(Onze heures trente-huit minutes)
Le Président (M. Bergman) : À
l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services
sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission
est réunie afin de terminer les consultations
particulières et les auditions
publiques sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de
fin de vie.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Non, M. le
Président.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Bergman) : Alors, collègues, on reçoit ce matin l'Association québécoise
de défense des droits des personnes
retraitées et préretraitées. Alors, bienvenue à notre commission parlementaire. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec
les membres de la commission. Donnez-nous vos noms, vos titres, et le
prochain 15 minutes, c'est à vous.
Association québécoise
de défense des droits des
personnes retraitées et préretraitées (AQDR)
M.
Plamondon (Louis) : Merci, M. le Président. Mon nom est Louis Plamondon, juriste et
sociologue, retraité de l'Université de Montréal.
M. Paquet
(Jean-Claude) : Mon nom est
Jean-Claude Paquet, je suis avocat à la retraite, membre du Barreau du Québec.
Je suis retraité du Protecteur du citoyen, aux affaires juridiques.
• (11 h 40) •
M. Plamondon (Louis) : Alors, d'abord,
merci de nous accueillir dans le cadre des discussions entourant le projet de
loi.
D'entrée de
jeu, nous manifestons notre adhésion
au projet de loi n° 52, particulièrement sur la législation
et sur les directives anticipées pour qu'elles soient exécutoires, donc,
avec tout ce qui accompagne le projet de loi dans ces dimensions-là. Oui à l'encadrement de la sédation palliative terminale
tel que proposé, oui à l'aide
médicale à mourir dans des conditions
civilisées et à l'encadrement qui est proposé et oui à la commission
des soins de fin de vie avec les mandats qui lui sont attribués. Comme vous le savez, l'AQDR est préoccupée,
depuis de nombreuses années, et particulièrement les cinq ou six
dernières années, sur la question du droit à la vie chez les aînés. Et, hier,
on tenait… Avant-hier, on tenait un colloque
à Montréal sur le projet de loi en posant la question : Est-ce que les
aînés sont menacés? La conclusion est négative. Les aînés ne sont pas
menacés, mais les aînés sont menacés par d'autres conditions qui pourraient
faire qu'il y ait des dérives que le projet de loi… que la loi, en fait, dans
sa mise en oeuvre, pourrait provoquer.
Et je
voudrais, d'entrée de jeu, vous raconter très brièvement, en trois ou quatre
minutes, d'où nous vient l'intérêt du droit
à la vie et donc de protection contre la mort évitable ou violente. Nous, dans
les années… il y a déjà… 2008, on s'était intéressés à la question de,
vous savez, la température de l'eau dans les résidences qui tuait les personnes
âgées. On les cuisait dans les bains. En
fait, on en avait dénombré plus d'une vingtaine dans le rapport du coroner dès
les débuts des années 2000. Et quand
même, à notre époque, là, mourir cuits dans des bains, dans des établissements,
des institutions, des résidences, là,
même après la certification… Il y a des rapports du coroner qui datent… dès le
début de 2002, et puis là ça va s'enfiler. La température de l'eau des
établissements était à 60 o, ça tue en quelques minutes. Et c'est
à partir de ce moment-là qu'on va s'intéresser
à ça puis que finalement on va réclamer qu'il y ait des mitigeurs d'installés
parce que les techniques étaient là.
Et ça va nous amener à faire des études sur le Bureau du coroner, le traitement
des signalements de décès. On va
découvrir qu'il y a des décès qui auraient dû être signalés au Bureau du
coroner, pas juste pour l'eau chaude, pour
toutes sortes de raisons, des chutes, des empoisonnements de personnes âgées.
Et on va découvrir qu'en fait tous les décès
ne sont pas signalés… de personnes âgées. Et puis ça nous a alertés, puisque la
loi du coroner exigeait que tous les décès
suspects ou violents soient signalés. On a demandé ça. La loi du coroner
prévoyait que, si un établissement n'avait pas signalé un décès qui
aurait dû lui être signalé, l'article 72, si ma mémoire est bonne, prévoyait qu'il
y ait un constat d'infraction et des amendes éventuellement si la personne ou l'établissement
était trouvé coupable.
On apprend que la loi n'avait jamais été
appliquée, qu'il n'y avait jamais eu de constat d'infraction alors qu'il y a un grand nombre de décès qui n'étaient
pas signalés. On s'en est inquiétés, puis ça nous a fait nous poser la
question : Qu'en est-il de la mort par
négligence? On a regardé dans le rapport des coroners, il y a 70 personnes… il
y a 800 décès signalés,
de personnes âgées, 70 cas qui évoquent des négligences graves ayant causé la
mort. On dit : Est-ce qu'il y a déjà
eu des plaintes criminelles ayant causé la mort chez des personnes âgées?
Jamais. On compte 70 décès par année; 10 ans, ça fait 700 décès, jamais
eu de poursuite criminelle pour des personnes âgées ayant décédé à la suite de
la mort. Dernier exemple.
Donc, on dit qu'il y a un problème systémique
sur la banalisation de la mort des personnes âgées puisqu'il n'y a pas d'application de la loi. On ne signale
pas les décès. Ils sont obligatoires. Le coroner a l'obligation de faire
des constats d'infraction, il ne les fait pas. Et puis, même malgré le fait qu'il
y a des rapports de coroner qui disent qu'il y
a eu de la négligence grave, il n'y a pas de poursuite criminelle. Donc, il y a
banalisation de la mort à toutes les étapes. Et, compte tenu qu'on sait que, sur les 50 quelques mille décès au Québec
par année, 80 % sont des personnes âgées, est-ce que les personnes
âgées sont visées? Ça, c'est normal, hein? Il y a quand même une fin de vie,
et, la fin de vie, c'est les personnes
âgées. Ça, on vit bien à l'aise avec ça. Mais qu'il y ait autant de signes, d'indications
très graves… Puis ça nous a pris 13
ans pour obtenir les mitigeurs, hein, pour obliger les établissements à
réduire… Il y a encore de la résistance dans certaines résidences, là. Ça coûte trop cher. La vie, tu sais… Dans le
cas des Résidences Soleil, il a fallu deux morts, puis on a fait
finalement une plainte criminelle contre eux parce qu'un, c'est un accident;
deux, là, c'est de la négligence. Alors, même ces résidences-là qui trouvent
que ça coûte cher, tu sais, donc la banalisation.
Puis le dernier exemple, c'est l'incident des
déplacements, et puis ici ça a rapport avec notre objet, l'hôpital Le Gardeur, surcharge de l'hôpital à
Le Gardeur il y a deux ans de ça. On décide de vider des lits et les
salles d'urgence, on prend des
personnes âgées, on réaffecte l'ancien hôpital Claude-David, on réouvre des
unités puis on déplace 60 personnes pour
libérer la salle d'urgence et les hôpitaux, des unités, d'accord? Il y avait 60
personnes à déplacer, ils ont pu en déplacer 82 parce qu'il y en a 22 qui sont mortes en chemin. Le Protecteur du
citoyen a enquêté ça. Puis des personnes déplacées n'ont pas été
déplacées dans des conditions humaines garantissant leur vie et leur sécurité.
Nous, on a déposé une plainte criminelle
dans ce dossier-là. On ne sait pas lesquelles n'auraient pas du tout être dues…
déplacées. Donc, encore une fois, banalisation de la mort. Et le
ministre de l'époque, que je ne nommerai pas, avait dit en Chambre que les
personnes âgées allaient mourir de toute façon. Mais là c'est le destin des
personnes âgées de mourir de toute façon. Alors, face à la mort inévitable des
personnes âgées, bien sûr on n'a pas de raison de les précipiter.
Donc, le
droit à la vie est beaucoup plus ténu, même fragilisé dans la société actuelle
pour les personnes âgées. Je veux que
ce soit bien compris. On a beaucoup de travail à faire au Québec concernant
cette protection du droit à la vie chez les personnes âgées, la
reconnaissance du droit à la vie. Il n'est pas reconnu. Parce qu'on a beaucoup
de traces, là. Je vous en ai résumé quelques-unes.
Donc, évidemment,
malgré notre adhésion, on dit : Il y a vraiment une grande vigilance à
exercer concernant les soins de fin de vie pour les personnes âgées. En
principe, MM. et Mmes les députés, vous avez eu les documents, le document PowerPoint. J'ai transféré tout ça, là.
Donc, est-ce que le service… risque-t-il d'être dispensé? Parce qu'on
est d'accord pour dire que c'est un service de santé. C'est l'accès à un
service de santé, les soins de fin de vie. Donc, le service serait… à des personnes vulnérables qui n'auraient pas
elles-mêmes fait la demande. Est-ce que le service servirait de moyen
pour libérer des lits, là? Bon, c'est une préoccupation. Je reprends des
préoccupations du Protecteur du citoyen,
hein, vu le vieillissement démographique puis vu que la majorité des gens qui
meurent, ce sont des personnes âgées.
Puis on entend depuis… écoutez, ça fait des années que l'AQDR est là, 33, 34
ans. Depuis que je suis le président, on a entendu souvent cette
expression, que… la crainte de voir le nombre de personnes âgées qui augmente,
la pression externe pour libérer des lits,
là, dans le contexte du vieillissement démographique. Il y aura de plus en plus
de gens de 80 ans. Le devoir de mourir, ça, c'est le vécu des personnes
âgées, afin de ne plus être un fardeau pour leurs proches et leurs familles,
est-ce que ça va les mettre sous pression de prendre la décision plus dans les
directives anticipées et de choisir d'en finir?
Le contrôle a
priori, a posteriori, suggéré par le protecteur devrait être présent à tous les
niveaux pour assurer le respect dans l'aide médicale à mourir.
L'accès aux services. Nous, concernant les
directives anticipées, on est extrêmement favorables. Ce n'est pas connu, mais on a parlé de testament biologique.
Parfois, on entend dire cette expression. Mais même, vous savez, le
mandat en cas d'inaptitude est mal compris, ce n'est pas une mesure de
protection, c'est un contrat nommé. Le professeur Grégoire, de l'Université de Montréal, a bien démontré ça. Donc, comment
va s'insérer, dans la compréhension citoyenne, cette question de
directives anticipées? Comment la faire connaître? On vous dit d'entrée de jeu
que l'AQDR est tellement mobilisée sur cette question-là qu'on s'offre au
ministère, là, pour, quand le projet de loi sera en vigueur, assurer l'information,
la diffusion de l'information.
Une des AQDR, Rouyn-Noranda—Abitibi-Témiscamingue,
a monté toute une documentation sur toutes ces questions-là puis l'a diffusée largement dans notre mouvement. Donc, on
pourrait rependre ça pour éduquer les aînés.
Bon, l'importante proportion de citoyens n'ayant
pas de médecin de famille, malgré le fait qu'on réfère au médecin traitant, là,
parce que nos médecins… Les personnes âgées, les médecins vieillissent avec eux
ou elles. Donc, on les perd et puis on se
retrouve à devoir négocier ça avec des gens qu'on connaît peu. Bien, la faible
proportion de gens qui ont accès à des soins
palliatifs, on dit que c'est vraiment marginal selon les régions, c'est quand
même un enjeu parce qu'on sait que,
de plus en plus, les régions, la population vieillit. Les jeunes, donc, la
population… Globalement, l'âge moyen dans les populations en région s'en
va vers le vieillissement accéléré. L'enjeu d'exercer une vigilance particulière à l'égard de l'application des
dispositions de la loi auprès des personnes ayant des limites, mon collègue
va le reprendre parce que mon collègue va vous rendre compte des questions
posées par le colloque du 8, là, de mardi dernier.
On partage la préoccupation
du Protecteur du citoyen, qui croit que le bilan quinquennal va être extrêmement
important pour faire… de la commission, là, sur l'application, la mise en place
autant de la première mesure, là, la sédation
palliative terminale, que le soin médical à mourir, parce que
justement on voudrait savoir s'il risque de… Il
devrait y avoir plus de personnes âgées. On est, je vous
le dis… 80 % des décès, c'est des personnes âgées. Mais est-ce qu'il
pourrait y avoir un signal d'une dérive systémique? C'est ça, notre question.
Je laisserai la
parole à mon collègue qui va vous rendre compte des questions de presque une
centaine de personnes qui ont participé au colloque du 8 octobre dernier.
• (11 h 50) •
M. Paquet
(Jean-Claude) : Alors, j'ai compris, M. le Président. Alors, ce
colloque organisé par l'AQDR conjointement avec l'Association québécoise de
gérontologie a regroupé des gens, des groupes d'aînés de toutes les régions, les tables de concertation des aînés, des
experts, des équipes de soins palliatifs et de soins à domicile. Vous avez
un document de deux ou trois pages, qui donne le résumé des ateliers. Il y a
plusieurs questions qui s'y retrouvent, et
nous en avons ciblé cinq ou six sur lesquelles nous voulons insister à titre d'organisme
de défense des droits des aînés.
Sur
la question des ressources, et ça, je me fais le porte-parole des gens qui
étaient là, avons-nous les ressources médicales et professionnelles pour
appliquer la loi? Et là je fais écho à ce que le Protecteur du citoyen a
souvent dit, on vote une loi, mais est-ce
que, dans l'application, on suit ce qu'il en est? On a aussi parlé de la
possibilité d'intégration des
infirmières praticiennes dans le processus. Seul, actuellement, le médecin est
prévu dans le processus, alors que les ressources médicales sont
limitées. Deuxième question, deuxième élément, qui est important pour l'AQDR,
sur les données, et je vais dans la suite de
M. Plamondon : Quelles données avons-nous, avez-vous, le gouvernement, le
ministère de la Santé, sur les lieux de
décès des personnes âgées, en CHSLD, en résidence privée, à domicile? Quelle
est l'importance de la clientèle des
soins palliatifs offerts à domicile? Et on a insisté sur la nécessité de
clarifier les différences entre le mandat
d'inaptitude et la directive médicale anticipée. Troisième question, troisième
aspect sur lequel on veut insister, en ce qui concerne le respect des
droits des parties, les troubles de communication, est-ce que les personnes qui
ont un trouble de communication, bien entendu, comprendre, s'exprimer, peuvent
avoir droit à l'aide médicale à mourir étant donné qu'elles ne pourront pas
toujours communiquer verbalement leur droit? C'est une des préoccupations qui a
ressorti.
Sur le consentement,
on se demande comment être sûr qu'il n'y a pas de pression familiale et comment
le médecin assumera cette responsabilité. On se demande si le travailleur
social ne devrait pas être impliqué dans la… validation, pardonnez-moi, du
consentement. On parle d'équipes interprofessionnelles. Ça demande des
habilités psychosociales importantes. Et un
médecin qui a… ici, on a dit «qui passe en coup de vent» mais, je dirais, qui a
un grand volume de travail
pourra-t-il le faire correctement? Cinquième élément : la mission des
CHSLD. Et, en faisant, dans nos CHSLD, des soins palliatifs, soins de
fin de vie, ne vient-on pas renforcer, et là c'est à peu près verbatim, ce qui
a été dit, «l'idée de mouroir»? Est-ce qu'on transforme un milieu de vie en
mouroir? Et dernière phrase assez percutante : Peut-on vivre avant de
mourir et non pas mourir avant de mourir? Ce sont des préoccupations qui ont
été exprimées.
Enfin,
répondre aux besoins des patients. On ne réussit pas toujours avec… On ne
réussit pas, avec les médecins à domicile
et les services en CHSLD, à répondre aux besoins de base de la clientèle :
hydratation, positionnement, alimentation. Comment peut-on penser alors…
Le Président (M.
Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.
M. Paquet
(Jean-Claude) : …offrir accès, et ressources, et moyens pour de
nouveaux soins?
Le
Président (M. Bergman) : Merci beaucoup, merci pour votre
présentation. Maintenant, pour le premier bloc du gouvernement, Mme la
ministre.
Mme
Hivon :
Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à vous deux, M. Plamondon et M.
Paquet, heureuse de vous entendre.
Je
sais que vous teniez, cette semaine, un important colloque sur ce projet de
loi. Alors, je pense qu'il faut saluer ce type d'initiative là que les
diverses associations prennent pour, donc, débattre et faire connaître aussi le
projet de loi, entendre les préoccupations
de leurs membres. Donc, je vous en remercie, je les reçois bien. D'ailleurs, la
personne qui est à ma droite, M. Castonguay, qui est sous-ministre au
ministère, était présente bien sûr parce que je ne pouvais pas y être, étant en commission. Donc, je pense que
vous avez eu des échanges intéressants. Je vais vous dire, bien que je
ne sois pas la personne… le ministre
responsable des personnes aînées, que, vos préoccupations pour l'amélioration
continue de la situation des personnes aînées, nous les partageons pleinement.
Il
y a beaucoup de travail en cours. Il y a une très grande vigilance aussi et il y a beaucoup
de moyens qui sont déployés pour améliorer autant la situation des
personnes que le suivi et la vigilance, je dirais, le suivi de ce qui se fait
de bien et de moins bien, pour s'assurer qu'on améliore toujours la situation
des personnes aînées et surtout qu'il n'y a rien de tenu pour acquis, comme du fatalisme en
fin de vie, et ça, je pense que c'est très, très important. Et je
dois vous dire que, dans le projet de loi, il y a une volonté de pouvoir accompagner vraiment, le
mieux possible, les personnes en fin de
vie. Et d'ailleurs toute l'approche du projet de loi, c'est d'avoir une approche intégrée sur l'accompagnement en fin
de vie, sur les soins en fin de vie. Oui, il y a l'idée
de l'aide médicale à mourir. Mais ce n'est pas un projet de loi sur l'aide médicale à mourir. C'est un projet de loi sur l'accompagnement et
les soins en fin de vie pour qu'une personne puisse vivre jusqu'à la fin
le mieux possible, voir ses souffrances apaisées et avoir accès aux services de
soins palliatifs dans les différents milieux et, dans des circonstances
exceptionnelles, avec des souffrances exceptionnelles, de manière très balisée,
pouvoir avoir recours à l'aide médicale à mourir.
Donc,
je veux vous dire ça parce qu'en
outre on a un projet de loi qui veut mettre de l'avant une approche très
globale, qui qui laisse une grande place à la reconnaissance de l'importance
des soins palliatifs.
Mais par ailleurs on a tout un
chantier de travail pour améliorer les soins palliatifs aussi au Québec, d'où
notre investissement de 15 millions
annoncé un peu avant l'été, d'où tout le travail, qui se fait aussi, de
recension des meilleures pratiques,
de comment mieux organiser les services, aussi, je dirais, l'interface entre ce
qui se fait en établissement, ce qui se fait à domicile avec les équipes des CLSC et ce qui se fait aussi avec
des partenaires comme ceux qu'on va entendre ce matin, le réseau… donc, la Société des soins palliatifs du Grand
Montréal. Donc, je pense qu'on est vraiment en plein travail, en plein chantier. Donc, ça, je voulais
vous le dire. Pour nous, c'est une priorité, pas juste le projet de loi, qui
est une priorité, mais le travail sur les soins palliatifs aussi. Mais, je veux
vous rassurer, il y a certains chiffres qui circulent comme quoi seulement 20 % des gens auraient accès aux soins
palliatifs. On est en plein travail pour faire un bilan et une recension. C'est beaucoup plus élevé que ça. Il y
a une grande majorité des gens qui ont besoin de soins palliatifs, si on
regarde les gens susceptibles d'en avoir besoin, qui en reçoivent.
D'après notre
recension, à domicile, c'est 51 % des gens qui ont un potentiel de devoir
recevoir des soins palliatifs, qui en
reçoivent à domicile. Donc, ça, en plus ça exclut ce qui se donne en maison de
soins palliatifs et ce qui se donne en établissement.
Est-ce
que tout est parfait? Non. Est-ce qu'il faut améliorer les choses? Oui. Et c'est
ce sur quoi on travaille, autant sur
le fond des choses qu'aussi pour avoir des meilleurs indicateurs, parce qu'il y
a très peu d'indicateurs fiables, notamment pour l'accès aux soins
palliatifs en milieu hospitalier. Donc, on travaille beaucoup à ça. Donc, ça,
je voulais peut-être cadrer ça en partant.
Je sens votre vigilance, je dirais, par rapport aux critères et aux balises, à
s'assurer qu'il y ait un suivi et une application, qui va être faite,
rigoureuse du projet de loi et un suivi rigoureux. Je partage complètement
votre préoccupation. C'est pour ça que, dans
l'élaboration du projet de loi, on a vraiment mis un soin très précis sur les
critères mais, donc, qui sont très stricts.
Vous demandiez tantôt : Est-ce qu'une personne pourrait avoir l'aide
médicale à mourir sans l'avoir
demandée? Alors, la réponse, c'est clair, c'est non. Il va falloir non
seulement qu'elle l'ait demandée, mais il va falloir qu'elle l'ait répété. Il va non seulement falloir qu'elle l'ait
demandée, mais que son aptitude soit bien établie avec tout un
processus. Donc, ça, je veux vous rassurer à cet égard-là.
Et
je pense que la présence et les commentaires de la Protectrice du citoyen sont
quand même très rassurants, elle va dans le même sens que vous. Elle est
ouverte, elle pense que le projet de loi est bien fondé, qu'il faut aller de l'avant
avec le projet de loi et qu'il faut
continuer à travailler sur l'amélioration, en parallèle, aussi des soins
palliatifs. Et je pense aussi qu'un
grand facteur de vigilance et de suivi, ça va être la commission des soins de
fin de vie. Donc, ça, j'aimerais peut-être
vous entendre sur... parce que vous êtes préoccupés puis vous êtes très
vigilants, avec raison, je crois… sur ensuite l'application et le suivi qui va se faire. Donc, il va se faire au sein
des établissements, a priori. Il va se faire a posteriori parce qu'ils vont devoir rendre compte des
sédations palliatives et des aides médicales à mourir, mais il va aussi y
avoir une commission qui va venir faire la vigilance, le suivi.
Donc,
j'aimerais vous entendre sur cette commission-là. Est-ce que vous pensez que, d'après
ce qu'on a écrit, elle va pouvoir faire le travail, donc, de vigilance
et de suivi qui est requis?
• (12 heures) •
Le Président (M.
Bergman) : M. Plamondon.
M. Plamondon (Louis) : Bien, c'est certainement... Bien, de ce qu'on me dit, c'est comme... on
partage l'opinion du Protecteur du citoyen, là, sur l'importance de son rôle, après cinq
ans, pour s'assurer... comment la société
québécoise a vécu la mise en place des deux
dimensions du projet en termes de soins
de fin de vie, là. Je pense que les
conditions... On verra, dans ces moyens — on
en parlait avec Me Ménard lors du colloque, là, ça a fait l'objet d'échanges — de
donner accès aux ressources de la commission dans les régions, là, pour donner
le support. Parce que je pense que des établissements dans les régions, je pense, dans l'ensemble des
réseaux de CHSLD, là… comment ils vont pouvoir compter sur un support pour la mise en oeuvre, la mise en
place des services? Des inquiétudes que pourraient susciter les mises en
place dans certains milieux… je pense qu'il
va falloir créer des liens facilitants dans le cadre des interrogations qui vont se poser dans les
équipes de soins. Puis éventuellement, peut-être dans certaines communautés,
par des groupes de gens qui sont plus visés, entre guillemets, là, par le
besoin du service…
Moi,
je pense que la commission devra apparaître comme un lieu d'expertise
accessible pour la communauté de soins. Moi, c'est comme ça qu'on l'envisageait,
là. Tel qu'il est imaginé, je pense que la base est là, là.
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Et
maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, je vais prendre la
première question moi-même.
En
ce qui concerne, Me Paquet, la direction médicale anticipée, on voit que, par l'article
47, on peut le faire... article 46, on peut le faire devant un
notaire par l'acte en minute ou devant des témoins au moyen d'un formulaire
prescrit par le ministre. Et on voit que... ou c'est signé devant deux témoins
ou, si la personne ne veut pas signer, une tierce
personne peut le signer pour lui. Alors, je me demande… la sécurité de cette
méthode, car, dans l'article 47, il y a une mention que la personne ne doit pas divulguer le contenu des directives
médicales anticipées. Alors, on a deux témoins qui viennent devant la personne pour recevoir sa signature
ou, s'il ne peut pas signer, une tierce personne peut signer pour lui. Étant notaire moi-même, dans une longue carrière,
j'ai eu une ou deux occasions pour refuser de recevoir un testament
devant un client où je me suis rendu à l'hôpital, et les enfants ont dit :
Maman, vous vous rappelez notre notaire? Mais
je voyais qu'il n'y avait pas une bonne communication entre moi et maman.
Alors, je n'étais pas sécuritaire que je faisais affaire avec la
personne, et il y avait une communication intellectuelle entre le notaire et le
client. Et, en une ou deux occasions, j'ai refusé de recevoir la signature de
cette personne devant notaire.
Alors, je me demande si vous avez eu la
chance — Me Paquet,
vous avez mentionné les personnes vulnérables — mais la possibilité d'avoir un problème.
Est-ce que vous avez examiné les «provisions» des articles 46 et 47 dans
cette optique?
M.
Paquet (Jean-Claude) : C'est sûr
que, la lecture qu'on fait des dispositions 46 et 47, il y a… le choix par
acte notarié en minute, c'est un... le
notaire est un officier public… ou par un tiers, suivant ses instructions, et
la personne déclare s'il s'agit bien des directives médicales
anticipées.
C'est sûr que
le fait que le notaire agisse en tant d'officier public donne une certaine garantie,
mais, en même temps, il faut s'assurer que toutes les personnes puissent
exprimer cette volonté et pas seulement que par l'entremise d'un notaire. Par ailleurs, on constate à l'article 48
aussi que les directives médicales anticipées peuvent être révoquées par
leur auteur à tout moment et à tout moyen. C'est difficile d'aller un petit peu
plus loin que ça dans la réflexion, mais il semble y avoir un certain équilibre
dans la loi. Mais, comme M. Plamondon le disait, il faut s'assurer de l'application
correcte. Et le comité à être créé sur les
soins de vie devrait être particulièrement vigilant sur la suite des choses. Et
on voit aussi que, dans son rôle de
solliciter l'opinion de personnes ou de groupes sur toute question relative aux
soins de vie, effectuer les études sur les sujets nécessaires…
Et je reviens
au rôle du comité, il faudrait qu'il soit particulièrement actif et pas… Tous
les éléments sont dans la loi, mais ça dépend beaucoup des gens qui sont
là et du dynamisme du comité.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, M. Plamondon, Me Paquet, merci
beaucoup de votre présence devant la commission aujourd'hui.
Je suis
curieuse d'entendre davantage parler de votre colloque du 8 octobre et des
présentations qui ont été faites à vos membres, parce qu'on a mentionné,
lors des échanges, l'importance justement de sensibiliser la population québécoise aux enjeux qui sont contenus dans ce
projet de loi là, aux différents concepts aussi qui sont inclus dans le
projet de loi. Parce que c'est du droit
nouveau, on arrive avec un encadrement des soins de fin de vie comme on ne
connaît pas actuellement. Et je suis très, très, très curieuse de voir
de quelle façon vous l'avez abordé, de quelle façon ça a été présenté, comment vous avez défini l'aide médicale
à mourir, comment vous avez défini la sédation palliative et comment vous avez défini les soins de fin de vie, parce
que c'est des concepts qui ne sont pas présents au projet de loi, mais je
serais curieuse de voir comment vous l'avez abordé avec vos membres.
Le Président (M. Bergman) :
M. Plamondon.
M.
Plamondon (Louis) : On a une
section de l'AQDR qui travaille sur cette question-là depuis plusieurs
années, c'est la section de la région
Abitibi-Témiscamingue, là. C'est à Rouyn, en particulier, l'équipe de Rouyn,
qui a travaillé là-dessus. Ils ont produit deux documents, mais un qui
vient de l'hôpital juif, qui dit… sur les directives anticipées, là, c'est le formulaire utilisé par l'hôpital
juif, qu'on a diffusé pour montrer un exemple. Ça répond en partie à la
question de M. le Président, qu'en fait
il y a des documents qui ont été produits par des établissements reconnus pour
aider à l'autoformulation des directives
anticipées de même que comment sélectionner, choisir son mandataire pour
l'exécution puis la qualité des témoins.
Donc, il y a quand même, dans la société, des
outils disponibles concernant les directives anticipées.
Concernant
les définitions, c'est le document qui a été produit par notre groupe d'experts,
justement, qui déploie l'ensemble des définitions concernant les
différents types de sédation, quelle est la différence… un et l'autre, sur l'aide médicale à mourir. Puis ce n'est pas de l'euthanasie,
donc c'est quoi, la différence? On a produit un ensemble de petits documents, un lexique et on a fait des
tournées de nos sections. Bien, on n'a pas fait toutes nos régions, c'est
pour ça que je disais tout à l'heure en
entrée que, si la loi était adoptée, on a déjà un ensemble d'outils disponibles
qu'on a validés auprès de communautés d'aînées à qui ont a expliqué
dans… puis avec des exercices, des outils d'information et de formation permettant la compréhension des enjeux
pour eux, pour elles de cette question-là. Donc, vous avez raison de
dire que ce n'est pas si simple. Ce n'est pas chinois non plus. Je pense qu'avec
une personne-ressource compétente qualifiée et les outils qu'on a développés on
pourrait faire cette démarche-là à très large échelle. Elle a été présentée à l'assemblée de nos présidents lors de l'assemblée
générale pour dire : Bien, on l'a, elle est disponible, c'est
accessible. Et puis il y a un cahier guide d'accompagnement et de formation qui
supporte toute cette intervention-là.
Donc, oui, on
a les outils pour faire ces distinctions fondamentales, là, dans l'ensemble de
la question de l'accès à des soins de fin de vie.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Et je comprends
que, vos références aux définitions, vous référez au groupe de Me Ménard.
Est-ce que c'est…
M. Plamondon (Louis): …
Mme Vallée : Quand vous
parliez du groupe d'experts, est-ce que c'est le groupe de Me Ménard ou…
M.
Plamondon (Louis) : En partie, et
il y la… sur les consultations. On réfère beaucoup aux consultations de
la tournée nationale sur mourir dans la dignité, là, et la documentation qui a
été fournie à l'époque, là
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Donc, c'est ça. Vous faites référence donc aux
définitions qui étaient contenues dans le document de consultation et dans le
rapport de la commission spéciale.
M. Plamondon
(Louis) : Tout à fait.
Mme
Vallée : D'accord. Est-ce que ces documents-là que vous avez
préparés… est-ce que c'est des documents qui sont disponibles en ligne
ou c'est vraiment des trucs que vous remettez à vos membres lors de vos
tournées?
• (12 h 10) •
M. Plamondon (Louis) : Bien, pour l'instant, la section n'a pas voulu mettre ça en ligne parce
qu'elle développe un… elle a
développé un projet puis elle veut le diffuser, là. Et éventuellement, si on
avait un mandat ou une mission, bien là
c'est certain qu'on mettrait ça dans un paquet spécial sur une arborescence
particulière dans le site. Vous savez, on a huit arborescences
particulières dans le site de l'AQDR concernant les comités de milieu de vie,
concernant la Trousse SOS Abus, concernant les droits des aînés dans les
résidences, etc.
Donc, il y aurait une
arborescence qui serait créée pour tout l'ensemble du programme entourant les
soins de fin de vie.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Dans les notes de votre colloque du 8 octobre, vous soulevez les questions
d'accessibilité, et j'aimerais comprendre un petit peu le sens des questions.
Lorsqu'on mentionne : Sur quelles bases
peut-on évaluer qu'il y a peu de demandes alors qu'il y a un consensus social sur la question, est-ce qu'on fait
référence directement à l'aide médicale à mourir? C'est-à-dire, actuellement,
on dit qu'il n'y en aura pas beaucoup, d'aide médicale à mourir, parce que c'est
une infime partie de la population qui fait cette
demande-là. Et est-ce que vos membres disent : Bien, nous, on est un petit
peu... on remet ça en doute parce que, vu qu'il y a un consensus social, il y aura probablement davantage de
demandes? Ou est-ce qu'on parle des soins de fin de vie en général, c'est-à-dire
des soins palliatifs et de la sédation palliative terminale?
Est-ce
que vos membres croient qu'il y aura, de par la législation qui pourrait
éventuellement être adoptée, une augmentation des demandes des soins de
fin de vie en général ou simplement de certains soins de fin de vie?
Le Président (M.
Bergman) : M. Plamondon.
M. Plamondon (Louis) : Bien, en fait, on réfléchit… une anticipation,
hein, d'une réponse à une offre de service, là.
D'abord, les gens
vont apprendre que le service existe. Pour l'instant, les gens doivent
requérir, par toutes sortes de biais, hein,
un accès à des soins de fin de vie quand ils ne sont pas clairement offerts.
Donc, on pense que c'est certain que
ça devrait amener une demande plus précise de soins. Plus que ce qu'on a
anticipé? On n'est pas en mesure de répondre
à cette question-là. Sans doute que... Nous, on est préoccupés, par exemple,
plutôt... surtout sur les personnes âgées.
Je prends l'exemple des CHSLD — M. Bolduc est présent — les CHSLD, là, on est rendu que presque
50... le taux d'attrition par mortalité est presque à 50 %, du fait
de l'alourdissement des clientèles, puis tout ça. Bien là, on se pose la question : Comment on va mettre ça en
place dans les CHSLD? Puis on sait qu'il manque, hein, des heures-soins importantes déjà. Comment on va faire pour... La
durée de vie tombe en bas d'une année, là, dans les CHSLD. Donc, le taux
est à 50 %, 60 % de décès. Bien là, je suis sûr que ça va supposer...
Là-dedans, combien de gens vont demander la sédation palliative? On va-tu être
en mesure de l'offrir? Est-ce que les personnes âgées en CHSLD vont requérir à
l'aide médicale assistée?
Je
suis sceptique, vu leurs conditions, là, quand on sait l'alourdissement
cognitif des clientèles en CHSLD. Ça, je serais étonné. Mais l'autre aspect, c'est sûr que les familles des...
pour ceux qui ont des familles, là, qu'ils vont certainement requérir un
niveau de soins d'aide à mourir, là.
Le
Président (M. Bergman) : En conclusion. M. le député de
Jean-Talon, il vous reste 1 min 30 s seulement.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Seulement qu'une clarification. C'est parce
qu'un groupe, je crois, hier, a dit : 20 %
de décès. Vous, vous apportez 50 %. Le vrai chiffre, là, quand c'est
vraiment des cas de CHSLD et non pas des cas de ressources intermédiaires, c'est entre 35 % et 40 % de décès
annuellement dans les CHSLD, parce que les gens rentrent vraiment en fin de vie. Et moi, je pense que la
plupart de ces gens-là ne demanderont pas l'aide médicale à mourir,
parce que c'est juste une fin de vie puis,
bien, c'est juste... c'est leur fin de vie, puis ces gens-là ont besoin de
soins de CHSLD.
Mais je pense que,
puis on l'avait validé, là, c'est entre 35 % et 40 % des gens, qui
décèdent à chaque année.
M. Plamondon (Louis) : Ça faisait partie… Je vous
remercie de la précision, mais ça faisait partie, nous autres, de nos questions, de dire : Savons-nous vraiment
où les gens… et à quel taux meurent les personnes âgées? Tu sais, ce n'est
pas une donnée si facilement accessible. Puis, compte tenu du vieillissement de
la population, dans les CHSLD, le taux progresse, si vous me passez l'expression,
là. C'est certain, parce que la fragilité à l'accueil est accrue, donc la durée
de vie moyenne s'atténue.
Le Président (M.
Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît. M. le député de
Jean-Talon. M. le député.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Pourquoi c'est 35 % à 40 %? C'est parce que les gens restent de plus
en plus longtemps à domicile, et également
ils vous occupent parfois des places en ressources intermédiaires. Parce qu'on
a des ressources alternatives. Lorsque les gens arrivent en fin de vie,
c'est qu'ils sont vraiment très malades ou ils ne sont plus capables de rester à la maison, ce qui fait que ce n'est pas
anormal d'avoir ce taux-là. Ça veut juste dire qu'on s'occupe bien de
nos gens à l'extérieur puis qu'ils rentrent en CHSLD en fin de vie.
Une voix : On est d'accord avec vous
là-dessus.
Le
Président (M. Bergman) : …le
temps s'est écoulé. Malheureusement, M. Plamondon, le temps s'est
écoulé pour ce bloc. Pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Merci, M. le Président. Alors, pour
poursuivre sur le sujet, tantôt vous avez dit quelque chose qui m'a un peu
intriguée concernant les CHSLD. Parce
qu'effectivement il y a un grand défi, je vous dirais, de rendre les soins palliatifs disponibles en CHSLD. Puis je
pense qu'il faut aussi faire une clarification. Les soins palliatifs, ça ne
se résume pas — puis
je pense que vous êtes sur la même voie que moi pour ça, mais je pense que c'est
important juste d'être sûr — ça ne se résume pas à des lits dédiés de
soins palliatifs, exemple, dans une maison de soins palliatifs ou dans une unité dédiée dans un centre hospitalier.
Évidemment, on le voit avec les soins à domicile, notamment en soins
palliatifs, on le voit avec ce que certains
partenaires font à domicile, on le voit avec notre volonté aussi de les
améliorer à domicile.
L'idée, c'est,
je dirais, de rendre virale, si je peux dire — un bon virus, pour une fois — l'approche palliative, donc l'approche de travailler en interdisciplinarité, d'avoir
les bons moyens pour répondre aux différents types de douleur et de
souffrance, l'accompagnement autant pour la douleur physique, les souffrances,
les souffrances, aussi, psychiques ou psychologiques,
donc, et que cette approche-là soit beaucoup mieux connue et beaucoup plus
présente. Et ça, vous savez, on peut parler de financement, le
financement, c'est toujours une question importante, mais il y a toute une
question d'approche aussi et d'organisation
des services. Et on voit sur le terrain qu'il y a des petits miracles aussi qui
se font avec des modèles novateurs,
des approches différentes. Et c'est, je vous le dis, là, c'est une grande
priorité que cette approche-là soit beaucoup plus intégrée évidemment
dans les CHSLD, parce que vous avez tout à fait raison de dire qu'il y a de grands pas et du travail à faire à cet égard-là.
Mais tantôt vous avez dit que vous n'étiez pas certains qu'il fallait
commencer à donner des soins palliatifs dans
les CHSLD parce que ça donnerait l'image que ce sont des mouroirs. Et donc il y
a comme un peu une… peut-être une
contradiction là-dedans sur laquelle je voudrais vous entendre, d'autant plus
que, les soins palliatifs, de plus en plus, on dit qu'ils doivent
intervenir de manière plus précoce. Donc, oui, vous avez des soins palliatifs
en fin de vie, mais vous pouvez avoir des soins palliatifs qui interviennent
aussi plus tôt, même des fois parallèlement au curatif ou dès qu'on sait que la
maladie ne pourra pas, donc, être endiguée.
Donc, j'aimerais ça vous entendre sur cette
affirmation-là que vous nous avez faite.
Le Président (M. Bergman) :
M. Plamondon.
M.
Plamondon (Louis) : En fait, c'est
un propos tenu de… ce que Me Paquet donnait tout à l'heure, là, ces
propos tenus dans les 13 ou 14 ateliers de
mardi, et c'est dire… Vous avez raison de dire qu'il y a des
expérimentations, des initiatives, dans les
communautés de CHSLD, qui ont été prises, qui ont mis en place des programmes
de soins palliatifs déjà, puis sur leurs propres bases, hein, sans
projet de loi, rien, là.
C'est parce qu'il y a… Écoutez, j'ai fait le
calcul sur la base des chiffres de M. Bolduc. Ça donne quand même 17 000 à 18 000 décès par année en
CHSLD, là. Ce n'est pas des… Écoutez, ça représente une forte proportion
de tous les décès, là… personnes âgées, très
forte proportion. Donc, on ne peut pas minimiser ça. Et puis moi, je
revendique, comme défenseur des droits des
retraités, qu'on améliore là où ça meurt le plus rapidement possible. L'inquiétude
des gens dit : Oui, mais, si on
commence à beaucoup insister là-dessus médiatiquement ou publiquement, etc.,
par des campagnes, bien là ils vont dire : Finalement, je rentre
dans un mouroir. Tu sais, on dit que ça donnerait une image que, si on développe un programme ou des
activités, une promotion du soin palliatif, puis on associe palliatif à
CHSLD… qu'on va dire, alors qu'on se bat
depuis des années, l'AQDR et bien d'autres, le Conseil de la protection des
malades, le ministère lui-même pour
développer des milieux de vie en CHSLD… Bien, on sait quel défi que ça porte
quand on dit qu'il y en a, tu sais, 40 % qui décèdent.
Donc les gens se sont dit : Est-ce qu'on n'est
pas en train de créer une inquiétude, là, en fait, de dire : Bien, finalement, c'est un lieu de décès? C'est beaucoup
un lieu de décès, mais c'est une réalité aussi avec laquelle il va
falloir transiger. Moi, je partage votre idée, dire qu'il y a, dans les
communautés de CHSLD, dans certaines directions, dans certains milieux... on a
parlé de Chaudière-Appalaches hier, où en fait on a mis en place énormément de
choses puis qu'une grande proportion de gens maintenant décèdent plutôt à
domicile ou dans des petites unités de soins palliatifs. La communauté a décidé de faire face à ce
besoin-là. Rouyn-Noranda aussi, ils ont mis beaucoup d'énergie là-dessus.
Donc, il va falloir s'appuyer sur des initiatives des communautés.
Moi, je
crois… l'AQDR, on croit beaucoup à ça dans notre propre mouvement, là. Au lieu
de tout créer au national pour aller déverser des bonnes idées, qu'on
pense que c'est des bonnes idées, là, moi, je ne suis pas de cette vision-là. Je dis : Le génie est dans le mouvement, hein? La création est dans le
mouvement, puis il faut aller soutenir et évidemment étendre les bonnes
idées, donc ce qu'on appelle, hein, les «success stories» de nos membres, et de
notre mouvement, et de la communauté.
Puis, c'est vrai, il y a des CHSLD qui font
vraiment très bien le travail puis qu'il y a des étoiles, d'ailleurs, qui se
donnent. Bien, peut-être que, dans les soins de vie, on devrait répandre la
même chose pour les CHSLD, là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre, il vous reste deux minutes sur ce
bloc.
• (12 h 20) •
Mme
Hivon : Oui. Bien,
écoutez, je trouve ça intéressant. En fait, je pense que, c'est ça, il faut
voir ce qui peut s'être développé.
Effectivement, il y en a qui ont été beaucoup
plus proactifs parce qu'ils voyaient que c'était quelque chose de fondamental pour les gens en fin de vie. Et, au
ministère, l'idée n'est pas de tout imposer non plus d'en haut, mais de
voir ce qui vient des fois de la base, qui
est vraiment intéressant, et comment on pourrait multiplier ces initiatives-là.
Mais moi, je pense qu'il ne faut pas…
C'est ça, il y a beaucoup de démystification à faire sur les soins palliatifs
aussi. On en parlait, il y a des gens
qui pensent : Bon, ça y est, si on parle de soins palliatifs, il ne me
reste que quelques heures à vivre, là. Ce n'est pas ça du tout, il faut démystifier ça, au même titre
où on peut être en milieu de vie mais aussi être conscient, ne pas se
mettre la tête dans le sable ou la tête dans l'autruche, comme certains
diraient, mais pour ne pas, donc, se fermer les yeux sur le fait qu'il y a beaucoup de gens aussi qui
finissent leur vie en CHSLD, et il faut répondre à ces besoins-là au même
titre où ce n'est pas parce que vous avez
une unité de lits de soins palliatifs dans un hôpital que ça veut dire que tout
le monde qui passe à l'hôpital est en fin de vie puis va finir là. Donc,
je pense qu'il y a beaucoup de pédagogie à faire. Puis je veux vous remercier.
Nous, c'est une grande préoccupation qu'on a, de faire de la pédagogie. Ça fait
quatre ans que j'ai le sentiment qu'on en
fait avec la commission et tout ce qui en a suivi. On va continuer à le faire
pour les suites du projet de loi et, s'il est adopté, pour bien
expliquer. Mais je vous remercie parce que votre association a vraiment été, je
pense, à l'avant-scène pour démystifier auprès de ses membres et vraiment bien
vulgariser les choses.
S'il me
restait du temps, je vous poserais une question sur les directives médicales
anticipées. Non? Alors, je vais compter sur ma collègue de Groulx, qui,
des fois, pose des fois la même question que je pose, à cet égard-là, donc.
Mais elle ne m'écoute pas en ce moment, donc…
Le Président (M. Bergman) :
Merci, Mme la ministre. Alors, pour le deuxième groupe d'opposition…
Mme
Daneault : J'écoute.
Je fais deux choses à la fois.
Le Président (M. Bergman) :
…Mme la députée de Groulx.
Une voix : C'est une
multitâche.
Mme
Daneault : Oui,
oui. Je réponds en haut en même temps.
Merci. Merci,
M. le Président. Merci de votre présence. Je veux un petit peu revenir sur la
vocation des CHSLD et des soins
palliatifs parce qu'on a entendu plusieurs intervenants nous dire que,
malheureusement, souvent, au Québec, on réserve les soins palliatifs à des cas de cancer, alors qu'on sait très
bien qu'il y a des cas de parkinson, des cas de sclérose latérale
amyotrophique qui, eux, ne se retrouvent pas à pouvoir bénéficier des soins
palliatifs mais qui se retrouvent souvent en
CHSLD et qui finissent par décéder. Parce que, bon, les chiffres le démontrent.
Il reste que, dans les CHSLD, il y a
quand même 30 % à 40 % des cas de décès. Alors, en même temps, on
entend les intervenants nous dire : Écoutez, les soins palliatifs ne devraient pas se limiter
uniquement à la clientèle qui est atteinte de cancer mais aussi se retrouver
dans des cas qu'on retrouve en majorité dans
les CHSLD, dont je vous parlais tout à l'heure, entre autres les parkinsons,
les… Bon.
Alors, à ce
moment-là, je suis un petit peu… votre position m'interpelle un petit peu à cet
effet-là parce qu'on dirait que vous
êtes comme… vous craignez qu'on arrive avec des soins palliatifs en CHSLD,
alors que plusieurs intervenants nous ont fait la demande de pouvoir en
bénéficier en fin de vie, des clientèles qui sont dans les CHSLD mais qui ne
sont pas nécessairement des cas de cancer.
Le Président (M. Bergman) :
M. Plamondon.
M.
Plamondon (Louis) : Je me suis
mal exprimé. C'est en raison de l'intervention faite à notre colloque, là,
qu'ils ont dit que, si on...
Nous,
écoutez, clairement, là, on supporte toute l'idée de programme. On a, dans le
langage… Dre Pelletier, de l'AQESSS,
était là, au colloque, là. C'est très clair qu'eux, ils soutiennent… et on
partage leur avis de développement de programme adapté pour les soins
palliatifs en CHLSD. On soutient ça hors de tout doute. Cependant, les gens,
dans notre colloque, ont signalé la
préoccupation de le faire avec une certaine délicatesse pour ne pas qu'on
associe CHSLD à mouroir, pour ne pas qu'on revienne à cette idée que… Vous
savez, il y a eu une époque, là, tu sais, quand tu rentrais en centre d'accueil, tu ressortais les pieds devant, là.
Bon, bien c'est vrai, mais encore plus vrai qu'à l'époque où on disait
ça. Mais ça n'empêche pas qu'il y a possibilité de maintenir les deux réalités,
parce que les deux réalités se… la fin de vie, c'est aussi la vie, tu sais?
Nous, pour nous, le droit à la vie continue, même en fin de vie.
C'est pour
ça, tout à l'heure, dans mon introduction, que j'ai évoqué notre grande
préoccupation que c'est contesté socialement,
parce qu'on banalise justement la mort des personnes âgées. Parce qu'on
dit : De toute façon, elles seraient mortes. Les policiers nous disent ça, les directions de CHSLD nous
disent ça, les… Quand on demande des enquêtes, quand on parle aux gens
entourant le vécu du décès violent ou obscur… oui, mais, ils disent, de toute
façon, M. Plamondon, là, elle serait morte. Elle était très âgée,
92 ans. Mais, si elle est morte de mort violente, ce n'est pas plus
justifié.
Donc, c'est
ces enjeux-là. Et, vu l'intensité du nombre de décès de personnes âgées, il y a
une banalisation facile du mourir. L'autre image, bien c'est dire :
On a le droit à la vie. Donc, valorisons autant la vie que le soin palliatif. C'est
ça, l'inquiétude exprimée dans le colloque.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, malheureusement, le temps s'est
écoulé. M. Plamondon, Me Paquet, merci
pour votre présentation. Merci d'être ici avec nous aujourd'hui et partager
votre expertise avec nous.
Et
je demande les gens de Société de soins palliatifs du Grand Montréal
pour prendre place à la table et je suspends pour quelques instants seulement,
collègues.
(Suspension de la séance à
12 h 26)
(Reprise à 12 h 28)
Le Président (M.
Bergman) : ...soins palliatifs du Grand Montréal pour prendre
leur place à la table. M. Riverin, Mme Monereau.
Des voix :
…
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors,
M. Riverin, Mme Monereau, bienvenue. Vous avez 15 minutes
pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la
commission. On vous demande de nous donner vos noms et vos titres, et le
prochain 15 minutes, c'est à vous. M. Riverin.
Société de soins palliatifs du Grand Montréal
Mme Monereau
(Elsie) : Alors, je suis Elsie Monereau, je suis la directrice de soins
palliatifs à la Société de soins palliatifs du Grand Montréal.
• (12 h 30) •
M. Riverin
(Bérard) : Je suis Bérard Riverin, directeur général. Donc, je suis un
simple laïque parmi les cliniciens, je
travaille avec des grands cliniciens comme Mme Monereau à chaque jour,
mais je vais essayer de vous livrer mon
point de vue en tant que directeur général, et Mme Monereau, qui est, à
mon point de vue, une des sommités en matière de soins palliatifs au Québec, vous livrera la partie un petit peu plus
clinique et organisation des soins. Et petite mise en garde : si
jamais vous entendez du bruit, n'ajustez pas vos micros, ça sera nos genoux qui
claquent. Alors donc, ne touchez pas à rien.
M.
le Président de la commission,
Mme la ministre, Mmes, MM. les parlementaires, membres de cette commission, merci infiniment de
nous avoir permis de pouvoir venir donner notre point de vue… notre humble
point de vue sur ce qu'on conçoit par
rapport au projet de loi qui a été déposé en Chambre et en commission
parlementaire. Et veuillez excuser le
fait qu'on vous ait remis notre texte seulement hier. On est une équipe très
réduite et petite et on a même été obligés
de faire encore des petites corrections cette nuit. Mais ce n'est pas des
corrections majeures par rapport au contenu qu'on va livrer, alors on
vous les redonnera dans un document qui sera terminal. On a donc plus de préoccupations,
et d'exigences cliniques, et d'exigences administratives que des exigences de
se présenter sur la scène publique.
On
tient à vous féliciter, parlementaires, pour tout le sérieux et toute la
dignité que vous avez, avec lesquels vous avez accueilli l'ensemble des présentations qui ont été faites. Malgré
que certaines orientations ont divergé, vous les avez toutes accueillies
avec beaucoup de respect et de dignité, et c'est tout à votre honneur. Ça m'a
fait beaucoup penser, parce qu'on s'était présentés devant l'autre commission,
à la commission sur le droit de mourir dans la dignité, où il n'y avait eu aucune partisanerie politique et que
de l'éthique en matière de développement des soins et des services aux populations qu'on doit desservir au Québec. Alors,
c'est tout à votre honneur, et on vous en félicite encore une fois. Ça
nous réconcilie beaucoup avec le rôle difficile que vous avez à jouer à chaque
jour, qui est le métier de politicien. On espère,
par notre petite présentation, qu'on va contribuer un tant soit peu à faire
avancer le débat et la question nécessaires du développement, de l'accessibilité
équitable en matière de soins palliatifs et de soins de fin de vie au Québec.
Si on réussit ça et si tout le monde
ensemble, on réussit à faire avancer ce service, je pense qu'on aura atteint,
envers la population à laquelle on
doit s'adresser et à qui on doit beaucoup, on aura atteint notre objectif
commun. Et le législateur pourra tenir compte de certains propos pour
enrichir son projet de loi qui deviendra, nous l'espérons, une loi.
Peu importe qu'on
soit pour ou qu'on soit contre certains aspects de la loi, nous trouvons que
cette loi-là contribue... ce projet de loi
là ou toute la discussion qui a précédé et qui va suivre vont certainement
contribuer à faire avancer la cause
des soins palliatifs et des soins de fin de vie à domicile. Et nous désirons
saluer le courage du gouvernement, la vision du gouvernement de même que
particulièrement le courage, et la vision, et la ténacité de Mme la ministre
qui conduit, depuis quand même près de quatre ans, cet important dossier.
Alors,
pour la Société des soins — vous allez avoir, en annexe, des documents qui vous permettront de
mieux nous connaître — on
est une organisation OSBL qui exerce les soins palliatifs depuis 1973, donc
depuis 40 ans, sur les territoires de Montréal, Laval et maintenant en
Montérégie. On a fait jusqu'à date autour de 45 000 malades qu'on a accompagnés, qu'on a soignés et qu'on a
accompagnés jusqu'à la fin de vie à domicile dans une proportion de 28 %
telle quelle et de 48 % à 49 %
avec un séjour court de 72 heures et moins en milieu hospitalier ou en maison
de soins palls. C'est pour nous une grande fierté que d'accompagner un
malade, de le soigner et d'accompagner sa famille jusqu'à son décès à domicile lorsque c'est son choix et
lorsque c'est la volonté et que ça devient un projet familial qui nous est
confié. On assiste également et on
accompagne et soigne, juste sur le territoire de Montréal, 22 % de tous
les soins palliatifs, de tous les malades qui sont soignés en soins
palliatifs à domicile.
Donc, notre intervention volumétrique est autour
de 22 % sur le territoire de Montréal seulement et d'autour de 8 %
pour l'ensemble du Québec, ce dont on est fiers et ce qui n'est pas rien.
La
Société de soins palliatifs est très heureuse du dépôt de ce projet de loi. Ce
sera, à mon point de vue... Je suis un vieux
de la vieille au niveau de la santé et des services sociaux, j'ai fait une
grande partie de ma carrière dans ce magnifique domaine, et, à ma
connaissance, c'est le premier programme de soins physiques pour lequel il y
aura un projet de loi ou il y aura une loi strictement dédiée, ce qui n'est quand même
pas rien et ce qui nous permet de vous dire qu'on ne doit pas, en termes de société québécoise,
manquer cet objectif-là et manquer le bateau parce que ça permettra à
l'ensemble des concitoyens et concitoyennes
du Québec, si le projet
de loi est adopté et avec les amendements
sans doute qui y seront apportés… ça constituera une pièce maîtresse qui
va rendre accessibles, équitables partout, partout sur le territoire du Québec,
nous l'espérons, les soins palliatifs, les soins palliatifs à domicile et les
soins de fin de vie, que ce soit en CHSLD,
que ce soit en maison de soins palls, que ce soit à domicile. Nous, nous
privilégions le domicile, bien
entendu, on ne va pas prêcher contre notre paroisse.
Que ce soit à
domicile ou ailleurs, ça va
certainement permettre une plus grande accessibilité, une plus grande équité dans cette accessibilité-là
et une plus grande généralité aussi quant aux soins palliatifs.
En passant, de plus en plus, nous nous orientons
vers les soins palliatifs pour d'autres pathologies. On a traité jusqu'à présent, en majorité, du cancer. Maintenant,
on a eu des demandes du ministre précédent, on a eu des demandes du ministre
actuel, de Mme Hivon, on a eu des demandes également de l'appareil
administratif du gouvernement par le biais
de ses agences ou par le biais de son ministère pour ouvrir sur d'autres pathologies. On est en planification stratégique pour l'instant, et je peux vous assurer que le conseil d'administration de la société et même de la fondation, qui
supporte à hauteur de 750 000 $ notre financement… sont tout à
fait d'accord à ce qu'on ouvre pour d'autres pathologies. On travaille
aussi beaucoup, au moment où on se parle, avec les CHSLD pour pouvoir donner en
CHSLD des soins à domicile et des soins de
fin de vie parce qu'on considère que c'est une clientèle vulnérable, c'est une
clientèle qui demande des soins. C'est une clientèle qui n'est pas
nécessairement logée dans un mouroir, mais c'est une clientèle qui mérite d'avoir
la même accessibilité à ces soins et services là que d'autres qui sont encore
autonomes à domicile au Québec.
Étant un
organisme dédié strictement aux soins palliatifs sans équipe médicale attitrée,
il faut comprendre que chez nous il n'y
a pas de médecin. On travaille avec les médecins à domicile, on travaille avec
des médecins de famille, on travaille
avec les médecins que les patients ont. On ne surprendra personne en déclarant
qu'on ne va pas se positionner dans l'axe
du débat pour ou contre l'aide médicale à mourir, qui relève, selon nous, plus
de l'acte médical comme tel que du soin global. On va se positionner davantage sur une présentation des soins de
fin de vie en vue d'une meilleure connaissance de ceux-ci comme moyens
qu'il faut consolider au Québec.
Si nous
revenons au projet de loi comme tel, mentionnons — puis vous allez en voir, vous allez les voir
dans nos recommandations tantôt, ces
propos-là — mentionnons
que nous aurions préféré que le projet de loi porte le titre de Loi concernant les soins palliatifs et les soins de
fin de vie. Vous comprendrez la nuance tout à l'heure quand Mme Monereau
pourra élaborer sur cette question-là. Cette assertion nous amène à dire
également que, la définition «soins de vie» qui
est présentée dans le projet de loi, sans discréditer personne, nous la
trouvons un peu courte. Si on englobe les soins palliatifs, incluant les
soins de fin de vie, je pense qu'on devra élaborer cette définition-là. Par
ailleurs, on souhaite beaucoup que les trois paragraphes des notes explicatives
qui précèdent le projet de loi soient intégrés, comme tel, au préambule de la
loi parce qu'ils expriment clairement des véritables préoccupations en matière
de soins.
On n'est pas
législateurs, on n'est pas légistes, on ne connaît rien dans la construction d'une
loi, je me le suis fait dire d'ailleurs, puis ce n'est pas ma job, mais
cependant on pense qu'il y a des...
Une voix : …
M. Riverin (Bérard) : Oui, cinq
minutes pour moi? Pour tout le monde?
Le Président (M. Bergman) :
Oui.
M. Riverin
(Bérard) : Ah! Bien, O.K.
Alors, sans plus tarder, je cède la parole à ma championne en soins
palls. Merci beaucoup, et je m'excuse d'avoir
été trop long. J'aurais aimé mieux qu'on ait trois quarts d'heure de
présentation puis un quart d'heure de questions. C'est moins dur de présenter
que de répondre aux questions.
Mme Monereau (Elsie) : Alors, je
suis...
Le Président (M. Bergman) :
Mme Monereau.
• (12 h 40) •
Mme Monereau (Elsie) : Oui. Cinq
minutes? Cinq minutes? D'accord.
Alors, voilà. Je vais essayer donc, en cinq
minutes, de dire les choses peut-être qui nous tiennent le plus à coeur dans ce
projet de loi.
M. Riverin a dit à plusieurs reprises que nous
sommes là depuis 40 ans. Alors, je me suis dit : Si on a une expertise, ce n'est sûrement pas pour la garder
chez nous bien fermée à double clé, mais il faudrait surtout partager.
Et, pour moi, c'était une occasion idéale,
même si je trouve ça particulièrement difficile. Je ne suis pas une grande
conférencière, mais je me dis : C'est
une occasion idéale de venir dire peut-être qu'est-ce qu'on pense, tout
humblement et honnêtement, qu'est-ce qu'on pense qu'on devrait retrouver
à l'intérieur de cette loi pour améliorer l'ensemble des soins palliatifs.
C'est
ce que nous savons faire, c'est ce que nous pensons, entre guillemets, bien
faire et c'est peut-être pour ça qu'on
a suggéré des choses à la ministre, pour voir si c'est possible, dans ce projet
de loi, que les soins palliatifs trouvent la place en clarifiant les
termes, parce qu'on a eu beaucoup de difficultés à comprendre que les soins
palliatifs et les soins de fin de vie, même s'ils sont
intimement liés... Personne ne peut nier cela, qu'ils sont intimement liés,
mais il y a une différence à établir entre
les soins palliatifs et les soins de fin de vie. C'est d'autant plus important
que les malades, les familles et la
population en général… Les soins palliatifs, c'est quelque chose qui fait peur
déjà, alors vous imaginez, si les
soins de fin de vie, c'est englobé dans les soins palliatifs, alors c'est
devenu… ça complexifie la chose parce que bien sûr on parle de ces choses-là. C'est de la sémantique,
vous me direz, mais, les gens qui sont dans une grande souffrance, les familles, c'est important que ce soit plus clair,
les soins palliatifs, les soins de fin de vie. Quant à la sédation, je pense
que les écrits… Pour les soins palliatifs,
je pense que la définition… il y a consensus, dans la communauté médicale,
scientifique, pour la définition des soins
palliatifs. Pour la définition des soins de fin de vie, on voit que c'est un
petit peu plus difficile d'avoir juste une définition. Cependant, on est
capable de dire que les soins palliatifs… Les soins de fin de vie et les soins
palliatifs, on est capable de les distinguer parce que ce n'est pas la même trajectoire.
Je pense que les
soins de fin de vie, c'est l'ultime étape, c'est la fin de vie vraiment de la
personne. Les soins palliatifs se trouvent sur un continuum beaucoup plus long.
En fait, nous, c'est ce que nous vivons, puisque nous en faisons beaucoup, et
même, là encore, on aura de la difficulté, on aura besoin d'experts. C'est déjà
fini?
M. Riverin
(Bérard) : Non, quelques minutes.
Mme Monereau
(Elsie) : Ah! Oui.
Le Président (M.
Bergman) : Deux minutes.
Mme Monereau (Elsie) : Deux minutes? Oh là là! Alors, allons à la
conclusion, puisqu'il me reste deux minutes. Mais cependant je pense que
la ministre aura sûrement l'occasion de regarder ce que nous avons proposé dans
le développement. On a quand même un modèle
de soins palliatifs qu'on a mis en place et qu'on module. On progresse
avec ça depuis 40 ans. Ce serait bon quand même de le regarder. Et on tient
aussi à continuer à l'améliorer.
En conclusion, je
voudrais vous dire que personne ne peut prétendre savoir exactement ce dont la
personne a besoin pour bien mourir. Nous n'avons
pas à accès à cette certitude-là, même si on les fait beaucoup, les soins
palliatifs. Ce que nous savons faire, nous,
les soignants, c'est d'être en relation d'aide et de respecter la manière dont
la personne malade espère être en
relation avec nous. Ce que nous savons faire, c'est de soulager les souffrances
physiques, psychologiques et spirituelles de nos malades en tenant
compte que l'autonomie de la personne malade est un droit sacré à respecter et à exercer jusqu'à la fin. Le soignant doit aussi
assurer la transmission des informations et des connaissances afin que
ce droit s'exerce dans un contexte de consentement éclairé. Nous pouvons
espérer aujourd'hui qu'en offrant des soins de vie de qualité et des soins palliatifs nous arriverons peut-être à préserver
la dignité des êtres que nous avons la responsabilité de soigner.
En
conclusion, nous espérons que les recommandations que nous vous avons soumises
feront l'objet de discussions dans l'éventualité d'amendements du projet
de loi n° 52. Force est de conclure que, quels que soient les progrès de
la médecine, les lois ne parviendront jamais à supprimer le processus du mourir
et la mort. Les soins palliatifs nous rappellent
que nous sommes tous vulnérables, mais ils nous rappellent aussi que notre
force, face à cette grande souffrance, est de nous soutenir les uns et
les autres et de poursuivre, comme l'ont fait les générations précédentes, la
chaîne de la solidarité par une approche tout simplement humaine.
Merci beaucoup, M. le
Président.
Le Président (M.
Bergman) : Merci pour votre présentation.
M. Riverin
(Bérard) : M. le Président?
Le Président (M.
Bergman) : Oui, M. Riverin.
M. Riverin
(Bérard) : Est-ce que je peux demander un privilège de dérogation,
quitte à me faire expulser de l'Assemblée
nationale pour le restant de mes jours? J'aimerais ça pouvoir vous lire nos
recommandations, car elles sont essentielles, et on a manqué peut-être
de 1 min 30 s pour le faire.
Le Président (M.
Bergman) : Certainement.
M. Riverin
(Bérard) : Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M.
Bergman) : M. Riverin.
M. Riverin (Bérard) : Excusez-moi, MM. et Mmes les parlementaires. Nos recommandations sont à
l'effet de :
1°
modifier — vous les
avez en page 18 — modifier
le titre de la loi. Notre recommandation : Loi concernant les soins
palliatifs et les soins de fin de vie;
2°
obliger les agences de la santé et de services sociaux à donner accès à chaque
citoyen qui le désire à des soins palliatifs à domicile de qualité;
3° inclure, dans le
projet de loi, les organismes spécialisés en soins palliatifs à domicile;
4° clarifier les termes «soins palliatifs»,
«soins de fin de vie» et «aide médicale à mourir» en dissociant les soins
palliatifs de l'aide médicale à mourir;
5° sensibiliser et informer la
population sur les dispositions du projet de loi et favoriser l'adoption d'un
vocabulaire commun dont la signification des termes serait claire et partagée
par tous;
6°
modifier l'article 8, alinéa deux, du projet de loi pour créer une obligation d'offrir
aux malades et à leurs proches les
services d'une équipe interdisciplinaire et s'assurer que les différents
intervenants impliqués aient une formation adéquate;
7°
valoriser le rôle du médecin, ce qui est fondamental, à domicile auprès des
différents organismes et garantir l'accès à des médecins aux malades,
désirant demeurer à domicile, par des incitatifs concrets;
8°
prévoir des allocations et/ou des ressources financières suffisantes pour
défrayer les coûts reliés au maintien à domicile; et
9°
jumeler un programme d'accompagnement psychologique de soutien et de répit à l'offre
des soins palliatifs à domicile.
Merci beaucoup, et
excusez-moi d'avoir exagéré.
Le Président (M.
Bergman) : Merci, M. Riverin, pour avoir pris tout ce temps
pour préparer ce mémoire. C'est bien fait, certainement.
Et, pour le premier
bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Riverin,
Mme Monereau, merci beaucoup de votre présentation
et merci, effectivement, comme le dit le président, du précieux travail que
vous avez fait dans votre mémoire. Je
dois vous dire qu'au-delà du travail lié au projet de loi ça va nous être très
utile aussi, au ministère, parce qu'on est en pleine réflexion et en plein travail pour l'amélioration des soins
palliatifs avec un accent, bien sûr, et une priorité pour les soins palliatifs à domicile. Donc, vous êtes un
modèle, je dirais, avec lequel de plus en plus aussi d'agences, d'établissements
du réseau public sont en relation. Donc, ça va être très précieux pour la suite
des choses.
Écoutez,
il y a beaucoup de choses que vous avez dites. Vous parlez de l'importance,
donc, que tout le monde s'entende sur
les bases du projet de loi. Ça va être de la musique aux oreilles de mes
collègues d'en face. Donc, c'est leur
cheval de bataille depuis le début, et je partage aussi cette volonté que les
choses soient le plus claires possible,
dans la limite de ce que nous pouvons faire dans un projet de loi, et simplement vous dire qu'avec nos experts légistes c'est des discussions qu'on a eues, qui sont
importantes, parce que normalement on ne définit pas, dans un projet de loi en
droit civil, le sens usuel, ce qui a un sens usuel. Donc, par exemple, quand
vous me dites «les soins palliatifs», effectivement c'est reconnu, c'est
un terme spécifique, mais c'est un terme qui fait consensus avec les définitions notamment de l'Organisation mondiale de la santé. Donc,
normalement, on ne le définirait pas, mais on va tout regarder ce qu'on
peut faire pour être le plus clair possible. J'aimerais ça, parce que vous nous
dites : Il y a une nuance entre soins de fin de vie, soins palliatifs, aide
médicale à mourir. C'est sûr.
D'abord, je veux vous
dire qu'avec la définition actuelle de soins de fin de vie… C'est pour ça qu'il
y a une définition de soins de fin de vie, puisqu'il n'y a pas de définition consacrée de «soins de fin de vie». C'est pourquoi c'est
défini dans le projet de loi. On fait bien la distinction entre soins palliatifs, qui comprend
la sédation palliative, parce
que ça, c'est vu, je pense, de manière
consensuelle comme faisant partie des soins
palliatifs, et aide médicale à mourir. L'aide médicale à mourir n'est pas considérée comme un
soin palliatif au sens de la loi. Donc, ça, je voulais être claire là-dessus.
Vous n'êtes pas les premiers qui nous dites
ça, là, la question d'être certain, soin palliatif versus soin de fin de vie,
lequel est dans lequel. Donc, ça, je vous
suis. Nous, évidemment, on parle... c'est une loi sur les soins de fin de vie,
c'est une loi sur les personnes qui sont en fin de vie.
Donc,
quand on parle de soins palliatifs, c'est de soins palliatifs de fin de vie. Ça
ne veut pas dire que les soins palliatifs, de manière générale, ne
peuvent pas intervenir avant ou précocement. Mais, dans le contexte de la loi,
nous sommes dans un contexte de soins palliatifs de fin de vie.
Donc,
je dois vous dire qu'on n'a pas répété ça à chaque fois où on parle de soins
palliatifs parce que ça aurait été très
lourd d'écrire à chaque fois «soins palliatifs de fin de vie». Mais évidemment
c'est une réalité dans le projet de loi. Et là je veux juste vous dire : Hier, il y a une équipe, donc, en éthique
qui nous a proposé une nouvelle définition de «soins de fin de vie». Donc, je vous la soumets : «Soins de fin
de vie» : «soins palliatifs offerts aux personnes en fin de vie, y compris»… Excusez, ce n'est pas ça. «Soins
de fin de vie» : «soins offerts aux personnes en fin de vie, y compris les
soins palliatifs, la sédation
palliative terminale de même que l'aide médicale à mourir». J'aimerais ça vous
entendre là-dessus.
• (12 h 50) •
Le Président (M.
Bergman) : M. Riverin.
M. Riverin
(Bérard) : Cette définition-là nous semble beaucoup plus complète puis
intégrer l'ensemble des dispositions que
vous avez prévues au niveau de la loi à partir des premiers articles à aller
jusqu'à la fin, effectivement. Et on
est bien conscients que, dans le contexte juridique actuel, dans le contexte
québéco-canadien, si vous me permettez l'expression,
stratégiquement c'était important d'englober une définition qui ressemblait à
cela, donc ne pas dissocier l'aide médicale à mourir des soins
palliatifs. Ça, on comprend très bien ça.
Cependant, moi qui n'est
pas un clinicien, qui est un vulgaire mortel, je peux vous dire que, pour moi,
l'acte médical à mourir… l'aide médicale à mourir est plutôt un acte médical qu'un
soin, au sens générique du terme, bien qu'évidemment
une intervention médicale est aussi un soin, là, bon. C'est un petit peu l'incohérence
de mon propos, là, mais je le
maintiens quand même. Et c'est sûr qu'il y a eu beaucoup de grands cliniciens,
il y a eu beaucoup de médecins, il y a eu beaucoup d'associations
médicales ou cliniques qui se sont prononcés là-dessus et qui en faisaient une
distinction très nette puis qui demandaient même qu'on oublie l'aspect de l'aide
médicale à mourir dans le projet de loi. On est bien
conscients que pour le législateur, dans le contexte actuel, c'est impossible. Mais,
moi, la définition que vous apportez là, Mme la ministre, m'apparaît plus
globale, plus complète et plus associée à l'ensemble du contenu du projet de
loi que la première petite définition qu'on a trouvée dans les soins de fin de
vie.
Est-ce que ma
collègue est d'accord? Je peux me faire arracher la tête comme rien, là, je
peux vous le dire, mais…
Mme Monereau (Elsie) : Je ne suis
pas violente.
Mme
Hivon : …si j'ai
bien compris, c'est quand même bien.
Mme Monereau (Elsie) : …que
violente.
M. Riverin (Bérard) : Quand je fais
des choses comme ça, je me sens déjà en soins palliatifs.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Monereau.
Mme Monereau (Elsie) : Bon. Bien, c'est
sûr que la définition, elle est nouvelle pour moi.
Je vais l'accueillir, cette définition-là. J'ai
encore des questionnements. C'est sûr que, quand j'entends «la sédation palliative terminale», je regarde toute
la littérature, maintenant qu'on a abandonné beaucoup ce terme-là, et je
me dis : Est-ce qu'on le met dans ce
contexte-là, dans le contexte de fin de vie, qu'on parle vraiment de la fin et
qu'est-ce qu'on fait avec ça? Je pense que déjà, en tout cas, il y a un
pas de plus qui a été franchi dans cette définition-là.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au premier bloc du
gouvernement. Pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de
Gatineau.
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Alors, merci beaucoup de votre présentation. On n'a pas entendu de
genoux frapper, alors ça s'est bien passé.
M. Riverin (Bérard) : …poteau.
Mme Vallée : Puis vous êtes
toujours vivants, alors il n'y a pas de problème.
J'aimerais
continuer de vous entendre sur la question de la sédation palliative, parce
que, bien, vous avez dû abréger un
petit peu votre présentation. Puis je crois que vous avez fait une analyse
rigoureuse. Je sais que la ministre reviendra sur cette question-là, là,
je suis persuadée, parce que la question de la terminologie fait aussi partie
des échanges qu'on a eus depuis le début des consultations. Mais j'aimerais
quand même entendre votre réflexion davantage.
Mme
Monereau (Elsie) : Alors,
nous, à la Société de soins, c'est sûr que la sédation, c'est… Je me dis,
premièrement, on s'entend que, quand
on va faire une… on va extraire une dent, on a une sédation, n'est-ce pas? On
va se faire opérer, on a une
sédation. Dans le cadre des soins palliatifs, quand les gens entendent le mot
«sédation», ça réfère à autre chose, ça réfère à : Ça ne va pas
bien, je vais mourir.
Et donc c'est pour ça qu'on dit : On ne
peut pas banaliser les termes. Dire «sédation palliative», c'est déjà quelque chose d'assez fort pour le malade ou ses proches aidants qui sont là. Si en
plus on met «terminale», qu'est-ce
que ça veut dire? «Terminale», c'est vrai,
parce que quand même, il ne faut pas se mentir, la sédation palliative à
domicile, à l'hôpital, ce n'est quand même
pas d'aujourd'hui que ça se passe. Ce n'est pas la loi n° 52 qui sort ça,
c'est là. On peut l'appeler n'importe
comment, mais nous, on sait que nos malades sont sédationnés. Le malade qui est en fin de parcours, le malade qui a une souffrance extrême, les médecins,
les spécialistes en soins palliatifs vont décider de sédationner cette
personne-là. Donc, ce n'est quand même pas nouveau, le terme, pour nous. Ce qu'on
dit : Il faut comme encadrer ce terme-là,
parce que, pour nous, dans notre tête, «sédation palliative
terminale»… bien, le mot en soi le dit, c'est terminal. Donc, la sédation palliative tout court, on sait
ce que c'est. Alors, la sédation peut être intermittente, elle peut être
juste... On va faire un patient... on va
faire un pansement chez un malade très souffrant. Qu'est-ce que vous pensez qu'on fait? On la sédationne 20 minutes. Avant que l'infirmière
arrive à domicile, elle appelle le proche aidant pour dire : Voulez-vous
donner tel médicament, tel médicament que le médecin a déjà prévu? C'est des
prescriptions qui sont là.
Donc, c'est de la sédation. C'est de la sédation
intermittente, mais c'est de la sédation.
Quand
on parle, nous, dans... Moi, je parle pour nous parce que c'est ce que nous
savons faire, je parle de ce qu'on sait
faire. Puis en même temps on n'est pas médecins. Je pense que je vais
laisser aux médecins toute la place pour... Comme expliqué, nous, nous sommes leurs collaborateurs,
on travaille avec eux dans ce domaine-là, puisque nous sommes
dans le domaine palliatif. Donc, on sait qu'on est vraiment habilités à dire
quand est-ce qu'on applique une sédation à court terme ou une sédation intermittente, une sédation palliative terminale.
On est capables de... Vraiment, nous, on est capables de distinguer ça dans notre tête et de dire, sur
le terrain, vraiment comment ça se passe. Arrêtons de se mentir,
surtout. Sur le terrain, à domicile, le
malade qui est en fin de parcours, qu'est-ce
qu'on fait avec ce malade-là qui est
dans une grande souffrance? On le sédationne, c'est ce qu'on fait. Donc,
tout ça pour vous dire que ce que nous, on essaie de dire, à la Société de soins... Les infirmières me disent : Vous
savez, c'est bien beau, tout ça, mais il faut toujours penser aux
patients et aux proches aidants, qui sont
dans des souffrances extrêmes, qui sont dans des souffrances physiques,
psychologiques, spirituelles. Donc, on ne
joue plus avec ça. Si on est capable d'amenuiser les termes, que tout le monde se comprenne quand on parle
de sédation, que tout le monde comprend, sans faire paniquer les gens, parce que
déjà les gens refusent... Vous savez, il y a des malades qu'on appelle, puis on dit :
Nous sommes de la Société de soins palliatifs. Souventefois, si on
lit le dossier, on voit que ce malade-là n'est pas prêt, on va dire : Nous
sommes de la société des soins à domicile. C'est pour vous dire qu'il y a des
mots qui touchent profondément.
Quand
le malade est dans une grande souffrance, nous devons être capables d'avoir un
jugement assez pointu pour aider ce
malade-là. On n'est pas là pour nuire, on est là pour aider. Alors, si, dans la
sémantique, nous sommes capables de faire quelque chose pour les malades
et les proches aidants, nous devons le faire, parce que nous, cliniciens, on se
comprend très, très bien entre nous
puis on n'est pas pris dans la chose émotivement. Donc, c'est facile de parler
de ces termes-là, de «terminal» comme si c'est quelque chose de simple,
mais, pour le malade ou le proche aidant qui est en arrière de nous, c'est une
autre histoire.
Tout
ça pour dire que moi, je crois que la sédation palliative, c'est utilisé, c'est
un mot qui est dans la communauté palliative,
qu'on utilise quand on en a besoin, et je ne vois pas de lien vraiment
avec l'acte médical à mourir. C'est surtout ça, je pense, la question de
Me Paquet.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
• (13 heures) •
Mme
Vallée : En fait, je
voulais vous entendre sur la question de la sédation parce que,
dans les échanges, ce qui est touché
par le projet de loi, c'est la sédation plus continue, donc où on va
placer un patient sous sédation jusqu'à ce que ses fonctions le laissent tomber, jusqu'à sa mort donc, et en réduisant, comme
on nous dit que c'est une pratique relativement courante dans certains
cas, l'hydratation et l'alimentation.
Donc, c'était un peu
dans ce sens-là. Je comprends que vous dites : Il faut faire attention aux
termes qu'on utilise, il faut avoir une sensibilité à l'égard des patients, et
en même temps je vous dirais qu'on doit s'assurer de dire clairement ce dont il est question pour ne pas
faire… En fait, moi, c'est bien important pour moi puis, je pense, pour
mes collègues que les soins puis le droit qu'on est en train d'introduire au
Québec, parce que c'est nouveau… que ce soit le
plus clair possible pour éviter la confusion. Puis ça aidera aussi sans doute
toute la question des soins palliatifs pour s'assurer qu'on a certains trucs qui sont prévus pour certains soins et
éviter justement des craintes et de la désinformation. Parce qu'il y a aussi cet élément-là. Lorsque les
choses sont claires, bien on ne peut pas leur faire dire ce qu'elles ne sont
pas.
Mme Monereau
(Elsie) : Puis la sédation continue…
Le Président (M.
Bergman) : Mme Monereau.
Mme Monereau (Elsie) : Oups! Pardon. Sédation continue, sédation terminale, c'est quand même…
en tout cas, pour nous, dans la pratique, ce n'est pas la même chose. Il
y a des malades qui sont en sédation continue pendant un temps puis après qui
peuvent sortir de la sédation continue.
Donc, oui, je pense
qu'il faut clarifier les termes. D'ailleurs, une de nos recommandations, on
demande de clarifier les termes.
Mais
je voulais partager avec vous que la pédagogie que Mme Hivon veut faire, elle
sera importante. Elle sera très importante
parce que, les gens, il y a beaucoup de souffrance, beaucoup plus peut-être que
vous pouvez l'imaginer, devant la
mort, à domicile, ou en CHSLD, ou partout où il y a la mort. De toute façon, il
y a cette souffrance-là. Donc, nous, les intervenants… Mais moi, je ne vais pas à domicile, mais je travaille
beaucoup avec les médecins et les infirmières et je sais très, très bien comment ils sont sensibles à la
souffrance des gens. Tu sais, c'est important, chaque mot, pour nous, chaque
geste qu'on va poser. En tout cas, nous, c'est vraiment notre force.
Probablement, c'est la qualité de la présence et de l'écoute et toute la
compassion qui enveloppe nos activités. C'est peut-être pour ça qu'on est
encore plus sensibles à dire : On doit
être sûr de ce qu'on dit, que les gens soient bien informés, bien situés puis
que… Parce que jusqu'à présent, quand même, ça se passe. Vous savez, les
gens, quand ça va bien, on ne le dit pas, mais il y a quand même de bons soins palliatifs qui se passent un peu partout au
Québec et il y en a quand même de très bons. Les gens ne meurent pas dans… tu sais, dans des affaires épouvantables. On
entend seulement les affaires épouvantables, mais on a aussi de beaux
témoignages des gens qui parlent de l'accompagnement.
Et c'est pour ça que,
dans le projet de loi, on a souhaité qu'on fasse une place à l'accompagnement
des proches aidants. Parce que, vous
imaginez, que ce soit la sédation palliative terminale ou l'acte médical à
mourir, en ressac, il y a ceux qui
restent. Il y a ceux qui partent, mais ceux qui restent ont besoin d'un support
et d'un accompagnement. Et ça, pour moi, je pense que nous devons le
défendre. Nous avons l'obligation de le défendre.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau, il vous reste
trois minutes.
Mme Vallée :
Sur la question de l'aide médicale à mourir, sur le concept, vous disiez :
Pour nous, bon, l'aide médicale à mourir, c'est
davantage un acte médical qu'un soin. Mais, sur la définition, est-ce que vous
avez des suggestions à faire, des pistes de réflexion?
Mme Monereau
(Elsie) : Si j'ai des suggestions à faire?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Monereau.
Mme
Monereau (Elsie) : Peut-être que
monsieur… Oh, c'est vrai, je suis à l'Assemblée nationale, il faut que
je lève la main, hein, pour parler.
Une voix :
Oui, oui.
Mme Monereau (Elsie) : Oui.
Excusez-moi, excusez-moi.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Monereau.
Mme
Monereau (Elsie) : D'accord.
Alors, je n'ai pas… Sur l'acte médical à mourir comme tel, je… Même si j'ai des suggestions, je ne veux pas les faire.
Pour toutes sortes de raisons, je ne voudrais pas les faire. Si c'était un
comité restreint, tout ça, je le ferais,
mais là je ne veux pas le faire et… Mais cependant, nous… ce que j'ai le goût
de vous dire, c'est que ce que nous
avions fait peut-être... On a eu un cas pathétique il y a six ans de ça, quelqu'un
qui voulait mourir, qui avait demandé de mourir, et nous, on ne savait
pas trop quoi, même si on était là-dedans depuis longtemps, on ne savait pas trop comment faire ça et on s'était
retirés. Et aujourd'hui je me suis dit : Si la même situation
se présentait, on serait restés. On n'abandonnera pas.
En fait, ce
qu'on veut dire par rapport à l'acte médical à mourir : Peu importe la
décision du patient qui sera suivi par
la Société de soins palliatifs, on respectera ses choix et
on ne l'abandonnera pas. Ça, je pense que, comme réflexion, c'est là que je peux
aller, je crois, si mon D.G. ne me donne pas le 4 % après.
M. Riverin
(Bérard) : Je vous rassure tout
de suite en vous disant que je ne l'ai pas. Parce que je pense que ce
qui est important… Est-ce que je peux ajouter quelque chose?
Le Président (M. Bergman) :
M. Riverin.
M. Riverin (Bérard) : C'est concernant la
question de Mme la députée, Me Paquet, je crois, ou… bon…
Une voix : …
M. Riverin (Bérard) : …Mme la députée.
Bon. Écoutez, de toute façon, les soins de fin de vie, c'est une trajectoire en plusieurs étapes, je pense que tout
le monde a compris ça. Vous avez tellement eu des grands personnages qui
sont venus vous faire la présentation.
Il y a l'aspect des soins palliatifs comme tels,
il y a l'aspect des soins qui sont de l'intensification vers la fin de vie et il y a les soins vraiment de fin de vie
comme tels. C'est les trois grandes trajectoires qu'on peut identifier
pour le commun des mortels, et, nous, ce qu'on
disait : C'est important de distinguer toutes les trajectoires comme il
faut pour être sûr de ne pas mélanger
personne et pour être sûr d'avoir le moins d'objections possible au projet de
loi parce que certains, comme vous le
savez, ont pris le bout de la ligne, qui est l'aide médicale à mourir, pour s'objecter
au complet à tout ce que c'est que
contient à peu près le projet de loi. Moi, je pense que c'est une mauvaise idée
de faire ça comme ça, là — je ne parle pas aux
parlementaires, je parle aux gens qui l'ont pris comme ça — et c'est
important que les définitions et les trajectoires soient bien établies pour faire
en sorte qu'on n'associe pas ce projet de loi là à de l'euthanasie pure et simple comme on l'a entendu partout, là, ou à peu
près, mais qu'on l'identifie comme un projet de loi qui veut encadrer,
qui veut donner une accessibilité plus grande…
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion.
M. Riverin (Bérard) : …aux soins de fin
de vie partout au Québec.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps de l'opposition
officielle s'est écoulé. Le dernier bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Merci. Je veux juste vous dire que votre présentation… peut-être que vos
genoux claquaient, mais elle est très
rafraîchissante et elle est très précieuse pour nous. Vous amenez un peu un
éclairage, vous êtes dans un discours quand même différent de la
majorité des gens de soins palliatifs qui sont venus ici.
Je comprends que vous ne prenez pas position
spécifiquement sur la question de l'aide médicale à mourir comme telle. Vous remettez ça entre les mains en
fait des patients et vous, si je décode bien, vous nous dites : Nous,
comme société, on ne prend pas position.
Nous, on est là dans notre travail au quotidien pour accompagner les gens,
répondre à toutes leurs demandes, leurs besoins, leurs souffrances en fin de
vie. Et vous misez beaucoup aussi sur le principe de l'autonomie qui ressort dans votre mémoire. Donc, dans cette foulée-là,
vous les accompagnez, mais vous ne militez pas d'une manière ou d'une autre aujourd'hui. C'est à cet égard-là que je
trouve que c'est très rafraîchissant de vous entendre. Je veux peut-être vous dire : Je pense que, pour
ce qui est de la pédagogie, l'utilisation des bons termes, l'importance de
la communication, oui, c'est fondamental. Et je vous dirais qu'on a une
responsabilité partagée, parce qu'on peut faire le meilleur des projets de loi, mais, vous savez, les gens ne vont pas
lire les projets de loi, malheureusement peut-être pour nous. Si on les écrivait peut-être plus simplement
puis… peut-être qu'ils iraient plus. Mais disons qu'on a besoin des relais,
au même titre où, quand il y a eu des
modifications au Code civil au début des années 1990, il y a eu des
changements importants pour consacrer le principe de l'autonomie décisionnelle.
Je pense que les soignants ont eu tout un rôle à jouer aussi. Ça ne peut pas revenir qu'à nous. Donc, juste vous dire que
je compte aussi sur vous. Et, quand vous dites : Nous, il faut juger quels termes on emploie, moi,
je suis 100 % d'accord avec vous. Ça, ce n'est pas à nous de juger.
Nous, notre objectif, c'est que dans la loi
les réalités soient claires pour que les gens qui vont appliquer la loi, les
médecins, les équipes soignantes, les
équipes interdisciplinaires, sachent très bien ce que l'on voulait dire et que
la population aussi, en le lisant, le
sache. Après, dans votre pratique, évidemment, ça, c'est libre à vous. Et je
veux aussi vous dire qu'on ne peut pas tout régler dans un projet de
loi.
Donc, il y a
des choses qu'on peut faire dans le projet de loi, mais il y a beaucoup de
choses qu'on va faire à côté. Vous
parlez de la question des proches aidants. C'est un enjeu important, notamment
toute la question du répit en soins palliatifs. On y travaille très
fort, mais tout ça ne peut pas être dans un projet de loi.
Moi, je
serais intéressée de vous entendre sur la question de la souffrance, parce qu'on
a entendu beaucoup de gens nous dire à peu près que, les soins
palliatifs, là, on n'a pas à se poser de question, hein, quand quelqu'un a des bons soins palliatifs, il n'y en a plus, de
souffrance, il n'y en a plus, de douleur, tout est réglé. Moi, je dois dire qu'à
chaque fois ça me fait un peu sursauter
parce que c'est la première science que je verrais n'avoir aucune faille et
aucune limite.
Et, quand je
dis «rafraîchissant», c'est que vous, vous nous dites : Il y en a, de la
souffrance, il y a aussi d'excellents soins.
Ça aussi, c'est rafraîchissant. Parce que c'est comme si c'était le désert en
soins palliatifs, là. À entendre certaines personnes, il n'y a rien qui se fait en soins palliatifs, tout le monde
meurt dans des agonies épouvantables. Ça aussi, je pense que c'est très loin de la réalité. Mais je
voudrais vous entendre sur... dans votre pratique, toute cette question
de la souffrance et les soins palliatifs, comment ils arrivent à répondre?
• (13 h 10) •
Mme Monereau (Elsie) : D'accord.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Monereau.
Mme
Monereau (Elsie) : Oui, c'est
vrai, j'ai oublié. Il faut dire que j'ai la passion des soins palliatifs, puis
je suis très, très… Même, je me dis qu'il faut que je mette un petit frein, là.
Je suis très, très ancrée dans ça, puis j'y travaille beaucoup, et puis je crois beaucoup à ça. Je crois au soulagement, parce
que, quand j'ai mal à la tête, ça me prend des Tylenol tout de suite.
Alors, moi, les patients souffrants, je ne suis pas capable.
Mais ce n'est
pas vrai qu'on va me dire... Oui, on m'a déjà dit aussi : Bien, si vous en
avez qui sont... qu'on n'est pas
capable de soulager, c'est peut-être parce qu'on n'a pas de bons docteurs puis
de bonnes infirmières. Oui, et je regarde Dr Beauchamp en arrière,
mais je me disais : Nous, on travaille beaucoup ensemble, les hôpitaux
avec la Société de soins palliatifs, puis on
travaille avec tous les hôpitaux, on travaille avec tous les médecins. Et
souventefois on est là, au téléphone,
à dire : Qu'est-ce qu'on fait? On n'arrive pas à le soulager. Pourtant,
Dieu seul sait, il y a des infirmières, il y a psychologues, il y a
préposés, il y a bénévoles, il y a toute sorte de monde autour. Mais ce n'est
pas ça. C'est de la souffrance qu'on ne peut
pas soulager. Ce n'est pas vrai qu'on fait... Oui, on fait de très bons soins
palliatifs. J'y crois. En tout cas,
on se fait évaluer tout le temps. Je crois que notre modèle est intéressant, je
crois à tout ça, mais je crois aussi, je crois aussi qu'il faut se poser la question : Qu'est-ce qu'on fait
avec nos 8 %, 10 % de malades qui sont arrivés au bout de leur chemin, ils sont au bout de leur chemin, et
qui nous disent : Nous n'en pouvons plus? Cette souffrance-là, on ne
peut pas la soulager. Qu'est-ce qu'on fait comme soignant? Je reste avec la
question.
Je reste avec la question, mais je dis tous les
jours : Il faut toujours se mettre à la place de l'autre et de dire qu'est-ce qu'on ferait si c'était ma mère, si c'était
mon père, si c'était ma soeur, si c'était mon conjoint. Moi, je reste...
tous les jours, je pars de mon travail à me
dire : Mon Dieu! Et les médecins de me dire aussi : Qu'est-ce qu'on
fait? J'ai tout essayé, tout l'arsenal, on a tout fait. Peut-être qu'on
est rendu là, à la sédation palliative terminale continue, peut-être qu'on est arrivé là. On ne le sait pas. Je n'ai
aucune certitude, d'ailleurs, de rien. C'est dommage. Le doute m'habite
dans ça, mais, je me dis, le doute ne doit
pas nous paralyser, et on doit vraiment être conscients et on doit être
honnêtes surtout de dire qu'il y a des souffrances non soulagées en
soins palliatifs.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Bien,
écoutez, merci.
Le Président (M. Bergman) :
Il vous reste deux minutes.
Mme
Hivon : Je pense
que l'humilité et le doute, dans la vie… moi, je pense que ça fait avancer plus
que les certitudes. Je pense que c'est ce qui nous fait avancer pour toujours,
plus de solidarité. Alors, merci beaucoup. J'ai presque du mal à poser une
question plus technique après ça.
Mais,
écoutez, je veux vous dire : Peut-être que, la sédation palliative, qui
est en ce moment appelée terminale dans le projet de loi, je pense qu'on
comprend ce que ça veut dire. Beaucoup sont venus nous dire… des milieux de
soins palliatifs, qu'il faudrait vraiment utiliser l'expression «continue». Et
moi, je suis tout à fait prête, si cette expression-là fait consensus, à
utiliser cette expression-là qui veut dire : De manière continue jusqu'au
décès pour soulager la souffrance. J'aimerais
juste savoir si, pour vous, ça fait consensus parce que tantôt vous, vous
sembliez vivre relativement bien avec «terminale». Donc, juste savoir si
«continue», pour vous, ça serait correct.
Mme Monereau (Elsie) : Oui, oui, parce
que…
Le Président (M. Bergman) :
Mme Monereau.
Mme
Monereau (Elsie) : …en fin de compte, c'est deux soeurs. C'est deux soeurs, la continue et la
terminale. Je vis très bien avec ça.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Oui? Ah! C'est
parce que nous, on... C'est très complexe, là, la question, pour les
non-experts, les non-initiés, je pense
même pour certains initiés. Mais on est venu nous dire en fait que, quand c'est
une bonne pratique de sédation
continue, ça devrait s'appeler sédation palliative continue parce que
c'est... On est venu nous dire que le terme «terminale» avait
tranquillement été abandonné parce que…
Mme Monereau (Elsie) : C'est vrai.
Mme
Hivon : C'est
vrai?
Mme Monereau (Elsie) : Oui.
Mme
Hivon : O.K.
Mme
Monereau (Elsie) : C'est
vrai que… En tout cas, quand on fait une recension des écrits, dans les
derniers temps, on a vu que, que ce soit en Europe, en Amérique… on a vu que la
littérature… en tout cas, je les appelle… les experts
quand même en soins palliatifs abandonnent le mot «terminale». On voit qu'ils
abandonnent ça tranquillement. On parle tout simplement de la sédation
palliative.
Qu'on ajoute
«continue» au bout ou au début, à la fin, ça n'a pas d'importance, mais on voit
ça. Et, quand on va plus loin, on
voit pourquoi qu'ils l'ont abandonné. C'est vraiment, je pense, au nom de l'humanité
qu'ils ont abandonné le mot. En tout cas, quand on va plus loin, on
fouille pourquoi que les gens abandonnent le mot «terminale».
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé
pour le bloc du gouvernement. Maintenant, pour le bloc du deuxième
groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Merci de votre présence ici et merci de votre
expérience terrain. C'est toujours
très utile pour nous. Je voudrais revenir, parce que vous avez mentionné tout à
l'heure que 8 % à 10 % de vos patients en phase terminale ne sont pas soulagés. Je comprends que vous
ne voulez pas avoir une position claire sur l'aide médicale à mourir. Je
comprends aussi, mais je vais vous poser une question : Est-ce que, parmi
ces 8 % à 10 % de patients en phase terminale qui ne sont pas
soulagés… est-ce qu'on vous demande souvent d'avoir recours à l'aide médicale à
mourir?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Monereau.
Mme
Daneault : Ou
toute forme d'aide médicale à mourir?
Mme Monereau (Elsie) : Ce n'est pas quelque
chose qui revient souvent, l'acte.
Premièrement, le terme est nouveau aussi, tu sais. Avant, n'oubliez pas… parce que
même, la mort, avant, on ne la
nommait pas. On commence juste à se familiariser avec la mort, tout ça. Les
patients qui sont souffrants… En fait, ce que les gens en soins palliatifs… Quand ils disent : Quand les
malades sont bien soulagés, ils ne demandent pas l'acte médical à
mourir, c'est vrai. Mais, quand ceux qu'on essaie de bien soulager ne sont pas
soulagés — c'est
votre question — est-ce que, parmi ces 8 %, 10 %,
ils demandent l'aide médicale à mourir? Non. Il va y en avoir qui vont
dire : Faites quelque chose, je suis au bout de mon chemin, au bout du
chemin. Puis là on peut essayer d'accompagner cette
phrase-là. Plusieurs personnes vont dire au malade : Qu'est-ce que vous
voulez dire par là? Qu'est-ce qui vous fait dire ça? Si on vous offre telle affaire, si on vous offre
ça, est-ce que ça irait mieux? Non, ça ne soulage pas ma douleur, ça ne
soulage pas ma souffrance, je veux en finir. On peut l'entendre, mais je vais
vous dire que c'est une infime partie, parce que généralement, généralement, la
phrase la plus entendue : J'espère vivre le plus longtemps possible. C'est
la phrase la plus courante… que l'acte médical à mourir.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci. Je voudrais vous amener aussi sur un terrain. Vous avez l'expérience et
l'expertise de soins à domicile de toute évidence, et je voudrais poser
la question: Qu'est-ce qu'on aurait besoin? Parce qu'il y a plusieurs personnes
qui sont à domicile jusqu'à 72 heures, tout près de la fin, que finalement
on doit les transférer.
Selon vous,
de quoi on a besoin pour être capable de les garder jusqu'à la fin chez eux?
Parce qu'on sait que, de plus en plus, la volonté des gens, c'est de
pouvoir mourir à domicile. Mais qu'est-ce qu'il nous manque?
Mme Monereau (Elsie) : Alors, qu'est-ce
qu'il nous manque? Alors, l'organisation des… M. le Président?
Le Président (M. Bergman) :
Ça va.
Mme Monereau
(Elsie) : L'organisation des soins à domicile, elle est extrêmement
importante.
Je ne pense
pas que c'est le gouvernement qui va pouvoir faire ça, je pense que c'est les
gens qui organisent les choses. L'organisation
des soins palliatifs, pour que ce soit efficace, il faut qu'il y ait des gens
efficaces, d'ailleurs, il faut que ça se passe vite, rapidement et bien,
les bonnes pratiques. Parce que tout le monde peut parler de soins palliatifs, mais il y a les bonnes pratiques en soins palliatifs.
Nos malades, on a un pourcentage effectivement qui meurt dans les
couloirs de la salle d'urgence 72 heures post et prédécès. Pourquoi? Bien,
parce que les familles sont épuisées. Ça, c'est la première chose. Et c'est
vraiment 85 %. Les familles sont épuisées. Ils ont manqué d'aide ou l'aide
arrive peut-être des fois trop tard.
• (13 h 20) •
Je vais vous
donner un exemple. Nous, des fois on va dire : On va vous offrir du répit.
Bien sûr, on n'a pas les reins assez…
les moyens financiers pour offrir du répit «at large», 24 heures. On va offrir une nuit, huit heures. On va offrir quatre heures durant le jour, ce qui n'est pas
suffisant pour les gens qui sont à bout de souffle et de nerfs. Donc, ils
vont transférer le malade. Donc, nous, on
pense que, si, en fin de vie… on
parle vraiment de la fin de vie… qu'on doit agir et en amont et en aval parce que, même quand le malade n'est pas
encore en soins de fin de vie, la fin de vie, elle est en soins
palliatifs. Je pense qu'il faut s'assurer
que les aidants, les proches aidants sont capables de supporter ça tout seuls.
Sinon, il faut agir tout de suite. Et,
quant aux fins de vie, je vous dis que les malades... les proches aidants qui
doivent passer la nuit avec leur malade,
aller travailler, s'occuper des enfants, bien, vraiment… vraiment, c'est
inhumain. Et en même temps la pression du conjoint ou de la conjointe
qui dit : Je veux mourir à domicile…
Donc, on a
besoin vraiment d'une organisation, de quelque chose de bien structuré qui
dit : On identifie ça assez précocement pour éviter, pour éviter
cette allée en catastrophe à l'urgence. Aller en catastrophe à l'urgence en
pleine nuit, à deux heures du matin, pour des gens qui ont fait des sacrifices
de maintenir leur proche à domicile depuis deux
mois, un mois, et, la toute dernière minute, être obligé de l'envoyer à l'urgence,
alors, nous, c'est ça, notre échec, quand ça arrive.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, malheureusement, le temps s'est
écoulé. M. Riverin, Mme Monereau, merci pour votre présentation, merci d'être
ici avec nous et partager votre expertise avec nous.
Et, collègues, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 15 heures cet après-midi. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 13 h 22)
(Reprise à 15 h 3)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît! Alors, nous allons
poursuivre, sans plus tarder, les consultations particulières et les auditions
publiques sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.
Alors, je
souhaite la bienvenue à M. Jean-Pierre Béland. M. Béland, bienvenue. Vous avez
15 minutes pour nous donner votre nom et faire votre présentation.
M. Jean-Pierre Béland
M. Béland (Jean-Pierre) : J'ai 15
minutes pour commencer en donnant mon nom?
Le
Président (M. Bergman) : Donnez-nous votre nom et… 15 minutes pour faire votre présentation,
mais on va limiter la présentation à 15 minutes.
M. Béland
(Jean-Pierre) : Je vais
essayer de faire ça en 15 minutes. Je ne vous répéterai pas tout ce que j'ai
pu lire dans les mémoires qui sont actuellement sur le site, donc je vais
passer à deux questions rapides. La question des soins, du mot «soin»; que
faut-il entendre par un «soin»? Et puis l'autre question, c'est : Les
aînés sont-ils menacés?
Ces deux questions-là,
je les ai ramassées sous une question qui s'intitule : Le projet de loi n° 52 constitue-t-il une avancée éthiquement
acceptable? Et ma réponse, c'est oui. Et, pour le démontrer, je vais commencer tout
de suite par traiter la question du problème du soin.
Moi, je ne
suis pas d'accord avec ce que j'ai entendu ce matin sur l'idée de modifier le
terme, le titre de la loi ou d'appliquer
une distinction entre soins, soins
palliatifs ou aide médicale à mourir, parce
qu'il faut bien comprendre que, dans l'idée
de soin… Ça me fait penser à un gilet sur lequel le patient avait écrit :
Besoin d'un soin. Un soin, c'est ce qui répond à un besoin et, en ce
sens-là, les soins palliatifs, en tant que ce sont des soins qui sont destinés
à soulager les douleurs physiques et les
autres symptômes, mais aussi de prendre en compte la souffrance psychologique,
sociale et spirituelle, les soins palliatifs, ça répond à un besoin d'être
soulagé dans sa douleur et sa souffrance spirituelle.
Donc, le problème
auquel répond le projet de loi n° 52 peut être le suivant : Que faire quand les
soins palliatifs, tels qu'on
peut les définir en soins palliatifs, sont en échec? Comment soulage-t-on les
douleurs et les souffrances jugées intolérables? La sédation pouvant entraîner
la mort est une étape, peut-être, pour certains une étape ultime dans la recherche
de calmer la douleur, mais, lorsqu'on n'y arrive pas, l'aide médicale à mourir
paraît la seule solution pour soulager les douleurs intolérables. Et moi, je
dirais que l'aide médicale à mourir est un soin face à la souffrance non soignée, parce
que, dans l'idée de soin, il y a l'idée
qu'on peut avoir l'idée de guérir, on peut avoir l'idée de soulager. Mais, lorsque
la souffrance n'est pas soignée, quand je souffre d'une douleur que je juge
intolérable et que je souffre qu'on me
maintienne en vie ou que je ne meure pas d'une façon que je... comme je le
désirerais, l'aide médicale à mourir répond à ce besoin d'être soigné
dans ma propre souffrance. C'est pour ça que j'aimerais aussi ajouter que, dans
l'idée de soin, si un soin répond à un
besoin, donc à une souffrance non soignée —j'ai besoin d'un soin — dans
l'idée de soin, il y a aussi l'idée d'autonomie, de liberté. Quand j'ai
besoin d'un soin, j'ai besoin qu'on me donne une réponse à ma souffrance non soignée telle que moi, je la ressens et, à ce moment-là, je veux avoir le choix de... c'est-à-dire, le choix de choisir, le choix de décider
si je veux une aide médicale à mourir pour soulager ma souffrance non soignée, parce
que, si on me maintient en vie, la souffrance... Comment je pourrais dire? Dès
l'instant qu'on ne répond pas à mon besoin d'une souffrance non soignée, c'est-à-dire d'une... c'est ça, je peux juger
que le fait qu'on ne répond pas à cette souffrance-là consiste à
prolonger mon agonie, et ça peut être vu comme de l'acharnement thérapeutique.
Donc, dans l'idée
de soin, il y a l'idée de répondre à une souffrance non soignée mais telle que
moi, je la vois dans ma liberté de
choix. Et je dirais qu'en ce sens-là le projet de loi, comme je pourrais
dire... Ce midi, on disait qu'avoir le choix,
c'est une gâterie. C'est ce que Véronique, au Parlementaire, la madame
qui sert, me disait. Bien, je trouve que le projet de loi n° 52, c'est
une gâterie parce qu'il me donne le choix.
Donc, la loi,
par son projet, par l'article 26, répond au problème des soins palliatifs dans
des cas exceptionnels, et l'article
26, pour moi, c'est la justification éthique inhérente à ce projet lorsqu'il s'agit
d'éviter les dérives. Donc, je ne vous relirai
pas l'article 26, je peux simplement dire que les conditions de la loi sont
quand même très restrictives, et puis elle permet, du fait qu'elle est très restrictive, de diminuer autant que
possible les abus possibles. Une solution jugée éthiquement acceptable doit démontrer quel est le conflit de valeurs au
coeur de la situation et quelles sont les raisons qui justifient d'accorder
une priorité à une valeur sur une autre.
• (15 h 10) •
Dans le cas
de la souffrance jugée intolérable, quelles sont les valeurs en conflit? Le
dilemme éthique est le suivant : la
qualité de mon bien-être en fin de vie, ce qu'on appelle la qualité de vie, la
valeur de la qualité de vie; ou des souffrances intolérables inhérentes
au processus de la vie, que l'on doit respecter, ce qu'on appelle le caractère
sacré de la vie.
D'un côté,
des souffrances intolérables inhérentes au processus naturel de la vie,
qu'on doit respecter; la valeur visée
est alors le respect du processus naturel du mourir, qui n'est pas sans souffrance.
Cela signifie, selon mon autonomie de choix,
que le sujet évalue que sa souffrance est une bonne chose, qu'elle fait partie
du processus naturel du mourir et qu'elle est intégrante au dernier moment de la vie, qui
est unique et a une dignité intrinsèque. C'est le sens profond du
caractère sacré de la vie. Mais, de l'autre,
il y a la qualité de mon bien-être en fin de vie, et la qualité du bien-être
de la vie humaine varie selon que le sujet autonome évalue qu'il est en
mesure de tolérer sa souffrance ou non. Cela signifie que la personne juge ici en fonction de ce qu'elle
considère comme étant les conditions d'une qualité de son bien-être
en fin de vie. Un lien évident existe
entre les notions d'autonomie et de qualité du bien-être en fin de vie. Et
puis, si le sujet juge alors que sa souffrance est intolérable et est
une mauvaise chose pour lui parce qu'il recherche un bien-être physique avant
tout dans les derniers moments de sa vie, alors l'aide médicale à mourir répond
à ce besoin de soins.
Puisqu'on ne
peut pas trancher un dilemme en imposant un principe moral, soit le respect du
caractère sacré de la vie humaine ou
soit le principe de l'autonomie, à moins d'avoir la vérité métaphysique ou de
succomber au relativisme éthique, le
législateur doit chercher la meilleure solution possible en tenant compte des
deux enjeux de gouvernance. Le dilemme
à trancher, le véritable dilemme, pour moi, est le suivant : Est-ce que le
législateur peut imposer aux citoyens de mourir dans des douleurs
intolérables, selon la conception du caractère sacré de la vie, ou bien
permettra-t-il l'aide médicale à mourir, laissant à chacun de décider comment
il veut mourir, en acceptant les douleurs intolérables ou en demandant l'aide à
mourir? Je trouve que le projet de loi n° 52 constitue une avancée
éthiquement acceptable parce qu'il est
inclusif, qui est une valeur démocratique, qu'il laisse le libre choix tant aux
soignés qu'aux soignants. Autrement dit,
il rend possible l'option de l'aide médicale à mourir sous condition, selon l'article
26. Quand la personne juge qu'elle n'a plus aucune qualité de son
bien-être en fin de vie, dans ce cas, l'aide médicale permet à ceux qui
évaluent que les souffrances intolérables en fin de vie sont inacceptables de
demander d'être soulagés, alors que les personnes qui voient un sens à la souffrance en fin de vie peuvent aussi agir, selon
leur évaluation de leur souffrance, en fonction du caractère sacré de la
vie.
Donc, le projet de loi est inclusif pour autant
qu'il respecte les deux façons de penser.
Quel est le
moyen? Bien, l'article 28 précise différents moyens. Je ne le relirai pas, l'article
28. Ce que je trouve intéressant, c'est
que la loi propose aussi des modifications quant aux directives médicales
anticipées afin de donner à celles-ci
plus de force légale qu'elles en ont présentement. Pour moi, le problème, c'est
l'enjeu en cas d'inaptitude. Donc, je suis très heureux que la loi
respecte la liberté de choix. Et chacun peut avoir les soins ou le soin qu'il
désire, que… Donc, pour moi, il ne s'agit
pas d'être dans un camp puis de dire : Non, non, ça, ce n'est pas un soin
approprié, et là, dans l'autre camp : Non, non, ça, ce n'est pas un
soin approprié. C'est : chacun, selon sa liberté, a besoin du soin qu'il désire, donc d'être soulagé de la façon qu'il
désire. Mais, dans le problème de l'inaptitude, je dirais que le problème
ne vient pas des dispositifs de la loi mais de son application. Malgré la loi,
lors de son application, si on ne fait pas bien le dialogue avec le patient, on ne pourra pas vraiment savoir s'il a changé
d'idée ou non. Le risque dépend du fait que, dès que la personne manifeste un doute, on conclut qu'il a
changé d'idée. La dérive éventuelle découle du problème de l'incapacité
d'exprimer sa volonté quand la vie perd en qualité et en autonomie.
Et je
demandais à un éthicien, Georges Legault, je crois, que vous connaissez, qui…
je lui demandais de m'expliquer cette
chose-là. On avait un… on soupait ensemble, et lui m'a dit la chose suivante,
et je vais le citer : Qu'est-ce que tu veux dire, Georges, lorsqu'on
perd en qualité et en autonomie... en qualité de vie et en autonomie lorsqu'on
vieillit?
Il
dit ceci : Être déclaré inapte signifie que tu n'as plus le droit de
décider de quoi que ce soit. C'est ton représentant légal qui gère ta
personne et tes affaires. L'inaptitude de l'adulte le met au même niveau qu'un
enfant, du point de vue juridique. Habituellement, les
gens attendent longtemps avant de perdre leurs droits. Ce qui se passe actuellement, c'est qu'une personne qui a écrit un
testament de vie, ou un mandat d'inaptitude, ou des directives
anticipées, qui demande, par exemple, qu'elle
refuse tel traitement, est confrontée
par les soignants qui lui demandent : Voulez-vous vraiment
qu'on ne vous donne pas ce traitement? Le dilemme est le suivant. J'ai beau
dire dans mon salon aujourd'hui et écrire que je refuse un traitement
pour telle ou telle raison, lorsque je serai en besoin, en perte d'autonomie,
je peux changer d'idée. Mais mon problème
est : Lorsque je suis dans un état de maladie et vulnérable, est-ce que
je donne encore réellement un consentement libre et éclairé en revenant
sur mes directives anticipées? Comme je l'avais déjà dit à un médecin au comité d'éthique, je vais écrire dans
mon testament que, même si je reviens sur mon testament, ne m'écoutez pas parce que je ne serai pas libre et éclairé
comme je le suis aujourd'hui. La peur de mourir va m'influencer et
risque de me faire accepter un choix que rationnellement je ne veux pas.
Conclusion. Je résume
en disant que, pour moi, l'aide médicale à mourir est un soin face à la
souffrance non soignée. Deuxièmement, le projet de loi, donc, concernant les
soins de fin de vie constitue une avancée éthiquement acceptable parce qu'il a pour avantage de rétablir les conditions d'un
choix authentique qui n'est pas seulement basé sur la valeur de la vie en soi,
établi en dehors de l'autonomie du sujet, c'est-à-dire indépendamment de l'évaluation
de sa souffrance dans un processus décisionnel médical du XXIe siècle. L'autorisation
de l'aide médicale à mourir permet à ceux
qui évaluent que les souffrances intolérables en fin de vie sont inacceptables
de demander d'être soulagés, tandis que les personnes qui voient un sens
à la souffrance en fin de vie peuvent agir aussi selon leur évaluation en
fonction du caractère sacré de la vie. La
justification éthique inhérente à ce projet
de loi n° 52 est l'article
26 qui donne les conditions diminuant les risques de dérive. De plus, l'article
28 précise les moyens permettant de donner priorité à la personne soignée, à
ses valeurs, à sa dignité et à son autonomie de choix. Qui s'aviserait de
critiquer cette amélioration?
Je
termine en disant que, pour ce qui est des directives anticipées, certains
diront que c'est une question
délicate d'application de la loi, puisqu'il
n'y a pas de remède dans la loi. C'est un peu ce que Mme Hivon disait ce matin,
que la loi ne peut pas répondre à tout. Il y a toujours l'idée de l'écart
quand on parle d'application. Mais comment pallier à cette faiblesse de la loi?
Comment éviter que plusieurs aînés incapables de faire… risquent de voir leurs
directives médicales anticipées non respectées si, selon l'article 49, le
professionnel juge que le consentement peut changer? Le problème peut même se
complexifier si le tribunal, selon l'article 55, peut, à la demande du
mandataire, du tuteur, du curateur ou de toute autre personne qui démontre un
intérêt particulier pour l'auteur des directives, s'il a des motifs de croire
que cet auteur était inapte, invalider, en tout ou partie, des directives
médicales anticipées.
Le problème est
réellement important. D'un côté, certaines personnes pourraient profiter des
demandes anticipées pour faire mourir leur aîné plus vite en vue d'hériter,
alors qu'il change d'idée. De l'autre côté, il y a des professionnels qui vont dire : Ah, il a changé d'idée, il a réagi
négativement face à l'aide médicale à mourir, etc. Dans ce cas, n'est-ce
pas la qualité de la relation avec la personne qu'il faut améliorer?
Merci de votre
attention.
• (15 h 20) •
Le Président (M.
Bergman) : Merci, Pr Béland, pour votre présentation. Alors, maintenant,
pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci, et bienvenue, M. Béland, pour votre
présentation.
Écoutez, en dernier,
vous dites : «N'est-ce pas la qualité de la relation qu'il faudrait
améliorer?» Je pense qu'il faut y travailler
de manière constante. Donc, ça, je dirais qu'il faut travailler de manière
constante à l'amélioration des relations patients-médecins,
patients-équipes interdisciplinaires. On en a parlé aussi, abondamment, hier.
Et, dans les principes de base, je dirais,
du projet de loi, notamment à l'article 2, cette idée-là est là aussi quand on parle de
l'importance d'établir une communication ouverte et constante entre l'équipe soignante et les patients. Et je
pense qu'il faut y travailler, oui, via le projet de loi et via beaucoup
d'autres moyens.
J'aimerais que l'on
parle des directives médicales anticipées, parce que vous insistez beaucoup,
dans votre présentation, sur le caractère inclusif, donc, du projet de loi, sur
l'importance du principe du respect de l'autonomie décisionnelle des patients,
sur le libre choix. Or, vous semblez plus sceptique par rapport aux directives
médicales anticipées. Puis je veux bien vous
comprendre. Les directives médicales anticipées, tel que prévu dans le projet
de loi n° 52, c'est de venir
dire que, dès lors qu'une personne va venir dire à l'avance, via le régime des
directives médicales anticipées, soit par acte notarié ou dans un
formulaire qui va être prescrit, avec deux témoins, ce qu'elle souhaite comme
soins et ce qu'elle ne souhaite pas,
donc : Je ne veux pas recevoir de traitement d'antibiotique dans telle
circonstance, je voudrais, dans telle
circonstance, qu'on ne me réanime pas, je ne voudrais pas être branché à un
respirateur dans telle circonstance, évidemment
ça, ça prend effet en cas d'inaptitude de la personne. Donc, la personne
prévoit à l'avance, au nom de son autonomie : Voici ce que je
souhaite être le prolongement de ma volonté dans l'éventualité où je ne
pourrais plus l'exprimer parce que je serais devenue inapte.
Je dois vous dire
que, jusqu'à ce jour, ça a vraiment fait consensus, à une exception près, là.
Mais, je veux dire, l'idée d'avoir des
directives médicales anticipées de manière plus formelle, de reconnaître une
valeur contraignante à ces
directives-là pour bien respecter l'autonomie de la personne, ça a été
largement salué. Il y a une question. Certains souhaitent que l'aide médicale à mourir puisse être demandée, via les
directives médicales anticipées, par une personne apte, si jamais elle devenait inapte, en y
associant tous les autres critères. Et, pour d'autres personnes, il ne faudrait
pas. Certains, c'est : Il ne faudrait pas pour l'instant, il faudrait le
regarder plus. Et puis d'autres disent : Non, il ne le faudrait pas, que
ce soit possible.
Vous,
j'aimerais comprendre si vous êtes un peu mitigé de manière générale face au
principe, je dirais, contraignant des
directives médicales anticipées, ou si c'est uniquement en lien avec l'aide
médicale à mourir, ou si c'est pour l'ensemble des demandes qui
pourraient être faites de manière anticipée.
M.
Béland (Jean-Pierre) : Je ne suis pas contre. Ça, c'est clair que mon
propos n'était pas d'être contre les directives médicales anticipées. C'est un
plus, c'est un gain.
Ce
que je veux simplement dire, c'est que, si moi, j'ai des directives médicales
anticipées et je dis que je ne veux pas
qu'on me prolonge, je veux une aide médicale à mourir, que j'écris tout ça,
est-ce que dans l'accompagnement… lorsque, mettons, je suis à l'hôpital,
dans l'accompagnement, est-ce qu'on va chercher à me faire changer d'idée?
Parce que, là, peut-être que je serai
affaibli, que je ne penserai plus d'une façon rationnelle comme je l'ai pensé
quand j'ai écrit mes directives, et
là tout à coup, vu que c'est toujours une question de relation dialogique et
puis qu'on peut en venir à penser qu'en cours de route je change d'idée,
parce qu'on peut toujours changer d'idée, moi, je dis tout simplement : C'est
qu'il y a un risque. Je vais simplement signifier ça : c'est qu'il y a un
risque que je change d'idée par rapport à mes directives
médicales anticipées parce que je serai en état de faiblesse et que je ne serai
plus rationnel comme je le suis aujourd'hui. Et il ne faut pas en faire
un plat non plus, de ça. C'est juste pour signifier qu'au niveau de la pratique
d'accompagnement ce n'est pas simple, et
tout est… C'est un peu ce que je disais, que tout est dans
la qualité de la relation.
Parce
que, je ne sais pas, je fais une distinction entre un besoin d'un soin et un
besoin de soigner. Moi, si j'ai besoin d'une aide médicale à mourir et
que je vois ça comme un besoin d'un soin parce que c'est un besoin de soulager
ma souffrance telle que je la vis, en toute
liberté, ce besoin d'un soin, je veux qu'on le respecte. Mais, si quelqu'un a
un besoin de soigner, du côté du
soignant, et là que j'entre dans un processus avec cette personne-là qui a
besoin de me soigner, cette personne
qui a besoin de me soigner va-t-elle respecter mes directives? On peut dire
oui. Mais, si elle travaille tranquillement pas vite avec moi à essayer
de me faire changer d'idée parce qu'elle n'est pas pour l'aide médicale à
mourir, est-ce que ça peut créer un problème?
Je
fais simplement me poser la question. Moi, dans le fond, ce que je veux,
c'est qu'on respecte mes directives médicales anticipées.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Bien, en
fait, il y a comme deux niveaux parce que, les directives
médicales anticipées, normalement, vous
n'en parlerez pas avec votre médecin, parce
que, pour qu'elles s'appliquent, c'est
que vous êtes devenu inapte. Donc, vous
avez dit à l'avance : Voici ce que je voudrais dans l'éventualité où je
deviendrais inapte. Donc là, l'idée, c'est de se dire : Le médecin va devoir les respecter, parce qu'on leur donne désormais une
force contraignante si elles suivent, donc, le formalisme qui est prévu
au projet de loi. Donc, le médecin n'a plus vraiment la marge de manoeuvre dans
la mesure où on a exprimé à l'avance :
Voici ce que je veux, ce que je ne veux pas. Même les tiers… C'est le
prolongement de la volonté de la
personne, au nom du principe de l'autonomie. Vous, ce à quoi vous faites
référence, c'est la question d'une personne, par exemple, qui est apte,
donc elle est encore capable d'entrer en dialogue, et là c'est peut-être la
question de l'évaluation de l'aptitude ou de l'inaptitude qui est le défi.
M. Béland (Jean-Pierre) : Ça veut dire quoi? Ça veut dire quoi,
«inaptitude»? Parce que, concrètement, on peut être dans le gris avec
ça, l'inaptitude. Des fois, on a des cas au comité d'éthique clinique, chez
nous, puis on dit : Bien, cette personne est inapte. Ça veut dire quoi?
Il
y a comme des degrés d'inaptitude. Est-ce qu'on peut être considéré inapte une
journée puis, le lendemain, on retrouve un petit peu de conscience, puis
là, bien, on est moins inapte, donc là il peut se créer un dialogue? Et c'est sûr que l'inaptitude totale ne fait pas problème,
parce que, dans une inaptitude totale, donc sans capacité de dialogue,
sans capacité de relation avec le soignant…
ce qui veut dire qu'à ce moment-là on va respecter mes directives anticipées.
Mais est-ce que… Je pose ça au
médecin : Est-ce que l'inaptitude… Quels sont les critères de jugement de
l'inaptitude? Quand, mon père, je l'ai accompagné à la mort, il a signé
une procuration. Il a fallu faire venir un notaire à la maison pour déterminer s'il était apte ou inapte. Eh bien, ça
a coûté tant d'argent pour finalement que le notaire dise : Oui, vous
êtes bien apte, M. Béland, on va signer la
procuration. Et quels sont les critères qui déterminent que je suis apte ou
inapte?
Donc,
dans une situation où je ne suis pas dans une totale inaptitude, il y a des
personnes qui peuvent penser que, là, tout à coup, j'ai un sursaut de
conscience et puis que, là, je changerais d'idée. Et ça, je ne sais pas, j'ai
peut-être mal compris la loi, mais ce que je veux simplement dire, c'est :
Est-ce qu'on peut changer les directives anticipées?
• (15 h 30) •
Mme
Hivon : Oui, à tout moment. Donc, quelqu'un peut les
modifier à tout moment. Et, tant qu'il est apte, c'est comme un testament, vous pouvez le modifier à tout
moment. Vous pouvez modifier vos directives médicales anticipées. Et d'ailleurs on précise que, si la personne, par
exemple, redevenait apte et qu'on était dans un processus, par exemple,
où on avait commencé à appliquer les
directives anticipées… et qu'elle revient apte, c'est évident qu'on va mettre
de côté. Ça va être la relation avec la personne qui va prendre
évidemment préséance.
Donc, ça, je pense
que c'est important. Et même nous, nous souhaitons avoir un mécanisme, comme par
exemple lors du renouvellement de la carte d'assurance maladie, où on
inviterait les gens, un, à faire leurs directives médicales anticipées et, si
elles sont déjà faites, à se demander : Est-ce qu'elles sont toujours
fidèles à ce que je veux, compte tenu de l'évolution de ma vie, ou de ma
maladie, ou tout ça?
Donc,
il y aurait un mécanisme évidemment où quelqu'un peut renouveler ses directives
médicales anticipées.
Le Président (M.
Bergman) : Alors, ceci met fin au premier bloc du gouvernement.
Maintenant, pour le premier bloc de l'opposition officielle, M. le député de
Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Béland. Je trouve ça intéressant parce qu'on
est plus dans les réflexions profondes puis au niveau éthique. Entre autres,
quand vous avez débuté, vous nous avez parlé, là, des
deux valeurs qui se confrontent durant notre étude... nos auditions : ceux
qui disent qu'on doit respecter l'autonomie
de la personne versus le discours. Puis vous êtes allé chercher le fondement
versus la valeur sacrée de la vie, qu'on
doit respecter. Et on lit en arrière de ça que, dans le fond, la personne, l'être
humain n'a pas le droit d'abréger la vie, mais ça appartient à Dieu d'être
capable de décider du moment. Je caricature, là, mais c'est à peu près ça.
M. Béland
(Jean-Pierre) : Oui, il y a
ça, mais ne pas nécessairement relier ça à Dieu. Il y en a qui respectent
le caractère sacré de la vie, et puis ils sont athées, c'est-à-dire que, la
vie, on ne touche pas à ça.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : C'est ça. Je suis d'accord avec vous, je m'en
venais là, c'est-à-dire qu'il y a des gens également, comme vous dites,
qui, pour eux autres, le caractère sacré de la vie, indépendamment de vos
croyances, on doit respecter ça.
Le deuxième
élément que vous avez parlé, c'est la question justement de la qualité de vie,
c'est-à-dire que, pour respecter la qualité de vie de quelqu'un, donc
éliminer la souffrance ou abréger la souffrance, on peut accepter que quelqu'un
pourrait justement utiliser l'aide médicale à mourir, versus, encore là, des
gens qui, dans leurs valeurs, la souffrance… Puis on comprend que tout le monde
est d'accord. Les évêques sont venus nous le dire, là, la religion catholique, un exemple, n'est pas pour qu'on
souffre, mais on accepte de souffrir sous le principe de respecter la
valeur sacrée de la vie. Vos commentaires.
Le Président (M. Bergman) :
M. Béland.
M. Béland
(Jean-Pierre) : Je disais à
Yvon Bureau ce midi que tuer une personne, ce n'est pas nécessairement
lui donner de la morphine.
Si, moi, on m'enlève
mon autonomie de choix, ma liberté, on vient de me tuer. Je suis peut-être
influencé par ma formation philosophique. Quand un philosophe dit qu'il
est parce qu'il pense, c'est parce qu'il a appris, comme Descartes qui… «Je pense, donc je suis.» Il est
pour autant qu'il pense. Tu lui enlèves sa faculté de penser, et il est
mort.
Pour Jean-Paul Sartre, dans L'être et le
néant, il dit ceci : Tant et aussi longtemps que j'ai la possibilité
de me suicider, la vie aun sens
parce que j'ai la liberté de choisir l'être né, l'être déjà né. Le jour où on m'enlève
la liberté de me suicider, la vie n'a
plus de sens, mais c'est justement parce que j'ai la liberté de me suicider que
je ne me suicide pas. Donc, pour lui, la liberté fait partie de la
définition essentielle de l'être humain, de la vie humaine, et, si on me coupe de cette liberté, je ne suis plus en vie. Donc,
quand on parle de qualité de vie, lorsque je suis en situation extrême,
aux prises avec une maladie incurable, si je
juge que je n'ai plus de qualité de vie, si je n'ai plus… puis ça, je le juge
aussi par des directives anticipées, si je
juge que je n'aurai plus de qualité de vie, je ne veux pas qu'on m'éternise ou
qu'on respecte mon caractère sacré de
la vie parce que j'ai une dignité objective intrinsèque, je veux qu'on respecte
plutôt ma dignité subjective qui est l'autonomie parce que l'autonomie,
pour moi, signifie la qualité de la vie.
Donc, c'est
pour cette raison que, pour moi, une souffrance non soignée, c'est une
souffrance dans laquelle je n'ai plus d'autonomie : Je suis déjà
mort, bien, qu'on ne m'éternise pas.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M. Béland (Jean-Pierre) : …que je
respecte beaucoup ce projet de loi parce que justement il respecte et le
caractère sacré de la vie et la qualité de la vie.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui. Merci, M. le Président. Puis je trouve ça intéressant, ce qu'on vient de jaser, parce que c'est
souvent les deux grands courants de pensée qui s'opposent : un qui est vraiment
de dire : Bien, écoutez, il y
a un moment où est-ce que la personne va mourir, mais le souhait n'appartient
pas à l'homme de le faire; versus l'autre courant
de pensée qui est : J'ai le droit de décider de ma vie dans des conditions
particulières. Où je fais attention…
On a le droit de décider de notre vie.
Sartre a peut-être dit qu'il y a la possibilité de se suicider, mais, le projet
de loi, ça prend des conditions, qui fait qu'on va définir ça à un
moment donné, que la vie pourrait… l'arrivée du décès devrait être soit
imminente, des conditions de souffrance, que la personne est apte.
Donc, le but
du projet de loi, ce n'est pas de faire une grande ouverture en disant :
Vous avez totalement le choix, mais plutôt : Vous avez le choix
dans certaines conditions. Et le principe sur lequel on peut se
rejoindre : de toute façon, la mort va
devenir inévitable à court terme ou à moyen terme, mais c'est surtout pour
abréger la souffrance que la personne ressent. Mais la personne peut faire
le choix, en n'utilisant pas l'aide médicale à mourir, de passer à travers ce processus, comme ça se fait actuellement, et d'accepter
que… On va essayer qu'il n'y ait pas de souffrance, mais on sait qu'il y
a certains cas qu'il peut y avoir de la souffrance. Mais c'est un choix de la
personne de pouvoir le faire.
Le Président (M. Bergman) :
M. Béland.
M. Béland (Jean-Pierre) : …et je
trouve que ce n'est pas une liberté de choix non plus qui est non éclairée et
non restreinte.
Parce que,
je l'ai bien dit dans mon mémoire, l'argument éthique inhérent à ce projet de loi, c'est l'article 26 qui met des restrictions pour empêcher
les abus. Comme, une liberté de faire n'importe quoi, ce n'est pas nécessairement
la liberté de choix,
donc l'article 26, et puis l'article 28 aussi qui invite
à utiliser le moyen d'une relation pour respecter autant que possible
une liberté éclairée, construire une liberté éclairée. Donc, oui…
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. J'en arriverais maintenant aux directives
médicales anticipées. J'ai trouvé intéressant votre discours puis j'ai beaucoup
aimé la phrase quand vous avez dit : Aujourd'hui, dans ma directive médicale anticipée, je signe que, même si
je veux changer d'idée, vous ne pouvez pas m'autoriser à changer d'idée.
C'est en philo, moi, ce que je pense, le même
principe de ne dire que les deux petits mots très simples : Je mens. En
disant ça, c'est sûr qu'il y a quelque chose qui n'est pas vrai, là. C'est soit
que je dis la vérité puis je te…
M. Béland (Jean-Pierre)
: C'est un
paradoxe.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Hein, c'est un paradoxe. Je trouve que, quand on arrive dans les directives
médicales anticipées, moi, je vis bien avec
ça puis je pense que les gens doivent laisser savoir leurs
volontés. Où je vois un petit peu une
difficulté, comme médecin, c'est lorsqu'on en fait une
contraignante sans possibilité d'évaluer qu'au moment où ça arrive la personne est inapte, ne peut pas changer
d'idée. Il peut arriver qu'on pourrait offrir des soins qui sont
futiles.
Parce que la directive médicale anticipée peut
aussi dire : Je veux qu'on me donne tous les traitements qui sont possibles. Mais, si on en arrive à
dire : Je donne tous les traitements qui sont possibles, vous comprenez
que, si la personne est en phase très
avancée, terminale, elle fait une infection, ça pourrait dire : Je vais
lui donner des antibiotiques en sachant que ce n'est pas… puis là on
parle de futilité. Puis je sais qu'au niveau légal il faut être capable… Puis
là j'ai caricaturé, j'ai pris le cas
extrême. Mais il peut arriver que, quand on arrive dans la situation,
même si la personne a laissé savoir
sa volonté, que tout le monde autour va dire : Mais ça n'a pas de bon
sens, comment on va résoudre ça? Est-ce que ça va nous prendre un ordre de cour? Est-ce qu'on a un
mécanisme d'appel tout en respectant la volonté de la personne? Et on part même avec le principe que, connaissant la personne aujourd'hui, sa décision pourrait être différente. Et on donnait l'exemple :
quelqu'un qui fait sa directive médicale anticipée voilà 20 ans, il arrive…
puis il fait ça à 25 ans, mais là il arrive
à 60 ans, mais je ne suis pas sûr que, s'il ne l'a pas revue, c'est ça qu'il va
vouloir. Et là les gens qui vont nous dire : Oui, mais c'était sa responsabilité.
Vous savez, au Québec, s'il y a 60 000 décès… Mettons, un exemple, qu'on a
700 ou 800 cas d'aide médicale à mourir, il va certainement y avoir un ou deux
cas qui vont faire la première page de n'importe
quel journal, et tout le monde va dire : Mais ça n'a pas de bon sens,
comment ça se fait que le législateur… Puis on va peut-être être dans…
Nous, on va peut-être être là-dedans : telle personne, telle personne ont
participé à ça, puis à ce moment-là ils n'ont pas pensé à ça.
Moi, c'est
des questions auxquelles on doit répondre. Ça n'enlève pas la valeur du projet
de loi, mais c'est le genre de question…
Quand on dit : C'est contraignant, bien il va falloir que les gens nous
éduquent ou nous disent comment on va faire pour… dans des cas qui n'ont
pas de bon sens, comment on va répondre à ça.
Le Président (M. Bergman) :
M. Béland.
• (15 h 40) •
M. Béland
(Jean-Pierre) : J'en
discutais avec certaines personnes, de ces directives médicales anticipées, et
les personnes félicitaient le projet de loi n° 52, qu'on puisse revenir
aussi, parce que la liberté peut changer.
C'est
évident. Et puis je ne suis pas en train de dire qu'il faut enlever ça du
projet de loi, je veux simplement amener un souci, un souci de prudence en ce qui concerne la question de… Tu
sais, pour un philosophe, l'autonomie, l'autonomie dans son beau… l'autonomie
morale, on a toujours un doute sur : Jusqu'où l'être humain est-il libre?
Il y en a, des biologistes, qui vont
dire : De toute façon, l'être humain n'est pas libre, il est déterminé par
sa biologie, etc., là, moi, je ne suis pas libre, je suis déterminé par
ma maladie. Dans le fond, la citation de Legault, c'était simplement pour
dire : Bien, écoutez, il ne faut pas se
faire d'illusions non plus sur l'autonomie. Pour un philosophe, en éthique, il
y a toujours un risque que l'autonomie libre et éclairée, là, ne soit
pas respectée.
Mais je pense
que le projet de loi vise à ce que l'autonomie de choix éclairée soit
respectée, mais moi, je voulais simplement dire «d'un point de vue
pratique et non pas au niveau de la théorie de la loi». Du point de vue
pratique, bien là, bien, c'est à nous d'être vigilants pour qu'il n'y ait pas d'écart
par rapport à l'idéal même de la loi.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le
deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui.
Peut-être juste pour revenir sur ce point-là parce que c'est un point important
dans les directives médicales anticipées.
Est-ce qu'on
peut exiger des choses qui iraient contre, je dirais, les bonnes pratiques
médicales? Bien, la réponse, c'est
non parce qu'évidemment, conformément à ce qui est prévu dans le Code de
déontologie des médecins, un médecin ne peut pas donner des soins qui
sont futiles ou qui vont contre les bonnes pratiques médicales. Donc, ça va de
soi. Et, puisqu'il y a une sécurité qui
entoure la question des directives médicales anticipées… Parce que, pour qu'elles
aient une valeur contraignante, vous
ne pourrez pas les avoir écrites, comme un testament olographe, sur, je dirais,
votre table de chevet. Les directives
vont devoir suivre une forme, donc par acte notarié ou sur le formulaire précis
à cette fin. Et je dois vous dire
que, dans le formulaire, il pourrait être bien avisé de dire que justement vous
ne pouvez pas demander, dans vos directives
médicales anticipées, des soins qui seraient jugés futiles et même contraires à
des bonnes pratiques médicales.
Donc, je pense qu'on a les outils
aussi pour sensibiliser la population à cet égard-là. Donc, ça, je pense que
c'est important de le garder à l'esprit.
Vous parlez des
critères. Vous insistez beaucoup sur les articles 26 à 28 qui, pour vous, sont,
je dirais, indissociables du fait qu'on est
face à une réponse éthique. Vous reveniez beaucoup évidemment, compte tenu de
votre formation, sur le fait que le projet
de loi constitue une réponse éthique à un problème que l'on vit en ce moment
face à certaines souffrances en fin de vie et vous insistez beaucoup sur
les critères et balises de 26 à 28.
Donc,
j'aimerais savoir si, pour vous, ces critères et balises sont suffisants.
Est-ce qu'ils sont trop contraignants, juste assez, par rapport au
principe de l'autonomie sur lequel vous insistez beaucoup?
Le Président (M.
Bergman) : M. Béland.
M. Béland (Jean-Pierre) : C'est une bonne… ça, c'est une excellente question.
J'ai vu dans d'autres mémoires qu'il
y en a qui voudraient qu'on ajoute des choses à l'article 26, qu'on
rajoute des phrases, là. Moi, le numéro 4°, pour moi… 1°, 2°, 3°, c'est
une restriction nécessaire.
La
quatrième, je la trouve aussi très importante parce que c'est bien dit :
«[la personne] éprouve des souffrances physiques
ou psychiques constantes, insupportables — donc, c'est la personne qui juge, qui
évalue — et qui
ne peuvent être apaisées dans [les] conditions qu'elle juge…» Et je
trouve que ça, c'est très important parce que justement ça vient dire implicitement que cette personne-là est en
besoin d'un soin comme d'une aide médicale à mourir parce que c'est elle
qui juge que c'est seulement l'aide médicale
à mourir qui peut apaiser sa souffrance, selon ce qu'elle évalue. Et
donc, pour moi, ça, c'est…
Non, moi
personnellement, est-ce que je les trouve trop restrictives? Je ne suis pas un
libertariste, comme la pensée libertarienne où on a le droit de faire n'importe
quoi parce que c'est une question de liberté. Je ne suis pas capable d'aller jusque-là.
Il y en a. Je sais qu'il y en a qui n'aiment pas les directives et puis qui
disent : On a trop de contraintes, là, arrêtez de nous en mettre.
Non,
moi personnellement, je trouve que le projet de loi est respectueux justement
du caractère sacré de la vie justement
parce qu'il met des contraintes et je trouve qu'il n'y a pas trop de
contraintes. Et puis une loi qui n'aurait pas ces contraintes-là aurait
de la difficulté à être jugée éthiquement acceptable par la société.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Alors, je pense que c'est bien, évidemment, de
dire que ce n'est pas un projet de loi, et loin de là, qui est dans une
approche d'autonomie et d'autodétermination sans aucune limite, dans le sens
que vous avez deux spectres, puis des fois, quand on pousse certains tenants d'un
ou l'autre des absolus que l'on pourrait voir, il va y avoir des gens qui vont pousser le principe de l'autonomie à l'extrême :
Vous pourriez ne pas souffrir, ne pas être en fin de vie et pouvoir
demander ce que vous voulez comme soins. Évidemment, on est très loin de ça. Il
y a d'autres gens, à un autre extrême, qui
vont dire : C'est le caractère sacré de la vie, l'absolu de la vie à tout
prix, donc on ne peut pas rien aider, ou arrêter, ou même arrêter un
traitement parce qu'on doit être dans cette optique-là.
Donc,
évidemment, le souci du projet de loi, c'est d'être un projet de loi équilibré,
donc, de reconnaître évidemment l'importance de l'autonomie de la
personne mais dans un cadre très strict, qui est celui de la fin de vie, lorsqu'il
y a des souffrances et que tout un nombre de
critères sont remplis. Et je pense que c'est très important de le dire. Parce
qu'il y a des gens qui font des comparaisons avec des législations d'autres
États. Et ici moi, je trouve qu'on a le meilleur des deux. Parce qu'en Europe
certaines législations ne cadrent pas dans le contexte de la fin de vie. C'est
vraiment la souffrance qui est l'élément
déterminant, de savoir si on peut ou non avoir accès à l'aide médicale à
mourir, alors que, dans des États américains, au contraire, ce n'est pas
la souffrance, c'est la fin de vie, même si la souffrance n'est pas jugée
inapaisable.
Nous, ici, ce sont
les deux, donc fin de vie plus souffrance, et je pense que c'est un cadre qui
est encore plus rigoureux pour éviter, je vous dirais, les dérives.
Peut-être, ma
collègue a une question, donc je vais la laisser aller.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de…
M. Béland
(Jean-Pierre)
: Si vous me permettez, je trouve que…
Le Président (M.
Bergman) : M. Béland.
M. Béland
(Jean-Pierre) : …même l'ancien ministre Bolduc avec qui j'ai
travaillé, d'ailleurs, au comité d'éthique…
de bioéthique régional, si je peux l'appeler M. Yves, disait souvent lors
des réunions que l'important pour un médecin,
c'était d'offrir un vrai choix. J'aimais beaucoup l'idée de «vrai choix». Et le
médecin Axel Kahn, pourtant qui est réputé
ne pas être si libéral que ça, est très kantien, donc respect de la dignité objective, le médecin Axel Kahn disait
que, pour qu'il y ait une réelle liberté
de choix, il faut qu'il y ait au moins deux choix. Et les gens qui se campent
seulement du côté des soins palliatifs seulement, en voulant exclure l'aide médicale à mourir, ils
se campent du côté de ce choix-là, avec les différents éléments qui sont dans ce choix-là, et les gens qui se
campent seulement du côté de l'aide médicale à mourir sans restriction, ils se campent aussi
de… un seul choix.
Donc, ni un
ni l'autre ne respectent la liberté de choix si on les absolutise. Et, pour
moi, la qualité de ce projet de loi là, justement, c'est que le projet
de loi, si on l'applique bien, offre un vrai choix.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste trois
minutes.
Mme Proulx : Merci,
M. le Président. Bonjour, M. Béland. Écoutez,
vous qui êtes un éthicien, j'aimerais vous poser une question par
rapport aux équipes soignantes qui
interviennent auprès des personnes en fin
de vie. La discussion qu'on a eue avec vous, là, ça tourne vraiment
autour de l'éthique, et j'aimerais ça avoir votre point de vue sur l'approche éthique et le degré de formation des équipes
soignantes, incluant ces dimensions éthiques là.
Est-ce que, selon votre point de vue, actuellement
les équipes, autant les médecins, que les infirmières, que le personnel, les travailleurs
sociaux qui ont à intervenir auprès des personnes en fin de vie… est-ce que
vous jugez que leur formation
actuelle pourrait être améliorée? Et
est-ce qu'on devrait y inclure des dimensions éthiques clairement? Et
quelles seraient ces dimensions-là sur lesquelles vous vous appuieriez
particulièrement?
• (15 h 50) •
Le Président (M. Bergman) :
M. Béland.
M. Béland
(Jean-Pierre) : Bien, je
vais faire une joke. Dans le contexte économique actuel des
universités — je
suis directeur des programmes d'éthique — chez moi, à Chicoutimi, je
peux vous vendre une formation parce que je pourrais juger qu'effectivement je
trouve qu'il y a un besoin de formation à l'éthique pour ce qui est aussi de
cette question du mourir dans la dignité.
Oui, je pense qu'il y a… il faut répondre… il va
falloir répondre au sein même d'une formation mais pas simplement dire, mettons : Au bac en sciences infirmières ou au bac
en travail social, on offre un cours
d'éthique et de déontologie, puis ça
se termine là. Je pense… Puis des fois ce n'est même pas un cours de trois
crédits, c'est un crédit ou un deux crédits. Je pense qu'il faudrait
être soucieux d'une formation à l'éthique, une formation à l'université puis une formation continue aussi. Nous, c'est ce que
nous cherchons à faire dans la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Moi, ils m'ont mis
vice-président du comité d'éthique clinique régional, même si je ne suis pas
actif dans un CSSS. Je suis un prof d'université.
Mais mon rôle, c'est d'assurer la formation continue des personnes, et, à tous
les ans, nous faisons une journée de formation puis où il y a à peu près
150 à 200 personnes du milieu qui viennent faire des distinctions : C'est
quoi, l'éthique?, c'est quoi, la morale?, comment est-ce qu'on fait un dialogue
éthique?, quelle est la relation éthiquement acceptable?
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion.
M. Béland (Jean-Pierre) : Donc, oui,
je peux…
Le
Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au bloc du
gouvernement. Pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de
Gatineau.
Mme Vallée : Merci beaucoup,
M. le Président. Alors, Pr Béland, je vous remercie de votre présentation.
J'aurais une
question un petit peu plus pratico-pratique pour vous. J'aimerais avoir vos
commentaires sur le mandat qui sera confié et la composition de la
Commission sur les soins de fin de vie, parce que le projet de loi met en place
cette commission-là qui sera appelée éventuellement, dans l'éventualité de l'adoption
du projet de loi, à émettre des recommandations, faire des rapports, et tout
ça, et elle sera composée d'un certain nombre de professionnels.
Mais j'aimerais
vous entendre sur cet élément-là. Est-ce que, pour vous, le mandat de la
commission est suffisant? Est-ce que vous auriez des suggestions à lui
apporter dans le but de bonifier ce qui pourra être fait éventuellement?
Le Président (M. Bergman) :
M. Béland.
M. Béland
(Jean-Pierre) : Je ne
saurais pas trop quoi vous répondre parce que je ne vois pas le problème
que… J'aimerais ça que vous me signifiiez le problème que vous pouvez voir au
sein de cette… J'ai lu dans des mémoires qu'il
y a certaines personnes qui jugent que la commission devrait être construite de
telle façon, puis d'autres, de telle autre façon. Personnellement, je n'ai pas vraiment approfondi cette
question-là et je ne voudrais pas parler juste pour parler, pour
répondre, parce que je ne… Il faudrait me donner un problème précis, et là je
pourrais tenter de voir qu'est-ce que je pourrais dire, mais ça me semble trop
vague.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
En fait, je voulais simplement avoir votre avis en tant qu'éthicien. Je ne
voyais pas de problème particulier.
Je me demandais si vous considériez le mandat comme étant suffisant, si la
composition du conseil était
adéquate… de la commission était adéquate, selon vous. C'était le sens
de ma question. Ce n'était pas un piège, soyez-en assuré.
M. Béland
(Jean-Pierre) : Non, non,
non, je ne l'ai pas vu comme un piège. C'est parce que je dois vous
avouer que je me sentais inapte à répondre.
Mme Vallée : Je vous remercie.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : C'est Wittgenstein qui finit
son livre, là, le Tractatus logico-philosophicus, en disant… la
dernière phrase : Sur ce qu'on ne sait pas, on ne devrait pas parler. C'est
bien, ça.
M. Béland
(Jean-Pierre) : C'est ça.
Mais ce qui ne se dit pas n'existe pas. Des fois, dans un comité d'éthique,
on ne parle pas parce qu'on s'imagine que tout
le monde comprend puis que : Pourquoi je le dirais? Et on découvre quelques jours après
que : Bien, voyons donc, il me semblait que c'était clair, ça. Ce qui ne
se dit pas n'existe pas aussi. Mais là je ne pourrais pas dire…
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : M. le Président. Moi, je reviendrais, là, sur un fondement qui, pour moi, est une
valeur fondamentale au niveau de l'éthique.
On a rencontré plusieurs groupes. On est à la
fin, donc il nous reste seulement qu'un groupe à rencontrer, qui d'ailleurs
va être très intéressant parce
que c'est notre groupe… une personne
plus un groupe à rencontrer, et on termine par les experts. Moi, ce que je vois, durant cette commission
ou durant ces auditions, c'est qu'on avait vraiment deux philosophies
où un disait : On ne doit pas offrir l'aide médicale à mourir… tout
le monde est d'accord
pour les soins palliatifs, mais on ne
devrait pas offrir l'aide médicale à
mourir parce que, selon nos valeurs, dans la société, on ne devrait pas
permettre de faire mourir quelqu'un. Il y en
a qui ont utilisé le terme «tuer», tout dépendant, là, de l'intensité qu'ils
voulaient mettre, mais, à la fin, on
ne devrait pas abréger la vie de quelqu'un. On avait l'autre grand courant de
pensée qui était : on devrait respecter la volonté de la personne
dans des conditions particulières. Puis je pense qu'on a exclu, là,
vraiment : On peut décider quand on
veut mourir, nous autres, ici, au Québec, on peut mourir à un moment de notre
vie où on abrège parce qu'il y a de
la souffrance. L'autre choix qu'on fait — puis tantôt vous avez rappelé que moi, je
travaillais beaucoup sur des questions des choix — c'est
d'offrir, également… parce que ça a été un autre dilemme : Est-ce qu'on
doit offrir à nos maisons de soins palliatifs le choix d'offrir l'aide médicale
à mourir ou encore, pour toutes sortes de raisons, les obliger, dans leur continuum de services, à offrir l'aide médicale à
mourir? Puis moi personnellement, j'étais vraiment partisan de : Si la maison de soins
palliatifs dit à l'avance que ça va être un service qui sera non disponible,
elle devrait avoir le choix de l'offrir
ou de ne pas l'offrir. Si la maison de soins palliatifs dit : Moi, j'offre
le service, bien les gens vont le savoir avant d'y aller. Et,
naturellement, quelqu'un qui veut, même par droit, avoir accès à l'aide
médicale à mourir, lorsqu'il va aller là, bien il ne faut pas qu'il s'attende
qu'il l'ait, on n'a pas l'obligation de lui offrir.
Qu'est-ce que vous en pensez?
Le Président (M. Bergman) :
M. Béland.
M. Béland
(Jean-Pierre) : Bien, je
trouve ça excellent, cette façon de penser là. Si moi, je sais… mais il
faut que je le sache, et là il y aura un
besoin d'informer la population. Si, les maisons de soins palliatifs… s'il faut
les respecter dans leur choix de ne
pas vouloir offrir l'aide médicale à mourir, et là, excusez l'expression, mais
de se barrer les pieds dans les fleurs du tapis du concept de soins,
puis là bien on va prendre une direction d'un bord sur la question du soin puis
de l'autre bord, parce qu'on ne veut pas absolument l'aide médicale à mourir
puis on ne veut pas que ce soit un soin…
Si les maisons de soins palliatifs sont
réellement réticentes à ce qu'il y ait l'aide médicale à mourir, bien pourquoi leur imposer? Peut-être qu'il y a une
raison économique, je ne le sais pas. Mais, d'un point de vue éthique,
je pense que les choses doivent être dites
clairement. Si les gens savent que, dans des maisons de soins palliatifs, il n'y
a pas d'aide médicale à mourir, ça sera clair. Ça veut dire que, moi, en ce
cas-là, si je demande dans mes directives une aide
médicale à mourir, s'il vous plaît, ne me mettez pas dans une maison de soins
palliatifs. C'est ça que ça veut dire. Et, à ce moment-là, bien il s'agira
de faire une autre maison où il y a de l'aide médicale à mourir. Mais c'est
embêtant parce qu'on perd quelque chose
aussi, au sens que, dans les maisons de soins palliatifs, il y a un
accompagnement et un réel respect du
caractère sacré de la vie, et ce n'est pas parce que je demande l'aide médicale
à mourir dans mes directives que je ne
veux pas qu'on respecte aussi ce qu'il y a de sacré dans ma vie. Ce que je
trouvais intéressant dans les… Puis je le dis dans mon mémoire. Je dis
ceci, je dis que «cette aide médicale à mourir est un soin face à la souffrance
non soignée. N'est-elle pas le sens ultime
des soins palliatifs?» Il y en a qui ne veulent pas que ce soit le sens ultime
des soins palliatifs. Il y en a qui
veulent que ce soit la sédation totale, là, qui soit le sens ultime des soins
palliatifs. Mais, si on considère que, toujours avec la question du
double effet… qu'un soin palliatif, dans le fond, quand tu mets un peu de
morphine, bien il y a comme un deuxième
effet, que ça peut aussi accélérer la mort, selon les cas, il reste que… bien,
ne jouons pas à l'autruche, considérons que l'aide médicale à mourir, c'est
ce qui arrive au terme des soins palliatifs.
Et maintenant ce qui devient embêtant, d'un
autre côté, c'est que, selon l'article 26, le quatrième point…
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît. En conclusion.
M. Béland
(Jean-Pierre) : …je termine
avec ça, le quatrième point, ce qu'il dit, c'est : Dans des conditions
que la personne juge tolérables. Ça veut dire que ça se peut que, pour un
soignant, une personne ne soit pas assez souffrante pour qu'on lui donne de l'aide
médicale à mourir, mais, si la personne juge que ses souffrances sont
intolérables, bien elle veut être soignée et, en ce sens-là, elle veut avoir un
soin approprié, donc une aide médicale à mourir, donc.
Le
Président (M. Bergman) : Maintenant, pour le deuxième groupe d'opposition,
Mme la députée de Groulx.
• (16 heures) •
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Merci de votre présence.
Je vais revenir avec l'enjeu, là, dont on a
parlé beaucoup, en cas d'inaptitude, et on a entendu effectivement plusieurs groupes qui sont intervenus soit en
faveur de l'inclure dans le projet de loi, alors que d'autres nous ont dit
non, d'agir plutôt avec prudence. On a même eu un groupe qui nous a amenés à
une notion de discrimination, dans le sens où
actuellement, dans des directives médicales anticipées, on peut signifier qu'en
cas d'arrêt respiratoire on ne veut pas être réanimé, et ça devrait être
respecté si les gens ont conscience du mandat, alors qu'à l'inverse, si, dans
cette même directive là, on dit : Je
voudrais avoir… si un jour, en cas d'inaptitude,
et de souffrances intolérables, et de mort imminente, je voudrais avoir recours à l'aide médicale à mourir, bon, dans le projet de loi tel qu'il est
écrit, on n'aurait pas le droit.
Alors, il y a une notion de discrimination qui
nous a été amenée par un groupe. J'aimerais vous entendre à cet égard-là.
Le Président (M. Bergman) :
M. Béland.
M. Béland
(Jean-Pierre) : Donc,
résumez-moi ça en une phrase : Discrimination au sens que les personnes
qui demandent de l'aide médicale à mourir…
Mme
Daneault : Oui, la
personne qui répond aux mêmes critères, là, qui demande l'aide médicale à
mourir mais qui est apte va y avoir droit,
alors que quelqu'un qui était apte au moment de faire sa directive
médicale anticipée…
M. Béland (Jean-Pierre) : Et qui ne
l'a pas demandée, c'est ça?
Mme
Daneault : …qui, lui, lorsqu'il est apte… et, dans cette
directive médicale anticipée, a demandé à avoir l'aide médicale à mourir
mais qui devient inapte, actuellement, dans le projet de loi, il n'a pas le
droit de le recevoir. Donc, la
discrimination, c'est par rapport au moment où il va recevoir les soins. Il y en a
un qui est apte, donc il peut le recevoir, et l'autre, quand il l'a dit,
était apte. Et, lorsqu'il devient inapte, il ne peut plus le recevoir.
M. Béland (Jean-Pierre) : Je dois
vous avouer que je n'ai pas trop bien compris ça moi non plus, de…
Mme
Daneault : Bon,
bien je vais juste vous donner un exemple : quelqu'un qui a une démence
puis qu'au moment où on lui apprend qu'il a
une démence, à ce moment-là, il est conscient, il est capable de prendre une
décision et de dire : Moi, si, un jour, je développe un cancer — parce
que, parce que tu as une démence, ça ne veut pas dire que tu ne développeras
pas un cancer — et
que je deviens souffrant au point où c'est intolérable, je voudrais avoir
recours à l'aide médicale à mourir. Alors, lui, il l'a signifié lorsqu'il était
apte, mais, comme au moment où il va être malade ou souffrant, il ne le
sera plus, il n'aura pas le droit de l'avoir.
Le Président (M. Bergman) :
M. Béland.
Des voix : …
Mme
Daneault : C'est-u
moi qui n'est pas claire?
M. Béland (Jean-Pierre) : Non, mais…
Une voix : Tu t'en viens pas
mal philosophe.
Mme
Daneault : Oui, je
ne m'en viens pas claire, comme les philosophes. C'est ça.
M. Béland (Jean-Pierre) : Y a-t-il
moyen de modifier la loi pour empêcher cette discrimination-là?
Mme
Daneault : Oui.
Des voix : …
Mme
Daneault : C'est la question. En fait, dans la loi, on
pourrait choisir d'inclure de respecter une directive médicale anticipée qui a été signifiée au moment
où la personne était apte, et donc, à
ce moment-là… pourrait
bénéficier du même soin que quelqu'un qui est apte, dans le fond, même au
moment de…
M. Béland (Jean-Pierre) : Oui, bien
ça, ça serait une bonne chose.
Mme
Daneault : Bon,
merci.
M. Béland (Jean-Pierre) : Ça serait
une bonne chose. C'est pour cette raison peut-être que moi, j'avais un malaise et c'est peut-être pour cette raison
que je suis revenu avec l'idée de… avec le… quand j'ai parlé de l'article 49
puis l'article 55. Il y avait quelque chose que je ne saisissais pas, puis
là vous venez de toucher… vous venez de cibler, là, ce qui crée mon malaise. Il faut absolument
qu'il y ait une modification pour qu'il y ait justice sociale et inclusion
de… pour… si on veut être éthiquement acceptable, là.
Une voix : …
M. Béland (Jean-Pierre) : Oui.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin à ce bloc. Et certainement on doit vous remercier beaucoup, M. Béland, pour être ici avec nous
et partager votre expertise.
M. Béland
(Jean-Pierre) : C'est moi
qui vous remercie. Ce fut un réel plaisir. Et je tiens à féliciter la commission,
je trouve que vous faites un très beau travail.
Le Président (M. Bergman) : Merci
beaucoup. Et je demande…
M. Béland
(Jean-Pierre) : Je trouve
que c'est un beau cadeau que vous faites à la société, et ça vaut la peine
de travailler fort pour que ça se réalise.
Le Président (M. Bergman) :
Merci beaucoup. Je demande à M. Doucet pour prendre sa place à la table.
Et je suspends pour quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à 16 h 6)
(Reprise à 16 h 9)
La
Présidente (Mme Proulx) : Alors, la commission va reprendre ses travaux. Je souhaite la
bienvenue à notre invité. Je vous demanderais tout d'abord de vous
présenter. Et je vous rappelle que vous disposez de 15 minutes pour votre
présentation. La parole est à vous.
M. Hubert Doucet
M. Doucet (Hubert) : Alors, bonjour
aux membres de la commission. Mon nom est Hubert Doucet, je suis professeur
associé retraité, mais un être actif dans le monde, toujours, de l'éthique
clinique en particulier. Et j'ai beaucoup travaillé sur les questions de fin de
vie, ayant publié deux ou trois volumes sur la question, ayant écrit de
nombreux articles, ayant participé à de nombreux débats, et d'avoir été déjà un
participant aux différentes… à deux… pas à
deux commissions, mais à deux… à la première commission
sur le droit de mourir dans la dignité où j'y ai participé à deux
occasions.
• (16 h 10) •
Et je voudrais justement remercier les membres
de la commission de me donner encore une fois l'occasion de participer au dialogue public sur les
orientations à privilégier à propos de cette difficile question de la fin de vie dans les sociétés
technologiquement avancées. La très grande majorité des citoyennes et des
citoyens que je rencontre et avec qui je parle
des travaux de la commission exprime généralement et très généralement sa
grande satisfaction de la manière dont le débat sur le mourir dans la
dignité a été mené au cours des quatre dernières années.
Les membres
de l'Assemblée nationale doivent être remerciés d'avoir encouragé une
large prise de parole politique concernant la difficile et complexe
question de la fin de vie. La nouveauté qu'a représentée l'exercice proposé par
l'Assemblée nationale et dont les Québécois sont fiers peut nous faire oublier
que les réflexions et les discussions publiques
sur la question de fin de vie n'ont cependant pas commencé avec les travaux de la commission
sur le droit de mourir dans la dignité. Je dis cela parce que le succès
de la procédure qui a été utilisée porte le risque de détourner l'attention sur certaines faiblesses du projet de loi. Dans ce sens-là, on pourrait dire : L'arbre cache à un certain
moment donné ce que je crois être la forêt.
En rappelant les discussions sur le mourir qui
ont eu cours depuis la Deuxième Guerre mondiale, je voudrais d'abord situer l'évolution
des visions du mourir pour mieux cerner certains enjeux actuels.
C'est avec
les années 1950 que commencent les discussions qui conduisent à celles d'aujourd'hui. Les avancées technoscientifiques soulèvent des questions jusqu'alors
inconnues et que je résume ainsi : Faut-il toujours utiliser les moyens à notre disposition? Il naît, en 1970, l'expression
«acharnement thérapeutique» qui n'a pas été créée par le corps médical
mais par les citoyens pour critiquer la technologisation et la déshumanisation
de la mort. En réaction à cette médicalisation
de la mort, les années 70 et 80 surtout ont vu se développer un fort mouvement
en faveur de la démédicalisation de
la mort de manière à humaniser le mourir. Ce mouvement de la mort naturelle
correspondait à une sensibilité culturelle qui rêvait, entre autres, de démédicaliser la naissance, par exemple. Même si la mort était une perte, on affirmait alors la possibilité
d'une harmonie naturelle entre la vie et la mort. C'est dans ce contexte que
sont nés, entre autres, les soins palliatifs.
Avec les années 90 et, surtout, 2000 s'est imposé un retour du balancier. Ce
retour s'explique en partie du fait que la santé est devenue la valeur première de nos sociétés. Cette vision de
la santé s'inscrit dans la volonté contemporaine de vaincre la mort, qui anime la médecine
scientifique actuelle : vaincre le cancer, vaincre la vieillesse, etc. D'autre
part, en ayant maintenant accepté de reconnaître la
primauté du consentement du patient, la médecine se voit confier, selon certains critères, la responsabilité d'accélérer la mort d'une personne gravement malade mais apte. Cet
immense pouvoir confié à la médecine m'inquiète, entre autres, en ce qui
regarde la mort et le mourir mais non pas seulement à ce niveau-là. Et c'est ce
qui explique nombre de points que j'ai abordés dans mon mémoire.
Et,
dans le cadre de cette présentation orale, je n'aborderai que deux points de
mon mémoire écrit. Je voudrais m'arrêter un peu sur le vocabulaire du
projet et aussi sur l'aide médicale à mourir.
D'abord,
sur le vocabulaire du projet, il y a trois concepts qui sont utilisés, sur lesquels je
veux revenir. Le premier concept
est «soins de fin de vie». D'une part, le concept ne m'apparaît pas défini.
S'agit-il de la mort imminente?, de la phase
terminale?, du dernier mois?, de la dernière semaine?, des derniers jours? Il
est vrai qu'il est difficile de pronostiquer le moment du mourir, et
tout le monde médical et de la recherche s'entend sur cette question-là. D'autre
part, réduire les soins de fin de vie
aux soins palliatifs, à la sédation terminale et à l'aide médicale à mourir me
semble oublier tous ces soins qui ne
sont pas compris dans ces trois catégories et qui sont offerts aux personnes qui vivent les
derniers moments de leur vie. Ainsi
en est-il des soins terminaux qui sont, selon les définitions des dictionnaires
médicaux, des soins infirmiers et médicaux prodigués au patient au stade
terminal d'une maladie. La définition de «soins de fin de vie» devrait donc être élargie pour inclure tous les soins dispensés
aux patients en phase terminale d'une maladie, parmi lesquels on trouve
les soins palliatifs, la sédation terminale et l'aide médicale à mourir du projet
de loi n° 52.
Donc, la première recommandation
que j'ai faite, et que vous trouvez à l'arrière de mon mémoire comme dans le
mémoire, concerne quelques modifications aux articles 1 et 3, troisième alinéa,
de l'actuel projet de loi.
Le
deuxième concept est «soins palliatifs». Le projet de loi consacre quelques
articles, 14, 16, aux maisons des soins palliatifs, mais, plus loin dans
le chapitre IV portant sur les exigences particulières à certains soins de vie,
le projet garde le silence sur les soins
palliatifs. Ce silence surprend, alors que sont précisées les modalités de la
sédation terminale et surtout de l'aide
médicale à mourir comme s'il n'y avait pas de problème particulier avec les
soins palliatifs. Pourtant, la
conception et la pratique des soins palliatifs ne sont pas univoques. Et, dans
le mémoire que j'ai transmis à la commission,
j'ai montré qu'en réalité on retrouve au moins trois modèles de soins
palliatifs qui témoignent de pratiques très
différentes. Dans pareil projet de loi, alors que le présent gouvernement a
annoncé que les soins palliatifs constituaient une de ses priorités, s'impose une section sur la vision des soins
palliatifs de même que sur les exigences que la loi doit indiquer à ce
propos en vue d'orienter les différents organismes et établissements à qui est
confiée la gestion des soins palliatifs.
La
définition, devenue classique, des «soins palliatifs» n'est pas mentionnée.
Donc, ma deuxième recommandation porte sur cette question des soins
palliatifs.
Le troisième concept,
c'est «aide médicale à mourir». Le projet de loi ne présente aucune définition
de l'aide médicale à mourir, bien que, dans
le contexte de la discussion du projet de loi, tout le monde comprend qu'elle
correspond au geste euthanasique d'un médecin. Cette compréhension implicite n'est
cependant pas suffisante. En effet, il y a différentes
formes d'aide à mourir dont témoigne le travail, par exemple, des équipes
soignantes en soins palliatifs ou en soins
terminaux. L'aide médicale à mourir ne peut être réduite à une seule forme,
celle qui consiste à provoquer la mort d'une personne malade, à sa
propre requête, pour mettre fin à ses souffrances. Dans le projet de loi, le
concept d'aide médicale à mourir me paraît réducteur et ne tient pas compte des
différents types d'aide à mourir que notre société a développés. Et j'ai fait à
ce propos une recommandation qui est la troisième dans mon mémoire.
Mais
il n'y a pas que les concepts qui m'ont intéressé, il y a aussi la question
même de l'aide médicale à mourir dont je veux parler, en particulier les
articles 26 à 28.
À ce propos, j'aborde
d'abord l'article 26 qui porte sur les conditions auxquelles une personne doit
satisfaire pour avoir accès à l'aide
médicale à mourir. Ces conditions ne conduisent pas à conclure que la personne
est vraiment à une étape finale de sa
fin de vie. Tout au long des parties précédentes du projet de loi, je
comprenais que ce dernier portait… que le projet de loi portait sur la
situation de fin de vie. Ici, à l'article 26, la mort n'y paraît pas imminente,
bien que la maladie soit grave et incurable.
• (16 h 20) •
À avoir écouté ou lu
certains échanges dans le cadre de cette commission parlementaire, j'ai compris
que la volonté ministérielle visait l'étape de la fin de vie. Si cet article ne
se trouvait pas dans un projet de loi portant sur les soins de fin de vie, je conclurais qu'il s'agit là de la reprise, avec
des mots différents, de la position belge qui ne porte pas sur la phase
terminale. Le patient se trouve dans une situation médicale sans issue.
Je
n'ai pas trouvé, dans la lecture du projet de loi ni dans les notes
explicatives, les raisons qui fondent le choix de limiter l'aide
médicale à mourir à la seule condition de fin de vie. Dans un contexte où les
progrès de la médecine conduisent à
prolonger, par exemple, la vie des malades atteints de maladies dégénératives,
ce choix doit être expliqué. Les victoires
de la médecine, on l'oublie fréquemment, ne sont souvent que des
demi-victoires. Alors que progresse la maladie dont souffrent ces personnes, l'espoir d'une vie autonome s'amenuise de
plus en plus, et les services minimaux sont loin d'être à la hauteur de
leurs besoins. Ce sont d'ailleurs, souvent, ces malades qui affirment leur
droit de recourir à l'euthanasie et à l'aide
médicale au suicide. La même remarque vaut ici pour les personnes âgées qui, à
mesure qu'elles vieillissent, vivent
des pertes de plus en plus lourdes, à commencer par l'euthanasie sociale qui
coïncide souvent avec l'euthanasie
biologique, comme le dit le sociologue anglais Clive Seale. Ne pas aborder les
raisons du choix ministériel à limiter
l'aide médicale à mourir aux seules personnes en fin de vie me paraît d'autant
plus discutable que cette position est intenable
lorsqu'on regarde toutes les instances qui ont légiféré sur la question. Malgré
les affirmations ou les promesses de ses
promoteurs, aucune loi n'a pu être blindée contre ce que certains appellent des
dérapages, d'autres, les élargissements que ces derniers entraînent.
Le
second point que je veux mentionner à propos de l'aide médicale à mourir
concerne la responsabilité considérable que
le projet de loi met sur les épaules des médecins, en particulier au médecin
qui va administrer cette aide. Je ne crois pas que la procédure proposée
est suffisante pour accomplir un bon travail.
Voici
quelques raisons. Le Québec manque cruellement de médecins de famille qui
devraient être les principaux intervenants
à ce propos. Ils sont ceux qui devraient connaître le mieux leurs patients. Aux
Pays-Bas, par exemple, les citoyens ont largement accès à des praticiens
qui les suivent depuis l'enfance, et les soins se font habituellement à
domicile. Le médecin québécois qui ne connaît pas beaucoup le patient pourra
vérifier un certain nombre de critères mentionnés à l'article 26. Il lui sera
cependant plus difficile d'évaluer et de comprendre de manière empathique les souffrances physiques ou psychiques constantes,
insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions que la
personne juge tolérables, comme le dit l'article 26.
La Présidente (Mme
Proulx) : Il vous reste une minute, M. Doucet.
M. Doucet (Hubert) : O.K. Il m'apparaît que de nombreux médecins qui seront confrontés à ces
requêtes vivront des moments très
difficiles, selon les types de demandes qui leur sont faites. Et je crois que,
pour le médecin, au fond, qui, pour
la première fois, devra être à côté d'un mourant… Très peu de médecins sont là
à la mort d'un patient. Et là c'est lui qui va donner la mort. Et là il
y a un changement extrêmement important qui va se produire. Je crois que, là,
il faut poser cette question en termes de
soins, ce qui m'amène à dire que ce n'est pas le second médecin qui est là, qui
va aider. Il faut aller beaucoup…
Moi, je le ferais tomber. J'irais beaucoup plus dans une dimension d'une équipe
interdisciplinaire, qui connaît le médecin…
qui connaît le patient, pardon, et qui peut soutenir toutes les requêtes et
toutes les exigences que va poser
cette décision, l'attente de la décision et l'attente de poser l'acte où ce
sont les infirmières, les autres qui seront là. Et ceci donc ça me pose
un grand problème.
Et je termine au fait
qu'on pourrait et on devrait, me semble-t-il, faire appel aussi à la
consultation éthique, particulièrement dans
les débuts de cette opération où on ira vers autoriser l'aide médicale à
mourir, pour que les médecins et les
équipes soient accompagnés et aient la chance de discuter de ces questions-là
et que tout ça ne soit pas simplement une oeuvre médicale mais soit une
oeuvre soignante. Et je termine là-dessus.
La Présidente (Mme
Proulx) : Oui.
M. Doucet
(Hubert) : Je crois que j'ai dépassé un peu de quelques secondes mon
temps. Merci.
La Présidente (Mme
Proulx) : Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons maintenant
débuter le premier bloc d'échange avec le gouvernement. Mme la ministre, la
parole est à vous.
Mme
Hivon : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, merci, M. Doucet, de cette autre
présentation de grande qualité. Si on définissait, dans le projet de
loi, «soins palliatifs» avec la définition de l'OMS, est-ce que, pour vous, ce
serait une définition satisfaisante et ce devrait être la bonne définition?
M. Doucet (Hubert) : C'est une définition sur laquelle, je crois, on s'est entendu un peu
mondialement et c'est celle qu'on
retrouve à peu près partout. Et je crois que, dans ce sens-là, ce serait une définition qui répondrait à mes attentes, puisqu'elle est centrée sur les besoins et non pas simplement sur un aspect de la
réalité, qui est cette capacité d'autonomie.
La Présidente (Mme
Proulx) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Vous venez avec la question des soins de fin de vie et de la définition.
Je
dois vous dire que c'est très intéressant parce qu'il y a deux
écoles : il y a des gens qui nous ont dit : «Soins de
fin de vie», c'est trop restrictif, c'est
une partie, dans le fond, des soins en toute fin de vie, et d'autres,
comme vous et comme d'autres, nous
disent : En fait, «soins de fin de vie», ça comprend autre chose que ce
que vous prévoyez. Et, hier, il y
a eu votre consoeur, je dirais, en éthique,
Mme Delphine Roigt, qui est venue aussi. Elle nous a proposé une autre
définition qui serait un peu plus large pour pouvoir englober d'autres soins. Mais, moi, il y a
une chose que je ne veux pas qu'on oublie, c'est que, là, on est dans le
cadre d'un projet de loi pour les personnes en fin de vie, mais évidemment ça
ne veut pas dire que les autres soins qui sont prévus de manière générale, quand une personne est
malade, dans les autres lois ne sont pas applicables. Donc, la loi qui est devant nous, évidemment elle s'applique
en cohérence avec les autres lois qui existent. Donc, ça, je pense que c'est important de dire qu'évidemment on ne vient
pas limiter, d'aucune façon que ce soit, le droit d'une personne de
recevoir l'ensemble des soins qui sont dus à son état de santé. Je comprends
que vous, vous dites : Il faudrait être
plus large. Je fais juste vous dire une définition qui… vous donner une
définition qui nous a été soumise hier. On nous a dit qu'on devrait
définir «soins de fin de vie» par «les soins offerts aux personnes en fin
de vie, y compris les soins palliatifs, la sédation palliative terminale ou
continue — parce
qu'on s'enligne plus vers, peut-être, le terme "continue" — de
même que l'aide médicale à mourir».
Donc,
pour être moins restrictif, un peu dans le sens de ce que vous avancez aujourd'hui,
c'est ce qui était suggéré hier. Est-ce que vous avez une réaction par
rapport à ça?
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Doucet.
M.
Doucet (Hubert) : Dans la proposition que j'ai faite, c'est à peu
près la même chose, Je parlais de
soins de fin de vie qui... les soins de fin de vie qui comprennent entre
autres ces trois...
Mme
Hivon : …soins
dispensés aux patients dans la présente loi. Mais là c'est parce qu'en fait
vous, vous le preniez un peu par l'inverse. Vous dites : Dans le cadre de
la présente loi, on pourrait dire qu'ils se limitent aux soins palliatifs, à la
sédation terminale et à l'aide médicale à mourir.
M. Doucet (Hubert) : C'est ça. La
loi...
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Doucet.
M. Doucet
(Hubert) : Pardon. La loi n'aborde
que ces trois éléments-là. Moi, je dis : Quand même, les soins
de fin de vie sont plus larges que ces trois-là. C'est ce que je dis.
La Présidente (Mme Proulx) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Parfait. Et votre proposition,
c'est de dire : Les soins de fin de vie sont plus larges, donc il
faudrait venir dire : Aux fins de la présente loi, on doit les comprendre
comme a, b, c.
M. Doucet (Hubert) : Exactement.
Mme
Hivon : C'est
votre proposition?
M. Doucet (Hubert) : Oui.
Mme
Hivon : Parfait. Je vous dis, c'est très intéressant, parce qu'il y a des gens qui nous ont dit qu'en fait les soins de fin de vie étaient une partie des soins
palliatifs, vous comprenez, donc plus petits que les soins
compris dans un tout plus large qui serait
les soins palliatifs, et d'autres nous disent : Les soins de fin de vie,
en fait c'est plus large que ce que vous prévoyez. Donc, moi, je suis
plutôt de l'école que c'est plus large, mais il y en a qui nous ont dit le
contraire.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Doucet.
• (16 h 30) •
M. Doucet
(Hubert) : Moi, je crois que
c'est plus large. Les soins palliatifs, c'est un type de soins, c'est une
façon de soigner. Les soins terminaux que l'on
donne à des personnes qui sont atteintes de maladies cardiaques en toute fin
de vie et qu'on va quand même être là pour les derniers jours, ce ne sont pas
nécessairement des soins palliatifs au sens précis
du terme, au sens technique du terme, mais ce sont des soins terminaux dont le
document ne parle pas. Et je
crois qu'il faut avoir cette préoccupation
de, si on veut, Loi concernant les
soins de fin de vie. Et, si on exclut
ces soins qui sont comme naturels chez beaucoup de soignants et qui n'entrent
pas dans ces trois catégories, je crois que le projet de loi, à ce moment-là,
manque à son titre.
La Présidente (Mme Proulx) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Je vous
soumettrais qu'ils sont compris parce qu'ils sont déjà compris et entendus pour
toute personne qui est en fin de vie, je ne
sais pas si vous me suivez, dans le sens qu'on ne vient pas exclure rien de
comment on doit déjà accompagner. Ce qu'on vient dire aussi, c'est que les
soins palliatifs doivent être pleinement reconnus, et la sédation palliative,
mieux encadrée. Donc, on vient l'encadrer par la nécessité d'un protocole et l'aide
médicale à mourir, qu'on vient introduire.
La Présidente (Mme Proulx) :
M. Doucet.
M. Doucet
(Hubert) : Et le reste? Moi qui
suis un citoyen qui saura que maintenant le Québec a une loi concernant les soins de fin de vie et qui ne connaît pas
toutes ses distinctions vais dire : Voilà les soins de fin de vie. Je
crois que donc c'est comme… Parce qu'on
va se référer à cette loi, on va perdre de vue tous ces soins qui accompagnent
les personnes qui sont en soins de fin de vie et qui ne correspondent
pas à ces trois types de soins.
La Présidente (Mme Proulx) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. On pourrait en discuter longtemps, mais je comprends votre point de vue,
je comprends. Mais, dans les premiers articles, on dit aussi que cette
loi-là doit être lue en conformité avec… Mais je comprends ce que vous voulez
dire.
Vous, c'est comme si vous disiez : Il y a
un tout et il faudrait que tout soit dans cette loi-là, mais au même titre où
vous êtes conscient qu'il y a des choses qui sont prévues au Code civil, qu'on
ne vient pas réinclure dans cette loi-ci
parce que ça doit vivre côte à côte. Mais je comprends ce que vous me dites. Je
ne suis pas sûre que je partage… mais je comprends votre point de vue.
Sur
la question de la fin de vie, je veux bien comprendre ce que vous nous dites.
Effectivement, l'article 26, c'est pour les personnes en fin de
vie. Pourquoi on n'a pas répété «fin de vie» à chaque article du projet de loi?
Si c'est plus clair, il n'y a pas de
problème de le répéter à l'article 26, mais on a une question de rédaction
de loi à se demander, parce que, si on le met à certains articles puis
on ne le met pas à d'autres parce qu'on ne voulait pas que ça soit d'une lourdeur très importante, s'il est à certains
articles puis il ne l'est pas à d'autres, il faut donc se questionner. À
l'article 1, on disait que c'était pour les personnes en fin de vie, et,
le titre étant «fin de vie», ça va de soi donc que la personne, à l'article 26, est en fin de vie. Mais ce qui
m'intéresse, c'est que vous nous dites que… Pourquoi faudrait-il
restreindre l'aide médicale à mourir aux personnes en fin de vie? Et j'aimerais
vous entendre là-dessus. Il y a eu très peu de commentaires sur ça. Je vous dirais
pourquoi, parce que justement toute la philosophie et la volonté qu'on a, c'est
d'accompagner les gens en fin de vie et de
permettre que leurs souffrances puissent être endiguées, apaisées. Vous
pouvez me dire : Pourquoi on ne
permettrait pas à quelqu'un qui a 40 ans d'obtenir l'aide médicale à
mourir, même s'il en a peut-être 30
ou 40 devant lui, parce que, par exemple, il souffre déjà de manière constante?
Parce qu'on fait le choix justement que
c'est une personne qui est en fin de vie et dont la situation… elle n'a pas des
années et des années à vivre, la situation ne peut pas s'améliorer et que c'est donc quelque chose qui va de pair avec
une volonté d'accompagner les gens en fin de vie.
Donc, vous,
vous nous dites… Je veux bien comprendre. Est-ce que vous nous dites : Du
fait que vous limitez à la fin de
vie, on devrait laisser tomber carrément parce que ça ne marche pas, ce n'est
pas parfaitement cohérent ou vous nous dites : Au contraire, en
fait, vous devriez ouvrir ça à des personnes qui ne sont pas en fin de vie?
Le Président (M. Bergman) :
M. Doucet.
M. Doucet (Hubert) : Ce n'est pas ce que
je dis. Je vous pose la question : Pourquoi vous le limitez à la fin, vous voulez le limiter à la fin de vie? Parce que
vous n'indiquez pas pourquoi. C'est ça, moi, l'argument, la position que
j'ai. Vous ne le limitez pas à la fin de vie et vous n'expliquez pas, vous n'indiquez
pas… Par exemple, dans les notes explicatives
du début du projet de loi, vous n'expliquez pas, vous n'indiquez pas
pourquoi c'est limité à la fin de vie, alors que, lorsqu'on regarde toute l'histoire
depuis les années 90 — et
on pourrait remonter avant en ce qui a trait aux Pays-Bas — au
moment même où on a approuvé ces lois qui limitaient à la fin de vie,
vous avez tout de suite ce que certains appellent des dérapages.
D'autres n'appellent
pas ça des dérapages, ils disent : L'illogisme de la loi — ça dépend de quelle école on se trouve...
dans quelle école on se trouve — disent : Ça ne peut pas être limité
à la fin de vie.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Et maintenant, pour le premier bloc de l'opposition officielle, M. le député de
Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. D'abord, merci d'être ici, puis je trouve que c'est
très intéressant, surtout qu'on est dans les
dernières auditions, puis je pense qu'on tourne beaucoup au niveau de l'éthique
et, je dirais, même du côté philosophie.
J'ai beaucoup
apprécié ce que vous avez dit par
rapport aux intervenants. Jusqu'à maintenant,
les gens semblent penser que ça va être facile. On arrive en fin de vie,
on demande l'aide médicale à mourir, le médecin doit venir, on va s'entendre, le contrat est signé, on injecte,
il décède. Puis ce ne sera pas comme ça, là. Un, moi, je suis toujours étonné de dire : 60 %
des médecins sont soit en accord… Mais, à la limite, on m'a dit, moi, que
60 % des médecins seraient prêts à le faire. Mais, je suis d'accord avec vous, il y a très peu de médecins
qui voient mourir leurs patients. Généralement, les médecins sont
appelés après. Ils ne sont pas présents lors du décès, ils viennent le
constater après. Et c'est l'équipe soignante
qui prend charge du patient. Et là on parle de poser un geste. Et moi, j'aimerais
ça qu'on élève le niveau de discussion.
Ce n'est pas
une technicité, qu'on fait, là, c'est vraiment une décision de mettre fin à la
vie de quelqu'un selon son choix, à
cette personne-là. Et je pense qu'en termes d'organisation des services, en
termes de conséquences également pour le personnel soignant, et ça, ça a
été souvent dit par les gens des soins palliatifs, ça peut avoir des
conséquences importantes. Et, vous, ce que je comprends dans vos paroles, c'est
que vous voyez que ce ne sera pas un geste banal.
Le Président (M. Bergman) :
M. Doucet.
M. Doucet (Hubert) : Moi, je crois que ça
va entraîner beaucoup de souffrance morale ou de détresse morale, comme on dit parfois, chez de nombreux
professionnels de la santé, d'abord chez les médecins qui ne sont pas habitués à poser des gestes semblables
directement, parce que l'injection qu'ils vont poser, c'est la mort. Et ça, ce
n'est pas des choses qu'ils font.
Deuxièmement, ils ne sont pas là habituellement, ce sont les infirmières qui
posent des gestes de ce type-là. Et combien de consultations j'ai eues
dans ma carrière, soit à Ottawa soit à Montréal… combien de consultations j'ai
eues des équipes de soins qui refusaient d'arrêter soit les traitements, qui
refusaient d'arrêter soit la nutrition en
particulier parce que ces infirmières disaient : C'est moi qui tue ce
patient? Parce que c'est elles qui sont au chevet du malade.
Et là, au
fond, il n'y a pas seulement le geste qui va être posé, il y a la préparation,
il y a la discussion qui va avoir lieu entre le médecin et le patient. Qui sera
ce médecin? Un médecin que j'ai vu pas souvent, un médecin qui me
connaît bien, etc.? Et après, entre le moment où la conversation aura commencé
et le moment où la décision sera prise et où le
geste sera posé, il y aura les soins réguliers qui seront donnés, qu'on fait
habituellement, qu'il y ait ou pas aide médicale à mourir. Mais, vous
voyez, le risque, c'est : Dans quel contexte, dans quel... avec quel
esprit tout cela va se faire? Et c'est ça, mon
inquiétude. Et ce n'est pas que cette décision ne doit pas être prise, c'est qu'elle
ne peut pas être une réalité purement bureaucratique et juridique.
On est dans l'ordre
du soin, et l'ordre du soin, dans l'hôpital et dans les soins contemporains, c'est
du travail en équipe et c'est ça qu'il faut privilégier. Et c'est pour
ça que, par exemple, entre autres, je ne vois pas pourquoi... Que vient faire ce second médecin? Et il y a peu d'études
qui ont été faites là-dessus, mais les gens
qui ont pratiqué l'euthanasie en
Belgique, en particulier — je
l'ai cité dans mon mémoire déjà — ils
ne voient… Parce que très souvent le médecin qui est demandé, c'est
un «rubber stamping», il ne connaît pas… Le premier connaît souvent peu, le
deuxième vient à la rescousse de son collègue.
Et, quand on fait des consultations, souvent, dans les hôpitaux,
il arrive que c'est aussi comme ça, ça se fait dans un corridor, et tout
ça.
Alors, c'est
ça qu'il me semble, qu'il faut creuser davantage sur le modus de... sur la manière de faire ceci.
Et nulle part, jusqu'ici, en Belgique, dans les Pays-Bas, au Luxembourg,
nulle part on n'a vraiment abordé la question de cette manière-là. Et je crois
qu'on est trop dépendant des processus juridiques empruntés des autres pays. C'est
à peu près toujours la même chose.
• (16 h 40) •
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Écoutez, je trouve ça très intéressant, parce que j'ai fait plusieurs
interventions plusieurs fois en disant : Je suis d'accord,
ça n'enlève rien au bien-fondé de la loi. Les principes peuvent être
valables, mais je pense qu'on simplifie l'application et la difficulté de l'application.
Je pense que
vous avez utilisé les bons mots. On le voit beaucoup actuellement comme
étant quelque chose de plus
bureaucratique et juridique. Ça répond à la règle, on l'applique. Puis on s'imagine
que ça n'aura pas d'effet sur les équipes
soignantes, alors que ça va avoir des effets sur les équipes soignantes. Et le
but de ce que je viens de dire là, ce n'est pas de dire que la loi ne doit pas être passée, mais il faut en tenir
compte et il faut regarder comment on va faire pour faire la… pour ne pas utiliser la meilleure, parce que
je ne pense pas qu'il y a toujours des meilleures, mais une bonne façon de faire
pour qu'on puisse avoir une applicabilité au niveau de la loi, mais que ce ne soit pas trop complexe et compliqué. Et là on pourrait avoir un
risque de dérive. Puis je vais vous donner un exemple. Les gens peuvent
dire : J'ai tout fait ce qu'il fallait,
mais je ne suis pas capable de l'avoir. Comment on va réagir à ça? Et la loi
apporte des contraintes. Elle donne des
droits, puis il y a des contraintes. Je comprends qu'il y a
une limitation en disant : C'est en fonction des ressources, mais
là il va falloir qu'on nous dise un jour : En fonction des ressources, est-ce
que ça veut dire que, s'il n'y a pas de médecin pour le faire, on accepte le
principe que le droit de la personne ne sera pas appliqué?
Et c'est tout
le questionnement. Puis je n'ai pas de réponse aujourd'hui, là. On va en faire la discussion lorsqu'on va faire l'article
par article, mais il reste que ce serait un petit peu irresponsable de ne pas
en faire la discussion. Et, même si on n'a
pas de réponse à la fin, il faut au moins que les gens entendent ces commentaires-là et sachent que, oui, il va y avoir des écueils quand on va
mettre en application la loi. Moi, est-ce que je rejoins votre propos quand je…
Le Président (M. Bergman) :
M. Doucet.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
On échange, on est en dialogue.
M. Doucet
(Hubert) : Oui, oui, tout à fait.
Parce que moi, j'ai fait beaucoup de consultations dans des CHSLD. J'ai fait de
la formation avec les professionnels en CHSLD, et le travail d'équipe avec le
médecin, par exemple, qui n'est pas là très souvent, est très
difficile. Alors, comment va se réaliser, quand on pense à ces situations-là…
comment va se réaliser ce processus
de manière à valoriser l'autonomie de la personne malade? C'est ça qu'il faut
se poser. Comment on va l'aider compte tenu de ce qu'elle est et non seulement de ce qu'elle dit vouloir, mais de ce qu'elle est
dans sa complexité, dans sa globalité, etc.? Et c'est ça qu'il faut. C'est
ça qui s'appelle soigner, prendre soin.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Vous n'avez pas eu le temps de le traiter dans
votre allocution, mais, la question de la directive médicale anticipée,
dans vos recommandations, vous recommandez que ce soit un article qui soit
enlevé. Est-ce que vous pouvez le justifier?
M. Doucet (Hubert) : Oui.
Le Président (M. Bergman) :
M. Doucet.
M. Doucet (Hubert) : Bien, c'est-à-dire,
je vais essayer de le justifier. Alors, pourquoi?
Quand j'ai lu ça, j'ai eu la réaction spontanée,
j'ai dit : Une autre directive anticipée. On est surprotégés au Québec : il y a le mandat en cas d'inaptitude,
il y a les niveaux de soins puis il y a maintenant les directives
anticipées. Encore là, je trouve que ça fait
très bureaucratique. Et on a de la difficulté à bien réaliser les niveaux de
soins ou ce qu'on peut appeler la planification préalable des soins. C'est
mal fait. C'est fait parfois dans les urgences. Ce n'est pas fait par un
médecin qui prend le temps d'échanger avec le patient. Quand on regarde, par
exemple, en Angleterre, quand on regarde dans plusieurs endroits aux
États-Unis, etc., il y a toute une démarche qui est mise en place pour que
cette planification préalable soit faite par
le médecin, soit faite par le patient avec le médecin au moment où il y a des
échanges. Et c'est ça
qui m'apparaît essentiel. Et ce n'est pas parce que je suis contre des
directives anticipées, contre la planification préalable des soins. Au
contraire, il faut valoriser cette dimension-là de plus en plus.
Quand, je me
rappelle, en 1976… lorsque sont apparus les premiers testaments de vie, tout le
monde s'opposait à ça en
disant : Ce n'est pas possible. Là, aujourd'hui, tout le monde veut en
mettre, mais veut en mettre partout. Mais comment le fait-on? C'est toujours
sur la manière de faire, moi qui… L'idée est toujours très bonne, mais comment
on va le faire? Et c'est pour ça que j'aimerais
qu'on s'arrête et qu'on dise : Qu'est-ce qui serait bien pour des patients
qui vont arriver en fin de vie,
compte tenu de l'ensemble des autres démarches qui auraient dû être faites
avant? Je trouve que c'est plus que simplement
faire… simplement dire : Nous avons des directives médicales anticipées.
Encore là, on revient aux soins et à la manière de faire pour redonner
le plus possible… pour que le patient ne se sente pas simplement pris… il y a
des papiers à remplir, mais qu'il a fait vraiment ses choix et qu'il sait… et
la confiance qu'ils seront respectés.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le
deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Merci beaucoup, M. le Président. Je pense que ce sont des échanges
excessivement intéressants, comme on en a eu avec, hier, un autre groupe
en éthique, comme on en a eu aussi ce matin avec la société des soins
palliatifs du Grand Montréal, mais je pense qu'il faut se rappeler qu'une loi,
c'est une loi. Ça ne peut pas tout faire, une
loi. Je pense, par exemple, à la loi sur la procréation assistée. Il y a des
enjeux éthiques, il y a des enjeux de dialogue très importants entre un
médecin et un patient quand ils s'engagent dans un processus comme celui-là. La
loi ne vient pas prévoir tout ce dialogue, toute cette réalité de comment on
fait toutes ces étapes.
La loi, elle
vient encadrer un certain processus. Dans ce projet de loi là, on va déjà quand
même loin en disant aux établissements : Vous devez vous doter de
politiques, vous devez faire les choses comme ça. Les articles 26, 27, 28
viennent prévoir un processus. On doit s'entretenir de la demande avec des
membres de l'équipe de soins, on doit s'entretenir avec les proches si la
personne le souhaite. Ça va beaucoup plus loin que ce qu'on peut voir en termes
de soins dans un code civil, où il y a des
décisions excessivement importantes qui se prennent au quotidien. Des arrêts
de traitement — vous y faisiez référence tantôt — des arrêts de traitement, des refus de
traitement. À ce jour, ce n'est pas la loi qui vient dire comment on
doit faire en sorte de s'assurer que cette décision-là est la bonne. Ce sont
les processus, c'est le dialogue, c'est la
relation. Donc, je me dis : Pourquoi, là, soudainement, tout devrait être
dans la loi? On ne pourra pas venir tout mettre dans la loi, tout venir
prévoir comment la relation doit devoir s'articuler, comment le dialogue doit se faire. Moi, je trouve qu'on va déjà quand même
très loin là-dedans, alors qu'il y a déjà des choses très importantes qui se font en ce moment, qui n'ont aucun
encadrement de cette nature-là. Donc, ça, je pense que c'est peut-être
important.
Je suis tout à fait d'accord avec vous, ce n'est
pas une réalité qui est purement et bêtement administrative ou bureaucratique. Tout à fait d'accord avec vous.
Mais, tout ce que ça implique, ce n'est pas une loi qui peut venir
prévoir ça. C'est dans la pratique, c'est
dans la définition aussi de la pratique médicale, c'est dans la formation des
médecins. Donc, je pense aussi qu'il faut remettre ça en perspective
aussi. La même chose aussi pour ce qui se fait dans les autres juridictions.
Les autres juridictions… vous disiez tout à l'heure : On n'a pas respecté
l'idée de la fin de vie. Mais aux Pays-Bas et en Belgique ce n'est pas une
limite, on n'est pas limité à la fin de vie. Donc…
Une voix : ...
Mme
Hivon :
Non, mais dans la loi même. Alors, c'est une approche qui est différente, donc
c'est normal, là. Il y a des gens qui disent : Comment ça qu'il y a
eu telle personne qui a pu obtenir, donc, une fin de vie selon les lois belges ou aux Pays-Bas, dans telles circonstances?
Bien, parce que leur législation, elle est différente. Mais, si on
regarde l'Oregon puis si on regarde l'État
de Washington, eux, ils sont dans un contexte de fin de vie, et je n'ai pas
entendu dire qu'on n'avait pas respecté l'idée de la fin de vie.
Donc, il faut
aussi regarder avec quels outils on travaille
pour voir ensuite comment on évalue, s'il y a des dérives ou s'il n'y a
pas de dérive. Donc, je ne sais pas si vous voulez commenter sur cet aspect-là.
• (16 h 50) •
Le Président (M. Bergman) :
M. Doucet.
M. Doucet (Hubert) : Lorsque je lisais le
projet de loi, je préparais mon mémoire, etc., je me suis posé, à quelques occasions, à quelques reprises, la
question : Est-ce que je suis en train de sortir d'un projet de loi, donc la remarque que vous
avez faite à propos que c'est un projet
de loi, ce n'est pas une orientation politique
ou quelque chose du genre? Et j'ai quand même pris la décision d'aller
dans la direction où je suis allé, me doutant que j'allais avoir l'objection
que j'ai eue. Pourquoi j'ai décidé d'y
aller? C'est parce que je voulais faire ressortir que nous pouvons
passer plusieurs lois, mais, tant que ces lois ne sont pas animées, tant
qu'elles ne sont pas reconnues comme plus riches que ce que dit le texte, nos lois ne valent pas grand-chose. Et c'est
ça que je crains avec ce projet de
loi, parce que ce projet de loi et la note explicative qui
accompagne le projet de loi… C'était au niveau de la note explicative que ces
aspects que je fais ressortir devraient être mis en relief. C'est-à-dire
que, si on donne des notes explicatives, c'est de nous dire qu'on est dans un projet
de loi et qu'un projet de loi ne peut dire que ça, mais, au fond, que les
pratiques vont exiger d'autres choses.
Mme
Hivon :
Moi, j'aimerais vous faire une confidence, je dois vous dire que j'ai trouvé ça
beaucoup plus excitant, faire le rapport de
la commission spéciale, que de faire un projet de loi. Pourquoi? Parce qu'exactement comme vous le dites c'est beaucoup plus global, on est à différents niveaux :
niveaux philosophique, éthique, médical, juridique. On vient mettre en place les concepts, on fait les
recommandations, mais c'est ça, le défi. Puis je dois vous dire que c'est tout
un défi pour les légistes aussi.
C'est
qu'une loi, c'est une loi. Je ne suis pas en train de vous dire : C'est
juste une loi. Je pense que des lois, ça peut être formidable. Je
pense qu'on a déjà un bon projet de loi, mais ce n'est pas ça qui donne toute
une impulsion à tout, ensuite, ce qui doit suivre. C'est, je dirais, la base, c'est
le cadre, et moi, je trouve qu'il est pas mal plus excitant que beaucoup
de projets de loi qu'on lit. J'ai voulu qu'il y ait de quoi dedans
qui dise des choses. Il y a des principes. Je pense qu'il y a des valeurs d'affirmées. Moi, je ne le trouve
pas plate. Mais est-ce que c'est archiexcitant, un projet de loi? Ça demeure un
projet de loi. Et après c'est un défi, c'est un défi à moi, comme ministre, si
cette loi-là passe, d'en expliquer tous les
tenants et aboutissants. C'est un défi à toutes les organisations, qui sont
sollicitées, de bien l'appliquer, de bien
dialoguer, de nous faire une campagne d'information, d'amener toute la population
et les soignants aussi du réseau et à l'extérieur du réseau à s'approprier
ça. Mais ce n'est pas la loi qui peut tout faire ça. C'est juste ça. Moi, j'accueille
très favorablement ce que vous me dites et
je ne veux pas que vous… C'est juste que je veux qu'on soit réalistes
quant à ce qu'une loi peut faire versus ce
qu'une loi ne peut pas faire. Mais, tout le suivi de la loi, l'application de
la loi, l'impulsion que la loi va
donner, toute la pédagogie qui va s'ensuivre, moi, je suis très confiante que
ça va donner des résultats très intéressants
et au-delà de ce qu'on prévoit dans la loi en termes de, je dirais,
de relation entre le patient et l'équipe soignante.
Et
puis je voudrais… je sais que vous allez vouloir réagir à ça, donc je vais vous
laisser réagir, mais je voudrais aussi
réagir, parce que vous avez dit tantôt quelque chose de très fort, je trouve : Ça va obliger les médecins à
être aux côtés de leurs patients quand ils meurent. Mais je dois vous
dire que, pour quelqu'un qui n'est pas médecin, qui est du public, là, c'est quand même toute une
constatation de se dire : Bien, c'est vrai, ce n'est jamais
les médecins, ce n'est jamais les
médecins qui sont là, c'est les infirmières, c'est les proches. Et donc je ne
suis pas… Je comprends tout à
fait qu'en soi c'est quelque chose de très nouveau et interpellant pour les médecins, mais en même temps tout le monde est d'accord que l'aide médicale à mourir
doit être l'apanage des médecins compte tenu de l'importance de ce soin ou de
cet acte.
Mais,
c'est vrai, vous avez raison, est-ce
que ça va faire en sorte que ça va
être facile? Pas nécessairement. Mais en même temps vous avez
vous-même dit : Les arrêts de traitement, il y a des infirmières qui
disent : Mon Dieu, arrêter l'hydratation,
arrêter l'alimentation, je ne veux pas le faire parce que
je sais très bien ça va être quoi, la conséquence. Donc, je
pense aussi que ça nous amène à réfléchir qu'il y a déjà de ces décisions-là
qui se prennent, de ces gestes-là qui se posent,
qui ne sont vraiment pas faciles déjà, au quotidien. Et, en
fait, ce que j'ai envie de vous demander, c'est : Est-ce que
soudainement ça va être plus difficile parce que ce sont les médecins plutôt
que les infirmières qui vont devoir donner ces soins-là ou faire ces gestes-là?
Pourquoi
ce serait plus dur pour un médecin que pour une infirmière, par exemple, qui fait une sédation palliative ou un arrêt de traitement?
Le Président (M.
Bergman) : M. Doucet, il reste 1 min 30 s dans
ce bloc pour répondre à ces questions, s'il vous plaît.
M. Doucet (Hubert) : Oui. Je voudrais d'abord répondre à une première question
sur le fait qu'un projet de
loi doit être limité à être froid plutôt que chaud, «hot» plutôt que... comme
on dit. Et je vous donne un exemple où on aurait pu être plus chaud. C'est à l'article 10 : Lorsque, par exemple, le directeur de l'établissement doit faire un rapport à chaque année sur les soins de fin de vie,
tout ce qu'il lui est demandé, ce sont des chiffres : le nombre de
personnes, le nombre de sédations, le nombre de demandes à mourir, le
nombre d'aides médicales, le nombre de demandes d'aide médicale refusées, etc., mais il n'y a
rien qui lui est demandé, dans ce rapport, sur les modalités de pratique, la
philosophie des soins de l'établissement, les difficultés rencontrées,
les progrès qui sont accomplis.
Au
fond, vous avez là, je crois, un exemple de la critique que je porte sur la
dimension bureaucratique du document, parce que, là, vous auriez pu,
tout en demeurant très rigoureux, indiquer des éléments que devrait contenir ce
rapport, qui dépassent le simple quantitatif. Ça, c'est ma réponse.
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin...
M. Doucet (Hubert) : Et l'autre : Pourquoi ce serait plus difficile pour un médecin que
pour une infirmière? C'est parce qu'il y a toute une longue tradition des soins
infirmiers. Les médecins devront apprendre, et ça, c'est un nouveau...
Et ce qui arrive très souvent, on le voit dans les arrêts de traitement, c'est
que beaucoup de médecins, à cause des traditions,
sont tentés, dans ces moments difficiles, de faire les choses seuls. Et c'est
là que naissent des crises éthiques qui, heureusement, permettent aux
éthiciens de gagner leur vie.
Le Président (M.
Bergman) : Alors, ceci met fin au deuxième bloc du gouvernement.
Maintenant, pour le deuxième bloc de l'opposition officielle, M. le député de
Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. On est
encore dans le dialogue. Une des raisons pour lesquelles ça va être difficile, c'est que, théoriquement, ça
a l'air facile à faire, mais c'est un geste qui est difficile à poser. Mais
un des problèmes : il n'y aura pas
beaucoup de cas au Québec. Peut-être qu'il va y en avoir… moi, je dis «pas
beaucoup» dans le sens... un terme,
peut-être on l'estime autour de 500 à 600, ce qui veut dire que chaque médecin
va peut-être le faire une fois à l'occasion. Puis, en tenant compte qu'il
y a des gens qui font déjà les soins palliatifs, la majorité ne voudront pas
poser le geste.
Donc, à
toutes les fois, ça va être un défi pour ce médecin-là de dire : Comment
je le fais, qu'est-ce que je fais? En
Europe, souvent c'est des gens qui sont assez spécialisés là-dedans, qui en
font 1 200, 1 300 puis 1 400. Ils connaissent bien leur dosage. Mais là
on parle… même en applicabilité, puis je vais vous donner un exemple :
vous avez beau être médecin, si vous,
vous accouchez un bébé aux deux ans, c'est un risque et pour le patient et pour
le médecin. Donc, ça va être dans l'applicabilité.
Encore là, je tiens à le rappeler, ça n'enlève pas la valeur au projet de loi,
mais je pense qu'on a sous-estimé les difficultés d'application du projet
de loi. Et, en obligeant, entre autres, la question de contrainte au niveau des directives médicales anticipées,
également en disant que c'est le médecin qui doit injecter, bien vous allez
voir qu'il y a plusieurs médecins qui vont
dire : Moi, maintenant, je suis d'accord avec ça, là, je serais prêt à le
faire, mais je ne le ferai pas. C'est
ça, le discours qu'on va avoir. Deuxièmement, là ça va revenir au
DSP — en
passant, moi, on veut changer ça
parce que je pense qu'il y a moyen de mieux faire que ça — et là il y a quelqu'un qu'il va falloir… qu'on
trouve une autre personne pour être capable de le faire. Il n'y a rien d'insurmontable,
mais c'est difficile. Puis je suis content parce
que la ministre a reconnu qu'au début, quand ils ont fait la commission Mourir
dans la dignité, on est arrivé avec un beau rapport qui a donné des
beaux grands principes auxquels on peut adhérer ou on ne peut ne pas adhérer,
mais, quand on arrive dans le projet de loi, on arrive dans les détails.
Il y a
tellement de situations variées, il y a tellement de possibilités qu'il y ait
une évolution qui est différente que, comme législateurs, sans dire qu'on
doit tout prévoir, on doit essayer au moins de faire du droit préventif puis
être capables de dire : Dans telle situation,
on peut-u prévoir quelque chose?, de
façon à ce que par la suite quelqu'un ne nous dise pas : Bien, comment ça
se fait que vous n'y avez pas pensé, il me semble que c'était évident? Et ça n'a
rien à voir avec l'éthique, rien à voir avec le droit, rien à voir avec l'applicabilité.
Je mets un autre élément sur la table : lorsqu'il
va y en avoir un, cas spécial qui ne sera même pas anormal puis qui va faire la
première page des journaux… on est dans un monde médiatique, là, où la
population ne comprendra pas que ce cas-là arrive, alors qu'on a passé une loi
comme celle-là.
Une fois qu'on a dit ça, moi, je continue à penser
que c'est un bon projet de loi, qu'il faut le travailler comme il faut,
mais la façon dont on va le travailler à l'article par article va être très
différente d'avec quand on a fait la commission Mourir dans la dignité, où c'étaient
les grands principes. Là, on est dans l'applicabilité puis également dans du
droit, puis c'est du droit nouveau. On ne sait pas comment ça va se terminer.
Puis je ne sais pas si vous voulez donner...
Bon. Quand vous parlez, on ne sait pas si vous
êtes pour l'aide médicale à mourir ou contre ou vous ne voulez pas vous
prononcer.
• (17 heures) •
Le Président (M. Bergman) :
M. Doucet.
M. Doucet
(Hubert) : Depuis les débuts
de la commission ou des commissions qui ont siégé là-dessus, mon angle d'analyse
a toujours été de me centrer sur le patient, et la souffrance des patients, et
la souffrance des soignants, et ce rapport… au fond, mon mémoire, c'est ce à
quoi il s'intéresse.
Au fond, c'est
comme si l'aide médicale à mourir était secondaire dans ma préoccupation par
rapport à ce qui est le vécu des
soignants, le vécu des patients, le vécu des familles. C'est ça qui me
préoccupe. Et c'est pour ça que je cherche, par toutes sortes de moyens,
même dans le cadre de ce projet de loi, à dire : Moi, je ne vois pas ce
que fait ce second médecin puis je trouve que ce serait beaucoup mieux d'aller
dans une ligne contemporaine, des équipes de soins, de pratique... au fond, de
groupes de pratique qui discutent de la question. Et c'est pour ça aussi que...
Et ça, ça peut être dans un projet de loi.
Aussi, je
propose que, dans des situations extrêmement difficiles, on aille vers une... comme des
consultants en éthique. Les consultants en éthique, moi, j'ai fait ce
travail-là pendant tellement longtemps, j'ai créé l'unité d'éthique clinique de Sainte-Justine depuis des années.
Alors, qu'est-ce qu'on fait quand il y a une tension? Quand,
dans certaines situations, il y a des gens qui voulaient arrêter la nutrition des
enfants et que d'autres disaient : C'est un scandale, qu'est-ce qu'on a fait? C'est qu'on a réuni les gens. On n'a
pas fait une réunion de comité, on a réuni les acteurs. C'est les
acteurs qui, se parlant entre eux, sont arrivés à se comprendre, et au fond l'éthique
ne servait que de médiation pour favoriser le dialogue.
Et je crois que, dans des situations extrêmement complexes, il faudrait prévoir
une instance éthique qui n'est pas décisionnelle,
qui n'est... Pour moi, à la fin de ma carrière, ce n'était même pas
consultatif, c'était simplement de faire se parler les gens ensemble.
Ils arrivent à comprendre les enjeux d'une situation. Et ça, je trouve que c'est
important, ce type-là, parce que c'est ça qui... Une fois que les gens ont
passé une fois ou l'autre là-dedans, ils sont capables de se parler entre eux de
façon régulière.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. Je trouve ça intéressant, mais ça n'a pas été le choix
du législateur, parce que ce qu'on voulait
aussi, c'était ne pas compliquer, simplifier puis surtout respecter la volonté
de la personne en assumant que tout allait bien se faire, mais je ne
suis pas certain qu'on a vu toutes les conséquences.
Par contre,
il faut trouver des solutions à ces cas complexes dans lesquels... Puis il en
arrive, hein? Moi, comme médecin, là, même des cas d'arrêt de
traitement, à un moment donné, les gens disent : J'aimerais ça avoir un
avis à quelque part. Ça respecte peut-être la volonté de la personne, mais il y
a un dialogue qui doit se faire.
L'autre élément. Lorsqu'on parlait du temps, il
n'y a pas de système parfait, mais il y a eu quand même la suggestion de
dire : Est-ce qu'on pourrait dire que, sans parler d'imminence de la vie…
que les cas devraient être à l'intérieur de six mois? Et vous avez parlé tantôt de gens
qui, peut-être qu'eux autres… on sait que leur espérance de
vie est de 10 ans, mais ils vont avoir une
vie tellement dans l'agonie — puis il
y a des cas comme ça vraiment
très difficiles, mais que, médicalement, on peut les garder 10 ans en
vie — qu'eux
autres, oui, ils pourraient avoir un avis au niveau d'un comité spécial d'éthique,
qui pourrait donner l'autorisation, à ce moment-là, de dire : Oui, on
pourrait accorder à
cette personne-là l'aide médicale à mourir dans telle circonstance pour éviter
la dérive puis le dérapage. Le problème, c'est l'équilibre. À partir du moment que tu mets plus de règles de
contrôle, bien tu donnes nécessairement un moins bon accès, et puis ça aussi, ça
peut amener des difficultés de fonctionnement.
Mais, encore
là, je vous dis : Je n'ai pas de réponse aujourd'hui, là. Puis je pense
qu'il y a beaucoup de monde qui sont venus nous parler de toutes
sortes de choses souvent contradictoires, puis il va falloir prendre le temps lorsqu'on
va faire la lecture du projet de loi article par article. Puis je ne sais pas comment ça va
finir, mais, à la fin, il faut, sans dire «avoir toutes les réponses», au moins essayer d'éviter de faire ce que j'appellerais
un principe de malfaisance, c'est-à-dire
de commettre plus de problèmes
qu'on va trouver de solutions. Vous avez le principe de bienfaisance et non-malfaisance.
Le Président (M. Bergman) :
M. Doucet.
M. Doucet (Hubert) : Oui. Bon, moi,
je suis conscient, hein, que c'est très difficile pour un législateur dans le contexte actuel, compte tenu de… à la fois, que
c'est très tendu d'une part et d'autre entre… et des oppositions très
marquées. D'autre part, pour tout le monde, hein, je crois que personne ne
pense la mort en termes joyeux. C'est un élément
dramatique, tragique de l'existence pour tout le monde. Alors, c'est très
difficile. Donc, le législateur doit, à un moment donné, se positionner.
Ça, je n'ai aucune difficulté là-dessus. Mais il doit se positionner en se
disant : Non seulement j'ai favorisé le respect de l'autonomie, mais j'ai
aussi respecté le respect, j'ai aussi respecté la personne dans sa globalité, l'autonomie
étant une de ces manifestations-là.
Le Président (M. Bergman) : S'il
vous plaît, en conclusion.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
O.K.
Le
Président (M. Bergman) : Maintenant, pour le deuxième groupe d'opposition,
Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Merci, M. Doucet, d'être avec nous. J'aimerais revenir…
j'ai lu votre mémoire, qui est d'une
grande qualité, et j'aimerais revenir sur la notion du deuxième médecin qui…
bon, dont… vous êtes le premier à nous en parler.
Moi, pour
moi — je suis
médecin moi-même — l'opinion
d'un confrère, quand arrive un geste d'une importance telle que de l'aide médicale à mourir, c'est-à-dire
qu'il y a une notion d'irréversibilité à partir du moment où on a fait
ce geste… Moi, qui suis dans la peau d'un
médecin, je me sens rassurée de penser qu'il y a un deuxième médecin.
Même si j'ai une équipe multidisciplinaire
autour de moi, le fait d'avoir une opinion d'un collègue médecin qui me
renforce, qui me dit… Parce que, vous
savez, il y a une notion de proximité avec nos patients, et spécialement en fin
de vie, où le patient se livre à nous
parce que justement il sent la fin, il est prêt à… il dévoile jusqu'à ses
moindres secrets souvent et il y a une certaine proximité qui se
développe entre le médecin soignant et son patient, spécialement en fin de vie,
et que de poser un geste qui est
irréversible… de savoir qu'un collègue est venu, avec des yeux de l'extérieur,
regarder l'état du patient, s'assurer que ce n'est pas une dépression
qui est sous-jacente à sa demande, s'assurer qu'effectivement il a été capable d'évaluer certains critères médicaux,
et me rassurer par rapport à ça me rassure dans le geste que je devrais
poser — moi,
je parle de moi, mais de n'importe quel médecin — d'autant plus qu'on
sait que c'est un geste qui sera limité à
quelques reprises. Si on imagine 500 à 600 cas par année, on sait très bien que
ce n'est pas un geste qui va être d'une grande expertise par aucun du
corps médical.
Et je dois vous avouer que j'ai été étonnée de
votre remarque, mais aussi étonnée finalement parce que vous vous êtes basé aussi sur l'expérience qui s'est
passée en Belgique. Alors, j'aimerais peut-être vous entendre un petit
peu plus sur la notion, que vous avez mentionnée, qui vient de la Belgique, de
l'expérience de la Belgique.
Le Président (M. Bergman) :
M. Doucet.
• (17 h 10) •
M. Doucet (Hubert) : Bien, l'expérience
de la Belgique? Donc, on n'a que des témoignages. Je dirais qu'il n'y a pas de donnée probante là-dessus parce que c'est
quelque chose qui est fait mais qui est fait comme ça. Ce n'est pas un élément central de la démarche habituelle. C'est
fait, mais ça ne prend pas plus de place que ça, comparé, par exemple, à
la difficulté du médecin, à la souffrance du médecin lui-même. Ça, il y a une
première différence.
D'autre part, moi, ce qui me frappe, c'est que,
dans les équipes qui fonctionnent bien, la richesse des points de vue qu'apportent les membres de l'équipe pour
construire la réflexion du médecin est beaucoup plus riche et beaucoup plus complexe parce qu'elle fait voir d'autres
éléments que votre collègue, lui, en tant que médecin, ne voit pas. Et c'est
ça qui, je crois… il faut faire voir aussi. C'est que, ces souffrances-là qui
sont insupportables, qui sont intenables, qu'est-ce qu'elles veulent dire?, d'où
elles viennent, etc.? Je crois qu'une équipe est beaucoup plus en mesure de s'intéresser à ça parce qu'elles ont… l'équipe a
suivi la personne, elle l'a accompagnée aussi, tandis que le médecin… le
deuxième médecin, lui, il est là à côté pour vérifier.
Mais moi, j'essaie de ramener plutôt une qualité
de présence de l'aide que va recevoir le médecin qui devra prendre la décision.
Et comme on valorise… je pense que la pratique de la médecine est en train de
changer, et on le voit bien. Parce que maintenant le Collège des médecins
permet à d'autres professions de poser des gestes médicaux, même si c'est très difficile pour le collège de
laisser aller. Alors, moi, je crois qu'il faut aller… C'est peut-être
utopique, ma façon de penser. Je le crois, d'ailleurs. Mais il faut pousser
partout cette dimension des équipes qui participent au processus de soins et de
décision.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est
écoulé. M. Doucet, merci pour être ici avec nous et partager votre expertise
avec nous.
Je demande les gens
du comité d'experts juristes pour prendre place à la table et je suspends pour
quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à
17 h 12)
(Reprise à 17 h 14)
La Présidente (Mme
Proulx) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission va
poursuivre ses travaux.
Alors, je souhaite la
bienvenue à nos invités. Je vous demanderais tout d'abord de vous présenter et
je vous rappelle que vous disposez d'environ 15 minutes pour votre
présentation. La parole est à vous.
Comité de juristes experts
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Alors donc, bonjour, Mme la ministre, Mmes,
MM. les députés. Alors, mon nom est
Jean-Pierre Ménard, je suis président du Comité de juristes experts que le
précédent gouvernement avait désigné en 2012 pour examiner la suite à
donner aux recommandations de la commission de mourir dans la dignité. Je suis
avec ma collègue, Me Michelle Giroux, qui
est professeure à l'Université d'Ottawa en droit des personnes et en
bioéthique. Malheureusement, Me Jean-Claude
Hébert, qui devait être avec nous jusqu'à il n'y a pas longtemps, il ne pouvait
pas être ici aujourd'hui. Vous avez
par l'actualité certainement vu qu'il était extraordinairement occupé avec des
choses qui se passent à Montréal. Alors, je lui ai parlé encore voilà
une demi-heure. Il me prie de s'excuser de son absence et vous faire part de
son intérêt pour ce qu'on va discuter aussi.
Alors,
écoutez, on vous a fait parvenir,
peut-être, malheureusement, un petit
peu tardivement, mais en tout
cas, au moins… notre réflexion sur le projet de loi. Écoutez, la façon dont on va faire la présentation, on va la faire
conjointement, Me Giroux et moi. On va
repasser rapidement, alors on ne lira pas évidemment
le document. Mais on va passer rapidement sur certains aspects de ce
document-là, et évidemment ça nous fera plaisir de répondre aux questions par
la suite.
Disons, d'abord :
Écoutez, évidemment, depuis que la commission est en branle, on a suivi
attentivement, évidemment, tout ce qui s'est dit ici. On a pris connaissance aussi d'un certain nombre de mémoires pour voir aussi, peut-être
de façon plus particulière, les questions qui pouvaient soulever davantage de
débats et on a perçu notre rôle essentiellement comme pouvant aussi être une contribution pour
vous apporter un éclairage juridique supplémentaire ou qui pourra vous
être utile pour les fins de délibérations sur le projet de loi. Alors,
évidemment, depuis que notre rapport a été
déposé en janvier 2013, il y a eu le projet
de loi, et aller jusqu'à 1 heure aujourd'hui, cet après-midi, on avait
écrit dans notre rapport qu'il n'y
avait pas de changement juridique important qui était survenu. Alors, vous
savez qu'aujourd'hui… à 1 heure, aujourd'hui, on a reçu le jugement
de la Cour d'appel dans l'affaire Carter, en Colombie-Britannique. Honnêtement, ça ne change pas le fond de ce qu'on
va discuter, mais, si jamais il y avait des questions, on pourra y
répondre, de toute façon. Mais, hormis ce développement-là, évidemment,
immensément récent, au niveau des paramètres juridiques, pour nous, il n'y a
pas vraiment de changement.
Alors donc, si on va
au projet de loi lui-même, d'abord, disons que, le projet de loi, on doit lui
reconnaître effectivement qu'il est de très
grande qualité. Essentiellement, c'est un projet qui va aider à assurer la
sécurité juridique, si on veut, des processus de fin de vie. On
reconnaît, dans le projet de loi… on retrouve un équilibre fondamental et
extrêmement important entre, d'une part, l'expression de l'autonomie de la
personne et la protection des personnes vulnérables.
C'était une préoccupation qu'on avait, qui nous apparaissait importante, et on
retrouve bien cet équilibre-là. On va
y revenir aussi. Alors, essentiellement, pour nous, écoutez, le projet de loi
reprend sensiblement... sensiblement dans la ligne des paramètres juridiques qu'on avait soulignés aussi dans notre
rapport de janvier 2013. Donc, vous comprendrez qu'on n'a pas de critique majeure à faire à l'égard du projet de loi si
ce n'est effectivement, donc, peut-être des petites modifications
mineures ici ou là sur lesquelles on va apporter peut-être des commentaires ou
des suggestions.
Mais dans l'ensemble
ce projet de loi là reprend bien les principes d'abord... les principes de
base, en termes juridiques, de ce qu'on
avait exposé, est par ailleurs conforme aussi à l'état du droit. Donc, on va
donc aller peut-être plus en détail sur quelques éléments.
Alors
donc, on va se partager, à tour de rôle... Ma consoeur va adresser quelques
éléments du projet de loi. On va passer rapidement à travers le texte et
on pourra répondre évidemment aux questions par la suite. Alors, je vais
laisser la parole à ma consoeur.
Mme Giroux
(Michelle) : Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les
députés, merci de nous recevoir ici aujourd'hui.
Alors,
concernant les définitions, il y a eu de nombreuses interventions, devant la
commission, sur les différents termes
qui sont utilisés dans le projet de loi, alors, notamment à l'article 3. Donc,
on en a parlé juste dans des présentations précédentes. Alors, il nous
semble fondamental de bien définir les notions sans aller dans l'excès de
définitions non plus parce qu'il faut faire confiance à la pratique médicale
aussi en cette matière-là.
Alors,
les termes «soins de fin de vie» évidemment devraient ne pas se limiter à ce
qui est inclus à l'article 3, mais bien, un peu comme vous l'aviez
formulé tantôt, Mme la ministre, et c'est ce qu'on propose, que ça ne devrait
pas se limiter à exprimer seulement les
soins palliatifs, mais ça devrait donc... «y compris». Donc, ce sont des soins.
Les soins de fin de vie sont des soins dispensés à une personne, y
compris, donc, ce qui est déjà formulé au projet de loi, les soins palliatifs, dont la
sédation terminale et l'aide médicale à mourir, et on ajouterait «lorsque son
décès est prévisible dans un avenir rapproché». Alors, il nous semble
que ça pouvait être en lien avec l'article 26, donc, une façon de qualifier peut-être temporellement la proximité du décès
sans tomber non plus dans trop de précisions en ce qui concerne la
durée, qui pourrait éventuellement apporter des grandes limitations. Quant aux
termes de l'article 3, on invite le législateur à intégrer, donc, dans la loi
également les définitions, dans le fond, qui étaient somme toute assez
acceptables… très acceptables même, de la commission spéciale de l'Assemblée
nationale sur la question de mourir dans la dignité. Donc, j'évite d'en faire
la lecture ici, on les a.
Il s'agirait
aussi de clarifier la notion de soins un peu partout à travers le projet de
loi. Il y a une cohérence, mais elle n'apparaît pas nécessairement
clairement aux néophytes. Donc, je sais que la question a déjà été discutée
ici. Sur la question de l'équilibre aussi
entre ce qui devrait être dans le Code civil du Québec et ce qui devrait se
retrouver dans les lois particulières, telle la Loi sur les services de santé
et services sociaux, il faudrait s'assurer aussi qu'il y ait un respect, donc,
un équilibre entre… pour respecter l'esprit du Code civil fondamentalement.
En ce qui
concerne l'approche globale des soins de fin de vie, donc, le projet de loi met de l'avant, donc, cette approche
globale et intégrée, donc, dans un seul document législatif, dans le concept de
continuum de soins, et cela nous semble
fondamental. Et donc le projet de loi réglemente de façon exhaustive les relations
médecin-patient, les règles du consentement aux soins pour diverses
décisions de fin de vie, incluant, donc, tous les soins qui sont mentionnés à l'article 3. En codifiant certaines règles
qui avaient été élaborées par la jurisprudence et en encadrant, d'une façon
nouvelle et novatrice, des nouveaux soins en fin de vie, on réglemente l'organisation
du système en incluant, donc, les soins… les
maisons… l'organisation du système de santé, mais en incluant également
les maisons de soins palliatifs, les médecins pratiquant en pratique… en cabinet privé. On ajoute certains détails par rapport aux dossiers médicaux. On réglemente les directives anticipées
sur lesquelles on va revenir plus tard.
Mais il nous
semble fondamental, donc, de garder, dans un même projet de loi, cette approche globale et intégrée des soins en fin de vie. Selon nous, ça ajoute une grande cohérence dans
la pratique et dans la surveillance des soins et des décisions en fin de
vie, et il serait inapproprié, pour ces raisons-là, de le scinder en deux ou en
plusieurs parties.
Voilà. Alors, je cède la parole à mon collègue.
• (17 h 20) •
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Alors, maintenant,
au niveau des principes, essentiellement, du projet de loi, alors donc au niveau d'abord de l'autonomie
décisionnelle, comme on l'a dit tantôt, le projet de loi reconnaît bien ce
processus-là. C'est clair que c'est un projet de loi qui vise à augmenter, dans une large mesure, le contrôle des citoyens
sur leur fin de vie. Mais ça, je pense qu'on ne peut que louer cet
objectif-là aussi.
On a vu, à travers un certain nombre de
commentaires, surtout par rapport à la question des soins palliatifs, quelque
part une certaine, peut-être, incompréhension des droits des patients par
rapport à ces choses-là. Les soins palliatifs,
sur le plan juridique, ce sont des soins comme les autres, et le patient est toujours
libre de les accepter, de les refuser ou de les interrompre à n'importe
quel temps aussi, et ce n'est jamais un passage obligé, aussi. Et on a, dans plusieurs mémoires, surtout des gens qui
provenaient des milieux des soins palliatifs… on semblait vouloir absolument
conditionner une obligation de créer un genre d'entonnoir par lequel les gens
devaient passer avant d'accéder à autre chose.
Alors, il faut qu'il soit clair que l'autonomie décisionnelle des personnes,
des citoyens les laisse entièrement libres de gérer cette offre de soins
là selon leur vision de leur vie et de… puis la loi confirme bien l'ensemble de
ces choix-là, puis je pense… de ces choix-là, et je pense que ça va clarifier
passablement bien cette situation.
Le droit de refuser des soins, dont on fait état
à l'article 6, il nous semble, peut-être — puis on le souligne aux pages
9 et 10 de notre mémoire — être
en deçà de l'état du droit, parce qu'évidemment, là, dans notre rapport de
janvier 2013, on parlait un peu du droit de refus pour les personnes
inaptes et les mineurs, et ça va beaucoup plus loin que ce que le projet de loi dit. Alors, on vous inviterait à le
mettre en concordance avec l'état du droit là-dessus aussi.
Au niveau de
la protection des personnes vulnérables — je suis à la page 10, je vais assez
rapidement — important,
parce que le projet de loi contient de
multiples mécanismes juridiques de protection, puis je pense que les craintes
qu'on pourrait avoir par rapport aux
dérives, par rapport à la pente glissante… je pense qu'ici on a des barrières
très, très, très solides par rapport à ces choses-là aussi. Donc,
essentiellement, toute la question, d'abord, de la première protection, c'est l'exigence du consentement, qui est partout,
partout, partout. Alors, je pense que ça, ça oblige les médecins à
parler, ça oblige les gens… ça donne le
droit aux patients d'être informés, ça crée des processus formels ici et là.
Alors, je pense que ça, c'est un
excellent moyen de contrôle aussi, l'exigence du caractère éclairé de ce
consentement-là aussi. Ça codifie les règles déjà connues, mais on les
applique de façon pointue dans ces processus-là aussi.
L'aptitude à consentir : deuxième moyen de
protection fort important aussi qu'on exige aussi pour prendre toute une série de décisions aussi. Alors, on a vu
à travers certains commentaires que certaines personnes considèrent qu'en
fin de vie les gens sont toujours inaptes,
sont incapables de prendre des décisions, ne peuvent pas donner un
consentement libre et éclairé, là. Ça, pour
nous, c'est une vision très, d'abord, paternaliste des personnes en fin de vie.
Oui, il y en a qui sont dans cette condition-là, mais ce n'est pas tout
le monde. Puis ce n'est pas parce qu'il y en a qui sont dans cette condition-là qu'on peut dire : Bien, écoutez,
on va exclure les processus de consentement. Je pense que ça serait un
recul social important si on décidait qu'en fin de vie les gens ne sont plus en
état de décider. Ça reste une évaluation de cas à cas aussi. Il faut se
rappeler que le Code civil reconnaît, à l'article 4, une présomption générale d'aptitude
aussi.
Alors donc, au niveau des mesures de protection…
aux articles 10, 11, 12 aussi. Donc, d'abord, toute la question aussi de l'organisation
administrative de la gestion des fins de vies, c'est une forme de protection
pour les personnes. On donne des
responsabilités à des organisations, on demande des rapports. Il y a toute une
série de personnes qui sont désignées
pour effectivement transmettre de l'information sur la manière avec laquelle on
l'applique, et ça, c'est une forme de
protection qui est importante aussi. Pour l'aide médicale à mourir, on en parle
aux pages 13 et suivantes, bien là la protection
est extrêmement solide, parce qu'évidemment il est difficile de voir, avec tout
ce qui est… ce qu'il y a comme règles — on les a aux pages 13, et 14, et 15 — il est difficile de voir comment est-ce qu'une
personne vulnérable pourrait être prise dans
ce processus-là. Avec l'aptitude, les conditions médicales, la demande qui doit
venir d'elle-même, le formalisme, la
vérification par le deuxième médecin, puis le deuxième médecin, il est
important pour ça aussi, là… Tantôt,
on parlait que c'était bon pour rassurer le premier médecin, mais c'est aussi,
du point de vue du patient, une forme
de validation aussi de tout le processus aussi. L'obligation évidemment de
faire rapport, de donner des avis au CMDP, à la Commission des soins de
fin de vie, alors c'est toute une série de protections qui sont importantes
aussi.
Par contre, nous, la seule, peut-être, petite
réserve qu'on aurait à l'article 28, c'est l'obligation du médecin de s'entretenir avec les proches. Il faut éviter de
donner aux proches un statut juridique pour intervenir dans la décision
de la personne. Il faut que ça reste sa décision à elle. C'est une faculté
absolue que le médecin puisse s'entretenir avec ses proches, ça ne devrait pas
aller plus loin que ça.
Au niveau des
soins palliatifs — je vais
à la page 16 et suivantes — écoutez, on n'a pas tous fait reconnaître le droit aux
soins palliatifs aux patients ici, parce que c'est trop facile de dire :
On veut le mettre dans la loi puis on va…
advienne que pourra après. Il y a toute une série de processus juridiques qui
vont faire en sorte que ce droit-là, il va trouver de la substance, O.K., autant au niveau de l'organisation globale
dans le système de santé, au niveau de l'obligation des établissements
de mettre en place des politiques, des programmes, de rendre compte au niveau
des agences, au niveau du ministère aussi.
Alors, je pense que pour le citoyen il y a une très forte possibilité d'appréhension
de ce droit-là aussi. Le Québec va probablement être une des
juridictions dans le monde qui va avoir les plus encadrés des soins palliatifs aussi. Je pense qu'on va peut-être… on
va se retrouver un peu à l'avant-garde de ces choses-là aussi. Alors, on
a invoqué beaucoup… Puis là je vais rapidement aux pages 15, 16, 17, 18, 19. On
a parlé beaucoup de la question des ressources
pour les soins palliatifs en disant : Bien, écoutez, c'est beau, ces
droits-là, mais les ressources vont-elles être là, puis ça se pourrait-u que ça demeure académique?
Bien, écoutez, puis ça, évidemment, là, on sort un petit peu… parce que ce n'est pas à nous juridiquement à vous dire
comment mettre les ressources, et tout ça. Mais ce qu'il faut penser, c'est
que les soins palliatifs, ils devraient être palliatifs du point de vue du
patient, pas du point de vue des structures ou de la spécialité qui les
donnent.
Les soins
palliatifs, ça n'appartient pas à une spécialité, ça appartient à un ensemble
de prestataires de services : médecins,
infirmières, etc., aussi. Ça ne requiert pas, dans beaucoup de cas, des soins
spécialisés, ça ne requiert pas des unités de soins spécialisés. Ça fait
que je pense qu'il faut travailler à développer la formation, les programmes.
Puis il faut généraliser les soins palliatifs et non pas les spécialiser. Ça
serait peut-être faire fausse route, quant à nous, aussi là-dessus.
Rapidement,
sédation palliative terminale — page 21 et suivantes — on vous recommande, nous, fortement
de la réglementer. On a vu qu'il y avait un
débat pour savoir, bon, est-ce qu'on devrait l'appeler continue, terminale.
L'important, appelez-la terminale ou continue, mais que ce soit clair, à l'article
25, qu'on laisse la règle de l'article 25 là pour que pour le patient ce soit clair que c'est irréversible. Et, si possible,
on propose de rajouter peut-être aussi que, lorsqu'on va retirer l'alimentation, l'hydratation… que le
patient soit informé aussi. L'important, c'est que les gens sachent bien à
quoi s'en tenir. Il ne faut pas qu'on prenne
des termes… «Sédation continue» puis «terminale», pour le patient ça ne veut
pas dire la même chose. Peut-être pour le
médecin c'est une idée, mais pour le patient ce n'est pas la même chose. Puis,
dans la littérature médicale, on parle peut-être de «continue», mais,
dans la littérature juridique, on parle de «terminale» aussi, alors attention à
ces choses-là.
Puis, dans la mesure où on fait un texte
juridique, c'est peut-être préférable de… Ça va. Je laisse la parole…
La Présidente (Mme Proulx) :
Il vous reste à peu près 30 secondes.
M. Ménard (Jean-Pierre) : …
Mme Giroux (Michelle) : O.K. Je
serai brève sur les directives médicales anticipées.
Je comprends
qu'il y a une cohérence, à l'intérieur du projet de loi, sur les directives
médicales anticipées, mais il faudrait s'assurer quand même qu'on
respecte l'esprit du droit civil québécois en cette matière-là.
Ultimement,
donc, la décision de les inclure ou non en ce qui concerne l'aide médicale à
mourir devra donc… revient au législateur. Mais nous, on avait pris
position en faveur justement de permettre les directives médicales anticipées dans le contexte de l'aide médicale à
mourir. Et on pourrait toujours, en cas de doute, recourir au tribunal.
C'est ce qu'on avait recommandé dans notre
rapport, à la page 388. Et un tel processus serait plus respectueux peut-être
de l'esprit du Code civil, de même que ça existe pour les autres soins.
Alors, écoutez, je ne veux pas... Il y aurait
eu des commentaires additionnels à dire en ce qui concerne l'article 12 et
la cohésion, encore une fois, du Code
civil du Québec et de l'esprit du
code avec la… dans le contexte de l'adoption de cette nouvelle loi, mais je conclus en vous disant très brièvement
qu'on est privilégiés de faire partie de cette discussion importante pour la société québécoise et qu'on
félicite, donc, tous les élus qui ont été impliqués dans ce processus
délicat avec une écoute exceptionnelle et, donc, tout au long du débat. Merci.
• (17 h 30) •
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Moi, j'aurais proposé qu'on redonne un cinq minutes pour la dernière partie,
là, que vous avez faite un peu plus rapidement parce qu'on ne vous laissait pas beaucoup
de temps. Parce que je pense que ça serait important de l'entendre.
Vous êtes nos derniers experts.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. En
fait, si vous avez à poursuivre, si c'est moins de cinq minutes, ça va, parce qu'on a des questions aussi. Mais, si vous voulez prendre quelques
minutes supplémentaires, ça va.
Le Président (M.
Bergman) : O.K. Alors, je vais trancher : juste trois,
quatre minutes, si on peut.
Une voix :
Alors, arrêtez quand vous en avez assez.
Le Président (M.
Bergman) : Merci.
Mme Giroux (Michelle) : C'est ça. Bien, en fait, c'était sur le plan plus des
directives médicales anticipées. Ça me ferait plaisir aussi d'y aller
par voie des questions-réponses, là. Vous préférez? O.K.
Alors
donc, on comprend qu'une première difficulté provient du fait que l'article
45 ne prévoit pas clairement la portée
de ces directives-là, quoiqu'il y a une cohérence, là, on comprend, à l'intérieur du projet de loi. On prévoit donc que les directives médicales anticipées peuvent porter sur les soins
médicaux requis par l'état de santé d'une personne et auxquels elle consent ou non au cas où elle
deviendrait inapte à le faire, mais, à la lecture de l'article
26, évidemment on exclut
spécifiquement cette possibilité-là pour l'aide médicale à mourir. Donc, la
formulation de l'article 45 ne fait pas
nécessairement obstacle à un refus de soins anticipés ni à une interruption de
traitement qui aurait pu être prévue par la personne alors qu'elle était
apte à le faire et c'est la même chose pour la sédation terminale. Mais donc il
faudra ultimement, là, que le... Je veux dire, la décision d'inclure
ou non la possibilité de faire des directives médicales d'aide à
mourir pour... des directives médicales anticipées pour demander l'aide
médicale à mourir vous revient, mais il nous semblait,
dans le comité d'experts, que c'était une position de les inclure, d'inclure
cette possibilité-là, un peu comme la Commission des droits
de la personne vous l'a dit également, qui était plus respectueuse de l'esprit
du Code civil.
Il y avait
aussi, et c'est ce qu'on avait dit dans notre rapport, il y avait
aussi la question de la coexistence du mandat en prévision d'inaptitude avec la question des directives
médicales anticipées, selon la procédure qui est prévue dans le projet
de loi. Alors, ici aussi, ça nous semble être un problème important, et il va
falloir s'assurer de respecter l'esprit du code, là également.
Alors,
au niveau de l'article 12 du Code civil, ce dernier prévoit que celui
qui consent à des soins pour autrui doit tenir compte, dans la mesure du
possible, des volontés que ce patient a pu manifester et donc sans faire une
référence précise au type de manifestation
de volonté. Alors, ça nous semblerait plus conforme à l'esprit du code si on
permettait de telles directives médicales anticipées. Et évidemment une
solution possible, je pense qu'elle a été faite par… elle a été suggérée par d'autres groupes également, ce
serait de prévoir qu'une personne qui a déjà convenu d'un mandat en prévision d'inaptitude puisse le déposer au registre
des directives médicales anticipées pour valoir, comme tel… Alors, ça
évitera aux citoyens d'avoir systématiquement à refaire un mandat en prévision
d'inaptitude. En ce qui concerne le formalisme comme tel, il faut être
conscient de la question de l'accessibilité aussi. La question, donc, de
refaire des mandats en prévision d'inaptitude peut être coûteuse pour certains
citoyens.
En
ce qui concerne l'aide médicale à mourir, les majeurs inaptes et les mineurs,
on comprend très bien que le projet de
loi ne le permet pas, mais il nous semble, et ceci est totalement respectueux…
Là, je vais vite un peu mais pour les fins de l'exercice dans cette commission. Mais ceci est respectueux de l'esprit
du Code civil, bien sûr, de l'esprit du droit civil québécois, mais cependant nous croyons que cette
question est importante et devrait donc, éventuellement, être soumise,
être examinée par la commission de contrôle.
En ce qui a trait
maintenant à la Commission des soins de fin de vie, il y a des… Bon, je ne
saute l'élément composition, bon, que pour dire que nous avions recommandé dans
notre rapport, nous autres, une autre forme de contrôle. C'est un comité de trois personnes, donc deux médecins, un juriste. Alors, proportionnellement,
on trouve qu'il devrait peut-être y avoir un peu plus de juristes, mais
on ne veut pas être accusés de corporatisme non plus. Alors, l'information se
retrouvait à la page 374 de notre rapport.
Et,
sur le plan de qui va relever… donc, de qui relèvera… de l'autorité de qui
relèvera la commission,
évidemment, ça, il s'agit d'un choix plus politique que juridique.
Le Président (M.
Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Giroux (Michelle) : Et une troisième question soulevée à l'égard de la commission, c'était
l'idée qu'elle puisse recevoir plus d'informations.
Donc, nous, on considère que c'est fondamental qu'elle puisse recevoir
effectivement tous les rapports qui sont
préparés dans les établissements, des recommandations découlant du traitement d'une
plainte par exemple — les détails sont précisés dans notre
mémoire — les
recommandations du coroner, en fait tous les éléments, donc, qui
pourraient être utiles pour favoriser une meilleure collecte de données et
éventuellement assurer une meilleure surveillance des soins de fin de vie.
Le Président (M.
Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Giroux
(Michelle) : J'ai terminé.
Le Président (M.
Bergman) : Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, pour
le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Alors, merci beaucoup, Me Ménard et Me Giroux, de cette présentation
express. Votre débit est toujours aussi impressionnant, Me Ménard, et je vois
que Me Giroux est en train de vous compétitionner sérieusement. Donc, merci
beaucoup.
Écoutez, je
dois dire que votre rapport nous a accompagnés étroitement pendant l'élaboration
du projet de loi. Donc, c'est
rassurant de voir qu'il y a quand même un rapprochement, évidemment, entre les
deux. Il y a effectivement des choses
qui ne sont pas identiques, ceci dit, et puis on va pouvoir échanger un petit
peu davantage. D'ailleurs, je pense que je vais commencer avec ça. C'est
un élément que vous aviez mis dans votre rapport. Même si, dans le rapport de
la commission comme tel, la question de pouvoir demander une aide médicale à
mourir de manière anticipée pour une personne
qui deviendrait inapte n'était pas clairement arrêtée parce qu'on demandait un
éclairage supplémentaire, vous en aviez fait une recommandation
formelle. Là, vous revenez à la charge. En même temps, vous dites à quel point
il est important d'avoir, au coeur du projet
de loi, la question de la protection des personnes vulnérables. Et vous savez
que certaines personnes nous disent que, si
on permettait, donc, l'aide médicale à mourir via les directives médicales
anticipées, on pourrait peut-être amoindrir
ce principe-là de la protection des personnes vulnérables parce que peut-être
qu'on n'aurait pas une parfaite
adéquation entre l'expression de la volonté et, je dirais, le moment où l'aide
médicale à mourir doit être donnée,
ou la rencontre de l'ensemble des conditions des articles 26 et suivants,
notamment pour la question de l'évaluation de la souffrance, et quand...
Donc, j'aimerais
vous entendre là-dessus en lien avec le principe de la protection des personnes
vulnérables et aussi quand vous nous dites que ce serait plus conforme à
l'esprit du Code civil que de le permettre.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : ...peut-être, d'abord,
la question de la protection. Alors, écoutez, c'est clair, puis on le dit bien, en toutes lettres, que les règles de l'article
26... 26 et 28 créent, mettent beaucoup, beaucoup de verrous un peu partout, dont un des verrous, c'est de rendre ça
inaccessible aux personnes qui ne veulent pas le demander en temps réel aussi.
Bon. Alors,
quand on parle d'ouverture… C'est clair que, si on parle d'ouverture, d'abord,
ça serait évidemment dans un corridor
étroit, et là il faudrait peut-être penser, puis on le dit un peu là-dedans
aussi puis, dans le rapport, on en parlait aussi… avec peut-être d'autres
protections supplémentaires. On parlait d'abord d'un formalisme plus pointu, peut-être. Par exemple, est-ce qu'on devrait
exiger l'acte notarié? Est-ce qu'on devrait exiger une forme particulière?
Est-ce qu'on devrait exiger par ailleurs une question de durée propre pour
cette volonté-là... de... lorsque ça a été mis antérieurement? Est-ce qu'il y avait lieu de penser à d'autres
processus, comme par exemple le tribunal dans le décor, une validation
possible ou encore un examen par un tiers, ou peu importe? Alors, autrement
dit, ce qu'on dit, c'est qu'on dit que…
On dit: Actuellement, le projet de loi, il assure une bonne protection à la
personne inapte. Si on veut ouvrir cette petite porte là, il faudrait peut-être rajouter... remplacer le verrou,
qu'on enlève peut-être 26, puis peut-être en mettre un, ou deux, ou
trois autres pour être sûr qu'on n'a pas les deux pieds en l'air en même temps,
là.
Alors donc, c'est une question d'équilibre. Mais
on pense que la philosophie du projet de loi, qui dit qu'on accorde primauté à
la volonté de la personne, c'est un principe qui est puissant et qui est plus
puissant que peut-être les inconvénients qu'on pourrait avoir à ne pas ouvrir
une porte encadrée à la directive médicale anticipée.
Alors donc, on pense qu'en affaiblissant un
petit peu la protection de 26 on peut la renforcer en créant un cadre plus
spécifique, puis là, les outils juridiques, il peut y en avoir de diverses
natures… mais qui peut donner le même niveau de sécurité. Alors, ça, c'est un…
c'est comme ça qu'on voit ça.
• (17 h 40) •
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Et pourquoi ce serait… Pourquoi vous dites que ce
serait plus conforme au droit civil, au Code civil d'agir ainsi? Est-ce parce qu'il n'y a aucune
différence, à ce jour, entre ce qu'une personne apte et inapte peut faire ou
peut demander par consentement ou par consentement substitué?
M. Ménard (Jean-Pierre) : Regardez, c'est
parce qu'essentiellement… c'est que l'économie du Code civil actuellement… Puis ça, c'est vraiment depuis la
réforme de 1994. C'est qu'on a voulu permettre à une personne aujourd'hui
apte de… on a voulu prolonger par l'article
12… 11 et 12 en particulier, son droit à l'autonomie, bon, au-delà de la
période où elle sera inapte.
Le Code
civil, a priori, ne met pas beaucoup de réserves là-dessus. C'est sûr qu'il ne
permet pas de faire n'importe quoi,
parce qu'une personne inapte, par exemple, son… ne peut pas donner d'organe en
son nom, ne peut pas faire ce genre de
chose là, bon. Puis c'est une question d'équilibre. Mais la philosophie de base
du Code civil, c'est qu'on prévoit des processus
de prolongement de l'autonomie au-delà de l'inaptitude. Et, si on se fie à la
logique du Code civil au niveau de l'autonomie de la personne, il faut
que ce soit le plus large possible là aussi.
Donc, c'est
sûr que c'est aux législateurs à décider où se situe la ligne, mais on pense
que la philosophie du Code civil va dans ce sens-là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Merci, M. le Président. La question de la fin de vie, donc c'est le critère en
ce moment, c'est la fin de vie, ça a suscité beaucoup d'intérêt.
Donc, il y a
des gens qui ont dit : Il faudrait que ce soit «imminent». Il y en a qui
ont parlé de «terminale». Moi, à ce jour,
je suis toujours d'accord avec moi-même, donc, avec la question de fin de vie,
parce que je trouve qu'«imminent», c'est trop précis, court, c'est sur
le point d'arriver; «terminale», de ce que j'ai consulté, ça varie énormément
dans les définitions
qui existent à l'heure actuelle. Et tout le monde nous a dit, à l'exception d'un
groupe, de ne pas venir mettre un
terme, une balise temporelle formelle parce que, un, c'est excessivement
difficile, et ce serait potentiellement limitatif ou difficile d'application.
Là, vous,
vous arrivez avec «dans un avenir rapproché». Je vais vous le dire, là, comme…
Qu'est-ce qu'«un avenir rapproché» a de plus précis qu'être «en fin de
vie»?
M. Ménard
(Jean-Pierre) : On va bien se
comprendre, là. D'abord, je ne vous donnerai pas de période, O.K.?
Alors, essentiellement, là, je pense qu'écoutez,
il n'y a pas… On l'a vu, dans les … que ça faisait problème un peu partout aussi. D'abord, il est impossible
de… Puis je pense que, juridiquement, ce n'est pas approprié de mettre
une date, parce que, là, on l'a regardé un
peu avec l'idée, nous, comme juristes : Après ça, on vit comment avec ça,
là, puis on fait quoi avec ces
choses-là, là? La personne, par exemple, qui serait hors délai d'une journée,
est-ce qu'elle n'aurait pas accès à ces choses-là ou quoi que ce soit
là-dessus? Bon.
Alors donc, on pense que c'est inadéquat de
mettre une période de temps déterminée. Bon. Mettre des termes comme «imminent»… Le problème d'«imminent», c'est
que, voyez-vous, la jurisprudence… la Cour suprême a interprété le mot «imminent» comme… on parlait d'un danger
grave et imminent chez quelqu'un qui a fait des menaces à quelqu'un puis… et alors il est en prison puis il va être
libéré dans trois ans. La cour a dit : C'est quand même imminent, O.K.?
Alors donc, ce terme-là, c'est un terme dont
on… Si on en connaît peu l'interprétation, il ne faudrait peut-être pas le
mettre dans une loi comme ça. Quand
on parle d'«avenir rapproché», regardez, je vais être honnête avec vous, ça ne
répond peut-être pas de façon très
précise, mais je vous dirais que c'est peut-être un espace un petit peu plus
opérationnel que peut-être la notion de fin de vie parce que, «la fin de
vie», il y a encore beaucoup de manières de comprendre ce terme-là. Remarquez
qu'il y en a peut-être autant pour «décès dans un avenir rapproché».
Ce qu'on veut
simplement mettre de l'avant, c'est que le décès devient une éventualité qui n'est
plus purement hypothétique, qui est là. Mais on n'a pas voulu être plus
précis que ça parce qu'on pense qu'il faut quand même que la loi reste opérationnelle, reste vivable aussi.
Et on pense aussi que, sur le terrain, d'abord, un, il va se créer une
jurisprudence par rapport à ces choses-là, il va se créer des pratiques aussi.
Puis je pense qu'au fur et à mesure qu'on va avancer des… on va voir un peu
comment ces choses-là vont se préciser. Mais je ne pense pas que les
législateurs devraient le préciser,
dire : Bien, c'est trois mois, c'est six mois, c'est terminal en dedans d'une
semaine, parce que toutes ces
prévisions-là sont aléatoires. Et l'idée, c'est d'essayer de trouver un critère
qui peut être un petit peu opérationnel. Mais il n'y a pas de chose
parfaite là-dessus.
Ce qui est
important, c'est qu'on est… ça peut être synonyme de fin de vie aussi, vous pouvez le recevoir comme ça
aussi, mais c'est d'essayer de trouver une manière de l'aborder.
Mme Giroux (Michelle) : En fait, M. le
Président…
Le Président (M. Bergman) :
Ça va.
Mme Giroux (Michelle) : …si je peux
juste ajouter, en fait on a rajouté pas seulement «dans un avenir rapproché», mais «lorsque son décès est prévisible
dans un avenir rapproché.» On n'est pas… On est très conscients — je suis d'accord avec ce que mon collègue dit — qu'il n'y a pas une façon parfaite d'établir
le critère. Et moi, je suis assez d'accord
avec vous, Mme la ministre, quand vous dites que votre article 26 est quand
même, toutes choses étant égales par ailleurs, assez clair. Maintenant,
comme il n'y a pas le mot «mort» ou comme il n'y a pas le mot «décès»,
peut-être que ça serait comme encore plus
clair dans l'esprit des gens si on rajoutait cet aspect-là peut-être dans… Ça
pourrait être dans la définition de l'article 3, quand on parle de soins
de fin de vie, par exemple, sans nécessairement l'ajouter à l'article 26. C'est
un petit peu l'esprit, mais on est conscients que c'est…
M. Ménard (Jean-Pierre) : On n'a pas la
pierre philosophale au bout de la lettre.
Mme Giroux (Michelle) : Non.
Mme
Hivon : Ça aurait
été bien parce qu'il n'y a personne qui l'a encore.
Une voix : …
Mme
Hivon : Non. C'est
ça. Parce qu'en Belgique en fait eux, ils parlent de «brève échéance» ou «pas
brève échéance» puis ils sont venus définir «brève échéance» par «jours,
semaines ou mois». Donc, c'est le plus précis où ils sont allés. Puis on se comprend que… jusqu'où c'est plus précis? Je
me questionne aussi, là, parce que «jours, semaines ou mois», ça va
jusqu'à combien de mois? Donc, à un moment donné, c'est très difficile d'arrêter.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Il ne peut pas
y avoir un critère opérationnel…
Le Président (M. Bergman) : …
M. Ménard
(Jean-Pierre) : …en termes de
date, ou de durée, ou de chiffre, parce que, pour administrer une loi
comme ça, là, c'est un genre de données qu'on ne devrait pas retrouver dans la
loi, ça. Alors, c'est trop fluctuant.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du
gouvernement. Maintenant, pour le premier bloc de l'opposition
officielle, Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Alors, Me Ménard, Me Giroux, merci de votre présentation.
Pour ma part, je vais faire mon petit aparté, un
peu, à mon tour de retrouver un professeur de la fac de droit. Donc, Me Giroux,
je suis heureuse de vous retrouver 20 ans plus tard.
Tout d'abord,
vous avez débuté votre présentation en nous parlant un petit peu d'actualité.
On est ici… nous, on est retenus ici,
là, depuis le début de la journée, on a eu peu de temps. J'aimerais connaître
un petit peu l'impact de la décision dans
l'affaire Carter. Vous disiez : Il n'y aura pas de changement majeur sur l'analyse
du projet de loi n° 52. Mais je ne sais pas si on pouvait prendre quelques minutes, là, peut-être pour aborder l'angle
du jugement parce que, bien honnêtement, là, on n'a pas eu la chance
nécessairement d'en prendre connaissance.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : O.K. Alors, il
est encore tout chaud. Donc, essentiellement, la Cour d'appel a renversé
le jugement de la première instance par une majorité de 2-1.
C'est un jugement donc avec une dissidence. Et,
les motifs, le fond du jugement, il y a deux grands motifs importants. C'est un motif d'abord de nature
davantage procédurale, là. Puis là je vais aller en termes un petit peu techniques. Dans le monde juridique, là, c'est qu'on
a… la Cour d'appel considère que la juge aurait dû être davantage liée
par ce qu'on appelle la règle du stare
decisis de Rodriguez. Autrement dit, ce que la Cour d'appel nous dit… de la
Colombie-Britannique, c'est que la décision de la Cour suprême, dans Rodriguez,
avait décidé plus que ce que la juge Smith prétend
qu'elle avait décidé. Donc, à ce moment-là, la juge Smith était liée par les
règles de Rodriguez, ne pouvait pas décider autrement. Ça, c'est un
élément qui est important et c'est la majeure du jugement, là. C'est vraiment
une question qui est purement procédurale,
où on ne débat pas vraiment le droit substantif. Le seul endroit où on le
débat, c'est sur la portée du droit à
la vie, où la Cour d'appel fait une interprétation un petit peu étonnante, je
vais être honnête avec vous, là. Puis
j'en ai parlé déjà avec des collègues, dont Me Hébert tantôt, aussi, et d'autres
collègues aussi cet après-midi, là... c'était la... après-midi aussi.
Parce que la Cour d'appel nous propose une interprétation du droit à la vie, de
la Charte canadienne, qui serait
essentiellement… qui lui donnerait seulement un contenu existentiel et non
qualitatif. Et la première affaire
que j'ai... quand j'ai vu ça dans le résumé, j'ai dit : On va aller voir
la jurisprudence sur laquelle ils s'appuient parce que je ne connais
aucune jurisprudence qui dit ça.
Puis
effectivement ils citent uniquement une décision, l'affaire Chaoulli, dans
laquelle ça ne dit pas ça du tout, du tout.
Et je suis étonné qu'on lui ait donné cette portée-là. Mes collègues et moi,
puis c'est une opinion très personnelle qu'on vous donne, là, mais on est étonnés de cette portée-là du droit à
la vie qu'on ne retrouve pas dans aucune décision puis qui semble vouloir limiter le droit à la liberté et de
sécurité de la charte par le droit à la vie du même article, alors que
pourtant, dans Rodriguez, on ne disait pas
que le droit à la vie était prépondérant… on disait que c'était un droit, avec
les autres aussi, qui a une portée qui doit… c'est-à-dire, que chacun de
ces trois droits là a sa portée propre aussi, mais un ne limite pas les autres.
Alors, écoutez,
c'est clair que, là, on a deux juges qui ont décidé que c'était
constitutionnel, deux juges qui ont décidé
que c'était inconstitutionnel, donc c'est vraiment du bois de Cour suprême, comme on dit dans notre jargon à nous, là. Alors, c'est clair
que ça va aller en Cour suprême d'ici à peu près... Il va y avoir un jugement d'ici
un an et demi à deux ans aussi. Par ailleurs, au niveau de ce qu'on appelle, là, la règle du stare decisis,
entre les décisions des différents tribunaux,
nos tribunaux au Québec ne sont pas liés par cette décision-là aussi. Et,
sur le plan du droit substantif, vu que c'est un jugement davantage axé sur la procédure puis les principes d'interprétation
juridique des décisions des tribunaux supérieurs,
ça apporte peu d'éléments, au fond. Ce n'est pas vraiment une... Bien, écoutez,
c'est ma première lecture, là, mais
je n'ai pas perçu... Mais je peux dire, comme on dit : On va changer un paragraphe,
on va changer quelque chose, on va...
A priori, là, ça, j'ai de la misère, honnêtement,
là, à penser que ça peut avoir un impact sur la démarche de l'Assemblée
nationale du Québec à ce stade-ci, mais c'est mon opinion très personnelle.
• (17 h 50) •
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Mais est-ce que
ça pourrait avoir un impact sur les dispositions touchant l'aide médicale à
mourir telle qu'elle pourrait être définie?
Le Président (M. Bergman) :
Me Ménard.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Honnêtement, avec ce que je vois du jugement ici, c'est une... Bien, évidemment,
un, c'est une interprétation, qui est
nouvelle, là, du droit à la vie, de la charte. Écoutez, comme je vous dis,
elle est... on ne la connaît pas,
celle-là. Alors, est-ce que la Cour
suprême va la valider? Est-ce qu'on va la développer? Je ne le sais
pas. C'est clair que, si on la développe, ça
va avoir toutes sortes d'autres répercussions sur d'autres problématiques
aussi. On était un peu étonnés, les
collègues à qui j'en ai parlé, là, Me Giroux, et moi, et d'autres à qui on en a
parlé. Tout le monde était un peu étonné de cette nouvelle
interprétation qui ne s'appuie pas... Quand on lit le jugement, on dit :
Ça vient d'où, ça?
Mais,
honnêtement, je vous dirais que, si on avait à donner un avis au gouvernement
sur l'impact de ça, on vous dirait :
Bien, écoutez, «business as usual» avec ça. Ce n'est pas une loi qui va... Ce n'est
pas un jugement qui va vraiment influencer le processus ou qui va avoir
un impact important, contrairement à un jugement de première instance où, si on l'avait renversé avec... par exemple, en
débattant du mérite, par exemple, de l'aide médicale à mourir, ou du
mérite des droits de la personne, ou quoi
que ce soit, ce serait différent. Mais notre première lecture ne nous amène pas
à penser ça.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Ça m'amène à une autre question qui est la question de l'approche globale des
soins de fin de vie, parce qu'on a
eu... Il y a des groupes qui nous ont demandé de scinder le projet de loi, d'avoir
un projet de loi touchant les soins
palliatifs et de traiter de la question de l'aide médicale à mourir et même de
la sédation terminale de façon distincte, comme ça a pu être fait dans d'autres juridictions, et de façon aussi à
valoriser davantage les soins palliatifs, l'accompagnement pendant la
fin de vie.
Vous semblez dire que ce n'est pas dans l'intérêt
que le projet de loi soit scindé. J'aimerais vous entendre davantage.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Si vous
regardez comme il faut le projet de loi…
Le Président (M. Bergman) :
Me Ménard.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Si vous
regardez comme il faut le projet de loi, O.K., ce n'est pas... on ne parle pas,
dans un article, des soins palliatifs, dans un article, d'aide médicale à
mourir, là. Tout ça, c'est tout étroitement imbriqué. On parle d'abord
autant... évidemment, on définit ces droits-là, mais on les articule de toutes
les manières possibles dans la loi puis les
uns par rapport aux autres, par exemple, au niveau du rôle du ministre, au
niveau des politiques des agences, des politiques des établissements,
des mécanismes de contrôle, et tout ça. Alors, c'est comme si on veut faire deux... Si on voudrait scinder le projet de
loi, il faudrait faire à peu près deux lois qui vont retrouver à peu près
les mêmes processus, les mêmes affaires aussi. Ce serait, dans un premier
temps, un peu redondant.
Deuxièmement,
c'est que, sur le plan de l'articulation, on parle d'une loi des soins de fin
de vie, une loi qui aborde de façon
globale toute une enveloppe de soins avec des règles qui sont très concordantes
les unes avec les autres aussi. Quelle
serait l'utilité juridique, si on veut, de sortir une partie de ces règles-là?
Ou encore c'est que ce serait un intérêt d'aller se référer dans deux
lois plutôt qu'une pour évaluer l'intérêt d'une même question. Alors, je pense
que c'est... il y a un équilibre, dans le projet de loi, entre différents
processus de soins. Ça, je pense que l'idée d'amener ça, c'est lorsqu'on veut effectivement opposer, puis j'ai vu
ça dans plusieurs mémoires aussi, là, soins palliatifs à aide médicale à
mourir. Ça ne s'oppose pas du tout. C'est des processus qui sont différents,
qui sont associés à une même condition médicale,
mais c'est des choix que le patient a, de faire un ou l'autre, mais pas un par
opposition à l'autre, là. J'ai vu même quelque
part dans mon... on disait : Écoutez, l'aide médicale à mourir va blesser
mortellement les soins palliatifs. Eh, mon Dieu, où c'est qu'on...
Écoutez, on a le droit de penser ça philosophiquement, là, mais, juridiquement,
on est dans l'hérésie, là.
C'est des
choix, c'est des options que le
patient a. Puis on dit : En fin de vie, là, voici l'enveloppe de soins
qui vous est accessible. Voici les
processus, voici les contrôles, voici les règles de consentement, voici les
règles de documentation. Puis c'est
les règles qui s'appliquent aux mêmes… Dans le fond, c'est simplement des
décisions différentes, mais on a des processus communs. Alors pourquoi
faire… Pourquoi?
C'est comme
si on voulait, d'après moi, enlever une brique ou l'autre de tout ça puis…
Alors, j'ai beaucoup de misère
à saisir la logique de ça, autre que de…
Une voix : Complexifier.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : …complexifier inutilement. Puis aussi, peut-être,
ça introduit une incompréhension de ce
que c'est, les droits des patients. C'est aussi simple que ça. Moi, toute ma
carrière est orientée dans l'affirmation de ces droits-là, puis là, tout d'un coup, on dirait : Bien là, écoutez
là, vous pouvez prendre certaines décisions mais pas d'autres. Si vous voulez prendre d'autres décisions, il
faudrait que vous alliez voir dans un autre processus. Puis est-ce qu'on aurait un processus différent?
Écoutez, j'ai beaucoup de misère à saisir, sur le plan de la politique législative
cette fois-ci, là, l'intérêt de faire ça. Puis, pour le citoyen,
bien on complexifie encore. Écoutez, c'est déjà délicat à beaucoup d'égards parce que c'est des
éléments qui sont nouveaux. Il faut que ce soit le plus simple, le plus
pédagogique, le plus accessible possible. Le droit, il est peu accessible actuellement.
Il faut qu'on aille à le rendre plus accessible.
Alors, je pense
qu'une seule mesure législative qui dit qu'est-ce
que ça dit. C'est «Loi concernant les
soins de fin de vie», bien, écoutez, non pas «loi concernant une partie
des soins de fin de vie» puis «à suivre dans une autre loi», là. Je pense qu'il
y a une logique absolue là-dedans, là.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le
deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Merci,
M. le Président. Vous avez dit, Me Giroux, que… Je dois vous dire que je n'y
avais pas pensé, à ça. Donc, vous dites qu'il
y a un autre groupe qui a dit ça, mais je ne suis pas certaine… que, si
quelqu'un avait déjà fait, par exemple, un mandat en prévision d'inaptitude, il
faudrait qu'il puisse le déposer au registre pour lui éviter de refaire, par exemple, son mandat en prévision d'inaptitude.
Je comprends la philosophie, mais un mandat en prévision d'inaptitude,
pour prendre plein effet, ça doit être homologué. Donc, comment on
articulerait… Comment ça prendrait plein effet?
Le Président (M. Bergman) :
Me Giroux.
M.
Ménard (Jean-Pierre) : Vous
permettez, mais juste pour faire une petite précision là-dessus, Mme la
ministre, avec tout le respect : il y a
juste une partie du mandat en prévision d'inaptitude qui a effet avant d'être
homologué, c'est les volontés relatives aux soins médicaux. C'est la
seule partie qui a un effet juridique.
Alors donc, pas besoin d'homologation pour que
cette partie-là ait une validité. Puis je vais laisser ma collègue compléter.
Mme Giroux (Michelle) : Oui. M. le
Président…
Le Président (M. Bergman) :
Me Giroux.
Mme Giroux
(Michelle) : …j'allais faire
cette petite précision également. Donc, ça, ce n'est souvent pas bien compris, c'est-à-dire que, les directives
anticipées qui sont incluses dans le mandat en prévision d'inaptitude, on peut
les utiliser, même si le mandat n'est pas homologué, O.K.? Mais c'est sûr que,
pour avoir le mandataire officiellement au dossier, bien, oui, là, ça prend une
homologation, ça prend une constatation d'inaptitude, etc.
Mais c'est un outil pour vérifier les volontés
antérieures d'une personne exprimées au moment où elle était apte à le faire.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Si vous me
permettez, c'est que…
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : …compléter. Il y a
plus que 1 million de personnes au Québec qui ont fait des
mandats en cas d'inaptitude. Et, le jour où
le projet de loi entre en
vigueur, on va dire : Votre
mandat pour tout ce qui touche les volontés de soins médicaux, ça ne
vaut plus rien.
On a plus que
1 million de personnes, là, à qui on va dire ça. Et est-ce que
ça, ça ne risque pas de créer un certain degré de difficultés? C'est pour ça que nous, on vous a proposé… puis
moi, je pensais qu'on était les premiers à le proposer aussi, là, à
proposer une mesure de conciliation pour inviter les gens simplement à
enregistrer leurs mandats, pour ce qui est des volontés anticipées, dans le registre.
On sauverait peut-être 1 million de nouvelles directives anticipées.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Je vous suis très bien. C'est très
pertinent comme remarque, parce qu'en
fait, là, je réfléchissais, mais ils sont faits systématiquement devant
notaire. Donc, elles seraient… Bien, c'est-à-dire, si elles étaient faites
devant notaire, ça remplirait la
condition de forme du projet de loi qui dit «devant notaire ou selon le
formulaire prévu», parce qu'il faut qu'il y ait un certain formalisme
parce qu'il va y avoir le caractère contraignant. Donc, effectivement, on
pourrait peut-être penser à un moyen de leur donner un effet en les versant au
registre.
Par ailleurs,
ces directives qui sont présentes dans le mandat en prévision d'inaptitude,
normalement c'est le tiers qui est nommé comme éventuel mandataire qui
les fait appliquer, dans la mesure où il y a eu homologation, puis le mandataire est nommé, est en fonction, et tout ça.
Là, si on les utilisait, ça devrait être l'expression directe de la
volonté de la personne sans faire intervenir un tiers. On se comprend?
• (18 heures) •
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Même quand
il n'y a pas homologation. C'est des volontés au sens de l'article 12 du
Code civil aussi.
Mme
Hivon : C'est ça.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Parce que le
problème de l'article 56 tel qu'il est là, là… il va vider les mandats
de tout effet, il va faire disparaître les
niveaux de soins, qui ne seront plus des… puis ça pose une difficulté. Puis
évidemment, au niveau de l'article 12, qui dit que la personne qui consent pour
autrui est tenue de tenir compte des volontés qu'elle a exprimées, c'est des volontés qui ne sont pas… ça peut être même des
volontés verbales. Alors donc, attention par rapport à ces choses-là.
Puis on vous souligne aussi la… On vous propose
une autre clause de gestion de conflit. C'est qu'est-ce qui arrive… Par exemple, quelqu'un qui fait une
directive médicale anticipée, qui écrit aujourd'hui : Moi, je veux être
réanimé, je veux tous les soins possibles,
puis, dans quatre ans, il est admis en CHSLD puis là il signe une formule des
niveaux de soins qui dit «pas de réanimation». Si on suit le projet de loi,
seules les directives médicales anticipées vont devoir s'appliquer dans ce
contexte-là. Puis là les niveaux de soins, il y a… Même s'il est postérieur
puis il résulte d'une volonté postérieure, là, il n'y a plus d'effet. Et ça,
nous, on pense que ça déséquilibre le projet de loi quand il dit, à l'article 1 : C'est la primauté de la volonté
de la personne qui doit primer. Alors, on vous a proposé une clause de
gestion de ces conflits-là où ça sera les directives médicales anticipées,
soit, à moins de la preuve d'une volonté exprimée plus récemment. Parce qu'on pense que, dans ces matières-là, trop de
formalisme pour n'importe quelle sorte de volonté, ce n'est peut-être
pas… On vous le souligne, on attire votre attention délicatement à la fin de
nos remarques sur les directives médicales
anticipées en vous disant : Est-ce que le formalisme lourd était-il
nécessaire pour toute décision ou est-ce qu'on ne devrait peut-être pas le réserver pour certains types de décisions à
conséquences plus graves? Alors, on attire votre attention là-dessus
parce qu'on pense que c'est… Dans le projet de loi, si on avait peut-être un
commentaire plus global
à faire, c'est peut-être là qu'il y a peut-être plus de choses à retravailler.
Parce que, pour le reste, c'est, comme on vous disait… c'est assez bien structuré. Mais comme aussi le recours au
tribunal, à l'article 55… nous, on vous avait proposé dans notre rapport un recours au tribunal plus
large que ça, qui éviterait peut-être ce genre de difficulté là. On vous
disait aussi qu'en cas de… On vous
disait : Écoutez, les directives médicales anticipées devraient avoir un
caractère obligatoire, sauf qu'il appartiendra à celui qui ne veut pas y
donner suite de faire la preuve de l'impossibilité d'y donner suite et ultimement s'adresser au tribunal, le cas échéant,
aussi. Ça éviterait les volontés inexécutables, ça éviterait les
volontés qui sont farfelues, qui sont exagérées.
On vous inviterait… Puis on l'a repris dans
notre mémoire ici, mais on pense que ce qu'on avait suggéré dans notre mémoire
principal de janvier 2013 là-dessus avait une certaine… On avait creusé
beaucoup, beaucoup ce scénario-là parce que
c'est toute l'immense crainte des directives médicales anticipées, qu'en étant
exécutées… de la part des médecins, c'est de se sentir instrumentés. C'est
un terme qu'on retrouve.
Une voix : …
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Non, mais c'est
un terme qu'on retrouve partout, puis, d'après moi, je pense que… D'après
nous, il y a moyen de concilier les deux, O.K., donner un pouvoir contraignant
à ces directives-là tout en ayant une clause
de gestion des difficultés là aussi. Puis c'est ça, alors, parce qu'il est
important que ces directives-là aient un pouvoir contraignant. Par contre, celui qui pense que… c'est
inapplicable, que ça n'a pas de bon sens, ou qu'on n'a pas les
ressources ou que… peu importe ce que ça peut être, à ce moment-là, dans notre
position de janvier 2013, on avait proposé une clause de gestion de conflit de
ces choses-là.
Mme Giroux
(Michelle) : J'ajouterais
simplement qu'on a vu quand même qu'il y a eu un effort de fait dans le
projet de loi, à l'article 60, en changeant légèrement le libellé de l'article
12 en disant, bon : L'article 12 est modifié par le remplacement, dans le premier alinéa… «en tenant compte, dans la
mesure du possible, des» par «en respectant, dans la mesure du possible». Ça nous… enfin, la
proposition qu'on faisait dans notre rapport semblait avoir plus de
mordant. Maintenant, je veux dire, tout changement dans une loi signifie que l'intention
du législateur a changé, mais on vous demande peut-être de regarder cela de
nouveau à la lumière de ce qu'on vous dit aujourd'hui.
Le Président (M. Bergman) :
Merci. Maintenant, pour le deuxième bloc de l'opposition officielle, M. le
député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci beaucoup. Parce que mon intuition médicale me disait que ça clochait à ce
niveau-là puis qu'on aurait de la difficulté
à l'appliquer. Donc, toute la question des directives médicales anticipées,
moi, j'y crois, mais il faut que ce soit applicable
par la suite. Puis après ça on se retrouve 10, 15 ans après, parce que ça va
être long, puis là les gens vont dire :
Comment ça se fait qu'ils n'ont pas pensé à ça? Puis je trouve qu'à un moment
donné il faut être capable d'avoir un recours à quelque part pour que, le gros
bon sens, et pour le bien de la personne surtout, on puisse être capable de l'appliquer,
d'où ma question. J'en ai seulement qu'une.
Ce qu'on voit
dans le projet de loi, on crée un droit pour la personne d'avoir l'aide
médicale, sauf que moi, sur le terrain,
je vois que parfois ça ne sera pas possible de le donner. Vous savez,
Me Ménard, les médecins disent tous : Oui, on est d'accord. Mais, quand il va arriver le temps
de faire l'injection, il y en a plusieurs, d'après moi, qui vont reculer.
Et il y a des endroits, ils sont 15 médecins puis eux autres… On a déjà
reçu d'ailleurs une lettre d'un groupe de médecine de famille qui s'oppose tout
simplement à l'aide médicale. Ça fait que je suppose que tous les patients de
ce secteur-là, théoriquement, n'auraient pas le droit, de la part de ces
gens-là…
Vous, comment
vous voyez ça, le droit par rapport à la disponibilité
des ressources? Et puis est-ce que c'est possible que quelqu'un veuille
avoir l'aide médicale, mais qu'organisationnellement on ne puisse pas l'offrir?
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Oui.
Écoutez, d'abord, actuellement, évidemment la loi n'est pas en vigueur, les
gens ont toutes sortes d'idées par rapport à ces choses-là.
D'abord, je
pense qu'une fois que la loi va être adoptée il va y avoir un effort, j'espère,
un effort d'éducation puis d'explication
aussi, parce que, quand on prend le temps de bien l'expliquer… Puis, écoutez,
moi, je travaille quotidiennement avec
beaucoup de médecins aussi dans le cadre de ma pratique professionnelle, puis
on a échangé beaucoup sur le projet de loi
aussi, puis je pourrais vous dire que des fois ça part d'une incompréhension à
peu près totale, puis, quand on explique, on se fait dire : Ah
bien, ça a du bon sens, bien c'est correct, parce que c'est vrai que ça a de l'allure
aussi, et tout ça. Alors, il va y avoir un
effort de formation puis d'explication des médecins, des infirmières, des
gestionnaires, des équipes traitantes aussi par rapport à ces choses-là.
Ce sont des nouvelles règles qui vont devoir être apprivoisées aussi. Mais c'est
des règles qui ne vont pas contre l'humanisme médical, puis qui ne vont pas
contre la compassion, puis, au contraire, peuvent favoriser… puis c'est
vraiment conçu dans ce contexte-là aussi. Alors, je pense qu'une fois que…
D'abord, la
loi, une fois adoptée, bien là on va apprendre à vivre avec. On va donc
travailler à éduquer les gens, à les former.
Bon, prenons au niveau de la disponibilité. Bon,
il y a toutes sortes de processus qui peuvent être pensés. Nous, on a parlé… entre autres, pour la seconde
évaluation médicale, on a dit : Écoutez, il n'y a pas… On a souhaité
une certaine indépendance du deuxième médecin, donc il n'est pas nécessaire que
le deuxième médecin soit un médecin qui
connaisse absolument le patient ou l'ait déjà traité ou quoi que ce soit
là-dessus. On a dit : Écoutez, il n'y a rien qui empêche que… Par exemple, prenons le cas de la
Gaspésie, dont on fait état ici. Est-ce que le deuxième médecin pourrait
venir de Québec ou de Montréal
pour… Bon, un médecin bien formé à faire ces consultations-là, pas un «rubber
stamper». Je pense que dire que les médecins
sont des «rubber stampers», c'est réducteur pour la profession médicale. Moi,
ce n'est pas comme ça que je connais les médecins. Alors donc, on
pourrait très bien avoir aussi… Puis on a même parlé, nous, d'une équipe multidisciplinaire. Alors donc, autrement dit, le
médecin pourrait y aller pas seulement seul, mais une infirmière,
travailleur social, le cas échéant, pour faire… rencontrer le patient, ses
proches aussi, le cas échéant, et tout ça. Bon. Puis il n'y a rien qui empêche
que ça puisse venir d'une autre région ou de ressources où les gens sont disponibles pour faire ces choses-là. Quand ça
sera le cas du premier médecin, ça peut être plus délicat, plus difficile,
mais, encore là, ce n'est pas insurmontable
aussi. On pense, nous, qu'écoutez, à la mesure, il va se créer un cadre
sécurisant pour les médecins, sécurisant
pour les patients puis où ces idées-là vont être mieux expliquées, mieux
comprises. On pense qu'à terme… Tu sais, c'est un peu comme pour l'avortement :
au début, c'était, bon… mais à un moment donné…
Puis, moi, ce
que je comprends du milieu médical, c'est qu'il y a assez de médecins pas mal
partout, je pense, qui sont ouverts à ces choses-là, qui veulent
apprendre, qui veulent comprendre.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
…une réponse très courte.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Dans une situation, le patient le demande,
mais on ne peut pas le donner. Est-ce que juridiquement il y a une
échappatoire, il y a la disponibilité des ressources?
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Le problème,
c'est que, voyez-vous… c'est que c'est un droit et liberté, hein? Ce n'est
pas un droit qui est exigible comme… c'est
un droit qui a des limites puis qui est fondé aussi sur un débiteur qui
n'est pas un débiteur contraignable ici.
Alors, c'est un droit. Le fait de l'énoncer, un,
ça va la rendre quand même accessible. Sera-t-il parfaitement accessible? Pas tout à fait parce qu'il y a un
problème d'exigibilité qui peut se poser dans certains cas mais qui va
reposer, je pense, ultimement sur l'organisation,
l'éducation, la bonne compréhension puis l'ouverture du monde médical. Puis
moi, je perçois, malgré ce que des fois… ici, il y a beaucoup d'ouverture dans
le monde médical par rapport à ça, et je ne suis pas tellement craintif, moi.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Sauf qu'au niveau juridique la personne ne recevra pas le service puis elle n'aura
pas de recours.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Mais
actuellement les… Écoutez, les mesures ont une limite par les questions
des ressources. On tombe sur l'article 5 de loi actuelle, la LSSSS
actuelle, où il y a des services qu'on ne peut pas avoir lorsque les recours… Même si c'était une bonne
idée qu'on les ait, on considère ces cliniques-là quand on fait du
litige dans le domaine de la santé.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Je vais blaguer : ça me fait plaisir de jouer à l'avocat avec vous.
• (18 h 10) •
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Ah, bien,
écoutez, tout le plaisir est pour moi. Moi, je ne peux pas
malheureusement jouer au médecin avec vous, mais…
Des voix : …
Le
Président (M. Bergman) : Alors, pour le bloc du deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci, M.
le Président. Merci de votre
présence. Évidemment, on arrive à la fin des auditions, et je vous dirais que depuis le début on a… il y
avait un enjeu majeur, là, sur lequel différents groupes avaient
différentes opinions, et vous me confortez un petit peu, dans votre avis, à cet effet-là, c'est-à-dire d'inclure les
gens qui auraient fait, dans leur
mandat de… dans leurs directives médicales anticipées, qui auraient fait le
désir d'avoir… de pouvoir avoir l'aide médicale
à mourir. Et on a eu un intervenant
qui nous disait même que ces gens-là qui l'auraient fait dans un moment d'aptitude, là, et de… fait cette demande-là, qui
ne pourraient pas y avoir accès, seraient en fait discriminés par rapport à quelqu'un d'autre.
Alors, ce que
je comprends de votre position, c'est que, oui, on pourrait l'inclure, mais de
mieux la baliser. Et, à l'exemple de ce qui se passe en Belgique, où
finalement on doit avoir des directives médicales anticipées qui ont été faites dans les cinq dernières années — ça, c'est un critère — et devant aussi deux témoins qui n'ont pas
de lien financier avec le patient, donc ça pourrait être le genre de
balises qu'on inclut à l'intérieur de notre projet de loi, qui pourraient
permettre de répondre à cette clientèle-là — ce que j'ai compris de votre
position.
Le Président (M. Bergman) :
Me Ménard.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Je pense,
vous avez bien suivi, effectivement.
Nous, ce qu'on dit :
Regardez, là, ultimement, ça reste toujours un choix de société, puis ça, ça
appartient au législateur de le faire aussi,
puis le législateur pourra faire qu'est-ce qui semble approprié. On dit :
Attention, c'est une mesure qui est
délicate, O.K.? Alors, c'est parce qu'on a affaire à… On n'a pas affaire à des
gens en temps réel puis là on gère
toutes sortes d'autres difficultés, là : C'est-u bien encore les
volontés?, est-ce que les volontés ont été exprimées voilà trop longtemps?, est-ce que, depuis que ça a été
exprimé, il y a eu des progrès technologiques, qui fait que… Bon, il y a
toutes sortes de difficultés qu'on trouve un
peu partout, qui sont débattues là-dessus. C'est pour ça qu'on dit :
Regardez. On dit : Il vaudrait la peine
de regarder ça; attention, le verrou qu'on enlève à l'article 26, il faudrait
le remettre ailleurs ou en mettre un, deux ou trois de même nature si on
veut ouvrir la porte à ces choses-là. Autrement dit, n'enlevons pas le verrou simplement pour dire : Allons-y. Puis
peut-être que ça serait… peut-être ça n'aurait peut-être pas pour effet
de rendre… donner un caractère exécutoire ou potentiellement exécutable à
toutes les directives médicales anticipées qu'il
prévoit. Y aurait-il encore des cas où on ne rencontre pas les conditions?
Possible, là, mais… prudent, grande, grande, grande prudence. Mais, on pense, on a senti… Puis, écoutez, c'est l'impression
qu'on avait lorsqu'on avait… en janvier 2013, en regardant les auditions de la commission antérieurement. Puis
ici, devant la commission parlementaire aussi, beaucoup de groupes ont
amené ça aussi.
J'ai eu l'occasion d'en discuter beaucoup parce
que je fais partie du comité du Barreau sur les soins de fin de vie également.
On a débattu beaucoup de ces questions-là. Puis j'ai eu l'occasion de
travailler aussi sur le comité du Collège
des médecins où il y avait une grande ouverture par rapport à ça, pourvu que ce
soit balisé, O.K.? Puis, moi, c'est une position très personnelle que j'émets,
mais je pense que ma collègue est…
Mme Giroux (Michelle) : Je la
partage. Mais on avait prévu, aux pages 378 et suivantes de notre rapport,
justement les verrous additionnels qui devraient être mis en place pour
justement assurer la sécurité des personnes en fin de vie.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Puis le
terme «verrou», il a une portée juridique ici.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx, vous avez une minute…
Mme
Daneault : D'accord.
Le Président (M. Bergman) : …
pour la question et la réponse.
Mme
Daneault :
Merci. L'argument majeur que les gens ont apporté, c'est effectivement la
difficulté d'évaluer quel est le moment où la souffrance devient
intolérable aux yeux des gens qui devront poser le geste d'aide médicale à
mourir, là.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Alors, on
en parle, dans notre mémoire, de ça, comment gérer ces difficultés-là.
Au niveau des
souffrances physiques, pas si difficile que ça parce qu'on peut regarder le
genre de médication que les gens
prennent, il y a toute une série… Comme vous êtes médecin, vous le savez bien,
il y a toute une série de moyens qu'on
est capable d'évaluer : Est-ce qu'il souffre?, est-ce qu'il est bien
soulagé?, ça va bien. Souffrance psychologique, plus difficile effectivement, mais ça peut être d'abord
des volontés mêmes de la personne : Écoutez, moi, quand je serai
rendu dans tel état, je veux absolument…
pour moi, c'est intolérable de me retrouver, je ne sais pas, moi, dépendant,
vomir mes selles, peu importe ce que ça peut être, là, je n'en veux pas.
Les proches…
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : …les proches
peuvent aussi le… comme… de la personne puis ces choses-là. Puis, en cas
de doute, peut-être le recours au tribunal aussi, alors donc, pour sécuriser
tout le monde.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Me Ménard, Me Giroux, merci pour
votre présentation. Merci d'être ici avec nous ce soir.
Collègues, je suspends pour quelques instants seulement
avant de procéder aux remarques finales.
(Suspension de la séance à 18
h 15)
(Reprise à 18
h 16)
Le Président (M. Bergman) :
Alors, collègues, avant de procéder à l'étape des remarques finales…
Des voix : …
Le Président (M. Bergman) : S'il
vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît!
Des voix : …
Le Président (M.
Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Collègues, avant de
procéder aux remarques finales, premièrement, je dois vous féliciter.
On a reçu 62
mémoires. On a entendu 55 groupes, une heure chacun. Quand
on pense qu'il y a seulement 24 heures dans une journée, vous avez fait un travail remarquable, et je vous
félicite. C'étaient des auditions vraiment
spéciales.
Alors, je
vous félicite, chacun de vous. Je sais le travail que vous avez fait pendant
ces 55 heures et, pour préparer pour ces auditions, un autre 55 heures,
je suis certain.
Mémoires déposés
Alors, collègues,
je dépose les mémoires des personnes et des organisations qui n'ont pas
été entendues lors des auditions publiques. Alors, c'est déposé.
Remarques finales
Maintenant, on procède aux remarques finales. J'invite
la porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de santé, Mme la
députée de Groulx, à faire ses remarques finales pour une durée maximale de
trois minutes.
Mme Hélène Daneault
Mme
Daneault : Merci. Merci,
M. le Président. Merci, Mme la ministre. Merci, membres du gouvernement et de l'opposition officielle.
J'aimerais d'abord
remercier, dans le fond, le privilège d'avoir pu participer à un débat
aussi, je dirais, enrichissant mais historique. Parce que, mourir dans
la dignité, l'aide médicale à mourir, je pense que c'est un sujet qui est très sensible, sensible à tous, et je pense
que ça a été traité de façon non partisane, dans le plus grand des respects de
l'ensemble des participants qui sont venus
ici, l'ensemble des parlementaires et l'ensemble de la société
québécoise, et ça démontre une
grande sagesse, je pense, de la part de tout le monde. Et je vous dirais que je
pense que le respect, c'était la primauté dans ce débat-là, et ça l'a été du
début à la fin.
On a entendu des gens qui avaient des positions complètement
opposées, et je pense que tout le monde a été capable
de les recevoir, autant ceux qui étaient plus ou moins d'accord
avec ces positions-là. Et je pense qu'en bout de ligne on aurait fait avancer
la société dans un enjeu aussi sensible que la mort. Et, comme médecin, je
pense que j'ai dû composer à plusieurs reprises avec la mort, qui fait partie de la vie. Mais ce n'est pas tout le monde qui a à composer avec cet aspect-là de la vie, et je pense que
tous les gens qui ont participé se sont mis dans la peau de ces gens-là qui ont
à vivre cette portion de vie, qui est la mort.
Alors, on
aura à revoir certains… Je pense que c'est clair qu'il y a des enjeux qui ont
été apportés, dont le principal, à mon
avis, qui était d'inclure ou non la
directive médicale anticipée dans le droit à l'aide à mourir. On aura à le
revoir, je pense, dans l'étude article par
article, encore une fois, je pense, de façon non partisane et avec les
remarques qui nous ont été apportées par l'ensemble des groupes.
Je veux aussi, évidemment, remercier tous les
participants qui sont venus tour à tour. Et il y en a 55 heures, d'auditions. Et je pense que la qualité des
mémoires, elle était assez exceptionnelle, peu importent les positions,
autant juridiques, qu'éthiques, que
médicales, que de terrain aussi. Je pense qu'on a eu aussi l'expertise de gens
qui ont à composer avec les soins
palliatifs au quotidien, à composer avec des gens qui sont appelés à mourir
dans les heures qui suivent et qui nous ont sensibilisés à ce passage de
la vie.
Alors, je
vous assure —j'approche mon
trois minutes — je vous
assure de ma grande collaboration, évidemment à l'étude article par
article, dans le même respect que s'est déroulé l'ensemble de cette commission.
• (18 h 20) •
Le
Président (M. Bergman) : Merci. Avant de reconnaître la députée
de Gatineau, je remercie en votre nom notre secrétaire de la commission, Mme Anik Laplante, pour le travail
exceptionnel pour nous tous. Alors, merci beaucoup, Mme Laplante, pour
tout votre travail pendant cette commission, avant et maintenant. On l'apprécie
beaucoup.
Maintenant, j'invite la
porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux, Mme la
députée de Gatineau, à faire ses remarques finales pour une durée maximale de
six minutes.
Mme Stéphanie Vallée
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Alors, tout d'abord, bien, évidemment, je joins ma voix à la vôtre
pour remercier Mme Laplante et toute l'équipe
de la commission qui, comme par le passé, dans bien d'autres dossiers, ont
su nous soutenir d'une façon continue et
extrêmement professionnelle. Donc, merci. Merci aux collègues, à la ministre,
à son équipe, aux collègues du gouvernement et à tous ceux et celles qui sont
ici depuis le tout début, qui le font de façon bien discrète mais qui travaillent très fort pour apporter leur soutien.
Alors, je vous remercie. Merci à notre collègue de la deuxième
opposition.
Évidemment, notre
équipe, on a eu beaucoup de plaisir à traverser ces auditions-là. Mais je tiens
aussi à souligner tout particulièrement la présence, jour après jour, la
présence, au quotidien, de certaines personnes qui sont venues ici témoigner en commission mais qui avaient un intérêt soutenu
et marqué face aux travaux — alors, vous vous reconnaîtrez. Mais
je tiens à mentionner à ceux et celles qui nous écoutent que nous n'avons
jamais été seuls de notre groupe, il y avait
des gens qui, à tous les jours, à tous les matins, jusqu'au soir, ont suivi les
travaux de la commission, et ça démontre l'importance du sujet qui nous
préoccupe. Alors, évidemment, 55 groupes, c'est beaucoup. Et ça peut
paraître beaucoup. Ce n'est peut-être pas
tant que ça, finalement, quand on se penche sur une question aussi importante
que la fin de vie, que les soins de
fin de vie. Il y a des groupes qui n'ont pu être entendus, malheureusement,
mais qui nous ont fait part de leurs
mémoires. Donc, soyez assurés que nous allons porter une attention particulière
aux représentations qui auront été faites dans ces mémoires. Il y a
aussi des citoyens qui, tout comme dans le cadre des consultations de la
commission spéciale, ont pris le temps d'écrire
à la commission et à faire part de leurs commentaires. Alors, ça aussi, c'est
important, et on en tiendra compte.
Évidemment, c'est
un exercice qui était essentiel. Malgré le travail colossal qui a été fait par
les collègues de la Commission spéciale sur
la question de mourir dans la dignité, on a maintenant un projet de loi. On
avait quelque chose de… une pièce
législative concrète. Et il est important aussi de voir dans quelle mesure ce
projet de loi là répondait aux recommandations du projet de loi et dans
quelle mesure aussi ça répondait à un besoin sur le terrain.
Et le constat qui se dégage de tout
ça, c'est qu'il y a évidemment une multiplicité des points de vue. Il y a des
points de vue sur le comment, sur le
pourquoi, et ces points de vue seront pris en considération évidemment dans la
suite des choses. Il y a des
consensus qui se sont dégagés. Par contre, cette priorité-là qui doit être
accordée aux soins palliatifs, elle se
dégage de tous les mémoires et, je pense, de tous les commentaires ici, l'importance
de rendre accessible ce type de soins là pour la population québécoise.
Il y a évidemment une nécessité de clarifier le projet de loi quant à certains
thèmes. Je ne peux passer ça sous silence en
fin de consultation. Il y a aussi bon nombre d'autres questions qui ont été
soulevées et puis auxquelles on portera une attention particulière.
Alors, je
tiens à souligner que la ministre va pouvoir compter sur notre collaboration
pour faire un travail rigoureux, un travail de bonification du projet de loi.
Notre objectif, c'est d'agir en opposition responsable et donc de travailler en collaboration, comme on l'a fait
dans les… Je pense que cette commission-là est reconnue
pour un travail qui se fait de façon
rigoureuse, et on continuera évidemment dans le cadre de ce projet de loi là. Puis on a une responsabilité, je crois, à titre de parlementaires,
de s'assurer que le projet de loi qui sera ultimement soumis au vote des parlementaires sera le meilleur projet de loi possible. Et évidemment
je réitère que, de notre côté, évidemment, compte
tenu de la pluralité des opinions
pendant les consultations puis qui expriment et qui font état d'une pluralité
de points de vue chez les parlementaires,
nous, il y aura… on demeure… et ça demeurera un vote libre,
donc un vote selon la conscience de chaque élu de notre formation politique. Il n'y
aura pas de ligne de parti, alors, parce que
ça représente en fait ce qui s'est dégagé des consultations. Ce n'est
pas tout le monde qui aborde la fin de vie de la même façon, et on doit
respecter ça.
Mais, ceci étant dit,
Mme la ministre, vous pouvez compter sur notre entière collaboration.
Le Président (M.
Bergman) : Merci, Mme la députée. Maintenant, j'invite Mme la
ministre déléguée aux Services sociaux pour vos remarques finales de six
minutes.
Mme Véronique Hivon
Mme
Hivon : Merci beaucoup,
M. le Président. Alors, c'est avec une certaine émotion que je
prends la parole pour la fin de cette
autre étape, parce que, moi, ça fait bientôt quatre ans. Et là j'ai
accueilli des nouveaux collègues dans cette aventure et je pense que,
quand on touche à cette aventure de ce projet de loi là sur les soins de fin de
vie, on se rend compte de la chance et du
privilège qu'on a, comme parlementaires, de participer à un tel débat et de
pouvoir faire atterrir, je pense, une réforme aussi importante.
Donc,
je remercie sincèrement tous les collègues des deux côtés de la table et de
leur implication que j'ai sentie vraiment très sincère et assidue tout au long du
processus. Et, tout ce qui a été dit par mes collègues, je l'endosse en
termes de remerciement, en termes de cheminement, en termes de travail. Donc,
merci beaucoup.
Ce
qu'on veut faire avec ce projet de
loi là, et je dis «on» parce que
je pense que c'est une volonté partagée, c'est vraiment
de mettre de l'avant, et c'est ce que j'ai voulu, une vision qui est intégrée,
qui met au coeur de son approche la personne,
la personne dans toute la complexité de sa vie, et de sa fin de vie,
et de ses besoins, avec l'accompagnement le meilleur, le plus optimal possible pour répondre à l'entièreté de ses
besoins en fin de vie. Ça, je
pense que c'est essentiel de
vraiment mettre la personne au centre de nos préoccupations tout le temps. Je
pense aussi que c'est essentiel d'avoir une approche équilibrée. Le mot
«équilibre», pour moi, j'y tiens beaucoup avec ce projet de loi là. Je pense qu'il
faut un équilibre entre le principe de l'autonomie,
du respect de la personne et aussi, bien
sûr, de la protection des
personnes vulnérables. Et je suis heureuse de constater qu'à cet égard, pour
les personnes qui acceptent le principe de l'aide médicale à mourir, les
balises, le processus semble, dans l'ensemble, être le bon. C'est une grande
préoccupation, et je pense qu'on est arrivés à un bon équilibre.
Je pense
aussi qu'à la lumière des 55 groupes qu'on a entendus, des autres mémoires
qu'on a entendus on peut dire qu'il y a
un large consensus sur le bien-fondé, sur le principe de ce projet de loi là, sur l'approche qui est là. Je
pense que c'est un consensus qui se reflète
aussi dans la société. Comme élus, on a la chance d'entendre des gens au
quotidien venir nous en parler. Il n'y a
pas unanimité, bien évidemment. Il y
a des opinions très polarisées, bien évidemment, dont il faut tenir compte. Mais je pense qu'il y a un
large consensus et que, comme élus, c'est aussi notre responsabilité de
faire atterrir ce consensus. Bien sûr, il
faut entendre les messages des gens qui ont des réserves par rapport à certains
aspects du projet de loi, évidemment, au
premier titre, en lien à l'aide médicale à mourir, que l'on pense aux gens des
soins palliatifs, que l'on pense
aussi à certains groupes en lien avec les personnes vulnérables. Je note quand
même qu'il n'y a pas là non plus d'unanimité.
On a eu des représentants des personnes handicapées qui sont tout à fait
favorables au projet de loi, des aînés aussi, des gens, ce matin, qui
avaient un son de cloche différent, qui proviennent du milieu des soins
palliatifs.
Donc, je
pense qu'évidemment il n'y a pas d'unanimité d'une part ou d'autre, mais je
pense qu'il y a certainement, comme le disait ma collègue, beaucoup d'unanimité
autour de la question des soins palliatifs, et ça aussi, je tiens à le redire, que c'est un
engagement de notre côté, au-delà de ce qui se trouve dans le projet de loi, de
continuer à travailler sur l'amélioration des soins palliatifs.
• (18 h 30) •
Ceci étant
dit, je pense bien sûr qu'il faut toujours réaliser qu'il y a un certain nombre
de personnes, comme même les gens des
soins palliatifs sont venus nous le dire, un pourcentage de personnes qui n'arrivent
pas à trouver des réponses à leurs
souffrances en fin de vie et que, comme société solidaire faite de compassion
aussi et de respect pour la complexité de chaque personne, il faut aussi
apporter des réponses à ces personnes-là.
Donc, je dois
dire que j'ai bien pris en compte l'ensemble des commentaires qui nous ont été
transmis. Je vais aussi tenir en compte les autres qui nous ont été
transmis par voie écrite.
Et bien sûr
il y a cette question de certains qui voudraient qu'on aille plus loin aussi.
Je pense que ce qui nous a été soumis
le plus souvent à cet égard-là, bien sûr c'est la question de savoir si l'aide
médicale à mourir devrait pouvoir faire partie d'une demande dans les
directives médicales anticipées. Je dois dire que je pense qu'il faut donner
toute notre attention à cette question-là.
Je vais lui donner toute mon attention, comme je vais donner toute mon
attention aux autres commentaires qui nous ont été faits pour bonifier,
pour améliorer le projet de loi. C'est un projet de loi qui doit être le meilleur possible, et j'ai bien entendu les
messages subliminaux et moins subliminaux de mes collègues et des
groupes qui sont venus et je vais bien sûr
en tenir compte pour qu'on puisse bonifier le tout dans nos travaux à venir et
arriver avec vraiment le meilleur des
projets de loi. Et je tiens bien sûr à remercier l'ensemble de l'équipe du
ministère de la Santé, ma collègue
attachée politique, Claudie Morin, qui nous a bien assistés, tous les gens du
ministère, donc M. Castonguay, son équipe
de l'éthique, avec Mme Desrosiers, Mme Samuël, Mme Cadorette, l'équipe aussi
qui est en lien avec les soins hospitaliers, donc je vois le Dr
Beauchamp qui est ici, Marie-Josée Dufour. Merci beaucoup d'être ici, merci de
toute l'aide que vous nous avez apportée, et évidemment, à l'équipe des
juristes, qui ont encore beaucoup de travail devant elles, donc Me Lavoie et Me Lavoie. Nous avons Lavoie et Lavoie ici. Et
bien sûr je veux remercier toute l'équipe de la commission, Mme
Vigneault, Mme Laplante, vous, M. le Président, et les collègues.
Je le
redis : Merci beaucoup. Je pense que le député de Jean-Talon est souvent
soucieux de se dire qu'est-ce qu'on va
penser de nous dans 10 ou 15 ans s'il y a une faille dans le projet de loi,
alors on va s'assurer pour qu'il soit le meilleur possible. Mais moi, je pense qu'il faut avoir
confiance et que les gens surtout vont se rappeler de nous comme ayant
eu le courage d'avoir fait ce projet de loi
là. Alors, vivement la suite. J'ai toute confiance que notre collaboration va
produire de très bonnes choses. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bergman) :
Merci, Mme la ministre.
Alors, collègues, la commission, ayant accompli
son mandat, ajourne ses travaux au mercredi 23 octobre 2013, à
14 h 45, afin d'entreprendre les consultations particulières et les
auditions publiques sur le document intitulé L'autonomie pour tous— Livre
blanc sur la création de mesures d'assurance autonomie.
Merci, collègues. Bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 h 33)