(Dix
heures trois minutes)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte.
La
commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le livre blanc sur la création d'une assurance
autonomie intitulé L'autonomie pour tous.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire :
Oui, M. le Président. Mme Daneault (Groulx) est remplacée par Mme Roy (Arthabaska).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Bergman) : Merci. Alors, nous avons le plaisir de recevoir l'Association québécoise des centres
communautaires pour aînés. Bienvenue. Pour les fins de l'enregistrement, on a
besoin de vos noms, vos titres. Et les prochaines 10 minutes, c'est à vous pour
faire votre présentation.
Association québécoise des centres
communautaires pour aînés (AQCCA)
M. Brosseau (Jacques) : Oui. Jacques Brosseau, je suis président de
l'Association québécoise des centres communautaires pour aînés.
M. Guérard (André) : André Guérard, directeur de l'Association québécoise des centres
communautaires pour aînés. Vas-y, Jacques.
M. Brosseau
(Jacques) : D'accord. M. le Président et membres de cette commission,
permettez-moi de vous remercier de nous
offrir l'opportunité de présenter notre mémoire sur le livre blanc concernant
la mise en place de l'assurance autonomie, lors de cette consultation
particulière.
D'abord,
il est important de mentionner que l'Association québécoise des centres
communautaires pour aînés est particulièrement
interpellée par la volonté ministérielle de mettre en place l'assurance
autonomie. Tout mettre en oeuvre pour
déployer les services et soins essentiels permettant aux aînés qui le désirent
de demeurer à domicile dans des conditions sécuritaires et sécurisantes constitue, sans contredit, un projet de
société qui… une orientation souhaitable. Les centres communautaires, par leur appartenance aux milieux
dont ils sont issus, ont été, au cours des quatre dernières décennies,
des acteurs importants par leur contribution au maintien des aînés dans la
communauté.
Les
58 centres membres représentés par l'AQCCA et implantés dans 14 régions du
Québec sont des acteurs de première
ligne établis et reconnus dans leurs communautés, qui rejoignent et soutiennent
les aînés qui désirent demeurer à domicile.
Quotidiennement, les CCA sont des témoins privilégiés de leurs réalités et de
leurs aspirations. En leur offrant des
services et des activités adaptés à leurs besoins, les CCA les accompagnent
dans leur volonté de demeurer socialement actifs tout en respectant les différents rythmes et capacités de chacun.
Par la proximité et les liens précieux qui s'établissent et facilitent
une relation de confiance, l'individu en lien avec un CCA développe ou
maintient son pouvoir d'agir, améliorant
ainsi sa propre qualité de vie. Par notre présence aujourd'hui, nous espérons
présenter un survol de l'expertise développée par des CCA, également
exposer nos questionnements et préoccupations émanant du livre blanc, tout en proposant certaines recommandations afin de
relever tous ensemble les défis qui attendent la mise en place de ce projet
de société.
Plus spécifiquement,
la mission de l'AQCCA est d'offrir une structure provinciale de représentation
et de soutien aux CCA en tenant compte des
spécificités propres à chacun. Ses objectifs sont de promouvoir des CCA au
Québec, représenter des CCA auprès
des instances gouvernementales et autres regroupements et instances impliqués
dans leur milieu, soutenir et assister des CCA dans leur développement,
reconnaître les problématiques spécifiques aux CCA et favoriser l'émergence de pistes de solution
communes, favoriser des échanges et assurer une liaison entre les membres.
Les objectifs qui définissent les centres
communautaires pour aînés sont de promouvoir une image positive des aînés, de
favoriser la participation sociale et les interactions avec la communauté
environnante, d'aider et maintenir l'autonomie physique et intellectuelle des aînés, de voir à l'organisation
d'activités correspondant aux besoins et aux intérêts des aînés, de stimuler l'entraide sous diverses formes, de favoriser
l'émergence de leadership chez les aînés, de faciliter le maintien et le développement du pouvoir d'agir et la
participation des aînés à l'amélioration de leurs conditions de vie et
finalement de susciter le développement de projets novateurs.
La structure
des CCA fait appel au savoir, au savoir-être et au savoir-faire des aînés qui
contribuent, tout au long de leur
parcours de vie, au maintien de leur autonomie personnelle, à l'amélioration de
leur qualité de vie et à l'enrichissement de leur communauté. De favoriser l'autonomie de
tous, c'est le défi relevé par les centres communautaires pour aînés, en
tenant compte évidemment du vieillissement démographique, par des approches et
des expertises pour favoriser l'autonomie de
tous, par des actions pour préserver et stimuler l'autonomie et maintenir des
personnes dans sa communauté. Nos moyens passent par des services, des
activités physiques et intellectuelles, des activités intergénérationnelles et
intragénérationnelles, des formations, etc.
Finalement,
nous voulons offrir un milieu de vie sécuritaire et sécurisant. En effet, au
cours des ans, plusieurs centres ont
réalisé que leurs programmes d'activités et de services, bien que pertinents,
rejoignent peu les aînés en situation de
vulnérabilité. Pour pallier à ce constat, ils ont développé des initiatives
particulières, des initiatives de travail de milieu auprès des aînés en situation ou à risque de
vulnérabilité, c'est-à-dire des ITMAV. Par celles-ci, les CCA ont développé
une expertise unique qui offre de nouvelles
réponses au défi que pose le vieillissement de la population. Ces réponses
adaptées à différents milieux et réalités
s'opposent au fatalisme condamnant ces personnes à un recours, souvent
prématuré, aux services publics tels que les CHSLD. Nous visons donc la
prévention.
Depuis leur
mise en place, les ITMAV ont permis de rejoindre des milliers d'aînés en
situation d'isolement qui n'étaient
pas en lien avec le réseau de santé et des services sociaux et qui pourtant
vivaient de lourdes problématiques. Cette liste pourrait,
malheureusement, encore s'allonger, mais mentionnons que plusieurs
interventions ont permis d'accompagner et de référer ces personnes aux services
dont elles avaient besoin. Que ce soit pour des questions de malnutrition,
d'insalubrité ou plus simplement d'isolement social, les CCA étaient aux
premières loges pour repérer, accompagner et contribuer à l'amélioration de la
qualité de vie de ces personnes fragilisées.
À ce titre,
nous sommes d'ailleurs très inquiets de la volonté gouvernementale de mettre en
place, tel qu'annoncé dans la politique Vieillir et vivre ensemble — Chez
soi, dans sa communauté, en mai 2012 le programme dédié aux ITMAV, garantissant un investissement de
18 millions sur cinq ans. En effet, malgré les travaux d'un comité de
travail et la bonne volonté du Secrétariat aux aînés pour la réalisation
de ce programme, nous sommes toujours en attente de résultats concrets. Cette situation met en péril de nombreuses
interventions auprès d'aînés en situation de vulnérabilité en brisant le
lien de confiance qui les unit aux CCA, puisque plusieurs postes de travailleurs et travailleuses du milieu
devront être abolis le 31 mars 2014, faute de financement.
À ce titre,
nous espérons qu'enfin nous pourrons compter sur un financement dépassant une
année, permettant ainsi de pérenniser
le lien de confiance que nous arrivons à établir avec les aînés plus
vulnérables et/ou à risque d'isolement.
Je laisse
maintenant la parole à M. André Guérard, qui vous présentera, en fonction du
temps qu'il nous reste, notre vision
de l'assurance autonomie, nos questionnements et des recommandations en
provenance de nos membres.
• (10 h 10) •
M.
Guérard (André) : M. le
Président, je présenterai donc, maintenant, les recommandations concernant
l'assurance autonomie. Ces
recommandations sont issues des propos et des commentaires recueillis lors de
rencontres avec nos membres directement sur le terrain.
En premier
lieu, nous voudrions que soient revus les délais d'implantation de l'assurance
autonomie et de son application afin
qu'elle réponde à la définition d'un projet de société méritant une réflexion
approfondie et une coordination bien
structurée. En agissant de la sorte, nous nous assurons d'une meilleure
adhésion de toutes les parties impliquées, une meilleure compréhension
de la population et un déploiement efficace donnant des résultats positifs.
En deuxième
lieu, nous insistons pour que soit inscrite prioritairement dans le projet
d'assurance autonomie la composante de
la prévention et que soient prises en compte les ressources communautaires,
telles que les centres communautaires
pour aînés, qui maintiennent et développent ce modèle d'intervention. Nous
demandons également que soit mis en place un comité national intégrant toutes
les ressources concernées par l'assurance autonomie, permettant de définir les balises applicables sur l'ensemble du
territoire québécois, favorisant ainsi l'équité lors de l'identification des
ressources disponibles et l'accessibilité aux services pour les aînés
concernés.
Nous espérons
fortement que les mesures de financement et d'application de l'assurance
autonomie ne contribuent pas à
accentuer l'appauvrissement de la population et plus particulièrement des aînés
les plus démunis. À ce titre, nous voudrions
que soit revue l'application des crédits d'impôt qui bénéficient à un nombre
limité de personnes, laissant de côté
les moins bien nantis. Il faut également simplifier l'utilisation de ces
crédits et du chèque emploi-services lorsqu'il y a lieu, car leur complexité actuelle prive plusieurs
personnes des bénéfices qu'elles pourraient en retirer et alourdit souvent
le travail des proches aidants. Nous
demandons également que soit respecté le continuum du vieillissement de la personne
afin d'offrir les soins et services de santé répondant à ses besoins, et ce, en
suivant scrupuleusement l'évolution de sa situation.
Nous demandons donc, à ce niveau, une mise à jour régulière du plan de
services. Et peut-être, selon les besoins de la personne, comme la situation peut changer rapidement, on trouve
qu'il faut que ce système-là soit mis en place quand même avant
l'application de l'assurance autonomie.
Il faudrait que soit mis en place un mécanisme
de soutien aux aînés à risque d'isolement ou en situation de vulnérabilité qui,
pour diverses raisons et dans des contextes particuliers, ne pourront être
évalués selon le processus conventionnel
prévu. Les centres communautaires pour aînés soutiennent des personnes qui
vivent des problématiques importantes
et qui hésitent à faire appel au milieu institutionnel. Cette réalité ne peut
être exclue de la réflexion concernant le projet d'une assurance
autonomie pour tous.
Nous
demandons également que dans le projet d'assurance autonomie soient reconnues
la contribution et l'expertise des
centres communautaires pour aînés en ce qui a trait au maintien des aînés dans
leur communauté et que leur mission préventive soit appuyée, qu'elle
respecte l'autonomie de l'action communautaire autonome et considère les
centres communautaires pour aînés comme des
partenaires à part entière en améliorant leur financement de base par
l'entremise du Programme de soutien
aux organismes communautaires, le PSOC, afin que ceux-ci ne soient pas
constamment à la recherche de fonds pour consolider leur offre de
services et d'activités.
Dans
la mesure où ce projet deviendrait un projet de loi, nous demandons à ce qu'il
soit soumis à une consultation élargie pour que le plus de personnes
possible puissent se prononcer sur cet éventuel projet de société.
En
conclusion, et tel qu'il est écrit dans le livre blanc, répondre aux
aspirations des aînés qui veulent «vieillir à domicile et recevoir les services adaptés à leurs besoins là où ils ont
fait le choix de vivre» tombe à point alors que notre système de santé, malgré plusieurs réformes, peine
à accompagner de façon préventive les gens qui en font la demande. L'assurance autonomie sera-t-elle la cure dont
notre réseau de santé a besoin? Quoi qu'il en soit, elle est une orientation qui, si les moyens et les temps nécessaires sont pris en compte, demeure
sensée pour favoriser l'autonomie et le maintien des aînés dans la
communauté.
Les actions
mises en oeuvre par les centres communautaires permettent d'accompagner les
aînés tout au long de leur vieillissement et les soutiennent de manière
à limiter les effets cumulés de la diminution de leurs capacités. Elles permettent également de rejoindre les aînés qui ne
sont pas en lien avec les ressources de la communauté, dont les CSSS. D'une certaine façon, ces actions retiennent la
pression que le vieillissement de la
population exerce sur divers services publics,
dont les CHSLD, et permettent ainsi à l'État d'économiser d'importantes sommes d'argent.
Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bergman) : Merci, M. Brosseau, M. Guérard, pour votre présentation. Et maintenant,
pour le bloc du gouvernement, M. le ministre.
M.
Hébert : Merci
beaucoup, messieurs, de votre mémoire.
Je voudrais dans un premier temps que vous nous décriviez, surtout pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, là, les
services que les CCA donnent aux personnes en perte d'autonomie. On parlera de la prévention tout à l'heure, là, qui est un élément important de votre action, mais j'aimerais que vous puissiez détailler quels sont les
services que vous donnez, que vos centres donnent aux personnes qui ont une
perte d'autonomie.
Le Président (M. Bergman) :
M. Brosseau.
M.
Brosseau (Jacques) : En
fait, il y a des services et les activités. Les services sont
souvent des accompagnements transport,
ça va être des visites d'amitié, des appels de sécurité, ça va être
des accompagnements pour des commissions, ça va être toute cette
forme-là de maintien de la personne dans sa communauté.
Or, nous, on
ne fait pas du service à domicile au
niveau des soins corporels, c'est vraiment
de l'accompagnement pour faire en
sorte de maintenir la personne le plus autonome possible dans sa communauté,
donc avec la personne, donc pas pour
la personne. Et, au niveau des activités, c'est qu'on promeut beaucoup
les activités physiques et intellectuelles, parce que c'est prouvé par
différentes études scientifiques que plus la personne est active tant
physiquement que moralement… ça lui
permet donc de contribuer davantage et plus longtemps dans sa communauté et
d'éloigner la période où le vieillissement va s'installer de façon plus
systématique. Donc, ça va être des formations.
L'objectif des centres communautaires pour
aînés, c'est beaucoup d'outiller les aînés à mieux vivre dans leur communauté, donc c'est de faire en sorte… on
parlait de projets innovateurs, c'est d'écouter ces membres et de faire en
sorte d'aller chercher les outils pour leur
permettre d'être actifs et aussi de s'intégrer dans la communauté, parce que
les centres communautaires pour aînés, il ne faut pas l'oublier, ça n'a
peut-être pas été mentionné clairement, mais c'est beaucoup de bénévolat. Donc, c'est des heures et des heures de
bénévolat, c'est des gens qui s'impliquent au sein de leurs centres et
dans leur communauté.
Le Président (M. Bergman) : M. le
ministre.
M.
Hébert : Les
transports accompagnement, ça inclut le transport accompagnement pour des
rendez-vous médicaux, j'imagine?
M.
Brosseau (Jacques) : Excusez, il faut juste parler un peu plus fort
parce les tendances au vieillissement ont commencé sur moi, et je suis un
petit peu sourd. Il faudrait juste…
M.
Hébert : Est-ce que
le transport accompagnement inclut les transports et l'accompagnement pour des
rendez-vous médicaux?
M. Brosseau (Jacques) : Les visites
médicales, oui.
M.
Guérard (André) : Pour l'accompagnement
transport, bien peut-être que je pourrais répondre. L'accompagnement transport effectivement permet à des aînés d'aller
à leurs rendez-vous médicaux mais permet aussi à des aînés d'aller à
leur épicerie, d'aller visiter des proches, des aidés, parce que souvent on
travaille aussi avec des proches aidants, et l'accompagnement
transport permet aussi à ces personnes de venir participer aux activités dans
les centres communautaires, qui
facilitent justement leur propre prise en charge mais favorisent justement la
prévention des vieillissements et des pertes cumulées.
Le Président (M. Bergman) : M. le
ministre.
M.
Hébert : Est-ce
qu'il y a des frais qui sont demandés aux personnes âgées qui utilisent les
services?
M. Brosseau (Jacques) : Généralement, les frais sont très minimes. Il y a
beaucoup d'activités qui sont gratuites parce que nous, on favorise
l'accessibilité. Donc, on ne veut pas que les gens soient discriminés en
fonction de leurs revenus. Donc, au niveau
des accompagnements transport, il y a des frais minimes qui sont demandés, pas
pour… C'est pour financer,
finalement, le coût de l'essence, en fait, mais c'est vraiment… on tient compte
de la réalité des aînés aussi beaucoup. Je veux dire, l'objectif des
centres, ce n'est pas… on ne fait pas d'argent avec ça, c'est l'idée de faire
une contribution, mais on ne discriminera jamais personne en fonction de ses
revenus, ça, c'est clair et net.
Le Président (M.
Bergman) : M. le ministre.
M.
Hébert : Depuis que
votre mémoire a été rédigé, on a annoncé une bonification du PSOC, là, du
Programme de soutien aux organismes
communautaires, de 40 millions, alors j'imagine que vous recevez ça comme
une bonne nouvelle parce que c'est la mission globale qui est bonifiée
ici.
Le Président (M.
Bergman) : M. Brosseau.
• (10 h 20) •
M. Brosseau
(Jacques) : C'est comme un bon départ. Nous, les centres
communautaires, en lien avec nos regroupements
nationaux, on vise un seuil plancher. La plupart des centres communautaires
pour aînés en sont loin. Je considère
que c'est un rattrapage, parce que, depuis quelques années, en regardant
l'ensemble des membres de l'AQCCA, on
constatait qu'ils s'en allaient dans une direction où il y avait beaucoup de…
où le financement n'était pas assez adéquat. Donc, ils étaient beaucoup
dans le déficit, donc ça devenait inquiétant pour la situation.
La
nouvelle situation permet au moins un certain équilibre, de respirer un peu. On
considère quand même que c'est un bon
départ, mais malheureusement ça ne comble pas tous les besoins, parce que,
quand on parle du vieillissement de
la population, le montant qui nous a été attribué face aux demandes qui vont
nous être présentées dans le futur… donc il va falloir faire l'équation éventuellement. Nous, on n'est pas spécialistes de… L'AQCCA, on
n'est des spécialistes dans le
financement au niveau… on a des regroupements qui nous représentent à ce
niveau-là, mais évidemment on fait des revendications de nos membres.
Le Président (M.
Bergman) : M. le ministre.
M.
Hébert : Et vous manifestiez une certaine inquiétude
concernant le financement de la mission de base de vos organismes. Je tiens à vous rassurer que le PSOC
va rester et ne sera pas intégré à l'assurance autonomie. Le financement
de base va faire partie du Programme de
soutien aux organismes communautaires et ça ne sera pas modifié, ce financement
de base, par l'assurance autonomie.
Toutefois, lorsque
certains services sont utilisés via l'allocation de soutien à l'autonomie, il est
possible que certains de vos organismes
puissent être sollicités. Et je voyais une certaine inquiétude sur l'autonomie
des organismes versus la reddition de comptes. Il nous apparaît
important, lorsque des services sont contractés avec des organismes communautaires ou avec des organismes privés,
d'avoir un certain standard de qualité, et je pense que vous partagez cette
préoccupation de standard de qualité. Alors,
c'est cette gestion publique, c'est-à-dire d'avoir des standards de qualité
pour les services qui sont donnés,
qui va être associée à un certain nombre d'ententes de service. Et ça, ça ne
handicape en rien votre mission de base, là. Mais, lorsqu'il y a des
services qui sont utilisés en contrepartie de l'allocation de soutien à
l'autonomie, il y aura un certain nombre de standards de qualité qui vont être
exigés de la part des organismes et des organismes communautaires.
Le Président (M.
Bergman) : M. Brosseau.
M. Brosseau (Jacques) : C'est sûr que nous sommes très à l'aise avec la
reddition de comptes. On est conscients que c'est des fonds publics et qu'on doit avoir transparence, là. Il n'y
a aucun problème au niveau des centres communautaires pour aînés. Au
niveau des qualités, on sait que, bon, il va y avoir probablement beaucoup
d'ententes de service.
La
difficulté? Par exemple, je vais vous donner le transport accompagnement. C'est
fait par des bénévoles. L'acte bénévole
est un acte libre et gratuit. Donc, c'est des gens qui choisissent de faire du
bénévolat en conséquence, selon leur temps
qu'ils ont de disponibilité. Et de garantir un transport à un aîné, c'est la
volonté de tous les centres pour aînés qui font ce type de service là. Par contre, quand on fait affaire avec des
bénévoles, ce n'est pas aussi précis que ça, on ne peut pas garantir à 100 % que la personne aura son
service. Parce que la majorité de nos membres, ce sont des bénévoles. Les
équipes de travail sont minimes. On n'a pas
de professionnel de payé pour le transport ou de professionnel… de fonds
pour financer des... donc c'est délicat. Et
nous, évidemment, comme vous, on vise la qualité à 100 %, mais on ne peut
pas garantir à 100 %. Ça, c'est une
grande différence. Et c'est par la volonté aussi des membres. Et, parce que les
centres ont été fondés par les aînés
et pour les aînés, il y a tout aussi la volonté de maintenir cette forme
d'indépendance là. On ne veut pas
devenir des sous-traitants de l'État. Nous, ce qui importe, je pense, c'est…
Les gens, les membres des centres communautaires
pour aînés, sont extrêmement sensibles à leur communauté, donc ils sont très à
l'écoute et ils vont faire en sorte qu'on puisse développer nos centres
en fonction de ces besoins-là.
Mais,
quand vous parlez d'évaluation au niveau des services, ce n'est pas qu'on est
contre. Souvent, même, par rapport
aux ITMAV que je parlais tantôt, il y a même tout un volet au niveau de
l'autoévaluation qui existe. Les centres communautaires avec le regroupement
ont développé des outils pour s'autoévaluer, autoévaluer leur qualité. Ces documents sont accessibles sur Internet pour les
différents regroupements. On est très à l'aise avec ça, mais c'est de voir,
par rapport à l'État, comment va prendre la forme d'évaluation. Ça, c'est une
inquiétude qu'on a.
Le
Président (M. Bergman) : M. Guérard.
M. Guérard (André) : J'ajouterai, si vous me permettez, que la crainte n'est pas
tellement... Tout le monde est en accord
avec l'offre de qualité de services, et les centres communautaires, les
organismes communautaires sont tout à fait conscients de cette
nécessité. Je crois que de toute façon, déjà sur le terrain, ça se pratique
beaucoup.
Par
contre, c'est plus au niveau de l'alourdissement de ces tâches administratives
où il y a des inquiétudes. Et, à ce
niveau-là, lorsque vous mentionnez, oui, la hausse au niveau des missions
globales, je crois que c'est justement un pas dans la bonne direction pour accompagner les groupes dans ce type de
tâches qu'ils auront à effectuer. En contrepartie, tout le volet
ententes de service inquiète les groupes communautaires parce qu'on ne voudrait
pas que les argents qui pourraient
éventuellement être mis dans la mission
globale soient diminués pour être dirigés vers les ententes de service.
Il y a
des inquiétudes de ce type-là dans le réseau. Et c'est sûr qu'il y a
des groupes qui vont, oui, probablement
signer des ententes de service. Par contre,
je vous dirais, compte tenu qu'on relève de la communauté, ce n'est pas le
principe même des centres
communautaires pour aînés de signer des ententes de service. C'est donc
pourquoi on insiste autant sur le financement de la mission globale.
Le Président (M.
Bergman) : M. le ministre.
M.
Hébert : Et c'est pour ça que ce sont des enveloppes qui
vont rester séparées, le PSOC et l'assurance autonomie. Les ententes de service vont être concernées par
l'assurance autonomie, alors que, la subvention à la mission de base, c'est
le PSOC qui va continuer à s'appliquer, de
sorte qu'il n'y ait pas de vases communicants, comme vous le craignez. Alors,
on va s'assurer que ça n'arrive pas.
J'aimerais
vous entendre un peu plus sur vos activités de prévention et en particulier les
initiatives de travailleurs de
milieu, alors, pour que vous puissiez nous dire comment ça fonctionne et quel
est l'impact de ces activités de prévention.
Le Président (M.
Bergman) : M. Brosseau.
M. Brosseau (Jacques) : Moi, je vais vous parler au niveau des activités,
puis M. Guérard vous répondra au niveau de tous les programmes ITMAV.
Au
niveau des activités, on voit beaucoup de programmes pour contrer les chutes,
par exemple le programme PIED que…
ensuite, toutes des activités de… C'est beaucoup la prévention au niveau des
chutes, au niveau de l'alimentation, comment
se nourrir sainement. On organise des cuisines collectives. On organise
différentes rencontres pour que les gens apprennent à mieux manger, à mieux s'occuper de leur corps et aussi à
donner des activités au niveau de l'intellectuel. On n'est pas dans des activités de loisirs. Ce
n'est pas la mission des centres communautaires pour aînés. Ça, il y a des
groupes pour ça. Les clubs d'âge d'or, par
exemple, eux, sont axés sur le loisir. Nous, on est vraiment axés sur des
activités qui vont être au niveau
d'expliquer le vieillissement du cerveau. Par exemple, on a des ateliers qui
sont là-dessus. On va avoir des
activités aussi qui vont permettre d'exercer notre mémoire, d'exercer… donc des
spécialistes et parfois même des
bénévoles à la retraite qui — quand je vous parlais de bénévolat — vont monter des ateliers pour stimuler les
membres, en fait, et donc de… C'est
des ateliers qui fonctionnent de plus en plus. C'est des choses qui attirent
les gens parce qu'ils ont conscience…
Plus ils vont retarder le processus de vieillissement, moins ils vont avoir à
utiliser les services de l'État.
Et
donc il y a toute cette sensibilité-là. Donc, ça va être des programmes pour
contrer les chutes aussi. On explique autant
le vieillissement qu'on essaie de le contrer. C'est deux façons de faire qu'on
utilise dans nos centres. Au niveau des ITMAV, j'inviterais M. Guérard.
M. Guérard
(André) : Au niveau des initiatives, écoutez, comme Jacques le
mentionnait un peu plus tôt, les groupes ont
rencontré certaines difficultés, au cours des ans, à rejoindre des populations
qui n'étaient pas en lien avec le réseau de la santé, entre autres, et
pour diverses raisons.
Il
y a des gens qui ne voudront jamais, à quelque part, faire affaire avec un CSSS
ou, pour différentes difficultés — on peut parler de difficultés juste
de lire des documents, des trucs comme ça — ne seront pas en lien avec le
réseau. Et tranquillement s'est développée
sur le terrain une fonction, je vous dirais, de repérage de ces aînés, de ces
personnes qui sont en difficulté et
qu'il faut accompagner un peu plus, je dirais, profondément mais avec qui il
faut développer un lien de confiance.
Et, un lien de confiance, souvent on a constaté qu'il se développait mieux avec
les groupes communautaires qui sont du milieu, qui sont connus par le
milieu et par différents individus et, de cette façon-là, on arrive à établir
un contact avec des personnes qui, comme je
le mentionnais, ne sont pas en lien avec le réseau. C'est donc, je vous dirais,
la première tâche des initiatives de travail
de milieu qui s'est dispersée sur le territoire québécois de différentes
façons, parce que justement on est en respect avec les centres
communautaires pour aînés et leur mission.
Donc,
différemment, oui, dans certains cas, on peut parler de travail de milieu dans
les tours d'habitation, mais on peut
parler aussi de porte-à-porte. Ça, c'est fait accompagné par des ressources du
milieu, dans le cas de Montréal, le SPVM.
Mais tout ça fait en sorte que lentement s'est mise en place une espèce de
réseau, je dirais, au niveau des groupes communautaires, en lien également avec le CSSS mais dans le respect des
missions des organismes pour faire en sorte de repérer ces individus et aussi de leur faire connaître les possibilités
qu'ils avaient d'utiliser les ressources existantes, que ce soient les
ressources communautaires, que ce soient les ressources du réseau.
Mais
on a retrouvé, donc, des situations assez, on le sait, parfois problématiques.
On parlait d'insalubrité, on parlait d'isolement
social. Et souvent ces gens-là ont pu lentement mais avec leur volonté… parce
que ça vient quand même de là, il faut qu'ils acceptent tout d'abord de
faire le pas, et c'est dans ce sens-là que les initiatives de travail de milieu
les accompagnent pour peut-être justement se déplacer vers un centre communautaire, se déplacer vers une ressource mais
faire en sorte que leur situation s'améliore. On ne parle
pas d'un accompagnement à long terme, parce que ce serait beaucoup trop lourd et beaucoup trop, j'oserais
dire, prétentieux pour les centres communautaires et les travailleurs de
milieu d'assumer ce rôle-là. Par contre, on
est passés, je vous dirais, du court à du moyen terme dans l'accompagnement.
Mais c'est vraiment une fonction principale de repérage, et, comme le
mentionnait le Vérificateur général, souvent le repérage se fait à l'urgence. Nous, on veut que le repérage se fasse
avant d'arriver à l'urgence, et pouvoir accompagner ces personnes, et éviter justement qu'elles soient
en situation de se retrouver à l'urgence où souvent, on le sait, les impacts
d'une hospitalisation ne sont pas très positifs, la plupart du temps.
• (10 h 30) •
Le Président (M.
Bergman) : M. le ministre.
M.
Hébert : Est-ce que certains des CCA utilisent les mêmes
outils de repérage qui sont utilisés dans le réseau, comme le PRISMA-7
par exemple? Est-ce que c'est, à votre connaissance, utilisé?
Le Président (M.
Bergman) : M. Brosseau.
M. Brosseau (Jacques) : Non, on n'est pas… Je sais qu'il y a quelques
endroits — sous
toutes réserves, c'est en mon nom
personnel — que j'ai
entendu dire... Mais ce n'est pas des outils qu'on utilise beaucoup. On n'a pas
évidemment beaucoup accès. Par
contre, nous, par notre expérience, on travaille quand même souvent en lien
avec les travailleurs sociaux. Donc,
il y a quand même un lien qui s'est établi avec notre CSSS. C'est plus par ce
niveau-là que par… On ne le fait pas nous-mêmes
parce qu'on n'a pas les compétences. On ne veut pas non plus remplacer les
travailleurs sociaux. Nous, c'est en complémentarité qu'on veut
travailler, pas en compétition et pas pour remplacer.
Donc,
l'objectif de nos démarches, comme le travailleur de milieu, c'est de faire en
sorte de référer les gens au bon endroit,
à la bonne personne, donc c'est de travailler ensemble dans notre communauté
pour pouvoir… Parce que parfois il y a des
situations où les gens n'auront pas besoin d'avoir accès au CSSS, et ce ne sera
pas nécessaire. Par exemple, on a beaucoup développé des liens avec le SPVM, dans le cas de Montréal, là, avec les
policiers sociocommunautaires. Donc, il y a tout un lien de prévention qui s'est établi, où il y a du
travail qui est effectué, mais sans nécessairement avoir besoin de passer par
le réseau de santé et services sociaux. Donc, ça décongestionne,
finalement, parce que normalement les gens se seraient retrouvés là. Mais, par
notre approche, bien ça fait en sorte que les gens sont dirigés vers une autre
direction, ils sont accompagnés, et les résultats sont là aussi pour…
Le Président (M.
Bergman) : M. le ministre, il vous reste quatre minutes.
M.
Hébert : Oh là là! Vous parlez, avec beaucoup de justesse,
du rôle des gestionnaires de cas et de l'importance de procéder aux réévaluations périodiques de la
personne et à la mise à jour du plan de services individualisé. C'est une
recommandation qui est extrêmement
importante et qu'on doit prendre en considération, parce que, comme vous le
dites, la base même d'une intervention
adéquate, c'est une bonne évaluation et une bonne réévaluation du plan de
services. Alors, je retiens cette recommandation.
J'aimerais,
comme dernière question, que vous nous parliez un peu plus des crédits d'impôt.
Vous recommandez qu'ils soient revus. Alors, j'aimerais ça vous entendre
sur ce que vous suggérez.
M. Guérard (André) : ...bon, on n'est pas des fiscalistes, sauf que ce qu'on rencontre sur
le terrain souvent, c'est la complexité d'utiliser soit les crédits
d'impôt ou soit les chèques emploi-services.
Personnellement,
pour l'avoir vécu avec mon père, on a trouvé effectivement que c'était une
lourdeur administrative supplémentaire
pour les proches aidants. L'utilisation de ces crédits et du chèque doit être
simplifiée. Il faut, si on veut que les
gens vraiment en bénéficient, en profitent, il faut vraiment arriver à mettre
des choses en place qui soient simples pour que les aînés puissent bénéficier au maximum, justement, de leurs
retombées. Outre ça, il reste que les crédits d'impôt… on le sait, pour avoir un crédit d'impôt, il faut
payer de l'impôt. Il y a des gens qui ne paient pas d'impôt mais qui ne sont
pas plus en moyens, n'est-ce pas, d'obtenir les services. En tout cas, il y a…
Comme je vous disais, on n'est pas des fiscalistes, mais il y a des trucs, là,
à regarder pour être sûrs que tous puissent avoir accès, justement, à de
meilleurs services, et le moins dans une ligne d'appauvrissement de la
population.
Le Président (M.
Bergman) : M. le ministre.
M.
Hébert : Je reviens au chèque emploi-services. Certains nous
ont recommandé qu'on puisse prévoir que des organismes ou des entreprises d'économie sociale puissent accompagner
des personnes handicapées ou des personnes âgées dans la gestion du chèque emploi-services en étant des
mandataires, en d'autres termes. Sans donner le service, ils sont au
moins mandataires pour sélectionner le personnel, assurer un suivi du
personnel.
Est-ce
que cette disposition-là pourrait simplifier pour la personne l'utilisation du
chèque emploi-services, pour ceux qui le veulent?
Le Président (M.
Bergman) : M. Guérard.
M. Guérard (André) : Je vous dirais que ça, c'est un pas dans la bonne direction.
Effectivement, il faut utiliser toutes
les possibilités. Maintenant, si, à la base, déjà tout le système était
simplifié, je crois que ça pourrait aider également, là, à l'application
des chèques emploi-services, entre autres.
Le
Président (M. Bergman) : M. le ministre.
M.
Hébert : Bien, juste vous dire que nous aurons l'occasion de
nous revoir, sans doute, parce qu'il y aura un projet de loi, une prochaine étape où il y aura des consultations,
encore une fois, sur les dispositions législatives qui vont être soumises à l'Assemblée nationale. Alors,
c'est un processus où votre participation va être accueillie très
favorablement. Alors, je vous remercie beaucoup de votre participation
aujourd'hui.
Le Président (M.
Bergman) : Merci. Maintenant, pour le bloc de l'opposition
officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais :
Merci, M. le Président. M. Brosseau, M. Guérard, je tiens tout d'abord à
féliciter votre association et les
centres communautaires pour aînés qui jouent un rôle fondamental pour l'équilibre
et le maintien de nos aînés dans la communauté.
Comme
vous le savez, la politique Vieillir et vivre ensemble — Chez soi dans sa communauté au Québec… «sa
communauté» prend un sens très important
quand on parle de villes, de villages, de milieux de vie et «sa communauté»,
ça passe aussi par les centres
communautaires, par la formation, par la prévention et par l'aspect social des
aînés, parce que l'autonomie des
aînés, bien sûr ce sont des services de soins et de santé, mais ce sont
également des activités, comme vous l'avez mentionné, pour retarder,
entre autres, l'apparition rapide du vieillissement.
MM. Brosseau et
Guérard, vous avez parlé, tout à l'heure, des intervenants de travail de milieu
pour les aînés vulnérables, et c'est un, je
dirais, programme qui me touche particulièrement. Je me souviens très bien,
quand nous avons fait la consultation
publique sur les conditions de vie des aînés avec le ministre de la Santé, ça
commençait à naître, ces intervenants,
qu'on appelait des intervenants de rue, un peu — on avait entendu les terme — les intervenants de rang, les intervenants de HLM. Et là on s'était posé des
questions et nous avions posé des questions, et c'était un peu un calque de
ce qui se passait pour les plus jeunes, une transposition.
Et
je sais, entre autres, qu'il y en a qui vont jusque dans la rue pour joindre
des aînés qui se retrouvent en situation d'itinérance, et souvent même abandonnés, et vous faites le lien avec
les centres de santé et de services sociaux. J'ai raison dans ce que je
suis en train de dire?
M. Brosseau
(Jacques) : Absolument, oui.
Le Président (M.
Bergman) : M. Brosseau.
M. Brosseau (Jacques) : Oui, absolument. Les travailleurs de milieu vont
souvent dans les milieux où se trouve l'aîné.
Donc,
on va vers la personne. Donc, ça va être n'importe quel endroit. Ça va être les
centres d'achats. Ça va être les
endroits où on sait... susceptibles… où on a détecté qu'il y avait un nombre
important d'aînés qui se retrouvaient, par exemple les centres d'achats où les gens vont prendre des cafés. Mais le
travailleur de milieu se présente à eux, se fait connaître. Le porte-à-porte est un moyen qui a été très utilisé, en tout
cas à Montréal. Je peux dire que, par exemple, dans le quartier Rosemont, au cours des années, 10 000
portes ont été frappées, donc, ont été cognées. Et ce qui est important avec
ce type de démarche là, c'est que ça
sensibilise non seulement l'aîné, là, qu'on rencontre, mais ça sensibilise
aussi toute la communauté parce
qu'ils sont mis à contribution pour détecter et pour rejoindre leur aîné
vulnérable qui va peut-être être leur voisin, leur locataire ou leur membre de
famille. Donc, c'est important. C'est que le travail se fait. On atteint, comme
c'est des aînés isolés... Et rarement les
personnes ne se vanteront pas… dire : Bien, je suis maltraité ou je suis…
Donc, ce qu'on fait, c'est de… comme
on ne peut pas toucher directement la personne, on essaie de rejoindre des
noyaux autour pour rejoindre le coeur du noyau.
Donc,
c'est différentes tactiques qui sont utilisées, qui ont fait leurs preuves au
cours des années. On a mille et un cas qu'on pourrait vous présenter,
mais le temps est limité. Mais c'est très, très efficace comme moyen.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais :
Je me souviens, entre autres, d'une initiative, dans les HLM, où on accrochait
près des portes... quelqu'un avait la
responsabilité. On accrochait, par exemple, un peu comme à l'hôtel, une présence
et, si le carton n'était pas
accroché, on savait qu'il y avait peut-être une difficulté et qu'il y avait une
personne responsable sur l'étage. Donc, les aînés, pour les aînés, deviennent en quelque sorte responsables
entre eux autres. Et je pense que ça peut sauver des vies et des
situations très, très, très difficiles, là.
M. Brosseau
(Jacques) : ...des vies.
Le Président (M.
Bergman) : M. Brosseau.
• (10 h 40) •
M. Brosseau
(Jacques) : Pardon. Excusez, M. le Président, je prends trop d'initiative.
Donc,
en fait, c'est qu'il y a des milieux qu'on considère un peu plus protégés,
soit les résidences ou... Les HML, c'est
quand même des milieux où il y a une proximité, en sorte
que les gens sont plus en lien. Mais on vise aussi beaucoup les
gens qui vivent en appartement, en logement ou à la campagne, par exemple, dans des rangs, dans des maisons isolées, pour faire en sorte
que cette même contribution-là soit applicable dans l'ensemble des situations.
Donc,
on prend exemple, comme vous nous avez raconté, au niveau des HLM, mais on
essaie de transposer toute cette
démarche-là aussi dans l'ensemble de la communauté,
parce que non seulement ça fait en sorte qu'il y a une solidarité sociale qui est augmentée, mais aussi ça combat
beaucoup l'âgisme aussi parce que l'aîné contribue aussi à participer au
maintien et à la sécurité de son
environnement, et pas seulement les générations qui suivent, mais l'aîné en
fait partie aussi, donc...
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Le ministère de la
Famille et des Aînés avait commencé à financer des projets sur une année et par
la suite sur trois ans parce que le ministère n'avait pas la capacité de
dépasser trois ans pour le financement. Et finalement, quand il y a eu le dépôt de la politique, ça s'est
avéré qu'il y avait un programme qui était de 18 millions, qui était créé
pour financer les intervenants, les
travailleurs de milieu sur une plus longue période et peut-être favoriser… non
seulement peut-être, mais favoriser
l'apparition de nouveaux intervenants de milieu. Et vous croyez que ce
programme est essentiel au maintien de la qualité de vie des aînés
vulnérables pour assurer leur autonomie si on veut mettre en place une
assurance autonomie qui se tienne debout?
Le Président (M. Bergman) :
M. Brosseau.
M.
Brosseau (Jacques) :
Absolument. C'est vraiment un programme qui est essentiel parce qu'il rejoint
les gens qui ne sont pas en lien avec
le réseau de santé et de services sociaux, parce qu'il y a toute une... De passer
uniquement par les CSSS, ce serait
exclure des gens. Et ces travailleurs et travailleuses là ont accès à des gens,
détectent des gens qui sont dans des
situations qu'on n'aurait pas l'occasion... Et le fait de faire une pérennité
quand même de trois ans, qui fait la différence quand même... Parce que le lien
de confiance... C'est des gens qui ont subi des situations qui font qu'ils sont
vite... le lien de confiance peut être
difficile à établir. Mais, par le processus un peu plus lent, par des rencontres,
par des moyens, le contact peut
s'établir, mais ça prend... En une année, par exemple, si c'est dans un milieu
où ça n'existe pas du tout, en une
année on va instaurer le projet, mais on n'aura pas le temps de le développer
et d'en arriver à des résultats concluants.
Il faut que
ça soit réévalué à tous les trois ans. Ça, je pense que... De toute façon, on
parlait d'évaluation et de voir si tout ça, c'était important aussi, de
voir aussi les directions, parce que la société aussi évolue. Mais c'est important
d'établir un programme qui va être à plus
long terme au moins pour pouvoir rejoindre ces gens-là et de bien instaurer ces
programmes-là. C'est un programme qui est en
parallèle avec le réseau de santé et de services sociaux et qui l'accompagne
finalement et qui, comme je disais tantôt,
décongestionne même le réseau de santé et de services sociaux. Donc, pour le
coût versus les actions et les succès rencontrés, je pense que ça vaut
l'investissement.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Vous évaluez à combien
de personnes qui ne sont pas en lien avec le réseau de la santé et des services
sociaux, que vous touchez? Est-ce que vous l'avez faite, cette évaluation,
ou...
Le Président (M. Bergman) :
M. Brosseau.
M.
Brosseau (Jacques) : Je n'ai
pas la capacité de nommer... Je ne pourrais pas vous donner un pourcentage,
mais je sais que par... Moi, je suis
directeur général aussi d'un centre communautaire pour aînés dans le quartier
Rosemont, à Montréal, et ma
travailleuse du milieu détecte… et travaille avec une moyenne de
200 personnes par année. Elle est à temps partiel. Et ce n'est pas des... La plupart de ces gens-là n'étaient pas
en lien avec le réseau de santé et de services sociaux.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Peut-être avant de
passer la parole à mon collègue, juste... Vous avez parlé des crédits d'impôt
tout à l'heure et de cette difficulté.
Je suis
toujours extrêmement concernée par les crédits d'impôt. Il y a des crédits
d'impôt remboursables, hein? Ça, la
terminologie, on pense toujours que, les crédits d'impôt, il faut payer de
l'impôt, mais il y a des crédits d'impôt qui sont remboursables, et ça n'a rien à voir avec nécessairement le
fait qu'on contribue, comme il y a un crédit d'impôt pour les proches aidants, là. Mais toujours est-il
que c'est toujours bien complexe. Et vous semblez dire que, même si on
travaille année après année pour essayer de décomplexifier la chose, ça demeure
compliqué.
Le Président (M. Bergman) :
M. Brosseau? M. Guérard.
M. Guérard
(André) : Effectivement, c'est ce qu'on entend sur le terrain quand on rencontre les aînés ou
les proches aidants.
Souvent, les gens ne s'y retrouvent pas, à
l'intérieur soit des crédits d'impôt ou des programmes de chèques emploi-services. Et, pour nous, c'est quelque chose qui est répété depuis des années, des années et des années. On sait
qu'il y a sûrement des fiscalistes qui travaillent à simplifier les choses. Je pense
qu'il y en a d'autres qui travaillent peut-être à les complexifier parfois. Mais je crois qu'il faut
avoir ce souci d'accessibilité. Pour nous, c'est vraiment de l'accessibilité aux services à tous les
niveaux, que ce soit pour les crédits d'impôt, que ce soit pour la santé ou
pour d'autres avenues. On sait qu'au
Québec, dans d'autres endroits aussi, mais notre système fiscal est assez,
quand même, complexe. Nous, qui
sommes quand même habitués dans les organisations à aider les gens, parfois,
nous-mêmes, on doit référer à d'autres, on ne s'y retrouve pas toujours.
Et donc on pense qu'il y a un travail là qui est important à faire.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bienvenue à notre
commission, puis inutile de vous dire que dans le futur vous allez être très, très, très utiles à la société,
parce qu'une des catégories de gens qu'il va y avoir de plus en plus
dans notre société, ça va être les personnes aînées qui vont avoir besoin de
plus de services. Et je pense que, comme société, on compte sur des
organisations comme la vôtre pour pouvoir travailler en collaboration.
Vous nous
avez apporté un élément, qu'au niveau financier vous auriez peut-être besoin
d'avoir des enveloppes plus protégées
pour s'assurer de la pérennité de vos organisations. Comment vous verriez ça?
Parce qu'actuellement vous êtes
probablement financés par les organismes communautaires. Ça veut dire quoi,
pour vous, avoir une enveloppe protégée?
Le Président (M. Bergman) :
M. Brosseau? M. Guérard.
M. Guérard
(André) : Bien, c'est une
façon, je dirais, de garantir aux groupes une certaine longévité, une certaine
assurance dans leur action, et ça permet également de les soutenir dans
leur développement, de faire
en sorte que… Souvent, dans
des groupes communautaires, oui, on répond aux demandes qui nous viennent du
terrain et on doit rapidement s'adapter. Or,
si les enveloppes ne sont pas sécurisées, je dirais, si on n'est
pas certains, on doit souvent se tourner vers du financement par projets. Et ce n'est pas par mauvaise volonté, mais
d'assurer la pérennité du financement de projets qui sont issus du
financement par projets, ça devient toujours très compliqué.
Il y a énormément
de causes, je vous dirais, que ce soit en santé, que ce soit en environnement,
et tout le monde y va un
peu de… je ne parlerai pas de saupoudrage, mais tout le monde accompagne les
groupes dans la mesure où ils le peuvent. Et par contre, pour les groupes, d'avoir des enveloppes, je dirais, spécifiques va permettre
d'avoir une vision à plus long terme dans le développement de leur
organisation. Pour nous, c'est comme essentiel, là, à la vie des organisations
communautaires, et j'inclus toutes les organisations, pas uniquement les
centres communautaires pour aînés.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Actuellement, est-ce
qu'à chaque année il y a une insécurité parce qu'on ne sait pas ou on sait tard dans l'année que... le budget
qu'on va avoir l'année d'après ou on vous a sécurisés, pour les trois ou quatre ou cinq prochaines années,
au niveau des enveloppes gouvernementales des organismes communautaires?
Le Président (M. Bergman) :
M. Brosseau? M. Guérard.
M. Guérard
(André) : Oui, je vais y
aller. C'est sûr qu'avec, par exemple, bon, les annonces qui ont été faites récemment on sait que c'est du financement long terme. Par contre, ça faisait quand même déjà quelques
années qu'il y avait un besoin de rehaussement important.
Oui, tout ça
va sécuriser, je dirais, justement, le développement des programmes que les groupes mettent en place. Mais encore, comme le mentionnait Jacques, c'est
un pas dans la bonne direction. Mais on croit que, pour accompagner, entre autres, les aînés dans un processus justement de prévention, de faire en sorte qu'ils puissent
demeurer à domicile plus longtemps,
il faut vraiment que la prévention soit prise en compte et soit à quelque part
financée pour ce qu'elle est, pour ce
qu'elle évite, je dirais, en coûts à l'État. Et souvent, et peu importe, je
vous dirais, le gouvernement qui est en place, la prévention est souvent laissée de côté ou on voit la
prévention comme des actes de sensibilisation, des campagnes promotionnelles, et il faut aller au-delà de ça.
Quand on parlait des initiatives de travail de milieu, pour nous, c'est de la
prévention. Les actions qui sont faites dans les centres communautaires, ce
sont des actions de prévention. Et il faut accompagner
à la hauteur de leurs attentes — bon, parfois, oui, on peut comprendre les
contraintes budgétaires — mais ces groupes qui font en sorte qu'en bout de ligne
l'État économise.
Je n'aime pas parler d'économie quand je parle
de la santé des gens, je vous dirais, je préfère qu'on priorise, justement, le
bien-être de la population. Mais il reste quand même qu'il y a des coûts
associés à tout cela.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
• (10 h 50) •
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Je vais vous rassurer, là, on ne voit pas ça
comme une dépense, on voit ça comme
un investissement. Et, si l'investissement est fait au bon moment, avec les bonnes
personnes, dans une bonne organisation, avec un bon niveau de performance, ça nous évite des coûts plus tard.
Et, comme société, compte
tenu
que l'enveloppe est fermée, nous sommes tous gagnants. Donc, là-dessus,
là, vous avez tout notre support. Puis on sait qu'en général un dollar investi dans la prévention... on va
récupérer plusieurs dollars au
niveau soit du traitement ou encore
de placement des gens.
La semaine
dernière, on a rencontré la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer. Et eux ont eu une demande de la part du ministère, de préparer un
genre de plan de développement. On n'a pas eu les détails, là, mais ce qu'on
pouvait comprendre dans les
discussions, c'est que c'est des organisations qui vont être appelées à prendre plus de place, compte tenu de l'évolution de la maladie, et également le ministère leur aurait demandé un plan de développement. Est-ce que vous avez
eu la même demande de la part du ministère?
Le Président (M. Bergman) :
M. Guérard.
M. Guérard (André) : Non, on n'a pas
eu ce type de demande.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Vous comprenez que, si on veut avoir une vision
globale du développement des services aux personnes aînées, c'est important que chacun de nos organismes, surtout
un organisme comme le vôtre, qui a un
retentissement provincial, soit capable de faire des prévisions sur ce qu'il
aurait besoin comme développement. Ce
qu'on voit souvent dans le projet de l'assurance autonomie… Il y a plusieurs
choses qui ont été mises en place, entre autres les grands principes
dans lesquels nous croyons tous — je pense qu'on veut tous que les gens demeurent le plus longtemps possible à
domicile — la
prévention et la prise en charge. Mais ça prend, tant du côté gouvernemental que des organismes
paragouvernementaux et des organismes communautaires, un plan de développement
pour savoir c'est quoi, les services qui
vont être mis en place, combien ça va coûter et c'est quoi, l'échéancier qui
est réaliste. Vous n'avez pas eu de demande en ce sens-là?
Le Président (M. Bergman) :
M. Guérard.
M. Guérard
(André) : De demande? Non.
Je vous dirais qu'on est quand même, si vous me permettez, on est quand
même consultés, les organismes communautaires. On pense au comité des
partenaires non gouvernementaux, provinciaux. On est quand même consultés. Dans
la mesure où ça vise spécifiquement certains volets de l'assurance autonomie,
oui, on en a discuté, tout ça.
Moi, je vous
ramènerais par contre dans le fait que, quand on demande de mettre en place un
comité national, pour nous, il y a de
ça là-dedans, de permettre aux gens, justement, sans imposer, parce qu'on
comprend qu'on veut respecter les
régions... mais, d'avoir des balises nationales qui auraient été discutées par
toutes les ressources impliquées, on croit qu'on va un peu dans le sens de ce que vous mentionnez. Et, pour nous,
c'est important pour pouvoir justement évaluer ce qu'il y a, sur le terrain, à développer. Et, dans
les régions, oui, ils pourront adapter, et on est tout à fait en respect avec
cela. Mais il reste quand même qu'on
croit que, pour éviter certains ratés dans différents milieux, il faut quand
même arriver à mettre ensemble toutes
les ressources, que tout le monde puisse travailler à ce projet-là, qui est, on
le sait, un projet de société.
Pour nous,
quand on parle d'un projet de société, on parle d'implication de tout un
chacun, d'une responsabilité sociale.
Et, dans ce sens-là, je vais un peu dans le sens où vous parlez d'un plan de
développement. Bon, on n'avait pas utilisé
ces mots-là, mais, pour nous, un comité national qui permettrait de mettre en
place des grandes balises va un peu dans cette direction-là.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'ailleurs, ça irait
dans une logique d'évaluer les clientèles, d'évaluer les besoins de ces clientèles, suivie de savoir quels services
ils vont avoir besoin et, par la suite, de faire une quantification, au niveau monétaire, des
ressources nécessaires pour pouvoir le mettre en place. Ça, à votre
connaissance, ça n'a pas été fait encore, puis c'est ce que vous
demandez par la mise en place d'un comité national?
Le Président (M. Bergman) :
M. Guérard.
M. Guérard
(André) : Oui. Moi, je vous
dirais que notre souci est moins peut-être au
niveau des chiffres, de ce que coûte tout cela. Comme je vous disais, nous ne
sommes pas des fiscalistes. Par
contre, notre souci, c'est de
s'assurer que les ressources, les
services disponibles... on veut s'assurer d'une équité partout à travers le Québec. Comment tout cela doit se faire? Bon, je crois qu'il y a des
parlementaires qui sont là pour, justement, assister la population à
l'intérieur de ça, mais on est
soucieux qu'effectivement soient mises en place certaines balises pour bien
évaluer les impacts aussi de ce
changement. C'est quand même un changement majeur pour une société, et on croit
qu'il faut, là, travailler, tout le monde ensemble.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon, il vous reste quatre minutes.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. Vous savez que, dans le projet de l'assurance autonomie,
il y a la création d'une caisse mais
également d'une nouvelle façon de faire où les besoins vont être déterminés
avec un certain montant alloué pour
chaque personne. Et cette personne-là, théoriquement, ça va être géré au niveau
de l'assurance maladie, de la Régie
de l'assurance maladie du Québec. Donc, le processus, là, c'est vraiment :
cette évaluation des besoins détermine
un peu comment ça va être octroyé. Et la façon dont ils vont l'octroyer, c'est
par le budget de la Régie de l'assurance maladie du Québec, qui sera un
budget protégé.
Vous, dans le
projet qui est déposé, si je comprends bien, vous ne rentrez pas dans ce
processus-là, vous restez dans un
processus plus d'allocation budgétaire provenant
d'une enveloppe globale, probablement des organismes
communautaires.
Est-ce que
c'est comme ça que vous le voyez ou vous aimeriez être intégrés avec la Régie de l'assurance maladie du Québec?
Le Président (M. Bergman) :
M. Guérard.
M.
Guérard (André) : Il y a effectivement à l'intérieur de ça un dilemme parce que certains groupes communautaires vont, oui, effectivement signer des
ententes de service et seront, je dirais, sollicités de toute façon pour offrir les services à la population, et, d'un autre côté, il
y a le financement à la mission. Je crois qu'un et l'autre peuvent se
compléter.
À l'association, on travaille avec nos groupes. Jamais nous n'oserions dire à
nos groupes : Vous n'avez pas à signer d'ententes de service. C'est quelque
chose qui existe sur le terrain,
c'est quelque chose qui existera. Je ne veux pas sembler fataliste, là, on compose avec. Par contre,
comme je le nommais tout à l'heure, on ne veut surtout pas que le principe de
développer des ententes de service ait un
impact quelconque sur le développement du programme PSOC pour la mission
des groupes. On priorisera toujours le
développement par la mission, le financement à la mission, c'est sûr et
certain. En contrepartie, compte tenu
des besoins et des réalités, il y aura toujours des possibilités que les groupes
désirent et veulent signer des ententes de service. Par contre, on sait
que tout ça implique une reddition de comptes supplémentaire et on s'inquiète
un peu de la lourdeur administrative de tout ça.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon, il vous reste deux minutes.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. On sait qu'il y a une
intention de mettre en place le régime d'assurance autonomie pour le 1er
avril 2014, là. C'est dans quelques mois. Il y a encore beaucoup de travail à
faire.
Dans vos
documents, vous disiez que l'échéancier était trop serré. Qu'est-ce qu'il
manque pour réussir à dire que, le
1er avril, ça pourrait être mis en place? Ou y a-tu des éléments vraiment qui
doivent être mis sur la table avant qu'on puisse dire que l'assurance autonomie est un projet qui est valable pour
la société? Puis je vous rappellerai qu'on est tous d'accord avec les grands principes, mais est-ce
qu'on a besoin de l'assurance autonomie, une structure, que nous autres,
on trouve bureaucratique, avec plein de
processus, puis changer toutes sortes de façons de faire, alors qu'on ne
devrait pas se concentrer plutôt à l'amélioration de la performance du
réseau de la santé pour les personnes aînées?
Le Président (M. Bergman) : M.
Guérard? M. Brosseau?
M. Guérard
(André) : Oui,
effectivement, on a nommé que, pour nous, un projet de société demande du
temps, demande des consultations, en
même temps qu'on est conscients qu'il faut avancer, avancer peut-être
rapidement, compte tenu de l'impact du vieillissement de la population.
En
contrepartie, on ne veut pas que ce soit fait dans la précipitation. On tient à
ce que justement, quand on parlait d'un
comité national, que ces gens-là puissent justement faire en sorte qu'au moment
jugé opportun par les gouvernements de
mettre en place cette assurance autonomie tout soit déjà prêt. On a vécu par le
passé... On va parler de virage ambulatoire, on va parler de restructuration des CLSC avec les CSSS et parfois on est
obligés d'admettre qu'il y a eu certains ratés. Et on se dit : Pour cette fois-ci, est-ce que c'est possible de
mettre en place tout ce qu'il faut et, à un moment précis, dire : Bon, c'est beau, on a les ressources qu'il faut,
on est certains qu'il n'y aura pas trop de ratés, parce que c'est sûr qu'il y
en aura toujours? On travaille avec
des êtres humains, et parfois, puis ce n'est pas par mauvaise volonté, mais
tout ne s'attache pas correctement.
On veut qu'un
maximum de choses soit attaché avant qu'on puisse appliquer le principe de
l'assurance autonomie sur le terrain.
Ça peut demander un peu plus de temps. Moi, je ne crois pas qu'il faut parler,
là, de décennie. On peut parler qu'à
l'intérieur d'un an... je crois que tout le monde pourrait justement avoir mis
la main à la pâte, et enrichir tout le processus pour faire en sorte qu'on puisse éventuellement mettre en place tout ça,
et répondre adéquatement aux besoins des aînés.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est
écoulé. M. Brosseau, M. Guérard, merci pour votre présentation, merci
d'être ici avec nous aujourd'hui et partager votre expertise.
Collègues, je
suspends pour quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à 10 h 59)
(Reprise à 11 h 1)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors,
collègues, nous avons le grand honneur de recevoir M. Claude Castonguay. M. Castonguay, bienvenue.
Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange
avec les membres de la commission. Alors, le micro, c'est à vous, M.
Castonguay.
M. Claude Castonguay
M.
Castonguay (Claude) : Merci.
M. le Président, j'essaie juste, là, d'ajuster mon appareil. Je m'excuse.
D'abord, je vous remercie de me recevoir
ce matin, et d'autant plus que le problème auquel vous vous adressez est un
problème réel. Avec le vieillissement
de la population, l'augmentation du nombre de personnes qui sont soumises à des
maladies chroniques,
évidemment il y a un problème majeur qui est devant nous, celui de satisfaire
les besoins de cette population vieillissante.
La question
de l'assurance autonomie est une question complexe évidemment, et il y a
plusieurs dimensions à la question.
Il n'est pas possible de toutes les aborder, de toutes les discuter. Alors,
moi, j'ai essayé de m'en tenir aux aspects essentiels en tant que
programme d'assurance sociale.
Dans les pays
développés, on retrouve deux approches pour l'assurance autonomie, ou les soins
à domicile, ou le maintien des
personnes à domicile. Il y a des régimes qui ont des programmes, un régime
d'assurance autonomie comme la
France, l'Allemagne, l'Espagne. Ce sont des pays qui ont organisé leur système
de santé à partir de caisses d'assurance, des caisses mutuelles qui couvraient une partie de la population, des
caisses qui couvrent certains risques spécifiques, et c'est l'addition de ces différentes caisses là qui
a fait en sorte que des systèmes universels d'assurance dans ces pays-là
ont été établis. Il y a l'autre approche qui
est celle de la couverture par les systèmes de santé, les systèmes de santé,
qui ont été créés de toutes pièces,
comme en Angleterre, comme en Suède, comme ici, au Canada et au Québec. Et les
soins et services qui sont offerts ou
qui sont produits pour satisfaire les besoins de la population sont produits à
l'intérieur de ce système, des
systèmes de santé, alors que, dans les autres pays comme la France,
l'Allemagne, l'Espagne, si vous avez une
caisse d'assurance, pour que ce soit vraiment une caisse d'assurance et un
véritable régime d'assurance, il y a des cotisations, des cotisations
qui font en sorte que le système est capitalisé, et une génération finance les
coûts ou les dépenses qu'elle subira ou qu'elle occasionnera lorsqu'elle
arrivera à la retraite.
Alors, c'est
donc deux modèles différents qui sont utilisés. Dans le régime qui est proposé
dans le livre blanc, on ne retrouve ni l'un ni l'autre, en fait. Vous
n'avez pas de cotisation, ce qui veut dire que le régime va être financé simplement par des transferts de budget. Il n'y a
pas de capitalisation. Ça veut dire que, si on augmente les coûts de ce régime,
c'est la population active qui va être tenue de financer ces coûts
additionnels. Et nous savons que les transferts intergénérationnels,
dans le moment, c'est la chose à éviter. On s'en va vers une population active
qui va être moins élevée et une population
de personnes âgées qui va en augmentant. Alors, on laisse aussi à la
population active une dette qui est très élevée et
donc on ajouterait à ce fardeau-là.
Le fait aussi
qu'il n'y ait pas de cotisation, qu'il n'y ait pas de
financement précis par des cotisations et que ce n'est que des
transferts de budget ne donne, à mon avis, aucune assurance, puisque les
budgets qui seraient donnés à l'assurance
autonomie pourraient être très bien compensés par des diminutions de budgets
à d'autres postes. Alors, il n'y a
pas cette garantie d'une caisse avec cotisation et capitalisation.
Il y a
un autre aspect, moi, qui m'apparaît extrêmement important, c'est qu'il n'y a aucune évaluation
réelle des coûts. On ne sait pas quel
serait le montant des allocations qui pourrait être donné pour l'achat de
services ou la provision des services. On ne connaît pas le niveau de besoin
d'une façon précise, il y a juste des approximations très générales,
et on ne connaît pas non plus, par rapport à ces besoins, jusqu'à quel point la demande actuelle y répond. Et je
crois, moi, que, dans un programme
d'assurance sociale comme celui qui est proposé… moi, je n'ai jamais vu un programme
d'une telle ampleur être offert, être proposé sans qu'il y ait des
projections valides des revenus et des dépenses.
Sur les autres points, en plus de cet aspect du système
d'assurance, on note dans la lecture du document que l'approche en est une de vouloir planifier les ressources,
organiser les ressources, coordonner, et c'est donc une approche, encore une fois, qui part du ministère,
qui s'en va en descendant vers ceux qui produisent et qui donnent les soins.
Cette approche-là a été prise dans le
passé, quand on a établi le Dossier
santé. Au lieu d'aider les gens dans les cliniques, dans les hôpitaux à créer un dossier santé et après ça
de raccorder tous ces systèmes, on a pris une approche globale. Et on sait que
ça a coûté extrêmement cher et on sait aussi qu'il y a des retards importants,
alors que le Dossier santé pourrait grandement faciliter la tâche de tous ceux
qui interviennent et réduire les dépenses.
C'est un peu la même approche qui a été prise
pour les groupes de médecine familiale : au lieu de laisser une certaine latitude aux gens dans le milieu au niveau
de l'action sur le terrain, on a établi, on a planifié, on a organisé, on a
coordonné, mais finalement on a fait en
sorte que la structure est tellement lourde qu'un bon nombre de médecins ne veulent
pas adhérer à des groupes de médecine
familiale. Donc, après une dizaine d'années, on est encore loin des objectifs
visés.
Moi, ce que
je crois qui devrait être fait, c'est une approche qui s'inscrit directement dans notre système de santé. Tout
ce qui a été discuté ou tout ce qui est proposé au niveau des services, ça
peut très bien être fait à l'intérieur de notre système
de santé sans qu'il soit nécessaire de créer une nouvelle structure, et l'approche
qui devrait être prise devrait être une approche où on met l'accent sur stimuler la production des services,
aider les gens qui sont sur le terrain à répondre à la demande.
• (11 h 10) •
Par exemple, les aidants naturels. On sait très
bien que la grande majorité des
personnes qui sont à domicile et qui
vont demeurer à domicile, c'est l'objectif de ce que nous discutons, ils dépendent d'aidants
naturels. Les aidants naturels, c'est
la partie probablement la plus importante de cette équation-là, comment répondre aux
besoins des personnes qui vont être à
domicile, et le livre blanc ne les mentionne à peu près même pas. On ne
clarifie par leur statut, on ne dit pas si on va les aider financièrement,
on ne dit pas si ce sont eux qui vont être responsables des dossiers. Au
contraire, on a l'impression que c'est quelqu'un
extérieur à la famille qui va prendre charge du patient, alors que ça devrait
être l'inverse. Alors, la même chose
pour les ressources communautaires, on devrait — on a entendu, là, un groupe — on
devrait mettre l'accent... et leur donner la latitude de s'organiser au
lieu d'essayer toujours de tout structurer. Même chose pour les coopératives d'économie
sociale.
Alors, en
définitive, moi, je crois qu'à l'intérieur de notre système
de santé, si on veut bien regarder ce qui se passe sur le terrain, c'est là qu'on devrait mettre
l'accent. La Grande-Bretagne, qui est un pionnier dans ce domaine, prend cette
approche de stimuler et de tout faire pour
que les gens sur le terrain puissent répondre à la demande et met la responsabilité sur le patient, sur les
aidants naturels pour gérer les ressources qui sont à leur disposition. Je
voudrais simplement mentionner
enfin, M. le Président, que le Vérificateur
général, dans son rapport de juin
2013, a examiné la question, et lui,
il conclut — et
c'est dans son rapport — que
la question de satisfaire les besoins des personnes en perte
d'autonomie, ça n'est pas un problème de financement, au premier titre, mais
plutôt un problème d'organisation et de production des services. Il mentionne même que, s'il y a un
problème aussi grand, là, un écart aussi grand entre la demande et l'offre, ça
viendrait du fait, selon lui, que seulement
11 % du temps des intervenants qui sont sur le terrain est consacré aux
services.
Alors, ma conclusion, c'est qu'on devrait mettre
tout l'accent, dans ce qui est proposé ici, non pas sur le financement par un régime qui n'en serait pas
vraiment un, mais mettre l'accent sur la production au niveau du terrain.
Le Président (M. Bergman) :
Merci, M. Castonguay, pour votre présentation. Maintenant, pour le bloc du
gouvernement, M. le ministre.
M.
Hébert :
Merci beaucoup, M. Castonguay, de votre présentation. Vous êtes le père de
l'assurance maladie et vous vous
souvenez très bien que cette assurance maladie a été mise en place pour couvrir
les soins hospitaliers et les soins médicaux et que la règle canadienne
était que ces soins devaient être médicalement nécessaires. Et là, et une partie importante du problème, c'est que les soins
à domicile ont été développés en marge de ce système de santé, et ce développement a été extrêmement variable d'une
province à l'autre, certaines provinces les incluant en partie, d'autres
les excluant complètement. On pense à
l'Alberta. Mais, même au Québec, l'État finance entre rien du tout, dans
certaines résidences privées et dans
des HLM, et 15 % des besoins de soutien à domicile, ce qui est loin de
faire en sorte que c'est couvert par l'universalité de notre système, et
surtout c'est loin d'être équitable, comme le rappelaient d'ailleurs la
Protectrice du citoyen et le Vérificateur général.
Alors, il y a
actuellement, au Québec, là, même un vide juridique sur quelle est la
couverture des soins à domicile, quelle est cette couverture qui devrait
être rendue disponible aux personnes, et il faut corriger ce vide, il faut
qu'on éclaircisse qu'est-ce qui est couvert et qu'est-ce qui n'est pas couvert
par nos régimes de protection sociale.
Le Président (M. Bergman) :
M. Castonguay.
M.
Castonguay (Claude) : Je
suis parfaitement d'accord avec vous, M. le ministre, et d'ailleurs on a vu
comment ça peut être fait à
l'intérieur de notre système au cours des années. En fait, lorsqu'il a été
question de fertilisation in vitro, on n'a pas été obligés de créer un
nouveau régime ou de procéder hors du régime.
Il s'agit de
déterminer, dans la définition de ce qui est couvert par la Régie de
l'assurance maladie ou encore par la
Loi sur les services de santé et les services sociaux, la couverture de
nouveaux soins ou de nouveaux services, comme ça a été fait dans le cas, par exemple, de l'imagerie médicale. On a
exclu du système de santé ou de la couverture l'imagerie médicale lorsqu'elle est produite dans les
cliniques privées. On le couvre uniquement à l'hôpital. Si on voulait couvrir
l'imagerie médicale en clinique privée ou en clinique médicale, on pourrait le
faire à l'intérieur du système, on n'aurait pas besoin de créer une nouvelle structure. Les soins optométriques; il
y en a, des soins optométriques, qui sont couverts. Il n'y a pas de
régime particulier pour les soins optométriques.
Alors,
l'idée, dans les soins et services à domicile, je suis d'accord avec vous, il
faudrait que ça soit beaucoup mieux défini et, à l'intérieur du système,
il est possible de les couvrir.
Le Président (M. Bergman) :
M. le ministre.
M.
Hébert :
Vous nous rappelez les deux grands systèmes — bismarckien et beveridgien — qui ont conditionné le développement des systèmes de santé, mais vous
savez très bien que tous ces systèmes ont évolué et qu'on a de plus en plus des systèmes qui sont mixtes, où à la fois
des systèmes bismarckiens sont financés par les fonds de l'État, comme c'est le cas en France, et des systèmes
beveridgiens, à l'opposé, sont parfois financés par des modes de cotisation. Le
fonds santé, le FINESSS, est un bel
exemple québécois de cette évolution vers un système mixte. Et ces systèmes… en
fait, cette distinction des deux systèmes s'applique mal aux soins de
longue durée. Les pays scandinaves qui ont des systèmes beveridgiens en fait ont complètement délégué les soins de longue durée
aux municipalités, alors ce n'est pas le système de santé qui prend la responsabilité de ces systèmes-là. Et les
assurances autonomie qui ont été développées au Japon ou en Corée sont
des systèmes qui ne sont pas nécessairement calqués sur les systèmes
d'assurance sociale.
Alors, il n'y
a pas, dans le domaine des soins de longue durée, ce même clivage entre le
système bismarckien et le système beveridgien. Encore faut-il qu'il
existe encore même dans les systèmes de santé.
Le Président (M. Bergman) :
M. Castonguay.
M. Castonguay (Claude) : Je suis
d'accord avec vous qu'il y a eu de l'évolution.
Alors,
reprenons notre système. Tel qu'il est présentement, il est financé par les
revenus généraux de la fiscalité,
et c'est probablement ce qu'il y a
de plus équitable. On répartit les coûts sur l'ensemble de la population, et les entreprises, les
gens paient selon leurs niveaux de revenus, ils ont des exemptions ou des
crédits si leurs revenus sont moins élevés.
Là, on
propose tout à coup de créer un système où les cotisations
vont être ajoutées au fardeau fiscal qui est déjà
très lourd. On sait que nous avons le fardeau fiscal le plus lourd au Canada et même en Amérique
du Nord. Alors, on veut ajouter à ce fardeau fiscal et pour
financer des services à des personnes qui arrivent présentement à la retraite, alors qu'on aurait
dû faire ça il y a longtemps et capitaliser. Si on ne capitalise pas, on
transfère le fardeau à la génération
qui nous suit, alors que, si on
laisse ça à l'intérieur du système, toutes les personnes à la retraite qui ont
des revenus suffisants vont continuer de payer des
impôts, alors que, là, avec une cotisation, dès que vous allez arriver à l'âge
de la retraite, les cotisations vont se
terminer. Je ne vois pas, moi, pour quelles… Pour des raisons d'équité, moi, je
crois qu'on devrait garder le système que nous avons. Et, même si dans
d'autres pays qui ont des approches très différentes on a évolué vers quelque
chose de différent, ça ne veut pas dire… ce n'est pas une bonne raison, à mon
avis, de dire qu'on devrait faire de même ici. Il faudrait qu'il y ait une
justification plus profonde et plus importante.
Le Président (M. Bergman) :
M. le ministre.
• (11 h 20) •
M.
Hébert :
Alors, je comprends que vous ne soutenez pas une des hypothèses qui était dans
le livre blanc et qu'on avait mise à
la discussion, qui était de pouvoir capitaliser cette caisse-là. Nous avons
pris une position gouvernementale. Mme
la première ministre, il y a deux semaines, a déclaré en Chambre que ce
seraient les impôts qui financeraient l'assurance autonomie, alors c'est
la décision que le gouvernement a prise.
Maintenant,
ce que je voudrais, je voudrais vous entendre sur... Puis vous savez qu'on a eu
des échanges. On s'est même
rencontrés. J'étais un peu étonné, dans une émission de télévision, que vous
disiez qu'on ne s'était jamais rencontrés là-dessus. On a eu des
échanges sur les assurances long terme, sur le projet d'assurance autonomie, et
vous aviez évoqué un certain nombre
des réserves que vous réitérez dans votre mémoire. Il n'y a
aucune des assurances à long terme, aucune, aucune…
que ce soient l'Allemagne, la France, le Japon, la Corée, l'Espagne, il n'y a
aucune qui a capitalisé, et c'est du «pay-as-you-go».
Dans tous les systèmes d'assurance long terme qui existent actuellement, ce n'est que du «pay-as-you-go».
Le Président (M. Bergman) :
M. Castonguay.
M.
Castonguay (Claude) :
Écoutez, il y a deux choses, là. D'abord, je voudrais juste
vous mentionner que, quand j'ai parlé
à la télévision de nos échanges, je n'ai jamais dit qu'on ne s'était jamais
rencontrés, j'ai dit qu'à un moment
donné le dialogue que nous avons eu, lorsque j'ai posé certaines questions, il s'est terminé.
On a eu un échange de lettres. Je les ai encore. Je les ai avec moi.
C'est tout ce que j'ai dit.
Maintenant,
la question de la capitalisation, je m'excuse, mais, même si Mme la première ministre a dit qu'elle voulait
capitaliser, ça se fait à l'avance, capitaliser, ce n'est pas un transfert de
budget. Ce n'est pas de la capitalisation, ça, c'est du «pay-as-you-go». Maintenant, si c'est l'approche que vous prenez, le
«pay-as-you-go», pourquoi appeler ça une assurance autonomie? C'est ça qui est notre système présentement. En tous
les cas, on tourne un peu autour de la question.
Moi, je crois
que ça n'est pas un problème de financement qui est devant nous, c'est un
problème d'organisation et de faire en sorte que les services soient
produits en volume plus grand partout où ils sont nécessaires. Il n'y a
rien qui empêche — il
y a des questions de disparité entre les régions — de faire des
réallocations. C'est ce que vous faites constamment dans l'allocation des
budgets entre les régions, selon l'évolution des populations, selon l'évolution
des besoins. L'approche populationnelle,
elle peut s'appliquer tout aussi bien ici pour les soins à domicile et les
soins aux personnes en perte d'autonomie.
Le Président (M. Bergman) :
M. le ministre.
M.
Hébert : L'élément
essentiel du projet qu'on a devant nous, c'est l'allocation de soutien à
l'autonomie, c'est-à-dire cette allocation qui est établie en fonction de
l'évaluation des besoins de la personne. D'ailleurs, vous recommandiez dans votre rapport du groupe de
travail sur le financement des soins de santé que la couverture soit justement
ajustée en fonction du degré de dépendance,
alors c'est essentiellement ce que nous faisons. Et cette allocation-là, elle est remise pas en espèces, mais elle est à la disposition de la personne. Et c'est là le changement majeur : au lieu de
financer les établissements, on finance les personnes, et les personnes
peuvent faire appel à différents prestataires de services.
C'est ça,
l'essence même de l'assurance autonomie, et en cela nous rejoignons une des recommandations de votre groupe de travail, là, qui voulait qu'on puisse graduer les
services en fonction de la
dépendance. Moi, je préfère appeler ça l'autonomie, mais en fonction de
l'autonomie des personnes.
M. Castonguay (Claude) : Écoutez…
Le Président (M. Bergman) :
M. Castonguay.
M.
Castonguay (Claude) : …je
suis heureux de voir que vous mentionnez le rapport de mon groupe de travail, parce que, dans la bibliographie, vous avez mentionné le rapport
Clair, vous avez mentionné le rapport Ménard, mais vous avez bien pris soin de ne pas mentionner le
rapport que j'avais présidé. En tous les cas, ça, ce n'est pas grave, là. Mais
c'est vrai que nous avions proposé une
allocation. Maintenant, cette allocation-là, elle peut être gérée de deux
façons : par un fonctionnaire qui va prendre... Il va y avoir une
évaluation du statut de la personne qui va être faite, mais c'est le fonctionnaire qui va décider comment l'allocation
va être dépensée. Moi, je crois que c'est la personne, ou l'aidant naturel,
ou le délégué de la personne qui devrait le gérer, et votre livre blanc, à mon
avis, n'est pas clair sur ce point-là.
Le Président (M. Bergman) :
M. le ministre.
M.
Hébert :
Alors, permettez-moi de clarifier. C'est le gestionnaire de cas qui a tout,
sauf le statut de gestionnaire, donc c'est un professionnel, travailleur
social ou infirmière, et ils sont déployés actuellement dans le réseau, c'est
le gestionnaire de cas
qui, avec la personne et sa famille, va gérer l'allocation de soutien à
l'autonomie et s'assurer que, les services
qui sont nécessaires, qui ont été convenus dans un plan de services
individualisés, ces services-là puissent être financés à même
l'allocation.
Le Président (M. Bergman) : M.
Castonguay.
M.
Castonguay (Claude) : Mais
qui va prendre la décision finale? Est-ce que c'est l'aidant naturel, le malade ou son représentant ou est-ce que
c'est le gestionnaire?
M.
Hébert : La
personne. La personne.
M. Castonguay (Claude) : Ah bon! Ah
bon!
M.
Hébert : Et, dans le projet de loi, on aura une disposition très claire, où il faut une approbation formelle de la personne.
M.
Castonguay (Claude) : Très bien.
Parce que, dans votre livre blanc, moi, je l'ai lu attentivement, je ne crois pas que ce soit mentionné très clairement.
Le Président (M. Bergman) : M. le
ministre.
M.
Hébert : Un livre blanc, c'est fait pour justement
recevoir les commentaires des différents intervenants et de pouvoir
avoir une évolution dans le principe qui est mis de l'avant.
Le Président (M. Bergman) :
M. Castonguay.
M.
Hébert : L'autre
élément, M. le Président…
Le Président (M. Bergman) : M.
le ministre.
M.
Hébert : …vous mentionnez dans votre mémoire qu'il faut
passer «à un mode décentralisé et dynamique», orienté vers le développement des milieux de services non institutionnels.
Encore là, c'est l'essence même du projet, que nous avons devant nous, pour qu'on puisse profiter, dans le bon sens du
terme, de l'ensemble des prestataires de services, que ce soient des entreprises d'économie
sociale, des organismes
communautaires, des résidences
privées, où il y a de plus
en plus de personnes qui habitent, ou encore des résidences à loyer modique, ou
encore des coopératives d'habitation.
Alors,
l'essence même, encore
une fois, c'est de pouvoir utiliser
pas juste les ressources du public, mais l'ensemble des prestataires de
services et d'en retrouver une gestion publique, c'est-à-dire que l'État puisse
contrôler la qualité des services et la formation du personnel qui
dispense des services.
M.
Castonguay (Claude) : Oui, très bien,
sauf qu'encore une fois vous lisez le livre blanc, et ce qui se dégage — je
ne me souviens pas, je pense,
c'est à la page 14 — c'est
que l'on commence, encore une fois, en parlant de planification, de coordination, alors l'accent est toujours
du haut vers le bas dans tout l'esprit de ce livre blanc là. Et, moi, c'est à
cet aspect-là que j'ai réagi. Si on
prend l'approche beaucoup plus pratique d'essayer d'aider directement dans le milieu sans, encore
une fois, impliquer toute une
armature, toute une structure, ça va être, à
mon avis, la chose à faire, et, si
c'est cette voie que vous prenez, je vais être le premier à applaudir.
Le Président (M. Bergman) : M.
le ministre.
M.
Hébert : Merci. Je voudrais revenir sur l'allocation en
espèces, ce que les Anglo-Saxons appellent le «cash for care» ou, les
Britanniques, le «personal health budget».
Vous n'êtes
pas sans avoir qu'il y a des effets pervers importants. Il y a beaucoup,
beaucoup, beaucoup de critiques sur ce «personal health budget», en Angleterre, qui a des effets
pervers, d'abord, des effets pervers de laisser place à l'abus,
à l'abus financier des personnes, à mettre en place une espèce de marché noir, comme ce fut le cas en Italie, d'ailleurs,
avec les «badanti», ces immigrants,
pour la plupart, qui sont engagés par les personnes avec cette allocation en
espèces. On n'a pas d'évaluation ou de prise sur la qualité des services, et ça confine les femmes dans
un rôle traditionnel de rester à la maison,
de quitter leur emploi et de devenir des proches aidants financés par une allocation
de ce type-là. Alors, il y a des effets
pervers importants que nous ne souhaitons pas voir au Québec,
là, et c'est pour ça qu'on veut limiter l'utilisation d'une allocation
en espèces à des situations où on utilise le chèque emploi-services, avec, encore une fois, un contrôle sur la qualité des interventions qui sont faites
par le personnel.
Et ce qu'on
souhaite, nous, c'est que les femmes restent sur le marché du travail et puissent même intégrer le marché du travail dans des entreprises d'économie sociale ou dans des entreprises
publiques, au contraire, et qu'on n'aille pas dans la voie de la rémunération
du proche aidant avec le «personal health budget».
• (11 h 30) •
Le Président (M. Bergman) :
M. Castonguay.
M. Castonguay (Claude) : J'ai une analyse ici de ce qui se fait en Angleterre. Ça leur a
pris un certain nombre d'années avant d'arriver au stage où ils en sont aujourd'hui.
Ce n'est pas quelque chose qui a été fait subitement.
Alors, je suis d'accord
avec vous qu'il faut que ce soit bien organisé et qu'il peut y avoir des abus.
Et, s'il est possible de le faire par un moyen où il n'y a pas de cash qui
pourrait être utilisé à des fins qui ne sont pas celles pour lesquelles
l'argent est mis, est rendu disponible, très bien, il n'y a rien… je ne vois
pas aucune raison pourquoi on devrait
s'objecter à ça. Mais il reste qu'il
n'y a pas de système
où il n'y a pas certains effets pervers, là, comme dites.
Mais il reste que l'ensemble de ce qui est fait avec le «personal
budget» en Angleterre… il reste que les résultats, dans l'ensemble, sont positifs. Il faut
éviter les effets non visés ou les défauts que ça peut créer, à certains
égards, mais il reste que l'ensemble est encore une approche qui est
valable.
Le Président (M.
Bergman) : M. le ministre.
M.
Hébert : Justement,
pour obvier ces effets pervers, nous préférons l'allocation, le soutien à
l'autonomie, qui permet d'utiliser des
prestataires dont la qualité des services est certifiée, et dans certains cas
d'utiliser le chèque emploi-services
pour un certain nombre de services qui sont difficilement disponibles auprès
des prestataires. Et c'est une façon
d'obvier ces effets pervers, là, de pouvoir implanter cette assurance autonomie
avec l'allocation de soutien à l'autonomie.
Vous portez dans
votre mémoire un jugement extrêmement sévère sur deux dossiers qui ont été
menés par le gouvernement précédent : le Dossier santé Québec et les GMF. Et vous avez un jugement sévère. Et j'aimerais que vous
nous expliquiez, là, quelle est votre
appréciation de ces deux mesures qui ont été développées au cours des dernières
années par le gouvernement qui m'a précédé.
Le Président (M. Bergman) :
M. Castonguay.
M. Castonguay (Claude) : Je vois que vous avez lu le rapport de mon groupe
de travail de 2008 sur le financement
des services de santé.
On
avait examiné la question du Dossier santé à l'époque, ça fait déjà, là, cinq
ans, là, de ça. Ce que nous proposions,
c'est qu'on mette l'accent sur le développement, dans les cliniques, dans les
établissements, d'un dossier patient à
ce niveau-là et qu'on le fasse avec une méthodologie ou une technologie qui est
compatible, de telle sorte qu'une fois que
les cliniques, les hôpitaux auront développé leurs dossiers patients, si c'est
à partir d'une technologie qui est compatible, on pourra faire les raccordements qui s'imposent. Mais l'approche, cette
approche-là, qui avait été prise à l'origine et qui donnait lieu à de grandes difficultés et des
dépassements de coûts, a été maintenue. Et c'est la raison pour laquelle moi,
je trouve qu'après tant d'années,
depuis le début de ce dossier-là, quand je constate que, dans notre système de
santé, il y a encore un grand nombre…
la majorité des gens n'ont pas un vrai dossier patient — je ne parle pas, là, d'un dossier comme celui, là, qui est développé, le Dossier
santé — un
dossier patient qui rendrait des services énormes à tous les intervenants
et à la population, bien je ne peux pas
m'empêcher de le déplorer et de le dire. Qu'est-ce que vous voulez, je regrette
tout simplement l'état de la situation, je ne vise personne en
particulier.
La même chose pour
les groupes de médecine familiale. Vous savez fort bien, vous-même, vous l'avez
dit à quelques reprises depuis que vous êtes
en poste, que, la première ligne, il y a encore des besoins importants qui ne
sont pas satisfaits. Et l'approche
qui a été prise est une approche encore très directive, très réglementaire,
très contrôlée, et, tant qu'on va la
maintenir, on va avoir les mêmes résultats. Je pense que c'est Einstein qui
disait : Si on refait les choses de
la même façon, on va avoir les mêmes résultats. Mais, tant qu'on n'aura pas
changé l'approche prise pour les groupes de médecine familiale, leur financement, leur autonomie, leurs façons de
s'organiser… Si on leur laissait plus de liberté, on progresserait. Mais, tant qu'on va continuer avec
l'approche qui a été prise, on va se buter aux mêmes problèmes. Alors, c'est pour ça que ce sont des choses, moi, que je
trouve très importantes quand je constate qu'après tant d'années il y a
encore autant de problèmes au niveau de la première ligne.
Le Président (M.
Bergman) : M. le ministre, il vous reste deux minutes.
M.
Hébert : Alors, vous serez heureux d'apprendre que nous
avons changé la façon au niveau du Dossier santé Québec. Nous avons annoncé 60 millions pour que les GMF puissent
s'informatiser, et ils ont le choix de leurs solutions informatiques. Et
déjà une bonne proportion de GMF sont passés à la solution, au dossier médical
électronique, et se branchent au Dossier
santé Québec, qui verra le jour enfin au cours de la prochaine année. Alors, on
a remis ça justement pour faire en sorte que ce soit localement que le
développement puisse se faire.
Et,
comme vous citiez Einstein, c'est sûr que les soins à domicile ne se sont pas
développés jusqu'à maintenant parce qu'on a toujours fait les choses de la même
façon et on s'est toujours buté aux mêmes échecs. Alors, il faut faire les choses différemment, et c'est ce que propose
l'assurance autonomie, de faire les choses différemment pour justement être capables de réussir. Alors, si on n'a jamais
réussi, c'est peut-être parce qu'on a toujours fait la même chose. Et ici
voici une voie qui nous permet de regarder
le développement des soins à domicile de façon différente et de pouvoir faire
évoluer le système de santé. Merci beaucoup, M. Castonguay.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé
pour le bloc du gouvernement. Pour le bloc de l'opposition officielle,
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président.
Bonjour, M. Castonguay, merci d'être ici. Vous êtes vraiment considéré comme un de nos grands experts, puis on
sait que vous avez beaucoup publié. Juste pour clarifier le dernier point que le ministre a parlé par rapport à ce
qu'il dit qu'il a mis en place, je pense qu'il faut au moins qu'il ait
l'honnêteté intellectuelle de dire
que l'entente a été signée en août 2012 et annoncée en novembre 2012. Donc,
c'est avant les élections que ce
budget-là était prévu, et nous avions signé l'entente avec la FMOQ. Ça fait
qu'il faut peut-être mettre les choses en relation de ce qui s'est
vraiment passé.
Également, puis je suis d'accord avec vous,
quand le dossier a été mis en place, on pensait à une grande plateforme centralisée. Mais, en 2010, on a fait
une réforme où on a parlé d'interopérabilité, et maintenant le système va
se développer avec une interopérabilité à
trois niveaux : au niveau du Dossier santé Québec qui va fournir les
informations; au niveau des
établissements de santé également qui doivent transférer des informations; puis
au niveau des groupes de médecine de
famille où toutes les cliniques médicales, sans être groupes de médecine de
famille, devraient être informatisées.
Et puis moi, je travaille actuellement avec un dossier électronique, et, je
peux témoigner, mes patients vont tous
vous dire que je n'ai pas de papier devant moi, seulement que le dossier
électronique. Donc, on a quand même fait des grandes avancées. Mais c'est un dossier qui prend plusieurs années,
ça, il faut le reconnaître, mais je pense que ça va être, à la fin, un
grand succès. Mais, je suis d'accord avec vous, là, à partir de centralisation,
on a passé vraiment à la décentralisation, et le mot clé, c'est
«interopérabilité». Je pense que c'est l'élément important.
J'aimerais ça
qu'on revienne sur ce que vous avez présenté. En passant, je suis d'accord avec
tout ce que vous avez dit. Le
Vérificateur général, la semaine passée, est venu ici devant la commission où
il a témoigné. Et à la fin on a même
vu un article dans le journal qui dit qu'il a réussi à réconcilier les deux
partis, le ministre et moi, comme ancien ministre, en disant qu'on a tous la même intention : on veut
investir un peu plus… puis beaucoup plus, même, dans les soins à domicile et au
niveau des personnes aînées, c'est dans la façon de faire qui est différente.
Le ministre, lui, il pense qu'en
faisant une nouvelle structure administrative, en changeant les façons de
faire, ça va améliorer, alors qu'on sait que, dans le réseau de la santé, on peut utiliser beaucoup mieux nos
ressources, Et, avant de rajouter plus d'argent en grande quantité, il faut au moins améliorer la
performance. Et ça, depuis plusieurs années, on a commencé à faire ce qu'on a
appelé les projets «lean» au Québec,
où on essaie d'améliorer la performance, avec les mêmes ressources, voir plus
de patients. Ce n'est pas normal que, dans une journée, un
professionnel, même si on prescrit qu'il peut avoir l'autonomie, il voie deux ou trois patients seulement. C'est ça que le
Vérificateur général disait. Puis, si seulement on se mettait au niveau de la moyenne, on améliorerait probablement de
beaucoup notre performance, ce qui fait qu'on serait capables de traiter
plus de personnes. Et, si à chaque année on
va chercher dans le réseau de la santé 1 % de performance supplémentaire,
c'est suffisant pour combattre le vieillissement en termes de services que l'on
va donner.
Je pense que
c'est ça, votre position à vous, c'est-à-dire qu'avant de tout faire une grande
réforme — puis on
parlera tantôt d'où on en est rendus
avec l'assurance autonomie — il faut d'abord améliorer la performance du
système et peut-être revoir les façons de faire.
Le Président (M. Bergman) :
M. Castonguay.
M.
Castonguay (Claude) :
…d'accord avec vous. En fait, il y a bien des mesures qui devraient, à mon
avis, être prises, en plus, là, de ce
que vous avez mentionné, l'approche «lean» : le financement des soins par
épisode de soins ou par
activité — je vois
que vous semblez être d'accord sur ça; la rémunération des médecins; les
médecins de première ligne avec un
système de capitation et un système de paiement à l'acte, de telle sorte qu'on
ait, dans une population, là, où le
suivi est important, où vous avez des gens qui ont des conditions chroniques, ont
besoin d'être suivis et non pas recevoir des actes médicaux spécifiques,
alors un système mixte de rémunération. C'est une autre chose qui est
importante.
Quant au
dossier patient, tout ce que j'entends, que vous dites de part et d'autre, me
semble très positif. J'ai hâte par
contre de le voir, là, sur le terrain, concrètement, là. Et on ne le voit pas encore partout, loin de là. Alors, oui,
je suis d'accord avec vous qu'il faut
mettre l'accent sur la performance, et c'est précisément, moi, l'esprit de ce
que j'ai proposé dans mon mémoire.
• (11 h 40) •
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. Puis, M. Castonguay, je vais vous inviter à venir
le voir, je vous ferai une démonstration
du dossier électronique. Je pense que c'est ça qui est en train de se généraliser
dans notre réseau de la santé.
Tantôt, vous avez parlé de l'assurance
autonomie, la conception qui avait été faite au début avec une caisse autonomie, également une cotisation qui
arriverait directement des gens. Il faut voir que ce que le ministre a
écrit au cours des années et ce qu'il
nous livre dans son livre blanc est complètement différent, parce que,
comme de fait, au début le ministre, il prévoyait une assurance autonomie avec
capitalisation, mais, après un certain temps, il s'est rendu compte que
ce n'était plus possible. Là, il est arrivé avec le discours : Vous savez,
il n'y a aucun pays qui capitalise vraiment. Et également, au début, il devait
y avoir une caisse qui était complètement indépendante avec, comme je vous
disais, une cotisation, une taxe
spéciale, mais on a fait dire à la première
ministre voilà deux semaines que ce
serait pris à partir des impôts.
Donc, il faut voir que ce qu'il veut mettre en place,
c'est d'abord de sortir l'argent du réseau de la santé, donc d'enlever ce qu'on appelle l'intégration et la
continuité, et dire que ça va être une caisse à part. Ce qui est difficile de
savoir, puis le ministre
ne le sait pas non plus — on
l'a vu la semaine passée avec le Vérificateur
général — c'est qu'à la fin il ne sait pas en quoi vont consister tous les besoins à
remplir, et, à partir du moment qu'il ne sait pas qu'est-ce que vont être
tous les besoins à remplir, il ne sait pas
non plus la facture. Mais la façon dont il monte le système,
à partir du moment que le besoin va être défini puis que lui, il dit qu'il paie une partie
de ces besoins-là, si je comprends, c'est un système… comme vous dites dans votre document,
c'est comme, un peu, le système des garderies. Si on est obligé de payer, la
facture va aller en fonction de ce
que les gens vont nous commander, et le gouvernement n'aura pas le
choix de payer ce montant-là. Ce
qu'il implique à la fin, de façon réaliste, là, c'est : nécessairement,
il va y en avoir beaucoup plus à répondre, donc il va avoir une facture. Et je ne vois pas comment
est-ce qu'on ne prendra pas plus d'argent dans les poches des contribuables
si ça coûte plus cher, parce qu'on n'aura pas le choix de payer parce que c'est
conçu comme ça.
Le Président (M. Bergman) :
M. Castonguay.
M.
Castonguay (Claude) : Moi,
quand j'ai examiné, j'ai analysé un peu ce qui se faisait à l'extérieur, j'ai
vu que les systèmes d'assurance
autonomie qui avaient des cotisations avaient capitalisé dans une caisse en vue
des besoins futurs.
Si on est
rendu avec un système de «pay-as-you-go» dans ces pays-là, ce que je ne nie
pas, je ne l'ai pas lu, je ne l'ai
pas vu, ça… Mais, si on est rendu là, c'est que les besoins ont été beaucoup
plus grands que ceux qu'on avait anticipés, et les caisses se sont vidées. Alors, de là l'importance d'une grande
prudence en établissant un système comme celui-là, où c'est la pression de la population qui va générer,
qui va déterminer le niveau de demandes et qui va mettre de la pression
sur l'offre de services.
Alors, à mon
avis, moi, il devrait y avoir des projections beaucoup plus rigoureuses de
l'évolution des besoins, de l'évolution
des dépenses pour voir vers quoi on s'en va. Et le livre blanc ne contient pas
ces projections-là. Alors, je pense, moi, que la prudence serait de
mise… une plus grande prudence, en tous les cas.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'ailleurs, c'est ce
que l'on dit. C'est que le ministre est en train de mettre un système en place, puis, une fois qu'il va être mis en
place, il n'aura pas le choix d'assumer la facture. Mais il ne saura pas combien ça va coûter, mais je
pense que ça ne le dérange pas. Ce que je peux voir, c'est que la priorité,
puis on est d'accord qu'il y a eu une
priorité pour les personnes aînées, mais ça va peut-être se faire au détriment
d'autres types de clientèle, dont,
entre autres… Si on pense qu'il doit y avoir une assurance autonomie pour les
personnes aînées, puis ça va avec
votre principe, là, d'avoir un seul système de santé qui gère tous les
programmes, pourquoi il n'y aurait pas
une assurance autonomie ou une assurance santé mentale? Pourquoi on n'aurait
pas une assurance chirurgie? Pourquoi on n'aurait pas une assurance
maladie diabétique? Pourquoi on n'aurait pas une assurance maladie cardiaque?
C'est que,
là, on commence à fragmenter notre système. Puis ce qu'on n'a pas beaucoup
parlé ici, mais que moi, je vois
depuis le début, puis j'en ai glissé un mot, c'est qu'on est en train de
désintégrer un système qui est intégré, et on est en train de le fragmenter. Et, en termes d'équité… Parce que c'est
sûr qu'aujourd'hui on a un ministre qui croit dans les personnes aînées, parce que moi aussi, je
pense qu'il faut y croire, mais, si à un moment donné on a un psychiatre qui
vient, est-ce qu'on va créer une assurance
santé mentale? Je pense qu'il faut faire attention à ça, puis ça prend une
équité aussi entre les différentes clientèles.
Le Président (M. Bergman) :
M. Castonguay.
M.
Castonguay (Claude) : Je
suis bien d'accord. Pour moi, l'assurance autonomie, si on procédait par une structure différente, ce serait comme essayer de greffer un
corps étranger sur notre système de
santé, alors qu'on devrait le garder,
ce corps-là, à l'intérieur du système. Moi, il me semble qu'il est possible
d'améliorer toute cette problématique-là à l'intérieur de notre système. Je ne
vois pas qu'est-ce qui empêche qu'on le fasse à l'intérieur du système.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bien, c'est comme je
vous dis, dans le fond, là, ce n'est plus de l'assurance autonomie qu'on a, c'est une manière de financer
différemment. Parce que la caisse, ça va être pris à partir des quelques milliards qui sont disponibles pour
les personnes aînées, qu'il va mettre à un endroit, mais, à la fin, la part
du 100 millions qu'on met de plus par
année, il n'y a rien qui change. La seule affaire, la façon dont il va le
changer, c'est qu'on ne sait pas par
la suite ça va être quoi, la facture qui va venir, parce qu'il va y avoir une
obligation de la payer, et c'est ça
qui est inquiétant, et c'est ça d'ailleurs que... en attendant d'avoir plus de
chiffres, de savoir exactement qu'est-ce qu'il va payer et ça va être
quoi, la contribution de l'usager.
Parce qu'il y
a un autre élément, puis j'aimerais avoir votre commentaire là-dessus. Vous
savez, la façon dont c'est conçu,
c'est que le ministre, il dit également : Il va y avoir une détermination
de l'allocation pour la personne. Mais, selon vos revenus, c'est possible que vous, vous n'ayez pas droit à ça,
parce que, si vous avez des hauts revenus, vous ne serez pas accessible aux services, vous allez devoir les payer
vous-même, comme si, quand vous rentrez en CHSLD, vous devez payer 21 000 $ de votre poche
pour demeurer en CHSLD. Donc là, on se retrouve dans un système — au niveau justice, je ne sais pas si ça fait du sens — la personne pourrait contribuer toute sa vie
à l'assurance autonomie dans les impôts
généraux, et à la fin, lorsqu'elle arrive pour retirer les services, on lui
dit : Tu as assez d'argent, toi, parce que tu as un fonds de retraite, pour maintenant te dire que
c'est toi qui vas te payer tes propres services. Parce que le ministre au début
nous disait qu'il couvrirait beaucoup plus que ça et que tout le monde
pourrait rester à domicile. Mais là on est rendus
qu'il y a une partie qui va aller en CHSLD, une partie qui va aller en
ressources intermédiaires, mais également les gens vont devoir
contribuer de leurs poches sur un principe d'équité.
Il
me semble que ça ne fait pas beaucoup de sens que celui qui paie par ses
impôts, à la fin, parce qu'il a du revenu, n'aura pas la possibilité de
retirer des services ou devra payer ses propres services.
Le Président (M. Bergman) :
M. Castonguay.
M.
Castonguay (Claude) : Là, je
pense bien que la question devrait être adressée au ministre plutôt qu'à moi,
là. Ce n'est pas un aspect, là, sur lequel
je me sens bien en position, là, de discuter parce que je ne sais pas
exactement ce que sera le projet lorsqu'il sera présenté.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Vu que vous êtes quand même quelqu'un qui
connaît assez bien le système de santé du
Québec puis le canadien, puis vous avez eu votre commission… Un des éléments
qu'on ne parle pas beaucoup… Puis là
je ne veux pas non plus arriver en disant que c'est trop à risque, là. Quand je
suis allé visiter Georges-Pompidou pour me faire expliquer le paiement à l'activité, ce qu'on nous a dit
là-bas : que le paiement à l'activité, ça peut être une bonne méthode. Mais, lorsqu'on y va avec l'évaluation
par des gens qui travaillent pour le CSSS, généralement il y a comme une pression qui est faite pour aller chercher le
maximum d'argent, donc, d'évaluer au maximum les besoins de la personne.
Parce qu'il faut voir que, de la façon dont
c'est conçu actuellement, si le gestionnaire de cas dit : Telle personne a
tel besoin, tel besoin, tel besoin,
de façon objective, vous savez, quand même, c'est l'objectif, mais avec une
certaine subjectivité. Les gens
essaient toujours d'aller chercher le maximum. Puis, en sachant que ce n'est
pas payé par l'établissement en tant que
tel mais par la RAMQ, il y a une pression sur ces gens-là pour dire :
Bien, essayez d'aller chercher le maximum pour le client. Ce qui peut
être correct, mais ça, ça amène qu'il y a quelqu'un d'autre qui paie, qui est
la RAMQ.
Donc, il y a
eu une augmentation des coûts, lorsqu'ils ont mis le financement à l'activité à
Georges-Pompidou puis en France, de
30 %, tout simplement parce que les établissements ont payé des gens au
niveau bureaucratique pour s'assurer
qu'ils aillent chercher le maximum de montants en allant à la limite supérieure
des besoins des gens. Est-ce que vous voyez que ça pourrait être un
risque dans l'assurance autonomie?
Le Président (M. Bergman) :
M. Castonguay.
• (11 h 50) •
M. Castonguay (Claude) : …un groupe
de travail, qui est en place présentement, sous la présidence, là, de Mme Wendy Thomson, et je pense qu'une des
conclusions auxquelles ils arrivent, c'est qu'avant de s'engager dans cette
voie-là il faut être capables de connaître
exactement les coûts réels que ça importe, produire tel épisode de soins ou tel
type d'activité. Et c'est par là que ça part.
Et, une fois
qu'on aura établi les coûts, là, aussi rigoureusement que possible, si le
système est mis en marche, ceux qui
sont très efficaces vont prendre
cette voie-là, vont vouloir développer davantage
les… répondre davantage à la demande.
Et ceux qui ne sont pas efficaces, qui reçoivent moins que ce qui a été établi,
bien vont probablement essayer de corriger ou, en d'autres termes,
cesser de faire certaines activités et se concentrer sur ce qui est plus
efficace.
En d'autres termes, le financement par activité,
s'il est bien fait, peut introduire un élément de stimulation et d'émulation entre les organismes, ce qui est une
bonne chose. Le système, il existe dans un certain nombre de pays, ça semble être la voie que de plus en plus de
systèmes veut prendre… ou veulent prendre. Et je comprends qu'il comporte
des risques et qu'il comporte certains
dangers, mais ils ne sont pas insurmontables, à mon avis. Et d'ailleurs j'ai
hâte de voir qu'est-ce que Mme
Thomson va faire comme proposition. Je ne pense pas, pour l'avoir entendue
encore une fois prononcer une
conférence il y a une couple de semaines au forum international sur la santé…
Je l'ai entendue parler d'une façon
positive, d'une façon réaliste, mais d'une façon positive de ce système-là
après avoir consacré probablement un an, là, à peu près, à l'étude de la
question. Alors, je crois, moi, que ça doit être… J'ai hâte de voir ce qu'elle
va proposer.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. De ce que vous avez vu dans le livre blanc sur
l'assurance autonomie, est-ce que vous
croyez… Dans ce que vous avez vu dans les tableaux, là — le ministre nous montre toujours ces trois lignes qui montrent les dépenses sur les
15 prochaines années — est-ce que vous jugez qu'il y a un cadre financier qui est
suffisant ou même qu'il y ait un cadre financier, tout court, dans le projet
d'assurance autonomie?
Le Président (M. Bergman) :
M. Castonguay.
M.
Castonguay (Claude) : Non,
je pense que c'est un livre blanc, et heureusement cet aspect-là, à mon avis,
mérite d'être travaillé beaucoup
plus. Je l'ai dit tantôt, je le répète, je crois, moi, qu'il devrait y avoir
des projections beaucoup plus
rigoureuses, avec certaines hypothèses de niveau de besoins, de telle sorte
qu'on puisse voir quel est l'élément, là, de risque que l'on prend et à
quel niveau on devrait fixer les allocations.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Alors, merci beaucoup,
M. le Président. Pour terminer, M. Castonguay, vous avez dit que — je crois, et vous me corrigerez — l'aidant
naturel était l'équation la plus importante de ce livre blanc, et pourtant il
n'y avait que deux
lignes qui étaient consacrées à l'aidant. Je voudrais vous entendre parler de
la place de l'aidant dans toute cette question
d'autonomie de la personne, qu'elle soit en situation de handicap ou qu'elle
soit en perte d'autonomie, là, une personne
âgée. Je veux vous entendre parler de son rôle et comment l'État devrait
soutenir davantage le proche aidant.
Le Président (M.
Bergman) : M. Castonguay.
M. Castonguay (Claude) : D'abord, à l'âge que j'ai, je connais un certain
nombre de personnes, des amis et des connaissances,
des témoignages de personnes, là, qui ont choisi de rester à domicile et qui
ont pris les moyens de répondre aux
besoins de la personne, soit un malade chronique, soit une personne en perte
d'autonomie, peu importe comment on la définit.
Et
les personnes qui prennent ces situations-là en main, l'idée n'est pas de les
sortir du marché du travail pour en faire des genres d'intermédiaires
sous obligations, ce sont des personnes qui le font, à ma connaissance, de
façon volontaire et qui jouent un rôle
extrêmement important. On a vu, d'ailleurs, des reportages à la télévision sur
ce qu'elles vivent. Elles ont besoin
de support. On ne doit pas tout viser, tout organiser en pensant uniquement aux
malades, mais il faut penser
justement aux aidants naturels parce qu'ils jouent un rôle clé. Et j'en ai
rencontré un certain nombre. Il y a un
CLSC, dans le comté où je demeure, qui fait un travail merveilleux. J'ai
rencontré les gens à quelques reprises et je pense que ce qu'ils me disent doit
correspondre pas mal à ce qui se passe à bien des endroits. Ils me disent que
bien souvent l'aidant naturel, lorsqu'il
est présent, lorsqu'il fait un bon travail, c'est presque un signal pour
qu'on offre moins de services dans…
de services publics, en fait. On les laisse davantage à leur sort, parce qu'ils font un bon travail, au lieu d'être aidés.
Alors,
moi, je crois que, les aidants naturels, on devrait y mettre beaucoup
plus d'attention, on devrait faire en sorte
qu'à l'occasion ils puissent se reposer, à l'occasion, on tienne davantage
compte de leur présence au lieu de réduire les services lorsqu'on voit qu'ils sont là. On devrait aussi clarifier
leur statut. C'est quoi, un aidant naturel? Est-ce qu'on en fait, là, un
partenaire vraiment de notre système ou si c'est quelqu'un
qui est là, disponible dans la famille? Moi, je crois, là, qu'on a une
réflexion à faire sur ce plan-là.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste
4 min 30 s.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui. Merci, M. le Président. On parle de l'organisation des services.
Nous avons dit que nous sommes tous d'accord avec les principes : maintien à domicile,
meilleure organisation des services. Je pense qu'il faut améliorer la performance avant de remettre beaucoup
plus d'argent, mais ça prend quand même un certain réinvestissement. Mais, dans
le projet — puis
on était avec le Vérificateur général la semaine passée, puis lui, il a confirmé
ce que je dis que ça nous prendrait comme
élément, puis j'espère que le ministre
va le mettre de l'avant — ça
nous prend certainement le nombre de personnes à qui on pourrait donner
le principe d'assurance autonomie.
Deuxièmement, pour ces personnes-là, il faut faire une évaluation
du niveau d'intensité de soins de chacun. Ça nous prend, pour ce niveau d'intensité, quel est le coût en termes de services, et par la suite arrivent des discussions. Une fois que vous avez déterminé le coût du service
pour la personne, il y a deux autres éléments qui sont importants,
puis ça, c'est le citoyen contribuable. Cette même personne qui a
besoin, un exemple, de 20 000 $ de services, est-ce qu'on va lui
donner 20 000 $ en services ou encore on va lui dire : Selon ton
revenu — puis
c'est ça que le ministre doit répondre — selon ton revenu, est-ce que toi, tu vas
recevoir 5 000 $ puis, l'autre 15 000 $, tu vas le payer
dans ta poche, le principe des CHSLD qu'on a actuellement?
Mais l'autre question
qu'on doit poser : Si la facture est de tant, qui va la payer, comme
contribuable? Et là il semble avoir exclu la
taxe spéciale, mais il y a une taxe qui va se faire dans l'impôt. Puis on a un
groupe qui est venu ici qui… avec le
niveau de performance du réseau actuel, dans plusieurs cas, ça pourrait aller
jusqu'à 1 000 $ de taxes de plus
par contribuable qui travaille. Ça, est-ce que vous pensez que c'est des
chiffres qui sont essentiels de savoir avant de s'embarquer dans un projet comme ça ou on embarque dans le projet
puis après ça on augmentera les taxes parce que le besoin va avoir été
créé et que la structure va avoir été mise en place?
Le Président (M.
Bergman) : M. Castonguay.
M. Castonguay (Claude) : On revient toujours au même point : Est-ce
qu'on veut couvrir les soins à domicile à l'intérieur de notre système? Et, si, à l'intérieur de notre système,
on doit changer certaines règles quant à la participation des personnes aux coûts, que ce soit dans les
CHSLD, est-ce qu'on varie davantage ce que les gens doivent payer selon les
revenus ou si on fait la même charge à tout
le monde? Est-ce que, dans les services ambulanciers, on facture les gens qui
ont des revenus ou si les services ambulanciers sont gratuits ou ne sont sujets
qu'à une charge plutôt nominale?
Alors,
ces questions-là se posent dans notre système, et je crois qu'elles doivent
continuer d'être posées. Si on sort et qu'on entre dans une autre
dynamique qui est celle, là, d'une nouvelle structure, bien là ça va soulever
encore davantage de questions, à mon avis.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste
1 min 30 s.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Bien, juste pour conclure, M.
Castonguay. Moi, si je comprends bien, on n'a pas besoin de tout un
rebrassement des structures pour être capables d'atteindre le même but au
niveau de nos personnes âgées, c'est-à-dire
le maintien à domicile, une meilleure intégration, une meilleure continuité des
services, puis il faut améliorer la
performance, on n'a pas besoin d'un projet que maintenant, vous avez dit, ce
n'est même plus une assurance autonomie, de la façon dont il est défini,
c'est un changement juste dans les structures administratives.
Le
Président (M. Bergman) : M. Castonguay.
M. Castonguay (Claude) : On a un système de santé qui est très lourd. On a
créé des agences en 1990 qui devaient soulager
le ministère. Le ministère a gardé sa taille, et on a ajouté les agences. En
plus des agences, on a créé les CSSS qui font un autre niveau, là, de
structure et là, si on va dans la voie de l'assurance autonomie, on va ajouter
une autre structure additionnelle.
Alors,
notre système est déjà très lourd et très coûteux en termes de structures. Alors, je crois, moi, qu'on devrait
être prudents, on devrait mettre plutôt l'accent dans l'autre direction.
Le
Président (M. Bergman) : …le temps s'est écoulé. M. Castonguay, merci d'être
ici et partager votre expertise avec
nous.
Collègues,
compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de la commission
jusqu'après les affaires courantes, vers 15 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 12 heures)
(Reprise à 15 h 25)
La
Présidente (Mme Proulx) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à
toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Nous
allons poursuivre, sans plus tarder, les consultations particulières et auditions publiques sur le livre blanc
sur la création d'une assurance autonomie intitulé L'autonomie pour tous.
Je
souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les fins de l'enregistrement, je vous
demande de bien vouloir vous présenter.
Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la
suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la
commission. La parole est à vous.
Coalition Solidarité Santé
M.
Benoit (Jacques) : Alors, mon nom est Jacques Benoit, je suis le
coordonnateur de la Coalition Solidarité Santé. Je vais laisser mes
collègues se présenter.
M. Falardeau (Denis) : Denis Falardeau. Je suis coordonnateur de
l'Association coopérative d'économie familiale de Québec, plus
communément appelée ACEF de Québec.
Mme Langlois (Isabelle) : Bonjour. Isabelle Langlois. Je suis
cocoordonnatrice à L'R des centres de femmes du Québec, le regroupement
national des centres de femmes. Bonjour. Merci de nous inviter.
M. Jolicoeur (Guy) : Bonjour. Mon nom est Guy Jolicoeur, je suis trésorier de la coalition
et travailleur social dans un CSSS de Montréal.
M.
Benoit (Jacques) : Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM.
les députés, la Coalition Solidarité Santé regroupe une quarantaine
d'organisations syndicales, communautaires, féministes et religieuses.
Depuis
sa fondation en 1991, elle défend le droit à la santé pour l'ensemble de la
population québécoise sans égard au
statut ou aux revenus des citoyennes et citoyens. Solidarité Santé défend les
grands principes qui ont conduit à la mise sur pied du système public de services sociaux et de santé, soit le
caractère public, la gratuité, l'accessibilité, l'universalité et l'intégralité sans frais modérateurs ou tarification
ni surfacturation, des principes qu'on retrouve dans la Loi canadienne de la santé et dans le pacte relatif aux droits
sociaux, économiques et culturels signé par le Québec en 1976. La Coalition
Solidarité Santé salue aujourd'hui la
volonté ministérielle de rehausser et d'améliorer la réponse aux besoins de
services à domicile de la population, particulièrement auprès des
personnes en perte d'autonomie, pour leur maintien dans leur communauté. Mais cette volonté, selon nous, doit
se traduire en respectant les objectifs de notre système public de services
sociaux et de santé, c'est-à-dire une augmentation, une intégration et une continuité des services
déjà offerts et que ceux-ci soient financés par des impôts. Le ministre
ne doit pas utiliser et promouvoir des services privés, fussent-ils d'économie sociale et financés par une
nouvelle caisse santé.
Nous
aimerions rappeler à la commission que le projet qui nous est présenté est la
troisième grande réforme de notre système
public en moins de 20 ans. On a eu d'abord le virage ambulatoire,
qui comportait un volet soins et services à domicile. Lors de ce virage, comme coalition, nous avons mis en garde
sur les ressources nécessaires et le fait qu'il fallait absolument
qu'elles suivent les patients et patientes et on a dénoncé les risques et les
dangers liés à des ressources qui ne
suivraient pas. Mais on nous a assuré qu'il
n'y avait aucun danger que ça allait
se faire. Pourtant, les ressources requises n'ont pas toutes suivi. Le problème est encore là et n'est toujours
pas réglé. Ensuite, on a eu la fusion des CLSC, CHSLD et CH pour en faire de gros CSSS, cette fusion qui
allait régler les problèmes de continuité des services jusque dans les domiciles. Là encore, nous avons dénoncé les
risques et dangers des fusions, dont l'hospitalocentrisme, qui risquait de
transformer l'hosto en première ligne avec
des urgences qui déborderaient, avec la fonction hospitalière qui boufferait
tous les budgets au détriment des services
de prévention, qui seraient réduits comme peau de chagrin, des listes d'attente
qui ne feraient qu'augmenter, etc. Mais on
nous a assuré qu'il n'y avait aucun danger et que ça n'arriverait pas. Au
contraire, 10 ans plus tard, on est en plein dans les problèmes que
nous avions prédits.
Alors, quand on soulève et qu'on
souligne à grands traits les risques et dangers de la réforme qui nous est
présentée, nous croyons que notre
moyenne au bâton de deux en deux devrait suffire pour qu'on soit pris au
sérieux. Et c'est parce que nous
nous souvenons de l'histoire que nous recommandons, d'entrée de jeu, au ministre qu'avant de s'embarquer dans une nouvelle réforme il procède par ordre et
assure d'abord une meilleure réponse
aux citoyennes et citoyens qui sont actuellement en attente de services
et une meilleure intégration de ces services.
• (15 h 30) •
Nous recommandons que
cette réponse soit le début d'un état des lieux permettant, d'une part, de
tracer le portrait des besoins des
citoyennes et citoyens et, d'autre part, d'amener les CSSS à procéder à une
évaluation obligatoire et sérieuse
des problèmes actuels au sein du réseau de la santé et des services sociaux. Et
nous parlons ainsi de la santé du
personnel, des ressources disponibles, de la coordination des services et de la
surveillance actuelle de leur qualité.
Le
ministre nous semble pressé de reconnaître un nouveau
droit à des services. Avons-nous besoin de lui faire remarquer qu'en l'absence des ressources
publiques nécessaires pour y répondre la construction dans l'opinion
publique de ce nouveau droit n'aura
pour effet que de justifier l'arrivée, l'existence et l'utilisation de services privés? Nous espérons qu'il ne s'agit pas là d'un objectif
non avoué du ministre.
Le livre blanc fait
grand cas de ce que ça va nous coûter si nous ne faisons rien. Nous voulons
souligner au ministre que bien d'autres éléments sont des sources plus importantes
de coût et que ni son gouvernement pas plus que le précédent n'y ont fait quoi que ce soit. Le ministre
lui-même témoignait de l'existence de ces éléments
problématiques en 2006 en commission parlementaire. Il parlait des médicaments, des nouvelles technologies, de l'utilisation de l'hôpital
comme première ligne, et de la
sous-traitance, et de l'utilisation des services et de la main-d'oeuvre privée. À cela nous ajoutons aujourd'hui la rémunération et le
mode de rémunération des médecins.
De
plus, en vue de réellement diminuer les coûts de services de santé, nous recommandons que le gouvernement renforce les activités de prévention et les
services sociaux dans le réseau public de santé, qu'il prenne en considération
les impacts de l'ensemble de ces
décisions et de ces agissements sur les conditions de vie des personnes, qui
sont des déterminants des conditions
de santé, et qu'il étudie toutes les avenues possibles pour réduire la
médicalisation des services de santé et le recours aux services d'urgence des hôpitaux comme porte d'entrée du
réseau. L'objectif qui doit guider cette réforme, ce n'est pas le
maintien à domicile, mais le maintien dans le milieu de vie et le soutien à
l'amélioration de la capacité physique,
psychique et sociale des personnes d'agir dans leur milieu et d'accomplir les
rôles qu'elles entendent assumer d'une
manière acceptable pour elles-mêmes et pour les groupes dont elles font partie,
quels que soient leur âge et leurs limitations fonctionnelles, bref
l'article 1 de la loi de la santé et des services sociaux. Nous disons ici
que la sécurité physique et psychologique
des personnes doit être une valeur traversant toutes les composantes d'une
assurance autonomie tant pour celles
qui reçoivent les soins et services que pour des personnes qui les donnent et
celles qui les aident. C'est pourquoi nous disons qu'il faut que les
bonnes personnes soient au bon endroit. Cela signifie qu'il faut retourner au consensus de 1996, à savoir que le soutien aux
activités de la vie quotidienne soit de la responsabilité des services publics
et réservé aux personnels formés et qualifiés des équipes d'intervention multi,
pluri ou interdisciplinaires des CSSS. Nous parlons ici des auxiliaires
familiales et sociales, des infirmières auxiliaires ou des préposés aux
bénéficiaires.
Selon
nous, le livre blanc s'égare en séparant des personnes selon leurs âges et en
associant «perte d'autonomie» à «personnes âgées». On peut avoir une
limitation fonctionnelle à tout âge. L'admissibilité devrait être fonction des besoins et non de l'âge en tenant compte des
besoins particuliers. Cela favoriserait une meilleure intégration des soins et
services. Nous considérons que personne,
personne ne devrait payer ni pour ses limitations ni pour sa perte d'autonomie.
Il faut assurer les services à tous ceux et
celles qui en auront besoin, quels que soient leur âge, leur type de limitation
ou leurs revenus, parce que, quoi
qu'on en dise, les services à domicile font partie du réseau public de services
sociaux et de santé. Le fait de
changer le lieu de prestation ne change pas ni la nature ni l'objet de la
prestation. Pour cette raison, les services
à domicile doivent profiter de la même couverture que ceux prodigués dans des
institutions du réseau. Tous les services déterminés par les besoins
évalués doivent être gratuits à l'usage pour toutes et tous.
Enfin,
sur la question du financement, outre ce que nous avons mentionné au début sur
le contrôle des coûts, qui pourraient
dégager, selon certaines estimations, entre 500 millions et
1 milliard de dollars, le financement des services de soutien à l'autonomie doit se faire de la même
façon que pour les autres services publics sociaux et de santé, à savoir
par des impôts progressifs appliqués aux
revenus des individus et des entreprises et pas par des qualifications,
contributions, taxes dédiées, comme
une taxe santé, modulées ou non. Le principe de l'utilisateur-payeur qu'a voulu
imposer l'ancien gouvernement est totalement contraire à l'équité et à
la justice sociale et doit être banni.
Enfin, nous mettons
en garde le ministre d'agir trop rapidement avec sa politique. Pour nous, là,
comme dans d'autres choses, il vaut mieux
prévenir que guérir. Ça fait moins mal puis ça coûte moins cher. Nous aimons
nous rappeler cette phrase souvent
répétée dans le mouvement communautaire : C'est parce qu'il y a urgence d'agir qu'il faut prendre le temps de bien faire les choses. Il
faut prendre le temps de bien faire parce que
ce n'est pas un jeu. On n'aura pas le loisir de le refaire. C'est pourquoi, lors du dépôt du projet de loi suivant le livre blanc, nous demandons au ministre
qu'il tienne de nouveau une consultation à l'ordre de tous les
intervenantes et intervenants concernés et intéressés à apporter leurs contributions.
En...
La Présidente (Mme
Proulx) : En conclusion, M. Benoit.
M.
Benoit (Jacques) : En
conclusion, nous disons au ministre que, pour que son projet profite à l'ensemble
de la société, l'objectif de sa nouvelle politique ne doit pas être de
tarifer, d'économiser et de privatiser mais de desservir efficacement et
adéquatement des personnes en toute sécurité avec les ressources appropriées.
Merci.
La
Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons maintenant
débuter la période d'échange avec le groupe formant le gouvernement. M.
le ministre, la parole est à vous.
M.
Hébert :
Merci beaucoup, messieurs, madame, de ce mémoire. Je reprendrais vos dernières
paroles — je suis
tout à fait d'accord avec la dernière
phrase : L'objectif ne doit pas être de tarifer, d'économiser et de
privatiser, l'objectif doit être de...
M. Benoit (Jacques) : J'entends très
peu ce que vous dites, je pense que c'est...
M.
Hébert :
O.K., alors je vais recommencer. Je suis tout à fait d'accord avec votre
dernière phrase : L'objectif ne doit pas être — il ne
l'est pas — de
privatiser, de tarifer et d'économiser.
L'objectif,
c'est de fournir des soins de qualité et des soins sécuritaires aux personnes
âgées qui présentent des pertes
d'autonomie et aux adultes handicapées qui ont des situations de handicap et
d'incapacité qui nécessitent des soins à domicile. C'est ça, l'objectif, et que
ça soit clair. Et ce que je souhaite par l'assurance autonomie, c'est de
retrouver un financement public et
une gestion publique des services de soutien à l'autonomie que nous avons
perdus avec le temps. Et c'est ça, l'objectif de ce qui est devant nous.
Lorsque vous
nous dites : Il faut trouver des moyens de pouvoir contrôler les coûts…
écoutez, à peine étions-nous arrivés
que nous avons aboli la règle des 15 ans au niveau des médicaments, que
nous avons introduit le concept du prix le plus bas pour des médicaments d'équivalence, notamment au niveau des
inhibiteurs de la pompe à protons. Nous avons mis en place des stratégies qui visent à contrôler le coût des
médicaments. Nous avons amélioré les règles de gestion des GMF. Nous avons travaillé sur une politique
nationale de prévention, qu'on rendra publique très bientôt, une première
politique nationale de prévention au Québec, et nous avons renforcé
l'intégration des services, notamment pour les personnes âgées, pour compléter
les réseaux intégrés de services. Alors, nous sommes résolument engagés.
La
rémunération des médecins avait été conclue par entente avec le gouvernement
précédent, on ne peut rien y faire jusqu'à
la prochaine ronde de négociation. Mais je suis tout à fait d'accord avec vous
que l'augmentation des coûts de santé, et je le redis, n'est pas due au
seul vieillissement de la population, qui est responsable de 1,1 %, à peu
près, de l'augmentation des coûts de santé,
mais à d'autres facteurs que vous avez très bien soulignés. Mais il faut
regarder quelle est la situation
actuelle. Actuellement, les gens à domicile ne reçoivent que 15 % des
services, qui sont requis, par l'État, 15 %.
Le reste, ils doivent soit les donner en nature via les proches aidants ou ils
doivent se les payer de leurs poches. Les
gens qui sont en résidence privée, ils ne reçoivent rien de l'État, ils paient
pour les services. Les gens qui reçoivent le Programme d'exonération financière, le minimum qu'ils doivent payer,
c'est 7 $ de l'heure pour recevoir le service. Alors, il n'y a
pas de financement public. Quand vous parlez de gratuité, là... il n'y a pas de
gratuité actuellement.
Ce que nous
voulons avec l'assurance autonomie, c'est retrouver un financement public de
ces services-là et faire en sorte que
ce financement public soit modulé pour que les personnes les moins nanties de
notre société reçoivent un financement
public plus important. C'est ça qu'on veut faire avec l'assurance autonomie. On
ne veut pas privatiser, on veut
retrouver un financement public et on veut retrouver une gestion publique. Et
j'y reviendrai tout à l'heure. Alors, je
ne comprends pas votre dernière phrase de votre mémoire, parce qu'on est
exactement sur la même longueur d'onde.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Benoit.
• (15 h 40) •
M. Benoit (Jacques) : On croit,
nous, que la question du financement, de la gestion, c'est important, mais la question de la prestation l'est autant. Parce que,
si on ne contrôle pas la prestation, on ne finira pas par contrôler les prix,
ce n'est pas vrai. Le privé, pour donner la
même qualité que donne le public, va finir par charger toujours plus cher et va
toujours nous coûter plus cher. Donc, ce n'est pas à notre avantage. On ne
viendra pas nous dire là qu'on va mieux gérer si on confie, si on
sous-traite les services à faire.
Pour nous, il
faut que la prestation soit de l'ordre public, surtout pour, je dirais, tout ce
qui concerne les AVQ. Ça devient, pour nous, absolument nécessaire que
ce soit de l'ordre des services publics.
Il y a
là des soins à la personne, et ça, ça ne relève pas de n'importe qui. Il ne
faut pas que ce soit fait n'importe comment
par n'importe quoi. Ça nous prend des gens, du personnel qui est qualifié pour
faire ce travail-là, et qui va être capable,
et qui travaille en plus en équipes multidisciplinaires, pluridisciplinaires — maintenant, il y a plusieurs termes qui sont utilisés mais qui visent la même chose — qui
font en sorte que la personne qui va aller donner le bain, par exemple, pour ne prendre que cet
exemple-là parce que c'est celui que tout le monde connaît… Le
bain, bien ce n'est pas juste de donner
le bain, c'est aussi de se rendre compte, à travers cet exercice-là, de l'état
de santé de la personne. M. le
ministre, vous le savez, je ne veux pas vous décrire ça,
vous le savez, comment la personne bouge, si elle est capable de faire ci,
de faire ça, ces choses-là. Ce sont des
observations que la personne qui s'occupe de ça peut rapporter ensuite à son
équipe et faire en sorte que l'équipe
puisse ajuster les choses, les services et soins qui seront apportés à la
personne. Si on éclate ça, si la personne qui fait ce soin-là ou ce service-là, ça devient
quelqu'un du privé, quelqu'un d'une entreprise, quelqu'un qui est à côté de l'équipe, bien, à ce moment-là, les
observations ne seront pas rapportées, il n'y aura pas d'ajustement des choses, et ça fera en sorte qu'on ne va pas
prévenir une dégradation de l'état de la personne, on va la laisser se
dégrader. Elle ne sera pas sous surveillance,
elle va être toute seule dans sa maison. Son domicile va devenir… à la limite,
pourra devenir sa prison, elle sera
prise là-dedans. Elle n'aura pas du monde qui vont l'aider. C'est ça qu'on
veut. C'est ça qu'on soulève.
La Présidente (Mme Proulx) :
Merci, M. Benoit. Il y avait M. Falardeau qui voulait ajouter quelque chose.
M. Falardeau
(Denis) : Oui. M. le ministre, en tant que représentant d'un groupe de
défense des intérêts des consommateurs, j'ai
lu avec intérêt votre livre blanc, mais aussi parce que je fais partie fort
probablement de la génération d'âge,
là, qui va, dans un futur rapproché, là, bénéficier, justement,
du système de santé
et de services sociaux. Et je dois
vous avouer qu'avec mes deux chapeaux, représentant des consommateurs et aussi pour moi personnellement, c'est un
peu inquiétant.
Et je suis
prêt à vous croire quand vous dites : Notre intention première, ce n'est
pas de privatiser. Je suis prêt à vous
croire. Mais malgré tout, lorsque je regarde un peu les tenants et aboutissants
du livre blanc, veux veux pas, ça fait partie des probabilités. Et j'en
veux pour preuve, entre autres, à la page 20, lorsque vous parlez des
trois mouvements nécessaires à l'instauration de l'assurance autonomie, le
troisième mouvement. Vous parlez d'une disponibilité d'une enveloppe financière
protégée pour une couverture de services adaptée aux besoins et pour optimiser l'utilisation
des ressources. Je ne suis pas économiste,
mais, dans mon esprit, ça laisse entendre une enveloppe fermée, donc un budget
fermé. Et, peu importent les besoins ou les
imprévus, il va falloir faire avec cette enveloppe-là, faisant en sorte que...
Et c'est là où la porte à l'utilisation de services alternatifs, tant privés communautaires que privés plus
traditionnels, s'ouvre grandement.
Puis ce n'est pas une question, tu sais, d'économie de coûts. Et c'est
dans ce sens-là que j'ai personnellement des craintes, puis d'autant plus que votre… comment dire, votre
prospective en termes, là, d'un futur rapproché est quand même inquiétante.
Vous le
faites mention vous-même, il y a une bonne partie des futures personnes âgées qui
ne vont pas être en mesure
d'atteindre le fameux 60 % de
revenus nécessaires pour avoir un revenu de retraite intéressant. Vous faites
mention que, parmi les personnes qui
souffrent de handicaps et qui sont à logement, il y en a une bonne partie qui
sont dans des logements qui nécessitent des réparations majeures. Quand
je vois tout ça, là, c'est quand même inquiétant.
M.
Hébert :
Mais je voudrais revenir sur la prestation parce que ça semble être le point
d'achoppement entre nos deux positions.
Actuellement, là, la prestation, là, on ne se
cachera pas, la prestation est faite par du privé associatif, des entreprises d'économie sociale non seulement dans
les tâches domestiques, là. Plus de 50 % des entreprises d'économie
sociale font des activités de la vie
quotidienne. Les HLM d'habitation, ils sont venus ici. Ils offrent des services
de soutien aux activités de la vie
quotidienne, ils font payer les gens. Même chose pour les résidences privées
lucratives : ils font payer les gens.
Nous voulons
retrouver le financement public de ça et la gestion publique pour s'assurer de
la qualité des services. Que les
services soient donnés par une entreprise d'économie sociale, qu'ils soient
donnés dans le public, qu'ils soient donnés
dans une résidence privée, il faut qu'on ait la même qualité de services, et
c'est pour ça qu'on met un processus d'accréditation des prestataires,
pour que la formation soit normée et pour que la qualité soit au rendez-vous.
On veut retrouver la gestion publique. Et ce
que vous me proposez, c'est qu'on nationalise les services de soutien à
l'autonomie. On a besoin de tous les
acteurs. On a un défi important qui est devant nous. On a besoin de la
contribution de tous les acteurs qui
sont actuellement dans ce secteur-là. Il faut mieux les encadrer.
Il faut que ça soit une gestion publique et un financement public, mais, d'éliminer tous ces acteurs-là, je pense
que ce n'est pas une bonne stratégie
si on veut être capables de répondre
aux besoins d'une population vieillissante.
Il faut que
l'État assure la saine gestion et la qualité des services et assure le financement de ces services-là, quitte à
ce que la prestation, comme elle l'est actuellement… Actuellement, la prestation est, en grande partie, privée,
privée associative ou privée lucrative, mais elle l'est. C'est la
réalité.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Benoît.
M. Benoit
(Jacques) : La situation
actuelle, on le sait, ce qu'elle est. D'ailleurs, on aimerait quand même
qu'on arrête de dire quelque chose, là, qui est comme… Ce n'est pas une vérité que de dire que la majorité des
EESAD font des AVQ. 47 %, M. le ministre, ce n'est pas une
majorité. 47 %...
M.
Hébert : 55 %.
M. Benoit
(Jacques) : Mme Neamtan, du Chantier d'économie sociale, c'est le
chiffre qu'elle utilise. Je sais que pour certains...
M.
Hébert :
…elles-mêmes nous ont dit «55 %», écoutez.
M. Benoit
(Jacques) : …peut-être que ce serait le fun que la loi sur la clarté
référendaire soit écrite dans ce sens-là, mais on pense, nous, que
47 %, ce n'est pas quand même une majorité.
Ce n'est pas
parce que, hein, je... On parle de revenir au consensus de 1996. En 1996, il
avait été clairement établi que les
AVQ relevaient des services publics, des CLSC et que les AVD pouvaient aller
aux entreprises d'économie sociale. Je
ne sais pas pourquoi… Je pourrais toujours le dire, oui… mais enfin, oui, je
pourrais le dire, je sais pourquoi, mais, enfin, il y a eu une dérive
qui s'est faite et qui a fait en sorte que cette limite-là n'a pas été
respectée. On croit que, là, maintenant, là,
votre... Vous émettez la volonté claire de pouvoir corriger la situation? Bien,
c'est ça, on est d'accord avec ça.
Commençons d'abord par faire un état des lieux et remettre de l'ordre. Remettre
de l'ordre, M. le ministre, ça peut vouloir
dire à un moment donné qu'il y a des choses qu'on a faites, qu'on ne refera
plus, qu'on doit cesser de faire parce qu'elles
ne sont pas bonnes, Elles sont peut-être risquées. On a peut-être pris des
risques jusqu'à maintenant. On n'est pas obligés de continuer de prendre des risques,
d'autant plus que, là, on veut développer. Est-ce qu'on veut développer les risques? Je ne crois pas. Je crois que ce
n'est pas votre intention. Par conséquent, il faut cesser les pratiques qui
sont à risque, il faut établir les bonnes pratiques.
Quand
vous parlez de contrôler la qualité, bien, je suis désolé, mais on ne me fera
pas croire que la qualité des services
donnés par une entreprise d'économie sociale égale la qualité des services
donnés en secteur public. Même le Chantier
d'économie sociale le reconnaît. Alors, ce n'est même pas nous autres tout
seuls qui affirment ça. Le Chantier d'économie
sociale le reconnaît. Puis je n'ai pas besoin d'avoir bien, bien des chiffres
puis bien, bien des études là-dessus. Quand on sait, par exemple, que le
PDSB, hein, les principes de déplacement sécuritaire de la personne, hein, du bénéficiaire… la formation que suivent les
auxiliaires familiales, qui est de l'ordre de 750 à 1 000 heures de
formation, alors que quelqu'un qui
est en économie sociale va peut-être avoir une formation de 50 à
100 heures, j'imagine... Je ne peux
pas imaginer, M. le ministre, que, si on prenait un médecin puis on divisait sa
formation par 10, on penserait que le médecin
serait aussi compétent que l'autre. C'est la même chose pour la personne qui
accompagne des gens à la maison. Ce n'est pas la même qualité.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le ministre.
• (15 h 50) •
M.
Hébert : C'est là où on ne s'entend pas au niveau de la
stratégie. Moi, ce que je veux, ce que nous souhaitons, c'est que nous puissions rehausser la qualité et
s'assurer de la formation, d'une formation normée dans tous les prestataires
de services et non pas les éliminer. Nous
voulons rehausser cette qualité-là et nous voulons nous assurer que cette
qualité-là soit au rendez-vous. Et de
la même façon, dans le système public, hein, vous savez qu'il n'y a pas de
norme actuellement sur la formation
des préposés. Alors, il faut que le système public puisse aussi avoir des
normes qui s'appliquent chez tous les
prestataires. Alors, c'est là où est la différence. Nous voulons rehausser la
prestation dans l'ensemble des services de soutien à l'autonomie.
Et
je vous rappellerai que l'intégration, là, ce n'est pas une intégration à
l'intérieur du réseau public. L'intégration des services pour les personnes âgées, c'est l'ensemble des partenaires.
C'est une intégration de l'ensemble des partenaires. Ce n'est pas une interdisciplinarité de machine à
café, là, c'est une interdisciplinarité de l'ensemble des partenaires qui
participent au maintien à domicile, que ce
soit la popote roulante, que ce soient l'entreprise d'économie sociale, le
réseau public, et ainsi de suite.
Alors,
c'est vraiment une interdisciplinarité qui déborde le réseau de la santé et des
services sociaux. Et c'est ça, l'intégration
des services qui a été implantée au cours des dernières années dans le réseau
de la santé, c'est l'ensemble des
partenaires qui travaillent à donner des services de qualité en coordination
pour que les services puissent être rendus de la façon la plus adéquate
possible. Et ceci, l'allocation de soutien à l'autonomie et l'assurance
autonomie, va venir renforcer cet élément-là
pour ajouter des contrôles de qualité, des contrôles de la formation de tous
les prestataires. Et c'est ça, l'intention, donc de retrouver le
financement public et de retrouver la gestion publique des services de santé.
La Présidente (Mme
Proulx) : Mme Langlois.
Mme Langlois (Isabelle) : Mais, sur la question que vous parliez tout à
l'heure : Est-ce qu'on veut nationaliser?, ce n'est pas une question de vouloir nationaliser mais plutôt de voir
comment on veut assurer les citoyens en perte d'autonomie des soins et
services nécessaires à leur participation sociale.
Et,
pour nous, ce qu'on vous dit — peut-être qu'effectivement on n'est pas
d'accord, je pense qu'on en convient — c'est que, dans la prestation des soins, non seulement c'est mieux coordonné,
mieux intégré quand c'est des soins qui sont donnés par le système de santé et services sociaux qui
est public, en plus ça coûte moins cher. Donc, il existe actuellement des
équipes multidisciplinaires qui font le
travail de services à domicile. Elles sont insuffisantes, il manque de sous,
vous l'avez nommé. On a salué la
volonté de réinvestir en ce sens-là versus l'hospitalocentrisme, c'est très
bien, mais pourquoi on n'investit pas
dans ces équipes-là qui sont sur place, qui travaillent bien, qui ont une
compétence, que ça roule, ça va bien mais
qui ne répondent pas à la demande, hein? Les quatre exemples qu'on vous a
nommés en début de notre mémoire, c'est
des femmes qui souffrent d'une situation de manque de services de soins à
domicile en santé et services sociaux. Donc,
oui, on veut améliorer le service, mais pourquoi on n'améliore pas ce qui est
là, ce qui fonctionne déjà bien et qui coûte moins cher que de faire
appel à divers prestataires, comme vous nommiez tout à l'heure?
L'autre
chose, c'est qu'au niveau des normes on est d'accord pour qu'il y ait des
normes dans le réseau de la santé et
des services sociaux, on est d'accord qu'il y ait des normes par rapport aux
AVD qui sont données puis qui sont, comme on en parlait… Il y a des AVD qui sont en soutien à la qualité de vie et
à l'état de santé des personnes, qui ne sont pas des luxes, qui sont vraiment à
un niveau… qui sont en lien avec le système santé et services sociaux, que les
entreprises d'économie sociale
donnent. Et ça, je pense que c'est important qu'il y ait des normes. Mais, au
niveau des organismes communautaires,
les activités qui sont offertes par les organismes communautaires, pour nous,
c'est très clair que c'est alternatif
au réseau de la santé et services sociaux, et ça ne doit pas devenir un
sous-traitant ou une parure parce que le réseau n'arrive pas à les
rendre. Je pense que de vouloir couvrir ces soins-là aujourd'hui, c'est de
dire... Quand la Loi canadienne sur la santé
a été créée, ça n'existait pas, ça ne faisait pas partie de la vie, du
quotidien. Maintenant, on est face à
ça. Qu'est-ce qu'on fait avec la situation actuelle? On connaît la situation
actuelle. C'est sûr qu'il y a des prestataires, différents prestataires. Est-ce qu'ils peuvent continuer à offrir
quelque chose qui est à part du système de santé et services sociaux,
puis qu'on consolide notre système de santé et services sociaux public? Nous,
c'est le choix qu'on vous recommande aujourd'hui, qu'on émet aujourd'hui.
Puis je
voudrais continuer sur la question des femmes. J'ai nommé les exemples qui
étaient beaucoup des femmes. Vous
aviez parlé, M. le ministre, dans les rencontres préestivales que votre projet
était là pour l'émancipation des femmes. Je
voudrais me permettre de vous dire que le premier élément incontournable pour
l'émancipation des femmes, c'est d'écouter
ce qu'elles ont à dire et de ne pas parler en leur nom, hein? Les femmes sont
les premières personnes en première ligne
de leur lutte comme sujet à part entière, pas comme des victimes, puis les
femmes sont très préoccupées. Moi, je voudrais vous amener cette
perspective-là. C'est sous-jacent dans le mémoire, mais on en parlait tout à
l'heure, puis on était tous d'accord,
que dire : Oui, on est… Les femmes, qu'elles soient infirmières,
auxiliaires familiales, travailleuses du
communautaire, proches aidantes, mères ou malades, témoignent actuellement,
largement, du fait que la coupe est pleine, elles sont essoufflées. Il y a une surtâche qui découle des vagues
successives des coupures dans le système de santé et des services sociaux. On est passés de
l'État-providence à maman-providence. Là, maman-providence, elle est fatiguée,
puis c'est ça qu'elle vous dit aujourd'hui.
La réforme que vous proposez soulève, encore une
fois, cette préoccupation de la tendance du transfert des responsabilités de l'État aux organismes
communautaires, aux familles, aux aidantes naturelles — je le dis comme ça parce que ce n'est pas naturel, hein? — que l'on prend pour acquis. On sent que les
aidantes naturelles sont prises pour acquises
dans votre réforme, et ces femmes-là risquent de se retrouver avec un poids
plus lourd sur les épaules. C'est pour ça
que, dans notre mémoire, on recommande que le ministre respecte les bénévoles
et leurs organismes ainsi que les proches aidantes et qu'aucun ne fasse partie, sans son consentement, de la
détermination de l'organisation et de la prestation des services de
soutien.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. le ministre.
M.
Hébert :
…tout à fait d'accord avec notre approche, qui est de considérer les proches
aidantes comme des partenaires et non
pas comme des ressources et de faire en sorte que les proches aidantes ne
soient pas obligées de quitter un emploi rémunérateur pour s'occuper
d'un proche.
L'allocation
de soutien à l'autonomie va permettre d'avoir des services, d'avoir des
services pour les gens en soutien à
domicile et de ne pas obliger les proches aidantes, comme elles sont obligées
actuellement, d'être la ressource par défaut, parce que l'État ne fournit que 15 % des services publics, et, le
reste, bien c'est la proche aidante. On est tout à fait… Moi, je suis
tout à fait d'accord avec vous là-dessus.
La Présidente (Mme Proulx) :
Mme Langlois.
Mme
Langlois (Isabelle) : Oui.
En même temps, on est préoccupés des pertes d'emploi, qui risquent d'arriver
du système, qui passent du système de santé
et de services sociaux, en termes d'emplois de qualité pour les femmes, versus
des emplois dans les entreprises d'économie
sociale qui font un travail louable mais qui sont des conditions de travail
qui sont moindres.
M.
Hébert : Il n'y
aura pas de transfert, je vous rassure tout de suite.
Mme
Langlois (Isabelle) : Puis
là notez que ce n'est pas une perspective syndicale, là, c'est une perspective
de femmes.
M.
Hébert : Je vous
rassure tout de suite. Je vous interromps. Je vous rassure tout de suite, il
n'y aura pas de transfert de la sorte…
Mme Langlois (Isabelle) : De postes?
M.
Hébert : …ce que
vous dites.
Il n'y aura
pas de transfert de postes, je vous rassure tout de suite, il y en a pour tout
le monde. Il y a une population âgée
qui augmente de façon importante et il y en a autant pour les intervenants du
réseau de la santé et des services sociaux que pour les entreprises d'économie sociale ou les gens qui vivent dans
un milieu résidentiel. Il y en a pour tout le monde. On a besoin de tout le monde. On a besoin de tout
le monde pour donner des services, et le transfert que vous supposez ne se produira pas parce qu'on a besoin de tous les
intervenants, que ce soient ceux qui travaillent actuellement dans le réseau,
que de ceux qui travaillent dans les
entreprises d'économie sociale ou dans le système résidentiel, qu'il soit
lucratif ou non lucratif. On a besoin
de tout le monde, mais il faut s'assurer de la qualité des services, il faut
s'assurer de cette qualité.
Lorsqu'on ne
confine pas les femmes dans un rôle de proche aidant, non seulement on laisse
les femmes sur le marché du travail,
mais il y aura des possibilités d'emplois pour les femmes dans tous les
réseaux, que ce soit le réseau public
ou que ça soit le réseau privé, associatif ou non. Et l'assurance autonomie
redonne une allocation à la personne, à la personne âgée ou la personne handicapée, une allocation qui lui
permettra de recevoir les services, qui lui permettra de vraiment
exercer son choix de prestataire de services.
La
Présidente (Mme Proulx) : Merci, M. le ministre. Alors, nous
allons maintenant poursuivre les échanges avec le groupe formant
l'opposition officielle. Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, la parole est à
vous.
Mme
Blais : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, madame, messieurs, bienvenue ici.
J'aime
beaucoup votre discours, c'est un discours franc, c'est un discours honnête.
Vous avez beaucoup d'expérience, vous
avez vu énormément de changements. Moi, je n'ai pas eu la chance, comme vous,
de vivre tous ces changements, mais je peux vous dire que j'ai des inquiétudes
actuellement par rapport à l'implantation de l'assurance autonomie. Entre
autres, je vois qu'il y a des coupures
d'infirmières dans le réseau, dans les CHSLD. J'entends aussi des organismes
dire : Il manque de travailleurs
sociaux sur le terrain, il manque de professionnels. Alors, oui, c'est beau,
dire : On va embaucher des
femmes, il n'y a personne qui va manquer d'emploi, mais comment se fait-il
qu'actuellement il y ait des coupures, puis
qu'il y ait des gens en attente, puis qu'on n'est pas capable de régler le
problème des gens en attente, puis qu'on est en train de parler d'un projet qui va régler le sort du monde? Alors,
moi, je pense qu'en premier il faut véritablement régler les difficultés
actuelles, qui sont de donner les services.
Et
vous avez dit quelque chose qui m'a touchée, parce qu'on parle beaucoup de
personnes âgées, mais ça parle des personnes en perte d'autonomie à
partir de l'âge de 18 ans, et il ne faudrait pas que les personnes en
situation de handicap se sentent un peu
négligées par rapport à ce projet-là, qui ne touche pas que la clientèle aînée,
mais vraiment une clientèle en perte d'autonomie à partir de l'âge de
18 ans.
Alors,
je veux vous entendre là-dessus, sur ce que vous vivez sur le terrain. Est-ce
vrai que vous ressentez ces coupures et est-ce que ça vous inquiète?
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Jolicoeur.
• (16 heures) •
M. Jolicoeur (Guy) : Écoutez, Mme Blais, vous me donnez l'occasion, là, de parler de ce qui
se passe sur le terrain.
Je
vais vous dire, mes intervenantes sociales au niveau des différents CSSS de
Montréal vivent des choses très difficiles
présentement. Elles portent sur elles, leurs épaules, en tant que tel, les
changements du système, surtout tous les
effets de l'optimisation qui est en train de rendre la vie impossible à mes
collègues. Il y a des choses aussi qui sont difficiles à accepter, par exemple les mesures de désengorgement des
urgences. On parle de HMR, de Santa Cabrini. On donne des services de 68 heures à des personnes pour les sortir de
l'hôpital, mais on donne ça par des agences privées, O.K.? Et, ces agences privées, finalement, de
maintien à domicile, on n'a aucun retour de la part de ces gens-là qui donnent
des bains, comme on dit, à domicile. Et pourtant ça aurait dû être fait de
façon adéquate.
Alors, quand on dit
qu'on va mettre tout le monde dans la même galère et que tout le monde va se
parler... présentement, ça ne fonctionne
pas. Je veux dire, ces gens-là, comme on dit, font leurs services, ils sont
payés une heure pour chaque
15 minutes de bain, O.K.? Donc, déjà, on va sauver de l'argent là-dessus
si on va donner ça au secteur public. Et,
d'autre part, si la personne âgée refuse de prendre le bain, bien on charge
quand même une heure au CLSC, comme on dit, au CSSS pour cette chose-là.
Alors, j'essaie de voir où sont les économies dans le système, je ne les vois
pas.
En
plus, ces gens-là, malheureusement, ont peu d'expérience au niveau de donner
des soins intimes, comme on dit, à
nos aînés en perte d'autonomie, et on les met, comme on dit, à risque qu'il y
ait des accidents, comme on dit, dans leur
baignoire. Et le ministre laisse aller comme si tout ça était normal et
acceptable, comme on dit, et on parle en 2013. Alors, je vous le dis, avant de parler de l'assurance autonomie, réglons
d'abord les situations qui se passent présentement à Montréal.
Et, moi, ça m'inquiète énormément parce
qu'on dit qu'on va avoir des gestionnaires de cas qui vont gérer ça.
Moi,
je parle à mes collègues, ils me disent : On n'aura pas le temps de faire
ça. Ce n'est pas qu'on ne veut pas le faire,
c'est qu'on nous demande de remplir tellement de formulaires, il y a tellement
de choses, qu'on dit, qu'on doit remplir chaque jour pour la clientèle ordinaire, on va nous demander de faire
encore plus, comme on dit, comme intervenantes sociales au niveau du maintien à domicile. Ces gens-là sont débordés,
ils ne réussissent pas à faire leur travail tous les jours tout simplement parce qu'on les surcharge,
comme on dit, de travail présentement, et en plus des coupures, et en plus du manque de personnel. Parce que, quand on
décourage du personnel, comme on dit, ces gens-là ne reviennent pas, ils changent de secteur, ils ne reviennent pas au
niveau du maintien à domicile. On a perdu énormément d'intervenantes sociales d'expérience parce qu'on les a écoeurées
présentement à Montréal. Alors, je m'excuse de dire ça, mais c'est la
réalité, présentement, terrain.
Alors,
avant de partir une nouvelle expérience — puis on n'est pas contre l'assurance
autonomie — mais on
va s'assurer qu'on ait les ressources
satisfaisantes, que ces gens-là, comme on dit, soient compétents et qu'ils
soient capables de faire la job adéquatement avant de partir un nouveau
système.
La Présidente (Mme
Proulx) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais :
Vous ne vouliez pas dire quelque chose?
Une voix :
…
Mme
Blais : Moi, j'ai une autre inquiétude. Et, ce matin, il y avait
M. Claude Castonguay qui était ici et qui parlait qu'on devrait travailler avec le système
actuel plutôt que de sortir 4,3 milliards de dollars du système,
le confier à la RAMQ, finalement,
avoir une nouvelle structure pour donner des soins à tout le monde et en injectant 100 millions par année. Je ne suis pas certaine que tout le
monde va pouvoir avoir les soins
gratuits, je ne suis pas certaine, moi, que ça puisse arriver.
Qu'est-ce
que vous pensez de ça? Est-ce que vous pensez qu'à un moment donné,
inévitablement, il y a quelqu'un
qui va devoir payer pour les soins?
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Benoit.
M.
Benoit (Jacques) : Bien,
c'est pour ça aussi qu'on dit dès le début, je dirais, du mémoire qu'il y a
des éléments, il y a des sources de coûts élevés dans le système
actuel sur lesquels on peut faire quelque
chose pour y faire un contrôle
et récupérer de l'argent, parce qu'on croit qu'il faut récupérer de l'argent,
il y a des choses qui sont mal faites.
Est-ce
qu'on va réussir à faire en sorte que tout soit gratuit? Je crois que c'est ce
qu'on doit viser quand il s'agit de
soins, de services sociaux et de soins de santé. Oui, on doit le viser parce
que c'est ça qu'on a tenté de faire quand on a fait l'assurance maladie et l'assurance hospitalisation. C'est ce qu'on
a fait quand on a mis sur pied notre système public de services sociaux et de santé. On a dit :
Ce ne sera plus l'épaisseur du portefeuille qui va définir la quantité de soins
et de services dont on va pouvoir
bénéficier, ça va être le cas, ça va être l'évaluation du cas, ça va être la
priorité du cas, c'est ça qui va faire en sorte que vous allez avoir
accès. Et on a fait en sorte qu'il y ait le maximum d'accès possible, égal
partout, peu importe où est-ce qu'on
habite sur le territoire. Il est évident, puis on le sait tous, que, quand tu
es à Havre-Saint-Pierre, ça se peut
que tu n'aies pas tout à fait les mêmes services que quand tu es en plein coeur
de Montréal. Mais il y a une volonté de
faire en sorte que ces soins et services soient accessibles, soient
disponibles, hein? Et il y a eu un travail, il y a différentes choses. On est conscients que ça ne peut pas être
mur à mur totalement. Il n'y a personne qui dit ça. Ce qu'on dit, c'est
qu'il y a cette volonté-là qui doit être là et qu'on doit chercher à
l'atteindre.
Quant à
savoir c'est quoi, les ressources qu'on dispose, bien sûr il faut… On parlait
de contrôler les coûts, mais on pense
aussi qu'il y a des éléments au niveau de l'impôt, qu'il nous faut utiliser. Il
ne faut pas oublier une affaire, qu'entre 1996 et… dans les
20 dernières années, mettons, les impôts, là, ils ont baissé de
4,5 milliards à peu près, individus et compagnies.
Ce n'est pas vrai, on ne me fera pas croire, puis il n'y a personne ici qui va
croire ça, que la richesse de la société
québécoise a diminué pendant les 20 dernières années. Elle a augmenté, le
PIB a augmenté. On est rendu à avoir je ne sais pas combien de mesures. On a Standard & Poor's. Mais
on avait un Dow Jones, alors que maintenant on est rendu avec trois, quatre indices pour mesurer la
richesse tellement on en a. Bien, si on a tout ça comme richesse, bien on est
capables d'en prendre une partie un peu plus importante et s'occuper de
la santé et des services sociaux pour notre population
à nous. C'est nous, c'est nos parents, c'est nos frères, nos soeurs, nos
enfants, nos parents, nos grands-parents. Je ne vois pas pourquoi est-ce
qu'on n'a pas des moyens.
La richesse qu'on produit dans la société, elle
sert à quoi? Elle doit servir à notre mieux-être en soi, à notre mieux-être
collectif. C'est à ça qu'elle doit servir. Si on n'a pas compris ça, qu'est-ce
qu'on fait en société? Nous voulons un
projet de société qui vise à ce qu'il y ait un partage de la richesse pour le
mieux-être de la population. C'est ce à quoi nous croyons. Et nous
croyons que le système public de services sociaux et de santé est le meilleur
moyen de redistribution de cette richesse-là
produite. Et on doit l'utiliser pour faire en sorte que les gens aient une
accessibilité aux soins et services dont ils ont besoin.
La Présidente (Mme Proulx) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Avant de passer la
parole à mon collègue... Ce matin, M. Castonguay faisait remarquer que...
Tout à l'heure, le ministre a parlé
que les proches aidants devaient devenir des partenaires, une dyade entre la
personne, qui est malade, et
l'aidant. Moi, je suis tout à fait d'accord avec ça. Mais il disait,
M. Castonguay, qu'il y avait à peu près deux lignes sur le rôle du proche aidant dans le livre blanc
de l'assurance autonomie. Quelle place, quel rôle voyez-vous pour le proche
aidant dans ce livre blanc? Et comment
voulez-vous qu'on reconnaisse la place du proche aidant? Parce que vous avez
dit, madame — je m'adresse peut-être plus à la personne
qui le souhaite, là — mais
qu'entre guillemets ce n'était pas tout à fait naturel. À un moment
donné, ça ne devient pas naturel de jouer le rôle de proche.
La Présidente (Mme Proulx) :
Mme Langlois ou M. Benoit?
Mme
Langlois (Isabelle) : Bien,
moi, je voulais juste compléter ce que Jacques disait tout à l'heure en disant
que le système de santé et de services sociaux publics, c'est la meilleure
façon pour la redistribution de la richesse.
Puis, pour répondre à M. le ministre, c'est
aussi la meilleure façon pour assurer la marche vers l'égalité hommes-femmes, selon nous. C'est-à-dire que c'est
un système qui a permis l'émancipation des femmes, qui a permis que les
femmes sortent de la maison, aillent sur le marché du travail, qu'elles aient
un choix qui est possible dans les conditions
de... Alors, de renforcer ce système-là, c'est aussi la façon qu'on met de
l'avant pour améliorer le sort des femmes.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Benoit.
M. Benoit
(Jacques) : Sur la question des proches aidants, je vais me permettre
d'abord de répondre à partir de mon expérience personnelle. Je vais
passer ensuite la parole à mon collègue ici.
J'ai été
proche aidant pour ma mère qui est décédée il y a deux ans. Comme proche
aidant, c'est difficile de voir ta
mère dont l'état de santé se détériore, puis tu veux comme l'accompagner au
maximum. Mais ma mère était à Saint-Hyacinthe,
moi, j'étais à Montréal, donc j'étais proche aidant, mais pas tout à fait
proche, mettons, hein? Ça fait que
donc je suivais les choses à distance, mais, de plus en plus, la distance
Montréal—Saint-Hyacinthe,
je l'ai faite je ne sais pas combien
de fois, là, hein, plus ça allait, plus je la faisais souvent. Ce que moi, je
voulais assurer, je voulais être sûr
que ma mère puisse avoir accès à tous les soins et services possibles. Je
voulais, moi, comme personne aidante, me sentir aussi en sécurité qu'elle. Je voulais qu'elle soit en sécurité et
que moi, je n'aie pas à craindre pour elle. Je voulais donc avoir aussi ma sécurité, me dire : Si je
ne suis pas là, il n'y a pas de danger. Parce que, comme proche aidant, c'est
la première chose à laquelle on
pense, c'est qu'on veut prendre soin de— hein, en anglais, ils disent «taking care»,
hein? — mais
prendre soin. On oublie que le système de
santé et services sociaux, c'est à ça qu'il sert : prendre soin, pas donner
des soins vite, à la vitesse, pour en donner le maximum, non, prendre
soin. Puis pendre soin, c'est prendre du temps. La personne, elle va se guérir, mais elle a besoin d'être soignée. Elle a
besoin d'être entourée, d'avoir quelqu'un qui prend soin. S'il n'y a pas
ça, ça ne l'aide pas à guérir, ça rend les choses plus difficiles.
Moi,
comme proche aidant, dans mon cas à moi, j'avais besoin de sentir ça, de me
sentir en sécurité, parce que je
sentais que ma mère était en sécurité, et ça, ça pouvait nécessiter un certain
nombre de choses, mais s'assurer que les soins et services dont elle avait de besoin étaient présents puis qu'elle y
avait accès. Je pense que Guy veut dire quelque chose.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Jolicoeur.
• (16 h 10) •
M. Jolicoeur (Guy) : Oui,
rapidement. Juste vous dire que les budgets de... Il faut du répit et des
budgets de gardiennage. C'est important
parce que, si vous ne voulez pas épuiser votre aidante naturelle, en tant que
tel, il faut qu'elle puisse quitter
le milieu en toute sécurité. Elle ne quittera pas sa personne, comme on dit,
son conjoint malade si elle ne sent
pas, en tant que tel, qu'il y a quelqu'un de confiance qui est auprès d'elle.
Et ça, tous les budgets de gardiennage ont comme diminué au cours des
dernières années, malheureusement.
Autre chose
aussi des clientèles : malheureusement, il y a des communautés culturelles
qui gardent leurs proches, comme on
dit, très longuement à la maison et, quand ils en ont besoin, comme on dit, de
répit, bien là il n'y a plus de budget pour eux parce qu'ils ne sont pas
dans le système. Je pense, entre autres, à la communauté italienne, par
exemple, à Montréal. C'est des gens qui
naturellement gardent leurs aînés chez eux le plus longtemps possible. Ce n'est
pas dans leur culture de laisser ça
dans le réseau. Le problème, c'est : quand ils ont besoin d'avoir du
répit, bien là il n'y a plus de réponse, il n'y a pas… parce qu'on n'a
pas les budgets nécessairement et que la personne n'était pas inscrite.
En terminant,
ressources intermédiaires, bien il y a des clientèles qui se retrouvent là, qui
ne devraient même pas se retrouver là. Je pense, entre autres, à des cas
d'errance invasive, des gens, en tant que tel, là, qui quittent leur chambre
pour aller dans les chambres des autres en
plein milieu de la nuit. Bien, ça, là, ça devrait être en CHSLD et non pas en
ressources intermédiaires parce qu'il n'y a
pas, comme on dit, le personnel suffisant pour s'occuper de ça. Les troubles
cognitifs, les contentions qu'on retrouve en
ressources intermédiaires, qui ne devraient même pas être là, faute de places
en CHSLD… Alors, quand le ministre nous dit
qu'il faudrait diminuer le nombre de places en CHSLD, je m'excuse, mais
il y a encore des besoins énormes au niveau de ces clientèles-là. Merci.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, Mme
la Présidente. Bienvenue à notre commission.
Écoutez, je vais essayer de parler un peu plus fort parce que…
Une voix : …
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Je trouve ça intéressant. Parce que le ministre a
dit au début qu'il n'était pas sûr de tout comprendre ce que vous
disiez, mais moi, je vous suivais puis je trouvais que votre logique est
cohérente.
Vous
dites : Nous autres, on veut la gratuité, on veut également qu'il y ait
une équité entre les gens, on ne voudrait pas que les gens paient. Ça, je pense que c'est un élément important.
Puis, ce que je comprends également, il ne faut pas nécessairement que ce soit en fonction des
revenus. Vous dites également qu'il faudrait consolider le réseau actuel. Vous
ne voulez pas de bureaucratie, vous voulez
avoir plus d'argent qui va… Mais, à la fin, je ne sais pas, vous dites tout ça,
puis à la fin on appuie l'assurance
autonomie. Je ne sais pas, mais ça fait quatre semaines qu'on est ici, le
ministre a été très, très clair : les gens vont devoir contribuer
selon leurs revenus, il n'y aura pas de gratuité.
En plus de
ça, vous dites : On ne veut pas de privatisation. Écoutez, on l'a fait
dire 50 fois au ministre, là, et on va s'en souvenir, c'est tout enregistré, il y a un élément de privatisation
là-dedans, là. Quand il dit que c'est public, là il fait juste dire : L'argent vient du public. En
plus de ça, la gestion de la qualité va être publique, puis l'allocation va
être publique, mais, la prestation,
il l'a dit clairement, la personne va choisir. Puis ça, je peux déjà vous le
prédire, là, les organisations comme
les résidences privées, ils vont organiser pour donner les services avec leurs
employés, puis ça, il va y en avoir de
plus en plus, de ça. Également, les logements communautaires, ils vont
également donner leurs services de cette façon-là. Puis, on ne se le cachera pas, les entreprises
d'économie sociale… Moi, je le vois venir. Je ne sais pas, là, c'est des gens,
ils sont dans une bulle, là, mais il faut sortir de cette bulle-là. Les
entreprises d'économie sociale, le ministre l'a dit souvent, c'est eux autres qui vont avoir les AVD, puis ils vont avoir
les AVQ. À la fin, là, je pense qu'on va avoir un équilibre de réseau
dans lequel le réseau va être utilisé.
En passant,
le discours, au début, là, ça devait tout être public. Mais c'est ça, là. Mais
là le projet de loi qui va être
déposé, ça va être ça. Je vous le dis, là, honnêtement, là, ça va être ça.
Est-ce que vous me dites encore que vous êtes pour la… À la fin, vous finissez : Malgré tout ça, on est pour
l'assurance autonomie. Expliquez-moi ça. Là, j'ai bien de la misère à comprendre ça. En passant, tous les
groupes viennent avec… comme vous, là : On est pour l'assurance autonomie,
puis, quand ils ont fini de tout énumérer,
là je leur dis : Écoutez, c'est-u les mêmes choses qu'on voit? Peut-être
qu'on est beaucoup là-dedans, nous autres, on le voit, là, mais ça va
être ça, l'assurance autonomie à la fin.
Est-ce que vous me dites que vous êtes encore
pour l'assurance autonomie, ce projet-là?
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Benoit.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Là, ça nous prendrait une réponse claire. Pas
une réponse : Oui, mais peut-être, là. Si vous aviez à voter, comme
moi, là, est-ce que vous voteriez pour?
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Benoit.
M. Benoit
(Jacques) : Je me permettrais de redire ce que j'ai dit dans ma
présentation.
On saluait la
volonté ministérielle de rehausser et d'améliorer la réponse aux besoins en
services à domicile de la population,
particulièrement auprès des personnes en perte d'autonomie, pour leur maintien
dans la communauté. On n'a pas dit
que ça prend… que ça s'appelle l'assurance autonomie, puis on n'a pas
dit : Vive l'assurance autonomie! On a dit qu'on était d'accord et on veut un rehaussement des services à
domicile qui permet et qui vise à accompagner les gens dans un maintien dans leur communauté. Pour nous,
c'est ça qu'on veut. Que ça s'appelle n'importe comment, on s'en fout,
ce qu'on veut, c'est ça.
Que ça
s'appelle assurance autonomie, ça pourrait s'appeler ça, ce n'est pas plus
grave que ça. Mais le contenu, c'est
ça, et ce qu'on dit comme contenu là-dedans, c'est que, ces services-là, ces
services-là qu'il faut rehausser et qu'il faut donner, il faut qu'ils
soient accessibles à tous, il faut qu'ils soient publics, il faut qu'ils soient
financés par des impôts puis qu'on arrête de nous parler d'une gestion publique.
Ce que le ministre apporte, ce n'est pas de la gestion publique, c'est de la nouvelle gestion publique qui implique
automatiquement de la marchandisation du marché de… Je suis désolé, M. le ministre, mais c'est de ça
dont… Ce n'est même pas moi qui l'invente. Ça s'enseigne dans les universités,
la nouvelle gestion publique. Vous n'allez
quand même pas me dire que ça n'existe pas. Je veux dire, on nous parle d'une
nouvelle gestion publique qui est une place où est-ce qu'on fonctionne avec le
marché, avec le libre-échange, avec la marchandisation, où on va utiliser le
privé.
Au bout de la ligne, qu'est-ce que c'est? C'est
une façon de faire en sorte de privatiser et de démanteler nos services publics. On ne fonctionne pas… on ne veut
pas ça. On ne veut pas juste une nouvelle gestion publique qui fait qu'on peut utiliser le privé puis oublier le
public, non. On s'est donné des services publics. C'est pourquoi? On s'est
donné des services publics parce qu'on savait que c'était la meilleure façon pour se donner des soins et
services qu'on avait puis ça nous
coûterait moins cher que le privé. Parce
qu'il y en avait, du privé, avant.
Pourquoi c'est faire qu'on s'est donné du
public? Parce qu'on en avait, parce qu'on… je ne sais pas, parce qu'on s'est… on a rêvé à ça? Non. Parce
qu'on le savait, que c'était la meilleure façon. On dirait qu'on a
oublié ça. On est en train de dire : Comme si ça, ça n'existait plus. Ça
existe toujours. Nous considérons que…
La Présidente (Mme Proulx) :
Oui. Merci, M. Benoit. M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Oui. C'est juste parce que je n'ai
pas beaucoup de temps puis… Juste pour vous dire, là, ce que vous me dites là, c'est ce que je
comprends, mais, honnêtement, là, là, on mélange des choses. Ce n'est pas parce
que quelqu'un dit qu'il y a des… En
passant, là, je l'ai dit, moi, comme ministre, pendant cinq ans : Il faut
développer les soins à domicile, il
faut investir dans les soins à domicile. On l'a fait puis on en a mis. On en
mettait, de l'argent, puis on avait un plan. On l'a tout dit, ça, là.
Là, j'ai un
problème, là, je tiens à vous le dire encore. Vous me dites : Tout ce qui
va… Ce n'est pas parce que le
ministre l'a dit que c'est ça, l'intention, que les moyens qu'il prend sont en
relation avec ça. Là, la question que vous devez vous poser : Vous êtes députés… Puis, je pense, tous les
groupes doivent se la poser là-dessus. Ce projet-là, c'est juste pour
dire que c'est l'intention d'investir plus. Je peux vous dire, tout le monde
entier veut ça, là, il n'y a pas de problème.
C'est le moyen. Êtes-vous d'accord avec le moyen ou vous dites : C'est la
marchandisation, là? Pas de problème avec
ça, mais à la fin, là, quand vous allez vous lever, comme moi, comme député,
c'est ça, vous allez dire oui à ça, là.
Est-ce que vous allez vous lever, oui ou non, si
c'est ce que je vous ai dit tantôt qui est dans le projet? Là, la question, là, ce n'est pas peut-être, là, des
discussions : Est-ce qu'on se lève ou ne se lève pas puis on vote pour le
projet?
La Présidente (Mme Proulx) :
Mme Langlois.
Mme Langlois (Isabelle) : Bien, il
faut attendre de voir c'est quoi, le projet de loi…
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Le projet de loi, on le sait pas mal…
Mme
Langlois (Isabelle) : …parce
que le projet de loi, le projet d'assurance… On ose espérer que nous sommes
en discussion, qu'il y a de l'écoute, qu'il
y a… Alors, on est en consultation. C'est un livre blanc. Quand que le projet
de loi… moi, je vais me lever sur le
projet de loi, avec les articles, avec qu'est-ce que ça implique, avec le cadre
financier, avec… etc., qu'est-ce qui
aura été retenu de nos commentaires et pas… Mais, dans sa version actuelle,
oui, on a plusieurs préoccupations avec l'assurance autonomie, c'est
sûr.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : C'est juste pour vous dire… Ce n'est pas
parce que je veux vous interrompre, mais il ne nous reste plus beaucoup de temps puis il faut aller au fond de
cette discussion-là, là. Le ministre, il s'est obstiné avec vous autres tantôt puis il vous a tous
expliqué qu'est-ce qu'il y aurait dans son projet. Ça va être ça, son projet de
loi, là. À la fin, là, je tiens à
vous le dire, là, ne pensez pas que ça va changer grand-chose. Parce qu'on en a
fait quatre semaines, là. Ça va être ce que je vous ai dit tantôt.
La question,
là : Si c'est ça qu'il y a dans le projet de loi — je vais vous le mettre avec un «si»,
là — si c'est
ça qu'il y a dans le projet de loi, êtes-vous pour ou contre?
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Benoit.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Puis là vous aurez à vous lever, là, il n'y a pas de «peut-être», là.
M. Benoit
(Jacques) : Alors, écoutez, on va être clairs. Si le projet de loi est
exactement ce qu'il est là, je ne crois pas qu'on va appuyer ça.
Maintenant,
ceci étant dit, c'est la raison pour laquelle nous demandons, en terminant, au
ministre que, quand son projet de loi
sera déposé, il tienne des consultations pour que toutes les personnes
intéressées et concernées puissent venir s'exprimer là-dessus. Parce qu'on pense… on ne présume pas, on pense que
le ministre ne tient pas cette consultation-là pour rien. On suppose qu'il le fait pour entendre, pour écouter et pour
possiblement modifier des choses dans ce qu'il nous a présenté. Et, je dirais même, c'est la chose
qu'il… c'est la procédure normale. Je veux dire, il nous soumet une proposition
et il dit que ses intentions sont celles-ci.
Nous interprétons ses intentions peut-être mauvaisement, c'est possible, alors
on dit : Bien, écoutez, si ce ne
sont pas vos intentions, nous, on est prêts à vous croire, alors on attend de
voir maintenant, à partir de ce qu'on vous a dit…
Vous voyez
qu'il y a des choses qui ne sont pas claires, vous voyez qu'il y a des choses
qui prêtent à interprétation, ça fait
que clarifiez-les dans votre projet de loi pour nous assurer que ce que nous
craignons ne sera pas là. Puis, s'il le fait, alors à ce moment-là nous serons pour. S'il ne le fait pas et
qu'il va plutôt dans le sens de ce que nous craignons, on ne sera
sûrement pas pour.
La
Présidente (Mme Proulx) : Merci, M. Benoit. Alors, le
temps étant maintenant écoulé, la commission suspend les travaux
quelques instants, et j'invite le prochain groupe à prendre place. Merci pour
votre présentation.
(Suspension de la séance à 16 h 19)
(Reprise à
16 h
23)
La
Présidente (Mme Proulx) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission va reprendre ses travaux. Je souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les fins
d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous
rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.
Ordre des dentistes du
Québec
M. Dolman
(Barry) : Je tiens à
remercier la commission et les parlementaires de nous offrir l'occasion d'être ici aujourd'hui. Permettez-moi d'abord de me présenter. Dr Barry Dolman, président
de l'Ordre des dentistes du Québec et dentiste en pratique. Également, je vous présente
les personnes qui m'accompagnent : à la droite, le Dr André
Lavallière, président de
l'Association des dentistes en santé publique et dentiste-conseil en santé
publique de l'Estrie; le Dr Christian Caron, directeur fondateur du Centre
d'excellence pour la santé buccodentaire et le vieillissement et directeur de programme de formation spécialisée en gérontologie à
l'Université de Laval; et, à la gauche, Me Caroline Daoust, directrice
générale de l'Ordre des dentistes du Québec.
Avec un
changement rapide de la démographie qui nous amène à planifier des besoins pour
une clientèle dont le nombre sera
sans précédent, nous entrons en terrain inconnu. Nous avons à coeur la santé
des Québécois. Nous soutenons l'objectif
premier de l'assurance autonomie qui est d'améliorer l'accès. Nous sommes
convaincus qu'un projet de société novateur
doit inclure les soins buccodentaires, qui font partie de la santé globale. Les
personnes qui seraient admissibles à l'assurance
autonomie sont parmi celles qui ont un accès très limité à des soins
buccodentaires. La population vieillissante conserverait de plus en plus ses dents et constituerait une clientèle
présentant des problèmes beaucoup plus complexes à soigner. Les nouvelles politiques fondées sur la
personnalisation en masse doivent être adoptées afin de soigner cette
population.
La médecine
dentaire inclut le diagnostic et les traitements des déficiences et des
maladies des dents, de la bouche, des maxillaires ou des tissus
avoisinants chez l'être humain. Le dentiste est habilité à prescrire des
médicaments, des radiographies et divers
tests diagnostiques. L'ordre fait de la promotion de l'accès aux soins
buccodentaires un objectif
principal. En mars dernier, nous mettions sur pied un comité d'accès aux soins
buccodentaires pour faire le point sur l'accès chez des populations
vulnérables, notamment celles en perte d'autonomie.
La promotion
de la santé buccodentaire est un défi. Le Québec est la province qui a
le pire bilan en matière de santé
buccodentaire. Depuis les années 50, la situation s'est améliorée,
mais malheureusement pas auprès des groupes qui en ont le plus besoin. La couverture publique
des soins, les régimes d'assurance privée, la scolarisation accrue, l'adoption
de saines habitudes d'hygiène dentaire, la
fluoration de l'eau sont autant d'éléments qui ont contribué à une meilleure
santé buccodentaire, mais il reste beaucoup
à accomplir. Force est de constater que 50 % de la population ne fréquente pas de cabinet dentaire, et ce, même pour la population
qui bénéficie des services couverts. L'éducation, la peur et le coût des
soins constituent des obstacles majeurs.
On constate
un état de santé buccodentaire plus pauvre chez certains groupes, dont les
clientèles âgées en perte d'autonomie.
L'accès aux soins dentaires pour ces personnes reste très limité. Peu de
dentistes visitent des cliniques en centre
d'hébergement ou se rendent à domicile notamment en raison des restrictions
imposées par le système. Les dentistes qui
veulent contribuer n'ont pas aisément accès aux établissements, et les
dentistes du réseau ne sont pas généralement remplacés
lorsqu'ils prennent leur retraite. Les soins d'hygiène sont rarement inclus
dans des plans d'intervention en CHSLD. Les
bénéficiaires n'ont pas d'examen buccodentaire à l'admission, ce qui fait que
plusieurs résidents ont des problèmes
liés à la carie et à la maladie des gencives. Bien que, sans modification
législative, les hygiénistes dentaires peuvent
faire du dépistage, enseigner des principes d'hygiène et brosser les dents,
elles sont presque absentes des CHSLD et des domiciles. L'importance de
la santé a été prouvée par des études qui démontrent la relation avec les
causes de nombreuses maladies. De plus, chez
des clientèles, la prise de médicaments engendre une sécheresse de la bouche,
qui provoque des caries à la racine.
L'absence de caries et de maladies de la gencive est essentielle. Une mauvaise
hygiène permet à la plaque de
s'accumuler et durcir, et les plaques se transforment en tartre qui favorise
une perte osseuse et une infection. Ne pas se préoccuper de ces
conditions, c'est accepter la perte des dents et l'augmentation des risques de problèmes de santé, dont, plus importante, la
pneumonie par l'aspiration. Le médecin et le dentiste doivent donc collaborer
pour assurer une prise en charge adéquate.
L'accès aux
soins de santé buccodentaire est un droit, au même titre que l'accès aux soins
qui concernent les autres parties du
corps. Toute personne a donc droit à un diagnostic et un plan de traitement
établis par le dentiste. Un suivi et l'exécution
de certaines des composantes d'un plan de traitement pourront être réalisés par
des professionnels formés pour le faire. Une ordonnance faite par un
dentiste est un outil privilégié.
Les services
des dentistes doivent être favorisés dans des institutions publiques et à
domicile. Il est nécessaire aussi de former des préposés et le personnel
soignant aux techniques de brossage quotidien des dents. Les dentistes sont
des professionnels de première ligne. Leur
expertise et leurs services doivent faire partie des paniers de soins de santé.
Le Dossier santé Québec
doit inclure les dentistes sans tarder. Enfin, toute initiative de santé
globale doit comprendre la santé dentaire.
Nous sommes
prêts à nous investir dans des solutions. Des initiatives sont déjà mises en
place, et des recommandations seront
faites en avril 2014, au terme du travail de comités sur l'accès aux soins
buccodentaires. Et la Fondation de
l'Ordre des dentistes du Québec s'implique pour favoriser l'accès pour les
clientèles les plus vulnérables. Certaines solutions sont à notre
portée, dont l'implantation des infrastructures propices à recevoir des
patients.
Aucun de ces efforts ne sera vraiment porteur
sans une volonté politique claire de votre part. Merci.
• (16 h 30) •
La
Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons maintenant
débuter la période d'échange avec le groupe formant le gouvernement. M.
le ministre, la parole est à vous.
M.
Hébert : Merci
beaucoup, Dr Dolman, Me Daoust, Dr Lavallière, Dr Caron, merci de ce mémoire.
J'aimerais peut-être, d'emblée, interpeller Dr
Caron sur les principaux problèmes qui sont identifiés chez les personnes âgées et aussi les personnes
handicapées, parce que
vous devez avoir également un certain nombre de données là-dessus. Alors,
si vous pouviez nous faire un résumé de ce que la littérature et votre
expérience vous enseignent.
La Présidente (Mme Proulx) :
Dr Caron.
M. Caron
(Christian) : Oui. Bonjour.
Chez cette population-là que moi, je traite, là, activement, donc ce
n'est pas juste des études, que je
vois quotidiennement... Mais, dans les données, la dernière grande étude qui a
été faite, c'est l'étude de Corbeil,
qui date de 2008, et c'est important de comprendre que, dans cette étude-là, les
données qui sont là sous-estiment grandement les problèmes qui sont
présents dans la population, à la fois hébergée et la population qui reçoit du soutien à domicile. Pourquoi?
Parce que, dans cette étude-là, seulement
21 % des gens qui étaient en
CHSLD ont été interpellés, et c'est
la clientèle la plus en santé qui était là, les autres ont été exclus pour des
raisons de coopération, et on parle
d'à peu près 90 % qui étaient des patients avec un certain degré de
démence, ce qui fait que les données qu'on a, qui sont présentées dans l'addenda, entre autres, sur le mémoire,
sous-estiment cette réalité-là. Mais déjà, quand on regarde les données, on voit quand même que 61 % des
gens qui sont hébergés ont au moins une dent qui est cariée, 47,1 % de
ceux qui sont en soutien domicile… Donc, c'est quand même une question assez
importante.
Pour vous
faire une idée encore plus précise de ce qu'on rencontre, qui vaut encore mieux
que des statistiques, ce sont les
photos qui sont dans l'annexe que je vous ai présentée et qui représentent
quand même... et, bien qu'on ne veuille pas se le... qu'on n'aime pas les voir... représentent, moi, mon
quotidien quand je vais dans les CHSLD ou lors de soutien à domicile, parce que justement les soins
dentaires sont à peu près absents. On voit aussi dans cette étude-là, qui n'est
pas... Ça, c'est l'étude de Corbeil. On voit
aussi que 14 % et 16 % des gens, que ce soit à domicile ou en
centre... qui sont en soutien à
domicile, ont des dents à extraire. On sait que, lorsqu'on a des dents à
extraire, il y a plusieurs causes à ça : des abcès dentaires qui causent des douleurs; des enflures du visage;
des dents qui sont cassées, coupantes, qui souvent donnent des abrasions au niveau des tissus mous.
On voit aussi beaucoup de cas de mobilité dentaire qui peuvent même être
des risques à une aspiration. Il y a une mauvaise haleine qui est endémique,
qui est reliée à ça, et qui donne des problèmes
de contact social avec les autres bénéficiaires ou avec les gens qui les
environnent ou même les gens qui leur donnent des soins.
Donc, quand vous voyez les photos, on peut
comprendre à quel point la santé dentaire des personnes en perte d'autonomie au Québec est pauvre. Et je pense que,
dans cette optique-là, le fait d'inclure au moins une solution, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de l'assurance
autonomie... Il est important de commencer à s'attarder à cette problématique-là parce qu'elle a aussi des
conséquences non seulement sur le quotidien des gens, leur qualité de vie,
parce que ça, c'est important, mais aussi
sur la santé en général, que ça soit par les choix alimentaires qu'ils vont
faire, considérant l'état dentaire
dans lequel ils sont et l'état de souffrance qui souvent... Dr Hébert va
sûrement comprendre encore plus ça.
C'est que les gens qui sont agités et qui ne peuvent pas l'exprimer… souvent
viennent de douleurs qu'ils ne sont pas capables d'exprimer. Et, des douleurs
dentaires, quand on voit ce qu'on voit sur les photos, bien on peut penser
qu'il y en a.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le ministre.
M. Dolman
(Barry) : ...
La Présidente (Mme
Proulx) : Donc, Dr Dolman.
M. Dolman
(Barry) : Un complément. Si tu regardes… Et je ne sais pas, c'est
difficile, même à 4 heures, de regarder les
photos, mais, si tu regardes la photo sur la page 5, la première photo, c'est
un patient, même avec des caries dentaires,
qui a eu un détartrage. Et souvent on parle que le détartrage est la solution
magique pour tout. Mais tu peux regarder un mois plus tard le même
patient après le détartrage. Alors, on n'a pas des solutions magiques, il faut
avoir l'entretien et même des solutions de
base. Juste l'éducation et le brossage des dents peuvent amener une meilleure
qualité de vie pour ce genre de population.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le ministre.
M.
Hébert : Au niveau de l'accès aux services dentaires à
domicile, quel est l'accès pour les personnes âgées? Et ce n'était pas... Chez les personnes de cette
génération-là, souvent le dentiste n'était pas une habitude qui a été suivie
pendant toute leur vie, là. Quelle
est la situation, actuellement, au Québec, pour les gens qui vivent à domicile,
d'accès aux services dentaires?
La Présidente (Mme
Proulx) : Dr Caron.
M. Caron (Christian) : Une chose qui est importante, si vous regardez,
aussi on a fait une recension, dans le fond, du nombre de dentistes présentement qui oeuvrent en milieu hospitalier
ou dans le système public. Et on voit, là, qu'il y a à peu près entre 50 et 70 personnes. Ça, c'était
en 2008 qu'on a fait cette recension-là. On a appelé tous les CHSLD. On a
appelé aussi toutes les petites résidences
privées, les plus grandes. On les a tous appelés. Et on a vu qu'il y a
seulement 9 % des gens qui ont
des cliniques dentaires dans les CHSLD publics et à peu près 0,5 %, dans
les résidences privées. On peut comprendre peut-être pourquoi.
L'important
de ça, c'est que pour… Là, je ne réponds pas à votre question, mais c'est pour
vous dire jusqu'à quel point
présentement les infrastructures sont déficientes tant en termes d'équipements,
pour qu'on donne un service à ces gens-là,
qu'aussi en termes d'organisation au niveau du personnel qu'on va y mettre pour
être capables de régler cette situation-là.
Donc,
présentement, il est bien certain que, les visites à domicile, il y en a. Ici,
dans la région de Québec, on en fait,
avec l'Université Laval, dans le programme de gérodontologie, où on forme des
étudiants justement pour traiter cette population-là,
et moi, j'en fais aussi dans ma pratique privée. Ce n'est pas généralisé au
Québec. Il y a quelques initiatives québécoises
qui se rendent à domicile. Il y a des gens qui vont ne faire que le dépistage
pour après ça transporter les gens vers
un lieu de soins central. Ça, c'est une façon. Il y a des gens qui font le dépistage
et offrent les soins à domicile à l'aide de l'équipement portable. Ça, c'est une autre façon de faire. Et il y a des
gens qui le font de manière, aussi, hybride, dépendamment du secteur où ils oeuvrent, par exemple dans la région de
Montréal, où il y a une partie qui se fait justement en soins
transportés et d'autres, en soins mobiles. Mais ça reste quand même des
initiatives marginales. Mais il faut comprendre
qu'il y a une quantité de patients qui sont en perte d'autonomie telle que le
fait de les transporter vers un autre lieu
va faire en sorte… je parle surtout des déments… ils ne pourront pas, vont
devenir tellement confus, vont dépenser leur peu de capacités d'adaptation au moment du transport. Et, quand ils
arrivent dans une salle privée, traditionnelle, ils vont avoir beaucoup de difficultés à recevoir les
soins parce qu'ils vont être confus dans l'environnement nouveau dans
lequel ils vont se trouver.
Donc,
ça, là, cette portion-là devrait bénéficier justement de soins à domicile pour
justement être capable de rendre plusieurs
soins. Parce qu'imaginez, là, le proche aidant qui a de la misère à transporter
la personne jusqu'au cabinet dentaire, puis, arrivés là-bas, on ne peut
pas la traiter.
Une
autre situation : petit centre d'accueil privé qui perd une ressource
parce qu'elle va chez le dentiste, parce que ça prend un accompagnement
pour le rendre s'il y a un niveau de démence. Ce qu'ils vont faire, c'est
qu'ils vont attendre que le patient soit
dans un niveau de douleur ou de symptomatologie telle... soit qu'il ne mangera
plus ou soit qu'il va être tellement
souffrant qu'ils vont dire : Il faut absolument qu'on l'amène chez le
dentiste. Donc, ça, c'est important aussi
de comprendre qu'il y a une strate qui va nécessiter ces soins à domicile là.
Ce n'est pas pour tout le monde, et le domicile
n'est pas la panacée. Ça prend un système intégré où il y a deux modes. Ça
prend un système fixe et privé pour être capable de résoudre cette
problématique-là.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le ministre.
M.
Hébert : Quels sont les obstacles? Pourquoi, en d'autres
termes, les personnes âgées ne consultent-elles pas le dentiste, que ce
soit à domicile ou en CHSLD?
La Présidente (Mme Proulx) :
Dr Dolman.
M. Dolman
(Barry) : …plusieurs obstacles de consulter le dentiste, et même pour
les personnes qui n'ont aucun problème médical.
Moi, je
pratique à Montréal puis je rencontre des personnes qui ont les moyens de
payer, et elles ne consultent pas le dentiste. Même à l'intérieur des
régimes couverts par l'État, on n'a jamais atteint plus que 50 % des gens
qui consultent le dentiste. Alors, question d'éducation, question de peur,
question d'accès physique aussi.
C'est un problème beaucoup plus complexe qu'on
pense. Et il faut qu'on commence à faire ou regarder des solutions ciblées pour chaque secteur de
patients : des patients qui ont des problèmes de comportement, des problèmes d'Alzheimer; des autres patients qui ont des handicaps. On ne peut pas nécessairement traiter avec le même genre de système.
• (16 h 40) •
La Présidente (Mme Proulx) : M.
le ministre.
M.
Hébert : Mais
quelles sont les solutions donc que vous proposez, tant à domicile qu'en institution d'hébergement? Qu'est-ce
que vous proposez pour améliorer la santé dentaire des Québécois?
La Présidente (Mme Proulx) :
Dr Dolman.
M. Dolman
(Barry) : La première
solution pour l'ordre, et la raison qu'on est ici, c'est d'assurer que la santé
buccodentaire est une considération à
l'intérieur de la législation. Parce que, quand je regarde, par exemple, votre
projet, qui a beaucoup de bénéfices,
je ne vois aucune mention, à l'intérieur, des soins buccodentaires. Alors,
comment est-ce qu'on peut penser de régler un problème si on exclut une
portion du corps humain dans des discussions?
La Présidente (Mme Proulx) :
M. le ministre.
M.
Hébert :
Mais l'assurance autonomie n'inclut pas ni les services médicaux, ni les
services hospitaliers, ni… Alors, ce
que vous voudriez, c'est qu'il y ait un financement public des soins
buccodentaires. Est-ce que c'est l'interprétation que je fais de vos
suggestions?
La Présidente (Mme Proulx) :
Dr Dolman. Docteur…
M.
Lavallière (André) : Il y a
comme deux dimensions pour améliorer la santé dentaire de la population :
il y a tout l'aspect curatif lorsque
les gens ont des caries, lorsque les gens ont des abcès, mais il y a toute la
dimension préventive aussi.
Et on sait
qu'au Québec on accuse un retard important en termes d'état de santé dentaire.
On a les taux d'édentation les plus
élevés au Canada ou en Amérique du Nord. On sait que nos enfants, les adultes
ont des taux de caries plus élevés. Il
nous apparaît essentiel de faire un virage préventif important. Sinon, le
nombre de personnes de 65 ans et plus avec des dents augmente et il augmente rapidement. Chez les baby-boomers, la
préoccupation d'une bonne santé dentaire est de plus en plus présente, et on sait que la demande de soins, au courant
prochaines années, va augmenter de façon importante. La demande de soins va augmenter, mais le nombre
de dents en bouche aussi augmente de façon très, très, très rapide, et les risques de caries, le nombre de dents à
traiter, le nombre d'abcès qu'on va avoir à rencontrer vont augmenter aussi
de façon importante.
C'est très
bien d'organiser des services curatifs, mais il va falloir aussi faire un
virage préventif important, et on pense
que, dans le cadre de l'assurance autonomie, dans le cadre des activités de vie
quotidienne, au niveau de l'hygiène… on
pense souvent beaucoup à l'hygiène corporelle, mais l'hygiène de la bouche…
Quand on pense d'accréditer pour avoir des
services de qualité, on pense qu'on va devoir avoir des critères spécifiques
concernant l'hygiène de la bouche pour s'assurer
que le brossage des dents est fait à la fois à domicile ou en établissement de
santé et de mettre en place l'ensemble des
mesures préventives qui pourraient être faites par non seulement le personnel
dentaire — dentistes,
hygiénistes — mais
on pense que les préposés aux soins,
préposés aux bénéficiaires, les infirmières auxiliaires peuvent faire beaucoup
en termes de prévention des problèmes buccodentaires.
Et on pense
qu'à ce niveau-là, au niveau de l'assurance autonomie… toute la dimension
préventive, on pense qu'elle devrait
faire partie de l'assurance autonomie et, si c'est possible, aussi des services
curatifs, si c'est possible, à l'intérieur de l'assurance autonomie ou à
l'intérieur d'autres mécanismes.
M. Caron (Christian) : Est-ce que je
peux ajouter?
La Présidente (Mme Proulx) :
Oui. Dr Caron.
M. Caron
(Christian) : En complément,
je voudrais aussi dire que présentement il y a une certaine couverture publique des soins dentaires pour les gens, qui
sont hébergés en centre d'hébergement public, à travers la directive des
besoins spéciaux où, selon ton degré de
richesse, tu as à payer un certain montant pour tes soins dentaires. Ça
comprend aussi les lunettes et les appareils auditifs. On est dans cette
même enveloppe-là.
Et donc ce
qu'on dit, c'est que probablement que, si on veut faire bénéficier des soins
dentaires à des gens qui sont en
perte d'autonomie, mais d'une manière plus large, il devrait peut-être y avoir
une réflexion pour que ce même type de couverture
là puisse éventuellement, en tout cas, être réfléchi, peut-être pensé d'être
implanté, pas seulement pour ceux qui sont hébergés en centre public,
mais que ça s'étende aux gens qui sont en perte d'autonomie, compte tenu des statistiques qu'on voit,
où le taux de caries est endémique. Donc, à partir du moment où tu perds
l'autonomie, tu perds ta capacité de
prendre en charge ton hygiène quotidienne. Et elle ne sera jamais aussi bonne
que si c'est soi-même qu'on la fait,
même si c'est quelqu'un qui la fait pour nous. Et, dans cette optique-là, on
doit penser à des besoins préventifs, comme le dit le Dr Lavallière, et
à travers justement le système de santé.
Si vous regardez, là,
l'annexe qu'on vous a présentée, l'annexe 5… le patient s'est fait détartrer
les dents… L'annexe où il y a la photo
n° 5. Le patient s'est fait détartrer les dents un mois avant. Oui.
Regardez en haut, il s'est fait détartrer
les dents. Là, on voit le résultat de photos qui ont été prises un mois plus
tard. Ça, ce que ça démontre, c'est qu'il y a un besoin de formation énorme dans les milieux de soins, que ça soit
dans les CHSLD ou les endroits de... les résidences privées, mais aussi pour les soins à domicile de
gens qui sont en perte d'autonomie, parce que ces gens-là vont avoir la
même situation. On voit que le taux d'édentation est semblable, d'ailleurs.
M. Dolman
(Barry) : Si je peux faire une complémentaire...
La Présidente (Mme
Proulx) : Dr Dolman.
M. Dolman (Barry) : On parle beaucoup des projets et des coûts, mais la base de la
discussion, c'est peut-être un
diagnostic et un examen au début.
Comment est-ce qu'un
patient peut rentrer à l'intérieur d'une institution et voir sans examen? Pour
moi, c'est hallucinant. Comment est-ce que
tu peux faire un plan de traitement pour des citoyens québécois
sans examiner le patient? Alors, ça,
c'est parce que dans le passé, les dents sont exclues, la bouche
était exclue. La langue, de regarder à
l'intérieur de la bouche, le
dépistage de cancer, tout ça est à
l'extérieur. Je sais pourquoi, c'est
parce que, pour plusieurs années, le système en médecine dentaire
est plutôt privé. Alors, il y a un
petit peu un oubli à l'intérieur des législations dans le passé. Mais bientôt ça va
changer.
Le vieillissement
actuel de la population représente le changement démographique le plus
important observé depuis la Deuxième Guerre
mondiale, et l'intégration des soins dentaires dans les politiques
globales de santé devient incontournable. Je dis souvent que je suis en conflit
d'intérêts parce que, quand je suis ici, je suis ici pour moi et pour peut-être
les autres personnes autour de la table. Qui va s'occuper des personnes avec
des caries, des problèmes dentaires dans le futur, ou à domicile ou à
l'intérieur des institutions?
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le ministre.
M.
Hébert : Dernière
question avant de céder la parole à mes collègues. On a eu ici, en commission parlementaire, l'Ordre des
hygiénistes dentaires puis qui sont venus nous dire qu'ils voudraient avoir un
peu plus d'autonomie professionnelle en ce qui concerne les activités de
prévention. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
La Présidente (Mme
Proulx) : Dr Dolman.
M. Dolman
(Barry) : Pour moi, l'autonomie, c'est la capacité d'agir avec une indépendance,
d'une façon responsable et sans contrainte.
Ça, ça veut dire que, dans le cadre de la prestation des services professionnels, les hygiénistes
de la profession réglée par un ordre professionnel sont déjà autonomes. L'Ordre des dentistes a rentré dans une entente
avec l'Ordre des hygiénistes du Québec
en 2011, une entente pour donner plus d'activités, pour être capable de servir une population.
Et la seule chose qu'on a demandée,
c'est de collaborer avec l'Ordre des dentistes du Québec vis-à-vis
des personnes avec des maladies.
Cette entente a été rejetée par l'Office des professions. La seule chose qu'on
a demandée, c'est un diagnostic préalable avant de réagir pour un
détartrage et pour certains autres actes, parce qu'on pense qu'il y a des
problèmes vis-à-vis la sécurité des patients. En 2013, encore à l'extérieur de ce débat, dans la modernisation, l'ordre a offert de régler
cette situation en permettant sans diagnostic l'application du fluor et un
détartrage selon les conditions parodontales.
Je
pense que c'est complètement normal, et c'est la base de la médecine, la
pierre angulaire, le travail avec des ordonnances.
Et je peux dire qu'encore, en personne — je
suis un dentiste en pratique privée — si,
par exemple, je reçois une ordonnance d'un pneumologue demain matin, je ne me sens pas lésé ou
moins capable d'exercer ma pratique. Je ne me sens pas moins autonome parce
que je travaille avec le médecin pour
une ordonnance pour travailler sur un patient qui a de l'apnée du sommeil. Alors, il est difficile
pour moi de comprendre pourquoi on ne peut pas avoir un accord avec l'Ordre
des hygiénistes dans l'optique de servir la population.
La Présidente (Mme
Proulx) : Il reste à peu près 30 secondes. Mme la députée.
• (16 h 50) •
Mme
Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Bien, je vais vous remercier. Puis évidemment
on reçoit bien ce que vous nous
apportez par rapport au virage préventif important qu'il faut faire
pour augmenter les soins buccodentaires. Je pense qu'à 50 %, là, ce n'est pas suffisant. Évidemment,
il faut augmenter et faire de l'éducation, je pense, auprès de nos jeunes.
Puis je vous remercie. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Proulx) : Nous allons maintenant poursuivre les
échanges avec le groupe formant l'opposition officielle. La parole est à
la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais :
Alors, maître, docteurs, au pluriel, merci d'être ici. Tout d'abord,
Dr Caron, on se dit que, pour travailler
comme vous le faites, avec des personnes qui ont cette mauvaise santé buccale,
ça prend quand même... il faut être
missionnaire, il faut avoir la passion de ce qu'on fait parce que ça doit être
extrêmement difficile. Et je trouve que c'est une magnifique tribune
pour pouvoir en parler, parce qu'on ne parle pas assez de santé buccale. Et
évidemment il y a des personnes qui ont
accès à des soins dentaires, mais il y en a d'autres qui, par pauvreté, n'ont
pas accès aux soins dentaires. Même
nous, les députés, là, on n'a pas de couverture. Alors, on le fait parce que
c'est devenu normal, parce qu'on a appris au fil des ans, puis on n'aime
pas ça.
Et, quand
vous parliez des personnes atteintes de maladies cognitives, qui se sentent
bouleversées, je peux vous dire que,
personnellement, je suis... Quand j'étais plus jeune, je m'assoyais sur la
chaise de mon dentiste et je repartais avant
le traitement, parce qu'il n'y a personne qui veut aller chez le dentiste.
Mais, en même temps, je considère que c'est très important.
Dr Caron,
est-ce qu'il y a beaucoup de cliniques mobiles, des cliniques dentaires qui
pourraient se promener un peu partout
à travers le Québec pour aller dans les CHSLD, les résidences, parce qu'il doit
y avoir une inégalité de services entre Montréal, Québec et, par
exemple, la Gaspésie, où on pourrait offrir ce genre de soins, où la personne,
bon, se sentirait peut-être un peu moins bouleversée d'aller vers chez le
dentiste parce que ça serait une proximité, là?
La Présidente (Mme Proulx) :
Dr Caron.
M. Caron
(Christian) : Bon,
premièrement, ce qu'il est important de comprendre, c'est que... Et je l'ai
déjà fait devant vous lors de la commission sur les aînés, de même que
M. le ministre Hébert, où j'avais déposé un mémoire.
Ce qu'il est
important de comprendre, c'est que les soins à domicile ne sont pas la seule
façon de rendre des soins. Il faut
avoir une organisation globale qui ne comprend pas que les dentistes ou
l'équipe dentaire, mais c'est un travail d'équipe interdisciplinaire avec le réseau de la santé, donc les
infirmières sur place pour nous aider au dépistage, donc, et aussi les infirmières visiteuses sur le terrain
qui se déplacent à domicile et qui peuvent nous faire un dépistage précoce
pour qu'on puisse traiter plus précocement
les problèmes buccodentaires qu'on voit, là, qu'on ne veut pas, qu'on veut
cacher un peu, parce que c'est un peu, je dirais, honteux de voir ce que je
vous présente sur les photos, dans un pays si riche comme on l'est. Ça,
c'est ma première intervention.
C'est certain
qu'il y a différents modèles qui existent. Au Québec, il y a différents
modèles. Il y a un modèle à Sherbrooke
qui ont... Dr Lavallière va vous en parler, moi, je vais parler
précédemment d'autres choses, mais je vais laisser Dr Lavallière
après ça vous parler de ça... qui établit une façon de faire pour traiter les
personnes de ce type-là en les déplaçant, en
faisant, je pense, certaines visites à domicile. Le modèle que je vous avais
présenté lors de la commission sur les aînés, ça s'appelait le modèle
accessible, où il y avait une composante mobile et une composante fixe sur un territoire donné qui était celui des centres de
santé. Les territoires de centres de santé, il y en a 96 au Québec. Et, dans
ce modèle-là, effectivement il y avait deux composantes : la composante
mobile, mais aussi la composante fixe, pour justement
faire en sorte qu'on puisse aussi rendre des services qui sont un peu plus
complexes que ceux qui peuvent être offerts
avec le service à domicile, qui sont des soins plus de base et qui
comprendraient des obturations, certaines extractions mais, tu sais, dans un domaine plus limité, selon
aussi l'état de santé du patient. Donc, oui, on peut rêver à ça parce que,
dans d'autres endroits, ça se fait.
Aux
États-Unis, il y a certains endroits qui ont... on appelle des cliniques
«outreach», où on va vers les gens. Et il
y a des données là-dessus, sur la proactivité aussi qu'il faut avoir, si on
peut dire ce mot-là, là, dans l'offre de soins. Il ne faut pas être réactifs et attendre que les gens
nous demandent des soins, il faut être proactifs et faire une offre de soins,
que ça soit par du dépistage agressif et de
l'intervention préventive à domicile. Et ce qui est important, c'est de
connaître le point d'inflexion, au
niveau de la perte d'autonomie, où la santé buccodentaire se dégrade. Et donc,
en amont de ça, on travaille très
agressivement, préventivement, pour déplacer ce point-là dans le temps le plus loin possible, où ça se dégrade.
La Présidente (Mme Proulx) : Mme
la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Si je
comprends bien, Dr Caron, ce modèle-là n'a pas été appliqué.
M. Caron
(Christian) : Partiellement,
on a eu… Dans la région du Saguenay,
on a commencé ce modèle-là avec l'hôpital de Saguenay, où on a eu deux
dentistes qui ont fait des visites à domicile et des visites, O.K., avec leur
base d'opération qui était l'hôpital de
Saguenay. Ils ont débuté avec un projet pilote où on s'est déplacé dans deux
centres ciblés. Donc, ce n'était pas
accessible pour les soins à domicile, mais ils se déplaçaient dans deux CHSLD
pour offrir des soins.
La Présidente (Mme Proulx) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Caron
(Christian) : Et, à Québec
aussi, on a... moi, je le fais de façon… pas quotidienne, là, parce que j'ai
d'autres activités, mais par semaine. J'y vais au moins à toutes les semaines,
à domicile.
Mme
Blais : Depuis le début de
votre présentation, on parle uniquement des personnes aînées, mais l'assurance
autonomie touche aussi toutes les personnes
en situation de handicap. Est-ce que, dans vos pratiques, vous touchez aussi
ces personnes? Et ont-elles autant de difficultés à l'accessibilité aux soins
dentaires?
La Présidente (Mme Proulx) :
Dr Dolman.
M.
Dolman (Barry) : Je suis
très heureux que vous mentionniez cette cible de population parce que j'étais
dans la salle quand vous avez posé cette même question à l'autre groupe.
C'est très important de ne pas oublier ces
citoyens les plus vulnérables et les gens qui sont handicapés, et pas
nécessairement des personnes vieillissantes, des personnes avec des accidents,
des problèmes mentaux. Et des fois ça prend
des outils beaucoup plus avancés pour faire ce genre de traitements. Un
problème qu'on a présentement, c'est le manque d'accès au bloc opératoire à travers la province de Québec, parce
qu'on n'a pas des systèmes… tu peux avoir plus d'accès à Montréal, moins d'accès à Rouyn-Noranda. Et, à
l'intérieur des hôpitaux, on n'a pas nécessairement les mêmes règles pour tous les citoyens, et ça pose
des problèmes énormes pour faire des services en santé buccodentaire. Et
je peux dire que, même à Montréal, pour les jeunes qui ont besoin, on parle des
jeunes malades, la liste d'attente à Sainte-Justine, la liste d'attente à
Montreal General, c'est plus qu'un an. Je pense qu'en 2014, pour une société,
c'est complètement anormal.
Mais j'aimerais peut-être donner une chance à Dr
Lavallière de, peut-être, parler du système à l'intérieur de Sherbrooke aussi.
La Présidente (Mme Proulx) :
Dr Lavallière.
M.
Lavallière (André) : En
Estrie, au niveau de l'hébergement, il y avait un centre d'hébergement qui
avait une clinique dentaire depuis
au-delà de 30 ans. On a reproduit le même modèle dans les autres centres
d'hébergement publics en Estrie,
c'est-à-dire un dentiste rémunéré à tarif horaire ou à honoraires fixes, parce
qu'on pense que c'est le meilleur mode
de rémunération pour le professionnel pour être en mesure de traiter les
clientèles en perte d'autonomie en fonction de leurs véritables besoins.
Les cliniques
dentaires sont aménagées de façon à pouvoir recevoir les clientèles en perte
d'autonomie, donc, dans un local qui est plus grand qu'une clinique
dentaire habituelle, avec un lève-patient sur rail au plafond qui permet de soulever le patient, de le déplacer de façon tout
à fait sécuritaire, de le déposer sur la chaise du dentiste et de le traiter
dans une clinique qui comporte
sensiblement les mêmes équipements que dans une clinique privée conventionnelle
qu'on connaît mais qui est adaptée à
des besoins spécifiques. De façon systématique, quelques jours ou quelques
semaines après leur admission, les
bénéficiaires sont examinés par le dentiste, et il y a un plan de soins qui est
adapté en fonction de chacun des
bénéficiaires pour, d'abord, éliminer les sources d'infection, éliminer les
douleurs qu'ils peuvent avoir dans la bouche et d'adapter la dentisterie en fonction du niveau de soins que la
personne ou la famille a décidé, parce que bien sûr il faut tenir compte du niveau de soins, et par la suite
la mise en place de mesures préventives de façon à éviter que les problèmes
réapparaissent, c'est-à-dire s'assurer que,
sur les étages, l'hygiène dentaire au quotidien est faite… des applications
topiques de fluorure aussi qui sont faites sur une base régulière.
On pense que
ce modèle de soins là est le modèle de soins le plus approprié pour offrir les
services en hébergement. Et ces
services-là aussi, une fois que les infrastructures sont en place, pourraient
être utilisés pour traiter des gens qui sont à domicile mais qui sont encore
mobiles et qui peuvent se déplacer et que des cliniques dentaires privées ne
peuvent pas recevoir parce que l'organisation physique de la clinique ne
le permet pas, nécessairement.
On tente actuellement d'étendre ce modèle-là
dans les autres établissements de la région. Un des obstacles majeurs qu'on a, c'est d'obtenir l'autorisation du
ministre de la Santé pour la
rémunération à tarif horaire ou à honoraires fixes. Ce problème-là existe dans plusieurs régions du Québec
depuis plusieurs années. Et tout à l'heure on parlait des
obstacles, des barrières à l'organisation
des services. C'est certainement une barrière qui existe au niveau
de notre réseau de la santé, qu'on devrait chercher à atténuer de façon importante
parce qu'on prive la population qui a
des besoins vraiment importants, des clientèles vulnérables d'avoir
accès à des services.
Bien sûr, les
services en établissement, la majorité des services actuellement ne sont pas
des services assurés. Donc, l'établissement doit facturer quand même le
bénéficiaire pour les services qu'il reçoit, mais, avec des équipements semblables, avec un modèle de soins semblable, il
est souvent possible d'offrir des services à des coûts plus intéressants
pour le bénéficiaire en considérant aussi la
politique sur les besoins spéciaux, l'organisation de cliniques dentaires, en
travaillant au niveau des structures, en
atténuant les barrières financières. Et ça permet aussi, lorsqu'on a un
dentiste qui est payé à tarif horaire
ou à honoraires fixes, de s'impliquer beaucoup au sein de l'établissement,
s'impliquer auprès des nutritionnistes,
s'impliquer aussi avec l'ergothérapeute. Des fois, il y a des bénéficiaires qui
sont encore capables de brosser leurs
prothèses ou leurs dents mais en adaptant une brosse à dents ou il y a des
brosses à dents qui peuvent être collées sur l'évier et que la personne
peut frotter sa prothèse. Et ça permet aux professionnels de s'impliquer.
La
rémunération à l'acte, elle est intéressante, mais elle ne permet pas aux
professionnels de s'impliquer autant au sein de l'établissement et de
travailler en interdisciplinarité avec les autres professionnels.
• (17 heures) •
M. Dolman
(Barry) : L'importance, dans
le projet de Sherbrooke, c'est un projet idéal qu'on peut… Par exemple, on a parlé de dentistes et d'hygiénistes. Le
dentiste a fait le diagnostic, et l'hygiéniste travaille sur ordonnance.
L'hygiéniste rentre un ou deux jours après, tout le travail est fait,
encadré à l'intérieur d'une institution, et le public est protégé.
La Présidente (Mme Proulx) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Vous avez une députée
ici qui est prête à vous soutenir beaucoup, parce que je considère que, d'une
part, il y a une rareté de
médecins-dentistes qui accomplissent les tâches que vous faites. Ça, il y a
cette rareté-là. C'est plus facile de
travailler dans un cabinet privé, toujours, parce qu'on est confronté
évidemment au vieillissement, à une santé
buccale qui n'est pas une mauvaise santé buccale, à des obstacles, aussi,
majeurs. Alors, ça fait en sorte que je crois que, si on
veut véritablement implanter l'assurance autonomie pour offrir des soins, il va
falloir prendre en considération tout cet aspect.
Et je vous ai
bien entendus lorsque le ministre vous posait la question par rapport aux
hygiénistes, là, l'Ordre des hygiénistes,
qui sont venues ici pour plaider le fait qu'elles ont le goût de travailler
davantage, que vous êtes prêts à… Ce n'est pas vous, je pense, le
problème, là. Je crois qu'il y a une difficulté à quelque part à l'intérieur du
ministère peut-être — je
me trompe peut-être, mais je pense qu'il y a une difficulté là — mais
qu'on pourrait travailler à cette amélioration-là
qui ferait en sorte qu'il y aurait une plus grande fluidité dans les services
qui seraient donnés à la fois aux personnes en situation de handicap et
aux personnes vieillissantes, dans le réseau de la santé, comme les CHSLD, les
ressources intermédiaires et même à domicile.
La Présidente (Mme Proulx) :
Dr Dolman.
M. Dolman
(Barry) : …présentement en
collaboration à travers la province de Québec et je ne vois pas comment est-ce qu'on ne peut pas trouver des solutions
pour les citoyens, pour respecter une bonne qualité des services, des
diagnostics et d'utiliser une interdisciplinarité intégrale pour les
besoins des citoyens du Québec. C'est complètement normal.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Mme la Présidente. Bienvenue à notre
commission. Vous êtes des habitués, parce que je pense que vous faites
connaître votre profession de façon très adéquate par votre implication.
Lorsqu'on
parle des personnes aînées, on arrive souvent avec des personnes qui sont non
coopératives, des gens qui peuvent avoir des troubles cognitifs assez
avancés, légers ou modérés. Et, lorsqu'on arrive pour faire des soins dentaires, c'est quoi, les plateaux techniques que
vous avez? C'est quoi, les techniques que vous employez pour réussir à garder leur santé buccodentaire adéquate, s'ils
sont non collaborateurs? Puis on assume qu'il y a quelqu'un qui autorise
les soins, là, parce que... question de
consentement. Mais comment vous procédez avec ces gens-là? Puis est-ce que nous
avons les services, au Québec, dans la majorité des endroits?
La Présidente (Mme Proulx) :
Dr Dolman.
M. Dolman
(Barry) : …M. Caron, mais je
veux dire que ma mère, elle est décédée maintenant, mais elle était une patiente d'Alzheimer. Et j'avais beaucoup
d'expérience. J'ai passé presque cinq ans, tous les jours, dans un CHSLD
avec elle. Et j'étais chanceux d'avoir, en
charge de cette institution, la présidente de l'Ordre des infirmières qui était
en charge des services à cette
époque, et elle est la première personne à me dire que même des préposés à
l'intérieur de ce genre d'institution, juste d'ouvrir la bouche, juste
d'être avec un contact avec ses patients, c'est assez difficile.
Alors, ce
n'est pas juste une question d'envoyer n'importe quelle personne à l'intérieur
de l'institution parce que le patient
ne peut pas être coopératif. Mais, pour la réalité de jour en jour, je te donne
le Dr Caron parce qu'il vit cette situation.
La Présidente (Mme Proulx) :
Dr Caron.
M. Caron
(Christian) : …des patients non coopératifs, ça existe, je ne
suis pas magicien. C'est la première chose, ma première réponse. Donc, aussi, on sait que le degré de coopération
d'un patient varie d'une journée à l'autre, varie aussi dans la maladie d'Alzheimer. Il y a
des fenêtres d'opportunité, donc il faut connaître… donc il faut être bien
formés à la réalité de ce qu'est la démence aussi quand on intervient
auprès de ces personnes-là.
La deuxième
chose, c'est que c'est certain que, dans un environnement connu, le peu de
capacités d'adaptation qui reste à
ces gens-là, parce que, là, on parle de cas avancés, ces
gens-là… c'est sûr que, si on l'exploite lors d'un transport, ce n'est peut-être pas la meilleure façon d'avoir la coopération
d'une personne. Donc, comme je disais tout
à l'heure, il y a une
strate de la population qui bénéficie de rester dans son environnement sécure, où on est capable, avec son proche, souvent le faire
coopérer. Quand ce n'est pas possible, un modèle de soins pour des cas
extrêmes… Parce qu'il faut comprendre aussi
que ces gens-là arrivent aussi à un endroit où ils sont en soins palliatifs, où il reste quand même souvent peu
de temps de vie. Ça ne veut pas dire de ne pas les traiter, mais en médecine on
a aussi une façon de faire pour les soins
palliatifs qui est les soins de confort et pour que les gens n'aient plus de
douleur.
Donc, dans
ces cas-là où on est rendus si avancés, on a peu de coopération, qu'est-ce qu'il nous reste? Il nous reste deux
solutions, deux solutions : soit d'aller vers les plateaux techniques
hospitaliers où on fait une anesthésie générale — est-ce
que
c'est toujours souhaitable? pas toujours, compte tenu des répercussions à court terme que ça a sur le patient; deuxièmement, on a la sédation intraveineuse qui peut être aussi une voie pour les
aider à coopérer. On a la coopération de certains médecins dans certaines institutions qui supervisent
une sédation à l'endroit, au CHSLD. Par
exemple, ça m'est arrivé, moi, dans
un des CHSLD que je présente, avec un
patient qui était extrêmement agressif et qu'on a réussi à finalement
faire l'extraction de la dent qui lui
causait des douleurs. Donc, je dirais, j'ai dit deux solutions, mais, la
troisième étape, dépendamment aussi
du diagnostic et de l'espérance de vie, il faut être certain que le patient
n'est pas souffrant dans ces cas-là. Est-ce
qu'il faut intervenir tout le temps à tout prix? Il faut qu'il y ait une façon
de bien comprendre la limite, à un moment donné, où intervenir devient, dépendamment de
l'espérance de vie aussi qui reste… mais il faut toujours considérer le
confort du patient pour... de la qualité de vie du patient dans ses derniers
moments.
Parce que
ce que vous parlez, c'est vraiment de la strate de population non coopérative ou
qui sont les plus affectés, là. Donc, ça, il faut tenir ça en
considération. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, mais…
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Écoutez,
vous avez répondu encore plus que je… Honnêtement, là, vous avez très, très bien répondu.
Quand on
prend les différentes catégories de personnes avec les institutions dans lesquelles elles sont, on en a en maintien à domicile. Les gens qui sont à domicile, j'imagine, vous ne
pouvez pas aller faire leurs soins sur place, sauf peut-être
les hygiénistes dentaires qui pourraient se déplacer puis faire un certain
examen limite, mais ces gens-là peuvent se déplacer dans vos cabinets. Après ça, on tombe avec des ressources
intermédiaires. Encore là, je pense que les gens peuvent se déplacer. Quand on arrive avec les CHSLD, à la limite, il y a
des gens qui pourraient se déplacer parce
qu'ils peuvent aller à
l'extérieur, mais il y en a qui ne peuvent pas se déplacer.
Avez-vous
fait une étude au niveau des CHSLD pour savoir c'est quoi, le pourcentage de
couverture des soins par des professionnels?
Et puis qu'est-ce qui pourrait être
fait pour contrôler ça encore plus, d'augmenter ce pourcentage-là?
La Présidente (Mme Proulx) :
Dr Caron.
M. Caron (Christian) : Pourriez-vous
préciser, là? Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la question.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Donc, on a quelques centaines de CHSLD au
Québec. Avez-vous fait une étude pour savoir il y a combien de CHSLD,
avec le nombre de personnes qui ont une couverture en…
• (17 h 10) •
M. Caron
(Christian) : Oui, on a fait
ça. Je vous ai dit que les cliniques dentaires… il y en avait 9 % qui
avaient une clinique dentaire dans
les CHSLD. Je crois qu'il y en a une vingtaine, là, de cliniques dentaires.
Donc, c'est quand même, présentement… Ça, c'était en 2008. Il y a
peut-être eu des ouvertures subséquentes. Peut-être…
La Présidente (Mme Proulx) :
Dr Lavallière.
M.
Lavallière (André) : C'est
ça. Il y a à peu près
9 % qui ont des cliniques dentaires, mais est-ce que ces cliniques
dentaires là fonctionnent à plein régime? Est-ce qu'on a systématisé les soins?
C'est une autre question.
M. Caron
(Christian) : C'était une
journée par semaine lorsqu'on a… Moi, lorsqu'on a fait l'étude, ces milieux-là étaient
occupés environ à une journée par semaine, et ça comprend les milieux
hospitaliers, par exemple les cliniques hospitalières
de maxillo-faciale qui sont occupées peut-être à cinq jours. Donc, il y a des
endroits qui n'étaient pas occupés, qui avaient une clinique… un plateau
technique inoccupé dans un CHSLD et il y avait des cliniques occupées à plein
régime, plus dans les hôpitaux de type deuxième et troisième… Comment on
appelle ça, le niveau?
Une voix : …
M. Caron
(Christian) : Troisième
ligne. Deuxième, troisième ligne. Donc, il y avait une grande variabilité dans
l'utilisation, mais la moyenne était une journée par semaine. Le médian, je ne
l'ai pas.
M. Dolman (Barry) : …
La Présidente (Mme Proulx) :
Dr Dolman.
M. Dolman
(Barry) : …est en changement
majeur parce qu'à l'intérieur des prochains 10 ans et 20 ans tout le monde ou la plupart des patients vont avoir des
dents, vont avoir des dents où ils ont déjà fait des traitements de canal,
des couronnes, des fois même des implants.
Il va y avoir un autre genre de traitements, des maladies de la gencive
avancées, des abcès, des fois, des
restaurations qui sont en train de briser. On a besoin des ressources énormes
pour être capables de servir cette population,
parce que, dans un côté, vous avez plus de… et, dans un autre contexte, vous
avez un patient qui est plus malade.
De combiner les deux… ça, c'est au début, quand… dans le mémoire, quand j'ai
parlé d'un terrain inconnu… on est
dans un terrain inconnu. On ne peut pas nécessairement utiliser des
statistiques qui datent de 10 ans pour faire des décisions dans le
futur.
Et, pour un
complément, je vais dire que j'ai assisté à une conférence en assurance de
qualité à Édimbourg il y a à peu près
un mois, et, le grand problème, la plupart des statistiques médicales sont
basées sur un contexte où on prend, par
exemple, un patient et on suit des patients qui sont diabètes pour essayer
d'évaluer des conclusions, comment est-ce qu'on peut traiter ces gens à l'intérieur des populations. Mais la
majorité des patients en vieillissement maintenant, ils ont un, deux, trois, quatre, cinq problèmes, des
fois, diabète, haute pression, problèmes cardiaques, surmédicaments, et
c'est un autre… ce n'est pas évident, la façon de traiter ces genres de
patients.
Même pour
moi, avec 35 ans en expérience en clinique privée, quand j'ai un patient qui
est… de prendre l'ascenseur chez moi…
La Présidente (Mme Proulx) :
Dr Dolman.
M. Dolman (Barry) : ...c'est une
autre question.
La Présidente (Mme Proulx) : Merci
beaucoup. Malheureusement, le temps est écoulé.
Alors, la commission suspend ses travaux quelques
instants. Je demande au prochain groupe de prendre place. Merci pour
votre présentation.
(Suspension de la séance à
17 h 13)
(Reprise à 17 h 16)
La
Présidente (Mme Proulx) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission va poursuivre ses travaux. Je souhaite la
bienvenue à nos invités. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de
bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La
parole est à vous.
Association québécoise de gérontologie
Mme Geoffroy (Catherine) : Bonjour. Merci
beaucoup. Je suis Catherine Geoffroy,
la présidente de l'Association québécoise de gérontologie, et je suis
accompagnée aujourd'hui par trois de mes collègues qui ont participé à la rédaction de notre mémoire : Ghyslaine
Lalande, qui est la première
vice-présidente de l'AQG; Nathalie Adams, qui est directrice générale du Centre d'assistance et
d'accompagnement aux plaintes de Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine et qui est secrétaire de l'AQG; et Marie-Claude Messier,
qui est la présidente fondatrice de Cercle et Moi et administratrice de
l'AQG. Alors, voici l'équipe.
L'Association
québécoise de gérontologie remercie la Commission de la santé et des services
sociaux de lui donner l'occasion de
présenter ses commentaires et ses propositions concernant le document intitulé Livre
blanc sur la création d'une assurance
autonomie. Mes collègues et moi,
nous commenterons certaines sections du livre blanc avant de conclure et de synthétiser nos propositions de réflexion et pistes
d'action. À la fin, nous serons très heureuses de répondre à vos questions. Depuis
1978, l'AQG, qui est un organisme à but non lucratif francophone, s'intéresse
aux différents aspects du vieillissement dans le contexte de la société québécoise et collabore avec d'autres
groupes et associations pour travailler ensemble à améliorer la
qualité de vie des aînés. En vertu de notre mission, notre point de vue est
celui des professionnels et des intervenants membres de l'Association québécoise de gérontologie. L'AQG a
tenu, en mars 2013, un colloque sous le thème Un Québec qui vieillit bien, colloque qui portait en grande partie sur
l'assurance autonomie. Le ministre d'ailleurs y participait, et de nombreux acteurs
touchés par l'assurance autonomie ont contribué à la réflexion. Nous avons
rapporté leurs propos, d'ailleurs, dans notre revue Vie et
vieillissement — petite
publicité — et
notre mémoire s'inspire de ces discussions.
L'Association
québécoise de gérontologie appuie clairement la création d'une assurance
autonomie. Aussi, nous ne pouvons
qu'applaudir les intentions du gouvernement quand il propose de réformer en
profondeur le système actuel, puisque ce sont des revendications que les
gérontologues portent depuis longtemps.
Comme
beaucoup d'autres associations, nous déplorons les dysfonctionnements majeurs
dans le système actuel. Cependant, un
projet aussi ambitieux comporte de nombreux écueils, et les changements doivent
être opérés avec soin et tact pour
éviter que les résultats ne soient à l'opposé du but recherché. Il ne s'agit
pas seulement de recycler ou d'optimiser un périmètre budgétaire mais bien de l'agrandir. Compte tenu de la
pénurie de ressources et de l'organisation des services fort différente d'un territoire à l'autre,
situation qui ne changera pas du jour au lendemain, l'exercice d'un droit pour
tous aux services restera difficile. Créer des attentes qui ne pourront
être satisfaites ne rend service à personne. L'AQG encourage aussi le ministre à établir son plan d'implantation sans précipitation
afin de s'assurer que les rôles de tous les acteurs clés et les outils
de communication soient bien définis et compris.
Avant
de céder la parole à Nathalie, j'aimerais aussi partager avec vous la fierté
que nous devrions avoir quant aux innovations
qui sont proposées dans ce livre blanc, car il faut reconnaître que la valeur
scientifique et la faisabilité de cette démarche, avec ses outils suggérés purement «made in Québec», ont été
reconnues par de nombreux chercheurs à travers le monde. Il est donc essentiel
de prendre connaissance de leurs conclusions pour mieux en saisir le contenu.
Merci. Nathalie.
• (17 h
20) •
Mme Adams (Nathalie) : En
ce qui concerne les services assurés, nous apprécions le fait qu'on puisse
regrouper plusieurs services. Pour une réelle accessibilité, par contre,
nous pensons qu'il y a des services qui sont présentement accessibles qui devraient être rehaussés, que ce
soit au niveau de l'adaptation du domicile, au niveau des aides techniques
ou encore l'accès au transport, pour que les gens puissent aller chercher leurs
services de santé.
Il faut inclure aussi le soutien aux proches aidants au niveau
de l'assurance autonomie, et les services médicaux 24/7 doivent être
aussi assurés, là, pour un plus grand nombre. Il y a un élément également qui
est important, c'est de s'assurer que le
déploiement de l'assurance autonomie soit fait au niveau de l'ensemble du territoire
pour justement éviter les
inégalités qui sont déjà vécues présentement au
niveau des services en maintien à
domicile. De plus, il faut y avoir aussi
une collaboration avec les partenaires de façon multisectorielle
afin de pouvoir offrir les services et l'accessibilité des services aux
gens, ça, on entend, par rapport… au niveau du transport, par exemple.
Je laisse la parole à
Ghyslaine.
La Présidente (Mme
Proulx) : Mme Lalande.
Mme
Lalande (Ghyslaine) : Oui.
Je vous parlerai ici, d'abord, du cheminement de la personne admissible et,
ensuite, de l'allocation de soutien à l'autonomie.
Concernant
le cheminement de la personne admissible, ce qui est proposé dans le livre
blanc, on est complètement réjouis qu'on s'appuie sur des innovations qui ont
déjà été expérimentées et validées, par
exemple l'évaluation, par un gestionnaire de cas,
de la condition de la personne avec l'outil multiclientèle qui va pouvoir mener
à un plan de services qui sera en
plus approuvé par la personne et ses proches. Ceci dit, sur la question de la
gestion de cas, nous avons trois points à souligner. La première, on vient de le dire, l'attention aux proches
aidants, on pense que ça vaudrait la peine de bonifier l'outil multiclientèle en ajoutant vraiment…
Il y a des outils qui ont été développés au Québec, là, sur les proches
aidants, qui permettraient d'être
meilleurs dans ce domaine-là. Le deuxième, l'expertise des gestionnaires de
cas, ça va être crucial dans le système,
et pour ça on pense qu'il faut vraiment s'assurer de développer une formation adéquate,
et ça, ça peut se faire en
partenariat avec les universités. Ça existe, mais ça pourrait être déployé davantage
et ça pourrait être adapté aussi. Le troisième
point, c'est qu'il faut développer des conditions d'exercice facilitantes aux
gestionnaires de cas. On pense ici à
des charges de travail, à l'accès de la supervision. Il va y avoir aussi… Actuellement, les gestionnaires de cas ne gèrent pas les aspects financiers, alors ça va alourdir leur travail. Alors, on
pense que ça pourrait être intéressant de développer des normes de
gestion de cas qui diraient qu'est-ce que c'est qu'une charge de travail
optimale, etc.
Le deuxième
point que je veux souligner : l'allocation de soutien à l'autonomie.
Alors, là-dessus, tout ce qu'on veut
mentionner, c'est qu'elle doit être suffisante. Il est question d'une
contribution des usagers. On dit que la contribution… dans le livre blanc, la contribution ne devrait
pas constituer un obstacle au maintien de la condition de la personne et à
l'accès aux services. Si on veut parler
d'une vraie liberté de choisir, il faut que la personne puisse avoir accès
financièrement. Et on sait que les personnes âgées sont sensibles aux
coûts. Donc, il faut que l'allocation soit suffisante.
Concernant l'harmonisation avec la contribution
de la personne hébergée, on voudrait bien ici que la solution d'harmonisation ne soit pas de remonter la
contribution de la personne hébergée. On pense que l'indexer, ce serait
suffisant. Et idéalement ce serait de
l'indexer à l'augmentation des revenus des personnes âgées, qui souvent ne
sont pas elles-mêmes indexées.
Et je parlerai rapidement du financement. Alors,
on est d'accord avec l'idée de travailler, dans les prochaines années, à même, je dirais, la caisse commune, là,
qu'est… les revenus de l'impôt. Là-dessus, on pense qu'il y a une question
de solidarité intergénérationnelle. Les
personnes âgées paient l'assurance parentale, paient le système d'éducation. On trouve que ce n'est pas
normal dans une perspective intergénérationnelle que l'ensemble des
contribuables paient pour les services
de maintien à l'autonomie. On a une proposition concernant le crédit d'impôt. Dans le crédit d'impôt — d'abord, il faut savoir que c'est assez complexe — il
y a comme deux parties de services
admissibles : il y a des services qui relèvent plus de l'entretien, de l'approvisionnement et
d'autres qui sont plus les services d'aide à la personne. On pense que ça pourrait être intéressant de garder un volet puis peut-être
de transférer les sommes, qui vont maintenant aux services d'aide à la personne, dans la caisse d'assurance autonomie,
parce que c'est effectivement ça que l'assurance autonomie... c'est le
même type de services qui serait couvert.
Alors, c'est une proposition qu'on propose de
regarder. Marie-Claude.
La Présidente (Mme Proulx) :
Mme Messier.
Mme
Messier (Marie-Claude) :
Oui,
merci. Je vais parler, moi, des prestataires de services et du rôle des CSSS.
Au niveau des
prestataires de services, l'AQG appuie la proposition de faire relever les
activités de vie quotidienne et
domestique par une seule et même administration, par une ou quelques mêmes
personnes également. Réduire le nombre d'intervenants,
pour nous, permet d'assurer la continuité des services et la continuité de la
relation entre les aînés et les intervenants, et c'est très important.
La question
des conditions de travail des intervenants va devenir très importante aussi.
C'est une question qui est
très importante. La qualité des services vient avec la qualité
personnelle des intervenants et aussi avec les compétences, et la formation, et l'expérience. Il faudra reconnaître celle-ci par des conditions de travail attrayantes
afin de retenir le personnel
compétent et éviter la rotation de personnel. Ces dimensions devront donc être
incluses dans les scénarios de budgétisation également.
Le livre
blanc poursuit la pratique, déjà bien entamée, de privatisation des services.
En dehors de l'obligation pour tous
les prestataires de services d'avoir fait l'objet d'une reconnaissance
explicite et encadrée, il faudra aussi élaborer des normes de qualité à l'intention des entreprises qui offriront des
services. Il faudra également donner la possibilité, avec ces normes de qualité là, de porter plainte
et d'exercer certains recours. En plus, il semble important d'encadrer, voire
même de limiter l'allocation directe aux
proches aidants de manière à prévenir la maltraitance et à éviter l'épuisement
des proches aidants. Peut-être qu'on aurait
dû le présenter dans l'autre ordre, donc éviter l'épuisement des proches
aidants et éviter la maltraitance.
Enfin, le rôle des organismes communautaires
comme les popotes roulantes et les services de transport, c'est brièvement énoncé, il faudrait juste ne pas
l'oublier, c'est une contribution très importante dans notre société. Au niveau
des rôles des CSSS, nous saluons le maintien
du rôle central du CSSS dans la proposition du livre blanc. Par contre, comme
dans le cas des résidences pour aînés, l'AQG
propose de confier aux agences de santé et de services sociaux l'application
des normes de surveillance des prestataires. Et je repasse la parole à
Nathalie.
La
Présidente (Mme Proulx) : Le temps est écoulé, alors vous
pourrez poursuivre peut-être dans les échanges. Nous allons débuter les
échanges avec le groupe formant le gouvernement. M. le ministre, la parole est
à vous.
M.
Hébert :
Merci beaucoup, mesdames, merci de ce mémoire, bravo pour le colloque, que vous
avez organisé spécifiquement, sur
l'assurance autonomie avec les membres de votre association qui sont, rappelons-le,
les professionnels, les formateurs et également les personnes âgées qui sont intéressées par
toutes les questions de développement social des personnes âgées. Bravo
pour vos 35 ans! Vous aviez un gala, qui fut un très grand succès, avec la
participation de Mme la première ministre. Ce fut une soirée tout à fait
réussie, alors bravo aussi.
Alors, votre
mémoire dit bien que le système actuel présente des dysfonctionnements majeurs
et que le statu quo n'est pas une
solution. De rajouter juste de l'argent, un peu plus d'argent, ça ne changera
pas le dysfonctionnement actuel. J'aimerais
vous entendre sur les principaux éléments de dysfonctionnement que vous
identifiez dans le réseau actuellement et dans les services de soutien à
domicile.
La Présidente (Mme Proulx) :
Mme Geoffroy.
Mme
Geoffroy (Catherine) : Mais,
dans les principaux qu'on avait identifiés, on parle évidemment de la mauvaise
utilisation des ressources qui sont
existantes mais qui sont mal utilisées, d'une reconnaissance insuffisante de
l'apport et du soutien aux proches
aidants. On compte beaucoup sur eux et puis on ne les appuie pas assez. Je
pense qu'on les use au coton et puis
je pense qu'ils auraient besoin d'avoir plus d'aide. Les services à domicile
qui peuvent être coûteux, et c'est
inégal dans la province… Tout le monde n'a pas le même service. Ils n'ont pas
accès au même genre de services, alors c'est
inégal. Et le système de santé et de services sociaux aussi n'est peut-être pas
assez adapté à la réalité des personnes âgées.
Alors, ça, c'est les principaux qu'on a
identifiés. On pourrait en ajouter, là, mais disons que ceux-là, c'est les
principaux.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. le ministre.
M.
Hébert :
Actuellement, comme vous le savez, l'État fournit 15 % des services requis
dans les soins à domicile pour les
gens qui habitent dans des domiciles individuels, mais, pour les gens qui
habitent dans les résidences collectives, ça peut aller jusqu'à 0 %
en fait parce que l'ensemble des services sont payés par la personne.
Nous voulons,
avec l'assurance autonomie, évidemment ne pas couvrir 100 % des besoins,
mais, si on pouvait aller jusqu'à 40 % et pouvoir moduler cette
allocation pour que les moins nantis puissent en avoir un peu plus, je
comprends que vous êtes en accord avec cette orientation de l'assurance
autonomie.
La Présidente (Mme Proulx) :
Mme Geoffroy.
• (17 h 30) •
Mme Geoffroy
(Catherine) : Oui, tout à
fait. Si on arrive à 40 %, je pense qu'on aura déjà accompli beaucoup,
on aura mis un système qui sera fonctionnel et qui sera cohérent pour que tout
le monde puisse continuer.
Il y a un
problème aussi d'information. Les gens, ce n'est pas tout le monde qui connaissent leurs possibilités de services à domicile. Alors, il y a
une partie qu'il faut mettre de l'avant aussi, là, c'est de bien informer les
gens que c'est bien beau de rêver ou
de vouloir vieillir à domicile et même éventuellement mourir à domicile, mais les gens ne se rendent
pas compte de l'aide dont ils vont avoir
besoin et qu'ils vont en demander beaucoup à leurs proches aidants, et on ne va pas
chercher assez d'informations sur les réseaux qui existent sur leur territoire
ou pas loin de chez eux.
Alors, je
pense qu'il va falloir que, bon, les CLSC, parce que c'est première ligne, mais
des gens comme... moi, je dirais,
comme les pharmaciens, parce que c'est les incontournables, là, ils sont là, tout le monde va à la pharmacie… donc pour passer l'information, la
communication.
La Présidente (Mme Proulx) :M.
le ministre.
M.
Hébert : Vous mentionnez avec beaucoup
de justesse que l'implantation de l'assurance autonomie va se baser sur des acquis scientifiques. Vous mentionnez le
SMAF, les profils ISO-SMAF, le réseau intégré avec le modèle PRISMA, les gestionnaires de cas. Donc, par rapport à d'autres pays qui ont tout implanté ça en même temps, notamment
le Japon, qui me vient en tête, avec
la formation de milliers de gestionnaires de cas, le Québec
peut s'appuyer sur ces acquis-là, ce qui va faciliter d'autant
l'implantation de l'assurance autonomie, donc.
La Présidente (Mme Proulx) :
Mme Lalande.
Mme
Lalande (Ghyslaine) : Oui.
Je pense que oui. Effectivement, il y a des régions où les choses sont pas mal
avancées de ce côté-là, je pense à l'Estrie, d'où je viens.
Par contre,
ce n'est pas nécessairement, comment dire, compris et avancé de la même
façon dans toutes les régions, et
là-dessus je pense qu'il y a des endroits où il va y avoir du travail à faire.
Je pense, dans les grands centres métropolitains en particulier, on sait
que ça a tardé un peu à s'implanter. Donc, ces outils-là, il va falloir choisir
aussi des modèles, parce que, là, on est
resté un peu dans le flou. Il y a différents modèles de gestion de cas, et chacun a
fait un peu ce qu'il voulait par rapport à ça. Ça, je pense qu'il va y avoir une direction qui va devoir être
donnée de la part du ministère pour dire :
Bon, bien voici de quelle façon on travaille. Et le défi, ça va être de le
faire sans uniformiser, parce qu'il faut tenir compte des différents milieux. Alors, ça, ça va être ça, l'art, c'est de
regarder, parce que les dynamiques ne sont pas les mêmes, les besoins ne
sont pas les mêmes d'une région à l'autre.
Alors, il
faut pouvoir respecter ça mais en
même temps donner une orientation claire, et c'est le gestionnaire de cas, à mon avis, qui va être le pivot pour assurer la cohérence dans tout ça.
C'est lui qui va faire le lien entre les différentes ressources,
les personnes. Alors, c'est pour ça qu'on insiste beaucoup
sur ce rôle-là qui est important. Et je ne suis pas certaine,
en tout cas pour avoir travaillé dans la formation
de gestionnaires de cas, là, je ne suis pas certaine que tout le monde a compris qu'il ne s'agit pas juste de coordonner
les services, surtout que, là, on ajoute la question du courtage. Ce n'était pas juste un rôle de courtage, les
gestionnaires de cas. Alors, ça, ça va s'ajouter. Donc, il va y avoir un plus
à aller chercher de ce côté-là.
L'autre
élément que je voudrais mentionner sur la gestion de cas — j'ai glissé vite là-dessus tantôt :
quand moi, j'ai travaillé sur la
gestion de cas avec Dre Bonin, par
exemple, là, qui est une des
personnes là-dessus, on parlait de la nécessité
d'utiliser les gestionnaires de cas pour un petit pourcentage des personnes âgées. Il y a différents niveaux de perte d'autonomie. Actuellement,
les gens, par exemple, qui ont besoin d'une aide domestique, qui sont au début
du processus de perte d'autonomie, ils n'ont peut-être pas besoin nécessairement de passer par le gestionnaire de cas, mais ils peuvent avoir besoin de l'allocation de soutien à
l'autonomie parce que ça va leur permettre d'avoir accès au PEFSAD. Alors, ça, je pense que ça sera important peut-être
de moduler ça finement. Je pense qu'actuellement c'est les CSS qui doivent donner l'autorisation pour que le
PEFSAD paie la personne, mais ça peut être un travailleur social qui n'est pas
forcément gestionnaire de cas.
Ça fait que je pense
qu'il va falloir utiliser les ressources de la façon la plus fine possible.
Quand ce n'est pas nécessaire d'y aller avec le grand professionnel, avec des
multiples ressources, on pourrait alléger. Donc, à ce moment-là, c'est peut-être
de parler de la gestion, de… comment dire, d'autoriser l'ASA par le CSS qui
pourra décider. Ça pourra peut-être être des techniciens des fois. Ça
dépendra de comment ils diviseront le travail.
La Présidente (Mme
Proulx) : Mme Adams.
Mme
Adams (Nathalie) : Je
voudrais rajouter par rapport aux éléments peut-être aussi à améliorer.
Si on parle, par exemple, de la pénurie de main-d'oeuvre, présentement il y a beaucoup de gens qui doivent attendre pour avoir des
services parce qu'on n'a pas la main-d'oeuvre nécessaire pour offrir les services. On croit qu'au niveau de la planification de la main-d'oeuvre il faudrait aussi prévoir à
valoriser les professions en lien avec les personnes aînées. Ça n'a pas la
cote, mais pourtant c'est un emploi ou des
emplois intéressants. Donc, il y aurait peut-être une démarche à faire au
niveau d'un marketing social pour amener des jeunes à travailler avec…
les jeunes et les moins jeunes à travailler avec les personnes aînées.
Il
y a aussi, au niveau de la formation… ce qu'il faudrait faire attention, c'est
qu'on a développé, au niveau des centres hospitaliers, des approches qui
sont adaptées aux personnes âgées avec des problématiques spécifiques ou multiproblématiques. Si ces gens-là décident de
rester à la maison, l'aidant naturel, il va falloir… l'aidant naturel ou la
personne qui va offrir le service, il va falloir lui transférer un minimum de
connaissances pour qu'on puisse répondre adéquatement
aux services, aux besoins de la personne aînée. Il y a également, au niveau des
services... présentement, aussi, on
va évaluer, par des outils, bon, le besoin de la personne. Par contre, on voit
souvent les gens qu'ils ont… ils ont été
évalués, mais n'ont pas accès à assez de services. Donc, ce n'est pas rare de
voir une personne qui est… qu'il lui manque 10 heures par semaine. Et là, à ce moment-là, on joue sur la sécurité de
la personne qui décide de rester en maintien à domicile.
Au
niveau de la formation aussi, on pense que, bon, au niveau des personnes qui
ont une profession d'auxiliaire personnelle
ou de préposée, il va falloir pas juste penser à une formation de mise à niveau
mais aussi le maintien de ces formations-là.
Et, comme le vieillissement de la population se fait très rapidement, on va en
avoir de plus en plus besoin, de ces
gens-là formés. Et ce qui est important aussi à retenir, c'est que la formation
est aussi un élément, un déterminant de la qualité de services au niveau
des personnes.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le ministre.
M.
Hébert : Vous anticipez toutes les questions. Je voudrais
revenir à la formation des gestionnaires de cas. Et je pense que vous avez soulevé un point extrêmement
intéressant, c'est qu'on n'a pas besoin de sortir l'artillerie lourde pour
des gens qui ont une perte d'autonomie
légère ou même modérée et qui nécessitent quelques services seulement. Alors,
le gestionnaire de cas devrait être réservé
à des cas plus complexes. Effectivement, les professionnels du réseau peuvent
faire l'évaluation pour les cas plus simples.
La
formation des gestionnaires de cas, pour vous, c'est… Il y a deux composantes.
On a questionné les ordres professionnels,
l'Ordre des infirmières, l'Ordre des travailleurs sociaux, sur la formation
initiale. On nous a dit que dans les
formations initiales, universitaires on avait intégré les éléments qu'il
fallait pour la gestion de cas. Maintenant, il faut que les gens qui sont déjà en exercice — c'est ce qu'ils nous ont dit — les gens qui sont déjà en exercice puissent
avoir une formation d'appoint en gestion de cas. Alors, ça veut dire
quoi, une formation d'un gestionnaire de cas?
La Présidente (Mme
Proulx) : Mme Geoffroy.
Mme Geoffroy
(Catherine) : Non. Je vais laisser ça à Ghyslaine.
La Présidente (Mme
Proulx) : Mme Lalande.
Mme Lalande (Ghyslaine) : Oui. Il y a, je dirais… En tout cas, moi, ce que
j'ai vu, là, avec les étudiants avec lesquels
on a travaillé, il y a… Bon, les gens vont avoir un baccalauréat, par exemple,
en travail social ou en «nursing». À
supposer qu'ils ont été formés pour la gestion de cas, ils ont peut-être eu
45 heures, là, sur la coordination des services.
Même actuellement les
formations qu'on a n'incluent pas toute la partie administrative. Alors, ça,
déjà, si on prend des gens qui sont formés
pour la relation d'aide, puis tout ça, là, la partie administrative, il faudra
voir : Ça va-tu leur prendre des secrétaires, ce
monde-là? Ils vont-u déléguer ça à des agents administratifs? Qu'est-ce qu'ils
vont avoir à faire exactement au
niveau financier? Il y a un besoin de formation. Mais je m'en veux presque de
vous dire ça d'abord parce que ce que
je voudrais, c'est que ce soit la dernière chose, au fond, qu'on regarde, mais
qu'on me parle d'abord… Il y a toute
la question de bien comprendre le processus. Qu'est-ce que ça veut dire, être
gestionnaire de cas? Comment prendre
sa place dans le réseau de services? Un des problèmes qu'on a actuellement, en
tout cas au début de l'implantation de
gestionnaires de cas, c'est que les autres professionnels, entre autres, là,
ils ne savent pas trop qu'est-ce que c'est que le gestionnaire de cas. Ça fait que lui, il doit le savoir, il doit
faire des propositions, il doit faire des suivis dans des milieux, par exemple, hospitaliers. On a vu ça à
Sherbrooke. À mesure que ça s'est implanté, les gens ont senti le besoin de
négocier des droits… comment on appelle ça?, les médecins ont ça dans
les hôpitaux, là, les droits de…
Une voix :
…
• (17 h 40) •
Mme Lalande (Ghyslaine) : …des privilèges d'exercice. Alors, les
gestionnaires de cas, si un de leurs patients est hospitalisé, ils
peuvent aller à l'hôpital rencontrer les soignants et s'assurer que le retour à
domicile se fasse correctement, qu'il ne se fasse pas trop tôt, parce que, s'il
se fait trop tôt, il revient. Alors, il y a ça.
Il y a toute la
question de la négociation donc avec l'ensemble des partenaires. Il y a toute
la question de l'accompagnement de la
personne âgée et des aidants, et ça, moi, je vais donner des cours encore en
fin de semaine, là, à des
intervenants du réseau. Puis la question des aidants, là, c'est une découverte.
Dans notre programme, on a ça, on a deux
crédits là-dessus. C'est comme une découverte pour bien des gens. Ils n'ont
comme pas compris toute la participation, toute la part que joue la
famille, parce que la famille, elle fait beaucoup de gestion de cas avant
d'embarquer un autre gestionnaire de cas.
Donc, il y a vraiment un tandem à travailler là-dessus, et ça, c'est une expertise
à travailler. Ce n'est pas juste
remplir une grille avec une chose informatique, c'est vraiment de développer un
partenariat et une croyance que la personne aidante, non seulement elle
peut, mais est un agent important puis qu'il faut en prendre soin.
Alors, il y a ça. Et puis il y a la question de
toutes les maladies complexes aussi. Par exemple, en service social, les gens ne connaissent pas nécessairement le
processus physique du vieillissement… ils vont connaître au niveau social
ou psychologique, mais, le processus
physique, les maladies, qu'est-ce que ça entraîne, etc. La même chose, les
infirmières souvent vont moins
connaître la partie sociale, l'importance du réseau, de l'environnement. Donc,
ça, ça fait partie des compétences
que les gestionnaires de cas doivent développer, puis tout le partenariat avec
les ressources du milieu : les organismes communautaires, les
entreprises privées, les entreprises d'économie sociale, etc.
Mme
Messier (Marie-Claude) : Si je peux rajouter…
M.
Hébert :
Merci beaucoup…
La Présidente (Mme
Proulx) : Mme Messier.
M.
Hébert :
C'est parce qu'on n'aura pas le temps.
La Présidente (Mme
Proulx) : Oui.
M.
Hébert :
O.K., allez-y.
Mme Messier (Marie-Claude) : Si je peux rajouter sur la gestion de cas, oui, la gestion des équipes,
parce qu'en effet l'enveloppe de
services qui va être offerte va être distribuée par différents fournisseurs de
services, incluant le privé, le public, différents intervenants. Donc, la
gestion des équipes est très importante, mais la communication.
On parlait tantôt
aussi des outils. C'est très important de mettre en disponibilité les rapports
d'évaluation. Les différents outils qu'on a
aujourd'hui sont souvent réservés à quelques personnes seulement du CLSC. Par
exemple, quand l'aîné habite dans une
résidence de personnes âgées ou quand l'aîné habite à la maison, les
intervenants autres que les intervenants
du CLSC… même pas tous les intervenants du CLSC ont le profil de l'individu. Alors,
il faudra améliorer la communication de l'état de santé et des besoins
de l'individu jusqu'aux fournisseurs de services et au prestataire lui-même. Souvent, le prestataire, on lui
dit : Fais ça, mais on ne donne pas l'information sur quelle est la situation
globale du client ou du patient.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le ministre.
M.
Hébert : On a eu toutes sortes de débats ici sur les AVQ.
Certains groupes, notamment les groupes syndicaux, souhaiteraient que les AVQ soient réservées aux
employés du réseau de la santé et des services sociaux, d'autres voient un rôle pour les entreprises d'économie sociale.
Vous avez, là, dans votre mémoire une position assez claire là-dessus, sur le rôle des entreprises d'économie sociale
pour les AVQ et les AVD, alors j'aimerais vous entendre sur les raisons
qui justifient votre position.
La Présidente (Mme
Proulx) : Mme Messier.
Mme Messier
(Marie-Claude) : Oui. En fait, moi, j'ai la chance d'avoir moi-même
une petite entreprise de services à domicile
pour les personnes âgées, et une des grandes forces de ce qu'on offre, c'est
que c'est la même personne qui offre les services et c'est vraiment basé là-dessus : la même
ou la même équipe. C'est sûr que, si on offre 40, 60 heures de service chez une personne, ça devra être une
équipe de personnes, mais c'est la régularité pour surtout les clients qui
sont avancés et qui veulent vivre le plus
longtemps possible à la maison, de ne pas avoir une personne qui va faire des
tâches, mais d'avoir une personne qui va aider monsieur, madame à vivre à la
maison le plus longtemps possible. On s'occupe
de la vaisselle, on s'occupe de sortir les poubelles, on s'occupe de donner les
soins d'hygiène personnelle. On parlait
d'hygiène dentaire. On s'occupe de tout ça. Donc, on s'occupe de l'aîné,
d'abord, de sa maison, de faire ses courses, d'aller faire des
commissions, et tout ça. C'est donc un agent personnel qu'on envoie à nos
aînés, qui a bien sûr les certifications
pour le faire. Une préposée, une auxiliaire familiale est formée pour faire
tous ces soins-là et également pour sortir
les poubelles, faire le ménage, le lavage. Quand on le fait pour le bien de
l'aîné, ce n'est pas du ménage qu'on fait, on fait du bien à l'aîné. Ce
n'est pas la même chose.
Alors,
très, très, très important de former et conscientiser nos ressources pour faire
le ménage avec le même sourire que faire l'hygiène personnelle.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le ministre.
M.
Hébert : De là l'importance d'encadrer la formation et la
qualité de ces prestataires, qu'ils soient privés…
Mme Messier
(Marie-Claude) : Pas juste dans la tâche.
M.
Hébert : Exactement. Alors, j'étais très intéressé de vous
entendre sur le rôle soit du CSSS ou de l'agence pour faire ce genre d'accréditation. Vous mentionnez dans votre mémoire
que ça devrait être l'agence. Alors, j'aimerais vous entendre sur les
raisons, là, qui vous poussent à confier ça à l'agence, le rôle d'accréditer
des prestataires.
La Présidente (Mme
Proulx) : Mme Messier.
Mme Messier
(Marie-Claude) : Ce n'est pas tant l'accréditation qui est importante
que la supervision.
En fait, le CSSS, le
CLSC va travailler en collaboration, quotidiennement, avec les différentes
équipes de prestation, que ce soient des
entreprises d'économie sociale ou les petites entreprises privées. Alors, eux,
ils seront plus des collaborateurs,
et donc l'agent de certification peut-être, mais surveillant certainement, est
peut-être un petit peu le marteau, et, lui, on va le mettre un petit peu
plus à l'extérieur. Donc, c'est pour favoriser une collaboration.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le ministre, environ deux minutes.
M.
Hébert : Dans votre mémoire, vous appuyez la création d'une
caisse réservée, spécifique pour le financement de l'assurance
autonomie. J'aimerais vous entendre sur les raisons de votre positionnement
là-dessus.
Mme Lalande
(Ghyslaine) : En fait...
La Présidente (Mme
Proulx) : Mme Lalande.
Mme Lalande (Ghyslaine) : Oui. Ce qu'on dit, c'est qu'on est ouverts à
une... comment dire, on est soucieux de bonnes relations intergénérationnelles. Et, si la caisse d'autonomie
permet à toutes les générations d'y procéder, on n'est pas fermés à ça. À vrai dire, on n'est pas des experts
ici en fiscalité et on n'est pas allés dans le détail de ce que ça implique.
Ce qu'on dit, c'est que, d'une part, on ne trouve pas ça anormal que ça soit
payé à même la caisse, les impôts.
Pour ce qui est de
créer une caisse d'autonomie avec capitalisation... C'est ça? Non, ce n'est pas
de ça. O.K.
M.
Hébert :
...réservé, un budget réservé.
Mme Lalande
(Ghyslaine) : Juste la caisse? La caisse, c'est, dans le fond, d'avoir
un budget, une enveloppe particulière d'où
viennent les choses. Ça, oui, on est tout à fait en accord avec ça, on n'a pas
de problème avec ça. Y a-tu des gens qui ont des problèmes?
M.
Hébert :
Parfois.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le ministre, environ 30, 40 secondes.
M.
Hébert :
Alors, en rafale. Je reçois très positivement votre note sur le soutien aux
proches aidants, surtout l'évaluation de leurs besoins dans l'Outil
d'évaluation multiclientèle, et également vos recommandations concernant l'inclusion des aides techniques, l'aménagement du
domicile. Donc, c'est des recommandations que je trouve intéressantes et
je vous remercie beaucoup de votre mémoire et de l'appui à ce projet de société
important. Merci.
La
Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup. Alors, nous allons
poursuivre les échanges avec le groupe formant l'opposition officielle.
M. le député de Jean-Talon, la parole est à vous.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Oui. Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à notre commission. C'est très
intéressant de vous entendre, puis vous avez fait un très bon mémoire.
Il y a des gens qui viennent de Sherbrooke, je crois, hein?
Une voix :
…
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui, de l'Estrie. Puis je pense
que, dans l'Estrie, vous avez déjà fait des transformations, au cours des dernières années, qui ont donné des
bons résultats. En tout cas, j'ai eu l'occasion de pouvoir les constater.
Pouvez-vous nous en parler un peu?
La Présidente (Mme
Proulx) : Mme Lalande.
Mme Lalande (Ghyslaine) : Écoutez, moi, j'étais à l'Université de
Sherbrooke, j'étais au Centre de formation en gérontologie, alors je
n'étais pas au CSS IUGS comme tel.
Je pense que c'est
beaucoup là que les gens ont fait des transformations. Entre autres, bien il y
a eu tout le projet PRISMA qui a débuté il y
a plusieurs années, dont M. le ministre était le responsable à l'époque, et je
sais que l'apport des chercheurs,
d'abord, a aidé les gens à… comment dire, à préciser un peu leur focus. Et
tranquillement ils ont... Je pense que
la principale chose, c'est qu'ils ont ajouté le nombre de gestionnaires de cas
suffisant pour être capables de répondre à la demande. Je ne sais pas combien
ils sont rendus maintenant, mais, on me disait — quelqu'un qui y a travaillé : On était
15 dans le temps, ils sont rendus à 45 ou
50. Donc, le système est bien implanté. Je pense qu'ils ont... Je parlais
tantôt... Le travail avec les autres
ressources du réseau a été fait aussi. Tout le travail de PRISMA s'est fait en
collaboration avec des gens de
l'agence, des organismes communautaires, du CSS, de l'université et d'un peu
partout. Donc, c'est un travail auquel tout le monde s'est attaché, et
tout le monde a travaillé ensemble.
Alors,
je pense que les gens ont vu, au fur et à mesure, les problèmes qu'ils avaient,
et ils ont cherché des solutions, et
c'est comme ça, par exemple, qu'est venue l'idée d'avoir des privilèges en
milieu hospitalier. Ça, on me disait que c'était un gros problème, parce que souvent la personne était hospitalisée, elle
ressortait, et personne n'en avait entendu parler, le gestionnaire de cas l'apprenait. Alors, à
partir de là, je pense que c'est les médecins du CSS IUGS qui l'ont proposé,
ils ont dit : Bon, bien, si, nous, on a
des privilèges à l'hôpital, peut-être qu'on pourrait en donner aux
gestionnaires de cas. C'est un
système qui s'est développé, qui a été négocié localement. Ça fait partie des
choses dont on m'a parlé, là, parce que mon bureau était quand même
situé dans le centre de recherche et à l'institut.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Et
puis dans l'Estrie, à Sherbrooke, vous avez le CSSS qui est fusionné
également avec l'institut universitaire, à ma connaissance.
Mme Lalande
(Ghyslaine) : Oui.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Ça également, ça fonctionne
quand même relativement bien. C'est-à-dire que, ce qu'on a dans le projet d'assurance autonomie, il y a
plusieurs des mesures qui sont déjà en place dans votre région, puis je crois
que ça donne des très bons résultats.
La Présidente (Mme
Proulx) : Mme Lalande.
• (17 h 50) •
Mme Lalande (Ghyslaine) : Et ça a été validé. Je pense que ce qui a été
très utile, là, M. le ministre n'insistera peut-être pas là-dessus, mais ça a été validé par un processus de
recherche, ça a été contrevérifié aussi, et je pense que les chercheurs
australiens — on
les cite dans notre mémoire — qui ont repris l'ensemble des études sont
arrivés à la conclusion que non seulement
c'était efficient au niveau... dans le sens où ça réduit l'utilisation des
ressources lourdes, mais c'est aussi
apprécié par les personnes. Ça augmente ce qu'on appelle l'«empowerment», les
gens prennent en main leur situation. C'est plus centré sur leurs
besoins, et on peut diversifier les ressources qu'on va mettre de l'avant en collaboration avec la personne et sa famille et
non pas juste se demander, par exemple, si on a les ressources qu'il faut
pour donner le bain ou si on ne les a pas. Souvent, dans les… et je l'ai vue,
là, par des étudiants, des fois, la question de : Bien, on ne peut pas
rien faire parce qu'on n'a pas les ressources, tout ce que je peux offrir,
c'est un bain.
Mais
la gestion de cas, c'est vraiment de se demander quels sont vos problèmes et
quelles sont les ressources qu'on peut utiliser dans votre entourage.
Ça, c'est un effort à faire aussi avec les gestionnaires de cas.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Puis,
à ma connaissance, ça a donné des bons résultats, parce que, sur le territoire de l'Estrie, le
nombre de places en CHSLD, le nombre de ressources intermédiaires semblent
adéquats. Puis on parle maintenant… Je pense
que le ministre a adopté la norme, là, de… à un moment donné, qu'on devrait
être à 2,5 places par 100 personnes de 65
ans et plus pour les CHSLD. Je crois que vous êtes à ce niveau-là. Puis, avec
le maintien à domicile, ça va bien, ça fait
que… puis, à l'hôpital, je suppose que l'achalandage va être raisonnable par
rapport aux gens qui sont en attente de placement dans les CHSLD.
Mme
Lalande (Ghyslaine) : La
bonne gestion de l'hôpital est utile aussi dans tout ça. Mais, oui, je pense
qu'ils sont arrivés à ces résultats-là mais avec beaucoup d'efforts.
Ceci dit, je
suis certaine qu'on va trouver des gens, dans l'Estrie, qui vont vous dire que
ça ne marche pas bien, là, parce qu'ils n'ont pas eu exactement ce
qu'ils voulaient. Mais je pense que, globalement, c'est un système qui a été éprouvé, qui avait été éprouvé d'abord dans
Arthabaska, du côté de… CLSC de L'Érable aussi… CSSS de L'Érable, et
puis il y en a quelques autres qui l'ont essayé aussi, je pense.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui, je peux vous dire, on a toujours les
trois mêmes coupables, là — c'est positif, là :
Arthabaska Les érables, après ça l'Estrie, Saguenay—Lac-Saint-Jean. Je pense, également, dans la région
du Bas-Saint-Laurent, il y a du développement qui se fait.
Je dois vous
avouer qu'au Québec actuellement, à peu près partout, ils sont en train de
rééquilibrer. Même ici, à Québec, il
y a une transformation qui est en train de se faire. Je voyais aujourd'hui un
communiqué où ils parlaient de faire
de la transformation des ressources, parce qu'ils savent qu'ils manquent de
ressources intermédiaires, donc, ils doivent ouvrir des ressources intermédiaires. Mais je pense que toutes les
régions sont en train de faire cette transformation, qui est commencée
d'ailleurs depuis plusieurs années.
Vous avez
parlé tantôt que… un problème au niveau de la métropole. Vous vouliez
probablement parler de Montréal, qui a été plus lente à faire cette
transformation. Ça, c'est quelqu'un qui a parlé de ça, je crois, tantôt.
Mme Lalande (Ghyslaine) : Je pense,
c'est connu, là. C'est connu, ne serait-ce…
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : J'aimerais ça que vous l'exprimiez pour que
ce ne soit pas dit par moi, mais par quelqu'un d'autre, là.
Mme
Lalande (Ghyslaine) : Bien,
je ne suis pas une spécialiste de la région de Montréal, je ne sais pas s'il y
en a d'autres qui le sont plus ici,
mais ce qu'on… Il y a une difficulté dans les grands centres urbains, c'est
qu'il n'y a pas juste un hôpital puis
il n'y a pas juste un CSSS. Et, quand un territoire reçoit des gens qui
viennent de plusieurs hôpitaux, déjà ça suppose d'être en lien avec plus
de ressources que dans une région. Je pense que ça, c'est une réalité.
L'autre
chose, j'avoue que des fois je ne comprends pas. Et j'ai des gens qui me
parlent un peu de comment ça fonctionne
à Montréal versus ce que je connais, moi. Mais on dirait que le système ne
répond pas, est dépassé continuellement, et les gens ont des réflexes. D'après ce que j'ai vu, là, puis, moi, ça
me vient toujours par les étudiants... Par exemple, je me souviens d'une étudiante qui disait :
Bien, on sait comment faire quand on veut que notre client rentre dans le
système. Alors, les gens n'ont pas
compris, là, que, si on pousse, après ça on bloque ces ressources puis qu'on a
des problèmes après. Et il y a un peu des réflexes de cet ordre-là, je
pense, là, qui nuisent, qu'il va falloir dépasser.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, Mme la Présidente. Vous aviez un commentaire?
La Présidente (Mme Proulx) :
Mme Geoffroy.
Mme
Geoffroy (Catherine) : Juste
rajouter que quand même les infrastructures et les hôpitaux ou même les CSSS,
tout ça, là, c'est quand même beaucoup plus gros, il y a beaucoup plus de défis
aussi par rapport à la…
Bon, il y a la question de la culture, écoute.
C'est complètement une autre réalité à Montréal dont il faut tenir compte. Et effectivement on ne comprend pas, quand
on est sur un territoire, que les gens devraient se parler, mais il y a beaucoup de silos, ça ne se parle pas. La question
des communications, il y a beaucoup à faire, puis c'est beaucoup de monde à outiller, beaucoup de monde à former, beaucoup
de… et les résidences, c'est pareil. Ce n'est pas seulement le public. Au niveau privé aussi, on dirait qu'ils
n'ont pas les mêmes règles que les autres ou ils fonctionnent toujours à la
marge. Alors, il y a quelque chose qui ne
fonctionne pas, et on voudrait… Et je pense qu'il y a beaucoup de bonne
volonté. Nous, on n'est pas
corporatistes parce qu'on n'est pas un ordre
professionnel. On est multiprofessionnels, et c'est important de
comprendre qu'on ne va pas défendre une profession plutôt que l'autre,
mais ce que nous, on souhaite faire, et peut-être c'est un rôle qu'on
va se donner aussi, c'est de s'assurer de mieux intégrer des communications ou
d'au moins les faire se parler entre
eux. On a fait plusieurs colloques où ce qui ressortait, c'est… et, même au
35e, ça ressortait. Vous avez réuni, vous avez rassemblé des gens qui ne
sont jamais ensemble.
Donc, il faut
qu'ils se parlent, il faut que les ordres… les présidents d'ordres professionnels
se parlent entre eux pour… et parlent
aussi aux praticiens, ceux qui sont sur le terrain. Alors, bon, la réalité à Montréal,
c'est sûr que c'est beaucoup plus difficile de se rejoindre que si on est dans
une communauté plus à échelle humaine, je dirais. Alors, voilà.
La Présidente (Mme Proulx) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Oui. D'ailleurs, je vous posais des questions
parce que vous connaissez un peu qu'est-ce qui se passe un peu partout.
Puis, juste pour vous dire une différence entre Montréal puis les autres
régions, les autres régions, c'est souvent un territoire, une population, une
organisation. Donc, à l'interne, ils peuvent mieux discuter.
À
Montréal, la personne dans l'ouest peut être habituée d'être traitée dans
l'est. Puis, à Montréal, une caractéristique, puis je pense qu'un jour les études vont le démontrer : lorsque
vous êtes une grande ville, vous avez environ 15 % de la population qui est en banlieue, qui vient
consulter chez vous. Que vous alliez n'importe où, là, c'est comme ça. Puis
juste pour vous donner un exemple,
les gens parlent… Gatineau, Ottawa, on veut tout ramener à Gatineau, mais, dans
tous les endroits, il y a toujours
15 % qui va aller consulter vers la plus grande ville et rarement vers la
plus petite ville. C'est un phénomène
qu'on retrouve partout au Québec, qu'il faut tenir compte lorsqu'on fait
l'allocation des ressources. Pourquoi je
vous posais ces questions-là? À plusieurs endroits, au Québec, les principes
qu'on a dans l'assurance autonomie, ça a été mis en place déjà puis ça fonctionne. L'assurance autonomie va
amener peut-être une façon différente de fonctionner, mais tous les ingrédients… que les gens sont pour
l'assurance autonomie dans plusieurs régions au Québec, ça fonctionne, et les régions que ça ne fonctionne pas sont en
train de se le doter, sauf qu'à Montréal c'est une situation qui est
différente, il faut travailler encore
plus l'intégration des services, comme vous disiez, la collaboration. Il y a un
principe en informatique : informatiser un système qui ne
fonctionne pas, ça ne donne pas des bons résultats.
Et
l'assurance autonomie nous est souvent présentée en disant : Regardez, il
y a des iniquités. En passant, c'est en
train de se corriger, c'est juste une question de protéger le budget à
l'intérieur des établissements en disant que tel montant va aller dans tel secteur, et ça se fait très
bien. Ça s'est fait en chirurgie puis ça se fait dans différents secteurs. Ça
fait que, là, ce qu'on nous dit,
c'est que ça va régler le problème de Montréal, puis ça va régler le problème
du Québec, alors que, si ça ne va pas
bien, en termes d'organisation, à Montréal, de changer la structure de
financement, bien ça ne leur donnera pas
plus les principes. Tantôt vous disiez : Est-ce qu'on fait une caisse? Je
ne comprends pas qu'il y ait des gens qui ne... avoir une caisse indépendante. Bien, il y a plusieurs personnes qui sont
venues nous voir pour dire : Si vous mettez ça de façon indépendante, on a l'impression que notre
budget est protégé, mais, d'un autre côté, on fait ce qu'on appelle de la
fragmentation du système. On sépare un bloc
complet, qui est l'enveloppe de maintien à domicile, on la met à part, puis
on leur dit : Maintenant, ça va être
géré différemment, indépendamment du reste. Bien, on a l'impression qu'on se
protège, mais, à la fin, on fonctionne dans un système de soins
intégrés.
Si on fait un
principe de justice sociale, on peut le faire pour ça, mais il faudrait être
sûr qu'il faudrait faire la même chose
pour la santé mentale puis avoir une caisse pour la santé mentale, une caisse
pour la chirurgie puis une caisse pour ci puis une caisse pour ça. Vous savez, qu'est-ce qu'on a fait, au Québec?
Lorsque c'était tout séparé, il y a quelqu'un qui est arrivé puis il
disait : Écoutez, ce n'est pas normal que ça soit séparé, on devrait tout
remettre ça ensemble. Puis ça, en passant,
c'est le principe de gestion qui va le mieux, c'est les soins intégrés, les
soins continus, et là on fait le contraire, on sépare. Je pense qu'il y a un problème d'organisation quand on pense
comme ça. Oui, on fait une discussion, hein, c'est intéressant.
La Présidente (Mme Proulx) :
Mme Geoffroy.
Mme
Geoffroy (Catherine) : Oui,
c'est intéressant, mais vous ne pouvez pas comparer ça avec la santé mentale,
vous ne pouvez pas comparer ça avec les
autres fragmentations parce qu'on n'aura pas tous un problème de santé mentale,
on n'aura pas tous un problème dans les autres… Vous avez l'air de douter, vous
pensez qu'on va…
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Non. Ma réponse, là, c'est : 15 %
des gens de 65 et plus qui ont besoin de services d'autonomie… ce ne sera pas tous les gens qui vont
en avoir besoin. Il y en a beaucoup qui vont en avoir besoin, on est
d'accord, mais ce n'est pas tout le monde qui va en avoir besoin. Ça fait qu'on
ne peut pas généraliser comme ça.
Mme Geoffroy (Catherine) : Oui, mais
par rapport…
La Présidente (Mme Proulx) :
Mme Geoffroy.
Mme
Geoffroy (Catherine) : …au
vieillissement, je veux dire, c'est comme une espèce de dénominateur commun.
Alors donc,
on rajoute les autres, mais on ne peut pas comparer parce qu'il faut que ce
soit intégré avec tous les différents
éléments. Et c'est le vieillissement, là. On parle du vieillissement de la
population qui va vieillir de plus en plus et qui… bon, on l'espère, qu'ils vont vieillir bien le plus longtemps
possible, mais il y a quand même un pourcentage qui va avoir besoin de…
• (18 heures) •
La Présidente (Mme Proulx) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Moi, je suis un médecin clinicien, là. Quand
je vois des diabétiques, c'est la même notion. Les gens qui ont le
cancer, c'est le même principe.
Je dis juste
qu'on est dans un système de santé dans lequel on prend en charge tous les
services, tous les besoins des gens,
et puis, à un moment donné, on a fait une allocation de ressources pour
s'occuper de ces besoins-là. Puis il y a un équilibre, il y a une équité qui doit exister entre les différents
groupes. Là, c'est sûr qu'on a un ministre qui est gériatre, puis il dit : Moi, c'est ce que je veux
pousser. On est d'accord avec ça. En passant, on veut, parce que c'est une
clientèle qui va aller en augmentant,
mais, si on avait un ministre chirurgien, ça voudrait-u dire que demain matin
il faudrait prendre la chirurgie puis la séparer du système?
Je vous pose
la question en termes… C'est le fun, on peut parler d'éthique ici puis de
justice aussi. On est d'accord qu'il
y a des groupes qui viennent... puis savoir qu'il faut changer le système, mais
il y a un principe également lorsqu'on fait ça puis on enlève
l'enveloppe. Et on crée une bureaucratie qui est complètement à part, là.
La Présidente (Mme
Proulx) : Mme Lalande.
Mme Lalande
(Ghyslaine) : Moi, je dirais
qu'on vit un tel manque au niveau du continuum de la perte d'autonomie, et c'est un problème qui est
grandissant, qu'en tout cas au moins transitoirement ça vaut la peine de
focusser là-dessus et de s'assurer qu'on a un niveau suffisant de
services qui est donné et qu'on fait un suivi très proche de ça.
Le problème,
c'est qu'en général le vieillissement, ça a passé sous le radar depuis des
années, puis là, tout à coup, on se découvre ça, là, ça va vieillir.
Mais c'est écrit dans les statistiques, les démographes nous disent ça depuis
très longtemps. Mais on n'a pas encore
organisé ça d'une façon, je dirais, suffisante. Peut-être que le… comment dire,
le modèle de gestion de cas… etc.
Puis d'ailleurs je pense que c'est un modèle qui peut s'appliquer à d'autres
clientèles aussi, à la famille, aux
personnes handicapées, puis à tout. Mais moi, je pense qu'à ce moment-ci de
l'histoire, je dirais, des services sociaux
ça vaut la peine d'intégrer les choses d'une façon... d'être sûrs qu'on
l'attache correctement, puis après ça, bien, on verra. Parce que, la santé, on a toujours tout mis dans l'hôpital,
dans les soins à court terme, puis là on est dans des mesures qui durent
dans le temps puis qui demandent une autre façon de s'organiser.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Juste pour vous dire, je fais attention parce
que les gens ont toujours parlé d'hospitalocentrisme, mais je peux vous dire
qu'il y a plusieurs, plusieurs endroits au Québec — Arthabaska, Saguenay—Lac-Saint-Jean,
l'Estrie, ce sont des exemples — qu'on a sortis du modèle, et on a sorti les
patients vers la maison puis on les a
gardés là avec des services externes. Puis je peux vous dire que les gens nous
rapportent ça. D'ailleurs, je trouve
que des fois les gens nous parlent mais comme si le modèle n'avait pas évolué
depuis 20 ans, mais, depuis 20 ans, moi, en tout cas, je l'ai
vu évoluer.
Je vais vous
donner un exemple : les chirurgies, là. Les patients qui restent à
l'hôpital, là, aujourd'hui, c'est 60 %, 70 % qui ont des chirurgies en externe. Quand on avait avant ça une
tumeur, un nodule pulmonaire, on rentrait à l'hôpital, puis on investiguait… aujourd'hui, ça se fait tout
en externe, la majorité des examens sont en externe. Puis allez voir dans
les hôpitaux c'est qui, les patients qui
sont là. C'est des patients qui ont besoin souvent d'être à l'hôpital ou qui
sont... je suis d'accord avec la
transformation, qu'ils auraient possiblement d'aller en hébergement.
D'ailleurs, quand on prend une décision
comme l'assurance autonomie… Et, dans votre mémoire, vous dites quelque
chose : C'est un projet extrêmement ambitieux. La question, c'est : Est-ce qu'on doit tout transformer
le réseau puis mettre deux, trois puis quatre ans d'énergie là-dessus ou on prend les modèles qu'on à l'esprit
puis on n'essaie pas de les appliquer encore plus rapidement dans le
territoire, entre autres, à Montréal? Juste pour vous dire, Montréal, même si
l'assurance autonomie n'est pas passée, Montréal
a déjà commencé cette transformation-là. Ça fait qu'avec ou sans assurance
autonomie la transformation va se faire à cause de l'actualisation des
CSSS puis de la façon dont ils travaillent plus en collaboration actuellement.
On fait un dialogue, là, je pense qu'il faut le
regarder parce que, là aussi, ça va impliquer de l'argent, puis pas nécessairement juste investi dans les soins. Il y
en a beaucoup qui vont être investis, d'après moi, autour pour créer une
nouvelle structure. Puis, vous, je pense, ce
qui vous intéresse, c'est les soins indirects aux patients puis l'organisation.
La Présidente (Mme Proulx) :
Mme Geoffroy.
Mme
Geoffroy (Catherine) : Oui,
c'est surtout les services qui entourent la personne âgée. Je ne veux pas vous
contredire, mais, quand on va donner des
conférences dans les différentes régions, que ce… Gatineau, ou même à
Jonquière, ou dans Lanaudière, les
gens se plaignent que, pour avoir de l'aide, pour avoir des services, services
à domicile... À Laval, moi,
personnellement, juste avec les contacts que j'ai en plus, là, ça a pris un an
et demi avant que ma tante ait ces services. Je veux dire, ce n'est
quand même pas commun, là.
Alors, on
n'est quand même pas dans un système qui est prêt. Alors, je vois mieux… Et
j'ai assisté au congrès à la
conférence des coopératives de soutien à domicile, et ça m'a vraiment beaucoup
encouragée d'entendre leur discours, et
leurs objectifs, et l'énergie qu'il y avait. Et ils étaient très nourris par l'espoir qu'avec l'assurance autonomie ça va
clarifier certaines choses, ça va clarifier des territoires. Et disons que ça m'a
encouragée de voir qu'eux, qui vont être vraiment à donner des services, ils sont… c'est comme une
armée qui se prépare, là, puis ils sont… ils veulent travailler, puis... Alors
voilà.
La
Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup, Mme Geoffroy. Le
temps est écoulé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange
avec la députée d'Arthabaska pour le deuxième groupe d'opposition.
Mme Roy
(Arthabaska) : Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie pour
votre mémoire, mais je vais profiter du
micro, que j'ai, pour mettre au courant mes deux collègues, l'ancien et le
nouveau, pas Testament, mais ministre de la Santé. Bon, il y a une dépêche, qui vient de sortir chez nous,
régionalement, sur le CSSS Arthabaska-L'Érable, disant qu'ils viennent d'être agréés par Canada à une
note de 94,4 %, ce qui est très bien, tout le monde va… Ça fait que
55 % des personnes, puis ça, ça a été pris en cause dans
l'évaluation chez nous avec les services de ce CSSS là, meurent à domicile. Par contre, au Québec, la moyenne, c'est
9 %. Ils ont donc certainement fait quelque chose pour que ça donne
ces résultats-là. Ce n'est pas une question de hasard. Un petit clin d'oeil au ministre,
en passant : on pourrait leur donner un prix de félicitations puis
leur donner leur… il serait peut-être temps de les féliciter.
Maintenant,
il y a certainement une… Je veux savoir si vous avez évalué, dans les endroits
comme là ou comme ceux de mes
collègues, où ça va bien, si vous avez évalué le nombre de personnels requis
puis de quelle formation… par habitant,
per capita, par personne âgée, je ne le sais pas. Est-ce que vous avez fait des
recherches pour savoir, là, qu'est-ce que ça prend comme professionnels, techniciens,
organismes bénévoles, à but lucratif, sans but lucratif? Est-ce que vous
l'avez évalué?
Mme Geoffroy
(Catherine) : Pas en termes…
La Présidente (Mme
Proulx) : Mme Geoffroy.
Mme Geoffroy (Catherine) : Pardon. Pas en termes quantitatifs ou que… Ce
n'est pas nécessairement dans notre mandat
de faire ça. On est une petite équipe, je veux dire. Ça prendrait des
ressources, mais ça serait intéressant de le faire.
C'est
sûr que c'est une question qui est très pertinente pour le savoir. Je pense
qu'il y en a qui le savent. On peut trouver
cette… Je pense que c'est déjà… Surtout dans les régions qui sont à un peu plus
à petite échelle, ils doivent savoir et...
Je crois que ça doit être connu. Mais je ne sais pas, je regarde — non? — si on peut les avoir, ces statistiques-là.
Là où ça nous intéresse, nous, plus,
c'est, par exemple, le contenu des formations, que doivent contenir les
formations. Ça, c'est beaucoup plus
dans notre domaine, de dire : Est-ce qu'ils ont assez d'heures de
formation? Les travailleurs sociaux, ça... Et je félicite Marie
Beaulieu, à Sherbrooke, qui a réussi à rentrer un trois crédits sur la
gérontologie pour les travailleurs sociaux.
Et ça, je pense que c'est essentiel. Les travailleurs sociaux vont être des
incontournables. Ils le sont déjà dans certains endroits, mais là ils
vont probablement avoir un rôle très important à jouer.
Alors,
nous, notre rôle, ce serait vraiment beaucoup plus d'essayer d'encourager les
ordres professionnels, et c'est un
objectif qu'on a, d'encourager les ordres professionnels à réaliser qu'il y a
peut-être de l'âgisme dans leurs
milieux parce qu'ils ne veulent pas… ils n'encouragent pas les gens à
aller dans les milieux de personnes âgées.
La Présidente (Mme
Proulx) : Mme la députée d'Arthabaska.
Mme
Roy (Arthabaska) :
Vous avez dit qu'il y a déjà des
problèmes de manque de main-d'oeuvre qui génèrent une attente.
S'il
faut former cette main-d'oeuvre-là, qui est déjà… il en manque déjà, puis qu'on
veut donner plus de services, parce
qu'on en couvrirait 15 % puis on veut en mettre plus, il faut évaluer
combien de main-d'oeuvre il va nous manquer, dans quels domaines puis combien de temps ça prend à les former. C'est
pour ça que je me pose cette question-là. Ça veut dire optimiser. Optimiser le système, ça peut
prendre combien de temps? Ça prend combien de personnes pour qu'on sache
un peu dans quel bateau on s'embarque?
Mme Geoffroy
(Catherine) : Ça dépend des sous.
La Présidente (Mme
Proulx) : Mme Geoffroy.
Mme Geoffroy (Catherine) : J'ai dit : Ça dépend des sous. Ça dépend des
ressources qu'il va y avoir, mais c'est aussi… Et je pense que Marie-Claude, qui est vraiment dans cette
situation-là au niveau de la formation, elle va pouvoir répondre.
• (18 h 10) •
Mme Messier (Marie-Claude) : Sans m'adresser directement à la formation, pour
répondre à cette question-là, ce qu'il me semble, moi, évident, c'est
qu'au niveau ressources et peut-être budgets ça ne coûtera pas plus cher que d'envoyer les aînés dans un CHSLD. Ça fait que ce
qui est important, c'est de mettre ça en priorité et de le mettre de l'avant
puis arriver… Et de toute façon la situation
est là. Aujourd'hui, ce qui arrive, c'est qu'il y a plein de personnes à
domicile, des personnes âgées à
domicile qui… on ne le sait pas, ont besoin de services, mais eux ne savent pas
que les services existent, et nous, on n'a pas fait leur évaluation parce
qu'on est débordés.
Alors,
ce qu'on veut, c'est… disons, commençons par accélérer. Puis, oui, il faudra
faire un plan pour mettre les ressources en place, et tout, mais ça ne demandera pas plus
de ressources que des ressources en CHSLD. Et c'est le désir de l'aîné, de vivre le plus longtemps
possible à domicile, alors c'est clair qu'il faut aller de l'avant. Puis la
première étape, ça sera bien sûr
d'évaluer le nombre de ressources requises par région, de faire un plan
d'implantation. Dans le mémoire, ce
qu'on dit, c'est : Allons-y rapidement mais sûrement, donc, étape par
étape. C'est clair qu'il ne faut pas lancer ça dans toutes les régions à
pleine capacité, il faut y aller à la hauteur de formations et... Mais un plan
de projet sera requis, certainement.
La Présidente (Mme
Proulx) : Merci beaucoup, Mme Messier. Alors, le temps s'est
écoulé.
Je suspends les
travaux, compte tenu de l'heure, jusqu'à 19 h 30. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
18 h 11)
(Reprise à 19 h 31)
La
Présidente (Mme Proulx) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
Nous allons
poursuivre, sans plus tarder, les consultations
particulières et auditions publiques
sur le livre blanc sur la création d'une assurance autonomie intitulé L'autonomie
pour tous.
Je
souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les fins d'enregistrement, je vous
demande de bien vouloir vous présenter. Je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la
suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.
La parole est à vous.
Centre de recherche sur le vieillissement
M. Tousignant (Michel) : Mme la Présidente
de la commission, M. le
ministre Hébert, Mmes et MM. les députés, je suis Michel Tousignant, directeur scientifique
du Centre de recherche sur le vieillissement. C'est avec grand plaisir que le Centre de recherche sur le vieillissement
du CSSS-Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke a répondu à l'appel
de présenter un mémoire dans le cadre de l'assurance autonomie, et nous vous en
remercions.
J'aimerais commencer
par vous présenter les personnes qui m'accompagnent, soit Pre Mélanie
Levasseur, professeure à l'école de réadaptation
de l'Université de Sherbrooke et
chercheure au Centre de recherche sur le vieillissement, et Pr Yves Couturier, professeur à l'École de
travail social de l'Université de Sherbrooke, chercheur au Centre de
recherche sur le vieillissement et
titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les pratiques professionnelles d'intégration
des services.
Nous
avons abordé ce mémoire sous l'angle d'un paramètre crucial, selon notre point de vue, soit l'intégration des
services. En effet, notre Centre de recherche a développé une
expertise digne de mention dans ce domaine. Pensons, entre autres, à l'étude PRISMA qui sert de
modèle à l'implantation des réseaux intégrés de services pour les personnes
âgées et qui est même
citée en Australie présentement. Tel que convenu, notre équipe prendra les
10 minutes allouées pour faire
une courte présentation portant sur le contenu du mémoire. Nous serons par la
suite disponibles pour répondre aux différentes questions. Cependant,
nous allons vous offrir nos avis de chercheurs en s'éloignant des opinions non
scientifiques.
Sur
ce, il me fait plaisir de passer la parole à Pr Couturier, qui est un expert en
intégration des services, qui, à nos yeux, semble être un facteur
dominant. Pr Couturier.
La Présidente (Mme
Proulx) : Pr Couturier.
M. Couturier
(Yves) : Alors, merci. Mesdames et messieurs, bonsoir.
Alors,
tel que présenté dans le mémoire, le Centre de recherche sur le vieillissement
du CSSS-IUGS accueille très favorablement
la création de l'assurance autonomie. Toutefois l'implantation réussie d'une telle innovation
requiert un certain nombre de
conditions structurelles sur lesquelles notre présentation orale insistera.
Mais, avant de les discuter autour des
11 recommandations que nous avons formulées, il importe de justifier brièvement
cet appui. Nous partons du postulat très important que l'assurance autonomie est
profondément interdépendante de la réforme de 2004 visant l'intégration des services pour les clientèles présentant des
situations cliniques complexes. Nous estimons que la création de l'assurance
autonomie constitue une condition très
favorable à la complétion de cette importante réforme, mais, pour la même
raison, l'assurance autonomie est
tributaire de la qualité de l'implantation de cette réforme qui en sera, en
pratique, la principale assise.
L'analyse de
l'effectivité de cette réforme nous a permis de tirer quelques leçons
desquelles sont issues les 11 recommandations que nous vous présentons.
Pour
la première d'entre elles, nous pensons qu'il importe de développer une
stratégie intégrée d'accompagnement du changement assortie des
ressources dédiées et suffisantes pour ce faire. Nous vous rappelons que la majorité
des innovations jugées bonnes en principe, voire démontrées scientifiquement
performantes meurent de leur belle mort le plus
souvent par faute d'un accompagnement de qualité. La réforme de 2004 s'appuyait
d'ailleurs sur des preuves solides et sur une méthodologie fondée scientifiquement.
L'accompagnement du changement du MSSS fut en deçà de ce que requérait l'ampleur de la réforme. Cela explique
sans doute pourquoi, par exemple, la composante gestion de cas n'est pas
complètement implantée aujourd'hui.
La
seconde recommandation découle de la première, assortie d'une stratégie
volontariste de conduite du changement.
Il importe que le MSSS énonce avec plus de clarté les paramètres de conception
des composantes fonctionnelles de
l'intégration des services. Bien entendu, nous savons qu'il faut trouver un bon
équilibre entre prescription du changement et capacité locale d'adaptation des modèles, mais un défaut de
prescription des éléments clés de l'innovation fera en sorte qu'elle perde de son pouvoir transformateur, les
anciennes pratiques perdurant alors. Cela se voit aujourd'hui sur le terrain, la plupart des composantes du modèle de la
réforme n'ayant pas eu autant d'effets que voulu.
La
troisième recommandation porte sur les outils cliniques requis au bon fonctionnement de l'assurance autonomie. Nous
pensons que le duo outil multiclientèle et profil ISO-SMAF est bon et efficace
et que son usage est, en gros, adéquat. Nous pensons cependant utile de soutenir à moyen terme l'évolution des outils cliniques en question vers une intensification des perspectives
de restauration de l'autonomie, de participation sociale et de promotion de la
santé et du bien-être.
Quant
à la quatrième recommandation, nous soulignons qu'une intensification d'une
approche restaurative et de participation
sociale nécessitera un meilleur accompagnement et une meilleure reconnaissance
de l'importante contribution
des organismes communautaires et des proches aidantes.
La
cinquième recommandation porte sur le monitorage de l'implantation de cette
importante politique publique. Tous
les écrits scientifiques soulignent la nécessité d'un suivi continu du
changement, notamment de ses éventuels effets inattendus. Force est de constater que la réforme de 2004 n'a pas été
suffisamment monitorée pour donner au MSSS une capacité de conduite proactive du changement. Pour contrer cela, une
équipe ministérielle de monitorage du changement attentive aux effets pervers des adaptations locales doit être créée.
Cette équipe doit avoir plus de moyens que celle qui monitora la réforme
de 2004. Nous vous suggérons aussi de soutenir une équipe de recherche
développementale indépendante, chargée de l'évaluation continue de son
implantation.
La sixième recommandation
porte sur la formation des professionnels et des gestionnaires. Dans les systèmes
complexes, comme c'est le cas, bien entendu,
des bureaucraties professionnelles dans le champ de la santé et services
sociaux, le changement ne peut pas venir que
de décisions managériales. Ces décisions doivent être accompagnées d'une
stratégie explicite de formation et de
qualification des cadres et des professionnels, notamment ici des gestionnaires
de cas.
La septième
recommandation porte sur une condition fonctionnelle essentielle à l'assurance
autonomie. De notre point de vue,
l'une des conditions parmi les plus critiques de la mise en oeuvre réussie et
durable de la réforme de 2004, et donc
de l'assurance autonomie, est le parachèvement de l'informatisation clinique.
Il y a d'ailleurs quelques leçons à tirer de l'ObamaCare à ce propos. Au Québec, il importe de se doter
collectivement d'un plan pour accomplir la solution RSIPA, en gros, telle qu'elle a été conçue initialement.
À défaut d'une telle complétion, l'assurance autonomie peinera à accomplir
le changement de pratique visé.
La qualité
fonctionnelle du lien entre hôpitaux tertiaires et CSSS dans les continuums de
services constitue le thème de notre
huitième recommandation. La réforme de 2004 a exclu du mouvement de fusion les
hôpitaux tertiaires. Nous ne proposons
pas de les fusionner, mais force est de constater que la collaboration entre
CHU et CSSS demeure un enjeu très important
en termes de continuité des services. Nous proposons de constituer, à ce
propos, un comité de travail national sur les conditions d'un continuum
fonctionnel et efficace entre CSSS et hôpitaux tertiaires.
• (19 h 40) •
La neuvième recommandation est sans aucun doute
la plus importante, elle porte sur l'enjeu de contrôle de la qualité des services offerts hors CSSS, soit la
condition environnementale adverse la plus risquée en termes de pérennisation
de l'assurance autonomie. Il importe de
créer dès que possible un cadre
normatif général de la qualité des services hors CSSS assorti des moyens nécessaires à son bon fonctionnement. À défaut de l'établissement de cette condition, le ministre
et son ministère seront condamnés à
gérer une longue succession de microcrises qui mineront à terme la capacité de
l'assurance autonomie à atteindre ses objectifs, malgré sa qualité
intrinsèque.
La dixième recommandation porte sur le risque de détournement de la conception clinique de
l'assurance autonomie vers une
conception trop managériale. Il importe d'endiguer tout risque d'usage
technocratique des allocations de soutien à l'autonomie et de déviation de la fonction clinique des profils
ISO-SMAF en énonçant clairement que ces outils ont une finalité, avant tout, clinique. Cela confortera
les cliniciens, dont certains craignent que leur travail soit altéré par un
usage administratif de l'allocation
d'assurance autonomie. Ce constat souligne l'importance de nos recommandations
portant sur la formation et l'accompagnement du changement.
Enfin, la
dernière concerne la composante la plus souvent oubliée du modèle conceptuel
ayant fondé la réforme de 2004, soit
la concertation. La création de l'assurance autonomie suscitera l'expansion des
réseaux locaux de services, ce qui
est une très bonne chose. Pour accompagner cette expansion, il faudra
revaloriser et soutenir davantage la concertation autour de ces réseaux
locaux de services.
En
conclusion, l'assurance autonomie est, de notre point de vue, et ce, de façon
indiscutable, une politique publique très
importante qui a le potentiel de contribuer de manière cruciale au
parachèvement de la grande réforme de 2004. Nous invitons cependant le ministre à prendre appui sur une analyse
rigoureuse des conditions structurelles qui ont conduit à une implantation, en partie, décevante de cette
réforme très importante. En fait, cela est au coeur de notre message. Les mêmes
causes auront les mêmes effets si elles ne
sont pas prises en considération dès maintenant. Heureusement, nous avons la
chance de pouvoir tirer, ce soir, ensemble
des leçons de cette très importante expérience. Le présent mémoire vous a
présenté l'analyse que nous en faisons. Merci.
La
Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup. Alors, avant d'aller
plus loin, j'aimerais demander aux membres de la commission s'il y a consentement afin de permettre au député de
La Prairie de participer à la séance. Consentement? Consentement.
Merci.
Alors, nous
allons maintenant débuter la période d'échange avec le groupe formant le
gouvernement. M. le ministre, la parole est à vous.
M.
Hébert : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue, messieurs, Dre Levasseur.
Vous
présentez l'assurance autonomie comme étant le dernier élément de l'intégration
des services. On sait qu'il y a eu deux expériences importantes
d'intégration des services au Québec, SIPA et PRISMA. SIPA devait inclure un changement dans le mode de financement qu'ils
n'ont pas été capables de mettre en application étant donné le caractère
expérimental de SIPA, même chose pour
PRISMA. Certains disent que les modèles d'intégration vont s'implanter et que
l'assurance autonomie ne sera pas nécessaire
pour pouvoir procéder à l'implantation. Ce n'est pas ce que vous semblez
affirmer, puisque vous dites que de donner
le levier de l'allocation de soutien à l'autonomie aux gestionnaires de cas
pour pouvoir avoir les services,
c'est un élément extrêmement important. Alors, j'aimerais ça vous entendre sur
cet aspect.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Couturier.
M. Couturier (Yves) : Oui. Alors,
vous avez bien compris le coeur de notre message.
Pour donner
une illustration, on pourrait dire que la réforme de 2004, qui a été si
importante, hein, c'est la réforme la
plus importante depuis la création du réseau québécois, eh bien, cette
réforme-là, c'est des fondations, et l'assurance autonomie, c'est un peu comme la clé de voûte. L'ensemble va tenir si
l'un et l'autre sont cohérents. Et, dans ce sens-là, c'est plus qu'une assurance ou qu'une modalité
particulière de financement, bien que ça soit important que ça soit dédié,
mais c'est une composante essentielle de
parachèvement de cet important effort qui a été créé, qui a été fait au Québec
depuis en fait les années 90… d'abord, des innovateurs locaux… qui a abouti
lors de la grande réforme de 2004.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le ministre.
M.
Hébert :
Incidemment, les experts internationaux d'intégration — puis
je cite Dennis Kodner, que vous connaissez
bien — jugent
fondamentales l'intégration financière et la modification du financement des
prestataires, des prestations de services. Alors, ça s'appuie aussi sur
une littérature internationale.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Couturier.
M. Couturier (Yves) : Oui. Et c'est
des débats qu'on voit un peu partout effectivement, où on discute de ces questions-là. Je pourrais vous dire ceci : On
a mis beaucoup d'efforts à innover de manière brillante au Québec, on est
des chefs de file à cet égard-là, hein,
Dennis Kodner, notamment, cite le Québec comme un exemple dans le monde, mais
tout ça s'est fait sans qu'on touche à une
condition structurelle cruciale qui est le financement. Et donc on peut innover
tant qu'on veut. Si l'ordre des choses
financier demeure le même, on… il y a un plafond de verre, et, je pense, on est
un peu rendus au plafond de verre. Je
mets beaucoup d'espoir dans la création d'une telle assurance pour engager la
suite des transformations requises
pour le bien-être notamment des personnes âgées qui nous intéressent mais de
toute personne en perte d'autonomie fonctionnelle.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. le ministre.
M.
Hébert :
Je voudrais profiter de la présence de Dre Levasseur pour approcher un point
que vous soulevez dans votre mémoire, qui est la participation sociale.
On sait que, chez les personnes âgées et surtout chez les personnes handicapées
plus jeunes, c'est un élément important. Vous soulignez qu'il faudrait accorder
plus d'importance à la participation sociale. J'aimerais vous entendre sur cet
aspect-là.
La Présidente (Mme Proulx) :
Dre Levasseur.
Mme
Levasseur (Mélanie) : Bien
sûr. En fait, oui, la participation sociale est un élément crucial si on
s'intéresse aux déterminants de la santé des aînés et des personnes en
perte d'autonomie.
Donc,
effectivement, le SMAF, le Système de mesure de l'autonomie fonctionnelle, a
été identifié comme étant une mesure
qui ne permettait pas de bien cibler le fonctionnement et les activités
sociales. Par contre, il y a le SMAF social qui a été développé et validé à l'intérieur même, là, du Centre de
recherche sur le vieillissement. Donc, cette dimension, cette nouvelle composante là du SMAF, elle est
prête à être intégrée, là, à l'outil… et à considérer cet aspect-là qui est
important pour permettre aux CSSS de
réaliser leur responsabilité populationnelle de la santé et du bien-être de
l'ensemble de la population. Donc, de
permettre aux gens, aux intervenants d'agir en amont à la perte d'autonomie,
donc avant que l'instauration d'une
diminution de l'autonomie survienne, donc, par les loisirs, par les activités
dans la communauté, c'est toutes des
choses qui permettent de maintenir l'autonomie fonctionnelle et de rejoindre la
responsabilité populationnelle des
CSSS, responsabilité qu'ils partagent avec des partenaires clés, qui sont les
organismes communautaires, dont le rôle et l'apport peuvent être mis
davantage en évidence grâce à l'assurance autonomie.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. le ministre.
M.
Hébert :
Certains groupes ici ont questionné la validité du SMAF et surtout des profils
ISO-SMAF pour les personnes
handicapées. Et je sais que vous avez mené des travaux, notamment des travaux
internationaux, Dr Tousignant et
votre équipe, sur les profils ISO-SMAF chez les personnes handicapées.
J'aimerais que vous nous en parliez un peu.
La Présidente (Mme Proulx) :
Dr Tousignant.
M.
Tousignant (Michel) :
Certainement. Bon, commençons par citer des travaux qui ont été faits ici, au
Québec, dans notre contexte
québécois, où, chez des personnes qui recevaient des services de soutien à
domicile des CLSC de la Montérégie,
on a pris des gros échantillons — c'est une population, donc tous les gens qui
recevaient des services — et il y avait 6 000
personnes âgées en perte d'autonomie, et on avait 2 000 personnes en
déficience physique. Donc, on a testé l'application des profils
d'ISO-SMAF. Est-ce qu'on est aussi précis dans l'identification des besoins
pour ces deux groupes-là qui sont
différents? Les résultats publiés dans le livre PRISMA sont concluants. Pour
les personnes âgées, cette identification de besoins tourne autour de
95 %. C'est fameux. Pour les personnes en déficience physique, cette concordance des besoins est de 87 %. Ce n'est
pas parfait, on voit une petite migration, mais c'est quand même un outil
fort intéressant qui peut nous dire qu'on est capables de capter l'ensemble des
besoins de cette clientèle-là.
Une autre
étude a été faite en France où on a implanté l'outil SMAF dans un territoire
français, la Dordogne. Donc, la
France a payé des Québécois pour aller implanter un outil chez eux dans le but
de faire un peu l'évaluation des besoins de tout un territoire. Donc là, on n'a pas dit : On va commencer à
sectoriser les différentes clientèles. Vous avez tout un territoire de personnes, des adultes, des
personnes avec déficience physique, des personnes âgées en perte d'autonomie,
et on a utilisé le système de la mesure de l'autonomie fonctionnelle et
les profils d'ISO-SMAF. Le but était pour eux de dresser un portrait de la population et d'en dégager les besoins de
façon à être capables de développer des offres de services cohérentes. Encore là, dans cette
expérimentation-là, il n'y a pas eu d'exclusion, il n'y a pas eu de paramètres
qui nous ont dicté que cet outil-là ne pouvait pas bien évaluer les
besoins des déficiences physiques.
Donc,
c'est peut-être les deux grandes études
qui nous permettent de se rassurer… vous savez qu'un instrument requiert certaines études de validation et de
généralisation… donc, nous permet de nous rassurer, jusqu'à un certain point, de la possibilité
de quantifier ces besoins-là.
• (19 h 50) •
La Présidente (Mme Proulx) : M.
le ministre.
M.
Hébert : Je voudrais revenir sur le modèle de gestionnaire
de cas, le modèle de gestion de cas et plusieurs modèles qui ont été testés. Quel est le modèle que vous retenez ou que
vous suggérez, vous recommandez d'implanter au Québec actuellement?
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Couturier.
M.
Couturier (Yves) : Ce qui
est très important, c'est que le ministère se fasse une tête
sur un modèle, en tout cas,
privilégié et le diffuser avec force détails pour ne pas que les gens retombent
sur leurs pattes à faire des pratiques un peu comme il se faisait auparavant.
Ce que je
peux vous dire, et je sais que ça va
paraître un peu chauvin, mais je vous dis que ce n'est pas le cas, il faudra me croire sur parole, le contexte
sherbrookois a développé une pratique de gestion de cas admirable. Ils ne sont
pas meilleurs qu'ailleurs, les gens de
Sherbrooke. En fait, ils ont une caractéristique particulière, c'est qu'ils ont
eu de manière suivie la présence d'une
équipe de recherche sur le très long terme qui les a accompagnés, ce qui montre
l'importance de la prescription ou de
l'orientation d'un bon modèle de gestion de cas. On peut certainement entendre
le fait qu'il doit y avoir de
l'adaptation d'un contexte à l'autre, là, et je l'entends bien, mais à travers
quelques paramètres tout de même qui
vont encadrer un peu ce que les gens doivent faire, sinon… Ça se voit un peu
partout au Québec, malheureusement, où on nomme des gestionnaires de cas
sans avoir toute la profondeur requise pour bien faire ce travail-là.
Je verrais un travail de gestion de cas en
équipe multidisciplinaire avec une composante clinique importante, c'est-à-dire des gens qui vont à la fois faire le
travail d'évaluer, planifier et coordonner les services mais avec une composante
clinique qui leur permet de rester bien ancrés sur les dimensions cliniques.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. le ministre.
M.
Hébert : Au niveau
de la formation des gestionnaires de cas, on a eu ici les deux ordres
professionnels, infirmières et travailleurs
sociaux, qui nous ont dit que la formation initiale incluait actuellement un
certain nombre de connaissances et
d'habiletés pour la gestion de cas. J'aimerais, un, vous entendre là-dessus et,
deux, vous entendre sur la formation des professionnels en exercice
actuellement qui deviennent des gestionnaires de cas.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Couturier.
M.
Couturier (Yves) : Alors, à
ma connaissance, il n'y a aucune formation sérieuse en gestion de cas au
Québec, mis à part un microprogramme
de deuxième cycle qui se donne à Sherbrooke et pour lequel il y a très peu de
recrutement.
La stratégie
qui a été faite depuis 2004 est une stratégie raisonnable, a été surtout de
former les gens en emploi à travers
des formations ciblées qui étaient plutôt, à mon avis, de qualité, là, mais qui
ne donnent peut-être pas la profondeur qu'il
faut pour que ces acteurs-là puissent faire leur travail de démultiplicateurs,
si je peux dire. Alors, probablement que proposer une formation panquébécoise universitaire qualifiante, c'est
peut-être difficile à envisager, là, mais il pourrait y avoir, dans les paramètres de conception que j'ai évoqués
tout à l'heure, une indication sur un certain nombre d'acteurs qui seraient
formés de manière plus sérieuse dans des formations universitaires autonomes,
si je peux dire.
Mais, je peux
vous affirmer, vous… contredire ce que les gens ont dit des ordres professionnels,
il n'y a pas de formation sérieuse.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. le ministre.
M.
Hébert : Et vous
êtes professeur à l'école de service social de l'Université de Sherbrooke?
M. Couturier (Yves) : Oui.
M.
Hébert : O.K. Donc,
il faudrait que les universités s'y mettent, si j'ai bien compris.
M. Couturier (Yves) : Il faut que
les universités s'y mettent.
M.
Hébert : O.K.
M.
Couturier (Yves) : Puis on
est un peu coincés : soit qu'on investit massivement dans la formation
continue en emploi, qui pose une
limite logique, hein, les gens travaillent, ils ont… ou soit qu'on crée les
conditions pour qu'il y ait des formations qualifiantes à l'université.
Et ça, malheureusement, les conditions ne sont pas réunies pour l'instant.
M. Tousignant (Michel) : Je me
permettrais un commentaire, et…
La
Présidente (Mme Proulx) : M. Tousignant.
M. Tousignant (Michel) : Je m'excuse, madame. Je me permettrais un commentaire. Et
je pense qu'il faut saluer les formations
qui ont lieu depuis 2004, mais il y avait peut-être une certaine ambiguïté sur
qu'est-ce que c'est, la gestion de
cas, c'est quoi, les modèles, c'est quoi, les meilleures pratiques, et, si on
n'a pas un consensus établi pour donner un enseignement, bien ça fait un peu, je vous dis : Faites ça comme
ça, puis l'autre va dire : Bien, c'est peut-être différent, c'est
comme ça, ce qui fait un message provincial un petit peu différent.
On
a travaillé avec le ministère sur un appel d'offres du ministère récemment pour
définir clairement, succinctement, pas
dans une brique de 300 pages, dans un document qui tient sur 20 pages, quels
devraient être les paramètres importants à inclure dans une formation au personnel en exercice. Donc, c'est une
étape de plus qui va sûrement faciliter la formation des intervenants.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le ministre.
M.
Hébert :
Le projet d'assurance autonomie prévoit une gestion publique de l'ensemble des
prestataires de services avec l'établissement
de normes de qualité et de normes de formation également. Est-ce que vous
croyez que cette composante de l'assurance autonomie est importante et
devrait être gérée par les agences ou par les centres de santé et de services
sociaux? Qui devrait gérer les normes de qualité et l'accréditation des
prestataires, en d'autres termes?
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Couturier.
M. Couturier (Yves) : Alors, je n'ai pas de réponse claire à cet égard-là, je n'ai pas
travaillé directement sur ce thème-là. Par contre, je dois souligner à
grands traits la nécessité d'avoir une stratégie très volontariste à l'égard de
la qualité. C'est un enjeu important. Je ne
crains pas une déferlante de maltraitance ou... ce n'est pas ça que je crains,
je crains du désordre qui pourrait
happer de l'énergie que tout un chacun va dépenser pour contrôler des actions.
Ça pourrait faire diversion, ça pourrait faire détourner l'esprit, ce
n'est pas une bonne chose.
Ce
que je peux vous dire aussi, c'est qu'il faudrait prendre le temps d'analyser
comment les agences et les CSSS réussissent ou ne réussissent pas à
relever le défi de la qualité autour de la question des ressources
d'hébergement. Je pense qu'il y a un
parallèle très fort à faire. Il ne suffira pas que d'énoncer des principes, il
va devoir y avoir des gens qui auront les moyens du mandat qui leur sera
accordé à l'égard du contrôle de la qualité.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le ministre.
M.
Hébert : Vous parlez, dans votre mémoire, et vous en faites
des recommandations, là, de l'accompagnement au changement. J'aimerais ça vous entendre plus en détail sur le type
d'accompagnement qui devra être mis en place lors de l'implantation de
l'assurance autonomie.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Couturier.
M. Couturier (Yves) : Non, il y a plusieurs composantes. Sans doute que la première est une
prescription beaucoup plus... Quand
je dis le mot «prescription», c'est dans le sens d'une orientation plus
opérationnelle des grands principes qui guideront l'assurance autonomie.
Si
on prend appui sur l'expérience de la réforme de 2004, il y avait des textes
fondateurs extrêmement intéressants que je signerais moi-même à deux mains si
cela était possible, mais ça manquait d'opérationnalisation. Il faut descendre
un peu plus dans les détails. Alors, je sais
que ce n'est pas votre mandat de faire de la microgestion, mais, entre la microgestion et l'énonciation de principes
généraux, il y a un juste milieu qu'il faut savoir trouver, sinon les gens
réinventent les trucs à leur façon dans leur contexte.
J'ai
beaucoup travaillé dans le contexte français, à implanter, d'ailleurs, les
modèles québécois dans le contexte français,
et ils ont développé une stratégie d'accompagnement du changement autour de ce
qu'ils appellent, eux autres, des pilotes,
des pilotes de projet. C'est des gens qui sont dédiés, qui ont un temps de
travail dédié à accompagner les décideurs locaux dans les décisions qu'ils prennent, et ça fait une grande
différence. Alors, la compétence requise pour ces gens-là, c'est à la fois une compétence clinique. Ils
doivent connaître le tabac, pour le dire simplement. Ils doivent avoir aussi
une compétence en termes de gestion
de projet, de changement, etc. Il faut aussi qu'il y ait une équipe de
monitorage, et elle doit être apte à capter en temps réel les éventuels
effets inattendus, voire pervers que va générer cette innovation-là, comme
toute innovation. Toute innovation, au moment de l'usage, génère des
contre-usages, et une bonne gestion du changement
requiert ça. C'est-à-dire, pour le dire simplement, l'équipe qui a travaillé
autour de SIPA, l'outil ministériel, a fait tout ce qu'elle pouvait pour
collecter de l'information et la redonner aux gens en poste à l'époque. Ils
manquaient de moyens pour faire leur travail, ils manquaient de
profondeur scientifique pour faire leur travail, et ça, évidemment ça produit
une gestion plus à courte vue. Quand
on n'a pas toute l'information qu'il faut pour prendre les décisions… C'est
important.
J'aimerais
attirer votre attention, puis je me tais après, sur cette question-là.
70 % des innovations meurent, et la plupart de ces innovations-là étaient bonnes en principe, et même une
grande partie d'entre elles étaient fondées scientifiquement, et toutes les données probantes sur la conduite du
changement disent ça : Vous devez mettre autant de… bien, pas autant d'argent, mais avoir une
préoccupation aussi intense à l'accompagnement du changement qu'à la conception
et qu'à la mise en oeuvre.
• (20 heures) •
La
Présidente (Mme Proulx) : M. le ministre.
M.
Hébert : Nous avons reçu ici le centre de recherche de
l'institut de gériatrie de Montréal, qui nous faisait la recommandation, la même que la vôtre, de prévoir
une évaluation de l'implantation. Quel est le modèle que nous devrions préconiser pour inviter la communauté
scientifique? Est-ce que c'est un appel de projets, un appel de subventions, un
appel d'offres? Quel est le modèle
que vous nous suggérez d'implanter pour s'assurer qu'une équipe de recherche
puisse suivre l'implantation?
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Couturier.
M. Couturier (Yves) : Il y a peut-être une idée qui est toute proche du ministère, c'est le
modèle qui a été déployé pour monitorer l'implantation des
17 projets pilotes découlant du Plan Alzheimer, et c'est un appel à
projets qui avait comme paramètre de conception de réunir les quatre RUISV. Et
ça fait en sorte que, plutôt que d'avoir des gens en compétition qui développent leurs trucs dans leur coin… de fédérer les
acteurs qui comptent autour d'un objet important. Et cet objet-là, ce n'est pas un objet comme un
autre, ce n'est pas un autre projet de recherche pour un objet intéressant.
Il
est impératif qu'on réussisse cette implantation-là. Et, dans le modèle que je
vous suggère, si vous remarquez bien les mots que j'ai employés, j'ai
employé le terme… on a employé le terme de «recherche développementale»,
c'est-à-dire que le devis pourrait non seulement se mettre en surplomb et
documenter les faits puis décréter en fin de parcours :
Ça marche, ça ne marche pas, mais plutôt avoir une synergie, un retour
d'information continu avec les gens qui
implantent l'innovation sur le terrain. Et ça, c'est très important parce que
ça donne une chance à l'innovation d'avoir un effet tout en produisant
une connaissance substantielle pour la suite des choses.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le ministre.
M.
Hébert : Vous soulignez dans votre mémoire l'importance de
la liberté de choix du domicile, domicile étant entendu au sens large, résidence individuelle ou collective. J'aimerais
que vous étayiez cette affirmation de cette importance-là par les
données scientifiques dont vous disposez.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Couturier.
M. Couturier (Yves) : Alors, tous les modèles, je dis bien «tous», tous les modèles
conceptuels récents de la qualité des services insistent là-dessus.
C'est
bon pour les personnes parce qu'elles le veulent, c'est bon pour leur santé parce
qu'elles n'attrapent pas des maladies
nosocomiales sur les poignées de porte, c'est bon sur le plan cognitif parce
qu'elles demeurent actives. Et la participation sociale passe par ça. Un
domicile permet la participation sociale, et en plus c'est moins cher. Alors,
il faut y aller, hein? C'est sûr qu'il faut y aller.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le ministre.
M.
Hébert : Peut-être une réflexion sur une caisse dédiée pour
gérer l'assurance autonomie. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus,
sur l'importance de sécuriser les sommes?
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Couturier.
M. Couturier (Yves) : Alors, c'est son caractère dédié qui fait sa valeur. Sans ce
caractère-là, bien entendu, on risque
de retomber sur des vieux modèles de financement dont on sait qu'ils causent
des problèmes depuis… bien, pas des
problèmes, qui limitent la capacité des acteurs de terrain à évoluer vers les
modèles récents d'organisation des services.
Je
mets un tout petit bémol là-dessus en disant ceci : Une des forces
importantes du modèle québécois, et ce n'est pas pour rien que le Québec
a si innové en matière d'intégration de services, c'est parce qu'on vient d'un
modèle dit beveridgien. Je ne vais pas faire un cours, là, mais c'est l'idée
qu'il y a une cohérence très forte avec un modèle universaliste. C'est très important, c'est incontournable que l'État
garde un contrôle très serré sur cette enveloppe-là. Dit autrement, on pourrait évoquer l'idée d'avoir des
modèles assurantiels de type privé, par exemple. Cela est un facteur de désintégration. Si vous voulez vous amuser dans
un contexte désintégré, allez voir un modèle de type bismarckien, c'est
le modèle français, par exemple, où il y a 50 payeurs potentiels avec des
incohérences multiples et des coûts administratifs gigantesques. Le fait que ça
soit dédié et sous le contrôle de l'État, entendez-moi bien, ça peut être un contrôle indirect, ça peut être une agence, je ne
le sais pas, mais le fait qu'il y ait un contrôle fort permet de poursuivre
la cohérence budgétaire et donc de faire front de cet avantage
stratégique qu'a le Québec en
termes de financement. Mais c'est
donc le caractère dédié qu'il faut préserver à tout prix.
En
fait, mettre de l'argent dans le système... pas dans le système actuel, dans le mode
de financement actuel, c'est comme de l'eau dans le sable. Je suis
convaincu que les gens font de quoi de positif avec, là, bien entendu, mais on
n'atteindra pas les cibles visées si on fait ça.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Tousignant, il reste environ une minute.
M. Tousignant (Michel) : Un court commentaire sur le dernier point. On a remarqué dans des études
qu'on a faites ici, au Québec,
que, même si on investissait de l'argent dans le soutien à domicile pour les personnes qui
sont, à la maison, en perte d'autonomie, l'argent ne se rendait pas jusqu'à
ces personnes-là parce que d'autres programmes qui nécessitent des urgences,
exemple… pas des urgences hospitalières, mais, quelqu'un qui rentre à la maison
avec une prothèse de genou, il faut qu'on
envoie l'infirmière et le physiothérapeute demain, ce n'est pas la semaine prochaine. Donc, malgré le rehaussement du financement, la personne qui
est en perte d'autonomie à la maison bénéficiait peu de cet investissement d'argent
là, ça retournait plus vers le domaine que j'appelle plus aigu, versus
chronique.
La Présidente (Mme
Proulx) : Merci. Alors, nous allons maintenant poursuivre les
échanges avec le groupe formant l'opposition officielle. La parole est au député
de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à notre commission. C'est très intéressant,
la conversation, surtout que vous avez quand même une expérience au
niveau international.
J'aimerais
revenir sur le dernier exemple, là, la prothèse de hanche qui s'en va... ou de
la prothèse du genou qui s'en va à
domicile. Elle doit recevoir de la physiothérapie parce que,
sinon, elle ne sortira pas de l'hôpital. Et là ce que vous dites, c'est qu'il y a de l'argent qui est pris pour le médecin à domicile pour la
perte d'autonomie qui irait vers cette prothèse-là?
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Tousignant.
M. Tousignant (Michel) : Ce n'est pas ce
que je dis, je dis : Dans l'ancien, dans le système de financement qui
date des années 2005, dans les investissements qui ont eu lieu, qui devaient aller soutenir les personnes âgées dans
la maison, l'enveloppe ne se rendait pas jusqu'à ces personnes-là, elle
était dérivée vers d'autres situations peut-être plus urgentes.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Je connais le système quand même
depuis longtemps, puis ça, c'étaient des priorités qui ont quand même
été faites pour sortir nos patients, qui coûtaient très cher dans les unités de
chirurgie, pour les amener vers le domicile.
Puis ça, je pense, ça a été quand
même une bonne innovation puis un
beau virage. Mais ce que je
comprends, c'est que ça n'empêche pas qu'il faut aussi de l'argent
pour le maintien de l'autonomie.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Tousignant.
M. Tousignant (Michel) : Nous sommes entièrement d'accord sur ce point-là, ça prend aussi de l'argent
pour le maintien de l'autonomie.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci. Puis, en passant, ce que vous dites, on endosse ça. Le maintien
à domicile, garder nos gens le plus longtemps possible à domicile, c'est vraiment l'orientation qui doit être prise. Je pense que d'ailleurs c'est une orientation qui est prise depuis un certain nombre d'années. Je suppose que vous
êtes d'accord avec ça. Je sais, à Sherbrooke, que vous
avez fait ce virage-là depuis un certain temps, là.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Tousignant.
M. Tousignant
(Michel) : Oui, nous sommes en accord que le virage vers le
soutien à domicile est vraiment important. Il y a eu des beaux efforts qui ont été consentis
dans les dernières années, et nous ne pouvons que remercier les différents gouvernements, mais on doit faire
plus parce que le taux de réponse aux besoins des personnes à la maison varie
à peu près autour de 15 %.
Ma position de chercheur sur : Est-ce que les
besoins sont comblés à une certaine hauteur qui permet de garder ces
personnes-là le plus longtemps possible à la maison? On a peut-être des efforts
supplémentaires à faire.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Bon, on a
certainement des gains à faire.
Quand
vous parliez d'enveloppes dédiées, vous voulez dire «des enveloppes protégées», que ce soit à l'intérieur du budget d'un établissement ou encore dans ce concept un peu de l'assurance autonomie, où on sort complètement de l'établissement, on met ça à l'extérieur, et l'établissement va devoir faire affaire avec cette assurance autonomie là par la suite sous forme d'allocation
pour aller chercher l'argent.
Pour
vous, est-ce qu'il y a une différence
entre les deux, ou le fait d'avoir une enveloppe dédiée, protégée, dans
un cas ou l'autre, peut être aussi efficace?
M. Tousignant
(Michel) : ...
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Tousignant.
M.
Tousignant (Michel) :
Je m'excuse, je ne suis pas habitué. Ce qu'il faut, c'est qu'elle soit dédiée.
Le moyen de le faire, ce n'est pas de
mon niveau, je ne suis pas un administrateur d'établissement. Il ne faut pas
rendre l'accès à ces sommes-là difficile, mais il faut s'assurer qu'on
la garde pour ce sur quoi on l'a mise de côté.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Couturier.
M. Couturier (Yves) : Bien, en
complément, dédiée, certes, mais il faut aussi que le mode d'attribution soit différent. Et l'alternative, dans le fond, à... mais, admettons, pour le même coût, ce serait de prendre des sous
pour les mettre dans le système
tel qu'il existe. On ne change pas le mode de financement historique, en tout cas, pas de manière fondamentale.
Ce faisant, ça aurait pour effet d'amputer la grande réforme de 2004 d'une de
ses composantes transformatrices les plus importantes.
La Présidente (Mme Proulx) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Oui. Bien, j'aimerais ça que vous poursuiviez cette idée-là, là. Quand vous
dites : On l'ampute de...
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Couturier.
• (20 h 10) •
M.
Couturier (Yves) : Il y a énormément
de services qui se donnent dans la communauté, dans des ressources
privées associatives de toutes sortes, etc.
Dans le fond, un des principes qui sous-tend ces approches-là, c'est l'idée qu'il
doit y avoir un lien beaucoup plus étroit entre les besoins et le
financement plutôt qu'entre les services et le financement. Et un mode
traditionnel de financement, c'est un mode
qu'on dit «of service driven». C'est les services qui appellent la dépense. Le
mode proposé, tel que je le
comprends, en tout cas, propose un changement de paradigme où ce sont
les besoins des personnes qui vont appeler
le changement. Cette bascule-là, là, le «service driven» centré sur l'usager,
c'est déjà en cours dans la réforme de 2004. Les outils cliniques font ça. La gestion
de cas tente de faire ça. Le PSI, le plan de services individualisé, fait ça
également. Accomplir une telle réforme exige un mode de financement qui est en
phase avec ça en tout cas pour les services à domicile, hein? Bien
entendu, on ne parle pas de l'ensemble des services publics.
La Présidente (Mme Proulx) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Bien, moi, ce que je comprends, c'est sur le
principe un peu du financement à l'activité dans lequel on évalue les
besoins d'une personne, et, à partir de là, on détermine les services qui vont aller. On calcule un coût pour
ce service-là, et puis il y a une allocation qui est faite en fonction de ce
coût-là. C'est certain que, quand on le
joue, mettons, dans un CHSLD ou le maintien
à domicile, la différence avec un
CHSLD, où ce que je serais prudent, c'est qu'il y a
une équipe de base, et là ça peut rendre un financement relativement fluctuant selon la situation des gens. Mais tu ne
contrôles pas les gens qui viennent dans ton CHSLD, tu les prends avec un
certain niveau de soins. Donc, là-dessus,
je pense qu'il
faut quand même être prudents, mais
on est d'accord sur le principe.
Vous parliez
de la France tantôt. Et puis souvent on nous vendait qu'en France eux
autres, ils l'avaient, l'assurance autonomie.
Vous connaissez le système français. Puis j'ai l'impression que le système
français est plus en train d'emprunter ce
qui se fait au Québec que le Québec emprunte sur le système de la France. En tout
cas, j'ai rencontré, moi, les présidents des régies — moi, je trouve, c'est l'équivalent des
provinces là-bas — où on a
fait des présentations, puis les gens avaient l'air de vouloir avoir le modèle intégré du Québec, l'intégration des
services, mais étaient loin d'être rendus au niveau des CSSS.
Je ne sais pas si vous avez eu la même
perception quand vous travailliez avec le système français.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Couturier.
M.
Couturier (Yves) : Oui. Le
système québécois est un système beaucoup plus simple que le système français.
C'est un
avantage qu'on a. C'est ce que j'évoquais tout à l'heure. Le modèle beveridgien
québécois a une valeur importante.
Par contre, dans le contexte français, bien entendu, c'est l'inverse, c'est
complexe, il y a plusieurs payeurs, etc., et ce n'est pas tellement efficace. Ils ont un bon système de santé et
de services sociaux mais qui coûte extrêmement cher et est déficitaire de manière gigantesque. On
pourrait aussi aller voir du côté des modèles scandinaves où, là, il y a… En
fait, j'hésite. Je ne suis pas un
économiste. J'hésite à parler de financement par activité, mais il y a
certainement une forme de capitation
à faire, c'est-à-dire d'attacher le financement aux besoins des usagers et, ce
faisant, leur donner un peu plus de pouvoir.
La
participation sociale, ce n'est pas juste le bowling, hein, c'est aussi
permettre aux gens d'orienter les services qu'ils veulent en fonction de leurs besoins, d'être capables d'être
eux-mêmes des avocats de leurs propres besoins. Et, ce faisant, tel que je le comprends en tout cas,
l'assurance autonomie proposée donnerait une certaine capacité aux acteurs, aux
personnes âgées, ou autres, d'infléchir les
décisions en dialogue, bien entendu, avec un gestionnaire de cas qui devra être
un clinicien pour faire ce travail-là.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Bien, théoriquement, on peut penser comme ça, mais en pratique ça va être plus complexe que ça, parce que, si vous avez un
patient, vous savez qu'un patient a des besoins. Et puis là, le système qu'il
va mettre en place, il va y avoir un système
de négociation, parce que les gens sont venus nous dire ici : Bien,
écoutez, ça prendrait du monde pour défendre l'intérêt du patient. Puis
on va se retrouver dans une situation, en tout cas, moi, comme je le perçois, où, le patient,
naturellement, son handicap va lui donner une quantité de services. Et je suis
à peu près... pas certain, mais il y
a beaucoup de cas qui vont dire : Bien, je veux avoir le maximum de
services. Et c'est là qu'on va avoir un enjeu, puis il y a des
tractations qui vont se faire.
Donc, quand
on arrive dans le concept théorique en disant : Il a des besoins, il va y
avoir un montant, il va acheter ses services, dans la réalité ce ne sera
pas tout à fait ça, là, hein, même si le ministre a dit que ça va être comme
ça. À domicile, on sait déjà qui va aller
donner des services. S'il s'agit des médecins, des infirmières, ça va être le
système public. Donc, le pouvoir de
négociation n'est pas autant que si tu avais le choix entre une entreprise
privée, une entreprise de service social
et puis le système public. Il va y
avoir des… Je pense que c'est plus complexe que ce vous venez… Ça a
l'air simple, mais c'est beaucoup
plus simple que ça. Moi, en tout cas, je travaille
avec des patients, c'est plus complexe que ça, non? Vous êtes là-dedans,
là, vous devriez le savoir.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Couturier.
M.
Couturier (Yves) : Alors, ce
n'est pas complètement théorique, parce qu'il y a quand même des expériences
dans le monde qui vont vers la capitation. J'aimerais aussi souligner le fait
qu'il y aura toujours…
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Juste un…
La Présidente (Mme Proulx) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Quand vous parlez de capitation, là, c'est
«un montant donné pour une certaine population
en fonction des besoins»?
M. Couturier (Yves) : C'est-à-dire,
c'est une autre logique d'attribution des fonds.
Plutôt que de
donner de l'argent à des institutions qui vont développer des services et qui
vont établir des règles d'accès aux
services, on attache le financement à une lecture clinique des besoins. Et le
mot important ici, dans toute cette phrase-là,
c'est le mot «clinique». Il y aura de toute façon, dans tous les cas, un acteur
professionnel, un gestionnaire de cas
qui est lui-même membre d'un ordre professionnel et qui devra, bien entendu,
rendre des comptes à son employeur parce
que ce n'est pas bar ouvert pour personne. Il y aura des mécanismes de régulation
qui demeureront essentiellement cliniques ou qui, en tout cas, devraient
essentiellement demeurer cliniques.
Alors, je ne
veux pas laisser entendre que le bonheur jaillira au lendemain de cette
implantation-là. Vous le savez mieux
que moi, un système de santé et de services sociaux, c'est fondamentalement
complexe et dynamique. Mais on est obligé
de développer une action qui va dans ce sens-là, sinon les efforts de 2004 vont
tomber... pas tomber lettre morte, ça serait exagéré, mais, en tout cas,
vont être en deçà des attentes qu'on avait tous et toutes à l'époque.
La Présidente (Mme Proulx) :
Mme Levasseur.
Mme
Levasseur (Mélanie) : En
fait, effectivement, une évaluation, par définition, ça prend un personnel compétent,
un personnel formé, donc ce n'est pas si simple que ça.
Mais l'idée,
c'est qu'à la base d'avoir un instrument de mesure tel le SMAF, qui est un
outil clinique standardisé pour
lequel on a une formation à suivre pour pouvoir bien l'administrer, fait en
sorte que justement cette évaluation-là, elle est basée sur le constat que le clinicien formé en fait, des besoins de
la personne, et non pas des besoins qui pourraient être demandés comme ça sans que ça soit requis,
là, basée sur ses incapacités, donc des incapacités réelles qui peuvent être
rapportées, observées, qu'on peut faire des mises en situation. Comme
professionnels, on a souvent développé notre
observation. Seulement quand la personne vient nous accueillir dans le
domicile, on la voit marcher, on observe plein de petits détails qui nous portent justement à raffiner et à poser
les bonnes questions pour arriver à bien cerner les besoins selon les
incapacités de la personne.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Tousignant.
M.
Tousignant (Michel) :
Court commentaire. Le SMAF est un instrument clinique et de gestion. C'est une
belle beauté. On n'est pas obligés de
faire deux systèmes d'évaluation pour arriver à une donnée pour le gestionnaire
et une donnée pour le clinique.
La Présidente (Mme Proulx) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui. Bien, si on continue sur cette même
lancée, si on arrive à la fin puis on met le système en place, on évalue tout, là, assurément, on va se retrouver
avec des besoins à remplir avec un coût, est-ce qu'on est capables
d'établir présentement combien ça va coûter, au total, de répondre à tous ces
besoins-là? Et, juste poser une hypothèse,
là, si on arrive à la fin puis on se rend compte que ça coûte quatre fois plus
cher, qu'est-ce qu'on a en place actuellement, mais on répond, puis c'est vrai, à
plus de besoins mais que la capacité de payer du système n'est pas capable
de remplir, comme chercheurs, qu'est-ce que vous en pensez?
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Tousignant.
M. Tousignant (Michel) : Comme chercheur, je ne peux pas penser grand-chose de
votre question parce qu'on n'a pas fait… ce n'est pas nous qui avons
fait les analyses économiques. Nous ne sommes pas des économistes.
Cependant,
la force de la stratégie de financement, c'est qu'elle est basée sur
l'évaluation des besoins de la personne. Ça, c'est une grosse affaire. Vous avez des besoins x, y, on est
capables de les quantifier. On a été, en plus, capables de catégoriser en groupes, profils...
14 groupes, dire : Pour tel groupe, voici le nombre d'heures de
service, qu'on pourrait avoir,
d'infirmières ou d'assistance, et là on est capables d'associer un coût.
D'avoir des données probantes pour établir un financement, il y a même quelque chose là d'intéressant. Est-ce que ça va
être la vérité pure? Nous le saurons lors de l'usage. Entre la vérité pure puis la vérité attendue, je
crois qu'il y a un pas à faire. Et est-ce que de ne rien faire ne nous amènera
pas vers un constat qui pourrait être aussi… pas nécessairement un succès?
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le député de Jean-Talon.
• (20 h 20) •
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Bien, la question… C'est parce
que, vous savez, là, on s'en va dans de l'inconnu, puis, comme chercheurs, c'est intéressant parce
qu'on se dit : On va avoir une réponse, mais, comme système de santé, on
peut se retrouver avec un problème
financier, un gouffre financier, parce qu'à partir du moment que le besoin va
être déterminé, comme gouvernement, tu n'as pas le choix de répondre à
ça.
Ça,
on a vécu ça, en passant, dans beaucoup de systèmes qui ont été mis en place.
Il y avait une évaluation des coûts,
et, quand vous vous retrouvez quatre ans après, cinq ans après, ça coûte trois
puis quatre fois plus cher. Puis là il faut comprendre que, quand tu es dans un principe éthique de justice
distributive, l'argent que tu vas mettre là, c'est peut-être bien, là,
mais il faut le prendre ailleurs, soit dans l'éducation, soit dans des routes
ou encore il faut que tu le trouves à l'intérieur
même du système de santé. Ça fait que, quand on a juste ce dossier-là, c'est
intéressant, mais il faut avoir une vision
globale de la gestion du système de santé. Moi, ma question : Avant de
donner le go à quelque chose comme ça, on ne peut pas savoir avant, un
peu mieux, qu'est-ce que ça va représenter plutôt que de signer un chèque en
blanc puis qu'une fois que tu l'as mis en place tu te rends compte qu'avoir su
ce n'est peut-être pas ça que tu aurais fait?
Puis,
en passant, vous avez dit quelque chose d'intéressant. La plupart des grandes
innovations ont toutes été de très
bonnes idées. Le ministre, il riait l'autre fois, quand je lui disais que, neuf
fois sur 10, une innovation est devenue un échec. C'est quand même la réalité. Quand vous regardez dans toute
l'histoire des innovations, comme les médicaments, la majorité, ils ne viennent pas sur le marché
tout simplement parce qu'en cours de route... pas parce que ce n'était pas
une bonne idée, c'est que ça n'a pas été
capable soit d'être appliqué ou encore c'était peut-être une mauvaise idée qui
avait été bien vendue, mais le concept ne fonctionnait pas.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Tousignant.
M. Tousignant (Michel) : Courte réponse à votre première question. Je crois qu'il
y a des données populationnelles sur
le vieillissement qui sont très solides. Je crois qu'on a des données sur la
trajectoire de ces personnes-là au fil des temps qui sont solides. Donc, si j'étais un économiste et je me basais sur des
données solides... et là c'est mon expertise d'actuaire qui pourrait me dire : Bien, je produis
quelque chose qui est relativement solide. Donc, il n'y a pas aucune variable
sur laquelle on peut estimer ces coûts-là.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui, vous voulez répondre?
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Couturier?
M. Couturier (Yves) : Oui. Vous savez que la Loi canadienne de la santé exclut le soutien à
domicile, hein, de l'universalité.
Et, de facto, ce que ça veut dire, c'est qu'il y avait, il y a et il y aura des
règles d'accession aux services, hein,
de toute façon. Ce que ça permet de faire, ce que Michel Tousignant vient de
dire, c'est de vous donner, vous, les décideurs
publics, un véritable outil pour prendre des décisions éclairées plutôt que
prendre des décisions à l'aveugle. Je voulais
aussi dire : On a le même argument au taux d'innovation. Il faut
accompagner le changement, mais, dans ce cas-ci, ce qui est certain,
c'est qu'il faut changer.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui. Mais, justement, juste
pour dire, quand vous dites qu'on a le même argument, c'est lequel?
M. Couturier
(Yves) : L'innovation, là.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Que la majorité vont...
M.
Couturier (Yves) : Oui.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : ...vont échouer? O.K. Bon, on
est d'accord là-dessus. Ça, je pense que c'est important de le savoir. C'est juste que je suis d'accord
qu'il faut explorer, mais, avant de signer un chèque en blanc avec un projet
de loi... Le ministre peut déposer son
projet de loi, mais, avant de l'adopter, il faut qu'on ait des données beaucoup
plus robustes que ce qu'on a eu jusqu'à maintenant.
Deuxièmement,
le citoyen qui est le payeur de taxes, il faut également qu'il sache dans quoi
il s'embarque. Parce que, là, c'est
beau, on est dans le concept théorique, là, mais, à la fin, il faut dire au
citoyen jusqu'à quel pourcentage qu'il va
être couvert, combien ça va lui coûter. Et vous comprendrez que, la politique,
il y a de la recherche aussi. On ne peut pas dire demain matin «on va faire ça» sans tenir compte de l'impact sur
les finances publiques. Mais on a plein de bonnes causes : l'éducation, on pourrait investir
plus; les ponts, on pourrait en construire plus, mais ça, il faut savoir
combien ça coûte et où on va chercher l'argent.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Tousignant.
M. Tousignant
(Michel) : Je n'ai pas d'autres commentaires que ceux émis,
qu'il y a certaines données très intéressantes
qui permettent sûrement à des experts dans le domaine d'avoir des simulations
avec des scénarios «worst-case
scenarios», des scénarios plus optimaux, de façon à produire des données qui ne
seront pas la réalité, parce que, la
réalité, on va la vivre en même temps qu'on va implanter et qu'on va monitorer
très précisément, à très court terme, l'ensemble des changements qui
seront faits.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente.
L'autre élément que plusieurs nous ont apporté, c'est la question de la rapidité avec laquelle on va faire
le changement. Puis on utilisait beaucoup les mots «il ne faudrait pas se
précipiter». En termes d'échéancier, une
réforme comme celle-là, d'après vous, peut prendre combien de temps? Et est-ce
qu'on doit ralentir un peu puis après ça accélérer ou encore on devrait y aller
d'emblée pour le 1er avril?
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Couturier.
M. Couturier (Yves) : D'après des données ministérielles, l'implantation de la grande réforme
de 2004 est autour de 55 %,
56 %, avec des indicateurs relativement sérieux, là. On est sur des
temporalités longues. Et, pour cette raison-là, il ne faut pas attendre
trois, quatre ou cinq ans pour bouger, il faut bouger rapidement. Il faut bien
faire les choses.
J'ai
parlé, tout à l'heure, de la question de la qualité. Il faut agir là-dessus
assez rapidement. Mais, comme c'est un gros paquebot, comme vous le
savez, il faut bouger maintenant, sachant que le mur... pas le mur, en tout
cas, le boom démographique, là, dans cinq, six ans, ça va frapper fort. Et donc
c'est des sujets si importants qu'il faut trouver une transcendance, là. Et la
transcendance est autour, à mon avis, des besoins des personnes, notamment,
âgées, qui nous intéressent particulièrement, mais pas seulement.
La Présidente (Mme
Proulx) : M. le député de Jean-Talon, pour un petit peu moins
qu'une minute.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Vous
nous avez parlé de l'expérience, l'Estrie, Sherbrooke. Actuellement,
êtes-vous satisfaits sur la façon que ça fonctionne dans votre région?
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Couturier.
M. Couturier (Yves) : Là comme ailleurs, il y a encore beaucoup de travail à faire, mais ce à
propos de quoi je suis le plus
satisfait, c'est qu'on commence à voir les effets d'un changement de vision de
la part des cadres et des professionnels, et ça, là, c'est excitant. Parce que faire des innovations qui ne
transforment pas les pratiques, c'est à la portée de tout le monde, mais faire des innovations qui commencent à
renverser le paradigme, là, c'est ben le fun à voir, et on commence à le
voir.
La Présidente (Mme
Proulx) : Merci beaucoup, M. Couturier. Nous allons poursuivre
les échanges avec le deuxième groupe d'opposition. La parole est au député de
La Prairie.
M.
Le Bouyonnec : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir à mes
collègues de l'Assemblée nationale, Dre Levasseur, Dr Tousignant,
puis M. Couturier. Je vais dissocier mes questions en deux étapes : la
première, sur les questions de financement et, après, sur la question de la
prestation de services.
Sur
la question du financement, est-ce que vous avez élaboré une réflexion à savoir
si l'assurance autonomie allait davantage
ressembler au modèle de la régie ou de la RAMQ, donc où le gouvernement est
l'unique payeur, ou un modèle plus hybride où l'usager contribue aussi,
comme par exemple l'assurance médicaments?
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Couturier.
M.
Couturier (Yves) : Je ne me
sens pas costaud pour répondre plus avant à votre question. J'ai quand même
évoqué tout à l'heure l'idée qu'une base assurantielle large est plus
intéressante qu'une base assurantielle étroite, et l'assurance médicaments est
un modèle fragile parce que sa base assurantielle est étroite.
M. Le
Bouyonnec : ...vous nous avez parlé, M. Couturier, du modèle
français en lui reprochant, là, sa fonction désintégratrice, là, en faisant référence au fait qu'il y avait une
multiplication de payeurs. D'un autre côté, on sait aussi que la diversité des payeurs est une
problématique, éventuellement, effectivement, de complexification du système,
mais, tant qu'on n'a pas résolu le
problème de financement… Puis on n'a pas de modèle pour savoir combien ça
coûte. Ça peut être aussi une solution dans un modèle, un écosystème
hybrides.
Mais, au-delà
de ça, est-ce que vous ne pensez pas que ça pourrait peut-être éviter la
multiplication des payeurs… et un
système plus riche, plus diversifié, une institutionnalisation du soutien à
domicile, puis je m'explique, à savoir que… On l'a vu souvent, lorsque des grands programmes gouvernementaux voient
le jour… Prenons, par exemple, l'exemple des garderies gouvernementales. Évidemment, il y a un coût
d'infrastructure, il y a un coût de prestation, le gouvernement est
moins agile des fois pour rendre des services dans certains endroits, c'est
assez difficile d'étendre la présence du gouvernement à des coûts raisonnables
partout.
On sait aussi
qu'au niveau de l'autonomie, les personnes âgées, ce qu'on leur souhaite, c'est
d'être autonomes même dans la
décision, à savoir : Devrais-je continuer à rester à la maison ou
devrais-je aller dans une résidence pour personnes âgées où certains services, surtout ceux offerts par le
privé... où il y a une certaine qualité de vie, du moins, c'est ce qu'on entend, dépendamment de la
catégorie?, de telle sorte que la décision de rester à domicile ou non puisse
être une décision du patient, éviter
l'institutionnalisation, donc éviter de leur dire : Non, non, vous devez
rester absolument à la maison, même
une fois que le conjoint, par exemple, est décédé, et la personne souhaiterait
avoir d'autres options.
Et on sait
que les autres options sont présentes. Les aidants naturels, depuis des années,
nous reprochent de ne pas les supporter davantage. Il y a des groupes
communautaires, etc.
Comment
voyez-vous une approche centralisée, comme vous le mentionniez, tout en tenant
compte de l'autonomie de la personne
qui est, par exemple, assurée, qui a même éventuellement contribué à
cette assurance-là de pouvoir faire des
choix et de changer ces choix au fur
et à mesure que la vie et les aléas
de la vie viennent changer les décisions ou les options pour cette
personne?
• (20 h 30) •
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Couturier.
M. Couturier (Yves) : Il y avait beaucoup
d'éléments, je vais essayer de ne pas en oublier.
C'est une des données scientifiques les plus
costaudes qui existent. Le système de santé américain est le plus inefficace et le plus cher qui soit, et la raison
de ça, c'est l'éclatement des financements. Pour le dire en termes économiques — puis je m'avance un peu, ce n'est pas mon terrain, je suis travailleur
social de formation — 15
points de PIB vont à la santé; 9,6 au
Canada avec une efficacité clinique beaucoup plus importante. Donc, il n'y a
aucun débat à faire là-dessus d'un
point de vue de scientifique, là, j'entends. Il peut y avoir un débat
politique, là, c'est bien entendu.
Quant au
danger d'institutionnalisation du domicile, ça a été évoqué plusieurs fois
pendant l'heure, on ne va pas aller
chez des gens qui n'ont pas besoin de services. Même avec le plus beau modèle
qu'on aurait, on ne comblera pas 100 %
des besoins. Et donc il y aura toujours des hommes et des femmes, c'est-à-dire
des cliniciens, des cliniciennes, qui
vont, avec les proches aidantes, les proches aidants, discuter, négocier, adapter
aux situations cliniques singulières, et
c'est pour ça qu'il importe beaucoup que ce dispositif-là demeure un outil
clinique, qu'il s'inscrive dans une logique clinique avant tout. Et je ne sais pas si ça se fait, mais ça devrait
être inscrit dans la loi fondatrice, c'est-à-dire, pour éviter les
dérives plus tard, dans 10 ou 15 ans, d'un usage… administratives du truc.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Couturier…
M. Couturier (Yves) : Oui.
La Présidente (Mme Proulx) :
…je vous remercie beaucoup. Malheureusement, le temps est écoulé.
Alors, compte
tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à mercredi 20 novembre
2013 pour une séance de travail. Merci.
(Fin de la séance à 20 h 32)