(Dix
heures trois minutes)
Le
Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission de la santé et des
services sociaux ouverte. Je demande
à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La
commission est réunie afin de procéder à l'interpellation du député de Jean-Talon au ministre
de la Santé et des Services sociaux sur le sujet suivant : L'incapacité du gouvernement péquiste à fournir un cadre financier concernant le financement
de l'assurance autonomie.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire :
Oui, M. le Président. Mme Daneault (Groulx) est remplacée par Mme Roy (Arthabaska).
Le
Président (M. Reid) :
Merci. Je vous rappelle brièvement le déroulement de l'interpellation. Dans un premier temps, le député
de Jean-Talon aura un temps
de parole de 10 minutes, suivi du ministre
pour également 10 minutes. Par la suite, des périodes de cinq
minutes seront allouées selon la séquence suivante : d'abord,
le député interpellateur, ensuite le ministre,
puis un député du groupe formant le gouvernement, et ainsi
de suite en alternance. 20 minutes
avant 12 heures, ou sinon
l'heure où on aura convenu d'arrêter, j'accorderai 10 minutes de conclusion au
ministre et un temps de réplique égal au
député de Jean-Talon. Je comprends qu'il y a une entente à l'effet que le
deuxième groupe d'opposition interviendra lors de la troisième et
sixième série d'interventions.
Enfin,
je vous rappelle que le débat ne peut, à moins d'un consentement, dépasser deux
heures. Par conséquent, puisqu'il est déjà 10 h 4...
10 h 2? 10 h 2. Alors, est-ce qu'il y a consentement pour
poursuivre nos travaux au-delà de midi, c'est-à-dire jusqu'à 12 h 2?
Une voix :
...
Le
Président (M. Reid) : Il n'y a pas de consentement? Alors, nous
allons terminer à midi. Alors, M. le député de Jean-Talon, vous avez la
parole pour 10 minutes.
Exposé du sujet
M. Yves Bolduc
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : M. le Président, d'abord, je veux vous saluer, vous et votre équipe, également
M. le ministre et notre collègue,
ainsi que son équipe. C'est toujours un plaisir de se voir. Même, on fait ça un
beau vendredi matin. Ça va être, je pense, intéressant, surtout que c'est quand
même un enjeu important de notre société qui est le sort réservé à nos aînés.
M. le Président, vous
l'avez dit, la raison pour laquelle nous voulons faire l'interpellation, ça
avait déjà été déterminé avant, mais ça a
été confirmé hier par le Vérificateur
général, c'est-à-dire que le ministre ne pouvait avoir un cadre financier, tout simplement parce qu'il n'avait pas fait l'évaluation des
besoins des clientèles, tant au niveau du nombre de personnes qui vont avoir des besoins à répondre que le type des
besoins et l'intensité des services nécessaires. Comment voulez-vous établir un cadre financier lorsque
vous ne savez pas au départ combien ça va coûter et comment les services
vont être donnés?
Donc,
M. le Président, malgré le fait que, par un petit tableau de trois lignes,
là... C'est toujours drôle, ce tableau-là, il nous dit : Le cadre
financier, c'est ça. Il montre trois lignes qui démontrent des dépenses sur une
période de 15 ans, des dépenses
attendues selon la situation actuelle, la dépense attendue selon l'assurance
autonomie, puis ce qu'il faut aller chercher comme argent
supplémentaire, alors que, sur 15 ans, on sait parfaitement qu'il y a des
transformations qui sont en cours de se faire dans le réseau de la santé qui
donnent des résultats, qui vont donner encore plus de résultats.
Par contre, le
ministre reconnaît qu'il y a des acquis, et c'est sur ces acquis qu'il veut
bâtir son assurance autonomie, et nous
sommes tout à fait d'accord que le réseau avait déjà commencé une
transformation. Premièrement, il y a
eu la mise en place des CSSS en 2004, les centres de santé et de services
sociaux, qui a permis d'intégrer, pour un territoire et pour une population donnée, l'ensemble des services, ce
qui nous permet d'avoir une meilleure complémentarité. Dans ces services, il y avait des services d'hôpitaux,
de CHSLD et également, au niveau des services de CLSC... dont, entre autres, le maintien à domicile. Donc, M. le
Président, je pense que le ministre, comme l'ensemble de la population
québécoise, est en mesure de reconnaître que la création des CSSS a permis
d'avoir cette intégration des services, qui,
par la suite, va nous amener à une meilleure continuité des services. Donc,
ceci étant fait en 2004, ça fait neuf ans, et c'est des organisations qui sont encore en maturation. Il y a des
améliorations encore à apporter, mais, globalement, c'est un franc
succès.
La
preuve, M. le Président, dans les autres provinces, entre autres, ils
commencent à intégrer les services. En Colombie-Britannique,
en Ontario également, ils ont commencé à faire un peu plus de régionalisation.
Et le ministre a fait une année en
France, et il sait que, présentement, il y a une régionalisation qui s'est
établie également en France. Eux autres, ils sont plus en train de créer le principe, pratiquement, des
provinces, là, par des grandes régies régionales, mais ici, au Québec,
c'est un travail qui est très avancé, même vraiment de façon très pointue.
Deuxièmement, M. le
Président, le ministre a reconnu qu'il y avait également l'utilisation du SMAF,
que moi-même j'ai fait la promotion, puis je sais que le ministre a participé à
la création du SMAF, qui est la mesure d'évaluation
de l'autonomie fonctionnelle. Et il y a un autre outil, qui est l'outil
multiclientèle, qui nous permet de donner par la suite un profil et
d'évaluer les services.
M.
le Président, c'est important, ça, parce que le ministre, souvent, dans son
discours, nous dit qu'il n'y a rien qui a été fait et que tout est à faire, alors que, dans ses discours, dans
d'autres endroits, il dit : Écoutez, on a déjà des bons outils, et il faut bâtir sur ces outils. Dans sa
proposition également, il insiste beaucoup sur la question des
gestionnaires de cas ou intervenants pivots.
C'est déjà en place dans le réseau de la santé, il en existe plusieurs, et
c'est une méthode de faire qu'il
faut encourager, c'est-à-dire la prise en charge par un gestionnaire ou un intervenant d'un certain nombre de personnes, qu'on semblait établir autour de 40 personnes, qu'ils
prennent en charge pour voir l'évaluation puis également les services qu'ils avaient besoin, et faire un suivi sur une base régulière. Donc, M. le Président, on a déjà en
place une structure qui nous permet
de dire que oui, on peut donner plus de services et que oui, les services sont déjà
donnés dans une certaine proportion. D'ailleurs,
le ministre reconnaît souvent que c'est 15 %, selon lui,
des services qui sont donnés en maintien à domicile. Je pense qu'on peut
l'augmenter, mais il y a différentes façons de l'augmenter.
Également,
c'est la présence, dans notre réseau de la santé public avec une
complémentarité privée, des soins à domicile,
des ressources intermédiaires et des CHSLD. Au Québec, il y a environ
40 000 places de CHSLD, et qui sont bien réparties sur le
territoire. Il y a des ajustements à faire en termes de nombre par territoire,
mais, globalement, il y a une présence de
cette structure. Il y a également les ressources intermédiaires. Et,
d'ailleurs, le ministre cite souvent les endroits où est-ce qu'il y a des problèmes pour lesquels il dit qu'il
faut faire l'assurance autonomie, dont, entre autres, quand il dit que 40 % des gens à Montréal qui
sont dans des CHSLD et qui devraient être en maintien à domicile. Hier,
j'ai questionné particulièrement le Vérificateur général sur ce point, il y a
40 % des gens qui n'ont pas le profil CHSLD.
Mais, par contre, ils n'ont pas nécessairement également le profil maintien à
domicile. Et pourquoi ils sont en CHSLD?
Tout simplement parce que Montréal n'a pas assez développé ses ressources
intermédiaires. Et, comme je le dis souvent et que je vais le redire
encore souvent, avant de faire un traitement, il faut faire un bon diagnostic.
Et, si le diagnostic, à Montréal, en partie…
Parce que oui, il faut faire plus de maintien à domicile, mais, si en partie,
c'est parce qu'il manque des
ressources intermédiaires, même si vous mettez énormément de ressources dans le
maintien à domicile, cette clientèle va devoir quand même se retrouver
en CHSLD parce qu'il y a une pénurie de la ressource intermédiaire.
• (10 h 10) •
Donc, M. le
Président, je pense qu'il faut redire ce message-là. Puis je pense que, si on
veut faire une bonne transformation, même le ministre doit reconnaître — puis
j'espère qu'il va le faire aujourd'hui — que la pénurie de ressources intermédiaires dans certaines villes,
dont, entre autres, Montréal — et je rajouterais également Québec — fait
qu'il y a des lits de CHSLD qui sont pris
par des clientèles qui pourraient être ailleurs, mais pas nécessairement au
maintien à domicile. Et, je tiens à le dire, M. le Président, je ne dis pas
qu'il y a certaines clientèles qui ne pourront pas aller à domicile. Oui, il y en a quand même que, si on
fait une meilleure intensité des soins à domicile, on va être capables
de les garder à domicile plus longtemps,
peut-être en retourner quelques-uns à domicile. Mais je tiens à le dire, M. le
Président, l'objectif, c'est de vraiment développer aussi dans ces endroits des
ressources intermédiaires.
Il
y a également les entreprises d'économie sociale, là, qui sont venues faire des
belles présentations puis, je crois, font
un excellent travail. Et il y a eu une discussion par rapport à ce qu'ils
doivent faire, les AVQ, ou pas, mais c'est des entreprises qui existent
et qu'on pourrait mieux utiliser, puis utiliser encore de façon plus intense
pour donner des soins aux personnes.
Également, M. le Président, au Québec, on a un
grand réseau de résidences privées et de logements communautaires.
D'ailleurs, durant la commission, les deux groupes sont venus nous faire des
belles présentations. Et vous savez qu'il y
a des résidences privées avec des disponibilités selon les revenus, et ces
gens-là sont installés, vivent dans des installations dans lesquelles
ils peuvent recevoir certains services. Et, dans les logements communautaires,
bien, c'est souvent des gens qui ont moins
de revenus, mais qui ont besoin quand même d'un logement qui convient à leurs
besoins et dans lequel ils peuvent
s'organiser comme sur le principe des résidences privées pour pouvoir donner
des services à leurs résidents, et ces résidents, à ce moment-là,
peuvent vivre comme à domicile. Pour eux, c'est leur domicile, et ils veulent
recevoir les mêmes services.
Donc, quand on
regarde le virage qui doit être fait et qui doit être continué, c'est
définitivement d'augmenter les ressources
pour le maintien à domicile, en même temps que développer des ressources
intermédiaires dans certains endroits. Pourquoi j'insiste là-dessus, M.
le Président? Parce que, si vous regardez dans le budget de mon collègue Raymond Bachand à l'époque, il y avait déjà une
prévision d'augmenter autour de 400 millions de dollars, entre 400 et 500 millions de dollars, des
investissements dans les soins à domicile. Ça fait que, quand le ministre, il
dit : Moi, je rajoute
500 millions de dollars à raison de 120 millions de dollars et qu'en
passant il a mis quelques dizaines de milliers de dollars de plus que
nous, qui est une... c'est une façon de faire, puis juste pour dire qu'il en
mettait plus, quant à moi, là, parce que,
théoriquement, les besoins seraient encore plus que ça. Et, au début, le
ministre avait même dit : Bien, je vais mettre 500 millions de
dollars d'emblée. Ça a été ça, ses écrits puis ses dits auparavant. Mais, après
ça, il s'est rendu compte que, 500 millions, il n'avait pas les capacités
financières. Donc, il a décidé de mettre 100 millions par année sur cinq ans. Mais il faut comprendre
également qu'entre-temps il y a plus de personnes âgées, donc il faut
qu'il réponde à plus de besoins. Donc, c'est
une partie seulement qui peut ajoutée en supplément pour la population
actuelle.
C'est
important, ça, M. le Président, parce que le ministre a dit beaucoup de choses,
a écrit beaucoup de choses, puis on
se rend compte que, ce qu'il disait auparavant puis ce qu'il dit aujourd'hui,
il y a quand même des modifications par rapport à ça. Dont, entre autres, il s'est fait dire que la caisse
capitalisée, ce n'est pas une caisse qu'il va être capable de mettre en
place. En tout cas, certainement pas à court terme.
Donc, M. le
Président, le ministre a reconnu à plusieurs reprises pendant la commission
qu'il y a de bons acquis au Québec.
Les gens sont venus témoigner que la transformation du réseau était en cours,
et puis cette transformation-là, M. le Président, se fait de façon tout
à fait adéquate.
En cours de discussion, aujourd'hui, on va démontrer que le ministre n'a pas de cadre financier, et c'est ça
qui est à risque. Les grands principes de la
réforme sont bons, sont bonnes... les grands principes sont bons, sauf que,
quand vous regardez à la fin, il n'a
pas la capacité financière, et surtout il n'a pas évalué les besoins de la
clientèle, et il n'a pas évalué également les services qui devaient être
donnés pour répondre à ces besoins.
C'est important,
M. le Président, parce
que, dans le passé, on a connu deux
grands virages avec d'excellentes idées qui se sont révélées, je ne vous dirais pas... peut-être
pas des catastrophes, mais des quasi-catastrophes pour le réseau de la santé, hein? La désinstitutionnalisation, qui était une bonne idée
qui s'est réalisée, mais, faute de moyens, elle n'a pas pu être bien faite. Et également le virage
ambulatoire. Et, je tiens à le dire, l'assurance autonomie, ça ressemble de
plus en plus à un virage ambulatoire
qu'il ne faudrait pas manquer. Mais, la façon dont le ministre l'apporte, je
pense qu'on s'en va dans cette direction. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Reid) :
Merci, M. le député de Jean-Talon. Je passe maintenant la parole au ministre.
Réponse du ministre
M. Réjean Hébert
M.
Hébert : M. le
Président, mes salutations. Mes salutations aux députés de l'opposition. Je
commencerai cette session en utilisant une
citation. Je cite : «Les services de maintien à domicile sont
sous-développés au Québec. Les quelques
services existants ne suffisent pas aux demandes et ne peuvent fournir qu'un
support secondaire. Ils sont souvent régis
par des organismes multiples, d'où un manque de coordination et des actions
souvent parcellaires et non concertées. On est alors bien loin d'une
prise en charge globale, d'un plan de services complet et d'une adaptation
rapide à des besoins fluctuants. Ainsi, lorsqu'une personne âgée se détériore,
la seule solution demeure le placement urgent en institution d'hébergement.»
M. le
Président, c'est moi qui ai fait cette citation dans un texte que j'ai commis.
Mais le problème, c'est que ce texte a été publié en novembre 1984.
Alors, ça, ça illustre que, depuis 1984, on se retrouve exactement dans la même
situation. On était à 8 % de personnes
âgées, on est à 15 %, on sera à 25 % très bientôt. Il est encore plus
urgent qu'il ne l'était en 1984 de
pouvoir assurer aux personnes âgées en perte d'autonomie des services de
soutien à domicile adéquats. Ce que
j'avais dit en 1984, je l'ai redit des centaines, des milliers de fois depuis
lors, et nous voyons que nous nous retrouvons encore une fois avec le Québec qui consacre un maigre 17 % de son
budget des soins de longue durée aux soins à domicile, alors que
l'hébergement prend de plus en plus de place avec 83 %. Et, là-dessus,
nous sommes les derniers de classe au niveau
international, puisque tous les pays industrialisés font mieux que nous, M. le
Président. Citons les Pays-Bas, à 33 %
du budget qui est affecté aux soins à domicile, la France à 46 %, le
Danemark à 73 %. Nous devons, si nous voulons vraiment répondre aux
besoins de la population, être en mesure de prioriser de façon formelle les
soins à domicile.
Oui, le député de Jean-Talon nous le dit, on a
de bons outils au Québec, et j'ai eu le privilège d'être associé à leur développement. On a des outils d'évaluation
extrêmement performants avec des outils de gestion qui nous permettent de
pouvoir avoir une gestion équitable. Nous avons un réseau intégré de services
avec des gestionnaires de cas ou des
intervenants pivots qui a démontré
son efficacité. Le problème, c'est qu'on n'a pas le bon système
pour faire en sorte que ces outils-là
soient performants. Quand je suis arrivé au pouvoir l'année dernière, je me
suis aperçu qu'il n'y avait pas de plan concret, structuré, organisé pour changer la façon dont on finance
et on gère les services de soutien à l'autonomie. Il n'y avait pas de
transformation envisagée, il n'y avait même pas de projection financière
réalisée sur l'évolution des coûts liés à la réponse aux besoins des personnes
âgées en perte d'autonomie.
Et je ne suis pas le seul à le dire. Le Protecteur
du citoyen, dans son rapport — et ça, c'est le bulletin du gouvernement
libéral qui nous a précédés — trace un bilan extrêmement réaliste, mais
aussi un bilan très négatif de l'action
gouvernementale au niveau du soutien à domicile : le nombre de services
est inférieur à ce qui est requis selon l'évaluation des besoins; il y a des nouveaux critères d'exclusion qui
sont établis dans certains CSSS; il y a des disparités régionales
extrêmement importantes; et il y a des délais d'attente avant d'avoir accès aux
maigres services qui sont offerts par l'État.
Autre rapport important, le rapport du Vérificateur
général, M. le Président, qui, lui aussi, trace un bilan extrêmement sévère de l'action gouvernementale dans les soins à domicile : les soins à
domicile sont d'intensité variable suivant
les régions; il n'y a pas d'évaluation régulière et systématique qui est disponible; il n'y a
pas de lien qui est fait entre le besoin d'un individu et les services
qui sont donnés par l'individu pour voir quel est l'écart. Est-ce que cet
écart-là est un écart équitable selon les régions du Québec? Il n'y a pas cette
analyse-là. Il y a des services qui sont insuffisants et il y a aussi une
inéquité dans le financement, de sorte que certaines personnes ont accès à des
services financés par l'État, mais d'autres, parce qu'elles ont choisi de vivre
en résidence privée, parce qu'elles ont choisi de vivre dans une résidence régie par un organisme sans but lucratif, parce qu'elles ont choisi de vivre dans un HLM, n'ont pas accès à un
financement public des services de soutien à l'autonomie. Et on passe sous
silence l'inéquité qui fait que les gens qui choisissent la solution institutionnelle, en fait, ont
une plus grande partie du financement de l'État que les gens qui choisiraient de rester à domicile.
Oui, nous
avons de bons outils, M. le Président, mais le problème réside dans le système
tel qu'il est institué, qui fait en sorte de nourrir des inéquités
absolument inacceptables au Québec. Dans une étude que nous avons réalisée il y a une dizaine d'années où on comparait tous les
CLSC de la région de la Montérégie — il y en avait 19 à l'époque — on
voyait que le pourcentage de satisfaction des besoins des soins à domicile dans
les CLSC variait d'un maigre 6 % dans
certains CLSC à 33 % dans
d'autres. Ça, ça veut dire que certains CLSC avaient pris comme politique de
gestion de donner un petit peu de services à tout le monde, peu importent les
besoins, et d'autres CLSC avaient décidé de donner beaucoup de services à ceux
qui en avaient le plus besoin. Alors, vous voyez que quelqu'un qui déménageait,
M. le Président, de Chambly à Saint-Hyacinthe pouvait voir
dramatiquement diminuer ou augmenter ses services à cause de politiques
institutionnelles qui faisaient en sorte de consacrer l'inéquité dans les
services.
• (10 h 20) •
Autre
problème important, actuellement, donner des services de soutien à domicile, c'est
une dépense pour les établissements,
alors qu'utiliser des lits de soins de longue durée, les lits sont déjà, sont
déjà financés, c'est simplement un coût
d'opportunité, ce n'est pas vraiment une dépense, de sorte qu'on se retrouve dans des situations
aberrantes où des personnes âgées et,
pire, des adultes plus jeunes qui ont à vivre pendant des dizaines d'années
avec un problème d'incapacité, avec
des déficiences physiques ou intellectuelles, le CSSS décide, à un moment donné, qu'il ne donne plus le service
à domicile et utilise une solution institutionnelle, alors que le désir de ces
personnes serait de rester à domicile, alors
qu'économiquement il serait plus rentable pour l'État, même, d'utiliser la
solution du domicile, mais, à cause de la façon dont le système est actuellement structuré, on est obligé de requérir de façon
indue à une solution institutionnelle.
Notre
solution, c'est d'implanter l'assurance autonomie. L'assurance autonomie, qui
va permettre aux personnes handicapées,
aux personnes âgées, même lorsqu'il y a des incapacités, de pouvoir garder la
liberté de choisir, de choisir où elles veulent vivre, de choisir où
elles veulent vieillir, et de choisir par qui elles veulent recevoir les
services, et de ne pas être à la merci de
décisions des établissements et des responsables du soutien à domicile. C'est
ça qu'on veut redonner aux personnes avec le livre blanc sur l'assurance
autonomie, cette liberté de choisir.
Et on va le
faire comment? C'est en donnant à la personne le pouvoir, avec une allocation
de soutien à l'autonomie, le pouvoir
de décider comment on utilise cette allocation, quels sont les services que
nous souhaitons obtenir et par qui ces
services-là devraient être donnés, et ce, nonobstant, nonobstant le lieu de
résidence de la personne. Qu'elle vive dans sa résidence, dans son bungalow de banlieue, qu'elle vive en HLM, qu'elle
vive en résidence privée d'hébergement, ça, c'est un choix personnel.
Mais, nonobstant ce choix-là, les gens ont droit de recevoir des services. Ces
services doivent être financés par le public, et la gestion de ces services également
doit être publique.
Ce que nous
faisons avec L'autonomie pour tous, le projet d'assurance autonomie,
c'est de réapproprier par le public, par l'État le financement des
services de soutien à l'autonomie et également la gestion des services de
soutien à l'autonomie, de sorte que, peu importe où la personne a choisi de
vivre, on s'assure de la qualité des services en accréditant les prestataires,
en s'assurant de la formation du personnel de ces organismes qui donnent des
services et également en s'assurant que les services qui sont rendus
correspondent à des normes de qualité extrêmement strictes.
C'est ça,
l'assurance autonomie. C'est un changement important du système
qui permettra à nos outils que nous avons
implantés dans le système de santé d'être performants et de faire en sorte
que les services aux personnes qui soit sont en quête d'autonomie, pour
les personnes plus jeunes, ou en perte d'autonomie, pour les personnes plus
âgées, puissent recevoir les services dont ils ont besoin dans le milieu de vie
qu'ils ont choisi et par les prestataires qu'ils souhaitent voir entrer dans leur domicile, entrer dans leur intimité
pour leur donner les services. Cette assurance autonomie permettra de libérer les proches aidants — surtout
les proches aidantes, parce qu'elles sont en majorité — du
fardeau de donner des ressources
et de faire en sorte que ces proches aidants deviennent des
partenaires dans la réponse aux besoins de la personne qu'ils aident, de
la personne qu'ils aiment. C'est ça, l'assurance autonomie, c'est assurer
l'autonomie pour tous, M. le Président. Merci.
Argumentation
Le
Président (M. Reid) :
Merci, M. le ministre. Nous allons maintenant entamer la période
d'échange, et je vais donner la parole au député de Jean-Talon pour cinq
minutes.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : M. le Président, dans l'article du Devoir le 13 novembre 2013 — ça date quand
même de deux jours — la
Protectrice des citoyens a de vives inquiétudes. Tout le monde est d'accord pour faire du maintien à domicile. Tout le
monde est d'accord qu'il faut améliorer le système. Tout le monde est d'accord
qu'il faut faire une transformation. Mais,
une fois qu'on leur a expliqué comment ça allait être financé, l'accord baisse beaucoup,
et les gens posent beaucoup
de questions, ils sont inquiets. Et là je parle de tous les
groupes, que ce soient des groupes professionnels, que ce soit au
niveau également des organismes communautaires hier, les groupes de différents représentants.
Et tout le monde commence en disant : Bien, on trouve que c'est des bons principes.
En passant, M. le Président,
quand j'étais ministre, je disais les mêmes choses. Je me promenais sur les
tribunes : Il faut faire le virage vers le maintien à domicile, il faut mieux utiliser nos CHSLD. D'ailleurs,
c'est un des commentaires que je veux faire, M. le Président, c'est que le ministre est figé dans le
temps. Il nous parle de 1984 puis il nous parle que, voilà 10 ans, il y a eu une étude dans la Montérégie qui
a démontré… Bien, je peux vous dire, M. le Président, que, voilà 10 ans, là,
c'était le PQ qui avait été au pouvoir,
mais, depuis 10 ans, il s'en passé, des choses dans le réseau de la santé, et tout le monde reconnaît, sans dire que
c'est parfait, qu'il y a eu des transformations. Et, s'il y a des endroits au Québec…
que le ministre, il vient d'une des régions qui fait cela, c'est-à-dire qu'ils ont fait ce virage-là — on
parle de l'Estrie, on parle également de CSSS Arthabaska les Érables, on parle du Saguenay—Lac-Saint-Jean — ces
gens-là ont fait la transformation vers
le maintien à domicile, et tous vont dire que ça prend plus d'argent. Par contre,
ils ont le gestionnaire de cas, ils ont les évaluations, ils ont les
services. Dans ces endroits-là, ce que nous retrouvons généralement, ils ont
environ 2,5 places de CHSLD par 100
personnes. Ça, je pense que même le ministre reconnaît que c'est un chiffre qui est
raisonnable. Ils ont entre 0,6 et 0,8 place en ressources intermédiaires
et ils ont des soutiens à domicile pour 15 % de leur population, qui permettent, plutôt que de les avoir à
l'hôpital, ou en CHSLD, ou en ressource intermédiaires, ceux qui ont ces
profils qu'ils peuvent demeurer à domicile, oui, de les garder le plus
longtemps à domicile.
Mais ça, M.
le Président, c'est une transformation que le réseau a déjà faite. Ça fait que,
quand le ministre ne cite une étude
de voilà 10 ans, depuis ce temps-là il y en a eu de l'argent d'investi dans le
réseau, il en reste encore à faire. D'ailleurs,
notre plan, au niveau du Parti libéral, était aussi de mettre
400 millions. La différence, c'est que nous autres, on travaillait pour améliorer la performance du
système, comment on fait pour avoir plus de personnes qui sont suivies
par un gestionnaire de cas, par quelqu'un
qui travaille sur le terrain, comment on fait pour que cette transformation-là
se fasse. Et, juste pour vous dire,
dans les budgets des établissements, il y avait moins d'argent de mis dans les
CHSLD et plus de mis dans le maintien
à domicile. Il y a des endroits qui l'ont déjà fait. Est-ce qu'on a besoin de
retaxer, de refaire un plan qu'on ne
sait pas trop vers quoi on s'en va, qui n'a pas de cadre financier ou on
continue d'améliorer le système? Quand on parle des inégalités, oui, il
y a des corrections à faire, mais il y a moyen de le faire ans qu'on taxe plus
les gens. C'est ça, le message qu'on veut
faire. D'ailleurs, le ministre, tous les principes qu'il a dit, là, c'est tous
des principes qu'on fait la promotion, puis ça fait déjà des années que
ça se fait, il y a plus d'argent de mis dans le maintien à domicile.
M. le
Président, ça m'inquiète parce que le ministre, quand il nous parle de données
qui datent de si longtemps que ça…
Puis on est conscients qu'il y a un rapport du Vérificateur général qui dit
qu'il faut corriger les inéquités, puis il faut corriger également la variabilité, que toutes les évaluations doivent
être faites. Puis, le ministre pourra le reconnaître, nous autres, on avait déjà donné la consigne que
l'outil SMAF devait être utilisé partout. L'endroit que c'était le plus
difficile, c'était Montréal, mais Montréal a
commencé cette transformation-là. Ils sont en décalage, mais ils sont en train de la faire actuellement.
Mais, je tiens à le dire, si on fait toute cette transformation d'assurance
autonomie sur le principe qu'il faut
corriger Montréal, à Montréal il y a du maintien à domicile à mettre de plus,
on est d'accord, mais il y a des ressources intermédiaires à développer.
Et, le ministre, il va falloir qu'il ait un plan de ressources intermédiaires,
et je pense que, M. le Président, le ministre doit s'ouvrir les yeux.
On revient au
cadre financier. Le rapport du VG disait qu'il y avait des choses à corriger,
mais hier j'ai questionné le VG, et
l'assurance autonomie ne répondra pas nécessairement à ça. Vous savez,
l'assurance autonomie peut être un élément
de réponse. Mais, quand on est arrivés au financement, j'ai dit : Est-ce
que vous trouvez, oui ou non, qu'il y a un cadre financier? Il m'a dit
clairement : Pour faire un cadre financier, il faut qu'on ait l'évaluation
des besoins, puis il faut évaluer les services qui vont être donnés pour ces
besoins, puis il faut évaluer combien ça va coûter pour mettre ces services-là en place. Et le ministre nous a
confirmé hier après-midi, parce qu'il l'a dit lui-même, puis on peut
l'écouter, il dit : L'évaluation des
besoins va être terminée vers le 31 décembre 2013. Ça fait que, M. le
Président, comment un ministre peut dire qu'il nous a déposé un cadre
financier il y a quelques mois et que, maintenant, il nous dit que l'évaluation
des besoins n'était pas terminée? Et j'ai requestionné le VG, et j'ai
requestionné le VG, et il était très clair pour lui qu'il n'y avait pas de
cadre financier.
Le Président (M. Reid) : Merci,
M. le député de Jean-Talon. Je passe maintenant la parole au ministre.
• (10 h 30) •
M.
Hébert :
M. le Président, le député de Jean-Talon oublie, lorsqu'il dit que je cite une
étude d'il y a 10 ans, oublie
que le Vérificateur général a reproduit exactement la même étude et que,
10 ans plus tard, rien n'a changé, M. le Président. Pourquoi rien n'a changé? Parce qu'on ne s'est pas doté, on
ne s'est pas doté de mécanismes de gestion et d'un système qui fait en
sorte qu'on peut suivre l'adéquation entre les services qui sont donnés et les
besoins des usagers. Ce système-là n'est pas
en place. Pourquoi il n'est pas en place? Parce qu'on n'en a pas besoin, M. le
Président, dans le contexte actuel.
Ce n'est pas une information de gestion qui avait intéressé le gouvernement
précédent, mais c'est une information
de gestion qui est absolument essentielle si on veut s'assurer, d'une part,
que, pour les individus, il y ait une équité dans la réponse aux besoins et,
d'autre part, pour l'État, que les ressources qui sont consacrées au soutien à
domicile le sont de façon appropriée pour répondre aux besoins.
Lorsque le
député de Jean-Talon nous dit qu'il voulait investir aussi 400 millions.
C'était la promesse électorale de 2008
qui a résulté en un maigre 50 millions de plus dans les soins à domicile.
Il nous dit que, dans le budget de M. Bachand — le
budget préélectoral, je vous ferai remarquer — dans le budget, on avait une
provision… encore une fois, on recyclait une autre promesse électorale, ils ne
l'ont jamais fait. Nous le faisons. Dans la première année d'un gouvernement du
Parti québécois, dans une année difficile, compte tenu de la catastrophe que le
gouvernement précédent nous avait léguée,
nous avons rempli notre engagement et nous avons injecté 110 millions.
110 millions, c'est 23 %
d'augmentation, une augmentation jamais vue pour le soutien à domicile. Et ce
n'est pas terminé, c'est 500 millions que nous nous sommes engagés
à investir. Et c'était, d'ailleurs, ma prétention avant même d'arriver en politique
que nous avions 500 millions à injecter dans les soins à domicile, et
c'est ce que nous allons faire.
Nous allons le faire, M. le Président, pas
nécessairement parce qu'on veut étaler le financement, mais parce que 500 millions d'un coup… Doubler d'un coup
des services de soutien à domicile, ce ne serait pas absorbable dans le réseau. Il faut laisser le temps au réseau
d'engager les personnes et de pouvoir être en mesure de bien utiliser ce
500 millions, et nous allons le faire
dans un premier mandat normal d'un gouvernement du Parti québécois, tel que
nous nous sommes engagés à le faire. Ce n'est pas un budget de papier, c'est un
vrai budget que nous avons soumis à la population. Et cet
engagement-là, il est ferme, et cet engagement-là, il nous permet, il nous
permet, M. le Président, de pouvoir implanter l'assurance autonomie.
Lorsque je
suis arrivé en poste, j'ai constaté qu'il n'y avait aucune planification des
besoins financiers, compte tenu du vieillissement de la population. Tous
les pays de l'OCDE, tous les pays de l'OCDE, ont fait ces projections, et c'est disponible, d'ailleurs, sur le site Web
de l'OCDE. Tous les pays de l'OCDE l'ont fait, mais pas le Québec, on ne
voulait pas savoir quelle serait l'évolution
de la situation financière. Et donc, au cours des derniers mois, il y a une
équipe de la Direction des finances, en collaboration avec le ministère des
Finances, qui a pu établir ces projections financières.
Et, quand le
député de Jean-Talon nous dit : C'est trois lignes, c'est deux annexes,
avec des coûts, qui nous ont permis
d'établir les projections financières du statu quo, qui est sur la ligne rouge,
le statu quo. Si on ne change pas le système,
si on continue juste à mettre de l'argent, là, comme l'a fait le gouvernement
libéral, surtout dans les ressources institutionnelles, on atteindra, à
partir du 5 milliards qui, actuellement, est consacré aux soins de longue
durée, une somme de 12,8 milliards en
2027-2028, des projections qui peuvent être faites parce qu'on connaît le vieillissement
de la population. L'implantation de l'assurance autonomie nous permettrait de
redresser cette courbe-là, de faire en sorte que
la pente de la courbe soit moins accentuée parce qu'on priorise les soins à
domicile, qui, en plus de répondre aux besoins des personnes âgées, coûtent moins cher. Et cette assurance autonomie
nous permettra de réduire de 1,5 milliard — ce
n'est quand même pas rien — la facture en 2027-2028, 1,5 milliard
que n'auront pas à payer nos enfants et nos petits-enfants pour notre
perte d'autonomie à nous. Et c'est important de prendre les décisions
maintenant pour faire en sorte qu'on puisse,
un, assurer les services nécessaires et, deux, faire en sorte que ça soit
raisonnable pour le contribuable, raisonnable pour les finances de
l'État. C'est ça, l'assurance autonomie. Non seulement ça permet de donner des meilleurs services, non seulement ça permet de les
donner là où la personne a choisi de vivre, mais en plus ça respecte les
finances de l'État, M. le Président.
Le Président
(M. Reid) : Merci, M. le ministre. Je vais maintenant passer la
parole à une députée ministérielle, Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la députée d'Arthabaska, M. le député de Jean-Talon. Alors, écoutez, afin de me préparer
adéquatement à cette interpellation sur le projet d'assurance autonomie,
j'ai effectué des recherches d'écrits sur la situation qui prévalait
relativement aux soins à domicile. Afin de comprendre l'importance de poser des gestes concrets pour améliorer le tout en
mettant en place l'assurance autonomie, si importante pour nos aînés,
c'est important, je pense, de regarder le passé pour pouvoir se projeter vers
l'avenir.
Alors,
écoutez, je vais peut-être être un petit peu redondante avec ce que M. le
ministre a évoqué tout à l'heure, mais je pense que c'est important
d'aller un peu plus dans les détails parce qu'en mars 2012, dans le rapport de
la Protectrice du citoyen, c'était cité qu'une preuve flagrante du
désengagement s'effectuait envers les aînés. Celle-ci dénonçait ce que toutes
les travailleuses et les travailleurs qui oeuvrent auprès des personnes âgées
savent depuis longtemps : le
gouvernement du Québec se désengage de façon scandaleuse des soins et services
aux aînés. Toujours dans le rapport
de mars 2012, elle expose toutes les facettes de ce problème auquel le
gouvernement doit trouver des solutions, et ce, de façon urgente. Elle mentionne aussi que les instances régionales
et locales de santé se servent des budgets en soins à domicile à d'autres fins. Finalement, le résultat,
au lieu de pouvoir demeurer chez elles, les personnes âgées finissent
par se retrouver dans un lit d'hôpital en attendant une place en hébergement.
Également en mars 2012, on peut lire dans toujours le rapport de la Protectrice
du citoyen que celle-ci dénonce la dégradation des services aux aînés en perte d'autonomie, le soutien à domicile est déficient.
Neuf ans après l'adoption d'une politique de soutien à domicile, les
services aux aînés en perte d'autonomie se sont dégradés au Québec.
Toujours dans
la même période, en avril 2012, je notais dans un article de M. Chouinard,
de La Presse, intitulé Soins à domicile, moins d'heures pour les aînés : «Contrairement à ce qu'avait promis le
gouvernement [précédent], les services
à domicile pour les personnes âgées en perte d'autonomie ont diminué l'an
dernier», donc en 2011. Le ministère de la Santé et des Services sociaux
avait rendu public en 2010 un plan stratégique de cinq ans où il s'était fixé
une série d'objectifs, dont celui d'augmenter de 10 % d'ici à 2015 le
nombre d'heures de services à domicile. On pouvait lire dans ce rapport qu'il
faut s'adapter à l'augmentation des besoins de la clientèle, y compris les
familles et les proches aidants… peut-on
lire dans ce document signé par les ministres de l'époque, M. Yves Bolduc
et Dominique Vien. Or, loin d'augmenter, ces services, ils ont plutôt
diminué de 2,8 % entre 2009-2010 et 2010-2011 selon les données tirées du
rapport annuel du ministère.
La Protectrice du citoyen, dans son rapport, se
dit vivement préoccupée par les conséquences du manque de services à domicile sur la sécurité et la qualité
de vie des aînés en perte d'autonomie. Elle observait à l'époque une
nette tendance vers le bas des heures de services allouées. Le gouvernement
Charest fait valoir que ses investissements dans les services à domicile ont
augmenté de 69 % depuis 2003. Or, des budgets destinés aux soins à
domicile sont détournés à d'autres fins, en particulier pour réduire le
déficit, a dénoncé la Protectrice du citoyen.
Toutes ces
données-là, je les ai trouvées dans les écrits des articles que j'ai lus.
Alors, je pense qu'on est devant un constat aussi... En 2003, on
observait aussi un rapport...
Le Président (M. Reid) : Il
vous reste 14 secondes.
Mme
Gadoury-Hamelin :
...une politique de soins à domicile qui s'appelait Chez soi : le premier
choix, adoptée en 2003, où on disait que le rapport d'enquête était dévastateur
suite à cette politique-là, et qui mettait en lumière...
Le Président (M. Reid) :
Mme la députée…
Mme
Gadoury-Hamelin :
Oui.
• (10 h 40) •
Le Président (M. Reid) : …je
dois vous interrompre, votre temps est écoulé. Mme la députée, votre temps de cinq minutes est écoulé, alors vous aurez
d'autres occasions… Je passe maintenant la parole au député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. Vous savez, le cadre financier du ministre,
là, c'est trois petites lignes qui font juste des prédictions de
dépenses sur 15 ans. Il dit : Vous savez, mon cadre financier, là,
c'est dans deux annexes. C'est deux tableaux
dans lesquels il ne tient pas compte du tout de la transformation du réseau qui
avait déjà été entreprise puis dans lesquels il dit… On met l'assurance autonomie
en place, ça va donner ça. Mais ce n'est pas l'assurance autonomie qui va donner ça, c'est qu'on s'en va vers le
maintien à domicile, comme ça avait été fait. Puis j'inviterais la députée à aller visiter un peu
sur le terrain, tous les CSSS investissent plus dans les soins à domicile,
tous les CSSS sont en train de faire cette
transformation-là. Et, le ministre lui-même l'a dit, même si on voulait mettre
1 milliard demain matin, on ne peut pas, tout simplement parce qu'il n'y a
pas les ressources nécessaires.
Donc, il faut
que ça se fasse progressivement, et c'est ce qui s'est fait au cours des
dernières années. D'ailleurs, quand
on a rencontré le Vérificateur général hier, que j'ai trouvé très intéressant…
Là, je l'ai félicité, je lui ai donné une note de 100 % sur son… la façon dont on avait eu la discussion, puis il
a donné des réponses qui n'étaient pas orientées, des réponses, vraiment, qui étaient assez directes.
D'abord, le ministre dit que depuis des mois qu'il a un cadre financier.
Bien, ses trois petites lignes avec ses deux
petits tableaux, là, c'est loin d'être un cadre financier. Moi, j'ai demandé au
VG, au Vérificateur général, qui, en
passant, a une certaine autorité, c'est quoi, un cadre financier. D'abord, il
l'a dit, ça prend l'évaluation des besoins pour avoir un cadre
financier. Ce n'est pas des dépenses qu'on prédit, là, selon ce qui s'est fait depuis 15 ans, c'est qu'est-ce qui va se
faire au cours des prochaines années et c'est quoi, l'évaluation des
besoins. Après ça, le ministre nous dit…
Bien, il l'avait avoué avant que les besoins ne sont pas terminés d'évaluer et
puis que ça, ça va être fait plus
pour le 31 décembre 2013. Bon, ça fait que… Il me semble que j'ai posé la
question au VG : S'il n'a pas
fini d'évaluer les besoins, est-ce qu'il peut avoir un cadre financier? Il m'a
dit non. Ça a été ça, la réponse du VG. Donc, comment, si on n'a pas
l'évaluation des besoins, on n'a pas les données, qu'on peut avoir un cadre
financier qui est crédible?
Ce qui n'empêche pas que le réseau est en train
de se développer. En passant, pendant qu'on discute de ça, il y a des gens qui
sont sur le terrain qui ont plus de soins à domicile. On a fait la
transformation, il y a des ressources intermédiaires
qui ont ouvert, il y a des lits de CHSLD qui ont été rénovés. Il y a des
endroits qui en avaient moins besoin, donc ils ont été diminués. Puis il
y a des endroits où on en a plus besoin, puis il va falloir en construire.
M. le Président,
ça recommence à ressembler à une recette qu'on a vue voilà pas si longtemps que
ça — puis
je pense que le ministre est en train
d'avoir une signature par rapport aux finances — ça ressemble à notre recette de
l'Hôtel-Dieu de Québec. Ils évaluent, le projet
coûte 1 milliard, on pense que c'est trop cher. La première ministre
annonce à la Chambre de commerce de Québec : Vous savez, ça va
coûter moins cher d'aller construire du neuf que de rénover de l'ancien. Tout le monde embarque dans le bateau,
on applaudit tous. Moi, je l'ai dit à l'époque, j'ai dit : Je suis
d'accord, si on veut transformer le projet,
je n'ai pas de problème avec ça, mais ça va coûter pas mal plus cher. Puis, en
passant, là, l'article a été écrit par Pierre Pelchat avant même qu'on sorte
cette annonce-là, quand on regardait l'alternative.
Le ministre
fait l'évaluation après. Là, il vient puis, en point de presse, dans un scrum,
il dit, bien, de façon toute piteuse :
Vous savez, c'est étrange, hein, on pensait que ça coûterait moins cher, mais
ça coûte plus cher. Et le projet de 1 milliard, bien là il est
rendu à 1,7 milliard. Puis, juste pour vous dire, là, j'ai eu de sources
assez sûres, là, que dans 1,7 milliard,
pour arriver à ça, là, il faut qu'ils prennent des bâtisses qui coûtent
probablement 200 millions, puis il faut qu'ils les vendent 400 millions. Tu sais, on part avec le principe
que tu as une maison de 200 000 $, là, puis moi, dans cinq,
six ans, je vais avoir besoin de 400 000 $, bien, je vais la vendre
400 000 $ dans cinq, six ans. L'inflation d'une maison actuellement… le coût n'augmente pas tant
que ça. Bien, c'est la pensée magique, et on s'est retrouvés avec un
projet qui… Le ministre l'a avoué, il dit : Écoutez, le projet qui devait
coûter 1 milliard, là, il est rendu à 1,7 milliard. C'est peut-être un projet qui est un peu plus
gros, un peu mieux, mais ce n'est pas ça qu'il avait dit au début, il faisait
ça pour sauver de l'argent. Et, en plus de ça, quand on fait l'évaluation du
1,7 milliard, on se rend compte qu'il y a un petit 200 millions que,
dans le fond, ils ne l'auront pas, ce 200 millions-là. Ils n'auront pas
400 millions pour des bâtisses qui
valent 200 millions. Il faut être réaliste, n'importe quel évaluateur va
vous le dire. Là, il y a des gens qui ont décidé de signer ça quand même pour dire que ça valait la
peine. M. le Président, je vous dis, dans le projet de l'Hôtel-Dieu, ça
va monter plus que 2 milliards facilement.
La recette de
l'Hôtel-Dieu que le ministre a appliquée, là, je fais l'analogie, le parallèle,
là, c'est vers ça qu'on s'en va avec
l'assurance autonomie, M. le Président. Tout simplement, le ministre nous
promet plein de choses. Au début, il disait :
Vous allez tous rester à domicile. Là, tout le monde est venu lui dire :
Bien, ça va vous prendre des lits CHSLD puis des ressources intermédiaires. Là, bien là, c'est vrai, il dit, ça
va nous en prendre. Vous allez tous avoir les services nécessaires à domicile. Bien là, vous savez, avec
l'argent qu'on va mettre, là, c'est on passe de 15 % à 30 % de la
réponse de vos besoins. Bien, ce que le
ministre disait avant, puis ce qu'il dit aujourd'hui, puis ce qu'il a dit en
commission, c'est complètement différent. Ça fait que, quand il se fait
promettre… puis il met 1 million de dollars dans des annonces, puis on voit une gentille madame avec sa famille,
on dit : Vous allez rester à domicile, là, il va falloir peut-être qu'il
explique qu'il y en a encore plusieurs qui
vont aller en CHSLD, plusieurs en ressources intermédiaires. Son
350 millions qu'il va ménager pour les CHSLD, je ne suis pas sûr
qu'il va l'avoir, et tout son plan financier est basé sur des mauvaises
hypothèses comme ça, M. le Président. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Reid) : Merci, M. le député de Jean-Talon. La
parole est au ministre pour cinq minutes.
M.
Hébert :
On voit très bien que le député de Jean-Talon manque d'arguments sur le débat
de l'assurance autonomie, il essaie de
dévier le débat vers un autre sujet qui est celui de l'Hôtel-Dieu. Moi, je vais
revenir, M. le Président, sur la
contribution du Vérificateur général dans son mémoire qui était extrêmement
intéressante. Je pense que le député de Jean-Talon devrait relire le
verbatim de ce que le Vérificateur général nous a livré hier et relire le
mémoire. Le Vérificateur général a fait une
excellente comparaison entre les recommandations de ses trois rapports qu'il a
soumis au cours des dernières
années : celui sur les soins à domicile, celui sur l'hébergement des
personnes âgées et celui sur les personnes
avec déficience intellectuelle et trouble envahissant du développement. Il a
fait la comparaison de ses recommandations avec ce qui était écrit au
niveau du livre blanc sur l'assurance autonomie, et, point par point, M. le
Président, le livre blanc sur l'assurance autonomie répond aux préoccupations
du Vérificateur général.
Et nous avons eu
l'occasion hier de l'entendre confirmer, confirmer que les problèmes soulevés
au niveau de l'évaluation trouvaient réponse dans le livre blanc L'autonomie
pour tous, les problèmes soulevés au niveau du lien entre les besoins des
usagers et les services qui leur sont rendus trouvaient réponse dans le livre
blanc sur l'assurance autonomie, les
problèmes liés à l'inéquité entre les régions, l'inéquité dans la réception de
services trouvaient réponse dans le
livre blanc, les problèmes liés à l'inéquité dans le financement public des
services de soutien à l'autonomie selon différents milieux de vie, selon
qu'on est en CHSLD, à domicile, dans une résidence privée, dans un HLM
trouvaient réponse dans le projet d'assurance autonomie.
M.
le Président, on dirait que le livre blanc sur l'assurance autonomie a été
conçu pour répondre aux préoccupations très
légitimes, que je partage entièrement, du Vérificateur général. Lorsque je lui
ai demandé : Avez-vous fait l'analyse de notre cadre financier? Il
nous a répondu : Ce n'était pas ma responsabilité, et je ne l'ai pas fait.
Alors, il ne l'a pas fait. Qu'on ne lui
fasse pas dire ce qu'il n'a pas dit, il n'a pas fait l'étude approfondie du
cadre financier. Ce qu'on a présenté dans
le livre blanc L'autonomie pour tous, c'est un cadre financier,
c'est-à-dire le contour du financement de l'assurance autonomie. Ce que
le député de Jean-Talon voudrait qu'on lui fournisse, c'est les modalités
d'allocations financières. On n'en est pas là, M. le Président.
On n'est pas dans les
modalités d'allocations financières, il faut d'abord entendre la population sur
le projet d'assurance autonomie. Il faut
ensuite qu'un projet de loi soit soumis à l'Assemblée nationale avec des
règlements qui prévoiront, qui
prévoiront les allocations selon les incapacités des individus, qui prévoiront
comment ces allocations seront modulées
en fonction du revenu de façon à ce que les personnes qui ont moins de revenus
puissent avoir plus d'allocations et
qu'on ne se retrouve pas dans la situation actuelle où les gens qui sont en
dessous du seuil de la pauvreté, qui reçoivent le supplément de revenu garanti maximum sont obligés de payer de leur
poche, pour avoir des services d'une entreprise d'économie sociale, 7 $ de l'heure, M. le Président. 7 $ de
l'heure qu'ils sont obligés de payer de leur poche lorsqu'ils habitent
dans un HLM pour avoir des services. Il faut sortir de cette inéquité
financière et permettre aux gens les moins
nantis de notre société — et c'est souvent des personnes âgées, et c'est souvent des femmes
âgées — de
pouvoir recevoir les services sans qu'ils
aient à faire le cruel choix entre s'alimenter convenablement et recevoir des
services de soutien à l'autonomie.
C'est ça qu'on veut faire avec l'assurance autonomie, retrouver une justice
sociale au Québec dans la façon dont
les personnes qui ont le malheur de présenter une perte d'autonomie puissent
avoir accès à des services de l'État.
Le
Vérificateur général appuie la majorité, la grande majorité de ce qui est dans
la livre blanc. Le Vérificateur général
et même la Protectrice du citoyen en font de même. Il est trop tôt pour aller
dans les modalités financières, il faut d'abord entendre les citoyens sur le principe, il faut d'abord entendre
les citoyens sur l'étendue de l'assurance autonomie. On a entendu les groupes de personnes handicapées
nous dire qu'ils voulaient faire partie... et qu'ils voulaient même que les gens en bas de 18 ans puissent avoir accès à
l'assurance autonomie. C'est ce que nous ont dit les gens. Il faut
entendre les gens avant d'aller plus loin avec un projet de loi, avant d'aller
plus loin avec une réglementation qui prévoira des modalités d'allocation financière. Ce que nous avons demandé, dans le
réseau, c'est de mettre à jour, de mettre à jour les évaluations des
personnes et de faire en sorte qu'on puisse avoir à une date fixe, à la fin
décembre, un portrait global des usagers qui
sont actuellement servis par les services de soutien à domicile, et cela nous
permettra de pouvoir élaborer les grilles, les grilles d'allocation de
soutien à l'autonomie le temps venu, M. le Président. Mais nous avons...
• (10 h 50) •
Le
Président (M. Reid) : ...le temps est terminé. Merci, M. le
ministre. Je vais passer la parole maintenant à la députée de Masson
pour cinq minutes. Je vous avertirai peut-être quand il restera une minute.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Oui, c'est ça, je vais m'habituer. Merci, M. le Président.
Alors,
effectivement, bien, je suis très heureuse d'avoir l'occasion de terminer un
peu sur qu'est-ce que j'avais entrepris tout à l'heure. Effectivement,
je citais que la politique de soins à domicile Chez soi : le premier choix qui avait été adoptée en 2003, le rapport d'enquête
qui a suivi était assez dévastateur et mettait en lumière des lacunes
que nous devons corriger avec l'assurance
autonomie. Et je crois que l'assurance autonomie est une réponse à ces
solutions-là pour nos personnes aînées.
Vous savez, même moi,
dans ma circonscription, j'ai été sensibilisée, lorsque je suis arrivée en
poste, à une personne âgée qui attendait à
l'hôpital une place et qui a été plusieurs mois à l'hôpital à attendre une
place, justement, parce que... Et je
voyais constamment son état se détériorer à l'hôpital parce que,
malheureusement, les soins, la stimulation n'étaient pas au rendez-vous
autant, puis ça a dû être la famille qui a rendu... qui a fait ces services-là
auprès de cette personne-là au quotidien.
Donc, ça veut dire aussi que les proches aidants, dans le système actuel, sont
mis à contribution, que ce soit à
l'hôpital... Aller tous les jours à l'hôpital pour prendre soin d'une personne
qui est en perte d'autonomie, pour arriver à la stimuler, je trouve ça
désastreux dans notre société. Il faut vraiment qu'on soit en mesure de
corriger cette situation-là.
Vous savez, les aînés nous
disent : On veut demeurer à la maison le plus longtemps possible. J'ai
moi-même, personnellement, passé par cette situation-là auprès de ma mère, et
une chance que j'avais un employeur, à l'époque, compréhensif qui m'a permis de
jouer le rôle de proche aidante parce
que… Mais ce n'est pas la situation
de toutes les familles, alors il est important…
Moi, quand ma mère m'a dit : Mon état se décline, mais je ne veux pas
aller en CHSLD, je lui ai
répondu : On va faire tout ce qu'on peut pour te garder à la maison. Et je
pense que c'est le souhait de plusieurs personnes aînées. Alors, il a
fallu que je mette en place autour d'elle une série de mesures, un système tout
orchestré, justement pour qu'elle puisse vivre le plus longtemps possible à la
maison. Et elle a terminé ses jours à l'hôpital, les 15 derniers jours de sa vie ont été à l'hôpital. Le reste du temps,
ça a été possible de la garder à la maison, mais ça m'a demandé un
effort considérable.
Et je pense qu'au Québec, actuellement, il y a
des familles qui vivent cette situation-là, et il faut apporter des solutions concrètes aux proches aidants, leur
apporter du répit pour qu'ils soient en mesure, justement… Parce que, on le dit souvent, ce sont des
femmes qui sont souvent des proches aidantes et ce sont souvent des gens eux-mêmes
aînés. Alors, souvent, la tâche est
laborieuse, et ils ont besoin de répit. Et l'assurance autonomie vise cet
objectif-là, et on pense qu'on va être en mesure d'apporter un
soulagement auprès de ces familles-là. Donc, de là l'urgence d'agir.
Vous savez, M. le Président, que notre population est vieillissante. Et je pense que ce qu'il y a
à retenir aussi de notre population, c'est que oui, elle est
vieillissante, mais, en plus de ça, elle vieillit de façon accélérée. C'est ça,
la problématique. Vous savez qu'en 2026 nous aurons 16 000 personnes de plus chaque année qui
vont être dans les effectifs de
85 ans et plus. Et on sait que ce groupe d'âge là, c'est ce groupe d'âge
là particulièrement qui est en besoin de services et de soins à domicile pour pouvoir garder une
qualité de vie. Alors, sur ce, je vais m'arrêter et je poursuivrai à la
prochaine occasion. Merci.
Le
Président (M. Reid) : Oui. Vous allez avoir encore l'occasion,
Mme la députée. Je passe maintenant la parole, pour une troisième série
d'interventions, à la députée du deuxième groupe d'opposition, la députée
d'Arthabaska.
Mme Roy (Arthabaska) : Merci,
M. le Président. Permettez-moi, amicalement, d'être en désaccord avec les propos de ma collègue, mais je ne pense pas que
c'est un problème de vieillir, c'est un défi. C'est un défi. On ne peut
pas accabler les personnes qui vieillissent de devenir un problème pour la société,
c'est un défi, la longévité. Mais c'est un luxe aussi que nous avons dans notre
société de pouvoir vieillir. Il y a d'autres sociétés où on ne peut pas
atteindre l'âge vénérable qu'on va atteindre à l'heure actuelle au Québec.
Maintenant,
cela étant dit, ce matin, c'est un drôle de hasard, il y a une femme qui m'a
appelée… Je vais l'appeler Juliette,
ce n'est pas son vrai nom, mais c'est une vraie conversation que j'ai eue ce
matin avec une femme de 83 ans qui est proche aidante, depuis
minimalement 10 ans, de son conjoint de 85 ans. Son problème, c'est
qu'elle avait changé d'intervenante au CLSC pour donner un bain à son conjoint,
puis la nouvelle intervenante trouve que la façon dont l'ancienne procédait n'était pas sécuritaire, donc elle ne veut plus
donner de bain à son conjoint. Pour elle, c'est un drame. C'est deux bains par semaine qu'elle devrait
avoir, mais il manque une barre dans la chambre de bains. Puis là ça va
prendre deux mois et demi avant qu'on règle
ça, ça veut dire deux mois et demi sans bain pour son conjoint. Elle vit avec
lui dans sa maison. C'est de ça qu'on parle, là. C'est des choses aussi fondamentales
que ça que l'on parle ici.
On a beau
parler avec des acronymes, des pourcentages, des mots assez savants, mais on
parle de misère humaine, de difficultés
de tous les jours, de personnes qui combattent ces problèmes-là.
Puis je vous parle de ça parce
qu'aussi, dans le mois qui vient de passer,
j'ai rencontré deux familles qui avaient des enfants handicapés… bien, des
enfants de 25 ans, mais c'était quand
même leurs enfants, qui sont déménagés puis qui ont perdu 25 % des
allocations parce qu'identifiés au SMAF, le fameux SMAF, l'outil que M.
le ministre a pondu, ce n'est pas appliqué de la même façon. 25 % de leurs
revenus pour aider leurs enfants, c'est
beaucoup. Puis je vous parle de ça aussi parce que j'ai rencontré une femme…
Bien, c'est-à-dire que je n'ai pas pu la rencontrer, qui était, à l'âge de 35
ans, en CHSLD et qui voulait mourir avec ses quatre
enfants, puis on m'a dit qu'elle ne pouvait pas parce que c'était trop
d'heures-soins — c'était
à Montréal — c'était trop
d'heures-soins chez elle, on n'était pas capable de la maintenir à domicile,
puis qu'elle en avait pour des années avant de mourir. Puis, la journée où je me suis rendue à son chevet pour
discuter de son problème, elle est décédée dans la nuit.
Donc, tout
ça, tous ces drames humains là me font me poser une question. Puis je reviens
au jeu de base, est-ce que le
ministre de la Santé… les ministres de la Santé, malgré tout ce qu'on va faire
ici, malgré toute notre bonne volonté, ont
le pouvoir d'inverser la tendance de la machine? Est-ce que c'est les agences
de santé qui dirigent au Québec? Est-ce que c'est les CHSLD, les CLSC qui ont l'autorité? Est-ce que les
ministres successifs… Puis je pense que mes deux collègues qui ont été
ministres… l'ancien ministre de la Santé et le ministre de la Santé ont, tous
les deux, des bonnes intentions, mais est-ce qu'au niveau politique on a perdu
le contrôle de la bête, de l'organigramme géant, monstrueux, je dirais obèse, qu'est la Santé? Est-ce que, si on a un
SMAF, un outil qui est supposé scientifique, qui est supposé rigoureux, qui est fait dans deux places à
quelques kilomètres, qui est analysé par deux supposés spécialistes, qui
donne des résultats aussi différents, ça ne
nous indique pas que, malgré tout ce qu'on va vouloir faire ici, si la
machine ne répond pas, ça ne va être que des
bons sentiments? Je pense qu'il faut penser au jeu de base, là, revenir au jeu
de base puis se demander si on a les
moyens de nos ambitions et si ces discussions-là ne seront pas stériles si le
système ne suit pas.
Le Président (M. Reid) :
Merci, Mme la députée. Je vais passer la parole au ministre pour un cinq
minutes.
M.
Hébert : M. le Président, la députée d'Arthabaska soulève un
problème extrêmement important. Lorsque des plans de services sont différents d'une région à l'autre, ce n'est pas
parce que l'évaluation est différente, ce n'est pas parce que le profil d'autonomie
est différent, c'est parce que le plan de services en réponse à cette
évaluation-là dépend de certaines
décisions de gestion d'établissements. Ce que nous voulons faire avec
l'assurance autonomie, c'est, plutôt que de donner le pouvoir aux établissements, nous voulons redonner le
pouvoir à la personne âgée. Et, en redonnant le pouvoir à la personne âgée, en redonnant le pouvoir de faire
en sorte que son allocation serve au financement des établissements publics ou encore à avoir des services d'une
entreprise d'économie sociale, d'un HLM, d'une résidence privée, en redonnant
ce pouvoir-là aux personnes, on fait en
sorte que la personne redevient au centre des décisions qui la concernent, et
c'est comme ça qu'on va pouvoir intégrer un changement fondamental dans la
façon dont nous donnons les services ou nous nous assurons à ce que les
services soient donnés.
• (11 heures) •
Vous
savez, j'ai demandé à presque toutes les personnes qui ont défilé en commission
parlementaire : Est-ce que juste
de rajouter de l'argent, comme le souhaitent les libéraux, va faire en sorte
qu'on va avoir de meilleurs services aux personnes? La réponse a été unanime : Le statu quo est invivable et
ne permettra pas de faire les changements. Que ce soit la Protectrice du citoyen, que ce soit le
Vérificateur général, que ce soit l'association des établissements de santé et
des services sociaux, que ce soit le
regroupement des établissements en réadaptation physique, en déficience
intellectuelle, que ce soient les
représentants des personnes âgées, le statu quo n'est pas viable et le statu
quo ne permettra pas de faire en sorte qu'on puisse redonner la liberté
de choix aux individus.
Nous
devons redonner ce pouvoir aux personnes âgées, redonner ce pouvoir aux
personnes handicapées. Nous devons protéger l'argent parce que, comme l'a
dit la Protectrice du citoyen, l'argent pour les soins à domicile est souvent
utilisé à toutes sortes d'autres vocations. Nous devons protéger l'argent, nous
devons protéger les aînés et les personnes handicapées
pour assurer que les services qu'ils reçoivent soient de qualité. L'État doit
reprendre son devoir de gestion dans des secteurs, actuellement, qui
échappent à la gestion de l'État, par exemple les résidences privées, où il n'y a aucun contrôle de l'État sur l'évaluation
des besoins, où il n'y a aucun contrôle de l'État sur l'élaboration de
tarifs pour les soins à domicile. Il faut que l'État reprenne son rôle de
gestionnaire, peu importe là où la personne a choisi de vivre. Il faut que
l'argent suive la personne, et non pas que l'argent serve à financer des
établissements sur des bases historiques sans qu'on demande des comptes. Avec
l'assurance autonomie, l'allocation, le soutien à l'autonomie permettra de financer le CHSLD, de financer les
services donnés en soutien à domicile par la mission CLSC, et cela va
changer de façon radicale la façon de financer les établissements en passant à
un financement à l'activité, c'est-à-dire en finançant les établissements sur
la base des services qu'ils donnent à leurs usagers.
Vous allez me
dire : Ce n'est pas comme ça? Non, ce n'est pas comme ça. Les
établissements sont financés actuellement
sur des bases historiques, et non pas sur la base des usagers qu'ils
desservent. Alors, en CHSLD, par exemple, vous avez un budget. La clientèle s'alourdit au cours de cinq, six
années? Vous avez le même budget, et pourtant les besoins des usagers ont changé. Il faut retrouver un
financement proportionnel aux besoins des usagers et il faut que l'usager
ne soit plus vu comme une dépense par
l'établissement, mais soit vu comme un revenu. Lorsqu'il y a un nouvel usager,
c'est un revenu supplémentaire qui va permettre à l'établissement de donner des
services et d'être financé en proportion aux services qu'il a donnés.
Et
ça, c'est un changement extrêmement important qui ne peut pas se faire si on
n'implante pas une assurance autonomie, qui ne peut pas se faire dans le
cadre du financement actuel. Et c'est un mode de financement qui va nous permettre de régler le problème d'inéquité
interrégionale parce que tous, qu'ils habitent à Baie-Comeau, à Chambly
ou à Sherbrooke, auront accès à la même
allocation pour un même niveau de besoins et une même situation de revenus.
Tous deviendront égaux lorsqu'il
y a une perte d'autonomie. Tous auront le droit de recevoir le même traitement.
Bien sûr, le plan de services va varier d'une région à l'autre, mais
tous auront l'équité dans l'accès aux services.
Le Président (M.
Reid) : Merci, M. le ministre. Je passe maintenant la parole à la
députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin : Merci, M. le Président. Alors, Mme
la députée d'Arthabaska, j'aimerais rectifier. Si je vous
ai donné l'impression que je pensais que le vieillissement de la population
était un problème, ce n'est pas du tout mon intention. Je
suis d'accord avec vous, il s'agit d'un défi, puis d'un
défi qu'il faut relever
rapidement, et pour le mieux-être de nos personnes aînées. Parce que je
suis tout à fait d'accord avec vous, les situations que vous avez énumérées
tout à l'heure, c'est déplorable, puis il faut vraiment s'occuper de nos aînés.
Ils sont la force vive de notre société, ils ont contribué à faire ce que nous
sommes aujourd'hui, puis, en plus de ça, ils sont en forme très longtemps
maintenant.
Alors, j'écoutais une
dame hier qui était venue — je
crois que c'était une dame des popotes roulantes — lors de la commission,
qui nous a dit… elle nous parlait plus de la liberté 95 ou 85 ans au lieu de la
liberté 55. Elle était elle-même très active
au sein du mouvement de la popote roulante et puis elle avait dépassé l'âge de
65 ans depuis un bon bout de temps.
Alors, c'est une réalité aujourd'hui aussi. Alors, ces gens-là prennent part à
la société, ils sont souvent… Elle nous
avait mentionné aussi qu'ils sont souvent des bénévoles âgés de plus de 65 ans
dans ces organismes-là, puis ça, c'est tout
à leur honneur, à ces gens-là, de contribuer ainsi à notre société, et d'aider,
et de voir à aider les autres personnes.
Alors,
écoutez, moi, c'est sûr que je poursuis dans les recherches que j'ai faites
dans les écrits pour ma préparation à cette interpellation. Alors, je
voyais aussi qu'en juin 2013, alors que notre gouvernement songe à prendre
le virage des soins à domicile avec l'instauration de l'assurance autonomie, je
constatais que le rapport du Vérificateur général soulignait les importantes
lacunes des services offerts aux personnes âgées en perte d'autonomie. Les
principales qui étaient observées : le
contrôle de la qualité qui est insuffisant; l'absence de normes nationales; les
services inégaux d'un établissement à
l'autre — ça, on
l'a entendu en commission; l'évaluation des besoins inadéquate; des délais trop
longs; peu de temps consacré par les
professionnels au domicile des personnes âgées. Donc, c'est sûr que nous avons
du plain sur la planche pour rectifier ces situations-là.
On nous
parlait aussi dans ce rapport-là du Vérificateur : Malgré l'investissement
de sommes importantes — de 2,3 milliards de dollars en hébergement et de
500 millions en services directs — un sérieux redressement reste à
faire, soutenait M.
Samson, le Vérificateur général par intérim. Il nommait aussi dans ce
rapport-là… «Il y a des sommes très importantes dans ce domaine-là, mais
il y a des lacunes majeures. Les personnes âgées en perte d'autonomie sont une population vulnérable — on l'a mentionné — et il y a — à coup sûr — un coup de barre à donner[...]. [...]L'état
des services à domicile au Québec est le
fruit de plusieurs années de laisser-aller, selon M. Samson. "Au fil du temps,
on n'a peut-être pas fait tout
l'encadrement ou l'établissement des normes comme on aurait dû le faire, ce qui
a amené chaque région à fonctionner un peu à sa façon avec les
résultats, malheureusement, que l'on a présentement."»
Donc, il est
certain que nous avons des choses à rectifier, et je crois sincèrement que l'assurance autonomie pourra apporter des solutions tangibles à ces situations.
Et je crois sincèrement aussi que nous avons aussi beaucoup d'acteurs qui sont prêts à collaborer. En commission,
on a eu l'opportunité d'entendre plusieurs groupes nous dire qu'ils sont prêts à s'attaquer
à cette tâche-là, si ce n'est que citer les entreprises d'économie sociale, les
popotes roulantes, des gens très engagés. La
Fédération québécoise des sociétés d'Alzheimer, hier aussi, et également
les regroupements d'organismes d'habitation, également, nous ont mentionné leur intérêt
à prendre part à l'assurance autonomie. Alors, sur ce, je pense qu'on a beaucoup de pain sur la
planche.
Le
Président (M. Reid) :
Merci beaucoup, Mme la
députée de Masson.
Pour une quatrième série d'interventions, je passe la parole au député
de Jean-Talon.
• (11 h 10) •
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bien, je suis content que la députée
reconnaisse qu'il y avait quand même
de l'argent qui avait été mis dans le système, hein, 2,38 milliards, 500 millions. Et tous reconnaissent qu'on doit en mettre plus. Même le ministre
disait qu'il allait mettre ça, le 500 millions, la première année. Mais,
quand il est arrivé au pouvoir, ils se sont rendu compte que c'était un petit
peu différent. Puis le ministre, il me fait dire à moi — puis
ça fait plusieurs fois que je le dis, puis je m'amuse avec ça — il
dit : Est-ce que juste rajouter
de l'argent va changer... La réponse,
c'est non, puis j'ai toujours dit aussi que c'était non. Et, quand j'étais
ministre, en passant, je disais également que c'était non.
Le ministre,
il vérifiera auprès des gens qui travaillent avec lui qui ont travaillé avec
moi, on a toujours dit que c'était non parce que… Pourquoi? Et c'est là
qu'on se différencie d'avec le ministre. Le ministre, lui, il dit : On
fait l'assurance autonomie, on change tout
le système. Après ça, on regardera la facture, puis il y a quelqu'un qui va
payer. Nous autres, on disait — en passant, c'est la même chose que le
Vérificateur général nous a dite hier : Vous savez, avant de faire cette grande transformation là, peut-être
évaluer combien ça va coûter. Peut-être que ça serait important, vous
allez peut-être avoir une surprise, là, hein? Puis je ne pense pas que le... Il
a fait des compliments par rapport à votre gouvernement,
par rapport à la façon de compter, là, mais ce qu'il a dit, et c'est très
clair : Vous savez, on regarde sur le terrain, il y a des endroits qu'il y a des gens qui font deux visites
par jour. Vous ne pensez pas qu'avant de remettre de l'argent, en plus de l'argent qu'on mettait déjà,
en plus qu'on va rajouter, puis, avant de refaire un gros changement de structure avec un système informatique, tout
revoir les affaires, mettre 300 millions de gestionnaires de cas, puis
tout revoir ça… vous ne trouvez pas,
peut-être, qu'on devrait améliorer ce qui se fait déjà dans le réseau, sur le
terrain, et aller chercher un maximum de performance? C'est là qu'on se
différencie. C'est qu'on doit rajouter de l'argent — puis le ministre pourra dire encore que je fais juste dire ça — mais, en plus, il faut qu'on fasse la
transformation vers le maintien à domicile, stabiliser le nombre d'ouvertures en CHSLD, et ça, toujours des choses
qu'on a dites. Le ministre reprend ça à son compte, mais on l'a dit ça fait un bout de temps. Moi,
j'avais dit : Avec 40 000 places au Québec, on a assez de places,
probablement, pour les 10 prochaines années si on se… avec un ratio de 2,5.
Mais là il
faut faire attention. Il y a des endroits où est-ce qu'il y a du développement,
dont, entre autres, dans vos régions, hein? Quand on regarde dans les
régions de la Montérégie, Laval, Laurentides, il y a des CHSLD qui vont devoir être construits parce qu'il y a un grand
développement de population dans ces secteurs-là, puis il y a d'autres
endroits qu'il va falloir le stabiliser. Ce
qu'il faut voir sur 10 ans — puis il faut l'expliquer comme il faut — sur 10 ans, ce qui va se passer, c'est que la population vieillit, il y
a plus de personnes âgées, et on devrait avoir le nombre suffisant. On
n'a pas besoin d'en fermer, il faut stabiliser.
M. le
Président, le cadre financier, il y a des informations dont nous avons besoin, puis
c'est ça que le ministre doit comprendre. Ce n'est pas trois petites
lignes dans le temps d'une prédiction du ministère des Finances basée sur deux petits tableaux, là. Ça, ça fait peut-être
son affaire pour expliquer aux gens qu'on devrait le faire. Ce n'est pas
ça qu'on a besoin. On a besoin de savoir il
y a combien de personnes qui ont des besoins, ces gens-là, quand ils vont avoir
eu leur évaluation SMAF, l'intensité de soins qui va être nécessaire, ça
va demander quoi comme services, et chacun des services, et chacun des patients va coûter combien. Et lui, le ministre,
il doit décider après ça combien il va donner. Et là, d'ailleurs, au début, il devait donner 100 %.
Là, on apprend que c'est 15 %. Peut-être que la population devrait le
savoir, ça. On devait répondre à 100 %, puis maintenant c'est rendu
15 %. Quand vous allez avoir fait ça, on a-tu les ressources nécessaires pour le moment pour être capable de
tout faire ça? De toute façon, il n'y a pas assez d'argent pour le
faire. L'autre question : Il faut
prendre le coût total, et ça coûte combien. C'est ça, la réponse à laquelle il
faut que le ministre réponde : Ça va coûter combien? Et quelle est
la facture totale que le gouvernement va devoir assumer?
On sait qu'au
début, là, il en voulait, de l'argent, mais le Conseil du trésor lui a
dit : Tu as juste 100 millions. En passant, le ministre avait dit
en campagne électorale : Ça va se faire à coût nul, on ne mettra pas plus
d'argent. Bien là, il est obligé d'en
remettre, là, puis, quand il va avoir fini de calculer, il va falloir en
remettre plus. Pourquoi? Puis je reprends
ses mots, le monde, ils venaient en disant : On est d'accord avec
l'assurance autonomie. Mais, après
ça, ils disaient ce qu'ils avaient
besoin, puis ils finissaient tous, tous, tous par la même affaire : Ce que
vous nous dites là, là, c'est bien beau,
là, mais on a connu ça, ça s'appelle, quoi, là, «virage ambulatoire»,
«désinstitutionnalisation»? Puis, là-dessus, le 100
millions que vous mettez, qui, je pense, est, acceptable, le 100 millions que
vous mettez là, là, est-ce que ça répond tout à vos besoins? Est-ce que ça va
répondre à tous nos besoins? Le ministre, il ne répondait pas à ça. Ça fait
qu'il prend la partie qui fait son affaire : On est d'accord pour
le maintien à domicile — en
passant, je l'ai dit, on est tous d'accord avec
ça — mais,
quand il arrive la partie, là, combien ça
va coûter, c'est quoi, le
financement, là, c'est un peu plus
vague. Il y a même un groupe qui est arrivé, puis il n'en a même plus reparlé. Parce
qu'ils leur ont posé ce problème-là directement :
Combien ça va coûter? À la question suivante, le ministre n'a jamais posé de
question là-dessus, c'est moi qui ai dû revenir là-dessus, M. le ministre, M.
le Président.
Le
prochain bloc qu'on va discuter, le ministre, il va falloir qu'il réponde à une
autre question : On va chercher combien
dans la poche du contribuable? C'est quoi, le pourcentage de vos services qu'on
va couvrir? Puis également, là, le citoyen
qui va payer des impôts toute sa vie, dans le projet du ministre, actuellement,
s'il a assez de revenus, ça pourrait même — c'est un drôle de point de justice — être celui qui ne sera pas capable d'en
profiter. Ça, c'est d'autres questions que le ministre va devoir
répondre. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Reid) : Merci, M. le député de Jean-Talon. Je passe maintenant
la parole au ministre.
M.
Hébert : M. le Président, le député de Jean-Talon devrait lire au moins ce que j'ai écrit — parce que j'ai écrit beaucoup — et il devrait commencer par
lire le livre blanc, ce qu'il n'a pas fait, de toute évidence. Mais il saurait,
M. le Président, qu'il n'a jamais été... Et je n'ai jamais dit que nous allions combler 100 % des
besoins, j'ai écrit plusieurs fois, même avant d'être en politique, que,
si nous passions de 15 % à 40 % de réponse aux besoins à domicile,
nous aurions fait un grand pas pour
faciliter le soutien à domicile. C'est ce que nous allons faire, M. le
Président. Le 110 millions que nous
avons injecté cette année n'est que le début, nous nous sommes engagés à
augmenter le budget à 500 millions. Mais ça, augmenter le budget à 500
millions, sur cinq ans, c'est 1,6 milliard, là, parce que le 100 millions de
cette année va être là et, sur une base
budgétaire, va rester pendant les cinq prochaines années, va s'ajouter un autre
100 millions, un autre 100 millions à l'édifice, de sorte qu'on aura à
terme 500 millions, on aura à terme doublé le budget des soins à domicile.
Lorsque
le député de Jean-Talon dit que
j'aurais déclaré que ça serait à coût nul, à coût nul nonobstant
une injection de 500 millions. L'injection de 500 millions a toujours
été la base de l'implantation de l'assurance autonomie. On ne peut pas faire un projet comme celui-là sans y
consacrer l'argent nécessaire. Et ce cadre financier, c'est celui
dans lequel nous allons définir les
allocations, c'est celui dans lequel nous pourrons... Lorsque
le projet de loi sera déposé, lorsque le projet de loi sera
adopté, c'est le cadre financier que nous allons respecter, c'est dans ce cadre
financier là que vont s'élaborer les différentes modalités de financement.
Le
député de Jean-Talon tire des chiffres de son chapeau, je l'invite à
plus de rigueur. Lorsqu'il dit 300 millions pour les gestionnaires de cas, je l'invite à plus de rigueur. Nous avons
injecté 7 millions de dollars dès cette année pour compléter le réseau des gestionnaires de cas au Québec,
qui était autour de 65 %. Nous
voulons l'amener à 80 % pour qu'il réponde aux besoins au moment de l'implantation de l'assurance
autonomie. 7 millions que nous avons injectés dans le réseau en préparation de la mise en place de
l'assurance autonomie de façon à ce que ces professionnels, qu'on
appelle des gestionnaires de cas… Est-ce qu'on
devrait trouver un terme plus approprié? Probablement, mais nous les appelons
des gestionnaires de cas. Ce sont des professionnels, des infirmières, des
travailleurs sociaux qui font l'évaluation des personnes, qui, avec la personne, conviennent du plan de services
individualisé et qui auront à gérer l'allocation de soutien à
l'autonomie avec la personne âgée et sa famille au moment où cette allocation
sera disponible.
J'inviterais
le député de Jean-Talon à lire les écrits de son chef, Philippe Couillard, qui
a rédigé, il y a quelque temps, un excellent rapport pour la firme
Secor. Philippe Couillard, qui était membre de cette équipe, qui a rédigé un
rapport en soutien à l'assurance autonomie et qui nous dit que le nouveau
modèle pour les aînés du Québec, qui doit remplacer
celui que nous connaissons parce que celui que nous connaissons est un statu
quo intenable, que ce nouveau modèle — et je cite Philippe Couillard — devrait respecter un choix par l'aîné et ses
proches quant au lieu de résidence, il devrait
y avoir un financement modulé en fonction du niveau de dépendance et du revenu,
il devrait y avoir un décloisonnement
de l'offre de services afin d'assurer la stabilité du milieu de vie pour
l'individu et éviter qu'on déracine les personnes. Il faudrait y avoir
un contrôle de la qualité de l'offre de services, un financement universel par
l'État de l'ensemble des soins infirmiers, un nouveau modèle construit, bien
sûr, en fonction des outils déjà existants, mais un nouveau modèle qui permettrait — et je cite encore Philippe Couillard — de pouvoir avoir un meilleur contrôle des
coûts en permettant que les rôles des acteurs publics et privés soient mieux
définis. Philippe Couillard.
Alors,
il faudrait savoir si le Parti libéral est en accord avec son chef, M. le
Président, mais lui, lui est en accord avec
la mise en place d'une assurance autonomie, une assurance autonomie qui va nous
permettre, tel que le stipule le livre blanc,
de couvrir l'ensemble des personnes en perte d'autonomie de plus de 18 ans. Et
même les groupes, M. le Président, représentant les personnes avec
déficiences physiques, déficiences intellectuelles nous disent qu'ils ne
veulent pas attendre en 2015 et en 2016, tel
que le prévoyait le livre blanc sur l'assurance autonomie, pour bénéficier de
cette nouvelle innovation sociale, ils veulent le faire dès l'entrée en
vigueur de l'assurance autonomie pour les personnes âgées, de sorte que l'ensemble des personnes avec des
besoins de soutien à l'autonomie puissent être couvertes par cette
nouvelle mesure de solidarité sociale qu'attendent avec impatience les
personnes avec déficiences physiques, avec déficiences intellectuelles et les personnes âgées. Il est important qu'on puisse,
M. le Président, écouter ce que les gens ont à nous dire actuellement sur le livre blanc et procéder
rapidement à l'adoption du projet de loi pour que le Québec puisse
bénéficier de cette nouvelle innovation sociale.
• (11 h 20) •
Le Président (M.
Reid) : Merci, M. le ministre. Je passe la parole maintenant
à la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Merci, M. le Président. Il est certain que l'ensemble des groupes qu'on a
entendus en commission parlementaire jusqu'à
maintenant ont apporté des éclairages intéressants, des nuances aussi. Je pense
qu'on est en train, comme disait M. le
ministre, en train de colliger des informations, des conseils, des offres de
collaboration. Les gens sont motivés
à s'impliquer au niveau de l'assurance autonomie. Certains groupes trouvent
l'assurance autonomie comme une belle
opportunité de travailler en collaboration et d'être complémentaires aux
services de l'État. Je pense que c'est un atout important dans
l'assurance autonomie qui arrive à nos portes.
Je
pense, aussi, on a eu aussi des questionnements en commission parlementaire dans
les derniers jours. Certaines personnes se sont posé la question à
savoir quel aurait été l'avantage d'entreprendre un tel virage vers une
assurance autonomie plus tôt dans le temps.
Je me souviens d'avoir noté lors de la commission
où on disait qu'il y aurait possiblement trop de places en CHSLD si on avait pris ce virage-là plus rapidement
dans le temps, puis, aujourd'hui, on se retrouverait dans une situation différente et un 7 800
places de trop en CHSLD. Et on sait que chaque place en CHSLD a des
coûts d'environ 90 000 $ par
année, donc ceci nous donnerait l'opportunité d'avoir un 685 millions de
dollars à injecter dans les fonds dédiés aux soins à domicile. Alors, ça
serait quand même intéressant de pouvoir faire ça.
Même,
M. le ministre notait lors de cette commission-là qu'on serait même capables
d'aller plus tôt... Parce qu'on sait très bien qu'actuellement l'État
contribue à 15 % des coûts des soins à domicile et qu'on envisage
possiblement, avec l'assurance autonomie, de
se rendre à 40 %. Mais, dans le cas que je viens de nommer, si on avait
pris un virage plus tôt dans le temps
vers une assurance autonomie, on serait capables, possiblement, de se rendre à
60 % des coûts au lieu de 40 %, ce qui serait très intéressant
dans les circonstances.
Ceci étant dit, je
pense véritablement que l'assurance autonomie est une solution concrète à tous
les gens qui attendent de l'aide et du
support, une uniformisation des services aussi qui sont attribués aux gens qui
sont à la maison ou aux gens qui souhaitent demeurer à la maison. Puis
je vous dirais, M. le Président, aussi qu'on n'est pas sans penser que l'on vieillit tous et que je serai moi-même
dans quelques années possiblement une personne qui aura besoin d'avoir
un support pour demeurer à la maison parce qu'il est évident que c'est ce que
je vais moi-même souhaiter. Et je crois sincèrement
qu'il est temps de mettre en place un tel outil pour, justement, me permettre,
moi-même, de pouvoir bénéficier de
ces avantages qui viendront nécessaires dans quelques années. C'est sûr qu'on
souhaite tous retarder cette échéance-là, mais, vous savez, personne ne se soustrait au vieillissement. Alors, je
pense qu'il faut penser à l'avenir de nos aînés et ceux qui sont en
attente présentement. Merci.
Le Président (M.
Reid) : Merci, Mme la députée de Masson. Nous allons passer à
une cinquième série d'interventions, et je donne la parole au député de
Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Juste pour répondre
au ministre sur le rapport Secor qu'il nous
ramène souvent, le rapport Secor ne dit pas qu'ils sont pour l'assurance
autonomie parce que ce que le rapport Secor dit c'est quoi, la transformation qu'on doit faire dans le réseau de la
santé pour être capables de garder nos gens à domicile. Et les principes — puis je l'ai toujours dit, puis je l'ai dit
à chacun des groupes — nous sommes d'accord avec les principes du libre choix, de garder le plus longtemps
possible à domicile, contrôle de la qualité. Ça a déjà été mis en place,
d'ailleurs, par les... Les résidences nous
ont dit que la vérification au niveau de la qualité des résidences, c'est notre
gouvernement qui a mis ça en place. Ils sont tous... on est tous d'accord avec
ça. Ça fait que le rapport Secor ne dit pas : Je suis pour l'assurance autonomie. L'assurance autonomie, là,
ces principes-là, on est d'accord. C'est le reste, par contre. Là, il y
a un problème, entre autres dans son cadre financier. Et ça, le ministre le
sait qu'actuellement son cadre financier, il ne tient pas la route.
L'autre
élément, juste pour souci de rigueur, comme dit le ministre — puis je pense que, là-dessus, il faut
qu'on le soit — le
ministre, il dit : Vous savez, dans les CHSLD, là, il faut financer parce
que la clientèle est toujours en train de
s'alourdir. Un, premièrement, c'est qu'actuellement, dans les CHSLD, les gens
qui rentrent en CHSLD, sauf s'il n'y
a pas de ressources intermédiaires comme à Montréal, généralement ils ont des
profils CHSLD. Et je suis content, aujourd'hui le ministre reconnaît que
ça va en prendre encore, des CHSLD. Ce n'était pas toujours très clair dans son
discours parce qu'il promettait à tout le
monde qu'ils feraient toute leur vie, jusqu'à la fin, à domicile puis qu'il
donnerait tout l'argent nécessaire pour les garder à domicile.
Donc, tout le monde
s'entend — puis
tous les experts sont venus, là, puis on va clarifier ça une fois pour toutes,
là — il
va en rester, des CHSLD, puis ça en prend parce qu'à un moment donné on ne peut
plus les garder à domicile, c'est trop de
soins. Vous allez mettre l'argent que vous voulez, un trouble cognitif
important qui est rendu agressif ne peut pas rester… Puis une clientèle
plus lourde… même les plus légères que ça qui ne peuvent pas. Il ne faut pas oublier, dans nos CHSLD actuellement, à cause de
la lourdeur de ces gens-là lorsqu'ils rentrent en CHSLD — c'est comme ça actuellement, là,
c'est comme ça, là — ces
gens-là, il y en a 35 % à 40 % qui décèdent à chaque année. Donc, pour un patient qui décède, qui s'est alourdi au
cours des 18 ou 24 mois qu'il était en CHSLD, il va en rentrer un autre
qui va être plus léger. Ça fait que, pour la
charge moyenne du CHSLD — le ministre fera ses calculs comme il veut — pour
la charge moyenne du CHSLD, ça demeure à peu
près la même, puis c'est une logique. Ça fait que, quand le ministre
nous arrive avec des arguments sophistes , là, où est-ce que, vous savez, le
monde sont toujours plus malades...
Une voix :
...
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : C'est absolument faux, M. le Président. Bien,
peut-être que le ministre, il pourrait aller
visiter ça, ces CHSLD. Moi, j'ai travaillé en CHSLD, lui probablement aussi,
puis on est capables de le voir qu'il y a des gens très malades qui
décèdent, hein? M. le Président, je pense que le ministre, il doit reconnaître
que, quand il dit que tout le monde, à un
moment donné, on décède… Et, comme de fait, il y a quelqu'un de plus léger qui
va rentrer.
M.
le Président, il faut que le ministre aussi réponde à certaines questions. À la
fin, il va y avoir une facture totale pour
le plan qui est mis en place, qui demande de la transformation. Il faudrait
savoir, là, en termes d'impôts, combien ça va coûter de plus? Parce
qu'il y a quelqu'un à quelque part qui va devoir payer, et c'est le citoyen
contribuable qui, à un moment donné, va
devenir également un usager. Également… Et, d'ailleurs, la plupart des groupes,
même en lisant le livre blanc, ils
sont devenus surpris, ils disaient : Vous savez, on est d'accord peut-être
avec l'assurance autonomie, mais il y a quelque chose qu'on ne comprend
pas trop : Qui va payer? Bien, quand on arrive pour le paiement, ce que le
ministre a dit, c'est que ce serait en fonction des revenus. Et, en fonction
des revenus, ça veut dire que, si vous avez le moindrement des revenus — puis
vous savez qu'au Québec la classe moyenne on considère ça comme riche à 40 000 $ — en tout cas, quand on regarde la
contribution dans nos CHSLD, rapidement tu vas faire payer la cotisation
maximale, l'utilisateur va devoir payer.
Donc, le
ministre s'est dit : On va évaluer vos besoins, vos besoins vont vous
donner le droit à un certain montant d'allocation pour donner des
services. Mais, si vous avez les moyens, il y a une partie qu'on ne vous paiera
pas, et cette partie-là, vous allez devoir
l'assumer vous-mêmes. C'est pour ça que, M. le Président, il va falloir que le
ministre, dans son cadre financier, nous
dise : Pour tel ISO-SMAF, ça correspond à tant de services, c'est quoi, le
montant qu'on va donner soit au
domicile, soit au CHSLD, soit à la ressource intermédiaire ou encore à la
résidence privée. Mais il va falloir qu'il donne une autre réponse encore, en fonction du revenu, ça va être quoi,
le montant qu'on va réellement vous donner. Et, tant qu'on ne sait pas
ça, tant que les groupes ne le sauront pas... Et la plupart des groupes,
d'ailleurs, ils disaient : Vous savez,
on donne un appui au principe de
faire l'assurance autonomie, au principe de l'assurance autonomie
conditionnel que je sache combien ça va coûter et combien ça va coûter à chaque
personne qui a son profil. Donc, M. le Président, le ministre, dans son cadre
financier, il faut qu'il soit capable de répondre à ça. Sinon, comment
voulez-vous qu'on sache si ça a du bon sens ou pas, son projet
d'assurance autonomie. Donc, M. le Président, je pense qu'au cours de la
prochaine semaine le ministre
devrait essayer de nous donner et de nous éclaircir son cadre financier, et non
pas juste les trois petites lignes, là, qui montent dans les airs pour
nous dire que ça va coûter plus cher.
Le Président (M. Reid) : Merci,
M. le député de Jean-Talon. Je passe maintenant la parole au ministre.
• (11 h 30) •
M.
Hébert : M. le
Président, j'invite encore une fois le député de Jean-Talon à un
peu plus de rigueur. Quand il parle des trois petites lignes qui montent, là,
ces trois petites lignes reposent sur des évaluations actuarielles, et
c'est ça, le cadre financier que nous
allons respecter avec la mise en place de l'assurance autonomie. Nous allons
implanter l'assurance autonomie forts de l'expérience d'une quinzaine de
pays qui ont implanté ça avant nous, M. le Président. Je citerai le Japon, qui est la société qui vieillit encore un peu plus rapidement que nous. Nous sommes les deuxièmes après le
Japon. Ils sont déjà à
25 % de personnes âgées, et, il
y a 12 ans, ils ont implanté une assurance autonomie de façon à pouvoir répondre aux besoins des personnes âgées
japonaises en perte d'autonomie. Et, pour le Japon, ce fut un changement
culturel extrêmement important, parce qu'on passait d'une société où les
personnes âgées sont la responsabilité des familles. Mais, avec 25 % de personnes âgées, les familles ne peuvent plus
continuer à assumer ce rôle dans la société japonaise, et l'assurance autonomie a été l'élément déclencheur
d'un changement culturel important où la responsabilité — et c'était d'ailleurs le slogan du gouvernement à l'époque — où la responsabilité des personnes âgées en
perte d'autonomie n'était plus une responsabilité familiale, mais une
responsabilité sociale.
Le Japon l'a
fait. Le Japon l'a fait en implantant le réseau intégré sur le modèle du
Québec. Le Japon l'a fait en implantant des outils d'évaluation calqués
sur ceux du Québec. La France a fait ce même virage, M. le Président, les Pays-Bas, l'Allemagne. On peut, avec l'analyse de
ce qui a été fait ailleurs, compte tenu du contexte québécois, qui est
fort différent du contexte des autres pays, apprendre des expériences passées
et faire en sorte que notre projet d'assurance autonomie puisse aller plus
loin, puisse éviter un certain nombre d'écueils qui ont été vécus dans ces
pays.
L'assurance
autonomie va viser, bien sûr, les services professionnels. On a entendu
plusieurs groupes professionnels nous donner leurs opinions sur ce qui
devrait être effectué par tels ou tels prestataires. Nous avons écouté et nous allons prendre en considération ces représentations.
Mais ça va couvrir aussi les services d'aide et d'assistance de longue durée, les services aux proches aidants également.
Les proches aidants ont fait beaucoup de représentations pour que leurs
besoins soient mieux évalués et que les services de surveillance, répit,
stimulation, dépannage puissent être couverts par l'assurance autonomie.
La personne
en perte d'autonomie, lorsqu'elle va vouloir recevoir l'assurance autonomie, va
avoir une évaluation par un gestionnaire de cas, par une infirmière, un
travailleur social ou un autre professionnel bien formé, donc une évaluation
qui va permettre de définir ses besoins. Le gestionnaire de cas va, avec la
personne, procéder à un plan de services,
quels sont les services qui doivent être mis en place pour répondre à ce
besoin-là, plan de services individualisé. L'évaluation des besoins va
correspondre à un profil type. Il y en a 14, M. le Président. On les appelle
les profils ISO-SMAF, 14 profils différents
qui vont de besoins simplement d'aide aux tâches domestiques jusqu'au profil 14
où la personne est alitée et a des besoins extrêmement importants, quotidiens.
Alors, le profil ISO-SMAF va déterminer
l'allocation maximale qui va servir à financer le plan de services individualisé. Et cette allocation va être
déterminée par la Régie de l'assurance maladie parce
que tout le monde s'entend pour
dire que c'est l'organisme qui est le mieux placé pour faire cette gestion sans
ajouter de bureaucratie, la Régie
de l'assurance maladie qui va gérer la caisse d'assurance autonomie et
l'allocation qui va être attribuée aux personnes. Et ce gestionnaire de cas va suivre la personne, la
réévaluer au besoin et de façon statutaire au moins annuellement de façon à ce qu'on puisse ajuster le plan de services et ajuster l'allocation ou les services qui sont reçus en conséquence, M. le Président.
Le
Parti libéral a toujours été contre les grandes mesures de développement social. Qu'on pense à l'assurance
auto, ils ont voté contre ça. L'assurance médicaments, ils étaient contre
aussi. C'est une mesure qui permet à tous d'avoir accès aux médicaments actuellement, et ils sont
encore contre pour des raisons strictement financières, M. le Président.
C'est la finance qui mène tout au Parti
libéral. Et nous, nous croyons que les personnes âgées en perte d'autonomie
et les personnes handicapées méritent
d'avoir les services qu'ils ont besoin, méritent que ce soit financé par
l'État, méritent qu'il y ait une
équité entre les différentes personnes. Et, lorsque le député de Jean-Talon
s'inquiète de la capacité du contribuable, la bonne nouvelle pour les
contribuables, c'est que l'assurance autonomie va permettre de diminuer les coûts, va permettre de sauver à terme… en 2027,
1,5 milliard de moins de taxes et impôts que les générations futures
auront à donner. Et, en plus, il y a des
gains importants en termes de création d'emplois, en termes de diminution de
l'investissement dans les CHSLD, en termes
de garder les proches aidants, les femmes sur le marché du travail au
lieu de les retirer du marché du travail et de les obliger à donner des
services, M. le Président.
Le Président (M.
Reid) : Merci, M. le ministre. Je passe maintenant la parole à
la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin : Merci, M. le Président. J'aimerais revenir
sur un élément de l'assurance autonomie, entre autres, qui est le libre choix. Actuellement, les services de
santé et de services sociaux au Québec sont organisés plutôt autour de l'hôpital et de l'hébergement. Ceci
répondait antérieurement aux besoins de la population et à une
prépondérance de maladies aiguës.
Aujourd'hui, avec le vieillissement de la population, on fait face à un plus
grand nombre de maladies chroniques.
Les personnes cherchent plutôt à préserver leur autonomie, on en a parlé, pour
vivre et pour continuer à vivre chez elles. Ce désir sera encore plus
grand dans les générations futures, c'est-à-dire les baby-boomers qui entrent
massivement dans ce groupe d'âge là. Faute de services adaptés et suffisants à
domicile, il n'y a souvent pas d'autres options que d'orienter les personnes
ayant des incapacités vers un CHSLD.
De
plus, je pense qu'il est important aussi de noter que presque la moitié des
ménages québécois ne seraient pas en mesure
d'atteindre le taux souhaitable de 60 % comme remplacement de leurs
revenus à la retraite. Pour les personnes qui sont seules, le revenu disponible est généralement faible, en
particulier chez les femmes âgées, alors que les deux tiers de celles-ci vivent sous le seuil de la
pauvreté. On l'a dit, souvent les hommes décèdent plus rapidement, les
femmes se retrouvent seules à assumer un logement. Donc, quand la perte
d'autonomie s'installe, elles ont besoin de support, et c'est dans ce sens-là qu'il est important de revoir les façons
d'organiser les services et de les financer. Et, dans ce sens-là,
l'assurance autonomie répond à ce besoin-là.
Je pense qu'on a parlé
souvent des personnes aînées, c'est la première clientèle qui est visée par
l'assurance autonomie. Mais également,
dans un deuxième temps, la clientèle des personnes handicapée sera aussi
considérée. C'est la façon d'y aller
progressivement aussi. Et, dans une troisième année, les gens qui vont
présenter une déficience intellectuelle ou un trouble envahissant du développement ont également des besoins. On l'a souvent mentionné, certaines
personnes assez jeunes se retrouvent en
CHSLD, dans la trentaine, et elles ont, comme le ministre l'a mentionné tout à l'heure, à vivre encore plusieurs
dizaines d'années en CHSLD. Et, souvent, ce n'est pas le souhait de ces
gens-là, ils se retrouvent avec, souvent,
des personnes aînées qui ont des dynamiques de vie différentes des leurs et où,
à ce moment-là, ils ne retrouvent pas
une qualité de vie suffisamment stimulante. Alors, pour toutes ces raisons-là, je pense
que c'est des situations qui nous préoccupent et que l'assurance
autonomie devrait répondre.
Je pense
aussi qu'on a entendu lors des auditions de la commission des gens venir nous
dire qu'on devrait aussi prendre en
considération la situation du proche aidant dans la dyade de la personne
aidée aussi, de prendre en considération ces besoins-là. Je pense que notre ministre a été sensible à
cette avenue-là. Je pense que — on l'a dit tout à l'heure — on est en train de cumuler avec les
auditions des pistes de travail qui nous amèneront à bonifier le projet initial
et je pense que notre gouvernement est très,
très sensible à toute la démarche et le virage que nous devons prendre dans la
prochaine année qui s'en vient. Alors, sur
ce, je pense que je conclurais en disant que l'assurance autonomie va répondre
considérablement à une grande partie des besoins énoncés. Merci.
Le Président (M.
Reid) : Merci, Mme la députée de Masson. Mme la députée
d'Arthabaska, il vous reste 1 min 30 s.
Mme
Roy (Arthabaska) : M. le Président, vous venez de bien le dire,
il me reste 1 min 30 s? 1 min 30 s,
j'aurais dû en avoir au moins 10 dans cette
interpellation-là. Je ne vais pas me fâcher pour parler quatre minutes de plus.
Ce que je veux vous dire, c'est qu'on
a eu 27 % des voix, 15 % des sièges puis 5 % du temps. Une seule
personne a été coupée ici, c'est nous, notre parti.
Depuis
10 ans que je suis députée, l'érosion des... J'étais indépendante dans le
temps, puis j'avais plus de temps de parole.
Je représente un parti, plus que le quart de la population a voté pour eux. Je
pense qu'il faut se poser des questions sur comment on se traite ici
puis comment on maintient la démocratie, comment on respecte les collègues.
Puis je n'utiliserai même pas ma minute pour ça. Merci.
Le
Président (M. Reid) : Mme la députée, je dois juste vous
préciser que la façon dont les temps de réponse sont organisés dépend
d'ententes qui sont intervenues entre les leaders, y compris le leader de votre
parti politique.
Conclusions
Alors,
nous allons passer à la dernière partie, qui correspond à deux temps de parole,
d'abord, premièrement, le ministre. Je passe la parole au ministre pour
10 minutes.
M.
Réjean Hébert
M.
Hébert :
M. le Président, en 2007, j'ai eu le privilège de coprésider une consultation
publique sur les conditions de vie
des aînés, consultation publique qui m'a permis de parcourir le Québec et
d'entendre 4 000 personnes âgées, en plus d'entendre les groupes qui représentent ces personnes âgées là. Et,
4 000 fois plutôt qu'une, nous avons entendu les personnes âgées nous dire qu'elles voulaient
rester à domicile, qu'elles voulaient être en mesure de pouvoir recevoir
les services dont elles ont besoin là où elles ont choisi de vivre, M. le
Président.
• (11 h 40) •
Depuis 2007, j'ai continué, j'ai continué ce que
j'avais amorcé dès 1982, M. le Président, j'ai continué à promouvoir l'idée que les personnes âgées doivent
recevoir les services à domicile, M. le Président. Et cette frustration
de voir l'absence de réponse de nos
gouvernements à cette réalité et à ce souhait des personnes âgées de recevoir
les services à domicile, cette frustration m'a amené à poursuivre mon
action par une action politique, et c'est pour ça que je me retrouve ici devant
vous, M. le Président, à mettre en place ce dont le Québec a besoin.
M. le
Président, le Québec va vivre un vieillissement de sa population sans
précédent. Ce n'est pas une mauvaise nouvelle,
c'est une bonne nouvelle, M. le Président. Nous serons les premières
générations de la civilisation humaine à avoir le privilège de vieillir,
M. le Président. Mais cette situation nous amène des défis, des défis, en
particulier, qui interpellent notre système
de santé public et universel. Des défis parce que le profil des maladies
associées au vieillissement de la
population change et change de façon dramatique avec une prépondérance des
maladies chroniques, une prépondérance du
diabète, des maladies cardiovasculaires, des troubles mentaux, des maladies
d'Alzheimer. Et nous devons donc adapter notre système de santé pour
faire face à ce vieillissement de la population et cette prépondérance des
maladies chroniques, et il faut pour ça
faire trois actions absolument essentielles, et ce sont les trois stratégies de
notre gouvernement actuellement.
D'abord, il faut agir en prévention parce que la
bonne nouvelle pour les maladies chroniques, c'est qu'elles peuvent être prévenues — 60 % des maladies chroniques peuvent
être prévenues en modifiant les facteurs de risque — et nous allons déposer très bientôt la première
politique nationale de prévention en santé au Québec, qui va non
seulement réinsister sur la modification des
habitudes de vie, mais également toucher à tous les secteurs de l'activité
gouvernementale pour modifier les facteurs de risque des maladies chroniques.
Politique nationale de prévention.
Deuxième stratégie, qui est absolument
importante si on veut bien suivre les maladies chroniques, ajuster les
traitements, il faut une première ligne accessible, une première ligne
efficace, et c'est pour ça que nous avons une stratégie pour que les citoyens
du Québec puissent avoir accès à un médecin de famille, que les maladies
chroniques puissent être suivies, que les
ajustements dans le traitement puissent êtres faits de façon à ce qu'on
n'utilise pas l'urgence et l'hôpital de façon indue. Groupes de médecins
de famille en nombre plus important, mais resserrement de la gestion des groupes de médecins de famille pour que le
nombre d'inscriptions qui est prévu, les heures d'ouverture qui sont
prévues soient, effectivement, au rendez-vous.
Il faut doter les groupes de médecins de famille
de médecins de famille supplémentaires en augmentant la proportion des médecins de famille qui sont formés dans nos facultés. Il
faut également doter ces groupes de médecins de famille d'autres professionnels de la santé qui apportent une
contribution extrêmement importante au suivi des maladies chroniques. On pense, bien sûr, aux infirmières,
aux infirmières praticiennes spécialisées en soins de première ligne.
Mais il faut aussi penser aux
nutritionnistes pour l'ajustement de la diète. Il faut penser aux
inhalothérapeutes pour le suivi des personnes
avec maladies pulmonaires, aux intervenants psychosociaux pour les problèmes de
santé mentale. Et pourquoi pas aux kinésiologues pour qu'on puisse
utiliser adéquatement l'activité physique, sans parler des pharmaciens? Il faut également être en mesure de confier aux
infirmières de nouvelles responsabilités, et c'est pour ça que les
ordonnances collectives sont extrêmement importantes en ce sens.
Troisième
stratégie, les soins à domicile aux personnes âgées de façon à ce qu'une
personne âgée n'attende pas dans un
lit d'hôpital pendant des semaines, voire des mois, avant de pouvoir avoir une
place en CHSLD. Pourquoi il y a un blocage en CHSLD en dépit, en dépit,
dans plusieurs régions, d'un excès de lits de CHLSD? Bien, c'est parce qu'il n'y a pas de soins à domicile et que la seule
réponse, lorsqu'une personne âgée est en perte d'autonomie et qu'elle
n'a pas le privilège d'avoir une proche aidante qui s'épuise à lui donner des
services, bien, la seule réponse, c'est le CHSLD. Il faut donc prioriser les
soins à domicile, faire en sorte que le CHSLD soit utilisé à bon escient.
Nous aurons toujours besoin de lits de CHSLD,
mais il faut que ces lits-là soient réservés pour des gens pour qui il n'y a pas d'autre option, il n'y a pas
l'option des ressources intermédiaires, il n'y a pas l'option des soins à
domicile. Avec une vraie priorité dans les soins à domicile... Et juste mettre
de l'argent dans les soins à domicile, ça ne sera pas suffisant. Il faut changer la façon de financer et de gérer les
soins aux personnes âgées en perte d'autonomie, et c'est ça que propose l'assurance autonomie, M. le
Président. C'est ça que nous voulons faire, ce changement majeur, de
sorte que les personnes âgées aient le choix
de rester à la maison, qu'on utilise les lits de CHSLD pour les gens pour qui
il n'y a pas d'autre option. Et,
comme ça, les gens n'auront pas à attendre à l'hôpital lorsque les soins actifs
sont terminés, ils pourront être retournés à domicile avec les soins
appropriés en ressources intermédiaires ou en CHSLD, et nous allons sortir de la situation actuelle où des personnes âgées en
perte d'autonomie attendent sur une civière dans un corridor d'une salle
d'urgence 24, 36, 48 heures, M. le
Président, quand on sait l'importance d'intervenir rapidement lorsqu'une
personne âgée est en perte d'autonomie si on veut avoir des chances de
récupérer l'autonomie perdue.
Lorsqu'une personne âgée passe plus de 24 heures
dans une salle d'urgence, le potentiel de récupération diminue de façon importante. On avait souvent tendance, lorsque j'ai
fait mon cours de médecine, à dire que le soleil ne doit pas se lever sur des membranes rupturées en
obstétrique, mais on devra appliquer ça aux personnes âgées. Le soleil
ne doit pas se lever sur une civière avec un
aîné, M. le Président, de façon à ce qu'on puisse donner le maximum des
chances aux personnes
âgées en perte d'autonomie de pouvoir récupérer cette autonomie perdue et de
pouvoir rapidement réintégrer leur
domicile ou encore d'être orientées rapidement vers un CHSLD. C'est ça, faire
une intervention qui permet d'améliorer l'efficacité de notre système de
santé.
Et ces trois
stratégies vont nous permettre de diminuer la pression sur l'hôpital, de faire
en sorte que l'hôpital n'est plus au
coeur du système de santé, mais que l'hôpital répond à des besoins de
diagnostic et de traitements intensifs et laisse aux autres structures à l'extérieur de l'hôpital jouer leur rôle pour
prévenir les maladies chroniques, pour bien les suivre avec une première ligne efficace et de pouvoir répondre
aux besoins des personnes âgées en perte d'autonomie, M. le Président.
J'ai un
engagement de 30 ans dans ce domaine, M. le Président. Ce n'est pas un
opportunisme politique, c'est une opportunité
politique que je saisis pour faire en sorte de faire avancer le Québec, de
faire en sorte que le Québec puisse bien prendre le virage qui est nécessaire pour être capable de répondre au
défi du vieillissement de la population. Le statu quo est intenable, M. le Président, il faut absolument
être en mesure de faire évoluer notre système de santé vers une meilleure
réponse au vieillissement de la population, et c'est un défi qui est
extrêmement important.
La mise en
place de l'assurance autonomie fait l'objet d'un débat actuellement autour du
livre blanc. Il y aura un projet de
loi, mais, en attendant, en attendant, nous, nous sommes en action. Le réseau
intégré de services aux personnes âgées
a fait l'objet d'une injection supplémentaire de 7 millions pour qu'il
soit complété dans toutes les régions du Québec. Le système d'information qui est nécessaire a été implanté, a été conçu,
développé, implanté dans les 102 établissements du Québec, M. le Président, est déjà prêt. Nous
faisons la mise à jour des évaluations des usagers qui demandent des
services de soins à domicile. Nous sommes en
train de travailler avec ma collègue la ministre de l'Emploi et de la
Solidarité et ma collègue la ministre de l'Éducation à tout un programme
de formation du personnel, non seulement le personnel pour les établissements
publics, M. le Président, mais le personnel qui oeuvre dans les entreprises
d'économie sociale, le personnel qui oeuvre dans les résidences privées et qui
donnent des services, et qui devront satisfaire à des critères de qualité au
moment de l'implantation de l'assurance autonomie.
Nous sommes
en action pour que tout soit en place au moment où cette Assemblée adoptera le
projet de loi sur l'assurance
autonomie, au moment où cette Assemblée permettra au Québec d'évoluer,
permettra au Québec de mieux négocier le virage qui est absolument
incontournable. Nous avons un iceberg devant nous, M. le Président, il est là.
Il faut imprimer au réseau de la santé, au
paquebot du réseau de la santé un changement de cap de façon à contourner
cet iceberg et à permettre au réseau de la
santé de pouvoir continuer, avec son régime universel accessible, à donner des
services de qualité à la population, M. le
Président. Il faut faire les choses autrement. Et, comme le disait Benoit Caron
lors de sa comparution pour les
entreprises d'économie sociale : «Pour réussir ce qu'on n'a jamais
réussi — M. le
Président — il faut faire ce qu'on n'a jamais fait», et
nous le ferons.
• (11 h 50) •
Le Président (M. Reid) :
Merci, M. le ministre. Pour une dernière intervention, je donne la parole au
député de Jean-Talon. Vous avez 10 minutes.
M. Yves Bolduc
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. C'est comme le
Titanic qui s'est jeté dans l'iceberg, il faut se poser la
question : L'assurance autonomie, là, c'est une nouveauté, mais est-ce que
c'est un Titanic qui s'en va dans l'iceberg?
Ça, on n'a pas encore répondu à cette question-là, M. le Président. D'ailleurs,
c'est intéressant, le ministre, il nous mettait des prédictions
catastrophiques, mais, quand on regarde les moyens qu'il nous dit qui vont
aider à passer à travers, l'accès aux
médecins de famille, bien, ce n'est pas compliqué, ils avaient été coupés, on a
augmenté le nombre de cohortes, puis,
aujourd'hui, tout le monde dit au Québec : On va en avoir assez dans très
peu de temps, et ils vont être capables
de faire le travail. Même chose au niveau des spécialistes. Mais c'est ça, pas
parce que le PQ est au pouvoir depuis un
an, parce qu'on a rattrapé le retard qu'il nous avait fait prendre sur les 10
dernières années. Bien, on parle des groupes de médecine de famille et
puis des cliniques-réseaux. Ça a été mis en place, c'est nous autres qu'on l'a
complété. On a monté jusqu'à 256, il en
reste encore une cinquantaine à faire. Les
infirmières praticiennes spécialisées, surtout en première ligne, c'est
moi qui ai annoncé le programme, qui ai travaillé ça avec l'Ordre des
infirmières.
Quand il
parle des nutritionnistes, kinésiologues, c'est tous des professionnels qu'on
veut accueillir dans le réseau de la
santé. Là, le ministre
nous dit : Les gestionnaires de cas, on a réussi à compléter. Ils n'ont
pas fait ça en une année, c'est parce qu'ils étaient, la majorité, en place. Même
chose au niveau des évaluations SMAF, ça a été dit en commission
parlementaire par M. Maurice que c'est moi qui avais demandé à ce qu'on les
applique de plus en plus, même au niveau des résidences privées.
Ça fait
que, là, le ministre nous dit, là, que les moyens, là, ils sont déjà
tous faits, ils sont déjà tous prêts, en place, puis il faut les
consolider. Après ça, il a rajouté, par contre, quelque chose… Je vais rappeler
au ministre — peut-être
que ce serait le temps qu'il s'en occupe,
là — là, il a
parlé des pharmaciens, que c'était important. On a passé la loi pour les
pharmaciens. Il reste à s'entendre avec eux
autres, et le ministre, là-dessus, là, ça fait déjà des mois, et ça a l'air que
le tango, il n'est même pas commencé, ils ne
sont même pas dans la même salle de danse. Ça fait que, M. le Président, je
pense que le ministre, là, ce qu'il nous a
convaincu aujourd'hui en mettant toute son énergie, toute sa vigueur puis le
grand effet de toge, là, que la plupart des moyens sont déjà dans le
réseau de la santé, M. le Président.
Le problème, là, ce qu'il est en train de nous
mettre en place, c'est au niveau du financement, et il n'est pas capable de répondre aux questions. Aujourd'hui, M.
le Président, là, à part de ses trois petites lignes qui montent, là,
avec ses deux petits tableaux, là… Puis il
nous parle de l'OCDE, du Japon puis de la France, il nous parle de partout dans
le monde, là, mais, par
contre, il n'est pas capable de nous
parler de l'Ontario, pas capable de nous parler de la Colombie-Britannique, pourquoi eux autres,
ils ne la font pas, l'assurance autonomie. Parce qu'ils ont trouvé, peut-être,
une autre façon d'atteindre
les mêmes résultats sans prendre un risque financier pour le gouvernement, mais surtout sans créer un Titanic qui est en train de se jeter
sur un iceberg.
Le ministre,
il parle des maladies chroniques. Bien, je lui ferais remarquer que, dans les
dernières années, moi aussi, j'étais dans le réseau de la santé, je
pratiquais, et les maladies chroniques, le virage, il était en train de se
faire. On s'occupe des cliniques de diabète, et regardez au niveau des maladies
cardiaques, tout ça, M. le Président, c'est déjà mis en place ou c'est déjà en train d'être mis en place pour les patients
qui ne l'ont pas. Ça nous prend plus de médecins de famille. Si on
n'avait pas eu les grandes coupures de l'époque, on en aurait peut-être assez aujourd'hui.
M. le Président, je reviens... C'est de quoi qu'on discute aujourd'hui? C'est qu'on est d'accord avec les principes, puis tout le monde maintenant
au Québec doit se rendre compte qu'on est d'accord pour s'en aller sur cette
voie-là, c'est le moyen. Cadre financier, combien il va donner pour chaque
personne qui a un certain niveau d'ISO-SMAF? Comment
il va développer les services? C'est quoi, la contribution de la personne,
de sa poche, à ses impôts? Et l'autre élément
qui va être important, M. le
Président, c'est que, quand tu vas
recevoir les services, est-ce que toi, tu vas avoir à payer malgré le fait
que tu as payé des impôts toute ta vie? Et, si oui, à quelle hauteur? C'est ça
que les citoyens nous ont demandé.
Puis, aujourd'hui, le ministre a convaincu la population
que presque tout ce qu'il dit qu'il va faire, il y en a beaucoup déjà de fait,
il faut continuer sur la même voie. Mais la transformation qu'il nous propose,
c'est une transformation style virage
ambulatoire. Il a fait beaucoup de promesses qu'il est en train de diminuer, d'ailleurs,
là, il est en train de... il retombe
les deux pieds sur terre puis il dit : Vous savez, j'avais dit ça, mais maintenant
on est en train d'ajuster.
Puis je vais
vous en donner d'autres dans ses écrits, là. Puis, à un moment donné, c'était la question de l'hydroélectricité,
on devait prendre de l'argent dans l'hydroélectricité. Bien, au Québec,
là, ça, on est quand même
limités, peut-être des mines, peut-être l'augmentation de la TVQ... À la fin, là, si on devait payer une caisse, que tout le monde devait contribuer, et puis qu'à la fin cette caisse-là nous permettrait
d'avoir une équité intergénérationnelle, bien, la première ministre,
là, probablement, sur son conseil, a dit que ça ne serait plus comme
ça, hein? Maintenant, à l'avenir, là, c'est qu'on va prendre l'argent directement dans les impôts.
Bien, à partir du moment que tu dis que tu la prends directement dans les impôts, il faut peut-être
parler au patient, qui est un citoyen, qui est un contribuable, combien ça va
lui coûter.
Et j'ai
trouvé drôle, tantôt, que le ministre... D'ailleurs, c'est toujours comme ça,
il se réfugie toujours dans des choses
qu'on ne sait pas trop d'où ça vient, là, qu'il y a dans d'autres pays, là,
mais l'OCDE... Bien, l'OCDE, en 2027 ou en 2050... À un moment donné, on prenait le chiffre… en 2050, là, on va
avoir telle économie. Ils n'ont même pas été capables de nous prédire un
déficit sur l'espace de quelques semaines pour le mois d'avril l'année
prochaine. Ça fait que comment voulez-vous
qu'on croie des gens qui ne sont même pas capables de nous annoncer la réalité
du budget dans quelques mois sur des prévisions qu'il va y avoir dans
25 ans? Puis je rappellerai au ministre, puis c'est vrai... Si, aujourd'hui, il était assis, il nous convaincrait
que tous les gens, là… Si, en 1982… s'il avait été ministre, il aurait
convaincu tout le monde que ça prenait des
lits d'hôpitaux parce qu'en 2013 tout le monde va avoir besoin d'un lit
d'hôpital pour des cataractes qui vont
durer six jours d'hospitalisation. La réalité, aujourd'hui, tu rentres à
l'hôpital, c'est 30 minutes. Ça fait que, quand il fait ses prédictions sur 30 ans, là, on repasse parce
que le système est en train de se transformer. Les grandes innovations,
en passant, M. le ministre, sociales, là, l'arrivée des résidences privées, les
logements communautaires, les entreprises
d'économie sociale, ça, ça a été des grandes transformations qui nous
permettent aujourd'hui de dire qu'on est en train de positionner notre
transformation pour les personnes âgées de façon très adéquate.
M. le
Président, je pense que le ministre, au niveau du cadre financier, il y a de la
clarification... Les gens, ils sont d'accord
avec le maintien à domicile. Vivons le plus longtemps à domicile. Aujourd'hui
encore, tantôt, le ministre l'a reconnu,
ça va nous prendre encore des places de CHSLD. Ce qu'on fait comme
proposition — et je
pense que c'est la proposition que le
Québec doit regarder actuellement — c'est améliorer ce qui se fait, améliorer la
performance, comme le Vérificateur
général nous l'a dit. Il dit : Avant de penser à des grandes réformes, on
devrait peut-être penser à améliorer ce qui se fait déjà, et, par la
suite, on verra, par la suite, comment on va réussir à tout mettre en place
pour continuer cette transformation.
M. le Président, le Vérificateur général nous a dit clairement qu'il y avait de l'amélioration de la performance à aller
chercher dans le réseau de la santé, et c'est qu'ii faut commencer par là. Le
projet que propose le ministre n'a pas de cadre financier, et ça, M. le
Président, je tiens à le redire, tant
que le ministre ne sera pas capable de nous dire exactement,
de façon globale, pour la santé de la population
du Québec, qu'est-ce que ça prend, le nombre de personnes
qui vont avoir besoin des services,
le niveau d'ISO-SMAF par catégorie de personnes, puis il y en a combien, c'est
quoi, le montant qu'il va donner pour chaque ISO-SMAF, comment il va
utiliser les ressources, on ne peut pas dire qu'on peut être en accord avec le
programme d'assurance autonomie.
M. le Président, lorsque nous allons arriver avec ces chiffres, on va être capables de
mesurer l'ampleur du projet, et, par
la suite, le ministre va expliquer à la population du Québec
comment il va le financer. Est-ce qu'il va le financer en augmentant les
impôts, comme on le voit actuellement? Est-ce qu'il va décider de ne pas
développer autant les services parce qu'il n'aura pas l'argent — parce que ça, c'est une forte
probabilité — ou il va
dire aux gens : Je vous donne les
services, mais, à l'avenir, vous allez devoir vous en payer une bonne
proportion directement de votre poche? Également, il va falloir qu'il dise au citoyen qui gagne
40 000 $, qui n'est pas des très gros salaires… Lui, quand il paie
ses impôts, est-ce qu'on peut lui garantir que, plus tard, il va être
capable de retirer des services sans mettre la main dans ses poches? Ça, M. le
Président, le ministre n'a pas été capable de répondre à ces questions.
Ça fait que,
M. le Président, je vais conclure. Tant qu'on n'a pas le cadre financier… Et
tous les groupes lui ont dit également :
Nous sommes d'accord avec les principes, mais il faut attendre. Il faut
attendre que ça se mette en place. Il faut attendre de voir combien ça
va coûter. Également, le ministre va devoir dire dès maintenant que son
échéancier du 1er avril 2014 ne tient plus parce qu'il faut qu'il dépose un
projet de loi. À moins qu'il l'ait écrit avant d'avoir les consultations,
ce qui paraîtrait très mal au niveau de la population, je ne pense pas qu'il va
être capable de déposer de projet de loi
avant le mois de février. Il faut qu'on fasse des consultations. De tous les
groupes qui sont venus ici, ils nous ont tous dit qu'ils voulaient
revenir pour être réentendus avec le cadre financier, et ce qui veut dire, M.
le Président, qu'il est illusoire de pouvoir
mettre un système comme celui-là le 1er avril 2014, à moins que le ministre
regarde ce qu'on lui disait, et on
continue à faire avancer le réseau de la santé, on améliore la performance, et
également il faut tenir compte de l'argent qu'on peut y mettre. Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Reid) : Merci,
M. le député de Jean-Talon.
Je lève donc
la séance, et la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux au
mardi 19 novembre, à 10 heures, afin de poursuivre les consultations
particulières et les auditions publiques sur le livre blanc sur la création
d'une assurance autonomie intitulé L'autonomie pour tous. Bonne fin de
semaine à tout le monde.
(Fin de la séance à 11 h 59)