation. Et je pense que nous
pouvons dire qu'il s'agit d'une valeur ajoutée précieuse pour les travaux de
cette commission.
Je me réjouis que cette commission ait
pu respecter l'objectif qu'elle s'était donné de souligner et de
connaître ce qui se fait de bien dans notre
réseau, nos bons coups, les bonnes pratiques à partager avec nos pairs. Les
CHSLD n'ont pas toujours eu bonne
presse au cours des dernières années. Or, les histoires qui nous sont
occasionnellement rapportées ne représentent pas la réalité de la très
grande majorité des CHSLD. À preuve, cette commission a pu être le témoin de belles réalisations dans différents établissements
ou encore d'idées innovantes qui font avancer nos pratiques dans le
réseau québécois de la santé et qui contribuent au bien-être de nos aînés.
Des pistes de
solution fort pertinentes ont pu être dégagées lors de cette commission. Je
pense, entre autres, à la nécessaire réflexion que nous devons avoir sur toute
la question de la formation des personnes qui interviennent au quotidien auprès de cette clientèle particulière
que sont les aînés en perte d'autonomie et les personnes en situation de
handicap, une clientèle qui représente
d'ailleurs des besoins tout aussi particuliers. Je pense également au rôle que
peuvent jouer les types d'hébergement autres
que les CHSLD dans le continuum de soins et de services offerts en
complémentarité avec les ressources intermédiaires,
les résidences privées ou encore les coopératives d'habitation, à titre
d'exemple. Pour plusieurs encore, le
CHSLD est la réponse automatique pour la personne en perte d'autonomie. Et
pourtant se soucier du bien-être des
aînés et des adultes en quête d'autonomie devrait aller de pair avec le souci
de leur offrir le milieu le plus approprié
à leurs besoins spécifiques. Par le développement de différents types
d'hébergement et l'investissement dans les soins à domicile, nous pouvons retarder le recours au CHSLD. Surtout, le
fait de miser sur la complémentarité avec les autres ressources disponibles sur le terrain nous permet d'offrir aux
aînés la possibilité de vivre le plus longtemps possible dans un milieu de leur choix et adapté à leurs
besoins. La société change, elle vieillit, mais aussi les besoins et les
désirs que nous expriment les aînés et leurs proches ont, eux aussi, évolué.
• (13 h 20) •
Je l'avais mentionné
dans mes remarques préliminaires au début de cette commission, devant le
changement, nous nous devons d'être
proactifs. Être proactifs, c'est réfléchir à des solutions innovantes,
novatrices et créatives pour améliorer
nos pratiques, et c'est ce que nous avons fait au cours du dernier mois. Cette
commission nous a permis à tous d'être à l'écoute de nos multiples
partenaires et d'éclairer notre réflexion sur les conditions de vie dans les
CHSLD et dans plusieurs autres types de milieu de vie, et je tiens à les remercier tous et
chacun de nous avoir partagé leur vécu, leurs défis, leurs réalisations et leurs bonnes idées pour améliorer l'ensemble
de nos façons de faire dans le réseau, et ce, avec le souci continu d'offrir ce qu'il y a de mieux à
nos aînés aujourd'hui et en
même temps à ceux que nous serons
nous-mêmes demain.
En
terminant, je souhaite souligner le travail exemplaire effectué au quotidien
par les professionnels oeuvrant en CHSLD, dont on oublie trop souvent le
professionnalisme et le dévouement à l'égard des plus vulnérables de notre
société.
Finalement,
je souhaite remercier tous ceux qui ont collaboré, de près ou de loin, à la
tenue de cette commission, ceux qui
sont venus témoigner, qui nous ont déposé des mémoires, les membres de la
commission, vous, M. le Président, M.
le secrétaire, les membres du cabinet, les services de recherche, les membres
du secrétariat. Enfin, bref, merci à tout le monde pour votre dévouement
et votre engagement dans cette cause. Merci.
Le président, M. Lawrence S. Bergman
Le
Président (M. Bergman) : Merci, Mme la députée. Est-ce qu'il y
a d'autres collègues sur le côté ministériel qui veulent faire des
remarques finales?
Alors,
c'est à moi maintenant pour vous remercier, collègues, pour votre travail
exceptionnel, non partisan, dévoué pendant
ces auditions, comme j'ai mentionné, on a reçu devant nous
36 groupes — c'est-à-dire
36 heures de travail, c'est incroyable — plus les mémoires que vous avez lus avant
d'avoir reçu ces groupes, et pour remercier ces groupes aussi pour avoir
rédigé ces mémoires, être venus nous visiter ici et passer du temps avec nous,
et les autres deux groupes qui ont soumis
les mémoires, qu'on n'a pas eu de temps pour entendre, et certainement les
150 personnes qui ont rempli notre questionnaire en ligne. Alors,
vraiment, c'est un travail qui est exceptionnel.
Et j'aimerais aussi
remercier notre secrétaire, M. Mathew Lagacé, pour son bon travail, ses
conseils tout au long de cette commission, Mme Claire Vigneault, notre
assistante qui nous a aidés pendant toutes ces auditions, et, «last but not
least», nos deux recherchistes qui travaillent tranquillement à côté de nous,
Mme Hélène Bergeron et Mme Julie Paradis.
Mais
certainement, collègues, notre travail n'est pas fini. Comme vous vous rappelez,
on doit passer trois journées ensemble pour visiter six CHSLD. Alors,
après la relâche scolaire, les deux semaines de circonscription, on va tenir une séance de travail pour fixer les dates
auxquelles nous allons visiter ces six CHSLD ensemble. Pour moi, j'ai
entendu beaucoup des défis avec les groupes
devant nous, mais, pour moi, le défi le plus important, que j'ai soulevé à
tellement de reprises, c'est les questions
des aînés qui doivent faire cinq ou six différents lits, différents CHSLD, les
lits de transition, les lits
d'évaluation. Et, moi, comme je l'ai dit à maintes reprises, c'est
inacceptable. On doit trouver une solution pour nos aînés, nos aînés qui ont bâti notre société, qui
chacun a un nom, une histoire, un caractère. Ils sont nos mères, nos
pères, nos parents, et on doit beaucoup à eux.
Alors, notre travail
n'est pas encore fini. On va visiter les six CHSLD, et après, avec le conseil
de nos recherchistes, on va rédiger un
rapport qu'on va déposer à l'Assemblée nationale, et finalement on va avoir un
débat sur le rapport qu'on va déposer à l'Assemblée nationale. Et ce
sera au gouvernement pour prendre nos recommandations pour certainement
améliorer le système des CHSLD pour le bénéfice de nos concitoyens et
certainement nos aînés.
Alors, collègues,
compte tenu de l'heure, je lève la séance, et la commission, ayant accompli son
mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci, collègues.
(Fin de la séance à 13 h 25)