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Version finale

40th Legislature, 1st Session
(October 30, 2012 au March 5, 2014)

Thursday, October 24, 2013 - Vol. 43 N° 48

Special consultations on the white paper on the creation of autonomy insurance entitled “Autonomy for All”


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Association des établissements de réadaptation en déficience physique du Québec (AERDPQ)

Ex aequo

Fédération professionnelle des préposé-e-s aux bénéficiaires du Québec (FPBQ)

Chaire Desjardins en soins infirmiers à la personne âgée et à la famille

Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc. (ACCAP)

Intervenants

M. Lawrence S. Bergman, président

M. Réjean Hébert

Mme Jeannine Richard

M. Yves Bolduc

Mme Suzanne Proulx

Mme Diane Gadoury-Hamelin

Mme Marguerite Blais

Mme Stéphanie Vallée

Mme Sylvie Roy

*          M. Luc M. Malo, AERDPQ

*          Mme Anne Lauzon, idem

*          M. Régis Harvey, idem

*          M. Yves Mercier, Ex aequo

*          Mme Dominique Marsan, idem

*          M. Pierre-Yves Lévesque, idem

*          Mme Brigitte Nadon, idem

*          M. Michel Lemelin, FPBQ

*          M. Daniel Gagnon, idem

*          Mme Francine Ducharme, Chaire Desjardins en soins infimiers
à la personne âgée et à la famille

*          Mme Diane Saulnier, idem

*          M. Yves Millette, ACCAP

*          M. Jacques Bédard, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures vingt-neuf minutes)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le livre blanc sur la création d'une assurance autonomie intitulé L'autonomie pour tous.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Daneault (Groulx) est remplacée par Mme Roy (Arthabaska).

Auditions (suite)

Le Président (M. Bergman) : Alors, nous recevons maintenant l'Association des établissements de réadaptation en déficience physique du Québec. Alors, bienvenue. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Et je vous répète que vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Alors, le micro est à vous pour identification et pour votre présentation de 10 minutes.

Association des établissements de réadaptation
en déficience physique du Québec (AERDPQ)

M. Malo (Luc M.) : Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, M. le ministre, distingués membres de la commission, mesdames et messieurs, l'Association des établissements de réadaptation en déficience physique vous remercie de l'invitation à présenter son mémoire au regard du livre blanc sur la création d'une assurance autonomie.

• (11 h 30) •

Mon nom est Luc Malo, je préside le conseil d'administration de l'Institut Raymond-Dewar — c'est pour les personnes sourdes, à Montréal — ainsi que celui de l'association. Permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent et qui siègent également au conseil d'administration de l'association : M. Régis Harvey, directeur général du Centre de réadaptation en déficience physique Le Parcours du CSSS de Jonquière, et Mme Anne Lauzon, directrice générale de l'association. Nous avons en deuxième rangée Mme Sylvie Valade, qui est la directrice… conseillère aux affaires cliniques et professionnelles, qui peut-être va pouvoir nous souffler quelques réponses, au besoin.

L'association regroupe 21 établissements du réseau de la santé et services sociaux, répartis en 105 points de service sur l'ensemble du territoire québécois. Les centres de réadaptation en déficience physique, communément appelés CRDP, offrent des services spécialisés et surspécialisés d'adaptation, de réadaptation et d'intégration sociale aux personnes ayant une déficience physique. Quelque 6 800 professionnels y travaillent en équipes multidisciplinaires afin d'aider les personnes handicapées à retrouver leur autonomie et une qualité de vie optimale. Quelque 77 000 personnes de tous âges ayant une incapacité significative et persistante attribuable à une déficience auditive, du langage, motrice ou visuelle y reçoivent des services annuellement.

D'entrée de jeu, l'association accueille positivement le contenu du livre blanc. Le virage annoncé dans ce document s'appuie sur la volonté de tous de demeurer dans leur communauté et d'y maintenir une vie active tout en recevant des services adaptés à leurs besoins là où ils ont fait le choix de vivre.

Le présent mémoire expose les préoccupations et recommandations de l'association afin de contribuer à la réflexion à laquelle nous sommes conviés ainsi que de s'assurer de la prise en compte des réalités propres aux personnes présentant une déficience physique. Conséquemment, l'association a identifié cinq enjeux, pour lesquels 15 recommandations sont formulées. Il s'agit de la portée de la couverture de l'assurance, de la continuité des services, de l'outil d'évaluation, du financement et de l'implantation. Aux fins de la présente allocution, seulement quelques recommandations sont reprises, alors que le mémoire dans son entièreté est disponible sur le site Web de l'association.

Consciente que le livre blanc propose tout d'abord des mesures pour répondre aux besoins grandissants liés au vieillissement rapide de la population québécoise, l'association ne peut que saluer la volonté du gouvernement d'y inclure l'ensemble des personnes nécessitant des besoins de soutien à long terme, incluant les adultes ayant une déficience physique. L'association appuie également la proposition d'inclure dans l'assurance autonomie l'ensemble des services de soutien à domicile, et ce, peu importe le lieu de résidence de la personne.

Par ailleurs, l'association est en accord avec la décision de ne pas inclure les services spécialisés de réadaptation.    Les services spécialisés de réadaptation offerts par les CRDP s'inscrivent au sein de continuums de services, ils peuvent être concomitants ou séquentiels aux services offerts par les CSSS. Pour les adultes et aînés ayant une déficience physique, les services spécialisés de réadaptation peuvent faire la différence et leur permettre de conserver une autonomie suffisante pour rester à domicile et ainsi contribuer à retarder, voire éviter un hébergement en institution. Si ces interventions sont offertes en temps opportun à la personne le requérant, elles peuvent permettre de réduire ses besoins de soutien à domicile. En effet, visant la réduction et la compensation des incapacités, les services spécialisés de réadaptation ont un impact direct sur la nature et la quantité du besoin en services de soutien à domicile, engendrant ainsi des économies importantes sur les montants d'allocation accordés par une éventuelle assurance autonomie.

Toutefois, l'accès aux services, pour les CRDP, est actuellement loin d'être optimal, plusieurs milliers de personnes de tous âges sont en attente d'un premier service. Au 31 mars, on en recensait 6 840, dont 4 249 adultes et aînés. Il est donc fort possible que l'accès limité aux services spécialisés de réadaptation produise une forme de goulot d'étranglement, causant des bris de continuité et une perte d'efficience de l'assurance autonomie en raison d'allocations indûment élevées, faute d'avoir bénéficié des services des CRDP en temps opportun.

En ce sens, l'association recommande que des solutions réalistes favorisant l'accessibilité aux services spécialisés de réadaptation en CRDP soient identifiées et appliquées afin d'assurer une continuité de services optimale pour les personnes ayant une déficience physique, et ce, dans un souci d'efficacité réseau d'optimisation des retombées de l'implantation de l'assurance autonomie.

Par ailleurs, l'association souscrit à la décision du ministre de proposer l'utilisation d'un outil unique et standardisé pour déterminer les besoins de soutien à domicile. Plusieurs avantages en découlent, notamment en ce qui a trait à l'équité entre les citoyens demeurant dans différentes régions.

Toutefois, certaines préoccupations demeurent quant à l'utilisation de l'Outil d'évaluation multiclientèle, du Système de mesure à l'autonomie fonctionnelle et des profils ISO-SMAF, notamment en ce qui a trait à leur sensibilité aux besoins des personnes ayant une déficience physique. En effet, l'OEMC et le SMAF, dans leur forme actuelle, sont construits pour mesurer les incapacités fonctionnelles et répondent peu, voire pas à la dimension de la participation sociale des personnes évaluées, importante pour tout citoyen désirant être actif dans sa communauté.

Ainsi, l'association s'inscrit en partenaire et recommande qu'une démarche formelle de validation de la sensibilité de ces outils à évaluer autant les besoins de soutien à domicile et de maintien à l'autonomie que les besoins reliés à l'accomplissement des rôles sociaux soit réalisée. L'association recommande aussi que des travaux soient réalisés afin de s'assurer que l'allocation consentie permette de répondre aux besoins de soutien à l'autonomie et à la participation sociale des personnes, incluant celles ayant une déficience physique.

Le livre blanc propose d'inclure dans l'assurance autonomie les aides techniques et les aménagements de domicile. L'attribution d'aides techniques de même que les démarches entourant l'adaptation du domicile s'inscrivent effectivement dans un processus de maintien de la personne dans son milieu de vie. Cependant, il existe différents programmes d'aides techniques visant à compenser les incapacités d'une personne, dont les aides techniques réglementées par la Régie de l'assurance maladie du Québec.

Présentement, les CRDP du Québec sont mandatés pour offrir des services d'aide technique reliés à la mobilité, à la posture, à la locomotion, à l'audition et à la vision. Le fonctionnement actuel n'apparaît d'aucune façon interférer avec le maintien à domicile des personnes requérant ces services. Au contraire, la concentration de l'attribution des ces aides contribue à rendre disponibles des aides de qualité à des coûts avantageux pour le réseau public et selon des modalités performantes. Ainsi, l'association recommande que ne soient pas couvertes par l'assurance autonomie les aides techniques de suppléance à l'audition, reliées à la mobilité, à la posture et à la locomotion et les aides visuelles qui sont actuellement régies et réglementées par la RAMQ et pour lesquelles les CRDP ont été conventionnés pour en faire l'évaluation et la contribution… et l'attribution. Par contre, l'association est d'avis que le programme d'aide matérielle et petits équipements d'aide à la vie quotidienne et domestique et le programme d'adaptation domiciliaire gagneraient à être intégrés dans le processus d'assurance autonomie, puisqu'actuellement les délais souvent très longs pour obtenir ces services deviennent un frein au soutien à l'autonomie des personnes.

Le Québec aura du mal à faire face à la demande accrue que le vieillissement de sa population exercera au cours des prochaines années sur ses dépenses de santé, notamment de soins et de services de longue durée. Le livre blanc propose la création d'une assurance autonomie et la constitution d'une caisse autonomie pour en assurer le fonctionnement.

Le financement de l'assurance autonomie s'effectue, selon le livre blanc, en deux temps. Pour les quatre premières années, le cadre financier actuel est utilisé. Or, l'organisation courante des services fait en sorte que certains budgets ne sont pas toujours distingués selon les programmes-services comme ils devraient l'être. Par exemple, dans plusieurs régions, les lits des unités fonctionnelles de réadaptation intensive pour les personnes ayant une déficience motrice ne se retrouvent pas toujours en CRDP, et leurs dépenses ne sont pas nécessairement imparties au programme de la déficience physique.

Aussi, les 550 millions du programme-service en déficience physique inclus dans l'ensemble des dépenses actuelles en longue durée, selon le livre blanc, correspondent, pour l'association, aux dépenses des services de première ligne et à celles de deuxième ligne. Conséquemment, le financement rapatrié dans la caisse d'assurance autonomie devra provenir exclusivement des budgets des programmes-services concernés, octroyés aux CSSS ou CHSLD, en excluant ceux utilisés pour les URFI en déficience physique, qu'elles soient ou non gérées par un CRDP.

Pour le financement à long terme et afin de s'assurer d'avoir les moyens de nos ambitions, l'association soutient que des travaux doivent être dès maintenant enclenchés pour identifier des mesures de financement, de façon à pérenniser la caisse d'assurance autonomie et s'assurer d'une plus grande équité intergénérationnelle.

L'implantation de l'assurance autonomie représente, pour le réseau de la santé et services sociaux, un défi de taille, il importe de bien préparer chacune des étapes de ce grand virage. Étant donné les défis opérationnels importants pour garantir une implantation réussie de l'assurance autonomie, l'association recommande qu'une étape de planification soit réalisée préalablement à l'implantation de l'assurance autonomie afin de poser les jalons nécessaires à sa réussite, qu'il s'agisse de budgétisation, de mécanique budgétaire des allocations, de la sensibilité des outils d'évaluation et de leur adéquation avec les montants d'allocation, d'ententes de collaboration ou de service entre les différents partenaires, incluant les CRDP. Aussi, étant donné les responsabilités confiées aux CSSS en matière de surveillance de la qualité des services rendus, l'association recommande que des mesures concrètes soient prévues pour soutenir les CSSS afin qu'ils puissent assumer cette responsabilité et aussi pouvoir prendre en compte les besoins particuliers des personnes ayant une déficience physique.

Par ailleurs, l'association croit que l'implantation progressive d'une telle mesure...

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît. En conclusion, s'il vous plaît.

M. Malo (Luc M.) : Il me reste une demi-page.

Le Président (M. Bergman) : Ça va.

• (11 h 40) •

M. Malo (Luc M.) : Par ailleurs, l'association croit que l'implantation progressive d'une telle mesure selon le critère d'âge et le type de clientèle, tel que proposé dans le livre blanc, est susceptible d'introduire une notion d'iniquité entre les citoyens québécois pendant la période de transition et ouvre la porte à de nombreuses interprétations selon les régions et les intervenants. L'association recommande donc que l'implantation progressive ne se fasse pas selon une approche par âge ni par programmes mais plutôt par types de service ou volets de service distincts.

En terminant, l'association croit fermement que les adultes et aînés présentant une déficience physique ont tout à gagner à la mise en place d'une assurance autonomie. Elle réitère sa conviction que la création d'une assurance autonomie et la constitution d'une caisse d'autonomie sont pertinentes et appropriées au contexte québécois. Les recommandations qui vous sont présentées mettent en lumière les particularités des personnes présentant une déficience physique, autant par rapport à leurs besoins et attentes qu'à l'intensité et à la qualité des services requises pour leur assurer le soutien dont elles ont besoin pour développer ou conserver leur autonomie et accomplir leurs rôles sociaux. Nous demeurons disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Bergman) : Merci, M. Malo, pour votre présentation. Maintenant, pour le bloc du gouvernement, M. le ministre.

M. Hébert : Merci beaucoup, M. Malo, Anne Lauzon et M. Harvey. Je suis très heureux de vous accueillir. Lorsque je suis arrivé en poste et qu'on a commencé à discuter assurance autonomie, j'ai eu l'agréable surprise d'entendre les associations d'établissements, les organisations également que nous entendrons un peu plus tard, de personnes avec des déficiences physiques ou intellectuelles, répondre présent. Nous voulons faire partie de l'assurance autonomie. Et ça, ça va permettre au Québec d'éviter des problèmes que vivent plusieurs pays qui ont deux systèmes séparés, un pour les personnes avec des handicaps plus jeunes et un autre avec les personnes âgées, la France étant un de ces exemples où l'équité entre les deux systèmes est difficile à maintenir et, deuxièmement, surtout les transitions entre un système et l'autre sont extrêmement difficiles. Alors, je pense que c'est une excellente nouvelle de voir l'ouverture de vos établissements à la mise en place d'une assurance autonomie pour tous les âges.

Je note votre désir d'inclure la participation sociale dans le plan de services. Évidemment, dans le plan de services, je pense que ça va de soi, il faut améliorer l'Outil d'évaluation multiclientèle dans cet aspect-là, et je note votre offre de collaboration à cet égard.

J'irais sur l'admissibilité, où vous nous suggérez de baisser l'âge d'admissibilité à 16 ans plutôt que, par exemple, à 21 ans, après le parcours scolaire, après le départ du foyer familial. J'aimerais ça vous entendre sur cet âge charnière où on passerait à l'assurance autonomie.

Le Président (M. Bergman) : M. Malo. Mme Lauzon.

Mme Lauzon (Anne) : Oui. Merci, M. le ministre. En fait, c'est que, d'ores et déjà, entre les centres de réadaptation qui ont une mission pour les enfants et ceux qui ont une mission pour les adultes… ou quand c'est le même centre de réadaptation, quand les jeunes ont 16 ans on se pose déjà la question, à savoir : Est-ce qu'ils ont plus un profil de besoins de jeune adulte ou plus des profils de besoins des enfants? Et, selon le cas, par exemple à Montréal, l'enfant peut être transféré de Marie Enfant au Centre de réadaptation Lucie-Bruneau, s'il a un profil davantage… qui correspond aux habitudes de vie, disons, d'un jeune adulte, par rapport à, s'il a plus un profil enfant, il peut rester à Marie Enfant. Donc, de 16 à 18 ans, on fait déjà cette analyse-là. Et on n'y va vraiment pas en fonction de l'âge mais en fonction du profil de besoins et de la nature des services que la personne aurait besoin.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Donc, si je comprends bien, votre suggestion serait de ne pas mettre un âge d'admissibilité mais plutôt d'y aller sur la nature des besoins.

Mme Lauzon (Anne) : Oui, à partir de 16…

Le Président (M. Bergman) : Mme Lauzon.

Mme Lauzon (Anne) : Pardon. À partir de 16 ans, pas avant 16 ans, évidemment, là, mais à partir du moment où la question peut se poser, effectivement.

M. Hébert : Donc, dépendamment du profil des besoins de l'adolescent ou du jeune adulte, on pourrait même envisager un passage à l'assurance autonomie à 21 ans pour des jeunes adultes qui continuent à aller à l'université et qui continuent à être sous la responsabilité parentale.

Le Président (M. Bergman) : Mme Lauzon.

Mme Lauzon (Anne) : Oui. Bien, en fait, le profil des besoins pour la transition, pour nous, nous apparaît un meilleur critère que l'âge.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre

M. Hébert : C'est bien noté. Au niveau de la couverture des aides techniques et des aménagements domiciliaires, vous nous proposez, là, une façon de partager le monde entre la Régie de l'assurance maladie et le programme… l'assurance autonomie. Vous nous suggérez de mettre les aides matérielles et les petits équipements à la vie quotidienne de même que les aménagements domiciliaires sous l'assurance autonomie, alors que les autres aides techniques resteraient des programmes séparés de la Régie de l'assurance maladie du Québec.

Outre les ententes de service que vous avez, est-ce qu'il y a d'autres justifications à un tel partage de ces aides techniques?

Le Président (M. Bergman) : M. Harvey.

M. Harvey (Régis) : Il est clair, pour nous, que les aides techniques qui sont sous la responsabilité des CRDP sont des… un service spécialisé qui permet à la personne qui en a besoin de recouvrer son plein potentiel, et c'est par la suite qu'on pourra regarder pour voir sa capacité de demeurer à domicile et qu'est-ce qu'il a besoin pour demeurer à domicile. Donc, pour toute la partie d'accompagnement que le client a besoin de l'ensemble des professionnels, qu'il faut lui fournir pour lui permettre de bien intégrer sa nouvelle modalité de déplacement ou autres, on pense que ce service-là est clairement un service spécialisé qui devrait demeurer sous la responsabilité des CRDP, pour lequel le système fonctionne à merveille, fonctionne très bien. Et donc, à partir de ce moment-là, il est clair que les CSSS conservent dans leur panoplie des aides relativement peu complexes et qui aident, celles-là, vraiment pour le soutien à domicile, mais la première partie qui est sous les CRDP, pour nous, est un service spécialisé qui devrait demeurer comme tel.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : O.K. Donc, votre raisonnement, c'est au niveau vraiment des services de réadaptation spécialisés. Lorsque ça entre dans un service de réadaptation spécialisé, comme les autres interventions thérapeutiques, ils ne sont pas sous le coup de l'assurance autonomie, mais ils sont sous le coup des CSSS ou des centres de réadaptation. C'est ce que… C'est votre raisonnement?

M. Harvey (Régis) : Oui.

Une voix : …complément.

Le Président (M. Bergman) : Mme Lauzon.

Mme Lauzon (Anne) : Oui, merci. J'ajouterais effectivement qu'étant donné que les aides techniques font partie du processus de réadaptation elles peuvent faire une différence sur l'allocation qui serait donnée, parce que la personne serait plus autonome, ses incapacités ayant été compensées. Ça, c'est un élément fondamental.

Mais l'autre élément, c'est qu'avec la RAMQ on n'a pas de frein à l'utilisation. Donc, il n'y a personne qui est privé, par exemple, de son fauteuil roulant parce qu'on n'a plus d'argent, parce qu'on est au mois de novembre, ou parce que le service n'est pas disponible. Et c'est déjà un financement à l'activité un peu, dans le fond, basé sur l'assurance autonomie, ce qui fait que l'assurance n'aurait pas une valeur ajoutée dans ces programmes-là, ce qui n'est pas le cas pour les petites aides ou pour l'adaptation de domicile.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Je comprends très bien. Merci.

Au niveau… À la recommandation 9, vous soutenez la création d'une caisse d'assurance autonomie pour protéger les montants d'argent et que ça ne serve pas à autre chose. Par contre, vous nous dites : Dans le contour financier, il faut faire bien attention.

On est en train de réaliser des travaux sur le contour financier. J'aimerais que vous nous disiez, là, vos motivations à soutenir la création d'une caisse spécifique à l'assurance autonomie.

Le Président (M. Bergman) : M. Malo.

M. Malo (Luc M.) : Alors, voici. Quand on regarde la courbe d'âge au Québec, quand on regarde également l'accroissement des dépenses en santé au Québec, on a l'impression qu'on s'en va sur un mur et qu'il va y avoir des problèmes sérieux pour donner des services à ceux qui le requièrent. C'est pourquoi on souscrit, au fond, à une caisse d'autonomie, qui va permettre d'éviter ce mur pour ces personnes qui requièrent des services.

L'assurance autonomie propose une nouvelle façon de faire, qu'il y ait un caractère universel, une plus grande accessibilité. On pense que ça va réduire les iniquités importantes qui existent aujourd'hui entre les régions et les personnes. On introduit un financement à l'activité axé sur l'usager, ses besoins et les services qui lui seront rendus et non pas sur des modalités de financement historiques. Il y a d'autres raisons, mais, quand ce ne seraient que ces trois-là, on pense que c'est une bonne chose.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Merci beaucoup. Au niveau de la contribution de l'usager, vous êtes d'accord avec le fait qu'on ait une contribution équivalente au prix du marché pour le gîte et le couvert en CHSLD. Je vous entends bien, mais c'est un changement important de la situation actuelle, parce que, comme vous le savez, la contribution de l'usager, actuellement, ne couvre pas vraiment le gîte et le couvert, même n'en couvre même pas la moitié. Alors, c'est une proposition, je dirais, audacieuse que vous nous faites là. Je veux bien que les usagers qui n'en ont pas les moyens en soient exemptés, mais vous comprenez que c'est une proposition qui pourrait susciter des débats.

Le Président (M. Bergman) : M. Malo.

• (11 h 50) •

M. Malo (Luc M.) : Nous sommes tout à fait d'accord avec vous que c'est litigieux. Par contre, si on veut que la caisse d'autonomie fonctionne, il faut qu'il y ait une source de financement, parce qu'on n'y arrivera pas. Et tout va être dans la manière et les choix qui vont être faits par rapport à ça.

On n'est pas des experts en financement, nous, et il va falloir laisser à des experts le soin de déterminer… J'ai contribué activement à implanter l'assurance médicaments avec M. Rochon, alors que j'étais son sous-ministre, et on se posait le même dilemme, la même question. Et je pense qu'on avait pris, à l'époque, une bonne décision, qui s'avère en tout cas tenir dans le temps. Alors, je me dis : On fait la même chose, on fait le même pari au niveau du financement de la caisse d'assurance. Il va falloir regarder les modalités, et c'est pourquoi, d'ailleurs, on recommande qu'il y ait des études qui soient entreprises. Et on voudrait y être associés le plus possible, M. le ministre, pour qu'on trouve la bonne piste.

On est sensibles également au fait que, pour les organisations bénévoles de personnes handicapées, c'est un sujet extrêmement litigieux, parce que déjà on sait que les personnes handicapées, à tous égards, sont parmi les plus pauvres de la société. Et donc, leur contribution à eux, il faut respecter un petit peu leurs propres revenus et il faut regarder ça d'une façon très particulière et très attentive. Il ne faut pas se tirer tous azimuts, n'importe comment là-dedans. Mais on pense qu'en bout de ligne… Si on veut avoir une caisse qui fonctionne et qui dure, bien là on pense qu'il faut qu'il y ait des contributions qui se fassent.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Je comprends votre préoccupation de dire : Il faut être équitable envers les gens qui choisissent de rester à domicile et qu'on ne subventionne pas les gens qui vont en établissement d'hébergement et qui, eux, sont subventionnés par l'État. Je comprends votre préoccupation, mais il faudra voir dans la manière comment on peut arriver à répondre à l'équité tout en ayant des transitions qui sont acceptables.

M. Malo (Luc M.) : …équité intergénérationnelle aussi.

M. Hébert : O.K. Vous nous proposez une autre proposition audacieuse, que les montants consentis au crédit d'impôt pour maintien à domicile soient intégrés à la caisse d'assurance autonomie. Vous savez qu'une certaine partie des gens qui font appel à ce crédit d'impôt n'ont pas vraiment une perte d'autonomie et donc que ces gens-là ne seraient pas admissibles à l'assurance autonomie. Alors, comment vous conciliez cette proposition-là avec cette réalité-là où il y a des gens qui actuellement bénéficient d'un crédit d'impôt sans avoir une perte d'autonomie fonctionnelle comme on la définit habituellement?

Le Président (M. Bergman) : M. Malo.

M. Malo (Luc M.) : Mme Lauzon.

Le Président (M. Bergman) : Mme Lauzon.

Mme Lauzon (Anne) : Oui. En fait, c'est que plusieurs, par contre, ont une perte d'autonomie et ont accès à ce crédit d'impôt là. Alors donc, peut-être que c'est une mesure transitoire, mais, de notre point de vue, enlever ces sous-là sans savoir l'allocation va donner quoi, c'était plus périlleux. Peut-être qu'il faut revoir le crédit d'impôt pour que, les personnes qui n'ont pas réellement de perte d'autonomie, ce soit harmonisé avec les profils et les allocations.

Mais a priori ça ne nous semblait pas quelque chose de très réaliste, de penser qu'on peut tout enlever ça tout d'un coup et passer carrément à une allocation distincte. C'est dans ce sens-là que, pour toutes les modalités d'allocation, on pense qu'il faut, premièrement, tabler sur les acquis, sur ce qui existe déjà, et progressivement s'assurer qu'il y a équité et qu'il y a transition harmonieuse.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Donc, si on avait, dans un premier temps, à… Si on donnait le choix à la personne de dire : On est sous le régime d'assurance autonomie ou le crédit d'impôt, vous seriez confortables avec cette option-là qu'on donne aux citoyens québécois?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lauzon.

Mme Lauzon (Anne) : C'est une question complexe si c'est un ou l'autre. Dans notre esprit, ce n'était pas un ou l'autre, c'était que le montant de crédit d'impôt est comme… est considéré dans l'allocation.

M. Hébert : O.K., ça marche.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Dernière question, en ce qui me concerne. Pour l'implantation, vous recommandez de ne pas utiliser les différentes clientèles comme il était proposé dans le livre blanc mais plutôt d'y aller par types ou volets de service distincts. J'aimerais que vous justifiiez un peu votre position là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : Mme Lauzon.

Mme Lauzon (Anne) : Oui. Dans le fond, dans le livre blanc, c'était proposé que les personnes qui ont une déficience physique soient dans un temps deux. De notre point de vue, ça, ce n'est pas réaliste à la fois pour les personnes qui doivent évaluer les personnes et puis les desservir en matière de soutien à domicile, parce que souvent, dans les CSSS, c'est les mêmes équipes qui font ce travail-là, alors recevoir deux clients, regarder : Attends un peu, toi, c'est tel processus ou tel autre, d'une part.

Et, d'autre part, présentement on a environ 30 000 personnes âgées qui sont déjà desservies par les CRDP. Ça ne veut pas dire que 100 % de ces personnes-là auront besoin de services de soutien à domicile, mais probablement que plusieurs d'entre eux le sont. Donc, quand est-ce qu'on devient âgé, handicapé, handicapé âgé? À un moment donné, ça devient une frontière — dont vous parliez au départ — qui est très difficile à cerner. Et nos systèmes d'information clientèle ne permettent pas non plus de bien distinguer ces deux clientèles-là, quand est-ce qu'on est plus un ou l'autre.

Alors, c'est pour ça que nous, on trouvait que c'est plus... il faut, oui, une implantation progressive, mais que… Par exemple, tout le nouveau cadre de rétribution pour les RTF et RI qu'on vient de se doter, avec une évaluation standardisée et un financement associé, bien, ça, on devrait le laisser pour plus tard puis donc plus y aller par des volets de service qui sont découpables en morceaux, pour les mettre progressivement en application, plutôt que par diagnostic ou groupe d'âge.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Oui, merci, M. le Président. J'aimerais revenir avec vous... d'abord vous féliciter pour le mémoire que vous avez déposé, qui contient beaucoup d'éléments et beaucoup de recommandations, c'est vraiment instructif de lire tout ça. Merci infiniment. Merci de votre présence.

J'aimerais revenir sur l'outil d'évaluation dont vous avez parlé tantôt, l'Outil d'évaluation multiclientèle qui ne répond pas nécessairement à la clientèle déficience physique. Et vous avez parlé aussi de participation sociale. J'aimerais vous entendre un peu plus longuement sur l'outil d'évaluation, mais aussi nous expliquer un peu plus ce que vous voulez dire par «participation sociale».

Le Président (M. Bergman) : Mme Lauzon.

Mme Lauzon (Anne) : Oui. En fait, l'Outil d'évaluation multiclientèle est utilisé pour évaluer les besoins en termes d'autonomie fonctionnelle, mais par contre un jeune adulte, par exemple, qui doit être évalué par cet outil-là, bien il y a des choses que la personne peut faire seule ou avec aide.

Présentement, l'outil… Je ne veux pas rentrer dans trop de technicalités, mais présentement — je vais vous donner un exemple très, très concret — si quelqu'un a besoin d'aide pour se déplacer, alors l'outil peut dire oui ou non vous avez besoin d'aide, mais de l'aide humaine est considérée. Mais, par exemple, si l'aide qui est nécessaire pour se déplacer, c'est un fauteuil roulant, donc une aide technique, ça ne peut pas être considéré dans l'évaluation. En fait, ce ne sera pas capté suffisamment bien, ce qui fait que la personne pourrait avoir droit... ça pourrait donner une allocation qui n'est pas correspondante à ses besoins réels une fois que les incapacités sont compensées. Alors, c'est ce genre de chose là qu'on trouve qu'il faudrait raffiner peut-être ou bien mesurer l'impact.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Oui, merci. Et c'est ce que vous entendez par «participation sociale», c'est de se déplacer...

Mme Lauzon (Anne) : Bien, c'est un exemple de...

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : C'est un exemple pour...

Mme Lauzon (Anne) : Se déplacer, ce n'est pas un exemple de participation sociale, là. La participation sociale, c'est plutôt que, la personne, oui, on veut bien que… pour une personne qui a une déficience physique, être soutenue à domicile et pouvoir choisir son lieu de résidence, mais il faut aussi pouvoir sortir du domicile et, par exemple, aller travailler ou aller à la banque et tout, et donc il faut que, dans l'ensemble du plan d'intervention, on puisse considérer l'ensemble de ces besoins-là, pas seulement d'être à domicile mais de pouvoir être actif dans la société.

Le Président (M. Bergman) : M. Malo.

M. Malo (Luc M.) : Au fond, c'est qu'au-delà des soins et services on a besoin, comme personnes handicapées… Parce que moi, je suis en fauteuil roulant. Ça ne paraissait peut-être pas, mais… Au-delà des soins et services — puis on peut avoir les meilleurs soins de santé puis les meilleurs services à domicile — ce qu'on a besoin, comme personnes handicapées, c'est d'avoir... reprendre confiance en soi, se sentir utiles socialement et donc pouvoir participer à la vie de la communauté. Et, malheureusement, trop souvent on n'a pas ce moyen-là.

Et il y a aussi le regard des autres à notre égard. Parce qu'on devient en fauteuil roulant, c'est comme si on perdait tous nos moyens. Loin de là. On développe des nouvelles capacités, etc. En tout cas, ça, je pourrais témoigner longuement. Et c'est ça qu'on... Par «participation sociale», ce qu'on entend, c'est vraiment que les gens puissent reprendre confiance en eux, retrouver un rythme de vie qui va les satisfaire, qui va faire qu'ils vont être heureux quand même, malgré le handicap et avec leur handicap.

Le Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au bloc du gouvernement. Pour le bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Mme Lauzon, M. Malo, M. Harvey. Des gens que je connais d'ailleurs très bien parce que je les ai rencontrés à plusieurs reprises, dont M. Harvey — il n'aura pas honte de ça — on a travaillé ensemble comme directeurs à l'hôpital d'Alma.

J'aimerais vous poser quelques questions, puis on va aller sur un sujet... Ça va être une question aussi de financement.

Premièrement, le virage, on est tous d'accord avec. On veut garder les gens à domicile, on veut qu'ils demeurent le plus près possible d'où ils habitaient auparavant.

Est-ce que vous avez l'impression que ce virage avait déjà été pris dans le réseau de la santé au cours des dernières années?

Le Président (M. Bergman) : M. Malo.

• (12 heures) •

M. Malo (Luc M.) : Le virage vers des services à domicile, oui, il a été pris avant, puis ça date d'ailleurs de la création des CLSC dans les années 70, mais le financement n'a jamais suivi à la hauteur des attentes et des besoins, pour toutes sortes de raisons. Et là je ne rentrerai pas dans le caractère politico-administratif qui est la cause de ça, mais il reste que ça n'a pas suivi.

Essayer de juste augmenter le budget pour les services à domicile, on n'est pas certains qu'on y arriverait de toute façon. Je pense qu'on s'en va sur un mur. La croissance du nombre de personnes âgées, la croissance… pas une grande croissance mais proportionnelle à la population du nombre de personnes handicapées, même si on a un bon bilan routier, là, depuis quelques années, c'est loin d'être certain qu'on va y arriver. Et c'est pourquoi on pense qu'avoir… L'idée d'une caisse d'autonomie qui serait financée, qui idéalement, également, serait capitalisée, on pense que c'est un élément de solution important.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Bien, je vous remercie. Vous avez répondu à mes deux premières questions, même si j'en avais juste posé une. La deuxième question — puis j'y reviens — dans le fond, le problème, c'est qu'il y a un rattrapage à faire au niveau du financement, et l'assurance autonomie, si on part avec le principe… Comme vous avez parlé pour les aides auditives ou aides visuelles, à partir du moment qu'il va y avoir un besoin, il y a nécessairement quelqu'un qui va le payer. C'est comme ça qu'on voit ça, c'est-à-dire qu'il y a un manque d'argent, les gens disent : On n'est pas capables de répondre aux besoins. Si on part sur le principe de l'assurance autonomie, dès qu'on va avoir eu l'évaluation du voisin… du besoin, ce ne sera plus une question de ressources mais une question de dire : Il y a quelqu'un qui va payer pour répondre à ça. C'est comme ça que vous voyez l'assurance autonomie?

Le Président (M. Bergman) : M. Malo.

M. Malo (Luc M.) : Oui, c'est comme ça qu'on le voit. Mais toutes les modalités sont à attacher, ce n'est pas attaché.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Je veux juste faire un commentaire, là, que je vais faire souvent : On est tous d'accord avec le maintien à domicile puis l'organisation des services comme c'est décrit dans le principe de l'assurance autonomie. Ça, je peux vous le dire. Puis, je pense, ça a été commencé depuis quelques années. Là, on est plus dans la question du financement, la contribution de la personne.

Puis je vais vous donner un exemple. Le ministre, il dit : Vous savez, dans les CHSLD actuellement, ça couvre à peine le logement plus la nourriture. Quelqu'un qui s'en va en CHSLD peut faire une contribution jusqu'à 21 000 $, je pense que le ministre a participé à un rapport du Vérificateur général qui disait qu'on devrait augmenter cette contribution. Si demain matin on fait le choix, on demande le choix aux gens : Vous savez, on va mettre en place l'assurance autonomie, mais votre contribution ne sera pas de 21 000 $ mais va être de 30 000 $, vos soins à domicile qui actuellement sont gratuits, bien, sur le principe d'équité, on va devoir vous demander également une contribution qui est l'équivalent de si on vous gardait dans un CHSLD, qui pourrait être également, pour des gens, de 15 000 $, ça fait que ça, c'est des… Puis, en passant, l'assurance autonomie, on peut avoir le principe, ça peut être bon, mais il faut avoir d'autres éléments. Puis avant, en personnes responsables, de dire qu'on est 100 % pour ça, on peut-u savoir qu'est-ce qui vient après? Si, vos membres, ça ne coûtait rien, puis qu'à partir qu'on installe l'assurance autonomie, maintenant, ça va leur coûter un équivalent peut-être de 15 000 $ par année…

Parce que le principe, dans les CHSLD, je ne sais pas si vous le savez, mais, si vous avez plus que 4 000 $ ou 5 000 $, là, ils vont aller chercher votre argent jusqu'à ce que vous n'en ayez plus. Puis moi, j'ai vu ça, les gens préfèrent donner leur… Quand ils n'ont pas des gros montants, là, ils donnent leur argent à leurs enfants pour être sûrs de ne plus en avoir, pour être capables de ne pas avoir à payer.

Ça fait que c'est pour ça que je veux le mettre bien clair, là : On est tous d'accord sur le principe de base de l'assurance autonomie, c'est de garder les gens le plus possible à domicile, faire le virage, une réorganisation et surtout répondre à tous les besoins des gens. La vraie question n'est pas celle-là, puis ça va être celle-là que je vais vous poser. À partir du moment qu'on sait qu'il manque d'argent puis qu'il y a un rattrapage à faire… Parce qu'il y a une notion importante : on ne frapperait un mur tant que ça si on avait l'argent nécessaire aujourd'hui puis on y allait avec la croissance des besoins. C'est qu'il faut augmenter l'enveloppe.

Avez-vous estimé, pour répondre aux besoins, selon les principes d'évaluation qui sont émis dans l'assurance autonomie, combien il faut rajouter pour ne répondre seulement qu'à votre clientèle, quel montant que ça pourrait coûter?

Le Président (M. Bergman) : M. Malo.

M. Malo (Luc M.) : Honnêtement, on n'a pas fait l'étude. On n'a pas d'expertise en finances publiques, on n'a pas d'expertise économétrique et actuarielle pour être capables d'établir cette… de répondre à votre question.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Malo (Luc M.) : On est un organisme de services de réadaptation.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Puis on est chanceux, on est avec trois gestionnaires du réseau : M. Malo qui a été sous-ministre, qui a participé à l'assurance médicaments; M. Harvey que je sais qu'il a été directeur des finances, directeur des ressources humaines, est directeur général actuellement; Mme Lauzon qui gère une grande association. Est-ce que vous trouvez que ce serait responsable, avant de savoir si on embarque dans ce projet-là ou pas, au moins d'avoir les vrais chiffres, combien ça va coûter, de savoir également combien chaque personne va devoir contribuer?

Puis également on parle du principe du SMAF, mais ça peut être un autre principe, selon les besoins de vos clientèles. Un SMAF à 13, ça veut dire combien? Puis l'autre question qui vient après : Si le besoin est de 100 %, est-ce qu'on va tenir compte des ressources pour dire : On va compenser juste à 60 %, ou on assure à la population qu'ils vont avoir 100 %?

Est-ce que vous trouvez que ce serait responsable de poser les questions et d'avoir les chiffres avant même le dépôt du projet de loi que de passer une loi qu'après ça on se rend compte, quelques années après, qu'on n'avait jamais eu le moyen, ou encore les gens vont être déçus parce qu'ils vont payer plus cher, ou encore pire que ça c'est que tout le monde, au lieu d'avoir 80 % ou 100 %, va tomber à 60 %?

Le Président (M. Bergman) : Mme Lauzon.

Mme Lauzon (Anne) : Bien, c'est une très bonne question. Ce qu'on sait, c'est que, de toute façon, à cause du vieillissement de la population, ça va coûter plus cher que maintenant. Ce qu'on sait, c'est que, peu importe l'équation et la modalité, présentement c'est autour de 15 % que l'État paie. Puis, avec l'assurance autonomie, ce qu'on comprend, c'est que l'objectif, ce serait de se rendre à pas loin de 40 %, mais il restera toujours une partie que, comme citoyen, il va falloir que chacun assume.

L'adéquation exacte du montant qui va permettre de faire quoi exactement, c'est une préoccupation qu'on a, mais la perception qu'on a, c'est qu'étant donné qu'il y aurait une évaluation plus standardisée puis ce serait universel il y aurait moins d'iniquité, et que, si, comme société québécoise, on peut se payer, pour dire quelque chose, 25 % au lieu de 15 %, bien ce sera mieux que 15 %. Mais a priori on ne s'attend pas à ce que, de toute façon, ce soit 100 %.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. On est vraiment dans le coeur de la discussion, hein, qu'on va devoir faire durant les trois prochaines semaines. Je suis d'accord, il faut corriger l'iniquité. Il faut garder nos gens à domicile, il faut développer des services puis il faut essayer de s'organiser pour que partout au Québec on ait les mêmes avantages ou encore les mêmes accès.

Une fois qu'on a dit ça, il faut qu'on calcule avant. Vous savez, on a eu des expériences dans le passé où les gens nous arrivaient avec des belles idées, un beau projet, mais, quand on arrivait après puis on calculait, c'étaient des milliards de plus. Si je vous disais que, l'assurance autonomie, mettre ça en place, c'est 2 milliards de plus pour les Québécois, maintenant il faut savoir qui va le payer. On sait qu'il y a une limitation au niveau des taxes, à moins de faire une taxe très spéciale… ou encore on va demander une plus grande contribution aux gens.

Et, votre clientèle à vous autres, si on met en place l'assurance autonomie sur les mêmes principes que ce qui est dans le livre, êtes-vous d'accord qu'il y a des gens qui ont déjà des revenus qui vont devoir vendre leur maison? Parce qu'à partir du moment qu'ils ont des revenus ils sont obligés de contribuer à une hauteur très élevée. On parle, pour une personne en CHSLD, là… Un couple très ordinaire qui a juste sa pension mais qui a assez de pension pour être capable de payer, si l'un est obligé de s'en aller en CHSLD, est obligé de payer 21 000 $, ça, ça… Moi, j'ai des patients qui m'en ont beaucoup parlé, de ces cas-là, où le monsieur ou la madame me disait : Je vais être obligé de quitter mon logement parce qu'on va me réclamer 21 000 $ quand mon conjoint va aller en CHSLD.

Je pense que ces questions-là, là… Parce que, moi, là, ce que j'ai vu dans l'assurance autonomie, là, c'est des principes philosophiques qu'on est tous d'accord. Puis, en termes de gestion, en passant, c'est la continuité des soins, l'intégration des soins. On se sert des CSSS, on se sert des gestionnaires de cas. On a tout ça dans le réseau de la santé, si vous êtes d'accord avec moi. Mais vous m'avez dit le vrai problème : Il n'y en a pas assez, d'argent, dans le réseau de la santé. Et les associations vont venir ici en disant : Ça, ça va me donner plus d'argent, mais la question qu'on va devoir se poser si c'est comme toujours les anciens principes, là : Si on vous met plus 1 milliard là, où vous allez aller chercher votre milliard dans votre réseau de la santé et des services sociaux? Parce qu'il y a une autre contrainte qui est le Conseil du trésor. Maintenant, c'est la question à laquelle on devoir tous répondre ensemble et être responsables. Et mon rôle de l'opposition, c'est de poser ces questions-là, et ce n'est pas vrai qu'on va embarquer dans un projet comme ça… Puis là tout le monde est d'accord avec le principe du maintien à domicile, mais je veux savoir qui va contribuer à quelle hauteur — on va défendre l'usager — puis également qui va payer la facture. Et qu'on n'arrive pas avec des raisonnements, de dire : Bien, il y a quelqu'un à quelque part… on va charger 1 % plus cher, là, parce que 1 % plus cher, au Québec, je vous ferais remarquer que tu es riche à partir de 40 000 $. C'est ça, la richesse au Québec, selon les cotes de l'impôt.

Qu'est-ce que vous en pensez, en tant que gestionnaires et personnes responsables de notre société?

Le Président (M. Bergman) : M. Malo.

M. Malo (Luc M.) : Effectivement, je pense qu'il faut que toute la dimension du financement soit regardée de près, mais on n'échappe pas le fait que, si on ne fait rien et on reste avec le système actuel, ça ne s'améliorera pas, puis on va également avoir, je dirais, un mur par rapport au financement. La croissance actuelle, elle est comme ça, et l'accroissement du nombre de personnes âgées, incluant les personnes handicapées, elle est aussi comme ça, très, très forte, très… une forte croissance. Je pense qu'effectivement il faut que la question du financement soit regardée de très près, soit analysée, et il faut recourir à des experts pour le faire.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

• (12 h 10) •

M. Bolduc (Jean-Talon) : Écoutez, on peut faire dire n'importe quoi aux chiffres, mais je vais juste vous donner une hypothèse, là. Moi, j'ai pris le tableau qu'il y avait dans le livre blanc, et on part avec un budget de 32,5 milliards en date d'aujourd'hui puis on nous parle de 2027‑2028. Je l'ai fait croître juste de 3 %, même pas du 4 % ou 5 %, là, puis on arrive, à la fin, à un budget de 42 milliards. La croissance des besoins, là, à 160 millions comme dans le livre blanc, là, c'est 3/10 de 1 % du coût du réseau de la santé. Ça fait qu'un chiffre de 160 millions a l'air très gros, là, mais, quand vous regardez les besoins en croissance de 160 millions, ça ne représente que 3/10 de 1 % du réseau de la santé.

Ça fait que moi, je me pose des questions aussi. C'est sûr que j'y crois, il y a un vieillissement, il y a plus de gens au Québec, mais le vieillissement, là, dans… les études démontrent que ça ne représente pas plus de 1 % de coûts en termes de besoins. Donc, il faut se poser la question si on ne peut pas le régler, le chercher par la performance ou s'il ne faut pas trouver d'autres façons d'aller financer ça. Puis on va en discuter à un moment donné. Est-ce qu'on y va par une assurance autonomie avec taxe capitalisation? Le ministre a dit clairement : Il n'y a aucune place si on réussit à capitaliser. On ne peut pas prendre de l'argent en plus aujourd'hui pour dire qu'on va l'avoir plus tard, donc il faut que ce soit à partir soit d'une taxe actuelle ou d'un montant d'impôt, où on verra de quoi ça a l'air, ou ça pourrait être aussi par une augmentation de performance. C'est comme ça que je pense qu'il faut… on peut voir le problème. Mais, chose qui est certaine, avant d'avoir un projet de loi, moi, je vais m'attendre à ce qu'on soit responsables et qu'on ait tous les chiffres, dont l'évaluation de tout ce que vous auriez à donner à vos usagers, à quelle hauteur que ça coûte, et là on verra c'est quoi, le vrai coût d'une assurance autonomie.

Et je suis d'accord avec vous, M. Malo, on ne fermera pas les yeux non plus. Il faut être responsables. Puis, dans le livre blanc, il y a des belles solutions, parce que tout le continuum de services, de regrouper ça ensemble, on est tous d'accord avec ça, là. Ça, je vous le dis, on est tous d'accord. Mais la question qu'il faut se poser : Si on est d'accord avec ça, est-ce que ça veut dire qu'on achète automatiquement la façon dont on veut le financer et à quelle hauteur qu'on va le financer? Puis moi, je vous demanderais de penser à vos usagers, là, puis allez leur dire demain matin que ceux que ça ne leur coûte quasiment rien, là, ou très peu de contribution, ils vont monter à 21 000 $. Vous leur demanderez, voir s'ils veulent rester dans l'assurance autonomie après ça.

Le Président (M. Bergman) : M. Malo.

M. Malo (Luc M.) : Je pense que poser la question comme ça, c'est y répondre. Alors, il va falloir se donner la peine de regarder ça.

M. Bolduc (Jean-Talon) : …ça va être la question… Juste pour vous dire pourquoi est-ce que je vous pose la question, c'est qu'il n'y a aucun chiffre, malgré le fait que je suis certain qu'ils sont disponibles. Il y a possiblement des chiffres qu'on ne veut pas nous donner et qu'on ne nous donnera pas, mais ce n'est pas vrai qu'on va passer un projet de loi avant que… Puis moi, je vais vous défendre, je vais défendre les usagers, mais je veux savoir, l'usager, là, cette personne-là, aujourd'hui ça veut dire quoi, demain ça veut dire quoi. Il y a un principe d'équité, mais on n'appauvrira pas une partie des gens qui sont déjà bien sur le principe qu'il faut rendre tout le monde pauvre, là. Ça, c'est une question.

En passant, la plupart des principes dans l'assurance autonomie, puis vous m'avez entendu comme ministre à plusieurs reprises, on les a tous défendus. On veut garder nos gens dans leur communauté. C'est ça qui nous coûte le moins cher et c'est ça qu'on veut. Mais il y a des maisons, également, qu'on veut mettre en place pour les clientèles comme les vôtres. Parce que l'autre question qu'on va se poser… Ce qui était au début, c'était : On va vous donner un montant d'argent, vous allez vous organiser avec, ça fait que, si vous voulez aller chercher votre service dans une maison communautaire ou dans une résidence privée, vous allez avoir le droit de le faire. Mais là il y a eu du lobbying probablement, là, ça a l'air qu'il va y avoir juste des services du côté du public. Est-ce que c'est une ligne qu'on va tenir? Est-ce qu'on va vous donner des montants plutôt que vous mettre en CHSLD et vous mettre dans des résidences qui sont adaptées comme j'ai vu dans les Laurentides? Moi, je pense que c'est ça qu'il faut qu'on cherche, parce que ça, ça va nous le permettre. Êtes-vous d'accord qu'on doit regarder ça avant de savoir qu'est-ce qu'on va adopter dans ce projet de loi là?

Le Président (M. Bergman) : M. Malo.

M. Malo (Luc M.) : Je suis d'accord qu'il faut le regarder, mais nous, on n'a pas compris que c'étaient nécessairement des services publics. Ça peut être des entreprises d'économie sociale qui offrent les services à domicile à un coût raisonnable.

Évidemment, il faudra faire attention. Si, le lendemain qu'ils sont créés, ils «boostent» les prix, puis il arrive une syndicalisation, puis ça coûte plus cher que dans le public, on n'est pas plus avancés. Il y a des précautions à prendre par rapport à ça.

Mais on pense que le principe de l'affaire est correct. Ce qu'il faut, c'est trouver les modalités correctement. Et on vous l'a dit, financièrement on n'est pas des experts là-dedans. On va regarder ça attentivement, par exemple, on veut participer aux travaux, mais de là à être capables de faire les études actuarielles puis reliées au budget, au ministère des Finances… Ça, je ne suis pas capable de le faire.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Mais, pour…

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Il me reste-tu encore beaucoup de temps, M. le Président?

Le Président (M. Bergman) : Vous avez un autre cinq minutes.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Ah! C'est parfait, ça. Mais êtes-vous d'accord, êtes-vous d'accord qu'avant de dire qu'on est à 100 % avec un projet comme ça… qu'il serait irresponsable de ne pas prendre connaissance des chiffres et de ne pas savoir c'est quoi, l'impact pour votre clientèle?

Le Président (M. Bergman) : M. Malo.

M. Malo (Luc M.) : En principe, oui, je pense qu'on devrait avoir les chiffres avant, mais ça ne nous appartient pas de les fournir.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, je suis d'accord, mais comme association, je pense, c'est important que vous ayez tous, tous les éléments puis que vous sachiez pour chacune des personnes...

Puis, juste vous donner un exemple, on parlait du privé versus public, moi, j'avais compris au début que, si vous étiez en résidence privée, que vous aviez certains handicaps ou que vous aviez une perte d'autonomie, on pourrait avoir accès peut-être à des services à l'intérieur de la résidence privée, qui pourraient être fournis, quitte à ce que ce soit un paiement en argent pour compenser, plutôt que d'avoir du service d'employés de l'État, mais ce que j'ai vu, là, le projet actuel, c'est que probablement que c'est dans une résidence privée avec plusieurs services. Si vous êtes en perte d'autonomie, ça va devoir être des gens soit de l'économie sociale ou encore de l'État, c'est-à-dire du CLSC, qui vont aller donner vos services.

Une voix :

M. Bolduc (Jean-Talon) : Bon, si ce n'est pas ça, M. le ministre va devoir nous l'expliquer comme il faut, parce que…

Des voix :

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bolduc (Jean-Talon) : Quand on a rencontré les syndicats hier, quand on a rencontré les syndicats hier, il semblerait que ça serait tout soit du public ou encore de l'entreprise sociale. C'est d'ailleurs ce qu'on a dans ce projet là, c'est-à-dire qu'il se dit des choses à un moment donné, il s'est dit des choses dans le passé, mais aujourd'hui on veut le savoir exactement. Parce que les résidences privées vont venir. On veut savoir exactement qu'est-ce qui va se dire. Parce que je suppose que, pour votre groupe à vous autres, ça va être important qu'il y ait cette marge de manoeuvre là, que les gens puisent gérer une sorte d'allocation pour mieux s'organiser. C'est-u comme ça que vous voyez ça?

Le Président (M. Bergman) : M. Malo.

M. Malo (Luc M.) : C'est clair qu'on va suivre les travaux de très près, tout ce qui va se passer ici. Et également, bien, on est en lien, généralement, assez courant avec le ministère, et on suit l'évolution des travaux qui se font au ministère à tous égards, et on n'échappera pas à cette dimension-là non plus.

Mais, comme je disais tantôt, moi, je ne voudrais pas être à la merci nécessairement d'une résidence privée, pas plus. Je sais qu'il va y avoir une explosion des coûts, puis on n'est pas sûrs de la qualité du tout, alors je préfère choisir puis aller dans une entreprise d'économie sociale. Mais là je suis certain de quels services je vais acheter, et c'est ça, le principe de l'affaire.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, M. le Président. Puis je suis tout à fait d'accord avec vous, moi, je pense que la qualité doit être là. Le mode peut être différent, et puis vous allez avoir des gens qui vont venir vous dire, dans tous ces secteurs-là, qu'ils sont très satisfaits. Moi, je pense, un des principes qu'il y a là-dedans puis que je trouvais beau, dans le projet, c'est qu'on offrait le choix aux gens, puis on offrait le choix pour qu'ils soient bien installés chez eux et respecter leurs volontés. Et c'est ce qu'on veut. Puis, comme vous avez vu, dans la plupart des principes du projet de loi, là, moi, je suis tout à fait d'accord puis je trouve qu'il faut aller de l'avant de ce côté-là, sauf qu'on a des fils à attacher.

L'autre chose : il faudrait être sûr qu'on ait le même discours pour tout le monde; quand quelqu'un du privé vient s'asseoir ici, qu'on lui dise la même affaire qu'aux syndicats, qu'on lui dise la même affaire qu'aux entreprises d'économie sociale. C'est un principe de base.

Et l'autre élément, puis je suis conscient de ça : ce qui s'est dit voilà un an, voilà six mois puis ce qu'il y a dans le projet ici est différent, comme c'est possible que le projet de loi soit un petit peu différent à moduler. Puis ça, on va l'accepter, mais… Puis je finirais là-dessus, M. le Président. On veut travailler ensemble, en passant, on veut collaborer, on veut avoir le meilleur système. Les principes sont bons, la vision, je pense, est adéquate, sauf qu'il y a des fils à attacher. Mais il faut être transparent et donner toute l'information. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : Alors, M. Malo, M. Lauzon, M. Harvey, merci pour votre présentation. Merci d'être ici avec nous aujourd'hui et partager avec nous votre expertise.

Et je demande aux gens d'Ex aequo de prendre leur place à la table.

Et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 12 h 19)

(Reprise à 12 h 21)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue aux gens d'Ex aequo. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir nous donner vos noms, vos titres, et vous avez le prochain 10 minutes pour faire votre présentation. Et bienvenue encore.

Ex aequo

M. Mercier (Yves)  : Bonjour. Je me présente : Yves Mercier, président d'Ex aequo. Je remercie la commission de bien vouloir nous… qu'on puisse présenter notre mémoire aujourd'hui. Je suis accompagné de Mme Dominique Marsan, vice-présidente d'Ex aequo; M. Pierre-Yves Lévesque, directeur général d'Ex aequo; et Mme Brigitte Nadon, qui va répéter pour M. Lévesque.

Étant donné que nous devons répéter pour M. Lévesque, nous devons vous demander une accommodation pour ce qui est du temps de notre présentation.

Le Président (M. Bergman) : …certainement.

M. Mercier (Yves)  : O.K. On va vous présenter un résumé du mémoire qui est inclus dans la pochette qu'on vous a remise.

Mme Marsan (Dominique) : La présentation d'Ex aequo. Ex aequo est un organisme montréalais se consacrant à la promotion et à la défense des droits des personnes ayant une déficience motrice depuis 1980. La promotion et la défense des droits se réalisent par des activités qui peuvent avoir différentes formes : information, formation, sensibilisation, représentations, collaboration, mobilisation, moyens de pression et revendications. En partenariat avec les autres organismes communautaires du milieu, évidemment, et en concertation avec les instances publiques et décisionnelles, Ex aequo intervient dans des dossiers tels que la vie municipale, habitation, les transports, la santé et les services sociaux et le soutien à domicile.

Là, Pierre-Yves pour le contexte.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : Une personne qui est sans limitation fonctionnelle peut, sans contrainte physique, participer aux activités de son choix. Pour vivre son inclusion dans la société, une personne handicapée a besoin de services de soutien à domicile qui s'adaptent à elle et à ses besoins. Si elle n'a pas de tels services, elle est contrainte à rester chez elle.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : Malgré la décision ministérielle de 1988, les personnes handicapées se retrouvent à devoir débourser pour de tels services, et l'assurance autonomie, telle que proposée dans le livre blanc, accentue cette situation et ne permet pas de résoudre les problèmes actuels touchant les services à domicile.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : Je n'ai pas compris qu'est-ce que tu as dit.

M. Lévesque (Pierre-Yves) : Moi non plus.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : Oui. Bien, dans le fond, comme il dit, on n'endosse pas le livre blanc tel qu'il est présenté. On demande la création d'un comité national qui aurait le mandat de revoir l'ensemble des services à domicile et d'effectuer une véritable consultation.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : Oui, parce que les consultations sur le livre blanc ont été faites pendant l'été, alors que plusieurs personnes étaient en vacances et que plusieurs organismes doivent fermer les portes pour manque de financement.

M. Mercier (Yves)  : Le mémoire a été rédigé à partir d'un rapport de recherche-action déposé en 2010 pour la région de Montréal. Vous trouverez donc des témoignages ainsi que des résultats concernant la situation montréalaise.

L'uniformité des services des CSSS et des CLSC. La disparité des services entre les différents CSSS et même entre les CLSC d'un même CSSS est bien présente. S'ensuivent des attentes interminables, la diminution d'heures de service et une discontinuité dans ces derniers. Ne pas pouvoir choisir contribue au sentiment de ne pas être libre. Les budgets empêchent d'offrir à une personne les services qu'elle requiert, il y a une diminution constante des heures de service et de soutien à domicile. L'enveloppe budgétaire réservée au soutien à domicile pour les personnes ayant des limitations fonctionnelles a été dispersée dans d'autres enveloppes de soutien à domicile. Il y a un décalage entre les services offerts et ceux qui sont nécessaires afin de fournir les conditions de base pour la participation sociale des personnes ayant des limitations fonctionnelles.

L'évaluation des besoins des personnes. L'évaluation des besoins se fait sous un angle médical qui néglige l'inclusion et la participation sociale des personnes ayant des limitations fonctionnelles. Le personnel n'est pas formé pour considérer l'inclusion sociale. L'évaluation de la qualité des services à domicile est insuffisante.

Lors des rencontres avec le ministre, celui-ci nous a spécifié de façon catégorique qu'il n'est pas question de changer la grille d'évaluation, le SMAF. Par contre, il est ouvert à ajouter des éléments à la grille actuelle en lien avec les habitudes de vie des personnes. Le ministre Hébert est-il prêt à réaffirmer la même orientation?

La formation du personnel des secteurs privé et parapublic. La formation du personnel qui travaille dans les entreprises d'économie sociale en aide domestique, EESAD, et les entreprises privées laisse à désirer.

Chèque emploi-services, CES. Le chèque emploi-services est apprécié par les personnes. Les conditions de travail qu'il permet ne sont pas suffisantes pour assurer un recrutement efficace, la formule chèque emploi-services n'est pas accessible pour l'ensemble des personnes. Dans sa formule actuelle, le CES entraîne des frais supplémentaires pour les personnes qui en bénéficient.

Dans le livre blanc, on peut lire que le chèque emploi-services sera offert exceptionnellement. Lors de nos rencontres avec le ministre Hébert, il nous a informés que, pour les personnes ayant une déficience physique, le CES ne sera pas remis en question. Lors de cette commission, le ministre de la Santé et des Services sociaux peut-il le réaffirmer officiellement? Aussi, prendra-t-il les moyens pour résoudre les problèmes reliés au CES?

• (12 h 30) •

Mme Marsan (Dominique) : L'assurance autonomie doit assurer que l'agence de la… O.K. C'est les positions d'Ex aequo, pardon. L'assurance autonomie doit assurer que l'Agence de santé et des services sociaux de Montréal et que les centres de santé et services sociaux de Montréal respectent le principe de la compensation financière pour pallier aux limitations des personnes en situation de handicap et leurs proches en fournissant gratuitement les services de soutien à domicile qui leur sont nécessaires.

Deuxième position : Qu'elle assure que les agences et les CSSS respectent les paramètres du POSILTPH et conservent l'étanchéité de cette enveloppe, c'est-à-dire qu'elle fasse en sorte que cet argent soit strictement réservé aux personnes ayant des limitations fonctionnelles et leurs proches.

L'assurance autonomie doit aussi garantir que l'agence veillera à ce que des données précises seront colligées par les CSSS afin de distinguer les services de soutien à domicile dispensés aux personnes handicapées et leurs familles, les soins de santé ainsi que les services dispensés aux personnes âgées et le programme de soutien aux familles.

L'assurance autonomie doit assurer que les CSSS cessent le saupoudrage de services de soutien à domicile, qui se fait sans aucun égard pour les besoins exprimés par les personnes et leur inclusion sociale.

L'assurance autonomie doit obliger l'agence de Montréal et les CSSS à travailler avec les membres des différentes communautés montréalaises, dont Ex aequo, pour créer un nouvel outil d'évaluation des besoins et permettre l'inclusion sociale. Pour ce faire, il faut fonder ce nouvel outil d'évaluation sur la grille d'analyse du processus de production du handicap, le PPH, afin de respecter le principe de l'inclusion sociale des personnes ayant des limitations fonctionnelles.

L'assurance autonomie doit garantir qu'un représentant choisi par le milieu associatif siège au comité provincial du MELS — attends, je vais tourner ma page — qui élabore le programme de formation des auxiliaires en santé et services sociaux.

L'assurance autonomie doit aussi s'assurer que les CSSS forment adéquatement les auxiliaires ou préposés, tous modes de prestation des services confondus, tant du point humain que technique; en particulier qu'ils s'assurent que les menaces proférées envers les usagers, quelle qu'en soit la forme, cessent très rapidement.

L'assurance autonomie doit amener les agences régionales à veiller à la qualité des formations, tant du point humain que technique

 Elle doit aussi garantir que les agences et les CSSS permettent aux travailleurs, travailleuses, tous modes de prestation confondus, alors, d'accéder à de la formation continue, et ce, dans des conditions favorables. Parmi celles-ci, ces personnes doivent être payées lorsqu'elles suivent leur formation.

L'assurance autonomie doit assurer que les CSSS forment adéquatement les employés de gré à gré et qu'ils les paient lorsqu'ils reçoivent ces formations.

L'assurance autonomie doit garantir que les agences régionales haussent le salaire des employés de gré à gré à 15 $ de l'heure, payant les frais de déplacement aussi.

L'assurance autonomie doit permettre de faire les démarches nécessaires pour résoudre les problématiques liées au chèque emploi-services.

Elle doit aussi assurer le financement des banques de préposés actuelles et en développer d'autres dans les régions, si le besoin se fait sentir.

M. Lévesque (Pierre-Yves) : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bergman) : Alors, merci pour votre présentation, Mme Nadon, M. Lévesque, M. Mercier et Mme Marsan. Merci pour votre présentation. Maintenant, pour le bloc du gouvernement, M. le ministre.

M. Hébert : Merci beaucoup. Alors, ça me fait plaisir de vous revoir, on a eu l'occasion de se rencontrer à quelques reprises sur ce sujet. Et je vous remercie du mémoire. Vous avez dû mentionner «assurance autonomie» au moins 25 fois dans votre présentation. Je comprends donc que c'est un sujet qui vous touche au premier chef.

Vous avez soulevé, là, beaucoup, dans votre mémoire, le problème de la protection des budgets, qui, lorsqu'ils sont consacrés soit aux personnes handicapées… Et même la Protectrice du citoyen l'avait mentionné dans ses rapports. Même s'ils sont étiquetés «maintien à domicile», ils sont utilisés autrement par les CSSS.

Que pensez-vous donc de la création d'une caisse d'assurance autonomie pour préserver, sécuriser ces budgets et faire en sorte qu'ils sont utilisés pour les fins auxquelles on les a désignés?

Le Président (M. Bergman) : M. Lévesque.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : Ce qui est important, pour Ex aequo, c'est que le gouvernement comprenne que les personnes handicapées ne devraient pas avoir à payer pour pallier à leurs déficiences.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : En passant, M. le ministre, c'est le Parti québécois qui a fait voter ça, en 1988.

M. Hébert : Oui, et nous le réaffirmons d'ailleurs dans le livre blanc. Et, contrairement à ce que le député de l'opposition essaie de faire croire, il n'est pas question de faire payer les gens, il est question d'avoir une allocation qui permette d'avoir une équité à travers l'ensemble des personnes. Donc, l'allocation va être modulée en fonction du revenu, pour les gens qui ont un revenu important. Et actuellement il n'y a pas cette modulation-là. Vous savez que, les services, vous les avez, bien sûr, gratuitement, mais ils ne répondent pas à l'ensemble des besoins. On estime, chez les personnes âgées, que les services fournis par l'État sont de 15 % par rapport aux besoins. Le reste, le 85 %, là, c'est les gens qui l'assument soit en espèces ou en nature, et ça, c'est peu importe le revenu des gens. Les plus riches, qui ont les moyens de se payer des services, sont capables de se les payer, et les plus pauvres, bien ils sont obligés d'avoir un proche aidant qui le fait gratuitement ou encore ils se privent de services. C'est ça qu'on veut changer, on veut mettre une équité. Il n'est pas question de faire débourser aux gens des sommes, il est question d'ajuster l'allocation d'assurance autonomie en fonction du revenu des gens pour les gens qui sont capables de se le payer, ce qui ne touche à peu près pas les personnes handicapées que vous représentez, qui n'ont pas des revenus suffisants pour qu'on puisse considérer ces revenus-là dans le montant d'allocation.

Alors, c'est ça qu'il faut remettre en perspective. Ce qu'on veut faire, c'est avoir… Plutôt que de se cacher la tête dans le sable comme on le fait actuellement et dire que c'est équitable… Ce n'est pas équitable actuellement, on donne 15 % des services qui sont nécessaires à tout le monde. Les gens qui ont les moyens de s'en payer plus s'en paient plus, puis les gens qui n'ont pas les moyens, bien ils font avec. Et je pense que ça, c'est inéquitable comme société. On devrait donner plus de services aux gens qui n'ont pas les moyens de se payer des services et être capables de laisser les gens qui ont les moyens s'acheter des services complémentaires. Alors, c'est ça que veut régler l'assurance autonomie.

Le Président (M. Bergman) : M. Lévesque.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : Nous, on pense que, peu importe le revenu, les personnes handicapées ne devraient pas avoir à débourser pour pallier à leurs déficiences.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : Ce n'est pas équitable actuellement. Les personnes qui ont une déficience n'ont pas la CSST…

M. Lévesque (Pierre-Yves) : Des EESAD, des EESAD.

Mme Nadon (Brigitte) : Les personnes des EESAD, les travailleuses…

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Marsan (Dominique) : La personne handicapée qui vient au monde…

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

• (12 h 40) •

Mme Marsan (Dominique)  : O.K., c'est ça. Il dit : Les personnes handicapées de naissance, elles n'ont pas les mêmes revenus puis les mêmes possibilités de… c'est parce que le programme est universel, tandis que tu as les personnes handicapées qui ont acquéri leur déficience, comme ceux-là qui ont… suite à un accident, puis tu as les autres qui ont acquéri leur déficience suite à une CSST, accident du travail, ou accident d'automobile. Les barèmes, les palettes de fournitures, par exemple, on va donner 12,95 $, un chèque emploi-services, puis une personne sur la SAAQ, elle, elle va peut-être pouvoir donner beaucoup plus, qui va donner, mettons, 15 $, 18 $ de l'heure. Alors, la personne, elle ne peut pas retenir son personnel, elle a un fort roulement de personnel.

Est-ce que c'est ça que tu voulais dire?

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : M. le Président, je voudrais réaffirmer ici ce qu'on a écrit noir sur blanc dans le livre blanc, page 24, qu'il n'est pas question de remettre en question la gratuité des services qui sont donnés par l'État. Je ne peux pas être plus clair que ça, là, il n'est pas question. Alors, je vous rassure là-dessus, il n'est pas question de retirer la gratuité des services. C'est écrit, je le redis, ça fait plusieurs fois que je vous le dis, ce n'est pas remis en question. Il n'est pas question de faire ça avec l'assurance autonomie.

Deuxièmement, vous insistez beaucoup — et vous l'avez dit à chaque fois qu'on s'est rencontrés — sur le chèque emploi-services. Je vous l'ai dit et je le répète : Le chèque emploi-services, il va demeurer une option.

Ma préoccupation, c'est : Comment on s'assure, avec le chèque emploi-services, un, qu'on a des employés qui donnent des services de bonne qualité et bien formés? Et, deux, comment on s'assure que le poids de la gestion des employés ne repose pas uniquement sur les personnes handicapées? Pour les personnes âgées, ils ne veulent pas avoir ce poids-là de la gestion, de gérer le personnel, ils ne veulent pas. Alors, pour les personnes… Certaines personnes handicapées le souhaitent, d'autres ne le souhaitent pas, et c'est là où il faut donner une option aux gens de pouvoir requérir au chèque emploi-services mais aussi à des entreprises d'économie sociale qui vont donner des services par contrat. Et je pense que c'est important.

Mais comment vous voyez ça? Comment on peut assurer la qualité et, deuxièmement, la formation du personnel qui sont engagés avec le chèque emploi-services? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : M. Lévesque.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : Les CSSS, ils ont déjà des formations qui sont prêtes.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : Bien, c'est ça, Ex aequo gère une banque de référence de préposés en soutien à domicile, puis on a des ententes avec certains CLSC — ou certains CSSS? — pour que les préposés puissent avoir une formation continue.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : Mais le problème, c'est qu'actuellement les préposés qui suivent une formation ne sont pas payés pour le faire, donc ce n'est pas très motivant pour elles d'aller s'asseoir une journée pour se faire former.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : Ce n'est pas tout le monde qui fait affaire avec la banque de préposés.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : Oui. Ce serait intéressant si les personnes qui font affaire avec le CES mais pas avec notre banque de préposés puissent aussi envoyer leurs préposés en formation.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Donc, vous êtes d'accord avec ce qu'on propose au niveau du livre blanc, c'est-à-dire de confier aux CSSS formellement par la loi la responsabilité de s'assurer de la formation et de l'accréditation surtout des prestataires de services, incluant ceux et celles que vous engagez via le chèque emploi-services.

Le Président (M. Bergman) : M. Lévesque.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : Oui. Et qu'ils soient payés pour suivre de la formation.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous soulignez, dans votre mémoire, la disparité des services et le non-respect du choix des personnes. Je suis très heureux de cette position-là, parce que l'assurance autonomie veut justement assurer une équité dans les services et redonner à la personne des choix qu'elle n'a pas. C'est-à-dire qu'actuellement les choix reposent dans les mains des CSSS, le plus souvent, et non pas de la personne elle-même, et on veut redonner à la personne ce choix qui est absolument important pour nous, qui sont importants pour les personnes que vous défendez notamment. Alors, c'est une disposition de l'assurance autonomie, là, qui va sans doute répondre à plusieurs de vos revendications au cours des dernières années.

Le Président (M. Bergman) : M. Lévesque.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : Actuellement, les CSSS ne donnent pas tous les mêmes services.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : Oui, bien c'est ça, les personnes n'osent pas déménager parce que, comme d'un CSSS à l'autre les services qui sont offerts ne sont pas les mêmes, ils ont peur de perdre leurs services en changeant de territoire.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : Oui. L'article 101 de la loi sur la santé et les services sociaux, troisième alinéa, prévoit clairement une uniformité dans les services, une continuité dans les services.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous mentionnez, dans votre mémoire, l'évaluation. Je suis un peu étonné de voir que vous dites que l'évaluation est surtout médicale parce que le médecin intervient très peu dans cette évaluation-là, qui est souvent faite, le plus souvent, par un travailleur social, un intervenant psychosocial. J'adhère tout à fait à votre proposition de mieux former les intervenants psychosociaux à la réalité des personnes handicapées. J'en suis, je l'appuie.

Quant à la grille d'évaluation, je vous redis ici ce que je vous ai dit : La grille d'évaluation de base, dans l'outil multiclientèle, qui nous permet d'avoir un outil de gestion, on ne la remettra pas en question. Par contre, d'ajouter à cet outil d'évaluation d'autres outils pour mieux camper les besoins des personnes en termes d'habitudes de vie et de participation sociale, je suis tout à fait ouvert à cette modification de l'Outil d'évaluation multiclientèle.

Le Président (M. Bergman) : M. Lévesque.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : C'est une bonne nouvelle.

M. Hébert : …je vous l'avais dit, mais… Puis je pense que vous ne me croyiez pas.

Une voix : On voulait que ce soit enregistré.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : C'est important pour nous que vous le répétiez à la commission parlementaire parce que c'est plus officiel.

M. Hébert : Je vais laisser mes collègues poser certaines questions.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, messieurs. Bonjour, mesdames. Je voulais vous parler… Dans votre mémoire, à la page 5 et 6, vous mentionnez spécifiquement votre préoccupation par rapport au financement, là, des soins à domicile et vous mentionnez une enveloppe dédiée, vous faites référence à une enveloppe dédiée qui a fini par être dispersée dans plusieurs enveloppes. J'aimerais ça entendre votre préoccupation et peut-être que vous nous fassiez le lien avec justement la proposition d'assurance autonomie, dans laquelle on retrouve justement une caisse réservée pour assurer que les fonds réservés ne soient pas, justement, utilisés à gauche et à droite, c'est quoi, votre préoccupation par rapport à ça, et ce que vous pensez de cet aspect de l'assurance autonomie.

• (12 h 50) •

Le Président (M. Bergman) : M. Lévesque.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : Dans les années 80, on était pas mal plus jeunes — moi la première.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : On a revendiqué une enveloppe protégée pour les personnes handicapées parce qu'on savait que les personnes âgées étaient plus nombreuses. Ils ont besoin d'autant de services que nous.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : M. Lévesque trouve que c'est une bonne nouvelle, est content d'apprendre que l'assurance autonomie prévoit de maintenir l'enveloppe protégée pour les personnes handicapées. C'est important, étant donné qu'on est moins nombreux. C'est pour ça qu'on avait demandé ça dans les années 80.

Est-ce que ça répond à...

Mme Proulx : Ça répond à…

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement.

Mme Proulx : Ça répond en partie. J'en aurais eu d'autres, mais… J'irai vous voir. Merci

Le Président (M. Bergman) : Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bienvenue ici, à la commission. Puis vous avez absolument raison, c'est enregistré. Puis c'est dactylographié, ça fait que vous avez droit au texte. Puis, comme de fait, c'est l'endroit qu'on doit apprendre et qu'on doit discuter.

Moi, ce que j'ai compris dans le projet, par un souci d'équité, c'est que la contribution va être en fonction des revenus. Donc, même si vous avez un handicap ou une déficience, si, exemple — prenons un exemple qui doit exister au Québec — quelqu'un naît et qui a une déficience importante ou un handicap, et que ses parents ont de l'argent, puis, quand il est adulte, il a un héritage, s'il y a des montants d'argent assez substantiels, cette personne-là va être appelée à contribuer comme l'autre qui a un revenu par rapport à... C'est ce que je comprends. Je ne sais pas si le ministre peut confirmer ça.

M. Hébert : ...le revenu, M. le député de Jean-Talon, vous le savez très bien.

M. Bolduc (Jean-Talon) : O.K. On donnait…

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Il y a une seule personne qui a le micro, c'est le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : On parlait d'héritage, mais on parlait peut-être de... On peut avoir d'autres types de revenus, on peut avoir d'autres types de revenus, parce que, si tu as un bon montant, tu vas avoir des intérêts, tu peux avoir des entreprises, tu peux avoir un revenu quelconque. Si je comprends, dans le revenu en tant que tel, ça serait calculé. Donc, la personne, à la limite, pourrait être appelée à faire une contribution non pas à cause du fait qu'elle a une déficience, mais dû au fait qu'elle a un revenu.

M. Hébert : M. le Président, une question de privilège, là. Il redit toujours la même chose. Il n'est pas question d'une contribution. Il est question de calculer le revenu dans l'assurance, l'allocation d'assurance autonomie, mais il n'est pas question d'un déboursé.

Le Président (M. Bergman) : Monsieur…

M. Hébert : Il va arrêter de dire des choses comme ça, c'est mal... c'est...

M. Bolduc (Jean-Talon) : M. le Président, M. le Président...

M. Hébert : …c'est induire cette commission en erreur, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre, M. le ministre, c'est moi qui ai la parole. M. le ministre, c'est moi qui ai la parole maintenant.

M. Bolduc (Jean-Talon) : M. le Président, on va…

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. On va régler le problème...

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, un moment, s'il vous plaît. M. le ministre, ce n'est pas une question de règlement. Et je vous demanderais et je demande à tous les députés autour de la table, incluant M. le ministre, que la parole est donnée seulement par le président. Alors, la parole, maintenant, est au député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Je comprends que, quand le ministre est serré un peu puis qu'on va chercher des vraies affaires, il a un petit peu de difficultés, là, mais on va en discuter. Quand on parle de la question d'allocation...

M. Hébert : …pas juste moi, là, ou... Vous pouvez intervenir?

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre, vous n'avez pas la parole.

M. Hébert : Non, mais pouvez-vous intervenir sur ce qu'a dit le député de Jean-Talon, M. le Président?

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon a la parole. M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. On va regarder le principe d'allocation, ça dépend comment vous le regardez. Si vous avez quelqu'un qu'on établit vos besoins, mettons, en termes monétaires, à 15 000 $, 20 000 $, qui en passant, lorsqu'on a une déficience, ce n'est pas nécessairement des si gros montants que ça, ce que le ministre, il dit : La personne, elle ne contribuera pas, elle ne donnera pas d'argent. Mais, quand on va faire son calcul, s'il y a besoin de 20 000 $ et qu'il y a assez d'argent, ce qu'on va lui faire, c'est qu'on va lui donner pour 5 000 $, puis, l'autre 15 000 $, il contribuera. C'est comme ça qu'il faut voir ça, c'est qu'on baisse son allocation en fonction de son revenu.

M. Hébert : M. le Président, est-ce que je peux avoir le privilège d'être bien cité? Ce n'est pas ce que j'ai dit, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre, vous n'avez pas la parole, et ce n'est pas à moi pour juger la pertinence des questions qui sont demandées par les membres de la commission...

M. Hébert : ...mes paroles, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, vous avez la parole.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. M. le ministre aura l'occasion de clarifier les choses, mais la façon dont... Parce que ce n'est pas toujours clair, hein? Dans les documents, si vous avez vu, il y a beaucoup de flou, là. Entre autres, on ne sait pas à la fin ça va être quoi, la contribution du montant selon votre situation à vous autres, selon votre propre situation. Et là il y a peut-être des gens qui vont faire un saut, parce qu'il ne faut pas oublier, il y avait une recommandation de monter le maximum, mettons, en CHSLD de 21 000 $ on ne sait pas à quel montant. Ça fait qu'il faudrait le savoir avant d'adopter une loi qui concernerait l'assurance autonomie. Est-ce que la personne va payer 21 000 $, ou on va le remonter à 22 000 $, ou on peut monter à 30 000 $? Ça, là, c'est important pour chaque usager.

Juste pour continuer mon explication, de la façon dont le ministre en parle, c'est que, si on estime vos besoins, mettons, en termes de services à un coût monétaire de 20 000 $, si vous avez des revenus suffisants, c'est que ça se peut que l'État vous fournisse, un exemple, 5 000 $ et que vous, vous allez contribuer pour 15 000 $. C'est quoi, la différence entre ce que je viens d'expliquer versus : Je vous donne 20 000 $ et je reviens vous rechercher par en arrière 15 000 $? À la fin, la personne va recevoir 5 000 $ de l'État.

Et ce qu'on comprend dans l'assurance autonomie, puis ça vous concerne parce que… Si vous n'avez pas de revenu, moi, je suis d'accord avec le ministre, les gens n'auront pas à contribuer, puis on devrait répondre aux besoins. Mais, si vous avez des revenus, quelle que soit votre situation, y compris la vôtre, ce que ça veut dire, c'est que, si vous êtes quelqu'un qui avez beaucoup de revenus, à ce moment-là vous êtes appelé à contribuer indirectement, parce que l'État va vous donner un moins gros montant, et vous, vous allez devoir contribuer pour compléter vos besoins. Ça, il faut le comprendre comme ça. Puis, si ce n'est pas ça, j'aimerais ça qu'on me l'explique comme il faut.

Puis, juste pour terminer, ce qui est intéressant, c'est que, si vous êtes quelqu'un qui avez 60 000 $ de revenus, 70 000 $ de revenus par des pensions ou de différentes façons, ça se peut que, si vous aviez besoin de soins à domicile… Bien, à ce moment-là, c'est possible que vous, vous soyez obligé de contribuer totalement, tout simplement parce que le montant ne sera pas suffisant. Je ne sais pas qu'est-ce que vous en pensez, mais c'est comme ça que moi, je l'ai compris.

Le Président (M. Bergman) : M. Lévesque.

M. Lévesque (Pierre-Yves) : ...

Mme Nadon (Brigitte) : Trois points. Ex aequo, la position, c'est : Peu importe le revenu, on ne devrait pas avoir à débourser pour pallier à la déficience, parce qu'il n'y a personne qui a demandé pour être handicapé.Ce que Pierre-Yves a compris, c'est que le montant que la personne va devoir débourser va... Non?

M. Lévesque (Pierre-Yves) : ...

Mme Nadon (Brigitte) : Que l'assurance autonomie va payer en totalité pour compenser la déficience.

M. Lévesque (Pierre-Yves) : ...

Mme Nadon (Brigitte) : Ce n'est pas notre rôle de savoir où est-ce qu'on va prendre l'argent, mais notre rôle, c'est de s'assurer que les services vont être bien reçus.

M. Lévesque (Pierre-Yves) : ...

Mme Nadon (Brigitte) : Le ministre a mentionné tantôt que les services vont être gratuits et que c'est l'assurance autonomie qui va débourser. À moins qu'il n'ait pas compris comme il faut.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

• (13 heures) •

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, bien je pense que le ministre va devoir le dire. Si quelqu'un est handicapé mais qu'il a un revenu, ce que je comprends, c'est qu'il va être comme dans l'assurance autonomie, c'est-à-dire qu'ils n'appellent pas ça une contribution, mais son allocation va être baissée en fonction de son revenu. Si ce n'est pas ça, je voudrais qu'on me le dise, là, pour que ce soit bien clair, mais, s'il y a du revenu, nécessairement ça va être comme les autres dans le système. Donc, si je comprends bien, l'assurance autonomie ne fera pas votre affaire. Parce que, s'il y a du revenu puis que vous avez besoin d'un certain niveau de service, il ne dit pas que vous allez contribuer; il va baisser le montant que vous allez recevoir, et vous allez compenser de votre propre poche le montant pour atteindre le niveau que vous devriez avoir. Si ce n'est pas ça, je veux qu'on me le dise.

Le Président (M. Bergman) : M. Lévesque.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : Oui. M. Lévesque veut répéter la position d'Ex aequo. La position d'Ex aequo, c'est que, peu importe le revenu, c'est au gouvernement du Québec de débourser pour pallier à la déficience.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, puis je comprends votre position. Je vous dis juste que ce n'est pas ça que vous avez là-dedans. Là-dedans, vous allez devoir… Si quelqu'un a un revenu…

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

M. Mercier (Yves)  : C'est pour ça qu'on a dit qu'on n'était pas d'accord avec le livre blanc.

Le Président (M. Bergman) : M. le député…

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Mme Nadon (Brigitte) : Tantôt, M. le ministre a dit que ce serait gratuit.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Pour ce qu'il s'agit de l'inéquité des services entre les différents CSSS puis entre les différents CLSC à l'intérieur du même CSSS lorsqu'il y en a plusieurs, c'est une réalité qui remonte à l'histoire, puis ça, je pense, je suis d'accord avec vous, c'est quelque chose qui doit être corrigé.

En passant, la majorité des points que vous nommez, je pense qu'on est d'accord. La formation, je pense, c'est important que ce soit standardisé, la qualité. Il faut respecter également vos choix, je pense, c'est quelque chose qui est très important.

Mais je pense qu'un des éléments importants… Puis ça, comme de fait, le principe de revoir la façon dont le système est organisé, est-ce que c'est par une assurance autonomie ou par d'autres principes? La question aussi des budgets protégés, ça, c'est important également. Ça, on y croit aussi, sauf… Est-ce qu'on a besoin de passer un projet de loi pour protéger des budgets? Je pense que c'est une discussion qu'on pourrait avoir, parce qu'avoir un projet de loi, ça crée toute une autre bureaucratie, il faut voir si ça vaut la peine. Ça, j'adopte ça également puis je peux vous dire qu'on est tout à fait d'accord.

Et, pour terminer, je tiens à vous remercier d'être venus nous expliquer, parce que le plus important… Il y a beaucoup de gens qui vont venir nous parler, mais les gens qui sont dans le système et qui ont à profiter ou à utiliser des services, je pense, c'est eux autres qu'il faut entendre pour se faire une meilleure idée par rapport à ce projet. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bergman) : Alors, Mme Nadon, M. Lévesque, M. Mercier, Mme Marsan, merci d'être ici avec nous aujourd'hui et partager votre expertise avec nous.

M. Lévesque (Pierre-Yves) :

Une voix : Merci beaucoup. Puis j'aimerais…

Le Président (M. Bergman) : Et, collègues, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures aujourd'hui. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 13 h 3)

(Reprise à 15 heures)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Collègues, la commission reprend ses travaux.

Nous allons poursuivre sans plus tarder les consultations particulières et les auditions publiques sur le livre blanc sur la création d'une assurance autonomie intitulé L'autonomie pour tous.

Alors, on reçoit maintenant la Fédération professionnelle des préposé-e-s aux bénéficiaires du Québec. Bienvenue. Alors, pour fins d'enregistrement, s'il vous plaît, donnez-nous vos noms, vos titres. Et le prochain 10 minutes appartient à vous.

Fédération professionnelle des préposé-e-s
aux bénéficiaires du Québec (FPBQ)

M. Lemelin (Michel) : Merci, M. le Président. Michel Lemelin, président-directeur général de la Fédération professionnelle des préposé-e-s aux bénéficiaires du Québec.

M. Gagnon (Daniel) : Daniel Gagnon, gérontologue-conseil.

Le Président (M. Bergman) : Merci. Alors, vous avez le prochain 10 minutes pour faire votre présentation, suivi d'un échange avec les membres de la commission.

M. Lemelin (Michel) : Merci, M. le Président. Mesdames messieurs, c'est avec plaisir que la Fédération professionnelle des préposé-e-s aux bénéficiaires du Québec, FPBQ, participe à la Commission de la santé et des services sociaux concernant le document L'autonomie pour tous  Livre blanc sur la création d'une assurance autonomie en vous transmettant ses commentaires, réflexions et propositions.

Tout d'abord, la FPBQ tient à saluer l'initiative du ministère de la Santé et des Services sociaux de proposer la création d'une assurance autonomie et éventuellement d'une caisse autonomie qui, comme mentionné dans le document, est réclamée par plusieurs groupes impliqués dans le secteur des services destinés aux adultes présentant une perte d'autonomie importante et persistante.

Le vieillissement de la population. Le livre blanc souligne très bien les projections démographiques démontrant l'augmentation marquée du nombre de personnes aînées au cours des 20 prochaines années. Cependant, comme la mise en place d'une assurance autonomie aura des répercussions sur une période beaucoup plus longue que 20 ans, il nous aurait paru pertinent d'utiliser le maximum des informations fournies par l'Institut de la statistique du Québec, soit sur plus de 40 ans, puisque la situation ira en s'accentuant tout au long de cette période, créant une pression de plus en plus importante sur les systèmes de services sociaux et de santé et, par conséquent, sur les finances publiques.

Par ailleurs, en mettant l'accent sur la population âgée de 65 ans ou plus, il nous apparaît que l'on minimise l'impact réel de la croissance des besoins dus au vieillissement, puisque la cohorte des personnes de 65 à 75 ans, et même jusqu'à 80 ans, ne constitue pas un groupe représentatif de forte consommation de services sociaux et de santé, bien que non négligeable, cette consommation étant beaucoup plus significative chez les plus de 80 ans.

Les données concernant les services de longue durée nous apparaissent refléter la réalité. Cependant, bien que les données provenant d'autres pays puissent apporter un certain éclairage, nous avons appris à les utiliser avec parcimonie puisqu'elles couvrent souvent les services différents des nôtres et qu'il faut également tenir compte de l'ensemble des aspects socioéconomiques de ces pays. Ainsi, le niveau de taxation, le nombre, la proportion des clientèles visées, la quantité des services étatiques offerts par chacun sont autant de facteurs qui peuvent influencer l'attribution financière dans un ou l'autre des postes budgétaires. Il faut également prendre en considération l'équilibre financier précaire de plusieurs pays, ce qui pourrait venir influencer la distribution dans l'un ou l'autre secteur d'activité au cours des prochaines années. D'ailleurs, plusieurs pays ont commencé à recentrer leurs dépenses et continueront à le faire, compte tenu de la situation économique internationale instable.

La contribution des personnes. Voilà, à notre avis, un des aspects importants dont les nouvelles orientations devront tenir compte en priorité, car deux aspects structuraux de notre société s'y confrontent, soit la responsabilité individuelle et le rôle de l'État. Ce dernier aspect a d'ailleurs souvent primé dans nos politiques sociales-démocrates, déresponsabilisant petit à petit le citoyen de ses rôles fondamentaux. Dans la situation économique que nous vivons et que nous aurons à vivre au cours des prochaines années, il faut s'attendre que le citoyen soit appelé à contribuer de plus en plus, que ce soit par ses actions ou ses avoirs.

Parallèlement, la disponibilité des services de soutien à domicile et d'hébergement fournis par l'État n'a cessé de décroître depuis le début des années 1990. Avec le vieillissement tant individuel que collectif que connaît et connaîtra le Québec au cours des prochaines décennies, nul doute que la situation ira en se détériorant. Si on met en parallèle l'augmentation potentielle de personnes âgées et très âgées nécessitant des services sociaux et de santé, les services de soutien à domicile qui ne répondent que très partiellement à la demande actuelle, rendant difficile, voire impossible le maintien à domicile pour plusieurs personnes âgées fragilisées, et les conditions restreignant l'admission en CHSLD, nul doute que les personnes âgées en perte d'autonomie devront se tourner de plus en plus vers les résidences pour personnes âgées, d'où la nécessité de mettre en place des mesures efficientes afin de faire face à une demande croissante de services pour personnes âgées présentant des incapacités de plus en plus importantes.

Le document semble présenter l'assurance autonomie comme un programme universel, disponible pour tout citoyen qui remplit les conditions nécessaires, peu importent ses revenus. La FPBQ pense que, dans la situation économique actuelle, l'accès universel ne semble plus être un modèle qui devrait être utilisé dans les nouveaux programmes gouvernementaux, et même dans certains autres programmes actuellement en vigueur. Afin d'assurer la pérennité du programme, la FPBQ pense qu'il serait préférable d'établir un mécanisme de récupération fiscale pour les plus fortunés semblable à celui utilisé par le gouvernement fédéral dans le programme de pension de sécurité de la vieillesse.

Par ailleurs, le message véhiculé par le ministre semble tenir compte de ces préoccupations, mais le livre blanc ne le laisse pas apparaître avec autant de clarté. Il serait donc important d'établir clairement les paramètres qui seront utilisés dans le document final. De plus, la FPBQ se questionne sur les montants qui seront versés aux bénéficiaires et si, tel que compris à la lecture du livre blanc, ils seront établis en fonction des profils ISO-SMAF.

Nous tenons à saluer la volonté ministérielle de proposer un budget protégé en matière de soins et de services de longue durée. Ici encore, c'est une action demandée par plusieurs groupes depuis plusieurs années.

Par ailleurs, la volonté de développer l'assurance autonomie à partir de trois mouvements concomitants, tel que décrit en page 20, démontre une grande force de détermination de la part du gouvernement puisqu'on peut s'attendre à une résistance de la part de la population en général, qui a toujours priorisé les soins aigus, et principalement pour les jeunes populations et aussi de la part des médecins, qui ont tendance à considérer la clientèle en perte d'autonomie importante comme secondaire car irrécupérable.

Allocation de soutien à l'autonomie. À la lecture de la section 4, qui concerne l'allocation de soutien à l'autonomie, nous comprenons que la grande partie des services à la personne ainsi qu'aux activités à la vie domestique à domicile serait confiée principalement aux entreprises d'économie sociale en aide domestique. Bien que nous soyons au courant que déjà plusieurs CLSC utilisent ces ressources pour offrir des soins directs à la personne, délaissant un service qu'ils rendaient via les auxiliaires familiales, nous pensons que jamais, le ministère de la Santé, dans l'entente de 1996 conclue avec les entreprises d'économie sociale, que les AVQ ne leur avaient été confiées, au contraire nous comprenions qu'elles avaient été exclues d'emblée, ce qui fait qu'à notre connaissance, actuellement, les aides directes à la personne ne sont pas encadrées par une loi ou un règlement du ministère de la Santé.

De plus, nous considérons que ceux qui offrent ces services via les entreprises d'économie sociale n'ont majoritairement aucune formation pour accomplir ces tâches, contrairement aux auxiliaires familiales qui détenaient un diplôme d'études professionnelles. Ceci explique la baisse drastique d'inscription au diplôme d'études professionnelles Assistance à la personne à domicile depuis quelques années, si bien que le ministère de l'Éducation a entrepris des démarches afin de fusionner les cours d'assistance à la personne à domicile, auxiliaire familiale, et d'assistance à la personne en établissement de santé, préposé aux bénéficiaires, afin d'avoir une formation plus adéquate et augmenter la possibilité de former plus des personnes aptes à offrir des services adéquats à domicile. Le ministère de la Santé et des Services sociaux aura donc à se positionner dans ce dossier afin de s'assurer d'un encadrement légal approprié et d'offrir des services à domicile de qualité par des intervenants formés adéquatement avant de mettre en place son assurance autonomie, en collaboration avec le ministère de l'Éducation. À noter que ce besoin d'exigence de formation ne s'applique pas seulement aux personnes appelées à donner des services à domicile, mais à toute personne oeuvrant auprès de personnes âgées fragilisées, tant à domicile, en résidence qu'en CHSLD.

En conclusion, la FPBQ est d'avis que le livre blanc sur la création d'une assurance autonomie est une avenue très souhaitable. Elle est cependant d'avis que certains éléments tels l'identification claire des clientèles, les responsabilités de chacun des acteurs, le contrôle de la qualité des services, le financement détaillé du programme, tant de la part des usagers, du gouvernement que des transferts de programme, la gestion de la caisse… autonomie, plutôt, et la formation du personnel, peu importe le lieu de dispensation des services, devront être revus afin d'offrir un projet clair qui ira chercher l'assentiment de tous les groupes et les personnes concernées. Merci beaucoup.

• (15 h 10) •

Le Président (M. Bergman) : Merci pour votre présentation, M. Lemelin. Alors, maintenant, pour le bloc du gouvernement, M. le ministre.

M. Hébert : Merci beaucoup, M. Lemelin, M. Gagnon. Merci de ce mémoire.

J'aimerais d'abord avoir votre opinion sur le niveau d'investissement qui a été consenti dans les soins à domicile au cours des dernières années. Est-ce que vous jugez que ce niveau-là a été suffisant pour répondre aux besoins?

Le Président (M. Bergman) : M. Lemelin.

M. Lemelin (Michel) : La réponse est non, pour la seule et unique question que, les CLSC, quand ils ont fusionné avec les CSSS, malheureusement, quand il y a eu des coupures de budget à ce niveau-là, la plupart du temps les CLSC se faisaient amputer au niveau de leur budget, donc ce qui a fait une diminution drastique au niveau des services.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Et donc la perspective de créer une caisse sécurisée, séparée est une perspective que vous trouvez intéressante.

Le Président (M. Bergman) : M. Lemelin.

M. Lemelin (Michel) : Oui, effectivement.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous parlez, dans votre mémoire, de récupération fiscale, là, si j'ai bien compris. J'aimerais ça que vous nous expliquiez ce que vous entendez par là. Par rapport à une modulation de l'allocation qui serait établie suivant le revenu, vous parlez plutôt d'aller récupérer par la fiscalité une partie de l'allocation qui est donnée, alors j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Je comprends votre préoccupation d'équité, mais, le moyen que vous proposez, j'aimerais le comprendre un peu mieux.

Le Président (M. Bergman) : M. Lemelin.

M. Lemelin (Michel) : M. Gagnon.

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Daniel) : C'est sûr que c'est une proposition comme une autre de récupérer des argents des personnes qui ont le plus les moyens de se payer des services. Que ce soit par une récupération fiscale comme l'a fait le fédéral pour la pension de vieillesse ou une autre méthode, peu importe, c'est qu'il faut tenir compte de la capacité de payer des individus si on veut offrir des services au plus de gens possible. Mais, nous autres, c'était une méthode, disons, qui est connue, celle-là, c'est pour ça que c'est celle-là qu'on proposait, mais on est bien conscients que ce n'est pas la seule qui peut exister, il peut y avoir d'autres méthodes aussi ou même plus efficaces. Mais c'est ce qui nous est venu.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : J'aimerais aborder avec vous la question de la formation du personnel qui est appelé à donner des soins. Vous questionnez, là, la formation du personnel des entreprises d'économie sociale. J'aimerais ça avoir votre opinion sur qu'est-ce que vous entendez comme étant une formation appropriée pour les gens qui donnent des soins et services à l'autonomie des personnes.

Le Président (M. Bergman) : M. Lemelin.

M. Lemelin (Michel) : Écoutez, M. le ministre, ce qui est important là-dedans, c'est de donner des soins et services de qualité. Présentement, dans les entreprises d'économie sociale, malheureusement, le volet des AVQ, qu'on appelle, les soins au quotidien ne sont pas pris en charge par toutes les entreprises d'économie sociale.

Deuxième chose : la plupart du personnel qui est engagé, oui, il y a une multitude de gens qui sont préposés aux bénéficiaires, mais la plupart n'ont aucune formation. Donc, ils ne peuvent pas comprendre la nécessité de donner un bain, de donner à manger ou de faire les toilettes, qui est extrêmement important.

Troisième chose : je crois qu'à quelque part on a déjà, dans le réseau de la santé, des auxiliaires familiales qui ont une très bonne formation — c'est une formation de 975 heures — qui devraient pallier sur ce côté-là, pour donner des soins à domicile. Parce que, vous savez, on n'a pas affaire à n'importe quelle clientèle. C'est une multitude de clientèles, dont des cas de psychiatrie, et etc. Donc, une personne mal outillée, quand viendra le temps de pouvoir faire des avancements au niveau des soins, va être, comme on pourrait dire, mal prise.

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Daniel) : Oui. Tant et aussi longtemps que les entreprises d'aide domestique à la personne se résumaient aux AVD, aux activités de la vie domestique, bon, une connaissance plus ou moins grande des services à rendre puis des techniques à utiliser était peut-être, disons, moins pertinente. Mais, depuis qu'il y a un transfert, de plus en plus, des services d'aide à la personne, d'aide directe à la personne, que ce soit l'aide au bain, ou l'aide à l'habillement, ou peu importe, même à l'orientation, et avec l'alourdissement des clientèles qui retrouvent à domicile, qui ont des complexités de conditions de santé et d'autonomie grandissantes, c'est fondamental que ces gens-là aient une formation, autant pour savoir bien faire mais savoir aussi… savoir tout simplement les problématiques dont font face ces clientèles-là et le savoir-être avec eux autres. Donc, c'est pour ça qu'une formation pertinente, là, est tout à fait requise.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Parlez-nous un peu de la formation des préposés. Vous nous avez parlé de celle des auxiliaires familiales. Parlez-nous de la formation des préposés, que ce soit dans le réseau public ou dans le réseau privé. Vous savez que le nouveau règlement sur la certification des résidences privées impose un certain minimum standard pour la formation des préposés. J'aimerais vous entendre là-dessus et l'arrimage avec les auxiliaires familiales aussi.

Le Président (M. Bergman) : M. Lemelin.

M. Lemelin (Michel) : Écoutez, présentement, la formation des préposés aux bénéficiaires reconnue par le ministère de l'Éducation du Québec, c'est une formation de 750 heures. Il y a eu un rehaussement depuis quelques années, et là, présentement, ce que j'ai constaté, c'est que le ministère de l'Éducation du Québec est présentement dans un chantier afin de développer un nouveau préposé qui va être adapté aux besoins de ce que la population s'attend pour les soins. Et, sur l'assistance à la personne en établissement de santé, c'est une formation extrêmement pointue avec une multitude de compétences, on pourrait dire une douzaine de compétences, ce qui fait en sorte que la personne est vraiment bien outillée pour être capable de travailler auprès d'une personne vulnérable.

Comme je vous disais tantôt, c'est sûr qu'avec le nouveau chantier on veut tenter de fusionner deux formations, ce qui veut dire celle des préposés aux bénéficiaires et les auxiliaires familiales. Le pourquoi, c'est qu'au cours des dernières années, les cinq dernières années, on s'est aperçu graduellement que les auxiliaires familiales, au niveau de la formation, étaient délaissées au profit des préposés aux bénéficiaires. Et, quand on regarde ça un peu plus pointu, de plus en plus de préposés s'en vont en soins à domicile, et pourtant la formation requise, ça serait auxiliaire familiale.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Certains pays — la France, pour ne pas la nommer — ont créé ce qu'ils appellent des auxiliaires de vie sociale, qui est un peu un amalgame entre le préposé et l'auxiliaire familiale, le but étant de diminuer le nombre d'intervenants à domicile pour qu'il y ait le moins de personnes possible qui entrent dans le domicile. Qu'est-ce que vous pensez de cette orientation-là?

Le Président (M. Bergman) : M. Lemelin.

• (15 h 20) •

M. Lemelin (Michel) : Je ne connais pas bien, bien cette profession-là en France, je connais plus mon domaine ici, au Québec. Oui, j'en ai entendu parler. Mon questionnement : Est-ce que ça va être un nombre d'heures moindre? C'est là la question.

M. Hébert : Pour vous, le nombre d'heures actuel de 750 heures pour les préposés est un plancher. C'est ce que j'ai compris?

M. Lemelin (Michel) : Oui.

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Daniel) : Oui. Il faut comprendre qu'avec l'alourdissement des clientèles à domicile il y a une très forte partie des clientèles actuellement à domicile qui, il y a 15, 20 ans, étaient en CHSLD, hein, il faut être bien clair là-dessus. Donc, il faut… Puis ça va augmenter dans le futur. Surtout avec l'assurance autonomie, on va se retrouver avec beaucoup plus de personnes en perte d'autonomie sévère à domicile, et une formation adéquate tant à domicile qu'en établissement d'hébergement, que ce soit public ou privé, est absolument nécessaire.

Quel sera le niveau? Disons que les barèmes utilisés actuellement par le ministère de l'Éducation nous apparaissent très corrects. Quels seront les besoins dans cinq ou 10 ans? On ne le sait pas, mais on fait confiance au ministère de l'Éducation pour suivre l'évolution des besoins et offrir à ses étudiants une formation de plus en plus adéquate pour pouvoir justement permettre aux aînés fragilisés de pouvoir vivre dans le milieu qu'ils choisiront. C'est aussi notre voeu, mais, en ne leur donnant pas non seulement la formation, mais aussi l'encadrement suffisant, il risque d'y avoir encore plus de rotation de personnel qu'on n'en connaît actuellement, tant à domicile qu'en établissement d'hébergement. Ça fait que, si on veut arrêter le mouvement de rotation et rassurer autant l'utilisateur que celui qui donne les services, il faut qu'une formation de base et une formation continue adéquates soient données à ces intervenants-là, parce qu'on a beau… Il ne faut pas oublier que c'est probablement la clientèle la plus fragile au niveau de la santé et des services sociaux dont on parle aujourd'hui.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Je voudrais parler maintenant de la qualité et du contrôle de la qualité. Le livre blanc, l'assurance autonomie prévoit confier aux CSSS la responsabilité de s'assurer de la qualité des services des différents prestataires. Vous évoquez dans votre mémoire le spectre du conflit d'intérêts. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, sur ce que vous entendez par le conflit d'intérêts. Et qui devrait s'assurer de la qualité, si ce n'est pas les CSSS?

Le Président (M. Bergman) : M. Lemelin. M. Gagnon.

M. Gagnon (Daniel) : Oui, merci, M. le Président. Écoutez, quand on est celui qui évalue la personne, qui décide des services qu'on lui donne, qui évalue la qualité de ces services-là, on risque de pencher plus d'un côté ou de l'autre parce qu'on est à la fois celui qui donne, qui décide des services et qui les évalue. Ce qu'on dit, c'est que, l'évaluation — puis c'est la même chose quand on parle de certification ou des visites d'appréciation des CHSLD, c'est confié à des groupes extérieurs aux CSSS — on pense qu'il pourrait y avoir peut-être un organisme existant déjà, qui s'occupe de contrôle de la qualité, qui pourrait prendre en charge ces contrôles-là. Mais mettre… donner au CSSS ce mandat-là, il peut se faire reprocher de vouloir protéger son personnel, ou ses décisions, ou ses orientations, ou… À notre avis, à notre humble avis, c'est un risque de conflit d'intérêts. On a bien dit : Risque de conflit d'intérêts.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Mais je ne comprends pas, là. Si le CSSS va évaluer la qualité, met des exigences au niveau de l'accréditation d'une entreprise d'économie sociale, comment il peut être en conflit d'intérêts? Je ne comprends pas.

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Daniel) : Parce que c'est son propre personnel, parce que c'est lui qui décide des… Bien, admettons que quelqu'un du personnel du CSSS décide que la personne a besoin de tel, tel, tel service mais qu'elle en a besoin de plus, O.K., puis qu'on lui donne les services qui ont été déterminés. Quand elle va faire son évaluation, elle va dire : Oui, il reçoit les services qu'on a déterminés, c'est correct. Mais, si ce n'est pas suffisant parce que… pour x raisons, soit qu'il n'y a pas assez de personnel pour donner les services, soit parce que les services ont été mal identifiés ou identifiés selon les capacités de payer du CSSS, bien on risque d'avoir des résultats qui sont discutables.

Mais c'est une crainte qu'on a. Je ne dis pas… On ne dit pas que c'est exactement… mais c'est une crainte.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : C'est parce qu'on ne s'entend pas sur l'accréditation, là. L'accréditation, c'est de dire : Bien, le personnel de telle entreprise d'économie sociale a le bon niveau de formation, les processus sont adéquats, etc., là. C'est plus de cet ordre-là. Et le CSSS, étant l'agent qui va contracter les services avec l'entreprise d'économie sociale, est en bonne position pour être en mesure de juger si l'offre de services répond à des standards.

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Hébert : Vous parlez, vous, plutôt d'aller contrôler la qualité, par après, par des inspections, là. On ne parle pas de la même affaire, là.

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Daniel) : C'est peut-être, M. le ministre, qu'on n'a pas saisi adéquatement l'orientation que vous proposiez. On se dit… À la lecture du document, tel qu'on le lit, tel qu'on le comprend, c'est ce qui nous est apparu. Peut-être qu'on est dans le champ, ça se peut, mais ce qu'on veut, c'est d'éviter, justement, qu'on reproche aux CSSS ou qu'on reproche à ceux qui contrôlent et qui donnent les services de ne pas donner les bons services puis que ce soit par des questions plus financières que des questions professionnelles. C'est juste ça.

Mais c'est une crainte. Ça ne veut pas dire qu'on a raison, mais, à la lecture du document, c'est ce qui nous est apparu.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Je comprends mieux votre point. Merci.

Vous avez dans votre mémoire aussi certaines réserves par rapport à l'objectif ou l'intention de confier certaines responsabilités administratives à la Régie de l'assurance maladie du Québec. J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Actuellement, la Régie de l'assurance maladie du Québec gère le programme d'exonération financière pour l'aide domestique, alors j'aimerais vous entendre sur les réserves que vous exprimez par rapport à une implication de la RAMQ.

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Daniel) : C'est dans le même ordre. Quand l'agent payeur est aussi l'agent vérificateur, il y a toujours des... bien, en tout cas, on pense qu'il y a toujours des risques qu'il y ait des priorités qui soient modifiées selon, justement, les revenus qu'on… les budgets qu'on leur donne. C'est juste une question, je dirais, d'éviter les risques.

On parlait tantôt des CSSS. Il ne faut pas oublier que, depuis la création des CSSS, plusieurs ont reproché certaines priorisations de services au détriment de certains autres. Le maintien à domicile et l'hébergement en sont. Quand on a, dans une même organisation, à gérer les budgets et les services des salles d'urgence, des salles d'opération, des hôpitaux, de l'hébergement et du soutien à domicile, des clientèles jeunes et des clientèles plus âgées, fragilisées, il est facile de glisser d'un bord ou de l'autre, mais généralement ça glisse toujours négativement du côté des services aux aînés.

C'est pour ça qu'on veut que le nouveau plan parte... le nouveau programme, l'assurance autonomie, parte sur une bonne base, pour éviter ces glissements-là. Tu sais, oui, on comprend très bien qu'il y a un budget protégé, mais on est toujours craintifs, hein? Chat échaudé craint l'eau froide.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Je vais laisser à mes collègues le soin de poser certaines questions.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le Président. Je voudrais revenir justement à la qualité, là. Si on dit : Le CSSS est le gestionnaire, donc il ne pourrait pas nécessairement vérifier la qualité ou s'assurer que les soins sont de qualité, mais qui, à ce moment-là, verriez-vous pour gérer et pouvoir avoir une opinion sur la qualité?

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Daniel) : Si on avait pu vous suggérer, peut-être qu'on vous en aurait suggéré, mais on sait très bien que dans d'autres... Que ce soit par la certification des résidences, que ce soit par l'agrément des établissements, que ce soit par les... j'oserais quasiment dire les visites qui sont faites dans les CHSLD, il y a un tiers parti. Ce n'est jamais l'organisation même qui fait l'évaluation, il y a un tiers parti. J'aurais aimé vous donner le nom du groupe qui aurait été le plus en mesure de le faire, mais malheureusement je ne peux pas le faire. Est-ce que c'est un groupe existant? Peut-être. Un groupe qui a déjà un mandat d'évaluation de la qualité? Peut-être. Est-ce que c'est un autre groupe? Est-ce que c'est le CSSS? Peut-être aussi, là. Mais c'est toujours la volonté de ne pas mettre personne en conflit et avoir à défendre des questions de soins et services de qualité par rapport à des budgets disponibles.

• (15 h 30) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Parce que c'est sûr que le CSSS va avoir tout avantage à s'assurer que les services sont de qualité. Les organismes, par exemple, en économie sociale seraient accrédités, et les personnes peuvent porter plainte si elles considèrent qu'elles ne reçoivent pas des bons soins. Ça fait que je pense qu'il y a beaucoup de mécanismes déjà autour des CSSS, qui sont les gestionnaires et responsables des services qui seraient offerts, à ce moment-là, parce qu'on parle des soins à domicile. Ça fait que les personnes à domicile pourraient, je pense, se plaindre.

Oui? Vous avez une réaction?

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Daniel) : Vous savez, il y a déjà beaucoup de mécanismes de vérification qui existent, puis il y a quand même beaucoup d'irrégularités qui sont identifiées actuellement. Puis il y en a déjà beaucoup, de mécanismes qui existent. Il n'y a rien qui empêche… Il n'y a jamais eu rien qui empêche un CSSS de contrôler la qualité des services qui sont offerts sur son territoire, jamais. Pour n'importe quelle plainte, même sans plainte, on peut vérifier la qualité. Sauf que pourquoi que ça n'a pas été fait dans le passé, dans plusieurs cas? On se le demande. Ça fait que c'est juste une crainte.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Alors, je vais aller rapidement, parce que je pense qu'il ne reste pas beaucoup de temps. Alors, bonjour, messieurs. Considérez-vous pertinent, vous, de voir la création d'un ordre ou d'une association professionnelle apte à encadrer la formation, les conditions de pratique et la couverture de risques des intervenants prestataires de l'offre de services de l'assurance autonomie? Est-ce que vous considérez important…

Le Président (M. Bergman) : M. Lemelin.

M. Lemelin (Michel) : C'est très pertinent, puis même, je dirais, c'est nécessaire. Parce qu'actuellement, de ce qu'on comprend, dans le réseau de la santé, de ce qui se passe actuellement, on sait que les médias s'emparent souvent des préposés aux bénéficiaires, de ce qui se fait actuellement, des services qui sont mal offerts, ou mal donnés, ou mal organisés, et là-dessus les journalistes sont clairs, ils disent : Comment ça, il n'y a pas d'organisation qui surveille cette profession-là? Pourtant, l'Ordre des infirmiers auxiliaires, ils ont le leur, on sait c'est qui. Les infirmières ont l'Ordre des infirmières, et tout ça. Mais les préposés, personne. Il n'existe rien. Donc, je crois que ça serait nécessaire.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson, il vous reste 1 min 30 s pour question et réponse.

Mme Gadoury-Hamelin : Ah, bien il m'en reste plus que je pensais. Alors, dans une question plus générale : Le projet d'assurance autonomie qu'on propose est une façon responsable de prioriser les soins à domicile et d'opérer le virage concret afin de répondre aux défis, comme vous l'avez bien dit dans votre mémoire, défis du vieillissement de la population. Avant toute chose, j'aimerais savoir si, selon vous, les soins à domicile représentent la voie à prendre pour répondre aux défis démographiques québécois. Et pourquoi?

Le Président (M. Bergman) : M. Lemelin, il vous reste une minute pour cette réponse.

M. Lemelin (Michel) : Tout à fait. On sait qu'à partir de 2023 la ligne intergénérationnelle entre personnes âgées et jeunes va prendre une tournure qu'on connaît. Ça fait des années que nous, on dit que l'approche soins à domicile doit être préparée avec soin et qu'on doit aller de l'avant vers ça. Sinon, je vais vous dire, dans des cas particuliers, bien souvent la tendance des gens, quand les gens ont un petit peu de perte d'autonomie, c'est tout de suite le placement en établissement, que ce soit en résidence ou en CHSLD direct. J'ai des gens qui ont été un peu délaissés, et malheureusement on leur a dit : Écoutez, il faut le placer. Et pourtant, avec des soins à domicile, cet homme-là aurait pu faire cinq ans, peut-être 10 ans.

Le Président (M. Bergman) : Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bienvenue à notre commission. Je trouve ça très intéressant de vous entendre, surtout que vous, vous travaillez vraiment directement avec la clientèle. Je ne pense pas, à la limite, qu'il y ait des professionnels plus près, parce que vous passez beaucoup de temps… Récemment, je parlais avec des gens qui disaient : Souvent, les médecins vont aller faire leurs visites, on va rencontrer les personnes, mais ceux qui passent beaucoup de temps à s'occuper des personnes pour leurs activités quotidiennes, c'est les préposés.

Je veux vous féliciter parce que, dans le document, vous décrivez très bien la question de la structure d'âge. Et on parle toujours des 65 ans et plus, mais ce qu'on se rend compte, c'est qu'il y a une progression au niveau des 65 ans, mais elle est encore plus grande entre 75 et 85 ans et elle est encore plus grande dépassé 85 ans. Et ça, on oublie ça. Non seulement il y a plus de personnes, mais il y a plus de personnes plus âgées — et ça, votre document en fait mention — ce qui fait que ça augmente également les besoins.

L'autre élément que je suis d'accord avec vous : je pense que, la proposition du ministre, il faut la regarder. Il y a beaucoup d'éléments, mais on a beaucoup d'éléments à éclaircir, on ne sait pas encore où on s'en va dans certains secteurs. Toute la question du financement, la contribution, je pense que tout le monde doit s'entendre que c'est encore flou.

Également, puis ça, je tiens à le dire, là, les… On pose toujours la question : Est-ce qu'on doit faire le virage à domicile? Tout le monde croit dans le virage à domicile. Et je pense que ça fait déjà un certain temps que ça a été amorcé, mais il faut le continuer, puis il y a un travail à faire pour poursuivre.

On parlait tantôt des CHSLD. Avez-vous noté que, dans nos CHSLD, les gens sont beaucoup plus lourds qu'auparavant et que, des gens qui viennent habiter en CHSLD puis qui y passent plusieurs années, on en a très peu?

M. Lemelin (Michel) : Effectivement…

Le Président (M. Bergman) : M. Lemelin.

M. Lemelin (Michel) : Oui, merci. Effectivement, M. Bolduc, c'est sûr que, dans ma carrière, si je recule voilà 15 ans, ce que j'ai remarqué, bon, une personne qui rentrait en CHSLD rentrait sur ses deux jambes bien souvent, avec une certaine perte d'autonomie. Aujourd'hui, la réalité n'est plus la même. Les gens, vraiment, sont en très lourde perte d'autonomie, on rentre en chaise roulante ou en civière.

Et aussi une affaire qu'on a commencé à remarquer, au cours des années, c'est qu'on commence à voir des cas psychiatrisés de plus en plus dans nos établissements, et ça, c'est quelque chose qu'on ne voyait pas. Oui, bon, les personnes atteintes de maladie d'Alzheimer, c'était un créneau, et tout ça, qu'on voyait, mais avec des problèmes psychologiques et psychiatriques il y en a de plus en plus, et même qu'on commence à voir de plus en plus de démence. Et ça, là-dessus, les préposés sont très mal outillés. On sait que, la catégorie psychiatrique, bon, si on a de 18 à 65 ans, pour les jeunes, c'est déjà catégorisé, mais, dès qu'ils atteignent 65 ans, on se ramasse dans une situation qu'ils sont catégorisés comme aînés, et pourtant tout le long de leur vie ils étaient avec de la maladie, bien souvent, mentale. Donc, ils se retrouvent en situation de CHSLD.

Mais effectivement j'ai déjà vu des cas qui ont atteint 25, 30 ans d'existence dans les soins de longue durée, et aujourd'hui, si on atteint cinq ans, c'est pas mal un plafond, au niveau d'une vie dans les soins de longue durée.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Bien, je vous remercie pour votre commentaire parce que ça, ça témoigne du virage qui avait été fait auparavant, où on a créé comme des ressources intermédiaires et également on a fait le virage des soins à domicile.

Pourquoi les gens sont plus lourds dans les CHSLD? C'est tout simplement… C'est qu'il y avait une catégorie de patients qui avant ça n'étaient pas gardés à domicile, et il n'y avait pas d'autre ressource; qu'on devait nécessairement mettre en CHSLD. Et, jusqu'à tout récemment — c'est en train de se corriger — Montréal avait 40 % de leurs patients qui étaient dans des lits de CHSLD qui auraient pu être ailleurs.

Mais cette transformation-là a commencé depuis plusieurs années, et ce qu'on constate aujourd'hui au Québec — en tout cas, moi, je l'ai regardé, les deux, trois dernières années — généralement les gens rentrent dans les CHSLD, et leur espérance de vie est relativement courte. La preuve : 35 % à 40 % des gens, lorsque c'est vraiment des cas de CHSLD, décèdent dans l'année qui suit, donc, ou décèdent… il y en a 35 % à 40 % qui décèdent à chaque année dans nos CHSLD. Ce qui fait que la transformation du virage à domicile a été faite et elle doit être augmentée.

Deuxième phénomène : avec l'arrivée des résidences privées, qu'on soit pour ou contre, moi, j'ai des gens, là, que je suis actuellement qui avant ça auraient peut-être été en CHSLD, mais parce qu'il y a un certain support ils sont capables de demeurer plus longtemps à domicile. Et ça, c'est la transformation qui a été faite.

Je ne sais pas si c'est ça que vous avez constaté également sur le terrain de la part des gens que vous représentez.

Le Président (M. Bergman) : M. Lemelin.

M. Lemelin (Michel) : Effectivement, ce qu'on est en train de constater, c'est qu'en soins de longue durée, vu qu'il y a eu une multitude de coupures dans les lits, bien on se ramasse qu'il y a moins de places en soins de longue durée, donc ça accapare du côté des ressources intermédiaires. Et présentement il y a un nouveau phénomène qu'on ne voyait pas, d'à peine quelques années : les résidences pour personnes âgées commencent à avoir des cas de soins de longue durée dans leurs murs, ce qui veut dire des achats de lits sur des étages complets, et tout ça. Et ils sont obligés de les prendre parce que malheureusement les ressources intermédiaires sont au maximum, et les soins de longue durée sont tout aussi au maximum au niveau des lits. Donc, oui, le phénomène, on le constate.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée… M. Gagnon.

• (15 h 40) •

M. Gagnon (Daniel) : Juste un mot, M. Bolduc, pour dire qu'effectivement vous avez utilisé un terme… Les résidences privées avec services pour aînés sont des résidences, c'est du maintien à domicile. Il faut le répéter souvent parce que les gens ont tendance à mélanger les résidences et les CHSLD, alors que, les résidences, en résidence la personne est chez elle. Au niveau technique, au niveau de la loi, elle est chez elle.

Donc, ça devra être couvert aussi par le programme. C'est sûr qu'ils devront être couverts par le programme autonomie, l'assurance autonomie, parce que c'est la résidence de l'aîné à ce moment-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Merci beaucoup, M. le Président. M. Lemelin, M. Gagnon, je suis très contente de vous revoir.

M. Lemelin, j'ai beaucoup d'admiration pour les préposés aux bénéficiaires, que je croise très souvent quand je visite des CHSLD. J'ai beaucoup de questions à vous poser, mais tout d'abord on est d'accord avec ça, qu'on puisse vivre à domicile le plus longtemps possible.

Je pense qu'il va aussi falloir, dans d'autres programmes, prendre en considération l'aménagement de la résidence, si la personne n'habite pas dans une résidence privée pour aînées, parce que parfois on habite dans un deuxième étage, puis on n'est plus capable de vivre dans sa maison, et on ne veut pas déménager. Ça fait que ça prend parfois de petits aménagements, et là ça permettrait à la personne de recevoir des soins à la vie quotidienne, des soins de santé avec du personnel plus formé. Et je crois que ça permettrait de faire en sorte qu'il y ait moins de personnes qui se retrouvent plus rapidement dans les CHSLD. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

Le Président (M. Bergman) : M. Lemelin.

M. Lemelin (Michel) : Je suis tout à fait d'accord avec ça. Pour vous dire, chez nous, nos membres, il y en a qui travaillent en soins à domicile actuellement et ils se retrouvent avec des cas de sclérose en plaques, des gens que ça fait plus de 20 à 25 ans qu'ils n'ont pas eu de bain. Pourquoi? Parce que l'endroit où ils habitent, malheureusement, c'est des logements, ce n'est pas des maisons, des logements qui datent des années 50, 60, 70, qui étaient adaptés à ce moment-là pour le besoin mais qui aujourd'hui sont vétustes, et malheureusement les aménagements sont limités. Ils ne peuvent pas enlever des murs, ils ne peuvent pas adapter les toilettes. Ils ne peuvent même pas adapter certains, comme on pourrait dire, départements du logement. Donc, à ce moment-là, ces gens-là, quand ils ont une très grande perte d'autonomie, ils sont confinés carrément au lit et n'ont qu'une toilette partielle, et la plupart de leurs activités sont dans leur chambre, sauf pour des sorties médicales. Donc, oui, l'assurance autonomie, ça serait une bonne chose, mais l'aménagement du côté… tout ce qui est structurel serait nécessaire aussi pour accompagner ces gens-là.

Et un autre facteur qu'on reconnaît aussi, c'est que bien souvent il y a des gens qui sont sur la liste d'attente pour obtenir des modifications à leur logement, et ça peut prendre deux ans, trois ans, quatre ans avant de pouvoir obtenir ces modifications-là. Et ils se retrouvent malheureusement cadrés vers les soins de longue durée, parce que les CLSC, il faut l'avouer, les CLSC, selon les heures-soins, disent : Écoutez, on n'a pas assez d'heures-soins à lui offrir, donc il faut le prendre et le placer en CHSLD immédiatement, sans donner, bien souvent, le choix au résident, on ne l'écoute pas à ce moment-là. On leur dit simplement : Soins de longue durée parce que le personnel est au maximum des heures-soins.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : J'aimerais maintenant vous entendre sur la caisse autonomie parce que j'ai des préoccupations avec ça. Je ne suis pas contre, pas du tout. Moi, je suis ouverte sur toutes les possibilités qui s'ouvrent. On est ici en commission parlementaire pour entendre une pluralité d'idées et essayer de se faire une idée propre.

Est-ce que, pour vous, la caisse autonomie, c'est les 4,3 milliards de dollars pour les personnes de 18 ans et plus qui ont besoin de soins à domicile, plus le 100 millions par année sur cinq ans, qui constituent la caisse autonomie jusqu'en 2017 ou si une caisse autonomie, c'est aussi une contribution supplémentaire qui s'ajoute à cette caisse qui serait gérée par la Régie de l'assurance… la RAMQ?

Le Président (M. Bergman) : M. Lemelin.

M. Lemelin (Michel) : Là-dessus, on s'entend que, bon, de ce qui est offert actuellement, c'est de courte durée. Nous, ce qu'on espère, c'est que ce soit de très longue durée, parce que, comme je vous disais tantôt, à partir de 2023 les besoins vont être retentissants, ça, c'est assuré, et en montant les années à venir, jusqu'en 2040, 2050. Donc, à ce moment-là, il va falloir adapter cette caisse autonomie là. Et je crois, à mon avis, qu'il faudrait la renflouer d'année en année, mais là-dessus je tiens à vous dire que nous ne sommes pas des experts au point de vue de comptabilité, et tout ça, là.

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Daniel) : Au moins, l'avantage de la caisse d'autonomie, c'est d'avoir des argents qui sont identifiés clairement pour certaines clientèles et certains besoins. Ça, c'est déjà un pas énorme. C'est une chose qui est demandée depuis au moins 20 ans, d'avoir ce que l'on appelait, nous autres, dans le temps, des budgets protégés ou des enveloppes protégées.

Est-ce que c'est suffisant? Est-ce que c'est la manière? Ça, comme Michel disait, on n'est pas des comptables, on n'est pas des spécialistes, mais au moins le fait d'avoir identifié des budgets spécifiques pour les clientèles pendant un temps x puis pour certains services, c'est fondamental, puis ça, c'est un pas énorme.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Vous avez émis… je ne sais pas si c'est le terme, «inquiétude», là, mais certaines réserves par rapport à la gestion, que cette caisse serait confiée à la RAMQ.

Est-ce que vos inquiétudes viennent du fait que, pour la gestion de cette caisse, on serait obligés d'embaucher des fonctionnaires supplémentaires? Parce que, pour faire la gestion de l'argent, quand même, là, ça prend des personnes pour le faire. Est-ce que vous aviez une inquiétude aussi à cet égard?

Le Président (M. Bergman) : M. Lemelin. M. Gagnon.

M. Gagnon (Daniel) : Je ne sais pas si on a une inquiétude. Je ne peux pas vous dire qu'on avait une inquiétude par rapport à l'augmentation du nombre de fonctionnaires pour gérer cette caisse-là, déjà qu'on trouve que la RAMQ a déjà pas mal un grand nombre de fonctionnaires. Et on trouve aussi qu'il y a un grand nombre de budgets à gérer.

La réponse n'est pas puis elle ne sera pas simple, puis je ne vous la donnerai sûrement pas, parce que je ne la sais pas, sauf que, quand on a vécu ce qu'on a vécu, entre autres, avec l'assurance médicaments et les hausses faramineuses des budgets qui ont dû être ajoutées au fil des ans — on pourrait quasiment dire une certaine perte de contrôle — c'est sûr qu'on peut être inquiets. Est-ce que c'est la structure la meilleure pour gérer ça? Je ne pourrais pas vous le dire, mais il va falloir songer réellement à trouver une solution adéquate.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Est-ce qu'il y a actuellement assez de personnel, des préposés aux bénéficiaires, des auxiliaires? Est-ce qu'il y a assez de personnel pour être en mesure, quand on va réellement décider, là, qu'on prend cet immense virage immédiatement pour offrir des services et des soins de qualité à toute cette population… Bien que le ministre ait mentionné qu'on commencerait par les personnes âgées la première année, une année subséquente ce seraient les personnes en déficience physique et, la troisième année, les personnes en déficience intellectuelle, mais quand même en trois ans ça va rapidement pour l'implantation de ce système, de ce virage, de ce service avec les évaluations, etc., là. Est-ce que vous êtes assez nombreux?

Le Président (M. Bergman) : M. Lemelin.

M. Lemelin (Michel) : Vas-y.

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

• (15 h 50) •

M. Gagnon (Daniel) : Ce n'est pas toujours une question de nombre de personnel, c'est souvent une question de gestion et d'organisation. Souvent, un établissement va nous dire : On manque de personnel. On regarde son budget; il a effectivement moins de personnel qu'un autre, mais par contre il a un budget semblable ou supérieur. C'est dans cette distribution de personnel qu'il peut y avoir des lacunes.

Ça va être la même chose au niveau des services. Si les personnels qui sont embauchés pour donner ces services-là ont une bonne formation et que la gestion est adéquate, je crois qu'on peut effectivement faire face aux besoins de l'assurance autonomie. Ça va demander certains réaménagements, certaines… Aussi, les mandats vont devoir être clairs, on le disait, les mandats vont devoir être clairs. Et je pense que, oui, on peut y arriver, puis surtout que, si on a une formation adéquate de base donnée par le ministère de l'Éducation, je pense que ça peut attirer beaucoup d'étudiants.

Il ne faut pas oublier qu'on a énormément de décrocheurs, au Québec, et on a énormément de besoins en services d'aide aux aînés. Donc, ça adonne bien. Je pense que, si on leur donne… Je vous le dis, les préposés qui font un cours, il y a une grande proportion des préposés qui étaient des décrocheurs, qui sont aujourd'hui… qui ont un cours de 750 heures de préposé aux bénéficiaires, qui sont utiles à la société, qui sont fiers de travailler et puis qui remplissent très bien la tâche qu'on leur a demandée.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau, il vous reste trois minutes.

Mme Vallée : Alors, bonjour, messieurs. Bienvenue devant cette commission.

J'ai une petite question toute simple. Ma collègue parlait du personnel, de la suffisance ou de la quantité adéquate de personnel sur le terrain pour répondre aux besoins de la mise en place d'une assurance autonomie. Moi, je me questionne sur non seulement la disponibilité du personnel sur le terrain, mais sur l'ensemble du territoire. Je regarde l'assurance autonomie et je la vois dans le contexte des milieux ruraux et des services offerts, par exemple, par vos membres en milieu rural. Je sais que, chez moi, j'ai des auxiliaires, j'ai des préposés qui actuellement travaillent auprès… vont offrir des services à domicile et qui disent : Ça nous prend des pneus d'hiver plus chers sur nos voitures, le kilométrage qui nous est versé n'est pas suffisant. On n'a pas le temps… Les temps de déplacement sont tellement importants d'un milieu à l'autre — j'ai une circonscription de 15 500 kilomètres carrés — c'est tellement grand qu'on se rend… on donne à peine les services et on doit retourner, parce qu'on a un certain nombre de personnes à rejoindre puis à aller voir dans notre journée.

Comment voyez-vous ce défi-là? Comment voyez-vous notre capacité de relever ce défi-là, d'assurer à vos membres les ressources adéquates pour répondre aux besoins? Et est-ce que vous croyez qu'ils seront en mesure, justement, de répondre à ces besoins-là? Les services à domicile à Montréal, avec le métro puis tout ça, c'est bien beau, mais en région ce n'est vraiment pas la même chose.

Le Président (M. Bergman) : M. Lemelin, dans une minute.

M. Lemelin (Michel) : Effectivement, je viens d'un village dans le coin de L'Islet, et la réalité que vous racontez est effective, c'est effectivement la réalité. Il y a beaucoup de kilométrages à faire, et tout ça.

Mais ce qu'on constate, par contre, c'est que la plupart des employés qui travaillent comme en entreprise d'économie sociale… Parce que c'est surtout les entreprises d'économie sociale et les CLSC qui donnent des services en région. Et ces gens-là, malheureusement, se retrouvent dans une précarité au niveau de l'emploi. Il y a des postes à temps plein, eux ne s'en plaignent pas, mais la plupart des gens sont mis à temps partiel, donc de là le roulement de personnel, que les gens ne restent pas, décident de quitter le milieu pour aller à un autre milieu.

Autre chose aussi qu'on est en train de constater, puis le plus bel exemple, c'est le centre de formation professionnelle de Montmagny : beaucoup de jeunes gens qui viennent des villages aux alentours viennent étudier comme préposés aux bénéficiaires, pas auxiliaires familiales mais préposés aux bénéficiaires. Et les jeunes nous disent : On aimerait bien rester dans notre région, on aimerait bien ça donner des soins et services aux gens de notre région, mais malheureusement il n'y a pas assez d'ouvrage, donc on doit quitter notre région pour s'en aller en ville, les plus grandes villes, ce qui veut dire Montréal, Québec, Lévis, Trois-Rivières, et etc.

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

M. Lemelin (Michel) : Donc, c'est comme ça que les jeunes quittent, parce qu'ils disent : On n'a pas assez d'heures, et bien souvent il n'y a pas d'ouvrage dans notre coin.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée d'Arthabaska.

Mme Roy (Arthabaska) : Oui. Venant aussi d'une circonscription rurale qui n'était pas loin de la vôtre, anciennement Lotbinière, maintenant Arthabaska, je l'ai souvent dit, mais je n'avais pas pensé à cet aspect-là, que, dans les milieux ruraux, on gère des distances et non des populations. Donc, c'est vrai pour les pompiers, c'est vrai pour les policiers, pour les ambulances, mais je n'avais pas pensé aux préposés, au soutien à domicile, finalement.

Il me semble qu'il y aurait peut-être lieu d'y avoir un genre d'ajustement, compte tenu des distances qu'il y a à faire. Puis c'est du temps qui n'est pas auprès des personnes. Je pense qu'il y aurait peut-être… dans la solution ou en tout cas l'application, y avoir peut-être une variable pour la grandeur du territoire couvert, parce que ça ne doit pas exister dans les ratios de personnes à l'heure actuelle, j'imagine, les ratios de personnes... de bénéficiaires versus préposés.

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Daniel) : Dans les deux dernières questions, il y a des questions d'organisation puis il y a des questions de conditions de travail. La question des conditions de travail, je vais la laisser, parce que ça, c'est surtout les syndicats qui s'occupent de ça, puis c'est avec les syndicats... Les syndicats vont devoir participer aussi à ce plan-là, à cette assurance autonomie.

Mais, pour ce qui est de l'organisation du travail, ça, ça relève de chacune des régions, et effectivement on va devoir tenir compte des particularités. Mais, pour ma part, j'ai déjà fait deux ans de services à domicile, et puis il y a toujours moyen d'organiser les services, s'il y a une bonne coordination des services. Autant dans l'organisation, si l'organisation est mauvaise, il peut y avoir une perte de temps épouvantable, mais, si l'organisation est bonne, si la gestion est bonne, on va avoir beaucoup plus de services qui vont se donner, et en même temps ça va coûter beaucoup moins cher.

Donc, oui, il y a une question de la distance, oui, il y a une question de disponibilité de personnel, mais il y a une très grande question de gestion et d'organisation du travail qui relève de chacun des territoires.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée d'Arthabaska.

Mme Roy (Arthabaska) : Ça revient peut-être à dire ce que plusieurs groupes nous ont dit, qu'il y avait une disparité dans l'application du maintien à domicile ou de… de région en région. Vous ne nous l'avez pas dit, mais là vous venez presque de nous le dire.

Le Président (M. Bergman) : M. Lemelin.

M. Lemelin (Michel) : Effectivement, il y a une disparité. Je vous dirais que, quand on discute avec des directions générales de CLSC, on n'entend pas les mêmes échos d'une région à une autre, hein? Et, comme M. Gagnon le spécifiait, il y a bien de l'organisation qui est mal adaptée. À titre d'exemple… je ne nommerai pas le CLSC en question, mais, au lieu des préposés, on envoie des infirmières en quantité. Et on les coordonne mal, ce qui veut dire… elles peuvent faire des 50, 60 kilomètres pour atteindre une personne dans son territoire et avoir une perte de temps totale. Comme la dame disait tantôt, à force de faire du millage, d'arriver à la maison, le nombre d'heures-soins qu'il reste à donner est minime, donc à ce moment-là c'est extrêmement rapide, et on quitte. On est déjà arrivé, puis on donne le soin, et on est reparti.

Donc, à ce niveau-là, oui, dans chaque région… et tout dépendant le territoire. Si on parle du territoire du Lac-Saint-Jean, de l'Abitibi, c'est des territoires immenses. Donc, les gens voyagent beaucoup, et bien souvent les soins… Ils voyagent plus en voiture qu'ils donnent des soins, en réalité, là. C'est la réalité.

Le Président (M. Bergman) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Daniel) : Par ailleurs, on a des territoires de CLSC comparables en distance et en composition, puis il y a des disparités pareil entre les deux. Ça, c'est une question de priorités du territoire, du CLSC ou du CSS maintenant. Il y a des CLSC et des CSS qui mettent les priorités sur une clientèle, un type de clientèle. Et, bien, c'est sûr qu'avec un budget qui est fermé il y a des choix à faire, et souvent, je le disais tantôt, souvent, bien, il y a certains services pour les aînés qui sont délaissés pour en donner plus pour d'autres types de clientèle, parce que le budget n'est pas élastique. Ça fait que, ça, il y a aussi une question de priorisation dans le territoire, soit par le CSS ou le CLSC.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. M. Lemelin, M. Gagnon, merci pour votre présentation. Merci de partager votre expertise avec nous.

Et je demande aux gens de la Chaire Desjardins en soins infirmiers à la personne âgée et à la famille de prendre place à la table.

Et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 16 heures)

(Reprise à 16 h 1)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à la Chaire Desjardins en soins infirmiers à la personne âgée et à la famille, on vous souhaite la bienvenue. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Pour les fins de donner l'identification, s'il vous plaît, donnez-nous vos noms, vos titres. Et le prochain 10 minutes, c'est à vous pour faire votre présentation.

Chaire Desjardins en soins infirmiers
à la personne âgée et à la famille

Mme Ducharme (Francine) : Oui, merci. Alors, merci à la commission d'avoir accepté de nous entendre cet après-midi. Mon nom est Francine Ducharme. Je suis la titulaire d'une chaire de recherche, la Chaire Desjardins en soins infirmiers à la personne âgée. Je suis accompagnée de Diane Saulnier, qui est la coordinatrice de la chaire.

Nous avons proposé un mémoire, écrit un mémoire dont vous avez reçu copie, je crois, et qui est intitulé Soutenir les proches aidants de personnes en perte d'autonomie... des avenues à considérer. Et je devrais mentionner que c'est les personnes âgées en perte d'autonomie, parce que c'est plus notre domaine de recherche que toutes les personnes en perte d'autonomie. En fait, il y a cinq membres de la chaire Desjardins qui ont participé à la rédaction de ce mémoire, et nous avons évidemment un mémoire qui est très ciblé, compte tenu de nos projets de recherche. On ne s'improvise pas compétents dans tous les domaines. Nous, c'est le domaine des proches aidants des personnes âgées, ça fait 13 ans que je suis la titulaire de cette chaire, donc le mémoire est basé un peu sur nos travaux de recherche qui ont été effectués au cours des dernières années.

Nous avons proposé six recommandations, dans ce mémoire, qui sont très ciblées, comme je le disais tout à l'heure, et qui portent sur la problématique des proches aidants des personnes âgées. Comme notre expertise n'est pas du tout le financement et… on n'a pas beaucoup élaboré dans le domaine du financement de cette fameuse assurance autonomie ou caisse d'autonomie.

Dans un premier temps, nous aimerions souligner que nous saluons l'initiative du gouvernement et du ministre Hébert présentée dans le livre blanc, soit celle de la création d'une assurance autonomie. Alors, nous sommes favorables à cette création. Dans le contexte actuel, il me semble que c'est une solution très intéressante. Le mémoire documente très bien le contexte actuel de l'accès aux soins et aux services pour les personnes en perte d'autonomie, du vieillissement de la population, des limites financières de l'État. Alors, pour l'avenir, il s'agit d'une solution qui nous apparaît très intéressante, d'autant plus qu'il y aura des enveloppes protégées pour la clientèle en perte d'autonomie.

Ce qui nous a plu particulièrement, dans le mémoire, c'est les principes qui sont à la base et sont sous-jacents à la création de cette assurance. Le libre choix du milieu de vie, de la prestation de services et des prestataires de services nous a particulièrement plu; l'accessibilité, le partenariat, l'individualisation, des principes qui sont, à notre avis, gagnants et garants de la qualité de vie pour les personnes en perte d'autonomie.

Quand on parle d'individualisation, on parle, bien sûr, des personnes, mais on parle aussi de leur environnement. On parle du domicile, et bien sûr que le domicile est le premier choix, mais aussi on parle de l'environnement humain et — vous me voyez peut-être venir, mais… — des proches aidants, qui sont l'environnement humain immédiat des personnes en perte d'autonomie.

Dans le livre blanc, on reconnaît très bien l'importance des proches aidants pour le maintien à domicile et le soutien qui leur est essentiel, on le dit noir sur blanc, mais la place qui leur est accordée nous apparaît un peu timide. On sait que la couverture des services actuelle couvre 15 %, à peu près, des besoins et que 85 % des soins et services sont offerts par les membres des familles. Alors, l'assurance autonomie veut combler en partie cette lacune dans l'accessibilité des services — et c'est très bien — en offrant des services complémentaires. Nous croyons qu'il s'agit d'une opportunité, la création d'une assurance autonomie, pour aller un peu de l'avant, aller vers des services qui sont novateurs, vers la création de nouveaux services assurables pour les proches aidants en tant que clients du système de santé. Il nous apparaît que c'est une réelle opportunité pour aller plus loin que l'offre de services de répit, qui bien sûr est le premier besoin des proches aidants, c'est le répit, et on le mentionne dans le livre blanc, mais il y a plus que le répit, et il y a probablement des formules innovantes qu'on pourrait aussi ajouter à la couverture de services et qui pourraient être essentielles pour les proches aidants et pour aussi retarder l'hébergement des personnes âgées en perte d'autonomie.

On reconnaît, dans le livre blanc, la vulnérabilité des proches aidants, leurs problèmes de santé, leurs problèmes de santé physique et psychologique, et les conséquences de l'aide qu'offrent les familles aux personnes âgées. Et évidemment prendre soin des proches aidants nous semble une solution aussi pour retarder l'hébergement. Alors, la création de l'assurance autonomie pourrait être une opportunité pour assurer des services aux proches aidants. Et c'est l'objet de notre première recommandation et de plusieurs de nos recommandations qui sont dans ce mémoire.

Actuellement, les services sont offerts en faible quantité, donc trop peu trop tard, et souvent ils ne sont pas ajustés aux besoins des proches aidants. Et, dans ce contexte-là, nous voyons très bien, dans le livre blanc, que les besoins des personnes en perte d'autonomie seront très bien évalués par un gestionnaire de cas du CSSS, qui pourra compléter un plan de suivi et qui… par la suite, la personne en perte d'autonomie pourra décider des services qu'elle pourra se procurer. Nous adoptons à peu près la même logique pour le proche aidant et croyons qu'on devrait parler plutôt de la dyade aidant-aidé, dans ce livre blanc, et procéder aussi à l'évaluation des besoins des proches aidants avec un outil, quel qu'il soit, qui conduira inévitablement à élaborer un plan de soutien pour le proche aidant en tant que personne clé du système de santé et lui prodiguer des soins et services qui sont adaptés à ses propres besoins.

Bien sûr, offrir de l'aide aux activités de la vie quotidienne, aux activités de la vie domestique et du répit, c'est excellent, mais je pense qu'on pourrait aller plus loin, dans le cadre de cette assurance autonomie, et offrir des choses particulières pour les proches aidants, donc qui sont spécifiques à leurs propres besoins, qui ne sont pas nécessairement les besoins de la personne en perte d'autonomie au moment où on se parle. Je pense aux services psychoéducatifs, il y a plusieurs recherches qui ont démontré des effets très intéressants sur la qualité de vie, sur la détresse psychologique des proches aidants, qui pourraient être offerts dans les CSSS par les intervenants — évidemment, ça prend des intervenants professionnels pour ça. Alors, je vois une belle opportunité ici, dans ce livre blanc, pour aller au-delà.

Nous avons aussi une recommandation, qui est la deuxième… Et peut-être que c'est parce qu'on a mal compris le livre blanc, mais, la question du domicile, il est certain que les personnes âgées veulent mourir à domicile et rester le plus longtemps possible, mais vient un moment où peut-être que le domicile n'est plus l'endroit le plus adéquat. Il va toujours rester des CHSLD et des ressources alternatives. Et on le voit un petit peu moins apparaître dans le livre blanc, et je pense qu'il y a des familles qui vont, à un moment donné, inévitablement être obligées d'aller vers l'hébergement, et il faudra aussi les soutenir à ce moment-là. Et le domicile n'est peut-être pas la solution pour tout le monde, il y aura encore… Même si on comprend le besoin du maintien à domicile, il y aura d'autres ressources qu'il faudra aussi développer, et soutenir et les proches aidants et les personnes en perte d'autonomie dans ces autres milieux, et assurer la qualité, ce qui est bien important.

Donc, ce que nous proposons, c'est une évaluation systématique des besoins des proches aidants, un plan pour subvenir à leurs propres besoins, et nous allons même à la création d'un dossier pour les proches aidants. Si on veut reconnaître un statut officiel aux proches aidants, il faut qu'il soit reconnu dans les CSSS aussi. Nous, on travaille beaucoup avec les CSSS, et souvent ce que les intervenants nous disent, c'est que leur temps accordé aux services aux proches aidants n'est pas comptabilisé officiellement et d'avoir un dossier pour le proche aidant dans le système de santé serait vraiment un plus au Québec. Il y a des pays où ça existe. Je pense qu'on pourrait aller de l'avant, et ça offrirait une reconnaissance et aux proches aidants et aux intervenants professionnels, qui font souvent des interventions qui ne sont pas comptabilisées dans le système de santé.

C'est un peu nos points les plus importants. Évidemment, on propose certains programmes, il y en a là-dedans, il y en a d'autres, mais des programmes qui ont été évalués par le biais de la recherche — parfait, deux minutes, merci — et une condition pour implanter ces programmes, évidemment, ce serait la formation. Et j'imagine que je touche des recommandations d'autres groupes. À l'heure actuelle, c'est un peu pathétique, la formation de nos intervenants. Que ce soit le domicile, le CHSLD, je pense que, pour assurer des services de qualité, il faut former les gens non seulement aux pertes d'autonomie, mais aussi à l'approche auprès des familles. Et je pense que, là, il y a tout un préalable à… Il faut mettre de l'énergie à la formation avant d'en arriver vraiment à des services de grande qualité.

Enfin, les coûts, on n'en a pas beaucoup parlé, mais on apprécie le fait que dans le livre blanc on n'attribue pas les coûts uniquement au vieillissement de la population mais à d'autres facteurs dans le système de santé. Notamment les médicaments, la technologie, les tests diagnostiques, il y a beaucoup, beaucoup d'éléments dans le système de santé qui occasionnent des coûts faramineux. Il faut regarder la perspective de l'assurance autonomie dans une perspective peut-être plus large de coûts qui sont imputés au système de santé.

Et enfin je termine en disant que ça prendra une transition, bien sûr, à ce changement important au sein du système de santé, le temps de recruter du personnel, de le former. Et d'ajouter les proches aidants — je reviens à ça — à notre assurance autonomie nous apparaît vraiment garant d'avenir, parce qu'on va tous être un jour ou l'autre des proches aidants ou des personnes qui seront aidées, et je pense qu'il faut être proactifs dans ce domaine. Je vous remercie.

• (16 h 10) •

Le Président (M. Bergman) : Mme Ducharme, merci pour votre présentation. Maintenant, pour le bloc du gouvernement, M. le ministre.

M. Hébert : Mme Ducharme, Mme Saulnier. Je vais faire un effort pour essayer de vous tutoyer, Mme Ducharme… de vous vouvoyer, parce qu'on a été collègues sur des équipes de recherche sur les proches aidants, justement. Alors, je suis très heureux que vous soyez là. Je suis particulièrement heureux que des chercheurs prennent la peine de participer au débat social et je vous salue, parce que c'est important d'avoir ce point de vue là lorsqu'on est appelé à mettre en place, à mettre en branle des politiques sociales. Alors, bravo d'avoir pris le temps, dans votre horaire super chargé, de venir nous rencontrer et surtout de produire un mémoire d'excellente qualité.

Je vais me cibler sur les proches aidants, parce que c'est votre domaine d'expertise, puis je veux être sûr d'aller chercher…

Mme Ducharme (Francine) : On peut parler d'autre chose, mais on connaît moins…

M. Hébert : Non, mais je vais le cibler là-dessus. Certains groupes de proches aidants nous proposent qu'on puisse reconnaître le statut et rémunérer même les proches aidants. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, sur… Et certains pays l'ont fait, ont donné des allocations en espèces qui permettent de rémunérer les proches aidants. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Le Président (M. Bergman) : Mme Ducharme.

Mme Ducharme (Francine) : Je ne suis pas tellement d'accord avec la rémunération des proches aidants. Je sais qu'il y a des pays qui le font. Pour moi, ce n'est pas une question de rémunération, c'est une question d'avoir un statut reconnu dans la société et de pouvoir avoir des services pour soi-même, si je décide d'être proche aidant. Mais la question de la rémunération, non, pour moi, ce n'est pas une question qui m'apparaît importante, pas du tout, non.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous dites dans votre mémoire qu'il faudrait que les proches aidants soient admissibles à l'assurance autonomie. J'aimerais ça que vous précisiez votre pensée. Admissible en soi, même si la personne dont ils s'occupent n'est pas admissible?

Mme Ducharme (Francine) : Non.

M. Hébert : O.K. J'aimerais ça que vous précisiez.

Le Président (M. Bergman) : Mme Ducharme.

Mme Ducharme (Francine) : Probablement qu'on n'est pas suffisamment clairs, peut-être. Non, à partir du moment où il y a une personne en perte d'autonomie qui est admissible comme client… En fait, les critères d'admissibilité à l'assurance autonomie, nous, on se dit que, bon, la personne en perte d'autonomie est admissible. Pourquoi son aidant ne serait pas aussi admissible, et ce serait la dyade aidant-aidé qui serait admissible à l'assurance autonomie pour avoir des services pour la personne âgée et pour avoir des services pour le proche aidant qui sont aussi… que le proche aidant peut aller chercher son prestataire de services de la même façon, en fait, c'est la même logique que pour la personne en perte d'autonomie, mais pour le proche aidant? Donc, vraiment, on regarde plus le système ou la dyade aidant-aidé que juste la personne en perte d'autonomie.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Dans l'évaluation des besoins du proche aidant, bon, vous nous suggérez, là, d'ajouter des outils, en fait, carrément, pour évaluer les besoins des proches aidants. Est-ce que vous avez des suggestions d'outils qui pourraient être intégrés à l'Outil d'évaluation multiclientèle pour aller capter la réalité, les besoins des proches aidants?

Le Président (M. Bergman) : Mme Ducharme.

Mme Ducharme (Francine) : Oui, on en propose dans le mémoire. Évidemment, c'est à partir de nos travaux, il y en a d'autres probablement, là, mais je pense qu'il faut… Autant on a un outil multiclientèle pour évaluer les besoins de la personne en perte d'autonomie, pourquoi on n'aurait pas un outil complémentaire, justement, pour évaluer les besoins de soutien des proches aidants?

On en a travaillé un avec une équipe de la Suède et de l'Angleterre qui s'appelle l'ESPA, c'est l'Entente sur le soutien aux proches aidants. C'est un outil intéressant mais qui n'est pas du tout du même acabit que l'OEMC, qui est un outil de partenariat qui va bien avec la philosophie, beaucoup, du livre blanc, mais qui est un élément de discussion où on identifie avec le proche aidant ses propres priorités, qu'est-ce qu'il a besoin. Parfois, ce n'est pas un bain trois fois par semaine qu'il a besoin. Parfois, c'est juste d'avoir du counseling, ou une intervention psychoéducative, ou plus de répit la fin de semaine. Donc, l'outil permet de discuter avec le proche aidant de ses propres besoins et d'élaborer un plan de soutien, que le gestionnaire de cas du CSSS peut très bien faire avec le proche aidant, et d'établir les services et les soins. C'en est un, il y en a peut-être d'autres.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous parlez, dans votre mémoire, de considérer le proche aidant comme un partenaire. Et j'en suis. Actuellement, ils sont plus perçus comme des ressources, en fait, que comme un partenaire.

J'aimerais ça que vous nous disiez c'est quoi, la conséquence. C'est quoi que ça veut dire? C'est quoi que ça implique, de considérer le proche aidant comme un partenaire?

Le Président (M. Bergman) : Mme Ducharme.

Mme Ducharme (Francine) : Oui. Bien, merci pour votre question. C'est une très bonne question.

Évidemment, on a considéré le proche aidant comme une ressource, c'est-à-dire une personne qui nous permet de maintenir à tout prix la personne âgée à domicile, sans considérer trop ses besoins. Aujourd'hui, on parle d'un partenaire au sens où il y a plus une relation égalitaire entre le prestataire de services, l'intervenant et le proche aidant pour discuter ensemble, évidemment, des besoins, des priorités et l'établissement des soins et services. Présentement, c'est souvent l'intervenant professionnel — puis on travaille avec des intervenants dans les CSSS — qui décide du plan d'intervention, c'est comme ça qu'on va faire ça, puis le besoin, c'est celui-là, compte tenu de nos ressources. Dans une optique de partenariat, il y a une décision commune.

Et parfois le proche aidant nous dit clairement — on l'a testé, on l'a implanté — que les besoins qui ont été identifiés ne sont pas les leurs. Alors, ce n'est pas ceux-là qu'ils auraient identifiés s'ils avaient été consultés, si on avait établi le plan d'action ensemble. C'est ça, le partenariat. Et on travaille ensemble pour la continuité, le suivi de ce plan-là. Ça, c'est un élément du partenariat, des décisions communes, et pas une hiérarchie professionnel-proche aidant ou professionnel-personne en perte d'autonomie mais vraiment une action commune.

Je ne sais pas si je réponds à votre question.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Mais je veux aller plus loin avec vous là-dessus. Lorsqu'il y a élaboration du plan de services individualisés entre le gestionnaire de cas et l'aidé, il faudrait avoir une triade, en fait, dans cette démarche pour impliquer aussi le proche aidant, si je vous ai bien comprise. Est-ce qu'il faudrait formaliser ça, c'est-à-dire avoir une espèce de contrat, de contrat social entre le gestionnaire de cas, le proche aidant et l'aidé pour officialiser cette démarche-là?

Mme Ducharme (Francine) : Absolument. Je pense que la triade, oui, personne âgée en perte d'autonomie, proche aidant et professionnel travaille ensemble. Évidemment, dans les cas de troubles cognitifs, là, c'est le proche aidant qui est représentant, donc c'est la dyade, mais, dans le cas où la personne âgée a toutes ses capacités cognitives, je pense que c'est la triade. Il faut l'officialiser, puis, plus encore, je pense qu'il faut former nos intervenants à penser comme ça, parce que présentement ce n'est pas le paradigme dominant. Le paradigme dominant, c'est le professionnel qui décide des services selon ce qu'il y a à son CSSS.

Le Président (M. Bergman) : Mme Saulnier.

• (16 h 20) •

Mme Saulnier (Diane) : En fait, c'est qu'actuellement, ce qu'on observe, les intervenants ou les professionnels font de la prescription de services et non pas une discussion sur le besoin du proche aidant, alors souvent parce qu'ils n'ont pas soit d'outils ou ne sont pas formés à cette façon d'intervenir auprès des aidants. Alors, on observe souvent des prescriptions de services qui ne répondent pas aux besoins. Donc, les aidants vont mettre fin aux services parce que ça ne répond pas, ce n'est pas à l'heure que j'ai de besoin, ce n'est pas le bon moment, vous n'en donnez pas assez, ou effectivement, moi, ce que j'ai besoin, par exemple, c'est de l'information sur : Est-ce que je peux avoir des crédits d'impôt? Où est-ce que je peux trouver un soutien financier? Je dois quitter mon emploi? Et pourtant on va leur offrir peut-être un petit deux heures de plus cette semaine pour faire du ménage ou un bain à la maison.

Alors, l'adéquation entre le service et… l'offre et la demande n'est pas toujours adéquate, parce qu'elle n'est souvent, à la base, pas bien évaluée. Et c'est cet outil-là que, bon, nous, on a travaillé dans ce sens-là, mais il pourrait, bon, y en avoir d'autres. Mais l'important, c'est effectivement de faire l'évaluation du besoin de la personne en perte d'autonomie mais également de son proche aidant.

Et souvent le proche aidant ne mentionnera pas devant la personne qu'il soigne ou qu'il aide ses propres besoins, parce que souvent il y a un malaise, hein, souvent, dans les familles. Si j'aide ma mère très âgée, bien elle peut être mal à l'aise de savoir que moi, j'ai un besoin de soutien émotif, psychologique, j'ai un besoin un peu plus de répit. Donc, parfois, il y a des situations familiales aussi qui sont difficiles à vivre, et ces situations-là ne sont pas toujours bien circonscrites, alors ça donne lieu souvent à des prescriptions de services où le CLSC envoie des intervenants, mais les personnes mettent fin, comme tel, au service qui leur est offert parce que ça ne répond pas. Alors, c'est vraiment, à la base, là, un élément important qu'on recommanderait, là, que ce soit formalisé.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Donc, l'outil dont vous nous parlez est plus un outil, je dirais, d'appui au processus qu'un outil d'évaluation des besoins. Si je compare à l'outil de Nancy Guberman, par exemple — puis là on va avoir une discussion scientifique un peu plus, là, mais… — qui est une évaluation des besoins avec un aide-mémoire pour s'assurer qu'on n'a pas oublié aucun besoin des aidants naturels, c'est complémentaire, à mon avis, ce n'est pas deux outils qui sont...

Le Président (M. Bergman) : Mme Ducharme.

Mme Ducharme (Francine) : C'est deux philosophies, deux philosophies. L'outil de Nancy, oui, quand on a... J'ai déjà participé à un comité d'un outil complémentaire à l'outil OEMC, il y a à peu près 10 ans, au ministère. On recommandait l'outil de Mme Guberman parce que, là, on l'avait, c'était ça qui existait, et tout ça. Puis tout le monde était d'accord, puis ça ne s'est pas concrétisé, malheureusement. Ça fait longtemps qu'on parle d'outil complémentaire.

L'ESPA est vraiment un outil... Il y en a, des besoins qui sont identifiés, il y a quatre dimensions. On pourrait le définir, là, je pourrais en parler longtemps. Il y a quatre ou cinq dimensions qui sont évaluées systématiquement, mais c'est évalué pas nécessairement avec des grilles, avec des nombres d'heures, là, non, ce n'est pas ça, c'est : Quel est le besoin prioritaire? Puis il y a des dimensions qui ressortent des études, qu'on doit absolument évaluer, comme par exemple la qualité de vie du proche aidant. Il y a une dimension, c'est la qualité de vie du proche aidant. Une dimension, c'est comment m'aider à prendre soin de mon proche qui est en perte d'autonomie. Donc, il y a quelques dimensions comme ça, et c'est lors d'une discussion où on voit les failles, les faiblesses ou les limites du proche aidant, on identifie ensemble, avec l'intervenant, ce qui ressort et on établit un plan de soutien ensemble face aux dimensions qui ont été identifiées un peu plus difficiles pour le proche aidant. Mais c'est vraiment le proche aidant qui décide, et ce n'est pas nécessairement un outil, là, un, deux, trois, quatre, cinq, où on coche. Ça, c'est clair, ce n'est pas un «checklist».

Le Président (M. Bergman) : Mme Saulnier.

Mme Saulnier (Diane) : Si vous permettez, je compléterais juste en disant que, dans cette approche-là, ce qui est fort intéressant, ce qu'on a observé aussi avec les familles, c'est qu'on donne le pouvoir aux familles de déterminer ce qu'elles peuvent faire elles-mêmes, ce qu'elles sont capables de trouver comme ressources dans leur entourage, dans leur réseau, et en même temps de déterminer avec l'intervenant professionnel ce qu'elles attendent du service, justement, de l'État, qui pourrait compléter ou combler le besoin pour lequel elle n'a pas actuellement le service dont elle a besoin.

Le Président (M. Bergman) : Mme Ducharme.

Mme Ducharme (Francine) : Oui. Une petite précision que j'ai oublié de dire, puis elle est très importante, c'est qu'on pourrait utiliser une échelle de fardeau, par exemple, hein, bon, mais l'outil dont on parle présentement, c'est un outil qui devrait être utilisé dès la première rencontre avec un proche aidant, qu'il soit en phase avancée de son fardeau ou pas. C'est vraiment un outil proactif qui permet de prévenir la détresse et prévenir la dépression.

Donc, c'est sûr que, si on coche avec une échelle de fardeau, les résultats ne seront pas les mêmes. C'est vraiment un outil proactif et de processus, oui, c'est vrai, c'est un outil de processus mais qui donne — on l'a évalué — des résultats fort intéressants. On a formé 95 gestionnaires de cas dans un CSSS à cet outil, et on a des résultats très intéressants.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Des résultats en...

Mme Ducharme (Francine) : Des résultats en termes, bon, d'utilisation, de satisfaction. On a des résultats en termes d'identification des besoins, et ça peut donner un outil, pour le CSSS, pour la formalisation d'un nouveau service, parce que, si les besoins ressortent les plus fréquents dans une région, on peut développer ce service-là. Donc, c'est quand même un outil qui donne des indicateurs intéressants aux CSSS.

Le problème qu'on a eu, après la formation de ces personnes, c'est que c'est difficile de maintenir l'engouement des troupes parce qu'il n'y a rien qui est reconnu, il n'y a pas d'endroit pour colliger les résultats, il n'y a pas de dossier proches aidants, et les gens qui le font le font à leur corps défendant, en disant : Bien, moi, j'y crois, je le fais. Ceux qui n'y croient pas, de toute façon, ce n'est pas comptabilisé à la régie ou n'importe où. Alors, c'est ça, le problème. Si on avait un dossier proches aidants, tout ça pourrait être inscrit, et il y aurait une reconnaissance pour les intervenants et pour les proches aidants.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Et ce que je trouve intéressant dans ce que vous dites, c'est la convergence des principes, parce que l'assurance autonomie, c'est de redonner le pouvoir à l'usager et à son proche aidant de pouvoir choisir le prestataire et le mode de prestation. Alors, en ce sens-là, on est en convergence assez étroite, là, oui.

Le Président (M. Bergman) : Madame…

Mme Ducharme (Francine) : Exactement. On était très contents des principes qu'il y avait dans le livre blanc, on trouvait juste que ça n'allait pas assez loin au niveau du proche aidant. Et, bien, ce qu'on propose est tout à fait... Notre philosophie, dans nos projets, c'est vraiment une philosophie de recherche-action, de partenariat, de pouvoir et d'«empowerment», et c'est ça.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous parlez, dans votre mémoire, de services de répit plus flexibles. Alors, j'aimerais ça, vous entendre là-dessus, sur qu'est-ce qui devrait être mis en place comme services de répit plus flexibles.

Le Président (M. Bergman) : Mme Ducharme.

Mme Ducharme (Francine) : On sait que le répit, c'est le premier besoin, on ne peut pas le cacher, mais présentement je dois vous avouer... parce qu'aussi on fait de la recherche, mais on a des familles, hein, puis on vit les mêmes expériences, mais le répit deux, trois heures de temps en temps, pas la fin de semaine, pas le soir et pas la nuit, ça ne donne pas des résultats extraordinaires. Alors, quand on parle de répit flexible, c'est selon les besoins des proches aidants, pas selon les besoins des intervenants, nécessairement. Donc, réserver deux semaines pour aller acheter sa pinte de lait… Là, j'exagère, mais il y a vraiment un répit qui est assez encadré et difficile. Donc, moi, je préconise du répit à la semaine, le soir, les fins de semaine, la nuit et un répit un peu plus structuré, avec une forme d'accompagnement. Puis je pense au modèle de Baluchon Alzheimer, qui fonctionne très bien et qui pourrait être adapté à d'autres clientèles. Présentement, c'est pour les personnes atteintes de démence ou de maladies apparentées, mais c'est un modèle qui fonctionne très bien. Moi, je pense qu'on pourrait l'utiliser pour d'autres problèmes d'autonomie, de perte d'autonomie.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Je vais laisser mes collègues poser...

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Oui. Merci, M. le Président. J'aimerais justement vous entendre définir qu'est-ce que c'est, le modèle du Baluchon Alzheimer qui pourrait être inscrit pour d'autres...

Le Président (M. Bergman) : Mme Ducharme.

Mme Ducharme (Francine) : Le modèle de Baluchon Alzheimer, c'est que ça combine le répit de longue durée... Donc, ce n'est pas un répit de deux à trois heures seulement, ça peut être de quatre jours à deux semaines. C'est un répit de longue durée pour donner à l'aidant la chance d'avoir des vacances, du temps de repos un peu plus que trois, quatre heures à la fois. Mais pas seulement ça. Ça, c'est une chose. L'autre chose, c'est que les personnes qui vont à domicile offrir le répit offrent aussi une forme d'accompagnement au proche aidant en lui remettant, par exemple, un journal d'accompagnement suite à leur visite pour dire qu'est-ce qui s'est passé pendant son absence et comment on peut transiger avec les comportements, par exemple, de la personne. Dans le cas de la maladie d'Alzheimer, il y a souvent des comportements difficiles avec lesquels la personne qui va garder, entre parenthèses, doit transiger; elle enseigne au proche aidant des stratégies qui pourraient peut-être l'aider à mieux transiger avec ces comportements-là. Ça, c'est un exemple. Il y a un journal de… Il y a un accompagnement qui est fait avec l'aidant et non seulement un service de gardiennage.

On peut aller offrir du répit, et parfois le répit aussi, la flexibilité, c'est qu'on envoie toutes sortes de personnes différentes, et ce n'est pas nécessairement l'idéal. Un proche aidant veut avoir confiance en la personne qui vient, donc le même intervenant, qui est compétent et qui peut aussi nous aider à accompagner notre personne en perte d'autonomie.

Donc, c'est plus que juste des petites heures de répit. On en donne, on en donne beaucoup puis on commence à en donner de plus en plus, mais c'est, à mon avis, nettement insuffisant pour avoir un effet sur la qualité de vie des proches aidants.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Oui, merci. Et justement j'aimerais revenir sur les services qui pourraient être intégrés dans l'assurance autonomie pour les proches aidants. Vous avez parlé de services psychoéducatifs, formation, information. Est-ce qu'il y a d'autres types de services qui pourraient être intégrés, concrètement?

Mme Ducharme (Francine) : Bien, je pense qu'on a été assez... on a suivi la même logique que la logique pour les personnes en perte d'autonomie dans notre mémoire. On s'est dit : D'abord, une évaluation. Ça, ça devrait être compris dans l'assurance, on évalue nos proches aidants. En deuxième, on ouvre un dossier comme il y en a pour la personne en perte d'autonomie. En troisième, on offre des services, du répit, bien sûr, du répit plus flexible et plus… avec accompagnement mais aussi d'autre chose, parce que, les proches aidants, on dit dans les statistiques qu'il y a 40 % à 72 % des proches aidants qui ont de la détresse psychologique, puis il y en a presque 40 % qui ont de la vraie dépression, donc ils ont besoin d'un accompagnement soit de nature counseling ou psychoéducatif. Ça veut dire du soutien, bien sûr, mais aussi des modalités d'apprentissage pour être mieux, pour vivre mieux leur vie d'aidant.

Donc, il y a des programmes qui existent, individuels, de groupe, sur le Web, avec la technologie, il y a des programmes qu'on a même faits avec le Dr Hébert qui fonctionnent bien, qui ont eu des résultats sur la détresse et qui ne sont pas utilisés présentement, faute soit de ressources mais beaucoup de formation. Et il n'y a pas d'endroit pour colliger ça, donc on le fait si on est intéressé. Nous, on donne beaucoup de formation parce qu'on a ces programmes-là, Mme Saulnier organise des formations. Aujourd'hui, il y en a deux jours, de formation sur un programme. Mais, quand ils vont retourner, ces gens-là, dans leurs CSSS, est-ce qu'ils vont pouvoir le faire? Alors, on aimerait ça que ça soit assuré, ces choses-là. Autant qu'il y a des bains qui sont assurés, là, il pourrait peut-être y avoir des choses qui sont un peu plus à nature psychosociale offertes aux proches aidants.

Je ne sais pas si je réponds à votre question.

• (16 h 30) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Oui. Alors, bonjour, mesdames. Très heureuse de vous entendre, je trouve que vous avez une approche intéressante. Pour avoir passé par une situation avec ma mère, je peux vous dire qu'il faut organiser tout un réseau autour de nous, puis un réseau qui offre différentes alternatives, hein, parce que c'est… Puis, quand vous en parlez, vous parlez d'une approche globale avec l'aidant puis la personne, alors je trouve ça très intéressant.

Alors, c'est sûr qu'on a un grand défi, hein, qui est à nos portes avec le projet d'assurance autonomie. Puis on souhaite prioriser les soins à domicile, parce qu'on sait que les gens souhaitent… En tout cas, moi, dans le cas de ma mère, ça a été : Ne m'envoie pas dans une institution, s'il te plaît. Alors, je lui avais répondu : Je vais faire tout ce que je peux jusqu'à la dernière minute. Alors, on a un défi important dans les années qui s'en viennent et qui est à nos portes maintenant. Alors, c'est sûr que le vieillissement de la population est important. Et ce que je voudrais savoir de vous : Ce qu'on propose, est-ce que c'est une alternative intéressante? Puis le statu quo, actuellement, si on adoptait ça, puis on faisait juste injecter de l'argent supplémentaire, puis qu'on ne changerait pas nos méthodes, nos façons de faire, est-ce que vous pensez que c'est une solution? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : Mme Ducharme.

Mme Ducharme (Francine) : Bien, on est d'accord avec cette proposition-là certainement. Je pense que, le statu quo, on ne peut plus rester là, non. Dans le contexte actuel, c'est impensable. Avec tout ce qui se produit puis les finances publiques, le vieillissement, non.

Je pense que ça, c'est une solution intéressante. Maintenant, on peut la bonifier, on peut l'améliorer. Moi, je trouve, c'est excellent. Qui va payer, comment ça va se faire, ça, c'est une autre question, mais je pense qu'on ne peut pas rester au statu quo. Toute la coordination des services, l'innovation dans les services, la façon dont les services fonctionnent actuellement, il y a pas mal de sable dans l'engrenage, et moi, je pense qu'il faut faire différemment. Et ça, c'est une proposition qui nous apparaît intéressante.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Masson.

Mme Gadoury-Hamelin : Merci. Vous nous avez parlé aussi tantôt, d'entrée de jeu, qu'il y aurait encore, toujours des besoins pour des soins en CHSLD. Ça, dans la meilleure situation, on voudrait garder les gens le plus possible à la maison, les gens le souhaitent, mais il arrive aussi qu'il se produise des situations où c'est impossible. Alors, comment voyez-vous aussi ces alternatives-là?

Le Président (M. Bergman) : Il reste du temps pour une très courte réponse.

Mme Ducharme (Francine) : Courte réponse, courte réponse. Il y a 80 % de la clientèle en centre d'hébergement qui est atteinte de troubles cognitifs. Alors, c'est ça qui est difficile présentement, en tout cas dans mon domaine, les personnes âgées, qui est difficile pour les familles. 24 heures par jour, sept jours par semaine, je ne pense pas, même si l'assurance autonomie fonctionne très bien, qu'on va être capable de couvrir tous ces services-là avec les régions, puis tout ça. Il va falloir toujours qu'il y ait un certain pourcentage — et le moins possible, on le souhaite — qui vont être en centre d'hébergement, et là il va falloir offrir aussi des services de qualité, parce qu'on entend beaucoup parler des centres d'hébergement, il y a du travail à faire là. Il ne faut pas négliger les ressources intermédiaires, qui sont moins coûteuses un peu que le centre d'hébergement, on sait que c'est plus coûteux, mais il y aura toujours des gens en grande, grande perte d'autonomie, qui sont très, très lourdes, et que les proches aidants ne pourront plus continuer. Mais c'est vraiment la… Ça reste un pourcentage minime, puis on le souhaite…

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Ducharme (Francine) : …mais il faut le considérer.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Merci beaucoup, M. le Président. Mme Saulnier, Mme Ducharme, heureuse de vous revoir. On a discuté ensemble à quelques reprises. Vous le savez, c'est un sujet qui me touche particulièrement, et je considère que, quel que soit le gouvernement en place, nous avons une responsabilité — et elle est collective aussi — de mettre en place des services pour les proches aidants. Je me souviens, j'étais présidente du Conseil de la famille et de l'enfance en 2003, il y avait un avis qu'on a sorti, le premier avis, c'était Vieillissement et santé fragile : un choc pour les familles?, et nous parlions à l'époque d'aidants naturels et on parlait jusqu'où les services et les soins de l'aidant vont et là où commencent les soins et les services du professionnel de la santé. Donc, c'est relativement récent. Et il manque beaucoup, beaucoup, beaucoup encore, je crois, de services de répit et de considérer le proche aidant non pas comme étant une personne malade mais comme une personne en santé qu'on ne veut pas voir devenir malade. Et ça, c'est très différent dans la perception.

Je tiens à vous remercier pour votre mémoire, c'est une importante contribution pour l'assurance autonomie, parce que l'assurance autonomie, ce n'est pas que pour les personnes qui vieillissent, là, ça commence à 18 ans. Quand on parle de proches aidants, on oublie bien souvent qu'il y a des parents avec de jeunes enfants, même si ça ne touche pas l'assurance autonomie, qui ont des efforts incroyables à faire en tant que proches aidants pour s'occuper de leur enfant lourdement en situation de handicap.

Vous avez parlé de Baluchon Alzheimer, puis j'étais très contente. Quand nous avons, le ministre et moi, terminé la consultation publique sur les conditions de vie des aînés, le premier organisme que nous avons financé, c'était Baluchon Alzheimer, parce que Baluchon était arrivé en consultation en pleurant. Ça coûtait trop cher, ça coûtait 100 $ par jour pour obtenir une baluchonneuse, quelqu'un qui se déplace à domicile, et ce n'était pas la majorité des gens qui pouvaient se payer des services à 100 $ par jour. Et, avec le ministère de la Santé et des Services sociaux — à l'époque, c'était Philippe Couillard — on a mis en place un service de 15 $ par jour. Mais ça coûte quand même… Je ne sais pas où c'est rendu au ministère de la Santé, mais ça dépasse le… c'est entre un demi-million et 800 000 $ maintenant pour Baluchon Alzheimer. Ça fait que c'est quand même des coûts, mais c'est extraordinaire comme service.

Et il y a aussi Chloé Sainte-Marie qui a eu une idée que j'aime beaucoup, ce sont les maisons des proches aidants, où dans une petite maison — il y en a une à Brome-Missisquoi — c'est la dyade, c'est-à-dire la personne en perte d'autonomie et le proche aidant, qui visite sa personne là où elle reçoit aussi, dans un groupe d'entraide, de la formation, elle peut partager avec d'autres proches aidants pour briser cette détresse.

Donc, est-ce que ça fait partie des voies alternatives pour soutenir les proches aidants?

Le Président (M. Bergman) : Madame…

Mme Blais : Vous avez parlé d'initiatives, ça prend des initiatives. Vous en avez certainement d'autres, Mme Ducharme.

Mme Ducharme (Francine) : Oui. On ne les a pas toutes nommées, mais on pense qu'il faut profiter de la création de l'assurance autonomie pour être innovant. Je pense que c'est une belle opportunité. C'est un nouveau projet, un projet de société. Il ne faut pas manquer le bateau puis parler seulement de la personne en perte d'autonomie, il faut parler du proche aidant.

Il y a beaucoup d'initiatives, on ne les a pas toutes nommées. Ce sur quoi on s'est penchés, c'est surtout nos résultats de recherche, parce qu'on est une chaire de recherche. Donc, on n'a pas fait de recherche sur les maisons dont vous parlez, sûrement une initiative intéressante. On a tenté de limiter notre mémoire aux résultats probants qu'on avait obtenus. Et pourquoi on ne les utiliserait pas, ces résultats-là, au Québec, pour tenter des innovations?

Maintenant, il y a plus que ce qu'on peut dire là-dedans. Il y a beaucoup d'autres possibilités pour les proches aidants, et je pense qu'il faut toutes les considérer. Mais notre mémoire est limité à nos travaux, bien sûr, vu que c'est les personnes de la chaire qui l'ont rédigé.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Mme Ducharme, vous avez parlé d'outils d'évaluation du proche aidant, le ministre en a parlé aussi abondamment. Je sais que ça se fait dans certains organismes de proches aidants actuellement, entre autres Société Alzheimer de Montréal, où il y a un outil d'évaluation pour permettre aux proches aidants… Donc, pour vous, il faudrait que ce soit généralisé, qu'on fasse en sorte que tous les proches aidants aient un outil d'évaluation pour justement faire en sorte de garder la personne en santé le plus longtemps possible.

Mme Ducharme (Francine) : Absolument. Je pense que…

Le Président (M. Bergman) : Mme Ducharme.

Mme Ducharme (Francine) : Oui, je m'excuse. Je pense qu'il y a des belles initiatives faites dans plusieurs organismes, là. Ça, je ne veux pas négliger que ça peut être fait, l'évaluation, il y a des endroits qui le font. Ce que je dis, c'est qu'il faudrait systématiser la chose pour que tous les proches aidants aient droit… Tout comme la personne en perte d'autonomie a droit à une évaluation, tous les proches aidants d'une personne en perte d'autonomie devraient avoir droit à son évaluation. Et pourquoi pas avoir le même outil pour pouvoir comparer nos éléments? Et pourquoi ça ne serait pas un outil de partenariat?

Alors, c'est un peu ce qu'on défend, mais je ne dis pas qu'il y a… Il y a certainement des endroits où ils ont des initiatives très intéressantes. On ne le sait pas. Ce n'est pas comptabilisé non plus, puis il n'y a pas de dossier. Alors, c'est au bon vouloir souvent des intervenants, pour le moment, et moi… Ce qu'on pense, c'est qu'il faudrait le systématiser davantage.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

• (16 h 40) •

Mme Blais : J'étais heureuse de vous entendre dire que vous ne croyez pas qu'une rémunération aux proches aidants, c'est la voie à privilégier. Durant la consultation publique sur les conditions de vie des aînés, on a beaucoup entendu parler de ça, c'est comme s'il y avait deux écoles de pensée : rémunérer le proche aidant et plutôt soutenir les organismes qui offrent du répit aux proches aidants. J'étais heureuse de vous entendre parce que nous avons beaucoup de pression parfois et on ne pourrait jamais faire en sorte, là... C'est beau, le projet de société de l'assurance autonomie, mais, si demain matin on commence à rémunérer tout le monde, on n'y arrivera pas, là. Alors, il faut privilégier le financement aux groupes.

Écoutez, je ne sais pas où c'est rendu, mais on a mis en place les appuis aux proches aidants avec un budget de 200 millions de dollars. Je pense que l'instauration, ça a été peut-être un peu lent, parce qu'il faut que ça vienne du terrain puis que ça s'organise dans chacune des régions.

Vous, en tant que chercheurs et proches des proches aidants, est-ce que vous avez la chance de voir l'évolution de ces appuis aux proches aidants et du travail que ça fait sur le terrain? Et est-ce que ça profite aux proches aidants?

Le Président (M. Bergman) : Mme Ducharme.

Mme Ducharme (Francine) : Oui. Bien, c'est une excellente question. Moi, j'ai beaucoup travaillé avec l'appui pour les proches aidants, je pense que c'est une belle initiative. C'est vrai que ça prend du temps à s'installer, mais je pense qu'il faut donner la chance au coureur. Là, ils essaient d'avoir des appuis régionaux, des appuis dans toutes les régions du Québec.

Évidemment, ce n'est pas la même chose que ce qu'on propose ici. Ici, là, c'est vraiment pour les CSSS, les intervenants pivots, les proches aidants d'une personne en perte d'autonomie. Les appuis sont beaucoup centrés sur les groupes communautaires, donner dans chaque région des ressources, mais il n'y a pas de professionnels beaucoup dans ces groupes communautaires, et, tous nos programmes dont on parle, c'est des professionnels qui doivent les apprendre, être formés pour faire ça. Donc, je pense qu'il y a une complémentarité à avoir entre les appuis et le réseau de la santé.

Moi, je travaille pour les deux, et puis je ne vois pas beaucoup de liens, et je pense que ça, c'est la prochaine chose qu'il faut développer. Les proches... Les appuis vont prendre leur erre d'aller, j'imagine, et vont se développer, puis le réseau de la santé va aussi avoir une participation au niveau de l'autonomie des proches aidants, mais je pense qu'il faut que ça soit lié un peu plus. Et peut-être que c'est le défi qu'on a pour les prochaines années.

Je mettais dans le mémoire : Le plan Alzheimer pourrait être une opportunité pour faire un lien entre le réseau de la santé, les CSSS et les appuis, mais ça, ça reste à développer, puis c'est un peu normal. Ça s'est développé un peu à côté, en... mais là je pense qu'il faudrait mettre... Si on parle de système intégré, il faut aussi que ça, ça soit intégré.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Vous avez dit quelque chose d'important : Ça prend un peu de temps pour que ça s'installe un peu partout quand ça vient de la base, quand ça vient des régions et des gens qui y oeuvrent. Mais ça peut être aussi… ça donne l'occasion aussi, pour les gens, de s'approprier un projet d'un point de vue régional. Et, éventuellement, probablement qu'avec les agences de santé dans toutes les régions du Québec ça pourra devenir beaucoup plus complémentaire, prendre un envol vraiment pour que ça se réalise avec un plein potentiel.

Le Président (M. Bergman) : Mme Ducharme.

Mme Ducharme (Francine) : Vous avez raison. Quand on procède par la base, ça prend toujours un petit peu plus de temps pour que les gens s'approprient le concept, la philosophie, etc., puis je pense que c'est pour ça que je dis : Il faut donner une chance, ça ne fait pas longtemps, les appuis, le temps de s'installer. Et puis, quand on part de la base, c'est plus long, mais peut-être qu'après le résultat est mieux. En tout cas, dans des projets de recherche, quand on part de la base, c'est toujours plus long, mais on finit par avoir des résultats. Alors, on peut avoir confiance.

Mais, comme je disais tout à l'heure, moi, je pense que c'est l'intégration de tout ça. Il y a des choses qui se font ici et là, et il y a des liens à établir, je pense.

Le Président (M. Bergman) : Mme Saulnier.

Mme Saulnier (Diane) : Oui. Bien, en fait, on observe, là, sur le terrain, quand on donne de la formation aux programmes pour lesquels... les programmes psychoéducatifs, là, pour les aidants, les intervenants qui viennent dans ces groupes de formation déjà essaient de trouver des façons ou des modalités entre les groupes communautaires, parce que parfois on a des gens des groupes communautaires et parfois des gens du réseau de la santé, et ils tentent d'identifier, justement, des façons d'intégrer les modalités d'implantation de ces programmes-là. Alors, qui va faire quoi? Quel rôle on va se donner, quels contacts, quelle démarche? Donc, il y a ces discussions entre eux lors des formations que l'on donne, et ce qui facilite beaucoup l'implantation après dans les milieux.

Donc, il y a des initiatives locales en ce moment qui se font, mais c'est sûr que ce n'est pas systématique. C'est toujours basé sur la bonne volonté des gens.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Je voudrais explorer un sujet que vous avez apporté. Vous avez dit que, même si on fait beaucoup de soins à domicile très intenses, on va toujours avoir besoin de lits de CHSLD. J'aimerais ça juste que vous nous expliquiez ça, parce que, lorsque les gens ont commencé à parler de soutien à domicile, il y a comme eu une idée, à un moment donné, qu'on n'aurait plus besoin de CHSLD puis on n'aurait plus besoin de ressources intermédiaires, puis, je pense, c'est important de démystifier ce concept. Et puis, compte tenu que vous êtes du monde de la recherche et universitaire, bien je pense que vous êtes en mesure de bien nous l'expliquer.

Le Président (M. Bergman) : Mme Ducharme.

Mme Ducharme (Francine) : Je ne sais pas si je peux l'expliquer, mais je pense qu'on aura toujours un certain pourcentage de la population qui n'aura pas de famille ou que la famille va être complètement épuisée, on ne pourra pas continuer. Puis je donnais l'exemple de la démence. Quand je regarde… Moi, je suis à l'institut de gériatrie de Montréal. Bien, il y a 80 % de la clientèle qui a des troubles cognitifs, et il y en a 90 % qui ont des troubles de comportement avec lesquels les aidants n'étaient plus capables de transiger. Alors, il ne faut pas non plus… Bravo pour le maintien à domicile. Moi, je ne veux pas y aller, en CHSLD. Mais, si je deviens comme ça, peut-être que je ne voudrai pas épuiser complètement mon proche aidant, et, à un moment donné, il y a une décision qui est très difficile à prendre mais qui doit être celle-là. Mais ce n'est pas la majorité de la population, hein, on parle d'un petit pourcentage. Puis peut-être qu'il y en a trop aujourd'hui, mais il en restera toujours, pour moi.

Puis il y a peut-être les ressources intermédiaires qu'il faut développer davantage, parce que c'est lourd, le CHSLD. Peut-être qu'entre les deux… On en a développé, des ressources intermédiaires, mais est-ce qu'on en a suffisamment? Puis est-ce qu'on a bien évalué leur portée sur la qualité de vie ou…

Mais, je pense, si on veut être réaliste, là, écoutez, 24 heures par jour, sept jours par semaine sans arrêt, un soutien à domicile avec des intervenants, même si on s'achète nos services, c'est impossible. Et on aura des intervenants qui vont venir de partout, puis peut-être que les proches aidants ne voudront pas ça, parce que ce n'est pas ça qu'on veut pour la qualité des soins à domicile. Donc, il faut juste être réaliste. Moi, je crois beaucoup à ça, puis, le domicile, bravo, mais il faut juste penser qu'il va toujours y en avoir un petit pourcentage. Puis il va falloir aussi mettre des sous dans le réseau pour une belle qualité de soins en CHSLD.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'ailleurs, l'histoire, au Québec, ça a été ça. C'est qu'il y avait peu de ressources intermédiaires — il n'y en avait même pas — on avait peu de soutien à domicile, ça fait que, dès qu'on était un peu en perte d'autonomie, on rentrait dans un CHSLD. Ce qui fait qu'il y a eu une époque où on avait peut-être même quatre lits de CHSLD par 100 personnes de 65 ans et plus, puis on n'avait pas beaucoup de personnes de 65 ans et plus. Et puis progressivement on a développé des soutiens à domicile, ça fait qu'on a pu descendre le ratio. Puis, quand est arrivé les ressources intermédiaires, c'est à peu près un tiers qui pouvait être considéré CHSLD qui pouvait aller dans les ressources intermédiaires.

Là, je pense que le défi, c'est de savoir comment ajuster nos ressources. Et puis actuellement on est à peu près entre 2,8 et trois lits par 100 personnes de 65 ans et plus. J'ai vu des endroits qui fonctionnaient très, très bien dans les soutiens à domicile; eux autres, ils ont réussi à descendre à 2,5 par 100 personnes de 65 ans et plus. La question qu'il faut se poser : Est-ce qu'on est capables de descendre en bas de ça?

Et, à partir du moment qu'on sait qu'on a atteint un plancher, ça veut dire que, pour le nombre de personnes qu'il y a, dans la population, de 65 ans et plus, il faut développer les ressources de CHSLD. Ce que l'on sait, puis je pense que M. le ministre a dû être informé de ça par son équipe, c'est que probablement que, si on améliore la situation du maintien à domicile, ressources intermédiaires, si on est capables de passer de 2,8, trois, à 2,5, ça, ça veut dire que, la croissance de population de personnes âgées au cours des neuf ou 10 prochaines années, on va avoir assez de places de CHSLD. Et après peut-être qu'on va être capables de… être obligés d'en développer.

L'autre élément, comme on disait avec le groupe précédent, c'est que les gens vieillissent, mais ils vieillissent plus encore dans la catégorie 85 et plus. Puis une des notions, puis j'aimerais ça peut-être que vous me renseigniez là-dessus… Moi, je parlais avec Dre Marie-Jeanne Kergoat, qui est à l'institut, puis on se posait la question à un moment donné : C'est à partir de quand qu'on est une personne qui a plus de perte d'autonomie? On a tendance à prendre le critère de 65 ans, parce que c'est l'âge de la retraite au Canada, mais, la réalité, on serait peut-être mieux de faire nos critères en fonction du 75 ans, en sachant qu'entre 65 et 75 il y en a, entre 55 et 65 il y en a, mais que la grande majorité apparaissent après 75 ans.

Là, je me posais la question. 70? 75? Quelle est votre opinion là-dessus? Parce que ça devient important parce que peut-être qu'on va devoir revoir nos ratios non plus en fonction des 65 ans et plus mais peut-être en fonction des 75 ans et plus.

Le Président (M. Bergman) : Mme Ducharme.

• (16 h 50) •

Mme Ducharme (Francine) : Oui. Je pense que vous avez raison pour le 65 ans. On est jeunes à 65 ans, là. Les pertes d'autonomie sont beaucoup plus grandes… Si on regarde les statistiques, c'est beaucoup plus tard que 65 ans. Dans les centres d'hébergement, là, c'est des gens de 85 ans, là, qui sont là, ce n'est même pas 70 puis 75.

Alors, je pense que, oui, on a allongé la vie. On a plus de maladies chroniques, il faut avoir un modèle de maladie chronique, c'est sûr, là, moins le modèle des maladies aiguës, mais je pense que c'est évident que le critère de 65 ans, à mon avis, ne correspond plus à la réalité, là, d'aujourd'hui. Et les gens en grande perte d'autonomie, grande perte d'autonomie, c'est 80, 85. 75, vous avez raison, mais c'est encore jeune.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

Une voix :

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, il vous reste trois minutes.

Mme Blais : Oui. Peut-être seulement souligner qu'il y a quand même, dans les centres d'hébergement, des personnes de 65 ans et moins qui se sentent parfois très mal à l'aise avec des personnes beaucoup plus âgées, parce que la stimulation intellectuelle n'est pas la même, et c'est la raison pour laquelle nous allons examiner les conditions de vie des adultes hébergés en CHSLD. Il me semble que c'est très important de commencer à les voir peut-être autrement et à leur faire une place autrement dans nos centres d'hébergement.

Ce que je retiens de votre passage aujourd'hui, Mme Saulnier et Mme Ducharme, c'est que les proches aidants doivent devenir des partenaires à part entière dans tout ce projet de l'assurance autonomie. Il n'y a pas de doute, on ne peut pas faire d'assurance autonomie si les proches aidants ne font pas partie de ce projet, qui est un projet pas seulement de société, je pense, c'est un projet de vie, c'est un virage, et ça, je le retiens et je considère que votre participation aujourd'hui, votre contribution est importante en ce sens.

En terminant, vous dites à la page 15 : «Il est recommandé que des avenues de solution au contrôle des coûts en santé soient étudiées afin d'être complémentaires à la création d'une assurance autonomie.» Vous dites que vous n'avez pas, là, de… financièrement, ce n'est pas votre domaine, ce n'est pas votre dada, mais vous avez quand même écrit ces deux lignes pour dire que vous savez qu'il y a des coûts qui sont attachés à ça, que ça ne se fait pas par l'opération du Saint-Esprit.

Le Président (M. Bergman) : Mme Saulnier. Dans une minute, s'il vous plaît.

Mme Saulnier (Diane) : Oui. Alors, lorsqu'on a écrit le mémoire, on a fait une petite recherche de littérature, et partout ce qu'on a vu, parmi plusieurs auteurs, c'est effectivement que, le coût en santé, les coûts qui augmentent énormément sont beaucoup liés à l'augmentation des coûts des médicaments. Et, là-dessus, bien peut-être que… il y a peut-être à revoir la Politique du médicament. Je sais qu'il y a des projets en cours en ce moment sur ça.

Les coûts d'augmentation des technologies en santé, l'informatisation des dossiers, toutes les nouvelles machines, c'est bien beau, là, ça coûte cher; et les coûts qu'on a pu voir aussi d'organisation des services, parce qu'actuellement, en CHSLD, oui, les autres modèles sont souvent axés sur l'organisation comme si c'était, autrefois, les soins aigus. C'est un gros plateau souvent technique, là, pour… mais c'est une clientèle qui demande beaucoup de soins aussi. Mais peut-être que, comme disait Mme Ducharme, le modèle d'organisation des services basé sur le modèle de soins chroniques, comme le Commissaire à la santé, des services sociaux avait recommandé dans son rapport, serait peut-être un modèle qui serait mieux adapté dans l'organisation des services et qui serait peut-être plus efficace et moins coûteux.

Donc, quand on a vu ça, on recommande que vous exploriez toutes ces solutions-là pour contrôler les coûts en santé et ne pas toujours… pour être en mesure aussi de financer les services pour les proches aidants.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée d'Arthabaska.

Mme Roy (Arthabaska) : Bonjour. Merci pour votre mémoire, pour votre intervention aussi. Il ne faut pas être député depuis très longtemps pour savoir, pour avoir rencontré des familles qui viennent nous dire que les soins qu'on leur offre… Peut-être moins à Victoriaville puis la région d'Arthabaska, là, que c'était dans le cas de Lotbinière, parce que j'ai fait deux régions, celle rattachée à Chaudière-Appalaches puis une autre rattachée au Centre-du-Québec. Les CSSS n'étant pas les mêmes, j'ai eu des expériences différentes de personnes qui se plaignaient que ce qu'il y avait comme soins ou soutien n'était pas adéquat. Ça, pour moi, ça ne m'apprenait pas quelque chose.

Ce qui me surprend, par exemple, c'est que, malgré que ce ne soit pas adapté, on refuse, on les refuse, ces heures-là qui nous sont dévolues.

Avez-vous fait une recherche, autant au niveau de nombre d'heures refusées ou de nombre de cas ou de personnes qui… de familles touchées par ces refus?

Mme Ducharme (Francine) : On n'a pas fait d'étude…

Le Président (M. Bergman) : Mme Ducharme.

Mme Ducharme (Francine) : Je m'excuse. On n'a pas fait d'étude sur le nombre de personnes, mais on a fait des études sur les causes, pourquoi les gens refusent. On leur a demandé : On vous offre des services, pourquoi vous ne les prenez pas? Parce que très souvent ils ne les prennent pas. Et les réponses, dans les études, c'est le manque de flexibilité : C'est moi qui dois m'adapter à l'intervenant quand il est prêt.

Par exemple… Je vous donne l'exemple du bain parce que c'est toujours celui-là qu'on donne, puis tout le monde parle des bains, mais on me donne un bain à telle heure l'après-midi. Ça ne marche pas, le bain en après-midi. Chez nous, on a toujours pris le bain le soir ou le matin, et je ne veux pas ça, je ne veux pas commencer à être obligée d'être ici l'après-midi. Bon, c'est un exemple. Ou le répit au mauvais moment ou un service standardisé, toujours le même à tout le monde, quand le besoin — on parle d'individualisation dans ce livre blanc là — n'est pas… les besoins sont personnalisés. Alors, les proches aidants, si je parle d'eux, vont refuser parce que ce n'est pas ajusté à leurs besoins. Et on offre, ce que je dis dans le mémoire, «one size fits all», un service pour tout le monde puis c'est le même, alors qu'il faut ajuster nos services en fonction de la trajectoire de nos proches aidants, et le timing de l'offre de services est très important.

Donc, les raisons qui motivent beaucoup de proches aidants à les refuser… Ils les acceptent en dernier recours, quand ils n'en peuvent plus, là ils vont dire oui. Mais, au début, si on voulait promouvoir leur santé ou prévenir soit des hospitalisations ou des hébergements, il faudrait leur offrir ce dont ils ont besoin, d'où un besoin d'évaluer, d'évaluation de leurs besoins.

Mme Roy (Arthabaska) : Bien, je suppose que vous avez questionné ces personnes-là pour documenter ce que vous venez de me dire. Avez-vous regardé la variante... la variable, plutôt, d'où viennent ces personnes-là? Est-ce qu'il y a des endroits où on a réussi à avoir des services plus souples ou d'autres où il y a beaucoup plus de rigidité?

Mme Ducharme (Francine) : On a fait des études en milieu rural et en milieu urbain. Évidemment, en milieu urbain, c'est plus difficile qu'en milieu rural. À la ville, c'est plus compliqué. Je ne sais pas comment ça se fait, là, mais, dans les régions plus rurales, il y a comme une adaptation, un ajustement plus facile.

On a vu des disparités incroyables par rapport aux CSSS. On en a parlé tout à l'heure, les disparités régionales sont énormes. Il n'y a pas un CSSS qui offre la même chose, puis il n'y a pas des intervenants qui sont formés de la même façon, puis il n'y a pas une organisation de la même façon. Donc, c'est sûr que, d'une région à l'autre, ça varie, et idéalement on devrait quand même avoir un minimum de qualité partout égal. Mais ça ne veut pas dire de négliger la coloration de la région, il y a des particularités régionales qu'il faut respecter, mais un minimum semblable serait bien. Mais disons que, dans les régions rurales où on est allés, l'ajustement des services était plus facile à faire.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Mme Ducharme, Mme Saulnier, merci d'être ici avec nous aujourd'hui et de partager votre expertise avec nous.

Je demande aux gens de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes de prendre leur place à la table.

Et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 16 h 58)

(Reprise à 16 h 59)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on reçoit l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes. On vous souhaite la bienvenue. Pour fins d'identification, si vous pouvez nous donner vos noms, vos titres. Et vous avez 10 minutes pour faire votre présentation.

Association canadienne des compagnies
d'assurances de personnes inc. (ACCAP)

M. Millette (Yves) : Merci. D'abord, je me présente : Yves Millette, vice-président principal aux affaires québécoises de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes. J'ai à ma droite M. Jacques Bédard, qui est directeur, Ventes assurance individuelle, chez Manuvie. Et il y a aussi, qui devrait nous joindre, qui nous joint maintenant, M. André Langlois, qui est vice-président, Développement et mise en marché, Assurance et épargne pour les particuliers, chez Desjardins Sécurité financière.

• (17 heures) •

Alors, l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes apprécie grandement l'occasion qui nous est donnée de vous faire une présentation et tient à vous remercier de l'invitation.

L'ACCAP est une association à adhésion libre qui représente des sociétés d'assurance de personnes qui détiennent 99 % des volumes d'affaires au Canada. L'association compte parmi ses membres le regroupement des assureurs à charte du Québec, qui est un membre à part entière. Notre industrie commercialise une vaste gamme de produits essentiels à la sécurité financière de quelque 7,2 millions de Québécois qui participent à notre industrie, en complémentarité avec les régimes publics. Les régimes offerts par les compagnies d'assurance vont de l'assurance vie, assurance santé complémentaire, l'assurance invalidité et les régimes de retraite.

En juin 2012, l'ACCAP a publié un rapport sur la politique en matière de soins de longue durée intitulé Améliorer l'accessibilité, la qualité et la viabilité des soins de longue durée au Canada. Nous en avons mis un exemplaire en annexe de la lettre que nous vous avons fait parvenir. Et ce document-là a été élaboré avec la participation d'organismes du milieu autour de tables rondes tenues au Québec et dans les différentes régions du Canada.

Une réforme structurelle facilitant l'acheminement des patients vers la solution la plus appropriée en matière de soins de longue durée non seulement améliorera la qualité des soins, mais se traduira par d'importantes économies d'efficacité. Les soins de santé évoluent. La réduction du temps d'hospitalisation, et ainsi de suite, font qu'il y a un besoin de plus en plus grand pour les soins de longue durée. S'il est vrai que la majorité des intéressés sont âgés, une maladie incapacitante ou un accident peuvent survenir à tout âge et nécessiter des soins de longue durée.

Il faut trouver la meilleure façon de prendre soin de la population. L'ACCAP partage l'objectif du document intitulé L'autonomie pour tous qui stipule que l'assurance autonomie doit être comprise comme un nouvel élan pour les soins et les services de longue durée destinés aux personnes aux prises avec des incapacités signifiantes et persistantes. Une assurance autonomie telle que proposée nous apparaît une très bonne approche.

Si vous permettez, je vais ici ouvrir une parenthèse. On oppose souvent la notion de régime public avec la notion de régime privé. Je pense d'abord qu'il faut être clair et que les produits offerts par les assureurs vont au financement et non pas pour les services. Les assureurs n'offrent pas de services, donc ils ne sont pas en concurrence avec des services qu'ils offriraient.

Et aussi il faut distinguer que les services publics et… c'est-à-dire que le financement est fait par les régimes publics et que ce qui n'est pas couvert par un régime public est assumé par le citoyen. Le citoyen a ensuite le choix de demander à ce que le financement soit pris en charge par lui-même, à même ses propres épargnes, ou pris en charge en contribution, par les contributions de son employeur, par exemple, dans des régimes d'avantages sociaux qui vont couvrir une gamme de situations comme la retraite, comme l'assurance maladie complémentaire, l'assurance invalidité. Ça peut aussi être directement auprès d'une compagnie d'assurance, soit par des assurances individuelles soit par une assurance collective, et, à ce moment-là, on revient avec l'employeur. Ça peut aussi être par le beau-frère qui a gagné à la Loto-Québec aussi, là, ce n'est pas… Ça peut être toutes sources de financement confondues et non pas des régimes privés de financement.

Ce n'est pas une approche nouvelle. Cette approche-là de régime public versus complémentarité existe depuis les années 60, depuis l'existence des nouveaux régimes… depuis l'existence des régimes publics qui sont venus s'installer dans les années 60. Ce qui est nouveau, avec le vieillissement de la population, c'est le rapprochement qu'on est obligés de faire de la retraite avec les soins de longue durée. Et donc ça demande une approche qui est nouvelle pour la population. Nos régimes publics et privés, qui avaient été pensés en fonction d'une population jeune, doivent être adaptés à la nouvelle situation.

L'approche de l'assurance autonomie proposée nous apparaît une approche dans la bonne direction. Toutefois, les soins et les services qui seraient assurés par l'assurance autonomie ne devraient pas faire oublier que les sommes que déboursent les personnes elles-mêmes pour des services qui leur sont offerts, comme la contribution des adultes hébergés en CHSLD, les frais à payer en résidence privée des aînés, les coûts à assumer pour des services d'aide domestique, la contribution non rémunérée des proches aidants, et ainsi de suite, doivent aussi être prises en compte.

L'ACCAP pense que, selon les estimations prudentes, les soins de longue durée dont auront besoin les baby-boomers devenus vieux au cours des 35 prochaines années coûteront cher aux Canadiens. En dollars courants, on estime que l'ensemble des soins, que ce soient les soins qui sont prévus à domicile ou les soins directs aux personnes, que ce soient d'autres soins qui ne sont pas pris directement en compte par le régime proposé sur l'assurance autonomie, devraient coûter 1 200 milliards de dollars, 1,2 billion de dollars, ce qui représente à peu près, en faisant une règle de trois, là, 7 milliards de dollars par année, ce qui n'est pas à dédaigner, pour ici, au Québec, s'entend.

Ce chiffre, si on le met… Ça, ce sont des dépenses. Si on décide de capitaliser les soins sur une longue période, ça représente approximativement la valeur marchande de l'actif total des régimes de retraite enregistrés publics et privés au Canada en 2009, régimes publics et privés étant les régimes publics pour les employés de la fonction publique et non pas les services publics genre Régime de rentes du Québec ou pension de vieillesse, c'est uniquement les économies qui sont mises de côté pour payer les régimes de retraite enregistrés. Mais ça représente quand même énormément d'argent, si on décide de capitaliser ces soins-là sur une longue durée.

Nous estimons que les couvertures qui sont offertes par l'ensemble des programmes d'État actuellement permettront de payer environ la moitié des sommes requises. Et donc le virage proposé vers les soins à domicile permettrait aussi d'amener des économies qui sont évaluées à 139 milliards de dollars. Il resterait tout de même 456 milliards de dollars à trouver sur 35 ans, ce qui représenterait, pour le Québec, quelque chose comme 2,7 milliards par année d'aujourd'hui à 2037‑2038, donc une période plus longue que ce qui est couvert dans votre proposition sur les soins de longue durée.

Le document L'autonomie pour tous propose une stratégie de financement en deux temps. Pour les quatre premières années, l'assurance autonomie adopterait le cadre financier actuel du gouvernement avec un ajout jusqu'à 500 millions de dollars étalé jusqu'en 2017-2018, et la contribution de l'usager serait maintenue par la suite dans une perspective d'équité.

L'assurance autonomie viendrait compléter les régimes d'assurance maladie, hospitalisation et médicaments. On veut juste rappeler que, même s'il s'agit là de régimes universels, du moins dans le cas des deux premiers, ces régimes-là couvrent, dans le cas de l'assurance maladie, 98 % des dépenses, l'assurance hospitalisation, 92 %, et l'assurance médicaments, 58 %. Il reste donc une place pour des régimes complémentaires privés, qui, s'ils sont bien définis, permettraient de couvrir les soins qui ne sont pas déjà dans l'enveloppe prévue mais également des soins qui peuvent être connexes ou complémentaires.

Le Président (M. Bergman) : En conclusion s'il vous plaît.

M. Millette (Yves) : En conclusion, les régimes qui seraient proposés par le privé sont des régimes qui ne remboursent pas des dépenses mais qui viennent ajouter des prestations soit mensuelles soit globales et qui permettent aux gens d'utiliser ces sommes-là pour compléter leurs besoins financiers qui peuvent être liés à leur vieillesse.

J'ai avec moi deux personnes qui sont en mesure de vous parler des produits que l'industrie serait prête à mettre en place pour compléter les programmes publics. Je vous remercie.

• (17 h 10) •

Le Président (M. Bergman) : M. Millette, merci pour votre présentation. Alors, maintenant, pour le premier bloc du gouvernement, M. le ministre.

M. Hébert : M. Millette, M. Langlois, M. Bédard, bienvenue. Merci de contribuer à ce débat public important.

Je suis d'accord avec un certain nombre de vos points. C'est l'organisation de coopération économique et de développement, l'OCDE, qui a fait des projections extrêmement intéressantes qui montrent que, pour 2051 — puis c'est le même genre d'horizon que vous utilisez dans votre document — la croissance des soins de longues durées passera de 1,2 % du produit intérieur brut, telle qu'elle est actuellement, à 3,4 % ou à peu près du produit intérieur brut, à moins que des pays fassent un virage vers les soins à domicile, auquel cas on pourrait diminuer de 1 % du produit intérieur brut la facture, et ça, ça veut dire beaucoup d'argent. 1 % du produit intérieur brut, c'est 1,3 milliard en dollars de 2011, là. Alors, si on met ça en dollars de 2051, ça sera une somme extrêmement importante.

Et, sans aller jusqu'à 2051, on a fait, nous, l'exercice pour la période 2027‑2028 et on l'a dans le livre blanc. Ce qui m'a étonné, moi, quand je suis arrivé en poste, c'est qu'il n'y avait pas de projection de coûts des soins de longue durée au ministère, alors que la réalité démographique est incontournable, est implacable et qu'on peut faire ces projections-là. Alors, on a fait les projections, et c'est marqué, c'est bien dans le livre blanc où on a le statu quo qui nous amène, comme nous le prédit l'OCDE, à une facture de 12,8 milliards en 2027‑2028, alors que la mise en place d'un régime d'assurance autonomie permet de diminuer la pente de cette courbe et nous permet de limiter, de contrôler les coûts, comme vous le dites dans votre mémoire, à un niveau de 1,3 milliard, ce qui représente une économie, une économie de 1,5 milliard. Ce n'est quand même pas rien. Je pense que c'est important de faire les gestes maintenant pour être en mesure de modifier cette courbe d'augmentation des coûts.

Bien sûr, le budget actuel ou le cadre financier, avec les 500 millions, ne permet pas de financer complètement, et c'est pour ça qu'il faudra injecter régulièrement des sommes dans... Et on reviendra tout à l'heure sur votre opinion par rapport à la façon de financer ce manque à gagner à partir de 2017‑2018.

Je salue, dans votre mémoire, qu'une de vos recommandations, c'est mettre en place un système de soins longue durée axé sur les patients, c'est de redonner aux patients le financement au lieu de le faire passer par les établissements. Et je pense que c'est le changement majeur de l'assurance autonomie, c'est de redonner aux patients la responsabilité, le pouvoir, comme disait un groupe qui vous a précédés, le pouvoir d'avoir les allocations et les services dont ils ont besoin. Et je pense que c'est fondamental si on veut opérer le virage. C'est comme ça qu'on fait le virage, parce que, quand on donne aux gens ce pouvoir-là, ils choisissent de rester à domicile, et donc c'est comme ça qu'on est capables d'infléchir la courbe du statu quo et de faire en sorte qu'on peut vraiment faire un changement. Alors, je salue cette approche que vous appuyez dans votre mémoire.

J'aimerais aussi vous entendre sur le changement qui est à imprimer. Certains prétendent qu'il faut simplement mettre un petit peu plus d'argent dans les soins à domicile puis on va répondre aux besoins. Vous semblez nous dire que ce n'est pas suffisant, il faut changer la façon de financer, puis j'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : M. Millette.

M. Millette (Yves) : Oui. Il faut changer... D'abord, il faut améliorer les services et les financer comme vous disiez, que l'argent devrait suivre le patient. Nous pensons que c'est quelque chose qui est très important. En plus de redonner l'argent entre les mains des patients, ça permettrait éventuellement… Si des sommes complémentaires sont prévues de d'autres ressources, ça permet plus facilement de compléter le financement, sans recommencer ou sans commencer à faire des financements qui seraient éparpillés à gauche et à droite et donc pas nécessairement utiles. Ça permet de concentrer les aides, qu'elles viennent que ce soit des employeurs, là, ou que ce soit des assureurs privés, donc ça a une importance très grande.

Les soins à domicile, ce n'est pas juste de verser de l'argent. Je pense que... Et, dans ce sens-là, on rejoint beaucoup le livre blanc sur la perte d'autonomie, il faut vraiment que les soins soient organisés et que l'évaluation des besoins soit faite par des spécialistes. Et on pense que c'est évidemment le régime public qui est beaucoup mieux placé que n'importe quel régime privé pour faire ces choses-là.

Ça ne veut pas dire que les services doivent être achetés nécessairement auprès de services publics. On est d'accord que ça pourrait être des services privés, bien que nous, on ne les fournit pas, là. Mais on pense qu'il est important que l'évaluation des besoins soit faite par le service public.

L'autre chose qui est très importante, c'est au niveau des conditions auxquelles les sommes deviendraient payables, les fameuses six conditions de la capacité de vous occuper de vos propres besoins. Je pense que c'est important qu'elles soient harmonisées, de façon à ce qu'à peu près tout le monde puisse s'y fier lorsque des sommes vont être allouées pour faire des financements. On essaie de le faire dans le privé, à venir jusqu'à maintenant, de façon à ce que les produits soient coordonnés entre eux au niveau du secteur privé, mais ce serait important que ça se fasse aussi avec le public puisque vous allez être le premier payeur, en quelque sorte, vous allez être le régime universel, du moins pour une catégorie des soins, les régimes privés venant nécessairement en complémentarité, en ajoutant ou en incluant des services qui ne sont pas déjà prévus, en les ajoutant à d'autres services.

Un des exemples qu'on donne souvent, c'est l'exemple de l'assurance voyage. Si on revient aux années 90, quand on a commencé à faire des choix, on demandait au gouvernement que les choix, à l'époque, soient faits de façon à ce que ça donne ouverture, si vous retirez certains services du panier de services, si vous les retirez, qu'ils puissent être organisés ailleurs. Et c'est ce qui a été fait avec l'assurance voyage, c'est-à-dire que les soins médicaux à l'extérieur du Canada ont été en bonne partie désassurés mais de façon telle à ce que le privé puisse l'inclure dans ce qu'on a appelé l'assurance voyage, qui comprenait toute une série de services aux voyageurs, la perte de bagages, les retards ou n'importe quel genre de perte qui peut être subie au cours d'un voyage, mais qui prenait aussi en compte le paiement des soins médicaux à l'extérieur et le rapatriement au Canada des personnes. Donc, ça a permis à l'industrie privée d'organiser une foule de services qui vont avec le voyageur et qui permettent à ceux qui voyagent d'avoir des services.

Un peu la même chose va probablement se produire avec l'hébergement. Je vous parlais tantôt de retraite et de soins de longue durée; je pense que c'est des choses qui vont aller ensemble. Et, si les produits qui sont offerts, les régimes publics qui sont offerts permettent d'organiser autour, bien c'est des façons de faire qui vont compléter les régimes publics qui vont être mis en place.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Votre mémoire va dans la même ligne qu'un rapport de l'Institut de recherche sur les politiques publiques de Michel Grignon et Nicole Bernier que vous avez probablement vu, qui fait une analyse de qui devrait payer les soins à long terme et qui examine le modèle privé-privé, le modèle mixte comme l'assurance médicaments, un mixte public-privé, ou le modèle public, et qui en vient à la conclusion que c'est le modèle public qui est le seul tenable, avec une place pour les régimes complémentaires privés. Donc, on serait dans le même esprit, en fait, que l'assurance santé, où il y a un régime public universel avec des régimes complémentaires des compagnies d'assurance privées.

Alors, vous êtes dans cette même ligne de pensée là. Je pense que c'est une étude extrêmement intéressante qui montre le bien-fondé de ce qu'ont fait plusieurs pays. Le Canada, le Québec est le seul actuellement au Canada à aller de l'avant avec une assurance autonomie, mais plusieurs pays asiatiques et européens l'ont implanté depuis très longtemps, et je pense que ça, c'est intéressant.

Mais j'aimerais vous entendre sur c'est quoi, les assurances complémentaires qu'on peut imaginer dans... Imaginons, là, que, l'assurance autonomie, on est en 2015, qu'elle est implantée, qu'il y a une couverture de base pour les services de soutien à l'autonomie. Qu'est-ce que vous envisagez comme assurances complémentaires?

Le Président (M. Bergman) : M. Millette.

• (17 h 20) •

M. Millette (Yves) : Bon, les régimes qui seraient envisagés sont des régimes qui pourraient être parents avec ce qu'on connaît, comme l'assurance invalidité, à l'heure actuelle, ou avec l'assurance vie. Et j'aimerais laisser aux deux personnes qui sont avec moi une minute chacun, là, pour expliquer en gros leur approche. M. Bédard va parler d'une approche qui est plutôt orientée vers une fonction d'assurance invalidité, alors que M. Langlois va nous parler plus de l'assurance vie.

Mais ça va vous donner une idée. Je vous parlais un peu tantôt de l'assurance voyage. Ça va vous donner une idée de la complémentarité qui va pouvoir être faite.

Le Président (M. Bergman) : M. Bédard.

M. Bédard (Jacques) : Merci. En fait, à la Financière Manuvie, c'est que nous avons un produit spécifique pour les soins de longue durée. C'est un produit qui est individuel. La personne peut choisir le montant qu'elle veut avoir comme couverture pour les soins à domicile ou les soins en établissement. C'est un contrat individuel, comme je vous disais. Et, si la personne a besoin de soins en établissement, qu'est-ce qu'on va faire, à la Financière Manuvie, c'est qu'on va doubler le montant de la prestation qui a été choisie dès le départ, à la souscription. Donc, ça veut dire que, si la personne choisit de prendre, pour fins d'exemple, un montant de 200 000 $, bien on peut verser, exemple, 1 % du montant, donc qui va donner 2 000 $, si elle a besoin de soins et 4 000 $ — le montant va être doublé — si elle va en institution.

Ce produit-là, il est aussi complémentaire aux gens qui possèdent une police d'assurance invalidité personnelle, ce qui veut dire que nous offrons à cet assuré la possibilité de changer sa couverture d'assurance invalidité en une police de soins longue durée. Et ça, c'est sans preuve d'assurabilité, ce qui devient un élément important. La personne est en invalidité mais va pouvoir continuer à aller chercher une protection pour les… étant donné que je ne suis plus à l'emploi. Tantôt, on parlait de 65 ans, mais plus ça va… On va peut-être se rendre plus loin pour la retraite. Donc, on va pouvoir utiliser cette protection-là pour les besoins futurs.

L'autre point qui est très important par rapport au produit que nous avons, c'est que nous n'exigeons aucune preuve de remboursement ou de facture. Ça fait que le montant qui a été choisi dès le départ, c'est un montant que nous allons allouer. Que ça soit pour payer des soins, pour payer des aidants ou quoi que ce soit, ce montant-là va être pour la personne. Les sommes vont être versées, également, à l'assuré et non à une institution, donc c'est l'individu qui reçoit les sommes que le client a choisies, à ce moment-là.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Ma question n'était pas dans le sens de faire la promotion de vos produits, là. J'aimerais juste que vous nous donniez une idée du type de complément que les assureurs privés pourraient apporter à un programme d'assurance autonomie.

Le Président (M. Bergman) : M. Millette.

M. Millette (Yves) : Je pense que ce qu'il essayait de faire, c'est exactement de vous dire quels sont les produits. La première partie, c'est sous forme d'assurance invalidité.

Je pense qu'une chose qui est très importante, au niveau des assurances, au niveau… c'est qu'en vieillissant, avec le vieillissement de la population, l'assurabilité devient plus dispendieuse. Donc, les premières générations de produits qu'on a faites, si vous voulez… Parce que les assureurs privés n'ont pas de subvention, donc ça doit être payé par les clients sur la base de leur état de santé au moment où ils adhèrent. Ça, c'est la base de l'assurance privée. Et plus vous le prenez jeune…

M. Hébert : D'ailleurs, le rapport de l'IRPP souligne bien ça. C'est une des difficultés pour lesquelles il n'y a pas de place ou il n'y a pas un intérêt des assureurs privés dans ce créneau, c'est justement ce que vous soulevez.

Le Président (M. Bergman) : M. Millette.

M. Millette (Yves) : Ça, on n'est pas d'accord avec cette partie-là de l'opinion que vous citez, de l'IRPP, parce qu'il y a des façons de faire la différence, d'abord en souscrivant plus jeune, et donc… Non, non, mais c'est…

Par exemple, il y a une assurance invalidité. Vous perdez votre emploi, vous avez de l'assurance invalidité. Si vous transformez — on vous donne un droit de transformation — bien la prime qui va continuer à être payable est la prime qui était payable à l'origine et non pas la prime au moment où vous souscrivez la transformation de votre produit…

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Millette (Yves) : …la même chose pour de l'assurance vie. Donc, ça devient très important.

Et l'autre élément, toujours dépendant… qui est très différent de ce qu'on parle ici, c'est qu'aux États-Unis il n'y a pas de mise en place de mutualisation. On l'a fait ici, au Québec, avec la mutualisation en assurance médicaments.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Millette (Yves) : Donc, il existe des mécanismes qui ont été rodés ces dernières années et qui peuvent permettre de dire que l'assurance privée peut être complémentaire à des régimes publics, y compris en assurance invalidité.

Le Président (M. Bergman) : Excusez. Je m'excuse. M. le ministre.

M. Hébert : Dans certains pays, les assureurs privés se sont entendus pour utiliser les mêmes outils d'évaluation que le régime public, donc, pour éviter de doubler des évaluations ou d'introduire les outils publics dans la gestion de leurs assurances complémentaires. Est-ce que c'est une voie que vous seriez prêts à envisager?

Le Président (M. Bergman) : M. Millette.

M. Millette (Yves) : C'est ce qu'on vous a dit tantôt. Oui, plus ces régimes vont être coordonnés, mieux ça va être. Et on pense que c'est le régime public et le gouvernement qui est le mieux en position pour le faire.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Dans votre mémoire, vous dites à la cinquième recommandation : S'assurer qu'il y a une capacité des fournisseurs de soins de longue durée suffisante, et vous recommandez qu'on encourage la prestation privée de soins de longue durée.

Comment vous voyez cette prestation-là? Comment on peut la contrôler, contrôler la qualité surtout de la prestation privée? Et, pour vous, «privée», ça veut dire privé lucratif et aussi privé non lucratif, j'imagine, les deux secteurs du régime privé.

Le Président (M. Bergman) : M. Millette.

M. Millette (Yves) : Est-ce que vous voulez parler du contrôle de la prestation d'un service privé?

M. Hébert : Oui.

M. Millette (Yves) : À ce moment-là, les assureurs n'ont pas l'intention de contrôler la prestation du service privé. Ils ont l'intention de soit… compléter ce qui va être offert par le régime. Mais, si le régime public offre 100 % de la prestation, les régimes privés complémentaires vont offrir d'autres choses qui ne sont pas couvertes par les services publics, comme par exemple des services de ramassement de la neige l'hiver ou peu importe ce que vous pouvez imaginer, mais ça va compléter des services qui ne sont pas offerts.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Mais je parlais plus du contrôle de la qualité de ce qui est… de la prestation. Vous savez, la responsabilité de l'État, c'est, bien sûr, de financer une partie des services mais aussi de s'assurer de la qualité et d'un contrôle de gestion de… qui est absolument important.

Alors, comment vous voyez… Quelle expérience vous avez dans le contrôle de la qualité des prestataires lorsque vous les financez?

Le Président (M. Bergman) : M. Millette.

M. Hébert : Vous ne les contrôlez pas?

M. Millette (Yves) : Non. Quand vous… Si vous parlez des prestataires, des gens qui reçoivent la prestation, bien ça va…

M. Hébert : Non, les prestataires… ceux qui donnent les services. Je m'excuse, le mot «prestataire» a deux appellations, là.

M. Millette (Yves) : Oui, O.K. Les prestataires, si vous parlez des gens qui rendent les services, les assureurs ne sont pas équipés pour le faire et n'ont pas l'intention de le faire. C'est-à-dire qu'ils vont donner des sommes d'argent qui vont être à la disponibilité des gens pour rembourser des services qui ne sont pas payés par l'État. Donc, ça peut être des services qui sont déjà en complément des services qui sont payés à des prestataires, mais ça peut être aussi, comme on disait tantôt, des sommes qui pourraient être utilisées pour récompenser des aidants naturels ou quoi que ce soit.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous avez vu l'évolution des courbes. Il y a un écart entre l'assurance autonomie et le cadre financier du gouvernement, donc un écart à combler.

Il y a une hypothèse qui est soulevée, dans le livre blanc, de capitaliser cette caisse-là. Quelle est votre opinion sur cette capitalisation? On sait qu'aucun pays n'a capitalisé ce genre d'assurance, et c'est toujours des systèmes «pay-as-you-go», si vous me permettez l'anglicisme. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que c'est possible de le faire dans notre contexte québécois? Et comment devrions-nous le faire?

Le Président (M. Bergman) : M. Millette.

M. Millette (Yves) : C'est vrai que c'est généralement des services «pay-as-you-go» qui ont été utilisés dans le domaine de remboursement des soins de santé, mais, à partir du moment où il s'agit… où on veut essayer de prévoir à l'avance ou de commencer à capitaliser une forme de soins, on pense que ça peut se faire. On le fait en matière de régimes de retraite, par exemple, donc on peut le faire aussi dans ce domaine-là. On le fait aussi en matière de mutualisation en assurance médicaments, on est aussi capables de quantifier à l'avance des sommes qui sont nécessaires. Ce sont des expériences nouvelles, et on pense très bien que même… que le gouvernement ou les gouvernements pourraient mettre en place des systèmes de capitalisation.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre.

M. Hébert : Vous suggérez, dans votre mémoire, d'adopter des mesures pour encourager les Canadiens — dans notre cas ici, ce seraient des Québécois — à épargner pour payer les soins de longue durée. Vous recommandez un régime enregistré d'épargne. J'aimerais ça que vous nous en parliez un peu plus.

• (17 h 30) •

Le Président (M. Bergman) : M. Millette.

M. Millette (Yves) : Bon, évidemment, les régimes publics qu'on connaît jusqu'à ce jour, où les citoyens comptent de plus en plus sur… comptent sur le fait que l'État va payer une partie des soins, fait en sorte que les gens ont un peu perdu une habitude d'épargne. On pense que les gens doivent revenir à l'épargne, doivent épargner, compter plus sur eux que sur l'État pour payer au moins une partie des soins qui sont liés à leur vieillissement. Et, à ce moment-là, on pense qu'ils doivent épargner et qu'un incitatif à l'épargne sont des régimes d'épargne… ou des régimes d'épargne fiscalisés.

Et, quand on parle de REEE, c'est le régime enregistré d'épargne-études où les… En fait, pour amener les gens à payer les études de leurs enfants, on leur permet une certaine déduction d'impôt et on permet aussi ou on offre aussi une certaine subvention des gouvernements pour faire en sorte que les gens puissent avoir des épargnes suffisantes pour faire étudier leurs enfants. Donc, le même principe pourrait s'appliquer, il pourrait aussi y avoir un principe différent qui serait une subvention… aider à la subvention de la prime d'assurance soins de longue durée, qu'elle soit au public ou au privé, là.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre, il vous reste deux minutes.

M. Hébert : Je vais laisser une dernière question à mes collègues, je m'excuse.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine, il vous reste deux minutes… 1 min 30 s.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Oui, merci beaucoup. Alors, on va aborder… Bonjour, messieurs. On va aborder le document que vous avez donné, qui est daté de juin 2012 et dont le titre est Améliorer l'accessibilité, la qualité et la viabilité des soins de longue durée au Canada. Puis on en a très, très peu parlé. Par contre, vous avez des opinions, quand même, et des recommandations par rapport aux soins de longue durée. Dernier deux minutes. Peut-être vous pouvez nous faire un résumé de ce que vous voyez dans ces soins-là comme assureurs.

Le Président (M. Bergman) : M. Millette, il vous reste une minute pour faire ce…

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Une minute pour faire le résumé.

M. Millette (Yves) : Bien, on pense qu'effectivement, si on veut vraiment réaliser des économies, il faut amener les gens à rester chez eux, donc offrir des services, autant des services paramédicaux que des services d'aide domestique, mais on pense aussi qu'il faut offrir des services de répit aux aidants naturels et un peu tout ce dont on parle habituellement. À l'heure actuelle, le gros problème, c'est de diviser la tarte et de faire en sorte qu'il y en ait un peu pour tout le monde, et c'est là que nous pensons que les services privés… les assurances privées peuvent avoir un rôle complémentaire à jouer.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Pour le bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bienvenue. Puis ça va être intéressant. Je ne suis pas certain, de la façon dont on va parler, que tout le monde va comprendre, parce qu'on va être beaucoup dans les chiffres. Vous êtes des gens de chiffres, comme je l'ai dit au début.

Premier élément : Êtes-vous d'accord qu'il y a déjà un virage qui a été pris au Québec vers le virage ambulatoire et puis le virage du maintien à domicile, ne serait-ce que sur le principe? On est passés d'un très haut taux de lits de CHSLD… On a réussi à le descendre actuellement, tout dépendant des régions, entre 2,5 % et 3,2 %. Est-ce que vous êtes d'accord au moins qu'il y a eu ce virage-là qui a été fait?

M. Millette (Yves) : On est d'accord qu'au Québec il y a eu… qu'une avance a été prise au Québec sur toute la question des soins de longue durée, effectivement.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : O.K. Puis, si vous êtes d'accord, là, il faut distinguer l'organisation de services avec des résultats directement avec le patient, dans le sens qu'il y a une partie de la clientèle qui va être autonome, une partie de la population qui va avoir besoin de maintien à domicile, une partie de la population qui va avoir besoin de ressources intermédiaires, puis il y a une partie de population qui va avoir besoin de CHSLD.

Le Président (M. Bergman) : M. Millette.

M. Millette (Yves) : Exact, oui.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Puis ça, c'est différent du financement. Puis à la fin, dans notre réseau de la santé, il faut arriver pour dire qui a besoin vraiment d'être en CHSLD, qui est peut-être autour d'un taux de 2,5 personnes par 100 personnes de 65 ans et plus, et combien est-ce qu'on va en avoir en ressource intermédiaire. Et, si on maximise au maximum, là — j'utilise les deux mots volontairement, là — si on maximise au maximum le maintien à domicile, on va peut-être avoir 15 %, 17 % des gens qui vont avoir besoin de maintien à domicile de façon assez intense, et ces gens-là, si on réussit à les maintenir à domicile avec tous les soins, selon le principe de l'assurance autonomie, ils iront moins en ressource intermédiaire, ils iront moins en CHSLD.

Le Président (M. Bergman) : M. Millette.

M. Millette (Yves) : On est d'accord avec ça.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Fiez-vous sur les chiffres, ce n'est pas loin de ça.

M. Millette (Yves) : Le chiffre qu'on a utilisé, c'est 20 %, mais 17 % étant correct. La différence que je vois avec ce que vous proposez, c'est que nous, on pense que les gens devraient avoir le choix du genre de soins, soit aller dans des résidences ou des CHSLD, dépendant, ou d'être à domicile, mais ils devraient assumer la partie des coûts de leur choix qui leur arrive.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. On va revenir à votre situation à vous après. Donc, l'organisation des services, c'est quand même indépendant du financement, montant global.

M. Millette (Yves) : Oui, je suis d'accord.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Et ce qu'on veut… Plus il va y en avoir à domicile parce que ça coûte moins cher, moins il va y en avoir en CHSLD parce que ça coûte plus cher. Et l'objectif à la fin, c'est de dégager des lits de courte durée — parce que vous en parlez dans votre document — pour qu'il n'y ait plus de patients qui attendent dans la courte durée, qui est très dispendieuse, mais que chaque patient se retrouve à la bonne place. Ça, c'est ce que j'appelle… c'est de l'organisation de services, et le Québec, depuis plusieurs années, s'en va vers ça, indépendamment de l'assurance autonomie. L'assurance autonomie amène des nouveaux principes, mais à la fin on va atteindre ce résultat-là.

Maintenant, on va prendre le graphique que le ministre nous parle si souvent que ça. Dans son graphique — je les ai rajoutés moi-même à la main, O.K.? — quand on part en 2013‑2014, on part actuellement avec un budget de 3 250 000 $. 3 250 000 $, c'est combien de millions de dollars? Dites-moi-le.

Le Président (M. Bergman) : M. Millette.

M. Millette (Yves) : Bien, 35 fois 1 000, là, oui.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Il y a combien de millions de dollars dans 1 milliard de dollars?

M. Millette (Yves) : Bien, il y en a 1 000.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Il y en a 1 000. Si vous en avez 32, ça fait combien?

M. Millette (Yves) : 32 000.

M. Bolduc (Jean-Talon) : 32 000. J'aime ça que vous me dites ce chiffre-là. Quand vous prenez la courbe en premier ici, ça, c'est qu'on ne fait rien, si on ne fait pas l'assurance autonomie ou si on n'améliore pas les soins à domicile. Si on fait le... Le graphique en bas, c'est là qu'on devrait être avec l'organisation des services. Quand je prends le budget actuel et je l'augmente de 3 %, qui est très conservateur, nos budgets du réseau de la santé, j'arrive en 2027‑2028 avec un budget de 49 milliards de dollars. Si on fait le même raisonnement, 49 milliards de dollars, c'est combien de millions de dollars? C'est 49 000, vous êtes d'accord avec moi?

M. Millette (Yves) : Oui, oui.

M. Bolduc (Jean-Talon) : L'écart entre annualiser... Parce qu'on peut prendre un chiffre, là, puis, si vous le mettez pendant 30 ans, c'est toujours des gros chiffres. Mais le réseau de la santé, ça se gère à chaque année. Quand vous arrivez à la fin, entre le montant qu'on devrait avoir par l'optimisation des soins avec ce qui est prévu au cadre budgétaire, c'est 160 millions de dollars. 160 millions de dollars sur 49 000 millions de dollars, c'est quel pourcentage, ça?

M. Millette (Yves) : Là, vous commencez à m'en demander.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Bien, j'ai fait le calcul, je vais vous le dire.

M. Millette (Yves) : Oui, O.K., allez-y.

M. Bolduc (Jean-Talon) : C'est 3/10 de 1 %. Ça fait que, si le ministre reprend ses chiffres, il va se rendre compte qu'avec 3/10 de 1 % du réseau de la santé, annualisé, il n'y en a pas, de problème dans son financement. C'est ça, le raisonnement qu'il va avoir à la fin. Et je...

Une voix : ...

M. Bolduc (Jean-Talon) : Non, parce que... D'ailleurs, c'est pour ça que, quand vous dites «pay-as-you-go», il n'y a pas besoin de capitalisation, parce qu'à chaque année c'est 3/10 du budget total du réseau de la santé.

Juste pour vous dire, dans le réseau de la santé on rajoute au-dessus de 1 milliard de dollars, et, quand vous regardez en nouvel argent, c'est à peu près 300 millions à 400 millions de dollars qu'on a. Et c'est dans 20 ans. Là, c'est dans 14 ans. Ça fait que, quand vous regardez le raisonnement sur 14 ans, théoriquement, si vous cherchez à capitaliser puis à mettre une caisse en place, vous êtes probablement mieux, à ce moment-ci, de penser de mettre l'argent au fur et à mesure et d'améliorer la performance de votre réseau de 3/10 de 1 % par différentes méthodes. Ce n'est pas obligé d'être au niveau des personnes aînées. Ça peut être dans les médicaments, ça peut être au niveau de la rémunération de certains professionnels, ça peut être... Il y a plusieurs choses, puis on a 14 ans pour le voir venir.

Donc, la question qu'il faut se poser : Est-ce qu'on a besoin de capitaliser ou on peut aller tout simplement à chaque année rajouter l'argent? Moi, je pense qu'on est capables à chaque année de rajouter de l'argent, comme on a fait d'ailleurs depuis 15 ans à 20 ans. Et le réseau de la santé est toujours sous pression puis il va l'être encore, c'est une réalité, mais on est capables, à ce moment-là, de passer à travers.

D'ailleurs, une des erreurs qu'on fait, c'est qu'on oublie... on prend un chiffre de 160 millions puis on l'applique comme si c'étaient des gros montants, alors que le réseau de la santé va avoir, à ce moment-là, 49 milliards de dollars.

M. Hébert : ...un chiffre.

Le Président (M. Bergman) : M. le ministre, la parole est au député de Jean-Talon.

M. Hébert : J'aurais voulu corriger M. le député de Jean-Talon.

Le Président (M. Bergman) : S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Jean-Talon, je vous reconnais.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Quel chiffre?

M. Hébert : Bien, je veux juste corriger que ce n'est pas le chiffre cumulatif. 1,3 milliard, c'est ce qu'en 2027-2028... c'est l'écart, 1,3 milliard, ce n'est pas un chiffre cumulatif, là. Et, si vous le rapportez sur votre 42 milliards, vous êtes à 2 %, vous êtes à 2 %.

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bolduc (Jean-Talon) : Bon, M. le Président, je veux juste répéter. Il a raison, ce n'est pas un chiffre cumulatif, parce qu'à chaque année on a réussi à le compenser.

M. Hébert : ...député de Jean-Talon…

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre...

M. Hébert : Bien oui, mais...

M. Bolduc (Jean-Talon) : Je sais que... C'est correct, M. le Président. Ça fait que je ne sais pas si vous voyez la problématique...

Le Président (M. Bergman) : Une seule... Une personne a la parole, c'est M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Je ne sais pas si vous voyez, mais, à ce moment-là, on a besoin de capitaliser ou pas?

Le Président (M. Bergman) : M. Millette.

M. Millette (Yves) : L'approche que nous avons fait en sorte qu'on couvre l'ensemble des soins de longue durée et pas uniquement les services qui pourraient être rendus. Si vous avez besoin… Vous allez avoir, à long terme, besoin de d'autres centres de soins de longue durée, vous allez avoir besoin… Donc, il y a des augmentations de dépenses qui vont être faites.

• (17 h 40) •

M. Bolduc (Jean-Talon) : …troisième partie qu'on va traiter. La troisième partie, si je pars avec votre principe, c'est que le régime d'assurance autonomie qui va être mis en place va être un régime qui ne couvrira pas le tout. Puis d'ailleurs, dans le projet, on ne sait pas jusqu'à quel niveau il va couvrir et on ne sait pas, également, la contribution de la personne qui va avoir des revenus, jusqu'à quel montant elle va payer. Puis, l'exemple, je pense que… Puis c'est l'exemple d'aujourd'hui, là. Si vous êtes en CHSLD, que vous possédez plus que 4 000 $ ou 5 000 $ et que vous avez le moindrement des revenus, votre cotisation, quand vous êtes en CHSLD, est d'au plus 21 000 $, donc la personne doit payer le 21 000 $. Si vous êtes un couple qui résidez dans un condo ou dans une résidence, si un des deux se retrouve en CHSLD, il y a un montant de 21 000 $ qui est chargé automatiquement.

Et, si je comprends, c'est que vous autres, vous pourriez compenser certains services comme celui-là ou encore d'autres services qui ne sont pas donnés par l'assurance autonomie. Parce qu'encore là on parle de besoins à 100 %, mais on ne sait pas à quel niveau ça va être couvert parce qu'on n'a pas encore fait les calculs actuariels, probablement. Donc, si on couvre à 60 %, il y a un 40 % qui ne sera pas couvert. Et il y a également, dans le principe qu'on a là, un montant qui va être donné par l'usager pour les services qu'il va recevoir, s'il a des revenus suffisants. Donc, le type de services que vous pourriez offrir, ça se situerait à ce niveau-là, pour compenser ce que le régime ne paie pas.

Le Président (M. Bergman) : M. Millette.

M. Millette (Yves) : C'est exact, là, c'est exact, mais il ne faut pas oublier que les assurances privées ne couvriront pas l'ensemble de la population, vont couvrir ceux qui souscrivent une assurance. Donc, il va toujours rester des augmentations de fou pour les personnes qui n'ont pas les moyens de le payer, le 21 000 $.

Donc, nous, ce qu'on pense, c'est qu'évidemment ceux qui sont riches, ils ont le moyen de le payer, ils n'ont même pas besoin d'assurance privée, les gens de la classe moyenne, ils ont probablement besoin d'avoir recours à une assurance ou à l'aide de tiers pour couvrir la contribution, mais on est bien conscients qu'il y a une large partie de la population qui ne peut pas le faire et donc qui va devoir émarger au régime public, un peu comme on le voit pour l'assurance médicaments, et donc, à ce moment-là, oui, les coûts vont augmenter. Je ne pense pas que les coûts vont être juste absorbés par le privé.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. M. le Président, pour répondre au ministre, quand on parle du cumulatif, bien c'est à chaque année qu'on combat le 3/10 de 1 %. Donc, ton montant qui est montré ici — d'ailleurs c'est les chiffres du ministre qu'on a ici — qui est 115 millions, 126 millions et 133 millions, c'est à chaque année qu'il faut réussir à aller chercher la performance du réseau, du système pour réussir à contrecarrer ça. Donc, à la fin… Mais, encore là, c'est toujours un chiffre sur 14 ans. Ça peut donner un écart, mais c'est à chaque année que le réseau a besoin de faire un effort.

C'est-u comme ça que vous… Vous ne l'avez pas vu, le graphique, mais c'est-u comme ça que vous l'analyseriez?

M. Millette (Yves) : Oui. Sauf que, si je comprends bien le document, le livre blanc, le montant dont vous parlez est un montant qui est limité aux soins qui seraient donnés pour… aux augmentations pour les soins à domicile, ne comprendrait pas nécessairement des coûts supplémentaires pour des nouveaux CHSLD, des nouvelles résidences, etc. Donc, nous, quand on parle… Je vous ai fait un chiffre annualisé tantôt. Évidemment, ce n'est pas sur les mêmes périodes et c'est vraiment juste à titre comparatif, mais nous, on parle de 2,7 milliards. Donc, il manquerait encore des sommes à contribuer à ce tableau, au tableau qui est là.

Donc, peut-être que vous arrivez… on peut arriver à la conclusion qu'on n'a pas besoin… qu'on peut utiliser uniquement la méthode «pay-as-you-go» pour transformer les soins en soins de… les transformer ou favoriser le maintien à domicile, mais je ne pense pas que ce soit l'ensemble des soins de longue durée qui soit couvert par ça.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Bien, moi, ce que je comprends, où est-ce que vous auriez une niche probablement, c'est qu'on va couvrir des services pour une grande partie de la population, il va y avoir des cotisations qui vont… les gens vont être obligés de payer parce que l'allocation ne couvrira pas nécessairement tous les services, tout dépendant de vos revenus, et, pour ces gens-là, ça pourrait être utile, mais, la personne qui théoriquement n'a pas de revenu et puis qui n'a pas, également, d'avoir, la majorité des soins ou presque la totalité des soins vont tout simplement être couverts. C'est à partir du moment que tu as un certain revenu…

M. Millette (Yves) : …par le public, effectivement, oui.

M. Bolduc (Jean-Talon) : …ou que tu as un certain avoir que tu vas être obligé de payer, et là votre assurance pourrait venir en complément à ce niveau-là.

Pour ce qu'il s'agit du choix, je pense que c'est ce qu'on veut au Québec, on veut que les gens restent à domicile le plus longtemps possible, on veut que ce soit leur choix, mais, s'ils veulent aller en résidence privée, ils devraient avoir le droit d'aller dans résidence privée. Et, lorsque quelqu'un est en perte d'autonomie puis qu'il n'est pas capable de rester à domicile ou en résidence privée, bien là on a les ressources type ressource intermédiaire… ou à la fin possiblement qu'il y a un 2,5 % chaque année, de 100 personnes de 65 ans et plus, qui va être obligé d'aller en CHSLD. Mais ce qu'il faut voir, c'est notre évolution de notre système de santé. Auparavant, ces gens-là passaient des années dans les CHSLD, mais au moment où ils entrent en CHSLD actuellement, habituellement, s'il y en a 35 % à 40 % qui décèdent à chaque année dans nos CHSLD, c'est signe que c'est des gens qui sont souvent plus vers leur fin de vie. Ça fait que ça, c'est l'orientation du réseau de la santé qui a été commencée depuis déjà plusieurs années mais qui se poursuit. Et l'assurance autonomie, je pense, comme bien des principes, puis je pense qu'on est tous d'accord avec les grands principes, maintenant c'est comment on le finance, combien quelqu'un va contribuer et puis également la pérennité du système sur un 20 à 25 ans où, là, on doit discuter. Merci, M. le Président. C'est tout.

Le Président (M. Bergman) : Alors, pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée d'Arthabaska.

Mme Roy (Arthabaska) : Merci. Merci de votre mémoire, de votre présentation. Moi, je suis porte-parole aux services sociaux et aux aînés mais aussi famille. Donc, j'ai entrepris des travaux ces derniers temps et puis, sur les dépenses de consommation des familles, je me suis rendu compte… Si on regarde la taxe santé, on dit que quelqu'un qui gagne plus de 40 000 $ est riche, au Québec. Je ne partage pas nécessairement cette opinion-là. Par contre, j'ai regardé pour un modèle familial d'à peu près deux adultes, deux enfants, 60 000 $ de revenu familial. En prenant les dépenses reliées aux familles sur la base de Statistique Canada, ce qu'il reste de marge de manoeuvre pour les familles, là, sans mettre de poste pour placer de l'argent, je veux dire, faire de l'épargne, c'est 2,70 $ par jour. Ça, c'est s'ils ne fument pas, s'ils ne prennent pas d'alcool, s'ils ne font pas de folies.

Bon, la tendance est à l'effet que les ménages s'endettent, à l'heure actuelle, les familles s'endettent. Pour être capables de et épargner ou se prendre une assurance supplémentaire, ce n'est pas la classe moyenne, c'est à peu près… J'aimerais ça, pour voir, là… Votre solution, là, on va toucher combien de personnes à peu près de la population du Québec? Parce que je pense que ça va être un petit peu à la marge.

Le Président (M. Bergman) : M. Millette.

M. Millette (Yves) : C'est pour ça que je faisais un rapprochement avec les régimes de retraite tantôt, il y a déjà 50 % des gens qui n'ont pas suffisamment d'épargne pour se payer des régimes de retraite, et donc on a besoin d'augmenter les régimes publics, notamment pour les soins de longue durée. Et on peut le faire, mais il faut aller chercher les blocs à l'intérieur des régimes de retraite ou l'épargne-retraite. Mais il faut aussi avoir des régimes d'assurance vie ou des régimes d'assurance invalidité qui vont permettre d'accumuler, avec le temps, des sommes.

Il y a beaucoup de ces choses-là qui sont faites sur une base collective avec votre employeur à l'heure actuelle, et, à l'heure actuelle, ces choses-là sont abandonnées quand vous avez 65 ans. Donc, est-ce qu'il est possible de transformer ces produits-là pour les continuer? Vous avez déjà contribué, votre employeur a contribué. Est-ce qu'il est possible de les transformer? C'est là que vous allez aller en chercher, de l'épargne. Parce qu'évidemment, si vous la prenez, l'épargne, au niveau de l'individu, il n'y en a pas beaucoup. Mais, si vous allez au niveau de l'État, l'État n'a pas nécessairement non plus le moyen d'augmenter indéfiniment les prestations pour les services. Donc, il y a une obligation de trouver des nouvelles façons de faire, et on pense qu'à l'intérieur des cadres des avantages fiscaux qui sont offerts, que ce soit pour la retraite ou les autres, ou à l'intérieur des programmes existants il y a peut-être moyen de réorganiser les services. Et la caisse autonomie en est une, façon de réorganiser les services de façon à maximiser l'argent qui est dans le système à l'heure actuelle.

Mais il est évident qu'on ne peut pas inventer de nouvelle façon de faire pour une personne qui… deux adultes, deux enfants, sinon que, lorsque les enfants ont quitté le foyer, il y a peut-être une partie d'épargne qui est possible. Donc, nous, on pense que la plupart des produits qui sont offerts vont être offerts à des personnes de 45 ans et plus. On veut les offrir avant 65 ans parce qu'ils deviennent inabordables, mais, à partir de 45 ans, il y a peut-être un transfert de dépenses pour élever votre famille à pour penser à votre retraite qui peut être fait.

• (17 h 50) •

Mme Roy (Arthabaska) : Là où je partage votre raisonnement, c'est que, si on regarde les dépenses reliées aux ménages, l'item qui a le plus augmenté, c'est taxes et impôt, dans les dernières années, la plus grosse proportion. Ça fait que, si on se fait un plus gros régime public, bien là c'est certain qu'il se mord la queue, là. Ça va… Il n'y a pas d'autre façon de faire que de s'améliorer en termes d'efficience. Je pense que peut-être le paiement par épisode de services — pas de soins, qu'on entend souvent — va peut-être introduire une compétitivité qui va être un facteur de productivité. Et j'espère que ça va être le cas, qu'il…

Le Président (M. Bergman) : M. Millette.

M. Millette (Yves) : On est d'accord. Les dépenses de santé dépassent… ont atteint à peu près 50 % du budget des gouvernements, et c'est certain qu'il y a des limites à ce qui peut être fait là. Donc, c'est pour ça qu'il faut penser à des réallocations de services, de dépenses, autant du privé que du public. Et, dans ce sens-là, on trouve que l'assurance perte d'autonomie est une bonne approche.

Mme Roy (Arthabaska) : Merci.

Le Président (M. Bergman) : Alors, M. Millette, M. Langlois, M. Bédard, merci pour être avec nous aujourd'hui. Merci pour votre présentation et partager vos expertises avec nous.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à mardi le 29 octobre 2013, à 10 heures, afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le livre blanc sur la création d'une assurance autonomie intitulé L'autonomie pour tous. Bonne soirée. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 52)

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