(Neuf
heures trente-sept minutes)
Le Président (M.
Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission de la
santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
La
commission est réunie afin de procéder à des auditions publiques sur le mandat
conféré par l'article 77, Loi sur le tabac, sur l'examen du rapport
sur la mise en oeuvre de la Loi sur le tabac 2005-2010.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire :
Non, M. le Président.
Auditions (suite)
Le Président (M. Bergman) :
Alors, collègues, ce matin, nous avons le Conseil québécois sur le tabac et la
santé, suivi d'Imperial Tobacco et l'Association canadienne des dépanneurs en
alimentation. Cet après-midi, nous allons
recevoir Réseau du sport étudiant du Québec, le directeur national de la santé
publique, l'Association pulmonaire du Québec et enfin l'Association des
pneumologues. Nous allons ajourner nos travaux ce soir à 18 heures.
Alors, je souhaite la
bienvenue maintenant au Conseil québécois sur le tabac et la santé. Je vous
souhaite la bienvenue. Vous avez
15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les
membres de la commission. Aussi, pour les fins de cette audition,
mentionnez vos noms, vos titres et ceux qui vous accompagnent. Et le micro, c'est
à vous, monsieur.
Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS)
M. Bujold (Mario) : D'accord. Merci beaucoup, M. le Président. Je suis Mario Bujold. Je
suis directeur général du Conseil québécois sur le tabac et la santé.
Et, au nom de mon organisme, je veux remercier, dans un premier temps, la
commission de nous avoir invités à faire part de nos commentaires sur une
analyse du rapport de mise en oeuvre et nos réactions à ce rapport-là.
Je
vais vous présenter les deux personnes qui m'accompagnent ce matin. Il y a le
Dr André-H. Dandavino, qui est médecin
en pratique privée, qui est coroner, représentant de l'association Médecins
francophones du Canada et président du
conseil d'administration de notre organisme également, et Mlle Riney Chen, qui
est adolescente, de toute évidence, et qui
est préoccupée par le problème du tabagisme, et qui est engagée également dans
le programme La gang allumée, qui est
un de nos programmes, et qui est la première, en fait, adolescente à prendre la
parole dans le cadre de ces audiences. Et
c'est intéressant, parce qu'on parle beaucoup de notre souci de prévenir le
tabagisme, eh bien, elle fait partie du groupe qui seront les adultes de
demain et qui sont les adolescents d'aujourd'hui. Donc, on trouvait intéressant
d'avoir son point de vue également ce matin.
Notre
organisme oeuvre à réduire le tabagisme au Québec depuis plus de 37 ans,
en collaboration avec un grand nombre d'intervenants. Notre mission est
simple et claire : vers un Québec sans tabac. Donc, c'est l'orientation
que nous nous donnons. Et notre vision est de réduire la consommation du tabac,
au Québec, à 10 % en 2025.
• (9 h 40) •
J'étais
ravi, hier, d'entendre les membres de la commission parler, dans le fond, de
leur souci de faire avancer les choses,
de faire progresser, d'adopter de nouvelles mesures pour réduire le tabagisme
au Québec. C'est une très bonne nouvelle et ça correspond tout à fait à
la vision que nous avons des choses également. Cette volonté que j'ai sentie
des membres de la commission, elle est essentielle pour faire avancer les
choses et sortir le Québec de la situation qu'on connaît depuis plusieurs
années, où, comme vous le savez, il y a un taux de tabagisme qui stagne autour
de 24 %. Et rappelons-nous qu'au Québec on compte toujours
1,5 million de fumeurs, que, chaque heure — donc, jour après
jour — chaque
heure, une personne meurt du tabagisme au Québec. On l'a déjà dit, le tabac, le
tabagisme est la première cause de mortalité évitable au Québec. C'est vous
dire toute l'ampleur de cette question-là. Et un fumeur régulier sur deux
mourra de sa consommation de tabac. Donc, quand on n'a que ces quelques
statistiques là, on voit que la situation a de quoi être très inquiétante et
préoccupante, notamment pour le gouvernement.
Un fait important
également, c'est que le tabagisme n'a pratiquement pas diminué durant la
période qui a été couverte par le rapport de mise en oeuvre de la Loi sur le
tabac. En fait, on est passés d'un taux de tabagisme à peu près similaire en
2005 et en 2010, il y a eu 1 % de différence, alors qu'on avait eu une
baisse de 5 % entre 2000 et 2005. Donc,
la dernière période qui couvre le rapport de mise en oeuvre de la loi, on voit
que le tabagisme a beaucoup moins diminué que ce qu'on avait connu dans
les années précédentes. C'est donc clair pour nous qu'il faut faire plus, il faut faire les choses de façon plus musclée,
également, pour arriver à faire en sorte qu'on ait une meilleure situation
en ce qui a trait au tabagisme au Québec.
Je le disais, le Québec compte 24 % de
fumeurs. Notre province voisine, l'Ontario, a un taux de tabagisme de
19 %. Est-ce que le Québec n'aurait pas avantage à se doter de mesures
beaucoup plus importantes, beaucoup plus efficaces pour arriver à atteindre un taux de
tabagisme qui pourrait se comparer davantage à une province qui vit,
dans le fond, dans une réalité qui est semblable à la nôtre?
Les membres de cette commission et, par leur
entremise, le gouvernement du Québec ont devant eux une opportunité
extraordinaire d'améliorer la santé publique, et à faible coût, parce que la
plupart des mesures qui sont demandées dans
le cadre de cette commission-là, ici, seraient très peu coûteuses, dans les
faits, et permettraient de faire des
gains importants en termes de santé publique. Évidemment, nous invitons à la
fois les membres de cette commission et le gouvernement à faire preuve
de courage politique en sortant des sentiers battus, pour le plus grand bien
des Québécois, et nous permettre vraiment d'améliorer la santé publique de
façon générale.
Je vais maintenant laisser la parole au Dr
André-H. Dandavino, le président du conseil d'administration de notre
organisme.
M.
Dandavino (André-H.) : M. le
Président, mesdames, messieurs, ce qu'on va faire, c'est un survol de
certains des effets de la fumée secondaire
sur la santé. Alors, la fumée secondaire a un impact important sur la santé des
adultes et des enfants. «La fumée secondaire
a un impact important sur la santé des adultes et des enfants.» Alors, je ne me
répète pas, mais je me cite pour que tout le
monde comprenne très bien l'importance de cette problématique. Cette fumée
peut gravement affecter la santé de la population lorsqu'elle se propage dans
les lieux fermés, soit dans les maisons, les voitures, les lieux de travail et
dans certains lieux ouverts, même les terrasses, et autres lieux de proximité
avec les fumeurs. Il n'existe aucun, aucun niveau sécuritaire d'exposition à la
fumée secondaire, et sachez et rappelez-vous également
qu'il n'y a… aucun système de ventilation ne permet d'éliminer totalement les
particules de cette fumée nocive.
Les personnes
qui ne fument pas et qui sont régulièrement exposées à la fumée secondaire ont
un risque accru de cancer du poumon, de cancer des cavités nasales, de
crise cardiaque, d'accident vasculaire cérébral, de problèmes respiratoires, de
pneumonie, de bronchite, d'asthme et de toux chronique. La fumée secondaire
aggrave aussi les conditions existantes d'asthme, de bronchite chronique et
autres maladies respiratoires. Une exposition à la fumée secondaire aussi
courte que de huit à 20 minutes est suffisante pour augmenter le rythme
cardiaque et la tension artérielle, deux causes reliées aux accidents vasculaires
cérébraux et aux crises cardiaques.
Dans ma
pratique de médecine en GMF, et en clinique-réseau, et en médecine
hospitalière, que je fais encore, je suis obligé, malheureusement, trop
souvent d'annoncer à quelqu'un qu'il va mourir. Je suis obligé de leur dire qu'à
partir du moment présent le chronomètre est
parti. Alors, vous avez quelque chose à soutenir qui est difficile à
soutenir, c'est le regard, le regard de ces
gens qui sont, premièrement, incrédules, deuxièmement, qui sont un peu choqués,
jusqu'à temps qu'ils réalisent leur
situation. À partir de ce moment et avant
que la sérénité approche, on doit les accompagner non seulement dans l'évolution de leur maladie, mais tous les à-cotés de cette
maladie, c'est-à-dire arrêter de vivre comme ils vivaient auparavant,
penser à ce qui s'en vient, les investigations, les examens, les temps d'attente
dans les urgences parce qu'il va y avoir des surinfections, les temps des
attentes dans nos lits d'hôpitaux. Et
également ils vont être obligés de mettre de côté une partie de leur
vie, c'est-à-dire la possibilité de jouer avec des petits-enfants, la
possibilité d'aller les voir recevoir leurs diplômes, etc.
Mais, en plus
de ça, cette maladie qui touche les gens… ces gens-là touche également,
de façon directe, 40 personnes, c'est-à-dire 40 personnes que
leur vie va changer, qui vont être obligées d'accompagner leur parent, ou leur
conjoint, ou leur ami dans les salles d'urgence, les accompagner, prendre des
journées de congé pour aller à l'hôpital pour les soutenir, qui vont être obligées également
de mettre de côté leur propre vie pour aider cette
personne-là. Alors, ces 40 personnes, ça veut dire que, chacun de nous,
ici, multiplié par 40, on a déjà atteint beaucoup, beaucoup de personnes.
Et, à la fin,
ces gens-là, il
faut que je les prépare à souffrir quelque chose de difficile, c'est-à-dire avoir… manquer d'air. La douleur, je suis
habitué à gérer la douleur; pour nous, c'est des recettes, là, c'est facile. On
gère la douleur selon la demande du patient. Mais gérer la… manquer d'air, l'impression
d'étouffer, c'est quelque chose de difficile, d'énorme. Alors, dans ma vie de
tous les jours, ce qui me touche le plus, c'est le regard de ces personnes-là.
Alors, les
travailleurs non-fumeurs exposés de manière involontaire à la fumée secondaire
ont un risque de cancer du poumon
augmenté de 16 % à 19 %. Ça, ça va jusqu'à 50 % pour les
employés des restaurants et des bars. Les femmes enceintes régulièrement
exposées à la fumée secondaire sont plus à risque de faire une fausse couche et
d'avoir un enfant de faible poids. Les
enfants exposés à la fumée secondaire présentent un risque accru d'infection
des poumons, telle que la bronchite, la pneumonie, et souffrent
également davantage que les autres d'otites, de toux chronique et de problèmes
respiratoires. Alors, la fumée secondaire aggrave les conditions médicales déjà
présentes chez l'enfant, telles que l'asthme
et la bronchite, et de plus un enfant exposé à la fumée secondaire a davantage
de risques de souffrir d'asthme qu'un enfant qui vit dans un
environnement sans fumée. Mais aussi c'est des enfants qui vont attendre à la salle d'urgence, qui vont pleurer, c'est des
parents qui vont se lever à 5 heures du matin pour se mettre en ligne dans
une clinique pour avoir un rendez-vous, c'est
des parents qui vont manquer ou perdre des journées d'ouvrage, et
également c'est le commencement aussi de passer à la caisse enregistreuse, parce
que tous ces problèmes-là reliés à l'utilisation du tabac de façon indirecte
peuvent amener au système de santé des coûts, et des coûts plus importants.
Selon une récente enquête de Statistique Canada,
les Québécois âgés de 12 à 19 ans sont plus exposés à la fumée secondaire
dans les lieux publics comprenant des aires extérieures, tels que les entrées
et les terrasses des restaurants, que les
non-fumeurs plus âgés. Dans cette enquête, 27,6 % des Québécois âgés de 12
à 19 ans, soit presque 124 000
jeunes, 124 000 jeunes, ont déclaré avoir été exposés à la fumée
secondaire dans les lieux publics comparativement à 17,9 % chez les
20 à 34 ans et 9,5 % chez les 35 à 44 ans, ce qui est important.
Or,
si on regarde autour de nous, si on se compare un peu et si on arrête de se
regarder, on peut savoir queplusieurs
provinces ont adopté des lois qui interdisent de fumer sur les terrasses depuis
quelque temps, soit Terre-Neuve-et-Labrador, l'Alberta,
la Nouvelle-Écosse, et certaines municipalités ont aussi adopté des règlements
qui vont dans le même sens, des villes comme Ottawa, Vancouver, Kingston,
Thunder Bay et Saskatoon.
Autre
point important, l'exposition à la fumée secondaire dans un habitacle restreint comme une voiture représente un
risque évident pour la santé de ses occupants, particulièrement pour les
enfants. Malheureusement, le Québec, dit société distincte — j'en
suis même un peu gêné et même un peu outré — est la seule province
canadienne, la seule province canadienne, à ne pas avoir légiféré pour
interdire de fumer dans les voitures en présence d'enfants.
Ceux
qui ont plus d'expérience de vie se
rappellent qu'il y a 30 ou 40 ans, sur les autoroutes, on voyait
des fumoirs ambulants, des bocaux avec plein de fumée, avec les deux
parents qui fumaient en avant, et qui circulaient sur nos routes avec des
enfants qui étaient embués. Heureusement, dans ce temps-là, à toutes les 15,
20 minutes, les enfants pouvaient
espérer qu'on arrive à un poste de péage pour que le conducteur puisse baisser
la vitre et enfin avoir un peu d'air libre. Et je ne voudrais pas que
ceci soit retenu comme une solution, des fois que vous pourriez remettre des
postes de péage pour ça.
Alors,
finalement, la concentration de fumée secondaire sur les
terrasses des restaurants et des bars, quand les gens sont à moins d'un
mètre de distance, c'est-à-dire un peu plus qu'une longueur de bras, atteint
souvent un niveau aussi élevé que la concentration de fumée secondaire que l'on
peut retrouver dans un lieu intérieur. Le niveau des particules fines de la fumée de tabac dans un lieu extérieur où il est
permis de fumer peut être jusqu'à 16
fois plus élevé que celui qu'on retrouve dans un lieu avoisinant qui est
sans tabac. Si vous rajoutez la présence, sur les terrasses, par exemple, des
toits, des petits toits ou des ombrelles, vous augmentez cette problématique.
Une étude…
• (9 h 50) •
Une voix :
…
M. Dandavino (André-H.) : Alors, compte tenu des risques pour la santé
associés à des expositions de la fumée secondaire, nous recommandons d'interdire
de fumer dans les terrains de jeu pour les enfants, sur les terrasses des restaurants, de protéger nos enfants en
interdisant de fumer dans les voitures en présence d'enfants. Et également on
pourrait également ajouter que, dans tout endroit public, que ça soit des
édifices publics du réseau de la santé ou d'éducation de même que des endroits où il y a des activités sportives, de loisirs
ou éducatives, culturelles ou artistiques,
il soit interdit de fumer, pour empêcher que les gens soient en contact
avec cette fumée, comme par exemple dans les logements où il y a une tierce
personne, c'est-à-dire plus que d'un logement.
Alors, merci beaucoup
de m'avoir permis de faire un bref survol pour remettre un peu de cette information.
M. Bujold
(Mario) : Je vais maintenant laisser la parole à Riney Chen.
Mme Chen (Riney) : Bonjour. Selon les dernières statistiques, on sait qu'il y a 22 % des adolescents qui fument la cigarette ou le cigarillo, et ça, c'est
principalement, entre autres, dû aux nouveaux produits qui sont mis sur le
marché par les compagnies de tabac. Par exemple, des emballages comme celui-ci,
il y a des belles couleurs, ça s'ouvre, on peut
détacher facilement pour partager avec les amis, ou encore l'ajout de saveurs.
Comme, ici, j'ai fraises et bleuets. La première fois que j'ai vu ces
emballages, moi, vraiment, j'ai cru que c'était un emballage d'un paquet de
bonbons. Et aussi celui-là, j'ai demandé à mon frère, puis mon petit frère, il
m'a dit que ça avait l'air d'une tablette de chocolat, et je suis entièrement d'accord avec lui, ça avait l'air d'une tablette
de chocolat, c'est délicieux, c'est bon. Et aussi cet emballage ici, c'est
ma mère qui me l'a dit qu'il avait l'air d'un bâton de rouge à lèvres. C'est
joli, c'est doré, c'est petit, c'est facile à transporter. Et donc ces
produits, de même, sont faits pour attirer les jeunes fumeurs.
Et
je sais… je suis convaincue que les compagnies de tabac, elles vont vous dire
que non, ce n'est pas vrai. Mais moi,
en tant que… faisant partie du public cible, je peux vous dire que cet
emballage-là, quand je l'ai vu, j'ai vraiment voulu l'essayer pendant
une fraction de seconde, alors que j'ai lu plein d'articles sur les méfaits de
la cigarette.
Et
donc moi, je ne comprends pas comment on peut laisser ces compagnies mettre en
marché des produits pareils alors qu'on
connaît les conséquences. Et, ces produits, on sait qu'ils sont une des
principales causes de décès au Québec.
Et
je suis ici aujourd'hui parce que je sais qu'au Québec on est capables de faire
mieux que ça, je suis convaincue qu'on
peut faire mieux que ça. Et donc, au nom de tous les adolescents qui, comme
moi, désirent apporter un changement, qui sont préoccupés par le danger
de ces produits, je propose d'abord qu'on standardise les emballages, comme par
exemple celui-là, standardiser les
emballages, incluant la couleur, les motifs où, comme vous voyez, on puisse
facilement se débarrasser de l'avertissement
qui est sur l'emballage, et aussi de standardiser les produits comme celui-ci,
des cigarettes qui sont plus petites, plus minces pour attirer les
filles comme moi qui veulent rester… qui veulent être élégantes. Et finalement,
pour éviter que les compagnies de tabac trouvent d'autres moyens de contourner
la loi, je voudrais qu'on impose un moratoire aux nouveaux produits pour les
empêcher de mettre d'autres objets pareils sur le marché.
Le
Président (M. Bergman) : Merci beaucoup, Mme Chen, merci pour
votre présentation. Et maintenant, pour le bloc du gouvernement, Mme la
députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
Merci, M. le Président. Bonjour à vous. Bienvenue à cette commission. Écoutez,
je voudrais, bon, remercier le Dr Dandavino
pour votre présentation. J'ai trouvé que c'est une présentation empreinte d'empathie.
Et, ce que vous nous avez présenté comme impacts du tabac, je trouve que ça a
apporté beaucoup. Et, Riney, je trouve ça... je te félicite
pour ton engagement, premièrement, comme adolescente, de prendre la peine de t'être
préparée pour venir rencontrer des parlementaires. Et je pense que je débuterais avec quelques questions
pour toi avant de revenir à M. Bujold.
Explique-moi qu'est-ce qui fait... Est-ce que je
peux te demander ton âge?
Mme
Chen (Riney) : 15 ans.
Mme Proulx :
15 ans. Qu'est-ce qui fait qu'une fille de 15 ans a décidé de s'impliquer
dans cette cause, de s'engager dans cette cause de lutte au tabagisme? C'est
quoi, ta perception des ravages du tabac chez les jeunes?
Mme Chen (Riney) : Bien, en fait, le fait que le tabac cause beaucoup plus de décès que
les meurtres, les accidents de
voiture, les suicides, tout ça réuni. Moi, je pense que c'est juste énorme puis
que c'est plein de meurtres qu'on ne prend pas assez au sérieux.
Mme
Proulx : Et tu nous présentes, là, plein de facteurs attrayants
que l'industrie du tabac a développés pour aller chercher... en fait,
susciter l'intérêt des jeunes. Est-ce que tu penses qu'il y aurait quelque
chose qui pourrait être fait pour contrer ce facteur attrayant là? Toi-même, tu
disais que tu as regardé ça et, même si tu es bien consciente des méfaits du
tabac, tu as quand même eu une petite pensée que peut-être que ce serait le fun
de le tester ou de le goûter tellement c'est
intéressant. Mais est-ce que tu penses qu'il y a moyen, dans l'esprit des
jeunes, de contrer ces messages-là pour les sensibiliser au fait que, s'ils
vont de l'avant, les jeunes se font avoir carrément par des compagnies de
tabac?
Mme Chen
(Riney) : Bien, pour ça, moi, je pense que c'est la prévention qui est
importante. Dans notre école, moi, je fais
partie de La gang allumée de mon école, on fait beaucoup de prévention. Et c'est
pour ça aussi... c'est grâce à ça qu'au
début… Quand on a commencé — bien, pas moi, mais La gang allumée — à l'école, je pense que c'était
25 % fumeurs. Et, grâce à toute la prévention qu'on a faite, maintenant on
est rendus à 2 %. Et ce 2 % là, il fume à l'extérieur du terrain d'école.
Mme
Proulx : Mon Dieu! Donc, bravo! Bravo! C'est un impact quand
même très, très concret, là. Et qu'est-ce que c'est, La gang allumée?
Mme Chen
(Riney) : C'est un programme de... Je pense que...
M. Bujold
(Mario) : Je peux peut-être donner plus de détails.
Mme Proulx :
Oui, oui.
M. Bujold (Mario) : C'est un programme de mobilisation des jeunes à travers tout le Québec.
Il y a vraiment plusieurs centaines d'écoles et de maisons de jeunes qui
participent à travers le Québec. Et ce sont les jeunes qui définissent
eux-mêmes des projets pour prévenir le tabagisme chez les autres jeunes.
Mme Proulx :
Et est-ce que tu aurais un message particulier à transmettre à nous, les
parlementaires, qui sommes là pour éventuellement voter des lois, et analyser
des situations, et tirer certains constats?
Mme Chen (Riney) :
Pas vraiment. Mais j'aimerais vraiment qu'on puisse améliorer la situation
actuelle.
Mme Proulx :
Donc, passer à l'action?
Mme Chen
(Riney) : Oui.
Mme Proulx :
Parfait, merci. M. Bujold… M. le Président, je peux aller de l'avant, oui?
Le Président (M.
Bergman) : ...
Mme Proulx :
J'aurais une question. Vous avez mentionné, dans votre présentation, qu'on
constate une stagnation de 2005 à 2010. Le
rapport de mise en oeuvre démontre que le taux de... le niveau de tabagisme a
stagné, alors que, dans la période de
2000 à 2005, on avait, si j'ai bien compris, constaté une diminution de
5 %. À quoi vous attribuez cette stagnation? Qu'est-ce qui fait qu'on
n'a pas réussi à diminuer le taux de tabagisme? Est-ce que — et je
vous soumets quelques pistes — la loi devrait être appliquée de manière
plus coercitive? Est-ce qu'on a un manque du côté de l'application de la loi?
Est-ce qu'il y a des éléments, dans la loi, qui ne sont pas là, qui devraient
être là? C'est quoi, votre compréhension de cette stagnation?
Le Président (M.
Bergman) : M. Bujold.
M. Bujold
(Mario) : Merci, M. le Président. Dans une situation comme celle-là, c'est
sûr qu'on ne peut pas identifier un seul facteur. C'est un ensemble de
facteurs. On en a parlé hier, entre autres lors des audiences de la commission, la question de la taxation. On l'a dit
à maintes reprises, mais je le répète : Les taxes sur les cigarettes, le
coût des cigarettes et le fait de hausser
son coût, c'est un élément extrêmement dissuasif pour les fumeurs. Ça les amène
à cesser de fumer ou à ne pas commencer à fumer. Et malheureusement, au
Québec, on a le plus bas taux de taxation au pays. Et, pendant les années dont
vous parlez, 2005 à 2010, bien, la taxe est restée la même, et on n'a vraiment
pas eu d'augmentation de ce côté-là. Ça, c'est un aspect en tant que tel.
Durant
cette période-là aussi, on a connu un problème avec la contrebande, problème
qui est beaucoup mieux géré maintenant, beaucoup mieux réglé, mais ça
faisait en sorte aussi que l'attrait… ou la disponibilité des produits du tabac était beaucoup plus grande et facile
d'accès, autant pour les jeunes que pour les adultes. Évidemment,
ça, tout ça...
Dans les mesures qui ont été mises en place dans
la loi comme telle, je pense que les mesures ont porté fruit, les mesures ont
eu un bon effet. Mais c'est sur d'autres aspects parallèles à la loi où on
aurait dû agir de manière plus importante,
comme je disais, la taxation, mais aussi en termes de prévention. Riney
parlait de l'importance de prévenir le tabagisme.
Si on veut éviter que les jeunes commencent à fumer, il faut
être présents, il faut avoir des moyens, il faut avoir des campagnes, il faut
être... Il faut que le message passe de façon
encore plus claire, parce que les jeunes se retrouvent dans un environnement
où ils sont constamment sollicités, on le mentionnait, avec les produits...
Alors, c'est facile et c'est attrayant, pour
des jeunes, de tomber dans le piège du tabac. Et alors c'est pour ça qu'on doit
contrer ça, par, vraiment, une sensibilisation, par une mobilisation des
jeunes, par des actions dans ce sens-là.
Il y a les jeunes puis il y a les gens qui
fument. En fait, c'est deux groupes importants. Parce que, les gens qui fument aussi… On le sait par différents sondages,
63 % des fumeurs veulent cesser
de fumer dans les six prochains mois, selon les plus récentes données.
Donc, ce n'est pas parce que les fumeurs ne veulent pas cesser, c'est parce que
c'est difficile de se défaire de cette dépendance-là. Donc, je pense qu'on
aurait pu faire davantage pour aider les fumeurs, faire davantage pour prévenir
le tabagisme. Et on aurait probablement eu des meilleurs résultats avec tout
ça.
• (10 heures) •
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
Juste une dernière question pour Riney. Parce que vous parlez d'augmenter les
taxes, et on entend, chaque fois qu'il est question de ça, l'industrie
qui répond : Oui — ou
d'autres groupes — si
on augmente les taxes, on augmente la contrebande et on ne règle pas le
problème, finalement. Mais en même temps je pense que c'est très intéressant ce
que vous dites. Il y a deux groupes : il y a les jeunes qu'on tente d'attirer
par tous les moyens vers le tabagisme, mais il y a les fumeurs qui sont déjà
dépendants et qui cherchent, eux, à se défaire de cette dépendance.
Moi, j'aurai
une question pour Riney. Dans ton école, tu mentionnais qu'il y avait à peu
près 25 % des jeunes qui fumaient,
et maintenant il n'y en a presque plus. Quand il y avait des fumeurs à ton
école, est-ce que les jeunes fument uniquement
de ces produits-là ou si tu as vu des jeunes fumer des cigarettes tout à fait
banales et plates dans un Ziploc, des
cigarettes de contrebande? Est-ce que la contrebande, c'est présent chez les
jeunes, les cigarettes de contrebande?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Chen.
Mme Chen
(Riney) : Bien — merci — en fait, ça, je ne pourrais pas le dire
parce que je n'étais pas encore à cette école quand c'était à 25 %.
Désolée, je ne peux pas... Mais j'ai...
Mme Proulx : Toi, est-ce que
tu en as vu, des jeunes... Est-ce que, selon ta connaissance, les jeunes fument
seulement ces produits-là ou s'ils fument des produits qui sont moins attirants?
Mme Chen (Riney) : Ça, je ne le
saurais pas. Désolée.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Ah! Merci. Ça…
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Merci, M. le Président. Bonjour, merci d'être là. Merci, chère jeune fille, parce
que
de venir nous parler de ton expérience, ça nous donne aussi l'opportunité d'avoir
accès à du terrain et à la réalité des jeunes. D'ailleurs, c'est un
groupe qu'on veut s'attarder de façon importante, parce qu'on nous dit que, justement,
quand les jeunes sont attirés vers la cigarette, ils deviennent des fumeurs
potentiels pour plusieurs années de leur vie.
Alors, ce que
je trouve intéressant, M. Bujold, vous avez parlé de Gang allumée, c'est
le projet qu'il y avait dans ton école.
Hier, on nous a parlé aussi... un groupe nous a dit que, oui, il y a
de la sensibilisation, oui, mais il faut que ça soit soutenu,
il faut que ça soit encadré, il faut... Il ne faut pas que ça soit lancé juste
un peu comme ça, il faut qu'il y ait un support. Puis souvent, quand ça
vient des jeunes eux-mêmes, ce que je trouve intéressant, quand ça vient des
pairs, donc les jeunes du même âge, ça a plus d'impact sur la conscientisation
des jeunes. Ça, c'est prouvé.
Alors, moi, ma question concrète, c'est : C'est
financé par qui, Gang allumée? C'est qui qui vous supporte là-dedans?
M. Bujold (Mario) : C'est au bon...
Le Président (M. Bergman) :
...
M. Bujold (Mario) : Merci. C'est au
bon endroit pour le dire. C'est le ministère de la Santé...
Mme
Gadoury-Hamelin :
O.K., qui finance...
M.
Bujold (Mario) : ...qui finance, en collaboration avec les directions
de santé publique à travers le Québec, effectivement.
Mme
Gadoury-Hamelin :
O.K. Puis ça peut s'implanter dans les écoles?
M. Bujold (Mario) : Oui. C'est un programme qui existe depuis plusieurs années, ça fait maintenant
17 ans que le programme existe. Donc, il y a eu beaucoup de
travail, beaucoup de travail…
Mme
Gadoury-Hamelin :
...parler, par exemple.
M. Bujold
(Mario) : Ça se comprend, parce que vous n'êtes pas la clientèle
cible, mais...
Mme
Gadoury-Hamelin :
Oui, c'est ça.
M. Bujold (Mario) : …mais c'est un programme qui est bien connu dans les écoles, dans les
maisons de jeunes, et puis qui est très actif aussi.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Qui est assez répandu, qui a descendu un peu partout...
M. Bujold (Mario) : Oui, oui, oui. C'est dans plus de 200 écoles
à travers la province, 200 écoles secondaires, là.
Mme
Gadoury-Hamelin :
O.K. Ah, bien, je trouve ça intéressant, je vais...
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Je vais m'assurer que c'est bien implanté chez moi, parce que,
la façon de rejoindre les jeunes, là, je trouve ça excellent.
Aussi,
on nous a dit hier que les jeunes arrivent encore à se procurer des produits du
tabac dans les dépanneurs, malgré le
fait qu'on ne doit pas vendre à des mineurs, et tout ça. Puis ça, c'est assez
présent. Ça, est-ce que tu peux nous parler de cette… Est-ce que
tu as été consciente de cette possibilité-là? Les jeunes n'en parlent pas nécessairement?
Mme Chen (Riney) : Bien, justement, comme j'ai dit plus tôt, dans mon école, on n'a
presque pas de fumeurs. Donc, c'est comme…
Mme
Gadoury-Hamelin :
Bien, bravo! Bravo.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Bravo. Écoutez, vous nous avez fait un bel exposé avec les conséquences. On en a entendu beaucoup depuis hier. Ça fait que je
vous remercie. Moi, c'était tout ce que j'avais à poser. Puis je te
remercie de ta présence.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député d'Argenteuil.
M.
Richer : M. le Président. Bonjour, messieurs. Mlle Chen,
félicitations! Merci d'être là. Je vais aussi commencer, si tu permets, par te questionner. Bien, les
jeunes, vous êtes des cibles idéales dans différents domaines. Je pense à la
mode, par exemple, où être bien habillé,
porter des marques spéciales, c'est important, tous les produits électroniques,
même, vous êtes un petit peu sollicités au
niveau des crédits bancaires, et tout ça. Et, pour avoir passé beaucoup de
temps, 34 ans de ma vie, dans
des écoles, j'avais observé quand même qu'il y avait une pression sociale qui s'exerçait
chez les jeunes. Est-ce que cette
pression-là des jeunes fumeurs sur les non-fumeurs, elle existe? Les gens qui
utilisent les produits dont tu nous as parlé, est-ce qu'il y a une pression sociale sur les jeunes non-fumeurs pour
adhérer finalement? Est-ce que tu as pu observer ça?
Mme Chen
(Riney) : Non, pas vraiment, parce que mes amis et moi, on n'est pas
fumeurs. Disons que je ne pourrais pas dire,
là, mais je pense que sûrement, oui. Comme le paquet que j'ai montré qui se
détachait, c'est fait pour… on peut partager avec des amis. Donc, il y a
sûrement que, si un copain commence à fumer, toute la gang va suivre, là.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député d'Argenteuil.
M.
Richer : Merci. M. Bujold, d'entrée de jeu, tantôt, vous avez
mentionné que vous souhaitiez qu'on sorte des sentiers battus. Vous nous avez indiqué quelques pistes à défricher. J'aimerais
ça vous entendre là-dessus, sur qu'est-ce que vous sous-entendez par le
souhait de sortir des sentiers battus.
Le Président (M.
Bergman) : M. Bujold.
M.
Bujold (Mario) : Oui.
Évidemment, Riney en a parlé aussi tantôt, la question des emballages, en fait
tout ce qui touche la promotion des produits, que ce soient les saveurs
dans les produits, qui sont ajoutées, que ce soit la question des emballages,
on en a parlé aussi beaucoup hier, toute la question de… puis c'est ce qu'on
demande aussi, qu'il y ait un emballage
standardisé et neutre, comme ça s'est fait en Australie, toute la question
aussi d'empêcher que de nouveaux produits soient mis en marché. Parce
que c'est tout ça; ce qui demeure une force pour les compagnies de tabac, c'est l'outil promotionnel que représentent
leurs produits. Et le fait d'aller dans cette direction-là, ce serait
courageux, parce que ça ne s'est pas fait
encore au Canada. On l'a vu en Australie, ça s'est fait puis ça s'est bien
fait. Puis il y a d'autres pays qui
sont en train de regarder ça. Mais ce serait vraiment un gain important pour le
Québec et, en termes d'impact, ce serait quelque chose qui serait
extrêmement profitable et prometteur. C'est un exemple.
Toute la question d'interdire de fumer aussi sur
les terrasses des bars, des restaurants également, ça serait une mesure, là,
qui nous permettrait de sortir des sentiers battus.
Alors, c'est
des exemples de mesures comme ça, puis il y en a d'autres que vous retrouvez
dans notre mémoire, mais essentiellement, là, c'est des mesures qui nous
permettraient de vraiment faire un pas de plus dans la bonne direction pour
réduire le tabagisme.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député d'Argenteuil.
M. Richer :
Merci, M. le Président. Dans la conclusion de votre rapport, vous mentionnez
que le bilan de mise en oeuvre est positif mais qu'il y a quand même des
lacunes. Donc, pour vous, l'application vraiment stricte et intégrale de la
politique actuelle ne sera pas suffisante, vous souhaitez qu'elle soit
bonifiée.
M. Bujold (Mario) : C'est clair. C'est
très clair. Et il y a des éléments, dans le rapport, où on ne savait pas exactement ce qui avait été fait. Il manquait un
peu de précision sur certains éléments. On l'a relaté. Il y a des
questions qui auraient été intéressantes de
pouvoir traiter à l'intérieur du rapport pour nous donner un meilleur portrait
de la situation et voir dans quelle mesure vraiment les mesures étaient
bien respectées. Par exemple, sur les terrains d'école, on sait qu'il y a une problématique, que ce n'est pas bien
respecté partout, que c'est variable, qu'il y a certains enjeux, mais le
rapport ne mentionnait pas comment pallier à
ces difficultés-là. Donc, ça aurait été, dans ce sens-là, souhaitable, là,
que des éléments soient soulignés, mentionnés en termes de stratégie pour pouvoir
améliorer les choses.
Il y a
différentes mesures, même si globalement le bilan est très positif, il y a
quand même différentes mesures, différents éléments qui peuvent être
bonifiés et qui vont vraiment permettre, là, de mieux… à la fois protéger la santé
des non-fumeurs mais aussi prévenir le tabagisme.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député d'Argenteuil.
M. Richer : Merci, M. le
Président. Ça couvre ma question.
• (10 h 10) •
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste 1 min 30 s.
Mme Proulx : Bon, une dernière question, M. Bujold. Dans l'application de la loi, qu'est-ce que vous pourriez recommander pour favoriser
une meilleure application, une meilleure surveillance? Est-ce que vous
souhaitez… Par exemple, je prends votre exemple de cours d'école,
comment on peut s'assurer de surveiller et de contrôler l'application de
la loi, que ça soit dans les dépanneurs, la vente de tabac aux mineurs, dans
les cours d'école? Comment vous voyez, là, une meilleure… une application plus
rigoureuse de la loi? C'est quoi, les moyens qu'on peut se donner?
Une voix : …
Le Président (M. Bergman) :
M. Bujold.
M. Bujold
(Mario) : Pardon, M. le Président. Oui. Il est certain que toute la question de l'inspection des
lieux reliée à la loi, c'est important, ce travail-là, et ça doit être fait vraiment
de façon continue et soutenue, et ça doit être fait de façon aussi à vraiment permettre des modifications dans des cas où il y a
des problématiques particulières ou des difficultés.
Donc, il faut que les milieux, par
exemple, où il y a
plus d'enjeux particuliers ou de difficultés à faire respecter la loi, il faut que ces
milieux-là puissent être soutenus, puissent être aidés pour vraiment faire en
sorte que la loi est bien respectée. Comme
vous le savez, la responsabilité de voir à l'application de la loi, par exemple, dans les écoles relève de l'école, donc il faut que les gens
dans l'école aient les outils nécessaires pour pouvoir bien faire leur travail
et avoir les bons éléments qui vont faire que la loi va être bien respectée.
Je pense
que la loi est très bien faite. Après ça, c'est de voir comment on s'assure
que les gens concernés dans les différents volets, que ce soient les
restaurants, les bars, les écoles, les hôpitaux, ainsi de suite… comment on s'assure
que ces gens-là ont tout ce qu'il faut, ont tout en main pour bien permettre un
respect de la loi optimal, là, dans tous ces
milieux-là. Et je pense qu'il y a des choses, il y a déjà des
pistes, on a déjà fait part aussi de suggestions dans ce
sens-là au ministère de la Santé. Mais c'est de voir, après ça, qu'est-ce qui
est fait concrètement, quelles sont les stratégies qui sont mises en oeuvre. Et
évidemment il faut avoir les ressources. Parce que le Québec est grand, et, si
on veut s'assurer que tous les milieux sont
bien couverts et qu'on a suffisamment d'inspecteurs pour faire le travail, bien, il
faut avoir les ressources nécessaires aussi.
Le Président (M.
Bergman) : Alors, ceci met fin au bloc du gouvernement. Maintenant,
pour le bloc de l'opposition officielle, et je prends la première question.
Dr Dandavino,
vous avez mentionné la question, et l'importance,
et le danger de la fumée secondaire, pouvez-vous nous parler, dans les
garderies, dans les autos, sur les terrasses, la question de fumée tertiaire
qui peut persister dans ces milieux longtemps après? Est-ce que vous pouvez
nous parler de cette question de fumée tertiaire?
M.
Dandavino (André-H.) :
Alors, M. le Président, vous êtes déjà en avance, parce que la fumée tertiaire,
ça va être une de mes prochaines causes.
Évidemment, la fumée secondaire, c'est un problème que nous connaissons tous,
mais évidemment on commence à trouver que
les gens qui retournent à la maison avec des vêtements où il y a des
reliquats de fumée, ça peut augmenter les problèmes de santé chez les personnes
qui n'ont pas été mises en contact avec la fumée secondaire, mais même avec des
éléments qui ont été en contact avec la fumée secondaire.
Et maintenant
il y a des études qui commencent à dire que… surtout chez les enfants, en
augmentation des taux d'asthme, d'otites, de surinfections. D'ailleurs,
c'est la première question qu'on pose aux gens qui vont dire : Bien, je fume dehors ou je fume en dessous de la
cuisinière, je dis : Oui, mais, quand vous fumez, vous transportez dans
votre maison la fumée sur vous. Alors, l'enfant
que vous prenez, vous cajolez, parce qu'il est bien beau, bien fin, bien
smatte, là, puis que vous l'embrassez, bien,
vous lui donnez un contact avec des éléments nocifs. Les éléments nocifs, il y
en a des milliers, il y en a 69 dans
une cigarette, qui sont cancérigènes, et ça, ça se retrouve dans le linge des
gens, donc ça se trouve aussi dans les endroits où l'enfant vit.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, si quelqu'un est sur une terrasse pour longtemps où il y a beaucoup de fumée, est-ce que ça va sur les vêtements, la
fumée tertiaire, et il peut apporter cette fumée tertiaire à la maison, vous
dites?
M. Dandavino (André-H.) : …le
transporter à la maison. De toute façon, là, s'il est sur une terrasse… Comme à Montréal, il y a des études qui ont été
faites par un professeur de l'Université de Baltimore, the Johns Hopkins, qui montraient qu'à Montréal, si vous êtes sur une terrasse, il y a
16 fois plus d'éléments de fumée que dans un endroit où il n'y en a
pas. Vous avez quatre ou cinq fois plus d'éléments nocifs de la cigarette, des
produits de tabac que dans le smog de Los Angeles. Alors, vous transportez
ça à la maison. Alors, quand on le transporte à la maison, c'est…
D'ailleurs,
les non-fumeurs ou les anciens fumeurs, les ex-fumeurs ne sont plus capables de
tolérer même l'odeur de la cigarette. Ceux qui ont cette… bien, malheureuse ou heureuse expérience savent qu'on transporte avec nous des
éléments de la fumée et les éléments de la cigarette.
Le Président (M. Bergman) :
Merci. M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord, félicitations pour votre présentation. Puis vous
avez apporté des éléments nouveaux. C'est intéressant parce qu'on va pouvoir en
discuter.
D'abord, M.
Bujold, vous savez que l'objectif de la commission, c'est de voir la mise en
oeuvre de la loi de 2005, et j'ai cru comprendre que, la loi 2005, vous
l'avez trouvée quand même excellente pour l'époque. Puis, ce que je comprends également, il y a eu des nouveaux
éléments, depuis ce temps-là, qui sont arrivés au niveau des emballages,
nouvelles stratégies des compagnies de
tabac. Mais, quand ça a été fait en 2005, ça avait été quand même une
révolution : abolition du tabagisme
dans les endroits publics, dont les bars. Je pense que, quelques années
auparavant, il n'y a pas grand personnes qui auraient pu penser qu'on
puisse le faire, également sur la publicité, la mise en place d'inspecteurs.
Globalement,
la loi de 2005, est-ce que vous trouvez qu'elle a quand même été bien
appliquée, sans dire que ce soit parfait, là, mais qu'elle a été quand
même bien appliquée?
M. Bujold
(Mario) : Oui, tout à fait. La loi a été bien appliquée dans l'ensemble des milieux
concernés. Comme je le mentionnais, il y a eu effectivement certains
endroits où il y a eu des problématiques particulières, puis le rapport en
faisait état. Mais globalement ça a été bien appliqué, oui.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Oui. Puis ce que je comprends…
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. Ce que je comprends également, là : on est rendus qu'il
faut faire une nouvelle loi pour aller plus loin. Puis, au niveau mondial également,
il y a des mesures qu'on regarde aujourd'hui qui n'avaient jamais été prises au niveau
mondial, on parle… Des fois, on a l'impression d'être deuxième ou troisième puis comme si on était en retard, mais
la réalité… Moi, j'ai rencontré hier l'ex-ministre de la Santé de l'Australie,
ça fait juste un an ou deux que c'est en application en Australie; puis il y a toujours
quelqu'un qu'il faut qu'il le fasse une
première fois pour qu'il y ait une deuxième. Sur 224 pays, si on est
deuxième, troisième, on ne serait quand
même pas si pire que ça, là.
Le Président (M. Bergman) :
M. Bujold.
M. Bujold
(Mario) : Je pense qu'effectivement le Québec démontrerait jusqu'à quel point il est préoccupé
par la question du tabagisme s'il adoptait une mesure comme ce qui a été fait
en Australie avec des paquets standardisés et neutres. Ce
serait une mesure extrêmement claire en termes de message à l'ensemble de la population.
Au-delà de l'effet que ça pourrait avoir… Parce qu'évidemment, comme on le mentionnait, c'est
un outil promotionnel extrêmement efficace.
Les compagnies de tabac vous diront que ça ne cible pas les jeunes, que c'est
pour les adultes, tout ça, et on les comprend de dire ça, là, mais on ne
partage pas ce point de vue là, mais il y a vraiment là un avantage important
en termes d'effet sur l'ensemble des
consommateurs de tabac et particulièrement chez les jeunes, qui sont très
attirés par les produits. Donc, le fait d'aller de l'avant avec une
mesure comme celle de l'Australie serait un grand pas dans la bonne direction.
Vous
disiez : Toute la question de l'interdiction de fumer sur les terrasses des
bars, des restaurants. Effectivement, j'étais
là au moment où le débat sur ces questions-là a eu lieu en 2004-2005, et c'était un gain important à ce moment-là. Mais maintenant on est rendus sept ans plus tard,
la société a beaucoup évolué, la science a beaucoup évolué également, on
a une meilleure compréhension des risques associés à la fumée secondaire. M. le
Président, vous parliez tantôt de la fumée tertiaire également. Ce n'est pas
des notions qui existaient ou qu'on connaissait bien il y a sept ans, alors qu'aujourd'hui,
bien, la situation est très différente.
Et je pense
qu'il faut être dans notre réalité de 2013 et regarder qu'est-ce qu'on peut
faire en termes de gains. Et je le disais tantôt dans ma présentation
aussi, hein : 24 % de taux de tabagisme au Québec, 19 % en
Ontario. Qu'est-ce qui explique ça? On est
dans des provinces qui vivent dans un environnement très semblable, en Amérique
du Nord, dans un même pays. Alors,
comment peut-on justifier, sinon que par des efforts, des mesures qui sont
faits de façon différente ici, au
Québec, que ce qui est fait en Ontario? Donc, c'est la preuve qu'on pourrait vraiment faire des gains importants
en termes de santé publique.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Je vais vous donner une autre statistique : la Colombie-Britannique est à
15 %. Donc, il y a des objectifs à
atteindre, mais je crois… En tout cas, sans vous sortir les études aujourd'hui,
je pense que le Québec est parti aussi d'un plus haut taux de fumeurs,
et culturellement, au Québec, ça a été plus difficile qu'en Ontario. Mais, à la fin, on veut tous atteindre le
même objectif. Puis moi, j'adopte votre objectif de 10 % pour 2025,
mais, avant d'atteindre 10 %, il faut
descendre à 15 %. Et d'ailleurs vous avez utilisé un mot ce matin, vous
voulez avoir des mesures «musclées»; moi, j'ai dit «des mesures costaudes».
Ça fait qu'on se rejoint assez bien à ce niveau.
Dr Dandavino,
bien, merci de la présentation, parce que vous avez apporté un nouvel élément,
également, au niveau médical, la
question de la dyspnée. Les gens ne se rendent pas compte… On parle souvent de
décès suite au tabagisme, on ne voit
pas de la souffrance au niveau des symptômes. Puis il faut avoir vu des gens,
pendant deux, trois ans, à bout de souffle, incapables de respirer, qui,
à la fin, vont mourir de leur dyspnée, puis que c'est plus difficile à soulager
que la douleur.
On parlait de
fumée tertiaire, je trouve que… Vous avez dit que ce serait votre prochain combat. Est-ce qu'on a des études, actuellement,
assez fiables pour dire que cet élément-là de fumée tertiaire devrait être
incorporé peut-être dans des mesures? Parce que
ça, ça va être important. On parlait des terrasses, on parlait des autos,
on parlait également… vous ne l'avez
pas mentionné, mais on parlait également des immeubles à logements où, lorsqu'on
fume dans les corridors, ça rentre dans les maisons, la question de la
ventilation. Pensez-vous que ça va être un des enjeux importants, la question
de la fumée tertiaire?
• (10 h 20) •
Le Président (M. Bergman) :
Dr Dandavino.
M.
Dandavino (André-H.) : Merci, M. le Président. Ce que vous avez expliqué,
effectivement, c'est qu'on part de loin. Pas dans votre temps, vous êtes
beaucoup plus jeune que moi, là, mais, dans mon temps, quand j'étais jeune, à l'urgence et sur les étages, les médecins et les
infirmières fumaient. Quand j'ai commencé à la clinique, chez nous, on
était la première clinique à interdire la
cigarette dans nos salles d'attente. J'ai été obligé d'appeler la police pour faire
sortir quelqu'un, les premières années, qui voulait… qui refusait d'arrêter de
fumer dans la salle d'attente. Et on mettait des
cendriers dans les salles d'attente où les gens venaient pour des problèmes d'asthme.
Alors, on part de loin. Et ce que vous avez très bien expliqué, c'est
que c'est une question de temps.
Maintenant,
il y a de plus en plus d'études qui vont démontrer, surtout en pédiatrie, qu'il
y a un effet nocif chez les enfants. Et puis il faut avoir entendu les
enfants crier dans la salle d'attente pour une otite ou la mère qui est toute fatiguée puis qui est un peu presque enragée parce
que ça fait trois heures qu'elle attend à l'urgence pour un problème
semblable. Mais les études commencent à démontrer de plus en plus qu'il y a un
effet direct entre la fumée tertiaire et les maladies, surtout en pédiatrie.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : M. le Président, j'attendais que vous disiez
mon nom. D'habitude, je parle toujours avant. Merci, Dr Dandavino. Mais,
pour mon âge, on n'en parlera pas là, mais moi, j'ai vécu une expérience similaire à vous — en passant, on n'a peut-être pas tant de
différence que ça. En 1989, je suis revenu pratiquer à Alma, au
Lac-Saint-Jean, puis j'ai été en Abitibi pendant sept ans auparavant, ma
première garde à l'urgence, je vais dans la salle d'attente de l'urgence, puis
il y avait des gens qui fumaient dans la salle d'attente de l'urgence. On parle
de 1989. Et là je suis allé voir la personne
puis j'ai dit : Vous devez… vous n'avez pas le droit de fumer ici. Puis
elle m'a montré la pancarte, qu'elle
avait le droit de fumer à l'urgence. C'était autorisé à l'époque de fumer dans
l'urgence. Puis il y avait un secteur pour les enfants puis pour les parents
non-fumeurs, puis il y avait un secteur pour les gens qui pouvaient
fumer, mais c'était la même salle d'attente.
Ça fait qu'au
Québec on a évolué énormément depuis ce temps-là. Et je pense que c'est des
mesures qui, comme elles, ont été prises
par… tous les gouvernements ont participé aux lois. Ce qu'il faut voir :
il faut évoluer vers autre chose, et c'est cette autre chose là que l'étape
va être importante.
Puis je vous dirais que les deux mesures qui
sont les plus difficiles à passer en termes d'acceptation de société… malgré que la fumée dans les autos, c'est
80 % des gens de la population qui l'acceptent — ça, je pense qu'il va y avoir la discussion là-dessus — mais, sur les terrasses, ça, ça va être un
enjeu. Puis ça va être pour ça que ça va nous prendre — on l'a
vu hier avec l'association des dépanneurs — des études pour voir c'est
quoi, la vérité scientifique, pour être
capables d'argumenter de ce côté-là. Et, d'un autre côté, également, il faut
comprendre la situation des gens des bars, que ça peut être un enjeu
important pour eux autres au niveau financier. Donc, il y a peut-être un
travail à faire à ce niveau-là. Puis moi,
là-dessus, je vous dirais qu'il faut en avoir une discussion franche et honnête
pour enfin atteindre l'objectif qu'on veut atteindre.
Mlle Chen,
félicitations, hein? Parce que moi, les gangs allumées, parce que j'étais
ministre de la Santé, je connais ça
très bien. À chaque année… Je savais qu'on vous finançait, et, à chaque année,
le ministère m'apportait des rapports très positifs sur votre façon de faire, et je pense que ça, ça a un impact
direct quand on parle de sensibilisation. Qu'est-ce que vous faites comme activités dans votre école pour…
avec La gang allumée? Puis comment ça fonctionne? Puis comment vous
voyez l'avenir avec La gang allumée?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Chen.
Mme Chen (Riney) : Merci. Nos
projets, est-ce que vous voulez que je vous parle de notre dernier projet? On a
fait un vidéo. C'est mon frère l'acteur du vidéo. Et on est allés voir des
adultes pour leur demander une cigarette, c'est mon frère qui est allé demander
une cigarette, eh bien, les adultes, normalement ils disent non, qu'on ne peut pas : Tu es trop jeune pour fumer. Et
après il partait en donnant un petit papier qui disait : Tu te
préoccupes de ma santé, mais as-tu pensé à la tienne? Donc, on sensibilise les
gens de même. Et notre vidéo, elle est sur YouTube. Et on a atteint… je
pense que c'est 30 000 vues. On est vraiment fiers de ça.
Mais, moi, c'est
sûr que… nous seuls, si on travaille… Si on est seuls, c'est sûr qu'on n'ira
pas nulle part. Mais on est… Au Québec, il y a plein de groupes de
jeunes comme nous, et je pense que, oui, ensemble on peut arriver à atteindre
notre but.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
…laisser la parole à ma collègue.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Merci. Alors, merci beaucoup de votre présentation. Merci, Riney, de ta
présentation. C'est très agréable d'avoir parfois un visage plus jeune
autour de la table pour nous faire part… On a, à la maison parfois, des jeunes
de ton âge qui nous en parlent, mais de l'entendre de quelqu'un d'autre, c'est
toujours un plus.
J'aimerais
connaître votre perception de la loi telle qu'elle est faite actuellement au
niveau du rapport de mise en oeuvre, parce que vous êtes critique, dans
votre mémoire, quant au rapport de mise en oeuvre, quant aux éléments qui sont
manquants. Est-ce qu'à titre de législateurs on devrait être plus sévères, par
exemple, à l'intérieur d'une prochaine loi,
quant à ce que doit comporter le rapport de mise en oeuvre, quant à la… entre
le délai du dépôt du rapport et l'audition devant la commission? Est-ce
qu'il y a des éléments… Parce qu'au-delà de toutes les mesures novatrices auxquelles on peut penser… Puis, tu sais, c'est
certain, vous nous demandez de faire preuve de courage politique. Ça, c'est
une chose, on peut le faire. Mais, à l'intérieur
de la loi, il y a aussi des mesures plus administratives, est-ce qu'il y
aurait, à cet effet-là, des modifications qu'on
devrait apporter ou est-ce que la loi, telle qu'elle est rédigée, pourrait être
suffisante, là, on pourrait utiliser le même type de rédaction pour un prochain
texte?
Le Président (M. Bergman) :
M. Bujold.
M. Bujold
(Mario) : D'une part, l'article 77,
qui traite de la question du rapport qui doit être déposé à l'Assemblée
nationale, rapport de mise en oeuvre de la loi, est extrêmement important. Je
pense qu'il y a effectivement des délais qui pourraient être précisés, et il y
a peut-être un cadre qui pourrait être davantage précisé dans la nature du
rapport comme telle. Il y a un intervenant,
hier, qui a mentionné qu'il serait utile que le rapport puisse être fait par un
organisme externe du ministère pour être capable d'avoir une vue encore plus
large et peut-être encore plus objective — quoi qu'on ne doute pas de l'objectivité du ministère, mais parfois c'est
difficile de s'autoévaluer — et de pouvoir avoir un regard sur un
ensemble d'éléments faits par, par exemple, un organisme comme l'Institut
national de santé publique, qui pourrait très bien faire ce travail-là pour le
compte du ministère. Mais, à ce moment-là, ça permettrait d'avoir peut-être un
ensemble d'éléments encore plus complets en termes d'analyse, et de prévoir un
délai pour le dépôt du rapport, mais aussi qu'il y ait des suites au rapport.
Et je pense que ça pourrait être prévu, ça, dans un article de la loi, effectivement, qu'on
puisse délimiter dans le temps... Parce qu'on le voit dans ce cas-ci il y a
quand même eu un délai de trois ans,
pratiquement, entre le dépôt du rapport et la commission. Donc, je pense qu'il
serait préférable que ça puisse se faire
dans un délai beaucoup plus court pour que le principe, qui est de faire aux
cinq ans un bilan et une mise à jour en lien avec la loi, puisse
vraiment être efficace en tant que tel.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau, il vous reste une
minute.
Mme Vallée :
Je vais laisser ma collègue...
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, il vous reste une
minute.
Mme
de Santis : Merci. Merci pour votre présentation. D'après
Statistique Canada, en 2005, déjà, en Ontario, le taux de tabagisme était 16 %. Ça a monté et c'est
à 16,7 % aujourd'hui. Donc, même en Ontario, il y a eu une certaine
stagnation.
Maintenant,
si on regarde ce taux en Ontario et on regarde le taux que nous avons ici, qu'est-ce
que vous proposez qu'on fasse pour qu'on
puisse vraiment atteindre 10 % d'ici 2025? Pourquoi, en Ontario, c'était
16 % en 2005? Ça n'a pas changé énormément. Comment nous, on peut
arriver à 16 % et comment on peut arriver à 10 %?
Le Président (M.
Bergman) : M. Bujold.
M. Bujold
(Mario) : Il y a un ensemble de mesures qu'on doit prévoir. Il y a des
mesures qui doivent être prévues dans la loi
puis il y a des mesures qui doivent être à l'extérieur de la loi. La question
de la hausse des taxes sur le tabac, je disais tout à l'heure, c'est un
élément important.
Mme
de Santis : Mais, en Ontario, ils sont les neuvièmes en rang
pour les taxes. Alors, leur taxation, un peu plus que nous, pas
beaucoup...
Le
Président (M. Bergman) : Il ne reste plus de temps dans ce
bloc, alors il y a un temps pour une très courte réponse.
M. Bujold.
• (10 h 30) •
M. Bujold (Mario) : D'accord. Je vous dirais juste, en réaction à ça, que c'est peut-être
ce qui explique aussi une certaine stagnation en Ontario, où le taux de
taxation a peu changé, bien qu'il soit plus élevé que celui du Québec, en lien
avec la question du tabac.
Mais,
pour les autres mesures, c'est sûr que des mesures comme toute la question de
la promotion, la question des emballages standardisés et neutres, la
question d'un moratoire sur les produits, tout ça est une mesure qui pourra contribuer de façon claire, là, à faire en sorte
que moins de jeunes, là, commencent à fumer et moins d'adultes aussi,
toute la question du soutien des fumeurs
également, pour les aider dans leur volonté d'arrêter de fumer. Ils sont très
nombreux à vouloir le faire, mais ce n'est pas facile. On a déjà des ressources
en place, mais je pense qu'on pourrait faire mieux au Québec, notamment plus en lien avec le réseau de la santé, et avoir
plus d'implications du côté des professionnels de la santé, entre
autres, de ce côté-là.
Le
Président (M. Bergman) : Merci, M. Bujold. Le deuxième groupe d'opposition,
Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre
présence, c'est très apprécié. Évidemment, on a dit, d'entrée de jeu, que c'était l'examen du rapport de la mise en
oeuvre de la loi, mais, depuis hier, on entend finalement les
intervenants, à répétition, venir nous dire qu'on devrait aller au-delà de ça
parce qu'il y a une stagnation dans l'usage
du tabac au Québec. Alors qu'on était autrefois les leaders en matière de lutte
au tabagisme, on a pris un peu de retard depuis les cinq dernières
années. Alors, ce qu'on comprend aujourd'hui puis ce que je comprends de vos interventions, c'est de demander aux
parlementaires d'aller plus loin qu'uniquement l'examen du rapport. Est-ce que
je comprends que vous nous demandez de modifier la loi et d'aller plus loin
dans nos mesures contre la lutte au tabac?
Le Président (M.
Bergman) : M. Bujold.
M. Bujold (Mario) : Vous comprenez bien ce que je demande, effectivement. Je pense qu'il y a
là une opportunité extrêmement précieuse, et pour les membres de la
commission et pour le gouvernement du Québec, de faire des gains en termes de
santé publique à peu de frais, hein? Dans une période de restrictions budgétaires,
on vise toujours à ce que ça ne coûte pas
cher. Ce ne sont pas des mesures qui vont coûter beaucoup d'argent
au gouvernement mais qui auront des gains, et ça permettra
de faire avancer toute cette question-là de ce problème de santé publique qu'est
le tabagisme. Et c'est ça,
je pense, l'optique dans laquelle on doit regarder ce travail d'analyse du
rapport. C'est le point de départ,
mais, très clairement, ça nous amène vers l'avant et vers d'autres
mesures qui seraient beaucoup plus musclées ou, en fait, qui auraient vraiment
une portée encore plus grande que ce qu'on a connu dans les dernières années.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Moi personnellement, j'aime bien l'expression
anglophone qui dit : «When you're not first, you're last», et on a été précurseurs à bien des niveaux contre la... la
lutte contre le tabac, et effectivement je pense qu'entre autres vos recommandations quant à l'emballage, quant à l'aromatisation
feraient de nous encore une fois des leaders. Alors, c'est bien noté. Je
pense que la commission aussi va en prendre bonne note.
J'aime
aussi beaucoup le témoignage de Riney, finalement,
aussi, qui nous indique que la sensibilisation, quand elle vient des jeunes… même auprès des adultes, je pense que le message passe
mieux et passe plus facilement. Alors, j'aimerais ça que tu nous
expliques, outre la vidéo, c'est quoi, les autres actions que vous avez posées
pour arriver à des taux de 2 %. Parce qu'on aimerait ça se rendre à
2 % à l'ensemble du Québec. Alors, j'aimerais ça t'entendre là-dessus.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Chen.
Mme Chen (Riney) : Merci. En fait, moi, l'année dernière, c'était ma première année dans
La gang allumée, mais j'ai vu des projets des années précédentes. C'étaient
pas mal tous des vidéos, par exemple, qui nous donnent une perception négative
de la cigarette.
Mme
Daneault :
C'étaient plus des vidéos.
Mme Chen
(Riney) : C'est ça. Donc, les années...
Mme
Daneault :
Concernant les bars à chicha, là... Parce que j'ai l'impression que nos jeunes,
là, ont une méconnaissance, entre autres,
du... C'est rendu une activité, là, entre autres pour les adolescents, d'aller
dans les bars à chicha, puis tout ça. Est-ce que tu as l'impression que
les jeunes savent ce qu'ils fument quand ils sont dans les bars à chicha? Parce que, moi, ce que j'ai comme
impression dans ma pratique… Quand les jeunes viennent, ils disent que ce n'est pas du tabac, là. Ils sont convaincus que
c'est une activité bien le fun, mais ils ne savent pas ce qu'il y a là-dedans.
Est-ce que tu as la même impression que moi?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Chen.
Mme Chen (Riney) : Merci. Bien, en fait, moi-même, je ne sais pas vraiment c'est quoi. Je
peux vous dire ça. Je ne suis jamais allée dans les bars, donc je ne
sais pas.
Mme
Daneault : Puis est-ce que tu as entendu des jeunes parler
de chicha puis d'aller fumer de la chicha? Bien, est-ce que tu as l'impression
qu'ils savent ce qu'ils fument quand il y a... ou pas du tout?
Mme Chen
(Riney) : J'imagine que sûrement qu'il y a des jeunes, quand ils y
vont, c'est plus comme... c'est des amis qui
y vont, puis ils les accompagnent, qu'eux-mêmes, ils ne savent pas vraiment exactement
c'est quoi puis que c'est mauvais pour la santé.
Mme
Daneault : Ils ne savent pas que c'est plus concentré que du
tabac, hein, certainement pas. On a du travail à faire là-dedans, donc.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est
écoulé. Alors, Mme Chen, M. Bujold, Dr Dandavino, merci pour être ici,
avec nous, aujourd'hui. Merci pour votre présentation, on l'apprécie beaucoup.
Félicitations à vous pour être ici, avec nous, Mme Chen.
Je
demande les gens d'Imperial Tobacco pour prendre leur place à la table. Et je
suspends pour quelques instants.
(Suspension de la séance à
10 h 35)
(Reprise à 10 h 37)
Le Président (M.
Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix :
…
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je demanderais aux gens d'Imperial Tobacco
pour prendre place à la table.
Des voix :
…
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Alors, M. Gagnon,
bienvenue. Vous avez 15 minutes pour
faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Et, si vous pouvez mentionner votre nom,
votre titre et… Mais je suspends pour quelques instants. Je suspends.
(Suspension de la séance à 10 h 38)
(Reprise à 10 h 39)
Le
Président (M. Bergman) : Alors, M. Gagnon, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire
votre présentation. Votre nom, votre titre, s'il vous plaît.
Imperial Tobacco Canada
ltée
M. Gagnon
(Éric) : O.K. Donc,
Éric Gagnon, directeur des affaires corporatives chez
Imperial Tobacco Canada.
Donc, M. le
Président, membres du comité, bonjour. Merci de m'avoir invité… d'avoir invité
Imperial Tobacco Canada aujourd'hui dans le cadre de l'examen du rapport de
2010 sur la Loi sur le tabac au Québec.
Je m'appelle Éric Gagnon. Je suis directeur des
affaires corporatives chez Imperial Tobacco Canada, la plus grande compagnie
légale de tabac au Canada. Je suis ravi d'être ici pour présenter la
perspective de notre entreprise. À l'instar
de toute autre entreprise responsable, nous estimons pouvoir contribuer de
façon positive au processus réglementaire. Il s'agit d'un rôle que nous
prenons au sérieux.
• (10 h 40) •
Imperial
Tobacco Canada est une entreprise qui respecte de façon rigoureuse les lois et
règlements qui régissent l'industrie
du tabac, et nous commercialisons notre produit de façon responsable. Nous
employons environ 300 Québécois,
qui occupent des postes bien rémunérés, stimulants et enrichissants. Avant
toute chose, Imperial Tobacco Canada reconnaît les risques pour la santé
associés au tabagisme. Nous croyons que les produits du tabac ne devraient être
consommés que par des adultes qui ont fait
le choix de fumer en toute connaissance de cause et que les jeunes ne
devraient pas fumer. Nous soutenons une
réglementation efficace, raisonnable et basée sur des données concluantes,
particulièrement celles visant à s'assurer que les enfants n'aient pas accès
aux produits du tabac.
J'aimerais également rappeler aux membres du
comité que l'industrie légale du tabac respecte plus de 200 règlements fédéraux, provinciaux et municipaux. Le Québécois
moyen n'a pas vu de paquet de cigarettes dans un dépanneur depuis plus
de sept ans. Lorsqu'un Québécois voit un paquet de cigarettes légal, 75 %
de son emballage est recouvert d'une mise en garde de santé illustrée. Le
Québécois moyen n'a pas vu de publicité sur le tabac depuis plus de sept ans. Le Québécois moyen n'a pas vu
personne fumer à l'intérieur de son milieu de travail, dans un bar ou
dans un environnement depuis plus de sept ans. Nous pouvons ainsi affirmer que
la plupart des Québécois vivent essentiellement dans un environnement sans fumée.
La discussion d'aujourd'hui ne devrait pas
servir à déterminer si nous sommes d'accord ou non avec le tabac, compte tenu
que le tabac demeure un produit légal au Québec et au Canada. La discussion d'aujourd'hui
devrait être un échange équilibré sur le rapport
de 2010, sur la situation actuelle du contrôle du tabac au Québec et sur la
façon dont les ventes de cigarettes illégales minent toute
réglementation, existante ou nouvelle.
Passons maintenant au sujet qui nous amène ici
aujourd'hui : le rapport de 2010 sur la mise en oeuvre de la Loi sur le tabac au Québec. Les conclusions du
rapport de 2010 démontrent que la Loi sur le tabac du Québec est
respectée. Les taux de conformité sont
impressionnants, et les taux de tabagisme sont à la baisse. Comme l'indique le
rapport de 2010, lorsque la Loi sur
le tabac est entrée en vigueur en 1998, les taux de tabagisme chez les
Québécois de 15 ans et plus étaient de 34 %, comparé à
22,5 % lorsque le rapport a été rédigé. Ces statistiques confirment que le
Québec a connu une baisse significative de son taux de tabagisme au cours des
25 dernières années. De plus, la tendance à long terme affiche une baisse
depuis des décennies.
Malgré cette tendance à la baisse, de récentes
données ont suscité des préoccupations, soulevées par certains organismes de
lutte au tabagisme. Ces groupes soutiennent que la stabilisation du taux de
tabagisme découle des pratiques de l'industrie
légale du tabac. C'est faux. Imperial
Tobacco Canada croit qu'il existe
deux grandes raisons qui expliquent cette stabilisation au Québec.
La première
raison réside dans le marché illicite de tabac dans la province, lequel est
hors de contrôle. Imperial Tobacco Canada espère que les membres du
comité reconnaîtront que les ventes de cigarettes illégales demeurent un obstacle important au contrôle du tabac au Québec,
comme c'était le cas en 2010, au moment de la publication du rapport.
La deuxième
raison est peut-être plus difficile à accepter pour certaines personnes, mais
elle demeure néanmoins importante :
certains Québécois adultes choisiront toujours de fumer. C'est pourquoi Imperial Tobacco Canada insiste auprès du
gouvernement pour qu'il adopte une approche prospective quant à toute décision
en matière de contrôle du tabac.
Comme nous l'avons
mentionné, notre compagnie respecte plus de 200 lois et règlements
régissant la vente de produits du
tabac. Les exploitants illégaux exercent leurs activités selon des règles
complètement différentes, évitant impôt et réglementation, volant
des milliards de dollars au gouvernement en revenus fiscaux et minant tous
les efforts de santé publique en matière de contrôle du tabac.
Les
organismes de réglementation qui souhaitent exercer une influence sur le taux
de tabagisme doivent d'abord tenir compte de ce marché illicite. Toute
politique de contrôle du tabac supplémentaire doit être envisagée de façon très
prudente, puisqu'une réglementation accrue au sein de l'industrie légale a pour
effet de rehausser l'avantage concurrentiel
des trafiquants illégaux et mine chacune des mesures de contrôle du tabac mises
en place par la province.
Un récent
article publié dans le journal de l'Association médicale canadienne reconnaît
que les gouvernements doivent aborder
la question de l'accessibilité du tabac de contrebande s'ils souhaitent
optimiser les bienfaits des initiatives de contrôle du tabac. L'article avance une explication très plausible
pour cette stabilisation des taux de tabagisme, et je cite : «Puisque l'usage de cigarettes de
contrebande a une incidence négative sur les taux d'abandon, les politiques
de contrôle du tabac qui réduisent ou éliminent l'accès au tabac de contrebande
peuvent avoir un impact significatif sur les
comportements d'abandon au sein de la population. Pour optimiser les avantages
en matière de santé publique et les initiatives futures de contrôle du tabac, des
solutions novatrices qui abordent l'accessibilité au tabac de contrebande
sont requises.» Fin de la citation.
Une cartouche de cigarettes illégales se vend
entre 8 $ et 20 $, alors que le prix de détail d'une cartouche de cigarettes légales est de 66 $, voire plus
élevé. En outre, les cigarettes de contrebande sont beaucoup plus
accessibles, notamment aux mineurs, parce qu'elles
sont vendues à des prix dérisoires par des contrebandiers qui n'exigent
aucune preuve d'âge. Les trafiquants de
cigarettes illégales ignorent également les exigences en matière d'étiquetage
et d'emballage. Ils ne respectent aucune des lois qui régissent les
ingrédients et les émissions, et ils ne sont soumis à aucun contrôle
gouvernemental en ce qui concerne l'intégrité et la sécurité de leur processus
de fabrication.
En termes clairs, le commerce illicite de
cigarettes mine tous les efforts en matière de contrôle du tabac. Le
gouvernement du Québec a reconnu le problème en indiquant, dans la conclusion
du rapport de 2010, que le tabac illégal est
l'enjeu numéro un en matière de contrôle de tabagisme au Québec. Le
gouvernement a également reconnu le problème
en demandant à la Commission des finances publiques du Québec de se pencher sur
la question du marché illicite du
tabac. La commission a publié un rapport tripartite unanime en
février 2012, lequel contenait des recommandations pour aborder le problème de la contrebande. Reste
à l'Assemblée nationale d'agir relativement à ces recommandations.
Passons
maintenant à un autre sujet d'importance : les produits à risques réduits.
Imperial Tobacco Canada croit au
principe de réduction des risques liés au tabac. En rendant accessible une
gamme de produits de tabac et de nicotine à risques réduits qui plaisent
aux fumeurs adultes avisés, l'impact du tabagisme sur la santé publique peut
être considérablement atténué.
Pour les
adultes qui décident de continuer de fumer, nous demandons au gouvernement du
Québec de mettre en place un cadre
réglementaire responsable qui tienne compte des produits à risques réduits qui
pourraient être offerts. Le gouvernement
du Québec devrait envisager deux options relativement à un cadre réglementaire
futur qui favoriserait la réduction
des risques à titre d'option en matière de santé publique, soit les nouveaux
produits de tabac et les cigarettes électroniques.
Certains groupes exigent une interdiction sur
les nouveaux produits du tabac en se basant sur l'hypothèse selon laquelle ces produits sont conçus pour
attirer les jeunes. Imperial Tobacco Canada soutient les règlements qui
ont pour objectif de garder les produits du tabac à l'écart des enfants. Nous
nous opposons toutefois au moratoire sur les nouveaux
produits du tabac, puisque rien ne démontre qu'une interdiction de ces produits
atteindrait cet objectif. De plus, nous
désirons nous assurer que la portée d'un tel moratoire général est claire. À l'heure
actuelle, la définition de nouveaux produits du tabac n'est pas claire.
Une interdiction
générale des nouveaux produits du tabac mènerait à de nombreuses conséquences
indésirables, une telle interdiction pourrait empêcher l'arrivée de nouveaux
produits à risques réduits et des améliorations dans la fabrication des
cigarettes pouvant atténuer l'impact environnemental.
Ceci étant
dit, nous reconnaissons que des nouveaux produits lancés sur le marché
justifient certaines critiques, si l'on
se fie aux leçons tirées de l'expérience des petits cigares et cigarillos à
saveur de friandise. Toutefois, le problème avec ces produits n'avait
rien à voir avec le fait qu'ils soient nouveaux mais plutôt avec le fait qu'ils
pouvaient être perçus comme ciblant les jeunes.
Dans le même
ordre d'idées, certains groupes ont demandé que les cigarettes électroniques
soient régies par la Loi sur le tabac. Une fois de plus, nous pressons
le gouvernement du Québec de prendre le temps de comprendre ces produits de même que leur rôle dans la réduction
potentielle des risques liés au tabagisme. Les points de vue diffèrent
au sein des organismes de lutte au tabagisme
quant au rôle potentiel que pourraient jouer les cigarettes électroniques
dans la réduction des risques liés au tabac.
Toutefois, plusieurs professionnels de la santé publique affirment que ces
produits sont moins nocifs et pourraient s'avérer une composante efficace dans
le cadre d'une approche exhaustive de la réduction des risques liés au tabac. Ils reconnaissent que c'est la combustion du
tabac qui est la cause de la plupart des maladies liées au tabagisme et
que la nicotine ne comporte pratiquement aucun risque, compte tenu des
quantités inhalées avec les cigarettes électroniques.
En fait,
François Damphousse, directeur au bureau du Québec de l'Association pour les
droits des non‑fumeurs, a récemment
affirmé dans un éditorial, et je cite : «…la communauté de la santé
[devrait] se rendre à l'évidence que, peu importent les mesures mises en
place, de nombreux fumeurs vont demeurer dépendants à la nicotine. La cigarette
électronique pourrait s'avérer une option
viable pour eux afin d'obtenir leur dose de nicotine tout en réduisant les
risques pour leur santé.» Fin de la citation.
Nous sommes d'accord
avec les nombreux professionnels et organismes crédibles de la santé publique
qui croient que les cigarettes
électroniques sont significativement moins risquées que les produits du tabac
traditionnels. Ainsi, elles pourraient
jouer un rôle efficace pour encourager les fumeurs à réduire leur consommation
de cigarettes traditionnelles ou à abandonner le tabagisme.
• (10 h 50) •
J'aimerais
maintenant aborder un sujet qui nous préoccupe tous : le tabac chez les
jeunes. Tel que mentionné plus tôt,
les enfants ne devraient pas fumer, point à la ligne. C'est pourquoi Imperial
Tobacco Canada ne commercialise pas ses produits en ciblant les mineurs.
Si des jeunes se trouvent en possession de produits du tabac, il y a eu une
faille.
Les données
démontrent que la méthode la plus utilisée par les jeunes pour se procurer des
produits du tabac est le recours aux
sources sociales, définies dans l'Enquête sur le tabagisme chez les jeunes
comme étant les produits provenant de
la famille ou des amis ou pris chez ces derniers. Ce sondage de 2010-2011
a révélé que 75 % des jeunes ont
indiqué avoir accès aux produits du tabac grâce à ces sources. Il est
pratiquement impossible de légiférer le bon sens ou les bons comportements parentaux. Toutefois, les efforts de sensibilisation
peuvent être axés de façon à rappeler aux parents, proches et amis qu'il
est irréfléchi de fournir des produits du tabac à des mineurs.
Pour
aborder la question de l'accès aux produits du tabac chez les jeunes, le
gouvernement du Québec doit mettre l'accent sur la sensibilisation et l'application
des lois en vigueur. Nous savons qu'il existe encore un intérêt pour les petits cigares aromatisés et autres produits du
tabac aromatisés. En 2009, nous avons pleinement endossé l'initiative du
gouvernement fédéral visant à réglementer
les petits cigares et nous avons soutenu l'interdiction d'additifs qui
confèrent une saveur fruitée ou de friandise
aux petits cigares ou aux cigarettes. Toutefois, une faille dans la
réglementation adoptée par le gouvernement fédéral en 2009 a fait en
sorte que les petits cigares aromatisés demeurent facilement accessibles. Imperial Tobacco Canada soutiendrait le
gouvernement du Québec s'il met en place des règlements pour éliminer
cette faille présente dans l'interdiction fédérale des ingrédients.
Imperial
Tobacco Canada estime que le gouvernement fédéral a pris une décision éclairée
et basée sur des données probantes lorsqu'il a choisi, au terme d'un
examen, de ne pas inclure le menthol dans l'interdiction d'ingrédients. Les données probantes continuent de démontrer que
les cigarettes mentholées sont actuellement l'option de choix d'un segment plus âgé de la population adulte. Ces
cigarettes connaissent un recul depuis des décennies. Elles représentent
un très faible pourcentage de l'ensemble du marché des cigarettes à environ
4,5 %.
Certains groupes ont milité pour que le menthol
fasse partie des ingrédients interdits. Interdire les cigarettes mentholées ne ferait que limiter les choix des
adultes qui décident de consommer ce produit, créer du mécontentement
envers le gouvernement qui leur aurait enlevé ce choix et ultimement les
pousser vers le marché de la contrebande pour
se procurer des produits mentholés ou les pousser à opter pour des cigarettes
sans menthol. Rien ne suggère que le fait de retirer les cigarettes
mentholées du marché aura un impact sur le taux de tabagisme et sur la santé
publique.
En conclusion, les taux élevés de conformité à
la Loi sur le tabac sont impressionnants. Il est évident que le gouvernement du Québec est engagé à réduire l'impact
du tabagisme sur la santé publique au Québec. Néanmoins, le taux de
tabagisme stagne depuis quelque temps au Québec, après un recul à long terme.
Il faut nous demander si d'autres facteurs permettent de contourner les
strictes mesures du contrôle du tabagisme déjà en place au Québec. Il faut
également nous demander ce que l'on peut faire pour les adultes québécois qui
continuent de choisir de fumer en connaissant pleinement les risques pour la
santé associés au tabagisme.
Nous sommes d'accord
avec le rapport de 2010. Le plus grand défi en matière de contrôle de tabac au
Québec demeure le commerce illicite de
cigarettes. Le gouvernement du Québec doit axer ses efforts de façon à freiner
l'offre de tabac illégal et à sensibiliser les Québécois quant aux conséquences
sociales de cette activité criminelle.
Nous comprenons que le débat entourant le
contrôle du tabac peut être émotionnel, surtout pour ceux qui militent en faveur d'une réglementation plus
stricte. Mais ultimement l'aspect émotionnel doit être mis de côté pour
laisser place à des politiques raisonnables, basées sur des données probantes
et qui contribuent véritablement à améliorer la santé publique.
En résumé,
nos recommandations au comité et au gouvernement du Québec sont : évaluer
attentivement toute réglementation
future sur le tabac et veiller à ce qu'elle soit raisonnable, efficace et basée
sur des données concluantes; résister
à la tentation de légiférer outre mesure l'industrie légale, alors que la
contrebande de tabac continue de se propager dans la province; mettre en
place des initiatives de sensibilisation quant aux conséquences sérieuses de
fournir des produits de tabac aux mineurs;
et, finalement, de ne pas oublier les adultes qui, malgré toute la
réglementation en place et une connaissance des risques pour la santé,
continuent de fumer.
Merci de nous avoir accordé votre temps ce
matin. Encore une fois, ce fut un plaisir pour moi d'être ici pour représenter
Imperial Tobacco Canada et tous mes collègues. Je répondrai volontiers à vos
questions.
Le
Président (M. Bergman) : Merci, M. Gagnon, pour votre
présentation. Maintenant, pour le bloc du gouvernement, Mme la députée
de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Merci, M. le
Président. Bonjour, M. Gagnon. Écoutez, j'ai plusieurs questions à vous poser.
Vous avez parlé notamment, dans votre présentation, là, de votre préoccupation
pour le tabagisme chez les jeunes. Est-ce que vous considérez que l'industrie
du tabac a une responsabilité, donc, par le fait même, vous, chez Imperial Tobacco, est-ce que vous considérez que vous avez
une responsabilité dans la lutte contre le tabagisme chez les jeunes?
M. Gagnon (Éric) : Bien, en fait,
oui, on a une grande responsabilité. Nous, on pense qu'on fait partie de la
solution et non du problème, et c'est pourquoi qu'on a des standards très
élevés en termes d'approches marketing qui ne
sont pas axées sur les jeunes. Il faut comprendre qu'aujourd'hui l'industrie…
Imperial Tobacco a 50 % du marché au Québec et au Canada, en fait, et donc nos stratégies, c'est vraiment d'aller
chercher le 50 % du marché adultes qui ont décidé de fumer. Et donc
notre objectif est loin, contrairement à ce qui peut être affirmé, d'essayer de
mettre en place des initiatives qui pourraient inciter les jeunes à fumer. Et,
tout à fait, oui, je pense qu'on fait partie de la solution.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Oui, merci. M. Gagnon, j'imagine que vous vous
êtes intéressé à notre journée d'hier puisque vous veniez nous
rencontrer en commission aujourd'hui. Donc, je ne sais pas si vous avez vu l'ensemble
des produits qui nous ont été présentés, des paquets de cigarettes de tous
formats, de toutes couleurs, aromatisées à toutes sortes de saveurs. Vous dites que vous avez 50 % du marché, donc est-ce que je présume bien
de dire que vous produisez de ces produits qui nous ont été présentés
hier?
M. Gagnon (Éric) : J'imagine, oui.
Oui.
Mme
Proulx : Et est-ce qu'on peut raisonnablement… parce que
vous avez parlé d'être raisonnable dans la loi, dans les mesures qu'on va mettre de l'avant, est-ce qu'on peut
raisonnablement penser qu'un paquet de cigarettes qui a l'air d'un
paquet de bonbons et qui est aromatisé à la gomme balloune ne cible pas le
marché des jeunes?
Le Président (M. Bergman) : M.
Gagnon.
M. Gagnon (Éric) : Bien, je pense
que j'ai été clair qu'un paquet de cigarettes qui est aromatisé à la gomme
balloune cible les jeunes, et c'est pourquoi qu'on a supporté le gouvernement
fédéral qui a voulu bannir les saveurs aromatisées,
et c'est pourquoi on le supporterait également. Imperial Tobacco Canada ne fait
pas de produits aromatisés à différentes saveurs, là, que vous avez fait
allusion. Donc, oui, on est tout à fait d'accord avec vous que des produits aromatisés avec des… gomme balloune, cerise ou
quel autre produit ne devraient pas faire partie du marché, compte tenu
des risques associés au tabagisme.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Et, concernant l'emballage,
est-ce que vous ne pensez pas aussi que certains des emballages qu'on a vus, qui ne ressemblent pas du tout à des
paquets de cigarettes et qui, avec toute la brillance qu'il y a,
ressemblent beaucoup plus à un tube de rouge à lèvres, est-ce que vous ne
pensez pas que ça, ça incite les jeunes filles? Est-ce que ce n'est pas quelque
chose qui cible le marché des jeunes?
Le Président (M. Bergman) :
M. Gagnon.
M. Gagnon (Éric) : Bien, en fait, il
faut revenir, je pense, à regarder la réglementation qui est en place aujourd'hui.
Il ne faut pas oublier qu'il n'y a personne qui voit les paquets de cigarettes,
dans un premier temps. Tu rentres dans un
dépanneur, les paquets sont cachés. Donc, il n'y a personne qui peut affirmer voir
un paquet puis dire : Ah! bien, aujourd'hui, j'ai le goût de fumer
parce que le paquet est attrayant.
J'ai démontré, je pense, dans… bien, ce qu'on
vous a remis, ce que j'ai dit, la raison pourquoi les jeunes commencent à
fumer, c'est les sources sociales, et ce n'est pas l'attraction au paquet,
contrairement à ce que certains groupes
peuvent essayer d'affirmer. Et il ne faut pas oublier aussi qu'aujourd'hui
75 % du paquet, c'est un message de santé qui communique aux gens
les risques associés au tabagisme.
Donc, je
pense qu'il faut être… un petit peu relativiser quand on dit que les paquets
sont très attrayants et avec plein de couleurs. Il faut mettre en
perspective que 75 % du paquet, ce n'est pas très attrayant et ce n'est
pas très… beaucoup de couleurs, parce que c'est un message de santé.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
Oui, merci. On a quand même vu hier certains paquets où c'était très, très,
très facile d'enlever l'enveloppe
supérieure et d'avoir un paquet avec un message beaucoup plus attrayant
concernant la saveur et le goût
et que la mise en garde, finalement, est
très facile à enlever. Donc, ça, ça fait partie d'un emballage qu'on nous a
présenté, là.
Le Président (M. Bergman) :
M. Gagnon.
M. Gagnon
(Éric) : Oui, mais, encore
une fois, je peux vous rassurer qu'il n'y a personne qui enlève la
partie, là, qui a été énumérée hier, parce que les cigarettes tombent. Donc, ce
n'est pas l'objectif. L'objectif, c'est vraiment qu'aujourd'hui il nous reste
25 % du paquet pour communiquer différentes informations sur le produit à
des adultes qui ont fait le choix de fumer en toute connaissance de cause. Et,
encore une fois, le paquet, il est caché de la vue du public. Donc, quand quelqu'un se procure un paquet, c'est quelqu'un qui
a déjà fait le choix de fumer, et il se procure un paquet basé sur les
risques qu'il connaît, et c'est un choix personnel qu'il a fait.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Oui. Quand vous
parlez, M. Gagnon, d'adultes qui ont fait le choix de fumer, on a eu hier le témoignage de Mme Bélanger qui est une survivante
du cancer du poumon, et qui est venue nous dire qu'elle a fumé pendant
45 ans et qu'elle a tout tenté pour… Elle ne faisait pas le choix de
continuer à fumer. Elle était devenue
dépendante de la cigarette et elle a tenté par tous les moyens d'arrêter de
fumer. Elle a été incapable. Et il y a une étude qui nous a été
présentée aussi, encore ce matin, à laquelle on a fait allusion, qu'il y a
63 % des fumeurs actuellement qui souhaitent arrêter de fumer.
• (11 heures) •
Donc, je suis un peu inconfortable lorsque vous
dites qu'ils font le choix volontaire de fumer, parce que ce n'est pas un
produit banal, c'est un produit qui cause la dépendance. Alors, je ne sais pas
quel est votre point de vue là-dessus.
Est-ce que vous êtes conscient? Est-ce que vous reconnaissez que les produits
du tabac, ce n'est pas un produit ordinaire, c'est un produit qui cause
la dépendance?
Le Président (M. Bergman) :
M. Gagnon.
M. Gagnon (Éric) : Tout à fait. Oui, tout à fait. On reconnaît que c'est
un produit qu'il est difficile d'arrêter, mais ce n'est pas impossible. Il faut savoir qu'il y a plus d'anciens
fumeurs, au Québec et au Canada, qu'il y a de fumeurs. Donc, c'est possible d'arrêter
de fumer, mais on reconnaît que c'est difficile, pour certaines personnes, de
pouvoir arrêter de fumer.
C'est
pourquoi aussi qu'on met beaucoup d'efforts à essayer de trouver des produits
qui sont moins à risque. Et donc un
des objectifs, c'est vraiment d'arriver avec des produits moins nocifs pour la
santé, qui vont pouvoir permettre aux
gens qui soit ont de la difficulté à arrêter de fumer ou qui veulent continuer
à fumer mais reconnaissent les risques peut-être de se tourner vers une
alternative qui est moins nocive pour la santé.
Deuxième élément de
réponse, je pense qu'aujourd'hui... bien, pas aujourd'hui, mais en général, il
y a quand même une certaine hypocrisie
alentour du tabac, je crois. Parce qu'il ne faut pas oublier que les
gouvernements fédéral et provinciaux sont partenaires de l'industrie du
tabac depuis des décennies. C'est le partenaire senior de l'industrie. C'est le gouvernement qui a légiféré l'industrie
du tabac. C'est le gouvernement qui a permis d'émettre des licences pour
produire et vendre des produits du tabac.
Donc, aujourd'hui, d'accuser l'industrie seule, sachant que le
gouvernement savait les risques associés au tabagisme depuis des décennies, c'est
un petit peu de la grande hypocrisie, je crois.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
J'aimerais ça que vous me donniez quelques informations sur vos activités de
recherche et développement. Alors, j'imagine
qu'Imperial Tobacco... Pouvez-vous me donner rapidement une idée de votre
chiffre d'affaires? Quel chiffre d'affaires vous avez, Imperial Tobacco?
Le Président (M.
Bergman) : M. Gagnon.
M. Gagnon (Éric) : Bien, en fait, on est une entreprise qui n'est pas publique, on
appartient au groupe British American
Tobacco, donc nos chiffres ne sont pas publics. Mais, comme je vous dis, on a
50 % du marché au Canada, donc on est le leader du marché légal au
Canada.
Mme Proulx :
Donc, j'imagine que vous menez des activités de recherche et développement.
Moi, j'ai un questionnement : Est-ce que vos activités de recherche et développement
misent… ou visent le développement de produits
ayant un impact moindre sur la santé, un impact nocif moindre, ou si vos
activités de recherche et
développement visent uniquement à augmenter
votre part du marché, le 50 %
que vous n'avez pas encore, à travers le développement de nouveaux
produits, à travers le développement de produits plus attrayants, de nouveaux
emballages, ou s'il y a une partie de vos activités de recherche et
développement qui visent à diminuer l'impact sur la santé?
Le Président (M.
Bergman) : M. Gagnon.
M. Gagnon (Éric) : Il y a un énorme… beaucoup, beaucoup de projets de recherche qui sont
axés à trouver des solutions pour mettre sur le marché des produits qui
sont moins nocifs pour la santé. On l'a fait à travers notre compagnie mère,
BAT, donc, on a un produit de cigarette électronique, par exemple, en
Angleterre. Et donc il y a beaucoup,
beaucoup d'éléments, et on croit que, si on se tourne vers le futur, beaucoup
de gens vont vouloir s'orienter vers des produits moins nocifs pour la
santé, compte tenu qu'on reconnaît les risques associés au tabagisme.
Au niveau de la
recherche, oui, on fait de la recherche, mais je dois vous rappeler que l'industrie
légale, elle est hautement réglementée, donc tout projet de recherche est très…
doit être communiqué au gouvernement. Et donc tout ce que l'on fait est d'ordre
public auprès du gouvernement, premièrement. Deuxièmement, nous n'avons aucune étude ou projet de recherche qui concerne les
jeunes. On ne fait aucune approche auprès des jeunes et on ne fait
aucune étude, aucune information concernant les jeunes. Ce n'est pas du tout ce
qui nous intéresse, on a une politique stricte à l'interne de ne rien, rien,
rien faire qui peut concerner les jeunes.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose. Mme la députée de
Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Gagnon.
M. Gagnon
(Éric) : Bonjour.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Vous nous avez entretenus, entre autres, du dossier de la contrebande de façon importante dans votre mémoire. Alors, moi, j'avais
une question à ce sujet-là. Il y a plusieurs indicateurs qui montrent
une baisse, là, du taux de la contrebande de tabac. Est-ce que vous êtes d'accord
avec les estimés du ministère des Finances,
qui évalue maintenant, présentement, la contrebande à environ 15 %? D'après
vous, qu'est-ce qui aurait provoqué cette baisse-là? Parce que c'était
plus important que ces chiffres-là avant. Alors, pouvez-vous nous donner votre
opinion là-dessus?
Le Président (M.
Bergman) : M. Gagnon.
M. Gagnon
(Éric) : Oui, tout à fait. Je ne sais pas si le taux de contrebande,
il est à 15 %, c'est très difficile d'évaluer, compte tenu que c'est une
activité illégale. Donc, c'est-u 15 %, c'est-u 20 %, c'est-u
12 %? Très difficile pour nous d'évaluer le marché illégal.
On est d'accord qu'au
cours des dernières années, probablement, le marché de la contrebande a diminué
au Québec, principalement, pour différentes raisons. Je pense que le
gouvernement du Québec, au cours des dernières années, a mis en place certaines
initiatives qui ont aidé à diminuer le taux de contrebande. Je pense aussi que
les gens sont un petit peu plus conscients
que c'est une activité illégale, bien que ça ne soit pas tous les gens qui
soient au courant. Donc, je pense que le taux de contrebande au Québec,
oui, aurait diminué, mais, jusqu'à quel niveau, je ne pourrais pas vous dire.
Là où est-ce
qu'on est un petit peu plus… qu'on trouve que c'est plus problématique, c'est :
malgré le taux qui aurait
potentiellement baissé, il y a toujours environ 100 ou 150 cabanes à
tabac, au Québec, qui continuent à vendre sans respecter aucune des réglementations, et la GRC évalue qu'il y a encore
50 usines illégales, au Canada, qui fabriquent des cigarettes
illégales. Donc, tant et aussi longtemps que les gouvernements ne voudront pas
adresser le problème à la source, notre position, c'est qu'on a toujours un
problème de contrebande au Québec et au Canada.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Certains fumeurs disent que… bien, pas nécessairement des fumeurs, mais
d'autres personnes disent que ces
produits-là de contrebande contiennent des… en tout cas, des produits qui sont
encore plus nocifs pour la santé, et ça… Vous, c'est quoi, votre opinion
là-dessus?
M. Gagnon
(Éric) : Bien, c'est qu'en
fait une cigarette, c'est une cigarette. Je serais mal placé de vous dire
que les produits de contrebande sont plus nocifs, compte tenu des risques
associés au tabagisme et à nos produits. Donc, ça ne sera pas pour moi de
confirmer ça.
Ce qu'on peut
vous dire, par exemple, c'est que nos produits sont produits avec des hauts
standards de qualité, et donc on sait
ce qui va à l'intérieur, contrairement aux usines illégales et à ces
produits-là qu'on n'a aucune idée qu'est-ce qui peut aller à l'intérieur
de ces produits. Et il y a des rapports médiatiques et des articles de journaux
qui ont démontré qu'il y a plein de choses
qui s'est retrouvé à l'intérieur des cigarettes illégales, dont je ne ferai pas
l'énumération, là, mais donc plus à ce niveau-là. Mais, encore une fois, on
reconnaît les risques associés à nos produits, également.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
O.K. On continue dans le dossier des cigarettes de contrebande. Vous nous avez
parlé tantôt de prix comparatifs avec les cigarettes légales et qu'en raison du
prix… dans votre mémoire, vous mentionnez qu'en raison du faible prix des
cigarettes de contrebande ces cigarettes-là attirent plus facilement les
jeunes, parce que… en raison, entre autres,
du prix. Nous, par contre, on a écouté plusieurs groupes hier, puis aujourd'hui
ça se poursuit, et les gens nous
disent plus que la clientèle des jeunes n'est pas nécessairement la clientèle
de la cigarette de contrebande, en tout cas les chiffres, ou les
statistiques, ou les informations qu'on peut avoir. J'aimerais vous entendre
là-dessus, compte tenu de ce que vous avancez.
Le Président (M. Bergman) :
M. Gagnon.
M. Gagnon
(Éric) : Je pense que c'est
un petit peu contradictoire, parce que les mêmes gens qui vous ont dit
ça, c'est les mêmes groupes qui demandent d'augmenter
les taxes énormément parce que, selon eux, c'est un frein important au
tabagisme pour les jeunes. Donc, si vraiment le prix est vraiment si important,
il va falloir qu'on m'explique comment ça
que des paquets à 6 $ ou 8 $, ce n'est pas attrayant pour les jeunes.
Donc, je pense qu'il faut prendre ça un petit peu avec un grain de sel.
Les études le démontrent, il y a beaucoup de
couverture médiatique qui a démontré qu'il y a des jeunes qui se procurent des produits. Écoutez, on sait même qu'il
y a des trafiquants illégaux qui vont dans les cours d'école, il paraît,
achètent ça à 200… un sac de 200 cigarettes et vendent ça à 1 $ l'unité
dans les cours d'école. Donc, si ça, ce n'est pas attrayant pour les jeunes,
bien, je ne sais pas qu'est-ce qui l'est.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Un autre sujet aussi, vous nous avez parlé de la cigarette électronique, qui
est un nouveau produit qui n'a pas encore… Toutes les études ne sont pas encore
toutes terminées autour de ce produit-là. Vous
nous avez vanté les mérites que ça pourrait être un moyen, pour certaines
personnes, même d'arrêter de fumer. Par contre, moi, j'ai une préoccupation, parce que c'est un moyen aussi de
devenir addictif à la nicotine, puis on sait très bien que… pour avoir été une ex-fumeuse. Je me suis
débarrassée de ce problème-là depuis 25 ans et j'en suis très fière,
mais, je veux dire, je sais très bien que ce
n'est pas facile, la journée où est-ce qu'on décide d'arrêter de fumer, parce
que c'est à plusieurs occasions qu'on
pose le geste d'essayer, puis souvent le retour est facile. Puis je vous dirais
que je me considère encore une
ex-fumeuse potentielle. Parce que, la journée où certaines personnes, même
après 15 ans, 20 ans, y retournent, des fois l'addiction est très rapide, puis les gens, même après avoir
arrêté de fumer pendant 10, 15 ans, se remettent à fumer.
Alors, j'aimerais ça vous entendre, parce que…
compte tenu qu'on sait ça, que ça, c'est prouvé, vous ne pensez pas que la
fameuse cigarette électronique ne pourrait pas être un moyen aussi de rendre
des gens addictifs à la nicotine, puis après
ça que ces gens-là passent… ces jeunes-là ou… passent, après ça, à des produits
plus standard… de cigarettes standard? J'aimerais vous entendre
là-dessus.
Le
Président (M. Bergman) : M. Gagnon.
M. Gagnon (Éric) : Bien, en fait, encore ce
matin, il y avait une étude qui est sortie, d'un professeur en sciences de la santé de l'Université de Boston, qui démontre
que les gens qui utilisent des cigarettes électroniques, ce sont des
gens qui fument. Ce n'est pas un tremplin
pour des gens qui n'ont jamais fumé. Je pense qu'il faut faire attention, en
tant que gouvernement, de ne pas
légiférer la cigarette électronique à cause d'une idéologie qui est que ça
ressemble beaucoup à une cigarette,
et que ça imite la cigarette, et qu'il y a de la nicotine. Ce n'est pas un
tremplin pour les gens de commencer à fumer. Les études le démontrent.
Et même, aux États-Unis, en ce moment, il y a des études cliniques qui
démontrent que les gens qui utilisent la
cigarette électronique le font, que c'est des gens qui fument, et que le taux
de succès des gens qui ont réussi à arrêter de fumer est passablement
élevé.
Donc,
je pense qu'il faut, encore une fois, avant de légiférer la cigarette
électronique, bien comprendre son rôle potentiel en tant que produit
moins nocif pour la santé et je pense qu'il y a un devoir du gouvernement de
vraiment pouvoir mettre ce produit-là sur le marché pour les gens qui sont des
fumeurs en ce moment.
• (11 h 10) •
Le Président (M.
Bergman) : M. le député d'Argenteuil.
M.
Richer : Merci, M. le Président. Vous avez discuté tantôt, avec ma collègue, de
recherche et développement. Est-ce que
vous considérez que vous pouvez faire quelque
chose pour diminuer les effets
néfastes de la fumée secondaire?
M. Gagnon (Éric) : Bien, en fait, la fumée secondaire… Premièrement, il y a plusieurs
contradictions, à savoir l'impact de la fumée secondaire, tant au niveau
de la communauté scientifique et de la communauté médicale. Donc, je pense qu'il
faut continuer à voir quels sont les effets de la fumée secondaire.
Deuxièmement, je pense qu'en ce moment, si on prend au Québec…
Étant moi-même un non-fumeur, j'ai fait le choix de
ne pas fumer, je ne me sens pas du tout interpellé par les gens qui fument. Les
gens qui fument aujourd'hui le font à l'extérieur.
Il n'y a personne qui fume dans mon environnement de travail, il n'y a personne qui fume à ma maison, même les
gens qui fument chez moi, ils vont dehors. Donc, je pense qu'aujourd'hui le
cadre réglementaire est… l'approche du fumeur, elle est d'une cohabitation
responsable entre les gens qui ont fait le choix de fumer et les gens qui ne
fument pas.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député d'Argenteuil. Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
J'avais une autre question. Merci à mon collègue de me céder à nouveau la
parole. Moi, j'aimerais vous entendre… On a
eu l'opportunité d'entendre les gens de l'Australie, la représentante de
l'Australie, qui est venue nous présenter ce
que l'Australie a décidé d'endosser, l'emballage neutre au niveau des cigarettes. J'aimerais vous
entendre, j'aimerais avoir votre opinion sur l'emballage neutre.
Le Président (M.
Bergman) : M. Gagnon.
M. Gagnon (Éric) : Oui. Bien, je pense qu'il
faut faire attention, dans un premier temps, il
faut comprendre un petit peu
le contexte aujourd'hui. Et je ne sais pas jusqu'à quel point vous êtes au
courant, mais en ce moment il y a différents
pays qui s'opposent à l'emballage neutre. En Australie, ils ont amené ça au
commerce… je l'ai en anglais, le World Trade Organization, là, le commerce
international, et c'est en ce moment dans le processus d'évaluation. Donc,
je pense que l'Australie est peut-être à la recherche, un peu, d'alliés dans sa
lutte face aux autres pays qui s'opposent à l'emballage neutre.
Deuxième élément de
réponse, je pense, que Mme Roxon a peut-être omis de vous émettre ou de
vous communiquer, c'est que, jusqu'à maintenant, il n'y a aucune preuve
tangible qui démontre que, depuis l'implantation de l'emballage neutre, il y a des gens qui ont arrêté
de fumer. Et je pense que l'approche de certains pays, comme l'Angleterre,
comme la Nouvelle-Zélande, et ce que nous, on pense qu'il devrait arriver au
Canada, c'est, je pense, d'attendre de voir quel sera l'impact véritable des
emballages neutres en Australie et par la suite prendre une décision éclairée.
Finalement,
je pense que Mme Roxon a également souligné le fait que le problème de
contrebande en Australie n'était pas
le problème de contrebande qu'on a au Québec et au Canada. Et je sais que
certaines personnes ne veulent pas l'entendre, mais la réalité est que
les gens fumeurs, les adultes fumeurs qui ont fait le choix de fumer peut-être
ne voudront pas payer 65 $ pour un paquet qui est neutre quand on peut se
procurer un paquet semblable ou similaire pour 10 $. Donc, je pense qu'il
y a tous ces éléments-là à prendre en considération avant vraiment de prendre
une décision éclairée pour l'emballage neutre au Québec.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin à ce bloc du gouvernement. Le bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord, merci d'être
ici, je pense que c'est important d'entendre
les autres points de vue. Par
rapport à la mise en oeuvre de la loi
de 2005, votre évaluation puis l'évaluation de votre industrie, c'est
une loi qui était bien faite, qui a été mise en place et que maintenant vous
êtes d'accord avec les grands principes qu'il y a au niveau de la loi?
M. Gagnon (Éric) : Bien, en fait, nous, ce qu'on dit, c'est que la
loi de 2005 à 2006, quand on regarde les taux de tabagisme, a bien
fonctionné et que la loi en place aujourd'hui est respectée.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Vous êtes conscient que c'est inévitable qu'il
va y avoir une nouvelle loi.
M. Gagnon (Éric) : Tout à fait. Et on reconnaît, comme je l'ai dit au début, à
cause de la nature du produit, que c'est important d'avoir un cadre
réglementaire pour les produits du tabac. Et ce qu'on demande, c'est que ces
lois soient basées sur des données concluantes, et aussi qu'elles soient
raisonnables, tenant compte que la cigarette est un produit légal, et qu'il y a
une partie de la population adulte qui a toujours fait le choix de fumer.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Vous admettez que le tabac, les cigarettes causent des dommages puis
augmentent les décès chez les personnes.
Le Président (M.
Bergman) : M. Gagnon.
M. Gagnon
(Éric) : Je pense que j'ai été clair. J'ai été clair : on
reconnaît les risques associés au tabagisme.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Vous reconnaissez qu'il y a une très grande dépendance avec les produits du
tabac.
M. Gagnon
(Éric) : On reconnaît que la nicotine peut être un produit dépendant.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Vous avez émis l'idée que vous ne vouliez pas que nos jeunes commencent
à fumer.
M. Gagnon (Éric) : Tout à fait. Les jeunes ne devraient pas fumer. C'est un
produit qui est nocif pour la santé et c'est un produit qui devrait être
consommé par des adultes qui le font en toute connaissance de cause.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Les nouveaux produits du tabac que vous avez
mis sur le marché, les emballages, il y a une évidence au niveau mondial… parce qu'elle était… Même la fille dans James
Bond, le dernier qu'il y avait eu, fumait
des cigarettes de ce genre-là. Ça, c'est du placement marketing, il y a une
évidence que ça attire les gens à fumer.
M. Gagnon
(Éric) : Je vais rectifier quelque chose…
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Ça allait bien, la réponse, jusqu'à date, il faudrait juste que je la
donne plus claire encore.
M. Gagnon
(Éric) : Non, non, non, je vais rectifier quelques données. Il n'y a
aucun placement marketing de l'industrie du
tabac. Donc, ça, je pense que c'est important de le souligner.
Deuxièmement, je vous rappelle qu'au Québec les paquets sont cachés de
la vue du public, et il n'y a personne qui commence à fumer à cause de l'emballage.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui, mais est-ce qu'on est d'accord que, lorsque quelqu'un
a son paquet de cigarettes, le sort en public, ça a quand même une
visibilité?
M. Gagnon
(Éric) : On est d'accord que 75 % du paquet qui est montré en
public a un message de santé, premièrement. Deuxièmement, je pense qu'une
personne qui n'a jamais fumé ce n'est pas à cause qu'elle voit un emballage qui
a une forme x ou y qu'elle a le goût de commencer à fumer.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : O.K. Pour ce qu'il s'agit de l'emballage, je
pense que, de ce qu'on entend jusqu'à date,
la plupart des groupes nous disent d'y aller de l'avant avec un emballage
neutre — on a eu
un très beau témoignage hier de Mme Roxon — et je
pense que le Canada… ou le Québec, en tout cas, va devoir suivre cette voie-là.
Moi, je prends une position immédiate, là, je veux dire, c'est assez clair qu'on
s'en va vers… là-dessus.
Advenant
le cas qu'on décide de prendre cette position-là, l'industrie, historiquement,
prenait toujours des moyens légaux pour combattre les mesures qui ont
été prises, même s'ils savaient qu'à la fin ils allaient perdre. Est-ce que
votre intention, ce sera de ne pas prendre de moyens légaux si le Canada
allait… ou le Québec allait sur cette voie d'avoir des emballages neutres?
Le Président (M.
Bergman) : M. Gagnon.
M. Gagnon (Éric) : Nous, on considère que l'emballage neutre est illégal et, oui, on va
prendre des actions légales.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
O.K. Ça fait que c'est clair au départ que vous allez prendre toutes les
actions possibles au niveau légal, malgré le fait qu'il y a des fortes
probabilités que vous ne gagniez pas.
Le Président (M. Bergman) :
M. Gagnon.
M. Gagnon (Éric) : Nous, on pense
que c'est illégal de pouvoir s'approprier les marques de commerce de différents
produits. Donc, nous, on va prendre les actions légales nécessaires.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Maintenant, le dossier des cigarettes
électroniques. Est-ce que vous admettez que, les cigarettes
électroniques, votre entreprise la considère comme une aide à cesser de fumer?
M. Gagnon (Éric) : Une aide à cesser
de fumer?
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Oui.
M. Gagnon (Éric) : Tout à fait.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Au Québec,
au Canada, tout produit qui est pour aider de cesser de
fumer devrait être considéré comme un
produit… soit au niveau matériel ou au niveau comme des médicaments, c'est
considéré comme devant nécessiter des
évaluations avant d'être mis sur le marché, pour savoir est-ce que
ça marche ou ça ne marche pas. Êtes-vous d'accord avec ça?
M. Gagnon (Éric) : Écoutez, je ne
connais pas tous les détails de l'industrie pharmaceutique, là. Ce que je peux vous dire, c'est que… Nous, ce que l'on dit,
c'est que les cigarettes électroniques, ce n'est pas une cigarette, donc
ne devraient pas être réglementées comme une cigarette.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
O.K. Mais fiez-vous sur ma parole, là, c'est comme ça que ça marche, O.K.?
M. Gagnon (Éric) : Si vous le dites.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : À
partir du moment qu'on fait la mention que ça peut aider à fumer,
théoriquement il devrait y avoir des évaluations scientifiques, et pas des
évaluations bidon citées de chercheurs où on ne sait pas trop d'où ils viennent, là, mais, comme j'avais dit à
des représentants de votre groupe, une bonne étude ou plusieurs études dans le New England Journal of Medicine, ça
commence à être sérieux. Il n'y a pas eu d'étude comme ça jusqu'à date, à
notre connaissance.
Et théoriquement, encore là c'est le principe de
précaution, un produit ne devrait pas être vendu ou mis sur le marché tant qu'il n'a pas prouvé qu'il avait une
efficacité. À partir de ce moment-là, la cigarette électronique, au Québec,
actuellement, devrait avoir une limitation parce qu'on ne sait pas si ça va augmenter le tabagisme ou si ça va diminuer
le tabagisme. Et, dans la non-connaissance,
le premier principe de précaution, c'est de ne pas l'utiliser. C'est le même
principe pour les médicaments, même principe lorsque vous allez acheter des
appareils pour vous aider dans votre vie.
Donc, votre
argumentation que vous avez faite en disant : Bien, on devrait le mettre
sur le marché, c'est comme ça qu'on
est arrivé, à un moment donné, puis qu'on a dû réglementer au niveau des
médicaments. Quand un médicament faisait
plus de tort ou nuisait à plus de
personnes qu'il n'en aidait, à ce
moment-là un produit ne devrait pas
être sur le marché. Êtes-vous d'accord avec un raisonnement comme
celui-là?
• (11 h 20) •
Le Président (M. Bergman) :
M. Gagnon.
M. Gagnon
(Éric) : Bien, en fait,
contrairement à ce que vous avez affirmé, il y a des études sur le
marché qui démontrent que... il y a
des études sur le marché qui démontrent que les produits... les cigarettes
électroniques peuvent être une source importante pour diminuer le taux
de tabagisme. Je pense qu'il y a des pays, comme l'Angleterre, qui ont pris des
décisions éclairées. Ce que nous, on demande, c'est, au Québec et au
gouvernement du Québec, avant de légiférer la cigarette électronique, de
prendre connaissance de toutes ces études-là et de s'assurer de mettre un cadre
réglementaire qui correspond au produit.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
On est chanceux au Québec, on a une organisation, qui s'appelle l'INESSS, qui pourrait nous donner un avis là-dessus. Puis, à
partir de ça, on pourrait voir qui a raison. Mais, dans la non-connaissance...
Parce que, quand vous me dites des études,
là... Les gens qui se promènent, là… vous êtes capable de prouver que,
sur terre, il y a des Martiens qui sont
venus déjà, voilà plusieurs années, il y a des études qui vont vous démontrer
ça; puis il y a des études qui vont
vous démontrer à peu près n'importe quoi. Mais, des études faites
scientifiquement, validées scientifiquement et qui disent... en tout cas
qui se rapprochent beaucoup de la vérité, il n'y en a pas tant que ça. Et c'est
toujours difficile quand on voit des gens qui viennent, puis ils nous disent
toujours : On a eu ça à quelque part, et puis, dans le fond, la science,
par la suite, révèle que c'est complètement le contraire. C'est pour ça que je
vous disais : Quand vous... Si vous avez à prouver
des études, ça prend des études qui sont acceptées par la communauté
scientifique et qui ont été validées également par des organisations comme l'INESSS.
Pour la
question des saveurs, ce que je comprends, c'est que vous êtes d'accord avec le
principe qu'il n'y a pas de saveur au niveau des cigarillos ou de d'autres
types de produits. Parce qu'au niveau du menthol 4,5 % des gens fument des
cigarettes au menthol. Ça, vous seriez contre qu'on fasse une restriction à ce
niveau-là?
Le Président (M. Bergman) :
M. Gagnon.
M. Gagnon
(Éric) : Oui, parce que l'objectif
du gouvernement au niveau des produits... des saveurs, en fait, c'est
des produits qui sont attrayants pour les jeunes. Et les études démontrent que
les produits mentholés sont utilisés par des adultes, et puis ce n'est pas un
marché qui est en croissance. Donc, si l'objectif, vraiment, c'est de s'assurer
que les jeunes n'aient pas accès à des produits, le menthol n'est pas inclus
dans ces saveurs-là.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Maintenant, le sujet
des produits qui seraient moins nocifs, développés par les compagnies de
tabac. Moi, je vais vous donner ma position, puis je pense que c'est la
position qui rejoint beaucoup la communauté
médicale : c'est très risqué de commencer à promettre à des gens qu'il va
se développer des nouveaux produits, ça les encourage pratiquement à continuer de la
même façon. Et l'industrie,historiquement,
a essayé de le faire avec les cigarettes douces, les cigarettes qui,
semblerait-il, ne causaient pas plus de méfaits, sauf que, la réalité,
des études ont démontré que c'était aussi dangereux.
Je sais que
ça a toujours été nié par les compagnies pharmaceutiques, mais,
historiquement... pas pharmaceutiques, les
compagnies de tabac, mais, historiquement, là, je vous rappellerai que les
compagnies de tabac, dans les années 50, niaient également que ça
causait le cancer, malgré le fait qu'ils avaient des études qui prouvaient que
ça donnait le cancer. D'ailleurs — on n'en parlera pas parce que c'est en
cours — il y a
une poursuite, quand même, de 60 milliards de dollars contre les
compagnies de tabac. Je pense que c'est... Quand vous nous arrivez avec des
arguments comme ça, puis je vais vous donner
ma position personnelle, c'est beaucoup de sophismes, hein? Vous avez un
raisonnement qui a l'air vrai mais
qui, dans le fond, est faux. Et là-dessus je me méfierais puis j'avertirais la
population du Québec de se méfier de
ce genre de raisonnement là, parce que, dans le fond, ce n'est seulement que
faire encore plus la promotion de produits.
Il n'y a seulement qu'une façon de se parer des
effets néfastes du tabac, c'est de ne pas fumer. Et, tant que ce message-là ne va pas dans la tête de la
population, on va avoir de la difficulté... D'avoir des mesures alternatives ou
des mesures qui vont diminuer la dépendance,
ça n'existe pas. Un vrai non-fumeur, c'est quelqu'un qui ne fume pas,
point à la ligne. Et ça, quand vous êtes
dans votre bureau puis que vous voyez des patients, quand quelqu'un vous dit,
là : Je vais juste fumer un peu, ce n'est pas vrai, ça, il va
recommencer à fumer. D'ailleurs, moi, j'ai vu une patiente il y a quelques semaines, ça faisait sept ans qu'elle avait arrêté
de fumer. Elle a retouché la cigarette dans un party et elle a
recommencé par la suite. Et je sais qu'une
des stratégies pour avoir ces gens-là pour qu'ils recommencent, c'est d'avoir
des emballages qui sont intéressants,
c'est de les faire essayer dans certaines circonstances, et c'est le
comportement qui fait que ça fait ça.
Donc, c'est
pour ça qu'on va devoir en faire une, loi. On verra de façon... comment on va
la faire pour que ce soit quand même…
Comme vous dites, il faut que ce soit raisonnable, mais, pour une fois, on s'attendrait
à ce qu'il y ait une grande collaboration des compagnies de tabac.
Merci, M. le Président. C'est mon message.
Le Président (M. Bergman) :
Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de
Santis : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Gagnon. Vous
parlez d'études. J'aime bien, quand les gens me parlent d'études, qu'on
me produise les études. Donc, est-ce que vous auriez la gentillesse de nous
envoyer les études dont vous parlez, à la
fois en appuyant votre argumentaire que les cigarettes électroniques peuvent
aider et à la fois en ce qui concerne le menthol? Parce que vous citez
4,5 %... Moi, tous ces chiffres-là, je suis toujours très cynique et j'aime
voir exactement à quoi on fait référence.
Deuxièmement, vous faites…
Le
Président (M. Bergman) : …envoyez ces études à la secrétaire de
la commission, qui va les envoyer à chaque membre de la commission, s'il
vous plaît. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis : Et on peut
nous-mêmes se faire une analyse là-dessus.
J'aimerais
aussi… Je ne comprends pas bien votre argument. Vous dites que les gens n'achètent
pas les cigarettes basé sur l'emballage parce qu'ils ne le voient pas.
Donc, pourquoi vous tenez tellement que l'emballage ne soit pas neutre? Si on
ne le voit pas, ce n'est pas basé là-dessus que je vais choisir une cigarette,
mais vous tenez à ce que ça ne soit pas neutre.
Le Président (M. Bergman) :
M. Gagnon.
M. Gagnon
(Éric) : Ce que je vous dis,
ce n'est pas exactement ça. Ce que je dis, c'est que les gens necommencent pas à fumer à cause d'un emballage. Il
y a une différence. Donc, que ça soit n'importe quel produit, ce n'est
pas parce que je vois un emballage x que j'ai envie de commencer à consommer ce
produit-là. Je pense que les gens qui achètent des produits du tabac ont déjà fait le choix de fumer et
après ça, à travers les produits qui sont disponibles, font un choix.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de
Santis : Alors, vous ne croyez pas qu'en voyant les emballages
que d'autres personnes ont dans leurs poches,
etc. Parce que, vos propres emballages, on peut enlever l'extérieur de certains
et garder seulement l'intérieur. Ou, si je parle de vos cigarettes
Vogue, par exemple, qui voulez-vous attirer avec ces cigarettes Vogue?
M. Gagnon
(Éric) : Les femmes adultes
qui ont fait le choix de fumer en toute connaissance de cause. Il y a
des femmes qui ont fait le choix de fumer. Et, comme toute industrie ou comme
tout autre produit, on a des produits qui sont
pour les adultes hommes, il y a des produits qui sont pour les adultes femmes.
Mais ce n'est pas parce que le produit, il est plus différent qu'il y a une jeune fille de 12 ans qui va
dire : Moi, je vais commencer à fumer parce que le paquet, il est
beau. C'est irrationnel. Je pense qu'il faut faire attention de…
Mme de
Santis : Vous allez me dire que vous avez des études qui
démontrent exactement ce que vous dites, que ça n'attire pas les jeunes filles de 12 ans qui vont voir quelqu'un
avec cette affaire très sexy dans la main à aller demander pour la même
chose même si, quand elle va chez le dépanneur, elle ne le voit pas
directement? Vous avez des études qui démontrent ça?
Le Président (M. Bergman) :
M. Gagnon.
M. Gagnon (Éric) : On ne fait aucune
étude auprès des jeunes. Donc, à partir de ce moment-là, on n'a pas d'étude auprès des jeunes, si je peux me permettre
de répondre, et on… Encore une fois, le paquet… il y a 75 % du
paquet que c'est un message de santé. Les
gens qui rentrent dans un dépanneur ne voient pas le paquet. Quelqu'un qui n'a
jamais fumé ne rentre pas dans un dépanneur et…
Et il faut
revenir au cadre réglementaire qui est en place aujourd'hui et reconnaître que
le cadre réglementaire, il fonctionne
bien. Ça fait sept ans que les paquets sont cachés de la vue du public. Le
message de santé indique aux gens que…
75 % du paquet indique aux gens qu'il y a des risques associés au
tabagisme. Tous les gens qui fument aujourd'hui sont conscients des
risques associés au tabagisme. Il n'y a pas une personne qui peut vous dire que
fumer… il n'est pas au courant qu'il y a des risques associés au tabagisme.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de
Santis : Mon intérêt, c'est comment ces types de cigarettes
pouvaient attirer les jeunes. Et les jeunes, ils ont besoin d'une certaine protection. Je ne parle pas des personnes aptes
qui ont 18 ans et plus. Mais j'aimerais vous poser une autre
question : Est-ce que vous connaissez l'Association canadienne des
dépanneurs en alimentation?
M. Gagnon (Éric) : Bien sûr.
Mme de Santis : Est-ce que
vous les soutenez?
M. Gagnon (Éric) : Soutenez?
Mme de Santis : Est-ce que
vous les soutenez financièrement?
M. Gagnon (Éric) : Bien, en fait, l'association…
En fait, l'Association des dépanneurs ou, en fait, tous les dépanneurs, c'est
les gens qui permettent de vendre nos produits dans un cadre réglementaire. Et
donc, comme tout partenaire d'affaires, que ce soit à travers la chaîne de
production, c'est des gens avec qui on travaille, tout à fait.
Mme de Santis : Est-ce que
vous soutenez leurs projets spéciaux, comme des forums sur la contrebande ou
leur autobus de luxe?
Le Président (M. Bergman) :
M. Gagnon.
M. Gagnon (Éric) : Comme tout
partenaire d'affaires, on supporte des initiatives de nos partenaires. Il faut
comprendre que la contrebande fait perdre 900 millions de dollars à l'industrie
du tabac au Canada. Donc, comme toute
entreprise qui perd 900 millions de dollars par année, je pense qu'on a le
droit, en tant qu'entreprise légale, de pouvoir demander au gouvernement
de mettre des règlements et des lois en place qui adressent cet enjeu. Si
aujourd'hui je n'étais pas l'industrie du
tabac, je pense que la contrebande aurait été réglée ça fait longtemps.
Malheureusement, on parle d'un produit nocif, et donc c'est un crime qui
est accepté par tout le monde, à cause qu'on a un produit nocif.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau, il vous reste trois minutes.
• (11 h 30) •
Mme
Vallée : Merci. Alors, merci de votre présentation. Bonjour.
Vous suggérez, dans vos recommandations, que le gouvernement déploie des efforts de sensibilisation plus
intensifiés pour éliminer les sources sociales de tabac chez les jeunes. Ça, c'est à la page 16 de votre
mémoire. Votre industrie vit de la vente du tabac. Vous nous dites : Nous,
notre objectif, ce n'est vraiment pas de
rejoindre les jeunes, au contraire. Donc, quel est le rôle qu'Imperial Tobacco
pourrait jouer, justement, dans cette campagne de sensibilisation? Parce que ce
n'est pas qu'au gouvernement à assumer les coûts
d'une telle campagne de sensibilisation. Comme vous êtes des joueurs
importants, de quelle façon vous pourriez, vous aussi, participer à cet effort-là et faire en sorte de sensibiliser
les jeunes aux dangers de votre industrie, aux dangers des produits de
votre industrie?
Le Président (M. Bergman) :
M. Gagnon.
M. Gagnon (Éric) : Je pense qu'on
est ouverts à n'importe quelle discussion qui peut aider, mais je pense qu'aussi, quand on regarde le cadre réglementaire
aujourd'hui, les risques associés au tabagisme sont hautementcommuniqués par les gouvernements, par… Je veux
dire, encore une fois je me répète, mais il n'y a personne aujourd'hui
qui peut dire qu'il n'est pas conscient des risques associés au tabagisme.
Donc, nous,
il n'y a pas de problème. En fait, on le fait déjà en s'assurant que nos
produits ne sont pas vendus aux mineurs,
qu'ils ne sont pas… je cherche le bon mot, mais marketés, là, aux mineurs. Ce n'est
pas ça du tout, notre objectif. Donc, je pense qu'on fait déjà notre
part de responsabilité, mais, si le gouvernement veut travailler avec l'industrie,
comme je vous ai dit, nous, on pense qu'on fait partie de la solution et non du
problème.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
On a parlé tout à l'heure des emballages. Je me permets de prendre le temps qu'il
me reste pour partager avec vous que j'ai beaucoup de difficultés à
croire que vous ne ciblez pas les jeunes filles, les adolescentes. On avait tout à l'heure le témoignage d'une jeune
adolescente qui se sentait très, très interpellée par les petits paquets
qui ont été mis sur le marché, par les
petites cigarettes. Elle n'a que 15 ans et elle se sent interpellée. Elle
nous le dit qu'elle se sent
interpellée par ça. Ma fille, qui a 13 ans, était ici hier après-midi,
elle va se joindre à nous plus tard, se sent interpellée par ces
produits-là.
Qu'est-ce que vous pourriez faire pour contrer
cette problématique-là? Parce que les jeunes adolescentes nous le disent. Ce n'est pas des études, là, ce n'est
pas des scientifiques qu'on a payés, c'est des jeunes qui sont en
contact avec ces produits-là et qui nous disent : Moi, je sens qu'on me
cible avec ça. Alors, comment vous pourriez contrer ça et contribuer
socialement à empêcher la propagation du tabagisme chez les jeunes?
Le Président (M. Bergman) :
M. Gagnon.
M. Gagnon
(Éric) : En fait, encore une fois, il y a une notion d'éducation à
faire. J'ai une fille également, et mon objectif, c'est que ma fille ne
fume pas, à cause des risques associés au tabagisme, et mon rôle en tant que
parent, c'est de l'éduquer sur ces
risques-là. Il y a 75 % du paquet qui est un message de santé. Je veux
dire, jusqu'à un moment donné, il
faut que les… Jusqu'où est-ce qu'on peut communiquer aux gens plus que ça? Le
risque associé au tabagisme est
hautement connu. Et, encore une fois, tu rentres dans un dépanneur, le paquet n'est
pas perçu, n'est pas vu à la vue du public. Donc, à 75 % du paquet,
je pense que les risques associés au tabagisme sont connus.
Et, non, les
produits que nous, on met sur le marché ne sont pas pour attrayer les jeunes,
ils sont pour les adultes qui ont fait un choix en toute connaissance de
cause. Et il y a des femmes adultes qui ont décidé de fumer, et nous, on considère que c'est acceptable qu'en tant qu'industrie
légale on puisse cibler ces femmes-là adultes qui ont fait le choix de
fumer, comme on le fait avec les hommes.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du groupe d'opposition
officielle. Maintenant, pour le bloc de la deuxième opposition, Mme la
députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Merci, M. Gagnon, de votre présence aujourd'hui. On
vous a entendu, depuis le début,
mentionner à maintes reprises que la contrebande est une problématique pour ce
qui est de la taxation au niveau des prix du tabac. Vous nous avez dit à
plusieurs reprises, et vous avez… Vous vous êtes servi beaucoup de l'argument de la contrebande pour qu'on évite d'augmenter
la taxation au niveau du tabac, alors qu'on sait très bien que c'est un
outil qui incite à cesser, entre autres, l'usage du tabac.
Comment vous expliquez qu'en 2008
Imperial Tobacco a été reconnue coupable et a admis avoir… a plaidé coupable en cour à un chef d'accusation unique
pour avoir aidé des personnes à vendre ou être en possession de produits
du tabac fabriqués au Canada qui n'ont pas
été emballés ou estampillés conformément à la loi sur l'accise, et ses
modifications, et les règlements ministériels? Donc, Imperial Tobacco a admis
participer à la contrebande, et ça, c'est en 2008.
Le Président (M. Bergman) :
M. Gagnon.
Mme
Daneault : Comment
aujourd'hui, en 2013, peut-on faire confiance à Imperial Tobacco quand vous
utilisez encore la contrebande comme un argument massue pour éviter qu'on taxe davantage
les produits du tabac?
Le
Président (M. Bergman) : M. Gagnon.
M. Gagnon (Éric) : En fait, c'est un tout autre sujet, un tout autre
enjeu, et le problème qu'on a aujourd'hui
est complètement différent. On a 175 groupes de crime
organisé... par la GRC qui disent que les gens vendent aux jeunes. Ces
mêmes gens là, c'est les gens qui vendent de la drogue à nos jeunes. On a 50
usines illégales qui produisent des produits
illégaux et on a une industrie qui ne respecte aucune des lois mises en place.
Ce n'est pas moi qui le dis. Je peux vous
en montrer des paquets, j'en ai plein. Aucun message de santé, aucune taxe. Les
gens achètent ça, et donc il n'y en a pas de message de santé, là. Il n'y
a rien là-dessus. Donc, les gens se rendent ou c'est livré chez eux, et c'est la réalité d'aujourd'hui.
Donc,
vous m'apportez un problème qui est tout
à fait différent, qui a été réglé
dans le passé et que le gouvernement était au courant depuis longtemps,
qu'on avait avisé le gouvernement qu'il y avait des produits qui entraient au Québec
et au Canada. Donc, c'est un tout autre problème, et la
réalité d'aujourd'hui, malheureusement elle est peut-être
difficile à accepter, mais c'est qu'on a un problème de contrebande qui mine
toutes les lois qui sont en place.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Mais on
vous rappellera qu'en 2008 vous avez admis… votre compagnie a admis participer
à la contrebande, et c'est un jugement qui a
été fait, alors c'est là. C'est en 2008, il n'y a pas si longtemps.
Alors, comment, en 2013, on peut faire confiance que ça ne se reproduit
plus? C'est mon…
Le Président (M.
Bergman) : M. Gagnon.
M. Gagnon
(Éric) : Bien, je peux vous assurer…
Mme
Daneault :
La deuxième question…
M. Gagnon
(Éric) : Non… Est-ce que je peux répondre, M. le Président?
Mme
Daneault :
…mais j'ai eu votre réponse…
Le Président (M.
Bergman) : Est-ce que vous avez une autre question? Peut-être
la même question?
Mme
Daneault :
Non, ce n'est pas une question, parce qu'il y a répondu.
Ma
deuxième question s'adresse quant au… quand vous parlez des formats. Vous nous
dites que, dans le fond, le 75 % de l'emballage contient un message de santé.
Alors, quand on regarde… j'ai mes lunettes, là, j'ai de la misère à lire. C'est sûr que, quand on regarde ça, ça peut
être attirant, tout le monde le sait, tout le monde le voit. Alors,
pourtant, vous nous dites que ce n'est pas attirant, 75 % du message est
là.
Mais
pourquoi, si ce n'est pas attirant, pourquoi, si on n'arrive pas… Ça, c'est
encore vos paquets, en tout cas, on arrive à ouvrir et enlever une
portion du message. Comment, si ce n'est pas attirant… Pourquoi, aujourd'hui,
vous nous dites que, si on légifère pour
réglementer les formats, pour les uniformiser, comme ça s'est fait en
Australie… Puis je vous rappellerai que vous avez perdu en Australie, en
cour, sur cette question-là. Alors, comment, aujourd'hui… Vous nous dites : Ce n'est pas grave, ce n'est
pas attirant, il y a 75 % du message qui est… Comment, aujourd'hui,
vous pouvez nous dire que vous allez
poursuivre le gouvernement si on va vers une telle mesure puis pourtant en
admettant que cette mesure-là, elle n'a pas d'impact?
Le Président (M.
Bergman) : M. Gagnon.
M. Gagnon (Éric) : En fait, plusieurs éléments de réponse. Premièrement, je pense que le
cadre réglementaire en Australie est complètement différent de celui du
Québec et du Canada. Donc, je ne suis pas un avocat de formation, mais on laissera en temps et lieu les choses… voir
si le gouvernement décide d'aller de l'avant avec l'emballage neutre.
Deuxièmement, comme
je l'ai dit à maintes et maintes reprises, notre objectif, c'est de pouvoir
augmenter nos parts de marché avec les adultes qui ont fait le choix de fumer,
et la manière de diversifier nos produits et de différencier nos produits, c'est à travers l'emballage. Ce n'est pas une
raison pour que les gens commencent à fumer. Les gens ne commencent pas
à fumer à cause d'un emballage qu'ils voient. Ce qu'on essaie de faire, c'est
que les gens, les adultes qui ont fait le
choix de fumer consomment nos produits, essayer d'augmenter notre part de
marché à l'intérieur de la population adulte qui a déjà fait le choix de
fumer.
Le Président (M.
Bergman) : Alors, ceci met fin à ce bloc de temps. M. Gagnon,
merci pour votre présentation. Merci d'être ici, avec nous, aujourd'hui.
Je
demande aux gens de l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation de
prendre place à la table. Et je suspends pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 39)
(Reprise à 11 h 41)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je
souhaite la bienvenue à l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation. Messieurs, vous avez 15 minutes
pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de
la commission. Si vous pouvez mentionner votre nom, votre titre et procéder
avec votre présentation.
Association canadienne
des
dépanneurs en alimentation (ACDA)
M. Gadbois
(Michel) : Merci. Mon nom
est Michel Gadbois. Je suis le président de l'Association québécoise des
détaillants en alimentation et je suis vice-président pour l'Association
canadienne des dépanneurs.
M. Leroux
(Guy) : Et je m'appelle Guy
Leroux. Je suis directeur des relations publiques, des affaires
publiques et je suis responsable de la recherche pour l'association.
M. Gadbois
(Michel) : Je vais commencer
tout de suite. D'habitude, je n'écris pas, mais, compte tenu du temps qu'on a, j'ai un texte que je vais lire. Je trouve
ça détestable, mais endurez-moi pour 10 minutes. De toute façon, ce
que j'essaie de faire dans le texte, c'est résumer ce qu'on avait mis dans le
mémoire.
Alors, l'AQDA,
l'Association québécoise des dépanneurs en alimentation, est très heureuse d'avoir
été invitée par la commission parlementaire sur la santé et les services
sociaux à présenter son point de vue lors des auditions publiques sur l'examen
du rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur le tabac 2005-2010.
L'AQDA est
une association à but non lucratif vouée à la défense des intérêts des
dépanneurs du Québec. Nous travaillons à améliorer leur environnement d'affaires
de même que les pratiques responsables de l'industrie, telles que la prévention des ventes aux mineurs des
produits réservés aux adultes. Les membres du conseil d'administration
de l'AQDA comprennent des représentants de bannières de toutes tailles, et la
majorité des dépanneurs au Québec sont membres d'office chez nous.
Nous nous engageons dans les enjeux d'affaires et
réglementaires qui touchent de près nos membres et qui concernent les
catégories de produits que nous offrons, qu'il s'agisse de la bière, du vin, de
l'essence, de la loterie, du tabac, des
breuvages, des aliments préparés, des transactions électroniques et de toute
réglementation s'appliquant à notre secteur, et, je vous jure, il y en a
beaucoup.
L'AQDA est affiliée à l'Association canadienne
des dépanneurs en alimentation, l'ACDA, qui présente d'un bout à l'autre du
pays… qui est présente — je
m'excuse — nous
permettant d'avoir aussi une voix forte auprès du gouvernement fédéral.
Au nom de
notre conseil d'administration et de tous nos membres, je tiens à remercier d'avance
les parlementaires des différentes
formations politiques de bien vouloir entendre et considérer notre point de
vue. Le mémoire que nous avons déposé comprend huit recommandations, que
je vais vous résumer ici rapidement, mais aussi trois grands thèmes sur lesquels j'aimerais insister. Mais auparavant un
mot sur l'industrie des dépanneurs, une industrie à nulle autre pareille
au Québec et que les Québécois apprécient grandement.
Dans chaque
ville et village du Québec se trouve un dépanneur qui apporte une contribution
exceptionnelle à la vie de la
communauté. Le dépanneur fournit un service essentiel de proximité, permettant
aux consommateurs de laisser leurs automobiles de côté et de se déplacer
à pied pour s'approvisionner en biens de base, favorisant d'autant les échanges
et les sentiments d'appartenance de la communauté. C'est d'autant plus vrai
dans les régions éloignées, où les grandes distances font en sorte que la
proximité d'un dépanneur est encore plus précieuse.
Le dépanneur
crée des emplois locaux, souvent pour des jeunes qui acquièrent leur première
expérience de travail. Le dépanneur permet à des pères et mères de
famille ainsi qu'à plusieurs immigrants, de plus en plus nombreux, de gérer leur propre entreprise et devenir leur
propre patron. Le dépanneur respecte les lois, les règlements, perçoit et
remet les taxes aux gouvernements et s'engage au coeur de sa communauté en
soutenant des activités sportives, de loisir ou même culturelles.
Vous trouverez
à la page 3 de notre mémoire un résumé des faits saillants de notre
industrie, soit près de6 000 dépanneurs, c'est-à-dire le quart
de tous les établissements de détail au Québec; 42 000 emplois, soit
quatre fois le nombre d'emplois du secteur minier, à titre d'exemple; et
3,5 milliards en taxes versés par année, soit assez pour couvrir toutes
les dépenses, encore à titre d'exemple, aux familles, ou ajouter
1 milliard au Fonds des générations.
Ce que les
chiffres ne montrent pas, c'est à quel point les propriétaires de dépanneur
travaillent fort pour la réussite de leurs commerces, des gens qui, pour
chacun d'entre… vous connaissez bien dans votre comté. À titre d'exemple, j'en nomme parce qu'on est en contact avec eux
régulièrement : Édith Paré, du Marché Blainville dans le comté de
Groulx, qui a un bel établissement jumelé à
une boucherie; Fei Hao, un dépanneur de Sainte-Gertrude, dans le comté de
Bourassa-Sauvé, d'origine chinoise — il nous a dit être convaincu,
dans son cas, que la contrebande a repris cette année dans sa région — Deborah Graham, de Provisions d'Arundel dans
le comté d'Argenteuil, une propriétaire depuis 25 ans qui s'est
spécialisée dans le prêt-à-manger…
Une voix : Elle fait une
excellente pizza, il paraît.
M. Gadbois (Michel) : Yogi
Thambirajah, un dépanneur A.M. dans le comté de D'Arcy-McGee, d'origine
indienne. Yogi gère le commerce seul avec sa femme. Il dit faire très attention
de ne pas vendre de tabac aux mineurs parce qu'il a des enfants lui aussi. Yvan
Dufresne, Dépanneur Chapdelaine, dans le comté de Jean-Talon, qui a
acheté il y a trois ans, trois, quatre ans à
peu près, mais qui s'inquiète du rendement de son magasin depuis deux ans. Vous
voyez la très grande diversité des
propriétaires, comment ils travaillent très dur, mais, la plupart du temps,
pour un maigre profit, quand il y en
a un, car leur marge bénéficiaire est extrêmement mince. Nous sommes donc très
fiers de les représenter ici.
Au cours des dernières années, la stratégie
gouvernementale de contrôle sur le tabac a eu des impacts très négatifs sur les revenus des dépanneurs, mais
malheureusement pas pour les bonnes raisons. Si les ventes des
dépanneurs baissent parce que le tabagisme
baisse, tant mieux pour la santé publique. Que ce soit le tabac ou n'importe
quel autre produit, les dépanneurs,
vous le savez, ils sont habitués à des cycles de demande qui s'appliquent aux différents
produits et finissent toujours par s'adapter.
Ils ont quand même survécu, en grande majorité. Mais, si les ventes des
dépanneurs baissent parce que les
criminels détiennent une part significative du marché et parce que l'État, de
toute évidence, n'a pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la
situation, cela ne va pas dans le sens de l'intérêt public.
Nous sommes les premiers à souligner, dans notre
mémoire, les progrès accomplis en matière de lutte à la contrebande au Québec depuis les sommets de 2008, au cours duquel la
contrebande a atteint 40 % au Québec. Cela étant dit, la situation demeure fragile. C'est une bonne
partie de notre message. Les gains sont éphémères parce que rien dans la
fondation n'a changé. Le prix d'une cartouche légale est en moyenne de
77 $, tandis que le prix d'une cartouche de contrebande n'est que de
15 $, soit cinq fois moins. À une cartouche par semaine, il en coûte
4 000 $ par année à un fumeur de
respecter les lois contre seulement 780 $ sur le marché noir. Opter pour
la contrebande, c'est donc réaliser une économie annuelle de 3 200 $, ce qui représente, pour quelqu'un
qui gagne 25 000 $ net, presque 15 % de son revenu disponible, une somme d'argent qu'il peut
appliquer à d'autres dépenses, d'autant plus que n'importe qui au Québec
a accès au tabac de contrebande sans réelle crainte de se faire prendre. Un
sondage Léger Marketing que nous avions commandé
révélait que 80 % des Québécois n'auraient aucune peur de se faire arrêter
s'ils achetaient de la contrebande. Ça fait partie de notre deuxième
message.
Je me tourne
maintenant vers les membres de la commission qui sont appelés à se pencher sur
des recommandations à la Loi sur le tabac et je demanderais combien d'entre
vous ont déjà visité, au cours de la dernière décennie, une cabane à tabac à Kahnawake ou à Kanesatake.
Peut-être que, dans votre rôle d'élu, vous ne pouvez pas y aller, mais
je vous encourage fortement à y aller au moins une fois pour prendre conscience
de cette réalité. Je vous rappelle qu'il y a
200 cabanes à tabac situées à moins de 30 minutes — 200 à moins de 30 minutes — du centre-ville. Cette réalité-là n'a pas changé depuis les huit dernières années.
Combien d'entre vous, également, connaissez le nombre de manufactures illégales de cigarettes qui se trouvent sur la
réserve de Kahnawake, juste sur la réserve de Kahnawake? Selon l'évaluation
du ministère de la Sécurité publique, il y en a au moins 10. Nous avons même
les photos, si vous voulez les voir, dans un de nos rapports. Elles sont toujours
en place, et personne ne les a dérangées depuis les 10 dernières années.
• (11 h 50) •
Aujourd'hui,
n'importe quel Québécois qui le souhaite, dans n'importe quelle région du
Québec, peut se procurer du tabac de contrebande. La concurrence
illégale et déloyale est répandue partout. En ce sens, les priorités à repenser
puisque… je m'excuse. En ce sens, les
priorités sont à repenser puisque le tabagisme a cessé de diminuer depuis
2005, année où la contrebande a réellement
émergé. La consommation totale de contrebande, depuis le début des
années 2000, équivaut, selon notre
estimation, à 20 milliards de cigarettes, environ, soit l'équivalent de trois années sur 10. Ça veut dire que, sur 10 ans, il y aurait
trois années que ça aurait été la contrebande pure qui serait sur le marché.
Cela représente des revenus totaux de l'ordre de 1,5 milliard de
dollars pour le crime organisé. Et, pendant ce temps, des centaines de dépanneurs ont fermé leurs portes à travers le
Québec, marquant ainsi la victoire des contrebandiers sur les
détaillants honnêtes.
Je vous
mentionnais en introduction trois thèmes sur lesquels nous aimerions insister.
Le premier thème rappelle que la
commission a pour mandat de se pencher sur un rapport. Le rapport en question
se concentre principalement sur les mesures décrétées par la loi et
comment elles ont été implantées. Au chapitre des recommandations, une seule
ressort clairement dans la conclusion, en
page 37 du document, et je vous la lis : «Le commerce illicite de
tabac représente le principal défi en
matière d'accessibilité des produits du tabac et de lutte contre le tabagisme.
L'ampleur de ce phénomène, qui
atteindrait 30 % [au moment où le rapport a été présenté], a pour effet
que deux réseaux de distribution approvisionnentactuellement les fumeurs : un réseau légal fortement encadré de
même qu'un réseau illégal qui n'est soumis à aucune règle, et qui, en conséquence, contribue à atténuer
considérablement l'atteinte des objectifs poursuivis par la Loi sur le
tabac.»
Nous invitons les membres de cette commission à
adopter cette recommandation du ministère de la Santé et surtout l'idée selon laquelle la lutte à la
contrebande et la lutte au tabagisme ne font qu'un. Autrement dit, la lutte à
la contrebande de tabac doit devenir la
nouvelle priorité du gouvernement pour faire baisser le tabagisme, et, sur ce
point, nous sommes 100 % d'accord avec le ministère de la Santé.
Même
si la contrebande a diminué depuis la publication de ce rapport, le volume de
ventes demeure ahurissant. En 2011,
selon le ministère des Finances du Québec, la contrebande s'élevait à
15 %. On a souvent de la difficulté à évaluer 15 %. Ça paraît
faible. Même, on le banalise. Si on prend les chiffres comme ils sont, étant
donné que 7,7 milliards de cigarettes
légales ont été vendues au Québec, cela représente un marché total de
9 milliards de cigarettes consommées, dont 15 %, soit 1,4 milliard de cigarettes, sont des
cigarettes illégales. Donc, 1,4 milliard de cigarettes de
contrebande consommées au Québec, c'est énorme, c'est gigantesque, c'est
150 000 paquets par jour, 150 000 paquets par jour de fumés au
Québec. Produire, distribuer, transporter, vendre et écouler
150 000 paquets de cigarettes de contrebande par jour, ça prend une
industrie criminelle très organisée. C'est ce qu'on appelle le crime organisé.
Arrêtons de paraître
satisfaits ou de prétendre que ce problème est en voie d'être réglé. Si
1,4 milliard de cigarettes de
contrebande sont consommées quotidiennement, pas moins de 260 000 Québécois,
soit plus de 2 000 dans chacun de vos comtés, O.K., consomment
quotidiennement des cigarettes de contrebande. Un quart de million de Québécois fument de la
contrebande tous les jours. La banalisation de ce que représente 15 % de
contrebande en prétendant que c'est
une victoire est probablement l'un des plus grands défis auxquels nous faisons
face auprès des législateurs, et ce n'est pas juste le problème du
ministre de la Sécurité publique.
Cela m'amène
à exprimer le second thème de notre mémoire : Pour être efficace, une politique
de contrôle du tabac doit, d'abord et avant tout, s'assurer de contrôler
la vente du tabac. Si, par vos politiques, vous convainquez les Québécois de
cesser de fumer, bravo. Si, par vos politiques, vous stimulez la criminalité,
la contrebande, le marché illégal et faites
en sorte, comme en 2008, que 640 000 Québécois, environ, optaient pour la
contrebande de tabac, cela mène tout droit aux effets contre-productifs.
Donc, le
premier thème : le rapport vous recommande de faire de la lutte à la
contrebande une priorité pour la lutte
au tabagisme; le deuxième thème : une politique de contrôle de tabac se
doit, d'abord et avant tout, de s'assurer du contrôle légal et
réglementaire du marché; et le troisième thème : renforcer la vente légale
et socialement responsable du tabac est un élément clé de cette politique.
Si
on veut que le tabac soit bien contrôlé, on doit miser sur la vente légale et
socialement responsable. Cela ne veut
pas dire promouvoir les ventes du tabac, cela veut dire faire en sorte que ceux
qui consomment du tabac le fassent en s'approvisionnant dans un réseau
légal et réglementé. C'est fondamental pour l'intérêt public. Votre souci, en
tant que législateurs, est de tenir compte du fait que les consommateurs ont
présentement le choix entre le tabac légal et illégal
et que, devant les difficultés depuis 10 ans de réduire à néant l'offre
illégale de tabac, vous résisterez à la tentation prohibitionniste, qu'il s'agisse de prohibition
par le prix, par le bannissement de produits ou par toute autre
réglementation qui pourrait donner un
avantage additionnel aux contrebandiers
et inciter les consommateurs à se détourner du réseau légal, parce que
la prohibition, sous quelque forme que ce soit, incite le consommateur à se
tourner vers la contrebande.
Toutes nos recommandations vont dans ce sens,
soit de miser sur le réseau légal et socialement responsable pour assurer à l'État
un meilleur contrôle du tabac. Lutter contre le tabagisme, certainement, mais
pas au détriment de l'offre légale et socialement responsable des produits.
Je peux
terminer en reprenant chacune des recommandations que vous trouverez à la page 37 de notre
mémoire, résumées. J'y vais?
Une voix : Oui.
M. Gadbois (Michel) : O.K. Parce que
vous pouvez les prendre, elles sont résumées dans un tableau. Alors, recommandation n° 1 : Que le
gouvernement se donne un objectif atteignable et mobilisateur de réduction de
la contrebande au Québec, soit moins de 1 milliard de cigarettes
illégales vendues d'ici 2016. Ce n'est pas impossible…
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion.
M. Leroux (Guy) : Oui, on conclut,
là.
M. Gadbois (Michel) : Recommandation
n° 2 — nous
en avons huit : Que le gouvernement endosse la première recommandation du rapport 2012 sur la lutte de la contrebande
de la Commission des finances publiques, soit de créer une commission mixte avec le gouvernement fédéral, l'Ontario, les
États-Unis et les Premières Nations. Nous avons été très présents au fédéral et en Ontario pour pousser cette commission
mixte. Elle est essentielle. Le Québec ne peut pas régler le problème
tout seul.
Recommandation
n° 3 : Que le gouvernement évite de hausser de nouveau les taxes pour
ne pas inciter davantage les fumeurs à se tourner vers la contrebande,
le temps au moins de véritablement contrôler ce fléau.
Recommandation
n° 4 : Que le gouvernement lance une campagne de sensibilisation pour
rappeler que l'achat de tabac sans taxe est illégal. Il s'expose à de
fortes amendes.
Recommandation
n° 5 : Que le gouvernement réinvestisse une portion significative des
revenus additionnels issus de la
hausse récente des taxes sur le tabac pour renforcer la lutte à la contrebande.
La contrebande a aussi ces coûts-là.
Recommandation n° 6 : Que le
gouvernement évite l'ajout de règlements devant restreindre la vente légale et
socialement responsable et qui pourrait donner un avantage aux contrebandiers.
L'avant-dernière :
Que le gouvernement prenne part, avec l'AQDA, à un projet pilote dans lequel la
présentation d'une carte d'identité deviendrait obligatoire sur l'achat de
tabac.
Recommandation n° 8 : Que le
gouvernement enchâsse, dans le préambule de la Loi sur le tabac, un énoncé de
principe reconnaissant la valorisation du rôle de la vente légale et
socialement responsable du tabac dans le cadre de sa politique de contrôle.
Le Président (M. Bergman) :
Merci pour votre présentation, M. Gadbois. Alors, le bloc du gouvernement, Mme
la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Merci,
M. le Président. Bonjour, M. Gadbois
et M. Leroux. Ça me fait plaisir de vous rencontrer. Alors, je
vous remercie de votre présentation.
J'ai trouvé beaucoup, beaucoup d'informations et beaucoup de données, et je trouve votre position quand
même assez claire. Et j'en profite pour saluer tous les dépanneurs du beau
comté de Sainte-Rose.
Une voix : …
Mme Proulx : Oui, certainement. Écoutez, j'aimerais ça que vous nous résumiez un peu, en
fait, la contribution de votre association à la lutte au tabagisme au Québec,
à la lutte contre le tabagisme au Québec. Vous savez que c'est un enjeu…
ça fait déjà
deux jours qu'on en parle, c'est un enjeu non seulement de santé publique, c'est
un enjeu de société, et toutes les parties prenantes de la société, notamment
l'association des dépanneurs… Même, vous n'êtes pas les producteurs de tabac, vous n'êtes pas une compagnie de tabac, mais vous
êtes quand même dans la chaîne, vous êtes les dépositaires
et vous vendez les produits du tabac. Comment vous vous positionnez dans la
lutte contre le tabagisme au Québec?
• (12 heures) •
M. Gadbois (Michel) : En fait, je dirais qu'on est sur le front, le premier front, qui est celui
de s'assurer que les ventes soient faites légalement et que non seulement
les revenus qui doivent revenir à l'État reviennent à l'État, mais qu'on exerce
des contrôles sur la vente aux mineurs. C'est notre première responsabilité.
N'oubliez
pas, essentiellement, vendre du tabac, c'est une permission qu'on a de
l'État, ce n'est pas un droit, et cette
permission nous demande de respecter un certain nombre de normes. Et on l'a
fait, je peux vous dire, surtout depuis le début des années 2000,
avec de plus en plus de restrictions sur le produit, restrictions qui ont été
coûteuses pour nous, non seulement… Tout le monde pense que c'est dans la vente, mais, exemple, il
a fallu tout refaire l'intérieur de certains
magasins simplement pour cacher les produits, pour être capables de les rendre
accessibles. On a perdu des revenus, parce que tout le monde sait que
les produits qui sont sur nos comptoirs ou, avant, étaient près, sur les
présentoirs, nous rapportaient de l'argent. On a perdu ces revenus-là aussi. O.K.
Maintenant,
une des choses qu'on a mises en place, qui n'existaient pas auparavant,
c'est de s'assurer que des détaillants aient accès à une formation sur
des restrictions de vente. Donc, chez nous, le plus gros problème qu'on a, c'est le taux de rotation de nos employés. On a beaucoup
de jeunes. Les jeunes sont de mauvais juges sur l'âge, hein? On a juste
à se rappeler nous-mêmes que quelqu'un qui nous regardait... quand on regardait
quelqu'un, quand on avait 16 ans ou 17 ans, on se trouvait très, très
vieux. Donc, c'est d'éviter que des situations se fassent par inadvertance.
Et
on doit former, dans nos magasins, les jeunes à toutes les fois qu'on les
engage. On a créé pour ça un programme. On l'a même mis sur l'Internet
pour qu'il soit plus ludique pour les jeunes. Je pourrais vous donner les détails de ce programme-là qui, en fait, oblige
les jeunes à avoir 95 % comme
note de passage. On pose des questions dessus. S'ils ne réussissent pas
le 95 %, le propriétaire du magasin reçoit un avis et notre conseil de ne
pas mettre ce jeune-là derrière le comptoir tant qu'il ne passe pas les
examens. Alors, ils reçoivent ça, ce qui leur permet d'évaluer au moins la
capacité des jeunes de comprendre les règlements, d'une part.
D'autre
part, ce n'est pas tous les détaillants qui veulent procéder, disons, à l'abonnement
de ce programme-là. Mais ce que nous,
on a fait faire récemment… parce qu'on s'est rendu compte que, bon, c'est quand
même leur droit, là, de ne pas participer à ça — si ça
devenait obligatoire, vous m'en verriez très heureux, mais ça nous donnerait un
avantage incroyable sur le marché, mais ça serait fondamental, c'est pour ça qu'on
vous fait des propositions aussi là-dedans — mais, à la base, on a distribué, dans tous
les magasins, un code de conduite. Et, quand vous voyez l'étiquette
«pièce d'identité», c'est que ce détaillant-là, au minimum, a signé un code de
conduite dans lequel il reconnaît les contraintes auxquelles il doit s'astreindre
pour vendre des produits.
M. Leroux
(Guy) : Un complément de réponse, M. le Président, puis-je?
Le Président (M.
Bergman) : M. Leroux.
M. Leroux
(Guy) : En page 11 de notre mémoire, vous avez un exemple très
probant de la contribution des dépanneurs à
la lutte au tabagisme. Vous avez une citation de Santé Canada dans leurs études
qu'ils font sur la conformité des dépanneurs à ne pas vendre aux
mineurs. On sait que notre conformité s'est améliorée de façon spectaculaire de
1995 à aujourd'hui. Ça a été avéré par le
ministère de la Santé et des Services sociaux, ça a été avéré par Santé
Canada. Puis Santé Canada, dans son analyse, dit que le fait qu'on ait été plus
conformes à ne pas vendre aux mineurs, ça a permis
de baisser le tabagisme chez les jeunes. C'est Santé Canada qui le dit noir sur
blanc en conclusion de son étude. Alors,
ça, je pense que c'est une excellente illustration du fait de notre rôle dans l'écosystème.
Notre rôle, c'est vraiment de gérer ce produit-là de manière légale et
réglementaire et surtout prévenir l'accès de ce produit-là aux jeunes, aux
mineurs. Ça, c'est très, très important. Merci.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme
Proulx : Oui. J'aimerais revenir sur ce que vous mentionnez
dans votre mémoire. Vous parlez notamment de l'étude des mesures de lutte à la contrebande, là, de la Commission
des finances et vous avez, à l'instant, mentionné, pour vous, l'importance
d'aller vers une commission mixte. Et vous avez même ajouté qu'à votre avis le
Québec ne pourra pas s'en sortir tout seul.
J'aimerais ça que vous élaboriez et que vous nous expliquiez bien comme il faut
votre point de vue là-dessus.
Le Président (M.
Bergman) : M. Gadbois.
M. Gadbois
(Michel) : Merci. À ce moment-là, je change un peu de chapeau puis je
mets mon chapeau de vice-président des affaires réglementaires à travers le
Canada.
Peut-être pour l'expliquer, on est quatre
régions qui se sont affiliées et on a créé l'association canadienne pour pouvoir avoir des relations directes avec
Ottawa dans bien des dossiers. Vous comprendrez que, dans notre
secteur... c'est un
secteur commercial. Donc, à peu près 95 % des règlements, c'est des
règlements commerciaux, donc dans lesquels le fédéral est très peu impliqué. Le seul qui ne relève pas de vous, malheureusement,
j'adorerais ça, mais c'est celui sur les
finances et les frais de carte de crédit, qui est un dossier énorme pour nous,
très dispendieux, très coûteux, qui a été réglé dans d'autres pays mais
pas au Canada. Par contre, on a participé à beaucoup de réunions. On a même
participé à des réunions avec les chefs autochtones à multiples reprises. On
est présents en Ontario, qui a d'ailleurs un taux de contrebande plus élevé que
nous.
Si on met tout ça ensemble, on a été très
impliqués, sur la place publique, à mettre le doigt sur la réalité de la contrebande.
Parce que, comme je l'ai dit, notre plus gros problème, même à Ottawa, c'est la
banalisation du taux de contrebande. Je vais
même vous dire : On a fait fermer une cabane à tabac, la première à
Winnipeg, qui s'était mise en place
il y a à peu près un an et demi. On a réussi immédiatement à ce que le gouvernement intervienne puis
ferme cette cabane à tabac là. Tout
ça pour dire qu'on a été impliqués directement, et on continue à l'être, avec le gouvernement fédéral pour l'inciter… et le gouvernement
ontarien, avec notre affilié en Ontario.
Ce n'est pas tout. Comme une grande partie de l'approvisionnement
de la matière première nous provient des réserves mohawks mais du côté du territoire
de l'État de New York, c'est un problème qu'il faut régler avec les Américains
aussi, tout le monde alentour de la table. Le plus grand problème qu'on a, puis
vous le savez, c'est que, malgré qu'on se
soit assis souvent avec les groupes mohawks… Et je le dis spécifiquement :
C'est le territoire, le commerce est contrôlé par des groupes
criminels; ce n'est pas les autochtones qu'on traite de criminels. Eux ont des
privilèges sur leurs réserves, ils s'en servent.
Une des
choses qui est très difficile, c'est de leur faire comprendre, comme on a fait
dans l'Ouest canadien, où est-ce qu'en déclarant les taxes… le
gouvernement leur promettrait de rembourser ces taxes-là. Et même, exemple, en Alberta puis en Colombie-Britannique, ils
ajoutent 10 % du revenu qu'ils retournent pour que ça soit ciblé dans
des programmes pour les jeunes autochtones, des programmes surtout de bourses,
etc.
Malheureusement,
on n'a pas eu, historiquement, ce genre de relation là avec les réserves dont
on parle, et ça a créé des problèmes. Et, la réalité dont on vous parle,
bien, les chefs nous ont dit : Écoutez, on va être très francs avec vous, à part du fait qu'on peut revendiquer que c'est
un droit fondamental, même qu'il y a des éléments religieux là-dedans,
le tabac, pour nous, a été très, très payant, et il n'y a pas un gouvernement
blanc, qu'ils nous disent, qui a été capable d'investir autant d'argent, dans
nos communautés, qu'on a par retombées de ces activités-là. Alors, ils nous ont
lancé le défi : Trouvez-nous une façon
pour nos jeunes de trouver des revenus, des débouchés qui vont équivaloir avec
ça, puis peut-être qu'on va être ouverts à abandonner ce trafic-là.
Ce n'est pas
évident. Nous, on le sait que ce n'est pas évident. La seule chose qu'on vous
dit, c'est que… Ma plus grande peur,
c'est qu'on se satisfasse du 15 %, qui peut devenir 20 % très
rapidement, 30 %, etc. Tant que ce problème-là n'est pas réglé, c'est un peu se lancer de la
poudre aux yeux avec tout ce qu'on met en place, parce que ça ne réussira
pas. Puis, en bout de ligne, je sais que c'est très égoïste, mais nous, on vous
dit : Bien, ceux qui paient le prix, c'est nous autres, parce qu'on perd
du marché. Il n'y a pas moins de tabagisme, O.K., parce qu'il y a une
alternative. Et ce qu'il y a de terrible, c'est
que, quand cette alternative-là est connue, elle est rarement abandonnée dans
un contexte économique, parce que les gens réalisent que, coudon, ça
coûte moins cher, O.K.? On n'a pas les ressources policières, on ne les aura jamais pour contrôler ça, à moins qu'on fasse
des… qu'on bloque toutes les routes à l'issue de ces réserves-là, puis
on sait qu'est-ce que ça va donner.
Alors,
là-dessus, tout ce que je me permets de faire… Puis je sais que c'est agaçant,
c'est comme si je mets le doigt pour une plaie, mais il faut appeler un
chat un chat. On a cet éléphant, dans la pièce, qui s'appelle la contrebande, puis nous, on juge tout, c'est normal, à travers
cette réalité-là, parce que c'est un transfert, c'est des vases
communicants. Alors, dès qu'il y a une
activité économique qui ralentit puis qu'il y a une alternative, bien, c'est
ça, notre réalité. Et vous allez le
savoir parce que nous, évidemment, on parle à nos détaillants, puis les
détaillants, dans vos comtés, nous ont tous dit la même chose :
Passez le message, O.K.? C'est très fragile, puis, dans certains de vos comtés,
il y en a qui disent que la contrebande est repartie.
Maintenant,
ce qu'il y a de triste, c'est que, dans tous ces aspects-là, une fois qu'on a
mis des règlements ou une fois qu'on
a haussé des taxes, vous le savez très bien que c'est impossible d'arriver ici,
pour nous, et de vous dire : Bien, baissez les taxes, O.K., on va
peut-être voir où est-ce que ça va. Il est trop tard, elles ont été doublées,
O.K.? C'est impossible de revenir à des taux concurrentiels parce que le
système est bien implanté. Ce qu'on vous dit, c'est que, quand vous allez mettre en place des règlements
puis qu'on va peut-être voir, un an, deux ans après, un taux de
contrebande augmenter, O.K., puis peut-être
un taux de tabagisme augmenter, parce qu'ils sont beaucoup plus accessibles aux
jeunes…
Et ce qu'il y
a de triste, la GRC vous le dit, c'est que les jeunes, parce qu'ils ont moins
de 18 ans, sont les premiers qui
sont récupérés dans l'opération de revente. J'ai peut-être beaucoup de cheveux
gris, mais je me rappelle comment c'était, je suis de la cohorte des
premiers cégeps, O.K.? Les pushers, on les connaissait, ils étaient très
populaires, ils faisaient beaucoup d'argent.
Puis on les voit à l'école, O.K.? C'est eux autres qui ont la belle auto, puis
tout le reste. Alors, le crime
organisé est très intelligent dans la façon dont il fait l'exercice. Puis nous,
on a choisi, pour ceux qui se rappellent, des études sur les mégots pour
montrer, pour alerter la population que, écoutez, ça va dans vos écoles, c'est
livré directement, ça fait partie de…
Alors, je
sais que c'est ennuyeux puis je sais que ça a de l'air très intéressé de notre part, et ça l'est, sauf que,
comme je vous dis, on est sur la ligne de
front, O.K.? On essaie d'améliorer à 100 % notre contrôle de ventes. On va s'ajuster.
C'est sûr qu'on va s'ajuster, les autres vous l'ont dit, à la baisse de vente
de certains produits. Mais, quand elle est radicale, non, on ne peut pas s'ajuster.
• (12 h 10) •
M. Leroux (Guy) : Complément de
réponse, M. le Président.
Le
Président (M. Bergman) : M. Leroux.
M. Leroux
(Guy) : La commission mixte, je vous remercie d'avoir amené ça sur le
sujet, c'est la première recommandation de la commission sur la contrebande. C'est
quelque chose qu'on appuie fortement, parce que c'est miser sur le dialogue. On le sait, le problème de la contrebande, ça
touche la communauté autochtone, c'est très sensible. Et la communauté
autochtone a des enjeux avec ça
aussi. La présence du crime organisé dans leur territoire, par exemple, le fait que le tabac n'est pas réglementé dans leur territoire,
que c'est accessible aux jeunes, c'est aussi un problème. Le fait que toutes les ventes de tabac dans la communauté,
que ce soit Kahnawake ou Kanesatake, c'est de l'argent liquide non déclaré qu'ils
ne peuvent pas mettre dans un compte de banque, hein, ils n'ont pas de compte
de banque, alors, tout ça, c'est du brassage
d'argent cash, et c'est très néfaste pour leur économie. C'est très néfaste
pour leur économie personnelle aussi, parce qu'où est-ce que vous mettez
ça, cet argent-là? Vous l'enterrez chez vous? Vous l'avez dans votre
frigidaire, dans le congélateur?
Puis c'est toute
cette économie-là au noir, puis on parle de centaines de millions, là. Ce n'est
pas rien, là. Et j'entendais, quand on a eu
la commission sur la contrebande, les réserves de Kahnawake venir dire :
Oui, mais, au moins, on stimule l'économie; on stimule l'économie de
Châteauguay, on stimule les commerces aux alentours. Oui, mais vous le faites
avec de l'argent noir. Tout ça, ça pourrait être régularisé d'une certaine
façon. Si on peut s'asseoir avec les communautés puis s'entendre. Parce qu'eux
aussi ont un désir de régulariser la situation. Et la recommandation de la
commission, très importante pour nous, parce que c'est de dire : Bien,
assoyons-nous tous ensemble…
Le Président (M.
Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.
M. Leroux (Guy) : Assoyons-nous tous ensemble, les groupes autochtones, les
gouvernements, pas seulement celui du Québec, celui de l'Ontario puis le
fédéral, cherchons des solutions. Discutons puis cherchons des solutions.
Le Président (M.
Bergman) : Merci. Maintenant, pour le bloc de l'opposition
officielle, M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président.
Bonjour. D'ailleurs, on s'est vus, on s'est rencontrés pas plus tard que la semaine dernière, puis on était
habitués. Puis vous allez voir que je vais vous donner… comment j'ai
évolué par rapport à l'utilisation de la carte d'assurance maladie.
La
première chose que j'aimerais vous demander, c'est : En 2005, il y a eu
une nouvelle loi qui a été mise en place. Je crois que vous pouvez dire
que, pour la partie qui vous concerne, la loi est, dans presque sa totalité,
sauf quelques exceptions, respectée. Oui ou non?
Le Président (M.
Bergman) : M. Gadbois.
M. Gadbois
(Michel) : Je dirais oui. Vous savez, je répète toujours la même
chose, on a une permission de vendre un produit légal, O.K.? Cette
permission-là pourrait être révoquée. C'est un permis. Alors, nos détaillants,
on leur répète constamment, même les immigrants qui sont moins habitués au cadre,
qui ont peut-être plus peur du gouvernement
que nos propres dépanneurs d'origine. Mais essentiellement, le message, on le
regarde, oui, honnêtement, comme un
privilège, O.K., un privilège qui stimule les ventes associées au tabac. Parce
que le tabac, vous le voyez dans notre
rapport, oui, ça rapporte des sous, mais ce n'est pas très payant, O.K.? Ce qui
est payant, c'est que ça vous garde un consommateur qui revient
constamment. Ça, c'est payant. Donc, on a tout intérêt à respecter et à
appliquer toutes les lois. Puis on va toutes les appliquer. On n'a pas raison
de ne pas le faire.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Puis, à ma connaissance, pour
en avoir discuté avec vous, vous avez fait quand même beaucoup d'efforts
pour sensibiliser les commerçants, leur expliquer que c'est important qu'ils
suivent les lois. Et la conformité est quand
même assez bonne, malgré le fait que, quand la loi a été mise, en 2005, il y
avait eu des réticences, ne serait-ce que de ne plus avoir l'affichage
des paquets de cigarettes.
Le Président (M.
Bergman) : …
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Deux minutes? Oui, O.K.
Le Président (M.
Bergman) : M. Gadbois.
M. Gadbois
(Michel) : C'est normal, parce que, d'abord, chaque détaillant, avec
les petites marges que vous connaissez dans ce secteur-là, y voyait très
clairement des revenus qui allaient disparaître. Alors, il essayait d'étirer la corde le plus longtemps possible. Mais nous, on
est très clairs. Je veux dire, on ne défendra jamais un détaillant qui
est hors-la-loi, je veux dire, que la loi s'applique à 100 % à celui qui…
Notre responsabilité, c'est de s'assurer qu'il comprenne bien, O.K., l'application
de la loi.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Vous avez beaucoup insisté sur la contrebande, puis on reconnaît que c'est une
problématique à laquelle on va devoir s'attaquer. Vous avez fait mention
verbalement que vous verriez peut-être des amendes pour les gens qui possèdent
des produits illégaux du tabac. Est-ce que… Non? Vous n'avez pas fait cette mention-là? Il me semblait, tantôt, que vous avez
dit : Des amendes par rapport au tabac illégal. C'est-u seulement
ceux qui vendent ou celui qui possède, là, celui qui fume ce tabac-là?
M. Gadbois (Michel) : Bien, je vais
vous dire…
Le Président (M. Bergman) :
M. Gadbois.
M. Gadbois (Michel) : Excusez-moi. C'est
vraiment une opinion personnelle, parce que, bon, on n'est pas des spécialistes là-dedans, ce n'est pas notre
domaine. C'est juste que je me dis : Qu'est-ce que vous allez
faire? Courir après le monde dans la
rue? Demander de montrer leurs mégots? On réalise que c'est déjà
assez coûteux avec le peu de ressources qu'on peut mettre au niveau de
la répression.
Le Québec a
mené le Canada en termes de sévérité de loi sur la contrebande,
O.K., qui a été mise en place par M. Dutil, on le félicite. Ça a
donné un exemple qu'on essaie de mettre en place en Ontario. Je peux vous le
dire parce que j'ai fait une présentation parlementaire à Queen's Park justement
pour leur dire pourquoi le retrait du permis de conduire est un pas énorme, même dans la jurisprudence canadienne, O.K.,
d'enlever le permis de conduire. Pourquoi? Parce qu'on savait que ce n'était pas la bagnole qui avait de la valeur,
c'est l'individu avec sa capacité de transporter. Parce que c'étaient
des récidivistes, O.K.?
Mais tout ça pour dire que ça demande énormément
de ressources, puis, ces ressources-là, je vous dirais qu'au moins, si on
augmente les taxes puis que le gouvernement est satisfait des revenus qu'il en
retire, parce qu'il n'a pas atteint le taux d'élasticité encore trop loin où le
retour est négatif, bien, on vous demande, dans une de nos recommandations, d'en investir une bonne partie
dans le contrôle. Plus vous allez mettre de contrôle, plus les gens vont
comprendre le message que c'est à risque. On
a l'impression, en ce moment, que les gens regardent ça comme une espèce
de jeu, O.K.? Excusez l'expression, mais c'est
la plus claire au Québec : Si je suis capable de fourrer le
gouvernement puis ne pas payer de taxes, je vais le faire, O.K.? Et c'est ça,
la réalité qu'on entend.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Bon. Puis je crois que vous êtes d'accord également que la contrebande, c'est
un élément, mais il y a peut-être d'autres éléments qu'on pourrait mettre en
place pour essayer de diminuer le taux de tabagisme au Québec. Mais là on parle
d'autres mesures qui nous ont été mentionnées à plusieurs reprises ici, on parle de la question des nouveaux produits, la
question de la cigarette électronique, la question de l'aromatisation
avec des saveurs. Vous, comment vous percevez ça?
Puis un
endroit dans lequel vous pourriez être très interpellés, c'est la question de l'emballage
neutre. Si le Québec décidait d'aller de l'avant, comme en Australie,
avec un emballage neutre, est-ce que, pour vos commerçants, ça causerait un
problème? Puis ce qu'on a entendu en Australie, juste pour vous donner une
idée, c'est que… L'argument majeur, c'était
que ça serait difficile de retrouver les paquets de cigarettes, puis, ce qu'on
nous a dit, c'est encore plus facile
parce qu'il s'était développé un système d'ordre alphabétique. Mais, à la fin,
c'est la même cigarette et puis… excepté
que ça nous permet d'avoir un emballage neutre puis possiblement avoir un effet
sur la diminution du tabagisme.
Le Président (M. Bergman) :
M. Gadbois.
• (12 h 20) •
M. Gadbois
(Michel) : Je suis arrivé à
la toute fin de la présentation. J'ai trouvé votre argument assez
intéressant. Effectivement, je veux dire, ce n'est pas… je n'aurai jamais d'argument
de gestion. Ils sont déjà cachés, O.K.? Alors, ce n'est pas l'argument que je
mettrais sur la table.
Tout ce que je dirais, puis c'est vraiment plus
une opinion personnelle qu'étudiée… Parce que, vous savez, toutes ces choses-là, on ne le sait pas tant que
ce n'est pas mis en place. Ma première réaction, c'est : Si on banalise
le paquet, c'est d'autant plus facile d'aller
dans la contrefaçon. Il y en a déjà beaucoup en ce moment dans la
contrebande. On s'amuse d'ailleurs avec les
noms, je ne les ai pas, mais, si vous regardez dans le document, on s'amuse à
prendre les noms des cigarettes puis à les jouer sur les paquets
illégaux. C'est pour ça que je vous dis : On en apprend beaucoup quand on
va là.
Il y a des réalités qu'on a vues… Je vous parle
juste d'expérience, là. Le reste, on ne le sait pas. D'abord, en Australie, la situation est très différente, il n'y
avait pas de contrebande, ou si peu que ce n'était pas un phénomène.
Alors, ils sont chanceux, c'est une île : pas mal difficile d'amener des
choses là-bas.
Mais, sur la réalité, par exemple, il y a
eu C-22 — c'est-u
ça, pour les petits cigares? — c'est au fédéral, où est-ce qu'on a… vous vous rappelez probablement,
il y a eu vraiment une campagne pour éliminer les petits cigares, avec
toutes les saveurs, etc. Bien, on vous a montré un graphique, là, dans notre
mémoire, que ça a été comme exactement des
vases communicants : en l'espace d'un mois, ils se sont tous retrouvés
dans les réserves au cinquième du prix, et, dans les saisies, vous les voyez. C'est la seule façon qu'on peut mesurer,
là. Puis je n'ai pas une expertise, on se fie à ce que la GRC nous dit.
Bien, tous ces produits-là, ils se retrouvent au cinquième du prix dans les
mêmes emballages. Au cinquième du prix, là,
ça veut dire qu'on encourage encore beaucoup plus leur consommation et par
revente sans contrôle aux jeunes, qui était le but essentiel. On
rappelait au gouvernement fédéral… j'ai été au Sénat faire une présentation.
Alors, ce que je vous dis, c'est :
Bon, la seule expérience que je connais, c'est celle-là. Le résultat, ça a été
quoi? Bien, un transfert dans le marché
illégal. Combien va être transféré? Est-ce que, véritablement, de mettre cet
obstacle-là va diminuer la prévalence de ce produit-là qu'on veut faire?
Probablement. À quel pourcentage? Je ne le sais pas. Mais ce que je vous dis, c'est que le problème qu'on a, c'est que… Si
jamais à un moment donné, après deux, trois ans, on s'aperçoit que ça fait augmenter la contrebande, une question
purement que je lance comme ça avec aucune expertise, c'est :
Est-ce qu'on va les remettre sur le marché parce qu'on a encouragé la
contrebande?
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Non, je pense que, là, le raisonnement ne
tient pas, là. C'est un produit qui est rendu… mettons, qui n'est pas sur le
marché. S'ils décidaient de le faire, ils pourraient le faire quand même. La
seule affaire, c'est : quand c'est déjà sur le marché, c'est plus facile
de le faire passer comme étant un produit légal. Donc, l'argumentation ne tient
pas.
L'autre
affaire, c'est qu'il faut quand
même faire attention. Il y a
un combat à faire contre la contrebande, puis je mets en garde l'association :
Vous nous arrivez avec les mêmes types d'arguments que les compagnies de tabac
pour faire de la promotion d'un produit
puis, à ce moment-là, vous perdez votre crédibilité. Parce qu'on est quand même du monde qui est raisonnable, là, puis on voit
tellement que le raisonnement, il est quasiment attaché, là. Faisons
attention. Il y a des produits qu'on ne veut pas sur le marché, des produits qu'on
doit contrôler. On est d'accord que tout devrait être légal puis il y a un combat contre la contrebande. Mais, lorsque
vous utilisez ces arguments-là, là, on perd un peu de crédibilité, puis
là ça devient un peu moins intéressant. Ça fait qu'il faut juste faire
attention de la façon dont vous l'apportez, parce que,
quand on va en faire la discussion sur un projet de loi, il va falloir
qu'on soit plus des collaborateurs.
Puis
ça, en passant, je tiens à vous le dire puis je vous l'ai dit quand on s'est rencontrés : Le dépanneur du
coin, pour nous, il est important. Je suis un grand utilisateur de dépanneur, parce
que, quand j'ai besoin des oeufs ou d'un pain, là, plein de l'essence, on y va,
au dépanneur.
Donc,
je pense que c'est important qu'on va le travailler ensemble. Et, comme j'ai dit aux
propriétaires de bar, c'est important
qu'on le fasse ensemble. Et il y a quand même un objectif, et là on va essayer
de rester dans de l'argumentation qui est logique et raisonnable. Et
utiliser ce que j'appelle des sophismes, là, c'est-à-dire ça a l'air vrai, là,
ça plaît bien comme populisme, là, mais, dans la vérité, ça ne tient pas la
route.
Le Président (M.
Bergman) : M. Leroux.
M. Leroux (Guy) : Bon. On utilise la contrebande parce que c'est un effet pervers
manifeste des réglementations qu'on a vues ces 10 dernières années.
Je veux dire, ce n'est pas banal qu'il y ait aujourd'hui un quart de million de
Québécois qui fument un produit que vous ne contrôlez pas; puis c'est un
problème qui n'existait pas avant. C'est comme si vous êtes médecin, puis vous
traitez quelqu'un qui a le cancer — je ne vous apprendrai
rien — puis
vous administrez un remède, mais, en voulant régler un problème, vous en créez
un autre. Alors, c'est pour ça qu'on a mis la contrebande.
Mais, ceci étant dit,
le tabagisme, au Québec, n'a pas baissé depuis 2004. Et moi, si j'étais à votre
place, je me demanderais : Bien, est-ce que c'est parce qu'on n'a pas
assez implanté le règlement? Je pense que vous en avez implanté beaucoup, de règlements, depuis les années 2000, beaucoup
plus que dans la décennie précédente. Vous avez touché aux saveurs, vous avez touché aux emballages, vous avez monté les
taxes, on a caché les étalages de tabac. Quand on a caché les étalages
de tabac, on a dit : Oui, oui, oui, ça va faire baisser le tabagisme. Pas
du tout. J'ai une citation de Santé Canada qui reconnaît que ça n'a eu
aucun impact.
Oui à la
réglementation, mais peut-être un petit peu plus de prudence quant à
savoir : Est-ce que vous avez vraiment
des preuves évidentes que tel règlement va faire baisser le tabagisme, ou c'est
seulement des preuves… disons, des preuves intuitives, ou c'est encore
de la réglementation innovatrice qui n'a pas été instaurée ailleurs, puis on
dit : Bon, bien, ça a l'air de fonctionner, ça devrait fonctionner.
Bien, ici, c'est
fantastique au Canada, parce que, prenez les taxes, on a un pays, on a
10 provinces, on a 10 taux de taxation différents, mais on a une
façon de calculer le tabagisme depuis 15 ans, qui est la même. Alors, oubliez les études de l'OMS, regardez ce qui se
fait au Canada, regardez comment le taux de taxation a été augmenté puis
regardez comment le taux de tabagisme a
évolué. Puis ce n'est pas vrai que, quand on augmente de 5 %, le
tabagisme baisse de 5 %, là.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Sauf que…
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : …là-dessus, je vais vous
arrêter, là, les études, même au niveau de l'OMS, sont très claires, là. Puis, vos études que vous me dites
versus les études de l'OMS, on va s'entendre que l'OMS est pas mal plus crédible, là. C'est clair que, lorsqu'on augmente
la taxation, le tabagisme diminue. Il y a eu un effet d'augmentation au niveau de la contrebande, qui est un effet très
particulier dans un contexte très particulier, là. Mais ça n'empêche pas
que le fait d'augmenter les taxes, ça a eu un effet. Donc, il ne faut pas
utiliser l'argument que vous me donnez là pour commencer à défaire la validité
de l'augmentation de la taxation.
L'autre
élément qui est important, puis c'est là-dessus qu'il faut que… je pense qu'on
va voir, c'est qu'il y a eu aussi des
stratégies de la part de l'industrie du tabac pour justement contrecarrer les
mesures qui ont été mises en place. Donc, ça peut aussi expliquer la
stagnation. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne doit pas continuer à faire cet
effort.
Ce que je retiens également — puis
je vais laisser la parole à ma collègue : la question de l'utilisation de
la carte d'assurance maladie pour
valider, voir si la personne a 18 ans ou pas. Je pense
que c'est une mesure, quand je vous avais rencontrés, à cause de l'utilisation
qui… Au début, la carte d'assurance maladie n'a pas été mise en place pour servir de carte citoyenne. Mais je pense qu'il y a une réflexion à faire, actuellement au Québec, si ça ne pourrait pas être un outil pour
justement s'assurer que, dans ces cas-là particuliers, ça ne pourrait pas être
utile pour vous autres de réussir à limiter
la vente de tabac aux jeunes. La question qui va venir, c'est : Si vous n'êtes pas quelqu'un
du Québec et que vous allez acheter
du tabac, vous n'avez pas de carte d'assurance
maladie. Bien, il va falloir trouver
une solution pour que, nos touristes qui sont des fumeurs, on puisse
respecter ça. Ça, ça va être l'autre élément qui va venir.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau, il vous reste une minute.
Mme Vallée : Merci. Bien, en fait je voulais simplement… je
vais vous passer le message suivant : Je pense qu'il n'y a pas un parlementaire, ici, qui n'est pas
sensibilisé à l'importance de la lutte à la contrebande. Et puis, de notre côté, chose certaine, lorsqu'il
y a eu une hausse de la taxe en novembre dernier, la taxe sur le tabac, on a
été plusieurs à se lever puis à dire : Parfait, on hausse la taxe
sur le tabac, mais haussons également les budgets associés à la lutte à la
contrebande.
ACCES tabac n'est
pas disponible dans toutes les régions du Québec. Moi, je le demande en Outaouais depuis plusieurs années. Et d'ailleurs
je suis un petit peu étonnée que vous n'ayez pas fait de clin d'oeil à
l'Outaouais, qui est une région qui est grandement
touchée par la contrebande de cigarettes.
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Vallée : Et donc voici le
petit message. Et la lutte à la contrebande ne devrait pas être mise en
opposition à la lutte au tabagisme du tout.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin le bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le bloc du deuxième
groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.
Une voix : …
Le Président (M. Bergman) : Je m'excuse…
Une voix : …
Le Président (M. Bergman) : Mme la
députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci,
M. le Président. Juste avant de… Merci de votre présence. Juste avant de
commencer une question, je voudrais juste… Pour votre information, quand vous
affirmez qu'en Australie il n'y a pas de problème de vente illégale de tabac, on a ici une information qui démontre que le
tabac illégal australien provient de l'Indonésie, de la Chine, du Vietnam, de la Syrie, des Philippines,
du Brésil et des Émirats arabes unis et représente 12 % de la vente
illégale des produits du tabac en Australie, alors que nous sommes à 15 %.
Alors, je voulais juste, pour votre information, mettre une… faire une petite
mise à jour. Alors, quand on parle de… Ils ont quand même adopté des formats
qui sont maintenant uniques.
Une voix : …
Mme
Daneault : Non, ce
n'est pas une question, c'est simplement une information pour la commission et c'est dans un document du gouvernement du Québec.
Je pourrais vous envoyer une copie et l'envoyer à l'ensemble de la
commission, si vous voulez.
Alors, vous avez mentionné plusieurs
statistiques et, entre autres, bon, la vente de tabac et la perte de revenus que vos commerçants ont subie depuis la loi, là,
antitabac. Par contre, j'aimerais vous entendre sur le fait qu'il y a
des points de service qu'en fait… En 1998, je ne vous apprends rien, quand on a
retiré la vente des produits du tabac des pharmacies,
on sait que ces points de vente là ont diminué beaucoup. Et, en 2005, on a
retiré aussi les points de vente des pharmacies,
bars et restaurants, ce qui a fait que, depuis 2005, les points de service sont
passés de 20 000, au Québec, à 7 500
et se sont retrouvés en majorité dans vos commerces. Est-ce qu'il y a une étude
qui a démontré une augmentation des revenus? Ou est-ce que ça a été
étudié? J'aimerais vous entendre à cet effet-là.
Le Président (M. Bergman) :
M. Gadbois.
M. Gadbois (Michel) : En fait, une
étude, non, pas précisément. Il faut regarder aussi, je vous dirais, les cycles
au niveau des dépanneurs. Mais je n'ai pas d'information immédiatement à vous
donner. Mais je sais qu'on a demandé une rencontre dans
votre comté. Je vais vous arriver au moins avec une réponse claire et précise
là-dessus. En ce moment, j'avoue que je n'ai pas… Puis je ne chercherai pas à
inventer une réponse, là, je n'en ai pas une. Mais c'est un bon point, je vais
le regarder.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx, il vous reste 1 min 30 s.
• (12 h 30) •
Mme
Daneault : O.K.
Alors, bon, vous avez aussi souligné le fait que le nombre… les dépanneurs ont
de la difficulté. Par contre, quand on
regarde Statistique Canada, de 2007 à 2010, le nombre, l'augmentation de
commerçants a passé de 3 %... c'est-à-dire
de 7 509 à 7 725. Alors, j'essaie juste de comprendre où vous nous… d'où
vous prenez vos chiffres. Et je pense aussi… Si je ne m'abuse, je pense
que Couche-Tard fait partie de vos commerçants. Je voudrais juste vous
signifier qu'on ne semble pas avoir de difficultés financières chez
Couche-Tard, hein? Le titre en bourse a augmenté
de 74 % en moins d'un an. Alors, quand vous nous arrivez avec ces
argumentaires-là, de difficultés, j'aimerais savoir de quels chiffres on
parle. Puis, si vous pouvez nous en transmettre une copie, ça serait apprécié.
M. Gadbois (Michel) : Évidemment, en
première partie…
Le Président (M. Bergman) :
Malheureusement, il vous reste une demi-minute pour la réponse.
M. Gadbois
(Michel) : O.K. Le chiffre d'affaires
du Québec, là, Couche-Tard, maintenant, représente à peu près 2 %
de son chiffre d'affaires, puis, au Canada, c'est à peu près… je vous dirais, même
pas 10 %. Ça fait que c'est très difficile de regarder… C'est un
phénomène, on doit en être heureux…
Une voix : On est heureux.
Ça, c'est sûr qu'on est heureux.
M. Gadbois
(Michel) : … et le Québec
est une pinotte, là, maintenant, qui a mis au monde ce phénomène-là. Tu
peux peut-être juste terminer…
M. Leroux (Guy) : Bien, par rapport…
M. Gadbois (Michel) : …avec les
chiffres.
M. Leroux
(Guy) : Si vous permettez,
par rapport aux chiffres, ce qui est compliqué, Mme Daneault, c'est le
fait qu'un dépanneur, c'est quoi? Tu sais,
ça va de quoi à quoi? La petite épicerie n'en fait pas partie. Alors, quand on
regarde les statistiques, les codes SCIAN,
par exemple, ce n'est pas tout à fait la même chose que les données sur
lesquelles nous, on se repose pour définir la frontière, la bordure d'un
dépanneur. C'est pour ça que vous voyez peut-être, des fois, des chiffres qui
montrent une augmentation. Mais je vous assure que, ceux dont on se sert et qui
font partie de notre rapport annuel qu'on
publie chaque année, dont je vous ai mis un sommaire ici, on fait une étude
très rigoureuse du nombre de points de vente qu'on a, et c'est comme ça
qu'on a pu affirmer qu'il y a eu une diminution depuis 2008…
Le Président (M. Bergman) :
Alors, M. Gadbois, M. Leroux, merci pour votre présentation. Merci d'être ici
aujourd'hui, avec nous.
Collègues, pendant le lunch, vous pouvez laisser
vos dossiers ici, sur la table. Et, compte tenu de l'heure, je suspends les
travaux de la commission jusqu'à 14 heures, cet après-midi. Merci,
collègues. Bon lunch.
(Suspension de la séance à 12 h 32)
(Reprise à 14 h 3)
Le Président (M. Bergman) : À
l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix : …
Le Président
(M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, la
commission reprend ses travaux. Je vous rappelle que la commission est
réunie afin de procéder aux auditions publiques sur le mandat conféré par l'article 77
de la Loi sur le tabac sur l'examen du rapport sur la mise en oeuvre de la Loi
sur le tabac 2005-2010.
Alors, on
reçoit maintenant le Réseau du sport étudiant du Québec et on reçoit avec nous
M. Philippe Jacques et M. Alain Roy. Alors, bienvenue. Vous
avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec
les membres de la commission. Alors, pour les fins d'enregistrement, vos noms,
vos titres et la présentation.
Réseau du sport
étudiant du Québec (RSEQ)
M. Roy
(Alain) : Donc, Alain Roy,
directeur général, Réseau du sport étudiant. Je suis accompagné de
Philippe Jacques, responsable des programmes Vie saine au Réseau du sport
étudiant du Québec.
D'entrée de jeu, au nom du
RSEQ et surtout de l'ensemble des établissements d'enseignement que nous
représentons, nous vous remercions de l'opportunité que la commission nous
accorde aujourd'hui. Très intéressant de pouvoir émettre notre opinion sur ça.
Je ferais
quand même une parenthèse pour vous parler un peu du Réseau du sport étudiant.
Parce que, le sport étudiant, qu'est-ce que ça fait dans le tabac?
Peut-être vous expliquer rapidement ce qu'on est et ce qu'on fait dans la vie,
mais très, très brièvement.
Le RSEQ est un organisme à but non lucratif qui
regroupe l'ensemble des établissements d'enseignement du Québec, du primaire à l'universitaire. Donc, tous
les ordres d'enseignement sont membres chez nous. Le RSEQ fait la promotion des saines habitudes de vie auprès de
tous les jeunes Québécois, et notamment… on a notamment mis sur pied, il y a plus de 10 ans, notre projet
De Facto, la vérité sans filtre dans un souci de promotion de la santé et
de prévention du tabagisme.
Bien que notre mandat premier est d'assurer la
promotion du développement de l'activité physique dans les écoles du Québec, c'est le mandat qu'on a du
ministère de l'Éducation, Loisir et Sport, dans le milieu scolaire, nous
somme d'abord et avant tout un organisme qui favorise l'éducation, la réussite
scolaire et la santé des jeunes, et c'est ça qui nous a amenés à nous impliquer
dans la lutte contre le tabac.
Notre vaste
réseau regroupe une centaine d'employés permanents. On a un répondant de nos
activités dans chacune des écoles du
Québec, du primaire, du secondaire, collégial et à l'universitaire, et on a 14
instances régionales, partout au Québec,
qui déploient nos activités puis nos programmes Vie saine. On est très
impliqués dans la promotion de l'activité
physique, évidemment, dans la saine alimentation également et dans la lutte
contre le tabac depuis plus de 10 ans.
En s'inspirant du contremarketing et en évitant
d'être moralisateur, De Facto relève de façon percutante la vérité sur les pratiques de marketing pernicieuses
de l'industrie du tabac, particulièrement auprès des jeunes, et sur les
conséquences trop souvent banalisées de l'usage du tabac. Bien que notre projet
rejoint directement l'ensemble des étudiants du secondaire, collégial et
universitaire, nous impliquons activement nos
185 000 étudiants-athlètes comme ambassadeurs
de la cause dans leur milieu. Alors, on a plusieurs outils, stratégies de
marketing pour accompagner les jeunes à répandre la problématique et à
parler de la problématique auprès de leurs collègues. On a plus de
300 écoles, donc, secondaires, collégiales, universitaires, qui sont
impliquées dans notre projet de lutte contre le tabac.
Je vais
laisser la parole à mon collègue Philippe Jacques, qui va vous expliquer les
principales recommandations de notre mémoire, et je compléterai au
besoin.
Le Président (M. Bergman) :
M. Jacques.
M. Jacques (Philippe) : Oui. Merci.
En fait, comme le mentionnait M. Roy, au Réseau du sport étudiant du
Québec, on croit beaucoup aux saines habitudes de vie, donc on a des campagnes
lutte au tabagisme, avec De Facto, on a
des campagnes sur l'alimentation, sur l'activité physique. Et, au niveau de la
lutte au tabagisme, c'est vraiment de la dénormalisation qu'on fait. Ce
qu'on veut, c'est que ça ne soit pas normal que les produits du tabac, là,
soient aussi populaires, aussi de tribune, de visibilité, et tout. Comme le
mentionnait M. Roy, on a, entre autres, les étudiants-athlètes qui portent fièrement… vous avez sûrement
déjà vu le logo De Facto sur des tee-shirts d'étudiants-athlètes.
Donc, nous on est allés avec les — en anglais — «role models» que sont
les étudiants-athlètes, de porter ces gilets-là pour montrer qu'ils s'affirment
par rapport à l'industrie du tabac.
Et ce qu'on
souhaite faire, comme on le fait dans d'autres campagnes, c'est d'éduquer les
jeunes sur les stratégies marketing de l'industrie du tabac. C'est la
raison pour laquelle, dans notre mémoire, on a mis la priorité sur des sujets
qui touchent plus les jeunes, donc au niveau de l'interdiction des saveurs, les
emballages neutres, le moratoire sur les nouveaux produits, les cigarettes
électroniques.
Au niveau de
l'interdiction des saveurs, seulement vous mentionner qu'il y a une demande. On
travaille de près avec les autres organisations de lutte au tabagisme et
on a regardé ensemble pour avoir… pour solliciter les gens du Brésil, qui, vous le savez peut-être, en septembre
cette année, vont passer une loi qui interdit les saveurs dans les
produits du tabac. On a reçu hier un
document qui nous explique un peu leur démarche, tout ça, qu'on souhaitait vous
soumettre, que vous avez peut-être reçu directement de leur part. On n'était
pas certains au niveau de la communication, on a reçu le document hier,
malheureusement il était en portugais, donc on l'a fait traduire rapidement
avec des petits outils de Google, tout ça; on va le traduire plus officiellement,
formellement. Si vous voulez, on pourrait vous envoyer une copie. C'est
intéressant parce que ça conte les démarches qu'ils ont faites, ça conte les
rencontres avec l'industrie, c'était quoi, là, les arguments de l'industrie
pour ne pas aller de l'avant avec ça. Il y a un point également sur la
situation du menthol, j'en reparlerai tout à l'heure. Ça fait qu'on pourra vous
le faire suivre, là, dans…
Le Président (M. Bergman) :
…envoyez le document au secrétaire de la commission, qui va l'envoyer à tous
les membres.
M. Jacques (Philippe) : Parfait. Ça
fait qu'on va le faire traduire comme du monde, puis on va vous le faire
parvenir.
Une voix : …
M. Jacques
(Philippe) : Bienvenue.
Donc, au niveau du Brésil, c'est intéressant, là, ce qui s'en vient au
niveau de l'interdiction des saveurs. Nous, c'est sûr, comme je mentionnais, on
travaille avec les jeunes, ça fait qu'on est très concernés. On a amené ici ce qu'on peut
retrouver, là. Oui, il y a quelques vrais bonbons qui ont été glissés là,
mais ça donne une idée de l'apparence, là, des produits avec les saveurs, à
quel point ça peut avoir l'air d'objets chocolatés ou de friandises sucrées. C'est un petit peu difficile de croire, là,
que l'industrie ne cherche pas à rejoindre les jeunes quand on voit des
produits comme ça, que même nous, on se disait : Tabarouette! On a presque
envie de l'essayer pour voir qu'est-ce que ça peut goûter, un produit comme ça,
là. Ça n'a vraiment pas l'air des cigarettes traditionnelles, disons. Ça fait
que c'est ce qui est en vente présentement, et supposément que ce n'est pas
pour rejoindre les jeunes, là.
• (14 h 10) •
On a également
fait des études. On a le projet Gobes-tu
ça?, qui a été le plus gros projet au Québec de dénormalisation de la malbouffe, qu'on a
travaillé au niveau des boissons sucrées, boissons énergisantes. Je vous en fais part parce
qu'on a fait une étude auprès de 10 000 jeunes sur leur perception du
marketing qui est faite à leur égard, puis
il y a quand même des parallèles intéressants qui se font de plus en plus entre
l'industrie du tabac et l'industrie des boissons énergisantes. Et on
remarquait que les jeunes, dans les études qu'on a faites — ça
aussi, on pourrait, si vous êtes intéressés,
là, vous faire parvenir les documents, les rapports qu'on a produits — les jeunes, ils réalisent certaines stratégies marketing. Ils voient une publicité à
la télé, par exemple, des choses comme ça, bon, ils comprennent, c'est
de la publicité. Mais, il y a des trucs par rapport à des emballages, par
rapport à des stratégies de prix, des noms, ils ne perçoivent pas l'aspect marketing. Ça fait qu'on trouvait que c'était
intéressant parce que, si c'est des jeunes qui peuvent voir ce
genre de produits là, ils ne vont peut-être pas toujours être conscients, là,
du marketing qui est derrière ça, qui est peut-être plus facile pour un adulte
de 18 ans et plus à reconnaître.
Donc, nous,
ce qu'on demande, c'est l'interdiction des saveurs pour tous les produits du
tabac, incluant le menthol. Intéressant,
tout à l'heure, d'entendre que c'était 4,5 % des jeunes qui consomment… c'est-à-dire
4,5 % de la population de fumeurs qui consomment du menthol mais
que ce n'est pas les jeunes, selon Imperial Tobacco. Nous, ce qu'on a comme chiffres au niveau de l'enquête sur les
jeunes au Canada, qui a eu lieu en 2011, dans les 30 jours avant l'enquête,
il y a 30 % des fumeurs, au
secondaire, qui avaient consommé des produits avec du menthol. Ça fait qu'on n'est
pas certains si le menthol est uniquement pour des personnes plus âgées,
comme on le prétendait ce matin. Ça, c'est les chiffres d'enquête sur les jeunes, de 2011. Donc, 30 % des fumeurs du
secondaire ont consommé des produits avec du menthol dans les
30 derniers jours. Et, au Brésil, de leur côté, ils mentionnent dans le
document que le menthol est la saveur la plus populaire auprès des jeunes,
selon leur recherche à eux. Donc, c'est ça au niveau de l'interdiction des
saveurs.
Puis, bon, le menthol, on trouve aussi
important… Juste mentionner ici, c'est un produit qui n'existe pas au Québec, c'est aux États-Unis, mais c'est des
cigarettes qu'on peut comme craquer, puis par la suite on peut décider
de la dose de menthol qu'on a dans notre cigarette. Ça fait que c'est important
d'avoir des interdictions de saveur, tout ça, parce que c'est le genre de
produit qui pourrait être en vente au Québec, sinon, prochainement.
Le deuxième point, au niveau des emballages
neutres, on en a beaucoup parlé récemment, nous aussi, on recommande qu'il y ait des emballages neutres. Ça,
c'est quelque chose aussi, dans notre étude avec Gobes-tu ça?, qu'on a
remarqué au niveau des… si on parle de boissons énergisantes, qu'on voit des
noms comme Rockstar, Monster, Red Bull, avec
les signes, les taureaux, la puissance, la virilité; les jeunes ne voient pas
nécessairement le marketing toujours derrière ça. Et nous, on trouve que
des noms comme ça, comme au niveau des emballages pour le tabac… Comme on
parlait, tout à l'heure, des cigarettes avec des looks minces, qu'on sait que
beaucoup de jeunes femmes sont soucieuses de
leur poids, de leur image corporelle, nous, on pense que c'est un marketing qui
s'adresse directement à elles.
On entend des
arguments par rapport à la contrefaçon. On voyait un article récemment sur l'Union
européenne, sur les affaires intérieures,
qui disait qu'à leur point de vue il n'y a pas plus de risque de contrefaçon
avec des emballages neutres qu'avec les emballages actuels. Alors, c'est
un argument qu'on entend souvent, qui est réfuté dans ce cas-ci. Et on voit également, en Australie, récemment, que
les fumeurs perçoivent le produit comme moins intéressant depuis qu'ils
achètent… ils sont certains que la cigarette a été modifiée, tout ça, ce qui n'est
pas le cas. Ça fait qu'il y a une perception intéressante de ces gens-là que le
produit est moins bon.
Très
important aussi — bon,
emballage, les saveurs au niveau des jeunes, le moratoire sur les nouveaux
produits, on en a parlé — les cigarettes minces, les cigarillos, la
cigarette électronique. On aimait le commentaire de M. Bolduc ce
matin comme quoi, normalement, un produit, si c'est un vrai produit de lutte au
tabagisme, il devrait attendre avant d'être sur le marché. Donc, nous, on
recommande, comme l'ensemble des acteurs, qu'il y ait un… que la cigarette électronique, en fait, soit considérée comme les
autres produits, donc soit analysée, tout ça, avant que ça ne se
retrouve, là, comme c'est le cas, sur le marché.
Et tout ceci,
comme je disais, parce qu'on travaille beaucoup avec les jeunes. Et on sait que
l'âge d'initiation est de 13 ans, à la cigarette. Des études
mentionnent qu'il y a seulement 3 % des jeunes qui pensent encore être
fumeurs cinq ans plus tard, alors que, dans les faits, ils se retrouvent à être
deux sur trois, à peu près le même taux que chez les adultes, à vouloir arrêter de fumer et ils ne réussissent pas. Donc,
c'est superimportant. Nous, on travaille fort pour qu'ils ne commencent
pas cette habitude-là.
Et ce qu'on
souhaite — quand je
parlais, au début, de dénormalisation — c'est que tout ça ne soit pas normal. C'est pour ça qu'on entend parler de
campagne dans les dépanneurs, tout ça, sur le cartage, et tout. Pour
nous, c'est comme si on rendait ça normal qu'on
soit dans un monde qu'il y a autant de gens qui fument. On finit par faire
quand même la promotion de fumer la
cigarette en disant aux gens que c'est pour les 18 ans et plus, etc. Donc,
on travaille fort sur la norme sociale, pour que ça ne soit plus perçu
comme normal de fumer. Il nous reste du temps?
Le Président (M. Bergman) :
Oui, certainement. Vous avez 4 min 30 s.
M. Jacques (Philippe) : Mon Dieu! Je
ne sais pas si…
M. Roy (Alain) :
Peut-être pour faire référence aux interventions de ce matin, au niveau des
dépanneurs, on a vécu une expérience…
De Facto se veut assez agressif dans nos stratégies de contremarketing, et
on a voulu mettre des affiches De Facto derrière les comptoirs des
dépanneurs en se disant : Bien, c'est là que sont les points de vente, et on
va éduquer les gens. Et, dans les premières approches avec Couche-Tard, ils ont
manifesté l'intérêt de le faire, et finalement
on s'est aperçu qu'il y a eu des interventions d'ailleurs
qui ont fait en sorte que le projet n'a pas fonctionné, et les messages qu'on voulait porter n'ont pas eu
lieu. Donc, on doute un peu aussi de leur intérêt à s'impliquer activement dans cette cause-là. Notre
expérience nous amène à douter de leur intention de vraiment lutter contre le
tabac. Donc, c'est juste pour faire référence à nos expériences récentes, d'ailleurs.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, merci, M. Roy,
M. Jacques, pour votre présentation. Maintenant, pour le bloc du
gouvernement, Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Roy, bonjour, M. Jacques.
Bienvenue à la commission. Je trouve ça très intéressant, l'analogie que
vous faites entre le programme Gobes-tu ça? et les produits du tabac. Je trouve
que c'est une… et ça se… je trouve que c'est tout à fait judicieux, là, c'est
justifié. Je trouve que c'est une belle analogie.
Et l'autre
chose intéressante que vous venez de mentionner, c'est un lien, aussi, qui… c'est
la première fois que j'entends ce
lien-là, c'est-à-dire le phénomène du cartage qui pourrait avoir comme effet
pervers de normaliser l'usage du tabac
après 18 ans. C'est comme si le message qu'on envoyait : Tant que tu
n'as pas 18 ans, tu n'as pas le droit, mais ça ne vient pas lutter…
ça ne vient pas renforcer la norme sociale, comme vous mentionnez, au niveau de
ne pas utiliser de tabac. Le cartage, on le
fait pour l'alcool, et l'alcool… C'est correct de consommer de l'alcool au
Québec après 18 ans, mais ça ne
devrait pas être correct de consommer du tabac après 18 ans. Et, si on se
limite uniquement à cet aspect-là pour limiter l'accès au tabac des
jeunes, de cartage… Je trouve que c'est un éclairage extrêmement intéressant
que vous venez d'apporter, là. Moi, ça me fait réfléchir.
Je vous ramène maintenant au rapport de mise en
oeuvre et l'analyse que vous en avez faite, et ma première question, c'est… On l'a constaté, il y a une
stagnation du taux de tabagisme depuis 2005 à 2010. Et, selon vous, qu'est-ce
qui peut expliquer le fait qu'on n'ait pas,
entre 2005 et 2010, obtenu les mêmes résultats qu'on aurait pu obtenir
entre 2000 et 2005, où, là, il y a eu une diminution? Qu'est-ce qui… Est-ce qu'il
y a quelque chose qui manquait? Est-ce qu'il y a des éléments, là, que vous
êtes en mesure de cibler?
M. Roy (Alain) : Bien, nous, c'est vraiment…
Le Président (M. Bergman) :
M. Roy.
M. Roy (Alain) : Oui, merci. C'est vraiment
comme on le souligne dans notre mémoire, en fait, c'est qu'on pense que la loi
a été respectée — là,
j'anticipe une question à venir — on pense que la loi a été respectée mais
que, justement, l'industrie est futée, a trouvé les failles pour, entre
autres, les cigarillos, avec les ajouts de saveurs. Les dernières études
qu'on voyait, il y a plus de jeunes qui fumaient des cigarillos que des
cigarettes. Donc, nous, on pense que l'interdiction des saveurs, les emballages
neutres…
Même si les
personnes mentionnaient, d'Imperial Tobacco, que les gens ne voient pas le
produit, les jeunes, ils l'ont quand même, par la suite, avec leurs
amis. Les gens voient le produit quand ils fument une cigarette, ils ne s'en vont pas se cacher nécessairement, donc leur entourage le voit également. Donc, nous, on
pense… c'est qu'il y a… la loi a été respectée, mais ils ont trouvé des
échappatoires pour pouvoir continuer de faire le marketing puis d'arriver avec
des produits intéressants qui rejoignent, entre autres, les jeunes, selon nous.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Oui?
M. Roy (Alain) : Je me permettrais
juste une parenthèse. Quand vous parliez de l'idée des 18 ans et des plus jeunes, toutes nos approches qu'on a faites dans l'élaboration
de nos campagnes, on… C'est clair que les jeunes de 12, 13, 14 ans s'identifient beaucoup plus haut,
vers les adultes, vers les produits qui sont plus attrayants. Donc, quand
on regarde les approches marketing ou de contremarketing, on fait toujours
référence à… Ce n'est pas vrai qu'après 18 ans toutes les stratégies qui sont adoptées ou que l'industrie met en place,
elles rejoignent directement les jeunes de 12, 13, 14 ans. C'est
comme s'il y a un écart de quatre, cinq ans qu'il faut considérer, là.
Mme Proulx : Justement, dans
votre mémoire, vous parlez beaucoup du contremarketing. Est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu plus ce que c'est
que le contremarketing et nous donner peut-être des exemples concrets,
là, d'application de cette stratégie?
Le Président (M. Bergman) :
M. Jacques.
• (14 h 20) •
M. Jacques (Philippe) : Oui, merci.
Le contremarketing, en fait… Mon exemple, ça va être encore avec les boissons
énergisantes, là. Par exemple, ce qu'on a fait, c'est de montrer aux jeunes que
les boissons énergisantes, c'est toute une question de marketing, c'est juste le look, le nom du
produit, les promesses, les bénéfices qui sont vendus, mais que, dans le fond, on pourrait prendre une
bouteille d'eau, avoir un superdesign, promettre des choses qui ne sont
pas toujours vraies, et tout ça. Ça fait que c'est de les éduquer, dans le
fond, les éduquer au marketing pour qu'après ça ils puissent avoir un regard
plus sceptique, de se demander si c'est vraiment le produit qui est intéressant
ou qui les intéresse ou si c'est tout ce qui
va autour, puis qu'ils se rendent compte à quel point le marketing est puissant
pour leur faire essayer ou consommer des produits que, si c'était vendu,
présenté autrement, ils n'auraient peut-être pas eu d'intérêt à l'essayer.
Mme Proulx : Et... Oui?
M. Roy
(Alain) : J'ajouterais
encore — on
travaille en équipe : Notre approche, c'est de ne pas être
moralisateurs, puis faire appel aussi à l'intelligence des jeunes en les
informant puis en leur démontrant qu'ils se font avoir dans la consommation, puis juste simplement leur démontrer
les conséquences. Parce qu'on sait que, si tu dis à un jeune de ne pas fumer, que fumer, ce n'est pas bon, ce n'est
pas l'approche qu'il faut employer avec des adolescents. Donc, toutes
nos campagnes, nos stratégies de contremarketing sont paramétrées avec cette
vision-là de faire appel à leur intelligence, pas
d'être moralisateurs, pas de descendre ceux qui fument ou de... mais plutôt de
les informer comment ils se font avoir, comment ils se... l'industrie est milliardaire, ils font des profits sur
leur dos, puis, en bout de ligne, ils veulent les tuer.
Mme Proulx : Et comment vous
évaluez...
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
Pardon. Et comment vous évaluez la réaction? Est-ce que vous jugez que ça a un
impact? Est-ce que les jeunes sont
réceptifs à des stratégies de contremarketing? Est-ce que ça les fait prendre
conscience, là, de certains aspects? Est-ce que vous trouvez que ça a un
impact positif?
Le Président (M. Bergman) :
M. Jacques.
M. Jacques (Philippe) : Merci. Oui,
on le voit. On fait des études après nos campagnes, entre autres, auprès des
jeunes et on voit qu'il y a plus de gens… Par exemple, l'an dernier, on avait
une campagne sur la culpabilité, la responsabilité
de l'industrie et on voit qu'il y a... de mémoire, c'était 83 % des jeunes
qui estimaient que l'industrie est responsable de la mort des gens qui
décèdent des causes du tabagisme. Et on pense qu'on travaille dans le sociétal.
Ce qu'on souhaite, c'est que la norme
devienne encore plus élevée, versus que les gens estiment que c'est de la faute
aux fumeurs, qui est l'argument qu'on entendait plus auparavant. Ça fait que c'est
comme ça qu'on évalue si on réussit à être efficaces avec ces campagnes-là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
Dans le rapport… Le rapport relate des problèmes quand même significatifs des
jeunes qui sortent de l'école. Et
vous recommandez, dans votre mémoire, au gouvernement, de supporter les écoles
et... soit travailler avec les communautés dans cette problématique-là.
Concrètement, est-ce que vous avez des recommandations spécifiques? Qu'est-ce
qu'on peut faire, comme gouvernement, pour mieux supporter le réseau scolaire
sur cet aspect précis des jeunes qui sortent de l'école et de la cour?
M. Roy
(Alain) : Bien, je pense
que… de soutenir des campagnes de prévention comme on le fait, je pense
que c'est la voie de l'avenir. Le
gouvernement le fait déjà, parce qu'on est supportés dans ce projet-là, mais on
pourrait aller encore beaucoup plus loin, puis d'autres groupes de
santé, aussi, pourraient appuyer ça. Je pense que…
Mme Proulx :
À votre connaissance, est-ce qu'il y en a beaucoup, des groupes qui ont des
interventions précises dans les écoles, auprès des plus jeunes?
M. Roy (Alain) : Bien, ce matin, on
avait nos collègues des Gangs allumées, et nous, je pense qu'on est les deux principaux acteurs dans ça. Il y a
probablement d'autres actions qui se font, mais je dirais que c'est les deux
principales.
Mme Proulx : Vous êtes comme
les deux groupes les plus organisés, là, à ce niveau-là.
M. Roy (Alain) : Les plus déployés,
je dirais.
Mme Proulx : O.K., parfait.
Merci.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin : Oui, merci, M. le Président. Bonjour,
messieurs. Merci d'être là. Bon, effectivement, vous avez parlé des
campagnes qui sensibilisent les jeunes au marketing, et tout ça, au
contremarketing. Ce matin, on a vu aussi que c'était souvent par le biais des pairs, donc
d'autres jeunes qui parlent à d'autres jeunes, ça a beaucoup plus d'impact qu'une approche
moralisatrice, comme vous avez expliqué. Est-ce que vous avez mis ce
genre de mesure là aussi? Vous êtes là-dedans?
M. Roy (Alain) : C'est vraiment exactement ce qu'on fait, c'est-à-dire qu'à chaque année
on imprime, on donne, distribue dans les écoles
75 000 tee-shirts De Facto et on fait une intervention auprès d'eux
pour qu'ils s'impliquent dans cette
cause-là, qu'ils deviennent des ambassadeurs de la cause. Parce qu'on sait que
les jeunes sportifs sont quand même des modèles importants à l'école :
ils vont gagner un championnat, représentent leur école, tout ça, et c'est normalement
des jeunes en santé et qui doivent parler. Des jeunes qui parlent à des jeunes,
c'est une stratégie très importante, puis c'est ce qu'on utilise constamment.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Oui. Dans la dernière loi, on avait mis une interdiction de fumer à moins de neuf mètres de certains lieux qui touchent
particulièrement les jeunes, les écoles et ce genre de... Pouvez-vous nousdire, vous, ces mesures-là, trouvez-vous que
ça a été suffisamment encadré? Est-ce qu'il y aurait des choses qu'on aurait àfaire pour améliorer afin que cette
mesure-là soit plus efficace, plus rigoureuse ou... J'aimerais vous entendre
sur cet aspect-là.
M. Roy
(Alain) : Pour avoir visité les écoles de façon régulière, moi, j'ai
vu que ça a pris un certain temps à s'adapter. Maintenant, je pense que c'est
assez bien géré, tous ces aspects-là. Je vous dirais qu'au niveau collégial, universitaire, c'est aussi une problématique. On
regarde... on focusse souvent nos interventions sur le secondaire, nos
jeunes de 18 ans et moins, mais, au
collégial, il y a énormément de fumeurs, et je ne suis pas sûr que la règle de
neuf mètres est aussi bien gérée qu'au secondaire. C'est ce que j'ai
vu sur le terrain. Universitaire, je ne peux pas vous dire, mais, au collégial, il y a moins de contrôle, c'est
moins encadré qu'au secondaire. Ça fait que moi, je vois... il y aurait
quelque chose à explorer, là,
pour voir davantage qu'est-ce qui se passe. C'est mon expérience du terrain.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Écoutez, je n'ai pas d'autre question qui me vient en tête présentement. Je
vais laisser la parole à mon collègue.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député d'Argenteuil.
M. Richer :
Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci d'être là. On a parlé de
marketing, là, des développements. Et, parmi
vos sportifs, j'imagine qu'il y en a quand même un bon pourcentage de sports d'élite.
Est-ce que vos athlètes d'élite sont influencés? Est-ce qu'il y a un
pourcentage de fumeurs chez vos sports d'élite, vos sportifs?
M. Roy
(Alain) : On n'a pas de donnée directement sur nos étudiants-athlètes,
mais il y en a… La plupart ne fument pas parce qu'ils ont une préoccupation de
performance. Plus on monte au niveau de l'élite... Je ne pense pas qu'un joueur
de football du Rouge et Or aurait avantage à fumer, ça va le nuire. Puis on se
sert beaucoup de ça pour démontrer aux autres jeunes que ça nuit. Puis on le
fait aussi en alimentation, avec les boissons énergisantes, tout ça. Mais on n'a
pas de statistiques précises là-dessus.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député d'Argenteuil.
M.
Richer : Merci. J'imagine
que vous êtes régulièrement en contact avec les... le mot m'échappe, mais, au
niveau des sports plus spécialisés, au niveau des réseaux, je ne sais pas, moi,
de hockey, de baseball, de ça.
M. Roy
(Alain) : Oh! absolument. Ça, c'est moins le quotidien de Philippe,
mais c'est un peu le mien.
M. Richer :
O.K. Ce constat-là est le même aussi au niveau des fédérations sportives?
M. Roy
(Alain) : Oui. Par contre, les fédérations sportives n'ont pas les préoccupations
santé que nous, on a. Ils sont beaucoup
plus dans la performance sportive, alors que nous, on est dans l'éducation envers les jeunes. Donc, on a beaucoup plus de préoccupations. Et, comme on travaille avec les écoles, bien,
on est tout le temps confrontés à la réussite académique puis à la
santé de nos jeunes. Donc, on a une approche un peu différente que les
fédérations sportives, qui sont beaucoup plus centrées sur les performances sportives.
Nous, on veut le faire... Dans le
fond, pour nous, le sport, c'est unprétexte à l'éducation des jeunes et à
leur santé. Donc, on a vraiment une approche quand même assez différente
dans ça.
M. Richer :
O.K. Au niveau du suivi, la loi prévoit un dépôt de rapport d'activité aux cinq
ans avec révision. J'ai posé la même
question, parce que je considère que l'industrie du tabac est très,
très active : Est-ce que, pour vous, réévaluer les lois, soit l'application de la loi
actuelle ou d'éventuelles lois... d'une
loi bonifiée, est-ce que cinq ans est un trop long délai ou ça vous paraît suffisant pour
vérifier l'application des mesures qui sont contenues dans la loi,
finalement?
Le Président (M.
Bergman) : M. Jacques.
M.
Jacques (Philippe) : Oui, c'est bon.
M. Roy
(Alain) : Non. Moi, je vous dirais qu'un délai de cinq ans, ça m'apparaît
suffisant, parce que c'est quand même un processus assez long. Mais c'est sûr
que, on l'a vu, ils s'adaptent assez rapidement aussi. Ça fait que c'est important qu'il y ait une révision de la
loi, puis maximum cinq ans. À mon humble avis, ça serait le plus
bénéfique, là, parce qu'ils s'adaptent rapidement, ils déploient des stratégies
pour atteindre leurs objectifs.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
J'ai une autre question qui m'est venue par la suite : Selon ce
que vous nous avez dit, qu'au niveau du collégial c'est un problème, sur
le terrain, qui est plus évident, est-ce que vous avez des pistes, par contre...
La question, la sous-question, là, qui m'est venue par la suite, c'est : Est-ce que vous avez des pistes à nous donner, compte tenu que vous êtes souvent sur le terrain, que vous pensez... Qu'est-ce qui pourrait être efficace, dans le
fond?
Le Président (M.
Bergman) : M. Roy.
M. Roy
(Alain) : Mon constat est que tous les programmes en saines habitudes
de vie puis en lutte au tabagisme concernent souvent les 18 ans et moins.
Et, après 18 ans, on dirait que le phénomène s'arrête, alors que ce n'est pas vrai, il se poursuit et s'accentue dans
le cas du tabac. Et là on est probablement le seul qui se préoccupe de
la clientèle collégiale et universitaire.
Ceci dit, on sait que
ce n'est pas tous les jeunes qui sont au collégial et universitaire, hein? Là,
il y a un décrochage qui se fait. Donc, il
faudrait se préoccuper des 18-24 ans, à mon avis, dans la question de la
lutte contre le tabac, davantage. Nous, on est un outil. Soutenir
davantage ces approches-là mais développer de la prévention, des approches… des campagnes de prévention autour de
cette clientèle-là, moi, je pense que ça serait essentiel et important.
J'ai l'impression que c'est là que ça se passe, au secondaire, mais il ne faut
pas oublier après le secondaire.
Le Président (M.
Bergman) : Ça va?
Mme
Gadoury-Hamelin :
Ça va pour moi.
• (14 h 30) •
Le Président (M.
Bergman) : Alors, maintenant, pour le bloc de l'opposition
officielle, et je vais prendre la première question.
Dans votre mémoire,
vous faites référence à l'interdiction de fumer sur les terrains des écoles
primaires et secondaires, et vous faites référence au rapport de la mise en
oeuvre de la Loi sur le tabac qui parle des problèmes où les jeunes sortent de la cour d'école pour aller
fumer sur les terrains avoisinants, dans les abribus à proximité. Et
vous faites référence à un petit moyen d'attirer
l'attention : communication. Mais est-ce qu'il y aurait une solution
concrète sur ce problème? Car c'est vraiment
les jeunes et c'est le moment pour les décourager pour aller fumer hors des
terrains de jeu et peut-être pour employer ces terrains pour jouer du
sport au lieu d'aller fumer sur le terrain du voisin. Est-ce que vous avez des
suggestions à nous faire sur cette question?
M. Jacques (Philippe) : Pour être honnête, question ressources humaines
et financières, ce n'est pas quelque chose qu'on a beaucoup analysé et
réfléchi. Mais, vite comme ça, c'est sûr qu'il pourrait y avoir des… Ce qu'on
essaie de faire ressortir dans le mémoire, c'est
que, oui, il y a un aspect législatif sur lequel on... Bon, l'interdiction des
saveurs, emballage neutre, tout ça, on en a parlé. Mais, pour des cas comme ça,
on pense que, oui, il y a du légal, mais il y a aussi de la prévention. C'est peut-être... je ne sais pas, il y a-tu des
escouades qui vont voir ces gens-là? Il y a-tu, des fois, des campagnes d'affichage, et tout ça? On pense qu'il
peut y avoir d'autres moyens de communiquer, mais, honnêtement, on n'est
pas allés plus loin, là, dans les réflexions par rapport à ça.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bien,
vous avez deviné la première question. Suite à la dernière loi qui a été
mise en place, aujourd'hui on fait l'évaluation. Quelle est votre perception de
la réussite au niveau de la mise en oeuvre? Ou il y a-tu des choses que vous
voyez qui auraient dû être faites différemment?
M. Roy (Alain) : Je pense que c'est une réussite. La mise en oeuvre, c'est une réussite,
on a fait des gains, mais visiblement l'industrie s'est adaptée, puis on
a encore beaucoup de gains à faire, vu que les taux de tabagisme n'ont pas si progressé
que ça. Donc, je pense que oui, pour répondre franchement, ça serait oui, mais
il y a beaucoup plus... encore beaucoup de travail à faire.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Je vous dirais : Mais, après la
prochaine loi, il va y en avoir encore, parce que c'est... il faut
toujours s'adapter puis il faut accepter cette règle-là.
M. Roy
(Alain) : Oui, c'est ça. Probablement. Absolument.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Votre organisation, le mandat
premier, ce n'est pas le tabagisme.
M. Roy
(Alain) : Non.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Est-ce que vous pourriez m'en
parler un peu puis comment ça s'incorpore dans les pratiques
quotidiennes? Et puis, également, qui vous finance, qui vous supporte, là?
M. Roy (Alain) : Notre financement provient à 60 % de nos membres, qui sont les
établissements d'enseignement primaire, secondaire, collégial,
universitaire. Il y a un 6 % de notre budget qui provient du ministère de
l'Éducation, Loisir et Sport pour notre
mandat sport. Et, dans nos campagnes De Facto, on reçoit un... Dans De Facto
précisément, on reçoit un soutien du ministère de la Santé et des Services
sociaux. Certaines campagnes au niveau de l'alimentation sont subventionnées
par Québec en forme ou appuyées par Québec en forme.
C'est
sûr que notre nom, Réseau du sport étudiant du Québec, ne nous amène pas
directement dans le tabagisme, mais,
comme je vous disais tantôt, notre mission, c'est l'éducation, la réussite scolaire
des jeunes et la santé des jeunes. C'est ce qui nous a amenés là-dedans.
Pour vous faire
image, lors de la réforme… Au début des années 2000, dans le milieu
scolaire, il y a eu une réforme, et les
professeurs d'éducation physique sont devenus des professeurs d'éducation
physique et à la santé. Ils se sont
retournés automatiquement vers nous en disant : Qu'est-ce que je peux
faire pour enseigner la santé? Est-ce que mon sport étudiant, qui est un
organisme, peut répondre aux besoins des écoles? Et c'est comme ça qu'on s'est
investi corps et âme dans plusieurs projets
d'activité physique, saine alimentation et tabagisme. C'est un peu comme ça
qu'ils nous amènent là-dedans.
Et étonnamment, dans
notre projet De Facto, notre milieu a vraiment pris le flambeau. Vous
allez voir, dans tous les gymnases du Québec, il y a une affiche De Facto,
sur la plupart des terrains, entre autres les universités qui sont… le football universitaire qui est notre
porte-étendard. On a profité de l'occasion pour mettre des messages à la
télé, De Facto, pour faire parler de la cause et on utilise souvent les
étudiants-athlètes du niveau universitaire qui vont dans les écoles collégiales et secondaires parler de la problématique du
tabac. Donc, c'est un peu comme ça que ça se vit au quotidien. Au quotidien, on organise le sport,
mais il y a toutes sortes de campagnes de promotion qui se greffent à
ça. Et, comme on est dans le milieu de l'éducation, bien, ça a été d'un
naturel...
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bien, je trouve que c'est
intéressant, parce que, là, on regarde
comment… en focussant sur le tabac, qu'est-ce qui doit être fait, puis on
regarde toutes les stratégies. Mais il y a cette stratégie-là, que j'appellerais
une stratégie de convergence, où, plutôt que d'avoir une approche tabac, on a
une approche santé générale, saines
habitudes de vie. Puis, moi, à ma connaissance, les gens qui font du sport, je
n'ai pas de statistiques précises,
mais, en général, ce qu'on voit, c'est que, les gens qui font du sport, il y a
un moins haut pourcentage de fumeurs
que ceux qui ne font pas de sport. Donc, c'est une façon indirecte d'amener des
gens à prendre leur santé en main.
Puis, si tu fréquentes des gens qui fument moins, qui font plus de sport,
généralement tu as moins, peut-être, de probabilités de fumer. Ça
fait que je trouve que c'est une stratégie qui est intéressante.
Les
prochains objectifs que vous vous fixeriez, en termes d'atteinte de votre clientèle cible, il
y a-tu des nouveaux projets que vous voulez mettre en place qui vont
aider les gens à cesser de fumer ou à ne pas commencer à fumer?
M.
Roy (Alain) : Bien, on a un soutien financier intéressant pour la
campagne De Facto, mais c'est sûr qu'on pourrait faire beaucoup plus. On
veut faire une campagne… On essaie de plus en plus dans les médias sociaux, ça demande énormément de budget, et à la télé aussi,
parce que, quand on veut contrer tout le marketing qui est autour puis qu'on veut faire du contremarketing, ça prend
quand même beaucoup de sous. C'est sûr que d'avoir un meilleur soutien
financier pour aller davantage accentuer nos campagnes, ça serait vraiment
intéressant. Puis, comme je vous disais tantôt,
les 18-24 ans, on est très préoccupés aussi par cette question-là, parce
qu'on sait que les jeunes de 12, 13, 14 ans s'identifient à cette
clientèle-là. Donc, automatiquement, en visant les 18-24, bien, on rejoint les
plus jeunes. C'est un peu comme ça que… Je ne sais pas si…
Le Président (M.
Bergman) : M. Jacques.
M. Jacques (Philippe) : Bien, pour compléter, en fait, on trouvait ça
intéressant quand… On parle de dénormalisation, il y a quelques mois, j'entendais
une histoire, qu'on trouvait intéressante, de deux jeunes filles qui parlaient d'un étudiant-athlète qu'elles
admiraient beaucoup, qu'elles trouvaient hot, tout ça, mais il y en a une des
deux qui a fini par dire : Ah, sauf qu'il fume, puis l'autre a comme
fait : Yark! Puis on trouvait que c'était bien. Puis ce n'est pas une
histoire qu'on aurait entendue avant, que des jeunes admirent quelqu'un puis…
bon, peut-être au niveau du sport ou parce
qu'il était cute, là, je ne sais pas toute l'histoire, mais de dire «yark»
parce que l'autre lui mentionne : Mais il fume, c'est un fumeur.
Ça fait qu'on
travaille beaucoup sur cette norme-là, et, comme le mentionne M. Roy, c'est au
niveau des modèles aussi que ça donne. Oui,
l'âge d'initiation est à 13 ans, mais ils s'initient aussi en voyant, justement,
des plus vieux, et tout ça, fumer.
Et ce que
vous mentionniez, également, je regarde mon propre beau-frère qui a commencé à
courir, il y a à peu près deux, trois
mois, un premier cinq kilomètres, je l'ai vu à un moment donné, il toussait, il
s'arrachait les poumons, je me dis : Mon Dieu! Il a terminé sa course, il
dit : Regarde, il dit, moi, j'arrête de fumer, il dit, ça n'a pas d'allure.
Puis, dans les derniers mois, il n'a pas
retouché à la cigarette. Ça fait que c'est sûr que le sport est une façon que
tu te rends compte qu'à un moment
donné ça ne fonctionne pas, c'est incompatible. Puis ça l'a amené à avoir des
meilleures habitudes de vie depuis qu'il fait du sport, au niveau même
de l'alimentation, mais ça va plus large que seulement la cigarette.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Si je comprends, la nouvelle stratégie, ce
serait que les filles ne sortent qu'avec des hommes non-fumeurs. J'ai
deux garçons, j'encourage ça, j'encourage ça. Et l'inverse serait vrai
également.
Bien,
écoutez, je veux vous féliciter du travail que vous faites, parce qu'on n'en
entend pas nécessairement parler beaucoup
au niveau public, parce que vous avez des clientèles cibles, puis il y a
toujours des budgets qui sont limités, mais je vois que ça peut avoir
des effets extrêmement importants. Puis, entre autres — peut-être
juste pour terminer, avant que je laisse la
parole — la
question des ambassadeurs-athlètes, là, ça, c'est le principe du modèle, là, qu'on
veut suivre. Et, comme de fait, quelqu'un qui ne fume pas, qui sert de
modèle à d'autres, il y a moins de chances que les autres vont fumer également.
Ça, ça doit être un modèle qui est assez porteur.
M. Jacques (Philippe) : Oui, c'est…
Le Président (M. Bergman) :
M. Jacques.
M. Jacques
(Philippe) : Merci. C'est
effectivement porteur. Quand on fait les remises, aussi, des gilets, oui,
c'est les étudiants-athlètes, mais c'est
aussi… on essaie le plus souvent possible que ça soit le coach, l'entraîneur
qui effectue cette remise-là, et tout. Ça fait qu'il y a une symbolique
assez forte, parce que, quand tu es un jeune, tu es dans une équipe sportive,
ton entraîneur, c'est comme le… j'allais dire, c'est Dieu, là, mais enfin vous
comprenez, là, c'est vraiment… vous le voyez
très haut, là, dans votre estime. Ça fait que, si cette personne-là porte ce
message-là, y croit aussi, ça te donne vraiment envie, comme lui, de
dire non à l'industrie puis de reconnaître ses pratiques.
M. Roy
(Alain) : Et on sait que les équipes sportives, c'est ce qui
représente mieux l'école. C'est donc les modèles qu'il faut utiliser, je
pense, pour passer ces messages-là. C'est ça, vraiment, notre stratégie.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de
Santis : Merci, M. le Président. Merci beaucoup d'être là et de
faire votre présentation. N'ayant pas de jeune chez nous, je ne vous connaissais pas tellement bien, mais vous
apportez quelque chose de nouveau, et j'apprécie ça énormément.
Je me pose
une question. Je regardais un rapport du Centre québécois de lutte aux
dépendances, O.K.? D'après le rapport, 35 % de jeunes de 15 à
24 ans consomment la drogue. 35 %, c'est très élevé. Et ce n'est pas
vendu dans des paquets sexys qui ressemblent
au chocolat ou les bonbons, etc. Alors, cette question de prendre de la drogue
ou de fumer la cigarette, est-ce qu'on est en train de l'adresser de la
bonne façon? Je vous pose cette question. Si on regarde l'ensemble du problème,
est-ce que… Vous, je présume que vous faites aussi de l'éducation quant à la
drogue.
• (14 h 40) •
Une voix : Bien, dans le
dopage sportif, donc… Mais je fais un parallèle avec.
Mme de Santis : O.K. Alors, est-ce
que peut-être on peut réfléchir là-dessus pour quelques instants?
M. Roy (Alain) : Bien, mon parallèle
que je ferais...
Le Président (M. Bergman) :
...
M. Roy
(Alain) : Merci. Les
boissons… Si on regarde le dopage sportif, parce que ça, c'est quelque chose qu'on regarde précisément, la
consommation de boissons énergisantes, qu'on a étudiée dans le cadre de notre
étude de 10 000 jeunes, amène une conduite dopante, c'est un phénomène
direct, et les gens qui sont en dopage sportif nous... Plusieurs études le démontrent. Donc, de commencer à prendre des boissons
énergisantes, ça t'amène à prendre d'autres choses. J'ai l'impression qu'on pourrait faire le même parallèle avec la
cigarette. De fumer la cigarette, bien, ça pourrait t'amener à aller
vers d'autres choses plus facilement que si tu n'es pas un fumeur.
Mais, au-delà
de ça, je ne peux pas vous donner d'appui plus scientifique que ça, mais, dans
le milieu du sport, c'est ce qu'on voit.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de
Santis : Une autre
chose qui m'inquiète, c'est un... Je suis tout à fait d'accord
que la mise en oeuvre de la loi de
2005, c'est positif. Sauf que, quand je regarde le taux de tabagisme, ça reste plutôt
stable, «stagnating». D'après vous, pourquoi? Qu'est-ce qu'on devrait
faire différemment? Parce que, pour chaque personne qui arrête de fumer, il y a
quelqu'un qui commence, et la personne qui commence, très souvent, c'est quelqu'un
de jeune.
Le Président (M.
Bergman) : ...
M.
Jacques (Philippe) : Oui. Nous, c'est ce qu'on recommande, en fait,
dans notre mémoire. On pense que ça... Nous, on est persuadés que ces
produits-là, ces saveurs-là, ces emballages-là ciblent les jeunes. On n'est pas
les seuls à savoir que l'âge d'initiation
est de 13 ans, les compagnies de tabac le savent également. Ça fait qu'on
est certains que c'est des produits qui les ciblent. Donc, pour nous, d'interdire
des saveurs, d'avoir des emballages neutres... Comme je mentionnais, déjà, en Australie, les fumeurs ont l'impression que
leurs cigarettes sont moins bonnes. Les saveurs, il y a beaucoup de jeunes qui commencent avec le menthol,
ou d'autres saveurs plus douces, ou, bon, la chicha parce que tu t'étouffes
moins, tout ça. Ça fait qu'on pense qu'il y a une porte d'entrée là qui peut
être fermée, le moratoire sur les nouveaux produits, la cigarette électronique.
Et, comme on
le mentionnait aussi, des campagnes, nous, on croit que nous… et d'autres
acteurs qui ont passé depuis hier ont
également une influence avec des campagnes. Chacun a un peu ses sphères, nous,
on est plus dénormalisation, il y en a qui sont sur autre chose, mais on
pense que les campagnes également, c'est positif, là, de ne pas seulement voir
l'aspect toujours législatif ou coercitif mais d'avoir aussi des campagnes de
sensibilisation.
Et, comme on
le mentionnait, nous, c'est avec des tons pas moralisateurs. On le sait qu'auprès
des jeunes ça ne fonctionne pas. Ça fait que d'essayer de leur faire
comprendre... Je refais le parallèle avec les boissons énergisantes parce que c'est vraiment un dossier chaud, que les
jeunes voient ça comme la superboisson qui leur donne des pouvoirs magiques, alors qu'en fait c'est
superproblématique, là, au niveau de la caféine, au niveau de l'excitation que
ça donne, rythme cardiaque,
palpitations, et tout. Ça fait qu'on est en train de démystifier auprès des
jeunes ce produit-là, comme la caféine, en général, que tu as un certain
«boost» puis après tu descends encore plus bas.
Donc, c'est
ce qu'on recommande, d'y aller avec ce qu'il y a dans le mémoire, qui est la
position commune des organismes, et d'avoir des campagnes de
sensibilisation aussi pour rejoindre directement les jeunes.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de
Santis : Aujourd'hui, nous avons entendu dire que les jeunes
obtiennent leurs... Il reste combien de temps?
Le Président (M. Bergman) :
...cinq minutes. Cinq minutes.
Mme de
Santis : O.K. Dernière question. On a entendu dire que les
jeunes obtiennent leurs cigarettes de leurs parents, des oncles, des
tantes dans leur réseau social. Qu'est-ce qu'il faut faire pour s'assurer que
les adultes qui fournissent les cigarettes à leurs enfants soient plus
conscients de ce qu'ils sont en train de faire? Parce qu'il y a une certaine
responsabilisation des parents qu'il faut aussi faire, d'après moi.
M.
Roy
(Alain) : Moi, en partant, j'avoue que je ne le sais pas à quel point
c'est vraiment les parents ou d'autres jeunes qui procurent des cigarettes à ces jeunes-là. Des fois, j'ai l'impression
que c'est les arguments qu'on entend de l'industrie pour dévier le sujet vers autre chose que d'y
aller avec des lois. Je ne suis pas certain qu'il y a tant de parents
que ça qui fournissent des cigarettes à leurs enfants, là. J'avoue que je suis
un peu sceptique par rapport à ça, là. Je ne sais pas.
Mme de
Santis : Mais est-ce qu'il y a une sensibilisation de faire
aussi auprès des parents, d'être plus veillants là-dessus?
M. Roy
(Alain) : Probablement. Probablement. C'est sûr que nous, on est plus
directement impliqués directement dans
les écoles puis auprès des jeunes. Mais, vous avez probablement raison, il y a
peut-être quelque chose à regarder là. Mais je ne peux pas vous donner d'autres
éléments de réponse que... Philippe, je pense, amène un point intéressant, qu'on
pourrait être peut-être un peu sceptiques, des fois, sur l'ampleur de ces
phénomènes-là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Bonjour, merci. Bien, je vais prendre la balle au bond, parce qu'hier on
entendait des intervenants qui nous
ont amené des statistiques à l'effet qu'il y a quand même un nombre, un
pourcentage important des jeunes qui sont hébergés ou qui sont pris en charge par la protection de la jeunesse qui
consomment des produits du tabac. Et, pour être en mesure de consommer des produits du tabac, il doit
y avoir un adulte quelque part qui les autorise à fumer à l'intérieur
des établissements. Puis ce n'est pas des gens
de l'industrie, là, c'est des gens de la Santé publique qui nous ont apporté
ces chiffres-là, un peu pour nous
sensibiliser et aussi pour nous amener à nous questionner sur l'interdiction de
fumer dans tous les établissements du
milieu de la santé et des services sociaux, incluant les centres jeunesse.
Donc, peut-être simplement vous ramener ça, on a des parents… Puis, je
vous dirais, peut-être en milieu défavorisé, là où l'éducation… il y a une
éducation sociale qui reste à faire, on a beaucoup de jeunes qui fument avec
leurs parents, malheureusement.
Et donc je
comprends que vous, vous êtes dans le milieu scolaire, vous êtes là. Moi, je
vous connais parce que j'en ai deux en milieu scolaire. Donc, je sais ce
que vous faites, je sais ce que votre organisme fait auprès des jeunes puis j'en
profite pour vous féliciter.
Je suis très
curieuse sur les moyens qu'on peut prendre pour serrer la vis un petit peu aux
difficultés d'application de la loi
dans le milieu scolaire. Vous parliez tout à l'heure du milieu collégial, du
milieu universitaire. Votre mémoire fait
état aussi des écoles primaires et secondaires. Vous dites : Bien, on
devrait sensibiliser davantage. Mais, vous, comme intervenants
dans le milieu, qu'est-ce que vous verriez comme étant une mesure qui pourrait
être mise en place, que ce soit par les
commissions scolaires ou que ce soit par le gouvernement, pour justement serrer
la vis et faire en sorte qu'on ne va pas permettre, ou on ne va pas
tolérer — je
ne dis pas «permettre», je pense plutôt «tolérer» — ou fermer les yeux sur
des pratiques qui n'ont pas leur raison d'être?
Le Président (M. Bergman) :
M. Roy.
M. Roy (Alain) : Je vous dirais qu'il
faut aussi être prudents dans les ressources que les écoles ont pour appliquer tout ça, hein? Souvent, toutes les
interventions en saines habitudes de vie, on dit : On va passer par l'école,
on va passer par l'école. Mais les
ressources… On se fait dire souvent que les écoles ont des ressources limitées,
ont peu de ressources humaines pour
gérer tout ce qu'elles ont à gérer. Et, je vous dirais, à mon avis, il y a
quelque chose là qu'il serait
important à regarder, et d'autant plus vrai au collégial, où ils n'ont pas ces
préoccupations-là aussi importantes des ressources affectées à certains contrôles. En tout cas, de mon avis, il
y a une question de ressources, là. Je ne sais pas si…
Mme Vallée : Mais disons…
Le Président (M. Bergman) :
M. Jacques, est-ce que vous…
M. Jacques (Philippe) : Non, ça va.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Disons que, dans le meilleur des mondes, on a des ressources. Puis je comprends
ce que vous me dites parce qu'on l'entend, nous aussi, beaucoup, à titre
d'élus.
M. Roy (Alain) : …il y a une
pression budgétaire incroyable sur le milieu de l'éducation, donc ça…
Mme Vallée : On en entend
parler légèrement dans nos circonscriptions…
M. Roy (Alain) : Oui, j'imagine, j'imagine.
Mme Vallée :
…avec des hausses de 30 % à 37 %. Mais là on n'est pas là-dessus.
Mais, au-delà des ressources, avez-vous des idées de mesures qui
pourraient être mises en place? La question des ressources viendra après, parce
que, là, on apporte… Dans le fond, aujourd'hui,
on apporte plein d'idées, puis après ça, bien, il y aura un travail à
faire, à déterminer qu'est-ce qu'on priorise comme actions.
M. Roy
(Alain) : Directement sur
cet aspect-là, je ne pense pas qu'on a réfléchi à des idées par rapport à ça,
mais on pourrait regarder ça. Une campagne
de prévention… Nous, on a un réseau de communication important dans chaque
école, donc on pourrait essayer d'explorer
ça. Mais, pour l'instant, je ne suis pas… moi, il n'y a rien qui me vient en
tête. Désolé.
Mme Vallée : …merci beaucoup.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, ceci met fin au bloc de l'opposition officielle. Et maintenant, pour le
deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.
• (14 h 50) •
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Merci. Merci de votre présence, c'est très apprécié. J'aurais
une question à vous poser. Parce qu'on
assiste actuellement, au Québec, à un phénomène qui est en croissance de plus
en plus chez nos jeunes, c'est la consommation de chicha, avec la pipe à
eau, et qu'on semble méconnaître au niveau de la population, des jeunes. Même ce matin, je ne sais pas si vous
étiez présents, mais notre invitée de 15 ans, qui est dans La gang
allumée, n'était pas au courant non plus de
ce que contient la pipe à eau ou la chicha, alors qu'on sait qu'une session de 60 minutes de chicha équivaut à 100 à
200 cigarettes puis en plus de contenir des métaux lourds comme du plomb,
de l'arsenic et six fois plus de monoxyde de carbone. Alors, en plus, évidemment,
elle peut être consommée à l'intérieur des bars et des endroits publics, puisqu'elle
n'est pas encadrée par la loi québécoise sur le tabac.
Alors, ce
phénomène-là, j'ai l'impression… en
tout cas, moi, je le vis dans mon
milieu, j'ai l'impression que les jeunes banalisent les sessions de pipe
à eau, là, de chicha et n'ont pas l'impression de fumer l'équivalent de 100, 200 cigarettes, encore moins de monoxyde de
carbone. Ils ont l'impression de prendre de l'eau un petit peu aromatisée aux pommes, aussi à ça. Alors, c'est un phénomène qui
est croissant. Il y a 18 %
des jeunes de 16 à 19 ans qui ont dit qu'ils avaient déjà consommé
de la chicha lors d'une enquête récente, en 2010, alors que c'est 12 %
dans l'ensemble du Canada. Est-ce que c'est quelque chose que vous avez adressé
ou qui va être adressé à votre population?
M. Jacques (Philippe) : Oui. Bien,
on est conscients du phénomène. Puis effectivement je pense qu'il y a beaucoup
de gens qui ne sont pas au courant à quel point c'est encore plus dommageable
que de fumer la cigarette, comme vous le
dites. Par contre, comme on est le Réseau du sport étudiant, on est plus
concentrés sur un peu ce qui se passe dans
les écoles ou des trucs avec nos ligues sportives, etc. Ça fait que ce n'est
pas, disons, une problématique qui a été discutée,
là, avec notre réseau, là. On est plus là pour ce qu'on a proposé aujourd'hui
ou des choses qui sont plus directement avec le réseau du sport. Mais on
partage la lecture que vous en faites, là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci. Parce que, si je peux un petit peu partager avec vous, j'ai l'impression
que même nos jeunes athlètes qui…
non, qui ne fument pas la cigarette mais qui font des activités de bar à chicha
puis qui vont… C'est des athlètes,
là, je peux en témoigner, j'en ai connu quelques-uns, puis qui avaient l'impression
qu'eux autres, là, une soirée… C'est
des athlètes, là, c'est des jeunes athlètes qui ne fument pas la cigarette mais
qui vont à une soirée dans un bar à chicha, puis qui ont l'impression
que ce n'est pas dommageable, puis que ce n'est pas du tout la cigarette. Ça
fait que, même auprès des jeunes athlètes, je pense qu'il y a une
méconnaissance de l'envergure de la nocivité de ces substances-là.
M. Jacques
(Philippe) : Je pense qu'on
prend bonne note de regarder ça dans nos prochaines stratégies pour voir
qu'est-ce qu'on peut faire dans ça puis aller explorer ça davantage.
Mme
Daneault :
Puis évidemment, le fait qu'il n'est pas soumis à la loi, bien, il y en a dans
les bars. C'est le seul, dans le fond, produit du tabac qui se retrouve
dans les bars, donc facile d'accès à l'intérieur même de nos bars. Il me reste
combien de temps?
Le Président (M. Bergman) :
Vous avez à peu près deux minutes.
Mme
Daneault :
Bon, bien, je vais… O.K., merci. C'est rare que j'ai du lousse. Je vais revenir
sur le menthol, parce qu'effectivement,
ce matin, on a eu un groupe qui venait nous dire que c'était seulement 4 %
de la population qui en consommait — Imperial Tobacco, entre autres — et qui nous disait que ça ne s'adressait pas
à la clientèle de jeunes. Alors, ce
que vous nous avez dit tout à l'heure, c'est : 30 % de la population,
des jeunes, consomment le menthol. Est-ce que vous avez senti que c'était une façon, finalement, avec
le menthol, qui, on sait, adoucit le goût du tabac… Est-ce que vous avez
l'impression que c'est un incitatif pour eux
après de les récupérer et de les faire venir dans la grande famille des
fumeurs?
Le Président (M. Bergman) :
M. Jacques.
M. Jacques
(Philippe) : Juste préciser,
c'est 30 % des fumeurs du secondaire, là. Juste préciser, ce n'était
pas 30 % des jeunes, c'est 30 %
des fumeurs du secondaire qui avaient fumé un produit avec du menthol dans les
30 derniers jours.
Mais, oui, on
est convaincus. Puis ça sortait aussi dans les documents de l'industrie du
tabac, là, qui datent… bon, certains
datent d'il y a plusieurs années, mais qui ont été rendus publics, comme quoi c'étaient
des stratégies de cibler avec le
menthol, avec des saveurs fruitées, chocolat, fraise, etc., les jeunes, parce
que le produit passe plus facilement. Parce que, le goût, il y a peu de jeunes qui vont fumer une… Il y en a sûrement qui
ont déjà fumé une cigarette quand ils étaient jeunes, là, c'est rare
que, la première bouffée, on trouve ça bon. Ça fait que c'est une façon d'amener
les jeunes à s'habituer tranquillement à cette habitude-là, et par la suite,
une fois qu'ils sont accrocs au produit, avec la nicotine et tout, bien, ils
peuvent passer à d'autres types de cigarettes plus régulières, si on veut.
Le Président (M. Bergman) :
M. Roy.
M. Roy (Alain) : Je vous citerais l'étude
du Brésil qu'on a reçue hier. On a traduit rapidement, mais il y a vraiment une partie intéressante, puis c'est très,
très… Il y a beaucoup de références à la fin, ça me semble une étude
très solide scientifiquement. Ils disent : «Les produits du tabac à saveur
de menthol sont les préférés des enfants et des adolescents au Brésil parmi les produits avec goût. Le menthol est le
plus apprécié par les jeunes fumeurs. En outre, les références
scientifiques et les documents internes de l'industrie du tabac démontrent
clairement l'utilisation du menthol comme un outil pour accroître l'attractivité
des produits du tabac.»
Ça fait que je trouve ça vraiment intéressant.
Sûrement qu'il y a des parallèles qu'on peut faire au Québec avec cette
étude-là.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Alors, M. Jacques,
M. Roy, merci pour votre présentation, merci d'être avec nous aujourd'hui.
Et je demanderais aux gens du directeur national
de santé publique de prendre place à la table. Et je suspends pour quelques
instants.
(Suspension de la séance à 14 h 56)
(Reprise à 15
heures)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on souhaite la bienvenue au directeur
national de santé publique. Bienvenue. Et,
pour fins d'enregistrement, vos noms, vos titres, et vous avez 15 minutes
pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de
la commission.
Ministère de la Santé et des
Services
sociaux, Direction de la santé publique
M.
Arruda (Horacio) : M. le Président, Horacio Arruda, directeur national de santé
publique et sous-ministre
adjoint en santé publique au ministère de la Santé et Services sociaux du Québec,
accompagné de…
Mme Rochette
(Marie) : Je suis Dre Marie Rochette, directrice de la prévention des
maladies chroniques et des traumatismes au ministère.
M. Therrien (Jean-François) : Jean-François Therrien, directeur de l'unité d'inspection
et d'enquête au ministère de la Santé.
M.
Arruda (Horacio) : Merci. Donc, je vais faire la présentation,
et, pour ce qui est des questions, bien entendu ça me fera plaisir d'y répondre, et mes collègues
ici, qui sont responsables du dossier, qui pourraient avoir les éléments
plus techniques, pourront vous répondre aussi, comme tel.
Vous
avez eu le dépôt… la présentation que je vais suivre, comme tel. J'ai aussi, si
vous permettez, un état de situation
où, compte tenu du fait… notamment quand on présente des chiffres, des
proportions, des pourcentages, tout dépendamment
de la source de données, de la méthodologie utilisée, on peut avoir des
chiffres qui sont un peu différents, de telle sorte que ça peut
entraîner un peu de la confusion. On a fait un petit état de situation hier
pour vous donner les chiffres qui sont les
chiffres que nous, on retient officiellement pour le suivi… l'évolution du plan
de lutte au tabac au Québec. Ça ne
veut pas dire que les autres chiffres sont complètement inappropriés. C'est qu'ils
sont soit calculés avec une autre
méthode ou etc., mais ça vous permet au moins d'avoir la même référence par
rapport à nos chiffres, de telle sorte que je vous déposerai donc,
tantôt, les données de cette situation.
Bon,
écoutez, je vais essayer de ne pas trop répéter ce qui a déjà été dit, mais il
y a quand même des choses qui sont importantes
à se rappeler. Le tabagisme est la principale cause de mortalité évitable, et
ça, je pense qu'il faut vraiment se souvenir.
C'est évitable comme tel et, indépendamment des chiffres et des statistiques,
ça devient toujours un drame humain quand on se fait annoncer... quand
un médecin voit une radiographie pulmonaire subitement et que quelqu'un se retrouve avec… Encore, je tiens à vous dire, ce
matin, j'ai appris qu'une des secrétaires de ma conjointe vient de se
faire annoncer un cancer du poumon à 51 ans.
Donc, il ne faut jamais oublier ces drames-là. C'est sûr que c'est une
personne, mais ce sont des vies, ces chiffres-là. Ça fait que je tiens à
insister. Et heureusement on a fait beaucoup de travail. Il y a eu une amélioration, il y a des changements
importants par rapport au moment où j'étais, moi, au cégep, par rapport
à la norme sociale au tabac, puis etc. Mais
il y a encore beaucoup de travail à faire. Et, en prévention, je peux vous le
dire, il faut répéter, répéter, recommencer, et tout relâchement peut entraîner
un recul des différents éléments.
Donc, en 2002, il y a
un peu plus de 10 000 Québécois qui sont morts du tabagisme, et
malheureusement… probablement que ça va un
petit peu en diminuant, mais il y a encore trop de gens qui meurent à cause du
tabac. Un fumeur sur deux décédera à
la suite de sa consommation de tabac. C'est beaucoup, un fumeur sur deux. Donc,
quand on regarde qu'il y a encore
25 % de gens qui se mettent à fumer, en gros, on peut baisser à 21 %,
22 %, mais c'est encore trop de gens qui vont mourir des
conséquences du tabac.
Vous
avez vu aussi, Montréal le démontrait, qu'il y a des inégalités de santé. Il y
a des secteurs, des endroits, dans la population,
où les gens sont plus pauvres, plus vulnérables, moins d'éducation, beaucoup d'autres
problèmes de santé déjà associés, beaucoup d'autres conditions de vie
difficiles, mais, quand on surajoute le tabac, c'est autant d'années de vie de
perdues qui sont…
La
consommation et l'exposition de fumée de tabac provoquent de nombreuses
maladies, vous le savez. Ça affaiblit la
santé dans bien des conditions, ça crée des cancers, ça donne des maladies
cardiaques, ça donne des maladies d'appareil respiratoire. Et donc ça,
je pense que vous en avez eu sûrement état; on vous l'a déjà dit, on se le
répète, mais il ne faut pas l'oublier et il ne faut pas l'oublier non plus que
ça existe encore.
Il
y a aussi, par rapport à d'autres types de menaces à la santé… parce qu'on
pourrait comparer par… les aliments trop
gras, ou etc. Il n'y a pas de seuil sécuritaire par rapport au tabac. Ça, je
pense que c'est une chose qui est importante, là. Même des expositions à
petites doses peuvent entraîner des cancers. Donc, c'est vraiment un
cancérigène, ça a… La caractéristique d'un
cancérigène, c'est que ça n'a pas de seuil sécuritaire pour ces produits, ni à
leur exposition à la fumée. Donc, je
pense qu'à mesure qu'on a des connaissances par rapport à la maladie on se rend
compte que des expositions moins
importantes, même de fumée secondaire, peuvent entraîner des conséquences pour
la santé. Il ne faut pas, ça, l'oublier.
L'autre élément
majeur qui en fait une caractéristique importante et qui aide notamment les
industries à faire leur travail, c'est que c'est
un produit qui provoque une forte dépendance. Donc, l'individu qui initie sa
consommation de cigarettes va être un petit peu, entre guillemets, emprisonné,
et, je dois vous dire, c'est aussi une dépendance qui attire d'autres dépendances. On sait aussi que les gens qui fument
peuvent avoir aussi d'autres problèmes de toxicomanie. Donc, c'est-à-dire qu'il faut essayer au maximum d'empêcher
l'initiation comme telle, parce que c'est ce qui permet de maintenir les taux et c'est ce qui permet à l'industrie
d'avoir une clientèle continuelle. Et, quand on voit ce qui se passe, si
vous me permettez, un peu dans les pays en voie de développement actuellement
et auprès de nos jeunes, c'est très, très préoccupant.
Parce
que ce n'est pas un produit comme les autres. C'est un produit qui… une fois qu'on
l'a pris, on a rapidement une
dépendance. Donc, c'est véritablement une drogue qui va entraîner énormément de
difficultés. Parlez-en à ceux qui ont essayé de cesser. C'est possible
de cesser, mais c'est faible.
Donc, ça demeure, qu'on le veuille ou non, un
très important problème de santé publique. On sait très bien qu'il y a beaucoup d'autres déterminants par rapport aux maladies cardiaques, puis etc., mais ça demeure un problème
de santé publique sur
lequel on peut agir, sur lequel on peut avoir des taux beaucoup
plus faibles et pour lequel des gains de santé sont importants.
Si on regarde
votre page… Par rapport à la situation québécoise, c'est sûr qu'il y a
des gains importants par
rapport à l'adoption de la loi depuis 1998. Ça, c'est clair. On n'a qu'à
regarder autour de nous par rapport à ce que c'était antérieurement, on n'a qu'à
regarder par rapport à la norme sociale, par rapport à ce qu'on a acquis en termes
de lieux sans fumée, puis etc. Par contre, ça affecte encore trop de
personnes. Près du quart de la population québécoise âgée de 15 ans et plus sont encore en état de
tabac, ils fument encore. Et les taux sont, je vous dirais, relativement stables pour ne pas dire
stagnants au niveau de certaines populations, ou, s'il décroît, notamment
chez les jeunes, il décroît très lentement avec un niveau d'accélération qui n'est pas celui qu'on souhaiterait, parce qu'il faut voir que chaque cohorte qui devient des fumeurs, c'est
aussi plus de cancers et plus de maladies et conséquences par après.
Fait
préoccupant, les jeunes adultes de 20 à 24 ans affichent la prévalence de
tabagisme la plus élevée de tous les groupes
d'âge, 32 %, et la situation est
stagnante chez les 15 à 19 ans. Donc, on se rend compte, là, qu'il y a
vraiment un enjeu là. Et, sans minimiser l'importance
d'arrêter à tout âge ni parler des problèmes de cessation par après, l'initiation
de jeunes, c'est autant de cohortes d'individus
qui vont être exposés plus longtemps et qui vont prendre des habitudes
comme telles, d'où l'importance d'agir
là-dessus. Les hommes fument en plus grande proportion et plus de cigarettes
que les femmes.
Le Québec, par rapport au Canada, on vous l'a
sûrement démontré, on n'est pas parmi les… en tout cas, de ce côté-là, le Québec ne se distingue pas par sa
performance. On est parmi les provinces qui performent le moins bien,
avec la Nouvelle-Écosse et l'Alberta, et on a 6 % de plus de fumeurs au
Québec comparativement à la Colombie-Britannique.
Donc, ça veut dire qu'on peut abaisser le taux à 16 %, et même en deçà de
ça, comme tel, c'est faisable. La Colombie-Britannique l'a fait,
pourquoi on ne le ferait pas au Québec? Donc, ça, je pense que c'est important
de voir que c'est réalisable.
Les habitudes commencent souvent à l'adolescence,
d'où l'importance de suivre les indicateurs, les enquêtes auprès des jeunes du secondaire pour voir un petit
peu comment se comportent ces cohortes-là. On sait que la transition entre le secondaire et le primaire, c'est une
phase critique en termes de tabagisme. Il y a une réduction du tabagisme
chez les élèves des écoles secondaires
depuis 1998, et ça, il faut le mentionner. Donc, ça a marché, donc il faut
continuer, à mon avis, à intervenir.
Mais on n'a
pas atteint, à mon avis, des taux qui sont encore adéquats. On pense que, par
exemple, si on combine notamment la
consommation de cigares et de cigarillos chez les jeunes, le taux combiné est à
22 % en 2008 chez les jeunes d'études secondaires. Et je pense qu'on
va en parler peut-être… Vous en avez entendu parler aussi, quelque part, c'est
une clientèle qui est visée notamment par l'industrie du tabac, avec les
saveurs, avec aussi la mise en marché, je vous dirais, de formats qui sont
très, très intéressants chez les jeunes et notamment, aussi, avec l'enjeu de la
cigarette électronique. Donc, quelque part,
dans les faits, il faut voir, comme tout phénomène... C'est comme un peu l'univers
à travers les bactéries, quand on introduit
un antibiotique, la bactérie essaie de s'adapter à l'antibiotique pour
contrecarrer. Bien, quand on met des
éléments au niveau de nos lois puis de nos politiques, bien, les gens essaient
de contourner puis de trouver d'autres façons comme telles. Donc, c'est
une lutte, à mon avis, qui est continue et qu'il ne faut pas cesser jusqu'à, je
vous dirais, la disparition du tabac comme tel, si un jour c'est atteignable,
bien entendu.
Il faut voir aussi, par rapport à la situation
des Québécois en termes d'exposition secondaire du tabac chez les 15 ans et plus, il y a eu quand même une
réduction d'année en année, mais, en 2010, c'est encore 67 % des
Québécois de 15 ans et plus qui avaient été exposés à la fumée de tabac au
cours des 30 derniers jours, tous lieux confondus. Donc, il y a une amélioration, il y a des endroits où il
y a moins d'exposition à la fumée secondaire, mais il y a encore de l'exposition
significative sur laquelle on peut travailler.
Quand on s'attarde
à l'exposition de la fumée secondaire ou la fumée de tabac chez les 15 ans
et plus dans les lieux publics extérieurs, on s'aperçoit que, malgré les
nouvelles dispositions législatives mises de l'avant en 2005, la situation ne s'améliore
pas. Dans le fond, on a beaucoup réussi, je vous dirais, à appliquer les
éléments de loi qui concernent les éléments
intérieurs dans les établissements, puis etc., mais, au niveau de l'extérieur,
on a un peu plus de difficultés, de telle sorte que l'élément de norme
sociale ne s'est pas encore introduit un peu partout.
• (15 h 10) •
Donc, en termes de constat, on peut dire que, de
manière générale, la situation s'est améliorée. Ça, je pense qu'on le reconnaît. C'est une bonne nouvelle,
parce que c'est autant de vies, je vous dirais, qui vont être… qui vont
avoir une meilleure, probablement, survie et une meilleure qualité de vie dans
l'avenir. Mais, depuis 2005, on considère qu'on a peu progressé. Donc, il est
temps, à mon avis, d'essayer de réinfléchir les courbes vers le bas par des
actions nouvelles. Et le problème du tabagisme n'est pas réglé au Québec, et on
peut faire mieux.
La
lutte — prochaine
diapositive — sur le
tabac est vraiment sur une base, je vous dirais, d'une approche qui est intégrée. Le tabagisme est un phénomène qui est
complexe; ce n'est pas une cause, un effet, il faut travailler
différents déterminants de la santé. Et on a
un modèle qui est un peu un modèle basé sur recommandation aussi des
organisations internationales de santé
publique — on me
dit que j'ai cinq minutes, il faut que j'y aille — donc, dans le fond, agir sur la prévention de l'initiation, aider les gens à cesser de fumer puis mobiliser les acteurs autour
de la chose; au point de vue
de la consommation de tabac, favoriser l'arrêt tabagique puis protéger les
non-fumeurs contre l'exposition. Et, bien entendu,
on peut faire ça comment? On peut faire ça notamment par les politiques
publiques et la législation, l'information, la sensibilisation et la
mobilisation.
Sans qu'on
peut faire de relation de cause à effet directe entre un élément et un autre,
ça demeure très clairque les lois et
les règlements, la taxation, les lois sont des instruments très efficaces et
efficients qui viennent optimiser les effets des autres interventions. Donc, ça, je pense que, là-dessus, là, en tant qu'Assemblée
nationale ou en tant que gouvernement, les politiques publiques en domaine
du tabac ont eu des effets excessivement positifs pour la lutte contre le
tabac.
Donc, le principe de la lutte… de la
Loi sur le tabac du Québec, c'est la restriction de l'usage dans certains
lieux, la restriction relative à la vente, à l'étalage et à l'affichage puis la
restriction relative à la promotion, la publicité d'emballage. C'était ce qui a été fait jusqu'à maintenant. Il y a eu,
dans la… Pour pas… Vous avez lu le rapport, vous avez un petit peu les principales nouveautés qui ont
été introduites au cours de la période 2005-2010, qui sont ici
présentées dans une série d'éléments, toujours en respectant les différents
principes qu'on vous a dits. Pour la période 2005-2010, le Service de lutte contre le tabagisme a fait des
activités qui tiennent de l'application de la Loi sur le tabac : des
activités d'inspection, des activités d'enquête
et des activités d'implantation de la loi — qui avait été révisée à l'époque — comme
telles, avec des campagnes au grand public, puis etc.
Les principales… À la
page 15 de votre présentation, le rapport sur la mise en oeuvre de la loi
a fait certains constats, a dit que l'interdiction
de fumer a été respectée à plus de 90 % dans les lieux fermés. Ça, c'est
ce qu'on peut dire dans les faits. La
conformité relative aux interdictions de fumer dans les lieux extérieurs visés
était plus problématique. Donc, c'était ce qu'on observait. Puis, au
chapitre des responsabilités qui incombaient aux détaillants du tabac, aux
mineurs, étalage, publicité, la loi a été relativement bien respectée.
Par
contre, on observe que l'industrie déploie des nouvelles stratégies pour
assurer la pérennité et sa rentabilité, dont l'offre de nouveaux produits et de nouveaux emballages, depuis ce
temps-là. Et, autour du rapport de 2005-2010, tout l'enjeu du commerce
illicite et de la contrebande, c'est un enjeu qui était important, pour lequel
on avait des préoccupations. Je tiens à vous
le dire… Et, même, certains disaient que, si on durcissait la loi, on
augmentait les taxes, on allait créer
beaucoup trop de contrebande et que, dans le fond, on n'atteindrait pas notre
objectif de santé publique. Par contre,
quand on regarde les données du commerce illicite du tabac, on se rend compte
qu'effectivement, autour de 2008, il y avait eu un commerce qui pouvait
aller jusqu'à 30 % de la vente comme telle. Mais des mesures ont été
prises au niveau du gouvernement du Québec
pour combattre cela, et de telle sorte qu'en 2011 on estime que le taux de
contrebande est à 15 %. C'est encore
trop. Il faut continuer à y travailler, bien entendu. Par contre, c'est
15 % seulement comparativement à antérieurement. Et les actions qu'on
porte sur les 85 % autres ont des effets de santé publique qui sont
évidents. Et, selon les dernières données de
2012, les informations qu'on a obtenues du ministère,
d'autres ministères, c'est toujours stable, à 15 %. Donc, la situation s'est grandement améliorée en termes de contrebande depuis 2008. Il faut maintenir
les activités qui sont là, mais des gains sont encore possibles comme tels.
Et actuellement,
aussi, on a des informations, vous avez une citation, là, qui nous provient de
la Sécurité publique : Depuis la hausse
des impôts sur le tabac de 4 $ la cartouche, le
21 novembre 2012, le ministère
de la Sécurité publique n'a reçu aucune indication de la part des
partenaires ACCES tabac à l'effet que le niveau de contrebande avait augmenté. Donc, dans les faits, là, les
premiers indices, on aura à surveiller ça de très près, il ne faut pas
relâcher les activités, mais ce n'est pas
parce qu'on a augmenté les taxes que le niveau de contrebande… Je pense qu'il
faut toujours associer augmentation
de taxes ou interventions avec des mesures pour éviter les effets pervers
potentiels, monitorer ce qui se passe
comme tel, mais ce n'est pas un argument pour empêcher, à mon avis, d'aller de
l'avant en termes de santé publique.
Bon. Depuis 2010, il
y a eu, dans le cadre, je vous dirais, des orientations gouvernementales, la
création de la Direction de l'inspection au
MSSS avec une unité responsable de l'application de la loi. Il y a
eu le maintien de l'ensemble des activités de tabagisme avec le développement
de mesures législatives aux fins de la Direction de la prévention comme telle.
Pour l'avenir, un peu
dans le même sens, si vous me permettez de voir un peu ce que les gens ont dit,
c'est qu'actuellement on a eu un succès, un succès qui est maintenant, je vous
dirais, dans un état de stabilisation. On sait qu'il y a des stratégies
nouvelles des compagnies de tabac pour aller maintenir des clientèles nouvelles
et on doit, à notre avis, tirer des leçons de tous les enseignements qu'on
a faits, de l'évaluation et du bilan de la loi, et probablement aller de l'avant
avec… je vous dirais, continuer les éléments en lien avec la promotion de la
cessation du tabagisme, continuer à
supporter ceux qui veulent arrêter de fumer, mais aussi s'attaquer aux
stratégies que développe l'industrie du tabac, pour établir des politiques
publiques qui vont aller encore plus loin, à mon avis, dans les enjeux en lien
avec la publicité indirecte à travers les formatages, etc.
Ça
fait que, dans les faits, ils se sont adaptés, un peu comme la bactérie, à nos
antibiotiques. Maintenant, nous, on doit changer de niveau, d'aller
avec un autre type de céphalosporine, etc., puis d'être en continuel monitoring
de la situation. Vous savez, en santé
publique, la mesure, c'est majeur, la surveillance de ce qui se passe, c'est
majeur pour être capables d'ajuster notre thérapie.
Ça fait que, dans le
fond, on a fait un bon pas, on a donné des traitements, les traitements ont
traité une bonne partie, mais il reste encore un corps. Et n'oublions pas que,
chacun des jeunes qui s'initient à la cigarette, il y en a probablement, s'ils n'abandonnent pas puis nos
programmes ne fonctionnent pas, une survie… un sur deux va mourir de son tabac, et ça, je pense que c'est un héritage
qu'on ne peut pas laisser à nos jeunes. On est en devoir de le faire. En
tant que médecins de santé publique, je pense
qu'on le sait, il y a des moyens efficaces pour le faire, et je pense
qu'il faut, au contraire, augmenter… ne pas s'endormir sur les acquis
mais augmenter les interventions pour s'adapter à la réalité.
C'est essentiellement
le sens de mon message. Et maintenant on est là pour répondre à vos questions
plus pointues, et avec mes collègues qui
sont beaucoup plus sur le terrain que nous. Et je remercie tous
les gens qui ont présenté avant nous
dans ce message commun et je remercie l'Assemblée des décisions que vous
prendrez, dans le futur, dans le bon sens, j'en suis convaincu.
Le
Président (M. Bergman) : Dr Arruda, merci pour votre présentation. Alors, le bloc du gouvernement, et on commence avec Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Merci, M.
le Président. Bonjour, Dr Arruda. C'est
toujours un plaisir d'avoir l'occasion d'échanger
avec vous sur toutes sortes de sujets touchant la santé publique. Donc, le
rapport de mise en oeuvre pour la période 2005-2010,
d'entrée de jeu, ma première question : Est-ce que
vous considérez que le renforcement de la loi de 2005 a eu des effets
bénéfiques sur la santé des Québécois? Et, si oui, pouvez-vous nous cibler de
manière un peu plus précise les bénéfices, les principaux bénéfices, là, que
vous avez constatés?
M. Arruda
(Horacio) :Je vais y
aller de façon générale, puis peut-être que ma collègue pourra compléter, parce qu'elle
est responsable du programme, elle est plus au fait des éléments pointus.
C'est clair
que la loi de 2005 est venue renforcer encore plus les éléments. On l'a vu, ça
a continué à abaisser les taux, on a
travaillé beaucoup sur la norme sociale. Mais la stagnation est beaucoup
plus, je vous dirais, par après. Une loi, ça a ses effets, je vous dirais, à court terme, puis etc. Il faut les
maintenir. Mais, comme il y a eu, je vous dirais, des ajustements du
côté des compagnies pharmaceutiques, on se rend compte que, maintenant, elle
doit être revue par rapport à ces éléments-là.
Mais ça a eu effectivement des bénéfices, ne serait-ce aussi au point de vue que de clarification — et
encore on en a d'autres à faire — clarification
de certains éléments d'application de la loi. Parce que, quand on écrit une
loi, il faut l'appliquer, puis on découvre des éléments, des choses
couvertes, non couvertes.
Et je pense que, comme tout phénomène d'intervention
de cette nature-là, pour changer les normes sociales... Et il y a ce qu'on
appelle une approche étapiste, on ne peut pas changer le bateau à
180 degrés. Donc, dans les faits, en 1998, on a fait une première partie;
en 2005, on était dans une autre phase d'amélioration; et maintenant on est peut-être
rendus à un autre rendez-vous.
Mais, oui,
effectivement, il y a eu des effets comme tels. Puis, comme je vous
dis, c'est des phénomènes qui sont mouvants,
il faut regarder ce qui se passe. Comme je vous dis, on crée une loi, les gens
s'adaptent, il y a des phénomènes nouveaux, émergents. La problématique des saveurs, la problématique des
nouveaux emballages n'étaient pas là. C'est une réaction de l'industrie aux lois qui étaient présentes. Donc, c'est un
petit peu dans ce sens-là que moi, je répondrais, de façon générale.
Mais, Marie, peut-être que tu as des éléments plus spécifiques?
Le Président (M. Bergman) :
Dre Rochette.
• (15 h 20) •
Mme
Rochette (Marie) : C'est sûr
qu'il est toujours difficile d'isoler une mesure d'un ensemble d'éléments,
parce que, comme on le mentionnait… il était mentionné tantôt, c'est une
approche globale, donc plusieurs mesures à la fois,
là, qui ont été implantées tout au fil de ces années-là. Ce qu'on voit, c'est
que la protection des non-fumeurs semble meilleure. Il y a déjà eu un premier pas important avec la loi n° 98.
2005 est venu... on voit que les gens sont moins exposés, notamment dans
les lieux intérieurs, à la fumée de tabac. Ça fait que je pense que ça, c'est
un gain important.
Ce qu'on sait
aussi, c'est que le fait de restreindre l'usage du tabac fait en sorte qu'il y a
plus de gens qui vont être incités à cesser de fumer, donc certainement
un effet aussi pour amener certaines personnes à cesser de fumer. En même temps, ce qu'on voit, comme le taux semble
stagner, c'est que ça a été remplacé aussi par de nouveaux fumeurs, donc
ce qui veut dire qu'il y a certaines mesures qui ne vont probablement pas assez
loin pour contrer ce qui a été mentionné tantôt, des phénomènes émergents qu'on
n'avait pas vu venir et qui sont venus un peu contrecarrer certains effets de
la loi.
Un autre effet bénéfique, c'est l'effet de
dénormalisation, si on veut, du phénomène du tabagisme. Les gens, notamment les
jeunes, voient de moins en moins de fumeurs dans leur entourage, ont l'impression
que c'est un phénomène qui est moins important. La contrepartie de ça,
bien, c'est de donner l'impression que le phénomène n'existe plus, alors
que, dans les faits, avec encore pratiquement le quart de la population québécoise qui fume, ce n'est pas un phénomène qui a
disparu, loin de là.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Oui. Vous
mentionnez notamment, dans votre présentation, que la portée des mesures de
prévention, de soutien à la cessation et de sensibilisation a atteint une
certaine limite. Est-ce que ça vous préoccupe? Qu'est-ce qu'on peut faire de
plus? Comment on peut intervenir, notamment par
rapport aux mesures d'aide auprès
des personnes qui souhaiteraient cesser de fumer?
Le Président (M. Bergman) :
Dre Rochette.
Mme
Rochette (Marie) : Au niveau
des services de cessation, plusieurs services ont été mis en place au fil des années. Je pense qu'au Québec
on a été, notamment, assez précurseurs, là, avec le remboursement des aides pharmacologiques. Donc, en ce sens-là, il y a une
panoplie de services qui sont utilisés, qui sont offerts au Québec.
Ce qu'on se
rend compte par contre, c'est qu'il
y a des groupes de population,
notamment les gens qui ont une consommation élevée, par
exemple, d'alcool, consommation de drogue ou encore des problèmes de santé
mentale, qui ont besoin d'une intervention qui est beaucoup plus intensive,
beaucoup plus soutenue pour être capables de cesser la consommation de tabac.
Le
phénomène des jeunes aussi, les jeunes fréquentent peu les
services offerts de cessation tabagique. Ils ne se sentent pas interpellés par les services offerts
par les CSSS. Donc, il y a de nouvelles formules qui ont commencé à
être testées, notamment d'utiliser la
messagerie texte. Ça, c'est quelque
chose qui interpelle beaucoup
plus les jeunes. Donc, trouver des
nouveaux moyens pour s'adapter à cette clientèle-là. On les mentionnait, les
20-24 ans, c'est pratiquement le tiers
de ces jeunes-là qui fument. Donc, ça prend des nouveaux moyens pour être
capable de rejoindre cette clientèle. On a souvent l'idée, là, du noyau
dur, coriace, là, pour lequel on ne peut plus faire grand-chose. Encore une
fois, quand on a 20-24 ans, je ne pense pas qu'on
puisse parler de noyau dur. Et c'est dans cette tranche d'âge là qu'on retrouve
la proportion de fumeurs la plus élevée actuellement.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme
Proulx : Dr Arruda,
on a entendu, depuis deux jours, différents points de vue. On a entendu beaucoup de groupes qui sont venus témoigner. On a entendu l'industrie aussi. Et on a entendu notamment les gens d'Imperial Tobacco remettre un peu la responsabilité sur les parents
et sur la société et nous dire que ce n'était pas tellement
l'emballage qui peut favoriser le
début, là, de… inciter un jeune, disons, à commencer à fumer. Et on entend les
groupes dire : La responsabilité, c'est
l'emballage et c'est l'industrie. J'aimerais ça avoir votre point de vue sur… et notamment parce
que vous parlez d'un plan québécois
d'abandon du tabagisme. Mais moi, j'irais un peu plus large. Quels sont les
acteurs qui devraient principalement être interpellés si on voulait un plan québécois non seulement gouvernemental, mais un plan où on pourrait interpeller
l'ensemble des acteurs? Lesquels vous cibleriez comme directeur de santé publique?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Arruda.
M. Arruda
(Horacio) : Bon, il y a quelques éléments dans votre question,
mais, par rapport à la question de l'emballage et puis qu'on doit
responsabiliser les individus, là, j'ai bien mentionné tantôt que la cigarette,
le tabac, ça crée une dépendance. Ça fait que, contrairement à un autre type de produit, là, ça crée une dépendance.
Donc, ça… Et ça, les compagnies de
tabac le savent très bien, O.K.? Et, si le format n'a pas d'effet, pourquoi
ils se battent tant pour que le format… Il y a comme une contradiction
dans leurs propos.
Et
j'ai rencontré l'ancienne ministre de
la Santé de l'Australie, qui nous
raconte actuellement, là, jusqu'à
quel point, là… Écoutez,
si des gens mettent autant d'argent pour la forme d'une bouteille de parfum,
pour vendre le parfum, là, c'est qu'il
y a, à quelque part, en termes de consommation… L'allure de la cigarette, si les
cigarettes ont des finesses maintenant, là, est associée à une symbolique puis à bien des éléments. Et on sait
que, chez le jeune, le marketing, ça fonctionne bien. Pourquoi les
paquets de cigarettes ressemblent à des iPod et des iPad? Ce n'est pas comme
ça… Écoutez, si ça ne donne rien, pourquoi ils le font?
Ça
fait que là, là-dessus, là, vous me permettrez de me poser de sérieuses
questions. J'ai vraiment l'impression
qu'au contraire c'est un outil très important, le marketing. Pourquoi,
certains, maintenant, tabacs, la couverture sur le dessus avec les messages, on
l'enlève, puis là on ne l'a plus, la couverture? Pour être capable de montrer
la marque? Écoutez, je
pense que quelque part, là-dessus,
sans avoir même une étude contrôlée, les faits démontrent que l'investissement
en publicité est toujours très, très rentable, et, quelque part… et, eux, s'ils
contournent, c'est que ça a de l'effet. De ce côté-là, ça l'est.
Je pense
que le phénomène du tabac, c'est effectivement un phénomène de société, et il faut
interpeller l'ensemble des acteurs et des partenaires, l'entreprise
privée, par rapport à ces programmes, qui sont impliqués. D'ailleurs, le plan de lutte, il est porté, bien entendu, par le réseau de la santé en lien
avec ses CSSS, mais en lien aussi avec les autres ministères, l'école,
le milieu, etc. Donc, c'est un plan, vraiment, qui s'adresse à l'ensemble de la
société. Quand on interpelle, on interpelle les gens aussi par rapport à l'éducation,
par rapport à l'éducation même à l'école, la santé, à résister aux pressions
sociales, puis etc. Il y a des approches qui sont un peu systémiques. Ça fait
que, déjà, le plan est de cette nature-là.
Mais
je pense que, quelque part, si vous me permettez, une loi, des politiques
publiques qui sont prises, nationalement
parlant, sont reprises, un, dans le débat public comme tel, ce qui permet de remettre
à jour les informations… Parce qu'effectivement, en même temps qu'on a
fait des gains puis que, quelque part, on en voit moins, il y a encore beaucoup trop de gens qui fument, et les gens ont
tendance à l'oublier. Ça fait qu'il faut remettre le dossier sur la
place publique. Et ça permet aussi aux gens
qui ont adopté localement des décisions, soit dans leur conseil d'établissement…
Parce que, dans les faits, quand on regarde
par rapport à fumer dans les terrains d'école, il y a des endroits où il y a
eu des ententes entre la ville puis les terrains d'école. Mais, s'il y a un
mouvement national supporté, ça permet d'émerger au niveau local. Parce qu'on
croit beaucoup au potentiel des communautés locales, du milieu scolaire, au
milieu de l'éducation. Ça fait que, quelque
part, j'ai comme l'impression que c'est… ce sont… Ces acteurs-là font partie du
plan, à mon avis, et, notamment dans les campagnes de communication, il faut le
faire.
On
fait appel à la responsabilité des individus, mais, vous le savez comme moi,
comme dans n'importe quoi, les environnements
ont des effets, et je pense que le fait qu'un jeune ait des modèles
non-fumeurs, c'est majeur, à mon avis, ça va être majeur, le sport en
éducation, puis etc. Ça fait que tout ça va ensemble.
Et
on sait aussi que les gens qui fument ont aussi d'autres… peuvent avoir d'autres
problèmes de toxicomanie, et il faut,
bien entendu, comme disait le Dre Rochette, adapter nos services à des
clientèles. À mesure que nos interventions fonctionnent pour une certaine proportion de la population, restent
toujours des sous-groupes. Il y a toujours un noyau dur qui ne sera pas
égal à zéro, il reste toujours d'autres sous-groupes qu'on peut travailler,
adapter les interventions, toujours en les appuyant par des démarches
populationnelles.
Mais
c'est vraiment un problème de société, et, en tant que… puis, un, drame humain
en premier, famille, enfants, petits-enfants qu'on va avoir. Deux,
économiquement parlant aussi, c'est effectivement très rentable, parce que c'est
des coûts pour la société quand on parle de
vieillissement de la population, quand on parle de coûts de santé, si… C'est
des coûts évitables de façon importante, qu'on pourra mettre sur d'autres
maladies pour lesquelles on n'a pas encore de traitement comme tel. Mais
celle-là, on l'a. Alors, agissons.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose. Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin : Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, M.
Arruda, Mme Rochette, M. Therrien, que je connais. Alors, monsieur, j'aimerais savoir : Dans votre
présentation, vous parlez d'évolution 2010 — puis je
pense que je vais m'adresser un petit peu plus à M. Therrien, c'est parce
que je pense que c'est votre créneau — restructuration
du service de lutte, création d'une
direction de l'inspection. Alors, ça, ça a été mis en place en 2010, c'est
nouveau. Pouvez-vous nous parler un
peu des gestes que vous posez? Qu'est-ce que vous faites sur le terrain par rapport à l'intervention au niveau du tabagisme? Ou peut-être…
M. Arruda
(Horacio) : …Dre Rochette…
Mme
Gadoury-Hamelin :
…peut-être que je me trompe.
M.
Arruda (Horacio) : …l'évolution,
on va pouvoir préparer l'élément historique, puis M. Therrien va vous
parler de… actuellement, parce qu'elle était là…
Mme
Gadoury-Hamelin :
Parfait.
M. Arruda
(Horacio) : … depuis un petit bout de temps.
Le Président (M.
Bergman) : Dre Rochette, après M. Therrien.
• (15 h 30) •
Mme Rochette (Marie) : Alors, j'étais là dans la période du rapport sur
la mise en oeuvre. Donc, un service de lutte
contre le tabac a été mis en place lors de l'adoption de la première loi. Les
effectifs ont graduellement augmenté pour atteindre, je dirais, un
sommet lors de l'implantation de la loi de 2005, parce qu'il y avait vraiment,
je dirais, un blitz à faire pour s'assurer, notamment… Quand on parle d'interdiction
de fumer dans les bars et les restaurants, c'est énormément d'établissements. Et M. Couillard, à cette
époque-là, souhaitait que vraiment ce soit très bien observé, là, dès la première journée. Donc, beaucoup, beaucoup de
gens avaient travaillé à faire la sensibilisation, à être très présents
sur le terrain et à s'assurer que la loi soit appliquée dès le départ.
Évidemment,
il y a eu des réaménagements, restructurations, départs, réajustements en
termes de mandat, parce qu'on le voit dans les différents rapports d'information
qui ont été publiés, il y a eu beaucoup de plaintes au départ. Puis finalement,
d'année en année, tout ça s'est... je dirais, a diminué. Les gens ont de mieux
en mieux compris la loi et s'y sont
conformés graduellement. Il y a eu quelques réfractaires au départ, mais, de
façon très graduelle, le nombre de plaintes a considérablement diminué.
Et, il y a deux ans,
il a été décidé de consolider les activités d'inspection au ministère — et là
je vais laisser la parole à mon collègue — en créant une direction de l'inspection
qui couvre plus largement que les volets de lutte contre le tabac.
Le Président (M.
Bergman) : M. Therrien.
M. Therrien (Jean-François): Oui, merci. C'est suite à la décision du
sous-ministre à l'époque, M. Cotton, qui a intégré aussi tout l'aspect
inspection résidences de personnes âgées. Donc, pour une économie d'échelle et
pour une optimisation de tous les services
déjà existants au niveau du service de lutte au tabac, donc services
administratifs, si on parle de frais de transport, etc., donc à l'administratif,
donc on a créé la Direction de l'inspection.
Au
niveau tabac, on a conservé notre mandat. Et c'est important de dire qu'aujourd'hui
nos inspecteurs qui se déplacent dans
des mandats de tabac, ou dans des mandats plus résidences pour personnes âgées,
ou la loi sur le bronzage aussi, qui
est dans la santé publique, font l'inspection de tabac en tous lieux qu'ils
visitent. Donc, on a 25 inspecteurs, environ,
et, quel que soit le mandat qu'ils ont, tous les lieux ont une inspection de
tabac associée au mandat, parce que tous les lieux sont visés. Donc, c'est
qu'est-ce qui a été fait.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin : Oui. J'ai une autre question. Par rapport
à la vente de produits de tabac pour les jeunes... bien, envers les
mineurs, j'imagine qu'il y a des actions que vous faites, au niveau des
inspections, à ce niveau-là. Pouvez-vous nous en parler un peu?
M. Therrien
(Jean-François): C'est une de nos priorités au niveau du service d'inspection.
On engage des jeunes, comme vous le savez,
pour faire des tests d'achat au niveau des points de vente de tabac. À tous les
ans, période estivale et autres
périodes où ce que... Vous comprendrez que, comme ça a été dit hier, on ne peut
pas avoir des jeunes quand ils sont à
l'école, puis c'est compréhensible. Donc, oui, plus spécifiquement en période
estivale. Et ces jeunes-là font les tests d'achat, et, suite à ça, il y
a des rapports d'infraction qui sont émis.
On
a resserré. À mon arrivée voilà deux ans, il y avait des avertissements qui
étaient émis aux détaillants, etc. Depuis
ce temps-là, moi, j'ai pris la décision de resserrer ce créneau-là, étant donné
que la loi est en vigueur depuis x années, et de sévir immédiatement
avec les suspensions associées avec les contrevenants à ce moment-là.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Donc, si je comprends bien, il y a une application plus rigoureuse du règlement
pour permettre, là, qu'il y ait des sanctions puis permettre aux gens...
M. Therrien
(Jean-François): Plus contraignante au niveau des détaillants.
Mme
Gadoury-Hamelin :
O.K. Quand ils sont pris en défaut, à ce moment-là.
M. Therrien (Jean-François): Exact.
Mme
Gadoury-Hamelin :
O.K.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Je vais passer la parole à mon collègue.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député d'Argenteuil.
M. Richer : Merci, M. le
Président...
Le Président (M. Bergman) :
Il vous reste quatre minutes.
M. Richer : Dr Arruda, Dre
Rochette, bonjour… plaisir de vous revoir. M. Therrien, bonjour.
M. Therrien (Jean-François) :
Bonjour.
M. Richer :
Un petit peu plus tôt dans votre présentation, Dr Arruda, vous avez mentionné
que, l'augmentation de 4 $ la cartouche du 21 novembre dernier,
vous n'aviez pas constaté de signe significatif sur l'augmentation de la vente
illicite.
M. Arruda
(Horacio) : C'est l'information qui nous a été transmise par le
ministère de la Sécurité publique sur la
base des observations terrain. Ce n'est pas une étude qu'on a faite, là, mais
on n'a pas eu d'indice de... Les gens n'ont pas d'indice qu'il semble y avoir un phénomène augmenté de contrebande
ou d'information par rapport à ces éléments-là. Mais, comme je vous dis, il faut maintenir la surveillance de ces
éléments-là avec les mêmes méthodes qui sont faites habituellement. Mais il est encore trop tôt aussi;
il faut dire que la loi a été introduite en novembre dernier. On n'a pas
fait d'enquête toute particulière là-dessus,
à ma connaissance. Par contre, les informations, là, tu sais, que… les gens,
des fois, peuvent avoir une perception d'une tendance ou entendent
parler qu'il y a des phénomènes qui s'installent. Pour le moment, il ne semble
pas… ça ne semble pas être le cas.
Et par
contre, comme je le dis tout le temps, ça ne veut pas dire qu'il faut relâcher
les activités. Il faut les maintenir, il
faut peut-être même les consolider continuellement, parce qu'on ne veut pas non
plus d'un déplacement du tabagisme vers
un phénomène illicite. Mais je pense que, de ce côté-là, les ministères
concernés sont bien au fait. Ma préoccupation, c'est que ça ne devienne pas... Parce que souvent l'argumentaire, tout
comme l'argumentaire que le paquet de tabac, ça ne change rien dans l'habitude… J'aimerais ça qu'on
soit au clair par rapport à l'élément
de la contrebande. Nous ne nions pas le potentiel de la contrebande, je
pense que c'est là, ça a déjà été existant, mais il faut agir. Comme dans n'importe
quelle intervention, il peut y avoir un effet pervers. À ce moment-là, qu'est-ce
qu'on fait? Comment on traite l'effet secondaire? Mais il ne faudrait pas que l'effet
secondaire empêche le traitement de la maladie, c'est dans ce sens-là que je le
mentionnais.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député d'Argenteuil…
M. Arruda
(Horacio) : …toujours
référence à ma médecine. Qu'est-ce
que vous voulez, j'ai une
formation… je suis déformé…
Des voix : …
M. Arruda (Horacio) : Déformé, professionnellement
parlant.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député d'Argenteuil, il vous reste une minute.
M. Richer : Merci. Merci,
M. le Président. Alors, entièrement d'accord avec la nécessité de
rester vigilants. Mais est-ce que j'ai
compris, dans vos propos, que, compte tenu qu'il y a eu une augmentation
récente, vous ne recommanderiez pas une nouvelle augmentation? Parce que
ça a été suggéré.
M. Arruda
(Horacio) : Ce n'est pas du tout le… Ce n'est pas du tout… Je n'ai
pas dit que je ne recommande pas, je
vous dirais : Ça fait partie des éléments qui doivent être regardés dans
un élément de… Ici, le danger est autour de la mise en place du… la mise
en oeuvre du plan québécois. En ce qui regarde les éléments de taxation, c'est
dans une autre perspective, mais je pense que ça demeure, et on le sait, une
mesure qui est très efficace. Si on compare le coût de la cigarette du Québec,
il est moins cher qu'ailleurs. Donc, ça peut être une stratégie qui pourrait
être évaluée comme telle, notamment aussi quand on sait
que les revenus de taxation, quand ils sont réinvestis dans des éléments visant
la prévention ou la santé ou dans les services, c'est plus acceptable par la
population.
Donc, je
pense que c'est — si vous
me demandez mon opinion, là, sans commettre mon ministère par rapport à une mission… par rapport à ça — une chose parmi les choses à évaluer. Dans l'arsenal
des interventions, dans les phases, c'est
une chose à évaluer. Parce qu'il y a des pays, il y a des provinces qui ont des
cigarettes avec des coûts plus importants. Et on sait notamment que l'effet de la taxation chez les jeunes est
important. Et n'oubliez pas que moi, je… Et, en tout respect pour ceux qui ont déjà obtenu l'habitude
ou qui l'ont, il faut les aider à s'en débarrasser. Moi, à chaque fois
que je vois un jeune qui commence à prendre
une cigarette, pour moi, c'est comme un échec de nos approches. Et la
taxation, qu'on le veuille ou non, chez les jeunes, à moins que vous me
prouviez l'inverse, c'est démontré comme étant un phénomène, une barrière
importante. Donc, quelque part, ça fait partie des stratégies à développer.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps pour ce bloc
s'est écoulé. Maintenant, le bloc pour l'opposition officielle, et je
vais prendre la première question.
Dr Arruda, sur la page 19 et 20, pour l'avenir,
vous indiquez, «mieux protéger les non-fumeurs de la FTE» et, sur la
page 20, «protéger encore davantage les non-fumeurs de la fumée
secondaire». Est-ce que vous avez une suggestion en relation de ces deux
souhaits que vous avez faits pour l'avenir?
M. Arruda
(Horacio) : Sans rentrer dans des éléments hyperpointus, c'est
clair que, quelque part, on a beaucoup travaillé
les environnements sans fumée à l'intérieur. Puis là, notamment à des endroits
à l'extérieur, on parle du neuf mètres et plus. Il y a les terrasses, par
exemple, qui sont un endroit où on peut encore fumer dans certains
restaurants. Il y en a certains qui
pourraient suggérer qu'on pourrait élargir, je vous dirais, la restriction de
fumer comme telle. Il y a aussi… Si on
regarde par rapport aux enfants, on est la seule province qui permet de fumer
dans la voiture en présence d'un jeune enfant en bas de 16 ans. On pourrait… Donc, il y a encore des… je vous
dirais, dans les endroits, où on pourrait être encore plus agressifs en
termes d'application de la loi, ce qui permettrait de diminuer encore plus l'exposition
des non-fumeurs à la fumée de tabac comme telle et ce qui permettrait aussi d'augmenter
l'effet de la dénormalisation.
On a beau
dire n'importe quoi, là, mais ça a un effet au niveau de la dénormalisation qu'on
ne puisse plus fumer à l'intérieur du
restaurant; ça change les pratiques. Il faut toujours le faire en tenant compte
de certaines préoccupations, mais ça
peut faire partie, à mon avis, d'un renforcement. Comme je l'ai dit, c'est une
approche qui a été établie de façon étapiste. Souvent, c'est comme ça qu'on le fait. Dans certains milieux aussi. On
voit même qu'il y a des projets pilotes par rapport à des milieux. Comme
le milieu carcéral, il y a des endroits où on est en train d'essayer d'éliminer
progressivement le tabac à l'intérieur des
murs; après ça, ça a été à l'intérieur des cours. Ça fait que, quelque part, il
y a d'autres endroits aussi, encore,
où c'est permis; je sais que la direction de Montréal parlait, par exemple,
dans certains milieux, en lien avec… qui ont des problèmes de santé mentale, là, par rapport à certains
établissements, notamment dans les centres jeunesse, là, etc. C'est des choses qu'il faut évaluer. Il y a moyen,
à mon avis, en faisant une bonne analyse, de progresser de ce côté-là,
pour en arriver véritablement à un Québec sans fumée et qui respire mieux.
Le Président (M. Bergman) :
Merci. M. le député de Jean-Talon.
• (15 h 40) •
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord, merci pour
la présentation puis les tableaux. Puis je veux vous féliciter pour le
beau travail que vous faites. Puis vous êtes une organisation… une direction
qui est très, très crédible.
Je
voudrais commencer par la question des chiffres. Lors des auditions, on entend des
chiffres qui viennent d'à peu près partout, des études qui sont faites… on n'est pas
toujours certains qu'ils sont bien faits ou qu'ils
mesurent les mêmes choses. Est-ce
que vous pourriez nous parler de
votre méthodologie? Et est-ce que vous croyez que vos chiffres, la façon
dont ils sont faits, sur une base annuelle, représentent la réalité?
Puis
je vois que, dans vos sondages également, vous avez fait… on parle d'«est-ce que
vous fumez ou pas». Mais : Est-ce que
vous fumez la cigarette, les cigarillos, est-ce que vous fumez les
deux?, je pense que vous avez des données là-dessus.
J'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce
que c'est la base, mesurer, c'est d'abord la première… si c'est une bonne façon d'améliorer.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Arruda.
M. Arruda
(Horacio) :Je vais
répondre généralement, je vais laisser Marie compléter par rapport aux détails. Je pense que les chiffres qu'on a sont là — je
vais vous dire les chiffres officiels — sont ceux qui sont basés sur
une méthodologie dont on connaît bien la
méthode et pour laquelle on a des mesures qui sont sériées. Puis, quand elles
ne le sont pas, on compare avec d'autres
types d'études puis on essaie de… Donc, je pense que ça reflète bien,
probablement, la réalité.
Est-ce qu'il y a d'autres chiffres qui sont
adéquats? Si on prend un autre indicateur, si on décide qu'on prend, par
exemple, comme en Australie, les 12 ans
et plus… Puis il faut juste savoir de quelle proportion on parle pour être
capable de comparer. C'est pour ça que je
vous dis : Vous allez vous retrouver dans des rapports, dans la presse… ou
les gens qui vont prendre des sorties, s'ils prennent tel genre de
source… Nous, on a toujours essayé d'avoir la même méthode pour comparer dans
le temps, parce que, si jamais on a un biais de sous-estimation ou de
surestimation, s'il reste le même au niveau de la tendance, c'est mieux que de
changer de méthode continuellement. Mais je vais laisser Marie…
Et
je pense que l'affiche qu'on va vous déposer va vous permettre de vraiment
mieux comprendre, là, comment on le
fait, quand est-ce qu'on parle d'un taux combiné, cigarettes… on parle aussi,
des fois, tabagisme quotidien versus avoir fumé dans les derniers 30 jours. Ça
fait qu'il faut toujours regarder l'indicateur, lequel je mets. Habituellement,
au ministère, quand on sort des chiffres, ce qu'on a sur notre site Web ou dans
nos rapports, on essaie d'utiliser la même méthode. Puis, quand c'est
différent, on explique, c'est une autre source de données. Marie.
Le Président (M.
Bergman) : Dre Rochette.
Mme Rochette (Marie) : Alors, évidemment, l'enquête sur laquelle on se
base principalement chez les adultes, c'est l'Enquête sur la santé dans
les collectivités canadiennes, qui est une enquête qui est faite à la grandeur
du Canada mais pour laquelle l'échantillon québécois est très, très important;
eux vont produire des données pour les 12 ans
et plus. Comme on a fixé une cible, dans le programme de santé publique, qui
est chez les 15 ans et plus, on attend toujours de faire faire les calculs pour avoir cette donnée-là. Donc, c'est
la raison pour laquelle on a mis dans les graphiques la donnée pour 2009-2010. On sait que la donnée d'enquête
pour 2011-2012 est sortie, mais on veut, encore une fois, utiliser le
même taux pour les 15 ans et plus. Donc, on attend d'avoir ce chiffre-là
pour être en mesure de dire : Bien, voici à combien ça se situe à ce
moment-ci. Donc, ça, c'est vraiment comme notre principale étude sur laquelle
on va se fier.
Il existe d'autres études qui portent de façon
spécifique sur le tabagisme; ça, c'est une enquête générale. On sait… Puis c'est une hypothèse, mais, quand on
regarde les études qui sont faites… des enquêtes qui sont faites sur le
tabagisme de façon spécifique, ces enquêtes-là ont tendance à sous-estimer ou
avoir une mesure un peu plus faible que la mesure de cette enquête-là
canadienne. Et une hypothèse, c'est que les gens, quand ils sont questionnés
sur leur santé en général, ont plus tendance
à rapporter leur consommation de tabac, alors que, quand on les questionne
spécifiquement sur le tabac, il y a comme une petite gêne à rapporter leur
consommation.
Chez les jeunes, on utilise l'enquête qui porte
sur le tabagisme, l'alcool, les drogues et le jeu, chez les élèves du secondaire. C'est une enquête qui va être répétée
cette année. La dernière édition a été faite en 2008, elle va être
répétée prochainement. Ça aussi, ça nous permet d'avoir vraiment des tendances.
Et, chez les jeunes, on est préoccupés de la consommation
des autres produits, donc les petits cigares, les cigares, et cette
enquête-là nous permet d'aller chercher ce phénomène-là. Donc, on va généralement regarder le taux de tabagisme, dont de consommation de cigarettes chez
les jeunes d'une part, et regarder aussi la consommation des autres produits;
et cette enquête-là nous permet de l'avoir.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci. Par rapport au graphique, là, page 4, on dit
généralement que, lorsque les gens atteignent
l'âge de 18 ans, s'ils n'ont pas commencé à fumer, il est très peu
probable qu'ils commencent à fumer. Quand je vois votre graphique, on voit qu'on a une grande amélioration au niveau
des 15 à 19 ans. La lumière rouge : maintenant, on est rendus à 23 %. Par contre, quand on regarde les 20 à 24 ans, ils sont à
32 %. Est-ce qu'il y a un biais, dans le sens qu'à 15 ans ils
fument moins puis, à 19 ou 20 ans, ils sont déjà à 32 %? Ou, encore,
on peut espérer qu'au cours des prochaines années le 23 % va rester plus à
ce niveau-là puis va être plus bas pour la cohorte qui vieillit, qui va être à
20-24 ans?
Le Président (M.
Bergman) : Bien. Alors, Dre Rochette.
Mme Rochette (Marie) : Probablement que c'est un mélange de tout ça.
Quand on regarde les statistiques chez les jeunes, la consommation de tabac va être plus faible en secondaire I,
puis augmente au fur et à mesure qu'ils avancent en âge. Donc, c'est sûr
que, quand on fait la moyenne, ceux qui arrivent à 17, 18 ans, là, qui
arrivent en secondaire V, consomment plus de
tabac que les plus jeunes. On dit qu'à peu près… Si ma mémoire est bonne, c'est
autour de 77 % des gens qui vont commencer à fumer avant l'âge de
18 ans. Mais il y a quand même une proportion qui va commencer aussi après. Il ne faut pas la négliger. C'est sûr
qu'on met l'emphase sur les tout jeunes, parce que c'est surtout là que
va se faire l'initiation au tabagisme. Mais il reste quand même une frange non
négligeable qui va commencer à fumer plus tard aussi.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Bien, je veux vous entendre
pour une explication sur les 65 ans et plus, qui sont à un taux de
presque 12 %.
Le Président (M.
Bergman) : Dre Rochette.
Mme Rochette
(Marie) : Je pense que vous nous avez donné la réponse hier.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui? J'aimerais ça vous… J'aimerais ça la
faire valider…
Mme Rochette
(Marie) : Oui? C'est…
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Parce que, moi, quand je parle
ici, ils ne me croient pas. Mais j'aimerais ça le faire dire par quelqu'un
qui est crédible.
Des voix : Ha, ha, ha!
Le Président (M.
Bergman) : Dre Rochette.
Mme
Rochette (Marie) : Bien, c'est
sûr qu'on va retrouver, évidemment, une mortalité plus élevée chez les
gens, au fur et à mesure qu'ils avancent en
âge, due au tabac, donc, nécessairement, plus de fumeurs décédés que de non-fumeurs.
Puis en même temps, bien, évidemment, la
proportion est importante, de gens qui veulent cesser de fumer, et on sait
que plus les tentatives sont répétées, plus la personne a des chances de réussir.
Donc, plus elle va avancer en âge, plus elle a des chances d'avoir réussi un
jour à arrêter de fumer.
Puis les
maladies concomitantes sont aussi des éléments… Bon, je pense qu'hier on a eu
un témoignage assez éloquent à ce
niveau-là. Parfois, la maladie, malheureusement, c'est ce que ça prend pour que
la personne, à un moment donné, cesse de fumer.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Vous avez abordé un sujet que je trouvais
très intéressant : la cigarette électronique. Parce qu'on entend
plusieurs points de vue. Il y a des compagnies qui favorisent à ce que ce soit
sur le marché en disant que ça va aider. C'est
même les compagnies de tabac qui vont nous dire que ça pourrait aider à arrêter
de fumer; donc je mets un doute. Il y
a des gens qui nous disent que ce n'est pas prêt du tout à être sur le marché;
même que ça développe encore plus l'habitude de fumer, parce que ça
garde le geste.
Est-ce qu'il
y a eu des études de faites pour voir si c'était fiable ou pas? Puis, est-ce
que vous trouvez que, si on n'a pas eu d'étude, on devrait s'abstenir d'avoir
ce produit sur le marché puis peut-être faire évaluer par une organisation comme l'Institut national d'excellence en santé et
en services sociaux, comme tout produit qui vient sur le marché par rapport à l'aide médicale à fumer, s'il a une
efficacité? Souvent, eux autres, ils vont le faire dans la perspective :
Est-ce que ça devrait être couvert ou
pas par la Régie de l'assurance maladie du Québec? Mais on peut le demander
également pour un avis ou pour savoir si un produit est efficace ou pas.
Le Président (M. Bergman) : Dr
Arruda.
M. Arruda
(Horacio) : C'est un produit qui est émergent mais qui est
quand même pas mal distribué déjà. C'est un produit aussi qui a des caractéristiques différentes, qui ne sont pas
toutes de la même nature. Je sais qu'il y a des gens qui disent : Ça devrait, avec la nicotine, servir
pour l'abandon du tabac, etc. Puis moi, je pense que, compte tenu de l'impact
majeur de l'initiation du tabac chez les jeunes, en termes d'impact à la santé
potentiel, on est devant un phénomène dont
on ne connaît pas encore adéquatement les choses. Je pense qu'il faut
documenter avant de recommander un étalage de tout ça. Particulièrement, ce n'est pas un produit qui est
nécessairement… Comprenez-vous? Dans le fond, il n'y a pas de… le bénéfice pour l'individu n'est pas si grand que
ça par rapport au potentiel risque comme tel. Et, moi, à mon avis… On a
émis un avis disant, un peu comme d'autres organisations, qu'il fallait être
prudent par rapport à cette émergence-là. Et
on a demandé notamment à notre institut de regarder les études qui sont là
pour, un, documenter de quoi on parle, parce qu'il y a toute une série
de choses.
Et je pense
que, de la même façon que l'allure du paquet de cigarettes a un effet sur l'élément…
Le fait de porter à sa bouche, c'est
magnifique. C'est beau, hein, c'est élégant, mais ça joue sur le comportement
humain. On sait que, dans le tabac…
Il y a beaucoup de symbolique autour du tabac, en termes anthropologiques, puis
etc., et, quelque part, moi, je pense que ça… Ce n'est pas pour rien que
les compagnies de tabac trouvent ça très intéressant aussi, quelque part.
Vous m'excuserez,
je porte de mauvaises intentions. C'est assez rare que je fasse ça, comme tel,
mais, compte tenu de l'importance de
la menace, je pense qu'il ne faut pas être trop naïfs. Je pense qu'il faut
mieux documenter de quoi on parle. Il y a différents types de produits
qui sont là-dedans, d'autres avec nicotine, d'autres sans nicotine. Mais il y a
aussi, à mon avis, tout un élément en lien avec le geste.
Le Président (M. Bergman) : M. le
député de…
M. Arruda (Horacio) : Oui, Marie?
Mme Rochette (Marie) : Bien, si vous
permettez?
Le Président (M. Bergman) :
Dre Rochette.
• (15 h 50) •
Mme
Rochette (Marie) : Juste
pour préciser qu'actuellement il n'y a aucun de ces produits-là qui a été
reconnu comme une aide à la cessation par Santé Canada. Donc, actuellement,
même les produits ne peuvent pas s'afficher comme
étant aides à la cessation, parce
que, normalement, tout produit qui
est à base de nicotine… avec un certain niveau de nicotine, pour avoir l'allégation de servir de thérapie de
remplacement de la nicotine, doit passer le processus d'homologation de
Santé Canada, et, pour l'instant, ça n'a pas été fait.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Par contre, les produits sont disponibles sur le marché.
Mais là on a comme un effet pervers : le produit est disponible, les gens
l'utilisent, puis là on entend dire toutes sortes de choses.
Moi, je trouve que c'est un enjeu tellement important qu'il faudrait au moins
avoir l'avis d'une organisation crédible.
Puis tout le monde reconnaît, au Québec, comme la Santé
publique, que l'Institut national d'excellence en santé et services sociaux émet normalement des avis qui sont objectifs. Je pense que c'est important, parce
qu'à la limite, pour donner un exemple… S'il y a un produit qui est
vraiment efficace, il faudrait qu'on le sache. Mais, si un produit est
soit inefficace ou, à la limite, même dangereux, bien, je pense qu'il faut le
savoir également.
Puis
il y a un biais que… il faut avertir la population qui nous écoute : Il y a
des personnes qui vont vous dire que ça
a fonctionné. Mais, si trois personnes disent que ça fonctionne, puis il y en a
10 que ça fait qu'ils ont commencé à fumer, bien, dans nos études, c'est comme un médicament qui tuerait plus de
patients qu'il en sauverait, il ne viendrait pas sur le marché. Donc, il faut avoir cette approche scientifique. Et, ce qui est efficace, on va l'utiliser, mais, ce qui est
inefficace, il faut le dire.
Merci beaucoup. En tout cas, je
trouve que c'est…
M. Arruda
(Horacio) : J'abonde
dans ce sens-là. De toute façon, l'avis disait qu'on avait à documenter. On
ne recommandait pas son utilisation actuellement, puis il
faut documenter la situation. Puis,
dans les faits, il faut être capable d'avoir
de quoi d'objectif, parce que c'est clair que, quand on avance quelque chose ou on interdit quelque chose, il
faut avoir des raisons. Comme je vous dis, actuellement, je ne vois pas de bénéfice associé à son utilisation. On
regardera, on le documentera, puis à ce moment-là on pourra prendre une
position finale. Mais actuellement la précaution, dans ma perspective, elle est
de mise.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
L'avis a été demandé quand à l'Institut national de…
M. Arruda (Horacio) : L'avis…
Mme Rochette (Marie) : Santé
publique?
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Non, à l'Institut national d'excellence en santé et services sociaux. Vous avez parlé qu'il y a eu un avis de demandé.
Mme Rochette (Marie) : Oui, mais à l'Institut
national de santé publique.
M. Arruda (Horacio) : À l'Institut
national de santé publique, pas à l'INESSS.
Mme Rochette (Marie) : Parce qu'on
était préoccupés des dimensions à la fois d'efficacité, comme aide à la
cessation, mais également de toxicité, dangerosité du produit, puis également…
M. Arruda (Horacio) : On
pourra regarder la…
Mme
Rochette (Marie) : …l'effet
sur la dénormalisation. Donc, c'est vraiment un ensemble d'éléments qu'on
leur a demandé de regarder.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : C'est ça. Sauf que, dans leur structure, ce type de produit là, ce serait bon d'avoir
soit un avis commun ou l'avis de…
M. Arruda (Horacio) : Oui,
oui, on va regarder ça.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Bourassa-Sauvé, il vous reste cinq minutes.
Mme de
Santis : Merci, M. le Président. Moi, je suis vraiment confuse, et je vous
explique pourquoi. D'abord, merci d'être
là et merci de votre présentation. L'Ontario, les taxes, c'est 4 $ de plus que le Québec. L'Ontario, c'est 30 %, contrebande. Mais l'Ontario a un taux de tabagisme
de 19,7 %. Maintenant, Nouvelle-Écosse, c'est plus que 25 $ de
plus en taxe, et ils ont un taux de
tabagisme plus élevé. Terre-Neuve, 27 $ de plus de taxe, c'est presque le
même taux de tabagisme.
Je
vous demande : Qu'est-ce qu'on fait en Ontario ou en Colombie-Britannique?
Parce que Colombie-Britannique, ce n'est pas le plus élevé des taxes, c'est
7 sur 13, O.K., d'après les tableaux qui ont été présentés. Qu'est-ce qu'on fait, en Ontario, pour que le taux soit aussi
moins élevé que nous? Parce que les mêmes produits sont en Ontario, qui
sont au Québec. Je présume qu'il y a les «slims», les Vogue, les goûts de
bonbon, etc., l'Ontario aussi. Alors, si on regarde simplement Ontario, qu'est-ce
qui est différent?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Arruda.
M. Arruda
(Horacio) : Je vais tenter une réponse, je vais faire compléter
par mes experts. Mais, écoutez, je pense que la relation cause à effet n'est pas toujours directe. Il y a
plusieurs facteurs qui peuvent expliquer un taux de tabagisme chez les populations. Il y a des caractéristiques
associées à la population propre. Les Québécois n'ont pas nécessairement
les mêmes caractéristiques culturelles que
la Colombie-Britannique, que… même en termes d'activités physiques et de
sport, culturellement. Donc, il y a ça qui est un élément, à mon avis, qui fait
que ce n'est pas parce qu'il y a une taxe qu'il y a une
mesure qui va nécessairement faire automatiquement qu'elle va avoir le même
effet sur l'ensemble du phénomène comme tel. C'est un ensemble de mesures qui,
en interaction, vont permettre à la fois d'obtenir des taux.
C'est
difficile d'extrapoler, je vous dirais, là, d'une province à une autre,
nécessairement. On doit regarder les tendances générales des différents
pays. Ce qu'on sait, c'est que la taxation a des effets sur le taux de
tabagisme chez les jeunes. C'est un peu
démontré un peu partout, mais l'effet n'est pas tout à fait identique d'un territoire
à l'autre. Je ne sais pas, Marie, si tu as de quoi de plus précis que ça
à donner comme réponse.
Le Président (M. Bergman) :
Dre Rochette.
Mme
Rochette (Marie) : Je pense
qu'on peut penser à plusieurs facteurs, effectivement. Le point de
départ, je pense qu'on a un
historique, au Québec, de consommation de tabac qui était historiquement
très élevée. On a aussi… Ce qu'il
faut voir également, c'est que les écarts de revenus sont également
très fortement associés à la consommation de tabac. Donc, les plus démunis vont consommer beaucoup
plus de tabac, pratiquement le double, que les groupes plus riches.
Donc, on peut penser que des régions, des provinces qui vivent des difficultés
économiques peuvent aussi avoir, en contrepartie,
un taux de tabagisme qui pourrait être sensiblement plus élevé. On sait que
certains groupes de nouveauxarrivants
arrivent de pays où le taux de tabagisme est plus faible. Donc, à ce moment-là, ça aussi, ça peut avoir un impact.
Et je vous
dirais qu'il y a aussi toute une question de mentalité. Je pense que, quand on
regarde la consommation de tabac, par exemple, dans les lieux fermés,
que ce soit dans les domiciles, c'est généralement au Québec qu'on est les champions au
niveau de la consommation de tabac en
présence de jeunes à la maison, alors que, dans les autres provinces, il
y a comme une certaine… je dirais, les taux vont être plus faibles. On voit une
évolution de cette mentalité-là, on voit une
diminution au fil des ans, mais on reste quand même la province où ça
va fumer le plus en présence d'enfants, en présence de d'autres dans des lieux fermés, et, ça aussi, probablement qu'il y a quelque chose de culturel autour de ça ou il y a
une préoccupation qui est peut-être moins présente.
Donc, on pourrait énumérer, là, une liste de
facteurs très importants. La taxation vient jouer, mais c'est un élément parmi beaucoup
d'autres facteurs.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Bourassa-Sauvé, il vous reste une demi-minute.
Mme de Santis : O.K.
Vas-y, alors.
Mme Vallée : Justement, pour
revenir…
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau, une demi-minute.
Mme Vallée : Excusez. Pour
revenir à la taxation, vous avez, à la page 16 de votre mémoire, indiqué
qu'il ne semble pas… vous n'avez pas d'information provenant de la Sécurité
publique à l'effet qu'il y a eu un impact sur les activités de contrebande. Je
me demandais : Avez-vous des données du ministère des Finances quant aux
entrées de taxe? Est-ce qu'il y a eu une
fluctuation comparative aux autres années? Parce que, bon, Sécurité
publique, c'est une chose, c'est les plaintes, c'est les plaintes d'activité,
mais directement on va voir s'il y a eu une baisse ou une hausse en fonction
des variations des entrées de taxe au ministère des Finances et…
Le Président (M. Bergman) :
Dre Rochette.
Mme
Rochette (Marie) : Ce qu'on
a, c'est la statistique de 2012. C'est la dernière statistique qu'on pouvait avoir du ministère des Finances. Malheureusement,
il va falloir attendre encore un peu pour avoir…
Mme Vallée : Mais ça a été
adopté en novembre.
Mme Rochette (Marie) : Bien, c'est
ça. Donc, ce qu'on nous dit, c'est que… En tout cas, en 2012, quand on regarde l'estimé qu'ils font de la part de marché,
les produits de contrebande étaient relativement stables, comparativement… étaient stables par
rapport à 2011, et c'est la même chose au niveau des revenus de taxation. C'est
quelque chose qui est en augmentation par rapport à ce qu'ils ont vu dans les
années qui ont précédé. Maintenant, il va falloir attendre encore un petit peu
pour être en mesure de voir l'effet, là, de l'augmentation de taxe.
Une voix : …
Le Président (M. Bergman) : Malheureusement,
le temps s'est écoulé. Le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx,
pour une période de cinq minutes.
Mme
Daneault : Merci,
M. le Président. Merci beaucoup d'être présents avec nous aujourd'hui et de
nous éclairer avec des chiffres plus… très, très
parlants. Il y a un chiffre… il y a un tableau sur lequel j'accroche
encore et qui semble être encore une
certaine tendance, même si, bon, effectivement, depuis 1998, on note une baisse de laconsommation de cigarettes dans la population québécoise, mais il y avait un phénomène qui était existant en
1998 puis qui
semble être encore existant en 2008, c'est que la consommation de cigarettes
est plus élevée chez les filles que chez les garçons. On était à 34 %
en 1998 versus 26 %; aujourd'hui, on est à 16,6 % versus 13 %
pour les garçons.
Est-ce qu'on
a étudié certains… Parce qu'on sait que, de plus en plus, bon, on a des
nouveaux éléments, entre autres, pour
le cancer du sein. On a parlé beaucoup de cancer du poumon, mais, dans le cas
de… chez les femmes, il y a le cancer
du sein, de plus en plus on démontre qu'il y a un lien potentiel entre le tabac
et le cancer du sein. Est-ce qu'on a… Puis on n'a pas entendu parler
beaucoup de ça. Et il y a aussi un phénomène de culte de la minceur chez les
jeunes femmes, qui associent, finalement, le
fait de fumer pour garder leur poids et, bon, de ne pas arrêter de fumer parce
que justement on pourrait prendre du poids. Est-ce qu'on a étudié cette
portion-là de consommation de tabac chez la femme, qui semble être encore une fois plus élevée
que chez les garçons? Et on sait que l'industrie s'oriente avec les
cigarettes plus féminines. Ça marche, là, de toute évidence.
• (16 heures) •
Le Président (M. Bergman) :
Dre Rochette.
Mme
Rochette (Marie) : Je n'ai
pas d'étude récente en tête, mais on sait que le culte de la minceur
contribue notamment à faire
en sorte que les jeunes femmes sont
intéressées par la cigarette. Elles ont la croyance que ça va leur permettre de perdre du poids et de maintenir cette… de maintenir leur
poids. Donc, ça, c'est sûr que c'est un élément.
On peut penser également, comme il était mentionné
un peu plus tôt, que les paquets, qui sont faits pour être également
très attirants pour… très élégants, contribuent également à faire en sorte que ça devient quelque chose qui est normal, qui est intéressant, qui
est un phénomène d'émancipation également.
Donc, c'est probablement ces éléments-là. Mais je n'ai pas d'étude récente, là, que je peux
citer, là, pour vraiment mettre le doigt sur les deux ou trois phénomènes
les plus percutants sur lesquels on doit travailler, mais c'est certain que l'élément
minceur ressort, là, dans les études que j'ai.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Est-ce
qu'on a pris des mesures spécifiques
pour le tabac et la femme et, bon, entre
autres, le cancer du sein aussi? C'est peu connu. Moi, je le
vis au quotidien, là, les femmes l'associent au cancer du poumon mais
pas au cancer du sein. Puis on sait que les dernières études le démontrent, là,
entre autres, avec le gène, là.
Le Président (M. Bergman) :
Dre Rochette.
Mme
Rochette (Marie) : On n'a
pas eu jusqu'à maintenant d'approche très, très spécifique pour les femmes, notamment les jeunes
femmes. Ça reste certainement quelque chose à regarder. Les interventions en
milieu scolaire vont viser justement à s'adapter…
Souvent, on va préconiser des approches où ce sont les jeunes qui font l'intervention
auprès de leurs pairs. Donc, évidemment,
eux-mêmes savent comment… sur quels éléments jouer pour être en mesure d'être
le plus percutant possible pour leurs collègues ou leurs pairs. Donc, c'est le
genre d'approche qui a été utilisée jusqu'à maintenant, mais on n'a pas fait,
là, de programme spécifique à l'intention des jeunes femmes, pour l'instant.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Ça
pourrait peut-être être une…
M. Arruda (Horacio) : Oui. D'ailleurs,
on pourrait peut-être, dans les éléments de surveillance, regarder qu'est-ce
qui se passe par rapport au taux de tabagisme chez les femmes qui ont développé
un cancer du sein, là. Ça serait peut-être à regarder.
Mme
Daneault : Par
rapport à la santé de la femme, effectivement.
M. Arruda (Horacio) : C'est
ça. C'est ça, oui. Dans les analyses différenciées qu'on peut faire.
Mme
Daneault :
Ma déformation professionnelle, évidemment. L'autre chose que… Il me reste-tu
du temps?
Le Président (M. Bergman) :
Juste une courte question, courte réponse.
Mme
Daneault :
O.K. Bon, bien, dans le fond, la question, c'était plutôt que… Finalement, on
sent qu'il y a une stagnation dans la
consommation des produits du tabac depuis les cinq, six dernières années.
Alors, j'imagine que vous nous recommandez d'aller plus loin que
seulement l'étude du rapport.
M. Arruda (Horacio) :
Effectivement, comme je vous l'ai dit, comme dans toute intervention de
prévention, il faut suivre les courbes puis,
quand les courbes se mettent à stagner, il faut intensifier le traitement. Moi,
je pense qu'on est rendus à aller
dans une phase supplémentaire. Donc, il faut tirer des leçons de ce qu'on a
appliqué jusqu'à maintenant, améliorer ce qu'on appliquait pour que ce
soit plus facile à appliquer et peut-être identifier des nouvelles mesures qui vont
être en mesure de contrecarrer, je vous dirais, l'émergence des nouveaux
phénomènes — il
y a des phénomènes nouveaux, là, notamment
en lien avec tous ces paquets-là — et avec une priorité, bien entendu, de
maintenir la promotion auprès des individus, maintenir aussi la cessation de tabagisme puis
adapter nos services aux clientèles qui répondent moins, mais aussi, à
mon avis, avec des changements, au niveau, éventuellement, de la loi, qui
permettraient, à mon avis, de s'adresser aux
phénomènes émergents et qui permettraient la mobilisation des acteurs, de
remettre ce dossier aussi, je vous
dirais, dans l'agenda de la population québécoise pour éviter… Chaque enfant,
comme je vous l'ai dit… Pour moi, chaque
enfant qui commence à fumer et qui deviendra fumeur régulier, c'est, à mon
avis, quelque chose qui est évitable.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est
écoulé. Dr Arruda, Dre Rochette, M. Therrien, merci pour votre
présentation. Merci d'être avec nous aujourd'hui, on apprécie beaucoup.
M. Arruda (Horacio) : On vous
remercie. Puis on a confiance en votre rapport pour éventuellement nous aider à
avancer.
Le
Président (M. Bergman) : Je demande les gens de l'Association
pulmonaire du Québec pour prendre leur place à la table. Et je suspends
pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 5)
(Reprise à 16 h 6)
Le Président (M. Bergman) : À
l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix : …
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre,
s'il vous plaît! Je demande à l'Association pulmonaire du Québec pour
prendre leur place à la table.
Alors, Dr
Ostiguy, M. Leroux, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre
présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission.
Alors, pour les fins d'enregistrement, mentionnez les noms et vos titres, et
vous pouvez faire votre présentation de 15 minutes.
Association pulmonaire
du Québec (APQ)
M. Leroux (Mathieu) : Oui.
Maintenant?
Le Président (M. Bergman) :
Oui.
M. Leroux
(Mathieu) : Oui. Mathieu
Leroux, coordonnateur au développement, communications, Association
pulmonaire du Québec.
M. Ostiguy (Gaston) : Dr Gaston
Ostiguy, je suis pneumologue et je pratique au Centre universitaire de santé McGill. Je dirige, depuis l'an 2000,
une clinique de cessation tabagique à l'Institut thoracique de Montréal. Ça
se dit mieux en anglais : Montréal
Chest. Et ça fait quand même... Je suis vice-président aux affaires
scientifiques de l'Association pulmonaire du Québec, et c'est à ce
titre-là que je viens présenter le mémoire, qui a été en grande partie rédigé
par M. Leroux. Mais ça fait longtemps que je
m'intéresse à la cessation tabagique. En fait, c'est depuis 1974. On a même
assisté à la création du conseil canadien sur le tabac et la santé en 1974,
dont le Conseil québécois sur le tabac et la santé est une filiale.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, on vous souhaite la bienvenue.
Le micro est à vous pour votre présentation.
• (16 h 10) •
M. Ostiguy
(Gaston) : Alors, je n'ai
pas l'intention de lire le rapport. Vous l'avez probablement lu, et ça
serait probablement un peu fastidieux. Je voudrais tout simplement insister sur
les points qui nous apparaissent les plus importants et plus saillants et les recommandations
ou les suggestions que l'on pourrait faire dans ce domaine-là.
Naturellement,
d'abord, je dois quand même féliciter le gouvernement pour les deux lois qui
ont été passées. On a fait quand même
un progrès et des pas de géant depuis 1990. Mais malheureusement, depuis 2006
environ, la situation semble stagner. Le rapport dont on dispose à l'heure
actuelle date de 2010, on est actuellement en 2013. Donc, à ce moment-là, il
faut prendre également les données avec une certaine circonspection, mais
probablement que les faits demeurent pertinents, mais c'est certainement le
genre de choses qui auraient besoin d'être mises à date de façon plus régulière. Et, comme c'est mentionné à
plusieurs reprises dans le rapport, il y a des pas de géant qui ont été
accomplis. Ce n'est pas parfait, ce n'est
pas du 100 %. Malheureusement,
et ça a été souligné, il y a peu de solutions qui sont offertes ou qui
ont été suggérées pour arriver à des pourcentages plus élevés de réussite.
L'autre chose
aussi, c'est que l'on devrait se poser la question : Pourquoi, depuis 2006, la situation stagne?
Alors, là aussi, on n'a pas beaucoup de pistes de solution. Naturellement, il n'y
a pas beaucoup de gens qui s'intéressent aux fumeurs endurcis, ce qu'on appelle
en anglais les «hard-core smokers», hein? C'est quand même quelque chose qui
est très important. Et je peux vous dire, de par mon expérience à la clinique,
que ces gens-là qui ont beaucoup de difficultés
à cesser de fumer même s'ils souffrent de pathologies en relation avec
leur tabagisme, ces gens-là se sont fait dire des dizaines de fois par leurs médecins qu'ils devaient cesser de
fumer, ils ont tout essayé, et ça n'a pas fonctionné. Donc, il y aurait peut-être, également, besoin de s'interroger
sur cette catégorie de gens qui ont de la difficulté à cesser de fumer.
Naturellement,
l'Association pulmonaire du Québec, c'est la deuxième plus ancienne association
bénévole au Québec. On n'a pas
beaucoup de subventions gouvernementales, on vit des dons de la population. Et
malheureusement, comme pneumologue et comme
Association pulmonaire du Québec, on est en excellente position pour voir les
dommages qui sont créés par le tabagisme. On le voit tous les jours, c'est
notre pain quotidien.
Et on sait que ces maladies qui sont en relation
avec le tabac réveillent relativement peu de sympathie dans la population. Il y
a une excellente enquête qui a été faite il y a quelques années, enquête
internationale sur environ une quarantaine de mille personnes, et 65 % des
gens, là, n'avaient aucune empathie pour les gens qui souffraient de cancer du poumon ou de MPOC, parce que leur
réponse était tout à fait ce à quoi on s'attend : Bien, ces gens-là, ils
ont fumé, ils avaient juste à ne pas fumer, alors; tandis qu'on n'a pas les
mêmes empathies pour d'autres sortes de cancer ou de pathologie.
Et l'Association pulmonaire du Québec est quand
même la seule organisation qui s'intéresse aux problèmes respiratoires dans la population en essayant de
subventionner la recherche, en faisant l'éducation du public et en
essayant d'améliorer les soins aux patients.
Alors, dans
les recommandations que l'on fait… Pourquoi on stagne depuis 2006? Eh bien, on
sait que le tabagisme n'est pas aussi
important dans toutes les régions du Québec. On n'a pas de données récentes
là-dessus. Mais, si certaines régions réussissent mieux que d'autres, ça
serait peut-être bon de savoir pourquoi. Naturellement, nous, étant au centre-ville de Montréal, on est très influencés
par le problème de la contrebande. Un pourcentage important de patients
qui viennent à la clinique achète des cigarettes de la réserve qui est de l'autre
bord du pont et à des prix un peu ridicules. Et
je sais que c'est un problème qui n'est pas facile. Parfois, essayer de s'attaquer
à ces réserves indiennes, ce n'est pas toujours
facile, ça fait peur à bien du monde. Mais ce qui est absolument inacceptable,
et je pense qu'il devrait y avoir quelque
chose qui est fait dans ce sens-là, c'est qu'on ne devrait pas accepter que les
gens fassent la livraison à domicile de la cigarette de contrebande.
Alors, ça, c'est… Et elles sont beaucoup plus fortes et beaucoup plus toxiques
que les cigarettes commerciales. Et, si on
ne peut pas empêcher les réserves indiennes de vendre des cigarettes, on
pourrait au moins taper sur les doigts de ceux qui en font la livraison
à domicile. Ça, c'est un point, là, qui nous préoccupe beaucoup.
L'autre
point, bien, sur lequel je vais passer rapidement, c'est quand même le fait qu'on
est tout à fait d'accord à ce qu'on
punisse, d'une certaine façon, les gens qui fument dans les automobiles avec la
présence d'enfants à bord des autos. Les
enfants sont en pleine croissance. On sait, s'il y a un groupe d'individus qui
est plus sensible à la fumée secondaire que les autres, eh bien, ce sont bien les enfants, alors il faut les
protéger. Si les parents n'ont pas la décence de s'abstenir, bien, je
pense qu'ils méritent peut-être d'être… qu'on leur tape un peu sur les doigts.
Donc, à ce moment-là, ça, c'est une mesure que l'on encouragerait énormément.
Également,
essayer d'aider, parce qu'on a un certain nombre de plaintes qui nous arrivent,
d'aider les gens qui vivent dans des
blocs-appartements de moins grande importance et qui subissent la fumée
secondaire de leurs voisins ou… particulièrement
dans les espaces communs. Moi-même, j'habite dans un condo où il y a 105 appartements, et un certain nombre de propriétaires se plaignent justement
de la recirculation de la fumée de cigarette dans les corridors à cause
des systèmes de ventilation. Alors, ça, on devrait peut-être essayer de faire quelque chose pour aider ces gens-là qui sont un peu démunis devant leurs propriétaires.
Une chose sur
laquelle également on veut appuyer les autres organismes, c'est l'aromatisation
des produits du tabac. Eh bien, c'est
sûr que c'est quelque chose qui rend la cigarette plus douce pour les gens qui
commencent à fumer et c'est un incitatif. Alors, ça, c'est inacceptable.
Je pense qu'on devrait défendre l'aromatisation des produits du tabac.
Un point sur
lequel on voudrait insister également, c'est qu'on trouve ça absolument
inconcevable que l'on fume dans les établissements de santé. Je ne sais
pas ce que ça a de l'air à Québec, mais, si vous venez devant certains hôpitaux à Montréal, c'est absolument dégueulasse.
Devant l'entrée principale, vous avez un attroupement de fumeurs qui sont là. Souvent, le terrain est parsemé de mégots
de cigarettes, les patients rentrent dans l'hôpital et doivent passer à
travers un peloton de fumeurs. Ce n'est pas un très, très bel exemple à donner
à la population. On défend que l'on fume dans les établissements scolaires, sur
tous les terrains des établissements scolaires, je ne comprends pas pourquoi on
ne ferait pas la même chose dans les
établissements de santé. Je pense que c'est le plus mauvais exemple que l'on
puisse donner aux gens que de permettre et
de mettre à la vue de tout le monde des gens qui fument devant les entrées
principales de nos établissements de santé.
Alors, c'est
essentiellement les choses les plus importantes que je voulais souligner dans
ce rapport. Et j'espère de ne pas en avoir oublié.
M. Leroux (Mathieu) : Si vous
permettez, Dr Ostiguy...
M. Ostiguy (Gaston) : Oui, vas-y.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, monsieur... Merci, Dr Ostiguy. M. Leroux.
M. Leroux
(Mathieu) : Oui. Juste un
autre élément : moratoire sur les nouveaux produits de tabac. Pour
nous, ça nous apparaît important, tout
simplement pour arrêter d'être à la remorque de l'industrie. L'industrie, elle,
n'a pas arrêté d'innover dans ses pratiques, dans ses façons de déployer
son marketing. Et on croit qu'une des meilleures façons de pouvoir arrêter ça, c'est de mettre un grain de
sable dans l'engrenage et de dire : Là, pour le moment, il faut arrêter,
le temps d'étudier ça. Donc, on supporte un moratoire sur les nouveaux produits
du tabac. Voilà.
Le
Président (M. Bergman) : Merci. Merci pour votre présentation.
Maintenant, pour le bloc du gouvernement, Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Merci, M. le
Président. Bonjour, Dr Ostiguy, bonjour, M. Leroux. Ça me fait plaisir de
vous accueillir à cette commission. Alors,
je regardais un petit peu qui est l'Association pulmonaire, et, vous l'avez
mentionné, vous existez depuis 1938 et vous êtes
la seule organisation à promouvoir la santé respiratoire comme organisme sans
but lucratif, là, au Québec. Alors, bravo,
je vous félicite pour votre engagement dans cette cause-là et je comprends
notamment votre préoccupation pour le tabagisme.
Et vous avez certaines données, là, qui sont
clairement édictées, par exemple que le tabagisme est associé à 85 % des diagnostics du cancer du poumon,
qui, lui, représente le tiers des décès par cancer au Québec, hein? Ce
sont des données extrêmement préoccupantes...
Le Président (M. Bergman) :
...
• (16 h 20) •
Mme Proulx :
Oui, oui. Et vous mentionnez aussi que le cancer du poumon tue chaque année
deux fois plus de femmes que le
cancer du sein. Ça aussi, c'est des données qu'on n'est pas toujours conscient
de l'impact du tabagisme et jusqu'où ça peut aller.
Vous avez
parlé du rapport de mise en oeuvre de la loi, vous avez mentionné qu'il y a eu
des avancées extrêmement importantes
qui ont été faites dans les dernières décades au Québec. Vous mentionnez
toutefois une préoccupation pour la stagnation
du taux de tabagisme, notamment depuis 2005-2006, et vous mentionnez, à la
page 2 de votre mémoire, que le taux
de tabagisme au Québec, qui est à 22,5 %, est encore supérieur à la
moyenne canadienne, qui, elle, est de 20,1 %, et stagne, là, depuis
quelques années, comme je le mentionnais. Vous dites aussi qu'il est à noter
que le ministère de la Santé, dans le cadre
du Programme national de santé publique de 2003-2012, s'était donné comme
objectif de réduire le taux à 16 % et vous mentionnez que ce seuil
est effectivement loin d'avoir été atteint.
Moi, j'aimerais
savoir, selon votre vision, les constats que vous avez faits, qu'est-ce qui
explique la non-atteinte de cet
objectif et... parce que vous mentionnez, et je ne sais pas si… Je me permets
de faire des liens avec autre chose que vous... des préoccupations que vous semblez avoir, notamment plusieurs
problématiques de l'époque, avant 2005, qui existent encore, malgré l'application de la loi, au niveau des aires
communes, au niveau des terrains d'écoles primaires et secondaires, la
fameuse zone de neuf mètres et les points de vente.
Alors,
est-ce que vous pensez que la loi a été appliquée de manière optimale? Est-ce
qu'il y a encore du travail à faire? Est-ce que vous croyez que la
solution, c'est des mesures plus coercitives d'application de la loi,
notamment, là, je répète, les terrains d'école, la zone de neuf mètres et les
aires publiques — vous
venez de mentionner, là, les hôpitaux — ou si vous croyez que ça n'aurait pas d'impact
et qu'il faut absolument aller vers un renforcissement? Alors, j'aimerais
vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Ostiguy.
M. Ostiguy
(Gaston) : D'abord, pour
insister… ou renforcer les données que vous mentionniez tantôt, il
faudrait aussi mentionner que la survie, à cinq ans, du cancer du sein, c'est
95 % et la survie, à cinq ans, du cancer du poumon, c'est 17 %, et que les moyens de dépistage du cancer du
sein avec la mammographie, c'est quand même quelque chose de relativement efficace, et qu'à l'heure
actuelle on n'a pas de moyen efficace et peu coûteux de faire la
détection précoce du cancer du poumon. Donc,
la seule façon d'éliminer ou de réduire cette maladie-là, c'est réellement, là,
de faire disparaître le tabagisme.
Alors, peut-être que, si les inspections étaient plus serrées, l'on pourrait, à
ce moment-là, avoir de meilleures statistiques sur les choses qui ont
été mentionnées. Et encore une fois, comme pour les écoles, que, sur certains
terrains de certains établissements, les gens n'aient pas le droit de fumer.
L'autre
point aussi — parce qu'on
n'a pas de chiffre là-dessus — c'est la répartition des fumeurs, ce qu'on
appelait des cohortes de fumeurs selon leurs
années de naissance. Si on stagne à un certain niveau, est-ce que… Est-ce qu'il
y a des groupes d'âge où ça stagne ou est-ce qu'il y a des groupes d'âge
où ça augmente, est-ce qu'il y a des groupes d'âge où ça diminue? Ça, on ne le
sait pas, et ça n'a pas été fait, malheureusement, et je pense que ce serait…
ça devrait être fait pour savoir qui on devrait cibler. On ne traite pas tous
les diabétiques avec la même dose d'insuline, on
ne traite pas tous les hypertendus avec les mêmes antihypertenseurs.
Actuellement, on approche le tabagisme comme si c'était une recette de
tarte ou d'omelette : tout le monde passe par la même recette. Il faut
commencer à penser à individualiser notre approche pour les gens qui veulent
cesser de fumer. Et on sait que 70 % des gens qui fument voudraient cesser
de fumer, et ça, il n'y a rien de fait pour essayer de personnaliser notre
approche. Moi, quand je donne une
conférence, j'ai une diapositive qui dit : «Personalize, personalize,
personalize.» Et ça, ça n'a pas été fait et ça devrait, je pense, être
fait.
Et
également essayer de voir… Je pense qu'il y a quelqu'un dans le panel, ici, qui
a mentionné les différences qui peuvent exister entre certaines
provinces et entre certains groupes sociaux. On sait que plus les gens sont
instruits, moins ils fument. Ça, ça insulte
un peu mes confrères fumeurs, là, mais c'est ça pareil. C'est ça quand même.
Alors, le tabagisme va en diminuant
plus il y a d'éducation. Alors, c'est bien sûr que, si vous avez affaire à une
clientèle du sud-est… ou du sud-ouest de Montréal ou du sud-est de
Montréal, eh bien, vous courez la chance d'avoir plus de gens qui fument. Et comment dire à
la jeune mère monoparentale qui vit sur le bien-être social, dont le seul
plaisir est de s'allumer une
cigarette à quatre heures de l'après-midi, avant que les petits reviennent
de l'école, puis prendre un café, qu'elle ne devrait pas fumer? Ce n'est
pas facile. Alors, c'est aussi en relation avec le niveau socioéconomique des
gens.
Mais
ça, ça serait bon que, justement, les statistiques dont on dispose soient plus
détaillées selon les groupes d'âge et selon
également les régions socioéconomiques du Québec, pour savoir exactement où on
s'en va de façon à pouvoir cibler mieux nos interventions. Parce qu'à l'heure
actuelle l'intervention est très généralisée et ça aurait besoin d'être plus
personnalisé que ce que l'on fait à l'heure actuelle.
À
l'heure actuelle, si on regarde les statistiques, c'est des choses qui sont
préliminaires. Je ne peux pas vous fournir un article scientifique là-dessus, mais on a l'impression que, dépassé l'âge
de 60 ans, ceux qui continuent à fumer, ce sont des fumeurs
endurcis. Il y a quelques données là-dessus qui viennent des États-Unis et de
la Grande-Bretagne. Et ces gens-là, ce sont
des gens qui sont très dépendants de la nicotine, alors qui ont besoin d'une
approche personnalisée. Je sais que
la pharmacothérapie, ce n'est probablement pas, nécessairement, de votre ressort, c'est plus du ressort de
l'INESSS, mais, quand même, là aussi, il faudrait peut-être, à un moment donné,
faire des pressions pour qu'il y ait un petit peu plus de souplesse de ce
côté-là pour nous faciliter la tâche.
Le Président (M. Bergman) :
M. Leroux.
M. Leroux (Mathieu) : Oui. Juste une
chose, pour poursuivre sur ce qu'a dit Dr Ostiguy. C'est sûr qu'on propose des mesures qui sont un peu plus
coercitives, parce que c'est ce qui a été fait par le passé, et force
est de constater que la situation
s'est améliorée. Par contre, l'Association pulmonaire du Québec ne prône pas
le bâton sans la carotte. On croit qu'il faut
développer des programmes d'arrêt tabagique en milieu de travail, en milieu scolaire, dans la communauté, dans les CSSS, et ainsi de
suite. On ne pense pas qu'on peut
amener un interdit sans aider la personne à se sortir de ce qui est une très,
très, très forte dépendance. Donc, voilà.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Merci. C'est très intéressant, ce que vous
amenez comme approche personnalisée. Vous avez une grande préoccupation,
puisque vous l'avez mentionné tantôt, pour ce que vous avez appelé les
«hard-core smokers», c'est-à-dire les fumeurs invétérés et qui ont besoin d'aide.
Et votre réflexion vous amène à penser à une stratégie personnalisée pour ces
gens-là.
Comment vous voyez le rôle du gouvernement? Qu'est-ce
que... ou comment vous voyez une approche ou un
programme? Qu'est-ce
que le gouvernement pourrait apporter
pour... qui irait dans le sens de ce que vous préconisez comme approche?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Ostiguy.
M. Ostiguy
(Gaston) : Le gouvernement dépense, à l'heure actuelle, déjà plusieurs millions
de dollars chaque année pour la lutte
antitabagique. Il y a très peu d'argent qui est consacré à la cessation
tabagique en milieu hospitalier ou dans les cliniques médicales, ce qui
fait que vous avez relativement peu de spécialistes en cessation tabagique au Québec.
On peut les compter sur les doigts de la main.
À la Mayo
Clinic, à Rochester, où vous avez le Dr Hurt, ça fait 10 ans qu'il dit que
chaque hôpital devrait avoir un spécialiste en cessation
tabagique. Pour, justement, les fumeurs endurcis, qui sont les plus
susceptibles de bénéficier d'un arrêt
tabagique, ça prend une approche spécialisée. Si vous avez un cas compliqué de
métabolisme, si vous avez un cas compliqué de maladie cardiaque, vous
allez voir un cardiologue, vous allez voir un endocrinologue. Alors, c'est la
même chose pour le tabagisme.
Mais, à un moment donné, il faut dépasser la routine, la recette que l'on veut
administrer à tout le monde, et, à ce moment-là, je pense
qu'il devrait peut-être y avoir un certain... plus d'argent qui est
consacré justement pour que chaque institution de santé puisse posséder de bonnes cliniques de cessation
tabagique. À l'heure actuelle, justement, à McGill, on est en train d'instaurer — on a eu de bonnes réponses justement ce
matin — le
modèle d'Ottawa, qui n'est pas aussipersonnalisé
qu'on voudrait l'être, mais déjà c'est beaucoup mieux que ce qui se fait dans
la majorité des situations; parce qu'il
reste que, pour la cessation tabagique, les deux piliers d'intervention
demeurent la pharmacothérapie et le counseling. Les deux sont absolument
nécessaires parce que c'est un mode de vie.
À notre clinique,
c'est sûr qu'on a une clientèle qui est très limitée. On ne prend pas de
fumeurs qui viennent de l'extérieur.
Quelqu'un qui travaille chez Hydro-Québec ou à Place Ville-Marie, en bas, qui
est en bonne santé, ce n'est pas notre clientèle. Nous, on prend des
gens qui ont uniquement des dossiers médicaux au Centre universitaire de santé
McGill, donc uniquement des gens qui ont de la comorbidité.
Et je dois
vous dire que 50 % de notre clientèle a des problèmes de santé
mentale : ils prennent des psychotropes, ont été hospitalisés pour
des problèmes de santé mentale, et ont fait des épisodes dans le passé, et sont
suivis par un psychiatre ou un psychologue. Les gens fument souvent pour
contrôler leur humeur, hein? Il n'y a pas de meilleur produit que la cigarette pour contrôler l'humeur, hein? Quand les gens
sont «down», bien, pour se donner un peu de pep, ils vont fumer; quand
ils sont anxieux, pour se calmer, ils vont fumer. Et c'est souvent pour ça que…
Même quand ils ont réussi à cesser de fumer,
c'est pour ça qu'ils recommencent, parce qu'ils vont vivre une période de
stress ou une période de dépression.
• (16 h 30) •
Le
Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme
Proulx : Et, Dr Ostiguy, dans votre pratique et avec l'expertise
de votre organisation, est-ce que vous avez été en mesure de cibler des mesures ou des pratiques qui ont un impact,
qui aident le plus, qui sont les plus utiles dans la cessation du tabac?
Est-ce qu'il y a quelque chose qui fonctionne mieux, là, avec les personnes qui
ont des difficultés à cesser de fumer?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Ostiguy.
M. Ostiguy (Gaston) : Oui. Bien, je pense qu'à ce
moment-là il faut adapter,
individualiser la pharmacothérapie chez
ces gens-là. Et ça nous a valu bien des téléphones de la part des pharmaciens, parce que,
bon, à un moment donné :
Coudon, votre docteur, il est-u fou? Il va vous tuer, là, avec… Les gens
ressortent de la clinique avec deux patchs, puis
des pastilles, et puis un inhalateur, et puis… ou encore du bupropion, alors
une thérapie intensive qui est… Ils ont besoin d'une thérapie intensive, et ça prend également
du personnel médical. Moi, je suis chanceux, j'ai une infirmière qui consacre quatre jours, à plein temps, par
semaine pour faire le suivi téléphonique et le suivi, même, en clinique
externe, pour essayer de modifier les modes
de vie de notre clientèle. Alors, pour les gens qui sont… les endurcis, là, ça
prend ce genre d'intervention, qui est faite à pas beaucoup d'endroits, tant à
Montréal qu'à Québec.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin : Écoutez, je n'ai pas vraiment de question, mais je voulais juste prendre la
peine de vous dire que je trouve ça très intéressant, l'approche que
vous avez. On a entendu beaucoup de groupes dans les deux derniers jours, là, et puis vous apportez des nuances, puis vous
personnalisez la chose, puis je trouve ça très intéressant, là, l'approche
que vous nous apportez. Alors, je pense que c'est assez clair, votre discours.
Je vous remercie.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député d'Argenteuil.
M.
Richer : Merci, M. le Président. Dr Ostiguy, M. Leroux, merci d'être là. Effectivement, je
partage entièrement les commentaires de ma collègue.
D'entrée de jeu, Dr Ostiguy, vous avez mentionné, vous avez constaté que la
situation stagne depuis 2010 et, à juste titre, vous avez constaté qu'on est en 2013 et qu'on est en train de faire
le travail qui aurait pu être fait il
y a trois ans. L'article 77 du projet de loi précise une date fixe pour déposer le rapport, précise un délai fixe
pour informer l'Assemblée nationale mais ne précise pas de délai pour que la commission parlementaire soit saisie. Donc, est-ce que ça serait
une bonne idée de compléter la loi n° 77
et de fixer le délai où serait remise à la commission parlementaire l'étude
du travail, pour éviter ces délais? Parce que, durant ce temps-là, l'industrie
du tabac a été hyperactive. Donc, seriez-vous d'accord, est-ce que ce serait…
Le Président (M.
Bergman) : Dr Ostiguy.
Des voix :
…
M. Richer :
Pardon?
M. Ostiguy
(Gaston) : Vous nous arrachez les mots de la bouche.
M. Richer :
Ça me fait…
M. Ostiguy (Gaston) : Non, c'est bien évident que plus les mises en marche de certaines
actions retardent, bien, plus, à ce moment-là, il y a de jeunes personnes qui commencent à fumer et
plus il y a de gens qui continuent à fumer.
Vous savez, il y a un
groupe également… là, je reviens à la personnalisation, il y a un groupe
également auquel on s'intéresse très peu, ce
sont les jeunes adultes. On voit les personnes plus âgées qui sont malades, on
s'occupe énormément des adolescents, mais,
les jeunes adultes entre 25 et 40 ans, qu'est-ce qu'on fait pour eux? À
peu près rien, hein? Et pourtant ce sont eux qui commencent à élever
leur famille, ils ne voudraient pas que leurs enfants fument, ils ont tous les
incitatifs financiers possibles et impossibles pour cesser de fumer, si ce n'était
que les réductions de primes d'assurance santé, d'assurance vie, d'assurance
auto, d'assurance habitation, ils ont tous les «incentives», et il y a très
peu… On s'adresse rarement à cette population, et réellement c'est une
population qui serait là à cibler.
Et je pense qu'il est
très intéressant de… Probablement que vous êtes au courant de la fameuse étude
des «50 000 British doctors», là, qui a
été fait par Peto, depuis 1965, où on dit que, si un individu, un homme — parce que c'étaient des hommes — arrête
de fumer avant l'âge de 35 ans, il a très peu de risques de développer des
maladies en relation avec son tabagisme. Et
là, récemment, dans le BMJ, on vient également de publier une énorme étude
britannique faite chez plus de
1 million de femmes, où également on dit que, si les femmes arrêtent de
fumer avant l'âge de 35 ans, on prévient
à 97 % les maladies qui sont en relation avec le tabagisme. Alors, c'est
ce groupe entre 25 et 40 ans pour lequel on ne fait pas grand-chose
à l'heure actuelle et qui mériterait d'être ciblé.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député d'Argenteuil… Excusez. M. Leroux.
M.
Leroux (Mathieu) : Oui, je
voulais juste ajouter par rapport aux délais. Vous parlez du temps qui passe.
Bon, chaque année, chaque année, il y a des milliers de jeunes qui commencent à
fumer. On sait que le taux de tabagisme stagne, ce qui veut dire que, lorsqu'une
personne décède des causes de son tabagisme, il y a quelqu'un d'autre qui commence à fumer pour prendre la relève, pour que
ce chiffre-là reste le même. Donc, trois ans d'attente, c'est des dizaines de
milliers de jeunes qui sont exposés à la fumée secondaire de plus, c'est des
milliers de jeunes qui comment à fumer de plus. Donc, oui, effectivement,
d'avoir une date butoir pour pouvoir faire le travail et pouvoir proposer une
nouvelle recommandation, ça nous semble important, effectivement.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député d'Argenteuil.
M. Richer : En complément, je pense l'avoir entendu,
mais, en suivi : Il faut combien de temps à un jeune de
15 ans, 16 ans qui commence à fumer, là, pour devenir vraiment un
accro, un fumeur invétéré? Ça se passe en moins de trois ans?
M. Ostiguy
(Gaston) : Ah oui! En moins
de trois ans. Il y a même des études, des publications qui ont été
faites récemment que, seulement après un premier paquet de cigarettes, on peut
devenir facilement accro. Il y a tout… On ne
connaît pas tout, là, dans le tabagisme, hein? Et on commence à s'y intéresser
de plus en plus, aux facteurs génétiques du tabagisme, parce que vous
avez des métaboliseurs rapides, des métaboliseurs lents de nicotine, et c'est
sûr que les métaboliseurs rapides courent le
risque de devenir accro plus rapidement que d'autres. Mais faire un profil
génétique, à l'heure actuelle, chez les fumeurs, ça serait dispendieux et assez
compliqué, donc on ne le fait pas. Mais, pour ceux qui ont un profil génétique qui les prédispose à devenir dépendants — et
souvent ça, ça se voit dans la famille — eh bien, à ce moment-là, ça… Vous dites
trois ans, mais il y en a qui disent qu'après un premier paquet de
cigarettes ils peuvent devenir accros.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député d'Argenteuil.
M. Richer : Merci. Ça va, en
ce qui me concerne, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée, une minute.
Mme Proulx : Une minute. Bon.
Simplement, vous avez parlé tantôt… vous avez mentionné, là, un aspect socioéconomique
important et vous avez parlé d'un niveau d'éducation, mais je prendrais
éducation dans son sens large, des campagnes
d'information et de sensibilisation : Est-ce
que vous pensez que c'est une piste intéressante et que ça a un impact? Est-ce qu'on est capable, à travers des campagnes
d'information, de contrer l'agressivité des producteurs de tabac, qui
sont créatifs et qui mettent de l'avant toutes sortes de formules pour attirer
les jeunes?
M. Ostiguy
(Gaston) : Bien, ça, je
pense qu'à l'heure actuelle c'est déjà bien fait, là, il y en a déjà beaucoup
dans ce domaine-là. Et ce n'est peut-être
pas… En général, je pense que les gens sont fortement au courant de ce qui se
passe. Malheureusement, depuis quelques années, un an ou deux, on n'a plus, sur
les paquets de cigarettes, la quantité de nicotine,
de monoxyde de carbone, des dérivés du goudron que chaque cigarette contenait.
On m'a dit, à Ottawa, que c'était une
donnée qui n'était pas très utile. Moi, je ne suis pas sûr de ça. Parce qu'il n'y
a pas un fumeur qui fume de la même façon,
hein, et je pense qu'au moins, si vous voulez faire une thérapie de
remplacement de nicotine, eh bien, quand les gens sont craintifs, par exemple, d'utiliser des
timbres de nicotine, ils fument 25 cigarettes par jour, à deux
milligrammes de nicotine par cigarette, ça fait 50, puis là ils sont
craintifs parce que vous leur prescrivez un patch de 21, c'est le genre d'information…
Moi, quand ils viennent : Avez-vous votre paquet de cigarettes dans vos
poches? Montrez-moi-le donc, hein? Et
autrefois c'était une information qui était utile, et ça, c'est disparu, cette
information-là, malheureusement. Moi, je pense qu'il faudrait y revenir.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement.
Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, je prends la
première question.
Vous avez une
phrase qui m'intéresse beaucoup dans votre mémoire, qui n'était pas soulevée
jusqu'à ce moment, vous dites :
«…selon une étude du Conference Board du Canada, un employé fumeur coûte en
moyenne 3 396 $ [...] à son employeur
chaque année.» Je trouve ça très intéressant. Je me demande si vous avez la
documentation du Conference Board du Canada, le 3 396 $,
incluant les moments absents, baisse de productivité, etc., je trouve ça très
intéressant sur le côté économique pour notre société.
• (16 h 40) •
M. Ostiguy
(Gaston) : Si vous allez sur
le site du Conference Board du Canada, si vous leur écrivez, il y a eu une première étude qui a été
publiée, qui a été faite en 1995, et on arrivait sensiblement au même chiffre d'environ
3 500 $. Ça a été répété en 2005, on est arrivés à peu près
exactement aux mêmes conclusions.
J'avoue que j'ai été impliqué comme expert
témoin pour une compagnie, que je ne nommerai pas mais qui a réussi à faire bannir le tabac — et c'est une grosse compagnie, plusieurs
employés — à faire
bannir complètement le tabac sur ses terrains, compagnie privée. Et
naturellement il y a eu des objections qui ont été créées. Alors, ça a été
soumis au Tribunal administratif, et on est
allés… Justement, on a apporté ce genre de chiffre là devant… au Tribunal
administratif, et ça a été un des arguments qui a permis au juge, ou au
commissaire, de donner raison à la compagnie de bannir, parce que ça coûte en termes de productivité, ça
coûte en termes d'assurances pour la compagnie. Dans cette compagnie-là,
ils avaient eu 150 décès prématurés
reliés avec le tabac. Alors, tout ceci mis ensemble, et c'est très bien
détaillé dans cette étude du Conference Board… qu'on arrive facilement à
un chiffre conservateur, conservateur, de 3 500 $.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue, M. Leroux, Dr Ostiguy,
que j'ai eu l'occasion de voir faire des
présentations; puis le Dr Ostiguy est un... mais c'est probablement notre
expert au Québec pour la cessation du tabac, et puis je sais qu'il en a
fait une vocation. En tout cas, là, je ne sais pas si ça vous a amené à la
sanctification, mais au moins vous vous en êtes occupé beaucoup.
Et puis je
tiens à réitérer tout le respect pour l'association. Parce qu'il ne faut pas
oublier que ce sont des gens qui sont
très malades. Souvent — c'est vrai, ce que vous avez dit — les gens disent qu'ils sont responsables de
leur maladie, mais je pense qu'il
faut plus voir ça comme une dépendance, il faut être plus en support que de les
culpabiliser. Puis on oublie souvent
que la première cause d'hospitalisation au Québec, c'est les maladies
pulmonaires. Quand vous regardez les hospitalisations dans chacun des
hôpitaux du Québec, la première cause, en haut, là, c'est les maladies
pulmonaires. C'est des gens qui reviennent à
répétition, que l'espérance de vie, parfois, est limitée, mais qu'on voit
souvent dans nos hôpitaux, nos urgences, puis c'est des gens qui sont
très malades. Puis j'aimais beaucoup ce que le Dr Dandavino nous disait.
Il disait : Soulager la douleur, on a les outils pour, mais soulager la dyspnée,
là, c'est une autre difficulté.
Dr Ostiguy,
j'utiliserais votre expertise aujourd'hui. Puis vous avez fait beaucoup de
formation, on appelle ça de la formation
médicale, à des députés. Le nombre de fois qu'une personne doit essayer d'arrêter
de fumer avant de réussir, ça peut être à peu près combien, selon les
études que vous avez?
M. Ostiguy
(Gaston) : À l'heure
actuelle, les statistiques, puis c'est… Parce que, nous, chaque personne qui
se présente à la clinique répond à un
questionnaire, et, en général, les gens ont essayé trois, quatre ou cinq fois, plus souvent quatre, cinq et six fois, d'arrêter de fumer. Mais, je le dis toujours,
ça, ce n'est pas nécessaire. C'est parce qu'ils se sont pris de la mauvaise façon. On ne leur a pas donné tout
le support qui était nécessaire pour… Et il y a également toutes ces
mauvaises conceptions qui circulent chez les fumeurs : Bah! Ce n'est pas
une maladie, c'est une habitude, donc je devrais être capable de changer mon
habitude. Au lieu de prendre du Corn Flakes le matin, je pourrais prendre du Shredded
Wheat, hein? Bien, c'est plus compliqué que ça, c'est une dépendance. Et l'autre
chose qu'ils nous disent souvent :
Bien, je n'ai pas de volonté. Ce n'est pas vrai, ça. Ils en ont, de la volonté,
mais c'est difficile d'arrêter de fumer. Et, si on réussissait à enlever
ça de la tête des gens, peut-être qu'à ce moment-là ça serait plus facile.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Je pense qu'une des notions qu'il faut dire aux gens, d'emblée, c'est : C'est
une dépendance. Il faut vraiment le voir comme une maladie.
Lorsque quelqu'un a réussi à arrêter de fumer, c'est
quoi, le conseil que vous lui donnez, le plus fréquent, pour ne pas
recommencer?
M. Ostiguy (Gaston) : De ne jamais
en allumer une.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
O.K. Parce que je voulais savoir, je voulais savoir si je donnais le bon
conseil, là.
M. Ostiguy (Gaston) : Ne jamais en
allumer une.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : C'est probablement le seul conseil que je dis
après, là. Je dis : Si vous y retouchez une fois, vous êtes
recommencé.
M. Ostiguy (Gaston) : C'est comme
les alcooliques.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Oui, c'est sage. Il y en a qui disent que c'est pire, mais, en tout cas…
M. Ostiguy (Gaston) : C'est vrai.
Vous avez raison.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. J'aimerais avoir de l'information.
Vous avez vu tout le dossier sur les
cigarettes électroniques, qui a pris beaucoup de place dans nos discussions
ici. Vous êtes un expert sur la cessation du tabagisme, vous connaissez
toutes les aides. Les médicaments que vous disiez, on les prescrit
régulièrement, puis il faut aider nos gens. Est-ce que vous pensez qu'il y a
une place pour un outil comme ça? Est-ce que ça prend plus d'études? Puis là je ne veux pas avoir de biais en
disant : Je suis contre d'emblée, là. Je veux dire, je pense qu'il faut
avoir des études par rapport à ça, mais j'ai
beaucoup de doutes. J'aimerais que vous me disiez qu'est-ce que vous en
pensez.
M. Ostiguy
(Gaston) : Bon, écoutez,
dans des situations aussi complexes que celle-là, ce n'est ni noir ni
blanc, c'est du gris. Alors, je dois vous dire qu'un bon nombre de patients qui
viennent à la clinique utilisent des cigarettes électroniques avec ou sans
nicotine. Avec nicotine, même si ce n'est pas permis au Canada, il y a quand
même des gens qui en
distribuent, et la majorité des gens se les font venir par Internet. Alors, c'est
certainement quelque chose qui est à réglementer, à réglementer dans ce
sens que c'est attrayant, c'est aromatisé. Donc, c'est sûr que, si on la rend disponible
facilement comme ça chez les dépanneurs, eh bien, à ce moment-là, les jeunes
vont essayer la cigarette électronique, et,
en peu de temps, ils vont devenir accros, et là ils vont switcher — excusez mon anglicisme, là — ils vont aller vers la cigarette
commerciale ou encore le pot, hein, la marijuana. Alors donc, ça a besoin d'être
réglementé.
Maintenant,
on voit trop souvent de gens qui disent que ça n'a pas été étudié. Non. Il y a des études qui ont été faites avec la cigarette électronique. Elles n'ont pas toujours
été faites pour savoir si les gens voulaient s'en servir pour cesser de
fumer. Il y en a qui ont été faites simplement pour savoir si c'était bien
acceptable, autrement dit, si ce n'était pas trop
irritant. Parce que vous avez ça sur le marché, vous avez ça sur le
marché, ce sont des inhalateurs de nicotine. Alors, quelle est la différence entre ça et la cigarette électronique?
C'est que ça, ce n'est pas aromatisé, et, en général, bon, les
gens n'auront pas... D'abord, c'est assez
dispendieux et ça se vend en pharmacie, même si ce n'est pas couvert par la
RAMQ, ça se vend en pharmacie et c'est disponible au comptoir. Mais ça n'a pas
un goût très, très agréable. Mais la cigarette électronique, malheureusement, elle est agréable au goût parce qu'elle est aromatisée. Et alors, à
ce moment-là, c'est sûr que, si elle est rendue disponible, rendue
disponible chez les dépanneurs comme ça, comme une barre de chocolat ou
une bouteille de Coca-Cola, eh bien, à ce moment-là, c'est sûr que ça serait excessivement dangereux, ça serait un
incitatif pour permettre aux jeunes de commencer à fumer.
Maintenant, est-ce que la cigarette
électronique... Dans notre clientèle, la cigarette électronique — et
dans la littérature aussi — a aidé des gens à cesser de fumer, a aidé
les gens à diminuer considérablement leur consommation de tabac. Et c'est bien évident qu'à ce que l'on
sache, à l'heure actuelle, elle est moins nocive que le tabac commercial,
hein, ça ne contient pas les 7 000 produits différents que contient
le tabac. Alors, essentiellement, ça contient de la nicotine et des arômes.
Mais, encore
là, malheureusement, on ne s'est pas penché sur tout ce que ça pourrait
contenir. Il n'y a pas de très, très bonnes analyses qui ont été faites.
Par exemple, bon, est-ce que ça peut être totalement inoffensif? Bien, vous avez ici un individu qui a utilisé la cigarette
électronique, il a développé une pneumonie lipidique — on n'a pas beaucoup de bons
traitements pour guérir une pneumonie lipidique, c'est assez sérieux — parce que, dans sa cigarette électronique,
il y avait des huiles, il respirait des huiles dans ses poumons. Alors,
c'est important que…
Si on permet
à la cigarette électronique d'être disponible dans certaines situations, dans
les cliniques de cessation tabagique par exemple, eh bien, à ce
moment-là, il faudrait absolument... Si on achète une boîte de soupe à l'épicerie,
on sait ce que ça contient. Bien, il faudrait, pour les cigarettes
électroniques, il y en a des dizaines sur le marché,
mais, si on en met quelques-unes, on en accepte quelques-unes sur le marché, au
moins savoir exactement ce qu'elles
contiennent; ce que l'on ne sait pas. Maintenant, dans le cadre d'une clinique
d'abandon tabagique, la cigarette électronique
s'est avérée utile, et de par les articles qui ont été publiés dans des
journaux sérieux et de par notre expérience.
L'autre chose aussi, c'est que vous avez des
individus qui sont dans des institutions de soins prolongés avec une qualité de vie absolument effroyable, hein? Et
moi, je me sens toujours un peu inhumain quand je vois de ces vieilles
personnes descendre en chaise roulante dans le stationnement de l'hôpital, ils
ont éteint leur oxygène, puis là ils s'allument
une cigarette commerciale alors qu'il fait moins 20 ° à l'extérieur.
Je pense qu'à ce moment-là ça ne nuirait
pas à personne si ces gens-là pouvaient disposer d'une cigarette électronique
dans leur lit d'hôpital, en attendant de... en attendant ce que l'on
sait.
Donc, il y a peut-être certaines circonstances…
Comme je dis, ce n'est pas noir et blanc, c'est gris. Il y a peut-être certaines circonstances où ça pourrait
être utile, mais ça a besoin d'être réglementé et ça a surtout besoin
que, celles qui sont mises sur le marché, on sache exactement ce qu'elles
contiennent.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, Dr Ostiguy, parce que je trouve
que vous faites une belle nuance. Et puis ce que je comprends, quand c'est disponible au dépanneur, ce n'est peut-être
pas ça qu'on devrait avoir, mais ça pourrait être un outil utilisé dans certaines circonstances. Ça, je
pense que... des fois, les gens... J'ai dit à des gens, dans les derniers
jours, qu'il y avait peu de crédibilité dans
ce qu'ils apportaient, mais, vous, j'accorde beaucoup de crédibilité à votre
expérience.
M. Ostiguy (Gaston) : J'en ai, des
patients qui l'utilisent.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
L'autre élément, les compagnies de tabac nous ont fait mention qu'ils veulent développer des produits pour amenuiser les effets
néfastes de leurs propres produits. Donc, c'est une stratégie, moi, ce
que je disais, marketing. À votre connaissance, il y a-tu des nouveaux produits
qui pourraient avoir cette efficacité-là ou on est encore dans le rêve?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Ostiguy.
M. Ostiguy (Gaston) : Est-ce que
vous parlez de la cigarette moins nocive?
• (16 h 50) •
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Oui. Leur argument, c'est de dire : Vous savez, il va se développer des
nouveaux produits, donc on peut continuer à fumer; un jour, il va y avoir
quelque chose qui va être moins nocif.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Ostiguy.
M.
Ostiguy (Gaston) : Bon, il faut savoir une chose, je reviens sur la
personnalisation, l'individualisation de l'approche, c'est qu'il n'y a pas un
fumeur qui fume de la même façon. Et ça, nous, on a un peu imité l'approche de la clinique Mayo. Et tous nos patients, quand ils
viennent à l'hôpital, à leur première visite, ils ont une mesure de la
cotinine sanguine, qui est un excellent marqueur, qui est un métabolite de la
nicotine, qui est un excellent marqueur. Et, si la moyenne d'un fumeur a un taux de cotinine sanguine d'environ 200 à 250,
on a des variations qui vont de 150 puis… On en a eu un qui était à 900.
Il y en a un qui était à 900. Son médecin nous l'a envoyé parce qu'il avait
probablement des problèmes de glandes
surrénales, elle voulait mesurer… je m'excuse, je ne voudrais pas être trop
technique, là, mais les catécholamines
dans ses urines, et, comme ça interférait avec la… la nicotine interférait avec
ce test de laboratoire, elle ne pouvait pas le faire.
Mais
il n'y a pas un fumeur qui fume de la même façon. Alors, selon… Le nombre de
cigarettes, c'est une chose, la quantité de nicotine que la cigarette
contient, c'est une chose, et la façon dont les gens fument, c'est une autre
chose. Et, pendant des années, les manufacturiers du tabac ont dit : Ah!
Bien, oui, on va avoir des cigarettes plus douces, moins nocives. Tout ce que les gens font à ce moment-là, c'est qu'ils
fument différemment : ils bouchent les pores qui existent dans le filtre, ils respirent plus
profondément, ils retiennent leur souffle plus profondément, et, si vous
mesurez leur cotinine sanguine, vous arrivez exactement au même résultat.
Alors, ça, je pense qu'on a encore du chemin à faire avant d'avoir une
cigarette moins nocive.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, j'ai eu ma réponse.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Dr Ostiguy, bonjour.
M. Ostiguy
(Gaston) : Bonjour.
Mme
Vallée : Je profite de votre expertise, peut-être, pour vous
questionner sur toute la question de la chicha et des salons de chicha, des effets de cette fumée-là sur
les jeunes, sur ceux qui en consomment. On parlait tout à l'heure des jeunes fumeurs auxquels on devait s'attarder, puis
j'ai l'impression que ces salons de chicha là vont chercher justement
cette clientèle-là, 18 ans et plus,
jeunes, «trendy», qui cherche à trouver les moyens différents de s'amuser.
Est-ce que, dans votre pratique, vous avez croisé des gens qui
consommaient ça? Parce que, je dois vous avouer, on a eu des échanges ici entre
les membres de la commission, on ne connaît pas beaucoup ça.
M. Ostiguy
(Gaston) : Où demeurez-vous?
Mme Vallée :
Moi, je demeure à Maniwaki.
M. Ostiguy (Gaston) :
Bien, écoutez…
Mme Vallée :
Il n'y en a pas, de salons de chicha, à Maniwaki, je dois vous dire.
M. Ostiguy (Gaston) : Non? Bon, bien, écoutez, moi, je vous inviterais à… Moi, je demeure
actuellement à ville Saint-Laurent. Alors, je vous inviterais à venir
vous promener sur Côte-Vertu, entre la 15 et Décarie, et vous avez des salons de chicha, là, à toutes les deux
portes, parce que c'est un endroit très… avec énormément d'ethnies, et
beaucoup d'ethnies qui viennent du
Moyen-Orient. Donc, une belle journée comme ça, là, Côte-Vertu et Muir, là,
vous allez avoir 50 fumeurs de chicha, là, qui sont là, qui fument
à l'extérieur.
Mme
Vallée : Mais je suis pas mal plus intéressée par les effets
sur la santé que… De les voir, je vous avoue, ça ne m'intéresse pas
particulièrement, c'est plutôt les effets sur la santé qui me préoccupent.
M. Ostiguy
(Gaston) : Vous ne voulez pas l'essayer?
Mme Vallée :
Non, pas vraiment.
M. Ostiguy (Gaston) : Bien, ça aussi, hein, c'est aromatisé, alors, ça aussi, c'est plaisant
dans ce sens. Les gens qui préconisent
le chicha ou le houka, bien, ils vont dire, bien, vu que c'est filtré dans l'eau,
qu'il y a moins de problèmes. Mais, en fait, si on fait l'analyse des
particules, des infraparticules inférieures à 2,5 microns, là, il s'en
dégage quand même énormément dans la fumée de chicha. Et, dans ce contexte-là…
Encore là, je peux vous dire que, même si on décèle une population avec des
ethnies fort différentes, il y a très peu de gens qui viennent à l'hôpital,
soit à la clinique externe ou… qui sont
hospitalisés à cause de dommages pulmonaires en relation avec le fait de fumer
de la chicha. Parce que, dans tout
ça, il faut toujours prendre en considération qu'il y a la relation dose-effet,
hein? Fumer une cigarette, on fume ça
en l'espace de 10 minutes, 15 minutes, hein? Une pipée de chicha, là,
ça peut durer une bonne partie de la soirée. Alors, la quantité que les gens consomment, ça, c'est une chose, hein? Il y a également
la toxicité du produit qui en est une autre. Et, troisièmement, il y a toujours
les mécanismes de défense que les individus ont.
Alors, théoriquement, il semble se dégager de la
fumée de chicha autant de miniparticules que dans la fumée de cigarette, et,
dans les salons où ça a été mesuré, si on mesure dans l'air ambiant, le taux de
miniparticules est aussi important que dans les endroits où on fume la cigarette. Maintenant, les
fumeurs de chicha, est-ce qu'ils sont d'aussi gros fumeurs que les
fumeurs de cigarettes et est-ce que c'est dans ce contexte-là que ça a moins d'effets
sur leur santé? Je ne peux pas répondre à votre question.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau, il vous reste 2 min 30 s.
M. Ostiguy (Gaston) : Mais…
Mme Vallée : Je vais céder…
M. Ostiguy (Gaston) : … — excusez-moi — mais l'Organisation
mondiale de la santé le décommande.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Bourassa-Sauvé, il vous reste 2 min 30 s.
Mme de Santis : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup. J'apprécie énormément comment vous
nuancez vos réponses. Le monde n'est pas noir ou blanc, c'est très gris la
plupart du temps.
J'aimerais
revenir à quelque chose que vous avez dit. Vous avez dit qu'on devrait
cibler un peu plus les jeunes adultes, mais vous avez aussi
dit qu'on n'a pas besoin de campagne de sensibilisation additionnelle parce qu'il
y en a assez. D'après vous, comment on devrait cibler les jeunes adultes? Qu'est-ce
qu'on devrait faire?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Ostiguy.
M. Ostiguy
(Gaston) : Bon. Je pense qu'il y a deux arguments auxquels ces
gens-là sont très sensibles, hein, c'est le coût financier du tabagisme. Alors, ces gens-là, ils commencent,
souvent, leur famille, alors ça coûte cher de fumer. J'en ai vu un ce matin, ça fait juste quatre semaines
qu'il ne fumait plus, il dit : J'ai déjà mis de côté 1 600 $. En
général, on calcule que ça coûte
environ 3 000 $... Quelqu'un qui arrête de fumer sauve, épargne
environ 3 000$, 3 500 $ par année. Donc, ils sont très
sensibles à l'effet économique.
Ils sont
sensibles également au fait qu'ils deviennent des pères ou des mères de famille
et qu'ils ne veulent pas que leurs
enfants fument. Et, troisièmement, peut-être que la meilleure façon aussi de
les rejoindre, ça serait à travers leurs employeurs, à travers leurs
employeurs. Ça se faisait beaucoup autrefois, ça se fait beaucoup moins
maintenant. L'Association pulmonaire, pendant des années, allait dans l'industrie,
rencontrait les employés pour leur parler du tabagisme.
Et, depuis ce temps-là, il s'est développé beaucoup d'outils et beaucoup d'arguments
qui pourraient peut-être les aider à les convaincre davantage.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est
écoulé. Pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci,
M. le Président. Merci, Dr Ostiguy. Allo! C'est très, très agréable de
vous entendre, effectivement, et l'expérience
que vous avez aussi. Moi, j'aimerais vous entendre nous dire, bon, depuis le
nombre d'années que vous traitez des
patients pour… à la clinique, là, pour cesser de fumer, selon vous, c'est quoi,
la méthode… Je sais que c'est personnalisé, mais il y a-tu une méthode
qui est plus efficace que les autres?
M. Ostiguy
(Gaston) : Bien, les bases
des interventions demeurent une pharmacothérapie individualisée et un
bon counseling pour que les gens évitent, à ce moment-là, ce qu'on appelle les
incitatifs, les «cues» qui les portent à fumer, et ça, ça peut être fait… Ce n'est
pas nécessaire que ce soit fait par un médecin, ça peut être fait par un autre professionnel de la santé. Et les deux sont
nécessaires, et le suivi… 50 % des gens qui veulent cesser de fumer
rechutent durant les deux premières
semaines, elles sont cruciales. Et je dis souvent à mes confrères : Si
vous voyez une pneumonie, vous n'attendrez
pas trois mois pour faire une radiographie pulmonaire, si vous prescrivez de l'insuline,
vous n'attendrez pas un mois avant de
vérifier sa glycémie, hein? C'est la même… alors, pourquoi… C'est un peu une
espèce de mauvaise habitude que les
docteurs ont, c'est de donner des rendez-vous aux trois mois, hein? C'est comme
si tout avait besoin d'être vu seulement aux trois mois. Mais, pour le
tabagisme, c'est très important, et ça, ce suivi serré peut être fait pas nécessairement par un médecin, par un autre
professionnel de la santé qui est habilité et qui est formé dans ce
domaine-là.
Mais, quand
on regarde les causes d'échec, bien, à part des situations émotionnelles qui
sont importantes, c'est que les gens
ont dit : Ah! ça fait deux semaines que je ne fume pas, je vais en prendre
une, je vais l'essayer, je vais être capable. Les traitements, au départ, ne sont pas suffisamment intensifs. Les
doses de pharmacothérapie que l'on administre
ne sont pas assez fortes, le traitement n'est pas assez long. C'est peut-être
des choses que je devrais dire à l'INESSS, pas ici, mais c'est ça pareil.
• (17 heures) •
Mme
Daneault : Non,
non, non, c'est bon ici.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci. Non, c'est excellent ici. Donc, ce qu'on
recommanderait, c'est d'avoir un suivi plus serré dès qu'on prescrit une
médication à des patients qui cessent de fumer, en dedans de deux semaines.
Est-ce qu'on pourrait
penser avoir… Parce que maintenant, de plus en plus au Québec,
on a des groupes de médecins de famille qui sont impliqués dans le
traitement, mais avec des infirmières qui supportent nos traitements. Est-ce qu'on
pourrait penser que d'avoir… Je
reviens : Est-ce que la thérapie individuelle est meilleure que celle en
groupe? Est-ce qu'on pourrait… Bon,
admettons qu'on voit un patient une première fois, on lui prescrit une
médication, est-ce qu'on devrait le joindre à un groupe après? Parce qu'on
sait, entre autres pour les alcooliques anonymes, que ça marche d'avoir un
suivi de groupe et une thérapie de
groupe qui fait que, bon, dans le fond, on en reparle, on se motive en groupe.
Est-ce que, chez les fumeurs, c'est le même pattern ou pas du tout? Ou
je…
M. Ostiguy
(Gaston) : Là, je ne
voudrais pas couper les jambes au Dr Gervais, là, mais nous, dans notre
clientèle, les gens, on avait des sessions
de groupe dans le passé. On les a abandonnées parce que les gens n'en demandent
pas. Le genre de clientèle qu'on a demande un suivi personnalisé.
Maintenant,
moi, je divise toujours les fumeurs en trois catégories. Il y a des gens, vous
allez leur donner un peu d'information, un peu d'éducation, ils vont
cesser de fumer. D'ailleurs, on le sait, 75 % des fumeurs cessent d'eux-mêmes de fumer, sans aucune intervention d'un
professionnel de la santé et sans pharmacothérapie. Ils font ça d'eux-mêmes.
Il y a des gens qui ont besoin d'un petit
coup de pouce pour cesser de fumer, et, à ce moment-là, ils peuvent
bénéficier de counseling et de
pharmacothérapie. Et il y a les gens qui sont des gens très dépendants, qui ont
besoin d'une approche beaucoup plus serrée et beaucoup plus sévère.
Alors, les sessions de groupe, je pense que ça
dépend du genre de clientèle que vous avez. Si vous avez une clientèle d'individus qui est très dépendante de
la nicotine, à ce moment-là ce genre de patients là ne demandent pas d'avoir
une thérapie de groupe. Donc, on n'avait pas
assez de gens, nous, qui le demandaient pour en faire. Mais, pour un
autre groupe de fumeurs moins dépendants, ça pourrait certainement réussir.
Le Président (M. Bergman) :
Malheureusement, le temps s'est écoulé. Voulez-vous ajouter? M. Leroux.
M. Leroux
(Mathieu) : Oui, j'aurais
juste apporté une petite information supplémentaire. Vous avez parlé des
groupes de médecine familiale. Oui, c'est vrai que c'est superpertinent, mais
on a aussi, au Québec, les réseaux des CSSS,
qui sont des centres de santé et de services sociaux dans la communauté, qui
pourraient offrir des programmes d'aide en arrêt tabagique, qui pourraient aider là où le médecin ne peut pas
être présent. Comme Dr Ostiguy disait, ce n'est pas obligé d'être
un médecin qui fait le suivi individualisé. Ça peut être une infirmière, ça
peut être… Nous avons des inhalothérapeutes
à l'Association pulmonaire du Québec. Donc, pourquoi ne pas utiliser les
réseaux que nous avons déjà pour offrir ces services de proximité là?
Le
Président (M. Bergman) : Alors, malheureusement, le temps s'est
écoulé. Dr Ostiguy, M. Leroux, merci pour votre présentation, merci d'être
avec nous, ici, aujourd'hui. On vous remercie, on apprécie beaucoup.
Je demande l'Association des pneumologues de la
province de Québec de prendre leur place à la table. Et je suspends pour
quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à 17
h 4)
(Reprise à 17 h 6)
Le Président (M. Bergman) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, Dr Beaupré, on vous souhaite la
bienvenue, l'Association des pneumologues de la province de Québec. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie
d'un échange avec les membres de la commission. Pour les fins de transcription,
votre nom, votre position, et le micro, c'est à vous.
Association des
pneumologues de
la province de Québec (APPQ)
M. Beaupré (Alain) : Alors, je m'appelle
Alain Beaupré. Je suis pneumologue, je m'occupe des maladies respiratoires. Je travaille à l'Hôpital
Maisonneuve-Rosemont et je travaille également à l'Institut de cardiologie. Dr Bolduc,
vous me connaissez pour traiter les malades pulmonaires à l'urgence. Et je m'occupe
également de l'enseignement, je suis professeur clinique à la Faculté de
médecine de l'Université de Montréal.
Je suis ici
comme représentant, comme président de l'Association des pneumologues de la province de Québec.
Alors, notre sigle, c'est APPQ. Alors, tout de suite, je vous mets au parfum, parce
que c'est toujours
mélangeant. Alors, l'APQ, c'étaient les précédents, c'est l'Association
pulmonaire du Québec. Ils représentent, de façon succincte, les malades, et nous, nous représentons les
pneumologues. L'APPQ est une association syndicale, je fais partie de la FMSQ.
Avant d'aller plus loin, je dois vous dire que
je suis bien conscient que je suis le dernier présentateur, que vous avez eu deux journées de présentation, que je
vais redire ce que tout le monde a dit et puis que tout le monde est
parti, comme d'habitude, à la dernière présentation. Donc, je présume que vous
aurez moins de questions, qui seront moins longues, peut-être. Mais je vais
faire mon possible, et puis je m'excuse à l'avance, c'est la première fois que
je participe à une audience publique. Donc,
je vais faire des impairs, je ne suivrai pas le protocole, mais la prochaine
fois, ça sera meilleur.
Alors,
je représente 245 pneumologues qui sont évidemment spécialisés dans la
prévention, dans le diagnostic et puis le traitement des maladies
respiratoires. On est évidemment concernés par la lutte contre le tabac. Vous comprenez qu'on est très bien
placés pour voir les ravages du tabac, pour voir toutes les maladies que ça
cause. Je n'ai qu'à mentionner le cancer du poumon, l'emphysème et la
bronchite chronique, puis vous comprendrez qu'on est très sensibilisés à ces
maladies.
Avant
d'aller plus loin, je voulais remercier la commission pour l'invitation qu'elle a faite à l'association. C'est une
première pour nous, et on apprécie beaucoup. Je voudrais aussi profiter de l'occasion
pour faire un remerciement. Je ne sais
pas s'il a été fait, mais il me semble pertinent quand j'ai regardé l'ensemble
des documents. Je tiens à souligner le travail
exceptionnel de tous les députés de l'Assemblée
nationale qui, depuis 1998, ont
participé, avec des votes, je crois, à l'unanimité,
sans ligne partisane, à mettre en place des programmes antitabac. Je vous
félicite, c'est le genre d'exercice qu'on apprécie, qu'on souhaite voir
souvent.
La
loi a eu des impacts positifs, et vous avez fait un rapport qui en témoigne. Je
ne vais pas réviser le rapport avec vous, vous le connaissez, vous l'avez
vu. Et je ne vais même pas parler des différents chapitres. Je pense que c'est inutile,
tout le monde en a parlé. On reconnaît de façon globale, comme association, que
le rapport est exact. On peut chipoter sur différentes conclusions, regarder la
façon dont les chiffres sont pris, mais, en général, on conçoit, puis ça va, je dirais, avec la vision générale qu'on a de
la société, que la loi a été efficace, qu'effectivement le tabagisme a
diminué, en tout cas certainement, là, l'exposition
à la fumée secondaire. Tout n'est pas parfait, il y a encore des choses à
améliorer, mais on est contents de ce qui s'est fait puis, comme association,
comme pneumologues, on apprécie le travail que vous avez fait.
Évidemment, on a noté
les succès enregistrés, mais il y a encore des enjeux qui ne sont pas résolus,
il y a beaucoup de chemin à parcourir, et on vous offre quelques commentaires
comme ça qui vont sûrement recouper... Je n'étais
pas là à toutes les… aux deux journées, mais, les deux heures auxquelles j'ai
assisté, c'est évident que les gens disent beaucoup de choses
similaires. Avant d'aller plus loin, je veux dire une vérité de La Palice,
mais je ne sais pas si les gens l'ont dite,
mais on souhaite le maintien intégral des mesures de la loi de 2005, au cas où
il y aurait des gens qui auraient osé suggérer qu'il faudrait les diminuer.
On espère, au contraire, que vous allez les maintenir, et on a même des
recommandations pour peut-être les accentuer.
• (17 h 10) •
Je souligne à nouveau
l'élément qui a été souligné par les trois présentateurs précédents : le
tabac crée la dépendance. Il y a
encore des Québécois qui fument, une partie de ceux-là sont des gens
très dépendants qui ont beaucoup de
difficultés à arrêter. Ils ont besoin de soins médicaux, ils ont besoin d'aide.
Et ces gens-là ne sont pas des criminels, ce ne sont pas
des monstres, et il faut s'en occuper.
En raison de cette
dépendance au tabac — et
vous avez, dans le document que je vous ai laissé, une série de mesures, que je
vous ai mises à la dernière page, qui sont les recommandations sous forme d'un
tableau plus facile à suivre — nous vous recommandons de résister et de ne
pas criminaliser l'utilisation du tabac. Ce serait tout à fait contre-productif. Ce serait rendre criminels des gens qui
sont dépendants du tabac, et on sait que la prohibition, ça ne marche pas. Au contraire, il faut continuer ce qu'a
amorcé la loi, c'est-à-dire créer une société où ça devient de moins en
moins acceptable de fumer, mais sans criminaliser la chose. Alors, je crois que
c'est assez clair, et sûrement d'autres l'ont dit avant moi.
Dans
le sens de l'arrêt du tabac, il y a plein de mesures qui sont notées dans le
rapport, avec lesquelles on est tout à fait en accord. Et on en a ciblé
trois qui nous semblaient importantes, elles ont été reprises par les gens qui
ont passé avant moi.
La
première, ce sont les cliniques d'abandon du tabac qui ont été développées dans
les communautés. En passant, je me
présente seul. Normalement, j'aurais dû avoir Gaston Ostiguy ici puis j'aurais
dû avoir André Gervais à côté de moi, mais,
comme on représentait différents organismes, je me retrouve seul. Mais vous
comprenez que j'aurais eu Dr Ostiguy qui vous aurait parlé des
cliniques d'abandon du tabac, elles sont très importantes — mais
il vous a aussi décrit sa clinique au Montréal Chest — de
cliniques hospitalières, et celles-là, malheureusement, ont été sous-estimées.
Les
pneumologues que j'ai consultés… En passant, j'ai envoyé votre rapport aux
245 pneumologues par courriel. J'ai
demandé qu'on me renvoie des courriels, des commentaires, et ce que je vous
apporte, c'est le résumé synthèse de ceux qui m'ont répondu, et je viens
un peu témoigner pour eux autres. Sans vous apporter de grandes statistiques,
je témoigne pour les pneumologues et les patients. Alors, les pneumologues m'ont
souligné le fait que ces cliniques hospitalières,
qui sont très efficaces… Vous avez vu ce que fait Ostiguy, bien, il y en a d'autres
qui le font. Il y a André Desjardins,
de Sacré-Coeur, qui aurait pu être avec moi. Ça marche, mais c'est surprenant
qu'il n'y en ait pas dans tous les hôpitaux, c'est surprenant qu'on ne
les encourage pas, puis même, des fois, on ne les finance plus. Alors, je pense
qu'il faut que vous preniez ça en note et que vous augmentiez ces cliniques.
Je
souligne également les traitements pharmacologiques; Dr Ostiguy en a parlé
beaucoup. Je veux souligner un point,
c'est le remboursement de ces produits-là. Il y a deux choses qui, pour nous,
doivent être améliorées. Le premier, c'est qu'on ne rembourse qu'un
arrêt… un traitement pharmacologique par année. Vous comprendrez que ce n'est pas tout à fait pratique : si quelqu'un
commence, essaie d'arrêter, rechute, veut recommencer, bien, il faut qu'il
attende un an avant qu'on puisse rembourser à
nouveau son produit. C'est peut-être économiquement intéressant pour le
gouvernement, mais ce n'est pas intellectuellement valable pour un malade.
Également, on les rembourse pendant trois mois, ce qui est insuffisant. Je vous
donne un exemple pris entre autres, là, mais, le patient qui commence son
traitement, qui tombe malade, qui est hospitalisé puis qui ressort, bien, ses
trois mois vont être écoulés, puis il n'aura pas
assez de temps pour arrêter de fumer. Donc, ceci devrait être évalué puis ça
devrait être augmenté. Pour nous, c'est une mesure claire qui
permettrait l'arrêt du tabagisme, toujours en fonction de la dépendance, puis
particulièrement dans les clientèles très dépendantes que vous décrivait
Dr Ostiguy tout à l'heure.
On a regardé la
possibilité d'ajouter des mesures législatives additionnelles. Il y en a plein
qui peuvent être suggérées. On a retenu quelques-unes qu'on voudrait vous
soumettre, qui sauront ou pas vous plaire, mais qui, nous, nous semblent importantes. La première — Gaston vous l'a soumise — quant à nous, de voir nos patients qui
doivent traverser le piquet non pas de
grève, mais le piquet de fumeurs avant de rentrer à l'hôpital, ça nous semble
illogique, et on vous suggère très
fortement que l'ensemble du territoire des établissements de santé soit déclaré
non-fumeur, pas juste la zone de neuf mètres autour. Ça n'a pas d'allure
qu'on fume dans les établissements de santé, c'est clair pour nous.
C'est clair
également qu'on devrait, pour nous en tout cas, continuer de diminuer l'exposition
à la fumée secondaire en interdisant complètement de fumer sur toutes
les terrasses des restaurants et des bars. On n'est pas inquiets. Ils ont crié fort, ils allaient faire faillite. Personne n'a
fait faillite, ils sont encore là. Les gens se sont adaptés, puis ce n'est
pas parce qu'on ne fumera pas sur les
terrasses que les restaurants vont fermer puis qu'il va y avoir une crise
économique au Québec. Au contraire, on diminuera l'exposition, et des employés
et des personnes qui sont dans ces terrasses-là, à la fumée secondaire.
On pense aussi que, tant qu'à être logique, il
faudrait interdire de fumer dans toutes les chambres des établissements
d'hébergement et de l'industrie touristique. C'est peut-être drastique, mais en
tout cas c'est sûrement logique si on croit que
le tabac n'est pas quelque chose de souhaitable. Et, encore une fois, le
fait d'avoir mis des mesures n'a pas fait faire faillite aux hôpitaux… aux hôtels, pardon, et je crois qu'on
pourrait encore pousser un petit peu plus loin. Ça peut être étapiste, ça peut
être tout fait en même temps, mais c'est sûrement un élément auquel on doit
penser.
Dans les établissements d'hébergement chronique,
ça, c'est compliqué. C'est effectivement une zone grise, Dr Ostiguy en a parlé, mais il reste qu'il y a des
patients qui sont là qui sont des non-fumeurs, qui sont dans une chambre
à côté d'un patient qui fume. En quelque
part, ça ne marche pas. Est-ce qu'on doit avoir des fumoirs? Probablement, s'ils sont bien ventilés, s'ils sont bien faits, où les patients peuvent aller
fumer. Mais de continuer à permettre à des patients, même chroniques, de
fumer dans une chambre d'établissement chronique à côté de patients qui ne
fument pas, en tout cas il y a quelque chose
d'illogique là-dedans, tout en reconnaissant que ce n'est pas un sujet facile.
C'est un sujet émotif puis peut-être pas facile, mais en tout cas on
vous le soumet. On ose le soumettre.
On est assez
d'accord avec l'idée des emballages neutres et standardisés. C'est clair que c'est
quelque chose qui diminuerait l'attrait des produits du tabac, et on n'est
pas trop inquiets de le suggérer.
J'ai osé… C'est
un petit peu une recommandation personnelle, puis je vous prie de l'excuser
puis de ne pas me crucifier pour
celle-là, mais, en quelque part — pour être aussi transparent que l'était tout
à l'heure Dr Ostiguy — s'il y a du produit
de contrebande, il faut bien qu'il vienne d'en quelque part. Je veux bien
croire que les gens qui font la contrebande
le cultivent, le récoltent et le font sécher, mais il doit y avoir, peut-être,
d'autres gens qui font ça et, si on peut prouver… tant mieux si ce n'est
pas le cas, mais, si on peut prouver qu'il y a des gens qui les fournissent,
ces contrebandiers-là, il devrait y avoir
des sanctions pour ceux qui les fournissent. Ce n'est peut-être pas dans la
Commission de la santé, mais c'est peut-être
des commissions juridiques, mais, en quelque part, ça nous semblerait logique,
de la même façon que Dr Ostiguy vous
suggérait qu'on devrait surveiller ceux qui distribuent ces produits-là. Alors,
est-ce que c'est faisable ou pas? Je sors de ma zone de confort. Ce n'est
pas de la médecine, mais, en quelque part, on ose vous le proposer; puis, quand
j'ai montré cette proposition-là, les gens l'ont acceptée.
Enfin, je
termine en vous soulignant que le budget attribué à la prévention et à la lutte
est intéressant. En faisant mes devoirs ce matin dans le train, je me
suis aperçu que j'avais fait une erreur : ce n'est pas juste
20 millions, parce qu'il faut rajouter
12 millions pour les produits d'arrêt du tabac puis un autre
5 millions pour les cliniques antitabac, d'abandon du tabac. Mettons 32 millions, là, pour faire
un chiffre rond, mais ça me semble un budget fort modeste comparé,
mettons, aux taxes sur le tabac et comparé aux coûts qu'entraînent les maladies
pulmonaires reliées au tabac. Donc, on vous suggère
de trouver une façon de proposer une augmentation de ce budget-là, en
particulier s'il pouvait servir à payer les remplacements
pharmacologiques et à augmenter le nombre de cliniques, en identifiant bien ces
choses-là.
Je
termine — j'espère
que je n'ai pas dépassé mon temps — en remerciant la commission, le gouvernement
du Québec puis tous ses députés de leurs
efforts, encore une fois, dans une ligne non partisane. L'APPQ appuiera
toujours le gouvernement dans ses mesures
pour diminuer le tabagisme. Et, encore une fois, le rapport montre bien les
améliorations apportées mais le chemin qu'il reste à parcourir.
Alors, je
termine là. Je ne pourrai pas répondre à toutes les questions statistiques
précises — mes deux
acolytes ne sont pas là — mais
ça me fera plaisir de répondre comme médecin qui voit des malades, qui traite
au moins trois cancers du poumon nouveaux
par semaine puis qui en voit au moins deux mourir en les accompagnant, qui voit
des patients souffrant d'emphysème,
qui s'occupe du service des soins à domicile respiratoires de Montréal, qui
donne de l'oxygène aux patients, puis qui, des fois, doit le refuser
parce que ces patients-là fument encore. Je peux vous en raconter tant que vous voulez, mais c'est clair que, pour nous, il
faut aider ces gens-là. Ce sont les plus dépendants du tabac. Il faut qu'ils
arrêtent de fumer, puis tout ce qui a été dit, j'espère, va vous encourager à
proposer des mesures qui vont diminuer… Même une petite diminution, c'est ça.
Alors, j'arrête là, puis je sais que le temps est long, puis je vous laisse me
poser des questions.
Le
Président (M. Bergman) : Dr Beaupré, merci pour votre
présentation. On apprécie beaucoup. Alors, le bloc du gouvernement, Mme
la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Merci, M. le
Président. Bonjour, Dr Beaupré. Ça me fait plaisir de vous rencontrer.
• (17 h 20) •
Vous nous avez parlé un petit peu de votre
clientèle, mais j'aimerais ça que, comme pneumologue, vous nous dressiez un
portrait non seulement de votre clientèle à vous, mais de la clientèle moyenne
des pneumologues et que vous
nous fassiez un lien entre le tabagisme et le type de client, le portrait de votre clientèle et les
liens que vous faites avec le tabagisme.
M. Beaupré
(Alain) : Bien, écoutez,
de façon approximative, là, mais je dois avoir 50 % de ma clientèle que je vois parce qu'elle fume. Alors, j'ai un conflit d'intérêts,
là, en passant, je devrais leur dire de continuer à fumer pour continuer
à travailler. Vous comprenez que ce n'est
pas ce que je fais. Mais effectivement le nombre de malades que je vois à
cause de ça, c'est impressionnant.
Chez nous, on a développé une forme d'expertise
pour le traitement du cancer du poumon. On se concentre beaucoup... On est un centre suprarégional de niveau 3, pour ce que
ça veut dire, là, mais, bref, ça veut dire qu'on voit beaucoup de cas de cancer du poumon qui nous sont
envoyés. Puis c'est assez catastrophique de voir... Il y a des gens plus
âgés où on dit : Bon, il faut qu'il
arrive quelque chose, mais on voit de plus en plus de gens jeunes qui se
présentent avec un cancer du poumon,
avec une espérance de vie qui n'est pas très bonne, hein? Effectivement, ce que
disait Dr Ostiguy tout à l'heure,
si vous avez un cancer du sein, ce n'est pas le fun, mais vous avez des chances
d'avoir des traitements efficaces puis peut-être que vous allez guérir
puis vous allez peut-être avoir une très bonne survie.
Le cancer du
poumon, même s'il y a des avancées, même s'il y a des choses, c'est un cancer
hypocrite, il n'est pas détecté
facilement. Quand il arrive avec des symptômes, il est souvent trop tard, il
est avancé, on ne peut plus l'opérer, le guérir, il faut qu'on fasse de la chimio, de la radiothérapie. C'est des
traitements lourds, pénibles, puis ça a des impacts sur le patient, sur sa famille, sur la société. Je
peux vous dire, quand j'ai un patient comme ça devant moi, là, ce n'est
pas le fun, puis c'est encore moins le fun
quand je le revois six mois après, qu'il vient à l'urgence pour que je l'hospitalise
pour décéder dans mes lits. C'est encore pire. Puis là, j'ai toute la famille,
puis bon, hein?
J'ai tous les
autres, mais… Ça, c'est toujours frappant, mais j'ai l'autre que c'est beaucoup
moins frappant, mais c'est aussi pire, c'est mon patient qui fait de l'emphysème.
Lui, il n'est pas en train de mourir, il va mourir pendant 10 ans essoufflé. Pendant 10 ans, c'est
comme s'il avait monté deux escaliers, il n'est plus capable de respirer, même
quand il ne fait rien. Puis il va être là 10 ans, à chaque seconde, à
chaque minute, à chaque heure, il va avoir de la misère à respirer. Il va se retrouver avec de l'oxygène, il
va faire deux pas, il faut qu'il arrête; je lui donne des pompes. Il va
revenir à l'urgence, il va être hospitalisé,
il va passer 48 heures et plus à l'urgence. Il va monter sur l'étage, je
vais le soigner, il va sortir, il va
revenir. Je lui envoie les soins à domicile. C'est une pauvre clientèle qu'on
ne voit pas. C'est vrai qu'ils sont sous-estimés, les gens n'en parlent
pas, ça ne suscite pas l'empathie.
Moi, j'ai
arrêté de fumer quand j'avais 22 ans. Je fumais depuis 15 ans, je
fumais un paquet et demi. Dans ma génération,
tu étais un homme parce que tu fumais, tu avais ton paquet de cigarettes
icitte, puis c'est de même. Mon premier patient que j'ai vu en médecine, c'était avec un gars qui s'appelait
Gilles Provost, il était pneumologue. C'est souvent le premier patient qu'on
voit, le premier médecin qui fait notre spécialité. Ce patient-là avait de l'emphysème.
J'ai eu tellement peur quand je l'ai vu que
j'ai dit : Moi, j'arrête de fumer, peu importe. Ça a été bon. J'ai même
fait un accident d'auto tellement que
j'étais en sevrage de mon tabagisme. Mais je n'ai pas recommencé. À chacun sa
façon. Mais c'est une maladie. Vous me demandez de parler des maladies,
c'est effrayant, ces maladies-là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
Est-ce que vous êtes en mesure de faire des liens, par exemple, avec la
prévalence de certaines maladies, par exemple l'asthme? Est-ce que je me
trompe si j'ai l'impression qu'il y a de plus en plus de personnes
asthmatiques? Et est-ce qu'il y a un lien à faire avec, par exemple, l'exposition
à la fumée secondaire du tabac?
M. Beaupré
(Alain) : L'asthme n'est pas
causé par le tabac. Ça, c'est le premier... Ce n'est pas comme la
bronchite ou l'emphysème, qui est directement causé par le tabac. L'asthme est
une maladie différente, mais elle est exacerbée par le tabac. Si vous êtes un asthmatique qui n'est pas bien contrôlé,
qui a de la misère, puis vous avez quelqu'un qui fume à côté de vous, ce n'est pas évident. On sait aussi,
chez les jeunes dont les parents fument, il va y avoir plus d'asthme.
Est-ce que c'est quelqu'un qui avait déjà
une tendance asthmatique, c'est plus développé parce que son parent fumait? Que
je sache, là, actuellement, en n'ayant pas
regardé la littérature d'hier matin, là, bien, il n'y a pas de relation
directe, mais il y a sûrement une
augmentation des symptômes si vous avez quelqu'un qui fume, encore plus si vous
êtes asthmatique puis que vous fumez.
Là, vous allez développer deux maladies : vous allez avoir votre asthme qu'on
traite, qu'on traite, puis, pendant
ce temps-là, vous fumez puis, de façon insidieuse, vous allez développer de l'emphysème.
Ça fait que, là, vous allez vous retrouver avec un asthme qui ne part
jamais. Ce n'est pas de l'asthme, c'est votre emphysème qui fait ça.
Alors, oui, ce n'est pas une bonne idée de fumer
quand on fait de l'asthme, mais je ne peux pas dire à un asthmatique : Ton
asthme est dû à ton tabac. Mais il n'est sûrement pas bien, parce que tu fumes.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Oui. J'aurais
une question aussi un peu plus technique. Vous savez, on parle beaucoup, là,
notamment, de l'impact de la fumée tertiaire, des particules qui peuvent
demeurer et qui peuvent être cancérigènes. Si
je prends quelqu'un qui est dans sa voiture, et qui fait deux, trois heures par
jour dans la circulation, dans le gros trafic, et qui respire des émanations de gaz des automobiles,
si je prends des personnes qui vivent à proximité des autoroutes, dans mon coin, par exemple, à Laval, où le trafic est
là pendant des heures, est-ce que…
quelle différence vous faites entre ce type
de polluants auxquels on peut être exposé et la fumée secondaire? Est-ce que
la fumée du tabac est nécessairement plus dommageable pour la santé que
les autres polluants qu'on peut respirer?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Beaupré.
M. Beaupré
(Alain) : Oui. Je vais
essayer de répondre. Pour la partie secondaire, je vais faire une deuxième
partie de réponse, mais la première, c'est
que c'est certain que la première cause qui cause des problèmes pulmonaires,
c'est la fumée de tabac. Donc, si vous êtes dans votre auto, puis vous fumez,
puis vous êtes enfermé, puis vous en fumez une dizaine… C'est la première
cause. À ça s'ajoutent d'autres causes. Si vous rajoutez la pollution, si vous
rajoutez les particules, ça va
juste augmenter encore votre risque. Si en plus vous travaillez dans l'amiante,
bien là, vous avez gagné le gros lot.
Là, là, vous êtes sûr d'en faire un ou presque. J'exagère, là, mais vos chances
sont… montent de 40 fois. Alors donc, c'est une addition de choses.
Pour la fumée
secondaire, là, vous me demandez de comparer. Est-ce que la fumée secondaire
est pire que d'avoir la pollution à côté de l'autoroute? Honnêtement, je
ne suis pas capable de vous répondre précisément, je n'ai pas… il faudrait… Vous me posez cette question-là,
je prendrais Internet, j'irais regarder puis je chercherais des articles.
Mais, moi, en tout cas, ce que je sais, c'est que la fumée secondaire en cause,
vous avez… Dans votre rapport, on le dit, on met 209 décès, là, dus à la fumée secondaire. Puis je suis sûr que c'est
sous-estimé, qu'il y en a beaucoup plus que ça. Ce n'est pas aussi pire que
de fumer, en termes de nombre, mais on dit que la fumée secondaire est peut-être
plus nocive. Alors là, on revient à ce que
disait Dr Ostiguy, la dose, la quantité, l'exposition, la durée, tout ça va
finir par faire… On disait… J'ai osé
faire ça… On a une mauvaise blague qu'on disait : Si vous voulez vous
débarrasser de votre conjoint, fumez,
faites-le respirer la fumée secondaire. Bon, bien, alors vous comprenez; mais,
tu sais, vous allez mourir avant. Alors, c'est ça.
Mais, ceci dit, moi, je ne nie pas la partie pollution.
Le problème, c'est que souvent les gens apportent ça pour nier l'effet de la cigarette. Alors, je pense qu'il ne
faut pas l'oublier, celui-là. Puis, oui, je suis prêt à rajouter la pollution,
je suis prêt à rajouter le radon, tout ça va s'ajouter, mais je ne dirai pas
que la cigarette n'a pas son impact, hein? Ça, jamais.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Oui, une autre
question : L'impact du tabagisme sur le système de santé au Québec. Par exemple, des personnes qui doivent subir une
anesthésie, il y a toujours la question où ça semble beaucoup plus
risqué et compliqué pour des personnes
fumeuses. Est-ce que vous êtes en mesure d'évaluer ou de nous démystifier un
peu l'impact de traitement médical… pas nécessairement lié au tabagisme,
mais quelqu'un pourrait se faire… devoir subir des traitements médicaux ou une
intervention pour d'autres types de problèmes, mais ces personnes-là sont
fumeuses. Est-ce que réellement c'est plus compliqué, c'est plus long, le
rétablissement va être plus difficile?
M. Beaupré
(Alain) : Ça fait partie de
ma vie. Dans mes consultations qu'on me demande de voir, sur les étages
ou à la clinique externe, on m'envoie des
patients qui sont des fumeurs, qui ont des symptômes, et on veut que j'évalue
quel est le risque opératoire qu'aura le
patient, et, pour faire ça, je dois mesurer la sévérité de sa maladie. C'est ce
qu'on appelle les épreuves de
fonction respiratoire. J'envoie donc quelqu'un souffler dans une machine, je
mesure le degré d'obstruction de ses bronches, je mesure si ça revient
avec un médicament, ce qui serait plus de l'asthme, puis j'ai d'autres tests
plus compliqués qui vont me montrer s'il y a de l'emphysème.
Pour
simplifier, plus il est malade, plus les risques qu'il ait des complications
postopératoires sont augmentés. Ça va dépendre du type de chirurgie. S'il
est opéré pour un ongle incarné, vous comprenez que ça n'a pas d'importance. Si
on l'opère pour un cancer du poumon, par hasard, le même gars que j'opère pour
un cancer du poumon, c'est un fumeur qui
fait de l'emphysème, vous comprenez que je dois évaluer. Puis il y en a qui
seraient opérables et guérissables, il ne sera pas opéré parce qu'il est
trop malade. Si je l'opère, il ne lui reste plus assez de poumon pour respirer.
Alors, je vous ai donné les deux…
Alors,
le spectre… Si vous êtes opéré pour une vésicule biliaire puis vous êtes un
emphysémateux, vos risques, après l'opération,
que vous ayez une pneumonie, que votre poumon ne fonctionne pas bien, que vous
restiez à l'hôpital 10 jours de plus, que vous attrapiez un autre
microbe parce que vous êtes resté 10 jours de plus sont nettement élevés. Alors, nous, on les voit, on évalue le
risque, on regarde, si la chirurgie n'est pas urgente, on va dire : Il
devrait essayer d'arrêter de fumer. On va
donner des médicaments, on va essayer de l'améliorer, puis après ça, une fois
qu'il est du mieux qu'on peut, on va
le faire opérer. On ne peut pas empêcher quelqu'un d'être opéré. Mais il y a
des gens qui ne seront pas opérés,
par exemple, pour le coeur parce qu'ils sont trop malades des poumons, puis là
le chirurgien cardiaque va avoir peur de
faire une opération parce qu'il n'est pas sûr qu'il va passer à travers l'opération.
Alors, certainement que ça a des impacts.
Le Président (M. Bergman) : Mme la
députée de Masson.
• (17 h 30) •
Mme
Gadoury-Hamelin :
Oui. Bonjour, Dr Beaupré. Merci. Merci d'être là, vous êtes notre dessert.
Alors,
écoutez, dans les recommandations que votre organisation fait, vous parlez de poursuivre l'implantation des centres d'abandon du tabagisme dans la communauté.
Il existe les CAT, qu'on appelle, les centres d'abandon du tabac, qui
sont rejoignables dans toutes les régions du Québec à partir du CSSS local.
Est-ce que vous faites référence à ces groupes-là? Est-ce que vous trouvez…
Est-ce que vous pouvez nous donner votre opinion sur la pertinence puis l'efficacité?
Ou vous voulez qu'on en rajoute d'autres, ou… J'aimerais ça vous entendre sur
ce sujet-là.
M. Beaupré (Alain) : Vous avez, je
pense, dans le rapport de la santé publique, une bonne analyse de leur efficacité, du nombre, tout ça. Je pense que je me
référerais à eux en disant… Ça semble être efficace, de toute évidence. Est-ce qu'il y en a
assez? En tout cas, il y a encore des patients qui n'arrêtent pas de fumer.
Est-ce que c'est parce qu'on ne les réfère pas bien?
Puis, en
passant, moi, je fais mon propre acte de contrition, là. J'écoute tout ce qui s'est
dit, je me dis : Comme président de mon association, j'ai comme une
petite job à faire pour m'assurer que les pneumologues sont au courant de ce qui existe, de ce qui se fait, est-ce qu'ils
ont reçu la formation pour bien les référer, pour bien les traiter. Parce
que, dans… Je fais un autre aparté, là, mais
l'association a aussi un comité de développement professionnel continu, et
donc ça va sûrement être un des éléments que je vais rapporter de cette
commission-là pour dire : Avons-nous fait la formation continue? Est-ce
que tout le monde est mis au courant de ça?
Je reviens à votre question. En tout cas, s'il y
en a assez, tant mieux, mais il faut les supporter, il faut les développer. Puis, à mon avis, il doit encore y
avoir des besoins, il me semble d'avoir vu qu'il y avait des régions qui
en avaient moins, qui doivent en faire, des ententes avec d'autres régions, des
gens qui se déplacent. Tout ce qui facilite l'accès
à des centres comme ça va être efficace, à mon avis. Encore une fois, il faut…
C'est toutes des petites choses, mais, quand elles se rajoutent… Mais je
comprends que vous devez aussi compter l'équilibre avec les sous que ça coûte,
puis tout ça.
Je reviens,
les centres dans les établissements de santé. Ça, c'est particulièrement
important, parce que c'est là qu'on a
nos pires, c'est là qu'on a les gens les plus malades. On ne va pas les guérir,
mais on peut ralentir la progression de leur maladie. Je fais un autre
aparté. L'emphysémateux qui fume a des fonctions respiratoires qui diminuent
comme ça, là, c'est la chute libre
comparativement à un normal. Si je le prends là, puis qu'il arrête de fumer, il
ne va pas remonter, mais il va
descendre moins vite. Ça fait que je lui donne quelques années de plus parce qu'il
a arrêté de fumer, un peu moins malade,
tout ça. Donc, c'est… Même quelqu'un qui est très malade, ça vaut la peine de l'arrêter
de fumer, parce que je vais ralentir la progression de sa maladie, sans
la changer, sans revenir en arrière.
Je ne sais
pas si je réponds à votre question, mais je ne suis pas capable de vous dire le
nombre, mais je peux vous dire qu'il y en a sûrement à augmenter.
Mme
Gadoury-Hamelin :
O.K. Bien, c'est un bon moyen. Il s'agirait d'accentuer puis de…
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Masson, il vous reste quatre minutes.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Moi, ce que j'ai retenu tantôt, avec Dr Ostiguy aussi, c'est de
personnaliser aussi cette approche-là en fonction du patient ou de la
personne qu'on a devant nous, parce qu'il y a différents fumeurs aussi. Mais je peux vous dire aussi qu'au niveau de l'emphysème
pulmonaire mon père est décédé d'un cancer du poumon, il a été malade,
je ne me souviens même pas de l'avoir vu en santé tellement l'emphysème
pulmonaire a affecté sa vie. Ça fait que je peux vous dire que je comprends ce
que vous expliquez.
M. Beaupré (Alain) : Vous comprenez
ce que je dis.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Oui.
M. Beaupré (Alain) : Puis vous
faites la preuve aussi que ce n'est pas juste le patient, c'est sa famille qui
vit ça avec lui.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Oui, tout à fait. Tout à fait, tout à fait. Moi et mon père, quand on voulait
faire une sortie en famille, c'est nous, les enfants, qui l'habillaient.
Il n'était même pas capable de mettre ses chaussures et de mettre ses bas. C'est
nous qui faisions ce travail-là. Ça fait que…
M. Beaupré (Alain) : Ils ne sont pas
capables de venir nous voir.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Il y a des fumeurs invétérés, docteur, qui nous disent : Bien, moi, je
continue à fumer, de toute façon il y a des gens qui meurent du cancer
du poumon, qui meurent de maladies comme ça puis qui n'ont jamais fumé de leur
vie.
M. Beaupré (Alain) : Il y en a
toujours. Il y a toujours des exceptions qui confirment la règle.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Oui, mais…
M. Beaupré
(Alain) : Puis c'est des
formes de rationalisation, hein? On se trouve une raison puis… C'est
aussi… Souvent, on leur met de la culpabilité, hein? Donc, c'est une façon de
se déculpabiliser en disant : Bien, ce n'est pas si grave que ça.
Écoutez,
je ne les juge pas. Puis je pense qu'ils sont des exemples typiques de ce qu'on
appelle la dépendance. Ces gens-là ne sont pas capables d'arrêter, ce
sont les pires. Tu sais, quand vous êtes rendu là puis que vous continuez à fumer… Je vais aller plus dans l'emphysème.
Mettons que, dans le cancer, je peux être tolérant jusqu'à un certain
point. Si vous êtes en phase terminale d'un
cancer puis que vous fumez, bon, ce n'est peut-être pas parfait, mais en même
temps, tu sais, c'est la fin. Bon. Mais, si
vous avez un emphysème, puis que je peux vous aider, puis que je pourrais vous
donner de l'oxygène qui vous aiderait mais que je n'ose pas vous en donner
parce que vous fumez puis que vous pourriez vous oublier puis vous brûler au troisième degré dans
la figure, parce que vous avez allumé votre cigarette avec votre
oxygène, ce qu'on voit…
Mme
Gadoury-Hamelin :
À ce point-là?
M. Beaupré
(Alain) : Oui, oui, oui.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Ah, mon Dieu!
M. Beaupré
(Alain) : C'est un problème sur le plan légal, sur le plan des droits
de la personne à recevoir de l'oxygène, en même temps le droit des autres qui
sont dans le centre de ne pas passer au feu. C'est assez complexe, je dois vous
dire.
Mme
Gadoury-Hamelin :
J'imagine. Mais je vous remercie de vos commentaires.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député d'Argenteuil.
M.
Richer : Merci, M. le Président. Une première question, ma collègue, tantôt, qui parlait du pourcentage
de clients, chez vous, qui avaient du cancer de poumon, vous avez parlé de 50 %,
mais vous avez surtout…
M. Beaupré (Alain) : Non, non, non. J'ai parlé de 50 % de maladies reliées au tabac, ma
clientèle n'est pas à 50 % de cancer du poumon, excusez.
M. Richer :
O.K. D'accord. Mais vous avez aussi mentionné que les cas étaient diagnostiqués
de plus en plus jeunes.
M. Beaupré
(Alain) : Ça arrive, oui, effectivement.
M. Richer :
Donc, un fumeur qui a un cancer du poumon en jeune âge, ce type-là a fumé moins
longtemps. Est-ce que c'est la modification dans les produits du tabac qui
joue? Non?
M. Beaupré (Alain) : Non, non. Souvent, c'est qu'il a commencé plus jeune, il a commencé
plus jeune puis il a fumé plus. On a
une façon de calculer la quantité de tabac que les gens fument, on regarde le
nombre de paquets qu'ils fument puis
pendant combien d'années. C'est une façon de comparer. Ça fait que, si vous
fumez un paquet pendant 30 ans, on
appelle ça 30 paquets-année. Si vous fumez deux paquets pendant
15 ans, ça fait 30 paquets-année pareil. Puis c'est une
quantité, si vous voulez. Donc, ces gens-là, en général, ont commencé à
10 ans puis ils ont fumé rapidement deux paquets par jour, trois paquets,
certains, puis on les retrouve comme ça.
Juste pour la petite
histoire pour… vous posiez des questions sur les femmes tout à l'heure. Moi,
quand j'ai commencé ma médecine puis que j'ai fini ma formation en 1980, le
cancer du poumon chez les femmes, il n'y en avait pas beaucoup. On regardait une radiographie avec une tache
puis on disait : C'est une femme, c'est n'importe quoi sauf le cancer du poumon. Maintenant,
il y en a quasiment plus chez les femmes que chez les
hommes, puis ça fait juste refléter le
fait que les femmes ont commencé à fumer plus tard. Ça fait qu'elles nous ont
rejoints, effectivement. Puis même, d'une certaine façon, ceux des hommes
commencent à diminuer parce que les hommes ont commencé à arrêter de fumer avant les femmes. Ça fait qu'à quelque part, maintenant, quand je vois une tache, ça n'a plus d'importance
le genre, homme ou femme, je pense à un cancer du poumon en premier,
puis après ça j'élimine les autres choses.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps pour ce bloc est terminé. Alors, le bloc
pour l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord, merci d'être ici, parce que j'ai l'impression
d'assister à une formation médicale, ça fait que c'est bon, c'est bon pour
nous…
M. Beaupré
(Alain) : Vous avez fait la mienne aussi, là.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui? Bon. Je trouve ça intéressant, puis
surtout quand on regarde qu'est-ce que ça apporte
dans la société, le tabagisme, en termes de maladie. J'ai
donné la statistique tantôt, la première cause d'admission à l'hôpital,
c'est la maladie pulmonaire. Donc, déjà au
niveau de l'hospitalisation, quand
vous regardez dans les cancers, le cancer
du poumon, c'est la première cause de décès du cancer; la deuxième, c'est le
côlon. Puis, le côlon, maintenant
on peut essayer de prévenir au moins 60 % par la prévention, par les tests de
dépistage. Les cancers les plus fréquents chez la femme, c'est le sein puis, chez l'homme, c'est la
prostate. Dans le sein, c'est 90 % qui vont survivre puis, dans la
prostate, c'est 97 %. Ça fait que,
quand on regarde la maladie pulmonaire, des problèmes secondaires au tabagisme,
tu as la première cause d'hospitalisation
puis tu as également la première cause de décès par cancer. C'est quand même
impressionnant.
Au niveau de l'Association des pneumologues,
comment vous percevez ça, l'évolution des maladies respiratoires dans
notre société, en tenant compte du tabagisme mais également en tenant compte
des autres facteurs, la pollution puis tous les autres facteurs qui pourraient
jouer?
M.
Beaupré (Alain) : On essaie
d'avoir un impact. Vous comprenez qu'on est souvent au bout de la
séquence. On voit les malades, on les
traite. Certains d'entre nous se font des missionnaires. Gaston, c'en est un
pour l'arrêt. Vous en avez d'autres dans la prévention, avec André
Gervais qui était pneumologue, qui est transfuge maintenant en santé publique.
Bon. Mais, oui, on fait ça.
On est intervenus au niveau de l'amiante. Je ne
veux pas partir de débat, mais, si vous vous souvenez, l'Association des
pneumologues, qui généralement ne se montre pas sur la place publique… en tout
cas, sous ma gouverne, je ne sens pas un organisme politique — je
respecte mes allégeances syndicales puis je suis plutôt «low-profile» — mais, au niveau de l'amiante, on a osé
sortir et dire qu'on croyait qu'il ne devrait pas y avoir d'amiante au
Québec, c'était inadmissible, tout ça, parce qu'il y avait les maladies, parce
qu'il y avait le cancer, parce qu'on voyait ces maladies-là.
• (17 h 40) •
Au niveau du tabac, peut-être qu'on devrait
sortir plus. On l'a fait, on le fait par nos autres membres. C'est évident que nous, on espère… Et c'est pour ça que
je suis content d'être ici, pour venir passer le message si on pouvait diminuer l'utilisation du tabac; chaque fumeur de moins va nous aider.
Mais ce n'est pas miraculeux, hein, malheureusement.
Vous parlez
de dépistage, là, peut-être… Je vais ouvrir une parenthèse, parce qu'elle va être importante, celle-là,
elle va vous arriver par la bande. Pour le dépistage du cancer du poumon, c'est
vrai qu'il n'y a pas de méthode très économique pour dépister, mais il y a des
études récentes qui montrent que, peut-être, un scanner annuel fait chez une
population très ciblée de gens qui ont fumé plus que 30 paquets-année, qui
ont entre 50 et 70 ans, là on pourrait diminuer un certain nombre de cancers du
poumon, en faisant ces tests-là.
Ça va
vous sembler superintéressant, il y a les coûts, puis nous, actuellement, on est encore en train d'évaluer les bénéfices, mais, les
méfaits de ça… Parce que, pour chaque patient à qui on va faire des scans
annuels, on va trouver des petits nodules
qui ne sont pas des cancers, puis ces patients-là vont se retrouver dans l'engrenage
avec plein de tests qui peuvent
causer des effets secondaires. Donc, c'est un peu… Bien, vous l'avez eu dans d'autres
types de cancer, mais, celui-là, on
est à une charnière, là. Les États-Unis s'en vont vers ça, il y a de gros lobbys qui sont
pour ça. Nous, nous hésitons un peu.
Nous avons saisi l'INESSS, nous avons saisi le ministère pour essayer d'avoir
des opinions là-dessus puis qu'on
se prononce. Il y a le Dr Pineault, de l'INESSS, avec qui je travaille, où on
essaie de se positionner; ce n'est pas facile. À mon avis, on n'y échappera
pas, mais ça va être assez coûteux. Il pourrait avoir un certain effet, mais on
va avoir aussi beaucoup d'effets secondaires pas intéressants.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : …ma
source, j'ai vu ça, il y a eu une prévision dans le New England Journal of
Medecine, puis on commence à voir cette tendance-là. Les gens disent que c'est
prudent. Nous sommes chanceux au Québec parce que l'Institut national d'excellence en
santé et en services sociaux devrait
nous faire les recommandations. Puis
ça, je vais vous dire ce que j'ai toujours dit, même quand j'étais ministre : Si c'est ce qui doit être fait, on devrait le faire. Et on va calculer les coûts également,
mais, à un moment donné, si ça prend ça… On a mis en place le
dépistage du cancer du sein, ça a coûté très cher à l'époque, mais ça donne des
bons résultats. On est en train de mettre en place le dépistage du cancer du côlon, qui donne des bons résultats. En tout cas, moi, je fais de la clinique, là, puis récemment j'ai découvert plusieurs
polypes par le dépistage, probablement des gens qui, dans 10 ans, auraient eu
un cancer. Et, pas plus tard qu'hier, il y en a
un qui est venu me voir pour avoir le dépistage. Il l'avait déjà
fait, puis là il venait d'apprendre que
sa soeur, dans la soixantaine, avait développé un cancer du côlon avec
métastases. Ça fait que là son épouse lui a dit : Tu
vas aller te faire dépister. Mais on va lui faire quand même une colonoscopie
pour finaliser. Mais il reste qu'il y a des choses à faire. Mais la prévention,
quand vous regardez à la fin, ça rapporte énormément.
Puis moi, je
veux vous remercier parce que vous avez fait une très belle présentation, côté
très humain. Et puis c'est des
clientèles qui sont négligées. Vous l'avez dit vous-même, les MPOC, maladies
pulmonaires obstructives chroniques, les emphysémateux, souvent, sans… c'est
des fumeurs, les gens ont tendance à les blâmer. C'est comme s'ils étaient
responsables, alors qu'il faut voir cette maladie-là comme une dépendance.
Ce que vous nous avez dit, ça reflète assez bien
la philosophie de l'ensemble des professionnels de votre association.
M. Beaupré (Alain) : Je pense qu'on
est assez homogènes dans cette façon de procéder là. Bon, il y aura toujours
des gens différents, mais, grossièrement, oui.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Une dernière question. Vous savez, à un moment donné, il y avait eu toute cette
notion-là, là, que, si vous êtes un fumeur,
on ne devrait pas vous traiter ou… Quelqu'un m'a parlé récemment qu'en Suède,
si vous n'arrêtez pas de fumer, on ne vous opérera pas. Comment vous percevez
ça, cette mentalité-là?
M. Beaupré (Alain) : J'ai déjà été
plus jeune, j'ai été plus extrémiste. On dirait qu'au fur et à mesure que je
vieillis je deviens moins extrémiste. Puis je trouve que ce n'est pas des
bonnes solutions que d'être à l'extrême, d'un côté
ou de l'autre. Je ne suis pas un ayatollah de l'arrêt du tabac. Je ne suis pas
un ayatollah des fumeurs. Je pense
qu'il faut avoir des positions sensées ou aidantes, effectivement. Puis il y a
des gens… tu sais, de refuser des traitements…
Moi, mon problème, c'est l'oxygène puis le
tabac. Je suis vraiment mal pris avec ça, quand j'ai un patient qui est à l'hôpital, qui a été hospitalisé, il a 50 de PO2,
il a besoin d'avoir de l'oxygène, mais il me dit qu'il va continuer à fumer chez eux. Puis c'est moi qui ai fait faire
le «statement» par les pneumologues, puis le «statement», il dit :
Quand tu fumes, tu ne
prends pas d'oxygène. Puis là je suis déchiré, là, parce que,
là, je me dis : Le patient, je le garde-tu à l'hôpital? Que c'est que je fais, là? Là, il faudrait que j'aie
mon centre d'arrêt du tabac que je n'ai pas à Maisonneuve, il faudrait
que je puisse arriver à le convaincre d'arrêter. J'essaie, je fais des choses.
Je l'envoie en convalescence, puis il retourne chez eux. Puis là, à un moment
donné, il nous a juré qu'il ne fumerait pas, puis là quelqu'un le poigne en
train de fumer avec son oxygène dans le nez.
Puis là j'ai l'appel du centre, paniqué, puis là je ne sais plus quoi faire.
Là, je dis au gars d'arrêter, il ne
veut pas arrêter, il continue. Là, il
y a des fois, il faut
que je prenne le patient, je l'envoie à l'urgence — vous
allez être content — je
l'envoie à l'urgence à Maisonneuve pour donner de l'oxygène, mais sous
surveillance à l'hôpital, parce que je ne peux plus le laisser dans son centre,
parce qu'il va mettre le feu au centre. En tout cas, c'est… Ça, là, c'est tout
un problème, puis il est éthique, il n'est pas… je m'arrache les cheveux avec
ça.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
La médecine, c'est plus que la science, c'est un art. Il faut savoir gérer ça.
Je vais laisser la parole à…
Le Président (M. Bergman) : Mme la
députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis : Merci
beaucoup. Est-ce que vous pouvez nous dire si le taux de cancer du poumon, et
le taux d'«emphysema», a augmenté ou resté plus ou moins au même taux depuis
quelque temps?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Beaupré.
M. Beaupré
(Alain) : Alors, ce qu'on
sait, c'est que la seule maladie qui semble augmenter, là, quand on
regarde les statistiques de gens qui fréquentent l'hôpital, tout ça, ce sont
les maladies respiratoires. Les autres, il y a une certaine tendance à diminuer en proportion du nombre. Mais les maladies
respiratoires, elles, n'arrêtent pas. Alors, ça a été bien démontré, là,
que, comme disait le Dr Bolduc, c'est vraiment ça qui vient encombrer nos urgences,
qui vient encombrer nos hospitalisations. Ça fait que, donc, grossièrement, ça augmente. Ça, je parlerais pour l'emphysème,
tout ça.
Est-ce qu'on va voir une diminution? C'est que
les diminutions sont très lentes, hein? Vous parliez tout à l'heure... je
pense que c'est vous... en tout cas, je ne sais pas qui, là, mais il disait :
Bien, on a fait des actes, mais est-ce
qu'on a vu des résultats? Mais on ne peut pas les voir tout de suite, parce que, d'avoir cinq ans de diminution du tabac, vous allez voir cette diminution-là dans
25 ans, parce que ça prend 25 ans avant que ça arrive, si vous voulez. Donc, moi, ce que je vois actuellement, c'est les gens qui ont fumé il
y a 25 ans. Donc, il y a
25 ans, ils n'avaient pas arrêté. Mais les hommes commençaient à
arrêter. Parce que ce que je vois, c'est que la courbe des hommes s'est
stabilisée, puis ils avaient des tendances à diminuer, puis celle des femmes
montait. Mais c'est les femmes d'il y a 25 ans, qui avaient commencé à
fumer.
Qu'est-ce qu'on va voir dans 20 ans? Je ne peux pas le... J'espère qu'on va voir
des diminutions, puis qu'on va avoir
été efficaces, puis on va avoir réussi à avoir des succès. Mais je ne suis pas
capable… Il est trop tôt. Ça me prend ma boule magique pour être capable
de vous le prédire.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis : Vous avez vu,
pendant votre vie, beaucoup de patients qui ont fumé. Est-ce qu'ils vous ont
raconté comment ils ont commencé à fumer et qu'est-ce qu'on aurait pu faire
pour les empêcher de commencer?
M. Beaupré
(Alain) : Bien, ceux que je
soigne, en général, comment on aurait pu faire pour les empêcher...
À l'époque, on ne t'empêchait pas. C'est : tu fumais, tu étais… tu ne
fumais pas, tu n'étais pas normal. Tu sais, c'était le contraire. Ça fait qu'écoutez, là, les gens, personne n'essayait de les
arrêter. Tu espérais fumer pour passer... c'était le rite de passage. Tu devenais un homme quand tu avais
ton paquet de cigarettes en dessous de ta manche puis que tu fumais au restaurant du coin ou... Si tu ne le faisais pas,
tu n'étais pas un vrai. Le gars qui ne fumait pas, c'était un drôle de
bizarre.
Alors,
comment on aurait pu les arrêter? Bien, avec les mêmes méthodes que maintenant on a. Mais, à l'époque, on n'a pas pu parce qu'on n'a même pas
essayé.
Mme de
Santis : Mais vous
avez des patients qui sont plus jeunes, et eux... O.K.
Mais moi, j'ai 59 ans et même moi, je savais que fumer, ce n'était
pas une bonne idée. Et alors je ne sais pas...
M. Beaupré (Alain) : Vous le saviez
mais pas avec la même emphase que maintenant. Vous le saviez, mais vous aviez des messages qui arrivaient des
compagnies de tabac qui vous disaient : Non, non, non, ce n'est pas si
pire que ça, ça dépend de la sorte de
cigarettes. Vous aviez la société qui trouvait que vous étiez tout à fait normale, puis c'était légitime de fumer. Vous aviez le cow-boy
de Marlboro qui fumait sur son cheval, vous aviez des images. Vous aviez la
publicité à la télévision. Vous regardez les films, là, d'il y a 20 ans,
là, c'est effrayant, ils fument tous. Ils passent deux paquets de cigarettes
pendant le film. Tu sais, vous étiez inondés.
Puis ce qu'on a réussi maintenant, c'est ça, c'est
de créer une société où le tabac n'est plus quelque chose de normal. C'est moins socialement acceptable. Puis c'est
ça qui va faire, à la longue, qu'on va arrêter de fumer. En tout cas, c'est mon impression à moi.
Je donnais l'exemple de prendre un verre en
allant au restaurant avant de revenir en auto. Quand j'avais 20 ans, là,
tu prenais ta bouteille de vin, tu prenais ton auto, tu repartais puis tu te
trouvais bon. Il n'y avait pas de problème. Maintenant, écoutez,
là, il n'y a plus personne qui fait ça. Même, je regarde mes enfants, là, ils
ont tous un chauffeur désigné. Mais c'est la société qui a tranquillement mis
son empreinte sur la façon dont on se comporte, hein? Je pense que c'est la
même chose avec le tabac.
Mais vous n'avez
pas à vous sentir coupable de ne pas avoir arrêté de fumer ou d'avoir commencé,
vous aviez tout ce qu'il fallait pour le faire. Maintenant, bien là, on
essaie de faire le contraire. Mais il y en a encore qui vont être sensibilisés. Moi, si j'étais un pusher de
cigarettes, là, je m'arrangerais pour aller au primaire, puis je trouverais les
petits, puis je leur fournirais une couple de cigarettes, puis je leur
dirais : Regarde si c'est bon. Alors, c'est ce qui arrive probablement. Puis là on voit se déplacer du secondaire un peu vers le primaire.
Plus tu peux les accrocher jeunes, plus ils vont commencer à fumer, puis plus ils vont en fumer d'autres. Écoutez,
là, c'est clair, là, si tu vends du tabac, tu vas tout faire pour qu'ils
commencent le plus jeune possible, pour qu'ils soient accrochés le plus vite
possible. Ça, là, c'est ce que je vous disais. Plus les compagnies vont s'opposer
à des mesures qu'on veut faire... c'est parce que la mesure est superefficace,
c'est clair.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Bonjour. J'aimerais vous entendre un petit peu plus sur les programmes intrahospitaliers, sur leur nombre actuellement
au Québec et puis sur les difficultés, peut-être, d'implantation. Vous disiez qu'à
Maisonneuve vous n'en aviez pas.
• (17 h 50) •
M. Beaupré
(Alain) : Je n'ai pas... On
en a eu à un moment donné, puis c'est comme si ça a été... Bon, là,
vous allez me faire parler, là. Mais il y a quelques
compressions, là aussi, n'est-ce pas? Bon, on a parlé des compressions en milieu
scolaire. Il y en a eu quelques-unes dans le milieu de la santé, puis il y a
des choix à faire. Ça fait que, là, à un moment
donné, dans les choix qui ont été
faits dans certains hôpitaux, ça a
été le programme qui n'a pas été renouvelé ou qui n'a pas été soutenu. D'autres
gens me disent : Bon, bien, regarde, mon programme, là, je ne suis pas sûr
qu'il va continuer, tout ça. Alors, c'était
ça, le sens de mon intervention, c'est
qu'on ne néglige pas l'importance de ces programmes-là, et même qu'en quelque
part… ce n'est peut-être pas correct, là, mais qu'on oblige les hôpitaux à en avoir, qu'ils ne puissent pas les sabrer, qu'ils
ne puissent pas les arrêter, qu'ils soient obligés de les avoir. Je n'ai pas
fait un recensement, là, de chacun des hôpitaux, comment qu'il y en a, puis tout
ça, mais je sais que certains sont en péril, certains n'en ont pas, pour les meilleures raisons du monde, là. Parce
que, l'administration, je ne lui jette pas la pierre, là, arriver à
choisir entre ça puis d'autres choses…
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Cette
recommandation que vous faites de poursuivre leur mise en place, de les
maintenir, c'est parce que vous avez constaté leur efficacité?
M. Beaupré (Alain) : Vous avez
entendu le Dr Ostiguy, là? C'est ça, c'est ce qu'il fait au Montréal… Le Montréal Chest n'est pas une grosse clinique
externe seulement, là, tu sais, c'est aussi un hôpital où il y a des
malades qui sont hospitalisés. C'est un hôpital qui se consacre aux maladies
pulmonaires, aux emphysémateux, tout ça. Alors, lui, il prend cette catégorie-là puis, à l'intérieur de l'hôpital, il choisit
ses malades, il les envoie à sa clinique, qui est située dans l'hôpital.
Puis il a des succès avec ces malades-là. C'est pour ça que…
Vous savez,
quand quelqu'un est à l'hôpital, c'est le moment parfait pour le faire arrêter
de fumer : il est malade, il ne
peut pas fumer à l'hôpital, à moins qu'il sorte puis que je le rencontre quand
je rentre, là, il est en train de fumer sa cigarette quand j'arrive à l'entrée
de l'hôpital, ça, ça arrive, mais, en théorie, il ne fume pas. Donc, c'est le
moment où on peut parler avec lui, le convaincre, utiliser les outils de
traitement pharmacologique.
Puis, écoutez, on avait des gens qui faisaient
ça et qui étaient excellents, là. Pour une raison x, là, ils n'en font plus — je ne veux pas personnaliser mon hôpital,
mais c'est le bon moment. C'est là, souvent, qu'ils vont arrêter de
fumer. Mais, quand ils retournent à la maison, on ne les a pas éduqués, on ne
leur a pas donné les patchs, on n'a pas pensé… comme docteur, je me suis fait
pousser dans le dos pour donner mon congé le plus vite pour que ça marche, puis
que la fluidité marche, puis qu'on monte… la
surcapacité, puis envoie donc, mais là, avec tout ça, je me retrouve que je
n'ai pas pensé à ça. Mais avant j'avais un
système qui faisait que j'avais une infirmière qui regardait chaque patient qui
fumait, elle venait le voir, elle parlait avec lui, elle lui remettait des
recommandations, elle venait me voir : On pourrait-u prescrire ça?, puis
ce genre de choses là, qui est une aide pour moi, qui faisait que c'était plus
complet, ma façon de traiter, surtout ma façon de congédier. Parce que, si vous
congédiez un gars avec rien, il a beau ne pas avoir fumé pendant 15 jours, quand il revient chez eux,
dans son milieu, avec le monde qui fume autour, il va l'allumer, sa
cigarette, puis il va recommencer.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Est-ce qu'on devrait prioriser certaines régions où le profil sociosanitaire a
des… Parce qu'on a des études… Tout à
l'heure, le Dr Ostiguy disait que les études ne sont peut-être pas
suffisantes, mais, lorsqu'on gratte, nos agences de santé, sur le
territoire, font des profils sociosanitaires de nos communautés — en
tout cas, du moins, en Outaouais, on en a
un — et on
est à même de déterminer dans quels secteurs, surtout dans les MRC plus
défavorisées, le taux de tabagisme est élevé. Donc, est-ce qu'il ne serait pas…
ça ne serait pas une idée, peut-être, de cibler, dans les différentes régions du Québec, les endroits où le
taux de tabagisme est élevé, pour mettre en place ce type d'équipe là en
priorité?
M. Beaupré
(Alain) : Ça, ça dépend
effectivement des… Prenons Montréal. C'est sûr qu'il y a des secteurs,
dont celui où je travaille, à Maisonneuve, avec… Bon, Maisonneuve, Hochelaga,
qui sont des secteurs défavorisés où les niveaux sociaux sont moins élevés puis
où il y a plus de fumeurs, c'est évident, ça, les… En bas de Westmount, à
Saint-Henri, vous allez avoir la même chose. Alors, les hôpitaux qui sont là
pourraient être favorisés. Mais, dans les autres régions, vous avez souvent un
hôpital, c'est l'hôpital de la région, mais, tu sais, il faut… il y en a… Bon.
Mme Vallée : Il y en a
plusieurs.
M. Beaupré
(Alain) : …mais ça dépend
lesquels, là, mais… Bien, je pense que chaque hôpital mériterait d'en avoir. Quant à moi, là, vous savez, chaque patient
qu'on peut arrêter de fumer… Là, si vous me dites : On doit
choisir, bien oui, on devrait choisir les
hôpitaux qui ont les patients les plus défavorisés, que c'est… qui ont le plus
haut taux de fumeurs. En même temps, on devrait aussi, peut-être,
augmenter la concentration des centres d'arrêt du tabac dans ces régions-là. Là, je laisse la Santé publique gérer
ce genre de choses là, mais je voulais juste souligner l'importance d'en
avoir dans les hôpitaux, sans aller dans la
cuisine exacte, parce que je pense qu'il y a des choix à faire à ce niveau-là
comme ailleurs.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps pour ce bloc
s'est écoulé. Pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de
Groulx.
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Bonjour, merci de votre présence aujourd'hui, c'est
très, très enrichissant. Effectivement,
il y a quelques années, on n'avait pas la notion de dangerosité aussi
importante, là, de l'usage du tabac. On se souviendra d'un de nos
premiers ministres célèbres qui avait toujours sa cigarette à la bouche, et ça
ne fait pas si longtemps de ça. Alors, on ne verrait pas ça aujourd'hui, je ne
pense pas.
J'aimerais vous entendre parler un petit peu d'une
notion qui est quand même assez nouvelle puis dont on commence à entendre parler de plus en plus, mais j'imagine que vous êtes
plus à l'affût que nous là-dessus, la notion de fumée tertiaire. Parce
que la notion de fumée secondaire, elle est quand même assez bien connue, mais,
la notion de fumée tertiaire, de plus en plus, on en a parlé, j'aimerais vous
entendre à cet effet-là.
M. Beaupré
(Alain) : Bien, je ne serai
pas un expert là-dessus, là. Je suppose que vous voulez parler de la
fumée qui se dégage des tissus qui sont exposés...
Mme
Daneault : Exact.
M. Beaupré (Alain) : ...tout ça.
Bon. Moi, je n'ai pas révisé ça. Ça serait à mon expert à côté que j'aurais
refilé la question, je lui avais demandé ça. Mais je suis ici...
Mme
Daneault : O.K. On
va le faire venir.
M. Beaupré (Alain) : Mais, si on en
a parlé, si on a sorti ce problème-là, c'est sûrement parce qu'il existe. Mais
là on fait du raffinement, mettons. C'est sûr que, si vous fumez vous-même,
bien, vous êtes super à risque. Si quelqu'un fume à côté de vous puis que vous avez la fumée
de l'autre, vous êtes à risque. Puis je pense que les produits qui se
dégagent de ce qui est tout imprégné... On n'a qu'à être ancien fumeur,
non-fumeur maintenant puis de rentrer dans une chambre d'hôtel où quelqu'un a
fumé. Vous êtes tout à fait conscient qu'il y a quelque chose de pas correct là-dedans. Puis là, bien, je suppose que les
articles, que je n'ai pas lus, bien honnêtement, doivent signaler que ces
produits-là ont aussi leurs dangers. Je ne peux pas vous le classifier, mais je
suis certain que ce n'est pas sans conséquence. Maintenant, c'est quoi, la proportion du risque par rapport... tu sais,
si tu vas une journée dans une chambre d'hôtel par rapport à si tu es
exposé à la fumée secondaire de tes parents pendant 10 ans puis par
rapport à si tu fumes pendant 30 ans, là? Bon, bien, c'est toutes des
gradations. Mais, oui, c'est tout à fait logique. J'accepte.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Bien, c'est parce que, de plus en plus, on parle de cas d'asthme, entre autres
chez les enfants, qui seraient déclenchés par le contact de cette fumée
tertiaire là, là. Mais, bon, effectivement, ce n'est pas... Ça commence, hein?
M. Beaupré
(Alain) : Je ne ferai pas un
cours sur l'asthme, mais vous savez que l'asthme, c'est des bronches qui
sont hypersensibles.
Mme
Daneault : Exact.
M. Beaupré (Alain) : Donc, les bronches se serrent. Moi, je ne suis pas sensible, je respire
de la boucane, puis il ne se passe
rien. Mais un asthmatique, qui a des bronches sensibles, qui va respirer des
irritants comme ça, ses bronches n'aiment pas ça puis elles se serrent. Alors,
bien, évidemment, si votre asthme n'est pas très bien contrôlé puis si
vous êtes exposé, vous rentrez à quelque
part comme ça... Ça va faire la même chose si vous avez des produits... si vous
nettoyez votre four avec les «push push»,
là, bien, vous allez respirer ça, vous allez avoir la même chose si on peinture
chez vous, si on fait de la friture.
Juste comme le fait l'irritant, ce serait déjà important, mais en plus il y a
peut-être des effets à plus long terme qui, là, sont plus inquiétants.
Je ne sais pas s'il y
a eu des études qui ont montré que cette fumée tertiaire là — puis
ça ne doit pas être facile à démontrer — faisait qu'il y avait plus de cancers chez
quelqu'un. Déjà, ça n'a été pas facile de démontrer que la fumée secondaire causait des cancers. Longtemps,
on l'a nié, puis on a fini par l'accepter; puis le chirurgien général
des États-Unis l'a dit. Mais, la fumée tertiaire, là, il faut que je lise, là.
Tu sais, là, vous venez de m'avoir à l'examen, là. C'est la question qui
départageait les A plus puis les B plus, puis je n'ai pas passé mon
plus, là.
Mme
Daneault : Ce n'était pas ça, le but. C'était vraiment pour
moi, parce que moi aussi, en lisant, là, en me préparant pour la
commission, j'ai lu, j'ai commencé à découvrir la notion de fumée tertiaire.
Puis, sincèrement, je vous posais la question pour m'aider, moi aussi. Alors,
bon, on va lire tous les deux.
M. Beaupré
(Alain) : Bon, bien, on va aller lire ensemble.
Mme
Daneault :
On va aller lire, c'est ça.
Le Président (M.
Bergman) : Oui. Malheureusement, le temps s'est écoulé. Dr
Beaupré, merci pour votre présentation, merci pour votre présence ici, on l'apprécie
beaucoup.
Collègues, avant de
passer aux remarques finales, je suspends pour quelques instants.
(Suspension de la séance à
17 h 58)
(Reprise à 18 heures)
Le Président (M.
Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix :
...
Le Président (M.
Bergman) : S'il vous plaît, collègues, à l'ordre!
Mémoires déposés
Collègues, avant de
passer aux remarques finales, je dépose les mémoires des organisations qui n'ont
pas été entendues en consultations, et je dépose avec M. le secrétaire.
Remarques finales
J'inviterais
maintenant mes collègues à faire leurs remarques finales. Je cède
donc la parole au deuxième
groupe d'opposition. Mme la députée de Groulx, la parole est à vous pour vos remarques
finales.
Mme Hélène Daneault
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Alors, d'entrée de jeu, je veux remercier évidemment
tous les membres de la commission pour ces deux journées qui ont été fort intéressantes, en fait les membres du
gouvernement, les membres de l'opposition
officielle, mais tous les participants qui sont venus tour à tour nous mettre à
jour, je pense, sur l'état actuel, au
Québec, des effets du tabac et aussi la situation actuelle où on est rendus. Et
on réalise qu'on a été, au Québec, longtemps en avance sur les méthodes
utilisées contre l'usage du tabac et que peut-être que, depuis les cinq
dernières années, on a senti qu'il y avait une stagnation quant à la baisse des
fumeurs au Québec. Et finalement ça nous a permis aussi de réaliser qu'à
certains autres endroits ils ont déjà pris de l'avance et adopté certaines
mesures.
Alors, je pense qu'au
tout début on devait... la commission avait pour but de vérifier le rapport,
mais je pense qu'avec toutes les auditions qu'on a eues… après deux jours, j'ai
l'impression qu'on est rendus maintenant plus loin qu'uniquement l'analyse du rapport. Et je pense qu'on est... le constat
est clair : on doit ajouter à la loi actuelle certaines mesures
afin d'améliorer davantage et d'atteindre les cibles qui étaient prévues, de
15 % de fumeurs au Québec pour 2015. C'est évident qu'avec... dans l'état
actuel de la loi, on n'obtiendra pas ces cibles-là.
Et
je pense qu'aujourd'hui on est en mesure, avec l'expérience de d'autres pays,
de d'autres provinces, au Québec, de reprendre notre place de leader en
mesures pour contrer les effets néfastes du tabac. Et, on le rappellera, ce
sont des maladies qui sont évitables. Alors, il n'y a pas de raison, au Québec,
qu'on ne reprenne pas notre place de leader. Et je pense qu'il faut le faire
maintenant, et je presse l'ensemble des parlementaires à agir en ce sens-là. Et
je vous assure de ma grande collaboration dès aujourd'hui. Je suis prête à m'y
mettre demain matin pour l'ensemble...
Le Président (M. Bergman) : Merci…
Mme
Daneault :
…et la meilleure santé du Québec.
Le Président (M. Bergman) :
Merci, Mme la députée de Groulx. Maintenant, j'invite le porte-parole de l'opposition
officielle à faire ses remarques finales. M. le député de Jean-Talon.
M. Yves Bolduc
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais
remercier tous ceux qui ont déposé des mémoires, fait des présentations.
On a vraiment eu du travail de très haute qualité. Ce que j'ai remarqué
également, c'est qu'on a eu plusieurs points
de vue. La majorité s'entendent qu'il y a des mesures à prendre, la majorité
des mesures semblent faire consensus. Mais on a quand même été corrects,
parce qu'on a entendu des gens qui s'opposaient également à de nouvelles
mesures; on a écouté également les compagnies qui... Imperial Tobacco, l'association
des dépanneurs, différents groupes. Donc,
pour moi, c'est important lorsqu'on fait une commission comme celle-là, ce
n'est pas avoir juste un point de vue mais d'avoir
tous les points de vue. Également, tous reconnaissent que le tabac, c'est
une dépendance. Puis j'aime beaucoup ce qu'on s'est dit aujourd'hui puis hier,
c'est-à-dire : Il ne faut pas culpabiliser les fumeurs, mais il faut
plutôt être en aide avec eux autres.
Et, comme de
fait, le Québec a été pendant longtemps un leader. Moi, je pense qu'on est
encore un leader. Il ne faut jamais oublier, ce n'est pas parce que
quelqu'un d'autre a fait quelque chose dans le monde qu'on tombe deuxième, là; c'est une évolution. Puis tout le
monde a reconnu également que les lois, au cours des années, ont fait un
certain travail, et, à chaque fois, il faut revenir, à tous les cinq ans, pour
être capables de dire qu'est-ce qui doit être fait aujourd'hui, parce que ça a
évolué.
L'objectif de la commission était d'abord une
évaluation de la mise en oeuvre, et, jusqu'à date, tout le monde nous a dit que ça avait été un assez grand succès.
Tout le monde nous a dit également qu'on devait faire plus, et je pense
que c'est là qu'on en est rendus.
Lors de la commission, nous avons entendu
plusieurs excellentes idées, et, même, la dernière présentation nous a soumis
des nouvelles idées, entre autres, à la question de l'hébergement, les chambres
dans les hébergements touristiques. Je pense qu'il faut tout prendre ça,
prendre le temps de faire un bilan de notre commission et rapidement revenir pour proposer au Québec
des nouvelles mesures pour qu'on se repositionne, mais qu'en étant le leader
mondial… qui, en passant, va le rester jusqu'à ce qu'il y en ait un autre qui
aille un petit peu plus loin une couple d'années après. Mais la proposition qui
a été faite de continuer aux cinq ans, avec un rapport qui doit être fait… Puis
moi, je suis d'accord qu'on mette peut-être, dans la loi, que ça soit évalué à
l'intérieur d'une année, pour qu'on puisse réagir souvent. Donc, sur une période de six ans, on devrait être capables d'avoir
une roue, à tous les six ans, de réévaluation au niveau de la loi pour,
à la fin, atteindre l'objectif d'une diminution du tabagisme.
Je suis très
content parce qu'on a eu des experts
du côté médical qui sont venus nous présenter les méfaits que ça
apportait, les complications, et je pense que ça demeure encore la première
cause de… de cause qu'on peut… qui peut prévenir et les maladies et les décès.
Je ne ferai
pas l'énumération de toutes les mesures qui ont été émises, mais il y en a
certainement qui vont faire un consensus très rapidement. Il y a deux
mesures que je sais que c'est plus difficile à… quand on discute, hein? La
question de tabagisme dans l'auto, on ne comprend pas encore que ça puisse ne
pas être fait, mais il y a encore du blocage
à certains niveaux. Et également la question, je pense, qui est la plus
difficile, là : Est-ce qu'on doit continuer à fumer ou pas sur les terrasses? Il y a plusieurs
positions qui ont été émises. On va en faire la discussion, mais, ce que
je sais, puis je l'ai dit hier, il faut qu'on
ait des mesures costaudes, qu'on redevienne le leader. Et je pense que,
rapidement, on devrait avoir un dépôt
d'un projet de loi par le gouvernement, qu'il soit étudié, et, comme ma
collègue de Groulx… Puis je suis certain que mes collègues de mon parti
seraient d'accord pour collaborer, puis faire une discussion quand même franche, et ne pas faire de la politique avec un
dossier comme ça, mais en faire un dossier de santé. Et c'est l'offre
que je vous fais et que nous devrions faire.
M. le
Président, je voudrais terminer par féliciter et remercier ceux qui ont
présenté et préparé la commission. L'ordre des présentations, la qualité
des présentateurs, les travaux, tout ce qui a été émis et puis la façon que ça
a été fait, c'était vraiment un travail
remarquable. J'aimerais que vous fassiez le message à tous ces gens-là qui ont
bien travaillé; puis, pour qu'une commission se tienne au mois d'août,
il y a des gens qui ont travaillé en juin puis juillet.
Également, remercier les gens du ministère, là,
qui ont travaillé, qui ont collaboré. Et remercier mes collègues qui ont
participé à cette commission. Puis remercier également les gens qui ont été
ici, là, pour ces deux jours, et vous, M. le Président, vous avez géré ça de
main de maître, et je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Bergman) :
Merci, M. le député. Maintenant, pour les remarques du groupe formant le
gouvernement, Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Suzanne Proulx
Mme Proulx : Merci, M. le
Président. Alors, la Commission sur la santé et les services sociaux vient d'examiner
le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi du tabac 2005-2010, un mandat
spécifique que lui octroie l'article 77
de la Loi sur le tabac. Les auditions nous ont donné l'occasion d'entendre
différents points de vue exprimés par des groupes antitabac, des
représentants des marchands de produits du tabac, des représentants de l'industrie
ainsi que des représentants du réseau de la santé et des services sociaux du
Québec.
Le tabagisme demeure un important
problème de santé publique, puisqu'il est associé à la principale cause
de morbidité et de mortalité évitables en
Amérique du Nord. Chaque année, il cause la mort de milliers de Québécois
par l'entremise des nombreuses maladies qu'il
cause, cancer, maladies cardiovasculaires, maladies de l'appareil
respiratoire notamment, très bien décrites par notre dernier intervenant, le Dr
Beaupré.
Une particularité du
tabagisme, on l'a vu, réside dans le fait qu'il crée rapidement une dépendance.
Les effets du tabagisme deviennent d'autant plus tragiques quand on considère
qu'ils affectent encore près du quart de la population
québécoise. Heureusement, le tabagisme ne reçoit plus aujourd'hui l'appui de la
majorité de la population. La majorité
des fumeurs, 63 %, disent même souhaiter mettre un terme à leur
consommation au cours des six prochains mois.
Cette commission nous
a permis de constater que la prévalence du tabagisme est relativement stable
depuis 2006 et que ce sont aujourd'hui les jeunes fumeurs qui représentent un
véritable défi pour la santé publique, puisque, contrairement à la population générale, les élèves du secondaire de même
que les jeunes adultes consomment de manière significative d'autres
produits de tabac que la cigarette, particulièrement les cigarillos et petits
cigares.
• (18 h 10) •
L'objectif du Programme national de santé publique
2003-2012, qui est de réduire le taux de tabagisme à 16 %, n'a pas
été atteint. Que devons-nous faire encore pour y parvenir? La Commission de la
santé a entendu 14 groupes qui nous ont fait part de leurs constats sur le
rapport de mise en oeuvre 2005-2010. Plusieurs recommandations pour atteindre l'objectif fixé par le directeur
national de la santé publique nous ont aussi été soumises. Concernant les
constats sur le rapport de mise en oeuvre, des groupes ont parlé d'un bilan
positif mais incomplet; d'autres, de problématiques laissées pour compte; d'autres encore, de dispositions à améliorer ou de règlements à revoir. Pour
certains, la loi ne paraît pas suffisamment contraignante, tandis qu'elle
l'est trop pour ceux qui ont à l'appliquer.
Il
a aussi été question du taux de respect de la loi qui, pour certaines mesures,
devrait être amélioré. En effet, il est malheureux de constater que les
terrains d'écoles primaires et secondaires ne se conforment pas tous à la loi.
Un meilleur respect de la zone de neuf
mètres a aussi été soulevé. La question des modalités d'inspection pour assurer
la qualité d'application de la loi fait aussi partie des problématiques
soulevées.
La stagnation de la
prévalence du tabagisme, et ce, malgré les mesures adoptées lors de la révision
de la Loi sur le tabac en 2005, a amené
plusieurs groupes à proposer des recommandations qui nous portent à réfléchir
sur la qualité d'adaptation des
promoteurs des produits du tabac et sur la portée des mesures de prévention, de
soutien à la cessation et de sensibilisation. Ces mesures
pourraient-elles avoir atteint une certaine limite?
Pour
la majorité des groupes, il ne fait aucun doute que tout doit être mis en
oeuvre pour notamment intensifier les efforts de prévention chez les
jeunes, améliorer l'accessibilité, l'utilisation et l'efficacité des services d'aide
à la cessation pour tous les fumeurs, améliorer
la connaissance du tabagisme au Québec, assurer un respect maximal de la
loi et en faciliter l'application,
contribuer à l'évolution de la norme sociale, soit par la débanalisation et
dénormalisation en faveur du non-tabagisme, et protéger les gains
réalisés à ce chapitre au cours des dernières années, et se donner les moyens
de réagir rapidement aux phénomènes émergents qui peuvent miner les efforts de
réduction du tabagisme.
Au cours de la
période 2005-2010, il a aussi été observé que le commerce illicite du tabac est
un problème qui peut saper les efforts de
lutte contre le tabagisme. Les mesures fiscales de même que les restrictions d'usage,
de vente et de promotion sont
reconnues comme étant les plus efficaces parmi l'ensemble des actions mises en
oeuvre. Le rapport de mise en oeuvre
identifie aussi le commerce illicite comme une problématique significative. La
part de marché des produits du tabac
de contrebande serait passée à près de 30 % en 2008 à 15 % aujourd'hui.
La mise en oeuvre de diverses mesures par Revenu Québec, le ministère
des Finances, le ministère de la Sécurité publique et le ministère de la Santé
a vraisemblablement contribué à la
diminution de la contrebande au Québec. La Commission sur les finances
publiques de 2012 est venue donner aux inspecteurs du ministère de la Santé le
droit d'appliquer la loi de l'impôt sur le tabac dans les points de vente du
Québec.
Nous
avons finalement noté que l'application d'une loi est parfois lourde de
conséquences et de responsabilités pour
les commerçants, qui souhaiteraient avoir un meilleur support du gouvernement.
Malgré cette lourdeur, plusieurs recommandations en faveur d'un
renforcement de la loi ont été exprimées, les principales retenues étant la
nécessité d'interdire les saveurs dans le
tabac, l'importance d'établir un moratoire sur les nouveaux produits, le besoin
de suivre les effets découlant de l'imposition d'un emballage neutre sur
le taux de tabagisme des pays qui en on fait le choix, l'interdiction de fumer
dans la voiture en présence d'enfants, l'importance de documenter l'utilisation
de la cigarette électronique et de
poursuivre les recherches sur la fumée secondaire et tertiaire, l'interdiction
de fumer dans les édifices et dans le
périmètre des établissements qui sont publics, l'importance de poursuivre la
lutte à la contrebande du tabac, la possibilité d'interdire l'usage du
tabac dans les immeubles de deux logements et plus, la nécessité de poursuivre
les efforts pour aider les gens qui
souhaitent arrêter de fumer, l'interdiction de l'achat de produits de tabac par
les mineurs. Ces recommandations de même que les réserves qui ont été
exprimées à leur égard devraient être considérées et analysées par le
gouvernement avant de procéder à un renforcement de la loi.
Nous
avons aussi constaté que le rapport de mise en oeuvre rendait compte de
plusieurs mesures déjà existantes dont
l'application demande à être revue ou appliquées selon une approche plus
coercitive. Une plus grande transparence en matière de méthodologie, un
suivi plus serré des mesures sur le terrain ainsi qu'un meilleur support pour
ceux qui doivent appliquer la loi dans leurs commerces devraient être
envisagés.
En terminant, je
tiens, moi aussi, à remercier tous les participants, qui se sont parfois
déplacés d'aussi loin que de l'Australie pour venir nous rencontrer, ceux qui
ont pris le temps… tous les groupes qui ont pris le temps de travailler et de
produire un mémoire et, bien sûr, tous mes collègues membres de la commission
qui se sont engagés avec beaucoup d'intérêt et de concentration, je pense, dans
ces deux jours de travaux intensifs. Merci.
Le Président (M.
Bergman) : Merci, Mme la députée de Sainte-Rose, pour vos
remarques finales.
Je vais suspendre les travaux pour quelques
instants, et nous reprendrons pour la séance de travail dans quelques instants.
Je suspends nos travaux.
(Fin de la séance à 18 h 15)