(Douze heures deux minutes)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
Collègues,
la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi
n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.
Collègues, j'ai besoin de votre consentement
pour permettre à Mme la députée d'Arthabaska de remplacer Mme la députée de Groulx, de cet après-midi seulement. Alors, j'ai besoin
de votre consentement pour ce remplacement pour l'après-midi seulement.
Est-ce que j'ai le consentement? Consentement? Consentement.
M. le secrétaire, y a-t-il d'autres remplacements?
Le Secrétaire : Non, M. le
Président.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Bergman) : Alors, collègues, ce matin, nous recevons l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec.
Alors, je vous souhaite la bienvenue. Dr Arata, avec vos collègues, vous
avez 15 minutes pour faire votre présentation. Alors, s'il vous plaît,
donnez-nous votre nom, votre titre ainsi que ceux qui vous accompagnent.
Association des conseils des
médecins,
dentistes et pharmaciens du Québec (ACMDP)
M. Arata
(Martin) : Alors, merci, M. le Président. Mme la ministre, chers députés.
Alors, je suis Dr Martin Arata. Je
suis le président de l'Association des CMDP. À ma droite, Mme Annick
Lavoie, directrice générale de l'association et, à ma gauche, Annie Léger, qui est directrice des services professionnels
et hospitaliers à Rouyn-Noranda et qui est membre de notre exécutif au sein de l'association des
CMDP. Alors, merci de nous permettre de vous faire part de nos
réflexions sur le projet de loi n° 52 encadrant les soins de fin de vie.
Nous tenons à
vous mentionner que nous appuyons ce projet, bien sûr, et sommes prêts à
collaborer à ce dernier et à son implantation au sein des centres de
santé et services sociaux du Québec. Toutefois, nous désirons émettre quelques
propositions d'amélioration concernant certaines composantes de ce dernier, et
c'est ce que nous allons vous démontrer et vous proposer dans les prochaines
minutes.
Les principaux points que nous désirons
aborder — vous
l'avez possiblement vu dans le mémoire — sont : tout d'abord, l'importance et la complexité de
l'aide à mourir, donc la nécessité de redéfinir à nouveau le travail en
équipe et l'imputabilité médicale ainsi que les ressources nécessaires; les
rôles et responsabilités des CMDP dans ce projet de loi et, bien sûr, le
professionnalisme médical qui est nécessaire; quelques propositions d'amélioration
au niveau de l'efficience et de la
simplification des processus proposés; l'unification et la standardisation des
approches cliniques afin d'en
améliorer la qualité et la notion d'indépendance, et, bien sûr, indépendance
telle qu'elle est proposée dans ce dernier.
Alors donc, je débuterai par l'imputabilité de l'équipe
médicale et les ressources nécessaires. On impute beaucoup de responsabilités au médecin dans ce projet de loi quant à son
rôle dans l'aide médicale à mourir. Par contre, ce dernier ne peut pas être totalement imputable de
l'ensemble de ce processus. On considère que l'aide médicale à mourir
est une action beaucoup plus complexe que le simple fait de poser le geste,
mais s'inscrit dans un processus de soins qui se
fait en équipe. Quand on parle d'équipe, on doit aussi s'assurer que les
ressources sont disponibles à l'intérieur des établissements. Si ce projet de loi voit le jour, et on l'actualise, il
faudra certainement prévoir que ces ressources soient présentes lors de l'implantation afin d'éviter, je vous dirais, tout questionnement quant
à un choix qu'un établissement devra
avoir à faire à l'intérieur de ses programmes clientèles, donc ne pas mettre en
opposition les nouvelles réalités que ce projet propose avec d'autres
que nous avions antérieurement au sein de nos établissements et avoir des choix
financiers à faire. Ça va certainement permettre une meilleure actualisation et
d'éviter de justifier, peut-être par des considérants financiers, le non-départ
de cette nouvelle réalité ou la non-implantation du projet.
Lorsqu'on parle d'équipes, aussi, traitantes ou
lorsqu'on parle d'équipes interdisciplinaires, il nous apparaît inconcevable de ne pas retrouver un médecin de
facto dans ces équipes de soins. Donc, pour nous, il est incontournable de voir un médecin au sein des équipes de soins
palliatifs ou de soins de fin de vie puisqu'il est un incontournable et
sert, bien sûr, à travailler avec les autres membres.
Vous avez proposé, dans votre projet de
loi — et
nous trouvons ça fort intéressant — l'élaboration d'une politique
de soins. Cette politique de soins là ou politique administrative, à certains
égards, va permettre de définir ce cheminement à l'intérieur des CSSS, des
établissements ou à l'extérieur de ces derniers lorsqu'elle s'appliquera dans la communauté. Pour nous,
cette politique se doit d'être mise en place ou élaborée suite à
une réflexion clinique. Elle ne doit pas servir de guide à l'implantation
du processus; elle doit soutenir le processus clinique. Je m'explique. Dans la réflexion de la dispensation de ces soins, il y a
des impératifs cliniques, il y a des réflexions quant aux équipes
possibles, aux réalités des établissements.
Alors, ces éléments-là vont permettre de nous donner, je vous dirais, une base
sur laquelle bâtir. Et, autour de
cela, on va pouvoir ajouter une politique qui va éviter, en contrepartie, que le patient
soit victime de délais ou autres, donc prévoir le mécanisme pour avoir
accès à un autre médecin si le premier médecin consulté n'est pas en faveur de l'implantation, ou il ne se sent pas
à l'aise avec l'aide médicale à
mourir, ou s'est retiré pour des
considérants personnels, s'il y avait des absences, s'il y avait un problème au niveau des ressources, alors donc,
prévoir à l'avance les éléments qui feraient en sorte qu'on pourrait
amener des délais au niveau des patients, ce qui n'est pas souhaitable de notre
part.
Vous avez
donné certaines responsabilités au CMDP dans ce projet de loi. Nous en sommes
reconnaissants. D'un autre côté, bien sûr que, pour actualiser ces
nouvelles responsabilités, il y a des éléments du cadre légal et du cadre des
ressources qui doivent être certainement abordés avec vous, et nous allons vous
permettre… et nous allons nous permettre, excusez-moi, certaines suggestions.
Alors, tout d'abord, vous proposez la création d'un
statut particulier au sein du CMDP pour les membres pratiquant en cabinet
privé. Il nous appert un peu particulier de voir que les gens en cabinet privé
devraient avoir un statut particulier. Je m'explique. Le CMDP est une
organisation qui, depuis plusieurs décennies, existe au sein des établissements
de santé et s'assure de réguler la pratique professionnelle et s'assure que la
qualité des soins et des services est un
élément sur lequel les décisions et les réflexions se posent quand on fait des
choix au sein des organisations. La pertinence des activités que l'on va
faire aussi au sein du CMDP fait partie de ses rôles et responsabilités, donc s'assurer
que cette pertinence sera là.
Si on crée un statut particulier pour une
activité particulière, on considère que, un, on va marginaliser l'aide médicale à mourir en créant un statut particulier.
Pour nous, ça fait partie de l'offre de soins, si je peux me permettre
le terme. Donc, en l'incluant à l'intérieur
des activités du CSSS, on pourra, si vous le souhaitez, tel que prévu dans la
loi, jouer notre rôle et s'assurer de la
qualité de l'acte, s'assurer que les gens vont avoir les compétences requises.
Je m'explique, «compétences requises» : lorsqu'un médecin fait une
demande dans un établissement de santé, le CMDP va s'assurer qu'il a les compétences nécessaires, va lui
octroyer un statut et des privilèges. Les privilèges, habituellement,
viennent avec des obligations. Ces obligations
permettent aussi de baliser la pratique et de s'assurer qu'on va le faire dans
un cadre qui est prévu par
l'organisation en fonction encore de sa réalité de pratique et de son niveau de
compétence. Pour favoriser l'octroi de
privilèges de façon adéquate, vous avez pu voir dans le mémoire qu'on propose
une formation standardisée, un peu comme on retrouve, et je prends un
exemple qui existe présentement sur… à l'intérieur de la pratique
médicale : l'échographie ciblée en
urgence. Et je ne veux pas comparer l'échographie ciblée en urgence à l'aide à
mourir, là, je ne veux pas que ce
soit interprété de cette façon-là, mais il y a une formation nécessaire et
requise pour arriver à pouvoir faire
cette activité-là, clinique, et elle est standardisée, reconnue. Alors, pour
octroyer des privilèges dans un CSSS, ça serait peut-être intéressant qu'il
y ait une formation nécessaire et requise pour que le médecin puisse poser
cette activité, tout comme en cabinet privé, si vous jugez nécessaire, et le
collège pourrait s'y adresser. D'ailleurs, j'y viens.
• (12 h 10) •
Dans la pratique privée, nous considérons que
notre capacité à faire l'évaluation de l'acte et notre capacité à s'assurer du bon fonctionnement des médecins en
cabinet privé relèvent, bien sûr, du Collège des médecins, comme il l'a toujours fait antérieurement,
et je ne pense pas qu'on ait
avantage encore à créer ce statut particulier. Et ça viendrait aussi indirectement un peu discréditer les rôles et responsabilités du CMDP dans
son fonctionnement qu'il a depuis plusieurs années. Et je crois que la majorité
des CMDP du Québec — je
dirais la totalité, mais je ne peux pas me prononcer pour tout le
monde — actualise
adéquatement le rôle au sein des établissements. Alors donc, c'est pour ça que
nous ne recommandons pas la création d'un statut particulier.
Le CMDP fait
aussi un rapport annuel. Dans ce rapport
annuel, vous demandez un peu une
reddition où vous voulez vous assurer que l'on puisse tracer ou
reconnaître les endroits où les patients qui ont bénéficié de l'aide médicale à
mourir ainsi que la sédation palliative ...
et vous nommez aussi les soins palliatifs. Dans le rapport annuel, ce que nous vous proposons, c'est que le CMDP inclue de façon
obligatoire, dans son rapport annuel, ces réalités cliniques là. C'est une activité médicale, tel que vous le mentionnez
dans votre projet de loi. Alors, nous serions... nous aimerions
proposer à cet effet que l'on retrouve, à l'intérieur du rapport annuel, une obligation qui permettrait de mentionner, pour l'établissement en question, quelles ont été les activités en lien avec le projet de loi n° 52, et nous pourrions le déposer au directeur général qui a certaines... excusez-moi, au conseil d'administration,
pardon, qui a certaines obligations envers le législateur dans le cadre de votre projet de loi. Donc, ce serait un élément simplifiant, et on
éviterait peut-être la redondance à plusieurs niveaux.
Une autre proposition que l'on vous soumet aussi
en termes de traçabilité, c'est de peut-être utiliser le SP3. Le SP3, c'est ce qu'on appelle, dans le langage
courant, le constat de décès. Lorsqu'un patient décède, comme médecins, nous avons à compléter ce constat de décès. Ce
constat de décès a une section pour laquelle on va retrouver des petites
coches, des cases à cocher, «cochez oui,
cochez non», pour ne citer que quelqu'un dans le passé. Alors, à cet endroit-là, on retrouve, par exemple : «Y a-t-il
eu avis au coroner?», «Est-ce que la patiente était enceinte?», etc. On pourrait
peut-être retrouver deux nouvelles cases : «Y a-t-il eu aide à mourir?» et
«Y a-t-il eu sédation palliative?», ce qui, un,
faciliterait de beaucoup
le processus un peu contraignant pour le médecin parce qu'il le ferait lors, de toute façon, du constat de décès qui
habituellement devrait suivre l'aide à mourir, à moins que je ne me trompe dans
le processus attendu, et, de facto, pourrait être compilé par l'état
civil en même temps puisque ce formulaire est obligatoire. Donc, on pourrait
avoir en même temps un élément de traçabilité qui serait facilement applicable,
à peu de coûts et peu de dépenses, ce que l'on recherche bien
sûr dans notre réalité économique d'aujourd'hui. Alors, c'est une proposition
qu'on vous fait aussi en ce sens.
Vous proposez
aussi la création d'une commission, ce à quoi nous nous questionnons, et nous
nous permettons de questionner. Nous comprenons le niveau de
préoccupation quant à l'application de ce nouveau projet de loi. Nous comprenons un certain niveau de surveillance qui
est à mettre en place. Nous croyons peut-être que l'INESSS, qui est l'Institut
national d'excellence en santé et services sociaux, pourrait jouer un rôle
significatif à l'intérieur aussi de la surveillance
et l'élaboration des guides de pratique. L'INESSS pourrait aussi faire une
revue biannuelle ou annuelle de l'implantation
et des nouvelles normes de pratique au sein de cette activité d'aide médicale à
mourir, sédation palliative et soins
palliatifs. Nous avons l'expertise au sein de l'INESSS. Pourquoi ne pas
l'utiliser et d'en faire profiter notre société et d'éviter encore
peut-être d'amener un élément qui est une commission pour laquelle des dépenses
supplémentaires encore sont nécessaires?
Je fais confiance aussi au professionnalisme des
médecins. On a besoin de surveiller et on a un élément de surveillance, je
pense, et je vais peut-être le dire de façon répétitive, mais le
professionnalisme médical, dentaire et pharmaceutique
pour lequel nous sommes est un élément sur lequel on peut se fier. Je ne pense
pas qu'il devrait y avoir de dérive
de ce côté-là et je pense qu'on peut permettre aux professionnels... et leur
laisser un élément d'autorégulation tel qu'il est prévu dans la loi, tel qu'il est prévu dans leur code de
déontologie, et de faire attention aux éléments contraignants à cet
effet, dont l'amende qui est prévue pour le pauvre petit médecin en cabinet ou
à l'établissement qui aurait... s'il n'a pas fourni dans les délais nécessaires
la documentation, une pénalité. Je pense que malheureusement on ne peut
souscrire à cette proposition, et je crois, en voyant vos visages, que vous
allez dans ce sens.
Alors, en terminant, avant de terminer...
Des voix : ...
M. Arata
(Martin) : C'est une simple
observation de pauvre médecin en clinique privée, un cabinet de
pratique.
Mme
Hivon : Oui. D'accord.
M. Arata
(Martin) : Alors donc, pour
terminer, je vous disais… tout à l'heure, on a parlé de niveau d'indépendance.
Le niveau d'indépendance nous a questionnés à l'effet que, dans les petits
milieux, il est difficile d'avoir une totale indépendance. Alors, quand on
parle de totale indépendance, si on désigne la totale indépendance ou l'indépendance
souhaitée dans le projet de loi, que le
médecin ne connaît pas l'autre médecin ou que le patient n'a pas vu l'autre
médecin en question, vous comprendrez que, dans les petits milieux, lorsqu'il y
a une pathologie particulière, souvent plusieurs spécialistes ont été mis à profit avant d'arriver à des diagnostics, et
on n'aura peut-être pas cette indépendance souhaitée. La plupart des médecins d'un simple petit CMDP ont
habituellement des activités sociales ou autres, de formation, ensemble,
donc on n'aura peut-être pas l'indépendance souhaitée si c'était ce qui est
visé.
Pour nous,
l'indépendance, au niveau professionnel, on la remettrait dans les mains de la
population. Je m'explique : je
crois que c'est à la population de voir le niveau de confiance qu'elle nous
donne à cet effet-là, et, si elle considère que deux médecins du même milieu peuvent arriver à des conclusions quant à
l'aide médicale à mourir, ce sera cela. Dans les constats de décès, c'est-à-dire, dans les décès cérébraux par exemple,
dans les établissements, on a besoin de deux avis médicaux, on a besoin de certains éléments. Il y a
deux médecins qui le font et qui confirment la mort cérébrale. Est-ce
que c'est ce qu'on souhaitera pour notre population? On le laisse à votre
discrétion, mais on souhaite que ce soit bien défini et clair pour éviter toute
interprétation à cet effet-là. Soyez assurés que je ne crois pas que nos
collègues vont se mettre à faire de l'aide médicale à mourir de façon abusive,
loin de moi cette pensée.
Alors, en
conclusion, afin de m'assurer de respecter le temps... Oui, Dre Léger me
rappelle que, dans l'évaluation des
CMDP, dans nos rôles et mandats, l'évaluation de la pertinence — et vous le souhaitez encore, dans ce document — fait partie de nos obligations. Et, si vous
souhaitez que ce soit fait de façon pertinente à une petite échelle — parce que ça devrait être appliqué dans des
milieux, et on n'aura pas, je ne crois pas, 5 000 demandes demain
matin, quant à la modification de ce projet de loi là — nous
serions bien à l'aise de pouvoir procéder en ce sens lors de l'évaluation de l'acte. Nous pourrions même, si
vous le souhaitez, comme on l'a fait pour les colonoscopies en lien avec le Collège des médecins, encore, faire une
évaluation par critères objectifs, obligatoire dans les premières
années, soumise au conseil d'administration
et qui pourra cheminer ultérieurement vers l'ordre professionnel, si vous le
jugez opportun, pour pouvoir assurer de l'application adéquate des nouvelles
procédures.
Alors donc,
en conclusion, comme je vous mentionnais tout à l'heure : un, soyez
assurés de notre collaboration, comme
nous l'avons toujours fait lorsque les projets de loi améliorent l'offre de
soins aux patients dans un cadre qui nous apparaît simple et adapté,
suite aux recommandations que nous vous faisons. Les CMDP du Québec dont nous
en sommes l'association — et
j'ai omis de me présenter, donc, je vais le faire dans la conclusion — l'Association
des CMDP représente les CMDP et est un outil, je vous dirais, de promotion de
la qualité, est un outil de formation. On a développé,
au sein de l'Association des CMDP, une expertise qu'on ne retrouve nulle part
ailleurs. C'est probablement ce qui a
fait que vous nous avez invités à cette commission, et on vous en remercie.
Alors, l'Association des CMDP est un promoteur des outils pour améliorer
la qualité. Alors, dans cette perspective, la qualité et la pertinence font
partie de notre travail, et nous serons disposés à vous supporter.
Vous avez...
Nous souhaitons voir préciser l'indépendance et la définition de l'indépendance
et nous aimerions aussi voir, au niveau de l'aide médicale à mourir, la
définition des soins de fin de vie : Qu'est-ce que la fin de vie, la fin de vie active aux niveaux physique, social,
mental, moral? Cette définition-là devient importante parce qu'il y a
toutes sortes de
souffrances, et je pense qu'on peut aller plus loin, ou on peut améliorer ce
projet de loi en ce sens, ou amener des réflexions ultérieures pour mieux définir ce cadre que… qu'est-ce que la
fin de vie chez un individu. Alors, je terminerais sur ce afin de ne pas
abuser de ce temps.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Arata, merci pour votre présentation. Maintenant, pour le premier bloc du
gouvernement, Mme la ministre.
• (12 h 20) •
Mme
Hivon :
Oui, bonjour. Alors, bienvenue à vous trois, représentants de l'association. On
est très heureux de vous entendre. Si vous avez suivi un peu les
travaux, on a déjà parlé amplement de vous. Donc, on est bien satisfaits, en fait, du mémoire que vous avez présenté et des
questionnements. Alors, vous avez peut-être posé un diagnostic un peu trop rapide sur l'interprétation de notre
visage et de ce qu'on... de l'interprétation que vous faisiez de l'expression
qui pouvait se dégager en lien avec certaines choses que vous disiez, mais on
prend acte de tout ce que vous nous faites comme suggestion.
Peut-être
que, d'entrée de jeu, je veux simplement porter à votre attention le fait qu'il
y a deux éléments, je pense, sur
lesquels vous intervenez d'entrée de jeu, c'est de dire : Il y a les soins
palliatifs, donc on veut s'assurer qu'on va être capable de déployer cette réalité des soins palliatifs, d'une part, et
il y a la question de toute la nouvelle avenue de l'aide médicale à mourir et de s'assurer qu'on peut répondre
correctement avec les balises qui sont précisées. Et c'est deux choses quand même qui sont différentes. L'aide médicale à
mourir ne fait pas partie comme tel des soins palliatifs. Elle ne
requiert pas le même degré
d'interdisciplinarité, ce qui ne veut pas dire que vous n'avez pas à vous
tourner, dans l'évaluation, dans le processus qui est décrit à l'article
28, vers par exemple l'équipe, mais ce n'est pas la même réalité que les soins palliatifs qui se déploient d'une manière continue
avec une équipe interdisciplinaire dans la philosophie, donc, qui est
développée entourant les soins palliatifs.
Et ça m'amène
simplement à vous dire que vous
exprimez un souci quant à, je dirais, la formation, et c'est un souci
que nous partageons totalement. D'ailleurs, je l'ai mentionné hier, mais la
formation, la priorité accordée, au ministère, tous domaines confondus, en formation, pour la
prochaine année, est en matière de soins palliatifs parce qu'on ne veut pas faire face qu'à des établissements où il
y a, par exemple, des lits dédiés, des unités dédiées. On est tout à fait conscients que si ça peut être opportun dans
certains milieux, dans des plus petits milieux, ça peut être plus difficile,
on a besoin de plus de polyvalence. Mais
ceci ne veut pas dire qu'on ne doit pas avoir une équipe formée, des gens
formés en soins palliatifs qui ne peuvent…
ne pas faire que ça, mais qui possèdent l'approche qui, bon, évolue, je dirais,
de manière interdisciplinaire. Donc, ça, on vous rejoint parfaitement.
On vous rejoint aussi parfaitement sur le fait
que ce qui est demandé sur la comptabilisation du nombre, par exemple,
de sédations dans une année, du nombre d'aides médicales à mourir et des
personnes qui ont accès aux soins palliatifs pourrait être difficile à
réaliser quoique, si les établissements, vraiment, voulaient le faire, je pense
que c'est déjà possible. Mais on est en train de raffiner les indicateurs qui vont
être, donc, implantés, qui vont devoir faire l'objet d'un suivi au sein des établissements pour que tout
ça soit beaucoup plus facilement mesurable, accessible et
comptabilisable — si
c'est un mot qui existe — pour
les établissements. Puis, hier, l'AQESSS avait l'air tout à fait à
l'aise avec ça. Donc, je voulais
juste, peut-être, amener cette précision-là : on est sur la
même longueur d'onde que vous, et ce sont toutes des choses qui sont en développement
en ce moment.
Vous avez
terminé avec la question de l'indépendance du deuxième médecin et vous
dites : On aimait mieux ce qui était proposé dans le rapport de la commission
spéciale. Je ne sais pas à quoi exactement vous faites référence, si vous faites référence à l'idée qui était de
s'inspirer de, peut-être, ce qui a cours aux Pays-Bas où il y a
vraiment un système centralisé de
référence pour le deuxième médecin, qui s'appelle le SCEN,
vous pourrez préciser. Juste vous dire qu'aux Pays-Bas c'est plus
facile, parce que le territoire est beaucoup plus petit, d'avoir une espèce d'équipe
de référence qui peut donner le deuxième avis.
Ici, évidemment, de
toute façon, c'est un niveau de
détails qui ne rentre pas dans un projet de loi, mais disons que la
réflexion est en cours avec le Collège des médecins, savoir si un tel système
pourrait être… on pourrait implanter un tel système. Mais c'est certain
que je pense qu'il faut qu'on se donne une flexibilité, compte tenu de la
grandeur du territoire.
Nous, notre
optique du médecin indépendant, ce que ça veut dire, évidemment, dans un petit milieu, dans une petite communauté, les médecins se connaissent tous. Ce n'est pas que ce soit
un médecin qui soit complètement
désincarné de son milieu, mais ce que ça
veut dire par rapport au patient, c'est que ce n'est pas un médecin
traitant du patient, ce n'est pas son
médecin de famille et ce n'est pas le médecin qui l'a suivi, donc, dans ses
soins ou sa fin de vie. Et, par
rapport à l'autre médecin, ce que ça veut
dire, tout simplement, c'est qu'ils ne font pas partie de la même équipe
dans le traitement de la personne,
là, qui est concernée. Donc, c'est la notion d'indépendance. Mais, si vous avez
des suggestions, comment raffiner cette notion-là, notamment dans les
politiques qui vont devoir être élaborées, je pense que ça pourrait être bienvenu. Nous, dans notre vision des choses, la
politique, quand on parle de la politique, donc, des soins palliatifs
qui va devoir être développée, des soins de
fin de vie — pas
des soins palliatifs, être plus global — dans
chacun des établissements, c'est
le type d'éléments, outre l'accès, outre les équipes, les manières de faire qui
pourraient être incluses, donc, dans la politique… Donc, je ne sais pas si vous voulez réagir sur la question
de l'indépendance du médecin, si ce type de définition là ou de vision
est conforme un peu à ce que vous pensez qui serait approprié.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Arata.
M. Arata (Martin) : Oui. Si vous
permettez, en termes d'indépendance par rapport au patient, vous avez le
médecin traitant, mais vous avez les autres médecins qui peuvent être des
médecins consultants qui ont participé aussi à l'élaboration du diagnostic. Je prends par
exemple certaines pathologies neurodégénératives pour lesquelles, dans une petite région, il peut n'y avoir qu'un seul
neurologue qui aurait participé, et on a besoin, je dirais, de ses conseils
ou de son information quant à la décision à prendre. Donc, des fois, des
patients sont tellement complexes que plusieurs médecins… ont été hospitalisés
plusieurs fois, bon, excusez l'expression, sont revenus, réhospitalisés, etc.
Plusieurs médecins sont intervenus dans le
dossier, plusieurs spécialistes, et il ne nous reste que très peu de médecins
disponibles pour faire cette évaluation indépendante, si on parle du niveau d'indépendance,
là, que vous nous apportez.
Quand on le soumettait à votre réflexion, c'était
afin justement de s'assurer que ce soit clair au niveau de la population.
On comprend que c'est une forme de filet de sécurité et on convient qu'il est nécessaire. À cet effet-là, oui. Est-ce que
c'est par RUIS? Vous avez vu qu'on a proposé par RUIS, possiblement, donc c'est
une avenue qui peut être explorée. Est-ce
que ça peut être un groupe de médecins, un peu comme aux Pays-Bas, qui a été
mis en place? Bon, oui, on comprend
la grandeur du territoire, mais, peut-être, quand même on n'aura pas plusieurs…
énormément de demandes initialement.
Est-ce que ce sera ça qui permettra d'assurer une certaine indépendance, une
certaine sécurité et crédibilité pour
la population? Comme je vous disais tout à l'heure, ça revient un petit peu à
la population et au législateur de nous le préciser. Nous, ce qu'on
veut, c'est que ce soit clair pour permettre l'accès au patient, pour permettre
que ce soit fait de façon crédible et respectueuse et pour éviter qu'il y ait
toute interprétation de collusion possible au sein du corps médical, si les
gens en voyaient une à cet effet-là, ce que je doute, là, au niveau des soins
de fin de vie, honnêtement.
Et je me permettrais aussi une réflexion. Vous
disiez, tout à l'heure, pour l'aide médicale à mourir, le niveau d'interdisciplinarité, c'est peut-être moins
significatif qu'au niveau des soins palliatifs. Je me permettrais de
souligner que l'aide médicale à mourir aussi
s'inscrit dans un processus qui est certainement long, pour lequel
l'interdisciplinarité des intervenants au niveau médicaments
pharmaceutiques, des gens aux niveaux sociaux, des infirmières, des médecins, d'autres professionnels, prêtres ou autres
religions, des gens qui peuvent supporter au niveau religieux la démarche
de ces personnes-là… Donc, on n'a pas
beaucoup de recul, on n'en a pas fait encore jusqu'à maintenant au Québec, mais
je pense que le niveau
d'interdisciplinarité va s'inscrire dans un élément, là, parallèle, ou
semblable, excusez-moi, à ce qu'on voit en soins palliatifs ou dans d'autres
approches complexes au niveau des soins, si vous me permettez un commentaire.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. En fait, je partage tout à fait votre opinion que tout ça est sur un
continuum. Et la plupart des personnes
qui vont en venir… Et on s'entend que c'est un très petit nombre de cas, hein,
c'est ça... Quand on en parle, c'est comme
si, soudainement, là, ça allait être un traitement, un soin que tout le monde
va recevoir au Québec, là. Vous savez que
les endroits où une forme d'aide médicale à mourir existe, c'est entre
0,2 % à 1,8 % à peu près des décès, donc c'est un très petit
nombre. C'est pour ça que je pense qu'il faut garder ça aussi à l'esprit, puis
on va sans doute y revenir, la question de
l'association du médecin en pratique privée avec le CMDP parce que ce n'est pas
ce qui va entraîner, je pense, une
charge beaucoup, beaucoup plus importante. Il peut y avoir le principe, mais,
dans la réalité, au quotidien, ça va quand même être un très petit
nombre. Mais je vous suis parfaitement.
La plupart
des gens qui vont en venir à demander une aide médicale à mourir vont avoir
reçu des soins palliatifs, et c'est parce que ces soins-là n'arrivent
pas à soulager toutes leurs souffrances qu'ils vont se tourner, de manière tout
à fait exceptionnelle, vers l'aide médicale
à mourir, là. Dans la très grande majorité des cas, c'est ce qu'on peut
entrevoir. Mais ce que je veux dire par là, c'est que le geste… les soins
palliatifs, on se comprend que c'est un ensemble de soins au quotidien qui sont donnés autant à la personne… qui incluent
l'entourage. Quand on arrive avec l'aide médicale à mourir, le geste en lui-même implique plus,
davantage, le médecin puisque c'est un acte réservé par rapport à l'ensemble
de l'équipe. C'est la précision que je voulais peut-être apporter.
Et j'aimerais ça peut-être poursuivre, parce que
vous suggérez quand même beaucoup d'éléments, et ça m'amène sur la question de l'interdisciplinarité un peu. Vous, vous
suggérez de retrancher l'alinéa d de l'article 28, là, justement dans le
processus qui dit que le médecin va évaluer s'il y a une concordance avec les
critères de l'article 26, notamment en
s'entretenant de la demande du patient avec des membres de l'équipe de soins en
contact régulier avec elle. Donc, vous, vous dites : Ce n'est pas
nécessaire puisque le médecin fait partie de cette équipe-là. Vous, c'est comme
si vous nous dites — je
veux bien vous comprendre : Le médecin, de toute façon, ça va de soi que,
pour faire son évaluation des critères de l'article 26… va le faire.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Arata.
M. Arata (Martin) : Oui, vous avez
absolument raison. C'est la raison pour laquelle on le retirait. On considérait
qu'on faisait confiance aux médecins qui sont, comme je disais tout à l'heure,
les professionnels et, à cet effet-là,
lorsqu'on prend une décision aussi significative, on va, bien sûr, consulter
l'équipe. Donc, c'était dans le but de ne pas légiférer à cet effet-là
et de faire confiance aux professionnels qui sont encadrés par les codes de
déontologie, là, qui s'appliquent.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre…
Mme
Hivon : …
Le
Président (M. Bergman) : Mme la ministre, je m'excuse, c'est la
fin du premier bloc, à moins que vous voulez continuer maintenant.
Mme
Hivon :
Oui, juste peut-être pour finir ce sujet-là.
Le Président (M. Bergman) :
Parfait.
• (12 h 30) •
Mme
Hivon :
Est-ce que c'est parce que vous craignez que, si on le met spécifiquement ici,
c'est comme, en fait, si, de manière
générale, pour d'autres types de soins… ou de s'assurer que le consentement est
bien donné, ils n'auraient pas à le faire, donc ça pourrait envoyer un drôle de
signal, en quelque sorte, comme si ça n'allait pas de soi, de manière générale?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Arata.
M. Arata
(Martin) : Ce n'était
peut-être pas la façon dont on l'avait vu, mais je trouve intéressant ce que
vous soulevez à l'effet que, si on doit
légiférer pour celui-là, pourquoi... les autres, est-ce qu'ils devraient être
encadrés par un article similaire? Peut-être
que, oui, ça créerait un précédent, et je
pense qu'il… comme je le disais tout à l'heure, il n'est pas nécessaire de l'encadrer. Faisons confiance aux
professionnels.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour l'opposition officielle, Mme la députée de
Gatineau.
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Alors, bonjour. Merci de votre présence parmi nous aujourd'hui. Ma
première question est en lien avec votre recommandation lorsque vous demandez
que les instances locales s'assurent qu'il y
ait des ressources humaines, matérielles et financières qui soient disponibles
avant la mise en oeuvre du projet de loi. C'est une question qu'on a
soulevée, dont il a été question dans nos échanges d'hier, d'avant-hier. Mais j'aimerais
savoir, de votre point de vue, ça passe par quoi? Est-ce que c'est vraiment les
instances locales qui devraient, dans un premier
temps, faire un inventaire? Est-ce que ça relève plutôt de la responsabilité du
ministère de s'assurer que, dans tous les milieux petits et grands, ces
ressources-là soient disponibles?
Parce que je
vous suis dans votre raisonnement… À partir du moment où l'article 5 donne un
droit à toute personne, peu importe son lieu de résidence au Québec, là,
donc, que ce soit dans le Nord-du-Québec, que ce soit à Montréal, que ce soit en Montérégie… on donne un droit à
toute personne d'avoir recours aux soins palliatifs, d'avoir recours à
la sédation palliative terminale, d'avoir
recours à l'aide médicale à mourir, on doit s'assurer qu'au moment de la mise
en oeuvre ces services-là seront disponibles
et qu'on n'aura pas à courir aux quatre coins du Québec pour pouvoir
rencontrer la demande pour pouvoir donner suite à la demande du patient.
Avez-vous
évalué ce que ça peut représenter comme besoins, comme ressources financières,
comme ressources matérielles? Parce que, là, oui, on doit savoir à quoi
s'attendre. Mais, justement, pour nous, les parlementaires, on a un travail à faire, on a un travail de
législation, on se fie beaucoup sur votre expertise aussi pour nous dire :
Qu'est-ce qu'il manque actuellement
sur le terrain? Où devons-nous…Où doivent être mis les efforts, déployés les
efforts? Et, dans le projet de loi,
est-ce qu'il y a des endroits où la mise en oeuvre, si le projet de loi devait
être adopté, pourrait être compromise dans certains endroits ou dans
certains… face à certains services? Avez-vous évalué ça?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Arata.
M. Arata
(Martin) : Si vous demandez
précisément si on a évalué les besoins en termes de ressources, je vais
vous répondre : Malheureusement, non, on n'a pas cette expertise-là, on n'a
pas eu non plus le temps nécessaire pour le faire dans les circonstances. Mais
ce qui est clair, c'est qu'on ne doit pas mettre en opposition les nouveaux
services ou l'amélioration des soins palliatifs
avec d'autres services qu'on offre à l'intérieur des CSSS, donc, ce qui
pourrait être aussi une raison pour
laquelle les établissements ou les professionnels n'actualiseraient pas cette
nouvelle offre, parce qu'on va le
justifier par des budgets ou par des ressources non suffisantes, ce qui serait,
je trouve, malheureusement dommage, puis ça permet aussi d'éviter de se
responsabiliser par rapport à certaines situations.
D'un autre
côté, vous disiez : Un peu partout au Québec, il faut développer une certaine
expertise. On n'en a pas parlé tout à
l'heure, mais il faut comprendre que, si, dans une année, on ne fait qu'une
aide médicale à mourir, en termes de compétence,
en termes de capacité de le faire, en termes de dépistage du besoin et de la
souffrance réelle d'un patient, comme
on peut peut-être le faire pour des interruptions volontaires de grossesse...
Il y a un certain… ce qu'on appelle un certain
feeling, une certaine compétence avec les acquis qui viennent. Et il y aura
peut-être lieu aussi de se requestionner sur le où, quand, commet on peut le faire, en lien avec cette capacité de
jugement clinique qu'on devra avoir comme clinicien pour pouvoir poser
les gestes ou pour pouvoir offrir des soins, que ce soient les soins de fin de
vie ou soins palliatifs.
Il est certain qu'on a besoin d'équipes. Quand
on parle de ressources, c'est vraiment les ressources humaines. Les ressources
humaines compétentes, les ressources humaines prêtes aussi à évoluer dans l'évolution
qu'on propose à l'intérieur de ce projet de loi là, pour ne pas se retrouver
non plus en confrontation de valeurs et d'avoir des débats qui ne seront pas centrés sur le patient, mais
bien sûr les individus qui constituent les équipes. Donc, on trouve
important les ressources humaines.
Les ressources financières, écoutez, pour moi, c'est
relativement… oui, ça va avec les ressources humaines. Est-ce qu'on peut restructurer les ressources humaines? Ce sera
peut-être au ministère… à qui le faire, ministère, instances locales,
agences. Ce qu'on veut, c'est que les ressources soient là, pour ne pas être un
prétexte à la non-actualisation. C'est
vraiment ce qu'on propose. Dans la façon de le faire, je ne me permettrai pas, là, de m'avancer à cet effet-là. Encore, on laisse à la
discrétion, mais en autant que ce soit fait lors de l'actualisation.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Donc, est-ce que... Je comprends lorsque vous parlez
de l'importance d'avoir peut-être des équipes spécialisées plutôt que d'avoir…
de faire du mur-à-mur et tenter d'avoir des gens partout, dans tous les
territoires. Est-ce qu'à ce moment-là on
devrait s'assurer que, dans chaque région administrative, on puisse trouver
quelqu'un capable de répondre aux
besoins des patients? Est-ce qu'on irait par régions administratives? Est-ce
qu'on y va avec... Parce qu'une seule
équipe au Québec serait quand même... ce serait utopique. Peut-être que cette
équipe-là... Compte tenu du territoire, comment est-ce que ça pourrait s'articuler, cette équipe d'experts, je
dirais, entre guillemets, là, qui pourrait être appelée à rendre ces
services disponibles?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Arata.
M. Arata (Martin) : Comme on vous mentionnait dans le mémoire, on avait parlé peut-être
d'une approche par RUIS. Ça peut être une approche par régions, dans les
circonstances. Il peut y avoir des sous-territoires dans lesquels il y aura une expertise. Il existe les centres hospitaliers
régionaux au Québec dans l'organisation des soins et services par région
administrative. Est-ce qu'on peut s'inspirer de cette réalité-là? Je ne le sais
pas.
On
a aussi dit tout à l'heure : Il ne va y avoir quand même que quelques cas
qui vont faire des demandes. Alors, il est
peut-être important aussi de bien les faire, de les faire adéquatement, et là
je parle de l'aide médicale à mourir. Dans les soins palliatifs, je
pense que, déjà, dans la plupart des régions du Québec, il y a une certaine
expertise qui s'est développée, et on aura à
l'améliorer et on pourra, grâce à ce projet de loi là, améliorer ce volet-là.
Mais, dans l'aide médicale à mourir, qui est vraiment un nouvel élément,
je pense qu'il y aura peut-être lieu de réfléchir sur une forme d'équipe spécialisée ou à volume suffisant pour avoir
l'expertise nécessaire et la crédibilité nécessaire pour le faire du point de
vue professionnel. Mais on s'avance dans quelque chose qu'on ne connaît pas,
puisqu'on ne l'a jamais fait, donc.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : J'ai une question tout autre. L'article 29... Puis
j'aimerais avoir votre avis. Vous ne touchez pas, vous ne traitez pas de cet aspect-là dans votre
mémoire, mais c'est une question qui m'est venue. À l'article 29, on
prévoit que, si un médecin refuse
d'administrer l'aide médicale à mourir ou conclut qu'il ne peut pas administrer
l'aide médicale à mourir, il doit
informer la personne des motifs de son refus. Moi, je vous avoue que ça me
préoccupe un petit peu au niveau des
libertés... Je pense qu'il y a une liberté de conscience du professionnel de la
santé qui ne devrait pas nécessairement... Je pense que les valeurs
personnelles du médecin n'ont pas nécessairement à être divulguées au patient. Je trouve que c'est peut-être assez
contraignant pour le médecin de dire : Bien, je suis désolé, je n'offre
pas ce service-là pour des motifs d'ordre religieux, je n'offre pas ce
service-là pour une raison très, très personnelle, ou peu importe. Mais je
voulais juste vérifier si, au niveau des professionnels de la santé, on
partageait ma préoccupation.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Arata.
M. Arata
(Martin) : Écoutez, vous soulevez à notre réflexion… On a des éléments
sur lesquels on a discuté. Si un médecin mentionne ses motifs, est-ce que ça
doit être dans le détail? Est-ce que ça peut être pour des motifs personnels? Est-ce que le médecin ne se sent pas à
l'aise et ne se sent pas nécessairement compétent? Pour nous, on ne l'avait pas vu comme un élément aussi détaillé. On
avait aussi une possibilité du médecin de se retirer. Donc, peut-être que, déjà, d'entrée de jeu, il n'aura pas à être
applicable. Les motifs nous semblaient aussi des motifs en lien avec des
critères établis dans le projet de loi, alors ne semblaient pas en lien avec
des motifs du médecin, mais en lien avec les critères,
s'ils étaient appliqués ou applicables dans le contexte. C'est ce qu'on avait
compris. Donc, peut-être, s'il y a une interprétation,
il y aura précision à faire si on ne s'entend pas sur l'interprétation. Puis je
laisserais peut-être Dre Léger, si vous me permettez, M. le Président,
compléter la réponse.
Le Président (M. Bergman) :
Dre Léger.
• (12 h 40) •
Mme Léger
(Annie) : En fait, ce que je voudrais préciser, c'est que le médecin
qui ne se sentirait pas à l'aise de procéder
à une aide médicale à mourir ou même à une sédation palliative terminale, parce
qu'il faut bien comprendre que ça
demande un certain degré d'expertise, une certaine zone de confort… ce
médecin-là aura l'obligation, selon son code de déontologie, de s'adresser
à un collègue de travail. Et ça, c'est très important. On ne laisse pas tomber
un patient, on le soutient jusqu'à la fin.
Et c'est cet élément-là qui est pertinent, et ça nous ramène à notre fameuse
politique, dont on vous a parlé dans
le mémoire, où c'est très important qu'on connaisse comment on est organisés et
structurés. Ce n'est pas le temps de commencer à chercher un docteur
quatre jours avant la décision, là, tu sais, ce n'est pas le bon moment. Il faut que ces choses-là soient planifiées, et ce
n'est pas… On a le droit de changer d'idée n'importe quand. Ce n'est pas
une police d'assurance qu'on demande de
signer à tout le monde. Mais il va falloir que ce soit précisé, et, en
aucun cas, on ne laisse tomber un patient. On cherche des solutions.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Maintenant,
pour le deuxième bloc du gouvernement pour un bloc de
8 min 30 s, Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui, bien,
je suis très rassurée de vous entendre dire ce que vous venez de dire, parce que
je pense qu'en fait c'est la plus grande
assurance qu'on a, que, dans les faits, on va faire le maximum
pour que tout s'applique le mieux possible, je dirais,
administrativement, législativement. Mais, au bout du compte, il est question
de soins, d'humanité, de solidarité, de responsabilité médicale, de responsabilité aussi des établissements, puis je pense que
tout le monde va vouloir que le mieux soit offert dans les… avec la nouvelle réalité
qui est dans ça, mais qui est en continuité avec ce qui se fait déjà, quand
même.
Puis je
voulais juste vous… peut-être vous signifier, vous… Sur la question, justement,
de la référence, si quelqu'un a une
objection de conscience, à l'article 30, on dit que ça pourrait être le DSP qui
soit la personne désignée ou ça peut être
une autre personne. On donne l'exemple du DSP parce qu'on pense que, dans
beaucoup d'établissements… mais on a entendu… Effectivement, on a parlé
des DSP aussi — malheureusement,
à ce jour, ils n'ont pas répondu à notre invitation — mais on suggère ça comme une mécanique, je
vous dirais, de base, mais on dit que ça peut être toute autre personne
désignée par l'établissement. Mais ça, c'est exactement…
Puis, hier,
l'AQESSS en parlait, là, parce qu'elle disait qu'en fait ça pourrait être dans
la politique, donc, la fameuse politique, puis je pense que ça pourrait
aussi être ça, que chaque établissement se dote de sa procédure, qui peut être intraétablissement, qui peut être via les
instances régionales, enfin, à déterminer ça. Mais c'est dans cette optique-là.
Puis je dois vous dire qu'il y a un enjeu
là, mais, compte tenu du petit nombre de cas et de la volonté qu'on sent,
autant de vous que de l'AQESSS, que des médecins eux-mêmes, de ne pas
laisser tomber le patient, je suis quand même très rassurée de ce que j'entends
depuis hier.
Il y a quelque chose qui me rassure moins, par
exemple, c'est quand vous dites : Il faudrait un peu avoir peut-être des spécialisations ou de la formation,
là. Ça va de soi, la formation, c'est toujours, je pense, un plus, puis
ce n'est pas pour rien qu'on en fait une
priorité, mais la sédation palliative terminale, là, si je prends cet
exemple-là, en soi, c'est quelque chose,
à la limite, qu'on pourrait dire qui est même plus complexe que l'aide médicale
à mourir, parce que la personne doit être
maintenue sur une plus ou moins longue période dans un état d'inconscience,
donc, de manière prolongée. Et, en ce moment,
il n'y a pas d'encadrement spécifique. Ça se fait, ça se pratique. Ça se
pratique à domicile aussi, ça se pratique en établissement, et j'aurais
espoir que, quand même, il y a un bon encadrement de tout ça.
Mais là,
quand vous venez me dire… Puis ce n'est pas pour rien si on le prévoit comme un
soin spécifique avec un encadrement,
un protocole clinique, c'est parce qu'on veut aller plus loin. Mais j'aimerais
ça que vous me disiez, compte tenu de
ce que vous nous dites, qu'il faut avoir quelque chose de très spécifique, de
très encadrant puis… Comment vous réconciliez ça avec le fait qu'en ce
moment il y a quand même cette pratique-là, qui n'est pas non plus généralisée,
mais qui existe, sans formation particulière ou politique particulière?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Arata.
M. Arata (Martin) : L'aide médicale
à mourir est une nouvelle réalité, pour laquelle il y a quand même une préoccupation de société, pour laquelle il y a un
élément d'inconnu et pour laquelle on veut avoir une certaine assurance,
certaine assurance-qualité, certaine
assurance, aussi, sécurité, filet de sécurité pour éviter tout élément qui
pourrait être non pertinent ou non adéquat. C'est dans cette
perspective-là qu'on soulignait la nécessité d'élaborer une formation pour
aussi crédibiliser le processus et amener une assurance de qualité
supplémentaire. Donc, c'est un petit peu ce côté-là.
Il n'y a rien
qui empêche de l'étendre au niveau des soins palliatifs ou de la sédation
palliative. Ça pourrait aussi être envisagé afin de s'assurer d'une
certaine qualité des normes de pratique attendues. Ça, il n'y a rien qui nous empêcherait de le faire aussi à cet effet-là. Ce
n'est pas dans le but… et je veux que ce soit clair, ce n'est pas dans le
but de restreindre l'accès ou de limiter l'accès. Ça, ce n'est vraiment pas l'objectif
qu'on a au niveau des CMDP, l'objectif est
de le rendre justement disponible, mais en s'assurant qu'il y a une qualité
offerte en bout de ligne, une pertinence, et que c'est bien fait et c'est
fait adéquatement pour justement continuer à crédibiliser la profession.
Puis je reviendrai vous parler du DSP aussi,
tout à l'heure, dans l'actualisation des processus ou dans la possibilité de. Le médecin a une obligation
d'assurer un suivi, le médecin est obligé de… Il y a une obligation de
référer à nouveau le… Donc, je pense que le
DSP n'a pas à être là. La politique doit être élaborée, mais cette
politique-là, si on veut peut-être
encore préciser son élaboration, pourrait être faite sur recommandation du
CMDP. Alors, le CMDP pourrait être obligatoirement mis à profit dans l'élaboration
de la politique et s'assurer qu'au niveau médical on a prévu ces mécanismes-là
en s'assurant d'une collaboration avec ses médecins.
Donc, en émanant de la base du corps médical,
des solutions à caractère médical, c'est souvent plus positif et porteur qu'une
politique qui pourrait être émise par une autre instance et qui ferait en sorte
qu'encore les médecins se sentiraient
contraints ou ne répondraient peut-être pas à une réalité de pratique
professionnelle, et qu'on ferait en sorte que, dans son applicabilité, elle ne verrait pas le jour par retrait des
médecins pour des raisons autres, qui seraient, à ce moment-là, des
raisons administratives, ce que je trouverais dommage encore pour nos patients.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. En
fait, c'est très intéressant, cette question-là, même si, dans les faits, je ne
pense pas que ça va être si fréquent qu'on va devoir se référer à ça, mais
effectivement, comme le dit mon collègue de Jean-Talon, on n'a pas le choix de se poser la question. Mais ce qui est très
intéressant, c'est qu'on a senti un grand soupir de soulagement du
Collège des médecins, des fédérations des médecins quand ils ont vu apparaître
ça, parce que, pour eux — ils sentaient que certains de leurs membres
qui pourraient avoir une objection de conscience... — l'idée de devoir référer, déjà, était
lourde pour eux parce qu'ils disaient : Oui, mais référer, si c'est moi
qui suis obligé de trouver, un, ça peut être lourd, mais, deux, si moi, je ne suis pas à l'aise avec ça,
est-ce que je vais être à l'aise de référer? Et on est arrivés avec cette idée-là et on a senti que
c'était vraiment bienvenu par les médecins, les professionnels, mais on
sent, évidemment, du côté des établissements puis vous, aujourd'hui, plus de
réticence.
Mais je pense que nous, notre souci, c'est de s'assurer
qu'il y a une trace dans la loi qu'il faut qu'il y ait une obligation qui n'incombe pas qu'aux médecins,
parce que le patient pourrait se retrouver vraiment isolé dans tout ça,
en fin de vie, dans une situation de grande
vulnérabilité où on ne peut pas, comme on le disait aussi, déplacer le patient
d'une région à l'autre dans cet état-là.
Donc, je pense que notre souci, c'est qu'il y ait quand même une trace de cette
obligation-là dans le projet de loi pour ne
pas se dire : Bien, on s'en remet seulement à la bonne volonté de tous ces
gens-là pour s'assurer qu'il n'y a
personne qui va être laissé pour compte. Donc, c'est un peu ça. On sent une
petite… je dirais, une divergence
d'opinions, à savoir qui doit avoir la plus grande responsabilité dans tout ça.
Mais c'est ça, notre objectif, c'est une responsabilité conjointe, mais
je pense qu'il faut la définir assez clairement.
Le
Président (M. Bergman) : Dr Arata, il reste une minute dans ce
bloc pour une réponse courte, s'il vous plaît.
M. Arata
(Martin) : Je répondrai et
je répondrai encore… Merci, M. le Président. Je répondrai encore avec la
même réponse que tout à l'heure : Je
fais confiance à mes confrères et consoeurs médecins pour leur
professionnalisme. Et notre code de
déontologie encadre notre pratique à cet effet-là, et on ne peut pas laisser un
patient sur le trottoir sans aucun service;
on a cette obligation-là. Et, si jamais on ne le rend pas au patient, notre
ordre professionnel pourra nous rappeler à l'ordre, si je peux me permettre le terme. Le patient n'aura pas à être…
Je vous avoue honnêtement, je ne crois pas qu'on va devenir un agent
limitant et pénalisant pour les patients. Je pense qu'on fait porter beaucoup
de responsabilités au corps médical à cet effet-là. Et, je vous rassure, nous
sommes des professionnels et nous agirons en professionnels.
Le Président (M. Bergman) :
Merci, Dr Arata. Pour l'opposition officielle, pour le dernier bloc, Mme la
députée de Gatineau.
Mme Vallée : En fait, je
vais…
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
• (12 h 50) •
Mme
Blais : Merci beaucoup, M. le
Président. J'ai beaucoup aimé votre mémoire, je tiens à vous le dire.
Merci d'être ici aujourd'hui.
En page 7 de
votre mémoire, vous parlez des conditions entourant l'aide médicale à mourir.
Vous parlez, entre autres, des quatre
conditions nécessaires pour obtenir l'aide à mourir et qui précisent les règles
administratives. Vous parlez de
souffrance psychique qui va prendre beaucoup d'ampleur parce que ça va
complexifier, en quelque sorte, «l'évaluation de l'aptitude à consentir aux soins». Et vous parlez… puis je ne vais
pas lire tout ce qui est là, mais vous parlez aussi, dans certaines
situations où il y a des troubles cognitifs… la fin de vie sociale. Et je veux
vous entendre parler sur cette fin de vie sociale et de l'aptitude à consentir,
qui prend aussi toute son importance dans un tel contexte. Le mot «sociale»,
là, c'est la première fois que je le vois dans un mémoire, et je veux vous
entendre parler là-dessus.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Arata.
M. Arata (Martin) : Moi, je vais
permettre à Dre Léger de répondre à cette question.
Le Président (M. Bergman) :
Dre Léger.
Mme Léger (Annie) : Écoutez, l'aptitude
à consentir, quand on est dans des situations fort complexes, on est vraiment
dans un cheminement clinique. On évolue, le médecin, l'équipe clinique, avec le
patient, avec sa famille, avec son porte-parole ou son représentant. Ça
fait beaucoup de gens avec lesquels on doit concilier. Alors, si vous ajoutez à cela un trouble en santé mentale ou un trouble
cognitif, l'aptitude à consentir devient fort complexe à évaluer. Et les
patients, ce qu'ils nous disent et ce qu'ils
nous expliquent, c'est qu'ils ont une fin de vie sociale, ils n'ont pas simplement
une fin de vie physique.
Oui, ils
peuvent avoir d'autres maladies que le principe d'avoir une simple maladie
d'Alzheimer à ses débuts, mais tout
patient Alzheimer qui est dans les premiers stades comprend très bien ce qui va
lui arriver. Et c'est là qu'on va avoir
des questions. Il y
a des patients qui refusent de vivre
le déclin qu'ils vont vivre, parce
qu'ils savent que ça va venir.
La maladie de Parkinson, les gens le savent.
Combien il y en a qui choisissent d'aller vers des chirurgies en
neurochirurgie, qui sont très à risque de
rester sur la table et qui font ce choix volontairement? C'est tout ça qui va nous
être questionné comme médecins. Et
c'est ça qu'on veut apporter dans notre mémoire, cet aspect-là, qui
n'est pas soulevé, mais que, comme cliniciens, on va devoir répondre aux
familles.
Je ne sais pas à qui je le disais tout à l'heure,
mais 95 % du travail qui va découler du projet de loi, c'est de l'information. C'est ça qui va être notre job, pas
tellement de pousser sur la seringue ou d'appliquer un protocole de
sédation palliative terminale. Ce n'est pas ça, le travail qui découle du
projet de loi. Le gros travail, c'est le consentement éclairé. C'est ça, le
travail.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Avant de passer la
parole à mon collègue, est-ce que c'est une portion qui vous fait peur? Je
n'aime peut-être pas le mot «peur»,
mais qui vous... Vous êtes des êtres humains, hein, les médecins, et vous
devez composer avec ça. Est-ce que ça vient vous bouleverser, vous
questionner, remettre en question certaines choses?
Le Président (M. Bergman) :
Dre Léger.
Mme Léger
(Annie) : Écoutez, c'est un
travail quotidien que d'habileter les médecins à être aptes à développer
les relations humaines requises pour faire
un consentement éclairé en fin de soins de vie. C'est un travail, il faut
l'apprendre. Nos universités nous préparent
souvent très mal à cela, parce qu'on est plutôt habitués à guérir et à soigner.
Alors, quand on est devenus confrontés à cela — et,
très tôt dans notre pratique, je vous le jure, on est confrontés très
rapidement à cette réalité — on
doit supporter nos médecins.
Je vous en
parle personnellement parce que je suis présidente d'un comité de bioéthique et
je peux vous dire que c'est un
travail quotidien que l'on fait pour supporter nos médecins et nos équipes de
soins dans ce cheminement-là, qu'on appelle maintenant un choix de
soins, et non un niveau d'intensité thérapeutique, parce que ce n'est plus,
maintenant, thérapeutique, il doit... on
doit englober la fin de vie. Et c'est plutôt ça qui va être le travail colossal
qu'il va falloir faire. Parce que,
quand on va arriver à la décision de l'aide à mourir, quand on va être rendus
là, ça va être relativement clair dans la
tête de tout le monde, c'est le «avant». Et ça ne me fait pas peur, parce que
ça fait partie de notre travail, maintenant, de médecin et d'équipe de
soins. Mais on a de l'ouvrage à faire, ça, c'est sûr.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Bienvenue ici, en commission. C'est un
plaisir de vous revoir. Parmi eux autres, entre autres, il y a deux personnes qui ont été DSP... qui sont DSP
actuellement. Quand on arrive à la question d'organiser les services, on a tous… là, dire : Bon, ça va
être facile, ce n'est pas compliqué. La difficulté, c'est qu'il y a quelqu'un
qui va devoir être responsable de trouver une personne qui va vouloir appliquer
l'aide médicale à mourir sur le principe que c'est un droit du patient.
La
Dre Léger a travaillé à Rouyn-Noranda puis elle sait comment c'est
difficile, parfois, d'organiser des services quand on est en région éloignée. Moi, j'insiste qu'on va devoir tous se
parler ensemble sur l'organisation, parce que j'ai beaucoup aimé le
commentaire, tantôt, de dire : Les gens ont été soulagés en apprenant que
ça serait le DSP. Moi, mon expérience, dès
qu'on sait que c'est l'autre qui va ramasser la balle, on est tous soulagés.
Et, dans ce dossier-là, il y a quelqu'un
qui doit ramasser la balle, et il ne faut pas toujours que ça soit les mêmes
personnes. Le principal, c'est que le patient ne tombe pas entre deux
chaises.
L'autre élément, quand on dit que le médecin va
demeurer responsable... La façon dont le projet de loi est rédigé, à la fin, il y a quasiment une
responsabilité aussi de trouver la personne qui va le faire. Mais, quand on est médecin puis qu'on a besoin d'une chirurgie, mais il n'y a
pas de chirurgien qui veut la faire parce
que… pas de disponibilité, il n'est pas accessible, il y a
quelqu'un qui ramasse la balle, et c'est le patient qui paie le prix, puis tu
as un professionnel qui va souffrir parce qu'il n'aura pas le service qu'il
devrait donner.
Moi, je pense
que la difficulté, ce ne sera pas de dire que le médecin, il va le refuser
parce que… pour toutes sortes de
raisons. Mais c'est quoi, son corridor de service pour que ce soit facile pour
le référer? Et c'est ça, la discussion qu'on va devoir… Je n'ai pas la réponse aujourd'hui, dans ma tête, ça mijote
encore, mais, chose qui est certaine, on va devoir tous s'entendre
ensemble que, dès que quelqu'un dit : Moi, je ne peux pas le faire… En
passant, c'est une minorité des médecins qui
vont le faire. Si vous avez environ… l'estimé que vous avez fait tantôt,
peut-être entre 300 et 600 cas par année, on ne peut pas penser que
chaque médecin va avoir l'expertise, même s'il veut le faire. Vous allez avoir
un phénomène… On peut y croire, au projet, mais, si tu le fais une fois à tous
les deux ans, tu es peut-être mieux de ne pas toucher à ça.
Donc, ça va être ça, l'organisation de service
qu'on va devoir mettre en place. Et quel corridor, et c'est quelle trajectoire qu'on va faire pour que ce soit
facile, et pour le patient, pour ne pas qu'il y ait de délais, pour ne pas
qu'on dise à la famille : Vous
savez, ça va prendre une semaine ou deux parce qu'il faut que je trouve
quelqu'un. Et c'est là qu'on va voir qu'au Québec il faut donner une
organisation de services qui est probablement locale, régionale et, pour
certains endroits, suprarégionale, mais ça,
ça va faire… Puis moi, j'y crois, je pense qu'on est capables de le mettre en
place puis on va être capables de le faire après un certain temps.
J'aimerais
vous poser la question… quand on va arriver à la question des familles. Vous
l'avez touché, ce point-là. Moi, ce
que je vois, on parle beaucoup de la personne… À partir du moment qu'il y a une
décision de procéder, il y a comme un
protocole qui va se mettre en place, puis là on a l'impression que la personne,
elle va être comme mourante dans son lit, puis on va appliquer l'aide médicale à mourir, mais, de ce que je
comprends, on pourrait l'appliquer deux, trois mois avant, lorsqu'elle a
vraiment perdu toute sa capacité, elle est en déchéance, la mort est imminente
d'ici quelques mois. On pourrait l'appliquer à ce moment-là; ça va demander de
mettre en place un scénario. Ça prend un moment solennel. Comment vous voyez ça
avec les familles?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Arata.
M. Arata (Martin) : Bien, écoutez, ça fait partie, comme on disait
tout à l'heure, de l'approche interdisciplinaire de la préparation du
continuum de soins. Donc, on arrive à un moment où on va appliquer l'acte en
question. La détermination… Et c'est ce qu'on soulevait aussi dans notre
mémoire, pour y revenir : La fin de vie, qu'est-ce que la fin de vie? Alors, à
partir de ce moment-là où on peut appliquer l'aide médicale à mourir et qu'on a
déterminé qu'est-ce qu'elle était, est-ce que ce sera un mois avant, une
journée avant, un an avant, etc.? Est-ce que c'est la fin de vie sociale?
Est-ce que c'est la fin de vie physique, ou autre, comme Dr Léger
soulevait tout à l'heure? C'est un élément sur lequel il va être important de s'entendre
pour vraiment pouvoir appliquer…
Et peut-être
que la société, aussi, interprète différemment ce qu'est la fin de vie.
Peut-être que les gens s'attendent à autre chose que ce qu'on a
présentement ou ce qui est présenté dans son application. Pour eux, leur fin de
vie est peut-être différente de ce que nous, nous percevons comme individus,
ici, alors il va être important de le clarifier.
Pour revenir
sur votre question d'organisation, il est clair que, si on prend un modèle, par
exemple, comme en traumatologie... En
traumatologie, les corridors sont bien ciblés, ils sont précis, on sait où les
patients vont aller. Si le service n'est
pas disponible à tel endroit, c'est le centre secondaire, le centre tertiaire.
Les niveaux de responsabilité ou d'application de certains actes, au niveau médical, sont bien définis dans un cadre
qui est bien structuré et qui fait en sorte qu'il y a une fluidité, et on n'a plus à faire ce qu'on faisait
à l'époque, quand j'étais jeune, avec des cheveux, c'est-à-dire appeler
les consultants pour essayer de négocier un
docteur quelque part pour y arriver, ce qu'on ne fait plus en traumato
maintenant.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin à ce bloc pour l'opposition officielle. Maintenant, l'opposition…
deuxième groupe de l'opposition. Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Merci de votre présence. Je voudrais revenir sur vos
recommandations à la page 13 de votre
mémoire. À l'article 5, là, vous suggérez à la commission : «Que le
législateur précise les règles entourant les conditions que doit remplir
une personne pour demander l'aide […] à mourir, lorsque cette personne souffre de maladie mentale ou de troubles
cognitifs, par exemple.» J'aimerais vous entendre là-dessus parce qu'on a,
depuis quelques jours, effectivement, eu
quelques recommandations, dépendamment des groupes qui se sont présentés devant
nous.
Est-ce que, selon vous… Puis, Dr Léger,
vous en avez parlé tout à l'heure, on fait face à une situation où la population vieillit, où il y a de plus en plus de
cas de démence et où on sait qu'en début de maladie les gens sont
conscients de ce qu'il va leur arriver, et,
à l'intérieur du projet de loi actuel, on n'a pas la possibilité d'obtenir les
soins médicaux à mourir… l'aide
médicale à mourir. Alors, vous, est-ce que vous recommanderiez qu'on le fasse à
l'intérieur du projet de loi actuel, de la clarifier, cette position-là
d'aller vers la possibilité pour ces gens-là d'avoir des directives médicales anticipées et qu'on puisse les respecter au stade
avancé de la maladie, ou, selon vous, c'est trop prématuré pour
légiférer à cet effet-là à ce moment-ci?
• (13 heures) •
Le Président (M. Bergman) : Dr
Arata.
M. Arata
(Martin) : Vous avez vu que,
dans notre mémoire, on demande de préciser cette réalité-là. Quand on
est sur le terrain — et
je vais reprendre un peu ce que Dr Léger disait tout à l'heure — les
demandes qu'on a, d'aide médicale à ne plus souffrir ou à… viennent de ce type
de pathologie là, des troubles cognitifs pour lesquels on sait l'évolution :
les maladies neurodégénératives, sclérose latérale
amyotrophique,la maladie de Lou Gehrig, on parlait du parkinson tout à l'heure. C'est des maladies qui sont quand même de long cours, mais pour lesquelles il peut y avoir une longue période de
souffrance psychologique, sociale ou autre. Et, quand je vous parlais tout à l'heure de la société, cette
société-là, c'est ces gens-là qui nous les adressent, ces demandes-là.
Alors, je pense qu'il faut, comme
législateurs ou comme parlementaires, s'y adresser parce
que c'est sur le terrain,
c'est ce qu'on a comme demandes. Des gens qui vont mourir, dans les prochaines
heures ou les prochains jours, et qui
souffrent, oui, ça fait partie des éléments sur lesquels on doit réfléchir, et je pense que ça, on n'a plus à se requestionner… Et je vous dirais même que le débat
majeur au niveau de cette application-là... Il y a un débat au niveau des troubles cognitifs, il y a un débat au niveau des troubles et des
souffrances mentales, et psychologiques, et sociales. Et ça, je pense qu'il faut qu'on s'y adresse ; dans
ce projet de loi là, oui ou non, je
ne le sais pas, parce que c'est de la
lourdeur, le processus législatif ou autre
pour faire en sorte qu'on puisse y voir le jour, mais on devra, on devra,
selon nous, s'y adresser. Et vous l'avez vu dans notre mémoire, c'est là. Ce n'était
peut-être pas clair, mais c'était
vraiment là : On doit s'y adresser absolument parce
que c'est ce genre de
souffrances pour lesquelles on a des demandes indirectes
de procéder à certains gestes, qu'on ne fait
pas et qu'on ne fait… pour lesquels on n'est pas autorisés, mais pour
lesquels on voit la souffrance des gens à ce niveau-là.
Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Il me reste combien…
Le Président (M. Bergman) : Il vous reste deux minutes.
Mme
Daneault :
Deux minutes ? Bon, d'accord. Alors, merci pour la précision. Alors, pour
vous, ce n'est pas clair
qu'on doit nécessairement l'inclure à cette étape-ci de la loi,
là. Ce n'est pas clair, hein? Vous n'êtes pas… Votre
position n'est pas claire là-dessus. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Arata
(Martin) : C'est clair… Woups!
Mme
Daneault : Oui, oui, vous avez…
M. Arata
(Martin) : Oui, oui. Je peux me permettre?
Excusez.
Le Président (M. Bergman) : Oui.
M.
Arata (Martin) :
C'est clair qu'on doit le préciser. Est-ce que vous devez…
Est-ce que ça doit être fait
dans le cadre de ce projet-là, à cette
étape-là? Ça, j'irais au-delà encore de mes compétences, mais ça doit être
précisé et clarifié rapidement
parce qu'on va y être confrontés. Aussitôt que l'aide
médicale à mourir va être proposée, les gens vont vouloir peut-être l'avoir à d'autres endroits que ce qu'on a prévu dans
le projet de loi, et rapidement il faudra pouvoir leur répondre si, oui ou non, on veut le faire, si on
est prêts à le faire et comment on est prêts à le faire. Parce que oui, on
va avoir une pression supplémentaire au
niveau des médecins sur le terrain puis il va falloir que rapidement on ait des
solutions, parce que ça, ça va être difficile aussi à gérer pour les médecins.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci. Je voulais aussi, bien, regarder votre
recommandation quant à la responsabilité de l'évaluation de la qualité de l'acte. On a eu des
propositions que les gens, les médecins qui pratiquent en cabinet privé soient soumis au CMDP de leur région et — ce que je comprends de votre mémoire — c'est à ne pas faire, mais plutôt poursuivre ce qui actuellement est le cas, c'est-à-dire que les
médecins qui pratiquent en cabinet privé sont sous la responsabilité du Collège
des médecins. Alors, ce que je comprends de vos recommandations, c'est, dans le
fond, de poursuivre la même façon de faire et de ne pas, à cause de ce projet
de loi là, diriger les médecins qui pratiquent en cabinet privé vers les CMDP
de leur région, là.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Arata, il vous reste du temps pour une courte réponse.
M. Arata (Martin) : Alors, absolument, nous considérons que le collège est l'instance
adéquate pour faire l'évaluation des
médecins en cabinet privé. Puis il faut comprendre que, si on fait des soins
palliatifs, de l'aide médicale à mourir,
et on le fait seul dans un cabinet pas attaché à une équipe de soins, tout ça
qui habituellement est au niveau du CSSS, et qu'on n'a pas de privilèges en lien avec l'équipe de CSSS, je me
questionne encore comment aussi ça va être actualisable dans la réalité de pratique en première ligne.
Alors, pour moi, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de créer ce
précédent-là. Il faudra peut-être s'assurer
que des médecins, s'ils travaillent avec des équipes CLSC maintien à domicile,
deviennent membres des CMDP dans un contexte où ils auront les obligations qui
s'y rattachent comme les autres collègues dans la région.
Le
Président (M. Bergman) : Merci. Alors, Dr Arata, Dr Léger,
Mme Lavoie, merci pour votre présentation. Merci pour
partager vos connaissances avec nous.
Et la commission suspend ses
travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 13 h 4)
(Reprise à 15 heures)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
téléphones cellulaires.
Nous allons poursuivre sans plus tarder les consultations
particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52, Loi
concernant les soins de fin de vie.
Alors, nous
avons le plaisir de recevoir le Barreau
du Québec. Me Brodeur, Mme la
bâtonnière, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre
présentation. J'apprécie si vous mentionnez votre nom, votre titre ainsi que
ceux qui vous accompagnent pour faire votre présentation, suivie d'un échange
avec les membres de la commission.
Barreau du Québec
Mme
Brodeur (Johanne) :
D'accord. Alors, merci beaucoup, merci pour l'invitation. Nous sommes
heureux d'être ici et nous tenterons de vous
éclairer et de répondre à vos questions. Alors, je me présente : Johanne Brodeur,
je suis bâtonnière du Québec.
Je suis accompagnée, à ma droite, de M. le bâtonnier, Michel Doyon, qui était
président du Groupe de travail du Barreau sur les soins appropriés en
fin de vie. À mon extrême gauche, je suis accompagnée de Me France Cookson. Je soulignerais que Me Cookson
est non seulement avocate, mais elle est aussi infirmière et
qu'elle a réellement une expérience tant
dans la gestion des soins que de l'administration des soins dans le réseau de la santé du Québec, et donc j'imagine qu'elle pourra répondre à vos questions
aussi avec clarté. Nous avons aussi Marc Sauvé, à ma gauche, ici, qui
est directeur du Service de recherche et de législation.
Alors, les membres de l'Assemblée nationale ont adopté,
en 2009, une motion créant la fameuse commission spéciale, qui a fait ses
études et, suite à la création de cette commission, qui a permis au Barreau, le
30 septembre 2010, de déposer un mémoire,
mémoire détaillé. Vous allez voir que ce que l'on vous dit aujourd'hui est en droite ligne avec ce que nous vous avions écrit à l'époque.
L'important pour le Barreau, c'est qu'il estime
que la législation québécoise doit assurer le respect des droits à la dignité et à l'autodétermination des personnes en
fin de vie et prévoir le droit d'accès aux soins palliatifs. D'ailleurs,
votre article 1 établit bien ces principes.
Les principes
qui nous tiennent à coeur, donc, c'est qu'il faut viser les situations des
personnes qui sont prises en charge par le système de santé, que ce soit
la personne admise en établissement de santé ou celle qui reçoit des soins sur
une base externe.
Le deuxième principe important pour nous, c'est
l'autonomie décisionnelle de la personne. C'est un facteur déterminant dans la
décision.
Le troisième
principe, c'est la protection des personnes vulnérables, qui exige des règles
claires afin d'éviter des situations d'abus. Donc, la protection des
personnes vulnérables, c'est, pour nous, important.
Le prochain
principe, c'est qu'il est nécessaire d'édicter des normes et des balises
précises et bien définies pour protéger et rassurer les usagers et leurs
proches.
Et finalement nous croyons que le droit
québécois doit prendre acte de l'évolution des valeurs sociales, de l'accroissement du développement des connaissances
et de la technologie. Nous croyons que le respect, donc, des volontés de personnes en fin de vie doit être respecté et
nous croyons que le projet qui est sur la table a toutes les qualités
requises pour passer les tests, bien que nous aurons quand même certains
commentaires.
La
société québécoise et ses représentants, dont vous aujourd'hui… vous avez
toutes les raisons d'être fiers de la qualité
et de la sérénité de vos travaux. Nous vous en remercions comme citoyens et,
comme ordre qui a pour mission la protection
du public, on voulait le souligner et vous remercier. J'en profite aussi pour
remercier tous les juristes légistes de l'État qui ont analysé, écrit,
biffé, repris le travail. C'est vraiment un travail minutieux. Nous apprécions
le travail de qualité des membres de notre ordre qui vous assistent.
Alors,
le projet de loi affirme notamment le droit à des soins palliatifs, le droit à
l'aide médicale à mourir, et il est par ailleurs prévu dans le cadre
d'un processus qui est très bien balisé et qui constitue un continuum de soins.
Nous appuyons ce projet. Nous croyons
cependant qu'il peut y avoir certaines améliorations. Je vous dirai que,
notamment, il y a une chose qui nous
préoccupait dans ces améliorations, c'est que le projet de loi mentionne que,
s'il y a une problématique ou s'il y
a un litige, on va s'adresser au tribunal. Comme avocats, nous avions la
préoccupation que ces soins… que les droits, en fait, qu'on donne aux
citoyens soient accessibles. On sait qu'en région il n'y a pas de la cour de
pratique à tous les jours. On sait que, dans
certaines régions, il n'y a pas des juges de la Cour supérieure qui sont
présents à toutes les semaines. On était aussi préoccupés du fait que,
quand c'est devant le tribunal, on doit nécessairement, si on est une personne,
habituellement avoir recours aux services d'un avocat.
Écoutez,
c'est bien, mais on souhaitait trouver… et on a beaucoup réfléchi à essayer de
trouver s'il n'y avait pas un processus
plus léger, mais qui donnait les mêmes garanties. On a pensé au Tribunal
administratif du Québec qui peut être composé d'avocats, mais aussi de
médecins, de psychiatres ou de psychologues, donc une compétence plus étendue. Mais, après étude et réflexion, nous en sommes
venus à la conclusion qu'effectivement ce qui était dans la loi, compte tenu notamment des compétences constitutionnelles
qui sont données à la Cour supérieure… était le meilleur endroit. Nous pouvons cependant émettre le souhait
qu'éventuellement, si ça entre en vigueur, la Cour supérieure créera une
chambre des soins qui pourrait… dans laquelle pourraient se retrouver des juges
spécialisés disponibles par visioconférence et disponibles dans toutes les
régions du Québec afin de donner un réel accès au droit que, si vous le jugez
acceptable, vous vous apprêtez à donner à nos citoyens.
Alors, pour
les autres commentaires sur le texte, je cède la parole à mon collègue de
gauche, Me Marc Sauvé.
M. Sauvé (Marc) : Alors, Mmes, MM.
les parlementaires, ne perdons jamais de vue que l'objectif ultime du législateur est d'affirmer le droit de mourir dans
la dignité. Il s'agit d'un droit fondamental à la dignité de la personne
en fin de vie. La dignité de la personne en
fin de vie passe par son autodétermination, pour qu'elle puisse faire ses
propres choix, et donc par le respect de ses volontés exprimées librement et
clairement. Nous soumettons que les volontés relatives aux soins, exprimées
clairement et librement par une personne apte devenue inapte, doivent être
pleinement considérées. La primauté des
volontés de la personne signifie qu'il faut donner effet non seulement aux
volontés exprimées en temps réel,
mais aussi aux volontés anticipées. Plus spécifiquement, il faut permettre aux
personnes aptes devenues inaptes d'obtenir des soins de fin de vie
conformément aux conditions établies dans la loi et aux volontés qu'elles ont exprimées antérieurement à leur inaptitude. La
demande de soins de fin de vie, y compris l'aide médicale à mourir, doit
donc pouvoir être formulée dans le cadre de directives médicales anticipées.
L'article 26
du projet de loi réservant l'obtention de l'aide médicale à mourir aux seules
personnes majeures et aptes à consentir, la personne doit formuler
elle-même la demande d'aide médicale à mourir et la signer elle-même, sauf si
elle en est incapable physiquement. Tout le processus d'aide médicale à mourir,
dans le projet de loi, s'applique donc essentiellement
au cas de la personne majeure apte. En conséquence, il conviendrait de modifier
le premier paragraphe de l'article 26 en ajoutant les mots
suivants : «…ou alors qu'elle était apte à consentir aux soins, la
personne a exprimé la volonté d'obtenir l'aide médicale à mourir dans des
directives anticipées.»
L'article 26
du projet de loi réservant l'obtention de l'aide médicale à mourir aux seules
personnes majeures aptes à consentir, il faudrait également ajouter un
nouvel article qui se lirait comme suit : «Une personne majeure apte à
consentir peut, dans les directives médicales anticipées, exprimer sa volonté d'obtenir
l'aide médicale à mourir, si sa condition de santé [respecte] les mêmes
caractéristiques que celles énoncées à l'article 26», c'est-à-dire les autres…
les mêmes conditions de santé prévues à l'article 26.
Le paragraphe
deux : «La demande sera formulée par la personne habilitée à consentir aux
soins pour elle ou par toute [autre] personne qu'elle aura désignée à
cet effet, dans les directives médicales anticipées.»
Et à trois : «Le
médecin doit :
«S'assurer de la nature précise des volontés
exprimées dans les directives médicales anticipées;
«Vérifier auprès de la personne inapte si elle
est encore en mesure d'exprimer ses volontés, si elle consent toujours à
obtenir l'aide médicale à mourir et, en cas de refus, respecter sa volonté;
«S'assurer que sa condition médicale rencontre
bien les conditions de la loi — bien sûr — ; et
«Obtenir l'avis d'un second médecin dans des
conditions identiques à celles prévues à l'article 28.»
L'article 45
porte sur les directives médicales anticipées. Ces dernières visent les soins
médicaux qui pourraient être requis
par un état de santé et auxquels la personne consent ou non au cas où elle
deviendrait inapte à le faire. Alors, selon
la formulation de cet article, la notion de «soins médicaux» inclut-elle les
soins de fin de vie? Je vous dis ça parce que, dès que le projet de loi a été présenté à l'Assemblée nationale,
plusieurs avocats ont pris connaissance de ce texte, et certains pensaient
que ça touchait, par exemple, l'aide médicale à mourir, qui fait partie des
soins de fin de vie, d'autres n'en étaient
pas sûrs. Donc, il y a des précisions qui pourraient être apportées à
cette disposition pour être certain que ça couvre effectivement les
soins de fin de vie, y compris l'aide médicale à mourir, ce qui suppose des amendements
à l'article précédent, l'article 28 ou 26.
Alors, l'article
26 a pour effet d'exclure l'aide médicale à mourir de la portée des directives
médicales anticipées. Nous sommes
d'avis que les directives anticipées doivent être ouvertes aux soins de fin de
vie, y compris à l'aide médicale à mourir. Alors, on devrait réviser ces
dispositions-là en conséquence. Je cède la parole au bâtonnier, Michel Doyon.
• (15 h 10) •
Le Président (M. Bergman) :
Me Doyon.
M. Doyon (J. Michel) :
Donc — merci,
M. le Président — comme la
bâtonnière et Me Sauvé viennent de vous expliquer, le projet de loi
vise avant tout à améliorer l'état de droit en ce qui concerne les soins de fin
de vie. Actuellement, nous croyons que les soins de fin de vie, et je
pense que le rapport du Barreau le signalait également, ne sont pas suffisamment
encadrés, ce qui implique une certaine insécurité judiciaire. Je vous dirais
également que les exigences prévues à
l'article 46, 47 en ce qui concerne les directives médicales anticipées nous
apparaissent un peu trop rigides, et nous
croyons qu'il y aurait lieu peut-être d'imposer un formalisme un peu moins
strict, à l'exception peut-être des soins de fin de vie où le formalisme devrait être, peut-être, un peu plus sévère.
Mais, dans les autres soins, nous croyons qu'il devrait être un peu plus
facile de pouvoir, donc, faire part des volontés qu'on entend donc donner dans
les cas où nous serions en fin de vie.
Je
vous dirais également que le projet de loi devrait également tenir compte de
façon plus complète… et ça, le Barreau
insiste énormément sur cette disposition, c'est de tenir compte de façon plus
complète des volontés exprimées par les personnes aptes qui deviennent
inaptes et qui seraient autrement en droit d'obtenir des soins de fin de vie.
Soulignons également que le
système hospitalier devra obtenir également les ressources nécessaires pour
être capable de répondre aux besoins des
soins de fin de vie, et ça, il ne devrait pas y avoir de limite quelconque aux
institutions en ce qui concerne les soins à donner à la fin de la vie.
Pour
que les soins de fin de vie puissent se concrétiser, les soins de fin de vie
doivent être accessibles et disponibles. Notre groupe de travail du
Barreau s'est donné… s'est attardé à certains articles et a regardé dans l'ensemble
du projet de loi, et nous sommes maintenant heureux de pouvoir répondre aux
questions des membres de la commission. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bergman) : Merci pour votre présentation. Alors,
le bloc du gouvernement. Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci à vous quatre de votre présence
aujourd'hui, de vos propos qui… En
fait, je suis retournée aussi voir le volumineux mémoire que vous aviez déposé
lors de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la
dignité. Donc, comme vous le mentionniez, effectivement c'est en droite ligne.
Mais j'imagine que vous êtes beaucoup plus
concis ici parce que la très grande majorité des éléments que vous
recommandiez dans votre rapport se retrouvent dans le projet de loi. Donc, j'imagine,
c'est ce qui explique le peu de pages versus le caractère très volumineux de ce
que vous avez déposé à l'autre commission.
Je
pense que, d'entrée de jeu, je dirais, on est, dans ce projet de loi là,
vraiment à la recherche d'un équilibre, un équilibre entre les différentes valeurs, les différents principes :
le respect de l'autonomie, évidemment de la dignité de la personne,
vouloir apporter le meilleur soutien possible aux souffrances tout en, bien
sûr, protégeant les personnes vulnérables. Donc, c'est vraiment ce qu'on tente
de concilier avec la démarche et le projet de loi qui est devant nous. Il y a deux logiques, en quelque sorte, qui
s'affrontent, la logique d'autonomie et la logique de soins. Puis on
pourrait dire que, traditionnellement, les
juristes, eux, vont regarder plus les choses dans une logique d'autonomie, donc
consacrer le principe de
l'autodétermination de la personne et
qu'ils vont vouloir s'assurer du respect de la volonté et de l'autonomie
de la personne, et les médecins pourraient être plus dans une logique de soins.
Comme le Collège des médecins, cette logique
de soins là fait qu'ils vont encore plus loin que vous pour les personnes
inaptes et envisageraient même l'idée d'un consentement substitué qui
pourrait mettre de côté l'expression de la volonté de la personne elle-même en
disant : La logique, c'est d'être
capable de répondre en tout temps à la souffrance exprimée par la personne. L'objectif, dans le projet de loi, c'est vraiment de pouvoir répondre à la volonté de la personne,
mais dans un cadre bien défini et où se rejoignent la notion de respect de la volonté de la personne
avec la notion de souffrance. Parce
que, si on poussait la volonté… la
question de l'autodétermination, je
dirais, dans ses limites, on pourrait se dire qu'il faut répondre à toute
demande d'aide médicale à mourir de quelqu'un, même si la personne
n'était pas en fin de vie, parce qu'elle estime que ça n'a plus de sens. On s'éloigne
grandement, évidemment, de ça dans notre projet de loi parce que tout doit être
dans une logique de soins, de continuum de soins, de contexte médical et de cette volonté de
pouvoir répondre le mieux possible, comme société, aux personnes qui
souffrent et qui, à ce jour, ne trouvent pas de réponse à leur souffrance.
Vous, vous
arrivez puis vous nous dites : Le projet
de loi, dans le fond, il ne va pas assez loin. Il faudrait permettre aux personnes
qui sont aptes à un moment de leur vie, qui, dans la prévisibilité de leur
inaptitude, exprimeraient des volontés... Il
faudrait donc venir dire oui, offrir une réponse à ces personnes-là. Je dois
vous dire que c'est une question qui est
très importante et je suis très ouverte à vous entendre sur ça. Mais j'aimerais
que vous m'expliquiez comment on fait pour
s'assurer de la logique… de toujours cet équilibre-là entre la logique de l'autonomie
et la logique des soins et de la réponse aux souffrances de la personne
quand la personne ne peut plus exprimer elle-même sa souffrance, et, deux, avec le principe de la protection des personnes
vulnérables, qui est évidemment un principe très important et qui est
soulevé par certaines personnes, là, comme
pouvant amener des craintes importantes. Donc, je ne sais pas si vous pouvez
m'exposer comment vous réconciliez le tout.
M. Doyon (J. Michel) : Je vous
dirais que vous avez formulé une...
Le Président (M. Bergman) :
Dr Doyon.
M. Doyon (J. Michel) : Pardon?
Le Président (M. Bergman) : Ça
va.
M. Doyon
(J. Michel) : Vous aviez
formulé une question, donc, au Collège des médecins en ce qui concerne, donc, l'article sur l'inaptitude. Et, en fonction de ce rapport-là, on voit que la question… ils ont abordé la question de la douleur
et de la souffrance et ils soulignent qu'on croit souvent que les patients
déments ne souffrent pas, ce qui est totalement faux — et
c'est admis — et
qu'il ne faudrait pas conclure que la démence préserve de la douleur, et je
pense que ceci est très important.
D'autre part, le corps médical, au cours des années, a développé des mécanismes en ce qui concerne
certaines échelles pour être capable de voir que la personne souffre. Et,
derrière ça, vous avez donc le fait qu'une personne ne puisse plus s'exprimer, d'accord, devant… Sa maladie, qui est la
démence, ne devrait pas, donc, l'empêcher de pouvoir bénéficier des soins de fin de vie également. Et
vous avez des échelles qui ont été publiées où on peut voir la
souffrance des personnes, c'est-à-dire des
personnes qui, lorsqu'il va y avoir un examen médical, vont se protéger une
partie du corps parce que ça va leur faire mal, il va y avoir la
position qu'ils vont se tenir.
Donc, les
médecins seraient aptes à répondre à ces questions, plus qu'un avocat, mais je
pense qu'il y a déjà des critères qui ont été faits par le Collège des
médecins, de même que par la médecine, de façon à pouvoir identifier ça, et on
croit que ces personnes-là pourraient également bénéficier des soins de fin de
vie s'ils l'ont exprimé. Parce que nous, le
Barreau, ce que nous avons toujours dit : c'est la volonté exprimée par
les personnes alors qu'elles étaient aptes, c'est-à-dire qu'on doit respecter
le voeu qu'elles ont formulé. Et, le jour où ces personnes-là vont devenir
inaptes et qu'elles seront dans une
situation où elles auraient pu obtenir les mêmes soins à la fin de vie…
pourront également le faire parce qu'elles étaient aptes au moment où
elles l'ont dit.
En ce qui
concerne l'inapte qui ne l'a pas fait, je crois qu'on devrait relever le tout,
et regarder tout simplement les dispositions
du Code civil, et qu'on puisse s'adresser à la cour. Et les institutions
peuvent, dans des cas, demander à la Cour supérieure de dire : Il
faudrait interrompre les soins, il faudrait faire quelque chose, la famille ne
le veut pas. Mais le tribunal sera là, comme
la loi le prévoit, de façon à permettre à ce que, donc, des soins soient donnés
ou soient refusés, là, dans une fin de vie.
Mme Brodeur (Johanne) : J'ajouterais,
si vous me permettez…
Le Président (M. Bergman) :
Mme la bâtonnière.
• (15 h 20) •
Mme
Brodeur (Johanne) : Je crois
que la position présentée par le Barreau est pondérée, dans le sens qu'elle n'est pas complètement autonomiste, qu'on dirait que toute personne qui a
exprimé une volonté, dès qu'elle l'a exprimée, ça devrait être, peu
importent les conditions où elle le demande, respecté. Ce qu'on dit, c'est…
Et je donne
l'exemple de la personne qui est atteinte d'un cancer du cerveau. On m'annonce aujourd'hui que j'ai le cancer du
cerveau. Je suis apte, mais je sais que je vais devenir à un moment donné, compte tenu de la maladie, inapte. En toute
connaissance de cause, après avoir eu toutes les informations, je formule une
demande d'aide médicale à mourir de façon anticipée. Mais cette aide ne me sera
administrée que lorsque, conformément à l'article 26, toutes les conditions sont réunies, c'est-à-dire — évidemment qu'au moment où j'ai été… j'ai émis mes volontés, j'étais apte
et majeure — que
ma maladie est grave, qu'on a déterminé qu'elle était incurable, que ma
situation médicale démontre un déclin avancé et irréversible, une souffrance
physique ou psychique constante et insupportable. Pas seulement la volonté, mais la volonté accompagnée d'un état de
fait et d'une situation que l'on peut constater, qui permettrait par
ailleurs le respect de ce que j'ai, de façon
éclairée, déjà indiqué. Parce que, si, lorsque le cancer avance, je ne peux, au
moment où je rencontre toutes ces conditions-là, au moment où j'ai cette
souffrance, au moment où ma situation est incurable... Si je ne peux pas avoir
ce que je souhaitais, nous croyons que ce ne serait pas la situation idéale.
Et nous
savons que d'autres pays, la Belgique et la Hollande, ont adopté cette
position. Et, dans ce cadre-là, mais vraiment
bien encadré, comme l'est actuellement l'aide médicale à mourir, nous croyons
que nous arrivons à un équilibre juridique qui permet le respect des volontés, mais
permet aussi la protection des personnes vulnérables et permet l'analyse,
vraiment, en fin de vie, d'une situation du patient dans son intégralité, avant
l'administration des soins.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Donc, je
comprends que, pour vous, pour considérer une ouverture pour une personne qui deviendrait
inapte, deux balises fondamentales : un, que ça soit, dans les directives
médicales anticipées, clairement exprimé,
et, deux, que l'ensemble des critères et du processus prévus aux articles 26 et
suivants soient suivis. Et, pour ce qui
est d'une personne qui serait inapte, exemple, depuis sa naissance, cette
personne-là ne serait pas comprise. Donc, vous n'allez pas au consentement substitué dans le cas spécifique de
l'aide médicale à mourir. Parce qu'on comprend que, pour les autres soins, il n'y a pas de conditions
d'encadrement précises, sauf pour la sédation palliative terminale, là,
avec ce qui est prévu, donc, évidemment, les
mécanismes normaux pour l'ensemble des soins, mais vous excluez les soins
qui ont un encadrement spécifique.
M. Sauvé (Marc) : Exact. On a
exprimé…
Le Président (M. Bergman) :
Me Sauvé.
M. Sauvé
(Marc) : Oui. On a exprimé
une prudence, je dirais, en ce qui concerne les personnes qui n'ont
jamais exprimé de volonté clairement ou qui
ont toujours été inaptes. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas s'attarder à
ces cas-là parce qu'il y a de la
souffrance à quelque part, là, il peut y avoir de la souffrance à quelque part.
Donc, ce qu'on dit, c'est que, pour
ces cas-là, peut-être prendre le temps de voir comment on va appliquer la loi,
quelles vont être effectivement les données qu'on va en tirer, faire
appel au conseil des soins de fin de vie pour voir le dialogue, de quelle
manière on peut élargir le dialogue dans la
société pour éventuellement, dans une seconde étape, peut-être inclure ces
cas-là. Mais, par souci
d'équilibre — vous
mentionniez l'équilibre tantôt — on veut, pour l'instant, dans une première
étape, se limiter aux personnes aptes qui ont exprimé clairement et
librement leur volonté.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du
gouvernement. Maintenant, le bloc de l'opposition officielle. Mme la
députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, Mme la bâtonnière, Me Sauvé, Me Doyon, Mme
Cookson, merci d'être là.
Je vais
d'abord entrer dans le vif du sujet. Lors de votre présentation devant la
commission, au tout début, en 2010, vous aviez… le Barreau avait mis de
l'avant un certain nombre de critères, entre autres la mise en place d'un délai
de 15 jours entre le moment où est formulée
la demande d'aide médicale à mourir ou la demande… à l'époque, on ne
parlait pas nécessairement d'aide médicale à
mourir, là, mais, puisqu'on est actuellement dans l'aide médicale à mourir… et
le moment où on évaluait la demande, et ce délai de 15 jours là n'a pas été
repris dans le projet de loi. Je ne vois pas de référence à cette exigence-là à l'intérieur de votre mémoire et je me
demandais soudainement : Qu'est–ce qui a fait que vous avez peut-être un
petit peu changé d'orientation quant
à la mise en place d'un délai entre la première manifestation…
Et il y avait
également un autre critère qui était inclus à votre
mémoire, qui indiquait que le médecin devait, au moment où on va
procéder à administrer l'aide médicale à mourir… Il devait y avoir, auprès du
patient, une dernière demande, à
savoir : Est-ce que c'est vraiment ce soin-là que vous souhaitez obtenir?
Et, dans le fond, c'était… vous disiez que le médecin devait à nouveau donner
l'opportunité de changer d'idée, et cette exigence-là n'est pas à l'intérieur
du projet de loi n° 52, mais vous ne vous
prononcez pas non plus sur cette exigence-là à l'intérieur du mémoire. Et je me
demandais : Qu'est-ce qui vous avait
amené à cheminer vers l'acceptation des critères tels qu'on les décrit dans le
projet de loi n° 52?
Le Président (M. Bergman) :
Me Sauvé… Mme la bâtonnière.
Mme
Brodeur (Johanne) : Pour la
première portion… Puis je vais céder la parole à mes collègues pour
votre deuxième portion de la question. Pour ce qui est du 15 jours, notamment
en Belgique, cette disposition existe et, après
vérification, on nous a convaincus que c'était d'application difficile et,
après avoir regardé le texte de loi qui nous est soumis, on croyait que les garanties et l'équilibre étaient
suffisamment… les protections étaient suffisamment… on les retrouvait suffisamment, de façon adéquate. Et
c'est pour cette raison-là que nous n'avons pas persisté sur le 15
jours, après réflexion et consultation.
Pour ce qui
est de la deuxième question, qui est plus près du moment, là, la dernière
chance, comme vous avez dit, je vais céder la parole à mes collègues.
Le Président (M. Bergman) :
Me Sauvé.
M. Sauvé
(Marc) : Alors, c'est
peut-être un élément qui nous a échappé. Mais une chose est certaine, c'est
que, dans l'amendement qu'on propose à l'article 26 — et on
pourrait peut-être revoir, à ce moment-là, comment on peut modifier les articles actuels du projet de
loi — au
troisième paragraphe, on établit bien que le médecin doit… Ça, c'est
dans les personnes : les majeurs aptes à consentir dans des directives
médicales anticipées… exprimer leur volonté d'obtenir
l'aide médicale à mourir si la condition de santé présente les mêmes
caractéristiques que celles de l'article 26. Alors,
on prévoit, au paragraphe trois qu'on propose, 3b : «Vérifier auprès de la
personne inapte, si [jamais] elle est encore
en mesure d'exprimer ses volontés, si elle consent toujours à obtenir l'aide
médicale à mourir et, en cas de refus, respecter
sa volonté.» Alors, probablement qu'on pourrait s'inspirer de ça et puis
proposer des amendements qui iraient un peu dans le sens que vous avez
indiqué.
Mme Vallée :
Et comment on pourrait appliquer ce raisonnement-là, maintenant, à la personne
qui a formulé une demande d'aide médicale au moment où elle était apte
et qui maintenant est rendue inapte? Parce que, bon, vous souhaitez élargir cette portée-là. Alors, au
moment où la personne est rendue inapte, on comprend qu'elle ne peut
plus… on ne peut pas vérifier si on a toujours la même volonté qu'on avait au
moment où on a formulé la demande, parce qu'il peut y avoir eu une évolution, puis on peut ne pas avoir consigné notre
changement d'idée à l'intérieur d'un document x ou y parce que l'évolution de la maladie ne nous a pas permis de le
faire. Il y a plein de situations de la vie. Alors, comment on peut s'assurer qu'au moment où on vient pour
administrer l'aide médicale à mourir la personne qui la reçoit, bien qu'inapte,
est toujours prête à recevoir ce service-là
ou serait toujours prête à le recevoir si elle était apte, si elle était encore
apte?
M. Sauvé
(Marc) : Alors, c'est là que
rentrent en ligne de compte les directives anticipées. Il est certain que,
si on a un doute, le tribunal est toujours
là, les recours sont possibles, l'autorisation du tribunal est toujours là.
S'il y avait un doute dans le sens que vous indiquez, je pense que
peut-être la prudence indiquerait la nécessité de recourir à une autorisation
judiciaire.
Mais peut-être, M. le bâtonnier, avez-vous un
commentaire particulier sur cette question?
Le Président (M. Bergman) :
Me Doyon.
• (15 h 30) •
M. Doyon
(J. Michel) : Je vous dirais
que vous avez… La jurisprudence a déjà un peu répondu à ces
questions-là, notamment dans l'affaire de… le Manoir de la Pointe-Bleue et
Corbeil, où il y avait eu une déclaration anticipée de faite par la personne,
qui avait dit : Je demande également… Je demande qu'on respecte mon droit
et ma décision irrévocable de mettre
volontairement fin à mes jours en cessant de m'alimenter. Je demande également
que les médicaments appropriés me soient donnés pour soulager
efficacement mes douleurs, même si cela devait hâter l'instant de ma mort, etc. Il était apte. Alors là, ce qui est
arrivé… Et le juge va dire : Voici un mandat donné de façon libre et
éclairée. Et il termine le jugement en
disant : On doit toujours respecter, mais, dans le cas d'espèce que nous
avons, il y a un mandat clair et une volonté claire exprimée par l'intimé au moment où il est lucide,
volonté qui devra être respectée lorsqu'il deviendra inapte, puisqu'on peut assimiler cette volonté
exprimée dans son mandat. Or, son épouse est déjà autorisée, et ce
dernier exprime le désir qu'elle respecte sa
volonté, et cette dernière a déjà exprimé, devant le tribunal, qu'elle entend
respecter la décision du mandat.
Et il termine
en disant, ce qui est très
intéressant : «Enfin, si cela devenait nécessaire, le tribunal
recommande et permet que le centre d'accueil, son personnel infirmier et
surtout le médecin traitant fournissent à l'intimé, suivant sa volonté, les
médicaments appropriés pour soulager [effectivement] ses douleurs afin de lui
réserver une mort douce. L'assistance nécessaire en pareilles circonstances
doit se faire en respectant la dignité de l'intimé.»
Or, on peut
toujours demander au tribunal, dans un cas qui nous intéresse, de dire si on a
des doutes sur la volonté de la personne : Est-ce que la personne,
depuis qu'elle est devenue inapte, elle aurait manifesté, au cours des années subséquentes, le désir de changer? Elle en a
probablement parlé avec ses proches puis dire : Regarde, là, j'ai déjà
mon mandat et je veux qu'on le respecte
jusqu'à la fin. Donc, à partir de ce moment-là, on peut s'adresser au tribunal.
Ce ne sera pas automatiquement. Le tribunal est toujours là pour voir
quand il y a un cas de litige, c'est-à-dire, donc, s'il y a un problème familial, parce que les parents
disent : Non, non, il a décidé autrement, bien, à ce moment-là, on
s'adressera au tribunal. C'est pour ça que la loi prévoit le recours à la cour
dans un cas où il y a une difficulté.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Je comprends, dans un contexte de soins où la finalité n'est pas la mort, mais
dans un contexte d'aide médicale à mourir où la finalité est la mort, on
a… il y a une distinction entre un soin pour apaiser des souffrances, qui ne vise pas à… qui ne vise pas à administrer
une dose mortelle, et l'aide médicale à mourir, qui vise vraiment… qui
vise la mort. Alors, il y a quelque chose d'irréversible, et c'est pour ça que
moi, je me…
M. Doyon (J. Michel) : …même dans le
cas où la personne devient inapte. C'est bien ça qu'on dit ici.
Mme Vallée : Oui, oui, mais c'est
ça, c'est de ça que je parle.
M. Doyon
(J. Michel) : D'accord, on
a… le tribunal, le juge dit : Lorsque cette personne deviendra inapte,
on devra respecter sa volonté. Et le monsieur le dit bien : Je veux
mourir, je veux mettre fin à ma vie, je veux qu'on cesse de m'alimenter. Donc, ça va être un refus de soins.
D'accord qu'il va en arriver à la mort automatique. Sauf qu'ils
disent : de façon à éviter la
souffrance. Parce qu'il ne faut pas oublier que la personne souffre également.
Parce qu'on est ici dans un…
Et c'est ça,
la grandeur du travail que l'Assemblée nationale a fait, c'est-à-dire qu'on
s'adresse à l'humain, on s'adresse à
la souffrance, on s'adresse à une personne en fin de vie, et où la souffrance
devient peut-être insupportable. Et cette personne-là, pour elle,
dit : À ce moment-ci, je voudrais qu'on m'aide à mourir. Et elle n'a pas
changé d'idée. Et, si on craint que peut-être qu'elle aurait pu changer d'idée,
bien, qu'on s'adresse au tribunal et, à ce moment-là, ses proches devront venir, et, à partir… de
dire : Oui, cette personne-là a toujours manifesté… donc, mon mari, mon
père, ma mère… a toujours voulu respecter le mandat qui avait été donné à cette
fin.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met…
M. Doyon
(J. Michel) : Parce que je
pense qu'il faut… Vous savez, je vais vous le dire un peu : Il ne faut
pas avoir peur d'avoir peur, vous savez?
Dans ce sens-là, à un moment donné, si on veut empêcher tout élément… mais
on ne pourra jamais répondre à toutes les solutions.
Et je pense qu'il y a un principe de base qui
doit être employé, et ce principe que vise la loi, c'est de dire : de respecter l'autonomie de la personne et de faire
en sorte que, si elle a exprimé valablement… parce que son document va être dans le dossier médical également, et, à
partir de ce moment-là, on le dit, même une personne qui souffre à ses
débuts de maladie, donc de démence, souvent,
il y a des moments… et le médecin peut quand même discuter avec la
personne pour lui demander si elle a changé d'idée, dire : Vous aviez déjà
prévu, M. Doyon, que vous vouliez mourir dans telles circonstances, etc. C'est-u
toujours votre choix? On peut encore demander à la personne qui arrive au début
de sa démence. C'est à la fin, lorsque la
personne va être complètement inapte, qu'on ne pourra plus le faire. Mais
avant, là, il y a encore des mécanismes qui peuvent être faits.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de
l'opposition officielle. Maintenant, le dernier bloc du gouvernement.
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui, merci, M. le Président. Peut-être simplement pour revenir sur la Belgique
pour… peut-être clarifier certaines
choses pour la question du 15 jours. En fait, en Belgique, il n'y a pas de
délai formellement prévu entre la demande qui est faite et la répétition
de la demande quand on est dans un… quand la mort est prévisible à brève échéance, parce qu'en Belgique il y a deux
catégories : il y a quand la mort est prévisible à brève échéance puis il
y a quand la mort n'est pas prévisible à brève échéance. Brève échéance,
c'est quand ça se compte en jours, semaines, mois. Et, quand ce n'est pas la brève échéance, ça veut dire que c'est plus qu'en
termes de mois et alors il y a un délai, mais, sinon, il n'y a pas de
délai. Je voulais juste amener la précision.
Je veux vous amener sur la question... les
tribunaux, les directives médicales anticipées. Tantôt — juste
pour, peut-être, aussi préciser — quand vous disiez : Recours au
tribunal, en prévoir un ou ne pas en prévoir un, on s'est aussi beaucoup posé la question. Il y en avait même qui
voulaient que, systématiquement, par exemple, pour l'aide médicale à mourir, sans aller jusqu'au tribunal, il y ait
comme une instance qui puisse regarder ça. En fait, dans une logique de
soins, je pense que c'était important de conserver le fait de la relation
patient-médecin pour déterminer si on répond bien correctement aux critères.
L'équilibre
qu'on a cherché à trouver, c'est… en fait, le tribunal ne fait son apparition
que dans la section sur les directives médicales anticipées, pas dans la
section sur les soins de manière générale. Et la volonté derrière ça, c'est simplement dans le cas où une personne a exprimé
ses directives de manière anticipée et qu'un proche se rend compte qu'elles ne sont pas respectées. Parce que la
crainte, c'est plus ça que l'inverse, en fait. C'est plus de dire : Elle a
demandé des choses, elle a demandé pas
d'acharnement, elle a demandé qu'on cesse de l'hydrater, comme vous le dites,
en telles circonstances, et on se rend compte que ce n'est pas respecté,
de s'assurer de pouvoir les faire respecter.
Donc, la
logique, c'était beaucoup ça. Mais inversement, si on a des raisons importantes
de croire qu'elle aurait pu changer d'idée, effectivement, on peut s'adresser
aux tribunaux. Est-ce que c'était absolument nécessaire de le prévoir? Est-ce que le droit commun aurait pu déjà
fournir des réponses? Peut-être, mais on voulait quand même que ce soit clair. Et ce n'est pas en lien avec l'aide médicale
à mourir, c'est en lien avec l'ensemble des soins que l'on peut prévoir
vouloir ou ne pas vouloir dans des directives médicales anticipées.
Ce qui m'amène à… Vous dites qu'idéalement vous
auriez aimé mieux que le tribunal… puis c'est assez intéressant d'entendre les avocats dire ça, donc je souligne votre
approche. On pense, des fois, que les avocats veulent toujours être
devant les tribunaux à se battre. Au contraire, vous nous dites : Si on
pouvait éviter ça pour éviter la judiciarisation. Mais vous nous dites ça,
mais, par ailleurs, vous nous dites que vous souhaiteriez qu'on s'éloigne d'un formalisme pour les directives médicales
anticipées. Et nous, le formalisme, en fait, on l'a prévu parce qu'il va
de pair avec le fait que, maintenant, on souhaite
donner une valeur contraignante, donc une valeur obligatoire, à quelqu'un
qui écrit ses directives médicales anticipées. Dans l'état actuel des choses,
le Code civil prévoit qu'on va les respecter dans la mesure du possible. Là, à partir du moment où on les prévoit, avec le
formalisme qui est dans la loi, qui dit, soit par acte notarié ou soit avec le formulaire qui est prévu
avec deux témoins — ce qui
nous donne quand même une flexibilité parce que le notaire, c'est possible, mais on peut aussi prendre le formulaire
qui est prévu — là,
elles vont être contraignantes. Donc,
le médecin n'aura pas le choix. Si un tiers vient dire : Non, non, non, on
ne veut pas, il n'aura pas le choix, c'est les volontés de la personne qui vont primer, et dans tous les cas. Et c'est
pour ça que le formalisme nous apparaissait important.
Donc, je veux un peu vous entendre là-dessus
parce que, d'une part, vous semblez dire : Il ne faut pas être trop dans le judiciaire, donc peut-être pas les
tribunaux, mais, en même temps, il faut s'assurer de garanties. Donc,
comment on réconcilierait ça si on enlevait tout formalisme?
Le Président (M. Bergman) :
Mme le bâtonnier.
Mme Brodeur
(Johanne) : Alors, sur la première portion, par rapport au tribunal,
on avait bien compris le moment où… et dans quels types de soins on pouvait
avoir recours aux tribunaux, l'article 55. Notre question, c'est une question d'accès à la
justice. Et notre réflexion, c'était : Bien, là, il fallait penser à
toutes les régions du Québec, aux gens
qui ont l'aide juridique, mais aux gens qui n'ont pas l'aide juridique, aux
hôpitaux qui, peut-être, n'auraient pas toujours les moyens d'avoir un avocat. Alors, on a essayé de
trouver un forum qui protégerait les gens tout en, peut-être, donnant
une accessibilité plus rapide, plus facile.
Mais, comme on l'a dit, on est à l'aise avec ce qui est sur… par rapport au
tribunal.
Par rapport au
formalisme, je vais laisser le bâtonnier Doyon répondre. Mais on comprend aussi
tout à fait qu'il y a une différence entre des soins anticipés et l'aide à
mourir, et, plus on va vers quelque chose de final, comme le disait tout
à l'heure Mme la députée, plus, effectivement il doit y avoir une parcimonie, une rigueur, un
respect et un processus importants. Mais, par ailleurs, ce processus-là
ne doit pas être si rigoureux au départ qu'il devient un frein parce qu'il deviendrait tellement… la production
de tellement de papeterie. En fait, peut-on trouver un formalisme qui
est léger administrativement? Et, sur ce, je
vais laisser, sur le formalisme comme tel, mon collègue M. le bâtonnier
Doyon.
• (15 h 40) •
Le Président (M.
Bergman) : M. Doyon.
M. Doyon (J. Michel) : Donc, mais, pour nous, il y avait une certaine
ambiguïté en ce qui concerne le formalisme, entre le mandat d'inaptitude
et le mandat pour les soins anticipés de fin de vie. Souvent, les gens croient
et vont continuer de croire qu'en ayant fait un mandat d'inaptitude, ils ont
fait justement une déclaration anticipée de fin de vie parce que, dans le mandat d'inaptitude, on parle souvent de
dire : Je ne veux pas d'acharnement thérapeutique, je ne voudrais pas, etc., donc ils expriment. Donc, on s'est dit : Il y a
une ambiguïté qui peut être dangereuse,
là, où la personne… parce qu'on dit
bien que la déclaration anticipée… le mandat d'inaptitude ne constitue pas une
déclaration anticipée de soins de fin de vie. Donc, on dit : Il y a
une ambiguïté derrière ça, il faudrait peut-être l'éclaircir de façon à l'éviter.
D'autre
part, ce qu'on pense qui est nécessaire, c'est… souvent, c'est de comment découvrir ce mandat.
Souvent, les mandats, on sait que, si c'est
fait notarié ou si ce mandat est fait, donc, sous seing privé entre deux
personnes, etc., devant un témoin, et versé en vertu des lois du Barreau
et de la Loi sur le notariat, donc à un greffe qui est celui du Barreau, et... Mais, souvent, il y a
des personnes qui vont exprimer aussi, et on a dit : Il faut
que ça apparaisse peut-être
dans le document du médecin, dans le document
médical de la personne. Ce serait l'endroit le mieux pour être capable de
mettre ce document-là.
Mais,
comme la bâtonnière vous disait
aussi, on ne veut pas que ça soit nécessairement… que ça devienne lourd, et fastidieux, et
onéreux pour les gens non plus. Parce que, les gens, là, s'il faut toujours
recourir à un avocat pour être capable de
faire un document sous seing privé ou recourir à un notaire pour
être capable de le faire, on dit : Peut-être que la finalité
qu'on veut, ce n'est pas celle-là. Pourquoi ne pas prendre un formalisme un petit peu moins grand, bien le baliser, bien le déterminer, faire des critères, peut-être
faire un formulaire, et pourvoir qu'il soit versé, donc, dans le dossier du
médecin?
Je vais vous donner
un exemple, c'est-à-dire que mon épouse a eu… On va voir un médecin en Floride,
et la première question
qu'on nous pose, lorsqu'on arrive au bureau du médecin, si madame avait
fait, donc, des déclarations anticipées pour des soins? Là, comme on est
Canadiens, on a dit : Non, on n'en a pas fait, etc. Donc, ça, c'est la loi
américaine, on est au Canada. Mais ça
pourrait être une exigence, ça pourrait être dans le dossier, c'est-à-dire que,
si la personne veut avoir des soins, il devrait y avoir un formulaire
qui soit versé dans le dossier médical, et je pense que ça serait peut-être l'endroit
privilégié pour ce faire.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Bien, vous voyez, les grands esprits se rencontrent
parce que c'était exactement notre souci, que ce soit accessible tout en
ayant une force assez, je dirais, solide pour ne pas pouvoir être contestée. C'est
pour ça qu'on n'exige pas l'acte notarié
mais un formulaire. Donc, on prévoit que, si vous le faites sur un formulaire
qui est prévu, qui va être fait par
règlement, avec deux témoins, il va y avoir la force contraignante parce qu'on
voulait que ce soit accessible.
Par
ailleurs, on prévoit aussi que le médecin doit s'enquérir auprès de la
personne : Avez-vous des directives ou non? Et on prévoit la mise sur pied d'un registre où ces directives…
registre simple et convivial — on pourra y revenir quand on va être
plus dans le détail, là, on ne veut pas créer un monstre d'informatisation avec
ça — où
justement l'équipe va pouvoir avoir accès,
facilement aller voir... Quelqu'un arrive inconscient à l'hôpital, est-ce qu'on
peut aller voir : est-ce qu'il des directives médicales anticipées?
C'est exactement ça, l'objectif.
Et,
pour vous dire, le lien avec le mandat en prévision d'inaptitude... En fait,
nous, ce qu'on vient dire d'abord et avant
tout : Si vous remplissez… si vous avez écrit, sur le coin d'une table,
vos volontés, mais pas sur le formulaire, on ne les mettra pas de côté.
Elles vont encore avoir une force indicative, mais elles n'auront pas la force
contraignante qu'on vient donner à partir du moment où elles sont dans le
formulaire. On devrait les respecter quand même, mais, s'il y a un conflit, ce ne sera pas la même réalité que si vous avez
vraiment quelque chose qui a été fait avec le formalisme requis. Donc, c'est
un peu ça.
Puis, pour revenir au
mandat en prévision d'inaptitude, on prévoit que les directives médicales
anticipées vont, s'il y a
un conflit avec quelque chose qui serait prévu dans un mandat en prévision
d'inaptitude… devraient avoir préséance
parce qu'elles seraient plus précises. Le mandat en prévision
d'inaptitude, sa grande force, c'est généralement de venir désigner quelqu'un qui va consentir à
votre place. Ensuite, on peut y intégrer des directives médicales anticipées.
On se comprend que, dans la pratique, ça va
souvent être tout ensemble, ça. Mais, si quelqu'un allait juste pour un
élément chez le notaire, son mandat en prévision d'inaptitude, qui, par
ailleurs, faisait ses directives médicales anticipées, on tiendrait compte des
directives médicales anticipées pour ce qui est des soins parce que...
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
Mme
Hivon :
Oui, parce qu'il ne faut pas oublier que le mandat en prévision d'inaptitude,
il faut le faire homologuer. Donc, il y a tout un formalisme aussi, devant la
cour, qui est impliqué.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au bloc du gouvernement. Pour le bloc de l'opposition officielle,
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Merci. Là, j'aborde
un enjeu qui a été soulevé par l'AMQ, l'Association médicale du Québec, en
début d'auditions. Ils nous ont soumis un mémoire. Ils ne nous en ont pas parlé
en consultation, on n'a pas eu le temps — on manque de temps dans nos échanges, malheureusement — mais l'AMQ craignait qu'une adoption
éventuelle du projet de loi donne lieu à une
saga similaire à celle des dossiers Insite en Colombie-Britannique, les sites
d'injections supervisés, où le gouvernement fédéral a contesté la validité de ces
sites-là. Et ça a duré huit ans, ça a été long et ça a été ardu. Et l'AMQ recommandait que soit analysée la possibilité
d'interjeter un pourvoi à la Cour suprême avant toute chose, pour éviter
une saga judiciaire qui pourrait s'éterniser et qui pourrait aller un peu à l'encontre
de l'objectif, qui est de pouvoir offrir ces services-là à la population à l'intérieur
d'un délai raisonnable.
Donc,
évidemment, je me disais que les meilleures personnes pour répondre à cette
préoccupation étaient sans doute mon ordre professionnel. Donc, je me
tourne vers ma bâtonnière et j'aimerais avoir l'opinion de mon ordre professionnel sur cette recommandation de l'AMQ,
parce que je vous avoue que, bon, c'est une question qui est là, c'est
comme l'éléphant dans la pièce, mais je pense qu'on doit aussi s'attaquer à
cette question-là. Parce qu'on a beau faire un travail puis avec tout le
sérieux possible, mais cet élément-là demeure.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la bâtonnière.
Mme
Brodeur (Johanne) : Vous
savez, les juristes, avocats ou notaires, ont beaucoup d'imagination, mais
je sais que, lorsque les parlementaires
croient qu'une loi est constitutionnelle, légale et opportune, elle doit être
adoptée, nonobstant les craintes ou les appréhensions qu'on peut avoir
de contestations éventuelles.
Cependant,
dans ce dossier-ci, nous avons d'abord étudié la compétence du Québec pour
adopter une telle loi, et, comme il
s'agit... et, là-dessus, je vais céder la parole à Me Sauvé, mais, comme il
s'agit vraiment d'une loi qui se situe dans les volontés de la personne et dans une continuité de soins, nous
croyons que le Québec a toutes les compétences pour adopter cette
loi-là, et les détails… les précisions seront données par mon collègue.
Le Président (M. Bergman) :
Me Sauvé.
M. Sauvé
(Marc) : Alors, donc, il
s'agit d'une loi qui n'est pas une loi qui tombe dans le giron du ministère
de la Justice ou du ministre de la Justice,
mais c'est une loi qui se rattache, si vous voulez, au système de santé et qui
propose, ou qui offre, ou qui encadre des soins de santé en continu. Et, tant
qu'on demeure à l'intérieur de cette chose-là, à savoir, des services de santé, donc, rattachés au système de santé,
nous, on pense, au Barreau, que, finalement, ça se rattache aux compétences de l'Assemblée nationale en
matière de santé et services sociaux. On l'a dit publiquement, et il y a
des communiqués, là, du Barreau à ce
sujet-là, que l'Assemblée nationale a les pouvoirs pour légiférer en matière de
soins de fin de vie. Et c'est ce qu'on a dit
et c'est ce que dit aussi le comité d'experts, le comité Ménard. Et je pense
qu'effectivement, comme la bâtonnière disait, c'est un projet de loi qui est
très important pour la société québécoise et qu'il ne faut pas retarder
indûment son adoption.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Je vous remercie
parce que c'est important. Je comprends que vous l'avez dit par voie de communiqué,
vous l'avez dit dans le passé, le comité d'experts s'est penché sur la
question, mais, dans le cadre des consultations,
je pense que c'était aussi important de consigner votre avis sur la question à
l'intérieur des délibérations de cette commission. C'est primordial. Et
donc voilà, c'était le gros…
Mais je vais
céder la parole... Je sais que mon collègue de Jean-Talon a également des
questions pour vous, alors je vais lui céder la parole.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
• (15 h 50) •
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
D'abord, bienvenue. Jusqu'à maintenant, on a beaucoup entendu le point de vue
médical, dans lequel les médecins faisaient des allusions au côté juridique, et
je suis content de pouvoir vous poser quelques questions.
Dans votre
mémoire, vous insistez quand même beaucoup de respecter la décision de la personne, l'autonomie
puis également l'autodétermination. Entre autres, vous utilisez beaucoup la
directive médicale anticipée, en disant : On devrait respecter ça. Mais, quand on le lit, ça devient comme une
évidence, sauf qu'au niveau politique, au niveau médical on n'est peut-être
pas prêts à franchir l'étape d'aller directement là, mais plutôt de dire :
On pourrait peut-être le faire en deux
étapes, si, un jour, on fait la deuxième étape, c'est-à-dire d'abord
de régler ce que, pour nous, on pense qui peut être un peu plus évident
et pour les personnes inaptes, les personnes mineures, prendre de l'expérience,
mettre un système en place qui… En passant — on le voit dans la
commission — il
y a beaucoup de détails à mettre en place, il y a beaucoup de problématiques
qui vont surgir qu'on va devoir régler.
Et,
dans un deuxième temps, là, peut-être une réévaluation de la loi, là, ils
pourraient décider, à ce moment-là, si on ne pourrait pas aller à l'autre
étape. Peut-être qu'on n'ira pas là non plus, tout dépendant de l'évolution,
mais c'était la logique, je vous dirais,
politique puis un peu médicale également, parce que même le Collège des
médecins, lui, il disait : Oui,
vous devriez le regarder. Mais, quand on leur a posé la question : Est-ce
que vous voulez qu'on le fasse maintenant?, bien, on pense peut-être que ça devrait aller dans un deuxième temps,
mais on vous donne notre opinion par rapport à ça. Qu'est-ce que vous en
pensez?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la bâtonnière.
Mme Brodeur (Johanne) : D'abord, la
politique vous appartient, et vous êtes élus, et c'est les citoyens qui jugeront de votre travail, et vous connaissez le
mieux le pouls des citoyens, hein? On parlait tout à l'heure avec Mme la
députée, qui parle à ses gens, qui entend
les gens du public, alors c'est votre prérogative. Cependant, comme
Barreau, on regarde ce qui se fait ailleurs,
on regarde ce qui peut se faire en droit et on regarde aussi la manière dont on
pourrait le faire. Et c'est dans ce
contexte-là qu'on dit : Oui, la loi doit, selon nous… parce qu'elle
contient bien d'autres choses que ça par rapport au droit d'avoir les soins, par rapport aux directives
anticipées; il y a plein d'autres choses que ça là-dedans, et, oui, elle doit être adoptée. Mais nous croyons que
nous pourrions légalement… qu'il est possible d'écrire et,
juridiquement, que c'est faisable d'aller un
pas plus loin, et c'est ce pas que nous croyons... que nous vous invitons à
discuter, à débattre et à soupeser, avec la responsabilité politique qui
vous appartient.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci. Puis ma deuxième question irait pour
Me Cookson. Elle a l'expérience au niveau clinique, elle travaille dans un CSSS, qui est celui de Laval. Elle
connaît également les notions de droit. L'applicabilité de la loi dans
un CSSS comme le vôtre, est-ce que c'est quelque chose qui va se faire
relativement bien?
Le Président (M. Bergman) :
Me Cookson.
Mme
Cookson (France) : Oui,
excellente question. Je reviens à la préoccupation de Mme Hivon par rapport
au fragile équilibre entre les soins et
l'autonomie de la personne. On le vit quotidiennement, hein? J'ai recensé...
J'ai fait l'exercice de recenser, en
termes des consultations éthiques, lorsqu'il y a des divergences sur les
soins — on en a
peut-être 200 par année, puis il y en avait
30 % qui portaient sur les divergences dans les soins — où on n'a pas nécessairement, actuellement, l'histoire de la personne, on n'a
pas entre les mains ses volontés, bien souvent, ou ça ne suit pas, ou...
et on doit soupeser plusieurs valeurs et
rechercher le meilleur intérêt de cette personne-là. Comment ça va s'appliquer?
Je pense, c'est une avancée, ne serait-ce qu'avoir les directives
anticipées, connaître qu'est-ce qu'elle veut, cette personne-là, parce qu'au
moment où on se parle on n'a pas ce levier-là, et ça nous empêche vraiment de
se recentrer sur le meilleur intérêt de la personne.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met...
Mme Cookson (France) : Mais... Oui?
Excusez.
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Cookson (France) : Ah! Bien, en
fait, je pense que cette loi-là, c'est une grande avancée qui va nous permettre d'aller plus loin. Tout n'est pas réglé
et tout ne sera jamais réglé, parce qu'on va voir des dilemmes de
valeurs quand même poindre, mais le respect
de l'autonomie de la personne et de son autodétermination, c'est le point
central des travaux ici et de la position du Barreau.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc de l'opposition
officielle. Maintenant, le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée
d'Arthabaska.
Mme Roy
(Arthabaska) : Merci, M. le Président. Je vous remercie d'être
venus nous voir. J'avais une pratique du droit qui m'amenait à faire la plupart des requêtes pour évaluation
psychiatrique. Donc, les cas de refus de traitement, c'était mon
quotidien. Ça, c'était mon pain puis mon beurre lorsque je pratiquais. Mais ça
fait déjà 10 ans que je suis députée, je
n'ai pas suivi aussi précisément que
vous l'avez certainement fait la jurisprudence. Sauf que moi, je vois
une grosse différence entre un refus de
traitement, qui est accessible à n'importe qui, hospitalisé ou non, à… le fait
de demander l'administration d'un traitement. Parce que le refus d'un
traitement pouvant causer la mort, ça a été disposé par les arrêts dont vous avez parlé, là, Manoir de la
Pointe-Bleue c. Corbeil, mais il y a une différence entre dire : Je refuse
tout traitement, en sachant très bien que ça pourrait entraîner ma mort d'une
façon… un consentement éclairé, anticipé ou non,
et le fait de dire : Posez un geste qui va entraîner ma mort. Moi, je vois
une différence entre ces deux gestes-là puis ces deux consentements-là.
Je ne sais pas si on a légiféré ou les tribunaux se sont penchés là-dessus,
mais, à date, je n'ai rien trouvé.
Le Président (M. Bergman) :
Mme le bâtonnier.
Mme
Brodeur (Johanne) : Oui, je
vais commencer puis je vais céder la parole à mon collègue. Mais il y a, il existe des gens, effectivement,
qui vont dire : Je refuse un soin, puis ça va entraîner la mort. Mais je
pense qu'en pratique — et
peut-être que les médecins vous l'ont dit mieux que nous — il y a aussi des gens qui, en toute lucidité, sachant ce qui s'en vient, souhaitent qu'au moment où ils
sont en grande souffrance, au moment
où c'est terminal et
incurable, en fait, lorsque toutes les conditions très strictes sont rencontrées,
en toute lucidité, pourraient vouloir souhaiter ces soins. Et c'est strictement ce respect de cette volonté émise, éclairée,
informée, précise, avec un état de situation que l'on vous soumet, qui
existe, en fait. Ça existe, des gens, actuellement, qui disent : Si tel,
tel, tel événement arrive, bien voici ma volonté.
Le Président (M. Bergman) :
Me Doyon.
M. Doyon
(J. Michel) : Et c'est là la
grandeur de cette loi. Cette loi, justement, ouvre cette porte, alors qu'avant
elle était fermée jusqu'à
un certain point. On sait que — et
le Dr Bolduc est ici — le
médecin doit soigner. Et on hésitait beaucoup, dans bien des cas, de dire : On va faire une
politique où on va adopter, donc, des soins plus agressifs qui vont aller à la mort. Ça, il y avait
une crainte derrière, là. Et la loi, ici, regarde l'être humain, l'homme, comme
un être humain, devant la souffrance,
dit : Moi, je veux bénéficier d'une mort douce. C'est là qu'on parle… on
parle d'une mort douce, une mort qui va se faire bien dans des
situations bien balisées, bien précises.
On n'ouvre
pas la porte. C'est-à-dire que la seule façon qui peut exister pour quelqu'un,
actuellement, c'est de dire : Je refuse tout traitement, et de dire dans son
mandat : Je refuse qu'on m'alimente, qu'on m'hydrate. Mais là, là, je
fais pire que la loi. La loi permet… Alors
que l'autre, la personne va souffrir. C'est-à-dire que, lorsque je ne vous alimente plus,
lorsque je ne vous hydrate plus, je sais forcément que c'est la fin qui s'en
vient, et cette fin-là, c'est une grève de la faim,
c'est ça que ça veut dire. Ça veut dire que la personne
va souffrir dans son être, va souffrir dans son corps. Et la loi prévoit de dire, donc… de faire en sorte qu'on puisse le… C'est sûr que c'est deux choses différentes, et c'est
là le beau côté de la loi. Et c'est
pour ça qu'on est heureux, tout
simplement, que le législateur, dans
sa sagesse, ait pensé de faire un projet de cette envergure-là pour permettre justement aux citoyens
du Québec de bénéficier de soins de fin de vie, et ça, ça
ne date pas d'aujourd'hui, hein?
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée d'Arthabaska, il vous reste une minute.
Mme Roy
(Arthabaska) : Oui,
mais le fait qu'il y ait des balises, qu'est-ce qui différencie ce
geste positif de causer… D'administrer, admettons, un médicament en
sachant très bien que le coeur ne pourrait pas le supporter, qu'est-ce qui
change ça d'un suicide assisté?
Le Président (M. Bergman) :
Mme le bâtonnier, une courte réponse.
Mme
Brodeur (Johanne) : D'abord,
ça se fait selon une loi… ça se ferait, si vous décidez de le faire, selon
une loi, lorsque des critères précis sont
rencontrés. Si je vous dis aujourd'hui : Je ne veux plus vivre, je suis en dépression, je
souffre et que vous m'administrez un soin,
c'est un suicide assisté. Ce n'est pas de cela que l'on parle. On parle d'une
personne incurable, en phase terminale, avec
des souffrances, et je ne reprendrai pas encore tous les… mais c'est exactement
de ça qu'on parle, on parle d'un soin dans un cadre médical précis, suite à l'expression
de volonté. Et, pour nous, c'est très différent du suicide assisté, ce n'est
pas dans cette catégorie-là. C'est vraiment l'administration d'un soin dans des
dispositions et dans une balise précise.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin à ce bloc. Alors, Mme la bâtonnier, Me Doyon, Me Sauvé, Me
Cookson, merci d'être ici avec nous aujourd'hui et partager votre expertise
avec nous.
Je demande à l'Assemblée des évêques catholiques
du Québec de prendre la place à la table et je suspends pour quelques instants
seulement.
(Suspension de la séance à 16
heures)
(Reprise à 16 h 3)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous
recevons maintenant l'Assemblée des évêques catholiques du Québec, et je
souhaite la bienvenue à Mgr Noël Simard et Mgr Pierre Morissette. Alors, bienvenue. Vous avez 15 minutes
pour faire votre présentation, suivie
d'un échange avec les membres de la commission.
Si vous pouvez donner à nous vos noms, vos
titres et procéder avec votre présentation.
Assemblée des évêques
catholiques du Québec (AECQ)
M. Morissette (Pierre) : Alors, mon
nom est Pierre Morissette. Je suis évêque de Saint-Jérôme et président d'un conseil, qu'on appelle le Conseil Église et
Société, qui est un des conseils de l'Assemblée
des évêques du Québec qui s'occupe des questions sociales tout
particulièrement. Mon collègue Noël Simard est évêque de Valleyfield. Il est docteur en morale, et il
a beaucoup travaillé en bioéthique et c'est lui qui va faire la présentation au
nom de l'Assemblée des évêques.
Nous allons
aborder, je dirais, davantage des questions de sens que des questions de droit
précis, mais nous aurons bien sûr quelques points sur le projet tel qu'il
est. Alors, je laisse la parole à Mgr Simard.
Le Président (M. Bergman) :
Mgr Simard.
M. Simard
(Noël) : Merci beaucoup et bonjour. Comme mon collègue
vient de vous le dire, nous vous remercions pour nous donner l'occasion
de faire entendre notre point de vue sur un sujet de cette grande importance.
La maladie,
la souffrance et la mort sont d'exigeantes réalités de notre commune humanité.
Elles s'inscrivent dans le
déroulement normal de chaque vie humaine et suscitent des questions
incontournables et profondes comme celles de leur raison d'être et du
pourquoi de la vie. On est tous et toutes confrontés à ces grandes réalités,
que ce soit dans nos familles, dans nos relations personnelles ou dans nos
occupations professionnelles.
Pour notre
part, notre ministère pastoral nous appelle souvent à accompagner des
personnes mourantes, à les aider dans leur décision et aussi à apporter
aussi de l'aide et du réconfort à leurs proches.
Mgr Morissette a une longue expérience
pastorale, puisqu'il est prêtre depuis 45 ans et évêque depuis
26 ans. Pour ma part, je suis prêtre depuis 41 ans et évêque depuis
cinq ans, mais j'ai travaillé dans des hôpitaux, comme étudiant, et j'ai fondé, avec l'aide d'un groupe formidable de
bénévoles, une maison d'accueil et d'hébergement pour les personnes
qui mouraient du sida dans la région de Sudbury. Parce que la trithérapie a
donné une espérance de vie plus longue
aux personnes vivant avec le sida, cette maison est devenue une très belle
maison de soins palliatifs ouverte à toute personne dans la phase
terminale de leur maladie.
Nous
comprenons que notre société veuille chercher des réponses aux questions
cruciales de la souffrance et de la mort
et leur apporter des remèdes ou des solutions qui cherchent à la fois
le bien de la personne mourante et aussi celui de la collectivité. L'Église ne considère pas la
souffrance comme un bien en soi. Elle nous rappelle constamment que nous
avons tous le devoir de faire tout en notre
pouvoir pour l'enlever et, à défaut, l'atténuer. Et, dans la ligne de l'Évangile
du Christ compatissant, les chrétiens,
chrétiennes ont toujours cherché à soulager la souffrance et à soutenir
les personnes qui souffrent, qui se sentent seules, démunies, diminuées,
accablées, angoissées, abandonnées. Et là je fais référence à la parabole du bon Samaritain, là, qui met en scène
un homme volé et blessé par des brigands, gisant sur la route. C'est un étranger qui, ému, se laisse toucher par le sort
de cet homme et qui vient à son aide. Les disciples de Jésus ont toujours
accueilli cette parabole comme une invitation pressante à se faire proches des
malades, spécialement quand ils sont en fin de vie.
Au Québec, au plan des services de santé, nous
avons une longue tradition hospitalière. Dès les débuts de la Nouvelle-France,
avec les exemples des Augustines hospitalières à Québec et de Jeanne Mance à
Montréal, jusqu'à tout récemment, une
véritable cohorte de communautés religieuses ont procuré des soins aux malades
avec une compétence, une générosité et une grande compassion.
L'Église
reconnaît aussi que la souffrance peut être porteuse de sens et d'un pouvoir de
transformation, aussi bien pour la
personne qui souffre que pour celles qui l'entourent. Qui n'a pas entendu
parler parmi nous de ces réconciliations et de ces messages laissés en toute fin de vie et qui ont marqué ceux et
celles qui en ont été l'objet? Pour leur part, les croyants et croyantes trouvent dans leur foi au Christ
ressuscité le courage et la force de vivre leur vie jusqu'au bout. Pour eux
et pour elles, la lumière du Christ éclaire l'énigme de la douleur et de la
mort.
Quels sont nos motifs? Pour nous, le souci pour
les personnes souffrantes et mourantes vient d'abord de la reconnaissance de la
dignité inhérente de tout être humain, dignité qui n'est pas altérée ou
diminuée par la perte de conscience ou d'autres capacités physiques ou
intellectuelles. Cette dignité ne dépend pas de la santé physique ou mentale, de l'autonomie ou de l'utilité pour la
société, elle se fonde sur la valeur intrinsèque de chaque personne
humaine.
De plus, la
sollicitude pour autrui vient aussi du fait que nous sommes des êtres de
relation capables d'aimer et de prendre
soin des autres. Nous sommes interdépendants, nous avons besoin des uns et des
autres pour traverser les moments difficiles,
spécialement à la fin de notre vie. En outre, nous avons une responsabilité
particulière pour les gens faibles et démunis qui espèrent trouver dans
notre société cette solidarité essentielle non seulement pour leur survie, mais
pour qu'ils puissent mener une vie digne
elles aussi. Le fait de prendre soin demande bonté, demande tendresse. Nous ne
devons pas avoir peur de la bonté ni de la tendresse.
• (16 h 10) •
Jusqu'où
doit-on aller dans les soins à offrir? Certaines personnes pensent à
l'euthanasie parce qu'elles ne veulent pas
d'acharnement thérapeutique. L'Église refuse l'acharnement thérapeutique, que
ce soit à la demande du patient ou de ses
proches ou à l'initiative du médecin. Faire vivre à tout prix peut également
s'avérer contraire à la dignité humaine et une façon inappropriée de
prendre soin. Quand la mort s'annonce inévitable et imminente, il devient
déraisonnable de s'obstiner à la retarder
par tous les moyens. Vient un temps où il faut céder les armes et laisser le
processus de mort suivre son cours
pour qu'advienne la mort naturelle. Il ne s'agit pas de donner la mort, mais d'accepter de ne pouvoir l'empêcher.
Il existe, dans notre société, une grande confusion entre l'euthanasie et le
retrait des soins qui n'ont plus d'effets bénéfiques, mais ce sont deux
réalités totalement différentes, tant au point de vue médical qu'éthique.
Et, dans la
recherche de moyens pour soulager la souffrance, nous voulons insister sur
l'importance et la nécessité des
soins palliatifs, comme le rappelle le projet de loi. À l'article 5, le
projet de loi affirme que «toute personne, dont l'état le requiert, a le droit de recevoir des soins de fin
de vie, sous réserve des exigences particulières prévues par la présente
loi». Et, à l'article 3, on décrit les
soins de fin de vie comme «les soins palliatifs offerts aux personnes en fin de
vie, y compris la sédation palliative terminale, de même que l'aide médicale
à mourir». Ni la sédation palliative terminale ni l'aide médicale à mourir ne sont clairement définies dans
ce projet de loi. Ceci nous oblige à deviner le contenu de ces soins compris dans les soins palliatifs. Les médecins
consultés nous expliquent qu'il s'agit en fait d'euthanasie, l'une
pauvrement balisée, l'aide médicale à mourir; et l'autre, balisée, la sédation
palliative terminale.
Nous aussi,
nous souhaitons ardemment que toute personne ait accès à des soins de vie… en
fin de vie de qualité, mais en autant
que ces soins excluent clairement l'aide médicale à mourir, qui n'est pas un
soin, et la sédation palliative terminale.
Les soins palliatifs, qui ne sont pas définis dans le projet de loi, assurent
aux patients le soulagement de la douleur et le soutien social, affectif et spirituel dont ils ont besoin pour
vivre leur mort avec courage et sérénité. Il ne s'agit pas alors d'abréger la vie ni de la prolonger avec
acharnement. Les interventions thérapeutiques curatives sont ici
remplacées par des soins de confort dans un
environnement humain et physique respectant au mieux la dignité de la personne
humaine. Misant sur un accompagnement personnel de qualité dans le respect de
la condition et des croyances de chacun, ils constituent une excellente façon
de prendre soin et de permettre une mort dans la dignité.
Oui, nous
savons qu'au Québec un grand nombre de malades en phase terminale ou mourants
n'ont pas accès aux soins palliatifs. Nous sommes bien conscients que la
mise en place de tels soins et la création de maisons pour les offrir requièrent des sommes énormes. La société y
contribue déjà de façon importante par les taxes et avec des ressources
privées. Nous sommes obligés de constater que, dans les conditions actuelles
des services de santé, l'accès à l'aide médicale à mourir et la sédation
palliative terminale — ce
à quoi nous nous opposons — sera
plus facile que l'accès aux soins palliatifs.
Nous souhaitons que le gouvernement actuel,
fidèle à ses promesses, opte résolument d'investir les sommes nécessaires pour rendre les soins palliatifs
accessibles à toute la population et pour assurer une formation adéquate
aux médecins et au personnel soignant chargés de ces soins. Et je pense qu'ici
nous saluons tout le travail du personnel soignant puis des bénévoles dans les
maisons de soins palliatifs. Ils méritent toute notre reconnaissance.
Nous voulons
souligner aussi que ce projet de loi amène une nouvelle définition de la
médecine. Pour nous, il est impensable
de considérer l'aide médicale à mourir et la sédation palliative terminale
comme des soins de fin de vie. Ce sont purement
et simplement des actes d'euthanasie qui détruisent les fondements du
vivre-ensemble, qui reposent, entre autres, sur l'interdit universel de
tuer que nos gouvernements ont inséré dans la charte québécoise des droits et
libertés de la personne et dans la Charte canadienne des droits et libertés.
Ils vont aussi à l'encontre des buts et de la mission de la profession médicale qui a pour but de soulager la
douleur et de soigner les malades et non de mettre fin à leur vie. Ces pratiques vont miner la relation professionnels de
la santé et patients qui doit en être une de confiance et d'alliance et
non une de crainte et de méfiance.
Vous le
savez, c'est l'un des devoirs et engagements fondamentaux du médecin de
chercher le meilleur intérêt et le plus
grand bien de son patient dans une attitude de respect et de sollicitude.
L'aide médicale à mourir, telle que présentée dans le projet de loi, ne
fera qu'accentuer une vision technocentrique des soins qui oublie les facettes
relationnelles et spirituelles des soins.
Comme l'écrit si bien un spécialiste des soins palliatifs : «La fin de vie
est un temps précieux dans la vie, mais ce temps n'a de valeur que si
des soins attentifs et un entourage délicat sont disponibles.»
Enfin, le projet de loi stipule, à l'article 44,
que la présente loi n'a pas pour effet de limiter le droit pour un professionnel de la santé de refuser, conformément
à son code de déontologie, de fournir des soins de fin de vie ou de collaborer à leur fourniture en raison de ses
convictions personnelles. Dans l'éventualité que la loi soit votée, et ce
qui, bien sûr, ne rejoint pas nos désirs, il faudrait que cette possibilité d'objection
soit étendue clairement à tout le personnel soignant
et administratif des établissements de soins de santé. Il nous apparaît
primordial que ces personnes ne soient l'objet d'aucune pression et ne subissent aucune discrimination en raison de
leur refus de collaborer à l'aide médicale à mourir. Et nous souhaitons aussi que les membres de
l'Assemblée nationale soient dégagés de la ligne de pensée du parti et
soient libres de voter selon leur conscience.
En réponse aux souffrances physiques, affectives
et morales des personnes souffrant de maladies débilitantes graves, des personnes sérieusement handicapées et
des grands malades, dont ceux en phase terminale, nous appelons tous les Québécois et Québécoises, spécialement nos
députés, à promouvoir les soins palliatifs et à refuser l'aide médicale
à mourir, qui n'est pas un soin et qui n'est rien d'autre que de l'euthanasie.
Une culture de la vie dans laquelle chaque personne se sent responsable du
bien-être des autres jusqu'à leur mort naturelle doit inspirer davantage notre
système juridique et nos services sociaux et
de santé. Le Québec a davantage besoin d'une aide aux mourants que d'une aide à
mourir.
Comme l'écrit si bien le bienheureux
Jean-Paul II dans son encyclique L'Évangile de la vie : «La demande
qui monte [au] coeur de [l'être humain] dans
sa suprême confrontation avec la souffrance et la mort, spécialement
quand il est tenté de se refermer dans le désespoir et presque de s'y anéantir,
est surtout une demande d'accompagnement, de solidarité
et de soutien dans l'épreuve. C'est un appel à l'aide pour continuer d'espérer
lorsque tous les espoirs humains disparaissent.»
Le bon samaritain, en prenant véritablement soin de son frère blessé et à
moitié mort sur la route, a fait preuve de solidarité, d'amour et de
vraie compassion. Plus une société manifeste sa sollicitude pour ses membres
les plus faibles et les plus vulnérables, plus elle montre sa grandeur.
Nous sommes
conscients que la volonté des... que la voie des soins palliatifs accessibles à
tous et à toutes n'est pas une
solution facile. Il y a beaucoup de travail à faire, mais c'est le chemin qui
protège et promeut le mieux la dignité de la personne humaine exposée à ces situations limites de l'existence que
sont la maladie, la mort et la souffrance. Et c'est au coeur de ces drames existentiels que la personne
attend d'être visitée. «J'étais malade, et vous m'avez visité.» En terminant…
• (16 h 20) •
M. Morissette
(Pierre) : En terminant, nous faisons nôtres les interrogations et les
doutes exprimés il y a déjà quelques années par le Dr David Roy,
professeur d'éthique à Montréal, expert en soins palliatifs et fondateur du premier centre de bioéthique au Canada. Le
Dr Roy disait ceci : «Ceux qui militent en faveur d'une loi sur
l'euthanasie rêvent désespérément d'un monde d'hôpitaux parfaits, d'infirmières
et de médecins parfaits, de familles idéales. Mais nous ne vivons pas dans un monde idéal de
soignants compétents et dévoués, d'institutions au service de personnes
et [de] familles aimantes. Nous vivons dans un monde où l'argent, la
rentabilité [et] le pouvoir dominent. Comment croire qu'une autorisation, même
assortie de garanties, ne sera pas vouée à des détournements? Parce que nous ne
vivons pas dans un monde idéal, penser que
l'euthanasie pourrait se limiter à l'euthanasie volontaire relève de l'illusion...
Si l'euthanasie devient un jour légalement,
socialement, moralement acceptable, les pressions que l'on mettra sur les
personnes qui représentent un poids
important pour notre société pourraient bien augmenter. Les demandes
d'euthanasie pourraient bien ne plus être du tout volontaires, mais être
le résultat de pressions de la part d'enfants ou de petits-enfants qui ne voudraient plus avoir leurs parents ou leurs grands-parents à charge. Je ne suis pas sûr
non plus que nous serons capables de résister
à toutes les raisons fortes pour lesquelles on estimera devoir euthanasier ceux
qui ne peuvent plus demander la mort eux-mêmes, mais dont on estimera,
de notre point de vue extérieur, que la vie n'a plus de sens. Ce sera vraiment
très difficile alors de résister à cette tentation.» Il ajoutait : «Je ne
dis pas que cela arrivera forcément — je n'en sais rien! — mais
je suis profondément inquiet quand je vois tous ces signes d'insouciance, de
manque d'humanité, partout dans le monde, à l'égard des gens
vulnérables, brisés, marginalisés.» Voilà.
Le
Président (M. Bergman) : Mgr Morissette, Mgr Simard, merci pour votre présentation. Maintenant,
pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Bonjour. Merci beaucoup d'être ici, l'Assemblée des évêques, en vos deux
personnes, donc Mgr Simard, Mgr Morissette.
Vous savez, il
y a beaucoup de gens qui pourraient penser qu'on est à des années-lumière, dans
nos positions respectives, entre ce projet de loi là et ce que vous nous présentez aujourd'hui. Or, il y a énormément
d'éléments sur lesquels on se
rejoint. Nous non plus, on ne considère pas la souffrance comme un bien, et on
avait bien compris, quand vous étiez venus
à la commission, qu'effectivement, contrairement
à ce que certains parfois peuvent
encore dire, vous n'érigez pas la souffrance,
l'Église catholique n'érige pas la souffrance comme quelque chose d'extraordinaire à vivre avant de mourir. Effectivement, je pense qu'on se rejoint très
bien là-dessus. On se rejoint aussi
beaucoup sur le fait que la fin de vie est une
étape extraordinaire, et très, très forte, et très importante de la vie. Et,
pour avoir vécu toute cette commission, pour... — ça
fait bientôt quatre ans que je suis dans ces enjeux-là, — j'ai
eu nombre de témoignages et aussi, dans ma vie, un nombre d'expériences qui m'ont permis de valider ça, et je vous
dirais que c'est aussi pour ça qu'on fait un projet de loi spécifiquement sur cette période de la vie qu'est
la fin de vie, parce que c'est une période très importante, mais aussi très
complexe d'un point de vue médical, mais d'un point de vue aussi social. Donc,
on se rejoint là-dessus.
On se rejoint aussi pour dire que l'acharnement
thérapeutique, ce n'est pas la même
chose que l'aide médicale à mourir
et qu'il faut — qu'un
arrêt de traitement — il
faut bien faire la distinction, et vous rejetez l'acharnement thérapeutique qu'on
rejette aussi dans le projet de loi. Et je vous dirais que ce qui fait sûrement
plus consensus aussi entre vous et moi,
c'est de dire à quel point les personnes faibles et démunies, handicapées
doivent recevoir notre attention de
tous les instants. Et je dois vous dire que je suis aussi la personne
responsable de l'Office des personnes handicapées et du respect des droits des personnes handicapées au
Québec, et c'est une responsabilité que j'exerce avec le plus grand sérieux. Je trouve que c'est une très grande
responsabilité et je pense aussi qu'il faut faire toujours plus pour les
personnes les plus vulnérables de notre société, les plus démunies de notre
société.
Et
c'est aussi pourquoi ce projet
de loi là, ce n'est pas un projet de loi sur l'aide médicale à mourir. C'est un projet de loi
sur les soins de fin de vie et qui va très loin dans la reconnaissance des
droits des personnes en fin de vie en disant qu'elles ont un droit aux soins palliatifs. Donc, elles ont le droit
d'avoir le meilleur accompagnement possible en fin de vie pour que, le
mieux possible, on réponde à leurs souffrances. Et je tiens à vous dire que c'est
un engagement très fort que nous poursuivons. Des investissements ont été
annoncés, de la formation est priorisée, et on travaille très fort sur le plan des soins palliatifs. Mais, ceci étant
dit, il reste des personnes... Et d'ailleurs la majorité des personnes qui sont venues nous voir, des individus ou des proches de
personnes qui étaient décédées, lors des audiences de la commission
spéciale et qui demandaient d'ouvrir vers l'aide médicale à mourir étaient des
gens qui étaient passés par les soins palliatifs. Ce n'étaient pas des gens qui
venaient nous dire : On n'a pas eu accès, là, c'étaient des gens qui
avaient eu des soins palliatifs, mais qui,
pour toutes sortes de raisons, n'étaient pas capables de voir leur souffrance,
leur douleur endiguée malgré les
soins palliatifs. D'ailleurs, La Maison Michel Sarrazin nous avait dit qu'environ
de 5 % à 6 % de ses
patients font l'objet d'une sédation terminale parce qu'on n'arrive pas à
répondre à toutes les souffrances.
Donc, la question au coeur de tout ça, qui fait en
sorte qu'on arrive avec ce soin exceptionnel, archi-encadré qui est l'aide médicale à mourir, c'est de dire comme
société où la solidarité est importante. Puis là on diverge,
effectivement, la solidarité, ça veut dire quoi? Oui, ça veut dire d'accompagner
la personne le mieux possible, mais ça veut dire aussi de trouver des réponses à la souffrance. Puis moi, je me dis :
Qu'est-ce qu'on fait avec cette personne-là qui souffre et pour qui on ne trouve pas de réponse? Qu'est-ce qu'on
fait comme société qui valorise la solidarité, l'entraide, la
compassion? Oui, on peut lui tenir la main, puis c'est essentiel. Mais pourquoi
cette personne-là n'a pas droit à une réponse à ses souffrances alors que toute
la société cherche, tout le milieu médical, le milieu des soins cherche
constamment à améliorer les soins pour endiguer la douleur et la souffrance?
Donc, c'est la grande question que je vous pose.
M. Morissette
(Pierre) : Bien, ce que…
Le Président (M.
Bergman) : Mgr Simard… Mgr Morissette.
M. Morissette (Pierre) :
Excusez-moi. Ce que je pourrais dire à cela, Mme la ministre, c'est que je suis
heureux comme vous de voir qu'on se rejoint sur beaucoup de choses. Là où notre
divergence, je pense, devient plus importante, c'est au moment où je commence à
entendre, alors que le projet de loi n'est pas encore adopté, beaucoup
de gens qui disent : Bien là, il faudrait aller plus loin, il faudrait… On
a parlé des enfants, hier, je pense, on a parlé des personnes inaptes. Ceux qui nous ont précédés en parlaient tout à
l'heure. Comment on va faire pour contenir, garder, je dirais, les mesures strictes que vous nous
annoncez et pour faire que ce soit vraiment des cas d'exception, des cas
d'ultime limite? Notre inquiétude, elle est
vraiment là. Parce qu'on sait comment ça se passe dans nos sociétés, on vote un
projet de loi et, donc, quelques années
après, des questions apparaissent et on ouvre des choses. Et nous, nous croyons
fermement qu'une société qui commence à
donner la mort à ses citoyens est une société qui risque de connaître certains
problèmes à long terme.
Le Président (M. Bergman) :
Mgr Simard.
• (16 h 30) •
M. Simard (Noël) : Je suis d'accord
avec vous que, souvent, voir quelqu'un qui souffre, c'est pénible. Mais, au-delà de la souffrance physique, il y a la souffrance
morale. Et, celle-là, on ne peut pas laisser à un moyen technique, hein,
de résoudre, ou de remédier, ou d'enlever
cette souffrance. Je crois qu'au niveau de la douleur physique notre
médecine est assez avancée pour répondre, je
crois, à la douleur physique. Et ce qui pose davantage problème, c'est la
souffrance morale, la peur,
l'abandon, l'inquiétude face à cette noirceur, des fois, qui… la mort
représente pour beaucoup un trou, hein? Et alors, face à cette
question-là, je crois qu'au-delà, hein, des moyens techniques c'est une
présence aimante, c'est une présence qui va
apporter… qui va aider la personne à trouver sens. Nous vivons dans une société
où il y a beaucoup de personnes qui
ont mal à l'âme, et je crois que c'est à ce niveau-là aussi qu'il faut
accompagner les personnes pour les aider à trouver sens, même, souvent, lorsque ça leur semble insensé. Mais vous
savez comme moi que, des fois, ce n'est pas tant les paroles qui
comptent, c'est une présence, une poignée de main, et l'accompagnement est très
important. Et les soins palliatifs offrent, hein, avec un traitement raffiné de
la douleur, offrent un soutien spirituel, moral, affectif. Bien des personnes
ont peur de mourir seules et abandonnées, il y a l'angoisse, l'angoisse
existentielle. Ce sont des questions majeures.
Et nous faisons face à un problème de
sens dans notre société, et je crois qu'un projet de la sorte cherche
plutôt un moyen plutôt technique pour répondre à une question qui est beaucoup
plus profonde. Et je… en tout cas, je souhaite qu'on aille davantage dans cette ligne, dans cette voie, hein, de
chercher des moyens pour aider ceux et celles qui souffrent dans leur
âme bien sûr, dans leur corps, mais aussi dans leur âme.
Alors, je
pense que les soins palliatifs apportent une réponse. C'est vrai qu'il faut les
rendre accessibles. Nous sommes
devant un défi majeur et… Puis, vous le savez, on ouvre la porte. On parle
d'euthanasie ou encore d'aide médicale
à mourir pour des cas d'exception ou les cas limites en phase terminale, mais
maintenant on commence déjà à parler
pour les personnes inaptes avec la maladie d'Alzheimer. Qu'est-ce qu'on va
faire? Ils ne peuvent pas prendre une décision, ils ne peuvent pas
exprimer leur consentement, et alors, en ouvrant la porte… Et, de plus, je
crois qu'il faut toujours penser que la demande d'aide médicale à mourir vient
changer la nature d'un acte, hein, qui met en danger un fondement de notre société, de notre vivre-ensemble qui repose sur la
confiance, hein? Si le malade s'en va voir un médecin, puis il ne sait pas trop trop s'il va le soigner ou non, hein,
s'il va mettre fin à sa vie ou non, c'est primordial, la confiance qui doit exister dans la relation
professionnel de la santé, médecin. Alors, si cette confiance est
minée…Vous le savez, dans notre société,
la parole est importante, hein? Je te donne ma parole, tu peux compter sur moi.
Alors, lorsqu'on ne peut plus compter sur des gens qui doivent incarner
cette confiance, je crois que nous avons un problème de société. C'est pour ça
qu'il faut peser beaucoup, hein, nos décisions à cause des conséquences qu'elles
peuvent avoir.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Maintenant,
le bloc de l'opposition officielle. Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Merci,
M. le Président. Alors, Mgr
Morissette, Mgr Simard, bienvenue. Merci d'être là puis de partager une
vision qui est différente de celles qu'on a entendues depuis mardi dernier,
mais qui est importante aussi dans la réflexion qu'on aura à faire, tout le
monde.
Je comprends
que vous souhaitez que les collègues de l'Assemblée nationale puissent
s'exprimer librement. Je vous assure,
je l'ai dit en remarques introductives, de notre côté, c'est certain que ce
sera comme ça. Les collègues seront appelés à se prononcer une fois
devant un projet de loi et auront une liberté de conscience lorsqu'ils
voteront.
Ceci étant
dit, on a une responsabilité quand
même, comme législateurs, de
s'assurer que le projet de loi qui sera soumis
à nos collègues sera le meilleur projet
de loi possible, et c'est là-dessus
que nous travaillerons avec mes collègues ici et puis en collaboration évidemment avec l'ensemble des collègues, parce que
c'est une commission qui est très — comment je pourrais dire — très
zen, très zen, je pense que c'est le mot, et je pense qu'il y a surtout, ce que
je constate depuis mardi, énormément d'écoute face aux commentaires qui nous
sont formulés.
Et, dans votre mémoire et dans votre exposé,
vous avez mis le doigt sur un élément qui, moi, me préoccupe beaucoup,
c'est-à-dire qu'à l'intérieur du
projet de loi on ne retrouve actuellement aucune définition de ce qu'est l'aide médicale à mourir, de
ce qu'est la sédation palliative terminale, et même vous avez ajouté, vous, les
soins palliatifs. Qu'est-ce qu'un soin
palliatif au Québec? Et ça, pour moi, c'est important, et
j'échangeais même un peu plus tôt avec Me Doyon
de l'importance de bien… d'utiliser les bons termes lorsqu'on s'adresse à la population,
lorsqu'on s'adresse… lorsqu'on échange avec les collègues. Ici, on parle
d'aide médicale à mourir, donc il faudra le définir pour éviter des
interprétations qui ne sont pas celles… qui ne correspondent pas à l'esprit de
la loi.
J'aimerais
vous entendre davantage sur la
question des soins palliatifs parce que, puisqu'on n'a pas de
définition, peut-être qu'on sera appelés à
se pencher sur une définition des soins palliatifs. Vous l'avez abordée dans
votre présentation. Qu'est-ce que devraient inclure les soins palliatifs
au Québec? Comment on doit aborder cette question-là des soins palliatifs dans notre
étude du projet de loi? Et quels sont les plus grands besoins actuellement au
Québec? Parce que le projet de loi prévoit, à son article 5, un droit.
On codifie le droit de tout citoyen du Québec d'avoir accès, entre autres, à
des soins palliatifs.
Donc,
vous êtes… je sais que vous êtes appelé et vous avez beaucoup de vos membres
qui oeuvrent au sein des maisons de
soins palliatifs. Vous avez des équipes un petit peu partout qui accompagnent
les mourants, qui accompagnent les
malades, et vous avez une expertise qui est propre. Vous avez des yeux, vous
avez des oreilles un petit peu partout sur le territoire, et j'aimerais vous entendre sur les besoins du Québec en
matière de soins palliatifs puis aussi sur votre perception des soins
palliatifs, votre définition des soins palliatifs.
Le Président (M.
Bergman) : Mgr Morissette, Mgr Simard.
M. Morissette (Pierre) : Écoutez, ce que je peux vous dire, c'est, bien
sûr, que je ne suis pas un spécialiste des soins palliatifs. Je suis un
théologien, je suis un sociologue, je ne suis pas un médecin. Mais j'ai été
évêque sur la Côte-Nord pendant 18 ans et
j'ai vu naître, à Baie-Comeau, une maison de soins palliatifs qui est
extraordinaire et qui est largement
supportée par la population. C'est l'oeuvre, dans la ville de Baie-Comeau, qui
réussissait à aller chercher le plus d'argent
année après année parce que les citoyens y tenaient et voyaient tout le bien
que ça faisait, pas simplement aux personnes
qui partaient, mais aux familles de ces personnes-là. Parce que les soins
palliatifs tels que je les ai vus s'exercer dans cette maison-là, c'étaient,
bien sûr, auprès de la personne malade, mais auprès surtout, souvent, des
familles qui retrouvaient là une nouvelle
vision de la mort finalement, hein, beaucoup moins dramatique que ce qu'ils
avaient envisagé au départ. Donc, le besoin, à mon avis, c'est le besoin
de support pour ces maisons-là.
Je
suis maintenant à Saint-Jérôme, et il y a une maison aussi de soins palliatifs,
excellente, une très belle maison, mais
qui est financée presque totalement par le milieu. Et est-ce que, comme
société, comme gouvernement, on va être capables de dégager des sommes
pour rejoindre tous les milieux dans notre société?
Je
sais que, depuis mon départ de la Côte-Nord, il y a une maison qui s'est
ouverte à Sept-Îles, bon. Il s'en ouvre un petit peu
partout, mais ça demande des efforts considérables
des gens du milieu, de nos concitoyens, et je pense qu'ils auraient besoin… il ne faut peut-être pas perdre,
je dirais, cet engagement citoyen, là, dans les maisons de soins
palliatifs, mais ils ont peut-être besoin
d'un peu plus de soutien que ce qu'ils ont actuellement. En tout cas, c'est ma
vision à moi.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
M. Simard (Noël) :
Je veux…
Le Président (M.
Bergman) : Mgr Simard.
• (16 h 40) •
M. Simard (Noël) :
Je peux ajouter que j'ai aussi une expérience de travail au sein d'une maison
de soins palliatifs, d'abord qui était une
maison pour les personnes qui mouraient du sida. C'était en Ontario, et ces
personnes devaient se rendre à
Toronto pour y mourir. Alors, on a dit : Il faut faire quelque chose pour
ces personnes à Sudbury — c'était à Sudbury où j'ai oeuvré — et cette maison est devenue — avec la trithérapie — une maison de soins palliatifs. Et,
vraiment, les soins palliatifs sont des
soins de fin de vie, des soins de confort, parce que, souvent, dans l'esprit
des gens, il n'y a plus rien à faire,
hein, le cancer est très avancé, il n'y a plus rien à faire, donc, autrement
dit : Allez mourir chez vous, ou on va essayer, tu sais, de traiter le cancer puis de vous donner un peu des analgésiques
pour soulager la souffrance. Ça, c'est le contraire de l'esprit des
soins palliatifs parce que les soins palliatifs veulent dire à la
personne : Tu n'es pas seul, il
y a encore quelque chose à faire, hein, et, avec un traitement raffiné de la douleur, nous
allons t'aider à vivre tes derniers jours parce que tu es encore vivant.
Tu n'es pas mort, tu es vivant.
Alors, les soins
palliatifs offrent un accompagnement d'ordre affectif. C'est pour ça qu'il y a
une équipe de bénévoles, de gens qui
viennent pour des activités. Je sais qu'à Sudbury il y avait les CWL, Catholic
Women's League, qui faisaient des courtepointes. À la porte de chaque
personne, il y avait une superbe courtepointe, hein? Puis c'est tout un travail, ça. Alors, la personne se sent
aimée, entourée, soutien affectif, soutien moral, parce que,
très souvent, il y a des personnes
qui arrivent avec des drames familiaux, avec des problèmes d'ordre moral, je
dirais, qui les suffoquent, qui les empêchent de vivre, même. Alors,
soutien moral qui leur permet peut-être de se dire et de se libérer de ce
poids, hein? Très souvent, à ce moment-là, il y a,
je dirais, une ouverture qui s'accomplit. Soutien spirituel aussi parce que l'être humain, être de relation, peut s'épanouir en autant qu'il puisse faire
le chemin intérieur de soi, aller au plus profond de soi, donc la relation avec soi-même, le chemin de la
relation à l'autre, hein, le chemin de la relation avec la nature, en
harmonie, et c'est pour ça que c'est
important que les soins palliatifs doivent être situés… ou les maisons plutôt,
dans un environnement qui permet… un environnement qui permet une
connexion avec la nature, avec la beauté, hein? Je sais qu'à Sudbury la maison
est située entre deux lacs. C'est de toute beauté. En tout cas, c'est… Déjà, ça
aide la personne à vivre en harmonie. Et
pour ceux et celles qui sont croyants, la relation qui fonde toutes ces
relations, c'est la relation avec Dieu. Alors, c'est pour ça que les soins palliatifs doivent… qu'on le nomme
différemment. Excusez. Mon Dieu! C'est très rare que ça m'arrive.
Excusez. Ce n'est pas le vote ici.
Des voix :
…
M. Simard (Noël) :
Très rare. Excusez-moi.
Le Président (M. Bergman) : Alors…
M.
Simard (Noël) : Finir
ma réponse, oui. Alors, les soins palliatifs, donc, offrent, en même temps que
des soins de confort, un traitement
de la douleur, un environnement qui essaie de répondre aux besoins d'ordre
physique, d'ordre… bien sûr, il faut manger, et d'ordre spirituel, d'ordre
moral et d'ordre affectif.
Puis je pense
que les soins palliatifs doivent aider la personne à vivre pleinement ses
derniers jours parce qu'à ce moment-là
ce qui compte, ce n'est pas tant d'ajouter des jours à la vie qu'il reste que
d'ajouter de la vie aux jours qu'il reste.
Puis c'est ce que les soins palliatifs veulent faire : ajouter de la vie
aux jours qu'il reste. C'est l'esprit des soins palliatifs.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au premier bloc de
l'opposition officielle. Maintenant, le dernier bloc du gouvernement est
un bloc de 9 min 30 s. Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Merci, M. le Président. Alors, je pense que vous définissez très bien les soins
palliatifs, et j'ai eu la chance de visiter autant la maison à
Baie-Comeau qu'à Saint-Jérôme, et j'ai vu à quel point, effectivement, ce sont
des endroits extraordinaires.
Et puis je le
redis : Notre volonté, c'est vraiment d'améliorer l'accès, mais je vous
dirais de démocratiser aussi les soins
palliatifs dans le sens qu'il faut un équilibre, je pense, entre les maisons de
soins palliatifs… On sait que ce n'est pas chaque petite communauté qui va pouvoir avoir sa maison, et il y a un
financement de l'État qui est donné pour soutenir les lits, mais la communauté soutient en quelque sorte
le fonctionnement, l'immobilisation, si vous voulez. Et on pense qu'il faut un équilibre avec un certain nombre de lits
dans les centres plus hospitaliers, évidemment pour des personnes qui sont
déjà là, et qu'on doit… mais aussi beaucoup
à domicile, beaucoup, beaucoup, parce que le domicile, ça, il est
partout, puis il y a des équipes des CLSC
partout au Québec, et c'est pour ça que, quand on a annoncé un investissement
de 15 millions au mois de mai en soins palliatifs, plus de la
moitié était pour vraiment spécifiquement les soins à domicile parce qu'on
pense que c'est la meilleure manière de répondre.
Mais, juste
pour défaire un mythe, parce qu'il y
a quelque chose qui est très puissant puis, des fois, à force de répéter
quelque chose, on pense que c'est vrai — en politique, on le vit aussi
régulièrement — les
soins palliatifs sont quand même assez
accessibles, dans le sens que : Est-ce que c'est parfait, l'intensité
parfaite partout au Québec? Je ne vous dirai pas ça du tout, mais on est
capables de colliger… et on a l'experte ici avec nous, qui travaille sur un
bilan donc de la politique des soins palliatifs, et, de toutes les personnes
qui ont un potentiel de devoir avoir besoin de soins palliatifs, il y a 51 % de ces gens-là qui en reçoivent à
domicile. Ça, c'est sans compter ce qui s'offre en maisons de soins
palliatifs puis en lits dédiés dans les
hôpitaux. Et malheureusement on n'a pas d'indicateurs assez précis pour nous
dire à quelle hauteur on en est, mais
on peut s'imaginer que les gens qui sont en fin de vie… généralement, il y a
beaucoup de gens qui ont le cancer ou
qui ont une maladie neurodégénérative, et ce sont des gens qui sont suivis.
Donc, les couloirs d'accès aussi vers les soins palliatifs sont quand
même présents.
Il y a une étude qui date du début des années
2000, qui ne portait que sur les soins palliatifs en milieu hospitalier, et on disait que 34 % des gens
qui avaient un potentiel de besoins de soins palliatifs en recevaient…en
soins, en milieu hospitalier. Et ça, c'est
il y a 10 ans, et donc avant même l'adoption de la politique. Donc, je pense
qu'il y a quand même une assez bonne couverture. Est-ce qu'il faut
améliorer? Oui. C'est comme dans tout, il faut toujours s'améliorer. C'est pour
ça qu'on a investi de l'argent, mais je pense qu'il faut casser ce mythe-là.
Et, moi, ce
que j'aimerais vous dire — parce que tantôt vous avez répondu à ma question : On a peur
qu'il y ait des dérives, on a peur
qu'on élargisse toujours, puis là vous avez donné l'exemple de ceux qui
viennent nous dire : On devrait considérer aussi les personnes
inaptes — moi,
je vous dirais, puis au contraire de vous : Le débat démocratique me rassure parce que je pense que, nous, notre rôle,
c'est d'être en lien avec les demandes de la population et d'entendre
tout ça sans tabou. C'est sûr que ça peut
heurter des gens qui ont des valeurs différentes de nous entendre discuter, je
dirais, assez librement de ça. Est-ce
qu'on devrait élargir? Est-ce qu'on devrait considérer les personnes inaptes?
Les personnes qui le disent quand
elles sont aptes, mais qui deviennent inaptes? Les personnes qui sont inaptes
depuis la naissance? Les mineurs? Mais
moi, je pense que c'est un grand signe de santé démocratique d'être capable de
faire ce débat-là comme on l'a fait depuis bientôt quatre ans, avec une
telle ouverture, où il n'y en a pas, de tabou.
Puis, bien
sincèrement, à entendre les groupes qui sont venus dans les deux derniers
jours, à entendre les ordres professionnels,
il n'y a personne là-dedans qui m'apparaît être des extrémistes. Puis je pense
que le projet de loi, il est quand
même très équilibré. Puis ces gens-là, en fait, ils viennent juste nous parler
ouvertement de comment ils pensent qu'on
pourrait encore mieux répondre à la souffrance des gens en se posant d'autres
questions. Puis moi, je vous dirais que je pense que c'est le rempart le
plus important.
Quand on dit : Peut-être dans un deuxième
temps, ce n'est pas parce que, du jour au lendemain, on ne respectera plus les balises. Au contraire, ça fait
trois ans qu'on discute de ce à quoi on devrait arriver, et là on fait
une autre commission parlementaire pendant un mois pour discuter de ça, dont
les balises. C'est parce qu'on veut y apporter tout le soin. Puis, si le débat démocratique, dans quelques années, va
ailleurs, bien, nous, comme élus, il faut accueillir ce débat-là. Ça ne veut pas dire de ne pas prendre
les mesures qu'il faut. Au contraire, je pense que c'est de dire : On
fait le travail avec le plus de sérieux
possible pour s'assurer que ce qu'on va mettre là va être la meilleure chose et
que ça va pouvoir être respecté, d'où
notre souci aussi que ça soit bien ancré dans la réalité. Donc, pour moi, ça,
c'est une grande balise.
L'autre
grande balise, pour moi, c'est la volonté des gens de vivre. Elle est très
forte, cette volonté-là des gens de vivre.
Donc, quand une personne arrive à demander, dans un processus très encadré, de
mourir, et de le faire de manière répétée,
je pense que c'est parce qu'on est avec quelqu'un qui a des souffrances très
importantes et qu'on n'arrive pas à endiguer.
Et j'ai très confiance dans les médecins. Moi, j'ai très confiance dans la
force de la relation patient-médecin. J'ai très confiance quand j'entends les médecins qui sont venus nous voir, du
sérieux, et je me dis : Si on n'a pas confiance dans les médecins, bien, déjà, dans l'état actuel des choses,
comment on se permettrait de permettre l'arrêt de traitement, par exemple? Parce que, si on
n'a pas confiance, on va se dire : Ils vont arrêter de soigner les gens,
ils vont débrancher les gens dès lors
que… Pourquoi des pressions ne pourraient pas déjà s'exercer pour qu'on
dise : On va débrancher les gens, on va l'influencer pour qu'il refuse des traitements? Donc, il me semble que
cette confiance-là dans les médecins, ce sérieux-là qui est apporté
devrait aussi être de nature à nous rassurer.
Puis l'autre
élément sur lequel je veux échanger avec vous, c'est la question
de la limite, je veux dire, de la limite de la médecine. C'est sûr qu'on peut dire : La médecine peut répondre
à tout, mais moi, je ne pense pas. Je
pense qu'il y a des limites dans tout, il y a
des limites dans toutes les sciences. Le chirurgien cardiaque, il n'est pas
capable de sauver toutes personnes, la
personne aux soins intensifs non plus. Donc, de dire qu'on va être capables
d'endiguer toutes les souffrances, même
physiques, là — je
ne parle pas des morales, des existentielles — je ne pense pas que c'est le cas. Puis on a eu beaucoup de témoignages, quand même,
de gens en soins palliatifs qui me disent : C'est vrai qu'il y a des cas où on n'est pas capables. Donc, la question, qui concerne une
petite partie du projet de loi, parce
que le projet de loi, je le répète, il n'est pas juste sur l'aide médicale à mourir, mais oui, il est sur ça
aussi, c'est pour être capable, comme société, d'apporter des réponses aux gens qui souffrent. Donc, qu'est-ce qu'on
fait avec ces gens-là? Est-ce qu'on dit : Bien, en fait, il y a quelques personnes qui doivent pâtir,
qui doivent vivre des souffrances : Qu'est-ce qu'on fait avec ces
gens-là qui souffrent en fin de vie?
• (16 h 50) •
Le Président
(M. Bergman) : Il reste seulement deux minutes dans ce bloc,
alors, après ça, on va arriver au bloc de l'opposition officielle.
Me Morissette, Me Simard… monseigneur…
M.
Morissette (Pierre) : Je ne
sais pas si on a assez de deux minutes pour répondre à votre question qui est
très, très complexe. Je suis d'accord avec
vous, Mme la ministre, sur le fait que cette commission a travaillé très, très
sérieusement. Personne ne met ça en doute,
et, là-dessus, je veux vous rassurer, nous pensons aussi que le travail qui
a été fait est très, très sérieux.
Par ailleurs,
je pense que les inquiétudes que nous exprimons sont des inquiétudes partagées
par pas mal de gens encore dans notre
société. Et je pense qu'il faut prendre ces inquiétudes-là au sérieux et il
faut baliser les choses, s'assurer que…
excusez le terme, là, qui est peut-être un peu dur, mais qu'on ne dérape pas à
un moment donné en prenant une décision
comme celle-là, qui est une décision de très grandes conséquences et qui est
importante pour l'avenir de notre société,
pour le sens qu'on donne à la vie dans notre société. Alors, moi, il me semble
que les inquiétudes que nous vous apportons,
ce n'est pas des blâmes qu'on veut jeter, mais ce sont des inquiétudes
sérieuses que nous portons. On a souvent l'image, nous, évêques, d'être des gens qui apportent les mauvaises
nouvelles ou qui disent non à toutes sortes de choses, mais ce que nous voulons vous transmettre, ce sont
vraiment des inquiétudes qui sont partagées par une frange, je dirais,
importante de notre société. Alors, nous vous les transmettons en toute
simplicité en vous disant aussi, bien sûr, notre attachement au développement
des soins palliatifs. Pour nous, c'est central, c'est le coeur de l'affaire.
Le Président (M. Bergman) :
Et ceci met fin à ce bloc de temps.
Mme
Hivon : …une
indulgence de 15 secondes?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Je veux
juste vous dire que ces inquiétudes-là, je les reçois avec beaucoup d'ouverture,
et c'est pour ça qu'il y a eu un tel soin de
mis dans le travail puis les balises, puis tout ça. Donc, merci beaucoup de
votre présence.
Le Président (M. Bergman) :
Mgr Simard.
M. Simard
(Noël) : J'ajouterais
juste que, oui, nous sommes très sensibles à la souffrance, mais souvent, des
fois, une souffrance extrême, mais la
demande de la personne doit être toujours prise en considération du bien de la
collectivité. Vous savez, oui, il faut
chercher le bien de la personne, mais, lorsque la demande de cette personne met
en cause le bien commun ou encore un bien fondamental de notre société,
du vivre-ensemble, c'est là qu'il faut essayer de considérer et de peser, hein, cette autonomie par rapport au
bien commun et au bien de l'ensemble. Je crois que ça, c'est primordial et… parce que, quand on… le vivre-ensemble est
très important. Le vivre de la personne est important, mais il y a le
vivre-ensemble, et, dans le vivre-ensemble
il y a un ordre, il y a une façon de faire qui est très importante à respecter.
Mais, comme disait mon collègue Pierre, nous portons, hein, comme on dit, une
sensibilité et un regard que d'autres nous demandent de vous présenter avec
compassion.
Le Président (M. Bergman) :
Merci. Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Merci, M.
le Président. Je remercie ma collègue…
Le Président (M. Bergman) :
Vous avez huit minutes.
Mme
Blais : Je remercie la collègue de Gatineau,
qui nous permet de poser… J'ai vraiment envie... C'est elle qui porte le
dossier, mais elle me permet de prendre la parole en premier. Je suis contente
que vous soyez là. Je vous remercie beaucoup. C'est un point
de vue différent, évidemment, que la ministre a entendu en tournée. Moi, je veux vous poser une question à coeur ouvert. Je ne pensais pas faire ça à des
messeigneurs, mais, entre autres, Mgr Morissette, pendant 40 ans, vous
avez été au chevet de malades. Avez-vous déjà entendu une fois un mourant
dire : Je veux mourir?
Le Président (M. Bergman) :
Mgr Morissette.
M.
Morissette (Pierre) : Bon,
écoutez, je dois être honnête avec vous, là, je n'ai pas passé 40 ans de ma vie
auprès des mourants. J'en ai rencontré, et peut-être
que l'expérience la plus profonde que j'ai vécue, c'est la mort de ma
mère, qui est morte à 55 ans d'un cancer
après avoir été malade pendant 25 ans. Elle est morte en 70. Et le médecin qui
la traitait, parce qu'elle était très souffrante, lui avait proposé de faire
une intervention en sectionnant quelque
chose au niveau du cerveau, qui aurait arrêté la douleur. Et ma mère
avait dit : Non. Je veux être consciente jusqu'à la fin. Quand je
repense à ça, ce que je me dis, c'est :
Si les soins palliatifs avaient existé à
ce moment-là, avaient été plus
développés, elle aurait connu une tout autre mort. Et c'est pour ça qu'ayant
découvert les soins palliatifs sur la Côte-Nord, faisant le lien avec cet événement
que j'ai vécu, qu'on vit tous un jour ou l'autre dans notre vie, j'en viens à
me dire : Bien, l'avenir, c'est probablement le développement continu des
soins palliatifs.
Le Président (M. Bergman) :
Mgr Simard.
M. Simard
(Noël) : Moi, je veux juste… pour ajouter. Je pense
à Michel que j'ai accompagné, il avait le sida, et qui, à
un moment donné, n'en pouvait plus et
qui disait : Je veux mourir. Mais on allait le voir et, avec une présence,
et tout ça… puis il avait la pneumonia… en tout cas, la pneumonie, là, et je crois que, dès qu'il y avait une présence, il
reprenait le goût de vivre, et il retournait
à l'hôpital pour un traitement, et tout cela, puis il
ressortait. En tout cas, c'est incroyable comment Michel a pu… on lui donnait quelques mois de vie, et il a
pu faire des années, alors… c'est, toujours
diminué, mais avec une volonté de vivre incroyable.
C'est pour ça qu'il faut se… des fois, il faut se demander :
Quelle est la nature de cette
demande, hein, quand les gens disent : Je veux mourir? Qu'est-ce que ça signifie? Est-ce qu'ils veulent réellement mourir ou bien s'ils
ne veulent pas être accompagnés et soutenus?
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
• (17 heures) •
Mme
Blais : Il y a quelque
chose que vous avez mentionné tout à l'heure, qu'à l'intérieur du projet
de loi je pense qu'il y a une question de sémantique avec laquelle vous êtes en
désaccord, comme les soins de fin de vie. Pour vous, vous n'aimez pas
nécessairement cette appellation. Vous êtes pour les soins palliatifs et vous
avez mentionné — vous
me corrigerez, là, Mgr Morissette — vous
avez peur à la dérive, mais, si c'est pour des cas exceptionnels, vous ne
semblez pas en total désaccord. Mais vous
avez peur de cette ouverture. Vous avez parlé des mineurs, vous avez parlé des
personnes atteintes de maladie d'Alzheimer. Vous avez peur de cette boîte de Pandore en quelque sorte. Et je
voudrais vous dire : Lorsque ma
collègue mentionnait que nous allons, nous, du Parti libéral, voter
librement, il faut aussi qu'on vote selon ce que les gens de nos comtés pensent. Ce n'est pas
nécessairement ce que nous allons penser, mais c'est aussi ce que les
gens du comté vont penser. Et je vais vous dire que c'est un vote qui ne sera
pas facile parce qu'il y a des médecins qui sont
pour et il y a aussi des médecins en soins palliatifs qui ne sont pas forcément d'accord. Donc,
il y a comme deux poids, deux mesures, même s'il y a un ensemble pour,
puis il y en a d'autres qui sont en désaccord. Mais je reviens à ma question,
Mgr Morissette : Si c'est vraiment dans des cas exceptionnels, vous n'êtes
pas totalement en désaccord?
M.
Morissette (Pierre) : Bien,
écoutez, nous sommes dans des ordres différents. Vous êtes en politique.
Votre responsabilité, c'est d'assurer la paix sociale et le bien de la
population. C'est pour ça qu'on fait de la politique. Nous, nous sommes des responsables d'Église. Nous avons un enseignement
à donner, un enseignement qui ne dépend pas, je dirais, de nos idées personnelles mais qui est accroché à un message
que nous avons reçu, et, dans ce message-là, il y a une conception de la vie. La vie, telle que nous
la concevons, c'est un don de Dieu. On n'a pas choisi de venir au monde.
On est arrivés à un moment donné, et nous croyons que la vie doit être vécue
comme ça, comme un don de Dieu, jusqu'à sa fin naturelle.
Évidemment, le développement de la médecine crée
des situations qu'on ne connaissait pas autrefois, ou très peu. C'est sûr que le prolongement de la vie fait
qu'on se retrouve devant des situations bioéthiques très complexes, très
complexes. Alors, les réponses ne sont pas
toujours évidentes, ne sont pas toujours blanches ou noires; les réponses
sont souvent grises, et je pense qu'on est
dans cet ordre-là, là. C'est sûr que notre préférence — on l'a dit dans notre texte — ce serait qu'il n'y en ait pas, d'aide médicale à
mourir, ce serait qu'il n'y en ait pas. Et c'est sûr qu'on n'appuiera pas ça
comme évêques, hein? Mais vous êtes des législateurs. Vous n'avez pas juste des
évêques catholiques à rencontrer, vous avez toutes sortes de monde à rencontrer
et vous avez à garder la paix sociale. Alors, j'ai envie de vous dire, comme Mme le bâtonnier tout à l'heure : C'est votre
responsabilité politique, avec ce que ça peut comporter de difficile.
Mais nous, nous vous avons dit où nous nous situerons. Nous apportons notre
pierre au débat et nous espérons que ça va servir. Voilà.
Le Président (M. Bergman) :
Mgr Simard, mais il reste peu de temps dans ce bloc.
M. Simard (Noël) :
Je pense que, oui, c'est une question délicate, là, mais quand vous avez à voter,
vous avez à représenter votre comté et la population que vous consultez
par bien des moyens, mais vous avez aussi votre propre jugement, et, quand vous faites face à des
situations où il y a beaucoup de zones grises, hein, il faut peser, hein, les
valeurs qui sont en cause. Ça, ce n'est pas
toujours facile. Quelle valeur doit avoir priorité sur l'autre? Ça, c'est vrai
que ce n'est pas facile de prendre
une décision avec une pondération des valeurs, hein? Il y en a qui vont mettre
en exergue l'autonomie, d'autres vont dire : Bien, c'est le bien
commun, hein, et le bien de la personne souffrante; l'autre, c'est le bien de
la collectivité. Il faut pondérer tout cela
puis essayer de voir quand même le bien-fondé, hein, de ce projet de loi pour
vous aussi, parce que vous pouvez avoir une
opinion qui soit divergente en votre conscience. Et là il faut sonder votre
coeur, ce qui n'est pas toujours facile, hein, parce qu'on se demande des fois,
au travers la lumière qui descend directement, puis dire : Qu'est-ce que je vais prendre? Mais il faut sonder son
coeur pour essayer de prendre la meilleure décision qui corresponde au
bien de l'ensemble.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée d'Arthabaska.
M. Bolduc
(Jean-Talon) : Je demanderais une indulgence. Une minute.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon, mais…
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Une minute.
Le Président (M.
Bergman) : Vraiment courte.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Puis ce n'est pas pour
recevoir… Je veux vous remercier. C'est important qu'on écoute tous les points de vue. Et puis, tantôt, ils ont
utilisé le mot «zen». Moi, j'aime beaucoup le mot «sérénité». Et la
discussion qu'on a eue après-midi, là, ça s'est fait de façon sereine, ce qui démontre
qu'on est capables de discuter du sujet sans nécessairement partager les mêmes
conclusions. Je pense que c'est important qu'on écoute tous les points de vue.
Et notre société, c'est une société qui est respectueuse, indépendamment de nos
opinions. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la députée d'Arthabaska, pour le
deuxième groupe d'opposition. Un bloc de cinq minutes.
Mme
Roy (Arthabaska) : Vous parliez de bioéthique. Je me souvenais
aussi de mes cours de droit en maîtrise sur l'éthique, puis, ce que je me souviens, c'est qu'à chaque semaine on
avait le cours puis ils nous expliquaient où la science était rendue
puis, à chaque fois, je me disais : Mon doux! On n'a pas pensé à ça. La
science devance souvent nos réflexions puis la population aussi, des fois, va
aller plus loin que la loi. Je vais vous donner un exemple très facile à comprendre, l'affaire Morgentaler. C'était
criminellement… légiféré. L'avortement était criminel puis il y a un jury
qui l'a acquitté, donc la population avait
fait avancer le droit. Souvent, c'est les lois qui font avancer la
population : la violence conjugale,
la conduite en état d'ébriété puis, d'autres fois, c'est la société qui a
avancé puis qui force le droit à évoluer.
Puis,
moi, ce qui étaient mes inquiétudes au tout départ, c'est que les gens s'en
aillent vers cette aide à mourir là pour
les mauvaises raisons, comme par exemple : ils ne voulaient pas être un
fardeau pour leur famille, ils ne voulaient pas souffrir, ils ne voulaient pas aller en CHSLD, ils n'aimaient pas les
conditions de vie dans lesquelles on les aurait mis en fin de vie. Puis, par contre, les balises qu'on a
mises m'ont rassurée que ce… Mais des dérives — puis, ne pas voter une loi, ou ne pas en parler, ou ne pas essayer d'en
faire — des
dérives, il doit y en avoir à l'heure actuelle — personne ne va venir s'en vanter
ici — et
puis il y en aura, parce qu'on ne peut pas s'empêcher de légiférer parce qu'il
pourrait y avoir des dérives, sinon, on va tous s'en retourner chez nous parce
que c'est impensable à légiférer. On ne peut pas légiférer pour rendre les gens
bien intentionnés.
Mais,
moi, ce qui me rassure là-dedans, c'est que la force de vouloir vivre chez
l'humain est beaucoup plus grande que
le contraire, donc je pense que ça rebalance ces personnes-là mal
intentionnées. Vous avez dû en voir, des gens, se battre pour continuer de vivre, probablement plus
que d'autres qui veulent mourir, là. Donc, c'est ça qui me sécurisait.
Vous, ça ne vous fait pas… ce n'est pas assez pour vous?
Le Président (M.
Bergman) : Mgr Morissette.
M. Morissette (Pierre) : Bien, c'est pour ça qu'on insiste tant sur les
soins palliatifs parce que les soins palliatifs, comme l'a expliqué Mgr
Simard, ont cette capacité de susciter davantage encore le désir de vivre chez
les gens.
Mme
Roy (Arthabaska) : Je suis certaine que la clé, c'est les soins
palliatifs parce que, si les conditions sont meilleures pour les soins
palliatifs, il va y avoir moins de demandes. Ça, je suis certaine que la
solution passe par là. Mais, comme chez
nous, à Victoriaville, c'est l'endroit où il y a beaucoup, beaucoup de
personnes qui meurent à domicile, conformément à leur souhait, chez nous
puis à Sherbrooke. Je suis fortement convaincue que, malgré la bonne équipe en soins palliatifs — M. le Dr Bolduc, pourrait… mon collègue de
Jean-Talon pourrait probablement affirmer la même chose, puis M. le
ministre de la Santé affirme la même chose — je suis persuadée qu'il y
aurait quand même des personnes qui auraient besoin de se prémunir de cette
loi-là.
Le Président (M.
Bergman) : Mgr Simard.
M. Simard (Noël) :
Mais il reste… Oui, en tout cas, je pense que, comme Mme la ministre le disait,
les soins palliatifs ne se limitent pas aux
maisons et à l'hôpital puis ensuite à domicile. Et c'est pourquoi il faut aider
les aidants naturels qui font preuve
souvent d'essoufflement, et il y a là aussi un gros travail. Pas étonnant qu'à
un moment donné ils sont tentés de laisser tomber les bras parce que
c'est beaucoup. Et il faut vraiment prévoir un accompagnement à ce niveau-là aussi, pas uniquement aux soins des
maisons, mais aussi les aidants naturels et... Parce que, très souvent,
les personnes veulent mourir à domicile.
Elles ne veulent pas mourir à l'hôpital. C'est chez moi, dans ma maison. De
moins en moins, mais il y en a encore. Il faut accompagner et soutenir ces
personnes.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, ceci met fin au bloc du deuxième groupe d'opposition. Mgr Morissette, Mgr Simard, merci pour votre présentation. Moi,
j'ai reçu beaucoup d'inspiration par vos mots aujourd'hui et, vraiment,
je suis très, très ému et je vous remercie pour votre présentation à nous
aujourd'hui, et partager vos connaissances avec nous. J'apprécie beaucoup.
Collègues, la
commission ajourne ses travaux jusqu'à mardi le 24 septembre 2013, à 10
heures, afin de poursuivre les consultations particulières et les
auditions publiques sur le projet de loi n° 52. Merci, collègues.
(Fin de la séance à 17 h 10)