(Quatorze
heures quatre minutes)
Le Président (M.
Bergman) : Alors, collègues, à l'ordre, s'il vous plaît!
Collègues, à l'ordre, s'il vous plaît!
Alors,
ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
Le
mandat de la commission est de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 52, Loi concernant les soins
de fin de vie.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Chapadeau (Rouyn-Noranda—Témiscamingue) remplace Mme Proulx (Sainte-Rose); Mme
Champagne (Champlain) remplace M. Villeneuve (Berthier); Mme Trudel
(Charlesbourg) remplace Mme Daneault (Groulx).
Étude détaillée (suite)
Le
Président (M. Bergman) : Merci. Alors, collègues, lors de
l'ajournement de nos travaux, vendredi dernier, nous discutions de l'article 26. Je vous rappelle que nous avons
suspendu l'étude des articles 3, 8.1 et de l'amendement à l'article 26.
Alors, Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme
Hivon : Merci, M. le Président. Alors, quand on s'est quittés vendredi, on était dans le coeur de nos discussions sur l'article 26. Je ne sais pas comment mes collègues veulent procéder, s'ils souhaitent que nous
discutions de l'amendement qui avait été demandé. Donc, on a préparé un amendement.
Je vais juste peut-être expliquer les nuances.
Alors,
comme on proposait de le rédiger à l'origine, on proposait de dire d'entrée de jeu «seule une personne en fin de
vie» et ajouter toutes les conditions
qui étaient déjà prévues. Là, il y a eu deux demandes, donc
la demande du député de Jean-Talon,
qui souhaitait que nous séparions, au 1°, certaines des conditions pour qu'elles ne se
retrouvent pas toutes dans le même
alinéa, donc le fait qu'elle soit majeure, apte à consentir aux soins et une
personne assurée au sens de la Loi
sur l'assurance maladie, et il y a le député d'Orford qui, lui, se
questionnait à savoir si, en disant «seule une personne en fin
de vie», cela voulait dire que c'est
le médecin qui devait évaluer que la personne était en fin de vie. Alors, sur
ce, c'est notre compréhension que,
tel que nous suggérions de le libeller, soit «seule une personne en fin de vie
qui satisfait aux conditions
suivantes», le «en fin de vie» devait effectivement faire l'objet d'une évaluation
par le médecin. Mais, ceci dit, on
est ouverts à le mettre comme une condition au même titre que les autres si l'opposition préfère cette voie-là, comme ce
qui semblait être le cas lorsqu'on a ajourné nos travaux. Mais peut-être
que ça a cheminé de part et d'autre. La réserve, qu'on avait, que j'ai encore un peu, mais je peux voir les avantages d'un
autre côté, la réserve, c'est que, comme je l'ai dit, c'était un petit peu un pléonasme législatif, puisque
toute notre loi, partout, elle est sur les personnes en fin de vie. Ça va de soi. On avait décidé de l'introduire parce que
certains nous avaient fait le commentaire qu'on disait seulement «une personne». Donc, on avait tout
à fait fait le choix de l'introduire. Mais là c'est sûr que, si on le met comme
une condition, ça fait peut-être
un petit peu drôle parce
que, dans l'ensemble
des autres articles, on n'en parle pas comme d'une condition mais comme
un état de fait. Il faut que la personne soit en fin de vie.
Ceci
dit, compte tenu des questionnements de l'opposition et évidemment
d'une volonté d'avoir l'article le mieux défini et le plus clair possible à sa lecture même, compte tenu du fait que le député d'Orford se questionnait à savoir si on ne devrait pas être plus clairs pour que ça soit vraiment
limpide que c'est le médecin qui doit évaluer ça, on y est ouverts. Donc, les légistes m'ont confirmé qu'on ne ferait
pas un gros crime législatif en
faisant ça, même s'il y a une certaine redondance,
c'est certain. Donc, on pourrait l'inscrire parmi les conditions. Donc,
l'article 26 se lirait... Je vais y revenir, là, mais on dirait : «Seule une
personne — donc, on
reviendrait à l'ancien libellé — qui satisfait aux conditions suivantes…»
Puis, dans l'énumération, on dirait que la
personne «est en fin de vie». Donc, c'est comme ça qu'on retrouverait la
condition. On peut en faire la discussion aussi, là. On avait un peu
fait le tour des différentes options.
L'autre élément, qui
était la demande du député de Jean-Talon de séparer les trois éléments qui sont
au 1° de l'article 26, nous, on irait
pour une solution mitoyenne, comme je l'avais déjà annoncé. Donc, on dirait que
la personne est «assurée». Ça, ça
ferait une condition au sens de la loi. Puis ensuite on mettrait «majeure et
apte à consentir» dans une condition
pour les raisons que j'avais expliquées, donc à savoir que c'est comme ça que
c'est prévu au Code civil, et ça va
ensemble, c'est deux conditions qui se rapportent à la personne, à des
caractéristiques de la personne en elle-même. Donc, je ne sais pas s'il y a une volonté de discuter davantage avant
que je dépose l'amendement ou si on souhaite que je dépose… et que nous
discutions sur la base de l'amendement.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la ministre, il serait préférable
que vous déposiez l'amendement, puisque les parlementaires peuvent le
voir et l'étudier ensemble. Alors, est-ce que vous voulez déposer l'amendement?
Mme
Hivon : Il
faudrait retirer l'autre amendement.
Le
Président (M. Bergman) : Oui, on peut retirer l'amendement qui
a été suspendu et déposer le vôtre, si vous voulez.
Mme
Hivon :
Parfait. Puis, avant de le déposer, je veux juste préciser qu'il y avait... Nos
collègues nous avaient déposé un amendement, là.
Une voix : ...
• (14 h 10) •
Mme
Hivon :
Oui, c'était un document de discussion. Donc, nous avions regardé un document de discussion. Puis en fait la différence est que nous ne
répéterions pas que c'est consigné à son dossier médical parce que ça va être
prévu dans les articles
suivants, comme je l'avais exposé… 30 et suivants, que le médecin va devoir
venir consigner que toutes les
conditions... va devoir évaluer que toutes les conditions sont remplies puis
doit le consigner. Donc, ce ne serait pas nécessaire. Alors, sur ce...
Le Président (M. Bergman) :
Alors, est-ce qu'on peut avoir…
Mme
Hivon : On va
déposer l'amendement?
Le Président (M. Bergman) :
...que l'amendement soit déposé?
Mme
Hivon : On l'a.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, je vais suspendre pour quelques instants pour permettre... L'amendement pourra être donné à chaque
membre de la commission. Je suspends pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 14 h 11)
(Reprise à 14 h 12)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, Mme
la ministre, pour être un peu
formels, est-ce que vous pouvez
retirer l'amendement que vous avez fait à l'article
26 et déposer l'amendement à l'article 26? Alors, on peut étudier
votre amendement.
Mme
Hivon : Alors, M.
le Président, je vous demanderais de retirer l'amendement qui avait été déposé
à l'article 26 pour le remplacer par le
suivant. Donc, le nouvel amendement se lirait ainsi : Remplacer l'article
26 du projet de loi par le suivant :
«26. Seule une personne qui satisfait aux
conditions suivantes peut obtenir l'aide médicale à mourir :
«1° elle est une personne assurée au sens de la
Loi sur l'assurance maladie (chapitre A-29);
«2° elle est majeure et apte à consentir aux
soins;
«3° elle est en fin de vie;
«4° elle est atteinte d'une maladie grave et
incurable;
«5° sa situation médicale se caractérise par un
déclin avancé et irréversible de ses capacités;
«6° elle
éprouve des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et
qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu'elle juge
tolérables.
«La personne
doit, de manière libre et éclairée, formuler pour elle-même la demande d'aide
médicale à mourir au moyen du formulaire prescrit par le ministre. Ce
formulaire doit être daté et signé par cette personne.
«Le
formulaire est signé en présence d'un professionnel de la santé ou des services
sociaux qui le contresigne et qui, s'il n'est pas le médecin traitant de
la personne, le remet à celui-ci.»
Alors, voilà,
M. le Président. J'ai expliqué d'entrée de jeu les modifications qui étaient
apportées via cet amendement. Et je
souligne simplement que la question de la personne qui était dans un état
d'incapacité de signer le formulaire n'a pas disparu, car nous avons
reçu, en fin de semaine, des courriels de personnes qui suivent assidûment nos travaux — c'est très réconfortant, je ne sais pas si
les députés de l'opposition ont reçu le même courriel — mais qui s'inquiétaient de savoir où était rendue cette disposition. Donc, elle
va être là. C'est simplement qu'on a choisi d'en faire un article
distinct pour fins de clarté. Alors, voilà, M. le Président.
Le
Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a des commentaires
à l'amendement que la ministre a déposé sur l'article 26? Mme la députée
de Gatineau.
Mme Vallée :
Oui. Évidemment, pour nous, la fin de vie est... le fait de mettre la fin de
vie comme une condition à pouvoir
faire une demande… de pouvoir formuler une demande d'aide médicale à mourir, je
pense que c'est important.
Même si nous
sommes à l'intérieur d'un projet de loi qui vise la fin de vie en général, je
crois que, pour les fins bien spécifiques de l'aide médicale à mourir,
l'importance d'inclure cette condition-là comme étant sine qua non à la possibilité de faire, de formuler une demande
d'aide médicale à mourir est importante,
importante pour la suite des choses mais surtout importante
dans toute la question pédagogique du projet de loi. Lorsqu'il
sera question d'expliquer et, advenant l'adoption
du projet de loi, lorsqu'il sera temps d'expliquer aux gens ce qu'est, ce que
constitue l'aide médicale à mourir, il
sera aussi très clair que cette aide médicale à mourir là n'est pas pour tout le monde. Ce n'est pas un soin général qu'on offre à quelqu'un qui a le mal de vivre. Parce qu'on
entend plein de trucs. Dernièrement, là, surtout au cours de la dernière
semaine, on a entendu des gens qui se sont
préoccupés de dérives potentielles. Et plus on va encadrer les conditions de
base, plus ces conditions-là seront claires,
plus ça permettra de rassurer ceux et celles qui ont manifesté certaines
craintes. Alors, pour moi, c'est très
important. Et j'apprécie qu'on ait pu l'indiquer comme étant
une condition… essentielle, pardon, nécessaire
et essentielle à la formulation de cette demande-là. Et ça va contribuer peut-être
à une meilleure acceptation aussi face à ceux qui émettaient des
craintes.
Donc, l'état
de fin de vie qui sera consigné et qui devra faire l'objet d'une évaluation
par le médecin et ainsi que l'ensemble des autres conditions qui
devront, chacune d'elles, être respectées.
Lorsque nous
avions suspendu nos travaux, vendredi, j'avais soulevé une question,
à savoir : Est-ce qu'on devait utiliser
«seule une personne qui satisfait aux conditions suivantes» ou bien «à chacune
des conditions suivantes» dans le
texte? Est-ce que ce serait plus clair, tout ça, gardant en tête évidemment
l'objectif de pédagogie qui va avec les démarches qui vont suivre dans les prochains mois? Donc, peut-être
que, du point de vue législatif, nos légistes nous diront que ce n'est pas nécessaire. Je crois personnellement que «seule une personne qui satisfait à chacune des conditions
suivantes» me semble plus strict qu'«aux conditions suivantes», même si,
bon, je comprends, là, on s'entend, d'un point de vue législatif, c'est la même
chose, c'est un synonyme. Mais, entre les deux, j'aurais un penchant pour «à
chacune des conditions suivantes». Pour moi,
ça permettrait de vraiment souligner doublement qu'il n'est pas question
de passer à côté d'une seule des
conditions. Il faut, pour pouvoir formuler cette demande-là et pour
pouvoir obtenir l'aide médicale à mourir, il faut vraiment satisfaire à
chacune des conditions. S'il y en a une qui n'est pas là, désolé, on ne peut
pas demander l'aide médicale à mourir. Donc,
si on n'est pas assuré par l'assurance
maladie puis qu'on correspond à tous
les autres critères, on ne peut pas. Si on
n'est pas majeur, on ne peut pas. Si on n'est pas apte à consentir aux soins,
on ne peut pas. Si on n'est pas en
fin de vie, on ne peut pas. Si on n'est pas atteint d'une maladie grave et
incurable, on ne peut pas. Et, s'il n'y a
pas de déclin avancé dans la situation médicale puis des capacités, on ne peut
pas. Puis, s'il n'y a pas de souffrance physique, psychique
constante, insupportable, on ne peut pas.
Donc, chacune des conditions doit être
respectée. Pour moi, ce serait important, là. En fait, je pense que c'est essentiel. Puis le «aux», il n'est pas assez fort.
Le terme n'est pas, à mon humble avis, là, assez fort. Et, pour moi, le texte
doit être d'une clarté absolue.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
• (14 h 20) •
Mme
Hivon : Bien, on a fait une vérification. Donc, l'expression consacrée, c'est «aux conditions suivantes». Je
veux le dire, là, ça veut dire effectivement toutes les conditions, il n'y a
pas de doute là-dessus.
Toutes les conditions doivent être remplies de
manière cumulative pour qu'une personne puisse demander l'aide médicale à mourir.
Donc, ça, c'est clair. Je vous dirais, peut-être si ça peut rassurer, mais je veux entendre si ça
ne rassure pas… mais «aux conditions
suivantes», évidemment il est écrit au pluriel, donc c'est certain que
ça veut dire que c'est des
conditions. Et ça ne serait pas logique après de se dire : O.K., s'il y en a plus qu'une, c'est lesquelles?, puis il va falloir en additionner. Donc, je pense que ça va de
soi quand on le lit. Comme c'est le cas en général dans la législation, quand il
y a plusieurs conditions, on parle
«aux conditions suivantes», «dans les conditions». Donc, c'est ce que je
pourrais dire à la collègue pour la rassurer.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre, vous avez complété votre intervention?
Mme
Hivon : Oui, à ce
stade-ci.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Je comprends qu'on utilise le pluriel : «aux
conditions». Mais, si, par exemple, une personne devait satisfaire à cinq des six conditions, ce n'est
pas… Le texte, à mon avis, n'est pas clair au point de dire que chacune des
conditions doit être respectée, parce qu'on pourrait théoriquement dire : Je
satisfais à cinq des conditions, et là, bon, je fais une demande, je formule une demande d'aide médicale à mourir, on me
dit non, là c'est porté devant la commission, là il y a une
interprétation qui est plus large, qui n'est pas nécessairement restrictive, je
ne sais pas. Il faut toujours envisager la
petite exception qui pourrait survenir en cours de route. Et c'est pour ça que
je me dis : Par exemple, est-ce qu'on
pourrait, sur cette base-là, dire : Cinq conditions, c'est suffisant ou
bien ça va… Je comprends, la ministre hoche de la tête en voulant dire : Non, non, ce n'est pas ce qui est
l'esprit derrière la rédaction. Et je le comprends, je comprends que
l'esprit derrière la rédaction… et c'est pour ça que je suggère qu'on utilise
«qui satisfait à toutes les conditions suivantes»,
ou «à chacune des conditions suivantes», ou… Mais simplement je l'ajouterais,
qu'il y a peut-être lieu de… on doit respecter six conditions pour
pouvoir bénéficier de l'aide médicale à mourir.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Ça va, M. le Président. Nous allons acquiescer à la demande de la députée, nous
allons mettre «à toutes les conditions suivantes».
Mme Vallée :
J'apprécie beaucoup.
Le Président (M. Bergman) :
Est-ce que vous allez déposer l'amendement?
Mme
Hivon : On va
retirer notre amendement puis on va…
Le Président (M. Bergman) :
Merci. Je suspends pour…
Mme
Hivon : On peut
peut-être discuter avant sur la base de ça, là.
Le Président (M. Bergman) :
Je suspends pour quelques instants pour…
Mme
Hivon : Non, non.
Si ça va…
Le Président (M. Bergman) : On va
continuer.
Mme
Hivon : …on va
faire la discussion.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Moi, je comprends,
mais, juste pour l'expliquer, quand moi, je le lisais… En médecine, souvent, c'est rare qu'une pathologie va
remplir toutes les conditions. Ça fait que, quand les médecins lisent ça, je suis certain qu'il y en a
qui interpréteraient : S'il en manque une, en tout cas il y en a cinq sur
six, c'est correct. Donc, en mettant
«toutes les conditions»… Puis j'apprécie que la ministre ait accepté qu'on
puisse le mettre. Parce que, nous,
dans notre tête, quand on regarde, c'est souvent : Ce n'est pas tout au
complet, mais, s'il en manque une, bien
on peut vivre avec, en autant que les cinq soient remplies, tandis qu'en
mettant «à toutes les conditions», là, je pense que… «à toutes les
conditions»… puis je n'aurais pas rajouté «sans exception», parce que ça en
ajouterait trop.
Mais il reste
qu'à la fin, là, pour vous montrer qu'on est des gens de compromis, on aurait
dû proposer ça d'emblée puis enlever
«sans exception», mais, «à toutes les conditions», je pense que c'est suffisant
puis j'apprécie. Moi aussi, je voyais qu'il y avait une nuance à
apporter.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Merci
beaucoup, M. le Président. Je n'ai pas réellement tout entendu tout à l'heure,
quand a la ministre a parlé du deuxième
paragraphe, de la sixième proposition, là… je ne sais pas si on dit
proposition, mais «signé par cette
personne». Est-ce que vous avez parlé que la personne doit, de manière libre et
éclairée, formuler par elle-même la
demande d'aide médicale à mourir au moyen du formulaire prescrit par le
ministre, ce formulaire doit être daté et signé par cette personne? Est-ce que la ministre, M. le Président, a mentionné
tout à l'heure qu'elle était pour revenir là-dessus, que des gens
avaient transmis un courriel? Parce que, moi, ça me préoccupe, ça.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Ce que
j'ai dit, c'est que, dans la version originale, on parlait que, si la personne
était dans une incapacité de signer elle-même, un tiers pourrait le signer, et
donc ce n'est pas disparu. Bien que ce n'est plus à l'article 26, ça va être dans l'article suivant. On en fait un article
indépendant pour que le principe soit là très clairement. Donc, c'est ça
que j'ai apporté comme précision.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Et qu'on puisse aussi
respecter les personnes qui, verbalement, ne peuvent pas dire les choses, et
ces personnes ont besoin d'interprètes. Donc, on va revenir là-dessus aussi?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : On va
revenir là-dessus. On va revenir là-dessus.
Le Président (M. Bergman) :
Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : M. le Président, je suis très satisfait de
voir l'article, la façon dont il est rédigé. Là, la question : Est-ce
qu'on peut regarder chacun des critères? Parce que j'aurais aimé ça qu'on
puisse en parler un peu. Parce que,
je tiens à le rappeler, l'article 26, c'est le coeur du projet de loi, tu sais.
Si vous regardez la nouveauté dans le
projet de loi, c'est l'aide médicale à mourir. Je pense, ça serait intéressant
de pouvoir prendre 1°, 2°, 3°, 4°, 5°, 6° sans faire une grande
extension de discussion parce que je trouve que ça serait important d'expliquer
pourquoi chacun des éléments est là, pour
fins d'interprétation par la suite, là. Je ne sais pas si la ministre serait
d'accord, mais qu'on prenne le temps de vraiment les faire un en arrière de
l'autre. Puis, plutôt que d'aller de l'un à l'autre de façon non organisée, moi,
j'aimerais mieux y aller de façon organisée.
Je pense que les gens commencent à comprendre que ma pensée est linéaire
et organisée.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, sur la suggestion qu'on va alinéa par alinéa, on peut commencer avec l'alinéa d'introduction, si ça vous plaît, pour
étudier cet alinéa, après aller aux paragraphes 1°, 2° à 6° et, après ça, les
derniers deux alinéas. On peut commencer
avec le premier alinéa qui commence «seule une personne». Alors, on peut
commencer avec cet alinéa.
Alors, juste
pour discussion, est-ce qu'il y a des commentaires sur le premier alinéa qui
commence «seule une personne qui
satisfait aux conditions suivantes peut obtenir l'aide médicale à mourir»?
Est-ce qu'il y a des commentaires? M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Moi, c'est une
question pour la ministre, puis je pense que je connais la réponse, mais j'aimerais ça qu'elle soit dite publiquement.
Pourquoi on a décidé de limiter l'accès de l'aide médicale à mourir aux
gens qui ont un numéro… ou une carte d'assurance maladie où que c'est inscrit à
la Régie de l'assurance maladie du Québec?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Comme on en a discuté vendredi, M. le Président, cette condition-là est là
clairement pour que ce soit limpide
que cette loi… que cette possibilité d'obtenir l'aide médicale à mourir est
limitée aux personnes, donc, qui sont,
dans le sens général, résidentes du Québec, donc qui sont assurées en vertu de
la Loi sur l'assurance maladie. Donc, c'est
pour éviter bien sûr le tourisme médical. Donc, par exemple, des personnes
souhaiteraient venir au Québec dans le seul
but d'obtenir ce soin spécifique de l'aide médicale à mourir. Donc, c'est pour
ça qu'on a souhaité inscrire noir sur blanc cette condition.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bergman) :
…alinéa, n'est-ce pas…
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Premier alinéa, oui, oui.
Le Président (M. Bergman) :
…que j'ai une question sur cet alinéa aussi, ici.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : O.K. Merci, M. le Président. Juste une
question de discussion, parce que je ne pense pas qu'il fallait nécessairement répondre à ça. Advenant le cas qu'on
ait quelqu'un qui est un Québécois, qui est né au Québec, sur trois ou quatre générations, puis qu'il
vit aux États-Unis depuis environ 10 à 15 ans, il arrive en fin de vie… Est-ce qu'il aurait été possible de prévoir que
ces gens-là puissent avoir un retour plus rapide au Québec et, même s'ils
n'ont pas fait le délai de trois mois pour
avoir un numéro d'assurance maladie, qu'on puisse leur donner l'accès à l'aide
médicale à mourir compte tenu qu'ils ont fait une grande partie de leur vie au
Québec… originaires du Québec… lorsqu'arrive ce service de fin de vie, que ce
ne soit plus accessible parce qu'ils sont allés demeurer à l'extérieur?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
M. le Président, on voit mal comment on pourrait, je dirais, changer la règle
générale qui est celle de la Loi sur
l'assurance maladie, en fait qui s'applique pour tous ces cas-là où quelqu'un
serait parti du Québec depuis de
très, très nombreuses années, parce que c'est la même chose : cette
personne-là va revenir et puis, si, la semaine suivante, elle désire avoir des soins, elle a besoin d'une
chirurgie, tout ça… Il peut y avoir toutes sortes de situations importantes,
et la règle est toujours la même. Donc, on
ne veut pas changer la règle pour la question, donc, de l'aide médicale à mourir
ou pour les soins de fin de vie. Donc, c'est la règle générale qui s'applique.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
• (14 h 30) •
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
M. le Président, on sait qu'il y a un endroit frontalier avec l'Ontario, la
région de Gatineau, où est-ce
qu'il y a beaucoup
de communications entre les deux
provinces. Y a-tu une façon de s'assurer que les gens de l'Ontario ne viendront pas chercher le service au Québec? C'est
seulement que sur le principe qu'ils n'ont pas de numéro d'assurance maladie. Et, si quelqu'un de
l'Ontario décidait, en sachant qu'il a un cancer, qu'il va mourir dans… ou encore une sclérose latérale amyotrophique, il
demeure en Ontario puis décidait de dire : Moi, je vais avoir accès au
service lorsque… si je demeurais au Québec… Est-ce qu'on peut penser que
ces gens-là pourraient venir habiter au Québec
sur le principe qu'un jour ils vont pouvoir avoir ce service? Et, la deuxième
question, ça va prendre absolument leur
numéro d'assurance maladie, donc ils n'ont pas le choix de venir demeurer au
Québec pour avoir l'aide médicale à mourir.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Effectivement, M. le Président, c'est la même règle que pour tout. Donc, on ne
souhaite pas faire aucune exception
pour cette question-là, mais, inversement, si quelqu'un déménage au Québec, on
ne peut pas rentrer dans la tête de
la personne la raison fondamentale pour laquelle la personne aurait déménagé.
Mais évidemment ça va vouloir dire qu'il va falloir qu'elle soit ici
assez longtemps pour pouvoir obtenir, donc, l'assurance ou… selon les normes
qui sont prévues à la Loi sur l'assurance maladie.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : En fait, ça
soulève une question, parce que dans la circonscription chez nous, puis chez
mes collègues, on a énormément de résidents ontariens qui ont des résidences
secondaires qui s'apparentent davantage à des
résidences permanentes, là. Et donc est-ce qu'on sait le temps qui est requis
pour quelqu'un qui choisit, du jour au lendemain,
de dire : Bien là, ma résidence principale, c'est la résidence que j'ai au
bord du lac Untel, là, le chalet ou le… Et, entre le moment où la
personne… parce que ce n'est pas un déménagement physique et nécessaire, mais
faire un changement pour décider du jour au
lendemain que… bon, l'état de santé s'est dégradé, l'Ontario n'offre pas ce
soin-là ou cet acte médical là, il
n'est pas pratiqué en Ontario, et donc on va décider de s'installer de façon
permanente au Québec. Pour ces
gens-là, ça n'implique pas nécessairement de gros déménagements, là, on
comprend, les chalets sont des maisons, c'est habitable quatre saisons.
Pour bien des gens, là, ils passent quand même pas mal de temps là.
Donc, ça
prend combien de temps, formuler une demande? Puis est-ce qu'il y a un
processus particulier pour que ces gens-là puissent obtenir ce soin-là
ou est-ce qu'on a envisagé ce type de situation qui pourra vraisemblablement survenir? Parce que je sais qu'il y a bien des
gens qui regardent nos travaux, qui regardent ce qui se passe ici et qui ont
manifesté un intérêt. Moi, je vous le dis, il y a des villégiateurs de ma
circonscription qui regardent ça et qui manifestaient
de l'intérêt. Donc, ce que soulevait mon collègue tout à l'heure, là, ce n'est
pas de la science-fiction, c'est une réalité chez nous, en Outaouais,
qui est très présente.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Avant d'entrer dans le coeur de la question, je veux juste dire que cet
intérêt-là qui est manifesté ailleurs
devrait, je pense — petit
commentaire — nous
faire réaliser à quel point on a quand même un privilège d'être rendus où on en est au Québec et de débattre de
cette question-là parce que je pense que ça concerne effectivement tous les
gens, et il y a beaucoup de gens qui sont
très heureux de voir qu'au Québec on est rendus là dans le débat et que ça va
devenir, si cette loi devient réalité, une
possibilité. Et je sais, pour le vivre et pour recevoir aussi beaucoup de
correspondance d'autres endroits au Canada, qu'il y a beaucoup
d'intérêt.
Donc, ceci
dit, pour ce qui est de la question plus pointue, c'est trois mois, la règle
qui est dans le règlement qui découle
de la Loi sur l'assurance maladie. La personne doit donc vivre au Québec depuis
trois mois. Comment ça s'apprécie? Bien, c'est toujours les questions de
résidence. Comment ça s'apprécie, là? Ça s'apprécie par l'intention de la personne. Il faut que ça soit la résidence
principale de la personne et bien sûr qu'elle réside au Québec, que ce soit
son intention. Là, évidemment, il y a toute
une question de preuves, et je pense que ce n'est pas ça, l'intérêt, à ce
stade-ci, là. Mais, dans des cas
complexes où il y a des contestations, où on pourrait voir s'il y a des
problèmes particuliers, où des gens
soulèvent une question particulière, ce qui va guider l'interprétation, c'est de savoir si c'est devenu, par exemple, dans le cas que vous soulevez, la résidence principale de la
personne ou si, dans le fond, elle fait ça uniquement dans ce but-là, si vraiment,
maintenant, elle réside au Québec. Et le délai, c'est vraiment trois mois.
Donc, il faut
que la personne soit déménagée, donc c'est un déménagement pour s'établir au Québec, et
qu'elle y soit depuis trois mois.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Oui. L'émission de la carte, c'est un délai. Ça
prend combien de temps? Donc, si quelqu'un dit : Bon, aujourd'hui, je formule
une demande à la Régie de l'assurance maladie afin de pouvoir être assuré, le
délai de traitement, on parle d'un délai de combien de temps?
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Je vais m'informer, car je n'ai pas la réponse,
et ma collègue va s'informer aussi. Mais juste dire que, par
exemple, la personne peut faire sa
demande à la RAMQ avant, elle n'a pas à attendre que ça fasse trois mois.
Elle peut dire : Moi, ça fait un mois,
c'est mon intention de, je fais ma demande, mais elle ne l'aura pas avant que
ça fasse trois mois.
Pour ce qui est du temps que ça peut prendre, je
vais vous revenir sur cette question-là, là, je ne le sais pas.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Je pense que ce serait un sujet important,
parce que, si on prend le cas de Sue Rodriguez, qui, elle, était… ils sont même allés jusqu'en Cour suprême pour avoir
l'autorisation d'avoir l'aide médicale à mourir. Puis
on comprend qu'au Québec l'aide médicale à mourir ne sera plus... pas l'aide
médicale à mourir, mais le suicide assisté
ne sera plus pertinent, parce qu'on va pouvoir offrir l'aide médicale à mourir.
C'est deux phénomènes différents, mais il
reste que c'est la même finalité. Mais j'imagine que quelqu'un comme Sue
Rodriguez, qui est en Colombie-Britannique, sachant qu'au Québec c'est disponible… On a même des gens qui vont en
Suisse pour avoir l'euthanasie. J'imagine qu'au Québec on va avoir ce phénomène-là qui ne sera pas majeur. Puis, pour
moi personnellement, ce n'est pas une contrainte au projet de loi, mais on va certainement avoir des gens d'autres
provinces qui vont venir ici, qui vont demander à résider un certain temps, qui va être probablement plus
que trois mois, pour pouvoir justement avoir l'aide médicale à mourir puis bénéficier de l'aide médicale à mourir. Puis,
ce qu'on peut voir, les autres provinces sont loin de vouloir adopter cette
mesure.
Ma question, c'est : Serait-il pertinent
dans nos indicateurs qu'on puisse savoir les personnes qui se seraient inscrites au Québec à la Régie d'assurance maladie
du Québec dans la dernière année, je n'irais pas plus loin que ça, et qui ont demandé l'aide médicale à mourir dans
l'année qui suive? Donc, ce seraient des adultes. Ça nous permettrait juste
de mesurer le phénomène. Puis ce n'est pas
pour m'objecter à ça, parce que je pense qu'un citoyen canadien... On est des
citoyens canadiens également. On peut aller
s'installer dans n'importe quelle province, je pense que c'est sans contrainte.
Mais ça serait intéressant de mesurer le phénomène. Je ne sais pas si la ministre
y a pensé. Je ne mettrais pas ça dans la
loi, mais ce serait un point important pour être capables de mesurer le
phénomène des gens qui, à l'intérieur d'une année qu'ils ont reçu leur
numéro d'assurance maladie du Québec, demandent l'aide médicale à mourir. Ça
fait que, si, un exemple, il y en a 50 par
année, on va savoir qu'il y a 50 personnes du reste du Canada qui viennent au
Québec probablement pour venir
chercher ce service. Ça fait que ça nous permettrait de mesurer l'ampleur, là,
de… je ne dirais pas «du problème», mais l'ampleur de la situation.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Je pense que ce n'est pas inintéressant comme questionnement. Mais, juste,
là, pour ne pas qu'on pense qu'il va y avoir des dizaines et des
dizaines de personnes… je pense qu'on est tous... on s'entend tous là-dessus, mais ce n'est pas le simple fait de
venir, par exemple, passer trois mois ici qui va faire en sorte que vous allez
être éligibles. Il va falloir que vous
déménagiez, donc que vous résidiez désormais ici, au Québec. Donc, ça se prouve
quand même de manière un petit peu plus
établie que de dire : Bon, on va déménager, on va aller rester, par
exemple, à l'hôtel en attendant que
notre période de trois mois... On n'est pas dans ces eaux-là, là. Donc, il
faudrait qu'il y ait une volonté
très, très forte. Je ne dis pas que c'est impossible, évidemment. On sait qu'il
y a des gens qui pourraient avoir une volonté
très, très forte à cet égard. Et puis, oui, ce n'est pas inintéressant. On
pourrait voir — avec les
mécanismes qu'on a de toute façon, on pourrait aller chercher
l'information, comme on l'a déjà vue — si on pourrait colliger la
donnée.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
• (14 h 40) •
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui. Ma collègue me disait que, justement, ce
serait peut-être un des indicateurs que la commission devrait avoir. Et,
juste pour vous dire, l'intention de ma question, c'est... Je pense aussi que
ça va être un phénomène très marginal, mais,
quand on mesure, ça va nous donner la situation réelle et ça va peut-être aussi
dire si c'est seulement que marginal. Par exemple, si on n'a aucune
personne ou trois ou quatre personnes par année, bien on va pouvoir dire que ce n'est pas un phénomène qui est significatif, donc, objectivement, ce
n'est pas significatif. Si jamais
il y en a 20, puis ils répondent au critère
du déménagement, puis ils ont tout fait, puis la loi canadienne leur permet,
puis au Québec on leur permet de
venir ici, pour moi, même s'il y en avait 30, pour moi, ce n'est pas un
problème non plus. On offre les
services aux gens qui demeurent sur notre territoire ou qui ont voulu
déménager, même si c'était pour recevoir ça. Mais ça nous permettrait au moins de mesurer l'ampleur — je ne veux même pas utiliser le mot
«problème» — du
phénomène, l'ampleur du phénomène.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Je reçois ça très bien. Puis j'ai la réponse pour la députée de Gatineau.
Donc, la personne reçoit sa carte deux semaines après la date de son
admissibilité. C'est rapide.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Très bonne efficacité du… M. le Président?
Est-ce que je peux parler, M. le Président? Oui?
Le Président (M. Bergman) :
Certainement, M. le député de Jean-Talon. J'ai une question après pour…
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Vous savez comment je suis discipliné, M. le
Président, hein, puis que c'est important pour moi de prendre la parole seulement quand vous me la donnez. Parce
que je trouve que c'est une belle efficacité de notre système de santé. Si ça prend deux semaines pour avoir la
carte d'assurance maladie, ça veut dire que les gens ont un accès rapide
aux services.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui, M. le
Président. Oui.
Le
Président (M. Bergman) : Si je peux demander une question à ce
moment, est-ce qu'il y a une condition de résidence, domicile ou… Le député de Jean-Talon parlait de domicile,
résidence, mais il n'y a pas de condition de résidence, domicile dans
l'article 26.
Mme
Hivon :
Non. Non, M. le Président, parce que c'est la même condition générale. Donc, la
condition, c'est qu'elle est assurée au sens de la Loi sur l'assurance
maladie.
Et donc la
question était posée, à savoir : Comment, dans le temps, cela se mesure
quand une nouvelle personne arrive ici? Et donc, en vertu du règlement
qui découle de la Loi sur l'assurance maladie, c'est prévu que c'est après trois mois. Donc, c'est la condition générale. Ce
serait la même chose. Qu'importe la condition de la personne, qu'importe
le type de soins qu'elle requerrait, ce serait toujours le même standard. Donc,
c'est trois mois qui sont prévus dans le règlement parce que c'est un
règlement d'application générale, donc, qui va s'appliquer ici aussi.
Le
Président (M. Bergman) : Mais, Mme la ministre, c'est vraiment
possible que quelqu'un peut venir au Québec établir domicile pour quelques mois, être assuré au sens de la Loi sur
l'assurance maladie, après quitter le Québec et habiter hors Québec, hors Canada mais retourner ici un an
plus tard, et il n'y a pas de domicile, pas de résidence, mais la personne
est assurée au sens de la Loi sur
l'assurance maladie. Alors, je me demande… Vous avez mentionné… et le député de
Jean-Talon a mentionné «domicile, résidence», vous avez dit la même chose, mais
on a vu dans le passé qu'il y a des personnes
qui viennent au Québec établir une résidence, peut-être pas un domicile au sens
du Code civil, et, après qu'ils ont
obtenu la carte d'assurance maladie, quittent le Québec et peuvent retourner ici
quelques années plus tard et demander l'aide médicale à mourir. Est-ce
que c'est possible?
Mme
Hivon :
Non, ce ne serait pas possible. C'est déjà la règle. Si quelqu'un vit à
l'extérieur du Québec plus de six
mois dans l'année, il ne sera plus assuré. Donc, on le voit, là, quelqu'un qui
part travailler à l'étranger, après 183 jours, je crois, il n'est
plus assuré. Donc, ça, ce ne serait pas possible. Mais c'est la règle générale.
Par exemple,
la procréation assistée. Si quelqu'un venait vivre ici, déménageait au Québec
parce que… dans ce but-là mais que pour lui c'est tellement important
qu'il déménage au Québec, change d'emploi, amène sa famille, conjoint, paie ses impôts ici, bien il serait
désormais… la personne serait désormais assurée au sens de la Loi sur
l'assurance maladie. Donc, on peut
faire un parallèle, là. Donc, ça prendrait une grande volonté. Dans des cas
exceptionnels, on peut penser que ça
pourrait se produire. Mais la personne ne peut pas venir chercher des services,
repartir, revenir. À chaque fois, c'est un nouveau phénomène, là.
Le
Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a une raison que vous
n'avez pas établi des conditions de domicile parmi les conditions?
Mme
Hivon :
Oui, M. le Président, parce que, comme je l'ai dit depuis l'étude du projet de
loi, nous ne prévoyons, dans le projet de loi, évidemment que ce qui est
spécifique à la question des soins de fin de vie. Et la question de la résidence, elle est prévue dans le règlement
découlant de la Loi de la Régie de l'assurance maladie. Donc, elle est générale
pour l'ensemble des soins, l'ensemble des
conditions pour qu'une personne puisse être assurée et avoir sa carte
d'assurance maladie.
Le Président (M. Bergman) :
Dans le premier alinéa, vous avez les mots «peut obtenir l'aide médicale à mourir»
et vous n'avez pas les mots «est éligible à obtenir l'aide médicale à mourir». Est-ce
que ça veut dire que, si une personne remplit toutes les conditions, le médecin
traitant n'a pas le choix mais d'administrer l'aide médicale à mourir? Car
vous avez les mots «peut obtenir»; est-ce que
ça peut-être défini en faveur du patient, au lieu d'avoir les mots «est éligible à l'aide médicale à mourir»? Est-ce qu'il y a une possibilité pour le médecin traitant, même si le patient
remplit toutes les six conditions,
que, dans l'opinion du médecin traitant, il refuse de rendre l'aide médicale à mourir pour une autre raison médicale? Mais vous
avez les mots «peut obtenir». C'est plus défini que les mots «est éligible».
Mme
Hivon : Oui. En fait, la raison pour laquelle c'est
libellé de cette manière-là, on va le voir plus tard, c'est que bien
sûr c'est une... cela requiert une
intervention du médecin. Et on va voir que le médecin qui est en relation peut,
oui, administrer l'aide médicale à mourir… à l'article 28, on va voir… s'il est d'avis que la
personne satisfait à toutes les conditions avec certains éléments. Donc,
ces articles-là doivent être lus ensemble.
Pour ce qui
est de la question, à savoir si le médecin va être obligé, comme on
en a déjà discuté et on va le voir plus loin, on consacre l'objection de conscience
du médecin. Donc, il n'y a aucun médecin qui va être obligé, comme c'est le
cas actuel quand un médecin a une objection de conscience par rapport à un
soin, de l'administrer lui-même, mais la personne a un droit de le demander si
elle répond à l'ensemble des conditions.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Je ne sais pas si mes collègues ont d'autres questions concernant la question
de l'assurance maladie.
Une voix : Oui...
Mme Vallée : Ah! O.K., parce
que je...
Le
Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, sur le
premier paragraphe sur la Loi sur l'assurance maladie.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : C'est juste que je veux juste être sûr
d'évacuer ça. Avant qu'on ait la commission, il y avait eu plusieurs
reportages sur l'accessibilité de l'euthanasie en Suisse. Et on sait que la
Suisse… je pense, on pouvait venir de
n'importe où dans le monde, on pouvait avoir accès à l'euthanasie en Suisse. Il
n'y avait pas cette condition qu'il
fallait être un citoyen suisse. Je comprends que, si on n'avait pas cette
condition-là, compte tenu qu'on est les seuls en Amérique du Nord, avec peut-être trois autres États américains, à
offrir un service de fin de vie où on provoque la mort, ça aurait pu causer un énorme problème ou même un
achalandage. Parce que, si les Américains décidaient de venir ici pour
recevoir le service, même s'ils paient de leur poche… c'est ça que la ministre,
elle dit qu'elle veut éviter par le tourisme médical de l'aide médicale à
mourir.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Oui, c'est
exactement ça, M. le Président. Juste préciser, c'est toujours intéressant, en
Suisse il n'y a pas de loi. En fait, il y a
une tolérance, il n'y a pas de loi. Donc, ce n'est pas encadré et c'est ce qui
fait en sorte qu'il y a des personnes d'ailleurs qui peuvent y aller.
C'est d'ailleurs fortement remis en question. Et, pour ce qui est des États-Unis, il y a quatre États, donc il y a le
Vermont, qui est le plus récent, il y a Washington, Oregon et Montana, à ce jour.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Pour terminer. Les Pays-Bas, la Belgique,
est-ce que quelqu'un, en Belgique, peut... un Canadien pourrait aller en
Belgique et avoir accès à l'euthanasie?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Non, M. le Président, sauf s'il déménage et il développe... Donc, il répond aux
critères, mais ils excluent, eux aussi, la possibilité d'avoir des
touristes pour des raisons médicales.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
M. le Président, je suis totalement satisfait de cet alinéa.
Le
Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires
sur le paragraphe un? Alors, le paragraphe 2° : «Elle est majeure
[et] apte à consentir aux soins...» Est-ce qu'il y a des commentaires? Mme la
députée de Gatineau.
• (14 h 50) •
Mme Vallée :
Donc, je comprends qu'ici on ferme la porte à une demande que certains groupes
ont formulée et qui... Par contre,
bon, il y avait des groupes qui recommandaient qu'on ouvre la porte à ce que
l'aide médicale à mourir soit
admissible pour les mineurs et pour les inaptes. Je comprends qu'ici on ferme
de façon définitive la porte, de façon très claire, non ambiguë, à ce
qu'une personne mineure puisse formuler cette demande-là ou à ce qu'un parent
puisse formuler cette demande-là pour un
enfant mineur et au même titre qu'on ferme la porte à ce que la demande d'aide
médicale à mourir soit formulée pour une personne qui est inapte à
consentir aux soins.
Tout
simplement revenir, pour les fins évidemment de la discussion, là… l'aptitude à
consentir aux soins. On a indiqué
qu'évidemment quelqu'un qui était sous un régime… Ce n'est pas toutes les personnes
qui sont sous un régime de protection
qui sont inaptes à consentir aux soins. Quelqu'un qui a un conseiller aux
biens, par exemple, un administrateur aux
biens n'est pas nécessairement inapte à consentir à l'aide médicale à mourir.
Est-ce qu'il y aura une attention particulière accordée à certains cas d'inaptitude, des gens qui ne sont pas… qui font
l'objet d'un mandat de protection, qui n'ont pas nécessairement été
déclarés complètement inaptes à l'administration de sa personne, qui sont, par
exemple… Parce qu'il y a des gens qui sont
sur une ligne fine, hein? L'aptitude, ce n'est pas noir, ce n'est pas blanc. Il
y a des gens qui ne sont pas en
mesure d'administrer leurs biens parce qu'ils vont dilapider tout ce qu'ils
ont, parce qu'ils ont des problèmes de
toxicomanie, des problèmes de dépendance qui nécessitent que quelqu'un soit là
pour les accompagner au quotidien dans
l'administration de leurs biens. Mais il y a des gens qui ont ce besoin-là,
qui, pour le reste de leur… des choix de vie, bon, sont en mesure de consentir. Mais il y a toujours cette fine ligne
entre la personne qui n'est pas tout à fait complètement inapte mais qui
n'a peut-être pas toutes ses capacités pour consentir.
Alors,
comment on va arriver, surtout dans le contexte de l'aide médicale à mourir, à
évaluer l'aptitude? Est-ce que
l'aptitude fera l'objet d'une évaluation au même titre, par exemple, que,
lorsqu'on demande la mise en place d'un régime de protection, il y a une
évaluation psychosociale qui est faite, il y a une évaluation du médecin, il y
a des formulaires à remplir avant, par
exemple, de se prononcer, de faire une demande de tutelle, de mise sous tutelle
ou de mise sous curatelle, il y a
toute une série d'évaluations qui sont faites de la personne? Est-ce qu'on va demander
à ce que ces évaluations-là soient faites également au niveau de
l'aptitude à consentir? Est-ce que l'aptitude à consentir sera reconnue simplement par le médecin à qui on
formule la demande ou est-ce qu'elle devra avoir été reconnue par l'équipe
de soins qui entoure la personne en fin de
vie? Comment on va évaluer ça? Pour certaines personnes, ça va de soi, là, les
gens sont aptes, puis c'est clair, il n'y a
pas… le médecin pourra facilement le voir, mais il y a des gens qui sont dans
cette catégorie très fine entre la capacité puis l'incapacité à prendre
des décisions pour elles-mêmes et…
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Alors, M. le Président, il y a comme deux types d'évaluation de l'aptitude.
Vous avez la personne qui pourrait être généralement apte mais là être
dans une situation où elle n'est pas apte momentanément ou vous pourriez avoir le défi d'une personne qui a problème,
par exemple, de santé mentale ou de déficience qui fait en sorte que vous n'êtes pas certain de son aptitude de manière
générale. Or, la députée l'a très bien exprimé, il y a beaucoup de gens…
les gens qui, je dirais, ont un défi ou une
déficience intellectuelle depuis la naissance, la plupart de ces personnes-là,
la question va s'être posée, à savoir si ces personnes devraient être
sous tutelle, sous curatelle aux biens, à la personne.
Donc, ça va
être exactement la même logique qui va s'appliquer en fin de vie. Si c'est une
personne qui, tout au long de sa vie,
n'a pas pu consentir parce qu'on jugeait qu'elle était inapte à consentir aux
soins, évidemment la question ne se
posera pas, ça va être clairement établi par un régime de protection. Si par
ailleurs la personne, elle est apte… elle est généralement jugée apte à consentir aux soins, qui est dans le même
état général où elle est habituellement, bien qu'en souffrance et avec
une maladie grave et incurable mais qui ne remet pas en cause son aptitude
générale, donc elle va pouvoir demander et être jugée apte.
C'est
vraiment le jugement du médecin. C'est quelque
chose qui est fondamental parce que
l'aptitude à consentir aux soins,
c'est quelque chose qui s'évalue
constamment, à chaque jour, dans nos hôpitaux pour des décisions excessivement
importantes. L'aide médicale à mourir, c'est
une décision très, très importante, mais il y a beaucoup d'autres décisions
qui sont très importantes, qui se prennent,
d'avoir certaines chirurgies qui peuvent avoir des risques importants pour la
santé et pour la vie, celle d'arrêter
des soins, d'arrêter une dialyse, de retirer un respirateur, d'avoir une
opération de stérilisation. Il y a des décisions très, très importantes
et lourdes de conséquences qui se prennent au quotidien, et c'est vraiment le médecin qui évalue à chaque fois et c'est quelque
chose d'important et sur lequel l'emphase a été mise quand on a adopté le Code civil… le nouveau Code civil au début des
années 90. Donc, c'est la responsabilité du médecin. Donc, c'est vraiment
de s'assurer que la personne comprend la
nature et le but du soin, qu'elle est capable d'évaluer les conséquences — c'est ce qui est ressorti, là, de la jurisprudence — qu'elle est en mesure d'exprimer sa décision
et que sa capacité de comprendre, donc, est bien présente.
Donc, c'est le rôle du médecin. Est-ce que le
médecin peut se tourner vers l'équipe? C'est certain qu'il peut consulter des
gens de l'équipe aussi pour faire cette évaluation-là, mais c'est une
évaluation qui revient au médecin.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Je trouve
cette discussion entre vous deux extrêmement intéressante.
D'une part, je me souviens qu'on a eu ici le
mouvement les personnes d'abord et que, dans le mouvement les personnes d'abord, parfois il y a des personnes
qui ont de légères déficiences intellectuelles. On dit qu'on se fie au jugement
du médecin, alors que le projet de loi… le
coeur du projet de loi, c'est l'autonomie de la personne, la personne qui est
vraiment au centre et qui doit faire le choix. C'est le choix de la personne,
et on dit : On va se référer au jugement du médecin. Alors, on voit que la
frontière entre le jugement, c'est-à-dire qu'est-ce qui est… Est-ce que le
médecin va pouvoir dire qu'une personne
ayant une légère déficience intellectuelle qui dit : Bien, moi, je veux
faire des choix pour moi-même… et que
lui décide que c'est à lui de faire le choix, soit le médecin, donc cette
personne n'est plus au coeur de sa
propre autonomie? Alors, c'est pour ça que je considère que la question est
vraiment fondamentale, là. C'est où, l'aptitude
et l'inaptitude et par rapport à… Je ne sais pas si vous saisissez ce que je
suis en train de dire, là, mais je me souviens très bien, en commission
parlementaire, quand il y a eu des témoignages de personnes disant : Nous,
du mouvement les personnes d'abord, on veut
prendre les décisions par nous-mêmes, nous sommes capables de le faire et,
si nous voulons faire le choix de l'aide
médicale à mourir, on veut pouvoir le faire. Et ça, c'était vraiment une
demande qui était très, très, très importante.
Donc, c'est
quoi, la frontière? Est-ce que ce sera toujours le jugement du médecin ou ce
sera aussi le jugement de la personne qui en fera la demande? Où
s'arrête la liberté de l'un, et où commence la liberté de l'autre?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
• (15 heures) •
Mme
Hivon :
Je me souviens très bien aussi du témoignage du mouvement des personnes
d'abord, les personnes aussi de
l'association de défense des droits des personnes atteintes d'un problème de
santé mentale. Donc, c'est le même défi.
Et les personnes du mouvement les personnes d'abord qui sont venues nous voir
étaient, de ce que j'ai compris, des personnes
qui avaient l'aptitude à consentir parce que ce n'étaient pas des personnes qui
étaient sous tutelle ou curatelle pour ce qui est des soins.
Donc, en partant, pour ces personnes, je dirais
que la base d'analyse, c'est vraiment de savoir ce qui a été la ligne, la trame pendant toute leur vie, si ces
personnes-là ont pu consentir toute leur vie à des soins, à une intervention,
à être maîtres de l'administration de leur
santé. Bien évidemment, ça va de soi. Puis moi aussi, je suis une très, très
grande tenante de l'autonomie, de la défense de l'autonomie des
personnes, des personnes qui peuvent avoir une déficience intellectuelle, ça va
de soi, mais on est… C'est intéressant, effectivement, mais, dans ces
situations-là, s'il y avait un changement, par exemple, de situation pour ce qui est des personnes qui ont une déficience
intellectuelle, normalement ça va
être la même logique qui s'est appliquée toute leur vie, à moins qu'elles
soient devenues, de par leur maladie, dans un état où elles ne sont plus
capables de s'exprimer, là, auquel cas ça serait autre chose, là. Mais, pour ce
qui est des personnes qui, toute leur vie, ont vécu avec une déficience, évidemment,
normalement, c'est la même logique qui va s'appliquer que celle qui s'est
appliquée tout au long de leur vie.
Puis évidemment il y a
eu de la jurisprudence sur toute cette question de l'aptitude. Et les médecins sont en général assez, je dirais, habilités avec la personne. Il peut y avoir évidemment
une discussion avec les proches aussi, là, parce qu'on est capables de voir… la personne, elle est dans
le même état qu'elle a toujours été, et elle n'est
pas sous tutelle, et elle est apte à
consentir aux soins. Et l'aptitude à consentir se présume, hein, c'est vraiment
la base. Donc, dans le Code civil, c'est
prévu que vous êtes présumé apte à consentir. Donc, il faut qu'il y ait quelque chose qui fasse en sorte qu'on estime que vous
êtes inapte, mais la règle de base, c'est que vous êtes présumé apte à
consentir.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Je voulais apporter cette… Je voulais qu'on ait
cet échange parce que je trouvais que des fois, dans tout ce projet
de loi, qu'est-ce qui fait que des
gens ont parfois des difficultés, c'est à cause de toutes ces petites
subtilités là, et le fait d'en parler, bien ça permet peut-être de mieux
comprendre.
Dans
un autre ordre d'idées, dans le deuxième alinéa, là, j'ai le bon terme, «elle
est majeure [et] apte à consentir aux
soins». Alors, aujourd'hui, on est en train de s'engager pour «majeure [et]
apte à consentir aux soins» et, M. le
Président, on voit qu'en Belgique, 10 ans plus tard, on
est en train de remettre un peu en question cette particularité pour l'étendre aux mineurs. Et voilà une autre difficulté pour
certaines personnes par rapport au projet
de loi. Est-ce qu'on est en train
de dire que notre société pourra évoluer et
que, dans 10 ans, nous serons en train de discuter — pas
nous, certainement pas nous,
mais d'autres — est-ce
qu'une personne mineure pourra obtenir l'aide médicale à mourir?
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Bien,
écoutez, moi, je trouve ça… Je vais vous dire, c'est un débat qui est
très intéressant, mais il faut débattre de ce qui est devant
nous, et ce qui est devant nous, c'est ce qui est écrit à l'article 26.
Et
donc, quand les gens se demandent : Mais qu'est-ce que ça pourrait être dans
cinq ans, dans 10 ans, dans 20 ans, dans 50 ans?, moi, je dis : Écoutez, les
débats, ils se font à l'Assemblée nationale à la lumière des enjeux, des
priorités, de ce qui semble important
d'être discuté. Ici, on a le point d'équilibre qui nous semble le bon pour la
société québécoise. Maintenant, après
les travaux qui ont été faits, c'est la proposition, et la proposition, elle
est pour les personnes majeures. Donc,
elle n'est pas pour les personnes mineures, c'est très clair. Ce n'était pas
dans le rapport, ce n'est pas dans le projet de loi. On exclut les
personnes mineures. Et moi, je pense qu'on est à la bonne place en prévoyant
que c'est pour les personnes majeures. Mais
moi, je ne suis pas celle qui va venir dire que la loi est quelque chose de figé
et je ne viendrai pas juger de ce
qu'une autre juridiction peut décider ou… Moi, je suis ici, comme l'ensemble
des collègues qui sont ici, pour
faire de la législation à un moment donné, dans une époque donnée, avec un
point d'équilibre qui semble être le bon, celui qu'on a trouvé.
Mais je trouve que
c'est un argument… moi, je dois vous dire, c'est un argument qui me… De
dire : Mais peut-être que, si on fait
une loi, éventuellement on va changer la loi… Bien, je veux dire, ça ne peut
pas être un frein à l'adoption d'une
loi, il me semble, ce type d'argument là. Parce que, si on dit : On met
une loi pour restreindre, je ne sais pas,
la vitesse de 100 à 90 puis qu'il y a des gens qui viennent dire : On ne
réduira pas de 100 à 90 parce que peut-être que plus tard on va réduire à 60… Puis là ça n'aurait pas de bon sens de
réduire à 60. C'est un exemple boiteux, mais ce que je veux dire : Il faut débattre de la loi qu'on a devant nous.
Je peux comprendre qu'il y a des gens qui ont des préoccupations par rapport à d'autres éléments,
mais ces éléments-là… la personne mineure, elle n'est pas dans la loi. Et
ici l'idée n'est pas de dire : On va adopter une loi pour un an, ou
pour 100 ans, ou pour 30 ans. On adopte une loi qui nous semble la bonne loi à ce moment-ci, on fait le débat avec le plus grand sérieux possible, mais on n'est
pas là pour venir présumer, d'un sens
ou dans l'autre, de ce que l'avenir réserve à nos lois. On ne peut pas. On ne
peut pas faire ça, je pense, avoir une boule de cristal, comme parlementaires.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais :
Loin de moi de vouloir mettre des bâtons dans les roues, là. Ce n'était pas du
tout l'idée et ce n'était pas l'idée
non plus d'argumenter par rapport à qu'est-ce qui va se passer, par exemple,
dans 10 ans, mais on a l'exemple de
ce qui se passe en Belgique, et je crois que c'est important aujourd'hui de
rassurer les gens et de dire qu'au deuxième alinéa c'est pour les personnes qui sont majeures et
aptes à consentir aux soins. Parce qu'on lit les journaux comme tout le monde,
et on sait qu'est-ce qui se passe ailleurs.
C'est juste de l'autre côté de la mer, hein, et ça s'est passé, ça se passe
dans le temps.
Alors,
je crois que c'est la raison pour laquelle il faut qu'on ait des balises et des
termes très précis. Et loin de moi, M.
le Président, de vouloir mettre des bâtons dans les roues, au contraire. Au
contraire, je trouve que c'est majeur de... majeur, c'est le cas de le dire, de dire que c'est pour les personnes
majeures et aptes à consentir aux soins et qu'on ait ce cadre-là très,
très, très précis.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Puis moi, je veux simplement dire que je pense que
c'est très sain qu'on puisse débattre de tout ça, discuter de tout ça, comme la députée de
Saint-Henri—Sainte-Anne le
fait, sans tabou, dans le fond. Parce que c'est sûr qu'on a les exemples de l'autre côté de l'océan,
puis je suis toujours mal à l'aise quand on nous demande en quelque sorte
de juger des expériences des autres puis de... est-ce que c'est une bonne idée,
hein…
Une voix : …
Mme
Hivon :
…c'est ça, des autres juridictions, est-ce que c'est une bonne idée qu'ils
ouvrent... qu'ils en soient là, bon, tout ça.
Chaque,
je vous dirais, chaque société a son évolution, fait ses débats de sa manière,
avec son expérience, et tout ça. Donc,
ici on est rendus là. Bien, en tout cas, j'estime qu'on en est rendus là, on
fait ce débat-là. D'autres endroits font leur débat. On a eu la chance, bon, d'aller sur place, de voir certaines
réalités. Mais moi, je pense que c'est très sain qu'on puisse en
débattre. Et, la souffrance des enfants, c'est sûr qu'on a été très, très peu
éclairés là-dessus, et puis je pense qu'on y
va dans une étape qui est pour les personnes majeures, ce qui est sain, qui est
un bon point d'équilibre. Mais de débattre de ce sujet-là, en soi, ça ne
fera pas qu'il va y avoir des dérives du seul fait que c'est un sujet dont on
débat.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bien,
ce que j'ai compris en tout cas de mes dernières années, c'est que de toute façon c'est les législateurs du
moment qui proposent des lois, puis, comme législateurs, on ne peut pas présupposer qu'est-ce qui va arriver plus tard. Et
l'autre exemple qu'on peut voir, c'est peut-être qu'il y a quelque chose
qui va se passer et que la commission va
peut-être nous faire une recommandation à un moment donné pour fermer une
porte à quelque part. Donc, c'est par la
législation qu'on peut le faire. Moi, je suis d'accord avec la ministre puis
avec ma collègue, là, c'est...
Mme
Blais :
Ça a été demandé en commission.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui, c'est ça, c'est aujourd'hui qu'il faut
prendre des décisions pour nos valeurs d'aujourd'hui
et puis également pour savoir où on en est rendus, et plus tard… on verra ça
plus tard. D'ailleurs, les gens qui
viennent d'un côté ou de l'autre, là, que… je vous dirais, ceux qui sont aux
extrémités, il y en a qui veulent qu'on ferme toutes portes puis il y en
a qui veulent qu'on ouvre toutes les portes. Le rôle du législateur, c'est
d'offrir l'équilibre et d'offrir un
équilibre pas nécessairement central, mais savoir où on en est rendus
aujourd'hui pour notre société québécoise.
Par
rapport aux majeurs, les mineurs qui sont émancipés, est-ce qu'à ce moment-là
ils sont considérés comme mineurs ou comme majeurs?
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Ils sont jugés comme des mineurs. On ne l'a pas prévu.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. La
question, en tout cas, du majeur, moi, je pense... J'ai pas mal fini mes
questions.
Par
rapport au consentement aux soins, du «apte à consentir aux soins», la question
de l'aptitude, l'aptitude doit être
au moment où l'aide médicale va se produire. Si quelqu'un a fait une directive
médicale auparavant, disant que, quand il va arriver à la fin de sa vie, si cela survenait, il voudrait avoir
l'aide médicale à mourir, s'il n'est pas apte à consentir au moment de
poser l'acte, à ma connaissance, il n'y aura pas droit.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
• (15 h 10) •
Mme
Hivon : Effectivement, M. le Président, c'est ce qui est
prévu. Moi, je dois dire que j'estime que ça, c'est une énorme question. Et je pense que beaucoup de
personnes sont venues nous voir en souhaitant que ce puisse être une possibilité.
J'ai beaucoup de
sympathie parce que je peux tout à fait imaginer que ça peut être pour
certaines personnes quelque chose qui semble logique, qui semble le prolongement de
l'autonomie de la personne, mais, dans ce souci d'équilibre, je pense qu'à ce stade-ci, et compte tenu de
l'importance, selon moi, et selon le gouvernement et, je pense, selon beaucoup de députés, de pouvoir avancer
avec ce qui est prévu dans le projet de loi, ça m'apparaît important de venir
garder, je dirais, le critère qui était
prévu à l'origine. Bien que je sais que plusieurs personnes auraient souhaité
qu'on puisse aller plus loin, personnellement, je dois vous dire que je
trouve que les arguments sont, pour plusieurs, très bien fondés, à savoir ce
prolongement de l'autonomie, en vertu de quelle raison on refuserait ce droit,
mais je pense aussi que c'est une avancée
majeure qu'on est en train de faire pour les personnes en fin de vie. Et ce
pourra certainement être une question prioritaire,
qui va être soumise à la Commission sur les soins de fin de vie, de regarder
cette possibilité-là pour le meilleur encadrement possible, parce qu'il
y aurait différentes possibilités pour venir encadrer ça d'une manière encore
plus serrée si ça devait se faire de manière
anticipée, mais à ce stade-ci je pense qu'on a atteint un point d'équilibre
important.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui, puis la commission des
droits de la personne du Québec était venue nous dire que, par rapport à ne pas l'offrir aux mineurs et
également ne pas l'offrir aux inaptes, pour eux, c'était discriminatoire.
Est-ce que la ministre peut nous laisser savoir sa réflexion par rapport à
leurs commentaires?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Écoutez, ce type de débats là, on l'entend pour plusieurs sujets, donc, c'est
des débats qui peuvent tout à fait,
bien sûr, se faire devant les tribunaux. Nous, on estime que d'avoir des
limites… C'est possible dans une société libre et démocratique qu'il y ait des limites qui soient jugées
raisonnables. Donc, comme on l'a dans différents domaines, donc, on estime que nos limites sont raisonnables
et qu'elles se justifient compte tenu de ce qui est prévu dans les chartes,
et on est confiants à cet égard-là. Donc, je sais que la Commission des droits
a une autre opinion et…
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. La
ministre est très consciente qu'elle a des bonnes possibilités de se
retrouver un jour avec un jugement de la Cour suprême, là, qui devrait statuer
à ce niveau-là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Ah, M. le Président, vous savez, il y a beaucoup
d'intérêt pour notre loi, donc tout est possible. En même temps, je le répète, on est très confiants
à tous égards, autant à l'égard du partage des compétences qu'à l'égard
des droits et libertés de nos assises juridiques. Donc, on est très, très
confiants pour la suite des choses, mais, pour n'importe quelle loi, on ne peut jamais se prémunir contre la volonté ou
le désir d'une personne de vouloir intenter un recours. Donc, on verra ce que l'avenir nous réserve. Mais moi, j'ai
confiance que cette loi-là est très bien fondée en droit, très bien fondée aussi dans son contenu et dans
ses principes et qu'elle va faire, comme elle le fait déjà, l'objet d'un très
large consensus.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Un instant, M. le Président.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Une question qui va toucher l'aptitude à consentir
mais aussi la question de fin de vie. C'est qu'une personne peut
formuler cette demande-là à un médecin qui ne serait pas son médecin traitant,
donc un médecin d'un établissement ou de
l'endroit où la personne serait appelée à recevoir des soins, donc qui n'est
pas nécessairement son médecin...
bien, médecin de famille ou médecin traitant, peu importe… Est-ce qu'il serait
opportun… parce que, bon, le dossier
médical, bien, il y aura... il y a le dossier qui est constitué à
l'établissement, mais est-ce qu'il serait opportun que l'aptitude à consentir et que la fin de vie aient
été préalablement constatées par le médecin traitant de la personne — je ne sais pas, peut-être que mon collègue
pourra m'éclairer — mais
que cet état-là ne soit pas nécessairement laissé à la discrétion du médecin à qui on formule la demande d'aide médicale à mourir mais que ça soit une espèce d'état de fait,
qu'on l'ait consigné à l'intérieur du dossier médical?
Je ne sais pas si c'est compliqué de le faire comme ça. C'est tout simplement pour m'assurer que l'évaluation de l'aptitude à consentir puis l'évaluation
de la notion de fin de vie, bien ça ait fait l'objet, là, de... je ne sais pas,
d'une constatation, d'un état de fait par le
médecin qui est le médecin traitant. Puis là je sais que la question
de fin de vie, là, c'est le paragraphe suivant, mais, vu
qu'il s'agit à peu près de la même évaluation, là, ou d'une évaluation
faite par quelqu'un qui connaît bien le patient ou qui est plus près
de lui ou d'elle, je ne sais pas dans quelle mesure une évaluation
comme ça est possible et pertinente.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Si je peux
me fier à mon expérience personnelle puis aux témoignages qu'on a entendus,
quand il y a des cas, je dirais, plus difficiles ou quand un
médecin se pose des questions, je dirais, plus délicates sur l'aptitude de
quelqu'un puis qu'il ne serait pas son médecin traitant, en fait, dans beaucoup, beaucoup de cas, il va appeler le médecin de famille aussi. Si lui, il arrive, par exemple, aux soins
palliatifs puis il connaît la personne depuis une semaine mais qu'il sait que la personne lui dit... la famille lui dit
que cette personne-là a un médecin traitant… Souvent, ces médecins-là vont
être en relation en fait quand on arrive en fin de vie.
Un médecin, je ne sais pas, en pratique privée… puis là la personne est dans une unité de soins palliatifs, en établissement, souvent il
va y avoir un lien s'il y a des questions particulières qui se posent par rapport à ça, comme ça va être le
cas dans d'autres situations où une personne va arriver à l'urgence, où on va vouloir savoir quelque chose de particulier. Si
par la suite la personne demeure hospitalisée puis il y a des questions qui
se posent, les médecins, de ce que je
comprends… mais les médecins de la commission pourraient nous... se parlent
aussi, s'il y a ces besoins-là. Mais,
de le prévoir systématiquement, moi, je pense qu'il y aurait un risque parce
que, bon, évidemment ce n'est pas
tout le monde qui a un médecin de famille. Deuxièmement, ça peut complexifier
les choses, si vous n'êtes plus dans
la région où est votre médecin de famille, de faire déplacer le médecin. Je
pense que ce serait de nature à venir, je dirais, nuire à
l'accessibilité à ce soin-là.
Mais,
ceci dit, quand il y a des défis qui se posent, moi, je pense que cette
consultation-là, cet échange-là entre médecins se fait certainement.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Cet échange-là se fait certainement, mais est-ce que
c'est complexe de le prévoir ou de... Je ne sais pas si l'encadrement, le code
de déontologie de nos médecins prévoient ce type de réflexion.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Peut-être juste une petite chose. C'est sûr que
l'aptitude à consentir, ce n'est pas figé dans le temps. Donc, il faut que le médecin, au moment où la
demande d'aide médicale à mourir se fait, l'évalue. Donc, il pourrait y avoir
un intérêt à consulter le médecin de
famille, mais la personne peut être dans un état bien différent que la dernière
fois qu'elle a vu son médecin, il y a six mois ou il y a
un an. Donc, moi, je serais très prudente à cet égard-là.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Juste pour donner des
explications. Habituellement, lorsqu'on a de... il y a trois scénarios :
c'est certain qu'elle est apte à consentir,
donc ça devient un scénario facile; c'est certain qu'elle est inapte à
consentir, on parlerait d'une
maladie... d'une personne alzheimer très avancée; et celle avec laquelle on a
un doute. Dans ce cas-là, le médecin
traitant ou le médecin qui va prendre charge de la personne va peut-être
demander l'avis à une personne qui est habituée
d'en faire, des évaluations, ou va demander, là, un avis, comme à un psychiatre
ou ça pourrait être un gériatre. Et,
dans notre réseau de la santé, c'est habituel, ça, surtout dans ces cas-là où
il y a des chances de réévaluation de dossier ou, à la limite, il pourrait même y avoir des chances de contestation de
dossier. Parce que, l'aide médicale à mourir, il faut s'entendre que
peut-être que la personne, elle veut ça, mais, dans l'entourage, il y en a qui
vont être favorables, mais il y en a qui peuvent être très défavorables.
Donc,
le médecin, d'après moi, va utiliser d'une grande prudence. De vouloir être
trop... pas trop de… mais de couvrir
toutes les situations possibles, ça
pourrait devenir difficile. Mais généralement ils sont… Les médecins sont régis par leur
code de déontologie. Et je suis certain que la commission également, et le Collège
des médecins, va donner des indications par rapport à ça, et ça m'étonnerait
qu'un médecin prenne un risque de faire l'aide médicale à mourir à quelqu'un
qui serait inapte ou sans évaluation valable.
• (15 h 20) •
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Ça va, M. le Président.
Le
Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires dans la
section II? La section III. Mme
la députée de Gatineau.
Une voix :
Oui.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Seulement que pour dire — ma collègue me l'a fait remarquer : On a fait la
discussion la semaine dernière si on devait séparer «majeure» et «apte à
consentir». Je me suis rallié à l'opinion de nos juristes, entre autres nos collègues députées
avocates, et puis je pense que c'est une bonne décision.
Le Président (M.
Bergman) : Alors, Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Oui. Sur la question
«elle est en fin de vie», dans le document de discussion que nous avions déposé vendredi,
nous avions ajouté «tel que consigné à son dossier médical par son médecin
traitant».
Alors
donc, je sais qu'il y aura l'évaluation de la fin
de vie qui sera faite. Suivant les commentaires que la ministre a formulés avant le dépôt de l'amendement, je comprends que l'article 28 s'appliquera aux critères de fin de vie.
Puis on parlait de l'article 30, je crois…
Une voix :
…
Mme Vallée :
…31, donc, l'inscription, là, des renseignements nécessaires.
Mais,
tout simplement, si le médecin traitant n'est pas le médecin qui reçoit
la demande, est-ce qu'il ne serait pas opportun d'avoir l'avis du médecin traitant à l'effet qu'effectivement, compte tenu de l'évolution de la maladie de son patient, compte
tenu des pronostics et compte tenu de tout ça, il considère que le patient, que monsieur X ou
madame Y est effectivement en fin de vie ou a entamé cette période
qu'est la fin de vie?
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Je
comprends le sens de la question de ma collègue, M. le
Président, mais je pense que ce
serait d'une très grande complexité. Parce que
vous pouvez avoir la personne qui a un médecin de famille… Je ne sais pas si
c'est à ça qu'on réfère. Parce que vous avez le médecin de famille…
Mme Vallée : …le médecin qui
aura suivi…
Mme
Hivon :
Oui.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre? Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Je comprends que le médecin de famille, ce n'est pas nécessairement le médecin traitant, là. Là, on a la maladie. Je pense que c'est plutôt le
médecin qui aura suivi le patient dans le cadre de la maladie grave et
incurable prévue à la quatrième
condition parce que c'est cette maladie-là qui ultimement va rendre
notre personne dans le stade… va
mener la personne vers le stade de la fin
de vie. Le médecin qui aura suivi
n'est pas nécessairement le médecin
de famille parce que ça pourrait être un médecin spécialiste. Je
comprends, là, que le médecin de
famille n'est pas nécessairement le médecin traitant.
Mais la
raison pour laquelle on l'avait inclus dans le document de travail déposé
vendredi, c'est qu'on voulait tout
simplement s'assurer que le médecin
qui a suivi l'évolution de la maladie du patient reconnaît finalement, de façon très objective, que le patient a entamé cette
dernière étape de sa vie. Et donc le médecin a évalué, donc il a vraiment
un caractère plus objectif quant au
stade de la maladie où on en est rendu. Je comprends par contre
que le médecin à qui on formule cette demande-là, lui, a la responsabilité
aussi de s'assurer que le patient qui fait cette demande est effectivement en
fin de vie. Et donc, oui, il a son jugement médical, mais est-ce qu'il ne peut
pas… ou est-il possible pour lui de pouvoir se retourner vers le médecin traitant et voir, bon : Cher collègue,
votre patient a formulé une demande d'aide médicale à mourir, et
est-ce que vous étiez rendu à ce stade-là dans l'évaluation
de la maladie? Est-ce que monsieur X en est bien rendu dans sa
phase de fin de vie? Ça donnait un élément.
La raison
pour laquelle on l'avait inclus vendredi dernier, c'était qu'on se
disait : Bien, comme ce n'est pas évident de définir de façon claire, nette et précise la fin de vie… Parce qu'on
avait eu la discussion «est-ce que c'est important de l'inclure dans les définitions?» Nous avions
déposé un amendement pour… un sous-amendement, en fait, pour prévoir une définition de «fin de vie». Il y a deux
choses : soit qu'on la définit ou on permet au médecin traitant de la
constater médicalement, parce que
c'est vraiment… la fin de vie, ça va vraiment être un état médical. C'est
vraiment : il y a des particularités
qui sont associées avec cette étape-là de la vie. Et donc il peut-être
important que le médecin traitant, plus qu'un médecin de famille, en fait… Parce qu'au même titre que les commentaires
que la ministre a formulés concernant l'aptitude
à consentir aux soins le médecin de famille peut ne pas avoir nécessairement
suivi son patient suite au diagnostic de
la maladie. Il peut ne pas l'avoir… Il peut l'avoir revu, mais il peut ne pas
l'avoir revu. Et donc ce n'est pas le médecin de famille qui aura
nécessairement le meilleur polaroïd de la situation.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. C'est très intéressant, toutes ces questions. Le défi, en fait il serait
le même que pour évaluer l'aptitude à
consentir, dans le sens que la responsabilité, puis la députée l'a bien dit,
elle incombe vraiment au médecin qui va recevoir la demande d'aide
médicale à mourir et qui va, bon, juger si toutes les conditions sont remplies.
On peut être
dans différents scénarios. Donc, on peut être avec une personne qui est en
unité de soins palliatifs, puis on
pense à un cas d'une personne qui aurait un cancer vraiment dans les derniers
stades, et donc elle souffre de manière intolérable, et c'est vraiment une agonie, et elle ferait sa demande à
la personne, par exemple, qui la suit en soins palliatifs, alors que son oncologue est moins dans le décor,
par exemple… C'est peut-être ça qu'a la députée en tête… par exemple, son oncologue, ou ça aurait pu être son médecin de
famille qui a continué à la suivre à travers, donc, sa maladie. Mais la
responsabilité, elle est vraiment à la personne, le médecin qui est là au
moment où la demande est formulée et qui évalue l'ensemble des critères. Vous
pouvez être dans une autre situation où la personne n'est pas dans une unité de soins palliatifs, elle a une maladie
dégénérative, elle est à un stade très avancé, déclin irréversible, bon, tout
ça, elle souffre de manière constante
puis elle va peut-être faire plus la demande à son médecin traitant. Donc, les
cas peuvent être très variés. Moi, je
pense qu'il faut s'en tenir au médecin qui a la responsabilité d'évaluer l'ensemble
des conditions.
Mais, à
l'article 28, c'est prévu que, pour s'assurer que les critères sont
remplis, le médecin doit s'entretenir de la demande avec les membres de l'équipe de soins en contact régulier avec
elle, le cas échéant. Selon moi, cela comprend s'il y a des membres qui
sont là et qui peuvent éclairer le médecin qui doit porter son jugement sur
l'ensemble de ces conditions-là, sur toutes les conditions. Cette condition-là
le permet et va faire en sorte qu'au besoin il va y avoir une consultation auprès du médecin traitant. Moi, je
pense que, de manière générale, ça va être assez clair que la personne, elle est en fin de vie, là. Ça ne sera pas quelque
chose de nébuleux. Et, dans les cas où on aurait besoin de discuter, bien on
a ce qu'il faut à l'article 28.1°d. Je le soumettrais, M. le Président.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
• (15 h 30) •
Mme Vallée :
À ce moment-là, peut-être qu'il pourra y avoir lieu de le préciser à 28, que de
prévoir, là, dans… Peut-être que, vu
l'obligation de s'entretenir avec les membres de l'équipe de soins en contact régulier avec elle, avec la
personne, c'est peut-être
à cette étape-là qu'il faudrait le préciser. Alors, je me mets une petite note
pour l'étude de l'article 28.
Quoiqu'avant de se rendre à 28 le médecin devra
avoir... Il faut d'abord passer par 26 pour se rendre à 28.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : En fait, M.
le Président, 26 et 28, ils doivent être lus ensemble, là, parce que 26, ça
établit les conditions, toutes les conditions que la personne doit remplir,
mais 28, ça dit que...
Mme
Vallée : C'est les obligations.
Mme
Hivon : Oui, c'est
les obligations du médecin. Donc, c'est vraiment...
c'est main dans la main, là. C'est deux dispositions, je dirais,
inséparables, là, parce qu'avant d'administrer l'aide médicale à mourir le
médecin doit... Donc, 26, c'est ce qui est relié à la personne, puis 28, ça
vient dire ce que le médecin doit faire. Il doit notamment s'assurer que la
personne répond à tous les critères, donc toutes les conditions de 26. Alors,
c'est ce qui nous fait dire comment... un, il doit s'assurer que ça répond et
comment il va le faire, parce qu'on dit : Notamment, en tenant des entretiens, en consultant, bon, tout ça. Alors, ça
vient qualifier comment il va venir s'assurer de ça. Donc, on ne peut pas
passer... C'est-à-dire que la personne n'aura pas l'aide médicale à mourir si
28 n'est pas rempli. Ça va ensemble.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Mais, avant même d'évaluer, avant même de mettre en
application les obligations du médecin, la personne doit préalablement... La première porte, là, c'est vraiment de
dire : Je ne peux pas, puis ça va également permettre, je vous dirais, une première qualification.
C'est-à-dire que quelqu'un qui ne correspond pas à ces critères-là n'a même
pas besoin de... On n'a pas à aller plus loin ou à évaluer plus loin.
C'est-à-dire, il y a une des conditions qui n'est pas présente, désolé, on ne va pas enclencher tout le processus d'évaluation
puis d'échange avec l'équipe de soins, puisque les critères ne sont pas présents. Donc, on n'ira pas enclencher tout ce
processus-là, là, d'évaluation, puis de vérification, et de contre-vérification,
parce que la... Alors, la notion de fin de vie...
Mme
Hivon :
Je peux faire un commentaire, M. le Président?
Mme Vallée :
Oui. Oui, oui.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : C'est certain qu'il y a la théorie puis il y a la
pratique. Là, on la regarde comme dans un beau cadre théorique, puis là il va y avoir la pratique. Si
un patient demande à son médecin l'aide médicale à mourir mais qu'à la face même, je ne sais pas… la personne a 17 ans,
bon, ça règle les choses. Si la personne le demande, qu'elle est handicapée,
elle n'a pas de maladie grave et incurable,
ça va être final, fermé, non. On ne dira pas à la personne : Signe,
remplis le formulaire, puis moi,
selon 28 de la loi, ensuite, je vais regarder si tu réponds aux critères, là.
Ça va de soi que c'est dans un
échange continu. La même chose, si une personne se lève une journée, elle
souffre puis elle dit : Bon, moi, je n'en peux plus, on ne dira pas : Bon, c'est ça, voici
le formulaire, là. C'est des souffrances constantes, inapaisables dans le
temps.
Donc,
je pense qu'il va y avoir cet échange-là. Il ne faut pas non plus voir ça de
manière désincarnée, là. Une loi, c'est
fait pour être appliqué. On fait la meilleure loi dans le meilleur cadre
théorique. Mais ce que la députée dit, c'est vrai, là, la personne ne se rendra pas à signer sa demande si, à la face
même, il y a une des conditions qui ne requiert même aucune évaluation
médicale. Elle n'y répond pas, elle n'ira pas plus loin, là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Bien, dans le fond, c'est pour ça que la question de «fin de vie»... D'une
certaine façon, je me demande s'il y a...
Comment on fait pour l'identifier de façon plus objective? Parce que ce sont
des caractères qui objectivement devront être remplis… des critères,
pardon, des conditions qui devront objectivement être remplis.
Donc,
la fin de vie, est-ce qu'on devrait à ce moment-là l'évaluer, la définir ou retravailler,
là, le sous-amendement qui avait été
déposé à 3 la semaine dernière pour pouvoir être capables de la situer un petit
peu dans le processus de la maladie?
Ou est-ce qu'on devrait tout simplement dire : Bien, elle est une personne
en fin de vie, tel que consigné à son dossier
médical par son médecin traitant ou tel que consigné à son dossier médical,
parce que peut-être que ce n'est pas le médecin traitant, peut-être que
ce sera une autre équipe de soins aussi qui l'aura constaté ou qui l'aura identifié?
Je comprends la
lourdeur, parfois, là, d'identifier une personne comme étant le seul et unique
responsable de l'évaluation de l'état d'un
individu, au même titre que le médecin de famille aurait probablement… n'aurait
pas été à propos parce que le médecin
de famille n'aura pas nécessairement fait ce suivi-là constant et régulier
auprès de la personne. Mais je me souviens, la semaine passée, on se
disait : Bien, lorsque la personne entre dans les soins de fin de vie, tu
sais, c'est un processus, et on est capable
de dire : Oui ou non; la personne est admissible aux soins de fin de vie
ou elle n'est pas admissible aux soins de fin de vie. Mais que ce soit
consigné au dossier médical… Bien là, de toute façon, j'imagine que, pour qu'une personne, par exemple, puisse accéder à une
unité de soins palliatifs, on consigne son état au dossier médical. Donc, le dossier médical doit, quelque part… Il doit
y avoir, dans le dossier médical de la personne, une reconnaissance que cette personne-là est rendue à cette étape-là.
Puis, que ce soit pour l'aide médicale à mourir… mais j'imagine que, pour l'admission aussi à certaines maisons de soins
palliatifs, à certaines unités de soins palliatifs, on ne permettra pas
à n'importe qui non plus d'avoir accès à ces soins-là, puisque c'est destiné à
une clientèle bien particulière qui est la même clientèle, finalement. L'aide
médicale à mourir est destinée à la même clientèle, et donc peut-être que ce
serait tout simple de le prévoir, «tel que consigné à son dossier médical», ou…
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Moi, je veux simplement dire que je pense que les conditions 3, 4, 5, 6, même
un petit peu la 2°, là, pour
l'aptitude à consentir… mais, 3, 4, 5, 6, il y a vraiment au coeur de ça un
dialogue avec le médecin et une évaluation par le médecin, là. Maladie grave et incurable, dans le fond, c'est la
même chose; un déclin avancé et irréversible de ses capacités, c'est la même chose. Fin de vie,
maladie grave et incurable, déclin avancé et irréversible de ses capacités, ce
sont toutes des conditions sur lesquelles le
médecin va devoir venir poser son jugement et c'est ce qu'on prévoit avec 28,
parce que 28, il doit, pour administrer
l'aide médicale à mourir, s'assurer que ces critères-là sont bien remplis. Et,
à 31, «doit être inscrit ou versé
dans le dossier de la personne tout renseignement […] en lien», donc, tout ce
qui va nous dire que tout ça est
rempli… Parce que je vois mal pourquoi le médecin devrait consigner que la
personne est en fin de vie mais ne
pas consigner qu'elle a une maladie grave et incurable, qu'elle a un déclin
avancé et irréversible de ses capacités. Toutes ces conditions-là
doivent être remplies et toutes ces conditions-là requièrent une évaluation.
Donc,
je pense qu'on a ce qu'il faut à 28, 31 pour le faire sans discriminer sur
quelle condition ou quelle autre condition,
là. Parce que, dans le fond, là, si on désincarne ça un peu, c'est la même
chose pour la maladie grave et incurable. Est-ce que c'est le médecin qui est en soins palliatifs? C'est évident,
là, la personne est là. Mais, en fin de vie, «maladie grave et incurable», est-ce qu'il faut se
dire : C'est le médecin traitant, puis là, dans le fond, «tel que
consigné»? Tout ça doit être évalué,
tout ça doit être consigné. Donc, moi, je pense que c'est mieux de garder ça
comme c'est là puis d'aller faire le lien avec 28 puis 31.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
• (15 h 40) •
Mme Vallée :
Je réfléchis.
Le Président (M. Bergman) :
Est-ce que vous voulez qu'on suspende pour quelques instants?
(Consultation)
Le Président (M.
Bergman) : Alors, je suspends pour quelques instants, collègues.
(Suspension de la séance à 15
h 41)
(Reprise à 15 h 48)
Le Président (M.
Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je vous rappelle
qu'on est sur l'article 26, le troisième paragraphe. Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Oui. Alors,
bon, pour la question de «fin de vie», là, plus on discute… Et je sais qu'il y a
la pratique après. Comme notre
collègue de Jean-Talon disait, parfois, après que les juristes sont
passés, le médecin va peut-être devoir amener
à la pratique. Je comprends que c'est peut-être un peu complexe, là, d'ajouter… puis pas tant
complexe, mais je comprends qu'on a
ces premières conditions qui seront le premier test objectif,
et par la suite il y a une série de conditions, puis on pourra peut-être préciser des trucs
quand on sera rendus à 28 ou questionner davantage quand on sera rendus
à 28. Puis ça m'apporte peut-être
à dire qu'il pourrait être utile, lors de la reprise, lorsqu'on reviendra à l'article
3, de revoir la question de «fin de vie», mais, bon, ça va
aller, là, quant à la distinction entre ce que nous avions déposé vendredi et
le document, l'amendement tel que présenté actuellement, là. Je vois que, «la
fin de vie», il y a vraiment d'autres références qui seront faites et
que ça pourra inclure, entre autres… et ça devra probablement inclure la consultation
du dossier médical et des antécédents, là,
de tout l'historique finalement… pas tant des antécédents que de l'historique
du patient qui formule la demande.
Donc, dans ce sens-là, je pense qu'il n'est peut-être
pas nécessaire d'alourdir la rédaction de 26.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
• (15 h 50) •
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. On rentre dans la
partie dialogue pratique.
Quand
on parlait de la fin de vie, il y a eu des discussions lors de l'audition des
mémoires. Entre autres, il y a des gens
qui sont venus quand même, qui disent qu'on devrait rendre disponible l'aide médicale à mourir à peu près à tout
le monde qui pourrait présenter un handicap important.
Et, si on respectait à la limite le principe d'autonomie, on devrait
être capable de leur donner. Puis je me
souviens très bien que la ministre avait dit qu'il y a des… On avait cité des
exemples, et elle a dit clairement que, dans ces cas-là, ça ne
s'appliquerait pas.
L'exemple facile, je
pense, c'est la personne qui serait paraplégique, son espérance de vie est
quand même de plusieurs années, je dirais,
une espérance de vie normale, qui pourrait répondre, d'une certaine façon, à
certains critères, puis on disait
même que probablement qu'elle n'aurait pas les critères, mais cette personne-là
n'aurait pas accès à l'aide médicale
à mourir malgré le fait qu'elle, elle pourrait dire : Oui, mais moi, je
suis en fin de vie parce qu'un jour je vais mourir. Est-ce que la
ministre est d'accord avec ça?
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Je suis tout
à fait d'accord, M. le Président. Puis, je le répète, on l'a dit à quelques reprises lors des auditions, on l'a dit
encore souvent depuis le début de l'étude détaillée, il y a un principe qui est
au coeur de ce projet de
loi là, c'est que la personne doit être en fin de vie. C'est une logique de
soins, de continuum de soins. Et on
est donc face à une réalité d'un soin
exceptionnel, à un spectre d'un continuum pour une personne qui est en situation de souffrance exceptionnelle, ce
qui est l'autre élément fondamental du projet de loi.
Cette
notion-là, donc, de continuum, cette notion de souffrance, cette notion de fin
de vie, c'est très, très important, parce
que, si on considérait ça pour une personne qui n'est pas en fin de vie, on ne
serait plus du tout dans une réalité de santé, on ne serait pas dans une réalité de soins, on ne serait pas dans
une réalité de continuum de soins, on serait plus dans une réalité de rupture entre une situation
que la personne juge intenable et une avenue qui lui serait offerte. Ce n'est
pas du tout ça, le sens du projet de loi.
D'autres personnes peuvent faire ce débat-là. Donc, libre à ce débat-là d'avoir
cours, mais ce n'est pas notre débat,
ce n'est pas le sens du projet de loi. C'est vraiment pour des personnes
malades, pas des personnes qui ont un
handicap, pas des personnes qui sont dans une situation difficile, des
personnes qui sont malades de manière
grave et incurable, qui sont en fin de vie, qui souffrent de manière
inapaisable. Donc, je le répète encore une fois, on est vraiment dans
les cas exceptionnels de gens très, très malades en fin de vie.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. L'autre cas que je veux discuter avec la ministre,
c'est la personne qui a une sclérose
latérale amyotrophique, une maladie similaire avec une dégénérescence importante.
Et on sait que ces gens-là, lorsqu'ils ont le diagnostic au début, sans faire une vie nécessairement totalement normale, ils peuvent avoir une vie, là, qui est fonctionnelle, et la maladie peut les amener à ce que leur condition se dégrade sur
plusieurs années. J'imagine que, lorsqu'elle arrive
à la fin de vie et que cette personne n'est plus capable de bouger, on dit, en
langage médical, qu'elle est prisonnière de
son corps, elle ne peut seulement qu'à la limite penser, puis on peut la garder
en vie très longtemps parce qu'on peut soit la gaver, la nourrir. Elle
peut refuser tout traitement, dont l'alimentation.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Oui. En
tout temps, cette personne peut
refuser. C'est le cas à l'heure
actuelle. Donc, ça, le projet de
loi ne vient rien changer, il vient
le clarifier. Donc, la personne peut refuser d'être gavée, peut refuser d'être alimentée. Ça, ça va de soi, M. le
Président.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Par contre,
cette personne-là… On sait que ces
gens-là, lorsqu'ils
arrivent en fin de vie… Puis
c'est souvent ce type de cas là qu'on décrit pour justifier l'euthanasie ou l'aide médicale à mourir. Souvent, ces gens-là ont une vie vraiment
misérable avec… à l'agonie et ils ne veulent pas vivre cette dernière partie de
leur vie qui peut durer plusieurs semaines. À ce moment-là, le projet de loi clarifie de façon définitive que c'est vraiment
une fin de vie. Donc, elle aurait le droit à un soin en fin
de vie, donc elle aurait le droit à l'aide médicale à mourir.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : On a quelques exemples en tête, M. le Président, là. Je pense
qu'ils sont assez frappants. Sue Rodriguez; on a tous les images de Sue
Rodriguez qui avait une sclérose latérale amyotrophique, appelée aussi maladie de Lou Gehrig. On a bien vu que, quand
elle a entrepris ses démarches, il y
a maintenant 20 ans, elle n'était pas
aux premiers stades de la maladie, elle
était vraiment dans les derniers stades de la maladie, et c'est
à ce type de réalité là que l'on
pense quand on pense aux maladies dégénératives. On peut penser à Mme Leblanc qui a fait un combat aussi, qui est
une citoyenne de la Mauricie, qui
avait une situation, la même que
Sue Rodriguez, maladie de Lou Gehrig. Elle était dans un cheminement irréversible. Elle ne le demandait pas encore. Elle
voulait que la possibilité soit là. Elle souffrait beaucoup,
beaucoup, mais elle avait encore la force de soutenir
cette souffrance. Mais elle demandait que cette possibilité soit là parce qu'elle se sentait vraiment perdre ses capacités de manière très rapide,
hein, parce qu'il y a ça dans
l'évolution… Dans l'évolution des
maladies dégénératives, à un moment donné, de mes échanges que j'ai eus avec
des experts, il y a ce… moi,
j'appelle ça «quand on frappe l'autre versant de la montagne», là, où, là, le
déclin devient très, très important, et on sait que la mort s'en vient à
plus ou moins brève échéance, là.
Donc, c'est ce type de situations là qu'on a en
tête pour les personnes atteintes de maladies dégénératives.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Dans le projet
initial ou, en tout cas, dans… Il a été longtemps fréquemment discuté dans nos… quand on entendait
les mémoires qu'on a parlé d'une mort imminente. Et on ne l'a pas retenue dans le projet de loi, la définition de
«imminente», parce que, pour plusieurs, «imminente», ça veut dire que ça
va arriver très, très, très bientôt, alors
qu'on sait qu'il y a des gens qui pourraient profiter de l'aide médicale à
mourir, là, sur un intervalle possiblement de quelques mois.
Ma question
est beaucoup plus : La personne qui a une maladie dégénérative mais qu'on
sait que l'espérance de vie va être
environ deux à trois ans, une certaine souffrance psychologique qui est normale
dans ce cas-là, est-ce que cette personne-là,
dans la façon dont le projet de loi est rédigé, pourrait demander l'aide
médicale à mourir sur une période… mettons, un délai de… le délai entre
la demande et la fin de vie prévue, d'environ deux à trois ans?
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Le député
souhaite toujours que je me substitue à un jugement médical. Moi, je vais vous
donner mon opinion, mais je ne suis pas le médecin. Dans les cas de
maladies dégénératives que j'ai pu voir, où ce type de demandes là sont faites, on ne parle pas d'un horizon de deux à trois
ans. Ce n'est pas ça, la notion de fin de vie que l'on a en tête, parce que, du fait de l'évolution de ces
maladies-là, bien que ça puisse être difficile, souvent, entre le diagnostic
et la fin de vie, il va y avoir deux ou
trois ans. C'est quand même des… Si on prend la SLA, c'est une évolution
relativement rapide, quand même, une
dégénérescence assez rapide. Donc, je ne pense pas que cette personne-là, du
haut de ce qu'est ma perception aujourd'hui, bien sûr, remplirait la
condition de la fin de vie à ce stade-là.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Si on parlait d'une maladie dégénérative à plus long terme comme la sclérose en
plaques, pour la majorité des cas, la
question : Si l'espérance de vie est d'environ deux à trois ans, est-ce
que cette personne-là pourrait avoir
accès à l'aide médicale à mourir? Ou, à un moment donné, on va être capables de
faire baliser que l'aide médicale à
mourir va être vraiment dans la dernière partie, là, on parle de l'autre
versant de la montagne, mais dans le
bas de la montagne, c'est-à-dire à un moment donné où ce ne serait pas comme
une demande d'une personne qui dirait :
Moi, je préférerais mourir… sans parler de suicide, mais elle dirait :
Moi, je préférerais mourir plus rapidement pour ne pas avoir à vivre des problèmes qui surviendraient plus tard. Je
pense que, quand on parle de la fin de vie, c'est ça, le dilemme. Ce n'est pas le cas clair du dernier
mois, je vous dirais, même des six derniers mois, ce n'est pas le cas clair
non plus des gens qui en ont encore pour 10 ans, c'est ceux qui ont une
perspective de deux à trois ans.
Et, la
deuxième question peut-être que j'aimerais que la ministre… qu'on fasse la
discussion, pas obligé d'avoir une
réponse, là, je pense, il faut en faire la discussion : Est-ce qu'on peut
s'attendre que la définition de «fin de vie» soit balisée par des recommandations de la commission,
selon ce qui va se passer dans le futur, et créer un genre de jurisprudence
où on pourrait s'attendre à ce qu'il y ait
des recommandations avec des cas… sans dire «être précis», des cas types dans
lesquels on pourrait aider les médecins à
justement clarifier cette définition de «fin de soins de vie»? Et je pense que
la ministre, elle comprend que je ne veux pas être trop précis non plus,
parce que, trop précis, on exclut des cas qui en auraient besoin ou on pourrait
inclure des cas qui n'en ont pas besoin.
Donc, c'est
pour ça que je pense qu'il faut qu'il existe peut-être un principe de
jurisprudence, qui pourrait être guidé
par la commission et également par le Collège des médecins, en sachant que, si
un jour il y a un abus, eux autres vont
pouvoir faire une recommandation assez rapide pour que l'ensemble du groupe
médical qui doit répondre au Collège des médecins puis également à leur
code de déontologie puisse être mieux guidé.
La raison
pour laquelle je demande ça, M. le Président, que je demande ça à la ministre,
c'est parce que, comme je disais à ma
collègue, on est 20 000 médecins au Québec, et on peut tous espérer que
les 20 000 vont bien agir, puis on peut toujours avoir l'exception que, pour une raison ou une autre,
quelqu'un déciderait que, pour lui, dans ses valeurs, c'est quelque chose qui pourrait se faire beaucoup
plus facilement et que les gens pourraient recourir aux services de cette
personne-là qui serait connue au Québec. Et
là ça amènerait peut-être une difficulté en termes de l'esprit dans lequel on
fait cette loi. Puis, en en discutant
aujourd'hui, bien ça nous permet justement d'être capables d'établir des
balises mais également peut-être de
donner des orientations pour la future commission puis également le Collège des
médecins sur comment on devrait
traiter ce dossier-là, parce que c'est d'abord un dossier humain, de
compassion. On fait ça pour le bien
des personnes. Puis je pense que tout le monde a suivi ce dossier-là. Puis,
indépendamment qu'on soit pour, on est contre,
on est d'accord par contre à la fin qu'on veut que ce soit un dossier qui ait
des balises pour ne pas qu'il y ait de dérives. Ça a été souvent ça
qu'on a entendu.
Ça serait
dommage que, dans un dossier comme celui-là, à la fin il y ait quelques dérives
qui remettent en question le dossier.
Je pense que c'est important peut-être d'en faire la discussion en sachant que,
s'il y en a une, soit la commission ou le Collège des médecins pourrait
intervenir.
• (16 heures) •
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
C'est très important en fait de souligner... On a souligné amplement la
difficulté de trouver une notion temporelle, là, je pense que ça, c'est
assez clair, merci.
C'est pour ça
que, la notion de fin de vie, j'estime qu'elle est la bonne. Mais c'est très
clair aussi que ce n'est pas l'anticipation
des difficultés qui peut être la base d'une demande d'aide médicale à mourir.
Il faut que vous soyez dans la situation.
Donc, il faut que vous remplissiez tous les critères, il faut que vous soyez en
fin de vie. Moi, je ne pense pas que
quelqu'un qui en a trois, ans, devant lui, qui est au premier stade d'une
maladie qui va être très difficile mais qui n'est pas très difficile au moment où on se parle va
rencontrer ces critères-là, non. Donc, cette personne-là ne pourra pas obtenir
l'aide médicale à mourir parce qu'évidemment
elle ne remplit pas les critères. Donc, ça, c'est très important. C'est comme
des gens qui nous disent : Ah! moi, si
j'ai tel diagnostic, ça va être fini. Je veux bien, mais ça ne marchera pas
comme ça, là. Donc, il faut tout de
suite dire à ces gens-là : Ça ne répond pas à ça ou à un moment de
désespoir ou parce qu'on vient d'avoir
un diagnostic ou une difficulté qui est liée à une nouvelle qui est difficile à
prendre et puis à une angoisse qui est reliée
à la suite des choses. Ce n'est pas ça, le but de l'article 26. On n'est pas
dans ce type de situation là. On est vraiment dans des types de situation où la maladie, elle est très, très avancée.
Ça le dit, «avancé», un déclin «irréversible de ses capacités». Ça le dit aussi, que la personne doit
être dans un état de souffrance. On va les faire un par un, là, je comprends,
mais c'est évident que la personne ne peut
pas être au premier stade de sa maladie. Aussi difficile que ça puisse être,
elle n'est pas
au premier stade de sa maladie, elle en est au dernier stade de sa maladie,
elle est en fin de vie. Donc, ça, c'est très important.
Puis, oui, je
pense qu'il va y avoir cette marge-là, si le besoin se fait sentir, que la
commission... le Collège suit ça avec un très grand intérêt. D'ailleurs,
peut-être pour dire à la commission… nous avons reconsulté le Collège des médecins et le Barreau du Québec pour savoir, si
on inscrivait la fin de vie comme une des conditions, s'ils étaient à l'aise
avec ça puis s'ils trouvaient que c'était un
plus, et les deux nous ont dit que, oui, ils étaient très à l'aise avec ça,
que, pour eux, c'était le bon
critère, là. Donc, ils ont réfléchi aussi. Puis la question de la mort
imminente, effectivement ça ne passe plus
le test, là, comme la mort inéluctable, parce qu'elle est inéluctable pour tout
le monde. Donc, ça, je veux peut-être faire ce petit aparté là. Mais,
oui, moi, je suis très bien le raisonnement du député de Jean-Talon.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Oui, M. le Président. D'ailleurs, de notre côté, il faut attribuer la maternité
à ma collègue de Gatineau qui a pensé à le
rajouter dans les critères, parce que je pense que c'est quand même une notion
qui était importante.
Dernier cas,
en tout cas, je pense, M. le Président, que je voudrais discuter. On parle
souvent de fin de soins de vie pour
les cas de cancer. Il est évident pour les gens... On parle souvent de la
sclérose latérale amyotrophique, mais on oublie souvent que la fin de vie va s'adresser à toute pathologie, ou toute maladie, ou toute personne
qui… on sait que la mort va probablement se produire dans les semaines ou les mois qui suivent… et qui a de la
souffrance. Quand on parle de
souffrance, on parle souvent de douleur, on parle souvent de souffrance
psychologique, mais j'aimerais avoir l'opinion de la ministre sur… je
pense connaître sa réponse, mais j'aimerais ça qu'on en parle publiquement.
On parle des
maladies pulmonaires obstructives chroniques en fin de vie. On sait que, ces
gens-là, on peut établir un pronostic
à très court terme et on oublie
souvent que la dyspnée terminale est une grande souffrance pour les personnes,
on est toujours à bout de souffle, on sait
que ces gens-là vont décéder, et c'est une maladie également qui peut prendre
plusieurs jours, même plusieurs semaines,
parfois quelques mois avant de décéder. À ma connaissance, s'ils répondent
aux critères, ces gens-là, ceux qui le
voudraient, pourraient le demander, ils pourraient avoir accès à l'aide
médicale à mourir.
Et
l'intention de ma question, M. le Président, c'est pour laisser savoir qu'il
n'y a pas de discrimination au niveau des maladies, là, c'est toute
maladie qui peut répondre aux critères qui va pouvoir l'avoir, et je pense que
la dyspnée terminale d'une maladie pulmonaire obstructive chronique est un bel
exemple.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Le député de Jean-Talon a raison, M. le Président. Donc, on sait qu'il y a des
maladies graves et incurables qui
peuvent être autres, là, on parle toujours des cas les plus répandus qui nous
viennent à l'esprit, maladies dégénératives,
sclérose latérale amyotrophique, cas de cancer, mais, oui, ça peut être un cas
qui pourrait être envisagé. D'ailleurs,
il y a une personne qui était venue nous voir en commission parlementaire, qui
nous avait très bien expliqué, compte
tenu de cette maladie chronique pulmonaire très grave, à quel point chaque
respiration qu'elle prenait était une source
de souffrance pour elle, et c'est Mme Gladu, dont notre collègue de Mille-Îles
a parlé dans son allocution lors de l'adoption de principe.
Donc, il n'y aura pas de discrimination, les
critères sont là, ils sont très, très restrictifs, très contraignants. Tantôt, le député de Jean-Talon le disait, là,
pour certains, ces critères-là sont trop stricts, mais je pense que ce sont les
bons critères, ils doivent être très
stricts, mais c'est la maladie, c'est la qualification de la maladie grave et
incurable, du déclin avancé et irréversible, des souffrances, qui vont
faire en sorte qu'on va se qualifier.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Oui, M. le Président.
Je trouve que c'est important, toute la notion des personnes qui sont
prisonnières de leur corps, parce
que, dans le débat actuellement, il y en a plusieurs qui disent : Mais, si
on est prisonnier de notre corps, on
ne peut pas se prévaloir, on ne pourrait pas se prévaloir de cette loi, et là
ça fait comme une espèce de choc où les gens pensent que l'aide médicale à mourir, c'est justement pour ces personnes
qui seraient figées dans leur corps avec toute leur tête, en souffrance et incapables d'avoir l'aide
médicale à mourir. Ça, là, actuellement, il y a plusieurs personnes qui pensent
que la loi va pouvoir les toucher.
Si je
comprends bien, il faut que les personnes soient en fin de vie, mais ça peut
être quelques mois, donc ça ne veut
pas nécessairement dire quelques semaines. Là, on est rendus à quelques mois
pour ces personnes-là qui seraient prisonnières
de leur corps. Moi, j'ai comme l'impression que ça a évolué depuis la
commission parlementaire où on parlait plus
en termes de… je me souviens de l'Association médicale du Québec, je crois, qui
avait apporté les termes «fin de vie
imminente», là. Alors, quand on parle d'imminent, ça veut dire comme d'ici une
semaine ou deux et là, si on parle de quelques mois, ça change un peu la
donne. Je crois qu'on a… Il faut vraiment, là, que ça, ce soit… Je sens qu'il y
a comme un manque de fluidité encore. Quand
je parle de fluidité, M. le Président, ce n'est pas de la part de la ministre,
là, c'est dans cette espèce de
discours qui n'est pas facile à couper, là, ça ne se tranche pas, hein, c'est…
et c'est complexe, mais c'est
important qu'on puisse en parler, parce que, si les gens ont encore
l'impression que ça ne s'adresse pas aux bonnes personnes, on a une
difficulté d'interprétation.
Donc, je suis
prisonnier de mon corps, il me reste quelques mois, mais je sais que je suis en
fin de vie. Est-ce que je peux me
prévaloir de l'aide médicale à mourir? C'est ça, la question. Ou, si je dois
attendre les deux, trois dernières semaines qui font en sorte que les quelques mois où je suis dans
des souffrances atroces, physiques et psychologiques… et que je sais que la mort est inéluctable,
inévitable et que je ne peux plus rien faire… est-ce que je pourrais me
prévaloir de l'aide médicale à mourir? Et en fait les gens pensent que
c'est ça, l'aide médicale à mourir pour… presque pour ces personnes-là.
• (16 h 10) •
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : C'est vrai, ce que dit la députée, parce que
les cas les plus médiatisés, ce sont ces cas-là, parce que les gens pour qui il
en reste deux, ou trois, ou quatre, jours, là, ils n'ont pas le temps d'aller
dans les médias dire : Chaque heure
de ma souffrance est une agonie, là. Ils se concentrent à passer à travers
leurs heures de souffrance. Il y a des gens qui
souffrent énormément mais qui ont plus que deux ou trois jours devant
eux et qui, donc, formulent cette demande, interpellent les médias… soit
eux ou via leurs proches.
Donc, deux
choses que je voudrais dire. Les groupes qui sont venus nous voir, il y en a différents qui ont amené différentes idées qui pourraient être
introduites : mort imminente, mort inéluctable. Et on a fait le tour, là,
dans un bon nombre de séances, de ces
termes-là et de la difficulté de chacun de ces termes-là parce que la «mort
imminente», de notre compréhension,
c'était effectivement, très, très imminent et ce ne sont pas tous les cas qui
sont couverts par ça, loin de là, parce
que, si votre mort est imminente dans les prochaines minutes, prochaines
heures, ce n'est pas vous qui êtes le candidat le plus susceptible de
demander l'aide médicale à mourir. Donc, ça, on l'a bien fait ressortir.
Donc, ceci
dit, les groupes qui sont venus nous voir, pour les avoir entendus, les avoir
entendus lors de la commission
spéciale, moi, je dirais que la compréhension, elle est très généralisée, à
savoir qu'on ne parle pas que de cas, malgré
qu'ils aient pu amener ces idées-là, là, que de cas où les gens en ont pour
quelques jours, voire une semaine ou deux. Il y a une compréhension généralisée que je partage, que nous
partageons, qui est véhiculée dans le projet de loi, où ça peut être une plus longue période que quelques
jours ou une semaine ou deux parce qu'on ne serait pas capable d'aller rejoindre ces gens-là qui souffrent énormément et
qui sont en fin de vie. Mais, on le disait dans le rapport de la commission
spéciale, la fin de vie se peut… M. Leblond,
qui se projette… Ça ne serait pas nécessairement une question. Il n'est pas
rendu à ce stade-là et il le souhaite. Moi,
je le dis toujours parce qu'il nous l'a dit très clairement. Il espère ne
jamais avoir recours à l'aide médicale à mourir et, comme tout le monde,
il espère mourir dans son sommeil, heureux et… Mais il entrevoit dans quel état de souffrance, compte tenu qu'il connaît
l'évolution de sa maladie, il pourrait être dans les dernières semaines
ou mois de sa vie et il souhaite que cette possibilité-là soit là, sur son
chemin.
Donc, pour
répondre à la question de la députée, oui, ce n'est pas que quelques jours ou
une semaine ou deux, ça peut être
quelques semaines, ça peut être quelques mois, mais c'est très important aussi
de dire que ce n'est pas un recours pour
quelqu'un qui serait quadraplégique, prisonnier de son corps, à la suite d'un
accident, par exemple, mais qui a 35 ans, en a pour des années devant lui. Il n'est pas en fin de vie, il n'a pas
une maladie grave et incurable. On se comprend. Si cette personne-là en
plus développe un cancer, parce qu'il y en a qui sont venus nous porter ces
cas-là aussi, là… Évidemment, ce n'est pas
parce qu'elle est quadriplégique qu'elle ne peut pas avoir une maladie grave et
incurable un jour… et donc pouvoir se qualifier en vertu de l'article 26. Mais
cette personne-là, elle n'est pas en fin de vie, ça, c'est très
important de le dire, parce que ce n'est pas, et je le répète, pour les
personnes qui ont un handicap, aussi sévère soit-il.
Puis certaines personnes estiment que ça devrait pouvoir s'appliquer à ces
personnes-là. Mais ce n'est pas le but de
la loi. Le but de la loi, ça, c'est autre chose. C'est, je le dis toujours, un
autre débat. C'est beaucoup plus la réalité du suicide assisté. Ce n'est pas une logique de soins, de continuum de
soins pour accompagner quelqu'un qui a une maladie et qu'on veut être capable d'accompagner dans
toute l'ampleur de ses souffrances pour pouvoir la soulager, qu'importent
les circonstances exceptionnelles dans lesquelles elle peut se trouver.
Donc, il se
peut très bien qu'à cause de votre maladie grave et incurable vous en soyez
rendu à un déclin très avancé, irréversible de vos capacités, qui fait
en sorte que vous êtes prisonnier de votre corps, que vous êtes excessivement
souffrant. Et, dans un cas comme celui-là, quand vous êtes en fin de vie, oui,
c'est une possibilité.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : M. le Président, pour nous, je pense, c'est
important de faire une bonne discussion parce que c'est quand même un concept qui est très difficile à définir
précisément, mais il faut avoir un ordre
de grandeur puis un horizon. Et, pour moi, les explications données par
la ministre sont très satisfaisantes. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Pour ce qui est
de la question de fin de vie, ça va pour moi. Est-ce que vous avez…
Le
Président (M. Bergman) : S'il n'y a pas d'autre commentaire sur
le paragraphe 3°, on va au paragraphe 4°.
Des voix : …
Le Président (M. Bergman) : Le
paragraphe 4°. M. le député de Jean-Talon.
Une voix : Non.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Bien, en fait, on est dans les conditions de maladie grave et incurable. Donc,
évidemment, je demanderais à la ministre,
pour les fins de nos travaux, de nous identifier, bien que ça semble aller de
soi, une maladie grave et incurable,
mais qu'est-ce que l'on considère généralement comme une maladie qui correspond
aux critères de maladie grave et incurable.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Par exemple, des formes bénignes d'arthrite. Donc,
vous pouvez avoir de l'arthrite en tout jeune âge, vous allez vivre avec de l'arthrite toute votre
vie, mais ce n'est pas toute forme d'arthrite qui va être jugée comme une
maladie grave et incurable, bien qu'elle
soit incurable. J'avais dit, la semaine dernière… j'avais donné comme exemple
de l'asthme. Donc, c'est une maladie. C'est
une maladie qui est incurable pour les personnes qui l'ont, mais ce ne sera pas
une maladie qui va être considérée grave au
sens de l'expression «maladie grave et incurable». Donc, c'est deux exemples
qui me viennent à l'esprit, là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Parce que le caractère de «maladie grave», c'est quand
même assez subjectif comme qualificatif. Une maladie grave aux yeux de qui? Parce qu'une maladie peut être grave
aux yeux du patient. Une maladie peut être grave aux yeux de la famille
du patient, mais je comprends qu'ici on est dans une série de conditions qui
doivent être évaluées d'une façon plus objective, donc on n'est pas dans
l'évaluation subjective, là. La fin de vie, on l'a dit tout à l'heure, bon… il y a une étape où on sera rendu à
la fin de vie, il y a des moments de la vie qui ne sont pas des moments
de fin de vie. Bien qu'on soit atteint,
qu'on ait une maladie qui nous limite énormément, ça ne nous rend pas pour
autant en fin de vie.
Donc,
je pense qu'il est important de définir ce que nous entendons, dans le cadre de
la loi, par «une maladie grave». «Incurable»,
on peut plus facilement comprendre que c'est qu'il n'y a pas de chance
d'amélioration de l'état de santé, j'imagine,
qu'il n'y a pas de chance d'amélioration ou de guérison de la maladie. Mais
«une maladie grave»… là, vous me
parlez de l'asthme. Pour certaines personnes, l'asthme aura effectivement des
conséquences plus importantes que pour d'autres,
mais certaines personnes vivront toute leur vie avec l'asthme mais, avec un
contrôle adéquat, ne verront pas de problématique majeure. Donc, c'est
ça. Je me questionnais sur le choix du mot «grave» dans la condition n° 4.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Moi, je vous dirais, M. le Président, là, je ne veux
pas qu'on retienne ça pour fins de définition, là, mais c'est une maladie qui met votre vie en péril,
donc qui fait en sorte que c'est potentiellement mortel, qui fait en sorte
que votre vie risque elle-même d'être, je
dirais, emportée par la maladie. Par exemple, l'asthme, l'arthrite, ce ne sont
pas des maladies qui vont emporter
votre vie. Donc, une maladie qui peut avoir des… qui, de par son existence
elle-même, peut être mortelle ou qui
peut avoir des complications ou une évolution telle qu'elle va être mortelle,
donc qu'elle va mettre votre vie en péril. Moi, c'est un peu comme ça
que je le vois.
• (16 h 20) •
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : À ce moment-là, est-ce qu'il ne serait pas plus opportun de le préciser, qu'il
s'agit d'une maladie portant atteinte
ou ayant comme… Une maladie mortelle… je ne sais pas, là, je pose la question : Est-ce qu'«une maladie
mortelle», c'est un terme qui est consacré au niveau médical, est-ce que ça
pourrait être…
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Je vais juste dire : On s'est posé la question
puis on ne l'a pas mis parce qu'il y a des… Le cancer, c'est… ça va dépendre de votre cancer. Ce n'est
pas en soi le cancer qui est une maladie mortelle, c'est vraiment l'évolution
qui va le déterminer. Donc, ça devenait très compliqué de mettre ce critère-là.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Moi, pour aider à la
discussion, c'est… une polyarthrite rhumatoïde, exemple, pourrait être une maladie grave mais dans… peut être une
maladie grave parce qu'il y a des gens qui sont vraiment incommodés.
Moi, je pense que
«grave», c'est dans l'intention que c'est important et ça cause beaucoup de
problèmes à la personne, sauf qu'il ne faut
pas interpréter l'alinéa 4° de l'article 26 comme étant une seule chose, il
faut l'interpréter dans l'ensemble.
Donc, il faut que ce soit grave et incurable. «Incurable», ça veut dire que ça
ne se guérit pas. «Grave», ça veut dire
que c'est extrêmement important. Mais ces deux critères-là ne sont pas
suffisants pour avoir le droit à l'aide médicale à mourir. À ce moment-là, ça prend également l'alinéa 5° où on parle de
«déclin avancé et irréversible de ses capacités». Donc, c'est comme ça qu'on doit l'interpréter. Par
contre, le mot «grave», c'est certain, est difficile à définir. Moi, je le définirais beaucoup plus comme étant une maladie
importante, donc peut causer énormément de problèmes ou de symptômes et
de signes physiques chez la personne qui en est atteinte.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Bien, je suis d'accord avec le député de Jean-Talon, vous savez. À peu
près chaque mot qui est là, on s'est
questionnés pendant des heures, voire des jours à savoir si c'était le bon mot.
Puis on pense que c'est le bon mot.
Il n'y a pas une définition parfaite de chacun des mots, mais moi, je pense
que, dans le sens commun, quand on lit ça, les gens comprennent tout à
fait ce dont il est question.
Et, le député de Jean-Talon fait très
bien de le dire, l'article 26, c'est un tout. Ça fait que, là, on le
décortique, c'est important de le
faire, mais tout ça est analysé. Donc, il n'y a rien qui va être pris
isolément, on l'a dit clairement, toutes les conditions... Et, moi, autant je plaide pour dire que, la fin de vie,
quand on la jumelle aux autres critères, on voit très bien qu'on est rendus de l'autre versant et dans le bas
de la montagne de l'autre versant… mais c'est la même chose, la maladie grave et incurable, elle va être dans un état
avancé, déclin avancé irréversible, la personne, de ses capacités. Donc, tout
ça, moi, je pense que… C'est sûr que
nous, on est là, on regarde ça d'une manière très, très théorique, mais un
médecin qui va être face à ça… je
pense que les cas vont être pas mal clairs parce que vous allez devoir
additionner toutes les conditions.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Oui, M. le Président. Juste un commentaire.
Moi, je vois le terme «grave» comme «gravité», tu sais? C'est grave, donc il y a de la gravité autour de
ça. Puis moi, je suis à l'aise avec «une maladie grave» parce que, pour moi,
il y a une consonance qui… gravité et incurable. C'est tout. C'est juste un
commentaire.
Le
Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Oui, M. le Président. Je pense que le quatrième alinéa, là, c'est… «Incurable»
est facile à définir, parce que c'est
«qui ne guérit pas», mais «grave», ça va beaucoup plus avec le sens commun,
puis je pense que le mot veut dire ce qu'il veut dire. Là, je cherche,
voir, y a-t-il un mot qui répondrait mieux à cette notion-là de gravité?
Mme
Vallée : Je cherchais.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : On cherche actuellement, M. le
Président.
Mme
Hivon : …
Le
Président (M. Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Je vous dirais, M. le Président, que, dans le sens commun, parce qu'on veut
faire une loi aussi qui est pédagogique, c'est généralement le terme
qu'on entend. Donc, ce n'est pas… Et c'est aussi quelque chose qu'on retrouve
quand même dans la littérature, «maladie grave et incurable». Moi, je pense que
c'est une expression qui, franchement, dit
ce qu'elle a à dire, qui veut dire des complications importantes, des
conséquences importantes, majeures pour
la personne, dans sa vie. Et, dans le contexte, c'est certain que ça veut dire,
dans beaucoup de cas, «qui porte atteinte
à sa vie en elle-même».
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Je ne sais pas si le Thésaurus est encore ouvert comme site,
parce qu'on pourrait
vérifier. Mais ici ma collègue a trouvé quand même... c'est «de tristes
conséquences».
Mais, juste pour
donner une perspective, parce qu'on est vraiment dans le dialogue, là, je pense
que, dans les quatre critères, «grave», «incurable», «déclin avancé et
irréversible de ses capacités», ce qui va faire, à la fin, qui va déterminer que l'aide médicale à mourir peut être
pratiquée, c'est plus la notion de déclin avancé. C'est vraiment ça, la caractéristique qui est distinctive, là. Parce que,
les autres, vous avez plusieurs maladies qui peuvent l'être, graves, incurables, irréversibles. L'asthme peut l'être.
La polyarthrite rhumatoïde peut être une maladie de ce type-là. Mais la différence à la fin, c'est vraiment ce qu'on
appelle le déclin avancé. Et moi, je pense que ça va être ça, le qualitatif qui
va être caractéristique pour savoir
quand on va offrir l'aide médicale à mourir. Pour ce qu'il s'agit de «grave»,
bien là on a une définition qui n'a pas été fournie par le Thésaurus mais
qui est quand même valable.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Dans le Larousse, ça s'approche de ce que je disais, une «maladie
grave», c'est : «Qui met en danger la vie de quelqu'un.» Donc, ça peut mettre en danger votre vie sur le
long terme, sur le court terme, et c'est que ça a des conséquences
tellement graves que ça met en danger votre vie. Donc, voyez-vous, si j'ai dit
ça tout à l'heure, c'est parce que c'est ce
qu'on avait discuté, on est conformes avec le Larousse. Je ne sais pas
par ailleurs si on est conformes avec le Thésaurus de Services
Québec.
Une voix :
...
Mme
Hivon : Ah, il n'y
a pas cette définition.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Je vois que certains sites nous disent «par opposition à une maladie bénigne,
une maladie grave», «qui est d'une grande importance», «des conséquences
fâcheuses».
Oui, «des
conséquences fâcheuses», «des suites dangereuses»? Je pose la question, là. Et
là, évidemment, parce que je pose la
question, je ne trouve pas l'élément. J'étais tombée, la semaine dernière, en
lisant différentes documentations sur
le sujet, sur un terme qui était... C'était «une maladie — est-ce que c'était avec une… — dont le pronostic»... C'était-u «avec un pronostic réservé»? Mais ça limitait, et
je trouvais que ça venait renforcir davantage la définition, parce que, «maladie grave»... Je comprends le concept que le
tout se lit ensemble et est interrelié, mais… Attendez. Est-ce que ça
serait plus «utilisé avec un pronostic»... «une maladie à pronostic réservé»?
Puis je vous lis la définition de l'Office québécois
de la langue française et non du Thésaurus : «Pronostic peu
favorable lié à l'évolution d'une maladie ou à la gravité de lésions, selon lequel les chances de
survie du patient à plus ou moins long terme sont compromises.» Donc, plutôt que «maladie grave», utiliser «une maladie
à pronostic réservé». Je comprends que, dans un contexte de vulgarisation,
ce n'est peut-être pas le terme le plus
facile, là, parce que ce n'est pas le terme usuel utilisé dans la vie de tous
les jours, mais, lorsque je regarde
la définition, je pense que cette définition-là correspond à ce qu'on... Quand
on parle de maladie grave, dans le fond, c'est à ça qu'on se réfère,
c'est «une maladie avec un pronostic réservé».
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Bien,
moi...
Mme Vallée : ...
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
• (16 h 30) •
Mme
Hivon : Moi, je dirais, M. le Président, en fait qu'on
revient à l'idée qu'il faut les analyser les unes avec les autres aussi.
Si vous êtes
en fin de vie, là c'est nécessairement parce
que vous avez un pronostic réservé.
Pour moi, ça, ça va de soi. Donc, je
le lierais certainement à la notion de fin de vie. La «maladie grave
et incurable», moi, je la trouve très
bien
choisie, en toute humilité, parce que je
trouve qu'elle résonne chez les gens.
Puis le «pronostic réservé», pour moi, il est sous-entendu de la «fin de
vie» et possiblement, aussi, du «déclin avancé et
irréversible», là, de ses capacités. Vous êtes vraiment avancé dans votre déclin, et tout ça. Donc, je ne pense
pas que c'est à «grave et incurable» que cette notion-là devrait nécessairement ressortir… la question du
pronostic réservé. Je comprends ce que la députée veut dire. Moi, je pense
que la notion de la gravité, en elle-même
c'est une notion qui est importante dans le projet de loi. Donc, dans Larousse,
«qui met en danger la vie de quelqu'un», «qui a des conséquences importantes
sur la vie de quelqu'un», moi, je vous soumettrais
que je pense que ça dit ce que ça a à dire. Puis surtout ce n'est pas la seule
condition, là, c'est une condition qui s'ajoute à toutes les autres de
26.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Oui, M. le Président.
Juste pour poursuivre. Il y a «qui est d'une grande importance en soi»,
«sérieux», «qui peut avoir des
conséquences fâcheuses» — je parle de «grave», là — «qui peut entraîner des suites dangereuses»,
«qui est critique, dramatique et qui met en
danger la vie de quelqu'un», «qui manifeste un grand sérieux, beaucoup de
retenue, de solennité»… on n'est plus là-dedans, là, mais «critique»,
«dramatique», «qui met en»…
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Je nous
mettrais juste en garde, c'est ça, il faut être prudents de ne pas vouloir,
dans une seule condition, retrouver
l'ensemble des conditions. Ça va de soi, là. Mais on est comme souvent dans un
processus circulaire, là. Mais il ne
faut pas analyser… C'est bien, là, on n'a pas le choix, on le fait alinéa par
alinéa, mais je nous mettrais en garde de
ne pas essayer de retrouver, dans une condition, l'ensemble des conditions. Ce
n'est pas pour rien qu'il y en a maintenant six d'énumérées alinéa par alinéa, c'est vraiment parce que c'est un
tout et qu'on doit retrouver toutes les conditions, comme d'ailleurs on
l'a précisé.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Je suis actuellement… je regarde le site de la Croix Bleue. Et c'est drôle, les
compagnies d'assurance définissent des maladies graves, des maladies non
critiques, puis il y a des maladies graves qui peut-être ne sont pas nécessairement des maladies auxquelles on aurait
pensé. Je vois, à titre d'exemples, la surdité, perte d'un membre, perte
de la parole, une insuffisance rénale. Donc,
c'est pour ça que, pour moi, la question de la maladie grave, c'est important
de la définir parce que… Je regarde, bon, «maladie grave».
On avait, sur
ce site-là, des AVC; l'anémie aplastique; l'autisme; les brûlures; on parle de
brûlures plus avancées, bon, le
cancer; le cancer, ça, bon, ça va — puis, encore là, comme le disait la
ministre, il y a des formes de cancer qui ne porteront pas nécessairement atteinte à la vie d'une personne; la
cécité; le coma; la chirurgie coronarienne; la chirurgie de l'aorte; le diabète
sucré de type 1; la dystrophie musculaire; la fibrose kystique; infarctus du
myocarde; infection au VIH; insuffisance
rénale; maladie d'Alzheimer; Parkinson; maladie du motoneurone; méningite
bactérienne; paralysie; paralysie
cérébrale; perte de la parole; perte d'autonomie; perte des membres;
remplacement des valves du coeur; sclérose en plaques; surdité; transplantation
d'un organe vital ou insuffisance d'un organe vital; et tumeur cérébrale
bénigne. Et ça, c'est un site, là, d'une
compagnie d'assurance qui offre des protections pour maladies graves et
maladies non critiques.
Alors,
c'est pour ça que c'est un peu ça qui, moi, me soulève le questionnement sur le
choix des mots «maladie grave», parce
qu'en fonction de certaines pratiques, que ce soit dans le domaine de
l'assurance ou dans le domaine médical, on aura identifié les maladies graves. Je comprends, là, que la maladie
grave n'est pas le seul critère. Ça, c'est clair. Elle doit s'évaluer avec l'ensemble des autres critères
objectifs. Mais il y a des maladies graves considérées graves par certaines
compagnies qui certainement ne devraient pas
être considérées graves aux fins de l'application de l'aide médicale à mourir.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : M. le Président, je souligne les efforts de
recherche de ma collègue, mais le monde de l'assurance est un monde en soi qui n'est pas, je vous
soumettrais… qui est très, très différent, voire étranger de notre monde
législatif avec nos lois. Donc, moi,
j'entends des choses qui me font dresser les cheveux sur la tête, là, parce que
je pense que les personnes
handicapées n'aimeraient pas beaucoup entendre ce qu'on entend comme
définitions de «maladie grave». Donc, je…
Une voix :
…
Mme
Hivon :
Hein?
Une voix :
…
Mme
Hivon : Non. Non, mais pas juste la question, mais, je veux
dire, l'autisme, des questions qui étaient de la nature d'une déficience
ou d'un handicap, et les personnes sourdes vont vous dire qu'elles ne sont pas
handicapées et qu'elles ne sont pas
déficientes. Donc, c'est assez surprenant de voir ça. Alors, c'est pour ça que
je nous mettrais vraiment en garde de
s'inspirer des définitions qui sont là dans un but de couvrir ou non une
réalité financière qui n'a rien, rien, rien
à voir avec notre loi. Puis en plus la notion d'incurable, elle est jumelée à
la notion de grave, et en plus on a tous les autres critères. Donc, moi,
M. le Président, je vous soumettrais qu'on a la bonne notion.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Charlesbourg.
Mme
Trudel : Bien, je suis contente, j'allais justement dire,
dans le même sens que ce que Mme la ministre vient de dire, là… Je veux
dire, on est rendus dans des définitions que c'est «assurances». Tantôt, c'est
des définitions de dictionnaire.
On
ne prend pas le mot dans son contexte. Je pense qu'on est en train d'étudier…
C'est ma première présence, et puis
ma collègue va sûrement prendre la relève, c'est elle qui est concernée, tant
mieux. Mais, je veux dire, on arrive à des
définitions, des détails où est-ce qu'on parle le monde médical. Tu sais, je
veux dire, je pense que la définition… Un mot, quand on le met dans son contexte médical, est différent que quand
on le met dans un contexte d'assurance. Je sais très bien de quoi je parle, j'ai un conjoint qui est planificateur
financier depuis 38 ans. Alors, tous les termes, là… autant il y a de compagnies, autant il y a de termes, autant
il y a de définitions, tu sais, puis… Mais là on sort d'un contexte. En tout
cas, vous l'avez sûrement, hein, quand on
parle de «maladie grave»… Je n'ai pas pu tout voir les articles, mais il y a
sûrement en quelque part… Parce qu'on
parle d'appliquer des soins de fin de vie de façon particulière. Vous l'avez
sûrement défini à quelque part, là,
avant, là, à un article de loi. C'est quoi, là? Je veux dire, qui… tu sais,
dans quel contexte une personne peut
avoir cet accompagnement-là de soins de vie… de, voyons, fin de vie… tu sais,
de soins pour fin de vie? Alors, il faudrait
ramener le mot dans son contexte. C'est ce que je voudrais dire, là. Il y a
beaucoup, beaucoup de définitions, hein? Il y a sûrement une définition
médicale, puis je suis certaine que le…
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Bien, à l'article 3, nous avons effectivement désormais des définitions. Puis,
enfin, on peut se ramener à ça aussi, là,
«soins de fin de vie». On a les soins palliatifs, on définit nos soins
palliatifs aussi d'une manière assez
précise. Donc, moi, je suis plutôt d'accord avec le fait que les mots ont un sens
dans le contexte où nous sommes aussi,
qui est une loi sur les soins de fin de vie. Donc, on prend chaque critère
individuellement, on les analyse dans le sens le plus logique, là. On
vient de me donner une autre définition de «grave et incurable» : potentiellement…
«une maladie grave» : une maladie
potentiellement mortelle. Donc, ce lien-là est souvent là, là, qu'il peut donc
y avoir vraiment des risques pour la
vie de la personne, peut conduire à la mort. «Potentiellement mortelle». Donc,
moi, je pense que le sens commun est
assez évident. Puis, quand on le met dans notre loi, c'est encore plus évident.
Alors, je pense que c'est la bonne expression, M. le Président.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Charlesbourg.
• (16 h 40) •
Mme
Trudel :
Puis justement pour se rapporter à l'article 3… Je l'ai lu. Ça, je n'avais pas…
parce que j'essaie de le faire assez
vite, là, pour essayer de suivre, là. On parle de soins palliatifs, là, je veux
dire. Si on parle de surdité, si on parle de maladies
de rein, de… on n'offrira pas des soins palliatifs à ces gens-là, là, avant
d'arriver à proposer un accompagnement de
fin de vie, là, tu sais, je veux dire. C'est pour ça que je dis : Ramenons-le dans
le contexte, là. Et puis, si on parle de maladie grave puis… on a les soins
palliatifs qui sont offerts avant — c'est bien ce que j'ai
compris aussi? — normalement?
Mme
Hivon : Généralement.
Mme
Trudel : Bon. Alors, c'est une maladie où est-ce qu'on sait… la seule chose, c'est qu'on n'est pas capable de déterminer le temps en jours. Mais c'est vraiment
quelqu'un qui est en fin de vie, là, tu sais? Je veux dire, il ne faut pas chercher d'autres détails aux mots, là, d'autres
définitions aux mots.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Ça va.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Parle, puis je vais parler après.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Oui, juste pour faire une précision par rapport à la surdité. Je pense, c'est important de ne pas laisser les affaires comme ça. Une personne qui est née sourde ne se sent pas nécessairement, forcément, handicapée dans le sens de ce qu'on nomme, nous, handicap. Mais une personne qui devient sourde
après avoir entendu, admettons, 25 ans, cette personne-là, c'est comme le… elle a perdu quelque chose dans sa vie,
elle a perdu l'audition, toutes ses références sont auditives, donc elle se sent forcément en situation
de handicap. Mais une personne qui est née sourde et, qui plus est, née de
parents sourds, cette personne-là, là, est dans son monde, est dans un monde où
il n'y a pas le sentiment de se sentir handicapée.
Mais tu peux fort bien être handicapé et être sourd, là. Ça fait que c'est pour
ça que je voulais juste balancer.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Ça va, M.
le Président.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Oui. Seulement que pour clarifier pour notre collègue.
C'est parce que, lorsqu'on a fait ce
projet de loi là… on accorde beaucoup, beaucoup
d'importance à chacun des mots, puis, comme on l'a dit au début, on fait un effort collectif de réflexion. Parce qu'une fois qu'on va avoir fermé un article, généralement, c'est ce qui va rester dans la loi. Et puis le mot «grave» amène une
certaine… quand même, on a fait un gros travail de définition, puis
les gens n'arrivaient pas avec les mêmes
définitions. Puis on se sert également de tout ce qui se fait pour apporter des
nouvelles idées. Puis c'est vraiment,
là, un travail collectif et non pas, je dirais, moins un travail d'opposition comme de travailler ensemble. Et, à la fin, on veut être certains que,
chacun des mots, soit qu'on l'a bien défini ou qu'on l'a bien expliqué. Et c'est pour ça qu'on fait ce travail-là d'aller
voir un petit peu partout tout ce qui s'est fait, un peu comme… Ma collègue
a fait beaucoup de recherches dans les lois des autres pays où ils ont des
idées, des fois, nouvelles ou différentes, et l'objectif,
c'est vraiment de bonifier le projet de loi. Un peu comme tantôt, j'ai
peut-être pris des exemples pratiques parce que, quand on parlait de soins de fin de vie… c'est difficile à définir.
Puis, jusqu'à date, il n'y a personne qui nous a apporté une définition où tout le monde dit : Ça a
bien du bon sens, c'est seulement que ça. Donc, c'est important que, lorsqu'on
n'a pas la définition précise avec les mots,
on donne des exemples, parce que tout ce qu'on dit est enregistré, puis on
donne également des orientations pour
le futur si les gens voulaient savoir c'était quoi, les intentions du
législateur. Et, tous autour de la table, notre premier rôle, ce n'est pas
d'être au gouvernement ou en opposition mais d'abord d'être un bon législateur.
Ça fait que
c'est pour ça qu'on l'amène dans cette perspective-là et qu'on regarde au
niveau des assurances. Puis on
comprend que, dans les exemples qui avaient été donnés, pour nous, ce n'était
peut-être pas grave, pour les assurances, ça l'est peut-être. Mais, quand on parlait d'insuffisance rénale, de
cancer, tout ça… bien ça demeure des exemples pratiques qui, dans cette loi-là, servent d'exemples de maladies
graves. Je voulais juste le mettre en perspective, là, parce que c'est
l'esprit dans lequel on travaille cette loi.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Oui. Alors, comme je l'ai dit à votre collègue
lundi dernier, je considère qu'on a une responsabilité ici, autour de
la table, puis une responsabilité dans… un peu comme le disait notre collègue,
de s'assurer que des concepts ou des
notions qui ne sont peut-être pas nécessairement évidents puissent être expliqués. Pourquoi? Parce que,
le jour où un tribunal, un juge sera
placé devant une demande qui lui a été formulée, une demande formulée et fondée
sur des articles du projet de loi qui aura été adopté, comme c'est du droit nouveau, le juge devra
possiblement revenir puis voir quels ont été nos échanges ici, en commission,
quelle a été l'intention du législateur.
«Maladie grave», comme vous avez pu le
constater, c'est quand même assez large comme concept. On est dans un projet de loi sur les soins de fin de vie. «Soins
palliatifs», ça va,
il n'y a pas de conséquence à ce que quelqu'un soit admis en soins palliatifs. L'aide
médicale à mourir, il y a
des conséquences, des conséquences terminales, et c'est sérieux. Et c'est pour ça que nous faisons ce travail de cette
façon-là, un, pour permettre de bien clarifier les choses. Je pense,
il y a une démarche pédagogique. Parce
qu'il y a toutes sortes de choses qui se disent en ce moment sur le projet de
loi, je pense, c'est important de
démystifier. Et, comme on a entendu, en commission parlementaire, des gens qui
ont manifesté des craintes, qui ont
manifesté des interrogations, bien, aujourd'hui puis dans les jours… comme la
semaine dernière, on prend le temps
de démystifier ces choses-là. On prend le temps aussi de se questionner sur le
choix des mots puis sur leur place dans
le projet de loi. Puis tout ça, ce n'est pas par caprice puis ce n'est pas pour
faire du temps, mais c'est pour faire le meilleur projet de loi possible parce qu'on a une responsabilité puis
qu'on prend cette responsabilité-là très au sérieux.
Parce qu'être
capables d'outiller les tribunaux pour une interprétation éventuelle qui sera
nécessaire, c'est ça, notre job de
législateurs, c'est à ça qu'on sert. Donc, c'est pour ça. Puis, s'il faut qu'on
pose des questions puis qu'on se questionne…
Une voix :
…
Le Président (M.
Bergman) : …s'il vous plaît!
Mme
Vallée : Non, mais la collègue soulève un point. Moi, quand
j'ai fait la liste, quand j'ai fait la lecture des maladies, c'est parce que je me suis dit :
Bien, il y a différentes interprétations. Je comprends le concept de
l'assurance, je comprends très bien, mais…
Le Président (M.
Bergman) : …adresser au président, s'il vous plaît.
Mme
Vallée : Oui. Alors, M. le Président, je comprends très bien
les notions d'assurance, ce n'est pas ça, mais c'était pour illustrer à quel point parfois «maladie grave» pouvait
avoir une portée différente. Et donc le questionnement venait de là,
tout simplement.
Et
puis, je comprends, la ministre a soulevé, là, une autre définition. Puis je
pense que le travail qu'on fait, là, de préciser exactement ce qu'on entend, c'est important. Alors, lorsque,
par exemple, quelqu'un qui se fera… peut-être pour dire à la collègue : Quelqu'un qui se fera
refuser l'aide médicale à mourir pourrait éventuellement s'adresser au tribunal
et dire : Je la veux. Par
requête, je la veux, l'aide médicale à mourir. Et donc le tribunal devra
vérifier est-ce que la personne correspond ou remplit les conditions
suivantes : Est-ce que la personne est atteinte d'une maladie grave? Bon.
Quelle maladie? Bon, est-ce une maladie
grave? Mais c'est exactement ce à quoi on sert, parce que peut-être qu'il n'y
en aura pas eu, d'autre jurisprudence sur la question, et puis on se
basera sur les échanges puis les travaux de la commission parlementaire pour
pouvoir éclairer le tribunal sur l'intention du législateur, sur le pourquoi,
pourquoi les mots ont… Le choix des mots est
extrêmement important, puis il y a des significations. Chaque mot, chaque mot a
sa place. Et, surtout dans un projet
de loi comme celui-là, c'est du droit nouveau, c'est quelque chose… en fait, le
travail qui se fait est très, très, très important.
Donc,
ça peut peut-être sembler, pour certains, de la philosophie. Bien, oui, quand
on parle de fin de vie, il y a un brin
de philosophie. Ça peut peut-être parfois paraître théorique. Oui, dans la vie,
il y a de la théorie. Ça peut parfois peut-être être poussé. Bien oui, parce que c'est notre responsabilité de le
pousser, justement. C'est notre rôle. Si on ne le fait pas, on n'aura
pas fait notre travail.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Bien, je ne pense pas que ça s'adressait… Je n'ai
pas de commentaire à faire. Je pense qu'il faut travailler dans le
climat le plus serein et constructif possible et accueillir tous les
commentaires, M. le Président.
Le Président (M.
Bergman) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur le
paragraphe 4°?
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : …
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Je ramène vraiment, là, que
l'interprétation doit se faire avec le paragraphe 5°, parce que ce n'est
pas seulement que ça, mais autre chose qui explique un peu pourquoi le mot
«grave»…
Le Président (M.
Bergman) : Alors, on va revenir au paragraphe 5°. Le paragraphe
5°. Mme la députée de Gatineau.
• (16 h 50) •
Mme
Vallée : Donc, «un déclin avancé et irréversible de ses
capacités», j'imagine que… C'est parce que je vois à quel point les paragraphes nous ramènent vers 28
et vers la constatation… en fait, des échanges que le médecin devra
avoir avec ses équipes.
Lors des
consultations… Parce qu'on a eu plusieurs échanges, j'ai une petite idée de la
réponse, mais, entre autres, le Collège
des médecins puis l'Association médicale du Québec avaient demandé de remplacer
«déclin irréversible de ses capacités» par «phase terminale». Je comprends que
vous avez eu des échanges depuis avec le Collège des médecins puis je comprends que la question de phase terminale,
encore dans un contexte d'assurance,
avait été définie de façon relativement large et que ça portait un petit
peu à confusion, là, ou peut-être à une interprétation particulière.
Donc,
je me demandais tout simplement pourquoi on avait fait le choix de maintenir la
condition n° 5 rédigée dans sa
rédaction actuelle et pourquoi on n'avait pas donné suite à la recommandation
qui nous avait été formulée par le Collège des médecins et l'Association
médicale du Québec.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Bon. Simplement dire : La nuance pour la phase
terminale par rapport, par exemple, à un document d'assurance, c'est que la phase terminale, elle
est définie dans des lois et règlements du Québec. Donc, c'est pour ça que
c'est un enjeu. Quand on parle du deux ans,
là, c'était vraiment dans notre corpus québécois et non pas juste en faisant
un lien, un lien avec une autre réalité, d'où la difficulté que ça peut poser.
Donc, oui, il y a cette difficulté-là.
Et,
pour avoir... C'est ça, on a rediscuté, là, parce qu'on veut s'assurer qu'il y
a un consensus autour des termes que
l'on met vraiment dans l'article 26. «Phase terminale», quand certains sont
arrivés avec ça, ou «mort imminente» ou «mort inéluctable», c'était plus en lien, de notre compréhension, avec
la question de la fin de vie. C'est vrai qu'il y en a qui l'ont suggérée pour
d'autres critères, là, d'autres conditions, mais c'était plus comme pour
essayer de trouver ce mot magique, cette réalité magique qui viendrait
dire : Voici, voilà ce qu'on a en tête.
Pour
la question de la caractérisation, là, du «déclin avancé et irréversible de ses
capacités», moi, je crois, un peu comme
le député de Jean-Talon, que c'est une condition qui est vraiment très forte,
qui est vraiment au coeur de l'article 26, parce que c'est elle qui illustre vraiment, moi, ce qui est mon
expression : «de l'autre versant de la montagne» et que vous vous en allez vraiment vers le bas de la montagne,
pour poursuivre l'analogie. Donc, c'est le fait qu'il n'y a aucun espoir,
il n'y a aucune issue, il n'y a aucune
possibilité que votre situation s'améliore, que vous regagniez des forces.
Donc, vous êtes non seulement dans un déclin avancé dans votre maladie,
donc, à un stade avancé, mais vous êtes aussi dans une situation d'irréversibilité
de ce déclin avancé là, donc vous n'irez pas mieux. Et tout ça est lié à,
évidemment, votre maladie qui est grave et
incurable. Et je pense que c'est très important pour illustrer le fait que ce
n'est... Puis, en plus, ça, c'est lié
au fait que vous êtes en fin de vie. Donc, évidemment, c'est très étroit. Quand
on l'interprète, ça va évidemment de pair, mais ce déclin-là, il doit
être constaté et il doit être irréversible.
Donc,
moi, je ne vois pas ici la pertinence, là, de la question de la phase terminale
comme telle, je la vois plus en lien avec la notion de fin de vie. Mais,
pour toutes les raisons qu'on a explicitées plusieurs fois, on ne juge pas
judicieux de le mettre dans le projet de loi.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Lorsqu'on parle d'un déclin avancé puis irréversible
de ses capacités, je comprends que le critère... en fait, il n'y a pas de perspective d'amélioration, finalement, là.
C'est clair, il n'y aura pas... plus la maladie avance, plus l'état se détériore, et il n'y a pas de
possibilité par aucun traitement de venir arrêter, ralentir… ou améliorer même
la qualité de vie du patient.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Effectivement, c'est un très bon complément. Moi, je
dis : Sans issue, sans amélioration possible, sans aucune
perspective d'amélioration, comme le dit la collègue.
C'est
exactement ça, le sens de l'article. Mais vous pourriez être sans aucune
perspective d'amélioration mais ne pas être dans un déclin avancé. Je ne
sais pas si... Vous pourriez être dans un déclin modéré ou un premier stade de
la maladie, puis il n'y aurait pas de
possibilité d'amélioration, votre déclin va se poursuivre, mais il ne serait
pas avancé. Dans le rapport, on parlait de «déchéance avancée», puis
plusieurs experts médicaux nous ont dit que ce serait plus à propos en termes
médicaux de parler de «déclin».
Mais
en fait c'est pour ça que l'expression qui est retenue, c'est «déclin» à la
fois «avancé» mais «irréversible de ses capacités», ce qui, oui, M. le
Président, signifie qu'il ne peut y avoir d'amélioration, il n'y a aucune
perspective d'amélioration, la situation est en fait sans issue.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Et pourquoi
on a fait le choix de parler de «situation médicale» plutôt que d'«état
de santé» ou son «état médical»
plutôt que... Parce qu'on parle... Je pense qu'on parle beaucoup
d'état de santé ou de... là, on est vraiment en «situation médicale».
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
(Consultation)
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Bien, M. le Président, c'est encore plus global. Donc, on a eu ce débat-là.
La «situation médicale», c'est encore plus
global que votre… je dirais, votre état de santé pris de manière peut-être
plus isolée. C'est l'ensemble en fait de la situation médicale dans
laquelle vous vous trouvez. On avait eu de savants échanges avec les experts du ministère qui nous avaient
recommandé cette expression-là. Donc, je ne sais pas si on peut... Il y a des choses que je suis
rendue que je tiens tellement pour acquises que je... Ce n'est pas bon, ça. Il
faut toujours se questionner sur chaque chose à chaque jour,
mais il y en a tellement. Donc, je vais voir si on peut me fournir d'autres explications. Mais c'était ça, l'idée,
c'était vraiment... Parce
que, dans le rapport, je pourrais le
sortir, je pense qu'on parlait de «son état», on disait juste «son
état», je crois, et on nous a suggéré de mettre...
Une voix : …
Mme
Hivon : Ah non, c'était «situation médicale». On est
cohérents avec le rapport. Puis on s'est posé la question et on s'est dit que la «situation médicale», c'était
plus large que l'«état de santé» en lui-même.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Les explications
de la ministre, ça me va, ça me satisfait, parce que… bon, j'avais mon point
d'interrogation, là, mais... Évidemment, je comprends que c'est plus global
puis je pense que...
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Bien, M. le Président, je reviens sur cet article. Pour moi, une
caractéristique extrêmement importante qui signe la fin de vie, c'est le déclin
avancé. Je pense que les deux critères, là, entre autres la question
d'incurable, on sait que ça ne se guérit pas; irréversible, ça veut dire que ça
ne s'améliorera pas, ça va aller juste en diminuant… Mais ce qui définit
vraiment qu'on est rendu au moment de l'aide médicale à mourir, c'est la notion
d'avancé. Et, si c'était «le déclin avancé»,
là, c'est vraiment ça qui fait la différence entre le moment où on
pourrait appliquer l'aide médicale à
mourir versus une situation
qu'on devrait observer et ne pas l'offrir. Ça, j'insiste là-dessus parce que c'est ce qui fait la nuance sur
les soins de fin de vie.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Comme je l'ai dit un petit peu plus tôt, puis je ne sais pas si le député l'a noté, mais effectivement le «déclin avancé», c'est au coeur de l'article 26 parce que
c'est ça qui fait, comme j'ai dit tout
à l'heure à la collègue de Gatineau, que, là, vous êtes
rendu de l'autre versant de la montagne et vous vous dirigez vraiment
vers le bas de la montagne et c'est
très clair à tout le monde qui vous voit dévaler que vous êtes vraiment
dans un déclin avancé. Puis la notion
d'irréversibilité, elle est très, très important, parce
que vous avez des maladies
fulgurantes mais où vous pouvez vous...
vous pouvez remonter aussi, ce qui est «la pente», c'est le cas de le dire,
dans notre analogie, mais ce qui n'est pas le cas du tout ici.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
• (17 heures) •
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
J'abonde dans le sens de ce que la ministre vient de dire, c'est-à-dire «déclin avancé»
et irréversibilité, c'est le coeur de
l'article 26 qui lui-même est le coeur du projet, parce que c'est toute la question de l'aide médicale à
mourir.
Je sais qu'il
y a toute la notion de soins palliatifs et tout ce qui va avec, mais il reste
que ce qui est vraiment du nouveau
droit, quelque chose qui va être unique au Québec, en Amérique du... peut-être
pas en Amérique du Nord parce qu'il y
a quatre États qui pratiquent déjà une certaine forme d'aide médicale à mourir,
mais il n'en demeure pas moins que
c'est ça qui fait la différence dans ce projet de loi, parce que, les soins
palliatifs, on aurait pu, sans faire de projet de loi, être capables de bien les baliser, offrir plus de
services, toute la question de la notion de consentement également. Mais ici,
là, on a vraiment le coeur du projet de loi.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Je tiens juste à dire, M. le Président, parce que c'est très important pour moi
puis, je pense, c'est très important
pour la compréhension globale : Je comprends bien ce que le député de
Jean-Talon veut dire quand il dit ça, que
l'article 26 est le coeur. Mais, pour moi, l'article 26, c'est peut-être ce
qu'il y a de plus sensible, qui a fait l'objet du plus grand nombre de débats, évidemment, mais, pour
moi, ce n'est pas le coeur, parce que le projet de loi, vraiment, il a en
son coeur, il a en son principe
d'accompagner la personne avec toute la complexité de sa situation. Je le redis
parce que ça aussi, je pense, c'est très important pour l'interprétation
de la loi.
Ce n'est pas
un projet de loi qui est morcelé en x morceaux différents qui n'ont pas de lien
les uns entre les autres, c'est
vraiment un projet de loi qui vient mettre au coeur de ses principes
l'accompagnement de la personne qui est en fin de vie, en reconnaissant l'importance de cette
étape-là de la vie de quelqu'un qu'est la fin de vie, qui est une étape fondamentale et où on vient l'accompagner pour
répondre à ses besoins, pour répondre à elle, à la complexité de sa situation,
pour répondre à sa souffrance de la meilleure manière possible, et évidemment,
en son coeur, la reconnaissance des soins palliatifs, de ce droit aux soins palliatifs
qui est clairement inscrit, de cet accompagnement-là sur un continuum de
soins, et, dans des cas tout à fait
exceptionnels, des circonstances de souffrance exceptionnelle, il y a cette
option ultime, tout à fait
exceptionnelle, de l'aide médicale à mourir. Mais ça, à chaque fois je tiens à
le redire parce que c'est aussi au coeur, bien sûr, de l'interprétation
qu'on fera de notre projet de loi.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais :
Oui. Moi, je vais m'exprimer, là, par rapport… parce que c'est la première
journée que je viens à l'étude
article par article, et il y a des choses qui se sont dites, entre autres
l'importance de définir les termes, de les choisir et de prendre le temps de le faire, en particulier
pour l'article 26. Et, quand le député de Jean-Talon dit que c'est le coeur du projet de loi, je me souviens pertinemment que,
durant la commission parlementaire, beaucoup de groupes parlaient
notamment de l'article 26, ça revenait extrêmement fréquemment.
Et
je dois dire que j'ai fait une consultation dans mon comté et que c'est
probablement… même si la ministre dit que,
pour elle, le projet de loi, c'est global, c'est tout, mais il y a autant de
définitions, je pense, qu'il y a de compréhension chez les individus et de la façon dont ils veulent
aussi percevoir ce projet de loi. Et, dans mon comté, les gens ont dit :
Bien, commencez par vraiment déployer
partout les soins palliatifs, et après on va accepter l'article 26, après on va
faire l'aide médicale à mourir. Et
c'est pour ça qu'on dit que c'est possiblement le coeur. Ce qui dérange le plus
le projet de loi, c'est cette
partie-là extrêmement signifiante parce que c'est irréversible. Comme le disait
tantôt la députée de Gatineau, bien,
une fois, là, qu'il y a eu l'acte médical à mourir, bien là la personne est
partie. Alors, c'est pour ça qu'il faut vraiment choisir ces choses-là. Et moi, je suis contente d'être ici aujourd'hui,
parce que, oui, il faut le voir dans sa globalité, et, oui, les gens veulent de soins palliatifs, mais
ils veulent aussi qu'il y ait cette balise. Ils veulent sentir que, dans cet
article-là qui parle précisément de
l'aide médicale à mourir, ça s'adresse à qui, combien de mois, c'est quoi,
«irréversible», c'est quoi, le déclin
avancé… C'est pour ça qu'on prend un peu plus de temps, mais ce temps-là est un
temps important parce qu'on n'en a
jamais fait, de projet de loi comme ça, là. Et, si on est capables de parler de
mines trois fois, quand on parle de
la vie humaine et quand on parle aussi de l'autonomie des personnes, de pouvoir
faire des choix, je pense qu'on peut prendre le temps aussi d'essayer de
faire, comme le disait la députée de Gatineau, le meilleur projet de loi
possible.
Et, la ministre le
disait, on ne le sait pas, qu'est-ce qui va se passer dans 10 ans, on ne sera
pas là. Mais pour l'instant on veut faire le
meilleur projet de loi possible, et je m'inscris dans ce meilleur projet de loi possible parce que
c'est important, parce qu'on parle de la vie des personnes, des personnes qu'on
aime. Et on parle aussi d'un acte de compassion,
hein? On a parlé d'acte de compassion. Alors, c'est ça. Je voulais juste
m'exprimer là-dessus. Je sentais que j'avais besoin de le dire. Ça vient
de mon âme, là.
Le Président (M.
Bergman) : Est-ce qu'il y a d'autres... Mme la députée de Gatineau,
sur le paragraphe 4°.
Mme Vallée :
Bien, en fait, sur le paragraphe 5°...
Le Président (M.
Bergman) : 5°.
Mme
Vallée : …il y a un questionnement qui nous avait été formulé,
entre autres, par l'Observatoire du Vieillissement
et Société qui, à la page 11 de leur mémoire, se disait : Comment une
personne en déchéance avancée de ses
capacités peut-elle donner un consentement libre et éclairé? Alors, ça, c'était
l'Observatoire du Vieillissement qui avait
soulevé cette question-là, à savoir : Comment une personne en déchéance
avancée peut-elle donner un consentement libre et éclairé?
Donc,
je comprends que l'état de déclin avancé et irréversible des capacités, dans le
contexte bien particulier de l'article 26, ce n'est pas nécessairement
les capacités cognitives. Ça peut être les capacités physiques, c'est... Parce qu'il y a cette question-là qui a été soulevée
lors des consultations. Et donc, peut-être pour rassurer aussi les gens qui ont
formulé la question... En fait, je pose la
question parce qu'on n'y a pas nécessairement répondu, comme tel, bien qu'on
comprenne par les explications que c'est
vraiment la situation médicale, ce n'étaient pas nécessairement les conditions
cognitives de la personne.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Effectivement, M. le Président. Et la question de l'aptitude est là dès le
départ, donc.
Comme
on l'a amplement expliqué, cette aptitude à consentir au soin, donc à ce soin,
va devoir être évaluée. Et, je vous
dirais, pour rassurer les gens qui nous ont fait ce commentaire, évidemment,
toutes les personnes... si en fait on prenait ça comme prisme d'analyse,
toutes les personnes qui sont en fin de vie, qui vivent un déclin avancé de
leurs capacités, ne pourraient pas... Si on
se disait : Ah, ils vivent déclin avancé, donc ils ne peuvent plus
consentir, bien ça veut dire que les gens en fin de vie ne pourraient
plus consentir, alors que c'est une étape de leur vie où des décisions excessivement importantes se prennent et souvent à
tous les jours. Parce que vous acceptez et vous refusez des choses quand
vous êtes en fin de vie, même quand vous êtes aux soins palliatifs, toutes
sortes de soins de confort, mais, à un moment
donné, certains soins de confort ont des effets collatéraux qui créent de
l'inconfort, et donc vous mesurez ce qui apporte le plus confort, le moins d'inconfort. Donc, il y a des
décisions à chaque jour qui se prennent, des décisions de refus de soins, des décisions de choix de soins.
Donc, évidemment, c'est déjà le cas, les personnes en fin de vie, même quand elles vivent un déclin avancé de leurs
capacités, on doit évaluer et leur demander, bien sûr, leur consentement à
chaque fois. Donc, si ça peut les
rassurer, bien sûr, on parle de gens qui ont leur aptitude à consentir, à
exprimer un consentement.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Merci pour ces
précisions. Moi, pour le moment, ça me va au niveau des commentaires sur 5°.
Le
Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires
sur le paragraphe 5°? Alors, collègues, on procède au paragraphe 6°. Mme
la députée de Gatineau, sur le paragraphe 6°.
• (17 h 10) •
Mme Vallée :
Alors, sur le paragraphe 6°, je sais qu'il y a eu énormément de préoccupations
qui ont été soulevées par les souffrances psychiques.
Entre autres,
l'Association québécoise de prévention du suicide aurait souhaité qu'une
évaluation psychiatrique puisse être
faite lors de la formulation, lorsque quelqu'un formulait une demande d'aide
médicale à mourir. Je sais que, pour
certains, ça ouvre une porte qui ne doit pas être ouverte pour ceux et celles
qui seraient dans une période plus
creuse de leur maladie. Parce qu'il
y a toujours une évolution. Il y a des moments qui sont plus difficiles quand on
passe à travers une... Lorsqu'on est dans cette étape-là d'une vie, lorsqu'on
est en fin de vie, il y a des périodes qui sont plus noires, il y a
des périodes qui sont plus intenses au niveau émotif, et plusieurs
se préoccupaient à savoir : Est-ce
qu'on va permettre que ces
critères-là, que cette période-là viennent ouvrir la porte à l'aide médicale à
mourir?
Et je pose la
question parce qu'on a choisi... Au paragraphe 6°, on parle de «souffrances physiques ou
psychiques». Donc, on n'a pas la
souffrance physique et psychique, on a vraiment l'un ou l'autre. Alors,
pourquoi a-t-on choisi d'aller dans
cette voie-là, d'ouvrir la porte aux souffrances psychiques? Le rapport, bon,
faisait état de cette volonté-là également. Je sais également que la souffrance psychique fait également l'objet
de... Bon. La loi qui a été passée au Luxembourg reprend ce caractère, cet élément-là de souffrance psychique, la loi belge également. Et donc je me
demandais un petit peu… je
voulais savoir l'intention puis où on tirait la ligne.
Lorsque quelqu'un
est dans la période noire dont j'ai parlé un petit peu plus tôt, comment
on s'assure que ce n'est pas une souffrance qui est temporaire mais bien
qui est constante?
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Donc, plusieurs choses, M. le Président. La grande préoccupation de l'association de prévention du suicide, puis je pense
qu'il faut l'accueillir, ce serait que cette disposition-là puisse s'appliquer
à des gens qui souffrent de dépression et…
qui souffrent de dépression dans leur vie ou qui souffrent... Ce n'est pas, et
je veux le dire très clairement, le sens de l'article 26. Une personne
qui est dépressive, même si elle a une maladie importante... La notion de dépression, de faire une dépression, de
vivre une dépression ne se qualifierait pas à l'article 26 parce que
vous n'êtes pas dans une situation
d'irréversibilité, qu'il n'y a pas de perspective d'amélioration. Pour reprendre
l'exemple de ma collègue, vous n'êtes
pas face à une maladie incurable. Donc, on sait qu'on peut se sortir d'une
dépression. Donc, ça, c'est très
important de le dire. Les critères qui sont là excluent le fait que vous
puissiez demander l'aide médicale à mourir parce que vous êtes dans un
état de dépression.
Deuxième
élément : Pourquoi c'est si important et pourquoi
nous y tenons tant, d'avoir «souffrances physiques ou psychiques»? Comme
plusieurs experts sont venus nous le dire, en fin de vie, souvent, la
souffrance psychique est celle qui prend toute la place. Donc, il va y avoir
des gens qui vont souffrir atrocement, qui vont avoir des angoisses existentielles de fin de vie absolument
incontrôlables et qui font en sorte que leur vie n'a plus aucune qualité. Leur
fin de vie est dominée par une
angoisse perpétuelle qui fait en sorte qu'elles sont dans un état
insupportable. Et je pense que c'est
très important. On travaille beaucoup, comme société, pour reconnaître l'importance des souffrances
psychiques, l'importance de les reconnaître pleinement, que c'est quelque chose d'aussi grave et d'aussi important que les souffrances
physiques. Je pense que c'est très important de le mettre de l'avant dans le projet
de loi.
Pour ce qui est de la question de comment on va évaluer la capacité de la personne, tout
ça, je pense qu'on revient tout le
temps à la même réalité. Et L'AGIDD,
qui représente les personnes atteintes de maladie mentale, nous a bien mis
en garde de ne pas stigmatiser,
surstigmatiser les personnes atteintes de maladie mentale en venant prévoir des
critères excessivement stricts qui feraient
en sorte que, si dans votre vie vous avez eu le malheur d'avoir un épisode de
maladie mentale dans votre vie, l'aide médicale à mourir vous soit à peu
près impossible.
Donc, moi, je pense
qu'on a atteint le juste équilibre dans ce qu'on a prévu. Puis, comme le disait
le député de Jean-Talon tout à l'heure, ça nous remonte à l'alinéa 2°. Mais,
quand un médecin ne se sent pas parfaitement outillé pour évaluer, dans un cas qui serait particulièrement
difficile, l'aptitude à consentir, il va avoir recours à des collègues ou à
d'autres experts, au besoin. Donc, je pense
qu'on a cette flexibilité-là, mais je
pense qu'il faut faire très attention
de ne pas stigmatiser non plus les personnes qui auraient vécu une situation
de maladie mentale dans leur vie.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Quelles seraient
les conséquences de prévoir que la personne a des souffrances physiques et
psychiques? Qu'est-ce que ça aurait comme impact si on faisait le choix de
remplacer le «ou» par «et»?
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Parce que vous pourriez avoir des souffrances
physiques absolument… Quand tantôt on parlait de quelqu'un pour qui chaque respiration est insupportable
puis qu'on n'arrive pas, par exemple, à soulager, qui est dans des situations
d'étouffement à répétition avec des douleurs très importantes, bon, peut-être
que c'est un cas… peut-être qu'on s'imagine que cette personne-là va souffrir
psychiquement, mais elle peut souffrir surtout physiquement et non pas
psychiquement également.
Donc, est-ce qu'on veut faire en sorte qu'il
faut absolument qu'elle ait une souffrance psychique constante et insupportable
en plus de souffrances physiques constantes et insupportables? Non. Je vous
soumettrais que non. Et l'inverse : vos souffrances peuvent être
relativement bien contenues, mais vous pouvez être dans un état d'angoisse existentielle de fin de vie absolument insupportable,
ce qui fait en sorte que vous êtes incontrôlable ou on doit vous donner des calmants — je le donnais déjà, je pense, comme exemple — tellement
forts que vous allez avoir des hallucinations, vous allez avoir des effets secondaires très importants, ce qui fait en
sorte que vous ne serez plus du tout en contact avec la réalité ou vos
proches, puis, quand vous revenez, vous êtes dans un état de très grande
souffrance, encore une fois, existentielle.
Donc, moi, je pense
qu'il faut prévoir le «ou», parce que sinon il faudrait que quelqu'un
souffre franchement d'une manière
absolument atroce parce qu'on obligerait cette personne-là à souffrir
atrocement à la fois physiquement et psychiquement. Donc, je ne pense
pas que c'est le but recherché, M. le Président.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Non. En fait, le but recherché, ce n'est pas ça,
là, c'est juste d'arriver à tracer un équilibre puis faire en sorte de rassurer les gens sur la raison d'être
de «souffrances psychiques» parce que je crois que ça a pu soulever des questionnements sur cet élément-là. D'ailleurs,
c'est pour ça que j'ai fait référence… Je sais que, dans plusieurs
législatures, on l'a maintenu. Donc,
ce n'est pas nouveau, là. Il n'y a pas juste au Québec où on apporte cet
élément-là de souffrance psychique.
On a aussi l'autre critère, «qui ne peuvent être apaisées dans des conditions
qu'elle juge tolérables», donc des conditions que la personne qui vit
ces souffrances-là juge elle-même tolérables.
Pourquoi on n'a pas un critère médical sur la
façon d'apaiser les souffrances?
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
• (17 h 20) •
Mme
Hivon : Bien, je vous redonnerais l'exemple que je viens
de donner. Vous êtes dans une angoisse existentielle telle qu'on doit
vous donner des doses tellement fortes — et là je ne suis pas une
spécialiste de la pharmacologie, des psychotropes, là — mais
tellement fortes que vous allez avoir des effets secondaires, certains en ont
témoigné aussi, d'hallucinations… donc, vous
allez juger dans toute votre autonomie que, pour vous, c'est encore pire de
perdre ce contact avec le réel. Donc, pour vous, ce sont des conditions
qui ne sont pas tolérables.
Ça pourrait
être une personne dont les souffrances physiques sont telles qu'elle doit être
maintenue dans un coma constant, et cette personne qui revient à la sédation
palliative continue, qui serait la seule issue, et cette personne-là, comme on l'a entendu, pourrait nous dire :
Pour moi, ça n'a aucun sens, pour moi c'est intolérable de penser que je vais
être endormie pendant des jours, voire des
semaines, parce qu'évidemment c'est
imprévisible, et que je vais donc… qu'on va donc me retirer mon hydratation, que je vais être dans cet état-là.
On me dit que je ne souffrirai pas, c'est très bien, mais, pour moi, ça n'a aucun sens que je doive me
retrouver dans une telle situation avec mes proches qui vont souffrir,
et ça me cause énormément de souffrances d'imaginer ça. Donc, on peut imaginer
ce type de situation là.
Mais je veux
dire qu'il y a un mélange, dans cet article-là, de critères, je dirais,
objectifs. Certains voulaient qu'on aille plus loin dans la subjectivité. Et
moi, je pense que l'article 6 est vraiment un article… parce que quand
même c'est «des souffrances physiques ou
psychiques constantes, insupportables». Donc, on n'est pas dans la seule
évaluation de la personne. On se
comprend que, quand vous êtes chez le médecin puis qu'il vous demande :
Comment vous souffrez?, puis vous
devez juger, de 1 à 10, et tout ça, il y a un facteur de subjectivité, mais,
si, vous, votre échelle, vous la partez à cinq puis que vous montez à huit, bien on va savoir que vous avez monté.
Si vous la partez à neuf, puis vous êtes rendu à 12… Donc, il y a une subjectivité dans tout ça. Mais c'est dans le
dialogue avec le médecin puis comme on le voit au quotidien aussi quand le médecin décide de quel
type de calmant, comment il doit soulager son patient. Mais moi, je crois
qu'on a atteint un sous-équilibre important
dans l'alinéa 6° parce qu'elles doivent être, jusqu'à un certain point,
évaluées objectivement, bien que
c'est dans un dialogue évidemment avec le patient qui va relater dans quel état
de souffrance il est, mais on sait
très bien qu'on est capable de voir comment une personne peut souffrir aussi,
surtout en fin de vie, avec la crispation du visage, des membres, le
recroquevillement, tout ça.
Donc, il y a
ce dialogue-là. Mais je pense que, pour la question «des conditions qu'elle
juge tolérables», je ne vois pas
comment on pourrait faire autrement que d'y mettre cette notion du regard de la
personne sur l'aspect tolérable des conditions dans lesquelles elle se
trouve.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
M. le Président, la ministre a soulevé un élément très intéressant lorsqu'elle
a fait le parallèle… ou lorsqu'elle a parlé de la sédation palliative,
et là ça amène un questionnement.
Vous disiez : La personne pourrait ne pas
vouloir être placée sous sédation. Parce que, sous sédation, elle ne souffrira
pas. Elle ne sera pas consciente. Mais là elle envisage la pression ou la
souffrance de ses proches qui la verraient
sous sédation, et d'envisager cette souffrance-là l'amène elle-même à souffrir.
Est-ce que c'est un élément qu'on doit
considérer dans la souffrance psychique? Est-ce qu'on doit aller aussi loin que
penser à la souffrance des proches? Parce
que, là, on n'est plus très… Là, dans le fond, le consentement libre et
éclairé, on amène un autre élément, on amène la souffrance de quelqu'un d'autre dans
l'évaluation et là on peut penser que certaines personnes seront plus sensibles
à cet élément-là. Je me posais la
question parce que les souffrances physiques et psychiques constantes… une fois
placé sous sédation palliative… la
sédation continue, on n'en a plus conscience, de ces souffrances-là, à moins
qu'il existe des cas où, même sous
sédation continue, un patient puisse toujours avoir des douleurs. Ça, je ne le
sais pas. Mais la perception que
j'avais de la sédation palliative continue, c'était que l'état d'inconscience
était tel que la personne était dans un autre monde, là, n'avait pas
conscience de ses souffrances, de ses douleurs et n'était pas non plus en
mesure d'avoir cette souffrance psychique là.
Et donc, en
incluant cette condition-là, il y aurait toujours… est-ce qu'on ne peut pas toujours
dire : Bien, oui, ça peut être… il y a une façon d'apaiser les
souffrances physiques et psychiques, c'est par la sédation continue? Et qu'est-ce qui pourrait amener quelqu'un
à refuser la sédation continue et à demander l'aide médicale à mourir, outre
que le fait de savoir que ça imposera
une pression sur les membres de la famille ou les membres de son entourage? Peut-être que je me trompe, là, mais… Et
donc, là, ça devient une pression qui sort de la condition de la situation
médicale de l'individu mais qui est bien une condition plus familiale.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Premièrement, la souffrance, elle doit être là. La souffrance,
elle n'est pas liée au seul fait qu'on va vous mettre dans la sédation
palliative continue.
Vous avez
votre condition de base qui est d'avoir des souffrances physiques ou
psychiques, puis là on pourrait vous
dire : La seule chose qu'on peut faire pour vous, c'est de vous mettre en
sédation palliative continue. Pas : On vous met en sédation palliative continue, puis là vous dites : Ah non,
ça, ça me fait souffrir. Vous avez des souffrances de base qui sont insupportables, constantes, donc vous
répondez évidemment au critère n° 6, et vous dites… c'est
la seule possibilité pour vous. Moi, ce que j'ai dit, parce qu'on a entendu des témoignages… On a même
quelqu'un qui a fait un appel aux médias,
Georges C., dans Le Soleil, qui a dit : Pour moi, c'est
insupportable que la seule chose qu'on puisse m'offrir, c'est ça. Ça me
fait paniquer, je ne suis pas bien avec ça. Un.
Deux, la
sédation palliative continue, puis on l'a dit souvent, ça ne s'applique pas à
tous les cas. Ce n'est pas une panacée,
une voie, une porte de sortie mur à mur pour tous les cas, là. Quelqu'un qui a
une SLA, ce n'est pas un candidat à
la sédation palliative continue. C'est-à-dire que, comme on l'a vu, on va avoir
des protocoles, des standards cliniques. Donc, il n'est pas dans la même réalité de quelqu'un qui, par exemple,
ne s'hydraterait pratiquement plus parce qu'il a les effets comme d'un cancer, qui fait qu'à un moment
donné tout votre système… vous avez même de la difficulté à manger.
Donc, on n'est pas dans la même réalité.
Donc, ça, je
pense que, les experts, plusieurs nous l'ont dit, la sédation palliative continue,
ce n'est pas quelque chose qui est
applicable à l'ensemble des personnes qui sont en fin de vie, compte tenu de la
différence entre certaines pathologies.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Puis je comprends
aussi que, la sédation palliative continue, en fait on ne peut pas l'imposer à
quelqu'un, parce qu'au même titre où on ne peut imposer aucun traitement il
serait illogique de dire : Vous avez une possibilité
de ne pas souffrir via la sédation palliative continue, puisque la personne a
toujours cette liberté de dire : Pour moi, c'est complètement
impensable d'être placée sous sédation, ce serait une forme… à mes yeux, c'est
une forme d'acharnement thérapeutique avec laquelle je ne suis pas à l'aise.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
M. le Président, juste dire que la députée fait à haute voix le raisonnement.
Effectivement, vous pouvez refuser
tout soin. Donc, évidemment, vous avez le loisir de dire que, vous, c'est un soin
qui ne vous convient pas et, de ce fait, décliner, donc, la possibilité d'avoir
une sédation palliative continue. Mais, outre cela, ce n'est pas quelque
chose qui s'applique dans tous les cas de fin de vie.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Bien, justement, je pense qu'il y a le continuum de services qui va se donner à
ce moment-là, le continuum de soins, et puis
il y a des gens qui vont tout simplement prendre la sédation palliative
continue. Je pense, c'est une
majorité des gens. Ça va être là lorsqu'ils vont être rendus à ce moment de la
vie. Par contre, il y a des gens qui
veulent faire leur choix avant. Moi, je pense, c'est ça qui va arriver. C'est
qu'il y a des gens qui au départ vont dire :
Moi, je vais préférer ne pas avoir à prolonger ça, ne pas faire vivre ça
également à ma famille, parce que la sédation palliative continue peut
durer quelques jours, et ils vont faire le choix délibéré de demander l'aide
médicale à mourir.
Mais, à ma
connaissance, les critères, à la fin, demeurent à peu près les mêmes, c'est
dans les moyens que c'est différent.
Mais ce qu'on offre avec l'aide médicale à mourir, c'est de… compte tenu que
c'est irréversible puis que c'est à court
terme, bien ça va permettre à la personne de ne pas avoir à vivre ces derniers
moments là, même si elle est inconsciente. Elle ne s'en rend pas compte,
mais il y a des gens autour qui s'en rendent compte.
• (17 h 30) •
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Ça va, M. le Président.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Oui. Je pense qu'il y
a des situations où il y a des gens qui ont la sédation palliative continue
puis ne le savent pas, hein? Je
connais quelqu'un qui… j'ai vécu ça récemment… alors, hémorragie au cerveau, et
réanimation, et, bon, la personne
n'est pas morte immédiatement, c'est-à-dire que ça n'a pas cédé. Et là la
famille est là pendant quatre, cinq
jours à accompagner la personne. Et c'est la famille qui se sent mal face à ça
bien souvent parce qu'ils voient une
personne, ils ont l'impression qu'elle est très souffrante parce qu'elle a des
soubresauts. Et elle est en sédation palliative continue, et, bien souvent, c'est la famille qui demande. Et on l'a
entendu aussi pendant la commission parlementaire où il y a des gens qui disaient : Écoutez, mettez
fin à cette souffrance, faites quelque chose, docteur. Mais la personne est en
sédation palliative continue puis elle ne
l'a pas demandé, de l'être, là. C'est parce que c'est la situation médicale qui
a fait en sorte que c'est ça qu'on a fait.
Le Président (M. Bergman) :
Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur le paragraphe 6°? Alors, collègues,
l'alinéa deux : «La personne doit, de manière libre et éclairée…» Est-ce
qu'il y a des commentaires?
Mme
Hivon :
…juste, M. le Président, qu'on en rajoute. Donc, évidemment, tout ça est déjà
plutôt clair, de ce qu'on a vu, mais
on veut être archiclairs, donc on vient prévoir que la personne doit faire la
demande elle-même, pour elle-même et au moyen du formulaire.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Je reviens aux formulaires parce que, dans les différentes législations qui
autorisent ou qui offrent un soin de
fin de vie qui peut s'apparenter à l'aide médicale à mourir, on a joint aux
législations les formulaires à questions. Et puis, la semaine passée, on a eu l'échange puis on disait : Bon,
les formulaires, ce n'est pas nécessairement standard de les joindre au
projet de loi.
Je sais que,
dans certaines lois qui sont plus à caractère administratif, on a des
formulaires que nous joignons. Par contre,
au Luxembourg, on a même une déclaration en vue de l'obtention de soins
palliatifs. Ça va quand même assez loin.
On a le volet médical, on a la demande d'euthanasie ou d'assistance au suicide,
qui fait l'objet d'un formulaire précis, puis les formulaires comportent bon nombre d'informations, des
informations sur le patient. Il y a également un formulaire qui doit être rempli une fois l'acte médical… ou
l'acte complété… l'intervention médicale, peut-être, complétée. Et ça, c'est tant au Luxembourg… Donc, dans chacune des
législations, on a prévu un formulaire. Donc, j'imagine que, compte tenu
de l'importance et de la finalité de l'intervention, il y aurait peut-être lieu
de joindre au projet de loi «copie du formulaire»
qui permettrait aussi… Je pense que ça pourrait remplir aussi notre souci de
pédagogie parce qu'on y verrait, de façon claire, ce qui est requis.
Je sais, là, on nous disait : Dans le
domaine médical, il y a énormément de formulaires, il y a énormément de documents à compléter, mais je voulais simplement
amener le tout, porter le tout à l'attention des membres de la commission
que, dans la plupart des législations où on
allait de l'avant avec des interventions tels l'aide médicale à mourir, le
suicide assisté, l'euthanasie, on joignait le formulaire requis à la loi
ou au projet de loi, là, dans ce cas-ci.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Oui. M.
le Président, moi, je pense
qu'évidemment, dans les autres pays,
ils peuvent faire comme ce sont leurs
traditions, au même titre où nous, on a pu s'inspirer… mais je pense qu'on fait
encore mieux dans notre projet de loi que ce qui peut exister ailleurs.
Ici, ce n'est pas une tradition, certainement
pas dans le domaine de la santé et des services sociaux, où il y a effectivement beaucoup de formulaires, de les
joindre en annexe d'une loi. On a fait la recension. Et donc ce n'est pas
une tradition. Même, ce serait une... je ne
dirais pas «une anomalie», mais, enfin, quelque chose qui se distingue vraiment
de ce que l'on fait dans le domaine des lois
en santé et services sociaux. Moi, je me garderais de faire ça parce que, c'est
important, ça va être le formulaire prescrit
par le ministre, et c'est important que ce formulaire-là soit bien collé à la
réalité. Et il pourrait arriver qu'on se rende compte qu'il doive être
amélioré, bonifié. Et je pense que ça serait important de garder cette souplesse-là, que ce ne soit pas
quelque chose qui soit intrinsèque à la loi. Mais, surtout, ce qui est
important dans la loi, ce n'est pas le formulaire. Ce qui est important
dans la loi, ce sont les conditions. Et les conditions sont prévues à
l'article 26 dans le moindre détail. On va très loin dans l'encadrement.
Ensuite, on explique comment le médecin doit
s'assurer que toutes ces conditions-là soient remplies aux articles 28 et
suivants. Donc, contrairement, par exemple,
à un exemple qui avait été donné la semaine dernière pour la fixation des
pensions alimentaires, le formulaire, il est au coeur du chiffre qui va sortir et qui va être le montant de la
pension alimentaire. Là, on n'est pas du tout dans ça. En fait, on est vraiment juste dans la demande et
on vient prévoir un formalisme où cette demande va devoir se faire par
écrit et être signée.
Et donc moi,
je suis d'avis qu'il ne faut pas joindre ce formulaire et il ne faut pas
embarquer dans ce formalisme-là de cette étendue-là, je vous dirais, M.
le Président.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Bien, en fait, peut-être que c'est une
perception différente, je ne voyais pas que c'était un formalisme extrêmement
rigide.
J'imagine qu'il y
aura quand même des conditions de… il y aura des éléments qui devront
apparaître au formulaire. J'imagine que les
conditions devront faire l'objet... le formulaire devra quand même
faire état que la personne qui dépose
ou qui a manifesté cette... ou a fait la demande d'aide médicale à mourir
remplit les exigences. J'imagine que le formulaire fera état des renseignements
nominatifs de la personne : nom, âge, et tout ça.
Est-ce qu'il y aurait
lieu... Est-ce que ce formulaire-là sera transmis sans les renseignements
nominatifs à la Commission sur les soins de fin de vie? Je ne me souviens pas
si ça fait partie des documents qui sont transmis.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Je ne crois pas, M. le Président. C'est parce que,
c'est ça, il faut distinguer entre deux choses : il y a le formulaire où la personne fait sa demande, mais
ensuite il y a le médecin qui, lui, vient consigner, dans un document, le fait que la personne remplit toutes les
conditions et qu'il a pu procéder à l'administration de l'aide médicale à
mourir. Et c'est ça : c'est ce
qui est signé, consigné par le médecin, qui est transmis. Et je ne me souviens
pas si nous joignons la demande elle-même, parce que c'est vraiment...
Une voix :
...
Mme
Hivon : C'est ça. C'est vraiment l'acte qui est rempli par
le médecin, consigné par le médecin, qui fait état que la personne
remplissait toutes les conditions. Et c'est ça qui va être envoyé à la
commission.
(Consultation)
Mme
Hivon : C'est l'article 41 qui prévoit que ça va
être... c'est le règlement qui va venir prévoir ce qui va être transmis
par le médecin à la commission.
On
pourrait tout à fait transmettre... Je pense que ça serait une bonne chose que
de transmettre le formulaire de demande de la personne parce que ça va
de soi comme formalité. Donc…
• (17 h 40) •
Une voix :
…
Mme
Hivon :
Oui?
Une voix :
…
Mme
Hivon : C'est ça.
Moi, en tout cas, dans ma perspective, là — c'est
pour ça, la confusion — ce qu'on
allait venir prévoir, c'était que le
médecin va transmettre le document. On va venir prescrire par règlement
ce qui va devoir être dans le document.
Et on pourra donc prévoir que la demande initiale va être jointe, ce qui, je
pense, est une bonne chose, pour avoir l'ensemble, là, de la documentation
relative à l'administration de l'aide médicale à mourir.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la ministre, dans le deuxième alinéa, vous avez les mots «de
manière libre et éclairée». Dans
l'opinion de qui? Car ces mots sont là. Mais «la personne doit, de manière
libre et éclairée»… Dans l'opinion de qui? Comment est-ce qu'on sait que
la personne exprime son opinion dans une manière libre et éclairée?
Mme
Hivon :
C'est l'expression qui est généralement consacrée, donc, «le consentement libre
et éclairé».
Et,
à l'article 28, on vient prévoir que le médecin doit être
d'avis que la personne satisfait aux conditions prévues à l'article 26
et on vient préciser :
«a)
en s'assurant auprès d'elle du caractère libre de sa demande, en vérifiant entre autres qu'elle ne résulte pas de pressions extérieures; et
«b)
en s'assurant auprès d'elle du caractère éclairé de sa demande, notamment
en l'informant du pronostic, des possibilités thérapeutiques [...] et de
leurs conséquences.»
Donc,
c'est le médecin via l'article 28. Comme il le fait, on vient vraiment
mettre la ceinture et les bretelles en allant plus loin pour expliciter
ce qui sera un consentement libre et éclairé. Mais c'est ce que le médecin doit
faire à chaque fois qu'il entre dans une relation thérapeutique et qu'il offre des
soins à son patient.
Le
Président (M. Bergman) : Et il me semble que, dans ce deuxième alinéa, on doit avoir l'indication
que c'est libre et éclairé, dans ce
deuxième alinéa, dans l'opinion du médecin traitant et, deuxièmement, que toutes les conditions des paragraphes 1° à 6° sont
remplies.
Car, si on lit
l'alinéa deux, il n'y a pas de rattachement aux conditions des paragraphes 1° à
6° et il n'y a pas d'indication que la
«manière libre et éclairée»… C'est dans l'opinion de qui? Oui, je sais que vous
avez mentionné d'autres articles dans le projet de loi, mais je pense
que c'est dans cet alinéa qu'on doit être le plus clair que la personne a
exprimé son désir dans une manière libre et éclairée dans... et c'est certifié
par le témoin qui est le médecin traitant, j'espère, et, deuxièmement, que toutes les conditions sont remplies. Car, si on lit l'alinéa lui-même, il n'y a
pas aucun rattachement aux
conditions. Et on n'est pas certain que la personne a exprimé son opinion dans
une manière libre, sans pression peut-être des membres de la famille ou
des tierces personnes.
Mme
Hivon :
Oui…
Le
Président (M. Bergman) : Et, si — je
veux juste aller un peu plus loin — dans
un testament devant un notaire, ça
prend ou deux notaires ou un notaire et deux témoins, et je sais qu'on va
arriver à cette discussion dans l'alinéa trois, mais je pense que
l'alinéa deux doit être un peu plus clair et un peu plus certain.
Mme
Hivon : M. le
Président, à l'article
26, on énumère l'ensemble des conditions. Donc, la personne doit répondre
à l'ensemble des conditions. C'est écrit noir
sur blanc. D'entrée de jeu, on a même précisé en mettant «à toutes les conditions».
Donc, ça va de
soi que l'ensemble des conditions doivent être remplies pour qu'il puisse y avoir
une demande d'aide médicale à mourir.
Le deuxième alinéa vient donc s'ajouter aux six premiers paragraphes
qui viennent prévoir des conditions,
et il ajoute donc le fait de demander l'aide médicale à mourir au moyen d'un
formulaire en disant qu'il doit être
signé par la personne. La question de «de manière libre et éclairée», ce qui va de
soi, comme je le dis, c'est la ceinture et les bretelles parce que chaque chose à laquelle vous acquiescez, que vous
demandez comme soin doit se faire de manière libre et éclairée. On l'écrit ici spécifiquement parce que
ce n'est pas quelque chose qui vous est offert par le médecin, c'est vous qui faites la demande d'aide médicale à
mourir. Et, bien sûr, les articles d'une loi doivent se lire les uns par rapport aux autres, parce que sinon on
n'aurait qu'un seul grand article et qui devrait tout inclure.
Donc, ensuite,
c'est un peu la même chose, tantôt, le débat qu'on avait, à savoir si
on devait, pour d'autres conditions,
prévoir que c'est le médecin qui les évaluait. Et, comme j'ai expliqué, à l'article
28, on vient prévoir que le médecin
va devoir évaluer l'ensemble des conditions. Et, encore plus spécifiquement, pour la question du «de manière libre et éclairée», que la demande est formulée de manière libre et éclairée,
on a deux alinéas à 28. Donc, on ne peut pas mettre les choses à deux endroits. Ici, ça expose l'ensemble
des conditions, et, à 28, on expose comment le médecin va s'assurer que l'ensemble
des conditions sont bien respectées.
Le
Président (M. Bergman) : Je demande la question avec respect. Je me demande comment les parlementaires peuvent s'exprimer sur
l'alinéa deux sans avoir alors, dans vos mots, étudié l'article
28, car, si on lit ces deux alinéas, le
deux et l'alinéa trois, qu'on va débattre dans quelques moments, on n'est pas
en mesure d'exprimer une opinion sur ces deux alinéas sans la connaissance
de l'article 28.
Mme
Hivon : Je veux juste, M. le Président, vous
souligner qu'à l'article 10 du Code civil on dit que «nul ne peut
lui porter atteinte sans son consentement libre et éclairé», hein?
C'est vraiment
une expression généralisée qui est partout dans notre droit civil, dans la
section des soins, c'est la base. Donc, en fait, on vient reprendre
cette notion-là en l'écrivant noir sur blanc, malgré qu'elle soit déjà dans le Code civil à l'article 26. Et on ne peut
pas aller dans l'article 26 plus en détail sur cette notion-là de «libre
et éclairé» qui est consacrée, là.
C'est comme, chaque mot… on pourrait vouloir définir chaque mot à l'infini, là.
Comme, dans le Code civil, on a
«intégrité», on a «inviolabilité de la personne». À un moment donné, les mots veulent dire quelque
chose, et il faut se fier au fait
qu'on met des mots parce que les mots veulent dire quelque chose aussi dans une
loi. Et ensuite, à l'article 28, on a tout
le processus qui est aussi important que l'article 26, qui vient expliquer
comment le médecin, lui, va devoir s'acquitter de sa tâche d'évaluer les
critères qui sont à 26.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Oui. Une simple
question. On parle d'un formulaire qui est daté et signé par une personne.
Quel
processus on a mis en place pour les personnes qui sont analphabètes? Parce
que, bon, un formulaire, il y a quand
même des éléments de compréhension qui sont importants. Et je sais que c'est
une petite… ce n'est pas une grande… il
n'y aura pas des tonnes et des tonnes de personnes, mais il y a des gens qui
n'ont pas cette capacité de comprendre un document écrit. Est-ce qu'on a
prévu une façon particulière pour permettre à ces gens-là, quand même, de faire
cette demande-là et aussi pour permettre,
par exemple, aux non-voyants… Parce qu'on a eu un élément qui a été soulevé par
les différents groupes qui représentaient
les personnes handicapées, les personnes non voyantes. Et est-ce qu'il y a une
possibilité que ce soit par le biais d'un
interprète ou d'un document adapté à leurs limitations? Et, je ne sais pas,
peut-être que, dans le domaine de la santé, dans le milieu de la santé,
on a déjà des réponses à ces questions-là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Alors, la question en fait qui se pose ici, elle se pose au quotidien, à
chaque fois que, dans le milieu de la santé, on requiert un
consentement, dans le fond, écrit sur un formulaire.
Donc, je vous
dirais que de manière générale c'est une volonté générale qu'on puisse
s'assurer de la lisibilité des documents. Donc, il y a comme deux
questions dans votre question. La question des analphabètes comme telle, on va y venir à 26.1 quand on parle de la question
d'une incapacité, je dirais, à signer. On a enlevé, là, on va y venir, le mot
«physique» parce que ce n'est pas qu'une
incapacité physique. Donc, on va pouvoir élaborer, là. On voulait bien
souligner qu'il y a des gens qui ne
seront pas en mesure… soit parce qu'ils ne sont pas capables physiquement ou
parce qu'ils ne sont pas capables,
donc, d'avoir la connaissance. En tout cas, on va y revenir. Mais il y a déjà
des groupes puis il y a des groupes
d'aide à ces personnes-là qui sont là justement pour accompagner les personnes,
et généralement ce sont des défis que ces personnes-là ont au quotidien
dans tous les aspects de leur vie. Donc, on prend acte de ça.
Et, dans un cas comme celui-là, on
explique, évidemment, avec la personne, avec encore plus de soins, on fait
la lecture du formulaire, on amène la
personne à poser toutes ses questions
pour s'assurer que tout ça est bien clair. Mais la question de la
signature comme telle ne pose pas nécessairement problème chez une personne
analphabète dans la mesure où on a pu bien lui expliquer le contenu du document.
Puis on va voir que, pour les personnes qui ont une incapacité, on va venir
prévoir que... on va venir le mettre vraiment ailleurs, à l'article dédié sur
cette question-là.
• (17 h 50) •
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Ça me
convient. On pourra faire les échanges au moment de l'étude de l'article
précis. Je ne sais pas si... Sur ce paragraphe-là, moi, j'aurais une question
sur le... bon, la présence du professionnel, là, au...
Le Président (M. Bergman) :
On est à l'alinéa deux, n'est-ce pas?
Mme Vallée :
Oui, c'est ça. Alors, peut-être que... Vous n'avez pas de question
additionnelle? O.K.
Le
Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires ou questions sur l'alinéa deux? M. le député de
Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : C'est parce que «qui, s'il
n'est pas le médecin traitant [...], le remet à celui-ci»… C'est parce que «médecin traitant», c'est, pour vous
autres ou pour... dans le projet, c'est vraiment le médecin qui va pratiquer
l'aide médicale à mourir?
Mme
Hivon :
On va le regarder parce que...
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon, je m'excuse, on est sur
l'alinéa deux.
Mme
Hivon :
Ah, O.K.
Le
Président (M. Bergman) : Ça commence avec les mots : «La
personne doit, de manière libre et éclairée…»
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : O.K. Non, moi, je pensais que
deux, c'était le deuxième paragraphe après les six autres. Donc, M. le
Président, c'est correct, je reviendrai sur...
Le Président (M.
Bergman) : On est seulement sur cet alinéa.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Sur le deux, je n'ai pas de question. C'est
sur le trois que je vais en avoir.
Le Président (M.
Bergman) : Est-ce que vous avez des questions sur cet alinéa?
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Non.
Le Président (M.
Bergman) : Alors, est-ce qu'on peut...
Une voix :
…
Le Président (M.
Bergman) : Oh, je m'excuse. Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Non, non, excusez-moi. Je disais : Oui, on peut aller au troisième.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, s'il n'y a pas d'autre
commentaire sur l'alinéa deux, on va à l'alinéa trois : «Le
formulaire est signé en présence…» Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Oui. En fait :«Le formulaire est signé en
présence d'un professionnel de la santé ou des services sociaux…» Certains groupes étaient un petit peu
préoccupés sur la définition donnée à «professionnel de la santé ou des services sociaux». Est-ce que c'est un
professionnel de la santé ou des services sociaux tel que reconnu par le Code
des professions ou tel que reconnu à
la loi? Je pense que c'est l'Ordre des travailleurs sociaux qui nous avait
soulevé cette question-là.
Mme
Hivon : En fait, c'est un membre d'un ordre professionnel de
la santé. Donc, peut-être vous dire que ce qu'on envisage, évidemment, c'est l'infirmière si ce n'est pas... Moi, je
pense que, dans la majorité des cas, ça va être le médecin. Ce n'est pas quelque chose de banal. Donc le
médecin risque d'être là, il va avoir eu une discussion, puis là la personne
va dire : Je souhaite remplir le
formulaire. Mais il pourrait arriver que le médecin ait la discussion, tout ça,
et qu'on laisse le formulaire, que cette démarche-là se fasse avec, par
exemple, une infirmière, mais, pour être plus inclusifs, on a mis «services sociaux» aussi parce que ce pourrait
être un travailleur social de l'équipe des soins palliatifs, par exemple, qui
peut être proche de la personne puis qui
pourrait faire la démarche avec la personne et qui serait là pour pouvoir le
contresigner.
Le Président (M.
Bergman) : On a une question ici. Si on prend un testament
devant un notaire, ça prend deux notaires ou
un notaire avec deux témoins, et ici, où il y a une vie en jeu, la vie de...
une décision pour la vie, et il y a seulement un témoin qui est un
professionnel de la santé ou des services sociaux, et même ce n'est pas le
médecin traitant… Alors, ça veut dire que n'importe quel médecin dans l'hôpital
peut être demandé pour rentrer dans la chambre du patient pour être témoin, et
on sait comment les choses se rendent tellement vite. Il n'y a pas de direction
personnelle, compréhension du dossier. Et je
me demande pourquoi, avec un acte qui est tellement important, on n'a pas au
moins deux professionnels de la santé et au
moins le médecin traitant, car, certainement, le médecin traitant connaît son
patient, le connaît depuis probablement
plusieurs années, et c'est un moment tellement important dans la vie d'une
personne.
Pourquoi est-ce qu'on prend un témoin qui n'est
pas personnalisé avec le patient et pourquoi c'est seulement un témoin?
Mme
Hivon :
M. le Président, parce que la personne, elle est apte et elle est là, et elle
discute, et elle exprime son consentement,
contrairement à une situation où vous faites un testament et, quand le
testament va être lu et qu'il va être appliqué, vous ne serez plus là
pour dire : Oui, effectivement, je le voulais, c'est ce que je voulais.
Donc, c'est
pour ça que, oui, on vient prévoir que, la demande, il y a formalisme. On vient
le faire par écrit, sur la base d'un
formulaire, mais vous êtes là, vous êtes présent, vous le signez. Alors, il y a
juste quelqu'un à côté qui est là pour
attester que, oui, c'est bel et bien vous qui a signé ça. Mais on n'est pas
dans une situation où il pourrait y avoir une usurpation d'identité, où la personne pourrait mettre de l'avant des
choses qui ne sont pas conformes à ce qu'elle souhaite vraiment. Elle est là, la personne, donc elle fait
la démarche elle-même. Et, pour s'assurer que ça soit vraiment bien fait,
on a prévu la présence d'un professionnel de
la santé, mais on ne voulait pas non plus tomber dans un formalisme excessif
parce qu'on n'est pas dans une situation où la personne n'est plus là pour
s'exprimer. Au contraire, elle est là, elle le demande, elle signe son
formulaire, mais elle le fait devant une autre personne.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : …
Le Président (M. Bergman) : M. le
député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Je reviens sur la
notion du «médecin traitant». Puis j'ai cru comprendre vous aviez peut-être des modifications ou des clarifications
à apporter. Parce que le formulaire est transféré au médecin traitant qui, à la limite, si on
définit le médecin traitant comme le médecin de famille ou le médecin qui
s'occupe habituellement du patient, peut ne même pas être, presque, au
courant du cas ou c'est : le médecin traitant devient le médecin qui va
pratiquer l'acte médical à mourir, l'aide médicale à mourir?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Je comprends l'interrogation du député de Jean-Talon à la lumière de la
discussion qu'on a eue tantôt, donc
on va s'assurer d'avoir la bonne expression. Ce qu'on a en tête, c'est le
médecin, en fait, qui est responsable de la personne dans ce contexte
donné là, au stade où on en est.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Bien, oui, je pense, il faut vraiment trouver
le bon terme, parce que, pour la plupart des gens, «médecin traitant», c'est le médecin qui suit le patient
depuis longtemps. Ça fait que je pense qu'il faudrait juste… Puis est-ce
que ça va être le médecin responsable ou le médecin qui va pratiquer l'aide
médicale à mourir?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
À ce stade-ci, c'est le médecin qui s'occupe de la personne dans cette
situation-là. Mais évidemment c'est
le médecin qui va recevoir la demande. Ça ne veut pas dire que c'est le médecin
qui va l'administrer, pour les raisons qu'on
a déjà expliquées, là. Donc, c'est plutôt, selon moi, là, à ce stade-ci, le
médecin responsable, le médecin qui s'occupe de la personne.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui. Je vais faire un sourire à la ministre;
j'ai hâte de voir il va s'appeler comment, parce qu'un médecin, s'il n'est pas médecin traitant, ce n'est pas
nécessairement le médecin qui pratique l'aide médicale à mourir. En tout
cas, vous allez nous arriver avec une proposition.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Nous allons y
réfléchir. Mais, à première vue, c'est le médecin qui est responsable, c'est le
médecin responsable de la personne au
sens de la loi, là, quand vous êtes sous les soins d'un médecin. Mais, je ne
sais pas si vous suivez
la nuance, là, c'est que la personne, elle fait sa demande, et puis ensuite ce
médecin-là va évaluer si elle répond aux conditions, et tout ça. Donc,
c'est de ce médecin-là dont il s'agit.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Juste pour
clarification. Parce que je ne connais pas de loi qui va donner un nom à
ce médecin-là puis je ne pense pas qu'il soit dans cette loi-là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Moi, je
pense qu'on pourrait dire «le médecin», tout court, mais on va l'évaluer.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Je ne pense pas qu'on puisse dire «le
médecin», tout court. Je pense qu'on va créer une nouvelle catégorie de
médecins aux fins de la loi, parce qu'à ma connaissance «médecin responsable»,
«médecin traitant», ce n'est pas des termes
qui sont consacrés au niveau légal. Nos responsabilités de professionnels, on a
une certaine responsabilité, mais je ne suis pas certain que ça existe
au niveau du…
Une voix : Le médecin qui
reçoit la demande.
Le Président (M. Bergman) :
Malheureusement…
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Ça va être ça qu'on va devoir regarder ensemble.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, collègues, le temps s'est écoulé, et la commission
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 heures)