(Onze
heures vingt-six minutes)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
La
commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi
n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Non, M. le Président.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Bergman) : Merci. Ce matin, nous avons comme
premier invité l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec.
Alors,
M. Leblond, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. On
vous demande votre nom, votre titre ainsi que celle qui vous accompagne.
Ordre des travailleurs sociaux et thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ)
M. Leblond (Claude) : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. le Président, Mme la
ministre, mesdames et messieurs, membres de la Commission de la santé et
des services sociaux, il me fait plaisir, au nom de l'Ordre des travailleurs
sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, qui regroupe près
de 12 000 membres, à venir partager avec vous nos commentaires et nos
appréciations en lien avec le projet de loi n° 52, Loi concernant les
soins de fin de vie.
Plusieurs
de nos membres interviennent auprès des personnes âgées, d'enfants malades, de
personnes aux prises avec des
maladies dégénératives. Certains d'entre eux ont développé une expertise
particulière au niveau du deuil, des soins palliatifs, de la
réadaptation et plus spécifiquement sur des questions entourant la mort.
Alors,
je vous présente également ma collègue, Mme Marielle Pauzé, travailleuse
sociale, directrice des admissions à
l'ordre. Mme Pauzé possède une maîtrise en éthique appliquée. Elle complète son
doctorat en éthique et le terminera dans
les quelques jours à venir, et cumule plus de 30 ans de pratique dans le
réseau de la santé et des services sociaux et dans la fonction publique.
Mme Pauzé a également siégé au sein du groupe de travail conjoint sur l'aide
médicale à mourir, dirigé par le Collège des médecins, et dont vous avez reçu
rapport hier, si j'ai bien pris connaissance, là, des travaux de la commission.
En 2010, dans le
cadre des travaux de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la
dignité, nous recommandions au gouvernement
de reconnaître la légitimité de la demande d'aide médicale active pour mourir
en contexte de fin de vie et d'inclure cette pratique dans l'offre de
soins et de services de fin de vie du système de santé et de services sociaux
au Québec.
Cette
recommandation, que nous défendons toujours, repose sur certains principes que
nous jugeons fondamentaux, alors :
chaque personne a le droit de déterminer ce qui est bon pour elle et de faire
ses choix quant à la façon de vivre son processus de fin de vie; l'autodétermination
de la personne se vit dans une perspective relationnelle avec la famille, les
proches et l'équipe interdisciplinaire de soins et de services; et, le
troisième, l'État doit assurer aux personnes non seulement des conditions d'une
vie dans la dignité, mais aussi d'une mort dans la dignité.
• (11 h 30) •
Maintenant,
en ce qui concerne le projet de loi comme tel, nous estimons qu'il répond à la
volonté des citoyens d'être
accompagnés, en fin de vie, par des soins appropriés, adaptés à leurs besoins
dans le but d'apaiser leurs souffrances pour que la dernière étape de
leur vie puisse se dérouler de façon digne, sereine en tenant compte de leurs valeurs,
de leurs croyances et en harmonie avec leurs proches.
Le projet de loi
garantit également aux personnes en fin de vie, même si elles sont devenues
inaptes, que les directives qu'elles
auraient clairement exprimées seront respectées le moment venu. Ce dernier
point est très important, et nous sommes heureux de voir qu'il se
retrouve dans le projet de loi.
L'article
26 du projet de loi établit clairement qui peut faire une demande
d'aide médicale à mourir et dans quelle situation. Il s'agit d'une
personne majeure et apte à consentir aux soins, atteinte d'une maladie grave et
incurable, dont la situation médicale se
caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités, qui éprouve
des souffrances physiques et psychiques constantes, insupportables et
qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu'elle juge tolérables et qui a formulé elle-même, de façon
libre et éclairée, la demande d'aide médicale à mourir. Cette définition
nous satisfait.
Lorsque
l'on traite de sujets aussi importants que les conditions de fin de vie d'une
personne, le travail interdisciplinaire joue un rôle fondamental. En ce
sens, l'organisation des soins doit permettre, et non seulement permettre, elle doit également favoriser des
échanges entre les professionnels concernés, notamment les travailleurs
sociaux, qui, par la nature de leur travail, sont en mesure de jouer un rôle
actif au niveau de l'évaluation des demandes, du processus décisionnel et de l'accompagnement
de la personne et de ses proches dans cette étape.
Toujours à
l'enseigne de l'interdisciplinarité, nous croyons essentiel que le projet de loi prévoie des dispositions faisant
en sorte que le médecin devant pratiquer l'aide médicale à mourir puisse
s'appuyer sur une évaluation interdisciplinairelui permettant d'évaluer dans quelle mesure la décision qu'il s'apprête
à prendre va bel et bien dans le sens de l'intérêt de la personne
concernée sur la base de ses besoins actuels, mais également en tenant compte
de ses volontés clairement exprimées antérieurement parfois.
Pour
compléter nos commentaires au sujet de l'article 26, nous proposons un amendement
qui établirait clairement que le
professionnel habileté à contresigner le formulaire de demande d'aide médicale
à mourir prescrit par le ministre soit un
professionnel au sens du Code des professions, et donc membre d'un ordre
professionnel et non seulement au sens de la Loi sur les services santé
et services sociaux. Il y a parfois ambiguïté entre ces deux perceptions.
Nous nous réjouissons de la création d'une commission
sur les soins de fin de vie telle que le propose le projet de loi n° 52
et nous souscrivons également à la description du mandat qui lui sera confié.
Toutefois, étant donné l'expertise
particulière des travailleurs sociaux au
niveau de l'évaluation des demandes du processus décisionnel et de l'accompagnement des personnes et de leurs
proches, nous croyons essentiel qu'un travailleur
social siège à la commission.
Toujours en ce
qui concerne le mandat de la commission, nous croyons, tout comme nous le
croyions en 2010, que le débat amorcé
au sein de la société québécoise entourant les conditions de fin de vie doit se
poursuivre afin de réfléchir à la situation des personnes qui sont
exclues du projet de loi n° 52 et qui, de ce fait, sont, pour ainsi dire,
condamnées à souffrir physiquement et
psychologiquement sans jamais pouvoir déterminer le type de soins de vie
qu'elles privilégient. Nous pensons
ici aux personnes qui ont toujours été inaptes en raison d'un handicap ou d'une
maladie mentale ou qui le sont devenues avant de pouvoir émettre leur
directive anticipée de fin de vie. Nous pensons également aux personnes
souffrant de maladies dégénératives, mais qui ne sont pas en fin de vie. Et,
oui, nous pensons également aux enfants, aux mineurs.
L'aide médicale à mourir ne vise pas à remplacer
les soins palliatifs. Au contraire, la mise en oeuvre d'une véritable politique
de soins de fin de vie doit permettre aux personnes, selon leurs conditions,
leurs valeurs et leurs croyances, de
recevoir des soins palliatifs ou de l'aide médicale à mourir dans un contexte
de continuum de soins. En clair, une
personne pourrait demander des soins palliatifs pendant une certaine période
avant de demander l'aide médicale à mourir,
et on ne devrait pas voir de contradiction entre les deux mesures. Ça implique
toutefois des investissements majeurs de la part de l'État afin que des
maisons de fin de vie offrant des soins palliatifs et de l'aide médicale à
mourir soient implantées en nombre suffisant
sur le territoire du Québec. Encore aujourd'hui, trop de personnes meurent à
l'hôpital, souvent aux urgences, dans une certaine promiscuité. Cette façon de
mourir ne correspond ni à leur choix, ni à celui de leur famille et encore
moins au principe de dignité et de respect.
Pour
conclure, nous prenons acte des limites du consensus social à l'intérieur
duquel l'État peut légiférer dans le domaine des conditions et des soins
de fin de vie. Exiger dès maintenant d'aller plus loin que ce consensus serait
une erreur. Néanmoins, et je tiens à le
répéter, il faut que la Commission sur les soins de fin de vie puisse se
pencher, dans l'avenir et dès les
suites, là, qui seront données au projet de loi, sur le sort réservé aux
personnes souffrantes, mais qui demeureront
encore sans voix, telles les personnes n'ayant pu exprimer clairement leurs
directives médicales anticipées avant
de devenir inaptes, les personnes ayant toujours été inaptes en raison d'un
handicap ou d'une maladie mentale et qui ne seraient pas en mesure d'exprimer
leurs volontés de fin de vie, les personnes atteintes de maladies dégénératives
ainsi que les personnes mineures.
Au cours des
dernières années, la population du Québec a démontré sa capacité à réfléchir et
à débattre sereinement et respectueusement autour d'un sujet aussi
complexe que la mort. Cela touche à la fois ses valeurs, ses traditions. Il faut donc poursuivre la réflexion. L'Ordre des
travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du
Québec, en s'appuyant sur les principes de justice et d'équité sociale,
rappelle à l'État québécois son obligation de faire en sorte que les citoyens, tous les citoyens et particulièrement les plus
vulnérables, puissent bénéficier de conditions de vie et de fin de vie
dignes et décentes. Je vous remercie.
Le
Président (M. Bergman) : Merci pour votre présentation,
M. Leblond. Alors, maintenant, pour le bloc du gouvernement, Mme la
ministre.
Mme
Hivon :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre présence parmi nous aujourd'hui
pour un éclairage toujours important
du milieu social. Et, bien sûr, on sait que les travailleurs sociaux sont très
présents dans les équipes interdisciplinaires en soins palliatifs, même
beaucoup plus que les psychologues. Donc, des fois, les gens ignorent cette
réalité-là, mais ce sont beaucoup les travailleurs sociaux qui travaillent avec
les personnes malades, mais aussi beaucoup avec leurs proches. Donc, merci
beaucoup d'avoir pris le temps de venir témoigner, comme vous l'aviez fait dans
l'étape précédente, qui était celle de la commission.
Vous parlez
beaucoup, dans votre mémoire, de la question des personnes inaptes. Je vais y
revenir très rapidement parce que je pense que c'est un enjeu important,
très complexe, mais important.
Juste avant, sur des points plus
précis, à la page 9 de votre mémoire, vous dites que c'est important de
reconnaître explicitement le droit de refuser des traitements. Donc, je veux
simplement souligner qu'on l'a reconnu formellement,
donc, dans le projet de loi, parce que c'est le corollaire un peu de devoir
obtenir en tout temps un consentementlibre et éclairé avant de pouvoir faire quelque
chose. Ça veut dire que, si vous n'obtenez pas de tels consentements,
vous, donc, pouvez refuser un traitement,
mais ce n'était pas écrit noir sur blanc dans le Code civil. La jurisprudence
l'avait consacré; là on vient le mettre pour
éviter toute ambiguïté quant au droit de refuser des traitements. Et ça
conjugué, je dirais, aux directives
médicales anticipées et à la force contraignante de ces directives anticipées,
dans la mesure où elles suivent les normes qui sont prévues dans la loi,
va faire en sorte que l'équipe médicale, l'équipe traitante n'aura pas le choix
que de suivre les volontés qui ont été exprimées.
Par ailleurs, vous dites qu'à l'article 26 du
projet de loi vous souhaiteriez voir un amendement pour que la personne qui va contresigner le formulaire d'aide
médicale à mourir soit un professionnel au sens du Code des professions et non pas seulement au sens de la loi sur la
santé et les services sociaux. Donc, de ce que je comprends, c'est que
vous vous dites : Il faut absolument
que ça soit un membre d'un ordre professionnel reconnu, ça ne pourrait pas être
quelqu'un qui n'est pas affilié à un ordre professionnel. Donc, est-ce
que c'est bien ça, le sens de votre demande?
M. Leblond (Claude) : Tout à fait,
Mme la ministre.
• (11 h 40) •
Mme
Hivon :
O.K. Parfait. Donc, j'arrive à la question des personnes inaptes. Peut-être juste vous dire que, pour ce qui est de la composition… avant de... de la
composition de la Commission sur les soins de fin de vie, on prend acte
de votre intérêt. Il y a beaucoup d'intérêt. Les pharmaciens veulent avoir une
place réservée aussi. Donc, on va évaluer, je
dirais, la flexibilité qu'il va falloir se donner dans la composition versus
l'importance de la représentativité. Et il y a aussi toute la question que, si on augmente le nombre de
personnes aussi du milieu de la santé et des services sociaux, est-ce qu'il faut équilibrer aussi en augmentant le nombre
d'usagers ou de gens des autres milieux juridiques, éthiques? Donc, si
on ne veut pas se retrouver avec une commission non plus avec 15 membres, il va
y avoir une réflexion qui va devoir être faite, mais soyez assurés que notre
volonté, c'est d'avoir une commission représentative et bien équilibrée.
Pour ce qui
est de la question, donc, des personnes inaptes, je comprends que, vous, votre souhait, c'est que le projet de loi permette aux
personnes inaptes qui seraient, en fait, devenues inaptes, mais qui auraient
préalablement inscrit dans des directives médicales anticipées une
volonté qu'en certaines circonstances ils puissent avoir recours à l'aide médicale à mourir... soient bien reconnues et que
les personnes, donc, inaptes, dans la mesure où elles auraient formulé
leur demande à l'avance dans des directives médicales anticipées, puissent
avoir accès à ce soin.
J'aimerais
que vous m'expliquiez comment, pour vous, dans la pratique… Parce qu'en théorie c'est une idée, je pense, qui revient beaucoup, dans la pratique,
toutefois, c'est d'une grande complexité. Comment on fait pour s'assurer
que la personne, outre le fait qu'elle a pu le demander de manière anticipée,
se retrouve dans les critères qui sont prévus
à l'article 26? Donc, par exemple, comment on fait pour évaluer la souffrance
intolérable, inapaisable d'une personne qui est devenue inapte — donc inapte possiblement, si on pense
notamment à la maladie d'Alzheimer — à exprimer son état de souffrance ou
d'inconfort? Donc, comment vous voyez un peu la cohabitation des critères de l'article
26 avec votre volonté que l'aide médicale à mourir puisse être disponible via
directives médicales anticipées?
Le Président (M. Bergman) :
M. Leblond.
M. Leblond
(Claude) : Merci pour votre
question, Mme la ministre, et je vais donner la parole à Mme Pauzé, là,
qui était membre, là, du groupe de travail du Collège des médecins et qui… Ils
se sont posé ces questions-là, là, alors je lui laisse la parole.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Pauzé.
Mme Pauzé
(Marielle) : Alors, oui,
comme vous le dites, c'est une décision difficile à prendre, hein? Dans
le fond, c'est qu'on doit s'assurer que la
personne a bel et bien émis ses volontés et qu'elle était apte au moment où
elle l'a fait, elle l'a fait en toute connaissance de cause. Ça, c'est
une première étape. La deuxième étape, les discussions qu'on a eues dans le sous-groupe dirigé par le Collège des
médecins plus au niveau éthique, bien sûr ce genre de question là a été soulevé. Dans le fond, le souci était de dire que,
si la personne a émis ses volontés de façon claire et rigoureuse, il
faut à ce moment-là s'assurer, comme équipe interdisciplinaire, que la personne
répond bien aussi aux critères, donc, dans le fond, aux trois autres critères
qui relèvent plus des soins, là, à donner à la personne.
Donc, comme
vous le dites, je pense que ça devient difficile de prévoir tous les cas de
figure, mais je pense que ce sur quoi
on s'entend, c'est de dire qu'il y aura une évaluation en bonne et due forme
qui est faite et de façon vraiment interdisciplinaire sur la situation
de la personne, son réseau. En même temps, comme vous le dites aussi, la
question de la souffrance qui doit être
évaluée, dans quelle mesure la personne est rendue à un stade qui fait en sorte
que les volontés qu'elle a émises
correspondent à ce stade-là, on s'entend sur le fait que c'est vraiment
délicat. Donc, ce qu'on dit dans notre mémoire, je pense que c'est
clairement indiqué que ça prend effectivement une évaluation, mais
interdisciplinaire, là, à ce moment-là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Je dois dire que c'est une question à laquelle, lors des délibérations de
la commission, nous avons réfléchi longuement, grandement, qui a
alimenté beaucoup, beaucoup de discussions. Et ce n'est pas pour rien qu'on a demandé un éclairage supplémentaire de la
part du Collège des médecins, qui a eu la sagesse de s'entourer, là, effectivement, d'une équipe interdisciplinaire, on pourrait
dire, provenant des autres ordres professionnels. Mais je vais vous faire part
des deux éléments qui, selon moi, rendent cette question-là très complexe.
Le premier,
c'est de savoir : Quand
sommes-nous rendus au moment x? Le jour où il y a une rencontre entre
la volonté de la personne — puis
je prends toujours le cas de figure de la personne atteinte de démence, d'une
maladie d'Alzheimer — qui
aurait écrit dans ses directives anticipées : Quand je serai rendu au
stade, exemple, où je ne reconnais plus
personne, je ne peux plus m'alimenter, je suis en position grabataire, je ne
peux plus me lever seul, tout ça, pour moi, c'est le stade où je suis
définitivement dans une situation irréversible, et je voudrais qu'on mette fin,
donc, à mes souffrances. La complexité, elle
est très grande, parce que cette personne-là, au jour moins un, on peut
juger qu'elle n'est pas rendue au
stade; au jour zéro, là, elle le serait. Donc, comment on évalue ça et jusqu'où
c'est ce que la personne elle-même a demandé? Parce que vous comprenez
que ce qu'elle a demandé, l'équipe pourrait dire : Bien, elle n'est pas exactement
en fin de vie, rendue là, peut-être qu'il lui reste encore quand même beaucoup
de temps, on n'est pas capable de prévoir. Donc, ça, c'est, je pense, un
premier élément qui est très complexe.
Puis
le deuxième, c'est ça, c'est celui de la douleur et de la souffrance. Est-ce que
c'est un critère qui continue à devoir
s'appliquer? Parce qu'en fait la
personne effectivement peut l'avoir demandé à l'avance en disant : Moi,
jamais je ne voudrais vivre jusqu'à ce
point-là et qu'on me maintienne en vie si je ne suis plus capable de
m'alimenter, de bouger, et tout ça.
Mais, à ce moment-là, évidemment, on n'est pas capable d'évaluer, je dirais,
avec son concours, sa souffrance. Donc,
comment on le fait, très concrètement? Je sais que c'est difficile comme
réponse, mais nous, il faut se poser ces questions-là aussi pour s'imaginer,
dans le concret des choses, comment ça pourrait se faire.
Le Président (M. Bergman) :
M. Leblond... Mme Pauzé.
Mme Pauzé (Marielle) :
Écoutez, vous avez tout à fait raison, et c'est le genre de discussions aussi
qu'on a eu, hein, dans le sous-groupe de travail.
Maintenant,
je voudrais juste, dans le fond, souligner le fait que... je pense qu'il ne
faudrait pas non plus tomber dans une
façon automatique de fonctionner. Donc, ce qui voudrait dire, si la personne
nous a dit, par exemple : Quand je serai rendu au stade 6, je veux, bon, qu'on... je veux mourir à ce
moment-là. Donc, le côté, comment
dire, obligatoire de répondre à cette volonté-là... je pense qu'elle est
délicate, et puis on peut déraper, là, certainement à ce moment-là.
Il m'apparaît
que l'équipe soignante demeure vraiment l'expert, si on peut dire, de
l'évaluation de et de la douleur et aussi
de l'état de la personne, c'est-à-dire, où en est rendue la personne
aujourd'hui. C'est-à-dire que, quand elle arrive au stade 6, vous avez
raison de dire : Avant-hier, elle était au stade 5. Dans le fond, ce
que ça veut dire, c'est que, dans le quotidien, je pense qu'il faut, si je peux
utiliser l'expression, monitorer les volontés de la personne, dans le fond. C'est-à-dire qu'il arrive un moment où, même si on
a la maladie d'Alzheimer, il y a une certaine conscience qui demeure au début de la maladie. Donc, est-ce qu'il n'y
aurait pas lieu de s'assurer, comme équipe traitante, qu'on est bien au
fait d'où en est rendue la personne et en termes d'adaptation aussi parce que,
dans le fond, le point de vue peut changer sur les volontés qu'on a émises il y
a quelques années? Claude.
Le Président (M. Bergman) :
M. Leblond.
• (11 h 50) •
M. Leblond
(Claude) : J'ajouterais
également le fait... et on en parle, là, dans le mémoire, on est, à ce
moment-là, à la jonction entre les aspects
juridiques et les aspects de soins, mais on doit tenir compte des volontés de
la personne au moment où elle les a
données, la situation actuelle, qui, elle, est évaluée, là, par l'équipe
interdisciplinaire et alimentée par la connaissance
que les proches ont de la volonté intrinsèque de la personne. Et je pense que
c'est ce rapport de ces trois, ou quatre, ou cinq éléments, là, mais
multifactoriels qui nous permet, comme équipe, de prendre la décision qui est
la plus éclairée, qui est à la fois respectueuse des volontés, du contexte
actuel et de la responsabilité du mandataire de représenter, effectivement, les
intérêts supérieurs de la personne.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre, il vous reste 1 min 30 s pour la question et la
réponse.
Mme
Hivon :
Ah, mon Dieu! O.K. Donc, bien, je vais rester sur ce sujet-là. Question très
précise, mais importante : Dans la mesure où il y aurait, donc,
cette possibilité-là, par directives anticipées, qui enclencherait le processus? Qui dirait : On a les directives médicales
anticipées? Idéalement, elles sont déposées au registre. Est-ce que c'est le médecin qui fait une vigie? Je ne sais
pas si vous me suivez, mais… Vous imaginez, la personne est en CHSLD,
elle a consigné ses volontés par écrit, mais on se comprend que ce n'est
peut-être pas évident que quelqu'un dans l'équipe soignante va lever la main
pour dire : Ah, madame X, elle a des directives qui nous disent que,
rendue au tel stade, s'il y a des
souffrances, et tout ça, elle veut qu'on ait recours à l'aide médicale à
mourir. Donc, qui va, pour les personnes, par exemple, qui n'ont pas de proches... on peut s'imaginer que, dans un
autre cas, ça serait peut-être une personne de confiance qui aurait cette fonction-là, mais qui aurait cette
responsabilité de s'assurer que les volontés sont respectées et qu'on
est au stade x qui rencontre la volonté de la personne?
Le Président (M. Bergman) :
M. Leblond, il reste du temps pour une courte réponse.
M. Leblond (Claude) : On a eu cette discussion-là chez nous, hein, en se disant… en essayant
de comprendre comment ça pourrait fonctionner, là, et, effectivement,
quand il y a des proches, ça me semble plus facile, parce qu'effectivement, s'il
y a un proche qui est mandataire qui se préoccupe, il va sonner l'alarme. Par
contre, on ne peut pas
se fier que là-dessus. Et les professionnels ont une connaissance que les
proches n'ont pas et ont la responsabilité aussi, me semble-t-il, d'alerter.
Qui, au sein de l'établissement,
doit le faire? Je n'ai pas de réponse là-dessus. Il sera peut-être intéressant
de reposer cette question aux représentants
de l'AQESSS pour voir, effectivement, comment on va monitorer, à l'intérieur
des établissements qui vont offrir des soins, cette responsabilité fondamentale
de respecter les volontés exprimées par les personnes.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement.
Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de
Gatineau.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Mme Pauzé, M. Leblond, un
plaisir de vous rencontrer ce matin.
Je vais poursuivre un
petit peu sur la lignée mise de l'avant par la ministre, parce que certains
groupes ont suggéré, dans leur mémoire, que les directives médicales anticipées
soient consignées à l'intérieur du dossier santé. Est-ce qu'en faisant... en
procédant ainsi vous croyez qu'on pourrait peut-être permettre une meilleure
diffusion au sein de l'équipe traitante des
informations concernant la personne et surtout de sa volonté, peut-être, de soit
avoir recours à l'aide médicale à mourir ou toute autre volonté?
Croyez-vous que d'intégrer les directives médicales anticipées à l'intérieur du dossier santé... ou est-ce qu'il y
aurait une autre forme de registre qui pourrait permettre une consultation
peut-être plus rapide? Je sais qu'il y aura toujours des situations
particulières où il sera plus difficile de connaître le fond de la pensée, par exemple pour une personne qui
n'a pas de réseau, qui a peu de proches, mais croyez-vous que ça, ça
pourrait être une option à évaluer?
Le Président (M.
Bergman) : M. Leblond.
M. Leblond (Claude) : On n'avait pas réfléchi à ces questions-là, mais, à prime abord, je
dirais, effectivement, le dossier
santé s'implante, là, le DSQ s'implante au Québec et qu'il est l'outil pour
lequel on a souhaité... pourquoi on a souhaité le mettre en place, donc,
s'assurer effectivement que l'information pertinente, importante soit
disponible en tout temps partout au Québec. Mais semble-t-il que c'est un
véhicule qui est intéressant.
Mais comment, à l'intérieur
de toute l'information qui va être disponible à l'intérieur du DSQ, on va prioriser celle-là pour qu'effectivement elle
pop-up, là, ou on s'assure qu'effectivement les professionnels la voient,
là, que c'est un élément qui est incontournable et que ce ne soit pas une page
comme une autre qu'on tourne pour aller à ce qui nous semble, à chacun de nous, pertinent, à un moment x, mais que ça
soit toujours une information, un filtre qui nous permet, là, d'apprécier
la demande du client, du patient, là, de la personne qui est devant nous?
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Je comprends que cette question-là, arriver à trouver le moyen, là, le plus efficace,
ce n'est pas évident, mais, chose certaine, je suis persuadée qu'on peut
certainement trouver un moyen pour s'assurer que les directives médicales
anticipées puissent être mises rapidement à la disposition de l'équipe
clinique.
Dans
votre mémoire, vous plaidez pour l'importance de l'interdisciplinarité, et je
me demandais si, à l'intérieur du
projet de loi, ce plaidoyer-là faisait en sorte qu'il devrait y avoir un
amendement d'apporté à l'article 28. C'est-à-dire que, pour le médecin
qui est appelé à se prononcer sur l'opportunité ou non d'administrer l'aide
médicale à mourir, est-ce que votre plaidoyer va jusqu'à dire que l'avis du
second médecin devrait être — comme d'autres groupes nous ont présenté — plutôt l'avis d'une équipe
multidisciplinaire plutôt que seulement l'avis d'un second médecin? On
comprend que l'équipe multidisciplinaire pourrait être composée d'un second
médecin, évidemment, mais aussi composée de l'ensemble des intervenants qui ont
un rôle à jouer à l'intérieur de l'équipe.
Le Président (M.
Bergman) : M. Leblond.
M. Leblond
(Claude) : Je vais mesurer les propos que je vais dire parce qu'on
fait dire souvent… Bon, je reviens.
L'interdisciplinarité, ce n'est pas une religion, hein, alors, on s'entend, là,
c'est important quand c'est nécessaire.
Dans les situations
plus claires, plus simples, où à la fois l'ensemble des critères font en sorte…
le respect de l'ensemble des critères est évident puis qu'il n'y a pas de
difficulté éthique dans la décision du médecin, je ne vois pas comme une nécessité le fait qu'on doit
mobiliser nécessairement, systématiquement d'autres professionnels pour
venir appuyer la décision. Mais je voudrais
m'assurer, par contre, quand il y a des enjeux liés à cette jonction entre le
droit, les soins, la personne, les
proches, que le médecin demande effectivement une opinion à l'équipe
interdisciplinaire. Et, dans cette équipe-là, je vais souhaiter qu'il y
ait nécessairement l'avis d'un travailleur social parce qu'il est le seul à
porter une lecture, parmi tous les professionnels de la santé et des
services sociaux, sur les dimensions psychosociales et relationnelles à ce
niveau-là.
Alors, je nous lance
un peu ma réponse, là, pour qu'on n'en fasse pas, là, des considérations que
toujours il doit y avoir, mais que
nécessairement, dans des situations x, je souhaiterais que ce le soit, là.
Alors, je ne sais pas comment traduire ça dans un projet de loi, par
exemple, là.
Mme Vallée :
Bon, bien, ça, ça va être… j'imagine, ça va être notre défi. Mais je comprends
bien vos propos, mais, en même temps, comme législateurs, nous, on est
appelés à se prononcer, bien souvent, pour légiférer les cas d'exception. C'est le cas d'exception qui pourrait
un jour se présenter, et puis là on se dit : Zut! On est passés à côté
de quelque chose puis on aurait dû prévoir, à l'intérieur du projet de loi, une
consultation systématique.
Alors, si on ne le prévoit pas, on passe à côté
de quelque chose et puis, si on le prévoit, bien, évidemment, c'est complexe, mais c'est quand même important,
parce que vous êtes là pour… Votre intervention est très importante.
Vous êtes là, vous avez à coeur l'intérêt, la protection du public, la
protection du malade, et je comprends très bien la particularité que vous nous apportez ce matin. Et puis, nous, c'est
d'essayer de trouver une façon de ne pas rendre trop lourde toute cette
question-là, mais, en même temps, de protéger ceux qui ont besoin d'être
protégés, parce qu'on a entendu hier : il faut faire attention de protéger
des dérives éventuelles. Et c'est justement ça. Comment trouver l'équilibre qui va nous permettre d'arriver... et
d'atteindre cette protection-là sans alourdir le processus? Alors, c'est
pour ça que je vous posais la
question : Est-ce qu'on devrait, à l'intérieur du paragraphe, ajouter ou
prévoir quelque chose, une situation
particulière où vous seriez appelé, en fonction du projet de loi, et non
laisser à la discrétion de gens qui pourraient avoir une lecture
différente de la situation?
• (12 heures) •
Le Président (M. Bergman) :
Mme Pauzé.
Mme Pauzé (Marielle) : Je vous
répondrais de façon… Je ferais le lien… Par exemple, quand on regarde la question
des régimes de protection, vous savez, dans le fond, on est devant une
situation où on se dit : Bon, la personne est devenue inapte, qu'est-ce
qui est mieux de faire à ce moment-là? Est-ce qu'on ouvre un régime de protection, etc.? Me semble-t-il que, par rapport
au fait des soins de fin de vie comme ça, c'est une décision éminemment importante. Et, si on fait le lien avec les
régimes de protection, dans le fond, il est prévu que minimalement on aura
et une évaluation médicale et une évaluation psychosociale. Donc, il me semble
qu'à ce moment-là on a une garantie que les aspects de la vie de la personne
ont été examinés sérieusement et que ça peut favoriser, dans le fond, une
décision qui serait plus rigoureuse.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Là, je vois… je pense que votre référence avec les mises en place des régimes
de protection est intéressante. Il y a lieu de s'inspirer de ça, je
crois.
J'aimerais aussi vous interroger sur la question
de la commission, de la composition de la commission. On a parlé, il y a énormément… Bon, il y a des
représentations de par différents intervenants plaidant pour une
composition élargie et à l'intérieur desquelles on retrouverait des membres des
différents groupes qui ont à intervenir dans les cas d'aide médicale à mourir, mais je me demandais… Je ne le vois pas dans
votre mémoire, mais on a eu aussi certains groupes qui nous ont suggéré
que cette commission-là, afin d'assurer son impartialité, sa neutralité, soit
chapeautée par l'Assemblée nationale au même titre que le Protecteur du
citoyen, au même titre que la commission des droits de la personne et de la
jeunesse. Donc, est-ce que vous avez une opinion à cet égard?
Le Président (M. Bergman) :
M. Leblond.
M. Leblond (Claude) : Alors, on ne s'était
pas penchés là-dessus, mais, maintenant que vous me posez la question, et en lien avec les suggestions de
mandat que nous ajoutons, hein, que nous vous proposons, là, soit d'ajouter,
là, dans la loi, là, comme mandat à la commission… ou que le ministre, là, la
ministre décide, là, effectivement de donner…
poser ces questions-là sur la poursuite des travaux, compte tenu de l'enjeu des
débats liés à la poursuite de la réflexion
sur les clientèles qui sont actuellement exclues, là, du projet de loi et pour
lesquelles il faudra, comme société, continuer à cheminer, et compte
tenu également de la démonstration de l'apport positif des travaux non
partisans sur la question du droit de mourir
dans la dignité, ce serait probablement souhaitable que ça relève de
l'Assemblée nationale pour assurer
davantage ce caractère plus non partisan, donc, effectivement, dans les
travaux. Je pense qu'à ce moment-là la population va davantage suivre et
participer aux débats et éclairer la commission et, ensuite, l'Assemblée, là,
sur les choix qui devront être faits pour faire les pas supplémentaires qui
sont nécessaires.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau, il vous reste 2 min 30 s.
Mme Vallée :
Rapidement. Hier, le Collège des médecins, je crois, nous a sensibilisés à
l'importance peut-être de faire une distinction entre la notion des soins
palliatifs et des soins de fin de vie. Donc, on disait : C'est délicat d'inclure,
à l'intérieur des soins de fin de vie, donc, à l'intérieur de ce qui est prévu
à l'article 5, les soins palliatifs
parce qu'il y a une distinction, il y a une philosophie qui est différente
derrière tout ça. Est-ce que vous partagez cette opinion et est-ce qu'il serait opportun, à l'intérieur du projet
de loi, de faire une distinction entre les soins de fin de vie qui incluent la sédation palliative terminale,
l'aide médicale à mourir et l'ensemble des services offerts en soins
palliatifs?
Le Président (M. Bergman) :
M. Leblond.
M. Leblond (Claude) : Nous, on les a
davantage vus… et on n'est pas les experts sur la définition de l'un et de l'autre, là, mais on les voit davantage comme
un continuum de soins. Donc, dans l'offre de soins à la population du Québec, il y a un continuum et sur lequel la
personne peut décider en fonction de son besoin, effectivement, quels
types de soins… Donc, à nous, ça ne nous posait pas de difficulté tel que c'était
libellé, là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Pour assurer l'accessibilité des soins palliatifs sur le territoire, est-ce que
vous avez des suggestions ou des idées de ce qui pourrait être fait ou
de ce qui mérite d'être… sur lesquelles on mérite de porter une attention
particulière?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Pauzé.
Mme Pauzé (Marielle) : Donc, des
suggestions, oui, bien sûr. C'est de s'assurer que, dans chaque région, ce service-là est disponible, et non pas uniquement,
vous savez, dans les maisons qu'on voit, là, apparaître, là,
graduellement. Il me semble que ça devrait
être quand même un service qui est offert de façon beaucoup
plus large, et, à ce moment-là,
de faire en sorte que les gens, peu importe la région où ils sont, ils puissent
avoir accès à ces soins-là.
Le Président (M. Bergman) :
M. Leblond.
M. Leblond (Claude) : Peut-être une
suggestion un peu plus concrète. Et on n'est pas dans une distribution des services, vous avez derrière nous, là, les
responsables à ce niveau-là. Mais nous avions déjà indiqué, par rapport
au projet de loi actuel, que ça devrait être le… c'est le médecin à qui on
confie cette activité. On ajoutait, nous «à tout professionnel compétent». Donc, si on… Et c'est la même chose, là, pour
les soins palliatifs, là. Selon nous, effectivement, il y a peut-être d'autres
professionnels…
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
M. Leblond (Claude) :
…particulièrement en santé, là, qui pourraient être mis à contribution de façon
plus importante.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc de l'opposition
officielle. Maintenant, pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la
députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci,
M. le Président. Merci de votre présence aujourd'hui et merci d'apporter l'aspect
humain à ce geste médical. Hier, on a
rencontré les groupes représentant les médecins, mais je pense qu'aujourd'hui
c'est aussi important d'apporter l'aspect
humain qui entoure ce geste médical là, mais qui a un aspect humain très
important dans la vie de quelqu'un et envers la famille aussi.
Je veux revenir sur le... on en parle depuis
hier, effectivement, sur les oubliés, les gens inaptes. J'aimerais vous entendre... parce qu'on a beaucoup mentionné,
là… On a parlé des gens qui sont atteints de démence, mais sur le terrain, tantôt, vous avez ouvert la porte à
d'autres situations qui pourraient se voir oubliées dans ce projet de loi là et
vous avez semblé nous dire de ne pas procéder tout de suite, mais peut-être d'attendre,
de reporter à plus tard parce que vous avez l'impression, possiblement, à ce
que je comprends, que l'accessibilité sociale ne serait peut-être pas aussi
importante. Est-ce que j'ai bien compris votre intervention? C'est ça, ma
question.
M. Leblond (Claude) : Oui, tout à
fait, vous avez bien compris. Parmi les clientèles qui ne sont pas visées actuellement, donc qui demeurent sans voix, selon nous, là, celles qui deviennent
inaptes, là, mais qui ont déjà
resigné, là — c'est
de ça dont on parlait, ceux-là — il y a peut-être un espace que, comme législateur,
vous pouvez sentir qu'effectivement il y a un consensus social suffisamment
large pour aller de l'avant, et tant mieux.
Mais, concernant les personnes qui ont toujours
été inaptes, là, soit parce qu'elles sont nées avec un handicap intellectuel ou qui ont un trouble de… un problème
de maladie mentale, là, depuis nombre d'années et donc elles ne sont pas
aptes à consentir, et pour les mineurs, effectivement, là, il n'y a pas
actuellement — et
c'est les travaux de la commission qui l'ont
démontré — de
consensus d'acceptation sociale suffisamment large pour effectivement l'imposer
à la société. Ça ne serait pas un bon choix, selon nous. On doit faire
actuellement, je pense, ce qui est accepté par la population et qui nous permet
de faire un pas pour ensuite continuer à discuter sereinement, de façon non
partisane, sur les autres dimensions.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx, il vous reste 1 min 30 s.
• (12 h 10) •
Mme
Daneault :
Merci. Il y a des exemples, entre autres, dans le monde — entre autres, la Belgique — où on permet une déclaration anticipée de soins de fin de vie à tout majeur ou
mineur qui peut écrire une déclaration anticipée advenant qu'il soit
atteint d'une affection accidentelle ou pathologique et incurable, qu'il soit
inconscient et que sa situation soit
irrévocable dans l'état actuel de la science : ...doit être écrite en
présence de deux témoins, dont un n'a aucun intérêt matériel dans l'affaire,
doit être rédigée ou confirmée moins de cinq ans avant le début de l'impossibilité
de manifester sa volonté, doit suivre le modèle du Registre national.
Est-ce que cette portion-là, selon vous, de
l'inclure à l'intérieur du projet de loi actuel, on va encore trop loin? Est-ceque vous nous suggérez encore plus de
prudence à cet effet ou ça, pour vous, ça pourrait être acceptable, cette position-là?
Le Président (M. Bergman) :
M. Leblond, il vous reste du temps pour une courte réponse.
M. Leblond (Claude) : Si vous reprenez notre mémoire
de 2010, vous allez voir qu'on allait au moins aussi loin que ça, nous. Mais, effectivement, je pense qu'il
faut prendre en compte l'évolution de la société et respecter l'évolution, si on ne veut
pas, effectivement, que ça soit récupéré par les gens qui ont d'autres
intentions que celle du législateur, actuellement, qui est de permettre, dans des cas bien
identifiés, de respecter le désir de personnes de mettre... que d'avoir
accès à l'aide médicale active pour mourir dans des situations très précises.
Moi, je pense que c'est prudent et respectueux
de l'état… de la pensée majoritaire de la population
du Québec. Aller plus loin que ça actuellementpourrait desservir les personnes à qui on souhaite donner accès à un
droit supplémentaire de respect de leur autodétermination.
Le
Président (M. Bergman) : M. Leblond, Mme Pauzé, merci pour votre présentation. Merci d'être avec
nous ici aujourd'hui. Et je demande aux gens de l'Association québécoise d'établissements
de santé et de services sociaux pour prendre leur place à la table.
Et je suspends,
collègues, pour quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à
12 h 11)
(Reprise à 12 h 13)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je
souhaite la bienvenue à l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux. M. Gervais,
bienvenue. Vous avez 15 minutes pour
faire votrereprésentation, et
j'apprécie si vous mentionnez votre nom, votre titre ainsi que ceux qui vous
accompagnent aujourd'hui. Et le micro, c'est à vous.
Association
québécoise d'établissements
de santé et de services sociaux (AQESSS)
M. Gervais (Michel) : Merci. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la
commission, mon nom est Michel Gervais. Je suis président de l'Association
québécoise des établissements de santé et de services sociaux du Québec. Permettez-moi de vous présenter, comme vous m'y
invitez, les personnes qui m'accompagnent ce matin : d'abord, la directrice générale de notre association, Mme
Diane Lavallée, que vous avez sans doute connue en sa capacité de
Curatrice publique et qui est maintenant à la direction de l'AQESSS depuis mars
dernier. Elle aura l'honneur de vous présenter l'essentiel de nos
recommandations après mon intervention.
Nous
avons, de plus, invité le Dr Martin Lamarre, qui est directeur des services
professionnels au Centre hospitalier universitaire de Québec. Le
Dr Lamarre a accepté de nous accompagner et de s'exprimer au nom des
membres de notre association. Il répondra avec plaisir à toute question que
vous souhaiteriez poser. Je mentionne en passant que monsieur... le docteur
Lamarre a oeuvré en région éloignée, en Gaspésie, en fait. Donc, il a un point
de vue riche de l'expérience de travailler dans une capitale et aussi en région
éloignée. Je le remercie de nous accompagner.
Nous accompagne
également la Dre Michèle Pelletier, directrice de l'organisation des services
et des affaires universitaires à l'AQESSS.
Le Dr Pelletier a une longue expérience dans le réseau de la santé et des
services sociaux, au sein duquel elle a occupé le poste de directeur des
services professionnels dans plusieurs établissements. C'est elle qui a mené,
au sein de notre association, cet important débat concernant les soins de vie.
Notre
association, vous le savez, est le porte-parole de quelque 125 établissements
publics, soit l'ensemble des centres hospitaliers, des centres de santé
et de services sociaux, des centres hospitaliers universitaires et affiliés
ainsi que des centres d'hébergement et de
soins de longue durée. L'AQESSS a pour mission de rassembler, de représenter
et de soutenir ses membres en agissant comme chef de file et acteur important
pour assurer la qualité des services et la performance du réseau de la santé et
des services sociaux. Les membres de l'AQESSS gèrent en toute transparence plus
de 85 % des budgets des établissements du réseau et emploient plus de 200 000 personnes.
Mmes
et MM. les élus, nous vous sommes reconnaissants de nous permettre d'exposer
notre point de vue sur le projet de loi n° 52 concernant les soins
de fin de vie. Les membres de notre association accueillent favorablement ce projet de loi, présenté par la ministre déléguée
aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse, Mme Véronique Hivon, parce que celui-ci répond aux besoins,
exprimés par la population du Québec, d'améliorer les soins de fin de
vie, notamment par un meilleur soulagement de la souffrance et de la douleur.
Notre contribution vise donc à faciliter l'accès aux soins de fin de vie et la
mise en oeuvre du projet de loi.
C'est
également un projet de loi qui répond aux souhaits que nous avions exprimés
lors de notre passage devant la Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité. J'en profite d'ailleurs
pour souligner la grande sérénité qui a régné lors des débats de cette
commission spéciale. J'émets le voeu que cette attitude positive imprègne le
débat qui a cours aujourd'hui ainsi que ceux
que nous allons aborder au cours de l'automne, notamment ceux concernant la
situation dans les CHSLD et l'assurance autonomie.
Mesdames
et messieurs, notre intervention de ce midi n'a pour objet que de bonifier le
projet de loi à l'étude et d'en faciliter la mise en oeuvre au sein des
établissements du réseau. Je laisse le soin à Mme Diane Lavallée de vous
faire part de nos recommandations. Mme Lavallée.
Mme Lavallée (Diane) : Merci. Merci,
M. le Président. Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, merci de nous permettre
d'exprimer le point de vue de notre association.
D'ailleurs,
ce sujet nous interpelle particulièrement parce que c'est au sein de nos
organisations que la plupart des décès surviennent au Québec. Selon les
données de l'Institut de la statistique du Québec, sur les
60 000 décès qu'enregistre le Québec chaque année,
45 000 ont lieu dans les centres hospitaliers, les CSS et les CHSLD.
À cette proportion, on doit ajouter les
personnes qui bénéficient de soins palliatifs donnés par les soignants des CSS et
des CLSC en maison de soins
palliatifs ou à domicile. Vous comprendrez donc que le personnel des
établissements est quotidiennementconfronté
aux questions qui sont liées au principe de l'autonomie et de l'inviolabilité
de la personne, au soulagement de la douleur,
à l'accompagnement en fin de vie, à la mort et voire au droit d'abréger, à sa
demande, la vie d'une personne souffrante.
C'est donc à
la lumière de cette réalité, qui est empreinte de grande humanité, que nous
avons pris connaissance du projet de loi n° 52. Nous l'avons étudié
au travers de la lorgnette de la nécessité d'améliorer les soins palliatifs et
les soins de vie, et d'en faciliter l'accès par nos proches, nos parents et, un
jour peut-être, nous-mêmes.
Comme le disait
tout à l'heure M. Gervais, nous accueillons très favorablement le projet
de loi n° 52. Certaines dispositions
qu'il contient mériteraient par contre d'être bonifiées, notamment pour
faciliter l'accès à ces si précieux soins en fin de vie. Notre mémoire contient, pour l'avoir… pour que… vous l'avez
lu, une quinzaine de recommandations et de suggestions, mais je vais m'attarder
ici à certaines qu'on juge incontournables.
Notre intervention va donc porter
essentiellement sur la mise en place des mécanismes et des mesures qui
faciliteraient l'accès à ces soins, en assurant la plus grande disponibilité
possible. En plus de plaider en faveur de la disponibilité de l'accès à ces
soins, on recommande… nos recommandations vont viser à faire en sorte : d'atténuer
les conséquences du refus de la part d'un
médecin de répondre positivement à une demande d'aide médicale à mourir;
de permettre à la personne de révoquer, en tout temps et en toutes
circonstances, ses directives médicales anticipées ou sa demande d'aide
médicale à mourir; et de clarifier le fait que la personne soit seule juge de
sa capacité à endurer sa souffrance et de l'acceptabilité des moyens pouvant
les apaiser.
La première
question, du rôle du médecin et de son droit de refus d'administrer la fin de
vie. On sait que, dans les moments de
souffrance, d'inquiétude et d'appréhension vécus par une personne en fin de
vie, la présence auprès d'elle de son médecin traitant doit être, bien
sûr, privilégiée. Puisque la plupart des décès surviennent dans les
installations des CSS ou sur leur territoire, ces établissements ont donc la
responsabilité, dans la mesure du possible, de faciliter la concrétisation de
cette relation entre la personne et son médecin. Ce dernier serait
vraisemblablement celui ou celle à qui l'on pourra exprimer ses volontés
concernant les soins et les traitements qu'on souhaite avoir pour soulager nos
souffrances.
• (12 h 20) •
À la lecture
du projet de loi, nous constatons toutefois que certaines mesures qui
favoriseraient ce lien privilégié entre
le patient — et la
demande d'aide médicale à mourir — et son médecin seraient à améliorer. Selon
ce que propose le législateur, pour
qu'un médecin puisse répondre positivement à une demande d'aide médicale à
mourir ou administrer la sédation palliative terminale, il devra
obligatoirement être lié par une entente à un établissement. Les médecins en pratique privée se trouveront donc ainsi exclus de
la liste de ceux pouvant administrer ce type de soin. Cela pourrait avoir pour effet de restreindre
donc l'accessibilité à des soins de vie pour les personnes dont le médecin
traitant est en pratique privée. Il sera, de plus, difficile pour cette
personne de recevoir ces soins à domicile.
Donc, pour
ces motifs, on recommande que la loi sur la santé et services sociaux soit
modifiée pour permettre au conseil d'administration d'un CSS d'octroyer
un statut particulier aux médecins qui exercent leur profession dans un cabinet privé de son territoire
et qui dispensent des soins de fin de vie à domicile. Ainsi, le CSS pourrait
aussi légalement s'assurer de la qualité des soins.
Dans le même
ordre d'idées, nous estimons que la sanction pénale imposée aux médecins qui ne
transmettent pas dans les délais les documents à la commission de soins
de vie peut s'avérer un frein à l'aide médicale à mourir. Nous recommandons que
le CMDP soit responsable de fournir, dans les délais prescrits, les documents
qui sont relatifs à l'administration d'une aide médicale à mourir par un de ses
membres, et aucune amende ne devrait être prévue.
Nous croyons,
de plus, que de limiter au directeur des services professionnels — celui
que l'on appelle le DSP — la responsabilité de trouver un médecin
remplaçant lors du refus du médecin, pour des objections de conscience, de fournir l'aide médicale à mourir limiterait ou
pourrait limiter l'accès à ce soin. Donc, le Code de déontologie des
médecins, on sait qu'il prévoit que c'est quand même
au médecin… qui doit alors offrir au patient de l'aide dans la recherche
d'un autre médecin, donc on doit, bien sûr, ne pas le déresponsabiliser. Et,
partant de ce principe aussi, on considère, à l'AQUESSS, qu'il serait
inapproprié que le législateur impute au DSP l'entière responsabilité de
trouver un remplaçant lorsqu'un médecin traitant refuse l'aide médicale à
mourir de son patient.
Parmi les
raisons qui motivent notre position, il est important de mentionner que nous
faisons reposer sur une seule personne cette responsabilité, ce qui
constate un risque aussi pour l'accès. Et, de plus, les établissements de santé
et services sociaux ne peuvent tous compter
sur les services d'un DSP, à cause, bien
sûr, de la difficulté
de pourvoir de tels postes dans bien
des cas. Pour pallier à cette situation, on propose plutôt d'inclure dans la politique
de soins de fin de vie, que devront
adopter les établissements, un processus à suivre par tout médecin traitant ne pouvant
répondre à une demande d'aide
médicale à mourir. C'est une très belle occasion de partenariat médico-administratif et d'implication des usagers
aussi au plan local pour élaborer cette politique. Il pourrait y être inscrit,
dans cette politique, qu'en cas de refus du médecin traitant d'administrer l'aide
médicale à mourir ce dernier doive recommander son patient soit à l'équipe de
soins palliatifs ou se référer à la procédure qui est mise en place dans l'établissement.
Concernant la
question de permettre à la personne, maintenant, de révoquer en tout temps et
en toutes circonstances ses directives médicales anticipées ou sa
demande d'aide médicale à mourir, il y aurait lieu de nous assurer que, peu importe où la personne se trouve, ses volontés
sont respectées. C'est dans cet esprit que nous avions recommandé que le
document soit facilement repérable. Le développement d'un registre unique et
accessible en tout temps est apprécié. Par ailleurs, pour assurer une cohérence, si la
personne veut révoquer ses directives, celles-ci devraient aussi être
inscrites, rapidement consignées dans ce même registre.
Finalement, on estime essentiel de clarifier le
fait que la personne soit seule juge de sa capacité à endurer ses souffrances et de l'acceptabilité des moyens
pouvant les apaiser, et ce, bien sûr, suite à des échanges avec son
médecin traitant. Au sujet des conditions
citées à l'article 26 pour obtenir l'aide médicale à mourir, nous craignons que
l'alinéa 4° soit trop restrictif. Nous
recommandons que les qualificatifs se rapportant aux souffrances de l'usager
soient clairement identifiés comme étant sa propre perception. On
recommande donc que le libellé de l'alinéa 4° de l'article 26 soit modifié et se lise ainsi : «Elle éprouve des
souffrances physiques ou psychiques constantes qu'elle juge
insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu'elle juge
acceptables.»
Donc, voici,
mesdames et messieurs, les principaux éléments qu'on souhaitait soumettre à
votre réflexion dans le temps qui nous est imparti. Donc la Commission
spéciale sur la question de mourir dans la dignité et le projet de loi qui en
découle auront permis, hors de toute partisanerie, de faire évoluer notre
société vers plus d'humanité et de compassion, des valeurs qui sont au coeur
même de la mission de nos établissements.
Donc, sur ce, nous sommes disponibles à répondre
à vos questions. Merci.
Le Président (M. Bergman) :
Merci pour votre présentation. Maintenant, pour le bloc du gouvernement, Mme la
ministre.
Mme
Hivon :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Gervais, Mme Lavallée, Dre
Pelletier et Dr Lamarre, merci de votre présence, merci de votre
présentation et merci de la qualité de votre mémoire, qui va droit au but avec des recommandations, des commentaires très clairs
sur des points très importants pour la bonne marche, la suite des choses
de ce projet de loi là. Alors, c'est très
aidant pour nous comme législateur, parce qu'on a le sentiment que c'est ancré dans le concret de la vie des établissements de tous les jours, alors… Et, bien sûr,
je reçois favorablement votre appui général aux orientations du projet
de loi.
Mais je pense
que vous êtes les mieux placés pour répondre à une question
que nous avons, qui est de s'assurer que ce nouveau soin que l'on vient introduire avec le projet de loi, qui est l'aide médicale à mourir, puisse être réellement
disponible. Et la première chose que j'ai notée dans votre mémoire, c'est que
vous soulignez que vous approuvez l'orientation qui est de faire en sorte que tous les établissements doivent offrir l'ensemble des soins de fin de vie, y compris la sédation
et l'aide médicale à mourir. Et par ailleurs il y a certains qui peuvent nous
dire : Oui, mais, vous savez, ce n'est
pas la même réalité si vous êtes en région, puis comment on
va pouvoir s'assurer de tout ça? Et, puisque votre position est très fortement
énoncée dans votre mémoire, à savoir qu'il ne doit y avoir aucune exception et
que tous les établissements doivent être assujettis à fournir l'ensemble des
soins, j'aimerais que vous nous disiez comment vous pensez que ça va être rendu
possible.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Lavallée.
Mme
Lavallée (Diane) : Oui, il y a
des défis qui se posent, bien sûr. Les régions urbaines, les régions métropolitaines,
la région de la capitale et les régions éloignées vivent des particularités qui
sont très différentes. Nous, on pense, effectivement, que c'est une responsabilité des établissements, des CSS, d'offrir sur tout leur territoire les services à
toute la clientèle. On pense que les CSS
devront peut-être être obligés de négocier ou s'entendre avec
d'autres établissements sur leur territoire, advenant le cas où, dans
leur propre CSS, il y aurait certains ou plusieurs médecins qui refuseraient l'aide
médicale à mourir.
Et on pense que les différents intervenants, que
ce soit au palier local ou même régional, devraient ensemble trouver les solutions pour permettre justement
une accessibilité très rapide pour répondre à une demande. On sait
qu'on n'a pas le temps de courir trop longtemps. Et, surtout, ce ne serait pas
très utile et souhaitable de déplacer les gens d'un établissement à l'autre pour
obtenir ces services, les retirer d'une équipe soignante avec laquelle ils sont
habitués de vivre, et ils veulent
vivre leur fin de vie surtout pas en ayant des effectifs différents, une
nouvelle équipe autour d'eux. Donc, c'est l'établissement qui a la responsabilité
de trouver le médecin qui pourrait répondre aux besoins de la personne là où
elle est, à domicile, dans les différents lieux où des soins palliatifs ont
lieu.
Il y a
des maisons de soins palliatifs, mais
il faut se rappeler aussi que, dans plusieurs établissements, dans
plusieurs départements, en médecine, en chirurgie, aux soins intensifs, se fait
aussi des soins de fin de vie, et on pense que l'approche de soins de fin de vie devrait être la même partout. Donc, ça
va nécessiter, bien sûr, beaucoup de formation, hein, d'adaptation aussi du personnel. Il faudra prendre le temps. Moi,
je pense, Mme la ministre, il y a un message. Le délai d'implantation devrait permettre, devrait être suffisamment long,
sans l'être trop, pour permettre aux intervenants d'être habilités, que
des politiques soient mises de l'avant et répondent à toutes les problématiques
puis qu'une belle campagne de communication
soit faite pour s'assurer que la population comprend bien leurs droits, mais
aussi atténuer les craintes pour certaines clientèles qui pensent qu'on
veut mettre fin à la vie des gens qui sont dans des situations de plus grande
vulnérabilité, quand ce n'est pas le cas.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Peut-être que je peux, d'entrée de jeu, vous dire que c'est évidemment dans
notre plan de faire une vaste opération de communication,
donc, pour bien cibler les enjeux, les nouvelles réalités. Et pour ce qui est…
une autre, peut-être, nouvelle qui va vous intéresser, c'est qu'en matière de
formation, tous domaines confondus, l'orientation a été
prise récemment au ministère, donc, de favoriser la formation en soins
palliatifs pour l'ensemble du réseau pour la prochaine année — ça va
être la priorité de formation — parce que, justement, on ne veut pas que les soins palliatifs soient des niches à
l'intérieur des établissements. On est conscients que des situations où des
gens ont besoin de soins palliatifs,
ça peut être dans différents endroits, différents départements. Donc, on veut
vraiment généraliser la formation et l'accessibilité. Donc, ça va dans l'esprit
général de l'importance qu'on accorde à ce dossier-là.
Je
veux revenir sur la question de la référence — parce que je sens que vous voulez avoir une
certaine marge de manoeuvre — la référence du médecin qui ne souhaiterait
pas répondre à une demande d'aide médicale à mourir. Puis en fait, à l'article
30, ce qui est prévu, c'est d'«aviser le [DSP] ou toute autre personne désignée
par le directeur général de l'établissement». Il y a quand
même une souplesse qui est prévue parce qu'il n'y a pas des DSP partout, vous avez
raison. Il y a des endroits où on pourrait faire un choix différent. On le
mettait parce qu'on pense qu'à titre indicatif ça peut être important de dire
que, dans plusieurs établissements, ça risque d'être un chemin intéressant, que
le DSP puisse assumer cette responsabilité-là.
Alors, j'aimerais
vous entendre sur le fait que ce n'est pas une voie tracée, obligatoire, c'est
plus une voie suggérée avec une certaine
latitude, si ça, ça vous convient, ou si vous, vous voulez… Parce que je dois
vous dire que ça, ça a été très… Je
comprends que vous n'êtes pas dans les mêmes univers, mais vous pouvez vous en
douter, que les médecins, qui avaient certaines réserves sur le fait d'être
obligés à tout prix à trouver un autre médecin, sont très soulagés de voir qu'ils ne seront pas seuls, bien que, dans le
code de déontologie, ils aient cette obligation-là, donc qu'ils soient
soutenus par l'établissement. Donc, l'idée, là-dedans, c'est de trouver l'équilibre.
Donc, je veux vous
entendre, compte tenu de cette précision-là, si, pour vous, ça donne quand même
une flexibilité.
• (12 h 30) •
Le Président (M.
Bergman) : Mme Lavallée.
Mme Lavallée
(Diane) : Mme Pelletier va répondre.
Mme Pelletier
(Michèle) : Oui, merci…
Le Président (M.
Bergman) : Madame…
Mme Pelletier
(Michèle) : Bien, effectivement, c'est qu'à la lecture du projet de
loi on voit davantage que le médecin qui
refuse s'en réfère à quelqu'un d'autre, mais on ne sent pas la responsabilité
partagée entre ce médecin-là… et ça lui prend un soutien, là, que ça
vienne d'une autre personne nommée par le directeur général ou par le DSP. Je pense qu'il y a une… Il ne faut pas
déresponsabiliser le médecin traitant dans cette démarche-là, avec le client et
la famille. Donc, c'est dans le but
de… C'est pour ça qu'on dit : La lecture du projet de loi, tel qu'il est
écrit actuellement, c'est comme si le médecin qui a une objection de
conscience se retourne, va voir un gestionnaire, que ce soit le DSP ou quelqu'un
d'autre désigné par le directeur général, il pourrait se décharger de la
responsabilité. Quand on pense que les CMDP…
Les CMDP doivent, dans l'élaboration de la politique et du programme de soins
de fin de vie qui sont prévus, être très impliqués dans comment ça va se
dérouler, quelles sont les modalités, comment vont s'organiser… l'avis du
deuxième médecin, le rôle de l'équipe interdisciplinaire — dont
l'ordre des travailleurs sociaux a beaucoup parlé tantôt — comment
ça va se faire. Il faut beaucoup impliquer les médecins, il faut aussi beaucoup
impliquer les usagers. Puis c'est une
belle occasion d'amener, là, toutes les notions de patients partenaires dans
ça, pas seulement dans la relation de soins directs, mais dans la partie
organisation des services.
C'est
pour ça qu'on considère que, dans les établissements, on devrait… ça devrait
faire partie de la politique. Probablement que plusieurs établissements,
leur processus, ça va être de référer au DSP, mais, s'il peut y avoir une modalité… Il y a des... Évidemment, on a consulté
beaucoup nos membres. Il y en a qui nous ont dit : Bien, chez nous,
l'équipe de soins palliatifs est très à
l'aise. Ça fait que, s'il y a un médecin traitant qui ne fait pas partie de
cette équipe-là, ne se sent pas, lui, à l'aise, pourquoi passer par une
instance administrative alors qu'il y aurait une procédure très simple à l'intérieur de l'établissement, avec
consultation à l'équipe de soins palliatifs, pour que ça puisse se faire sans
causer des délais ou des tracasseries administratives? On pourrait les nommer,
là. C'est plus dans ce sens-là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme Pelletier
(Michèle) : Donc, si on peut prévoir d'autres modalités beaucoup plus
simples et si le seul recours, c'est d'avoir
affaire à un directeur ou au DSP, parce que l'établissement est tout petit puis
qu'il n'y a pas d'autre possibilité, bien ça sera ça. Mais ça ne serait
pas le premier volet.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
O.K. Merci beaucoup. On nous a beaucoup parlé hier de l'importance d'avoir des
protocoles uniformes pour ce qui est de la
sédation terminale et l'aide médicale à mourir, donc évidemment
qui doivent respecter les standards cliniques. Et je veux savoir, vous,
comme représentants de l'ensemble des établissements, si vous adhérez bien à
cette volonté qui nous a été communiquée, qu'en fait on soit dans des
protocoles uniformes, pour ne pas dire identiques, d'un établissement à l'autre
pour ces procédures-là. Notamment, je dois vous dire que, sur la sédation
terminale, on s'était beaucoup fait dire, lors des autres auditions, qu'il y
avait un grand flou et un grand manque d'homogénéité. Donc, comment vous
recevez ça?
Mme Lavallée
(Diane) : Dr Lamarre?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Lamarre.
M. Lamarre (Martin) : Oui, bonjour.Ça m'apparaît incontournable, surtout pour protéger les clientèles de
centres qui compteraient sur moins d'expertise. On pose quand même un geste qu'on
ne veut pas avoir à reprendre. Il faut
s'assurer de la sécurité des molécules, il faut s'assurer des bons dosages, il
faut s'assurer de la bonne réponse. Donc, effectivement, l'aide experte
serait bienvenue.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Je me dépêche parce que… Vous suggérez que la révocation d'une aide… d'une
demande d'aide médicale à mourir doive se
faire également par écrit. Donc, je vais vous entendre, mais je comprends que
c'est pour une plus grande sécurité, pour ne pas qu'un intervenant, un médecin
puisse se faire dire : Il y a eu demande et vous n'avez pas respecté la
demande. Mais je vous soumets l'autre enjeu qui est qu'on veut évidemment
permettre à une personne de changer d'idée,
là. On comprend que, dans les faits, ça risque d'arriver très, très, très
rarement parce que, si elle a fait la
demande et répété la demande, rempli le formulaire, les deux médecins… tout cet
examen-là, je pense, la personne doit être très décidée. Mais admettons
qu'il y a un cas de figure où ça arrive, on voulait que ça puisse se faire de toutes les manières possibles pour que ce
soit le plus souple possible, et d'où cette idée qu'il n'y ait pas le
même formalisme. Et je voudrais donc vous entendre sur le fait que vous voulez
qu'on exige une requête par écrit.
Le Président (M. Bergman) :
Dre Pelletier.
Mme
Pelletier (Michèle) : Oui,
effectivement. Mais, dans la vie courante, dans les établissements, le
consentement… Pour prendre un exemple simple, du consentement opératoire
qui est fait par écrit, consigné au dossier, il peut arriver — j'ai déjà vu ça — où une personne est amenée en salle
d'opération et décide que non, ce matin-là, elle n'est pas prête, elle se lève puis elle quitte. Ce n'est pas
consigné, mais ça va être consigné par la suite. C'est respecté, mais il
faut garder trace. Ce n'est pas d'être
consigné pour être respecté, mais consigné pour garder trace pour considération
future, on pourrait appeler ça comme ça. C'est juste de garder une trace et non
pas uniquement verbalement puis qu'on n'en garde pas trace.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre, il vous reste deux minutes.
Mme
Hivon :
Parfait. Alors, je comprends bien. Quand… J'aurais une question qui n'est pas…
Dans ce que vous avez abordé, là, je
dois vous dire qu'on va regarder vos suggestions de changements. Je suis
certaine que mon collègue de Jean-Talon va vouloir parler de la question
du conseil d'administration versus le CMDP pour l'association, ça fait qu'en tout cas je vais lui laisser cette
question-là puisqu'il me reste juste deux minutes. C'est une question, en tout
cas, intéressante. On pourra voir… puis le
lien avec l'article 129 de la loi actuelle aussi, là, de voir si c'est vraiment
nécessaire.
Hier, on nous a dit… un groupe nous a dit que,
pour ce qui… — c'est
les pharmaciens, je crois — sédation
palliative terminale, on exige maintenant, dans le projet de loi, un
consentement écrit. Ça fait suite justement aux représentations qu'on a eues, lors des travaux de la commission, de dire
qu'il fallait un formalisme plus grand parce que c'est une procédure qui
est quand même très importante, aux conséquences irréversibles. Les
pharmaciens, hier, nous disaient que, dans
certaines situations, on pourrait devoir agir de manière urgente où que ce
pourrait être difficile d'exiger le consentement par écrit. Alors, j'aimerais
ça… Je ne sais pas si vous avez des éléments d'éclairage à nous apporter sur
cette question-là, si vous, vous êtes plutôt favorables à maintenir le
consentement écrit pour cette procédure-là, en sachant qu'en urgence on peut
toujours passer outre parce que c'est prévu au Code civil, là. Mais on nous
parlait peut-être de situations où ça serait plus difficile.
Mme Lavallée (Diane) : M. Lamarre?
M. Lamarre
(Martin) : Nous avons
certaines situations cliniques, si on pense à des crises convulsives, où
on va introduire une anesthésie générale pour soulager le symptôme qui est
important. Si on parle d'une crise de douleur extrême
qu'on ne peut pas soulager de d'autres façons, effectivement, ça peut être
difficile d'avoir un consentement écrit, mais il y a certainement… un
consentement peut être obtenu de d'autres façons et consigné par écrit par la
suite. Donc, on peut y aller soit par le
mode d'urgence, à un moment où ça devient un traitement approprié, ou encore
par un consentement constaté et décrit par un témoin.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement.
Maintenant, pour l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Alors, bonjour. Merci de nous avoir fait part de votre mémoire, qui
est assez élaboré. Et je veux faire
rapidement parce que je sais que mes collègues ont des questions, puis on a peu
de temps, malheureusement, en raison du retard.
• (12 h 40) •
Lorsque
vous parlez de la question de s'assurer que le document soit facilement
repérable, j'ai posé la question un petit peu plus tôt, est-ce que vous
croyez qu'il serait intéressant d'avoir… bon, que le consentement soit inscrit
à l'intérieur du Dossier santé Québec lorsqu'un jour ce dossier… ce système-là
sera mis en vigueur? Comment on peut s'assurer,
d'ici là, que le registre soit facilement accessible pour tous et partout à
travers le Québec? Parce qu'il faut
aussi penser qu'il y a une mobilité des citoyens parfois sur le territoire et s'assurer
que quelqu'un qui, soudainement, se retrouve dans une région… qui se retrouve
en région éloignée puis qui aurait émis des directives à Montréal puisse s'assurer
qu'on va respecter ses directives.
Alors,
comment on pourrait orchestrer le tout afin de rendre le plus facilement
accessibles les consentements? Et aussi
je prends bonne note de la manifestation par l'individu qu'il a changé d'idée,
aussi, parce que vous disiez : Ça aussi, ça doit être inscrit à l'intérieur du registre. Alors, pratico-pratique,
comment on s'assure que toute cette information-là soit accessible, peu
importe où on se situe au Québec, puis assez rapidement?
Le Président (M. Bergman) : Dre
Pelletier.
Mme
Pelletier (Michèle) : Je pense
que l'idée d'inclure ça... On n'y avait pas pensé, on n'y avait pas
réfléchi, là, mais l'idée d'inclure ça au Dossier santé Québec, c'est une excellente idée, mais, bon, il reste… D'ici là, qu'est-ce
qu'on fait? Je n'ai pas de solution miracle.
Actuellement, ce n'est peut-être pas… Il faut
trouver un registre qui est accessible 24 heures par jour, sept jours
semaine, donc ce n'est pas… c'est là la difficulté. Actuellement, le seul qu'on
a, au Québec, qui est semblable à ça, c'est celui sur les dons d'organes et de
tissus, qui est accessible, mais c'est quand
même confié à un organisme qui est spécialisé en dons d'organes et tissus,
donc… Et je n'ai pas de proposition concrète à vous faire, là, mais il faut sûrement
trouver une solution transitoire, là, au DSQ. Mais le DSQ, c'est une excellente
solution pour l'avenir.
M. Gervais (Michel) : En complément,
Mme Lavallée?
Mme
Lavallée (Diane) : Bien, il
pourrait avoir un registre national qui pourrait être tenu au ministère
ou, en fait, au même titre qu'un registre pour les personnes inaptes.
Les gens qui sont inaptes, il y a un registre, c'est tenu par le Curateur
public, donc, et accessible 24 heures sur 24, sept jours pour les personnes qui
sont inaptes qui se présentent à l'urgence
ou dans des pénitenciers. D'ailleurs, il y a eu des ententes de négociées avec la Sûreté du Québec là-dessus. Donc, il
faut trouver un moyen d'avoir un
registre qui est accessible partout sur le territoire par un clic et
qu'on a accès. Je pense que le ministère de la Santé pourrait être un
lieu qui reçoive toutes les demandes et les demandes de directives anticipées
et qu'il les rende accessibles facilement par les différents intervenants.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Parce
que… Et ça, justement,
vous parlez des différents intervenants. Hier, les pharmaciens nous disaient : Nous, on souhaite pouvoir
également recevoir le document et le consentement qui sera signé parce qu'on a une responsabilité
professionnelle, et donc il est important, il est indispensable pour nous d'avoir
accès, au même titre que le médecin, à ce document-là.
Donc, évidemment, plus on avance dans la réflexion, plus on se
rend compte qu'il y a une
panoplie d'intervenants qui sont impliqués, et qui seront impliqués, et qui,
pour eux, ont cette préoccupation-là de pouvoir avoir accès à l'information et,
comme vous le disiez, être… l'avoir à portée de clic.
Je voudrais, avant de passer la parole à mon
collègue de Jean-Talon… À l'article 26, vous demandez un amendement sur la
notion personnelle de la souffrance. Alors, pour vous, c'est important que ce
soit une souffrance que le patient juge
intolérable. Et je vous pose la question : Comment on jauge ça, comment on l'établit,
cette souffrance-là? Parce que ce qui est intolérable pour moi ne l'est peut-être
pas pour vous, et vice et versa.
Le Président (M. Bergman) :
M. Gervais.
M. Gervais
(Michel) : Bien,
l'expérience toute récente que j'ai vécue, c'est qu'on le demande à la personne
et on demande, sur une échelle d'un à 10,
quelle est sa souffrance. En général, c'est comme ça que ça se passe, me
semble-t-il. Dre Pelletier, peut-être… notre médecin…
Mme Pelletier (Michèle) : Bien, je peux
compléter. C'est pour ça qu'on croyait important… parce que je pense que l'esprit
de la loi est beaucoup de respecter le souhait de la personne et le choix de la
personne. Et, comme vous dites, madame,
c'est sûr que la douleur d'une personne… ressentie par une personne n'est pas…
ça s'objective très difficilement. La
douleur, c'est quelque chose de vraiment subjectif. Et, comme on est dans des… on a un projet de loi qui vise des personnes
majeures et aptes à consentir, la personne, après, bon, des échanges avec le
médecin, après des tentatives de
soulagement, tant des douleurs… des souffrances physiques que psychologiques,
si elle considère, elle, que ce qu'on lui offre comme méthode de
soulagement, elle juge ça inacceptable, pour elle, c'est à elle à décider en
fin de course, une fois qu'on a quand même fait des échanges médecin-patient.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. Nous avons combien de temps?
Le Président (M.
Bergman) : Il vous reste 8 min 30 s.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Excellent, M. le Président. Je reviendrais sur la question
du médecin qui pratique dans la communauté, qui n'a pas de privilège à l'hôpital
et qui veut faire pratiquer des soins palliatifs, mais également rendre disponible l'aide médicale
à mourir. Votre suggestion, ce seraient des privilèges particuliers qui
seraient donnés par le conseil d'administration. Est-ce qu'à ce moment-là il
fait partie du CMDP de l'hôpital ou c'est extérieur au CMDP de l'hôpital?
Le Président (M. Bergman) :
Monsieur… Dr Lamarre.
M. Lamarre
(Martin) : Une voie de
passage pourrait être sous le titre de membre honoraire ou membre-conseil
au niveau du CMDP. La qualité de l'acte doit relever de l'organisme. J'ai vu le
mémoire de l'association des CMDP qui
proposait que la pratique privée se fasse au niveau… la surveillance se fasse
au niveau du collège. Je crois que ça serait un peu large à gérer alors
qu'il y a une connaissance du milieu qui peut se faire à l'intérieur de l'instance
locale. Donc, les privilèges de membre
honoraire ou de membre… non pas associé, mais de membre-conseil pourraient être
donnés et ils seraient… une appartenance au niveau du CMDP.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
O.K.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. On va questionner
l'association des CMDP là-dessus parce que… Une remarque que j'avais
faite hier : Lorsqu'on est membre d'un CMDP, les gens s'attendent à ce
qu'il y ait également des obligations qui soient faites. Par contre, pour la
surveillance médicale, il faut vraiment… à l'acte médical, il faut vraiment que ça relève soit du collège ou du conseil
des médecins, dentistes et pharmaciens parce que ça ne peut pas relever
du conseil d'administration, qui n'a pas l'autorité ou les compétences pour le
faire. On est d'accord avec ça?
Une voix : Oui.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : La question de la mécanique, quand un médecin
décide qu'il ne pratique pas l'aide médicale
à mourir et qu'à ce moment-là le patient doit consulter un autre médecin ou une
autre équipe, je dois vous avouer que moi, je suis plus de l'école de
dire : Il ne faudrait pas demander au médecin de trouver ou même de
participer à ça parce que ça va être trop
complexe. Et ce qui va arriver là-dedans, c'est que, pendant que les gens se
chicanent, le patient ne reçoit pas les soins. Il faut qu'on ait
vraiment un mécanisme très, très simple de référence. Là, ils l'ont mis dans la
loi, un DSP avec une possibilité de
transférer à un autre. Encore là, ça, ça veut dire que le DSP, d'emblée, est
responsable. Mais, à la fin, ça serait…
selon moi, c'est au directeur général de décider la mécanique par une politique
dans l'établissement, comment ça
devrait procéder. À la limite, il y a certains établissements, possiblement que
la directrice des soins infirmiers… Puis,
quand les DSP changent aux six mois, on est peut-être mieux d'avoir une
directrice des soins infirmiers qui s'en occupe, comme l'histoire de… l'idée
d'y aller par une autre personne qui est bien en lien avec les soins
palliatifs. Ça, c'est une souplesse qu'on pourrait faire.
Puis ce que
je comprends de l'article, qui est déjà assez bien rédigé, la seule
affaire : Est-ce qu'on veut cibler les directeurs des services professionnels, qui sont déjà difficiles à
recruter au Québec, et on leur remet une tâchesupplémentaire d'emblée? Parce que, là, il faut comme défaire que ce
n'est pas le directeur des affaires professionnelles mais un autre. Moi, là-dessus, je vous dirais
qu'on va en discuter, mais je suis souple, là. On va le voir. Mais j'aimerais
peut-être mieux une mécanique qui, à la fin… il y a toujours un directeur
général dans un établissement et ça serait à cette personne-là d'établir la
procédure pour l'établissement, en sachant que ça prend une personne
responsable. Comment vous voyez ça, cette souplesse-là?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Lavallée.
Mme
Lavallée (Diane) : Nous, on
pense que c'est… La responsabilité incombe au conseil d'administration,
donc avec la direction générale, d'établir la politique qui est la mieux
adaptée. Dans un établissement, ça pourrait être un DSP, dans un autre, ça
pourrait être les soins palliatifs, dans un autre, ça va être des ententes avec
un établissement sur le territoire. Mais la responsabilité première, d'offrir
des services à sa population, tout type de service, c'est une responsabilité d'un
conseil d'administration d'établissement et d'une direction générale.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Donc, si je comprends bien, votre nouvelle suggestion, ce serait beaucoup d'aller
soit au conseil... Mais le conseil, dans le fond, il gère… c'est l'ultime responsable de l'établissement, mais le
responsable, souvent, c'est le directeur général.
Mme Lavallée (Diane) : De s'assurer,
bien oui.
M. Gervais (Michel) : …prévoit que
ce soit une personne donnée qui…
Mettons que le conseil d'administration
accepte une procédure, il va falloir qu'il désigne une personne parce que le
conseil se réunit aux trois mois, il ne peut pas
décider des cas singuliers, là. Je pense qu'il faut qu'il y ait
quelqu'un. Et ultimement, effectivement, en l'absence
de DSP, le directeur général… Et, dans le texte de la loi, quand on dit :
«…ou toute personne désignée par le directeur général…», le directeur général
pourrait très bien se désigner lui-même, effectivement.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste
3 min 30 s.
• (12 h 50) •
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. L'autre élément, là, c'est… Parce que,
là, tout le monde est de bonne
volonté parce qu'on dit : On en veut partout. Puis je suis d'accord avec
ça, sauf qu'en pratique il va arriver possiblement des situations où ça ne sera
pas disponible localement. Là, on peut faire des ententes de service avec d'autres établissements, qui sauve la face, mais, en pratique, notre
patient qui arrive dans cet état, on ne s'attend pas à ce qu'il va
transférer d'endroit.
Là, je vous mets une
suggestion. Est-ce que vous pensez qu'on pourrait faire des ententes dans des
cas particuliers où on pourrait s'entendre
avec des gens, à distance, qui pourraient faire la même procédure sans nécessairement
être sur place et qui pourraient surveiller
l'aide médicale à mourir à distance? Parce
que ça va être la problématique qu'on va avoir à un moment
donné : l'objection de conscience va apparaître, il n'y aura personne pour
le faire localement, la personne elle-même
ne sera pas capable d'avoir le service, et là c'est un droit. Ça fait qu'il y a
une mécanique qu'il va falloir qu'on
mette en place pour être capables d'offrir le service. Et la problématique
qu'on voit souvent, c'est que ça prend quelqu'un localement, mais, dans
la réalité, c'est que souvent ça prend plus des gens qui surveillent le
processus pour qu'après ça on puisse procéder.
Le Président (M.
Bergman) : M. Gervais.
M. Gervais
(Michel) : C'est tout à fait possible, me semble-t-il.
Mme Pelletier
(Michèle) : Mais il y a, dans la loi actuelle…
Le Président (M.
Bergman) : Dre Pelletier.
Mme Pelletier (Michèle) : Je veux dire, le projet de loi qui est sur la
table prévoit que l'administration, c'est l'acte, hein? Ça fait que, si… à partir du moment où il y
a une supervision à distance, c'est une piste qui peut être
intéressante. Il faut voir qui, à ce
moment-là, parmi les autres professionnels de la santé dans le CSSS,
localement — si tous
les médecins se prévalaient de l'objection de conscience — réaliserait
l'acte et aurait l'obligation, là, d'accompagnement, là, telle que prévue dans
le projet de loi. C'est une bonne discussion.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci. Ce n'est pas
nécessairement ce que je préconise. Ce que je veux démontrer, c'est qu'il
va y avoir une difficulté d'application. Si on vit avec le principe qu'on
respecte l'objection de conscience, bien, on respecte le principe que c'est un droit.
Donc, il va falloir qu'on se trouve une mécanique. Puis j'avais déjà émis une autre hypothèse. Il pourrait y avoir des
équipes volantes, mais là, encore là, c'est des délais, c'est du temps. Mais
on a un os là-dessus, puis je pense qu'il
faut être capable… Ça n'empêche pas le projet de loi d'avancer, puis qu'on
adopte les bonnes mesures, mais ça va être un problème. Puis, lorsqu'on arrive
dans l'applicabilité, il faut, comme politiciens, qu'on y pense et qu'on essaie
de trouver des solutions avant et non pas quand que le problème va…
Le Président (M.
Bergman) : M. Gervais.
M.
Gervais (Michel) : Cette modalité de supervision à distance me paraît
quelque chose de très valable et très possible.
On fait de la télépsychiatrie de façon efficace, on fait de la téléradiologie,
on pourrait très bien avoir quelqu'un à distance qui supervise l'administration
des soins de fin de vie en la présence de… Mettons qu'il y a trois médecins puis les trois médecins ne sont pas d'accord, vous
avez raison, on ne peut pas déplacer la personne comme ça, c'est un droit qu'elle a, et il faut, nous, trouver le
moyen de, concrètement, lui offrir le service que la loi lui autorise à
recevoir. Je pense, c'est ça, le principe.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Juste pour compléter avant de passer la
parole.
Le Président (M.
Bergman) : …temps pour un commentaire seulement. M. le député
de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Ce n'est seulement que pour
dire : Ça va être des problèmes pratiques que j'aimerais qu'on
discute lorsqu'on va faire l'étude détaillée. Parce que, lorsque ça va
survenir, après ça, on va dire : Pourquoi est-ce qu'on n'y a pas pensé
avant? C'est le genre de problème qu'on va être appelés à discuter.
Le Président (M. Bergman) :
Malheureusement, le temps pour ce bloc s'est écoulé. Pour le deuxième groupe d'opposition,
Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Merci de votre présence. En fait, je vais poursuivre
dans la même voie. Il y a une notion
d'applicabilité aussi dans cette… Puis on sent que vous êtes en faveur avec le
projet de loi, c'est certain. Puis, quand on regarde un petit peu l'historique
des pays qui ont commencé avant nous à le permettre, quand on regarde la Belgique, entre autres, qui permet,
dans le fond… Eux autres, c'est l'euthanasie, là, mais, bon, en 2003,
quand ils ont commencé, ils ont eu 235 cas.
Alors, sur une population qui est de 11 millions, on peut s'attendre à peu près
à la même chose au Québec. Alors,
finalement, si on se retrouve avec peut-être 150, 200 cas sur 60 000 décès
annuellement, on voit que ça va être une
infime partie des décès qui vont être soumis à cette loi-là. Et la complexité,
effectivement, d'offrir le service
dans l'ensemble des régions du Québec, bien, à ce moment-là… et l'expertise
aussi. Parce qu'il ne faut pas oublier, là, que, comme médecin, la journée où on met ce projet de loi là en
place, c'est une chose, mais l'expertise des médecins, du corps médical et de l'équipe multidisciplinaire,
la même chose, elle n'est pas là, elle va débuter avec l'application de la loi.
Alors, je me demande : Est-ce qu'on ne
devrait pas… Tantôt, on a parlé de télémétrie ou à distance. Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt, dans chaque région,
identifier des professionnels qui sont intéressés à cette pratique-là,
de soins de fin de vie, qui sont probablement déjà en place parce qu'il y a,
dans la majorité des régions, des équipes de soins palliatifs? Est-ce qu'on ne devrait pas s'adresser à ces équipes-là, de
façon à mettre déjà en place des ressources? Parce que le médecin, qu'on
mette la responsabilité au DSP ou au médecin qui est là, à qui va-t-il référer?
Et qui va être assez «willing» — excusez l'anglicisme, là — pour
commencer, débuter cette pratique-là? Et ça, je sens d'emblée que, dans le corps médical et dans les… ça… il risque
d'y avoir un petit peu de freins et de dire : Bon, bien, qui… ça va-tu
être moi, le premier qui commence ça? Alors,
je pense… Je ne sais pas si on ne devrait pas déjà penser à mettre en place,
par région, des équipes spécialisées
d'experts parce que, quand… on peut espérer peut-être
avoir 200 cas, mais avoir déjà des équipes de référence, est-ce que c'est
une avenue qui est, selon vous, potentiellement valable?
Le Président (M. Bergman) :
M. Gervais.
M. Gervais (Michel) : En fait, ça
existe actuellement, au moins dans certaines régions, parce que les… Par
exemple, ici, dans la région de la Capitale-Nationale, La Maison Michel
Sarrazin est un lieu d'expertise auquel les gens
réfèrent pour savoir qu'est-ce qu'on fait dans tel cas. Et c'est sans doute
une bonne voie de s'assurer que, dans les régions, il y a des équipes d'experts qui… enfin, un groupe de
personnes, interdisciplinaire, qui est en mesure de porter jugement.
Puis
il faut dire aussi qu'il y a un aspect de nouveauté certainement dans ce projet de loi, c'est l'aide médicale à mourir, mais la
sédation palliative terminale se pratique depuis des années.
Une voix : …
M. Gervais (Michel) :
Pardon? Effectivement, vous parlez précisément de l'aide médicale à mourir, là.
D'accord.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. M. Gervais, Mme Lavallée,
Dre Pelletier, Dr Lamarre, merci pour votre présentation. Merci de
partager votre expertise avec nous.
Collègues,
la commission ajourne ses travaux jusqu'à
demain, jeudi le 19 septembre 2013, après les affaires courantes, afin de poursuivre la consultation particulière
et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52. Merci, collègues.
(Fin de la séance à 12 h 57)